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Title: L'Illustration, No. 3646, 11 Janvier 1913
Author: Various
Language: French
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L'Illustration, No. 3646, 11 Janvier 1913



LA REVUE COMIQUE, par Henriot.

Ce numéro contient deux suppléments:

1° L'Illustration Théâtrale avec deux pièces: LES PHARES SOUBIGOU, de M.
Tristan Bernard, et DOZULÉ, de M. André Picard;

2° Le 7e fascicule d'UN DOUBLE AMOUR, par Claude Ferval.

Prix de ce Numéro: Un Franc. SAMEDI 11 JANVIER 1913 71e Année.--N° 3646.



UNE ATTITUDE DE CONQUÉRANT

[Illustration: Le tsar des Bulgares, marquant sa part de la Macédoine,
gravit les ruines de la forteresse de Kavala, l'antique Néopolis de
Philippe et d'Alexandre. _Phot. G. Woltz.--Droits réservés. Voir
l'article, page 22._]



NOS SUPPLÉMENTS

THÉÂTRE

_Le prochain numéro de_ L'Illustration _contiendra_:
Faust, de GOETHE,
_traduction et adaptation, en trois parties,_
_de_ M. EMILE VEDEL _(Odéon)._

_Paraîtront ensuite:_

Bagatelle
_de_ M. PAUL HERVIEU _(Comédie-Française);_

Kismet
_de_ M. EDWARD KNOBLAUCH,
_texte français de_ M. JULES LEMAITRE
_(Théâtre Sarah-Bernhardt, direction Lucien Guitry);_

La Prise de Berg-op-Zoom
_de_ M. SACHA GUITRY _(Vaudeville);_

Les Flambeaux
_de_ M. HENRY BATAILLE _(Porte-Saint-Martin);_

La Femme seule
_de_ M. BRIEUX _(Gymnase);_

L'Homme qui assassina
_de_ M. PIERRE FRONDAIE,
_d'après le roman de_ M. CLAUDE FARRÈRE
_(Théâtre Antoine, direction Gémier);_

L'habit vert
_de_ MM. ROBERT DE FLERS ET G.-A. DE CAILLEVET
_(Variété)._

ROMAN

 _Après une nouvelle série de Récits de Guerre, du général Bruneau
(récits d'Algérie cette fois, et qui comprendront aussi des récits de
chasse), nous commencerons, le 1er mars, la publication d'une importante
oeuvre inédite de_ M. MARCEL PRÉVOST:

Les Anges gardiens.



COURRIER DE PARIS

LE COSTUME

C'est un mot à moitié mort, que l'on ne dit guère qu'au passé... Il
n'est plus d'aujourd'hui. Et pourtant... Le costume!... Aussitôt voilà
des soies, des satins, des velours, de la dentelle et du fer. Vous
palpez des tissus et vous remuez des couleurs... Vous ramassez des
pourpoints ballants et vous secouez des jupes vides. Ah! le joli mot,
puissant et avantageux, de prompte élégance, qui pare, pince à la taille
et plaque si bien! Quand on le prononce, on regarde sa manche. Il donne
le même plaisir qu'à enfiler une culotte dont la craquante étoffe se
casse et chatoie comme il faut, dont la boucle d'acier brille et pique
au coin du jarret. Le costume! et l'on se redresse avec le regret de ne
plus avoir à le porter! Le costume! et l'on se toise dans la glace, en
face et de côté, par-dessus l'épaule. Le costume! et le bras s'arrondit,
la jambe se tend, le pied se cambre en se faisant plus étroit, plus
long, et plus pointu. Le costume! et l'on se sent tout de suite agile ou
imposant, souple, aimable, ou aimé, plus jeune et plus fier... Le
costume! il vous monte du courage, de l'esprit, de l'arrogance... l'air
est tout rafraîchi par des souffles de plumes et des passages de
chapeaux... Les traînes balaient le parquet... Les épées barrent les
hanches... Le mollet triomphe, et les talons sont hauts, de maroquin
blanc, ou de laque rouge. Le costume... et c'est la cour et la ville,
les carrosses, les grands chevaux, la chaise à porteurs, les laquais...
et les femmes diaprées, en tenue de bal éternel, et les tableaux fameux,
et les galas et les batailles, et les mariages royaux, les fêtes
populaires, et c'est toute l'histoire... que peint d'un coup, dans une
fresque immense et d'alerte bigarrure, ce vieux mot fringant et français
de costume!

Après quoi, quand il a bien produit son effet, il retombe dans une
flasque tristesse, avec la nonchalance d'un manteau quitté, retenu,
avant de choir, par le bras du fauteuil.

                                     *
                                    * *

Tel nous apparaît-il, de temps à autre, quand les circonstances le
mettent par hasard sous nos yeux, à notre époque où il n'est plus
question que de «vêtement» et «d'habit». Or un vêtement n'a rien de
commun avec un costume. C'en est l'antipode. Le costume nous est rappelé
et rendu seulement par l'art. Il n'existe à présent que dans les musées,
sur la toile où les peintres en sont demeurés les tailleurs prestigieux,
les immortels couturiers. Là, nous nous repaissons de ce luxe oublié, de
ces somptuosités ordonnées et choisies qui recouvraient et atténuaient
les ennuis journaliers des hommes d'autrefois, qui ornaient leurs joies
en les étourdissant. On devait--si galamment et brillamment traité par
les rares tissus--se comporter avec plus d'entrain, aimer et se battre
mieux, vivre dans une expansion plus large et plus reconnaissante. Un
costume était un bain de velours tiède où l'on restait plongé, d'où l'on
ne sortait que pour se jeter dans celui du lit, des draps et du sommeil.
Un costume était un autre «soi-même» que l'on pouvait créer et composer
à son image et à sa ressemblance, aux couleurs de son esprit, à la
marque et aux galons de son coeur, à la façon de son désir, à la nuance
de son rêve, à la livrée de toute sa personne... C'était un ami, un
confident, un valet qui vous désignait franchement, de loin, par sa
coupe, les détails et l'originalité de sa tournure, qui vous faisait
reconnaître à cent pas, qui vous signait et vous obligeait comme une
noblesse extérieure. C'était votre ombre, lumineuse, qui, réfugiée en
vous, et s'y confondant, était cependant toujours prête à s'en écarter
pour aller répéter sur la toiture, la muraille ou le sol, votre
silhouette magnifique, vos gestes exaltés, déclamer la prestance exquise
et incomparable de votre personnage. Qui de nous n'a fréquemment soupiré
devant un tableau de Porbus ou de Vélasquez, de Largillière ou de Van
Loo, de n'être pas en état de fournir aux pinceaux de ce temps une aussi
vaniteuse matière, un modèle aussi opulent? Et cette désolation
s'accroît encore, lorsque, au cours des battues et des chasses que nous
risquons dans les broussailles du passé, il nous arrive de rencontrer le
costume... le vrai costume lui-même, surprenant, émouvant, inouï, et
nous donnant--frais encore ou ravagé--par la vue incomplète de ce qu'il
est, l'image en pied de ce qu'il fut. Ah! l'habit Louis XV, tombé en
avant, culbuté d'amour, comme s'il avait été percé d'un coup d'épée, et
renversé sur le dos d'une bergère, dans le magasin plein des débris et
de la poussière d'autrefois!... La robe à fleurs d'une marquise,
accrochée par le cou à la clef d'une porte vitrée! Les culottes à raies
bleues et roses que l'on tire à genoux avec effort, en les arrachant, du
tiroir bourré de la commode!... Les gilets aux aisselles rousses, les
corsets rompus où ne bat plus rien, le soulier glissé d'un pied
fondant... les bas qui pendent comme une peau morte,... les gants aux
doigts mous, les gants sans mains... les chapeaux sans tête,... que tout
cela parle et nous fait souvenir des jours, qu'avant d'être nés à
nouveau, nous avons vécus! Ces loques sont aussi impressionnantes que
des portraits. Elles ont enveloppé des corps, accoutré des âmes, dont
elles ne sont plus que les suaires frivoles. Elles ont gardé les plis de
l'habitude et des passions, les plis imposés qui en s'accusant sont
devenus leurs rides. Elles survivent aux anciens vivants qui les
occupaient, leur donnaient l'air d'être quelque chose, les
remplissaient, les animaient, les fatiguaient, les ont menées partout,
dont il ne reste plus rien, car elles durent souvent plus que les os qui
en étaient l'armature apparente, la fragile solidité. N'est-il pas dès
lors coupable et d'un cruel manque de sensibilité artistique et humaine
de les abandonner, de se détourner d'elles, de dédaigner le méritoires
effort qu'elles font pour résister aux morsures de la destruction et se
prolonger plus que des cadavres? Quand ils viennent s'échouer dans nos
mains qui leur en rappellent d'autres, pensez que toujours les vieux
costumes du temps passé nous demandent la vie, la seule qu'il nous soit
possible de leur accorder, une vie de repos, de collection et de musée.

                                     *
                                    * *

Le musée du costume!... On en parlait depuis des années. Il était
toujours sur le point de se faire et ne se faisait jamais, en dépit de
l'obstiné dévouement que mettaient à le préparer et à le construire, à
travers tous les obstacles, ses parrains désignés et naturels, le
peintre Leloir et le dessinateur Vallet, et beaucoup d'autres artistes
acharnés, comme ces deux vaillants, à la réussite de l'idée. Et voici
que tout à coup, grâce à la généreuse décision testamentaire de
Detaille, le beau projet est virtuellement réalisé. Nous aurons un musée
du costume. Bien mieux, nous en aurons deux, qui, quoique séparés et
distincts, se complétant et s'achevant l'un par l'autre, n'en feront
qu'un, pour la joie instructive de tous ceux qui en seront les visiteurs
assidus et familiers. L'État aura le musée Detaille, musée du costume
militaire, et la Ville de Paris, le musée du costume civil, tous les
deux sous la direction d'une même pensée artistique et éducatrice. Et
vraiment il était incroyable, quand presque toutes les capitales
d'Europe ont leur rétrospective de la parure, que nous n'eussions pas
même un modeste local affecté à l'histoire documentaire de notre
habillement. Les beaux vieux habits de soie, les robes à paniers ne
savaient plus depuis des centaines d'années où se mettre. Elles
n'avaient pendant longtemps trouvé asile que chez les peintres et les
costumiers de théâtre. Mais bientôt ceux-ci eux-mêmes les méprisèrent,
comme inutiles ou hors d'usage. Les pauvres hardes, éclatantes ou
fanées, s'en furent alors chez l'antiquaire qui avait grand'peine à les
placer, qui ne consentait à les admettre dans son bric-à-brac que parce
qu'elles faisaient, jetées çà et là, un joli effet de pittoresque
décoratif... Et puis, quand la mode vint peu à peu de les acheter, ce ne
fut que pour les détruire, pour en recouvrir des fauteuils, en employer
l'étoffe à la confection de mille objets, pour les coupasser et les
déshonorer dans ces innombrables petits massacres que l'on appelle «des
travaux de dames». Ils finissaient donc, ils allaient disparaître,...
quand le bon Detaille et son ami Maurice Leloir leur ouvrirent ensemble
et toute grande la porte des hôtels et des salons hospitaliers où ils
vont enfin, dans des décors d'époque, cesser d'être dépaysés et se
retrouver entre eux, en bonne compagnie... ayant de quoi parler, disant
tout bas les choses qu'ils ont vues, auxquelles ils ont participé et
qu'hélas! nous ne saurons jamais. Si nous pouvions connaître seulement
le quart de ce qui leur est arrivé, nous serions fous...

HENRI LAVEDAN.
_(Reproduction et traduction réservées.)_



[Illustration: M. ANTONIN DUBOST. M. PAUL DESCHANEL.
AVANT LE CONGRÈS.--Les présidents du Sénat et de la Chambre des députés.]

LA CAMPAGNE PRÉSIDENTIELLE

Un décret présidentiel signé mardi dernier, 7 janvier, en conseil des
ministres, a définitivement fixé au 17 courant la réunion du Sénat et de
la Chambre des députés en Assemblée nationale, afin de procéder à
l'élection du président de la République.

Aucune candidature nouvelle n'a officiellement surgi depuis que M.
Raymond Poincaré et M. Alexandre Ribot ont si courageusement fait
connaître leur résolution de se présenter aux suffrages du Congrès, se
jetant, de propos délibéré, en proie aux polémiques inévitables. Mais,
comme nous l'indiquions en présentant, la semaine dernière, ces deux
candidats nettement déclarés, ils auront des concurrents: il est
certain, dès à présent, comme nous l'avons dit, que M. Antonin Dubost,
président du Sénat, et M. Paul Deschanel, président de la Chambre,
seront avec eux sur les rangs. Toutefois, l'un comme l'autre, sollicités
de faire connaître leurs intentions à cet égard, se sont défendus de
faire aux journalistes aucune confidence. M. Paul Deschanel, soumis à la
réélection comme président de la Chambre à la rentrée, le 14 janvier, a
estimé que les convenances, un sentiment de déférence vis-à-vis de ses
collègues, lui interdisaient «de porter ses regards au delà de cette
date». Pour les mêmes raisons M. Antonin Dubost déclare vouloir observer
pareille attitude. Et cette réserve s'explique parfaitement. Entre la
réunion des Chambres et celle de l'Assemblée nationale auront lieu,
d'ailleurs, maints conciliabule, parlementaires d'où peut surgir plus
d'une candidature encore.



LA CEINTURE DE PARIS APRÈS LA DÉMOLITION DES FORTIFICATIONS: DEUX
EXEMPLES

[Illustration: A L'OUEST, ENTRE LA PORTE DES TERNES ET LA PORTE DE
COURCELLES.--Sur la largeur des fortifications (environ 130 mètres),
dont le fossé sera remblayé au niveau des boulevards extérieurs actuels,
s'élèveraient, le long de voies larges et aérées, des immeubles qui,
dans le quartier représenté ici après sa transformation, offriraient
tout le confort moderne. Au delà, la bande de 250 mètres de largeur qui
constitue la zone militaire serait convertie intégralement en parcs et
terrains de jeux et formerait, autour de Paris, une ceinture d'espaces
libres de 35 kilomètres et de plus de 500 hectares.]

[Illustration: A L'EST, ENTRE LES PORTES DE MONTREUIL ET DE
BAGNOLET.--Dans certains quartiers, comme celui-ci, la Ville imposerait
aux acquéreurs des terrains des fortifications l'obligation de
construire des cottages ouvriers entourés de jardins.--_D'après le
projet de M. Louis Dausset, président du Conseil municipal.--Voir
l'article, page 32._]



LES GRECS DEVANT JANINA

Sans y attribuer le même prix, peut-être, qu'ils attachent à la
conservation d'Andrinople, les Turcs tiennent fermement à garder aussi
Janina, que les Grecs ne convoitent pas moins ardemment Et la lutte
autour de cette place forte se poursuit avec un acharnement égal de part
et d'autre. Notre collaborateur, M. Jean Leune, continue d'en suivre
les phases, partageant toujours avec Mme Jean Leune les fatigues comme
les sentiments des assiégeants, toujours pleins de foi patriotique et
débordants de _furia_ dans l'action. Et sa sympathie, son admiration
pour ses compagnons d'armes, on peut bien employer ce mot, n'ont point
faibli.

Il apparaît bien, toutefois, dans ses dernières lettres, que Janina est
une proie plus difficile à saisir qu'on ne l'avait cru au premier abord,
puisque l'entrain, la résolution, la vaillance des soldats hellènes
sont, jusqu'à présent, et depuis un grand mois, tenus en échec par des
forces supérieures en nombre sans doute, mais animées d'une conviction
pareille et d'un courage égal.

Quoi qu'il en soit, cette lutte prolongée nous vaut, de M. Jean Leune,
d'excellentes photographies, commentées par d'intéressantes notes que
nous allons résumer ici.

Le cadre demeure le même, à Philippias, au Hani Imin Aga ou à
Pentepigadia (les Cinq-Fontaines). C'est un pays abrupt dont la rudesse,
elle seule, constitue aux assiégés une solide défense, et, d'autre part,
dans plus d'un cas, les gêne, car la configuration de ce terrain
montagneux, en tout sens hérissé de crêtes, creusé de ravins, permet à
leurs adversaires d'abriter parfaitement leurs batteries.

Mais aussi, pour les Grecs, quelles difficultés, quand il s'agit
d'établir des canons sur l'une quelconque de ces collines escarpées!

Ils ont trouvé un emplacement admirable, en avant d'Imin Aga: «Pour en
permettre l'accès, écrit notre correspondant, le génie a dû, sous la
pluie, dans la boue, tailler à flanc de coteaux un chemin en zigzags,
d'un mètre, au plus, de large. Avec des poutres et des planches, on
avait fait une série de solides brancards. Puis on a démonté, les uns
après les autres, canons et caissons, et l'on a lié leurs parties
séparées, pièce, affût, frein pneumatique, etc., sur les brancards, que
sapeurs et canonniers ont ensuite placés sur leurs épaules. Il avait plu
toute la nuit. Le chemin de fortune établi par le génie était couvert
d'une boue gluante, où la moindre glissade d'un seul devenait périlleuse
pour l'équipe entière. Il fallait marcher à pas lents, rythmés à la
cadence que marquait un sous-officier.

» Pour porter le seul canon, vingt hommes étaient nécessaires; pour une
roue, deux; et deux autres pour un demi-bouclier. Le transport des
munitions s'effectua à raison de deux obus par homme. Et il y avait 2
kilomètres à parcourir ainsi. Tous allaient gaiement, montrant toujours
leur inaltérable belle humeur. Là-haut, les pièces remontées étaient
remises en batterie à la corde, avec le même allant.» Après quoi, les
duels d'artillerie se poursuivent, sans autres interruptions que celles
que nécessitent d'aussi difficiles manoeuvres. A de certains moments,
c'est jour et nuit qu'on se bat, et l'on va dans un fracas d'enfer, où
la voix grave des grosses pièces soutient en basse les crépitements de
la fusillade, qui fait comme des pizzicati, et le ronflement mécanique
des mitrailleuses. Pour ceux qui vivent ces journées, le spectacle du
coup de canon doit commencer à devenir banal. Il donne de bien curieux
clichés: au départ, à la gueule de la pièce, un petit nuage blanc, qui,
en un dixième de seconde, se dissipe, dissous dans l'air. Et puis le
bruit fusant du projectile, qui disparaît bientôt derrière la crête la
plus prochaine.

A l'arrivée--et c'est sur les obus ennemis qu'on peut le mieux
l'observer--une boule de vapeur, soyeuse, jolie comme un éclat de fusée,
et la pluie des balles répandues par le shrapnell, ou encore un nuage de
poussière.

A ces visions désormais monotones, banales, une diversion de temps à
autre: un aviateur part en reconnaissance. C'est un événement.

Un beau jour, le lieutenant Montoussis prend son vol, de Nicopolis, sur
son Maurice-Farman, et, d'un élan, gagne l'altitude de 1.600 mètres. Or,
les forts de Pisani, qu'il doit survoler, sont à 800 mètres. Il peut
donc voir et repérer admirablement l'emplacement des ouvrages.
Seulement, il se trouve aussi à bonne portée, et les Turcs ne manquent
pas de diriger sur lui un feu nourri. Il riposte en lançant quatre
bombes qui--on l'apprendra plus tard de prisonniers--causent de graves
dommages. En revanche, une balle atteint l'un des montants de son
appareil. Ce n'était rien, et peu après, le vaillant aviateur
atterrissait sur un minuscule terrain, tout bosselé, près d'Imin Aga,
était accueilli par le général Sapoundsakis qui l'emmenait en hâte dans
son automobile, afin de recueillir de sa bouche les renseignements qu'il
rapportait. Car désormais, adieu, pour tout de bon, «le cheval blanc que
César éperonne», et c'est d'une confortable limousine que le commandant
en chef d'une armée bien organisée préside à la victoire.

[Illustration: Un moderne héros grec: le lieutenant aviateur Montoussis,
après un vol au-dessus de Pisani.]

A quelques jours de là, le lieutenant Montoussis renouvelait le même
exploit et s'en retournait reconnaître les positions turques devant
Janina. Cette fois, c'étaient des obus qui le saluaient au passage. Il
fut près de sa perte. Un shrapnell éclatant au-dessus de sa tête creva
en plusieurs points les ailes de l'appareil et blessa légèrement le
pilote à la main. Enfin, voici, pour finir, des visions non moins
glorieuses et plus émouvantes encore, quelque chose comme le revers
d'une sévère médaille: «Sous la pluie battante, des blessés sont amenés
de la ligne de feu, étendus sur des brancards que portent avec
infiniment de peine et de précautions des soldats dont la boue glissante
fait la lourde marche très dangereuse. Ils vont cependant une heure,
deux heures durant, par les sentiers rocailleux ou la plaine inondée
coupée de ruisseaux. Et les blessés, sous la couverture qui les couvre
tout entiers laissent à peine échapper de temps à autre: «O Panagia
mou!» (O Vierge sainte!)

»Un evsone très grièvement blessé, qu'on transportait ainsi, s'est tout
à l'heure évanoui. Dès qu'il s'en aperçut, un des brancardiers lui fit
avaler du cognac et le fit revenir à lui. «Merci, » petit frère, dit
l'evsone d'une voix douce. J'ai 10 lepta (10 centimes) dans ma poche,
prends-les pour le cognac!...»

»...Des blessés ainsi arrivent toujours... Aussitôt pansés, on les
évacue sur Philippias, dans des voitures à deux roues, sur des petits
chevaux, sur les camions automobiles ou dans les automobiles mêmes de
l'état-major. L'horrible spectacle que le rassemblement, au bord de la
route, de toutes ces misères, de toutes ces souffrances, de ces hommes,
hier encore joyeux, pleins de vie et d'entrain, aujourd'hui brisés,
mutilés, couverts de sang, se traînant encore, ou étendus sur des
brancards! Pas une plainte, cependant, ne s'échappe de leurs lèvres. A
peine des crispations de leurs mâles visages trahissent leur
souffrance...

» Quelques-uns meurent en chemin, ou dans les ambulances provisoires.
Alors, des camarades, des frères, s'en vont non loin, dans un champ,
creuser une fosse. On y couche la triste dépouille. Puis, bien vite, de
la terre la recouvre. Une croix et des pierres sur le petit monticule...
et c'est tout. Cela dure quelques minutes poignantes. Un héros obscur
dort là, maintenant, pour toujours, après avoir rempli son devoir...
«Pour la patrie!»... Et, quand l'armée aura quitté ces bords, que la
paix sera revenue sourire sur ce pays aujourd'hui saccagé, le soldat, au
fond de son étroite couche, demeurera tout seul, oublié, inconnu de ceux
qui fouleront sa tombe, tandis que là-bas, en Grèce, la patrie, la mère
pour laquelle il se sacrifia dans quelque petit village, une place à
jamais sera vide à un foyer.»

Et à lire, selon l'expression du poète, «la rude attaque et la fière
défense», on se rend compte qu'au jour des négociations de paix, la
lutte diplomatique, évidemment, ne sera pas moins âpre entre les
représentants de vainqueurs et de vaincus également héroïques, tous
aussi violemment férus d'amour patriotique pour Janina!

[Illustration: Le duel d'artillerie entre Grecs et Turcs: éclatement
d'un obus turc en arrière des lignes grecques.--_Photographies Jean
Leune._]

[Illustration: A son passage à Sérès, le tsar Ferdinand s'entretient
avec le chef révolutionnaire Nikolof, dit «le roi du mont Rhodope».]



LE VOYAGE DU TSAR DES BULGARES A SALONIQUE

Avant d'arriver à Salonique, le 19 décembre dernier, et d'avoir, avec le
roi des Hellènes, cette rapide et utile entrevue dont on n'a peut-être
pas assez souligné l'importance, le roi Ferdinand avait traversé, sans
hâte, à petites étapes de son train spécial, comme en tournée
d'inspection, les régions de la Thrace côtière et de la Macédoine
occupées, de Dimotika à Salonique, par ses troupes victorieuses.

De Drama, où on lui présenta quelques fameux comitadjis, le souverain
s'en alla visiter le port de Kavala qui, au pied du Pangée et en face de
Ihasos, sera le prochain débouché bulgare sur l'Égée. Kavala, c'est
l'antique Néopolis qui fut le port de Philippe», la capitale
reconstruite par le grand roi macédonien, et dont les ruines, à moins de
quinze kilomètres de là, sont un but d'excursions traditionnelles. Le
roi Ferdinand, qui joint au souci des réalisations présentes un goût
assez vif pour les reconstitutions symboliques du passé, dut
certainement songer, tandis que ses bottes foulaient les vestiges
millénaires des anciennes fortifications de Kavala, qu'il renouait, lui
premier roi chrétien depuis la catastrophe byzantine, les traditions
oubliées de l'Occident victorieux. Pouvait-il ne point évoquer, à
quelques lieues de là, ce fameux champ de bataille de Philippes, où
César, maître de l'Occident, et entraînant avec lui les légions
européennes, triompha de Brutus et de Cassius, qui, maîtres de l'Orient,
revenaient, avec leurs soldats asiatiques, par la route ordinaire des
invasions?...

De Kavala, le roi Ferdinand gagna Sérès, et de là, sans avoir averti
officiellement les Grecs de son arrivée, il débarqua assez brusquement à
Salonique, où ses fils, seuls prévenus, l'attendaient à la gare, tandis
que, simplement, un détachement envoyé là à tout hasard lui rendait les
honneurs. Ainsi se trouvaient évitées les difficultés assez délicates
d'un protocole incertain. Car, si le roi Ferdinand se rendait à
Salonique pour s'y rencontrer avec le roi des Hellènes, son intention
n'était point de faire une visite officielle au roi des Hellènes,
exerçant déjà des droits souverains et définitifs sur cette ville. Et la
nuance a son prix.

Après avoir été salué à la gare par les princes Boris et Cyrille, le
ministre plénipotentiaire bulgare, M. Stanciof, qui les avait
accompagnés, et les officiers supérieurs des troupes bulgares casernées
dans la ville, le roi Ferdinand descendit au consulat général de
Bulgarie à Salonique. Peu après, le roi Ferdinand alla rendre visite au
roi de Grèce auquel, dès les premiers mots, il dit: «Je suis venu ici en
simple touriste.» Puis il reçut à son tour le roi des Hellènes et la
photographie ci-dessous fut prise à l'issue de cette seconde entrevue.

Le lendemain, qui était la Saint-Nicolas, une messe solennelle fut
célébrée à l'église russe en l'honneur du prince Nicolas de Grèce, et le
roi Ferdinand tint à assister à cette cérémonie avant de se rendre au
déjeuner qui lui était offert par le roi Georges, et où la conversation
entre les deux alliés--au lendemain des âpres contestations au sujet de
la prise de Salonique et des différents autres incidents gréco-bulgares,
très vifs, qui se sont élevés dans la ville même, après
l'occupation--fut, assure-t-on, des plus cordiales et certainement des
plus opportunes.

Le soir même, le souverain bulgare prenait le train pour Sofia où le
rappelaient d'importantes dépêches.

[Illustration: Roi de Grèce. Tsar Ferdinand. Princes Boris et Cyrille.
UNE RENCONTRE D'ALLIÉS.--Le roi Georges de Grèce et le tsar des Bulgares
à Salonique.--_Photographies g. Woltz.--Droits réserves._]

[Illustration: Rechid pacha. M. Novakovitch. M. Danef. M. Venizelos. M.
Miouchkovitch. LES CONVERSATIONS DIFFICILES DE LONDRES: LE DERNIER
MARCHANDAGE _Dessin de L. SABATTIER._]

Aux délégués de la coalition balkanique exigeant de la Turquie l'abandon
de tout son empire d'Europe, sauf le maigre hinterland de
Constantinople, le premier plénipotentiaire ottoman Rechid pacha a fini
par consentir la cession de ces vastes territoires, à l'exception
cependant d'Andrinople, encore défendue bien qu'affamée, et des îles de
l'archipel turc dont l'empire ottoman refuse désespérément de se
dessaisir. Les alliés n'ont pas admis ces réserves et ils ont adressé,
le 3 janvier, aux Turcs, un ultimatum qui, faute d'entente définitive,
dans la séance de lundi sous la présidence à poigne du délégué serbe, a
entraîné une suspension des négociations,--qui doit permettre au conseil
des puissances d'utilement intervenir. Car on ne croit plus guère
maintenant à la reprise des hostilités: «Dans ces sortes de
marchandages, dit irrespectueusement le _Times_, qu'il s'agisse de la
vente d'un tapis dans un souk de Bagdad ou de la vente d'un cochon à la
foire de Connaught, il arrive fatalement, au moins en apparence, un
moment d'extrême tension. Les parties haussent le ton. L'acheteur sort
de la boutique, de la façon la plus énergique. Le vendeur, de son côté,
jette son tapis d'un air non moins résolu. Mais généralement ce moment
critique est celui où le marché est le plus près de se conclure...»

[Illustration: LES OPÉRATIONS DE L'ARMÉE GRECQUE CONTRE JANINA.--La
bataille de Pesta (15 décembre 1912): une pièce de 105, en batterie sur
la route, tire à un angle de 45 degrés, par-dessus une colline, sur les
ouvrages turcs de Pisani. _Photographie Jean Leune.--Voir l'article,
page 21._]



ENTRE LES TURCS ET LES BULGARES

_Depuis la signature de l'armistice, notre envoyé spécial à l'armée
turque, Georges Rémond, était resté à Constantinople. Tout l'intérêt de
la guerre, suspendue, mais non terminée, se reportait désormais sur la
dernière place forte opposée aux troupes bulgares, Andrinople, au sujet
de laquelle s'engageait, à Londres, entre les délégués des peuples
ennemis, un âpre débat sans issue. Notre correspondant avait formé le
projet de s'y rendre,--non pas qu'il pût espérer nous faire part, une
fois entré dans la ville assiégée, de ses impressions; mais, s'offrant à
y demeurer jusqu'au dernier jour et à partager le sort de ses habitants,
il nous eût apporté, la paix conclue, le plus précieux témoignage sur la
défense de la grande forteresse de Thrace. Muni d'une recommandation de
l'ambassade de Russie pour l'état-major bulgare et d'une lettre pour
Choukri pacha, gouverneur d'Andrinople, acceptant de voyager sans
domestique, avec un léger bagage, et de traverser les lignes les yeux
bandés, il pensait ne point rencontrer d'obstacle à son dessein: on ne
pouvait même craindre qu'il transmît des nouvelles au commandant de la
place investie, puisque celle-ci n'a pas cessé de communiquer avec
Constantinople par la télégraphie sans fil. Les autorités militaires
bulgares n'ont point cru devoir, cependant, laisser passer notre envoyé
spécial._

_Il nous adresse du moins un bien pittoresque et vivant récit des
incidents qui ont marqué son excursion aux positions extrêmes de
Tchataldja, entre les Turcs et les Bulgares._

Constantinople, 30 décembre 1912.

Parti le jeudi 26, au matin, de Constantinople, j'ai, cette fois, comme
compagnon de route le colonel Djemal bey, qui commande une des divisions
du 2e corps d'armée à Nakkaskeui. C'est un des hommes les plus
intelligents que j'aie rencontrés ici, un homme de la trempe de Fethi
bey, d'Enver bey, des bons officiers avec qui j'ai vécu en Tripolitaine:
fermeté de jugement, activité d'esprit, clarté dans les idées, il
possède à un haut degré tous ces dons si rares en ce pays.

Je lui demande s'il croit à la paix prochaine. Il ne la désire pas,
jugeant que l'armée turque est enfin sur pied.--«Mais l'attaque est-elle
possible contre les formidables retranchements élevés par les Bulgares
sur les positions de Tchataldja, au moment où les mois rigoureux d'hiver
vont rendre ce pays sans chemins plus impraticable encore?» Bien qu'il
évite de me répondre, il me semble qu'il partage mes doutes...

[Illustration: Les bourbiers d'Hademkeui.]

Nous traversons le village d'Hademkeui envahi par la boue: elle est si
épaisse, si gluante, qu'on a peine à s'en arracher. Je n'ai vu chose
semblable qu'en Abyssinie durant la saison des pluies; fantassins,
cavaliers, charrettes, tout s'embourbe jusqu'aux genoux, au poitrail,
aux essieux. Des corvées de soldats, armés de pelles, tâchent d'enlever
le plus épais, aux endroits les plus parcourus, de déblayer et de
combler avec des cailloux les fondrières où l'on risque de disparaître.
De même que la neige s'amoncelle en hiver au bord des routes, on voit
s'élever ici des montagnes, des murailles de boue; et elle colle aux
pieds, aux sabots des chevaux, aux roues des chars, aux vêtements, on la
traîne avec soi, sur soi, sans pouvoir s'en débarrasser.

Je revois le général Ahmed Abouk pacha, toujours accueillant. Il me fera
conduire demain matin à Bachtchekeui par le train qui y amène les
munitions et les ravitaillements; de là, des chevaux me porteront en
compagnie d'un officier et de quelques soldats d'escorte jusqu'aux
lignes bulgares.



L'EXTRAORDINAIRE AVENTURE D'UNE FRANÇAISE

Mais où coucher? La moindre maison regorge de soldats qui s'y empilent
les uns sur les autres. Je vais dresser mon lit dans la chambre où
travaillent les officiers d'état-major, qui veulent bien me recevoir,
lorsqu'on vient m'avertir qu'Ahmed Abouk pacha m'a fait chercher une
chambre dans le village. Un soldat m'y conduit. J'entre chez un _bacal_
(épicier grec); et, après avoir monté un escalier branlant, je pénètre
dans une petite pièce, où, à ma grande stupéfaction, une dame
m'accueille et m'offre l'hospitalité en si bons termes et en si pur
français que je ne puis douter un instant d'avoir affaire à une
compatriote: «Monsieur, je n'ai plus que cette petite chambre qui est
moins grande qu'un mouchoir de poche turc (et les Turcs n'ont pas de
mouchoir), vous la partagerez avec moi. J'aurais voulu vous donner la
chambre voisine, mais quatre docteurs m'en ont délogée et s'en sont
emparés par force.»

Mon hôtesse est une femme âgée, aux traits énergiques, aux yeux clairs
qui ne doivent pas se laisser intimider; et de fait, pour avoir passé la
guerre ici, au milieu des soldats, de la bataille, du choléra, il faut
un certain courage. Je m'excuse comme je puis, propose de coucher dans
l'escalier ou dans le magasin, mais elle insiste, assurant qu'il lui
suffira de tendre un voile autour de son divan, et qu'ainsi les
convenances seront sauvegardées. Je lui avoue mon étonnement de
rencontrer ici une Française et dans de telles circonstances. Aussitôt
elle me conte son histoire, qui n'est pas sans pittoresque.

--Je suis, monsieur, fille d'un Français du nom de Renelmann qui vint à
Constantinople comme soldat durant la campagne de Crimée, y demeura la
guerre finie, et épousa une Italienne. Je suis née à Constantinople;
quelques années après, mes parents m'emmenèrent à Paris, où j'ai vécu
seize ans et vu le siège. Nous étions abonnés au _Figaro_; j'aimais
surtout les articles d'Albert Millaud et d'un certain Ignotus qui avait
bien de l'esprit. Mais j'ai toujours suivi avec autant d'intérêt que le
_Figaro_ lui-même votre journal, que me prêtait une amie, et, depuis que
je suis en Turquie, je n'ai pas cessé de recevoir les _Lectures pour
tous_. J'en avais une grande caisse ici, toute pleine, que des officiers
amoureux des lettres françaises m'ont volée...

» Je revins en Turquie après la guerre, et, de même que mon père avait
épousé une Italienne, j'épousai, moi, un Italien, M. Romano, Napolitain
et violoncelliste. C'était le temps du sultan Hamid. Celui-ci voulut
organiser au palais un conservatoire de musique: il fit engager mon mari
et quelques autres instrumentistes. Nous étions bien payés: trente
livres osmanlis par mois et, en plus, «les rations». Comme le sultan
Hamid ne supportait autour de lui que des militaires, il avait fait
donner des grades à ses musiciens; mon mari était commandant
(_bim-bachi_). Il avait lin très gros ventre, une figure réjouie, et le
sultan Hamid se plaisait à lui faire des farces et à le voir tourner en
ridicule par un de ses bouffons, un Français nommé M. Bertrand, dont
l'emploi était de le tenir en bonne humeur. La verve de celui-ci ne
tarissait pas sur l'embonpoint de mon mari; mais c'était un homme
excellent qui entendait la plaisanterie, et ne se fâchait point. Nous
fûmes toujours heureux tant que régna le sultan Hamid. Mon mari
souffrait seulement de ne pouvoir exercer son art comme il aurait voulu
et former des élèves dignes de lui. Il lui fallait donner des leçons
dans une salle où jouaient et répétaient en même temps que lui des
trombones, des saxophones, des cornets à piston, qui empêchaient
d'entendre les sons du violoncelle. Au reste, le sultan Hamid n'aimait
que la musique très bruyante et que les chanteurs qui beuglaient et
hurlaient à déchirer les oreilles.

» La constitution vint, qui chassa du palais les musiciens, les
bouffons, les comédiens; mon mari mourut, et je n'ai pu obtenir encore
une pension. J'avais pourtant quelques petites économies, et j'allai
m'établir dans un village de la mer Noire, à Iénikeui, près de Derkos et
de Karabournou, où la vie ne coûte rien. Je louais une maison pour une
livre osmanli par an, j'élevais des poules, des lapins, et j'avais des
arbres fruitiers. Mais, privée de journaux et surtout de mes _Lectures
pour tous_, je souffris trop, au bout d'un an, de la solitude, de
l'éloignement où je me trouvais. J'emportai mes poules, mon chat et mes
lapins, et vins l'an dernier réinstaller à Hademkeui, qui est relié avec
Constantinople par le chemin de fer, et où l'on peut avoir quelques
rapports avec le monde. Je m'associai avec l'épicier grec qui possède
cette maison, et nous fîmes un peu d'affaires avec les paysans de ce
village et des environs.

» Au moment où la guerre éclata, nous ne pouvions penser que les Turcs
seraient battus et que les Bulgares viendraient jusqu'aux portes de
Constantinople. Un jour, nous vîmes arriver les premiers émigrants
fuyant de Kirk-Kilissé. Monsieur, il n'a pas arrêté d'en passer durant
plus d'un mois, et ils étaient affamés, et il y avait des femmes
derrière les voitures qui, sous mes yeux, tendaient leurs enfants au
bout de leurs bras et criaient: «Pitié, pitié, prenez nos enfants, nous
ne pouvons plus les nourrir!» Et, ensuite, ce fut le défilé des soldats.
D'abord, ils se montraient très doux et timides. Ils venaient à ma
porte: «Madame, un peu de pain, nous n'avons pas mangé depuis trois,
quatre jours. Madame, nous laisserez-vous mourir de faim?» Je leur
disais que je n'avais rien, de peur qu'ils n'envahissent ma maison;
quelquefois je leur apportais un peu de galette ou de salade de
haricots, et ils se jetaient dessus comme des bêtes. Une nuit, des
hommes pénétrèrent dans mon jardin, et se mirent à frapper à la porte,
jusqu'à vouloir l'enfoncer. Alors je me montrai à la fenêtre, et leur
criai: «Vous m'ennuyez, à la fin, je suis Française, j'irai réclamer à
vos chefs. N'avez-vous pas honte de vouloir pénétrer dans la maison
d'une femme?» Ils furent stupéfaits d'entendre parler une langue
étrangère et s'arrêtèrent; et l'un d'eux, un sous-officier, s'avança et
me dit en français: «Pardon, madame, nous ne voulons pas vous faire de
mal, mais voyez! nous sommes très malheureux. Il pleut, nous sommes là
dans la boue, donnez-nous abri.» Mais, craignant toujours le pillage, je
n'ouvris pas. Ils prirent les planches de mon poulailler et en firent du
feu; pourtant, ils ne tuèrent pas les poules. Le lendemain, mon associé
vint dès le matin, très effrayé; il ne voulut plus que j'habitasse seule
désormais et me fit venir chez lui, où il me donna une chambre.
Aussitôt, ma maison fut occupée, et mon poulailler acheva de brûler.
Mais j'avais auparavant vendu mes poules.

» C'est alors que commença le choléra. Là, sons mes fenêtres, devant ma
porte, sur toute cette grande place vide qui va jusqu'à la gare, des
soldats se couchaient par terre pour mourir. Il y en avait par
centaines. Tout le jour, toute la nuit, ils demandaient de l'eau et du
secours, sans que personne s'occupât d'eux. Mon associé partit pour
Constantinople; moi, je voulus rester seule pour sauver ce qui restait
dans la boutique. Un matin, je trouvai cinq cadavres devant ma porte:
ils étaient bleus, contractés par les convulsions, presque couchés les
uns sur les autres. Enfin, ayant vendu à peu près toutes mes
marchandises, je décidai de partir, moi aussi.

» Je demeurai à Constantinople jusqu'au jour de l'armistice; puis,
j'obtins de Nazim pacha la permission de revenir à Hademkeui. Mon
associé et; moi nous avons rapporté ici quelque pacotille, et nous
faisons des affaires avec les soldats. Le malheur est que l'autorité
s'en mêle, nous fait fermer boutique s'il lui plaît, met des tarifs
absurdes sur les marchandises, perquisitionne chez nous, nous empêche de
vendre le raid et le cognac. Mais je suis là, je tiens ferme, je parle
français à ces gens-là pour les intimider. Je vais acheter un drapeau et
le planter au-dessus de ma porte,--un drapeau français, cela fait
meilleur effet qu'un drapeau italien... Mais voyez! ces docteurs turcs
m'ont pris ma grande chambre, menaçant de me faire enlever de force. Ah!
j'aurais bien résisté, je ne tiens pas à la vie, mais j'ai pensé qu'on
allait piller le magasin, voler les marchandises. J'ai cédé; puis, une
fois dans cette autre petite chambre, j'ai éclaté en sanglots; alors,
ces docteurs, ils ont été émus tout de même, et deux d'entre eux se sont
mis à pleurer aussi, et un de leurs soldats voyant que je ne me calmais
pas est venu m'apporter une pastille de menthe...»

[Illustration: Le passage à gué du Karasou, près du pont de
Bachtchekeui, que les Turcs ont fait sauter.]

VERS LES LIGNES BULGARES

Comme il était entendu avec Ahmed Abouk pacha, nous partons le lendemain
27 décembre pour Bachtchekeui: le train de réapprovisionnement nous y
dépose à midi. Nos chevaux nous attendent. Voici les dernières tranchées
turques; on travaille activement à les renforcer encore, partout on
remue la terre, partout on tend de longs et épais réseaux de fils
ronceux. Puis voici les maisons de Bachtchekeui brûlées, rasées dès
avant la bataille, afin qu'elles ne pussent servir d'abri aux Bulgares
avançant vers les lignes turques. Seule la petite mosquée et son minaret
sont demeurés debout, mais perforés de toute part par les obus; à
l'intérieur, les grandes lampes, les lustres de verre sont suspendus à
leur place, sinon intacts, en dépit de la furieuse canonnade, et déjà
les pigeons familiers ont repris leur place accoutumée sur les toits et
dans le sanctuaire. Nous arrivons au pont, que les Turcs ont fait sauter
après leur passage. La rivière qui coule au-dessous, le Karasou, n'est
ni très profonde ni très large, mais le fond en est vaseux et glissant
et l'on a peine à la traverser. J'en fais tout de suite l'expérience. Au
beau milieu, mon cheval perd pied dans la vase, fait le plongeon, je
saute de côté pour éviter d'être pris sous lui et me voilà dans l'eau
jusqu'aux épaules. Les soldats turcs m'aident à m'en tirer, ramènent le
cheval qui a déjà atteint l'autre bord; je remonte et je traverse cette
fois sans encombre. Mais mon matériel photographique a quelque peu
souffert de cette baignade.

Du Karasou à la colline de Tchataldja, c'est la plaine nue sans un
arbre, sans autre pli de terrain que la ligne du chemin de fer; les
troupes bulgares qui avancèrent là durant les journées du 17 et du 18
étaient sacrifiées d'avance. Aussi n'est-ce pas de ce côté que l'effort
principal a été tenté. A un kilomètre de la rivière, on voit encore les
tranchées creusées par les Bulgares durant la nuit du 17 au 18. Près de
la voie, la terre fraîchement remuée indique les points où les corvées
de soldats turcs envoyées au moment de l'armistice ont enterré les morts
ennemis. Plusieurs cependant sont demeurés là, abominablement déformés,
à demi dévorés par les chiens et les oiseaux, loques méconnaissables où
les débris humains ne se distinguent plus des restes d'uniforme qui les
enveloppent. L'un est couché sur le nez et n'a plus de jambes; l'autre,
la face au ciel, a les mains sanglantes, soit qu'elles aient été mordues
par les chiens, soit qu'au moment où l'homme a été frappé, il les ait
mises sur sa blessure; enfin un autre--et le cadavre de celui-ci a été
certainement mutilé, car la nature, ni le temps, ni les animaux
carnassiers n'outragent de cette façon--un autre est aux trois quarts
enterré, ses deux bras étendus comme s'il faisait effort pour retirer
son corps de la terre qui l'étreint, la tête abandonnée, renversée en
arrière, les lèvres découvrant les dents, et la peau noire comme si on
l'avait rôtie.

[Illustration: Entre Bachtchekeui et Tchataldja: cadavres bulgares
abandonnés le long de la ligne du chemin de fer.]

A deux kilomètres de la rivière finissent les territoires turcs, marqués
de petits drapeaux et, à cinq cents mètres au delà, des drapeaux blancs
bulgares leur font face. Nous les dépassons; et bientôt, à deux
kilomètres de nous à peine, apparaît Tchataldja. Dans la plaine, du côté
d'Ezetin, personne, point de campements. Cependant une toile rouge de
tente s'aperçoit à un kilomètre environ; deux soldats en sortent, se
dirigent vers nous, et nous font signe de nous arrêter. Ils parlent turc
tous deux et appartiennent, l'un au 10e, l'autre au 25e régiment
d'infanterie. Un troisième les rejoint, et part à la recherche des
officiers. Ceux-ci arrivent vers 3 heures: ils sont quatre, deux
capitaines, un sous-lieutenant de réserve et un cadet de l'école
militaire. On se serre la main très cordialement. Tous s'expriment assez
bien eh français; l'un enlève son manteau, l'étend sur le talus et, nous
invitant à nous asseoir, dit: «Voilà notre canapé.» Le cadet reste
debout, raide, au port d'armes, la figure épanouie, regardant avec
admiration cette rencontre cordiale entre officiers turcs et bulgares.
J'ai malheureusement épuisé toutes mes pellicules sèches, et je ne puis
plus prendre de photographies. On se fait toutes sortes de politesse; le
lieutenant turc dit en français à l'un des capitaines bulgares: «Votre
figure m'est très sympathique»,--et de fait celui-ci est un Slave blond,
aux yeux bleus, souriant, avec ce quelque chose de doux et d'enveloppant
dans l'expression qu'ont les hommes de cette race. Il rit, et on se
serre la main encore une fois.

J'explique mon intention d'aller à Andrinople; je montre la lettre russe
demandant aux autorités royales bulgares, soit militaires, soit civiles,
de me laisser passer et de m'aider au besoin, ma lettre pour Choukri
pacha, commandant la place d'Andrinople; je déclare que je resterai dans
cette ville jusqu'à la fin de la guerre, que j'accepte de traverser les
lignes les yeux bandés, sans domestique et avec aussi peu de bagages que
possible, si tout ceci leur semble nécessaire. Ils me disent qu'ils ne
peuvent me donner de réponse catégorique, mais qu'ils ne pensent pas que
leur général fasse d'objection sérieuse à ma demande, que peut-être il
en référera au général Savof, et qu'en ce cas je serai obligé de revenir
demain. Ils envoient un homme porter ma lettre à Tchataldja. Nous
causons de la guerre, de la paix; ils demandent des nouvelles, font
quelques jeux de mots pour me montrer qu'ils sont initiés aux finesses
du français... L'estafette revient; impossible d'avoir une réponse ce
soir. Nous prenons rendez-vous pour le lendemain matin, à 10 heures.

[Illustration: Pendant l'attente dans les lignes bulgares: la petite
escorte turque de Georges Rémond.]

... Je ne puis être à l'endroit convenu qu'à 11 heures 1/2; les
fondrières de la route m'ont retardé. Après un moment d'attente, deux
soldats bulgares s'approchent, nous font signe de faire volte-face, et
se rangent de chaque côté de la voie, baïonnette au canon. A 2 heures
seulement, nous voyons venir un officier: il parle à peine quelques mots
de français, mais nous comprenons qu'il va aller s'informer de notre
affaire à Tchataldja, auprès du général. A 4 heures, comme la nuit
tombe, nous décidons de nous en aller, après avoir remis aux soldats un
mot avertissant le quartier général que nous nous présenterons demain à
la même heure. Au moment où nous allons partir, l'officier revient
enfin: «Je regrette, me dit-il, mais c'est impossible», et il me rend la
lettre de l'ambassade de Russie. J'essaie de parlementer, mais en vain:
il ne comprend rien à ce que je dis. S'approchant de l'officier turc, il
lui demande: «C'est bien le correspondant de _L'Illustration_?»--et
c'est le dernier mot.

Nous rentrons à Hademkeui. Mme Romano nous a préparé des boulettes de
pomme de terre et une salade de haricots à l'ail, puissante, parfumée,
que je, mange avec délices. Après le repas, les associés, trois Grecs et
la dame, se réunissent pour faire leurs comptes du samedi soir. C'est un
beau spectacle, les trois hommes, l'un d'une maigreur squelettique, à la
peau verte, aux traits saturniens, les deux autres diversement gras, aux
faces lumineuses, et la Française, celle-ci présidant du haut de son
binocle, et les quatre paires d'yeux fixées sur le tas d'or et d'argent,
les quatre nez qui le flairent, les huit mains qui le tâtent, et les
quatre cerveaux qui supputent le gain, comptent les paris, cherchent le
para, le centime, la piastre qui manque. A cette vue, mon domestique est
enivré et s'écrie: «Je m'associe avec vous, je mets quarante livres dans
le commerce.»--«C'est le bénéfice fait sur les correspondants de guerre,
et l'argent chapardé sur mes comptes, animal!»--«Ah! me répond-il,
médiocre métier, on mettrait cent ans à s'y enrichir; mieux vaut piller
en Macédoine.»

Le lendemain, 29, le train parti à midi m'amène à 4 heures 1/2 à
Constantinople, ayant vaillamment franchi dans ce temps 50 kilomètres.

GEORGES RÉMOND.



[Illustration: SCÈNE DE LA RUE PARISIENNE.--Un contraste en blanc et
noir. _Dessin de L. SABATTIER._]

C'est une rencontre piquante, observée un jour dans la rue et prise sur
le vif, qui a fourni le sujet de ce plaisant tableautin en deux
couleurs, blanc et noir, et à deux personnages, la Parisienne et le
charbonnier... Par ce doux hiver, qui n'a de neigeux que l'hermine dont
se couvrent les épaules élégantes, la fourrure délicate et fragile entre
toutes, celle qu'une goutte de pluie tacherait, mais qu'un rayon de
soleil fait briller d'un soyeux éclat, s'offre comme le luxe préféré.
Elle est la parure précieuse, aristocratique, l'objet de la plus chère
convoitise, dont la possession vaut un titre de noblesse, et qui
«classe» une femme... Celle-ci, à défaut du manteau rêvé, porte une
étole d'hermine, large et longue à souhait, et si ingénieusement
disposée qu'elle semble en être habillée tout entière. De l'hermine,
elle en a voulu jusque sur son chapeau; et ses mains disparaissent dans
un vaste manchon, qui est d'hermine, lui aussi.

Ainsi vêtue de blancheur épaisse et molle, elle est sortie de chez elle,
ce matin-là; et, dans la rue, elle s'est rappelé qu'ayant omis,
distraite ménagère, de faire sa commande à son fournisseur habituel,
elle avait «un mot à dire» au charbonnier du coin, providence des
journées d'hiver. La voici devant son étroite boutique, dont l'enseigne
avertit qu'on y vend tout ensemble de quoi se chauffer et de quoi boire:
le charbonnier reconnaît sa jolie cliente, et, de la voir si blanche en
face de lui, si noir, il a un étonnement familier et joyeux. Elle aussi,
surprise d'abord, a remarqué l'imprévu de la rencontre. Tous deux,
oubliant, pour un instant, les distances--peut-être moins grandes qu'il
ne paraît--qui séparent un brave charbonnier d'une fine Parisienne, tous
deux s'amusent de la petite comédie dont ils sont les acteurs. Et,
enfin, c'est en riant qu'elle le prie de monter chez elle «un sac de
charbon et des margotins pour allumer le feu».



[Illustration: LE PREMIER INSTANTANÉ D'UN EMPEREUR DU JAPON.--Le mikado
Yoshi Hito, précédé d'un officier de son état-major, se rendant à cheval
au parc d'aviation militaire de Tokorozawa.--_Comm. par le_ Kokumin
Shimbun.]

AU JAPON

Lorsque se produisit, au mois d'août dernier, le changement de règne au
Japon, nous avions indiqué que le nouvel empereur Yoshi Hito, moins
respectueux que son père des traditions et des rites consacrés,
entendait se mêler davantage à la vie extérieure de son peuple, et ne
point s'entourer du mystère presque impénétrable qui dérobait aux
regards la personne de Mutsu Hito. On se souvient peut-être que, pour
évoquer ici, le plus fidèlement possible, les traits du défunt mikado,
qui jamais ne posa devant l'objectif, nous avons dû, à défaut d'autre
document, publier la photographie d'un ancien portrait officiel, corrigé
en 1904 «d'après les indications d'un membre du corps diplomatique qui
pouvait approcher l'empereur». Le jeune souverain qui préside aux
destinées du Japon ne donnera jamais si grand souci à ses
historiographes.

Déjà, dans notre numéro du 24 août 1912, nous l'avons montré en tenue de
général de division,-image peu familière encore, où il apparaissait
hautain et raide, la tunique chargée de décorations, une main sur la
garde de son épée. Voici un instantané, pris aux dernières grandes
manoeuvres, qui le représente dans un plus simple appareil: vêtu d'un
correct et sobre uniforme, le mikado se rend à Tokorozawa, près de
Tokio, pour visiter le parc d'aviation militaire. L'héritier de celui
que ses sujets nommaient le Fils du Ciel, et qu'ils vénéraient à l'égal
d'un dieu, se montre ici sous l'aspect d'un souverain très moderne: le
règne de Yoshi Hito marquera une singulière évolution dans les coutumes
impériales du Japon.

C'est du Japon également que nous vient la photographie reproduite
ci-dessous. Au pays des chrysanthèmes, la fleur nationale est l'objet
d'un culte attentif et charmant, qui prend les formes les plus
imprévues: dans le parc de Dangosaka. A Tokio, on l'utilise pour
figurer, en grandeur naturelle, les héros du vieux théâtre japonais.

A regarder la scène que représente notre gravure, on dirait d'acteurs
véritables, tant l'illusion a été habilement obtenue. En réalité, ce ne
sont même point des mannequins que de multiples chrysanthèmes,
adroitement disposés, habillent de leurs riches couleurs: sans leurs
tiges, ces fleurs coupées se faneraient vite. L'art du jardinier se
montre ici plus savant: il a réussi à donner aux plantes, taillées par
ses soins, et soutenues par d'invisibles armatures, l'apparence humaine.
Seules, la tête et les mains des personnages sont sculptées en bois.
Tout le reste est chrysanthème. Et, comme les racines plongent dans la
terre, la fleur merveilleuse s'épanouit, toujours vivace.

[Illustration: UNE FANTAISIE DE L'HORTICULTURE NIPPONE.--Plantation et
floraison de chrysanthèmes sur des armatures à forme humaine.--_phot. K.
Sakamoto._]



LES LIVRES & LES ÉCRIVAINS

Voyages. Études sociales.

Il existes de par le monde une grandis et riche cité qui est le «Paradis
des jeunes filles». Presque toute la vie familiale et sociale y est, en
effet, soumise aux exigences de leur plaisir et de leur avenir. «Les
mères, effacées de parti pris, les jeunes femmes, tout à leur mari et à
leurs enfants, ne comptent pour ainsi dire plus pour le monde. Certains
soirs, on n'aperçoit aux premiers rangs des loges des théâtres que de
fraîches et ravissantes figures de jeunes filles de seize à vingt ans.
Les pièces à succès sont celles qu'elles peuvent entendre, et les
impresarii consentent à donner la première place dans leur répertoire
aux «oeuvres convenables». Les réunions, les bals, les soirées, les
dîners, n'ont pour but que de les amuser, que d'aider le hasard en
préparant d'heureuses rencontres qui favoriseront leur mariage. On les
voit aux courses, à toutes les fêtes de charité, aux thés des grands
hôtels, dans les équipages, promenant dans toutes ces sorties un luxe
aussi raffiné que celui de leurs mères, parées déjà comme des femmes,
portant bijoux, perles et vraies dentelles. Cette sorte de conspiration
unanime qui les entoure de distractions, qui subordonne tout au
rayonnement de leurs attraits et les conduit au mariage dans la joie et
les plaisirs, semble toute naturelle aux parents, aux aînées déjà
mariées et aux amis. Cette royauté incontestée, la certitude où elles
sont que, pendant trois ou quatre ans, au moins, elles peuvent être
d'adorables despotes, leur donnent une assurance et une aisance qui
relèvent encore leur beauté. Et voici, j'en suis sûr, que nombre de nos
jeunes lectrices sont impatientes déjà de savoir sous quel ciel se situe
cette cité bénie. Le paradis de la jeune fille, mesdemoiselles, c'est
Buenos-Ayres, et vous trouverez bien d'autres précieux et charmants
détails dans les nouvelles études--qui enchanteront aussi vos
parents--de M. Jules Huret sur l'Argentine (_De la Plata à la Cordillère
des Andes_, Fasquelle). Selon sa manière, au cours de ce récent
itinéraire, le voyageur a tout noté: les moeurs, la société, la femme,
la jeune fille, les paysages, les grandes fermes, les usines à viande et
les marchés de la laine et des peaux, les immigrants, et, aussi--car il
n'est plus aujourd'hui une terre au monde qui ne souffre de ce mal--les
bouffonneries politiques.

Romans et fantaisies littéraires. Le nouveau livre de M. Jules Huret est
l'une des rares publications de ce début d'année. La trêve des éditeurs
succède à celle des confiseurs. On sort peu de livres nouveaux dans la
première quinzaine de janvier. Mais, comme la production de décembre est
toujours considérable et que les rubriques bibliographiques d'avant Noël
sont plus généralement consacrées aux volumes d'étrennes, les oeuvres de
l'année qui finit gardent toute leur valeur d'actualité dans les
premières revues des livres de l'année nouvelle. Par exemple, il vous
suffira de lire l'extraordinaire préface du _Voyage au pays de quatrième
dimension_, de M. G. de Pawlowski (Fasquelle), pour vous persuader que
telles idées exprimées à la fin de 1912 conserveront encore sans doute,
dans cent ans d'ici, toute leur savoureuse nouveauté. M. G. de Pawlowski
est un précurseur des philosophies d'après-demain. Sous une forme
originale et toujours inattendue, M. de Pawlowski accommode le document
à la mesure de son esprit. Il nous fait voyager dans le temps et dans
l'espace, tout en nous présentant une critique amusée mais bien nouvelle
des idées scientifiques contemporaines, et si d'abord vous écoutez avec
un peu de stupeur ses propos imprévus sur «l'Ame silencieuse», «les
Abstractions d'espaces», sur «le Voyage instantané», sur «l'Escalier
horizontal», sur «la Maison plate», sur «la Vision de l'invisible» et
sur «les Gares de l'infini», vous vous accoutumez cependant peu à peu à
cet enseignement à nul autre pareil, et ne vous lassez point de ces
révélations qui ne sont pas simplement le jeu d'un homme d'esprit, mais
qui comportent une morale actuelle avec de saines conclusions.

Quand il donne à l'expression de ses idées' la forme romanesque, M. Léon
Daudet abandonne un instant la plume ardente du polémiste fougueux. Il a
le souci de solidement édifier avec équilibre et méthode; il traite avec
une adroite courtoisie sans fanatisme et même sans hostilité préconçue,
semble-t-il, tout ce que, dans le domaine social, il veut combattre et
abattre. Dans _le Lit de Procuste_ (Fasquelle), l'auteur des _Primaires_
et de _la Lutte_ met en scène un littérateur formaliste, Ludovic Tavel,
un littérateur social, Martial Epervent, leurs disciples, leurs manies
et leurs deux écoles. Au dilettantisme infécond des uns s'oppose
l'illuminisme dangereux des autres qui créent de l'anarchie, de la
révolte et de la douleur. Et de ce choc entre le génie inutile et le
génie destructeur naît une étincelle de vérité, une pure et vivifiante
flamme captée par deux êtres d'amour qui seront les éloquents défenseurs
de la tradition et de la race.

Théâtres.

«Critiques auteurs» est un sujet d'actualité piquante qui devait
particulièrement tenter M. Robert de Flers. Nul ne pouvait le traiter
avec plus d'esprit et d'autorité que ne l'a fait le brillant écrivain
dans la préface du dernier volume des _Annales du Théâtre et de la
Musique_,--l'inappréciable publication de notre excellent confrère
Edmond Stoullig.

La très originale revue _Mil-neuf-cent-douze_, que firent jouer en avril
dernier, au théâtre des Arts, MM. Charles Muller et Régis Gignoux, vient
de paraître (Bernard Grasset); on en savoure complètement à la lecture
la fantaisie philosophique.

Divers.

On étonnerait beaucoup de personnes en leur parlant de tremblements de
terre dans le bassin de Paris. Ces phénomènes sont pourtant assez
fréquents. Depuis 1800, Paris a ressenti 14 secousses, Poitiers 6,
Saumur 6, Dijon 7, Angers 7, Bourbonne-les-Bains 4, Plombières 5, Caen
5, le Havre 9. D'ailleurs, aucun de ces séismes ne fut grave; aucun
n'affecta la cuvette du bassin de Paris dans son entier. Ces
oscillations, appelées sans doute à se renouveler, paraissent en
relation étroite avec la géologie de la région sur laquelle M. Paul
Lemoine (_Géologie du bassin de Paris_, Hermann), nous offre une étude
très fouillée qu'il a su rendre attrayante.



LA POLICE INTERNATIONALE
A CONSTANTINOPLE

Tandis qu'à Londres les délégués des coalisés balkaniques marchandent à
la Turquie les derniers vestiges de son empire en Europe, l'ordre
continue de régner à Constantinople. On avait pu redouter un instant
qu'une dangereuse effervescence se produisît dans la grande ville
cosmopolite. L'histoire nous rappelle, en effet, qu'à diverses époques
la population musulmane y manifesta son mécontentement de la tournure
des affaires de l'empire par des massacres, surtout de Grecs ou
d'Arméniens. Aussi y eut-il une grosse alerte dans les quartiers
chrétiens de Constantinople lorsque, le 17 novembre, on perçut les échos
des canons de marine qui coopéraient à la défense des lignes de
Tchataldja. Mais, déjà, d'accord avec les autorités ottomanes, toutes
les dispositions avaient été prises par les commandants des escadres
étrangères dans le Levant pour réprimer instantanément, s'il y avait eu
lieu, la moindre tentative de désordre et de pillage. En fait, le soin
de maintenir l'ordre à Constantinople a été confié à deux officiers
généraux français qui disposent à l'heure actuelle des forces
internationales de terre et de mer sur le Bosphore, et grâce auxquels se
renouent ainsi les anciennes traditions de la France protectrice de la
chrétienté dans le Levant.

Son ancienneté de grade a valu à l'amiral Dartige du Fournet la
direction des opérations de débarquement et des mouvements de la flotte
des puissances. Le général Baumann, qui, avec le titre d'inspecteur
général, s'appliquait, avant la guerre, à perfectionner l'organisation
de la gendarmerie ottomane et avait pu voir de près en Macédoine les
exploits des comitadjis grecs ou bulgares pour lesquels il manifeste
assez peu de tendresse, était tout désigné pour prendre la direction du
service général de sécurité dans la capitale. Auparavant, lorsque les
coalisés se furent emparés de Salonique, il avait réclamé énergiquement
et obtenu qu'on lui rendît ses gendarmes non combattants qui, avec leurs
officiers européens, se trouvaient alors dans la ville prise et ne
pouvaient être traités en prisonniers de guerre. Ces forces de police
renvoyées à Constantinople y sont en ce moment fort utiles pour assurer
l'ordre à côté des 3.000 marins débarqués depuis le 18 novembre.



UN GRAND PHYSICIEN

M. Cailletet, membre de l'Académie des sciences, président de
l'Aéro-Club de France, vient de mourir à l'âge de quatre-vingts ans.
Avec lui disparaît un des plus grands physiciens de l'époque, en même
temps qu'une des figures les plus originales et les plus sympathiques de
la science contemporaine.

[Illustration: L.-P. Cailletet. Portrait par Jacques Weissmann.
(_Collection de l'Aéro-Club de France._)]

Seul, en effet, ou presque seul parmi les membres de l'Institut, M.
Cailletet n'avait appartenu à aucun corps officiel; il était maître de
forges. Né à Châtillon-sur-Seine (Côte-d'Or) en 1832, il dirigea de
bonne heure des usines importantes; faisant marcher de front les
recherches scientifiques et l'exploitation commerciale.

En 1877, il s'attaqua à la liquéfaction des gaz jusqu'alors considérés
comme permanents: azote, oxygène, hydrogène, oxyde de carbone, méthane.
Ces gaz avaient résisté à des pressions de 2.800 atmosphères.

[Illustration: Le général Baumann.--_Phot. Apollon._]

[Illustration: Le contre-amiral Dartige du Fournet.]

LES DEUX OFFICIERS GÉNÉRAUX FRANÇAIS QUI ASSURENT L'ORDRE À
CONSTANTINOPLE ET SUR LE BOSPHORE.

M. Cailletet imagina de les soumettre à une température très basse en
même temps qu'il les comprimait. Il constata qu'il existe un _point
critique_, c'est-à-dire un degré de température au-dessus duquel la
liquéfaction d'un gaz est impossible, quelle que soit la pression. Ce
point critique est -242° pour l'hydrogène. Pour obtenir ces températures
extrêmement basses, Cailletet utilisa la détente brusque d'un gaz
comprimé lentement sous haute pression. Il réussit ainsi à liquéfier les
cinq gaz cités plus haut.

Ces expériences curent un retentissement considérable. Elles apportaient
la solution d'un problème scientifique qui avait passionné nombre de
physiciens, et elles préparaient de nombreuses applications pratiques.
Ce fut, notamment, le point de départ de l'industrie du froid.

Du jour au lendemain, M. Cailletet fut célèbre, et, pour rendre hommage
à ses travaux, l'Académie des sciences le nomma membre libre en 1884.

Vers cette époque, l'illustre physicien quittait l'industrie pour
s'offrir un repos bien gagné. Il continuait à s'intéresser aux progrès
de la science, s'occupant spécialement des questions d'aéronautique dans
lesquelles il avait acquis une compétence qui lui valut d'être choisi
comme président de l'Aéro-Club de France. Très vert, malgré son grand
âge, l'esprit ouvert à toutes les idées modernes, jouissant en sage de
l'aisance qu'il avait conquise par son travail, ce Bourguignon de pure
race, toujours affable et souriant, apparaissait comme un type accompli
du savant français.



DOCUMENTS et INFORMATIONS

LES STATIONS DE TÉLÉGRAPHIE SANS FIL DANS LE MONDE.

D'après le dernier relevé du Bureau international, il existerait
actuellement, dans les divers pays du monde, 375 stations côtières de
télégraphie sans fil ouvertes au public.

Sur ce nombre, on compte 142 stations aux Etats-Unis, 33 au Canada, 43
en Angleterre, 22 en Allemagne et dans les colonies allemandes, 19 en
Italie, 19 en Russie, 17 en France, 10 en Espagne 9 en Danemark, etc.

Dans les colonies on remarque: 5 postes dans l'Afrique française, 3 en
Indo-Chine, 2 à Madagascar, 7 au Maroc, 1 à Tunis, 10 dans les Indes
Anglaises, 3 à Curaçao, 5 à Fidji, etc.

Pour les postes installés à bord des navires de guerre, les Etats-Unis
tiennent encore la tête avec 247 postes. Viennent ensuite l'Angleterre
avec 213 postes; la France, 141; l'Allemagne, 112; l'Italie, 77; le
Japon, 70; la Russie, 70; l'Autriche, 37, etc.

Sur les navires de commerce, on trouve 455 postes pour l'Angleterre; 253
pour les Etats-Unis; 206 pour l'Allemagne; 68 pour la France; 47 pour
l'Italie, etc.

LE RENDEMENT DU VIGNOBLE FRANÇAIS EN 1912.

L'année 1912 aura été exceptionnellement heureuse pour la viticulture.
Le rendement et la qualité de la récolte ont dépassé les prévisions les
plus optimistes.

Le vignoble français a subi comme tous les ans les atteintes, variables
suivant les régions, de la gelée, de la grêle, du mildiou, de l'oïdium;
mais les maladies cryptogamiques n'ont pas produit, malgré une humidité
parfois persistante, les effets désastreux que l'on observe généralement
dans des conditions atmosphériques semblables; le prix élevé du vin a
encouragé les viticulteurs à mieux soigner leurs vignobles et à
pratiquer, d'une façon régulière et méthodique, les traitements
préventifs.

Les vendanges faites parfois trop hâtivement, par suite d'un temps
pluvieux au début, ont pu s'exécuter ensuite pendant une très belle
période, qui a permis aux raisins restés sur les souches d'arriver à la
maturité nécessaire pour donner au vin du bouquet, de la couleur, du
degré et lui assurer une bonne conservation.

Finalement, la récolte, qui devait être d'après certains à peine
supérieure à la moyenne, a atteint pour la France, selon M. J.-M.
Guillon, inspecteur de la viticulture, auquel nous devons ces précieux
renseignements, le chiffre de 59.339.035 hectolitres en 1912, contre
44.885.550 hectolitres en 1911. La production de 1912 est donc de 15
millions d'hectolitres supérieure à celle de 1911 et de 7 millions
d'hectolitres au-dessus de la moyenne des dix dernières années, estimée
à 52 millions environ.

Les régions les plus favorisées sont celles de la Méditerranée; le
Bordelais et la vallée de la Loire comptent aussi parmi les mieux
partagés. Quelques départements de l'Est sont à peu près les seuls à
présenter un rendement inférieur à 1911. Quant à la récolte de
l'Algérie, elle accuse également un notable déficit: elle a été en 1912
de 6.671.181 hectolitres, au lieu de 8.883.667 hectolitres en 1911.

A PROPOS DU RAYONNEMENT VITAL.

En 1908, quelques expérimentateurs eurent l'idée d'appliquer contre leur
front ou leur épigastre une feuille de papier manuscrit ou imprimé posée
elle-même sur la face émulsionnée d'une plaque photographique; ils
obtinrent une reproduction plus ou moins complète, en positif ou en
négatif, des caractères que portait la feuille de papier. Ils
attribuèrent cette transcription au rayonnement d'un certain fluide
vital émanant de l'organisme.

L'hypothèse rencontra d'autant plus de créance dans certains milieux que
des expériences «amusantes» tendaient à la confirmer. Si l'on confiait
des sachets renfermant une plaque et une feuille de papier
convenablement disposées à diverses personnes qui les actionnaient dans
des conditions différentes, on constatait au développement des résultats
eux-mêmes très variés.

Dès cette époque, M. Guillaume de Fontenay montra qu'on obtenait des
transcriptions semblables de caractères manuscrits en utilisant, comme
source de chaleur, un bain-marie à 35° ou 40°, ce qui ruinait
l'hypothèse d'un rayonnement vital nécessaire pour produire le
phénomène.

Toutefois, M. de Fontenay n'avait pu obtenir la transcription de
caractères imprimés. Ses nouvelles expériences, signalées à l'Académie
des sciences par M. d'Arsonval, éclairent singulièrement la question.

Le phénomène paraît subordonné à un assez grand nombre de facteurs
physiques et chimiques, parmi lesquels il faut citer d'abord la durée du
contact et la température.

D'autre part, les encres à écrire et les encres typographiques agissent
sur les plaques sensibles de façons différentes, suivant la composition
chimique de ces encres, et aussi suivant l'état de division moléculaire
qui leur est communiquée par le papier où on les a déposées. Certaines
encres se transcrivent toujours en positif, d'autres se transcrivent
toujours en négatif. Nombre d'encres typographiques sont à peu près
inactives dans les circonstances ordinaires de l'expérimentation; un
trait de plume peut se transcrire partiellement en négatif et
partiellement en positif, selon que la plume, ici ou là, a déposé plus
ou moins de liquide, ou selon qu'elle a plus ou moins égratigné
l'encollage superficiel du papier et incorporé l'encre à la fibre même
de la pâte. Si le métal de la plume est attaqué par l'encre, la
transcription est modifiée; si l'on emploie des émulsions couchées sur
celluloïd, on se heurte souvent à des phénomènes électriques.

Dans un autre ordre d'idées, il faut remarquer que la transpiration
varie beaucoup d'un individu à l'autre. En outre, chez la même personne,
au même instant, elle est en général acide au visage et au creux de
l'aisselle, alcaline au pli de l'aine. Elle diffère énormément suivant
la nourriture, l'état de maladie ou de santé. On doit donc se défier à
l'extrême de toute observation faite au moyen de sachets actionnés par
un organisme vivant: la transpiration joue alors un rôle dont il est
difficile de déterminer le sens et l'ampleur.

M. de Fontenay conclut qu'il n'a pu déceler l'intervention d'aucun
rayonnement nouveau et qu'il n'a jamais rencontré d'effet qui ne pût
être attribué légitimement à une réaction chimique des corps mis en
présence.

UTILITÉ DES SERINS POUR ÉVITER L'ASPHYXIE.

On a jadis proposé d'utiliser la souris pour nous éviter l'asphyxie par
l'oxyde de carbone. Ce gaz éminemment dangereux est, en effet, peu
sensible aux réactifs chimiques, et l'on n'a pas encore trouvé de moyen
simple et pratique pour constater sûrement sa présence dans l'air que
nous respirons.

M. Burrell a été chargé par le Bureau des mines des Etats-Unis d'étudier
l'influence de l'oxyde de carbone sur les petits animaux. Il conclut à
la sensibilité extrême du canari:

Voici, d'ailleurs, le résumé de ses observations sur la souris et sur le
canari.

Souris: 0,16 d'oxyde de carbone contenu dans l'air, très léger malaise
au bout d'une heure; 0,20, malaise en 8 minutes; 0,31, malaise en 4
minutes; 0,46, malaise en 2 minutes; 0,57, malaise en une minute; mort
en 16 minutes; 0,77, malaise en une minute, mort en 12;5 minutes.

Canari: 0,09, très léger malaise au bout d'une heure; 0,15, malaise en 3
minutes; tombe de son perchoir au bout de 8 minutes; 0,20, malaise en
1,5 minute; tombe de son perchoir en bout de 5 minutes; 0,29, tombe de
son perchoir en 2,5 minutes.

Le serin serait donc l'accessoire hygiénique indispensable de tout poêle
à combustion lente.

M. Burrell propose de l'employer pour explorer l'air des mines après
explosion.

LA PLUIE À PARIS.

Les météorologistes sont fort divisés au moins sur une question: celle
de l'augmentation de la fréquence de la pluie en nos régions. Les uns
estiment, avec le bon peuple, qu'il pleut plus en France qu'autrefois;
d'autres affirment que la moyenne n'a pas sensiblement changé.

Nous signalions, il y a quelque temps, l'opinion de M. Camille
Flammarion à cet égard. Notre éminent collaborateur a fait un relevé des
pluies à Paris depuis le règne de Louis XIV; il conclut à une
augmentation, augmentation bien marquée surtout depuis le début du
dix-neuvième siècle, époque à laquelle ont commencé les mesures
pluviométriques bien précises.

M. Angot, directeur du Bureau central météorologique, n'est point de cet
avis.

M. Flammarion a pris les chiffres fournis par le pluviomètre de
l'observatoire de Paris jusqu'en 1872; à partir de là, il s'en rapporte
aux chiffres de l'observatoire de Montsouris, estimant que les
conditions restent à peu près les mêmes.

Or, d'après M. Angot, l'augmentation apparente de pluie résulte de ce
changement de station. La comparaison des observations faites au cours
des trente dernières années montre que la quantité de pluie tombée à
Montsouris est d'environ un dixième supérieure à celle recueillie à
Paris.

M. Angot établit un relevé de 1806 à 1910 en prenant uniquement les
chiffres de l'observatoire de Paris. Ce relevé donne, pour la pluie
tombée dans la capitale, une moyenne générale de 510 millimètres par an.
Pendant le premier tiers de cette période, la moyenne ressort à 502
millimètres; pendant le second, elle s'élève à 521; pendant le dernier
tiers, c'est-à-dire pendant les trente dernières années, elle retombe à
508.

M. Angot conclut que, contrairement aux affirmations de M. Flammarion,
il n'y a aucune apparence d'augmentation progressive de pluie à Paris
depuis 1880.

Ce désaccord des deux savants sur une question assez simple est un peu
troublant. La vérité ne serait-elle pas que, finalement, il ne tombe
guère plus d'eau à Paris qu'autrefois, mais... qu'il pleut ou qu'il
«brouillasse» plus souvent.



[Illustration: Position initiale. Position finale. COMMENT LE
DICTIONNAIRE LAROUSSE A INTERPRÉTÉ LE GESTE DU DISCOBOLE ANTIQUE]

L'ATTITUDE DU DISCOBOLE

La méthode française d'éducation physique préconisée par M. le
lieutenant de vaisseau Hébert, que nous avons été des premiers à
signaler dans ce journal (numéro du 13 avril 1912). et qui bénéficie
aujourd'hui d'une vogue méritée, a donné un intérêt, si l'on peut dire,
actuel, à la célèbre statue du Discobole antique: on sait que le
«lancer» du disque est un des huit exercices naturels «indispensables»
indiqués par cette méthode. Sur l'attitude du Discobole, qu'a reproduite
si heureusement le lieutenant de vaisseau Hébert, M. le commandant R.
Debax, ancien instructeur à l'école de gymnastique de Joinville-le-Pont,
nous adresse ces lignes illustrées de croquis probants:

Dans le grand dictionnaire Larousse, à l'article Discobole, on lit:

«Discobole lançant le disque, ou Discobole en action, statue antique au
palais Massimi, à Berne. Le corps incliné et appuyé sur la jambe droite
placée en avant, le Discobole porte la main gauche sur le genou droit et
élève en arrière, plus haut que la tête, la main droite qui tient le
disque. Cette attitude a été imaginée pour donner au disque la plus
forte impulsion possible. Ce n'était qu'après avoir balancé le bras
plusieurs fois et lui avoir fait décrire plusieurs tours, presque
circulairement, que le Discobole lâchait le disque qui partait en
sifflant. En même temps qu'il ramenait ainsi une dernière fois le bras
droit en avant il retirait la main gauche et son corps se redressait
vivement comme la corde d'un arc détendu.»

A l'appui de son explication, l'auteur de la notice cite des textes
latins qui, probablement, sont sujets à controverses. Nous nous
garderons bien de le suivre sur ce terrain. Et nous nous fonderons sur
l'expérience et sur le mouvement de la statue pour contester cette
interprétation.

Si le disque était lancé comme l'indique Larousse, la force de
projection serait produite par le mouvement de rotation du bras droit,
suivi de l'extension du corps tout entier prenant appui sur la seule
jambe droite, extension favorisée d'ailleurs, par une légère rotation du
buste de droite à gauche. L'ensemble du mouvement ne paraît pas
suffisant pour donner l'impulsion nécessaire au disque, et nous pouvons
affirmer que pas un de nos athlètes modernes n'opère de cette façon.

Il est d'ailleurs fort probable que, dans ce cas, le disque devant être
lancé en avant de la statue, le Discobole aurait eu malgré lui le regard
fixé dans cette direction, c'est-à-dire droit devant lui.

Or, c'est précisément le contraire. Le Discobole a, d'une façon
indiscutable, le regard dirigé en arrière de lui.

On a prétendu qu'il regardait son bras droit pour voir si le disque
était bien placé dans sa main. Il est bien plus naturel de penser que le
Discobole regarde le but et, si l'on admet cette manière de voir, le
mouvement de la statue s'explique très facilement et se décompose comme
l'indiquent les croquis ci-dessous.

Faisant d'abord face au but ou à la direction (position initiale), le
pied gauche en avant, le pied droit en arrière et près du précédent, le
bras droit tendu horizontalement, le Discobole pivote ensuite sur le
pied droit, fait face en arrière en portant le poids du corps sur la
jambe droite, le genou gauche se plaçant contre le droit, le pied gauche
ne faisant que se soulever en pivotant sur le gros orteil. En même
temps, il se baisse légèrement et exécute un _mouvement de torsion très
prononcé du, buste autour du bassin de gauche à droite._ Le bras droit
reste tendu et le disque vient se placer à hauteur de l'endroit où il va
être abandonné à la fin du mouvement suivant (position de la statue).

Immédiatement après, par un mouvement de réaction, le Discobole,
pivotant sur les deux pieds, fait face à la direction primitive en
imprimant _au buste un mouvement violent de torsion de droite à gauche_
qui, par l'intermédiaire du bras, donne l'impulsion au disque à la façon
d'une fronde. Le disque est abandonné au moment où il se trouve dans la
direction. Par suite de l'impulsion communiquée au corps, le pied droit
se porte généralement en avant du gauche. Compris de cette manière, le
lancement du disque exige une grande coordination dans les mouvements.
C'est le triomphe de l'adresse unie à la force et c'est ce symbole qu'a
voulu exprimer le statuaire antique.

R. DEBAX.

[Illustration: Position initiale. Position intermédiaire (celle de la
statue). Position finale. Le discobole fait face à la direction. Le
discobole a pivoté et fait face en arrière. Le discobole revient face en
avant et abandonne le disque. COMMENT LE DISCOBOLE ANTIQUE LANÇAIT LE
DISQUE, D'APRÈS L'ÉCOLE DE JOINVILLE-LE-PONT]



LA CEINTURE DE PARIS

APRÈS LA DÉMOLITION DES FORTIFICATIONS (_Voir les projets, page 20._)

«A la place des vilaines murailles des fortifications qui entourent
Paris, on voyait un beau parc ininterrompu où les arbres, les arbustes
et les fleurs faisaient à notre ville une ceinture de santé et de beauté
aussi; songez donc, 35 kilomètres de pelouses, avec ponts rustiques,
cascatelles et ruisselets, toute une longue série de paysages au pastel;
Paris vêtu et couronné de toutes les roses et de toutes les fleurs était
salué comme la reine souveraine du monde.

Vivant au milieu de cette belle fête des yeux et de l'esprit, les hommes
devenaient meilleurs, les femmes plus jolies.

Si mon rêve vous agrée et si vous voulez en commencer la réalisation,
beaux conseillers, ne vous endormez pas.»

Ainsi rêvait, en ouvrant, en 1909, la première session ordinaire du
Conseil municipal de Paris, M. Lampué, doyen d'âge de cette laborieuse
assemblée où, comme on voit, les soucis budgétaires ou politiques n'ont
point atrophié la fibre poétique.

Ce rêve sera bientôt une réalité. Sur le rapport de M. Louis Dausset,
récemment élevé à la présidence du Conseil municipal, nos édiles
viennent d'approuver le contrat passé entre l'État et la Ville de Paris
pour l'aliénation de l'enceinte fortifiée. La sanction législative ne
saurait tarder.

Cette convention, dont nous n'avons pas le loisir d'examiner les
détails, peut se résumer ainsi:

1° Acquisition par la Ville, en un seul et unique lot, de la totalité de
l'enceinte fortifiée, moyennant un prix de 100 millions payables par
annuités, par paiements échelonnés;

2° Maintien sur la zone militaire de la servitude non _oedificandi_,
pour cause d'hygiène et de salubrité publiques;

3° Expropriation des terrains de cette zone, devenue _zone sanitaire_ en
vue de la création d'espaces libres, parcs et terrains de jeux;

4° Annexion à Paris des terrains expropriés.

Il y a plus de trente ans que s'est posée pour la première fois la
question de la suppression de l'enceinte fortifiée de Paris; la
divergence des intérêts ou même des simples opinions en présence rendait
la solution fort difficile. Grâce à l'énergie persévérante de M. Dausset
et de son collègue, M. Chérioux; grâce à l'esprit libéral de MM. Klotz
et Millerand, la solution intervenue apparaît comme la plus logique et
la plus satisfaisante à tous égards. La désaffectation de l'enceinte
fortifiée n'est plus considérée, ni par la Ville, ni par l'État, comme
un prétexte à spéculations immobilières, on l'envisage avant tout comme
un moyen de doter Paris et sa banlieue des champs d'air et de lumière
devenus indispensables à leur hygiène et à leur santé.

Nos plans de la page 20, empruntés à un travail de M. Dausset, donnent
une idée exacte de la transformation que va subir la ceinture de Paris.

Actuellement, l'espace libre des fortifications et de la zone qui
entoure la capitale présente environ 380 mètres de profondeur: 130
mètres de fortifications et 250 mètres de _zone_ frappée d'une servitude
_non oedificandi_, c'est-à-dire où les propriétaires du sol ne sont
autorisés à élever que des constructions précaires, pouvant être
démolies à première réquisition.

Le terrain occupé par les fortifications, après avoir été mis au niveau
des boulevards actuels, sera loti pour l'édification d'immeubles de
rapport groupés entre deux larges boulevards circulaires, le boulevard
extérieur étant flanqué d'un chemin de ronde et d'une grille pour
garantir le fonctionnement de l'octroi.

Les terrains de la zone, formant un total de plus de 500 hectares,
seront aménagés en espaces libres, tels que parcs publics, pelouses ou
terrains de jeux; M. Dausset prévoit onze grands parcs entourés de
grilles. «Aucune portion ne pourra être distraite en vue d'y élever des
constructions, si ce n'est pour l'établissement des édifices nécessaires
à la surveillance et à l'utilisation de ces espaces libres, lesquelles
constructions ne pourront, dans leur ensemble, occuper une superficie de
plus d'un vingtième desdits espaces et devront être réparties également
sur l'ensemble de la zone à aménager.»

On a objecté que la zone n'offre pas une largeur suffisante pour y
dessiner des parcs intéressants. Or, le parc Monceau, considéré avec
raison comme un des plus beaux spécimens de l'art des jardins, ne mesure
pas plus de 250 mètres dans sa plus grande largeur. C'est précisément
celle de la zone.

Ajoutons que la Ville de Paris s'est engagée à prélever 4% sur
l'ensemble des terrains à provenir de l'enceinte fortifiée, pour les
affecter exclusivement à la construction d'habitations à bon marché.

Combien de temps exigeront les travaux destinés à modifier si
heureusement l'aspect des abords de la capitale? Il serait téméraire de
hasarder des chiffres.

La remise à la Ville, par tronçons successifs, des terrains déclassés;
la démolition du mur d'enceinte, le nivellement général du sol,
demanderont plusieurs années. L'expropriation des terrains de la zone
qui forment une surface de 4.962.000 mètres carrés répartis entre un
nombre considérable de propriétaires sera sans doute encore plus
laborieuse; on a prévu, pour la mener à bien, un délai maximum de
trente-huit ans.

Faisons toutefois crédit à la diligence de l'administration et
souhaitons qu'entre les maisons dites «à bon marché» et les immeubles
pour pseudo-millionnaire on voie pousser, baignés d'air et entourés de
verdure, de modestes mais riants cottages pour simples bourgeois. Et
s'il paraît audacieux d'admettre, comme M. Lampué, que la suppression
des fortifications rendra les hommes meilleurs et les femmes plus
jolies, espérons du moins qu'elle contribuera à enrayer un instant la
hausse démesurée des loyers parisiens et, peut-être, aussi, à améliorer
les moeurs de messieurs les apaches.

F. HONORÉ.



LA NAVIGATION SUR L'OUED SEBOU

On a dit maintes fois combien il serait important de pouvoir utiliser
l'oued Sebou pour les transports de matériel de guerre et de
marchandises, de la côte à Fez. Malheureusement, le fleuve est peu
navigable, presque à sec par endroits en été, démesurément grossi en
hiver, coupé de nombreux seuils. Pourtant, l'an dernier, grâce à des
prodiges d'énergie, d'adresse, de persévérance, l'enseigne de vaisseau
Le Dantec parvint, en un voyage d'un mois (24 décembre 1911-30 janvier
1912), à le remonter avec un canot automobile jusqu'au pont de Fez, à 5
kilomètres de la capitale chérifienne.

Cette exploration devait donner un résultat pratique, puisqu'elle a
amené une compagnie, l'Omnium français, à étudier et à construire un
bateau à vapeur spécialement aménagé pour cette difficile navigation.

[Illustration: LA NAVIGATION FLUVIALE AU MAROC.--Le premier vapeur qui
ait remonté l'oued Sebou: la canonnière _Sebou_ à Bel Ksiri.]

Le _Sebou_, c'est le nom qu'elle a donné à ce bateau, l'aîné d'une
flottille qu'il faut souhaiter de voir devenir nombreuse, effectue en ce
moment son premier voyage, et déploie sur l'oued si fantasque le
pavillon français. C'est une sorte de canonnière très légère, ne calant
pas plus de 80 centimètres à l'arrière, ce qui lui permettra de franchir
sans trop de difficultés les hauts fonds. Au 24 décembre dernier, le
_Sebou_ était à Bel Ksiri où fut prise la photographie que nous
reproduisons. Il a depuis continué, et, aux dernières nouvelles, avait
atteint Souk el Djema, à 120 kilomètres environ de Méhédya.

Un ingénieur, M. Turgan, est à la tête de cette entreprise. Le directeur
technique de la navigation, le «capitaine d'armement» si l'on veut, est
M. Le Peillon, à qui une longue pratique des rivières indo-chinoises a
donné une expérience précieuse.



UNE MÉDAILLÉE DE LA GUERRE

C'est un document émouvant, évocateur d'une époque déjà lointaine, que
cette photographie d'une famille de soldats, prise quelques années après
la guerre. Celle qui y figure aux côtés de son mari et de ses enfants,
Mme Gombert, vient de recevoir la médaille de 1870, à Rodez, dans une
touchante cérémonie, comme il y en a eu tant en France ces temps
derniers, qui réunissait d'anciens combattants de l'Année terrible, Mgr
de Ligonnès, évêque de. Rodez, alors capitaine des mobiles de la Lozère,
le contre-amiral et le général Boisse, le général Joubert, et, leur
doyen à tous, un beau vieillard de quatre-vingt-sept ans, M. Vidal.

[Illustration: Une femme médaillée de 1870: Mme Gombert, ancienne
cantinière, et sa famille. (_D'après une photographie faite quelque
temps après la guerre._)]

Mme Gombert, qui portait crânement l'uniforme de cantinière, fit la
campagne avec son mari, soldat au 3e bataillon de chasseurs à pied; elle
emmenait dans sa voiture ses trois enfants en bas âge, qu'elle n'avait
pas voulu quitter. Blessée sur le champ de bataille de Rezonville, la
courageuse femme fut recueillie à l'hôpital de Metz; elle y demeura
jusqu'à la reddition de la place, et partagea ensuite la captivité de
l'armée. Le bel exemple d'énergie française qu'elle a donné devait avoir
sa récompense. Il ne manque désormais à cette vaillante, femme et mère
de soldats--ses deux fils ont été retraités comme adjudants--que la
médaille militaire.



THÉÂTRES

L'Opéra s'est honoré en remontant avec des soins exceptionnels le grand
drame lyrique de M. Vincent d'Indy, Ferval. Créé à la Monnaie de
Bruxelles en 1897, il avait eu, l'année suivante, une série de
représentations à l'Opéra-Comique; on ne l'avait pas rejoué depuis. M.
Vincent d'Indy a choisi son héros parmi ceux qui empruntent à la légende
et aux anciennes traditions nationales leurs valeurs symboliques (car,
fidèle au principe wagnérien, il a lui-même composé le livret de ses
oeuvres); il a enveloppé son poème d'une musique qui est d'un
raffinement, d'une richesse, d'une habileté, d'une beauté technique
extraordinaires. M. Muratore et Mlle Bréval ont brillamment tenu la tête
d'une interprétation remarquable. M. Messager lui-même, aux premières
représentations de cette reprise, s'est fait un devoir de conduire
l'orchestre.

Signalons, à la Comédie-Royale, une comédie--fort légère--de MM. André
Sylvane et Mouezy-Eon: _les Samedis de monsieur_, et une piquante petite
revue de M. Jean Bastia: _Ce qu'il ne faut pas taire_.



LES CENTENAIRES DU CONSCRIT, par Henriot.





*** End of this LibraryBlog Digital Book "L'Illustration, No. 3646, 11 Janvier 1913" ***

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