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Title: Roman d'Eustache le moine pirate fameux du XIIIe siècle - publié pour la première fois d'après un manuscrit de la - bibliothèque royale
Author: Michel, Francisque [Editor]
Language: French
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ROMANS LAIS FABLIAUX CONTES
    MORALITÉS ET MIRACLES
INÉDITS DES XII ET XIIIe SIÈCLES


II


Ce volume, publié aux frais de MM. Monmerqué, membre de l'Institut, de
la Société des Bibliophiles françois, etc., P. de Larenaudière,
Secrétaire de la Société de Géographie, etc., et Francisque Michel, a
été tiré à cent dix exemplaires, dont quinze sur papier de Hollande, et
trois sur papier de couleur.


TYPOGRAPHIE DE FIRMIN DIDOT FRÈRES.

IMPRIMEURS DE L'INSTITUT, RUE JACOB, Nº 24.

[Illustration]



  ROMAN D'EUSTACHE LE MOINE

  PIRATE FAMEUX DU XIIIe SIÈCLE PUBLIÉ

  POUR LA PREMIÈRE FOIS D'APRÈS UN MANUSCRIT

  DE LA BIBLIOTHÈQUE ROYALE

  PAR FRANCISQUE MICHEL

  [Illustration]

  PARIS CHEZ SILVESTRE

  LONDRES PICKERING

  MDCCCXXXIV



NOTICE

SUR LE ROMAN

D'EUSTACHE LE MOINE.


Ce poëme, dont aucun auteur n'a parlé jusqu'ici, à l'exception de M.
Barrois, qui a commis une méprise[1], est un des plus curieux et des
plus extraordinaires que la littérature françoise au XIIIe siècle ait
produits. Il roule sur les faits et gestes d'un voleur, d'un pirate,
fameux dans la première moitié du XIIIe siècle, espèce de Robin Hood
boulonnois que les chroniques se plaisent à flétrir et dont elles
rapportent la mort tragique dans les mêmes termes que le roman françois.

Et si nous nous servons du mot _roman_, l'on ne doit pas croire que nous
pensions que toutes les aventures qui y sont rapportées soient le fruit
de l'imagination d'un trouverre. Hormis quelques merveilles produites
par la magie dont Eustache passoit pour posséder les secrets les plus
rares, ces aventures, toutes singulières et plaisantes qu'elles sont, ne
présentent rien que de très vraisemblable, et dans les chroniques
contemporaines les plus dignes de foi, nous en rencontrons à chaque page
de plus incroyables. En outre, dans les ouvrages des historiens de la
même époque, nous retrouvons les noms d'Eustache, de ceux qui figurent
dans le roman que nous publions et quelques-uns des détails que le
trouverre a mis en rimes. Ainsi Lambert d'Ardres nous apprend, dans son
histoire des comtes de Guines, qu'à une certaine époque, Eustache le
Moine étoit sénéchal de Renaud comte de Boulogne[2]: c'est probablement
en raison de cette qualité qu'il est nommé comme témoin dans un diplôme
du 4 mai de l'an 1212[3]. Or cette dignité jointe au témoignage de notre
roman (p. 12, v. 305), prouveroit qu'Eustache étoit Boulonnois et non
Flamand, ainsi que le dit Lefebvre dans son _Histoire générale et
particuliere de Calais et du Calaisis_[4]: opinion qui se retrouve dans
une variante de la chronique de M. Paris[5]. Cette variante nous dit
encore qu'Eustache, qui d'abord s'étoit fait moine, avoit ensuite jeté
le froc aux orties pour jouir de l'héritage de ses frères qui étoient
décédés sans héritiers; mais cela est faux, car les frères d'Eustache
sont nommés après la mort de celui-ci dans l'acte de la paix qui
intervint entre le roi d'Angleterre Henry III, et Louis fils aîné du roi
Philippe-Auguste, en 1217[6].

Quoi qu'il en soit, les chroniques se taisent ensuite sur le compte
d'Eustache jusqu'à ce qu'elles aient à parler du combat dans lequel il
perdit la vie. Mais nous trouvons d'autres renseignements sur lui dans
des pièces dont l'autorité a encore plus de poids, et ces renseignements
nous instruisent de faits qu'on chercheroit vainement dans les
chroniques: nous voulons parler des _lettres closes_ des rois
d'Angleterre que vient de publier notre savant et excellent ami M.
Thomas Duffus Hardy, attaché aux archives de la Tour de Londres. Dans
cet ouvrage, auquel on ne sauroit accorder trop d'éloges, nous trouvons
les pièces suivantes relatives à Eustache:

     I. «Le Roi (Jean), à Enguerrand de Sandwich, etc. Nous vous mandons
     que les deniers qu'Eustache le Moyne et les hommes de justice ont
     arrêtés et que vous avez en votre garde, vous les délivriez, pour
     les garder, à notre cher W., archidiacre de Taunton, parce que nous
     lui avons mandé qu'il les reçoive de vous. Témoin, moi-même, à
     Gillingeham, le 13 novembre (1205). Par Philippe de Lucy.

     II. «Il est ordonné à W., archidiacre de Taunton, que vous
     (archidiacre) preniez d'Enguerrand de Sandwich, pour les garder
     dans la main du Roi, les deniers qu'Eustache le Moyne et les hommes
     de justice ont arrêtés et que le même Enguerrand a en sa garde,
     parce qu'il a été mandé à ce dernier qu'il vous les délivre.

     III. «Le Roi, au vicomte de Norfolk, etc. Sachez que nous avons
     donné répit à Eustache le Moine pour le payement des vingt marcs
     qu'il nous doit, jusqu'à la Saint-André, c'est pourquoi nous vous
     mandons que vous mettiez en répit, jusqu'à la fête susdite, la
     demande que vous lui en faites, et que vous le laissiez jouir en
     paix, tant qu'il sera présent à notre service et tant qu'il nous
     plaira, de deux _marquées_ de terre dont lui Eustache a été saisi
     dans l'étendue de votre juridiction. Témoin, G., fils de Pierre, à
     Westminster le 13 octobre (1212). Par le même, en présence des
     barons de l'Échiquier.

     IV. «Le Roi, au connétable du château de Porchester, salut. Nous
     vous mandons que vous gardiez, sur votre responsabilité, dans le
     château susdit, de la manière qu'il vous plaira et sans nuire à sa
     sûreté, les chevaliers et frère Eustache le Moine que les hommes de
     Philippe d'Aubigny ont conduit jusqu'à Porchester, et que vous leur
     trouviez à manger à leurs frais autant qu'ils auront de quoi.
     S'ils le désirent, vous aurez à leur trouver un messager pour aller
     vers leurs amis, afin que ceux-ci procurent aux prisonniers ce qui
     leur est nécessaire. Quant aux treize serviteurs qui, outre les
     susdits, ont été amenés, vous les délivrerez au vicomte de
     Southampton qui les fera conduire jusqu'à Winton, comme nous le lui
     avons mandé. Témoin, moi-même, à Saint-Edmond, le 13 novembre
     (1214).

     V. «Il est mandé au vicomte de Norfolk qu'il fasse avoir à William
     de Cuntes la terre que possédoit Eustache le Moine dans Swafham,
     qui est de l'_honneur_ de Bretagne, car le Roi la lui a accordée.
     Témoin, moi-même, le 23 février (1216)[7].»

Comme nous l'avons déjà dit, les chroniques ne parlent plus d'Eustache
qu'à propos du combat où il périt, cependant l'une d'elles rapporte que,
quelque temps auparavant. Philippe-Auguste disoit à Walo, légat du pape,
qui lui demandoit un sauf-conduit jusqu'à la mer, pour aller en
Angleterre: «Nous vous en donnerons un volontiers pour tout notre propre
royaume; mais si par hasard vous tombez entre les mains d'Eustache le
Moine, ou des autres hommes de Louis qui gardent les bords de la mer, et
que quelque malheur vous arrive, ne nous l'imputez pas[8].»

En 1215, Philippe-Auguste envoya aux barons anglois révoltés contre le
roi Jean des machines de guerre par Eustache le Moine[9].

C'est encore par Eustache que fut rassemblée à Calais la flotte qui
porta en Angleterre les vengeurs d'Arthur de Bretagne[10].

Nous ne ferons pas ici le récit de la guerre que la mort de ce jeune et
malheureux prince suscita contre le roi Jean; l'histoire en est trop
connue, nous nous bornerons à rapporter le passage de Mathieu Paris, ou
plutôt de Roger de Wendower, dont il a presque partout copié mot pour
mot l'ouvrage, et ceux des autres chroniqueurs qui concernent le combat
naval où Eustache perdit la vie:

«Le jour de l'apôtre saint Barthélemy (le 24 août 1217), dit le moine de
Saint-Alban, la flotte Françoise fut confiée à Eustache le Moine, homme
couvert de crimes, afin qu'il la conduisît sans male encontre à la ville
de Londres, et la remît en bon état au prince Louis. Les soldats susdits
s'étant en conséquence mis en mer eurent un vent arrière qui les
poussoit violemment vers l'Angleterre; mais ils n'avoient aucune
connoissance des embûches qu'on leur avoit dressées. Ils avoient donc
parcouru une grande partie de leur route lorsqu'ils rencontrèrent les
corsaires du roi d'Angleterre qui venoient obliquement. Ceux-ci voyant
que leurs adversaires avoient quatre grands navires et un nombre plus
considérable de petits et de barques armées, redoutèrent d'engager un
combat naval avec le peu qu'ils en avoient; car, tant barques que
vaisseaux d'autre espèce, la totalité des leurs, bien comptée,
n'excédoit pas quarante; mais enfin, animés par le souvenir de ce qui
étoit arrivé à Lincoln, où un petit nombre avoit triomphé d'un plus
grand[11], ils s'élancèrent hardiment sur les derrières de l'ennemi. Les
François à leur aspect coururent aux armes et résistèrent à leurs
adversaires sinon avec avantage tout au moins avec valeur. Philippe
d'Aubigny et les frondeurs avec les archers, lançant au travers des
François des traits mortels, firent en très peu de temps un grand
carnage de ceux qui leur résistoient. Les Anglois avoient en outre des
barques armées d'un éperon de fer avec lequel ils perforoient les
navires de leurs adversaires; de cette manière ils en coulèrent bas un
grand nombre en un moment. Ils avoient aussi de la chaux vive réduite
en poudre subtile qu'ils lançoient en l'air et que le vent portoit dans
les yeux des François qu'elle aveugloit. La mêlée devint très chaude;
mais ceux des François qui n'avoient point l'habitude de se battre en
mer furent bientôt mis hors de combat, car les Anglois, guerriers et
exercés dans les combats de mer comme ils le sont, les perçoient de
traits et de flêches, les perforoient à coups de lance, les égorgeoient
avec leurs poignards et leurs épées, ou crevoient les nefs ennemies, et
submergeoient ceux qu'elles portoient. Ces malheureux étoient en outre
aveuglés par la chaux et n'avoient ni l'espoir d'être secourus ni la
possibilité de fuir. C'est ce qui fit que plusieurs, craignant d'être
pris vivans par leurs ennemis se précipitèrent de leur propre mouvement
dans les flots de la mer, aimant mieux mourir que d'être en proie au
caprice et à la volonté de leurs adversaires, selon cette maxime de
Sénèque: mourir par la volonté d'un ennemi, c'est mourir deux fois. Tous
ceux qui étoient restés vivans parmi les François les plus nobles ayant
été pris, les Anglois victorieux attachèrent tous les vaisseaux conquis
avec des câbles et revinrent à Douvres pleins de joie et louant Dieu
dans ses oeuvres. Les soldats du château voyant un effet imprévu de la
Providence sortirent à la rencontre des Anglois et serrèrent de liens
plus étroits les malheureux François. Parmi les autres l'on trouva à
fond de cale et dans la sentine d'un navire Eustache le Moine, traître
au roi d'Angleterre et pirate très-méchant, qui avoit été long-temps
cherché et que l'on désiroit beaucoup trouver. Quand celui-ci se sentit
pris, il offrit pour avoir saufs sa vie et ses membres une somme
d'argent inestimable, et promit une fidélité inviolable au roi
d'Angleterre; mais Richard, bâtard du roi Jean, le saisit et lui dit:
«Jamais, traître pervers, tu ne séduiras dorénavant qui que ce soit par
tes promesses mensongères.» Après ces mots, il tira son glaive et coupa
la tête à Eustache[12].»

Un manuscrit de la Bibliothèque Cottonienne qui a été brûlé contenoit le
même récit, mais avec plus de détails. Le voici:

«Hubert de Burgh ayant reçu quelques chevaliers choisis d'avance comme
Henry de Turbeville et Richard Suard avec quelques autres, mais en
petit nombre, monta sur le meilleur navire, suivi de quelques habiles
marins des Cinq-Ports. Il avoit sous ses ordres environ seize navires
bien armés, sans compter les barques qui les accompagnoient et dont le
nombre montoit à vingt. Ils s'avancèrent hardiment en gouvernant
obliquement comme s'ils vouloient aborder à Calais. Eustache le Moine,
chef des François, voyant ceci se prit à dire: «Je sais que ces
malheureux veulent s'emparer de Calais ainsi que des filoux; mais c'est
en vain; car cette ville a été bien fortifiée.» Et voici que tout-à-coup
les Anglois reconnoissant que le vent étoit tombé, tournèrent l'avant du
navire, c'est-à-dire le _lof_, et comme le vent, de contraire, leur
étoit devenu propice, ils se jetèrent sur l'ennemi avec ardeur. Ayant
atteint les poupes de leurs adversaires, ils les tirèrent à eux avec des
grapins qu'ils y lancèrent, et ils y entrèrent dans le plus grand nombre
qu'ils purent. Là, armés de haches acérées, ils coupèrent les câbles et
les antennes qui tenoient le mât, et la voile tomba étendue sur les
François, comme un filet sur des petits oiseaux. Alors il épargnèrent
les plus nobles pour les garder en prison, et ils taillèrent les autres
en pièces: parmi ces derniers, ils trouvèrent Eustache, qui avoit
déguisé sa figure et s'étoit aussi caché dans une sentine. Ils l'en
tirèrent et lui coupèrent la tête[13]. Lorsque Hubert, vainqueur par
miracle, revint joyeux au rivage, il vit venir au-devant de lui tous les
évêques accompagnés de l'armée et du peuple, et vêtus de leurs habits
sacerdotaux, qui portoient des croix et des étendards, chantoient des
hymnes solennels et louoient Dieu[14].»

La chronique du chanoine anonyme de Laon, Nicolas Trivet, et, d'après
lui, Thomas de Walsingham rapportant brièvement ces faits, ajoutent: «La
tête d'Eustache fut portée sur une pique (ou un pieu) par toute
l'Angleterre[15].»

Les Annales du monastère de Waverley portent que quinze navires
seulement de la flotte françoise parvinrent à s'échapper par la fuite.
«Les auteurs de ce fait d'armes, ajoutent-elles, furent Richard fils du
roi Jean et Hubert de Burgh, ainsi que les marins des Cinq-Ports qui
n'avoient que dix-huit navires[16].»

Dans les _Gestes de Philippe-Auguste_, par Guillaume le Breton,
chapelain de ce prince, l'on trouve des détails qui diffèrent de ceux
donnés par les autres historiens. On y lit ce qui suit: «Robert de
Courtenai, cousin du roi, et plusieurs autres grands personnages
rassemblèrent une armée, et s'embarquèrent pour secourir Louis. Pendant
qu'ils étoient en pleine mer, ils aperçurent quelques navires en petit
nombre qui venoient d'Angleterre et marchoient rapidement. Les ayant
reconnus. Robert de Courtenai fit diriger sur eux le navire dans lequel
il étoit, croyant qu'il pourroit s'en emparer facilement; mais il ne fut
point suivi des vaisseaux de ses compagnons. Donc ce navire ayant
attaqué seul quatre vaisseaux anglois, fut, dans un court espace de
temps, vaincu et pris. Eustache surnommé le Moine, chevalier qui avoit
fait ses preuves tant sur mer que sur terre, Drocon le clerc, qui
revenoit à Rome, et une multitude d'autres qui furent pris dans le même
navire, eurent la tête coupée[17].»

Dans la chronique inédite du chanoine de Lanercost, dont le seul
manuscrit qui me soit connu existe dans la bibliothèque Cottonienne, on
lit après le récit de la bataille que Eustache _archipirate_ des
François, qui y fut tué avec une multitude innombrable d'autres, étoit
un chevalier surnommé Mathieu[18].

Mais la relation la plus curieuse de la dernière expédition d'Eustache
et de sa mort est sans contredit celle qui se trouve dans un manuscrit
de la bibliothèque Harléienne. La voici en entier:

     _«Arrivé d'Eustache le Moine avec plusieurs barons de France
     armés._

     «Cette même année, le jour de l'apôtre saint Barthélemy, vint sur
     l'Angleterre, avec une grande flotte, vers la côte de Sandwich, un
     moine nommé Eustache, accompagné de plusieurs grands seigneurs
     françois qui espéroient fermement conquérir ce royaume, et pour
     cela ils se fioient plus en la malice de ce moine apostat qu'en
     leur propre force; car il étoit très-versé dans la magie. Et ils
     avoient une telle confiance dans ses promesses, d'après les
     prodiges qu'il leur avoit montrés dans leur pays, qu'ils amenèrent
     avec eux des femmes et des enfants, dont plusieurs au berceau, pour
     habiter l'Angleterre sur-le-champ. Et quand plusieurs de ces
     navires entrèrent dans le hâvre de Sandwich, on put les voir
     clairement tous excepté celui sur lequel étoit Eustache; car il
     avoit fait une telle conjuration qu'il ne pouvoit être vu de
     personne. Il n'apparut donc rien à l'endroit où ce vaisseau
     flottoit sinon de l'eau semblable au reste de la mer. Les gens de
     la ville furent excessivement effrayés de l'arrivée aussi imprévue
     de cette armée. Hors d'état de résister aux ennemis, ils mirent
     leur espoir en Dieu, et pleurant amèrement, ils le prièrent avec
     dévotion que pour l'amour de son apôtre saint Barthélemy, dont en
     ce jour la fête étoit célébrée solennellement dans sainte Église,
     il eût pitié d'eux et sauvât la terre des mains de l'ennemi qui
     survenoit. A ce propos ils firent voeu qu'ils élèveroient en
     l'honneur de saint Barthélemy une chapelle dans laquelle ils
     fonderoient à perpétuité une _chaunterye_, s'ils pouvoient
     remporter la victoire sur leurs ennemis. Il y avoit alors dans la
     ville un homme nommé Étienne Crabbe, qui autrefois avoit été
     très-intime avec le moine Eustache susnommé; et celui-ci l'aimoit
     tant qu'il lui avoit enseigné plusieurs pratiques de la magie qu'il
     connoissoit trop bien. Crabbe étant dans la ville parmi plusieurs
     autres personnes en armes, et entendant les cris lamentables du
     peuple, dit aux principaux de la commune: «Si maintenant Dieu n'a
     pitié de nous, le port de Sandwich si renommé jusqu'à ce jour, sera
     envahi et la terre perdue; mais pour qu'on ne puisse pas dans
     l'avenir reprocher à notre postérité qu'un tel déshonneur soit
     arrivé au royaume par l'entrée de cette ville, je donnerai
     volontiers ma vie pour sauver l'honneur du pays; car Eustache, ce
     capitaine ennemi qui vient de survenir, ne pourra être vu de
     personne sinon de celui qui connoît la magie, et j'ai appris de lui
     cet enchantement. Je donnerai donc aujourd'hui ma vie pour le salut
     de cette terre; car, aussitôt entré dans son navire, je ne pourrai
     éviter la mort, à cause du nombre de personnes qui sont avec lui.»
     Sur ce, Étienne s'embarqua dans un des trois vaisseaux qui, seuls,
     s'apprêtèrent à défendre la ville contre la grande flotte, et
     lorsqu'il approcha du navire à bord duquel étoit Eustache, il
     sauta hors du sien et entra dans celui du Moine; mais tous ceux
     qui le virent se tenir et combattre sur l'eau, sans savoir avec
     qui, pensoient et disoient qu'il avoit perdu le sens ou que
     l'esprit malin leur apparoissoit sous sa forme. Là il coupa la tête
     à Eustache, et alors tout le monde vit clairement le navire, qui,
     pendant la vie de ce Moine apostat, étoit tout invisible. Et cet
     Étienne fut tout de suite tué, horriblement mutilé et jeté par
     petits morceaux hors du bord. Alors vint de terre une raffale qui,
     en plusieurs endroits, arracha les arbres et renversa les maisons.
     Elle entra dans le hâvre et, à l'instant même, elle fit sombrer les
     vaisseaux ennemis; mais elle ne causa aucun mal ni incommodité à
     ceux de la ville qui défendoient le pays, si ce n'est une grande
     frayeur à ceux qui les montoient. Les Anglois disoient que tous les
     ennemis périrent par le signe d'un homme qui leur apparut en l'air
     revêtu d'habits vermeils; et ceux qui le virent commencèrent à
     s'écrier: «Saint Barthélemy, ayez pitié de nous et secourez-nous
     contre les ennemis qui sont survenus.» Alors ils entendirent une
     voix qui ne prononçoit que ces paroles: «Je m'appelle Barthélemy,
     je suis mandé pour vous aider. Vous n'avez rien à craindre des
     ennemis.» A ces mots il disparut, on ne le vit plus, et l'on
     n'entendit plus la voix. Celui qui se fie sur la malice peut, pour
     savoir définitivement ce qu'elle vaut, prendre exemple sur ce grand
     magicien.»

     _De l'hôpital de Saint-Barthélemy, fondé près de Sandwich._

     «Après que ceux de Sandwich eurent ainsi remporté la victoire sur
     Eustache et les ennemis, ils achetèrent, aux frais de la commune,
     un emplacement non loin de la ville, et ils y firent construire une
     chapelle dédiée à saint Barthélemy. Ils élevèrent des maisons
     contiguës pour les vieillards de l'un et de l'autre sexe de la
     ville auxquels il arriveroit de tomber dans la pauvreté, et ils
     achetèrent des terres et des rentes à cet hôpital pour sustenter
     perpétuellement les pauvres âgés qui y demeuroient, et entretenir
     dévotement la _chaunterye_. En outre, ils arrêtèrent entre eux que,
     chaque année, la commune s'assembleroit dans la ville de Sandwich,
     le jour de la Saint-Barthélemy, et qu'ils feroient une procession
     solennelle à l'hôpital susdit, chacun un cierge à la main[19].»

Tous ces passages et une foule d'autres que nous ne consignons pas ici
vu qu'ils répètent ceux que nous avons cru devoir donner[20], prouvent
que c'est à Eustache le Moine que nous devons rapporter un passage qui
se trouve dans les chroniques de Walter d'Hemingford:

«Dans les premiers temps du règne d'Henry III, dit cet historien, il y
avoit un certain _tyran_ d'Espagne surnommé le Moine. Ayant déjà conquis
beaucoup de butin, et réduit sous son obéissance une foule de lieux, il
aspira enfin à la conquête du royaume d'Angleterre. Il demanda aux siens
quelle terre c'étoit, et quel roi elle avoit, et ceux-ci lui ayant
répondu que cette terre étoit excellente et que son roi étoit un petit
enfant, il répliqua à l'instant: «Il est plus convenable qu'un enfant
soit gouverné que de gouverner. Comment peut gouverner celui qui a
besoin d'être gouverné lui-même? marchons donc et déposons-le.» Aussitôt
ayant rassemblé une grande flotte, une armée nombreuse et une quantité
immense de munitions, il se dirigea vers l'Angleterre; et voilà que,
comme il étoit en mer encore loin du rivage anglois, les mariniers des
ports sachant qu'il devoit arriver, et épouvantés par le mal qu'ils
avoient entendu dire au sujet de cet homme, se tinrent en eux cette
conversation: «Si ce _tyran_ débarque, il dévastera tout, parce que le
pays n'a pas été fortifié d'avance, et que le roi avec son armée est
loin d'ici. Plaçons donc nos destinées entre nos mains, et attaquons les
ennemis pendant qu'ils sont encore en mer: leur courage est petit et le
secours nous viendra d'en haut.» L'un d'eux dont la parole avoit du
crédit sur les autres reprit et dit: «Y a-t-il quelqu'un de vous qui
soit prêt à mourir pour l'Angleterre?--Me voici! s'écria l'un d'eux.
Prends une hache, reprit le premier, et si tu nous vois aborder le
navire du _tyran_, monte aussitôt au mât de son navire, et abats
l'étendard qui flotte à son extrémité: de cette manière, les autres
vaisseaux n'ayant plus de chef qui les précède seront dispersés et
périront.» C'est pourquoi ils s'embarquèrent en toute hâte, et, ayant
déployé leurs voiles au vent, ils s'élancèrent avec une impétuosité
indicible sur leurs ennemis, et le Seigneur les leur livra. Puis après
en avoir submergé et massacré un grand nombre, ils revinrent pleins de
joie et chargés d'un butin considérable[21].»

Nous le répétons, le _tyrannus ex Hispania_ nommé dans ce passage nous
paroît devoir être incontestablement le même qu'Eustache le Moine qui
n'étoit point Espagnol, mais qui, selon notre roman où l'opinion
populaire de l'époque est probablement exprimée, étoit allé en Espagne
pour apprendre la magie.

Il falloit que la terreur inspirée par Eustache fût bien grande; car il
est peu d'hommes qui ait été désigné par des épithètes aussi
flétrissantes que celle que lui donnent les chroniqueurs contemporains.
Sans parler de celles qu'on a déjà pu voir dans les passages cités, nous
ferons remarquer qu'il est appelé _vir flagitiosissimus, proditor regis
Angliæ et pirata nequissimus, prædo_, par Barthélemy Cotton. Roger de
Hoveden dit que Eustache _nunc ad hos, nunc ad illos, ut fortuna
ferebat, divertens a multis retro diebus mare illud et littora tam
cismarina quam transmarina plurimum turbaverat, insulas etiam nonnullas
plerumque occupaverat_; enfin Nicolas Trivet et Thomas de Walsingham le
désignent ainsi: _Eustachius quondam, ut fertur, monachus, qui, ut
decebat apostatam, suam ostendens inconstantiam, sæpe de uno rege
transiit ad alium et tanquam de monacho factus dæmoniacus, dolo et
perfidia plenus fuit_.

Le souvenir de l'expédition d'Eustache et de sa mort s'est conservé
long-temps en Angleterre; en effet, il y est fait allusion par un
anonyme dans une pièce de vers sur la trahison et le supplice de Thomas
de Turbeville, qui paroît avoir été composée dans les cinq dernières
années du 13e siècle[22].

Maintenant laissons Eustache le Moine pour nous occuper de l'ouvrage qui
retrace ses aventures vraies ou supposées. Il ne se trouve que dans le
manuscrit de la Bibliothèque Royale, nº 7595, folio CCCXXIII, vº, col.
1[23]. Il est anonyme, mais la connoissance des localités et des
familles du Boulonnois ainsi qu'une foule d'autres circonstances nous
donnent à penser que si son auteur n'étoit pas né dans cette province,
tout au moins, il y habitoit ou en étoit voisin. Cette dernière
supposition jointe au renseignement incomplet que nous fournit le vers
2257, à l'élégante versification du poëme et au talent narratif qui y
est déployé nous induit à croire que son auteur est le roi Adam ou
Adenès à qui nous devons tant de beaux poëmes. Dans tous les cas, le
_Roman d'Eustache le Moine_ ne seroit pas son moindre titre de gloire.

Quant à sa composition, il résulte évidemment des vers 1297 et 2253
d'une part, et de l'autre, de la date marquée à la fin du _Roman de la
Violette_, contenu dans le Ms. 7595, que l'époque en doit être placée
entre 1223, année de l'avénement de Louis VIII au trône de France, et
1284. Or, cet intervalle est précisément celui pendant lequel florit le
menestrel d'Henri III, duc de Brabant. Adam-le-Roi.



NOTES

DE LA NOTICE.


Note 1: «Witasse-le-Moyne...., peut-être Robert Wace, qui mit en
rimes françoises le Brut d'Angleterre, etc.» (_Bibliothèque
Protypographique_, Paris, Treuttel et Würtz, 1830, in-4º, index
alphabétique, p. 44, col. 1.)

Note 2: Ad præceptum ejusdem comitis Boloniæ Reinaldi, in
expeditione regis Franciæ Philippi contra Joannem Anglorum regem in
Normannia apud Radepontem commorantis. Eustacius Monachus de cohorte
sive de cursu Boloniæ tunc senescallus populum Mercuritici territorii,
tam equites quam pedites, convocavit, etc.--_Recueil des Historiens des
Gaules et de la France_, tome XVIII, p. 587, D. Comparez ce passage avec
le vers 374, page 14 du présent volume.

Note 3: _Literæ de homagio per Reginaldum Boloniæ comitem Joanni
Angliæ regi præstando contra Philippum Francorum regem_. Recueil de
Rymer, 2e édition, tome I, p. 50; et _Recueil des Historiens des Gaules
et de la France_, tome XVII, p. 88. Il y est appelé Eustache _de
Moines_. Dans la dernière édition du Recueil de Rymer, édition, nous
avons honte de le dire, moins correcte que les précédentes, cette charte
se trouve dans le vol. I, part. 1, Londini, 1816, in-fol., p. 105, et
Eustache y est surnommé _de Moine_; mais ce dernier nom a été mal écrit.
L'original, que nous sommes allé voir exprès à la Tour de Londres, où il
est coté ROT. CART. (et non _claus._) 14. JOH. M. 7, porte _Eustach' Le
Moine_. La faute commise par les éditeurs de Rymer a été répétée par M.
Richard Thomson, qui rapporte le combat où Eustache fut tué, et
l'appelle _Lord Eustace de Moyne_. Voyez _an Historical Essay on the
Magna Charta of King John_: etc. London: printed for John Major, etc. M.
DCCCXXIX, in-8º, p. 523.

Note 4: Paris, Debure, M. DCC. LXVI, in-4º, tome I, p. 633, note
(_a_). L'auteur y rapporte la mort d'Eustache, et cite l'_Hist. nav.
d'Anglet._, tome I, p. 59, _ex notis._

Note 5: Erat autem ille (Eustachius) natione Flandrensis[5a], qui
pro hæreditate prosequenda, fratribus suis sine liberis præmortuis[5b],
relicto habitu et ordine suo apostataverat; et existens pirata et
piratarum magister, multis damnosus fuit et cruentus[5c]: sed tandem,
prædo præda factus, fructus collegit viarum suarum.--_Recueil des
Historiens des Gaules et de la France_, tome XVII, p. 741, note (_a_),
col. 2.

Note 5a: Le Ms. du Musée Britannique, Bibliothèque Royale, nº 14.
c. VII, ajoute: _Et aliquandiu habitum religionis portavit, sed pro_,
etc.

Note 5b: Le Ms. Cottonien, Claudius D. VI, porte: _Fratre suo sine
liberis premortuo_.

Note 5c: Le Ms. Cotton., Claudius, D. VI, et celui de la
Bibliothèque Royale (Musée Britannique) ajoutent: _Predis indulsit et
rapinis_.

Note 6: Item de insulis sic fiet: dominus Ludovicus mittet litteras
suas patentes fratribus Eustachii Monachi, præcipiens quod illas reddant
domino Henrico regi Angliæ, et nisi illas reddiderint, distringet illos
dominus Ludovicus, pro legale posse suo, per feoda, et per terras eorum,
quæ de feodo suo movent, ad illas reddendas; et, si hæc facere
noluerint, sint extrâ pacem istam.--_Fædera, conventiones, litteræ et
cujuscunque generis acta publica_, vol. I, part 1. Londini, 1816,
in-fol., p. 148, col. 1; et _Recueil des Historiens des Gaules et de la
France_, tome XVII, p. 111, E.

Note 7: Rex, Angero de Sandwico, etc. Mandamus tibi quod denarios
quos Eustachius le Moyne et homines justicie arestaverunt, quos habes in
custodia, liberes dilecto nostro W. archidiacono Tantoniensi,
custodiendos, quia mandavimus ei quod illos a te recipiat. Teste me
ipso, apud Gillingeham xiij. die novembris. Per Philippum de Lucy (A. D.
1205, anno 7º Joannis).--_Rotuli litterarum clausarum in Turri
Londinensi asservati_, accurante Thomas Duffus Hardy. vol. I, ab anno
MCCIV. ad annum MCCXXIV. printed by command of his Majesty William IV.
Under the direction of _the commissioners on the public records of the
kingdom_. (Londini) MDCCCXXXIII, in-fol., p. 57.

Mandatum est W. archidiacono Tottoniensi quod denarios quos Eustachius
le Moyne et homines justicie arrestaverunt, quos Angerus de Sandwico
habet in custodia, capiatis ab eodem Angero custodiendos, in manu domini
regis, quia mandatum est ipsi Angero quod illos eidem W, l iberet.--(A
la suite de la précédente, au bas de la col. 1.)

Rex, vicecomiti Norfolcie, etc. Scias quod dedimus respectum Eustachio
Monacho de XXti marcas quas nobis debet usque ad festum sancti
Andree, et ideo tibi mandamus quod demandam quam ei inde facis ponas in
respectum usque ad predictum festum; duas autem marcatas[7a] terre unde
idem Eustachius saisitus fuit in balliva tua et quam cepisti in manum
nostram ipsum in pace habere permittas quamdiu fuerit ad presens in
servicio nostro, et quamdiu nobis placuerit. T. G. filio Petri, apud
Westmonasterium .xiij. die octobris, per eundem coram barones de
Scaccario. (A. D. 1212, an. 14º Johann.) _Close Rolls_, t. I, p. 126,
col. 1.

Rex, constabulario castri Porcestrie, salutem. Mandamus tibi quod
milites et fratrem Eustachium Monachum, quos homines Philippi de
Albiniaco duxerunt usque Porecestriam, salvo custodias in castro
predicto, eodem modo videlicet quod inde velis et debeas respondere, et
invenias eis ad commedendum de suo quamdiu habuerunt unde hoc fieri
possit. Et si voluerunt, invenias eis nuncium unum ad eundum ad amicos
suos qui eis necessaria inveniant. Servientes autem .xiij. qui præter
predictos adducti sunt liberes vicecomiti Sudhamptoniensi ducendos usque
Wintoniam, sicut ei mandavimus. Teste, me ipso, apud Sanctum-Edmundum
.iiij. die novembris. (A. D. 1214, an. 16º Johann.) _Close Rolls_, t. I,
p. 177, col. 1.

Mandatum est vicecomiti Norfolcie quod faciat habere Willelmo de Cuntes
terram que fuit Eustachio Monacho in Swafham, que est de honore
Britannie, quam dominus Rex ei concessit. Teste, me ipso, apud
Lincolniam .xxiij. die februarii. (A. D. 1216, an. 17º Johann.) _Close
Rolls_, vol. I, p. 248, col. 2.

On ne trouve aucune mention d'Eustache dans le _Registrum honoris de
Richmond_ (a Rogerio Gale). Londini: impensis R. Gosling, MDCCXXII,
in-fol., ni dans la notice sur Swaffham, qu'on lit dans an _Essay
towards a topographical history of the county of Norfolk_, by Francis
Blomefield and Charles Parkin, etc., volume III, Lynn: printed and sold
by W. Whittingham... 1769, in-fol., p. 496.

Note 7a: _Marquée_, étendue de terre du revenu d'un marc d'or ou
d'argent. Voyez le Glossaire de Du Cange aux mots MARCATA TERRÆ,
MARCHATA TERRÆ, MARCATA; et le Supplément de D. Carpentier, aux mots
MARCATA et MERCHATA.

Note 8: «Per terram nostram propriam conductum libenter præstabo;
sed si forte incideris in manus Eustachii Monachi, vel aliorum hominum
Ludovici, qui custodiunt semitas maris; non mihi imputes, si quid
sinistri tibi contingat.»--_Matthæi Paris Historia major_, ed. Guil.
Wats. Lond., Richard Hodgkinson, 1640, in-fol., tome I, p. 281, ligne
41; et _Recueil des Historiens des Gaules et de la France_, tome XVII,
p. 721, E.

Note 9: His ita se habentibus, rex Francorum per literas de
constantia hortatur et unanimi concordia et virili instantia, promittens
eis suppetias quantùm, salvis treugis quæ inter ipsum et regem Johannem
erant, eis subministrare poterat. Spondet quoque quod neminem de omni
potestate sua permittet venire in auxilium regis contra barones;
machinas etiam suas bellicas per Eustachium Monachum eis transmisit,
etc.--Ex Radulphi Coggeshale abbatis Chronico Anglicano. (_Recueil des
Historiens des Gaules et de la France_, vol. XVIII, p. 108, ligne 9.)

Note 10: Venientes igitur universi (_Ludovicus ac sui_) ad _Caleis_
portum, invenerunt ibi sexcentas naves, et quater viginti coggas bene
paratas; quas Eustachius Monachus contra adventum Ludovici ibidem
congregaverat.--_Recueil des Hist. des Gaules_, etc., tome XVII, p. 722,
B.

Ludovicus, filius Philippi regis Franciæ, transmisit a Calesia, ubi in
ejus adventum dictus Monachus 600 naves et 80 coggas bene paraverat, ad
Thanet in Cantia.--Ex historia Gervasii monachi ecclesiæ Christi
Cantuariæ. (_Johannis Lelandi Collectanea_, tome I, part. 1, p. 265.)

Note 11: Combat où les barons rebelles et les François ligués avec
eux furent vaincus. Il eut lieu dans la semaine de la Pentecôte de l'an
1217. Il y a dans l'_Archæologia_, vol. VIII, p. 195-208, un mémoire
curieux par le Rev. Samuel Pegge, intitulé _a circumstantial Detail of
the Battle of Lincoln, A. D. 1217, Henry III_. Dans le volume XXII, p.
426-428 de la même collection, on trouve la gravure du sceau de Louis et
une charte latine de ce prince, datée du siége d'Hertford, le 21
novembre 1216, par laquelle il donne à William de Huntingfeld, pour son
hommage et service, la ville de Grimesby, etc.

Note 12: Igitur in die apostoli sancti Bartholomæi, classis
Francorum Eustachio Monacho viro flagitiosissimo commissa est: ut eam
sub salvo conductu ad urbem Londoniarum conduceret et integram Ludovico
præsentaret. Ingressi itaque mare milites supradicti, habuerunt a tergo
flatum turgidum, qui eos versùs Angliam vehementer urgebat; sed insidias
paratas sibi penitùs ignorabant. Cum itaque rapido volatu multam maris
viam emensi fuissent, piratæ regis Angliæ ex obliquo venientes,
recensentes in parte adversa naves quater-viginti magnas, et plures de
minoribus et galeis armatis bene timuerunt bellum conserere navale cum
navibus paucis, quæ inter galeias et naves alias numerum quadragenarium
non excesserunt, computatis omnibus: sed tandem de casu, qui apud
Lincolniam acciderat, in quo pauci de multis triumpharunt, animati,
audacter a tergo irruerunt in hostes. Quod cum Francigenæ cognoverunt,
ad arma prosiliunt: et hostibus viriliter, licet non utiliter,
restiterunt. Philippus quoque de Albeneio et balistarii cum sagittariis,
inter Francos tela mortifera dirigentes innumeram ex obstantibus in
brevi stragem fecerunt. Habuerunt præterea galeias ferro rostratas,
quibus naves adversariorum perforantes, multos in momento submerserunt.
Calcem quoque vivam et in pulverem subtilem redactam, in altum
projicientes, vento illam ferente. Francorum oculos excæcaverunt. Fit
gravissimus inter partes conflictus: sed pars Francorum quorum usus non
fuerat prælium navale conserere in brevi erat funditus infirmata. Nam ab
Anglis bellatoribus et in marino prælio eruditis, telis confodiebantur
et sagittis, lanceis perfodiebantur, cultellis jugulabantur, gladiis
trucidabantur, navibus perforatis mergebantur, calce cæcabantur, spes
auxilii et succursus penitus evacuabatur, fuga non patebat: unde multi,
ne caperentur ab hostibus vivi, sese sponte in maris fluctibus
projecerunt, eligentes potius mori, quam arbitrio et voluntate
adversariorum tractari, secundum illud Senecæ: _Arbitrio inimici mori,
est bis mori_. Omnibus igitur subjugatis, qui vivi remanserant ex
nobilioribus Francigenis, victores Angli naves omnibus viribus obtentas,
funibus colligabant atque cum lætissima victoria versus Doveram æquora
sulcantes, Deum in suis operibus collaudabant. Videntes ergo milites
castelli inopinatam Dei virtutem, exierunt obviam venientibus Anglis:
atque Gallos infelices vinculis arctioribus constrinxerunt. Inter
cæteros autem, de fundo et sentina cujusdam navis extractus est, diu
quæsitus, et multum desideratas Eustachius Monachus, proditor regis
Angliæ et pirata nequissimus. Qui cum se deprehensum cognovisset,
obtulit pro vita sua et membris inestimabilem pecuniæ quantitatem: et
quod de cætero sub rege Anglorum fideliter militaret. Quem arripiens
Richardus, filius regis Johannis nothus[12a], ait: «Nunquam de cætero
falsis tuis promissionibus quemquam in hoc sæculo seduces, proditor
nequissime;» et sic educto gladio caput ejus amputavit.--Matthæi Paris
_Historia major_, ed. cit., p. 298, ligne 15, ou édit. de Paris, M. DC.
XLIV, in-fol., p. 206, col. 1, F; et _Recueil des Historiens des Gaules
et de la France_, tome XVII, p. 740, B, et suiv. Au bas de la page qui
contient ce récit, on trouve dans le Ms. Cotton., Nero, D. V., fol. 214,
une représentation au trait de ce combat naval: notre ami M. Dudley
Costello l'a reproduite avec une fidélité étonnante dans l'eau-forte qui
est en regard du frontispice de ce volume. Il existe aussi dans un
manuscrit de l'_Historia major_, conservé dans la bibliothèque du
_Corpus Christi College_, à Cambridge, sous le nº C. V. XVI, une
_illustration_ presque semblable: elle est gravée dans le _Horda
Angel-Cynnan_, etc., de Joseph Strutt. _London_: printed for the author.
MDCCLXXIV-VI, 3 vol. in-4º, planche XXXI[12b]. Ce dernier ouvrage, comme
on le sait, a été traduit en français par M. B*** (Boulard), et publié
sous le titre d'_Angleterre ancienne_, etc. A Paris, chez Maradan, M.
DCC. LXXXIX, 2 vol. in-4º, dont le second contient les planches de
l'édition angloise.

Note 12a: Le Ms. Royal, marqué 14. C. VII, dans lequel, en cet
endroit, le texte est combiné avec la variante rapportée dans la note
14, porte: _Quem quidam ex Anglis truculenter arripiens ait_, etc.--Fol.
103, vº, col. 1, ligne 5.

Note 12b: Dans cette planche, on aperçoit sur le vaisseau
d'Eustache quatre étendards dont nous n'avons pu blasonner les
armoiries, au reste, fort simples, et qui ne sont probablement que le
fruit de l'imagination du vieil artiste. L'un d'eux, le premier vers la
proue, porte trois croissants: seroit-ce à croire que l'auteur de ce
dessin a voulu faire allusion au séjour d'Eustache parmi les Maures de
Tolède, et a pensé qu'il avoit embrassé le mahométisme? Cependant, cette
dernière imputation n'a point été élevée sur le compte de notre héro;
et si, dans les chroniques, il est appelé apostat, c'est uniquement pour
être entré en commerce avec le diable et avoir déserté le cloître.

Note 13: Ici se trouve un passage que nous avons rapporté plus
haut, note 5.

Note 14: Acceptis igitur secum præelectis militibus, videlicet
Henrico de Turbevilla et Richardo Suard cum quibusdam aliis, sed paucis,
optimam navem intravit habens secum quosdam de Quinque-Portubus maris
peritos. Erant autem nutui suo circiter XVI naves benè communitæ, sine
naviculis commitantibus, quæ ad XX sunt recensitæ. Perrexerunt igitur
audacter, obliquando tamen dracenam, id est, _loof_[14a], ac si vellent
adire Calesiam. Quod cùm vidisset Eustachius Monachus dux Francorum,
ait: «Scio quod hi miseri cogitant Calesiam quasi latrunculi invadere,
sed frustrà; benè enim præmuniuntur.» Et ecce Angli subitò, cùm
comperissent ventum exhausisse, versâ dracenâ ex transverso vento jàm
eis secundo, irruerunt in hostes alacriter, et cùm attigissent puppes
adversariorum, uncis[14b] injectis, attraxerunt eas ad se, et intrantes
quantociùs, securibus præacutis præciderunt rudentes et antennas malum
supportantes, et cecidit velum expansum super Francos ad instar retis
super aviculas irretitas, et nobilioribus parcendo incarcerandis, in
frusta cæteros detruncabant: inter quos Eustachium, qui se
defiguraverat, quem etiam in sentina invenerunt latitantem, extraxerunt
et decollaverunt.... Cum autem Hubertus victor miraculosus ad littus
lætus pervenisset, perrexerunt ei obviam omnes episcopi qui erant cum
militia et populo, sacris induti vestibus, cum crucibus et vexillis,
cantantes solemniter et Deum collaudantes.--_Recueil des Historiens des
Gaules et de la France_, tome XVII, p. 741, note (_a_), _et variantes
lectiones_ à la fin des deux éditions citées de l'_Historia major_.

Note 14a: Le Ms. Cotton., Claudius, D. VI, qui contient ce même
passage avec quelques variantes uniquement de mots, porte _dracenam que
vulgariter dicitur_ lofa.--Fol. 49, vº, col. 2, ligne 7.

    E issi ke la terre unt veue
    Balt sunt e siglent leement.
    Del seust lur salt unt vent
    E fert devan en mi cel tref.
    Refrener fait tut la nef
    Curent al _lof_, le sigle turneut.
    Quel talent qu'aient s'en returnent.

(Fragment d'un _Roman de Tristan_, appartenant à feu M. Francis Douce,
fol. 11, rº, col. 1, v. 1583.)

Vien du _lo_.--_Pantagruel_, chap. XXII, liv. IV, _fin de la tempeste_.
Ce mot n'a pas été expliqué par le Duchat.

«Loof (_partie de l'avant du vaisseau_, appelée aussi en françois le lof
du vaisseau, Fr.), the after part of a ship's bow; or that part of her
side forward where the planks begin to be incurvated as they approach
the _stem_: hence, the guns which lie here are called loof-pieces.» (_A
new universal dictionary of the Marine_; etc., by W. Falconer. W.
Burney's edition, London, printed for T. Cadel and W. Davies, 1815,
in-4º, p. 245, col. 2.)

Note 14b: Le Ms. Royal, 14. c. VII ajoute _et anchoris_; ce qui se
rapporte davantage avec la gravure que nous donnons en tête de ce
volume.

Note 15: _Recueil des Historiens des Gaules_, etc., tome XVIII, p.
719, E; Annales de Trivet, Oxford, 1719, in-8º, tome I, p. 169. Le
passage de Trivet a été copié mot pour mot par Thomas de Walsingham,
_Ypodigma Neustriæ_, etc. Londini, in ædibus Joannis Daij, 1574,
in-fol., p. 57, ligne 13.

Note 16: Vigilia sancti Bartholomæi apostoli, x kal. septembris.
Eustachius cognomento Monachus, cum multis aliis in mari decapitatus
est, et decem magnates cum pluribus nobilibus capti sunt, et omnes naves
hostium ferè centum quæ ibi erant, aut captæ sunt, aut submersæ,
quindecim tantum de omni navigio fuga elapsis. Auctores hujus facti
fuerunt Richardus, filius Johannis regis et Hubertus de Burgo, et nautæ
Quinque-Portuum cum XVIII navibus tantum.--_Recueil des Historiens des
Gaules_, etc., t. XVIII, p. 205, E.

Note 17: Robertus de Corteneïo, cognatus regis, et multi alii magni
viri, collecto exercitu, mare ingressi sunt ut succurerent Ludovico. Dum
autem essent in medio mari, compererunt paucas naves levi cursu de
Anglia venientes; quibus compertis, fecit Robertus de Corteneïo navem in
qua erat, dirigi ad eas, credens de facili eas occupare posse. Naves
autem aliorum sociorum ipsius non sunt secutæ eum. Sola ergo navis,
congressa quatuor navibus anglicis, in brevi superata et capta est, et
Eustachius cognomento Monachus, miles tam mari quàm terrâ probatissimus,
et Droco Romam rediens clericus, et multi alii qui in eadem navi capti
fuerunt, decollati sunt, etc.--_Recueil des Historiens des Gaules_,
etc., tome XVII, p. 111, B.

C'est aussi ce que dit l'auteur de la chronique du monastère de
Mortemer, qui rapporte ce combat en quelques lignes. La chronique de
Rouen se contente de dire que Robert de Courtenai fut pris avec
Guillaume de Barres et une foule d'autres, ajoutant qu'Eustache le Moine
fut décapité. Voyez le _Recueil des Historiens des Gaules_, etc., tome
XVIII, p. 356, B, et p. 361, D.

Note 18: Franci verò in manu valida et navium multitudine copiosa
venientes vice prima in medio maris victoriam adepti optatum litus
possederunt; sed vice versâ a domino disponente congregatis undique
nautis iterum in medio maris ad invicem obviantes congressione facta
Angli victoriam obtinuerunt et archipiratam Francorum Eustachium
Monachum[18a] militem quemdam cognomine Matheum appellatum cum aliis
innumeris occiderunt. (Cod. Cott. Claudius. D. vii, fol. 176, vº, col.
1, ligne 36[18b].)

Note 18a: Dans le Ms. ce mot est biffé, et chaque lettre a sous
elle un ou plusieurs points; ce qui, dans les Mss., indique nullité.

Note 18b: Quand nous avons dit qu'il n'existoit qu'un seul Ms. de
cette chronique, nous n'avons pas entendu parler de la copie faite sur
papier dans le XVIIIe siècle, d'après ce même Ms., laquelle copie se
conserve dans la Bibliothèque Harléienne, nos 3424 et 3425; ni de
l'extrait écrit sur papier aussi par une main moderne, lequel se trouve
dans le Ms. Harl., nº 96, fol. 121-180.

Note 19: _Adventus Eustachii Monachi cum multis armatis de Francia
proceribus._

Mémes cest an, le jur Seint Barthelmeu le apostole, sur Angleterre vint
oue graunt navie en la costere de Sandwiz un moygne appellé Eustace, e
en sa compaygnie plusurs grauns du poer de Fraunce, en seure esperaunce
tost la tere avoyr cunquys plus par la queytitise (sic) de cel moygne
apostota ke de lure force, kar trop de nigromaunce savoyt. Dunt se
fièrent tuz tant en ces pramesses par la pruve des voydies ke mustré lur
avoyt en lur pays, ke femmes et enfauns plusurs en lurs bers ovekes eus
menèrent pur la tere tost enhabiter; e kaunt en la havene de Sandwiz
vindrent plusurs de ceus neefs, ver les pout-hum apertement tuz hors
pris cele neef ou dediens estoyt Eustace: sur cele de sa sorcerie taunt
fest avoyt ke veuwe ne pout estre de nul humme. Si n'y apparust riens
où cele neef estoyt flotaunte si nun soulement euwe ou remenaunt de la
mer semblable. Dunt les gens de la vile de cel host sy sodeynement venu
trop estoyent affrays; si n'avoyent lors poer as enemis rester
suffisaunt, pur quey en Deu lur espoyr mistrent et amèrement lermauns de
ly socur prièrent dévoutement ke pur l'amur sun apostle seint
Barthelmeu, de ky cel jur en seinte Eglise estoyt feste mémorie
sollempne, de eus en preist de sa pité mercy, e la tere sauvast du poer
des enemis survenus. E sur ceo à ly vowèrent ke un chapele en le honur
seint Barthelmeu leveroyent, en laquele perpetueument establir froyent
une chaunterye en sun honur par ici ke des enemis la victorye avoir
puysent. Si estoyt un home lors en la vile Estefne Crabbe appellé,
lequel jadis du moygne avaunt dist Eustace munt estoyt privé et taunt
cher le ama ke des queintises dunt trop savoyt plusurs cy enseyna. Dunt
cil par my la vile entre autre passauns armés et la crie des gens
pytouse oyaunt, as plus grauns de la commune dist: «Port de graunt honur
taunt ke ensa ad ceste vile esté; mès si ore Deu de nous n'eyt pité
defeste sera e la tere perdue; mès ke tel deshonour au réaume par my
l'entrée de ceste vile ne aviegne en repruse de nostre saunc pur le tens
à venir, ma vie huy pur le honur de la tere sauver duneray; quar cest
enemy chief survenu Eustace veu de la gent ne purra estre sinun de celi
ke cel art bien conust; mès jeo actun tens cele queyntise de ly apris.
Si durrai cest jour ma vie pur la sauvatiun de ceste tere; quar la mort
esturdre ne purroye kaunt sa neef entré serray, pur les grans gens ke
ouekes ly sunt.» Sur ceo tauntost en une des troys neefs ke soulement
cuntre la graunde navie venue se appareylèrent pur la vile défendre se
mist cely Estefne; e cum à la neef où Eustace dediens estoyt approcha,
hors de sa neef sallist, si entra la neef Eustace; mès quidoyent tute
gent ke ly virent sur l'euwe estre e combatre ne savoyent à ky, sy
dysoyent ke ses sens out perdu ou ke mal espirit en furme de ly à eus
apparust. Si copa la testes ilukes de Eustace, e tauntost la neef à tote
gent clerement apparust, ke, vivaunt cet moygne apostota, tote estoyt
invisible. E fust cely Estevene hastivement ilukes occis e par pèces
menues hors de la neef gettu, tut le cors horriblement demembré. E
survint une rage de vent de par la tere ke en plusurs lyus les arbres
fist aracer e les mesuns ausy reversa; si entra la havene e les nefs des
enemys jà tuz sauns demure fist afundrer; mès à ceus de la vile ke la
tere furent défendauns mal ne fist ne moleste, fors ke soulement de la
pour ke en eurent trop estoyent tuz affrays. Si dysoient les Engloys ke
les enemys tuz périrent par le signe de un humme ke en le heyr lur
apparust tut ausi cum de vermayl revestu; e comencèrent à crier ceus ke
le virent disaunt: «Seint Barthelmeu, de nous eyez mercy e socur nous
facés des enemys survenus.» E tauntost une voiz oyrent cestes paroles
soulement sonaunte: «Barthelmeu suy appellé; en eyde de vous maundé suy.
Des enemys ne covient doter.» E s'envanist à cele parole; plus n'estoyt
veu ne voiz oye.

¶ Dunt cum malice puyst valer finaument ke ent se fye, en cesti puys
remirer ke trop savoyt nigremauncie.


_De hospitali Sancti-Bartholomei juxtà Sandwicum fundato._

Puys kaunt en cele manère avoyent la gent de Sandwiz de Eustace e des
enemis la victorie, tauntost une place ne gères loynz hors de la vile,
as custages de la comune, purchacèrent e une chapele fesoyent lever,
laquele fust dediée en le honur de seint Barthelmeu, e puys mesuns à
cele joygnauns hi fesoyent plaunter pur hummes e femmes de la vile veez
si par cas avenist en lur veilesse en povreté chéir. Si purchacèrent
teres e rentes à cel hospital pur perpetueument sustenir les veus povres
en cel demeurauns e la chaunteryne dévoutement. E si ordinèrent entre
eus ke chescun an se doyt la comune en la vile de Sandwiz assembler en
le jur seint Barthelmeu e à l'avaunt-dist hospital lur processiun fere
sollempne cirges portauns.--Ms, de la Bibliothèque Harléienne, sur
vélin, du commencement du XIVe siècle, nº 636, fol. 201, vº, col. 2. Ce
Ms. contient une chronique d'Angleterre et principalement de Canterbury,
depuis Brutus jusqu'à 1313, la 7e année du règne d'Edward II.

Cette histoire de la fondation de l'hôpital de Saint-Barthélemy, à
Sandwich, n'est pas confirmée par les historiens du comté de Kent. Il
fut établi, suivant les autorités rapportées par Tanner, par Thomas
Crompthorn, esq., et Maud son épouse, qui étoit de la famille de
Sandwich, vers l'an 1190, ou, selon Strype, dans la vie de l'archevêque
Parker, p. 114, par sir John Sandwich. Voyez _Notitia monastica; or, an
account of all the abbies, priories, and houses of friers, formerly in
England and Wales_, etc, r eprinted by James Nasmith. Cambridge: printed
at the university press, by John Archdeacon, for John Nichols...
MDCCLXXXVII. in-fol. L. II. Kent. 2. Le Monasticon Anglicanum (vol. VI,
part. 2. London: printed for Joseph Harding... 1830, in-fol., p. 764,
col. 2) attribue aussi sa fondation à Thomas Crompthorn, vers 1190; il
n'y a que William Boys qui avoue qu'il est impossible de dire à quelle
époque ou par qui cet hôpital fut commencé. «Il sembleroit, ajoute-t-il,
si l'on en croit une bulle du pape Innocent IV, datée à Lyon, de la
seconde année de son pontificat, que cet établissement fut fondé par sir
Henry Sandwich, vers l'an 1244; mais il résulte évidemment des actes
relatifs à cet hôpital qu'il commença plusieurs années avant ce temps.
La tradition et quelques manuscrits donnent le mérite de la première
fondation à Thomas Crawthorne et à Maud sa femme, en l'an 1190;» mais
Boys n'est pas de cette opinion: il est malheureux qu'il n'ait pas connu
le récit que nous venons de rapporter. Voyez _Collections for an history
of Sandwich in Kent. With notices of the other Cinq-Ports and members,
and of Richborough_. By William Boys, esq. F. A. S. Canterbury: printed
for the author by Simmons, Kirkby and Jones, MDCCCXCII (1792), in-4º, p.
1. La bulle dont nous avons parlé se trouve p. 22, appendix A.

Note 20: Radulphi Coggeshale abbatis _Chronicon
Anglicanum_.--_Recueil des Historiens des Gaules_, etc., tome XVIII, p.
113, ligne 5. Il y dit que la flotte commandée par un certain Eustache,
autrefois moine, se composoit de soixante navires.

Bartholomæi Cottonis _Chronicon_, Codex cottonianus. Nero, c. V, fol.
190, rº.

_Chronica de Mailros_[20a], recueil de Thomas Gale, tome I, p. 193.

Chronicon Henrici de Silegrave. Cotton. Ms. Cleopatra. A. XII, fol. 42,
rº, col. 1. Cet auteur dit que les barons de France qui envahissoient
l'Angleterre furent tués à Sandwich ainsi qu'Eustache le Moine (_Stacius
Monachus_) qui étoit leur chef et leur prince.

_Robert of Gloucester's Chronicle transcrib'd, and now first publish'd,
from a Ms. in the Harleyan library by_ Thomas Hearne, M. A. Oxford,
printed at the Theater, M. DCC. XXIV, 2 vol. in-8º, vol. II, p. 55.
Notre héro y est appelé _sir Eustas the Moine_. Le Ms. du collége
d'armes cité, note 10, même page, porte: _de Moygne._ Voyez ce Ms. coté
LVIII, fol. 301, vº, vers 4. Dans le récit en prose que contient le même
volume, on lit, fol. 289, rº, col. 1: _Eustas icleped Stace the Monck._

Chronicon Johannis abbatis S. Petri de Burgo.--_Historiæ Anglicanæ
Scriptores Varii, e Codicibus Manuscriptis nunc primum editi_ (a Josepho
Sparke). _Londini_: typis Gul. Bowyer. M. DCC. XXIIV (sic), in-fol., p.
97. Eustache y est appelé _pirata cruentus_.

_Chronicon londinense_, Ms. des archives de la ville de Londres, dont il
se trouve une copie dans le Ms. Harléien, nº 690. Voyez cette dernière,
fol. 23, vº.

Rogerii de Hoveden _Annales per anonymum continuatæ.--Recueil des
Historiens des Gaules_, etc., tome XVIII, p. 184, D.

Chronique d'Angleterre, inédite et en françois, Ms. du Musée
Britannique, Bibliothèque du Roi, 20. A. III, fol. 195, rº.

Les _Anchiennes Cronicques d'Angleterre_, par Jean de Waurin, Ms. de la
Bibliothèque Royale, à Paris, nos 6746 et 6749, fol. CCLXVII, vº,
col. 2.

_Scala chronica_, par Gray.--_Joannis Lelandi Collectanea_, tomi primi
pars secunda, p. 356. L'auteur y dit, comme celui des chroniques de
l'abbaye de Waverley, que quinze navires parvinrent à s'échapper.

Booke of chroniques in Peter College Library.--_J. Lelandi Collectanea_,
tome I, 2e partie, p. 471.

_Caxton's chronicle._ Imprinted at London by Wynkyn de Worde, the yere
of our lorde God. M. ccccc. et .xxviij. the .ix. daye of Apryll,
in-folio, fol. lxxxvii, vº, col. 2.

_A Chronicle of London, from 1089 to 1483_, etc. (edit. by Nicholas
Harris Nicolas), London: printed for Longman, etc. M. DCCC. XXVII,
in-4º, p. 9.

_The History of Great Britaine_, etc., by John Speed. Imprinted at
London, anno 1623, gr. in-fol., p. 521, col. 2, ligne 9. Il appelle
notre pirate _the ruffianly apostata_, (_who of a monke becoming a
demoniacke_), etc.

_Annales, or, a general chronique of England_: Begun by John Stow.
Londini, impensis Richardi Meighen, 1631, in-fol., p. 177, col. 1.

Voyez aussi l'_Histoire d'Angleterre_ de Larrey. Rotterdam, 1707,
in-fol., part II, p. 890; celle de John Lingard. London, printed for J.
Mawman, MDCCCXXIII, in-8º, tome III, p. 103, etc., etc.

Il est à remarquer que les historiens françois, ou ceux qui ont écrit
sous l'influence de la France, ont évité de parler d'Eustache et même du
combat naval dans lequel il succomba. Les _Chroniques de Saint-Denis_
n'en disent pas un mot, et le moine de la même abbaye, continuateur de
la chronique de Guillaume le Breton, s'exprime ainsi: «Rex Johannes,
nimio terrore et timore perterritus, non multo post mortuus est. Barones
Angliæ Henrico filio Johannis regis Angliæ statim adhæserunt, Ludovicum
turpiter relinquentes, spreto moderamine juramenti quod ei fecerant.
Comperta ab eo proditione Anglorum, Ludovicus rediit in
Franciam.»--_Recueil des Historiens des Gaules_, etc., t. XVII, p. 114,
B.

On lit dans une autre chronique, qui est inédite, ce qui suit:

¶ Et quant li rois Jehans vit que il perdoit ensi sa terre, si manda ses
barons et lor cria merchi, et dit que il lor amenderoit à lor volenté et
meteroit tout son règne en lor main, et toutes ses forteresches, et
pour Dieu il euscent merchi de lui.

¶ Quant li baron le virent ensi humiliiet si lor en prist pités, et on
dist piècha: Vrais cuer ne puet mentir et mult aime mieux son droit
seignour que .j. estrange. Si prisent de lui le sairement que il
s'amenderoit à lor volenté et meteroit tout son règne en lor mains, et
furent bien saisis des forteresches et vinrent à monseignor Loeis et li
disent: «Sire, sachiez de voir que nous ne porriemes plus sousfrir le
damage nostre roi, quar il se vient amender envers nous, et bien sachiez
que nous ne serons plus vostre aidant, anchois serons contre vous.»

¶ Quant mesire Loeys les entendi si fut molt courouchiés et lor dist:
«Comment, biel seignour! dont m'avez-vous traï?» Et ils respondirent:
«Il vient mult miex que nous vous falons de couvenant que nous laissons
nostre seignour exillier et destruire; mais pour Dieu! r'alés-vous-ent,
si ferez que sages; quar la demourée en ces païs ne vous est preus.»

¶ Quant mesire Loeys vit que autrement ne pooit estre, si fist atourner
sa navie et s'en revint en France, et ne pot estre rassols dusques adont
que li ostages fussent rendu.--Musée Britannique, addit. Ms. nº 7103,
fol. 62, vº; et Ms. de la Bibliothèque Royale, fonds de Sorbonne, nº
454, fol. 15, col. 1.--Ce passage a été littéralement transcrit dans les
_Chroniques de Normandie_, Musée Britannique, Royal Mss. 15. E. VI, fol.
cccc. xlvij, rº, col. 1.

Enfin, voici ce qu'on lit dans l'ouvrage de l'Écossois Jean Mair, mort
vers 1540:

... Et per idem tempus romanus legatus dictus Gualo Ludovicum et ei
adhærentes excommunicavit: unde magnam Anglorum partem ab eo avertit,
sic quod Ludovici pars multo inferior effecta est. Quocirca tractabatur
de ejus in Gallias reditu, et pro impensis mille sterlingorum libris
donatus, pacifice, et cum procerum magna societate ad mare associatus
est.--_Historia majoris Britanniæ, tam Angliæ quam Scotiæ_, per Johannem
Majorem, etc. Edimburgi, apud Robertum Fribarnium, M. DCC. XL. in-4º, p.
142.

Note 20a: Mon ami M. Joseph Stevenson, auquel je suis redevable
d'un grand nombre de renseignements pour la présente publication, a
actuellement sous presse, à Edimbourg, pour le Bannatyne club, une
nouvelle édition de cette chronique que Gale n'a donnée que
très-incorrectement. Le seul Ms. connu qui la contienne se trouve dans
la Bibliothèque Cottonienne, Faustina, B. IX.

Note 21: In primordiis istius novi regis (Henrici III) erat quidam
tyrannus ex Hispania cognomine _Monachus_. Hic cum multas exegisset
prædas multaque loca suo subjugasset imperio, tandem anhelavit ad regnum
Angliæ conquirendum; cumque quæsisset à suis qualis esset terra et quis
rex, respondissentque ei: «Terra quidem optima, et ejus rex puer
parvulus,» confestim subintulit: «Dignius est quidem puerum regi quam
regere, quomodò regere potest cui necesse regi est? Eamus igitur, et
deponamus eum.» Statimque magna classe congregata cum immenso apparatu
et exercitu Angliam appetiit; et cum esset in mari adhuc longe a terra,
cognoscentque marinarii de portibus adventum ejus et timuissent cum eo
quod mala prædicabantur de hoc homine, dixerunt inter se: «Si
applicuerit tyrannus iste, vastabit omnia, eo quod terra non est
præmunita et longe distat à nobis rex cum auxilio suo. Ponamus igitur in
manibus nostris animas nostras, et aggrediamur eos dum adhuc in mari
sunt, quoniam virtus eorum misera et veniet nobis auxilium de excelso.»
Et intulit unus cujus edicto cæteri favebant: «Est-ne vestrum aliquis
qui hodie pro Anglia mori paratus est?» Et ait unus: «Ecce ego.» «Tolle,
inquit, tecum securim, et si videris nos cum navi tyranni congredi,
statim navis ipsius malum ascende, et vexillum quod in altum erigitur
deprime, et sic dispergantur et pereant cæteræ naves dum ducem non
habeant neque præcessorem.» Festinanter itaque conscenderunt naves
suas, et laxatis ad ventum velis cum immense impetu irruerunt in hostes,
tradiditque Dominus eos in manus eorum, et multis submersis et peremptis
reversi sunt cum gaudio et præda magna, etc.--_Chronica Walteri
Hemingford_, recueil de Gale, tome III, p. 563, sub anno 1217. Henry de
Knyghton, chanoine de Leicester, dans son livre _De Eventibus Angliæ_,
lib. II, col. 2428 de l'_Historiæ anglicanæ Scriptores X_ de Roger
Twysden, édit. de Londres, M DC LII, in-fol., rapporte la même chose
dans les mêmes termes, à l'année 1216.

Note 22: Nous avons cru devoir publier cette pièce à la suite de
cette notice.

Note 23: La description de ce manuscrit se trouve à la suite de la
notice du _Roman de la Violette_. Paris, Silvestre, 1834, in-8º, p.
xlj.

     FIN DES NOTES DE LA NOTICE.



  VERS SUR LA TRAHISON ET LE SUPPLICE
  DE THOMAS DE TURBEVILLE.

  MANUSCRIT DE LA BIBLIOTHÈQUE COTTONIENNE
  COTÉ

  CALIGULA, A. XVIII.
  FOL. 21, RECTO.


    Seignurs e dames, escutez.
    De un fort tretur orrez
    Ke aveit purveu une treson;
    Thomas Turbeville ot à non.
    A Charlys aveit promis
    E juré par seint Denys
    Ke il li freit tute Engleterre
    Par quentise e treson conquere.
    E Charles li premist grant don.
    Teres e bon garison.
    Li treitre à Charlis dit
    Ke il aparillast sanz respit
    De bone nefs grande navie
    E de gent forte compaignie.
    E il le freit par teus garner
    Où il dussent ariver
    En Engleter sodeinement.
    Li traiture sanz targement
    En Engletere tot se mit.
    Au rei sire Edewars vint e dist
    Ke si après li vodera fere
    Tutes ses choses deust conquer
    Ke sire Charlis li aveit
    A force e à tort tollet;
    Issi ke li losengur
    De ambe part fu traitur.
    Sire Edeward n'entendi mie
    Del treitre sa tricherie.
    Ke il aveit issi purveu
    A grant honur le ad receu
    E en sa curt fut grant mestre.
    Quant ot espié tut son estre
    E le conseil de Engleter.
    Li treitre feseit un bref fere
    A sire Charlis privément
    Où ariver deuissent sa gent
    En Engletere e li païs prendre;
    A sire Edeward fu fet entendre
    Cum Deu le out destiné.
    E le bref ly fut mustré
    E tout ensemble la treson.
    Li rei fit prendir cel félon
    Thomas le treitur devant dit
    Ke fist faire cel escrit.
    A Lundres par mie la citée
    Treigner le fist en une corée
    De une tor envolupé.
    Nul autrement ne fut armé.
    Haume n'out ne habergun;
    Cillante pierres à grant fusiun
    Aveit-il entur son flanc
    Ke li raerent le sanc.
    Après fu li traïture pendu
    E le alme ala à Belzebu rendu.
    Ne aveit autre gareson.
    Issi deit l'en servir félon;
    En furches pent li malurez.
    Des chenes e de fer liez.
    Nul home n'el deit enterrer
    Tant cum son cors porra durer.
    Iloec pendra cel trichur:
    Teu garison ad pur son labour.
    Or purra Charles pur ver
    Après li longement garder
    Einz k'il venge pur sa treison
    Demander de li garison.
    Sire Edeward pur la grant navye
    De France ne dona une aylle.
    De vaillante gent fist la mer
    De tut part mut ben garder;
    De Engleter sunt failliz
    Ly Franceys e sunt honiz.
    En la mer grant tens flotèrent;
    Li pors plusurs de eus tuèrent.
    A Dovere firent sodoinement
    Un assaut, e de lur gent
    Plus de V. sent y perdirent;
    Unkes plus de prou ne firent.
    Ore sunt tuz, jeo quide, neez
    Ou en lur teris retornez.
    E penduz pur lur servise
    Ke Engleter n'aveyent prise;
    E ceo Charles lour promist
    Si nul de eus revenist.
    Sire Charles, bon chebaler.
    Lessez ester ton guerrer;
    Acordez à ton cosin.
    E purpensez de la fin.
    Si Engleter guerirez
    Jamès ben n'espleyterez.
    Ne ne firent voz ancestres
    Ke se tindrent si grant mestres.
    Ly ducs Lowys ton parent,
    _Estaces le Moyne_ ensement
    E autres Franceys assez
    Ke ne sunt pas ici nomez.
    Damne-Deu omnipotent
    Vous doynt bon acordement!

    AMEN.

Cette pièce a déja été publiée, mais très-incorrectement, par M. Nich.
Harris Nicolas, p. 195 de son édition de a _Chronicle of London_.

Voyez l'histoire de la trahison et du supplice de Thomas Turbevyl ou de
Turbeville (1295) dans la chronique de Henry de Knyghton, chanoine de
Leicester, dans les _Historiæ anglicanæ scriptores X_, ed. Roger
Twysden, Lond. m dc lii, in-fol. col. 2502-2504; dans l'_Histoire
d'Edward_ Ier par Walter Hemingford (_Walterii Hemingford canonici de
Gisseburne. Historia de rebus gestis Edvardi I. Edvardi II, e t Edvardi
III. E codicibus MSS. nunc primùm publicavit_ Thom. Hearnius. Oxonii, è
Theatro Sheldoniano, MDCCXXXI. 2 vol. in-8º, tome I, p. 58-61); dans la
vie d'Edward I, par Pierre de Langtoft, en vers anglo-normands de 12
syllabes, Ms. du Collége d'armes, à Londres, nº xiv, chap. xxiiij, fol.
139, rº, col. 1; dans la _Peter Langtoft's Chronicle_, etc. ed. Thom.
Hearne. Oxford, printed at the theater, M. DCC. XXV, a vol. in-8º, t.
II, p. 267-270; dans la chronique du chanoine de Lanercost, Ms. de la
Bibliothèque Cottonienne. Claudius, D. VII, fol. 203, rº, col. 2; enfin
dans celle de Barth. Cotton, Ms. de la même collection. Nero, c. v. fol.
240, rº, ligne 25. Dans ce dernier ouvrage, inédit et en latin comme le
précédent, on trouve une lettre en françois qu'auroit écrite le traître
au prévôt de Paris, et la description de son supplice ainsi:

«Il vint de la Tur monté en povre hakeney en une cote de raye et chaucé
de blaunche chauces et sa teste coverte de une houel et ses piez lyez
desus le ventre del chival et ses meyns lyez devant lui; et furent
chivauchaunz entur luy sis turmenturs à la furme de le deble atiretz et
le un mena saen freyn et le hangeman sa chevestre; kar le chival ke luy
porta aveyt le un et l'autre. Et en tel manère fut-il mené de la Tur
dekes à Weymocter par my Londres, e feu jugé al dès en la graunt sale,
et sire Roger Brabazun[24] luy dona soen jugement ke il fut treyné et
pendu et ke il pendeseyt taunt come ren feut enter de ly. E il feut
treyné sur un quir de bof frès de Weymocter al cundut de Lundres e arère
as furches. Et là est-il pendu de une chène de fer e pendra taunt que
ren de ly durer pura. (fol. 241, rº, ligne 2.)

Note 24: Voyez, sur la famille de Brabazon, qui étoit originaire de
Normandie, _Genealogical history of the family of Brabazon, from its
origin, down to sir william Brabazon, lord treasurer, and lord chief
justice of Ireland, temp. Henri VIII. who died in 1552_(by Hercules
Sharp.)... Paris, printed by J. Smith (for private distribution only).
July, 1825, in-4º; et sur Roger, p. 4 et 5.



ADDITIONS ET CORRECTIONS.


Nous devons à notre ami, M. Thomas Duffus Hardy, la communication
tardive de cette charte, qu'il a collationnée sur l'original, et qui
doit bientôt reparoître dans ses _patent Rolls_.

     Rex omnibus ballivis portuum maris, etc. Mandamus vobis quod, si
     Eustachius Monachus non reddiderit Willelmo Le Petit navem suam
     quam cepit, sicut illi mandavimus, sitis eidem Willelmo in auxilio
     quod illam habeat ubicumque illam invenerit in terra nostra. Et in
     hujus rei testimonium has litteras nostras patentes inde vobis
     mittimus. Teste W. de Wroth, archidiacono Tautoniensi, apud
     Suhamton .xiij. die aprilis (A.D. 1205, an. 7º Johann.)--_Rotuli
     selecti ad res anglicas et hibernicas spectantes ex archivis in
     domo capitulari West-Monasteriensi deprompti cura_ Josephi Hunter,
     s. a. s. (London) 1834, in-8º, p. 26.

     Le Roi, à tous les baillis des ports de mer, etc. Nous vous mandons
     que, si Eustache le Moine ne rend pas à Guillaume Le Petit le
     navire qu'il lui a pris, ainsi que nous le lui avons ordonné, vous
     aidiez audit Guillaume à ravoir son bâtiment en quelque lieu de
     notre terre qu'il le trouve; en foi de quoi nous vous envoyons ces
     lettres-patentes. Témoin, W. de Wroth, archidiacre de Taunton, à
     Southampton, le 13 avril.

Notre ami et ancien compagnon à l'école des chartes, sous MM. de l'Épine
et Tourlet, M. Berbrugger vient de trouver à la Tour de Londres, où il
est employé à la transcription des _patent Rolls_, les chartes suivantes
que nous regrettons de n'avoir pas connues assez tôt pour les donner en
leur lieu. Les voici d'après sa copie que nous avons collationnée
nous-même sur l'original, bien que son talent en lecture diplomatique
nous fût assez connu pouraaa nous dispenser de ce soin.

     Rex, omnibus ballivis portuum maris et aliis ad quos presentes
     littere pervenerint, etc. Sciatis quod concessimus Eustachio
     Monacho quod salvo et secure possit venire in terram nostram, et
     stet ibi et redeat usque ad octabum sancti Johannis Baptiste, anno,
     etc. viijº; ita tamen quod respondeat mercatoribus de terra comitis
     Namurci et de terra nostra et aliis, si qui de eo conquesti fuerint
     de tolt[=a] qua eis fecerit. Teste, Gaufredo filio Petri, apud
     Portesmuth .xxv. die mai.--_Patent Rolls_. A. D. 1206, an. 8º
     Johann.

     Le Roi, à tous les baillis des ports de mer et aux autres à qui les
     présentes parviendront, etc. Sachez que nous avons accordé à
     Eustache le Moine de pouvoir venir en toute sûreté dans notre
     terre, y rester et s'en retourner, jusqu'à l'octave de S.
     Jean-Baptiste, de la huitième année de notre règne; pourvu qu'il
     réponde au marchands de la terre du comte de Namur, de notre
     royaume et autres, s'il est quelqu'un qui se plaigne d'avoir été
     dépouillé par lui. Témoin, Geffrei Fitz-Peter. A Portsmouth, le
     vingt-cinq mai.

     Rex, omnibus, etc. Sciatis quod concessimus Eustachio Monacho
     salvum et securum conductum, in veniendo in terram nostram Anglie
     et in morando ibi et redeundo, usque ad Pentecosten, anno regni
     nostri nono. Et in hujus rei testimonium has litteras nostras
     patentes ei fecimus. Teste, Gaufredo filio Petri, apud Geldeford
     .vje. aprilis.--_Ex rotulo litterarum patentium, anno regni regis
     Johannis nono_, nº 4.

     Le Roi, à tous ceux, etc. Sachez que nous avons accordé à Eustache
     le Moine un sauf conduit pour venir dans notre royaume
     d'Angleterre, y séjourner et s'en retourner, jusqu'à la Pentecôte
     de la neuvième année de notre règne (1207). Et en témoignage de
     ceci nous lui avons fait dresser ces lettres-patentes. Témoin,
     Geoffrey Fitz-Peter, à Guildford, le 6 avril.

Page xxviij, ligne 20.

A la suite de cette charte où, égaré par la table des _close Rolls_,
vol. I, p. 710, col. 3, j'ai lu _fratrem Eustachium Monachum_, pour
_fratrem Eustachii Monachi_, s'en trouvent deux autres qui ont été
placées dans l'ordre inverse du sens, et que je rapporterai parce
qu'elles sont le complément de la première. Les voici rangées comme
elles devroient l'être:

     Rex vicecomiti Sudhamptonie, salutem. Mandamus vobis (sic) quod
     recipias de constabulario Porcestrie quatuordecim servientes[25]
     qui capti fuerunt in insula de Serke[26], quos tibi liberabit, et
     illos sub salva custodia ducatis Wintoniam et ibi eos liberes
     Matheo de Wallopio. Et ei mandavimus quod illos de te capiat.
     Teste, me ipso, apud Sanctum-Edmundum, quarto die novembris.

     Rex Matheo de Wallopio, salutem. Precipimus tibi quod recipias
     quatuordecim servientes qui capti fuerunt in insula de Serk, et
     illos in salvo in fundo carceris custodias. Has litteras, etc.
     Teste, me ipso, apud Sanctum-Edmundum, .iiij. die novembris (A. D.
     1214, an. 16º Johann.). _Close Rolls_, t. I, p. 177, col 1.

     Le Roi au vicomte de Southampton, salut. Nous vous mandons que vous
     receviez du constable de Porchester quatorze _serjans_ qui ont été
     pris dans l'île de Serk et que cet officier vous délivrera; que
     vous les conduisiez à Winchester sous bonne garde, et que là vous
     les remettiez à Matthieu de Wallop: nous lui avons mandé qu'il les
     reçoive de vous. Témoin, moi-même, à Saint-Edmond, le 4 novembre.

     Le Roi à Mathieu de Wallop, salut. Nous vous ordonnons de recevoir
     quatorze _serjans_ qui ont été pris dans l'île de Serk, et de les
     garder en sûreté au fond d'un cachot. Nous vous envoyons ces
     lettres-patentes. Témoin, moi-même, _comme dessus_.

Nous ajouterons ce passage d'une charte que nous avons omis parce qu'il
n'a pas été indiqué à la table des _close Rolls_:

     Rex, etc. W. thesaurario et G. et R. camerario, salutem..... Et
     liberate Rogero de Chautoñ et Terrico de Ardeñ qui duxerunt fratrem
     et avunculum Eustachii Monachi prisones de insula de Serke,
     quadraginta solidos, per eundem episcopum (Petrum Wintoniensem
     episcopum)... Teste, domino Wintoniensi episcopo, apud
     Westmonasterium .iiij. die novembris (A. D. 1214, an. 16º
     Johann.).--_Close Rolls_, t. I, p. 175, col. 2.

     Le Roi, etc., à W. le trésorier, à G. et à R. le chambellan,
     salut..... Et délivrez à Roger de Chauton et à Thierri d'Ardenne
     qui ont conduit le frère et l'oncle d'Eustache le Moine,
     prisonniers de l'île de Serk, quarante sols, par les mains du même
     évêque (Pierre, évêque de Winchester)... Témoin, le lord évêque de
     Winchester, à Westminster, le 4 novembre.

Voici maintenant deux nouvelles chartes inédites, relatives toujours aux
prisonniers de l'île de Serk:

     Rex, constabulario Porcestrie, salutem. Mandamus tibi quod sine
     dilatione liberes presencium latoribus, fratri Hugoni de
     Sancto-Wolmaro et Bensom clerico, prisones subscriptos qui capti
     fuerunt in insula de Serk et sunt in custodia tua, scilicet: Isaac
     de Wylre, Baldewinum de Alvingetoñ, Baldewinum de Werchin, Arnulfum
     de Asincort, Bri[~c] de Brunesverd et Jacobum fratrem Eustachii
     Monachi[27]. Et ex hoc capias ab eisdem presencium latoribus
     literas suas patentes et testificantes quod eos receperint, et
     literas illas nobis sub festinatione mittas. Hoc autem totum fiat
     per visum et testimonium legalium hominum et discretorum. Et in
     hujus rei testimonium, etc. Teste, me ipso, apud Londonias apud
     Novum Templum Lond. .vij. die januarii, anno regni nostri ut supra
     (xvjº. A. D. 1215).

     Le Roi, au constable de Porchester, salut. Nous vous mandons que
     sans délai vous délivriez aux porteurs des présentes, frère Hugues
     de Saint-Saumer et Bensom le clerc, les prisonniers ci-après nommés
     qui ont été pris dans l'île de Serk et qui sont sous votre garde,
     c'est à savoir: Isaac de Wylre, Baudouin de Alvington, Baudoin de
     Werchin, Arnould de Asincourt, Bri[~c] de Brunesverd et Jakemin
     frère d'Eustache le Moine. A ce sujet, vous aurez à prendre des
     porteurs des présentes leurs lettres-patentes attestant qu'ils ont
     reçu lesdits prisonniers, et à nous envoyer ces mêmes lettres
     promptement. Mais que tout cela se fasse au vu et en la présence de
     personnes légales et discrètes. En foi de quoi, etc. Témoin,
     moi-même à Londres, au Temple Neuf de Londres, le 7 janvier, la
     16e année de notre règne.

     Rex, Joscelino de Montibus, constabulario Porcestrie, etc. Mandamus
     vobis quod, statim visis litteris istis, deliberetis a prisona
     omnes illos qui capti sunt in insula de Serke, homines videlicet
     Eustachii Monachi, si adhuc in prisona nostra apud Porcestriam
     detinentur. Nec omittatis eos deliberare, licet nomina eorum in
     litteris presentibus non imprimantur, quod nomina eorum ignoramus.
     Et in hujus, etc. vobis mittimus. Teste, me ipso, apud Novum
     Templum Londonias, .xx. die aprilis, anno regni nostri
     .xvjº.--_Patent Rolls_, 16th of John.

     Le Roi, à Joscelin des Monts, constable de Porchester, etc. Nous
     vous mandons qu'aussitôt ces lettres vues vous délivriez de prison
     tous ceux qui ont été pris dans l'île de Serk, savoir les hommes
     d'Eustache le Moine, s'ils sont encore détenus dans notre prison à
     Porchester; et n'oubliez pas de les délivrer quoique leurs noms ne
     soient point marqués dans les présentes, et cela parce que nous les
     ignorons. En foi de quoi nous vous envoyons les présentes
     lettres-patentes. Témoin, moi-même, au Temple Neuf à Londres, le 20
     avril, la 16e année de notre règne.


DELIBERACIO OBSIDUM.

     Rex, abbatisse de Wiltoñ, salutem. Mandamus vobis quod liberetis
     Eustachio Monacho filiam et obsidem suam quam habetis in custodia.
     Et in hujus, etc. Teste ut supra (Teste rege, apud Runimed, .xxj.
     die junii, anno regni ejusdem .xvijº.)--_Patent Rolls_, 17th of
     John.


DÉLIVRANCE DES ÔTAGES.

     Le Roi, à l'abbesse de Wilton, salut. Nous vous mandons que vous
     délivriez à Eustache le Moine sa fille et son ôtage que vous avez
     en votre garde. En foi de quoi, etc. Témoin comme dessus (Témoin le
     Roi, à Runimed, le 21 juin, la 17e année de notre règne).

Il est à remarquer que cette charte se trouve parmi celles ordonnant la
reddition des ôtages donnés au roi Jean par les barons révoltés contre
lui.


     Rex, Wilielmo de Albrincis, salutem. Sciatis quod, si veneritis ad
     nos, nos remittimus vobis omnem iram et indignacionem quam erga vos
     concepimus usque in hodiernum diem, sive pro Eustachio Monacho qui
     applicuit apud Folkestañ, sive pro aliis. Et damus vobis salvum
     conductum nostrum in veniendo ad nos, morando et recedendo et
     omnibus illis qui vobiscum venient. Et in hujus rei testimonium,
     etc., vobis mittimus. Teste me ipso, apud Doveram .xviijº. die
     septembris, anno regni nostri .xvijº. Per dominum Wintoniensem
     episcopum.--_Patent Rolls_, 17th of John, memb. 16, nº 54.

     Le Roi, à William de Albrinc, salut. Sachez que si vous venez à
     nous, nous vous pardonnons toute la colère et l'indignation que
     nous avons conçue contre vous jusqu'à présent, soit pour Eustache
     le Moine qui a débarqué à Folkestan, soit pour d'autres causes. Et
     nous vous donnons, à vous et à tous ceux qui viendront avec vous,
     notre sauf-conduit pour venir auprès de nous, y rester et vous
     retirer. En foi de quoi nous vous envoyons ces lettres-patentes.
     Témoin, moi-même, à Douvres, le 18 septembre, la 17e année de
     notre règne. Par le lord évêque de Winchester.

Nous terminerons en rapportant les passages suivants de la chronique du
prieuré de Dunstaple, dont les deux premiers surtout sont trop
importants pour ne pas trouver ici leur place:

     «Et tunc, mense martio (1211), venerunt ad regem in Angliam,
     Henricus, frater imperatoris Otonis et comes de Hollande, et comes
     Boloniæ. Et rex Franciæ cepit omnes naves Angliæ, quæ applicuerunt
     in terra sua; et ideo rex Angliæ cepit multos de Quinque-Portubus.
     Et tunc Eustacius pirata, dictus Monachus, aufugit a nobis ad regem
     Franciæ cum quinque galeis, quia comes Boloniæ insidiabatur
     ei.»--_Chronicon sive Annales prioratus de Dunstaple, una cum
     excerptis e chartulario ejusdem prioratus. Thomas Hearnius e
     codicibus Mss. in Bibliotheca Harleiana descripsit, primusque
     vulgavit._ Oxonii e Theatro Sheldoniano, MDCCXXXIII, 2 part. in-8º,
     p. 58.

     «Burgenses etiam de Quinque-Portubus navali exercitu homines, arma
     et victualia, quæ Lodowicum sequebantur, interceperunt: et sic
     factum est prælium non solum in terra sed etiam in mari. Nam
     Eustachius dictus Monachus, pyrata fortissimus, et Galfridus de
     Luchi (_vel_ Luci) ex parte Lodowici insulas regis ceperunt, et
     multas seditiones ei moverunt.»--_Ibid._, p. 76.

     «.... Cum, ad dictæ Blanchæ instantiam, multi nobiles et potentes
     de Francia venissent in succursum Lodowici; episcopus, et comes
     Salesbyriæ, et justiciarius, cum regis exercitu, apud Doroberniam
     eos navali bello ceperunt; et, inter infinitos, Eustachium Monacum
     occiderunt, qui utriusque partis prævaricator extiterat, solos
     nobiles vitæ reservantes.» (An. 1215.)--_Ibid._, p. 82.

     «Et alors, au mois de mars, Henri, frère de l'empereur Othon et
     comte de Hollande, et le comte de Boulogne vinrent au roi (Jean) en
     Angleterre. Et le roi de France prit tous les navires anglois qui
     abordèrent dans sa terre et, pour cette raison, le roi d'Angleterre
     en prit un grand nombre des Cinq-Ports. Et alors Eustache, pirate
     surnommé le Moine, s'enfuit de nous au roi de France avec cinq
     navires, parce que le comte de Boulogne lui dressoit des embûches.»

     «De leur côté, les bourgeois des Cinq-Ports, ayant rassemblé une
     flotte, interceptèrent les hommes, les armes et les vivres qui
     suivoient Louis: et ainsi il y eut combat sur terre et sur mer; car
     Eustache, dit le Moine, pirate intrépide, et Geoffroi de Luchi
     (_ou_ Luci) s'emparèrent pour Louis, des îles du roi et excitèrent
     contre celui-ci beaucoup de séditions.»

     «Plusieurs nobles et puissants seigneurs de France étant venus au
     secours de Louis, d'après les instances de Blanche susnommée;
     l'évêque et le comte de Salisbury et le justicier avec l'armée du
     roi les firent prisonniers dans un combat naval; et, ne laissant la
     vie qu'aux seuls nobles, ils mirent à mort, parmi une foule
     d'autres, Eustache le Moine qui avoit forfait contre l'un et
     l'autre parti.»

Note 25: Voici les noms de ces _serjans_ tels que nous les donnent
les _close Rolls_, t. I, p. 202, col. 2:

_Nomina servientium qui capti fuerunt in insula de Serke._

Eustachius le Borñ--Radulphus de Creki.--Taffin de Tuberville.--Petrus
de Carmer.--Tasin de Bauchukeha[~m].--Phelippes.--Rakedale.--Gyles de
Freisnes.--Giles Maikes.--Engerandus de Vreci. Masekin.--Gerardus de
Fankes. Colin Gerardin.--Huet de Badom.

Note 26: _Serk_ ou _Sark_, petite île, à six milles à l'est de
Guernsey, longue d'environ trois milles, et large environ d'un. Voyez
une notice sur elle dans _The History of the island of Guernsey... With
particulars of the neighbouring islands of Alderney, Serk and Jersey.
Compiled... by_ William Berry, etc. London, published by Longman...
1815, in-4º.

Note 27: Ils sont ainsi nommés dans la liste déjà citée qui a été
publiée dans les _close Rolls_ sous la 16e année du règne de Jean (A.
D. 1215):

_Nomina militum qui capti fuerunt in insula de Serk._

Jakemin.--Isaac de Vyrre.--Brituis de Colesburc de Vreci.--Arnulfus
Desincort. Baldewiñ Dallingetuñ.

[Illustration: _H. Jouy script. e MS. Bibl. Reg. Nº. 7595._]



ROMAN

D'EUSTACHE LE MOINE.

_Chi comment li Romans de Witasse le Moine._


    Del moigne briement vous dirai
    Les examples si com je sai.
    Il se rendi à Saint-Saumer.
    A .viij. liues priès de la mer;
    Illuecques noirs moignes devint                                    5
    Puis ke de Toulete revint.
    Où il ot apris nigremanche.
    N'ot homme el roiaume de Franche
    Ki tant séust ars ne caraudes.
    A maintes gens fist maintes caudes.                               10
    Il avoit à Toulete esté
    Tout .j. ivier et un esté
    Aval sous terre en .j. abisme
    Où parloit au malfé méisme.
    Qui li aprist l'enghien et l'art                                  15
    Qui tout le mont dechoit et art.
    Il aprist mil conjuremens,
    Mil caraudes, mil espiremens;
    Il set en l'espée garder
    Et le sautier faire torner,                                       20
    Et par l'espaule au mouton
    Faisoit pertes rendre à fuison;
    Si savoit garder el bachin
    Pour rendre perte et larrechin.
    Femmes faisoit encamuder                                          25
    Et les hommes enfant suer.
    Il n'ot homme jusqu'à .S. Jake
    Qui tant séust de dyodake.
    Del firmament ne de l'espere.
    Il contrefaisoit le cimère,                                       30
    La beste c'on ne puet connoistre;
    Les moignes fait péir et cloistre.
    Quant Wistase ot assés apris.
    Au dyable congié a pris.
    Li dyables dist k'il vivroit                                      35
    Tant que mal fait assés aroit.
    Rois et contes guerrieroit
    Et en la mer occis seroit.
    Wistasce s'en revint en Franche.
    Qui puis fist mainte pute enfanche.                               40
    Une nuit vint à Montferrant.
    Illuec fist dyablie grant.
    El demain ains k'il s'em partist,
    .J. grant mangier atorner fist
    Ciés une riche tavrenière,                                        45
    Qui molt ert orgillouse et fière.
    Che fu en unes moustisons.
    Wistaces ot trois compaignons
    Ki de Toulete od lui venoient.
    Li moust par la maison estoient                                   50
    .Xxx. touniaus en i avoit.
    Wistaces i mangue et [i] boit
    Il et la tavrenière ensamble;
    Et quant ont mangié, che me samble.
    Et che vint à l'escot paiier,                                     55
    Wistaces n'avoit nul denier
    De la monnoie dou païs
    Fors que tornois et paresis.
    La dame molt lor mesconta.
    Et lor monnoie refusa;                                            60
    Por. iij. sols c'orent despendus
    Paièrent-il .vj. sols ou plus.
    Wistaces, qui molt sot de gile.
    Quant il dut partir de la vile.
    La tavrenière enfanmenta,                                         65
    Et sour le suel .j. grain jeta
    K'il avoit conjuré forment;
    Et la tavrenière erramment
    S'est descouverte dusc' al chaint.
    Dou premier touniel qu'ele ataint                                 70
    A toutes les broces ostées;
    Grant marchié fait de ses denrées;
    Ele s'escrie: «Or chà, baron!»
    Li vins aloit par la maison;
    Hommes et femmes acouroient,                                      75
    Et quant le suel passé avoient.
    Li homme lor braies avaloient
    Et les femmes se descouvroient
    Dusch' al chaint ou dusqu' al umbril:
    Ainc n'oïstes si viel bestil                                      80
    Com en la maison demenoient.
    Des touniaus les broches ostoient;
    Li vins s'en vait par mi les rues.
    Toutes les gens i sont courues;
    Mais nus n'osoit laiens entrer                                    85
    Ki ne séust son cul moustrer
    A chascun de chiaus qui entroit.
    Pour chou nus entrer n'i osoit.
    Il s'aperchurent en la fin
    Che qu'orent fait li pélerin                                      90
    Ki laiens avoient mangié.
    Et li borgois sont eslaissié;
    Apriès Wistace vont poignant.
    A trois liues de Montferrant
    Vont les pélerins ataignant.                                      95
    Li bourgois lor vont escriant:
    «Dans pélerins, par cha saurrés.»
    Et Wistaces s'est regardés.
    Si a dit à ses compaignons:
    «On nous siut. Chi quel le ferons?»                              100
    «Par mon chief, dist uns viex barbés
    Qui à Toulete ot. xx. ans més.
    Or soiés trestout aséur;
    Je lor ferai jà tel péur.
    N'i a clerc ne bourgois ne prestre                               105
    Qui pour .v. marcs i volsist estre.»
    Li viels fait son conjurement.
    Et une rivière descent
    Grans et lée, parfonde et noire.
    Graindre que n'est Saine ne Loirre,                              110
    Entre les clers et les borgois.
    Li borgois furent en esfrois.
    Il s'en retournèrent arrière.
    Tousdis les sivoit la rivière.
    Adiès lor batoit as talons;                                      115
    Il aloient à reculons.
    Car de noier paour avoient.
    Et li pélerin les sivoient.
    A Montferrant s'en retornèrent.
    Li pélerin apriès entrèrent.                                     120
    Quant Wistaces entre en la vile
    Adont recommencha sa gile.
    Li bourgois escrient ke mugne.
    Et Wistace au viel homme clugne
    K'il fache son conjurement                                       125
    Pour espoenter cele gent.
    La bancloque prist à sonner.
    Gens commenchent à assambler
    Et li vils barbés erramment
    Commencha son conjurement.                                       130
    Tuit s'aerdent par les cavials.
    Uns grans bestens leva entr'iaus;
    Ainc ne véistes tel meslée
    Sans cop de machue ou d'espée.
    Si com chascuns i sourvenoit,                                    135
    Au premerain k'il encontroit
    Donnoit del puing ou hateriel.
    Là ot donné maint hatipliel;
    Bien s'entretenoient .ij. mile
    A Montferrant par mi la vile.                                    140
    Li uns boute, li autres sache.
    Cil chiet aussi comme une vache.
    Cil fait voler son compaignon.
    Cil s'escrie: «Dame! baron!»
    Nus ne venoit à la meslée                                        145
    Ki n'i éust cop ou colée.
    Wistace entr'iaus un grain jeta.
    Tout maintenant les desevra;
    Si s'en r'alèrent maintenant.
    Em pais furent comme devant.                                     150
    Del vin n'i ot noient perdu.
    Tout fu aussi com devant fu.
    Toutes les femmes se covrirent
    Ki par devant se descouvrirent.
    Et li hom lor braies montèrent                                   155
    Ki par devant les avalèrent;
    Chascuns à son hostel s'en va,
    Et Wistaces s'achemina.
    Onques puis nus ne le sivi.
    Un careton a consivi                                             160
    Qui une carete menoit
    A .iiij. chevals qu'il avoit.
    A .vj. liues en son chemin
    Aloit pour .j. touniel de vin.
    Wistaces et si compaignon                                        165
    Demandèrent au careton
    Por combien il les porteroit
    Dusch' à la vile où il aloit.
    Il respont: «Pour .xij. deniers.»
    «Et tu les auras volentiers.»                                    170
    Lor marchié orent fait atant;
    Il montent, si s'en vont batant.
    Li caretons fiert les chevals.
    Et il saloient les grans sals
    Par mi une cauchie à forche.                                     175
    A Wistace le cul escorche.
    Car la carete ruisteloit.
    Male aléure les menoit.
    Dit Wistaces au caretier:
    «Dex te doinst hui mal encombrier!                               180
    Trop nous mainnes male aléure.
    Dex te doinst hui male aventure!»
    «Bials sire, dist li caretons.
    De demourer mestier n'avons;
    Il m'estuet faire ma jornée,                                     185
    Je cuic que none est jà passée.»
    Wistace voit riens ne li valt:
    «Va bielement, fait-il, ribaut.
    Que le mal soies-tu haitiés.
    Que tous nos cus as escorchiés!»                                 190
    Cil fiert ses chevals durement.
    Et li viex barbés erramment
    Commencha .j. conjurement.
    Queque cil plus avant aloit.
    Plus li sambloit k'il reculoit.                                  195
    Li viex commenche à conjurer
    Et cil commenche à reculer;
    Ses chevals commenche à férir.
    Et il reculoient d'aïr.
    Diu commencha à renoier                                          200
    Et ses chevaus à manechier:
    «Hari! Martin! hari! Fauviel!
    Por les boiaus, pour le cerviel!
    Huet! avant vois, por les dens!
    Pour poi que tous ne vous cravens.                               205
    Hari! viels jumens estaïe.
    Jamais de vous n'aura aïe.»
    Cil se commenche à foursener.
    Car tosdis cuidoit reculer.
    «Signeurs, dist-il, car descendés,                               210
    Que le mal soiés-vous montés!
    Je vous claim mon loier tot cuite.»
    Quant chascuns voit que il s'acuite
    Et que il ont paié lor dete.
    Il saillent fors de sa carete                                    215
    Et li caretons s'aperchut.
    Ki bien cuida estre déchut.
    K'il n'estoit mie reculés.
    Ains ert tousjors avant alés.                                    220

    Wistace en Boulenois s'en vint.
    A Saint-Saumer moignes devint;
    Illuec fist mainte dyablie
    Ains k'il issist de s'abbéie.
    Il faisoit les moignes juner                                     225
    Quant se devoient desjuner.
    Il les faisoit aler nus piés
    Quant devoient estre cauchiés.
    Wistaces lor faisoit mesdire
    Quant devoient lor eures dire,                                   230
    Wistaces lor faisoit mesprendre
    Quant devoient lor grasces rendre.

    En sa cambre ert .j. jor l'abbé.
    Il ert sainiés, si ot erré.
    On li ot fait apparillier                                        235
    Assés à boire et à mangier
    Car de porc et car de mouton
    Aues sauvages, venison.
    Wistaces vint devant l'abbé.
    Qui maint preudomme a puis gabé:                                 240
    «Sire, dist-il, je sui venus.
    Ere-jou à cort retenus?
    Se cuidoie avoir à mangier
    Je diroie de mon mestier.»
    Dist li abbés: «Vous estes fols.                                 245
    Mal dehait hore li miens cols
    Se vous n'estes demain batus!»
    Dist Wistaces: «Manechié vivent;
    Entre iaus molt longhement estrivent.»
    Wistace ala en la cuisine,                                       250
    Devant lui esgarde une tine
    Ki toute plainne d'iaue estoit.
    Wistace esgarde, si le voit.
    Il le commenche à conjurer.
    Et l'iaue commenche à mirer;                                     255
    Vermeille devint comme sanc.
    Wistaces s'assist sour .j. banc.
    La moitié d'un porc esgarda.
    Oiant trestous le conjura.
    Puis à destre, puis à senestre,                                  260
    Une vielle sambla à estre
    Laide et bochue et reskignie.
    Li cuisinier tornent en fuie.
    Si le contèrent à l'abbé.
    Et li abbés i est alé                                            265
    Et voit la vielle esraelie;
    Oiant tout le couvent s'escrie:
    «Nomini Dame, dist l'abbé.
    Fuions-nous-ent! c'est .j. malfé.»
    Wistaces desfist le carnin,                                      270
    La char porta chiés son voisin,
    .J. tavrenier ki molt l'amoit.
    Toute nuit i mangue et [i] boit.
    Trestout juoit au tremerel;
    El saint ne remanoit batel:                                      275
    Les crucefis et les ymages.
    Trestout metoit Wistace en gages.
    N'i remanoit nis bote à mogne;
    Tout embloit Wistaces le mogne.

    Al entendre ne vous anuit.                                       280
    Je vous dirai encor anuit
    Tel chose qui vous fera rire;
    Jà le m'orés conter et dire.
    Li .j. content, che m'est avis.
    Et de Basyn et de Maugis.                                        285
    Basins cunchia mainte vile
    Et Maugis a fait mainte gile;
    Car Amaugis par ingremanche
    Embla la couronne de Franche.
    Joiouse et Corte et Hauteclère                                   290
    Et Durendal, qui molt fu clere;
    Basin si embla Amaugin
    Et Amaugis embla Basin.
    De Maugis ichi vous lairai.
    D'Uistasce le moigne dirai                                       295
    Qui molt sot plus que Amaugis.
    Ne que Basins, che m'est avis.
    Travers, ne Baras, ne Haimés
    Ne sorent onques tant d'abés.
    Or oiiés d'Uistasce le moigne                                    300
    Ki vers le conte de Bouloigne
    Mena guerre molt longement.
    De coi fu li commenchement.

    Wistasces, dont parler m'oés.
    A Cors en Boulenois fu nés.                                      305
    Bauduins Buskès ot à non
    Ses père, pour voir le savon.
    Si estoit pers de Boulenois;
    Molt savoit de plais et de loys;
    Occis fu lès Basinguehans.                                       310
    Hainfrois de Heresinguehans
    Là le fist occirre et tuer;
    K'il le voloit deshyreter.
    Bauduins Buskès li nuisoit
    D'un fief dont il à cort plaidoit,                               315
    Et une buffe li donna
    Dont la meslée commencha.
    Wistasces devenus ert moignes
    A Saint-Saumer devers Bouloigne.
    Wistasce issi de l'abbéye                                        320
    Quant son père ot perdu la vie;
    Vint devant li quens de Bouloigne:
    «Sire, dist Wistasces li moigne.
    Hainfrois a mon père mordri.
    Tene-me à droit, je vous em pri.»                                325
    Dont fu Hainfrois à cort mandés,
    Wistasces est em piés levés:
    «Signor, dist-il, or m'entendés:
    Mes pères est mors et tués.
    Hainfrois le m'a mort et occis,                                  330
    Il est mes mortels anemis.»
    «Je m'en deffenc, che dist Hainfroi.
    Par Diu et par homme et par moi.
    C'ainc n'i fui véus ne oïs;
    Mais je m'en plain à mes amis.»                                  335
    Tantost furent donné li gage.
    Plèges livrèrent et ostage.
    Dont jura Hainfrois son éage
    Lui XXXisme de son parage;
    .Lx. ans jura qu'il avoit                                        340
    Et plus encor, si com cuidoit;
    Dont li fu jugié maintenant
    Que son parent ou son serghant
    Se puet bien combatre por lui;
    Mais n'i ot parent ne ami                                        345
    Qui la bataille osast emprendre
    Por lui ne por son cors desfendre.
    Endites li fu uns vassaus
    Grans et hardis et fors et biaus;
    Wistasce ot non de Maraquise.                                    350
    Adont fu la bataille prise.
    Manesiers se liève, uns varlès.
    Neveus fu Bauduin Busquet.
    Grant baceler et biel et fort;
    Hainfroi apiela de la mort                                       355
    Son oncle, k'il occis avoit.
    Et dist que il li prouveroit.
    Adont fu la bataille emprise
    (Cascuns d'iax molt forment se prise)
    D'Uistasce contre Manesier.                                      360
    Andui furent et fort et fier.
    La bataille fu à Estaples.
    Des .ij. vassaus fu grans li caples.
    Adont vint Wistasces li moigne
    Devant le conte de Bouloigne:                                    365
    «Sire, dist-il, sachiés sans faille
    Que je m'ost de ceste bataille.
    Que jà acorde n'en prendrai.
    La mort mon père vengerai.»

    Li moignes s'est del champ partis,                               370
    Manesiers fu tantost occis.
    Li moignes servi puis le conte.
    De trestout li rendoit aconte;
    Senescaus fu de Boulenois.
    Pers et baillius, che fu ses drois.                              375
    Hainfroi l'empira vers le conte.
    Durement li desfist son conte.
    Li quens a Wistasce mandé
    Tantost, se li a demandé
    Des baillies k'il a tenues                                       380
    Pour coi il les a detenues.
    Wistasces dist sans demourer:
    «Vés me chi tout prest de conter
    Puis que chi m'en avés semons
    Devant vos pers et vos barons;                                   385
    Uns des pers sui de Boulenois.»
    Et dist li quens: «Vous en venrois
    A Hardelo à moi conter.
    Là ne me porés mesconter.»
    Dist Wistasces: «C'est trahison,                                 390
    Vous me volés metre em prison.»
    Li moignes s'est d'illuec partis.
    Par mal est del conte partis;
    Maintes fois le fist puis dolent.
    Li quens saisi son tenement                                      395
    Et son gardin li embrasa;
    Wistasces li moignes jura
    Que mar li a son gardin ars
    Il coustera .x. m. mars.
    .J. jour vint Wistasces le moigne                                400
    A .ij. molins defors Bouloigne
    Que li quens i avoit fait faire;
    Sa gent a fait arrière traire.
    En .j. molin trueve .j. mannier.
    Il le commenche à manechier                                      405
    Que il li caupera la teste
    Se il ne va tost à la feste
    As noches Symon de Boloigne:
    «Diras lor qu'Uistasces le moigne
    Est venus pour iaus esclairier,                                  410
    Car il n'ont dont véoir mangier.
    Tels .ij. candoiles lor ferai
    Que les molins alumerai.»
    Et li manniers s'en vait au conte.
    D'Uistasce le moigne li conte.                                   415
    Li quens saut sus sans atargier
    De là où séoit au mangier.
    Et fait crier par grant essogne.
    Or apriès Wistasce le moigne
    Saut li maires, saut le provost.                                 420
    La bancloque sonna tantost;
    Quant Wistasces l'oï sonner.
    Adont commenche à retorner;
    Il le commenchent à sievir.
    Mais ne le porent consievir.                                     425
    As noches Simon de Boloigne
    Aluma Wistasces le moigne
    Ces .ij. molins que vous oés.
    Che fu la fine vérités.

    Un jour estoit à Cler-Marés                                      430
    Wistasces, qui molt sot d'abés;
    Illuec oï dire et conter
    Que li quens va à Saint-Omer.
    Il se vest de coteles blanches.
    Vest une goune à lées manches;                                   435
    .Ij. moignes emprunte à l'abbé.
    Tout troi sont maintenant monté.
    Wistasces prist à chevalchier;
    Si estrier furent de meslier.
    Le conte encontre entre .ij. vals;                               440
    Mener faisoit .iij. fiers chevals.
    Li quens Wistasce a salué
    Et Wistasces l'a encliné.
    Li quens vint à .j. sien manage.
    A Wistasce vint en corage                                        445
    K'il iroit au conte parler.
    Tantost commenche à retorner.
    Si com li quens fu descendus.
    Wistasces i est sourvenus.
    Dont s'assist Wistasces le moigne                                450
    Dalès le conte de Bouloigne.
    Comme fu ore fols nais
    Quant dalès lui se fu assis;
    Que bien savoit s'il ert tenus
    Que il seroit ars ou pendus.                                     455
    «Sire, dist-il, por Diu merchi.
    D'Uistasce le moigne vous pri
    Que vous li pardonnés vostre ire.»
    Et dist li quens: «Volés plus dire.
    Se je Wistasce puis baillier,                                    460
    Je le ferai vif escorchier.
    Wistasces comme pélerins
    Me vint ardoir mes .ij. molins;
    Il me commenche à guerroier.
    Dès or mais le ferai gaitier:                                    465
    Se jou as puins le puis tenir,
    De vil mort le ferai morir
    Ou je le ferai marier
    Ou pendre ou ardoir ou noier.»
    Dit Wistasces: «Par ma cotiele!                                  470
    Le pais i seroit bonne et biele;
    Car Wistasces devenus est moigne
    Et vous estes quens de Boloigne.
    Si en devés avoir merchi.
    Pour bien, sire, je vous em pri                                  475
    Que vostre ire li pardonnés.
    Et il sera vostre privés.
    Sire, car en prendés acorde:
    De péchéour miséricorde.»
    Et dist li quens: «Or vous taisiés,                              480
    N'onques plus ne m'en araisniés.
    Fuiés de chi, alés-vous-ent;
    N'ai cure de vo parlement:
    Je ne me puis fier en moigne
    Pour amour d'Uistasce le moigne.                                 485
    Par les boiaus Sainte Marie?
    Je cuic que cis moignes m'espie.
    El monde n'a si mal tyrant.
    J'ai grant paour k'il ne m'encant.
    Dans moignes, comment avés non?»                                 490
    «On m'apiele frère Symon.
    De Cler-Marés sui celenier.
    Wistasces vint en maison ier.
    Lui xxxisme tout fierarmé;
    Illuec pria à dant abbé                                          495
    Que il quesist vers vous acorde.»
    Dist li quens: «Pas ne s'i amorde
    Vostre abbés à lui hebregier.
    Car je l'iroie detrenchier.
    Il ne seroit pas mon ami,                                        500
    Tost li feroie rouegnier
    La teste atout le hennepier.
    Dans moignes, ù fustes-vous nés?»
    «Sire, à Lens, où j'ai .xx. ans més.»
    «Par foi! dist li quens de Bouloigne,                            505
    Vous samblés Wistasce le moigne
    De la samblanche, de la figure.
    De cors, de vis et d'estature.
    D'ex, de la bouche et del nés.
    Se vous ne fuissiés couronnés;                                   510
    Mais vous avés lée couronne.
    Rouges sollers et blanche gonne
    Et descoulouré le visage;
    Tous .iij. vous retenisse en gage
    Se ne fust pour Din purement;                                    515
    Tornés de chi, alés-vous-ent.»
    Li doi moigne orent péur.
    Wistasces ne fu mie asegur;
    Si avoit-il de ses parens
    Avoec le conte et de ses gens.                                   520
    Li quens a fait jurer .iij. fois
    A tous ses pers de Boulenois
    Que Wistasce li renderont.
    Jà pour parenté n'el lairont.
    Uns serghans vint devant le conte,                               525
    D'Uistasce le moigne li conte:
    «Sire, dist-il, c'atendés-vous?
    Wistasces siet d'encoste vous.
    Prenné-le, si ferés savoir;
    C'est il, je le vous di pour voir.»                              530
    «Ois de fil à putain Bedel.
    Dist Guillaumes de Montquarrel.
    C'est dans Simon li cenelier;
    Je le connois comme .j. denier.»
    «C'est mon, che dist Hues de Gaune;                              535
    Wistasces n'est mie si gaune.»
    «Non, che dist Hues de Belin.
    Nés fu à Lens priès de Hennin.»
    «Par foi! dist Aufrans de Caieu.
    Wistasces n'est gausnes ne bleu.»                                540
    «Nan, dist Wales de la Capiele.
    Ains est rouveus en la maissiele.»
    Li doi moigne de paour tramblent.
    Dist Wistasces: «Gens s'entresamblent.»
    Il disoient lor meseriele;                                       545
    Li cuers à cascun d'ials sautiele.
    Wistasce au conte a congié pris;
    Tout troi se sont al chemin mis.
    Wistasces s'en vint en l'estable.
    Qui molt sot del art au dyable,                                  550
    J. cheval le conte, Moriel.
    Qui molt ert riches et molt biel.
    Fist ensieler à .j. serghant.
    Lors monte, si s'en va batant.
    Au serghant dist au départir                                     555
    K'il l'alast au conte jéhir
    Que Wistasce enmainne Moriel.
    Et li serghans s'escrie isniel:
    «Hareu! hareu! Sainte Marie!»
    Li quens saut et l'autre maisnie,                                560
    «C'as-tu?» dient li chevalier.
    «.J. dyable moigne adversier
    Vait de chi montés sor Moriel.»
    «Vois, dit li quens, por le cerviel.
    Por les boiaus, por la froissure!                                565
    Or tost apriès grant aléure.»
    «Puis k'il est sor Moriel montés
    Jamais n'iert pris ne atrapés;
    Car Morials cort comme tempeste.
    Et cil a le dyable en la teste                                   570
    Ki le mainne; j'el sai de voir.
    Jamais ne le porai r'avoir.»
    «Dex! dist li quens, que je n'el pris
    Quant il fu dalès moi assis!»
    Dist li serghans: «Bien le vous dis,                             575
    Mais ne créistes pas mes dis.»

    Li quens fait monter sa maisnie:
    Ses serghans, la chevalerie,
    Après Wistasce vont poignant.
    Wistasce aloient decachant.                                      580
    Wistasces vint à .j. hamiel;
    Illueques a laissié Morel
    Ciés .j. homme k'il connissoit.
    Bien aperchut c'on le cachoit;
    Il a desvestu son habit,                                         585
    Si se remist en autre habit;
    Une linge cape a vestue.
    A son col porte une machue;
    Vait garder . j. fouc de brebis
    Qui passoient en .j. larris.                                     590
    Li quens de Bouloigne vint là:
    «Varlet, fait-il, quel part ala
    Uns blans moigne à .j. noir cheval?»
    «Sire, il s'en va trestout cel val
    Sor .j. cheval noir comme meure.»                                595
    Li quens s'en vait, plus n'i demeure.
    Et siut Wistasce grant aléure
    Et Wistasce ne s'aséure.
    Ains a laissies ses brebis.
    Si se r'est en la forest mis.                                    600
    Li quens point com .j. esragiés.
    Tous ses compaignons a laissiés;
    Les .ij. moignes en voit fuir.
    Il lor crie par grant aïr:
    «Par les trumials! bien n'en irés,                               605
    Jà ensi ne m'eschaperés.»
    Li moigne ont dit lor orison
    Que Dex les eskiut de prison
    Et de mal et de vilonnie:
    «Ha! ha! dame sainte Marie!                                      610
    Car donnés volenté au conte
    K'il ne nous fache anui ne honte;
    Wistasces li moignes est pris.
    Li dyables, li anemis.
    Li quens nous velt autressi prendre,                             615
    Je crien k'il ne nous face pendre;
    Il est près de nous, vés le chi.
    Pour Diu! car li prions merchi.»
    Ainc ne véistes .ij. rendus
    Ki si perdissent lor vertus,                                     620
    Trop par estoient esperdu;
    Tout cuidoient avoir perdu.
    Descendu furent en .j. val.
    Et li quens descent dou cheval.
    S'es aiert par les chaperons,                                    625
    Et il se metent à genous:
    «Por Diu, merchi!» dist dans Vincens.
    «Par les trumials biu! dist li quens.
    Jà ensi ne m'eschaperés.
    A .j. arbre pendus serés.»                                       630
    «Sire, merchi! sire, merchi!»
    «Ne m'eschaperés pas issi.
    Dist li quens, par saint Honeré!
    Car vous estes larron prouvé,
    Moriel mon cheval me rendrés                                     635
    Ou jà par tans occis serés.»
    Li quens les fist ansdeus loier.
    En .j. ortel les fist couchier.
    Wistasce en la foriest estoit.
    Le harnas au conte espioit.                                      640
    Uns garchons menoit .j. sommier.
    Wistasces le fist trébuchier.
    Au garchon la langue trencha.
    Apriès le conte l'envoia;
    Et cil s'en vait courant au conte,                               645
    D'Uistace le moigne li conte
    Com cil ki ne pooit parler.
    Dont commencha à barbeter.
    Dist li quens: «Diables! c'as-tu?»
    Et cil a dit: «Belu, belu,»                                      650
    Qui la langue avoit trenchie;
    Ne li pooit raconter mie.
    Au conte a dit uns escuiers:
    «C'est cil qui menoit nos sommiers.
    Il a esté en males mains,                                        655
    La langue a-il perdue au mains.
    Wistasces l'a as puins tenu.
    Et no sommier a retenu.»
    Li quens retorne vers Wistasce.
    La foriest de Cardello passe,                                    660
    Si s'en vait par toutes parties.
    Wistasces avoit .ij. espies
    Ki espioient nuit et jor:
    Onques n'estoient à séjor.
    Wistasces les avoit norris                                       665
    Les .ij. garchons et esfordris.
    Li quens Wistasce aloit cachant.
    L'uns des garchons li vint devant:
    «Sire, dist-il, combien aroie.
    Se mon signor vous ensaignoie?                                   670
    Je sui à Wistace le moigne.»
    «Par foi! dist li quens de Bouloigne.
    S'el m'ensaignes, bon le feras;
    Damoisiaus en ma court seras.»
    «Sire, il est au mangier assis;                                  675
    Se me suiés, jà l'arés pris.»
    «Va, dist li quens, je te suirai;
    De lonc après toi m'en irai;
    Mais garde k'il ne s'aperchoive.
    Je crien que il ne te déchoive.»                                 680
    L'autre espie oï le garchon.
    Bien aperchut la traïson
    Del garchon ki l'avoit trahi
    Son signor ki l'avoit norri;
    Vint à Wistasce, se li conte                                     685
    Que cil l'avoit vendu au conte.
    Dist Wistasces: «Va-t'en de chi;
    Quant li garchons venra jà chi
    Pour moi cunchiier et déchoivre.
    Je li donrai le hart au poivre;                                  690
    Car il l'a molt bien deservie.»
    D'Uistasce se parti s'espie.
    Et s'autre espie li revient;
    Dit Wistasces: «Il te couvient
    Que tu me caupes cel planchon.»                                  695
    «Volentiers,» che dist li garchon.
    Il a colpé le planconciel.
    «Tor le bien, s'en fait .j. hardel.»
    Cil torst le hart, molt s'espoente.
    Et Wistasces el col li ente,                                     700
    El col li mist le hardillon.
    «Por Diu, merchi! dist li garchon.
    Sire, por coi me volés pendre?
    En ne poriés-vous tant atendre
    Que je me fuisse confessés?»                                     705
    Wistasces dist: «Molt de mal sés;
    Mais vois me chi ki en sai plus;
    Tu ies en males mains kéus.
    Tu me cuidoies faire atendre
    Tant que li quens me péust prendre:                              710
    N'ai loisir de toi confiesser.
    Lasus iras à Diu parler;
    En cel arbre t'en monteras.
    De plus priès à Diu parleras.
    Monte lassus et si m'aconte                                      715
    Comment tu m'as vendu au conte.»
    «Sire, dist-il, par saint Remi!
    Je vous ai vendu et trahi.
    Quel dyable le vous ont dit?
    Jà n'iert nus hom ki vous ochit.                                 720
    Alés-vous-ent, n'avés c'atendre.»
    Dist Wistasce: «Ains te venrai pendre;
    Monte lassus et si te pent.»
    Cil monte en l'arbre isnielement.
    Si se pendi par le hardiel.                                      725
    Li quens i vint poignant isniel.
    Wistasces sour Moriel remonte.
    Apriès lui voit venir le conte:
    «Sire, dist-il, arai-jou garde?
    A cel pendu me prennés garde.                                    730
    Je m'en vois à vostre congié.»
    Li quens le suit comme esragié.
    Li quens entre lui et sa gent
    Cachent Wistasce fièrement.
    .Ij. de ses serghans arestèrent                                  735
    Et ambes .ij. les iex crevèrent.
    Quant Wistaces sot la nouviele.
    Il jure la sainte puciele
    Que pour .iiij. iex k'il a crevés
    Des siens ara .iiij. espietés.                                   740

    Li quens ala à Saint-Omer.
    Wistasce ne pot atraper.
    Wistasces commenche à gaitier
    S'en bos, n'en chemin, n'en sentier
    Porroit .iiij. hommes encontrer                                  745
    Que il péust les piés colper.
    .V. serghans entra en esrant.
    Au conte estoient li serghant;
    .Ij. moignes em prison menoient.
    Andoi de Cler-Marés estoient.                                    750
    Wistasces lor dist: «Descendés.
    Des .ij. moignes plus n'en menrés.
    Et si parlerés à nobis.
    Se mal avés vous arés pis.»
    Wistasces les a arestés,                                         755
    Tous .iiij. les a espietés.
    Au cinkisme dist: «Va al conte.
    D'Uistasce le moigne li conte
    Que pour .iiij. iex k'il a crevés
    En a Wistasces .iiij. espietés.»                                 760
    «Sire, dist-il, molt volentiers.»
    Il n'oublia pas ses trotiers;
    Au conte en est venus errant.
    Si li a conté maintenant
    Que pour .iiij. iex k'il a crevés                                765
    Wistasce en a .iiij. espietés.
    «Vois, li quens dist, por les trumaus.
    Pour le ventre, por les boiaus
    De cel truant, de cel faus moigne
    Qui tant me fait honte et vergogne.»                             770
    Dont furent mis .xx. chevalier
    Par la foriest pour espiier.
    Par la foriest lonc tans errèrent.
    Au conte grant avoir costèrent.

    Un jor erent en la foriest,                                      775
    Wistasces li moignes se vest
    D'une haire et d'une esclavine.
    Par une voie s'achemine.
    Sour les .xx. chevaliers s'en vint.
    Molt piteusement se contint;                                     780
    Il les salue simplement.
    Et il respondent liement:
    «Di dont tu viens et ù tu vas.»
    «Signor, au conte eneslepas
    De Dant-Martin vieng de Boloigne;                                785
    Clamer me vois d'un malvais moigne.
    Desreubé m'a en ceste terre.
    Dist k'il a vers le conte guerre;
    Il m'a tolu qui valt .c. mars;
    Molt par est mendis et escars;                                   790
    De son pain ne me volt donner
    Ne au matin ne au souper.
    Signor, dites-moi sans délai
    Où je le conte trouverai.»
    Li uns respont: «A Hardello,                                     795
    Alés-i, car je le vous lo.»
    Wistasce à Hardelo s'en vint;
    Sor le mangier au conte vint.
    Et dist Wistasces: «Dex i soit
    Que dou malfé me fache droit!                                    800
    Signor, dit Wistasces li moigne.
    Li ques est li quens de Boloigne?»
    Dist uns serghans: «Véés le là.»
    Wistasces devant lui ala:
    «Sire, dist-il, por Diu, merchi!                                 805
    Je sui uns borgois d'Andeli;
    De Bruges en Flandres venoie.
    Cauches de saie en aportoie
    Et de deniers bien .xxx. livres;
    Uns esciervelés et uns ivres,                                    810
    Couronnés estoit com uns prestre.
    Trop paroit bien moignes à estre.
    Il dist k'il ert vos anemis;
    Or et argent et vair et gris
    M'a tolu et cheval et robe.                                      815
    Del fol rendu ki me desrobe
    Me claim à vous, faites-m'ent droit.
    Il n'est pas lonc de chi endroit.
    (Il dist voir, car il i estoit;
    Il méisme au conte parloit)                                      820
    Li faus moignes de pute orine
    Me fist vestir ceste esclavine.
    Et puis si me fist afier
    Que je venroie à vous parler;
    Sachiés k'il n'est pas lonc de chi:                              825
    En .j. buisson entrer le vi.»
    «Ques hom est-chou? li quens a dit;
    Est noirs ou blans, grant u petit?»
    Dist Wistasce: «Il est de mon grant.»
    Et li quens saut demaintenant:                                   830
    «Or tost, dist li quens, menés-m'i.
    Et je vous vengerai de lui.»
    Dist Wistasces: «Or en venés.
    J'el vous rendrai, or le prennés.»
    Li quens le suii lui sieptime,                                   835
    Et Wistasces estoit lui .xxxisme.
    Wistasce a le conte mené
    Entre sa gent et ostelé;
    Li quens ne-fu mie asséur;
    Dist Wistasces: «N'aiés péur,                                    840
    Je me voel acorder à vous.
    Pour Diu merchi! bials sire dous.
    Sire, car parlons de la pais.»
    Et dist li quens: «Laissié-me em pais;
    C'est por noient et por le dé,                                   845
    Jà à moi n'estrés acordé.»
    Dist Wistasces: «Alés-vous-ent.
    Puis k'il ne puet estre autrement.
    En mon conduit estes venus.
    Si n'i serés pas déchéus.»                                       850
    Li quens arrière retorna.
    Et Wistasces se destorna.

    Li quens se fist .j. jor armer
    Et fist toute sa gent mander.
    Wistasces li fu endités                                          855
    K'il ert en .j. castiel entrés;
    Li quens s'en vint au chastelet.
    Wistasces, qui molt sot d'abet,
    Se commencha à porpenser
    Comment il porra eschaper;                                       860
    Sa robe de noire brunete
    A une povre cotelete
    Canga tantost à .j. preudomme.
    Del chastiel ist à la parsomme.
    En sa voie .j. homme encontra                                    865
    Ki .j. grant fais d'estrain porta;
    L'estrain a achaté tantost.
    Wistasces l'emporta à l'ost.
    Il cria: «Blanc fuerre vendroie.»
    Desous le fais molt s'afoibloie:                                 870
    L'un oel ot clos et l'autre ouvert.
    L'estrain l'avoit bien acouvert.
    Tout clopiant passe le moigne
    Devant le conte de Bouloigne:
    «Preudom, dist li quens de Bouloigne,                            875
    Car me di d'Uistasce le moigne.
    S'il est encor laiens remés;
    Je cuic k'il m'est jà eschapés.»
    Dist Wistasces: «Sachiés de voir
    K'il jut à ma maison er soir                                     880
    Et jui matin s'entorna;
    Or le prendés que il s'en va.»
    Dist li quens: «Montés or apriès.»
    Li cheval ierent illuec priès.
    Trestuit s'esmuevent à cele ore,                                 885
    Et Wistasces plus n'i demeure
    Ki molt savoit de la lanbeue.
    Met jus l'estrain, fiert se en la queue.
    .J. cheval menoit uns garchons.
    Il li taut, et saut ès archons,                                  890
    Oiant iaus, dont ces s'escria:
    «Voisci le mogne ù il s'en va.»
    Quant l'entent li quens de Boulogne.
    Il s'escrie: «Or apriès le mogne!»
    Li moignes d'iaus tos eschapa;                                   895
    Nus ne le prist ne atrapa:
    Li quens en dut estre dervés
    De chou k'il li ert eschapés.
    A Cardelo ala li quens:
    .J. jor entre lui et les gens                                    900
    Wistasces comme pélerin
    Se mist apriès lui al chemin.
    .X. compaignons avoit od lui.
    Li quens del cheval descendi.
    Et Wistasces li vint devant:                                     905
    «Sire, nous sommes peneant
    De par l'apostole de Romme;
    Nous avons mesfait à maint homme.
    Por Diu nous sommes repentis;
    En grant escil nous sommes mis.»                                 910
    .Iij. sous li fist li quens donner
    Quant il l'oï issi parler.
    Li quens est el chastiel entrés;
    Li cheval sont defors remés.
    Wistasces tous les chevals prist,                                915
    La vile aluma et esprist;
    Mande au conte par .j. serghant
    Que chou ont fait li peneant
    A cui il donna les .iij. sols.
    «Par foi! dist li quens, je suis fols,                           920
    Quant ne fis prendre ces cokins.
    Ces truans, ces faus pélerins!
    S'or voloie de chi torner
    N'aroie-jou sor coi monter:
    Trop set bien faire sa besoigne,                                 925
    Ainc ne fu si dyables moigne.
    Se je le puis tenir as mains
    Ne morra pas as daerrains.»

    Un jor ala Wistasce errant
    Et encontra .j. marcheant,                                       930
    De Bruges en Flandres venoit,
    .Lx. livres en aportoit.
    Li marcheans ert de Bouloigne.
    Bien connut Wistasce le moigne;
    Ne fu pas très bien aséur,                                       935
    De ses deniers ot grant péur.
    Wistasces li dist erramment:
    «Di-moi combien tu as d'argent.»
    «Sire, dist-il, j'el vous dirai.
    Que jà ne vous en mentirai.                                      940
    .Lx. livres de monnoie
    Porc-jou chi en une coroie
    Et s'ai .xv. sols en ma bourse.»
    Wistasces tantost le destourse;
    En .j. bosket tost le mena                                       945
    Et les deniers tous contet a.
    Trestout rendi au marcheant
    Et dist: «Va, à Diu te commanc.
    Se m'éusses de riens menti.
    N'enportasses denier de chi;                                     950
    Mais tu trestout perdu éusses.
    Que jà denier mais n'en r'éusses.»
    Et li marcheans l'en merchie.
    Dist Wistasces: «Vien, si m'afie
    C'au conte de Bouloigne iras                                     955
    Et cest palefroi li menras.
    C'est la dîme de ses chevals,
    .Ix. en retienc et cras et bials.
    L'en me vint er soir aconter
    Que li quens n'a sour coi monter.                                960
    Trestous ses chevals li toli
    Er soir, quant de lui départi;
    Or l'en voel la dîme donner:
    Cest palefroi t'estuet mener.
    Et si li porte .iij. et maille;                                  965
    Car chou est la dîme sans faile
    De .iij. sols de bons angevins
    Que il donna as pélerins
    Qui ses .x. cevals enmenèrent
    Et sa vile li alumèrent.»                                        970
    Li marcheans li fiancha
    C'au conte de Bouloigne ira.
    .Iij. et maille li a livré
    Et le palefroi ensielé.
    «Di li c'Uistasces li envoie                                     975
    Le dîme de toute sa proie.»
    Li marcheans a pris congié.
    Del moigne se parti tout lié;
    Tout maintenant s'en vint au conte.
    D'Uistasce le moigne li conte.                                   980
    Li quens a fait tantost saisir
    Le marcheant et retenir.
    Il cuida bien sans nul essoigne
    Que che fust Wistasces le moigne.
    «Sire, che dist li marcheans,                                    985
    De Boulongne sui chi devant.
    Wistasces me fist afier
    Que je venroie à vous parler
    G'i vinc por acuiter ma foi.»
    Respont li quens: «Bien vous en croi.»                           990
    Quant li quens l'oï si parler
    Tantost le fist laissier ester.
    Et cil li baille tot sans faille
    Le cheval et les .iij. et maille.

    Li quens ala .j. jor cachier;                                    995
    Une espie li vint nonchier
    Qu'Uistasses ert en la foriest;
    Et li quens de burel se vest,
    Et il et toute sa maisnie
    A pié s'en vait apriès s'espie;                                 1000
    Enbussié sont en une fosse.
    L'espie Wistasce les aproche.
    Bien connut que che fu li conte;
    A Wistasce vient, si li conte.
    Wistasce se vait acointier                                      1005
    Maintenant à .j. carbonnier.
    Li carbonniers .j. asne avoit
    Dont son carbon vendre portoit.
    Wistasces a, sains dire plus.
    Les dras au carbonnier vestus,                                  1010
    Et sa noire coife afubla.
    Et son visage encarbonna.
    Son col noirci et puis ses mains;
    A grant merveille fu bien tains.
    L'asne fu carchiés des carbons;                                 1015
    Wistasces tint .j. aguillon.
    Si s'acemine vers Bouloigne.
    Li quens n'el prise une escalongne
    Quant devant lui le voit passer.
    Ains ne le daigna aparler,                                      1020
    Et Wistasces lor escria:
    «Signour, dit-il, que faites là?»
    Li quens respondi premerains:
    «C'afiert à vous, sire vilains?»
    Dist Wistasces: «Par saint Omer!                                1025
    Je l'irai au conte moustrer,
    Que la gens Wistasce le moigne
    Nous fait assés honte et vergoigne.
    Mon ronchi n'osai amener
    Por mon carbon vendre porter,                                   1030
    Que Wistasces n'el me tolist.
    Orendroit molt à aise gist
    Dejouste .j. bon fu de carbon.
    S'a assés car et venison.
    Tout mon carbon m'a alumé                                       1035
    Ki m'a molt à faire cousté.»
    «Est-chou priès de chi?» dist li quens.
    Dist Wistasces: «Il est chi dedens.
    Trestoute ceste voie irés
    Se vous à lui parler volés.»                                    1040
    Wistasce aguillonne Romer.
    Et li quens commenche à entrer
    En la foriest il et sa gent;
    Le carbonnier trouva séant
    Ki les dras au moigne ot vestus;                                1045
    Molt fu laidengiés et batus.
    Il cuidoient tot sans mençoigne
    Que che fust Wistasces li moigne.
    «Signour, dist-il, pour Diu merchi!
    Por coi me batés-vous issi?                                     1050
    Ceste robe poés avoir.
    Sachiés que je n'ai autre avoir.
    C'est la robe Wistasce le moigne.
    Ki orendroit va vers Bouloigne.
    Mon asne amainne et mon carbon;                                 1055
    Ses mains, son vis et son caon
    A molt bien tains de carborclée.
    Ma coife noire a afublée.
    Ma robe me fist desvestir
    Et la soie me fist vestir.»                                     1060
    Et dist li quens: «Signor, oés;
    Or le prendés se vous volés.
    Por les dens biu del vif malfé.
    Tantes fois m'ara escaufé!
    C'est li carbonniers ki là va,                                  1065
    Qui orendroit à nous parla.
    Dist li quens; or tost! or apriès!»
    Li cheval erent d'illuec priès;
    Il montent, si s'en vont batant
    Apriès Wistasce maintenant.                                     1070
    Wistasces a son vis lavé.
    Si a .j. potier encontré;
    Li potiers crie: «As pos! as pos!»
    Et Wistasces ne fu pas sos.
    Que bien sot k'il seroit cachiés;                               1075
    Au potier fist errant marchié:
    Por son asne et por ses carbons
    Ot buires et pos et pochons.
    Dont devint Wistasces potiers;
    Li potiers devint carbonniers:                                  1080
    Fols fu quant laissa son mestier.
    Car de chelui n'éust mestier.
    Wistasces crie: «As pos! as pos!»
    Et li quens issus dou bos.
    Li quens demanda au potier                                      1085
    S'il ot véu .j. carbonnier.
    «Sire, dist Wistasces li moigne.
    Il s'en vait tot droit vers Bouloigne;
    Un asne mainne atout carbons.»
    Li quens hurte des espourons.                                   1090
    Si serghant et si chevalier
    Lors ont ataint le carbonnier.
    Molt l'ont batu et laidengié;
    Laidement l'ont illuec pignié;
    Les mains li loient et les piés.                                1095
    Sour .j. ronchi fu encargiés.
    La teste par devers la crupe;
    Li vilains crie et brait et jupe:
    «Signor, dist-il, por Diu vous proi
    Que vous aiés merchi de moi;                                    1100
    Dites pour coi vous m'avés pris.
    Et se j'ai riens vers vous mespris
    Je l'amenderai volentiers.»
    «Ahi! ahi! dans pautonniers.
    Dist li quens, cuidiés escaper.                                 1105
    Par tans vous ferai encroer.»
    Uns chevaliers le regarda.
    Le potier molt bien connut a.
    Et dist li chevaliers senés
    Que bien sot dont il estoit nés:                                1110
    «Quel maufé t'ont fait carbonnier?
    Tu soloies estre potier:
    Jà nus hom ne se garira
    Qui tant de mestiers enprendra.»
    «Sire, merchi! dist li preudom;                                 1115
    Pour cest asne et por cest carbon
    Donnai mes pos au carbonnier.
    Que Dex envoit mal encombrier!
    Que par lui sui-jou si menés.
    Je cuic k'il les avoit emblés.                                  1120
    Si m'aït Dex, pas n'es emblai;
    Por l'asne mes pos li donnai.
    Durement s'en va vers cel bos.
    Et va criant: «As pos! as pos!»
    Et dist li chevaliers au conte:                                 1125
    «Tant set Wistasces de la honte;
    Wistasce ert orains carbonniers
    Et or est devenus potiers.»
    «Vois, dist li quens, par la froissure!
    Or tost apriès grant aléure!                                    1130
    Tous chials que vous encontrerés
    Hui et demain, si m'amenés.
    Jamais au moigne n'arai fait
    Se je n'es prenc trestout à fait.»
    Aler laissent le carbonnier,                                    1135
    Si se remetent au frapier;
    En la foriest s'en sont entré.
    Wistasces ses pos a jeté,
    En .j. marchais tous les dépièche.
    Trop les avoit portés grant pièche;                             1140
    En .j. nit d'escoufle est montés.
    Wistasces li escervelés
    Illuecques se fist loussignol.
    Bien tenoit le conte por fol.
    Quant voit le conte trespasser                                  1145
    Wistasces commenche à crier:
    «Ochi! ochi! ochi! ochi!»
    Et li quens Renaus respondi:
    «Je l'ocirai, par saint Richier!
    Se le puis as mains baillier.»                                  1150
    «Fier! fier!» dist Wistasces li moigne.
    «Par foi! dist li quens de Bouloigne.
    Si ferai-jou, je le ferai.
    Jà en cel liu ne le tenrai.»
    Wistasces r'est aséurés,                                        1155
    Si se r'est .ij. mos escriés:
    «Non l'ot! si ot! non l'ot! si ot!»
    Quant li quens de Bouloigne l'ot:
    «Certes si ot, che dist li quens;
    Tolu m'a tous mes chevals buens.»                               1160
    Wistasces s'escria: «Hui! hui!»
    «Tu dis bien, dist li quens; c'ert hui
    Que je l'ocirai à mes mains
    Se je le puis tenir as mains.»
    Dist li quens: «Il n'est mie fol                                1165
    Ki croit conseil de loussignol.
    Li loussignos m'a bien apris
    A vengier de mes anemis.
    Car li loussignos si m'escrie
    Que je le fière et que l'ochie.»                                1170
    Dont s'esmut li quens de Bouloigne
    Por servir Wistasce le moigne.
    .Iiij. rendus a arestés.
    Tantost sont em prison menés;
    Apriès renvoia em prison                                        1175
    Quatre merchiers et .j. cochon,
    .Iij. pouletiers et .ij. asniers
    Refist maintenant prisonniers,
    .Vj. pissonniers et lor pisson.
    R'a fait luès mener em prison,                                  1180
    Et .iiij. clers et .j. sorprestre
    Recovint-il em prison estre;
    Le jor furent en sa prison
    Plus de .lx. compaignon.
    Li quens s'en vint au nuef castel,                              1185
    Là commencha .j. plait nouviel;
    Wistasces, qui molt sot de gile.
    Entra après lui en la vile;
    Les dras vesti à une dame.
    A grant merveille sambla fame.                                  1190
    D'un muelekin fu afublés.
    Molt par fu bien enmuselés;
    A son costé ot sa kenoulle;
    Lors fila Wistasces li moigne.
    A .j. serghant manois s'en vint                                 1195
    Ki .j. cheval le conte tint.
    Dist Wistasces: «Lai-moi monter.
    Et je te lairai bareter.»
    «Molt volentiers, dist li sergant;
    Sor cest bon palefroi amblant,                                  1200
    Ma damoisiele, or chà, montés.
    .Iiij. deniers de moi arés
    Se vous me laissiés bareter.»
    «Je t'aprendrai à culeter.
    Dist Wistasces; encor en qui,                                   1205
    Ainc nus hom ne culeta si.»
    Le pié si liève le vallet.
    Et Wistasces lait corre .j. pet:
    «Ha! damoisiele, vous peés.»
    Dist Wistasces: «Ne vous doutés.                                1210
    Bials très dous amis, ne vous poist.
    C'est ceste siele ki si croist.»
    Wistasces li moigne est montés.
    Il et li varlès lès à lès
    S'en vont en la forest batant.                                  1215
    Dist li varlès: «N'alons avant.
    J'ai chi le cheval mon signor
    Et vous le palefroi millour;
    Dist li varlès, g'ière honnis
    Se cis plais n'est tost defenis;                                1220
    Chà alons faire no besoigne.»
    «Varlet, dist Wistasces li moigne,
    Trop ies engrans de bareter.
    Par tans te ferai culeter.
    Or vien encor .j. poi avant,                                    1225
    C'aucuns ne nous voist espiant.»
    «Damoisiele, dist li varlès.
    Gardés ke il n'i ait abès.
    Par les boiaus sainte Marie!
    Je vous tolroie tost la vie.»                                   1230
    Dist Wistasces: «Bials dous amis.
    Or ne soiés si esmaris.
    Ma logete est ichi devant;
    Or vien encor .j. poi avant.»
    Li varlès le siut folement,                                     1235
    Wistasces vint entre sa gent.
    Le varlet aert par le col:
    Or se puet-il tenir por fol
    De cest voirs que li vilains dist:
    «Tant grate kievre que mal gist.»                               1240
    Dist Wistasces: «Descendés jus
    Dou bon cheval, n'en menrés plus;
    Li palefrois si r'est molt buens.
    Jamais n'i montera li quens.»
    Illuec sont andoi descendu,                                     1245
    Grans risées i a éu:
    «Signor, dist Wistasces li moigne.
    Cis varlès fera sa besoigne.
    Car je li oi en couvenant.»
    Il [l']a mené .j. poi avant,                                    1250
    Wistasce en .j. fangier enmainne:
    «Varlet, fait-il, ne te soit painne;
    Or tost despoulle toi trestous.
    Je sai bien que volentiers fous.»
    Li varlès el fangier entra,                                     1255
    Ainc contredire ne l'osa.
    Dist Wistasces: «Or del culeter.
    Bon loisir as de bareter.
    Culete trestous entendus
    Ou tu sera jà si batus                                          1260
    Jamais ne t'en poras aler.
    Tu me cuidoies bareter.
    Bien devroies avoir vergoigne.
    Ki voloies foutre .j. noir moigne.»
    Dist li varlès: «Por Diu merchi!                                1265
    Ne me faites tel honte chi.
    Sire, dist-il, par Nostre Dame!
    Je cuidoie que fuissiés fame.»
    Wistasces dist n'est pas herites
    Ne fout-en-cul ne sodomites:                                    1270
    «Or vien avant, si t'en iras;
    Au conte de ma part diras
    Con faitement je t'ai servi.»
    «Je li dirai molt tos[t is]si
    De vo part,» che dist li varlet.                                1275
    Tantost à la voie se met.
    Au conte n'osa retorner
    Por son message raconter;
    Fuis est en estraigne terre.
    Puis dura longhement la guerre                                  1280
    d'Uistasce le moigne et dou conte.
    Wistasces li fist puis grant honte.

    Un jour estoit à la Capiele
    Wistasces, qui sot la nouviele
    Que li quens partout le queroit.                                1285
    En .j. prestre molt se fioit.
    Ciés le prestre fu herbregiés.
    Qui riches fu et aaisiés.
    Li prestres l'encusa au conte.
    Wistasces li fist puis grant honte;                             1290
    Au prestre poins et piés lia.
    Puis en .j. fossé le jeta.
    .J. jour vint li quens de Bouloigne
    Vers Genos en une besoigne.
    Le roi Phelippe od lui mena,                                    1295
    Qui toutes ses os i mena.
    Et son fil le roi Loéy
    Molt mena biele gent od li.
    Li rois ot compaignie biele.
    Cele nuit jut à la Capiele,                                     1300
    Illuecques assambla ses os
    A Sainte-Marie-au-bos.
    Qui priès estoit de la Capiele.
    Là r'avoit compaignie biele.
    Wistasce le moigne avoec lui                                    1305
    Qui au conte a fait maint anui
    Dehors le bos avoit s'espie;
    Là prist .j. borgois de Corbye.
    Ne li laissa fors la cotiele.
    Au roi l'envoie à la Chapiele,                                  1310
    Apriès r'ocist .j. chevalier.
    Li rois s'em prist à corechier.
    Puis dist au conte de Bouloigne:
    «Quens, oiés d'Uistasce le moigne
    Qui ma gent desrobe et occist.»                                 1315
    Respont li quens: «Se Dex m'aït.
    Je ne me puis de lui vengier.
    C'est .j. dyable moigne guerrier.»
    Adont le fist li rois cachier;
    Mais onques ne le pot baillier.                                 1320
    A Sangates li rois ala;
    Quant de Sangates retorna
    Dont fist li quens l'arrière-garde
    Que la gent au roi éust garde.
    Wistasces, qui molt sot de gile,                                1325
    Ert priès d'illuec en une vile.
    L'espie au conte de Bouloigne
    Li conte d'Uistasce le moigne
    Qui en cele vile espioit
    L'ost le roi, qui par là passoit.                               1330
    Li quens est alés cele part.
    Et Wistasces, qui molt sot d'art.
    Qui en fu garnis par s'espie.
    Une nouviele soif espie.
    Uns vilains cele soif clooit;                                   1335
    Wistasces vint à lui tout droit.
    Li vilains ot une viés chape.
    Et Wistasces molt tost li hape;
    Sa bonne robe li donna.
    A son ostel l'en envoia.                                        1340
    Li sois estoit légière à clore.
    Wistasces le commenche lore;
    Wistasce une serpe tenoit
    Dont piex et verges esmondoit;
    Une viés huve ot asfublée.                                      1345
    Li quens issi d'une valée.
    A Wistasce s'en vint tout droit
    Qui cele soif durment clooit:
    «Vilains, dist li quens de Bouloigne.
    Est laiens Wistasces li moigne?»                                1350
    Dist Wistaces: «Ne sai voir, sire;
    Ne vous en voel mençoigne dire:
    De la vile orendroit tourna.
    Por l'ost le roi se destorna;
    Il s'enfuit à molt grant besoing,                               1355
    Droit chi à mont, il n'est pas loing.
    Vous le porrés molt bien ataindre.»
    Et li quens commencha à poindre.
    Et Wistasces, ki el ne quiert.
    En la keue de l'ost se fiert.                                   1360
    Illuec retint .v. chevaliers,
    .Vj. palefrois et .v. destriers;
    Car il avoit grant compaignie
    Qui gaires n'estoit eslongie;
    El bos se sont alé muchier,                                     1365
    Apriès sont assis au mangier.
    Hainfroi son mortel anemi
    I sorvint au mangier sor lui.
    El bos entra pour estaler.
    Jamais ne s'en cuida r'aler,                                    1370
    Grant paour ot, molt s'esfréa.
    Wistaces em piés se leva;
    Dist Wistasces: «Or tost descendés.
    Et avoec nous si mangerés.»
    Hainfrois descent, grant paor a,                                1375
    En Wistasce poi se fia;
    Et quant che vint apriès mangier.
    Hainfrois commencha à proier
    Wistasce merchi durement.
    Dist Wistasces: «Alés-vous-ent.                                 1380
    Mon père et mon germain cousin
    Avés occit et trait à fin.
    Et si me meslastes au conte.
    Ne ferai ore plus lonc conte;
    Mais qui me donroit toute Franche                               1385
    N'en prendroie-jou acordanche.
    Pour chou qu'o moi mangié avés
    Huimais de moi garde n'arés.
    Or vous en alés trestous cuites.
    Et au conte de ma part dites                                    1390
    Que jou orains la soif clooie
    Quant il me demanda quel voie
    Wistasces li moigne est alés;
    S'il ert encore laiens remés.»
    Hainfrois est d'Uistasce partis;                                1395
    Au conte conta tous ses dis.
    Et li quens tantost retorna
    Et Wistasces se destorna;
    Lors s'atorna comme mesiel.
    Henap ot, et potente et flanel;                                 1400
    Quant voit le conte trespasser.
    Dont commencha à cliketer.
    Là ot-il .xxviij. deniers.
    C'au conte, k'à ses chevaliers.
    Quant li quens fu outre passés,                                 1405
    Uns gars fu arrière remés
    Ki menoit un molt bon destrier;
    Wistasces le fist trébuchier.
    Saut ès archons, sa voie tient.
    Et li garchons au conte vient:                                  1410
    «Sire, par ma foi! uns mesiaus
    M'a tolu .j. de vos chevaus.»
    «Vois, dist li quens, por les boiaus.
    Por le ventre, por les trumiaus!
    Che fu ichil à la clikete                                       1415
    Li moignes ki si nous abète.
    Par foi! che dist li quens Renaus.
    Trop bien paroit ore mesiaus;
    Les dois avoit trestous croçus
    Et ses visages ert boçus.»                                      1420
    Li quens le fist partout cachier.
    Wistasces se fist escachier;
    Sa jambe ot lié à sa nace.
    Molt bien sot aler à escache.
    Poumon de vaque de Hiekie                                       1425
    Avoit à sa cuisse liie.
    D'un bendel tout ensanglenté.
    Et mostier est Wistasce entré;
    Li quens de Bouloingne i estoit.
    Li prieus la messe chantoit.                                    1430
    Tous ert li mostiers plains de gens.
    De chevaliers et de sergens.
    Wistasces vint devant le conte.
    Sa maladie li raconte;
    Sa jambe li mostre et sa nache,                                 1435
    Si li prie que bien li fache.
    Li quens .xij. deniers li tent.
    Et Wistasces les deniers prent;
    Devant le prieus vint tout droit
    Là où s'osfrande rechevoit,                                     1440
    En haut a sa cuisse levée
    Et sa nache li a mostrée.
    «Sire, dist Wistasces, véés
    Comme je sui mal atirés;
    J'ai toute la cuisse porrie.                                    1445
    Pour Diu et por sainte Marie!
    Car priiés à ces chevaliers
    K'il me doinsent de lor deniers
    A ma cuisse faire garir.»
    Dist li prieus: «Or lai venir                                   1450
    L'osfrande, et puis si parlerai.
    Volentiers por toi prierai.»
    Quant l'osfrande fu toute alée.
    Et li prieus sans demourée
    Prie pour Wistasce le moigne                                    1455
    Qui à maint homme fait vergoigne.
    «Signour, dist le prieus, oés.
    Cis povres hom que vous véés
    A toute la cuisse porrie.
    Pour Diu et pour sainte Marie                                   1460
    Grant mestier a c'on bien li fache;
    Il n'a c'un pié et une escache.
    Pour Diu! signor, faites li bien;
    Je vous em pri sour toute rien.»
    Wistasces ne fu mie fols;                                       1465
    Illuec gaegna-il .viij. sols.
    Dou mostier ist à recelée.
    Ains que la messe fust chantée;
    N'avoit cure de prendre pais.
    Il amoit miels guerre que pais.                                 1470
    Il s'en vint au cheval le conte.
    Sour le cheval maintenant monte.
    S'escache contreval li pent;
    Et li enfant crient forment:
    «L'escachier enmainne .j. cheval;                               1475
    Vés com il point par mi cel val!»
    Dont salent fors li chevalier.
    Il ne remest homme el mostier:
    Trop grant merveille en orent tuit
    De l'escachier ki si s'enfuit                                   1480
    Sour le riche cheval d'Espaigne.
    Durment s'en vait par la campaigne.
    «Vois! dist li quens, por les boiaus!
    Tant est cis moignes desloiaus
    Ki tant m'ara fait honte et mal.                                1485
    Or me r'a tolu mon cheval.
    Riens ne me vauroit li sivir.
    Je n'el poroie aconsivir.»
    Dont fist li quens à tous jurer
    Que s'il le pueent atraper,                                     1490
    En bois, n'en vile, n'en sentier.
    K'il le renderont prisonnier.

    Un jour estoit molt bien negié.
    Wistasce ot esté espié
    En .j. hamiel où il estoit.                                     1495
    Li quens s'en va cele part droit.
    Lui .xxxisme. tout ferarmé.
    Par tans fust pris et atrapé;
    Mais Wistasces de Mont-Chavrel
    L'en garni par .j. garçonchiel.                                 1500
    Wistasces est sour Moriel montés.
    Lui tiers s'enfuit tous désarmés.
    Li quens par trache le sivoit.
    Et la trache en la noif estoit.
    Wistasces chiés .j. fèvre entra,                                1505
    Les fers de son cheval torna;
    Quant li fier furent bestorné.
    Wistasce en est adont torné.
    Que plus Wistasce avant aloit
    Et la trache si demostroit                                      1510
    Au conte k'il tornast arrière.
    Li quens est entrés en l'ordière.
    Par cele trache s'aperchoit
    Qu'Uistasce arrière retornoit.

    Li quens arrière retorna,                                       1515
    La trache au fèvre le mena
    Ki les fers avoit bestornés.
    Par tant sera mal atornés.
    Li quens fist le fèvre apieler;
    Je cuic k'il le velt tribouler,                                 1520
    Commande lui sans nul essoigne
    Que li rende Wistasce le moigne.
    Dist li fèvres: «Je n'en ai mie.
    Issi m'aït sainte Marie.»
    Dist li quens: «Vous le me rendrés;                             1525
    Par ceste trache estes provés
    Qui nous a amené ichi.»
    Li fèvres dist: «Sire, merchi!
    Troi escuier par chi passèrent.
    Lor fers de lor chevals tornèrent                               1530
    Mais ne sai por coi il le firent.
    Tout maintenant de chi issirent.
    Cele voie s'en sont alé
    Si com vous estes retorné.»
    Dist le quens: «Par les sains trumiaus!                         1535
    Molt est cis moignes desloiaus.
    Pour les fers k'il a bestorné
    Sommes-nous ichi retorné.
    Fèvres, ki les fers bestornas.
    De .xx. livres tu destordras:                                   1540
    Ou .xx. livres me baillerés
    Ou vous serés haut encroés.»
    Li fèvres .xx. livres gaga.
    Plège et ostage l'en livra.
    Li quens retorne vers Wistasce,                                 1545
    Le forest de Vardello passe.
    Wistasce est assis au mangier
    Chà fors en .j. vaste mostier;
    .Iij. carpentiers i carpentoient.
    Nouviel mostier faire voloient.                                 1550
    Li quens s'en passa par devant.
    Au mostier courut .j. serghant.
    Wistasces devint carpentier
    Quant le serghant vit aprochier;
    A son col la cuignie pent,                                      1555
    Fors dou mostier ist erramment:
    «Diex vous saut! sire, dit Wistasce;
    Queis hom est-chou ki par là passe?
    Dist li serghans: «Che sont faidiu
    Ki sont de lor païs eskiu.                                      1560
    .J. homme qui molt set de guerre
    Venoient querre en ceste terre.
    Il ont oï parler dou moigne
    Qui chi fu nés priès de Bouloigne.
    Molt ont demandé et enquis                                      1565
    K'il est molt preus et molt hardis.»
    «Frère, dist Wistasces li moigne.
    Vous alés querre tel besoigne
    Jà ne vous vaurra .j. bouton.
    C'est uns fols musars, .j. glouton.                             1570
    Laiens mangue en cel mostier
    .J. dyable moigne advresier;
    Le mal puist-il estre arivés!
    Il nous a tretous afamés.
    Descendés, si l'alés véir.                                      1575
    Chelui que vous verrés séir
    A cel coron par de delà
    C'est li moignes, n'en doutés jà.»
    Li serghans descent erramment.
    Puis a dit au moigne ensement:                                  1580
    «Tenés-moi, fait-il, mon ronchi.
    Il n'a si bon dusch'à Monchi.
    Et si gardés k'il ne vous fière.
    Car il jete del pié derrière.»
    Dist li moignes: «Loial vous truis;                             1585
    Ne me ferra pas se je puis.»
    Li varlès el mostier entra.
    Del moigne mie ne trouva.
    Et quant ne l'a mie trouvé
    Dont se tient-il à engané.                                      1590
    Il aloit musage querant.
    Wistasces monte maintenant.
    Wistasce à haute vois s'escrie:
    «Carpentier, vesci vo cuignie.
    Je m'en vois, à Diu vous commanc.»                              1595
    «Par les dens Diu! dist li sergant.
    De mon cheval jus descendés;
    Arrière le me ramenés.»
    «Non ferai, puis k'il est si bons.
    Huimais ne me prendra li quens,                                 1600
    Ains enmenrai cest bon cheval.
    Dist Wistasces, sire vassal.
    Arrière à pié vous en irés.
    Au conte de ma part dirés
    Bien fust conréés et péus                                       1605
    Se il fust ichi descendus.»

    Uistasce en la foriest entra.
    Et cil à pié si s'en ala
    Trestous corchiés et abosmés:
    Cest jor fu-il mal atornés;                                     1610
    Souvent chaoit par mi la noif
    Et moroit de fain et de soif.
    Et si erroit à tel trépiel
    Que de ses dens faisoit martel.
    Li quens ert assis au mangier;                                  1615
    Atant ès vous son escuier
    Trestout soillié desci as braies.
    Dist li quens: «Bonne aventure aies!
    Si m'as ore de priès sivi.
    As-tu le moigne aconsivi?»                                      1620
    Cil fu corchiés, ne pot mot dire.
    Li quens li recommenche à dire:
    «Respont, dyable, dist li quens.
    Male goute aies-tu ès dens!»
    «Sire, che dist li escuiers,                                    1625
    Li moignes est bons chevaliers.
    Car il prent bien souvent dou vostre;
    Bien vous aprent vo patenostre.
    Il m'a mis de mon ronchin fors;
    En aventure fu mon cors.»                                       1630
    «Vois! dist li quens, por les trumials.
    Pour le ventre et por les boiaus.
    Por le gargate, pour les dens.
    Com cil cunchie toutes gens!
    Por les trumiaus! bien n'en ira.                                1635
    Signor serghant, or i parra.»
    Wistasce en la forest estoit.
    Li quens s'en vint cele part droit.
    Wistasce est sor Moriel montés;
    Mais il n'estoit mie cenglés.                                   1640
    Li quens le siut comme dervés:
    Or ert-il jà bien atrapés.
    Wistasces Moriel espouronne.
    Et Morials saut, la siele torne;
    Wistasces chiet, li quens le prent.                             1645
    Vigereusement se desfent.
    L'escu li a jeté devant;
    A .ij. mains l'aiert maintenant.
    Et dans Wistasces fiert le conte.
    Ki volentiers li féist honte.                                   1650
    Li uns sache, li autres tire.
    Ainc ne véistes tel martyre
    Com il ot à Wistasce prendre;
    Car trop bien se savoit desfendre.
    Pris fu Wistasce et retenus,                                    1655
    Lors fu bien gardés et tenus.
    Les mains li lient et les piés.
    Sor .j. ronchi fu encarchiés.
    Tantost le valt pendre le quens;
    Mais Wistasce i avoit des siens:                                1660
    Ains i éust cols départis
    K'il i fust pendus ne occis.
    «Signor, dist li quens de Bouloigne.
    Jou ai pris Wistasce le moigne;
    Or me loés que j'en ferai.                                      1665
    Par vo conseil m'en déduirai.
    Me loés-vous que je le pende
    Ou au roi de Franche le rende?»
    Dist Guillaume de Mont-Chavrel:
    «Il ne nous en seroit pas bel;                                  1670
    Nos parens est et nos amis.
    Trop en ariés d'anemis.»
    Dist li quens: «Je le pendrai jà;
    Or venrai ki le me tolra;
    Ou jou au roi l'envoierai,                                      1675
    Que jà por nul hom n'el lairai.
    Ki le fera pendre ou noier.
    Ou le fera martyriier.»
    Dist Wistasces: «Bials très dous sire.
    Car refraigniés .j. poi vostre ire.»                            1680
    «Le moigne raplégiés-le-nous
    Sor quanques nous tenons de vous.»
    «Par les boiaus biu! non ferai.
    Dist li quens; ains le destruirai.»
    Et dist Ansiaus de Caieu: «Sire,                                1685
    Car refraigniés encor vostre ire;
    Trop porroit à ses amis nuire.
    Se vous le voelliés destruire.»
    «Sire, dist Hues de Belin.
    Le volés-vous destruire enfin?»                                 1690
    «Oïl, par saint Piere de Romme!
    Jamais ne cunchiera homme.
    Dist li quens; trop a fait de maus.
    Trop est tels moignes desloiaus.»
    Respont Wales de la Chapiele:                                   1695
    «Ne morra hui, par la cerviele!
    Trop estes mals hom, sire quens;
    N'en ferés pas issi vos buens.
    Il a ouvré com hom de guerre;
    Vous li avés tolu sa terre.                                     1700
    Or le menés par jugement.
    Ou n'en tenrés mie autrement.
    Se vous le moigne pendiés.
    Trop d'anemis en averiés;
    Et se vous el que bien li faites                                1705
    Jà i aura espées traites.»
    «Sire, che dist Bauduins d'Aire.
    Car me créés d'un poi d'afaire.
    Envoie-le à Paris au roi;
    S'iert jugiés par droit et par loi.»                            1710
    Dist li quens: «Il eschaperoit.
    Qui .j. jor vivre le lairoit.»
    «Si le faites si bien loier
    K'il ne se puisse justichier.»
    Dist li quens: «Je l'envoierai                                  1715
    Au roi, si m'en deliverrai.»
    Cascuns respont: «Je le vous lo.»
    Li quens l'envoie à Hardelo;
    Et quant che vint à l'anuitier
    Li quens manda .j. caretier                                     1720
    Pour Wistasce mener au roi.
    Li caretons plevi sa foi
    C'au roi de Franche le menroit.
    Si que jà nus ne le saroit.
    Hues de Gaunes est montés,                                      1725
    Lui xxxisme tot ferarmés;
    Cil le doivent à roi conduire.
    Ains li volront aidier que nuire.
    Wistasces fu encharetés.
    Par nuit se sont acheminés.                                     1730
    Si ami en demainnent duel.
    Ils ont trespassé Mosteruel.
    Hues de Gaunes les garni.
    S'apresté fuissent et garni
    D'Uistasce le moigne secorre,                                   1735
    Sous Biaurain le porront rescorre.
    Guillaumes de Filles s'arma.
    Lui xxxisme, à Biaurain ala;
    S'ont rescous Wistasce le moigne.
    Maugré le conte de Bouloigne.                                   1740
    Li moigne passa outre Cance;
    N'avoit cure d'aler en Franche.
    Ains que li quens en séust mot.
    Ot-il gaegnié son escot.
    Li abbés de Jumiaus venoit;                                     1745
    Wistasce esgarde, si le voit:
    «Dans abbés, dist-il, estés là;
    Que portés-vous, n'el celés jà?»
    Dist li abbés: «A vous c'afiert?»
    A poi c'Uistasces ne le fiert:                                  1750
    «C'afiert à moi, sire coillart!
    Par ma teste! g'i aurai part.
    Descendés tost, n'en parlés plus,
    Ou vous serés jà si batus
    Ne le vauriiés pour .c. livres.»                                1755
    Li abbés [cuide] k'il soit ivres;
    Il l'a.. molt douchement.
    Dist a l'abés: «Alés-vous-ent;
    N'est pas ichi que vous querés.»
    Wistasces dist: «Ne me ciflés;                                  1760
    Descendés jus isnielement.
    Ou là vous ira malement.»
    L'abbés descent, grant paor a.
    Et Wistasces li demanda
    Combien il porte od lui d'avoir.                                1765
    Dist li abbés: «.iiij. mars voir.
    J'ai od moi .iiij. mars d'argent.»
    Wistasces l'escouce erramment;
    Bien trouva .xxx. mars ou pus.
    Les .iiij. mars li a rendus,                                    1770
    Tant com il dist que il avoit.
    Li abbés fu corechiés à droit.
    Se li abbés éust dit voir.
    Tout r'éust éu son avoir.
    Li abbés son avoir perdi                                        1775
    Pour tant seulement k'il menti.

    Un jor fu li quens à Bouloigne;
    Dont i vint Wistasces li moigne.
    Dedens Bouloigne en est entrés.
    Makeriaus avoit acatés,                                         1780
    Vendi les as serghans le conte.
    Pour paiement et por aconte
    Ala Wistasce à court mangier;
    Mais ainc n'en pot avoir denier.
    Il demanda son paiement,                                        1785
    Ainc n'en i ot goute d'argent;
    Terme li ont mis li serghant.
    Wistasces s'em parti atant.
    Li quens s'apparilla d'esrer.
    Ses chevals a fait ensieler.                                    1790
    Wistasces s'en vint as chevaus,
    .Iiij. en a saisi des plus biaus.
    A l'iaue les devoit mener,
    .Iij. garchons fist od lui aler
    Ki les chevaus li amenèrent;                                    1795
    Fors de Bouloigne les menèrent.
    Wistasces i ot des serghans;
    Il fait descendre les enfans.
    Les .iiij. chevaus enmenèrent
    Et li enfant s'en retornèrent.                                  1800
    Wistasces au conte manda
    Par .j. serghant k'il encontra.
    K'i enmainne .iiij. chevaus
    Por l'escot de ses makeriaus.
    Li serghans vint courant au conte,                              1805
    D'Uistasce le moigne li conte
    Ki li a makeriaus vendus
    .Xliiij. voire plus;
    «Quatre bons chevals en a pris
    Por le paiement, che m'est vis,                                 1810
    Et si a mangié à vo court.»
    «Par les piés biu! trop me tient court;
    Je li acourcherai sa vie.
    Par les boiaus sainte Varie!»
    Li quens le commenche à cachier;                                1815
    Mais onques ne le pot baillier.
    Wistasces devint flanniers
    Et esmeulliers et basteliers.

    Li quens ert .j. jor à Calais.
    Wistasce i vint à grant eslais,                                 1820
    Ki molt sot de mal et de gile.
    En .j. ostel fors de la vile
    Fist faire .j. fu grant et plenier;
    Od lui avoit .j. escuier.
    Waufres et tartres fist nouvieles                               1825
    Et samelles boines et bieles.
    Les tartes fist dedens confire
    D'estoupes, de poi et de cire.
    Wistasce les ot fait confire
    Molt très bien et a grant maistire.                             1830
    Li quens fu assis au mangier.
    Et Wistasce prist son mestier.
    Si le porta devant le conte;
    Au conte vient, et si li conte
    C'uns damoisiaus li fait présent                                1835
    Qui tient de lui son casement.
    K'il a devant lui à plaidier,
    Et avoec lui venra mangier.
    Laiens ont le présent rechut;
    Ancui se tenront à déchut.                                      1840
    Wistasces unes letres fist.
    En unes des tartes les mist.
    Qui contèrent par vérité
    Trestoute la concieté.
    Wistasce au conte a pris congié,                                1845
    Et quant li mès furent mangié
    Le présent portèrent esrant
    Devant le conte maintenant;
    Tartes i ot orent aportées.
    Cil ki là les a présentées                                      1850
    Uns chevaliers a pris des tartes.
    Au conte estoit ses connestables.
    Molt durement ert ses privés.
    En une tarte est enpastés
    Si k'il ne puet la geule ouvrir,                                1855
    Les dens arrière resortir.
    Anchois k'il en fust despastés.
    A son compaignon dist: «Tastés;
    Ainc de tels tartes ne mangastes.
    N'en vostre vie n'en goustastes.»                               1860
    Adont a pris cil une tarte;
    Grans dens avoit, forment s'empaste
    Si k'il n'en puet ses dens oster;
    D'angoisse commenche à suer.
    Et quant il se puet despaster                                   1865
    Forment commencha à jurer:
    «Par les dens biu! je sui honnis;
    Dyable ai mangié, che m'est vis.»
    Molt durement se cunchiièrent
    Tout cil qui des tartes mangièrent.                             1870
    N'i ot nul n'en fust enpasté
    Si tost com il en ot gousté.
    En une des tartes trouvèrent
    Les letres qui lor racontèrent
    Que che fist Wistasces li moigne.                               1875

    «Par foi! dist li quens de Bouloigne.
    Trop est cis moigne desloiaus.
    Car trop me fait de lais aviaus.
    Au dyable soit-il commandés!
    Que jà n'iert pris ne atrapés.»                                 1880
    Wistasce en Engletiere ala.
    Au roi Jehan merchi cria;
    En forme d'un ospitelier
    As piés le roi s'ala couchier.
    Li roi li demanda pour coi                                      1885
    Il ert couchiés par devant soi.
    Wistasces dist: «Sire, merchi.»
    Dist li rois. «Levés-vous de chi.
    Puis que estes ospiteliers
    Vous arés merchi volontiers.»                                   1890
    Dist Wistasce: «Oiés ma besoigne.
    Che vous mande Wistasces li moigne
    Et en priant merchi vous crie
    Que le retenés de maisnie.»
    Li rois respont sans demorer:                                   1895
    «Retenus ert, s'il velt jurer
    K'en boinne foi me servira
    Ne que jamais ne me faura;
    De lui vaurai avoir ostages.»
    Dist Wistasces: «Ma fille en gages,                             1900
    Sire, s'il vous plaist, en arés
    U ma femme, se vous volés.»
    Dist li rois: «Estes-vous li moigne.
    Ki parlés de ceste besoigne?»
    «Oïe, sire; Wistasce ai non.»                                   1905
    Et dist li rois: «Par saint Aumon.
    Ki me sires est droituriers!
    Je vous retenrai volentiers.
    Que très bien soiés vous venus!»
    Dont fu Wistasces detenus.                                      1910
    Li rois galies li bailla;
    Wistasces en la mer entra.
    Wistasce avoit .xxx. galies.
    Es isles vint de Genesies.
    Cil des isles furent armé,                                      1915
    Ensamble furent aüné;
    Uns castelains les conduisoit.
    Quant ceste estoire venir voit.
    A la gent dist: «Or atendés
    Tant que il soient arivés.                                      1920
    Quant nous à terre les verrons
    Maintenant les desconfirons.»
    Quant Wistasces fu arivés.
    Tous premerains issi des nés.
    Et si compaignon après sallent;                                 1925
    Et cil des isles les asallent.
    Wistasces vint au castelain.
    Qui devant vint tout premerain;
    Par mi ses très, ki ke s'en plaigne.
    Li a conduit toute s'ensaigne.                                  1930
    «Godehiere!» crie Romerel.
    Wistasces crie: «Vincenesel!»
    Illuecques ot grant poignéis
    Et molt très fort abatéis.
    Que cil molt fort les assailloient                              1935
    Et cil molt bien se desfendoient.
    Dont commencha une meslée
    Et grans et fors et adurée.
    Wistasces tint une grant hace
    Dont il grans cols fiert en la place,                           1940
    Maint elme en a esquartelé
    Et maint destrier a espaulé;
    Fiert à destre, puis à senestre.
    De l'estor se fait sire et maistre.
    Dist Wistasces: «Or dou ferir                                   1945
    Par tans les en verrés fuir.»
    Bataille i ot et grant et fière.
    Le jor i ot fait mainte bière.
    Wistasces d'illuec les jeta,
    Et tous les isles eslilla                                       1950
    K'il n'i remest riens à ardoir
    Ne en castiel ne en manoir.

    Un jour estoit venu le flue.
    Wistasces fu à Hareflue.
    Là où Sainne chiet en la mer;                                   1955
    Ses galies fist aancrer.
    En .j. bastiel s'en est entrés
    Lui .xxxisme. de ses privés;
    Amont Sainne prist à nagier.
    A terre sont sans atargier;                                     1960
    Venus est au Ponciau-de-Mer.
    Desour le pont ala ester.
    Wistasces eut vestu .j. froc.
    Devant lui vit ester Cadoc
    Le senescal de Normendie.                                       1965
    .Iij. cens serghans ot de maisnie
    Por les pors de Saine garder
    Que li moignes n'i puist passer.
    Wistasces manda .j. barbier.
    Sor le pont se fist barbiier.                                   1970
    Dist Wistasces: «Quel le feriés
    Se le moigne aconsiviés?»
    Che dist Cadoc: «Je le feroie
    C'au roi de Franche le rendroie.
    Ki le feroit crucefiier,                                        1975
    U pendre, ou ardoir ou noier.»
    Dist Wistasces: «Par saint Winape!
    Se vous me donnés vostre cape
    Par tans le vous ensaigneroie
    Et adonc le vous mosterroie.»                                   1980
    Respont Cadoc: «Ma cape arés
    Se vous le moigne me rendés.»
    Dist Wistasces: «Vous le verrés.
    Otés vos cape; chà, donnés.»
    Cadoc li a donné sa cape,                                       1985
    Qui par tans ara son escape;
    Elle ert d'un vair de gris forrée.
    Et Wistasces l'a afublée;
    Et dist Wistasces: «Or tost montés;
    Il est ichi priès en ces prés.»                                 1990
    Cadoc si monta lui .xxxisme..
    Si les mainne Wistasces meisme
    Ès prés sor le Ponciau-de-Mer;
    Il le fera par tans irer.
    .J. faukéour ès prés avoit,                                     1995
    Une pièche de prés faukoit.
    Dist Wistasces: «Par saint Vinape!
    Se cis faukieres vous eschape.
    Jamais le moigne ne prendrés.»
    Cadoc cele part est alés                                        2000
    Il et sa maisnie poignant.
    Une raske trouvèrent grant;
    Trestout caïrent en la raske.
    Cascuns laidement s'i enraske.
    Li cheval i sont dusc'au ventre,                                2005
    Et Wistasces vint entrementre
    A Cadoc, si le salua:
    «Sire, fait-il, que faites là?»
    «Vois! dist Cadoc, por la froissure.
    Dex te doinst hui male aventure                                 2010
    Quant tu par chi nous amenas!
    Laidement cunchiié nous as.»
    Wistasces sor son chaperon
    Rit de Cadoc à grant fuison.
    Or fu Cados molt bien déchus                                    2015
    Quant en la rasque fu kéus;
    Lui .xvisme. fu enraskiés.
    Et il jura com renoiés
    Et si compaignon autressi.
    Dist Wistasces: «Par saint Remi!                                2020
    Jamais de cel fangier n'istrés
    Se vous mon conseil ne créés.»
    Et Cados s'escria en haut:
    «Fils à putain, malvais ribaut.
    Tu nous as mis en mal pelain.                                   2025
    Le mal jor aies-tu demain!
    Si aras-tu si je te tieng.»
    Dist Wistaces: «Je ne vous crieng
    Tant com vous estes en la raske;
    Jésir i poés dusch'à Paske.                                     2030
    Se vous mon conseil ne créés.
    Jamais de la raske n'istrés:
    Trestous main à main vous tenés,
    Sor vos sieles à piés montés;
    Se savés saillir as joins piés                                  2035
    Vos chevaus arés alegiés
    Et vous plus délivre serés.
    Or le faites, se me créés.»
    Cil croient le conseil Wistasce:
    Cascuns sor se siele l'entasce,                                 2040
    Si s'entretiennent par les mains.
    Et Cadoc saut tot premerains.
    Chiet el fangier dusqu'as assieles.
    Li autre se tiennent as sieles.
    El fangier saut dusc'au braieul;                                2045
    Wistasces n'en a mie duel.
    Por poi ne se pasme de ris.
    Dist Wistasces: «Vous estes pris;
    Jamais de chi n'eschaperés
    S'à cordes n'en estes jetés.»                                   2050
    «Vois! dist Cadoc, por les trumiaus!
    Por le ventre! por les boiaus!
    Por les dens biu! com sui honnis!»
    Wistasces s'escrie à haut cri.
    Le fauchéor fort apieloit:                                      2055
    Li faukieres vint à esploit.
    Jouste Cadoc saut el fangier;
    Il i sailli pour lui aidier.
    Dusques au çaint i est férus.
    Dist Wistasces: «Or i en a plus.»                               2060
    Cados cuida sans nul ensoigne
    Que che fust Wistasces li moigne.
    Dou fauchéour ki l'assailli;
    Il l'a maintenant assailli.
    Del poing le fiert dalès l'oreille:                             2065
    Li fauchieres a grant merveille;
    Toute l'oreille li fourmie.
    Cados le refiert lès l'oïe.
    Et il cuida qu'il fust ivres.
    Bien en vausist estre délivres.                                 2070
    En males mains est bien caüs.
    Molt fu laidengiés et batus.
    Et Wistasces li escria:
    «Laissie-le ester, coupes n'i a;
    Il avoit lassié le faukier                                      2075
    Et vous estoit venus aidier.
    C'est ore de bien fait co frait
    Quant li faites et honte et lait.
    Jou ai non Wistasces li moignes.
    Qui vous ai mis en cest essoigne.                               2080
    Huimais poés assés fouler
    Et je m'en irai vers la mer.
    Vostre cape m'avés donnée.
    Que mal vous ai guerredonnée.
    Devant vous me fis barbiier,                                    2085
    Or vous refai ichi peschier;
    Or n'en soiés escars ne merde.
    Foulés assés en cele merde.
    Car anguilles i a assés;
    Mais molt forment estes lassés.                                 2090
    Tant avés pris de gros poissons
    Que ne les poés metre amont.»
    Dist Cados: «Se j'estoie fors.
    Molt seroit prochainne ta mors.
    Jamais ne seroit cunchiiés                                      2095
    Nus hom par vous ne engigniés.»
    Dist Wistasces: «Manechés vivent.
    Entre iaus molt longhement estrivent.»
    Wistasces s'est d'illuec partis.
    Si se r'est en son batiel mis.                                  2100
    Cados a fait tantost crier
    Sor le pont au Ponciau-de-Mer
    Que il le viegnent desraissier
    U Wistasces l'a fait pescier.
    Quant Cadoc fu d'illuec osté,                                   2105
    .Iij. serghans a fait armer;
    A Bouloigne s'en va poignant.
    .C. serghans envoia devant.
    Bien i cuida Wistasce prendre;
    Mais Wistasces, sans plus atendre,                              2110
    Si fist à lui tenser .j. flue;
    Wistasces vint à Bareflue,
    .Xxx. mars ot de tenserie
    Es isles et en l'autre partie;
    A Bareflue en est venus,                                        2115
    .Xxx. cens en a rechéus.
    Cados le commenche à sivir;
    Mais ne le pot aconsivir.
    Il le sivoit si et le nés;
    Wistasce arrière est retornés                                   2120
    Et .v. batiaus li a tollus:
    Cados ne le velt sivir plus.
    Cados s'en retorna arrière.
    Car la mers li estoit trop fière.
    Wistasces son voile drecha,                                     2125
    Devant Croufaut r'atainte a
    Une très bonne riche nef
    Qui devant lui sigloit souef.
    Wistasce est en la nef saillis.
    Chiaus de la nef a assaillis.                                   2130
    Wistasce adont teus les mena
    Et teus adont les atorna
    Que .ij.c. mars en a rechus;
    Adont se tinrent à déchus.
    Wistasces vint en Engletiere,                                   2135
    Ki molt ot fait de maus en tierre;
    Au roi Jehan s'en vint tout droit.
    Puis l'apiela par grant esploit:
    «Sire, fait-il, je voel requerre
    Une masure en vostre terre.»                                    2140
    Et dist li rois: «Et vous l'arés.
    Et le prendés là où volés.
    A Londres vous doins .j. palais
    Qui molt est riches et bien fais.»
    Wistasces l'en a merchié                                        2145
    Et puis n'i a gaires esté.
    Ains a fait le palais abatre;
    Des ouvriers a mis plus de quatre.
    Si fist jeter .j. fondement
    Qui bien cousta mil mars d'argent                               2150
    Anchois k'il venist desor terre.
    Dont i vint li rois d'Engleterre.
    Puis dist k'il a el cors la rage
    C'a commenchie itel ouvrage.
    .Iiij. cens mars li a prestés                                   2155
    A faire tous ses volentés.
    Wistasces parfist le palais.
    Qui molt fu riches et bien fais.
    En Engletiere fu li moigne;
    Dont i vint li quens de Bouloigne;                              2160
    Dou roi de Franche ert mal partis.
    Au roi Jehan vint ademis.
    Dont s'en vaut revenir li moigne
    Quant il vit Renaut de Bouloigne.
    Li rois faisoit gaitier la mer                                  2165
    Que li moignes ne puist passer.
    Wistasces, ki sot de faviele.
    Prist .j. archon od la viele.
    Comme menestreus s'entorna
    Et sa cotiele coveta.                                           2170
    Une coife ot d'orfroi bendée
    Et une verge foulolée.
    A la marine vint errant,
    .J. marcheant voit à Travant.
    En la nef sont trestout entré;                                  2175
    Et Wistasces est demouré.
    Qui molt estoit de grant porpens:
    Il joint les piés, si sailli ens.
    Dist l'estrumiaus: «Dans menestreus.
    Vous istrés fors, si m'ait Dieus.»                              2180
    Wistasces respondu li a:
    «Voire, quant nous serons de là;
    Or ne vous tien-ge mie à sage.
    Je vous donrai por le passage
    .V. estrelins u ma viele                                        2185
    De coi fesistes or faviele.
    Je suis jouglere et menestreus.
    Petit en trouveriés d'iteus.
    Je sais trestoutes les chançons.
    Por Diu! biau sire, passés nos;                                 2190
    Je vieng devers Nohubellande,
    .V. ans ai esté en Irlande;
    Tant ai béu de la goudale
    Tout ai le vis et taint et pale.
    Or m'en revois boire des vins                                   2195
    A Argentuel ou à Prouvins.»
    «Comment avés à non, sans gas?»
    «Sire, j'ai à non Mauferas.
    Englisseman de Canestuet.
    Ya, ya Codidouet.»                                              2200
    Dist l'estrumiaus: «Tu ies Englés;
    Franchois cuidoie que fussiés.
    Set-tu ore nule chançon?»
    «Oïe, d'Agoullant et d'Aimon;
    Je sai de Blanchandin la somme,                                 2205
    Si sai de Flourenche de Romme.
    Il n'a el mont nule chançon
    Dont n'aie oï ou note ou son.
    Je vous esbainoiasses bien.
    Mais ne chanteroie pour rien;                                   2210
    Car ceste mers molt m'espavente.
    Je n'i porroie metre entente
    A dire chose ki vausist.»
    Onques plus nus ne le requist.
    Si fist li moignes sa besoigne;                                 2215
    A viespre ariva à Bouloigne.
    Lors s'en tourna demaintenant.
    Comme garchons à pié courant.
    Une grant boiste od lui porta.
    Unes lettres dedens frema;                                      2220
    Il vint au roi, si li moustra.
    Li rois les letres esgarda.
    Vit que li moignes ert venus
    En Franche et li mande salus.
    Au roi Jehan est courechiés,                                    2225
    Ne jamais n'i ert apaiés
    Pour sa fille k'il a tuée
    Et arse et desfigurée.
    Et si est li quens de Bouloigne.
    Por chou en vint Wistasces li moigne,                           2230
    Qu'il ne velt pas le roi trahir;
    Mais molt très-bien le velt servir.
    Dist li rois: «S'il est dechà mer.
    Si le faites à moi parler
    Et sauf aler et sauf venir,                                     2235
    Car il i puet molt bien venir
    K'il n'ara garde dusqu'à chi.»
    Et dist Wistasces: «Vés me chi.»
    «Es-tu chou? chou a dit li rois;
    En toi a molt petit franchois.                                  2240
    Tu n'ies pas grans ains ies petis.
    Si ies si preus et si hardis;
    Tu ses de gile et de barat.
    N'i a pas mestier sains de cat.
    A moi ne serviras-tu mie                                        2245
    Se tu ne vis de bonne vie.»
    Dist Wistasces: «Par saint Symon!
    Je ne ferai se bien non.»

    Dont fu li moignes bon guerriers.
    Molt par estoit hardis et fiers,                                2250
    Puis fist-il mainte dyablie
    Es isles en l'autre partie.
    Le roy Loéy fist passer
    A grant navie outre la mer;
    Si conquist la nef de Bouloigne                                 2255
    Par son cors et par sa personne.
    Od lui mena le roi Adan.
    Ses nés perdi li rois cel an.
    Wistasce en fu ochoisonnés
    K'il avoit traïes ses nés.                                      2260
    Wistasces bien s'en éscondi.
    K'il n'i ot homme si hardi
    Ki li osast mie aprouver;
    Et ensi l'ont laissié ester.

    Une autre fois entra en mer                                     2265
    Od grant navie por passer.
    Raous de la Torniele od lui.
    Si fu varlès de Montagui;
    Wistasces vint en haute mer.
    Ki molt estoit et preus et ber.                                 2270
    Plus de .xx. nés devant lui passent
    Et molt durement les assaillent
    Od molt grans ars et arbalestres.
    Car ils ont mis en lor esneques.
    Il se desfendent au jeter                                       2275
    Et au lanchier et au bierser.
    D'Englès font grant occision.
    Bien se desfendent com baron.
    Wistasces maint en craventoit
    D'un naviron que il tenoit;                                     2280
    Ki brise bras, ki brise teste.
    Chelui occist et chelui verse.
    Chelui abat, cel autre foule
    Et au tierch brise la canole;
    Mais cil de toutes pars l'assalent,                             2285
    Molt durement si le travallent.
    De grans naces fierent au bort;
    Mais cil se desfendent si fort
    K'il ne pueent dedens entrer.
    Dont commenchièrent à ruer                                      2290
    Caus bien molue en grans pos
    K'il depéchoient à lor bors.
    La pourrière molt grans leva:
    Che fu chou que plus les greva.
    Dont ne se porent plus desfendre;                               2295
    Car lor oel furent plain de cendre.
    Cil estoient desor le vent
    Ki lor faisoient le torment.
    En la nef Wistasce saillirent
    Et molt durment les mesballirent;                               2300
    Tout li baron i furent pris.
    Wistaces li moignes occis;
    Il i ot la teste colpée;
    Tantost defenist la meslée.
    Nus ne puet vivre longhement                                    2305
    Qui tos jors à mal faire entent.



NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.


Page 1, vers 3.

_Saint-Saumer_, ou mieux _Samer_ (_Sanctus Vulmarus_), abbaye de l'ordre
de saint Benoît, située à quatre lieues de la ville de Boulogne-sur-Mer.
Elle est ainsi appelée parce que, après être né dans le lieu qu'elle
occupa depuis. Vulmar, aidé des secours de son frère, de son père, et de
Ceadwalla roi des Saxons occidentaux, qui lui donna soixante sous, la
fonda l'an 688. Nous ne savons pourquoi l'abbé Expilly la dit «fondée en
608 par Wilme, comte de Boulogne.» Voyez, sur Samer, le _Gallia
Christiana_, tome X, col. 1593.

Page 1, vers 7.

Tolède avoit dans le moyen âge la réputation d'être le siége d'une
fameuse école de magie.

Virgile et Maugis d'Aigremont[28] y vinrent faire leur apprentissage.

On lit dans un conte dévot qu'après la mort de sainte Léocade, les
Tolédans voulurent avoir son corps. Sur ce, le vieux rimeur s'écrie:

    Jà por tote lor nigremance.
    Ne la r'aront, bien le lor mant ce.

(_De seinte Léocade_, par Gautier de Coinsi, v. 2031. _Fabliaux et
Contes_, édit. de 1808, t. I, p. 336.)

Renard

        .... A _Toulete_ en est venus
    Où il refu moult bien conus.
    Car autrefois i eut esté
    Tout un ivier et un esté.
    Apris avoit del nigremance.
    Onques ne fu clerc qui en France
    Séust tant des enchantemens.
    D'apresté et d'esperimens.

(_Renart le nouvel_, tome IV du _Roman du Renart_ publié par Méon, p.
107, v. 2949.)

On lit dans une pièce sans nom d'auteur, qui se trouve à la suite d'un
manuscrit du _Roman de la Rose_, lequel est en ma possession:

    Et il est cornart et deceu
    Qui de tail créance est meu.
    Jà n'ert par lez ars de _Tolete_
    Fine amour quise ne parfete, etc.

On trouve dans un ancien livre espagnol une histoire intitulée: _De lo
que contescio a un Dean Sanctiago con don Illan el magico que morava en
Toledo_[29], et dans le _Second Livre des serées de Guillaume Bouchet,
sieur de Brocourt_ (à Rouen, chez Louys Loudet...M.DC.XXXIV, in-8º,
dixneufiesme serée, p. 193) on lit: «Il falloit...que le miroüer fust
fasciné, et garny de magie diabolique de _Tolette_.»

Enfin, voyez _Morgante maggiore_, canto XXV, ottava 42, 81 et 259, et
_Pantagruel_, liv. III, chap. 23, et consultez, sur les écoles de magie
d'Espagne, Walter Scott, _the Lay of the last Minstrel_. London: printed
for Longman... 1805, in-4º, p. 235-38. Dans une note de H. Weber
(_Metrical Romances_, vol. III, p. 329), on lit l'histoire d'un magicien
qui, après avoir étudié en Espagne, étoit parvenu à enfermer le diable
dans une bouteille, mais par malheur la bouteille se brisa.--On sait que
l'étude de l'astrologie, de la magie et des sciences naturelles étoit
l'occupation favorite des Arabes d'Espagne, et qu'un nombre prodigieux
de leurs livres étoient déjà traduits en latin dans le XIIe siècle, et
répandus ainsi par toute la chrétienté. «Irrepsit hac tempestate (XIIIº
sæcul.) etiam turba astrologorum et magorum, ejus farinæ libris una cum
aliis de arabico in latinum conversis.--_Hermanni Conringii de
Scriptoribus XVI post Christum natum seculorum commentarius_, etc.
_Wratislaviæ_, apud Michaelem Hubertum, M DCC XXVII, in-4º, p. 125.
Voyez enfin Warton's _History of english Poetry_, édit. de 1825, t. II,
p. 235 et suiv.

_Nigremanche_, magie noire, _ars nigra, black art_, et non pas
_divination par les morts_, [Greek: nechromantehia], comme on l'a dit
souvent. Je sais bien que cette étymologie est contraire aux principes
de la science; mais nos pères n'y regardoient pas de si près.


Page 1, vers 10.

Le mot _caudes_ signifie évidemment ici _queues_, soit que l'auteur se
soit servi d'une expression qui s'est conservée de nos jours parmi le
peuple, soit qu'il ait fait allusion à une pratique magique qui nous est
inconnue.


Page 1, vers 14.

_Malfé_, mauvais, le diable. Nos ancêtres craignoient de nommer le
diable par son nom; pour cela il le désignoient par l'épithète de
_mauvais_ ou d'_ennemi_[30]. Les exemples tirés de nos anciens auteurs
étant trop nombreux, il est inutile de les citer, nous nous bornerons à
renvoyer à _Pantagruel_, liv. III, chap. XI, et à rappeler qu'il existe
un livre intitulé les _Temptacions de l'Ennemi_[31], et que dans la
pièce de Shakspeare, _Measure for measure_, acte II, scène 2, Angelo
s'écrie:

    O cunning _enemy_, that, to catch a saint.
    With saints dost bait thy hook!

Voyez _Illustrations of Shakspeare and of ancient manners_, etc., by
Francis Douce. London: printed for Longman, etc. MDCCCVII, deux volumes
in-8º, t. I, p. 128, et surtout p. 99-101.

Il paroît que parler au diable lui-même étoit une grande distinction
pour un magicien. Dans le _Miracle de Théophile_, par Rutebeuf on lit:
_Ici vient Théophiles à Salatin_, qui _parloit au deable quant il
voloit_.--Ms. 7218, fol. 298, vº.


Page 2, vers 18.

_Espiremens_ est, sans aucun doute, pour _esperimens_, experimenta.


Page 2, vers 20.

Probablement _lire le pseautier_ à rebours, pratique magique très-usitée
dans les conjurations du moyen âge.


Page 2, vers 23.

L'opération magique indiquée dans ce vers s'appelle _lecanomanie_, de
[Greek: lechhanê], bassin, et [Greek: mantehia] divination. Elle se
pratiquoit généralement par le moyen d'un bassin plein d'eau du fond
duquel on entendoit des réponses, après y avoir jeté quelques lames d'or
et d'argent ou des pierres précieuses sur lesquelles étoient gravés des
caractères. Voyez Pline, liv. XXX; Apulée, dans son Apologie, édit. de
Casaubon, Heidelb. 1594, in-4º, p. 52; Martino Del Rio, _Disquisitionum
magicarum libri_ VII, etc. Venetiis, apud Vincentium Florinum, M DC XVI,
in-4º, liv. IV, sect. 4, p. 541, B; le dictionnaire de Bayle, art.
Pythagore; celui de Trévoux; et Noël, _Dictionnaire Mythologique_.

Voici l'indication d'un autre procédé dans un passage d'un livre du
moyen âge:

«Et en disant ce (Nectanebus), entra en sa chambre et empli ung grant
bacin d'eaue de pluye et l'emply tout plain de nasselles de cire et les
mist dedens l'eaue[32].»

«Et print une verge de pommier, et en regardant l'eaue l'enchanta,
etc.»--_Le Livre et la vraie Histoire du bon roy Alixandre_. Ms. du
Musée Britannique, Bibliothèque du Roi, nº 15. E. VI, fol. j. col. 2 et
vº, col. 1.

Le roman anglois publié dans le tome I de la collection de Henry Weber,
porte à ce même endroit le passage suivant:

    Anon he dude caste his charme:
    His ymage he made anon.
    And of his barouns everychon.
    And afterward of his _fone_:
    He dude heom togedre to gon.
    In a basyn, al by charme;
    He segh on him fel theo harme; etc.

    (_King Alisaunder_, p. 9, v. 104.)


Page 2, vers 29.

_L'espère_, la sphère.


Page 4, vers 90.

Ici nous avons cru devoir corriger le manuscrit, qui porte _que
ch'orent_.


Page 8, vers 202.

Voyez, sur l'expression _hari_, le glossaire du _Roman de la Rose_,
édition de Méon, à ce mot, et les _Fabliaux et Contes_, édition de 1808,
t. II. p. 269, v. I on lit dans ce dernier ouvrage,

    L'un dit ho, l'autre _hari_.

(_Le Dit des rues de Paris_, par Guillot de Paris, v. 450.)

Dans la Bourgogne et dans le Beaujolois, on dit encore _hari_ aux
boeufs et aux vaches pour les faire _guenchir_.

Page 8, vers 202.

On juroit dans le moyen âge par toutes les parties du corps de
Jésus-Christ dont on supprimoit le nom pour éviter les peines établies
par Dieu et par les hommes contre les blasphémateurs. «Par la vertus,
dist frère Jan, du sang, de la chair, du ventre, de la teste,
etc.»--_Pantagruel_, liv. IV, chap. 19. Voyez, sur cette habitude, les
_Fabliaux et Contes_, édit. de 1808, t. I, p. 461, col. 1, au mot
Coiffe. C'est ainsi que maintenant encore beaucoup de gens disent
_sacrebleu_ ou _bigre_, en place d'autres mots presque identiques qu'ils
se feroient un scrupule de prononcer.


Page 9, vers 234.

    Sire, coe dit Horn, à mun ostel irrai
    E cest mien pélerin oue moi amenrai,
    _Seigner_ e reposer e baigner le frai.

(_Lai de Horn_, Ms. Harléien, nº 517, fol. 71, vº, col. 2.)

Voyez, sur l'habitude de se faire saigner au moyen âge, les _Poésies de
Marie de France_, t. I, p. 127, note (1).


Page 10, vers 246.

Malheur à mon cou si, etc. On trouve à tout instant _dehait_ dans les
ouvrages de nos trouverres, et _dathet him ay_ se lit dans le _Sir
Tristem_ de Walter Scott.


Page 10, vers 248.

Ce proverbe, qui se trouve plus loin, p. 76, v. 2097, est aussi dans le
_Roman de la Violette_. L'auteur parle:

    Mais je sais bien que manechiés
    Vit plus que mors ne fait d'asés


(Page 214, v. 4533.)


Page 10, vers 266.

_Esraelie_, Israélite, sorcière.


Page 15, vers 285 et suiv.

Bazin et Maugis sont les deux héros d'un roman de chevalerie qui se
trouve, en vers, à la Bibliothèque Royale, et qui, dans le XVe siècle,
a été traduit en prose, et imprimé plusieurs fois dans le XVIe, entre
autres à Paris par Allain Lotrian, in-4º, goth., sans date, dans la même
ville, par Jean Trepperel, en 1527, même format, et à Lyon, par Olivier
Arnoullet, 1551, in-4º, goth.


Page 11, vers 290 et 291.

Joyeuse étoit l'épée de Charlemagne; Courtain, celle d'Ogier-le-Danois;
Hauteclère, celle d'Olivier, et Durendal, celle de Roland. Voyez, sur
elles quatre, _Velant le Forgeron_, etc. Paris, F. Didot, M DCCC XXXIII,
in-8º, p. 39, 40, 44, 45, et les notes correspondantes.


Page 11, vers 298.

Allusion au fabliau _de Barat et de Haimet_, ou _des trois larrons_, par
Jean de Boves, imprimé dans les _Fabliaux et Contes_, édit. de 1808,
tome IV, p. 233.


Page 12, vers 305.

Il s'agit probablement ici de _Courset_, village du Boulonnois,
actuellement dans le département du Pas-de-Calais, à cinq lieues et dans
l'arrondissement de Boulogne.


Page 12, vers 306.

Le manuscrit porte _Bulkes_. Malgré toutes nos recherches, nous n'avons
rien pu trouver au sujet de ce nom de _Busquet_ qui se lit dans la liste
des poètes qui ont contribué à un recueil fort rare intitulé:
_Palinodz, chants royaux, ballades, rondeaux et épigrammes à l'honneur
de l'Immaculée Conception de la toute belle Mère de Dieu (patronne des
Normans), presentez au puy à Rouen, composez par scientifiques
personnaiges_, etc. A Paris, à l'enseigne de l'Éléphant (chez Fr.
Regnault), petit in-8º, sans date, mais vers 1525.


Page 12, vers 310.

_Basinguehans._ Bazinghem, commune du département du Pas-de-Calais, dans
l'arrondissement et à cinq lieues et un quart de Boulogne.


Page 12, vers 311.

_Heresinguehans_ désigne ou Rassenghiem, seigneurie de la Flandre, ou
Hardinghem, commune du département du Pas-de-Calais, à cinq lieues et
dans l'arrondissement de Boulogne, ou _Herneclinghem_, une des douze
anciennes baronnies de l'ancien comté de Guines; ou enfin
_Hervelinghem_, village du Boulonnois.


Page 12, vers 316.

_Buffe_, soufflet. On dit encore en anglois _buffet_, dans ce sens.


Page 13, vers 350.

Il est ici question de _Marquise_, bourg du département du
Pas-de-Calais, à trois lieues et dans l'arrondissement de Boulogne; il
est situé dans le bas de la prairie du vallon de la Slacq, ruisseau qui
baigne le côté oriental du bourg, et côtoie la partie méridionale.


Page 14, vers 362.

Le manuscrit porte _Estagles_. Étaples est une ville située dans le
département du Pas-de-Calais, à l'embouchure de la Canche dans la
Manche. Elle est à cinq lieues sud-est de Boulogne et dans
l'arrondissement de Montreuil.


Page 14, vers 371.

Cette circonstance est à remarquer parce qu'elle est d'une des
meilleures preuves de la vérité des faits rapportés dans cet ouvrage. La
persuasion de l'infaillibilité du _jugement de Dieu_ étoit tellement
enracinée chez nos pères, qu'un romancier se fût bien gardé de faire
succomber le champion d'un innocent.


Page 15, vers 388.

_Hardelo_, changé ailleurs en _Vardello_ et en _Cardello_, désigne la
forêt d'_Hardelot_ ou d'_Ardelot_ qui est située dans le Boulonnois, et
qui appartient à la couronne. Philippe de France, comte de Boulogne, par
suite de son mariage avec Mahaut fille de Renaud, fit construire à
Hardelot un château pour empêcher les courses des peuples du Nord dont
on craignoit encore les descentes, dans le commencement du XIIIe
siècle.


Page 16, vers 430.

Clairmarais (_Clarus mariscus_), abbaye régulière de l'ordre de Cîteaux,
filiation de Clairvaux, dans l'Artois, au diocèse (autrefois de
Terouenne) et à deux lieues au nord-est de Saint-Omer, fondée, l'an
1140, par Thierri Ier, comte de Flandre. Voyez le _Gallia
Christiana_, tome III, col. 525.


Page 18; vers 479.

Ce proverbe se trouve exprimé de la même manière dans _le Roman du
Renart_, tome I, p. 154, v. 4100; et dans _le Fabel d'Aloul_, Ms. de la
Bibliothèque Royale, nº 7218, et _Fabliaux et Contes_, édit. de 1808,
tome III, p. 355, v. 943.


Page 20, vers 537.

Hues de Belin est nommé dans la chronique de Geoffroi de Ville-Hardouin.
_Recueil des Historiens des Gaules et de la France_, tome XVIII, p. 483,
C.


Page 20, vers 538.

Lens est une petite ville du département du Pas-de-Calais, dans
l'arrondissement et à cinq lieues de Béthune. Quant à Hénin-Liétard,
c'est une commune du même département et du même arrondissement, à sept
lieues et demie du chef-lieu.


Page 20, vers 539.

_Aufrans de Caieu_, appelé, p. 61, v. 1685, _Ansiaus_ (_Anselmus_) fit
une figure assez belle en son temps. Voyez sur lui le _Recueil des
Historiens des Gaules_, etc., tome XVIII, _passim_; il était fils
d'Arnoul de Caieu et d'Adelis de Bavelinghem. Voyez André du Chesne,
_Histoire généalogique des maisons de Guines, d'Ardres, de Gand et de
Coucy_, etc., à Paris, chez Sébastien Cramoisy, M. DC. XXXI, in-fol.,
liv. I, p. 31.


Page 20, vers 541.

Wales de la Capiele étoit en effet vassal de Renaud, comte de Boulogne.
Il est nommé _Wallo de Cupella_ dans une charte de ce dernier qui se
trouve à la Tour de Londres, parmi les _Rot. cart. 14 Johann._, et qui a
été imprimée dans le Recueil de Rymer, 2e édit., tome I, p. 50;
dernière édit., vol. I, part. 1, p. 104; et dans le _Recueil des
Historiens des Gaules_, etc., tome XVII, p. 87, B.


Page 22, vers 584.

Le manuscrit porte _sachoit_.


Page 28, vers 760.

Après meilleure information, je pense qu'à la place de _Wistasces_, trop
long d'une syllabe, on doit lire _Waces_, qui, quoi qu'en dise M. l'abbé
de la Rue (_Archæologia_, t. XII, p. 63), n'est qu'une abréviation du
précédent. La même rectification doit avoir lieu dans tous les cas où
elle est nécessaire.


Page 29, vers 777.

_Esclavine_, étoffe grossière et habit qui en étoit fait. Voyez une note
curieuse sur ce mot dans les _Metrical Romances_ de Ritson, t. III, p.
278.

    Tristran à cest conseil se tient;
    Un peschur vait ki vers lui vient.
    Une gunele aveit vestue
    De un _esclavine_ ben velue.
    La gunele fu senz gerun.
    Mais desus out un caperun.

(Fragment d'un _Roman de Tristan_, fol. 13, vº, col. 2.)


Page 30, vers 806.

_Andeli_, les Andelys, ville de Normandie dans le département de l'Eure,
chef-lieu d'arrondissement.


Page 37-39.

On trouve une aventure presque semblable dans un roman inédit:

Ffouke e ces compaignouns siglèrent vers Engleterre. Quant vyndrent à
Dovre, entrèrent la terre e lessèrent Mador on la nef en un certeyn leu
là où il ly porreyent trover quant vodreyent. Ffouke e ces compaignons
aveient enquis des paissantz qe le roy Johan fust à Wyndesoure, e se
mistrent privément en la voie vers Wyndesoure. Les jours dormyrent e se
reposèrent les nuytz, errèrent tan qu'il vyndrent à la foreste, e là se
herbigèrent en un certeyn lyw où yl soleynt avant estre en la forest de
Wyndesoure, quar Ffouke savoit yleqe tous les estres. Donqe oyèrent
veneours e berners corner, e par ce saveyent qe le rey irroit chacer.
Ffouke e ces compaignons s'armèrent molt richement. Ffouke jura grant
serement qe pur pour de moryr ne lerreit qu'il ne se vengeroit de le
roy, q'à force e à tort ly ad deshéryté, e qu'il ne chalengereit
hautement ces dreytures e son hérytage. Ffouke fist ces compaignons
demorer yleqe, e il meymes, ce dit, irreit espier aventures. Ffouke s'en
ala, e encontra un viel charboner portant une trible en sa meyn; si fust
vestu tot neir come afert à charboner. Ffouke li pria par amour qu'il ly
volsist doner ces vestures et sa trible pur du seon. «Sire, fet-il,
volenters.» Ffouke ly dona .x. besantz, e ly pria por s'amour qu'il ne
le contast à nully. Le charboner s'en va; Ffouke remeynt, e se vesty
meyntenant de le atyr qe le charboner ly avoit donéé, e vet à ces
charbons, si comence de adresser le feu. Ffoukes vist une grosse fourche
de fer, si la prent en sa meyn saundreyt et landreyt ces coupons. Atant
vynt le roy ou treis chevaliers tot à péé à Ffouke là où yl fust
adresaunt son feu. Quant Ffouke vit le roy assez bien le conust, e gitta
la ffourche de sa meyn, e salua son seignour e se mist à genoyls devant
ly molt humblement. Le roy e ces trois chevaliers aveyent grant ryseye e
jeu de la norçurté e de la porreté le charboner; esturent ileqe bien
longement: «Daun vyleyni, fet le roy, avez vou nul cerf ou bisse passer
par ycy?» «Oyl, mon seignour, pieçà.» «Quele beste vectez-vus?» «Sire
mon seignour, une cornuée, si avoit longe corns.» «Où est-ele?» «Sire
mon seignour, je vous say molt bien mener là où je la vy.» «Ore avant,
daun vyleyn, e nous vous siworoms.» «Sire, fet le charboner,
prendroy-je ma forche en mayn? quar si ele fust prise, je en averoy
grant perte.» «Oyl, vyleyn, si vus volez.» Ffoukes prist la grosse
fourche de fer en sa meyn, si amoyne le roy pur archer; quar il avoit un
molt bel ark. «Sire mon seignur, fet Ffouke, vus plest-il attendre? e je
irroy en l'espesse, e fray la beste venir cest chemyn par ycy.» «Oïl,»
ce dit le roy. Hastivement sayly en le espesse de la forest, e comanda
sa meyné hastivement prendre le roy Johan, «quar je l'ay amenéé sà
folement ou treis chevaliers; e tote sa meysné est de l'autre part la
foreste.» Ffouke e sa meyné saylyrent hors de la espesse, e escrièrent
le roy e le pristrent meintenant, etc. (_Roman de Foulques Fitz-Warin_,
Ms. du Musée Britannique, fonds du Roi, nº 12 .c. xii, fol. 116, vº,
ligne 17 et suiv.)

On nous pardonnera de citer ici un autre passage de ce roman qui
contient une histoire plus vieille qu'on ne le croit généralement.

....Ffouke vist un maryner qe sembla hardy e feer, e le apela à ly e
dit: «Bel sire, est ceste nef là vostre?» «Sire, fet-il, oyl.» «Q'est
vostre noun?» «Sire, fet-il. Mador del Mont de Russie, où je nasqui.»
«Mador, fet Ffouke, savez-vous ben cest mester, e amener gentz par mer
en diverses régions?» «Certes, syre, il n'y ad terre renommée par la
cristieneté qe je ne saveroy bien e salvement mener nef.» «Certes, fet
Ffouke, molt avez perilous mester. Dy-moi, Mador, bel douz frère, de
quel mort morust ton père?» Mador ly respond qe neyetz fust en la mer.
«Coment ton ael?» «Ensement.» «Coment ton besael?» «En meisme la manère,
e tous mes parente qe je sache tanqe le quart degréé.» «Certes, dit
Ffouke, molt estes fol hardys qe vous osez entrer la mer.» «Sire,
fet-il, pur quoy? chescune créature avera la mort qe ly est destinée.
Sire, fet Mador, si vous plest, responez à ma demande. Où morust ton
père?» «Certes en son lyt.» «Où son ael?» «Ensement.» «Où votre besael?»
«Certes, trestous qe je sai de mon lignage morurent en lur lytz.»
«Certes, sire, fet Mador, depus qe tot vostre lignage morust en litz,
j'ai grant merveille que vous estes oséé d'entrer nul lyt.» E donqe
entendy Ffouke qe ly mariner ly out vérité dit qe chescun home avera
mort tiele come destinée ly est, e ne siet lequel en terre ou en ewe.
(_Roman de Foulques Fitz-Warin_, Ms. du Musée Britannique, Bibliothèque
du Roi, nº 12 .C.XII, fol. 113, vº, ligne 28.)


Page 37, vers 1015.

Le manuscrit porte _cachiés_.


Page 42, vers 1147.

Voyez _le Roman du Renart_, tome I, p. 63, v. 1660. L'interjection _xi
xi_ que profère encore le peuple pour exciter deux chiens à se battre,
n'est autre chose que le mot _occi_, ou _ochi_, tue.


Page 43, vers 1185.

Neuf-Castel, village du département du Pas-de-Calais, dans le canton de
Samer et l'arrondissement de Boulogne, ville dont il est éloigné de
trois lieues.


Page 45, vers 1240.

Voyez _le Roman du Renart_, tome I, p. 192, v. 5150. Ce proverbe se
retrouve aussi parmi les _Proverbes rurauz et vulgauz_, Ms. de la
Bibliothèque Royale, fonds de Notre-Dame, nº 274 bis, fol. II, recto,
col. 1.

Dans le monument de Louis de Brezé, mort en juillet 1531, et mari de la
fameuse Diane de Poitiers, qui le lui fit élever dans la cathédrale de
Rouen, «sur la frise du premier ordre, au-dessous de quelques figures
portant des festons, on lit cette devise: _Tant grate chevre que mal
giste._»--_Rouen, Précis de son histoire_, etc., par Théod. Licquet.
Rouen, Édouard Frère, 1830, in-12º, p. 49.


Page 48, vers 1321.

Sangatte est un village du département du Pas-de-Calais, à une lieue
ouest-sud de Calais, et à sept de Boulogne. Voyez une notice sur cet
endroit dans les _Annales de Calais et du Pays reconquis_ (par Pierre
Bernard). A Saint-Omer, de l'Imprimerie de Louis-Bernard Carlier, 1715,
in-4º, p. 545-547.


Page 50, vers 1366 et suivants.

Cette coutume étoit orientale. Voyez la _Bibliothèque orientale_ de
d'Herbelot aux mots Harmosan et Omar; l'_Histoire des Croisades_ de M.
Michaud, dernière édition, tome II, p. 332; les _Extraits des Historiens
arabes relatifs aux Croisades_, par M. Reinaud, p. 197; et l'_Histoire
de Saladin_, par Marin, tome II, p. 22; voyez aussi _le Roman de Rou_,
tome II, p. 188, v. 12554 et suiv., et 12564. On lit dans le _Roman de
Godefroi de Bouillon_:

    Cuvers, ço dit Rainals, fait as grant traïson:
    Doné m'as à mangier, or m'ocis à laron.
    Jà ne te garira Tervagant[33] ne Mahon
    Que crestiien ne prendent de toi la vengison.

(Ms. de la Bibliothèque Royale, supplément françois, nº 5408, fol. 82,
vº, col. 1, v. 23. )


Page 51, vers 1399 et suivants.

Voyez sur les lépreux une note dans les _Metrical Romances_, publiés
par Weber, t. III, p. 365, et _Tristan le voyageur, ou la France au
XIVe siècle_, par M. de Marchangy. A Paris, chez F. M. Maurice, M DCCC
XXV, in-8º, tome I, p. 94 et suiv.; mais les renseignements les plus
satisfaisants qu'on peut désirer sur cette matière se trouvent dans les
statuts d'un hôpital de Saint-Julien ou de lépreux, datés de 1329, et
qu'on lit dans l'_Auctarium addimentorum_, annexé à l'_Historia major_
de Mathieu Paris, édit. de Londres, 1640, p. 247-260. Quant à la
cliquette que portoient les lépreux, c'étoit un instrument composé de
deux petites planchettes réunies à leur extrémité par une charnière, et
qui servoit à avertir les passants de la présence de ces malheureux.
Dans une gravure sur bois qui se trouve dans _le Miroir de la Rédemption
humaine_, Paris, pour Antoine Verard, sans date, in-folio, gothique,
feuillet signé & iii, on voit le _povre ladre_ couché, ayant derrière
lui une besace et une cliquette à la main. On lit dans _Pantagruel_,
liv. II, chap. XIX, «Et...faisoyt son, tel que font les ladres en
Bretaigne avec leurs cliquettes.» Enfin, dans un fragment d'un _Roman de
Tristan_, appartenant à feu M. Francis Douce, on lit les vers suivants:

    Mult fud Tristan surpris d'amur.
    Ore s'atorne de povre atur.
    De povre atur, de vil abit.
    Que nuls ne que nule quit
    Ne aperceive que Tristan seit;
    Par un herbe tut les deceit.
    Sun vis em fait tut eslever.
    Cum se malade fust, emfler;
    Pur sei seurement covrir.
    Ses pez e se mains fait vertir;
    Tut s'aapareille cum fuz lazre.
    E puis prent un hanap de mazre
    Ke la réine li duna
    Le primer an qu'il l'amat;
    Mès i de buis un gros nuel.
    Si s'apareille un flavel;
    A la curt le rei puis s'en vad.
    E près des entrées se trait.
    E desir mult à saver
    L'estre de la curt e veer;
    Sovent prie, sovent flavele;
    Ne puet oïr nul novele
    Dunt en sun quer amé seit.
    Li reis un jur feste teneit.
    Si'n alat à la halte glise
    Pur oïr i le grant servise;
    Eissuz en est hors del palès.
    E la réine vent après.
    Tristran la veit, del sun li prie;
    Mais Ysolt n'el reconnuit mie.
    E il vait après, si flavele;
    A halte vuiz vers li apele.
    Del sun requert pur Deu amur
    Pitusement, par grant tendrur.
    Grant eschar en unt li serjant
    Cum la reine vait si avant.
    Li uns l'empeinst, l'altre le bute.
    E si'l metent hors de la rute;
    L'un manace, l'altre le fert.
    Il vait après, si lur requert
    Que pur Deu alcun ben li face;
    Ne s'en returne pur manache.
    Tuit le tenent pur ennuius.
    Ne sevent cum est besuignus.
    Suit le tresquanz en la capele.
    Crie e del hanap flavele.
    Ysolt estuit ennuié.
    Regarde le cum femme irée;
    Si se merveille que il ait
    Ki pruef de li itant se trait.
    Veit la hanap qu'ele cunuit,
    E Tristran ert ben s'aperçut
    Par un gent [cors], par sa faiture.
    Par la furme de s'estature.
    En sun cuer en est effrée
    E el vis teinte e colurée.
    Kar ele ad grant poür del rei;
    Un anel d'or trait de sun dei.
    Ne set cum li puisse duner.
    En sun hanap le volt geter.
    Si cum le teneit en sa main.
    Aperceue en est Brenguen;
    Regarde Tristran, si'l cunut.
    De sa cuintise s'aperçut;
    Dit lui qu'il est fols e bricuns
    Ki si embat sur les baruns.
    Les serjanz apele vilains
    Qui les suffrent entre les seins.
    E dit à Ysolt qu'ele est feinte:
    «Dès quant avez esté si seinte.
    Que dunisez si largement
    A malade u à povre gent?
    Vostre anel doner li vulez?
    Par ma fei! dame, nun ferez.
    Ne donez pas à si grant fès
    Que vus repentez en après.
    E si vus ore li dunisez
    Uncore hui vus repentirez.»
    A serjanz dit, qu'illuques veit.
    Que hors de l'église mist seit;
    E cil le metent hors, al l'us.
    E il n'ose prier plus.

(Fol. 4, rº, col. 1.)


Page 51, vers 1400.

Le mot _flavel_ et non _flanel_, comme nous l'avons écrit, signifie
_sonnette_ selon Lacombe, et _flageolet_, suivant Roquefort. _Voyez_
ci-dessus la citation du _Roman de Tristan_.


Page 52, vers 1422.

_Estachier_ (et non _escachier_), homme qui marche à l'aide d'une jambe
de bois. Le mot _estache_, d'où vient _estacade_, signifie poteau, pieu,
chose à laquelle on attache. Voyez le _Glossaire_ de M. de Roquefort, au
mot _estac_.

    S'or n'en pense cil Sire qui reçut la colée
    A la saintisme _estache_ en le pierre quarée.
    Richart e sa compaigne ert tote à mort livrée.

(_Roman de Godefroi de Bouillon_, Ms. supplém. franç., nº 5408, fol.
136, vº, col. 1, v. 37.)

Les croisés parcourant Jérusalem disent:

    E véés là l'_estace_ là ù on le loia
    Et ù on le bati et on le coloia.

(_Id. ibid._, fol. 142, vº, col. 1, v. 31.)


Page 54, vers 1499.

Nous avons commis ici une erreur; le _W_ surmonté d'une abréviation
qu'on lit dans le Ms. signifie _Williaumes_, nom que nous avons plus
haut suivi d'un autre presque semblable à _Mont-Chavrel_. Voyez p. 20,
v. 532.


Page 55, vers 1506.

On trouve un fait semblable dans un roman que nous avons déjà cité:

«Le roy fist grant damage mout sovent à sire Ffouke, e sire Ffoukes tot
fust-il fort e hardy, yl fust sages e engynous; quar le roy e sa gent
pursiwyrent molt sovent sire Ffouke par le esclotz des chyvals, e Ffouke
molt sovent fist ferrer ces chyvals e mettre les fers à revers, issint
qe le roy de sa sywte fust desçu e engynéé. (_Roman de Foulques
Fitz-Warin_, Ms. du Roi, Musée Britannique, nº 12.c. XII, fol. 109, vº,
ligne 13.)

On lit dans une chronique que le fameux Robert Bruce usa de ce
stratagème pour échapper à Jean Comyn, qui l'avoit trahi:

«Contigit quòd in crepusculo nix immanis descenderat, et totam terræ
superficiem coöperuerat. Unde (Robertus Bruce) vocavit quendam fabrum,
et in stabulo, nemine sciente præter fabrum, stabularium et secretarium,
fecit amovere omnia ferramenta trium suorum optimorum equorum, et
retrogradè affigi ungulis caballorum.»--_Joannis de Fordun
Scotichronicon_, etc., ed. curâ Walteri Goodall. Edinburgi: typis et
impensis Roberti Flaminii. M.DCC.LIX, 2 vol. in-fol., vol. 2, liv. 12,
p. 226.


Page 58, vers 1601.

Le Ms. porte _enmenra_.


Page 59, vers 1633.

_Gargate_, gosier. Ce mot se trouve dans Chaucer:

    And dan Russel the fox stert up atones.
    And by the _gargat_ hente chaunteclere.

(_Canterbury Tales. The Nonnes Preestes Tale_, v. 15341.)


Page 61, vers 1698.

_Buens_, volontés. Ce mot s'est conservé dans l'anglois, _boon_.


Page 62, vers 1707.

Baudouin d'Aire est nommé dans une charte comme ôtage de Race de Gaure.
Cette charte se trouve dans Baluze, _Miscellanea_, tome VII, p. 250, et
dans le _Recueil des Historiens des Gaules et de la France_, vol. XVII,
p. 105.


Page 63, vers 1732.

Il est ici question de Montreuil-sur-mer, chef-lieu d'arrondissement
dans le département du Pas-de-Calais.


Page 63, vers 1736.

Beaurains est un village du département du Pas-de-Calais, à une lieue et
dans l'arrondissement d'Arras.


Page 63, vers 1737.

Guillaume de Fiennes, l'une des baronnies du comté de Guines, appelée
anciennement dans les chartes Filnes. Fielnes et Fienles, étoit fils
d'Enguerrand qui, ayant accompagné Philippe, comte de Flandres, en Terre
sainte, y fut tué par les Sarrasins. La mère de Guillaume étoit Sybille
de Tingry, soeur et héritière de Guillaume Faramus, sire de Tingry.
Guillaume de Fiennes épousa en premières noces Agnès de Dammartin,
soeur de Renaut, comte de Dammartin et de Boulogne, et deux fils qu'il
en eut furent, suivant une charte que nous avons déja citée à propos de
Wales de la Capelle, donnés en ôtage au roi Jean d'Angleterre par leur
oncle. Voyez le _Recueil des Historiens des Gaules_, etc., tome XVIII,
p. 579; André du Chesne, ouvrage déja cité, liv. III, p. 85 et 86; et
les Pères Anselme et Simplicien, _Histoire généalogique de la maison
royale de France_, etc., 3e édit., tome VI, p. 168, B.


Page 63, vers 1741.

Cance, rivière qui sépare l'Artois de la Picardie.


Page 63, vers 1745.

Le mot _Jumiaus_ désigne peut-être Jumièges, ancienne abbaye de
bénédictins en Normandie, au pays de Caux et sur la Seine.


Page 63-64.

Pareille aventure arriva à Robin Hood.

    What is in your cofers? sayd Robyn.
      Trewe than tell thou me.
    Syr, he sayd, twenty marke.
      Al so mote I the.

    Yf there be no more, sayd Robyn.
      I will not one peny;
    Yf thou hast myster of ony more.
      Syr, more I shall lende to the;

    And yf I fynde more, sayd Robyn.
      I wys thou shalte it forgone;
    For of thy spendynge sylver, monk.
      Therof wyll I ryght none.

    Go nowe forthe, Lyttell Johan.
      And the trouth telle thou me;
    If there be no more but twenty marke.
      No peny that I se.

    Lytell Johan spred his mantell downe.
      As he had done before.
    And he tolde out of the monkes male
      Eyght hundreth pounde and more.

(_A lyttel geste of Robyn Hode._ The fourth fytte, v. 153. _Robin Hood_,
etc., by Joseph Ritson. London: William Pickering, etc., 1832, petit
in-8º, tome I, p. 44.)


Page 64, vers 1756 et 1757.

Ces vers sont imparfaits de quelques mots qui ont été grattés dans le
Ms.


Page 64, vers 1768.

_Escouce_, secoue, fouille.


Page 69, vers 1894.

Le mot _maisnie_ ou _mesnie_, qui signifie _maison_, se retrouve dans
l'adjectif anglois _menial_, qui veut dire _domestique_.


Page 69, vers 1914.

Le mot _Genesies_ désigne les îles de Jersey et Guernesey.


Page 70, vers 1931.

_Godehiere_ n'est autre chose qu'une altération des mots anglo-saxons
[Anglo-Saxon: gode here] qui signifient _bon seigneur_.


Page 70, vers 1932.

_Vincenesel_ semble composé des mots anglois _Vincence_ (Vincent), et
_help_ (aide). _Vincenti, adjuva_. Nous demandons à rapporter pour
exemple de cette exclamation un fabliau inédit qui se trouve dans le
Musée Britannique. Ms. Cottonien, Cleopatra, A. XII, fol. 64, rº.

Del Harpur a Roucestre.

    Seignurs, si vus plest escuster.
    Un ver mirakel vus volye cunter.
    De la mère Deu Marie.
    Nostre confort, nostre aye.
    Après Deu nostre confort.
    Nostre solaz, nostre desport.
    Le voyle aukes dyre.
    Entre Lundres e Caunterbyre.
    A Roucestre, ce oy cunter.
    Avait un punt mu périliié
    Dunt maint home fu déchus.
    En cele pase out un harpur
    Qui ne fesait autre labur
    For sulement de harper.
    Car ile ne sont autre mister;
    Cil Nostre Dame must ama.
    Sovent en harpaunt la loa;
    Checun jor sun lay fesait.
    En harpaunt la saluait;
    Sa uswyf l'apella
    La dame que tut le munde sauva.
    Que jà ne ubli celi qui ele ayme.
    Ne qui ad amie la reclayme.
    Un jur cum devayt passer le punt.
    Al retraunt del flote parfunt.
    Si ventayt si durement
    A payne n'i osa passer la gent.
    Le harpur quida ben passer
    E surment saunz desturber;
    Jà en my lu de le punt fu.
    Taunt ly traversout le vent de su.
    Ki en mi lu li ad jeté.
    Que Meduay est apellé;
    Cil, qui mut se deconforta.
    A haut voiz cria:
    «Help wsvyf, help uswyf.
    Oiyer nu I forga mi lyf.»
    En sun englais issi cria.
    Ke il nule ure fyna.
    Plusures genz que ce virent.
    Escutèrent e entendirent.
    A haute voir unt crié:
    Sainte Marie, la mère Dé!
    Nostre Dame ad ben oy
    De le harpur la pitus cry.
    Mu curtaisment le salva;
    Car cile sure undes flota.
    Qe mut estayent parfundes.
    Cum il flota sur les undes.
    Tut en apert se apersçut
    Que nostre Sire li sucurut.
    E là fut-ele Sainte Marie.
    Qe nul tens le soues ublye.
    La mer en haut le caria.
    E le harpur se sura;
    De le forel ad sa harpe saké
    E son plectrun ad enpoyné.
    Se cordes a ben atemprez,
    Si ke ben se sunt acordez.
    A cient pas wus muntreray;
    Le harpur ad comencé la lay
    De icele sainte pucele
    Que Deu aleta de sa mamele.
    Issi flota tut en harpaunt.
    E sa harpe en son dewaunt.
    Si tost cum cil est à secce tere.
    Gens hi vindrent mirakes vere;
    Sur le waches issi flota
    Gekes ataunt ke il ariwa
    A poy une lue de la cité
    Que avaunt vus ai nomé;
    Si ariwa desuth une eglise
    Ke sure memle lu est asise.
    A nostre Seinor en dous lu.
    Par sa mère fest grant vertu.
    Là est le harpur arrivé
    Qui Deu e sa mère unt sauvé.
    Sur chalege surment.

    «Benet, fait, Deus omnipotent
    E sa mère saint Marie.
    Ke tut tens nus sait en aye.»
    Quant le harpur arivé fu.
    A Nostre Dame se est rendu.
    En même le lu ù il ariva.
    Par qui cel lu mue amenda;
    Issi vost Nostre Dame server.
    A tuz iceus ke li volunt prier
    Cele dame ke Deu porta
    E en sone ventre herbeja.
    E le nuri de sa mamele.
    E l'enfaunta mère e pucele.
    Nus doyne sa grace issi server.
    Ke ele no prières voyle oyer;
    Vers son fyth tust puissaunz
    Sainte Marie nus seez aydaunt.
    _Tres tria donaverunt
    Natum de Virgine querunt.
    Melchior et Jaspar, Baptizar fata tulerunt._

Si l'on admet notre explication de _Vincenesel_, l'on remarquera le
choix du saint, qui étoit Espagnol.


Page 71, vers 1954.

Le mot _Hareflue_ désigne Harfleur, ville du département de la
Seine-Inférieure, à deux lieues et demie et dans l'arrondissement du
Havre-de-Grâce.


Page 71, vers 1961.

Il est ici question de Pont-Audemer, ville qui est chef-lieu
d'arrondissement dans le département de l'Eure.


Page 71, vers 1964.

On trouve à cette époque un Cadoc chef de routiers. Voyez le _Recueil
des Historiens des Gaules_, etc., tome XVII, passim, et tome XVIII, p.
767, B.


Page 71, vers 1977.

Saint _Winape_, invoqué ici, est probablement le même que saint Winoch,
ou Winoc, _Winnocus_, abbé de Wormhout, en Flandres, l'an 695, mort vers
l'an 717, et honoré le 6 novembre.


Page 76, vers 2112.

Barfleur, département de la Manche, dans l'arrondissement et à six
lieues de Valognes. Cette ville est appelée _Barbefluet_ dans le _Lai de
Milun_[34]; _Barbeflue_ dans le _Roman du Brut_[35]; _Barbeflo_, par
Benoît de Sainte-More[36]; _Barbefleot_, par Raoul de Coggeshale[37],
et _Barbeflet_, par Roger Hoveden[38].


Page 78, vers 2168.

Voyez, sur la viele au moyen âge, le _Roman de Mahomet_, p. 32, note 2.

A ce propos nous cédons au désir que nous éprouvons de publier une
charmante chanson de Colin Muset, qui se trouve dans le Ms. de la
Bibliothèque de l'Arsenal, B. L. F., in-fol., nº 63, fol. 237, rº, col.
2.

    Sire cuens, j'ai vielé
    Devant vous en vostre ostel.
    Si ne m'avez rien doné.
    Ne mes gages aquité:
        C'est vilanie.
    Foi que doi sainte Marie.
    Ensi ne vous sieurre mie;
    M'aumosnière est mal garnie
    Et ma boursse mal farsie.

    Sire cuens, car conmandez
    De moi vostre volonté.
    Sire, s'il vous vient à grez.
    Un biau don car me donez
        Par courtoisie;
    Car talent ai, n'en doutez mie.
    De r'aler à ma mesnie;
    Quant g'i vois, boursse desgarnie.
    Ma fame ne me rit mie.

    Ainz me dit: «Sire engelez.
    En quel terre avez esté.
    Qui n'avez rien conquesté
        Aval la ville?
    Vez com vostre male plie:
    Ele est bien de vent farsie.
    Honiz soit qui a envie
    D'estre en vostre compaignie!»

    Quant je vieng à mon ostel.
    Et ma fame a regardé
    Derrier moi le sac enflé
    Et je, qui sui bien paré
        De robe grise.
    Sachiez qu'ele a tost jus mise
    La conoille, sanz faintise.
    Ele me rit par franchise.
    Ses deux braz au col me plie.

    Ma fame va destrousser
    Ma male sanz demorer;
    Mon garson va abruver
    Mon cheval et conréer;
    Ma pucele va tuer
    Deus chapons pour déporter
        A la ransse alie;
    Ma fille m'aporte un piègne
    En sa main par cortoisie:
    Lors sui de mon ostel sire.
    A mult grant joie et sanz ire.


Page 79, 2185.

Voyez, pour le mot _estrelins_, _Annals of the Coinage of Britain and
its dependencies_, by the Rev. Rogers Ruding. London: printed for
Lackington, etc., 1819, 5 vol. in-8º et atlas in-4º, tome I, p. 19-25.


Page 79, vers 2191.

_Nohubellande_, le _Northumberland_, comté d'Angleterre.


Page 79, vers 2193.

_Gaudale_, good ale. C'est de ce mot que vient l'expression _godailler_.

Berte

    Une rivière treuve qui d'un pendant avale;
    Volentiers en béust, mais trouble ert com _godale_.

(_Roman de Berte aux grands pieds_, p. 43, v. 6.)

On trouve _couillon de guodalle_ dans _Pantagruel_, liv. III, chap.
XXVIII.

Nous croyons faire plaisir à nos lecteurs en rapportant une chanson à
boire du XIIIe siècle, inspirée par la cervoise ou bière:

LETABUNDUS.

      Or hi pirra.
    La cerveyse nos chauntera:
              _Alleluia!_
    Qui que aukes en beyt.
    Si tel seyt com estre doit
              _Res miranda_.

    Bevez quant l'avez en poin;
    Ben est droit, car nuit est loing
              _Sol de stella_.
    Bevez bien e bevez bel.
    Il vos vendra del tonel
              _Semper clara_.

    Bevez bel e bevez bien.
    Vos le vostre et jo le mien,
           _Pari forma_.
    De ço soit bien porvéu;
    Qui que auques le tient al fu,
              _Fit corrupta_.

    Riches genz funt lur brut:
    Fesom nus nostre déduit,
              _Valla nostra_.
    Beneyt soit li bon veisin
    Qui nos dune payn e vin,
              _Carne sumpta_;

    E la dame de la maison
    Ki nus fait chère réal!
    Jà ne pusse ele par mal
              _Esse ceca_!
    Mut nus done volenters
    Bons beiveres e bons mangers:
    Meuz waut que autres muliers
              _Hec predicta_.

    Or bewom al dereyn
    Par meitez e par pleyn.
    Que nus ne séum demayn
              _Gens misera_.
    Ne nostre tonel nus ne fut.
    Kar plein ert de bon frut.
    E si ert tut anuit
              _Puerpera_.
                              AMEN.

(Ms. du Roi, Musée Britannique, 16. E. VIII, fol. 102, rº.)

Voyez sur la fabrication de la cervoise au commencement du XIVe siècle,
_le treytyz ke mounsire Gauter de Bibelsworth fist à madame Dyonisie de
Mounchensy, pur aprise de langwage_. Ms. du Musée Britannique, fonds
d'Arundel, nº 220, fol. 300, rº, col. 1, v. 5 et suivants.


Page 79, vers 2195 et 2196.

Le vin d'Argenteuil est cité dans _la Bataille des vins_ par Henri
d'Andeli. Voyez les _Fabliaux et Contes_, édition de 1808, tome I, p.
153, v. 28, et p. 154, v. 77 et suiv.

        ...... Prouvins
    Où l'on boit souvent de bons vins.

(_Chroniques de S. Magloire_, dans les _Fabliaux et Contes_, édit. de
1808, tome II, p. 222).


Page 79, vers 2200.

    Ia, ia, dist-il, godistouet.

(_Le Roman du Renart_, tome II, p. 96, v. 12154.)

    Goditouet, ci a bon vin.


(_La Bataille des vins_, p. 158.)

Ce mot paroît n'être autre chose que la corruption de God it wot, Dieu
le sait, expression qu'on retrouve à tout moment dans les anciens
auteurs anglois, et surtout dans Chaucer, _the Clerkes Tale_, v. 8031;
et _the Persones Prologue_, v. 17355.


Page 80, vers 2204 et suiv.

Le _Roman d'Agoulant_, ou _li Siéges d'Aspremont_, se retrouve en vers
dans les Mss. de la Bibliothèque Royale, nos 8203 et 7618; celui
d'_Aimon_ ou _des IV fils Aymon_, dans le Ms. 7182; _la Somme de
Blanchandin_, dans le Ms. 6987; et _le Dit de Flourenche de Romme_[39],
dans le Ms. nº 198, fonds de Notre-Dame. Une partie du _Roman
d'Agoulant_ a été publiée par Bekker, en tête de son édition du roman
provençal _de Fierabras_, et le _Roman de Flourenche de Romme_, traduit
en vers anglois, a été donné par Ritson parmi ses _Ancient engleish
metrical romanceës_, tome III, p. 1.


Page 80, vers 2225 et suivants.

Ici se trouve encore un rapprochement, quoique moins frappant que celui
que nous avons déja noté, entre Eustache et Robin Hood. La tradition
veut que la maîtresse du célèbre _outlaw_ de la forêt de Sherwod ait été
empoisonnée par le roi Jean. Voyez _the Death of Robert, earle of
Huntington, otherwise called Robin Hood of merrie Sherwodde: with the
lamentable tragedie of chaste Matilda, his faire maid Marian, poysoned
at Dunmowe, by King John_. Acted, etc. Imprinted at London, for William
Leake, 1601, in-4º, gothique. C'est la seconde partie d'un drame sur
Robin Hood. Elle est d'Anthony Mundy et de Henry Chettle.


Page 82, vers 2267.

Il y a un _Radulphus de Tornella_, nommé comme plège de Robert de
Courtenai, dans une charte que nous avons déja citée. Voyez le _Recueil
des Historiens des Gaules et de la France_, tome XVII, p. 107.


Note 28: .... Virgille s'en estoit allé à _Tolette_ pour apprendre,
car il apprennoit trop voluntiers, et moult fut sage des ars de
nigromence... Et estoit bel homme et sage, mais plus sçavoit de
nigromence que nul homme vivant.--_Les Faicts merveilleux de Virgille_.
Paris, par Guillaume Nyverd, sans date, in-16º, goth., p. 6 et 7.--Quant
Maugist fust en aage qu'il eut advis en luy il fut enseigné et
endoctriné. Si avoit ycelle fée (Oriande) ung frère lequel avoit nom
Baudris, lequel sçavoit tous les ars de magie et de nigromance et lequel
avoit longtemps estudié à _Tollete_ et estoit de l'aage de cent ans. Si
mist celluy Baudris toute son entente à apprendre et enseigner Maugist,
et paresseux ne fust pas d'apprendre, etc.--_Les deux très-plaisantes
Hystoires de Guerin de Montglave et de Maugist d'Aigremont_, etc. Paris,
par Michel le Noir, le XV juillet 1518, in-fol., goth., feuillet lxi,
rº, col. 1.

Note 29: _El conde Lucanor, compuesto por excelentissimo principe
don Juan Manuel_, etc., impresso in Sevilla, en casa de Hernando Diaz,
año de 1575, in-4º, fol. 33, vº; et édition de Madrid, por Diego Diaz de
la Carrera, año M. DC. XLII, in-4º, fol. 70, rº, capitu. XIII.

Ce conte a été traduit en françois par l'abbé Blanchet, et publié parmi
les _Apologues et Contes orientaux_, etc., à Paris, chez Debure, fils
aîné M. DCC. LXXXIV, in-8º, p. 121.

Note 30: Voyez plus haut, p. 23, v. 614.

Note 31: Paris, pour Antoine Verard (vers 1503), petit in-4º,
gothique.

Note 32: Ici est une miniature représentant la conjuration par le
bassin, miniature répétée avec des différences au haut de la page.

Note 33: Voyez, sur ce nom, un mémoire de Percy dans ses _Reliques
of ancient english Poetry_, édit. de 1775, tome I, p. 70-78; et un autre
de Ritson dans ses _ancient engleish metrical Romanceës_, tome III, p.
257 et suivantes.

Note 34: Vers 320. _Poésies de Marie de France_, t. I, p. 350.

Note 35: Vers 1 et 2 d'un fragment cité à la fin de l'_Histoire
pittoresque du Mont-Saint-Michel et de Tombelène_, par Maximilien Raoul
(Charles Le Tellier), à la librairie d'Abel Ledoux, Paris, MDCCCXXXIII,
in-8º, p. 251.

Note 36: _L'Estoire a la généalogie des dux qui uni esté par ordre
en Normandie._ Ms. Harléien, nº 1717, fol. 102, vº, col. 2.

Note 37: _Recueil du Historiens des Gaules_, etc., tome XVIII, p.
99, A.

Note 38: Collection d'Henry Savile, édit. de Francfort, p. 517,
dernière ligne; p. 538, avant-dernière ligne, et p. 540, ligne 6.

Note 39: Dans _les deux Bordéors Ribaus_, fabliau publié par H. de
Roquefort à la suite de son Traité sur l'ancienne poésie française, un
Jongleur se vante de connoître ce roman, en disant comme Eustache:

Si sai de Florance de Rome.--P. 305, v. 1.

_Addition à la note de la page_ 12, _vers_ 306:

Dans l'ouvrage du P. Jacques Malbrancq, on lit, sous la date de 1199, la
charte suivante: _Ego Lambertus Morinorum episcopus notum facio quod
Willelmus vavasor de Billech, comitatum cum redditibus, quos habet in
parochia de Kelmes, pignore obligavit abbati S. Bertini pro 35 marcis
parisiensis monetæ, et omnes proventus inde percipiendos eidem ecclesiæ
pro anima patris sui et suorum._--De Morinis et Morinorum infulis, etc.
Tornaci Nerviorum, ex officina Adriani Quinqué et viduæ ejus, M. DC.
XXXIX.--LIV, 3 vol. in-4º, tome III, p. 434.

1e Ce nom de _Billech_, que l'éditeur change en _Bilque_ dans un
sommaire en marge, ne seroit-il pas le même que _Bulkes_ ou _Busques_?

2e Dans l'original n'y auroit-il pas, au lieu de _Willelmus_, un W tout
seul, qu'il faudroit traduire par _Wistacius_?



Note sur la transcription


  *  Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été
     corrigées.

  *  L'orthographe a été standardisée en utilisant l'orthographe la plus
     utilisée dans le livre dans les cas suivants:

     Barthelemy   -----> Barthélemy (p. x "... l'apôtre saint
                            Barthélemy....")

     Thoma        -----> Thomas (p. xxvij "... Thomas Duffus Hardy.")

     répètent     -----> repètent (p. xx "... vue qu'ils répètent....")

     Sandwis      -----> Sandwiz (p. xxxvi "... en la havene de
                         Sandwiz...")

     Cinque-Ports -----> Cinq-Ports (p. xl "With notices of the other
                            Cinq-Ports....")

     Turbelvile   -----> Turbeville (p. xlvii "Thomas Turbeville
                            ot à non.")

     Guillame     -----> Guillaume (p. liij "... Guillaume Le Petit....")

     Euschii      -----> Eustachii (p. lviij "... fratrem Eustachii
                            Monachi.")

     Héros        -----> Héro (p. xxxij "... compte de notre héro."
                            Also p. xlj "Notre héro y est appelé....")

     Warie        -----> Marie (p. 18, l. 486 "... Sainte Marie!")

     aleure       -----> aléure (p. 22, l. 597 "Wistasce grant aléure.")

     kil'         -----> k'il (p. 25, l. 679 "... garde k'il ne
                            s'aperchoive,....")

     Cler-Marès   -----> Cler-Marés (p. 28, l. 750 "Andoi de
                            Cler-Marés estoient.")

     pelerin      -----> pélerin (p. 33, l. 901 "Wistasces comme
                            pélerin....")

     Li potiers   -----> Lipotiers (p. 39, l. 1080 "Lipotiers devint
                            carbonniers :....")

     M ais        -----> Mais (p. 48, l. 1320 "Mais onques....")

     Espaigne     -----> Espagne (p. 54, l. 1481 "... riche cheval
                            d'Espagne.")

     in-16        -----> in-16o (p. 86 "... sans date, in-16o,....")


  *  Variantes inchangées :

     Hardelo et Hardello: Hardello inchangé parce qu'il apparait sous
        cette forme dans Holden, A.J. and Monfrin, J., Le Roman
        d'Eustache le Moine: nouvelle édition, traduction, présentation
        et notes. Louvain, Dudley, MA: Peters, 2005.  171 p.

     Shakespeare et Shakspeare: Les deux orthographes apparaissent dans
        des citations classées sur Internet.

     Roman d'Agoullant et Roman d'Agoulant: Les deux orthographes ont
        été vérifiées dans des textes classés sur Internet.

     Engleterre, Engletiere, Engleter, Angleter on été changées à
        Angleterre (p. xxxvi "...sur Angleterre vint....")

     Eustache, Uistace, Uistasce, Uistasces et Uistasses.

     Les variantes suivantes, n'ayant pas d'orthographe prédominante,
        ont été gardées:

     particulière et particuliere

     déjà et déja

     detenus et détenus

     doné, donné, donée et donnée

     Chauton et Chautoñ

     ferir et férir

     meisme et méisme

     reine et réine


  *  Dates et notes

     Les dates dans les notes apparaissent sous quatre formes.  Par
        exemple, l'année 1727 sera trouvée comme:
        MDCCXXVII
        M DCC XXVII
        M.DCC.XXVII
        M . DCC . XXVII
     Comme il n'y avait pas de forme prédominante, toutes les
        variations ont été conservées.

     Certaines notes avaient elles-mêmes des notes, certaines s'étendant
        sur plusieurs pages et avec des numérotages inconsistants.
        Elles ont été mises à la fin des sections dans lesquelles elles
        appartenaient avec un numérotage continu.  Une note contenue
        dans une note a été placée après cette note avec le même numéro
        suivi d'une lettre.  Par exemple, la note 18 est suivie par les
        notes 18a et 18b.

  *  Translitération anglo-saxonne de «gode here» (p. 108).
        - Translitération du latin g insulaire.
        - Translitération du latin d insulaire bas.
        - Translitération du latin r bas.

  *  [~c] est utilisé pour montrer le tilde dans le mot Bri[~c] (page
        lviij).





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