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Title: Les caquets de l'accouchée - nouvelle édition revue sur les pièces originales
Author: Fournier, Édouard, 1819-1880
Language: French
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project.)



LES

CAQUETS DE L'ACCOUCHÉE

Paris. Impr. Guiraudet et Jouaust, 338, rue S.-Honoré.



LES CAQUETS

DE L'ACCOUCHÉE

NOUVELLE ÉDITION

Revue sur les pièces originales et annotée

PAR M. ÉDOUARD FOURNIER

AVEC UNE INTRODUCTION

PAR M. LE ROUX DE LINCY

A PARIS

Chez P. JANNET, Libraire

MDCCCLV



INTRODUCTION.


L'ouvrage dont nous donnons une édition complète, revue sur les
originaux, est une des satires les plus remarquables du dix-septième
siècle. Publiés pour la première fois dans le cours de l'année 1622, par
petits cahiers de quelques feuillets, les _Caquets de l'Accouchée_
furent, dès l'année suivante, réunis dans un seul volume, dont il y eut
plusieurs éditions, sous le titre de _Recueil général des Caquets de
l'Accouchée_[1].

Pendant le cours du dix-huitième siècle, ce livre n'a jamais cessé
d'être fort apprécié des bibliophiles, qui payoient très cher les
exemplaires bien conservés des éditions originales. De nos jours, les
_Caquets de l'Accouchée_ ont conservé la même valeur, et, cette fois,
l'engoûment des amateurs peut se justifier: ce n'est pas seulement la
rareté de l'ouvrage, c'est encore l'esprit qu'on y trouve, qui les
pousse à se le procurer. Voyons d'abord ce qu'il faut entendre par
_Caquets de l'Accouchée_.


§ I.--_Caquets de l'Accouchée._

Au moyen âge, la naissance d'un enfant étoit entourée de soins et de
cérémonies qui n'existent plus maintenant. Chez les grands et chez les
riches, on se préparoit à cet événement solennel par des attentions
touchantes qui se rattachoient aux croyances et aux superstitions de
cette époque. La chambre de la _gisante_ étoit tendue des étoffes et des
tapisseries les plus belles; une petite couchette, connue encore de nos
jours sous le nom de _lit de misère_, étoit placée auprès du grand lit
nuptial; un bon feu brûloit incessamment dans la vaste cheminée; des
linges de toutes sortes, tirés des grands bahuts, séchoient à l'entour.
Dans certaines provinces, on mettoit devant la cheminée une petite table
couverte de linge très fin; sur cette table, trois coupes, un pot de vin
ou d'hippocras, trois pains de fleurs de farine et deux flambeaux qui
restoient allumés durant la nuit. Ce repas frugal étoit destiné aux
fées, qui, d'après les croyances, devoient venir répandre leurs dons sur
le nouveau-né. On lit dans le roman de Guillaume au Courtné, qui remonte
à la seconde moitié du XIIe siècle:

«Il y avoit alors en Provence, et dans plusieurs autres pays, une
coutume qui consistoit à placer sur la table trois pains blancs, trois
pots de vin, et trois hanaps ou verres à côté; on posoit le nouveau-né
au milieu, puis les matrones reconnoissoient le sexe de l'enfant, qui
ensuite étoit baptisé.

«Le fils de Maillefer fut donc ainsi exposé, et les matrones, après
l'avoir vu, s'éloignèrent. Tout dormoit dans la chambre quand cette
aventure eut lieu. Le temps étoit beau, la lune brillante. Alors trois
fées entrèrent, prirent l'enfant, le réchauffèrent, le couvrirent et le
placèrent dans son berceau. Prenant ensuite le pain et le vin, elles
soupèrent, et chacune d'elles fit au nouveau-né présent d'un beau
souhait[2].»

Dans un ouvrage de la fin du quinzième siècle intitulé, _les Honneurs de
la Cour_, on trouve des détails précieux sur le même sujet. Aliénor de
Poitiers, vicomtesse de Furnes, auteur de cet ouvrage, parle des
cérémonies et des usages observés à la cour et dans la noblesse au
moment des couches, du baptême et des relevailles.

«J'ai vu, dit-elle, plusieurs grandes dames faire leurs couches à la
cour; elles avoient un grand lit et deux couchettes, dont l'une étoit à
un coin de la chambre, et l'autre devant le feu. La chambre étoit tendue
de tapisseries à verdure ou à personnages, mais les rideaux du lit et le
ciel étoient de soie, les couvertures du grand lit et des couchettes
fourrées de _menu vair_; le drap étoit de crêpe bien empesé; le
dressoir, à trois degrés, tout chargé de vaisselle: on l'éclaire avec
deux grands flambeaux de cire, on garnit d'un tapis de velours le
plancher de la chambre; les oreillers du grand lit et des couchettes
doivent être de velours ou de drap de soie, aussi bien que le dais du
dressoir; à chaque bout de ce dressoir, il faut placer un drageoir tout
plein, couvert d'une serviette fine. Les femmes de simples seigneurs
bannerets ne devroient pas avoir de couchette devant le feu; toutesfois,
depuis dix ans, quelques dames du pays de Flandres l'y ont eue. L'on
s'est moqué d'elles, et avec raison, car du temps de Madame Isabelle,
nulle ne le faisoit; mais aujourd'hui, chacun agit à sa guise. Aussi
est-il à craindre que tout n'aille mal, car le luxe est trop grand,
comme chacun dit.

«Dans la chambre d'une accouchée, le plus grand prince du monde s'y
trouvât-il, nul ne peut servir vin ou épices, excepté une femme mariée.
Si quelque princesse vient rendre visite à la malade, c'est à la
première dame d'honneur de sa suite qu'il appartient de lui présenter le
drageoir[3].»

De chez les grands, une partie de ces usages ne tarda pas à se répandre
chez les bourgeois des bonnes villes devenus riches et puissants.
Christine de Pisan, cette femme poète, historien de Charles V, a parlé,
dans son livre du _Trésor de la Cité des Dames_, du luxe étalé par les
bourgeoises, et principalement par celles de Paris. «Ce n'est pas,
dit-elle, aux marchands de Venise ou de Gennes, qui vont oultre-mer et
dans tous les pays du monde, qui ont leurs facteurs, achettent en gros
et font grands frais, que ces remontrances s'adressent: ceux-là envoyent
leurs marchandises dans toutes les contrées, amassent de grandes
richesses, et sont appelés nobles marchands; mais la femme dont je veux
parler achette en gros et vend au détail pour quatre sous de denrées,
si besoin est, quoique très riche. Il n'y a pas longtemps qu'elle fut en
couche. Avant de parvenir à sa chambre, on passoit par deux autres
chambres très belles, où se trouvoient des grands lits richement
_encourtinés_; dans la seconde chambre, un grand dressoir étoit couvert,
comme un autel, de vaisselle d'argent; de là, on entroit dans la chambre
de l'accouchée. Cette chambre étoit grande et belle, toute tendue de
tapisserie faite à la devise de la dame, ornée très richement de fin or
de Chippre; le lit, grand et beau, _encourtiné_ d'un riche parement; les
tappis tout alentour sur lesquels on marchoit étoient d'étoffe d'or; les
grands draps de parement qu'on appercevoit par dessous la couverture
étoient d'une toile de Reims si fine, qu'on la prisoit plus de trois
cents francs; par dessus cette couverture, toute tissue d'or, étoit un
grand drap de lin, _aussi delié que soye_, tout d'une pièce et sans
couture, ce qui est une invention nouvelle et d'un grand prix, qu'on
estimoit plus de deux cents francs. Ce drap étoit si grand et si large,
qu'il couvroit de tous côtés le grand lict de parement, et passoit les
bords de la couverture. Dans cette chambre de l'accouchée, il y avoit un
grand dressoir tout paré, couvert de vaisselle dorée. Dans ce beau lit
étoit la gisante accouchée, vêtue d'une grande robe de soye cramoisie,
appuyée sur des oreillers de soye pareille, ornés de gros boutons en
perles. Dieu sait les dépenses superflues en fêtes, bains, qui, suivant
les usages de Paris, eurent lieu pendant ces couches! Elles furent
tellement extraordinaires, quelles méritent d'être citées dans un livre.
Il en fut parlé dans la chambre de la reine, et, à cette occasion,
quelques uns dirent que les gens de Paris avoient trop de sang; qu'il
seroit bon que le roi les chargeât de certains impôts, afin que leurs
femmes n'allassent plus se comparer, par leur luxe, à la reine de
France[4].»

Au milieu du XVe siècle, il y avoit déjà longtemps que l'usage étoit
établi parmi les bourgeoises de Paris et des autres bonnes villes de se
rendre visite pendant que l'une d'entre elles étoit en couches. Cet
usage avoit donné lieu à des abus qui n'ont pas échappé à la verve
railleuse des écrivains satiriques de ce temps. Le premier en date est
l'auteur des _Quinze joyes de Mariage_. Voici en quels termes il a
signalé ces abus dans le troisième chapitre de son livre: «Or approche
le temps de l'enfantement; il faut que le mari cherche les commères, les
nourrices et les matrones, suivant le bon plaisir de la dame. Or il a
grand souci de rassembler toutes ces commères, qui boiront du vin autant
comme il en contiendroit dans une botte. Or double sa peine, or se voue
la dame en sa douleur à plus de vingt pelerinages, et le pauvre homme
aussi la voue à tous les saints. Les commères arrivent de toutes pars.
On convient que le pauvre homme face tant qu'elles soient contentes. Les
dames et les commères parlent, plaisantent, disent de bonnes choses et
prennent de l'aise, quiconques en ait la peine et quelque temps qu'il
fasse. S'il pleut, gelle ou grèle, et que le mari soit dehors, l'une
d'elles pourra bien dire: Helas! mon compère, qui est dehors, a
maintenant beaucoup de mal à endurer. Mais une autre repond qu'il est
bien heureux. S'il arrive que quelque chose deplaise à ces commères, une
d'elles ira dire à l'accouchée: Vraiment, ma commère, je m'emerveille
bien, ainsi que toutes mes commères qui sont ici, de ce que votre mari
fait si peu de compte de vous et de votre enfant. Regardez ce qu'il
feroit si vous en aviez cinq ou six! On voit bien qu'il ne vous aime
guères, et cependant, vous lui avez fait en l'épousant plus d'honneurs
qu'il n'en advint jamais à nul homme de son lignage.--Par mon serment,
dit une autre, si mon mari agissoit ainsi, j'aimerois mieux qu'il n'eût
œil en tête, etc., etc., et tant d'autres discours du même genre[5].»

A la fin du chapitre, l'auteur représente le pauvre mari contraint de
donner à dîner aux bonnes commères et de les festoyer. «Il y travaille
bien, dit-il, et il y mettra moitié plus qu'il ne se l'étoit proposé,
afin d'obéir aux désirs de sa femme. Bientôt arrivent les commères; le
bonhomme va au devant d'elles et leur fait bon visage. Il est sans
chapperon, va, vient par la maison, et semble fou, bien qu'il ne le soit
guères. Après avoir presenté les commères à sa femme, il les conduit
dans la salle pour les faire manger. Elles dejeunent, elles dînent,
elles mangent à se rassasier; elles portent la santé maintenant au lit
de la commère, maintenant à la cave du patron, et gaspillent plus de
denrées et de vins qu'il n'en tiendroit dans une botte. Le pauvre homme,
qui a tout le souci, se lève bien souvent pour voir combien il reste de
vin, qui coule beaucoup trop vite. Les commères le taquinent: l'une lui
dit un brocard, l'autre lui jette une pierre dans son jardin. Bref, tout
se depense. Les commères, bien repues, bien joyeuses, s'en vont en se
moquant, peu soucieuses de l'avenir du pauvre homme.»

Guillaume Coquillart, official de l'église de Reims, qui fut un des
poètes satiriques les plus hardis de la seconde moitié du XVe siècle,
trace un tableau comique et peu flatteur des caquets de l'accouchée. Son
langage est très libre et ne se ressent pas du caractère sacré dont
l'auteur étoit revêtu. Seulement, il emprunte au sacrifice de la messe
et aux prières de l'église ses termes de comparaison. «Au chevet du lit,
dit-il, il y a un benitier tout rempli d'_eau bénite de cour_. Une des
commères commence _les leçons_, une autre chante les _réponses_. Dans
cette messe il y a préface, mais de _Confiteor_ jamais.» Puis il cite
quelques uns des caquets en termes assez crus, que nous croyons inutile
de reproduire ici[6].

Un autre poète de la même époque, religieux bénédictin, parle aussi
contre les caquets de l'accouchée, mais dans un langage plus mesuré.
Jean du Castel, chroniqueur de France, abbé de Saint-Maure, fils de
Christine de Pisan, dans son _Miroir des Pécheurs_, décrit en ces termes
la chambre d'une accouchée: Il y a là caquetoire paré, tout plein de
fins carreaux pour asseoir les femmes qui surviennent, et près du lit
une chaise ou _faudesteuil_ garni de fleurs. L'accouchée est dans son
lit, plus parée qu'une épousée, coiffée à la coquarde, tant que diriez
que c'est la tête d'une marote ou d'une idole. Au regard des brassières,
elles sont de satin cramoisi, paille ou blanc, de velours ou de toile
d'or et d'argent, que les femmes excellent à choisir. Elles ont colliers
autour du cou, bracelets d'or, et sont plus couvertes de bijoux que des
idoles ou des reines de cartes; leur lit est garni de draps de Hollande
ou de toile de coton de la plus grande finesse, et si bien apreté que
pas un pli ne passe l'autre; le bois est taillé à l'antique et orné de
marqueteries et de devises[7].»

Gratien du Pont, au commencement du seizième siècle, dans son poème
satirique contre le sexe féminin, a tracé un tableau du même genre;
seulement, il y ajoute plusieurs détails qui appartiennent à l'époque où
il écrivoit. En reproduisant les discours que les _muguettes_ ou femmes
à la mode avoient entre elles, il leur fait tenir ces propos: «Helas!
commère, avez-vous vu la pompe et la _braguerie_ d'une telle, qui est en
couche? C'est une vraie moquerie: elle a deux lits, la popine accouchée!
et celui qu'elle occupe est admirablement dressé, un lit à l'antique
peint d'or et d'azur, incrusté de nacre. Près d'elle est un muguet, beau
parleur et poëte; un prothonotaire qui entretient la dame de ses beaux
discours. Il est assis sur une des chaises de drap d'or ou de soie qui
parent la chambre au nombre de cinq ou six. La couchette, et même la
chambre, sont tendues de même étoffe; enfin cette chambre, toute
parfumée, est aussi riche que celle d'une duchesse ou d'une reine.
L'accouchée est vêtue d'un corsage d'un fin drap d'or, fourré de martre,
qu'elle change chaque dimanche. Des musiciens, joueurs habiles de toutes
sortes d'instruments, font entendre une si douce mélodie, qu'on
désireroit les écouter sans cesse. De plus, on se divertit par des
danses de tous les genres[8].»

Un poète de la même époque, Roger de Collerye, dans un dialogue composé
l'année 1512, parle aussi du luxe des accouchées, de leurs colliers, de
leurs riches accoutrements, et les représente pompeuses et rogues comme
les figures du portail d'une église[9]. Cette mode avoit aussi frappé le
satirique par excellence, Henry Estienne; il dit: «qu'on avoit donné à
Paris le nom de _caquetoires_ aux siéges sur les quels estans assises
les dames (et principalement si c'estoit autour d'une gisante), chacune
vouloit monstrer n'avoir point le bec gelé[10].» De même Estienne
Pasquier, dans ses _Ordonnances d'amour_, n'oublie pas de parler des
caqueteuses qui bourdonnoient autour du lit des accouchées. En sage
législateur qui permet ce qu'il ne peut empêcher, il leur donne licence
pour toutes sortes de commérages[11].

Courval Sonnet, poète satirique assez connu, dont les œuvres ont été
publiées cette même année, 1622, où parurent les premiers _Caquets de
l'accouchée_, fait allusion, dans une pièce dirigée contre le mariage,
au luxe déployé par les femmes dans cette circonstance:

    Les toilettes de nuict et les coiffes de couche,
    Brassières de satin, quand Madame est en couche,
    Sans oublier encor les coiffes de velours,
    La robbe de damas avec tous ses atours[12].

Enfin, Coulange, dans une de ses chansons, célèbre le vieux lit où ses
aïeules faisoient leurs couches et en recevoient compliment[13].


§ II.--_Recueil général des Caquets de l'Accouchée._

On a pu juger, d'après les détails précédents, que la fable imaginée par
l'auteur des _Caquets de l'Accouchée_ est excellente et empruntée aux
vieux usages de la bourgeoisie parisienne. Voyons comment elle est mise
en œuvre. L'auteur suppose que, relevé naguère d'une grande maladie,
il va consulter deux médecins différents d'âge et d'humeur, afin de
savoir quel régime il doit suivre pour retrouver toute sa santé. Le plus
jeune lui donne le conseil de s'en aller souvent à sa maison des champs,
de s'y livrer au jardinage, de boire un peu de vin clairet, puis de
remonter sur sa mule et de s'en revenir souper à Paris. Le plus vieux
l'engage à se rendre souvent à la comédie, ou bien, s'il le préfère, à
chercher une parente, une amie ou une voisine récemment accouchée, à lui
demander la permission de se glisser dans la ruelle de son lit, afin d'y
écouter tous les propos tenus par les commères réunies autour de
l'accouchée. Ce dernier conseil est celui qui sourit le plus à notre
auteur. Dès le lendemain il s'empresse de le mettre à exécution. Il s'en
va donc rue _Quincampoix_, autrement dit _rue des Mauvaises-Paroles_,
chez une de ses cousines, où il est bientôt installé sur une chaise
tapissée, caché sous les rideaux de la ruelle. «Incontinent après, à une
heure attendant deux, arrivèrent de toutes parts toutes sortes de belles
dames, damoiselles, jeunes, vieilles, riches, mediocres, de toutes
façons, qui, après avoir faict le salut ordinaire, prindrent place
chacun selon son rang et dignité, puis commencèrent à caqueter comme il
s'ensuit.» (P. 12.) La scène ainsi décrite, l'auteur y introduit ses
personnages, qui viennent tour à tour y débiter le rôle qu'il leur
prête.

Dans la première journée, l'auteur passe en revue différentes classes de
la bourgeoisie parisienne: les officiers de justice, tels qu'avocats,
procureurs, notaires au Châtelet; les officiers municipaux, tels que le
prévôt des marchands, les échevins et autres; les partisans, les
prêteurs sur gages, les financiers, sont mis tour à tour sur la
sellette, et assez maltraités. L'auteur ne craint pas de dire le nom des
usuriers, des enrichis célèbres de cette époque. Il lance plusieurs
traits acérés aux partisans de la réforme, contre lesquels il écrira
plus loin une page très éloquente. Il excelle à faire tenir aux acteurs
qu'il met en scène un langage en harmonie avec leur caractère, et
disposé de telle sorte qu'ils se chargent de faire leur propre satire.
Dans ce genre, rien de plus ingénieux que le récit de la marchande qui
le matin même avoit vendu la robe de noce à la fiancée d'un petit
trésorier de province. (Voir plus loin, p. 17.)

La seconde journée est principalement consacrée aux affaires de la
politique et de la religion. L'auteur parle en termes assez durs du
connétable de Luynes et de ses deux frères. Il cite quelques vers
injurieux qui couroient contre le premier (p. 66). Au sujet de la chute
rapide du marquis d'Ancre et du connétable de Luynes, une dame de la
cour tient ce propos: «Pour trois pelerins qui alloyent en Emaüs, on vit
aussitost naistre quatre evangelistes dans le conseil.» (P. 67.) Les
trois pèlerins d'Emaüs, ce sont les frères de Luynes, ainsi qu'on peut
le comprendre d'après ce qui est dit plus haut; mais les quatre
évangélistes, qui sont-ils? Henri, IIe du nom, prince de Condé, en
est un bien certainement, puisque la dame de cour ajoute: «Maintenant on
ne faict plus rien que par l'advis de M. le prince de Condé, etc.» (P.
67.) Mais quels sont les trois autres évangélistes? C'est une question
qui, pour être complétement résolue, nous entraîneroit un peu loin; nous
nous contenterons de la signaler.

Quant aux affaires de la religion, elles avoient assez d'importance en
1622 pour exercer la langue de nos commères. L'auteur débute par
quelques détails sur les réjouissances qui eurent lieu dans Paris au
sujet de la canonisation de sainte Thérèse; puis, après avoir parlé des
Cordeliers, des Carmélites, des pères de l'Oratoire et des Jésuites, il
met en scène une vieille bourgeoise chaperonnée à l'antique, qui,
interpellant une réformée, fait observer qu'elle a lu Calvin, Clément
Marot et Bèze, et une infinité de _grands philosophes_. «Mercy de ma
vie, reprend la religionnaire piquée au vif, oui, je les ai lus; qu'en
voulez-vous dire, vieille sans dents? Continuant ce propos, elle déclare
que les gens de sa secte ne cherchent que concorde, fraternelle amitié,
et ne veulent que _réformation_.--C'est bien à faire à vous de nous
reformer! reprend la vieille; il y a douze cens ans que la France a
quitté son erreur pour s'enroller sous les drappeaux de la vraye eglise;
et aujourd'huy une femme voudra la reformer! Il ne faut qu'un _Calvin_,
qu'un Luther, et deux autres moines reniez et appostatz pour faire
refleurir l'ancienne majesté de l'Eglise!»

Ici l'auteur interrompt cette vive querelle pour lancer contre les
réformés un trait d'autant plus vif qu'il est inattendu. «Un petit
chien, dit-il, qu'une certaine damoiselle de la rue S.-Paul portoit pour
passe-temps, entendant parler de _Calvin_, leva sa teste, croyant qu'on
l'appellast, car c'estoit son nom, ce qui fust assez remarqué de la
compagnie; mais sa maistresse le resserra sous sa cotte, de peur de
faire deshonneur aux saintz.» Puis, reprenant son propos, il fait tenir
à la vieille bourgeoise ce discours: «D'où sont venues toutes les
guerres civilles qui ont miné et deserté toute ceste monarchie depuis
quatre-vingt ou cent ans? Vostre religion n'a-t-elle pas allumé le feu
aux quatre coins de la France? N'avons-nous pas vu, au moins mon père me
l'a dit cent fois, depuis l'avenement du roy Henry II à la couronne
jusqu'à maintenant, tout ce royaume bouleversé pour vostre subjet? On
vous a veu naistre tous armez comme les gens d'armes de la Toison-d'Or,
que Jason deffit; à peine eustes-vous sucé la doctrine impie de Calvin
et de Luther, que vous minutastes dès lors la ruine de ceste couronne.
N'avez-vous pas fait des extorsions estranges où vostre fureur et vostre
rage a peu avoir le dessus? Combien de provinces, de villes, de
bourgades et de bonnes maisons ont été ruinées par vos partisans! La
Guienne, le Languedoc, les plaines de Jarnac, de Moncontour, de Dreux,
et une infinité de fleuves, sont empourprés de sang, et jamais,
toutesfois, la fortune ne vous a esté favorable en toutes les rencontres
et batailles qui se sont données contre vous; le Ciel n'a jamais secondé
vos monopoles; vos gens y ont tousjours laissé les bottes, et
aujourd'huy il y en a entre vous de si acharnez qu'ils en recherchent
les eperons. Il s'agissoit alors de la religion, c'estoit à vous à vous
deffendre; mais maintenant que le roy veut proteger tous ses sujets en
paix, sous l'authorité de ses edits..., ceux de la religion luy ferment
les portes, font des assemblées et monopoles contre son service,
tranchent du souverain en leurs factions, disposent des provinces et
deniers royaux, constituent gouverneurs où bon leur semble, partagent
tout ce royaume à leur volonté, bref, se persuadent que la France ne
doive plus respirer que par leur moyen. Vous voilà tantost à la fin de
la carrière. Le Roy tient le haut bout. Plusieurs viendront collationner
en Grève pour aller soupper en l'autre monde.» (P. 85.)

On nous pardonnera cette citation, bien qu'un peu longue, en faveur de
l'éloquente indignation dont l'auteur a fait preuve; on y retrouve
cette haine invétérée des habitants de Paris contre la religion
nouvelle. Il suffit de se reporter à l'histoire de nos guerres de
religion du seizième au dix-septième siècle pour comprendre la portée de
ce discours.

Dans la troisième journée, la conversation roule principalement sur la
bourgeoisie parisienne, dont les différentes classes sont censurées avec
une verve impitoyable des plus amusantes. Ce sont d'abord les gens de
finance et de robe: trésoriers, greffiers, notaires et plusieurs autres;
les médecins et les apothicaires viennent après eux, et ne sont pas
épargnés. L'auteur trouve le moyen de faire une petite digression sur
les livres et opuscules nouveaux qui se débitoient et sur les bévues
commises par les imprimeurs. Il cite entre autres deux _Vies de sainte
Thérèse_, dans l'une desquelles on fait dire à l'auteur que cette sainte
avait eu deux pères. Les femmes et les filles de la bourgeoisie
fournissent aussi leur bonne part aux caquets de l'assemblée; on y
raconte, en les amplifiant beaucoup, nous aimons à le croire, les
tromperies que les unes faisoient à leurs maris, ou les autres à leurs
parents.

Ces trois journées composent la première partie, et la plus originale,
du recueil d'opuscules connu sous le nom de _Caquets de l'Accouchée_.
Elles seules ont été publiées sous ce titre, et elles doivent sortir de
la même plume. Les autres pièces, imprimées, chacune avec un titre
différent, aussi pendant l'année 1622, sont, nous le croyons, de
plusieurs mains[14]. Du reste, ceux qui les ont écrites ont suivi le
même plan que l'auteur des trois _Caquets_, c'est-à-dire que, tout en
devisant des nouvelles du jour, ils ont consacré chaque pièce à un sujet
particulier. Ainsi, dans la quatrième assemblée, il est surtout question
des mariages que les différentes classes de la bourgeoisie parisienne
contractoient les unes avec les autres, et des mésalliances que faisoit
trop souvent la noblesse pour s'enrichir. On y raconte plusieurs
aventures tragiques ou scandaleuses, telles que l'histoire de la
comtesse de Vertus, contrainte par son mari d'assister au meurtre de son
amant (p. 139); celle du soufflet donné par un gentilhomme à un
conseiller dans la galerie du Palais (p. 142). Entre les noms restés
plus ou moins célèbres donnés par l'auteur à la fin de cette assemblée,
je citerai celui de la duchesse de Chevreuse, qui, à cette époque,
venoit d'épouser en secondes noces Claude de Lorraine. Une maîtresse des
comptes s'exprime ainsi: «Je pense qu'elle n'a pas grand credit, encore
qu'elle se veuille faire appeler Madame la Princesse. Je sçay bien qu'il
y eut l'autre jour un grand bruict au Louvre pour cela, et qu'on lui fit
de bonnes reprimandes.»

Au commencement de la cinquième assemblée, les affaires de la religion
et de la politique reviennent de nouveau sur le tapis. Les exactions
commises durant les siéges de Montauban, de Montpellier et de La
Rochelle, par des fournisseurs infidèles, sont impitoyablement
signalées. Nos commères parlent tout d'abord d'un certain _Desplan_,
qui, de laquais du prince de Condé, s'éleva, par la faveur du connétable
de Luynes, au grade de maréchal de France; viennent après les maréchaux
de Bassompierre et de Créqui et le connétable de Lesdiguières, qui tous
trois sont assez rudement traités.

Avant de parler de ces illustres personnages, l'auteur introduit dans la
chambre de l'accouchée deux femmes célèbres des règnes de Henri IV et de
Louis XIII, la duchesse de Verneuil (Henriette de Balzac d'Entragues) et
_Mathurine_, folle de la reine Marie de Médicis. En 1622, cette duchesse
de Verneuil, qui, vingt années auparavant, put se croire un instant
reine de France, n'avoit encore que quarante-trois ans. Ce n'étoit plus
cette femme séduisante au point que, même après son mariage et malgré
des trahisons de toute sorte, Henri IV resta plusieurs années son amant.
Il ne rompit avec elle que vers l'année 1608. «Alors, dit Tallemant des
Réaux, elle se mit à faire une vie de Sardanapale ou de Vitellius; elle
ne songeoit qu'à la mangeaille, qu'à des ragoûts, etc. Elle devint si
grasse qu'elle en étoit monstrueuse; mais elle avoit toujours bien de
l'esprit.[15]» Bassompierre avait eu long-temps pour maîtresse Marie
d'Entragues, sœur de la duchesse de Verneuil. En 1609, il eut d'elle
un fils, Louis de Bassompierre, mort évêque de Saintes. Marie
d'Entragues avoit obtenu de son amant une promesse écrite de mariage, et
lui en avoit fait une autre de ne jamais s'en servir. Elle prenoit
quelquefois le nom de madame de Bassompière. Au Cours-la-Reine, son
carrosse fut arrêté devant celui de Marie de Médicis, qui étoit
accompagnée du maréchal: «Ah! dit la reine, voici madame de
Bassompierre.--Ce n'est que son nom de guerre, reprit assez haut le
maréchal pour être entendu.--Vous êtes un sot, Bassompierre, lui dit
Marie d'Entragues.--Il n'a pas tenu à vous, Madame.» Et les deux
carrosses de s'éloigner. On comprend pourquoi la duchesse de Verneuil
n'étoit pas d'humeur à entendre parler de Bassompierre; aussi la
voyons-nous s'éloigner au plus tôt.

Quant à _Mathurine_, c'étoit une femme d'assez bas étage, qui jouoit à
la cour de Marie de Médicis le rôle de folle du logis, et qui, sous ce
prétexte, avoit acquis le droit de dire à chacun toutes ses vérités. Du
Perron, contre lequel cette femme dispute dans le premier chapitre du
deuxième livre de la _Confession de Sancy_, lui reproche toutes sortes
de vilenies, dont quelques unes pourroient bien être vraies. Il est
certain qu'elle touchoit une pension de la reine, et que les petits
enfants couroient après elle dans la rue, en criant: Aga! Mathurine la
folle! Plusieurs pièces satiriques de ce temps furent publiées sous son
nom. Sa présence, dans la chambre de l'accouchée à ce cinquième Caquet,
donna l'idée à quelque esprit libre et facétieux d'écrire une petite
pièce intitulée _les Essais de Mathurine_. On y trouve plusieurs traits
piquants et spirituels, mais ils sont gâtés par un cynisme de langage
que n'excuse même pas l'état de folie du personnage à qui on le prête.
Nous y avons remarqué, du reste, un curieux détail sur la vogue obtenue
par les _Caquets de l'Accouchée_: «_Vous autres lisarts, n'avez-vous
point leu certain petit fatras qui se nomme le Caquet de l'Accouchée?
Si avez, sans doute, si avez, car il s'en est vendu plus que d'epistres
familières ou d'oraisons des saincts._» Malgré tout, cette pièce ne peut
nullement entrer en comparaison avec les _Caquets_, qu'elle semble avoir
pour but de censurer.

Nos bourgeoises terminent cette cinquième assemblée par des propos
méchants dirigés contre leurs voisines. C'est un tableau de mœurs
assez piquant et assez joliment esquissé. Le tout est couronné par un
caquet sur le comte de Mansfeld[16].

La sixième assemblée est consacrée à une apologie railleuse fort
amusante du sexe féminin; elle est écrite avec autant de verve que de
malice. Nous avons remarqué que l'auteur, à propos du courage déployé
par les femmes, s'exprime ainsi sur Jeanne d'Arc: «N'avons-nous pas
cette généreuse guerrière en France, la Pucelle d'Orléans, qui s'est
signalée en tant de combats, rencontres, en tant d'assauts et batailles,
sans aller en Thrace chercher les antiques Amazones?»

Nous n'avons rien à dire des deux dernières assemblées, dans lesquelles
il n'est question que d'aventures privées et de commérages de quartier.
On y parle à plusieurs reprises du bruit que faisoient dans Paris les
premiers _Caquets de l'Accouchée_. Les petits cahiers sont lus et
examinés soigneusement par nos commères, qui ne tardent pas à
reconnoître le portrait et l'historique des unes et des autres, et à se
les signaler entre elles impitoyablement. Dans la septième journée,
l'auteur explique comment il a pris soin de se déguiser en apothicaire,
de ne pas prendre sa place accoutumée dans la ruelle de sa cousine, et
de se mettre _au bout de la tapisserie_. C'est le moment qui a été
choisi par Abraham Bosse dans cette gravure où il nous a si bien
représenté la chambre de l'accouchée. Une des commères, femme d'un
huissier à verge, propose à ses compagnes de rédiger une lettre de
désaveu, que l'on trouve jointe à la sixième journée. Enfin, dans
l'_Anti-Caquet_, sous prétexte de répondre aux accusations différentes
portées contre les diverses classes de la bourgeoisie parisienne,
l'auteur ajoute de nouveaux détails à ceux qu'il a donnés, et cite
plusieurs noms, tant parmi les médecins que parmi les gens de robe ou de
finance. Cette petite pièce, écrite sur le même ton et dans le même
style que les quatre premières, paroît être sortie de la même plume.

Nous avons signalé précédemment les principaux personnages et les
événements historiques dont il est question dans les _Caquets de
l'Accouchée_; nous ajouterons qu'on y trouve aussi, sur l'histoire
physique et morale de Paris, des détails nombreux, qu'il seroit trop
long d'énumérer ici. Nous indiquerons seulement, dans le premier Caquet,
ceux qui ont rapport au _Pont-Neuf_ et au _charlatan_ (p. 10), au _feu
de la Saint-Jean_ (p. 23), à l'_hôpital Saint-Germain_ (p. 25), à la
construction du _Pont-au-Double_ (p. 41); dans le second, la fête de la
canonisation de _sainte Thérèse_ (p. 48), l'incendie du _Pont-au-Change_
et la cherté du loyer des maisons (p. 58), les _voleurs_ (p. 70), les
revenants et mauvais esprits; la statue de Cérès du couvent des
Carmélites (p. 74), les Pères de l'Oratoire (p. 78) et les Jésuites (p.
82).

Nous devons encore signaler la dernière des trois pièces que nous avons
jointes aux _Caquets de l'Accouchée_; elle a pour titre: _Sentence par
corps obtenue par plusieurs femmes de Paris contre l'auteur des
Caquets_. C'est une facétie très spirituelle écrite dans le style du
Palais, qui attribue la composition des _Caquets_ au _baron de
Grattelart_, un des farceurs de ce temps. Mondor, Tabarin et sa femme
portent plainte devant Gautier Garguille; celui-ci fait faire une
enquête par Gros-Guillaume, Jean Farine et La Vigne, autres farceurs de
la même époque, qui demandent et obtiennent jugement contre le coupable.
Cette pièce, des plus rares, est une nouvelle preuve du succès de vogue
obtenu par l'auteur de ces satires, aussi mordantes que hardies.


§ III. _Auteur des_ Caquets de l'Accouchée.--_Editions originales et
réimpressions.--Méthode suivie dans cette nouvelle édition._

Non seulement l'auteur des _Caquets de l'Accouchée_ a gardé le plus
strict anonyme, mais encore il a eu soin de ne rien dire qui pût faire
deviner à quelle classe de la société parisienne il appartenoit. Cette
phrase de l'avis au lecteur dans l'édition de 1623: _Quand tu sçaurois
quel je suis, volontiers agrerois-tu davantage cet œuvre, voyant
qu'estant ce que Dieu m'a faict naistre et colloqué en un rang qui me
separe du vulgaire, etc._, paroît se rapporter plutôt au caractère de
l'auteur qu'à sa condition. D'ailleurs, nous ne pensons pas que
l'anonyme réviseur de l'édition collective de 1623 soit l'auteur des
pièces originales publiées l'année précédente. Nous n'en voulons pour
garant que les mutilations maladroites qu'il a fait subir à ces pièces
sans aucune nécessité. Il est facile de comprendre pourquoi l'auteur des
_Caquets_ a pris tant de précautions afin de rester inconnu. Les
hardiesses de ses satires, l'audace avec laquelle il nommoit tous ses
personnages, l'eussent sans nul doute exposé à toutes sortes de
désagréments. Le titre des quatre premières pièces originales ne porte
aucun nom de ville ni d'imprimeur; dans celles où le nom de Paris est
indiqué, imprimeur et libraire ont eu soin de se cacher sous un
facétieux pseudonyme, tel que: _De l'imprimerie de Lucas Joffu, comédien
ordinaire de l'Isle du Palais_.

On a pensé que Deslauriers, comédien de l'hôtel de Bourgogne, qui, sous
le nom de _Bruscambille_[17], a publié plusieurs ouvrages facétieux,
pourroit bien avoir écrit les _Caquets de l'Accouchée_. Le judicieux
auteur de l'_Analectabiblion_, qui émet cette opinion sous toutes
réserves, trouve entre les Fantaisies de Bruscambille et les _Caquets_
une _certaine conformité de tour d'esprit et d'historiette_[18]. Il est
possible que des historiettes racontées dans les _Caquets_ soient
empruntées aux œuvres de Deslauriers. Malgré tout, entre le style et
le genre d'esprit de l'auteur des _Caquets_ et le comédien de l'hôtel de
Bourgogne nous trouvons une différence trop grande pour accepter ce
rapprochement. Nous croyons plutôt que c'est dans la magistrature
parisienne qu'il faut chercher l'auteur anonyme. Quel que soit le rang
qu'il ait eu, quelle que soit la profession qu'il ait exercée, on ne
peut lui refuser une grande connoissance des affaires politiques et
religieuses de son temps. Plusieurs des opinions qu'il émet sont dans un
tel accord avec celles que professoit le cardinal de Richelieu qu'il est
impossible de chercher l'auteur anonyme autre part que dans les
serviteurs du célèbre ministre. Un heureux hasard fera peut-être un jour
découvrir ce petit mystère, resté jusqu'à présent impénétrable.

Les _Caquets de l'Accouchée_, avons-nous dit plus haut, furent publiés
dans le cours de l'année 1622, sous des titres différents. Voici ces
titres, que nous copions sur les originaux:


1º Le Caquet de l'Accouchée. MDCXXII, in-8 de 24 pages, y compris le
titre.

2º La seconde Après-Disnée du Caquet de l'Accouchée. MDCXXII, in-8 de 32
pages, y compris le titre.

3º La troisiesme Après-Disnée du Caquet de l'Accouchée. MDCXXII, in-8 de
32 pages, y compris le titre.

4º La dernière et certaine Journée du Caquet de l'Accouchée. MDCXXII,
in-8 de 24 pages, y compris le titre.

5º Le Passe-Partout du Caquet des Caquets de la nouvelle Accouchée.
MDCXXII, in-8 de 32 pages avec le titre.

6º La Responce aux trois Caquets de l'Accouchée. MDCXXII, in-8 de 16
pages, y compris le titre. En tête de la page 3 on lit: La Responce des
Dames et Bourgeoises de la ville de Paris au Caquet de l'Accouchée. Une
autre édition de la même pièce porte le titre suivant: La Responce des
Dames et Bourgeoises de Paris au Caquet de l'Accouchée, par mademoiselle
E. D. M. A Paris, chez l'imprimeur de la Ville, à l'enseigne des
Trois-Pucelles.

7º Les dernières Parolles ou le dernier Adieu de l'Accouchée.--Ensemble
ce qui c'est passé en la dernière visite et quatriesme Après-Disnée des
Dames et Bourgeoises de Paris. A Paris, de l'imprimerie de Lucas Joffu,
comédien ordinaire de l'Isle du Palais. MDCXXII, in-8 de 16 pages, y
compris le titre.

8º Le Relevement de l'Accouchée. A Paris, MDCXXII, in-8 de 16 pages, y
compris le titre.


A ces huit pièces il faut en joindre trois autres qui ont été publiées
cette même année 1622, et qui sont un complément nécessaire du recueil:


1º L'Anti-Caquet de l'Accouchée. MDCXXII, in-8 de 14 pages, y compris le
titre.

2º Les Essais de Mathurine. S. L., S. D., in-8 de 16 pages, y compris le
titre.

3º La Sentence par corps obtenue par plusieurs femmes de Paris contre
l'autheur des Caquets de l'Accouchée. A Paris, etc., MDCXXII, 16 pages,
y compris le titre.


L'année 1623, les huit premières pièces seulement servirent à la
composition d'un recueil au sujet duquel nous allons donner quelques
détails. Voici le titre de la première édition:

RECUEIL général des Caquets de l'Accouchée, ou Discours facétieux où se
voit les mœurs, actions et façons de faire des grands et petits de ce
siècle; le tout discouru par Dames, Damoiselles, Bourgeoises et autres,
et mis par ordre en VIII après-dinées qu'elles ont faict leurs
assemblées, par un secretaire qui a le tout ouy et escrit, avec un
discours du Relevement de l'Accouchée.

Imprimé au temps de ne se plus fascher. (Paris,) 1623, petit in-8.

Cette édition du Recueil général est la plus recherchée; elle a 200
pages, précédées de 4 feuillets qui contiennent un frontispice gravé, un
titre, un avis au lecteur et des vers de l'auteur anonyme, que nous
avons reproduits.

Il a été fait en 1624 deux éditions de ce recueil, petit in-8, qui sont
aussi très recherchées. L'une contient 3 feuillets préliminaires, 198
pages et un frontispice gravé; l'autre comprend 180 pages, sans compter
les feuillets préliminaires et le frontispice gravé.

Il y a aussi une édition de 1625, avec un titre gravé portant le
millésime de l'année précédente.

Citons encore, ajoute M. Brunet dans son Manuel du Libraire, t. 4, p.
45, les éditions de Poitiers, par Abr. Mounin, 1630, petit in-8.--De
Troyes, Claude Bridon, ou Nicolas Oudot, 1630, petit in-8 de 94
feuillets non chiffrés et 2 feuillets préliminaires (sous le titre de
Recueil général des quaquets [_sic_]).--De Troyes, Denis Clément (sans
date), petit in-8 de 95 feuillets non chiffrés, signés A. M.--De Troyes,
Nic. Oudot (sans date), petit in-8 de 2 et 72 feuillets non chiffrés.

Nous avons comparé plusieurs de ces éditions les unes avec les autres:
elles reproduisent toutes le texte de l'édition de 1623; seulement, plus
elles s'éloignent de cette date, plus elles contiennent de fautes. En
1847, une réimpression textuelle du Recueil général des Caquets de
l'Accouchée, d'après l'édition de 1625, fut faite à Metz, petit in-8
carré, et tirée seulement à soixante-seize exemplaires. Cette
réimpression est suivie d'une notice de l'éditeur, signée L. H. F.

Il faut signaler entre les pièces originales et les éditions collectives
des différences notables que le réviseur a cru devoir introduire afin de
donner au livre une plus grande uniformité. Ces changements sont faits
avec assez de maladresse, comme on peut en juger d'après le début et la
fin du sixième Caquet. (Voir page 195 et page 210.)

Nous n'avions qu'une marche à suivre pour cette nouvelle édition:
réimprimer textuellement les pièces originales, en y joignant les
principales variantes d'après l'édition collective de 1623; ajouter les
trois pièces l'_Anti-Caquet_, les _Essais de Mathurine_ et la _Sentence
par corps_, qui, depuis l'année 1622, n'ont jamais été réimprimées;
ajouter au texte le plus d'éclaircissements possible sur les événements
et les personnages dont il est question dans les Caquets de
l'Accouchée. M. Edouard Fournier, connu par des travaux excellents sur
l'histoire de la ville de Paris, s'est chargé de cette dernière partie,
aussi longue que difficile. A force de recherches dans les documents des
règnes de Henri IV et de Louis XIII, presque tous les points importants
traités par l'auteur des Caquets ont été éclaircis, et presque tous les
noms propres, souvent obscurs, ont été les objets de notices
biographiques. Cependant plusieurs noms et plusieurs faits sont restés
impénétrables: M. Fournier a préféré garder le silence que d'émettre des
conjectures. Un index de tous les noms cités dans ce Recueil nous a paru
nécessaire pour faciliter les recherches, car nous espérons que ce
livre, qui n'a été considéré jusqu'à présent que comme une facétie
divertissante, sera classé dorénavant parmi les ouvrages historiques,
échos fidèles des préjugés et des opinions d'une époque.

LE ROUX DE LINCY.



APPENDICE.


I.

Car, puisque nous sommes à parler des marchandes, ne fut-ce pas
voirement grand oultraige à cette femme de marchand de vivre voire comme
marchant. Ce n'est mie comme ceulx de Venise ou de Gennes, qui vont
oultre-mer et par tous pays ont leurs facteurs, achaptent en gros et
font grandz fraiz, et puis semblablement envoyent leurs marchandises en
toutes terres, à grandz fardeaulx, et ainsi gaignent grandz richesses,
et tels sont appellez nobles marchantz; mais celle dont nous disons
achapte en gros et vend en detail pour quatre souz de denrées, se
besoing est, ou pour plus ou pour moins, quoiqu'elle soit riche et
portant trop grand estat. Elle fist une gesine d'ung enfant qu'elle eut
n'a pas longtemps. Ains qu'on entrast dans sa chambre, on passoit par
deux autres chambres moult belles, où il y avoit en chascune un grand
lict, bien et richement encourtiné; et, en la deuxiesme, ung grand
dressoir, couvert comme ung autel, tout chargé de vaisselle d'argent; et
puis, de celle-là on entroit en la chambre de la gisante, laquelle
estoit grande et belle, toute encourtinée de tapisserie faicte à la
devise d'elle, ouvrée très richement de fin or de Chippre; le lict grand
et bel, encourtiné d'ung moult beau parement, et les tappis d'entour le
lict mis par terre, sur quoy on marchoit, tous pareilz à or. Et estoient
ouvrez les grandz draps de parement, qui passoient plus d'un espan par
soubz la couverture, de si fine toille de Reims, qu'ils estoient prisez
à trois cens frans; et tout par dessus le dict couvertouer à or tissu
estoit ung autre grand drap de lin aussi délié que soye, tout d'une
pièce et sans cousture, qui est une chose nouvellement trouvée à faire
et de moult grand coust, qu'on prisoit deux cens frans et plus, qui
estoit si grand et si large qu'il couvroit de tous lez le grand lict de
parement, et passoit le bort du dict couvertouer qui traisnoit de tous
les costez; et en cette chambre estoit ung grand dressoir tout paré,
couvert de vaisselle dorée; et en ce lict estoit la gisante, vestue de
drap de soye tainct en cramoisy, appuyée de grandz oreillez de pareille
soye, à gros boutons de perles, atournée comme une damoyselle. Et Dieu
scet les autres superfluz despens de festes, baigneries, de diverses
assembleez, selon les usaiges de Paris à accouchées, les unes plus que
les autres, qui là furent faictes en celle gesine! Et pour ce que cest
oultraige passa les autres (quoy qu'on en face plusieurs grandz), il est
digne d'estre mis en livre. Si fust ceste chose rapportée en la chambre
de la Royne, dont aucuns dirent que les gens de Paris avoient trop de
sang, dont l'abondance aucunes fois engendroit plusieurs maladies.
C'estoit à dire que la grand habondance de richesses les pourroit bien
faire desvoyer; et pour ce seroit le mieulx que le roy les chargeast de
aucun ayde, emprunt ou taille; par quoy leurs femmes ne se allassent
plus comparer à la royne de France, qui guères plus n'en feroit. (Fº 107
de _le Trésor de la cité des dames, selon dame Christine, de la cité de
Pise, livre très utile et prouffitable pour l'introduction des roynes,
dames, princesses et autres femmes de tous estats, auquel elles pourront
veoir la grande et saine richesse de toute prudence, saigesse, sapience,
honneur et dignité dedans contenue.--Avec privilége.--1536, in-8._)


II.

Or approche le temps de l'enfantement; or convient qu'il ait compères et
commères à l'ordonnance de la dame; or a grand soussy pour querir ce
qu'il faut aux commères et nourrisses et matrones qui y seront pour
garder la dame tant comme elle couchera, qui beuvront de vin autant
comme l'en en bouteroit en une bote. Or double sa peine; or se voue la
dame en sa douleur en plus de vingt pelerinages, et le pauvre homme
aussi la voue à tous les saincts. Or viennent commères de toutes pars;
or convient que le pauvre homme face tant que elles soient bien aises.
La dame et les commères parlent et raudent et dient de bonnes chouses,
et se tiennent bien aises, quiconques ait la peine de le querir,
quelque temps qu'il face; et s'il pleut, ou gelle, ou grelle, et le mary
soit dehors, l'une d'elles dira ainsi: Hellas! mon compère, qui est
dehors, a maintenant mal endurer! Et l'autre repond qu'il n'y a force et
qu'il est bien aise. Et s'il avient qu'il faille aucune chose qui leur
plaise, l'une des commères dira à la dame: Vraiment, ma commère, je me
merveille bien, si font toutes mes commères qui cy sont, dont vostre
mary fait si petit compte de vous et de vostre enfant! Or, regardez
qu'il feroit si vous en aviez cinq ou six. Il appert bien qu'il ne vous
ayme guères: si lui feistes-vous le plus grand honneur de le prendre
qu'il avenist oncques à pièce de son lignage.--Par mon serment, fait
l'autre des commères, si mon mary le me faisoit ainsi, je ameroye mieux
qu'il n'eust œil en teste.--Ma commère, fait l'autre, ne lui
accoustumez pas ainsi à vous lesser mettre sous les piez, car il vous en
feroit autant ou pis, l'année à venir, à vos autres accouchemens, etc.,
etc.........................................

Or de sa part, le proudomme fait aprester à diner selon son estat, et y
travaille bien, et y mettra plus de viande la moitié que au commencement
propousé n'avoit, par les ataintes que sa femme lui a dites. Et tantoust
viennent les commères, et le proudomme va au devant, qui les festoye et
fait bonne chière, et est sans chapperon par la meson, tant est jolis,
et semble un foul, combien qu'il ne l'est pas. Il maine les commères
devers la dame en sa chambre et vient le premier devers elle, et lui
dit: M'amie, voyez cy vos commères qui sont venues.--_Ave Maria_,
fait-elle, je amasse mieulx qu'elles fussent à leur meson, etc. Lors
les commères entrent; elles desjunent, elles disnent, elles menjent à
raassie; maintenant boivent au lit de la commère, maintenant à la cuve,
et confondent des biens et du vin plus qu'il n'en entreroit en une bote;
et à l'aventure il vient à barrilz où n'en y a que une pipe. Et le
pouvre homme, qui a tout le soussy de la despense, va souvent voir
comment le vin se porte quand il voit terriblement boire. L'une lui dit
ung brocart, l'autre li gette une pierre dans son jardin. Briefvement,
tout se despend; les commères s'en vont bien coiffées, parlant et
janglant, et ne s'esmoient point dont il vient...., etc. (P. 26 des
QUINZE _Joyes de mariage_; nouvelle édition, conforme au manuscrit de la
Bibliothèque de Rouen, etc. _Paris, Bibliothèque elzevirienne de P.
Jannet_, 1853.)

Le passage suivant, des _Ténèbres de Mariage_, complète le tableau:

    Quand vient à l'enfant recevoir,
    Il fault la sage-femme avoir,
    Et des commères un grand tas.
    L'une viendra au cas pourvoir;
    L'autre n'y viendra que pour veoir
    Comme on entretient telz estatz.
    Vous ne vistes oncq tel caquet:
    Çà ces drapeaux, çà ce paquet,
    Çà ce baing, ce cremeau, ce laict
    Et voilà le povre Jaquet
    Qui luy servira de naquet,
    De chamberière et de varlet.


III.

    Dieu scet se bien sont espluchées
    Paroles et menus fatras
    Aux chambres de ces accouchées;
    Les fenestres ne sont bouchées
    Que à faulx et à manches d'estrilles;
    Les couches ne sont attachées
    Que de grands lardons pour chevilles;
    Les carreaux sur quoy seent les filles
    Sont pains d'ung tas de semi-dieux;
    Les tapis, ce sont evangilles
    Et vies à povres amoureux.
    Au chevet du lict, pour tous jeux,
    Pend ung benoistier qui est gourd,
    Avec ung aspergès joyeulx,
    Tout plain d'eaue benoiste de court;
    La garderobbe, c'est la court
    Là où on traicte noz mignons;
    Là on n'espargne sot ne sourt;
    C'est là où on les tient sur fons.
    L'une commence les leçons
    Au coing de quelque cheminée,
    Et l'autre chante les responz
    Après la légende dorée.
    Sitost que matine est sonnée,
    Il n'y a ne quignet ne place
    Que on n'y carillonne à journée;
    Il est tousjours la Dedicace.
    En la messe il y a Preface,
    Mais de _Confiteor_ jamais.
    Oncques puis le temps Boniface
    Aussi on n'y bailla la paix,
    Car il y a entre deux ais
    Tousjours quelqu'une qui grumelle
    D'entre sa voisine d'emprès,
    Qui veult dire qu'elle est plus belle.
    Bref, c'est une droicte chappelle,
    Et si n'y a prelat d'honneur
    Qui ne tâche bien, sans sequelle,
    D'avoir place d'enfant de cueur.
    L'une comptera de Monsieur,
    Et l'autre d'une creature
    Qui a cul de bonne grosseur,
    Mais il ne vient pas de nature.
    L'une dict que c'est enfanture,
    L'autre dira qu'il n'en est rien,
    Et, pour oster la conjecture,
    Chascune faict taster le sien,
    S'il est fagotté, s'il est bien,
    S'il est troussé, s'il est serré,
    S'il est espais, quoy et combien;
    S'il est rond, ou long, ou carré.
    Tel y a, s'il estoit paré,
    Et qu'on lui vist un peu la cuisse,
    On le trouveroit bigarré
    Comme un hocqueton de Souysse.
    Celuy-si, me semble, est bien nice
    Qui fonde dessus une maison,
    Car, quelque chose que on bastisse,
    Le fondement n'en est point bon.
    Après qu'on a dit ce jargon,
    Tantost après arrivera
    Une grande procession
    Qui d'aultre matière lira.
    L'une d'elles commencera
    A resgaudir ses esperitz;
    Dieu scet s'elle praticquera
    Le tiltre _De injuriis_!

    Quelqu'une, par moyens subtilz,
    Ira semer de sa voysine
    Qu'elle suborne les amys
    Et les chalans de sa cousine;
    D'une autre on dira que c'est signe
    D'une parfaicte mesnagière
    Prester, pour garder sa cuisine,
    Son cul plustost que sa chaudière.
    S'on touche de quelque compère,
    L'une dit qu'il est trop faschant,
    L'autre qu'il a belle manière,
    Mais il se panche un peu devant,
    D'ung tel, il sent son entregent,
    Et si luy siet bien à dancer,
    Mais il n'a pas souvent argent;
    Il ne scet que c'est que foncer.
    Quelque vieille va commencer
    A filler, qui empongnera
    Sa quenoille de Haut tancer,
    Son fuzeau de Tout se dira,
    Les estoupes de On le sçaura,
    Le rouet de J'ay bec ouvert,
    Le vertillon de On verra
    Le pot aux roses descouvert.
    Le fil de la quenoille est vert
    Et si delié pour s'enfiler,
    Que le grand diable de Vauvert
    A peine s'en peut desmesler.
    Pour mieux à l'aise vaneler,
    On met estoupes par dedans
    La saincture de Trop parler,
    Et là couche l'on des plus grans.
    On empesche langues et dents,
    Et mettent leurs soings et leurs cures
    Par lardons, broquars, motz piquans
    A exposer les escriptures.
    C'est ainsy que telz créatures,
    En parlant de l'autre et de l'ung,
    Lisent le tiltre _Des injures_.

(Guillaume Coquillart, _Poëmes des droits nouveaux_, t. 1, p. 134, des
œuvres complètes (publiées par M. Tarbé). Reims-Paris, 1847, in-8, 2
vol.)


IV.

    L'aultre dira, comme trop medisante:
    Hélas! commère, d'une telle gesante
    Si vous voyiez la pompe et braguerie,
    Vous jugeriez qu'est vraye mocquerie;
    Elle a ses lictz, la popine accouchée,
    Et mesmement où la dicte est couchée,
    Si bien garniz et si très bien à poinct,
    Que mieulx en ordre ne sçauroit estre poinct.
    Ung lict d'anticque peint d'or, d'asur et d'acre,
    Au bort du quel, pour servir de soubdiacre,
    Maint ung muguet, trouvères et causeur,
    Prothonotaire, ou bien aultre jaseur,
    Qu'entretiendra icelle dicte dame
    Sans honte avoir, en cestuy monde deame.
    Sur une chaire le gallant est assis
    Qui de pareilles aura bien cinq ou six,
    De fin velours, de drap d'or ou broché;
    Sur celles chaires par grand gloire couché;
    Lict et couchette, et chambre ou morte soye,
    Sont tous garniz de drap d'or ou de soye.
    Si la chambre est parfumée et parée,
    N'en faut parler; elle est équiparée,
    Ou bien y a encor plus de richesse
    Qu'en nulle chambre de grand dame ou duchesse,
    Et si n'ay paour que disse chose vaine
    Quand je diroys qu'est plus fort d'une Royne.
    Du demeurant, s'il est bien, Dieu le sçait!
    Dessus son corps elle porte un corset
    D'ung fin drap d'or frizé, pour vray le diz,
    Fourré de martres ils ont veu plus de dix;
    Et qui pis est, sans que du propos sorte,
    Tous les dimanches en a changé de sorte.
    De menestriers, puisqu'il faut que le dye,
    Et d'instrument y a telle melodie,
    Tant de chansons, d'orgues et de plaisir,
    Que vous n'auriez certes aultre desir
    Que d'escouter leurs accords et cadences,
    Et compasser maintes sortes de dances;
    Dancer verrez celles dances lombardes
    Que l'on appelle en ce temps cy gaillardes.

(_Controverses des sexes masculin et fœmenin._ Paris, Denis Janot,
etc. 1540, pet. in 8, fº 32, Rº [par Gratien du Pont].)


V.

         LE FRÈRE.

              Voirement
    Que dict-on de nos acouchées?

         LA SEUR.

    Qu'on en dict? Tout premièrement,
    Les unes sont trop longuement
    En leur lict mollement couchées.

         LE FRÈRE.

    Elz sont bouchées.

         LA SEUR.

                      Elz sont touchées.

         LE FRÈRE.

    Ilz leur fault tant mirlificques.

         LA SEUR.

    Elz sont visitées et preschées
    Et bien souvent plus empeschées
    Qu'on est à baiser les reliques.

         LE FRÈRE.

    Les brasseroles magnifiques...

         LA SEUR.

    Riches carcans,

         LE FRÈRE.

                    Tapisserye...

         LA SEUR.

    De peur qu'elz ne soient fleumatiques,
    Ou trop mègres ou trop eticques,
    On vous les sert d'espicerye.

         LE FRÈRE.

    Hypocras...

         LA SEUR.

                La patisserie.

         LE FRÈRE.

    Couliz de chapons...

         LA SEUR.

                        Tant de drogues.

         LE FRÈRE.

    Arrière la rotisserie!

         LA SEUR.

    Fy! fy! Ce n'est que mincerie.

         LE FRÈRE.

    En leur lict, pompeuses et rogues...

         LA SEUR.

    Bendées...

         LE FRÈRE.

              Comme les synagogues
    Qu'on voit au portail de l'eglise.

         LA SEUR.

    Accouchées ont le temps.

         LE FRÈRE.

                            Les vogues...

         LA SEUR.

    Je ne deuil que de vielles dogues
    Qui font les sucrées.

         LE FRÈRE.

                          C'est la guyse.

         LA SEUR.

    Mon frère, il est temps qu'on s'avise
    D'aller autre part caqueter.

(Dyalogue composé l'an mil cinq cent douze pour jeunes enfans
[_Œuvres de maistre Roger de Collerye, etc._ Paris, _Bibliothèque
elzevirienne de P. Jannet_, 1855, in-16].)


VI.

«17.--Deffendons de faire le procès extraordinaire à quelques personnes
que ce soit, si ce n'est _chez les accouchées_ ou autres bureaux
solennels à ce expressement dediez, ausquels lieux seront traictez et
decidez tous affaires d'Estat, et signamment ceux qui concernent les
mariages inegaux, soit pour le regard de l'aage, des mœurs ou des
biens; et pareillement les bons ou mauvais traictements des maris à
l'endroict de leurs femmes, et au reciproque, des femmes envers leurs
maris; les entreprinses qui se font par unes et autres dames au
pardessus de leurs puissances et dignitez, et, à peu dire, toutes telles
matières qui regardent tant la police que le criminel. En quoy nous
enjoignons et très expressément commandons à toutes dames, damoiselles
et bourgeoises, de quelque état et condition qu'elles soient, vuider
sommairement et de plein telles matières, sans aucun respect ou
acception de personnes.»

(Est. Pasquier, _Ordonn. générales d'amour..._ Paris, 1618, in-8, p. 8.)


VII.

_Sur un vieux lit de famille retrouvé à Susy, chez madame Amelot._

     Sur l'air: _Enfin, grâce au dépit_.

    Enfin je vous revois, vieux lit de damas verd.
    Vos rideaux sont d'été, vos pentes sont d'hiver;
    Je vous revois, vieux lit si chéri de mes pères,
        Où jadis toutes mes grands-mères,
    Lorsque Dieu leur donnoit d'heureux accouchements,
    De leur fecondité recevoient compliments.
    Helas! que vous avez une taille écrasée!
    On ne voit plus en vous ni grâce ni façon....
        Autant de modes que d'années.
        Aujourd'huy, le tapissier Bon
        A si bien fait par ses journées,
        Qu'un lit tient toute une maison.

(_Recueil de Chansons_ [par Coulanges]. Paris, 1694, in-8, p. 72.)



RECUEIL GENERAL

DES CAQUETS

_DE L'ACCOUCHÉE_

Ou discours facecieux où se voit les mœurs, actions et façons de
faire de ce siècle,

_Le tout discouru par Dames, Damoiselles, Bourgeoises et autres_,

Et mis par ordre en viij. après-dinées, qu'elles ont faict leurs
assemblées, par un Secretaire qui a le tout ouy et escrit;

_Avec un discours du relevement de l'Accouchée._

Imprimé au temps de ne se plus fascher

_M.DC.XXIII._



AU LECTEUR CURIEUX[19].


_Quelques critiques (m'asseuray-je), voyant que le frontispice de ces
diverses journées du_ Caquet de l'Accouchée _n'est decoré d'aucun tiltre
autre que celuy que la qualité de la chose luy donne, riront à gorge
desployée du secretaire qui a ramassé une chose infructueuse pour en
faire part au public, et d'une imposture s'efforceront à ternir sa
reputation. Mais je ne veux en cela arrester leur ordinaire regime,
m'estant une chose indifferente ce qu'ils en pourront dire, pardonnant
aussi librement à leur calomnie comme l'on pardonne aux corbeaux
croassans, parce qu'ils ont ce langage de nature: jamais les corps des
cyones n'ont esté plus invulnerables aux traicts des centaures que mon
ame l'est au langage des langues mesdisantes. Ce n'est à eux ny pour eux
que je me suis adonné à ceste occupation, ains pour les esprits vuides
de passion, et qui, desireux de ronger la moelle des escrits, ne
s'arrestent à l'escorce. La chose, pour naïfve qu'elle soit, contient en
soy de l'enphaze, et, sous des apparences basses, il y a des effects
relevez dignes de contenter les ames les plus difficiles. Voy donc,
amiable lecteur, cest ouvrage de bon œil; il n'a esté mis au jour que
pour reformer les mœurs, reigler les actions et retrancher les abus.
Cet escrit ne retient rien de la flatterie; il publie murement les
choses comme elles sont, retenant de la liberté de vivre des anciens,
qui preferoient le supplice à la complaisance. Quand tu sçaurois quel je
suis, volontiers agrerois-tu davantage cet œuvre, voyant qu'estant ce
que Dieu ma faict naistre, et colloqué en un rang qui me separe du
vulgaire, tu croirois qu'il y auroit apparence que je ne me fusse
appliqué à ce travail s'il n'estoit profitable. Je cache mon dessein
aussi bien que mon nom pour ce coup, me contentant de t'asseurer
qu'aucune intention de mesdire ne m'a faict prendre tant de peine, mais
seulement afin que plusieurs qui se recreront en la lecture de ceste
pièce profitent de mon labeur. Lis attentivement cet abregé de la
vicissitude humaine, et tu trouveras quelque chose propre à assouvir ton
appetit, si au moins, desbauché et despravé, toutes sortes de viandes ne
luy sont à cœur. Adieu._



VERS DE L'AUTHEUR[20]


    L'oysiveté est dommageable
    A un esprit infatigable
    Qui cherist la diversité;
    Le mien, qui jamais ne se lasse,
    Veut faire voir comme se passe
    Le temps aux couches limité.

    Aprestez vos gorges pour rire
    De ce que j'ay voulu descrire
    En ces Caquets d'accouchement;
    La matière est si trivialle,
    Qu'il n'y a suject qui l'égale
    Pour prendre du contentement.

    Si l'accouchée est en collère
    De me voir conter le mystère
    Du secret dit en sa maison,
    J'appaiseray sa fantasie,
    Et d'une parole adoucie
    Je luy en diray ma raison.



LE CAQUET

DE L'ACCOUCHÉE

M.DC.XXII[21].


Nouvellement relevé d'une grande et penible maladie, de laquelle j'avois
esté fort bien pensé, me donna le subject de me gouverner doresnavant
par le regime de vivre que l'on m'en donneroit: pour quoy je fis
assembler deux medecins de divers aages et diverses humeurs, qui, après
m'avoir veu en bon estat, chacun d'eux dict son advis sur mon futur
gouvernement et pour retourner en ma pristine santé.

Le plus jeune oppina le premier, et me dit qu'il donnoit conseil à
autruy selon qu'il se gouvernoit luy-mesme, qui estoit d'aller souvent
en sa maison des champs pour secoüer l'oreille de la tulippe et du
martigon, faire cinq ou six tours de jardin, prendre la dragme du vin
clairet, puis monter sur son mulet et s'en revenir soupper à Paris, et
qu'ainsi l'air des champs divertissoit les mauvaises humeurs, restauroit
les membres et reveilloit l'esprit.

L'autre medecin, plus vieil, fut d'advis que ce plaisir estoit trop
court, et que, souvent reyteré, en fin il ennuyoit plus qu'il ne donnoit
de plaisir; pour son regard, qu'il ne trouvoit point un plus grand
divertissement d'esprit que la comedie, la tragedie et la farce, et que
souvent il la faisoit joüer en sa presence, et par ses enfans
mesmes[22], sans avoir esgard à ce vieux dicton: _Corrumpunt mores
colloquia prava_, et quoy que, parmy ces jeux, les enfans impriment
mille astuces et fallaces en leurs ames, se mocquans ordinairement de
toutes personnes sans suject. Mais passe, c'est pourtant un des plaisirs
que je vous conseille de prendre, plaisir qui est à present ordinaire
dans Paris; et, tout ainsi (Dieu mercy da) que la religion catholique,
apostolique et romaine sort de France pour habiter au Perou et terres
estrangères, ainsi l'Italie commence à se purger de telles folies de
jeux publics, qu'ils nous renvoyent à Paris[23] pour nous rendre encore
plus vicieux qu'eux, estans bien informez que les officiers qui ont le
pouvoir de donner telles punitions ou de l'empescher n'en font aucune
difficulté, ny de faire observer les ordonnances de sainct Louys, qui de
son temps avoit chassé toutes ces canailles hors de France.

Le second plaisir que vous prendrez (et qui est le meilleur), c'est de
tascher à accoster quelqu'une de vos parentes ou amies, ou voisines,
accouchées, pour vous permettre vous glisser à la ruelle du lict une
apresdinée, pour entendre les nouvelles qui se racontent par la
multitude des femmes qui la viennent voir, et en tenir bon registre; et
par ainsi vous aurez non seulement dequoy contenter vostre esprit, mais
aussi cela vous fera rajeunir et remettre en vostre pristine santé.

Advis que je trouve assez bon, qui fut cause que, d'une pleine
liberalité, je leur donne à chacun leur droict de consultation, avec
promesse de loüange si ma santé en augmentoit.

Or, pour l'executer dès le lendemain, je me fais conduire sur le
Pont-Neuf, où je taschois à aller le petit pas; mais il me fut
impossible, pour estre poussé et foullé par une multitude de petit
peuple de toutes sortes d'estats, qui avoient quitté leur boutique pour
venir voir le charlatan[24]: les uns y menoyent leurs enfans plus
soigneusement qu'au sermon, les autres estoient huyez par leurs femmes,
qui se lamentoyent de n'avoir point de pain à la maison; et neantmoins
que leur meschant mari s'amusoit à la farce plus qu'à sa besongne; et
bref, quant je fus arrivé sur le lieu, j'y vis une si grande confusion,
meslée de querelles et de batteries, pour les couppe-bourses qui s'y
rencontrent, que je n'eus le loisir que d'entendre trois ou quatre mots
de leur science, qui m'estonnèrent de prime face, parce que le
charlatan promettoit de guarir toutes sortes de maux en vingt-quatre
heures pour une pièce de huict sols.

Je suis bien miserable, ce di-je alors, d'avoir despencé tant d'argent à
me faire medeciner, et avoir eu tant de mal, puis qu'avec si peu
d'argent on peut recouvrer sa santé! Et comme je me plaignois, marmotant
entre mes dents, un homme de la trouppe, qui m'escoutoit, me toucha sur
l'espaule et me dit: Ne vous faschez point de n'avoir usé de ses
drogues: j'en ay acheté plusieurs fois, et pour beaucoup d'argent, pour
me guarir le mal d'estomach, les dents et les caterres; j'ay trouvé,
pour en avoir usé, mon mal estre augmenté, et ce qui estoit mal
procedant de chaleur voire augmenté en chaleur, et ce qui estoit trop
froid s'estre converty en mauvaise humeur. C'est pourquoy je l'abandonne
et le donne au diable avec mon argent.

Je disois qu'en cela l'advis du medecin ne me plaisoit plus, et que, si
celuy de l'accouchée estoit pareil, que j'avois perdu mon argent aussi
mal à propos que celuy qui avoit acheté les drogues du charlatan.

Le lendemain, pour executer l'advis tout entier, je fus adverty qu'une
mienne cousine demeurant ruë Quimquempoix, autrement dicte ruë des
Mauvaises Paroles[25], estoit accouchée il n'y avoit que deux jours,
laquelle j'alay voir, et, après avoir congratulé l'accouchée, je la
priay me donner ce contentement de me cacher à la ruelle du lict aux
apresdinées, pour entendre le discours des femmes qui la venoient voir;
ce qu'elle m'octroya facilement, à la charge de l'en dispenser si
j'estois antiché de la maladie de la toux, parce que pour rien elle ne
voudroit cela estre descouvert.

Or, pour le faire court, le lendemain vingt-quatriesme avril, je m'y
transporte sur le midy, où, comme l'on m'avoit promis, je trouve à la
ruelle du lict une chaire tapissée pour me seoir, et une petite selle
pour mettre mes pieds. L'on ferme le rideau, et tout incontinent après,
à une heure attendant deux, arrivèrent, de toutes parts, toutes sortes
de belles dames, damoiselles, jeunes, vieilles, riches et mediocres, de
toutes façons, qui, après avoir faict le salut ordinaire, prindrent
place chacun selon son rang et dignité, puis commencèrent à caqueter
comme il s'ensuit.

Qui commença la querelle, ce fut la mère de l'accouchée, qui estoit
assise proche le chevet du lict, à costé droict de sa fille, qui
respondoit à une damoiselle qui lui demandoit combien sa fille avoit
d'enfans, et si c'estoit le premier? La fille accouchée rioit et n'osoit
parler, luy ayant esté deffendu, à cause de la fièvre causée de la
multitude de son laict, et la mère respond: Vramy, Madamoiselle, c'est
le septiesme, dont je suis fort estonnée. Si j'eusse bien pensé que ma
fille eust esté si viste en besongne, je luy eusse laissé gratter son
devant jusques à l'aage de vingt-quatre ans sans estre mariée; je ne
fusse pas maintenant à la peine de voir tant de canailles à ma
queuë.--Eh! Madame, ce dit la damoiselle, resjouyssez-vous, ce n'est que
benediction!--Par S. Jean, dit la mère, ce sont biens de Dieu, mais ce
ne sont pas des meilleurs, maintenant que l'on a tant de peine à marier
les filles et pourvoir les garçons; il faudra à la fin, bon gré mal gré
qu'ils en ayent, qu'ils soyent moynes et religieuses, car les offices et
les mariages sont trop chers.

--C'est la vérité ce que Madame dit, ce fit une damoiselle de haut
parage: je resens bien en moy-mesme ceste incommodité, et toutes les
financières de mon calibre qui s'estoient deliberez de pourvoir leurs
filles à de la noblesse, pour avoir du support cy-après, en cas de
recherche des financiers.[26] J'ay veu que nous estions quittes de tels
mariages pour cinquante ou soixante mil escus; mais à present que l'un
de nos confrères a marié sa fille à un comte, avec doüaire de cinq cens
mil livres comptant, et vingt mil escus d'or pour les bagues, toute la
noblesse en veut avoir autant à present, et cela nous recule fort; je
voy bien que, pour en marier une doresnavant, il faut que mon mary entre
en charge deux ou trois années davantage qu'il ne pensoit.

Sa damoiselle de chambre, qui estoit derrière sa maistresse, s'advança
de parler, et luy dit avec humeur: Madamoiselle, je ne sçay comment me
plaindre, puis que vous vous plaignez, qui avez acquis soixante mil
livres de rente en trois ans. Mon père, que vous sçavez estre procureur,
et qui a des moyens assez honestement, a marié au commencement ses
premières filles à deux mil escus, et a trouvé d'honnestes gens. A
present, quant il auroit douze mil livres comptant, il ne pourroit
trouver party pour moy, occasion qui a meu ma mère de convertir ma
souffrance en supercession, et me donner la coiffe et le masque pour
servir de servante et avoir la superintendance sur le pot à pisser et
sur la vaisselle d'argent.

--Et moy donc, se dit une servante qui estoit assise sur ses genoux près
de la porte, je suis plus à plaindre que vous autres: car autrefois,
quand nous avions servy huict ou neuf ans, et que nous avions amassé un
demy ceint d'argent, et cent escus comptant, tant à servir qu'à ferrer
la mule[27], nous trouvions un bon officier sergent en mariage, ou un
bon marchand mercier[28]. Et à present, pour nostre argent, nous ne
pouvons avoir qu'un cocher ou un palfrenier, qui nous fait trois ou
quatre enfans d'arrache-pied, puis, ne les pouvant plus nourrir, pour le
peu de gain qu'ils font, sommes contrainctes de nous en aller reservir
comme devant, ou de demander l'aumosne; on ne voit autre chose par ces
ruës.

--Et vous, Madame, à ce coing, vous ne dites mot? Le temps ne vous
importe-il point comme aux autres?--Je vous asseure, Madamoiselle, que
je ne m'estonne nullement de vos discours: car, ce qui est cause en
partie de ce desordre, je recognois que ce sont les bombances d'aucuns;
car moy qui suis marchande, je le cognois à la vente. Il est aujourd'huy
venu à nostre boutique un nombre de bourgeoises, conduisant une fiancée
pour achepter des estoffes, le fiancé present, qui menoit la fiancée par
dessous le bras; et comme je leur ay demandé quelles estoffes ils
vouloyent, ils se regardoyent l'un l'autre, et se disoient: Parlez,
Madame.--Moy, je m'en rapporte aux parens les plus proches.--Et comme je
ne pouvois avoir raison d'aucun d'eux de le dire, je demande quel estat
avoit le fiancé. Une bonne vieille respond: Il est d'un grand estat; il
est tresorier et receveur, et payeur des gages des conseillers et juges
presidiaux de Montfort[29].--Tresorier, ce dis-je alors, il faut
doncques des plus belles estoffes. Incontinent je desploye un velours à
la turque[30], un satin à fleurs, un velours à ramage, un damas meslé et
autres grandes estoffes; puis je demande au fiancé si ces estoffes luy
plaisoient. Il n'osoit respondre. Je m'en rapporte, dit-il, à ma
maistresse. La fiancée dit que c'estoit bien son cas; luy, au contraire,
se hazarde de parler, et dit que ces estoffes estoient de trop grand
pris pour sa qualité; qu'il n'avoit que cent livres de gages à son
office, et qu'il ne pourroit pas entretenir si grande vogue. Mais la
mère de la fille, qui n'a nul esgard à cela, dit qu'elle veut que sa
fille soit brave, et partant que l'on couppe: si bien que j'ay delivré
pour douze cens livres à monsieur le tresorier.

--Ho, ho! ce fit la femme d'un notaire, S. Gry! mon mary n'a point de
gages, et si je porte bien de pareilles estoffes, et si on ne m'en
donnoit j'en trouverois bien; je ne veux pas estre moindre que ma
cousine, encores que son mary soit officier du roy.

--Nous serions bien sottes, dit la femme d'un petit advocat du
Chastelet, de porter de moindres estoffes que cela; ce que nous en
faisons donne davantage de courage à nos maris de travailler, et plumer
la fauvette sur le manant pour nous entretenir[31], et si faut que nos
maris portent la soustane de damas pour nous honorer davantage, et non
pas un saye, comme au temps passé, qui ne passe pas la braguette, pour
les distinguer d'avec les conseillers.

--Madame, ce dit une autre, quelquefois cela ne dure pas; le temps n'est
pas tousjours propre à gaigner, les hommes ont de la peine.

--Hé! Madame, ce dit-elle, quand ils ont trop de peine, il faut leur
donner des aydes pour les soulager.

--Ha, ha, ha! ce fit une jeune bourgeoise qui avoit espousé un vieillard
de cinquante-six ans, qui estoit au milieu de la troupe, je me ris de
vos plaintes, mes dames; pour moy, je ne me puis plaindre, car ce dont
j'ay le plus de besoin, c'est ce que j'aurois tout à l'instant si je le
voulois: il y a assez de jeunes gens qui m'en font l'offre.

Alors l'accouchée s'azarde de parler tout doucement, et dit qu'autrefois
elle avoit esté ainsi curieuse d'estre brave; mais maintenant qu'elle
avoit tant d'houërs et ayant cause, qu'elle faisoit servir ses vieilles
besongnes[32] à habiller ses enfans. Et moy, je me passe à peu; mais
voulez-vous que je dise la vérité? ce n'est pas de bonne volonté, ains
par force, car je suis aussi ambitieuse que jamais.

Or, comme l'accouchée eust prononcé un arrest, on fit un silence, qui
fut cause qu'on entendoit au pied du lict une petite bourgeoise qui
parloit bas à sa voisine; et toutes deux sembloient se resjouyr, dont la
compagnie fut jalouse, pour participer à quelqu'autre nouvelle, qui fut
cause qu'une damoiselle proche leur dit: Mes dames, vous avez quelque
contentement en l'ame, puisque, mesprisans nos premiers discours, vous
vous estes entretenues vous deux sous un plus beau sujet.

--Madamoiselle, ce sont petites affaires particulières de nos maisons
qui ne touchent à personne.

L'autre dit:--Ma voisine, vous n'en serez pas deshonnorée pour dire ce
qui en est. La chose est honneste et profitable; tous ceux qui le
meritent ne le sont pas: c'est que le mary de madame brigue
l'echevinage; c'est ce dont elle se resjoüit.

--Ho, ho! il est donc fort aagé, monsieur vostre mary?--C'est vostre
grace, madamoiselle, il n'a pas plus de trente-cinq ou quarante ans;
mais c'est qu'il prend son temps: il a veu que ceux qui y sont à
present, ce sont gens (au moins quelques uns, da) de si petite estoffe,
et que trois ou quatre taverniers commencent à briguer pour y entrer,
qu'il s'est hazardé comme les autres, encore qu'il ne soit que procureur
du Chastelet. Il espère y faire ses affaires, s'il y entre.

--Et y gaigne-on donc quelque chose? ce dit une bonne mère qui avoit son
chaperon destroussé à la mode ancienne[33]. Par le vray Dieu, mon mary
deffunct, monsieur Dambray[34], qui a esté trois fois prevost des
marchands, n'a jamais profité à l'Hostel-de-Ville que d'un pain de
succre par an, aux estrennes; encore faisoit-il difficulté de le
prendre, et quand il est mort il a laissé par testament que l'on mist la
valeur de trois pains de succre au tronc de l'Hostel-Dieu de Paris, que
sa conscience et son ame n'en fussent en peine.

--Vramy, si ceux qui ont esté depuis luy, et qui ont mis tant d'estats
de charbonniers[35], gaigne-deniers[36], jurez-racleurs[37], porteurs de
foin et autres officiers de la ville, en leur bourse, estoient damnez,
il y en auroit bien. Et à present, quand les eschevins sortent de
charge, ils se font payer cinq ou six mil livres de vieux arrerages de
rentes sur toutes natures de deniers pour leur dernière main; et s'ils
n'ont point de rentes, ils acheptent des arrerages de la vefve et de
l'orfelin à six escus pour cent, et se font payer de tout comme ayant
droict par transport.

--Nostre-Dame! et où prennent-ils cet argent-là? On dit que c'est sur
les deniers du domaine de la ville et autres fonds que nous ne sçavons
pas; il n'est que d'estre en charge pour le sçavoir. J'espère bien que,
si mon mary peut gaigner les voix à force de briguer, qu'il viendra bien
à bout de tout aussi bien que les autres.

--Et voyez-vous, Madame (ce dit l'ancienne), au temps passé, le prevost
des marchands et eschevins avoyent plus d'esgard au proffit public qu'au
particulier. Tout cest argent que l'on mange à present en banquets (car
on y disne tous les jours), en estrennes, en superfluitez du feu de la
Sainct-Jean[38], en payement d'arrerages de rentes et autres choses que
nous ne sçavons pas, s'emploioit à fortifier la ville, à refaire les
quais rompus, dont l'argent se prend à present sur l'escu cinq sols qui
a esté imposé sur le vin des bourgeois, et qui jamais ne sera cassé[39];
plus, à faire travailler les pauvres valides, à remuer la terre des
fossés de la ville[40] et autres choses nécessaires. Et de fait, on ne
voyoit point de pauvres; car, pour les vieux et impotens, on les
nourrissoit à l'hospital S.-Germain[41]; toutesfois, si depuis la mort
de mon mary ils ont obtenu lettres patentes du roy pour faire leur
profit particulier de ce qui appartient au public, à la verité je ne le
sçay pas.

--J'ay ouy murmurer que le roi avoit donné commission à deux maistres
des requestes pour faire la recherche[42] de ceux qui prennent des
droicts qui ne leur sont point attribuez; mais je pense qu'ils ne
s'attaqueront pas à ces gens-là: ils ont trop d'amis et de faveur. Et
toutesfois il n'y auroit point de danger de s'informer pourquoy on prend
dix sols tournois pour les frais de chacune voye de bois, et pourquoy
les eschevins permettent que le bois se vende plus que le taux que l'on
y met: car autrement nous n'avons que faire d'eschevins, s'ils ne
servent qu'à faire vendre les denrées plus chères qu'il ne faut.

--Là, là, Madame; vous avez fait vostre temps, laissez faire les
affaires aux jeunes gens, et ne ramentevez point le chat qui dort[43].

--Je m'estonne pourtant que la cour de parlement n'y met ordre.

--M'amie, cela n'est pas de leur justice; chacun a son cas à part: la
reformation de la justice leur appartient, et non pas du bois.
Sçavez-vous pas bien que ces jours passez monsieur le president
Chevalier[44] a ressemblé à celuy qui pour faire peur aux souris avoit
escorché un rat? Depuis qu'il a fait faire le procez au procureur
general de sa justice, tous les commissaires ont tremblé, et si on
frippe quelque chose, c'est en cachette.

--Mais, Madamoiselle, disons la vérité sans faintise: s'il y a eu du
desordre, nous sçavons bien en nostre particulier d'où il procède.
Comment seroit-il possible d'entretenir les garçons de ce temps si on ne
desroboit? Il n'y a fils ne petit-fils de procureur, notaire ou advocat,
qui ne vueille faire comparaison en toutes choses avec les enfans des
conseillers, maistres des comptes, maistres des requestes, presidens et
autres grands officiers. L'on ne les peut distinguer ny en habit, ni en
despence superfluë. Ils hantent les banquets à deux pistoles[45] pour
teste; ils empruntent argent[46], joüent aux dets, au picquet, à la
paulme, à la boule, vont à la chasse, et font le mesme exercice des
grands. Ils empruntent à usure de Traversier, de Dobillon et de
l'Italien Jacomeny[47], qui sont les receleurs de la jeunesse. Et puis
qu'en advient-il enfin? Ils sont contraints de faire l'amour à la
vieille, ou d'anjoler la fille d'une bonne maison, leur faire un enfant
par advance, à fin d'estre condamnez à l'espouser.

Une vieille qui estoit à la trouppe respond: Amen. Ce que vous trouvez
mauvais, je le trouve bon: quand les vieilles peuvent trouver quelque
jeune gars pour leur argent (pourveu qu'il soit bien morigené), c'est un
bon heur; il y a de plaisir pour l'un et pour l'autre: l'un prend la
courtoisie, et l'autre la commodité; cela faict subsister la jeunesse
selon son ambition, et faict vivre la vieillesse plus long-temps. Et que
servent les biens que pour cela?

--O Madame! ce que vous dictes est le suject d'un grand peché: car, sous
ombre d'une nuict ou deux que vous en prendrez contentement, il en
vient un grand malheur: on ne voit que bastars[48], que filles
desbauchées; et toutes les autres qui sont honnestes, qui pourroyent
enjandrer une belle race par un legitime mariage, fait de pareil à
pareil, demeurent en friche, et n'ont pour toute retraicte que la
religion[49].

Et puis qu'en advient-il quand ils ont dequoy despendre[50]? Une
feneantise, hommes sans soucy, sans travail, plus apres à chasser un
lièvre que de servir leur roy et la republicque. Et si d'avanture vous
les faictes entrer par vostre argent à quelque office, si c'est à la
cour de parlement, il faut estudier à monsieur Mozan; si c'est à la
chambre des comptes, à Robichon avec son calpin. Et puis, quand ils
sont receus, cahin, caha, ils ne sçavent par quel bout commencer la
justice; et par ainsi les cours souveraines sont remplies de beaux fils
et bien peignez, logez à l'enseigne de l'Asne.

L'accouchée avoit la teste rompuë de ces discours et commence à dire:
Mesdames, vous me faictes apprehender le temps advenir; je n'ay que
vingt-quatre ans et demy, et sept enfans: si je faits ma portée selon
nature, et que toutes choses augmentent comme ils font, j'envieilliray
de soin, et non d'aage.

--Hé! ma fille, ne songez point à cela; j'y songe assez pour vous.
Prenez courage: le grand desordre qui est à present engendrera un bon
ordre; l'on fera des edicts qui regleront toutes choses; l'on cognoistra
le marchand d'avec le noble, l'homme de justice avec le mechanique, le
fils de procureur avec le fils de conseiller, et puis vostre mary mettra
bon ordre à pourvoir ses enfans selon ses moyens, et si vous avez
encores à heriter de moy pour plus de deux mil cinq cents livres pour
une fois payer; est-ce pas un beau denier à Dieu? De quoi vous
mettez-vous en peine?

--Ma mère, vous estes du bon temps; vous avez accoustumé de ne manger du
roty qu'une fois la sepmaine, encore n'est-ce qu'un aloyau; mais nous ne
sommes pas accoustumez à cela, et si je croy qu'il nous y faudra
accoustumer, si la chair est tousjours si chère.

--Sainct Gry! j'avois accoustumé par sepmaine de ne despendre à la
boucherie que quatre livres dix sols; maintenant je donne à nostre
chambrière cent sols, et si nous mourons de faim. Il faudra doresnavant
manger le potage le matin, et la chair le soir, pour observer
l'ordonnance de Philippe le Bel[51].

--Je voy bien que Madamoiselle, qui n'est pas de ceste ville, se rit de
nostre petitesse; mais que voulez-vous? chacun selon ses moyens.--Et la
damoiselle respond: Madame, chacun se sent de cherté et du peu de
proffit qui se fait à present aux offices, pour le trop grand nombre
d'officiers qu'il y a. Et n'estoit qu'en nostre chambre des comptes de
Normandie, d'où je suis, les officiers s'allient avec les comptables, et
meslent leur gain ensemblement, nous ne pourrions, non plus que vous à
Paris, entretenir nostre grandeur; mais, Dieu mercy, ils s'entendent
bien ensemble.--Et, Madamoiselle, je pensois que la Chambre des Comptes
fussent les juges des comptables?--Hé, Madame, autrefois la linotte et
le chardonneret estoient à part en diverses cages; mais à present tout
est en mesme vollière.

--Je vous asseure, ce dit une femme qui n'avoit encores point parlé,
maigre, pasle, melancolique et pleine d'inquietude, mon mary, qui est
advocat à la Cour, gaigne ce qu'il veut, fait les affaires de tous ceux
de la Religion (comme en estant aussi, da); mais il me semble que tout
ce qu'il gaigne fond en ses mains; je ne voy autre chose en nostre
maison que des demandeurs: l'un vient querir la taille ordinaire du
corps du tresor de la Religion, l'autre la cure[52] de monsieur de Rohan
et de Soubize, l'autre le nouvel entretenement des ministres, la cure
des espions de France, d'Espagne, d'Angleterre, d'Italie, de Flandres,
et de toutes les contrées. Bref, j'ay compté qu'en ceste année j'en ay
pour plus de cent escus à ma part; moy, si cela dure, j'aime bien mieux
que mon mary face le papelart, et qu'il aille à la messe, que de
continuer. Pour cela, ny luy ny moy ne croirons que ce que nous
voudrons; au moins nous serons dispensez de telle taille. Aussi bien
dit-on que les excommunications que font nos ministres contre ceux qui
se retournent n'ont non plus de force et de vigueur que le soleil de
janvier.

--Hé! Madame, quand vous ne croyez à rien qu'à vostre fantaisie, vous
n'estes pas cheute de haut: car tous ceux de vostre religion ont pris à
ferme à vil pris l'ateysme; et qui est cause qu'il n'y a ny enchère ni
tiercement[53], c'est qu'il n'y a rien à gaigner, ny en ce monde, ny en
l'autre: et cela vous demeurera, et si en jouyrez long-temps, si par la
loy du droict canon on ne vous force à mieux faire.

--Madamoyselle, ceste Religion est si douce à supporter, que tous ceux
qui y entrent, ils en sortent difficilement. Et pour mon regard, lorsque
j'en sortiray ce sera à mon grand regret, car, que je face ce que je
voudray, je ne suis point obligée de le confesser; que mes père, mère et
parens meurent, je me resjouys au lieu de pleurer, car je croy qu'ils
sont sauvez; que le caresme et jeusnes viennent, je suis dispensée pour
manger de la chair; que nous mourions subitement, nous n'avons point
peur du purgatoire; et bref, que les anges, les saincts et sainctes
ayent du pouvoir par leurs prières envers Dieu, nous supprimons tout
cela et vivons en liberté d'esprit; que si ceste taille estoit aussi
bien supprimée, nous nous mocquerions de tout le monde.

--Vrayment, c'est une mauvaise police, de permettre qu'il y ait en
France des subjects qui contribuent pour faire la guerre contre leur roy
legitime! Je vous prie, Madame, cachez vostre vice, et parlons d'autres
choses. Avez-vous beaucoup d'enfans?--Elle respond: J'avois trois
garçons et deux filles; mais le mal'heur m'en a voulu qu'un de mes
garçons, qui estoit à la suitte de: monsieur de Soubise[54], a esté pris
prisonnier, et mené aux gallères avec les autres; un autre fut l'autre
jour tué en revenant de soupper de la ville, pour vouloir sauver son
manteau: excusez si je ne vous ay fait prier de l'enterrement; nous
n'avons point fait de ceremonies, nous l'avons mis en nostre jardin au
pied d'un saux[55].--C'est donc là vostre cymetière, ce dit la dame?--Et
elle respond: Toute terre est bonne à cela.--Et quelle raison avez-vous
eue de ceste mort?--Mon mary a poursuivy et fait prendre plusieurs
volleurs; mais par ce qu'il ne s'est pas voulu rendre partie, on les a
eslargis. Il est bien besoin que Dieu face la vengeance des meurtres,
car les prevosts criminels ne la font que pour de l'argent.

--M'amie, c'est qu'il faut qu'il se remboursent de la vente de leurs
offices, lesquels anciennement on donnoit, speciallement le chevalier du
guet[56], le prevost des mareschaux[57], le prevost de l'Isle[58], le
prevost de la connetablie[59], et autres de justice criminelle; et
tandis que l'on leur vendra, jamais ne feront rien qui vaille. Le
messager d'Estempes fut l'autre jour vollé de quatre-vingts ou cent
escus; comme il fit sa plainte, et qu'il demandoit que l'on courut
après, le prevost des mareschaux luy demande cent escus d'avance pour sa
chevauchée, et, voyant que c'estoit double perte, il a mieux aymé
laisser la poursuitte du vol que d'en perdre d'avantage.

--O Dieu! quel desordre! Je ne croy pas que le roy sçache la moitié de
ce qui se passe, car, s'il le sçavoit, il y mettroit ordre: il feroit
observer les loix. A quoy servent tant d'huissiers et sergens? A faire
monstre au mois de may[60], et à piller le manan; tant de prevosts de
mareschaux? à faire pendre ceux qui n'ont point d'argent; tant de juges
criminels? à bien prendre pour acquitter les debtes qu'ils contractent
pour achepter leurs offices; tant de commissaires de Chastelet? à
prendre pension des garses[61], des maquerelles, des boulengers et de
tous ceux qui vendent viandes[62], car à present tout est permis.

--Je ne sçay si ces gens-là enrichissent, et si leurs biens durent
long-temps, car mon père, de son vivant, me disoit: Ma fille, les biens
que je te laisse viennent de mes grands-pères et bisayeuls, et
profiteront à tes enfans, s'ils sont gens de bien et qu'ils facent la
raison à la vefve et à l'orfelin, qu'ils ne prennent rien qu'ils ne
l'ayent bien gaigné. C'est pourquoy, disoit-il, on ne voit point ès
maisons des financiers d'anciens héritages, car, quand ils font bastir
maisons, fermes et chasteaux, ils sont plustost hypotecqués qu'ils ne
sont couverts, plustost vendus qu'ils ne sont achevés, ou, s'ils
viennent à deperir, les grandes debtes sont causes qu'ils tombent en
masure.

--Aussi vray, Madame, à propos de cela, la pluspart de mes parens
estoyent financiers, et qui avoyent grande vogue de leur temps, et si
j'ay esté long-temps si beste que je m'attendois à leur succession:
j'avois mon oncle le Hou, premier commis de l'espargne, mon cousin
Regnault, tresorier de l'extraordinaire, mon cousin Regnard, receveur
general de Paris, mon cousin Puget[63], les Bourderets, les Salvancy,
et un tas d'autres ou il n'est pas resté du fil à lier un boudin.

--Il y en a bien d'autres: et Montescot[64], Sancy[65], Geperny,
Des-Ruës, la Bistrade[66], et ce grand fermier Louvet[67]. Vramy! il n'y
a point de faute de torcheculs sur leurs heritages, car il y a bien des
placarts; je ne sçay plus à qui on se fiera.

--Pour moy, j'ay envie de me mettre du party de celuy qui a entrepris le
pont au Double[68], car luy et ses associez sont de bons compagnons; ils
ont trompé la cour de parlement et le public: ils ont fait semblant de
commencer un pont de pierre, qu'ils n'acheveront jamais[69]; et ce
pendant, avec un double de chacun homme, un sol du carrosse et de la
charette, le tribut des vidanges que l'on y porte, l'impost du bois
flotté, et autres imposts qu'ils prennent, ils tirent par jour plus de
soixante livres, et sont plus que remboursez des frais qu'ils ont faits;
et cependant font accroire que cela ne vaut rien, et continuent à
prendre le jour et la nuict, et s'entendent avec les volleurs, qui, à
une heure induë, pour un escu de tribut passent la rivière.

--M'amie, c'est faute de le faire entendre à monsieur le procureur
general de la Cour: c'est un homme qui n'entend point de raillerie; s'il
le sçavoit, il y mettroit bon ordre; il empescheroit bien que trois ou
quatre partisans trompassent ainsi le public.

Toute la compagnie ne s'ennuioit point de ces discours; et cependant
l'accouchée, qui avoit envie de pisser, poussoit sa mère pour donner
congé à tous; et moy, qui estois à la ruelle, qui manquois de papier et
d'encre, me faschois de ne pouvoir tenir plus long registre de ce qui se
passoit, pour en advertir ceux qui y peuvent mettre ordre, remettant le
tout à une autre après-disnée.



LA SECONDE APRÈS-DISNÉE

DU CAQUET DE L'ACCOUCHÉE[70].


Comme ordinairement, aux maladies froides et humides, la melancholie y
tient le premier rang, et que le seul remède de dissiper tous ses
nuages, c'est de prendre une heure de passe-temps pour se rasserener les
esprits debilitez et attenuez par la longueur de l'indisposition, ayant
veu ces jours passez que j'avois repris une partie de mon embonpoint à
entendre les devis recreatifs des femmes qui estoyent venuës visiter ma
cousine, accouchée depuis peu à la ruë de Quinquempoix, je me resolus,
puis que l'occasion m'avoit esté si favorable, et que tout avoit
tellement reüssy à mon advantage, d'y retourner pour la seconde fois,
esperant, si le caquet de la première après-disnée m'avoit apporté
quelque vigueur et quelque accroissement de santé, que les gaillards
entretiens de la seconde journée ne m'apporteroyent pas moins de force
et de soulagement à dissiper le reste de l'humeur melancholique que la
maladie me pouvoit avoir laissé imprimé en la puissance imaginative.

Cette resolution, excitée plustost d'une consideration interne de
reprendre mes premières forces, que d'une curiosité particulière que
j'aye d'entendre leurs discours (sçachant trop bien, selon ce que
j'avois peu voir auparavant, que les entreprises des femmes ne sont
fondez le plus souvent que sur des choses inutiles et de peu de
consequence), esveilla en moy un desir d'en voir la fin aussi bien que
le commencement. Je m'y rencontray donc à l'heure precise, où je trouvay
madame l'accouchée qui commençoit un peu à se bien porter. Je
m'enquestay de sa maladie, et elle reciproquement de ma disposition; je
luy dis qu'à la verité depuis l'autre jour qu'elle m'avoit fait ce bon
heur que de m'insinuer dans la ruelle de son lict, et que j'avois
entendu les discours des femmes qui l'estoyent venu voir, que ma maladie
s'estoit de beaucoup diminuée.--Vramy, mon cousin, respondit-elle, vous
en orrez bien tantost d'autres: car on m'a adverti que je recevray ceste
après-disnée la plus jovialle compagnie qui se puisse imaginer; mais,
afin que vous y preniez du contentement et que vous ne soyez descouvert,
derrière le chevet de mon lict il y a une petite estude, où l'on peut
entrer par une petite porte: de là vous entendrez facilement et sans
aucune doute.

Je fus quelque temps, depuis une heure jusqu'à deux, à discourir avec
elle sur diverses particularitez qui se presentoyent; enfin, sur les
deux heures on commença de frapper à la porte: cela me fit resserrer
subtilement dans l'estude prochaine, qui respondoit sur le chevet du
lict, d'où je pouvois facilement et contempler les actions des femmes et
entendre leurs discours. La chambre bien parée, et les siéges dressez,
la compagnie entre, chacun prend sa place, on se saluë, et demeurèrent
quelque temps sans rien dire, comme par ceremonie et par respect l'une
de l'autre; toutesfois, comme les langues des femmes ne peuvent demeurer
arrestées, n'y ayant rien de plus mobile qu'elles, une damoyselle
d'auprez de la porte Sainct-Victor s'avança de dire: Vramy, Mesdames,
vous estes bien ceremonieuses; s'il vous arrivoit ce qui m'arriva
l'autre jour, sur les onze heures du soir, devant les Carmes
deschaussez, vous ne parleriez jamais de ceremonies: j'y fus entièrement
bruslée; c'est la raison pourquoy je n'ai pas deffait mon masque en
entrant[71], car je ne suis pas encor guarie tout à fait.

--Comment, ma cousine, respondit une jeune mariée, estiez-vous à ce feu?
Je ne vis jamais un tel desordre ny tant de degasts; un de mes frères y
a eu aussi toute la face emportée, et n'y a encor aucune apparence de
guarison.

--Mais à quoy bon toutes ces superfluitez? dit alors une vieille
edentée? De mon jeune temps je n'oüis jamais parler de canoniser les
saincts de la façon[72]; c'est plutost les canonner que les
canoniser[73].

--Tout beau, tout beau, ma tante, dit une marchande de la rue
Sainct-Denis: on en a bien fait davantage à Rome. Ce sont des
resjouyssances publicques, il n'y a point de danger de faire quelques
fois ces superfluitez, quand on y est porté d'une pure et sincère
affection. Et puis, ce que les Carmes deschaussez en ont fait, ce n'a
esté que par le commandement de la reyne, qui a fourni ceste despence, à
cause que saincte Therèse estoit d'Espagne[74].--Il n'importe, on y a
plus offencé Dieu mille fois que lui faire honneur, dit une bourgeoise
d'auprès Saint-Leu. Je vous promets, pour moy, que je n'approuve
aucunement ces choses. Combien pensez-vous qu'il y ait eu de filles
enlevées? Tous les bleds des environs sont renversez et bruslez; il ont
trouvé le mois d'août plustost que celuy de juillet.--Pour moy, dit la
femme d'un advocat du grand conseil, j'eusse esté d'avis de mettre
toutes ces superfluitez à la decoration de leur eglise; à tout le moins
cela leur fust demeuré, et les eust-on estimé d'avantage, sans faire
evaporer tant de richesses en fumée; cela eust allumé le feu de devotion
dans le cœur de ceux qui les eussent visité, où, au contraire, tout
l'air voisin et les champs des environs ont esté embrasez de leur
fuzées; j'ay encore un colet monté à cinq estages[75] qui est
entièrement gasté. Encor si on eust allumé le feu à huict heures, on
n'y eust perdu tant de manteaux: tous les escoliers y estoyent en armes.

--Mais ce qui est plus à rire, ma commère (dit la femme d'un procureur
de la paroisse Sainct-Germain), c'est qu'en allant à l'eglise des Carmes
deschaussez, j'entendis crier la Vie et miracles de madame saincte
Therèse. J'en voulus acheter une, afin de pouvoir gaigner les
indulgences; mais comme je fus retournée au logis, mon mary commença à
lire, et fust estonné qu'on avoit attribué deux pères à saincte
Therèse[76]: le premier, le roy dom Bermude, et le second, Alonse
Sanchez de Cepède; il n'y a peut-estre personne d'entre nous autres qui
y eut pris garde.

--C'est peut-estre la faute de l'imprimeur, dit la femme d'un libraire
de la ruë Saint-Jacques; cela est excusable: c'est une chose qui arrive
souvent; on rapporta l'autre jour un livre à mon mary, où il y avoit
autant de fautes que de mots.--Une femme du palais, que tout le monde
cognoist assez bien, luy respondit: Ma commère, il ne se faut pas
esmerveiller: l'autre jour nous avions fait faire un factum chez un
certain imprimeur, demeurant en l'université, qui est bon compagnon;
mais je ne vis jamais tant de fautes: en tous les lieux où il falloit un
V, il y avoit mis un Y grec[77]; je ne sçais pas si c'est pour declarer
à tout le monde que mon mary porte les cornes.

--Porter les cornes, dit la femme d'un conseiller de la Cour! il y a
plus de dix ans que mon mari en porte quelques unes, qui
l'accompagneront en fin jusques au tombeau; aussi bien a-il desjà un
pied dans la fosse; rien ne luy servira d'avoir une barbe reverende et
une calotte à l'antique.

--Tout beau, ma cousine, dist la femme d'un Maistre des Comptes: il ne
faut jamais scandaliser son mary, principalement en une bonne compagnie.
Il faut empescher tant qu'on peut les langues de mal parler, et
particulièrement d'un bon vieillard comme vostre mary; cela est mal
seant: le bon homme n'y songe pas peut-estre; encor faut-il porter
quelque respect à sa barbe.

--Mais à propos de barbe, dit une de la rue Sainct-Honoré, je vois
quelquefois passer un prelat, je ne sçay s'il est evesque ou
archevesque[78], mais je ne vis jamais une telle barbe; on dit qu'il
est tous les jours pour le moins deux heures à la peigner et attifer; il
n'y a point de ferremens assez à Paris pour la friser; il en fait venir
de Normandie.--N'en sçavez-vous que cela? dit une dame de la Cour. Je
cognois de nom et de surnom celuy dont vous parlez. Mais il fait bien
d'avantage: il a esté si curieux qu'il s'est fait peindre en cinq ou six
endroicts de ceste ville, et a envoyé des coppies de son pourtraict à
Rome, pour ravir les cardinaux de la beauté de sa barbe. Mon fils m'a
dit l'avoir veu en plus de six endroicts depeint dans Rome.--C'est de
quoy le reprenoit dernièrement un abbé vestu de rouge (dit la vefve d'un
Maistre des Requestes); mais il ne s'en soucie pas beaucoup, car, avec
le temps, il espère que sa barbe parlera grec, comme celuy qui la
porte.--Ho! ho! grec! dit une bossüe qui avoit leu la Bible, ce seroit
pire que l'asne de Balaam, qui parloit hebreu.--Vous avez leu la Bible,
luy dit une boiteuse qui estoit assise contre le pied du lict.--A la
verité, Madame, j'en ai leu quelque chose; quelques fois j'y passe une
heure de temps.--Mais est-ce à faire aux femmes à lire et manier un
livre si hazardeux, qui tuë et occist ceux qui le veulent expliquer et
manier trop indiscrettement? Voilà d'où viennent tant de ministres et
tant d'errans que nous voyons aujourd'huy, qui tourneboulent, couppent,
rongnent et disposent de l'Escriture selon leur plaisir. Si est-ce
qu'ils ont beau feuilleter, on ne trouvera jamais dans la Bible qu'il
faille se rebeller contre son roy, et se partialiser contre l'authorité
de son souverain.--La bossüe alloit respondre, mais l'Accouchée, levant
un peu sa teste, ce pendant qu'on relevoit son oreiller: Mais, dit-elle,
Mesdames, vous ne dictes rien de l'armée; n'y a-il rien de nouveau? Il y
a long-temps que je n'en ay entendu aucun bruit.

La femme d'un courrier extraordinaire, de la ruë aux Ours, prenant la
parole: Je receus, dit-elle, des lettres hyer au soir de la Cour, par où
on me mandoit que tout succedoit entièrement selon la volonté du roy:
les rebelles ne furent jamais si mal menez. Montauban est aux
abbois[79], la Rochelle enclose et fermée par mer et par terre[80]. Il
ne reste plus qu'à bien servir sa Majesté, comme font quelques uns; mais
il y en a d'autres qui veulent faire leur main, aussi bien que le
connestable deffunct, qui en un jour mettoit dix ou douze mille hommes
dans sa pochette: il y a de la tromperie partout[81].

--Tromperie! dit une sculptrice de la ruë Sainct-Martin. Mercy de ma
vie! je vois là tous les jours devant ma porte mille sortes d'inventions
pour attraper l'argent du roy. Il ne suffit pas aux tresoriers de
gaigner cent mille escus en un an, ils veulent faire leurs commis et
partisans aussi riches qu'eux: s'il faut mener une voye d'argent à Sa
Majesté[82], on prendra quatre cens hommes à qui l'on baillera tous les
jours un escu ou deux pour gages, de sorte que devant que l'argent soit
à l'armée, on trouvera, si on veut bien conter, qu'il couste quinze ou
seize mil escus à le mener. Et cela se fait tous les mois. Encor si ceux
qui conduisent les chariots se contentoient de cela; mais par où ils
passent, ils ruynent et gastent tout (je ne dis pas qu'il ne faille
accompagner l'argent qu'on envoye à Sa Majesté par un bon nombre de
soldats; mais il y a moyen de les treuver à meilleur marché).

--J'entendois l'autre jour chez M. le prince qu'il s'en plaignoit
grandement (dit une fille de chambre).--Aussi y a-il de l'interest,
respondit sa sœur: car il est un peu avaricieux; il a bien pris son
temps: voicy une belle occasion, où il se garnira comme il faut. Quant
je pense à ses liberalitez, je ne peux me tenir de rire. Il me souvient
que j'estois un jour à la messe aux Enfans-Rouges, où de fortune il
arriva. Comme il entendoit chanter un _Salve_, il demanda à celuy qui
chantoit combien il prenoit.--Dix-huict deniers, Monsieur, luy
respondit-il, car il ne le cognoissoit pas, tant son train est
grand.--Tiens, dit-il, chantes-en un pour moy, je te donne trois sols.
N'estoit-ce pas se mettre en frais?

--C'est à faire à M. de Soubize (dit une autre qui estoit freschement
revenuë de Poictou) de se mettre en frais; il y entre jusques aux reins,
et sans son cheval, qui estoit fort et massif, il y eust entré pour
jamais; aussi l'a-on placé et enroollé dans la Chronologie et le
martyrologe des rebelles[83], qui est grossi depuis un an de trois
volumes entiers.

Une certaine de Languedoc: On n'a garde d'y mettre M. de Rohan
(dit-elle), ny de l'enchroniquer si avant dans les Annales: car il ne
s'est jamais trouvé aux meslées; il sçait mieux escrimer de l'espée à
deux jambes que d'une picque. Ne l'a-il pas fait paroistre à
Saint-Jean-d'Angely[84] et en tant d'autres lieux, où sa poltronnerie
l'a signalé par dessus tous ceux de son party? Pour M. de la Force, il a
joüé un tour de son mestier: car quand il a veu qu'il estoit forcé, et
que toute sa force avoit perdu sa pointe devant Thonins, Clerac et
autres places, il s'est rendu quasi comme en reculant, et a attrappé de
bon argent[85].

--Il ne le tient pas encore (dit une grande dame qui a esté mariée
depuis peu à un homme de soixante ans); je sçay de bonne part qu'il n'a
encorerien touché, sinon la promesse que M. de Chomberg[86] luy a
faicte; mais il faut qu'il face voir les effects de la sienne
auparavant.

--Pour mon regard (dit alors une marchande du Palais), c'est une
estrange chose que nous ne faisons plus rien: il n'y a plus de curiosité
à Paris; depuis que le roy est party[87], nous n'avons fait aucun
trafic; la boutique, qui souloit estre remplie, est vague; les
courtisans et la noblesse s'en sont allez avec le roy, de sorte que nous
perdons infiniment; et encor, qui pis est, les loüages des boutiques
nous ruynent.

--Comment, loüage! respondit une gantière de dessus le pont Nostre-Dame.
Vramy, vous devez bien vous plaindre! Je ne sçay comme on n'y met ordre:
il n'y a pas un petit trou sur le pont, depuis le bruslement[88] et
l'incendie du feu qui arriva en octobre dernier, qui ne soit rehaussé
de la moitié; nous ne gaignons pas le loüage de nos chambres; encor,
depuis que la mode est venuë de porter des gans à l'Occasion et à la
Negligence[89], toute la marchandise que nous avions à la Guimbarde[90]
a perdu sa vente et n'est plus en credit. Mais patience! puisque c'est
la mode, il faut vivre à l'Occasion.

Sur ce mot de mode et d'occasion, une jeune brunette qui vend de
l'encre nouvelle[91] sur le pont: Hélas! dit-elle, ma mie, c'est bien à
nous à nous plaindre des destins si cruels, et à vivre à l'occasion! La
fortune nous a bien tourné le dos; depuis que le roy est party, nous
n'avons pas gaigné un teston en nostre boutique. Si ce n'estoit le petit
trafic que nous faisons au logis, je ne sçay comment il nous seroit
possible de vivre. Ce n'est pas faute de marchands, nostre boutique est
tousjours assez garnie: vous y en trouverez tousjours trois ou quatre;
mais leur bourse est si sterile qu'il n'y a point moyen de tirer ny
d'arracher une pistolle d'eux.

Sa sœur alloit advancer quelque propos; mais sa mère, interrompant
son discours, bien que d'un front ridé, dit ces paroles: Mes enfans, il
faut prendre patience; nous sommes en un temps miserable, où le vice a
tellement pris pied dans la nature que la vertu s'en est bannie et
exilée d'elle-mesme; on ne parle que de coupeurs de bourses, que de
Grisons[92] et Rougets[93]; et mesme c'est une chose estrange que les
archers, qui devroient empescher le desordre, au lieu d'y prendre garde,
s'endorment et s'assoupissent sur la venaison.

--Et moy, dit une jeune marchande d'auprès le Chastelet qui dès le
lendemain de ses nopces à emmoysé[94] et acteonisé son mary, le plaçant
dans le zodiaque au signe du Capricorne, arrive ce qu'il pourra, je ne
peux plus manquer; il ne m'en chaut que nous ayons guerre ou paix, je
suis asseurée sur un bon et ferme pillotis; mes enfans ont des benefices
dès l'instant de leur conception, et mesme devant que l'embrion soit
formé.

--Je ne m'estonne plus pourquoy les femmes ont tant de mal à se
descharger de leur fruict, dit la mère de l'accouchée, veu que leurs
enfans sortent avec la crosse et la mittre en teste.

--Mes enfans, repliqua la marchande, n'ont ni crosse ni mittre, mais
j'espère que celuy en qui j'ay fondé ma confiance en aura bien-tost; à
tout le moins on m'a dit que l'evesché[95] est en grand bransle, et
qu'il sent bien la resinée. Si cela est, je vous laisse à penser du
succez de mes affaires, et comme je m'accommoderay, pourveu qu'il me
face tousjours participante de ses affections et de sa faveur.--Mais
vous n'en dictes mot, de la faveur, dit une fille de chambre qui aymoit
à parler des affaires d'estat.

--Ne parlez point de choses qui nous sont indifferentes, repliqua sa
maistresse: les murailles ont des oreilles; on ne sçait quelque fois
devant qui on parle.

--Il est vray, Madame, dit la femme d'un advocat du Chastelet: on me
disoit l'autre jour qu'une honneste compagnie estant venuë voir madame
l'accouchée, qu'il y avoit derrière son lict un certain quidam qui
tenoit registre de tout ce que la compagnie disoit; ce qui ne tourne
qu'à nostre desavantage, car chacun nous appelle caqueteuse. Si
d'avanture il y estoit maintenant, il nous luy faudroit bailler son
change.

Et moy qui entendois toutes ces plaintes, je me resjouyssois de n'avoir
pris ma première place, car sans doute on m'eust faict un affront.

--Nostre Dame! dit alors une damoiselle de marque, parlant à
l'accouchée, y auroit-il bien quelqu'un de si hardy que de nous jouër ce
tour-là?

--Je vous promets, madamoiselle, que je n'en ay ouy parler aucunement.

Une vieille ridée alors se leva: Je vous jure saincte Brigide (dit-elle)
que j'en sçauray la verité. Et de ce pas elle alla en la ruelle du lict,
où elle trouva le nid; mais l'oyseau s'estoit envolé. Et moy, qui
m'esclattois de rire, je ne peus jamais mettre en ligne de compte tout
ce que deux ou trois bourgeoises se disoyent secrettement à l'oreille.
Là, là, Madame, en bonne compagnie il ne faut rien celer: est-ce de la
faveur que vous parlez?

--Comment parlerions-nous de la faveur? il n'en a plus.

--Il y a deux ans que le feu connestable faisoit bien ses affaires
devant Sainct-Jean-d'Angely, dit l'autre[96]: il avoit la solde pour
40,000 hommes, et n'en entretenoit pas vingt-cinq mille. C'est la cause
qu'on n'a pas pris Montauban l'an passé, ma commère: il n'avoit pas
seulement dix mille hommes là devant. N'est-ce pas une volerie? Mais il
a trouvé le terme de ses pilleries dans Monheur[97].

--Je voudrois que vous eussiez veu la prediction du curé de
Mil-Monts[98] sur ce sujet, dit la femme d'un astrologue de
l'Université; vous l'eussiez admiré. Il y a bien dix mois qu'il
l'apporta en nostre logis[99]; elle estoit ainsi:

    Quand L. sera changé en R.
    Et Loys changé en vray roy,
    Lors nous verrons ce vice-roy,
    Ce connestable de Luyne,
    Qui s'esvanoüira en LaiR,
    Et sera changé en Ruyne[100].

Jamais il ne fit prediction[101] plus certaine; mais de ses deux frères
on n'en parle plus. Que font-ils?

Lors la femme d'un certain secretaire porte-calotte dit: Madame, depuis
que la teste est à bas, tout le reste ne vaut plus rien. Je l'ay bien
remarqué en nous depuis la mort de feu Mgr. le connestable: nous y
perdons plus de cent mil escus; ses deux frères[102] n'y perdent pas
moins. Il y en eut un l'autre jour qui pensa mourir à Saumur de despit:
il voulut jouër en trois rafles avec un certain de la cour; mais de
malheur il ne sceut amener qu'une rafle de quatre, et l'autre luy donna
une rafle de cinq. Aussi il ne faut jamais s'adresser à des mareschaux:
ils sont du naturel des chevaux, ils ruent.

--Mamie, dit une dame de la cour, la decadence de l'un, c'est
l'eslèvement de l'autre: le marquis d'Ancre est tombé, Luyne a pris sa
place; Luyne est tombé. Pour trois pelerins qui alloyent en Esmaü, on
vit aussitost naistre quatre evangelistes dans le conseil. Maintenant on
ne faict plus rien que par l'advis de M. le prince de Condé, c'est le
ressort de la guerre[103]; mais le roi commence à s'ingerer dans les
affaires plus avant qu'il n'avoit encore faict; luy-mesme il veut
assister à tout ce qui se delibère. Cela sera cause que plusieurs
n'oseront desrober si hardiment que l'an passé.

Une femme de Tresorier d'auprès l'hostel de Guise, voulant mettre son
nez en cette cause: Arrive, dit-elle, ce qui pourra, Monsieur de
Joinville ne s'en soucie pas; il est maintenant remplumé[104], il a
l'oyseau et les plumes. Qu'il le faict beau voir avec les diamans du
connestable! Comme il se rit du soing et du travail que ce pauvre
deffunct a eu d'acquérir tant de richesses! On luy demandoit l'autre
jour quelque debte qui estoit sur le registre dès long temps: Ouy da,
dit-il, il est raison que je vous paye: ma femme, outre son bien, m'a
donné cent mille escus pour payer mes debtes.

--Que voulez-vous, ma commère! dit une rousse du mesme cartier, ainsi va
la fortune: l'un monte, l'autre descend. Pour moy, je ne l'ay jamais
esprouvé favorable à mes désirs: j'ay dix enfans en nostre logis, dont
le plus grand n'a que xij. ans; il me met hors du sens; j'avois fait
venir un pedan de l'université pour le tenir en bride, mais il y a perdu
son latin. Ils seront en fin contraints d'aller demander l'aumosne, si
le temps dure.

--Il y a tant de pauvres maintenant, dit une bourgeoise de qualité, que
nous en sommes mangez. Je ne sçay comment on ne fait pas un reiglement
sur le desordre; mais ceux qui ont charge des bureaux sont bien aises de
pescher en eau trouble.

--Il y a un moyen très facille d'y remedier, dit la veufve d'un
eschevin. Du temps que mon mary estoit en charge, il y voulut apporter
un expedient; mais les gros bonnets n'y voulurent jamais songer.
Premierement, ou les pauvres sont impuissans, ou habiles à faire quelque
chose: si impuissans de bras, il les faut employer aux reparations de
la ville, ils ont bon dos; si impuissant des jambes, il les faut mettre
en un lieu à part, et leur apprendre à travailler des mains[105]. S'ils
peuvent faire quelque chose, à quoy est bon de voir tant de gueux par
les ruës? Mercy de ma vie! j'en parle comme sçavante, car dernierement
ils en pensèrent voller en mon logis. Il seroit besoin d'y remedier pour
les viellards. A quoy sert de nous taxer et cottiser pour les pauvres
enfermez, si on ne les y renclost?--Chacun approuvoit assez son dire,
quand une tavernière de l'Université se leva: Ce n'est pas tant aux
gueux qu'il faut prendre garde, dit-elle, qu'à une infinité de vagabonds
et de courreurs de nuict, qui pillent, vollent, destroussent mesmes tous
nos marchands ordinaires, et, qui pis est, ils empruntent le nom des
escoliers, et font semblant d'estre de leur caballe; mon mary y pensa
perdre la vie l'autre jour, près des Cordeliers[106].

--Mais on ne parle plus des Cordeliers[107], dict une vieille de la
paroisse de Sainct-André; on ne sçait plus quel party ils tiennent, on
n'y recognoist plus rien. Il y en a encor quelques uns qui portent des
souliers fendus; mais je crois que c'est plustost pour la chaleur que
pour l'austerité ou le bon desir qu'ils ayent de reprendre la reforme,
car ils ont desjà la plus part quitté le manteau.

--Tout beau, Madame, dit une devote qui estoit en un coin! il ne faut
jamais mal juger de son prochain: il y a encor de fort bons religieux là
dedans. Ne sçavez-vous pas qu'on voit toujours quelque grain de zisanie
parmy le froment? Il est impossible autrement, car on ne recognoistroit
par les bons d'avec les meschans, ny le vice de la vertu.

--Je ne plains en cela que le pauvre père general, dit la femme d'un
advocat de la cour, de n'avoir peu faire entheriner ses lettres au
parlement; mon mary y a travaillé en ce qu'il a peu, et toutesfois il
n'a rien effectué. N'est-ce point une chose estrange que ce bon père,
qui est l'humilité mesme et le miroir où tous les religieux de son ordre
devroient mouler leurs actions, aye tant pris de peine et travaux de
venir en France pour trouver ses enfans rebelles? Je ne sçay, pour moy,
où le monde d'aujourd'hui a l'esprit.

Une de la ruë Sainct-Anthoine, qui n'avoit point encor parlé, oyant
discourir d'esprit: Par sainct Jean, Madame, je vous vay conter le plus
plaisant conte que jamais vous ayez entendu d'un esprit[108] (mais il
estoit domestique et familier). Un bon compagnon, depuis quinze jours
en çà, s'est mis en cervelle de faire l'esprit, de sorte qu'il
espouventoit tous les petits enfans de nuict. Ce pendant il disoit au
maistre du logis que l'esprit s'estoit apparu à luy, et qu'il falloit
faire un service à un costé et un pelerinage à l'autre: on lui
fournissoit l'argent, dont il s'accommodoit fort bien. En fin il pria un
jour son maistre de le laisser coucher dedans son estude, et
qu'infailliblement il feroit en sorte, par ses inventions, qu'on
n'entendroit plus d'esprit, ce qu'il fit: car, estant dans l'estude, il
print huict cens livres à son maistre, et depuis on n'a point ouy parler
d'esprit.

--Il n'y a pas long temps que la mesme chose arriva en nos cartiers, dit
une femme d'auprès Sainct-Jacques de la Boucherie; mais l'esprit ne peut
jouer si bien son personnage que celuy dont vous parlez, car il fut mené
prisonnier au Chastelet.

--Saincte Barbe! n'en sçavez-vous que cela? dit une femme du faux-bourg
Sainct-Germain; vramy, on en dit bien d'autres en nos cartiers: on tient
qu'il revient un esprit dans les Carmes deschaussez (je ne sçay si ce
n'est point celuy qui s'est fait enterrer en son jardin). L'autre jour
la reyne en voulut sçavoir des nouvelles certaines[109]: elle y envoya
un gentil-homme, qui sur ce suject fut prié de disner au refectoir; mais
il n'eust pas loisir de manger: car l'esprit, bien qu'invisible, luy
deschira son collet et son pourpoint.

--N'est-ce point aussi la deesse Cerès[110], qui est sur l'eglise des
Carmelines, qui demande ses interests sur les bleds et les terres qui
ont esté gastées dernierement? dit une du faux-bourg Sainct-Michel.

--Madame n'a pas trop mauvaise raison, dit une autre jeune fille qui
avoit les pasles couleurs: car, comme on a desjà dit, il y eut un grand
degast, et encor toute ceste estenduë appartient à de pauvres
particuliers, qui d'autre part estoient assez en disette sans souffrir
ceste perte. Vous sçavez qu'un escu à un pauvre qui en a besoin vaut
autant que dix escus à un riche qui n'en a aucune indigence; mais on
tient que les Chartreux deffendront leur cause, car les terres des
environs où fut fait ce degast leur appartiennent, c'est leur propre.

--Je vous responds, ma commère, dit la femme d'un clerc, quand ils se
mettroyent en procez, je ne sçay si l'affaire leur succederoit selon
leurs desirs, car tout est aujourd'huy corrompu, l'argent fait tout; il
y a tant de tours de souplesse entre ceux qui plaident, tant de
destours, ambiguitez, labyrinthes et faux chemins, qu'il est bien
difficile de parvenir au vray temple de la Justice. On ne fait
maintenant trophée que de tromper son prochain; tel aujourd'huy vous
monstre beau visage, qui en son cœur vous voudroit avoir mangé[111].

--Et vous, Madame, à ce coin, vous ne dites mot, dit une jeune femme de
la ruë du Coq. Il semble, à vous voir, que vous ayez de la tristesse:
est-ce point qu'on vous a mariée contre vostre volonté? (Elle parloit à
une jeune femme de la ruë Sainct-Marceau[112], qu'on avoit mariée depuis
peu, mal-gré l'inclination qu'elle avoit, à un certain[113] partisan du
père Denis.) Il a pourtant des commoditez, et il peut en bref vous
rendre dame d'honneur; plusieurs montent aujourd'huy de la cave à la
première chambre.--Vous ne dictes jamais rien plus vray, Madame: il a
des moyens, à la verité. Mais vous, qui estes toute fraiche, vous sçavez
bien que ce n'est pas là la consequence; les premiers feux sont
tousjours plus cuisans, et les premières flammes plus poignantes que les
dernières[114].

--Comment, se dit une de ces anciennes voisines, vous avez donc aymé
quelque autre, qui avoit preoccupé vostre cœur devant le mariage?

--Ouy, Madame; mais la consideration des biens a aveuglé mes parens[115]
à me faire embrasser un party où je n'ay eu d'affections[116].

--Là, là, Madame, dit une autre, vous estes dans les biens jusques aux
yeux; cela vous doit porter à passer vostre printemps parmi les delices
du monde.--Si nous avons du bien, replicqua-elle, nous ne l'avons pas
acquis, encor nous faut-il soustenir de grands procez[117] pour
l'usurper; mais à tout le moins il se faut resouldre: tout ce qu'est bon
à prendre, comme on dit, sera bon à rendre.

--Encor vaut-il mieux faire restitution que de se laisser excommunier,
dit une vieille qui avoit fait son temps.

--Mais que diriez-vous d'une rencontre où je me trouvay l'autre jour?
dit une sage-femme. Une certaine de nos voisines[118], sur l'esperance
qu'elle avoit d'une succession, accoucha de deux enfans; mais c'est bien
le pis qu'ils ne partageront aucunement au gasteau[119]. Je vous laisse
à penser combien le père est fasché maintenant d'avoir si fort avancé sa
besogne: il pensoit tromper les autres, il s'est trouvé trompé[120].

--Voylà mon conte, dit la première. Pour le jourd'huy on ne tasche qu'à
envahir le bien d'autrui. N'avez-vous point ouy parler des Pères de
l'Oratoire[121], qui ont fait mille tours et ambassades pour
s'installer dans Sainct-Louys de Rome, disans que cela leur
appartenoit[122]?

--J'en ay ouy quelque mot en passant, dit la femme d'un certain Italien
de la ruë Sainct-Honoré; mais on dit qu'ils vouloyent bannir et chasser
tous les pauvres prestres françois qui se retirent en ce lieu, pour y
prendre leurs places et en recevoir les usufruicts[123].

--Voylà comme ils font dans Sainct-Honoré: ils veulent supprimer toutes
les chanoineries, dit une autre, et s'installer en leurs places, afin
qu'au temps advenir ils ayent tout le revenu[124]; mais ils en pourront
bien torcher leur bouche, aussi bien que des six mille escus de rente
qu'ils pretendoient d'avoir à Rome en l'eglise Sainct-Louys.

--Mon mary me conta l'autre jour la plus belle plaisanterie du monde,
dit la femme d'un conseiller du conseil privé. Quand on les va voir, ils
font apporter une carte.--Messieurs, disent-ils, voicy nostre plan[125]:
voilà le grand autel, icy sera la porte, icy la sacristie; voilà les
chappelles.--Ouy; mais, mon père, vous n'aurez guères de veuë de ce
costé-là[126].--Nous aurons bonne veuë, Monsieur: il ne nous faut point
de lunettes pour voir les benefices. Voicy la chappelle de monsieur un
tel, voilà la chappelle de son frère.--Mais qui sont toutes ces petites
entrées que je vois dans vostre plan?--Ce sont des oratoires, Monsieur:
à chasque chappelle il y en aura deux. Cela coustera, à la verité, mais
les bonnes gens nous ayderont: monsieur un tel nous baille cinq cens
escus pour sa chappelle, l'autre autant, et son cousin autant; pour les
oratoires, on ne les vend que deux cens escus.--Et ainsi, ma commère,
tout leur bastiment est payé devant que d'avoir faict les fondemens.

--Si est-ce pourtant que je les trouve bonnes personnes (dit une autre):
ils sont si doux, si affables! Il semble à voir que la courtoisie soit
peinte dans leur visage.

--Je n'en vois pas au contraire, respondit la conseillère; ils sont très
pieux et très devots: il est permis à tout le monde de songer à son
profit. Je voudrois que leur eglise fut desjà bastie: il n'y a rien que
j'affectionne tant que d'ouyr leur musique et leur chant
melodieux[127]. Ce n'est que la forme de recreation ce que j'en dis; je
ne crois pas les offenser, ni personne qui soit en la compagnie.

Sur ce mot de compagnie, on commença à entendre un bourdonnement par la
chambre: les unes disoyent qu'elle entendoit parler des Pères de la
societé, les autres en parloyent ambiguement et à l'oreille, de sorte
qu'à peine pouvois-je entendre ce qu'elles disoient. Une entr'autres,
relevant ceste assistance, comme assoupie dans ces discours, et
extravaguée tantost deçà, tantost delà, reprit la parole pour madame
l'accouchée: Mais vous ne dictes rien (dit-elle) de Madame: la voilà
desormais guarie et en bon poinct.

--Elle n'en aura que le mal avec le temps, respondit la mère; encore
est-ce un plaisir quand on a de beaux enfans qui ne sont point
contrefaits ni deffigurez; cela apporte du contentement et au père et à
la mère.

--La beauté externe du corps (dit une autre, femme d'un certain advocat
qui fait le philosophe) est souvent un signe de la beauté de l'esprit:
car l'ame, qui de soy est capable de tout sçavoir et de tout comprendre,
faict des effects bien plus admirables quand elle se trouve en un corps
bien organisé, et qui a ses parties mieux disposées à exercer ses
fonctions.

--Holà! Madame, ne passez pas plus outre, dit une vieille chapperonnière
à l'antique: car nous n'entendons pas la moitié de vostre discours; il
n'y a personne en la compagnie qui entende et puisse comprendre des
choses si hautes et relevées, sinon Madame qui est à ce bout, car elle a
leu Calvin, Clement Marot, Beze et une infinité de grands philosophes.

--Mercy de ma vie (dit-elle), ouy, je les ay leus! qu'en voulez-vous
dire, vieille sans dents?

La compagnie se retourna pour la voir, car la colère luy estoit montée
au visage et luy avoit marqué le front d'un vermeillon empourpré.

--N'est-ce pas une estrange chose (dit-elle) qu'on en veut tant à nostre
pauvre religion? On nous appelle libertins, cruels, acariastres,
imposteurs, semeurs de zisanies, la peste des Estats et l'origine de
tous les malheurs qui ont inondé par toute la France, et toutesfois il
n'y a rien de plus simple que nous: nous ne demandons que la paix; nous
ne cherchons que concorde et fraternelle amitié; tout nostre but ne tend
qu'à la reformation.

--Par le vray Dieu, c'est bien à faire à vous à nous reformer! dit la
vieille; il y a douze cens ans que la France a quitté son erreur pour
s'enrooller sous les drappeaux de la vraye Eglise, et aujourd'huy une
femme voudra la reformer! Il ne faut qu'un Calvin, qu'un Luther et deux
autres moynes reniez et appostats pour faire refleurir l'ancienne
majesté de l'Eglise!

Un petit chien, qu'une certaine damoiselle de la rue Sainct-Paul portoit
pour passe-temps, entendant parler de Calvin, leva la teste, croyant
qu'on l'appelast, car c'estoit son nom, ce qui fut assez remarqué de la
compagnie; mais sa maistresse le reserra sous sa cotte, de peur de faire
deshonneur aux saincts.

L'autre ne discontinua pas pourtant son discours: Et venez ça
(dit-elle), m'amie; si vous voulez parler avec verité et sans passion,
d'où sont venus toutes les guerres civiles qui ont miné et deserté toute
ceste monarchie depuis quatre-vingt ou cent ans? Vostre religion
n'a-elle pas allumé le feu aux quatre coins de la France? N'avons nous
pas veu (au moins mon père me l'a dit cent fois), depuis l'advenement du
roy Henry II à la couronne jusqu'à maintenant, tout ce royaume
bouleversé de fond en comble pour votre subject[128]? On vous a veu
naistre tous armez comme les gensdarmes de la Toison-d'Or que Jason
deffit; à peine eustes-vous succé la doctrine impie de Calvin et de
Luther que vous minutastes dès lors la ruine de ceste couronne.
N'avez-vous pas fait des extorsions estranges, où vostre fureur et
vostre rage a peu avoir le dessus? Combien de provinces, de villes, de
bourgades et de bonnes maisons ont esté ruinées par vos partisans! La
Guienne, le Languedoc, les plaines de Jarnac, de Moucontour, de Dreux,
et une infinité de fleuves sont encore empourprez de sang, et jamais,
toutefois, la fortune ne vous a esté favorable en toutes les rencontres
et batailles qui se sont données contre vous; le Ciel n'a jamais secondé
vos monopoles; vos gens y ont tousjours laissé les bottes, et
aujourd'huy il y en a entre vous de si acharnez qu'ils en recherchent
les esperons[129]. Il s'agissoit alors de la religion; c'estoit à vous
à vous deffendre. Mais maintenant que le roy veut protéger tous ses
sujects en paix, sous l'authorité de ses edits; qu'il ne demande que
l'entrée de ses villes, et qu'il ne requiert autre tesmoignage de
l'affection et de l'hommage que vous luy devez que l'obeyssance en tous
les lieux qui sont du ressort de son domaine, ceux de la religion luy
ferment les portes, font des assemblées et monopoles contre sa volonté,
portant opiniastrement les armes contre son service, tranchent du
souverain en leurs factions, disposent des provinces et deniers royaux,
constituent gouverneurs où bon leur semble, partagent tout ce royaume à
leur volonté; bref, se persuadent que la France ne doive plus respirer
que par leur moyen. Vous voilà tantost à la fin de la carrière: le roy
tient le haut bout; plusieurs en bref viendront collationner en Grève
pour aller soupper à l'autre monde.--Elle disoit ces paroles d'un
cœur enflammé pour le service du roy, qu'elle voit estre profané par
telles gens; d'autre costé, l'autre, qui avoit la bouche ouverte pour
luy respondre, confuse de la verité, luy alloit chanter injure, si la
compagnie ne l'eut retenuë; une entre autres, voulant mettre le hola,
monstra de quelle estoffe estoit sa robbe: Ce n'est pas, dit-elle, aux
femmes à s'entremesler si avant dans les affaires, et principalement où
il s'agit de religion: car, outre que notre sexe est imbecille à
proposer les raisons de part et d'autre, nous nous laissons incontinent
emporter à la colère. Si du Moulin estoit icy, peut-estre qu'il
deffendroit le party de Madame.

--Du Moulin, dit la femme d'un musnier, c'est un grand docteur! il
quitte la bergerie et les oüailles au temps de la persecution. Vramy!
voilà bien comme il faut faire; au lieu de songer au troupeau que le
Seigneur luy a donné en garde, il s'enfuit pour eviter les coups. Calvin
ny Luther ne faisoient point cela du temps de la primitive Eglise.

--Que voulez-vous! dit une demoiselle assez jovialle, c'est un moulin
qui tourne à tous vents: il a veu qu'il n'y avoit plus rien à moudre à
Charanton, il a quitté la praticque et a pris ses aisles pour s'envoller
à Sedan[130].

Comme on estoit sur ce discours, voicy une nouvelle compagnie qui
entre. On s'estonna de les voir si tard, et principalement l'accouchée,
car le temps approchoit qu'elle desiroit congedier l'assistance. Ce fut
qu'on recommença les reverences. Ma cousine (elle parloit à
l'accouchée), nous venons du Landy, où nous n'avons pas veu grandes
raretez; je vous asseure que les marchands n'y gaigneront pas chascun
dix mil escus.--Si est-ce pourtant qu'il y en a quelques uns qui y font
bien leur besongne, dit une gantière.--On fait d'aussi bons coups au
Landy qu'à la foire Sainct-Germain, repliqua l'autre; les jeunes gens
font des parties avec leurs maistresses et sont bien ayses d'avancer la
besongne devant le mariage, de peur d'estre renvoyez à la cour des
aydes. Demandez-en vostre advis à deux jeunes marchandes d'auprès
Saincte-Opportune: nous les avons veuës faire leurs quinze tours dans
Sainct-Denis, puis elles sont allées achever le reste de leur voyage
dans le bois de Nostre-Dame-des-Vertus, où je me recommande.

--Ainsy va le temps d'aujourd'huy, dit la mère de l'accouchée; les
filles donnent tant de privauté aux jeunes gens, que bien souvent ils
empruntent un pain sur la fournée, et puis, quand quatre mois après le
mariage madame vient à accoucher, c'est à se plaindre entre nous: Helas!
ma pauvre fille n'a point porté son fruict à terme, elle a faict quelque
effort! Et tous les efforts qu'elles font, c'est qu'elles marchent
quelquefois sur la platte d'une orange, et glissent dans un lieu infame.

--Il y en a qui ne sont point en ceste peine (dit une dame d'honneur),
car dès l'aage de six ans, ils placent leurs filles en religion, sans
sçavoir si elles y sont propres ou non, et bien souvent il faut sauter
les murailles.

--Aussi vray, Madame, dit sa voisine, vous ne rencontrastes jamais
mieux; la pluspart le font pour agrandir leurs maisons, les autres pour
des considerations particulières; mais tous en general, et les parents
et les religieuses, ne songent qu'à leur profit.

--Pour faire bien maintenant son profit, dit la femme d'un certain
receveur, il faut s'associer avec ceux qui tiennent la ferme du sel[131]
et avec les commissaires des guerres: les premiers font leur profit et
desrobent par mer, et les autres pillent et vollent par terre; on fait
passer des batteaux chargez de sel soubs main, et puis ils font les
rencheris. D'autre costé, les tresoriers et commissaires des guerres
sont en saison; s'il leur faut faire un payement de deux ou trois mil
livres: Monsieur, diront-ils à un capitaine, nostre argent n'est pas
encore arrivé; s'il vous plaist d'avoir un petit de patience... L'autre,
qui est pressé, les quitte pour la moitié, et ainsi monsieur le
tresorier se trouve aussi riche tout seul que ceux à qui, en general, il
aura fait son payement[132], sans les passe-vollans[133] qu'ils
admettent dans les compagnies.--M'amie, cela ne sera pas long-temps
ainsi: le roy y mettra bon ordre. Quand il en aura chastié deux ou
trois, les autres n'y retourneront plus.

Tandis, le temps s'escouloit insensiblement. La nourrisse eut bien
désiré de dire un mot devant que de partir, mais sa maistresse la remit
à un autre jour et pria sa mère de congedier la compagnie, ce qui
m'apporta du contentement[134], car, si elle y eut sejourné plus
long-temps, il m'eut fallu faire comme le diable que vit un jour sainct
Martin, qui, tenant registre derrière le pillier d'une eglise de tout ce
que trois ou quatre femmes disoyent, et voulant allonger le papier qui
luy manquoit avec les dents, de mal'heur il se frappa la teste contre le
pillier. Moy, de peur que le mesme accident ne m'arrivast, j'ay mieux
aymé remettre le tout à une autre fois.



LA TROISIÈME APRÈS-DISNÉE DU CAQUET DE L'ACCOUCHÉE[135].


Depuis hier j'ay appris d'un certain medecin de mes amis que les potages
blancs estoient grandement profitables aux accouchées, et que l'on ne
pouvoit leur apprester aucun assaisonnement ou viande plus propre,
d'autant qu'elles ont besoin de restringens propres pour arrester le
grand flux qui arrive aux femmes lors de leur accouchement, outre qu'il
est besoin de les resserrer; ce qui me fit songer aussi tost à ce que
j'ay ouy dire d'un drosle qui, le jour de l'accouchement de sa femme,
s'escrioit devant la porte de la maison: Largesse, largesse! Je fis mon
profit de ce que me dit le medecin, pour le dire le lendemain à ma
cousine, que je fus visiter pour pouvoir escouter tout ce que celles qui
la visiteroient rapporteroient, tant des affaires particulières de leurs
maisons que de celles de dehors, et, m'estant rendu au logis à l'heure
accoustumée, je vis l'accouchée, laquelle n'estoit pas trop contente de
la visite qu'elle avoit eu le jour d'auparavant, d'autant (disoit-elle)
qu'il pourra sembler à la compagnie que, pour luy faire moins d'honneur,
l'on y avoit fait trouver des fruictières, des femmes de meuniers[136]
et autres racailles, qui estoient si impudentes et effrontées que de
parler avec des femmes de Messieurs des Comptes, de secretaires, de
tresoriers et autres de qualité.

Après luy avoir dict ce que j'avois apris de ce medecin, je me plaçay
dans le cabinet qui est au chevet de son lict, et me mis là en estat
d'escrire; et songeant à ce que je commancerois, la femme d'un
commissaire des guerres, qui porte l'attour de damoiselle, combien
qu'elle soit cousine germaine de M. I. G.[137], entre, et, après avoir
faict la reverence assez bien, car elle est courtisane il y a fort
long-temps, s'assit et dit que le temps estoit fort inconstant, et que
le bon-heur luy en avoit bien voulu depuis un an en çà, car son mary
avoit eu suject de revenir de la guerre, ayant eu les jambes cassées, où
il faisoit assez bien ses affaires, mais que pour ce suject il estoit
dispensé de servir, et ne laisseroit de recevoir ses gages par deçà,
tout ainsi que s'il y estoit.--Pour moy, dit l'accouchée, encores est-ce
un contentement quand hors d'exercice l'on est bien payé, veu que
pendant iceluy on a toutes les peines d'estre payé des thresoriers, qui
font passer tant de passe-volans que c'est merveille, et en disant
qu'ils n'ont point d'argent font faire composition d'ordinaire à la
moitié, à la confusion du pauvre soldat et au profit de monsieur le
tresorier.--Veritablement, Madame, dit la damoiselle, vous avez touché
au but, car cela est vray; et ils font bien pis: ils font à toute heure
croire au roy qu'il n'y a point d'argent dans ses coffres, et l'obligent
par ce moyen à trouver de nouvelles inventions pour en avoir, ce qui ne
se fait jamais qu'à la foule du pauvre peuple, lequel est à present aux
plus grans abbois du monde.--Mais encores, dictes-moy, Madamoiselle,
quels sont les plus communs profits de Messieurs les commissaires des
guerres, veu que ces estats sont tant recherchez aujourd'hui, que
beaucoup de tresoriers, conseillers, presidens, advocats, procureurs et
autres y placent leurs enfans et parens? Pour mon regard, il me prend
envie de dire à mon mary qu'il en aye un pour vivre plus à son
aise.--Madame, dit la damoiselle, le gain est si grand que (s'ils
veulent) ils peuvent mettre trois ou quatre livres de poudre dans leurs
pochettes autant de fois et à chaque coup de canon que l'on tire; ainsi
des boulets, ne faisant mettre assez souvent que de la bourre dans les
canons, comme ont fait plusieurs au premier voyage du roy vers
Montauban.--Pendant ces discours, plusieurs damoiselles et bourgeoises
entrèrent en la chambre, lesquelles prirent place.

Une damoiselle, femme d'un autre tresorier des guerres qui se trouva là,
prenant la parole, dit comme en cholère: Madamoiselle, puisque Monsieur
vostre mary est de l'artillerie, vous ne devriez pas parler si
ouvertement. Ne sçavez-vous pas qu'il est besoin de celer le secret des
charges de nos maris, lesquels ne nous les disent qu'avec grande
difficulté, de peur que l'on n'en face quelque rapport au roy, lequel
est assisté de flatteurs qui nous font ronger les ongles d'assez près?
Et tant s'en faut qu'il faille en parler, qu'au contraire il se faut
toujours plaindre. Croyez-vous que nostre cuisine fust si grasse qu'elle
est, et que nous aurions tant de suitte de valets et servantes, si le
roy voyoit bien clair en nos affaires? Et pour empescher la recherche
que l'on voulut faire, il y a quelques années, des tresoriers de la
France, ne composa-on pas avec les partisans? Et asseurez-vous que l'on
ne fera pas autrement si l'on les recherche de nouveau, comme l'on en
murmure.

--Madamoiselle, ce dit la femme d'un secretaire, je vous prie de croire
que MM. les tresoriers de France ne seront pas recherchez, car ils sont
trop grands seigneurs, et que si l'on entreprenoit ceste affaire, ce ne
seroit que pour tirer quelque pièce d'argent[138]; mais toutesfois, pour
que l'on ne descouvre leurs affaires à tout le monde, je pense qu'il n'y
a rien meilleur que de courir au devant, et de jetter, comme on dit, à
la gueule une somme d'argent pour n'en estre point parlé. Mais je sçay
bien que l'on en veut fort aux greffiers, qui reçoivent plus que leurs
droicts, et s'ingèrent de faire des charges qui sont deües à d'autres,
ou au moins prennent des charges en tel nombre que six ou sept jeunes
hommes seroient honnorablement employez, lesquels, au moyen de ce,
perdent leur jeunesse faute d'offices et d'exercice; outre qu'ils sont
cause que les offices sont très chers et se vendent à si haut prix[139]
que bien souvent aussi on n'en peut avoir, car ils en cèlent le revenu.

La femme d'un conseiller dit: Mes damoiselles, voulez-vous que je vous
die ce que mon mary me disoit l'autre jour à propos des greffiers? Il me
dit qu'il s'estonnoit de ce qu'une place de greffe du Chastelet de ceste
ville de Paris a esté venduë dix mille escus, laquelle place, à son
avenement à son office de conseiller, ne se vendoit que mil escus.
N'est-ce pas pour s'estonner avec raison? Car quelle apparence de
gaigner l'interest de ceste somme? Il dict qu'il est impossible, et que
l'affluence des affaires et les droits ne sont si grands; pour le
regard du tour de baston[140], on le faict aussi grand[141] que l'on
veut. L'on ne sçauroit juger de la volonté des hommes et de leur
intention; mais sçay-je (comme dict mon mary) que l'on ne sçauroit faire
son salut en cest exercice, et qu'il faut de necessité exiger plusieurs
droicts qui ne leur sont deubs.

--La femme d'un greffier qui estoit là dict: Madamoiselle, vous parlez
bien des greffiers, mais vous ne sçavez pas la recherche que l'on veut
faire des conseillers; et l'on dict qu'ils ne doivent faire faire des
comparitions en leurs maisons, car les arrests de la Cour les leur
deffendent. Vramy, Madamoiselle, vous devriez bien prendre garde à vos
affaires; vous serez peut-estre plustost en peine que nous, car l'on
commencera premierement par vous et non que par nous.

L'accouchée, levant la teste, dit alors: Là, Mesdames, je vous prie de
prendre ce qui se dit icy par forme de devis, et non pas au point
d'honneur, car c'est à faire aux hommes de le debattre, et prevoir ce
que nous pouvons dire. Parlons, s'il vous plaist, d'autres choses.
N'avez-vous veu et leu les questions de Tabarin[142].

--Ouy, Madame, dit la femme d'un secretaire du roy, je les ay leuës il
n'y a pas un mois; mais je n'y prends pas beaucoup de plaisir, car l'on
m'a dit qu'il y a bien à dire de ce que dit Tabarin et de ce que l'on a
escrit sous son nom, et qu'il n'y a rien de tel que de l'ouyr.

--Vramy, Madamoiselle, dit la femme d'un medecin, je l'ay ouy dire ainsi
à mon mary; mais il trouve que Mont-d'Or dit beaucoup confusement, et
s'estonne de la facilité des bourgeois de Paris, qui se laissent
persuader si legerement à ses discours[143], qu'à le voir debiter
aujourd'huy sa marchandise il semble qu'il arrive tout nouvellement en
ceste ville: car il la departit en si grande quantité que rien plus.

La femme d'un des tresoriers repliqua: Madame, c'est peut-estre la bonne
mine de Mont-d'Or qui luy fait debiter sa marchandise si promptement:
car il y a des personnes qui m'obligeroient plustost à prendre quelque
chose d'eux que non pas les autres.

Peut-estre que la bonne façon de son commis[144] luy faisoit tenir ce
discours, car on dit quelle luy porte quelque affection. J'en appris des
nouvelles il n'y a pas long-temps; mais, sans la scandaliser, elle ne va
guères aux champs sans luy, faisant croire à son mary qu'elle craint les
rencontres mauvaises. Mais oserois-je dire qu'une femme d'un procureur
de la Cour de parlement ne fait rien que par la volonté de son clerc? Et
le plus souvent, quand elle veut prendre un collet monté, il faut
prendre l'advis du clerc pour sçavoir s'il est bien empezé ou non; et,
s'il ne le trouve bien, il le rompt et froisse entre les mains, en
disant qu'il ne veut pas qu'elle le porte, et si elle pense dire qu'il
couste de l'argent, il repond que ce n'est pas grand chouse d'un teston.

La femme du medecin, reprenant la parole à propos de Mont-d'Or, dit:
C'est vray que la bonne mine provoque quelquefois à prendre de la
marchandise, encore bien que l'on n'en aye affaire[145]; mais l'on n'en
peut pas dire autant de Desiderio des Combes, que l'on nomme
Charlatan[146], car il n'a pas bonne trongne[147], et de bien dire il
luy en manque autant; on dit aussi qu'il le sçait bien confesser. Pleust
à Dieu que chacun fust aussi libre de confesser sa naïfveté! En cela
l'on peut croire qu'il n'est pas charlatan, si ce n'est que l'on veut
dire qu'il use de mots estranges pour mieux vendre et debiter ses
drogues, et par ce moyen en baille à garder aux uns et aux autres;
toutefois il faut sçavoir qu'en la medecine il y a des mots fort
obscurs, et de l'art (comme l'on dit), et si cela n'avoit lieu, il
faudroit dire que les apotiquaires et medecins, pour oster la commodité
au menu peuple de composer de soy-mesme quelques medecines, usent de
mots barbares, combien que les choses et drogues qu'ils signifient
soient très communes.

--Je l'ay ouy dire ainsi, dit la femme d'un secretaire, qui ayme fort à
ouyr parler de la medecine et pharmacie, car son premier mary estoit
empirique et distillateur de la royne, et dit luy avoir ouy dire plus,
sçavoir, qu'il y a des herbes dans nos jardins dont nous pourrions bien
ayder et servir pour notre santé, si nous en avions la cognoissance, et
que le plus souvent l'on s'en sert à la medecine et pharmacie, et les
apotiquaires les nomment par mots grecs, latins ou arabes, de façon qu'à
cause des noms, le plus souvent ils font croire qu'ils viennent des
Indes-Orientales ou Occidentales, etc.

La femme d'un notaire qui estoit là dit: Pour mon regard, j'ai demeuré
il y a jà quelque temps chez un apotiquaire; mais je ne luy ay veu
employer que des herbes que l'on racle souvent dans nos jardins, et me
souviens qu'un jour, comme j'estois à la boutique, l'on envoya commander
une medecine: l'apotiquaire ne prit pas d'autres herbes ny ingrediens
que ces meschantes herbes. Depuis j'ay veu les parties pour celuy auquel
on porta la medecine, lesquelles sont pleines de tant de discours
estranges, que pour moy je n'y cognois que le haut alleman, car il y
avoit Or, Occ, Arab, et toutefois je cognoissois tout ce qui estoit
entré en ceste medecine, et je jure la foy qu'il n'y entra jamais que de
meschantes herbes.

--Vramy, Madame, dit la femme de ce secretaire cy-dessus, il ne s'en
faut pas estonner, car s'ils ne faisoient ainsi, ils n'enrichiroient pas
leurs enfans comme ils font. Ne sçavez-vous pas qu'à S.-Germain un
apotiquaire a laissé des moyens suffisamment à son fils pour avoir un
office de payeur, qui vaut huict mil escus et plus? Mais qui vous diroit
qu'ils font aujourd'hui leurs enfans conseillers de la Cour, dont y a eu
un grand bruict entre Messieurs du Parlement, qui ne les veulent
recevoir, à cause de la qualité? Mais il y a un bon remède à cela: c'est
qu'il se font recevoir au Parlement de Bretagne le plus proprement du
monde.

--Madamoiselle, dit la femme de ce medecin, je ne sçay si vous sçavez
qu'un apotiquaire à quitté la moitié de sa boutique pour acheter un
office de secretaire; et qui plus est, sçavés-vous que femme et fille
pleurent ses pechez tous les jours, et n'ont autre resjoüyssance que de
prier Dieu en son logis ou dans les eglises? Mais que ne diray-je pas
des chirurgiens, qui donnent des offices de controoleurs, ou semblables,
qui valent quinze à seize mil francs, à leurs fils? et quant à leurs
filles, il ne leur manque que le masque[148] que l'on ne les prenne pour
damoiselles: elles osent bien aussi faire comparaison avec elles à cause
de leurs moyens.

La femme de ce secretaire dit: Je vous jure, Madame, que jamais je ne
fus plus estonnée. J'estois en une fort honneste compagnie l'autre jour,
où il arriva un jeune muguet vestu à l'adventage, avec l'habit de satin
decoupé, le manteau doublé de panne de soye, le chappeau de castor et le
bas de soye[149], lequel se mit à cajoler une bonne heure entière, et
usoit de toutes sortes de complimens. Après qu'il fust sorty, je
m'enquestay quel il estoit: l'on me dit qu'il estoit fils d'un
chirurgien; mais jamais je ne vis rien de plus leste, car il a mine de
quelque courtisan. Aujourd'huy l'on ne cognoist plus rien aux habits:
tout est permis, pourveu que l'argent marche; quant on parle à
quelqu'un, on ne sçait si l'on doit dire Monseigneur ou Monsieur
simplement.

--Mais que dira-on de l'apotiquaresse qu'un chacun cognoist bien? dit la
femme du notaire. Elle contrefaict si bien la belle, qu'il luy semble
bien qu'ouy. N'avez-vous pas ouy dire qu'elle va souvent en la cour du
Palais, et que l'on est bien receu chez elle pourveu qu'on luy porte?
Quant à elle, elle n'est nullement ceremonieuse.

Sur ces entrefaittes le medecin et le chirurgien entrent, qui fut cause
que l'on changea de discours, et toutes les damoiselles et dames qui
estoient presentes leur demandèrent s'il y avoit de l'amendement en
l'accouchée, et si elle avoit encores la fièvre qui l'avoit tourmentée
les jours precedens. Ils dirent qu'elle en avoit encores quelque
reliqua, mais que, Dieu aydant, elle seroit bientost à son aise; et
incontinent ils sortirent. Après, l'accouchée dit à la compagnie: Sur
quels discours estiez-vous demeurez, Mesdames?

La femme d'un conseiller, prenant la parole, dit que l'on parloit des
enfans des medecins et apotiquaires de Paris, et qu'il n'y avoit que
trop à dire sur eux, mais qu'il y avoit encores plus à redire sur les
orfévres: Car j'en cognois, dit-elle, un qui a plus de suject de vacquer
à fermer sa boutique que non pas à l'ouvrir, d'autant qu'il y en entre
plus qu'il n'en sort: je dis des marchands; aussi a-il une assez jolye
femme; je ne dis pas qu'elle face l'amour, car il y a long-temps qu'il
est fait, outre qu'elle est prescritte et ne sert plus qu'à un, dit-on,
qu'elle nomme son frère.

La femme du medecin replicqua: Quoy! Madamoiselle, seroit-il possible
qu'elle fust entretenue par son frère?--Madame, dit la damoiselle, on le
dit ainsi, proche la ruë aux Ours.--Madamoyselle, ils meriteroyent donc
tous deux d'estre punis, car c'est un grand peché[150].

Mais, dit la damoiselle, que doit-on juger d'une femme qui descouche
quelquefois au desçeu de son mary, comme elle fait?--Vramy,
Madamoiselle, dit la femme d'un medecin, c'est pour donner suject de mal
parler d'elle, beaucoup plus que ces filles qui avoyent esté perduës
l'espace de vingt-quatre heures, car elles ont esté emmenées contre leur
volonté, et non pas elle, qui ne pouvoit pas estre forcée.--Il est vray,
dit la damoiselle.

--Je ne sçay, dit la femme du medecin, si je vous oserois dire que la
femme d'un jeune orfèvre demandoit, ainsi que j'entendis l'autre jour en
passant, à un jeune homme, s'il avoit une maistresse, et qu'il devoit
luy acheter une monstre qu'elle tenoit, pour luy en faire present; ce
qui fut cause que je m'arrestay court à une boutique vis-à-vis, pour
voir et contempler les actions de ceste jeune femme. Je remarquay tant
de folies et de sottises entre ces jeunes gens que rien plus, dont je
fus fort estonné, et avec moy le voisin au logis duquel je m'estois
arresté. Il faut crier: Au chat! au chat!

--A propos de monstre, dit la femme d'un conseiller, il me souvient que
la femme d'un orfévre avoit attrapé d'un jeune homme une belle monstre
pour jouyr de ses beaux yeux chassieux, qu'elle a esté depuis
contraincte rendre, mesmes en la presence de son mary, qui feignoit n'en
sçavoir rien. La feinte fut bonne aussi de la part de l'orfevaresse, car
elle dit que le jeune homme l'avoit oubliée le jour de devant, et que
l'on ne la luy vouloit pas retenir.

L'on apporta pendant ces discours un panier de cerises très belles à
confire à l'accouchée, de la part d'un sien parent orfèvre, qui fut
cause que l'on changea de discours, et que la femme du medecin dict
qu'elle s'estoit trouvée depuis huict jours en çà en compagnie vers la
rue de la Coustellerie, où l'on faisoit confire des cerises, et avoit
remarqué que l'on en mettoit à part pour Monsieur un tel, à cause de la
sollicitation d'un procez qu'elle avoit gaigné: car son mary ne dit mot,
fait le tacet en sa presence, et elle court partout.

--Je fus il n'y a pas long-temps en la ruë Sainct-Jacques, dit la mesme
femme du conseiller, pour y acheter des pots à confiture; mais j'y
appris de belles nouvelles: on disoit qu'une certaine jeune femme avoit
esté emmenée à Roüen, et que son mary l'estoit allé querir, et qu'il
l'avoit fait mettre prisonnière, ensemble celuy qui l'enmenoit; que cet
affaire avoit esté accordé moyennant cinq ou six cens livres.

La femme d'un advocat, qui estoit en la compagnie, dit: Mesdames, je
l'ai ouy dire ainsi à mon mary, qui plaida la cause; et, bien
d'avantage, celuy qui a payé cet argent a bien eu encores du différend
avec eux: car ils ont plaidé au criminel pour des injures; le mary a eu
des deffenses contre ce tel de mesfaire ny mesdire.

--Que dira-on, dit la femme d'un conseiller, de la belle vitrière? A
propos de pots de verre, je ne sçay s'il est vray qu'elle fait benir ses
verres par un P. (sans offenser l'ordre); mais à la Tournelle on en
parle fort, comme aussi de sa sœur, qui va voir quelquesfois madame
de la Pille.

L'accouchée fit le holà pour parler de l'imprimerie, et commença
elle-mesme à dire: Mesdames, ceste sœur dont Madamoyselle a parlé a
bien advancé son mary par le moyen de Monsieur un tel, qui a bien du
credit chez les libraires, principalement sur ceux proche le
Puis-Certain[151] et de la ruë Sainct-Jacques.

La femme du conseiller dit qu'elle en cognoissoit bien une, laquelle
court et va souvent au marché neuf avec une jeune passementière de
dessus le pont, et la femme d'un advocat, au quartier de l'Université,
pour satisfaire à des assignations qu'elles donnent au Coq, où se
débroüillent plusieurs affaires dont leurs maris ne sont capables: car
elles n'y vont qu'à leur desçeu, deux ou trois fois seulement par
semaine.

--Il est bien à craindre (dit la femme du medecin) que la nécessité ne
face joüer quelques amours entre une femme de ce cartier-là et un jeune
homme, tous deux de l'Université, ou bien le peu d'amitié qu'elle a pour
son mary; je sçay bien au moins qu'il y a bien du soubçon, et peut-estre
avec raison.

--Il y a bien pis, dit la femme du conseiller: on dict que deux jeunes
femmes de la ruë Sainct-Jacques se vont pourmener à deux lieuës de cette
ville, en la compagnie de deux jeunes hommes qui leur assignent heure,
jour et rencontre par un mot de lettre, et que par mal'heur la lettre
ayant esté veuë par les maris, ils simulèrent n'en rien sçavoir, et le
jour venu dirent à leurs femmes qu'ils alloient aux champs, dont elles
furent bien ayses, croyans par ce moyen avoir le temps libre pour aller
à leurs assignations, où elles ne manquèrent non plus que leurs maris,
qui se desguisèrent et entrèrent à l'hostellerie où se passoient les
affaires, et d'une chambre proche qu'une simple cloison separoit de la
leur, ils entendirent faire la feste à la façon de la beste à deux dos,
dont ils demeurèrent bien estonnez, et avec leur courte honte s'en
reviennent en ceste ville, se consolans en eux-mesmes contre l'infortune
qu'ils disoient estre commune à plusieurs, disans que leurs femmes n'en
avoient apporté la mode en France. Je vous demande si ces maris-là ne
meritent pas bien cela? Je sçay bien qu'il n'y a point de soubçon de ce
costé-là, car l'affaire est toute certaine.

--Madame, dit la femme du medecin, les livres sont de grand prix, et si
j'ay ouy dire à mon mary qu'il y a des temps que certains livres qui ne
valent par cinq sols pièce, valent pistolles, de sorte que ceste
marchandise augmente souvent et ne diminuë guères, et ainsi ils
s'enrichissent fort, ce que ne peuvent pas faire ceux qui impriment ou
font imprimer tant de nouveautez ou phantasies qui se publient et
debitent tous les jours.

--A propos de nouveautez, dit la femme du conseiller, on fit present
l'autre jour à mon mary d'un petit discours intitulé l'esprit de la Cour
qui va de nuict[152]; mais d'autant que la matière ne respond en façon
du monde au titre, je voudrois que celui qui l'a faict eust un esprit de
jour, et non pas de nuict, obscur et perdu, afin qu'il peust
recognoistre ce qu'il veut escrire, car on n'y cognoist rien.

--Mais que vous semble, dit la femme du medecin, de ceste relation
generale des conquestes et victoires du roy sur les rebelles[153]?

--C'est du papier mal employé, dit la femme du conseiller, car il n'y a
rien de remarquable, qui soit de l'histoire; l'ordre n'y est pas bien
gardé, et, qui plus est, l'on escrit par là que Clerac a esté pris et
reduit à l'obeyssance de Sa Majesté depuis la ville de Negrepelisse, qui
a esté renduë au roy depuis quinze jours seulement[154]. Je ne m'estonne
pas de toutes ces fautes, et des faussetez qui se passent aux escrits
d'aujourd'huy.

--J'ay veu, dit la femme du maistre des requestes, un discours de la
prise de Sainct-Antonin[155] qui est fort mal faict aussi, car l'autheur
met à la fin ce qu'il doit mettre au commencement, sçavoir, la sommation
aux habitans de se rendre, après avoir escrit la reduction, qui est
posterieure.

--J'ay veu aussi, dit la femme du medecin, deux discours de la vie de la
dame Therèse[156], en l'un desquels il est escrit qu'elle a eu deux
pères, en l'autre qu'elle n'en a eu qu'un; mais je pense que l'imprimeur
n'a peu lire l'escriture de l'autheur, ou bien qu'il ne l'a pas releu.
Au moins, il semble que l'autheur ait voulu dire qu'au monastère dont
est question, il y avoit deux filles du nom de Therèse, l'une desquelles
estoit fille d'un nommé Bermude, et l'autre (qui est la veritable mère
et saincte Therèse) estoit fille d'un nommé Sanchez: car je l'ay appris
ainsi. Toutesfois l'on a eu tort de faire ceste faute en l'impression,
car il y a de la peine de faire sçavoir les erreurs au menu peuple, qui
est par trop grossier et lourd d'esprit.

--J'ay veu aussi, dit la femme du conseiller, un discours du Courtisan à
la mode, imprimé il n'y a pas long-temps, lequel n'estoit autre chose
qu'un extraict ou transcrit de l'Espadon satyrique[157] mot pour mot, ce
qui ne se devroit tolerer: car c'est tromper et abuser le monde. J'ay
ouy dire, mais je ne sçay s'il est vray, qu'un petit libraire reformé de
la ruë Sainct-Jacques est fort ordinaire de ce faire: c'est pourquoy
l'on ne veut plus rien acheter de ce qui se vendra sous son nom.

La femme du medecin dit: Et pourquoi, Mademoiselle, ne veut-on plus
acheter de ce qui se vend souz son nom? N'est-il pas libraire? ne luy
est-il pas permis de faire imprimer et vendre comme les autres? ne
fait-il pas des apprentifs? bref, n'est-il pas bien capable?

--Ouy-dà, dit la damoiselle femme du conseiller, il est bien capable;
mais c'est qu'il ne se veut pas donner la peine de travailler quand il
trouve la besongne toute faite, comme les pourceaux (sauf la
chrestienté), qui mangent, par reverence, la merde, pource qu'elle est
toute maschée. Il est quelquefois temps de rire.

La femme d'un notaire dit: Mesdames, j'estois, il n'y a pas long-temps,
en une compagnie où on se plaignoit fort de ce libraire-là; je me doute
quel il est sans le nommer. On disoit que le jour il faict imprimer ce
qu'il songe la nuict, et un honneste homme de qualité, je vous jure, le
disoit ainsi; et plus, il dit que le roy n'avoit point de plus valeureux
guerrier que luy en tout son royaume: car on est tout estonné que, luy
ayant donné le bon soir bien tard, le lendemain, avant qu'il s'esveille,
il a mis à bas dix-huict mil hommes, tantost des dix mille, quelquesfois
cinq cens tout à la fois, et au premier jour d'après l'on crie par la
ville des deffaictes plus grandes que celles d'un Pompée.

--Je ne m'estonne pas de ces escrits, dit la femme du conseiller; qui
est celle d'entre nous qui n'a point veu son nom escrit dans quelques
pasquins, attendu que l'envie ou mal-veillance? du monde est si grande
aujourd'huy, qu'à peine la plus femme de bien se peut-elle garentir de
tels escrits scandaleux et injurieux? Mesmes les plus grands n'en sont
pas seulement exceptez: c'est pourquoy les vertueux et vertueuses ne se
ressentent pas autrement des injures qu'on leur impose, ne plus ne
moins que la palme que l'on essaye abbaisser et atterrer, et plus
neantmoins elle se relève.

La femme du notaire dit: L'on appelle ouvertement un partisan
monopoleur, à cause qu'un clerc qui anciennement avoit servi dix ans
estoit maistre, et qu'aujourd'huy, après avoir servy ce temps-là, il est
contrainct de vendre son patrimoine, et encores emprunter pour achepter
un meschant estat, qui ne le peut nourrir six mois en un an s'il ne
desrobe.

--Ne parlons plus, dit l'accouchée, de ces libelles diffamatoires;
parlons des belles papetières. Quand à moy, je vous diray qu'au
cloistre[158], l'une y a tant de crédit, qu'elle y pourra faire mettre
un enfant pour servir au chœur quand il luy plaira: car elle est bien
venuë de monsieur un tel.

--Vramy, Madame (dit la femme d'un secretaire), bien d'autres qu'elles
y ont bien du credit, à cause de quoy l'on en doit parler à Monsieur le
procureur general, et sur tout pour faire faire deffence au portier
d'ouvrir la porte à heure induë la nuict, comme il fait nonobstant
quelque adveu que ce puisse estre: car il y a de l'abus trop grand; un
procureur qui en est proche le peut bien dire s'il veut. Mais rayons
cecy et passons outre.

La femme du notaire dit qu'il y avoit deux filles panetières et
lingères, toutes deux assez proches voisines, lesquelles sont d'humeur
fort courtoise, et que bien souvent elles font partie avec des jeunes
hommes pour aller à Sainct-Cloud et à Vaugirard pour y passer le temps,
sans que leur père et mère leur en osent dire mot, ce qui est de mauvais
exemple.

--C'est chose de bien plus mauvais exemple, dît la femme d'un
secrétaire, de voir qu'une fille retient sa mère prisonnière sous
couleur qu'elle la tance de ses complexions, et de ce qu'elle luy
reproche qu'elle a attrapé tout son bien par l'artifice de son mary, et
que tous deux ils ne la veulent plus voir, aujourd'huy qu'ils l'ont
despoüillée: encores dit-on que ceste pauvre femme ne s'affligeroit
point tant si sa fille se retiroit de sa mauvaise vie, et ne donnoit
exemple de faire mal à sa fille, qui est fort jeune.

--Les exemples des inimitiez d'entre les parens sont si ordinaires, que
de les citer icy les uns après les autres (dit la femme d'un procureur),
ce ne seroit jamais faict; parlons plustost des bons maris: sçavez-vous
point qui est ce libraire lequel porte tant de respect à sa femme, qu'il
prend cinquante escus en cachette d'elle pour payer les espices d'un
procez contre les Normands (Dieu benisse la chrestienté!) qu'il a perdu,
et qu'il luy fait croire qu'il a gaigné?--Madamoiselle, j'en ay bien ouy
parler; mais je ne me puis souvenir de son nom; au moins je sçay qu'il
porte une grande barbe, et la perte de son procez provient peut-estre de
ce que son solliciteur n'y voyoit qu'à demy, ou bien que l'on a sonné la
diane et la retraicte promptement.

La femme du notaire dit: Veritablement, Mesdames, j'estime ces femmes-là
heureuses desquelles les maris sont tant respectueux et doux. Pour mon
regard, je me puis vanter d'avoir un bon mary, car il n'est point jaloux
de moy; il me laisse baigner et pourmener avec mes voisines, et
d'ordinaire je demeure, pendant qu'il s'en va coucher, à la porte avec
de mes voisins et voisines à deviser quesquesfois jusques à minuict, et
s'il sçait que je presente la collation, il ne m'en dit mot.

--Pleust à Dieu, dit la femme d'un conseiller, que mon mary me fust
aussi facile, et qu'il ne me tinst point de si court! Quand il luy prend
quelque ombrage, il m'enferme soubs la clef et s'en va; à quoy
toutesfois j'ay bien donné ordre, faisant faire une autre clef, que ma
servante porte, avec laquelle je me mets en liberté quand bon me semble.

--Je me suis laissé dire, disoit la femme d'un advocat, que la femme
d'un C. estoit grandement aise de ce que son mary faisoit la despence du
logis, et achetoit jusques à un balai à balayer la maison, et qu'il
seroit bien marry de bailler un sol pour un carolus[159]; aussi y
regarde-il de bien près. Quant à sa femme, elle n'a autre soing que de
prier Dieu, se lever, boire, manger et dormir, ce qui est bien difficile
à faire, comme je croy.

--Une autre, dit la femme d'un conseiller, doit bien estre aussi aise,
car son mary est si soigneux de la cuisine, qu'il espargne les gaiges
d'un cuisinier et ceux d'un sommelier, faisant bouillir luy-mesme la
marmitte, et accommodant le couvert de la table; sa femme luy sçait bien
dire que ce n'est pas sa qualité.

L'accouchée, voulant prendre congé de la compagnie et lui donner le bon
soir, dict: Mesdames, quand l'on a parlé tantost de l'imprimerie,
j'avois peine de me souvenir de ce qui me vient à présent en memoire,
sçavoir que, l'autre jour, un de mes amis ayant un factum à faire
imprimer, il s'adressa à un certain quidam qui affiche à sa boutique:
«Ceans y a imprimerie, où l'on imprime factum et autres œuvres»,
combien qu'il n'en ayt point, et qu'il n'y cognoist que bien peu,
s'addressant aux imprimeurs pour les faire imprimer, comme font la
pluspart desdits preneurs de factum à imprimer, essayant ainsi à gaigner
quelque chose, tant avec ceux qui donnent à imprimer, qu'avec les
imprimeurs. Mais le malheur en voulut tant pour ce mien amy, qu'à faute
d'avoir eu à l'heure promise ledit factum, il perdit son procez. Cela
advint par la contention d'entre l'imprimeur et le libraire qui avoit
entrepris de le faire; et certainement il y a plus perdu que gaigné, à
ce qui m'en a esté rapporté, car, n'ayant eu fait en temps et lieu qu'on
lui avoit demandé, on ne l'a pas voulu recompenser de la perte qu'il dit
avoir soufferte. Je croy que cela luy apprendra une autre fois.

--Vrayement, Madame, dit une de la compagnie, je m'estonne que les
imprimeurs n'y mettent ordre, sans se laisser usurper ainsi le gain qui
leur appartient!--Il est vray (respond celle-là qui avoit encommencé le
discours) qu'ils devroyent bien y donner ordre; mais aujourd'huy tout va
à la renverse, chacun en tire et prend où il peut, et, avec le temps,
chacun aura la cognoissance de l'imprimerie. Ainsi, restant sur ces
derniers discours, chascune se lève de son siége, donnant le bon soir à
l'accouchée[160].



LA

DERNIÈRE ET CERTAINE JOURNÉE

DU

CAQUET DE L'ACCOUCHÉE.

M. DC. XXII[161].


Arrière toute melancolie! je ne demande plus qu'à rire et passer mon
temps. Je faisois partie avec nos voisines pour aller à Fontainebleau,
quand on m'est venu advenir que, l'après-dinée, des dames d'importance
se devoient rendre chez ma cousine l'accouchée. Je coureus incontinent
chez elle pour[162] clorre ma dernière journée, nonobstant l'Anti-caquet
de nos idiots, qui ne parlent françois ny latin, quoy qu'ils feignent
revenir de l'autre monde. Quand ils auront corrigé leur plaidoyé et
escriront en termes recevables, je leur respondray de mot à mot. Ce
sont des sots qui ne sçavent point de nouvelles que celles de la
basse-court, que je laisse pour le commun. Ma cousine me receut à bras
ouverts; nous nous entretinsmes long-temps des discours facetieux qui
s'estoient faits à nostre dernière entreveuë, de la deffiance des dames,
du conte que l'on leur avoit fait que quelqu'un se cachoit en la ruelle
du lict, et mesme de leur curieuse recherche. Nous en rismes à gorge
desployée. Elle s'informa des nouvelles du Palais. Je luy dis la plus
commune, du pelerinage des deux mercières. Elle me pria de luy en faire
le conte. Je luy rapporte fidelement comme tout s'estoit passé: que les
deux bourgeoises, feignant de se vouloir acquitter d'un vœu qu'elles
avoient faict d'aller à Nostre-Dame-des-Vertus, auroient demandé congé à
leurs maris; qu'après leur avoir accordé, ils seroient entrez en
ombrage, et, pour sçavoir la verité, les auroyent suivies, l'un avec un
habit de moyne emprunté des religieux de Sainct-Martin, l'autre avec le
sien ordinaire de père de l'Oratoire, et rencontrées à my-chemin,
conduites par deux jeunes advocats; comme ils les suivirent de loing,
entrèrent en mesmes logis que nos amoureux choisirent sans estre
recognus, et, s'estans glissez subtilement soubs un lict de leur
chambre, virent en leur presence balotter leurs femmes, sans y pouvoir
apporter remede; leur retraitte sur le soir, le nouveau courage des
maris, qui doublèrent le pas et les abordèrent, la fuitte de nos
galands, et finalement comme nos cocus menèrent leurs femmes dans une
saulsaye prochaine pour partager en leur communauté la miserable fortune
d'Acteon. Ils se reservèrent les cornes, et donnèrent à leurs paillardes
les decouppures et diaprures gentilles.--Veux-tu que je te die, cousin?
me dit-elle, je ne sçaurois m'empescher de plaindre le sexe; je ressens
un extrême desplaisir de la mauvaise fortune de ces pauvres femmes, car,
sur ma foy, ces sots méritent bien de porter le ramage. Sçachez, mon
amy, qu'il y a trois choses qu'à l'heure qu'on les recherche le plus
curieusement, on voudroit les trouver le moins: le fond de sa bourse, de
la viande à un privé, et sa femme faisant l'amour. Ces curiositez trop
grandes sont grandement blasmables, et n'apportent enfin que toutes
sortes de desplaisirs. Mais il me semble que J'ai apperceu quelque
esmotion en ton visage au recit que tu m'as fait de ceste histoire; en
conscience, si tu estois marié, ne serois-tu point jaloux?--Je luy
respondis hardiment que non. Elle me pressa pourtant encores, et me
demanda laquelle des deux conditions je voudrois choisir, ou d'estre
cocu, ou abstraint à ne jamais faire l'amour. Je lui fis la mesme
response que fit autrefois ce grand capitaine à Tholoze, le souprieur de
la nation Bourbonnoise, que, prenant le certain pour l'incertain,
j'aymerois mieux que tous les laquais de la Cour courussent sur le
ventre de ma femme, que d'estre abstraint à ne point faire l'amour.--Je
t'aime de cette humeur, cousin, me dit-elle, et veritablement tu as
raison: aussi bien dois-tu croire qu'il y a quelque fatalité qui
accompagne ce ramage que l'on ne sauroit esviter, et semble qu'on y est
destiné. Larcher, notre procureur en Parlement, ce mangeur de pâtés de
pheniceaux, m'a advoüé qu'auparavant son mariage ses cornes commençoient
à pointer, et que plusieurs fois, faisant faire son poil, il les avoit
fait voir à L'Ange, son chirurgien.--Nous entrions bien avant en lice,
quand une fille de chambre, accoudée sur une fenestre, nous advertit que
les dames estoient sur le seuil de la porte. Je me retire incontinent au
cabinet, où je n'eus pas plustost prins place, que la compagnie entra;
chacune prit son siége selon son rang. Une maistresse des requestes, qui
conduisoit la troupe, commença à parler la première. Hé bien, ma
mignonne, dit-elle à l'accouchée, comme t'en va? Il me semble que je ne
t'ay point veuë en meilleur estat. Sans mentir, je te trouve plus belle
que jamais. Asseurement, les enfans t'embellissent: je te conseille d'en
recommencer un bien tost, si tu n'y as desjà travaillé.--Helas! Madame,
que me dites-vous! dit l'accouchée; je suis bien résoluë au contraire,
et de faire plustost lict à part pour m'en garantir. Je suis desjà
chargée de cinq petites canailles, qui crient continuellement; je ne
puis prendre ny repos ny patience; ils me tourmentent nuict et jour. Hé,
bon Dieu, que deviendrois-je si j'en avois davantage?--Ma fille, tu es
bien folle, dit alors la maistresse des requestes; ce ne sont que
gentillesses; auparavant qu'ils soient en estat de te donner beaucoup de
peine, tu en auras perdu la moitié, ou peut-estre tout. Si tu estois
comme moy, veritablement tu serois à plaindre. J'ay quatre grandes
filles, la plus jeune aagée de dix-huict ans, desquelles je ne me puis
deffaire. C'est une grande pitié aujourdhuy, que, quelque gentilles et
bien conditionnées qu'elles soient, l'on ne sçauroit les pourvoir si on
ne leur donne des miliers d'escus. Un conseiller de la Cour, ni un
maistre des comptes, n'espouseront point une fille si elle ne paye leur
office, qu'ils achètent pour la pluspart à la bource d'autruy. J'en suis
quelquefois au desespoir.--Madame, je sçay un bon remède, dit la femme
d'un conseiller des requestes du Palais, de la ruë Montorgueil: il faut
faire comme nostre voisin, marier ses filles dans les petites villes; il
a rencontré, avec dix mil escus qu'il a promis à sa fille, un jeune
homme de bonne mine, des meilleures familles de Moulins, bien, qualifié,
qui luy rend des effects pour quatre vingts quatre mil livres.--Madamoiselle,
dit une changeuse du pont Nostre-Dame, permettez-moi que je vous die
qu'il n'y a que de se frotter à l'herbe qu'on cognoist, et que mon
oncle a esté grandement attrapé, puisque l'on reduit les quatre vingts
quatre mil livres à huict mil escus de bien pour le plus.--Vous estes
une moqueuse, dit la conseillère; son office seul vaut plus de soixante
mil livres. Comme se pourroit faire cela? Vostre oncle est trop fin pour
se laisser dupper de la sorte.--Asseurez-vous, Madamoyselle, dit la
changeuse, que je vous dis la verité, à mon très grand regret, et qu'en
estant bien informée, je vous diray la fourbe que l'on luy a faicte, si
vous voulez prendre la patience de l'entendre. L'office que vous tirez
en ligne de conte, il l'a acheté veritablement, depuis qu'il est accordé
à ma cousine, soixante mil livres, et cent pistolles outre trois mil
livres qu'il a promis par promesse separée, qu'il ne veut pas que mon
oncle sçache; mais il en doit encore quarante huict mil livres; le
surplus, il l'a payé des deniers de mon oncle, et mesme son quart
denier. Je le sçay asseurement, monsieur Benoist et mon mary luy ayant
presté l'argent; le Breton en porta une partie: c'est ce qui mit ma
tante en si grande alarme, et qui fit partir ce gentil officier en si
grande diligence pour se rendre auprès d'elle pour accommoder cet
affaire, et l'empescher de declamer comme elle avoit commencé. Le reste
du bien consiste en une maison à Moulins, une maison aux champs, assez
plaisante, size pourtant au territoire le plus ingrat et infertile de
tout le Bourbonnoys, des vignes à la campaigne, une rente de trois cens
livres constituée pour seize cens escus, quelques meubles, et un office
de conseiller au presidial, qu'il a vendu treize mil cinq cens
livres[163]. Tout cela se doit partager entre luy, deux frères, et sa
sœur, mariée au bailly de Montegu; et pour vous faire voir que ce que je
vous dis est très veritable, ledit sieur bailly son beau-frère, ayant
obtenu lettres royaux pour faire restituer sa femme contre son contract,
d'autant qu'on ne lui a donné que douze mil livres en mariage, depuis
lequel un des frères s'est rendu jesuite, a fait voir l'inventaire de
tout leur bien à son conseil, un des intimes amis de mon mary, qui nous
a dit confidamment que ledit inventaire ne monte que quatre vingt deux
mille livres, sur lequel il faut defalquer douze mille livres de debtes;
que l'action en seroit desjà intentée, sans la prière qu'en a faict le
jesuite audit sieur bailly. Il dit que ce pauvre religieux, pour
l'esmouvoir d'avantage, se jetta à ses genoux en sa presence, et le
conjura, les larmes aux yeux, de surseoir toutes poursuites jusques à ce
que le mariage de leur frère fust achevé; qu'autrement sa fortune seroit
perduë; qu'il feroit en sorte qu'il luy donneroit contentement; qu'il
luy en avoit desja parlé plusieurs fois, et representé le grand tort
qu'il faisoit particulierement au jeune frère, de faire faire toutes les
années des descentes sur leurs heritages, supposant quelque gelée ou
gresle pour se faire estrousser les fruicts à bonne condition, ou à
personnes interposées, et tromper le pauvre mineur; que, pour toutes
raisons, il ne luy respondit autre chose, sinon qu'estant l'aisné, il
avoit tousjours esté obligé à faire une grande despence, mesme depuis la
mort de sa femme; que, son revenu n'y pouvant suffire, il avoit esté
contrainct d'emprunter dix mil livres de son premier beau-père, et
plusieurs autres parties à perte de finances, avec son bon compère son
voisin, estant très asseuré que soubs son nom on ne luy eust pas presté
un teston; qu'il ne seroit raisonnable que luy tout seul portast cette
despence, qui absorberoit la moitié de la legitime, puisqu'il l'a
faicte, poussé du courage de leur mère, pour relever le nom de la
maison; que, neantmoins, il luy promettoit qu'après son mariage il leur
rendroit toute sorte de satisfaction, pourveu que monsieur le bailly,
leur beau-frère, permist à leur sœur malade de se faire voir à son
medecin ordinaire, sans soupçon. L'artifice duquel il a usé pour faire
voir à mon oncle qu'il avoit du bien est admirable: il luy a fait
croire, contre la coustume du pays, que la maison des champs luy est
substituée, que le jésuite lui a donné tout son bien, que les rentes
qu'il a renduës du mariage de sa première femme luy appartiennent. Jugez
si le pauvre homme avoit l'esprit perdu. Il luy mit ses contracts entre
les mains, il les leut, et ne cognut pas qu'ils avoient desja changé de
main depuis que ce bon gendre les avoit rendus à son premier beau-père,
qui les avoit cedez au procureur du roy, son autre gendre, et que mesme
ils estoient apostillez de sa main; enfin on luy fit voir quantité
d'obligations personnelles conceuës soubs son nom, desquelles les
creanciers ne seront jamais poursuivis: aussi n'ont-ils jamais rien deu.
Mon oncle, ensorcelé, comme je croy, prit tout pour argent comptant. Hé!
pleust à Dieu qu'auparavant que signer les articles il eust consulté
l'oracle que vit d'autrefois le receveur des tailles son beau-frère pour
recouvrer ses pierres d'or! peut-estre eust-il descouvert quelque chose
de la verité de ce mistère; mais le malheur veut que ce qui nous touche
le plus, c'est de quoy nous sommes les derniers advertis. Croiriez-vous
que chacun s'en rioit en ces quartiers, et en alloit à la
moutarde[164], et que le greffier du bureau des finances ne se put
empescher de dire à monsieur Feuillet que tous les Messieurs de leur
compagnie s'en mocquoient, et soustenoient affirmativement qu'il n'eust
jamais huict mil escus de bien, avec les advantages de sa première
femme. Quel desplaisir pensez-vous, Madame, que mon oncle en reçoive? Il
seiche de regret d'avoir esté ainsi trompé, et ne s'en oze plaindre,
puisque luy tout seul l'a voulu. Je ne sçay qu'il n'a point fait pour
advancer ceste nouvelle mariée, et rendre son mariage meilleur: il a
forcé son autre fille d'entrer en religion; il a donné des maisons
dedans Paris par le contrat de mariage, et a promis, par promesse
séparée, de les retirer dans un temps, pour tromper mon cousin, fils de
sa première femme, supposant que ce seroit acquisitions qu'il auroit
fait avec celle-cy.

--Madame, que je vous arreste, dit la femme d'un advocat au chastelet;
je ne sçaurois souffrir cette injustice; j'en advertiray monsieur le
conseiller Le Bret, qui y mettra bon ordre. N'est-ce pas une grande
ingratitude à vostre oncle, ayant receu tout son bien de sa première
femme, de vouloir aujourd'huy frustrer son fils de sa succession par des
voyes obliques damnables? Ne sçavez-vous pas qu'elle le prit par
amourette, contre le gré de tous les siens, la plupart desquels l'ont
desavoüée depuis, et qu'il n'estoit, en ce temps-là, que simple mercier
et ferreur d'esguillettes? Contentez-vous que, pour votre respect, je
n'en diray pas davantage.

--Madame, respondit la changeuse, si nous ne sommes de noble extraction,
nous sommes pourtant issus de bonne race, et n'avons jamais fait tort à
personne.

--Je ne vous dis rien là-dessus, dit l'advocate; je renvoye l'esteuf au
bon homme Rossignol, qui jure qu'on ne se doit jamais fier à ces
chatemittes, et soustien que vostre oncle a trompé plusieurs fois son
nepveu, l'associant en de mauvaises fermes pour supporter la moitié de
la folle-enchère, mais aux bonnes affaires où l'on peut gaigner quelque
chose, il ne veut point de compagnon: il me suffit de deffendre le party
de mon parent, jusqu'à ce que monsieur son oncle venge sa querelle et
fasse regorger son bien à ceux qui l'ont injustement usurpé, et, ne se
contentant du revenu, veulent faire perdre le fonds.

--Mesdames, je vous prie, pour l'amour de moy, dit la maistresse des
requestes, et le respect que nous devons à ce lieu, que tout se tourne
en raillerie. Pour moi, je veux croire que l'on a choisi ce monsieur le
thresorier pour sa suffisance et capacité, et veritablement il a
tesmoigné qu'il avoit de l'esprit, d'avoir si dextrement conduict son
affaire.

--Madame, repart incontinent la changeuse, qui ne se pouvoit taire, s'il
n'y eust eu que luy qui s'en fust meslé, asseurément nous ne serions en
ceste peine; c'est pourquoy il ne l'eust jamais entrepris sans
l'assistance de son premier beau-père, qui est l'un des braves hommes
les plus desliez et habilles qui se rencontrent en ceste province. Il
faut que je vous avouë que c'est le plus gros buffle que l'on ayt jamais
veu; on le receut l'autre jour à la chambre par grande pitié et avec
beaucoup de peine. Croyez-vous que l'on ne sçeut jamais entendre un mot,
ny de son harangue, ny de ses responses, si bien que celuy qui
l'interrogea le moins en fut le plus satisfaict, et ne peut s'empescher
de dire, opinant à sa reception, qu'il avoit de la bonne fortune de se
présenter en la belle saison du mois de juin, que les asnes passent
partout.

--Mais, Madame, dit la femme d'un procureur en Parlement, il me semble
qu'ayant esté conseiller, il doit sçavoir du latin.

--Madame, reprit la changeuse, chacun s'accordera à ce que vous dites;
mais je suis contrainte, à sa confusion et la nostre, puisqu'il est
entré en nostre alliance, de vous confesser qu'il ne sçait rien du tout,
et qu'il a tousjours exercé si negligemment ceste charge, que son bon
voisin le procureur, pour le soulager et l'empescher de rougir, dressoit
ordinairement les sentences des procez qui lui estoient distribuez. Et
puis Messieurs de la chambre ne les pressent point de ce costé-là, et se
contentent quand on leur parle bon françois. Il eust esté aussi habile
homme que celuy qui passa après luy, par un malheur extraordinaire, le
pouvant et devant preceder par toute sorte de raisons, puisqu'il luy a
tousjours offert, et mesme devant ses juges, de vuider ce different de
presceance par la capacité, asseurement il eust mieux satisfaict.

--N'est-ce point, dit madame Charles, femme du medecin, celuy qui estoit
si fort chargé de chaligourny?

--Non, Madame, respondit la changeuse; c'est un de leurs confrères, qui
fut receu trois jours auparavant.

--Qu'appellez-vous chaligourny? demande la maistresse des requestes.

--Madame, dit la medecine, c'est une intemperie froide et humide qui a
attaqué les anciens et nouveaux officiers de ce bureau.

--_Quod sinifrimity_ là-dessus, Madame, dit une mercière du palais.

--Plaist-il, Madame? respondit l'autre.

--Je dis, reprent la mercière, que cela n'importe, puisqu'ils retournent
en leurs maisons bien guaris.

--Madame, j'en suis fort contente, dit madame Charles; mon mary est très
bien satisfaict.

La mercière, qui estoit en train et sembloit estre interessée, ou au
moins obligée de soustenir le party de ses chalans, ne se peut empescher
d'attaquer la changeuse. Mais Madame, lui dit-elle, il me semble qu'au
paranymphe[165] que vous avez fait de vostre nouveau parent, vous avez
oublié une qualité qui doit estre relevée: vous n'avez rien dit de son
bon naturel. Pour moy, je le trouve bon comme le bon pain. Je m'asseure
que, s'il trouvoit vostre cousine en faisant l'amour, il la traiteroit
encore plus favorablement que n'a fait le comte de Vertus sa femme; et
qu'au lieu de mal traitter celuy qui auroit rendu ce bon office, il le
recueilleroit à bras ouverts.

--Madame, repart la changeuse assez brusquement, ma cousine n'en viendra
jamais là; nous ne pechons point en nostre race de ce costé. Hé, grand
Dieu! d'où le tiendroit-elle? Son père, depuis la mort de sa première
maistresse, a gardé inviolablement la foy à sa femme, et sa mère n'a
jamais eu seulement une mauvaise pensée: la pauvre femme est trop
devote; elle a tousjours le nom de Jesus à la bouche.

Toute la compagnie se mit à rire, reservé madame la maistresse des
requestes, qui se tenoit sur le serieux; elle pria neantmoins la
mercière de leur dire l'histoire du comte de Vertus.

--Helas! Madame, dit la mercière, est-il possible que vous seule en
ceste ville n'en ayez point ouy parler? C'est une tragedie commune dans
Paris; je l'ay ouy dire à mille personnes, qui s'accordent tous à une
mesme verité: que le comte de Vertus[166], ayant surpris dans la ville
d'Angers des lettres qu'escrivoit madame sa femme à un gentil'homme
angevin, nommé Sainct-Germain, et la response dudict Saint-Germain, il
avoit envoyé prier ledit sieur de venir soupper chez luy; et, après
soupper, luy ayant monstré et faict recognoistre leurs missives,
l'auroit fait assassiner en presence de sadite femme, qu'il fit entrer
après dans un carosse, la mena en une sienne maison forte, où il couche
avec elle, et la caresse à l'ordinaire, comme si rien ne s'estoit
passé.

--Jesus! dit une conseillère du Chastelet, que les grands seigneurs sont
heureux dans les petites villes! Ils entreprennent tout sans contredit.
Si le bon seigneur avoit fait cela à Paris, il seroit au Chastelet il y
a long-temps, où on lui feroit son procez en toute diligence.

--Ne me parlez pas de vostre justice, dit une conseillère de la Cour à
celle du Chastelet; vos Messieurs n'ont-ils pas bien operé en l'affaire
de Cotel? Le seul respect d'une robbe qu'il a quitté leur a fait peur.
Je parle contre moi-même, mais veritablement l'acte meritoit une
punition exemplaire. Il faut faire comme l'on fait à la cour, se roidir
au bien de la justice, sans acception ni exception de personnes. Ne
voyez-vous pas comme le pauvre monsieur Demacho, conseiller aux
requestes, a fait mettre son fils prisonnier, pour luy faire espouser
une fille qu'il a desbauchée?

--Madamoiselle, repart la conseillère du Chastelet, si les officiers du
Chastelet alloient du pair avec messieurs du Parlement, desquels ils
relèvent et reçoivent toute leur authorité, ils reformeroient bien
souvent beaucoup d'abus qui s'y commettent, aussi bien qu'aux justices
inferieures. Est-ce bien faire la justice, de permettre qu'un
gentil'homme donne un soufflet à un conseiller, dans la gallerie du
Palais?

--Madamoiselle, dit la conseillère du Parlement, je sçay bien comme
ceste affaire se passa. Sans la prière d'un ancien conseiller de la
grand chambre, qui fit la satisfaction tout à l'heure à monsieur
Deverderonne, asseurement il n'eust point reçeu une moindre punition que
celuy qui parla trop haut devant feu monsieur le président Forget[167];
et s'il luy reste quelque suject de plainte, ce doit estre contre
l'huyssier, qui ne voulut point obeïr au commandement qu'il luy fit de
le conduire prisonnier.

--Et quoy! Madamoiselle, dit une conseillère des enquestes, n'est-ce pas
une grande honte que les jeunes conseillers ne soient point recognus? Il
semble qu'ils ne soyent pas du corps du Parlement, et que tout se
termine à la grand chambre. Ne devroit-on pas punir cet huissier pour sa
desobeyssance? Si messieurs les conseillers des enquestes croyent mon
mary, ils en feront leurs plaintes à monsieur le premier president[168].
Estant premier president de tout le Parlement, il rendra partout
esgallement la justice, et contraindra tous les ministres de rendre
l'honneur et le respect à tous ceux qui la distribuent.

--Madamoyselle, repart la femme d'un maistre d'hostel de chez le roy, il
le faut donc prendre en autre saison: il ne pense aujourd'huy qu'à
l'amour; il est tellement passionné d'une belle dame de la royne, qu'il
mesprise l'exercice de sa charge, et, ne se souciant plus de
l'impression de la cire, reserve sa grande gallerie[169] pour dancer
seulement et faire le bal.

--Madame, respondit la conseillère, j'ay bien ouy parler de ce que vous
dites; mais croyés-moy, qu'il veille tousjours au bien de la justice, et
veut absolument que les anciens reiglements s'observent. Le grand mal
procède de ce que tous les messieurs de la grand chambre n'en demeurent
pas d'accord, et que bien souvent il est tondu. Tout est perverty en ce
temps-cy, il n'y a point de difference entre les juges et les parties.
Messieurs les conseillers font la charge des advocats. Monsieur
Portail, cet ancien senateur, qui devroit servir d'exemple, dresse
luy-mesmes le factum de madamoiselle sa femme, le remplit d'invectives
et reproches contre sa partie, en termes si couverts et si obscurs que
la Cour ne les peut entendre; et lors qu'elle le prie de les
interpreter, et declarer particulierement ce qu'il a desiré de Rose, son
valet, quand il le prit pour l'emonder et repurger en toute sorte de
façons sans exception, il respond sans respect que c'estoit pour lui
torcher le cul, et que, si Rabelais a soustenu que le souverain bien de
l'homme consiste à se torcher le cul du col d'un oye, ou d'un cygne,
qu'à plus forte raison il recevroit plus de contentement se le faisant
torcher de roses. Tout est aujourd'huy permis et toleré. Croyriez-vous
que tout ce qui se fait de plus secret au Parlement est maintenant
divulgué, et que les distributions mesmes, qui ne se pouvoient faire que
chez messieurs les presidens à la sourdine, pour empescher la brigue des
gros procez, se font aujourd'huy en plein marché? Monsieur Tardieu, de
la première, l'asseurera par tout le monde: il en receut une fort
expresse, il n'y a que huict jours, par les pages de monsieur de
Nemours.

--Madamoiselle, vous trouverez bon que je vous die, dit une maistresse
des Comptes, que quoy que nous soyons en robbe courte, l'on ne voit
point de ces desordres à la Chambre: tous d'un commun accord se portent
à ce que veut monsieur le premier president, l'on n'oseroit rien
entreprendre sans son consentement, ny mesme en son absence faire
assembler les semestres, s'il ne le trouve bon. Aussi, de son costé, il
n'a autre soing qu'à relever l'authorité de sa charge, et faire faire la
justice. Il ne pardonneroit pas à son propre fils; quelque prière que
luy aye faict monsieur le duc de Chaunes, il veut que l'on achève le
procez de monsieur Monsigot[170]. La consideration de sa qualité de
maistre ordinaire ne peut rien obtenir.

--Mais à propos, Madamoiselle, dit la femme d'un secretaire du roy, de
Saincte-Opportune, ne voulez-vous pas le faire sortir? Sur ma foy, je
ne sçaurois m'empescher de dire que vous lui faictes tort; c'est le plus
honneste homme qui se peut dire. Mon mary luy a d'estroites
obligations[171]; il luy avoit promis de le mettre en credit bien avant,
et moy en particulier je luy suis redevable: il est cause que j'ay une
porte cochière.

--Madamoiselle, dit la maistresse des Comptes, j'en suis faschée pour
l'amour de vous, car asseurement on luy va faire son procez.

--Madamoiselle, dit la secretaire, à l'extremité, s'il suit le conseil
de mon mary, il se deffendra bien; il a de fort bons amis[172]. Monsieur
le president de Chevry[173] seroit ingrat s'il ne l'assistoit de tout
son pouvoir: il l'a voulu faire secretaire d'Estat pour prendre sa place
de president des Comptes.

--Je pense veritablement, dit la maistresse des Comptes, qu'il le
portera; mais il a contre luy un autre secretaire d'Estat plus puissant,
monsieur le president Doguerre[174], qui a sa brigue plus forte; il luy
peut faire beaucoup de mal, par la grande intelligence qu'il a avec
monsieur le premier president.

--Madamoiselle, dit la secretaire, si on le presse trop, il recourra à
sa bonne maistresse madame la duchesse de Chevreuse[175].

--Je pense, dit la maistresse des Comptes, qu'elle n'a pas aujourd'hui
grand credit[176], encore qu'elle se veuille faire appeller madame la
princesse; je sçay-bien qu'il y eut l'autre jour un grand bruict au
Louvre pour cela, et qu'on lui fit des bonnes reprimandes.

--Je ne vous respondray rien là-dessus, dit la secretaire; mais je suis
très asseurée qu'elle peut beaucoup sous le nom de monsieur son mary,
particulièrement envers monsieur le chancelier, qui est la vraye partie,
pour les offres que luy fit ledit duc de Chevreuse, quand on nomma
monsieur le chevalier de Sillery ambassadeur[177], contre les menaces de
messieurs de Vandosme, qui soustenoient le party du marquis de
Cœuvre, leur oncle[178]; et de fait, je sçay bien que, sur la
promesse qu'on luy feit de la part dudit sieur Monsigot, que quand il
reviendroit en plus grande fortune qu'il n'avoit jamais esté il ne
parleroit plus des chiffres ny de l'estat de secretaire des camps et
armées, monsieur le chevalier manda à Laffemas[179] qu'il feignist de
cesser la poursuitte, et la fist faire sous le nom d'un autre.

--M'amie, dit la maistresse des Comptes, quand tout le monde l'auroit
quitté, monsieur le president Aubery[180] ne l'abbandonnera pas.

--Madamoiselle, dit la secretaire, s'il n'y avoit que luy, il n'auroit
que faire de craindre; il est aysé à recuser, à cause de la composition
qu'il faict avec des assignez d'un mandement de l'espargne, pour
laquelle il eust un adjournement personnel au parlement. Hé! pleust à
Dieu seulement qu'il puisse gaigner le semestre de juillet! J'espère,
quoy que l'on die, qu'il sortira heureusement de son affaire, et
emportera la victoire sur ses ennemis.

--Madamoiselle, dit la femme d'un autre secretaire du roy, de la ruë
des Prouvelles, il a beau faire et se deffendre, on a resolu de le
perdre[181]; j'ay sçeu de monsieur L'Escuyer, mon bon voisin, qui ne me
voudroit point mentir, qu'on ne luy pardonnera jamais[182], et qu'on a
bien preveu à ce que vous dites par l'arrest d'interdiction que l'on a
donné contre luy, les deux semestres assemblez, et la defference que
l'on a tousjours rendu au semestre auquel vous esperez tant de faveur,
les ayant tousjours fait advertir quand on y a voulu travailler, dequoy
il y a bons procez-verbaux dressez par les huissiers, pour les engager
d'honneur à ne rien entreprendre en cet affaire que les semestres
assemblez: si je le cognoissois particulièrement, je luy donnerois un
conseil plus salutaire, le forçant de se servir de son abolition.

--Madamoiselle, dit la secretaire de Saincte-Opportune, il le voudroit
bien, mais le mal'heur veut qu'il n'est plus dans le temps.

--Il est bien empesché! respond l'autre; qu'il s'addresse à M.
Potel[183]: il est homme d'expedient, il luy signera aussi librement des
lettres de surannation, ou telles autres qu'il souhaitera, comme il
faict des advocats du conseil; il tente tout pour de l'argent.

--Madamoiselle, dit la secretaire de Saincte-Opportune, que me
dites-vous? Si cela se cognoissoit, on luy feroit son procez.

--Madamoiselle, respond l'autre, il dit hardiment qu'il ne craint rien,
et que, quelque declaration qu'aye donné monsieur Mangot[184] de
n'avoir eu le loisir de faire des advocats pendant qu'il a eu les
sceaux entre les mains, qu'il ne laissera pas d'en faire d'autres, et
puis que monsieur le maistre des requestes du Lyon-Ferré entreprend
d'adjouster à des arrests signez par monsieur le chancelier, il
hazardera librement d'en faire passer desquels on ne fera pas tant de
bruit.

La maistresse des requestes s'offença, et leur dit en cholère qu'elle ne
le croyoit point, et que si cela venoit à la cognoissance de messieurs
Marescot[185], du Tillet[186] et Foule, ils ne le souffriroient jamais,
et en feroient faire justice. Ceste rumeur fit rompre la compagnie;
chacun prit congé, et se retira. Je sortis incontinent après, et me
rengeay auprès de l'accouchée, pour luy monstrer mon ample memoire[1];
je vous laisse à penser si ce fut sans rire. Elle me pria avec instance
de soupper chez elle; je la prie de m'en excuser, estant engagé d'un
autre costé.



LE PASSE-PARTOUT

DU

CAQUET DES CAQUETS

DE LA NOUVELLE ACCOUCHÉE.

MDCXXII[187].


Selon le dire sententieux d'un poëte très renommé parmy ceux à qui
l'experience faict voile en leurs actions plus relevées, il n'y a rien
qui ne suive son temps et sa mesure. Tout ce qui est çà bas de
corruptible prend son train et sa cadence au niveau de son estre; bref,
tout ce qui emprunte sa lumière souz les favorables auspices du temps et
de la fortune se trouve et fait ses effects à proportion de son instant
et de son temps, jusques là que les moins experimentez recognoissent à
veuë d'œil, dit-il, les actions humaines estre tributaires à la
censure du public, et au temps qui court pour le jourd'huy.

Qu'ainsi ne soit, pendant la minorité du roy, qu'est-ce qu'un marquis
d'Ancre ne faisoit point? Depuis sa mort, M. de Luynes, que n'a-il point
entrepris au prejudice de la couronne et du bien public? De Luynes mort,
comment la cour a-elle esté bastie et composée? En effect, _omnia tempus
habent_; et, comme j'ay ouy très bien dire à un medecin, heritier en
partie de la bosse et du sçavoir de son père, qui tastoit le poux de
madame l'accouchée, à cause des assauts que la nature luy faisoit, nous
devons ceder aux loix de l'amour, et toutesfois rechercher des moyens
pour luy faire la nicque, si faire se peut. Ce qui ne fut pas si tost
entendu par la palfrenière des bas guichets qu'elle dit à M. le medecin:
Monsieur, monsieur, il vaudroit mieux que vous apprinssiez à dancer la
sarabande, comme deffunt votre père, que de conseiller les dames de se
servir de drogues d'apotiquaire pour passer les tranchées d'amour. Bran,
bran! il ne faut que ces meneurs d'ours pour faire finir le monde, et si
au diable s'ils viendront deux fois en un logis sans tendre la patte par
derrière.

Sur quoy M. le medecin, qui n'a pas grand replique de son naturel, print
congé de l'accouchée fort humblement, avec un estonnement nompareil de
ce que ceste garde disoit contre luy; après la sortie duquel[188] quatre
dames de qualité arrivèrent en la chambre de l'accouchée, lesquelles,
après avoir fait chacune la reverence à la mode, prindrent place selon
leur qualité[189]. Ce qu'estant faict, la veufve d'un maistre des
requestes, fort affligée de l'ancienne desbauche d'une sienne fille,
mariée à un conseiller de la cour, homme prudent et fort bon justicier,
jetta trois ou quatre souspirs, et, voulant neantmoins les simuler,
commença de dire à la compagnie: Hé bien! mes dames, apprenez-vous des
nouvelles de la cour? Le roy a-il eu Montpellier, Montauban et la
Rochelle, comme l'on dict?

A quoy sur-le-champ la femme d'un tresorier de l'Espargne respondit que
ces morceaux-là ne s'avalloient pas si aysement, parcequ'ils s'estoient
grandement fortifiez, et, d'autre part, que leurs voisins courroyent à
toute bride pour empescher les desseins de Sa Majesté, et pour dissiper
ses forces si l'on n'y prenoit garde.

--Pourtant j'ai appris, dit la femme d'un conseiller du Chastelet,
qu'ils ont traicté avec le roy, et qu'ils ont asseuré, par une
submission que l'on n'eust jamais creu, leurs biens, leur honneur et
leur fortune, mesme le sieur duc de Rouan a esté contrainct de baiser le
babouyn[190].

--Quelle apparence de traicter avec des rebelles qui ont desjà faussé la
foy promise, dict la femme d'un auditeur des comptes de la parroisse de
S.-Mederic! ce seroit tousjours à recommencer; aussi je ne puis croire
que le roy ait accordé avec la cabale huguenotte, que ce ne soit souz
des conditions bien considerables, et qu'elle n'ait dict le peccavit
plus de trois fois auparavant: car à leur subject Sa Majesté a receu
mille et mille incommoditez, et a esté tellement trompée et abusée qu'il
se trouvera, au bout du compte, que la couronne ait engagé plus de
trente millions, et le tout par l'astuce et intelligence de ceux qui ont
les charges plus honorables, lesquels se sont servis de l'occasion pour
jouër à pincer sans rire.

--Comment! Madamoiselle, voulut repliquer la tresorière, trouvez-vous
qu'on ait fraudé le roy au siége de Montpellier, comme on a faict à
celuy de Montauban?

--Je ne veux pas vous dire absolument qu'on l'ait trompé et abusé de la
sorte, luy respondit ceste femme d'auditeur; mais il n'y a si simple qui
ne juge qu'il y a eu de la trahison lorsque le duc de Fronsac a perdu la
vie[191] et que le duc de Montmorency a esté blessé[192], car on sçait
bien que la jeunesse veut tousjours paroistre, principalement où
l'honneur engage les courages; ce qu'ayant esté recongnu par ceux qui
sont auprès du roy, et qui n'ont jamais triomphé qu'aux despens
d'autruy, il est à croire qu'on s'est efforcé de faire de nouveaux
princes et de nouveaux seigneurs[193].

--On tient pourtant, dit la maistresse des requestes, qu'il n'y a
personne auprès du roy qui puisse aspirer plus haut que le grade dont il
est honnoré: car, si l'on considère la personne du connestable, c'est
tout ce qu'il a peu meriter, et encore j'estime qu'il doit bien en toute
sa vie payer les interests d'une telle courtoisie. Pour Desplan[194],
c'est un nouveau coureur de fortune, qui se doit tenir tout goguelu de
son bon-heur.

La conseillère, qui sçait comment il est parvenu, se print à sourire, et
souriant dict à la compagnie: Certainement c'est un bon valet; il a
bien servy son maistre, ce M. Desplan.

La maistresse des requestes, qui se plaist par fois à gausser, dit
là-dessus: Vous faictes tort à M. Desplan, madamoiselle, veu sa bonne
mine et son merite.

--Ce n'est pas avoir beaucoup de merite, repliqua la conseillère, de
vouloir aspirer à ces honneurs dont on est indigne, et, pour y parvenir
au prejudice des seigneurs de remarque et de la trop grande bonté du
roy, de se servir de moyens reprochables à l'infiny. Encores si c'estoit
un gentil-homme d'extraction, qui recherchast la bienveillance d'un
favory à fin d'accroistre sa maison et de la rendre illustre, l'on
imputeroit le project d'un tel dessein à l'ambition, qui fournit des
aisles au courage et de vent en abondance pour singler jusques au havre
de la fortune. Mais quoy! sa première condition estoit d'estre lacquais,
mauvais gouvernement au reste, et, après avoir quitté la mandille, a
faict en sorte de se fourrer au regiment de Navarre, où estant, le sieur
Cadenet allant visiter M. le Prince lorsqu'il estoit au chasteau de
Vincenne, il fit en sorte de l'aborder, se servant des astuces de son
pays[195] et du depuis le sieur de Luynes le print en affection pour des
raisons dont sa memoire seroit par trop ternie si l'on en venoit à la
justification; tant y a qu'il a esté par ce moyen bien venu auprès du
roy, jusques là que Sa Majesté l'a gratifié d'un brevet de mareschal de
France[196].

Là-dessus la femme de l'auditeur dict tout haut: Je ne m'estonne plus de
ce qu'on parle tant de ce Desplan, puis que sa bonne fortune vient par
le moyen du sieur de Luynes.

--Voilà ce qui en est, répliqua la tresorière, et si je vous jure que ce
que j'en dis n'est point pour mal que je luy vueille; au contraire,
j'estime ceux qui s'eslèvent de peu, et lesquels d'un neant bastissent
une fortune relevée.

--Mais, à propos, dit la conseillère, que deviendra le sieur
Courbouzon[197] après la reduction de la Rochelle, puis qu'il a tenu
pied à boule au service du roy depuis le temps qu'il est employé?

--Vrayement, respondit la femme de l'auditeur, il ne se faut point
donner peine de luy, ny se soucier de ce qu'il deviendra non plus que
des autres, car ayant mandé à l'hostel de Nemours la valeureuse deffaite
qu'il a faict de dix ou douze habitans de la Rochelle sortis de la ville
pour abbatre leurs maisons proche les murailles, et que ce bel exploict
a esté crié sur le Pont-Neuf[198], asseurement il ne donnera pas sa
bonne fortune pour une pièce de pain.

--Il pourra bien y donner ordre de bonne heure, dit la maistresse des
requestes, s'il ne veut demeurer arrière: car à présent que la cour est
remplie de cadets de haut appetit et de jeunes favoris, chacun d'eux
voudra partager au bonheur et aux qualitez, en sorte qu'après la guerre
l'on verra autour du roy plus de demandeurs que de deffendeurs, et, pour
dire, il sera très difficile d'aborder seulement les galleries du
Louvre.

--M. de Nemours l'affectionne trop, dit la tresorière, pour ne luy
procurer quelque honnorable fortune, en recompence d'un si signalé
service; et puis le naturel de ce prince est si benin et si louable
qu'il le recompenseroit plustost de son propre bien qu'il vesquist le
reste de ses jours avec un mecontentement.

Sur ces entrefaites, la garde de l'accouchée voulut mettre son nez et
discourir de monsieur de Nemours à bonds et à vollée[199]; mais le
respect que la compagnie portoit à son rang et à sa qualité fut cause
qu'on luy ferma la bouche, sinon qu'on lui permit de discourir des
façons de faire de la cour, voyant que le cœur luy en disoit:
tellement qu'ayant prins pareatis de ce faire, elle ne fut guère
honteuse de declarer son secret, qui estoit qu'au siége de Montpellier,
lors que le roy perdit tant de braves seigneurs et gentils-hommes, qu'il
estoit demeuré à ceste meslée un certain homme sur la place qui luy
faisoit porter beaucoup d'ennuy, qui ne se pourroit jamais terminer que
par la mort, quand toutes les meilleures fortunes luy arriveroyent,
auxquelles neantmoins elle disoit ne pouvoir aspirer à cause de son
aage, et en consideration de ce qu'on la cognoissoit quatre grands
lieuës par delà les bornes de la raison.

A ce beau discours, la compagnie se print à rire, et celle qui esleva un
ton plus haut, ce fut madame l'accouchée, qui mesme en petta de
resjouyssance pour le moins huict ou dix fois consequtivement, à cause
que du temps que ce drosle estoit auprès de ladite garde, et que sa
marmitte boüilloit à ses despens, on n'eust osé lui dire bran en son
nez, tant qu'elle faisoit ma commère l'entenduë. Ainsi fallut peu de
chose pour sortir de la carrière et pour rompre de si bons discours qui
se tenoient auparavant avec toute sorte de verité; toutesfois, si tost
qu'il fut finy, nostre maistresse des requestes, qui se plaist d'estre
entretenuë en compagnie aux despens de l'honneur d'autruy, s'efforça par
tous moyens de remettre en lice les autres, tant sur les traictez de
guerre et de paix que sur les fraudes et malversations des chefs et
conducteurs de l'armée, et sur ce qu'on avoit tant parlé du sieur de
Villautray[200] et de ses commis.

Sur quoy la tresorière, grandement engagée dans le combat, ne peut
s'empescher de respondre que volontiers la fortune est enviée aussi bien
que les beautez, et que tout ainsi que les esprits voluptueux faisoient
recherche des dons plus gracieux de la nature, de mesme que l'avidité
des envieux les portoit à des flatteries et à des mesdisances, pour
faire faire des recherches candides contre l'obligation que l'on a
fraternellement à son prochain: tellement que, si l'on avoit tasché
d'obscurcir l'honneur du sieur Villautray, que ce n'avoit point esté
pour l'affection qu'on portoit au service du roy, mais bien pour une
rancune particulière de ce qu'il n'avoit voulu desbourcer des deniers
qui n'eussent esté employez dessus ses comptes.

--Voilà une belle eschappatoire! dit la conseillère; je vous diray,
Madamoiselle, chacun est tenu de deffendre son party, et de conserver
jusques aux plus pressantes extremitez, quand mesme il n'y auroit aucune
apparence de raison, principalement au temps où nous sommes, auquel il
est plus necessaire de dissimuler que de dire verité, et de faindre dans
les actions que de faire esclatter ce qui pourroit estre terny; et
qu'ainsi ne soit, n'est-il pas vray que si l'on parloit en compagnie du
sieur Fabry[201], qui du temps du feu roy se fit dire mort, et pour
lequel on porta une buche dans le tombeau, craignant qu'il ne fist la
capriolle, n'est-il pas vray que vous direz que cela n'est pas possible,
et que ceste invention auroit esté recherchée par des justiciers pour
rendre odieux ceux qui manient les finances? Aussi je m'asseure que, si
l'on enfonce le discours sur ce que le sieur de Villautray, pour se
faire dire innocent du crime de peculat, qu'il a passé par la porte
dorée, que vous en aurez un grand despit; c'est pourquoy, pour mon
regard, je brise là-dessus, et laisse à discourir de ce qui en est à
ceux qui ont juste suject de s'en plaindre.

--Vrayement, Madamoiselle, c'est bien à vous, à faire de parler des
financiers comme vous faictes, vous qui ne paroissez dans le monde
qu'aux despens des pauvres parties, dont vostre mary est par foi lse
juge; vous qui n'auriez pas dequoy nourrir un meschant[202] lacquais
sans les presens que l'on vous faict, au prejudice du droict d'autruy,
qui est violé la plus part du temps; vous, dis-je, qui à peine pourriez
avoir un simple cotillon de taffetas de vostre estoc, n'estoit qu'avec
les espices on vous fournit de sauce. Je n'en veux dire davantage: que
chacun regarde à soy.

Sur ce, l'accouchée fit en sorte de rompre le discours, craignant que la
conseillère et la tresorière vinssent aux prises; et, pour empescher
que cela n'arrivast, elle fit feinte de se trouver mal, qui fut cause
que l'on ne parla plus des charges et des qualitez, et sur ces
entrefaites arriva Mathurine[203], qui courtoisement fit la reverence, à
chacun particulièrement dès l'entrée de la chambre, puis s'approcha du
lict de l'accouchée pour s'enquerir de sa disposition, après quoy elle
print place et en compta des meilleures pour esgayer la compagnie,
donnant neantmoins en passant un lardon à celles qui le meritoyent.

Madame de Verneuil, qui naguères estoit arrivée, la voulut faire jazer
pour s'en donner du passe-temps; mais elle, qui est aussi malicieuse
qu'un vieux singe, après avoir recité quelques sornettes, elle ne
feignit de rechercher le moyen de la picquer, parlant de la chasteté des
courtisanes, et sur tout mettant sur le tapis le merite et les bonnes
graces de monsieur de Bassompierre, pour raison desquelles le roy
l'avoit qualifié d'un brevet de mareschal de France: ce que l'on feignit
pourtant d'escouter, affin d'obliger aucunement ladite marquise, qui ne
peut l'aymer à cause de sa sœur. Mais aussi, elle partie, Mathurine
fut conjurée à double carillon de dire au vray si ledit sieur de
Bassompierre seroit mareschal de France[204]; et qui fut la plus portée
à ceste curiosité, ce fut madamoiselle nostre conseillère, laquelle,
outre sa brigue qu'elle faict, par le moyen de ses amis, de faire mettre
monsieur Viguier aux mauvaises graces de monsieur le Prince, elle croit
que si la cour change de face, que son mary sera garde des sceaux; et de
la nommer, le respect des dames me le deffend, laissant au public la
curiosité de s'en enquester à ceux qui mettent en contrerolle ses
actions.

Suivant donc que Mathurine fut interrogée si monsieur de Bassompierre
seroit mareschal, il faut croire qu'elle degoisa de luy plusieurs
discours, et les causes qui avoient meu le roy de le qualifier de ce
grade honorable: premièrement, que ses perfections y avoient fort operé,
et puis ses agreables services, notamment ceux qu'il avoit rendus à Sa
Majesté au siége de Montauban l'an passé, quand par son secours il mit
en vraye deroute les ennemis, qui souz un mot feint et non retenu
venoient au secours des assiegez.

--Hé quoy! dit là-dessus la femme de l'auditeur, ne faut donc plus qu'un
acte remarquable pour s'eslever auprès du roy? Vrayement, si cela a
lieu, il y aura d'oresnavant plus de mareschaux qu'il y aura d'asnes à
ferrer.

--Pardonnez-moi, Madamoiselle, dit la maistresse des requestes, et si je
vous dis que vous avez un peu tort de parler de monsieur de Bassompierre
de la sorte, car il est de fort bon lieu, et puis il y a long-temps
qu'il vogue en cour, sans faveur et sans qualité; et d'avantage, sa
bonne mine ne vaut-elle pas quelque chose de meilleur et de plus
honnorable que d'avoir tousjours des Suisses pendus à sa ceinture?

Sur ce, Mathurine dit tout haut que ses desseings n'estoient pas limitez
à ce seul but, mais qu'il se promettoit d'estre connestable après la
mort de monsieur Desdiguières, et qu'il le voyoit avec tant de certitude
que, pour en donner l'impression à toute l'armée, tout son desduict
estoit attaché aux exercices militaires, et avec plus d'affection qu'il
n'eust jamais en temps de paix de faire relever sa moustache.

--Hé! que deviendroit monsieur de Crequy[205], dict la tresorière, luy
qui est aussi vaillant que son espée, qui est du poil d'un martial et
qui mesmes en porte les marques honorables sur le visage? Ce seroit
faire tort à sa generosité que de le priver de la recompense deuë à un
grand courage comme le sien, ou, si cela luy manquoit un jour, je dirois
que les astres voudroient faire la guerre à leur superieur, qui luy fut
tant favorable pour renverser Don Philippin sur le pré[206]. Mathurine,
Mathurine, monsieur de Bassompierre est trop mignard pour beaucoup
entreprendre dans la fatigue de la guerre; il vaut bien mieux qu'il se
contienne en la qualité de mareschal de France, et prendre à femme
madamoiselle d'Antrague, que d'esperer pretendre plus haut; car aussi
bien les fortunes sont viagères, et aussi fol est celuy qui pense faire
prendre pied ferme à ses desseings, que fut autres-fois sot et maroufle
le pauvre Guerin, qui servoit de plaisant à la reyne Marguerite[207].

--Vous vous debattez, Madame, de la chappe à l'evesque, dit l'accouchée;
hé! qui soit connestable qui le pourra estre, l'on est aussi bien mordu
d'un chien que d'un chat. Nous en avons perdu, graces à Dieu, un qui ne
valloit guères; à present, nous en avons un qui ne fera guères mieux.
Toutesfois, ce que je trouve de meilleur en luy, c'est qu'il est riche,
Dieu mercy, des bons coups qu'il a fait aux eglises du Dauphiné.

--Sa richesse, repliqua Mathurine, devroit aider beaucoup à le faire
homme de bien; mais quoy! ce qu'on doibt craindre, c'est qu'un drap
retourné ne faict jamais tant de proffict comme s'il estoit à poil.

--Je vous sçay bon gré, dit la maistresse des requestes, de parler ainsi
à cœur ouvert, car il est vray, la hare[208] sent tousjours le fagot,
et, comme disoit un jour le duc de Rosny au feu roy Henry le Grand, que
Dieu absolve, lors qu'il luy demandoit pourquoy il n'alloit pas à la
messe aussi bien que lui: Sire, sire, la couronne vaut bien une messe;
aussi une espée de connestable donnée à un vieil routier de guerre
merite bien de desguiser pour un temps sa conscience et de feindre
d'estre grand catholique.

Ce discours finy, toutes les dames prindrent congé de l'accouchée, avec
promesses de la revoir le lendemain, ou le premier jour que la commodité
leur pourroit permettre; ainsi elles sortirent fort satisfaites de leurs
entretiens, et aussi tost entrèrent six autres dames d'une bande, et
d'un mesme quartier, lesquelles, ayant faict les salutations requises et
necessaires pour la bien seance, trouvèrent les places toutes chaudes;
elles ne firent guère mistère de s'y assoir. La première qui commença le
caquet, ce fut une nouvelle femme de notaire de la parroisse
S.-Jacques-de-la-Boucherie, qui dit à l'accouchée: Jesus! Madame, que
vostre teinct est changé depuis que vous estes en couche!

--Comment! respondit l'accouchée, trouvez-vous que je sois laidie
beaucoup?

--Nenny vrayement, repliqua la notaire, au contraire; si j'estois que de
vous, je tascherois d'estre souvent en couche, tant vous estes devenuë
jolie.

--Cela vous plaist à dire, dit l'accouchée; c'est que vous me voulez
gratifier, car il n'y a plus de gentillesse en mon faict; si c'estoit
vous, encore, il y auroit de l'apparence, car, outre que vous estes
belle de vostre naturel, monsieur vostre mary, curieux de vous
conserver, mettroit plustost en gage sa vaisselle d'argent que l'on vous
a donnée le jour de vos nopces que vostre beau teinct ne fust entretenu.

--Aussi il n'y a rien tel que d'estre jolie, dit sur-le-champ la femme
d'un passementier de la ruë de la Vieille-Monnoye. Et sur ceste
gentillesse voulant un peu discourir, et de l'appuy qu'on en tire par
fois, elle fut interrompuë par la femme d'un quinquallier, homme
d'honneur et grandement à son aise, laquelle fut fort peu honteuse de
dire qu'elle avoit cy-devant practiqué assez d'inventions pour estre
continuée aux bonnes graces d'un receveur, mais qu'elle avoit recogneu
que toutes ces sortes de curiositez[209] n'estoient que folies; qu'il
valloit mieux s'associer en l'honneste fortune d'un mary que d'attacher
ses affections à des frivoles concupiscences, où l'honneur et l'ame se
ternissent et se perdent.

Ces petits discours d'amourettes durèrent presque demy-heure entre ces
trois coquettes de bourgeoises, et n'eussent esté sy tost rompus, sans
que la femme d'un advocat, fort sage et discrette de son naturel, fit en
sorte de changer de batterie. Pour venir à l'effect de ce dessein, elle
fit feinte de se trouver mal et de s'esvanouir, ce qui les occasionna de
prendre garde à elle et d'apporter tous les soulagemens que l'on peut
s'imaginer aux foiblesses qui arrivent par fois aux femmes grosses, de
manière qu'après estre revenuë en son premier estat, elle fut interrogée
de la compagnie si elle estoit grosse, ains elle afferme qu'elle n'avoit
garde de l'estre.

--Cela peut pourtant bien estre, dit la femme d'un pourpointier, jalouse
au possible de son mary; vous qui estes à vostre aise et qui avez un bon
mary qui gaigne bien sa vie et qui vous ayme comme il faut, qui vous
empescheroit de le devenir?

--Je ne manque point, graces à Dieu, de toutes ces felicitez que vous me
dittes, mais j'ay une affliction qui m'empeschera d'avoir des enfans.

--Hé! quelle affliction, luy repliqua la pourpointière, Madame?

--Madame, quoy que j'aye un bon mary, ce n'est pas tout: j'ay perdu ma
mère depuis peu, j'ay une sœur malade sur les bras, et un frère
nouvellement rendu des universitez, qui veut se faire advocat un de ces
matins, et s'il n'est qu'un sot habillé en homme.

--Voire! advocat! les rues de Paris en sont pavées. Si j'estois que de
vous, Madame, je ferois en sorte de le porter dans les finances; car,
ayant le bien qu'il a, il pourra paroistre un temps à ses despens pour
apprendre, et puis asseurement il prendra aussi bien que les autres.

--Voilà un bon advis, Madame, dit une autre pourpointière qui a quitté
la boutique pour besongner en chambre; aujourd'huy il n'y a que d'en
avoir; chacun se mocque de la necessité, et le vray moyen de l'eviter
pour le jourd'huy, c'est d'estre financier, car infailliblement la
guerre ne durera, et pendant le temps il adviendra que les vieux se
defferont de leur charge, ou pourront mourir; ce qu'estant, les jeunes
s'avanceront et feront leurs bourses.

--Quelque mestier que ce soit, dit la notaire, est très bon quand on y
profite et quand il ne fait point perdre son maistre, ce qui se voit
assez rarement; toutesfois, si j'avois à choisir pour me pourvoir, je
prendrois plustost un financier qu'un advocat.

--La femme de l'advocat s'en sentit un peu intéressée, et comme estant
legitimement picquée au jeu, elle ne peut s'empescher de dire qu'on
n'avoit jamais veu de financiers devenir gardes des sceaux et
chanceliers, mais bien garde-prisons assez souvent, lequel l'on
pourroit bien voir quelque matin, la paix estant faicte, pour les
obligations et malversations qu'ils avoient commis depuis que la guerre
est commencée.

--Laissons là les qualitez, Mesdames, dit la quinquallière; qui bien
fera bien trouvera. Si les financiers ont desrobé l'argent du roy, comme
il y a de l'apparence, le conseil en sçaura bien faire la recherche; et
ce faisant, le proffit qu'ils auront faict ne sera qu'un emprunt qu'il
faudra rendre avec les interests.

--Il semble que vous sçachiez les particularitez de ces Messieurs, dict
là-dessus la belle pourpointière.

--Ce que j'en sçay, repliqua la quinquallière, c'est le receveur que
j'ay tant aymé qui m'en a compté une partie, et le reste, ç'a esté le
sieur Gesselin, comme je discourois avec luy de la belle Angelique,
qu'il a tant de peine à marier.

--Mais, à propos, Madame, dit la marchande de passement, la fille de
laquelle vous parlez est-elle aussi jolie qu'elle estoit lorsque le
sieur advocat la recherchoit en mariage?

--Il s'en faut plus de la moitié, luy respondit la quinquallière, et si
je doubte d'elle ce que je ne veux publier, pour le respect du sexe.

Comme ceste parole s'achevoit, la femme d'un procureur de la Cour,
demeurante en l'Université, entre dans la chambre suivie d'une petite
esmerillonnée[210] de servante, qui se douta de ce qu'on vouloit dire de
la belle Angelique; et, ayant prins place, le caquet fut renforcé par
elle, et meut les autres si fort à caqueter, que le meilleur secretaire
n'eust peu rediger le tout par escrit. Neantmoins, encore que leur
babilloire allast bien viste, je ne laissay d'en profiter et de
remarquer ce que je jugeay pouvoir apporter du contentement aux curieux.
Entre autres choses j'appris l'invention qui se praticque parmy les
bourgeoises pour paroistre, quoy qu'elles n'ayent ny rente ni revenu.

Sçachez donc, suivant la relation mesme de la procureuse, que
l'invention de paroistre[211] a esté trouvée par les femmes de
practique, depuis quinze ou seize ans en çà, à dessein d'aller au pair
avec les damoiselles de race et d'extraction, et pour faire à croire
qu'elles en ont, mais c'est du contant, invention qui est tournée en
perfection, si perfection on doit appeller le vice; en sorte que, pour
le jourd'huy, on ne voit plus ny femme de notaire, ny de procureur, ni
d'advocat, ny mesme de marchand et d'artisan, à qui la soye ne traine
depuis les pieds jusques à la teste; et pour entretenir cet estat, que
se fait-il, sinon qu'un plan de cornes aux pauvres maris, qui froidement
vont au Chastelet ou au Palais, tandis que leurs femmes se donnent
carrière; et qu'ainsi ne soit, demandez à Jouan, procureur, s'il n'est
pas genin dans son haut de chausse; s'il ne vous dit assurement que ouy,
je veux boire un verre de vin muscat à jeun pour ma penitence. Je vous
en nommerois assez d'autres s'il estoit besoing, mais je me contenteray
pour le présent de celuy-là, en consideration qu'un jour il demanda acte
à monsieur le lieutenant de ce qu'il venoit de trouver un homme botté et
esperonné couché avec sa femme.

Passons outre, et revenons à nos marchandes: les cessions et les
banqueroutes de leurs maris leur bastissent une belle fortune, sans le
tour du baston qu'elles font de leur costé, et de la façon elles
paroissent en damoiselles, excepté la coiffure, tesmoing ceste-picque de
biscaye[212] de la ruë S.-Denis, qui a fait faire plusieurs fois
cession à son mary, et ne laisse pourtant de tenir boutique ouverte.

Or sus, revenons au caquet de nos bourgeoises et de nostre procureuse.
Si tost donc qu'elle fut assise, elle fit signe à sa servante de
s'approcher d'elle, pour luy dire qu'elle s'en allast querir ce qu'elle
avoit oublié, qui estoit un libelle en vers contre plusieurs filles et
femmes de ceste ville. Aussi tost dit, aussi tost effectué, et à peine
avoit-elle dit à la compagnie ce que c'estoit, que ladite servante
revint, et apporta ledit libelle, qui fut en mesme temps presenté sur le
tapis, et la lecture s'en fit par la marchande passementière, comme la
plus curieuse de toutes, lequel j'ay faict en sorte de coppier, pour en
contenter ceux à qui la curiosité resveille l'esprit, et à cause de la
gentillesse de sa poësie:

      Une petite vendant du clou
    Fut apperceuë par un trou
    Qui enfiloit à la chandelle;
    Un petit de nom et de faict
    S'est delecté dans le caquet
    Qu'on a faict depuis de sa belle.
      Un grand jancu de bon minois,
    Afin de violer les loix
    Du sacrement de mariage,
    En la maison d'un pourpointier
    A fait despriser le mestier
    Pour honorer le cocuage.
      Un gros coquin garny d'escus,
    Aspre aux plaisirs et aux abus,
    Fit tant que Gaumont, tout folastre,
    Luy presta sa femme à minuict
    Afin d'en prendre son deduict
    Puis en a faict l'acariastre.

Sur cecy la passementière change de couleur et voulut deschirer le
papier où estoit escrit ces vers: à quoy s'opposa formellement la
procureuse, promettant à ladite passementière que jamais personne
n'auroit la cognoissance de sa part, dont elle en fut conjurée par
l'Accouchée, qui neantmoins avoit dessein d'en rire une autre fois plus
particulièrement. Ainsi ce papier fut reserré, et commença-on de
cacqueter de ceste sorte:

--A propos, Madame, dit la femme de l'advocat, est-il vray qu'on doit
publier un edict pour la reformation des habits[213], et que
Chalange[214] en doit entreprendre l'execution[215].

--J'en ay aucunement entendu parler, respondit la procureuse; mais
pourtant je ne le puis croire, car il s'est trouvé trop empesché à
l'edict des procureurs[216].

--Neantmoins, repliqua l'advocate, on en bruicte fort par la ville, et
dit-on de plus qu'il passera plus facilement que nul autre qui ait passé
depuis deux ans[217], parce que ou les ambitieux, pour paroistre,
donneront de l'argent en forme de rente, si on l'accorde; ou bien chacun
sera cognu selon sa qualité.

--Hé! qu'importe d'estre cogneu par sa qualité, pourveu qu'on ait force
pistoles, dit l'accouchée?

--Non, non, Madame, respondit d'affection nostre advocate, il est bien
necessaire de proceder à ceste reformation; l'argent n'est rien au
respect des mœurs, et certainement il est plus à propos d'honorer
l'ame de belles actions que de parer son corps de beaux vestements, qui
ne servent en effect que de desguisement quand on y apporte tant de
sorte d'inventions.

La marchande passementière, qui voyoit bien que c'estoit d'elle qu'on
parloit particulièrement, fit forme d'avoir affaire à son logis, et sur
ce discours print congé de la compagnie. La sortie de laquelle apporta
une plus grande licence de parler d'elle; et qui en entama le discours,
ce fut la procureuse, qui dict: Vrayement, la marchande qui vient de
sortir a bien changé de poil depuis qu'elle a quitté sa boutique; la
cognoissez-vous bien particulièrement, Mesdames?

A ceste demande, personne ne voulut respondre que la petite affetée de
notaire, qui dict que du temps qu'elle estoit fille on en parloit fort,
et qu'elle alloit la nuict trouver un certain homme pour coucher avec
luy, et qu'affin de n'estre recognuë qu'elle prenoit un habit desguisé.

--Son mary estoit donc aux champs quand elle faisoit ce train-là?
respondit la procureuse.

--Non, non, Madame, luy repliqua la notaire; c'estoit luy-mesme qui luy
faisoit aller, et ceste façon de faire a duré deux ans et plus, et puis
le badin en est devenu jaloux jusques là que de l'avoir accusé
d'adultère.

--Madame, Madame, soulagez un peu l'honneur de vostre voisine, luy dit
la quinquallière; on ne sçait pas ce qui nous peut arriver: toutes
choses estans sujettes aux changemens, il faut peu de chose pour nous
renverser veritablement.

La quinquallière avoit raison de parler de la sorte, car elle a les
talons si cours qu'il ne faut la pousser guère fort pour la faire choir,
et de cecy je m'en rapporte à ce qui en a esté escript et produict,
ainsi qu'il se voit par le libelle cy-dessus, extraict des memoires
curieux d'un des beaux esprits de ce temps qui la cognoit assez
familièrement.

Cet entretien commença de desplaire à l'accouchée; aussi elle fit en
sorte de faire signe à la garde de luy apporter la colation, ce qui
occasionna les bourgeoises de sortir et de prendre congé d'elle, au
moyen de quoy elle print relasche d'une demy-heure; et après ce temps
une autre compagnie vint la saluer, qui se tint avec elle jusques au
soir.

Les discours que ceste compagnie tint n'ennuyoient pas l'accouchée comme
les autres: car on n'usa jamais de mesdisance, sinon qu'une mercière de
la ruë de la Harpe, enquesteuse au possible des affaires d'autruy, comme
on parloit de la misère du temps, accusans en partie la sienne, ne peut
s'empescher de parler d'un de la vacation de son mary, qui a quitté sa
boutique du Palais pour faire faire monstre à ses filles; elle n'eust
garde de dire que sa boutique estoit toute remplie de nenny, que son
mary faisoit passer les conventions matrimoniales par la forest
d'Angoulesme[218], ny qu'elle toleroit la desbauche de sa servante à
cause qu'elle n'avoit dequoy luy payer ses gages; aussi c'eust esté mal
à propos de parler de la maison et de ce qu'il s'y faict, puis qu'on en
parle assez en Bretagne et en Normandie.

Or, après qu'une certaine gantière assez cognue, quoy que sa mère soit
garde d'accouchée, voulut mettre son nez au caquet, et commença de
parler d'un procez que son mary avoit contre un advocat, la perte duquel
elle redoutoit fort si elle ne s'y employoit de cul et de teste...

--En craignez-vous la perte? luy dict la femme d'un commissaire qui a
pris la vache et le veau. Vraiment, puisque vous avez de l'argent, comme
l'on dict, vous avez beau moyen de le gaigner.

--A la verité, repliqua la gantière, si les conseillers de la Cour sont
aussi friants de presens comme ceux qui ont rendu la sentence dont est
appel, je suis asseurée d'avoir gaigné la cause.

--Madame, Madame, luy dit une grosse damoiselle de Normandie qui logeoit
naguères chez un chirurgien, j'en ay gaigné pour le moins une douzaine
au Parlement, sans que j'aye employé d'autre faveur que mon industrie;
c'est pourquoy vous pouvez beaucoup, vous qui estes de bonne grace, qui
avez si beau maintien.

--Je m'asseureray donc, respondit la gantière, en la faveur de vostre
bon conseil, duquel je vous remercie et vous en baise bien humblement
les mains.

--Vous parlez de procez? dict l'accouchée.

--C'en est faict, respondit la damoiselle, et puis c'est d'un qui n'est
pas de grande conséquence.

La femme d'un procureur du Chastelet qui demeure en la ruë S.-Martin,
suivant ces entrepropos, commença et dit: Je ne sçay quels procez il se
faict depuis dix ou douze ans, car je vous asseure qu'encores que mon
mary soit des anciens, que son estude est aussi seiche qu'une langue de
bœuf parfumée; la pluspart du temps il ne fait rien que bayer aux
corneilles et jazer avec un voisin que nous avons qui fait des luts.
Nous avons un fils advocat qui ressemble les tapis que mettent les
marchands sur leurs boutiques, car il ne nous sert que de monstre; et ce
qui m'afflige plus sur mes vieux ans, c'est que j'ay de trop grandes
filles qui perdent leur temps faute d'ouvrage.

--Je vous plainds, je vous asseure, Madame, luy dict une jeune
damoiselle qui a espousé le fils d'un medecin, d'autant que mesdames vos
filles sont assez advenantes; toutesfois, Madame, j'estimerois que vous
ne ferez pas mal d'en mettre quelqu'une en religion.

--En religion! respondit cette procureuse; vrayment, il faut autant
d'argent pour le jourd'huy pour y mettre une fille comme à la mettre en
son mesnage; je m'y suis assez employée pour ma grande, lorsque je l'ay
veuë reformée en ses habits; mais je n'y ay rien gaigné.

Là-dessus une esrattée de perruquière de la mesme ruë, voulant donner
son advis, et enseigner un moyen de mettre lesdites filles en religion,
parla de celles où sont les capucines[219]; mais à ceste objection
ladite damoiselle luy respondit que c'estoient discours, et qu'il y
falloit avoir de l'argent aussi bien qu'ailleurs, ou bien de grands amis
qui procurent le moyen d'y entrer.

Une bourgeoise de la rue Quincampois, ayant dessein de terminer
l'affliction de la procureuse, luy dit: Madame, ne vous affligez point
tant de vos filles; Dieu y donnera ordre à les pourvoir, et fera que
quelques uns de ses bons serviteurs y mettront la main. On parle, ce
dit-elle, d'une nouvelle religion où les filles de maison seront
receuës à peu de fraiz, et si dit-on d'avantage, que nostre
evesque[220], à son advenement, veut faire largesse pour ce
subject[221].

--Ce sera un grand bien pour son ame, dict la femme d'un greffier; s'il
donnoit une année ou deux de son revenu pour pourvoir quelques filles,
ou en religion ou au mesnage, en retranchant un peu son train, il
obligeroit icelles à prier pour soy.

Ces propos achevez et finis, arrivèrent encores quelques bourgeoises
d'une mesme compagnie, desireuses d'entretenir madame l'accouchée de
plusieurs choses qui courent parmy le monde, et de plusieurs façons de
faire qui s'y pratiquent; les autres, qui estoient arrivées il y avoit
assez longtemps, prindrent honorablement congé peu de temps après ceste
arrivée, et après leur sortie une parfumeuse de la ruë S.-Sauveur
commence de dire: Nous faisons un beau silence, pour estre venuës
visiter une accouchée.

--Je vous asseure, Madame, luy dict une de ses voisines, qui est femme
d'un tapissier, j'ay si mal à la teste des discours qu'on tient de nous,
que j'en ay les jouës toutes rouges.

--Là, là, luy respondit la parfumeuse, ce n'est pas là où le bast vous
blesse; c'est que vous faites la fine pour jouër les deux.

La tapissière là-dessus repliqua qu'il n'appartenoit à jouër les deux
qu'à la femme d'un tailleur d'auprès la rue des Prouvelles, parcequ'elle
entretenoit son mary en amytié et sans jalousie, et si un petit
procureur du Chastelet ne laisse pas de captiver ses bonnes graces.

--Comment, dit aussi tost une frippière d'auprès la Tonnellerie, la
petite tailleuse ayme la chiquanerie? Vrayment, je ne m'estonne plus
s'ils vont si souvent aux champs ensemble.

--Ce n'est pas où ils font leurs meilleurs coups, dit encore la
tapissière; mais c'est au logis de Paris: car assez souvent le procureur
prend occasion d'aller joüer au picquet avec le mary, et ainsi il
choisit son heure.

--Hé! si cela est sçeu à la cour, dit la parfumeuse, luy qui veut avoir
un office chez le roy, ce sera une grande incommodité pour le Louvre.

Chacune de ces bourgeoises, à ces paroles, se prindrent à rire de si
grand courage qu'il sembloit à les entendre que ce fussent des asnesses
dans un pré qui brayassent pour estre couvertes. Et moy qui parle, je
fus contrainct, quoy que caché à la ruelle du lict, d'en destacher mon
esguillette, craignans de pisser dans mes chausses.

Cecy finy, elles commencèrent à caqueter et à discourir du comte
Mansfeld[222]. L'une disoit qu'il est un grand capitaine pour un
Allemand; l'autre soustenoit qu'il n'avoit pourtant pas grand courage.
Une autre, qui avoit le jugement un peu plus solide, dit qu'une bonne
fuitte valoit mieux qu'une mauvaise attente, et qu'il y avoit plus
d'honneur à laisser le champ à ceux qui tiennent en main la victoire que
de recevoir une perte dommageable au profit et à l'honneur, et puis,
qu'ayant les gouttes comme il a, que malaisement eust-il trouvé du
secours pour l'en soulager, si ce n'eust esté en perdant la vie. En fin,
après tant de sortes de comptes et de sornettes, la nuict s'approcha,
qui fut cause que chacune se retira à son enseigne.



LA RESPONCE

DES

DAMES ET BOURGEOISES DE PARIS

au

CAQUET DE L'ACCOUCHÉE

_Par Madamoiselle E. D. M._

A Paris, chez l'imprimeur de la ville, _à l'enseigne des trois
Pucelles_.

M. DC. XXII[223].


Maintenant que l'esté nous a fait paroistre les effets de sa chaleur, et
que les rayons du soleil, d'une force plus concoctive, bruslent et
consomment les campagnes mesmes qui sont sous un climat temperé comme
la France, outre que d'ailleurs les femmes, qui sont d'un temperament
froid et humide, ne peuvent soustenir une chaleur si ardante que celle
qui se fait quand le soleil entre au signe du Cancre, comme il a fait
depuis quelques jours, je me resolus, avec quelques unes de mes
voisines, d'aller aux estuves pour me rafraichir: car la nature est
tellement sortie de ses premiers ressorts qu'il n'est point maintenant
permis aux femmes de se baigner à la rivière, à cause peut-estre qu'on
les verroit à descouvert, ce qui est hors de raison, veu que les femmes
peuvent avec autant de droit et authorité se baigner que les hommes,
puis qu'en leur nature elles sont egalles à eux, comme je crois avoir
veu assez preuvé ailleurs.

Comme je fus arrivée aux baings où d'ordinaire nous avons coustume entre
nous autres de nous rafraichir, je me trouvay au milieu d'une bonne et
agreable compaignie de bourgeoises et dames de Paris, qui estoient
venues au mesme lieu pour ce subjet. Ainsi que nous commencions à nous
deshabiller, et que chacun s'apprestoit pour se mettre à l'eau, une
jeune damoiselle du faux-bourg S.-Germain dit: La porte est-elle fermée,
ma cousine[224]? (Elle parloit à une sienne parente de la place
Maubert.) Je vous asseure qu'il y faut prendre garde: car pour
maintenant on ne prend plaisir qu'à mal parler d'autruy, et
principallement on est bien aise de toucher sur la corde des femmes et
d'avoir prises sur elles. Il y a plus d'un mois entier que dedans Paris
on nous appelle caqueteuses; on ne parle que du caquet des femmes.
Jamais le lict de l'accouchée ne fut mieux remué; il est souvent
retourné et fueilletté.

--Mais il n'y a que de la plaisanterie dedans, dit sa tante [qui estoit
desjà dans l'eau][225].

--C'est vostre honneur, respondit l'autre; cela ne retourne qu'à nostre
desavantage. S'il y a quelque bon quolibet, quelque gausserie, quelque
risée, ou quelque pacquet, c'est tousjours sur les femmes qu'il vient
tomber, et tousjours les pauvres femmes sont chargées; je ne sçay comme
elles ont si bon dos, car bien souvent il faut qu'elles portent de
pesans fardeaux.

--Comment! ma commère, dit une qui avoit desjà deffait sa chemise[226],
c'est une chose estrange que, sous pretexte de madame l'accouchée, on
nous en fait payer la fole enchère. On dit mal de l'une, on se mocque de
l'autre, on rit, on gausse; ce sont plustost des farces et commedies
qu'autres choses. Jamais les femmes ne furent remuées de la sorte: l'une
sera trop vieille à l'appetit de son mary, il se voudra mettre à la
fraischeur; l'autre sera trop bouillante à l'appetit du sien, qui n'ira
qu'à demy-voye; l'autre aura cinquante ans et on ne la marie pas, de
sorte qu'elle sera contraincte de recoudre son pucelage plus de cent
fois. Que sçay-je, moy? chacun nous donne tels quolibets qu'on veut, et
ainsi pour ce jourd'huy en toutes les bonnes compagnies et assemblées on
nous couche tousjours sur le tappis, puis après nous servons de joüet et
d'entretien aux hommes, qui sont bien ayses, pour passe-temps,
d'esplucher nos actions et de scindiquer sur nos besongnes.

--Madame a raison (fis-je alors)[227], car le temps d'aujourd'huy n'est
plein que de mesdisances et d'invectives, principalement à la cour, où
j'ay de coustume de hanter: l'une aura un œil trop brun à l'appetit
de celuy-cy, l'autre un nez camus à l'appetit de l'autre; mais la
pluspart du monde ne voit point que ceux qui sont camus ont de grands
priviléges et immunitez à eux concedés de la nature, sçavoir est qu'ils
sont exempts de porter les lunettes, droict qui est très beau, puis
qu'il relève de la cour des Quinze-Vingts, où les aveugles president en
robbes grises et fleurdelisées[228]; les autres ont des robbes qui ne
correspondent pas à leur qualité. Si une marchande porte le satin à
fleurs de velours cramoisi[229], etc., faut-il en murmurer? Pourtant
elles seroient peu discrettes si elles ne s'accoustroient des plus
riches et des plus belles estoffes de la boutique, puis qu'elles-mesmes
les vendent et debitent aux autres[230]. Si aujourd'hui une
passementière porte un colet monté à cinq estages, elle le fait pour une
consideration qui est tres bonne, sçavoir, afin qu'on ne puisse
attaindre à son pucelage, qu'elle met et constitue au dernier estage de
son colet, ce qui est universellement approuvé de toutes les
courtisannes: car frottez vostre nez contre leur visage, cueillez les
fleurs qui s'espanouïssent sur le marbre empourpré de leurs jouës,
desrobez les roses qui vont esclatant sur le corail de leur bouche,
pillez les lis qui blanchissent sur la neige yvoirine de leur gorge,
bref, mettez-vous en quatre parties pour entendre le bal mesuré de leurs
pommes jumelles, et les souspirs contre-balancez de ces
deux-hemisphères, ce n'est point là où gist le pucelage. Pourveu que
vous ne touchiez point au colet, vous estes le plus galand cavalier du
monde; mais si une fois vous avez rompu un rang de passement, vous
perdez toute l'estime qu'on avoit de vous auparavant (elles ont bien
raison, et je soustiendray tousjours leur party en cecy, puis que leur
honneur est au cinquiesme estage de leur collet); il ne s'y faut jamais
prendre.

--Pour moy, dit une damoiselle [qui estoit en l'eau jusques au
col][231], je ne sçay comment on en veut tousjours à ces pauvres femmes:
c'est la rebute ordinaire de toutes les calomnies des hommes; s'ils ont
fait quelque acte auquel ils croyent avoir acquis quelque disgrace, tout
aussi tost la femme en a sa part: «Ma femme est cause de cet accident;
sans elle j'eusse gaigné mon procez»; et le plus souvent on trouvera que
la femme aura meilleur droict que son mary: et ainsi c'est nous
mespriser.

[--Vous voilà dans l'eau jusques au col (dit une vieille qui tenoit du
linge blanc); mais j'y suis plus avant que vous, car m'y voilà jusques
au né. Ne faisoit-il pas bon voir une femme avoir des roupies en plain
esté?][232]

Une autre qui s'entendoit à la philosophie, et qui avoit choisy ce jour
pour le bain[233] comme un medecin du cartier S.-Honoré qui ne vouloit
coucher avec sa femme que par lune, va dire: Je ne vois aucune raison
formelle qui puisse conduire ma cognoissance à croire qu'on nous doibve
tenir en ligne inferieure avec les hommes: car premièrement ils disent
que nostre temperie est froide et humide, et que, nos organes n'estant
point bien disposez, il faut, par une consequence logicienne, que nous
ne pouvions exercer nos fonctions avec l'advantage dont jusques à
maintenant ils se sont prevalus contre nous, et toutesfois je prouveray
tousjours par bonnes, valides, scientifiques et demonstratives raisons,
que nous surpassons de beaucoup le sexe masculin, ou, à tout le moins,
que nous ne luy sommes en rien inferieures. Jettons les yeux sur les
sciences, arts, mestiers, pratiques et inventions: la pluspart se
trouvera tirée de la teste des femmes, car comme elle pullule en
raretez, subtilitez, prudence et autres qualitez infinies qui
annoblissent nostre sexe, aussi le peut-on aisement remarquer par des
exemples et des preuves irreprochables. C'est ce qui a meu Platon, à qui
nul n'a debattu le titre de divin, et consequemment Socrates, son
interprette, en batissant les loix et reiglemens fondamentaires pour
les royaumes et republiques qui depuis sous icelles ont esté regies et
gouvernées, de les admettre dans les dignitez, charges et offices, et de
les eslever aux mesmes degrez d'honneurs que les hommes; et bien
davantage, ces lumières de l'antiquitez maintiennent et asseurent avoir
veu des femmes qui ont surpassé les hommes de leur patrie. Si de cecy
nous en voulons sçavoir la raison, les philosophes mesme, bien que d'un
sexe different du nostre, diront que, comme la pureté du sang concurre à
la vivacité de l'esprit, que consequemment les femmes ont ou doivent
avoir l'esprit plus vif que les hommes, puis qu'elles ont le temperament
plus delicat. On en a veu naistre des effects très certains de ce que je
dis, en Alexandrie, Egypte, Trace, Rome, France, et autres contrées de
l'univers. De l'autre costé, la femme est en mesme puissance que l'homme
de produire des actes genereux: ce n'est faute le plus souvent que de
les defricher; si l'arbre ne porte point de fruict, ce n'est faute que
de le cultiver, esmonder et esbrancher. Combien y auroit-il d'hommes
hebetez et grossiers, si depuis le plus tendre de leur jeunesse on ne
les jettoit dans les escolles, où la pluspart, le plus souvent, après
avoir bien employé du temps, sont aussi sçavans que quand ils y ont
entré; où au contraire, si on employoit après les femmes la centiesme
partie du soin et de la cure qu'on prend après les hommes, on verroit
des merveilles: car, comme les femmes sont d'un temperament plus tendre,
et ont le sang, comme j'ay desjà dit, plus subtil, aussi auroient-elles
en bref les organes disposez à recevoir les espèces intromises par les
sens interieurs. Combien a-on veu de grands cerveaux de femmes regir,
maintenir et gouverner ceste monarchie et une infinité d'autres
royaumes! C'est ce qui conduisoit jadis Plutarque à dire que les vertus
des femmes aloient à l'esgal de celles des hommes, comme de fait on en
peut voir de grandes et irreprochables experiences. Il me souvient avoir
leu dans Tacite qu'un certain, estant venu à Rome en grand equipage pour
estre concitoyen de ladite ville et participer aux droicts et immunitez
dont jouyssoient jadis les Romains, et principallement ceux qui avoient
le titre de noblesse, qu'au commencement il se vantoit de la race des
dieux, se disant sorti d'un Hercul, d'une Thetis, d'un Jupiter. On ne
l'approuvoit point pourtant; mais quand, changeant de discours, il vint
dire qu'il descendoit en ligne collateralle d'une Amazone, alors ce nom
reveré et respecté du peuple romain le fit entrer au nombre des autres
citoyens, et participer aux mesmes priviléges. Les Lacedemoniens, gens
experimentez s'il en fut jamais, ne faisoient rien qu'auparavant ils
n'eussent consultez les principalles femmes de la ville.

--Il n'y a que cela qui me fasche (dit une jeune mariée d'auprès le
Louvre), qu'il faut donnner tant d'argent maintenant quant on se veut
marier, c'est une ruyne; puis que vous dites que les femmes vont de pair
avec les hommes, c'est encore peu de consideration à nous de nous
attacher à la cadène et nous captiver de nostre propre et liberal
arbitre sous leur empire, et au bout du compte apporter de l'argent en
mariage.

--N'en sçavez-vous que cela (dit une esveillée qui estoit un à bout)? La
cause pour laquelle les femmes apportent de l'argent aux hommes en
mariage, c'est qu'ils acheptent un fonds pour planter des cornes.

La philosophe, à ce mot, reprit la parole: Au rapport (dit-elle) de
Corneille Tacite, historien fidel des annales romaines, les Germains et
Allemans, gens indomptables à la guerre, portoient dot à leurs femmes,
non les femmes aux hommes, et les principaux siéges n'estoient gouvernez
et regis que sous leur sceptre et commandement.

En après, si nous voulons nous fonder sur les principes et sur les bases
de la metaphisique, nous trouverons que la nature humaine est divisée
egallement et de l'homme et de la femme: et ainsi l'un ne participe
point davantage à la raison que l'autre; _ea autem sunt unum et idem
quorum, natura non est diversa secundum essentiam_. Or, si l'homme n'est
qu'un avec la femme, il suit necessairement qu'on ne peut calomnier
l'un sans parler au desadvantage de l'autre, de mesme que, si on dresse
des loüanges au premier, elles ne peuvent qu'elles ne resultent et
resjaillissent à l'honneur des seconds.

Je m'estendrois icy sur les Sibilles, qui ont communiqué avec la
divinité par leurs oracles et propheties, si leurs discours admirables,
leurs bouches divines et leur langage doré, ne fermoit la bouche à ceux
qui nous veulent calomnier. Pour leur valeur et adresse aux armes,
n'avons-nous point ceste genereuse guerrière en France, la Pucelle
d'Orleans, qui s'est signalée en tant de combats, rencontres, en tant
d'assauts et batailles, sans aller en Trace chercher les antiques
Amazones? Mais, mesme en nos derniers jours, ne voyons-nous pas des
exemples de leur magnanimité, de courage, où elles ont gravé leur renom
dans le temple de memoire?

Toute la compagnie, et moy la première[234], qui durant ce haut et
relevé discours avoit faict un silence dans l'eau[235] de peur qu'on ne
nous[236] imputast le nom de caqueteuse, fusmes[237] ravies en extase
de voir nostre[238] cause si bien defenduë et nostre[239] sexe si haut
monté par l'ascendant que luy avoit donné ceste docte et scientique
damoiselle: car elle avoit monstré (comme de fait personne ne le peut
revoquer en doute) que la femme estoit en mesme ligne paralelle avec
l'homme, et qu'il n'y avoit aucune difference entre eux, de manière que,
cela estant, si les hommes viennent maintenant à user de represailles et
calomnies envers nostre endroit[240], c'est sur eux-mesmes que
resjaillissent leurs injures: tout ne peut se faire, en fait de
calomnies, qu'à leurs desadvantages.

La compagnie n'en demeura pourtant là: on voulut voir et examiner les
cahiers de madame l'accouchée, de laquelle on parle tant maintenant dans
Paris. L'une disoit que ce n'estoit qu'une pure fiction inventée à
plaisir pour la jovialité qui s'y rencontre; l'autre soustenoit que cela
avoit esté fait et qu'il se pouvoit faire; qu'il n'estoit hors de
raison. Chacun se debatoit: l'une le tenoit pour faux, l'autre pour
veritable. Pour mon regard[241], je crois que madame l'accouchée n'y a
jamais songé.

--A la verité (dit une qui commençoit à s'essuyer)[242], si on parle
mal des femmes, il y en a plusieurs qui en donnent subject; on
familiarise quelquefois avec des personnes qui, sous couleur d'une
feinte amitié, font souvent naistre des soupçons en l'esprit de ceux qui
regardent; on faict des mauvais rapports, et par ainsi les femmes sont
toujours injuriées à tort.

--Voilà mon dire, respondit une fille de chambre d'auprès S.-Jacques:
depuis qu'aujourd'huy on voit un homme auprès d'une femme, on en parle
mal. Pour moy, je suis d'un naturel dispos et gaillard, j'aime tousjours
mieux jouër au reversis qu'au picquet; je ne me picque jamais au jeu
(pourveu que d'autre, part on ne passe trop avant dans les bornes de
l'honneur). Au reste, je ne suis pas joyeuse quand j'entens parler mal
de nostre sexe, c'est ce qui me tourmente le plus; et encore, qui pis
est, on m'a meslée dans les cartes de l'accouchée; je ne sçay comment
m'en desgager.

--Vous n'estes pas seule qui avez vostre paquet (dit sa cousine); j'en
cognois bien d'autres, et des meilleures bourgeoises de Paris, qui en
ont eu leur part. Toutefois, comme ce sont frivolles, aussi ny
devons-nous nous arrester, n'y faire aucun semblant que nous nous en
sommes formalisées.

--Frivolles! ma commère, dit une autre: S. Jan! appellez-vous frivolle
de calomnier l'un, de se rire de l'autre, de se gausser de celle-cy, de
mal parler de celle-là? Pour moy, je crois qu'on n'en eust peu inventer
davantage pour se mocquer de nous: car le pire que je remarque en cecy,
c'est que la pluspart sont accusées à tort et sans cause.

Moy, qui estois[243] de l'autre bout, pris la parolle pour toutes les
autres en general. Mes damoiselles (dis-je)[244], il se faut resoudre en
cecy; il y a un expedient fort propre; il est besoin en choses
d'importance d'apporter du conseil: il nous faut faire un reglement en
ceste affaire. Pour moy, je trouverois bon que nous fissions une lettre
de desadveu et une signification pour nous departir de tous ces discours
de l'accouchée. La femme d'un sergent du faux-bourg Sainct-Marceau,
approuvant son dire, respondit que son mary ne prendroit rien des
significations, et qu'infailliblement il publieroit lesdites lettres par
les carrefours de Paris, n'y ayant personne qui peut mieux tromper ny
trompeter que luy.



LETTRE DE DESADVEU

touchant le caquet de l'accouchée[245].


«_Nous, dames et bourgeoises de Paris, assemblées ès estuves, après
avoir veu et leu un livret qui s'intitule le_ CAQUET DE L'ACCOUCHÉE, _et
que, dans iceluy livret, nous avons amplement remarqué qu'à tort et sans
cause on nous calomnioit, nous appelant caqueteuses, bien que chacun
sçache assez bien que nostre langue est toujours en nostre bouche, outre
qu'il n'y a eu aucune assemblée d'accouchée qui eut peu authoriser ce
discours, afin que chacun cognoisse l'integrité de nos actions, et qu'il
soit notoire à tous que nous aymons à avoir le droit partout: Nous avons
des-avoué et des-authorisé, comme par ces presentes nous des-avouons et
des-authorisons le dit livre, tenans et aboutissans et dependances
d'iceluy, et en tant que nostre pouvoir s'estend. Nous segregeons de
nostre compagnie tous ceux et celles qui feuilleteront le dit livre,
enjoignant de plus à toutes les femmes, de quelque quartier, rue,
qualité ou condition qu'elles soient, que partout où elles verront le
dit Livre, Seconde et Troisiesme après-disnée d'iceluy, soit ès-mains
de leurs maris ou autres, quelles ayent à s'en saisir, comme d'une pièce
pernicieuse à notre sexe, et de ce nous donnons pleine puissance et
authorité absolüe. Donné à Paris, le jour et an que dessus.»_


Ceste lettre de desaveu pleut grandement à la compagnie, qui
l'approuvèrent d'une mesme voix et d'un commun applaudissement. De là,
s'estant toutes revestues, elles sortirent des estuves et s'en
retournèrent chacun en son logis, avec promesse toutefois de s'assembler
pour la seconde et troisiesme fois, si l'occasion le requiert.



LE DERNIÈRES PAROLLES

ou

LE DERNIER ADIEU DE L'ACCOUCHÉE

    Ensemble ce qui s'est passé en la dernière visite
    et quatriesme après-disnée des dames
    et bourgeoises de Paris[246].


En vain vous auriez veu les commencemens des couches de l'ACCOUCHÉE et
feuilleté ses premières et secondes[247] visites, si par mesme moyen
vous[248] ne veniez à jetter les yeux sur le progrez, suitte et
advancement d'icelles, et ce avec autant plus de desir que le sujet le
semble requerir. C'est pourquoy, comme tesmoin occulaire de ce que j'ay
veu, je vous traceray en ces lignes ce que j'en ay apris depuis
peu[249], esperant que, comme nostre puissance intellective n'a des
bornes qu'en tant que les cognoissances qu'elle a sont dans la sphère
d'activité de son esprit, et qu'elle peut encor s'estendre d'advantage,
que par mesme moyen aussi je vous en feray voir d'autre, si l'occasion
m'en donne le sujet. Ce que je fais icy, ce n'est qu'en forme
d'ARRIÈRE-FAIX.

Plusieurs s'arresteront icy sur ce mot d'arrière-faix, qui peut-estre,
n'ayant jamais penetré dans les cabinets de la medecine, ignoreront de
prime-abord ce que je veux entendre par la superficie de ce discours;
mais ayant visité le dedans et veu ce que j'y couche, ils verront qu'à
juste tiltre je devois en ce lieu parler de l'arrière-faix de
l'accouchée, puisque jusques icy on en avoit tant et tant fait de
ceremonies.

L'arrière-faix, si nous nous voulons rapporter à madame Perrette,
sage-femme du faux-bourg Sainct-Marceau, n'est autre chose qu'une
superfluité de matière qui s'esvacuë hors de la matrice après
l'enfantement, laquelle superfluité, comme elle est excrementielle,
aussi estant retenuë dans les concavitez de la matrice et engluée dans
les membranes qui se retrouvent là dedans, cela eut de beaucoup
incommodé l'accouchée; c'est pourquoy il la faut jetter dehors, afin
qu'estant reintegrée dans sa première santé, que nous aussi ayons
l'honneur d'assister au baptesme de son enfant, qui se fera à
Sainct-Mederic, si messire Pierre s'y rencontre: car il est fort subjet
à dire son breviaire et ses sept pseaumes pour madamoiselle de la Garde.

Et pour entrer en lice et mettre la lance de ce discours dans l'estrié
d'une suitte admirable où je puisse courre la carrière de bien dire, et
vous faire voir le fruict d'une nayfveté gaye et naturelle, vous devez
sçavoir qu'ayant apperceu que tout le monde, tant fols que sages,
avoient bandé le roüet de leurs inventions pour delascher quelque coup
de mesdisance, et s'estoient appliquez à faire des discours ou plustost
des mixtions pour faire quelque bouillon à l'accouchée, que je pouvois,
sinon avec autant de rime, au moins avec autant de raison, aller voir
madame l'accouchée, comme de fait mardy dernier je m'y acheminay avec
bonne intention d'en tirer mes pièces aussi bien que les autres. Ce fut
le matin que je fis ceste belle entreprise, croyant que je verrois
madame l'accouchée en son pontificat; mais ayant frappé à la porte, qui
estoit entrebaillée, je fus tout estonné de la voir en la salle d'embas
auprès du feu, qui s'amusoit à secher une coiffe à passement pour
l'après-disnée, car j'ai sceu depuis que toute la matinée elles sont
debout, et que l'après-disnée elles se couchent et s'accomodent, se
peignans, frisans et encourtinans superbement dans leur lict.

A peine eus-je frappé qu'elle print la fuitte et gaigna au pied, de peur
d'estre recogneuë, croyant infailliblement que ce fust quelque dame qui
la vint voir. La servante, qui vint à la porte, me dit: Monsieur, madame
est un peu indisposée pour l'heure; s'il vous plaist, revenez après
midy. Ceste responce me fit retirer aussi froidement que monsieur de la
Garandine, qui, estant allé souper en ville, fut contrainct, à son
retour, de coucher à la porte, sa femme s'estant r'enfermée avec un
jeune advocat de la ruë S.-Denis. J'attendis pourtant que midy fust
sonné[250] afin d'entrer avec les autres, comme je fis insensiblement
pourtant, car j'estois accommodé en apoticaire. De me mettre ny en la
ruelle du lict ny au chevet, je n'eusse jamais voulu; je pris un bout de
la tapisserie et me cachay secrettement à l'endroit où je pouvois
entendre quelque chose.

Or il est à remarquer que ce jour il n'y avoit que les bourgeoises qui
faisoient leurs visites: car, les jours precedens, les grandes dames et
damoiselles y avoient passé. Madame la Bruyne, nouvellement erigée de
tavernière en grand' et superbe marchande, commence à dire:

--Comment! ma cousine, n'avez-vous pas ouy parler de la drollerie qui
s'est joüée dernièrement en un pelerinage qui se fit à Nostre-Dame-des-Vertus?

--Aussi vray, ma cousine, respondit l'autre, voilà les premières
nouvelles que j'aye encore ouy parler.

--C'est la plus plaisante tragedie que vous oüites jamais, dit une
vieille de la ruë de la Harpe.

--Pour vous commencer ces discours, ma cousine, dit la première, vous
devez sçavoir qu'aujourd'huy chacun en prend où il en peut attrapper.
Deux jeunes dames que plusieurs cognoissent...

--Ne sont-elles pas de la paroisse Sainct-Germain? dit une fille de
chambre.

--Il n'importe de quel cartier elles soient: il ne les faut pas nommer.
Elles alloient en fin l'autre jour en pelerinage à Nostre-Dame-des-Vertus,
accompagnées de deux braves courtisans qui, dès longtemps ayant fait la
partie, ne cherchoient que l'occasion de trouver un tripot afin
d'achever le jeu en quatre ou cinq coups de grille[251]. Leurs maris,
qu'on dit n'estre point de justice, car, s'ils eussent eu le droit,
peut-estre qu'ils n'eussent point encouru l'affront qu'ils encoururent
depuis, voulans joüer leur personnage en ceste tragedie, aussi bien que
le sieur Darmingère en la ruë Sainct-Martin, où il pensa se rompre les
hipocondrilles et le train de derrière, songèrent qu'en ce cas il se
falloit desguiser, et que, pour ce faire, il n'estoit mal à propos de
prendre l'habit de quelque moyne ou religieux. Les uns disent qu'ils
prirent l'habit de capucin, les autres tiennent qu'ils estoient habillez
en mathurins. Quoy que s'en soit, ils estoient desguisez, et soit de
l'un, soit de l'autre habit, ils avoient de l'advantage: car s'ils
estoient accommodez en capucins, ils eurent ceste prerogative qu'en
alant ils portèrent la corne derrière à cause du capuchon, et en
revenant ils en portoient deux sur le front; s'ils estoient habillez en
mathurins, c'est qu'ils commençoient desjà à se faire recevoir en la
grande confrairie des fols, comme a fait depuis peu un passementier de
la ruë Sainct-Denis. S'estant habillez, ils suivirent de loin nos
pelerines, qui, estans arrivez au lieu, prirent la meilleure
hostellerie. Nos religieux cependant vont à l'eglise, pour faire bonne
mine, où tout le train arriva. Une, entre autres, de ces deux dames vint
s'adresser à son mary: Avez-vous celebré, mon père? Le mary, qui se
renfonçoit dans son chapperon, lui respondit comme en reculant, peur
d'estre cogneu: J'ay celebré dès le matin, Madame; excusez-moy. On en
demanda autant à l'autre; mais on n'eut autre responce de luy sinon
qu'il estoit indisposé. Cela les fit tourner d'autre costé. La messe
dite, nos gens s'en retournent pour desjeuner. Ils demandèrent une
chambre escartée; on les conduit à la chambre la plus proche des
tuilles. Comme ils estoient en bonne disposition, les religieux, qui
s'estoient habillez pour entrer en la confrairie des cornards, qui est
maintenant si peuplée à Paris, demandèrent chopine, afin de voir le
succez des affaires. On les meine dans une petite estude qui respondoit
sur les pelerins, où par un petit trou ils apperceurent de quels bois
estoient faites les cornes qu'on leur alloit planter sur le front; ce
qu'ils virent grandement à contre-cœur, et malgré eux, ainsi que
monsieur Ranville, qui eut l'autre jour un soufflet malgré luy dans le
Palais. Cecy veu, ils s'en retournèrent; mais le mal'heur en voulut que,
les cornes leur commençant à croistre en la suture coronale, je veux
dire cornale, ils ne peurent jamais remettre leurs chapperons dans la
teste, ou, pour dire avec monsieur du Fresne, la teste dans leurs
chapperons. Les pelerines revindrent après midy, où nos religieux leur
vouloient donner l'absolution, comme de fait ils leur pardonnirent la
coulpe, bien qu'à regret (car il est impossible de renfoncer les cornes
qui ont commencé de paroistre); mais pour la peine ils se resolurent de
leur faire porter[252] en ce monde, afin de les descharger d'autant en
purgatoire, si de fortune leur chemin s'adonnoit en ces cartiers-là: de
façon que les pelerines furent espoussetées de la poudre que peut-estre
elles avoient pris le long du chemin.

--Cela pourroit-il estre vray, ma cousine?

--Chacun en va à la moustarde en nostre cartier, dit une drappière de la
ruë Sainct-Honoré; pour mon regard, il me souvient bien de leur avoir
vendu de bonnes estoffes et trop relevées pour leur qualité.

--N'est-ce point une grande impudence (dit une autre) de madame Remonde,
qui vendoit des confitures il n'y a que trois jours, et aujourd'huy,
sous l'esperance d'une bonne succession, la voilà damoiselle, mariée à
un homme de qualité, et porte les colets montez à quatre et cinq
estages, les cotillons de satin à fleurs! Pour moy, je ne sçay comment
on tollère cela.

--Voilà comme va le temps d'aujourd'huy: on se plaist à braver et à
piaffer par les ruës. Mais, à propos de succession, madame la Renardière
est bien empeschée despuis deux jours: elle esperoit avoir toute la
succession de sa sœur, qui despuis vingt ans a esté sterille; elle
n'a esté recherchée en mariage que sur ceste esperance, et sans cela
elle eust esté bien empeschée de trouver seulement un huissier pour
mary; et aujourd'hui que sa sœur a fait un enfant, contre l'opinion
de tout le monde, la voilà privée de quinze mille escus qu'elle pouvoit
raisonnablement esperer.

--Il ne faut jamais conter sans son hoste, dit une bourgeoise du
faux-bourg Sainct-Honoré: il y a de certains religieux auprès de nous, à
qui un certain avoit donné et passé par bon contract tout son bien
durant sa vie, qui pouvoit bien revenir à quarante mille escus; ils
seront bien empeschez de l'avoir, car les parens disent que la donation
est nulle, et qu'on ne doit usurper ainsi le bien des mineurs au
desadvantage de toute une famille; comme de fait, à l'appetit d'un homme
qui portera quelque affection particulière à un autre, doit-il pourtant
priver ses enfans des biens et possessions qui leur sont deubs
naturellement? On ne les peut desheriter de la sorte, et en cecy
l'arrest des berulistes y est formel; de façon que je crois que lesdits
religieux seront bien esloignez de leurs quarante mille escus.

--Madame a raison, dit l'accouchée; moy qui ay sept enfans, si je
voulois donner mon bien à quelque religion, ce seroit rendre ma famille
pauvre et reduitte à mandier son pain; c'est avoir peu de consideration
pour des enfans.

--Les enfans en sont quelquefois cause, madame (dit une qui estoit au
pied du lict); la pluspart d'aujourd'huy sont si orgueilleux, que,
mesprisans le lieu d'où ils sont venus, s'accommodent en princes et
grands seigneurs; tel aujourd'huy n'a pas cinq sols vaillant, qui fera
autant de parade comme s'il avoit de grands biens et possessions.

Une qui n'avoit parlé: Il ne faut, dit-elle, pas aller si loin: madame
le Doux en peut porter tesmoignage. Voulez-vous voir chose plus poupine
que sa fille? Il n'y a que deux jours qu'elle estoit fille de chambre au
logis de M. de Chevreuse, et maintenant elle porte autant d'atours que
la plus grande dame de la cour; mais pourtant elle a beau se parer, ny
son masque ny ses perles ne luy blanchiront point le teint.

--Aujourd'huy, dit une marchande de perles, les damoiselles (à ce que je
peux voir à la vente) observent que plus elles sont blanches, plus les
perles qu'elles acheptent sont noires; ou au contraire, si une dame est
un peu brunette, elle marchandera des perles les plus blanches qu'on
pourra trouver.

--Voyez-vous plus grande superbe et arrogance que celle de madame
Clairmonde, qui depuis un mois s'est faite damoiselle, aux despens de
son mary, qui porte les cornes? dit une de son quartier. Depuis qu'elle
a commencé à porter le masque, elle en est si orgueilleuse, que, mesme à
l'eglise, elle ne le deferoit point pour tout le monde. Cela est
intollerable et insupportable.

--Je vous asseure qu'elle le fait à cause de sa laideur, dit une autre
qui est sa voisine.

--Pour mon regard, dit une jeune esventée qui aime le haut goust, je ne
trouve pas trop mal à propos si madame dont vous parlez s'accommode
bien: il y en a bien d'autres qu'elle entre nous autres procureuses du
Chastellet (elle ne demeure pas loin de là sans doute); nous plumons la
poulle du villageois. Il ne nous en chaut de tous les bruits qu'on fait
courir de nous; pourveu que nous ayons de quoy faire gargoter la
marmite, c'est le principal. Je ne sçay pas comme se manient et
gouvernent les autres de nostre qualité; mais pour mon mary, c'est le
plus heureux homme du monde: tantost on luy fera present d'un lièvre,
tantost d'une couple de perdris, tantost d'un pasté de venaison; il ne
faut pas mentir, que cela nous accommode grandement bien.

Une veufve, qui estoit près de la porte, interrompant son discours, va
dire: Je ne sçay pas comment toutes ces affaires se prattiquent; mais on
me dit l'autre jour qu'on avoit joué un plaisant trait à un procureur de
vostre cartier. Chacun commençoit à dresser les oreilles pour ouyr ce
traict. C'est, dit-elle, qu'on luy envoya un fort beau pasté en forme de
venaison; mais quand on vint à l'ouvrir, on trouva qu'il n'y avoit que
deux cornes dedans: c'estoit une viande de dure digestion.

--Ce ne fust pas à nous à qui ce present fut donné, repliqua l'autre:
c'est à nostre voisin (comme si on ignoroit qu'elle a enchroniqué son
mary elle-mesme au rang des cornarts!). Mon mary sçait mieux que c'est
de vivre que cela; il a des affaires pour les marguilliers de Baignolet
et pour les manans de Ville-Juif, qui ne sont point ingrats, car mon
mary emporte tousjours plume ou aisle.

Une autre qui avoit autrefois esté fiancée à son mary, et qui le
cognoissoit, va dire: C'est donc la cause pourquoy on appelle les
procureurs volleurs et larrons, Madame, puis que, à tort ou à droit, ils
prennent des deux mains?

--Vous n'y estes pas, ce fit une esveillée: la raison pourquoy on dit
que les procureurs sont volleurs, c'est qu'ils n'ont qu'une plume, et si
pourtant ils volent mieux que pas un oyseau qui soit en l'air.

[--O la grosse invention! va dire une autre; mais prendriez-vous le mary
de madame pour un de ces gens-là? Vrayement il en est bien esloigné;
s'il a des commoditez, elles ne viennent pas de là. Ne cognoit-on pas
son père, homme riche et opulent?

--Ouy, du bien et de l'argent qu'il a presté][253] à usure, dit une des
voisines.

[--Est-il seul qui preste à usure? va faire une autre de][254] la ruë de
S.-Anthoine. C'est en nostre cartier où sont les gros usuriers[255]; il
y en a trois qui sont en chambre garnie, qui sont de Rennes en
Bretaigne, et qui ne se communiquent qu'avec beaucoup de difficultez;
l'un est rousseau et les deux autres noiraux; mais ce sont les gens les
mieux entendus qui se puissent remarquer. M. Gratiano, Italien, et M. de
la Verdure, les cognoissent bien: ce sont leurs partisans, tout passe
par leurs mains; mais s'il faut faire quelque chose d'importance,
attrapper quelques jeunes gens, les suborner et seduire, ce sont ces
Messieurs; s'il faut bailler cent escus pour en avoir cinquante au bout
de trois mois, ils y sont les premiers; il n'en faut demander advis qu'à
M. de la Tour, ce fermier tant renommé, qui a esté englué assez bien
depuis quinze jours[256] en çà, qu'il alla emprunter de l'argent à ces
maistres affronteurs pour marier sa fille.--Une vieille de la ruë
Sainct-Victor, y voulant mettre son nez: Ne sont-ce pas, dit-elle, ces
receleurs de la jeunesse, qui prestent de l'argent à rendre prebstre,
mort ou marié? Il y en eut un de nostre quartier, l'autre jour, le plus
vilainement affronté du monde; il n'y a point de danger de dire son nom:
c'est M. de la Croisette; il avoit presté à diverses fois quinze cens
livres à un jeune advocat de la rue Sainct-Jacques, le père duquel est
mort depuis six mois, esperant retirer au double quand il se marieroit.
Or il est arrivé que ledit advocat est mort ces jours passez, de façon
que mon drolle vint à faire sceller un coffre; mais, soit que les parens
eussent soustrait ce qu'il y avoit, soit que les sergens eussent quelque
intelligence là-dessous, quand on vint à ouvrir le coffre pour faire
l'inventaire de l'argenterie, meubles, chaisnes et joyaux qu'on croyoit
estre là-dedans, on n'y trouva que des pierres.--C'est la façon de
Ulespiègle[257], dit une qui avoit leu les romans. Sur ce mot, on
couppa le discours pour entretenir madame l'accouchée de tout ce qui
s'estoit passé en ses dernières visites. Pour l'heure, dit-elle, je me
porte bien; je voudrois qu'il me fust permis de sortir, je serois bien
ayse de prendre l'air: aussi y a-il long-temps que je suis icy
renfermée[258]. Comme de fait, je ne sçay comme penser que cela se soit
fait de demeurer si long-temps en couche, veu que les premières visites
se firent l'après-disnée du vingt et quatriesme d'avril, et nous y
sommes encor. Toutesfois, c'est peut-estre à la mode des Hebrieux, qui
devoient estre en leurs couches, quand elles s'estoient deschargées
d'une fille, l'espace de quatre-vingts jours; encore seroit-ce davantage
despuis le temps.

L'accouchée, estant battuë de tant et tant de discours et rapports qu'on
luy venoit faire de jours à autre, pria sa mère de congedier la
compagnie, et de ne prendre en mauvaise part tout ce qui avoit esté dit
chez elle. Sur cet adieu, toutes les bourgeoises prirent congé d'elle,
avec toutes sortes de reverence et de courtoisie, et moy
particulierement, qui sortis le dernier, et eus le bonheur[259] de voir
l'enfant dont est question et du quel on attent le baptesme. De vous
dire en ce lieu si c'est un masle ou une femelle, ce seroit trop
entreprendre; j'ayme mieux attendre à la première occasion.



LE RELEVEMENT

DE L'ACCOUCHÉE[260].


Puisque, par l'ordre le mieux temperé de la nature, chacun est obligé de
suivre les traces et les vestiges de son naturel, on ne doit s'estonner
pour le jourd'huy si je ne sçay quel crocquant de ce siècle a voulu
quitter le plus specieux de son exercice pour s'avilir dans une
intemperance aussi légère que la poudre, et autant inconstante que les
vents et les fumées; toutesfois ses années et sa qualité devant faire
rougir toute insolence dans un silence de discretion, c'est ce qui fait
à cognoistre aux ames plus grossières que toutes choses sont sujettes à
faire joug à l'inconstance, et qu'il n'y a rien de si stable et de si
permanent qui ne reçoive des divertissemens très importans à la police
des bonnes mœurs.

Excusons-le, il est sur l'aage, il est chargé de beaucoup d'enfans, et
sur tout d'une grande fille qui ne peut trouver un bon party faute
d'escus; et puis il est nouvellement relevé de maladie, qui fait que ses
esprits sont alienez, ou du moins fort engagez dans la diversité des
choses, ne considerant pas qu'en se gaussant de la comedie l'on rit de
luy à gueule bée, de ce que la volupté s'exerce fort frequemment en son
logis par le concert ordinaire d'une musique qu'il semble vouloir
excuser, toutesfois en plusieurs et diverses compagnies; et neantmoins,
comme j'ay apris d'un escholier nouvellement revenu de l'université de
Poictiers, la comedie et la musique _pari passu ambulant_, estans d'une
mesme cathegorie, d'une mesme trempe et d'une mesme composition: car, si
la comedie imprime des dissolutions dans les esprits, la musique n'en
faict pas moins, et si l'une resveille les sens, l'autre les jette à la
renverse.

Passons outre. On a cy devant parlé au Caquet de l'accouchée pour et
contre la France en certain endroit, et contre plusieurs et diverses
personnes de qualité, et a-on voulu blasmer ceste benigne et courtoise
nation de ce qu'elle toleroit des theatres publics deffendus du temps et
du règne de sainct Louis; mais à cecy il n'y a que redire pour le
jourd'hui: _omnia tempus habent_, ce disent les vielles; et puis il n'y
a que ce bon diable de Tabarin et Desiderio de Combes qui exercent ce
metier et ce passe-temps, l'un donnant des remèdes pour l'exterieur, et
l'autre pour ce qui est de plus exquis, de plus cher en ce monde, ainsi
que nous tesmoignent la diversité des cures par eux faictes[261]. A bon
chat bon rat, il n'appartient qu'au savetier à parler de sa serpette, à
l'yvrogne de sa bouteille, au petit mercier de son filet et de ses
allumettes, aux femmes de cacqueter à double rattelée, et aux oysons de
chier par tout (_non omnia possumus omnes_)[262]; il est vray selon le
dire de la garde de l'accouchée, qui a le fessier plus gros que n'eut
jamais la haguenée de Gargantua, car il faut s'estonner comme un homme
de merite et de qualité s'est amusé à la ruelle d'un lict pour entendre
et escrire tant de sornettes[263], qui ne sont pourtant bien racontées,
puis qu'il a accommodé le stile de son discours avec des mensonges
nonpareils.

--Sur quoy la servante de chambre du logis, esmerillonnée au possible,
autant desireuse de sçavoir et de gouster de tout comme peut estre sa
maistresse, remonstra à la dite garde d'accouchée[264] qu'il valloit
mieux mentir un peu pour contenter le monde que de laisser son esprit
enroüillé, et qu'estant de la confrairie de ceux qui vont à pied pour le
present, qu'il n'estoit pas mal seant de faire telles sortes
d'escritures, puis qu'on ne faisoit plus de consultations.

--Il est vray que c'est une pauvre chose que l'oisiveté[265]; mais aussi
quel profit de discourir de plusieurs dames que ne luy sçavent point de
gré, et qui sont maintenant ses capitales ennemies, et lesquelles, au
besoin, l'ayant rencontré sur pareilles entrefaictes, lui feraient
vuider le pot à pisser pour penitence?

Sur ces entrefaictes arriva la cuisinière, laquelle, pour mettre la
garde[266] et la fille de chambre d'accord, leur dict: N'est-il pas vray
ce qui a esté escrit ces jours passez? la mère de madame ne se
plaignoit-elle pas de tant d'enfans que sa fille a depuis sept ans en çà
qu'elle est mariée? Par sainct Jean! cela est vray, et si je sçay bien
pourquoy elle faisoit tant de plainctes, car la galande, encore qu'elle
soit assez incommodée, l'appetit de paroistre ne la peut quitter, et,
toute surannée qu'elle puisse estre, elle ne laisse pas de dire par
fois qu'elle est grandement obligée à Tabarin. Aux bons entendeurs
salut[267]: la fontaine de Jouvance est tarie, c'est pourquoy cet homme
est nécessaire; et si ce vieil registre d'amour a faict tant de
plainctes devant l'assemblée qui estoit dernierement au logis, il ne
faut pas que l'on s'en estonne, car elle voudrait que toute sa lignée
fust de la coste de sainct Louis, pour paroistre selon son dessein.

Ce discours ne fut pas si tost finy qu'une petite muguette de la rue
Sainct-Martin entra dans le logis pour sçavoir de la disposition de
madame l'accouchée, et pour avoir l'honneur que de s'offrir à son
service pour le jour de son relevement, où elle ne fust pas si tost
entrée, qu'un certain clerc qui va tantost au pair avec son maistre, à
cause de quelque gentillesse dont il est pourveu, luy demanda: Hé bien!
Madame, que dit-on du Caquet de l'accouchée que l'on a faict imprimer
ces jours passez? N'en avez-vous point encor eu la lecture?

--Vrayement, respondit-elle, c'est un discours assez jolly, et duquel
j'ai receu un infiny contentement, principalement sur ce qui est recité
d'une damoiselle qui jettoit des soupirs gros comme des boulets de
canon, de ce qu'il y a tant de peine à se garantir des accidens qui
arrivent aux financiers, faute d'estre alliez à quelque gentil-homme de
remarque, car son mary a fait perdre plus de pas à un mien amy pour le
payer de la pension que le roy luy donne qu'il n'y a presque de jours en
l'an.

--Comment! luy respondit ce mignon de clerc, vous la cognoissez?

--Ouy, asseurement, je la cognois, et à mon grand dommage! Mais n'en
parlons plus. A Dieu, Monsieur; je m'en vais sçavoir la disposition de
Madame.

Ainsi elle monta en la chambre, et laissa choir de sa pochette, sans y
songer, un certain papier enveloppé où[268] la suitte du Caquet estoit
escritte, qui commençoit par ces mots: «Je m'estonne de ce que l'on a
introduit en l'assemblée de l'accouchée de ce temps tant de personnes et
de tant de sorte d'estoffes, avec si peu de règle et avec tant de
confusion, d'autant qu'au siècle où nous sommes la ruse possède
tellement les esprits d'un chacun, qu'il n'est pas à croire qu'une
damoiselle allant voir quelque accouchée se fasse assister de sa
suivante si d'avanture elle ne l'envoye en une antichambre ou dans une
salle, selon que le logis est composé, afin que par ainsi les reigles de
toutes libertez soient observées, ausquels lieux je vous laisse à penser
ce qu'il s'y faict aucunesfois, tesmoin la fille d'un sergent à verge
qui abandonna y a quelque temps son père, vieil qu'il estoit, pour
suivre partout Madamoiselle, à cause qu'elle luy faisoit porter
l'attour.

«Il y a aussi grand sujet de blasmer le secretaire du Caquet, puisqu'il
a introduit avec mensonge et avec imposture une simple servante en ceste
assemblée si notable: car, parmy des dames de qualité, aucunes
desquelles ont amassé plus de rentes et de revenus en dix années que
n'avoient autresfois vaillant les plus grandes dames de la cour, quelle
apparence! C'est faire tort à l'ordre du siècle et mettre tout dans
l'ancien cahos. Non, non! si telles crocquantes ont envie de causer de
leur butin, ce n'est point en compagnie, ainsi que dit monsieur le
secretaire; c'est avec mon compère le savatier, ou avec quelque
ravaudeur qui leur est affidé, et qui le plus souvent leur resserre leur
butin: aussi à ces drosles-là on leur va bien tailler de la besogne,
car, au lieu de faire les galans, sans contredit il faudra qu'ils
prennent lettres de maistrise malgré eux; _transeat_, le danger n'est
pas grand: quand au corps de ces canailles il y aura jurande et
maistrise, ils songeront davantage à leur profit, et ne serviront plus
d'espions comme ils font aux coins des ruës; et quand à mesdames les
servantes, elles n'auront plus la peine de se confesser du revenu de
l'ance du panier, qui leur sera une consolation à leur esprit et une
esperance de mieux faire que celles du passé, lesquelles, après avoir
bien ferré la mule et s'estre pourveuës à leurs fantaisies, ont esté
contrainctes enfin d'achepter une escuelle de bois: tesmoin une certaine
galande qui se voit maintenant entre midy et une heure à la porte de
monsieur le président ou aux environs, attendant la caristade.»

En suitte de ce discours il y avoit une reprimande contre l'autheur du
Caquet de l'accouchée, en consideration de ce qu'il avoit recité d'une
marchande de soye de ceste ville, qui disoit avoir vendu pour douze cens
livres d'estoffes pour la fiancée d'un thresorier de Picardie. Aussi
quelle apparence de se gausser ou dire que l'on s'est gaussé d'un homme
de ceste qualité pour avoir fait une petite despence, car encores qu'il
n'ait que douze cens livres de gages, n'y a-il pas le tour du baston,
qui vaut mieux que tout, et qui peut entretenir le carosse et les
laquais, outre l'ordinaire du logis? Laissons là les thresoriers, c'est
un crime d'en parler en temps de guerre: le trouble du temps et leur bel
esprit les licencie; bref, il n'est pas temps d'en faire la recherche:
nous sommes en un temps d'estat auquel les armes sont de requeste, et
le conseil des anciens guerriers plus que celuy des magistrats, si ce
n'est dans les villes bien policées et où la rebellion est en mespris,
esquelles il n'y a difficulté quelconque que les femmes des notaires
n'aillent au traquenar de l'ambition et de la braverie, puisque la
continuation de la guerre a fait engager toute la noblesse de France
jusques au moule du pourpoint pour trouver de l'argent à rente. Pour
moy, j'en cognois une assez familierement, qui, sur ce point, aymeroit
mieux cent fois mourir si quelqu'une de ses compagnes la surpassoit;
aussi a-elle le maintien assez venerable, le discours assez affilé, et
pour estre un peu noire de visage, elle n'en est pas plus laide sous le
linge.

J'estimerois que ce papier estoit une espèce de responce à ce pretendu
Cacquet de l'accouchée, car il y avoit, outre ce que dessus, l'apologie
de la femme d'un advocat du Chastellet, que l'on disoit avoir mis son
nez en ce petit discours de braverie, en laquelle estaient escrits ces
mots: «Si les empereurs, par leurs constitutions et par leurs nouvelles,
ont entendu declarer nobles les advocats, quoy qu'ils fussent de basse
extraction, pourquoy voudroit-on aujourd'hui corriger leurs actions
après s'estre advancez par leur vertu?» Aux nobles tout ce qui est de
noble doit estre permis et toleré, et rien ne doit borner leurs actions
que leurs propres volontez, qui font d'ordinaire leur refuge dans la
bienseance, et non dans les opinions d'un ingrat et d'un insolent
vulgaire, lequel tasche de s'eslever de jour en jour, au prejudice
d'autruy, quoy qu'il n'aye que des aisles de cire le plus souvent. Donc,
si les advocats portent en ce temps des soustanes de Damas au lieu de
sayes, il n'est point si mal à propos qu'à un simple procureur qui
n'aura que trois ou quatre presentations le long de l'année, qui ne sera
honteux d'en faire de mesme; et puis, le règne de la confusion estant en
lustre, ce n'est point à ceste corde-là qu'il faut toucher.

Après la guerre viendra la paix[269]; le roy estant de retour dans
Paris, il donnera, Dieu aydant, si bon ordre aux desordres qui se sont
coulez parmy le peuple, qu'à l'imitation de ses ancestres, la police
qu'il introduira fera que chacun sera cogneu pour ce qu'il est. Alors le
petit courteau de boutique ne portera plus le castor à l'envie de la
noblesse et des hommes de qualité; il sera tout honteux de porter le
petit bonnet à l'antique, et madame la bourgeoise sa femme sera toute
gogueluë d'estre habillée de bon gros drap au lieu de vestemens de soye
(ainsi qu'une trop grande licence a toleré depuis quelque temps). Ce
sera lors qu'on ne tiendra plus de caquet des maris comme l'on faict; on
ne parlera plus de leurs aydes, ny des offres de courtoisie qui se font
par fois pour soulager le bon homme. Bref, tout sera remis en si bon
ordre et en si bonne cadence, que les lieux destinez pour l'impudicité
(quoy qu'ils soyent abolis depuis un long temps) seront neantmoins
retenus et conservez pour celles qui font banqueroute à leur honneur.

A grands seigneurs peu de paroles; j'ay appris par le Caquet que
l'assistance de l'accouchée estoit composée de plusieurs femmes et de
diverses qualitez, lesquelles disoient chacune leur rattelée, et ainsi
que leur conception ou leur envie les provoquoit: ce que je suis d'advis
de croire si ladicte accouchée estoit quelque femme à l'occasion;
toutefois, estant certain qu'il n'y a reigle si certaine qui ne reçoive
son exception, ceste accouchée estant quelque peu relevée en qualité, il
est à presupposer qu'il n'y avoit point tant de sortes de femmes comme
l'on dit: car pour le jourd'huy, si une femme a vaillant cinq ou six
mille livres [tant de ce qu'elle a peu apporter en mariage que du
travail de son pauvre diable de mary][270], il faudra tapisser la maison
par tout, paroistre en vaisselle d'argent; et, quand elle ne seroit que
la femme d'un petit commissaire du Chastelet, il faut que le satin
marche à toute reste, sans aucun soucy des deptes [quand mesme la
fruictière du quartier viendroit tous les jours crier et brailler à sa
porte pour estre payée de ce qu'elle a fourny pour son logis][271].

Voilà comme l'on se porte pour le jourd'huy dans les vains appas de
l'ambition, ne se voyant presque si petit compagnon ny de si basse
estoffe qui ne s'en face accroire en quatre parties, aymant mieux
engager sa femme, son honneur et sa conscience, qu'il ne vienne à bout
de ses pretentions et de ses procez, ainsi qu'a fait un certain gantier
depuis peu de jours en çà[272], afin de faire le galland en son
quartier, au prejudice d'un disciple de sainct Yves; et puis l'on parle
du sieur d'Ambray, qui fit jadis un don à l'Hostel-Dieu de trois pains
de succre pour soulager sa conscience. Vrayement, qui voudroit parler de
tout le monde et de la sorte qu'il se gouverne, ce seroit un beau
libelle! Les honnestes hommes, ce sont ceux qui vont bien couverts, et
quoy que l'on ait un grand esprit et accomply des plus rares
perfections, ce n'est plus rien; il en faut avoir à quelque prix que ce
soit, faut chasser au loing la necessité; aussi bien, quand on a plumé
la poulle et le poussin, les Pères de la Société absoudent tout, ce qui
m'occasionne de dire ce que disoit autresfois un poète:

    Impia sub dulci molle venena latent.

Ouy, sous les herbes plus fueilluës et plus espoisses, les serpens et
coleuvres font leur retraicte, et soubs les honnestes apparences des
vestemens du siècle, les plus pernicieuses conspirations prennent leur
estre et leur naissance: tellement qu'il est mal à propos de se plaindre
des eschevins[273] de nostre siècle, qui par _fas_ et par _nefas_
emplissent leur bource à la sortie de leur charge, si l'on ne dit qu'il
y a un grand abus aussi à la distribution des deniers provenans de la
succession de la reyne Marguerite: car, si Massey[274] se gausse de sa
part du procez par luy intenté au Parlement, il y en a d'autres qui font
bien leurs affaires; les uns en entretiennent le carosse, et les autres
en font bonne chère.

Hé bien! l'on a grandement rompu la teste de madame l'accouchée, par la
diversité des discours qui se sont tenus au chevet de son lict;
quiconque s'est trouvé en ceste assemblée n'a pas eu le filet à la
langue; bref, le silence a esté si peu observé en toutes les
apresdinées, que la plus part de Paris y a eu son lardon, attendant que
le reste fust preparé pour le Relevement; sur quoy ceste grosse vesse de
garde (de laquelle a esté parlé cy-dessus)[275], mettant les mains sur
ses roignons, dit assez effrontement: Par ma foy, Mesdames, vous en avez
bien dit entre vous; mais je vous veux apprendre un bon tour qu'a fait
autres fois un[276] procureur du Chastellet de qui la fortune estoit
assez petite. Il faut que vous sçachiés que, se voyant ainsi reduit au
petit pied, il trouva une très bonne invention de parvenir en peu de
temps: c'est qu'il estoit procureur d'une partie qui contestoit au
presidial un grand fonds et de grande importance, à quoy elle se
trouvoit fort empeschée, à cause des chicaneries où l'on desiroit de
l'embroüiller. La partie adverse, sçachant la necessité de ce procureur,
courtoisement s'adressa à luy, et luy representa que s'il y avoit moyen
de passer une sentence en sa faveur, qu'il y avoit dix mille livres à
gaigner: ce qui ne fut pas si tost proposé qu'il fust effectué; et ainsi
le procureur commença sa fortune, qui du depuis s'est bien accreuë, car,
au retour de cette affaire, sa femme luy fit si bonne chère de la
resjouissance qu'elle avoit, que l'appetit luy en vint souvent de faire
telles expeditions. Aussi maintenant il est si riche qu'il ne se soucie
plus guères de sa practique.

Sur ce discours, la femme d'un advocat dit tout haut qu'il ne falloit
point trouver estrange si un procureur s'estoit laissé corrompre pour
bastir sa petite fortune, d'autant que les gens de bien n'amassent rien,
et qu'elle en voyoit un tesmoignage si certain en la personne de son
mary, que pour avoir refusé de prevariquer en sa charge, et avoir
esconduit un solliciteur qui l'avoit pressé de ce faire, que du depuis,
au lieu de travailler comme il faisoit, il a esté contraint, pour vivre
depuis un an, d'emprunter de l'argent à rente.

--Hé quoy! (ce dit une damoiselle de la ruë Saint-Martin), s'est-il tant
engagé comme vous dites?

--Ouy, respondit une marchande du Palais qui voulut y mettre son nez:
je vous asseure, Madamoiselle, qu'il m'en doit de beau et de bon; mais
je ne daignerois le presser au payement, car, quelque malheur qui luy
soit arrivé, il ne laisse pas de faire bon mesnage pour le peu de bien
qu'il a[277].

Sur cecy, la femme d'un chirurgien commença de dire: Je ne sçay, pour
moy, de quel malheur je suis talonnée. J'avois marié ma fille à un jeune
conseiller, et luy avois fait une honneste advance, pensant qu'il deust
faire des merveilles avec elle; et neantmoins je n'ay peu recevoir aucun
contentement de ce mariage, combien que je leur aye donné à disner à
tous deux l'espace de deux ans, ce qui m'a donné sujet de la retirer
avec moy, avec si peu de ce que j'ay peu r'attrapper de son mariage.

--Madame, vous avez tort de vous plaindre de vostre gendre (dit la vefve
d'un autre chirurgien, qui ne manque point d'appetit au faict d'amour);
le moyen que Madame vostre fille puisse estre bien satisfaicte de luy,
maintenant qu'il prend le frein aux dents, taschant de se rendre capable
en sa charge! Vous sçavez qu'il a fait toutes ses estudes en trois ans,
tant en grammaire, rhetorique, philosophie, que droict civil: c'est
pourquoy il falloit[278] davantage se contenir dans la discretion et le
laisser estudier encore quatre ou cinq années, et puis il eust faict
possible comme les grands guerriers, lesquels, après leurs grandes
courses et leurs grands travaux, sont bien aises de cherir la dame et
d'en dire deux mots à leur loisir.

--Vous avez aucunement raison, repliqua ceste bonne femme; mais les
arrerages d'amour sont bien difficiles à payer, et principalement par
les hommes d'estude[279] [: car il n'y a rien qui les rende plus
soucieux et plus saturniens que cest exercice. Ce n'est pas comme les
cavaliers, qui ont tousjours l'oreille à lairte[280]]. Voilà pourquoy
j'ay esté contraincte de solliciter et procurer le divorce, pour lequel
nous plaidons maintenant au Parlement.

--Voilà pourtant qui n'est guère honneste, dit la femme d'un petit
procureur du Chastelet qui s'estoit foulé la verge le jour de ses
espousailles; vrayement, si j'eusse voulu faire de mesme pendant deux
années, ou peu s'en faut, que j'ay jeusné, ce seroient de belles
merveilles! Je vous diray, ma mère ne m'en a pas donné le conseil;
aussi mon mary m'en affectionne fort, et, d'autre part, on n'en peut
caqueter comme on faict des autres.

--Quoy! Madame, dit une marchande de la rue Sainct-Denis, estes-vous si
sage et si retenue que de laisser passer votre jeunesse de la sorte?
Pour moy, je vous asseure qu'il faut que je passe mon temps et que je
paroisse, quand mon mary devroit faire encor une fois cession. Hé! que
ne doivent point faire les femmes[281] [de quelle liberté ne se
doivent-elles point servir? qu'est-ce qui doit servir de frein à leurs
actions?], puis que les filles s'emancipent bien quand on attend trop à
les marier? J'en cognois une de nos quartiers, laquelle je vous asseure
estre bien advisée selon le temps.

Cela esmeut madame la relevée de sçavoir qui estoit ceste fille et ce
qu'elle avoit faict pour son contentement, et, pour le sçavoir, dit à
madame la marchande: Madame, obligez-moy tant que je cognoisse la fille
que vous dites n'avoir faict difficulté de se pourvoir.

A quoy respondit ladite marchande que c'estoit la fille d'un
pourpointier, qui avoit si bien practiqué sa mère de l'habiller à
l'advantage que, peu de temps après, faisant comme le paon, qui se mire
d'ordinaire à sa queuë, elle s'en seroit orgueillie si fort qu'elle
auroit desdaigné d'estre pourveuë à un garçon du mestier de son père
pour aller querir ses estrennes chez le fils d'un president.

--Il ne se faut point estonner, repliqua la relevée, si ceste fille a
laissé aller le chat au fromage de la sorte, car elle a desjà de l'aage,
et ne manque point de courage pour sa qualité; et puis, voyant qu'une
sienne voisine avoit trouvé un bon party qui luy fait porter le satin et
le damas, ne croyez-vous pas que cela ne luy ait faict du mal au
cœur?

--Veritablement, respondit la femme d'un confiturier qui s'est efforcée
d'envoyer son mary en paradis par eschelle, si je pouvois trouver
d'aussi bonnes fortunes, Dieu sçait si je ferois l'amour à si bon marché
comme je fais! car, estant soustenuë par des enfans de bonne maison, il
n'y auroit personne qui m'osast regarder de travers, ny dire pis que mon
nom.

Sur ce discours, la garde de laquelle a esté parlé cy-dessus, estant
ennuyée de tant de sornettes, joint que l'appetit la tenoit autant au
gosier comme il luy tient par fois au cul, ne fut honteuse de dire tout
haut: Ne vous desplaise, Mesdames, si je vous interromps; il vaut mieux
gouster à bon escient, puisque la collation est preste, que de parler
tant d'amour comme vous faictes. Par ma foy, il vaut mieux n'en guères
dire et en faire davantage. Çà çà, beuvons[282]! [le temps le permet,
et puis nos maris n'y sont pas. Ce qui donna tant de hardiesse à la
compagnie, qu']aussi tost les dames commencèrent d'escrimer du
gobelet[283] et d'articuler des machoires à bon escient, observant
chascune d'elles un silence nompareil[284]; après laquelle collation on
print congé de Madame la relevée fort honnestement[285].



L'ANTI-CAQUET

DE L'ACCOUCHÉE.

M.DC.XXII.

In-8º.


Ces deux antiens advocats, d'Agues et Pilaguet, avec leurs venerables
barbes, ont esté contraints de revenir au monde pour donner conseil à
tous ces peuples qui venoient pour demander justice contre ce meschant
et miserable qui a fait imprimer les satyriques du Caquet de l'accouchée
et des actions du temps, où on a recogneu en plein fonds ce qu'ils
croyoient estre fort caché.

Lesquels enfin, après avoir eu communication des libelles, ont esté
quelque temps sans parler; puis, avec une gravité non pareille, prenans
leurs barbes à deux mains, ont prononcé:

Courage, peuples; nous recognoissons que son erreur est vostre
justification, car, tout ce qu'il a dit n'estant que le quart de ce qui
se fait par vous, il aura une honte de voir commenter sur ses libelles,
et declarer par le menu ce qu'il a obmis à dire.

Qui vous reprendra de vos vices si chacun en est entiché? Un sac à
charbonnier ne debarboüille point. Ce ne sont que gouttes d'huille qui
s'estendent sur les habits de ceux qui s'en voudroient mocquer.

Ce n'est pas pourtant sauver vostre honneur que de monstrer que la
pluspart des peuples sont vicieux, si ce n'est qu'en ce cas personne ne
vous jugera. Mais puisqu'on ne peut effacer une tache d'ancre que par
une double laissive, encore la marque y demeure, il vaut mieux en couper
la pièce.

Or, disons doncques, par forme d'additions, de qui parle-il le premier?
de la consultation des medecins. Le pauvre ignorant! s'il eust esté du
Palais, comme nous, il eust parlé du procez et differend des quatre
medecins et quatre apoticaires, proche l'un de l'autre en un tripied,
qui se querelloient à qui auroient de la pratique. Enfin, pour terminer
ce differend, nous les avons accordez par arbitres, et ordonné que
Vignon continueroit à donner des pruneaux aux petits enfans pour
entretenir sa pratique; que S.-Jacques yroit jouer des orgues à
Saincte-Croix; que Le Sec yroit tous les jours deux fois entretenir les
religieuses de Montmartre, et que Charles monteroit sur son mullet pour
faire bonne mine par la ville; et, pour le regard des quatre
apoticaires, qu'ils sonneront dès le matin leur mortier en carrillon
pour la feste de Negrepelisse et la bienvenüe de monsieur de la Force.

Et ce, sans prejudice des droits de Consinot, pour avoir medicamenté un
certain procureur non marié, ruë de Mauvaise-Parole, d'un entrac[286] au
coin des genitoires; donné conseil à tous les procureurs et advocats de
se pourmener sur les remparts et aux allées de la royne Marguerite[287],
en attendant le retour du roy et la paix concluë; et sur la requeste
presentée par Moreau, son voisin, pour estre disjoint de l'instance,
attendu les quatre cens escus de gages qu'il a de l'Hostel-Dieu, il est
mis hors de cour et de procez et sans despens.

Puis après des charlatans et farceurs; ô monsieur le satirique! vous y
venez à tard: nous avons ouy parler d'eux jusques aux enfers, qui
disoient avoir si bien parlé grec, latin, espagnol, italien et françois
sur leur eschaffaut, qu'ils ont tiré des Parisiens en pièces de cinq
sols et huict sols, pour la vente de leurs drogues et chappellets, plus
de trente mil livres[288] dont ils ont profité, sur ce deduit trois ou
quatre cens escus pour la permission de charlataner; que l'on reforme
quand on voudra: leur paquet est faict.

Il en veut aux femmes qui veulent estre braves. Pourquoy en parle-il
mal? Que ne s'attaque-il à ceux qui les espousent et qui les trompent?
Un marmouzet qui promet tout et ne tient rien, qui donne un estat et ne
le peut entretenir, qui asseure sa fortune sur l'étiquette d'un sac et
sur la ruine d'un païsan, meritent une couronne cornuë.

Il n'en parle que par envie: c'est qu'il ne peut estre eschevin, car il
n'a pas le moyen d'achepter un estat de quartenier pour assister au
banquet de la trahison, ou de gagner les voix à la brigue, comme fit
jadis un charpentier contre le venerable Poncet, qui en est mort de
melancolie. S'il ne sçait faire trotter les bouteilles pendant la
brigue, il en peut bien torcher son bec. Mais quel profit y a-il de
nommer des prud'hommes? Aussi bien sont-ils corrompus quand ils ont
passé par là.

Ha! monsieur le satyrique, vous estes ignorant, ne vous desplaise,
quand vous mesprisez la petite bourgeoise qui prend le chapperon de
velours pour estre suivante de Madamoiselle; si vous eussiez pris vos
lunettes d'Amsterdam[289], vous eussiez veu leur advancement: l'une
espouse un foytte-cahyer des rentes des aydes, l'autre un procureur de
Sainct-André-des-Arts, l'autre un sergent dangereux de la forest de
Bondis, dont la race et posterité sera dispencée d'obtenir lettres
d'anoblissement, et vous ne le considerez pas.

Il fait bien l'enhazé[290] quand il parle d'une pauvre servante qui se
plaint de n'espouser pour son argent qu'un cocher ou un palfrenier, qui
font d'une malle vigueur une genealogie d'enfans, et ce pauvre esprit
n'a pas consideré que les hospitaux des Enfans-Rouges, du S.-Esprit[291]
et de la Trinité, estoient deserts sans eux, qui les ont remplis de la
semence d'Abraham.

Il veut empescher, ce semble, que le marchand n'aspire aux offices, et
neantmoins ils ont cest honneur ès compagnies souveraines, tenans de la
race dont ils viennent, de marchander pour faire justice, et eux seuls
ont esté les premiers qui en ont commencé la corruption. Et de faict,
avant que le marchand y entrast, il y avoit trop de gravité: on ne
pouvoit, au temps passé, approcher ses conseillers, Sainct-Valerien, la
Rochetomas, Vignolles, Ruelle, Regnard, Feu, et un tas d'autres des
Parlemens et Chambre des comptes, dont la race est noble jusques à la
quatriesme generation.

Tu t'abuse, satyrique: quel bien plus clair et plus liquide y a-il à
Paris que le loyer des maisons aux garses et mal-vivans[292]? Et
neanmoins tu tasche à l'abolir; il n'en vient que du bien. Premierement,
on advance le loyer; si un commissaire chasse le locataire avant le
terme, on est payé et on n'use point la maison; le tonnerre n'y chet
jamais; elle n'est jamais vuide, car il y a plus de ces gens-là à loger
que d'autres. Il n'y auroit point de charité de les renvoyer aux
faux-bourgs[293].

Tu pense avoir tout dit le plus important affaire des huguenots quand tu
parle de la taille qu'ils payent pour faire la guerre contre le roy; tu
t'abuse et ne le saura jamais, si ce n'est par un traistre et renegat
comme Cahyer, car la première chose à observer en leur religion, c'est
d'estre secret, escouter tout et ne parler point, et en faire advertir
les Cercles[294] par les espions, sur peine d'excommunication.

Je croy que tu est borgne et aveugle quant tu ne contemple pas les beaux
heritages et grandes possessions de ces anciens brigueurs de pratiques,
qui subsistent encor à present, scis rue Fripaut[295], Fripillon,
consistans en menus drappeaux que l'on ramasse à faire du papier.

Et quoy! tu te mocque d'un procureur qui escrit en grosse lettre! mais
cependant, à la barbe de tous ses compagnons, il a si bien fait par ses
diligences et la faveur de ses amis qu'il a attrapé la pratique du
messager de Chartres, et de fait il y a treize mois qu'il presente des
placets pour avoir executoire pour la conduite d'un prisonnier.

Tu es bien sot de ne pouvoir nommer par nom et sur-nom les usuriers; le
grand nombre t'en crève les yeux, et, par despit de ce que l'on en dit,
on fera le party du remboursement des notaires, à fin que lettres de
change ayent lieu.

Pourquoy crie-tu après les cuisiniers qui font trop bonne chère à deux
pistoles pour teste, puis qu'ils sont cause de la prestance et gravité
des hommes, qui, avec un ventre de grenoüille, marchent d'un pied large,
le visage enluminé, meprisant et ne songeant pas à ceux qui ont faim?

Vous ne dites rien de nouveau. On estoit bien contraint au temps passé
de se passer d'un honneste valet bien vestu avec un manteau; mais vous
ne sçavez pas qu'il n'y avoit pas aussi tant de fils de putains à Paris
pour faire des lacquais, et si on ne portoit point en ce temps-là de
poulets.

De quoy se soucie ce causeur satyrique si nos lacquais portent
l'espée[296] après nous? C'est pour leur apprendre le mestier de
tirelaine, car, quant ils nous ont servy cinq ou six ans, nous leur
donnons quinze ou vingt escus de recompense pour achepter un manteau
rouge[297], pour estre les Achiles d'un bordel ou guetteurs d'un coing
de ruë[298].

Il croit depriser M. de Soubize quand il dit (_errari_), et il ne voit
pas qu'il a imité ce vieil capitaine Anguerrant de Marigny[299], qui
s'est fait poser sur le portail du Palais[300] pour s'enfuir le premier
lorsque le feu brulleroit les roys.

Il a tort d'accuser en general ceux qui donnent invention de trouver
argent pour le roy, puis qu'il sçait en sa conscience que cela procède
de la subtilité de Roüillart; qui, pour en faire les memoires, a couppé
un bureau à l'entrée de la chambre sans payer finance.

En mesprisant les commissaires et sergens qui ne font aucun rapport à la
police, pour le moins j'eusse excepté Cordier et Brullon, l'un pour
estre empesché à recevoir les loyers des maisons du Pont-Marchand,
l'autre à faire la distribution de la bourse commune des huissiers du
mois d'avril; encor Brullon mérite loüange d'avoir esté secret et
n'avoir decouvert au roy ce grand fonds, qui sans doute eust esté pris
pour faire la guerre.

Si les procureurs de la Cour et greffiers des presentations ne font
rien, ils n'en vaudront que mieux à l'advenir. Ils ressemblent à la
terre qui se repose: quant ils auront esté defrichez et que le temps
sera venu, ils plumeront doublement; cependant ils apprendront à faire
des fosses.

Tu te plains de Chalange[301], et tu ne cognois pas le plaisir qu'il a
fait au plat pays lorsqu'il a fait l'edict des procureurs. Il est cause
que, les clercs n'ayant plus d'esperance d'estre receus, ils se sont
retirez en leur pays. Il s'en est engendré une pepinière d'esleus,
grenetiers, sergens, receveurs du taillon et autres menus offices, pour
lesquels achepter ils ont fait boursiller leurs parens et amis, qui sont
à present secqs comme bresil.

Si on ne fait plus de ceremonies, d'enterremens ny d'offrandes, tu ne
sçais pas que l'on a succé cela de la mammelle de Genève, pour tousjours
appauvrir l'Eglise et faire quitter aux quatre mandians la partie?

Si l'Université a perdu son credit et son ancienne réputation, pourquoy
en accuse-on les jesuites? Sçait-on pas bien que le recteur de
l'Université, _Dadonius, fuit auspensus in patibulo, quoniam agebatur de
puero corrupto_? On a eu crainte que chacun en fist de mesme?

L'on se plaint que les offices sont trop chers. O les sots! que ceux qui
s'en plaignent imittent Canto et Testu: qu'ils appreignent à jouër des
farces.

Sinon, qu'ils preignent ces deux beaux offices qui sont à present à
Paris et à bon marché, courratiers de change et receleurs de fripperies:
l'un fait trouver de l'argent à usure, l'autre fait derober son maistre.
Sans cela, le Chastelet seroit bleu!

Pour ce qui est de vostre tableau et de la justice du roy, Monsieur le
satyrique, nous en demourons là: nous n'avons rien à contredire. M.
Pillaquet et moy, nous avons fueilleté nos annalles; nous n'avons rien
trouvé ès règnes de nostre temps de pareil à celuy-cy, sinon qu'une
chose, que les peuples ne meritoient pas un tel roy, qui en l'aage de
vingt ans a suppedité les rebelles, corrigé les vices, et, par sa pietté
et bon exemple en son règne, augmenté le culte divin.



LES ESSAIS DE MATHURINE

S. L. ni D. In-8. de 16 pages.


Quand je considère ma vie, je la trouve assaisonnée de beaucoup
d'utilitez, encore que, passant par les ruës, les petits enfans
clabaudent après moy: Aga! Mathurine la folle! Il est vray que je suis
un peu entachée de cette maladie-là; mes sens peuvent estre quelque
petit rances, et mon imagination tant soit peu moisie et disloquée. Cela
m'est survenu des reliques d'un coup de carabine que je reçus en
l'esprit à certain balet de Caresme-prenant. Baste! si je suis folle,
c'est à l'occasion, laquelle j'ay sceu empoigner si bravement, qu'il
m'en revient tous les ans plus de vingt et treize jacobus[302] de rente
foncière[303], sans compter le tour du baston. Il y en a qui pensent
estre d'estoffe de Milan et abiles gens, qui sont plus sots que je ne
suis beste de plus de trois demy-septiers. Considerez (s'il vous plaist)
que je passe mon temps gaillardement et sans melancholie. S'il me tourne
sur l'ennuy, je vais visiter ma bonne amye, qui me fait manger de la
souppe à l'hissope[304] toute de graisse et du lard jaune comme fil
d'or, et au bout de la carrière mon paillard escu, avec le: Jusqu'au
revoir, Mathurine. Mais aussi je suis tousjours preste à ses
commandemens et au service des gallands hommes; paix ou guerre, à toute
heure, mon harnois est en estat, car je le fais souvent fourbir avec un
guimpillon fait à l'occasion et au contraire de ceux qu'on met dedans
les pintes, car il est pelu au derrière du manche, et ceux-là le sont au
devant. Vive la follie! c'est mon gaigne-pain. Parbleu! Tabarin profite
plus avec deux ou trois questions bouffonnes et devineries de merde, ou
de la chouserie, que ne fait son maistre avec tout son _questo e un
rimedio santo per sanare tuti gli morbi_, parceque le monde ne veut plus
que du badinage; aussi finit-il par la farce, afin qu'on se souvienne
d'y retourner. La sagesse de ce monde est folie devant Dieu; cela me
fait esperer que je seray en ce pays-là recompensée de double pitance,
car je suis folle en cestuy-cy assez pour deux. Si tous les fous et les
folles portoient crouppière, il y en aurait beaucoup à Paris qui
auraient le cul escorché, car il y en a de toutes sortes, de tous aages,
de toutes qualitez, de tous sexes; mais ils sont foux à la mode qui
trotte, et, comme dit maistre Guillaume[305]:

    Les uns sont foux et les autres estranges,
      Aussi merveilleux que beaux anges
      Descendus tout nouveaux des cieux,
      Et ceux-là sont foux glorieux.

Il y en a d'autre qualité qui sont les Bertolles[306], et graves; ils
portent fière arrogance. Vous les jugeriez, à leur mine de serrer les
lèvres comme une nouvelle mariée, que ce sont des Socrates. Donc cette
sorte de foux, comme dit maistre Guillaume:

    Selon nos bons docteurs devots,
    Nous les appelons sages sots.

Et s'ils ne rencontraient qu'un etronc, ils y trouveraient à remordre:
rien de bien fait s'ils ne le font. Si par cas fortuit ils avoient
aperceu quelqu'un sur quelqu'une, foy de ma vie! il faudrait aussitost
feuilleter toutes les postures de l'Aretin plustost qu'il ne trouvassent
à redire à la leur; peut-estre voudroient-ils informer contre eux,
disant que celle-là n'est pas à la mode. Bran pour cette liste de
reprenans! bonnes gens, on le fait à toutes modes, et s'en est-on assez
bien trouvé il y a desjà plus de quatorze jubilez. Vous autres lisarts,
n'avez-vous point leu certain petit fatras qui se nomme le _Caquet de
l'Accouchée_? Si avez, sans doute, si avez: car il s'en est vendu plus
que d'epistres familières ou d'oraisons des saincts. Certain mescontent
m'en présenta l'autre jour un, la lecture duquel m'eschauffa grandement
les aureilles. Je cogneus aussitost à la trempe que c'estoit un autre
mescontent qui l'avoit forgé, à qui on avoit refusé quelque lippée à
butiner. Ces gens-là n'ont pas d'esprit pour se conduire, et voudroient
qu'on leur baillast le timon de l'estat à chevaucher. C'est une pure
ambition de se voir un jour canonisez auprès de maistre Pierre du
Coignet[307]; mais le chapitre Nostre-Dame est empesché avec le
promoteur à la reformation des prestres qui chantent aux cabarets la
desroute des huguenots et la mort du grand turc. Vous cognoissez bien à
cette heure que c'est un fol à la mode qui est l'autheur du _Caquet_. Il
dit au commencement de la litanie qu'il avoit esté malade; il n'y a si
busard de medecin qui ne cognoisse assez qu'il l'est plus que jamais et
est en danger de mort, car desjà ne sçait-il plus ce qu'il dit.
Quiconque fait le caqueteux, jamais bonne pie ne le couva, et la semence
de quoy il fust basti estoit esvantée aussi bien que sa cervelle.
Peut-estre eust-il rongé, ainsi que comme les vipereaux, le ventre de sa
mère pour sortir, s'il ne se fust trouvé vers la basse cartière une
bonde grandement large; et, parcequ'elle luy fit baiser son cul en
passant, qui estoit un peu sale pour lors, et deceda sans hoirs
legitimes de son corps, il voudroit prendre à tasche tout le sexe
feminin. J'ay ouy dire à Pierre Dupuy[308] qu'il est bastard de Pasquin;
maistre Martin asseure sur ses grands dieux que Marphore[309] l'a fait;
le docteur croit que ç'a esté maistre Josse avec le Picard: tant il y a
je n'en sçay rien davantage, sinon qu'on le tient frère de Merlin
d'Angleterre, et le cognoist-on assez à son _Caquet_, lequel n'epargne
ni Tibault ni Gautier qui ne soit pincé sans rire. Agarez, Mesdames,
comment il met sur le trottoir femmes, filles, vieilles, jeunes et de
toutes conditions, chetives, qualifiées et publiques, indifferemment,
qui ne pensèrent jamais à ceste caqueterie non plus que je fais à estre
souldan de Babylone ou à prendre Montauban. Ne prenez-vous pas garde
qu'il faict comme le singe qui tire les chastaignes du feu avec la patte
du levrier[310]?

Je m'aperçoy qu'il voudroit que les femmes fussent l'echo de ses mauvais
discours, et le charlatan le suject de ses reformations d'estat. Pour
moins de cent escus, je vous en diray quelques raisons. Item,
premierement, commençons par l'isle du Palais. Sa curiosité luy fit
accoster Tabarin: Estes-vous malade?--Ouy, respond le caqueteur; mais
cette mienne maladie n'est point contagieuse, elle n'est qu'en l'esprit.
Je me suis adressé à vous, sçachant que vous aviez credit auprès de
vostre maistre, qu'on estime sçavoir des choses merveilleuses.--Ouy dà,
repliqua Tabarin; il sçait des choses merveilleusement merveilleuses, il
sçait des passe-merveilles, et si ne fut jamais chiche de ses sciences.
Regardez de laquelle vous desirez afin d'estre satisfait. Mais je feray
bien tout ce que desirez: je ne suis guère moins clerc que luy; dites
hardiment.--Je desirerois, honneste seigneur, dit le galland, si vostre
benevolence me l'accordoit, sçavoir de vous le moyen de cognoistre quand
une fille est pucelle ou non, par ce qu'outre ce que je pourrois esviter
d'estre cornard, cela me profiteroit parmy les compagnies.--Lors Tabarin
respond: N'y a-il que cela? je satisferay à ce que desirez; mais il
faut cognoistre avant qu'aymer. Allez vous en chez Cormier[311] faire
apprester le disner pour faire plus estroite cognoissance; ce pendant je
vais consulter tous mes plus exquis secrets, et je retourne à vous dans
une heure.--Je vous y attendray, dit le caqueteur.--Je vous iray
trouver, dit Tabarin; faictes mettre le vin au frais.--L'un et l'autre
se trouve à son assignation, qui disnèrent à plain fonds. Après le
disner, Tabarin commença: Monsieur, ce ne sont pas icy questions du
chaffaut[312] ordinaires ny à tous les jours; davantage, toute peine
requiert salaire, comme vous sçavez.--Je le sçay bien, dit le curieux;
aussi je vous prie de mettre ceste couple de pistoles en vostre
pochette. C'est attendant mieux.--Bien, dit Tabarin; escoutez... Lorsque
vous desirez sçavoir si une fille est pucelle, mettez une de vos mains
sur son robin, vous m'entendez bien? puis au mesme temps soufflez-luy au
cul, et si lors vous sentez le vent à la main, elle est indubitablement
percée[313]. Et en voilà pour votre argent. Adieu, Monsieur. C'est un
des vieux tours de Tabarin, qui planta son homme à reverdir. Et ainsi le
caqueteur demeura affiné; neantmoins, il protesta d'appel pour se venger
du bouffon et affronteur. Voilà un des pourquoy; l'autre raison et
second pourquoy il en veut aux femmes, c'est, par saincte Barbe! de
cholère que pas une n'a daigné l'escoutter ny faire estat de son
_Caquet_,

    Sinon une vieille Picarde
    Qui alloit crier la moustarde;
    Encor n'en pouvoit-il jouïr.

Aussi est-ce un haubereau bien vuidé. Jan Voüaire, je suis laide et
folle, ce dit-on: je ne voudrois pas luy avoir presté mon cul à baiser.
Pleut à sainct Fiacre[314] que le sien fust plein d'eau boüillante! La
necessité l'avoit mis si bas qu'il ne se pouvoit gratter, d'où lors il
fist profession de porteur de rogatons[315], et fut contrainct
d'accoster toutes sortes de femmes d'un beau _s'il vous plaist_, qu'il
a maintenant changé avec un office de macquereau et une place aux
maisonnettes. Vous l'eussiez veu aller de porte en porte comme le
pourceau de sainct Anthoine[316], car il demandoit aux dames de haute
gamme auctorité, aux damoiselles courtoisies, aux presidentes,
maistresses des requestes» conseillières, faveur; aux advocates conseil,
aux greffières coppies, aux procureuses soing, aux clergesses ecriture,
aux soliciteuses diligence, aux financières argent, aux bourgeoises
logis, aux marchandes estoffes, aux boulangères foüace, aux rostisseuses
chair, aux cabaretières vin, aux chambrières service, aux artisans
credit: surquoy estoit fondé le plus fort de toutes ses esperances;

    Mais s'en cognoissant frustré,
    Il buvoit comme un chastré...

et deux, joint que, s'estant adressé à une vieille boismienne qui vit en
reputation d'avoir beaucoup d'experience et sçavoir les secrets plus
cachez de la nature, qui vous dit proprement une bonne aventure et tire
finement la croix[317] d'entre les mains des lourdaux comme luy. Or, se
trouvant pour lors amoureux jusqu'au troisiesme degré et en estre
malade, il se resolut d'avoir recours à ceste vieille femme piternelle
pleine de pechez mortels, dont il luy arriva presque pareil tour à celuy
que Tabarin luy avoit joué. A l'abord, il salüe ceste nymphe de Pluton,
disant: Ma commère, ne voyez-vous point à mon visage que je suis
malade?--Si fait, dit-elle; mais remède à tout, sinon à la mort. Dictes
vostre mal: il y en a de plusieurs sortes. Ce n'est pas la peste, au
moins?--Non, fist-il.--Hé bien! fist-elle, il n'y a pas mal de teste,
d'estomach, bras, jambes et autres?--Mon mal est pire que tout cela,
dit-il.--Je me veux donc retirer de vous, fist-elle.--Ne craignez point,
fist-il; encore qu'il soit dangereux, si n'est-il point contagieux: en
un mot, c'est un mal de femme.--Est-ce point, fist-elle, le mal de
matrice?--Non, fist-il; j'entends causé par femmes.--Je vois, fist-elle;
soit, il y a chancres, poulains, pisse-chaude, verolle, cristaline et
autres appanages et circonstances. De quel genre est-il espèce?--Rien,
rien, fist-il; le mal qui me travaille est mal d'amour.--Ha! ha! ha! ha!
s'écria l'adadé[318]; courage! vous n'en mourrez pas; et puis je suis
la superlative: vous avez trouvé chausse à vostre pied. Il n'est au
monde ma semblable, preste à tout comme la chambrière d'un ministre,
experte au metier des femmes. Je sçay oster les rousseurs et effacer les
lentilles du visage; je fais de l'huille de talc et autres fars
excellens en perfection; je sçay faire resserrer maujoint[319]
tellement, qu'une coureuse seroit prise pour la plus pucelle du monde.
Bref, elle luy monstra une boüette à divers estages pleine d'oignemens,
sur le couvercle de laquelle estoit escrit:

    Le medicament de ceans
    Est bon pour guerir les urines
    Et pour apprivoiser les grives,
    Les jumens guerist du farcin;
    Il fait faire maint larcin,
    Il fait chanter les renaissailles,
    Il fait cornes aux demoiselles.

Or, de ce que vous demandez, c'est un autre item. Parlons doucement...
J'ay apporté certaine racine de la petitte Ægypte qui vous fera estre
aymé des plus huppées. N'est-ce pas ce que vous cherchez?--C'est cela
mesme, dit l'homme. Que ce me seroit un grand bonheur si, par vostre
moyen, je pouvois rencontrer cette science et arriver à mes intentions!

--Voulez-vous que je vous dise, Monsieur? respondit la vieille; je
ressemble aux archevesques: je ne marche point si la croix ne va
devant.--Je l'entends ainsi, ma bonne amie, dit le caqueteur; voilà de
quoy rire.--Baillez, Monsieur: à laquelle en voulez-vous? Dictes-moy
seulement son nom, et je la contraindray de venir coucher avec vous.
Nostre homme, frottant ses deux bras et demy extasié, la luy nomme,
prennent heure et complottent ensemble: de sorte qu'elle luy meine
coucher une sienne camarade, hideuse et difforme, capable de faire
mourir un delicat. Il prit son desduit avec elle. Le lendemain, voulant
contempler son beau sujet au jour, se pasma de honte et de peur, croyant
que ce fust Proserpine. Il voulut fuyr; elle le suit, disant:
«Payez-moy. Mercy Dieu! est-ce ainsi que vous renvoyez le monde après
vous en estre servi[320]?» Et trois! Aussi, en mesme temps, le medecin
luy avoit promis certaine drogue pour le rendre plus robuste au jeu
d'amour, et d'effect fist son ordonnance, laquelle fut expediée par un
apothicaire qui fist le quiproquo: car, au lieu de bailler ce qui
estoit pour luy, il envoya une medecine qui avoit esté ordonnée pour un
cordelier affin de luy lascher le ventre, et la sienne fust baillée au
beau-père, qui tous deux se trouvèrent bien estonnés à l'heure de
l'operation. Voilà le dernier pourquoy. Et ne sçachant à qui se doit
prendre de son malheur, il a faict ceste levée de bouclier. L'esprit me
tourne quand je pense à cest entendu en affaires, et acheveray d'affoler
s'il n'est chastié comme un ennemy de nature. Sus! sus! que chasque
femme barboüille son visage d'une bouse de vache! que chasque fille
salisse sa moustache d'un crachat, et que toutes ensemble luy baillent
tant de maledictions, qu'il ne puisse fienter qu'à coups d'estrivières
et coure le garrou[321] tout le reste de sa vie! C'est un infame qui ne
sçait un seul secret de femmes: nous sommes trop advisées pour babiller
ainsi qu'il dit; il n'y en a pas une si sotte, si elle avoit laissé
aller le chat au fromage, d'en parler à sa plus confidente. Nous avons
cela de serment entre nous de le taire; il n'y a si jeunette qui
n'aymast mieux le faire vingt coups que d'en parler une fois. Il
suffira, pour ce coup, d'avoir descouvert le subject du mescontentement
du caqueteur: ç'a esté consultant le trepied d'une sybille ancienne qui
sert à soustenir mon pot à pisser. Cela me fait paroistre, quand il me
plaist, plus sage que trente-cinq Diogènes. Jusqu'au revoir. Je ne puis
vous entretenir plus long-temps pour ce coup, d'autant que le comte
Mansfeld me fait perdre le caquet. Il faut envoyer tous les caqueteurs
et de loisir au devant de cest yvrongne pour hoguiner toutes les femmes
qu'il traine, de peur qu'il ne vienne empescher la continuation du
travail de l'hostel de ma bonne amie, manger noz melons et boire nostre
piot. Je vais descouvrir s'il est point retourné en voyage à Nostre-Dame
de l'Espine[322], et puis je le vous envoyeray dire par ce mesme
messager. _Sanita et guadaigne._



LA

SENTENCE PAR CORPS

Obtenue par plusieurs femmes de Paris contre l'autheur des _Caquets de
l'Accouchée_.

     _A Paris, chez le baron de l'Artichaux, demeurant au royaume
     d'Ecosse, à l'enseigne du Cailloux de bois._

M. DC. XXII[323].


A tous ceux qui ces présentes lettres verront, Gautier Garguille[324],
gentilhomme ordinaire de sa chambre et garde de la place de l'Isle du
Palais, à Paris;

Sur la requeste faitte en nostre audience de la place de l'Isle du
Palais, par

Mondor, parlant pour discrette et honorable personne le sieur Tabarin,
demandeur en reparation d'injures ou invectives, selon l'intervention
par luy faitte avec Pierre du Puis[325], parlant pour les femmes et
bourgeoises de cette ville de Paris, complaignantes pour raison des
faits mis en avant par les _Caquets de l'Accouchée_, imprimés et publiés
en cette dite ville de Paris; comme le sieur de Decombes, parlant pour
Grattelart[326], autheur des dits _Caquets_, defendeur et opposant, et
en vertu du defaut donné contre le dit Pierre du Puis au dit nom; après
avoir ouy le dit Mondor au dit nom, qui nous a remontré que mal à
propos, indiscrettement et contre la règle de toute societé humaine, le
dit Grattelart avoit fait escrire en ses _Caquets_ plusieurs paroles
scandaleuses et injurieuses, et qu'il en requeroit reparation; et le dit
Pierre du Puis, pour les dites complaignantes, parties principales, a
conclud pareillement à la dite reparation, et, adjoustant à icelle, a
requis condamnation de tous depens, dommages et interests. Nous avons
condemné et condemnons le dit Grattelart à declarer, en présence du
crocheteur de la Samaritaine[327] et du Jacquemart du clocher de
l'eglise de Sainct-Paul[328], que mal à propos, indiscrettement et sans
raison, il a fait escrire et publier, aux _Caquets de l'Accouchée_,
plusieurs paroles injurieuses et scandaleuses contre l'honneur des
femmes, lesquelles par elles seront rayées et biffées, et qu'il en
demande pardon aus dites femmes et bourgeoises de Paris, et à Tabarin au
dit nom, les suppliant vouloir oublier les dites injures et scandales;
et outre condamnons le dit Grattelart ès despens, dommages et interests.
En tesmoin de ce, nous avons fait mettre nostre sceau ordinaire de la
dite place. Ce fut fait et donné en la dite audience par Jehan
Farine[329], tenant le siége, le mardy vingt et douziesme du present
mois.

    _Signé_ GUILLAUME[330].


_Copie d'intervention._

Aujourd'huy, trois cens soixante et sixiesme jour de la presente année,
est comparu, en chair et en os, Jehan de la Vigne[331], fondé de
procuration authentique à luy passée par le discret et sage en teste, le
seignor Tabarino, lequel a declaré qu'en consequence de la dite
procuration il desiroit estre receu partie intervenante au procès meu,
indecis et pendant ou accroché entre et au milieu de Grattelart, autheur
des _Caquets de l'Accouchée_, et les bourgeoises qui se formalisent et
scandalisent, pour y proposer ses defenses comme d'abus; et pour ce
faire a constitué son procureur generalissime le dit la Vigne, auquel a
donné tout pouvoir deçà et delà l'eau, dont le dit la Vigne a requis
lettres, et a signé au registre.

    _Signé_ GROS-GUILLAUME.


_Sentence sur l'intervention._

A tous ceux qui ces presentes lettres verront, Gautier Garguille,
gentil-homme ordinaire de sa chambre et garde de la place de l'Isle du
Palais, à Paris.

Sur la requeste faicte en nostre audience de la dite place de l'Isle du
Palais, par Montdor, parlant pour discrette et sage personne le sieur
Tabarin, demandeur en intervention avec les femmes et bourgeoises de
Paris, contre Grattelart, autheur des _Caquets de l'Accouchée_,
Decombes, parlant pour luy; après que le dit Montdor, au dit nom, a
remonstré avoir grand interest d'intervenir en la dite cause pour les
causes qu'il est prest desduire, et que le dit Decombes, au dit nom, a
soustenu au contraire, nous avons receu et recevons le dit Tabarin
partie intervenante au procez d'entre l'autheur des _Caquets de
l'Accouchée_ et les femmes et bourgeoises de Paris, et ordonnons que
dans le premier jour il baillera les causes d'intervention, pour estre
ordonné sur icelles ce que de raison.


_Causes d'intervention._

Causes d'intervention que met et baille par devers vous Me Garguille,
garde de la place de l'Isle du Palais, à Paris,

Le sieur Tabarin, demandeur en intervention avec les femmes et
bourgeoises de la ville de Paris,

Contre le sieur Grattelart, defendeur et opposant;

A ce que, pour les raisons qui seront cy-après desduites, il soit dit
par vous, Monsieur, que ledit Tabarin sera receu partye intervenante au
procès, et obtiendra à ces fins, avec condamnation de tous despens,
dommages et interests.

Il est à remarquer que le sieur Grattelart est homme fort sujet à
mesdire des actions d'autruy, et sur tout il paroist ès _Caquets de
l'Accouchée_ qu'il a fait imprimer tout nouvellement, au scandale et
dommage de la bonne renommée des femmes et bourgeoises de cette ville,
lesquelles, estant adverties, se sont voulu formaliser, et
particulièrement la femme du sieur Tabarin, lequel s'est bien voulu
joindre en la cause et prendre le fait pour elle, attendu qu'il estoit
interessé en l'affaire.

Et de fait, il semble qu'elle a juste cause de remonstrer que son mary
n'est point charlatan et qu'il ne le fut jamais, et que l'on ne sçauroit
faire escrire qu'elle soit femme de charlatan sans offenser l'un ou
l'autre, dont elle pretend avoir reparation qui ne luy peut estre
desniée, sauf correction: premièrement, ce que la bonne vie de l'un et
l'autre est notoire à tout le monde, et est à naistre le premier qui les
puisse redarguer du moindre crime ou malfaict;

Secondement, pour autant que le dit Grattelart a malicieusement faict
escrire qu'icelluy Tabarin est cocu et cornard, ce à quoy il n'a jamais
songé, et qui ne se sçauroit passer sans son interest ou dommage;

En troisiesme lieu, pour autant que le dit Tabarin ne fust jamais
capable de cornes que de celles qui sont en son bonnet, encores luy
sont-elles odieuses; au moins dict-il qu'il ne les tient que comme gaige
et pour celuy qui en aura affaire;

En quatriesme lieu, il vous remonstre que les cornes ne luy sont deües
que pour en faire part aux marchands, et, de vray, Grattelart en aura à
sa discrétion de telles qu'il luy plaira.

Partant, conclud le dit Tabarin comme dessus, ès despens, dommages et
interests.


_Coppie de la requeste presentée au sieur Garguille de la part des
hommes et maris dont les femmes ont esté scandalisées par les dits
Caquets._

Supplient humblement les marris des femmes scandalisées par les _Caquets
de l'Accouchée_, disans qu'ils ont esté advertis qu'il y a procez meu,
indecis et pendant par devant vous entre les dites femmes et le sieur
Grattelart, autheur des dits _Caquets_, pour raison des injures,
invectives et scandales qui y sont escrits, lesquels regardent les
supplians, qui ont besoin de vostre provision. Ce considéré, Monsieur,
il vous plaise ordonner que les dits supplians seront receus parties
intervenantes au dit procez avec les dites femmes, icelluy Tabarin et
le dit Grattelart, lequel sera à ceste fin aussi assigné pardevant
vous-mesme, pour ordonner en outre ce que de raison, et vous ferez
justice.

* * *

_Au bas est escrit_: Qu'on donne assignation, etc.


FIN.



TABLE ANALYTIQUE.


_Alais_ (Conférences d'). 88, 158, notes.

_Aliénor de Poitiers._ Son ouvrage _les Honneurs de la cour_, cité VII, VIII.

_Ancre_ (Le maréchal d'). Remplacé par Luynes. 67. V. _Luynes_, _Mangot_.

_Andreini_, dit _Lelio_. Joue à l'hôtel de Bourgogne. 9, note.
  --Ses séjours à Paris en 1618, 1621, 1623, 1624. _Ibid._
  --Y publie son _Teatro celeste_. _Ibid._

_Ange_ (L'). Chirurgien. 128.

_Angers._ V. _S.-Germain, de Vertus_ (la comtesse).

_Angoulême_ (Le duc d'). Son conseil à ses laquais. 257, note.

_Anne d'Autriche._ Paie les frais du feu d'artifice pour la canonisation
de sainte Thérèse. 49, note.
  --Elle aime les contes de revenant. 74, note.

_Arc_ (Jeanne d'). Son éloge. XXIV, 206.

_Aremberg_ (Le comte d'). Secours qu'il amène au roi de France en 1567.
275, note.

_Arlequin_, Vient avec _li Gelosi_. 9, note.
  --La reine est marraine d'un de ses enfants. _Ibid._

_Artigny_ (L'abbé d'). Ses _Mémoires de littérature_, cités 98, note.

_Aubigné_ (Agrippa d'). Son _Baron de Fæneste_, cité 152.
  --Pour la mode du _paroistre_. 178, note.

_Aubry_ (Le président et la présidente). 150, note.

_Auvray._ Ses _Satyres_, citées 26, note.
  --Ses vers contre les huguenots. 86, note.
  --Portrait qu'il fait, dans une de ses satires, d'un _goguelu_ à la
mode. 105, note, 200.

_Avenel_ (M.). Sa collection des _Lettres de Richelieu_, citée 68.


_Baignolet_ (Marguilliers de) et leur procureur. 224.

_Baronville._ Son duel avec Dasquy. 40, note.
  --Pendu en effigie au bout du Pont-Neuf. _Ibid._

_Bassompierre_ (Le maréchal de). Sa liaison avec Marie d'Entragues. XXII.
  --Ses _Mémoires_, cités 57, note.
  --Ses services au siége de Montauban, à celui de Montpellier, au combat
des Sables-d'Olonne. 169, note.
  --Fait maréchal de France. _Ibid._
  --Il a toujours des Suisses pendus à sa ceinture. 170.
  --Il voudroit être connétable après Lesdiguières. _Ibid._
  --Il fera mieux d'épouser Mlle d'Entragues. 171.

_Bassompierre_ (Louis de). Fils du maréchal et de Marie d'Entragues,
mort évêque de Senlis. XXII.

_Bautru._ Chassé de la cour. 161.

_Beaufort_ (J. de). Cité 39-40, note. note.

_Beaumarchais._ Beau-père de la Vieuville. Rigueurs contre lui en 1624;
  il est pendu en effigie. 97, note.

_Bellingen_ (Fleury de). Son _Etymol. des proverbes_, etc., citée 269, note.

_Belot_ (J.). V. Mil-Monts.

_Berigal_ (G. Peignot.). Son _Hist. du Jaquemart de Dijon_, citée 280.

_Bermude_ (Le roy Dom). Donné pour père à sainte Thérèse. 50, 115.

_Bertholde._ Type des farces italiennes. 263-264, note.

_Berulle_ (Le cardinal de). Sa mission à Rome pour le mariage du prince
de Galles avec Henriette de France. 79, note 1.
  --Pense à établir les pères de l'Oratoire au Luxembourg; achète l'hôtel
d'Estrées. 80, note 2.

_Berulistes._ Leur opinion formelle contre l'exhérédation des enfants. 221.

_Béthune_ (M. de). Ambassadeur à Rome, opposé à M. de Berulle. 79, note 1.

_Beuvron_ (Le marquis de). Tué devant Montauban. 159, note.

_Bistrade_ (La). Conseiller au grand conseil. 40 et note.

_Biset._ Son plan d'embellissement pour Paris. 41, note.

_Blois._ Luynes y fait conduire l'argent qu'il devoit employer pour
l'armée. 64, note.

_Boesselière._ Son cabaret. 28, note.
  --Prix qu'on y paie. _Ibid._

_Boileau-Despréaux._ Au cloître Notre-Dame. 118, note.

_Boiscourtier._ Sa _Requête générale_, au nom des Parisiens, _sur le
voyage de S. M._ 58, note.

_Bonaparte_ (Nicolo). Sa comédie _la Vedova_, citée 273.

_Bosse_ (Abraham). Sa gravure des _Caquets_, XXV.
  --Sa gravure représentant un Quinze-Vingts. 199.

_Boucher-d'Argis._ Son _Hist. abrégée des plus célèbres comédiens_,
citée 278, 281.

_Bouillon_ (Le duc de). Dumoulin s'enfuit près de lui. 88.
  --S'entend avec Mansfeld. 191-192, note.

_Bourbonnois._ Prix des charges dans cette province. 131, note.

_Bourderet._ Financier ruiné. 40.

_Bourgoing_ (J.). Son livre _la Chasse aux larrons_, cité dans les notes
des pag. 39, 40, 95, 165, 166, 182.

_Bourgoing_ (Le P.). Fait les airs des psaumes chantés à l'Oratoire. 82,
note.

_Brantes._ L'un des frères de Luynes; épouse une héritière de la maison
de Luxembourg, et devient duc de Luxembourg-Piney. 67, note.

_Bret_ (Le), conseiller. 135.

_Brossette._ Son erreur sur _l'Espadon satyrique_. 115, note.

_Brullon_, huissier. 258.

_Brunet._ Son _Manuel du Libraire_, cité 116, note.

_Bruscambille_ (Deslauriers, dit). Donné à tort comme l'auteur des
_Caquets_. XXVII.

_Bruyne_ (Mme la). De _tavernière_ (boutiquière) devenue superbe
marchande. 217.


_Calvin._ Son nom donné à un chien. 84.

_Canillac_ (Le baron de). Tué devant Montauban. 159, note 2.

_Canto._ 259.

_Castel_ (Jean). Son _Miroir des pêcheurs_, cité au sujet des
Caquetoires d'accouchée. XIII.

_Cenami_, financier. 40, note.

_Cepède_ (Alonse Sanchez de). Donné pour père à sainte Thérèse. 50, 115.

_Chalange_, fameux partisan. 182.
  --Fait rendre des édits onéreux dont il partage les profits avec les
ministres. 182, 183, 241, notes.
  --Exploite l'_édit contre les procureurs._ _Ib._, 258.

_Chamilly_ (Mlle de). Réfugiée au cloître Notre-Dame. 118, note.

_Chapelain._ Sa traduction de _Guzman d'Alpharache_, citée 15, note.

_Charenton_ (Ministres de). Lettre qu'ils écrivent au roi et que
Richelieu combat. 86, note.
  --Fuite du ministre Dumoulin 88, note.

_Charles_, médecin. 250.

_Chaulne_ (M. de). Frère du connétable de Luynes, d'abord appelé M. de
Cadenet. 67, note.
  --Fait maréchal à l'occasion de son mariage avec l'héritière de la
maison de Chaulne. _Ibid._
  --Intercède pour Monsigot. 146.
  --Il enlève au duc de Fronsac l'héritière du vidame d'Amiens. 147, note.
  --Ses menaces à M. le Prince, prisonnier à Vincennes. 162, note.
  --Il veut épouser la princesse d'Orange. 162, note.

_Chevalier_ (Nicolas), le président. Fait instruire le procès du
procureur général de sa justice. 27.
  --Rend service à Luynes. _Ibid._, note.

_Chevreuse_ (La duchesse de), veuve de Luynes. Son peu d'influence en
1622. XXI, 148, note.

_Chevry_ (Le présid. Duret de). Protége Monsigot. 147.
  --Son épitaphe satirique. 147, note.

_Christine de Pisan._ Son _Trésor de la cité des Dames_, cité VIII, XXXIII.

_Clairmonde_ (Madame). Se fait _damoiselle_ aux dépens de son mari. 222.

_Clérac._ Pris par les troupes du roi. 57, note, 113, note.

_Cœuvres_ (Marquis de). Son ambassade à Rome; obtient le _chapeau_
pour Richelieu 149, note.

_Coignet_ (Pierre du). Son image à Notre-Dame. 265, note.

_Collerye_ (Roger de). Cité XIV, XLII.

_Combalet._ Tué devant Montauban. 159, note 2.

_Condé_ (Le prince de). Tout se fait par ses avis, VIII, 67.
  --Pourquoi il se prend de haine contre les huguenots et se mêle aux
affaires. _Ib._, note.
  --Menacé par Cadenet lorsqu'il est prisonnier à Vincennes. 161, 162, note.

_Consinot_, médecin de l'Hôtel-Dieu. Ses gages. 251.

_Coquillart_ (Guill.). Cité XII, XXXVII.

_Cordeliers._ Leur rébellion contre la réforme qu'on veut introduire
chez eux. 71, note 2.

_Cordier_, huissier. 258.

_Cormier._ Tabarin à ce cabaret. 268.

_Cotel_ (L'affaire de). 142.

_Coulange._ Chanson citée, XV.

_Courbouzon_ (Le sieur de). Empêche qu'on ne massacre l'ambassadeur
d'Espagne. 162, note.
  --Sa _furieuse escarmouche_ contre les Rochelois. 163, note.

_Courval-Sonnet._ Cité XIV.

_Créqui_ (Le maréchal duc de). Gendre de Lesdiguières; espère après lui
être connétable Ses droits. 170-171.
  --Son duel avec don Philippin. _Ib._, note.

_Croisette_ (M. de la), usurier. Perd tout par la mort de son débiteur. 226.


_Dangeau_ (Suppl. au Journal de). Cité 21, note 1; 47, note.

_Darmingère_ (M.). 218.

_Daubray_ ou _Dambray_ (Claude) Erreur des _Caquets_ à son sujet. 21, note.
  --Laisse, par testament, trois pains de sucre à l'Hôtel-Dieu. 22, 240.

_Davity._ Son livre _Les Estats, Empires_, etc., cité 71, note.

_Desiderio Descombes, le Charlatan._ 102.
  --Moins plaisant que Tabarin. 102, note; 231.
  --Parle pour Grattelard dans la _Sentence par corps_. 278, 283.

_Desplan._ Fortune de ce parvenu, XXI.
  --Protégé de Luynes. 181, note.
  --Sa chute rapide. 160, note.
  --Ses commencements; il est laquais, puis soldat au régiment de Navarre
sous M. Cadenet. 161.
  --Visite M. Le Prince à Vincennes. _Ib._
  --N'est pas fait maréchal de France, quoi qu'en disent les _Caquets_.
162, note.

_Des Rues_, financier. 40.

_Dobillon_, usurier. 29.

_Doux_ (Le, madame). Sa fille _la poupine_. 222.

_Dubreul Ses Antiquités de Paris_, citées 42, note.

_Du Moulin_, ministre protestant à Charenton. Sa fuite à Sedan. 88, note.
  --Lettre d'avis publiée sous son nom. _Ibid._


_Entragues_ (Marie d'). Sa liaison avec Bassompierre. XXII.
  --Il devroit l'épouser. 171.
  --Madame de Verneuil brouillée avec lui à cause d'elle. 169.

_Esternod_ (Claude d'), véritable auteur de l'_Espadon satyrique_; son
pseudonyme de _Franchères_; pourquoi l'on attribue son livre à M. de
ourquevaux; titres divers onnés à ce même livre; contrefaçon qu'il
subit, etc. 115, 116, note.

_Estienne_ (Henry). L'_Apologie pour Herodote_, citée 269, note.

_Estoille_ (Journal de P. de l') cité au sujet des lunettes d'Amsterdam.
253, note.


_Fabri_, trésorier de l'extraordinaire des guerres. 167, note.

_Fail_ (Noël du). Ses _Contes d'Eutrapel_, cités 265, 268, notes.

_Félibien_. Son _Hist. de Paris_, citée 24, note.

_Feu_, conseiller. 254.

_Feuillet_ (M.). 134.

_Fiacre_ (Saint). Maladie dont il est le patron. 269.

_Fontaine_ (La). Une de ses fables, citée 267, note.

_Force_ (Le duc de La). Vend sa soumission au roi. 56, note.
  --Rend Sainte-Foy, qu'il avoit enlevée à Terbon. 57, note.
  --Sa bien-venue fêtée à Paris. 251.

_Forget_ (Le président). 143, note.

_Fournier_ (P.) Son _Hydrographie_, citée 61, note.

_Fournier_ (Édouard). Ses _Variétés historiques et littéraires_, citées
61, 172, 183, 251, 254, 257, 258, 272, notes.
  --Son _Paris démoli_, cité 263, note.
  --Son livre l'_Esprit des autres_, cité 263, note.
  --Son _Histoire des Hôtelleries et Cabarets_, citée 268.

_Fourquevaux_ (Le baron de). Ce nom n'est pas un pseudonyme; le baron a
existé, mais n'a pas fait l'_Espadon satyrique_. 115, note.

_Fresne_ (M. du). 219.

_Fronsac_ (Le duc de), fils du comte de Saint-Pol; tué dans une sortie
au siége de Montauban. 159, note.
  --Le roi écrit des lettres de consolation à son père et à sa mère. _Ibid._
  --Ce que Luynes lui avoit promis. 160, note.


_Garandine_ (M. de la). Sa femme, renfermée avec un jeune avocat, le
laisse coucher à la porte. 216.

_Gautier-Garguille._ Son testament, cité 102, note 2.
  --Notes le concernant. 277, 278, 282, 285.

_Geperny_, fameux financier. 40.

_Gondi_ (Jean-François de), dernier évêque de Paris. 189.

_Goujet_ (L'abbé). Partage l'erreur de Brossette au sujet de l'_Espadon
satyrique_. 115, note.

_Grattelard_ (Le baron de). Note sur ce farceur du Pont-Neuf et sur ses
_Œuvres_. 279.

_Gratiano._ Fin partisan de connivence avec les usuriers. 225.

_Grisons_, voleurs. 60, note.

_Gros-Guillaume._ 281, note; 282.

_Guerin_. Bouffon de la reine Marguerite. 171
  --Meurt misérable. 171-172, note.

_Guillaume_ (Jean), le bourreau. 94, note.

_Guillaume_ (Maître), fou en titre d'office. Pension qu'il touche. 263, note.
  --Nombreux pasquils sous son nom. _Ib_.

_Guise_ (Cardinal de). Prélat frisé. 51, note.

_Guyon_ (Fery de). Ses _Mémoires_, cités 275, note.

_Guyot_ (Maison). Son encre de la _petite vertu_. 60, note.


_Henri IV._ Mot de lui sur l'édit contre les financiers. 14, note.
  --Dîne avec Mathurine. 168, note.
  --Ce n'est pas lui, mais Rosny, qui dit: _La couronne vaut bien une
messe._ 173.
  --Ses édits somptuaires. 181, note.

_Hoctot._ Tué devant Montauban. 159, note 2.

_Hou_ (Le), premier commis de l'épargne. 39.


_Jacomeny_, usurier. 29.

_Jannet_ (P.). Son édition des _XV Joyes de mariage_, citée X, XI, XXV.

_Jean de la Vigne._ Farceur. 281, note.
  --Fondé de pouvoirs de Tabarin dans _la Sentence par corps_. 282, etc.

_Jean Farine._ Note sur ce farceur. 280-281.

_Jésuites._ S'occupent de l'_esprit_ de la Flèche. 74, note.

_Joinville_ (Le prince de), fils du Balafré. Gagne beaucoup à rester
fidèle au parti du roi. 68, note.

_Jouan_, le procureur. 179.


_Laffemas._ 150, note.

_La Flèche._ Lettre de Malherbe sur un _esprit_ qui tourmentoit une
fille de cette ville. 74, note.

_Lafont de Saint-Yenne._ Sa caricature en Quinze-Vingts. 199.

_Larivey._ La _Vefve_, comédie qu'il a traduite de la _Vedova_, citée. 273.

_Larcher._ Procureur en Parlement. 128.

_La Rochelle._ Premier siége de cette ville. 53, note; 157.
  --Le sieur de Courbouzon et son escarmouche. 163. note.

_Lebeuf_ (L'abbé). Cité 24. note.

_Le Mercier_ (Jacques). Architecte; fait la façade de l'Oratoire. 81, note.

_Lesdiguières_ (Le connétable de). 170.

_Lestange._ Tué devant Montauban. 159, note.

_Lincy_ (L. de). Son _Introd. au livre des Légendes_, citée VII, note.

_Louis_ (Saint). Ordonnances contre les comédiens. 9, 231.
  --Croix sur ses monnaies, 271.

_Louis XIII._ Son édit de 1624 contre les financiers. 14. note.
  --Allume le feu de la Saint-Jean en 1620. 23, note.
  --Ses lettres-patentes pour un asile des pauvres. 25, note.
  --Tort que son absence fait à Paris. 57, note.
  --Fait les PP. de l'Oratoire ses chapelains. 80, note.
  --Son édit contre les habits en 1627. 181, note.

_Louvet_, le grand fermier. 40.
  --Sa lutte contre les contrebandiers nommés _Coquilberts_. _Ib_., note.
  --Ils le ruinent. _Ibid_.
  --Sa fuite à Maubuisson. _Ibid_.

_Lussan_. Tué devant Montauban. 159, note 2.

_Luynes_ (Le connétable de). Vers contre lui, indiqués XVII.
  --Accusé de garder l'argent nécessaire aux troupes. 54, note.
  --Pourquoi il ne prend pas Montauban. 64.
  --Sa mort devant Monheur. _Ib._, note.
  --Prédictions à ce sujet. 65-66, note.
  --Son immense pouvoir après la mort de Concini. 156.
  --Protége Desplan. 162.
  --Exploite les édits avec les partisans. 183, note; 241, note.

_Machault_ (De), conseiller aux requêtes. 142.

_Magnin_ (Ch.). Cité 9, note.

_Malherbe_. Ses lettres à Peiresc, citées dans les notes des pages 8, 9,
18, 19, 40, 41, 54, 57, 58, 91, 149, 163, 172.
  -- Autres lettres de lui, citées 65, 74, 192, notes.

_Mangeart_. Sa _Francophilie_. 58, note.

_Mangot_. Chancelier après la mort de Du Vair. 152, note.
  -- Sa fidélité à Marie de Médicis et au maréchal d'Ancre. _Ibid._

_Mansfeld_ (Le comte de). Cancan sur lui, XXIV.
  -- Menace la Champagne; peur qu'il inspire; fait un accord avec M. de
Nevers; tire vers le Hainaut; est battu à Fleurus par D. Gonzalès.
191-192, note.
  -- On le renvoie à Notre-Dame-de-l'Épine. 275.

_Marguerite_ (La reine). Ses libéralités. 20, note.
  -- Distribution des deniers de sa succession. 241.
  -- Ses _Allées_, 251.

_Marigny_ (Enguerrand de). Sa statue au portail du palais. 257.

_Marigny._ Son poëme du _Pain bénit_, cité 37, note.

_Marescot._ Son ambassade infructueuse pour le _chapeau_ de l'évêque de
Beauvais. 153, note.

_Marot_ (Clément). Invectives contre lui. 83.

_Marphore_ ou _Marforio_. 266.

_Mathurine_, folle de cour. XXIII.
  -- Dîne avec Henri IV. 168, note.
  -- Sa pension en 1622. _Ib_., 261.
  -- _Maturinade_, ce que c'est. _Ib_.
  -- Caquet de Mathurine sur M. de Bassompierre. 169.
  -- _Essais_, livret publié sous son nom. 261.
  -- Court les rues poursuivie par les enfants. 252.

_Mauregard_, astrologue. Malherbe l'accuse d'être un faux prophète. 65, note.

_Meuves_ (De). Pendu comme coupable de l'incendie du Pont-au-Change. 58,
note.

_Milmont_ (Le curé de). astrologue. Almanach où il prédit la mort du
connétable de Luynes. 65, note; cité 66, note.

_Moizant de Brieux_. Comment il explique le proverbe: _Ferrer la mule_.
15, note.

_Moncrif._ Son livre sur _les Chats_, cité 24, note.

_Mondor._ Les lazzis de Tabarin font sa fortune. 100, note.
  -- Sa bonne mine. 101.
  -- Elle baisse. 102, note.
  -- Dans _la Sentence par corps_, il parle pour Tabarin. 278, 283.

_Monheur_, château près de Toulouse. Se révolte contre le roi; assiégé
par Luynes, qui meurt devant ses murs. 64, note.

_Monsigot_, créature de Luynes près de Gaston. Procès qu'on lui fait
après la mort de Luynes. 146, note.
  -- Gaston l'envoie près du duc de Lorraine. _Ibid._
  -- Il remet à Richelieu l'inventaire des bijoux de Madame, et s'enfuit à
Orléans. 146.
  -- Il avoit tenu _banque_ au Louvre pour les pensions; il a pour lui
les gens du Parlement, M. de Chevry, madame de Chevreuse, etc. 147, 149,
notes.
  --150. Mais on a juré sa perte. 151, note.
  --Ses aveux. _Ibid._

_Montaigne_ (G.). Sa _Police des Pauvres_, citée 25, note.

_Montauban._ Assiégé. 53.
  --Pourquoi Luynes ne s'en empare pas. 64, 96.
  --Haut prix des charges de conseiller dans la généralité de Montauban.
131, note.
  --On a vainement espéré prendre cette ville. 157, 158, 256.
  --M. de Fronsac tué au siége de cette ville. 159, note.
  --Services de Bassompierre à ce siége. 169.

_Montauron_, l'un des Puget. 39, note.

_Montbrun._ Tué devant Montauban. 159, note 2.

_Montescot_, fameux partisan. 40, note.

_Montmorency_ (Le duc de). Blessé devant Montauban. 159, note.
  --Avis qu'on lui donne de ne pas trop s'engager dans la guerre de
Languedoc. 160, note.

_Montpellier_ (Siége de). 158, 164.
  --Bassompierre s'y distingue. 169.

_Moreau_, médecin. 251.

_Moysset_, dit _Montauban_, fameux partisan. 182, note; 241, note.

_Mozan_ (M.). Il faut étudier sous lui pour entrer à la cour du
Parlement. 30.


_Negrepelisse._ Sa prise. 113, note.
  --Fête carillonnée par les _mortiers_ des apothicaires. 251.

_Nemours_ (Le duc de). Protége M. de Courbouzon. 162.

_Nevers_ (Le duc de). Fait un accord avec Mansfeld. 192, note.

_Nisard_ (Ch.). Son _Hist. des livres populaires_, citée 279.

_Notre-Dame-de l'Épine._ Lieu de pèlerinage près de Châlons-sur-Marne.
275, note.

_Notre-Dame-des-Vertus._ Pèlerinage. 217.
  --Aventure de deux bourgeoises et de leurs maris déguisés en moines.
217-220.


_Ocquerre_ (Le président d'). Père de Blancmesnil. 148, note.

_Oratoriens._ On leur reproche leur ambition. 78, note.
  --Louis XIII les fait ses chapelains. 80, note 1.
  --Belle musique de leur église. 82, note.


_Paris._ Haine de ses habitants contre les Huguenots. XX.
  --_Rue Quincampoix_, ses surnoms. 11, note.
  --Corps des _Merciers_. 16, note.
  --Feu de la Saint-Jean en Grève. 23, note.
  --Le Pont Neuf et les quais bâtis au moyen d'un impôt sur les vins. 24,
note.
  --L'hôpital Saint Germain. 25.
  --Asile pour les pauvres, _Ib._, note; 70, note.
  --_Le Chevalier du guet_, le _Prévôt de l'Ile_. 36.
  --_Pont-au-Double._ 41, note.
  --Les imprimeurs, leur ignorance, etc. 50, 51, 122.
  --Le trésor de la Bastille. 54, note 2.
  --Tort que l'absence du roi fait aux marchands. 57, note.
  --Incendie du Pont-au-Change. 58, note.
  --Diverses troupes de voleurs. 60, 71, 257, notes.
  --Habitants de Paris peureux la nuit. 71, note.
  --La Cérès des Carmélites. 74, note.
  --Fondation de l'Oratoire; pourquoi la façade de l'église est de biais.
81, note.
  --Le _Puits Certain_. 111, note.
  --Le cloître Notre Dame fermé la nuit. 118, note.
  --La galerie de M. de Verdun à l'hôtel de la présidence (_préf. de
police_). 144, note.
  --Ses rues pavées d'avocats. 176.
  --Établissement des _Capucines_ en 1604. 188.
  --Établissement des _Ursulines_ de Sainte Avoye. 189.
  --Le premier archevêque de Paris, en 1622. 189.
  --Costume des aveugles Quinze-Vingts. 199.
  --Gens de finance logent au Marais. 225.
  --Plaintes contre les _échevins_. 241.
  --_Allées_ de la reine Marguerite. 251.
  --Hospices des _Enfants-Rouges_, du _Saint-Esprit_, de la _Trinité_. 253.
  --Filles au faubourg Montmartre. 255.
  --Les marchands de chiffons des rues _Fripaux_, _Frepillon_. 255.
  --Statue d'Enguerrand de Marigny au portail du Palais. 257.
  --_L'Hôtel d'Angoulême_. _Id._
  --Loyers du _Pont-Marchand_. 252.
  --L'image de Pierre du Coignet. 265.
  --Pourceaux du _Petit Saint Anthoine_. 270.
  --Le _crocheteur_ de la Samaritaine, le _Jacquemart_ de Saint-Paul. 279,
280, notes.

_Passerat._ Cité 61, note.

_Paulmy._ Ses _Mélanges d'une gr. Biblioth._, cités 22, note 1, 3.

_Perrette_ (Madame). Sage-femme du faubourg Saint Marceau. 214.

_Philippe le Bel._ Sa loi somptuaire de 1294. 32, note.

_Philippin_ (Don), bâtard du duc de Savoie, tué en duel par M. de
Créqui. 171, note.

_Piganiol._ Sa _Description de Paris_, citée 75, note; 80, 81, 82, notes.

_Poncet_ le vénérable. 252.

_Pont_ (Gratien du). Cité XIII, XLI.

_Portail_ (M.) et son valet Rose. 145.

_Potel_, greffier du conseil; son fils Le Parquet. 152, note.

_Povillon-Pierrard._ Sa _Descript. de l'église de N.-D.-de-l'Épine_,
citée 275.

_Puget_. Sa fortune, etc. 39.

_Puits_ (Pierre du). Fou qui couroit les rues. 266, 278.
  --Pasquil paru sous son nom. _Ib._, note.
  --Parle pour les femmes et bourgeoises de Paris dans la _Sentence_... 278.


_Rabelais._ Cité 145, 231, 265, 269.

_Racan._ Ecrit à Malherbe sur l'_esprit_ de La Flèche. 74, note.

_Regnard._ 39, 254.

_Regnault_, trésorier de l'extraordinaire. 39.

_Regnier._ Dédie une de ses satires au baron de Fourquevaux. 115, note.
Cité pag. 138, note.
  --Sa 14e satire, parue sous le nom de Maître Guillaume. 263, note.

_Reiffenberg_. Son _Histoire des fous en titre d'office_. 263, note.

_Remond_. Son _Sommaire traité des revenus_, cité 168, 261, 263, notes.

_Rémonde_ (Madame). Se fait _damoiselle_. 220.

_Richelieu_ (Le cardinal de). L'auteur anonyme des _Caquets_ doit être
quelqu'un de ses partisans, xxiij.
  --Fait juger et pendre de Meuve comme incendiaire du Pont-au-Change. 58,
note.
  --Passage de ses mémoires sur la mort de Luynes. 64, note 2.
  --Autre sur une prophétie du curé de Milmont. 66, note.
  --Autre sur le prince de Condé. 68, note.
  --Ses _lettres_, citées 79, note.
  --Sa haine des huguenots. 86, note.
  --Ses mémoires, cités 146, 148, 159, 161, notes.
  --M. de Cœuvre lui obtient le chapeau. 149.
  --Collègue de Mangot. 152, notes.

_Robichon._ Il faut étudier sous lui pour entrer à la chambre des
comptes. 30.

_Rochefoucauld_ (Le comte de La). Défait Soubise dans l'île de Ré. 35, note.

_Rochetomas_ (La), conseiller. 254.

_Rohan_ (Le duc de). Sa _cure_ en qualité de chef des huguenots. 33.
  --Ne se jette pas dans les mêlées. 56.
  --Abandonne Saint-Jean-d'Angely. 56, note.
  --Ses _Mémoires_, Cités 57. note.
  --Fait sa paix et _baise le babouin_. 158, note.

_Rome._ Fêtes qu'on y fait pour la canonisation de sainte Thérèse. 48.
  --Les Pères de l'Oratoire veulent s'établir à Saint-Louis-des-François.
79, note 1.
  --Les prêtres laïcs s'y opposent et retardent la concession jusqu'en
1629. _Ib._, note 2.

_Rosny._ Dit au roi le fameux mot: _La couronne vaut bien une messe_. 173.

_Rougets_, ou _Manteaux-rouges_, voleurs. 60, note; 257.

_Rossignol_ (Le bonhomme). 135.

_Rouillard_, syndic des avocats. 258.

_Roze-Croix_ (Frères de la). Leur établissement à Paris. 72, note.

_Ruccellaï_, fameux financier. 40, note.

_Ruelle_, conseiller. 254.


_Saint Antonin._ Discours fait sur la prise de cette ville. 114, note 1.

_Saint-Foix._ Ses _Essais sur Paris_, cités 75, note.

_Saint-Germain_, gentilhomme angevin. Amant de madame de Vertus; comment
assassiné. 139-141, note.

_Saint-Jacques._ Médecin de ce nom. 250.

_Saint-Jean-d'Angely._ Ville abandonnée par M de Rohan. 56.
  --Rendue par M. de Soubise. _Ib._, note.
  --Luynes fait bien ses affaires au siége de cette ville, comment. 64, note.

_Saint-Valerien_, conseiller. 254.

_Sainte-Foy_ (Ville de). Rendue par M. de La Force. 57, note.
  Les gens de cette place massacrent à Gontaut les gendarmes de Luynes.
64, note.

_Sardini_, financier. 40, note.

_Salvancy_, financier ruiné. 40.

_Saumur._ Un des frères de Luynes pense y mourir de dépit. 67.

_Sauval._ Ses _Antiquités de Paris_, citées 23, note.
  --Son livre _Galanteries des rois de France_, cité 172, note.

_Schomberg_, superintendant des finances. Chargé de payer à M. de la
Force sa soumission. 57, note 1.

_Sec_ (Le), médecin. 250.

_Sillery_ (Le commandeur de). Opposé à M. de Berulle. 79, note 1.
  --Son ambassade à Rome, d'où Richelieu le rappelle en 1624. 149, note.

_Siri_ (Vittorio). Cité 68, note.

_Soubise_ (Le comte de). Cure que lui paie le parti huguenot. 33.
  --Sa défaite dans l'île de Ré. 35, note; 55.
  --Sa capitulation à Saint-Jean-d'Angely. 56, note 2.
  --Comparé, par raillerie, à Enguerrand de Marigny 257, note.


_Tabarin._ Son _Recueil de questions_, cité 100, note.
  --Fait la fortune de Mondor. _Ib._, 262.
  --Plus plaisant que le charlatan. 102, note; 231.
  --Ses spécifiques pour rajeunir. 233.
  --Fortune qu'il fait. 250, note.
  --Où il se retire, et comment il meurt assassiné. _Ibid._
  --Sa rencontre avec le prétendu auteur des _Caquets_. 267.
  --Demande en réparation contre l'auteur des _Caquets_. 278.

_Tabourot_ (Estienne). Ses _Bigarrures_, citées 141, note.

_Tardieu_ (M.), de la première chambre. 145.

_Tardieu_ (Le lieutenant criminel). 38, note.

_Tallemant des Réaux._ Ses _Historiettes_, citées XXII, et dans les
notes des pag. 26, 38, 39, 40, 52, 139, 147, 150, 152, 153, 169, 257.

_Terbon._ Se laisse prendre Sainte-Foy. 57, note.

_Testu._ 259.

_Thérèse_ (Sainte). Vies de cette sainte remplies d'erreurs, XX, 50, 114.
  --Fêtes de sa canonisation à Paris et à Rome. 48, note; 49, note.

_Thou_ (De). Au cloître Notre-Dame. 118, note.

_Tillay_ (Le président de). 153, note.

_Toiras._ Chassé de la cour. 161, note.
  --Fait maréchal de France. 161, note.

_Tonneins._ Rendu par son gouverneur. 56, 57, note.

_Tour_ (De la), fermier renommé. Ruiné par les usuriers. 225.

_Traversier_, usurier. 29.

_Turquie_ (Ouvriers de). Appelés à Paris pour faire des étoffes. 17, note.


_Ulenspiegel_ (_l'Espiègle_). Ce type cité 226.


_Vendôme_ (MM. de). Opposés à M. de Sillery. 149, note.

_Verderonnes_ (De). 143.

_Verdun_ (Nicolas de). Premier président. 143, note.
  --Estime qu'on a de lui. _Ib._
  --Sa grande galerie. 144, note.
  --Sa galanterie. 144.

_Verdure_ (M. de la), partisan. D'accord avec les usuriers. 225.

_Verneuil_ (La duchesse de). Sa manière de vivre après sa rupture avec
Henri IV. XXII.
  --Arrive chez l'accouchée avec Mathurine. 168.
  --Déteste Bassompierre à cause de sa sœur. 169. V. _Entragues_
(_Marie d'_).

_Vertus_ (Comtesse de). Contrainte par son mari d'assister au meurtre de
son amant. 139.
  --Récit que fait Tallemant de la même aventure. 139. note.

_Verville_ (Beroalde de). Imitation d'un passage de son _Moyen de
parvenir_. 269.

_Vieuville_ (M. de la). Succède à Schomberg comme superintendant des
finances. 57, note.
  --N'est pas d'avis que le _Pont-au-Chanqe_ soit rebâti aux frais des
orfèvres. 59, note.
  --Rigueurs contre lui en 1624; il est enfermé au château d'Amboise. 97,
note.
  --Il éloigne madame de Chevreuse. 148, note.

_Vignolles_, conseiller. 254.

_Vignon_, médecin. 250.

_Viguier_ (M.). On veut le mettre mal avec M. le Prince. 169.

_Villautrais_, partisan scandaleusement riche. 165, note; 166, 167.

_Villejuif_ (Manants de) et le procureur qui les plume. 224.

_Vincennes._ V. _Chaulnes_, _Desplan_.


_Weiss_ (M.). Rétablit la vérité au sujet de l'_Espadon satirique_. 115, note.



TABLE DES MATIÈRES

* * *


Introduction.      v

Appendice.      xxxiij

Au lecteur curieux.                                             3

Le Caquet de l'accouchée (ou première journée).                 7

La Seconde après-disnée.                                       45

La Troisième après-disnée.                                     93

La Dernière et certaine journée (4e journée).                 125

Le Passe-partout du Caquet des Caquets (5e
journée).                                                     155

La Responce des dames et bourgeoises de Paris
(ou 6e journée).                                              195

Les Dernières paroles ou le Dernier adieu de
l'accouchée (7e journée).                                     213

Le Relèvement de l'accouchée (ou 8e journée).                 229

L'Anti-Caquet de l'accouchée.                                 249

Les Essais de Mathurine.                                      261

La Sentence par corps obtenue par plusieurs
femmes de Paris contre l'autheur des _Caquets
de l'Accouchée_.                                              277

Table analytique.                                             287



FIN.



NOTES:

[1] Voir plus loin, § III, Bibliographie des _Caquets de l'Accouchée_.

[2] _Introduction au livre des Légendes_, par Le Roux de Lincy, Paris,
1836, in-8, p. 178-79.

[3] _Les Honneurs de la Cour_, publiés à la fin du tome II des Mémoires
sur l'ancienne chevalerie, par La Curne de Sainte-Palaye, 1759, in-12, 3
vol.

[4] Voir, à la fin de cette introduction, aux _Appendices_, nº 1.

[5] Voir aux _Appendices_, nº2. Nous y avons joint deux strophes des
_Ténèbres du mariage_.

[6] Voir aux _Appendices_, nº 3.

[7] Voyez, sur _Jean Castel_, t. 2 (1re série), p. 461 de la
Bibliothèque de l'école des chartes, un article curieux de M. J.
Quicherat.

[8] Voir aux _Appendices_, nº 4.

[9] Voir aux _Appendices_, nº 5.

[10] Deux dialogues du langage françois italianizé, etc., in-8, p. 162.

[11] Voir aux _Appendices_, nº 6.

[12] Les _Œuvres satyriques_ du sieur de Courval-Sonnet, gentilhomme
virois, etc., etc. Paris, 1622, in-8, p. 214.

[13] Voir aux _Appendices_, nº 7.

[14] Voir plus loin, § III, Bibliographie des _Caquets_.

[15] _Historiettes, etc._, de Henri IV, tome 1, de l'édition in-18.

[16] Voyez, page 191, la note sur ce passage.

[17] V. Brunet, _Manuel du Libraire_, t. 1, au mot _Bruscambille_.

[18] _Analectabiblion_, ou extraits critiques de divers livres rares,
oubliés ou peu connus, tirés du cabinet du marquis D. R**. Paris, 1837,
in-8, t. 2, p. 170.

[19] Cet avertissement ne se trouve qu'en tête du _Recueil général_.

[20] Ces vers se trouvent seulement dans le _Recueil général_.

[21] Dans le _Recueil général_, cette partie est intitulée: _La première
journée de la visitation de l'accouchée_.

[22] Il étoit de bon ton de faire jouer alors la comédie aux enfants.
«La reine, écrit Malherbe à Peiresc, s'en va lundi à Saint-Germain, où
_Mesdames_ lui préparent le plaisir d'une comédie qu'elles doivent
réciter.» _Mesdames_, ce sont les petites princesses sœurs de Louis
XIII.

[23] Il y avoit en effet alors des comédiens italiens à Paris. En juin
1613, Malherbe avoit écrit à Peiresc: «On dit que les comédiens de
Mantoue viennent, conduits par Arlequin.» Le 6 septembre, il avoit
encore écrit: «Les comédiens italiens sont arrivés; mardi ils joueront
au Louvre.» Le 27 janvier 1614, preuve singulière de la faveur de ces
comédiens à la cour, le roi et Madame, toujours au dire de Malherbe,
avoient tenu sur les fonts l'enfant d'Arlequin. Cette troupe étoit sans
doute celle des _Gelosi_, que Henri IV avoit déjà appelée à Paris en
1600, lors de son mariage avec Marie de Médicis. Elle avoit pour chef J.
B. Andreini, dit _Lelio_, que nous retrouvons encore à Paris, sur le
théâtre de l'hôtel de Bourgogne, en 1618, puis, ce qui s'accorde fort
bien avec la date de ce premier _caquet_, de 1621 jusqu'à la fin du
carnaval de 1623. Il revint une dernière fois en 1624, époque où il
publia à Paris son _Teatro celeste_, précieux volume qui nous a valu un
remarquable article de M. Charles Magnin (_Revue des deux-Mondes_, 15
décembre 1847, P. 1090-1109).

[24] C'étoit sans doute soit Mondor, soit Desiderio Descombes, dont il
sera parlé plus loin.

[25] La _rue Quincampoix_ ne porta jamais le nom de _rue des
Mauvaises-Paroles_, qu'on ne lui donne ici sans doute qu'à cause des
commères qui s'y trouvoient en nombre. Tallemant, peut-être pour la même
raison, dit, dans une note de l'_historiette_ de Scudéry (t. 9, p. 146),
qu'on l'appeloit aussi _rue des Cocus_.

[26] Cette _recherche_ des financiers pour leurs malversations étoit le
vœu de tout le monde et ne se fit pas attendre, puisqu'elle fut
décrétée en 1624, comme on le verra par une autre note. Une pièce
satirique de ce temps-là, _la Voix publique au roy_ (Recueil A-Z, E, p.
241), la demandoit avec instance; un autre écrit du même esprit et de la
même époque, _le Mot à l'oreille de M. le marquis de la Vieuville_
(Recueil F, p. 192), émettoit non moins vivement un désir pareil. «Ce
sont, y est-il dit des financiers, des éponges mouillées qu'il faudroit
presser. Il ont plumé l'oie du roy; qu'ils rendent au moins un peu de sa
plume.»--Par le 411e article de la fameuse ordonnance du roi connue
sous le nom de _Code Michault_, et publiée en parlement le 15 janvier
1629, une chambre composée d'officiers des cours souveraines fut créée
pour vaquer de nouveau «à cette recherche et punition des fautes et
malversations commises au fait des finances».

[27] L'origine de cette locution s'explique d'ordinaire par un passage
de Suétone (_Vie de Vespasien_, chap. 23), ainsi reproduit dans le livre
de Moizant de Brieux: «Nous avons pris, dit-il, cette façon de parler de
ce que fit autrefois le muletier de Vespasien, qui, sous pretexte que
l'une des mules estoit deferrée, arrêta long-temps la litière de cet
empereur, et par là fit avoir audience à celuy auquel il l'avoit promise
sous l'asseurance d'une somme d'argent, mais dont l'odeur vint frapper
aussitôt le nez de ce prince, qui l'avoit très fin pour le gain; en
sorte, dit Suétone, qu'il voulut partager avec son muletier le profit
qu'il avoit eu à ferrer la mule.» (_Origine de diverses coutumes et
façons de parler_, Caen, 1672, p. 101.) De là venoit qu'on appeloit
_ferre-mule_ tout valet qui trompoit son maître sur le prix des achats
qu'il lui faisoit faire: «Un serviteur malin, trompeur et ferre-mule.»
(Chapelain, trad. du _Gusman d'Alpharache_, 1re part., chap. 4.)

[28] Le _mercier_ étoit, son nom l'indique, le marchand, _mercator_, par
excellence, de même que le _fèvre_ ou _fabre_, dont le nom se perdit
plus vite, étoit l'ouvrier, l'artisan type. «Le corps des marchands
merciers de Paris, lit-on dans le _Dictionnaire de Trévoux_ (1732), est
le plus nombreux et le plus puissant des six corps des marchands.» A lui
seul il avoit pu fournir 3,000 marchands armés, en bon équipage, à la
grande revue que Henri II avoit faite au landi de 1557. Ce corps «si
nombreux et si accommodé» ne comptoit pas moins de vingt classes de
marchands: les marchands grossiers, les marchands de drap, les marchands
de dorure, les camelotiers, les joailliers, les toiliers, les marchands
de dentelles, les marchands de soie en bottes, les marchands de
peausseries, les marchands de tapisseries, les marchands de fer et
d'acier, les clincaliers (_sic_), les marchands de tableaux, estampes,
etc.; les miroitiers, les rubaniers, les papetiers, les marchands de
dinanderie, les marchands de toiles cirées, parasols et parapluies; puis
les menus merciers et les merciers ambulants. On peut en voir l'ample
détail dans le _Guide des corps des marchands_, Paris, 1766, in-12, p.
358, etc.

[29] Les trésoriers étoient accusés de s'enrichir comme les autres gens
de finance. Dans _le Mot à l'oreille de M. le marquis de la Vieuville_
(Recueil A-Z, F, p. 178), il est dit que ceux de l'extraordinaire et
ceux de l'épargne font seuls les profits.

[30] Les étoffes à la Turque étoient alors les plus recherchées; on
alloit jusqu'à faire venir des ouvriers de Turquie pour les
confectionner à Paris, et pour en faire des robes. «Je vous avois mandé,
écrit Malherbe à Peiresc le 6 avril 1614, qu'on faisoit des habits pour
la petite reine: c'est une robe qui se fait à l'hôtel de Luxembourg par
des Turques, dont il y a deux lez de fait, et dit-on que c'est la chose
du monde la plus belle.»

[31] Expression qui répond à celle que nous avons reproduite dans une
note précédente: _plumer la poule_, _plumer l'oie du roi_, etc. On
disoit, pour un homme adroit et d'intrigue, un _dénicheur de fauvettes_.
(Dict. de Furetière.)

[32] _Besogne_ ou _besoigne_ se disoit alors pour _hardes_, _effets_. On
en a un exemple dans ce passage d'une _lettre de Malherbe à Peiresc_ (p.
384): «Cette pauvre princesse (la reine Marguerite) est volontiers
excessive en ses libéralités: elle donna... une montre de cinq à six
cents écus à madame de Montglas; elle donna aussi je ne sais quelle
_besoigne_ à madame d'Aumale, sous-gouvernante, et à madame la nourrice
de Monseigneur.» Ailleurs, Malherbe parle encore «des _besongnes de
nuit_ de la signora Sperancilla» dont s'habilloient les cardinaux à
Rome. _Id._, p. 58.

[33] Le _chaperon_ étoit la marque de la petite bourgeoisie (V. notre
_Recueil de variétés historiques et littéraires_, etc., t. 1, p. 306).
Il fut aussi, jusqu'au temps de Louis XIV l'habillement des femmes
nobles pendant le deuil de leurs maris. Saint-Simon, dans une note du
_Journal de Dangeau_, décrit longuement celui que portoient les
princesses du sang. (Lémontey, _Essai sur la monarchie de Louis XIV,
etc., précédé de nouveaux mémoires de Dangeau_, Paris, 1810, in-8, p.
204.)

[34] C'est Daubray qu'il faut lire. L'auteur des _caquets_ prête une
erreur à sa veuve, en lui faisant dire que son «mary deffunct» fut trois
fois prévôt. Claude Daubray, conseiller, notaire et secrétaire du roy,
fut élu échevin en 1574, sous la prévôté de Monsieur le président
Charron, puis prévôt de 1578 à 1580, époque où il eut pour successeur
Auguste de Thou. Voilà toute sa vie municipale. (V. Piganiol,
_Description de Paris_, t. VIII, p. 441.)

[35] Les charbonniers, comme tous les autres petits métiers ou emplois
nommés après, ne formoient pas à Paris de communauté, «parcequ'il ne
peut pas y avoir de fabrique de charbon dans la ville.» Ceux qui le
portaient devoient avoir permission du roi, ou tout au moins des
magistrats. C'étoient «des espèces de charges, qui ne furent établies
que depuis le XVIIe siècle.» _Mélanges tirés d'une grande
bibliothèque_, Hh, p. 39.--V. aussi dans notre _Recueil de variétés
historiques et littéraires_, t. 1, la note de la page 204.

[36] C'étoient de petits officiers de ville créés pour tasser et mesurer
le bois dans les membrures, en présence des jurés. Les hommes de peine
ou crocheteurs s'appeloient aussi _gagne-deniers_. _Le règlement général
pour la police de Paris, du 30 mars 1635_, fixa le tarif dont, sous
peine du fouet, ils ne devoient pas se départir pour leurs salaires.

[37] Ces _râcleurs-jurés_ ne sont sans doute autre chose que les
_ramoneurs de cheminées_, qui en effet ne formoient pas non plus une
véritable corporation, et rentroient ainsi dans la catégorie des métiers
précédents. V. _Mél. d'une gr. biblioth._, id., p. 280.

[38] Il doit être fait ici allusion aux fêtes encore récentes que la
Ville avoit données à Louis XIII quand il étoit venu, en 1620, allumer
lui-même sur la place de Grève le feu de la Saint-Jean. Entre autres
_superfluitez_ de ce bûcher annuel, il ne faut pas oublier les chats
qu'on y brûloit dans un sac ou dans un _muid_, singulier auto-da-fé dont
il est parlé dans le libelle infâme, _le Martyre de frère Jacques
Clément_, etc. Paris, 1589, p. 34, 35. Sauval, qui en fait mention dans
ses _Antiquités de Paris_, t. 3, p. 631, cite ce passage des registres
de la ville au XVIe siècle, tant de fois rappelé depuis: «Payé à
Lucas Pommereux, l'un des commissaires des quais de la ville, cent sols
parisis, pour avoir fourni durant trois années, finies à la Saint-Jean
1573, tous les chats qu'il falloit audit feu, comme de coutume, et même
pour avoir fourni il y a un an, où le roi y assista, un renard pour
donner plaisir à Sa Majesté, et pour avoir fourmi un grand sac de toile
où estoient lesdits chats.» Dans une lettre de l'abbé Lebeuf (_Journal
de Verdun_, août 1751), relative au feu de la Saint-Jean, se trouvent
d'autres détails sur cette bizarre coutume d'y brûler des chats, et il y
est fait ainsi allusion dans une pièce très rare, contemporaine des
_Caquets_:

    Un chat qui d'une course brève
    Monta au feu Saint-Jean, en Grève;
    Mais le feu, ne l'epargnant pas,
    Le fit sauter du haut en bas.

    (_Le Miroir de contentement_, Paris, 1619, in-12, p. 4.)

Je ne trouve la raison de cette cruauté contre les chats que dans la
croyance où l'on étoit qu'ils se rendoient tous à un sabbat général la
veille de la S.-Jean (Moncrif, _les chats_, 1re lettre). On les
brûloit, le lendemain, comme convaincus de sorcellerie.

[39] En 1601, la ville avoit décidé de lever dix sols sur chaque muid de
vin afin de pourvoir à la réparation des fontaines. Le roi accapara
cette taxe, et, dans l'assemblée générale du 17 avril de cette même
année, il fit connoître aux échevins qu'il en destinoit les fonds à
l'achèvement du pont Neuf. (Félibien, _Hist. de Paris_, t. V, p. 483.)
Depuis, comme l'indique ce curieux passage des _Caquets_, cette taxe,
vivace comme tout bon impôt, avoit été maintenue. L'argent, d'abord
employé à l'achèvement du pont, avoit passé aux réparations des quais.

[40] «Les autres pauvres de Paris qui sont valides et _assez sains_ pour
gaigner leur vie, et qui neantmoins, pour estre aucunement foibles,
paresseux et mauvais ouvriers, ne trouvent pas qui les veuille employer,
sont enroolez par les dicts commissaires des pauvres, leur dict bailly
ou greffier, et envoyez, receuz et employez aux fossez, fortifications,
remparts et œuvres publicques de la dicte ville, etc.» G. Montaigne,
_la Police des pauvres de Paris_, s. d., p. 13.

[41] L'hôpital Saint-Germain, que nous ne trouvons nommé nulle part
ailleurs, devoit être _l'ancienne maladrerie de S.-Pierre_, qui fut
remplacée par l'hôpital de la Charité vers 1606. Le nom qui lui est
donné ici devoit lui venir de l'abbaye de Saint-Germain, sur le terrain
de laquelle cet hôpital avoit été bâti.--Dans le temps même ou l'auteur
des _Caquets_ faisoit ainsi regretter ce premier asile des pauvres,
Louis XIII songeoit à en établir un autre. Des lettres-patentes de
février 1622 statuoient sur la fondation d'un véritable dépôt de
mendicité. Le projet, malheureusement, n'eut pas de suite. Il en sera
reparlé plus loin.

[42] Si cette recherche n'étoit pas encore ordonnée, au moins étoit-elle
déjà fort menaçante:

    Mais enfin crève l'apostume;
    Si les pères mangent l'oyson,
    Les enfans en rendent la plume.

    (_Satyres_ du Sr. Auvray, 1625, in-8º, p. 26.)

On pouvoit s'autoriser, pour cette rigueur, de l'exemple de Henri IV,
qui avoit fait rendre gorge à ces exacteurs, et qui, de l'argent rendu,
avoit fondé un établissement utile:

    Les crimes seroient esblouys
    Si l'hospital de Saint-Louys
    N'en portoit à jamais les marques,
    Qui fut basty des ducatons
    Que le plus grand de nos monarques
    Fit revomir à ces gloutons.

    (Id., _ibid._)

Tallemant raconte à ce propos l'anecdote suivante dans son _historiette_
de Henri IV: «Lorsqu'on fit une chambre de justice contre les
financiers: «Ah! disoit-il, ceux qu'on taxera ne m'aideront plus.» Edit.
in-12, t. 1 p. 87.

[43] Ne réveillez pas le chat qui dort.

[44] «Nicolas Chevalier, premier président à la Cour des aides, fils
d'Etienne Chevalier, conseiller, et de N. Barthemi, fut surintendant de
Navarre et de Béarn, et deux fois ambassadeur en Angleterre.» (Le P.
Lelong, _Bibliothèque franc._, t. 4, p. 168, _Liste des Portraits_.) On
a de lui deux portraits gravés par Michel Lasne: le premier, fait en
1621, quand le président avoit cinquante-huit ans, est in-4; le second,
fait l'année d'après, c'est-à-dire à l'époque dont il est parlé ici, est
in-8.--Avant que Luynes fût en faveur, ce président lui avoit rendu
service; mais il paroît que le parvenu eut courte mémoire. V. le
_Contadin provençal_, Recueil des pièces les plus curieuses qui ont été
faites pendant le règne du connétable, etc., p. 93.

[45] C'étoit le prix qu'on payoit un repas chez la Boessellière, dont le
cabaret étoit le plus fameux de ce temps-là. «Etes-vous obligé de suivre
le cours, sortez-vous du Louvre à l'heure du disné, le premier cabaret
de France est celui de la Boessellière; mais, sur ma parole, ne vous
donnez pas la peine d'y transporter vostre humanité, quoyque vous soyez
le mieux avisé du monde, si vous ne sentez que vostre gousset soit prest
d'accoucher d'une pistole au moins, etc.» _Les Visions admirables du
Pèlerin de Parnasse_, etc., Paris, 1635, in-12, p. 208.

[46] Les emprunts à gros intérêts étoient déjà depuis longtemps le fléau
des enfants prodigues:

    Mignons de bien dissipateurs
    Emprunteront à millions,
    Puis payeront leurs créditeurs
    De respitz et de cessions.

    (_La grande et merveilleuse prognostication nouvelle..._
    1583, in-12.)


[47] Les livrets satiriques du temps sont remplis de plaintes contre ces
usuriers, la plupart Italiens, qui ruinoient la jeunesse et étoient une
des causes qui empêchoient _Bon-Temps_ de revenir:

    Et quand verrez tous ces marchands
    Ne vendre plus rien à usure,
    Que Bon Temps viendra sur les rangs,
    S'il n'a grant faute de monture,

              * * * * *

    Quand les Lombards ne seront plus


    Chiches, avares, jaloux, couards,
    Ne vous enquerrez du surplus:
    Bon Temps viendra de toutes parts.

    (_Les moyens très utilles et necessaires... pour faire en
    brief revenir Bon Temps_, 1615, in 12, p. 6-7.)


[48] Dans la pièce que je viens de citer se trouvent aussi des plaintes
contre le nombre des _bâtards_, qui augmentoit tous les jours:

    Ne que nous n'ayons plus en France
    De Jaloux, Coquus et Batards,
    Bon Temps sera hors de souffrance
    Et deployra ses etendards.

    (_Ibid._, p. 16.)


[49] C'est-à-dire le couvent: entrer en religion étoit alors le terme
consacré.

[50] Dépenser.

[51] C'est de l'ordonnance de 1294 qu'il est question ici. On la trouve
en entier dans les notes de la Thaumassière sur les _Coutumes de
Beauvoisis_, 1690, in-fol., p. 372. Il y est dit: «Nul ne donra au grand
mangier que deux mets et un potage au lard, et au petit mangier un mets
et un entremets et un potage; et s'il est jeûne, il pourra donner deux
potages aux harencs et deux mets, ou trois mets et un potage, et ne
mettra en une écuelle qu'une manière de chair.»

[52] Ce mot, qui s'employoit, alors non pas seulement pour l'office du
curé, mais pour tout bénéfice à charge d'âmes, est très curieux ici,
appliqué aux subventions que recevoient les chefs du parti huguenot. La
_cure_ des espions, qui vient après, ne cache pas moins de malice.

[53] On appeloit ainsi l'enchère faite, sur une terre ou ferme adjugée
en justice, du tiers du prix au delà de celui de l'adjudication. Il y a
un règlement de 1682 sur les doublements et _tiercements_.

[54] Pendant l'hiver de 1622, M. de Soubise s'étoit jeté dans le
Bas-Poitou et l'avoit occupé, ainsi que les îles de Rié, du Périer, de
Mons, etc. Il avoit pris Olonne, et il menaçoit Nantes, quand les
troupes royales, que commandoit La Rochefoucauld, franchissant de nuit
le bras de mer peu profond qui sépare l'île de Rié de la terre ferme, se
jetèrent sur lui à l'improviste et dispersèrent son armée presque sans
coup férir. Soubise, vaincu, s'enfuit en laissant à l'armée du roi son
armée et ses équipages (V. _Mémoires_ de Rohan, coll. Petitot, 2e
série, t. 18, p. 269, et _Mémoires_ de Richelieu, _ibid._, t. 22, p.
206-209). Cette défaite, dont le fils de l'entêtée calviniste mise ici
en scène fut une des victimes, se trouve amplement racontée dans un
livret, devenu rare, paru presque aussitôt après: «_Surprise du sieur de
Soubize dans les sables d'Aulonne, investi, tant par terre que par
mer... par M. le comte de La Rochefoucauld, marquis de La Valette et
baron de S.-Luc._» Paris, P. Ramier, 1622, in-8.

[55] Sureau.

[56] Le chevalier du guet, ainsi que toute la juridiction qui dépendoit
de lui, étoit du ressort et à la nomination du prévôt de Paris. V.
_Traité de la police_, t. 1, p. 236.

[57] Les prévôts des maréchaux étoient des officiers royaux du corps de
la gendarmerie, établis pour la sûreté de la campagne contre les
vagabonds et les déserteurs. Ils avoient connoissance de tous les cas
royaux, appelés à cause d'eux prévôtaux: vagabondages, vols de grand
chemin, infraction de sauvegarde, incendie, fausse monnoie. Il y avoit
en France cent quatre-vingts siéges de prévôt des maréchaux. Celui qui
avoit dans son ressort Paris et toute l'Ile-de-France s'appeloit
simplement _Prévôt de l'Isle_.

[58] V. la note précédente.

[59] C'étoit un juge d'épée qui instruisoit les procès des gens de
guerre à l'armée. Celui du régiment des gardes s'appeloit le Prévôt des
bandes.

[60] Cette _montre_ du mois de mai étoit la procession de toute la
basoche, y compris le sergent et ses huissiers, allant planter en grande
pompe le mai annuel dans la cour du palais.

[61] Marigny, dans son poème du _Pain bénit_, parle de maître Vavasseur,
commissaire du quartier du Marais, qui étoit ainsi de connivence avec
les filles ses subordonnées. Marigny le désigne ainsi:

    Des lieux publics grand écumeur.
    Adorateur de ces donzelles
    Qui ne sont ni chastes ni belles,
    Et qui, sans grace et sans attraits,
    Vivent des pechés du Marais.



[62] Le lieutenant criminel Tardieu, tout aussi bien que ces
commissaires, prenoit de toutes mains, même de celles des rôtisseurs.
«Le lieutenant, lisons-nous dans les _Historiettes_ de Tallemant, dit à
un rotisseur qui avoit un procès contre un autre rotisseur: «Apporte-moi
deux couples de poulets, cela rendra ton affaire bonne.» Ce fat
l'oublie. Il dit à l'autre la même chose. Ce dernier les lui envoie, et
un dindonneau. Le premier envoie ses poulets après coup; il perdit, et,
pour raison, le bon juge lui dit: «La cause de votre partie étoit
meilleure de la valeur d'un dindon.» (Tallemant, édit. in-12, t. 5, p.
53.)--Encore M. Tardieu ne s'en tenoit-il pas là. «Le lieutenant
criminel, dit encore Tallemant, logeoit de petites demoiselles auprès de
lui, afin d'y aller manger, et il leur faisoit ainsi payer sa
protection.» (_Ibid._)

[63] Fameux trésorier de l'épargne, dont la fortune fit scandale à cette
époque. Tallemant, qui étoit allié de sa famille, lui a consacré une
_historiette_, ainsi qu'à Montauron, qui continua et même augmenta
l'opulence de cette maison de parvenus. (V. édit. in-12, t. 8, p. 116,
etc.) Dans la _Chasse aux larrons_ de J. Bourgoing (in-4, p. 39, 90), on
les maltraite fort. «Les Puget, y est-il dit, qui se sont vantés d'avoir
mangé en leur temps plus d'un million six cents mille livres, avoir
entretenu toutes les plus belles garces de Paris, jouy des plus relevées
de France, joué ez plus dissoluz brelans, académies, tripots, bauffré
les plus friands morceaux, etc.» Puget fut souvent inquiété, même avant
la grande recherche qu'on fit des gens de finance sous Louis XIII. L'un
des commissaires qui instruisoient son procès lui fit cette question:
«Je vous prie de m'enseigner comment je pourrois, avec deux ou trois
mille écus, en acquérir en peu de temps cinq à six cents mille»;
paroles, dit un auteur, qui le rendirent muet. Il devint pâle, défait,
et possédé des froides appréhensions de la mort, qui le talonnoient
comme s'il eût été condamné.» (_Le tresor des tresors de France volé à
la couronne_, par J. de Beaufort, Parisien, Paris, 1615, in-8º, p. 31.)

[64] Montescot avoit joui d'un grand crédit et mené grand train sous
Henri IV. Au commencement du règne suivant, il eut à subir, entre autres
malheurs, les conséquences d'un duel après lequel son fils Baronville,
ayant tué Dasquy, gentilhomme du duc d'Aiguillon, dut s'enfuir au plus
vite, et fut pendu en effigie au bout du Pont-Neuf, en août 1611.
(_Lettres de Malherbe à Peiresc_, p. 211, 219.)

[65] Est-ce le célèbre homme d'état qui eut Sully pour successeur dans
la surintendance des finances, ou faut-il plutôt retrouver ici Lancy,
fameux traitant de cette époque, dont parle _la Chasse aux Larrons_, p.
45, 91?

[66] Nous ne connaissons de ce nom alors qu'un conseiller au Grand
Conseil. (V. Tallemant, édit. in-12, III, p. 190.)

[67] Il est parlé de ce grand fermier dans une petite pièce fort
curieuse: _La rencontre merveilleuse de Piedaigrette avec maistre
Guillaume, revenant des Champs-Elysées_, pet. in-12, 1606. On y voit
qu'il florissoit au temps de la faveur des financiers italiens en
France, Ruccellaï, Sardini, Cenami, et quelques autres nommés ici. C'est
lui, à ce que nous apprend la même pièce, qui organisa toute une armée
de _mouches_ (_sic_) pour surprendre les _coquilberts_, sorte de
contrebandiers de ce temps-là. Mais les mouches s'entendirent avec les
coquilberts, «tellement que, par le moyen de cette alliance, le pauvre
père Louvet fut métamorphosé comme Actéon, qui fut mangé de ses chiens
propres: car toute son armée de mouches, tant capitaines que soldats,
devinrent coquilberts, et il fut traité à la turque.» La fuite de Louvet
à Maubuisson est ensuite racontée, etc., etc. (V. p. 19, 26.)

[68] Peut-être cet entrepreneur, dont nous avons inutilement cherché le
nom, est-il le même que «le nommé Bizet» dont parle Malherbe dans sa
lettre à Peiresc du 12 janvier 1613, et qui proposoit de bâtir un pont
neuf devant aboutir «vers la place Maubert», c'est-à-dire à peu près à
la hauteur où fut en effet placé le Pont-au-Double. Cette construction
n'entroit que comme détail dans l'ensemble d'un vaste plan
d'embellissement que ce M. Bizet montra à Malherbe, et qui, «proposé,
reçu par le conseil», auroit eu, entre autres avantages, celui
«d'acquitter cinq millions de livres de rente que fait le roi, dit
encore Malherbe, sans aucune surcharge ni exaction nouvelle.»

[69] Le _Pont-au-Double_, qui dut son nom à la petite monnoie,
équivalente à deux deniers, qu'on payoit pour y passer, ne tarda
pourtant pas trop à s'achever. Les travaux y allèrent même plus vite
qu'au Pont-au-Change, qu'on rebâtissoit vers le même temps (V. plus
loin). Il étoit terminé en 1634, avec la salle de l'Hôtel-Dieu qui
occupoit l'un de ses côtés, et qui lui avoit fait donner son nom
officiel de pont de l'Hôtel-Dieu. «L'an 1634, lisons-nous dans le
_Supplément des Antiquités de Paris_, de Dubreuil, p. 14, fut fait le
pont de pierre de l'Hostel-Dieu, qui prend depuis le coing de la
première porte de l'Archevesché et respond en la rue de la Bucherie, et
sert audit Hostel-Dieu d'un bel ornement et logement pour heberger les
malades, avec une gallerie faite à costé pour servir au public.» Quand
le double tournois eut cessé d'avoir cours, on paya un liard pour y
passer; ce péage exista jusqu'en 1789. On le débarrassa en 1816 des
maisons qui l'obstruoient du côté de la rue de la Bucherie, et de nos
jours on l'a complétement rebâti, d'une seule arche.

[70] Dans le _Recueil général_, cette seconde partie a pour titre: _La
seconde journée et visitation de l'accouchée_.

[71] V. plus loin une note sur l'usage des masques, p. 105, et la
_Promenade du Cours_, Paris, 1630, in-12, p. 12; Lémontey, _Suppl._ à
Dangeau, p. 140-141.

[72] Il s'agit de la canonisation de sainte Thérèse, que Grégoire XV,
par bulle de l'année 1621, avoit mise au nombre des saintes. C'est comme
fondatrice des carmélites que sainte Thérèse étoit fêtée par les Carmes
avec une pompe si bruyante: «Par toutes les eglises des Carmes et
Carmélines deschaussez de France, on fit... huit jours de fêtes
solennelles en l'honneur de sainte Thérèse: toutes lesquelles eglises
estoient richement ornées de tapis exquis, de tableaux, de lampes et de
cierges, pour exciter le peuple à la dévotion, Sa Sainteté ayant octroyé
pleinière indulgence. Et s'y voyoit un grand nombre de personnes de
toutes qualités communier et recevoir le S.-Sacrement.»--_Le Mercure
françois_, t. 7, p. 409 (juil. 1622).

[73] Ce lazzi se retrouve dans une autre pièce de l'époque, inspiré par
un fait tout différent. «Une autre vieille, dit l'_Hermite Valérien_,
racontoit au curé qu'elle avoit ouy dire au marché que M. le connestable
alloit canoniser la Rochelle avec cent canons. La simplicité de cette
femme me fit rire, voyant qu'au lieu de _canonner_, elle disoit
_canoniser_.--_Recueil des pièces les plus curieuses faictes pendant le
règne du connestable M. de Luynes_, Paris, 1632, in-8, p. 310.

[74] «La reyne fit la despense des artifices qui jouèrent sur le haut de
l'église des Carmes deschaussez de Paris.» _Le Mercure françois_, t. 7,
p. 409.

[75] L'un des ajustements à la mode que les bourgeoises ne devoient pas
se permettre: «le col garny d'affiquets, de _colet à quatre ou cinq
estages_ d'un pied et demy, pour monter au donjon de folie, etc.» _La
Mode qui court à présent_, etc., Paris, s. d., in-12, p. 8.

[76] V. plus loin, p. 114.

[77] Les plaintes étoient fréquentes alors contre la façon incorrecte
dont les livres étoient imprimés; on peut lire notamment à ce sujet un
passage du _Perroniana_, 3e édit. in-12, p. 168.

[78] Si le cardinal de Guise, archevêque de Reims, n'étoit mort à
Saintes le 21 juin 1621, c'est-à-dire un an avant que ceci dût être
écrit, je croirois volontiers que l'auteur des _Caquets_ a voulu ici
parler de lui. C'étoit en effet le prélat le plus coquet et le mieux
frisé du royaume. Tallemant le prouve par cette anecdote: «Un jour que
le dernier cardinal de Guise, qui étoit archevêque de Reims, vint fort
frisé dîner chez M. de Bellegarde..., Yvrande alla dire tout bas ces
quatre vers à M. le Grand (on appeloit ainsi M. de Bellegarde):

    Les prélats des siècles passés
    Etoient un peu plus en servage;
    Ils n'étoient bouclés ni frisés, etc.

    (_Histor._, édit. in-12, t. 1, p. 110.)



[79] Cette place ne se rendit toutefois définitivement qu'en 1629.

[80] Il est question d'un premier blocus qui précéda le siége fait par
Richelieu, et qui fut levé en cette même année 1622.

[81] Le même reproche se trouve formulé contre Luynes et ses frères,
dans _la Chronique des favoris_. On le fait ainsi parler: «Nous avons
encore preveu de faire un grand nombre de régiments invisibles, mes
frères et moi, desquels on faisoit courre le bruict que nous les
mettions en nostre bourse, au lieu que nostre dessein estoit de nous en
servir pour les jetter invisiblement dans la place, pour la surprendre
plus facilement.» _Recueil des pièces les plus curieuses, etc._, p. 481.

[82] Il falloit alors, quand on faisoit des transports d'argent, un
énorme attirail d'hommes et de chariots, n'eût-on à voiturer qu'un
million ou douze cent mille livres. Malherbe écrit à Peiresc le 17
juillet 1615: «On dit mercredi sur les cinq heures du soir à la
Bastille, prendre douze cent mille livres pour le voyage...; l'argent
fut tiré dans quarante charrettes, qui portoient chacune trente mille
livres en quarts d'écus.»

[83] Il est sans doute ici question du livre qui a pour titre: _Histoire
des martyrs persecutez et mis à mort pour la verité de l'Evangile..._
(1610), trad. du latin (par J. Crispin et continué par S. Goulard),
Genève, 1619, 2 vol. in-fol.

[84] M. de Rohan en effet ne s'étoit pas conduit très bravement à
S.-Jean-d'Angely. Bien que cette ville lui appartînt, sitôt qu'il sut
l'approche des troupes du roi, il se retira, laissant la défense de la
place à son frère Soubise. S.-Jean, quoiqu'en bon état, ne tint pas
long-temps. Le 25 juin 1621 Soubise y capitula.

[85] M. de la Force en effet vendit cher sa soumission; quand les
mauvaises affaires des Huguenots dans la basse Guienne, la perte de
Tonneins, que son gouverneur rendit, et la prise de Clerac par les
troupes du roi, lui eurent fait désespérer de sa cause, il songea à
entrer en arrangements, mais il ne conclut qu'avec de beaux avantages.
«Le roi, continuant son chemin par la Guienne, lit-on dans les
_Mémoires_ de Rohan, acheva son traité avec La Force, qui, moyennant une
charge de maréchal de France et 200,000 écus, lui rendit Sainte-Foy,
dont il s'étoit rendu maître au préjudice de Terbon, gendre de
Pardaillan, et se démit lui et ses enfants des charges et gouvernements
qu'ils avoient possédés, sans en donner jamais connoissance ni à
l'assemblée générale ni au duc de Rohan.» (Coll. Petitot, t. 18, p.
214.)

[86] Il étoit _superintendant_ des finances, comme dit Malherbe
(_Lettres à Pereisc_, p. 481), depuis la fin d'août 1621. La Vieuville
lui succéda (_Mém._ de Bassompierre, Coll. Petitot, 2e série, t. 16,
p. 2-3).

[87] Les plaintes sur le tort que l'absence du roi et de la Cour faisoit
aux marchands de Paris étoient générales. On lit, par exemple, dans une
pièce du temps, _Lettre de la ville de Tours à celle de Paris_, 1620
(Recueil A-Z, E, p. 139): «Le vray sujet de vostre murmure, c'est de
vous sentir affamé de la manne ordinaire de la cour... Il vous fasche
voir un si grand dechet de prix en vos merceries, et tant de chambres
garnies à louer. A la verité je vous avoue que l'absence du roy vous
fait dommage, pour faire du bien à d'autres, et s'il continue à
s'eloigner de vous, vous deviendrez à moitié deserte.» Plusieurs pièces
coururent qui reproduisoient ces plaintes et qui prouvoient qu'elles
étoient l'expression de toutes les pensées à Paris; voici le titre de
quelques unes: _Les avis de M. le chancelier et de MM. du Parlement,
donnés au roy sur la résolution de son voyage_, Paris, 1622,
in-8.--_Harangue et protestation faite au roi, au nom des trois ordres
de France et de MM. les Parisiens, sur son prochain départ_, Paris,
1622, in-8.--_Requête générale des habitants de Paris, présentée au roi,
sur le voyage de Sa Majesté_, par le sieur de Boiscourtier, Paris, 1622,
in-8.--_Francophilie présentée au roi sur la résolution de son voyage_,
par le sieur Mangeart, s. l. 1622, in-8.

[88] L'incendie du _Pont-au-Change_ eut lieu, en effet, dans la nuit du
24 oct. 1621 (_Mercure françois_, VII, 857). On en accusa l'imprudence
d'un certain de Meuves, que Richelieu fit juger par une assemblée de
conseillers du Châtelet, dont M. de Cordes étoit président. Il fut pendu
(Tallemant, édit. in-12, t. 2, p. 188). On songea aussitôt à rétablir le
pont, et, afin de le garantir des accidents auxquels sa première
construction en bois l'avoit exposé, on voulut le bâtir en pierre. Les
orfèvres qui y avoient leurs _forges_ (boutiques) offrirent d'en faire
les frais: «Les orfèvres de Paris, dit _la voix publique au roy_,
poursuivent de faire bâtir le Pont-au-Change de pierres de taille à
leurs despens. Le marquis (La Vieuville) ne le trouve pas bon.» (Recueil
E, p. 210.) Le projet traîna en longueur, si bien que la reconstruction
ne fut commencée qu'en septembre 1639, et achevée qu'en octobre 1647.

[89] C'étaient des gants d'une mode en effet nouvelle, car nous ne les
trouvons pas nommés dans une petite pièce en vers qui fait la
description la plus complète de toutes les espèces de gants à la fin du
XVIe siècle: _Le Gan de Jean Godard, parisien, etc._, Paris, 1588,
in-8, p. 9-11.

[90] _La Guimbarde_ étoit une danse dont la vogue avoit commencé vers
1606. Nous la trouvons indiquée sous cette date dans le premier volume
de la Collection des ballets de Philidor, ms. de la bibliothèque du
Conservatoire. L'air sur lequel on la dansoit est encore populaire:
c'est celui de _Dupont mon ami_. Alors tout était _à la Guimbarde_,
comme de nos jours tout a été à la Polka.

[91] Peut-être cette encre nouvelle est-elle celle de _la Petite vertu_.
La maison Guyot, qui en fait le commerce, date en effet, à en croire son
enseigne, de l'année 1609, époque assez rapprochée de celle-ci.

[92] Il est parlé de tous ces voleurs, notamment des Grisons, dans le
roman de _Francion_, liv. 2, histoire de Marsault, Paris, 1663, in-8, p.
74.

[93] On les appeloit aussi _Manteaux-Rouges_, peut-être parcequ'étant
des échappés des galères, ils avoient gardé l'habit rouge, qui étoit
déjà au 17e siècle l'uniforme du bagne (_Hydrographie_ du P.
Fournier, 1667, liv. 3, ch. 45). Il paroît que des plaintes pareilles à
celles qui se trouvent ici finirent par réveiller la police, et par la
lancer une bonne fois sur ces bandes nocturnes. Voici en effet ce que
nous lisons dans une pièce du temps: «A force de crier après le prévôt
des maréchaux de Paris, ils ont fait une capture, depuis peu, de deux
cent seize voleurs, au nombre desquels il y avoit vingt-deux
Manteaux-Rouges, qui estoient à gage, et qui jetoient par le soupirail
des caves ce qu'ils avoient butiné par la ville.» (_Les grands jours
tenus à Paris, par M. Muet, lieutenant du petit criminel_, 1622
[_Variétés histor. et littér._, avec des notes de M. Ed. Fournier,
Paris, Jannet, 1855, in-16, t. 1, p. 198].) Dans la même pièce, p. 202,
il est encore parlé des Manteaux-Rouges, allant faire affront à un clerc
de taverne du _Pied-de-biche_, près la porte du Temple, et lui volant
son manteau.

[94] C'est-à-dire: lui a donné des cornes comme celles de Moïse. C'étoit
une expression consacrée. Passerat la paraphrase ainsi:

    Ce nom de cocu vous honore,
    Ce nom de cocu vous décore,
    Et par ce nom l'on est contraint
    De vous adorer comme saint.
    Mais advisez si Dieu vous prise
    Qui vous fait _semblable à Moyse_:
    Car, quand les tables il reçut,
    Soudainement il s'apparut,
    Estant descendu de la nuë,
    Qu'il avoit la tête cornuë,
    Qui me fait croire, en vérité.
    Qu'encores a divinité.

    (_Recueil des œuvres poétiques de Jan Passerat_, etc.,
    Paris, 1606, in-8º. _Consolation aux cocus_.)



[95] C'est l'évêché de Paris, alors vacant, et dont on disposa à cette
époque, ainsi qu'il sera dit plus loin.

[96] «Il faisoit partir de Paris force convois d'argent, sous prétexte
de payer l'armée, mais la plupart demeuroient dans Bloys.» _L'ombre de
Monseigneur le duc de Mayenne, etc. Recueil des plus curieuses pièces,
etc._, p. 379.

[97] Monheur est un château près de Toulouse, qui, après la mort de
Boesse, s'étoit ouvertement révolté contre le roi. Il résista plus
long-temps qu'on ne l'avoit pensé, et, pour comble de disgrâce, les gens
de Sainte-Foy massacrèrent à Gontault bon nombre des gendarmes de
Luynes. Le connétable s'en affecta jusqu'à tomber malade. Il venoit de
s'aliter, quand la place se rendit enfin, le 12 décembre. Il étoit trop
tard. «Ce succès si désiré, dit Richelieu, fut à peine ressenti du
connétable, que la maladie avoit déjà réduit jusques à l'extrémité, et
l'emporta deux jours après, qui fut le quatorzième jour de décembre.»
_Mémoires_ (collect. Petitot, 2e série, t. 22, p. 162).

[98] Jean Belot, curé de Mil-monts, étoit alors, comme Morgard ou
Mauregard, l'un des plus grands faiseurs d'almanachs. Voici le titre
bizarre de celui qu'il avoit publié au commencement de 1621, et qui
prédisoit, à en croire nos caqueteuses, la mort du connétable, survenue
le 15 décembre de la même année: «_Centuries prophetiques revelées par
sacrée théurgie et secrete astrologie à M. Jean Belot, curé de
Mil-monts, professeur ès mathématiques divines et celestes, auxquelles
centuries est predit les evenements, affaires et accidens plus signalés
qui adviendront en l'Europe, aux années suivantes jusques en l'an
1626_... Paris, A. Champenois, 1621, in-8 pièce.--On se préoccupoit
beaucoup, à Paris et dans la province, de ces prophéties d'almanach.
Malherbe se croit obligé, par exemple, de rassurer l'un de ses cousins
de Normandie sur les inquiétudes que ces prédictions lui donnoient au
sujet du voyage du roi, qui venoit de partir pour la Guienne.
«Mauregard, lui dit-il, le curé de Mil-monts, et tous les autres
faiseurs de prophéties, mentent. Vos astrologues ne sont pas plus
clairvoyants qu'eux. Il ne faut pas avoir peur de leurs almanachs plus
que des autres.»

[99] Ces almanachs étoient partout, je le répète, la grande affaire des
caqueteuses. Celles qui sont mises en scène dans une autre pièce parue
vers le même temps, _Le grand procez et la querelle des femmes du
faubourg S.-Germain avec les filles du faubourg Montmartre sur l'arrivée
du Régiment des Gardes, etc._ Paris, 1623, in-12, p. 1, parlent aussi du
curé de Mille-monts (_sic_), de son almanach, et du diable d'argent «à
qui chacun tire la queue», qu'il y a fait peindre.

[100] Richelieu semble croire lui-même à la vérité des prophéties faites
au sujet de la mort de Luynes, et va jusqu'à invoquer, comme article de
foi, l'almanach du curé devin. «L'almanach du curé de Millemont, dit-il,
citant un autre passage que celui auquel il est fait ici allusion,
portoit en termes exprès que, depuis le mois d'août jusques à la fin de
l'année, un grand _Philocomée_ auroit bien mal à la tête, et seroit
contraint de se ranger au lit, avec danger de sa personne; que ce ne
seroit pas du tout sa maladie qui lui causeroit ceste fascherie, mais
des nouvelles qui lui viendroient de la perte de quelques siennes
troupes, qui auroient été mises en fuite; et le même almanach, en la
fin, où il mettoit les jours heureux de l'année, remarque
particulièrement celui de sa mort, jour heureux pour le roi et son
état.» _Mémoires de Richelieu_, Coll. Petitot, 2e série, t. 22, p.
165.

[101] On ne s'en tint pas aux prédictions faites avant, il y eut des
horoscopes faits après, et d'autant plus certains; celui-ci, par
exemple, paru dans l'année qui suivit la mort de Luynes: _L'horoscope du
connétable et le passe-partout des favoris_, 1622, in-8 pièce.

[102] L'un étoit Honoré d'Albert, qu'on appela d'abord M. de Cadenet, à
cause du château patrimonial, puis M. de Chaulne, quand il eut épousé
Charlotte d'Ailly, dame de Pocquigny et de Chaulne, l'unique héritière
de cette illustre maison. Fait maréchal à l'occasion de ce mariage, il
fut plus tard créé duc. Le second frère du connétable, Léon d'Albert,
qu'on nommoit M. de Brantes, épousa une fille de la maison de
Luxembourg. Il en prit le nom et les armes pleines, et s'intitula duc de
Luxembourg et de Piney.

[103] Le prince de Condé, catholique assez indifférent jusque alors, et
guerrier très calme, s'étoit pris tout à coup d'une grande haine contre
les huguenots et d'une belle ardeur belliqueuse. Bien qu'on n'en comprît
pas la raison, qui n'étoit autre, à ce qu'il paroît, que certain espoir
fondé sur une prédiction qui lui promettoit la couronne à l'âge qu'il
avoit alors, et qui le portoit à se faire chef d'armée d'abord, pour
mériter mieux d'être chef d'état ensuite. Bien qu'on eût cette soudaine
résolution en défiance, comme on y trouvoit une nouvelle force contre
les rebelles, on n'étoit pas sans y applaudir. C'est ce qui justifie ce
passage des _Caquets_ sur l'influence de Condé dans le conseil. V., sur
toute sa conduite alors, et sur ce qu'on en pensoit, Vittorio Siri,
_Memorie recondite_, t. 5, p. 404, et _Mém._ de Richelieu, Coll.
Petitot, 2e série, t. 21, p. 326.

[104] Le prince de Joinville, fils du _Balafré_ et frère du duc de
Guise, ainsi que de Louis de Lorraine, cardinal de Guise, devoit à sa
fidélité pour le parti de la cour le rétablissement de ses affaires. V.
sur lui les _Lettres de Richelieu_, publiées, par M. Avenel, dans la
_Collection de documents inédits_, t. 1, p. 462, 475.

[105] C'est justement le projet qu'on eut alors, et qui, après avoir été
formulé longuement par lettres patentes de février 1622, ne reçut pas
d'exécution. Il s'agissoit d'établir au Cours, la Reine une maison
royale qui devoit s'appeler d'abord _Maison des œuvres de
miséricorde_, puis _Maison royale de Monheurt_, en souvenir de la prise
récente de cette petite ville (V. plus haut). Cette sorte d'hospice eût
été instituée, d'après les termes mêmes de l'ordonnance, «pour le
soulagement des pauvres valides..., le moyen de leur apprendre à
travailler en tous arts, etc.» V. sur tout ce projet et son plan
développé l'article de la Revue rétrospective: _Un dépôt de mendicité
sous Louis XIII_, 2e série, t. 3, p. 207 et suiv.

[106] Il est aussi parlé de la «bande des assassins du faubourg
S.-Germain» dans _Les effroyables pactions faictes entre le Diable et
les prétendus Invisibles_, Paris, 1623, in-8, p. 20. Ces attaques
continuelles rendoient les Parisiens très peureux, et surtout très
casaniers, quand venoit le soir. «Ils ont cette particularité, écrit
Davity, qu'ils ne bougent point de leur logis la nuict, quelque bruit
qu'ils oyent parmi la rue et quoique quelqu'un crie qu'on le vole ou
qu'on l'assassine. De sorte qu'une personne qui se trouve parmy des
tireurs de manteaux ne doit espérer, après Dieu, qu'en ses mains ou bien
en ses pieds. Et ce qui les retient au logis en cette sorte, c'est
qu'ils ont souvent de fausses alarmes, que quelques yvrongnes leur
donnent, ou bien des cris de quelques vagabonds qui se plaisent à mettre
le monde en action, afin de s'en rire après, ou de quelques méchants qui
font ce bruit à dessein, afin d'essayer de faire sortir et d'assassiner
ceux qu'ils hayssent.» Davity, _Les Estats_, _Empires_, etc., in-fol.
1625, p. 75.

[107] On en avoit beaucoup parlé peu de mois auparavant. La réforme
qu'on vouloit introduire dans leur grand couvent de Paris les avoit mis
en émoi. Ils refusoient surtout d'aller pieds nus. Leur rebellion avoit
pris les proportions d'une émeute le 26 février 1621; on avoit été
obligé de se saisir du père gardien et de renfermer à l'Ave-Maria, et
cette rigueur avoit motivé de nouveaux murmures. V. _Mercure françois_,
t. 8, p. 504.

[108] Le titre du petit livret rare cité dans la note précédente est à
lui seul une preuve qu'alors on se préoccupoit beaucoup des _Esprits_ et
des _Invisibles_. L'arrivée à Paris des frères de la Rozée-Croix
(_sic_), qui venoient y faire séjour, _visibles et invisibles_, en cette
même année 1623, contribua singulièrement à entretenir ces chimères, et
à inspirer des écrits pour ou contre, dans le genre de celui de tout à
l'heure. Nous en connaissons un autre, fait en haine des nouveaux venus,
et dont voici le titre: _L'Examen sur l'Inconnue et nouvelle caballe des
frères de la Rosée Croix, habituez depuis peu de temps en la ville de
Paris, ensemble l'histoire des mœurs, coustumes, prodiges et
particularités d'iceulx_, MDCXXIIII.

[109] Anne d'Autriche aimoit en effet à s'enquérir de ces choses
surnaturelles, de ces histoires d'Esprits qui couraient alors le monde,
Paris comme la province. Il y en avoit un à La Flèche qui faisoit
beaucoup de bruit. Malherbe en reçut des nouvelles par Racan; et comme
il y avoit là «de quoy entretenir la reine», il se hâta de remercier son
ami, et de lui demander de nouveaux détails, par une lettre du 4
novembre 1623. D'après les questions qu'il lui mit touchant cet esprit,
dont il paroît que les Jésuites s'occupoient fort, on voit qu'il étoit
d'une assez amoureuse nature. «Informez-vous, dit-il, quand commença la
recherche de cet inconnu, et combien de temps après le mariage; s'il
couche avec elle, et ce que le mary fait ce pendant; ce qu'en dit la
demoiselle; et si, quand ils sont ensemble dans le lict, il ne parle
point à elle, et ce qu'il luy dit; si elle est melancolique, et si elle
tesmoigne n'y prendre point de plaisir.»

[110] On pense que le couvent des Carmélites de la rue Saint-Jacques,
qui avoit pris la place du prieuré de Notre-Dame-des-Champs, occupoit un
terrain consacré autrefois à _Cérès_. L'église auroit ainsi remplacé le
temple. On fondoit cette opinion sur l'apparence singulière de la statue
mise tout au haut du pignon, et qu'on croyoit être celle de la déesse.
Charles Patin et Moreau de Mautour étoient de cet avis. Ils prétendoient
qu'il falloit voir dans l'espèce de faisceau qui surmontoit la statue la
gerbe d'épis, attribut de Cérès. Piganiol combat cette opinion, et
Saint-Foix la soutient. Mais il paroît prouvé aujourd'hui que cette
statue étoit tout simplement celle de saint Michel, qu'on avoit coiffée
de pointes de fer, afin d'empêcher les oiseaux de s'y percher. Ce
passage des Caquets est curieux en ce qu'il prouve la perpétuité des
souvenirs du paganisme chez le peuple de Paris, et l'espèce d'action que
ces souvenirs pouvoient avoir sur l'opinion des savants, sans que
ceux-ci daignassent l'avouer.

[111] _Var._ Le _Recueil général_ ajoute: Jusques aux os.

[112] _Var. Rec. gén._: Saint-Honoré.

[113] _Var._ Dans le _Recueil général_, les mots _partisan_--_dame
d'honneur_, sont remplacés par: «Vendant vin, de peu d'effet, qui est
venu tout en une nuict, comme les potirons. Il a pourtant des commoditez
de son deffunt oncle. Il peut, en bref, vous faire grand dame.»

[114] _Var._ Le _Recueil général_ ajoute: Car j'aimais un de notre
vacation.

[115] _Var. Rec. gén._: Mon père et ma mère.

[116] _Var._ Le _Rec. gén._ ajoute: Ny n'en auray jamais.

[117] _Var._ Le _Rec. gén._ ajoute ici: Des héritiers.

[118] _Var._ Dans le _Rec. gén._, _de nos voisines_ est remplacé par
_joualière_.

[119] _Var._ Le _Rec. gén._, au lieu de: _au gasteau_, porte: sinon que
quatre mille francs de don, à quoi elle se doit contenter.

[120] _Var._ Le _Rec. gén._ ajoute: luy-mesme.

[121] L'ambition de la nouvelle congrégation de l'Oratoire et ses
tentatives entreprenantes, tant en France qu'à Rome, où M. de Bérulle,
leur fondateur, pouvoit beaucoup, étoient des faits acquis et qui
causoient du murmure. Nous lisons dans une petite pièce singulière et
très rare adressée à l'un de leurs adhérents:

    Vostre style n'est pas esgal;
    On tient que ceux de l'Oratoire
    Vous ont fourny quelque memoire:
    Vous n'estes au rapport legal.

    Ils ont avec vous entrepris
    De faire la guerre aux chapitres,
    De s'attacher partout aux mitres,
    Et de prendre ce qui n'est pris.

     (_Le Piquet de trique-mouche envoyé pour estrennes par Gueridon à
     l'autheur de la Plainte apologetique pour faire le voyage de
     Saint-Jacques._ In-12, 1626, p. 99-100.)


[122] Il y avoit trois ans déjà, car la première démarche datoit de
1619, que les oratoriens tendoient, avec l'agrément de Louis XIII, il
est vrai, à s'établir comme administrateurs spirituels et laïcs de
l'hospice et de l'église de Saint-Louis-des-François, à Rome. Le pape
donna son consentement, et M. de Bérulle profita, pour hâter l'affaire,
de la mission qui lui fut donnée en vue du mariage de madame Henriette
de France avec le prince de Galles, qu'on vouloit faire agréer du
Saint-Père. (_Mém. de Richelieu_, Coll. Petitot, 2e série, t. 18, p.
312, 469.) C'est donc avec une intention malicieuse qu'il est parlé ici
de «mille tours et ambassades».

[123] Ces pauvres prêtres firent si bien, avec l'aide des
administrateurs laïcs et spirituels qu'on menaçoit de déposséder; avec
le secours du commandeur de Sillery, puis de M. de Béthune, tour à tour
ambassadeurs de France à Rome, et tous deux opposés aux prétentions de
M. de Bérulle, qu'on leur donnoit malgré eux pour collègue; avec l'aveu
secret de Richelieu, qui combattoit partout le fondateur de l'Oratoire,
que les choses traînèrent en longueur pendant plus de dix ans, en dépit
du pape et du roi, et que la solution définitive n'arriva qu'après la
mort de M. de Berulle, en 1629.

[124] Ils n'y réussirent point; mais ils firent tant qu'ils
supplantèrent les chanoines dans la faveur du roi. En 1637, Louis XIII
ordonna, par lettres patentes, que les Pères de l'Oratoire fussent
_tenus ses chapelains_.

[125] Le P. de Bérulle avoit d'abord voulu établir ses Oratoriens à
l'hôtel de Luxembourg (_Perroniana_, 3e édit., p. 214). La reine
l'ayant acheté, il se rejeta sur le vieil hôtel du Bouchage, que le
séjour de Gabrielle avoit récemment fait appeler hôtel d'Estrées. Il
l'acquit en 1616, moyennant quatre-vingt-dix mille livres. (Piganiol, t.
2, p. 282.)

[126] C'est, en effet, la vue et l'espace qui manquoient surtout à la
maison de l'Oratoire, encaissée comme elle l'étoit entre le Louvre et la
rue sombre de Saint-Honoré. Afin même de donner à la façade de l'église
la perspective qui lui faisoit défaut à cause de cette situation,
l'architecte Jacques Le Mercier la mit de biais, comme on la voit
encore, et, dit Piganiol (_ibid._), «lui donna ainsi l'avantage d'être
vue de beaucoup plus loin, arrivant par la rue de la Ferronnerie.»

[127] Les Oratoriens de France, pour imiter encore en cela ceux de Rome,
à qui l'art musical doit, comme on sait, les premiers _Oratorio_,
voulurent donner un attrait de nouveauté à la partie lyrique de leurs
offices. Ils firent si bien qu'on ne les appela plus que les _Pères au
beau chant_. «Dès que cette église fut bâtie, dit Piganiol, la plupart
des gens de la cour n'en fréquentoient point d'autre que celle-ci; et
afin de les rendre plus attentifs aux offices divins et plus dévots, le
P. Bourgoing, qui étoit habile musicien, s'avisa de mettre les pseaumes
et quelques cantiques sur des airs qu'on chantoit pour lors. Et voilà
l'origine du chant particulier que les prêtres de l'Oratoire de la
congrégation de France ont substitué dans leur église au chant
grégorien.»

[128] Ces plaintes éloquentes se retrouvent dans plusieurs écrits du
temps, mais nulle part avec plus de vigueur et de virulence que dans
_les Satyres du sieur Auvray_. Ainsi, dans sa _Complainte de la France
en l'an mil six cent quinze_ (p. 202), il dit, apostrophant les
Huguenots:

    Jusqu'à quand, esprits factieux,
    Ressemblerez-vous la vipère
    En deschirant, seditieux,
    Les flancs de vostre propre mère?

    Rebelles, que vous ai-je fait?
    Suis-je une marastre cruelle?
    Après n'avoir succé le laict,
    Faut-il m'arracher la mamelle?



[129] Le poète Auvray s'en prend encore, avec sa vigueur haineuse, à
l'ardeur vivace et éternelle du parti huguenot. Il va jusqu'à exalter
l'utilité de la Saint-Barthelemy:

    ........... Et puis ces Lestrigons
    Se disent reformez! O tigres, ô dragons!
    Helas! combien de fois vos sanglantes furies
    De nos temples sacrez ont fait des boucheries!
    Le sang y fume encor, et, sans verser des pleurs,
    Je n'en peux dans mes vers exprimer les malheurs.

                    * * * * *

    Quoy! secouer le joug des monarques puissants,
    Mesurer vostre foy à l'aune de vos sens,
    Vous donner tout en proye aux charnelles délices,
    Violer nos tombeaux, dérober nos calices,
    Fouler l'hostie aux pieds, enfoncer, inhumains,
    Au sang des innocents vos homicides mains,
    Et mesdire des roys d'une rage animée:
    Appelez-vous cela l'Eglise reformée?

    Vous nous reprocherez la Saint-Barthelemy;
    Mais ce brasier ne fut allumé qu'à demy:
    C'estoit lors que devoit et que pouvoit la France
    Exterminer ce monstre au point de sa naissance.
    Ce feu devoit s'esteindre avant qu'il fût plus grand:
    Par trop starer la playe incurable on la rend.
    La moisson, dira-t-on, n'etoit point encor meure.
    Si falloit-il ce chancre amputer de bonne heure,
    Il n'auroit pas gaigné les membres principaux.

    (_Le Banquet des Muses, ou les divers satires_ du sieur
    Auvray, etc. Rouen, 1627, in-8, p. 271.)

L'opinion exprimée si énergiquement dans ces derniers vers étoit
partagée par tout le parti catholique. Dans l'_Epistre dedicatoire au
Roy_, de son livre: _Les principaux points de la foy de l'Eglise
catholique défendus contre l'escrit adressé au Roy par les ministres de
Charenton_, 1618, in-12, Richelieu tient à peu près le même langage: il
rend les protestants responsables de la Saint-Barthélemy.

[130] Pierre Du Moulin, en effet, l'apôtre du parti réformé à cette
époque, instruit par Drelincourt que le roi, prenant ombrage du synode
calviniste qu'il avoit présidé à Alais, en 1620, vouloit le faire
arrêter, s'étoit retiré à Sedan, où le duc de Bouillon le fit professeur
de théologie et ministre ordinaire. Il continua d'y surveiller les
affaires de son parti et de les diriger, comme s'il eût été encore dans
son prêche de Charenton et _évêque de Paris_ en espérance, ainsi que le
disoit un petit libelle de 1618: _Les Œufs de Pâques adressez au
ministre Du Moulin_, etc. (Recueil Y, p. 174). Après la déroute de
Soubise, il parut un manifeste soi-disant émané de lui: _Lettre d'avis
donné à tous les ministres de France et autres de la religion prétendue
réformée, par le sieur Du Moulin, ci-devant ministre de Charenton, sur
la défaite des troupes des sieurs de Soubise et Favas_, Paris, J. de
Bordeaux, 1622, in-8.

[131] Les receveurs y faisoient de très gros profits; aussi le sel
devenoit-il chaque jour plus cher et les plaintes plus fréquentes. «Les
laboureurs n'ont pas de quoy payer leurs tailles et acheter du sel.»
(_Avis donné à M. de Luynes par un fidèle serviteur du roy, et amateur
du repos public._--Recueil Z, p. 152.)--Le nombre des faux sauniers
augmentoit. Dans la Guienne, un pauvre diable s'etoit fait leur chef; on
l'avoit pris et on lui avoit mis sur la tête une couronne de fer rougi.
(_Cosmographie_ de Thevet, liv. 14, ch. 4, «_de Bourdeaux_».)--Dans le
Berry, il y avoit eu, en 1612, une révolte à cause d'eux. (_Lettre de
Malherbe à Peiresc_, p. 224.)

[132] _Var._ Tout ce qui termine cet alinéa manque dans le _Recueil
général_.

[133] On appeloit ainsi les soldats de hazard à l'aide desquels, les
jours de revue, les capitaines complétoient leurs compagnies. Une
ordonnance de 1688 les condamna à être marqués d'une fleur de lys à la
joue.

[134] Var. Ce qui termine cet alinéa est remplacé, dans le _Recueil
général_, par: Attendu que l'encre et le papier venoient à me manquer,
c'est pourquoy je remis le tout à une autre fois.

[135] Cette troisième partie a pour titre dans le _Recueil général_: _La
troisiesme journée et visitation de l'accouchée_.

[136] _Var._ Au lieu de _meuniers_, le _Recueil général_ porte: basse
étoffe.

[137] Ces initiales doivent cacher le nom de Jean Guillaume, alors
bourreau de Paris. Il est déjà nommé, et en toutes lettres, dans _la
Chasse aux larrons_ (pag. 47), dans les _Quas-tu veu de la cour_ et
_Advis à M. de Luynes, sur les libelles diffamatoires_. (_Recueil des
pièces les plus curieuses_, etc., p. 45, 31.)

[138] Cette commère a raison. Lorsqu'en 1624 cette recherche des
financiers, si long-temps menaçante, eut été décrétée et la chambre de
justice instituée, à l'instigation de Richelieu et de la reine-mère, on
se contenta de sévir contre La Vieuville, le surintendant, et contre
Beaumarchais, son beau-père, qui, on le prouva, s'étoit enrichi de dix
millions depuis les quelques années qu'il étoit trésorier de l'Epargne.
La Vieuville fut mis en prison au château d'Amboise, et Beaumarchais
pendu en effigie. Justice étant ainsi faite des deux hommes contre
lesquels la mesure avoit surtout été prise, le roi se fit bien supplier
par les femmes, enfants, parents, de ceux que l'arrêt de la chambre
rendu le 25 janvier 1625 avoit frappés; puis il rendit, au mois de mai
de la même année, un édit portant révocation de la chambre de justice,
avec une abolition pour les gens de finances, à la charge de payer les
taxes auxquelles ils pourroient être condamnés par le conseil. Cette
recherche n'en fit pas moins rentrer dans les coffres du roi dix
millions huit cent mille livres. _Mémoires_ de l'abbé d'Artigny, t. 5,
p. 57-58.

[139] _Var._, éd. orig.: si cher.

[140] Tous les gens de justice, du plus grand au plus petit, vouloient
leur pot-de-vin, leur pour-boire, leur tour de bâton.

    Il faut aller caresser un greffier,
    Il faut flatter un clerc gratte-papier,
    Faut honorer, à longue bonnetade,
    Son advocat, soit ou ne soit maussade;
    Faut cottoyer un sergent serre-argent,
    Afin qu'il soit un peu plus diligent;
    Aux moindres clercs il faut payer à boire.

    (_La Mort de Procez_, Paris, 1634, in-12, p. 17.)



[141] _Var._ du _Recueil général_: On le faict monter à ce que...

[142] _Recueil général des rencontres, questions, demandes, et autres
œuvres tabariniques_, petit volume in-12 paru en 1622, c'est-à-dire
de manière à être encore dans sa pleine nouveauté quand fut imprimé ce
troisième Caquet.

[143] Il paroît toutefois que c'étoit moins l'éloquence de Mondor que
les lazzis de son valet Tabarin qui faisoit la fortune de leur échafaud
de la place Dauphine. «Tabarin proffite plus avec deux ou trois
questions bouffonnes et devineries de merde ou de la chouserie que ne
fait son maistre avec tout son: «_Questo e un remedio santo per sanare
tutti gli morbi._» _Les Essais de Mathurine_ (s. l. n. d.), p. 4.

[144] _Var._, éd. orig.: la bonne mine de son clerc.

[145] En 1631, Mondor trônoit encore à la place Dauphine, mais sa bonne
mine commençoit à baisser. Afin qu'il pût la relever et reprendre un peu
de sa majesté première, voici ce qui fut stipulé à son intention dans
_le Testament de feu Gauthier Garguille_, Paris, 1634, in-12, p. 10: «A
mon oncle Mondor, afin qu'il ait plus de majesté en distribuant ses
medicamens à ceux qui luy en demandent, et pour l'alliance qui est entre
nous, je donne et lègue ma belle robbe dont je representois les rois
dans la comedie. Et pour ma chaisne et ma medaille en façon d'or,
j'ordonne qu'on les luy livrera à un prix raisonnable, en cas qu'il en
ait affaire.»

[146] C'est de lui qu'il a déjà été parlé dans le premier _Caquet_. On
trouve sur sa personne, assez maussade, sur les serpents dont il faisoit
parade, sur son parallèle avec Tabarin, beaucoup plus plaisant et plus
heureux que lui, de longs détails, dans un petit livre de cette époque:
_Discours de l'origine, des mœurs, fraudes et impostures des
charlatans, etc._ Paris, 1622, in-8, p. 35, 39, 51.

[147] _Var._, éd. orig.: mine.

[148] Le masque étoit un luxe que les bourgeoises devoient laisser aux
dames et damoiselles:

    La Mijolette a bonne grace
    De maintenir par ses discours
    Qu'elle est première de sa race
    Qui a le masque de velours.

    (_Le Bruit qui court de l'Espousée_, 1624, _Variétés
    histor. et litt._, Paris, 1855, in-16. t. 1, p. 307.)



[149] Nous trouvons dans les _satires_ d'Auvray le portrait complet,
dont ceci n'est que l'esquisse:

    . . . . . . . . Ce goguelu
    Estoit gay, goffré, testonné,
    Brave, comme un chou godronné;
    La manteau à la Balagnie,
    Le soulier à l'Academie,
    Dedans la mule de velours,
    Les jartiers à tours et retours.
    Bouffant en deux roses enflées
    Comme deux laictues pommées;
    Le bas de Milan, le castor
    Orné d'un riche cordon d'or.
    L'ondoyant et venteux pennache
    Donnoit du galbe à ce bravache;
    Un long flocon de poil natté
    En petits anneaux frizotté,
    Pris au bout de tresse vermeille,
    Descendoit de sa gauche oreille;
    Son collet bien vuidé d'empois
    Et dentelé de quatre doigts;
    D'un soyeux et riche tabit
    Estoit composé son habit;
    Le pourpoint en taillade grande,
    D'où la chemise de Hollande
    Ronfloit en beaux bouillons neigeux
    Comme petits flots escumeux;
    Le haut de chausse à fond de cuve,
    La moustache en barbier d'estuve,
    Et recoquillé à l'escart
    Comme les gardes d'un poignard;
    La barbe, confuse et grillée,
    En piramide estoit taillée
    Ou en pointe de diamant.
    Ce mignon alloit parfumant
    Le lieu de son odeur musquée.
    La mouche, à la tempe appliquée,
    L'ombrageant d'un peu de noirceur,
    Donnoit du lustre à sa blancheur.

     (_Le Banquet des Muses_, satires divers du sieur Auvray, etc., p.
     191-192.)


[150] Ces histoires d'inceste n'étoient pas rares alors. Quelques années
auparavant il avoit couru dans Paris un livret portant ce titre: «_La
grande cruauté et tyrannie exercée en la ville d'Arras, ce 28 jour de
may 1618, par un jeune gentilhomme et une damoiselle, frère et sœur,
lesquels ont commis inceste, ensemble ce qui s'est passé durant leurs
impudicques amours_. Paris, 1618, in-8.

[151] V. sur ce puits, placé au carrefour de la rue S.-Jacques et de la
rue S.-Hilaire, etc., le point central du quartier des libraires, une
note de notre édition du _Roman bourgeois_ de Furetière, Paris, P.
Jannet, 1854, in-12, p. 222-223.

[152] Le véritable titre est celui-ci: _l'Etonnement de la Cour de
l'esprit qui va de nuit_. S. l., 1622, in-8.

[153] _Relation generale des conquestes et victoires du roy sur les
rebelles, depuis l'an mil six cent vingt jusqu'à present, avec les nom
et situation des villes, places et chasteaux rendus à l'obéissance de S.
M._ Paris, Fleury Bourriquant, in-8. Le jugement porté ici sur cette
pièce est fort juste.

[154] Clérac, en effet avoit été pris en juillet 1621 (V. plus haut),
tandis que Negrepelisse ne fut emportée que le 10 juin de l'année
suivante, après quelques jours de siége. Ce passage fixe positivement, à
un jour près, la date de ce troisième Caquet.

[155] _La prise et reduction de la ville de Sainct-Antonin à
l'obeissance du roi, Sa Majesté y estant en personne; avec le nombre des
habitans et rebelles qui ont esté pendus par le commandement du roi_ (22
juin). Paris, P. Rocolet, 1622, in-8.

[156] Nous ne savons à quels discours sur la vie de sainte Thérèse il
est fait allusion ici; nous ne connoissons à cette époque que la
traduction françoise publiée à Anvers en 1607, par J. D. B. P. et D. C.
C., de l'ouvrage de Francisco de Ribera: _Vida de la madre Teresa de
JHS., Fundadora de los Descalças y Descalços carmelitos, repartida en V
libros_. Madrid, 1601.

[157] Ce qui est dit ici vient compliquer d'un fait de littérature
légale l'histoire déjà singulièrement curieuse de l'_Espadon satyrique_.
On ne sait au juste de qui est réellement ce recueil de satires assez
obscènes. Les uns, Brossette le premier, l'attribuent au baron de
Fourquevaux, à qui Régnier dédia une de ses épîtres; les autres le
restituent à Claude d'Esternod, dont le nom, quoique bien réel, passa
longtemps pour être un pseudonyme du baron. Ce qui fut cause de cette
erreur, c'est que la première édition, publiée à Lyon en 1619, in-12,
est en effet signée de ce nom supposé: _Franchère_, et qu'on put croire
avec quelque raison que le nom de _d'Esternod_, qui signe la seconde,
n'avoit pas plus de réalité, et n'étoit qu'un nouveau travestissement de
M. de Fourquevaux. En cherchant un peu, l'on eût pourtant trouvé, comme
l'a fait M. Weiss pour la _Biographie universelle_, que d'Esternod, né à
Salins en 1590, long-temps soldat, puis gouverneur d'Ornans, n'étoit
rien moins qu'un mythe; on eût découvert aussi que le pseudonyme
_Franchère_ n'étoit pas aussi impénétrable qu'il le sembloit, puisqu'il
n'étoit que l'anagramme de _Refranche_, nom d'un village dont d'Esternod
étoit seigneur. Quant à la raison qui a donné lieu à l'opinion de
Brossette, dans ses notes sur Régnier, opinion admise par l'abbé Goujet
(_Bibliothèque françoise_, t. 14, p. 209), et défendue par M. J. B.
Pavie, dernier descendant du baron de Fourquevaux, dans une lettre du 24
frim. an IV, à l'abbé de S.-Léger (V. Brunet, _Manuel_, au mot
d'_Esternod_), nous n'avons pu savoir d'où elle vient et sur quoi elle
se fonde.--Le fait révélé par le passage des Caquets objet de cette
note, et qui prouve que, si le nom de l'auteur varioit, le titre du
livre changeoit aussi, n'est pas unique dans l'histoire de ce singulier
recueil. En 1721, il fut republié à Amsterdam, sous le titre de _Satires
galantes et amoureuses_ du sieur d'Esternod. Il est très rare sous ce
déguisement, mais moins encore que le _Discours du Courtisan à la mode_,
que nous n'avons jamais pu trouver.

[158] Le cloître Notre-Dame. Il étoit alors fermé de portes qu'on
n'ouvroit plus après une certaine heure. Tous les gens du Chapitre y
logeoient, et, en outre, il étoit permis aux hommes de travail et de
piété, comme de Thou, comme Boileau plus tard, et aux femmes qui
vouloient se soustraire aux entreprises galantes, d'y chercher un
refuge. «Mademoiselle Chantilly, écrit Malherbe à Peiresc, le 12 février
1610, a pris logis dans le cloître Notre-Dame pour y être plus
sûrement.» V., sur ces asiles du cloître, une note de notre _Paris
démoli_ (les Demeures de Boileau), 2e édition, p. 163-164.

[159] Le sol valoit 12 deniers, et le carolus, qui n'étoit déjà plus
guère en cours, n'en valoit que 10.

[160] _Var._ Le _Recueil général_ ajoute: Jusques à la revoir une autre
fois.

[161] Dans le _Recueil général_, cette partie a pour titre: _La
quatriesme journée et Visitation de l'Accouchée_.

[162] _Var._ du _Recueil général_: jouir du contentement de ceste
quatriesme journée.

[163] Les charges se vendoient partout à ces prix élevés,
particulièrement dans le Bourbonnois, dont il est question ici. Il en
coûtoit huit mille livres pour devenir conseiller d'élection. (_Mém. des
intendants, Bourbonnois_, chap. Finances.) Une charge de seigneur
conseiller à la cour des aides se payoit jusqu'à 25,000 livres, et celle
de chevalier-trésorier général des généralités ne s'acquéroit pas à
moins de 30,000. (_Ibid._, _Généralité de Montauban_, chap. Finances.)

[164] On disoit _aller au vin et à la moutarde_, pour railler, faire
quolibets et chansons sur une chose. Notre locution _s'amuser à la
moutarde_, et le nom donné au gamin de Paris, en sont restés. Cette
expression étoit vieille dans la langue. On la trouve déjà dans un
passage du _Journal du Bourgeois de Paris_ sous Charles VI; et Villon,
parlant de la belle bergeronnette qui rioit et chantoit bien, dit: _Elle
alloit bien à la moutarde_. (Huit. CLIV.)

[165] Discours élogieux, mais souvent avec ironie, qu'on avoit coutume
de faire dans les facultés de théologie et de médecine de Paris, avant
de recevoir les licenciés. Chaque bachelier y trouvoit son lot. Ce mot
de _paranymphe_ venoit de l'usage qu'on avoit en Grèce d'adresser aux
nouveaux mariés un chant de louange le jour de leurs noces. Il étoit
fort employé à l'époque de Louis XIII. Régnier dit dans sa Ve satire,
v. 233-236.

    Et, ce qui plus encor m'empoisonne de rage,
    Est quand un charlatan relève son langage,
    Et, de coquin faisant le prince revestu,
    Bastit un paranymphe à sa belle vertu.


[166] Voici comment Tallemant, d'après le récit qu'en faisoit la fille
de la comtesse, raconte l'aventure sinistre de madame des Vertus (édit.
in-8, t. 3, p. 407): «Le comte des Vertus étoit un fort bonhomme, et qui
ne manquoit point d'esprit. Son foible étoit sa femme: il l'aimoit
passionnément, et ne croyoit pas qu'on pût la voir sans en devenir
amoureux. Un gentilhomme d'Anjou, nommé S.-Germain La Troche, homme
d'esprit et de cœur, et bien fait de sa personne, fut aimé de la
comtesse. Le mari, qui avoit des espions auprès d'elle, fut instruit
aussitôt de l'affaire. Il estimoit S.-Germain et faisoit profession
d'intimité avec luy; il trouva à propos de luy parler, luy dit qu'il
l'excusoit d'être amoureux d'une belle femme, mais qu'il luy feroit
plaisir de venir moins souvent chez luy. S.-Germain s'en trouva quitte à
bon marché; il y venoit moins en apparence, mais il y faisoit bien des
visites en cachette: c'étoit à Chantocé en Anjou. Le comte savoit tout;
il n'en témoigna pourtant rien, jusqu'à ce que, durant un voyage de dix
ou douze jours, le galant eut la hardiesse de coucher dans le château.
Les gens dont la dame et luy se servoient étoient gagnés par le mary.
Ayant appris cela, il deffendit sa maison à S.-Germain. Cet homme, au
désespoir d'être privé de ses amours, écrit à la belle et la presse de
consentir qu'il la défasse de leur tyran. Les agens gagnés faisoient
passer toutes les lettres par les mains du mari, qui avoit l'adresse de
lever les cachets sans qu'on s'en aperçût. Elle répondit qu'elle ne s'y
pouvoit encore résoudre. Il réitère, et lui écrit qu'il mourra si elle
ne consent à la mort de ce gros pourceau. Elle y consent, et, par une
troisième lettre, il lui mande que dans ce jour-là elle sera en liberté,
que le comte va à Angers, et que sur le chemin il lui dressera une
embuscade. Le comte retient cette lettre, se garde bien de partir, et,
ayant appris que S.-Germain dînoit, en passant, dans le bourg de
Chantocé, il se résout de ne pas laisser passer l'occasion: il lui
envoie dire qu'il fera meilleure chère au château qu'au cabaret, et
qu'il le prioit de venir dîner avec lui. Le galant, qui ne demandoit
qu'à être introduit de nouveau dans la maison, ne se doutant de rien,
s'y en va. Il n'avoit pas alors son épée: il l'avoit ôtée pour dîner; il
oublie de la prendre. Dès qu'il fut dans la salle, le comte luy dit:
«Tenez, en lui présentant son dernier billet, connoissez-vous
cela?--Oui, répondit S.-Germain, et j'entends bien ce que cela veut
dire.--Il faut mourir.» Les gens du comte mirent aussitôt l'épée à la
main. Ce pauvre homme n'eut pour toute ressource qu'un siége pliant. Il
avoit déjà reçu un grand coup d'épée, le mari entra dans la chambre de
sa femme, qui n'étoit séparée de la salle que par une antichambre. Il la
prend par la main et luy dit: «Venez, ne craignez rien; je vous aime
trop pour rien entreprendre contre vous.» Elle fut obligée de passer sur
le corps de son amant, qui étoit expiré sur le seuil de la porte. Il la
mena dans le château d'Angers. Elle eut bien des frayeurs, comme on peut
penser. Les parents du mort, quand ils eurent vu la lettre, ne firent
pas de poursuites. La comtesse ouit tout le bruit qu'on avoit fait en
assassinant son favori. Elle étoit grosse; elle ne se blessa pourtant
point, mais la petite-fille qu'elle fit, et qui ne vécut que huit ans,
étoit sujette à une maladie qui venoit des transes où sa mère avoit
esté, car elle s'écrioit: «Ah! sauvez-moi! voilà un homme, l'épée à la
main, qui veut me tuer!» et elle s'évanouissoit. Elle expira d'un de ces
évanouissements.»

[167] Il étoit secrétaire d'état et fort homme de cour. Il fut pour
quelque chose dans la fortune de Puget à ses commencements. On peut lire
sur lui et sur la reine Marguerite une anecdote assez gaillarde dans le
_Perroniana_, 3e édition p. 145.

[168] Messire Nicolas de Verdun étoit alors premier président. Il avoit
succédé, en 1616, à Achille du Harlay, et il occupa cette charge
jusqu'en 1627. «Il avoit, dit Blanchard, le goût des peintures
excellentes et des bons livres»; mais jusqu'ici nous ne savions pas
qu'il eut celui de la galanterie. (Blanchard, _Eloges de tous les
premiers présidents_, 1645, in-8, p. 81.)--On avoit M. de Verdun en
grande estime; «chascun, lit-on dans une pièce du temps, ne sauroit
assez l'admirer, pour estre ses louanges inférieures à ses vertus.»
_Advis de Guill. de la Porte, hotteux ès halles de Paris_, etc., in-8,
p. 7.

[169] Cette galerie se trouvoit dans l'hôtel de la préfecture de police,
où M. de Verdun fut le premier qui installa la présidence du Parlement.

[170] Ce procès de Monsigot devoit avoir trait aux affaires du
connétable de Luynes, dont il avoit été le secrétaire. L'issue n'en dut
pas être bien desastreuse pour lui, puisque quelques années après, en
1629, nous le voyons reparoître comme secrétaire des commandements de
Gaston, qui lui accorde toute sa confiance. Quand il songe à s'enfuir en
Lorraine, c'est Monsigot qu'il envoie près du duc pour lui préparer une
retraite. (_Mém._ de Gaston, Coll. Petitot, 2e série, t. 31, p. 88,
112.) Cette faveur de Monsigot chez Gaston ne le recommandoit guère
auprès de Richelieu, qui d'ailleurs devoit haïr en lui une créature du
connétable; aussi, à l'époque des démêlés graves entre Monsieur et le
cardinal, après qu'il eut apporté l'inventaire des pierreries de Madame,
comme on l'en avoit chargé, resta-t-il long-temps inquiet et craignant
d'être arrêté, dans la retraite qu'il s'ésoit donnée à Orléans. (_Mém._
de Richelieu, Coll. Petitot, 2e série, t. 26, p. 367.)

[171] Beaucoup d'autres lui en avoient aussi. «On a vu Monsigot, dit le
_Contadin provençal_, tenir banque au Louvre pour la composition des
pensions.» Recueil cité, p. 98.

[172] Il avoit surtout pour lui les gens du parlement; mais on pouvoit
craindre que ce ne lui fût un secours inutile:

    Pour Monsigot, j'ai peur que messieurs de la cour
    Ne le puissent tirer d'un si fascheux destour.

     (_Le De profundis sur la mort de Luynes_, même Recueil, p. 417.)


[173] Duret de Chevri, président de la chambre des comptes. Il avoit
commencé par être secrétaire de Sully, et mieux que cela même, à en
croire Tallemant, édit. in-12, t. 1, p. 148. Sa mort et l'épitaphe
satirique qu'on lui fit sont ainsi mentionnées dans le _Patiniana_, p.
16: «Il mourut en 1637, après avoir été taillé de la pierre. Voici son
épitaphe:

    Cy-gist qui fuyoit le repos,
    Qui fut nourri dès la mamelle
    De tributs, tailles et impôts,
    De subsides et de gabelles;
    Qui mêloit dans ses aliments
    De l'essence du sol pour livre.
    Passant, songe à te mieux nourrir,
    Car, si la taille l'a fait vivre,
    La taille aussi l'a fait mourir.


[174] Ce nom est altéré; il faut lire «le président d'Ocquerre.» Il
étoit, en effet, secrétaire d'Etat. Il eut pour fils ce Blancmesnil,
conseiller au parlement, qui partagea la popularité frondeuse de
Broussel. _Histor._ de Tallemant, édit in-12, t. 7, p. 148.

[175] A titre de veuve du connétable de Luynes, son premier mari, madame
de Chevreuse devoit en effet protéger Monsigot.

[176] Cela est si vrai, qu'elle ne tarda pas à être éloignée de la cour,
aux instigations de la Vieuville. _Mém._ de Richelieu, coll. Petitot,
2e série, t, 22, p. 273.

[177] Il faut lire le commandeur, et non le chevalier de Sillery. Noël
Brulart, frère du chancelier de Sillery, fut en effet ambassadeur à
Rome. Il en fut rappelé en 1624 par Richelieu, ennemi juré de sa
famille. Le traité conclu par le commandeur avec le pape, dans l'affaire
de la Valteline, fut le motif ou plutôt le prétexte de cette disgrâce.

[178] François Annibal d'Estrées, marquis de Cœuvre, frère de
Gabrielle, et par là, comme il est dit ici, oncle de MM. de Vendosme.
C'est lui qui les avoit amenés à faire leur Paix avec le roi, dans les
commencements de son règne. (_Lettres_ de Malherbe à Peiresc, p, 378,
393.) Pendant son ambassade à Rome, qui précéda celle du commandeur de
Sillery, et qu'il eût bien désiré faire durer plus long-temps, comme ce
passage des _Caquets_ l'indique, il avoit réussi à faire obtenir à
Richelieu le chapeau de cardinal.

[179] C'est le même qui devint si fameux plus tard comme lieutenant
civil, et l'âme damnée de Richelieu. Il ne prit qu'en 1638 cette charge,
qu'il garda jusqu'à sa mort, en 1650. A l'époque dont il est parlé ici,
il étoit maître des requêtes.

[180] Le président Jean-Robert Aubry ou Aubery, conseiller d'Etat,
mourut doyen du conseil dans un âge très avancé. On l'appeloit Robert le
Diable. Tallemant n'en voit de raison que dans sa brusquerie. En somme,
dit-il, sa femme, qu'il ne tourmentoit guère, «étoit plus diablesse
qu'il n'étoit diable.» Tallemant, édit. in-12, t. 8, p. 23.

[181] C'étoit encore bien là l'opinion reçue à propos de cette affaire;
dans le _De profundis_ sur la mort de Luynes, on fait dire par le
connétable à l'un de ses fidèles:

    Tu n'ignores, Desplan, que je suis ton soutien,
    Que je t'ay soutenu lorsque j'estois en vie.
    Monsigot te dira, maintenant qu'on le tient,
    Qu'il est en grand hasard d'avoir l'ame ravie.

    (Recueil cité, p. 415.)


[182] Monsigot, comme une précédente note l'indique, obtint pourtant son
pardon. Il n'y épargna rien, il est vrai. Il fit surtout des aveux,
pensant, lit-on dans le _Passe-partout des favoris_, qu'il auroit
quelque grace par la confession de ses fautes si mal à propos commises;
«mais, ajoute l'auteur, que la suite dut bien surprendre, je crains
qu'il sera contraint de tenir compagnie à son maître et d'aller voir
s'il est aussi aisé de voler aux Pays-Bas qu'à l'armée.» Même Recueil,
p. 136.

[183] Potel étoit greffier du conseil. Son fils, qui se faisoit appeler
M. Le Parquet, et qu'on nommoit plus communément Potel-Romain, «à cause
qu'il parloit fort de Rome, où il avoit été», n'est pas oublié, comme
l'un des plus curieux originaux du temps, par Tallemant, dans ses
_Historiettes_. (V. édit. in-12, t. 10, p. 34-35.)

[184] Il avoit été l'une des créatures du maréchal d'Ancre, et
d'Aubigné, dans le _Baron de Fæneste_, nous le représente, ainsi que
Barbin, comme «un habile homme, bien fidèle a la reine et à madame la
mareschale.» (Liv. 1, chap. 13.) Il tomba avec son protecteur. Les
mémoires de Pontchartrain le mettent au rang des deux ou trois (il est
vrai que Richelieu en est aussi) qui n'avoient «d'autre mérite et
expérience aux affaires sinon d'être ministres des passions du maréchal
et de sa femme.» (_Mémoires concernant les affaires de France sous la
régence de Marie de Médicis, etc._, La Haye, 1720, t. 2, p. 268.) Mangot
pourtant finit par rentrer en faveur. Au mois d'août 1621, après la mort
du chancelier du Vair, il fut investi de la charge dont il est parlé
ici: on lui donna les sceaux; mais il ne les garda pas long-temps.

[185] C'est le même, sans doute, qui, s'étant poussé dans les
ambassades, en fit une à Rome, si malheureuse, pour obtenir du pape que
l'évêque de Beauvais fût fait cardinal. Il en revint piteux et enrhumé.
«Ce n'est pas étrange, dit Bassompierre, qui l'entendoit tousser; il est
revenu de Rome sans chapeau...» Tallemant, _Historiettes_, édit. in-12,
t. 4, P. 208.

[186] Le président de Tillay, de la famille des Girard, fameuse alors
dans la robe, et dont un des membres étoit à cette époque procureur
général de la chambre.

[187] C'est, dans le _Recueil général_: _La cinquiesme journée et
visitation de l'Accouchée_.

[188] _Var._ du _Recueil général_: Je me mis à entretenir l'Accouchée,
et peu après...

[189] _Var._: Et moy, je pris la mienne ordinaire au cabinet.

[190] On peut lire dans les mémoires du duc lui-même comment il fit sa
paix avec le roi dans les conférences d'Alais, et à quelles conditions
pour son parti et pour lui-même cet arrangement définitif fut conclu.
(Coll. Petitot, 2e série, t. 18, p. 440-455.)--«_Baiser le babouin_,
sorte de proverbe pour dire: faire des soumissions à quelqu'un avec
lequel on étoit brouillé.» Richelet.

[191] Le duc de Fronsac, fils du comte de S.-Paul, qui servoit comme
volontaire au siége de Montauban, fut tué dans une sortie. (_Mémoires_
du sieur de Pontis, liv. 5, 1622.) Il avoit vingt ans à peine et n'étoit
arrivé que depuis un jour devant la place. (_Mercure françois_, t. 8, p.
814-815.) Le roi écrivit des lettres de consolation au comte et à la
comtesse de S.-Paul. (Ibid.)

[192] «M. de Montmorency y fut blessé; le duc de Fronsac, le marquis de
Beuvron, Hoctot, le baron de Canillac, Montbrun, L'Estange, Lussan,
Gombalet et plusieurs hommes de commandement, furent tués.» _Mém._ de
Richelieu, Coll. Petitot, 2e série, t. 22, p. 222.

[193] Ce n'est encore ici que l'écho d'un bruit qui couroit; on avoit
même été jusqu'à conseiller aux seigneurs, à M. de Montmorency en
particulier, de ne pas trop s'engager dans les expéditions entreprises
par le connétable. «Et puis faites-vous assommer pour deffendre telles
gens, qui ne demandent que la mort d'autrui pour attraper leur
dépouille! C'est pourquoy M. de Montmorency doit prendre garde de se
trop engager en la guerre de Languedoc; que si par malheur il luy
arrivoit d'estre tué, ils se mocqueroient de luy en se revestant de ses
charges.» _Méditation de l'Hermite Valérien. Recueil des pièces les plus
curieuses_, etc., p. 332.--Si, dans le profit qui en est le résultat, il
peut être juste de chercher la raison d'un crime, on peut dire que pour
la mort du duc de Fronsac, reprochée ici au connétable et à ses frères,
cette raison semble un peu exister. Cadenet, l'un des frères, avoit
enlevé au jeune duc, pour l'épouser lui-même, la riche héritière du
vidame d'Amiens. En dédommagement, il devoit lui donner le domaine de
Château-Thierry, 100,000 livres, et, de plus, on s'étoit engagé à lui
faire épouser l'héritière de Luxembourg. Or cette promesse, nous en
avons la preuve dans le _Contadin provençal_, n'avoit pas encore été
réalisée quand la mort de M. de Fronsac vint si heureusement rendre les
trois frères quittes de cette dette et des autres. _Recueil des pièces
les plus curieuses_, etc., p. 19, 106.

[194] Ce parvenu de bas étage, sur lequel cette page des _Caquets_ donne
des détails que nous avons vainement cherchés ailleurs, ne resta pas
long-temps en faveur. Il tomba avec Toiras, Bautru et quelques autres,
par la volonté de Richelieu, et malgré celle de Louis XIII lui-même.
«Desplan, Bautru, Toiras, lit-on dans les _Mémoires_ du Cardinal, sont
chassés par proposition non approuvée.» _Coll. Petitot_, t. 18, p. 329.

[195] C'est dans cette entrevue de Vincennes que le frère de Luynes fit
avec menace au prince prisonnier les propositions singulières dont il
est ainsi parlé dans la _Chronique des favoris_: «Cadenet n'a-t-il pas
esté si outrecuidé que de menasser M. le Prince qu'il ne sortiroit du
bois de Vincennes s'il ne consentoit de luy donner en mariage madame la
princesse d'Orange, qui en est morte d'apprehension.» _Recueil des
pièces les plus curieuses_, etc., p. 466.

[196] Il y a ici erreur: ce n'est pas Desplan, mais Toiras, et encore
plusieurs années après, le 13 déc. 1630, qui fut gratifié d'un brevet de
maréchal de France.

[197] Ce M. de Courbouzon ou Corbezon est le même sans doute que, lors
de l'assassinat du roi, dont on accusoit les ligueurs et l'Espagne,
empêcha qu'on massacrât l'ambassadeur de cette puissance. _Lettres de
Malherbe à Peiresc_, p. 144.

[198] Voici le titre exact de la pièce qui répandoit ainsi la renommée
de M. de Courbouzon: _La furieuse escarmouche faite sur les Rochelois
par le sieur de Courbouzon, lieutenant de la compagnie de M. le duc de
Nemours, estant en l'armée du roy, devant la Rochelle, commandée par
Monseigneur le duc de Soissons_. Paris, P. Ramée, 1622, in-8.

[199] _A tort et à travers._ C'étoit une locution des jeux de paume.
Charron dit _à bonds et voles_. (_La Sagesse_, liv. 2, ch. 1.)

[200] Le sieur de Villautrais est un des partisans, scandaleusement
riches, les plus maltraités par les pasquins du temps. V. _la Voix
publique au roy_, Recueil E, p. 241; _la Chasse aux larrons_, p. 90. Il
est aussi nommé dans les _Contreveritez_ de la cour. (Recueil cité, p.
63-66.)

[201] Fabri, seigneur de Champauze, trésorier de l'extraordinaire des
guerres. Sa fille épousa le chancelier Séguier. Il est parlé de lui en
d'assez mauvais termes dans le libelle de J. Bourgoin, _la Chasse aux
larrons_, Paris, 1618, in-4, p. 45, et dans _la Voix publique au roi_.
(Recueil E, p. 210.)

[202] _Var._: Pauvre.

[203] Fameuse folle de cour qui occupe tout un chapitre de la
_Confession de Sancy_, et la même, croit-on, que Pierre Colins, allant
faire hommage à Henri IV pour la terre d'Enghien, dit avoir vue à la
table royale, (_Hist. des choses les plus mémorables_, etc., p. 729.) En
1622, elle avoit encore de la cour une pension de 1,200 livres. (Nic.
Remond, _Sommaire traité du revenu_, etc. 1622, in-8., _ad fin._)
Mathurine couroit les rues et étoit le jouet des laquais et des marmots.
V. à la fin de ce volume _les Essais de Mathurine_.--On appeloit alors
_maturinades_ une sorte de satire burlesque. (_Remerciment de la voix
publique au roy pour la disgrâce de M. de la Vieuville._ Recueil F, p.
46.)

[204] Il le fut, en effet, peu de temps après, en 1622; sa conduite à
Montpellier, et surtout dans l'affaire des Sables-d'Olonne (Tallemant,
édit. in-12, t. 4, p. 198), l'en avoit réellement rendu digne.

[205] Le maréchal de Créqui, gendre de Lesdiguières, à qui le titre de
connétable revenoit un peu par droit d'alliance, beaucoup par droit de
courage. Il ne l'eut pourtant pas: il n'hérita de son beau-père que du
titre de duc de Lesdiguières.

[206] L'affaire de D. Philippin, bâtard du duc de Savoie, avec M. de
Créqui, seroit trop longue à raconter ici; il suffira de rappeler
qu'après d'interminables retards apportés par le bâtard, un duel eut
lieu enfin entre lui et le duc, le 1er juin 1599, à Quirieux. M. de
Créqui, après un combat de quelques minutes, le perça de deux coups
d'épée et de deux coups de poignard, dont il mourut peu de jours après.

[207] «... Elle avoit chez elle un certain bouffon, nommé Guérin, qui
prenoit la qualité de maître des requêtes de la reine Marguerite et de
son orateur jovial. Il portoit une robe de velours, une soutane de satin
noir avec un bonnet carré. Ce bouffon, tous les jours, ne manquoit pas
de monter sur le théâtre qu'elle avoit fait dresser dans son palais du
faubourg S.-Germain, à l'un des bouts de la grande salle. Comme elle
prenoit grand plaisir à l'écouter, il n'épargnoit pas les mots les plus
infâmes. Il continua à faire ce beau métier tant qu'elle vécut; il en
fut assez mal récompensé: il mourut de misère.» (Sauval, _Galanteries
des rois de France_, etc., suiv. la copie imp. à Paris, 1721, in-12, t.
3, p. 70.) Guérin dirigeoit les ballets de la cour. _Lettres de
Malherbe_, p. 327. V. aussi sur ce bouffon nos _Variétés hist. et
litt._, t. 1, p. 220.

[208] Branche pliante, lien des fagots. La corde des pendus prenoit
aussi ce nom. (V. le _Roman du Renard_, vers 7854.) De là l'expression:
peine de la _hart_.

[209] _Var._: Courtoisies.

[210] Vive comme l'_émérillon_, sorte de faucon.

[211] Le _paroistre_, comme il est dit ici, étoit le ridicule de
l'époque. D'aubigné s'en prend surtout à cette manie d'ostentation, dans
son _Baron de Fæneste_. Le nom même du héros, qui n'est que le verbe
grec signifiant _paroitre_ ingénieusement francisé, en est une preuve.
Dans un livret très rare du même temps, on s'explique ainsi, de la façon
la plus claire, sur le mot et sur la chose: «... Un ramoneur lombard,
entendant les merveilles des bottes..., jura... qu'il se viendroit icy
naturaliser et en achepter deux paires pour se rendre estafier chez
quelque honneste homme à bottes, et tascher par ce moyen de _parestre_
(c'est le mot qui court) et faire ses affaires s'il pouvoit.» _La mode
qui court à présent et les singularitez d'icelle, ou l'ut, re, mi, fa,
fol, la, de ce temps_, Paris, Fleury Bourriquant, 1613, in-12, p. 12.

[212] C'est-à-dire se donnant des airs de commandement. _La pique de
Biscaye_ étoit, sous Charles IX, l'arme des colonels.

[213] Louis XIII, en cela, n'eût fait qu'imiter son père, qui ne fit pas
moins de trois édits contre les clinquants et dorures: l'un en 1594, le
second en 1601, le troisième en 1606. C'est de ce dernier, enregistré au
Parlement le 9 janvier 1607, que Régnier a parlé dans sa 8e satire,
v. 72:

    . . . . . . . . . . . A propos, on m'a dict
    Que contre les clinquants le roy faict un edict.

Le projet d'ordonnance dont il est question ici fut, du reste, réalisé
quelques années après, en 1627. Nous trouvons à la suite d'une pièce
parue alors, _le Tableau à deux faces de la foire Saint-Germain_, etc.,
Paris, 1627, in-12, p. 10, une _Consolation aux dames_ sur la
réformation des passements et habits qui venoit d'avoir lieu par
ordonnance royale.

[214] C'est le même artisan, l'un des plus riches alors, qui est nommé
dans ce passage de la 16e satire de Régnier:

    Suis jusques au conseil les maîtres des requestes.
    Ne t'enquiers, curieux, s'ils sont hommes ou bestes,
    Et les distingue bien: les uns ont le pouvoir
    De juger finement un procès sans le voir;
    Les autres, comme dieux, près le soleil résident,
    Et, démons de Plutus, aux finances président:
    Car leurs seules faveurs peuvent, en moins d'un an,
    Te faire devenir Chalange et Montauban.

Ce dernier ne s'appeloit Montauban qu'à cause de sa ville natale; son
vrai nom étoit Moysset. Il étoit trésorier de l'Epargne. V. _la Chasse
aux larrons_, p. 21.

[215] Chalange se méloit de toutes ces grosses affaires; il achetoit
pour ainsi dire la promulgation de tout édit onéreux, et tenoit compte
d'une part des profits aux ministres à qui il l'avoit fait rendre. Sa
faveur étoit ainsi devenue très grande à la cour. «Ainsi voit-on que
Chalange et autres tels partisans, dit le _Contadin provençal_, ont plus
d'accès aux favoris que les grands et les vieux conseillers de l'Etat.»
(Recueil cité, p. 98.)

[216] C'étoit un de ces édits comme il y en eut tant de promulgués alors
contre les gens de justice. Il fit crier autant au moins que la _revente
des greffes_, qui, selon un libelle du temps, fut cause que le roi «fut
volé de six millions de livres», dont s'enrichirent les partisans.
(_Raisons de la reine-mère_, dans le _Recueil des pièces curieuses_,
etc., p. 275.) Toute la basoche, qu'on rançonnoit, fut en émoi de cet
_édit des procureurs_, et ce qu'on dit ici des empêchements qu'y trouva
Chalange semble assez naturel quand on sait à qui il avoit affaire et ce
qu'il demandoit. «Les trois quarts de vostre vermine de procureurs
étoient reduits au bureau des Innocents, faute d'avoir de quoy
satisfaire à l'edit, dont on s'est tant tremoussé dans vostre palais.»
(_Advis donné au roi, etc._, Recueil, etc., p. 139-140.) V. encore sur
cet édit l'_Anti-Caquet_, à la fin de ce volume, et nos _Variétés hist.
et littér._, t. 1, p. 215--216.

[217] On n'étoit pas dupe des raisons qui faisoient promulguer ces lois
successives, «tant d'edits nouveaux, dit un pamphlet du temps, contre
Luynes et les partisans ses créatures, qui ne servent que pour affliger
le pauvre peuple, et ne sont inventez que pour assouvir leur avarice.»
(_Le Contadin provençal_, Recueil, etc., p. 98.)

[218] Par la bouche, expression tirée du vieux mot _engouler_.

[219] Les capucines s'étoient établies, de 1604 à 1606, dans le couvent
qui a gardé leur nom.

[220] C'est Jean-François de Gondi, qui, de doyen de Notre-Dame,
devenoit évêque de Paris. Il fut sacré le 19 février 1622, et, d'après
cette date, on peut voir exactement à quelle époque fut écrite cette
partie des _Caquets_. Il ne faut pas s'étonner du mot _évêque_ employé
ici: c'est le titre que portaient encore les prélats du siége de Paris.
Ce même François de Gondi fut le premier qui l'échangea pour celui
d'archevêque.

[221] La nouvelle religion dont il s'agit, et pour laquelle on réclame
les largesses de l'évêque, est la maison des Ursulines de la rue
Sainte-Avoye. D'abord communauté de quarante veuves, elle étoit devenue
ensuite maison de Béguines, et le 31 janvier 1622, par suite d'un
concordat entre les Béguines, le curé de Saint-Merry et les Ursulines,
celles-ci avoient pris possession du couvent. Ce concordat, que
confirmèrent des lettres-patentes de février 1623, obtint, en effet,
l'approbation de l'évêque François de Gondi; mais nous ne savons pas
s'il fit davantage pour les Ursulines.

[222] Le comte Ernest de Mansfeld, ne trouvant plus à vivre ni dans le
Palatinat ni dans l'Alsace, qu'il avoit ruinés, s'étoit mis à menacer la
Champagne. Il avoit passé la Meuse, et s'étoit logé en vue de Mouzon. La
peur avoit été grande par toute la France quand on avoit su cette
entreprise; on trembloit surtout qu'il ne vînt donner la main aux
huguenots rebelles, et que M. de Bouillon ne lui ouvrît ses places
frontières. Il n'y avoit que les gens d'expérience qui ne partageassent
pas cette panique, dont font foi toutes les pièces du temps (_les Grands
jours tenus à Paris par M. Muet_, etc., p. 29; _les effroyables Pactions
faites entre le diable et les prétendus invisibles_, etc., p. 21).
Malherbe fut de ces gens rassurés; très tranquille, il écrivit de Caen à
son amy Colomby, qui trembloit à Paris: «Pour Mansfeld, nous en avons
ici de meilleures nouvelles que les vostres. On m'escrit du 9e de ce
mois qu'il est sur le point de se retirer. Il ne faut pas voir trop
clair pour connoître que l'homme de la frontière est de ceux qui l'ont
attiré; mais il est en possession de reussir mal en tout ce qu'il
entreprend. Voilà pourquoy, si de ceste nuée il sort pluye, gresle, ny
aultre sorte de mauvais temps, je veux que vous me teniez pour le plus
ignorant astrologue qui jamais ait regardé les étoilles.» Malherbe avoit
raison: ce qui suivit justifia pleinement sa quiétude confiante, dont
témoigne encore sa lettre à Peiresc du 28 juillet 1622. Mansfeld fit un
premier accord avec M. de Nevers, puis, s'étant approché de Sedan, et
après avoir vu sans doute qu'il ne falloit pas faire trop grand fonds
sur les forces et sur la parole de M. de Bouillon, il quitta notre
frontière et tira sur le Hainaut. Il y trouva l'armée espagnole
commandée par D. Gonzalès. Une bataille fut livrée dans les plaines de
Fleurus, après laquelle Mansfeld, à demi défait, battit en retraite,
abandonnant tous ses équipages. (_Mercure françois_, t. 8, p. 708-752.)
C'est de cette dernière affaire, qui achevoit de les rassurer, que
parlent nos caqueteuses.

[223] Une autre édition, différente en ce seul point, porte pour titre:
_La Responce aux trois Caquets de l'Accouchée_, MDC.XXII.--Dans le
_Recueil général_, c'est _la sixiesme Journée et visitation de
l'Accouchée_.

[224] Tout le commencement de cette Journée, jusqu'ici, est remplacé
dans le _Recueil général_ par: Desireux de poursuivre carrière et
parvenir à mon but, je fus d'abondant voir ma cousine l'Accouchée et
l'entretenir à mon accoustumée; ce qu'ayant fait, et recognoissant bien
l'approche des visites qui luy seroient faites, je me rengeay à ma
cellule ordinaire, où je ne fus pas si tost entré qu'il arriva une bande
de bourgeoises de Paris, lesquelles, après avoir fait leurs reverences
et pris place, l'une commença à dire: La porte est-elle fermée?

[225] _Var._ Les mots entre crochets manquent au _Recueil général_.

[226] Les mots: _une qui avoit desjà deffait sa chemise_, sont remplacés
au _Recueil général_ par: _une autre_.

[227] _Var._ _Recueil général_: dit lors une autre.

[228] Les Quinze-Vingts portoient une longue robe grise, avec une fleur
de lys sur la poitrine. Une gravure d'Abraham Bosse représente sous son
costume complet un de ces aveugles demandant l'aumône au coin d'une rue.
La caricature qu'on fit de Lafont de Saint-Yenne, à cause de ses
jugements d'aveugle sur le salon de 1753, est aussi une représentation
exacte de l'habillement des Quinze-Vingts sous Louis XV.

[229] On reprochoit alors beaucoup aux bourgeoises la richesse des
étoffes qu'elles employoient pour leurs robes, et l'on disoit partout
que ce luxe coûtoit cher aux bonnes mœurs:

    Les bourgeoises qui font les belles,
    Sont braves comme damoiselles
    Et se font promener à tas,
    Ont-elles pas un petit chose...
    Pour achepter du taffetas?

     (_Le Tableau à deux faces de la foire S.-Germain, etc._, 1627,
     in-12, p. 6.)

    La Rousse dit que, si sa fille
    Avoit l'habit de taffetas,
    Elle seroit aussi gentille
    Ou plus belle qu'elle n'est pas.

     (_Le Bruit qui court de l'espousée_, 1624, s. l., p. 5.)


[230] Ces propos sur les modes et la coquetterie étoient le fonds
ordinaire de la conversation des caqueteuses:

    C'estoyent mercières du Palais
    Qui discouroient de leurs malices,
    De leurs fards et leurs artifices,
    Des bons tours qu'elles mettent sus
    Pour faire leurs maris cornus.
    J'en vis deux qui se vermillonnent,
    Et leurs cheveux passe-fillonnent
    Pour mieux les marchands allecher...

     (_Le Banquet des Muses, ou Satires divers du sieur_ Auvray, Paris,
     1625, in-8, p. 184.)


[231] _Var._ Les mots entre crochets manquent au _Recueil général_.

[232] _Var._ Le passage entre crochets manque au _Recueil général_.

[233] _Var._ Les mots: _pour le bain_, sont remplacés, au _Recueil
général_, par les mots: _de visite_.

[234] _Var._ «Et moi la première.» Ces mots manquent au _Recueil
général_.

[235] _Var._ Ces deux mots manquent au _Recueil général_.

[236] _Var._ _Rec. gén._: leur.

[237] _Var._ _Rec. gén._: furent.

[238] _Var._ _Rec. gén._: leur.

[239] _Var._ _Rec. gén._: leur.

[240] _Var._ Le _Recueil général_ ajoute: (paracheva-elle).

[241] _Var._ Le _Rec. gén._ ajoute: dit la damoiselle du faux-bourg
Sainct-Germain.

[242] _Var._ _Qui commençoit à s'essuyer._ Ces mots manquent au _Recueil
général_.

[243] _Var._ _Rec. gén._: une autre qui estoit.

[244] _Var._ _Rec. gén._: (dit-elle).

[245] Cette lettre ne se trouve pas dans le _Recueil général_, non plus
que les réflexions qui l'accompagnent.

[246] _Var._ Dans le _Recueil général_, cette partie est intitulée: _La
septiesme journée et visitation de l'Accouchée_.

[247] _Var._ _Rec. gén._: ij, iij, iiij, v et vj.

[248] _Var._ _Rec. gén._: ne voyez la septiesme, et...

[249] _Var._ _Rec. gén._: ne cette septiesme.

[250] Dans le _Recueil général_, ce qui termine cet alinéa est remplacé
par: et alors, saluant l'accouchée, je luy demanday le mesme privilége
du passé, et, en obtenant franchement la prerogative, je me retirai dans
mon oratoire accoustumé, derrière le chevet du lict.

[251] Terme de jeu de paume ou _tripot_.

[252] _Var._ _Rec. gén._: les porter.

[253] Ce qui est renfermé entre crochets est remplacé, dans le _Recueil
général_, par: Il y en a assez qui prestent argent.

[254] Le passage entre crochets est remplacé, dans le _Recueil général_,
par le mot: en.

[255] La plupart des gens de finance logeoient alors au Marais. V.
_Catal. des partisans_, etc., dans le _Recueil des Mazarinades_, t. 1,
p. 113, etc.

[256] _Var._ Le _Recueil général_ dit huit mois.

[257] Le curieux livre qui a pour titre: _Ulenspiegel, de sa vie, de ses
œuvres, etc._, étoit depuis près d'un siècle populaire en France, où
le mot _espiègle_, qui nous en est resté, commençoit même à être déjà en
cours. La première traduction faite sur l'original, écrit en bas
allemand vers 1483, avoit paru à Paris en 1532, pet. in-4. Depuis, les
éditions s'en étoient succédé à Lyon, à Paris, à Orléans, etc., et, pour
connoître l'Espiègle, il n'étoit pas besoin d'être grand lecteur de
romans.

[258] Tout ce qui suit, jusqu'à l'alinéa, manque au _Rec. gén._

[259] _Var._ Ce qui suit est remplacé dans le _Recueil général_ par: que
de baiser l'Accouchée en prenant congé d'elle jusques au revoir.

[260] Dans le _Recueil général_, cette partie est intitulée: _la
Huictiesme journée et dernière visitation au relevement de l'Accouchée_.

[261] _Var._ Tout le commencement de cet alinéa manque dans le _Recueil
général_.

[262] _Var._ Cette citation latine manque au _Recueil général_.

[263] _Var._ Cette fin d'alinéa manque au _Recueil général_.

[264] _Var._ Les mots: _à ladite garde d'accouchée_ sont remplacés dans
le _Recueil général_ par: _en ma faveur_.

[265] _Var._ Le _Rec. gén._ ajoute: respond la femme de l'advocat.

[266] _Var._ _Rec. gén._: la femme de l'advocat.

[267] _Var._ La fin de l'alinéa manque au _Recueil général_.

[268] _Var._ Au lieu de la fin de cet alinéa et de tout l'alinéa
suivant, on lit dans le _Recueil général_: estoit escrit que la fille
d'un sergent à verge avoit abandonné y a quelque temps son père, vieil
qu'il estoit, pour suivre par tout Madamoiselle, à cause qu'elle luy
faisoit porter l'atour, et d'autres petits secrets qui estoient inserez
dans le petit papier.

[269] _Var._ Ces mots manquent au _Recueil général_.

[270] _Var._ Le passage entre crochets manque au _Recueil général_.

[271] _Var._ Le passage entre crochets manque au _Recueil général_.

[272] _Var._ Le commencement de cet alinéa est remplacé, dans le
_Recueil général_, par: Il y en a beaucoup qui s'en font à croire,
tesmoins ce qu'a fait un certain gantier qui, depuis quelque temps en
çà...

[273] Depuis long-temps on se plaignoit des échevins et on les
chansonnoit. Tabourot, dans ses _Bigarrures_, au chapitre des Allusions,
plaisantant sur leur nom, dit: «qu'_échevin_ est ainsi nommé quasi
léchevin, pour ce qu'il doit tâter le vin pour commencement de bonne
police, afin qu'on n'en vende de mauvais.»

[274] Il faut lire ici, je crois, Moysset, et non Massey: c'est le
partisan dont nous avons parlé plus haut dans une note. Luynes et ses
frères l'avoient lancé, comme Chalange, dans les grandes affaires. Dans
un pamphlet du temps, _le Contadin provençal_, il est question de «la
grande familiarité que ces trois frères ont avec ce preud'homme Moysset,
ne provenant que des etroictes intelligences qu'ils ont ensemble pour
voler les deniers du royaume.» _Recueil des pièces les plus curieuses
qui ont été faictes pendant le règne du connestable M. de Luynes_,
Paris, 1632, in-8, p. 98.

[275] _Var._ _Rec. gén._: garde l'accouchée voulut, auparavant prendre
congé, dire quelque chose en...

[276] _Var._ _Rec. gén._: desire, s'il vous plaist, vous en dire un en
passant: c'est qu'un...

[277] _Var._ _Rec. gén._: j'ai patience qu'il ait la fortune meilleure.

[278] _Var._ Ce qui termine l'alinéa est remplacé, au _Recueil général_,
par: le laisser estudier encore quatre ou cinq années, pour estre plus
parfait en toute sorte de sciences.

[279] _Var._ Le passage entre crochets manque au _Rec. gén._

[280] On écrivoit ainsi, d'après l'étymol. ital., _fare all' erta_. V.
Montaigne, I, 19.

[281] _Var._ Le passage entre crochets manque au _Rec. gén._

[282] _Var._ Le passage entre crochets est remplacé, au _Recueil
général_, par: les unes aux autres auparavant que partir et de prendre
congé de madame la relevée. Ce qui occasionna la compagnie de faire la
collation.

[283] _Var._ _Rec. gén._: verre.

[284] _Var._ Le mot _nompareil_ est remplacé, au _Recueil général_, par:
ne voulant plus traicter des discours ny d'Accouchée ni de Relevée.

[285] _Var._ Le _Recueil général_ ajoute: se promettant les unes aux
autres, d'un vif courage, de se voir à leurs autres accouchemens.

[286] _Antrax._

[287] V. sur cette promenade, dépendante des anciens jardins de la reine
Marguerite dans la rue de Seine, une longue note de nos _Variétés
historiques et littéraires_, t. I, 18e pièce, p. 219.

[288] Tabarin surtout devint très riche. Il se retira dans une terre
près de Paris, et, jalousé par les nobles ses voisins, qui s'indignoient
de voir ce farceur se poser comme leur égal, il fut tué par eux dans une
dispute pour affaire de chasse. Dupuys Demporte, _Hist. gén. du
Pont-Neuf_, 1750, in-8, p. 36, et D. Martin, _Le parlement nouv._,
franc.-allem. Strasb., 1637.

[289] Lunettes d'approche, que les Hollandois fabriquoient seuls alors,
et qu'on appeloit aussi lunettes de Hollande. Sur cette invention, assez
nouvelle alors, surtout pour les Parisiens, puisque la première lunette
de cette espèce fut vendue en 1609 sur le Pont-Marchand. V. _Journal_ de
l'Estoille, 30 avril 1609, et _l'Hermite du Mont-Valérien_, p. 1
(_Recueil des pièces les plus curieuses sur le connétable de Luynes_).

[290] Expression qui répond à celle-ci: _faire des embarras_, _Enhazé_
vient, selon Oudin, du verbe espagnol _hacer_, faire.

[291] A l'hospice des _Enfants-Rouges_, fondé au Marais par François
Ier, aussi bien qu'à l'_Hôpital du Saint-Esprit_, près la Grève, on
recevoit et l'on élevoit les enfants de pauvres. Ceux de l'hospice du
Saint-Esprit s'appeloient les _enfants bleus_. A l'hospice de _la
Trinité_, ou les enfants portoient aussi un habit de cette même couleur
(Du Breul, _Antiq. de Paris_, liv. 3), on leur faisoit apprendre
gratuitement un métier. (V. la _Biblioth_. de Bouchel, au mot
_Hospitaux_, art. _Hospital de la Trinité_.)

[292] Ceci n'est pas tout à fait vrai. On en peut voir la preuve dans
une pièce de nos _Variétés historiques et littéraires_, t. 1, p.
207-209.

[293] Elles y retournèrent cependant, ou, pour mieux dire, elles ne les
avoient jamais quittés, surtout le faubourg Montmartre, «alors leur
retraite ordinaire», comme il est dit dans le _Caquet des femmes du
faubourg Montmartre, etc._, Paris, 1622, in-8, p. 3.

[294] Les cercles luthériens d'Allemagne, toujours alliés
clandestinement avec les huguenots de France.

[295] C'est le nom qu'on donnoit alors à la rue Phelippeaux. Son premier
nom, qui remonte au XIVe siècle, étoit _Frépault_; au XVe siècle,
on dit _Frapault_; nous trouvons _Fripaux_, comme ici, en 1560, puis
_Frepoux_, en 1636. C'est seulement à la fin du XVIIe siècle que le
nom de Phelipeaux, étant devenu célèbre, prit peu à peu la place de ces
appellations si changeantes; la rue l'a gardé. Elle est encore, comme la
rue Frépillon, sa voisine, toute peuplée de revendeurs et de marchands
de vieux chiffons.

[296] V. sur cet abus des laquais porteurs d'épée, et sur la défense qui
y mit fin en 1654, nos _Variétés historiques et littéraires_, tome 1, p.
283, note 1, et 284, note 3.

[297] V. plus haut pour ce vêtement des bandits d'alors.

[298] Personne ne comprit mieux que M. d'Angoulême l'emploi que les
laquais mis à la retraite devoient faire de leurs loisirs. Même pendant
qu'ils étoient à son service, s'ils lui demandoient leurs gages, il ne
les payoit que de ce beau conseil: «C'est à vous à vous pourvoir. Quatre
rues aboutissent à l'hôtel d'Angoulême, vous êtes en beau lieu,
profitez-en.» Tallemant, _édit. in_-12, t. 1, p. 221.

[299] C'est sans doute à cause de la capitainerie du Louvre, dont il
étoit en effet investi, qu'Enguerrand de Marigny est traité ici de
capitaine.

[300] Cette statue d'Enguerrand de Marigny ne fut placée sur le portail
du Palais qu'après le jugement qui le réhabilita. On lisoit au dessous:

    Chacun soit content de ses biens;
    Qui n'a suffisance n'a rien.


[301] V. plus haut sur cet édit des procureurs que Chalange fit rendre
et dont il eut les profits; V. aussi nos _Variétés histor. et litt._, t.
1, p. 215.

[302] Le jacobus, monnoie d'or à l'effigie de Jacques Ier, d'une
valeur de 14 fr. 70 cent., d'après l'évaluation moderne, avoit alors
cours en Angleterre.

[303] Allusion à la pension de 1,200 livres que Mathurine, comme nous
l'avons dit plus haut, recevoit de la cour.

[304] C'est-à-dire une soupe bien odorante. L'hysope étoit une plante
parfumée.

[305] Il est naturel que Mathurine invoque maître Guillaume, qui étoit
alors à la cour son collègue en folie. Auprès de l'article qui la
concerne dans le _Sommaire traité des revenus_, etc., de N. Remond,
Paris, 1622, _ad fin._, se trouve celui-ci pour les appointements de
maître Guillaume, le fou en titre d'office: «A Me Guillaume, par les
mains de Jean Lobeys, son gouverneur, dix-huit cents livres.» Pour ce
fou, sous le nom duquel Regnier fit d'abord courir sa 14e satyre (V.
notre livre _l'Esprit des autres_, p. 65), et dont nous aurons souvent à
parler dans nos _Variétés hist. et litt._ à propos des pasquins sans
nombre qui coururent sous son nom, nous nous contenterons de renvoyer à
l'article du _Perroniana_ (3e édit., 1691, in-12, p. 154-157) qui le
concerne, et au chapitre que lui consacre M. de Reiffenberg dans son
_Histoire des fous en titre d'office_ (_le Lundi, nouveaux récits de
Marsilius Brunck_, Paris, 1837, in-12, p. 290-293).--Les vers cités et
les deux de la page suivante se lisent peut-être dans un de ces
pasquins; mais ils se trouvaient auparavant, à quelques variantes près,
dans le _Sermon des foulx_, V. _Ancien théâtre françois_, P. Jannet,
1854, in-16, t. 2, p. 209.

[306] Pour Bertholde, type des farces italiennes, qui commençoit à se
populariser en France, mais qui ne prit pied sur nos théâtres qu'au
XVIIIe siècle, lorsque Ciampi eut fait son _Bertholde à la cour_, et
Lattaignant _Bertholde à la ville_.

[307] C'est-à-dire de se voir moquer comme la statue de Pierre de
Cugnières, surnommé du Coignet, laquelle on avoit placée en un petit
coin (_coignet_) du chœur de l'église Notre-Dame, «en office de
esteindre avec son nez... les chandelles, torches, cierges, bougies et
flambeaux allumez.» (Rabelais, _Nouv. prol._ du 4e livre.) Il est
ainsi parlé dans les _Contes d'Eutrapel_ (1, De la justice, _ad finem_)
de la cause qui valut à Pierre de Cugnières cette vengeance des gens
d'église: «Tesmoing, dit Noël du Fail, la statue ignominieuse de maistre
Pierre de Cugnières, estant en l'église Nostre-Dame de Paris,
vulgairement appelé maistre Pierre du Coignet, à laquelle, par
gaudisserie, on porte des chandelles. Le paillard, estant lors advocat
general, soustint que le roy Philippe de Valois, son maistre, se devoit
ressaisir du temporel ecclesiastic, pour estre le fondement d'iceluy mal
exécuté, et seule cause de la dissolution des gens d'église et
empeschement du vray service de Dieu.»

[308] Fou qui couroit alors les rues.

[309] Marforio, le camarade du Pasquin de Rome.

[310] Cette phrase, où se trouve en germe l'une des plus jolies fables
de La Fontaine (liv. 9, fab. 16), ne fait presque que reproduire
celle-ci du 7e chap. des _Contes d'Eutrapel_: «ressemblans au singe
qui tire les chastaignes de sous la braise avec la patte du levrier
endormy au fouyer.»

[311] Sur ce cabaretier fameux alors, qui avoit fait peindre au dessus
de sa taverne, près Saint-Eustache, l'arbre dont il portoit le nom, V.
notre _Histoire des hôtelleries et cabarets_, t. 2, p. 323-324.

[312] Pour _échaffaut_, comme on appeloit alors le théâtre des
saltimbanques et des empiriques.

[313] Ceci est assez platement abrégé d'un passage du _Moyen de
parvenir_, 1738, I, 104-5.

[314] On sait de quelles maladies il étoit le patron, et quel mal,
réclamant les potions _postérieures_ dont parle Regnard dans _le
Légataire_, s'appeloit le mal Saint-Fiacre. (V. Fleury de Bellingen,
_Etymol. des prov. franc._, p. 317.)

[315] Expression consacrée par Rabelais et par Henry Estienne pour
désigner un mendiant, un quemandeur. «Quant à tant de povres moines, dit
celui-ci, qui n'ont ni rente ni revenu, qui n'ont pas un poulce de
terre, qui mesme sont appelez _porteurs de rogatons_, pour ce qu'ils ne
vivent que des aumônes des gens de bien...» _Apologie pour Hérodote_, La
Haye, 1735, in-12, t. 1er, p. 536.

[316] Il étoit permis aux religieux du Petit-Saint-Antoine de laisser
vaguer leurs pourceaux par les rues.

[317] La pièce d'argent, à cause de la _croix_ qui se trouvoit sur
celles de saint Louis. On connoît l'expression être _sans croix ni
pile_, pour dire être sans argent.

[318] Prêtresse du dieu assyrien Adad. (V., à ce mot, le _Dict. mythol._
de Jacobi.)

[319] V., sur de pareilles pratiques, une note de nos _Variétés hist. et
litt._, t. 1er, pièce 26, p. 340-341.

[320] Réminiscence d'un passage de Larivey. V. _la Vefve_, (comédie
imitée de _la Vedova_ de Nic. Bonaparte, dans l'_Ancien théâtre
françois_, t. 5, p. 195).

[321] Faire le loup-garou, être changé en bête.

[322] Lieu de pèlerinage à deux lieues de Châlons-sur-Marne, ainsi nommé
à cause d'une image de la Vierge trouvée en 1400 dans un buisson
d'épines. La façade de l'église qu'on lui éleva fut achevée en 1429. V.
Povillon-Pierrard, _Descript. histor. de l'église de Notre-Dame de
l'Epine_, Châlons, 1825, in-8.--C'étoit une des premières stations des
troupes étrangères entrant en France. L'armée que le comte d'Aremberg
amena des Pays-Bas au secours du roi en 1567 y passa. (_Mémoires non
encore veus du sieur Fery de Guyon, escuyer._ Tournay, 1664, in-8, ch.
83, pag. 144.)

[323] Cette pièce est, je crois, la plus rare de toutes celles qui se
rapportent aux _Caquets de l'Accouchée_. Nous l'avons trouvée à la
Bibliothèque impériale.

[324] Ce n'est pas le lieu de donner ici une longue notice de ce fameux
farceur, qui, pendant plus de quarante ans, amusa Paris, soit sur la
place de l'Estrapade, où il eut long-temps ses tréteaux, soit surtout à
la place Dauphine, où cette pièce-ci le met en scène, soit à l'hôtel de
Bourgogne, qui le vit finir. Nous renverrons à l'article que Boucher
d'Argis lui a consacré dans son _Histoire abrégée des plus célèbres
comédiens de l'antiquité et des comédiens françois les plus distingués_
(_Variétés historiques, physiques et littéraires_, etc., 1752, in-8, t.
1er, 2e partie, p. 506), et à Tallemant, édit. in-12, t. 10,
_Historiette de Mondory_.

[325] Ce fou, dont il est déjà parlé dans la pièce précédente, couroit
les rues comme maître Guillaume et Mathurine. Dans un livret publié en
1614 avec ce titre: _La remonstrance de Pierre Du Puits sur le resveil
de Maistre Guillaume_, et dans lequel il se donne comme ayant «l'esprit
relevé jusques en l'antichambre du troisième degré de la Lune, etc.», on
lui fait dire au commencement:

    Avec ma jacquette grise
    Plusieurs lourdauts je meprise.

Puis tout à la fin:

    AUX CURIEUX:

    Pierre du Puits n'est pas seul en folie,
    Ny tous les fols ne sont Pierre du Puits,
    Car tel est fol qui n'a pas l'industrie,
    Ainsi qu'il a, de donner des advis.


[326] Autre farceur du Pont-Neuf, donné très gratuitement ici comme
auteur des _Caquets de l'Accouchée_. Les seules _œuvres_ que l'on
connoisse de lui, et dont il parut un très grand nombre d'éditions chez
la veuve Oudot, sont: _Extrait des rencontres, fantaisies et
coq-à-l'asne facétieux du baron de Gratelard, tenant sa classe ordinaire
au bas du Pont-Neuf_. Dans ces derniers temps on réimprimoit encore à
Montbéliard: _Entretiens facétieux du sieur baron de Gratelard, disciple
de Verboquet, propres à chasser la mélancolie et à désopiler la rate_,
in-18 de 12 pages. (Nisard, _Hist. des livres popul._, t. 1er, p.
388.)

[327] On disoit _crocheteur_, mais c'est _clocheteur_ qu'il falloit
dire, car il s'agit de la petite figure qui frappoit les heures sur la
cloche de la Samaritaine. Les Libellistes du temps prirent plus d'une
fois le petit _crocheteur_ pour héros, et lui firent débiter leurs
satires. L'un des pamphlets mis sur son compte fut cause qu'on l'enleva
de la Samaritaine pendant quelque temps. (V. le _Mercure françois_ de
1611.)

[328] Autre petite figure de bronze qui, à la manière du _clocheteur_ du
Pont-Neuf et du _Jaquemart_ de Notre-Dame de Dijon, sonnoit l'heure au
clocher de l'église Saint-Paul, située dans la rue du même nom et
démolie au commencement de ce siècle. Une mazarinade a pour titre: _Le
qui fut de Jacquemard sur les sujets de la guerre mazarine_, Paris,
1652. V., pour l'étymologie du mot _Jaquemart_, P. Berigal (G. Peignot),
_Hist. de l'illustre Jaquemart de Dijon_, 1832.

[329] Encore un farceur, mais moins connu que les autres. Il est nommé,
dans l'_Espadon satyrique_, Cologne, 1680, pag. 25, et dans l'épitaphe
du fameux _Jodelet_, Julien Joffrin:

    Ici git qui de Jodelet
    Joua cinquante ans le rolet,
    Et qui fut de mesme farine
    Que Gros Guillaume et Jehan Farine,
    Hormis qu'il parloit mieux du nez
    Que les dits deux enfarinez.

Un petit livre, réimprimé à Troyes, en 1682, sous ce titre: _Les débats
et fameuses rencontres de Gringalet et de Guillot Gorju, son maistre_,
est dédié au _père de sobriété, le grotesque_ Jean Farine,
superintendant de la maison comique hostel de Bourgogne, à Paris.--Un
passage des _Jeux de l'Inconnu_, Rouen, 1635, in-8, p. 158, montre que
ce bouffon, comme son nom l'indique, jouoit surtout, ainsi que La Fleur
(Gros-Guillaume), les rôles enfarinés.

[330] Par la même raison que nous n'avons rien dit de Gautier-Garguille,
nous ne dirons rien du non moins fameux Robert Guérin, dit _La Fleur_ et
_Gros-Guillaume_. Nous renverrons aussi pour lui au travail curieux de
Boucher d'Argis, _loc. cit._

[331] Bouffon moins connu sous ce nom que sous celui de Jean des Vignes,
qui lui est donné dans la 18e serée de Guillaume Bouchet, où il est
mis en compagnie de Tabarin et Franc-à-Tripe; et dans le _Moyen de
cognoistre les filous d'une lieue loing sans lunette_, édit. des
_Joyeusetés_. Jehan des Vignes ou de la Vigne faisoit les rôles de
niais. «Moi, pauvre sot, dit d'Assoucy, plus sot que Jean des Vignes.»
_Les Avantures d'Italie_, etc., Paris, 1677, in-12, p. 336.





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