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Title: Méthode d'équitation basée sur de nouveaux principes
Author: Baucher, François, 1796-1873
Language: French
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Notes de transcription: Les erreurs clairement introduites par le
typographe ont été corrigées. L'orthographe d'origine a été conservée
et n'a pas été harmonisée.

Le texte imprimé en lettres gothiques dans le livre d'origine est
marqué =ainsi=.



     MÉTHODE
     D'ÉQUITATION
     BASÉE SUR DE NOUVEAUX PRINCIPES

     PAR

     F. BAUCHER

     QUATORZIÈME ÉDITION
     REVUE ET AUGMENTÉE

     Avec portrait de l'Auteur et 16 planches.

     PARIS
     LIBRAIRIE MILITAIRE DE J. DUMAINE
     LIBRAIRE-ÉDITEUR
     RUE ET PASSAGE DAUPHINE, 30

     1874



     MÉTHODE
     D'ÉQUITATION



     PARIS.--Imprimerie J. DUMAINE, rue Christine, 2.


[Illustration: Portrait de l'auteur]



     MÉTHODE
     D'ÉQUITATION
     BASÉE SUR DE NOUVEAUX PRINCIPES

     PAR

     F. BAUCHER

     QUATORZIÈME ÉDITION
     REVUE ET AUGMENTÉE

     Avec portrait de l'Auteur et 16 planches.

     PARIS
     LIBRAIRIE MILITAIRE DE J. DUMAINE
     LIBRAIRE-ÉDITEUR
     RUE ET PASSAGE DAUPHINE, 30

     1874



PRÉFACE


L'homme a reçu du Créateur une intelligence supérieure à celle des
animaux, non pour les asservir à ses caprices et leur infliger des
mauvais traitements, mais pour en recevoir tous les services qu'il
est en droit de leur demander. Le cheval, ce noble animal, est
peut-être celui dont l'homme a le plus abusé, et les moyens dont on
s'est servi pour le soumettre trahissent l'ignorance autant que la
brutalité. Dès ma jeunesse j'aimai le cheval, et, frappé de
l'incertitude des principes énoncés par tous les auteurs qui ont
écrit sur l'équitation, je cherchai à ouvrir une voie nouvelle et
sûre à tous ceux qui s'occupent de l'éducation du cheval. En 1830
je fis paraître le _Dictionnaire raisonné d'équitation_. La faveur
du public me récompensa de mes laborieuses recherches, et
m'encouragea à persévérer dans mes efforts. Quelques années plus
tard parut ma nouvelle Méthode, qui souleva dans le monde équestre,
d'une part un grand enthousiasme, de la part de quelques-uns une
critique passionnée trop passionnée pour être impartiale. Treize
éditions se succédèrent en vingt-cinq ans, mes ouvrages furent
traduits dans plusieurs langues, et partout les amateurs et les
officiers intelligents adoptèrent mes principes. J'ai déjà dit les
causes qui avaient empêché ma méthode d'être introduite dans la
cavalerie française, malgré l'avis presque unanime de MM. les
officiers consultés.

Que ma plume se taise sur ce triste passé!

Ma Méthode permettait de donner à tous les chevaux l'équilibre du
deuxième genre, et les vingt-six chevaux que j'ai montés en public
en ont été la preuve incontestable. Avec mes dernières innovations,
je donne non-seulement une plus grande facilité pour obtenir sur
tous les chevaux cet équilibre du deuxième genre, je donne encore
les moyens infaillibles _d'obtenir chez tous les chevaux une
légèreté constante_, signe d'un équilibre parfait. C'est cet
équilibre que j'appelle équilibre du premier genre.

Le premier équilibre suffit à tous les besoins de la cavalerie et
de l'équitation ordinaire.

L'équilibre parfait, ou équilibre du premier genre, ne pourra être
donné au cheval que par l'élite des cavaliers. Ce sera l'équitation
transcendantale. En poésie, dans les arts, dans les sciences, il
n'est pas permis à tout le monde d'aller à Corinthe!



DERNIÈRES INNOVATIONS


Depuis quarante ans que je m'occupe de l'art de dresser les
chevaux, j'ai toujours compris que l'unique problème à résoudre par
l'écuyer était de parfaire l'équilibre naturel du cheval, et les
recherches de toute ma vie n'ont eu d'autre but que de rendre plus
facile la solution du problème. Chacune des treize éditions de la
méthode renferme un nouveau progrès qui simplifie le travail de
l'écuyer. A tous les instruments de torture employés précédemment,
je substituai d'abord le mors qui porte mon nom; plus tard, je le
remplaçai par un mors plus doux encore, aux branches plus courtes
et sans gourmette; enfin, aujourd'hui je ne me sers plus que d'un
simple bridon. Qu'on n'aille pas croire que ce bridon, nouveau par
sa disposition, possède une vertu magique qui dispense de l'étude
de la science; ce serait une grave erreur! Ce nouveau bridon
démontre le perfectionnement de ma méthode, l'efficacité des moyens
qu'elle prescrit, puisque avec ce simple frein je puis dompter le
cheval le plus fougueux et le soumettre à ma volonté. Quelque
simples que soient les nouveaux moyens que j'indique, ils ne
peuvent être bien compris dans leurs détails et dans leur ensemble
que par un écuyer habile.

Je dirai donc aux jeunes cavaliers: adressez-vous à un professeur
imbu de tous mes principes et familiarisé avec la pratique de ma
méthode, lui seul pourra vous rendre facile et sûre la route à
parcourir, en vous indiquant ces nuances diverses, ces effets
multiples de mains et de jambes, ce je ne sais quoi que le
sentiment perçoit, que l'oeil du professeur saisit, mais que
l'auteur ne peut écrire. Acquérez ainsi la science, apprenez à vous
servir de ce nouveau bridon, et vous obtiendrez des résultats
inespérés; une fois le cheval dressé, vous pourrez, si tel est
votre bon plaisir, employer à la promenade le mors que vous
préférez.


Du cheval en liberté.

Il n'est personne qui n'ait vu un cheval courant en liberté dans la
prairie. Quelle souplesse, quelle légèreté dans tous ses
mouvements! Prenez ce cheval, mettez-lui une selle, une bride et
cherchez à l'astreindre à votre volonté, quelle métamorphose! Ce
cheval qui, en état de liberté, planait au-dessus du sol, se traîne
péniblement, et s'arrête entre vos jambes. Pourquoi? Le cheval
libre, maître absolu de ses forces, dispose son poids comme il
l'entend, pour exécuter ces mouvements si gracieux que nous
admirons. Dès qu'il est monté par l'homme, il se sent gêné,
paralysé dans sa liberté; il est forcé d'abdiquer sa volonté, et il
n'est pas encore capable de comprendre celle du cavalier. Il existe
alors entre ces deux volontés un état transitoire d'incertitude qui
explique de la part du cheval ces résistances qui dégénèrent en
défense sous son cavalier inexpérimenté. Comment détruire ces
résistances avant-coureurs de la défense, si le cavalier ignore que
la cause de toutes les résistances réside dans le mauvais équilibre
du cheval, par suite du désaccord qui existe entre l'avant et
l'arrière-main? Les translations de poids ne sont faciles qu'autant
que le cheval demeure _droit_, c'est-à-dire que les jambes de
derrière soient sur la même ligne que celle de devant. Avec le
cheval ainsi disposé, la force motrice peut agir avec égalité et
simultanéité de contraction et de détente. L'effet sera transmis de
l'arrière-main à l'avant-main sans décomposition de force, et le
cheval prendra facilement la position utile au mouvement demandé.
Supposez, au contraire, le cheval ayant la croupe en dehors de la
ligne des épaules, aussitôt cesse la juste répartition du poids,
parce que telle partie est trop surchargée, telle autre trop
allégée; les contractions musculaires ne sont plus justes,
l'instrument n'est plus d'accord, et, au moindre changement de
direction, la croupe vient faire arc-boutant aux épaules, et le
cheval résiste. Si le cavalier ne se hâte de détruire la cause de
ces résistances en mettant son cheval _droit_, il n'arrivera jamais
à la légèreté parfaite et constante.


Du sentiment.

La routine traditionnelle veut que tout cavalier qui monte dans le
manége suive la piste près du mur. Je préfère le voir se tracer une
piste à un mètre de distance du mur, afin de m'assurer s'il sait
maintenir son cheval _droit_, sans le secours d'un guide-âne. De
cette manière, le cavalier acquerra, outre le sentiment des lignes,
ce juste accord qui lui permettra de discerner plus facilement la
nature des contractions,--bonnes, si la légèreté en est la
conséquence,--mauvaises, lorsque les résistances du cheval
augmentent au lieu de diminuer. Celui qui n'a pas le sentiment des
contractions est incapable de juger la position du cheval, je veux
dire de sentir si la distribution de son poids est convenable, si
la force est harmonisée par rapport au mouvement à exécuter. Il ne
peut donc ni préparer la position[1] ni la corriger, ni, par
conséquent, atteindre le but qu'il s'est proposé, _améliorer
l'équilibre naturel du cheval en le rendant léger dans tous ses
mouvements_. Le sentiment se développe par l'exercice; l'essentiel
est de suivre la progression que j'indique et de se pénétrer de la
vérité du principe dont un seul mot exprime les conséquences:
«_Équilibre ou légèreté._»

  [1] On entend par _position_ la disposition du poids et de la
  force du cheval par rapport à chaque mouvement qu'il doit
  exécuter.


De la bouche du cheval.

Le langage a été donné à l'homme pour dissimuler sa pensée, a dit
le prince de Talleyrand. Plus loyal que l'homme, le cheval ne peut
pas dissimuler ses impressions. Est-il content de son cavalier, il
lui témoigne sa satisfaction par la mobilité moelleuse de sa
mâchoire. Surprend-il une faute, un oubli (le meilleur cavalier
peut se tromper), l'ami fidèle semble s'attrister; il perd sa
légèreté, son enjouement; si le cavalier comprend cet avis donné à
voix basse, s'il répare sa faute, le cheval se hâte de reprendre
son air de gaieté, et, par la mobilité de sa mâchoire, remercie son
maître d'avoir écouté l'humble remontrance de son serviteur. Mais
la faute s'aggrave-t-elle, l'ignorance et la vanité dédaignent-elles
d'écouter les reproches discrets qui lui sont adressés, alors le
cheval retire sa confiance à ce maître dont il n'est pas compris;
il cesse tout échange de pensées et proteste par le mutisme contre
l'ignorance de son cavalier. On peut contraindre un esclave à
marcher, on ne peut l'obliger à vous témoigner sa satisfaction.

J'ai dit que toutes les résistances du cheval proviennent de son
mauvais équilibre. A qui la faute? Au cavalier! toujours au
cavalier!


Le professeur.

Plus les formules de la science se simplifient, plus important
devient le rôle du professeur instruit, chargé de transmettre
fidèlement la pensée de l'auteur, de la faire appliquer et de
démontrer la vérité de ses principes. J'écris qu'il faut avoir le
cheval _droit_, et j'en dis la raison; mais qui indiquera à l'élève
que son cheval est ou n'est pas droit? Je parle des effets de main,
de jambes et d'éperons employés tantôt _séparément_, tantôt
simultanément. Qui dira au cavalier qui se sera trompé dans
l'emploi de ces aides la cause de son erreur? Qui l'aidera à la
réparer et à prévenir ainsi les conséquences graves qui en
résulteraient? Je dis qu'il faut détruire toutes les causes de
résistances du cheval; mais qui indiquera à l'élève les moyens
justes, opportuns, qu'il devra employer, le degré de force dont il
devra se servir? Qui développera le sentiment de l'élève par des
conseils donnés à propos? Le professeur. Mais je parle du
professeur élevé à mon école, imbu de mes perfectionnements, car
lui seul pourra les transmettre fidèlement et donner les moyens de
les appliquer toujours d'une manière juste, exacte. Je donne les
principes, ils sont vrais; j'indique les moyens, ils sont exacts;
je fais connaître la progression des exercices, ils sont
essentiellement abréviateurs. Mais, vouloir écrire l'application,
ce serait tomber dans la faute de mes devanciers, en confondant
deux choses bien distinctes, la science et l'art. Si l'auteur est
la pensée qui conçoit, la science qui formule, l'habile professeur
sera la parole qui transmet, l'oeil qui observe, la main qui fait
agir.



RÉSUMÉ

DES RAPPORTS OFFICIELS

EN FAVEUR DE LA MÉTHODE.


Dans les dix premières éditions de ma Méthode, j'ai publié, en
entier, les divers rapports officiels de MM. les généraux et
officiers de cavalerie qui se sont occupés de mon système au point
de vue militaire. J'ai jugé nécessaire de ne donner, dans cette
édition, qu'un résumé succinct de toutes ces pièces, afin de
pouvoir publier mes idées nouvelles sans rien changer au format du
livre.

Mes lecteurs me sauront gré, sans doute, de remplacer ainsi ces
rapports élogieux qui m'étaient précieux lors de l'apparition de
mon ouvrage, tant par la spécialité et le talent de leurs
rédacteurs que par l'impartialité qui les a dictés.

Je saisis cette occasion d'exprimer à MM. les officiers de l'armée
ma profonde reconnaissance pour leur juste appréciation de ma
Méthode et le zèle qu'ils ont déployé à son étude. Je me tiendrai
toujours très-honoré de leur haute approbation.

L'intérêt seul du public a pu me déterminer à retrancher de mon
livre leurs remarquables écrits.

Je prie ceux de mes lecteurs qui voudraient lire ces rapports en
entier de se reporter aux éditions précédentes.


Je passerai sous silence quelques lettres qui ont précédé la
mission qui m'a été confiée de faire étudier mon système dans les
corps de troupes à cheval.


_Rapport de M. de Novital, chef d'escadrons, commandant l'école de
Saumur._

Analyse des exercices journaliers.--Progrès constatés, jour par
jour, jusqu'à parfaite éducation obtenue en treize jours pour
quarante chevaux.

M. de Novital continue:

«Les adversaires de M. Baucher veulent lui donner le cachet d'une
imitation des Pignatel, Pluvinel, Newcastle, etc.; mais ces
célèbres écuyers, tout en prêchant l'assouplissement, l'équilibre,
ont-ils enseigné une théorie aussi lucide, aussi juste, aussi bien
raisonnée que celle de M. Baucher? Non.

«La méthode de M. Baucher doit faire école, parce qu'elle s'appuie
sur des principes vrais, fixes, rationnels, motivés. Tout en elle
est mathématique et peut se rendre par des chiffres.

«A lui donc appartient la nouvelle époque qui commence; à lui la
gloire d'avoir mis le cheval dans la dépendance complète du
cavalier en paralysant toute résistance, toute volonté, et en
remplaçant les forces instinctives par des forces transmises.

«L'opinion de MM. les capitaines instructeurs des 5e cuirassiers et
3e lanciers se trouve comprise dans ce que je viens d'émettre.»

     Paris, 4 avril 1842.


_Rapport au général Oudinot, par M. Carrelet, colonel de la garde
municipale de Paris._

«..... Je vous dirai qu'officiers et sous-officiers sont unanimes
pour approuver les procédés de M. Baucher, appliqués au dressage
des jeunes chevaux. En quinze jours M. Baucher obtient des
résultats meilleurs que ceux obtenus en six mois par les anciens
procédés. Je suis tellement convaincu de l'efficacité des moyens
professés par M. Baucher, que je vais soumettre à ces procédés tous
les chevaux de mes cinq escadrons.»

     Paris, 6 avril 1842.


_Rapport du général marquis Oudinot au Ministre de la guerre._

Constatation des heureux résultats obtenus par la méthode.--Les
principes de M. Baucher sont un grand et incontestable progrès.--Conclut
à ce que les corps de troupes envoient des instructeurs s'initier
à la méthode.

     6 avril 1842.


   _Rapport du chef d'escadron Grenier, chargé du commandement des
   officiers envoyés à Paris pour étudier la Méthode._

Vingt-deux officiers ont reçu les leçons de M. Baucher
lui-même.--Approbation entière des principes et de leurs
démonstrations pratique et orale.--C'est surtout à l'école de
cavalerie que la méthode doit être connue.

     Versailles, 24 juillet 1842.


   _Rapport demandé par le colonel président de la commission
   chargée d'étudier le dressage des jeunes chevaux d'après la
   méthode Baucher, et rédigé par M. Desondes, lieutenant au 9e
   cuirassiers._

Ce rapport suit jour par jour l'éducation d'un cheval désigné.

Constatation des progrès simultanés du cavalier et du cheval.

La Méthode, par l'excellence de ces principes, remédie à la
mauvaise conformation du cheval.--Elle est appelée à diminuer les
proportions effrayantes des pertes de chevaux.

Enfin, dit M. Desondes, la plus heureuse des innovations doit
amener une révolution dans la cavalerie.


_Rapport du commandant de l'Ecole royale de cavalerie de Saumur._

«..... Je me résume en disant que la nouvelle méthode doit être un
grand bien, une amélioration incontestable pour la cavalerie.

«Je fais donc des voeux pour son adoption et sa prompte
introduction dans l'armée.»

     Saumur, 6 août 1842.


_Rapport sur l'essai de la nouvelle méthode fait au camp de
Lunéville, par M. Baucher fils._

«..... La sollicitude éclairée de M. le Ministre de la guerre pour
l'armée est un sûr garant que cette méthode trouvera en lui un
puissant protecteur, et que toutes les troupes à cheval pourront
bientôt mettre à profit les importants avantages que procure son
application.»

     _Les Membres de la Commission_:

     Capitaines de JUNIAC, de CHOISEUL, GROSJEAN;
     lieutenant-colonel HERMET; général GUSLER.

Outre tous ces rapports, j'ai reçu l'adhésion de la plus grande
partie des officiers de cavalerie. Quatre-vingt-trois colonels ou
capitaines, sur cent deux, approuvent mon système.



I

NOUVEAUX MOYENS D'OBTENIR UNE BONNE POSITION DU CAVALIER[2].


On trouvera sans doute étonnant que, dans les premières éditions,
promptement épuisées, de cet ouvrage ayant pour objet l'éducation
du cheval, je n'aie pas commencé par parler de la position du
cavalier. En effet, cette partie si importante de l'équitation a
toujours été la base des écrits classiques.

  [2] Ces préceptes s'adressent plus spécialement aux cavaliers
  militaires; mais, avec quelques légères modifications, faciles à
  saisir, ils peuvent également s'appliquer à l'équitation civile.

Ce n'est pas sans motifs, cependant, que j'ai différé jusqu'à
présent de traiter cette question. Si je n'avais eu rien de nouveau
à dire, j'aurais pu, ainsi que cela se pratique, consulter les
vieux auteurs, et, à l'aide de quelques transpositions de phrases,
de quelques changements de mots, lancer dans le monde équestre une
inutilité de plus. Mais j'avais d'autres idées; je voulais une
_refonte complète_. Mon système pour arriver à donner une bonne
position au cavalier étant aussi une innovation, j'ai craint que
tant de choses nouvelles à la fois n'effrayassent les amateurs,
même les mieux intentionnés, et qu'elles ne donnassent prise à mes
adversaires. On n'aurait pas manqué de proclamer que mes moyens
d'action sur le cheval étaient impraticables, ou qu'ils ne
pouvaient être appliqués qu'avec le secours d'une position plus
impraticable encore. Or, j'ai prouvé le contraire: d'après mon
système, des chevaux ont été dressés par la troupe, quelle que fût
la position des hommes à cheval. Pour donner plus de force à cette
méthode, pour la rendre plus facile à comprendre, j'ai dû l'isoler
d'abord de tous autres accessoires, et garder le silence sur les
nouveaux principes qui ont rapport à la position du cavalier. Je me
réservais de ne mettre ces derniers au jour qu'après la réussite
incontestable des essais officiels. Au moyen de ces principes,
ajoutés à ceux que j'ai publiés sur l'art de dresser les chevaux,
j'abrége également le travail du cavalier, j'établis un système
précis et complet sur ces deux parties importantes, mais jusqu'à ce
jour confuses, de l'équitation.

En suivant mes nouvelles indications, relativement à la position de
l'homme à cheval, on arrivera promptement à un résultat certain;
elles sont aussi faciles à comprendre qu'à démontrer: deux phrases
suffisent pour tout expliquer au cavalier. Il est de la plus grande
importance, pour l'intelligence et les progrès de l'élève, que
l'instructeur soit court, clair et persuasif; celui-ci doit donc
éviter d'étourdir ses recrues par des développements théoriques
trop prolongés. Quelques mots, expliqués avec à-propos,
favoriseront et dirigeront beaucoup plus vite la compréhension.
L'observation silencieuse est souvent un des caractères distinctifs
du bon professeur. Après qu'on s'est assuré que le principe posé a
été bien compris, il faut laisser l'élève studieux exercer lui-même
son mécanisme: c'est ainsi seulement qu'il parviendra à trouver les
effets de tact, qui ne s'obtiennent que par la pratique. Tout ce
qui tient au sentiment s'acquiert, mais ne se démontre pas.


Position du cavalier.

Le cavalier donnera toute l'extension possible au buste, de manière
que chaque partie repose sur celle qui lui est inférieurement
adhérente, afin d'augmenter l'appui des fesses sur la selle; les
bras tomberont sans force sur les côtés; les cuisses et les genoux
devront trouver, par leur face interne, autant de points de contact
que possible avec la selle, les pieds suivront naturellement le
mouvement des jambes.

On comprend dans ces quelques lignes combien est simple la position
du cavalier.

Les moyens que j'indique pour obtenir, en peu de temps, une bonne
position lèvent toutes les difficultés que présentait la route
tracée par nos devanciers. L'élève ne comprenait presque rien au
long catéchisme récité à haute voix par l'instructeur, depuis la
première phrase jusqu'à la dernière; en conséquence, il ne pouvait
pas l'exécuter. Ici, c'est par quelques mots que nous rendons
toutes ces phrases, et ces mots sont compréhensibles pour le
cavalier qui suit mon travail d'assouplissement. Ce travail le
rendra adroit et, par suite, intelligent; un mois ne sera pas
écoulé sans que le conscrit le plus lourd et le plus maladroit ne
soit en état d'être bien placé.


Leçon préparatoire.

   (La leçon sera d'une heure; il y aura deux leçons par jour
   pendant un mois.)

Le cheval est amené sur le terrain, sellé et bridé; l'instructeur
ne prendra pas moins de deux élèves; l'un tiendra le cheval par la
bride, tout en observant le travail de l'autre, afin de l'exécuter
à son tour. L'élève s'approchera de l'épaule du cheval et se
disposera à monter; à cet effet, il prendra et séparera avec la
main droite une poignée de crins, qu'il passera dans la main
gauche, le plus près possible de leurs racines, sans qu'ils soient
tortillés dans la main; il saisira le pommeau de la selle avec la
main droite, les quatre doigts en dedans, le pouce en dehors; puis,
après avoir ployé légèrement les jarrets, il s'enlèvera sur les
poignets. Une fois la ceinture à la hauteur du garrot, il passera
la jambe droite par-dessus la croupe sans la toucher et se mettra
légèrement en selle. Ce mouvement de voltige étant d'une très
grande utilité pour l'agilité du cavalier, on le lui fera
recommencer huit ou dix fois, avant de le laisser s'asseoir sur la
selle. Bientôt la répétition de ce travail lui donnera la mesure de
ce qu'il peut faire au moyen de la force bien entendue de ses bras
et de ses reins.


Travail en selle.

   Ce travail doit se faire en place; on choisira de préférence un
   cheval vieux et froid. (Les rênes nouées tomberont sur le col).

Une fois l'élève à cheval, l'instructeur examinera sa position
naturelle, afin d'exercer plus fréquemment les parties qui ont de
la tendance à l'affaissement ou à la roideur. C'est par le buste
que l'instructeur commencera la leçon. Il fera servir à redresser
le haut du corps les flexions des reins qui portent la ceinture en
avant; on tiendra pendant quelque temps dans cette position le
cavalier dont les reins sont mous, sans avoir égard à la roideur
qu'elle entraînera les premières fois. C'est par la force que
l'élève arrivera à être liant, et non par l'abandon tant et si
inutilement recommandé. Un mouvement obtenu d'abord par de grands
efforts n'en nécessitera plus au bout de quelque temps, parce qu'il
y aura adresse, et que, dans ce cas, l'adresse n'est que le
résultat des forces combinées et employées à propos. Ce que l'on
fait primitivement avec dix kilogrammes de forces se réduit ensuite
à sept, à cinq et à deux. L'adresse sera la force réduite à deux
kilogrammes. Si l'on commençait par une force moindre, on
n'arriverait pas à ce résultat. On renouvellera donc souvent les
flexions de reins en laissant parfois l'élève se relâcher
complétement, afin de lui faire bien saisir l'emploi de force qui
donnera promptement une bonne position au buste. Le corps étant
bien placé, l'instructeur passera 1º à la leçon du bras, laquelle
consiste à le mouvoir dans tous les sens, d'abord ployé et ensuite
tendu; 2º à la leçon de la tête; celle-ci devra tourner à droite et
à gauche sans que ses mouvements réagissent sur les épaules.

Dès que la leçon du buste, des bras et de la tête donnera un
résultat satisfaisant, ce qui doit arriver au bout de quatre jours
(huit leçons), on passera à celle des jambes.

L'élève éloignera, autant que possible, des quartiers de la selle
l'une des deux cuisses; il la rapprochera ensuite avec un mouvement
de rotation de dehors en dedans, afin de la rendre adhérente à la
selle par le plus de points de contact possible. L'instructeur
veillera à ce que la cuisse ne retombe pas lourdement; elle doit
reprendre sa position par un mouvement lentement progressif et sans
secousses. Il devra, en outre, pendant la première leçon, prendre
la jambe de l'élève et la diriger pour bien lui faire comprendre la
manière d'opérer ce déplacement. Il évitera ainsi la fatigue et
obtiendra de plus prompts résultats.

Ce genre d'exercice nécessite de fréquents repos; il y aurait
inconvénient à prolonger la durée du travail au delà des forces de
l'élève. Les mouvements d'adduction (qui rendent la cuisse
adhérente à la selle) et ceux d'abduction (qui éloignent) devenant
plus faciles, les cuisses auront acquis un liant qui permettra de
les fixer à la selle dans une bonne position. On passera alors à la
flexion des jambes.


Flexion des jambes.

L'instructeur veillera à ce que les genoux conservent toujours leur
adhérence parfaite avec la selle. Les jambes se mobiliseront comme
le pendule d'une horloge, c'est-à-dire que l'élève les remontera
jusqu'à toucher le troussequin de la selle avec les talons. Ces
flexions répétées rendront les jambes promptement souples, liantes,
et leur mouvement indépendant de celui des cuisses. On continuera
les flexions de jambes et de cuisses pendant quatre jours (huit
leçons). Pour rendre chacun de ces mouvements plus correct et plus
facile, on y consacrera huit jours (ou quatorze leçons). Les
quatorze jours (trente leçons) qui resteront pour compléter le mois
continueront à être employés au travail d'assouplissement en place;
seulement, pour que l'élève apprenne à combiner la force de ses
bras et celle de ses reins, on lui fera tenir progressivement des
poids de 2 à 5 kilogrammes à bras tendu. On commencera cet exercice
par la position la moins fatigante, le bras ployé, la main près de
l'épaule, et on poussera cette flexion à la plus grande extension
du bras. Le buste ne devra pas se ressentir de ce travail et
restera maintenu dans la même position.


Des genoux.

La force de pression des genoux se jugera, et même s'obtiendra à
l'aide du moyen que je vais indiquer. Ce moyen, qui de prime abord
semblera peut-être futile, amènera cependant de très-grands
résultats. L'instructeur prendra un morceau de cuir de l'épaisseur
de cinq millimètres et long de cinquante centimètres; il placera
l'une des extrémités de ce cuir entre les genoux et le quartier de
la selle. L'élève fera usage de la force de ses genoux pour ne pas
le laisser glisser, tandis que l'instructeur le tirera lentement et
progressivement de son côté. Ce procédé servira de dynamomètre pour
juger des progrès de la force. Quelques paroles encourageantes
placées à propos stimuleront l'amour-propre de chaque élève.

On veillera avec le plus grand soin à ce que chaque force qui agit
séparément n'en mette pas d'autres en jeu, c'est-à-dire que le
mouvement des bras n'influe jamais sur leurs épaules; il devra en
être de même pour les cuisses, par rapport au tronc; pour les
jambes par rapport aux cuisses, etc., etc. Le déplacement et
l'assouplissement de chaque partie isolée une fois obtenus, on
déplacera momentanément le haut du corps, afin d'apprendre au
cavalier à se remettre en selle lui-même. Voici comment on s'y
prendra: l'instructeur, placé sur le côté, poussera l'élève par la
hanche, de manière que son assiette se trouve portée en dehors du
siége de la selle. Avant d'opérer un nouveau déplacement,
l'instructeur laissera l'élève se remettre en selle, en ayant soin
de veiller à ce que, pour reprendre son assiette, il ne fasse usage
que des hanches et des genoux, afin de ne se servir que des
parties les plus rapprochées de l'assiette. En effet, le secours
des épaules influerait bientôt sur la main, et celle-ci sur le
cheval; le secours des jambes pourrait avoir de plus graves
inconvénients encore. En un mot, dans tous les déplacements, on
enseignera à l'élève à ne pas avoir recours, pour diriger, aux
forces qui maintiennent à cheval; à ne pas employer, pour s'y
maintenir, celles qui dirigent.

A l'aide de cette gymnastique équestre justement combinée, on
arrive, au bout d'un mois, à faire exécuter facilement à tous les
conscrits les exercices qui semblaient les plus contraires à leur
organisation physique.

L'élève ayant franchi les épreuves préliminaires, attendra avec
impatience les premiers mouvements du cheval pour s'y livrer avec
l'aisance d'un cavalier déjà expérimenté.

Quinze jours (trente leçons) seront consacrés au pas, au trot et
même au galop. Ici l'élève doit uniquement chercher à suivre les
mouvements du cheval; en conséquence, l'instructeur l'obligera à ne
s'occuper que de sa position et non des moyens de direction à
donner au cheval. On exigera seulement que le cavalier marche
d'abord droit devant lui, puis en tous sens, une rêne de bridon
dans chaque main. Au bout de quatre jours (huit leçons), on pourra
lui faire prendre la bride dans la main gauche. On s'attachera à
ce que la main droite, qui se trouve libre, reste à côté de la
gauche, afin que le cavalier prenne de bonne heure l'habitude
d'être placé carrément (les épaules sur la même ligne); le cheval
trottera également à droite et à gauche. Lorsque l'assiette sera
bien consolidée à toutes les allures, l'instructeur expliquera
d'une manière simple les rapports qui existent entre les poignets
et les jambes, ainsi que leurs effets séparés[3].

  [3] Voir les principes pour l'éducation du cheval.

Éducation du cheval.

Ici le cavalier commencera l'éducation du cheval, en suivant la
progression que j'ai indiquée et que l'on trouvera ci-après. On
fera comprendre à l'élève tout ce qu'elle a de rationnel, et par
quelle liaison intime se suivent, dans leurs rapports, l'éducation
de l'homme et celle du cheval. Au bout de quatre mois à peine, le
cavalier pourra passer à l'école de peloton; les commandements ne
seront plus qu'une affaire de mémoire; il lui suffira d'entendre
pour exécuter, car il sera maître de son cheval.

J'espère que la cavalerie comprendra (comme elle a déjà compris mon
mode d'éducation du cheval) tout l'avantage des moyens que
j'indique pour tirer le plus large parti possible du peu de temps
que chaque soldat reste sous les drapeaux.

J'ai également la conviction que l'emploi de ces moyens rendra
prompte et parfaite l'éducation des hommes et des chevaux.

     RÉSUMÉ ET PROGRESSION.

                                                         Jours. Leçons.

     1º Flexion des reins pour servir à l'extension du
           buste                                            4     8

     2º Rotation, extension des cuisses et flexion des
           jambes                                           4     8

     3º Exercice général et successif de toutes les
           parties                                          8    14

     4º Déplacement du tronc, exercice des genoux et
           des bras avec des poids dans les mains          14    28

     5º Position du cavalier sur le cheval au pas, au
           trot et au galop, pour façonner et fixer
           l'assiette à ces différentes allures            15    30

     6º Éducation du cheval par le cavalier                50   100
                                                         -----------
                         TOTAL                             95   188



II

DE L'ÉQUILIBRE DU CHEVAL.

     L'harmonie du poids et des forces du cheval donne l'équilibre
       de la masse.
     L'équilibre de la masse produit l'harmonie des mouvements.

     BAUCHER.


Tout être organisé, pour conserver la liberté et la sûreté de ses
mouvements, est astreint à observer la loi de l'équilibre. Le
cheval monté, plus que tout autre animal, est soumis à cette loi,
car non-seulement il doit calculer ses mouvements par rapport à sa
propre masse, mais le poids additionnel de son cavalier tend à
déranger constamment son équilibre naturel.

L'importance majeure d'équilibrer le cheval a été vivement sentie
par le monde équestre: aussi tout écuyer se pique d'honneur et veut
trouver le secret de ce noeud gordien.

Dans notre XIXe siècle, où toutes choses doivent être traitées
scientifiquement, il est tout naturel qu'on ait demandé à la
science le secret de l'équilibre. La science a répondu par un
problème:--Pour équilibrer votre cheval, cherchez son centre de
gravité.

Cette réponse n'a pas manqué d'exciter une noble ardeur.
Tout le monde s'est mis à l'oeuvre. On cherche le centre de
gravité partout, toujours....., mais on ne le trouve pas. Des
contradictions sans nombre surgissent chaque jour, les discussions
s'enveniment, les traités d'équitation tournent au pamphlet, les
découvertes restent nulles et le centre de gravité continue à se
promener dans le domaine dont on l'a fait seigneur et maître. Un si
grand personnage devrait cependant n'être pas introuvable, eu égard
aux limites restreintes qui le renferment.

Combien d'écuyers ont usé leur persévérance à cette vaine
recherche! Mais aussi, qui n'aurait voulu connaître la solution
d'un problème qui, d'un seul coup, tranchait les difficultés de
l'équitation en donnant l'équilibre du cheval?

La science avait parlé; comme tout le monde, je crus à son oracle.

Me voilà donc livré, pendant des années entières, à des recherches
journalières.

Résultats nuls! Ceux de la veille étaient contredits par ceux du
lendemain.

Fallait-il donc, cependant, parce qu'il plaisait au centre de
gravité de voyager incognito, laisser le cheval et son cavalier
exposés aux dangers qu'entraîne le défaut d'équilibre!

Pour m'aider dans mes recherches, je m'adressais aux
écuyers-auteurs. Ils mettaient une grande érudition à m'expliquer
le déplacement du centre de gravité, quand, par exemple, une jambe
se porte en avant, suivie de la jambe diagonalement opposée; ou
bien quand le rassembler s'opère, ou quand le cheval se cabre, rue,
etc.

Il est là, disait l'un; non, je le _vois_ de ce côté, disait
l'autre; et ces vaines discussions se continuent encore parce que
l'on ne veut pas remonter aux causes premières, et que les effets
absorbent l'attention générale.

On étudie la manière d'être du centre de gravité. Pourquoi? Je
l'ignore. En saine pratique, n'avons-nous pas le poids du cheval à
répartir et sa force à coordonner? N'avons-nous pas à combiner les
forces opposées du cavalier (main et jambes)? Si nous nous rendons
compte des effets de ces divers agents, et si nous en tirons le
parti convenable, nous arriverons à notre équilibre, sans avoir à
nous préoccuper du centre de gravité.

Messieurs les théoriciens, préparez vos anathèmes! je vais porter
une main profane sur le dieu de vos rêves et briser votre idole,
après avoir, il est vrai, dans mon ignorance, brûlé sur son autel
un inutile encens.

Votre centre de gravité ne donne, n'entraîne, ni ne produit rien.

Il existe incontestablement, mais à l'état de passivité.

Vous voulez l'ériger en cause, il n'est qu'effet.

Quelle que soit votre opinion à son égard, il fonctionnera toujours
dans le même ordre: bien, si votre mouvement est juste; mal, si
votre mouvement est irrégulier.

Pourquoi donc, à propos d'équitation, avoir sans cesse à la bouche
des mots scientifiques, sonores il est vrai, mais vides de sens et
propres, tout au plus, à retarder les progrès de l'art, par
l'obscurité qu'ils répandent sur les théories?

Tenez, messieurs, abandonnez simplement le centre de gravité aux
influences qui le gouvernent, et cessez les discussions qu'il
excite depuis trop longtemps. Au lieu d'enfourcher un nuage pour
chevaucher à la recherche d'une idée aussi introuvable qu'inutile,
montez un vrai cheval, et probablement vous approuverez les
principes que je vais appliquer à l'obtention et au maintien de
l'équilibre du cheval.



III

DE L'EMPLOI RAISONNÉ DES FORCES DU CHEVAL.


Le cheval, comme tous les êtres organisés, est doué d'un poids et
d'une force qui lui sont propres. Le poids, inhérent à la matière
constitutive de l'animal, rend sa masse inerte et tend à la fixer
au sol. La force, au contraire, par la faculté qu'elle lui donne de
mobiliser ce poids, de le transférer de l'une à l'autre de ses
parties, communique le mouvement, en détermine la vitesse, la
direction et constitue l'équilibre.

Pour rendre cette vérité palpable, supposons un cheval au repos.
Son corps sera dans un parfait équilibre, si chacun de ses membres
supporte exactement la part du poids qui lui est dévolue dans cette
position. S'il veut se porter en avant au pas, il devra
préalablement transférer, sur les jambes qui resteront fixées au
sol, le poids que supporte celle qu'il en détachera la première. Il
en sera de même pour les autres allures, la translation s'opérant
au trot, d'une diagonale à l'autre; au galop, de l'avant à
l'arrière-main, et réciproquement. Il ne faut donc jamais confondre
les manières d'être du poids et de la force. Le poids n'est que
passif, la force déterminante est active. C'est en reportant le
poids sur telles ou telles extrémités que la force les mobilise ou
les fixe. La lenteur ou la vitesse des translations détermine les
différentes allures, qui sont elles-mêmes justes ou fausses, égales
ou inégales, suivant que ces translations s'exécutent avec justesse
ou irrégularité.


On comprend que cette puissance motrice se subdivise à l'infini,
puisqu'elle est répartie sur tous les muscles de l'animal.
Quand ce dernier en détermine lui-même l'emploi, je les appelle
_instinctives_; je les nomme _transmises_[4] lorsque le cavalier en
coordonne l'emploi. Dans le premier cas, l'homme, dominé par son
cheval, reste le jouet de ses caprices; dans le second, au
contraire, il en fait un instrument docile, soumis à toutes les
impulsions de sa volonté. Le cheval, dès qu'il est monté, ne doit
donc plus agir que par des forces transmises ou harmonisées.
L'application constante de ce principe constitue le vrai talent de
l'écuyer.

  [4] Plusieurs pamphlétaires très-_érudits_ et _profonds
  anatomistes_ ont beaucoup discuté sur cette expression: _forces
  transmises_, n'ayant, disaient-ils agréablement, rien trouvé de
  semblable dans les chevaux qu'ils avaient écorchés à l'école
  d'Alfort. On reconnaîtra sans doute avec moi que cette
  bouffonnerie est fort concluante.

  Pour parler sérieusement, je déclare qu'en employant l'expression
  _transmises_, je ne prétends pas créer des forces en principe,
  mais seulement en fait. Je parviens à diriger et à utiliser des
  forces qui, par suite de contractions et de résistances,
  demeuraient complétement inertes, et qui seraient conséquemment
  comme si elles n'étaient pas. N'est-ce point là une espèce de
  transmission?

Mais un tel résultat ne peut s'obtenir instantanément. Le jeune
cheval, habitué à régler lui-même, dans sa liberté, l'emploi de ses
ressorts, se soumettra d'abord avec peine à l'influence étrangère
qui viendra en disposer sans intelligence. Une lutte s'engagera
nécessairement entre le cheval et le cavalier; celui-ci sera
vaincu s'il ne possède l'énergie, la persévérance et surtout
les connaissances nécessaires pour arriver à ses fins. Les forces
de l'animal étant l'élément sur lequel l'écuyer doit agir
principalement, pour les dominer d'abord et les diriger ensuite,
c'est sur elles avant tout qu'il lui importe de fixer son
attention. Il recherchera quelles sont les parties où elles se
contractent le plus pour la résistance, les causes physiques qui
peuvent occasionner ces contractions. Dès qu'il saura à quoi s'en
tenir sur ce point, il n'emploiera envers son élève que des
procédés en rapport avec la nature de ce dernier, et les progrès
seront alors rapides.

Malheureusement, on chercherait en vain dans les auteurs anciens et
modernes qui ont écrit sur l'équitation, je ne dirai pas des
principes rationnels, mais même des données quelconques sur ce qui
se rattache à l'emploi raisonné des forces du cheval. Tous ont bien
parlé de _résistances_, d'_oppositions_, d'_équilibre_, mais aucun
n'a su nous dire ce qui cause ces résistances, comment on peut les
combattre, les détruire, et obtenir cette légèreté, cet équilibre,
qu'il nous recommande si instamment. C'est cette grave lacune qui a
jeté sur les principes de l'équitation tant de doutes et
d'obscurité; c'est elle qui a rendu cet art stationnaire pendant si
longtemps; c'est cette grave lacune, enfin, que je crois être
parvenu à combler.

Et d'abord, je pose en principe que toutes les résistances des
jeunes chevaux proviennent, en premier lieu, d'une cause physique,
et que cette cause ne devient morale que par la maladresse,
l'ignorance ou la brutalité du cavalier. En effet, outre la roideur
naturelle, commune à tous ces animaux, chacun d'eux a une
conformation particulière dont le plus ou le moins de perfection
constitue le degré d'harmonie existant entre le poids et les
forces. Le défaut de cette harmonie occasionne l'imperfection des
allures, la difficulté des mouvements, en un mot, tous les
obstacles qui s'opposent à une bonne éducation. A l'état libre,
quelle que soit la mauvaise structure du cheval, l'instinct seul
lui suffira pour disposer ses forces de manière à maintenir son
équilibre; mais il est des mouvements qui lui sont impossibles,
jusqu'à ce qu'un travail préparatoire l'ait mis à même de suppléer
aux défectuosités de son organisation par un emploi mieux combiné
de sa puissance motrice[5]. Le cheval n'exécute un mouvement avec
légèreté qu'à la suite d'une position donnée; s'il est des forces
qui s'opposent à cette position, il faut donc les annuler d'abord
pour les remplacer par celles qui pourront, seules, la déterminer.

  [5] J'engage beaucoup les amateurs désireux de suivre mes
  préceptes dans tout ce qu'ils ont de naturel et de méthodique, à
  bien prendre garde d'y mêler des moyens pratiques qui y sont
  étrangers et contraires. Dans le nombre de ces grotesques
  inventions se trouve placé le jockey anglais ou l'homme de bois,
  auquel de graves auteurs ont attribué des propriétés que la saine
  équitation réprouve; en effet, la force permanente du bridon dans
  la bouche du cheval est une gêne et non pas un avis; elle lui
  apprend à revenir sur lui-même en s'acculant, pour en éviter la
  sujétion. A l'aide de cette force brutale, il connaîtra de bonne
  heure comment il peut se soustraire aux effets de main du
  cavalier.

  C'est à cheval, et par de justes et progressives oppositions de
  main et de jambes, que l'on obtiendra des résultats prompts et
  infaillibles, résultats qui seront tous en faveur du mécanisme et
  de l'intelligence du cavalier. Si le cheval présentait quelques
  difficultés dangereuses, un second cavalier, à l'aide du caveçon,
  produirait une action suffisante sur le moral du cheval, pour
  donner le temps à celui qui le monte d'agir physiquement, afin de
  disposer la masse dans le sens du mouvement qu'on veut exiger.
  Mais, on le voit, il faut une intelligence pour parler
  intelligiblement au cheval, et non pas une machine fonctionnant
  brutalement.

Or, je le demande, si, avant d'avoir surmonté ces premiers
obstacles, le cavalier vient y ajouter le poids de son propre corps
et ses exigences maladroites, l'animal n'éprouvera-t-il pas une
difficulté plus grande encore pour exécuter certains mouvements?
Les efforts qu'on fera pour l'y astreindre, étant contraires à sa
nature, ne devront-ils pas se briser contre cet obstacle
insurmontable? Il résistera naturellement, et avec d'autant plus
d'avantage, que la mauvaise répartition de son poids et de ses
forces suffira pour annuler l'action du cavalier. La résistance
émane donc ici d'une cause physique; cette cause devient morale dès
l'instant où, la lutte se continuant avec les mêmes procédés, le
cheval commence à combiner lui-même les moyens de se soustraire au
supplice qu'on lui impose, lorsqu'on veut ainsi forcer des ressorts
qu'on n'a pas assouplis d'avance.

Quand les choses en sont là, elles ne peuvent qu'empirer. Le
cavalier, dégoûté bientôt de l'impuissance de ses efforts,
rejettera sur le cheval la responsabilité de sa propre ignorance;
il flétrira du nom de rosse un animal qui possédait peut-être de
brillantes ressources, et dont, avec plus de discernement et de
science, il aurait pu faire une monture dont le caractère serait
aussi docile et soumis que les allures seraient gracieuses et
agréables. J'ai remarqué souvent que les chevaux réputés
indomptables sont ceux qui développent le plus d'énergie et de
vigueur, dès qu'on a su remédier aux inconvénients physiques qui
paralysaient leur essor. Quant à ceux que, malgré leur mauvaise
conformation, on finit par soumettre à un semblant d'obéissance, il
faut en rendre grâce à la mollesse seule de leur nature; s'ils
veulent bien s'astreindre à quelques exercices des plus simples,
c'est à condition qu'on n'exigera pas davantage, car ils
retrouveraient bien vite leur énergie pour résister à des
prétentions plus élevées. Le cavalier pourra donc les faire marcher
aux différentes allures; mais quel décousu, quelle roideur, quel
disgracieux dans leurs mouvements, et quel ridicule de semblables
coursiers ne jettent-ils pas sur le malheureux qu'ils ballottent et
entraînent ainsi à leur gré, bien plus qu'ils ne se laissent
diriger par lui! Cet état de choses est tout naturel, puisqu'on n'a
pas détruit les causes premières qui le produisent: _la mauvaise
répartition du poids et des forces et la roideur qu'elle entraîne à
sa suite_.

Mais, va-t-on m'objecter, puisque vous reconnaissez que ces
difficultés tiennent à la conformation du cheval, comment est-il
possible d'y remédier? Vous n'avez probablement pas la prétention
de changer la structure de l'animal et corriger la nature? Non sans
doute; mais tout en convenant qu'il est impossible de donner plus
d'ampleur à une poitrine étroite, d'allonger une encolure trop
courte, d'abaisser une croupe élevée, de raccourcir et d'étoffer
des reins longs, faibles et étroits, je n'en soutiens pas moins que
si je détruis les contractions diverses occasionnées par ces vices
physiques, si j'assouplis les muscles, si je me rends maître des
forces au point d'en disposer à volonté, il me sera facile de
prévenir ces résistances, de donner plus de ressort aux parties
faibles, de modérer celles qui sont trop vigoureuses, et de
suppléer ainsi aux mauvais effets d'une nature imparfaite, en
établissant, dans l'équilibre du cheval, une juste répartition du
poids et des forces.

De pareils résultats, je ne crains pas de le dire, furent et
demeurent interdits à jamais aux anciennes écoles. Mais si la
science de ceux qui professent d'après les vieux errements vient
toujours se briser contre le grand nombre des chevaux défectueux,
on rencontre des chevaux qui, par la perfection de leur
organisation et la facilité d'éducation qui en résulte, contribuent
puissamment à perpétuer les routines impuissantes, si funestes aux
progrès de l'équitation. Un cheval bien constitué est celui dont
toutes les parties, régulièrement harmonisées, amènent l'équilibre
parfait de l'ensemble. Il serait aussi difficile à pareil sujet de
sortir de cet équilibre naturel, pour prendre une mauvaise position
et se défendre, qu'il est pénible d'abord, au cheval mal conformé,
d'acquérir cette juste répartition du poids et des forces sans
laquelle on ne peut espérer aucune régularité de mouvements.

C'est dans l'éducation de ces derniers animaux seulement que
consistent les véritables difficultés de l'équitation. Chez les
premiers, le dressage doit être, pour ainsi dire, instantané,
puisque, tous les ressorts étant à leur place, il ne reste plus
qu'à les faire mouvoir; ce résultat s'obtient toujours avec ma
méthode. Les anciens principes, cependant, exigent deux et trois
ans pour y parvenir; et lorsqu'à force de tâtonnements et
d'incertitudes, l'écuyer doué de quelque intelligence et de quelque
pratique finit par habituer le cheval à obéir aux impressions qui
lui sont communiquées, il croit avoir surmonté de grandes
difficultés, et attribue à son savoir-faire un résultat que
l'application de bons principes aurait procuré en quelques jours.
Puis, comme l'animal continue à déployer dans tous ses mouvements
la grâce et la légèreté naturelles à sa belle conformation, le
cavalier ne se fait nul scrupule de s'en approprier le mérite, se
montrant alors aussi présomptueux qu'il est injuste, lorsqu'il veut
rendre le cheval mal constitué responsable de l'inefficacité de ses
efforts.

Si nous admettons une fois ces vérités:

Que l'éducation du cheval consiste dans la domination complète de
ses forces et dans la juste répartition de son poids;

Qu'on ne peut disposer des forces qu'en annulant toutes les
résistances,

Et que les résistances ont leur source dans les contractions
occasionnées par les vices physiques,

Il ne s'agira plus que de rechercher les parties où s'opèrent ces
contractions, afin d'essayer de les combattre et de les faire
disparaître en provoquant un équilibre convenable du poids et des
forces.

De longues et consciencieuses observations m'ont démontré que, quel
que soit le vice de conformation qui s'oppose dans le cheval à la
juste répartition des forces, c'est toujours sur la mâchoire que
s'en fait ressentir l'effet le plus immédiat. Pas de faux
mouvements, pas de résistance qui ne soient précédés par la
contraction de cette partie de l'animal; et comme l'encolure est
intimement liée à la mâchoire, la roideur de l'une se communique
instantanément à l'autre. Ces deux points sont l'arc-boutant sur
lequel s'appuie le cheval pour annuler tous les efforts du
cavalier. On conçoit facilement l'obstacle immense qu'ils doivent
présenter, puisque la tête et l'encolure étant les deux leviers
principaux par lesquels on place et dirige l'animal, il est
impossible de rien obtenir de lui tant qu'on ne sera pas
entièrement maître de ces premiers et indispensables moyens
d'action. A l'arrière-main, les parties où les forces se
contractent le plus pour les résistances sont les reins et la
croupe (les hanches).

Les contractions de ces deux extrémités opposées sont mutuellement
les unes pour les autres cause et effet, c'est-à-dire que la
roideur de la mâchoire et de l'encolure amène celle des hanches, et
réciproquement. On peut donc les combattre l'une par l'autre; et
dès qu'on aura réussi à les annuler, dès qu'on aura ainsi rétabli
l'équilibre et l'harmonie entre l'avant et l'arrière-main,
l'éducation du cheval sera à moitié faite. Je vais indiquer par
quels moyens on y parviendra infailliblement.



IV

TRAVAIL A PIED.

MOBILISATION DU CHEVAL, AU MOYEN DES FORCES INSTINCTIVES, POUR
OBTENIR L'ÉQUILIBRE DU POIDS.

EMPLOI DE LA CRAVACHE POUR APPRENDRE AU CHEVAL A VENIR A L'HOMME,
LE RENDRE SAGE AU MONTOIR, ETC.


Dès le début de l'éducation du cheval, il est essentiel de lui
donner une première leçon d'assujettissement et de lui faire
connaître toute la puissance de l'homme. Ce premier acte de
soumission, qui pourrait paraître sans importance, servira
promptement à le rendre calme, confiant, à réprimer tous les
mouvements qui détourneraient son attention et retarderaient son
éducation.

Quelques leçons d'une demi-heure suffiront pour obtenir ce résultat
chez tous les chevaux; le plaisir que l'on éprouvera à jouer ainsi
avec le cheval portera naturellement le cavalier à continuer cet
exercice autant qu'il sera nécessaire, et à le rendre aussi
instructif pour le cheval qu'utile pour lui-même. Voici comment on
s'y prendra: le cavalier s'approchera du cheval, sa cravache sous
le bras, sans brusquerie ni timidité; il lui parlera sans trop
élever la voix, et le flattera de la main sur le chanfrein ou sur
l'encolure, puis, avec la main gauche, il saisira les rênes de la
bride, à 16 centimètres des branches du mors, en soutenant le
poignet avec assez d'énergie pour présenter autant de force que
possible dans les instants de résistance du cheval. La cravache
sera tenue de la main droite, la pointe vers la terre, puis on
l'élèvera lentement jusqu'à la hauteur du poitrail pour en frapper
délicatement cette partie à une seconde d'intervalle. Le premier
mouvement naturel du cheval sera de reculer pour éviter les
attouchements de la cravache. Le cavalier suivra ce mouvement
rétrograde sans discontinuer toutefois la tension des rênes de la
bride, ni les petits coups de cravache sur le poitrail. Le cavalier
devra rester maître de ses impressions, afin qu'il n'y ait dans ses
mouvements et dans son regard aucun indice de colère ni de
faiblesse. Fatigué de ces effets de contrainte, le cheval cherchera
bientôt par un autre mouvement à éviter la sujétion, et c'est en se
portant en avant qu'il y parviendra; le cavalier saisira ce second
mouvement instinctif pour l'arrêter et flatter l'animal du geste et
de la voix. La répétition de cet exercice donnera des résultats
surprenants, même à la première leçon. Le cheval, ayant bien
compris le moyen à l'aide duquel il peut éviter la cravache, n'en
attendra pas le contact, il le préviendra en s'avançant de suite au
moindre geste. Ce travail, d'ailleurs très-récréatif, servira de
plus à rendre le cheval sage au montoir, abrégera de beaucoup son
éducation, et accélérera le développement de son intelligence. Dans
le cas où, par suite de sa nature inquiète ou sauvage, le cheval se
livrerait à des mouvements désordonnés, on devrait avoir recours au
caveçon, comme moyen de répression, et l'employer par petites
saccades. Quand le cheval se portera franchement en avant à
l'action de la cravache, le moment sera venu de faire une légère
opposition avec la main de la bride, afin d'obtenir un effet de
ramener, sans discontinuer l'allure du pas.

On commencera aussi quelques temps de reculer, qu'on alternera avec
les mouvements en avant, jusqu'à disparition complète des
résistances.

Cet exercice est très-important pour déplacer, par les forces
purement instinctives, d'abord, mais que nous régulariserons
ensuite, le poids qui se fixerait trop sur l'arrière ou sur
l'avant-main.

Faisons une remarque sur laquelle nous reviendrons plus tard.

Le poids du cheval surcharge naturellement la partie antérieure du
corps; c'est pour cela qu'en vertu du principe qui oppose les
forces au poids dans l'ordre naturel, la nature a donné une si
grande puissance aux muscles postérieurs du cheval qui doivent, aux
différentes allures et surtout au galop, non-seulement recevoir le
poids de l'avant-main, mais encore projeter toute la masse en
avant. Dans le reculer, cette distribution du poids induit souvent
en erreur le cavalier inexpérimenté. Il s'imagine que le mouvement
rétrograde est produit par le déplacement total du poids par les
forces, tandis qu'il n'est dû qu'au reflux des forces impulsives,
qui, refoulées par une opposition de main, n'ont entraîné avec
elles qu'une partie du poids. Aussi, bien que le cheval recule,
l'avant-main se trouve souvent surchargé d'un poids comparativement
énorme. D'où il suit que le mouvement est irrégulier, jusqu'à ce
que l'écuyer, revenu de son erreur, ait su alléger l'avant-main de
manière à équilibrer le poids et les forces. Les moyens d'atteindre
à ce but seront donnés ultérieurement. Alors nous appellerons
l'attention du lecteur sur l'emploi des aides, que la pratique
seule peut rendre judicieux.

Les exercices précédents à l'aide de la cravache, tels que: porter
le cheval en avant, les commencements de ramener et de reculer,
seront suivis, toujours à l'aide de la cravache, soit des pas de
côté, soit des pirouettes ordinaires ou renversées.

Pour les pas de côté, la main, en se soutenant, facilite le
mouvement des épaules dans le sens indiqué par la cravache. Dans le
cas de résistance provenant de la croupe, le cavalier en
triompherait par une opposition de la main qui ne reprendrait sa
position que lorsque le mouvement serait commencé.

Dans les pirouettes renversées, la main se maintiendra pour forcer
la croupe à obéir à la cravache, et la faire tourner autour des
jambes du cheval, dont l'une doit lui servir de pivot.

Dans les pirouettes ordinaires, la cravache agira sur la croupe,
pour la fixer et fournir aux jambes antérieures, mobilisées par la
main, le pivot nécessaire à leur mouvement de rotation.

Ces divers exercices disposeront le cheval aux mouvements qu'il
devra exécuter avec son cavalier en selle.

Bien entendu que dans le cours de l'éducation du cheval, il faudra
revenir souvent à ces exercices préliminaires, afin qu'il ne perde
pas le fruit de ses leçons précédentes.



V

DE L'ASSOUPLISSEMENT.


Les nouveaux principes de ma méthode ne peuvent être pratiqués que
par les hommes versés dans l'art de l'équitation, et qui joignent à
une assiette assurée une assez grande habitude du cheval pour
comprendre tout ce qui se rattache à son mécanisme. Je ne
reviendrai donc pas sur les procédés élémentaires; c'est à
l'instructeur à juger si son élève possède un degré convenable de
solidité, s'il est suffisamment en rapport d'enveloppe avec son
cheval; car, en même temps qu'une bonne position produit cette
identification, elle favorise le jeu facile et régulier des
extrémités du cavalier.

Mon but ici est de traiter principalement de l'éducation du cheval;
mais cette éducation est trop intimement liée à celle du cavalier,
pour qu'il soit possible de faire progresser l'une sans l'autre. En
expliquant les procédés qui devront amener la perfection chez
l'animal, j'apprendrai nécessairement à l'écuyer à les appliquer
lui-même; il ne tiendra qu'à lui de professer demain ce que je lui
démontre aujourd'hui.

Nous connaissons maintenant quelles sont les parties du cheval qui
se contractent le plus pour les résistances, et nous sentons la
nécessité de les assouplir. Chercherons-nous dès lors à les
attaquer, à les exercer toutes ensemble, pour les soumettre du même
coup? Non, sans doute, ce serait retomber dans les anciens
errements, et nous sommes convaincu de leur inefficacité. L'animal
est doué d'une puissance musculaire infiniment supérieure à la
nôtre; ses forces instinctives pouvant en outre se soutenir les
unes par les autres, nous serons inévitablement vaincus si nous les
surexcitons toutes à la fois. Puisque les contractions ont leur
siége dans des parties séparées, sachons profiter de cette division
pour les combattre successivement, à l'exemple de ces généraux
habiles qui détruisent en détail des forces auxquelles ils
n'auraient pu résister en masse.

Du reste, quels que puissent être l'âge, les dispositions et la
structure du cheval, mes procédés, en débutant, seront toujours les
mêmes. Les résultats seulement seront plus ou moins prompts et
faciles, suivant le degré de perfection de sa nature et l'influence
de la main à laquelle il aura pu être soumis antérieurement.
L'assouplissement, qui, chez un cheval bien constitué, n'aura
d'autre but que de préparer ses forces à céder à nos moyens
d'action, devra de plus rétablir le calme et la confiance, s'il
s'agit d'un cheval mal mené, et faire disparaître, dans une
conformation défectueuse, les contractions, causes des résistances
et de l'opposition à un équilibre parfait. Les difficultés à
surmonter seront en raison de cette complication d'obstacles, qui
tous disparaîtront bien vite, moyennant un peu de persévérance de
notre part. Dans la progression que nous allons suivre pour
soumettre à l'assouplissement les diverses parties de l'animal,
nous commencerons naturellement par les plus importantes,
c'est-à-dire par la mâchoire et l'encolure.

La tête et l'encolure du cheval sont à la fois le gouvernail de
l'animal et la boussole du cavalier. Par elles il dirige l'animal;
par elles aussi il peut juger de la régularité, de la justesse de
son mouvement; pas d'équilibre, pas de légèreté, si la tête et
l'encolure ne sont aisées, liantes et gracieuses. Nulle élégance,
nulle facilité dans l'ensemble, dès que ces deux parties se
roidissent. Précédant le corps dans toutes ses impulsions, elles
doivent préparer d'avance, indiquer par leur attitude les positions
à prendre, les mouvements à exécuter. Nulle domination n'est
permise au cavalier tant qu'elles restent contractées et rebelles;
une fois qu'elles sont flexibles et maniables, il dispose de
l'animal à son gré. Si la tête et l'encolure n'entament pas les
premières les changements de direction, si, dans les marches
circulaires, elles ne se maintiennent pas inclinées sur la ligne
courbe, afin de surcharger plus ou moins les extrémités en raison
du mouvement, si pour le reculer elles ne se replient pas sur
elles-mêmes, et si leur légèreté n'est pas toujours en rapport avec
les différentes allures qu'on voudra prendre, le cheval sera libre
d'exécuter ou non ces mouvements, puisqu'il restera maître de
l'emploi de ses forces.



VI

DE LA BOUCHE DU CHEVAL ET DU MORS.


J'ai déjà traité ce sujet assez longuement dans mon _Dictionnaire
raisonné d'Equitation_; mais comme je développe ici un exposé
complet de ma méthode, je crois nécessaire d'y revenir en quelques
mots.

Je suis encore à me demander comment on a pu attribuer si longtemps
à la seule différence de conformation des barres ces dispositions
contraires des chevaux qui les rendent si légers ou si lourds à la
main. Comment a-t-on pu croire que, suivant qu'un cheval a une ou
deux lignes de chair de plus ou de moins entre le mors et l'os de
la mâchoire inférieure, il cède à la plus légère impulsion de la
main, ou s'emporte, malgré les efforts des deux bras les plus
vigoureux? C'est cependant en s'appuyant sur cette inconcevable
erreur qu'on s'est mis à forger des mors de formes bizarres et si
variées, vrais instruments de supplice, dont l'effet ne pouvait
qu'augmenter les inconvénients auxquels on cherchait à remédier.


Si on avait voulu remonter un peu à la source des résistances, on
aurait reconnu bientôt que la roideur de la mâchoire ne provient
pas de la différence de conformation des barres, mais bien du
mauvais équilibre du cheval. C'est donc en vain que nous nous
suspendrons aux rênes et que nous placerons dans la bouche du
cheval un instrument plus ou moins meurtrier; il restera insensible
à nos efforts tant que nous ne lui aurons pas donné cette légèreté
qui peut seule le mettre à même de céder.

Je pose donc en principe qu'il n'existe point de différence de
sensibilité dans la bouche des chevaux; que tous présentent la même
légèreté dans la position du ramener, et les mêmes résistances à
mesure qu'ils s'éloignent de cette position importante. Il est des
chevaux lourds à la main; mais cette résistance provient de la
longueur ou de la faiblesse des reins, de la croupe étroite, des
hanches courtes, des cuisses grêles, des jarrets droits, ou enfin
(point important) d'une croupe trop haute ou trop basse par rapport
au garrot; telles sont les véritables causes des résistances; le
serrement de la mâchoire, la contraction de l'encolure, ne sont que
les effets.


Je n'admets, par conséquent, qu'une seule espèce de mors, et voici
la forme et les dimensions que je lui donne pour le rendre aussi
simple que doux:

Branche droite de la longueur de 16 centimètres, à partir de l'oeil
du mors jusqu'à l'extrémité des branches; circonférence du canon, 6
centimètres; la liberté de la langue, 4 centimètres à peu près de
largeur dans sa partie inférieure, et 2 centimètres dans la partie
inférieure. Il est bien entendu que la largeur seule devra varier
suivant la bouche du cheval.

J'affirme qu'un pareil mors suffira pour soumettre à l'obéissance
la plus passive tous les chevaux qu'on y aura préparés par
l'assouplissement; et je n'ai pas besoin d'ajouter que, puisque je
nie l'utilité des mors durs, je repousse, par la même raison, tous
les moyens en dehors des ressources du cavalier, tels que
martingales, piliers, etc.[6]

  [6] Voir, dans le _Dictionnaire raisonné d'Équitation_, les mots
  _Mors_, _Barres_ et _Martingales_.



VII

ASSOUPLISSEMENT DE LA MACHOIRE ET DE L'ENCOLURE.


Les flexions de la mâchoire, ainsi que les deux flexions de
l'encolure qui vont suivre, s'exécutent en place, le cavalier
restant à pied. Le cheval sera amené sur le terrain, sellé et
bridé, les rênes passées sur l'encolure. Le cavalier vérifiera
d'abord si le mors est bien placé et si la gourmette est attachée
de manière qu'il puisse introduire facilement son doigt entre les
mailles et la barbe. Puis, regardant l'animal avec bienveillance,
il viendra se placer en avant de son encolure, près de la tête, le
corps droit et ferme, les pieds un peu écartés pour assurer sa base
et être prêt à lutter avec avantage contre toutes les résistances.


Première flexion de la mâchoire.

Pour exécuter cette flexion, le cavalier, placé du côté montoir,
prendra avec la main droite la rêne gauche de la bride à dix-sept
centimètres de la bouche, et avec la main gauche la rêne gauche du
filet. Ces deux forces doivent agir en sens opposés. Si elles sont
bien proportionnées à la résistance du cheval, elles amèneront
bientôt la mobilité de la mâchoire. La flexion à droite s'exécutera
d'après les mêmes principes et par les moyens inverses, le cavalier
ayant soin de passer alternativement de l'une à l'autre. Si la
résistance du cheval provient de la contraction trop grande des
muscles releveurs, il faut opposer une force de haut en bas,
jusqu'à parfaite cession de la part du cheval, et _vice versâ_. Il
doit en être ainsi pour toutes les flexions; il faut combattre les
résistances par la force qui leur est directement opposée.

Quelquefois, le cheval recule par impatience ou par la maladresse
du cavalier; on n'en continue pas moins l'opposition des mains,
lesquelles, dans ce cas, se portent en avant afin d'attirer le
cheval et de faire opposition à la force qui produit l'acculement.
Si l'on a pratiqué complétement le travail précédent, il sera
facile, à l'aide de la cravache, d'arrêter le mouvement rétrograde
qui est un puissant obstacle à toute espèce de flexions (_Planche
1_).

[Illustration: Planche 1.]


Deuxième flexion.

La deuxième flexion s'exécute en prenant les deux rênes de la
bride avec la main droite et les deux rênes du filet avec la
gauche. En procédant comme pour la première flexion, et si celle-ci
a été bien faite, on obtient presque instantanément la mobilité de
la mâchoire. Sur quelques chevaux, la mâchoire inférieure se
détache momentanément pour se refermer aussitôt avec bruit. Cette
espèce de tic nerveux, de grincement de dents, doit être combattu
avec soin, car il finirait par augmenter la résistance et
s'opposerait à la légèreté (_Planches 2 et 3_).

[Illustration: Planche 2.]

[Illustration: Planche 3.]


Troisième flexion.

Le cavalier saisit, par exemple, la rêne droite du filet avec la
main gauche et la rêne gauche avec la main droite à dix-sept
centimètres, puis il croise les deux rênes sous le menton de
manière à exercer une pression assez forte sur la barbe. Si la
résistance se prolongeait, le cavalier la ferait bien vite cesser
par un frémissement rapide des poignets (_Planche 4_)[7].

  [7] Les vibrations de mains peuvent être employées dans toutes
  les flexions.

On comprendra facilement l'importance de ces flexions de mâchoire.
Elles ont pour résultat de préparer le cheval à céder aux plus
légères pressions du filet ou du mors, d'assouplir directement les
muscles qui joignent la tête à l'encolure. La tête devant précéder
et déterminer les diverses attitudes de l'encolure, il est
indispensable que cette dernière partie soit toujours assujettie à
la première. Cela n'aurait lieu qu'imparfaitement avec la
flexibilité seule de l'encolure, puisque ce serait alors celle-ci
qui déterminerait l'obéissance de la tête en l'entraînant dans son
mouvement. L'opposition des mains s'engagera sans à-coup, pour ne
cesser qu'à parfaite obéissance du cheval, à moins cependant qu'il
ne s'accule; elle diminuera ou augmentera son effet en proportion
de la résistance, de manière à la dominer toujours sans trop la
forcer. Le cheval, qui d'abord résistera, finira par considérer la
main de l'homme comme un régulateur irrésistible, et il s'habituera
si bien à obéir, qu'on obtiendra bientôt, par une simple pression
de rêne, ce qui, dans le principe, exigeait une grande force.

[Illustration: Planche 4.]


ASSOUPLISSEMENT DE L'ENCOLURE.

Première flexion latérale.

Le cavalier se place comme pour les flexions de mâchoire; il
saisira la rêne droite de la bride avec la main droite à seize
centimètres de la branche du mors et la rêne gauche avec la main
gauche, à dix centimètres seulement de la branche gauche. Il
rapprochera ensuite la main droite de son corps en éloignant la
gauche de manière à contourner le mors dans la bouche du cheval.
Comme pour les flexions de mâchoire, la force qu'il emploiera devra
être graduée et proportionnée à la résistance seule de la mâchoire
et de l'encolure, afin de ne pas influer sur l'aplomb qui donne
l'immobilité au corps du cheval (_Planche 5_).

[Illustration: Planche 5 et 6.]

La flexion doit s'obtenir, non par un mouvement brusque de la tête,
mais par petites cessions successives. La main gauche suit tout
naturellement le mouvement de la tête, et, lorsque celle-ci se
trouve près de l'épaule droite, les deux rênes également tendues
maintiennent la tête oblique et verticale jusqu'à ce qu'elle se
soutienne d'elle-même dans cette position (_Planche 6_). Le cheval,
en mâchant son mors, constatera la mise en main ainsi que sa
parfaite soumission. Le cavalier, pour le récompenser, fera cesser
immédiatement la tension des rênes et lui permettra, après quelques
secondes, de reprendre sa position naturelle. Mêmes principes et
moyens inverses pour la flexion à gauche.


Deuxième flexion.

1º Le cavalier saisira la rêne droite du filet, qu'il tendra en
l'appuyant sur l'encolure, pour établir un point intermédiaire
entre la force qu'il emploie et la résistance que présentera le
cheval; il soutiendra la rêne gauche avec la main gauche à
trente-trois centimètres du mors. Dès que le cheval cherchera à
éviter la tension constante de la rêne droite en inclinant sa tête
à droite, le cavalier laissera glisser la rêne gauche, afin de ne
présenter aucune opposition à la flexion de l'encolure. Cette rêne
gauche devra se soutenir par une succession de petites tensions
spontanées, chaque fois que le cheval cherchera à se soustraire,
par la croupe, à l'effet de la rêne droite (_Planche 7_).

[Illustration: Planche 7 et 8.]

2º Lorsque la tête et l'encolure auront complétement cédé à droite,
le cavalier donnera une égale tension aux deux rênes pour placer la
tête verticalement. Le liant et la légèreté suivront bientôt cette
position, et aussitôt que le cheval constatera l'absence de toute
roideur par l'action de _mâcher son frein_, le cavalier fera cesser
la tension des rênes, en prenant garde que la tête ne profite
de ce moment d'abandon pour se déplacer brusquement. Dans ce cas,
il suffirait pour la contenir d'un léger soutien de la rêne droite.
Après avoir maintenu le cheval quelques secondes dans cette
attitude, on le remettra en place en soutenant un peu la rêne
gauche. L'important est que l'animal, dans tous ses mouvements, ne
prenne de lui-même aucune initiative (_Planche 8_).

La flexion de l'encolure à gauche s'exécutera d'après les mêmes
principes et par les moyens inverses. Le cavalier pourra répéter
avec les rênes de la bride ce qu'il aura fait d'abord avec celle du
filet; cependant le filet devra toujours être employé en premier
lieu, son effet étant moins puissant et plus direct. Si les
flexions à pied ont été bien faites, si elles ne laissent rien à
désirer, celles à cheval s'obtiendront facilement. Ces premiers
exercices sont d'une grande importance, et le temps que l'on y
consacre abrége considérablement la durée des leçons qui doivent
suivre.

Le cavalier doit scrupuleusement s'attacher à faire fléchir la
mâchoire avant l'encolure, de manière que cette dernière soutienne
la tête et la suive, sans la devancer jamais.

En principe, il n'y a pas d'encolure résistante avec une mâchoire
moelleusement mobile.

C'est presque toujours l'opposé quand la flexion de l'encolure
précède celle de la mâchoire. Les dents restent serrées ou ne se
détachent qu'imparfaitement.

La résistance est toujours en raison directe du _mutisme_ du
cheval[8].

  [8] Ce mot, qui, sous le point de vue technique, ne manque pas de
  cachet, appartient à un écuyer qui a parfaitement profité de
  quelques leçons que je lui ai données. M. Cinizelli, après avoir
  reçu les félicitations du roi de Sardaigne, fut, un jour, invité
  à visiter le manége royal. Il formula ainsi son opinion sur les
  travaux exécutés devant lui: «C'est très-bien, mais vos chevaux
  sont _muets_.» Ce mot, dans la bouche de l'écuyer, faisait tout
  simplement allusion à l'immobilité de la mâchoire des chevaux.

Dans les flexions directes ou latérales, le cheval présente encore
une résistance qu'il est difficile de détruire, si l'on n'en
connaît la cause. C'est en faisant des _forces_ que l'animal
renouvelle ces luttes, que le cavalier n'annule qu'imparfaitement
et après de longs efforts. J'entends par faire des _forces_,
l'action du cheval qui contracte sa mâchoire inférieure d'un côté
ou de l'autre. Exemple: si l'on porte la tête du cheval à droite,
la mâchoire inférieure se portera plus à droite que la mâchoire
supérieure. Il faudra donc la ramener à gauche pour obtenir sa
vraie mobilité et une légèreté complète.

Ces exercices et les suivants sont faciles à exécuter si le
cavalier met scrupuleusement en pratique les moyens que j'indique
et s'il suit en tout point la gradation qui en assure le succès.


Flexion directe ou ramener.

On alternera les flexions latérales avec la flexion directe ou mise
en main. Outre les moyens indiqués pour les flexions de mâchoire,
la flexion directe s'obtiendra encore avec la rêne droite du bridon
appuyée sur l'encolure et tenue dans la main droite. Avec la main
gauche, on prendra la rêne du même côté à trois centimètres de la
bouche. Les deux rênes seront tendues graduellement, et leur action
amènera le cheval à céder complétement de la mâchoire et de
l'encolure. (Voy. _Planche 9._)

[Illustration: Planche 9.]

Si l'encolure fléchissait avant la mâchoire, il faudrait opposer
une force spontanée de la main, pour empêcher cette flexion
défectueuse et prématurée.

Quelques jours de cet exercice assureront la légèreté de la
mâchoire et de l'encolure.

Il est indispensable que le cavalier se rende compte de la
disposition du poids et des forces de sa monture; car leur mauvaise
répartition retarderait le progrès de l'éducation.

Supposons donc que, le cheval étant en place, le poids soit trop
porté sur l'avant-main. Dans ce cas, les résistances seraient
énormes et presque insurmontables, si, au préalable, on ne forçait
le poids à se reporter sur l'arrière-main par une pression soutenue
du mors, ce qui se ferait sans chercher à obtenir aucune flexion.
Par ce mouvement, le poids se combine tellement avec les forces,
que l'on obtient aussitôt toute la légèreté désirable. Si, au
contraire, les forces étaient toutes dirigées sur l'arrière-main,
ce qui provoquerait un mouvement de recul, il faudrait attirer le
cheval en avant, après s'être assuré, toutefois, en forçant le
reculer, si, malgré le mouvement rétrograde, le poids n'est pas
trop porté sur le devant.


OBSERVATION. Les flexions à pied, incomplétement faites,
non-seulement sont sans effet satisfaisant, mais encore elles
portent le cheval plutôt aux résistances qu'aux concessions qui
sont les premiers éléments de son éducation. La prolongation des
flexions qui s'obtiennent facilement aurait son danger. L'encolure
s'amollirait au lieu d'être liante; elle s'isolerait du corps, avec
lequel, au contraire, elle doit s'identifier, pour établir entre
eux une espèce de solidarité qui fait réagir, sur toute la masse,
un léger déplacement de la tête et provoque promptement tous les
changements de position désirables.

Lorsque le cheval se soumettra à tous ces exercices, sans
résistance, ce sera une preuve que l'assouplissement a fait un
grand pas et que l'éducation première est en voie de progrès.



VIII

EFFETS DE MAINS (RÊNES).


Nous avons avancé comme règle invariable que, lorsqu'on soumet
le cheval, pour les premières fois, à l'action du frein, il
faut l'emboucher avec un mors de bride accompagné d'un filet.
Ajoutons qu'on devra recourir aux effets de ce dernier dans les
commencements de l'éducation du cheval, parce que sa puissance,
moins grande que celle de la bride, a une action plus directe pour
faire céder l'encolure à droite et à gauche. En effet, pour le
ramener, le filet ne représente qu'un levier de 3e genre, tandis
que le mors avec branches et gourmette est un levier de 2e genre.
Pour le ramener et les mouvements rétrogrades du corps, la
puissance du mors est supérieure à celle du filet; mais pour les
premiers déplacements de la tête du cheval et la répression de
résistance venant du côté droit ou du côté gauche, l'usage du filet
amènera des résultats plus prompts, parce que, composé de deux
pièces, il a un effet local qui agit sur un des côtés de la bouche
du cheval. Les mêmes effets, avec les rênes de bride séparées, ne
peuvent agir ni aussi directement ni aussi isolément sur l'une des
deux barres; car la seule pièce qui compose le mors agit
nécessairement sur toute la mâchoire et rend, par cela même,
l'intention du cavalier moins claire à l'intelligence du cheval. De
là hésitation et lenteur d'un côté, impatience et colère de
l'autre, et souvent luttes regrettables qui ne se terminent pas
toujours à l'avantage du cavalier.

Je sais qu'à la rigueur un écuyer peut se passer du filet, comme il
peut aussi ne se servir que du filet pour dresser un cheval, mais
ce n'est qu'une exception qui justifie la règle.

On se servira donc, en commençant, des rênes du filet, une dans
chaque main; les rênes de bride, réunies dans la main gauche à leur
position normale, seront légèrement flottantes. La rêne gauche du
filet sera contenue entre le pouce et l'index de la main gauche; la
rêne droite, contenue entre le pouce et les trois premiers doigts,
passera sur le petit doigt de la main droite. Ces dispositions
faciliteront l'emploi du filet pour les inclinaisons d'encolure.

Si, dans les flexions, le cheval portait au vent, on passerait les
rênes du filet dans la main droite, pour que la main gauche, par
une tension égale des deux rênes de bride, exerçât une pression du
mors qui détruise la résistance et ramène la tête dans la position
verticale. Cette attitude rendra le cheval plus soumis aux effets
des rênes du filet.

Cette première flexion s'exercera, d'abord en place, puis au pas.

Ce travail, fait convenablement à pied, deviendra facile à cheval.

Tout exercice obtenu primitivement avec les rênes de filet, sera
pratiqué ensuite avec les rênes de bride, pour amener la tête du
cheval à droite, à gauche, ou dans la position verticale, et
obtenir la mise en main. L'exécution des flexions latérales avec
les rênes de bride prouvera un progrès, puisqu'elle s'obtiendra à
l'aide de moyens moins directs.

Il est inutile de faire observer qu'avant de passer d'une flexion
latérale à une autre, il faut saisir l'instant où la tête se trouve
dans le prolongement de la ligne des épaules et de la croupe, afin
de mettre le cheval en main, par une tension égale des deux rênes
de la bride. Cette observation s'applique également à toutes les
flexions exécutées aux différentes allures.

Le travail d'arrière-main, ou commencement des pirouettes
renversées, se pratiquera par la tension plus grande de la rêne
opposée au côté où marchera la croupe. Si elle se porte à gauche,
la rêne droite se soutiendra avec plus d'énergie (_et vice versâ_),
afin de maîtriser les résistances que doivent faire naître des
mouvements nouveaux pour l'animal. Aussitôt que le cheval obéira à
la jambe, on cessera l'action isolée d'une des rênes de filet ou de
bride; car ce moyen n'étant que le correctif des résistances doit
être abandonné dès qu'il est sans but. Les rênes deviennent alors
inutiles comme force d'opposition et ne servent plus qu'à maintenir
l'attitude la plus convenable pour que le cheval demeure bien placé
et gracieux dans ses mouvements.

Pour les pirouettes ordinaires, à droite, par exemple, on écartera
la rêne droite du filet, en modérant son action avec la gauche. La
rêne droite ébranlera l'avant-main, l'autre fixera la croupe afin
qu'elle serve de pivot. La main de la bride doit terminer tous les
mouvements, pour habituer le cheval à obéir à sa seule action.

Observons en passant que l'emploi du filet n'est que préparatoire à
l'usage exclusif de la bride. Quand le cheval obéira à cet agent,
la main de la bride seule agira pour commencer ou pour finir les
mouvements.

Au pas, sur la piste, on répétera les mêmes flexions latérales
d'encolure, en écartant faiblement les rênes du filet d'abord et
les rênes de la bride ensuite.

Même exercice pour les changements de direction.

Le cheval répondant aux moindres tensions des rênes de filet ou de
bride, on les remplacera par un nouvel effet de rênes, qui
disposera ses forces pour répartir le poids de la manière la plus
favorable au mouvement.

Il servira encore, par une juste opposition de la main, à corriger
les écarts de la croupe, et à placer, point important, le cheval
parfaitement droit; c'est-à-dire, la croupe sur la ligne des
épaules.

Ce nouvel effet de rênes transportera le poids d'une partie sur
l'autre sans détruire l'harmonie des forces. Résultat jusqu'alors
inconnu.

Précédemment, en rétablissant l'équilibre du poids, on détruisait
souvent l'ensemble des forces; puis, en rétablissant l'équilibre
des forces, on ramenait le poids à sa mauvaise disposition
première. N'est-ce pas là un travail sans fin?

Expliquons le moyen qui, malgré sa simplicité, va remédier à ces
tâtonnements infructueux.

Les premiers assouplissements ont mis l'animal à même de répondre à
ce nouveau procédé.

Le cheval étant au pas, on séparera les rênes de la bride, une dans
chaque main. Si l'on débute par la rêne droite, la main droite se
portera à gauche et appuiera la rêne contre l'encolure. Celle-ci se
contournera, la tête s'inclinera, et les épaules du cheval se
porteront légèrement à gauche. La pression opportune des jambes
déterminera au besoin la croupe dans le sens du mouvement (les
mêmes résultats s'obtiendront avec la rêne gauche). La position
propre à ce changement de direction s'obtient, en partie, par des
effets de rênes savamment pratiqués. Les mêmes résultats
s'obtiendront également à toutes les allures, y compris le travail
sur les hanches.

Puis il arrivera un moment où l'éducation du cheval, plus complète,
permettra de se dispenser même du secours des jambes. (Descente de
jambes.) Il est bien entendu que ces effets de rênes de bride
séparées, obtenus soit par écartement, tension ou pression sur
l'encolure, ont pour but d'amener le cheval à obéir à l'action
seule de la main de la bride.

Après ces exercices, la main gauche seule suffira à faire exécuter
les changements de direction. A cet effet, avant de se porter du
côté déterminant, la main, en se contractant, fera sentir toute sa
force d'opposition, sans se rapprocher du corps. Cet effet
concentré de la puissance de la main demande qu'au préalable
l'égale tension des rênes permette de sentir facilement la bouche
du cheval; il devra compléter la légèreté du cheval avant que
celui-ci se conforme à la nouvelle inclinaison. Ce temps bien
compris, l'animal tournera à la simple indication de la main, si,
comme je l'ai déjà recommandé, on saisit le moment où la tête
passe par la ligne prolongée de la croupe et des épaules, pour
opérer la mise en main avant de changer l'inclinaison d'un côté ou
d'un autre.



IX

EFFETS DE JAMBES.


Si je demandais au premier cavalier venu les moyens pour changer de
direction, il me répondrait assurément: «Si vous voulez tourner à
droite, portez la main à droite et faites sentir la jambe du même
côté.»

C'est, en effet, le principe que tous les traités d'équitation,
jusqu'au mien, ont donné comme le seul efficace pour ce mouvement.
Mais tant d'erreurs se sont érigées en principes, que j'ai voulu
m'assurer de l'exactitude de ce dernier.

J'ai donc, pour tourner à droite, par exemple, porté la main à
droite et fait sentir la jambe du même côté.

Quelque légèreté qu'eût mon cheval sur la ligne droite et bien que
j'eusse fait sentir la jambe indiquée, j'éprouvais souvent une
résistance dont, longtemps, j'ai cherché la cause et les moyens de
la détruire.

L'expérience m'a démontré que souvent, par suite de l'action de la
jambe droite, la croupe se portant à gauche, empêche, par sa
mobilité, le poids de se fixer sur le point d'appui nécessaire au
pivot de conversion et jette ainsi de l'irrégularité et de
l'incertitude dans le mouvement.

La répression de cette résistance exige naturellement, me suis-je
dit, l'emploi de la jambe gauche. J'adoptai donc ce moyen comme
correctif. Il me donna d'abord des résultats surprenants, mais la
persistance de son emploi devint la source d'une autre résistance.

La croupe, portée trop à droite par la pression de la jambe gauche,
s'arc-boutait, pour ainsi dire, contre l'épaule droite, et
paralysait ses mouvements.

Après de minutieuses observations, je conclus donc que l'emploi
exclusif de l'une ou de l'autre jambe ne peut être prescrit comme
principe absolu dans les changements de direction, puisque, destiné
à prévenir, il provoque, au contraire, des résistances.

En effet, quand je veux placer le cheval pour le changement de
direction, j'ignore de quel côté viendra la résistance, puisque la
croupe peut se dérober à droite ou à gauche; j'ignore même s'il y
aura résistance. Il n'est donc pas rationnel de déterminer, _à
priori_, l'emploi exclusif de l'une ou de l'autre jambe, et le
principe, reconnu faux, doit être abandonné.

Revenons donc aux vrais principes de l'équitation:

La main seule donne la position, les jambes donnent l'impulsion.

Si, d'après les prescriptions formelles de ma méthode, vous avez
dirigé l'éducation de votre cheval de manière à lui donner une
juste répartition du poids et des forces, le changement de
direction lui deviendra aussi facile que la marche sur la ligne
droite. Le cheval étant bien placé obéira à la première invitation
de la main, la tête et l'encolure prendront la position propre au
mouvement, et le liant parfait de toute la machine amènera les
épaules et la croupe à prendre sans résistance la part qui leur
convient pour la régularité et la facilité du changement de
direction. D'où je conclus que l'emploi de l'une ou de l'autre
jambe prescrit comme principe est un non-sens, pour ce mouvement,
puisque sa régularité et sa facilité ne dépendent que de l'harmonie
apportée dans l'équilibre de l'animal.

Je dis plus. L'aide des deux jambes deviendra tout à fait inutile,
quand le cheval sera arrivé au point d'éducation où doit le
conduire inévitablement ma méthode.


POINT IMPORTANT. Dès que le cheval commencera à prendre la
position indiquée par la main, celle-ci devra cesser son action et
laisser à l'animal sa liberté de mouvement, en ayant soin toutefois
de le suivre dans son déplacement. Si, au contraire, après un
commencement d'exécution, la main persistait dans son action, la
position de l'encolure deviendrait forcée et amènerait un
dérangement de croupe, d'où naîtrait une résistance qu'on ne
pourrait vaincre qu'à l'aide des jambes.



X

EFFETS DE MAIN ET DE JAMBES.


Nous avons consacré un chapitre spécial aux fonctions particulières
de la main et des jambes; nous allons, maintenant, combiner
l'action de ces puissances de telle sorte qu'elles procurent au
cavalier les ressources qu'il doit retirer de leur judicieux
emploi.

En principe, les jambes du cavalier donnent au cheval l'impulsion
nécessaire aux mouvements. Mais elle n'est primitivement qu'un
moyen de déplacement qui, pour obtenir un bon résultat, a besoin
d'un modérateur et d'un régulateur.

Ce double rôle appartient à la main.

Aussitôt qu'obéissant à la pression des jambes le cheval se
mobilise, la main, savante interprète de la volonté du cavalier,
dispose l'animal dans le sens propre au mouvement qui doit être
exécuté, et son action, méthodiquement réglée, fait comprendre au
serviteur les intentions du maître.

Le cheval, bien placé par la main, exécutera facilement le
mouvement indiqué. Je dis plus: il l'exécutera nécessairement, car
la disposition des diverses parties de son corps ne lui en
permettrait pas d'autre.

L'écuyer doit donc avoir pour but de dominer les forces du cheval;
il faut qu'il en dispose absolument. La combinaison intelligente de
l'action de la main et des jambes produira ce résultat.


PRINCIPE ESSENTIEL. En général l'action des jambes doit précéder
celle de la main pour déterminer toutes les allures, ainsi que pour
obtenir les effets d'ensemble, le rassembler, les temps d'arrêt et
le reculer, etc., etc.

En effet, si l'on porte le cheval en avant, il faut d'abord que les
jambes déterminent son action et que, sur l'impulsion donnée, la
main prenne autant de forces qu'il lui en faut pour diriger la
masse dans le sens propre au mouvement. Si, au contraire, l'action
de la main précédait celle des jambes, le cheval, manquant de
l'impulsion nécessaire, ne pourrait être placé convenablement, et
le mouvement deviendrait incertain, d'une exécution difficile et
souvent impossible.

Pour les effets d'ensemble, les jambes agiront les premières, afin
d'éviter les effets rétrogrades du cheval, qui, par ce moyen, se
soustrairait à la bonne position de sa tête et à l'immobilité de
ses quatre jambes, s'il est en place.

C'est encore en débutant par l'action des jambes qu'on fera jouer
tous les ressorts du mécanisme de l'animal, et leur puissance,
sagement dirigée par la main, s'harmonisera de telle sorte que le
cheval sera toujours placé droit. L'action des jambes du cavalier
produira le rassembler en rapprochant les membres postérieurs du
cheval.

Pour le vrai reculer, les jambes de derrière du cheval doivent
d'abord quitter le sol. C'est encore une pression préalable des
jambes du cavalier qui déterminera ce mouvement. Le cheval est
porté en avant par les jambes; mais aussitôt l'impulsion donnée, la
main se rapproche du corps, et son effet, justement combiné, force
la jambe, déjà levée, à se porter en arrière. Après quelques
répétitions de cet exercice, le cheval reculera franchement et
régulièrement.

L'impulsion imprimée par les jambes est encore nécessaire dans
le reculer, en ce sens qu'elle s'oppose à la trop brusque
concentration des forces sur l'arrière-main, ce qui donnerait un
reculer précipité et irrégulier.

Pour l'exécution des pirouettes renversées ou ordinaires, les
jambes devront donner l'impulsion qui, comme toujours, permettra à
la main de placer le cheval. C'est alors que les rênes de la bride
par tension, écartement, ou pression sur l'encolure, deviendront
efficaces pour combattre les résistances indiquées par les refus du
cheval, qui arrivera graduellement à obéir à la seule pression de
la jambe.

Au moyen de ces exercices et de la combinaison sage des effets de
jambes et de main, le cheval aura bientôt acquis une juste
répartition du poids et des forces.

J'indique le but; plus heureux que mes devanciers dans l'étude de
l'équitation, je donne les moyens infaillibles de l'atteindre.

Est-ce à dire, cependant, que je veuille promettre à tous les
adeptes de ma méthode les résultats que beaucoup de mes élèves ont
obtenus? Non; voici pourquoi. Quelle que soit la clarté d'une
théorie et l'exactitude de ses principes, le professeur ne peut
donner à tous cette étincelle de feu sacré qui dénote l'aptitude,
la vocation et mène au succès.

Si les idées théoriques expliquées et motivées ne rencontrent pas
comme un écho dans l'esprit de l'élève, si son intelligence n'est
pas frappée comme d'un choc électrique, par la vérité du principe,
c'est que l'inspiration manque. Les efforts du professeur lutteront
péniblement contre l'inaptitude.

En comparant les forces de l'homme et celles du cheval, on est
étonné que notre faiblesse proportionnelle ait entrepris de
dominer une puissance aussi supérieure; et, cependant, avec la
seule pression de nos jambes et de nos mains, nous lui imposons
notre volonté.

Soumis à nos lois, notre superbe antagoniste se précipite comme une
avalanche; ses forces, multipliées par l'impulsion, impriment à son
corps une rapidité vertigineuse; son élan semble indomptable. Un
geste du cavalier, et la masse impétueuse devient statue, le cheval
est immobile.

J'ai donné les moyens d'obtenir ces immenses résultats. Ma méthode
met tellement le cheval dans la dépendance du cavalier, que, par la
combinaison des effets de jambes et de main, nos moindres
mouvements suffisent pour diriger, à notre gré, les ressorts de ce
puissant animal; mais je ne puis dire précisément et clairement à
l'élève le degré de force impulsive ou répressive qu'il doit
employer. C'est l'appréciation exacte de l'emploi des forces
combinées qui s'appelle l'intelligence équestre. Cette qualité est
innée chez le véritable écuyer, elle lui est indispensable.

Une longue pratique, en donnant l'expérience, peut, il est vrai,
combattre heureusement l'inaptitude. Mais si, dans ce cas, les
progrès sont lents, devra-t-on s'en prendre à l'impuissance des
principes?


[Illustration: Planche 10 et 11.]



XI

ASSOUPLISSEMENT A CHEVAL, AVANT MAIN ET ARRIÈRE-MAIN.


FLEXION DIRECTE DE LA TÊTE ET DE L'ENCOLURE, OU RAMENER.

1º Le cavalier se servira d'abord des rênes du filet, qu'il réunira
dans la main gauche et tiendra comme celles de la bride. Il
appuiera la main droite _de champ_ sur les rênes en avant de la
main gauche, afin de donner à la première une plus grande
puissance, en augmentant la pression du mors de filet. Dès que le
cheval cédera, il suffira de soulever la main droite pour diminuer
la tension des rênes et récompenser l'animal. Lorsque le cheval
obéira à l'action du filet, il cédera bien plus promptement à celle
de la bride, dont l'effet est plus puissant; c'est dire assez que
la bride devra par conséquent être employée avec plus de ménagement
que le filet. (_Planche 10_.)

2º Le cheval aura complétement cédé à l'action de la main, lorsque
sa mâchoire sera mobile. Le cavalier doit avoir soin de ne pas se
laisser tromper par les feintes du cheval, feintes qui consistent
dans un quart ou un tiers de cession, suivie de bégaiements. On
doit tout d'abord habituer le cheval à supporter les jambes pour
arrêter tous les mouvements rétrogrades de son corps, mouvements
qui le mettraient à même d'éviter les effets de la main, ou
feraient naître des points d'appui ou des arcs-boutants propres à
augmenter les moyens de résistance. (_Planche 11._)

Cette flexion est fort importante. Dès qu'elle s'exécute avec
aisance et promptitude, il suffit d'un léger appui de la main pour
ramener et maintenir la tête dans la bonne position. La direction
de cette partie de l'animal deviendra dès lors aussi facile que
naturelle, puisque nous l'aurons mise à même de comprendre toutes
les indications de la main, et d'y obéir sur-le-champ sans efforts.
Quant aux fonctions des jambes, elles consistent à empêcher un
mouvement rétrograde du corps.


FLEXIONS LATÉRALES DE L'ENCOLURE.

1º Pour exécuter la flexion à droite, le cavalier prendra une rêne
de filet dans chaque main, la gauche sentant à peine l'appui du
mors; la droite, au contraire, communiquant une impression modérée
d'abord, mais qui augmentera en proportion de la résistance du
cheval, et de manière à la dominer toujours.

L'animal, déjà préparé par le travail précédent, comprend la
volonté du cavalier, et incline la tête du côté où se fait sentir
la pression du filet. (_Planche 12._)

[Illustration: Planche 12 et 13.]

2º Dès que la tête du cheval aura été ramenée à droite, la rêne
gauche formera opposition, pour empêcher le nez de dépasser la
verticale. On doit attacher une grande importance à ce que la tête
reste toujours dans cette position: la flexion sans cela serait
imparfaite et la souplesse incomplète. Le mouvement régulièrement
accompli, on fera reprendre au cheval sa position naturelle par une
légère tension de la rêne gauche. (_Planche 13._)

La flexion à gauche s'exécutera de même, le cavalier employant les
rênes du filet et celles de la bride.


J'ai dit qu'il faut s'attacher à assouplir l'extrémité supérieure
de l'encolure. Une fois à cheval, et lorsque les flexions latérales
s'obtiendront sans résistance, le cavalier se contentera souvent de
les exécuter à demi, la tête et la première partie de l'encolure
pivotant alors sur la partie inférieure, qui servira de base. Cet
exercice se renouvellera fréquemment, même lorsque l'éducation du
cheval sera terminée, pour entretenir le liant et faciliter la mise
en main.

Les flexions latérales trop prolongées amèneraient de l'abandon
dans la tête et l'encolure et les isoleraient du corps. Il faut
donc en user sagement dès que le cheval les exécute avec facilité.

Il nous reste maintenant, pour compléter l'assouplissement de la
tête et de l'encolure, à combattre les contractions qui
occasionnent les résistances directes et s'opposent au ramener.



XII

MOBILISATION DE LA CROUPE.


Le cavalier, pour diriger le cheval, agit directement sur deux de
ses parties: l'avant-main et l'arrière-main. Il emploie à cet effet
deux agents: les jambes, qui donnent l'impulsion par la croupe;
les mains, qui dirigent et modifient cette impulsion par la tête
et l'encolure. Un parfait rapport de forces doit donc toujours
exister entre ces deux puissances; mais la même harmonie n'est pas
moins nécessaire entre les parties de l'animal qu'elles sont
particulièrement destinées à impressionner. En vain se sera-t-on
efforcé de rendre la tête et l'encolure flexibles, légères,
obéissantes au contact du mors, les résultats seront incomplets,
l'ensemble et l'équilibre imparfaits, tant que la croupe restera
lourde, contractée, rebelle à l'agent direct qui doit la gouverner.

Je viens d'expliquer par quelle sorte de procédés simples
et faciles on donnera à l'avant-main les qualités indispensables
pour obtenir une bonne position; il me reste à dire comment on
assouplira de même l'arrière-main pour compléter l'assouplissement
du cheval, et ramener l'ensemble et l'harmonie dans le développement
de tous ses ressorts. Les résistances de l'encolure et celles de la
croupe se soutenant mutuellement, notre travail deviendra plus facile,
puisque nous avons déjà annulé les premières.

1º Le cavalier tiendra les rênes de la bride dans la main gauche,
et celles du filet croisées l'une sur l'autre dans la main-droite,
les ongles en dessous; il ramènera d'abord la tête du cheval dans
sa bonne position par un léger appui du mors; puis, s'il veut
exécuter le mouvement à droite, il portera la jambe gauche en
arrière des sangles et la fixera près du flanc de l'animal jusqu'à
ce que la croupe cède à sa pression. Le cavalier fera sentir la
rêne du filet du même côté que la jambe, en proportionnant son
effet à la résistance qui lui sera opposée. De ces deux forces
imprimées ainsi par la rêne gauche et la jambe du même côté, la
première est destinée à combattre les résistances, et la seconde à
déterminer le mouvement. On se contentera dans le principe de faire
exécuter à la croupe un ou deux pas de côté seulement. (_Planche
14._)

[Illustration: Planche 14 et 15.]

2º La croupe ayant acquis plus de facilité de mobilisation, on
pourra continuer le mouvement de manière à compléter à droite et
à gauche des pirouettes renversées. Aussitôt que les hanches
céderont à la pression de la jambe, le cavalier fera sentir
immédiatement la rêne opposée à cette jambe. Son effet, léger
d'abord, sera augmenté progressivement jusqu'à ce que la tête soit
inclinée du côté vers lequel marche la croupe, et comme pour la
voir venir. (_Planche 15._)

Pour faire bien comprendre ce procédé, j'ajouterai quelques
explications d'autant plus importantes qu'elles sont applicables à
tous les exercices de l'équitation.

Le cheval, dans tous ses mouvements, ne peut conserver sa légèreté
sans une combinaison des forces opposées, habilement ménagée par le
cavalier. Dans la pirouette renversée par exemple, si, lorsque le
cheval a cédé à la pression de la jambe, on continue à opposer la
rêne du même côté que cette jambe, il est évident qu'on dépassera
le but, puisqu'on fera usage d'une force devenue inutile. Il faut
donc établir deux moteurs dont l'effet se balance sans se
contrarier; c'est ce que produira dans la pirouette la tension de
la rêne opposée à la jambe. Ainsi on débutera par la rêne et la
jambe du même côté, jusqu'à ce que le cheval réponde à la seule
pression de la jambe, puis avec la bride tenue dans la main gauche;
enfin, avec la rêne du filet ou de la bride opposée à la jambe. Les
forces se trouvant alors maintenues dans une position diagonale,
l'équilibre sera naturel et l'exécution du mouvement facile. La
tête du cheval, inclinée vers le côté où se dirige la croupe,
ajoute beaucoup au gracieux du travail, et donne au cavalier plus
de facilité pour régler l'activité des hanches et maintenir les
épaules en place. L'expérience seule pourra, du reste, lui indiquer
l'usage qu'il doit faire de la jambe et de la rêne, de manière que
leurs effets se soutiennent sans jamais se contrarier.

Je n'ai pas besoin de rappeler que pendant toute la durée du
travail, comme toujours, du reste, la mâchoire doit être mobile.
Si, en combattant la contraction de la croupe, nous permettions au
cheval d'en rejeter la roideur sur l'avant-main, nos efforts
seraient vains et le fruit de nos premiers travaux perdu. Nous
faciliterons, au contraire, l'assouplissement de l'arrière-main en
conservant les avantages que nous avons acquis sur l'avant-main, et
en forçant les contractions que nous avons encore à combattre à
rester isolées.

La jambe du cavalier opposée à celle qui détermine la rotation de
la croupe ne doit pas demeurer éloignée durant le mouvement, mais
rester près du cheval et le contenir en place, en donnant d'arrière
en avant une impulsion, que l'autre jambe communique de droite
à gauche ou de gauche à droite. Il y aura ainsi une force qui
maintiendra le cheval en position, et une autre qui déterminera
la rotation. Pour que les deux jambes ne contrarient pas
réciproquement les effets de leur pression simultanée, et pour
arriver de suite à s'en servir avec ensemble, on placera la jambe
chargée de déplacer la croupe plus en arrière des sangles que
l'autre, qui restera soutenue avec une force égale à celle de la
jambe déterminante. Alors l'action des jambes sera distincte; l'une
portera de droite à gauche et l'autre d'arrière en avant. C'est à
l'aide de cette dernière que la main place et fixe les jambes de
devant.

Afin d'accélérer les résultats, on pourra, dans le commencement,
s'adjoindre un second cavalier qui se placera à la hauteur de la
tête du cheval, tenant les rênes de la bride dans la main droite et
du côté opposé à celui où se portera la croupe. Celui-ci saisira
les rênes à seize centimètres des branches du mors, afin d'être à
même de combattre les résistances instinctives de l'animal. Le
cavalier qui est en selle se contentera alors de soutenir
légèrement les rênes du filet, en agissant avec les jambes comme je
viens de l'indiquer. Le second cavalier n'est utile que lorsqu'on a
affaire à un cheval d'un naturel irritant, ou pour seconder
l'inexpérience du cavalier; mais il faut autant que possible se
passer d'aide, afin que le praticien juge par lui-même des progrès
de son cheval, tout en cherchant les moyens de régulariser l'emploi
de ses aides.

Bien que ce travail soit élémentaire, il conduira néanmoins le
cheval à exécuter promptement au pas tous les airs de manége de
deux pistes. Après huit jours d'un exercice modéré, on accomplira
ainsi, sans efforts, un travail que l'ancienne école n'osait
essayer qu'après plus d'une année d'étude et de tâtonnements.

Lorsque le cavalier aura habitué la croupe du cheval à céder
promptement à la pression des jambes, il sera maître de la
mobiliser ou de l'immobiliser à volonté, et pourra, par conséquent,
exécuter les pirouettes ordinaires. Il prendra à cet effet une rêne
du filet dans chaque main; l'une servira à déterminer l'encolure et
les épaules du côté où l'on voudra opérer la conversion, l'autre à
seconder la jambe opposée, si elle était insuffisante pour contenir
la croupe en place. Dans le principe, cette jambe devra être placée
le plus en arrière possible, et n'exercer son contact qu'autant que
les hanches se porteraient sur elle. Dès que la croupe est
immobile, la jambe opposée devient inutile. Une progression bien
ménagée amènera de prompts résultats; on se contentera donc, en
débutant, de quelques pas bien exécutés pour l'arrêter par un effet
d'ensemble, puis rendre immédiatement au cheval sa liberté
d'action, ce qui suppose cinq ou six temps d'arrêt durant la
rotation complète des épaules autour de la croupe. Si ce travail
est exécuté avec lenteur et ménagements, si la légèreté accompagne
tous les mouvements, je garantis des résultats surprenants. Mes
élèves livrés à eux-mêmes, ou les personnes qui pratiquent à l'aide
du livre seulement, éprouvent souvent des échecs ou des retards
dans l'éducation de leurs chevaux: cela provient de ce que l'on
passe souvent trop vite d'un exercice à un autre. Aller lentement
pour arriver vite, voilà le grand précepte, et, s'il est mis en
pratique avec intelligence, il donnera des résultats infaillibles.

Je vais expliquer comment on établira le parfait accord du
mécanisme au moyen des effets d'ensemble.



XIII

EFFETS D'ENSEMBLE.


En sollicitant dans de justes limites les forces de l'arrière-main
et de l'avant-main, on établit leur opposition exacte ou l'harmonie
des forces. On reconnaîtra la justesse de cette opposition des
aides toutes les fois que la légèreté sera obtenue sans
déplacement, si l'on travaille de pied ferme, sans augmentation et
surtout sans diminution d'allure, si l'on est en marche.

Il est essentiel, dans ce travail, d'accorder l'action des jambes
et de la main, pour conserver le cheval léger. L'effet d'ensemble
doit toujours préparer chaque exercice. En effet, il doit d'abord
précéder tout mouvement, puisque, servant à disposer toutes les
parties du cheval dans l'ordre le plus exact, il s'ensuit que la
force d'impulsion propre au mouvement sera, alors, d'autant plus
facilement et sûrement transmise.

Non-seulement les effets d'ensemble sont indispensables pour que
ces divers mouvements soient toujours faciles et réguliers, mais
encore ils servent à réprimer toute mobilité des extrémités
provenant ou non de la volonté du cheval et dans quelques
mouvements que ce soit, puisqu'ils facilitent la juste répartition
du poids et des forces.

La mise en pratique des effets d'ensemble apprend au cavalier
l'accord des aides, et le conduit à parler promptement à
l'intelligence du cheval, en faisant apprécier à ce dernier, par
des positions exactes, ce que nous voulons exiger de lui. Les
caresses de la main et de la voix viendront ensuite comme effet
moral. Ayons soin, toutefois, de n'y avoir recours qu'après que les
justes exigences des aides auront obtenu les résultats cherchés.

D'après ce que je viens de dire, on comprend que tant que
l'assouplissement général du cheval n'est point parfait, les effets
d'ensemble ne peuvent être qu'ébauchés. Mais toujours est-il que,
dès le début, le cavalier doit commencer à les mettre en pratique,
puisque son premier soin doit être de chercher à établir l'accord
entre la force qui pousse en avant et celle qui porte en arrière,
soit que le travail se fasse de pied ferme ou en marche.

Souvenons-nous que l'abus des meilleurs moyens d'exécution est à
craindre.

Ne multiplions donc pas outre mesure les effets d'ensemble, sous
peine d'amener l'incertitude dans les mouvements du cheval; et, du
reste, établissons en principe que toutes les dépenses de forces,
toutes les translations de poids inutiles sont nuisibles aussi bien
à l'éducation qu'à l'organisation de l'animal.



XIV

DE L'EMPLOI DE L'ÉPERON.


L'éperon est une aide supérieure à celle des jambes, je l'ai
démontré depuis longtemps.

Tous les chevaux doivent arriver à supporter l'éperon.

Le cheval naturellement bien équilibré supporte le contact des
jambes et de l'éperon bien plus facilement que celui dont la
conformation est défectueuse.

La raison en est simple. Chez le premier, le poids est bien
réparti, les forces harmonisées se prêtent un mutuel concours, et
le contact des jambes et de l'éperon n'a pour effet que de donner
une plus grande intensité à l'action du cheval. Chez le second, au
contraire, le poids est mal distribué, les forces divergentes se
heurtent, et l'effet des jambes ou de l'éperon est d'augmenter les
résistances naturelles du cheval.

Le talent du cavalier consistera à ramener ce cheval à la
condition du premier, en détruisant ses résistances par une
meilleure répartition du poids et des forces. Alors le cheval
supportera, sans la moindre hésitation, le contact des jambes et de
l'éperon.

Voici la gradation que je recommande: quand le cheval supportera la
pression graduée des jambes du cavalier, celui-ci lui fera sentir
l'appui gradué de ses talons dépourvus d'éperons, en place par des
effets d'ensemble, et au pas, pour obtenir et entretenir la
régularité de l'allure. Lorsque le cheval supportera tranquillement
l'appui des talons nus, alors, mais alors seulement, on adaptera
l'éperon à la botte, en ayant soin de recouvrir les molettes d'une
enveloppe de peau. Le cavalier agira avec ces molettes matelassées
comme il a agi avec les talons nus, par appui gradué, et ce n'est
que lorsque le cheval supportera avec le plus grand calme l'appui
énergique des molettes recouvertes, que le cavalier commencera à se
servir des molettes rondes découvertes, par les mêmes pressions
progressives.

Cette sage progression préparera tous les chevaux, sans exception,
à supporter l'appui de l'éperon, qui, bientôt, deviendra inutile,
car le cheval répondra aux moindres pressions des jambes du
cavalier.

L'abus de l'éperon aurait les plus grands inconvénients, et comme
on l'a déjà dit, «l'éperon est un rasoir dans les mains d'un
singe.»

Plus que jamais l'action de la main doit être intelligente et
d'accord avec l'emploi de l'éperon.

Les amateurs s'apercevront que, dans cette nouvelle édition, je me
suis efforcé de rendre plus facile l'application de mes principes
en les réduisant à leur plus simple expression.



XV

EMPLOI PAR LE CAVALIER DES FORCES DU CHEVAL POUR LES DIFFÉRENTES
ALLURES.


Lorsque le travail qui précède aura disposé les forces du cheval au
point de nous les soumettre, l'animal sera entre nos mains un
instrument docile attendant, pour fonctionner, l'impulsion qu'il
nous plaira de lui communiquer. Ce sera donc à nous, dispensateurs
souverains de tous ses ressorts, à combiner leur emploi dans les
justes proportions des mouvements que nous voudrons exécuter.

Le jeune cheval, roide d'abord et maladroit dans l'usage de ses
membres, aura besoin, pour les développer, de certains ménagements.
Ici, comme toujours, nous suivrons cette progression rationnelle
qui veut que l'on commence par le simple avant de passer au
composé. Nous avons, par le travail qui précède, assuré nos moyens
d'action sur le cheval; il faut nous occuper maintenant de
faciliter ses moyens d'exécution, en exerçant l'ensemble de ses
ressorts. Si l'animal répond aux aides du cavalier par la mâchoire,
l'encolure et les hanches; s'il cède par la disposition générale de
son corps aux impulsions qui lui sont communiquées; si le jeu de
ses extrémités est facile et régulier, le mécanisme de tout
l'ensemble aura une harmonie parfaite aux différentes allures. Ce
sont ces qualités indispensables qui constituent une bonne
éducation.



XVI

DU PAS.


L'allure du pas est la mère de toutes les allures; c'est par elle
qu'on obtiendra la cadence, la régularité, l'extension des autres;
mais le cavalier, pour arriver à ces brillants résultats, devra
déployer autant de savoir que de tact. Les exercices précédents ont
conduit le cheval à supporter des effets d'ensemble qui eussent été
impossibles avant d'avoir détruit ses résistances instinctives;
nous n'avons plus à agir aujourd'hui que sur les résistances
inertes qui tiennent au poids de l'animal et sur les forces qui ne
se meuvent qu'à l'aide d'une impulsion communiquée.

Avant de porter le cheval en avant, on devra s'assurer d'abord s'il
est léger, c'est-à-dire droit d'épaules et de hanches. On
approchera ensuite graduellement les jambes pour donner au cheval
l'impulsion nécessaire au mouvement. Le cavalier se souviendra
toujours que la main doit être pour le cheval une barrière
infranchissable chaque fois que celui-ci voudra sortir de la
position de ramener. L'animal ne l'essayera jamais sans ressentir
une impression désagréable[9]. L'application bien entendue de ma
méthode amène ainsi le cavalier à conduire constamment son cheval
avec les rênes demi-tendues, excepté lorsqu'il veut rectifier un
faux mouvement ou en déterminer un nouveau.

  [9] J'ai habité Berlin pendant quelques mois; j'ai vu mettre en
  pratique l'équitation allemande dans toute son étendue. Je n'ai
  pas la prétention de m'ériger en critique; je dirai seulement que
  les principes professés en Prusse sont diamétralement opposés aux
  miens: ainsi, plusieurs officiers, qui jouissent dans leur pays
  d'une certaine réputation de cavaliers, me disaient: Nous voulons
  que nos chevaux soient en avant de la main; et moi, leur
  répondais-je, je veux qu'ils soient derrière la main et en avant
  des jambes; c'est à cette condition seulement que l'animal sera
  sous l'entière domination du cavalier; ses mouvements deviendront
  gracieux et réguliers; il passera facilement d'une allure
  accélérée à une allure lente, tout en conservant son équilibre;
  car, leur disais-je, tout cheval qui est en avant de la main est
  derrière les jambes, alors il vous échappe par tous les bouts, ce
  qui entraîne l'absence complète de grâce et de régularité dans
  les mouvements; de plus, si sa conformation est vicieuse, comment
  y remédierez-vous? En procédant à votre manière vous n'obtiendrez
  jamais l'équilibre ou la légèreté. Toutes les théories mises en
  pratique jusqu'à moi consistent à donner, avec plus ou moins de
  peines, une direction aux forces instinctives du cheval, mais non
  à les harmoniser avec le poids. Ces résultats ne peuvent être
  obtenus sans l'application de mes principes; c'est fâcheux pour
  les opposants, mais toute l'équitation est là.

Le pas, ai-je dit, doit précéder les autres allures, parce que son
action est moins considérable que pour le trot ou le galop, et
plus facile par conséquent à régler.

Pour que la cadence et la vitesse du pas se maintiennent égales et
régulières, il est indispensable que les puissances impulsives et
modératrices du cavalier soient elles-mêmes parfaitement
harmonisées. Je suppose, par exemple, que le cavalier, pour porter
son cheval en avant au pas et le maintenir léger à cette allure,
doive employer une force égale à quatre kilogrammes, dont trois
pour l'impulsion et un pour le ramener. Si les jambes dépassent
leur effet sans que les mains augmentent le leur dans les mêmes
proportions, il est évident que le surcroît de force communiquée
pourra se rejeter sur l'encolure, la contracter, et dès lors plus
de légèreté. Si, au contraire, c'est la main qui agit avec trop de
puissance, elle prendra sur l'impulsion nécessaire à la marche;
celle-ci, par cela même, se trouvera contrariée, ralentie en même
temps que la position du cheval perdra de son gracieux et de son
énergie. En effet, que doit comprendre le cheval dans ces deux cas,
sinon que dans le premier il doit accélérer, et dans le second
ralentir son allure? Le cavalier voit donc que c'est toujours lui
qui est responsable quand son cheval comprend mal.

Cette courte explication suffit à démontrer combien il est
important de conserver toujours un accord parfait entre les jambes
et les mains. Il est bien entendu que leur effet devra varier
suivant que la construction du cheval obligera de le soutenir plus
ou moins à l'avant ou à l'arrière-main; mais la règle restera la
même avec des proportions différentes.

Tant que le cheval ne se maintiendra pas souple et léger dans sa
marche, on continuera à l'exercer sur la ligne droite, et on
terminera chaque leçon par quelques pas de reculer.



XVII

DU RECULER.


La mobilité rétrograde, autrement dit le reculer, est un exercice
dont on n'a pas assez apprécié l'importance, et qui cependant doit
avoir une très-grande influence sur l'éducation du cheval. Le
reculer diffère essentiellement de cette mauvaise impulsion
rétrograde qui porte le cheval en arrière avec la croupe
contractée, l'encolure tendue et la mâchoire serrée: ceci est de
l'acculement. Le vrai reculer assouplit le cheval, et contribue
puissamment à la prompte et juste répartition du poids et des
forces.

Le cavalier, avant de commencer le reculer, devra d'abord s'assurer
si les hanches sont sur la ligne des épaules, et si le cheval est
léger à la main; puis il rapprochera lentement les jambes, pour que
l'action qu'elles communiquent à l'arrière-main fasse quitter le
sol à une des jambes postérieures, et que le corps ne cède qu'après
la tête et l'encolure. C'est alors que la pression immédiate du
mors, forçant le cheval à reprendre son équilibre en arrière,
produira le premier temps du reculer. Dès que le cheval obéira, le
cavalier rendra immédiatement la main pour récompenser l'animal et
ne pas forcer le jeu de sa partie postérieure. Si la croupe déviait
de la ligne droite, il la ramènerait à l'aide du filet du même
côté, employant au besoin la jambe.

Il suffira d'exercer pendant huit jours (à cinq minutes par leçon)
le cheval au reculer, pour l'amener à l'exécuter avec facilité. On
se contentera, les premières fois, d'un pas en arrière, puis de
deux, puis de trois, progressivement, suivis d'un effet d'ensemble,
jusqu'à ce qu'il n'éprouve pas plus de difficultés pour cette
marche rétrograde que pour la marche en avant.

Le cavalier est souvent dans l'erreur sur les causes d'acculement
de sa monture. Quand il croit le cheval acculé par les forces et
par le poids, il ne l'est souvent que par les forces seulement, et,
dans ce cas, l'avant-main est surchargé plus qu'il ne devrait
l'être; s'il continuait à porter le cheval sur la main, il est
constant que la vraie légèreté serait impossible, puisque le poids
est la cause de la résistance. Il sera donc urgent de porter le
cheval en arrière plutôt qu'en avant.

On pourra se convaincre de la vérité de ce fait, en forçant le
cheval à reculer, bien qu'en apparence il se prête à ce mouvement.
Quelques pas rétrogrades amèneront une résistance qui prouvera que
le poids est sur l'avant-main. Si, au contraire, le poids et les
forces étaient refoulés sur l'arrière-main, le cheval vous
entraînerait en arrière, et la cabrade en serait le résultat. Dans
ce cas, il faudrait porter le cheval en avant.

Il est un fait incontestable, c'est que pour le maintien de
l'équilibre du cheval, le poids et les forces doivent être en
harmonie. La légèreté ne saurait donc être obtenue, tant qu'il y
aura lutte ou manque d'accord entre ces deux puissances.



XVIII

TRAVAIL SUR LES HANCHES.


Peu de personnes comprennent les difficultés que présente ce
travail; elles l'estiment d'autant moins qu'elles ne connaissent ni
les services ni les résultats qu'on en peut obtenir. Comme on se
figure que ce n'est qu'un exercice de parade, chacun l'essaye à sa
manière sans chercher à l'utiliser, soit pour l'éducation du
cheval, soit pour l'agrément du cavalier: c'est cependant là le but
qu'il faudrait se proposer.

Tout cheval marche, trotte et galope naturellement, mais l'art
perfectionne les allures et leur donne le liant et la légèreté
qu'elles sont susceptibles d'acquérir.

Le travail de deux pistes n'étant pas naturel au cheval, présente,
par cela seul, des difficultés bien plus grandes; il serait même
impossible de l'obtenir régulièrement sans le secours de
l'éducation première, qui tend à placer le cheval et à l'amener à
supporter des commencements de rassembler. Mais aussi, quand on
l'exécute, il a pour résultat de faire ressortir ses formes, et de
lui donner cette légèreté, cette justesse de mouvements, qui le
font répondre aux plus imperceptibles actions du cavalier.

Je pourrais, à la rigueur, me dispenser de dire ce qu'on appelle
airs de manége, si les auteurs qui ont écrit sur ce sujet avaient
fait connaître autre chose que la nomenclature des figures; mais
comme ils n'ont indiqué ni comment le cheval doit être placé, ni
comment il faut s'y prendre pour que l'exécution en soit régulière,
je m'efforcerai de réparer leur oubli: je dirai donc que l'écuyer
qui fera exécuter avec précision des lignes droites de deux pistes
obtiendra, sans de grands efforts, des lignes circulaires, si,
toutefois, il a exercé préalablement son cheval aux pirouettes
renversées ou ordinaires.

Aussitôt que la mobilité de la mâchoire et la souplesse des reins
auront préparé le cheval à prendre facilement tous les changements
de direction, on pourra commencer le travail sur les hanches.

Il ne faut faire exécuter au cheval qu'un pas de deux pistes, puis
deux, ensuite trois, etc.

D'abord le cavalier se servira de la rêne de filet et de la jambe
du même côté, c'est-à-dire opposées à la direction dans laquelle
marche le cheval. Bien que la position qui en résulte soit
contraire à la belle attitude que l'animal doit conserver pendant
un travail régulier, on continuera néanmoins cet effet de la main
jusqu'à ce que le cheval ne résiste plus à la jambe. Bientôt après,
la rêne du filet ou de la bride du côté déterminant servira à
placer le cheval et à régulariser le mouvement. Puis, à
l'écartement de la rêne succédera sa pression sur l'encolure. Le
travail sera parfait dès que le cavalier saura combiner l'action
des jambes avec ce nouvel effet de rênes. Il devra, pour commencer
le mouvement, s'attacher à soutenir préalablement la jambe du côté
où le cheval doit marcher, afin d'éviter que la croupe ne précède
les épaules. Par exemple: pour marcher à droite? jambe droite
d'abord, main portée à droite, et jambe gauche. Il est inutile que
je recommande la plus grande rapidité dans cet emploi successif des
aides.

Les pas de côté ne laissant plus rien à désirer, on les pratiquera
au trot, puis au galop, après avoir exercé le cheval à ces allures,
pour lesquelles on graduera ce travail comme pour le pas.

Les descentes de main, les descentes de main et de jambes, en
complétant les pas de côté, les amèneront à leur parfaite
exécution. Il faut bien s'attacher à la régularité des premiers pas
de côté. Le cheval doit travailler avec la même facilité aux deux
mains. L'écuyer sentira le côté qui résiste davantage, et il saura
promptement vaincre cette résistance en l'exerçant plus
fréquemment.

On conçoit que si le cheval se porte d'une jambe sur l'autre, avec
une vitesse égale à celle du contact qu'il reçoit, il pourra
exécuter tous les airs de manége.

Pour que les pas de côté soient réguliers, il faut: 1º que le
cheval soit toujours dans la main; 2º que ses épaules et sa croupe
soient toujours sur la même ligne; 3º que le passage des jambes se
fasse de telle sorte que celles qui marchent les dernières passent
par-dessus celles qui entament le mouvement. C'est-à-dire que la
jambe de devant du côté où l'on détermine, quitte le sol la
première et soit suivie par la jambe opposée de derrière; il faut
aussi que la tête du cheval soit légèrement portée du côté où il
marche, afin qu'il puisse voir le terrain sur lequel il chemine.

Cette dernière position, qui le rend plus gracieux, servira aussi
au cavalier pour modérer la marche des épaules de l'animal, ou leur
donner plus d'activité.

C'est aussi avec cette attitude qu'il pourra régler et surtout
cadencer ses mouvements.

Pour que le cheval demeure dans le juste équilibre qu'exige cet
exercice, le cavalier doit se servir de ses deux jambes pour
conserver l'harmonie et la régularité d'action dans l'avant et
l'arrière-main. Si c'est la jambe gauche qui pousse la masse à
droite, c'est la jambe droite qui sert à l'enlever et à la porter
en avant; elle modère l'action de la jambe gauche, maintient le
cheval dans la main, l'empêche de reculer, le porte en avant,
diminue ou augmente le passage d'une jambe sur l'autre et assure
ainsi la cadence gracieuse et régulière du mouvement.



XIX

DU TROT.


Le cavalier engagera d'abord cette allure très-modérément, en
suivant exactement les mêmes principes que pour le pas. Il
maintiendra son cheval parfaitement léger, sans oublier que plus
l'allure est vive, plus l'animal a de dispositions à retomber dans
ses contractions naturelles. La main devra donc redoubler
d'habileté, afin de conserver toujours la même légèreté, sans nuire
cependant à l'impulsion nécessaire au mouvement. Les jambes
seconderont la main, et le cheval, renfermé entre ces deux
barrières qui ne feront obstacle qu'à ses mauvaises dispositions,
développera bientôt toutes ses belles facultés, et acquerra, avec
la cadence du mouvement, la grâce et la vitesse.

Il est évident que le cheval bien équilibré doit trotter plus vite
que celui qui n'a pas cet avantage.

La condition indispensable à un bon trotteur est l'équilibre exact
du corps, équilibre qui entretient le mouvement régulier des deux
bipèdes diagonaux, donne une élévation et une extension égales,
avec une légèreté telle, que l'animal peut exécuter facilement tous
les changements de direction, se ralentir, s'arrêter, ou accélérer
sans efforts sa vitesse. Le devant alors n'a pas l'air de traîner à
la remorque le derrière; tout devient aisé, gracieux pour le
cheval, parce que ses forces, étant bien harmonisées, permettent au
cavalier de les disposer de manière qu'elles se prêtent un secours
mutuel et constant.

Il me serait impossible de citer le nombre de chevaux dont les
allures avaient été tellement faussées, qu'il leur était impossible
d'exécuter un seul temps de trot. Quelques leçons ont toujours
suffi pour remettre ces animaux à des allures régulières.

Il suffira, pour habituer le cheval à bien trotter, de l'exercer à
cette allure cinq minutes seulement pendant chaque leçon. Lorsqu'il
aura acquis l'aisance et la légèreté nécessaires, on pourra lui
faire conserver cette allure en pratiquant des descentes de main.
J'ai dit que cinq minutes de trot suffiraient d'abord, parce que
c'est moins la continuité d'un exercice que la rectitude des
procédés qui produit la bonne exécution. Le cheval se prêtera mieux
à un travail modéré et de courte durée; son intelligence elle-même,
en se familiarisant avec cette sage progression, hâtera le succès.
Il se soumettra sans répugnance et avec calme à un travail qui
n'aura rien de pénible pour lui, et l'on pourra pousser ainsi son
éducation jusqu'aux dernières limites, non-seulement en conservant
intacte son organisation physique, mais en rétablissant dans leur
état normal les parties qu'aurait pu détériorer un travail forcé.
Ce développement régulier et général du mécanisme du cheval lui
donnera, avec la grâce, la force et la santé, et prolongera ainsi
ses services, en centuplant les jouissances du véritable écuyer.



XX

DESCENTE DE MAIN, DESCENTE DE JAMBES, DESCENTE DE MAIN ET DE
JAMBES.


Ce que j'ai dit d'une main savante ou ignorante s'applique
également aux jambes.

La gradation des pressions qu'elles devront exercer sera, suivant
le cas, appréciée par l'intelligence équestre du cavalier, et cette
appréciation, plus ou moins juste, constituera leur science ou leur
ignorance.

Cependant, cherchons, autant que possible, les moyens de combiner
l'action des mains et des jambes, afin que leur entente parfaite
atteigne un but précis et évite ce travail sans fin que produisent
leurs fautes réciproques. Pour bien déterminer le rôle de la main
et des jambes, nous allons les faire agir isolément. Puis, pour
constater leur judicieux emploi, nous verrons si le cheval a été
parfaitement équilibré, en lui faisant continuer des mouvements
réguliers, sans l'aide de la main et des jambes.

Ces descentes de main et de jambes ont une importance majeure; on
devra donc les pratiquer fréquemment.

La descente de main contribue à faire conserver au cheval son
équilibre sans le secours des rênes.

On pratiquera la descente de main comme suit:

Après avoir glissé la main droite jusqu'à la jonction des rênes, et
s'être assuré de leur égalité, on les lâchera de la main gauche, et
la droite se baissera lentement jusque sur le devant de la selle.
Pour que cet exercice soit régulier, il faudra qu'il n'altère en
rien ni l'allure ni la position. Peut-être, dans le principe, le
cheval, livré ainsi à lui-même, ne conservera-t-il que pendant
quelques pas la régularité de l'allure et de la position. Dans ce
cas, le cavalier fera sentir soit les jambes soit la main, pour
ramener le cheval dans ses conditions premières.

Pour la descente de jambes: celles-ci se relâcheront, la main
soutiendra les rênes afin de leur donner une tension égale. Il est
évident que, pour la régularité de ce mouvement, le cheval devra,
en se passant de l'aide de jambes, conserver sans altération allure
et position.

Puis on arrivera à la descente simultanée de la main et des jambes.
Le cheval, libre de toute espèce d'aides, devra néanmoins, comme
dans les cas ci-dessus, conserver la même allure et la même
position au pas, au trot et au galop.

Le cavalier trouvant dans sa monture une disposition évidente à
l'obéissance, emploie la plus grande délicatesse dans ses moyens de
direction, et son intention à peine indiquée est néanmoins
comprise. De ces rapports entre l'homme et l'animal, il résulte
pour ce dernier une apparence de liberté qui lui inspire une noble
confiance. Il s'assujettit, mais à son insu, et notre esclave
soumis peut croire à sa complète indépendance.



XXI

TRAVAIL A LA CHAMBRIÈRE.


La chambrière a été employée jusqu'ici comme moyen de correction;
j'en ai fait un moyen assuré de calmer les chevaux les plus
ardents; elle est aussi très-utile pour obtenir les premiers temps
du rassembler.

Voici comment je l'emploie:

Placez-vous du côté montoir, à la tête du cheval; tenez les rênes
du filet, le corps droit, le visage calme et l'oeil bienveillant.
La chambrière, tenue dans la main droite, sera levée lentement; la
lanière sera placée doucement sur le dos de l'animal. Si, lors du
contact, le cheval cherche à s'y soustraire par un acte quelconque,
la main, par un mouvement assez vif de gauche à droite et de droite
à gauche, arrêtera bientôt cet acte de désobéissance. Le cheval,
devenu calme et immobile, supportera le contact de la lanière
flottant sur son dos, et amenée graduellement jusque sur la queue.


On continuera cet exercice jusqu'à ce que le cheval ne manifeste
plus aucune crainte et reste entièrement calme.

Tel est l'effet des procédés employés avec intelligence; le cheval
les comprend, s'en souvient et s'y soumet sans peine: aussi
l'emploi de la chambrière, de correctif qu'il était, deviendra le
modérateur le plus efficace. C'est alors que sera venu le moment
d'obtenir de légers effets de rassembler. On y parviendra au moyen
de quelques appels de langue et d'un mouvement de la chambrière
agitée à côté de la croupe du cheval. On se contentera d'une légère
mobilité, puis on arrêtera le cheval par l'exclamation modérée de
holà! et en lui glissant la chambrière sur le dos; de manière que
ce dernier moyen soit plus tard le seul employé et qu'il suffise
d'un léger contact de la chambrière pour immobiliser l'animal.

Le rassembler, devenant plus facile, amènera tout naturellement des
apparences de piaffer dont le cavalier devra se contenter. Si, ce
qui doit être notre but constant, la légèreté s'obtient en même
temps, nous aurons pour conséquence l'équilibre du poids et des
forces.

L'influence de ce _travail_ est très-grande sur le moral des
chevaux; quelques-uns qui ruaient, étant attelés, ont été corrigés
de ce défaut en cinq ou six leçons. Dans le commencement, le
cheval, étonné, se livre parfois à des mouvements assez brusques;
le cavalier ne doit pas se laisser intimider, et bientôt le cheval
le plus fougueux deviendra calme, soumis et obéissant.



XXII

DU RASSEMBLER.


Comment définit-on le rassembler dans les écoles d'équitation? _On
rassemble son cheval en élevant la main et en tenant les jambes
près._ Je le demande, à quoi pourra servir ce mouvement du cavalier
sur un animal mal conformé, contracté, et qui reste livré à toutes
les mauvaises propensions de sa nature? Cet appui machinal des
mains et des jambes, loin de préparer le cheval à l'obéissance,
n'aura d'autre effet que de doubler les moyens de résistance,
puisqu'en l'avertissant qu'on va exiger de lui un mouvement, on
reste dans l'impuissance de disposer ses forces de manière à l'y
astreindre.

Le véritable rassembler consiste à réunir au centre les forces du
cheval, pour faciliter plus ou moins le rapprochement des jambes de
derrière, du milieu du corps. Il y a plusieurs degrés de
rassembler, indispensables à la facilité et à la justesse des
différentes allures et des différents airs de manége. Pour bien
nous faire comprendre, nous établirons l'échelle suivante:

     Avant-main.    Cen|tre.      Arrière-main.
     ------------------+------+--+--+--+--+--+--+----
                       |      |  |  |  |  |  |  |
                       |      |  |  |  |  |  |  |
                       |      6  5  4  3  2  1                    0
                       |

Je dirai encore une fois qu'avant de commencer ces effets de
rassembler, il faut nécessairement que le cheval soit parfaitement
léger à la main; alors il sera facile de diminuer, sans contrainte
pénible, la marche des jambes de devant et d'augmenter celle des
jambes de derrière. Les premiers effets de rassembler qui amèneront
les jambes de derrière aux degrés 1, 2, 3, seront utiles aux
allures du trot cadencé ou allongé, du galop modéré. Ce rassembler
peut s'obtenir en travaillant au pas avec le concours des jambes et
même de l'éperon, si l'action des jambes était insuffisante; la
main devra détruire toutes les contractions nuisibles qui
pourraient se produire, et faciliter ainsi le juste équilibre utile
au rassembler. C'est par l'emploi de ces moyens qu'on arrivera à
obtenir que les jambes de derrière gagnent en vitesse sur celles de
devant. Quant au rassembler plus complet, dans lequel les jambes de
derrière atteignent les degrés 4, 5, 6, il faut, pour l'obtenir,
arrêter le cheval et multiplier les oppositions de main et de
jambes ou d'éperons, jusqu'à ce qu'il se mobilise, autant que
possible, sans avancer, ou n'avancer qu'imperceptiblement, puis
l'arrêter par un effet d'ensemble. La répétition fréquente de cette
mobilité plus ou moins régulière des jambes conduira insensiblement
au rassembler le plus complet, et ce rassembler donnera pour
résultat naturel le piaffer avec rhythme, mesure et cadence. Si le
cheval est bien conformé, le rassembler s'obtiendra facilement et
bientôt après les grandes difficultés de l'équitation qui en
dépendent. Reste à savoir s'il est possible de les aborder
lorsqu'on a pour sujet un cheval de construction médiocre,
c'est-à-dire possédant une partie des défauts ci-après: les hanches
courtes, les reins longs et faibles, la croupe basse, ou trop haute
par rapport au garrot, les cuisses effilées, les jarrets plus ou
moins coudés, trop rapprochés ou trop éloignés l'un de l'autre,
trop ou trop peu d'action; je suis forcé d'avouer que ces sortes de
chevaux présentent de grandes difficultés; mais, en les surmontant,
l'on prouve que l'on est non-seulement écuyer, mais encore homme
d'intelligence, de sens et de conception équestre.

J'ai déjà expliqué et démontré que le cheval n'a pas la bouche
dure; j'ai dit que la faiblesse des reins, la mauvaise disposition
de l'arrière-main sont en général les seules causes des résistances
que présente le cheval. En effet, si la longueur des reins, par
exemple, éloigne les jambes de derrière de la place qu'elles
devraient occuper pour que le mouvement soit régulier, la flexion
et l'extension des jarrets qui reçoivent le poids et le rejettent
en avant ne peuvent se faire que péniblement; c'est pour remédier à
ces inconvénients qui rendraient toute belle éducation impossible,
qu'il faut avoir recours aux premiers effets du rassembler, une
fois la mise en main obtenue; dans ce cas, les jambes de derrière
se rapprocheront du centre et se trouveront à la place qu'elles
occupent naturellement chez les chevaux bien conformés. Pourquoi
certains chevaux résistent-ils par la mâchoire et l'encolure? Parce
que les reins, les hanches et les jarrets, fonctionnant mal,
s'opposent à la translation régulière du poids. Ce qui confirme ce
principe, c'est que plus un cheval a de légèreté et de mobilité
naturelle dans la mâchoire, plus sa conformation se rapproche de la
perfection; dans ce cas, ses dispositions physiques sont dans de
bonnes proportions pour obtenir immédiatement un juste équilibre:
aussi le rassembler complet, facile pour les bonnes constructions,
devient-il d'une difficulté très-grande pour les constructions
médiocres. Il faut employer des moyens bien méthodiques et être
doué d'un grand tact pour amener ces sortes de chevaux à exécuter
un travail compliqué et précis. Je dirai même qu'une semblable
tâche serait sans succès, si elle était entreprise par un cavalier
qui ne pratiquerait pas la méthode dans tous ses détails et dans
son ensemble. Le cheval mal conformé n'acquiert jamais la grâce du
cheval bien équilibré naturellement; mais combien il est beau pour
les spectateurs habiles et érudits! Voilà le merveilleux résultat
de l'équitation: _L'art a fait plus que la nature._

Le rassembler complet, c'est-à-dire celui qui amène les jambes de
derrière aux degrés de 4 et 6, sert au piaffer, au passage en avant
et en arrière, au galop raccourci, espèce de terre-à-terre, aux
pirouettes ordinaires, au galop en arrière, etc., etc. Il est
indispensable à tous les mouvements ascensionnels, puisque dans
cette position les jarrets exécutent plus facilement la flexion de
bas en haut que celle d'arrière en avant, ce qui prouve qu'une fois
le rassembler complet obtenu, le cheval peut exécuter les
mouvements les plus difficiles, sans que cela lui soit pénible, et
sans porter atteinte à sa construction; ses poses sont toujours
justes, ses points d'appui exacts, et ses mouvements toujours
gracieux.

L'animal se trouve alors transformé en une sorte de balance, dont
l'avant-main et l'arrière-main représentent les deux plateaux, et
il suffira du moindre appui sur l'un des deux pour les déterminer
immédiatement dans la direction qu'on voudra leur imprimer. Le
cavalier reconnaîtra que le rassembler est complet lorsqu'il
sentira le cheval prêt, pour ainsi dire, à s'enlever des quatre
jambes. C'est avec ce travail qu'on donne à l'animal le brillant,
la grâce et la majesté; ce n'est plus le même cheval, la
transformation est complète. Si nous avons dû employer l'éperon
pour pousser d'abord jusque sur ses dernières limites cette
concentration de forces, les jambes suffiront par la suite pour
obtenir le rassembler nécessaire à la cadence et à l'élévation de
tous les mouvements compliqués.

Ai-je besoin de recommander la discrétion dans ce travail? Si le
cavalier, arrivé à ce point de l'éducation de son cheval, ne sait
pas comprendre et saisir de lui-même la finesse de tact, la
délicatesse de procédés indispensables à la bonne application de
ces principes, ce sera une preuve qu'il est dénué de tout sentiment
équestre, et tous mes conseils ne sauraient remédier à cette
imperfection de sa nature.



XXIII

DU GALOP.


J'ai parlé longuement du galop dans le dictionnaire; je me bornerai
ici à donner quelques conseils qui pourront accélérer l'éducation
du cheval. Je suppose que le cavalier a suivi la progression que
j'ai indiquée, et que son cheval est léger à la main, droit
d'épaules et de hanches, familiarisé avec les jambes, l'éperon, et
supportant les deux premiers degrés du rassembler, etc. Évidemment
ce cheval est préparé pour le galop, et pourvu que le cavalier ne
commette pas de fautes graves, il suffira de quelques leçons pour
que le cheval prenne la position pour partir sur le pied droit et
sur le gauche. Examinons les fautes que peut commettre le cavalier.
Il veut faire partir son cheval sur le pied droit, je suppose, et
par _négligence_ ou _manque de tact_ il le dispose à partir sur le
pied gauche, nécessairement le départ aura lieu sur le pied gauche:
première faute commise. Si le cavalier s'en aperçoit, et qu'il
arrête de suite son cheval, pour lui donner la position juste qui
déterminera le départ sur le pied droit, cette première faute sera
réparée. Mais si le cavalier ne s'aperçoit de sa faute qu'après
quelques foulées de galop, et qu'il arrête son cheval, celui-ci ne
pourra pas distinguer si l'arrêt a lieu parce que tel est le bon
plaisir de son maître, ou s'il est la répression un peu tardive de
la faute commise. On comprend quel retard dans l'éducation du
cheval apportera ce manque de tact ou de science du cavalier.

Non-seulement le cavalier évitera de commettre les fautes que je
viens de signaler, mais il s'attachera avant tout à prévenir les
faux départs, puisque chaque mouvement est le résultat d'une
position qui elle-même est la conséquence d'une juste répartition
du poids et de la force de l'animal. Il devra d'abord donner au
cheval la position indispensable pour le départ sur le pied droit.
En suivant ce principe, qui est la base de la science de
l'équitation, il oblige le cheval à bien faire, et il obtient en
quelques leçons les départs faciles, réguliers sur tel ou tel pied.

Les premières fois, comme l'allure du galop prédispose le cheval à
une certaine résistance, il devra employer, avec des nuances
différentes, les deux forces directes, jambe gauche et rêne gauche,
afin de combattre ces résistances qu'entraîne toujours un
équilibre qui n'est pas exact, et donner au cheval la position qui
lui permettra de partir sur le pied droit. Mais, dès que les
départs deviendront faciles, le cavalier remplacera les forces
directes par les forces opposées, jambe droite et main portée à
gauche. Puisqu'il n'y a plus de résistance, l'emploi des forces
directes aurait pour effet de détruire l'équilibre devenu meilleur.
Bon dans le premier cas, cet emploi des forces directes deviendrait
nuisible dans le second: aussi le cavalier n'aura plus recours qu'à
la jambe droite pour le départ sur le pied droit, et à la jambe
gauche pour le départ sur le pied gauche.--Je crois inutile
d'insister sur les avantages que les cavaliers intelligents et
doués de tact retireront de cette sage progression, où rien n'est
laissé au hasard.



XXIV

SAUT DE FOSSÉ ET DE BARRIÈRE.


Tous les chevaux peuvent sauter, et l'élan est proportionné à leur
énergie et à leurs dispositions naturelles. Toutes les combinaisons
de la science ne peuvent remplacer ces conditions premières; mais
je dis que par l'éducation bien dirigée tous les chevaux peuvent
apprendre à mieux sauter.

Le point capital est d'amener le cheval à essayer de bonne volonté
ce travail. Si l'on suit ponctuellement tous les procédés que j'ai
indiqués pour maîtriser les forces instinctives de l'animal et le
mettre sous l'influence des nôtres, on reconnaîtra l'utilité de
cette progression par la facilité qu'on aura à faire franchir au
cheval les obstacles qui se rencontreront sur sa route. Du reste,
il ne faut jamais, en cas de lutte, recourir aux moyens violents,
tels que la chambrière, ni chercher à exciter l'animal par des
cris; cela ne pourrait produire qu'un effet moral propre à
l'effrayer. Néanmoins l'exclamation: _Hop!_ émise avec tact au
moment où le cheval doit s'enlever, lui donnera un encouragement
utile. Mais on devra s'abstenir de tous cris, si l'on est pas
certain de les émettre en temps opportun, car ils seraient un
obstacle à la régularité de l'élan de l'animal. Or, c'est au moyen
des aides que nous devons avant tout l'amener à l'obéissance,
puisqu'elles peuvent seules le mettre à même de comprendre et
d'exécuter. On doit donc lutter avec calme, et chercher à surmonter
les forces qui le portent au refus, en agissant directement sur
elles. On attendra, pour faire sauter un cheval, qu'il réponde
franchement aux jambes et à l'éperon, afin d'avoir toujours un
moyen assuré de domination.

La barrière restera par terre jusqu'à ce que le cheval la passe
sans hésitation; on l'élèvera ensuite de quelques centimètres, en
augmentant progressivement la hauteur jusqu'au point que l'animal
pourra franchir sans de trop violents efforts. Dépasser cette juste
limite, serait s'exposer à faire naître chez le cheval un dégoût
que l'on doit éviter avec un grand soin. La barrière ainsi élevée
avec ménagement devra être fixée pour que le cheval, disposé à
l'apathie, ne se fasse pas un jeu d'un obstacle qui ne serait plus
sérieux dès l'instant où le contact de ses extrémités suffirait
pour le renverser. La barrière ne devra être recouverte d'aucune
enveloppe propre à diminuer sa dureté; l'on doit être sévère
lorsqu'on exige des choses possibles, et éviter les abus
qu'entraîne toujours une complaisance irréfléchie.

Avant de se préparer à sauter, le cavalier se soutiendra avec assez
d'énergie pour que son corps ne précède pas le mouvement du cheval.
Ses reins seront souples, ses fesses bien fixées sur la selle, ses
cuisses et ses jambes enveloppant exactement le corps du cheval,
afin qu'il n'éprouve ni choc ni réaction violente. La main, dans sa
position naturelle, tiendra les rênes de manière à sentir la bouche
du cheval pour juger des effets d'impulsion. C'est dans cette
position que le cavalier conduira l'animal sur l'obstacle; si
celui-ci y arrive avec la même franchise d'allure, une légère
opposition des mains et des jambes facilitera l'élévation de
l'avant-main et l'élan de l'extrémité postérieure. Dès que le
cheval est enlevé, la main cesse son effet, pour se soutenir de
nouveau lorsque les jambes de devant arrivent sur le sol, afin de
les empêcher de fléchir sous le poids du corps.

On se contentera d'exécuter quelques sauts en harmonie avec les
ressources du cheval, et on évitera surtout de pousser la bravade
jusqu'à vouloir contraindre l'animal à franchir des obstacles
au-dessus de ses forces. J'ai connu de très-bons sauteurs qu'on est
parvenu à rebuter ainsi pour toujours, et que nuls efforts ne
pouvaient plus décider à franchir des hauteurs ou des distances de
moitié inférieures à celles qu'ils sautaient aisément dans le
principe.

Je viens recommander un procédé plus efficace, plus méthodique pour
apprendre à tous les chevaux à mieux sauter. Je fais tenir par deux
hommes, loin du mur, une barre _nue_, à 6 pouces du sol. Le
cavalier marche au pas vers cette barre, et au moment où le cheval,
aidé par son cavalier, franchit, les deux hommes _élèvent la barre
de 6 pouces_. Je fais recommencer jusqu'à ce que le cheval
franchisse la barre sans la toucher, malgré l'exhaussement répété à
chaque saut. Alors je fais tenir la barre à un pied au-dessus du
sol, et, comme précédemment, elle sera élevée de 6 pouces au moment
du saut. Dès que le cheval sera habitué à franchir cette nouvelle
hauteur, je fais graduellement tenir la barre 6 pouces plus haut,
en la faisant exhausser de 6 pouces à chaque saut, et j'arrive,
après quelques leçons données avec la gradation précitée, à faire
sauter à tous les chevaux, _en hauteur_, des obstacles qu'ils
n'auraient jamais pu franchir. Ce procédé simple et bien appliqué
sera utile même aux chevaux exceptionnels, tels que les chevaux de
steeple-chase, en leur apprenant à mieux revenir sur eux pour
prendre le temps, et il rendra les chutes moins fréquentes et moins
dangereuses.



XXV

DU PIAFFER.


Tous les chevaux peuvent piaffer régulièrement; mais ils ne
peuvent, tous, avoir la même élévation, la même élégance. Je
distingue trois genres de piaffer: le piaffer lent, le piaffer
précipité, le piaffer dépité. Le piaffer est régulier, lorsque
chaque bipède diagonale se lève et retombe sur le sol à des
intervalles égaux. L'animal ne doit pas se porter plus sur la main
que sur les jambes du cavalier, afin de conserver la justesse de la
balance hippique.

Lorsque le cheval est préparé par le rassembler, il suffit, pour
amener un commencement de piaffer, de communiquer au cheval, avec
les jambes, une vibration légère d'abord, mais souvent réitérée.
J'entends par vibration une surexcitation de forces, que le
cavalier doit toujours régler.

Une fois la mobilité des jambes obtenue, on pourra commencer à en
régler, à en distancer la cadence. Ici encore, je chercherais
vainement à indiquer avec la plume le degré de délicatesse
nécessaire dans les procédés du cavalier, puisque ses effets
doivent se reproduire avec une grande justesse et un à-propos sans
égal. C'est par l'appui alterné des deux jambes qu'il arrivera à
prolonger les balancements du corps du cheval, de manière à le
maintenir plus longtemps sur l'un ou l'autre bipède. Il saisira le
moment où le cheval se préparera à prendre son appui sur le sol,
pour faire sentir la pression de sa jambe du même côté et augmenter
l'inclinaison de l'animal dans le même sens. Si ce temps est bien
saisi, le cheval se balancera lentement, et la cadence acquerra
cette élévation si propre à faire ressortir toute sa noblesse et
toute sa majesté. Ces temps de jambes sont difficiles et demandent
une grande pratique; mais leurs résultats sont trop brillants pour
que le cavalier ne s'efforce pas d'en saisir les nuances.

Le mouvement précipité des jambes du cavalier accélère aussi le
piaffer. C'est donc lui qui règle à volonté le plus ou moins de
vitesse de la cadence. Le travail du piaffer n'est brillant et
complet que lorsque le cheval l'exécute sans répugnance, ce qui a
toujours lieu quand l'harmonie du poids et des forces, utile à la
cadence, se conserve.



XXVI

DIVISION DU TRAVAIL.


Je viens de développer tous les moyens à employer pour compléter
l'éducation du cheval; il me reste à dire comment l'écuyer devra
diviser son temps pour lier entre eux les divers exercices et pour
passer du simple au composé. 50 jours de travail à 2 leçons par
jour d'une demi-heure, trois quarts d'heure au plus suffiront pour
amener le cheval le plus neuf à exécuter régulièrement tous les
exercices qui précèdent. Je tiens à deux courtes leçons, l'une le
matin, l'autre dans l'après-midi; elles sont nécessaires pour
obtenir d'excellents résultats. On dégoûte un jeune cheval en le
tenant trop longtemps sur des exercices qui le fatiguent d'autant
plus que son intelligence est moins préparée à comprendre ce qu'on
exige de lui.

Je conseille de donner deux courtes leçons par jour, parce que,
selon moi, un intervalle de vingt-quatre heures entre chaque leçon
est trop long pour que l'animal puisse bien se rappeler le
lendemain ce qu'il a appris la veille.

En établissant l'ordre du travail tel qu'il se trouve dans le
tableau annexé ci-après, il est bien entendu que je me base sur les
dispositions des chevaux en général; un écuyer, doué de quelque
tact, comprendra bien vite les modifications qu'il devra apporter
dans la pratique, suivant la nature particulière de son élève. Tel
cheval, par exemple, exigera plus ou moins de persistance dans les
flexions; tel autre dans le reculer; avec le cheval froid et
apathique, il faudra employer l'éperon avant le temps que j'ai
indiqué. Tout ceci est affaire d'intelligence; ce serait offenser
mes lecteurs que de les supposer incapables de suppléer aux détails
qu'il est d'ailleurs impossible de préciser. On comprend facilement
qu'il existe des chevaux irritables et mal conformés dont les
dispositions défectueuses ont été accrues par l'influence d'une
mauvaise éducation première. Avec de tels sujets, on devra
nécessairement mettre plus de persistance dans le travail des
assouplissements et du pas. Dans tous les cas, quelles que puissent
être les modifications légères que nécessitent les différences dans
les dispositions des sujets, je persiste à dire qu'il n'est pas de
chevaux dont l'éducation ne puisse être faite, en un mois et demi,
deux mois. Ce temps suffira toujours pour donner aux forces du
cheval l'aptitude nécessaire à l'exécution de tous les mouvements;
le fini de l'éducation dépendra ensuite de la justesse de tact du
cavalier.



ÉDUCATION DU CHEVAL

GRADATION DU TRAVAIL.


Première Leçon à pied.

TRAVAIL DE LA CRAVACHE.

Flexion de la mâchoire: 1º avec les rênes de la bride et du bridon
d'un seul côté, le bridon en avant; 2º avec les deux rênes de la
bride et du bridon; 3º avec les rênes du filet croisées sous le
menton.

Flexion d'encolure: 1º avec le mors; 2º avec le bridon; 3º avec la
bride; 4º flexion directe avec le bridon et avec la bride.

Mobilisation de la croupe à l'aide de la cravache.

Reculer.

Monter à cheval et en descendre; répéter cet exercice jusqu'à ce
que le cheval soit sage au montoir.

     2 jours, 2 leçons par jour, de 3/4 d'heure.


Deuxième Leçon.

Répétition du travail précédent. Pas de côté avec la cravache.

LEÇON DU MONTOIR.

Flexion directe de la tête, ou ramener avec le filet d'abord, puis
avec la bride, sans jambes, puis avec les jambes. Flexion de
l'encolure avec le filet et avec la bride. Flexions latérales de la
croupe. Reculer un pas d'abord. Marcher au pas sur des lignes
droites, à main droite et à main gauche avec le filet.

     3 jours, 2 leçons par jour, de 3/4 d'heure.


Troisième Leçon.

Répétition du travail précédent en restant moins de temps sur
chaque exercice. Epaule en dedans, à pied avec la cravache.

En place: ramener avec l'aide des jambes. Au pas, mise en main.
Changements de main. Doublers et demi-voltes ordinaires. Terminer
les doublers et les changements de main par deux pas de côté.

Demi-pirouette renversée, en deux temps.

Au trot: ramener. Doubler et changer de main. Reculer plusieurs
pas.

     6 jours, 2 leçons par jour, de 3/4 d'heure.


Quatrième Leçon.

Répétition des exercices précédents.

Ramener en place avec l'appui de l'éperon rond ou effets
d'ensemble.

Voltes et demi-voltes au pas et au trot. Serpentine.
Contre-changements de main.

Terminer les changements de direction par 4, 5 et 6 pas de côté.

Commencement de pirouette ordinaire.

Descente de main et de jambes.

Travail individuel.

1/4 de flexion d'encolure en marchant.

     6 jours, 2 leçons par jour, de 3/4 d'heure.


Cinquième Leçon.

Répétition du travail précédent.

Ramener complet sur les attaques[10].

Changement de main sur deux pistes.

Demi-voltes sur deux pistes.

Contre-changement de main sur deux pistes.

Changement de main renversé.

Pirouettes renversées et ordinaires entières.

Tête au mur, épaule en dedans, 5 ou 6 pas.

Commencement de piaffer ou rassembler, avec la cravache, ou la
chambrière, à pied, puis à cheval.

Départs au galop à main droite et à main gauche, les deux derniers
jours.

     6 jours, 2 leçons par jour, de 3/4 d'heure.

  [10] L'appui de l'éperon et les attaques comme moyen de
  concentration ne doivent se pratiquer qu'avec des molettes rondes
  ou peu piquantes; il serait dangereux de les employer dans le
  dressage du cheval de troupe. Le soldat ne doit se servir de
  l'éperon que pour porter son cheval en avant, lorsqu'il résiste à
  la pression des jambes.


Sixième Leçon.

Répétition des leçons précédentes en exigeant plus de précision et
de régularité.

Pas de côté au trot, trois pas d'abord.

Reculer dans toute la longueur du manége.

Changement de direction au galop.

Galop à droite et à gauche à la même main, les deux derniers jours.

     5 jours, 2 leçons par jour, de 3/4 d'heure.


Septième Leçon.

Répétition des précédents exercices.

Passer du trot au galop _et vice versâ_

Marcher au trot et arrêter.

Temps d'arrêt au galop.

Changement de pied.

     8 jours, 2 leçons par jour, de 3/4 d'heure.


Huitième Leçon.

Pas de côté au trot et au galop.

Changement de pied à la même main.

Passer du galop ordinaire au galop allongé _et vice versâ_.

Galop allongé et arrêter. Pirouette ordinaire après l'arrêt et
repartir au galop.

Saut du fossé et de la barrière.

     6 jours, 2 leçons par jour, de 3/4 d'heure.


Pour la cavalerie.

Travail en reprise sur des indications.

Habituer les chevaux au sabre et aux bruits de guerre.

Travail avec le sabre.

Répéter les exercices, les chevaux chargés et paquetés.

     7 jours, 2 leçons par jour, de 3/4 d'heure.



XXVII

MA MÉTHODE HORS DU MANÉGE.


Quelques amateurs qui n'ont pratiqué ma méthode que
superficiellement, bien que satisfaits des résultats obtenus au
manége, sont surpris de ne plus trouver la première fois au dehors
la même légèreté et le même calme. Aussitôt ils s'écrient: «La
méthode bonne pour le manége est inefficace quand le cheval est en
plein air. Des résistances inattendues surgissent, l'animal a peur,
il s'éloigne des objets qu'il rencontre, son action est plus
considérable et sa gaieté devient inquiétante pour le cavalier.» De
conséquence en conséquence, ils trouvent dans la méthode une lacune
à l'abri de laquelle ils masquent leur peu d'habileté ou de
sang-froid équestre.

Il est évident qu'au milieu de bruits et d'objets nouveaux, avec de
l'espace devant eux, tous les chevaux, quel que soit d'ailleurs le
fini de leur éducation de manége, seront surpris les premières fois
qu'on les montera en plein air. Leurs sens, leur instinct,
surexcités par des sensations inconnues, seront en outre soumis à
l'action enivrante de l'air libre. Les résistances instinctives,
manifestées au commencement de l'éducation, surgiront en partie de
nouveau, effrayeront le cavalier pusillanime qui, dans le cheval
qu'il croyait soumis, ne trouve plus qu'un animal fantasque et sans
légèreté. «Méthode impuissante!» s'écrie-t-il.

Voyons donc si le reproche est fondé; le raisonnement l'aura
bientôt réduit à sa juste valeur.

Disons d'abord que nous avons vu des chevaux, très-francs d'allure
dans les rues et sur les routes, devenir très-inquiets en entrant
dans un manége et perdre subitement la grâce et la facilité de
leurs mouvements. A plus forte raison, un cheval, dressé entre les
quatre murs d'un manége, doit-il être plus ou moins impressionné
quand on le conduit, sans transition, au milieu de mille objets
inconnus. Mais, qu'est-ce à dire?

Croyez-vous qu'il soit plus facile de porter un cheval sur un objet
quelconque, de modérer sa frayeur ou sa fougue, quand il dispose
librement de ses forces instinctives, que lorsque par une éducation
bien dirigée le cavalier s'en est rendu maître?

Dominerez-vous plus facilement le cheval qui n'a jamais été dompté
que celui que l'exercice a déjà rendu souple et obéissant au
manége? Cette hypothèse est inadmissible.

L'influence de l'éducation peut bien faiblir dans ce premier
moment, mais elle reprendra bien vite son empire et fera
disparaître ces résistances d'un jour pour les remplacer désormais
par la légèreté constante.

Car, excepté quelques rares chevaux qui nécessitent une attention
continuelle de la part du cavalier pour réprimer leur impressionnabilité
excessive, tous reviennent à leur degré d'éducation méthodique. Si
quelques chevaux sortent de la règle générale, il faut reconnaître
que, sans les effets de l'éducation, ils seraient demeurés tout à
fait impossibles à monter.

On le voit donc, le cheval dressé ne demande qu'une attention
soutenue du cavalier pour retrouver dehors son calme et sa
soumission, tandis que, dans le cas contraire, il deviendrait
non-seulement inutile, mais encore dangereux pour son maître.
Rassurons donc les cavaliers timides, en leur certifiant qu'une
éducation supplémentaire, mais très-courte, et fondée toujours sur
les principes de la méthode, rendra au cheval monté soit dans les
rues, soit dans les promenades, les qualités brillantes que l'on
admirait au manége. A l'appui de mon assertion, je citerai pour
exemple les chevaux d'artillerie qui, bien qu'impassibles au bruit
du canon, s'effrayent de la crépitation du feu de l'infanterie et
du bruit des tambours la première fois qu'ils les entendent, et
reprennent leur calme au bout de quelques instants. Je crois avoir
détruit les objections que l'on m'avait opposées: me sera-t-il
permis de donner quelques conseils à tous les amateurs de chevaux?

Je signalerai à MM. les sportsmen, dont je respecte infiniment les
goûts, le danger d'une tendance malheureusement générale. On ne
demande au cheval que d'avoir du _sang_. Toutes les qualités
chevalines se résument dans ce mot: Vitesse. Sous prétexte
d'obtenir cet idéal du beau, le physique du cheval est tout à fait
sacrifié. On veut l'amener à la rapidité de la vapeur. Mais on ne
remarque pas que la vapeur réclame une machine solide, et que la
machine elle-même veut des freins. A votre cheval vapeur, donnez
donc une machine solide en le douant d'un corps robuste, donnez des
freins à votre machine en instruisant votre monture.

Que les personnes qui se trouvent si souvent exposées aux dangers
de l'emportement des chevaux attelés évitent ces malheurs
journaliers, en dressant ou faisant dresser à la selle leurs
chevaux avant de les soumettre inconsidérément au harnais de la
voiture. Par cette éducation préalable, non-seulement les chevaux
deviendraient plus faciles à conduire, mais ils auraient sous le
harnais la position et les allures brillantes qui conviennent à des
chevaux de luxe.



XXVIII

APPLICATION DE LA MÉTHODE AU TRAVAIL DES CHEVAUX.

PARTISAN, CAPITAINE, NEPTUNE, BURIDAN.


J'ai monté en public 26 chevaux, et si, dans le principe, quelques
personnes, étonnées de ce travail nouveau pour elles, en
attribuèrent le mérite, les unes à la musique, les autres à des
procédés puérils et en dehors du domaine de l'équitation, elles
revinrent bientôt de leur erreur, et reconnurent que l'artiste
n'avait fait qu'appliquer les principes de la méthode.

Voici la nomenclature de ces mouvements nouveaux, avec quelques
mots sur les moyens qui permettront aux cavaliers habiles de les
exécuter.

1º _Flexion instantanée et maintien en l'air de l'une ou l'autre
extrémité antérieure, tandis que les trois autres restent fixées
sur le sol._

Le moyen de faire lever au cheval une des jambes de devant est bien
simple, dès que l'animal est équilibré: il suffit, pour faire
lever, par exemple, la jambe droite, d'incliner légèrement la tête
à droite, tout en faisant refluer le poids du corps sur la partie
gauche. Les deux jambes du cavalier seront soutenues avec énergie
(la gauche un peu plus que la droite), afin que l'effet de la main
qui amène la tête à droite ne réagisse pas sur le poids, et que la
force qui sert à fixer la partie surchargée donne à la jambe droite
du cheval assez d'action pour la faire soulever de terre. En
répétant quelquefois cet exercice, on arrivera à maintenir cette
jambe en l'air aussi longtemps qu'on le voudra.

2º _Mobilité des hanches, le cheval s'appuyant sur les jambes de
devant, pendant que celles de derrière se balancent alternativement
l'une sur l'autre, la jambe postérieure qui est en l'air exécutant
son mouvement de gauche à droite sans toucher la terre pour devenir
point d'appui à son tour, afin que l'autre se soulève et exécute
ensuite le même mouvement._

La mobilité simple des hanches est un des exercices que j'ai
indiqués pour l'éducation élémentaire du cheval. On complétera ce
travail en multipliant le contact alternatif des jambes, jusqu'à ce
qu'on arrive à porter facilement la croupe du cheval d'une jambe
sur l'autre, de manière que le mouvement de droite à gauche et de
gauche à droite ne puisse excéder un pas. Ce travail est propre à
donner au cavalier une grande finesse de tact, et prépare le cheval
à répondre aux plus légères pressions de jambes. Il est bien
entendu que tous ces airs de manége ne seront réguliers qu'autant
qu'ils seront accompagnés de la légèreté.

3º _Passage instantané du piaffer lent au piaffer précipité, et
vice versâ._

Après avoir amené un cheval à déployer une grande mobilité des
quatre jambes, on doit en régler le mouvement. C'est par la
pression lente et alternée de ses jambes que le cavalier obtiendra
le piaffer lent; il l'accélérera en multipliant les pressions de
jambes. On peut obtenir ces deux piaffers sur tous les chevaux.

4º _Reculer avec une élévation égale des jambes transversales qui
s'éloignent et se posent en même temps sur le sol, le cheval
exécutant le mouvement avec autant de franchise et de facilité que
s'il avançait et sans concours apparent du cavalier._

Le reculer n'est pas nouveau, mais il l'est certainement dans les
conditions que je viens de poser. Ce n'est qu'à l'aide d'un
équilibre exact que la répartition du poids est parfaitement
régulière. Ce mouvement devient alors aussi facile et aussi
gracieux qu'il est pénible et dépourvu d'élégance lorsqu'on le
transforme en _acculement_.

5º _Mobilité simultanée et en place des deux jambes par la
diagonale; le cheval, après avoir levé les deux jambes opposées,
les porte en arrière pour les ramener ensuite à la place qu'elles
occupaient, et recommencer le même mouvement avec l'autre
diagonale._

Lorsque le cheval ne présente plus aucune résistance, il apprécie
les plus légères actions du cavalier, destinées dans ce cas à ne
déplacer que le moins possible de poids et de forces pour arriver à
mobiliser les deux extrémités opposées. En réitérant cet exercice,
on le rendra en peu de temps familier au cheval. L'habileté du
mécanisme favorisera le développement de l'intelligence.

6º _Trot à extension soutenue; le cheval, après avoir levé les
jambes, les porte en avant en les soutenant un instant en l'air
avant de les poser sur le sol._

Les procédés qui font la base de ma méthode se reproduisent dans
chaque mouvement simple, et à plus forte raison dans les mouvements
les plus compliqués. Si l'équilibre ne s'obtient que par la
légèreté, en revanche il n'est pas de légèreté sans équilibre;
c'est par la réunion de ces deux conditions que le cheval acquerra
la facilité d'étendre son trot jusqu'aux dernières limites
possibles, et changera complétement son allure primitive.

7º _Trot serpentin, le cheval tournant à droite et à gauche pour
revenir à peu près sur son point de départ, après avoir fait cinq
ou six pas dans chaque direction._

Ce mouvement ne présentera aucune difficulté, si l'on conserve le
cheval dans la main en exécutant au pas et au trot des flexions
d'encolure. On conçoit qu'un semblable travail est impossible sans
cette condition.

8º _Arrêt sur place à l'aide des éperons, le cheval étant an
galop._

Lorsque le cheval, parfaitement assoupli, supportera convenablement
les attaques et le rassembler, il sera disposé pour exécuter le
temps d'arrêt dans les conditions ci-dessus. On débutera dans
l'application par le petit galop, pour arriver successivement à la
plus grande vitesse. Les jambes, précédant la main, ramèneront les
extrémités postérieures du cheval sous le milieu du corps, puis un
prompt effet de main, en les fixant dans cette position, arrêtera
immédiatement l'élan. Par ce moyen, l'on ménage l'organisation du
cheval, que l'on peut conserver ainsi toujours exempt de tares.

9º _Mobilité continue en place de l'une des extrémités antérieures,
le cheval exécutant par la volonté du cavalier le mouvement par
lequel il manifeste souvent de lui-même son impatience._

On obtiendra ce mouvement par le même procédé qui sert à maintenir
en l'air la jambe du cheval. A cet effet, les jambes du cavalier
doivent exercer un appui continu pour que la force qui tient la
jambe du cheval levée conserve bien son effet, tandis que, pour le
mouvement dont il s'agit, il faut renouveler l'action par une
multitude de petites pressions, afin de déterminer la mobilité de
la jambe qui est tenue en l'air. Cette extrémité du cheval
exécutera bientôt un mouvement subordonné à celui des jambes du
cavalier, et si les temps sont bien saisis, il semblera, pour ainsi
dire, qu'on fait mouvoir l'animal à l'aide d'un moyen mécanique.

10º _Reculer au passage en arrière, le cheval conservant la même
cadence et les mêmes battues que dans le passage en avant._

La condition première pour obtenir le passage en arrière est de
maintenir le cheval dans une cadence parfaite et aussi rassemblé
que possible; la seconde est toute dans l'habileté du cavalier.
Celui-ci doit chercher insensiblement par des effets d'ensemble à
faire primer les forces du devant sur celles de derrière, sans
nuire à l'harmonie du mouvement. On le voit donc: par le
rassembler, on obtiendra successivement le piaffer, le passage en
arrière, même sans le secours des rênes.

11º _Reculer au galop, le temps étant le même que pour le galop
ordinaire; mais les jambes antérieures, une fois élevées, au
lieu de gagner du terrain, se portant en arrière, pour que
l'arrière-main exécute le même mouvement rétrograde aussitôt que
les extrémités antérieures se posent sur le sol._

Le principe est le même que pour le travail précédent; avec un
rassembler complet, les jambes de derrière se trouveront tellement
rapprochées du centre, qu'en élevant l'avant-main, la détente des
jarrets ne fonctionnera plus, pour ainsi dire, que de bas en haut.
Ce travail, qu'on pourra faire exécuter à un cheval énergique, ne
devra pas être exigé de celui qui ne posséderait point cette
qualité.

12º _Changements de pied au temps, chaque temps de galop s'opérant
sur une nouvelle jambe._

On comprend que, pour pratiquer ce travail difficile, le cheval
doit être habitué à exécuter parfaitement, et le plus fréquemment
possible, les changements de pied du tact au tact. Avant d'essayer
ces changements de pied à chaque temps, on doit l'avoir amené à
exécuter ce mouvement aux deux temps. Tout dépend de son aptitude,
et surtout de l'intelligence équestre du cavalier: avec cette
dernière qualité, il n'est pas d'obstacle qu'on ne puisse
surmonter. Pour exécuter ce travail avec toute la précision
désirable, le cheval doit rester léger, droit d'épaules et de
hanches, conserver son même degré d'action; de son côté, le
cavalier évitera par-dessus tout les brusques renversements de
l'avant-main.

13º _Pirouettes renversées sur trois jambes, celle de devant, du
côté vers lequel on tourne, restant en l'air ou tendue pendant
toute la durée du mouvement._

Les pirouettes renversées doivent être familières à un cheval
dressé d'après ma méthode, et j'ai indiqué plus haut le moyen de
l'obliger à tenir élevée l'une de ses extrémités antérieures. Si
l'on exécute bien séparément ces deux mouvements, il sera facile de
les joindre en un seul travail. Après avoir disposé le cheval pour
la pirouette, on équilibrera la masse de manière à enlever une
jambe antérieure; celle-ci une fois en l'air, on surchargera la
partie opposée au côté vers lequel on veut tourner, en appuyant sur
cette partie avec la main et la jambe. La jambe du cavalier placée
du côté qui converse ne fonctionnera pendant ce temps que pour
porter les forces en avant, afin d'empêcher la main de produire un
effet rétrograde.

14º _Reculer avec temps d'arrêt à chaque foulée, la jambe droite du
cheval restant en avant immobile et tendue de toute la distance
qu'a parcourue la jambe gauche_, et vice versâ.

Ce mouvement dépend de l'habileté du cavalier, puisqu'il résulte
d'un effet de forces qu'il est impossible de préciser. Bien que ce
travail soit peu gracieux, le cavalier expérimenté peut l'essayer,
pour apprendre à modifier les effets de forces et acquérir toutes
les nuances de son art.

15º _Piaffer régulier avec un temps d'arrêt immédiat sur trois
jambes, la quatrième restant en l'air._

Ici encore, comme pour les pirouettes renversées sur trois jambes,
c'est en exerçant le piaffer et la flexion isolée d'une jambe qu'on
arrivera à réunir les deux mouvements. On interrompra le piaffer en
arrêtant la contraction des trois jambes pour la reporter
exclusivement sur la quatrième. Il suffit donc, pour habituer le
cheval à ce travail, de l'arrêter lorsqu'il piaffe, en le forçant à
contracter une seule de ses jambes.

16º _Changement de pied au temps, à des intervalles égaux, le
cheval restant en place ou n'avançant qu'insensiblement._

Ce mouvement s'obtient par les mêmes procédés que ceux qui sont
employés pour les changements de pieds au temps en avançant;
seulement il est beaucoup plus compliqué, puisque l'on doit donner
une impulsion justement assez forte pour déterminer le mouvement
des jambes sans que le corps se porte en avant. Ce mouvement exige,
par conséquent, beaucoup de tact de la part du cavalier, et ne
saurait être pratiqué que sur un cheval parfaitement dressé, mais
dressé comme je le comprends.

Des cavaliers ont obtenu l'apparente exécution de quelques-uns de
ces airs de manége. Fiers de ces résultats, ils s'écriaient: Voilà
du système Baucher!

Erreur! non-seulement l'exécution n'était pas complète, mais elle
était due au hasard, ou tout au moins à des moyens étrangers à ma
méthode. Ainsi, le cheval mal placé, était contracté; ses
mouvements étaient heurtés, sans harmonie, sans grâce. Rien dans
tout cela ne ressemble à mon système. Je ne demande jamais au
cheval l'exécution d'un mouvement pour lequel je ne l'ai point
placé, et je n'attends d'exécution facile qu'autant que l'équilibre
est exact.



XXIX

EXPOSITION SUCCINCTE DE LA MÉTHODE PAR DEMANDES ET RÉPONSES.


DEMANDE. Qu'entendez-vous par force?

RÉPONSE. La puissance motrice qui résulte de la contraction
musculaire.

D. Qu'entendez-vous par forces _instinctives_?

R. Celles qui viennent du cheval, et dont il détermine lui-même
l'emploi.

D. Qu'entendez-vous par forces _transmises_?

R. Celles dont le cavalier coordonne l'emploi et qui sont
appréciées immédiatement par le cheval.

D. Qu'entendez-vous par résistance?

R. La force que le cheval oppose et avec laquelle il cherche à
établir une lutte à son avantage.

D. Doit-on s'attacher d'abord à annuler les forces que le cheval
présente pour résister, avant d'exiger le mouvement?

R. Sans nul doute, puisque dans ce cas la force du cavalier qui
doit déplacer le poids de la masse se trouvant annulée par une
résistance équivalente, tout mouvement régulier devient impossible.

D. Par quels moyens peut-on combattre les résistances?

R. Par l'assouplissement partiel et méthodique de la mâchoire, de
l'encolure, des reins et des hanches, et la juste répartition du
poids.

D. Quelle est l'utilité des flexions de mâchoire?

R. Comme c'est sur la mâchoire inférieure que se reproduisent
d'abord les effets de la main du cavalier, ceux-ci seront nuls ou
incomplets si la mâchoire est serrée ou contractée. De plus, comme
dans ce cas les déplacements du corps du cheval ne s'obtiennent
qu'avec difficulté, les mouvements qui en résultent seront toujours
pénibles.

D. Suffit-il que le cheval _mâche son frein_ pour que la flexion de
la mâchoire ne laisse plus rien à désirer?

R. Non, il faut encore que le cheval _lâche son frein_,
c'est-à-dire qu'il écarte (à volonté) et moelleusement la mâchoire
inférieure.

D. Tous les chevaux peuvent-ils avoir cette mobilité de mâchoire?

R. Tous sans exception, si l'on suit la gradation indiquée, et si
le cavalier ne se laisse pas tromper par la flexion de l'encolure
précédant celle de la mâchoire. Bien que cette flexion soit
nécessaire, elle nuirait au jeu prompt et régulier de la mâchoire,
si elle le précédait.

D. Dans la flexion directe de la _mâchoire_, doit-on tendre en même
temps les rênes de la bride et celles du bridon?

R. Non, il faut se servir d'abord du filet jusqu'à ce que la
mâchoire cède facilement; on emploiera ensuite le mors et on
passera alternativement de l'un à l'autre.

D. Doit-on répéter souvent cet exercice?

R. Il faut le continuer jusqu'à ce que la mâchoire se mobilise au
moyen d'une légère pression du mors ou du filet.

D. Pourquoi la contraction de la mâchoire est-elle un puissant
obstacle à l'éducation du cheval?

R. Parce qu'elle absorbe à son profit la force que le cavalier
cherche à transmettre pour en répartir les effets sur toute la
masse.

D. Les hanches peuvent-elles s'assouplir isolément?

R. Oui, certainement, et cet exercice se trouve compris dans ce que
l'on appelle mobilisation de la croupe.

D. Quelle est son utilité?

R. De prévenir les mauvais effets résultant des forces instinctives
du cheval, et de lui faire apprécier, sans qu'il s'y oppose,
l'action transmise par le cavalier.

D. Le cheval peut-il exécuter un mouvement régulier sans avoir un
équilibre exact?

R. C'est impossible; il faut s'attacher à faire prendre au cheval
une position qui opère dans son équilibre une variation telle que
le mouvement en soit une conséquence naturelle.

D. Qu'entendez-vous par position?

R. La juste répartition du poids et des forces dans le sens des
mouvements que l'on veut faire exécuter au cheval.

D. En quoi consiste le _ramener_?

R. Dans la position verticale de la tête, avec mobilité de la
mâchoire.

D. Comment parle-t-on à l'intelligence du cheval?

R. Par la position, en ce sens que c'est elle qui fait connaître au
cheval les intentions du cavalier.

D. Pourquoi faut-il, que dans les mouvements rétrogrades du cheval,
les jambes du cavalier précèdent la main?

R. Parce qu'il faut déplacer les points d'appui avant de poser
dessus la masse qu'ils doivent supporter.

D. Est-ce le cavalier qui détermine son cheval?

R. Non, le cavalier donne l'action et la position qui sont la
demande, le cheval y répond par le changement d'allure ou de
direction qu'avait projeté le cavalier.

D. Est-ce au cavalier ou au cheval que l'on doit imputer la faute
d'une mauvaise exécution?

R. Au cavalier, et toujours au cavalier. Comme il dépend de lui
d'équilibrer et de placer le cheval dans le sens du mouvement, et
qu'avec ces deux conditions fidèlement remplies, tout devient
régulier, c'est donc au cavalier que doit appartenir le mérite ou
le blâme.

D. Quelle espèce de mors convient au cheval?

R. Le mors doux.

D. Pourquoi faut-il un mors doux pour tous les chevaux, quelle que
soit leur résistance?

R. Parce que le mors dur a toujours pour effet de contraindre et de
surprendre le cheval, tandis qu'il faut l'empêcher de faire mal et
le mettre à même de bien faire. Or, on ne peut obtenir ces
résultats qu'à l'aide d'un mors doux et surtout d'une main savante;
car le mors, c'est la main, et une belle main, c'est tout le
cavalier.

D. Résulte-t-il d'autres inconvénients de l'emploi des instruments
de supplice appelés mors durs?

R. Certainement, car le cheval apprend bientôt à en éviter la
pénible sujétion en forçant les jambes du cavalier: leur puissance
ne peut jamais être égale à celle de ce frein barbare. Le cheval
lutte victorieusement en cédant du corps et en résistant de
l'encolure et de la mâchoire; ce qui est tout à fait contraire au
but qu'on s'était proposé.

D. Comment se fait-il que presque tous les écuyers en renom aient
inventé des mors auxquels ils attribuent des effets merveilleux?

R. Parce que, manquant de science personnelle, ils cherchent à
remplacer leur insuffisance par l'emploi de moyens mécaniques.

D. Le cheval équilibré peut-il se défendre?

R. Non, car la juste répartition de poids que donne cette position
produit une grande régularité dans les mouvements, et il faudrait
intervertir cet ordre pour qu'il y eût acte de rébellion de la part
du cheval.

D. Quelle est l'utilité du filet?

R. Le filet sert à combattre les résistances latérales de
l'encolure, à faire précéder la tête dans tous les changements de
direction quand le cheval n'est pas encore familiarisé avec les
effets du mors; il prépare aussi l'élévation et le soutien de
l'encolure.

D. Doit-on laisser le cheval longtemps aux mêmes allures pour
développer ses moyens?

R. C'est inutile, puisque la régularité des mouvements résulte de
la régularité des positions; le cheval qui fait cinquante temps de
trot régulièrement est beaucoup plus avancé dans son éducation que
s'il en faisait mille avec une position vicieuse. C'est donc à sa
position qu'il faut s'attacher, c'est-à-dire à sa légèreté.

D. Dans quelles proportions doit-on user des forces du cheval?

R. Cela ne peut se définir, puisque les forces varient en raison
des sujets; mais il faut en être avare et ne les dépenser qu'avec
circonspection, surtout pendant le cours de l'éducation; il faut,
pour ainsi dire, leur créer un réservoir pour que le cheval ne les
absorbe pas inutilement; c'est alors que le cavalier en fera un
usage utile et d'une longue durée.

D. A quelle distance l'éperon doit-il être rapproché des flancs du
cheval avant l'attaque?

R. La molette ne doit jamais être éloignée de plus de 4 à 5
centimètres des flancs du cheval.

D. Comment doivent se pratiquer les attaques?

R. Elles doivent arriver aux flancs du cheval par un mouvement
prompt, et s'en éloigner aussitôt. Mais, au préalable, on doit les
pratiquer par appui progressif.

D. Est-il des circonstances où l'attaque doive se pratiquer sans
l'intervention de la main?

R. Oui, lorsqu'elle doit avoir pour but de donner l'impulsion qui
permet ensuite à la main de placer le cheval.

D. Sont-ce les attaques elles-mêmes qui châtient le cheval?

R. Non; le châtiment est dans la position que les attaques et la
main font prendre au cheval, en mettant ses forces à la disposition
du cavalier.

D. Quelle différence existe entre les attaques pratiquées d'après
les anciens principes et celles que prescrit la nouvelle méthode?

R. Les anciens écuyers ne se servaient de l'éperon que comme
châtiment; dans ce cas, les attaques, loin d'équilibrer le cheval,
le faisaient toujours sortir de la main; la nouvelle méthode en
fait usage pour l'équilibrer, c'est-à-dire pour lui donner cette
position première qui est la mère de toutes les autres.

D. Quelles sont les fonctions des jambes pendant les attaques?

R. Les jambes doivent rester adhérentes aux flancs du cheval, et ne
partager en rien les mouvements des talons.

D. Dans quel moment doit-on commencer les attaques?

R. Quand le cheval supporte paisiblement les appuis d'éperon sans
sortir de la main.

D. Pourquoi un cheval équilibré supporte-t-il l'éperon sans
s'émouvoir et même sans mouvements brusques?

R. Parce que la main savante du cavalier, ayant prévenu tous les
déplacements de la tête, ne laisse jamais échapper les forces au
dehors; elle les concentre en les fixant. La lutte égale des
forces, ou, si l'on aime mieux, leur ensemble, explique
suffisamment l'apparente froideur du cheval.

D. N'est-il pas à craindre que, par suite de ces attaques, le
cheval ne devienne insensible aux jambes et ne perde l'activité qui
lui convient pour les mouvements accélérés?

R. Quoique cette opinion soit celle des gens qui parlent de la
méthode sans la connaître, il n'en est rien. Puisque tous ces
moyens servent seulement à maintenir le cheval dans un juste
équilibre, la promptitude des mouvements doit nécessairement en
être le résultat, et, par suite, le cheval sera disposé à répondre
au contact progressif des jambes, quand la main ne s'y opposera
pas.

D. Comment reconnaître qu'une attaque est régulière?

R. Lorsque, bien loin de faire sortir le cheval de la main, elle
l'y fait rentrer sans prendre sur la force propre au mouvement.

D. Comment la main doit-elle agir dans les moments de résistance du
cheval?

R. Les effets de la main doivent être proportionnés à la résistance
du cheval et surtout ne jamais la dépasser.

D. Dans quel cas doit-on se servir du caveçon, et quelle est son
utilité?

R. On doit s'en servir dans le cas où la mauvaise construction du
cheval le porterait à se défendre, bien qu'il ne lui soit demandé
que des mouvements simples. Il est également utile d'employer le
caveçon, avec les chevaux rétifs, attendu que son but est d'agir
sur le moral, pendant que le cavalier agit sur le physique.

D. Comment doit-on se servir du caveçon?

R. Dans le principe, on doit tenir la longe du caveçon à 33 ou 40
centimètres de la tête du cheval, tendue et soutenue par un poignet
énergique. Il faudra saisir tous les à-propos pour diminuer ou
augmenter l'appui du caveçon sur le nez du cheval, afin de s'en
servir comme d'un moyen d'aide. Tous les actes de méchanceté seront
réprimés par de petites saccades qui ne doivent avoir lieu que dans
le moment même de la défense. Dès que les mouvements du cavalier
commenceront à être appréciés par le cheval, le caveçon deviendra
inutile; au bout de quelques jours l'animal n'aura plus besoin que
du mors, auquel il répondra sans hésitation.

D. Dans quel cas le cavalier est-il moins intelligent que son
cheval?

R. Quand ce dernier l'assujettit à ses caprices et lui fait faire
sa volonté.

D. Les défenses du cheval sont-elles physiques ou morales?

R. Les défenses sont d'abord physiques, elles deviennent morales
par la suite; le cavalier doit donc se rendre compte des causes qui
les font naître, et chercher, par un travail bien gradué, à obtenir
la juste répartition du poids et des forces.

D. Le cheval bien équilibré naturellement peut-il se défendre?

R. Il serait aussi difficile à un sujet, réunissant tout ce qui
constitue le bon cheval, de se livrer à ces mouvements désordonnés,
qu'il est impossible à celui qui n'a pas reçu de semblables dons de
la nature, d'avoir des mouvements réguliers, si l'art bien entendu
ne lui a prêté son secours.

D. Qu'entendez-vous par _rassembler_?

R. Le rapprochement des jambes de derrière du centre, sans altérer
la légèreté du cheval.

D. Peut-on bien rassembler le cheval qui ne se renferme pas sur les
attaques?

R. Dans beaucoup de cas, les jambes seraient insuffisantes pour
contre-balancer les effets de la main.

D. A quel moment doit-on commencer à rassembler le cheval?

R. Quand le cheval est léger.

D. A quoi sert le rassembler?

R. A obtenir sans difficulté tout ce qu'il y a de compliqué en
équitation.

D. En quoi consiste le piaffer?

R. Dans la pose gracieuse du corps et la cadence harmonieuse des
bipèdes diagonaux.

D. Existe-t-il plusieurs genres de piaffer?

R. Trois: le lent, le précipité et le dépité.

D. De ces trois, quel est le préférable?

R. Le piaffer lent, car c'est celui qui rehausse le plus le mérite
du cavalier et la noblesse du cheval.

D. Doit-on faire piaffer le cheval qui ne supporterait pas le
rassembler?

R. Non, car ce serait un _enjambement_ sur la gradation logique qui
seule donne des résultats certains. Aussi, le cheval qui n'a pas
été conduit par cette filière de principes n'exécute qu'avec peine
et sans grâce ce qu'il devrait accomplir avec enjouement et
majesté.

D. Tous les cavaliers sont-ils appelés à vaincre toutes les
difficultés et à saisir toutes les nuances du sentiment équestre?

R. Comme les résultats en équitation ont pour point de départ
l'intelligence, tout est subordonné à cette disposition innée; mais
tous les cavaliers seront aptes à dresser leurs chevaux, s'ils
renferment l'éducation du cheval dans la mesure de leurs propres
moyens.



NOUVEAUX MOYENS ÉQUESTRES


Équilibre parfait ou équilibre du premier genre[11].

     Mains sans jambes.
     Jambes sans mains.

  [11] On peut distinguer trois sortes d'équilibres:

  Équilibre du troisième genre:

  Résistance constante dans toutes les positions, dans tous les
  mouvements.


  Équilibre du deuxième genre:

  Légèreté accidentelle sous l'influence de la position et du
  mouvement.


  Équilibre du premier genre:

  Légèreté invariable dans toutes les positions et dans tous les
  mouvements.


TROIS NOUVEAUX EFFETS DE MAINS:

   1º Pour obtenir la juste répartition du poids.

   2º Pour rétablir l'harmonie des forces.

   3º Pour donner les positions utiles aux changements de direction
   par la rêne opposée.

   4º Départ au galop et changements de pieds (mains sans jambes,
   jambes sans mains).

   De la force et du mouvement décomposés.

   Progression du dressage.



NOUVEAUX MOYENS ÉQUESTRES

ÉQUILIBRE DU PREMIER GENRE.


L'ancienne équitation travaillait le mouvement par le mouvement, en
donnant aux forces instinctives du cheval une direction plus ou
moins juste; mais jamais elle ne parvenait à rendre léger un cheval
d'une mauvaise conformation, parce qu'elle ne connaissait pas les
moyens de changer son équilibre naturel.

J'avais compris que l'éducation du cheval était dans son équilibre,
et toutes mes études ont eu pour but de trouver les moyens
d'améliorer le mauvais équilibre naturel du cheval, convaincu que
le cheval équilibré était presque dressé; cependant je n'étais
arrivé qu'à obtenir l'équilibre du deuxième genre.

Par équilibre du premier genre, j'entends la légèreté parfaite et
constante du cheval, dans toutes les positions, dans tous les
mouvements, à toutes les allures; c'est cet équilibre dont je vais
m'occuper.

Qu'il me soit permis de répondre d'abord à une objection que plus
d'un lecteur pourra me faire.

Mais les vingt-six chevaux que vous avez montés en public, et dont
le travail a été salué par les applaudissements de la foule,
Capitaine, Partisan, Neptune et les autres, n'étaient donc pas
dressés? Qu'entendez-vous alors par un cheval dressé? Je réponds:
Oui, ils étaient dressés, puisque leur travail avait dépassé tout
ce qui s'était fait jusqu'alors, et cependant leur équilibre
n'était que du deuxième genre.

Avec cet équilibre, je modifiais les mauvaises conditions de leur
construction plus ou moins défectueuse; j'obtenais, par moments,
une légèreté très-grande, mais qui diminuait par suite d'un nouveau
mouvement, d'un changement de direction.

Je détruisais promptement, il est vrai, cette résistance
momentanée, et j'acquérais de suite une grande légèreté, en
redonnant au cheval la position juste; mais il n'y avait pas moins
eu perte de la légèreté, ce qui pouvait rendre par moments le
mouvement moins gracieux et le travail moins exact; de plus, malgré
les progrès continus de mes chevaux, je reconnaissais chaque jour
un nouveau _desideratum_, tandis qu'aujourd'hui, une fois leur
éducation terminée, je n'ai plus rien à désirer. Ce que j'obtiens
maintenant sur les chevaux que je monte, en leur donnant cet
équilibre parfait, me permet de dire que si je pouvais montrer de
nouveau au public mes anciens chevaux, tous les amateurs
reconnaîtraient la vérité de ce que j'avance.

Il faut donc arriver à ce degré de perfection de l'équilibre chez
tous les chevaux, malgré leurs défauts de conformation, pour qu'ils
conservent une légèreté parfaite, constante, dans tous les
mouvements, changements de direction, et à toutes les allures. Tel
est le résultat que j'ai obtenu et que je me hâte de faire
connaître aux cavaliers intelligents de tous les pays. Les progrès
rapides qu'ils verront faire à leurs élèves en suivant la
progression, et en employant les nouveaux moyens que je vais
indiquer, les jouissances ineffables qu'ils éprouveront à monter
des chevaux constamment légers, voilà la récompense que
j'ambitionne pour prix de mes recherches incessantes, consacrées au
bonheur du cavalier et au bien-être du cheval!

J'ignore si c'est de l'orgueil: mais lorsque je sens mon cheval se
plier à toutes mes volontés, et répondant _sans résistance aucune_
à ma pensée, exécuter avec grâce et _une légèreté parfaite_ tous
les mouvements que je lui demande, je suis si heureux, que loin de
me sentir atteint par les clameurs des envieux et l'ingratitude des
plagiaires, je n'ai qu'un désir, celui de leur faire partager mon
bonheur.


MAIN SANS JAMBES.--JAMBES SANS MAIN.

Je vais démontrer que l'emploi simultané des jambes et de la main
ne permettra jamais de donner au cheval l'équilibre du premier
genre, ou la légèreté constante. Puisque les résistances de la
mâchoire proviennent toujours d'une mauvaise répartition du poids,
comment le cavalier qui emploiera en même temps la force impulsive
et modératrice, jambes et main, pourra-t-il sentir que ses jambes
ne se sont pas opposées à la juste translation du poids opérée par
la main, et réciproquement que celle-ci n'a pas détruit la justesse
de l'impulsion communiquée par les jambes? En effet, ou la main a
été juste, ou elle a produit trop ou trop peu d'effet. Dans le
premier et le troisième cas, le concours des jambes a été plus ou
moins nuisible. Dans le second cas seulement, les jambes auront
corrigé la faute de la main, et leur aide aura été opportune.

Il en est de même pour les jambes dans le premier et le troisième
cas mentionnés ci-dessus: l'opposition de la main sera nuisible, et
ce n'est que dans le second cas seulement qu'elle sera utile en
corrigeant la faute des jambes.

Que de malentendus entre le cheval et son cavalier; quel retard
dans l'éducation de l'animal doit amener cette contradiction
perpétuelle des jambes et de la main du cavalier qui est toujours
disposé à attribuer au cheval les fautes que lui fait commettre
l'emploi simultané de ses jambes et de sa main! En s'en servant
séparément, il peut discerner de suite si la faute provient de son
cheval ou de lui, et il sera forcé de reconnaître que neuf fois sur
dix, c'est lui seul qui l'a commise.

Il est vrai qu'à la longue, après maintes erreurs corrigées par son
tact, le cavalier pourra donner à son cheval l'équilibre du second
genre, mais jamais celui du premier genre, cet équilibre parfait
qui permet au cheval de conserver la mobilité moelleuse de la
mâchoire dans tous les mouvements, à toutes les allures.

En n'employant qu'une force à la fois, soit celle des jambes pour
impulsionner, soit celle de la main pour opérer les translations de
poids utiles à tel ou tel mouvement, à telle ou telle allure, le
cavalier peut apprécier à l'instant le degré de justesse avec
lequel il a agi.

S'il commet une erreur, il peut la corriger de suite; il en connaît
la cause, et le pauvre cheval n'étant plus ballotté par ces deux
volontés opposées des jambes et de la main, s'identifie tellement
avec la pensée de son maître, que bientôt ces deux intelligences
n'en forment plus qu'une, le cheval conservant son équilibre
parfait sans le secours des jambes et de la main du cavalier.

L'équilibre du second genre est suffisant pour les chevaux de
l'armée, cependant MM. les capitaines instructeurs pourront
employer plus ou moins ces nouveaux moyens pour accélérer
l'instruction des hommes et l'éducation des chevaux.


TROIS NOUVEAUX EFFETS DE MAIN.

   1º Pour combattre les résistances provenant du poids;

   2º Pour combattre les résistances produites par la force;

   3º Pour donner la position utile au changement de direction par
   la rêne opposée.

J'ai dit que l'emploi simultané des jambes et de la main ne pouvait
donner que l'équilibre du deuxième genre, et jamais celui du
premier genre, c'est-à-dire cette harmonie constante du poids et de
la force qui se font opposition sans se contredire ni se heurter,
cette légèreté parfaite chez le cheval; j'ajoute que l'application
seule de ces nouveaux effets nous permettra d'atteindre ce but.

Si les jambes du cavalier impulsionnent le cheval, les fonctions de
la main sont multiples. C'est elle qui place, dirige, en
régularisant les translations du poids, c'est la main qui sonde les
causes des résistances, pour discerner si elles proviennent du
poids ou de la force.

Je vais indiquer trois nouveaux effets raisonnés de la main. Les
deux premiers concourent à détruire les résistances qui constatent
la perte de l'équilibre, et en signalent la cause; le troisième
sert à faciliter les changements de direction, etc. Ces résistances
peuvent provenir de la mauvaise répartition du poids ou du défaut
d'harmonie de la force. L'effet de la main sera différent selon
qu'elle devra combattre la résistance du poids ou de la force. Pour
reconnaître la cause de cette résistance, le cavalier rapprochera
graduellement et lentement la main. La résistance est-elle inerte,
elle procède du poids mal réparti; dans ce cas, la main agira par
un demi-arrêt[12], prompt et proportionné à l'intensité de la
résistance. Si ce demi-arrêt ne suffit pas, il sera suivi d'un
deuxième, d'un troisième, jusqu'à ce que cette résistance inerte
ait disparu. Ces demi-arrêts, pratiqués avec une force de bas en
haut, détruisent les résistances du poids sans acculer le cheval;
si la résistance provient de la force, la main agira par
_vibrations_ réitérées, jusqu'à ce que la légèreté ait reparu. Ces
vibrations annuleront les résistances locales sans détruire
l'ensemble des forces; et si, à la suite de ces vibrations, la
résistance persistait, ce qui indiquerait que le poids n'est pas
encore justement réparti, il faudrait revenir aux demi-arrêts. Ces
mêmes effets de main se répéteront avec plus d'importance encore
dans les changements de direction.

  [12] Le mot demi-arrêt, dont je me sers pour exprimer l'action
  vive et énergique de la main qui a pour but de reporter en
  arrière le poids dont le devant est trop chargé, ne rend
  qu'imparfaitement l'idée qu'il doit représenter. Ce terme indique
  un ralentissement. Je l'ai conservé pour ne pas changer une
  expression consacrée par l'usage. Je l'emploie pour désigner
  uniquement un déplacement de poids, avec la condition expresse de
  ne prendre en rien sur l'action propre au mouvement. Si le
  demi-arrêt se donne de pied ferme, il ne doit, dans aucun cas,
  amener le reculer.

Le cavalier se servira d'abord des rênes du filet séparées, et,
plus tard, des rênes de bride également séparées. Mais dès que le
cheval tournera facilement à droite et à gauche par l'effet de la
rêne _directe_, le cavalier emploiera le nouvel effet (troisième
effet de main). Je suppose d'abord que le cheval est parfaitement
droit d'épaules et de hanches, _condition_ indispensable: le
cavalier veut tourner à droite, par exemple; il rapprochera
lentement la main pour reconnaître si son cheval est léger, ou s'il
résiste. S'il est léger, le cavalier portera à droite la main
tenant les rênes du filet, qui seront remplacées plus tard par les
rênes de bride, pour agir seulement par la _rêne gauche_, _rêne
opposée_. Pour tourner à gauche, il portera la main à gauche, pour
agir seulement par la _rêne droite_, _rêne opposée_. C'est la
légèreté seule du cheval, harmonie du poids et de la force, qui lui
permet d'apprécier l'effet de la rêne opposée, d'y céder et de
tourner en inclinant légèrement la tête de ce côté. Si le cavalier
sent une résistance, celle du poids, par exemple, il la détruira
par un, deux ou trois demi-arrêts successifs. Cette résistance
est-elle due au défaut d'harmonie des forces, il agira par
vibrations. Ces demi-arrêts et ces vibrations seront pratiqués avec
la _rêne directe_, _rêne droite_, s'il veut tourner à droite, et
_rêne gauche_, s'il veut tourner à gauche; et dès qu'il sentira son
cheval léger, il tournera à droite par l'effet de la _rêne
opposée_, _rêne gauche_, et _vice versâ_. Comme on le voit, je me
sers de la _rêne directe_, non pour tourner, mais seulement pour
combattre les résistances, et c'est avec la _rêne opposée_ que
j'apprends au cheval à tourner. Le cavalier demandera seulement un
huitième de conversion, s'arrêtera, combattra avec ces nouveaux
effets de main (_rêne directe_) les résistances qui se seraient
manifestées, et continuera avec la _rêne opposée_. Bientôt le
cheval pourra tourner, sans sortir de son équilibre, c'est-à-dire,
la tête portée du côté où il marche, la partie opposée de
l'encolure demeurant convexe, et la mobilité moelleuse de la
mâchoire lui permettant de céder avec la plus grande facilité à
l'effet de la rêne opposée. On comprend le plaisir que le cavalier
éprouve à suivre cette gradation, qui lui donne comme récompense
l'équilibre parfait, en ne lui laissant plus rien à désirer. Il
jouera avec les rênes flottantes qu'il fera onduler de gauche à
droite ou de droite à gauche, et son cheval tournera dans toutes
les directions, en conservant cette harmonie constante du poids et
de la force, ce qui constitue l'équilibre du premier genre. Le
cavalier doit comprendre maintenant l'importance de ces nouveaux
moyens équestres, puisqu'il peut immédiatement apprécier la cause
des résistances du cheval, et y remédier de suite. Il ne peut plus
s'illusionner et imputer à l'animal les fautes qui lui sont
personnelles. Nulle erreur n'est possible.


Que l'on compare un pareil cheval, gracieux, léger, prompt dans ses
mouvements, avec ces pauvres chevaux que l'on fait tourner avec la
rêne opposée, il est vrai, mais l'encolure roide, la tête mal
placée, la mâchoire serré, etc., résultat infaillible de leur
mauvais équilibre. Si cet inconvénient était le seul, on pourrait
me dire: «Qu'importe la position des chevaux de la cavalerie,
pourvu qu'ils tournent au commandement»? Je réponds: Prenez garde!
ne voyez-vous pas que si ces chevaux étaient moins braqués, que si
leur équilibre était moins mauvais, ils tourneraient plus
facilement, c'est-à-dire _plus promptement_? Ce que je dis des
changements de direction s'applique mieux encore au travail
individuel, aux voltes, demi-tours, en un mot, à tout ce qui
concerne l'équitation militaire.


Ces inconvénients sont si bien appréciés que beaucoup de cavaliers
emploient la rêne directe pour tourner. Mais ils n'ont pas détruit
les résistances qui proviennent du poids ou de la force; ils ont
seulement donné une indication, et la résistance se continue.

Avec l'équilibre du premier genre, tous les chevaux tourneront
facilement par l'effet de la rêne opposée, en conservant une bonne
position de tête et une légèreté constante.

Avant de terminer cet article, je vais parler d'un certain
maniement de rênes qui produit d'heureux et prompts résultats,
inspire de la confiance au cheval, et confirme l'équilibre, la
légèreté, l'harmonie, la régularité du mouvement.

Le cavalier retirera la gourmette, et fera produire à la bride, par
une force de bas en haut, le même effet que le filet, sur la
commissure des lèvres, avec un contact moindre sur les barres. (La
gourmette sera replacée lorsque le cheval répondra facilement à
l'effet de la bride.)

Puis, au pas, au trot, au galop, sans se presser, il déposera les
rênes qu'il tenait, et saisira de la main les autres rênes. Les
premières fois, le cheval accélérera peut-être l'allure, et le
cavalier devra reprendre vivement les premières rênes, pour
rappeler à l'ordre le cheval disposé à s'émanciper; mais bientôt le
cheval s'habituera à cet abandon momentané, y puisera de la
confiance, du bien-être, et conservera la régularité de l'allure
et la légèreté, pendant que le cavalier, en jouant ainsi avec les
rênes du filet et les rênes de la bride, acquiert du tact, de la
délicatesse, et arrive à conduire son cheval avec un fil!


DE LA FORCE ET DU MOUVEMENT DÉCOMPOSÉS.

L'équilibre ou la légèreté étant le résultat de la juste
répartition du poids et de la force, si celle-ci n'est pas
maintenue dans la limite de l'effort à produire, l'équilibre ne
sera que momentané, et dès les premiers pas que fait le cheval, la
légèreté disparaît et la résistance se produit. Si le cavalier
continue à marcher, il lui faut combattre les résistances qui
résultent de cette mauvaise position et qui sont accrues par le
mouvement. Chaque pas de plus que fait le cheval dans cette fausse
position vient augmenter le désaccord qui s'oppose aux justes
translation du poids, et le mouvement demeure irrégulier. Le
cavalier voit fuir devant lui cette légèreté qu'il poursuit, et
s'il finit par l'obtenir ce sera après un long et difficile
travail; le plus souvent, il ne l'aura qu'en partie, et il
s'habituera à cette résistance qui sera le grand obstacle à la
perfection de l'éducation du cheval, telle que je la comprends.
Pour moi le cheval dressé, _c'est le cheval équilibré_, celui qui
présente cette harmonie du poids et de la force qui permet au
cavalier de disposer de la force utile à tel ou tel mouvement, tout
en conservant la légèreté parfaite du cheval. C'est cette harmonie
que donne en peu de temps _le mouvement décomposé_.

Après avoir fait quelques pas à l'allure à laquelle il se trouve,
si le cavalier rencontre une résistance, il s'arrête, donne aux
fibres musculaires le temps de se relâcher et rétablit l'équilibre.
Il restera en place plusieurs minutes, s'il le faut, jusqu'à ce que
le cheval soit DÉCONTRACTÉ, c'est-à-dire, que le mouvement
précédent NE RÉSONNE PLUS. Les fibres reçoivent de nouveaux
courants électriques, et la nouvelle contraction pourra être plus
harmonieuse, plus convenable. Ce nouveau principe, _le mouvement
décomposé_, doit être appliqué à chaque partie de l'éducation du
cheval, jusqu'à ce qu'il conserve sa légèreté constante et la
régularité du mouvement, résultat infaillible de son parfait
équilibre.

Que le mouvement soit lent ou accéléré, peu importe. Je demande
seulement qu'il soit _régulier_, c'est-à-dire que le cheval ne
diminue pas ou n'augmente pas son allure par des fluctuations
incessantes, et qu'il parcoure des espaces égaux dans des temps
égaux, en conservant cette régularité de l'allure qui est un signe
certain de la justesse de l'équilibre.

Quoique certaines personnes, peu versées dans l'étude de mes
principes, blâment la position élevée que je fais prendre à
l'encolure et à la tête du cheval, je dis qu'il est indispensable
de leur donner toute l'élévation dont elles sont susceptibles, en
agissant avec les poignets de bas en haut. Il ne faut pas
s'effrayer de la position horizontale que prend forcément la tête.
C'est alors qu'il faut _décontracter_ la mâchoire, dont la
moelleuse mobilité permet au cheval de se ramener de lui-même. Ce
moyen, indirect en apparence, est le seul qui donne la grâce et une
légèreté constante à tous les mouvements du cheval.


QUELQUES MOTS SUR LE PRINCIPE:

«MAIN SANS JAMBES, JAMBES SANS MAIN»

POUR LE

DÉPART AU GALOP ET LES CHANGEMENTS DE PIED.

Ce nouvel axiome était tellement en opposition avec ce que j'avais
professé et pratiqué moi-même toute ma vie, que malgré les
résultats merveilleux que j'en obtenais, je voulus avoir une preuve
éclatante de sa justesse.

Avant donc de livrer cette édition à la publicité, je réunis cinq
cavaliers habiles, sur la loyauté et la discrétion desquels je
pouvais compter, et je leur fis expérimenter mes nouveaux moyens.

Le succès couronna mon attente. Je pus me convaincre que ma grande
habitude de me servir de mes aides ne me faisait point croire cette
dernière découverte plus féconde qu'elle ne l'était réellement.
Chacun de ces messieurs me remit alors un mémoire sur l'application
qu'ils en faisaient sous mes yeux, et je demandai à M. le baron
Faverot de Kerbrec la permission de reproduire son travail, qui
peut servir de complément et de développement à mes innovations.

Le voici:

«Il ne faut pas confondre dans l'oeuvre équestre de M. Baucher les
PRINCIPES, qui sont à jamais invariables, avec les MOYENS, qui sont
perfectibles et par conséquent pouvaient varier.

«Au nombre des PRINCIPES qui forment la base immuable de la
«méthode», on doit citer en première ligne l'obligation constante
de rechercher ou de conserver chez le cheval monté l'ÉQUILIBRE,
c'est-à-dire cet état physique provenant du dressage et dans lequel
l'animal peut obéir instantanément à la volonté du cavalier, quelle
qu'elle soit.

«L'_équilibre_ que M. Baucher a appelé _du premier genre_ existe
quand les translations du poids sont également faciles dans tous
les sens. On peut comparer cet état de l'animal à l'équilibre
_indifférent_ dans les corps inanimés. De même qu'une sphère posée
sur un plan horizontal obéit à la plus petite impulsion, de même,
dans le cheval monté qui possède l'équilibre du premier genre, le
poids cède à la plus légère pression, de quelque côté qu'elle lui
soit communiquée, et l'obéissance absolue aux aides en est la
conséquence.

«Quant aux MOYENS enseignés par le maître, ils peuvent être divisés
en deux groupes constituant chacun une «manière» distincte. Dans
la première, M. Baucher agit sur les forces du cheval, c'est-à-dire
sur les ressorts animés qui portent et font mouvoir la masse, le
poids de la machine. Il arrive à faciliter le déplacement de ce
poids, à _équilibrer_, en diminuant l'étendue de la base de
sustentation, en rapprochant plus ou moins, selon le besoin, les
extrémités inférieures du cheval.

On comprend qu'il faut alors souvent avoir recours à des moyens
puissants pour forcer l'animal, surtout dans les commencements du
dressage, à conserver cette disposition artificielle de ses
membres. De là la nécessité de l'emploi fréquent de l'éperon.

Dans cette première manière, M. Baucher ayant constamment en vue
d'agir sur les forces de l'animal, de s'en rendre le maître absolu,
cherche dès le début à fixer à ces forces des barrières qui les
enferment de tous les côtés et qu'elles ne puissent jamais
franchir.

Une fois cette domination obtenue, le dressage est presque terminé.
Il ne s'agit plus que de donner à ces mêmes forces la direction
qu'il plaît au cavalier de leur imprimer à l'intérieur de cette
sorte de _lacet de fer_ formé par le mors et les éperons. Enfin, il
suffit de resserrer ce lacet pour réduire l'animal à l'immobilité,
puisqu'on ne permet alors la détente d'aucun des ressorts de la
machine.

Plus tard, s'inspirant du cheval en liberté, qui, pour se mouvoir,
commence par élever la tête et l'encolure afin d'alléger son
avant-main, M. Baucher en est venu à sa seconde «manière».

Dans cette deuxième manière, pour arriver à la légèreté
absolue,--qui indique l'équilibre du premier genre,--il s'attaque
directement au poids du cheval et en reporte une partie de devant
en arrière. C'est la main qui est chargée de ce soin. A elle donc
de rendre le cheval «léger», équilibré. Aux jambes de donner
l'impulsion nécessaire. Dès lors l'animal n'est plus exposé à
hésiter entre deux actions contraires. L'effet qui pousse et celui
qui retient sont toujours distincts, et il n'y a plus de confusion
possible entre les aides.

La légèreté complète est obtenue quand l'action du mors ne
rencontre jamais ni la résistance du poids, ni celle des forces.

Dans l'application de «ses nouveaux moyens», comme dans le dressage
par les anciens, M. Baucher habitue par une progression savante le
cheval à supporter sans désordre le contact de l'éperon. C'est
seulement lorsque l'animal ne s'effraie plus de l'appui de cette
aide et que cet effet provoque à volonté une détente en avant
calme, mais _certaine_, le cheval restant léger à la main, que le
cavalier commence à être maître de sa monture et que les
«barrières» dont nous avons parlé peuvent devenir une réalité.

Dès les commencements du dressage, le cheval doit être habitué
progressivement à se passer du secours des aides, une fois le
mouvement demandé obtenu. Mais il faut que cet abandon n'altère en
rien l'équilibre, c'est-à-dire que l'animal doit se soutenir de
lui-même, continuer exactement son mouvement avec la même vitesse
et la même cadence, et conserver toujours sa légèreté, ce dont le
cavalier s'assure de temps en temps.

Essayons maintenant de faire comprendre le parti que peut tirer un
cavalier habile des nouveaux moyens «main sans jambes, jambes sans
main» pour le départ au galop et le changement de pied, par
exemple.

Pour l'exécution de tout mouvement, il faut l'action et la
position: l'action est le résultat de la force qui pousse; la
position est la répartition normale du poids en raison du mouvement
demandé. Si l'action et la position sont justes, le mouvement l'est
également.

Ce qui précède étant admis, examinons le départ du pas au galop par
la main et supposons que le cheval ait l'action convenable; s'il
possède l'équilibre du premier genre, la main n'aura qu'à donner la
position, et le mouvement suivra.

Si l'équilibre n'est pas parfait, des résistances de poids ou de
forces se manifesteront. La main les rencontrera après avoir senti,
comme toujours, la bouche de l'animal, et elle les fera cesser par
des demi-arrêts ou des vibrations, selon le cas.

Dès que le cavalier sentira l'action diminuée, ou si au début elle
n'est pas suffisante, ce sera, bien entendu, à ses jambes,
employées sans opposition de main, à la rétablir. Alors viendra
encore le tour de cette dernière aide pour donner seule la
position.

Aussitôt le mouvement obtenu, il faudra dans tous les cas relâcher
entièrement les rênes; c'est la seule manière de se rendre un
compte exact de l'équilibre du cheval.

Quand le départ au galop ainsi demandé sera facile, on apprendra au
cheval à s'enlever à cette allure par les aides inférieures seules.

Ici le rôle des jambes est assez difficile. Elles doivent donner la
position sans augmenter l'action d'une façon appréciable. Dans le
départ à droite, par exemple, la jambe gauche se glissera un peu en
arrière par une pression lente et finement graduée; l'autre agira
plus en avant par de petits coups de mollet délicatement répétés à
de courts intervalles.

Si, à l'approche des mollets, le cheval part au trot, les jambes se
relâcheront, et la main rétablira l'équilibre en luttant contre le
poids ou les forces. Puis on recommencera à donner la position par
les jambes seules, et on continuera ces exercices jusqu'à ce que
les enlevers au galop s'obtiennent facilement. On les alternera
alors avec les départs par la main.

On fera ensuite passer plusieurs fois le cheval du pas au trot. La
main s'abaissera et les jambes agiront sans opposition par une
pression simultanée, habilement graduée, et bien équivalente à
droite et à gauche. Si le départ au trot est mauvais, il faudra
arrêter, décontracter, et recommencer.

Passons maintenant au changement de pied par la main, et supposons
que le cheval ait l'action nécessaire. Les jambes n'auront rien à
faire. Elles pourraient en agissant provoquer des contractions,
augmenter inutilement l'action déjà suffisante et amener du poids
sur le devant. La main serait alors forcée de corriger les fautes
des jambes, ce qu'il faut éviter le plus possible.

Si le cheval possède l'équilibre du premier genre, la main
inversera la répartition du poids, et le changement de pied sera
obtenu.

Si l'équilibre n'est pas parfait, la main rencontrera des
résistances de poids ou de forces qu'elle vaincra par les moyens
connus, mais en s'efforçant de ne pas prendre sur l'action pour ne
pas obliger les jambes à la rétablir.

Enfin, si le cheval au changement de position se précipite en
avant, on _décomposera_ le mouvement, c'est-à-dire qu'on arrêtera
et qu'on décontractera complétement avant de repartir.

Le calme et l'action rétablis, la main cherchera de nouveau à
donner la position.

De même que pour le départ au galop sans jambes, la main
abandonnera complétement les rênes aussitôt le mouvement obtenu. On
verra ainsi exactement où en est l'équilibre. Il est inutile
d'ajouter que, dès que ce dernier sera altéré, la main devra le
rétablir.

On apprendra ensuite au cheval à changer de pied sans le secours de
la main.

Le mors n'aura plus aucune action sur la bouche, et pour passer du
pied gauche au pied droit, par exemple, la jambe gauche se glissera
un peu plus en arrière que la droite pendant que celle-ci agira par
de petits coups de mollet.

Il est impossible du reste de déterminer d'une manière absolue
l'usage exact de l'une ou de l'autre. C'est au tact à suppléer à la
théorie pour indiquer instantanément au cavalier comment il devra
employer ses jambes suivant les mille cas particuliers qui pourront
se présenter.

La difficulté consiste à inverser le poids sans augmenter l'action
d'une manière sensible.

Si les premières fois l'allure augmente, les jambes cesseront
d'agir, et la main rétablira l'équilibre avant qu'elles
recommencent à demander seules le changement de position.

Puis quand le mouvement s'obtiendra facilement de cette façon, on
le demandera alternativement par la main et par les jambes..........

       *       *       *       *       *

Disons, avant de terminer, que les recommandations suivantes nous
semblent devoir être faites dans l'emploi des «nouveaux moyens:»

1º Recherche et conservation constantes de la _légèreté_ complète,
le cheval toujours maintenu absolument _droit_ tant que le
mouvement ne s'y oppose pas.

2º _Dès le début_ du dressage, «mettre le cheval à l'éperon» et ne
quitter cette leçon que lorsque l'animal l'a parfaitement comprise.

3º _Dès_ que l'encolure et la tête _se soutiennent_ bien, chercher
le _ramener complet_ à toutes les allures.

4º Arriver à produire _facilement_ par l'emploi _alterné_ des aides
inférieures et des aides supérieures, tous les degrés de
_rassembler_, de concentration, dont on peut avoir besoin par le
genre de service auquel est destiné le cheval en dressage.

     BARON FAVEROT DE KERBRECH.

       *       *       *       *       *

Les quatre autres mémoires traitaient le même sujet. Ne pouvant les
rapporter tous et afin d'éviter les redites, je me borne à citer
ici textuellement la partie didactique de celui de M. d'Estienne,
qui, tout en exposant les nouveaux moyens, les a présentés sous des
formes quelquefois un peu différentes qui contribuent encore à en
faire comprendre la justesse.



TRAVAIL AU GALOP SUR LA LIGNE DROITE D'APRÈS LES NOUVEAUX MOYENS.


«Les premières résistances du cheval vaincues, on l'embarque sur le
pied droit, par exemple, avec la rêne ou la jambe droites: on
emploie ce moyen le plus promptement possible.

Dès que les départs s'obtiennent de la sorte avec facilité, on se
sert alternativement de la bride et du filet. Ces changements de
rênes se font d'abord rapidement, ayant soin toutefois de reprendre
les rênes sans à-coup, sans surprise pour le cheval. S'il vient à
se contracter; s'il allonge son allure, il faut l'arrêter, le
décontracter, et repartir. Quand on fait passer le cheval au pas,
on cherche sa légèreté, soit par la flexion directe, soit par des
demi-flexions à droite et à gauche.

On arrive ainsi à changer de rênes lentement, sans que le cheval
ralentisse son allure, sans qu'il l'allonge.

On l'exerce également peu à peu à s'enlever, en diminuant l'effet
des jambes, et en multipliant les changements de rênes.

Quand le cheval part facilement à la même main, sur les deux pieds,
ce qui revient à dire qu'il déplace facilement le poids de droite à
gauche, et de gauche à droite, on arrive tout naturellement aux
changements de pied. Cependant il faut les commencer avec la rêne
ou la jambe opposées. Ainsi, un cheval galopant sur le pied droit,
pour changer de pied, il faut se servir de la rêne ou de la jambe
droites, ayant bien soin d'arriver le plus vite possible au
changement de pied avec la rêne ou la jambe gauches.

     En résumé:

1º Départ avec rêne ou jambe opposées;

2º Départ avec rêne ou jambe directes;

3º Changement de pied avec rêne ou jambe opposées;

4º Changement de pied avec rêne ou jambe directes.

Ici s'arrête la première partie du dressage qui donne déjà
l'équilibre du deuxième genre.

Quand le cheval est arrivé à ce degré d'instruction, on l'exerce à
s'enlever au galop avec les mains, sans aucun emploi de jambes. A
cet effet on lui marque autant de demi-arrêts qu'il est nécessaire.
S'il se ralentit, ce qui indique que la main a pris sur le
mouvement, il faut cesser l'effet des mains, porter le cheval en
avant avec les jambes, et le remettre dans son aplomb au pas,
avant de chercher à l'enlever de nouveau. On arrive ainsi
très-rapidement à galoper sur le pied droit avec la rêne droite,
sur le pied gauche avec la rêne gauche. Alterner les rênes
très-fréquemment.

On passe ensuite aux changements de pied avec la main seulement.
Avant de marquer le demi-arrêt au moyen duquel on l'obtient, il
faut sentir la bouche. Si ce demi-arrêt ne suffit pas, il faut en
marquer deux, trois, dix, coup sur coup, jusqu'à ce que le
changement de pied ait eu lieu et rendre dès qu'il est exécuté. On
comprend combien cette manière de faire est admirable pour arriver
à une exécution parfaite. En effet, une fois l'impulsion donnée,
quel peut être le rôle des jambes? Elles ne servent qu'à traverser
le cheval, à porter davantage le poids en avant, surcroît de poids
que la main doit détruire. Au contraire, en se servant de la main
seule, on change la position, et le changement de pied se fait tout
naturellement. S'il y a ralentissement dans le mouvement, se servir
des jambes ou de l'éperon pour l'accélérer; puis revenir au
demi-arrêt sans jambes pour le changement de pied. Il faut dans ce
mouvement, comme dans le précédent, alterner l'emploi des rênes.

On exerce ensuite le cheval à partir au galop avec les jambes
seulement: la main tient les rênes par leur extrémité. Le cheval
bourre-t-il sur la main, prend-il le trot? le poids est en avant;
il faut alors marquer un demi-arrêt, et recommencer le départ,
après avoir décontracté le cheval.

Arrivé à ce degré d'instruction, on alterne les départs au galop
avec les mains et avec les jambes. On multiplie les descentes de
mains.

On fait de même après chaque changement de pied, ayant soin de
reprendre les rênes immédiatement pour faire un nouveau changement
de pied, et ainsi de suite.

Enfin, on passe aux changements de pied avec les jambes seules: on
tient les rênes demi-flottantes.

Dans tous ces mouvements, les rênes sont d'autant plus flottantes
que l'éducation du cheval est plus avancée; et l'on arrive ainsi à
les exécuter, les rênes sur l'encolure, sans que le cheval augmente
en rien son allure.

     Donc, en résumé:

1º Départ au galop avec la main seule;

2º Changement de pied avec la main seule;

3º Départ au galop avec les jambes seules;

4º Départ au galop avec la main et les jambes alternativement:
descentes de main;

5º Changement de pied, suivi d'une descente de main;

6º Changement de pied, avec les jambes seules.

C'est seulement alors, quand tous ces mouvements s'exécutent
facilement, sans augmentation ni ralentissement d'allure, que l'on
a un cheval dans un équilibre de premier genre.

Comment assez admirer ici toute la beauté de ces nouveaux
principes, qui, joignant à leur simplicité la puissance de leur
action, rendent le cheval souple, élégant, et assurent sa durée.»

     D'ESTIENNE.

     Paris, le 20 mars 1864.



PROGRESSION DU DRESSAGE.


_Travail avec la cravache._

   A PIED.

Faire venir le cheval à l'homme.

Faire reculer le cheval, l'encolure élevée, le cavalier tenant dans
chaque main une rêne du filet, les bras élevés de toute leur
extension. (Voir la planche nº 16.) Le cavalier commencera à
combattre les résistances du poids et de la force, par les
demi-temps d'arrêt successifs et les vibrations répétées. Cette
position élevée de l'encolure, obtenue par une force de bas en
haut, prévient l'acculement en reportant en arrière le poids dans
la limite du mouvement rétrograde.

[Illustration: Planche 16.]

On ne fera reculer le cheval qu'un pas, en le conservant aussi
droit que possible d'épaules et de hanches. On comprend que la
moindre déviation de la croupe serait un obstacle à cette juste
translation du poids: aussi doit-on avoir le plus grand soin de ne
recommencer un deuxième pas en arrière qu'après avoir replacé le
cheval parfaitement droit, afin d'éviter les résistances qui
l'empêchent de comprendre les intentions du cavalier. Ce travail du
reculer fait pas à pas, chaque pas suivi d'un moment d'arrêt qui
permet la cessation de toute contraction musculaire autre que celle
qui sert à la station, sera alterné avec celui de deux pistes à
droite et à gauche, avec les pirouettes renversées et ordinaires,
en ayant soin de ne demander qu'un pas au cheval et de l'arrêter
dès qu'il a achevé ce pas. L'essentiel, c'est que les parties qui
doivent être _momentanément immobilisées, ne se mobilisent pas_
(pirouettes), et que la translation du poids ait lieu selon les
lois de l'équilibre et l'harmonie du mouvement. (Reculer et travail
sur les hanches.)

On passera ensuite aux flexions, avec le filet d'abord et la bride
ensuite, en insistant sur la flexion directe et demi-latérale de la
mâchoire. Le cavalier se place, en face du cheval et lui élève la
tête avec les deux rênes du filet séparées et tenues à douze
centimètres des anneaux, pour faire céder (point essentiel) la
mâchoire avant la tête. Cette même flexion se fera ensuite avec le
mors, le cavalier tenant dans chaque main une branche du mors pour
lever la tête du cheval et obtenir le même effet.

Le cheval qui a cédé à l'action plus directe du filet, pourra, les
premières fois, résister à l'action du mors à cause de l'obstacle
apporté par la gourmette; on reviendra au filet, pour reprendre de
nouveau le mors, et dès que le cheval y répondra comme au filet, ce
sera la preuve évidente qu'il a bien compris les intentions de son
maître.

_Remarque._ La flexion directe et semi-latérale de la mâchoire,
avec le soutien de l'encolure et l'élévation de la tête, a détruit
les résistances que la mâchoire pourrait présenter dans n'importe
quelle position. La flexion latérale de l'encolure détruit les
résistances provenant de la contraction des muscles de l'encolure.
Ce travail préparatoire durera quatre jours, pour rendre le cheval
familier à l'homme, sage au montoir, et lui faire apprécier la
domination de l'homme.

Les chevaux de troupe peuvent être exercés à ce travail à pied,
pendant huit ou dix jours, au commencement de chaque leçon. Ce
travail rend l'obéissance du cheval plus facile et établit des
rapports d'intimité entre lui et son cavalier. L'instructeur,
enchanté des progrès de sa monture, devient plus indulgent et
traite son cheval avec plus de douceur.


A CHEVAL.

   EN PLACE.

Avec les rênes du filet séparées, élever l'encolure et ne rendre
qu'après cession de la mâchoire. Éviter l'acculement; s'il y a
résistance, agir par demi-temps d'arrêts successifs et vibrations
répétées. _Règles générales._ Dès les premières leçons, le cavalier
se servira de ces nouveaux effets de main pour détruire toutes les
résistances du poids ou de la force, toutes les fois qu'elles se
présenteront.

Répéter les flexions latérales et semi-latérales de l'encolure,
comme à pied. Dès que le cavalier a obtenu un commencement de
soutien de l'encolure et de mobilité de la mâchoire, il mettra son
cheval au pas et le travaillera à main droite et à main gauche
(s'il est dans un manége) sur les lignes droites et circulaires, en
recherchant la légèreté et en employant les nouveaux effets de main
pour détruire toute résistance du poids ou de la force: éviter
l'emploi simultané des jambes et de la main.

Il procédera à cheval comme il a agi à pied, c'est-à-dire, qu'il
marchera un pas ou deux, et qu'il arrêtera en ne rendant de la main
qu'après avoir obtenu la mobilité de la mâchoire: _descente de
main, et repos pour le cheval_. Il reprendra les rênes, demandera
de nouveau la légèreté et portera le cheval un pas ou deux en
avant, pour l'arrêter et suivre la même gradation. Il alternera ce
travail au pas, ainsi gradué, avec le reculer, les pirouettes, le
travail sur les hanches. L'importance de décomposer chaque
mouvement est tellement grande et produit des résultats tellement
extraordinaires, que je ne crains pas de me répéter, et d'engager
tous les cavaliers intelligents à suivre exactement cette
gradation: 1º rechercher si le cheval est léger ou présente une
résistance à la main; 2º la détruire de suite par les demi-temps
d'arrêt et les vibrations, selon la nature des résistances, obtenir
la mobilité de la mâchoire, et porter le cheval un pas ou deux en
avant, en combattant de suite toute résistance par les nouveaux
moyens; arrêter le cheval et ne lui rendre de la main que lorsqu'il
est léger, le garder calme, immobile en place, pendant une
demi-minute, et le reporter de nouveau au pas, après s'être assuré
de la mobilité de la mâchoire.

De même pour le reculer, les pirouettes renversées et ordinaires,
et le travail de deux pistes, ne demander qu'un pas, arrêter,
redonner la position ou la légèreté, et laisser le cheval calme en
repos quelques instants, pour continuer en suivant toujours la même
gradation. Ces moments de repos, répétés avec cette scrupuleuse
attention, produisent des résultats qui surprendront le cavalier.
La contraction musculaire cesse d'être en jeu, le cheval éprouve
du bien-être, réfléchit, et reprend son travail sans fatigue. De
plus, par le calme de ce travail ainsi gradué, le cavalier grave
dans l'intelligence du cheval l'idée de la supériorité morale de
l'homme et assure ainsi sa domination sur sa monture, tout en lui
rendant l'obéissance plus facile. Pour arrêter son cheval le
cavalier se servira d'abord des effets d'ensemble (opposition
graduée de jambes et de main); mais bientôt la main suffira pour
arrêter le cheval droit d'épaules et de hanches.

Puisque l'action combinée des jambes et de la main _immobilise_ le
cheval, on comprend par cela même que lorsqu'il s'agit de
_mouvement_, on ne doit pas employer les mêmes moyens.

Le cavalier mettra ensuite son cheval au trot, et l'arrêtera après
quelques foulées, en suivant la même gradation qu'au pas;
c'est-à-dire qu'il lui donnera la _position_ ou la légèreté
(mobilité de la mâchoire) avant de partir au trot; pendant ces
quelques foulées, il combattra les moindres résistances en se
servant des nouveaux effets de main, et en arrêtant son cheval, il
lui demandera de nouveau la mobilité de la mâchoire, en le
maintenant quelques instants calme et immobile. Il continuera
pendant quelques minutes le travail au trot, sur les lignes droites
et circulaires, en suivant la même gradation qu'au pas,
c'est-à-dire, en faisant toujours succéder le repos au travail,
dans une mesure plus ou moins égale.

Le cavalier essayera ensuite en place quelques apparences de
mobilité des extrémités, pour préparer les premiers temps du
rassembler, et il terminera la leçon par quelques départs au galop,
sur les deux pieds, en _suivant toujours la même gradation_ qu'au
pas et au trot.

Le cavalier aura soin d'employer le maniement des rênes, tel que je
l'ai indiqué au chapitre des nouveaux effets de main, c'est-à-dire,
d'alterner le jeu des rênes du filet et des rênes de bride, pour
habituer le cheval à conserver DE LUI-MÊME son équilibre et sa
bonne position.

Ici se place une observation très-importante.

En se servant, au galop, de la rêne _directe_, rêne droite, si le
cheval galope sur le pied droit, et rêne gauche, si le cheval
galope sur le pied gauche, pour détruire les résistances, par
demi-arrêts ou vibrations, le cavalier obtient de suite une grande
légèreté, conserve son cheval droit, et rend les départs et par
conséquent les changements de pied d'une très-grande facilité.

Tout ce travail doit se faire sans aucune fatigue pour le cheval,
et dès le début les efforts du cavalier doivent tendre à obtenir
l'équilibre parfait ou la légèreté constante: aussi devra-t-il
demander au cheval la mobilité moelleuse de la mâchoire avant de
le mettre en mouvement: il est sûr alors que la machine est prête à
fonctionner. On comprend les progrès extrêmement rapides que cette
gradation amènera dans l'éducation du cheval.

Le professeur initie dès les premiers pas son élève à toutes les
difficultés de la route qu'il doit parcourir, en lui donnant les
moyens de les vaincre, et en corrigeant immédiatement les moindres
fautes que le cheval peut commettre par ignorance. Aussi, deux mois
de cette éducation raisonnée ne se seront pas écoulés que le
cavalier intelligent jouira d'un résultat qu'il n'aurait jamais pu
obtenir, s'il n'avait pas donné à son cheval l'équilibre du premier
genre ou cette légèreté parfaite et constante qui permet à l'animal
d'exécuter avec la plus grande facilité tous les mouvements
demandés, sans l'ombre d'une résistance, parce qu'il apprécie
immédiatement les moindres effets de la main ou des jambes du
cavalier. Le maître commande, et le serviteur obéit.

Quand un cheval, par l'application de tous les principes enseignés
dans cette dernière édition, a été amené à l'équilibre du premier
genre, toutes les résistances ayant disparu, les moyens doux
doivent seuls être employés. La main agira par une force lente,
délicate et finement graduée.

J'ai dit ce que je crois être la vérité équestre. Je pense être
utile aux cavaliers intelligents et sérieux, en leur recommandant
de suivre la progression que je viens d'indiquer. Je me permets de
leur donner un conseil d'ami, et j'ose dire, d'un vieil ami, en
leur disant: rejetez mes principes, s'ils ne vous conviennent pas;
mais si vous y reconnaissez la vérité en équitation, acceptez-les
en entier, ne les mutilez pas, et rappelez-vous que l'auteur qui a
étudié pendant quarante ans, connaît assez l'oeuvre de toute sa vie
pour apprécier l'importance de toutes ses parties.

       *       *       *       *       *

L'armée, comme je l'ai dit souvent, a toujours eu et aura toujours
mes sympathies. Le rêve de toute ma vie a été de rendre ses
cavaliers d'abord, ses écuyers ensuite, les meilleurs de l'Europe.
Je ne crois pas que Dieu me permette d'en voir la réalisation; mais
j'ai confiance. Je sais que la vérité fait son chemin lentement et
qu'elle finit toujours par percer.

Pourquoi ne le dirais-je pas? C'est la consolation de mes vieux
jours de voir bien des hauts personnages, des généraux éclairés
rendre justice à mes principes. Chaque fois que le nom d'une
célébrité équestre de l'armée arrive à mes oreilles, je consulte
mes souvenirs, et c'est bien souvent, j'allais dire presque
toujours, celui d'un de mes élèves ou du moins d'un partisan de ma
méthode. Ce sont eux que je vois diriger l'enseignement de
l'équitation dans les écoles du Gouvernement. Au moment où j'écris,
j'apprends avec plaisir que le commandement du manége de Saumur
vient d'être donné à M. le chef d'escadrons L'hotte[13], qui m'a
fait, pendant douze ans, l'honneur de me demander mes conseils et
dont la réputation comme écuyer ne peut craindre, avec raison, le
rapprochement d'aucune autre.

  [13] Aujourd'hui colonel du 18e dragons.



CONCLUSION


Le goût de l'équitation se perd, tout le monde le reconnaît, et
chacun donne son opinion. Les uns attribuent la décadence de l'art
à l'engouement de la jeunesse pour les courses; ils voient dans le
turf une succursale de la Bourse, et regrettent que le Gouvernement
favorise cet entraînement, au lieu de laisser à l'industrie privée
le soin de payer ses passe-temps. Ils disent que les parieurs sur
les chevaux de courses n'ont pas le droit de réclamer des primes
gouvernementales, plus que les parieurs sur le trois-six, le colza
ou la betterave. Les autres pensent que l'enseignement routinier
des manéges a fait son temps, et qu'à notre époque de vapeur,
d'électricité, où tout se perfectionne, l'équitation doit suivre
aussi la loi du progrès. Je partage cette manière de voir, et
j'apporte comme témoignage les travaux de toute ma vie.

Qu'il me soit permis de rappeler les innovations que j'ai
introduites dans la science et l'art de l'équitation:

Les exercices de kinésie pour donner en quelques semaines une tenue
ferme, gracieuse, solide, à quiconque n'aurait jamais enfourché un
cheval.

Les moyens d'assouplir la mâchoire, l'encolure, les reins, la
croupe de tous les chevaux;

De les rendre tous légers à la main, aux trois allures.

De leur donner à tous un pas régulier;

Un trot uni, étendu ou cadencé;

Un reculer aussi facile que la marche en avant;

Un galop facile.

Changement de pied du tact au tact, aux deux temps, à chaque temps.

Le rassembler dans tous ses degrés.

Les trois genres de piaffer.

Le temps d'arrêt au galop, par l'éperon.

Faire venir le cheval à l'homme et le rendre sage au montoir.

La translation du poids par les forces instinctives.

1º Distinction entre les forces instinctives du cheval et les
forces communiquées;

2º Explication de l'influence d'une mauvaise construction sur les
résistances des chevaux;

3º Effet des mauvaises constructions sur la mâchoire, l'encolure
et la croupe, principaux foyers de résistance;

4º Moyens de remédier à ces inconvénients, par les assouplissements
des deux extrémités et de tout le corps du cheval;

5º Annulation des forces instinctives du cheval pour leur
substituer les forces transmises par le cavalier, et donner de
l'aisance et du brillant à l'animal le plus disgracieux;

6º Égalité de sensibilité de bouche chez tous les chevaux; adoption
d'un genre de mors uniforme;

7º Moyens d'habituer tous les chevaux à supporter également
l'éperon;

8º Tous les chevaux peuvent se ramener et acquérir la même
légèreté;

9º Moyen d'établir chez un cheval mal constitué un équilibre aussi
facile que celui des plus belles organisations;

10º Le cavalier donne la position, et le cheval exécute le
mouvement;

11º Des causes qui font que des chevaux non tarés ont souvent des
allures défectueuses: moyens d'y remédier en quelques leçons;

12º Changement de direction par de nouveaux effets de main et de
jambes;

13º Distinction entre le reculer et l'acculement; de l'effet utile
du premier dans l'éducation du cheval; des inconvénients du second.

14º Des attaques employées comme moyen d'éducation;

15º Tous les chevaux peuvent piaffer; moyens de rendre ce mouvement
lent ou précipité;

16º Définition du vrai rassembler; moyens de l'obtenir; de son
utilité pour la grâce et la régularité des mouvements compliqués;

17º Moyen d'amener tous les chevaux à projeter franchement au trot
leurs jambes en avant;

18º Moyens raisonnés pour mettre le cheval au galop;

19º Temps d'arrêt au galop, les jambes ou l'éperon précédant la
main;

20º Force graduée, basée sur les résistances du cheval, le cavalier
ne devant céder qu'après les avoir _annulées_;

21º Éducation partielle du cheval, ou moyen d'exercer ses forces
séparément;

22º Éducation complète des chevaux d'une conformation
très-ordinaire en moins de trois mois;

23º Seize nouvelles figures de manége propres à donner le fini à
l'éducation du cheval et à perfectionner le sentiment du
cavalier[14];

24º Nouvel effet de chambrière;

25º Nouvel effet de main;

26º Nouvel effet de jambes;

27º Nouveaux effets de main et de jambes combinés;

28º Descentes de main;

29º Descentes de jambes;

30º Descentes de main et de jambes simultanées.

  [14] J'ai eu aussi le premier l'idée de faire exécuter, même par
  des dames, les grandes difficultés de l'équitation; le public en
  a été témoin. Tout le monde a pu admirer Mmes Caroline Loyau,
  Pauline Cuzent, Mathilde et Maria d'Embrun.

       *       *       *       *       *

Il est bien entendu que tous les détails d'application qui se
rattachent à ces innovations sont nouveaux comme elles et
m'appartiennent également.

Mais on se tromperait grossièrement si l'on voulait chercher
le but de ma méthode dans ces fioritures équestres, destinées
principalement à récréer le public.

Ces fioritures servaient à reposer le cheval, en faisant succéder à
des exercices de haute école, des mouvements légers, gracieux,
très-faciles pour le cheval équilibré.

Ma méthode s'adresse aux vrais amateurs, aux officiers de
cavalerie, aux écuyers, à tous ceux qui veulent tirer le meilleur
parti des chevaux, quelle que soit leur conformation.

L'équilibre, c'est le but que l'on doit se proposer, et la légèreté
est la récompense du travail.



NOUVEAU

TRAVAIL RAISONNÉ

AVEC LE CAVEÇON.


Encore un progrès nouveau que je dois à la pratique et que je me
hâte de porter à la connaissance du public. D'un instrument employé
jusqu'ici comme moyen de coercition, comme une espèce de collier de
force, je suis parvenu à faire un instrument puissant d'éducation.
Je veux parler du caveçon. Je m'en sers pour développer le
sentiment équestre de l'élève.

A cet effet, je fais mettre le caveçon au cheval monté, et je fais
suivre à l'élève toute la progression, en commençant par le travail
en place, au pas, au trot, au galop et de deux pistes. Mon but est
de faire SENTIR à l'élève les fautes qu'il a commises ou qu'il
commet. Je m'explique. Je tiens la longe horizontalement, à 1 mètre
de distance, et je dis à l'élève d'élever les poignets pour
décontracter les muscles de l'encolure; je fais, en même temps, une
opposition attractive. Deux causes peuvent faire revenir le cheval
sur lui: les mauvaises contractions de l'encolure, ou un faux effet
de main du cavalier. J'ai soin, par une traction horizontale,
d'empêcher l'acculement du cheval, et je fais observer à l'élève
qu'il aurait dû, dans le premier cas, agir par pression des jambes
sans main; dans le deuxième, qu'il a eu trop de main.--J'ai prévenu
l'effet de l'acculement, par la traction horizontale de la longe,
j'ai donc empêché le cheval de percevoir la faute commise par le
cavalier, auquel, cependant, j'ai pu la faire remarquer, sans
inconvénient pour l'éducation du cheval.--De temps en temps, je
laisse la faute produire ses conséquences inévitables, la perte de
la légèreté, la modification de l'équilibre, en un mot,
l'acculement. Je dis à l'élève de n'agir ni par les jambes ni par
la main, et de se contenter de sentir ce qui va se passer _sous
lui_. Je rétablis l'équilibre par une traction horizontale du
caveçon, et je répare la faute commise par l'élève.

Les professeurs, les officiers de cavalerie, comprendront par ce
qui précède de quelle importance peut être ce nouveau travail avec
le caveçon, pour aider au progrès du cavalier et accélérer
l'éducation du cheval.--Je dis ce qu'il faut faire, mais ce n'est
que sous la direction d'un habile professeur élevé à mon école que
l'élève pourra apprendre à se servir avec justesse du caveçon,
comme je le comprends.--Je fais répéter le même travail en cercle
(le professeur tiendra la longe à 2 ou 3 mètres de distance), au
pas, au trot, au galop, en recommandant à l'élève de ne chercher
qu'une seule chose, la légèreté.--Or, nos lecteurs doivent savoir
aujourd'hui que la légèreté suppose l'équilibre du poids préparé
par l'harmonie des forces.--Et pour tout résumer en quelques mots,
disons: «HARMONIE DES FORCES produite, à l'aide du caveçon, par
la détente des muscles de l'encolure, ÉQUILIBRE DU POIDS,
CONCENTRATION DE LA FORCE HARMONISÉE.» Là est toute l'équitation,
et tout ce que l'on pourrait dire en plus ressemblerait à ces bois
flottants dont parlait le fabuliste.



EXAMEN RÉTROSPECTIF


La vérité n'est pas sortie tout armée de mon cerveau, et il m'a
fallu quarante ans de travail, de recherches et de méditations pour
perfectionner la méthode telle qu'elle est aujourd'hui. J'avais, je
l'ai déjà dit, étudié tous les auteurs qui ont écrit sur
l'équitation, et j'avais retiré de mes lectures la conviction que
la science équestre n'existait pas, qu'elle était à créer. Comme
tout le monde, j'étais imbu des préjugés que l'ignorance
traditionnelle avait fait accepter comme des vérités. Je croyais
aux barres dures, à l'influence de leur épaisseur sur la
sensibilité de la bouche du cheval, et je me livrai à une foule
d'expériences pour découvrir un mors assez puissant pour combattre
cette prétendue insensibilité des barres.

J'étais au Havre, et je revenais, un jour de la foire aux chevaux,
avec un cheval que j'avais payé 300 francs. Mon examen rapide avait
embrassé l'ensemble de l'animal; de retour au manége, j'examinai
attentivement la bouche de mon cheval, et je reconnus avec
tristesse que l'épaisseur des barres expliquait l'énorme résistance
qu'il opposait à l'action du mors. Je lui appliquai tour à tour les
freins les plus puissants, et la bouche demeurait insensible.
Pouvait-il en être autrement eu égard à sa conformation?

Un jour, je me le rappelle, je montais Bienfaisant, que la douceur
de son caractère m'avait fait nommer ainsi, et je venais de
m'arrêter dans le manége. Je réfléchissais, et pendant que mon
esprit travaillait, ma main était demeurée fixe. Tout à coup je
sens Bienfaisant léger; Bienfaisant a rendu, Bienfaisant ne résiste
plus! Que s'est-il donc passé? Comme il n'y a pas d'effet sans
cause, je reconnus que la fixité de ma main avait déterminé la
cession du cheval, et j'acquis ainsi la preuve que la bouche
n'était pour rien dans les résistances, et qu'elles provenaient des
contractions de l'encolure, car je n'avais pas modifié les
conditions anatomiques des barres, je n'avais pas diminué leur
épaisseur. Tel fut le début de la méthode. Bienfaisant m'avait
appris qu'il n'y a pas de bouches dures, de barres insensibles.

J'expérimentai sur cent chevaux, et la pratique vint confirmer
chaque fois la vérité de cette découverte. «Il n'y a pas de bouches
dures, il y a des chevaux lourds à la main dans le principe, que
l'on rend facilement légers.»

Qu'il me soit permis de relater une anecdote qui trouve ici sa
place.

Vingt ans plus tard, après que la méthode eut été adoptée par S. A.
R. le duc d'Orléans en présence de son frère le duc de Nemours, des
membres du Comité de cavalerie, et d'un grand nombre de généraux,
un de ces derniers, le général X..., me demanda d'examiner la
bouche de son cheval, se plaignant de l'insensibilité des barres.
Je regardai de suite les reins, la croupe, les jarrets de l'animal.
«Pardon, me dit le général, c'est de la bouche du cheval que je
parle.--Je comprends parfaitement, général.--Mais je ne vous
comprends pas,» me répliqua-t-il. J'expliquai alors au général que
la bouche était à tort accusée d'un défaut qui venait de la
mauvaise conformation du cheval. C'était un homme intelligent, et
il comprit.

Bienfaisant m'avait appris que la mauvaise position de la tête et
de l'encolure était la cause des résistances de la mâchoire. Mais
comment obtenir cette bonne position? Parmi tous ces mors quel
était le meilleur? Dirai-je toutes les tentatives que je fis avec
ces instruments de torture? Enfin, après nombre d'essais, après
mille combinaisons, je me convainquis de cette nouvelle vérité que
l'on pouvait, avec un mors doux, amener tous les chevaux à prendre
une bonne position de tête, et j'adoptai le mors qui porte mon nom.
Ce fut avec ce mors que je cherchai à donner à mes chevaux cette
légèreté que je pressentais, et que le temps seul devait me
permettre de rendre parfaite et constante.

Ces deux premières découvertes me mirent sur la trace d'une
troisième non moins importante. Je me demandai s'il n'en était pas
de la sensibilité des flancs du cheval comme de ses barres, et
j'arrivai à la même conclusion. Je me servais alors d'éperons
pointus à cinq pointes, et je calmais les chevaux les plus
irritables, au moyen des attaques appliquées à propos. Je pus alors
formuler cette troisième vérité: «La sensibilité des flancs du
cheval n'est pas inhérente à cette partie, elle dépend de
l'irritabilité générale, du système nerveux, de la mauvaise
conformation du cheval.» J'ai dit que les mauvaises contractions
des muscles de l'encolure faisaient sentir leur effet sur la
bouche, mais il fallait arriver à les détruire, afin de
discipliner, en les harmonisant, ces cordes si impressionnables.
C'est ce qui me donna l'idée des flexions de l'encolure, que je fis
à pied, à cheval, au pas et au trot. J'obtins des effets de
légèreté, des mouvements plus faciles; mais que j'étais loin de cet
équilibre, de cette légèreté que j'obtiens aujourd'hui, en quelques
heures, sur n'importe quel cheval! Si j'obtenais avec l'éperon
pointu, le ramener, le rassembler, le piaffer et tous ces airs
nouveaux que je fis produire à tous mes chevaux, dont je montai une
vingtaine, en public, je ne pouvais me dissimuler que le résultat
n'était pas le même chez tous mes élèves dont beaucoup faisaient
défendre leurs chevaux. Il fallait éviter cet inconvénient, et je
recherchai si en traitant les flancs avec la même douceur que
j'apportais dans mes rapports avec la bouche, je n'arriverais pas
au même résultat. J'essayai les éperons à molettes rondes, que
j'adoptai définitivement après en avoir constaté les excellents
résultats. C'était un progrès nouveau. Je le complétai en
introduisant le travail à pied. En apprenant au cheval à venir à
l'homme au contact de la cravache, je donnais au cavalier le
premier sentiment de sa domination, et j'établissais des rapports
plus directs entre le maître et le serviteur. Plus tard, je
complétai le travail à pied par les flexions de croupes, d'épaules,
par le reculer.

Le progrès appelle le progrès. J'arrivai à substituer à mon mors un
mors plus doux encore, à branches plus courtes, et dépourvu de
gourmette, et comme ce nouveau mors permettait de nouveaux effets
de main, je prescrivis l'action isolée des jambes et de la main.
J'ai dit les raisons qui m'avaient fait introduire cette nouvelle
formule. J'avais été témoin de tant de mécomptes essuyés par les
cavaliers chez qui le mécanisme laissait à désirer, que je crus
leur rendre un grand service en leur recommandant ma nouvelle
formule: «Main sans jambes, jambes sans main.» En effet, à
l'exception de mes élèves d'élite, presque tous se servaient de
leurs jambes pour réparer les fautes de la main, et _vice versâ_.
On comprend que l'action isolée de la main et des jambes devait
prévenir cette contradiction dans les aides et accélérer
l'éducation du cheval. Mais je voulais obtenir plus encore, et
donner à la masse des cavaliers les moyens certains d'équilibrer
facilement leurs chevaux. C'est à quoi je suis heureusement arrivé
par l'emploi du bridon pour mors unique. Avec ce simple bridon
j'obtiens, en quelques heures, des résultats plus satisfaisants,
plus complets que je n'en ai jamais obtenu avec le mors de bride.
Deux effets de main suffisent à détruire toutes les résistances de
l'encolure, et à donner au cheval la belle position de la tête, qui
rendra plus faciles les translations de poids utiles à tous les
mouvements que le cavalier peut lui demander. Le premier effet a
lieu par l'élévation des poignets, agissant par une force de bas en
haut sur la commissure des lèvres, en donnant à l'encolure toute
l'extension possible. Dès que le cheval cédera à l'action des rênes
du bridon, dans cette position élevée, le cavalier abaissera les
poignets, serrera énergiquement les doigts et attendra que la tête
du cheval soit revenue dans la position verticale, en même temps
que la mâchoire cédera moelleusement. Avec ces deux effets de main,
employés seuls, ou simultanément avec le concours des jambes ou
l'appui de l'éperon, le cavalier obtiendra de son cheval tout ce
qu'un cavalier intelligent est en droit de lui demander, puisqu'il
peut agir en haut, en bas, ou de côté, selon la force à combattre
ou la position à donner à la tête du cheval.

La cavalerie reconnaîtra les nombreux avantages que le bridon lui
offre pour le dressage de ses chevaux, et peut-être arrivera-t-elle
plus tard à employer, comme je le fais aujourd'hui, le bridon pour
l'unique frein, pour le plus convenable à tous les besoins du
service. Après avoir recommandé tour à tour l'emploi de la jambe
opposée ou de la jambe directe, je suis arrivé à reconnaître que
dès que le LE CHEVAL EST DROIT, la jambe directe doit être toujours
employée pour DISPOSER la croupe. De cette manière j'évite l'espèce
d'arc-boutant que les hanches opposaient aux épaules, dans les
changements de direction, pirouettes, travail de deux pistes, et
par la disposition de la croupe, je détermine nécessairement la
direction des épaules. Avec le cheval droit et la disposition de la
croupe, j'enlève au cheval le moindre prétexte à la résistance, je
rends tous les mouvements faciles, gracieux, avec la mobilité
moelleuse de la mâchoire!

Je ne puis terminer cette revue rétrospective des progrès qu'a
faits la méthode, sans me rappeler, avec un juste sentiment de
satisfaction, que les meilleurs cavaliers de l'armée, que tous les
officiers de cavalerie qui ont écrit sur l'équitation, tels que: le
capitaine Raabe, le colonel Guérin, le capitaine Gerhardt, le
lieutenant Wachter, sont mes élèves, et qu'en toutes circonstances
ils ont eu le courage de leur opinion.



CAVALERIE


La méthode appartient surtout maintenant à la cavalerie; c'est à
elle à la conserver, à la développer en l'appropriant à tous ses
besoins. Dans le civil, à l'exception de quelques brillantes
individualités, de quel résultat peut être la science équestre?
Dans la cavalerie, au contraire, le cheval est votre outil, votre
compagnon de gloire. Recherchez donc les moyens d'accroître votre
domination sur le cheval, afin de parler plus facilement à son
intelligence. N'oubliez pas que les cavaleries étrangères ont déjà
profité de la méthode, et n'attendez pas que ces idées nouvelles
vous arrivent plus tard du dehors, car votre patriotisme
souffrirait de recevoir de l'étranger ce qu'un de vos compatriotes
confie avec tant de bonheur à la cavalerie française!

Puissent mes dernières innovations rendre la tâche plus facile et
contribuer aux progrès de notre belle cavalerie! C'est le voeu d'un
citoyen, ami de son pays, dont toutes les études n'ont eu qu'un
but, le progrès de l'équitation.



TABLE DES MATIÈRES


                                                             Pages.

     Préface                                                      1

       Dernières innovations                                      5

       Du cheval en liberté                                       6

       Du sentiment                                               8

       De la bouche du cheval                                     9

       Le professeur                                             10

     Résumé succinct des rapports officiels sur l'application
       de ma Méthode dans l'armée                                12

     Nouveaux moyens de donner une bonne position au cavalier    18

     De l'équilibre du cheval                                    30

     De l'emploi raisonné des forces du cheval                   34

     Mobilisation du cheval par les forces instinctives          45

     De l'assouplissement                                        50

     De la bouche, du mors                                       54

     Flexions de la mâchoire et de l'encolure                    57

     Effets de mains                                             67

     Effets de jambes                                            74

     Effets de main et de jambes                                 78

     Assouplissement à cheval                                    83

     Mobilisation de la croupe                                   87

     Pirouettes                                                  89

     Effets d'ensemble                                           94

     Eperon                                                      97

     Emploi par le cavalier des forces du cheval aux
       différentes allures                                      100

     Pas                                                        102

     Reculer                                                    106

     Travail sur les hanches                                    109

     Trot                                                       114

     Descente de main, de jambes, de main et de jambes          117

     Travail à la chambrière                                    120

     Rassembler                                                 123

     Galop                                                      129

     Saut de fossé et de barrière                               132

     Piaffer                                                    136

     Éducation du cheval; gradation du travail                  141

     Ma Méthode hors du manége                                  146

     Application de la Méthode au travail des chevaux
       Partisan, Capitaine, Neptune, Buridan                    150

     Exposition succincte de la Méthode par demandes et par
       réponses                                                 160

     Nouveaux moyens équestres                                  173

     Équilibre du premier genre                                 175

     Main sans jambes                                           178

     Jambes sans main                                           178

     Trois nouveaux effets de main                              181

     1º Pour rétablir l'équilibre                               181

     2º Pour rétablir l'harmonie des forces                     181

     3º Pour donner les positions utiles aux changements de
     direction par la rêne opposée                              181

     De la force et du mouvement décomposés                     188

     Travail au galop sur la ligne droite d'après les nouveaux
     moyens                                                     191

     Progression du dressage                                    206

     Conclusion                                                 217

     Nouveau travail raisonné avec le caveçon                   223

     Examen rétrospectif                                        227

     Cavalerie                                                  235


PARIS.--Imprimerie de J. DUMAINE, rue Christine, 2.



A LA MÊME LIBRAIRIE:


   =AURE= (le comte d').--=Traité d'équitation illustré=, précédé
   d'un aperçu de diverses modifications et changements apportés
   dans l'équitation depuis le XVIe siècle jusqu'à nos jours; suivi
   d'un appendice sur le jeune cheval, du trot à l'anglaise, et
   d'une lettre sur l'équitation des dames. 4º édit. Paris, 1870.
   Joli vol. gr. in-8 avec portrait, planches et figures dans le
   texte. 10 fr.

   =CURNIEU= (le baron de).--=Leçons de science hippique générale=,
   ou Traité complet de l'art de connaître, de gouverner et
   d'élever le cheval. Paris, 1855-1860. 3 beaux vol. gr. in-8,
   illustrés de plus de 200 figures gravées sur textes. 36 fr.

   =DEBOST= (Émile), ancien instructeur de l'École de cavalerie,
   etc. CINÉSIE ÉQUESTRE.--=Nouvelle étude du cheval= et principes
   inédits d'équitation rationnelle et de haute école, etc. Paris,
   1873. In-8º. 6 fr.

   =GERHARDT= (A.), capitaine-instructeur des lanciers de la
   garde.--=Manuel d'équitation=, ou essai d'une progression pour
   servir au dressage prompt et complet des chevaux de selle, et
   particulièrement des chevaux d'armes, précédé d'une analyse
   raisonnée du Bauchérisme. Paris, 1859. In-8 avec planches par V.
   Adam. 6 fr.

   =LENOBLE DU TEIL= (Jules).--=Étude sur la locomotion du cheval=
   et des quadrupèdes en général considérée dans ses rapports, avec
   l'équitation et la représentation des quadrupèdes à toutes les
   allures et à toutes les variétés de ces allures; ouvrage
   complété par un atlas de 23 planches, indiquant les phases
   successives d'appui et de soutien de chaque membre à toutes les
   allures. 1 vol. in-4º et atlas. 12 fr.

   =MÉGNIN= (J.-P.), vétérinaire en 2e.--=Dermatologie hippique=,
   ou Traité de l'organisation et des maladies de la peau du
   cheval. Paris, 1868, 1 vol. in-8 avec 12 planches gravées dont 8
   en couleur. 5 fr.

   =MÉGNIN=, vétérinaire en 2e.--=Essai sur les proportions du
   cheval= et son anatomie externe comparée à celle de l'homme, à
   l'usage des écuyers militaires ou civils et des artistes. Paris,
   1860. Album in-folio jésus oblong, composé de 15 planches
   coloriées avec texte. 20 fr.

   =MERCHE=, officier de la Légion d'honneur, vétérinaire
   principal, membre de plusieurs sociétés savantes, etc.--=Nouveau
   traité des formes extérieures du cheval.= Paris, 1868. 1 fort
   vol. in-8 avec figures dans le texte. 12 fr.

   =MONTIGNY= (le comte de), chevalier de la Légion d'honneur,
   ancien écuyer de 1re classe et ancien inspecteur général des
   haras.--=Manuel des piqueurs, cochers, grooms et palefreniers=,
   à l'usage des écoles de dressage et d'équitation de France. 3e
   édit., revue et corrigée. Paris, 1873. 1 fort vol. in-12 avec 22
   planches. 5 fr.

   =MUSSOT= (P.), lieutenant-colonel de cavalerie, ancien
   capitaine-instructeur à l'Ecole de Saumur.--=Manuel
   d'hippiatrique=, d'équitation et d'hygiène à l'usage de tous, ou
   Etude de la connaissance intérieure du cheval, de son
   instruction et de son emploi, de sa conservation en l'état de
   santé, de sa reproduction, de son élevage et de son
   remplacement. Paris, 1856. 2 vol. in-8 avec planches. 12 fr.

   =NOLAN= (L.-E.).--=Dressage des chevaux de remonte.=--Traduit de
   l'anglais par Savin de Larclause, colonel du 14e dragons. Paris,
   1872. Gr. in-8º avec 13 planches. 3 fr.

   =VALLON= (A.), vétérinaire principal, professeur d'hippologie et
   directeur de haras de l'Ecole de cavalerie, etc, etc.--=Cours
   d'hippologie=, à l'usage de MM. les officiers de l'armée, de MM.
   les officiers de haras, les vétérinaires, etc.; adopté pour
   l'enseignement hippologique dans l'armée, par décision
   ministérielle du 1er juin 1863. 2e édition. Paris, 1873. 2 forts
   vol. in-8 avec planches et figures dans le texte. 14 fr.

   =VALLON= (A.), vétérinaire principal, professeur d'hippologie,
   etc., etc.--=Abrégé d'hippologie= à l'usage des sous-officiers
   de l'armée. Adopté pour l'enseignement de l'hippologie dans
   l'armée par décision ministérielle du 11 juin 1863. 4e édition.
   Paris, 1873. 1 vol. in-12 avec planches. 3 fr. 50


Paris.--Imprimerie J. DUMAINE, rue Christine, 2.





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