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Title: Les Usages du Siècle : lettres, conseils pratiques, le Savoir-vivre
Author: Une Parisienne, - To be updated
Language: French
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produced from images generously made available by The
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Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par
le typographe ont été corrigées. L'orthographe d'origine a été
conservée et n'a pas été harmonisée.



     _Les Usages
     du Siècle_



     COULOMMIERS
     Imprimerie PAUL BRODARD.



     UNE PARISIENNE

     _Les Usages
     du Siècle_

     _Lettres--Conseils pratiques_

     _Le Savoir-Vivre_

     [Illustration]

     PARIS

     A. DESLINIÈRES, ÉDITEUR

     161, RUE DU FAUBOURG SAINT-DENIS

     1895

     Tous droits réservés.



_Savoir-Vivre._


La Parisienne d'esprit et de goût qui a rédigé ce petit code de nos
usages et de nos coutumes en cette fin de siècle, n'a ni la prétention
de donner des leçons à ses contemporaines, ni celle de leur enseigner
les notions du savoir-vivre.

Ces leçons, qu'on apprenait si difficilement aux gentilshommes de la
cour de Louis XIV, nos enfants les savent aujourd'hui dès l'école, et
l'éducation dans la famille est aussi généralement répandue que le bon
sens dont discourut Descartes et que la civilité rêvée par Érasme.

Cependant en maintes circonstances un peu exceptionnelles, on se
trouve soudain embarrassé. Au moment de jouer son rôle dans une des
scènes tantôt tristes et tantôt gaies de notre vie, on hésite, on se
demande si on aura la tenue correcte, l'attitude convenant aux
circonstances; si on se conformera aux règles des convenances, si l'on
ne froissera pas l'étiquette, si l'on ne commettra point quelque
incorrection.

Sans doute lorsqu'on possède (et c'est, pour ainsi dire, le cas de
tous les gens bien élevés), lorsqu'on est doué de cette qualité
impalpable qui se nomme le tact, on peut affronter les situations les
plus délicates.

Il n'en est pas moins vrai que tel ou tel événement fortuit vous
transforme soudain en un témoin, en une marraine ou un parrain, en une
demoiselle ou un garçon d'honneur et que ce sont là des emplois pour
lesquels... on ne naît pas, auxquels rien ne nous a disposé, quelque
parfaite qu'ait été notre éducation première.

Et ces usages particuliers changent, se transforment selon l'époque et
la mode. Cette façon d'agir en telle circonstance était, il y a trente
ans, parfaitement correcte, exquise même; aujourd'hui elle ferait
sourire.

Mais toute affirmation a besoin d'une preuve, et de toutes les preuves
littéraires, l'anecdote est la meilleure.

On a prétendu, d'une façon assez plaisante, que le prince de
Talleyrand avait une échelle de proportion pour offrir aux convives
qu'il recevait à sa table, leur part de tel ou tel plat.

C'était une échelle descendant depuis le titre de Duc jusqu'à la
simple dénomination de Monsieur.

Il découpait lui-même et s'adressait à ses convives dans l'ordre
suivant:

--Monsieur le duc, Votre Grâce me ferait-elle l'honneur d'accepter de
ce bœuf?

--Mon prince (titre romain inférieur à celui de duc); aurai-je
l'honneur de vous envoyer du bœuf?

--Monsieur le marquis, accordez-moi l'honneur de vous offrir du bœuf!

--Monsieur le comte, aurai-je le plaisir de vous envoyer du bœuf?

--Monsieur le baron, voulez-vous du bœuf?

Lorsqu'il arrivait au simple Monsieur, dit la légende (un peu arrangée
sans nul doute), le diplomate frappait son assiette avec la main,
fixait ses yeux sur ceux du dernier convive en lui criant:

--Bœuf?

Quoique certains grands personnages, si l'on en croyait les
chroniques, aient imité ce singulier cérémonial, nous ne savons dans
quelle maison hautaine on pourrait tenter de le ressusciter
aujourd'hui.

Non, la politesse française a, Dieu merci, franchi le seuil de toutes
les demeures, et de plus en plus rares sont les fonctionnaires ou les
employés qui, sur notre douce terre, malmenaient traditionnellement
l'infortuné public.

Il arrive même, chez nous, que les ouvreurs de portières sont
uniformément gracieux.

En Allemagne, au contraire, les hommes qui, sur les chemins de fer,
sont chargés du contrôle des billets, parlent aux voyageurs selon la
«classe» occupée:

A ceux de Première, ils disent, en saluant avec beaucoup de déférence:
_Bitte die Herrschaft gefælligst die Billette vorzuzeigen_,
c'est-à-dire «que Leurs Seigneuries aient la bonté de montrer leurs
billets!»

A ceux de Seconde, ils s'adressent plus sommairement: _Billette,
gefælligst_, «Vos billets, s'il vous plaît»; enfin aux portières des
wagons de 3e classe, ils grognent, en forme de commandement militaire:
_Billet'heraus!_ «Sortez billets!»

Ces nuances, ou plutôt ces brutalités, n'apparaissent plus en France
qu'à de très rares exceptions.

Il est vrai qu'on a multiplié, je le répète, les traités de bonnes
manières.

En l'an 1671, le gentilhomme Antoine de Courtin publiait (et ce
n'était pas le premier ouvrage de ce genre) un _Traité de la civilité
qui se pratique en France parmi les honnestes gens_, traité réédité,
corrigé, augmenté avec approbation et privilège du Roy, et qui en
l'année 1712 se vendait à Paris chez Louis Josse, _à la Couronne
d'épines_, et chez Charles Robustel, _au Palmier_, deux boutiques
voisines, dans la même rue Saint-Jacques.

Un peu plus tard, en 1749, parut la fameuse _Civilité puérile et
honneste_, dressée par un missionnaire, avec des «préceptes et
instructions pour apprendre à la jeunesse à se bien conduire dans les
compagnies».

Que si on se reporte au temps de la parfaite gentilhommerie selon les
classiques, c'est-à-dire à l'époque du Roi Soleil lui-même, on peut se
convaincre aisément que ces maîtres laissaient encore beaucoup à
désirer.

Le sieur de Courtin déclare, en effet, dans sa Préface, qu'il se
trouve que son traité «est très utile non seulement aux personnes qui
ont des enfants à élever et aux jeunes gens, mais encore à ceux-là
même qui, bien qu'avancez en âge, ne sont pourtant pas assez instruits
de la politesse et de l'honnêteté que l'on doit observer dans le
commerce du monde».

Ce fut, plus tard et jusqu'à nos jours, une suite ininterrompue
d'ouvrages du même genre qui se répandirent d'autant plus que chacun a
la juste prétention de se conduire comme un gentilhomme.

La place nous manque pour énumérer les titres de tous ces livres, mais
à travers la liste des noms de trois cents auteurs ayant colligé les
«usages du monde» nous citerons parmi les prédécesseurs de notre
Parisienne, Madame Emmeline Raymond, madame Tarbé, la fameuse
comtesse de Bassanville, madame de Waddeville, madame d'Alq,
mademoiselle de la Jonchère, madame Alice Vernon, madame Ermance
Dufau, la baronne Staffe très estimée.

Sous des titres nécessairement enserrés dans le cercle étroit d'un
même sujet, ces femmes instruites et distinguées ont consigné, avec
les remarques des autres, leurs propres observations.

En ces dernières années, aux _Usages du Monde_ de l'abbé Bourgeau
(1864) précédé par Bescherelle aîné qui écrivit l'_Usage du Monde_, et
suivi par l'homme (également du monde) qui produisit les _Usages du
Monde_ en 1880, on a vu paraître «Usages du Monde» de la baronne
Staffe, à laquelle nous avons rendu justice.

Avouons qu'il était temps de s'occuper des _Usages du Siècle_. Ils
auront peut-être le succès des anciens.

Cette succession, cette multiplication de livres pour ainsi dire
semblables, a été en quelque sorte rendue nécessaire par la
continuelle métamorphose des mondaines coutumes.

Ce sont ces transformations qui rendent nécessaire ce qu'on pourrait
appeler «la tenue à jour» de nos usages modernes.

Si nos grands principes de politesse sont demeurés en quelque sorte
immuables, les manières élégantes n'offrent, en revanche, que
l'instabilité!

Elles vieillissent si vite que nous avons cru utile de dresser, pour
ainsi parler, un catalogue des renseignements mondains.

Des phrases, non; des conseils, pas davantage, mais, selon
l'expression depuis peu consacrée, des documents.

Tel est l'esprit de ce petit livre sans prétention où le lecteur est
invité à chercher seulement le renseignement utile à tous.

     Un Bibliophile.

[Illustration]



_Les Usages du Siècle_



_La demande en mariage._


La demande en mariage est l'événement le plus important de la vie.
Point n'est besoin de digresser sur ce chapitre.--Des faits, des
faits.

La règle stricte veut que le jeune homme qui a des «vues» sur une
jeune fille s'ouvre de ses intentions à une tierce personne qui puisse
le mettre en rapport avec la famille de celle qu'il désire pour femme.

Cette personne a un rôle très délicat, très scabreux à remplir; il lui
faut pour cela beaucoup de tact.

Elle doit d'abord s'informer discrètement si la jeune fille n'est pas
promise, quelle est sa dot, quels sont les désirs et les intentions
des parents, si telle situation leur convient, si tel âge leur semble
en rapport; en un mot, elle doit préparer les voies au candidat.

Lorsque ces précautions préliminaires sont prises, on doit arranger
une entrevue, _censément fortuite_, entre le jeune homme et la jeune
fille. Jadis c'était à l'Opéra-Comique; et _la Dame_ _Blanche_ a été
un des premiers témoins de bien des fiançailles décidées en principe.

Mais, quel que soit le lieu choisi pour l'entrevue, la jeune fille ne
doit se douter de rien, cela lui enlèverait ses moyens, l'empêcherait
d'être naturelle. Cependant son attention sera fort en éveil malgré
toutes les précautions et je l'engagerai à être tout bonnement
elle-même, à ne pas faire de petites mines enfantines, ou naïves,
genre bien usé à présent que les jeunes filles sont un peu élevées à
l'américaine.

Est-ce un bien? Est-ce un mal? _That is the question._ Enfin c'est le
siècle qui veut ça, paraît-il!

Une allure trop décidée, des goûts mondains trop montrés, peuvent être
des obstacles sérieux pour le jeune homme qui cependant doit se méfier
de sa première impression.

Il faut donc être très circonspect en pareille matière, ne pas dire
définitivement «oui» ou «non» et demander une nouvelle entrevue; quel
homme jeune, fût-il un grand philosophe, peut apprécier en quelques
instants le caractère d'une jeune fille?

La meilleure façon d'avoir des renseignements est de s'adresser aux
personnes connaissant la famille et la jeune fille depuis l'enfance.

Il est toujours pénible pour la tierce personne d'avoir à notifier un
refus; elle doit l'entourer de toutes les délicatesses possibles.

J'engagerai tous les jeunes gens qui désirent se marier et qui ne sont
pas poussés par une inclination réelle à bien s'informer de la dot,
des «espérances», pour parler le vilain langage de notre siècle, avant
de s'avancer. Car reculer sur une question d'argent est humiliant pour
la jeune fille et... pas très beau pour le jeune homme.

Même, si la famille de la jeune fille refuse, elle doit offrir des
remerciements à la tierce personne et des phrases de regrets polis au
prétendant.

Il y a des personnes qui se plaisent à faire des mariages. Elles
rendent souvent service aux familles qui n'ont pas beaucoup de
relations, et il serait ingrat de leur en vouloir si leurs efforts
n'aboutissaient pas.

Si donc vous intervenez, parlez franchement à la famille du jeune
homme ou à lui-même s'il est orphelin, à la famille de la jeune fille,
ou à son tuteur, jamais à elle-même, cela pourrait la gêner. En
réunissant les jeunes gens dans un dîner, dans une soirée où il y a
beaucoup d'autres jeunes couples, on peut espérer que la jeune
personne ignorera l'intention.

Se trouvant avec des compagnes, elle peut penser que c'est pour l'une
d'entre elles que le jeune homme est là et elle se doutera encore
moins de quelque chose s'il y a plusieurs jeunes gens.

Après l'entrevue, on doit demander à la jeune fille ce qu'elle pense
de «monsieur un tel»; si la réponse est favorable, on la transmettra à
la tierce personne qui en fera part au jeune homme; celui-ci, si la
jeune fille lui plaît, s'enquiert de suite de la situation, fait
connaître la sienne et s'avance un peu plus: il demande à être
présenté dans la famille de celle qu'il désire épouser, fait quelques
visites pendant lesquelles les jeunes mariés en expectative peuvent
s'étudier un peu, trop peu, hélas! car on est sur la défensive, mais
cela est inévitable.

Si, après quelques visites, le jeune homme pense qu'il ne pourra
pas trouver le bonheur dans cette union, il en fait part à
l'intermédiaire, qui, aussi délicatement que possible, avertit la
famille de la jeune personne; la même chose a lieu, lorsque c'est du
côté de la femme que vient le refus. En tous cas, c'est fort
désagréable pour la personne qui s'est entremise, et bien des
brouilles mondaines sont venues de là.

Lorsque conformité de goûts, de fortune, de famille, semblent
promettre un long avenir de bonheur, le prétendant ne doit pas tarder
à faire connaître ses intentions définitives; s'il a son père,
celui-ci se charge de la démarche près du père de la jeune fille; sa
mère, en cas de mort du père (cette dernière s'adresse: non au père,
mais à la mère de la jeune fille); son tuteur, s'il est orphelin et
mineur; son oncle; la tierce personne; un ami intime ou lui-même.

La demande peut être faite par lettre ou de vive voix.

Les circonstances dictent les formules de demandes écrites.

Les refus doivent toujours être notifiés poliment; on donne pour
prétexte des engagements antérieurs, la trop grande jeunesse de la
jeune fille, sa santé délicate; ne jamais invoquer la question de
position ou d'argent, si c'est elle qui motive le refus.

C'est le tuteur qui doit recevoir les propositions de mariage
relatives à une orpheline.

S'il s'agit d'une veuve ou d'une orpheline majeure, on doit s'adresser
franchement et directement à elle-même.

On peut à défaut de parents directs, tels que père, mère, grand-père,
grand'mère, s'adresser à un frère, fût-il plus jeune, ou à une sœur
aînée, mariée.

Pour faire une demande en mariage, qu'on soit l'intermédiaire ou le
prétendant lui-même, une tenue très soignée est de rigueur, mais
jamais l'habit et les gants blancs.

Quel que soit le résultat d'une demande, si elle a été faite par les
intermédiaires, ceux-ci ont droit à des remerciements très affectueux.

Il est inutile de dire, qu'en cas d'échec, lesdits intermédiaires sont
tenus au secret le plus absolu.

Il serait du plus mauvais goût de colporter partout une lettre de
demande en mariage, qu'on ait un refus ou une acceptation.

Quelquefois, la jeune fille, bien disposée en faveur du candidat,
demande à le connaître un peu plus, avant de donner une réponse
définitive; le jeune homme doit se prêter de bonne grâce à cette sorte
d'épreuve.

Il n'affectera pas un trop grand empressement et surtout, devant des
tiers, rien ne doit faire soupçonner sa recherche.

Les parents de la jeune fille doivent faciliter des entrevues autant
que le bon goût et la bienséance le permettent.

Si la demande doit être agréée, on le fait savoir au jeune homme par
une tierce personne; celui-ci peut aussitôt formuler sa demande
officielle, à laquelle on répond par une lettre d'acceptation qui se
peut rédiger de la sorte:


     Cher monsieur,

   Nous sommes très honorés, ma femme et moi, de votre gracieuse
   demande.

   Nous nous y attendions certes, puisque, avec une délicatesse qui
   nous a fait plaisir, vous aviez prié le meilleur ami de nos deux
   familles de pressentir nos intentions.

   Votre position, votre situation nous convenant, il ne nous
   restait plus qu'à consulter la chère fille dont nous rêvons le
   bonheur et qui si tendrement, toujours, nous a récompensés de nos
   soins et de notre affection. Sa réponse ne vous est point
   défavorable.

   Présentez-vous donc quand il vous plaira, et croyez, cher
   monsieur, à nos sentiments déjà très affectueux.

     L.

On prend alors jour pour débattre à fond les questions d'intérêts;
rien ne doit rester dans l'ombre, car si, pour une question d'argent,
un mariage peut manquer, il est inutile de l'engager.

Si l'intermédiaire n'est pas un des amis intimes, il est ennuyeux de
dire ce que l'on donne à sa fille, ce qui lui doit revenir, etc., etc.

Il y a là toute une gamme de nuances extrêmement délicates.

On peut faire traiter cette question par les notaires des deux
familles.

Que ce soit un refus ou une acceptation qui résultent des démarches
matrimoniales, on ne doit pas tarder à faire connaître la décision
prise.

Une nouvelle insistance à un refus serait déplacée.

Pendant les pourparlers d'intérêts, la jeune fille et le prétendant
doivent s'abstenir de toutes réflexions, ils ont leurs fondés de
pouvoir. Une femme seule évite les débats d'argent.

Si, au cours des pourparlers, le prétendant se trouvait déçu dans ses
espérances «pratiques» et qu'il voulût se retirer, il écrirait une
lettre polie, prétextant un voyage, la maladie d'un parent, etc.; il
n'accentuerait pas davantage le refus. Nous avons dit comment peuvent
gracieusement se motiver ces refus.

Si, après avoir accepté un jeune homme, une jeune fille refusait, ses
parents doivent chercher à la faire revenir sur sa détermination mais
non la forcer; de même, lorsqu'elle s'éprend de quelqu'un qui ne
convient pas à sa famille doit-on faire le possible pour lui démontrer
ce qu'on a à reprocher au prétendant, mais les grands moyens n'ont
jamais très bien réussi et le savoir-vivre, le bon sens les
interdisent.

Il faut dépayser la jeune fille, la faire voyager, la distraire, et il
est rare qu'un sentiment de cœur de vingt ans résiste à ce petit
traitement.

Dans les mariages d'inclination, d'amour, je ne trouve nullement
déplacé que le jeune homme s'adresse directement à la jeune fille dont
il veut faire sa femme ou qu'il charge de ce soin sa mère ou son père,
qui demanderont alors: «Mademoiselle ou ma chère enfant, selon le
degré d'intimité, vous plairait-il de devenir notre fille?»

Si celle-ci est disposée à accepter, elle peut répondre au jeune homme
ou à ses parents que si les siens acceptent elle ne dira pas non, ou
même, si les parents du jeune homme lui sont connus depuis longtemps,
elle peut simplement les embrasser sans répondre; c'est suffisamment
éloquent.

Une grande franchise est, dans tous les cas, indispensable.



_Agréé!_


Enfin toutes les difficultés sont aplanies, la demande verbale ou
écrite a été bien accueillie et il faudrait des motifs très graves
pour rompre le projet d'union.

Le jeune homme écrit ou fait demander quel jour et à quelle heure il
peut se présenter officiellement; on lui répond en lui fixant une date
prochaine, le lendemain ou le surlendemain.

Le jour de la première entrevue officielle, le jeune homme doit
envoyer un joli bouquet blanc rosé pour une jeune fille, de roses de
couleurs pour une veuve; jamais de fleurs d'oranger dans le premier
cas, jamais de fleurs trop sombres dans le second.

Inutile de mettre sa carte, on sait de reste d'où viennent les fleurs.

Ce bouquet (non dépouillé du papier qui l'enveloppe) doit être placé
dans un vase, mis en évidence sur un meuble de la pièce où on doit
recevoir le jeune homme.

Celui-ci, accompagné de son père ou de sa mère, seul s'il est
orphelin, se présente à partir de trois heures, jamais avant, à la
maison de celle qu'il peut dès lors considérer comme sa fiancée.

Celle-ci n'est _jamais_ au salon à l'arrivée du jeune homme; les
parents seuls sont présents; le père et la mère doivent tendre la
main à la personne qui accompagne le fiancé et à lui-même, on échange
de bonnes et cordiales paroles.

Après les premiers instants d'entretien qui sont toujours un peu
gênants de part et d'autre, on fait venir la jeune fille. Celle-ci
doit être simplement mais élégamment habillée; il faut un brin de
coquetterie qui marque qu'elle s'est mise en frais pour son futur
mari; elle peut avoir, dans les cheveux ou à son corsage, une fleur du
bouquet envoyé le matin.

Elle doit sans fausse honte saluer la personne qui accompagne le jeune
homme et celui-ci, leur tendre la main, selon le degré d'intimité qui
règne entre les deux familles.

Le père ou la mère doivent l'embrasser, en la nommant «ma chère
enfant».

Elle doit remercier du bouquet reçu; le jeune homme s'informera
discrètement des fleurs qu'elle préfère.

A propos de bouquet, disons en passant que le bouquet quotidien n'est
pas obligatoire, qu'il peut s'envoyer tous les deux jours ou même une
fois par semaine.

Il doit être varié chaque fois, montrant ainsi le désir qu'a le jeune
homme de plaire à sa future femme; un bouquet toujours le même
semblerait une commande faite une fois pour toutes, comme une corvée
dont on veut se débarrasser.

Cette première visite ne se prolonge pas; vingt à trente minutes sont
suffisantes.

En se retirant le jeune homme baise la main de sa future belle-mère et
de sa fiancée; il serait de mauvais goût d'embrasser la jeune fille à
moins que maintes relations n'autorisent cette familiarité.

Je trouve fort joli un bouquet de myosotis et roses mousseuses.

Dans notre siècle d'innovations, on évite la monotonie en variant le
bouquet; souvent ce sont maintenant d'élégantes gerbes lâches, nouées
de rubans qui avivent et rehaussent les douces teintes des fleurs.

Le fugace présent emprunte, pour charmer les yeux, les formes les plus
variées; bref, la fantaisie et l'ingéniosité ont beau jeu en pareille
occurrence.

On offre des coussins tout en fleurs; l'initiale de la jeune fille en
fleurs d'autre teinte; des coussins de roses avec initiale en
tubéreuses, de petites lyres en camélias avec les cordes en cordonnets
d'or, puis toute la série des paniers avec leurs formes exquises et
bizarres. Nos fleuristes sont aujourd'hui de véritables artistes.

[Illustration]



_La bague de fiançailles._


Doit être apportée dès la troisième visite du fiancé; la jeune fille
l'attend avec une certaine impatience, cette bague, image palpable de
l'engagement qui la lie, en attendant l'anneau symbolique.

Dès la seconde visite, le jeune homme s'informera des goûts de la
jeune fille et il lui apportera, à la visite suivante, ladite bague,
qu'il passera à son doigt en lui baisant la main.

Il doit, auparavant, demander la permission à sa future belle-mère.

Lorsque le jeune homme est orphelin, il peut apporter la bague de sa
mère.

La bague de fiançailles est généralement une perle, une émeraude, un
saphir, une turquoise entourée de brillants; un brillant solitaire
quelquefois.

Certaines personnes superstitieuses pensent que l'opale est un présage
de malheur, c'est pourquoi on l'offre rarement.

Une des plus jolies à offrir est la bague jumelle si à la mode
maintenant, deux cercles soudés l'un à l'autre et qui ont une perle et
un brillant comme ornement; l'alliance du brillant et de la perle est
emblématique: la perle, la jeune fille; le diamant, l'épouse.

Le jour de la remise de la bague, le jeune homme fera bien d'apporter
un bouquet à sa future belle-mère.

[Illustration]



_La «Cour»._


Lorsqu'un mariage est décidé, l'usage veut qu'on fixe la date des
fiançailles; on donne à cette occasion soit une soirée, soit un dîner,
et les deux familles s'entendent sur les invitations à faire; on ne
convie guère que parents et amis intimes; les simples connaissances ne
sont pas admises, mais si le mariage a été négocié par des tiers il ne
faut pas manquer de les inviter et de les placer aux côtés des
fiancés.

Les fiançailles sont annoncées au dessert.

Si c'est une soirée qu'on donne, l'annonce du grand événement est
faite vers minuit.

Inutile de dire que le fiancé doit être d'une parfaite exactitude;
s'il se faisait attendre, ce serait un absolu manque de savoir-vivre.

Le lendemain du dîner ou de la soirée, on doit écrire aux membres de
la famille qui sont en province, afin de leur faire connaître la
nouvelle.

Il faut fixer, à quelques jours près, la date du mariage le jour des
fiançailles.

Huit jours après le dîner ou la soirée de fiançailles, les parents du
jeune homme invitent à leur tour la jeune fille et sa famille; lorsque
le prétendant est orphelin, inutile de dire qu'il ne rend aucun dîner,
eût-il une maison montée; un veuf peut seul se permettre cela.

Pour ces dîners, les jeunes gens sont placés l'un près de l'autre, en
face du père et de la mère de la fiancée; le père du jeune homme est
auprès de la maîtresse de la maison, la mère auprès du maître de
céans; s'il y a d'autres invités, on les groupe selon les âges, les
positions, les sympathies.

Pour ces réunions, la fiancée doit être vêtue de teintes claires; les
teintes rose pâle, bleu ciel, crème, ne sont pas l'uniforme des jeunes
femmes. Les jeunes filles peuvent porter toutes les teintes.

L'habit n'est pas de mise dans un dîner de famille.

Pendant le temps de la «cour», octroyer aux fiancés une certaine
latitude, sans toutefois les laisser livrés à eux-mêmes.

Il est bon de les laisser causer librement, sans qu'on puisse entendre
ce qu'ils disent.

Les fiancés ne doivent jamais s'asseoir sur le même meuble, ils ne
peuvent rester ensemble dans une pièce fermée; pourtant les
convenances sont sauves s'ils sont en tête-à-tête dans une chambre
dont la porte ouverte donne sur une autre pièce occupée par la mère ou
des personnes de la famille.

Si le fiancé sort avec sa future et sa belle-mère en expectative, il
doit offrir le bras à cette dernière; mais souvent, pour faire plaisir
au jeune couple, celle-ci l'autorise à donner le bras à sa fiancée.

Les fiancés ne doivent s'appeler que monsieur et mademoiselle; seules
les relations d'enfance autorisent l'emploi du prénom.

Le baiser sur le front est permis, mais la simple poignée de main est
de meilleur goût, et même un cousin et une cousine qui s'embrassaient
franchement lorsqu'ils n'étaient que parents, se bornent au
_shake-hand_, lorsqu'ils deviennent fiancés.

Lorsqu'on a les entrevues d'affaires chez le notaire, on s'y rend
séparément; mais le bon goût veut que le jeune homme et ses parents
soient arrivés les premiers.

On tient, en général, les projets de mariage aussi secrets que
possible, mais, lorsque la chose est bien et dûment officielle, la
mère de la jeune fille accompagnée de celle-ci fait ses visites et
annonce l'événement à toutes ses relations.

Le fiancé a, de droit, son couvert à la table de famille de la jeune
fille; il est de bon goût de ne pas en user tous les jours.

Lorsqu'on se marie avec une veuve, la question n'est plus la même; on
peut sortir seul avec elle, aller au théâtre et elle vous reçoit sans
tierce personne.

Il n'y a pas de dîner de fiançailles; la bague est remise dans une
simple visite.

Les bouquets sont moins de rigueur; on peut les remplacer par des
plantes durables.

La veuve qui reçoit son fiancé doit éviter le noir et les teintes de
demi-deuil dans ses toilettes.

Lorsque la mère du jeune homme reçoit dans son salon la fiancée de son
fils, qu'elle soit veuve ou demoiselle, la formule de présentation à
ses amis est stéréotypée; elle dira: Je vous présente mademoiselle X.
ou madame X., ma future bru. Le ton doit être affectueux.

Certains traités de savoir-vivre interdisent à une jeune fille d'aller
en soirée, au théâtre, pendant le temps de la cour; en outre, ils lui
recommandent de ne pas danser plus de trois fois avec la même
personne, si ce n'est avec son fiancé.

La mode a un peu changé ces coutumes.

Le jeune homme fera bien aussitôt de faire un tri dans ses relations;
de préluder en quelque sorte à la vie sérieuse.

[Illustration]



_Le Contrat._


La signature du contrat se fait ordinairement quinze jours avant le
mariage; le premier ban et les publications légales se font après;
alors on est certain qu'une question d'intérêt ne viendra pas à la
traverse des projets; les discussions d'intérêt ne doivent jamais
avoir lieu devant les jeunes gens et ceux-ci doivent avoir l'air de
les ignorer. Certaines personnes signent seulement le contrat trois ou
quatre jours avant le mariage.

Le contrat se signe chez le notaire ou dans une soirée que donnent les
parents de la jeune fille; quelquefois, c'est un dîner auquel on
convie le notaire; on peut encore faire une grande réception de jour.

Voici le libellé des faire part pour une signature de contrat, si on
le fait avec quelque solennité:

     _Monsieur et Madame L..... seront chez eux
     le 1er décembre 1894_:

     Signature du contrat.

La mode n'étant plus de faire une fête le jour du mariage, on profite
de celui du contrat pour réunir ses amis.

Le cérémonial du contrat est le même dans tous les cas: qu'on aille
chez le notaire, qu'il y ait dîner, soirée ou réception de jour.

L'on s'assied en cercle, les jeunes gens l'un à côté de l'autre, les
parents, les témoins.

Le notaire se place devant une table.

Disons à ce propos qu'il y a des familles qui aiment avoir chacun leur
notaire.

Le notaire lit le contrat, demande si on est bien d'accord et tend la
plume au jeune homme; celui-ci signe, passe la plume à la fiancée, qui
la passe ensuite à sa future belle-mère, celle-ci la transmet à la
mère de la jeune fille, puis, dans le même ordre, aux deux futurs
beaux-pères, enfin aux témoins, en suivant les préséances d'ordre et
de parenté.

Si la signature du contrat a lieu dans une soirée, on passe dans une
pièce séparée, puis on reporte le contrat dans le salon, on le pose
sur une table, et il reste ouvert afin que toutes les personnes
puissent signer si elles le désirent.

Si on désire avoir la signature de hauts personnages ou de parents
âgés qui ne se dérangent pas, on leur porte le contrat à signer chez
eux.

S'il y a un bal, la jeune fille l'ouvre avec son fiancé.

La jeune fille, s'il y a réception chez elle, porte une jolie toilette
de nuance claire, décolletée, un peu «dame» déjà; toutefois elle ne
mettra pas les bijoux de sa corbeille, qu'on doit lui avoir envoyée le
matin; elle aura encore ses petits bijoux de jeune fille.

L'usage veut qu'elle offre lesdits bijoux en présent à ses jeunes
amies. Celles-ci sont toujours reconnaissantes de cette attention.

[Illustration]



_Les Lettres de faire part d'un Mariage._


Ces lettres doivent être adressées le lendemain du contrat, si
celui-ci précède de quinze jours la cérémonie; on peut aussi ne les
envoyer qu'une huitaine avant.

Lorsque les grands-parents sont encore vivants, ils figurent toujours
en première ligne pour annoncer le mariage.

On peut ne plus envoyer de double lettre de faire part, c'est-à-dire
que le côté gauche appartient à la famille de la mariée, le côté droit
à celle du marié.

_Modèle d'une lettre où les grands-parents sont mentionnés._

   Monsieur et Madame Albin, et Madame Dufresne, ont l'honneur de
   vous faire part du mariage de Mademoiselle Marguerite Dufresne,
   leur petite-fille et fille, avec Monsieur Gaston Calmette,
   capitaine au 18e dragons,

   Et vous prient d'assister à la bénédiction nuptiale qui leur sera
   donnée, le mardi 20 novembre 1894, en l'église Notre-Dame des
   Victoires, à midi très précis.

     _Paris, le_

     _202, rue Neuve-des-Petits-Champs._

   Madame veuve Calmette, Monsieur et Madame Calmette ont l'honneur
   de vous faire part du mariage de Monsieur Gaston Calmette,
   capitaine au 18e dragons, leur petit-fils et fils, avec
   Mademoiselle Marguerite Dufresne,

   Et vous prient d'assister à la bénédiction nuptiale qui leur sera
   donnée, le mardi 20 novembre 1894, en l'église Notre-Dame des
   Victoires, à midi très précis.

     _Paris, le_

     _102, rue d'Amsterdam._

Lorsqu'une catholique épouse un protestant ou un israélite, la fin de
la lettre se libelle ainsi:

   Et vous prient d'assister à la bénédiction nuptiale qui leur sera
   donnée en l'église de... et au temple ou à la synagogue de....
   rue de....

L'usage veut que ce soit la religion de la femme qui ait les honneurs.

Pour un orphelin:

   Monsieur Louis T..... chevalier de la Légion d'honneur, officier
   de l'Instruction publique, avocat à la Cour d'appel, a l'honneur
   de vous faire part de son mariage avec Mademoiselle Cécile D.....

Une veuve sans parents fait elle-même part de son mariage.

Voici un modèle de lettre que j'ai sous les yeux; il est timbré aux
armes des deux familles.

     M.

   Vous êtes prié d'assister à la célébration du mariage entre
   Monsieur Gontran de J., vicomte de St-P., et de Mademoiselle
   Anne-Marie de B..., lequel aura lieu le 30 du présent mois de
   juin, en l'église de Saint-Pierre de Chaillot, à midi.

   De la part: du colonel de B..., du marquis et de la marquise de
   St-P., aïeul, père et mère du fiancé; de la duchesse douairière
   de B..., du duc et de la duchesse de B..., aïeule, père et mère
   de la fiancée.

Une formule simple qu'on peut toujours employer est celle-ci:

   Monsieur et Madame C..... ont l'honneur de vous faire part du
   mariage de leur fille Mathilde avec Monsieur Julien S...., etc.

Ou encore:

   Monsieur le docteur L..... et Madame L..... ont l'honneur de vous
   faire part du mariage de Mademoiselle Marie L..... avec Monsieur
   Ferdinand D...., etc.

Si, après la messe, il y a lunch, on met, dans les lettres destinées
aux personnages qu'on désire avoir à cette réunion, une carte portant
cette mention:

   Madame Y... (la mère de la mariée) recevra après la bénédiction
   nuptiale.

C'est toujours la mère ou la grand'mère de la mariée qui reçoit.

Un lunch doit _toujours_ se donner chez la mère de la mariée; jamais
au restaurant.

Les amis très intimes sont invités de vive voix ou par lettres
autographes.

Ce qu'il faut éviter à tout prix, parce que cela frise un peu le
ridicule, ce sont des indications de ce genre:

   Monsieur X..., _propriétaire!!!_ et Madame X... ont l'honneur,
   etc.

Ou encore:

   Monsieur Z..., _ancien négociant!!!_ et Madame Z... ont
   l'honneur.

Il est d'usage de ne mentionner que les décorations nationales.

Les personnes qui, pour une raison ou pour une autre, n'assistent pas
à la bénédiction nuptiale, envoient dès le lendemain leurs cartes aux
parents ou du jeune homme ou de la jeune fille selon qu'ils
connaissent l'un ou l'autre; dans le cas où, seul, le jeune marié
serait connu d'eux, c'est aux jeunes époux qu'il faut adresser sa
carte.

Non seulement il y a les lettres d'invitation à la cérémonie; il y a
aussi les lettres de faire part du mariage tout simplement et qui
s'envoient huit jours après la cérémonie.

Ces dernières sont pour les personnes habitant la province et qu'on
sait ne pas pouvoir assister au mariage; en voici le libellé:

   Monsieur et Madame L..... ont l'honneur de vous faire part du
   mariage de Monsieur Edouard L..... leur fils, avec Mademoiselle
   Charlotte T.....

     _Paris, le_

     _Rue de Chabrol, 117._

La même lettre pour les parents de la jeune fille.

Voici encore un modèle:

   Le marquis et la marquise de C. M. ont l'honneur de vous annoncer
   que le mariage de leur fille Marie-Antoinette avec le baron de J.
   a été célébré le 15 de ce mois de décembre, 1893.

Disons, pour terminer le chapitre des «faire part» de mariage, qu'on
ne doit oublier personne, fournisseurs, serviteurs, etc., enfin toutes
les personnes avec lesquelles on est en relations.

Ces lettres, non cachetées, s'affranchissent à cinq centimes.

[Illustration]



_La Corbeille._


Corbeille, que de folies on commet en ton nom! dirais-je, parodiant un
vers célèbre.

En effet, malheureusement, il est des jeunes filles qui considèrent la
corbeille comme l'affaire principale, la plus considérable dans un
mariage.

La corbeille est envoyée le matin ou la veille de la signature du
contrat.

Il est à remarquer que, sauf la bagne de fiançailles, le futur ne
donne pas de présents de _valeur_ avant le contrat.

La corbeille dépend de la position et de la générosité du futur.

Elle n'est pas envoyée nécessairement dans une corbeille; c'est dans
un coffret, un petit meuble, l'ancien coffre de mariage, si l'on veut
(ce dernier a beaucoup de cachet). Depuis quelque temps, la vraie
corbeille a fait sa réapparition; c'est une corbeille carrée en
vannerie artistique, doublée de satin blanc; on dépose au fond les
étoffes, les dentelles, puis les fourrures, les écrins à bijoux et,
sur le tout, un gros bouquet de fleurs roses liées d'un lien de satin
blanc ou d'un lien d'or; ce qui me fait toujours penser à cette
vieille chanson bretonne:

     Vous voilà donc liée,
     Madame la mariée,
     Avec un lien d'or
     Qui n'délie qu'à la mort!

Il y a quelques années, on avait essayé d'offrir à la fiancée une
somme plus ou moins importante, suivant la situation; mais cette
importation américaine n'a pu prévaloir contre la vieille coutume
française.

Si la fiancée a des frères et des sœurs, le futur joindra à la
corbeille les présents qu'il leur destine.

Il n'est pas d'usage que la jeune fille fasse le moindre cadeau à son
fiancé.

Si elle tient absolument à lui offrir quelque chose, qu'elle lui donne
une garniture de boutons de chemise en perles fines ou l'unique et
large bouton en or mat, que quelques élégants portent.

Le cachemire de l'Inde qui devait faire le fond de toute corbeille du
temps de nos mères a cédé le pas à la jaquette de loutre.

On offre aussi quelques mètres de dentelle blanche; point à l'aiguille
ou d'Angleterre;

Des dentelles noires;

Une garniture de fourrure, renard bleu, skungs, martre, au choix;

Quelques robes _en pièce_, robe de velours noir, de satin ou de moire
de teinte claire, de brocart ancien;

Un éventail en plumes d'autruche noires ou blanches, montées sur
écaille blonde, avec, sur le côté, les initiales de la jeune femme,
c'est-à-dire l'initiale de son prénom et l'initiale de son nouveau
nom, en brillants ou en or;

Une jumelle de théâtre;

Le livre de mariage, genre vieux missel;

Le porte-monnaie, le porte-cartes en ivoire avec appliques d'or
émaillé, genre byzantin;

Une petite bourse remplie de pièces d'or _neuves_;

Des boutons d'oreilles en brillants (pas de pendeloques, de
girandoles), une broche en brillants, un bracelet pareil, une rivière
ou un rang de perles, un diadème ou une aigrette, la petite trousse
en or que portent maintenant les dames; enfin, d'autres bijoux, si
vous voulez, et des pierreries que la jeune épousée pourra faire
monter à son gré.

Je parle ici d'une riche corbeille.

La montre n'y figure jamais, car en somme ce n'est pas un bijou, mais
un objet d'utilité, et il est à supposer que la fiancée a sa montre de
jeune fille.

Pour les corbeilles modestes, au contraire, la montre figure en
première ligne.

Voici la composition d'une corbeille de ce genre:

Deux boutons d'oreilles en brillants ou en perles;

Une broche or, avec, au centre, un motif brillants et perles;

Un bracelet jonc en or ciselé;

Un éventail de satin noir monté sur nacre;

Une robe de faille noire;

Une coupe de dentelle blanche;

Un nécessaire de travail en argent;

Un manchon et un tour de cou en fourrure.

On met aussi dans la corbeille la pièce de mariage, vestige de
l'antique usage.

La pièce de mariage est une médaille en or ou en argent; une des faces
représente un sujet allégorique.

L'autre face porte les noms des deux conjoints et la date de la
cérémonie.

Dans certaines campagnes, la femme reçoit encore de son mari une pièce
d'argent, nouvellement frappée; elle la fait percer, la porte à son
cou, suspendue par un ruban, ou bien à son chapelet, en guise de
médaille.


_Le Trousseau._

La jeune fille apporte toujours son trousseau, même si elle n'a pas de
dot.

Son linge personnel est marqué à ses initiales de jeune fille; par
exemple: Marie Durand, M. D., et le linge de table, de toilette, de
maison, en un mot, est marqué aux deux initiales des noms de famille.

La toilette de la mariée est toujours fournie par ses parents.

Pour le trousseau, outre le solide linge classique, on doit faire un
peu la part de la fantaisie et quelques objets en soie ou en batiste
rose, bleu ciel, vert-nil, ne sont pas déplaisants.

[Illustration]



_La Question des Cadeaux._


Encore une question épineuse.

Disons, tout d'abord, que si le mariage s'est fait par l'intermédiaire
d'une personne, le marié doit un présent à celui ou à celle qui a fait
son bonheur!

Le marié donne une gratification aux domestiques des parents de la
mariée, aux employés de la mairie, paie les actes notariés.

Tantôt c'est la famille de la jeune fille qui fait les frais du
mariage religieux, des voitures, etc.; tantôt c'est celle du jeune
homme (ce devrait être ainsi); en tous cas, les frais du dîner, du
lunch, du bal, s'il y en a un, sont _toujours_ à la charge des parents
de la jeune fille.

Souvent on partage tous les frais entre les deux familles.

Les témoins, les parents, les amis donnent un présent à la jeune
fille; c'est, en général, un cadeau collectif, une pièce de ménage,
mais les parents offrent toujours les objets les plus intimes.

Variée est la liste des présents:

Toute la lyre de l'argenterie, depuis les petites cuillères jusqu'au
surtout d'orfèvrerie, en passant par les plats et les réchauds;

Des glaces, des lampes sur pied, cave à liqueurs, paravent, meubles
volants, garniture de cheminée, bronze, terres cuites, livres,
antiquité, tableaux, etc., etc.

Pour les personnes de positions modestes, on fera bien de ne pas
donner un cadeau qui détonnerait sur l'ensemble.

Lorsque les personnes qui font des cadeaux au jeune couple sont en
relations, elles font bien de s'entendre afin de ne pas faire double
emploi en offrant les mêmes présents.

La jeune fille offre d'ordinaire un cadeau à la bonne de ses parents
ou à sa femme de chambre, si elle en a une; généralement, c'est une
montre.

Le jeune marié doit également un présent à ses beaux-frères et
belles-sœurs, s'il en a: ce sont, pour les enfants de beaux livres;
pour les jeunes gens et les jeunes filles, des bijoux: épingles de
cravate, boutons de manchettes, bagues, bracelets.

Pour entrer en ménage sous de favorables auspices on ne devrait pas
oublier les pauvres.


_L'exposition des présents._

Sur une table on doit placer les présents des amis, avec la carte qui
y était jointe.

En écroulements, le linge de maison; en paquets attachés de faveurs
roses, les objets du trousseau.

Sur un petit guéridon, les écrins ouverts où scintillent les diamants,
les éventails entr'ouverts, les dentelles posées sur transparents,
bleus pour les blanches, roses pour les noires; les soieries en
éventail.

Il est certainement inutile de recommander à nos jeunes filles de ne
pas faire de comparaisons avec la corbeille de telle ou telle amie
mariée; de ne pas trop faire scintiller des joyaux devant des amies
moins fortunées qu'elles.

Ces recommandations n'ont pas besoin d'être faites, tout dépend de la
délicatesse du cœur, science qui ne s'apprend pas, qui est innée.

On remercie aussi chaleureusement le parent pauvre qui vous offre une
veilleuse de porcelaine que le riche qui vous fait présent de
vaisselle plate.

Un beau service de table en fine porcelaine avec les initiales est
toujours bien reçu.

[Illustration]



_Formalités légales du mariage._


Certaines personnes prétendent et soutiennent, au nom de la loi, qu'il
faut quinze ans et trois mois à une jeune fille pour se marier et
dix-huit ans et trois mois à un jeune homme.

C'est une erreur.

Il faut quinze ans et dix-huit ans révolus; n'y eût-il qu'un jour en
plus, cela suffit.

Lorsque deux jeunes gens veulent se marier, il faut qu'ils demandent
ou fassent demander à la mairie, de procéder à la publication du
mariage.

Il faut onze jours d'affiche avant de pouvoir célébrer le mariage;
toutefois, on n'est pas forcé de se marier sitôt le délai écoulé: il
faudrait une année entière de passée pour être contraint de refaire de
nouvelles publications.

Si les parents, dont le consentement est nécessaire, habitent une
autre commune que les enfants, il faut également des publications à
leur municipalité.

Les publications portent les noms, prénoms, profession, domicile, la
qualité de majeur ou de mineur, des futurs conjoints; mention est
faite des noms, prénoms, profession des parents; on indique leur
domicile ou le lieu de leur décès.

Il faut six mois d'habitation dans le même endroit; si ce laps de
temps n'est pas accompli, les publications se font au domicile actuel
et au précédent.

L'homme est considéré comme mineur jusqu'à vingt-cinq ans, la femme
jusqu'à vingt et un an, et les publications devront être faites au
domicile des pères et mères, aïeuls ou aïeules.


PIÈCES A PRODUIRE:

Extrait légalisé de l'acte de naissance des deux fiancés;

Acte de mariage des parents;

Acte de décès, en cas de mort, de l'un ou des deux parents;

Pour un militaire, la permission du ministre de la guerre;

La même permission est obligatoire pour les employés à la suite des
armées.

A ce propos, disons que pour un militaire, vingt-cinq jours avant la
cérémonie du mariage, les publications sont mises à l'ordre du jour du
corps de l'armée selon le grade et l'emploi du futur; ce qui n'empêche
pas les publications à son dernier domicile.

Il faut aussi le consentement des parents, lorsqu'ils sont absents;

Un certificat du médecin en cas de maladie et le consentement; un
jugement en cas d'interdiction;

Pour un veuf ou une veuve, l'acte de décès du premier conjoint;

Le consentement des tuteurs pour les orphelins;

Pour un ou une divorcée, l'acte de divorce;

Même si l'on est veuve ou divorcée il faut le consentement des
parents.

Peuvent faire opposition à un mariage sans dommages et intérêts:

1º Le conjoint d'un précédent mariage;

2º Les père et mère;

3º Les aïeuls et aïeules, lorsque les parents sont décédés, fous, ou
interdits;

4º Dans le cas où le futur époux serait privé de ses facultés
mentales ou s'il était sous la dépendance d'un conseil de famille
ayant refusé son consentement, tout membre de la famille peut faire
opposition.

Mais, en cas de trouble mental, l'opposant est forcé de provoquer
l'interdiction dans les formes et dans les délais voulus et, si son
opposition est rejetée, il peut être condamné à des dommages et
intérêts.

Dans le cas de parenté tel que ceux de beau-frère et belle-sœur,
oncle et mère, cousin et cousine, il faut faire une demande de
dispense au chef de l'État; de même, pour pouvoir se marier avant
quinze ans ou dix-huit ans.

Lorsque les mineurs n'ont plus d'ascendants directs, il faut le
consentement du conseil de famille.

Dans le cas où il y aurait eu des sommations respectueuses de la part
d'un des époux, il faut produire le procès-verbal de la remise de ces
actes respectueux.

Enfin, dans le cas où ces actes seraient nécessaires, disons que la
loi autorise un homme après vingt-cinq ans, et une fille après vingt
et un, à faire signifier ces sommations, par un notaire, à l'ascendant
qui refuse son consentement.

Il faut trois sommations, à un mois d'intervalle l'une de l'autre
jusqu'à trente ans; passé cet âge, un seul acte suffit, mais on ne
peut procéder à la célébration du mariage qu'un mois après la
sommation.

En cas de dissentiment entre les parents ou entre les grands-parents,
le consentement du père ou de l'aïeul suffit.

Il faut un certificat du notaire, en cas de contrat de mariage.

Pour l'homme, il faut le certificat qu'il a satisfait à la loi de
recrutement.

[Illustration]



_Mariage à la mairie._


Il est d'usage maintenant que le mariage civil précède de quelques
jours le mariage religieux.

Cette coutume offre plusieurs avantages et évite une trop grande hâte
pour le jour de la cérémonie religieuse. Le marié, ses père et mère,
la mariée avec les siens, plus quatre témoins, choisis bien entendu
parmi les personnes dont le consentement n'est pas exigible, se
rendent à la mairie, ensemble ou séparément.

Le bon goût veut que, des deux côtés, on envoie chercher ses témoins
en voiture.

On marie de neuf heures du matin à cinq heures du soir.

On peut marier dans une demeure privée; dans ce cas, on laisse les
portes grandes ouvertes; ce n'est que dans des circonstances
exceptionnelles qu'on peut célébrer un mariage chez soi.

Si on veut se faire marier à un jour ou à une heure particuliers, il
faut une autorisation du maire.

Les témoins sont généralement choisis parmi les parents proches ou les
amis intimes.

Ils vont directement à la mairie, dans les voitures qu'on leur envoie.

On peut, sans faire une faute de savoir-vivre, leur donner simplement
rendez-vous.

Inutile de dire qu'un témoin ne se fait jamais attendre.

Le futur, accompagné de ses parents, se rend au domicile de sa future.

La toilette, pour l'homme, est la toilette de ville habillée: pantalon
gris, redingote, gants mi-clairs, chapeau haut de forme.

Pour la femme, une élégante toilette de dîner, teinte indécise
souvent; pour la première fois, elle arbore la capote, ce chapeau de
la femme mariée; elle ne porte pas ses diamants.

Pour l'hiver, je conseillerai une toilette velours bleu foncé, chapeau
pareil, avec plumes ciel; ou une bengaline gris fer avec chapeau
velours noir et plumes roses.

L'été, gardons-nous du rose, du ciel, du crème.

Une toilette de taffetas glacée, avec chapeau léger, sera préférable;
gants biscuits.

Généralement les mères sont en noir ou en teintes très sombres.

Pour partir à la mairie, la jeune fille prend le bras de son père et
monte avec lui et sa mère dans la première voiture; les deux dames
occupent les places du fond.

Le marié monte avec sa famille dans l'autre voiture; il se place sur
le devant.

La mariée fait son entrée à la mairie au bras de son père; le marié
sort donnant le bras à sa mère; la mère de la jeune fille donne le
bras au futur beau-père.

Le même ordre sera suivi pour aller à l'église.

Les futurs époux se placent l'un à côté de l'autre, la mariée à
droite, devant la table municipale; les témoins de chaque côté, les
parents derrière.

Lorsque les garçons de la mairie annoncent: Monsieur le maire, tout le
monde doit se lever.

Sur la table sont placés le registre du mariage, le code et les pièces
demandées par la loi.

Le maire donne lecture des actes, du chapitre VI du code civil relatif
aux droits et devoirs respectifs des époux.

Puis, il demande à chacun des conjoints s'il prend l'autre pour époux.

On doit répondre: «Oui», tout simplement, et non pas: «Oui, monsieur.»

Sur la réponse affirmative des deux époux et sur celle des parents qui
donnent leur consentement, le maire déclare les jeunes gens unis au
nom de la loi.

Malgré le préjugé de la loi salique, c'est la mariée qui signe la
première l'acte de mariage, elle tend ensuite la plume à son mari, qui
lui dit: «Merci, madame», lui donnant le premier ce titre devenu le
sien.

Les témoins signent ensuite.

Le mariage civil est gratuit.

Il y a un tronc pour les pauvres, et chacun y dépose son offrande.

Dans quelques mairies, on remet une bourse aux demoiselles d'honneur
qui font une quête parmi les assistants.

Le marié donne aussi aux garçons de service.

L'on remet au mari un extrait de l'acte de mariage rédigé sur papier
timbré et aussi un livret de famille.

Les nouveaux mariés sortent de la mairie au bras l'un de l'autre et
montent en voiture avec le père et la mère de la jeune fille; le marié
se place sur le devant avec son beau-père.

On donne souvent un dîner où seuls le marié, sa famille et les témoins
sont invités.

Quelques personnes croient bien faire en mettant les jeunes époux à la
place du maître et de la maîtresse de la maison; c'est une faute
contre le bon goût; ils sont évidemment les personnages importants de
la journée et doivent avoir les places d'honneur, c'est-à-dire, la
mariée à la droite de son père et le marié à la droite de sa
belle-mère, mais, sous aucun prétexte, ils ne prennent la place des
maîtres de maison.

Le nom de «madame» ne doit être donné à la nouvelle mariée qu'après la
célébration du mariage religieux.

Le marié se retire avec sa famille et les invités d'assez bonne heure;
il serait indiscret de rester très longtemps.



_Les formalités du mariage catholique._


L'église ne bénit pas de mariages pendant le carême jusqu'à l'octave
de Pâques; non plus, entre le premier dimanche de l'Avent et la fête
de l'Épiphanie.

Cependant, avec une dispense, on peut se marier pendant ces temps.

Il faut également une dispense pour les mariages entre parents.

Cette dispense s'obtient par l'entremise du curé de la paroisse
moyennant une somme qui varie, selon le degré de parenté.

Les bans doivent être annoncés au prône, pendant trois dimanches
consécutifs, aux paroisses des deux époux; on peut racheter deux bans
et même trois bans; mais ce dernier rachat n'est admis que dans
certains cas très graves.

Le prix de rachat des bans est fixé, selon les usages, par chaque
paroisse.

Si on laisse écouler trois mois après la publication des bans, avant
de célébrer le mariage, il faut les renouveler; dans certaines
paroisses, on a six mois.

Pour pouvoir publier les bans à l'église, il faut un certificat de
publication à la mairie.

Aucun ministre d'une religion n'a, en France, le droit de bénir une
union, si elle n'a pas été célébrée devant l'officier de l'état civil.

En passant outre, il aurait d'abord une amende de 16 francs; et, en
cas de récidive, il serait condamné la première fois à un
emprisonnement, variant de un à cinq ans, la seconde fois, à la
déportation.

Il faut donc faire déposer à la sacristie un certificat du mariage
civil, avec le certificat de publication des bans dans les deux
paroisses, les dispenses de l'évêque, en cas de mariage entre parents
ou en temps prohibé; les extraits de baptême des deux époux, le
certificat de première communion qui peut, à la rigueur, remplacer
l'extrait de baptême; le billet de confession.

Si la cérémonie a lieu dans une église autre que la paroisse de l'un
des mariés, le consentement des curés de ces églises est nécessaire,
ou, en cas de refus de leur part, l'autorisation de l'évêque.

L'acte du précédent mariage et l'acte de décès de l'époux pour les
veufs ou veuves qui se remarient, remplacent les certificats de
baptême et de première communion.

Il faut aussi une dispense papale pour épouser une personne
appartenant à une autre religion.

Il y a plusieurs classes pour le mariage religieux. Les premières
classes voient le mariage célébré au maître-autel avec une plus ou
moins grande profusion de fleurs, de lumière, de chants, de musique.
Les autres classes sont pour la chapelle de la Sainte-Vierge, de
Saint-Joseph et autres chapelles.

On s'entend à l'avance avec le prêtre qui représente le curé et la
fabrique; on paye tous les frais: les gratifications aux employés de
l'église et le prix des chaises sont compris dans ces frais.

[Illustration]



_A l'Autel._


Si l'on désire que la bénédiction nuptiale soit donnée par un prêtre
étranger à la paroisse, il y a un arrangement à prendre: c'est alors
le prêtre qui eût béni l'union qui dit la messe.

Le mariage religieux se célèbre toujours dans la matinée; dans
quelques châteaux, chez les partisans des innovations, on voit des
mariages qui sont célébrés à minuit. Je n'aime pas cela; la lumière du
jour, le soleil me semblent indispensables.

Le marié et sa famille se rendent les premiers au domicile de la
mariée.

Le marié apporte à sa femme le bouquet nuptial qui doit être
entièrement blanc, mais non composé exclusivement de fleurs d'oranger;
ce n'est plus le volumineux bouquet rond, entouré de papier découpé;
c'est une gracieuse gerbe de moyenne grosseur, aux tiges flexibles;
les tiges sont entourées d'un mouchoir de batiste garni de haute
dentelle qui retombe en collerette autour des fleurs; un nœud de
ruban de satin ou de moire blanc, à longs pans, attache le mouchoir,
charmant cadeau pour la jeune femme.

Le marié doit envoyer prendre chez eux, en voiture, les témoins, les
parents, les amis, les garçons d'honneur qui doivent former le cortège
de la mariée.

Dans les mariages modestes, ces personnes se rendent à pied au
domicile de la mariée.

Seuls, les garçons d'honneur vont toujours en voiture chercher leurs
demoiselles d'honneur. Bien entendu, les jeunes personnes ne s'en vont
jamais seules, avec leurs garçons d'honneur, fussent-elles deux; il
leur faut toujours un chaperon.

Le matin de la cérémonie, le garçon d'honneur envoie à sa demoiselle
d'honneur un bouquet ROSÉ et non pas blanc, entouré de dentelle et lié
de ruban blanc; ce bouquet doit être plus petit que celui de la
mariée.

A moins de relations étroites entre la famille du garçon d'honneur et
celle de la demoiselle d'honneur, celui-ci ne doit pas envoyer le
moindre présent. En cas d'intimité ou de parenté, il peut envoyer des
gants, une jardinière, mais jamais de bijoux.

Le lendemain du mariage, le garçon d'honneur rend une visite à la
famille de la demoiselle d'honneur.

On doit ne jamais prendre frère et sœur pour être garçon et
demoiselle d'honneur; il faut intervertir l'ordre des familles.

Il n'est pas nécessaire d'être de la famille pour remplir ces
fonctions.

Le nombre des demoiselles d'honneur est illimité, deux, quatre, six;
en Angleterre, elles sont quelquefois douze, habillées de mêmes
nuances claires formant un charmant escadron volant à la jeune
épousée.

[Illustration]



_Toilette de la mariée._


Lorsque tout le monde est arrivé, le père de la mariée va chercher sa
fille et la conduit au salon où la mère de la mariée reçoit ses
invités.

La mariée doit porter une robe de satin, de brocart, de moire, de
faille, de cachemire, de mousseline blanche; quelle que soit la valeur
de l'étoffe, la façon doit être _simple_.

Les dessous de la mariée doivent être entièrement blancs; chemise de
batiste ou de surah blanc, avec nœuds bébé en satin blanc, aux
épaulettes, pantalon assorti; corset de faille ou de satin blanc,
petit jupon assorti et grand jupon de satin, de faille, de nansouk,
tout floconneux de multiples volants qui doivent soutenir la traîne;
la robe à traîne ronde ou carrée peut être garnie dans le bas d'une
draperie retenue par de minuscules piquets de fleurs d'oranger, ou
tout unie. Le corsage et les manches, selon la mode de l'année où on
se marie; un tout petit bouquet d'oranger au côté gauche du corsage;
pas de brillants, pas de bijoux, à peine des perles aux oreilles.

Dans quelques mariages fastueux, on garnit la robe des dentelles de
famille et la mariée a un voile de vieux point d'Angleterre ou de
toute autre dentelle précieuse.

Les grosses couronnes qui casquaient si lourdement les fronts des
mariées ne se portent plus à Paris; on préfère la petite couronne
comtesse, posée très en arrière. Le piquet de côté en aigrette ou un
tout petit semis de fleurs d'oranger est joli et à la mode.

Le voile se pose à la juive, à la mauresque, à l'espagnole, mais je
préfère à la juive.

Bas de soie, souliers de satin blanc; gants _longs_ en chevreau blanc.

Tout au plus, en fait de joyaux, un rang de perles.

Le marié porte le classique costume: souliers vernis, chaussettes de
soie noire, pantalon noir, gilet noir, cravate de soie blanche, habit,
gants blancs, claque.

Si le futur appartient à l'armée, il se marie en grand uniforme.

Les modes plus ou moins exotiques qui ont essayé de prévaloir contre
le costume traditionnel n'ont pas réussi.

L'habit rouge que quelques sportsmen anglais ont adopté ferait en
France assez mauvais effet.

De même quelques élégants chez nous ont vainement essayé de mettre à
la mode la redingote longue et le pantalon gris, ce costume
matrimonial n'a point été adopté.

[Illustration]



_Cortège._


Comme pour aller à la mairie, la mariée occupe la droite dans la
première voiture à côté de sa mère; son père et sa sœur ou une jeune
parente prennent place sur le devant.

Il va sans dire que, si la jeune fille est orpheline, la dame qui lui
sert de mère a tous les honneurs.

Dans la seconde voiture monte le marié, à côté de sa mère; en face,
son père et sa sœur s'il en a une, ou tout autre proche parent.

Si les demoiselles d'honneur ne sont pas dans les voitures des mariés,
elles sont avec leur famille et leurs garçons d'honneur dans les
voitures qui suivent immédiatement celle de la mariée; après viennent
les témoins, puis, un peu à leur guise, les invités.

Les cochers, les serviteurs ont à leur boutonnière un très petit
bouquet de fleurs d'oranger.

Lorsque la mariée descend de voiture, il doit y avoir, sous le porche
de l'église, une femme de chambre avec des aiguilles enfilées, des
épingles, de manière à pouvoir réparer toute avarie à la virginale
toilette ou tout au moins arranger le voile, la traîne. C'est à ce
moment que se forme le cortège.

Toujours la mariée doit laisser se former le cortège avant de
descendre de voiture.

Au son d'une marche triomphale la mariée effectue son entrée au bras
gauche de son père; dans le cas où il porterait l'épée, au bras droit.

Elle ne doit pas distribuer des signes de tête et des sourires de
droite et de gauche; elle doit s'avancer d'un pas cadencé, les yeux
baissés sans ostentation.

Le marié vient ensuite avec sa mère, puis la mère de la jeune femme
avec le père du marié, les deux couples de garçons et de demoiselles
d'honneur, les plus proches parents des deux familles, assortis d'âge
et de goût autant que possible, le flot des amis et en serre-file les
hommes qui n'ont pas de cavalières, chose qu'il faut éviter autant que
possible.

Lorsque la jeune femme arrive à sa place, le suisse ou mieux le garçon
d'honneur doit arranger son voile, sa traîne.

Au reste, pour être digne de cette fonction, enviée et pourtant
difficile de garçon d'honneur, il faut payer de sa personne; non
seulement le matin on doit aller chercher sa demoiselle d'honneur,
mais encore les autres dames.

Au signal donné par le suisse d'un coup de hallebarde, tous les
assistants se sont levés, ils se tournent à demi pour regarder le
défilé.

Le père de la mariée la conduit à sa place; le prie-Dieu est à gauche,
un cierge à poignée blanche brûle auprès; le marié est à droite avec
ses témoins.

Il est à remarquer que les amis et invités du marié sont du côté
droit, ceux de la mariée du côté gauche.

Les parents sont dans le chœur le plus près possible de leur enfant;
les garçons d'honneur doivent placer les invités selon les rangs de
parenté.

[Illustration]



_Le Cérémonial._


Le suisse et le bedeau indiquent aux assistants le moment où il faut
se lever, s'agenouiller, s'asseoir.

A l'église, des parents peuvent remplir le rôle de témoins; il suffit
donc d'en avoir deux, au lieu de quatre comme à la mairie.

La jeune mariée doit éviter de tourner la tête pour voir ce qui se
passe derrière elle; le soin de son voile, de sa robe ne doit pas
l'occuper.

Si, dans l'église où a lieu le mariage, on tend le poêle (bande
d'étoffe) au-dessus de la tête des mariés, je recommande vivement au
garçon d'honneur de faire attention à la coiffure de la mariée.

Les mariés sont assis pour écouter l'allocution du prêtre au sujet de
leurs devoirs réciproques et des obligations qu'ils auront envers les
enfants qui leur naîtront.

Pour la consécration du mariage le prêtre vient aux jeunes époux, qui
se tiennent par la main droite (dégantée), et c'est ainsi qu'ils
doivent répondre aux questions sacramentelles.

De même, lorsqu'ils s'agenouillent sur leurs prie-Dieu pour recevoir
la bénédiction.

Le oui doit être articulé à mi-voix mais distinctement.

Lorsque les anneaux sont bénis, le prêtre les remet à l'époux;
celui-ci passe l'alliance symbolique au quatrième doigt de la main
dégantée de sa femme. Il serait logique que celle-ci passât de même
la bague au doigt de son mari, mais c'est lui-même qui s'en charge.

Les mariés peuvent ensuite se reganter.

Tantôt on applique la pièce d'or ou d'argent à la cire du cierge que
tiennent les époux pour aller baiser la patène, tantôt on la dépose
dans le plat de vermeil que tient l'enfant de chœur.

Pour les quêtes dans l'église, faites par les garçons et les
demoiselles d'honneur, il y a certaines nuances à observer.

Disons, à ce propos, que, si les garçons d'honneur sont de tout petits
garçons et de toutes petites filles, et rien de plus charmant, on peut
se livrer à la fantaisie pour les habiller.

Lorsqu'il s'agit de demoiselles pour de bon, elles devront éviter
d'être en blanc, sauf les gants qui, ainsi que ceux des garçons
d'honneur, doivent toujours être de cette couleur; la nuance paille ou
crème n'est même pas admise. La bourse de quêteuse est faite en étoffe
semblable à la robe avec petit bouquet d'oranger et nœud de ruban.

Passé trente ans pour les demoiselles et quarante ans pour les
garçons, il n'est guère possible d'accepter ces fonctions.

Lorsque le suisse (pour le couple qui appartient au côté de la mariée)
et le bedeau (pour celui qui appartient au côté du marié) viennent
chercher les garçons et les demoiselles d'honneur pour la quête,
ceux-ci doivent tout d'abord déposer leur offrande personnelle au fond
de la bourse, puis la présenter au jeune couple, aux parents qui sont
dans le chœur, enfin descendre dans la nef et s'arrêter devant chaque
rang d'invités, qui à droite, qui à gauche.

Le garçon d'honneur tient de la main gauche le bouquet de sa compagne
et son claque et il lui offre le _poing droit fermé_; la jeune fille y
pose sa main gauche: cette main doit être maintenue à une certaine
hauteur.

Cette position, très gracieuse, vous a un petit air moyen âge plus
joli en vérité que l'attitude de jeunes gens marchant la main dans la
main comme des enfants qui vont à l'école.

La jeune fille tend la bourse avec une grande discrétion; elle ne doit
pas l'agiter violemment en façon d'appel aux pièces, surtout ne jamais
jeter un coup d'œil dans l'intérieur, et son remerciement doit être
également gracieux si elle a entrevu l'éclair d'un louis ou si elle a
perçu le son d'une pièce de dix centimes.

Si l'une des demoiselles d'honneur a une récolte d'argent plus
abondante que celle de sa compagne, il serait d'une grande
inconvenance de faire sonner (c'est le mot) ce petit triomphe
d'amour-propre devant celle qui a été moins favorisée.

Le rôle de garçon d'honneur est d'avoir l'œil à tout, de prévenir les
désirs des dames, de faire danser toutes les invitées, s'il y a un
bal.

Lorsque la cérémonie religieuse est terminée, la mariée, au bras de
son _beau-père_ et non à celui de son mari, passe à la sacristie; le
jeune marié offre le bras à sa belle-mère, le père de la jeune fille à
la mère du jeune homme.

Arrivé à la sacristie, après avoir signé sur le registre, le jeune
couple ayant ses parents réciproques de chaque côté, attend le défilé,
les félicitations et les baisers.

Le registre reste ouvert pour tous, mais on ne doit signer que si l'on
vous en prie, à moins que vous soyez un très grand personnage et que
votre signature ne soit un grand honneur.

Lorsque les derniers invités sont partis de la sacristie pour aller
reprendre leur place à l'église, la mariée, au bras de son mari cette
fois, et précédée du suisse, traverse l'église de nouveau aux sons de
l'orgue.

Le marié monte avec sa femme, sa mère et son père dans une voiture,
les deux femmes au fond, bien entendu.

Si le marié a une voiture, il part seul avec sa femme dans son coupé.


_Mariage protestant._

On commence par aller à l'église, si l'un des deux conjoints est
catholique, on peut n'aller qu'au temple ou à l'église, mais le
savoir-vivre veut qu'on aille aux deux.

Les cérémonies sont les mêmes.

On n'exige en fait de pièces que le certificat du mariage civil.

Le prêtre catholique n'est jamais invité aux fêtes de mariage; le
pasteur peut l'être.


_Mariage israélite._

Lorsque la mariée juive sort de sa maison, on a la très jolie coutume
de jeter des fleurs sur son passage.

Les hommes qui assistent à un mariage israélite gardent leur chapeau
sur la tête à la synagogue.

La mariée fait son entrée à la synagogue, soutenue et comme traînée
par ses deux témoins, qui lui tiennent les mains très élevées.

Elle monte les degrés du tabernacle et s'assied sous un vaste dais
avec son mari, les parents, les témoins, les garçons et les
demoiselles d'honneur.

Le rabbin, comme le prêtre, prononce un discours, reçoit le
consentement des époux et celui des parents, puis le marié passe
l'anneau au doigt de sa femme en disant qu'il la reconnaît pour sa
légitime épouse devant l'Éternel, devant la loi de Moïse et de l'État.

Le rabbin bénit l'union, fait boire aux époux le vin consacré dans une
même coupe qu'on jette ensuite par terre; lorsqu'elle se brise en
beaucoup de morceaux, c'est signe de prospérité pour le jeune couple.

L'acte de mariage est lu à haute voix avant la signature.

Lorsque les Israélites appartiennent au rite portugais, la fiancée a
brodé une écharpe qu'on place sur les épaules du marié; la mariée
donne également au jeune marié le linceul dans lequel on l'ensevelira.

Le mariage russe est très poétique, le marié est couronné de fleurs,
on lâche des colombes.

[Illustration]



_Autour d'un berceau._


Un petit personnage est né, fille ou garçon, lequel, après les soins
d'usage, repose dans son berceau, tendu de rose pour la future mère de
famille et de bleu pour le général ou l'avocat célèbre à peine éclos.

La nouvelle maman, gardée par sa mère ou par une parente, par sa
domestique ou par une garde, selon les positions de fortune ou de
convenances, ne doit recevoir, les neuf premiers jours, que des
visites de quelques minutes, où à peine entré, après avoir embrassé
l'accouchée, et s'être, suivant l'usage, extasié sur le bébé, il est
de bon goût de se retirer.

Lorsqu'on n'est pas de la famille ou de la stricte intimité de la
jeune femme, il est préférable d'aller demander des nouvelles et de
remettre sa carte sur laquelle on a tracé quelques lignes
affectueuses.

La déclaration de naissance doit être faite sous trois jours à la
mairie de l'arrondissement par le père de l'enfant, et deux témoins
français pouvant signer et étant domiciliés dans l'arrondissement où a
eu lieu la naissance.

Lorsque le père est empêché de se rendre à la mairie, il doit donner
une procuration; s'il était absent, la déclaration doit être faite par
le médecin ou toute autre personne ayant assisté à la naissance.

Faute de faire sa déclaration dans les délais voulus, on peut avoir
une peine correctionnelle variant de trois jours à six mois de prison
et une amende variant de six à trois cents francs.

Le nouveau-né peut être porté à la mairie où l'officier de l'état
civil constate son sexe, mais il est préférable d'attendre le médecin
des naissances, qui vient à domicile, dans les vingt-quatre heures qui
suivent la déclaration.

Une déclaration erronée rend passible des peines les plus graves.

Les prénoms doivent être indiqués dans l'ordre où l'on désire qu'ils
restent.

Autant que possible, on donne à l'enfant trois prénoms au plus, à
moins que, pour des raisons de famille, on ne lui en accorde
quelques-uns en surcroît; mais cette longue énumération n'est plus
guère usitée en France et semble réservée aux grands d'Espagne qui,
dans les siècles passés, entassaient leurs appellations sur des
monceaux de parchemin.

Les noms de fruits, de fleurs, les appellations grotesques sont
interdits.

On donne généralement à l'enfant le prénom de son parrain si c'est un
garçon, ou le prénom de sa marraine si c'est une fille; puis les
prénoms de ses père et mère, ou ceux choisis par ces derniers.

Souvent aussi le goût de la maman domine et le prénom sous lequel le
baby sera dénommé n'appartient à aucun membre de la famille; en ce
cas, les prénoms des parrains et des marraines viennent en seconde
ligne. Du reste, il est de bon goût, pour une marraine, de se récuser
avec grâce de donner son prénom, s'il ne doit pas plaire à la maman.

Les prénoms bizarres, extraordinaires, sont généralement bannis par
les familles.

L'élégance, pour les jeunes mamans, consiste à avoir une toilette de
nuit très mousseuse, ornée de rubans bleus ou roses, selon, comme je
l'ai dit, que le chérubin est un monsieur ou une demoiselle.
L'oreiller sur lequel elle repose doit être orné de même; la robe de
chambre des relevailles, les rubans de la layette également; mais,
ceci n'est nullement obligatoire et rentre dans le domaine de dame
Fantaisie. Il est bon de dire que presque toutes les femmes aiment
assez ces menus usages qui ne sont pas bien coûteux et qui ornent la
vie.

Pour passer de la chambre à coucher au salon et y faire séjourner
l'enfant, on a d'exquis petits berceaux sans pieds, dénommés «Moïse».

On doit envoyer des billets de faire part à toutes les personnes avec
lesquelles on est en relation.

La fantaisie est admise pour ces billets qui s'envoient quinze jours
après la naissance.

Pour les amis intimes, la parenté, on prévient, dès le lendemain, par
un mot écrit à la main.

Les billets se font sur de petites feuilles doubles ou sur des cartes
unies ou dorées en genre parchemin.

On peut les envoyer sous enveloppe non cachetée; les initiales du baby
au coin gauche.

Le papier peut être uni ou liseré de rose ou de bleu selon les cas;
lorsqu'on a des armoiries, on les met; quelquefois aussi le monographe
des parents.

On doit retourner une carte dans les deux jours qui suivent la
réception du faire part ou, si l'on veut, une lettre de félicitations;
cela dépend du degré d'intimité.

Une mode, nouvelle et bien gentille, est celle qui consiste à joindre
à la lettre de faire part une carte minuscule cornée, avec le prénom
du baby, c'est une politesse que le nouveau-né fait, d'ores et déjà, à
toutes les personnes qui peuvent s'intéresser à son arrivée en ce
monde.

Voici quelques modèles de billets de faire part.

   _Monsieur et Madame de B.... ont l'honneur (ou le plaisir) de
   vous faire part de la naissance de leur fils Pierre._

     _Paris, le 25 novembre 18  ._     _22, rue de l'Arbre-Sec._


   _Monsieur et Madame R. D.... vous font, avec joie, part de la
   naissance de leur fille Marguerite, qui est déjà sage et jolie._

   _J'ai le plaisir de vous annoncer que j'ai fait mon entrée en ce
   monde le 29 de ce mois de décembre et que ma petite maman et moi
   nous nous portons bien._

     MARIE D....


   _Nous avons le plaisir de vous annoncer la naissance d'un gros
   garçon, qui a reçu les noms de Lucien-Léon-Alfred et qui se porte
   à merveille._

     Monsieur et Madame D....


   _Monsieur et Madame Louis D.... ont le plaisir de vous faire part
   de la naissance de leur fils, qui a reçu les prénoms de
   Raymond-Gontran._

   _Parrain: Monsieur Raymond D....._
   _Marraine: Madame D....._


   _J'ai la joie de vous annoncer mon heureuse arrivée en ce monde;
   j'espère y être heureuse et gâtée. Ma petite mère et moi nous
   nous portons à merveille et petit père est très content._

     LAURE-CÉCILE D....


Autant que possible, quand on va faire ses compliments, ne pas trouver
de ressemblance entre le nouveau-né et tel ou tel ascendant.
Savons-nous si le père ou la mère ne trouvent pas ces personnes-là
affreuses?

A l'occasion d'une naissance, les parentes et les femmes de
l'entourage font un cadeau au baby; ce sont souvent des objets
confectionnés par elles-mêmes: bavoir élégant, une initiale
discrètement brodée dans un coin; brassières, petits chaussons de
laine rose ou bleue, bonnet mignon, voire même bracelet d'or avec une
médaille où sont gravés les prénoms de l'enfant.

Cette mode de bracelets est assez abandonnée depuis quelques années.

Le père offre généralement un présent à la nouvelle maman; c'est
presque toujours un bijou, objet durable, qui perpétue le souvenir de
l'heureux événement.

[Illustration]



_Sur les fonts baptismaux._


J'engagerai toujours à faire célébrer le baptême six semaines ou deux
mois après la naissance et non tout de suite, ainsi qu'on le faisait
il y a quelque vingt ans.

La cérémonie ainsi reculée permet à la jeune maman d'y assister,
d'être avec le chérubin l'héroïne de la fête et, de cette manière,
l'inquiétude étant bannie, on peut être tout à la joie.

Les personnes pieuses qui craignent pour la vie future du baby doivent
le faire ondoyer; mais, je le répète, le baptême étant la fête de
famille par excellence, tout le monde doit y prendre part.

Les parrains et marraines doivent être désignés plusieurs mois à
l'avance. On choisit généralement, pour le premier-né, la grand'mère
maternelle comme marraine et le grand-père paternel comme parrain;
pour le second bébé, c'est l'inverse, grand'mère paternelle et
grand-père maternel.

Faute de ces très proches parents, on prend les frères et sœurs des
époux.

Un frère ou une sœur peuvent très bien être parrain ou marraine de
leur frère ou sœur.

L'Église exige l'âge de sept ans pour pouvoir être parrain ou
marraine, mais, par faveur spéciale, elle admet quelquefois des
enfants plus jeunes, à condition qu'ils aient des répondants.

On nomme, d'ancien temps, «compère et commère» le parrain et la
marraine.

Il importe, pour s'assurer un parrainage, de s'y prendre longtemps à
l'avance.

Lorsque le compère et la commère ne se connaissent pas, il est bon de
les présenter l'un à l'autre avant la cérémonie.

Pour le baptême, les prénoms donnés à l'enfant doivent être inscrits
dans le même ordre qu'à la mairie.

Si la marraine ne connaît ni le parrain ni sa famille, un tiers est
nécessaire, lorsque, le jour du baptême, celui-ci va chercher sa
commère en voiture ou à pied, pour l'accompagner au domicile de
l'enfant.

Quelques jours avant la cérémonie, la marraine envoie la robe, le
bonnet, la pelisse, le chapeau que portera l'enfant. Elle peut
n'envoyer que deux de ces objets, chapeau et pelisse, ou robe et
bonnet.

L'élégance diffère suivant les moyens.

Pour mon fils, voilà ce que sa très aimable marraine a donné: robe de
mousseline à tablier d'entre-deux de valenciennes, sur une robe de
soie bleu pâle faisant transparent; petit bonnet tout en entre-deux de
valenciennes et de plumetis sur nansouk avec grosse ruche de
valenciennes et d'étroites coques de ruban comète en satin crème;
pelisse en cachemire crème, brodée au passé d'une guirlande de fleurs;
effilé de soie crème tout autour, doublure en satin crème, piquée;
capote de satin crème avec la même broderie qu'à la pelisse, garniture
de plumes crème.

Les robes de piqué, les pelisses à carreaux, les capelines en laine
peuvent également s'offrir.

Le parrain, suivant ses ressources, offre à son ou à sa filleule tous
les petits ustensiles à son usage: poêlon à bouillie, petite tasse,
coquetier, petite cuillère, petite assiette, hochet, timbale, rond de
serviette en argent, en vermeil, même en or, ou un seul de ces objets,
ou même un simple hochet en ivoire, en os.

Une robe, une pelisse, une capeline confortable, en _couleur_,
quelques menus objets utiles font le plus grand plaisir aux parents.

Dans la semaine qui précède le baptême, le parrain doit envoyer à la
marraine les boîtes de dragées et un bibelot quelconque.

Il y a vingt ans, le présent était classique: c'était invariablement
une boîte à gants contenant six ou douze paires de gants. Il fallait
donc demander la pointure de la dame, les nuances qu'elle préférait,
etc., etc. Maintenant la mode a renversé cet usage, et on peut offrir
indifféremment un bronze, une jardinière avec des fleurs, un éventail
et même, si le degré d'intimité est grand, un bijou.

Les père et mère de l'enfant doivent, de leur côté, commander des
boîtes de baptême; l'usage veut que le parrain et la marraine leur en
offrent chacun une.

Les boîtes de baptême sont en papier rose ou bleu; on en fait
aujourd'hui d'adorablement jolies: boîte avec le prénom de l'enfant et
la date de sa naissance estampés en relief or ou argent, ou les deux
mélangés; avec les initiales entrelacées en givré or ou argent avec le
nom en diamanté; avec aquarelle représentant un amour peignant le nom
du nouveau-né sur une boîte de baptême; avec un cortège XVIe siècle,
violoneux en tête, parrain et marraine, qui sont un marquis et une
marquise falbalatés, jetant les dragées à un peuple de marmots qui se
bousculent; ou bien des anges posant dans un berceau un petit enfant;
une cloche, laissant tomber le baby, si le baptême se trouve au temps
pascal.

On peut aussi offrir en place de boîte un sac de moire ou de satin à
la marraine et à la jeune maman; en tous cas, elles doivent recevoir
toutes les deux un bouquet.

Le parrain a la charge des cadeaux à la marraine, à la garde, aux
domestiques, à l'enfant de chœur, au curé.

La pièce de cinq, dix ou vingt francs qu'on offre au prêtre doit être
placée dans une boîte de dragées, de même pour les autres personnes,
sauf pour l'enfant de chœur auquel on donne un ou deux francs de la
main à la main.

Pour la garde et la nourrice, on peut varier entre cinq et vingt
francs.

Pour les domestiques, c'est cinq francs, généralement.

Le jour du baptême, le parrain va prendre la marraine chez elle en
voiture ou à pied et l'amène chez les parents de l'enfant.

Si c'est en voiture, la maman et la nourrice portant l'enfant
monteront dans cette voiture pour aller à l'église; elles occuperont
toutes les deux les places du fond; le parrain et la marraine sur le
devant.

On doit s'entendre à l'avance avec le curé pour le jour et l'heure de
la cérémonie. Pour l'entrée à l'église, c'est la personne qui porte
l'enfant qui ouvre la marche.

Le parrain est placé à droite de la personne qui tient l'enfant, la
marraine à gauche.

Le _Pater_ et le _Credo_ qui sont demandés doivent être récités en
français; le cierge est tenu ensemble, de la main droite, par le
parrain et la marraine.

Il ne faut jamais répondre: «oui, monsieur», mais, oui, tout
simplement.

Le parrain et la marraine mettent leurs mains droites _dégantées_ sur
la tête de l'enfant en même temps que le prêtre.

Après la cérémonie du baptême, on se rend à la sacristie pour signer
l'acte.

A la sortie, mais moins fréquemment qu'autrefois, le parrain et la
marraine jettent des dragées et quelques pièces de monnaie aux gamins
assemblés.

Au dîner de baptême, le parrain et la marraine occupent les places du
maître et de la maîtresse de la maison.

Le dîner doit être servi avec cérémonie; des dragées doivent figurer
au dessert.

Jamais la nourrice ne doit y assister; à la fin du repas, ou plutôt
au commencement, il arrive que l'on fait circuler de main en main le
héros de la fête lequel, généralement, désapprouve fort cette façon
d'aller et le témoigne par des cris perçants.

Un mois après le baptême, si la marraine est mariée, son mari doit
inviter à dîner le parrain et les parents de l'enfant.

En cas de nécessité on peut demander un prêtre pour que le baptême ait
lieu à domicile.

Les usages sont les mêmes pour le baptême protestant, sauf en ce qui
touche la cérémonie du baptême qui est, comme tout le cérémonial de ce
culte, réduite à sa plus simple expression.

Comme chez les chrétiens, l'enfant israélite a un parrain et une
marraine.

Le premier jour de sabbat (c'est-à-dire le samedi), le père qui a eu
un garçon doit porter une offrande à la synagogue.

Dans les deux cas, il y a réunion de parents et d'amis à la maison et
le rabbin ou, à son défaut, le père, appelle solennellement les
bénédictions du dieu d'Abraham et de Jacob, sur le nouveau-né.

[Illustration]



_Parrainages._


Si on acceptait à la lettre les devoirs de parrain et marraine, il ne
s'agirait de rien moins que de remplacer le père et la mère pour
toutes choses, en cas de mort.

Sans être aussi rigoriste, nous devons penser que l'enfant tenu par
nous sur les fonts du baptême ne peut, ne saurait être un étranger
pour nous.

On doit lui faire un cadeau au jour de l'an, à sa première communion,
à ses succès d'examens, à son mariage, à sa première épaulette, enfin,
un souvenir, quelque minime qu'il soit, à tous les événements
importants de sa vie, que, du reste, ledit filleul doit annoncer, par
lettre ou par visite, à ses parrain et marraine.

Tout au moins deux fois l'an, il doit aller les voir ou leur écrire.

Si les parrain et marraine sont des parents, cette qualité ne
prévaudra pas, et il est de meilleur goût de dire «grand-père» que
parrain à son aïeul; de même pour ses oncles et tantes, frères et
sœurs.

La position du parrain et de la marraine est-elle très supérieure à
celle du filleul, celui-ci doit garder une certaine réserve, ne jamais
s'imposer et écrire dans les termes les plus respectueux; ne pas dire
simplement: mon cher parrain, ou ma chère marraine, mais bien monsieur
et cher parrain, madame et chère marraine.



_La Nourrice._


Combien vétilleux le choix d'une bonne nourrice, celle qui, si
malheureusement vous ne nourrissez pas, vous remplacera auprès de
votre enfant, cueillera son premier sourire, apaisera ses premiers
cris, sera presque sa mère en un mot.

On doit s'occuper du choix d'une nourrice un mois avant l'événement;
il faut recourir au médecin qui, lui, ne se laissera pas tromper par
les apparences.

Autant que possible n'envoyez pas votre enfant en nourrice à la
campagne, réduisez-vous à tous les sacrifices pour le garder auprès de
vous.

Pour notre nourrice contentons-nous du costume classique, la robe
plate très ample, la vaste pèlerine dans laquelle on peut envelopper
l'enfant entièrement, le petit bonnet, les deux épingles, la couronne
de larges rubans, aux bouts flottants sur les talons et le tablier
blanc orné d'une dentelle ou d'une broderie tout autour.

A la première dent de l'enfant, il est d'usage de donner un cadeau à
la nounou.

Si vous le pouvez, il est préférable de faire déjeuner et dîner la
nourrice à votre table; vous éviterez ainsi bien des dérangements au
baby, dérangements souvent causés par un fruit ou une crudité mangés
subrepticement par nounou.

La boisson de celle-ci doit être de la bière, du vin et de l'eau
d'orge.

Si vous sortez avec votre nourrice, faites-lui toujours prendre la
droite; en voiture, elle doit occuper le fond, de préférence à une
jeune fille ou à un jeune garçon.

Il est de très mauvais genre de faire monter une nourrice près du
cocher, qu'on ait son équipage ou qu'on aille en fiacre.

Pendant les premières semaines qui suivent la naissance, on fera bien
de porter les enfants, qui ne sont encore que de petits paquets
vivants, sur un coussin de plumes et de crin, recouvert de satinette
bleue ou rose, de mousseline ou de tulle brodé.

Le coussin tient chaud et n'échauffe pas l'enfant auquel il faut
donner une position normale; ne pas le coucher et le porter toujours
du même côté, en variant chaque jour.

Le savoir-vivre des tout petits est une science qu'il faut leur
apprendre dès le berceau et toutes les mamans devraient y veiller et
empêcher, dès le principe, Bébé de sucer son pouce, parce qu'il y a à
craindre la déformation «de la bouchette et du petit pouce».

De concession en concession, pour avoir la paix, faibles mères que
nous sommes, nous laissons faire de grosses sottises à nos chers
enfants, et plus tard ce sont des cris et des larmes puis des
corrections lorsqu'il faut faire des êtres civilisés de ces petits
bonshommes et de ces petites bonnes femmes qu'on eût pu, dès le
berceau, éduquer pour ainsi dire en gentlemen ou en ladies du maillot.

[Illustration]



_La première enfance._


Jusqu'à sept ans, un enfant ne dîne pas à table, lorsqu'il y a du
monde, ceci est conforme au système de nursery de nos voisins
d'outre-Manche, dont nous n'avons point à médire, à condition de
pouvoir faire autrement et d'installer, s'il nous plaît, le baby dans
son petit fauteuil.

Et en effet, ces mignons ne sont-ils pas, pour nous autres mères, les
plus grands personnages du monde?

On me fera quelques observations au nom du décorum et de la propreté.

On enfreint parfois quelques règles, et des meilleures. Que la mère
qui n'a point péché me jette la première pierre.

Pour la propreté, si vous craignez le renversement de la timbale ou
les mouchetures de bouillie sur la nappe blanche, ayez la précaution
de placer devant le petit un carré de toile cirée: de cette façon
l'accident sera vite réparé.

Une remarque assez curieuse à faire, c'est que, avant de savoir
parler, l'enfant sait frapper, et le père et la mère, idolâtres et
ravis, baisent le petit poing rose et se font gloire de la vigueur du
coup porté.

Que de fois avons-nous entendu dire: Donne un coup, un grand coup pour
faire voir comme tu es fort. Et l'enfant de s'escrimer.

Aussi plus tard, lorsqu'on voudra lui faire perdre cette sotte et
déplorable habitude, aura-t-on toutes les peines du monde.

Certains trouvent aussi très amusant d'entendre la bouche fraîche de
bébé prononcer des mots risqués.

Etonnons-nous donc que bébé, inconscient mais triomphant, emmagasine
dans son petit cerveau, déjà très subtil, qu'il peut être impertinent
sans danger pour lui!

Aucune de nous ne pense qu'il est bon d'avoir toujours la mine sévère
et grondeuse que nos ancêtres prenaient envers leurs enfants, qu'il
nous faut exiger le «vous» cérémonieux en place du bon tutoiement;
cela regarde au reste chaque mère de famille; mais on s'accorde à
reconnaître que la grande familiarité entre les parents et les
enfants, la camaraderie, en un mot, est plus nuisible qu'on ne le
croit, elle porte atteinte au respect et par conséquent à l'esprit de
famille.


_Vers sept ans._

Dès la prime enfance, il faut habituer l'enfant à être propre, lui
faire essuyer sa petite bouche, ne pas rire quand il a «des
moustaches» en chocolat, exiger qu'il replie sa serviette et qu'il
aille se laver les mains avant de s'asseoir à table, ne pas y mettre
les coudes, ne pas parler la bouche pleine, et ne pas porter la main
au plat.

Lorsque les enfants savent réciter des fables à peu près, ou fredonner
une chansonnette, il n'est plus guère admis de leur demander au
dessert la preuve de leur talent.

Cela ennuie presque toujours les personnes étrangères, et ce n'est que
par excès de politesse qu'elles vous le demanderont, sachant bien vous
faire plaisir.

Il faut interdire aux enfants d'être impertinents avec les
domestiques; une parole polie est aussi vite prononcée qu'une
malhonnêteté.

Un enfant doit toujours se baisser vivement et ramasser l'objet que
son père, sa mère ou un de ses parents a laissé tomber, mettre un
coussin sous les pieds de la grand'mère, aller chercher le journal ou
les lunettes du grand-père, apaiser par une grimace ou une caresse
petit frère ou petite sœur qui pleure (les marmots préfèrent
généralement la grimace), rapporter une fleur à sa petite mère, un
bonbon ou un gâteau à ses frères et sœurs, s'il en a et s'il est allé
déjeuner ou goûter en ville; enfin, avoir ces infiniment petites
prévenances qui _ouatent_ l'existence et font voir qu'on est bien
élevé.

Les enfants, lorsqu'ils sont grondés, ne doivent pas raisonner,
répliquer.

Il faut de bonne heure habituer les enfants à être polis entre eux et
à éviter les taquineries. Comme l'a dit Victor Hugo, «la taquinerie
est la méchanceté des bons».

Ne laissons pas les enfants se trahir entre eux, rapporter, même si
nous désirons savoir quelque chose; rien de plus vil que l'espion.

Faisons-leur ranger leurs jouets, leurs objets personnels; qu'ils ne
s'habituent pas à être servis; qui sait ce que l'avenir leur réserve?

[Illustration]



_La petite fille._


La fille est la petite amie de la maman, bien plus que le garçon que
l'éducation, le tempérament, les besoins d'exercices physiques
éloignent davantage de la maison.

Il faut donc faire de sa fille une compagne, l'initier de bonne heure
aux infiniment petits et aux grands devoirs de la femme.

Moins charmantes que les autres sont les petites filles raisonneuses,
faisant avec un imperturbable aplomb des réflexions au-dessus de leur
âge.

L'essence même de la femme, il faut le reconnaître, est un peu futile.
O mères, prenons-y garde!

Mettons tôt une aiguille dans les mains de la future femme,
faisons-lui recoudre un bouton, raccommoder une déchirure à l'habit de
son frère, intéressons-la aux soins du ménage, faisons-lui faire la
cuisine dans de petits ustensiles qui seront joujoux pour elle, mais
qui l'initieront aux mystères du ménage; enfin préludons de bonne
heure à la mettre en état de diriger «le royaume de la femme».

Une petite fille entrant dans un salon avec sa mère doit aller
embrasser la maîtresse de la maison et faire un gentil salut général;
de même en s'en allant.

Jamais une fillette ne doit rester au salon au jour de sa mère.

Elle vient dire bonjour, si on la demande, et s'en retourne de suite.

Si une petite fille reçoit des leçons d'un professeur homme,
n'eût-elle que quatre ou cinq ans, il est de la plus élémentaire
bienséance que sa mère, ou sa bonne, soit en tiers.

Ce qui s'applique à la petite fille doit être de plus de rigueur
encore pour la jeune fille.

[Illustration]



_Le petit garçon._


L'éducation virile doit être donnée par le mari, mais, à son défaut,
la mère doit se masculiniser un peu et savoir faire réciter au jeune
homme le _De viris_ ou le _Selectæ_.

Habituez de bonne heure le jeune garçon à être poli, prévenant pour
les dames.

L'éducation américaine a son bon côté pour les jeunes garçons qui ne
peuvent pas être surveillés comme les filles.

Il faut leur laisser un peu d'initiative, ne pas trop les élever dans
les jupons de la maman, les laisser faire quelques courses seuls, les
rendre «débrouillards» en un mot.

Plus que jamais, en notre terrible temps de _struggle for life_,
l'homme doit savoir se tirer d'affaire, et ce n'est pas en gardant son
fils claustré au logis qu'on en fera un lutteur pour l'avenir.

Mais si le petit garçon doit être un peu indépendant, il ne faut pas
qu'il fasse montre d'un sans-gêne déplorable. Chaque mère en sait
autant que moi sur ce chapitre.

Un de mes petits amis, un jour dînant en ville pour la première fois,
fut présenté à la marquise de C... et au docteur V.... Alors, l'enfant
leur tendant la main, dit avec une désinvolture adorable: «Enchanté de
faire votre connaissance»!

Un jeune garçon doit offrir _de lui-même_ le bras à une petite fille
ou même à une dame, lorsque celle-ci manque de cavalier pour passer du
salon à la salle à manger.

S'il dîne à table, il ne doit se mêler que très discrètement à la
conversation, et surtout ne pas l'émailler du jargon collégial.

Si sa mère est assez bonne pour lui faire réciter ses leçons, il doit
chercher à ne pas transformer en supplice ce peu récréatif exercice.

Les mensonges au sujet des places, des devoirs sont odieux et
méprisables.

L'homme qui ment est un fléau. Le mot: «Parole d'honneur», doit être
sacré; défendons à nos fils de le dire à propos de rien.

Il faut que l'honneur soit la grande leçon de conduite des hommes même
en herbe, et qu'ils s'habituent à le respecter profondément.

[Illustration]



_Précepteurs et professeurs._


Les parents doivent toujours parler avec respect du professeur et ne
pas supporter que les enfants le raillent ou s'en moquent.

Si le professeur ou la maîtresse donne une punition à l'enfant, il
faut se garder de la lever, car son autorité serait diminuée.

Au jour de l'an, il est bon de donner un souvenir au professeur qui,
pendant de longs mois, s'évertue à faire entrer dans les petites
cervelles les éléments de syntaxe, de grammaire ou les hauts faits
d'Alexandre le Grand.

Ce souvenir peut être un portefeuille, un porte-monnaie, un parapluie,
une canne, une garniture de bureau, une épingle de cravate, des
mouchoirs, une petite broche, un manchon, un sac à main; cela dépend
de la position et des moyens qu'on a.

Souvent les professeurs, homme ou femme, sont besogneux et la valeur
de l'objet, en argent, leur ferait plus de plaisir; si on sait cela,
on peut bien offrir la somme qu'on eût consacrée à l'achat d'un
bibelot. Mais il faut bien se garder de leur donner de la main à la
main, comme le salaire d'un domestique; on doit mettre ladite somme
dans une petite boîte de fantaisie, un porte-monnaie ou, tout au
moins, une enveloppe fermée.

Il ne faut pas croire qu'en payant régulièrement un professeur et en
lui offrant un souvenir au jour de l'an, on soit quitte envers lui; il
faut encore lui témoigner beaucoup d'égards et de politesse. Il peut
arriver que les maîtres soient en faute; ils ne sont ni impeccables ni
infaillibles; mais on doit se garder de les blâmer devant les enfants;
pour cela on doit les prendre à part.

Les enfants doivent aller au-devant de leur professeur, le débarrasser
de son parapluie, etc., surtout ne jamais le recevoir assis.

Au départ, ils doivent le reconduire jusqu'à la porte de l'appartement
ou de la maison.

Ne pas les interrompre, rire ou se moquer pendant qu'ils parlent.

Avec leurs camarades, ils ne doivent pas relever les ridicules des
maîtres (qui n'en a pas?), encore moins les affubler de sobriquets:
tout cela est du dernier mauvais goût.

Si vous invitez un professeur de chant ou de musique à dîner ou à
passer la soirée, ne lui demandez pas de jouer ou de chanter quelque
chose; cela aurait l'air de lui faire payer l'hospitalité.

Lorsque les enfants sont externes dans un collège, ils ne sont pas
tenus à faire une visite le jour de l'an; étant demi-pensionnaires,
ils doivent la faire, seuls, ou accompagnés du père ou de la mère.

Pensionnaires, cette visite est obligatoire pour l'enfant et pour les
parents.

Pour les filles, la mère doit faire une visite; le père vient ou
envoie sa carte.

Les professeurs qui donnent des répétitions à domicile peuvent
simplement envoyer leur carte; les parents de l'élève renvoient la
leur.

La grande politesse du professeur doit être l'exactitude. Il lui faut
aussi une grande modération dans ses expressions, se tenir en garde
contre la familiarité et contre l'excès de sévérité.

Étant en voyage, un enfant doit écrire au moins une fois à un
professeur.

Lorsque vous avez un précepteur ou une institutrice à demeure et que
l'élève et le maître dînent ou déjeunent seuls ensemble, ce dernier
doit avoir le plus d'honneur et être servi le premier, il a le droit
d'attendre toutes les marques de respect qu'on doit aux parents.

A la table de famille ou dans un dîner en ville où le professeur est
convié avec son élève, il est servi après les autres, mais avant
l'enfant.

En voiture, le professeur est placé devant avec l'enfant.

Lorsque les enfants ne paraissent pas aux grands dîners, les
professeurs mangent avec eux, à part.

La chambre de celui qui fait l'éducation d'un enfant doit être
contiguë à la sienne.

[Illustration]



_Catéchisme et première Communion._


L'acte important de la jeunesse, celui dont on garde au fond du cœur
le souvenir embaumé. Étape fleurie où, dégagé des limbes de l'enfance,
on risque les premiers pas conscients sur la route de la vie, qu'on
voit alors prismée de rose et de bleu et qui, souvent marâtre, vous
flagelle si cruellement! Mais, au moment de la première communion, on
est heureux et on a coutume de dire: «Le plus beau jour de la vie».
Donc pour ce jour solennel où la petite âme a recouvré la blancheur
baptismale, il faut une fête de famille qui le grave dans l'esprit du
jeune néophyte.

C'est généralement un dîner où on réunit parents et amis; je ne
conseillerai pas de donner une soirée; emmener l'enfant au théâtre
serait de la plus haute inconvenance.

L'entourer de trop de petits camarades est également à éviter; j'ai vu
une fois un enfant, très recueilli le matin, qui, au contact de ses
jeunes camarades, s'était peu à peu dissipé et qui terminait cette
belle journée par un pugilat en règle!

Pareil accident n'est pas à craindre avec les jeunes filles, mais il y
a un autre écueil à éviter, celui de la coquetterie: elles pourraient
faire admirer à leurs amies les présents, les bijoux qu'on leur a
donnés, et l'on en a vu qui essayaient des effets de robe longue!

La première communion se fait, généralement, entre onze et douze ans.

L'instruction du catéchisme est obligatoire pendant deux années, un
an de petit catéchisme, une fois par semaine, un an de grand
catéchisme, deux fois par semaine.

L'acte de baptême est la seule pièce à produire.

On peut avoir _gratuitement_ cet acte à la paroisse où l'enfant a été
baptisé; l'usage veut qu'on donne un franc ou deux à l'employé de la
sacristie, bedeau ou suisse, qui vous le remet.

Si l'enfant fait son éducation chez lui, sa mère ou une personne de
confiance doit le conduire au catéchisme, l'attendre et le ramener;
si, au contraire, l'enfant est au collège ou à la pension, ce sont les
chefs d'institution qui sont chargés de ce soin.

Voici le costume pour un petit garçon:

Une chemise de batiste à plastron uni ou à petits plis.

Cravate lavallière en soie blanche ou nœud tout fait en satin blanc.

Chaussettes de fil ou de soie, blanches, bottines vernies; costume en
fin drap noir, forme veste, ou, si l'enfant est dans un collège ou
dans une institution, l'uniforme de ladite maison.

Brassard en faille ou en moire blanche; gants de peau blancs, chapeau
anglais ou casquette d'uniforme.

La toilette de la petite fille est plus compliquée, pourtant elle ne
doit jamais se départir d'une simplicité élégante.

Chemise, pantalon de batiste avec ou sans nœuds de soie blanche; bas
de soie ou de fil d'Écosse blanc, souliers de satin ou de chevreau
blanc, corset blanc, jupon blanc amidonné un peu raide; robe de
dessous en soie blanche ou en percaline glacée; robe de dessus en
mousseline blanche bien fine; grand ourlet surmonté de cinq, sept,
neuf ou onze petits plis lingerie; corsage tout plissé avec les
manches que réclame la mode ou bien froncé à la vierge, avec les mêmes
manches; ruche de mousseline de soie au cou, aux manches, ceinture
molle en surah, dont on fait le nœud soi-même; petit bonnet de
mousseline à ruche de tulle illusion; voile de mousseline retenu par
de minuscules épingles à tête de perle fine.

Dans certains pays, le voile est remplacé par une couronne de fleurs
blanches qui est cent fois plus jolie, mais il faut se conformer à
l'usage de sa paroisse.

Une aumônière genre «Marguerite de _Faust_» en surah blanc, attachée à
la ceinture, est préférable au petit sac passé au bras, qui embarrasse
et qu'on risque de perdre. Gants de peau blancs, mousquetaires, ne
strangulant pas le poignet; cierge uni. Comme boucles d'oreilles, une
perle vissée à l'oreille.

Garçon et fille ont chacun un chapelet passé au bras gauche, assez
souvent; maintenant ce sont des chapelets en grenat, en lapis-lazuli,
en agate, montés en or ou en argent.

Pour le livre, on se conforme aux usages de la paroisse qui recommande
soit un paroissien, soit un manuel de catéchisme.

Le paroissien est ou en ivoire, ou en nacre, en cuir de Russie ou en
maroquin.

Les communiants offrent à leurs amis des images plus ou moins belles
qu'on nomme «souvenirs de première communion», qu'ils portent
eux-mêmes aux intimes et que leurs parents envoient, sous enveloppe
_cachetée_, aux personnes qui sont en rapports moins directs avec la
famille; celles-ci doivent renvoyer une carte _aux parents_, avec un
mot affectueux pour l'enfant.

Ces images peuvent être en simple papier avec les emblèmes
eucharistiques, en parchemin genre byzantin ou en gélatine avec
derrière les mots suivants: Souvenir de la première communion de......
célébrée le....

On fait aussi des images au revers desquelles sont simplement gravés
des versets de la Bible ou de belles pensées. Il est de bon goût de
faire le lendemain une visite au prêtre qui a préparé l'enfant et de
lui porter un cadeau.

Cet usage n'est nullement de rigueur à Paris.

A la campagne, on ne pourrait y manquer sous aucun prétexte; on peut
offrir un bronze de piété, un volume rare ou même un objet de
mobilier.

Voici une liste de cadeaux qu'on peut offrir à un petit garçon, ou à
une petite fille; j'engage seulement les personnes qui les donnent à
ne les apporter que le lendemain si ce sont des bijoux, afin que le
tic tac de la première montre ou le chatoiement des premiers joyaux
n'éveillent pas dans le cœur des jeunes néophytes des pensées peu en
rapport avec l'acte qu'ils viennent d'accomplir:

--Statuettes en vieil argent, livres de piété, crucifix, porte-monnaie
en écaille, en cuir de Russie ou en maroquin écrasé avec les initiales
entrelacées en or, en argent, ou frappées; comme pour le livre de
messe, le portefeuille assorti.

--Une épingle de cravate en or et perle, une garniture de boutons de
chemise en or mat, une montre, une chaîne, des boucles d'oreilles,
bracelet, rang de perles, bagues; pour les cadeaux plus modestes,
signet avec agneau pascal en argent, petite croix en or émaillé,
médaille avec peinture sur ivoire, bénitier, crayon ou porte-plume en
or, argent ou nickel, dé argent ou or, mouchoir de soie blanche.

Le matin de la première communion, l'enfant doit demander la
bénédiction de ses parents.

On n'invite pas au dîner le prêtre qui a préparé l'enfant; du reste,
si on le faisait, il devrait refuser, car ayant eu tout un troupeau de
petits fidèles, il ne peut faire une exception qui blesserait les
autres.

Il ne doit pas y avoir de soirée après le dîner.

Les visites de première communion doivent se faire dans les trois
jours, l'enfant revêtu de son costume, et la mère en toilette de
cérémonie.

Le père n'est pas forcé, à Paris, de faire ces visites; dans certains
pays, sa présence est obligatoire.

[Illustration]



_Second mariage._


La veuve doit, d'après le code, attendre dix mois révolus avant de
contracter union.

Le veuf peut contracter mariage aussi promptement qu'il le veut;
toutefois s'il n'attend pas six mois au minimum il agit d'une façon
inconvenante.

Le veuf peut entourer sa seconde union du même éclat que la première;
la veuve, au contraire, se remarie toujours avec discrétion.

Une dame veuve qui se remarie ne retire pas sa première alliance; elle
la porte avec la seconde, au même doigt.

La toilette de la veuve qui se remarie consiste en une élégante robe
de ville; à part le rose, on choisit la nuance qui va le mieux au
teint et à l'âge de la personne, avec un chapeau assorti.

Si, pour une raison quelconque, on trouve plus pratique une robe
foncée ou même une robe noire, il sera de bon goût dans ce cas
d'égayer la toilette par un chapeau clair et élégant.

On met quelquefois sur la tête une mantille de dentelle noire ou
blanche, attachée par un piquet de fleurs: cet usage tend à
disparaître de plus en plus.

La toilette de l'homme est la même qu'à un premier mariage.

Lorsqu'une veuve se remarie, il n'est pas d'usage de donner un bal; à
peine une soirée et encore mieux vaut un dîner ou un déjeuner.


_Mariage d'une demoiselle âgée._

Les cérémonies sont les mêmes, mais il y a certains détails de
toilette à observer.

Une demoiselle qui se marie à trente-cinq ou quarante ans s'habille
exactement comme une mariée plus jeune.

Quand on a plus de quarante ans, on met une robe claire et on se
coiffe d'un chapeau assorti dans l'ornement duquel on fait entrer
quelques brins d'oranger.

Dans ce cas, on doit toujours choisir ce qui est le plus en rapport
avec l'air de la personne, et la situation qu'elle occupe.

Lorsque la mariée est un peu âgée, il n'y a pas de demoiselle
d'honneur.

Les réjouissances excessives ne sont pas de mise.


_Les noces d'argent._

Les noces d'argent se célèbrent après vingt-cinq ans de mariage.

C'est une fête de famille des plus touchantes.

On va à la messe en cortège, le mari et la femme se donnant le bras.

La mariée porte une toilette claire et tous ses diamants. Le marié a
la tenue officielle, habit noir, cravate blanche.

Les enfants doivent offrir un cadeau à leurs parents.

Quelquefois il y a un dîner et un bal.

Le père l'ouvre avec sa fille aînée ou la femme de son fils, la mère
avec son fils aîné ou le mari de sa fille.


_Noces d'or._

Le cérémonial est le même.

La mariée porte ordinairement une toilette de nuance violette; elle a
un bouquet de pensées et tous les assistants en ont à leur boutonnière
ainsi que le marié.

Il n'y a généralement qu'un dîner.

[Illustration]



_Dîner de Noces._


Il y a un peu de latitude pour le choix des places et ce n'est plus
forcément que la mariée occupe la place d'honneur auprès de son père
et le marié la place auprès de sa belle-mère.

Une coutume jolie, qui tend à se généraliser, est celle qui met les
jeunes époux l'un près de l'autre et les garçons et les demoiselles
d'honneur près d'eux.

La mariée doit toujours être servie la première.

L'usage des toasts persiste, dans certaines familles; il est à
remarquer que ce sont les parents qui répondent; les mariés se
contentent de lever leurs verres.

Les compliments en vers débités aux jeunes époux, les chansons de
circonstance sont également tombés dans l'oubli, mais il faut toujours
tenir compte des usages locaux. Quelques-uns sont assez touchants.


_Lunch._

L'habitude la plus répandue est maintenant d'offrir un lunch à ses
amis au sortir de la messe de mariage.

Il y a une quinzaine d'années, c'était un déjeuner dînatoire.

Arrivée chez ses parents, la mariée doit distribuer les fleurs de son
bouquet à ses jeunes amies.

Bien entendu, on ne va au lunch que si on a été invité par écrit ou
verbalement; celui qui s'imposerait se montrerait mal élevé.

A moins que le départ des mariés ne soit précipité par l'heure du
train, ils ne doivent se séparer des parents que lorsque le dernier
invité est parti.

Je ne veux pas recommander aux mères de ne pas pleurer; il est
toujours cruel, ce moment de la séparation, elle est terrible cette
heure où l'enfant cesse de vous appartenir.


_Bal de noces._

La mariée ouvre le bal avec l'homme qui occupe la plus haute
situation; le marié agit de même pour sa danseuse.

La seconde danse de la jeune femme appartient à son mari.

C'est la mariée qui envoie inviter ses danseurs.

La mode étant à présent que les mariés ne partent plus en une fuite
éperdue et restent au contraire jusqu'au départ du dernier invité, il
est de bon goût de prendre congé de bonne heure, deux heures du matin
au plus tard.

[Illustration]



_Les voyages de noces._


Il y a quelques années, le bon ton exigeait que les jeunes mariés
partissent immédiatement en voyage, imitant en cela nos voisins
d'outre-Manche qui s'en vont, sitôt la cérémonie terminée, sous une
grêle de riz et de souliers de satin blanc.

Aujourd'hui, plus sages et plus pratiques, les mariés s'en vont tout
simplement chez eux et font leur voyage de noces un mois ou six
semaines plus tard.

Je sais qu'il est des partisans du départ précipité qui disent que
l'intimité vient plus vite en voyage.

Possible. Mais à côté de cela que d'inconvénients!

N'y a-t-il pas une sorte de barbarie dans cet acte d'enlever ainsi
brusquement une jeune fille, souvent presque une enfant, à son milieu,
à ses habitudes?

L'affection des époux se trouvera-t-elle augmentée par les
désagréments forcés des voyages?

Je ne le crois pas et j'estime que les premiers moments de tête-à-tête
avec son époux, c'est-à-dire avec un étranger qu'on connaît
d'ordinaire depuis quelques mois seulement, doivent se passer dans le
«home» et qu'il est doux pour la jeune femme de pouvoir aller, dès le
lendemain, embrasser ses parents.

Si le mari a du tact, il préviendra ce désir.

On lui saura gré de cette attention.

Lorsqu'on part en voyage de noces pour visiter, par exemple, des
parents âgés qui n'ont pu assister à la cérémonie, on doit éviter
l'air «jeunes mariés»; ne pas se tenir la main, ne pas se regarder
dans le blanc des yeux, en un mot ne pas attirer l'attention sur soi
par des démonstrations de tendresse bonnes pour le huis-clos.

L'homme pour voyager portera un costume complet, un chapeau mou, des
gants brique; la jeune femme un costume de lainage beige, un petit
chapeau de feutre (que ce soit l'été ou l'hiver, on le porte de même),
un voile de gaze blanche formant tour de cou, des gants clairs,
puisque c'est la mode.

Que dans sa joie d'être _Madame_ elle ne porte pas de diamants et
surtout qu'elle ne juge pas bon de prendre des allures évaporées qui
donneraient triste opinion d'elle au futur compagnon de sa vie.

Je recommanderai aux jeunes filles de ne pas se mettre de suite en
familiarité avec leur mari; qu'elles «tâtent» un peu son caractère et
qu'elles fassent bien attention de ne pas lui faire mille confidences
de linotte qu'il jugera adorables les premiers jours et assommantes
après.

Le tutoiement est général entre époux; mais ce que je préfère c'est la
coutume mixte qui réserve le _vous_ cérémonieux devant les étrangers
et le doux _tu_ pour l'intimité.

[Illustration]



_Les visites de noces._


Les visites de noces se font quinze jours après le mariage, si on ne
va pas en voyage; au retour, seulement, si le jeune couple est parti.

Le mari va seul chez ses amis célibataires.

La toilette de cérémonie est de rigueur.

Ces visites durent à peine quelques minutes; c'est en somme une
présentation du nouveau membre de la famille aux amis et
connaissances.

Il est bien entendu que les jeunes gens ont écrit pour remercier les
personnes leur ayant envoyé un présent; mais cela ne les dispense
nullement de leur faire une visite de noces.

C'est au cours de ces visites généralement que les personnes font
leurs invitations aux jeunes mariés, soit pour un dîner, soit pour un
bal, donné en leur honneur; on appelle cela «le rendu de noces» et les
nouveaux mariés y occupent la place d'honneur.

La visite est rendue dans la quinzaine.

Si on ne désire pas entrer en relations avec le jeune couple, on se
contente d'envoyer sa carte.

[Illustration]



_Les invitations à dîner.--Les repas._


Ces invitations se doivent envoyer huit jours à l'avance ou être
faites de vive voix dans ce même laps de temps.

Je préfère l'invitation écrite, qui permet de refuser par lettre et
non soi-même, ce qui est toujours désagréable.

Je sais des personnes qui, pour éviter cet ennui, acceptent toujours
les invitations, se réservant d'écrire la veille ou le jour même, qu'
«une circonstance imprévue», etc., les empêche de se rendre à
l'aimable invitation, ou mieux encore envoient au dernier moment un
petit bleu. Rien de plus désagréable pour la maîtresse de la maison
qui est forcée de remanier l'ordonnance de sa table, de défaire le
couvert, de changer la place des convives.

On doit répondre dans les trois jours qui suivent l'invitation.

Le silence équivaut à un consentement. Qui ne dit mot....

Entre amis intimes et avec un célibataire, les cérémonies ne sont pas
nécessaires et on peut fort bien inviter la veille pour le lendemain,
le jour même, à la rigueur.

Nulle raison de se montrer froissé, si on est invité au dernier moment
pour parer à une défection.

Si on apprend qu'une ou qu'un de nos invités a un parent, un hôte de
passage chez lui, on doit l'inviter également, même si on ne le
connaît pas.

L'on n'invite jamais une dame seule à un dîner d'hommes.

Si on a à dîner une seule femme, avec son mari, et que le reste des
convives appartienne au sexe fort, il est d'usage de faire prendre à
cette dame la place de la maîtresse de la maison.

Cette invitation jadis n'était point admise; mais avec les idées plus
larges et plus intelligentes de nos jours, il n'y a pas de célibataire
qui ne réunisse à sa table ses amis mariés, avec leurs femmes.

Je trouve cela très bien; car inviter seulement et régulièrement le
mari, c'était condamner madame à rester au logis et exposer le pauvre
homme à s'entendre reprocher maintes fois «ces dîners d'hommes, où on
ne sait jamais ce qui se passe».

On n'invite _jamais_ les enfants et les très jeunes gens aux dîners
tant soit peu cérémonieux.

Disons en passant que, même si on n'accepte pas l'invitation à un
dîner, on doit une visite dans les huit jours; c'est une règle peu
observée, malheureusement.

Les invitations se divisent donc en cinq catégories.

1º Les invitations de grande cérémonie imprimées sur carte et ainsi
libellées:

   Monsieur et Madame Pierre de V.... prient Monsieur, Madame et
   Mademoiselle de M.... de leur faire l'honneur de venir dîner avec
   eux, le mardi 20 novembre 1894.

     7 heures 1/2.
        _Adresse._

           R. S. V. P.

2º Les invitations de cérémonie, entre amis, écrites à la main.

   Monsieur et Madame Raymond D.... prient Monsieur et Madame D....
   de leur faire le plaisir de venir dîner chez eux le samedi 24
   novembre 1894.

     8 heures.
           R. S. V. P.

3º Les invitations à un dîner sans cérémonie entre amis, écrites sur
une lettre et envoyées sous enveloppe; jamais sur une carte postale ou
une carte-lettre.

     Chère madame,

   Mon mari et moi espérons que vous serez libres et pourrez venir
   dîner avec nous, jeudi prochain, 1er décembre. Nous comptons
   absolument sur un oui.

   Recevez, chère madame, l'expression de nos meilleurs sentiments
   et veuillez me rappeler au bon souvenir de monsieur Dorval.

   Mon mari joint ses compliments aux miens.

     M. R....

4º Invitation du jour au lendemain entre amis intimes.

     Ma chère amie,

   Venez donc demain manger avec nous un périgourdin truffé, très
   intéressant.

     Mille amitiés.

     JEANNE S....

Remarquez que l'heure n'est pas mentionnée au bas de ce billet; on
sait la personne au courant des coutumes de ses hôtes.

Il est à observer aussi que, sauf les invitations de cérémonie, les
autres sont toujours faites par la femme et si, pour une raison ou
pour une autre, c'est le mari qui écrit, il commencera toujours ainsi:
«Ma femme me prie», etc.

5º Les invitations pour le jour même à des personnes avec lesquelles
on est en relations d'intimité et d'amitié; invitations qu'on peut
écrire sur une carte de visite.

     Ma chère Julie,

   Viens donc dîner ce soir avec ton mari, tu nous feras plaisir.

     Je t'embrasse.

     SIMONNE J....

Pour ces trois dernières catégories d'invitation, le style peut être
très fantaisiste et l'esprit se donner libre cours.

J'ai vu des invitations rédigées en langage nègre, ou avec les termes
des châtelains moyenâgeux; c'était, quand même, très gentil.

Les réponses doivent être simplement rédigées; par exemple:

     Chère madame,

   C'est avec grand plaisir que nous acceptons, mon mari et moi,
   votre gracieuse invitation.

   Tous nos compliments.

     R. S.

Les refus doivent être soigneusement motivés et donner de bonnes
raisons ou du moins de vraisemblables:

     Madame,

   Votre gracieuse invitation m'a fait le plus grand plaisir et je
   l'accepterais volontiers si je ne m'en trouvais absolument
   empêché. J'ai promis, il y a huit jours déjà, à madame X. de
   dîner chez elle (ou toute autre excuse valable).

   Veuillez agréer, madame, avec mes sincères regrets, mes
   compliments très respectueux et très empressés.

     A. B.

Le célibataire doit de la façon la plus correcte expliquer les motifs
de son refus, par exemple en ces termes qui nécessairement varient
selon les circonstances:

     Madame,

   Je suis très sincèrement contrarié de me trouver contraint de
   refuser votre invitation si flatteuse pour moi.

   J'ai attendu jusqu'au dernier moment, espérant n'être pas privé
   de la joie que je m'étais promise.

   Votre mari sait quelles sont mes occupations et voudra bien, j'en
   suis certain, faire valoir près de vous la légitimité de mon
   excuse.

   Veuillez lui présenter mes regrets les plus vifs et encore une
   fois, madame, les agréer vous-même.

   Recevez, madame, l'expression de mes sentiments les plus
   empressés et les plus respectueux.

     L. P.

L'important, je le répète, est de se bien excuser, et lorsqu'on se
trouve tout à fait obligé de contremander une réunion, dîner, bal,
soirée, on ne devrait le faire qu'à la dernière extrémité et en
employant les termes de regret les plus grands.

On écrit alors ou on fait écrire une lettre explicative aux intimes;
pour les personnes à cérémonie, on écrit sur une carte quelques
lignes:

     Madame L....

   atteinte d'une subite et grave indisposition, se voit, à son
   grand regret, obligée de remettre son dîner du 20 courant à une
   autre date.

     Un accident survenu dans sa famille oblige
     Madame S....

   à révoquer ses invitations pour mardi prochain. Elle prie de bien
   vouloir l'excuser.

Si l'événement arrivait quelques heures avant le repas, on doit faire
envoyer dans les grandes villes des messages téléphonés.

Ces messages, de nouvelle importation, sont beaucoup plus pratiques
que la dépêche ou le petit bleu; les derniers mettent quelquefois deux
heures à parvenir, le message téléphoné ne met que vingt-cinq minutes
à arriver et on peut le faire aussi explicite que l'on veut, son prix,
de cinquante centimes, donnant droit à cinq minutes d'entretien à
l'appareil.

Lorsque vous avez un enfant atteint d'une maladie éruptive assez
bénigne pour vous permettre d'aller au dîner où vous êtes priée, ne
craignez pas, madame, de contrarier vos hôtes en vous excusant même au
dernier moment. Ils seront trop heureux de ne pas vous avoir; soyez
certaine que si vous veniez quand même, ils vous en sauraient plutôt
mauvais gré et, à part eux, vous regarderaient comme un péril.

[Illustration]



_Le dîner.--Habituels usages._


Quelques petites choses à observer, lorsqu'on est maîtresse de maison.

Il n'est plus d'usage que la maîtresse de maison s'habille en
Cendrillon pour ne pas éclipser les hôtes; elle doit au contraire leur
faire honneur d'une jolie toilette, à moins qu'elle ne reçoive à sa
table des personnes qu'elle sait dans une situation plus modeste que
la sienne; en ce cas, le grand tralala serait tout à fait déplacé.

Les invités dames doivent toujours se mettre en frais; elles sont le
plaisir des yeux autour de la table et toute mise négligée serait un
manque d'égards envers ses hôtes.

Il faut éviter d'être treize à table; certaines personnes
superstitieuses pourraient s'en montrer choquées et il y aurait
toujours un convive bien avisé pour faire remarquer ce nombre
fatidique et raconter des histoires terrifiantes.

Ne pas inviter de ministres de religion différente; on leur devrait à
tous deux la préséance et il faudrait un nouveau Salomon pour trancher
la difficulté.

A ce propos, une amusante anecdote.

Un évêque et un rabbin se trouvaient invités dans la même maison;
lorsqu'il s'agit de passer à table, aucun des deux ne voulut prendre
le pas sur l'autre; enfin, vaincu par la courtoisie du rabbin qui
insistait, l'évêque se décida à entrer le premier en disant: «Je passe
devant vous, monsieur, comme le Nouveau Testament devant l'Ancien.»

On n'est pas plus courtois, ni plus spirituel.



_Les grands dîners._


Pour ces dîners, les femmes mettent leurs diamants, rivières,
aigrettes, etc.; elles sont décolletées; en un mot, c'est la tenue de
bal comme façon, mais non comme étoffe, car la robe de tulle, de crêpe
ornée de fleurs ne s'y met pas.

Les plus jolies robes, les plus élégantes, sont en velours de couleurs
foncées, telles que bleu saphir, grenat, vert, noir, garnies de
dentelles.

Pour les hommes, habit noir, cravate blanche, gants clairs, souliers
vernis, les décorations et les plaques, même les grands cordons.

Quelques hommes viennent en redingote; ce n'est pas ridicule, mais
c'est moins correct.

Inutile de dire que, pour ces grands dîners rarement donnés dans la
classe bourgeoise, toutes les élégances, tous les raffinements de la
table, du confort, de la bonne chère doivent être réunis; qu'il faut
beaucoup de lumières (des bougies), beaucoup de fleurs, les
étincellements d'une cristallerie et d'une argenterie de premier ordre
et le satin damassé du plus beau linge _blanc_.

Le linge très fantaisie n'est pas encore admis dans les dîners de
cérémonie.

Une gerbe de lilas ou de roses dans une coupe de cristal est
extrêmement jolie; un groupe de Saxe entouré d'un cordon de fleurs
fait merveille.

Voici quelques menus des dîners de cérémonie.

Il est à remarquer qu'il faut _toujours_ des primeurs aux grands
dîners. (A ce sujet, la _Cuisine du siècle_ qu'a fait paraître
dernièrement mon amie, Catherine de Bonnechère, contient des
indications précieuses.)

On a beau savoir que ces fruits, ces légumes poussés en serre chaude
n'ont ni le goût, ni le suc des fruits et des légumes venus en leur
temps, il n'y a pas à se rebeller: le savoir-vivre le veut ainsi.

MENU D'UN GRAND DINER

           Potage Bagration, Bisque aux écrevisses
     Truite saumonée sauce crevettes et sauce Hollandaise
                   Canetons à l'orange
               Jambon au vin de Champagne
                   Faisan truffé rôti
                     Salade laitue
           Asperges en branche, sauce mousseline
                     Plombière
                     Gaufrettes
                   Fruits, desserts.

On doit surtout recommander aux domestiques de ne pas mettre les
assiettes grasses les unes sur les autres et de ne pas distribuer les
assiettes blanches empilées; cela sent le restaurant.

Comme on peut le voir, il faut deux potages et deux sauces au poisson.

Dans les dîners de grande cérémonie, le potage qui, à l'ordinaire, est
versé au préalable dans les assiettes, est présenté par le serveur qui
vous en dit les deux noms à voix basse; de même pour les deux sauces
du poisson.

Du reste, tous les mets, tous les vins doivent être offerts de cette
manière.

Voici l'ordre du service des vins:

Après le potage: Madère ou Xérès sec.

Avec les huîtres ou hors-d'œuvre: vins blancs de Graves, Barsac,
Sauterne; des vins de Bourgogne: les Chablis, Meursault, Montrachet.
Premier service: les Saint-Émilion et Bas-Médoc.

Deuxième service: les Bourgogne et Médoc grands bourgeois.

Aux entremets: les vins blancs de Château-Yquem et les vins du Rhin.

Au rôti: les Saint-Estèphe, Saint-Julien, Pauillac.

Au pâté de foie gras, les grands crus bordelais: Château-Laffitte,
Margaux, Latour, Haut-Brion; ou, en vins de Bourgogne, les
Clos-Vougeot, Pomard, Romanée-Conti; Côtes du Rhône, Ermitage ou
Côte-Rôtie.

A la fin du repas: Champagne frappé, marque Moët, Cliquot, Rœderer ou
Pommery, vins de Banyuls ou d'Espagne. Liqueurs.

MENU D'UN TRÈS GRAND DINER

     Potage printanier aux œufs pochés. Potage à la Reine
                   Bouchées aux crevettes
         Barbue à la Mornay. Saumon sauce genevoise
                 Ris de veau à la financière
               Noisettes d'agneau à la Maintenon
                       Poularde truffée
                       Aspic de foie gras
               Truffes au vin de Champagne
                         Salade russe
     Asperges d'Argenteuil, Aubergines à la provençale
                       Glace _Tutti frutti_
               Ananas glacé au champagne rose
               Gâteaux, petits fours, fruits, etc.

Certaines personnes ont le tort de croire que «grand dîner» veut dire
«dîner où il y a beaucoup de choses».

C'est une erreur; car, sauf les dîners officiels des ambassades, les
dîners de quarante à cinquante couverts qui sont, entre nous soit dit,
assommants pour la maîtresse de la maison et ennuyeux pour les trois
quarts des convives, le vrai grand dîner se recommande surtout par
l'excellence, le choix des mets, la bonne organisation, etc.

[Illustration]



_Dîners de demi-cérémonie._


La toilette des hommes est l'habit ou la redingote, les décorations,
mais jamais les plaques et le grand cordon.

Il est à remarquer qu'à partir de six heures, les hommes qui vont
beaucoup dans le monde endossent l'habit, même pour se rendre à un
dîner tout intime ou dans un petit théâtre.

Je trouve cette mode excellente, elle est même très utile aux jeunes
gens. L'habit lorsqu'il n'est pas souvent porté donne l'air sinon très
emprunté, du moins l'air gêné. Pour les femmes, la toilette
demi-décolletée avec manches au coude; pas de rivière de brillants ni
d'aigrettes.

Les soieries de teintes claires et douces sont fort jolies; les
brocarts Louis XV, Louis XVI.

[Illustration]



_Dîners intimes._


Ce n'est pas une raison parce qu'ils sont intimes pour y aller en
tenue négligée.

Lorsque, leurs occupations terminées, les invités s'aperçoivent d'une
moucheture sur leurs chaussures, ils feront bien, s'ils ne rentrent
pas chez eux, de se faire donner un coup par le décrotteur; toujours
les gants.

Pour les dames, une toilette de ville qu'on élégantisera d'un devant
fantaisie, d'un nœud de ruban, d'une dentelle.

Une attention gentille est d'apporter à son amphitryon un bouquet des
fleurs de saison.

Pour les menus de ce genre, je renverrai encore à la _Cuisine du
siècle_.


_Dîners costumés._

Les dîners costumés ou travestis sont fort en vogue maintenant, même
pour les dîners d'une dizaine de couverts.

Cela jette dans la réunion une note de gaieté et en somme est peu
coûteux.

Lorsque vous avez un dîner fantaisiste, faites parvenir vos
invitations une quinzaine à l'avance; vos convives peuvent avoir des
dispositions à prendre.

Votre carte ou votre lettre doit alors porter cette mention:

«On sera costumé.»

Ou: «Prière de se faire une tête.»

Ou encore: «Tout le monde sera en Normands», ou en chiens et chats.
Enfin toutes les «imaginations» sont permises; les plus laides sont
quelquefois les plus drôles.

[Illustration]



_Les coulisses du ménage._


La veille d'un dîner, qu'il soit de cérémonie ou non, la maîtresse de
maison doit passer la revue de son matériel; tel un général, la veille
d'une bataille, passe la revue de ses troupes.

Répétons-le, le menu peut être simple sans manquer au savoir-vivre,
mais les mets doivent toujours être préparés avec la plus méticuleuse
attention et coquettement présentés; de plus, aussi variés que
possible.

La nappe et les serviettes doivent être examinées avec soin.

Le napperon n'est plus de mise; on fait maintenant de ravissants
«chemins de table»; la nappe et les serviettes doivent être
«cylindrées» (je parle pour les dîners de cérémonie); on doit placer
un molleton _blanc_ sous la nappe, cela adoucit le choc des verres,
rend le service plus mœlleux.

La place attribuée aux convives est de 50 centimètres, espace exigu:
lorsqu'on a des dames avec les robes aux manches monstrueuses qu'on
porte maintenant, il faut au moins un mètre.

Le savoir-vivre veut qu'on s'occupe du plaisir et du bien-être de
l'invité tant qu'il est sous notre toit, et l'on aurait tort, désirant
réunir plus de personnes à la fois, d'imposer à un malheureux le
supplice de dîner, tourné de trois quarts, pour ne pas froisser la
toilette de sa voisine.

Les dîners d'apparat de quarante à soixante couverts exigent un
maître d'hôtel, deux aides pour découper, et un serveur par quatre
convives.

Les assiettes pleines sont apportées à gauche, le serveur nomme le
mets à voix basse; on refuse ou on accepte d'un geste.

Surtout ne nous avisons jamais de dire: «Merci, monsieur».

Les vins s'offrent à droite, on refuse en disant merci. Lorsqu'on dit:
«assez», le serveur doit s'arrêter de verser et tourner le goulot de
la bouteille afin qu'une goutte de vin ne macule pas la nappe.

Les domestiques doivent être chaussés de souliers fins et gantés de
coton blanc; la livrée n'est pas admise: seul, l'habit noir.

Lorsqu'il y a des femmes pour servir, je ne parle pas, bien entendu,
des dîners d'apparat, elles ont les mains nues, un tablier blanc; ce
tablier est souvent arrondi et garni de dentelles; c'est peu coûteux
et fort joli.

Pour les dîners de cérémonie ordinaires, un maître d'hôtel, deux
serveurs sont suffisants, si le nombre des convives ne dépasse pas
vingt personnes.

Pour les dîners dans les maisons où il y a une cuisinière et une femme
de chambre, la première reste à ses fourneaux et on adjoint un serveur
à la seconde. Nécessairement, dans les dîners intimes, quand on ne
dispose que d'une seule bonne, le rôle de la maîtresse de maison est
bien épineux.

Rappelons les principes généraux de la mise de la table.


_Le couvert._

L'assiette est placée entre la cuiller et le couteau, _à droite_, la
fourchette _à gauche_. Devant est placé le verre, les deux petits
verres, ou la série de cinq, rangés en tuyaux d'orgue ou groupés en
bouquet. On peut remplacer la flûte par la coupe à champagne; c'est
plus élégant.

Pour les vins du Rhin, le verre vert est obligatoire.

La mode est maintenant de placer une petite salière entre chaque
convive et une carafe, vin et eau alternés: la carafe de vin à portée
du convive qui a la charge de s'occuper de sa voisine.

Il doit lui offrir de l'eau; certaines personnes croient que c'est un
manque de savoir-vivre, et c'est tout le contraire.

Dans les dîners de cérémonie, on change les assiettes, les couverts,
les couteaux après chaque plat.

Dans les autres dîners, le changement de fourchette n'est obligatoire
qu'après le poisson; dans ce cas, on met des porte-couteau. Les
porte-carafe ne s'emploient plus dans les dîners de gala.

La serviette, pliée coquettement, mais n'affectant pas des formes
extravagantes qui sont de mauvais goût et qui font un torchon de la
serviette déployée, est placée, avec un petit pain au côté gauche de
l'assiette; ne la mettons jamais dans le grand verre; outre que cela
fait «restaurant», il arrive souvent des bris fâcheux. Si le potage
n'est pas servi, la serviette est sur l'assiette; dans ses plis,
visiblement, la petite carte qui porte le nom du convive; au-dessous
de huit personnes, cet usage n'est pas forcé.

Les hors-d'œuvre ne paraissent plus aux dîners; depuis quelque temps
on essaie bien de leur rendre leur place, mais je crois que ce sera en
vain; ils compliquaient le service et enlevaient l'appétit.

[Illustration]



_Le service._


Le potage--à moins qu'il n'y en ait deux, pour l'agréable choix des
convives--doit être versé d'avance dans les assiettes; en quantité
_médiocre_, plutôt moins que plus.

En hiver, la salle à manger ne doit jamais être chauffée d'avance;
sans quoi, l'atmosphère ambiante serait étouffante; l'été, il faut
avoir soin de fermer les persiennes dès le matin de manière à ce que
la chaleur ne puisse pénétrer.

Il faut allumer les bougies une dizaine de minutes avant que les
convives passent dans la salle à manger; rien de plus laid que des
lumignons clignotants.

Si un grand dîner a lieu en été, fermez hermétiquement les rideaux de
manière à dîner aux lumières.

Si on a des chaises cannées dans sa salle à manger, il faut mettre un
coussin pour les dames; sinon les étoffes de velours se trouveraient
désagréablement froissées.

Dans les grands dîners, le dessert est placé d'avance sur la table: je
ne trouve pourtant pas que voir les sucreries du dessert soit un
apéritif pour les plats solides.

Il faut passer les assiettes à l'eau chaude de manière à ce qu'elles
soient tièdes et que les sauces ne se congèlent pas immédiatement.

Les assiettes à dessert doivent être préparées d'avance avec la petite
serviette, ornée de dentelle ou non, ronde ou carrée (les rondes sont
plus nouvelles), avec le couteau à lame d'argent, la petite cuiller,
la cuiller à entremets.

Les vins fins ne se mettent pas en carafes, ils cachent leurs
vénérables moisissures, qui sont pour eux les titres de noblesse, dans
de petits chariots en argent ou tout simplement en osier.

Dans les repas sans cérémonie, la bouteille de derrière les fagots est
apportée devant le maître de la maison, qui verse lui-même le liquide,
avec précaution.

Les vins de Bourgogne et de Bordeaux gagnent à séjourner quelques
heures dans un endroit chaud.

On peut servir des repas entiers au champagne frappé; cela est très
grand genre et coûte moins cher que la diversité des vins.

Le rince-bouche se sert encore... sans le gobelet; de cette façon on
évite ces gargarismes répugnants dont on était souvent témoin à la fin
d'un repas.

Après les écrevisses et le homard à l'américaine, choses qu'il faut
forcément toucher avec les doigts, malgré le savoir-vivre le plus
raffiné, on passe les rince-bouche ou une cuvette et une aiguière avec
de petits carrés en papier buvard, remplissant l'office de serviettes.

Cela rappelle la coutume du vieux temps où des pages, aiguière en
main, versaient de l'eau parfumée sur les doigts des convives.

Au reste, cette coutume remonte encore plus loin, et dans les festins
peu orthodoxes des empereurs romains, un esclave noir présentait le
bassin aux convives, qui séchaient leurs mains à travers les blondes
chevelures de belles esclaves gauloises.

L'usage veut qu'on présente une pièce à table avant de la porter à
découper; c'est la règle, inobservée cependant par beaucoup.

La première dame servie est celle qui est à la droite du maître de la
maison, ensuite celle de gauche, puis les autres dames, en suivant
l'ordre des places; la maîtresse de maison est servie la dernière;
ensuite les convives masculins, enfin le maître de la maison.

Au dessert, on enlève les salières, les bouts de table, on brosse la
table.

[Illustration]



_L'heure de la faim._


Après avoir passé une dernière inspection, donné les ordres de la
dernière heure, ou mieux encore les avoir écrits sur une ardoise
accrochée dans la cuisine (chose très commode, que je ne manque jamais
de faire); après s'être assuré que les dames auront des coussins sous
les pieds, la maîtresse de maison procède à sa toilette, puis va
s'installer au salon, attendant la venue des convives.

Son mari peut être près d'elle ou, s'il est dans les affaires, venir
lui-même comme un simple invité.

Les convives doivent se présenter dix minutes avant l'heure fixée;
arrivant longtemps avant, ils pourraient gêner la maîtresse de maison
dans ses derniers agencements. Plus tard ils seraient inconvenants, et
si le retard se prolongeait trop, je puis les assurer que des
réflexions désagréables seraient faites sur leur compte; peu
indulgents sont les estomacs criant famine.

Le quart d'heure de grâce doit être accordé, pas plus, car «un dîner
réchauffé ne valut jamais rien», chacun sait cela.

Si on est en retard pour une raison ou pour une autre, qu'on la donne
simplement, à voix basse, aux maîtres de céans; ou si on est en petit
comité, à haute voix; surtout ne vous excusez pas par des mensonges
trop visibles qui vous feraient nommer «Tartarin».

Rien n'est plus sot que d'inventer des aventures extraordinaires.

On n'annonce _jamais_ les invités à un dîner; après s'être débarrassés
de leurs cannes, parapluies, cache-nez, foulards, pardessus, manteaux,
chapeaux, voilettes, caoutchoucs (il est bon pour les personnes venant
à pied de garantir leurs chaussures, afin qu'elles soient
irréprochables), après avoir donné le dernier coup d'œil à la glace
pour voir si les frisettes sont bien alignées ou si la moustache a le
pli vainqueur, on effectue son entrée au salon, on salue la maîtresse
de la maison, le maître, les personnes qu'on peut connaître, puis on
fait un salut général pour les inconnus.

De suite, il est du devoir de l'amphitryon de faire les présentations,
en ajoutant, si possible, des mots aimables et explicatifs.

Cela empêche tant de _gaffes_, de savoir un peu sur quel terrain on
est!

Ainsi, on dira: «Madame, je vous présente monsieur X., le fils du
médecin si connu»; ou encore: «Madame J., la femme du journaliste,
dont vous appréciez si fort le beau talent»; ou bien, avant l'arrivée
de la jeune fille que vous destinez comme voisine à un jeune homme
rêvant un riche établissement: «Vous aurez comme voisine une bien
charmante personne, mademoiselle X., qui rachète son peu de fortune
par des qualités charmantes.»

Ainsi prévenu, le jeune _struggleforlifer_ ne s'embarquera pas dans
des attentions qui pourraient faire naître chez la jeune fille des
projets irréalisables.

De même, en avertissant des professions des convives, on évite les
_racontars_ ou les anecdotes peu charitables sur lesdites professions.

Disons que, dans les dîners tout intimes, la maîtresse de maison
n'ayant qu'une bonne peut fort bien délaisser le salon deux minutes
pour aller aider ses convives aux menus arrangements de l'arrivée;
elle doit préparer sur une pelote des épingles noires et blanches, et
des aiguilles enfilées de fil de ces deux couleurs; même un petit
peigne.

Un militaire, quel que soit son grade, n'est jamais ridicule en venant
dîner en uniforme; aussitôt entré, la maîtresse de la maison doit lui
dire: «Désarmez-vous donc, monsieur», car l'usage veut qu'il ne quitte
_jamais_ son sabre pour entrer dans un salon; si on oublie de lui dire
cette phrase, il doit, au bout de quelques instants, s'éclipser
discrètement et aller déposer ledit sabre dans l'antichambre.

On ne donne le titre, en parlant aux militaires, qu'à partir du grade
de capitaine; ainsi ne dites pas: «Votre bras, lieutenant», ou:
«Désarmez-vous, sous-lieutenant». Ce serait une faute de goût.

Après quelques instants de conversation, qui débute généralement par
«cette bonne pluie et ce bon beau temps», les parlottes particulières
s'organisent et... on annonce:

«Madame est servie.»

Ces mots sacramentels doivent être prononcés ni trop haut, ni trop
bas, sans emphase, par le maître d'hôtel, le valet de chambre, ou
simplement la bonne, qui ouvre la porte de communication à deux
battants.

Il faut bien recommander aux domestiques de ne pas dire cette phrase
sur le ton d'un maître de cérémonie disant: «Messieurs de la famille,
quand il vous fera plaisir», ou sur un mode enchanté qui a l'air de
dire: «Enfin, ils vont manger!»

Lorsque les amphitryons sont titrés, on annonce, par exemple «Madame
la marquise est servie.»

Il faut surtout styler les jeunes bonnes arrivant de province et leur
bien répéter ces mots, afin que, perdant la tête, elles ne disent pas:
«Madame, la soupe est servie», comme je l'ai entendu dire.

[Illustration]



_L'ananas._


Savez-vous ce que c'est qu'un «ananas»?

Certes, me répondez-vous, c'est un fruit exquis, à telle enseigne que,
dans le langage des emblèmes, il représente la perfection.

Eh bien! c'est d'un autre ananas qu'il s'agit.

En argot mondain, _ananas_ signifie le monsieur ou la dame en vedette,
avec qui l'on est bien aise de dîner afin de dire: «M. un tel,
l'explorateur, je dînais avec lui hier»; ou bien: «Madame X.,
l'_authoress_, femme charmante.... J'ai déjeuné avec elle chez les
Durand!»

Donc, si vous avez un «ananas», prévenez-en vos convives: ils vous en
seront gré. Mettez sur l'invitation: «Monsieur un tel, ou madame une
telle, sera des invités.»

Si ledit «ananas» est un voyageur (le voyageur fait prime depuis la
vogue de la Société de géographie), mettez-le bien entendu sur son
chapitre.

Lorsqu'on est «ananas», cela équivaut à être «en représentation», et
si vous l'êtes, observez-vous, car l'explorateur lui-même est très
épluché et la plus petite bévue ferait dire aux convives, en général
peu charitables: «On voit bien qu'il revient de chez les Canaques», ou
toute autre phrase désobligeante.

[Illustration]



_La question du bras,_

_à droite ou à gauche?_


A été, est, et sera encore débattue.

Comme en toutes les choses humaines, il y a le pour et le contre.

Le bras gauche a ses partisans et le droit aussi.

Il est nécessaire que les hommes aient la main droite libre pour
écarter de la table la chaise que doit occuper la dame qu'ils
conduisent.

Pour les militaires, c'est le bras droit qu'ils offrent, à cause de
l'arme, et les femmes aiment assez cela parce que leur main droite est
libre pour tenir l'éventail ou tout autre objet.

On obéit, en somme, à une habitude et on ne manque nullement aux
règles de la bienséance en offrant indifféremment le bras droit ou le
bras gauche.

Je recommande aux dames d'accepter sans hésitation le bras qui leur
est offert; de même aux messieurs de donner le bras qui leur est
habituel, de façon à ne pas avoir l'air, en avançant et reculant tour
à tour, d'agiter les ailes d'un pigeon tentant de vains efforts pour
s'envoler.

Lorsqu'il y a un prêtre dans une société, c'est lui que la dame de la
maison prie de passer à table avec elle; mais elle ne lui donne pas le
bras; l'usage le défend en France. Pourtant, si, comme en Italie, où
les monsignori se conduisent comme de simples civils, le prêtre
esquissait le geste de donner le bras, la dame serait mal avisée en le
lui refusant.

Au siècle dernier, on offrait la main pour passer à table.

Était-ce moins bien?

Autre question qui a été tournée, retournée sans jamais d'ailleurs
avoir été résolue, comme presque toutes les questions.

Est-ce le maître ou la maîtresse de maison qui doit entrer en premier
dans la salle à manger?

Est-ce le maître ou la maîtresse de maison qui, après le dîner, doit
rentrer en premier au salon?

«On ne peut contenter tout le monde et son père», dit le fabuliste.
Citons donc les anciens:


_Opinions de différents traités de savoir-vivre._

POUR LA MAITRESSE.

   La maîtresse de la maison demande le bras à l'invité qu'elle veut
   honorer et passe la première à table; c'est son droit, le mari
   n'étant considéré que comme un invité, il n'a pas d'initiative à
   prendre.

   La dame du logis passe la première à table; souvent, Monsieur,
   absorbé par une conversation, oublierait de donner le signal
   malgré l'annonce du dîner; voyant le mouvement, il est rappelé à
   son devoir, qui est d'offrir le bras à la dame la plus qualifiée.

   A la fin du repas, c'est la maîtresse de la maison qui donne le
   signal du départ en posant sa serviette sur la table, en se
   levant, en poussant légèrement sa chaise et en se tournant vers
   son voisin de droite.

   Le maître de maison imite son exemple et passe le premier au
   salon; Madame doit passer la toute dernière.

   Quel que soit l'ordre d'arrivée, Madame rentre toujours la
   première au salon.

POUR LE MAITRE.

   Le maître du logis s'est dirigé vers la dame qu'il doit mener et
   il passe avec elle, le premier, dans la salle à manger.

   Il n'y a pas à s'y tromper: de même qu'à table on sert la
   maîtresse de la maison en dernier, de même elle doit passer la
   dernière; pourtant elle passe avant les jeunes filles et les
   jeunes gens et les personnes seules.

_Autre opinion._

   1º Monsieur, avec la dame la plus importante.

   2º Tous les couples ensuite sans aucune règle spéciale.

   3º Les dames isolées s'il y en a.

   4º Madame, au bras du cavalier le plus important.

   5º Les hommes isolés s'il y en a.

   _Exception._--Seules les princesses _de sang_ ouvrent la marche,
   auquel cas, l'annonce du dîner a dû être ainsi faite: «Son
   Altesse madame la princesse est servie».

Maintenant choisissez. Pour moi, je passe toujours la première à la
salle à manger. J'engage seulement les _isolés_, quel que soit leur
sexe, à marcher deux par deux et non à la queue leu leu.

[Illustration]



_A table._


C'est à table qu'on manque le plus au savoir-vivre; là se trouve
l'éprouvette qui permet de constater l'éducation première. Tel
candidat à un mariage, qui avait l'air d'un parfait gentleman, fut
évincé dans l'esprit de la future, dès le potage.

Enlevons nos gants lorsque nous sommes assises, ne les déposons pas
sur la table et ne faisons pas ce qu'indique une vieille «civilité»:
mettre les gants dans son verre à champagne!

Étendons notre serviette sur nos genoux, sans la déplier, ne
l'attachons pas au cou comme un baby, ne la passons pas dans
l'échancrure de notre corsage ou de notre gilet: nous devons savoir
manger!

Le menu, placé auprès de vous, doit être retourné aussitôt que vous y
aurez jeté un coup d'œil.

Le potage doit se manger sans bruit. On ne doit pas rester penché sur
son assiette, ni pencher son assiette pour recueillir jusqu'à la
dernière goutte de liquide, ou bien pour la faire tomber dans sa
cuiller.

Ne pas écarter soigneusement les pâtes, le pain ou les légumes afin de
ne prendre que le jus.

On passe le pain; gardez-vous d'en faire une provision; vous en
redemanderez au fur et à mesure de vos besoins; ne mordez pas dedans,
ne le cassez pas d'avance en petits morceaux, ne le coupez pas avec
votre couteau, rompez-le simplement, bouchée par bouchée.

Versez-vous du vin et de l'eau si vous en prenez, mais jamais à plein
bord; si vous buvez seulement du vin, ne remplissez votre verre qu'à
demi.

L'homme bien élevé s'occupe de sa voisine; mais sans obséquiosité.

Comme, après le poisson, on change toujours la fourchette, il faut
laisser cet ustensile sur son assiette; cela évite au desserveur la
peine de la prendre sur la table; de même, si on change de couteau et
de fourchette après chaque plat.

En thèse générale, le chapitre indispositions doit être banni, et on
devrait imiter les anciens qui se couronnaient de roses et laissaient
les noirs soucis à la porte de la salle du festin.

Cela vaudrait mieux pour l'agrément et pour l'estomac.

Lorsqu'on vous passe un plat, n'opérez pas des fouilles avec la
cuiller pour extraire le morceau que vous convoitez. Il n'est pas non
plus correct de choisir le plus vilain morceau; c'est trop d'humilité,
servez-vous simplement de ce qui est à votre portée.

On ne doit jamais revenir plus de deux fois au même plat, si ce n'est
dans la grande intimité.

Les morceaux qu'on pique avec sa fourchette (éviter de la faire sonner
contre l'assiette) se trempent dans la sauce, mais jamais le pain;
celui qui sauce et qui nettoie son assiette est marqué d'une mauvaise
note.

Les asperges ne se mangent pas comme on suce un sucre d'orge; on
tranche les bouts et on les mange à la fourchette. Si on prend du
beurre, on ne l'étale pas en tartines, sauf pour le premier déjeuner,
mais on beurre l'extrémité de petits morceaux de pain au fur et à
mesure.

En dégustant du vin, ne pas faire claquer sa langue.

Il faut donc tâcher d'être aussi élégant que possible.

La poire ne se pèle pas en spirales, on la coupe en quatre et on
l'épluche longitudinalement; on coupe ensuite par quartiers qu'on
mange avec sa fourchette. S'il n'y avait pas de fourchette de dessert,
mangez les fruits avec les doigts et non à la pointe du couteau.

Mais là-dessus on disserte encore.

Vous ne devez pas offrir à une dame de partager un fruit avec elle;
pourtant, si les fruits sont rares, on peut faire abstraction à cette
règle et offrir le quartier auquel est attaché la queue.

Lorsque vous tendez votre verre, il faut le tenir non à pleine main,
mais avec le pouce et les deux premiers doigts, les deux autres
écartés, le petit doigt un peu en l'air.

Lorsque vous vous trouvez forcé de rejeter sur l'assiette une arête ou
un petit os, reprenez-les entre les lèvres, avec les doigts, aussi
délicatement que possible.

J'ai lu, de mes yeux lu, dans un vieux traité de civilité, qu'on ne
devait pas se moucher à table!

Pourtant, si on en a besoin!

Eh bien! il faut le faire furtivement, sans bruit, de manière à ne pas
éveiller chez autrui des idées peu poétiques.

J'ai lu également dans le même traité que, si on s'était mouché, il ne
fallait pas faire sécher son mouchoir sur le dos de sa chaise!

Puis, cette autre perle, que je transcris textuellement:

«S'il arrivait à un convive un de ces petits accidents inhérents à la
misère de la nature humaine, n'ayez pas l'air de vous en apercevoir,
et surtout ne vous avisez pas de demander une prise de tabac à votre
voisin.

«Autrefois, dans le bon vieux temps, nos pères avaient toujours un
chien sous la table, et lorsque pareille petite misère arrivait, on
avait soin de pourchasser le chien ou d'en faire le semblant. Mais, il
s'est trouvé tant de convives qui abusaient de cette prévoyance de
l'amphitryon, que la mode des chiens lévriers et des danois est tout à
fait tombée; c'est tout au plus si on admet à présent sous la table
des riches un bichon ou une petite levrette. C'est moins commode pour
certains tempéraments»!!!!

Est-ce assez joli? Et ce dernier paragraphe est-il assez délicat?

C'est le cas de dire que nos pères avaient la science des nuances!
nous n'en sommes plus là, Dieu merci!

La civilité dit à l'hôte de remplir le verre de son convive chaque
fois qu'il est vide, la civilité (je parle toujours de l'ancienne, la
nouvelle est plus dans «le train») voulait qu'il fût malséant de
laisser du liquide dans son verre. Alors... alors, à propos de verre
on disait:

     Quand mon verre est vide, je le plains;
     Quand mon verre est plein, je le vide.

On obvie à cet inconvénient en laissant une petite partie de liquide,
lorsqu'on ne veut plus boire; ce n'est qu'à la fin du repas, qu'on
doit vider entièrement son verre.

Lorsqu'une maîtresse de maison vous offre d'un plat, en disant que
c'est elle qui l'a confectionné de ses blanches mains, l'usage veut
qu'on s'extasie sur la bonté du mets.

Sans basse flagornerie, vous pouvez offrir un petit tribut d'éloge au
cordon bleu qui vous regarde généralement avec des yeux inquiets.

Si nous avons une voisine ou un voisin peu agréable, ne nous
renfermons pas pour cela dans un mutisme complet; prenons notre mal en
patience.

L'entrée en conversation étant assez épineuse, il faut se raccrocher à
la première branche venue en l'entamant: et pour l'homme et la femme
d'esprit tout est bon, depuis le beurre qu'on passe jusqu'au dernier
livre paru, depuis le poisson monstre jusqu'à la pièce en vogue (pièce
de théâtre s'entend et non montée).

Si vous êtes une personnalité artistique, littéraire, ne pontifiez
pas.

De même n'essayez pas d'étonner la multitude.

Ne soyez pas, vous artiste ou écrivain, de la nombreuse et assommante
cohorte des «Mastuvu» et des «Mastulu»; ne parlez pas de vous, si vous
voulez qu'on pense quelque bien de votre personne.

Si vous êtes femme de lettres (ce dont Dieu vous garde), ne faites pas
du _bas-bleuisme_.

Evitons les discussions politiques et religieuses; les sujets de
conversations sont assez variés pour qu'on puisse éloigner ces deux
brandons de discorde.

Lorsque la maîtresse de la maison voit le repas terminé, elle profite
d'un moment d'accalmie dans la conversation pour donner le signal du
départ, en posant sa serviette, _non repliée_, près de son assiette,
en repoussant légèrement sa chaise et en prenant le bras du cavalier
qui l'a menée à table, ou, si elle veut égaliser les honneurs, le bras
de son voisin de gauche, mais généralement c'est la même personne qui
la reconduit au salon.

Le maître de la maison l'imite ainsi que tous les convives.

Les serviettes ne se laissent pas en bouchons, ni sur les chaises, ni
déployées; on leur fait tenir le plus petit espace possible, sur la
table.

Les nappes trop longues ne doivent pas être raccourcies en faisant des
nœuds, mais bien repliées avec des épingles; les nappes trop courtes
laissant voir les pieds de la table ne doivent jamais se mettre.

Les gants sont repris par les dames aussitôt après le dîner ou après
le café; les hommes ne les remettent qu'en revenant du fumoir.

Dans les dîners sans cérémonie, on ne les remet pas du tout, et moi je
dis «hosannah» pour cette licence.



_Celui qui découpe et qui sert._


A bien du mérite, car c'est fort ennuyeux, mais pas à la portée de
tout le monde.

Enfin, puisqu'il a accepté la mission, il doit s'en acquitter le plus
galamment possible.

Il serait alors, sans cela, assommant et de vous regarder et de vous
ouïr, si vous vous plaigniez.

Le poisson se découpe à l'aide de la truelle; ne jamais y toucher avec
le couteau, pas plus en le servant qu'en le mangeant; on pose les
morceaux sur une assiette et on la passe à la dame placée à sa droite,
qui la fait circuler; on lui passe ensuite la saucière, qui fait le
même trajet.

J'engage vivement, pour les dîners intimes, à se servir tout
simplement à la ronde.

On m'objectera que la dame placée à gauche est ainsi servie la
dernière et que, au contraire, la maîtresse de la maison, placée au
milieu de la table, est servie longtemps avant son invitée, ce qui est
contraire aux règles du savoir-vivre.

Possible; mais, quand on en use avec cette liberté grande envers ses
convives, c'est qu'on n'est pas plus de six à table, auquel cas,
l'attente n'est pas longue, et puis il y a une façon bien simple
d'obvier à cet inconvénient, c'est de continuer à découper pendant que
l'assiette circule et de faire passer une deuxième assiette, en
commençant par la gauche.

Les grands poissons se servent sur une planche habillée de linge et
recouverte d'une serviette garnie de dentelle; tout autour du persil
frisé en grande quantité. Une jolie mode est de piquer des fleurs sous
cette verdure; roses, dahlias, camelias, chrysanthèmes, roses de Noël,
bouquets de violettes, selon les saisons.

Pour découper le poisson, on tire d'abord une ligne qui va de la tête
à la queue.

Le saumon se coupe en tranches, le long de l'épine dorsale.

Les gros poissons plats se découpent ainsi:

Une ligne de la tête à la queue, une seconde si le poisson est très
gros, et on divise par d'autres lignes transversales qui vont
jusqu'aux bords, puis on lève les morceaux avec la truelle; on sert
d'abord le ventre qui est plus délicat; puis on lève l'arête et l'on
sert le dos, de la même manière.

Les poissons ronds se servent également par le ventre; on procède de
même pour le découpage. Une remarque à faire est que chaque morceau de
brochet doit avoir du ventre et du dos; on doit d'abord retirer
l'épine.

Pour les poulets, faisans, perdreaux, oies, dindes, on les découpe en
commençant par l'aile la plus près de soi; on la saisit de la main
gauche avec une fourchette, et, avec la main droite, on coupe la
jointure de l'aile; on tire alors à soi, de la main gauche, l'aile qui
vient très facilement, en tenant ferme. On lève ensuite la cuisse du
même côté en donnant un coup dans les nerfs de la jointure et en
tirant à soi, ainsi qu'on l'a fait à l'aile; on opère de la même façon
pour l'autre côté, en retournant la volaille vers soi; l'estomac, la
carcasse se découpent un peu comme on veut.

L'aile et le blanc sont les morceaux les plus délicats, ceux qu'on
offre aux dames, sauf pour les perdreaux; on sépare la cuisse de
l'avant-cuisse et, dans les grosses pièces, on enlève toujours un
morceau de chair de la cuisse et de l'avant-cuisse; lorsqu'il n'y a
pas assez de blanc pour toutes les dames, on fait les parts plus
petites et on y adjoint un morceau de carcasse.

Le pigeon se sert comme le poulet: s'il est gros ou moyen, on le coupe
en quatre; petit, en deux.

Le canard, les oiseaux de rivière, la grouse, se coupent en
aiguillettes aussi minces que possible.

Je n'engage pourtant pas à faire des fioritures en servant; on aurait
un peu l'air d'un major de table d'hôte.

Le bonnet d'évêque ne se fait plus que dans l'intimité.

Le bout des pattes des volailles doit avoir de petites manchettes en
papier soit blanc, soit de couleur, finement découpées, frisées; c'est
joli.

On n'offre jamais ni le foie, ni le gésier, ni le cou; ils restent sur
le plat.

Dans les lapins et dans les lièvres, le râble est le morceau de choix.
On fend ce râble en filets en commençant par le cou, le long du dos;
après l'avoir levé, on le coupe en tranches; le restant se dissèque
comme on l'entend.

La sauce se sert à côté ou sur les morceaux; je préfère à côté.

Le filet de bœuf se découpe comme le râble de lièvre.

L'aloyau se découpe en enlevant d'abord le filet, qu'on coupe par
tranches un peu obliques et transversales.

La longe de veau se coupe de même.

Le gigot se découpe à l'anglaise ou à la française.

A l'anglaise, les tranches se font dans l'épaisseur, verticalement; à
la française, les tranches horizontalement et parallèlement à l'os; il
y a ainsi des tranches cuites et des tranches saignantes.

Le gigot, qu'il soit de chevreuil, de mouton, d'agneau, doit être
servi de manière à ce que le manche soit à gauche du découpeur.

Le jambon se coupe très mince; de même la galantine, la hure.

La terrine de foie gras se sert à la _cuiller_.

En servant, mieux vaut donner deux petites cuillerées d'une chose
qu'une grosse; c'est plus élégant.

On place la salade assaisonnée, mais non retournée, devant la personne
qui sert dans les dîners sans cérémonie: lorsqu'elle est «fatiguée»,
l'amphitryon la passe à droite; c'est la _seule_ chose qu'on ne doit
_jamais_ servir soi-même à ses convives.

Le melon se sert, selon les goûts, au commencement ou à la fin d'un
repas.

La glace se coupe au couteau ou avec une truelle spéciale.

[Illustration]



_Après le dîner._


On est de retour au salon.

Pendant le repas d'hiver j'engage fort les maîtresses de maison à
faire pousser fortement le feu du salon afin qu'il n'y ait pas de
brusque changement de température.

Le café est servi au salon par la dame de céans; on ne le prend jamais
à table, à moins d'une grande intimité; évitez de remplir trop la
tasse, il arriverait un «bain de pied»; on sert généralement du rhum,
du cognac, et une autre liqueur avec le café.

Si l'on désire se retirer après le dîner, on doit avoir averti la
maîtresse de la maison en faisant la réponse d'acceptation, ou, si le
cas a été de la dernière heure, on doit la prévenir en arrivant.

On part à l'anglaise, sans rien dire. Le maître ou la maîtresse du
logis vous excuse auprès des autres convives.

En Angleterre, l'usage veut qu'on parte de suite après le dîner; je
trouve cela un peu sans gêne.

Le café pris, le maître de maison fera bien d'inviter ses convives
mâles à passer avec lui dans le fumoir, le petit salon, le cabinet de
travail ou tout simplement la salle à manger, qui doit avoir été
promptement desservie, aérée, pendant qu'on prenait le café.

Pendant ce temps, la maîtresse de maison prévient tous les désirs de
ses invitées.

La séparation des deux sexes ne doit pas être prolongée; au bout d'un
quart d'heure, vingt minutes, le maître de maison doit dire à ses
convives, auxquels il a offert cigares et cigarettes d'excellente
qualité: «Si nous allions retrouver ces dames...»

La fin de la soirée se passe à causer, faire de la musique, jouer aux
cartes, aux petits jeux, etc., etc.

Vers onze heures, on passe des verres de sirop, de punch, du thé, du
chocolat, un verre d'eau sucrée, petits fours, brioches, sandwichs ou
même croquignoles.


_Pour s'en aller._

C'est souvent assez difficile.

Lorsqu'on voit que le temps passe, que tout le monde meurt d'envie de
s'en aller, il faut que quelqu'un se décide à dire: «Tiens, il est
déjà près de minuit! Comme le temps passe! Je n'avais pas la mesure de
l'heure!» etc., etc.; enfin, une phrase qui autorise la retraite.

Alors tout le monde se récrie; les maîtres du logis ne protestent pas,
et on peut s'en aller.

Si quelqu'un est parti à l'anglaise, on peut dire: «Comment M. X. est
parti! Allons, il est temps de faire comme lui.»

Les maîtres de maison peuvent faciliter la sortie aux timides et dire
des phrases dans le genre de celles-ci:

«Ne vous gênez pas pour partir, docteur; je sais que vous vous levez
de bon matin.»

«N'allez pas manquer votre train, votre omnibus.»

«Je ne vais pas vous retenir plus longtemps, vous venez d'être
souffrante.»

Enfin, le bon goût suggère toujours non la «scène à faire», mais le
mot à dire.

[Illustration]



_Les repas exceptionnels._


_Les Rois._

Le dîner des Rois est un de ceux qui mettent en liesse la gent
enfantine.

En effet, quoi de plus charmant que de voir des paires de beaux petits
yeux s'attacher ardemment à la croûte dorée sous laquelle repose
l'espoir d'une royauté éphémère et joyeuse!

On découpe la galette en autant de parts qu'il y a de convives plus
une, «dénommée la part du Bon Dieu»; on pose une serviette blanche
dessus et la personne la plus jeune de la société tire les parts au
hasard, en désignant la personne à laquelle cette part est destinée.

La bienséance et la prudence veulent qu'on tâte soigneusement son
morceau pour découvrir si la fève, le haricot ou le bébé de
porcelaine, en vogue depuis quelques années, ne se trouve pas dedans,
avant de le porter aux lèvres.

Un ou une invitée doit envoyer la fève sur une assiette (et non la
mettre dans le verre, comme cela se pratique trop souvent), au maître
de maison ou au plus jeune fils, à la maîtresse ou à la plus jeune
fille; les maîtres et maîtresses de maison choisissent dans leurs
convives la personne à laquelle ils veulent faire honneur.

On crie: «Vive le roi! vive la reine!» chaque fois que l'un des deux
porte le verre à ses lèvres; le roi n'est nullement tenu de «relever»
sa royauté.

Dans certaines familles charitables, le roi met une petite somme
d'argent sur la part du Bon Dieu et le tout est donné à un pauvre.

Le tirage de la fève est une charmante coutume qu'on ne doit pas
laisser tomber en désuétude; si ce n'est pas la tranquillité des
parents, c'est au moins la joie des enfants.

On peut leur offrir cette satisfaction pendant tout le mois de
janvier; après la première fête, la galette n'est plus obligatoire,
n'importe quel gâteau peut la remplacer.


_Le réveillon._

Est un repas bien gai qui peu à peu est passé dans nos mœurs, et
maintenant presque tout le monde réveillonne peu ou prou.

Qu'on serve le classique boudin, avec la non moins classique dinde aux
marrons, ou qu'on bourre ses convives de truffes et de foie gras, on
doit toujours débuter par un consommé chaud qui a remplacé le
traditionnel potage bouillie, parfumé et servi avec des gaufrettes.

Les seuls vins admis sont le vin rouge et le vin de Champagne.

On sert des pièces de charcuterie, principalement un jambon, entouré
de houx, si ravissant avec son feuillage luisant et ses baies
coralines.

La toilette des femmes est une jolie tenue de ville; de même pour les
hommes.

On ne danse jamais à un réveillon.

Un bouquet de roses de Noël fait joli sur la nappe blanche.

Modèle d'invitation pour un réveillon:

On ajoute sur sa carte de visite: «attendra Monsieur et Madame X. pour
faire réveillon, ou pour fêter Noël». Souvent on va à la messe de
minuit avant le réveillon. Les profanes vont au théâtre.


_Repas de Pâques._

Au déjeuner, on sert des œufs durs teints de différentes couleurs; on
les illustre quelquefois de dessins, de devinettes ou de devises qui
amusent petits et grands.

Au dîner, l'agneau pascal rôti, orné d'une guirlande des premières
fleurs de printemps; des œufs en surprise ne font pas mal (voir la
_Cuisine du siècle_).

[Illustration]



«_Five o'clock tea_».


Qui veut dire «thé de cinq heures» est entré dans nos mœurs depuis
que la mode veut qu'on dîne à huit heures.

Toutes les personnes qui ont leur jour ne sont pas tenues d'offrir
quelque chose à leurs visiteurs; on peut, sans manquer au
savoir-vivre, recevoir les visites, causer, sans plus, mais bien rares
sont les maisons où les dames ne «grignotent» pas quelque chose.

Du reste, tout est facultatif pour ce repas très accessoire.

Le «grand five o'clock» est préparé d'avance dans la salle à manger,
sur une table longue et étroite, recouverte d'une nappe aussi
fantaisiste que vous voulez: nappe écrue brodée de fleurs vives, nappe
rouge encadrée de dentelles, nappe de soie de Chine où sont brodés en
or et argent des fruits, des fleurs irréels; la vaisselle est
arlequinée; une coupe en vieux japon contient des bonbons; le samovar
d'argent chantonne doucement son hymne au thé; les tasses de Sèvres à
médaillons entourés d'or et de bleu turquoise, aux têtes de marquises
poudrées, font bon ménage à côté des tasses de Chine où des mandarins
ventrus esquissent des grâces de poussah, et même se glisse la petite
tasse à café turque en filigrane d'argent; la cafetière, le seau à
glace en cristal rose où baigne une bouteille casquée, des flacons en
verre de Venise aux teintes doucement irisées, les coupes de cristal
aux facettes scintillantes, des flacons en verre de Bohême où
transparaît la blondeur du Madère, le rouge généreux du Bourgogne, ou
l'ambre des vins d'Espagne; des seaux à biscuits, des pinces à
bonbons, des coupes Bernard Palissy, des assiettes de tous genres,
depuis le vieux Sèvres jusqu'à l'assiette à devinettes, à devises
mirlitonesques; la chocolatière ventrue, le petit flacon de menthe
verte, les petits couteaux d'or, les tridents à fruits confits, les
piles de tartines au caviar, les sandwichs au foie gras, jambon,
saumon, homard, les bouchées chaudes aux crevettes, posées sur un
petit réchaud, les brioches, les plombs, les biscuits, les petites
serviettes en batiste, en soie, en papier, enfin le disparate joli
d'un five o'clock «fin de siècle» servi par des laquais. Je préfère
cependant celui sans façon où, glissant simplement entre les meubles
d'un salon encombré, selon la mode, la maîtresse de maison va
elle-même quérir sur une petite table ce qu'elle veut offrir à ses
hôtes.

Le five o'clock peut être composé de thé et de menues tartines de pain
beurrées, agrémentées d'une pointe de sel; quelquefois aussi on passe
une brioche et du chocolat. Dans certaines maisons où il vient
beaucoup d'hommes, on a des boissons américaines. Dans la bourgeoisie,
le vin de Madère, de Malaga avec des biscuits, des petits gâteaux
secs, est ce qui s'offre le plus; en plein cœur d'hiver, un grog ou
du vin chaud conviendrait fort aux personnes qui bravent le froid pour
vous venir voir; de même, en été, une citronade, une limonade glacée,
présentée dans un broc de cristal, sera fort agréable; le café et le
chocolat glacé, ainsi que les glaces aux fruits sont aussi appréciés.

On peut passer des bonbons pendant le mois de janvier; retirez-les du
sac et présentez-les dans une coupe de cristal, de bronze, un plat de
Chine, une bonbonnière chinoise.

Lorsqu'il y a une jeune fille dans la maison, c'est elle qui «fait le
ménage».

Les premiers arrivés sont servis d'abord, les hommes toujours en
dernier.

La maîtresse de maison ou sa représentante offre un verre sur un petit
plateau, elle tient la bouteille à la main et verse devant la
personne; puis, elle passe l'assiette de gâteaux. Les visiteurs vont
reporter leurs verres sur un endroit du plateau laissé vide à cet
effet.

Si on offre du thé, n'ayez que du lait non bouilli.

Lorsqu'il y a des enfants, on peut offrir des tartines de confitures,
des tablettes de chocolat, des carrés de pain d'épice; mais là
s'arrête ce qu'on peut présenter.

Les oranges _épluchées_ et les grappes de raisins sont les seuls
fruits offrables.

Comme souvent on ne donne pas de serviettes pour le lunch, j'engagerai
les dames à placer leur mouchoir commodément dans leur ridicule, leur
manchon, afin de ne pas être contraintes de se livrer à cette
gymnastique particulière qui vous fait lever et fouiller désespérément
dans les plis de votre jupe avant de trouver la poche, maintenant
qu'on a l'ingénieuse idée de la cacher à un endroit quelconque.

Pour les hommes, ils ont la facilité de mettre le mouchoir dans la
poche de poitrine ou dans l'entre-bâillement du gilet.

Les femmes relèvent leur voilette, ne la quittent pas et ne se
dégantent pas; pourtant le gant droit peut être enlevé ou, si on a des
gants longs, on passe la main dans l'ouverture du gant; les hommes les
enlèvent carrément.

Répétons que le five o'clock est facultatif, qu'on ne manque en rien
aux bonnes manières en le supprimant ou en le faisant aussi simple que
possible.

[Illustration]


_Les repas de chasse._

Doivent être surtout copieux et plantureux: l'ordonnance du repas doit
céder la place à la quantité de grosses pièces nécessaires pour
restaurer des affamés qui ont marché durant plusieurs heures.

Comme potage, bouillon aux pâtes, ou la vulgaire, mais tant appréciée
soupe à l'oignon qui, dit-on, «ravigote» sûrement les disciples de
saint Hubert.

Les pâtés de gibier, les pièces de venaison, les fromages, les fruits;
pas ou peu de chatteries; un bon plum-pudding flambant clair, arrosé
de rhum, réjouit les convives par ses flammes bleuâtres; des vins
vieux, pas de champagne, une bonne tasse de café, de la fine champagne
vénérable, la table garnie de verdures automnales pourprées par
l'automne. Médor ou Diane, auxquels on offre un os--dame, ils ont été
à la peine, ils peuvent bien être au plaisir--une bonne pipe, quelques
histoires gauloises, une poignée de main aux amis--et même, si vous
n'avez tué qu'une alouette ou envoyé un grain de plomb à un rabatteur,
vous déclarerez, en enfonçant fièrement votre chapeau de feutre,
quelquefois orné d'une plume de faisan par la maîtresse de la maison,
que «vous avez fait une bien belle chasse».

A propos de chasse, messieurs, nous vous en prions, pas de costumes de
brigands d'opéra-comique; un complet en velours côtelé, de bons gros
souliers bien larges, un chapeau de feutre, chemise de flanelle,
cravate molle, et en route!

Un mot des chasseresses. Si nous allons à la chasse pour faire de la
coquetterie, du flirt, nous avons bien tort; dans ces réunions,
l'homme s'évanouit, le chasseur reste et voit, souvent d'un mauvais
œil, une femme qui manie un fusil. Habillons-nous avec des bottines
lacées, bien montantes, la culotte de zouave, et, par-dessus, la jupe
plissée, veste courte et lâche, chapeau de feutre, pas de gants; si
nous avons du coup d'œil et si nous sommes bonnes marcheuses, nous
pourrons suivre sans faire gronder les chasseurs du sexe fort.


_Les repas de funérailles._

Ont encore lieu à la campagne et c'est naturel; les gens sont venus
souvent de plusieurs lieues à la ronde, pour rendre les derniers
devoirs à un des vôtres; il est donc du plus élémentaire savoir-vivre
de penser au bien-être de ses hôtes.

On n'est pas forcé, lorsqu'on est proche parent du défunt, d'assister
à de tels repas; un ami ou une amie vous remplace.

Très simple doit être le menu: potage, viandes froides, charcuterie,
vin ordinaire.


_Les banquets._

La table est en fer à cheval, en patte d'écrevisse, en T; le président
est au milieu.

Voici un extrait du protocole:

Roi ou président.

Princes du sang ou sénateurs et députés.

Cardinaux.

Ministres.

Grands-officiers.

Conseillers d'État.

Grands-officiers de la Légion d'honneur.

Généraux de division.

Présidents de cours d'appel.

Archevêques.

Préfets.

Présidents de cours d'assises.

Généraux de brigade.

Évêques.

Sous-préfets.

Présidents de tribunaux de première instance.

Présidents de tribunaux de commerce.

Maires.

Commandants d'armée.

Commandants de Consistoire.

Les titres des personnages sont mis sur leurs cartes.

     Monsieur le ministre de l'Intérieur
     S. E. l'ambassadeur
     S. M. la reine d'Angleterre

Il est presque toujours indispensable de s'adresser, pour
l'organisation d'un banquet, aux fournisseurs «spécialistes».

[Illustration]



_Les vieilles coutumes françaises._



Sont la santé, la chanson, la philippine et le «trinquage».

Commençons par ce dernier, qui est de plus en plus condamné.

Pourtant, si le verre vous était tendu, n'hésitez pas, sinon à le
choquer mais à le toucher avec le vôtre en vous inclinant
gracieusement. On peut encore dire, en levant son verre: Je bois à la
santé de madame ou de monsieur un tel, en s'inclinant; en ce cas les
convives lèvent leurs verres et le vident; les femmes peuvent se
contenter d'y tremper leurs lèvres. Le maître de la maison répond par
une phrase dans le genre de celle-ci: «Et moi je bois à vous tous, mes
chers amis». Lorsqu'on «toaste», coutume anglaise implantée en France,
c'est le maître de la maison qui prend l'initiative, à moins qu'on ne
soit réuni chez lui pour sa fête ou pour un anniversaire; alors c'est
généralement le convive le plus qualifié ou le plus âgé qui porte le
toast. Les femmes ne doivent jamais toaster.

A une noce, lorsqu'on porte la santé des jeunes époux, ils ne doivent
pas répondre, l'émotion peut les en empêcher; c'est le père de l'un ou
de l'autre qui prend leur place. On ne se lève plus pour porter un
toast, si ce n'est dans les banquets officiels ou dans les réunions
ouvrières.

Alors, ce n'est plus un toast mais un discours, et, nous vous en
prions, méfiez-vous de la longueur, ayez pitié des pauvres gens qui
vous écoutent!

Voici dans quelles circonstances on peut toaster:

A une pendaison de crémaillère: l'amphitryon porte la santé de ses
hôtes et leur dit qu'il espère bien les voir souvent dans sa nouvelle
demeure;

A un anniversaire de mariage; ce sont les invités qui toastent; le
mari doit répondre en termes émus;

Au sujet d'une décoration, d'un avancement, d'une promotion, un
convive éminent porte un toast: l'heureux personnage doit répondre en
termes flattés;

A un mariage: j'ai déjà dit que le jeune époux s'abstenait;

A un baptême: le baby ne répond généralement pas, si ce n'est par des
cris, et l'auteur de ses jours prend la parole en phrases attendries.

La philippine n'a plus cours que dans la très grande intimité; elle
amenait un présent obligatoire et une familiarité déplacée.

Donc, ne «philippinons» pas, sauf avec les très jeunes gens des deux
sexes; un bouquet est alors le seul cadeau qu'on peut offrir ou
accepter.

[Illustration]



_Les déjeuners._


Le déjeuner n'est jamais un repas de cérémonie, sauf quand il s'agit
d'un déjeuner de noce ou de baptême; en ce cas, c'est un déjeuner
dînatoire, puisque le potage y figure.

Les déjeuners sont à éviter, ils coupent la journée; mais cela dépend
des occupations qu'on a.

Les hommes viennent en costume ordinaire; les femmes en toilette de
ville; la robe d'intérieur élégante peut être la mise de la maîtresse
de maison, jamais la simple robe de chambre.

Le potage est remplacé par les huîtres ou par toute une gamme de
hors-d'œuvre.

Les biftecks, côtelettes, viandes froides, pâtés, œufs sous toutes
les formes, poissons frits, fromage, gâteaux secs, fruits sont les
éléments d'un déjeuner; on évite les plats à sauce, les gros rôtis,
les glaces et pourtant, quand on veut faire un petit gala, on a
recours à ces diverses choses; du reste, la fantaisie est admise.

On peut prendre le café à table ainsi que les liqueurs.

[Illustration]



_Les bals._


Encore quelque chose de terriblement difficile pour les maîtresses de
maison qui ne disposent ni d'un hôtel, ni d'un très grand appartement.

Il faut d'abord une véritable débauche de lumières; puis beaucoup de
glaces reflétant les lumières, les doublant.

De même pour les fleurs ou plutôt les plantes vertes; mettons-les en
profusion; surtout des palmiers, avec leurs larges feuilles en
éventail qui font si bien ressortir le damas d'une tenture, la
blancheur esthétique d'une statue de marbre, la sévérité grandiose
d'un bronze, le coloris d'un tableau ou le ton doucement ocré d'une
terre cuite.

Une maîtresse de maison un peu artiste doit savoir organiser des
coins, des retraits avec des palmiers.

Les fleurs, orchidées surtout, puisque c'est la mode, doivent garnir
les vases, les potiches.

Je conseille une pièce peu éclairée, où les personnes lassées du bruit
et de la lumière pourront venir se reposer.

Dans une chambre ou dans un petit salon sont disposées des tables de
jeux, avec des cartes, des jetons, des marques, de petits bouts de
table avec bougies allumées et casquées de mignons abat-jour roses ou
verts; des boîtes de cigares ouvertes, des allumettes, des cigarettes
et des pastilles cachou doivent être placées sur un meuble.

Si la salle de jeu est une chambre à coucher, mettez un paravent
devant le lit; c'est plus convenable et plus joli.

Les cartes d'invitation sont lancées au moins quinze jours avant, car
il faut penser aux toilettes que les dames peuvent avoir à préparer,
et deux semaines ne sont pas de trop pour mettre au point la robe de
bal qui est toujours assez compliquée, sinon par elle-même du moins
par ses accessoires.

_Modèle d'une carte d'invitation à un bal._

   Monsieur et Madame Alfred V.... prient Monsieur et Madame X. de
   leur faire l'honneur de passer avec eux la soirée du lundi 29
   mars.

     On dansera.

     22, rue Saint-Marc.

Une carte de visite doit être aussitôt renvoyée; c'est l'accusé de
réception et le remerciement.

Inutile de prévenir d'un refus; ce n'est pas comme pour un dîner, les
préparatifs sont les mêmes et peu importe l'absence de quelques
personnes de plus. Quelquefois, au dernier moment, on se trouve libre
et si on avait refusé il n'y aurait plus moyen de revenir sur sa
décision.

Lorsqu'on a assisté au bal, on doit renvoyer une carte huit jours
après, puis faire une visite (les hommes n'y sont pas tenus);
avez-vous refusé, il est de bon goût de faire une visite explicative à
la maîtresse de la maison si on est assez lié pour cela; sinon, on
s'abstient.

La toilette de la maîtresse de la maison peut être jolie, mais elle ne
doit pas mettre toutes voiles dehors, afin de ne pas éclipser ses
invitées qui, quelquefois, pourraient lui en savoir mauvais gré: on a
vu des haines de femmes éclore à propos d'un chapeau.

Le grand décolleté, le demi-décolleté, même l'entre-bâillement discret
sont permis dans un bal; la règle n'est plus inflexible comme il y a
quelques années et les personnes souffreteuses peuvent, sans manquer
au savoir-vivre, aller au bal dans une toilette demi-montante.

Les jeunes filles renoncent aux robes de tulle et de tarlatane;
c'était joli, flou, mais cela durait l'espace d'une nuit et, les
façons coûtant cher, la génération actuelle, plus pratique, prend de
léger taffetas, de la bengaline, de la gaze de soie, même du crépon de
laine, qui peut fournir plus d'un bal.

La robe d'une entière blancheur a fait place, elle aussi, à toutes les
teintes délicieusement fausses qui sont en vogue, et les jeunes filles
sont habillées comme les jeunes femmes, sauf le décolleté plus modeste
et l'absence de bijoux.

Les gants doivent toujours être très longs, montant au-dessus du
coude; je préfère les teintes rosées, biscuit, gris clair, au gant
blanc.

La petite palatine de satin piqué ornée de cygne ne se porte plus; on
a tout simplement une gaze, une mantille, qu'on peut jeter sur ses
épaules.

En fait d'accessoires, la femme n'a plus que l'éventail, le mouchoir
et le carnet de bal.

La sortie de bal se laisse au vestiaire.

La toilette des hommes est toujours la même: habit noir, pantalon
noir, gilet noir à cœur, cravate blanche, souliers vernis, gants
blancs, les seuls dont le corsage des dames n'a pas à redouter le
contact. Dans le grand monde, on arbore la culotte courte, les bas de
soie noirs, l'escarpin, l'habit rouge et même, suprême fantaisie,
l'habit en soie glacée, gorge-de-pigeon.

C'est fort joli dans un certain milieu.

Les bals sont généralement indiqués pour dix heures et demie ou onze
heures; on doit être «paré», comme on dit en style maritime, une
demi-heure avant.

Il ne faut pas arriver trop tôt pour voir «allumer les chandelles»;
pas trop tard non plus.

Je n'engagerai jamais les maîtres de maison désireux d'avoir foule
dans leurs salons à donner des invitations en blanc; sait-on qui peut
venir?

Les jeunes femmes ne vont pas seules au bal; il leur faut mari, père,
frère, ami de la famille ou dame sérieuse comme chaperon; pourtant,
une personne n'ayant nul tenant aurait grand tort de se priver d'un
plaisir; elle n'a qu'à arriver des premières et à se placer près de
quelqu'un de connaissance ou près d'une personne avec laquelle la
maîtresse de maison la mettra en rapport.

Les maîtres de maison s'occupent de placer les premiers arrivants;
ensuite, c'est un peu au gré de la fantaisie.

Règle générale, les femmes sont assises dans un bal, les hommes
jamais.

Un des grands soucis pour des personnes donnant un bal, c'est de
réunir le nombre de danseurs, _dansant_, nécessaire.

Pour ce, ils sont forcés de se montrer éclectiques.

La maîtresse de maison doit peu danser; il faut qu'elle s'occupe de
mettre tout le monde en train, de chercher les danseurs pour les trop
obstinément délaissées.

Autant que possible, l'orchestre doit être installé sur une estrade
avec des plantes vertes le dissimulant.

Une remarque. On doit faire distribuer fréquemment des
rafraîchissements aux musiciens, mais pas de liqueurs; à la fin du
bal, on les fait souper ou, s'il n'y a pas de souper, on leur sert du
bouillon, du Bordeaux, du Champagne.

Pour l'organisation d'un orchestre, on peut s'adresser à des facteurs
de pianos, à des marchands de musique; ils vous procureront un
personnel très convenable.

Les invités doivent adresser leur première invitation à la maîtresse
du logis et à ses filles.

Les jeunes filles en entrant au bal marchent seules derrière leur
mère, qui est au bras du maître de la maison ou d'un de ses aides de
camp; elles donnent le bras à leur père, à leur frère ou à l'ami qui
les accompagne.

Les jeunes filles s'asseyent devant ou près de leur mère ou de la dame
qui leur sert de chaperon; un homme veuf conduisant sa fille au bal
doit la mener de suite près d'une personne âgée de leur connaissance.

La jeune fille doit danser dans le salon où est la personne qui
l'accompagne; de même, au souper, elle doit être placée non loin.

L'usage américain qui veut que la jeunesse ait son salon pour elle
seule, soupe seule, a de grands inconvénients et, si j'avais une
fille, je ne le permettrais certes pas.

Un homme doit éviter d'ordinaire de faire danser trop souvent la même
personne.

Pour inviter à danser, le cavalier salue la dame et lui dit, à voix
basse, ces mots sacramentels: «Madame--ou Mademoiselle,--voulez-vous
me faire l'honneur de m'accorder ce quadrille,--ou de danser cette
valse avec moi?»

Celui qui emploierait le mot plaisir en place de celui d'honneur
serait peu correct.

Lorsque la femme accepte, elle s'incline et dit:
«Volontiers--oui,--avec plaisir», également à voix basse; ses phrases
sont devinées plutôt qu'entendues.

Consulter longuement son carnet de bal serait incivil.

Pour refuser, on dit simplement: «Merci, je suis invitée».

Lorsqu'on refuse de danser avec quelqu'un pour une raison ou pour une
autre, on doit rester à sa place.

Si on veut se ménager d'accorder la danse suivante, il ne faut pas
déclarer «qu'on ne danse plus», mais dire: «Je vous remercie, je
désire me reposer un moment».

Le cavalier n'insiste pas; il peut se représenter plus tard, mais si
on le refuse de nouveau, il doit s'abstenir.

Dans le cas où deux messieurs réclameraient leurs droits en même temps
et paraîtraient disposés à tourner à l'aigre, il faut que la danseuse
ait l'esprit de mettre les deux parties d'accord.

Si une dame vous refuse, n'invitez pas de suite sa voisine directe.

Dans un bal, les hommes vont saluer les dames qu'ils connaissent;
s'il y a une chaise libre à côté, ils peuvent s'y asseoir un
_instant_; ne jamais rester devant une femme, debout, à causer; cela
la masque ainsi que ses voisines et peut les empêcher d'être invitées
à danser.

Lorsqu'on a invité une personne pour un quadrille, on prend pour le
vis-à-vis le premier couple qu'on voit en quête de partenaires.

Parler en dansant la valse est non seulement difficile, mais de
mauvais goût.

Peu d'hommes et peu de femmes savent danser correctement.

Voici la tenue exacte citée par la baronne Staffe:

Le cavalier se place à la gauche de la dame, enlace sa taille avec
l'avant-bras et soutient de sa main gauche la main droite de sa
danseuse, qui appuie légèrement sa main gauche sur l'épaule de son
danseur.

Le bras gauche du cavalier doit être assez étendu pour pouvoir
imprimer instantanément les changements de direction. L'épaule droite
du cavalier doit être constamment perpendiculaire à l'épaule droite de
sa danseuse et le corps de celle-ci ne doit pas se trouver en contact
avec le corps de son cavalier.

Si vous tombez sur un mauvais danseur, faites contre fortune bon cœur
et ne lui donnez pas des conseils d'un ton aigre; la réciproque est
vraie.

Il est bon de s'arrêter de danser lorsque les dernières mesures se
font entendre.

Le cavalier reconduit la dame à sa place, reprend son claque (il en
est qui dansent avec, mais c'est gênant), s'incline, la dame en fait
autant; avant, l'homme remerciait.

Les coiffures extravagantes et les décolletés trop... audacieux sont
de mauvais goût.

L'officier qui danse défait son sabre chaque fois et le dépose _droit_
contre la chaise de sa danseuse.

A propos d'officiers, s'ils portent des gants blancs au bal, comme
tout le monde, ils ne sont plus astreints à cette couleur pour la
ville; ils portent journellement le gant peau de chien ou brique, à
piqûres noires.

Lorsqu'on va dans plusieurs soirées, on doit partir sans jamais
prendre congé des maîtres de maison, qui pourraient être vexés de
votre désertion et tenter de vous retenir.

Les bals ne sont pas toujours suivis de soupers; il y a quelquefois un
buffet qui doit être prêt dès la première heure du bal, quoiqu'il soit
de mauvais ton d'y aller dès le commencement de la soirée.

Maintenant que la mode des buffets est en vogue, on ne sert plus de
rafraîchissements entre les danses.

Pourtant je vais donner quelques indications pour le cas où il n'y
aurait pas de buffet: entre chaque danse, si on veut, ou, au moins,
toutes les trois danses, des domestiques chargés de grands plateaux
avec des verres plats remplis aux _deux tiers_ de sirop de groseille,
de grenadine, orgeat, glaces en coquilles, café glacé, chocolat glacé,
petits fours, fruits confits dans leurs collerettes de papier plissé,
doivent circuler dans le salon.

[Illustration]



_Buffets.--Soupers._


Aussitôt les plateaux passés, d'autres domestiques, chargés de
plateaux vides, recueillent verres, coquilles, petites cuillers;
jamais, au grand jamais, ne déposons rien sur un meuble; dans le cas
où vous auriez omis de remettre sur le plateau, il se trouvera
toujours un homme bien élevé pour vous débarrasser de ce qui vous
gêne.

La question des godets de papier contenant des fruits glacés, des
noyaux et des queues a été débattue et, tout dernièrement, d'une façon
charmante par Marie-Anne de Bovet. On sait donc qu'il ne faut pas
avaler les noyaux, ni les jeter subrepticement derrière sa chaise ou
derrière un meuble, ni les mettre dans sa poche, mais bien les
enfermer dans leur enveloppe de papier et déposer le tout sur le
plateau.

Oui, mais si le plateau a passé?

Dans ce cas, messieurs, mettez le corps du délit dans votre poche de
gilet et vous, mesdames, dans un coin de votre mouchoir de poche.

Les verres à sirop sont toujours en cristal uni; les verres à pied ne
sont de mise que pour le punch ou le vin chaud qu'on sert vers une
heure du matin; lorsqu'il n'y a pas de buffet, on sert des tasses de
chocolat chaud, de consommé chaud et froid, vers deux heures du matin;
on peut aussi servir des verres de vin de Bordeaux et des coupes de
Champagne; mais cela est facultatif, ainsi que les sandwichs.

Le buffet doit être très copieusement garni.

Comme il est fort difficile d'organiser un buffet pour un bal, qu'il
faut beaucoup de matériel, des tables à tréteaux, des montants, etc.,
etc., j'engage à s'adresser à une maison de _premier ordre_ pour ce
soin; je dis de _premier ordre_ car, pour une minime différence de
prix, vous risquez d'avoir des fournitures peu fraîches et des vins de
qualité très inférieure.

Les domestiques doivent être debout derrière la table.

Il faut placer un paravent derrière les serveurs; ce paravent
dissimule une table où on envoie vivement la vaisselle sale, les
détritus; on doit laver promptement la vaisselle et lui faire
reprendre sa place; ainsi le buffet n'a pas trop l'aspect d'une ville
mise à sac.

La décoration du buffet est faite par des fleurs et de belles grasses
pièces, galantine, jambon, filet froid, volaille, fruits.

On invente tous les ans d'exquises choses qui sont les bienvenues dans
les buffets: ortolan froid, pris dans de la gelée; coquilles de
homard; bouchées aux crevettes; pâté de saumon; truffes au vin de
Champagne, servies dans de mignonnes coquilles en argent, sandwichs au
jambon, au foie gras, vins de toutes espèces, glaces, sorbets, punch,
bouillon, etc., etc.

Le maître de maison et ses aides de camp doivent conduire tour à tour
les dames au buffet; celles qui dansent y sont menées par leurs
danseurs; il faut veiller aux timides et s'arranger pour qu'elles
aient leur tour.

On ne doit pas conduire sa sœur, ou sa femme au buffet; encore moins,
si on est venu nombreux, s'y rendre en famille. Lorsqu'on fait un
souper par petites tables, sauf celles présidées par le maître et la
maîtresse de la maison et où ils invitent les personnes auxquelles ils
tiennent à faire honneur, chacun se place comme il l'entend.

Le souper doit être court; les danseurs grillent de retourner à la
salle de bal et les personnes qui désirent se retirer verraient d'un
mauvais œil se prolonger le repas.

Sauf le potage (toujours du bouillon), qui est chaud, tous les mets
sont froids: filet de bœuf, volaille, galantine, jambon, pâté de foie
gras, salade de légumes, ananas, fruits, Bordeaux, tisane de
Champagne.

Après le souper, les personnes qui désirent partir, reparaissent au
salon un instant et s'éclipsent pendant le brouhaha de la première
danse.

[Illustration]



_Le cotillon._


Est de rigueur maintenant dans tous les bals et se danse avant ou
après le souper.

Il est de plus en plus aimé des jeunes filles et des femmes parce
qu'il sert de prétexte à distribution d'objets plus ou moins coûteux,
plus ou moins luxueux et toutes les femmes adorent emporter quelque
chose.

Si on veut suivre la mode, point n'est besoin d'avoir un cotillon qui
revient à dix mille francs, car on atteint facilement ce chiffre en
offrant aux danseuses des éventails signés de noms de maîtres, des
boîtes à poudre en argent, des pommes d'ombrelles en Saxe, des bijoux,
enfin les mille fantaisies coûteuses que seule une maîtresse de maison
millionnaire peut songer à offrir.

Il est de petits bibelots gentils, pas chers, qui font merveille; des
japonaiseries, des rubans, des fleurs, les différentes fantaisies qui
éclosent ici et là, sous le nom fameux d'«articles de Paris».

Bien des accessoires peuvent se confectionner chez soi et
l'ingéniosité invente des figures absolument charmantes, pour une
minime dépense.

Mais passons d'abord en revue ce qui s'achète.

=La troïka.=--Est une branche d'arbre qui rappelle le célèbre attelage
russe. Cette branche est ornée de fleurs et de rubans; à ses
extrémités se trouvent deux rubans avec un anneau doré au bout: trois
dames s'attellent à la troïka, que tient la dame du milieu. Les deux
autres tiennent les rubans. Un grand ruban est passé autour de la
taille de la dame du milieu et les extrémités en sont tenues par le
cavalier qui conduit l'attelage. La dame conductrice guide trois
cavaliers attelés de la même façon à une autre troïka. On donne des
colliers aux dames, des flots de rubans aux messieurs. Les deux
attelages font le tour de la salle en sens inverse; au signal donné
par le cavalier conducteur, la course s'arrête et chacune des dames
danse avec le cavalier qui se trouve en face d'elle.

=Le portique.=--Sous un portique orné de roses et de rubans, on
attache une clochette et un petit panier rempli de pétales de roses;
deux rubans qui correspondent à la clochette et au panier sont tenus
par une dame qui, à sa volonté, fait sonner la clochette ou basculer
le panier qui laisse tomber une pluie de fleurs; dans ce cas le
cavalier ne danse pas.

=Les tambourins.=--Le cavalier conducteur et la dame conductrice
distribuent des tambourins ornés de différentes couleurs. Au signal
donné, les dames dansent avec le cavalier portant leurs couleurs.

=Le sistre.=--Le sistre est distribué par les messieurs aux dames de
leur choix; il accompagne l'orchestre d'un charmant bruit de grelots
et de clochettes.

=Le diable au corps.=--On place deux cavaliers et une dame au milieu
du salon. Les deux diables sont passés au cou des deux messieurs:
celui des deux messieurs qui s'en débarrasse le premier en le
détachant du mousqueton, le jette ou le passe à un autre cavalier et
danse avec la dame.

=Le secret de Polichinelle.=--On renferme douze beaux hochets ornés de
têtes de polichinelle de couleurs différentes dans une grosse tête de
polichinelle montée sur un pied; douze autres petites têtes de
couleurs semblables aux premières sont mises dans la grande collerette
de Polichinelle; le cavalier conducteur distribue les hochets aux
messieurs; douze dames viennent prendre chacune une petite tête et
dansent avec le cavalier qui a le hochet correspondant.

=Les fleurs ou le parterre.=--De grandes branches de fleurs,
différentes, sont placées au milieu du salon sur un parterre portatif;
on distribue de petits écrans représentant les mêmes fleurs aux
messieurs, qui choisissent chacun une danseuse et la conduisent au
parterre où elle arrache la branche de fleurs correspondante.

=Aïda.=--On présente un gigantesque écran en plumes de paons, posé sur
un beau pied; les grandes plumes ornées de nœuds de satin différents
sont distribuées aux messieurs; douze petits écrans en plumes et ornés
de nœuds semblables sont distribués aux dames; on range les messieurs
sur une ligne, les dames défilent devant eux et s'arrêtent devant le
cavalier aux nœuds correspondants.

=Les marguerites.=--De grandes marguerites blanches sont distribuées
aux dames et de petites marguerites de couleurs différentes, en forme
de décorations, aux messieurs. Au signal du cavalier conducteur,
chaque dame tire un à un les pétales de sa fleur; au dernier pétale,
par un mouvement de bascule, le cœur de la marguerite se retourne et
change de couleur. Les couleurs correspondant aux couleurs des
messieurs forment les couples.

=Le rosier.=--Un rosier de grandeur naturelle et garni de six, douze
ou dix-huit roses très jolies de nuances différentes est placé au
milieu du salon. Le même nombre de boutons de rose de nuances
semblables aux premières sont piqués dans une corbeille de mousse;
chaque cavalier conduit près du rosier la dame de son choix; celle-ci
cueille la rose semblable au bouton que le cavalier a placé à sa
boutonnière.

=La courte paille.=--On place une dame et deux cavaliers au milieu du
salon; deux pailles, dont l'une s'allonge beaucoup, mais que l'on
croit semblables, sont présentées aux messieurs par une dame; chacun
des cavaliers choisit une paille et celui qui a la courte paille danse
avec la dame.

A côté des accessoires coûteux il en est, avons-nous dit, beaucoup
qu'on peut faire soi-même et qui ne demandent qu'un peu d'application.

=La pêche.=--Mettez au bout d'un bâton, recouvert de papier d'or ou
d'argent, une ficelle; attachez à cette ficelle un petit four.

Une dame prend cette ligne improvisée et la balance au-dessus de la
tête de ses danseurs agenouillés. Celui qui happe l'appât danse avec
la dame et les autres dansent entre eux.

=La chandelle.=--Une dame monte sur une chaise tenant une bougie
allumée; deux danseurs sautent et essayent d'éteindre la bougie; celui
qui réussit danse avec la dame et le second danse seul auprès en
tenant la chandelle.

=La grosse tête.=--C'est une énorme tête de carton représentant une
figure comique, face de poupée, de Jeannot, rosière de Nanterre, etc.,
etc.; la dame qui tient la tête! la dépose sur celle du danseur
qu'elle choisit et celui-ci danse à l'aveuglette; l'effet est
quelquefois drôle.

=Les sacs.=--Une figure de mon invention, amusante peut-être: on fait
des sacs en papier gris percés de trous de différentes grandeurs; les
messieurs s'en couvrent entièrement la tête et s'alignent sur un rang
afin que les dames choisissent leurs danseurs.

On ne peut les reconnaître à la taille, avec ces sacs de différentes
grandeurs, et, la danse finie, lorsqu'on enlève ce couvre-chef d'un
nouveau genre, on est souvent tout étonnée en voyant le visage du
danseur.

=La poudre de riz.=--Une figure à éviter; elle tache les habits.

Toutefois, comme elle ne coûte absolument rien, il faut l'indiquer.

Deux danseurs se présentent; la dame enfarine le visage de l'élu et
l'autre suit le couple en dansant et en tenant houppe et boîte.

=Le miroir.=--La dame assise tient un miroir et, tour à tour, les
danseurs viennent y mirer leur visage; la dame efface avec son
mouchoir les traits de ceux qu'elle ne veut pas agréer.

Faire défiler tout le bataillon des danseurs serait de goût douteux.

=Le coussin.=--La dame, assise, a un coussin devant elle. Elle pose le
pied dessus, les danseurs vont tour à tour essayer de s'y agenouiller;
si la dame refuse, elle doit retirer vivement le coussin.

=Le verre d'eau.=--Une dame tient un verre d'eau: elle l'offre à celui
avec lequel elle veut danser; celui-ci le donne vide à un cavalier qui
suit le couple en dansant seul et en tenant le verre d'eau plein; il
ne le vide qu'après la valse; rôle vétilleux, demandant beaucoup
d'adresse; figure dangereuse pour les robes des dames.

Le cotillon variant chaque année, je ne peux guère expliquer les
figures; il s'en montre tous les jours.

Bien entendu on peut offrir ce qu'on veut, depuis des pelotes et des
écrans jusqu'à des sachets et des mouchoirs.

[Illustration]



_Les différents bals._


_Bals Cendrillon._

De récente importation est le bal Cendrillon qui finit à minuit, heure
à laquelle l'héroïne des contes de Perrault perdit sa pantoufle.

Ce bal fait le bonheur des personnes aimant se coucher tôt, des
mamans, des papas, voire des maris.

Il commence à huit heures; on passe des rafraîchissements, mais il n'y
a ni buffet ni souper.


_Les bals d'enfants._

Ont lieu dans l'après-midi, de deux heures à six heures; il y a un
goûter assis; on offre des tasses de lait.

L'orchestre, pour ces bals, peut se composer d'un simple piano tenu
par une maman ou une grande sœur complaisante.

A propos d'orchestre, disons en passant qu'on ne doit pas lésiner sur
le nombre des musiciens, que cela ne grossit pas beaucoup la dépense
d'en avoir quelques-uns de plus, et que rien n'est piteux comme de
voir sautiller cent personnages aux sons essoufflés d'un piano
poitrinaire ou d'une petite flûte qui n'en peut mais.

Dans les grands bals, une jolie invention est de faire jouer
l'orchestre en sourdine pendant le souper.

Les airs espagnols sont en vogue.


_Bals déguisés._

Bien jolis et bien agréables; il y a une sorte de laisser-aller où on
peut donner libre cours à son esprit.

Le bal masqué est encore plus gai, plus amusant à la faveur de
l'incognito et avec le tutoiement toléré quelquefois.

Les bals masqués ne sont amusants que dans des maisons particulières,
où on est sûr que tout le monde est correct et que malgré la licence
de l'incognito, des propos déplacés n'auront pas cours.

Les bals déguisés où tous les costumes se coudoyaient dans un
chamarrement joli ont fait leur temps; on veut du nouveau, n'en fût-il
plus au monde, et on inaugure les bals Charles IX où tout le monde est
tenu d'avoir le costume du temps, et on danse la pavane;

Les bals Watteau, avec le menuet;

Les bals républicains, avec gardes françaises et ravaudeuses;

Les bals grecs, fort originaux;

Bals espagnols avec le fandango, bals italiens avec la tarentelle, bal
chinois, bal russe, bal polonais, bal turc, bal suisse, enfin, tous
les pays du monde peuvent être mis à contribution avec leurs costumes
et leurs danses; de même les provinces françaises, le Poitou avec son
ancien costume et le branle; l'Auvergne avec la bourrée, etc.;

Puis les bals de fleurs, les bals d'oiseaux. On donne aussi des bals
déguisés _de jour_; ce sont des bals villageois où on mange simplement
des crêpes et où on boit du cidre; ce ne sont pas ceux où l'on s'amuse
le moins.

Les _bals blancs_ sont ceux où seules les personnes non mariées ont la
permission de danser; les jeunes filles doivent être tout en blanc et
les jeunes gens arborent une fleur de même couleur à la boutonnière.

Les _bals roses_, où peuvent danser les jeunes femmes, sont jolis;
toutes les danseuses portent des robes également roses, et les
danseurs se décorent d'une des roses de la saison.

Les _bals d'été_ se donnent dans les jardins, éclairés par des
lanternes vénitiennes; les musiciens sont juchés sur des tonneaux;
sous des tentes sont dressés des buffets.


_Les bals par souscriptions._

Lorsque, dans ces bals, une femme se présente sans cavalier, un des
commissaires doit lui offrir le bras, la conduire, lui trouver une
place convenable et l'y installer.

On ne doit jamais accepter d'être menée au buffet, payant, dans ces
bals, si ce n'est par ses parents.

Si deux femmes se présentent ensemble et qu'il n'y ait qu'un
commissaire de libre, c'est à la plus âgée que celui-ci doit donner le
bras.


_Quelques conseils pour les bals._

Ne jamais trop faire frotter un appartement: autrement, gare aux
glissades et aux chutes.

Ne mettez pas de fleurs odorantes.

Ayez des bougies très longues, afin de ne pas les renouveler plusieurs
fois dans la soirée.

Ne chauffez pas les salons, mais chauffez fortement le petit salon de
repos et la salle de jeu.

Que les hommes n'enlèvent jamais leurs gants sous aucun prétexte; le
contact d'une main plus ou moins moite sur un corsage ou sur un gant a
une action désagréable et tachante.

[Illustration]



_Les garden parties._


On les nomme aussi Robinson ou Marly; c'est une mode qui vient
d'Angleterre.

Les maîtres de maison vous invitent pour rester dans leur jardin.

Les rafraîchissements, les plaisirs, tout se prend dehors.

On dresse le buffet sous une tente, une tonnelle, un hangar.

On installe des jeux champêtres, des balançoires, des tourniquets.

A propos des parties en plein air, quelques conseils.

Il faut que le lieu du festin ne soit pas trop éloigné de la cuisine,
de manière à ce que les mets n'arrivent pas froids.

Éviter de mettre rafraîchir les bouteilles dans des seaux sous les
yeux des convives.

Il faut avoir un terrain sans pente pour mettre sièges et tables et
caler solidement les uns et les autres.

Faire attention de ne pas se mettre sous les arbres d'où pleuvent les
insectes.

Calculer les mouvements du soleil afin que les convives ne soient pas
aveuglés.

Si le repas en plein air est un dîner, la maîtresse de la maison fera
bien d'avoir une provision de châles légers qu'elle pourra jeter sur
les épaules des frileuses.

Pour l'éclairage on emploie les lampes de jardin à globes fermés.

On peut aussi avoir un éclairage de lanternes chinoises ou
vénitiennes.

Lorsqu'à la campagne on dîne dans la salle à manger et que le café est
servi dehors, les domestiques placent tout ce qui est nécessaire sur
une table et se retirent; le soin de servir est laissé à la maîtresse
de la maison et souvent même on invite les convives à se servir
eux-mêmes.

[Illustration]



_Soirées._


Les soirées dansantes sont plus intimes que les bals; on peut y venir
en robe demi montante; souvent il n'y a qu'un piano pour orchestre, et
ce sont tour à tour des personnes de bonne volonté qui le tiennent.

Ces soirées donnent de graves soucis aux maîtresses de maison; elles
sont forcées d'avoir de l'initiative, de guider les conversations,
d'organiser les jeux, les petits jeux, les intermèdes; elles doivent
ne négliger personne.

Les artistes qu'on peut avoir doivent être largement rétribués, mais
cela n'empêche nullement de les traiter en personnes du monde; si ce
sont des femmes, l'usage veut qu'on leur offre une gerbe de fleurs et
qu'on les fasse reconduire en voiture.

S'il est convenu que tel artiste doit chanter deux ou trois morceaux,
n'insistons pas pour en avoir un autre par-dessus le marché.

Dans un programme musical, des classiques et des modernes.

Les morceaux d'attraction doivent être exécutés au milieu de la
soirée; les invités sont au complet, leur attention n'est pas encore
fatiguée, les nerfs ne sont pas tendus comme au bout de deux heures de
musique.

On ne doit pas entrer pendant l'exécution d'un morceau.

Les rafraîchissements se passent entre chaque «numéro».



_L'accompagnateur et celui qui tourne les pages._


Si on n'a pas pris un accompagnateur de métier, tort grave, il faut
s'adresser à une personne de bonne volonté très expérimentée.

Il faut qu'elle soutienne la voix dont l'émotion glace le talent de la
jeune personne ou du jeune ténor dont les notes tremblent.

Le savoir-vivre ordonne à l'accompagnateur de ménager les mesures si
tel est le bon plaisir du chanteur ou de la chanteuse; de laisser
aller complètement la pensée d'un maître afin de permettre à un
amateur d'escamoter les passages où fatalement il sombrerait, enfin de
s'annihiler complètement.

Bref, être accompagnateur est une mission à éviter si on peut le faire
sans mécontenter ses amis; de même tourner les pages est un petit
supplice.

Il ne suffit pas d'être un bon musicien pour s'acquitter de cette
tâche.

Tel artiste joue de mémoire les dernières mesures de la page, tel
autre les lit jusqu'au bout, il y a des reprises qu'on exécute ou
qu'on saute.

Les uns exigent de vous une précision très grande, d'autres laissent
tourner tranquillement; n'allez pas trop vite en vous acquittant de
votre tâche; vous pourriez faire tomber la musique; feuilletez
d'avance le morceau afin que les feuillets ne soient pas collés les
uns aux autres.

Il est bon de ne pas s'offrir pour cet exercice difficile et
d'attendre que le maître de la maison vous le demande; pourtant, si
vous voyez un exécutant luttant péniblement pour tourner ses pages
lui-même, il serait de bonne charité de lui venir en aide.

On doit nécessairement éviter de chanter après une personne un morceau
similaire; si on lui est inférieur on est écrasé, et si on lui est
supérieur on l'écrase; c'est donc désagréable pour tout le monde, y
compris les maîtres de la maison et les invités.

Lorsqu'on chante et qu'une personne vous accompagne, on se tient
debout près de l'instrument, le visage tourné de trois quarts vers
l'assistance, en tenant à la main le morceau de musique sur lequel on
jette les yeux de temps à autre. Inutile de dire que les grands
gestes, les grands cris font mauvais effet.

[Illustration]



_Le jeu._


On n'invite plus guère à une soirée de jeu; mais après le dîner les
personnes qui ne dansent pas et qui ne font pas de musique aiment
assez ce genre de divertissement.

Il faut établir les tables de jeux dans une pièce assez écartée afin
que le bruit ne gêne pas les joueurs.

La pièce est relativement peu éclairée.

On place sur les tables des bougies coiffées de petits abat-jour verts
et des petites lampes avec globe en verre dépoli également recouvertes
d'abat-jour.

On doit avoir des jeux de cartes _cachetés_. Ce n'est que dans
l'intimité qu'on peut se permettre des cartes ayant servi.

Le vieux savoir-vivre exigeait quelque chose de bien amusant: il
fallait mettre de l'argent sous le chandelier afin de payer les
cartes!

Les maîtres de maison doivent fixer le prix de la fiche, il n'est pas
permis de le dépasser.

L'on se dégante pour jouer, mais on remet ses gants pour rentrer au
salon.

L'on ne doit pas se retirer en gagnant beaucoup.

Les dettes de jeu se payent dans les vingt-quatre heures, au cercle;
dans les maisons bourgeoises, on ne doit jamais jouer sur parole.

La loi ne permet pas de poursuivre une dette de jeu; c'est pour cela
qu'on la nomme une dette d'honneur.

Une femme qui resterait toute une soirée à une table de jeu manquerait
au savoir-vivre.

Les invités qui n'ont rien de mieux à faire, se groupent autour des
joueurs et forment ce qu'on appelle «la galerie»; ils doivent
s'abstenir de conseils, d'appréciations, ne pas prendre parti pour
l'un ou pour l'autre dans un coup douteux, à moins qu'ils ne soient
pris pour arbitres.

Les joueurs qui tenteraient de cacher leur jeu à la galerie, auraient
l'air de suspecter la bonne foi des assistants.

Beaucoup de personnes perdent les plus simples notions du savoir-vivre
lorsqu'elles se voient en présence des cartes et de l'argent.

Blâme aux dames qui profitent des égards qu'on leur doit pour se
montrer d'une humeur massacrante, lorsqu'elles perdent.

La maîtresse de maison ne joue pas.

Le maître peut jouer, mais non s'attabler toute une soirée.

On doit faire passer des rafraîchissements aux joueurs.

Les marques, les fiches, tous les petits accessoires doivent être en
parfait état.

[Illustration]



_La Carte de visite._


Le savoir-vivre, qui exigeait impérieusement jadis qu'on envoyât des
cartes de visite, au premier de l'an, permet maintenant qu'on n'en
envoie plus.

Pour mon compte, je regrette fort cet usage; le petit carré de bristol
venait vous dire: «Petit bonhomme vit encore» et bien des amis
oubliés, des relations dénouées se reprenaient par l'envoi seul de la
carte de visite.

Beaucoup de personnes doivent être, comme moi, fidèles aux vieux _us_
car, malgré le décret «chic», qui vous déclare philistin, si vous
envoyez votre carte, on en confie encore chaque année à la poste un
nombre très considérable.

La carte de visite pour un supérieur ou pour une personne à laquelle
on veut témoigner égards, doit s'envoyer dès le 25 décembre afin
qu'elle arrive le 31 décembre ou le 1er janvier, car les encombrements
sont tels à cette époque qu'il faut fréquemment six jours et plus,
pour l'arrivée des cartes de visite mises à la poste en «carte»,
c'est-à-dire, dans une enveloppe ouverte avec l'affranchissement du
timbre de cinq centimes.

Tout autre est la carte sous enveloppe cachetée et affranchie à 15
centimes; elle arrive comme une lettre, du jour au lendemain.

C'est ce mode que je conseille pour les cartes qu'on a à cœur de voir
arriver exactement.

Depuis 1895, les règlements de la poste permettent d'écrire quelques
mots sur les cartes affranchies à 5 centimes, c'est-à-dire d'ajouter à
son nom: _avec ses bons souhaits pour..._ ou quelque formule
semblable.

Ce sont les plus jeunes personnes qui envoient en premier leurs cartes
aux personnes plus âgées.

Les célibataires et les veufs envoient leurs cartes en premier à leurs
amis mariés; l'homme répond seul à cette politesse; seulement, si le
mari et la femme ont des cartes collectives comme celle-ci on
l'envoie:

     Monsieur et Madame L...

Notons que jamais une femme ne met sur sa carte son adresse imprimée;
elle l'écrit à la main si elle a besoin de la faire connaître; mais,
dans les cartes communes, l'adresse y est toujours.

Une demoiselle de trente ans peut avoir sa carte; avant cet âge, elle
écrit son nom sur celle de son père ou de sa mère.

Il y a pourtant une exception à faire pour une orpheline de vingt-cinq
ans; la carte est alors libellée ainsi:

     Mademoiselle F....

Le nom de baptême ne figure généralement pas; pourtant, s'il y avait
plusieurs sœurs ou parentes du même nom, la carte serait ainsi
conçue:

     Mademoiselle Berthe F....

Une veuve n'indique pas cette qualité sur sa carte, elle mettra
simplement:

     Madame R....

et si sa belle-mère vit encore, ou si elle a des belles-sœurs de même
nom, elle mettra le prénom de son mari sur sa carte, tout comme s'il
était vivant:

     Madame Edouard R....


Lorsqu'on a plusieurs enfants, ce n'est pas manquer au savoir-vivre
que d'ajouter au-dessous de son nom: et ses enfants.

Une dame ne doit jamais envoyer sa carte à un homme; exception faite
pour les prêtres.

Le vieux savoir-vivre voulait qu'on envoyât autant de cartes qu'il y
avait de membres dans une famille!

Voyez-vous une enveloppe bourrée de sept cartes?

C'était une étrange anomalie car, la carte équivalant à une visite,
vous ne faites pas sept visites, mais une seule collective.

On a tout le mois de janvier pour envoyer sa carte.

Le supérieur renvoie toujours sa carte à un inférieur et ce dans le
plus bref délai.

Les cartes doivent être en très beau carton, ni trop grandes, ni trop
petites, les caractères simples, bien gravés. De fantaisie sont les
cartes en carton de couleur ou en aluminium, ainsi que les cartes à
facettes, les cartes grises à lettres rouges.

La carte glacée est aujourd'hui peu goûtée.

Lorsqu'on est titré, la couronne est placée au-dessus du nom. On met
pour la carte collective des deux époux:

     Marquis et Marquise de M....

Jamais le mot «monsieur» devant le nom d'un homme. M. Thiers avait
pourtant des cartes ainsi libellées:

     Monsieur Thiers

On pouvait lui passer cela, mais un bourgeois qui mettrait: Monsieur
Durand, serait incorrect.

Une carte encore bien démodée est celle-ci:

     Madame M...., née D....

On voit encore quelques cartes où le nom de la femme est mentionné,
mais seulement dans les cartes à éviter.

Gardez-vous d'énumérer vos titres sur votre carte; c'est inutile.

Il existe des cartes grotesques.

J'en ai vu, de mes yeux vu, deux si ridicules que je veux les
transcrire pour faire horreur aux générations présentes et futures.
Elles étaient ainsi conçues:

     Joseph R...
     abonné du chemin de fer du Nord!

     Hippolyte B...

     Neveu du général T...., membre honoraire des Sapeurs-Pompiers
     et de la Société des Sauveteurs.

     Sauveteur lui-même.

Les femmes qui ont «un jour» mettent ce jour sur le coin gauche de la
carte.

La carte sert à de multiples emplois et évite souvent une lettre.

Elle se joint à tout présent.

Elle s'envoie immédiatement à l'annonce d'un événement heureux ou
malheureux, en attendant qu'on aille faire visite.

Elle se dépose, pliée, en cas d'absence.

Elle remercie du bon accueil fait à quelqu'un; d'un objet prêté, en
renvoyant ledit objet.

Elle prévient qu'on accepte une invitation; elle accrédite quelqu'un:
«_Madame D..._ vous recommande chaleureusement le porteur.»

Les enveloppes des cartes doivent être proportionnées: celles qui
ballottent dans la leur, comme pois en cosses, ne sont pas admises;
les toutes petites enveloppes d'où la carte déborde sont encore de
mauvais genre.

[Illustration]



_Les visites._


Les visites sont une des obligations de la vie mondaine, exception
faite pour celles que l'amitié exige.

Les visites dites «de cérémonie» sont celles que se doivent les
officiers d'un même régiment, les magistrats d'un même tribunal, les
fonctionnaires d'un même ministère, les employés à leur patron, etc.,
etc.

Les visites de cérémonie durent environ dix minutes.

Les visites officielles sont rendues dans les huit jours.

Ces visites se font l'après-midi, entre deux heures et demie et cinq
heures et demie.

Les visites de cérémonie se font aussi entre femmes.

Si le délai de huit jours était passé pour les rendre, on pourrait
taxer les retardataires d'impolitesse, à moins qu'il n'y ait une
maladie, un événement imprévu.

Il existe pour les principaux fonctionnaires de l'État certaines lois
de civilité hiérarchique dépendant d'un cérémonial adopté pour chacun
de leurs corps.

On dit qu'il existe des formules obligatoires pour entrer en matière,
lors des visites de cérémonie du 1er janvier: il n'y a aucune
différence ce jour-là, les vœux ne s'offrant qu'aux parents, aux amis
intimes et aux bienfaiteurs.

Les visites intimes sont des visites de sympathie, d'amitié, elles
n'ont pas de règles, ni d'heure, ni de jour.

Votre cœur vous pousse à aller voir une amie à dix heures du matin,
vous ne manquez aucunement au savoir-vivre.

Lorsqu'on part pour un voyage dépassant la durée de quinze jours, on
doit faire une tournée de visites pour en informer ses amis et leur
éviter ainsi un dérangement.

Si on ne les trouve pas, la carte pliée avec le P.P.C. traditionnel
peut suffire, mais il est plus poli de se mettre en frais de lettre
explicative.

Lorsqu'on revient, on fait la même tournée et l'on apprend aux
personnes qu'on reprendra son jour à partir de telle époque.

Lorsqu'on arrive dans un pays, on fait des visites aux personnes avec
lesquelles on désire nouer des relations.

Le magistrat, le maire, le curé, les simples particuliers font de
même.

Ces fonctionnaires ont leurs prédécesseurs pour les présenter dans
quelques maisons et, par ce moyen, la glace est brisée.

Les simples particuliers vont de l'avant et font une première visite,
au cours de laquelle ils ont soin de parler de leurs amis pour
s'assurer si, dans le nombre, il n'en est pas de connus; c'est, en
somme, une référence qu'on donne sur soi-même, car il faut fournir des
renseignements sur son propre compte.

Si on se tenait trop sur la réserve, les personnes les plus honorables
pourraient hésiter à se lier avec vous dans le cours des visites. Si
une personne est absente, vous déposez votre carte non cornée, cela ne
se fait plus, mais pliée en longueur sur le côté gauche et la carte
est comme reçue; si on vous renvoie une simple carte, c'est qu'on ne
désire pas entrer en relations; au contraire, si on vous rend la
visite dans la quinzaine, vous pouvez poursuivre vos avances.

Il arrive aussi qu'on vous rend la première visite, par curiosité, et
qu'on ne vous rend pas la seconde; en ce cas, abstenez-vous d'une
troisième.

Dans certaines villes, l'usage veut que l'arrivant attende les
avances.

En tous cas, il doit une visite au maire, au curé, au notaire, aux
fonctionnaires, et ces derniers ne sont nullement tenus de la lui
rendre.

Lorsqu'il arrive un heureux événement chez des amis, on leur doit une
prompte visite.

Les visites de connaissances sont celles qu'on fait une ou deux fois
par an, aux personnes avec lesquelles on ne veut pas se lier, mais
avec lesquelles on désire rester en relations.

Ces visites doivent être assez vivement rendues.

J'ai parlé des visites de digestion, des visites de noces, des visites
de condoléances, des visites à une accouchée.

Les visites du jour de l'an se font la veille aux grands-parents et
aux parents.

Les hommes vont chez leurs supérieurs le jour de l'an même.

On a tout le mois de janvier pour faire ses visites de jour de l'an.

La grande toilette est de rigueur.

On n'envoie jamais de carte dans les maisons où l'on va faire visite.

Un homme fait bien de déposer sa carte, lui-même, à domicile,
lorsqu'il veut qu'elle arrive sûrement, car avec l'encombrement postal
des premiers jours de l'année, il y a souvent des retards et même des
pertes.

Dans les grandes maisons, les domestiques vont porter les cartes dans
le quartier.

Un homme peut très bien déposer lui-même des jouets et des bonbons
avec sa carte et revenir faire sa visite plus tard.

Les femmes ne font pas de visites le jour de l'an, excepté aux amies
intimes.



_Le jour de réception._


Il est d'usage maintenant qu'on ait un jour de réception par semaine;
cette coutume est des plus pratiques, elle permet d'arranger ses
affaires pour être toute à ses amis et, aussi, d'avoir l'appartement
et soi-même en tenue convenable, au lieu d'être surprise dans les
occupations ménagères utiles, mais peu poétiques, et de recevoir en
négligé, comme il arrivait lorsqu'on n'avait pas de jour. On a de la
sorte la liberté des autres jours de la semaine et les visiteurs sont
certains de trouver leurs hôtes.

Certaines personnes ayant des visites à rendre tous les jours de la
semaine choisissent le jour le moins chargé et ne prennent que les
1er, 2e et 3e vendredis du mois, par exemple, se réservant le dernier
pour les personnes ayant le même jour qu'elle; ou encore 1er et 3e
samedis, se gardant ainsi deux jours de libres.

Quelques dames reçoivent tous les jours de 5 à 7 ou deux fois par
semaine; d'autres reçoivent de trois à six et même après 9 heures le
même jour.

Toutes ces heures doivent être indiquées sur la carte, écrites à la
main ou imprimées.

Le jour des Morts, le Jeudi et le Vendredi Saints, le Mercredi des
Cendres, les jours de grandes fêtes religieuses, on ne reçoit pas.

On prend rarement le Dimanche pour jour de réception.

On ne se présente jamais avant trois heures; maintenant que le bon ton
est de dîner très tard, on peut encore arriver en visite à six heures
et demie; en tous cas, sept heures un quart est l'heure extrême
jusqu'à laquelle on peut rester.

Il serait regrettable d'arriver à deux heures; la maîtresse de maison
pourrait fort bien faire répondre qu'elle n'est pas encore visible ou
laisser attendre le visiteur jusqu'à l'heure officielle.

Le matin on garnit ses vases de fleurs; à ce propos, pas de fleurs
dont le parfum trop fort pourrait «entêter» nos visiteurs: les lampes
préparées, les bougies éméchées, les coussins de pied en rang, les
fauteuils et les chaises un peu tourmentés, afin que notre salon ait
l'air «vivant»: les meubles symétriquement alignés contre le mur ont
un aspect un peu glacial.

Pour deux heures, la maîtresse de maison doit être parée; la fantaisie
est parfois admise dans ces toilettes d'intérieur et une pointe
d'excentricité ne messied pas toujours.

Une des robes les plus en vogue est la robe brochée de teintes claires
et douces; robe vieux rose avec bouquets de marguerites; robe citron,
avec jonchée de violettes de Parme, la forme Watteau, les manches
courtes falbalatées de dentelles. Dans les grandes maisons, le
domestique, en livrée ou en habit noir et cravate blanche, se tient
dans l'antichambre.

Il serait bon de convenir d'un système de sonnerie pour les ordres à
donner; par exemple, un coup pour arranger le feu, deux pour apporter
la lumière, trois pour ouvrir au visiteur qui s'en va, quatre pour
recevoir un ordre quelconque, etc.

Dans les simples maisons, c'est la bonne en bonnet et en tablier blanc
qui ouvre la porte.

Il est commode pour le jour de réception de louer un concierge du
voisinage, qui a un habit et qui n'est pas fâché de gagner facilement
quelque chose; cela permet à l'unique domestique de s'occuper du
dîner et de ne pas être dérangée à chaque instant.

On peut encore avoir ce jour-là une raccommodeuse, qui ouvre la porte
et a des allures de femme de chambre.

Il est des maisons où il n'y a pas de bonne; la maîtresse de la maison
va ouvrir tout simplement elle-même, sans s'excuser et sans témoigner
d'embarras; elle n'a pas de bonne, soit; en vaut-elle moins pour cela?

De même, lorsque la domestique est sortie, madame doit aller ouvrir
elle-même, n'a pas d'explications à donner au visiteur et celui-ci pas
d'étonnement à témoigner.

La maîtresse de maison occupe le fauteuil placé près de la cheminée, à
contre-jour.

La maîtresse de maison n'est pas forcée d'attendre au salon l'arrivée
de ses visiteurs, mais si un cas de force majeure la retenait quelques
instants, elle devrait faire dire par la domestique qu'elle vient de
suite, ou si elle a un membre de sa famille chez elle, fût-ce un
enfant, l'envoyer tenir sa place.

S'il n'y a que deux fauteuils, la maîtresse de maison doit céder le
sien à la seconde visiteuse, et ce sans affectation.

Du reste, les places marquées hiérarchiquement ne sont plus de mode,
sauf dans les grandes réceptions; lorsqu'il y a plusieurs visiteuses,
la femme qui a du tact sait discrètement changer de place.

Une personne âgée sera toujours placée près du feu et dans un
fauteuil.

A un vieillard ou à un prêtre, on offre son fauteuil.

A l'entrée d'une dame dans son salon, la maîtresse de maison se lève
et va au-devant de la visiteuse, la nomme aux personnes inconnues et
les lui nomme.

Une dame reconduit une autre dame jusqu'à la porte donnant sur le
palier si elle habite un appartement, ou jusqu'à la porte de sortie,
si elle habite une maison. A la campagne, on fait quelques pas de
conduite. Les hommes se lèvent simplement.

Ayons soin d'avoir pour tous accueil égal et de ne pas faire à
certains de trop vives démonstrations.

Excepté dans les grandes réceptions, la maîtresse de maison n'est pas
gantée.

Quand on possède une nombreuse famille, on ne fait pas une visite «en
masse». La mère de quatre filles doit n'emmener avec elle que l'aînée
ou les deux aînées à la rigueur.

Les enfants ne devraient _jamais_ être emmenés en visite, si ce n'est
dans les maisons où il y a d'autres enfants qu'ils peuvent rejoindre
au dehors, pour jouer.

Lorsqu'il y a des invités au salon, l'enfant rentrant de la pension
vient dire bonjour à sa mère, salue les visiteurs et se retire
immédiatement.

Lors même qu'un très jeune homme ou qu'une très jeune fille ne prend
pas part à la conversation, comme c'est son devoir, il ou elle ne doit
pas lire ou s'occuper d'un travail quelconque.

C'est la maîtresse de maison qui place les coussins sous les pieds des
visiteuses et qui leur offre les écrans.

Si elle a sœur, mère ou fille pour lui aider à faire les honneurs de
son «home», c'est l'adjointe qui se charge de ces petits soins.

En visite, les _a parte_ sont prohibés.

Lorsqu'on arrive dans un salon, on fait un salut circulaire, avant de
serrer la main de la maîtresse de maison.

Si l'on ne reçoit que jusqu'à une certaine époque de l'année, on doit
prévenir ses amis.

Lorsqu'on est malade le jour de la réception, on défend sa porte et
même les plus intimes amis ne pénètrent pas dans votre chambre. Ceux
qui vous aiment en sont quittes pour revenir le soir ou le lendemain.

Dans les réceptions ordinaires, on se place un peu comme on veut; le
demi-cercle devant le feu n'est obligatoire que dans les grandes
réceptions.

Un homme ne se place pas sur un canapé auprès d'une jeune fille.

Lorsque la maîtresse de maison est seule et qu'un homme arrive, elle
peut, sans manquer au savoir-vivre, l'engager à se mettre près d'elle;
jamais le visiteur n'y prendra place de son propre chef.

En principe, les visites devraient être rendues dans la quinzaine au
plus tard, mais avec les jours de réception il y a une certaine
latitude et six semaines ne sont pas un délai excessif.

S'il arrive une lettre pendant que l'on reçoit des visites, le
domestique vous l'apporte sur le petit plateau d'argent affecté à cet
usage dans les grandes maisons, à la main, tout bonnement, dans les
maisons modestes; on demande la permission de l'ouvrir.

Parcourons-la rapidement, sans nous mettre à l'écart, et faisons part
en quelques mots de son contenu.

A propos de visites, lorsque, entre temps, il en vient une, ayons soin
d'indiquer au préalable à notre domestique les noms des personnes
qu'on reçoit en tout temps et celles pour lesquelles «madame est
visible le mardi», afin que ladite domestique, ne sachant si elle doit
dire oui ou non, n'ait pas un air effaré.

Ajoutons que les ordres doivent être précis, la réponse faite sans
hésitation et que la phrase: «Je vais voir si madame est là», ne
trompe personne, car on sait fort bien si vous êtes présente ou non.
Il serait vraiment incivil de faire attendre une personne pour lui
faire dire, au bout d'un quart d'heure, que l'on n'est pas là.

Incivil aussi serait le visiteur qui, en ce cas, remettrait en
descendant sa carte au concierge en le chargeant de faire tous ses
compliments.

Une visite ne doit guère dépasser trois quarts d'heure; on profite de
l'arrivée d'une nouvelle personne pour s'en aller; on n'est pas forcé
de se retirer avant que les nouveaux venus prennent congé.

Dans les réceptions ordinaires, on ne cède pas sa place près de la
maîtresse de la maison à un nouvel arrivant; cependant une jeune femme
peut faire cette politesse à une dame âgée.

En se retirant, on serre la main de la maîtresse de maison et celle
des personnes connues, puis on fait un salut circulaire; on ne se lève
pas pour vous répondre. Vous ne vous retirez à l'anglaise que dans les
grandes réceptions.

Une maîtresse de maison qui recevrait froidement une personne pour
plaire à une autre agirait mal.

Lorsque nous nous rencontrons en visite avec une personne que nous
n'aimons pas, ne faisons mine de rien; les rapports que vous avez avec
elle doivent être ceux que vous avez avec un inconnu.

La personne arrivée la première doit se lever quelques minutes après
et prendre congé, sans précipitation toutefois, pour ne pas avoir
l'air de fuir devant l'ennemi.

Celle qui reste manquerait de savoir-vivre, si elle raillait la
personne aussitôt après son départ.

Lorsqu'il n'y a plus qu'un visiteur, le mari et la femme, ou la mère
ou la fille l'accompagnent ensemble jusqu'à la porte d'entrée.

Si l'on n'a point de salon, on reçoit dans la pièce où on se tient
habituellement: chambre à coucher, salle à manger, bureau.

Lorsque nous apportons un présent à une maîtresse de maison,
remettons-le à une domestique et n'entrons pas au salon, notre petit
paquet à la main; exception faite pour les friandises, les bonbons.

A moins de se sentir gravement indisposé, ne demandons jamais rien,
fût-ce un verre d'eau: mieux vaut s'éclipser discrètement.

On doit toujours recevoir au salon, lorsqu'on en a un. Les artistes
peintres et sculpteurs reçoivent dans leur atelier; mais cet atelier
est généralement garni de meubles rares, de curiosités et c'est une
sorte de salon.

Les médecins, les magistrats, les avocats, ne reçoivent dans leur
cabinet que des visites d'affaires.

Les intimes sont reçus à n'importe quelle heure; ils doivent cependant
éviter celle des repas.

Lorsqu'une personne entre pendant que vous déjeunez ou que vous dînez,
le savoir-vivre veut qu'on lui offre quelque chose: un fruit, un
biscuit, un petit gâteau, un verre de vin ou de liqueur, une tasse de
café, de thé.

Une maîtresse de maison ne doit jamais regarder la pendule.

Il serait inconvenant de parler une langue étrangère.

Un mot sur les grandes réceptions.

J'appelle ainsi le jour de la préfète, de la générale, enfin de toute
dame qui a toujours beaucoup de monde par le fait de la situation de
son mari, et qui voit fréquemment dans son salon cinquante à soixante
personnes.

La maîtresse de maison, dans ce cas, est toujours gantée.

Pour ces réceptions, les hommes ont la redingote, les gants clairs;
les femmes, la grande toilette de ville.

L'on ne reste guère qu'un quart d'heure.

Aux réceptions du soir, les hommes endossent l'habit, la plaque et la
brochette; toujours des gants clairs.

Les femmes en toilette de ville très élégante, mais sans chapeau;
elles mettent une mantille ou un capuchon qu'elles laissent dans
l'antichambre.

On peut faire un peu de musique aux réceptions du soir.

On ne passe pas de rafraîchissements; ce n'est pas une soirée, c'est
une visite nocturne.

Dans quelques maisons, on organise un petit buffet où le maître de
maison conduit les dames au moment du départ.

On peut rester jusqu'à une heure dans ces réceptions.

Les sièges rangés en demi-cercle sont espacés afin que la maîtresse
de maison puisse aller au-devant de la nouvelle visiteuse.

On devrait rétablir l'usage d'annoncer, car, dans ces vastes salons,
où toutes les portes sont ouvertes, où il y a d'épais tapis, les pas
s'étouffent et si la maîtresse de la maison n'a pas constamment l'œil
au guet, il peut en résulter un moment de gêne pour le visiteur qui se
trouve tout à coup près d'un cercle livré à une conversation animée;
il ne peut pourtant dire: «Me voilà».

On ne dit pas adieu, on s'incline et on s'en va dans une accalmie de
la conversation.

[Illustration]



_Le salut._


A existé de tous temps et chez tous les peuples, mais cette
manifestation du primordial savoir-vivre est différente selon les
latitudes et les pays.

Le salut a eu son apogée sous Louis XIV et sous Louis XV, alors que
les gentilshommes, l'échine courbée, balayaient le sol de
l'empanachement de leurs chapeaux et que les marquises poudrées
élargissaient d'un geste mignard, du bout de leurs doigts roses, les
tant jolis paniers qui leur faisaient taille fine et gorge divine, en
exécutant la grande révérence de cour à trois pliés.

Le salut océanien consiste en un frottement de nez entre les deux
parties; ce n'est pas à recommander.

Le salut chinois se fait avec une profonde inclinaison et les deux
index levés en l'air, faisant cornes au-dessus de la tête du
_Céleste_.

Le salut oriental, plein de poésie, consiste à porter la main droite à
son cœur, à ses lèvres et à sa bouche, ce qui signifie dans le
langage métaphorique du peuple qui envoie si volontiers les bouquets
emblématiques appelés «Sélam»: «Je suis avec vous de cœur, de bouche
et de pensée».

Le salut européen consiste, lui, en un mouvement sec et gênant pour
les hommes et pour les femmes.

Les hommes, les bras tombant à la hauteur des genoux, plient le corps
en deux: c'est le salut de grande cérémonie.

Pour le salut tout courant, ils enlèvent leurs chapeaux d'un coup de
main et inclinent un peu la tête d'un coup de cou. Les femmes font un
petit signe de tête et voilà.

Je sais fort bien que les mœurs, le costume moderne, ne permettent
plus le salut à grands falbalas, mais un peu de moelleux dans
l'attitude, de part et d'autre, ne nous irait pas mal.

Avec notre genre de salut, adieu l'ondulation charmante d'une taille
souple; le salut moderne est tout bonnement affreux. Je ne veux pas
reculer de plusieurs siècles en arrière, mais je voudrais voir les
femmes et les hommes _nuancer_ leurs saluts et ne pas avoir le même
geste pour un camarade ou pour un vieillard, pour un inconnu comme
pour un ami.

Les hommes devraient saluer les femmes en fléchissant légèrement la
tête et le buste.

De même les jeunes dames devraient mettre une nuance de déférence dans
les saluts adressés aux femmes âgées.

Le salut est dû par les hommes en entrant dans un restaurant, un café,
un omnibus, un wagon, enfin dans tous les lieux publics.

Un récent ouvrage de savoir-vivre voudrait qu'on répondît à ce salut;
je ne suis pas de cet avis et ne vois nullement une vingtaine de têtes
s'inclinant devant un seul homme.

Lorsqu'une femme est croisée dans l'escalier, et saluée, elle doit
répondre par une légère inclinaison de tête.

De même, en quittant un wagon, on a droit au rendu de son salut.

La salutation de la main, familière et de mauvais ton, tend à
remplacer peu à peu chez nous le «bonjour, cher», qui est d'une
suprême impertinence.

Encore très mal vu le salut qui consiste à porter deux doigts à son
couvre-chef.

Une femme passant devant une autre dans un escalier, lui doit un salut
et un «pardon, madame»; surtout, ne disons pas «excusez». La dame
saluée ne doit rien répondre, elle se contente de refaire un salut.



_La femme de bon ton._


Grâce, aisance, telle devrait être la devise de la femme.

Possédant l'aisance, elle n'aura ni assurance déplacée, ni timidité
gênante.

Avec la grâce, elle aura une tenue irréprochable, des gestes
séduisants, qui la rendront sympathique à tous.

Elle doit éviter de parler haut, de rire bruyamment.

Si elle fait de la bicyclette, des armes, du cheval, si elle va à la
chasse, si elle conduit, elle ne doit ni en parler, ni s'en vanter.

En aucun cas la femme bien élevée ne doit fumer.

La femme bien élevée, riche, est dispensée chez elle de certains
travaux manuels, mais elle doit s'occuper de tout, avoir l'œil à
tout.

Les bas clairs ou blancs avec des souliers découverts sont un peu
démodés.

Lorsqu'une femme va seule dans le monde, elle doit éviter d'être
reconduite, même par le maître de la maison; qu'elle se fasse chercher
par un domestique ou qu'elle se retire à l'anglaise et prenne une
voiture.

Pour aller à un enterrement, il faut être, sinon tout en noir, du
moins habillée de couleurs très sombres.

La femme bien élevée ne sortira jamais de chez elle nu-tête; même
pour faire une visite dans sa maison, elle mettra un chapeau.

Bien tenir son ménage, ses enfants, donner au mari tout le confortable
possible, être soi-même élégante et parée, doit être la règle de
conduite de toute femme vraiment digne de ce nom.

Je dirai même plus, on doit veiller aux infiniment petits du ménage,
mettre la main à la pâte.

Une femme qui réserve ses belles toilettes pour les sorties et qui ne
se présente aux yeux de son seigneur et maître qu'avec de vieilles
toilettes gâche peut-être son bonheur, pour ménager ses robes.

On doit éviter, sitôt le mari arrivé, de le mettre au courant des
menues tracasseries qu'on a pu avoir dans son ménage; il a souvent de
graves soucis et lui parler d'une assiette cassée, d'une serviette
égarée, d'un plat manqué, c'est le contrarier presque toujours.

[Illustration]



_L'homme bien élevé._


L'homme peut se montrer bien élevé, correct, sans grands efforts.

Mais, malheureusement, dès que nos fils endossent l'uniforme de
collégiens, ils jugent bon d'adopter un langage trivial et les allures
sans façons qu'ils gardent en entrant dans le monde. Ils traînent les
pieds en marchant, balancent les bras, se vautrent dans les fauteuils
et, s'ils cessent de parler d'eux, ils n'ont dans la bouche que des
récits de chasses, de jeux, de sports, etc.

C'est une erreur de ranger dans la catégorie des petits-maîtres,
l'homme élégant et soigné de sa personne; un brin de coquetterie ne
lui messied pas et on est mieux accueilli partout, quand on flatte
l'amour-propre des gens.

L'homme bien élevé peut avoir les ongles abîmés par certains travaux,
mais il les a toujours propres; il ne doit pas abuser de bijoux;
rarement des épingles de cravate ornées de brillants. Sous prétexte de
sans-façon, certains hommes sortent dans des négligés peu convenables.
Ils ont bien tort quoique nous ne préférions pas à ces personnages le
petit-maître musqué qui fait tous les jours des pauses d'une heure
chez le coiffeur et qui mire sa frimousse dans toutes les glaces des
devantures.

Il est de mauvais ton de se rendre à son travail habillé comme un
notaire qui va faire signer un contrat ou d'aller à la campagne en
costume noir de cérémonie.

Si, dans la rue, l'homme bien élevé rencontre une femme qu'il connaît
et que ses relations avec elle soient assez intimes pour qu'il se
croie autorisé à lui parler, il doit tenir le chapeau à la main
jusqu'au moment où la dame lui dit «couvrez-vous donc», ce qu'elle ne
manque jamais de faire à l'instant.

L'homme offre le bras gauche à une femme; le militaire, le bras droit,
à cause de l'épée.

La mode de se donner le bras est pour ainsi dire tombée en désuétude,
on se contente presque toujours de marcher l'un à côté de l'autre.

En cas de pluie, le monsieur qui est avec une dame doit l'abriter avec
précaution sous son parapluie, quitte à mouiller son couvre-chef.

Il est des hommes qui, sans scrupule et sans distinction du sexe,
bousculent les passants, même si ces passants ont, selon l'usage qu'on
devrait observer rigoureusement, pris «leur droite». Ces hommes sont
des maladroits et je range dans la même catégorie celui qui lance une
bouffée de fumée au nez d'une femme, au lieu de retirer cigare et
cigarette en passant près d'elle. Je ne parle pas bien entendu de la
pipe, dont l'usage est exclusivement réservé à l'intérieur en petit
comité.

Puisque nous voilà sur le chapitre _fumer_, il ne faut pas oublier que
même un mendiant en haillons demandant du feu dans la rue au plus
correct gentleman, doit être accueilli avec la politesse d'usage qui
consiste à enlever de ses lèvres le cigare ou la cigarette après en
avoir préalablement secoué la cendre, et à lui présenter ledit cigare
ou ladite cigarette; un soulèvement de chapeau est le remerciement.

Ne vous avisez pas, messieurs, de donner du feu bouche à bouche, c'est
une posture peu gracieuse.

Lorsqu'une femme laisse tomber un objet, soit dans un salon, soit dans
la rue, le devoir de tout homme bien élevé est de lui ramasser; de
même le devoir de la femme bien élevée est de ne pas se baisser, de
laisser ramasser l'objet et de ne pas se confondre en remerciements
pour une action si simple.

Lorsqu'un homme et une femme vont en visite ensemble, père et fille,
mari et femme, fils et mère, ami et amie, qu'importe le lieu, l'homme
doit monter devant la femme et descendre derrière.

Lorsqu'un fumeur va dîner en ville ou en visite, il devrait toujours
avoir sur lui des pastilles de cachou qui enlèvent toute trace de
tabac.

[Illustration]



_Le jeune homme._


A notre époque, malheureusement, les jeunes gens ne sont plus jeunes
ou ne veulent plus l'être.

Ils affectent un dédain profond pour la danse, les amusements
discrets, les salons et se tiennent comme des misanthropes, dans les
coins.

Il faut que ce soient les patriarches qui fassent sauter la jeunesse,
et les jeunes gens (qui, entre nous, s'amuseraient fort bien s'ils
dansaient et quelquefois même en grillent d'envie) regardent avec un
sourire, qu'ils veulent rendre amer et qui n'est que ridicule, les
gracieux enchevêtrements d'un quadrille ou la charmante valse; ayant
l'air de dire: Dieu! comme nous sommes supérieurs à tout ce monde!

Le jeune homme de nos jours est pris entièrement par les sports de
tous genres; c'est malheureux, car s'il détient le record de la
bicyclette, s'il nage comme un poisson et monte à cheval comme un
centaure, il ne sait plus baiser la main d'une dame, rendre sa
conversation agréable, se mettre à la portée des enfants et des
vieillards.

Je ne veux certes pas que le jeune homme soit mignard, mièvre, mais il
doit être «le jeune homme» avec la fougue, les illusions de ses vingt
ans, une pointe de gaieté; cette qualité toute française ne lui
messied pas et il est vraiment fâcheux de voir nos fils se montrer
«des petits vieux».

Le respect de la femme est trop souvent lettre close pour eux; ils
apportent au salon des conversations d'écurie, et les termes sportifs,
incompréhensibles pour beaucoup, émaillent leur conversation; heureux
encore s'ils ne commettent pas de calembours et ne répètent pas, se
croyant infiniment spirituels, les bons mots des échotiers.

Le jeune homme doit respecter non seulement sa mère, sa sœur, mais
encore _la femme_ dans la grande et noble acception du mot.

[Illustration]



_La jeune fille._


Elle doit, sans jouer un rôle effacé, se tenir dans une certaine
réserve.

Il lui faut éviter les airs cavaliers, aussi bien que les airs
timides.

Une jeune fille n'adresse jamais la première la parole à un homme.

Si, étant sortie, accompagnée d'une femme de chambre, elle rencontre
un homme de sa connaissance, elle ne doit pas s'arrêter à lui parler
dans la rue, à moins qu'il ne soit très âgé.

La jeune fille doit être déférente pour les dames âgées et s'abstenir
de ces causeries à voix basse, dans les petits coins, de ces rires
étouffés qu'ont trop souvent les jeunes filles entre elles et qui ne
manquent pas d'étonner les autres personnes.

Une jeune fille dirigeant la maison de son père veuf commettrait un
manque de savoir-vivre en disant «monsieur» parlant de son père aux
domestiques; elle doit dire «mon père».

Les domestiques ne doivent pas dire «votre père», mais bien
«monsieur».

Si une jeune fille rencontre dans le monde un jeune homme dont elle
voudrait bien faire son mari, elle ne doit pas montrer par son
attitude, par ses regards, qu'il lui agréerait; une sage réserve lui
est imposée.

Pourtant, nous ne devons pas condamner les jeunes filles, ces femmes,
ces mères de demain, à une attitude trop indifférente et grave.

La jeune fille doit éviter les petits ragots, les petites
susceptibilités qui rendraient son commerce un peu ennuyeux.

Les grandes démonstrations d'affection et les termes trop chaleureux
ne sont pas de bon goût.

Ne jamais se retourner dans la rue.

Lorsqu'une de ses amies possède un talent quelconque, elle cherchera à
le faire valoir, si l'occasion s'en présente.

Une jeune fille ne doit pas se faire prier pour chanter ou pour se
mettre au piano; la chose se fait simplement et, si on n'apprécie pas
son talent, on apprécie sa bonne volonté.

La jeune fille doit écouter les vieillards avec patience, même s'ils
radotent un peu; elle doit paraître s'intéresser à une anecdote, même
si on la lui sert pour la dixième fois, et savoir sourire aux bons
endroits.

La jeune fille peut être coquette, sans excentricité; c'est de son âge
d'aimer les fleurs et les rubans.

Au cotillon, où il lui est permis de choisir ses danseurs, elle doit
être éclectique, ne pas manifester ses préférences si elle en a.

Accepter toujours le même danseur serait assez inconvenant. Jouer à
l'ignorante est un tort; vouloir passer pour celle qui sait tout, qui
comprend tout, en est un autre.

[Illustration]



_Le prêtre._


Le prêtre doit avoir la première place en tout et pour tout; même si
c'est un simple vicaire, dans un dîner, c'est lui qui ouvre la marche
avec la maîtresse de la maison.

Il faut éviter d'inviter un prêtre dans une réunion où les dames sont
décolletées.

A propos de cela une amusante anecdote me revient à l'esprit.

Un ecclésiastique fut convié à une réunion de gala où les femmes
étaient en grand costume de soirée.

Il arriva au digne prêtre de marcher sur la traîne d'une dame qui
étalait, outre des dentelles superbes, ses épaules. Un accroc se
produisit et la dame, furieuse de voir déchirer son point
d'Angleterre, tourna vers le prêtre un visage courroucé en l'appelant
«fichu maladroit»; celui-ci, sans se déconcerter, se tourna vers la
grande dame et lui dit doucement: «Il me semble que «fichu» serait
plus à sa place sur vos épaules que dans votre bouche, madame.»

En entrant à l'église avec un prêtre, la femme doit lui céder le pas,
même si c'est un très jeune homme.

Inutile de dire que, lorsqu'on a un prêtre à sa table, toutes les
discussions théologiques doivent être évitées; il serait mal de blâmer
quoi que ce soit de la religion.

De son côté, le prêtre qui va dîner en ville a son caractère sacré
doublé du mondain et se met à l'unisson.

Il dit les «grâces» et le «bénédicité» le plus discrètement possible.



_Le médecin._


En voilà un envers lequel on manque de savoir-vivre! Pourtant, il
mérite tous les égards.

Après la visite du médecin, nous devons lui offrir l'eau et lui
présenter une serviette blanche.

S'il a à libeller une ordonnance, mettez de suite à sa disposition
papier, encre et bonne plume.

Dans le cas où il aurait à passer la nuit ou une partie de la journée
auprès d'un malade, invitons-le à dîner et à déjeuner et offrons-lui
quelque chose de temps en temps; si c'est la nuit, un verre de vin
chaud, du bouillon, du chocolat, etc.

Les lettres le demandant doivent toujours avoir un cachet de grand
respect; on peut mettre indifféremment monsieur, monsieur le docteur
ou docteur; les intimes peuvent mettre «Cher docteur».

Il est bien rare que des maladies prennent subitement, sans aucun
prodrome et que vous soyez obligé de déranger le docteur à des heures
indues; n'attendez donc pas le dernier moment et laissez-lui la
latitude de quelques heures.

S'il n'est pas exact, ne témoignez pas votre mécontentement; pensez
qu'il y a d'autres malades et que le médecin a le droit de dormir,
boire, manger, se reposer comme les autres et même d'être, lui aussi,
souffrant.

Si vous changez de médecin, ne lui parlez mal du premier.

Évitons de vanter un homéopathe devant un allopathe et réciproquement.

Quelques personnes trouvent de bonne prise d'extorquer une
consultation à leur médecin, si elles le rencontrent en soirée ou
dans un dîner en ville, voire même dans la rue; ces personnes
mériteraient d'être disqualifiées.

Quelqu'un qui discuterait les honoraires d'un médecin serait
impardonnable; de même celui qui fait attendre le paiement pendant de
longs mois.

Le savoir du médecin est une marchandise morale de laquelle il doit
vivre et, l'ayant reçue, on doit le payer, ni plus, ni moins que le
sucre à l'épicier.

Le bon goût veut qu'en payant la note du médecin on lui envoie un mot
de remerciements et qui montre qu'on ne se croit pas quitte envers lui
parce qu'on lui paye «son dû»; certaines personnes ajoutent même un
cadeau.

Si un médecin amène un confrère en consultation, le malade doit payer
de suite le médecin étranger.

Lors de la naissance d'un bébé, il est du plus élémentaire
savoir-vivre d'envoyer une boîte de dragées au médecin qui l'a assisté
à son entrée dans le monde.

Si les clients ont des devoirs envers lui, celui-ci en a également
envers ses clients: il doit toujours avoir une tenue correcte, ne pas
brusquer les malades, souvent ennuyeux, et se rappeler que la devise
du docteur doit être: «Patience envers ceux qui souffrent.»

Le secret professionnel est de toute rigueur, même pour un mariage; le
médecin doit refuser de dire quoi que ce soit.

Il est inutile de dire que le praticien ne doit jamais blâmer ce qu'a
ordonné un confrère; ne pas parler aigrement et reprocher avec
malveillance les écarts de régime auxquels s'est livré le patient.

Dans cette carrière si noble, toute de dévouement et d'abnégation,
celui qui a accepté la haute mission d'assister ses semblables doit
être à la hauteur de sa tâche et avoir sans cesse à l'esprit que le
médecin guérit quelquefois, soulage souvent et console toujours.



_Les petits jeux._


Dans les salons que les jeux de poker, du baccara ou des petits
chevaux ont encore épargnés, où le flirt n'a pas encore élu domicile,
nous voyons la jeunesse se livrer aux jeux dits «de société» et
tromper ainsi la longueur des soirées ou les ennuis d'une journée
pluvieuse.

Ces jeux encore en vigueur peuvent se diviser en trois parties.

La première partie comprend les jeux que nous appellerons les jeux
remuants, comme le _furet_, la _poste_, le _collin-maillard-bâton_,
etc.

La seconde partie comprend les jeux d'esprit et les devinettes: le jeu
des grands hommes, les homonymes, les petits papiers, les propos
interrompus, la sellette, etc.

Enfin dans la troisième partie nous pourrons faire rentrer tous les
jeux de cartes, cartons, tableaux, jetons ou pions, comme par exemple
les échecs, les dames, le go-bang, le tric-trac, le loto, les jeux de
l'oie, etc., etc.

Nous ne parlerons pas des jeux de cartes, cartons, tableaux, etc., car
de nombreux manuels parus en librairie en ont donné la description et
les règles.

Dans la première catégorie, que nous avons définie les _jeux
remuants_, nous avons parlé de la poste.

Pour jouer à la poste, il suffit de connaître le jeu des quatre
coins: en effet les personnes de la société, après s'être assises en
cercle autour du salon, prennent chacune un nom de ville ou de lieu et
doivent changer de places entre elles à l'appel du nom de la ville
qu'elles ont adopté et d'après le récit du voyage qu'improvise le
meneur du jeu, sans toutefois que leur place soit prise au vol par la
personne qui veille debout au milieu du cercle.

Quand le veilleur a réussi à s'asseoir sur la chaise d'une personne au
moment du changement de place, il prend alors le nom d'une ville à son
tour et laisse au centre le maladroit qui s'est laissé prendre.

Nous avons aussi le jeu de la pincette: ce jeu consiste à faire sortir
une personne et à son retour à lui faire trouver un objet caché ou à
accomplir une action convenue en ne la guidant que par les coups
répétés d'un objet quelconque entre les branches d'une pincette, coups
que le meneur du jeu doit faire d'autant plus forts et plus rapides,
que la personne approche davantage de la cachette ou devine l'action
qu'elle doit accomplir.

On remplace souvent la pincette par un trémolo au piano.

Nous ne décrirons pas le _furet_, car c'est un jeu universellement
connu.

Quant au jeu de collin-maillart-bâton, il est des plus simples: on
bande les yeux d'une personne et on lui met une canne dans la main,
puis la guidant vers les autres membres de la société, ceux-ci, à tour
de rôle, l'arrêtent et doivent répéter le cri ou la phrase que le
pauvre aveugle fait entendre au bout du bâton; celui-ci doit
reconnaître la personne et s'il tombe juste, il est délivré et un
autre prend sa place.

Si nous abordons les jeux d'esprit, nous avons les _petits papiers_,
sous forme de bouts rimés, du jeu des définitions, et des réponses à
des questions.

Pour le jeu des définitions, il peut se jouer de deux façons: la
première en posant à la société le même mot à définir; à chacun d'y
répondre avec son esprit et avec son cœur.

La seconde manière consiste à faire écrire à chaque personne un mot
quelconque dans le haut d'une feuille de papier, à cacher ce mot par
un pli, puis faisant salade de toutes ces feuilles chacun en reprend
une et découvrant le mot inscrit, doit en donner la définition banale
ou spirituelle, générale ou personnelle.

Enfin on joue encore quelquefois à deviner les hommes ou les choses:
pour ce jeu, il faut prier une personne de la société de se retirer
quelques instants dans la chambre voisine. On choisit alors un
personnage mort ou vivant, historique ou figuré, ou bien encore un
objet connu. Nous pouvons donner comme exemples: Cléopâtre, Bayard,
Jeanne d'Arc, ou bien Sarah Bernhardt, Coppée, Carolus Duran, ou même
une personne de la société présente. Comme objet, l'épée de Damoclès,
le miroir de la vérité, ou encore un objet du salon où l'on se trouve.
L'objet choisi, on prie la personne absente de rentrer; elle doit
alors deviner l'objet ou le personnage par des questions multiples
posées à chacun et auxquelles il ne peut être répondu que par _oui_ ou
par _non_ sans le moindre commentaire.

L'habitude de ce jeu et l'intelligence des questions permettent de
deviner assez rapidement les objets les plus bizarres et même les plus
immatériels. Ainsi nous avons vu des personnes deviner l'ombre même
d'une personne, la chaleur rayonnante d'une flamme, etc., etc.

Les homonymes ont aussi leurs adeptes. On joue aux homonymes comme
dans le jeu précédent par une série de trois questions posées à chacun
par la personne désignée pour deviner l'homonyme choisi en son
absence. Ces trois questions sont: 1º Comment l'aimez-vous? 2º Qu'en
faites-vous? 3º Où le placez-vous? en rapprochant les diverses
réponses, on trouve aisément.

Exemple: Nous prenons Lot, qui nous donne le département du Lot, puis
le lot d'une loterie, puis Loth, personnage de l'Histoire sainte; il
est certain que si les réponses ont été dans le sens des suivantes:
j'en fais un département, j'en fais le père des statues de sel, je
l'aime le plus gros possible, je le place entre les mains d'un
obligataire du Crédit foncier, etc., la personne qui doit deviner
trouve en peu de temps le mot _Lot_.

Tous ces jeux demandent un certain nombre de personnes présentes.

A ces divertissements nous joindrons les jeux à gages, comme le gant
jeté en même temps qu'un mot commencé et que doit finir la personne à
qui on jette le gant. Exemple: je lance le gant en disant: «Tou», et
la personne qui reçoit le gant ou la balle doit finir soit par
«raine», ce qui fait Touraine, ou par «pie», ce qui donne toupie, etc.

Une réponse trop tardive, ou qui ne forme aucun nom propre ou commun
paie un gage.

Du reste pour tous ces jeux en général, nous ne pouvons mieux faire
que de renvoyer aux encyclopédies de sport et de jeux qui ont été
faites depuis plusieurs années. Nous citerons entre autres:
l'Encyclopédie des jeux et des divertissements de l'esprit et du corps
par T. de Manlidars, qui contient un très important chapitre sur ces
matières.

Lorsque l'on joue encore aux petits jeux dits innocents, on doit être
fort réservé dans le choix des _pénitences_ et celle à embrassades,
telles le baiser à la religieuse, le dessous du chandelier, doivent
être bannies de toute bonne société. L'une consiste à faire mettre à
genoux deux personnes devant une chaise et elles s'embrassent à
travers les barreaux; l'autre veut qu'on mette un chandelier sur la
tête d'une personne et qu'on embrasse ladite personne.

La liste des jeux innocents est innombrable; il y a les anciens
classiques, le furet, pigeon vole, monsieur le curé n'aime pas les
couleurs, les portraits, etc., etc.

Dans les nouveaux, le jeu des rimes, des silhouettes, des
académiciens, des demandes et des réponses et encore, etc., etc.

Le plus grand tact doit présider à ces jeux qui souvent, sous prétexte
qu'ils sont innocents, donnent lieu à des licences de langage et
d'attitude que toute personne bien élevée blâmera sévèrement.

Ainsi, si un homme a comme pénitence de faire une confidence à une
dame, il ne doit pas lui chuchoter bas à l'oreille, mais bien parler à
demi-voix, de manière à ce que les voisins puissent entendre.

[Illustration]



_Ceux qui nous servent._


Je ne vais pas m'occuper des domestiques de haut parage. Ce genre de
monde est régi par un majordome ou intendant qui se charge de les
gager et les renvoyer, qui veille à ce que le service se fasse
mathématiquement. L'intendant reçoit les ordres et les transmet; c'est
lui qui paye les gages et donne les gratifications.

Les domestiques de haut parage sont des serviteurs bien dressés, qui
entrent, saluent, font leur besogne et se retirent; souvent les
maîtres ne connaissent que le visage de ceux que leur service appelle
immédiatement auprès d'eux.

Lorsqu'une maison est montée sur ce pied, cela suppose une fortune
immense; il y a une hiérarchie établie entre les domestiques et ils
s'appellent entre eux la haute et la basse domesticité.

Les dames sont, de nos jours, beaucoup plus femmes de ménage qu'il y a
trente ans; il n'est plus de bon ton de tout laisser gaspiller.

N'est-ce pas un bel éloge que de s'entendre reprocher son ordre et son
économie?

En effet, mieux vaut se passer une fantaisie, quelque frivole
soit-elle, que de tout laisser au pillage; d'autant, qu'en somme, cela
ne profite à personne.

J'engagerai toujours à dire «s'il vous plaît», «voulez-vous»; c'est le
savoir-vivre des maîtres.

Les serviteurs qui répondent d'un ton aigre, acerbe, sans parler à la
troisième personne, ont bien tort; non seulement ils manquent au
savoir-vivre, mais si en quittant une maison ils ont pris ces
habitudes, ils ne pourront pas se placer dans une autre d'un ordre
plus élevé et, par conséquent, monter en grade.

Sauf les femmes de chambre qui sont nu-tête, les autres domestiques du
sexe féminin doivent toujours avoir un bonnet de lingerie; le tablier
bleu pour faire le ménage, le tablier blanc pour aller en courses et
servir à table, le tablier blanc à dentelle ou à broderies pour les
jours de réception ou pour les dîners où il y a des étrangers.

Une maîtresse de maison n'ayant qu'une bonne ne saurait l'obliger à
prendre le plateau d'argent pour lui présenter les lettres et les
journaux.

Mais, dès qu'on a deux domestiques, cela doit rentrer dans l'ordre des
choses.

N'eût-on qu'une demi-bonne, c'est-à-dire une femme de ménage, on doit
exiger que tout ce qu'elle présente, verre d'eau, tartines aux
enfants, fruits, le soit sur une assiette; c'est une habitude à
prendre, voilà tout.

Il ne faut pas souffrir qu'on discute un ordre, mais on ne doit pas en
donner de contradictoires.

Ne jamais accorder un jour de sortie est cruel.

On donne généralement un jour entier par mois, c'est-à-dire un jour
entier à partir du déjeuner; d'autres maisons accordent deux sorties,
une entière et une jusqu'à l'heure du dîner.

Nous ne nous plaignons jamais de nos domestiques à des étrangers, nous
nous en séparons si leurs services ne nous conviennent pas; en
revanche, il est bon que nos domestiques songent qu'en décriant leurs
maîtres ils se font le plus grand tort à eux-mêmes. Forcément leur
réputation de mauvaise langue transpire et ils ne peuvent plus se
placer par connaissances, car les autres serviteurs, à l'occasion,
répètent ce qu'ils ont dit et ils se trouvent forcés de se placer par
le bureau, ce qui est infiniment moins recommandable et moins
avantageux.

Les gages des domestiques doivent être payés très régulièrement.
Fût-on dans les plus grands embarras d'argent, il vaudrait mieux
remettre tout autre paiement que celui du salaire des serviteurs.

On donne un cadeau au jour de l'an aux domestiques.

Ce cadeau peut être en nature ou en argent.

Le savoir-vivre trouve plus délicat le présent en nature, mais les
domestiques préfèrent l'argent.

Les enfants ne doivent jamais donner d'ordres aux domestiques, et
s'ils en transmettent de la part de leurs parents, ils doivent dire:
«ma mère m'a chargé de vous prier de faire ceci ou cela.»

Des jeux, des taquineries entre les domestiques et les enfants sont du
plus mauvais goût.

Lorsqu'on n'a qu'une seule domestique, elle doit partager notre
nourriture; faire une cuisine à part, cela n'est possible qu'à partir
de deux serviteurs.

En Angleterre, certains domestiques mettent pour condition, en entrant
dans une maison, qu'on ne leur fera pas manger du saumon plus de trois
fois la semaine!

N'imitons pas cet exemple et ne faisons pas manger du bœuf tous les
jours à nos domestiques, sous le fallacieux prétexte qu'il faut
toujours avoir du bouillon sous la main.

Il est bon de fermer ses armoires, sans retirer ses clés avec
ostentation devant les domestiques.

Un domestique qui apporte quelque chose a droit à un remerciement; de
même le maître qui paie les gages à un domestique doit être remercié.

Lorsqu'on a eu un domestique durant plusieurs années à son service et
qu'il se marie, on lui donne un cadeau.

Lorsqu'un serviteur, dont on est content, demande à son maître de lui
servir de témoin, celui-ci ne peut lui refuser sans manquer au
savoir-vivre.

On doit récompenser les travaux extraordinaires.

A l'occasion d'un mariage dans la maison, on doit un cadeau à ses
serviteurs.

Lorsqu'on renvoie un domestique sur le coup, on doit lui payer ses
huit jours.

De même, lorsqu'un domestique s'en va subitement, il devrait payer
huit jours à ses maîtres.

Ce n'est que pour des motifs graves de part et d'autre qu'on s'en va
ainsi: dans les cas ordinaires, on se prévient mutuellement huit jours
à l'avance et le domestique a droit à _deux_ heures par jour, pour
chercher une place.

On n'est forcé de mettre sur le certificat que la date de l'entrée et
celle de la sortie; tous les éloges sont du bon vouloir des maîtres et
le serviteur n'a pas le droit de les exiger.

On ne met pas de choses désobligeantes sur un certificat.

On ne peut se refuser à donner des renseignements sur un serviteur.

Pourtant, lorsqu'il y a un an qu'il a quitté votre service, on peut se
récuser.

Même en parlant d'un enfant très jeune, les domestiques doivent dire
«monsieur» ou «mademoiselle» et non «le petit, la petite».

Les titres civils ne s'énoncent pas; le domestique d'un député dira
seulement «monsieur».

On a le droit de faire ouvrir la malle d'un domestique avant son
départ, mais c'est généralement inutile.

Si un serviteur meurt chez vous, il est d'usage que nous suivions le
corbillard.

On ne doit pas dire le nom tout court aux domestiques de nos amis, on
ajoute «mademoiselle» ou «monsieur».

Lorsqu'un domestique apporte un présent, on lui doit un pourboire,
malgré la guerre faite contre cette coutume depuis plusieurs années;
mais il faut éviter de donner un pourboire excédant la valeur du
présent, cela s'explique.

Ne jamais questionner un domestique sur ses maîtres, sur ce qu'on
fait, sur ce qu'on dit; de même, lorsque nous envoyons un domestique
quelque part, ne le questionnons pas sur ce qu'il a vu.

Ne nous mêlons jamais à des querelles entre domestiques ou entre
concierges et domestiques: il arriverait un moment où, se
raccommodant, ils feraient la paix à nos dépens.

Maîtres et domestiques doivent savoir reconnaître leurs torts
réciproques et se supporter les uns les autres.

Si un domestique est bien payé, bien nourri, a quelques douceurs de
temps à autre, telles que parties de théâtre, gratifications, sorties
supplémentaires, il doit s'estimer heureux et ne pas se laisser aller
au penchant de décrier la maison où il sert.

Si un maître a un domestique probe, laborieux, il doit lui passer
certaines choses et savoir fermer les yeux à l'occasion.

[Illustration]



_La façon de recevoir._


Etait une vertu antique fort bien pratiquée, et dans les peuples qui
sont encore primitifs on la voit érigée en devoir rigoureux, allant
jusqu'à donner à l'hôte tout ce qu'on a de plus précieux.

Si nous invitons quelqu'un à faire un séjour chez nous, faisons
d'avance une toilette complète.

Tout doit marcher droit pendant le séjour d'un étranger sous notre
toit et les rouages intérieurs doivent être si bien graissés, qu'on ne
puisse entendre le moindre grincement.

Je parle aussi bien matériellement, que pour les questions d'un ordre
plus élevé.

Tout doit être au beau fixe; songeons-y et évitons jusqu'à ces infimes
petites chicaneries qui sont le chatouillement désagréable des
relations.

Vous êtes toujours prévenu de l'arrivée de votre invité; vous allez
donc l'attendre à la gare avec ou sans voiture, selon la distance qui
vous sépare de la gare, montrant ainsi l'empressement que vous avez de
l'accueillir dans votre «home».

La chambre de l'hôte doit être l'objet des soins tout particuliers de
la maîtresse de maison.

Les vitres étincelantes, les rideaux blancs, le parquet ciré,
encaustiqué, le lit avec sommier intact, les armoires nettes de tous
objets. Ne jamais recouvrir les planches de papier, c'est démodé; la
table de toilette, qui est dans la chambre, doit être pourvue d'une
pile de serviettes blanches, d'une boîte de savon, d'eau de toilette,
d'eau dentifrice, etc.

Sur un meuble, un verre d'eau avec sucrier, flacon de fleurs d'oranger
ou de rhum, suivant que l'invité est homme ou femme, flacon d'eau de
mélisse, boîte de pastilles de menthe et une boîte de gâteaux secs,
pour le cas des fringales nocturnes.

Une carte, clouée au mur, indique les heures des repas, les heures des
trains, enfin tous les petits renseignements utiles.

Ne pas oublier encre, plumes, papier, enveloppes, enfin tout ce qu'il
faut pour écrire, comme on dit dans les comédies.

Des fleurs sans odeur doivent garnir les vases.

Le premier soin à observer est de demander à quelle heure on désire le
petit déjeuner et ce qu'on a l'habitude de prendre, lait, café au
lait, thé, chocolat, potage.

Le second est d'attendre que l'invité soit un peu reposé avant de lui
faire faire l'inévitable tour du propriétaire.

Les maîtres de maison doivent s'ingénier à rendre leur hospitalité
douce et agréable, à laisser à leurs hôtes quelques heures de liberté,
à leur procurer les distractions que comporte le pays: visites aux
musées, églises, curiosités, sites, promenades, excursions, parties de
pêche, de canot, de chasse, jeux, plaisirs d'intérieur, etc.

Si on a plusieurs hôtes à la fois, il faut s'occuper de tous
également, ne pas marquer de distinctions.

Les repas doivent être servis, sinon luxueusement, du moins
plantureusement.

Si celui qui offre l'hospitalité a des devoirs envers ses hôtes,
ceux-ci n'en ont pas moins envers lui.

Nous devons arriver, sinon d'humeur très gaie, du moins avec un visage
aimable, ayant donné campo à nos soucis, afin de ne pas montrer mine
renfrognée à ceux qui nous reçoivent.

On n'est pas contraint de se répandre en exclamations admiratives,
mais on doit un certain tribut de bienveillance pour tout ce qu'on
vous montre.

Beaucoup de discrétion est nécessaire.

Sans appeler les serviteurs «monsieur» ou «mademoiselle»,
montrons-nous avec eux de la plus grande politesse.

On doit apporter tous les ustensiles de toilette qui sont nécessaires.

Il ne faut pas non plus ne paraître qu'aux heures des repas, s'isoler
des heures dans sa chambre, faire de longues promenades tout seul; on
doit le tribut de sa présence, de sa conversation, à ceux dont on
accepte l'hospitalité.

On doit être d'une exactitude mathématique pour l'heure des repas de
part et d'autre.

La toilette doit être très soignée et ce, dès le matin.

On ne doit pas rester plus longtemps que le terme fixé, mieux vaut
même partir un peu avant. Ainsi, si vous êtes invité pour une
quinzaine, le savoir-vivre veut que vous partiez le douzième ou
treizième jour. Il est préférable de laisser des regrets; on insistera
toujours afin que votre séjour soit plus long.

Il est bon de se montrer généreux envers les domestiques.

[Illustration]



_Les cadeaux d'étrennes._


On doit un présent convenable aux dames chez qui l'on va dîner
plusieurs fois chaque année.

On ne fait jamais de cadeaux à des supérieurs à l'occasion du jour de
l'an, mais dans le courant de l'année, on peut envoyer une bourriche
de gibier, des fruits, des fleurs rares.

Les étrennes se divisent en plusieurs genres:

Les étrennes utiles;--Les étrennes superflues;--Les étrennes
d'argent;--Les étrennes d'amitié.

Les étrennes utiles se donnent entre parents, entre amis intimes;
elles sont toujours agréables, car elles répondent à un besoin, à un
désir, soit pour votre intérieur, soit pour vous-même.

La série serait longue à énumérer; on peut offrir argenterie, service
de table, robe de velours, de laine, draps, serviettes, fourrure et
même la modeste demi-douzaine de mouchoirs de poche.

Le costume d'enfant, le bronze qui manque sur votre cheminée, le tapis
de table, le chapeau, etc.

Lorsqu'on donne des étrennes utiles, on est sur le pied d'une telle
familiarité, qu'on peut fort bien dire: «J'ai l'intention de vous
offrir telle et telle chose; tirez-moi donc d'embarras, et dites ce
que vous préférez.»

Les étrennes superflues mais agréables sont les bijoux, les bibelots,
les jouets.

Pour les enfants déjà un peu grands, les livres sont préférables.

Dans l'ordre des étrennes superflues, il y a toute la gamme des
japonaiseries, des petits livres, des meubles volants.

Le bijou offert par le mari à la femme, par l'oncle à la nièce, par la
marraine à la filleule, peut être une bague de mille écus ou la montre
en nickel.

Les amis hommes envoient fleurs et bonbons, c'est classique: j'engage
seulement à donner les uns et les autres en plus petite quantité et à
les offrir dans un bibelot _durable_, car une fois bonbons croqués et
fleurs fanées que reste-t-il du souvenir de l'ami?

Les étrennes d'argent, les plus agréables, ne peuvent s'offrir que de
mari à femme, de parents à enfants, de maîtres à serviteurs.

Les étrennes d'amitié sont les petits ouvrages faits par les jolis
doigts de la donatrice, le dessin, le pastel, le tableautin peint par
l'artiste de la famille; le portecrayon échangé entre camarades, enfin
moins que rien; mais ces étrennes-là sont les plus touchantes: on a
pris de son temps, de sa vie pour confectionner cette bagatelle.

Lorsqu'on nous apporte des étrennes, il est de mauvais goût de ne pas
ouvrir le paquet de suite et de dire merci simplement, sans regarder.

Celui qui se dérange a droit aux remerciements et aux exclamations de
plaisir que son présent doit provoquer.

Même si la chose n'est pas à notre gré, il faut avoir l'air ravi.

Ne raillons jamais le cadeau de l'un devant l'autre; ne l'évaluons
pas.

Ne faisons pas de parallèle entre ce que nous recevons et ce que nous
donnons.

Si nous avons déjà reçu un présent semblable, n'en exprimons pas le
regret.

Il est du savoir-vivre de témoigner plus de reconnaissance à une
personne qui nous offre un objet modeste qu'à celle qui nous fait un
cadeau splendide: la première est quelquefois honteuse de la
médiocrité de son présent, la seconde a conscience de la valeur du
sien.

Si on nous envoie un présent par un domestique, l'usage veut qu'on lui
remette une pièce d'argent, variant de cinquante centimes à cinq
francs; jamais plus, car on aurait l'air de vouloir rendre la valeur
de l'objet.

On doit écrire un mot de remerciements, si on ne peut faire une visite
dans la huitaine.

Un cadeau qui peut fort bien se faire, entre hommes, est une caisse de
cigares de bon _choix_.

Le petit enfant doit écrire aux parents éloignés et réciter un
compliment à ceux qui sont près de lui.

On doit un présent d'argent aux facteurs, concierges, domestiques,
télégraphistes, frotteurs, etc.; c'est l'impôt forcé auquel nul n'a le
droit de se soustraire.

La nourrice de nos enfants a également droit à un petit souvenir, en
nature ou en argent, si nous sommes encore en relations avec elle; et
aussi les anciens instituteurs et institutrices et les serviteurs de
nos parents.

[Illustration]



_La politesse dans la rue._


On voit des personnes, parfaitement polies dans un salon, devenir
parfaitement incorrectes, sitôt qu'elles foulent l'asphalte d'un talon
vainqueur.

Il faut toujours prendre sa droite, on évite ainsi les heurts et les
chocs.

Dernièrement, trottant très affairée, je me croise avec un monsieur
qui avait l'allure d'un parfait gentleman; il passa près de moi, non
seulement en me bousculant, en me regardant d'une façon malhonnête,
mais encore m'envoya la fumée de son cigare dans le visage. Un mot vif
était prêt à m'échapper, je le contins heureusement; qui sait ce que
ce monsieur eût pu répondre?

A quelques pas de là, une grosse voiture de camionneur était arrêtée,
son conducteur accoté fumait une énorme pipe, qu'il retira d'entre ses
dents lorsque je passai près de lui; puis, voyant la mèche du fouet
qui ballottait et qui pouvait m'effleurer le visage, il l'arrêta d'un
geste poli.

Le savoir-vivre était inné chez cet homme et le gentleman méritait
l'épithète pensée.

Savoir se ranger à l'occasion, sous une porte cochère, pour laisser
passer sans encombre une femme ayant un bébé sur le bras, est une
marque de savoir-vivre qu'on apprécie fort sur nos trottoirs étroits.


Faire p'sst! à quelqu'un pour le faire retourner, qui l'oserait?

Si je tiens mon petit chien en laisse, je fais attention à ne pas
enchevêtrer les jambes des passants dans la laisse du toutou.

S'arrêter soudain pour écouter les boniments d'un marchand ambulant
est à peine permis aux petits pâtissiers, aux petits télégraphistes,
et aux très jeunes «potaches»; un monsieur ou une dame de tenue
correcte continue sa route.

On peut s'informer discrètement de la cause d'un attroupement, mais
lorsqu'on sait ce qui en est, grossir cet attroupement est au moins
inutile, quelle que soit la badauderie parisienne.

Si vous rencontrez un ami et que vous l'arrêtiez pour lui parler,
rangez-vous de côté de manière à ne pas obstruer le passage.

Lorsqu'un homme jette une allumette enflammée, un bout de cigare
allumé, il doit les jeter dans le ruisseau, ou du moins mettre le pied
dessus; en plein trottoir, cela pourrait roussir, sinon incendier, les
jupons des dames.

L'attitude et le geste sont encore à observer pour être bien élevé; on
doit éviter les attitudes trop libres, les airs cavaliers.

En marchant, ne balançons pas nos bras. Une femme a toujours un
maintien, soit avec son ombrelle, soit avec son manchon; privée de ces
objets, elle relève gracieusement sa robe, ou en fait le simulacre, ce
qui occupe suffisamment les doigts.

Une marche sautillante, traînante est disgracieuse; de même faire
résonner ses talons sur le pavé produit un effet singulier.

[Illustration]



_Shake-hand._


Banale, banale, malheureusement et souvent, reconnaissons-le,
maladroite.

La bonne poignée de main amicale, à l'étreinte sincère, a fait place
au _shake-hand_, qui n'est qu'un démanchement d'épaule.

C'est toujours la main droite qu'on présente.

Rien de plus.... anglais que cette secousse sèche.

La poignée de main doit se donner entièrement; celui qui offrirait
trois doigts ou un seul doigt, comme si on le tendait à un oiseau,
serait peu convenable: de même lorsque la main reste molle, ne répond
pas à l'étreinte; encore lorsqu'il y a à peine un effleurement.

On ne devrait pas prodiguer la poignée de main à des inconnus; mais,
maintenant, les femmes même du meilleur monde la banalisent avec la
plus grande désinvolture.

Un homme ne doit jamais tendre le premier la main à une femme.

De même, une jeune fille ou une jeune femme, à une personne âgée.

Il ne faut pas que les jeunes gens tendent la main les premiers, sinon
à des camarades. Je regrette pour les jeunes garçons qu'on ne leur
inculque pas, avec le respect de la femme, l'usage du baisemain;
c'était respectueux et ceux de nos fils qui feraient revivre cette
ancienne coutume auraient tout à fait bon air; malheureusement, les
garçons, nous l'avons dit, ont souvent des manières d'une blâmable
désinvolture.

La poignée de main ne doit pas être prolongée, ce serait inconvenant,
comme celle dite «en sandwich», où votre interlocuteur place votre
main entre les deux siennes.

Lorsqu'on présente un homme à un autre, l'usage veut qu'on ne lui
serre la main qu'en le quittant, mais beaucoup passent là-dessus.

Si vous rencontrez un monsieur et une dame, il est de rigueur de
donner d'abord la main à celle-ci.

Les jeunes filles devraient ne pas donner de poignée de main aux
jeunes gens.

[Illustration]



_Au restaurant._


Lorsqu'on va dîner au restaurant, dans la salle commune, il y a mille
nuances à observer. L'homme, en entrant, soulève son chapeau et le
remet ensuite sur sa tête pour traverser la salle.

On n'essuie plus ostensiblement son verre, son assiette.

Il est regrettable d'interpeller les garçons à haute voix, de se
plaindre si fort que les voisins entendent; de se servir du cure-dents
ostensiblement; d'emporter la moindre des choses de la desserte,
fût-ce un macaron.

Le pourboire doit être décent, même si l'on n'est pas satisfait du
service.

Les femmes n'enlèvent jamais leur chapeau au restaurant, même en
cabinet particulier.

Rire aux éclats est très déplacé; nous nous devons au décorum. En
sortant, Monsieur, toujours, marche devant Madame, mais s'efface et la
laisse passer après lui avoir ouvert la porte de sortie.

[Illustration]



_Au spectacle._


C'est au théâtre que nous passons le plus volontiers la soirée quand
nos obligations mondaines nous le permettent.

On n'a plus, si ce n'est dans quelques théâtres, tels que l'Opéra,
l'Opéra-Comique, la Comédie-Française et les scènes élégantes du
boulevard, de toilettes dites «de théâtre»; on peut y aller en robe
simplement élégante, pourvu qu'on ait un chapeau et des gants frais.

Les gants clairs ne sont pas de rigueur.

Les toilettes décolletées sont mal portées dans les petits théâtres.

Les dames ne vont pas faire de visites dans les loges des personnes
qu'elles connaissent. Elles ne doivent quitter leur place que pour
aller au foyer, avec les messieurs qui les accompagnent.

Les hommes donnent un très léger coup de chapeau aux personnes qu'ils
peuvent connaître dans la salle; les femmes répondent par une petite
inclination de tête; jamais de sourires ou de signes avec l'éventail.

Un homme ne doit jamais laisser seule dans sa loge la dame qui est
avec lui.

Une femme lorgne la scène, mais doit à peine lorgner dans la salle,
surtout jamais fixement.

Un homme bien élevé ne lorgnera pas non plus avec obstination.

On peut s'amuser franchement au théâtre, mais non rire aux éclats.

On ne doit pas non plus faire des réflexions pouvant gêner ses
voisins, ni bavarder de telle manière qu'on les empêche d'entendre la
pièce.

Si on a déjà vu la pièce, rien de plus fâcheux que de déflorer le
plaisir de la ou des personnes qui sont avec vous, en la leur
racontant.

Lorsque nous avons des places aux fauteuils ou aux stalles,
arrangeons-nous pour arriver à l'heure ou dans un entr'acte, afin que
notre venue ne trouble pas un rang entier de spectateurs. A ce propos,
une «leçon de choses»; un croquis fantaisiste qu'on nous pardonnera à
cause de son exactitude.

Dans un théâtre où les passages sont très étroits, arrive une grosse
dame, rouge, essoufflée, qui se trouvant placée juste au milieu du
rang, a une quinzaine de personnes à déranger; elle s'avance et
commence par faire pousser un «aïe!» de douleur à une jeune femme;
elle s'excuse, continue à marcher, heurte les genoux d'un vieux
monsieur peu endurant et peut-être goutteux, qui se fâche: troublée,
la dame s'empêtre dans un petit banc et fait un bruit épouvantable
pendant que, d'une voix douce et pâmée, la jeune première disait des
choses très intéressantes à un acteur en perruque bien frisée; la
grosse dame arrive alors devant une autre dame qui n'a pas la
précaution de lever son fauteuil pour faciliter le passage, et il se
produit une collision.

Enfin elle arrive à sa place. Myope, elle se penche pour voir le
numéro de son fauteuil, et elle écrase à demi un ravissant petit
chapeau en fleurs porté par une jeune fille placée au rang devant
elle; celle-ci l'appelle maladroite et lui fait les yeux d'une
demoiselle à laquelle on abîme un chapeau neuf, jugez, mesdames! La
dame s'excuse encore à haute voix: des «chut» énergiques se font
entendre. Pensez donc, le traître va sortir son poignard et le père
noble sort une grande tirade! La dame s'assied, prend sa jupe dans le
ressort du fauteuil, se lève, lutte désespérément pour retirer
l'étoffe, reste debout et masque ainsi la scène à un petit garçon qui
pousse des cris de paon parce qu'il «ne voit plus les belles dames».
«Assis, assis!» crie-t-on de toutes parts. Encore plus rouge, la
spectatrice s'assied enfin; elle tire sa jumelle, en fait tomber
l'étui, se baisse, fouille sous les fauteuils et gêne encore ses
voisins; comme elle a plus chaud qu'en arrivant, elle s'évente avec
son mouchoir et pousse des ouf. Pendant l'entr'acte, elle appelle le
marchand de programmes et, au lieu de s'être précautionnée de monnaie,
elle lui fait changer une pièce de vingt francs; celui-ci va chercher
la monnaie; comme il reste un peu longtemps, qu'il s'arrête en route
pour vendre d'autres programmes, la grosse dame l'interpelle à haute
voix. Ce fut son dernier exploit.

Qu'on nous pardonne ce fantaisiste tableau un peu poussé à la charge.
Mais pareil voisinage est un fléau, n'est-ce pas! Et, malheureusement,
combien fréquent!

A moins d'être dans une loge, on ne doit prendre ses vêtements qu'en
sortant; sans cela, on incommode ses voisins.

_En aucun cas_ on ne doit manger d'oranges au théâtre.

Les pourboires à l'ouvreuse doivent être décents; généralement, on
donne cinquante centimes pour deux places, un franc au minimum pour
une loge.

Un homme qui accepte une place dans une loge doit apporter des
bonbons; jamais de fondants qui s'écrasent et poissent les gants,
plutôt des acidulés dans une petite boîte de fer-blanc qui les
conserve frais; il doit donner à l'ouvreuse, et reconduire la ou les
dames en voiture si elle ou elles sont seules. Si un monsieur les
accompagne, il peut les quitter à la porte. Souvent il offre quelque
chose de chaud dans un café-restaurant. C'est maintenant admis.

Jamais on ne doit manger de glaces ou boire dans une loge.

Il est interdit par le code théâtral d'avoir un bouquet de fleurs
naturelles sur le devant de sa loge.

Si on se trouve dans une avant-scène, on doit remonter à demi les
écrans pendant les entr'actes.

Si une dame invite une autre dame à venir au théâtre avec elle, cette
dernière paie l'ouvreuse, mais n'apporte pas de bonbons.

Il est indifférent que ce soit l'une ou l'autre des dames qui
reconduise l'autre en voiture ou à pied.

Un impôt forcé, auquel il est impossible de se soustraire, est la dîme
de deux sous qu'on donne à l'ouvreur de portière qui se trouve
toujours là.

Les enfants eux-mêmes ne doivent pas sucer de sucre d'orge dans les
théâtres.

Il est bon de ne pas laisser de papiers importants dans les poches de
son pardessus.

Ne blâmons jamais tout haut tel ou tel artiste.

N'applaudissons pas à tout rompre, ne trépignons pas, quel que soit
notre enthousiasme, ne crions pas bravo, surtout jamais: _brava,
bravissima_; cela vous donne un air faux dilettante du plus haut
comique.

Les spectatrices doivent éviter de critiquer toutes les artistes,
comme le font malheureusement quelques-unes d'entre elles, qui ne
manquent jamais, si on dit qu'une femme est jolie, de supputer le
nombre des ans, comme si le talent n'était pas toujours jeune, ou
encore de débiter les petites chroniques scandaleuses en cours.

Ayez soin de ne pas oublier un accessoire quelconque dans votre loge,
car il est fort peu agréable pour votre mari de retourner tout courant
chercher l'objet ou de venir le lendemain faire une réclamation; ayez
un sac _ad hoc_, un peu grand, où vous pouvez enfouir tout ce qui vous
est nécessaire.

Les hommes sont toujours nu-tête au théâtre; les très vieux messieurs
peuvent avoir une petite calotte de soie noire.

On ne doit pas emmener de très jeunes enfants au théâtre; outre que ce
n'est pas leur place, que l'air n'est pas bon pour leur santé, ils
peuvent, par leurs cris, troubler les spectateurs.

Les enfants doivent toujours être placés en devant de loge.

Si vous êtes une dame et que vous invitiez deux amies, votre place est
derrière; mais vos amies vous céderont leur place à tour de rôle.

Les hommes ne devraient être admis à l'Opéra qu'en habit noir et
cravate blanche, et le débraillé de la tenue devrait être laissé aux
touristes anglais et américains qui s'étalent sans vergogne aux
meilleures places, vêtus d'un complet à carreaux et coiffés d'un
feutre mou.

Pour les théâtres de second ordre, le costume ordinaire, mais toujours
une chemise de blancheur éclatante et des gants; si, par hasard, un
homme hésite à emprisonner ses mains toute une soirée, il est admis
qu'il place ses gants à l'ouverture du gilet.

Si vous êtes enrhumé, abstenez-vous du théâtre; rien d'ennuyeux comme
d'entendre une toux opiniâtre ponctuant une tirade à effet.

Les dames ne doivent pas faire un éventaire du rebord de la loge en y
installant le programme, l'éventail, la lorgnette, le mouchoir, les
bonbons, la voilette, la mantille qu'elles mettront en sortant.

Les jeunes filles ne vont jamais dans les petits théâtres.

[Illustration]



_Le chapitre des chapeaux._


Ce n'est pas celui d'Aristophane, mais il a bien son utilité dans la
vie mondaine.

Donc, à propos de chapeaux, ne faites jamais une visite à une dame
avec laquelle vous êtes sur un pied un peu cérémonieux, coiffé d'un
chapeau plat ou mou.

Vous devez déposer votre pardessus et votre parapluie dans
l'antichambre et garder votre chapeau et votre canne si vous en avez
une. Vous tenez le chapeau sur les genoux en évitant, bien entendu, de
faire voir la coiffe; ne le placez jamais sur un meuble.

Pour les visites entre hommes, pareille étiquette n'est pas exigée.

Le vilain claque d'antan, lourd, disgracieux et qui avait l'air,
lorsqu'il se détendait, d'un hérisson fâché, a fait place à un claque
de faille qui est léger et élégant. On le porte doublé de teintes
claires et douces, mauve, gris-perle, mais jamais rouge ou vert-pomme;
les armoiries ou initiales sont placées dans un coin; il se porte
indifféremment en soirée ou au théâtre.

Au bal, le danseur peut garder son claque ou le déposer sur la chaise
de sa danseuse; je préfère ce dernier mode; mais il faut se hâter de
le reprendre.

Un jour, un jeune homme frais sorti du collège venait de reconduire
une dame à sa place; celle-ci s'assied, sans prendre garde au chapeau
du malheureux éphèbe qui reste tout interdit, planté devant elle.

«Que désirez-vous, monsieur? finit-elle pas dire, impatientée de cette
contemplation.

--Je voudrais, je voudrais, balbutia le pauvre, avoir mon chapeau, qui
a l'honneur d'être assis sur la même chaise que vous!»

Ne tournez jamais, messieurs, votre chapeau entre les doigts; cela
vous donne un air particulièrement embarrassé; jamais, non plus, ne le
faites tourner au bout de votre canne et encore moins ne le portez au
bout de ladite canne, si vous avez trop chaud.

Le chapeau doit être posé bien droit; incliné sur le côté, cela vous a
un petit air retour de Suresnes qui est ridicule et que,
malheureusement, les très jeunes gens aiment à adopter; placé en
arrière, vous ressemblez à un berger ébahi; enfoncé sur les yeux, il
vous a les allures du sombrero d'un traître de mélodrame. Le juste
milieu, comme en toute chose.

Pour aller au bal il est absolument impossible de se produire avec un
chapeau haut de forme; si vous n'avez pas de claque, laissez votre
couvre-chef au vestiaire.

Ce chapitre des chapeaux est spécial aux messieurs, mais il pourrait
aussi s'adresser aux dames, qui devront éviter de porter de ces
immenses chapeaux si en vogue quand elles vont au théâtre, soit aux
fauteuils, soit surtout dans une loge où il y aura des messieurs
derrière. Avec ces empanachements à la mode, les malheureux sont
forcés de se tenir sur les pointes s'ils veulent apercevoir le minois
de la soubrette ou de se donner le torticolis, s'ils désirent
contempler le visage de l'ingénue, à moins que, victimes passives, ils
ne se résignent à rester assis mélancoliquement, en contemplant les
panaches de plumes d'autruches qui se balancent devant eux.

[Illustration]



_Canne, parapluie, éventail._


Ces petits objets sont pour ainsi dire nos compagnons inséparables et
ils ont chacun un petit code à leur usage.

La canne est un objet de nécessité ou de luxe.

Dans le premier cas, elle sert à s'appuyer, cela se fait donc tout
naturellement.

Dans le second cas, il ne faut pas la porter sous le bras, on risque
ainsi de crever l'œil à quelqu'un; ne pas la tenir non plus comme un
fusil, encore moins faire des moulinets avec ou la serrer contre son
cœur comme une nourrice tient son poupon, ou encore l'accrocher à la
boutonnière de son vêtement; la brandir comme une trique, ou en
frapper le sol, avec le martèlement sonore d'un suisse de cathédrale.

Ces observations s'appliquent également à l'ombrelle et au parapluie
fermés.

Pour l'ombrelle ou le parapluie ouverts, tenir cet objet bien droit en
faisant attention de ne pas l'empêtrer dans la voilette.

L'éventail, ce sceptre de la femme, doit se manier avec le nonchaloir
des Espagnoles et des Italiennes qui ont toujours ce petit meuble en
main; si on ne s'en sert que par hasard, on a presque toujours l'air
un peu gêné; il faut donc s'en servir l'été, et l'hiver ne le sortir
du tiroir que les jours de bal ou de théâtre.

Ne nous éventons pas à coups pressés, ne battons pas la mesure avec
notre éventail sur notre main ou sur le rebord de la loge; ne nous en
cachons pas à demi le visage.

Nos aïeules donnaient volontiers de petits coups d'éventail sur les
doigts des hommes en les appelant de certains noms badins que le
XVIIIe siècle autorisait.

Notre savoir-vivre a supprimé ce laisser aller.

Le mouchoir de poche, qui a joué un rôle prépondérant, est maintenant
sagement remisé au fond de la poche.

Il y a une quarantaine d'années, le grand genre était, pour une
élégante, de tenir précieusement à la main un mouchoir richement garni
de dentelles et de broderies, pour aller en visite, au spectacle ou au
bal; il est bon de dire qu'elle en avait un autre plus ordinaire en
réserve pour l'usage intime, imitant en cela les Japonais, qui
enfournent dans leurs immenses manches toute une série de mouchoirs de
poche en fin papier de riz. Dans le pays où fleurit le chrysanthème,
on ne se sert _qu'une_ fois de son mouchoir.

[Illustration]



_Élégances._


_Fantaisies pour repas champêtre._

Nappe en toile bise avec images de fleurs des champs brodées en coton
de couleurs vives; service en faïence campagnarde avec coq et vives
enluminures; gerbes de fleurs des champs avec du blé dans un petit
charriot.

Chaque convive a un petit bouquet des champs devant lui.

Les verres doivent être sans pied en gros cristal.

Nappe en toile de Hollande, garnie de dentelle de Venise chemin de
table en Venise doublé de satin rose; petites jardinières basses en
vieil argent faisant le tour de la table et garnies de violettes de
Parme; groupe en Sèvres ou en Saxe au milieu de la table.

Nappe grise garnie de galons rouges; au milieu une corbeille faite en
tronc d'arbre et remplie de plantes vertes; ou bien une coquille
remplie d'eau est placée sur de la terre glaise et il y a des poissons
rouges qui frétillent: dîner fantaisie.

Nappe blanche damassée avec guipure écrue brodée de rouge, chemin de
table en satin rouge; huit petites corbeilles en filigrane doré ou en
jonc rustique contiennent des fruits rouges, cerises, fraises,
framboises, groseilles.

Sur la table des branches de cerisiers coupées, avec fleurs, fruits et
feuillages; la suspension ou les candélabres sont enlacés de branches
de groseilliers.

Une guirlande de feuilles de vignes rougies, pourprées par l'automne
fait très bien sur la nappe.

Dans les dîners, on peut admettre toutes les fantaisies possibles et
la suspension peut s'enguirlander de lierre, de glycines, de chêne
avec ses glands, de sapin, de houx.

On sème sur la table de petits bonshommes, de petits animaux en
porcelaine, en bronze, de petites bonnes femmes genre Kate Greenaway,
même de petits compagnons de saint Antoine faits avec une peau
d'orange.

Les chemins de table se font très luxueux:

En tulle blanc brodé sur transparent bouton d'or avec plissé de tulle;

En satin feu avec des ornements brodés or et argent;

En simple andrinople avec guipure écrue;

En satin blanc avec guirlande de fleurs brodées au passé en soie
floche.

La corbeille à pain est recouverte d'un petit napperon de fantaisie.

On peut servir le vin ordinaire dans des aiguières en argent ou dans
des brocs en cristal.

La bière se sert dans de grands pots en terre, représentant des scènes
de «beuveries» flamandes avec un couvercle d'étain.

Quelques genres de menus de fantaisie:

De petits mirlitons d'un sou, que vous recouvrez de papier doré; vous
mettez une bande de papier rose ou bleu ciel tirebouchonnant selon
l'usage et vous écrivez dessus le menu: c'est très original;

Petit éventail en carton blanc; chaque mets est sur un feuillet.

Si on a un talent d'aquarelliste, on peut soi-même faire de fort
jolies cartes à menus; on en fait aussi avec dessin à la plume.

Pour l'été, à la campagne, on peut couper de petits morceaux de
cartons en forme de croissants; on fait deux incisions sur le côté, on
y passe une fleurette et on écrit le menu.

Avec du parchemin je fais quelque chose d'original.

A l'aide d'un pinceau je trace d'abord deux rayures, une rouge, une
bleue, j'écris mon menu en lettres rouges et bleues, en alternant;
puis je roule le parchemin.

Je l'entoure d'une faveur pourpre dont je scelle, d'un sceau de cire
crème, les bouts flottants.

Des petits écrans japonais, sur lesquels on colle une page blanche,
peuvent servir de menus.

Toutes les inventions sont permises sur ce terrain gracieux.

Les tapis de dahlias sans queues font fort bien sur la table; on fait
aussi des jonchées, des coupes avec myosotis roses et nœuds de ruban,
genre Watteau.

Un joli milieu de table est une simple bourriche; vous la remplissez
de mousse, vous y piquez des muguets et vous mettez aux deux bouts des
nœuds de satin et de moire, vert-nil et rose.

[Illustration]



_Ventes de charité._


Il faut beaucoup de tact pour être vendeuse.

L'usage veut qu'on envoie à ses amies, à toutes ses relations des
cartes, ainsi libellées:

     Vente de charité au profit de l'œuvre de...
     Dans les salons de...
     Les mardi 1er, mercredi 2 et jeudi 3 novembre 189...
     Madame L..... vendra de 2 heures à 3 heures.
     Elle serait heureuse d'avoir votre visite
     et sera reconnaissante de la plus légère offrande.

Le minimum de la somme à envoyer est 5 francs.

Les dames préfèrent, en général, porter leur offrande elles-mêmes,
elles choisissent, guidées par la charité.

J'engagerai les vendeuses à ne pas importuner les acheteurs qui
s'arrêtent à leur comptoir, à ne pas profiter de ce qu'un ami est venu
dîner chez elle pour le dépouiller en lui faisant acheter un prix fou,
un bibelot insignifiant, sous le prétexte que «c'est pour les
pauvres».

Ne pas refuser non plus de rendre la monnaie.

Les manèges de coquetterie doivent être évités, autant toutefois qu'il
est possible.

La toilette sera élégante, sans rien d'excentrique.

Les jeunes filles et les jeunes femmes en couleurs claires.

Seules les très jeunes filles gardent leur chapeau.

On vend généralement avec ses gants.

Pour tenir le buffet, pour offrir les sirops, les gâteaux, on peut
porter un petit tablier à bavette, mais il faut qu'il soit très
élégant; en soieries changeantes, garni de dentelle, avec nœud
retenant un bouquet de fleurs au corsage.

On peut demander des lots en nature, à des amies tout à fait intimes.

Lorsque votre recette n'est pas convenable, il faut la renforcer de
vos deniers.

Si nous ne sommes pas disposée à ce sacrifice, gardons-nous d'accepter
d'être dame vendeuse.

Vous devez une visite aux personnes qui vous ont envoyé des objets, si
elles sont de vos relations; sinon, une simple carte, avec un mot de
remerciement, suffit.

Je ne parle pas pour les messieurs, bien entendu.

Il serait dangereux d'accepter deux ans de suite d'être vendeuse; cela
lasserait nos amis et nous pourrions redouter une maigre recette.


_Les billets de loterie._

Encore une obligation du savoir-vivre: on ne refuse jamais de prendre
un billet de loterie.

Autant que possible ne soyons pas placeuse de billets de loterie. Je
ne dis pas placeur, car les hommes n'acceptent pas cette obligation.

Enfin, si une fois entraînée par notre bon cœur nous avons à
solliciter des amis pour une bonne œuvre, faisons-le discrètement et
ne profitons pas, autant que possible, du jour où ils dînent chez nous
pour leur présenter notre requête.

Le bon goût exige que, la loterie aussitôt tirée, les lots gagnés
soient expédiés aux favorisés du sort.

Dans le cas où, tirant la loterie chez vous, un lot vous échoit, vous
ne devez _jamais_ en bénéficier, il faut le remettre de suite et le
faire tirer de nouveau.

Si un célibataire gagne un lot, il doit l'offrir à la fille de la
maison ou à son défaut, à la dame du logis.

[Illustration]



_A l'église._


Ce n'est pas à la messe qu'on arbore les toilettes nouvelles.

Si vous toussez énormément, pour ne pas déranger un prédicateur et les
assistants, allez à une messe basse, de bonne heure.

Tous, nous devons respecter le saint lieu et les marques extérieures
du culte, qui veut qu'on s'agenouille, qu'on se lève à tel ou tel
endroit de la messe.

En entrant à l'église, un homme doit offrir l'eau bénite ou la plus
jeune personne à la plus âgée; on remercie d'un sourire et d'un signe
de tête.

Une dame se rencontrant à la porte avec un prêtre doit lui céder le
pas; mais celui-ci, oubliant un moment son caractère sacré, redevient
homme du monde en s'effaçant pour laisser passer la dame.

Si vous quêtez, ayez une mise élégante, mais modeste; si on vous
donne, un merci à voix basse.

Lorsque vous rendez le pain bénit, envoyez-en de suite une part aux
personnes auxquelles vous voulez faire cet honneur; attendre le
lendemain et l'envoyer rassis, serait incivil.

Marcher avec bruit, remuer les pieds, dire ses prières tout haut, sont
choses à éviter.

[Illustration]



_Notre correspondance._


Le papier à lettre et les enveloppes varient au gré d'une capricieuse
déesse, la Mode, qui d'un coup de son éventail, sceptre léger, devant
lequel chacun s'incline transforme toutes choses. La Mode a aboli le
large papier et l'enveloppe carrée; par amour du contraste, le papier
long et étroit et l'enveloppe semblable ont vu le jour.

Suivons le format du moment, et achetons ce qui nous plaît.

Le papier blanc, fort, est celui qui s'emploie pour les lettres
d'hommes, pour les affaires sérieuses.

Les papiers de couleurs ont la vogue depuis quelques années.

On choisit actuellement les teintes douces et neutres, le gris, plus
ou moins foncé, le bleu ardoise, le mauve pâle.

Les couleurs rose, rouge (on en voit), jaune, bleu d'azur ne sont pas
du meilleur goût.

Le genre vieux parchemin avec les initiales timbrées en or ou argent,
rechampies de couleurs, est fort joli, mais assez coûteux.

On peut avoir un papier avec ses initiales, son monogramme, ses
armoiries. L'emblème, la devise, le prénom, le diminutif du prénom, ne
sont plus très fréquents.

Avoir du papier trop commun ou trop luxueux sont deux écueils à
éviter.

N'employons plus de pains à cacheter.

Pour les lettres sérieuses ou confidentielles, on cachette ses
missives avec de la cire et un cachet à ses initiales. La cire rouge
est banale, la noire n'est employée que pour les deuils, la bleue est
laide, la blanche seule est jolie, selon moi.

Le cachet s'appose sur le coin et non au milieu; c'est la mode qui le
veut ainsi et c'est plus original. Dans le royaume de haute fantaisie,
une gracieuse innovation: on entoure la lettre d'un ruban et on la
scelle de larges cachets de cire blanche; mais cela ne peut s'employer
que pour les lettres portées à la main.

Le timbre se colle dans _le sens_ du côté droit de la lettre.

Les enveloppes doivent être pareilles au papier.

Les couronnes se mettent en travers des chiffres entrelacés.

On peut placer ses initiales au milieu ou au coin gauche de la lettre.

Pour les villégiatures, il est permis d'avoir, gravés sur son papier à
lettres, la vue de son château ou simplement le nom.

Pour les deuils, les papiers et enveloppes sont bordés de noir, depuis
la large bande des premiers mois jusqu'au mince liséré des dernières
semaines. On ne chiffre jamais le papier de deuil.

Les chiffres extravagants soit en grandeur, soit en petitesse, sont de
mauvais goût; de même, les ornements bizarres et tourmentés.

Les papiers avec des scènes champêtres, des caricatures, des animaux,
des fleurs, des chinoiseries sont de fantaisie.

Tout le monde ne peut avoir une belle écriture (j'en sais quelque
chose), mais les lettres se chevauchant, les abréviations, les taches
d'encre peuvent et doivent s'éviter.

Lorsqu'on écrit très mal naturellement, on devrait mettre en bas une
formule d'excuses (je vous demande pardon d'écrire si mal).

La marge n'existe presque plus maintenant; à peine un mince liséré de
blanc.

On laisse, sous le mot en vedette qui commence la lettre, un espace de
trois ou quatre lignes.

Lorsque vous confiez une lettre à quelqu'un, sauf à un domestique,
vous ne la cachetez jamais; votre devoir est de la remettre ouverte,
montrant par là que vous avez pleine confiance en la discrétion du
mandataire; mais celui-ci doit immédiatement, ostensiblement, cacheter
la missive devant vous.

Une lettre de recommandation se donne toujours ouverte, même pour un
serviteur.

Il ne faut jamais écrire sur une demi-feuille de papier.

Si on voulait être logique avec le bon sens et la grammaire, on
n'écrirait pas chère madame, ni cher monsieur, ni chère mademoiselle,
mais bien, chère dame, chère demoiselle et cher sieur.

Mais voyez l'effet!

Lorsqu'on écrit à un ministre, la phrase de Monsieur le Ministre
s'écrit de manière à ce qu'il ne reste au-dessous que la place de cinq
ou six lignes.

Certaines personnes croient de bon ton de laisser le verso blanc et
d'écrire sur le recto de la seconde page; seules les pétitions
officielles destinées à l'imprimerie se font ainsi; les décisions, les
remarques s'écrivent sur le recto de la seconde page.

Il faut au moins deux lignes blanches, précédant les formules de
salutations. Elles ne se coupent pas et s'étagent ainsi:

     J'ai l'honneur d'être,
       avec le plus profond respect,
                       Monsieur le Ministre,
             Votre très humble et très dévoué serviteur.

Les mêmes formules respectueuses sont employées pour les hommes ou les
femmes indifféremment, lorsque la lettre est adressée à un
ecclésiastique de haute dignité.

Du reste, une grande dame elle-même écrivant à un humble desservant de
village devra introduire le mot _respect_ dans la rédaction de sa
lettre.

Pour écrire à un prêtre on met:

«Monseigneur», «Monsieur le curé», «Monsieur l'abbé».

Lorsque vous écrivez à une personne fort occupée, faites la lettre
très courte, ne dépassant pas la première page s'il est possible.

En écrivant à une personne que vous supposez pouvoir être en voyage,
mettez sur l'enveloppe la mention: _faire suivre en cas d'absence_.

Le mot _urgent_ est mieux que _pressé_.

Les post-scriptum ne se mettent pas dans les lettres cérémonieuses;
ils sont réservés pour les lettres d'amitié ou d'affaires.

Lorsqu'on écrit à des étrangers ou à des personnes avec lesquelles on
a de peu fréquents rapports, il faut toujours inscrire son adresse
entière.

La date se met en haut de la lettre d'affaires, au bas de la lettre
intime, à gauche et un peu au-dessous de la signature.

Lorsqu'on écrit à des étrangers, on leur donne leur qualité:

Madame la comtesse;--Monsieur l'Économe;--Madame la Directrice.

Pour un militaire: Monsieur le Capitaine;--Monsieur le Commandant;--ou
bien encore, et cette concision est de bon ton, si vous avez des
relations avec la personne: Capitaine, Commandant.

Lorsque vous avez appartenu à l'armée: Mon Capitaine;--Mon Commandant.

Exception est faite pour les Maréchaux et les Amiraux, et même un roi
leur écrivant mettrait: Monsieur le Maréchal;--Monsieur l'Amiral. Aux
contre-amiraux, vice-amiraux, on dit: Amiral.

Pour écrire à un Roi: Sire;--à une Reine: Madame, en mettant dans la
lettre le mot Majesté.

Si vous écrivez: Madame la Reine, vous aurez tort, et pourtant on peut
écrire: Madame la Princesse; mais on met généralement Princesse tout
court.

Autrefois, on écrivait: mon cher monsieur, ma chère madame, ma chère
mademoiselle; ces pléonasmes sont bannis maintenant. On peut écrire:
cher monsieur et parent ou chère madame et parente à ses parents que
l'on n'a jamais vus; on peut mettre aussi: monsieur et cher cousin,
madame et chère cousine.

Pour les autres parents qu'on connaît on met: mon cher oncle, ma chère
grand'mère, chère mère, cher papa.

On peut mettre en vedette les mots: Saint Père;--Très Saint
Père;--Sire;--Monseigneur;--Prince;--Princesse.

On ne peut écrire en vedette les mots suivants: Votre Sainteté;--Votre
Eminence;--Votre Grandeur;--Votre Majesté;--Votre Altesse;--Votre
Excellence.

Ils remplacent le pronom: vous.

On peut mettre aussi Elle et Lui avec des lettres majuscules.

A une religieuse on écrit: Madame (jamais Mademoiselle);--Très chère
sœur;--Révérende mère; selon le degré d'intimité.

Pour les religieuses titrées on mettra: Madame la supérieure;--Madame
la prieure.

Cher monsieur, chère madame, s'écrivent couramment, même adressés aux
personnes que l'on connaît depuis peu.

Chère fiancée ou Cher fiancé est d'un usage démodé; on écrit en ce
cas: Chère mademoiselle ou Cher monsieur, et encore serait-il plus
convenable de mettre simplement monsieur ou mademoiselle.

Pour écrire à ses domestiques on met le prénom en vedette: Pierre,
Rosalie.

Mais, si l'on a besoin d'écrire au domestique d'un ami, on mettra:
Monsieur Pierre, Mademoiselle Rosalie.

On n'écrira jamais Madame la présidente à Mme Félix Faure, mais on
écrira: Madame la présidente à celle qui préside une œuvre
quelconque.

Madame la Maréchale est le seul titre militaire qui soit féminisé et
personne ne s'aviserait d'écrire: Madame la capitaine.

Certains traités de savoir-vivre recommandaient aux jeunes filles de
mettre en écrivant à une femme âgée: Madame et excellente amie, ou:
Madame et amie. Ces formules sont trop peu respectueuses.

Ne mettons jamais les mots monsieur, madame ou mademoiselle en
abréviation, même dans le corps de la lettre.

Si vous parlez dans votre lettre d'un parent, d'un allié quelconque à
votre correspondant, mettez encore le mot entier: Monsieur votre père,
mademoiselle votre sœur. Pourtant, en parlant d'étrangers, on peut
mettre simplement M. ou Mme.

Monsieur ton père, madame ta mère ne s'emploient pas.

Entre très intimes on peut mettre: ton père, ta mère, etc. Lorsqu'on
parle d'une tierce personne dans une lettre et que le correspondant
sait fort bien de qui il s'agit on doit seulement mettre l'initiale.

Ne mettez plus _tournez, s'il vous plaît_, ou _t. s. v. p._; on sait
bien qu'il faut tourner la page, puisqu'on ne voit pas la signature
qui termine _toujours_ une lettre.

A une personne titrée qui est de vos amis on supprime monsieur et
madame et on écrit simplement: Cher comte, chère marquise.

Aux jeunes filles n'étant pas titrées on écrit simplement: Chère
mademoiselle.

Pour écrire à un fournisseur, on peut très bien mettre son nom de
famille: Monsieur D..., Chère madame D....

Lorsqu'on écrit à des personnes ayant une fonction officielle et étant
titrées, on met la qualité précédant le titre:

     Monsieur le sénateur, baron de...
     Monsieur le préfet, comte de...

A un médecin on écrit:

     Monsieur le docteur R...

Ne s'écrit plus la répétition du mot Monsieur, Monsieur, sur une
adresse.

On écrit ainsi l'adresse d'une personne titrée: Marquise de S.... et
non Madame la marquise de S....

Voici les terminaisons de lettres le plus généralement usitées selon
les degrés d'intimité.

Pour les grands ecclésiastiques:

     Je suis, avec le plus profond respect,
                   Monseigneur,
     de Votre Grandeur (ou de Votre Eminence pour un Cardinal)
     le très humble et très obéissant serviteur.

A un roi:

     Je suis avec le plus profond respect,
                     Sire,
               de Votre Majesté,
       le très humble et obéissant sujet.

Pour le président de la République:

     Je suis avec le plus profond respect,
           Monsieur le Président,
        votre très humble serviteur.

Une femme emploie les mêmes formules.

A un fonctionnaire du gouvernement, on écrit:

     Veuillez, Monsieur le Préfet, recevoir l'expression
     de ma considération la plus distinguée.

Voici la rapide énumération des formules courantes et généralement
employées:

«Tout à vous, Tout à vous d'amitié, A vous de cœur, Tout à vous de
cœur, A vous cordialement, Amitiés, Bonnes amitiés, Cordiales
amitiés, Cordiale poignée de main, Bonne poignée de main, Je vous
serre la main, Je vous envoie toutes mes amitiés, Tous mes sentiments
d'affection, Tous mes sentiments affectueux, Tous mes compliments, Mes
meilleurs compliments, Mes compliments affectueux, Veuillez recevoir
l'expression de mes sentiments les meilleurs, Veuillez recevoir
l'expression de toute ma sympathie, Au revoir, Croyez à mon sincère
attachement.»

Un homme met généralement le mot respect dans la terminaison de sa
lettre, lorsqu'il écrit à une dame: «Mes sentiments respectueux, Mon
attachement respectueux, Ma respectueuse sympathie, Mon respectueux
dévouement, Veuillez agréer, madame, l'hommage de mon respect,
Veuillez agréer l'expression de mes sentiments respectueux, Au revoir,
chère madame.»

Une femme n'emploie jamais les mots honneur si ce n'est en s'adressant
à un grand personnage.

Lorsqu'une femme écrit à un homme pour affaires, elle doit mettre:
«Veuillez, monsieur, recevoir l'expression de mes sentiments
distingués», ou même supprimer le mot monsieur. A une autre femme elle
mettra: «l'assurance de mes sentiments respectueux.»

Aux serviteurs on mettra: «Au revoir.»

On peut assurer un vieux serviteur de ses bons sentiments. Les hommes
s'envoient entre eux l'expression de leur considération distinguée; il
serait malhonnête de l'adresser à une dame.

A un fournisseur: «Recevez mes salutations, ou Salutations.»

On emploie beaucoup le genre dit anglais, qui est simplement la
formule latine _tibi_, en mettant simplement: «A vous.»

Remarque: un inférieur à un supérieur mettra: «Veuillez agréer
l'expression de mon respect», et le supérieur répondra: «Recevez, je
vous prie, l'assurance.» Dans toutes ces formules, chacun choisit
selon les cas.

Les appellations affectueuses venues du cœur ne peuvent se citer;
elles viennent au courant de la plume et sont toujours du
savoir-vivre; aucune phrase n'est ridicule quand un sentiment sincère
l'a dictée.

Ne signons jamais: Femme une telle, c'est absolument vieilli; mettez
l'initiale de votre prénom: M. D...

N'ajoutons pas: née une telle. Excepté pour les lettres d'affaires, ne
signons pas: Veuve...

Une femme titrée signe son titre et le nom de son mari: Comtesse de
H..., ou en abrégé: Ctesse de H.... Elle ne mettra pas: Comtesse Marie
de H....

Quelquefois, pour des raisons ou pour d'autres, on adjoint le nom de
famille de la femme à son nom et on signe: Raymond-Roche; la femme de
son côté mettra: J. Raymond-Roche.

Titrée, une dame peut encore signer l'initiale de son nom de jeune
fille ou même le nom entier, en faisant suivre du titre et du nom de
son mari: C..., baronne de S...., ou C., baronne de S.... Un homme
signe prénom et nom: Louis R....

Il est hors d'usage de placer le prénom en dernier et de mettre R....
Louis.

Celui qui porte un nom historique peut le signer tout court, on sait
qui c'est. Ainsi: «Broglie» est correct.

Il y a des cas où les hommes font précéder leur nom de leur titre ou
de leur qualité: Le commandant Z...; Le docteur V...

Entre jeunes filles et entre amies intimes on peut signer son seul
prénom. Le billet n'est qu'une courte lettre; les règles de
savoir-vivre sont les mêmes, mais on peut faire de la fantaisie.

Les cartes-lettres ne doivent s'envoyer qu'entre parents ou amis
intimes.

Les cartes postales se réservent pour les commandes, pour demander un
renseignement insignifiant.

Lorsque vous demandez un renseignement à une personne inconnue, il
faut toujours joindre un timbre pour la réponse. Ce procédé oblige la
personne à vous répondre et ne la blesse aucunement.

Les journalistes prétendent être excusables lorsqu'ils ne répondent
pas à une lettre contenant un timbre. Ils déclarent qu'ils n'ont pas
le temps; ne disons rien des journalistes!

Lorsqu'on s'adresse à un fonctionnaire qui peut user de la voie
administrative pour sa réponse, on n'envoie pas de timbre. On n'en
envoie pas non plus dans une pétition, une demande de secours.

Pas plus à un marchand en lui demandant soit échantillons, soit
renseignements; les timbres-poste sont compris dans les frais
généraux.

Chacun de nous doit s'appliquer à écrire comme il parle: «des faits,
des faits»; à ne pas abuser des qualificatifs, à être concis, à
épargner les mots, et dire par exemple: Je précise, plutôt que: Je
vais vous préciser. Ayons présent à l'esprit que le ton fait la
chanson, en parlant on peut dire certaines choses qui sont atténuées
par l'expression du visage et le son de la voix et qui pourraient
blesser, si on les écrivait.

[Illustration]



_Les audiences._


Lorsqu'on sollicite une audience du Président de la République
française, il faut la lui adresser directement, sous enveloppe non
affranchie, Monsieur le Président ayant droit à la franchise
illimitée.

Cependant la poste pourrait exiger l'affranchissement si l'on mettait
sur l'adresse Monsieur _Félix Faure_, Président de la République, au
lieu de Monsieur le Président.

Mais la poste se garde, en ce cas, d'exiger le timbre et observe, sur
ce point, l'esprit et non la règle de la loi.

Lorsqu'on sollicite une audience d'un ministre, il faut adresser _sous
enveloppe affranchie_ sa demande par la poste. La réponse est envoyée
en franchise.

Le jour de l'audience, les hommes doivent être en redingote, gants
mi-foncés; les femmes en toilette de demi-cérémonie.

On salue en entrant dans le salon et en arrivant près du chef de
l'État ou près du Ministre.

Si nous avons une note à écrire, il faut se déganter.

En pays étranger la demande d'audience au souverain doit être adressée
au grand chambellan, qu'on appelle Monseigneur et Votre Excellence. La
lettre doit être mise à la poste sans timbre.

Les toilettes doivent être élégantes sans excentricité; pour les
femmes, jamais de manchon ni d'ombrelle.

Pour les hommes, l'habit noir est de rigueur, en un mot la tenue de
soirée, sauf les gants, qui doivent être de demi-teinte. En
s'approchant du souverain, on fait trois saluts, séparés par quelques
pas chacun.

On doit attendre que le souverain vous adresse la parole.

La réponse doit être: Oui, non, Sire; Oui, non, Madame, pour une
reine.

Le mot Majesté serait contraire à l'étiquette.

On doit parler à la troisième personne et dire: Sa Majesté
voudra-t-elle me faire la grâce....

C'est un manque d'étiquette que de dire: J'ai l'honneur de présenter à
Votre Majesté...; on doit dire tout simplement: Je présente au Roi....

Il faut se retirer à reculons, car jamais on ne tourne le dos à un
souverain.

Il faut être d'une exactitude militaire lorsqu'on a obtenu une
audience.

Il y a une tenue spéciale pour les audiences papales.

Les femmes doivent être vêtues de noir, sans chapeau, avoir un grand
voile blanc ou noir, les gants blancs; mais, à moins de cas
extraordinaires, il est bien rare qu'elles obtiennent une audience
particulière du Saint Père.

[Illustration]



_Causeries._


Une maîtresse de maison ne doit jamais laisser entamer le chapitre
politique ou religion dans son salon.

Chacun sait quelles locutions sont à éviter: les «vous savez»,
«alors», «dites», «hein», «vous pensez bien», sont depuis longtemps au
panier du mauvais goût.

Dire que madame une telle est une femme du monde ne veut rien dire.

Ne prenons jamais la parole en même temps qu'une autre personne, cela
fait un duo fort désagréable.

Si quelqu'un hésite en parlant, de grâce, n'achevons pas ses phrases.
A l'occasion, par charité, soufflons le mot cherché.

Tâchons d'éviter au début d'une conversation des variations sur le
temps qu'il fera demain.

En parlant de nos fils, disons «mes garçons» «mes fils» et non «mes
gamins».

En parlant de nos filles, «ma fille» et non «mademoiselle».

Ce mode d'appellation n'est permis qu'envers les domestiques. On dira:
Servez le chocolat de mademoiselle; ou, si vous avez plusieurs filles:
Servez le chocolat de mademoiselle Jeanne.

Un homme dit: «ma femme» ou «madame un tel»; ce n'est qu'aux
domestiques qu'il dira «madame» tout court. Une femme dit: «mon
mari», elle ne dira jamais le nom de famille tout court, et «monsieur»
est réservé pour les domestiques.

Ne demandons pas des nouvelles de «madame» mais bien de «madame un
tel».

Non plus: «Comment vont ces demoiselles?» mais: «Comment vont
mesdemoiselles vos filles? Comment vont vos garçons, vos fils,
messieurs vos fils?» selon le degré d'intimité.

On ne doit pas dire «monsieur, madame» à chaque instant dans la
conversation; nous devons aussi éviter de prononcer le nom de famille
en parlant à la personne:

«Oui, madame D.....»;

«Certainement, monsieur C.....»

Lorsqu'un homme en parlant à une femme lui rappelle qu'il l'a
rencontrée en voyage ou en promenade il doit dire: «Lorsque j'ai eu
l'honneur de vous rencontrer.»

Une dame dira: «Le plaisir de vous rencontrer.»

Entre deux femmes le mot plaisir remplace toujours celui d'honneur, à
moins que la personne à laquelle on parle ne soit très âgée et d'une
position très supérieure.

Ne nous avisons pas de dire: «Nous deux mon mari», mais: «Mon mari et
moi.»

Ne disons pas: «J'ai eu l'avantage de voir telle personne», ni: «A
l'avantage, au plaisir de vous revoir.»

A moins d'une très grande intimité, on ne doit pas désigner les
personnes par leur prénom.

A plusieurs personnes réunies ne disons pas: «Comment vont vos
santés?» Chacun a la sienne.

N'entamons pas une conversation sur nos affaires personnelles qui
n'intéresseraient personne.

Pour «faire du genre», ne plaçons pas à tout propos des mots
étrangers, encore moins des citations latines ou grecques.

La contradiction doit être évitée, car alors les conversations
prennent un caractère d'acrimonie fort désagréable pour ceux qui
écoutent.

Les liaisons dans les phrases doivent se faire, mais sans trop de
préciosité.

L'imparfait du subjonctif, si régulier qu'il soit, est tout à fait
démodé, presque hors d'usage, il faut l'éviter. Vous entendez-vous
disant à un domestique: Il faudrait que vous _époussetassiez_ le
salon.

Nul ne doit demander des renseignements sur la fortune, la position
des personnes avec lesquelles on se rencontre chez un ami commun; une
interview à ce sujet est très déplacée.

On peut supprimer «monsieur» devant le nom d'un homme illustre, vivant
ou mort. Les la peuvent se placer devant le nom des danseuses, des
cantatrices: «la Krauss», «la Taglioni». Les peut se placer devant les
noms des grands seigneurs: «Les Montmorency».

Parler d'âge est l'un des points que le savoir-vivre réprime le plus
énergiquement.

Parler d'âge devant des vieillards, c'est leur faire souvenir qu'ils
n'ont plus longtemps à vivre; devant une femme, c'est lui faire penser
à son déclin. Les hommes éprouvent la même répugnance que les femmes à
entendre parler d'âge et non toujours pour des raisons de coquetterie,
mais parce que beaucoup d'emplois constituent à un certain âge une
situation brillante et le contraire, à un autre.

Il faut éviter la plaisanterie, les moqueries.

Quand on démêle de mauvais motifs dans les éloges, presque toujours
exagérés, prodigués à des personnes qui ne sont pas là, si le
savoir-vivre défend qu'on les réfute, il permet du moins de laisser
tomber à plat la conversation du méchant personnage.

On n'est pas forcé de dire du mal de son prochain ou des banalités;
les sujets de conversations abondent: les arts, la littérature, la
pièce en vogue, l'invention récente, sont des thèmes agréables à
effleurer. Notez que je dis «effleurer» et non creuser à fond, ce qui
deviendrait fastidieux.

On ne dit pas qu'on offre, qu'on souhaite, qu'on présente le bonjour.
Bonjour, tout simplement, suffit.

Les pronoms _elle_, _lui_ ne se diront pas en parlant d'une personne
présente ou absente. Présente, on dira: Madame m'a raconté cela;
absente: Madame Denis m'a raconté cela.

Nous ne devons parler ni trop haut, ni trop bas.

En fait de toilette, ne donnons pas notre avis dogmatiquement,
Mesdames; notre goût n'est peut-être pas le bon, chacun a le sien, et
est libre de s'habiller à sa guise.

Faisons attention au sens des mots compagnie et société. Ainsi ne
disons pas que nous avons rencontré «monsieur un tel» en société, mais
bien en compagnie de; aller _en campagne_, pour aller à la campagne;
sur, pour aigre; _rester à la ville_, pour demeurer à la ville;
_mauvais genre_, pour mauvais goût; _partir en voyage_, pour partir
faire un voyage; _ils ont voiture_, pour ils ont une voiture; _la
marquise a ouvert ses salons_, pour reçoit.

On pourrait multiplier ces avis; mais ils sont contenus dans des
ouvrages spéciaux et nous n'avons pas ici la prétention de donner des
leçons.

La conversation, ainsi que le style, dépend de l'instruction et de
l'éducation qu'on possède; mais elle ne vaut que par trois qualités
reçues avec la vie, le cœur, l'esprit, le tact.

N'interrompons jamais une conversation et, qu'elle soit aussi
ennuyeuse que possible, ayons l'air de l'écouter avec intérêt.

Ne retenons pas quelqu'un par la main en lui parlant.

Plaçons un mot à l'occasion, mais ne parlons pas trop vite; mieux vaut
un mutisme presque complet que prononcer sans interruption des phrases
plus ou moins banales.

Il faut garder et défendre ses opinions, si elles sont ou si on les
croit raisonnables; sans acrimonie toutefois, car la discussion ne
convainc jamais personne.

Si on nous démontre, clair comme le jour, que nous avons tort, ne nous
obstinons pas et rendons-nous à l'évidence.



_La bicyclette._


A ses admirateurs et ses détracteurs.

Comme elle est fort en vogue et que je ne veux froisser personne, je
m'abstiens de donner mon avis.

Le costume de bicycliste, aussi bien pour les hommes que pour les
femmes qui pratiquent ce sport, doit être éloigné des excentricités
fantaisistes.

Il y a deux genres de costumes, celui zouave avec la culotte bouffante
et celui avec la petite jupe; je préfère ce dernier.

Les mollets nus, si ce n'est pour les très jeunes garçons, sont de
mauvais goût.

Certaines personnes montant en tandem voudraient savoir si la place de
la femme est devant ou derrière.

Elle est tout indiquée derrière: lorsque la femme monte en croupe,
n'est-ce pas la même chose?

On ne doit pas dire monter _en bicyclette_, mais bien monter _à
bicyclette_.

[Illustration]



_Le duel._


Il est telles injures qu'on appelle sanglantes parce qu'en réalité
elles demandent du sang; il y a des insultes que la justice humaine
est impuissante à venger et il suffit au reste qu'on s'adresse d'abord
à un tribunal pour que toute autre réparation puisse être refusée.

Oui, il peut s'agir de telle ou telle offense qui vraiment mérite
qu'on risque sa vie pour la laver; et c'est là l'honneur, et nul ne
doit reculer si on a tenté de le salir.

L'homme en réalité a inventé le duel pour en appeler à un jugement
divin.

Aller sur le pré, c'est faire acte de gentilhomme, d'homme comme il
faut, mais la gentilhommerie dans le duel n'existe que si tous les
auteurs de ce drame sans fiction sont bien pénétrés du rôle qu'ils ont
à remplir.

Il a toujours été reconnu, Dieu merci! que l'honneur est une chose
sacrée, et, selon le gentilhomme de Châteauvillard depuis de si
longues années bon juge en cette matière, chacun est exposé à cette
dure nécessité de risquer sa vie pour venger une offense, une injure.
C'est donc une affaire assez importante pour qu'elle soit d'avance
réglée selon les formes voulues par la délicatesse et le droit.

Des exemples sans cesse renaissants ont prouvé la nécessité de
l'établir d'une manière formelle, afin d'éviter des fautes pouvant
compromettre l'existence d'un ami, des assassinats que l'on croit
devoir passer sous silence pour ne pas donner aux familles le
déshonneur d'une récrimination. Ce droit est la sauvegarde de tous;
s'il est enfreint, le sang d'une victime peut crier vengeance.

Nous renvoyons nos lecteurs que cela pourrait intéresser au _Nouveau
Code du Duel_ publié il y a peu d'années par le comte du Verger
Saint-Thomas.

Il est utile de connaître ces règles du duel, car un grand nombre de
personnes honorables allèguent leur inexpérience, quand leur influence
morale pourrait être utile, soit pour arranger une affaire d'honneur,
soit pour en rendre les conséquences moins désastreuses.

On doit pouvoir servir de témoin à son ami, puisque ni un père, ni un
frère, ni un fils, ni même un parent au premier degré ne peut être
témoin de son parent, ni contre son parent.

Il faut que l'on puisse intervenir utilement et selon les règles
particulières qui se sont établies et perpétuées, car les témoins sont
responsables de tous les faits relatifs au duel auquel ils ont
assisté.

Résumons donc ces règles brièvement.

Le procès-verbal doit être aussi court que possible. Il ne doit
contenir que la simple et unique relation des faits, sans appréciation
ni discussion, ni épithète peu déférente pour aucune des parties.

Son style doit être bref, concis, très correct, de manière à éviter
toute expression dont le sens pourrait être contesté ou bien donner
lieu à équivoque.

Ceci établi, cette pièce se divise en deux parties.

=Première partie.=--1º Indiquer l'année, le mois, le jour, l'heure, le
lieu de la réunion des soussignés réunis pour examiner le différend ou
la querelle entre MM. tel et tel.

2º Les motifs de la querelle ayant été constatés et les faits
reconnus exacts d'un commun accord et comme suit. (Indiquer les
motifs et les faits.)

3º Après une discussion tendant à proposer ces arrangements
satisfaisants et honorables pour les deux parties, tout arrangement
ayant été reconnu impossible (ou bien rejeté par)....

4º Les soussignés ont reconnu la rencontre inévitable et les
conditions en ont été établies comme suit:

(Indiquer les conditions, le jour, l'heure, le lieu du rendez-vous.)

Les conditions ci-dessus mentionnées ont été soumises aux parties et
ratifiées et acceptées par elles, avec promesse de s'y conformer
suivant les lois de l'honneur.

En foi de quoi, etc.....

(Indiquer le lieu, le jour, le mois, l'heure, l'année.)

_Signature des témoins._

     Les témoins de M. M***      Les témoins de M. N***

     A.                          C.
     B.                          D.


=Deuxième partie.=--La rencontre déterminée par la première partie du
présent procès-verbal a eu lieu au jour, à l'heure, au lieu indiqués.

Après 10 minutes de combat, M. M*** ayant reçu une blessure....
(Indiquer la nature et l'importance de la blessure.)

Les témoins soussignés ont déclaré l'honneur satisfait.

(Indiquer si les adversaires se sont réconciliés.)

En foi de quoi, etc.

(Indiquer le lieu, l'heure, le jour, le mois, l'année.)

     _Signature des témoins._


     Les témoins de M. M***       Les témoins de M. N***

          A.                           C.
          B.                           D.


=Observations.=--Dans la réunion des témoins, si les témoins d'un
champion déclarent qu'ils refusent en vertu d'une question préalable
(indiquer les motifs), les témoins en dressent procès-verbal et, bien
entendu, le procès-verbal n'est alors composé que d'une seule partie.

Si les témoins jugent à propos de suspendre la séance pour prendre de
nouvelles informations, ils doivent l'indiquer, ou désigner l'heure de
l'interruption et ensuite l'heure de la reprise, et pour le reste
suivant le parag. 2.

Si les témoins tombent d'accord sur un projet d'arrangement, ils
l'indiquent au parag. 3 en en détaillant les conditions et en faisant
connaître s'il est accepté ou refusé par les parties ou par l'une
d'elles.

Si après quelque temps les témoins jugent convenable de faire reposer
les champions, ils doivent le mentionner en déterminant le temps du
repos accordé.

S'ils jugent à propos de faire terminer le combat, les champions
s'étant battus bravement, l'indiquer. En cas de refus de la part de
l'un des champions, ou de la part de tous les deux, le mentionner.

Si la blessure reçue n'est pas assez sérieuse, suivant la gravité de
l'affaire ou les conditions établies, les témoins doivent le déclarer
et motiver ainsi la continuation du combat.

Si pendant le combat les témoins remarquent quelque irrégularité,
violation des règles du duel ou des conditions établies, ils doivent
faire cesser le combat et dresser procès-verbal suivant les
prescriptions du chapitre IV.

[Illustration]



_Au delà de la vie._

_Les coutumes du deuil._


Aussitôt le décès, on doit fermer les yeux du mort, étendre ses
membres avant le refroidissement.

La loi défend de déranger le corps.

On fait la toilette du défunt, on le change de linge, on l'enveloppe
dans le drap qui lui servira de linceul, en ayant soin de laisser le
visage découvert; on allonge les membres avant que la rigidité
cadavérique ne s'y oppose.

Les catholiques mettent un crucifix sur la poitrine du défunt, plus
une branche de buis; sur une petite table recouverte d'une serviette
blanche, on pose un crucifix et deux bougies allumées; puis de l'eau
bénite dans une soucoupe avec un rameau de buis, afin que les
personnes qui viennent visiter le mort puissent jeter sur lui l'eau
sainte.

On doit veiller le mort nuit et jour; un fauteuil est placé auprès du
lit pour le veilleur; souvent, on charge de ce soin deux religieuses.

On doit éteindre le feu, quelle que soit la saison; certains médecins
s'opposent à cela, craignant que l'intensité du froid n'empêche un
retour à la vie.

La toilette du défunt est toujours faite soigneusement, de tous temps
on a paré les morts, et les fleurs ont toujours joué un grand rôle
dans les cérémonies funèbres.

Les bouquets, les couronnes se mettent sur le lit, jamais dans des
vases.

Il est utile de dire que le parfum des fleurs hâte la décomposition du
corps.

Chez les Romains et chez les Grecs, les pavots, emblèmes du sommeil,
couronnaient les morts; les vierges avaient des guirlandes de roses
sauvages mêlées à leur chevelure éparse.

Les parents et les amis font en général une visite au mort, voulant
revoir une dernière fois celui qui va disparaître pour jamais.

Le savoir-vivre veut qu'on envoie des gerbes de fleurs, des couronnes
funéraires, seul présent qu'on puisse faire. Si on ne veut pas de
fleurs naturelles qui durent trop peu, qu'on prenne des fleurs
artificielles bien fines.

On doit aller à la mairie de son arrondissement faire la déclaration
du décès.

Le médecin de l'état civil vient faire la visite; cette visite ne peut
avoir lieu avant que six heures se soient écoulées depuis le décès;
elle doit être faite dans les vingt-quatre heures, à moins qu'on ne
réclame la mise en bière d'urgence, auquel cas le médecin vient de
suite, et on en réfère au commissaire de police.

L'on doit présenter au médecin les ordonnances et lui donner tous les
renseignements qu'il demande; si la mort est naturelle et qu'il juge
que rien n'empêche de procéder à l'inhumation, il en prévient la
famille.

Dans le cas où le médecin remarquerait quelque chose d'anormal, il
doit faire un rapport au commissaire de police.

Depuis peu, dans les cas de mort causés par des maladies infectieuses,
le médecin doit signaler ces maladies, sous peine d'amende.

Après la visite du médecin de l'état civil, un parent ou un ami doit
retourner à la mairie avec deux témoins patentés pour faire dresser
l'acte de décès.

Il faut déclarer les nom, prénoms, âge, profession et domicile du
défunt et les nom, prénoms, âge, profession du conjoint, fût-il
également défunt.

Pour le service funèbre, mieux vaut selon nous s'adresser à une de ces
maisons spéciales qui, moyennant un prix fixé d'avance, s'occupent de
tout et vous débarrassent des soucis matériels si pénibles en ces
tristes moments; on vous envoie les lettres timbrées, vous n'avez plus
qu'à mettre les adresses.

Disons à ce propos qu'un livre d'adresses devrait toujours exister
dans chaque famille; on le trouve fort utile dans les circonstances
tristes ou gaies.

On doit envoyer des lettres de faire part à tous ses amis et
connaissances, ainsi qu'aux fournisseurs.

Si le défunt appartenait à l'armée, ou s'il a quelques titres aux
honneurs militaires, on prévient l'état-major de la place, en
indiquant l'heure des funérailles; des soldats rendent au mort lesdits
honneurs.

Les décorations du défunt sont posées sur la bière; de même cordons,
épée, épaulettes, armes; toque; rochet et étole, si le mort est membre
du clergé.

On éloigne les enfants des maisons mortuaires, où l'usage exige qu'on
parle très bas.

Si on veut transporter le corps soit dans un autre cimetière que celui
de l'arrondissement, soit dans une autre ville, on doit demander la
permission au maire, lequel la demande au préfet.

Les amis se réunissent à la maison mortuaire sitôt le corps exposé.
Dans ces tristes circonstances, les paroles sont inutiles et les
phrases banales doivent être soigneusement évitées; elles agacent et
irritent le chagrin.

Une simple poignée de main, un mot ami, un baiser, selon le degré
d'intimité, sont les seules manifestations qu'on doive se permettre
pour montrer qu'on s'associe à la douleur des parents.

Les femmes ne sont pas forcées d'aller à la maison mortuaire; elles
peuvent se rendre directement à l'église.

On met un registre chez la concierge, à Paris, et dans une pièce en
bas, en province; chaque assistant vient signer.

Tous les parents du mort doivent être en grand deuil.

On expose le corps sous la porte et les domestiques en deuil, avec
nœuds de crêpe, sont rangés autour du cercueil avec des religieuses,
ou une garde.

Les bouquets tout blancs sont réservés aux enfants et aux jeunes
filles.

On ferme les volets de la pièce où on reçoit les invités.

Lorsque le maître des cérémonies annonce le départ, on se met en
route; ce sont les proches parents du défunt qui viennent après le
corbillard.

La tenue officielle était autrefois l'habit noir et la cravate blanche
ou la redingote; maintenant, pourvu qu'on soit en deuil, il n'y a plus
de règle stricte.

Les invités hommes viennent après les parents; ceux-ci doivent tenir
le chapeau à la main: en cas de grand froid ou d'excessive chaleur,
ils peuvent fort bien se couvrir, sitôt les premiers pas faits;
cependant, lorsque le corps est descendu du corbillard, tout le monde
se découvre.

Les femmes viennent après les hommes.

Si un domestique a à porter sur un coussin les insignes du mort, il
marche avant les parents, immédiatement après le maître des
cérémonies.

Si le défunt est officier, son cheval, couvert d'une housse noire, est
tenu en main; la voiture du mort suit également, lanternes allumées et
crêpées.

L'usage veut maintenant que les femme, filles, mère du défunt
assistent à l'enterrement; je trouve cela cruel, car, sous prétexte de
rendre les derniers devoirs, on impose une vraie torture à une
poignante douleur.

Les hommes vont bien jusqu'au bout, objectera-t-on: soit, mais ils
sont moins nerveux, plus capables de résister au chagrin.

Enfin, je voudrais qu'on revînt à la coutume ancienne qui faisait
rester les veuves, les mères, les filles au logis avec quelques amies
dévouées.

A l'église, les hommes se placent du côté droit, les femmes du côté
gauche; dans le cas où il y aurait trop d'hommes, les femmes devraient
abandonner la nef et se réfugier dans les bas côtés.

Le cérémonial des funérailles varie suivant les climats, les coutumes.

Dans certains pays, le mort est porté à visage découvert; dans
d'autres, il est placé sur une civière. En Bretagne, un peu partout,
il y a des coutumes locales fort curieuses.

Chez les Indiens, on met un petit vase rempli d'eau et un petit sac de
grains auprès du mort.

Parler pendant un enterrement, se retourner est souverainement
inconvenant.

On ne peut exiger des simples assistants qu'ils soient vêtus de deuil,
mais une femme qui assisterait à des obsèques avec plumes roses au
chapeau, ou un homme avec pardessus mastic, manquerait totalement de
savoir-vivre.

Lorsqu'on va faire l'aspersion d'eau sainte sur le catafalque, on
offre le goupillon avec un léger salut de la tête à la personne qui
vient immédiatement après vous; celle-ci remercie de même, aucune
parole ne doit être échangée.

A Paris, la cérémonie religieuse terminée, les parents qui mènent le
deuil (je parle des hommes bien entendu) se mettent au bas de
l'église; là les invités, qu'ils aillent au cimetière ou non, viennent
leur serrer la main.

La même cérémonie se renouvelle au cimetière, après la mise en terre.

Si le défunt ou la défunte n'a pas de parents proches, c'est un ami
qui mène la cérémonie et qui reçoit les salutations des invités.

Lorsqu'il y a des voitures de deuil pour aller au cimetière, les
femmes montent dedans; les hommes suivent à pied.

Lorsqu'il y a les cordons du poêle à tenir, on choisit les quatre
personnages les plus importants de l'assistance pour cela.

Avant, à Paris, dans la classe ouvrière, on faisait porter les cordons
du poêle ou les coins du drap par de petits garçons gantés de blanc,
ou par de petites filles, avec robe et voile blancs.

Cette poétique coutume s'est conservée dans certaines villes du Nord.

Si le chef de l'État a envoyé un représentant, celui-ci passe dans le
cortège avant la famille; de même sa voiture suit immédiatement celle
du mort.

Les députations précèdent aussi les parents.

On n'est pas tenu d'aller jusqu'au cimetière; les parents et les amis
intimes y sont seuls forcés.

Il faut l'autorisation de la famille pour pouvoir prononcer un
discours au cimetière.

Ce discours ne doit pas être trop long.

Aucun applaudissement ne peut l'accueillir; on doit observer un grand
recueillement.

On peut faire reconduire les assistants par les voitures de deuil;
dans ce cas, les personnes ainsi reconduites donnent un pourboire au
cocher.

Chez les protestants, la cérémonie funèbre a lieu à domicile, dans la
chambre où le défunt est exposé.

Il y a beaucoup de lumières et des fleurs seulement sur le cercueil.

Certaines sectes protestantes interdisent les fleurs, même pour les
jeunes filles.

Arrivé au cimetière, le pasteur prononce un discours.

Chez les Israélites, il existe une société pour les inhumations. On
prévient la société, qui envoie des gardes pour veiller le mort; on le
lave, selon les prescriptions de la loi judaïque.

Le jour de l'enterrement, le rabbin vient avec des enfants de chœur
prendre le défunt pour le conduire au cimetière; là, il dit des
prières et fait un discours.

Il est dit des prières pendant huit jours et les proches parents mâles
du défunt y assistent.

Pendant tout le cours de la cérémonie, les assistants gardent le
chapeau sur la tête.

Lorsqu'on emmène un corps pour l'inhumer dans un autre pays, il est
d'usage que la famille fasse célébrer un nouveau service funèbre et
qu'elle y assiste.

Pendant le temps qu'un mort est dans une maison, les repas sont des
plus sommaires; la table n'est pas dressée comme de coutume.

Les religieuses ou les gardiens du corps doivent manger à part.

Chez les Israélites, l'usage veut qu'après la mort d'un proche les
hommes soient un mois sans se raser.

Le mot deuil signifie douleur.

En effet, ces crêpes noirs, signes extérieurs de la douleur, sont
d'une tristesse lugubre, et lorsque dans la rue on rencontre une femme
long voilée, la pensée s'attriste au souvenir des deuils d'êtres
chers, enlevés par la «noire voleuse».

Les deuils maintenant sont bien moins rigoureux qu'auparavant.

Ainsi le châle noir en pointe qui était obligatoire pendant un an pour
la veuve, n'est plus porté que six semaines, et pour les autres deuils
on ne l'arbore plus que le jour de la cérémonie funèbre. Il est
remplacé par des manteaux longs, de formes diverses, garnis de crêpe
anglais.

Je parle pour Paris et les grandes villes; dans certains pays, il est
d'anciens usages toujours en vigueur.

Le deuil avait autrefois des longueurs exagérées; ce n'est que sous le
Régent et par ordre de la duchesse de Berry qu'il fut réduit de
moitié.

Dans l'ancien temps, on portait un deuil de père à la mort du fils
aîné.

Pour les tout petits enfants, le deuil se porte en blanc avec ceinture
noire.

Les collégiens portent un crêpe au bras gauche.

Les ecclésiastiques portent un crêpe au chapeau, mais ils y adjoignent
souvent le crêpe au bras gauche, comme les officiers qui, en outre,
portent un nœud de crêpe à la garde de leur épée.

A ce propos, disons que le seul crêpe à l'épée est porté pour un deuil
public.

Dans les grandes maisons, les domestiques portent le deuil aussi
longtemps que les maîtres; dans les petites maisons, où il n'y a
qu'une bonne, on se contente de lui interdire les couleurs criardes,
voyantes.

Toute personne faisant partie d'un cortège de noce doit laisser le
grand deuil pour ce jour.

Mieux vaut pourtant s'abstenir d'y paraître, à moins qu'une proche
parenté ne vous y oblige.

Lorsqu'un deuil atteint les futurs époux quelques jours avant le
mariage et qu'on ne peut reculer la cérémonie, on la célèbre sans
éclat; pas de fleurs, pas de lumières, sauf les douze cierges
réglementaires allumés; il n'y a pas de garçon d'honneur, ni de
demoiselle d'honneur; les orgues sont muettes et la messe dite à une
heure matinale.

L'usage veut que le veuf ou la veuve qui se remarient avant
l'expiration du deuil quittent ce deuil le jour du mariage et le
reprennent dès le lendemain. Ce cas est extrêmement rare.

Cette coutume n'est heureusement pas suivie, car l'homme peut se
remarier un mois après la mort de sa femme et la femme dix mois après
la mort de son mari.

On voit des hommes avec des pardessus mastic porter une large bande de
drap noir au bras gauche, en signe de deuil; c'est peu distingué.

Quelques familles catholiques, s'autorisant de ce que l'Église ne
célèbre qu'une messe d'ange pour les enfants décédés avant sept ans,
ne portent pas le deuil avant cet âge.

L'on ne prend pas le deuil d'un enfant mort quelques jours après sa
naissance et l'on peut se dispenser d'envoyer des lettres de faire
part.

Le savoir-vivre voudrait que les artistes ne parussent pas en public
pendant les quinze premiers jours de grand deuil.

Cet usage est difficile à observer.

Le deuil de veuve devrait, d'après les codes du savoir-vivre, durer
deux années pleines, mais on ne le porte généralement que dix-huit
mois: six mois de grand deuil, six mois de deuil en soie noire et six
mois de demi-deuil.

On peut même ne le porter qu'un an et six semaines.

A Paris, les solitaires aux oreilles se reportent au bout de six
semaines, sous prétexte que le diamant est deuil.

Il y a des villes du Midi où la veuve est forcée de porter de
l'indienne noire, rayée blanc, pendant six semaines; elle prend
ensuite la robe de laine noire.

Voici ce qui se porte d'ordinaire pour les six premiers mois:

Robe de laine unie (le cachemire de préférence) ou garnie de larges
biais de crêpe; le châle noir, _mis en pointe_ pendant six semaines;
après, long manteau garni de crêpe anglais; chapeau de crêpe anglais
avec long voile, également en crêpe anglais, tombant sur le visage,
pendant six semaines; ensuite, on porte le voile rejeté en arrière et
une voilette en tulle noir uni, avec bordure de crêpe anglais; gants
de soie ou de laine, bas de fil ou de laine noire, au bout de trois
mois; gants de Suède noirs; bijoux de bois durci.

On porte maintenant de petits dépassants blancs sous le chapeau.

En Angleterre, le deuil est porté avec un chapeau de crêpe et des
roses _rouges_.

Il fut un temps où le deuil était porté en blanc, dans notre pays.

En Chine, le deuil se porte en jaune et les avis mortuaires sont
écrits sur papier jaune.

Le deuil de veuf se porte un an; on le prolonge un peu.

Revenons au deuil de veuve.

Au bout de six mois, la grenadine, la gaze, les étoffes légères font
leur apparition; on peut sortir avec un petit manteau; le voile est
plus court.

Je lis, avec stupéfaction, dans un traité de savoir-vivre, qu'on peut
porter ses diamants pendant le deuil si on a soin de les recouvrir de
crêpe, les boucles d'oreilles exceptées.

Les bottines et les souliers en chevreau glacé, les gants en chevreau
glacé, pareillement, ou en soie noire, les broderies de jais.

Ensuite vient l'ère du blanc et noir, puis, graduellement, le gris, le
mauve, le lilas, le violet, les dentelles blanches.

Eviter d'arborer du rouge ou du rose immédiatement en sortant du
deuil.

Une femme qui a perdu son mari fait abandonner la livrée à son cocher
pendant toute la durée du deuil. Il doit être vêtu de noir, avec
cocarde de crêpe au chapeau.

Les cartes de visite sont lisérées de noir. On ne met pas dessus:
Madame veuve H...., ou: Madame Vve L....; on ne prend le titre de
veuve que dans les actes notariés. On n'écrit pas à la veuve en lui
donnant ce titre.

De même en la présentant, on ne dira pas: Madame veuve une telle.

Lorsqu'on parlera d'elle, on dira: Madame X., qui est devenue veuve;
ou, mieux: qui a perdu son mari.

Le grand genre veut qu'on dise pour une femme veuve titrée, qui a un
fils: Madame la baronne douairière de.....

Les époux, même séparés judiciairement, doivent porter les deuils qui
les atteignent réciproquement.

A plus forte raison pour les ménages unis; on porte le deuil de ses
beaux-parents aussi rigoureusement que des siens propres.

Les parents ne sont pas astreints à porter le deuil de leurs enfants
et petits-enfants, mais nul ne s'en dispense, car, pour n'être pas
obligatoire, c'est le deuil le plus cruel et je ne sache pas que mère
ayant perdu son fils reporte de sitôt les couleurs gaies.

Les oncles et tantes peuvent se dispenser de porter le deuil de leurs
neveux et nièces; hors Paris, cela ne peut guère se faire.

Le deuil de grand-père et grand'mère: six mois.

Frère et sœur: six mois.

Beau-frère et belle-sœur: six mois.

Oncle et tante: trois mois.

Cousin germain: six semaines (ne se porte généralement pas).

On signale dans les traités de deuil ceux de tuteur, de parrain, de
marraine, comme devant durer trois mois, mais je n'en ai jamais vu
porter, pas plus que ceux de cousin issu de germain, qu'on porte à
trois semaines, et celui d'oncle à la mode de Bretagne, qu'on cote
onze jours.

Un parent qu'on n'a pas mentionné dans une lettre de faire part de
décès, peut ne pas porter le deuil; mais cette petite vengeance est
mesquine.

Ceux qui héritent d'une somme importante venant d'un étranger feraient
bien de prendre le deuil. A propos des enterrements, j'ai omis de dire
que, une dizaine de jours après, des cartes, mentionnant les proches
parents du défunt, devaient être envoyées à ceux qui ont assisté aux
obsèques. Voici comment ces cartes se libellent:

     Monsieur Gérout
     Madame Simon, née Gérout
     Mesdemoiselles Blanche et Suzanne Gérout

Les deuils d'amis ne se portent pas et pourtant souvent ils vous sont
plus pénibles que ceux de parents indifférents.

Pendant la première moitié du deuil, on se prive de tous plaisirs, de
toutes distractions; on peut, après, reprendre sa vie ordinaire en
graduant intelligemment les nuances; ainsi on peut fort bien se faire
voir au Théâtre-Français et il serait de mauvais goût d'être aperçu
dans un théâtre de genre léger.

[Illustration]



_Les lettres de décès._


Pour les lettres de mort il y a deux genres, comme pour celles de
mariage; d'abord les lettres d'invitation à la cérémonie mortuaire,
puis les simples lettres de faire part, pour les personnes habitant
très loin et qu'on n'envoie qu'une quinzaine de jours après le décès.

Le savoir-vivre voudrait qu'on n'énumérât pas les titres des parents
faisant part, mais on ne les omet jamais, et «chevalier de la Légion
d'honneur» figure toujours en bonne place.

Par exemple, aller chercher les très lointaines alliances qui peuvent
vous faire honneur est condamnable.

Pour le défunt, tous ses titres, toutes ses qualités doivent être
énumérés.

Les amis intimes doivent être avisés verbalement ou par lettre de la
mort de la personne.

Dans les lettres de faire part, les femmes figurent et les parents
énoncent tous leurs titres.

On répond à cette lettre par une carte de visite ou par une courte
lettre.

Lorsqu'on ne peut assister à un enterrement, on doit envoyer sa carte
avec quelques mots mentionnant l'empêchement.

Les lettres de décès s'adressent sous bande ou seulement pliées.



_Les visites de condoléance._


Les visites de condoléance devraient se faire dans les quinze jours
qui suivent l'enterrement et non dans les six semaines, ainsi que
l'indiquent certains traités de savoir-vivre.

Je trouve qu'on ne peut marquer trop d'empressement envers ceux qui
sont dans le chagrin et les amis intimes ne devraient pas connaître
les limites de temps.

Si on vous dit que l'on n'est pas visible, il serait de mauvais goût
d'insister.

S'habiller en tenue de gala pour faire une visite de condoléance n'est
pas possible.

On doit avoir une tenue grave.

Les enfants ne doivent jamais être emmenés dans ces sortes de visites.

Il faut rester peu de temps et ne jamais parler du défunt le premier,
mais on doit écouter tout ce qui nous en est dit avec grande
attention.

Les visites sont épineuses à rendre, il ne faut pas trop insister sur
la perte éprouvée, et ne pas la passer sous silence; ne pas entamer de
conversations légères avec les personnes qui peuvent se trouver là.

Les personnes en deuil ne rendent les visites que six semaines après.
Dans le Nord, on avait coutume d'envoyer des images de deuil avec les
nom, prénoms, âge, qualités du défunt et des versets de la Bible; je
ne sais si cette coutume existe encore.

Lorsque vous habitez la campagne et que des personnes se sont
dérangées pour venir de loin rendre les derniers devoirs à votre
parent, vous ne pouvez les renvoyer à jeun, mais tout luxe, tout
superflu, toute bonne chère doivent être bannis de ces tristes repas,
qui ne se prolongent jamais.

Le vin ordinaire y est seul servi.

Les proches parents n'y assistent pas: c'est un ami ou un parent
éloigné qui doit présider.

[Illustration]



_Les fleurs._


Les fleurs que nous offrons aux êtres aimés que nous avons perdus, les
divines filles de la terre, ces fées odorantes, ont pris droit de cité
chez nous; on en trouve dans tous les logis, depuis le modeste bouquet
de violettes d'une Jenny l'ouvrière jusqu'à la superbe orchidée d'une
duchesse. Des plantes bien solides, sont les _aspidistras_; presque
sans soins, arrosées par-ci par-là d'un peu d'eau, elles peuvent vivre
durant plusieurs années, et si elles ne sont pas très jolies, elles
donnent toujours de la verdure.

Le caoutchouc, vilain selon moi, n'est plus en vogue.

Les araucarias tiennent le record de l'élégance; aussi on les
enrubanne comme des conscrits.

Rien de plus joli que cette délicate verdure où on enlace des rubans:
rubans de satin jaune et rouge, couleurs espagnoles, dont les tons
chauds relèvent la teinte du feuillage; on fait passer les rubans en
mirliton et, à la base et au sommet, on forme deux nœuds à pans.

Les teintes pompadour, ciel et rose, le mauve, le crevette, le
vert-nil sont des couleurs à prendre; le grenat blanc, le bleu marine
ne sont pas si charmants.

Il est tant de variétés de fleurs et de plantes qu'on ne saurait les
énumérer.

Les fougères encadrent joliment le pied des palmiers et les palmiers
eux-mêmes sont ravissants posés derrière une statue de marbre ou de
terre cuite; leurs larges feuilles en éventail font ressortir à
merveille une œuvre d'art et le plus modeste bronze acquiert du
relief par le voisinage d'une plante.

Les palmiers phénix font très bien dans les encoignures.

Les camélias garnissent les grandes vasques de Chine.

Les bruyères remplissent les jardinières basses.

La mode n'est plus de faire pousser les oignons de jacinthes ou de
tulipes; je le regrette, car c'était un vrai plaisir de suivre, jour
par jour, l'éclosion de cette première fleur au parfum si doux et si
pénétrant à la fois.

Les toutes petites plantes grasses remplissent les toutes petites
jardinières, japoneries, vieux sèvres, cristal, semées çà et là dans
un salon.

Lorsqu'on vous offre un bouquet, votre premier soin doit être de le
«délacer», c'est-à-dire de le débarrasser de la ficelle, des brins qui
le serrent et le gênent, puis vous _cassez_ les tiges.

Notez que je dis _casser_ et non couper; en coupant, la section, très
nette, se cicatrice et empêche la fraîcheur de l'eau de revivifier les
fleurs, tandis qu'en cassant, l'effet se produit.

Les bouquets ronds ne se font plus guère; ce sont maintenant des
gerbes lâches, souples et flexibles, où il entre moins de fleurs et
qui sont bien plus parantes et jolies.

Pourquoi laisser au salon, au boudoir le bouquet de fleurs? Placez-le
donc sur la table, au déjeuner, au dîner, tout le monde en aura la
joie.

La matière du vase importe peu, qu'il soit en grès vulgaire, en
cristal de roche, en émail cloisonné, pourvu que la forme en soit
élégante.

Je respecte tellement les fleurs, je les aime si fort, qu'il m'arrive
de les caresser d'un effleurement discret, aussi bien la rose de Noël
douce et rosée que la giroflée de muraille, ce lilas du pauvre.

Pour les petits bouquets, il est des vases à cinq places qui forment
un gentil milieu de table.

Rien de joli comme une branche de lilas blanc avec un feuillage d'un
vert tendre, dans un cornet de cristal rose.

Les anémones doubles déployant et reployant leurs corolles, semblables
à des collerettes finement plissées, sont des fleurs bien économiques,
eu égard à leur durée: un bouquet peut, avec quelques soins, exister
huit jours; c'est long, pour une vie de fleur.

Le houx, aux rouges baies, scintillantes comme des perles de corail
d'un collier d'Italienne, avec son feuillage piquant, ayant l'air
d'être verni, fait de jolies corbeilles et dure longtemps; on ne le
met pas dans l'eau, on le pique dans du sable humide.

Le _gui_, si en vogue depuis quelques années, est appelé porte-bonheur
par les petits marchands qui le crient dans les rues: est-ce parce
qu'il nous vient des druides?

Quoi qu'il en soit, ses baies, d'un blanc cireux, sont admirées et la
branche de gui, coutume anglaise, se suspend, en compagnie de la
branche de houx, au lustre du salon, vers le temps de Noël.

Pour les dîners de Noël, les réveillons, on voile discrètement la
lumière de la suspension par des entrelacements de gui et de houx;
l'effet est fort joli.

Lorsqu'on a un arbre de Noël à faire et qu'on n'y veut suspendre que
des présents légers tels que: éventails, dentelles, bijoux, fleurs,
une forte branche de houx peut très bien remplacer le sapin
légendaire.

Des fleurs ravissantes sont les chrysanthèmes, avec leurs teintes
irréelles et leurs échevèlements fantastiques; en sachant marier les
nuances, on obtient des effets imprévus, d'une richesse de coloris
inouïe.

Pour les très grosses plantes, on a des vasques en porcelaine du Japon
ou des bacs en chêne, cerclés de nickel.

On peut, pour les grandes gerbes de fleurs coupées, se servir des
lotus japonais, qu'on emploie comme porte-parapluie; les tiges y sont
à l'aise et trempent largement.

Les fleurs des champs sont en vogue et le bleuet fleurit plus d'une
boutonnière d'élégant.

Pour les fleurs à la boutonnière que les hommes ont coutume de mettre
à leur revers d'habit, il existe de petits tubes, qu'on remplit d'eau;
la tige de la fleur y trempe et se tient ainsi fraîche toute une
soirée.

Les fleurs, pour boutonnière du soir, sont toujours le camélia et le
gardénia.

Si une femme a un bouquet à mettre au corsage, elle doit le placer au
côté gauche de la ceinture, ou à l'encolure de la robe, au côté gauche
du cou et non au milieu de la poitrine.

Les bouquets de fleurs qu'on trouve à sa place dans certains dîners
doivent avoir les tiges enveloppées de papier d'argent.

Pour un dîner de noce, une légère guirlande de fleurs d'oranger
courant sur la nappe est fort joli.

La mode des tables entièrement recouvertes de fleurs se répand un peu
partout; à la campagne, il est si aisé et si peu coûteux de le faire
qu'on aurait tort de ne pas suivre cette jolie et poétique innovation.

Pour un dîner de première communion, les fleurs qui ornent la table
doivent être blanches.

La décoration florale pour un évêque doit être violette, à l'exclusion
des pensées qui sont fleurs de deuil.

Pour un cardinal, les fleurs rouges.

[Illustration]



_Conseils pratiques._

_Instruction des enfants et des jeunes gens._


Ayant énuméré simplement nos coutumes françaises, nous croyons utile
de consigner ici les principaux renseignements relatifs à
l'instruction et des jeunes gens et des enfants.

Grave question pour laquelle toutes les réflexions sont nécessaires,
mais les conseils inutiles, parce que tout dépend de la situation
qu'on occupe et des ressources que l'on a.

Nous nous contenterons donc d'une simple liste des établissements où
s'instruit et se forme notre jeunesse.


_Instruction primaire.--Instruction secondaire.--Instruction
supérieure._

=Instruction primaire.=--Le père, tuteur ou personne ayant garde de
l'enfant doit, quinze jours avant la rentrée des classes, faire savoir
au maire s'il fait donner l'instruction dans une école publique ou
privée.--Dans ce dernier cas, il faut indiquer l'école choisie.

Si l'on envoie l'enfant à l'école, voici où l'enseignement primaire
public se donne:

1º =Dans les écoles maternelles et les classes enfantines.=--Dans les
écoles maternelles, les enfants sont reçus de deux à six
ans.--L'enfant est reçu sur la présentation d'un billet d'admission
signé par le maire, et un certificat du médecin légalisé constatant
qu'il n'a pas de maladie contagieuse et est vacciné.--Dans les classes
enfantines, l'enfant est reçu de 4 à 7 ans.

2º =Écoles primaires élémentaires.=--Cette instruction comprend:

     L'enseignement moral et civique;
     Lecture, écriture;
     Langue française;
     Calcul;
     Histoire et géographie;
     Leçons de choses;
     Éléments du dessin et du chant.
     _Pour les filles_: Travaux à l'aiguille.
     _Pour les garçons_: Exercices militaires.

Cette instruction est obligatoire pour tout Français et gratuite. Pour
faire inscrire l'enfant dans une école, en faire la demande au maire
sur papier timbré à 60 cent.--L'enfant y reste jusqu'à treize ans au
plus, pour passer son certificat d'études primaires élémentaires.--Les
épreuves sont les suivantes:

     Pour l'écrit:
     1º Une dictée d'orthographe (15 lignes au plus);
     2º Deux questions d'arithmétique;
     3º Une rédaction française du genre simple.
     N. B.--Les épreuves écrites sont éliminatoires.

     Pour l'oral:
     1º Lecture française expliquée;
     2º Questions d'histoire et de géographie.


Pour être reçu, il faut obtenir au moins un total de 30 points pour
les garçons, de 35 pour les filles.

Il existe enfin des écoles primaires supérieures qui comportent deux
années d'études. Il faut pour y être inscrit justifier du certificat
d'études primaires. (Voir pour plus de renseignements le programme des
écoles primaires supérieures.) Le prix de la pension varie de 400 à
500 francs; celui de la demi-pension, de 250 à 300 francs.

=Enseignement secondaire.=--Peut être donné de deux façons, en suivant
soit l'enseignement classique, soit l'enseignement moderne.

=Enseignement classique.=--Se donne dans les lycées ou collèges à
partir de la sixième. L'élève suit la division de grammaire jusqu'en
troisième, puis la division supérieure jusqu'en rhétorique; arrivé à
la fin de cette classe, il doit passer la première partie du
baccalauréat, dont voici le programme:

                                                    Minimum à obtenir.

   _Écrit._--Discours français                           10 points
     --    Version latine                                10   --
   _Oral._--Français: explication des principaux
            auteurs, Racine, Corneille, etc.             10   --
     --   Latin: traduction et explication à
            livre ouvert d'un texte                      10   --
     --   Grec: traduction et explication à
            livre ouvert d'un texte                      10   --
     --   Histoire: de 1610 à 1789 et géographie
            de la France                                 10   --
     --   Allemand: traduction d'un texte et
            conversation                                 20   --
     --   Mathématiques, arithmétique, géométrie,
            algèbre (jusqu'aux équations
            du 2e degré), cosmographie                   10   --
                                                        ----------
                            Total                        90 points.


Après ce premier examen passé, l'élève doit choisir entre trois voies,
soit la philosophie, soit les mathématiques, soit les sciences
naturelles.

PHILOSOPHIE.

                                                    Minimum à obtenir.

   _Écrit._--Dissertation française                      20 points
   _Oral._--Explication d'auteurs philosophiques
            français, grecs ou latins et                 10   --
            interrogations
     --   Histoire: De 1789 jusqu'au 1er juillet
            précédant l'année de l'examen                10   --
     --   Sciences naturelles, physiques et
            chimiques                                    20   --
                                                       ----------
                           Total                         60 points.

MATHÉMATIQUES.

   _Écrit._--Problèmes de mathématiques, question
             de cours.--Problème de
             physique                                    20   --
   _Oral._--Philosophie                                  10   --
     --   Histoire: comme pour la philosophie            10   --
     --   Physique et chimie                             20   --
                                                       ----------
                           Total                         70 points.

SCIENCES NATURELLES.

Pour suivre ces études il faut aller à la Faculté des sciences. Voici
le programme: physique, chimie, botanique, zoologie, travaux pratiques
sur toutes ces matières.

Les formalités à remplir pour l'inscription sont les suivantes:
Présenter sur papier timbré à 60 cent. la demande légalisée par le
maire d'être inscrit, avec l'autorisation des parents si le candidat
est mineur et avec un extrait de l'acte de naissance.--Pour la 2e
partie, y ajouter le certificat d'admission à la 1re partie. Et payer
les droits suivants:

Pour la première partie:

     Droits d'examen       30 francs
     Certificat            10   --
                           ----------
             Total         40 francs.

Pour la deuxième partie:

     Droit d'examen        30 francs
     Diplôme               50   --
                           ----------
             Total         80 francs.

=Enseignement moderne.=--Tend à se répandre de plus en plus, mais
n'ouvre que peu de carrières. Les matières sont les suivantes:
français, mathématiques, physique et chimie, sciences naturelles,
langue anglaise, langue allemande, philosophie, littérature, études
sur les auteurs grecs et latins. Les examens se passent à la fin de la
seconde et de la première moderne.--On trouve l'enseignement moderne à
Saint-Louis, à Voltaire, à Montaigne, à Michelet.


_Écoles du Gouvernement._

St-Cyr.

École militaire spéciale de St-Cyr, située à St-Cyr-l'École
(Seine-et-Oise).

Cette école est destinée à fournir des officiers pour l'armée de
terre. Jadis l'on pouvait, après ses deux années passées à St-Cyr et
une année de service comme officier, donner sa démission, mais il est
aujourd'hui fortement question d'imposer aux élèves de contracter un
engagement de dix ans.

Pour être admis à prendre part au concours d'entrée, il faut:

Avoir de dix-sept à vingt et un ans;

Être apte au service;

Enfin posséder un baccalauréat.

Il est nécessaire de se faire inscrire avant le 15 avril à la
préfecture du département où l'on étudie; les épreuves écrites
commencent vers le mois de juin dans 26 grandes villes. Ces épreuves
sont éliminatoires.

L'élève, une fois ces épreuves subies, est admissible; il doit ensuite
passer les examens oraux du premier degré pour être admissible. Les
examens oraux du second degré forment concours.

_Compositions écrites_:

     Composition française;
     Thème et version allemandes;
     Composition de mathématiques;
     Calcul logarithmique;
     Tracé d'une épure de géométrie descriptive;
     Dessin d'après la bosse;
     Copie ombrée d'un paysage;
     Dessin topographique d'une carte au 1/200 000.

_Épreuves orales_:

     Géométrie;
     Algèbre;
     Géométrie descriptive;
     Trigonométrie rectiligne;
     Mécanique;
     Physique;
     Cosmographie;
     Géographie;
     Histoire;
     Épreuves physiques--équitation, gymnastique, escrime.

Le prix de la pension est de 1000 fr., celui du trousseau de 600 à 700
fr.

Le nombre des bourses et demi-bourses est illimité.


École Navale.

En rade de Brest.--_Le Borda._

Prépare les officiers de marine; on n'exige pas le baccalauréat pour y
entrer. La durée des études y est de deux ans, après lesquels l'élève
sort aspirant de seconde classe qui correspond au grade de
sous-lieutenant; le programme est à peu près le même qu'à St-Cyr.

Pour entrer sur le vaisseau-école, en rade de Brest, dit «Le Borda»,
les candidats doivent justifier, par la production de leur acte de
naissance, qu'ils sont Français et ont eu quatorze ans au moins, ou
dix-huit ans au plus le premier jour de l'an de l'année du concours;
présenter un certificat du médecin déclarant qu'ils ont été vaccinés
ou qu'ils ont eu la petite vérole et qu'ils n'ont pas d'infirmités les
rendant impropres au service.

Le prix de la pension est de 700 francs par an; le trousseau est d'une
valeur d'environ 1000 francs.

Les candidats doivent se faire inscrire du 1er au 25 avril à la
préfecture du département où ils ont leur domicile.

Ils sont examinés dans le chef-lieu d'examen le plus voisin de ce
domicile ou, à leur choix, au collège où ils ont fait leur éducation.

Les épreuves comprennent un examen oral et des compositions écrites
dont les matières sont indiquées par un programme spécial. Elles
commencent à Paris dans les premiers jours de juin et sont annoncées
dans le _Journal officiel_. Pour concourir au grade d'aide-médecin de
marine, il faut être Français, âgé de dix-huit ans au moins,
vingt-cinq ans au plus, être apte au service de la marine, justifier
de deux années d'études médicales, avoir satisfait à la loi du
recrutement.

Les candidats peuvent s'inscrire au secrétariat du conseil de santé
des ports de Brest, Rochefort, Toulon.


École des Ponts et Chaussées.

Rue des Saints-Pères, no 28.

Son but est de former des élèves nécessaires au corps des ingénieurs
des ponts et chaussés. Son programme est le suivant: la mécanique,
l'architecture, les mathématiques appliquées, la géologie, le droit
administratif, l'anglais, l'allemand, l'économie politique, etc.


École Polytechnique.

Rue Descartes, 41.

Forme des ingénieurs et des officiers d'artillerie et de génie. Le
programme est à peu près semblable à celui de St-Cyr, sauf pour les
mathématiques où il est beaucoup plus développé: toutes les
mathématiques spéciales y sont en effet comprises--le système
d'admission est le même, l'oral est à deux degrés--aucun baccalauréat
n'est exigé, mais sa possession donne un avantage de 50 points. La
durée des études est de deux ans.


École centrale des Arts et Manufactures.

Forme des ingénieurs civils. Le programme est semblable pour les
mathématiques à celui de Polytechnique, beaucoup moins chargé pour le
reste, la durée des études y est de trois ans--des examens
éliminatoires sont passés tous les trois mois: c'est la plus difficile
entre toutes les écoles du gouvernement.


École Normale supérieure.

Rue d'Ulm.

_Sciences._--Pour la partie mathématique elle est semblable à celle de
Centrale.--Physique et chimie, histoire, version latine, philosophie,
anglais ou allemand.

_Lettres._--Latin, grec, français, histoire, géographie, prosodie,
métrique, etc.

Pour s'y présenter il faut être bachelier complet; beaucoup de jeunes
gens sont d'ailleurs licenciés ès lettres ou ès sciences avant leur
entrée dans cette école. On y forme des professeurs pour les lycées du
gouvernement.


Sorbonne.

On peut aussi y préparer la licence, le doctorat, l'agrégation. On y
fait un grand nombre de cours parmi lesquels le candidat peut choisir.
Pour les connaître, consulter les affiches placées dans la salle des
Pas-Perdus de la Sorbonne ou dans le grand vestibule.

Les sciences et les lettres y vont de pair; les cours sont publics,
mais la plupart des conférences sont réservées aux étudiants.


Droit.

La durée des études y est de trois ans pour la licence, de cinq pour
le doctorat; le baccalauréat est exigé sauf pour le certificat. La
licence suffit pour être avocat. Les matières étudiées sont les
suivantes: droit pénal, droit civil, droit romain, code de procédure,
civile, criminelle, économie politique, histoire du droit.

Le doctorat en droit permet de ne faire qu'un an de service militaire.

[Illustration]



_Éducation physique._


Un professeur de l'Université de Princeton (Amérique) disait: «Je
préfère voir manquer à mes élèves une classe qu'une partie de
foot-ball». Sans aller aussi loin, il faut dire que l'éducation
physique n'est pas moins utile que l'éducation de l'esprit. Les
anciens les faisaient marcher de pair. Après avoir été longtemps
négligés en France les sports ont repris une grande importance. Voici
les principaux:

=Sports athlétiques.=--Une seule Union, l'Union des Sociétés
Françaises de sports athlétiques, 229, rue Saint-Honoré. Elle compte
139 sociétés. Elle est reconnue par les Sociétés de l'étranger. Les
principales sociétés sont: le Stade Français, deux fois victorieux
d'équipes anglaises de foot-ball, depuis deux ans club champion;
l'Union athlétique du Ier arrondissement, le Racing Club, etc.

=Sports pratiqués.=--Le foot-ball. Jeu d'origine française mais
transformé par les Anglais. Se joue avec un ballon de cuir. (Pour plus
de renseignements, voir le livre de M. Saint-Chaffray intitulé _Le
foot-ball_.)

La course à pied.--Le meilleur des sports et le moins coûteux à notre
avis. Quatre sortes principales de courses:

La course de haies sur 110 mètres avec 10 haies;

La course de vitesse sur 100 ou 150 mètres;

La course mixte sur 400 mètres, la course de fond à partir de 1500
mètres et le cross-country ou course à travers champs.

Sport vélocipédique.--Sport excellent mais beaucoup plus coûteux que
les précédents: nécessite non seulement la machine mais la piste. Les
principales pistes ou vélodromes sont: le vélodrome de l'Est, le
vélodrome Buffalo, le vélodrome de la Seine, le vélodrome d'Hiver;
enfin pour les jeunes amateurs le vélodrome de Courbevoie, qui
appartient au Stade français et à l'Association vélocipédique
internationale.

Sport nautique.--Un peu démodé à cause de la lenteur de
l'apprentissage; se pratique soit dans le bassin d'Asnières, soit dans
celui de Joinville-le-Pont.

Tels sont les sports les plus importants. Il faut citer aussi la
paume, le tennis, le patin, etc., mais ces sports ne sont pas aussi
pratiqués que les précédents.

L'épée et le fleuret méritent une mention spéciale, mais leur
apprentissage est long; d'ailleurs ils ne développent pas suffisamment
l'homme.

La gymnastique enfin. Un peu moins en usage mais toujours excellente.

Je terminerai cet exposé rapide par quelques conseils sur
l'entraînement. Les voici:

Boire le moins possible d'alcool.--Ne manger que des viandes
rôties.--Ne pas fumer.--Faire chaque matin un quart d'heure
d'haltères.--Beaucoup d'hydrothérapie.--En cas de fatigue, se
frictionner avec la composition suivante:

     50 gr. d'huile camphrée;
     16 gr. d'essence de térébenthine;
      5 gr. d'alcool camphrée.



_Modèles de lettres._


Nous avons, à travers les chapitres qui précèdent, conseillé quelques
formules épistolaires.

En voici d'autres qui peuvent être utiles; nous les transcrivons sans
aucune prétention. Chacun, aujourd'hui, doit savoir et sait écrire;
mais la consultation d'un «modèle» peut éviter un embarras ou une
perte de temps.


_Lettre de demande en mariage d'un monsieur d'un certain âge à une
    dame._

     Madame,

   Les quelques visites que j'ai eu l'honneur de vous rendre m'ont
   permis d'apprécier toutes vos qualités, et d'acquérir la
   certitude que vous possédez au plus haut degré toutes celles
   qu'il faut pour rendre la vie d'intérieur on ne peut plus
   agréable.

   Soyez bien persuadée, chère Madame, que de mon côté tous mes
   efforts tendront à vous donner le plus grand bien-être possible,
   et j'espère que mes soins et mon attachement seront pour vous un
   dédommagement à la grande estime et à l'affection que vous
   voudrez bien me témoigner aujourd'hui.

   J'ai donc l'honneur, bien chère Madame, de vous demander
   l'insigne bonheur de joindre ma vie à la vôtre par les liens du
   mariage.

   En attendant une réponse favorable, veuillez agréer l'expression
   de mes sentiments respectueux.

     Votre tout dévoué.


_Acceptation de cette demande._

     Monsieur,

   Je suis très flattée de la lettre que vous m'avez fait l'honneur
   de m'adresser. Je crois aussi avoir découvert chez vous de
   précieuses qualités, et je n'hésite pas à vous assurer que de mon
   côté tous mes efforts tendront à rendre la vie commune aussi
   agréable que possible.

   En attendant votre prochaine visite, veuillez agréer, Monsieur,
   mes bien sincères amitiés.


_Refus à cette demande._

     Monsieur,

   J'ai été très sensible à tous les bons sentiments que vous
   manifestez à mon égard, dans votre aimable lettre; mais, à mon
   bien grand regret, je ne puis donner suite à la proposition que
   vous me faites; l'état de ma santé d'un côté, et ma situation de
   fortune d'un autre élèvent entre nous un obstacle absolu.

   Encore une fois, Monsieur, veuillez croire à tous mes regrets, et
   agréez mes meilleurs sentiments.


_Lettre de jour de l'an d'un filleul ou d'une filleule, à son
    parrain ou à sa marraine._

     Mon bien cher Parrain (ou Ma bien chère Marraine),

   Le renouvellement de l'année me donne l'occasion de vous faire
   connaître une fois de plus tous les souhaits que je forme pour
   vous. Vous m'avez donné tant de preuves d'affection, que je
   serais bien ingrat de vous oublier; mon cœur est assez grand
   pour vous réserver une bonne place, et mon bonheur est complet si
   je vous sais en bonne santé. Aussi croyez bien que je fais, tous
   les jours, les vœux les plus sincères pour votre bonheur.

   En attendant l'heureux moment où il me sera permis de vous dire
   tout cela de vive voix, et de vous embrasser, recevez, cher
   Parrain (ou chère Marraine), les meilleurs et les plus affectueux
   compliments de votre tout dévoué filleul (ou toute dévouée
   filleule).


_Lettre d'un fils ou neveu, à son père ou à son oncle, pour lui
    annoncer son succès à un examen._

     Cher Père (ou cher Oncle),

   Je suis heureux de vous annoncer que je viens de subir avec
   succès les épreuves de mon examen. Ce m'est une bien grande joie
   de vous donner ainsi une preuve de ma reconnaissance, pour tous
   les dévouements que vous m'avez témoignés, tous les sacrifices
   que vous avez faits pour moi; j espère plus tard vous donner des
   marques plus sérieuses de l'affection que j'ai pour vous, et
   soyez certain que maintenant, comme avant, tous mes efforts
   tendront à me rendre digne du nom que je porte.

   En attendant, croyez à l'affection sincère de votre tout dévoué
   fils (ou neveu), qui vous embrasse mille fois de tout cœur.


_Lettre pour féliciter un parent, un ami, de l'obtention d'une
    marque distinctive quelconque_ (brevet, diplôme, décoration,
    etc.).

   J'ai été bien heureux, mon cher.......... d'apprendre votre
   nomination au grade de...... Certes personne ne méritait plus que
   vous cette marque honorifique; les services que vous avez rendus,
   le dévouement absolu que vous avez toujours montré, et enfin
   votre travail opiniâtre, plaident en votre faveur; mais
   néanmoins, eu égard aux compétiteurs, et à la faveur accordée à
   certains, au détriment des autres, il est très beau de ne devoir
   qu'à son mérite personnel (l'avancement ou la faveur accordée),
   et c'est votre cas.

   C'est donc, je le répète, avec bonheur que nous joignons nos
   félicitations sincères, et tous nos compliments, à ceux de tous
   vos amis.

   Nous espérons avoir le plaisir de vous voir très prochainement;
   en attendant, recevez, cher Monsieur, l'expression de notre
   profonde considération et de nos plus dévoués sentiments.


_Lettre de faire part de la naissance d'un fils ou d'une fille._

     Cher Ami,

   C'est avec la plus grande joie que je viens t'annoncer la
   naissance de notre petite bien-aimée Jeannette.

   Inutile de te dire que nous la trouvons très belle; elle est tout
   le portrait de son père; je crois même qu'il m'a déjà semblé
   reconnaître qu'elle aurait, tout comme sa bonne mère, un
   excellent caractère. En un mot elle est parfaite.

   La joie que j'éprouve en t'écrivant m'empêche de t'en dire plus
   long; espérant bien me dédommager à notre première entrevue, je
   termine en te disant tout simplement: La mère et l'enfant vont
   bien.

     Nos affectueux compliments.


_Lettre d'une petite fille à sa grand'mère pour lui souhaiter sa
    fête._

     Ma bonne Grand'Mère,

   Chaque année, je vois arriver avec la plus grande joie cet
   heureux jour. Si j'étais près de toi, je serais beaucoup plus
   heureuse; mais ne crains rien, ma bien chère bonne maman, la
   distance qui nous sépare ne fait que rendre plus vive l'affection
   que j'ai pour toi, et de loin comme de près, sois bien persuadée
   que tous mes vœux et tous mes souhaits sont pour toi; que je
   demande à Dieu tous les jours qu'il veuille bien te conserver en
   bonne santé, et surtout te faire vivre assez longtemps pour que
   tu puisses voir ta petite Alice grande personne et capable à son
   tour de te rendre tous les soins et toutes les bontés que tu n'as
   jamais cessé de lui prodiguer.

   Adieu, ma bien chère bonne maman, soigne-toi bien, et pense à ta
   petite-fille qui, elle, ne t'oublie pas et t'envoie mille
   baisers.


_Lettre d'invitation à une distribution de prix._

(Une famille à une autre.)

     Chers Amis,

   Samedi 28 courant, doit avoir lieu au collège la distribution des
   prix. Vous n'ignorez pas sans doute que cette solennité doit être
   présidée par monsieur le général de division X....., notre
   cousin. Je compte sur quelques succès pour mon fils, et ne vous
   cache point que je vous verrais assister avec bonheur à cette
   fête; j'aurai soin de vous faire réserver quelques fauteuils pour
   vous et vos amis.

   Veuillez agréer, chers amis, l'expression de nos meilleurs
   sentiments.


_Lettre d'invitation à dîner._

   Nous serions bien honorés, madame X. et moi, de vous avoir à
   dîner jeudi prochain, 17 courant; voici déjà longtemps que nous
   n'avons eu le grand plaisir de vous recevoir; aussi comptons-nous
   bien que rien ne vous empêchera d'être des nôtres, et sauf avis
   contraire de votre part votre couvert sera mis.

   Notre petite Jeanne se propose de vous faire entendre, après
   dîner, sa dernière création au piano; c'est un bien grand
   morceau!

   Madame X. se joint à moi, pour vous envoyer ses salutations
   amicales.


_Lettre de refus à une invitation à dîner._

     Chers Amis,

   Nous sommes désolés de ne pouvoir accepter votre aimable
   invitation du 17 courant. En outre d'une indisposition de mon
   mari, légère, Dieu merci, nous venons de perdre tout dernièrement
   une proche parente.

   Croyez à tous nos regrets, et veuillez, je vous prie, nous croire
   toujours vos meilleurs amis.

   Agréez l'expression de nos meilleurs sentiments.


_Lettre d'un jeune soldat à ses parents._

     Mes bien chers Parents,

   Quelques jours à peine de séparation me suffisent pour établir la
   différence entre ma vie actuelle et celle que je menais au milieu
   de vous. Certes mon intention n'est pas de me plaindre; je suis
   fier et heureux de remplir mon devoir, mais je n'en constate pas
   moins la dureté du service militaire, surtout si je la compare à
   l'existence de famille.

   D'ailleurs une année est bien vite passée, et j'ai déjà deux mois
   de service. Quoique bien éloigné de vous, mon cœur est resté au
   milieu de ma chère famille; je ne cesse de penser à vous, et de
   faire des vœux pour votre bonne santé.

   Vous trouverez ma lettre un peu courte, mais nous travaillons
   beaucoup, et n'avons que bien peu de loisir. J'attends
   prochainement mes galons de caporal, et pense bien que vous ne
   m'oublierez pas ce jour-là.

   Je termine en vous envoyant l'assurance de tout mon attachement,
   et les meilleurs baisers de

     Votre fils tout dévoué.


_Lettre de reconnaissance d'un malade à son médecin._

     Monsieur,

   Permettez-moi de vous adresser quelques lignes de remerciements,
   à vous, mon cher docteur, qui venez de me rendre à la vie en
   terrassant complètement le mal affreux dont je souffrais depuis
   si longtemps. Le dévouement que vous m'avez témoigné, les soins
   incessants que vous m'avez donnés, lorsque tant d'autres
   m'avaient pour ainsi dire abandonné, et enfin votre incontesté
   savoir, vous ont fait sortir vainqueur de la terrible lutte que
   vous aviez engagée contre la maladie qui m'accablait.

   C'est une nouvelle vie qui commence pour moi, et c'est bien à
   vous seul que je la dois; aussi longue qu'elle puisse être, je ne
   vous oublierai jamais, et ne saurais trop vous témoigner ma
   reconnaissance.

   Encore une fois, merci pour moi et pour ma famille.

   Veuillez recevoir l'assurance de la parfaite considération et des
   meilleurs sentiments de votre tout dévoué.


_Communication d'un baptême._

Une mère à son amie.

     Chère Madame,

   Enfin l'heureux jour que j'attendais avec impatience vient
   d'arriver; jusqu'à aujourd'hui, soit les maladies, soit le
   mauvais temps, nous avaient retardé pour porter sur les fonts
   baptismaux notre bien-aimée petite Jeannette, mais maintenant,
   grâce à Dieu, et notre bon docteur aidant, toutes les difficultés
   sont surmontées, et la cérémonie du baptême aura lieu jeudi
   prochain à dix heures, à Notre-Dame. Je compte bien que vous me
   ferez l'amitié d'y assister, et en attendant l'heureux plaisir de
   vous voir, nous vous envoyons, mon mari et moi, nos meilleures
   salutations.

_Lettre de communication de la mort d'un parent._

     Chère Parente,

   C'est avec la désolation dans le cœur, les larmes dans les yeux,
   que je viens vous annoncer une bien triste nouvelle: notre pauvre
   tante est décédée hier soir vers onze heures. Depuis quelques
   jours elle gardait le lit, atteinte d'une bronchite, qui sans
   nous donner des inquiétudes, nous tourmentait beaucoup; le
   docteur qui la soignait, et qui a été très dévoué pour elle, ne
   s'attendait pas à un si rapide dénouement; hier quelques instants
   avant sa mort elle a tous voulu nous voir autour d'elle, nous a
   tous embrassés, et sans aucune souffrance, elle s'est doucement
   éteinte dans les bras de mon pauvre mari.

   Nous sommes tous dans la désolation, c'est une perte irréparable
   pour nous.

   Excusez-moi, chère dame, de ne pas vous en dire plus long, et
   veuillez agréer l'expression de nos meilleurs sentiments.


_Lettre d'invitation à concourir à une œuvre de bienfaisance._

     Chère Madame,

   Samedi prochain a lieu la première réunion des dames patronnesses
   de l'Œuvre de la Crèche. Nous n'avons pas encore le bonheur de
   vous compter parmi nous, mais d'ores et déjà je vous inscris sur
   nos listes, ayant la certitude que vous voudrez bien nous honorer
   de votre présence à cette réunion.

   Vous savez qu'il s'agit de créer dans les montagnes d'Auvergne,
   c'est-à-dire au bon air, un sanatorium, pour les petits
   nouveau-nés abandonnés.

   En vous remerciant en mon nom, et au nom de l'Œuvre, agréez mes
   salutations empressées.


_Lettre de remerciements pour l'envoi d'un cadeau._

     Chère Madame et amie,

   Je suis vraiment confuse de toutes les attentions que vous voulez
   bien me témoigner; mais, franchement, permettez-moi de vous dire
   que vous faites trop bien les choses; un simple cadeau aurait
   suffi, et vous me faites parvenir un don vraiment princier.
   L'estime et l'amitié que j'ai pour vous sont sans limites vous le
   savez, chère Madame, et certes je suis heureuse de trouver
   l'occasion de vous le dire; mais je ne pourrai jamais vous rendre
   qu'une faible partie de toutes vos bonnes attentions. Quoi qu'il
   en soit, laissez-moi me compter au nombre de vos meilleures
   amies, et croyez-moi votre toute affectueuse et toute dévouée.


_Lettre d'un jeune homme à une mère pour lui demander sa fille en
    mariage._

     Madame,

   J'ose espérer, tout d'abord, que vous voudrez bien m'excuser
   d'oser vous écrire ces quelques lignes. Les bonnes visites que
   vous m'avez autorisé à vous faire m'ont permis d'apprécier votre
   charmante fille. J'ai constaté qu'à une grande bonté, qu'elle
   tient certainement de vous, elle joignait toutes les qualités de
   la femme d'intérieur, en un mot je la trouve parfaite, et serais
   au comble du bonheur si vous vouliez bien me permettre de devenir
   votre gendre.

   De mon côté, soyez assurée que tous mes efforts tendront à lui
   rendre la vie agréable, et j'ose espérer que mes soins, mon
   attachement et mon affection pour elle, vous seront une sûre
   garantie de son bonheur.

   J'ai donc l'honneur, Madame, de vous demander la main de
   mademoiselle votre fille.

   En attendant votre favorable réponse, veuillez croire aux
   meilleurs sentiments de votre tout dévoué.


_Lettre de refus d'une demande en mariage._

(D'un père à un jeune homme).


     Monsieur,

   Ma femme et moi avons été très flattés de recevoir votre lettre,
   dans laquelle vous nous faites l'honneur de nous demander la main
   de notre fille.

   A notre grand regret, nous ne pouvons vous donner satisfaction.
   Notre fille n'est pas encore décidée à se marier; elle est du
   reste encore bien jeune, et semble ne vouloir jamais quitter sa
   bonne mère. Croyez bien, monsieur, qu'il nous aurait été très
   agréable de vous avoir pour gendre; depuis longtemps votre
   famille est unie à la nôtre par une amitié indissoluble, mais
   madame X. et moi avons décidé de respecter les volontés de notre
   enfant.

   Encore une fois, monsieur, croyez à tous nos regrets, et recevez
   nos salutations empressées.


_Lettre d'un fiancé à une fiancée._

     Mademoiselle,

   J'ai appris que vous deviez vous rendre, jeudi prochain, à
   l'Œuvre de la Sainte-Enfance. Je serais très désireux de vous y
   accompagner, et de joindre ma modeste offrande à la vôtre.

   Espérant bien que madame votre mère voudra bien m'autoriser à le
   faire, j'aurai l'honneur de me présenter chez vos parents, jeudi
   prochain, et de conduire madame votre mère et vous rue de
   Vaugirard, au siège de l'Œuvre.

   Veuillez agréer, Mademoiselle, l'assurance de mes sentiments les
   plus dévoués.


_Lettre de remerciements à un curé qui a préparé un enfant à sa
    première communion._

     Monsieur le Curé,

   Permettez à une mère de venir vous remercier de tous les bons
   soins, de toutes les attentions que vous n'avez cessé de
   prodiguer à notre bien cher enfant pendant toute la durée de sa
   préparation à la première communion.

   Grâce à vous, notre fils se trouve en état de se présenter à la
   Sainte-Table, avec conscience de ce qu'il fait; sa conduite est
   vraiment exemplaire, et ce nous est un bien grand bonheur de
   venir vous féliciter de ce résultat.

   Encore une fois, monsieur et vénérable abbé, agréez-en tous nos
   remerciements les plus sincères, et veuillez croire aux
   sentiments respectueux de votre dévouée servante.


_Lettre de reproche, à un jeune homme, à une jeune fille, sur la
    légèreté de sa conduite._

     Ma chère Lucienne,

   Lors de ma dernière visite, tu m'avais fait de bien belles
   promesses que tu n'as pas tenues, hélas! Je suis donc obligée
   aujourd'hui de venir te les rappeler. Ta conduite un peu légère
   donne un libre cours à de méchants propos sur ton compte, et cela
   m'afflige profondément. Tu sais que je tiens à toi, comme à une
   sœur, que tout ce qui te touche m'intéresse, aussi je viens
   aujourd'hui t'engager sérieusement à suivre une autre ligne de
   conduite; abandonne les quelques amies qui t'entourent et te
   nuisent par leurs mauvais conseils et leur réputation, bien
   connue d'ailleurs, de personnes peu sérieuses: viens te réfugier
   chez ceux qui sont tout prêts à te tendre les bras et à t'aider
   dans ce mauvais moment. Tu dois songer avant tout à ta position,
   que tu compromets, je le crains sérieusement.

   J'espère que je serai plus écoutée cette fois, et que ta raison,
   ton intelligence et l'amitié que tu me portes seront de puissants
   auxiliaires à sortir de la mauvaise voie où tu t'es engagée.

   Ton amie, qui malgré tout t'envoie ses meilleures amitiés.


_Lettre pour congédier un précepteur, une institutrice._

     Mademoiselle,

   Nous devons rentrer à Paris dans un mois seulement, mais j'ai le
   regret de vous prévenir que je laisse Marguerite au couvent de
   B.... où j'ai été élevée.

   Je suis obligée, comme vous le savez, Mademoiselle, d'aller
   beaucoup dans le monde et je ne veux pas laisser mon enfant aux
   mains des domestiques.

   Je vous remercie, néanmoins, des bons soins que vous avez
   prodigués à ma fillette et des progrès sérieux qu'elle a faits
   pendant les deux ans que je vous l'ai confiée. Aussitôt de
   retour, je vous recommanderai à ma cousine Jeanne, qui est toute
   disposée à vous confier sa petite Lucie.

   Recevez, Mademoiselle, avec tous mes regrets, l'assurance de mon
   entier dévouement.


_Lettre à un ami, pour le féliciter de sa nomination de Député._

     Mon bien cher Ami,

   Enfin, te voilà député! Tu vas siéger à la Chambre; te voilà
   quelqu'un, futur ministre et, qui sait, peut-être un jour
   Président de la République française!

   J'ai lu ton programme, et si tu tiens tous les engagements que tu
   prends, tes électeurs n'auront pas à se plaindre de t'avoir
   choisi. Que de travail, pour mener à bien toutes les réformes que
   tu as en vue! Que de belles innovations! Je crains que,
   malheureusement, tu ne sois pas compris de la généralité, car
   tes idées sont d'un ordre bien élevé.

   Je souhaite que la carrière politique ne soit pas trop épineuse
   pour toi, et que les nombreuses difficultés que tu auras à
   vaincre, et les inimitiés que tu vas sans doute te créer ne
   soient pas un obstacle à la ligne de conduite que tu vas suivre,
   et ne te découragent pas.

   J'espère ne pas être oublié lorsque ton tour viendra de parler à
   la Chambre; je suis très désireux de t'entendre, et tu ne me
   refuseras pas cette satisfaction.

   Demain, si tu es libre, nous déjeunerons ensemble pour fêter ta
   nomination; nous profiterons de l'occasion pour porter un toast à
   tes électeurs.

   Toutes mes salutations.


_Lettre pour consoler un ami qui a perdu sa place._

     Mon cher Paul,

   Votre lettre d'hier m'a bien affligé, et je prends bien part à
   votre peine. Il ne faut pas vous décourager ainsi; tout n'est pas
   perdu comme vous le pensez. Certes, la perte de cet emploi très
   lucratif doit vous causer un certain dommage; mais avec vos
   capacités et votre intelligence, vous ne tarderez pas à trouver
   une autre situation, où vous serez apprécié comme vous le
   méritez; vous savez d'ailleurs que tous vos amis sont disposés et
   tout prêts à vous aider de tout leur pouvoir.

   Quant à moi, j'emploierai toute mon influence à vous être utile
   et je compte bien avoir un prompt et heureux résultat.

   Courage donc, et venez me voir bientôt, pour que je puisse me
   mettre immédiatement en campagne.

   D'ici là, je vous envoie mes amitiés sincères.


_Lettre de rupture avec un ami._

     Monsieur,

   Je croyais avoir en vous un ami sûr, et je pensais pouvoir
   m'attendre à plus de reconnaissance de votre part. Je ne me
   reproche pas ce que j'ai fait pour vous, mais ce qui m'afflige
   profondément, c'est votre ingratitude, et votre manque total de
   bonne foi à mon égard.

   Je crois, monsieur, qu'il vaudra mieux à l'avenir nous abstenir
   l'un et l'autre de nous revoir; brisons donc cette amitié sur
   laquelle j'avais fondé quelques bons projets pour nous deux, et
   que j'abandonne avec un serrement de cœur.

   Adieu, monsieur.


_Lettre pour demander des renseignements sur un domestique._

     Madame,

   Il y a quinze jours, une femme de chambre, Julie B..., quittait
   votre service, munie d'assez bons certificats, qu'elle m'a
   montrés. Bien qu'assez élogieux, je les trouve insuffisants sur
   un point capital.

   Si vous me le permettez, Madame, je me rendrai chez vous demain à
   une heure, afin que vous me donniez de vive voix les indications
   dont j'ai absolument besoin avant de me décider à prendre cette
   femme à mon service.

   Si l'heure et le jour ne vous convenaient point, je vous prie,
   Madame, de me le faire savoir, et je me tiendrai à votre
   disposition.

   Veuillez m'excuser, Madame, et agréer l'expression de mes
   meilleurs sentiments.

[Illustration]



_Emplois._


Pour entrer à la Banque de France.

Dans cet établissement on occupe des femmes.

Pour y entrer on doit faire une demande que l'on fait autant que
possible appuyer par un personnage influent.

Il y a un examen à subir sur l'écriture, l'orthographe, le calcul.

L'âge minimum est dix-huit ans, l'âge maximum trente-cinq ans.

Pour les hommes, demander le programme d'examen.

Il y a l'atelier d'imprimerie, où il faut une année d'apprentissage
comme brocheuse.


Pour entrer à la Société générale.

La nationalité française est exigée.

Age minimum: dix-huit ans.

Age maximum: trente ans.

Il faut un certificat de bonne vie et mœurs.

La demande doit être apostillée par des personnages influents.

Il y a un examen à passer en écriture, arithmétique, orthographe, etc.

Si on a le brevet élémentaire, on peut être dispensé de l'examen.


Pour être admis au Crédit lyonnais.

La même chose que pour la Société générale.


Pour être admis au chemin de fer.

Il est absolument exigé, pour les femmes, d'être fille, femme ou veuve
d'employé.

Il y a un examen:

Une dictée (sans faute);

Les quatre règles d'arithmétique faites en un délai maximum de 15
minutes;

Une très belle écriture.

Même si l'on a le brevet d'instituteur ou d'institutrice, il faut
subir l'examen.


Pour entrer au Crédit foncier.

L'admission se fait au concours par voie d'examen.

Age minimum: seize ans.

Age maximum: trente-cinq ans.

Il faut être Français ou naturalisé.

La demande doit être accompagnée de:

Extraits authentiques des actes de l'état civil;

Extrait du casier judiciaire;

Certificat de bonne vie et mœurs;

Certificats émanant des différentes maisons ou établissements où on a
été employé.

Il y a un examen écrit sur:

L'orthographe;

Le style;

L'écriture.

Les concours ont lieu en janvier et en juillet.

Pour être déclaré admissible, il faut obtenir la note _passable_ pour
chaque partie du programme et pour l'ensemble 12 points sur le maximum
20 points.

Il y a quelquefois cinq et six ans entre les examens; cela dépend des
vacances qui se produisent et du nombre des surnuméraires.


Pour être admis aux postes et télégraphes, téléphones, caisses
d'épargne.

L'âge minimum est de dix-huit ans.

L'âge maximum de vingt-cinq ans pour les dames.

Les hommes peuvent être admis après vingt-cinq ans; on déduit leurs
années de service militaire.

On doit produire:

1º Demande d'emploi sur papier timbré;

2º Un extrait légalisé de l'acte de naissance;

3º Un certificat de bonne vie et mœurs, constatant aussi la
nationalité française;

4º Un extrait du casier judiciaire;

5º Un état authentique indiquant la nature, la durée et les motifs de
la cessation des services des mari, père ou frère des candidats, car
il faut être de famille d'employé pour être admises à passer d'emblée
l'examen.

Les autres candidats ne sont acceptés qu'en cas d'insuffisance du
recrutement.

Il faut subir les épreuves suivantes:

1º Une dictée, sur papier non réglé;

2º Exercice graphique, la même page recopiée à main posée;

Formation d'un état ou tableau pareil à un modèle donné;

3º Rédaction d'une lettre ou note sur un sujet donné;

4º Arithmétique: les 4 premières règles, le système métrique;
problèmes avec détail des opérations;

5º Géographie de la France et notions générales sur les cinq parties
du monde. On demande en outre aux jeunes gens la physique et la
chimie.

Le stage est obligatoire et n'est pas rétribué.

Le personnel féminin des caisses d'épargne se prend dans
l'administration des postes.



_Les mots qu'on cite._


Combien de mots sont cités sans qu'on en connaisse exactement
l'origine, ou du moins on l'a oubliée.

Il faudrait tout un volume pour commenter les locutions courantes;
nous nous contenterons de quelques exemples.


Délices de Capoue.

Veut dire une accalmie morale, mêlée de jouissances et de plaisirs où
le corps et l'esprit s'amollissent.

Annibal, après la bataille de Cannes, vint prendre ses quartiers
d'hiver à Capoue, capitale de la Campanie, ville de plaisirs par
excellence. Les historiens attribuent au séjour des soldats d'Annibal
dans les délices de Capoue, la cause du salut de Rome.


Égérie.

Égérie signifie une femme dont on prend les conseils, dont on suit les
avis, surtout en politique.

Numa Pompilius, voulant assurer le respect de ses institutions,
persuada aux Romains qu'il recevait les inspirations de la nymphe
Égérie, visible pour lui seul au fond d'un bois.

On voit encore près de Rome les ruines de la fontaine Égérie, entre la
voie Appienne et la voie Latine.


Épée de Damoclès.

Veut dire péril constamment prêt à éclater.

Damoclès, courtisan de Denys l'Ancien, le flattait outre mesure et
exaltait son bonheur.

Celui-ci résolut de donner une leçon à l'obséquieux personnage et
l'invita à un repas splendide où Damoclès reçut les honneurs royaux.
Coiffé du diadème, il prit place à la table du festin, couché sur le
propre lit de Denys; mais levant tout à coup les yeux, il aperçut une
épée suspendue au-dessus de sa tête par un crin de cheval. Le flatteur
se leva éperdu et supplia son souverain de mettre un terme à son
éphémère royauté.


Et moi, suis-je sur un lit de roses?

Se dit à quelqu'un qui se plaint de ses soucis devant une autre qui a
les siens.

Guatimozin, dernier empereur du Mexique, tomba aux mains de Fernand
Cortez. Il fut mis sur un lit de charbons ardents, le corps enduit
d'huile, afin qu'il révélât la cachette des trésors de Mexico. Son
premier ministre, également mis à la torture, suppliait son maître du
regard, de lui permettre de révéler le secret. Mais celui-ci répondit
à cette demande muette: «Et moi, suis-je donc sur un lit de roses?»


Et pourtant elle tourne!

Quelque chose dont on est sûr et qu'on ne peut démontrer clairement et
qu'on vous conteste.

Galilée, astronome italien, avait la croyance de Copernic au sujet du
mouvement de la terre et était en contradiction avec Ptolémée.

On le mit à la torture et on le condamna à la prison perpétuelle, s'il
ne confessait pas ses erreurs. Vaincu, il abjura sur l'évangile. Mais,
après, frappant du pied, il s'écriait: Elle tourne, pourtant!


La flèche du Parthe.

Trait malin décoché en dernier lieu; méchanceté dite en s'en allant.

Les Parthes, cavaliers renommés, avaient l'habitude dans les combats
de simuler une fuite et de lancer, par-dessus l'épaule, une flèche à
leurs poursuivants; leur retraite était plus redoutable qu'une
attaque.


Fourches Caudines.

Concession d'argent, d'honneur, arrachée aux personnes qui sont à
votre discrétion.

Les Samnites, vainqueurs des Romains, voulurent humilier leur orgueil
et, près de Caudium, firent défiler l'armée sous trois fourches
enchevêtrées; les consuls passèrent également, mais les sénateurs s'y
refusèrent, firent combattre de nouveau, et les Samnites furent
vaincus.


Hippocrate dit oui et Galien dit non.

Médecins grec et romain qui furent en contradiction de système,
quoique tous deux fort savants.

De nos jours, on dit le docteur Tant-Pis et le docteur Tant-Mieux.

Cette phrase s'explique d'elle-même.


Hippocrate refusant les présents d'Artaxercès.

Signifie repousser des présents dont on soupçonne le but intéressé, et
ce, malgré votre intérêt propre.

Hippocrate, médecin philosophe, fut appelé par Artaxercès pour
s'opposer aux ravages d'une épidémie dans l'armée.

On lui offrit pour ce des présents.

Hippocrate répondit que l'honneur lui défendait d'accepter de l'argent
des ennemis de sa patrie et de les secourir.


Honni soit qui mal y pense.

Signifie que l'on défie l'opinion au sujet d'un fait d'apparence
équivoque et qui peut être malignement interprété.

Le roi d'Angleterre, Édouard III, donnait un bal en l'honneur de la
comtesse de Salisbury; celle-ci, en dansant, laissa tomber sa
jarretière qui était bleue; le roi la ramassa, et la comtesse se vit
en butte aux sourires équivoques des courtisans: «Honni soit qui mal y
pense, messieurs, s'écria Édouard. Vous qui riez, vous serez peut-être
très honorés d'en porter une semblable.»

Et, dès le lendemain, l'Ordre de la Jarretière fut institué.


Il y a des juges à Berlin.

Phrase que l'on emploie lorsque la force veut primer le droit.

Le roi de Prusse convoitait un moulin qui le gênait pour un point de
vue, et, malgré les offres les plus séduisantes, le propriétaire
refusait de le lui vendre. Lors le monarque irrité dit au meunier
récalcitrant qu'il aurait le droit de s'adjuger ledit moulin, sans
autre forme de procès.

«Oui, répondit le propriétaire, si nous n'avions pas de juges à
Berlin.»

Le monarque fut désarmé et le meunier garda son bien.

La jolie pièce de vers d'Andrieux, _le Meunier Sans-Souci_, raconte
cette histoire tout au long.


J'ai perdu ma journée.

Un jour passé sans faire quelque chose à laquelle on est accoutumé.

Titus, surnommé «les délices du genre humain», s'écriait qu'il avait
perdu sa journée, lorsque l'occasion de faire du bien ne s'était pas
présentée.


J'ai trouvé!

Se dit communément «Eurêka».

Exclamation poussée par Archimède lorsqu'il trouva la règle du
principe hydrostatique qui enseigne que tout corps plongé dans l'eau
perd, de son poids, le poids du volume d'eau qu'il déplace.

Se dit lorsque, après de longues recherches, on trouve soudainement la
solution qu'on poursuit.


J'avais pourtant quelque chose là!

Regret d'être empêché par la fatalité, une circonstance indépendante,
de faire quelque chose dont on sent qu'on se serait tiré à son
honneur.

André Chénier, jeune poète, avait célébré en vers la liberté; mais, en
voyant les excès commis en ce nom, il les blâma également en vers
énergiques. Dénoncé comme suspect, il fut conduit à l'échafaud et il
s'écria en se frappant le front: «J'avais pourtant quelque chose là»!


Lamentations de Jérémie.

Tourner tout à la tristesse, se plaindre de tout.

Jérémie, un des quatre grands prophètes, assis sur les ruines de
Jérusalem, exhala les plaintes qui sont des pages admirables et que
l'Église répète encore pendant la semaine sainte.


Pauvre comme Job.

Personne se trouvant subitement dénuée de tout après avoir été dans
l'opulence et qui se résigne à son sort sans murmurer.

Un patriarche, du nom de Job, homme juste et craignant Dieu, possédait
des troupeaux immenses, une famille, de beaux enfants. Les Arabes
enlevèrent ses troupeaux, et ses enfants furent ensevelis sous leur
maison, renversée par le vent du désert; puis, le patriarche se vit
couvert de plaies hideuses, sa femme l'insulta et ses amis le
délaissèrent.


C'est un Judas!

Un ami qui vous trahit, personnifie un homme hypocrite et traître.
Judas, disciple du Christ, vendit son maître pour trente deniers.


Laissez faire, laissez passer.

Politique ou conduite ayant un rôle passif, n'intervenant jamais,
laissant tout faire.

Quisnaz, médecin, chirurgien, agronome, sous Louis XIV, imposa
l'abolition des corvées, laissa la libre circulation aux grains, la
suppression des douanes et dit: «Laissez faire, laissez passer.»

Comme on le voit, cette phrase a perdu entièrement son sens primitif.


La lettre tue, mais l'esprit vivifie.

Cet axiome, qu'on applique si fréquemment, veut dire qu'il ne faut
pas, dans l'interprétation d'une loi, d'un précepte, voir seulement le
sens littéral, mais chercher l'intention, le sens caché.

Saint Paul, dans son épître aux Corinthiens, dit: «C'est Dieu qui nous
a rendus capables d'être les ministres de la nouvelle alliance, non
dans la lettre, mais dans l'esprit; car la lettre tue, mais l'esprit
reste.»


La parole a été donnée à l'homme pour déguiser sa pensée.

La paternité de ce mot a été attribuée à Talleyrand, mais Campistron,
Voltaire, Harel ont exprimé la même pensée en termes qui diffèrent
peu, ils sont donc aussi les pères de cette triste vérité.


L'argent n'a pas d'odeur.

Qu'importe la source, pourvu qu'on ait le profit.

Encore une maxime tristement mise en pratique de nos jours.

Vespasien succédant à Vitellius trouva les finances de l'État dans un
tel désordre, qu'il mit des impôts même sur les urinoirs publics
(qu'on appelle depuis vespasiennes). Sachant que, dans Rome, on
raillait un peu l'argent provenant d'une telle source, il répondit:
«Qu'importe, l'argent n'a pas d'odeur.»


Laver son linge sale en famille.

Les ennuis domestiques, les querelles doivent être gardés entre soi et
non étalés aux yeux de tous.

Mot de Napoléon dans un discours très familier, adressé aux députés
le 1er janvier 1814, au sujet de ce qu'avait dit M. Raynouard sur le
compte du maréchal Masséna.


Léviathan.

Veut dire quelque chose d'énorme, de monstrueux.

Léviathan est un monstre de l'Écriture Sainte.

C'est le nom que les Anglais ont donné au navire le plus grand qui ait
été construit.


Un Mécène.

Celui qui protège les artistes, surtout les lettrés, qui leur adoucit
le chemin.

Mécène, favori d'Auguste, protégea les sciences, les gens de lettres;
Virgile et Horace lui dédièrent l'un ses _Géorgiques_, l'autre ses
_Odes_.


Mettre la lumière sous le boisseau.

Veut dire qu'il ne faut pas garder pour soi la science, la vérité, et
qu'il faut contribuer de toutes ses forces à éclairer les masses.

Parole de Jésus-Christ dans la parabole du _Semeur_:

_Allume-t-on la lampe pour la mettre sous le boisseau?_


Le veau d'or.

Le peuple hébreu ne voyant pas revenir Moïse de la montagne où il
demeura quarante jours, et imbu des idées idolâtres des Égyptiens,
demanda une idole à Aaron; celui-ci eut la faiblesse de consentir et,
avec les bijoux des femmes qu'il fondit, fit un veau d'or que le
peuple adora.

Moïse, de retour, pris d'une sainte colère, renversa le veau d'or, le
réduisit en poudre.

Ce mot signifie maintenant ceux qui n'estiment que la fortune et les
gens riches.


Montagne de Mahomet.

Aller au-devant d'une personne qui ne vient pas à vous; faire les
premiers pas pour obtenir une chose.

Mahomet avait assemblé un grand concours de peuple, afin, avait-il
dit, de faire venir une montagne à lui. Il l'appelle, la montagne
reste immobile, naturellement, et le prophète s'écria: «Montagne,
puisque tu ne veux pas venir à Mahomet, Mahomet ira à toi.»

Ce ton fut tel que le peuple tint le prodige pour accompli.


Nemrod.

Chasseur infatigable, très adroit.

Nemrod, petit-fils de Cham, passe pour avoir fondé Babylone.

L'Écriture le nomme un «grand chasseur devant le Seigneur».


L'œuf de Christophe Colomb.

Signifie une chose simple que personne n'a pu faire et qu'on trouve
très facile étant faite.

Colomb, détracté par les jaloux qui trouvaient après coup la
découverte de l'Amérique toute simple, donna une leçon aux envieux.

Se trouvant dans un festin, il prit un œuf et proposa de le faire
tenir debout sur la pointe; tous essayèrent et nul ne réussit.

Alors, Colomb saisissant l'œuf, le frappe légèrement sur son assiette
et l'œuf tint en équilibre.

--Ce n'était pas difficile, s'écria-t-on.

--Oui, mais il fallait le trouver, répondit Colomb avec un sourire
moqueur.


Paris vaut bien une messe.

Chose qui mérite des concessions.

Henri IV abjura le protestantisme pour embrasser le christianisme, qui
était plus propre à ses intérêts, le 25 juillet 1593.

«Paris vaut bien une messe, dit-il; ma foi, j'ai fait le saut
périlleux.»


Je m'en lave les mains.

Signifie qu'on ne se croit pas responsable des affaires où on a été
mêlé.

Ponce Pilate, gouverneur de Judée, convaincu de l'innocence de
Jésus-Christ, voulut éluder la sentence de mort, mais le peuple le
força d'abandonner Jésus à la rage de ses bourreaux; alors Ponce
Pilate se fit apporter de l'eau et se lavant les mains dit: «Je suis
innocent de la mort de ce juste».


C'est un Pindare!

Se dit des poètes qui sans avoir le talent du poète lyrique en ont
l'emphase, les phrases ampoulées.

Pindarien se prend toujours au sens ironique.


Le pli d'une feuille de rose le gêne.

Sybaris, ville de Laconie, célèbre par la mollesse de ses habitants;
un d'entre eux, nommé Sminiride, se plaignit d'une insomnie parce
qu'une des feuilles de roses dont son lit était jonché, s'était
repliée.


Quart d'heure de Rabelais.

Instant où on doit payer; signifie aussi moment fâcheux et
désagréable.

Rabelais, n'ayant plus d'argent pour payer son écot dans une
hôtellerie de Lyon et pas d'argent pour rentrer à Paris, disposa dans
sa chambre de petits paquets sur lesquels il écrivit le mot poison et
les noms des membres de la famille royale; dénoncé, arrêté, conduit à
Paris, il fit ainsi le voyage sans bourse délier.


C'est un quatre-vingt-treize.

Un bouleversement général.

Se rapporte à la grande Révolution.


La queue du chien d'Alcibiade.

Certaine chose extravagante, faite pour être remarquée.

Alcibiade, jeune Athénien, aimait à étonner ses concitoyens par ses
excentricités; il avait un chien qui valait un peu plus de 6000 francs
de notre monnaie et lui coupa la queue, afin que ce fait devînt le
sujet de conversation des Athéniens.


Rendez à César ce qui appartient à César.

En langue ordinaire: chacun son dû.

Réponse de Jésus-Christ aux Hérodiens qui lui demandaient s'il était
permis de payer le tribut à César. Jésus demanda à voir la pièce, on
lui présenta un denier, et voyant l'effigie de l'empereur, il
répondit: Rendez à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui
appartient à Dieu.


Le ruisseau de la rue du Bac.

Signifie attachement pour le lieu où l'on est né; vient de ce qu'on
aime mieux son pays natal, quelque laid qu'il puisse être, qu'un autre
pays plus beau.

Mme de Staël, dans sa splendide résidence de Coppet, regrettait
toujours le petit ruisseau de la rue du Bac, rue où elle habitait à
Paris.


C'est une Saint-Barthélemy.

Exécution générale, collective.

On emploie souvent ce terme pour dire un grand carnage de gibier.

L'origine de ce mot est le massacre des huguenots qui eut lieu à Paris
le 24 août 1572, jour de la Saint-Barthélemy, à deux heures du matin,
d'après les ordres de Charles IX, poussé par sa mère, Catherine de
Médicis.


Trouver son chemin de Damas.

Veut dire une illumination soudaine qui transforme nos idées.

Saint Paul, de son nom Saul, fut un des plus ardents persécuteurs des
premiers chrétiens. Un jour sur la route de Damas, à la suite d'un
prodige, il se convertit et devint un apôtre fervent du christianisme.


Je suis comme saint Thomas.

Celui qui ne veut pas croire sans preuve.

Saint Thomas, disciple du Christ, disait qu'il ne croirait à la
résurrection de Jésus que s'il voyait sur ses membres la trace des
clous et s'il mettait les doigts dans ses plaies.

Or, huit jours après, le Christ apparut à ses apôtres et dit à Thomas
de sonder ses plaies.

Celui-ci, convaincu, répondit: «Vous êtes mon Seigneur et mon Dieu.»

Lors, Jésus dit: «Tu as cru parce que tu as vu; heureux ceux qui n'ont
pas vu et qui ont cru.»


Ouvrir le temple de Janus, fermer le temple de Janus.

Veut dire commencer la guerre, faire la paix.

Temple fondé à Rome par Numa, ouvert pendant la guerre, fermé pendant
la paix.


Terre promise.

Chose à laquelle on aspire depuis longtemps.

Les Hébreux furent conduits par Moïse, qui les délivra de la captivité
d'Égypte, à la conquête de la terre promise; mais, sans cesse en
révolte, ils errèrent quarante ans dans le désert, sans pouvoir entrer
dans cette terre de délices; enfin Josué les y introduisit.


Thébaïde.

Solitude où on vit retiré du monde.

Retraite favorite.

La Thébaïde, division de l'ancienne Égypte, avait des déserts où se
réfugièrent un grand nombre de chrétiens pour fuir les persécutions,
ou pour vivre de la vie ascétique.

[Illustration]



TABLE ALPHABÉTIQUE


     Accompagnateur (l'), 152

     Agréé (mariage), 7

     Ananas (l'), 104

     Audiences (cérémonial), 232


     Bague (fiançailles, etc.), 10

     Bals (Cendrillon), 146
       -- (conseils pour les), 148
       -- (déguisés), 147
       -- (d'enfants), 146
       -- (de noces), 77
       -- (grands), 132
       -- (invités), 135
       -- (orchestre), 134
       -- (toilettes de), 132

     Banquets (protocole), 126

     Baptême (cadeaux), 52

     Bicyclette, 238

     Billets (de loterie), 219

     Banquets (mariage, etc.), 76

     Bras à offrir (différentes opinions),105

     Buffets, 138


     Cadeaux (baptême, communion, étrennes, mariage, etc.), 198

     Canne, 213

     Cartes (de visite; les formules), 156

     Causeries, 234

     Cérémonial, 40

     Ceux qui nous servent, 190

     Chapeaux (chapitre des), 211

     Charité (ventes de), 218

     Chasse (costume de), 125
       -- (repas de), 125

     Communion (catéchisme et première), 69
       -- (cadeaux de), 71
       -- (costumes de), 70

     Conseils pratiques, 262

     Contrat de mariage, 14

     Corbeille (la), 20

     Cortèges (baptême, mariage, etc.) 39

     Cotillon (accessoires), 141
       -- (figures), 141
       -- (nouveautés), 143

     Cour (la), 77

     Coutumes (vieilles), 128

     Couvert, 96


     Décès (formalités), 244
       -- (lettres de), 255

     Découper (celui qui découpe et celui qui sert), 112

     Déjeuner, 130

     Deuil (toilette de), 246
       -- (usages), 243

     Diner (après le), 117
       -- (de cérémonie), 88
       -- (de demi-cérémonie), 92
       -- (intimes), 93
       -- (de noces), 76

     Duel (formalités), 239
       -- (procès-verbaux), 240


     Écoles (les différentes), 263
       -- (du gouvernement), 266
       -- (primaires), 263

     Éducation (des enfants), 64
       -- (des jeunes gens), 66
       -- (physique), 272
       -- (la femme de bon ton), 173
       -- (l'homme bien élevé), 175

     Église (à l'autel), 221

     Élégances, 215

     Emplois, 287

     Enfants (première enfance), 59
       -- (savoir-vivre des petits), 60
       -- (vers sept ans), 60

     Enterrements (usages), 246

     Étrennes, 198

     Éventail, 214

     Exposition des présents, 25


     Faim (l'heure de la), 101

     Fiançailles, 11

     Fille (petite), 62

     Filleuls (devoirs) voir Parrainages, 56

     Five o'clock tea, 122

     Fleurs, 258

     Fonts baptismaux, 51

     Formules, 227

     Funérailles, 243


     Garçon (petit), 64

     Garden parties, 149


     Instruction (primaire, etc), 262

     Invitations (acceptation), 84
       -- (cartes), 82
       -- (lettres), 83
       -- (refus), 84


     Jeu (le), 155
       -- (petits jeux), 185
       -- (jeux de société), 185

     Jour (le jour de réception), 163


     Lettres (modèles de lettres pour les principales circonstances), 274

     Locutions connues (historique), 290

     Loterie (des billets de), 219

     Lunch, 76


     Mariage (annonce du), 16
       -- (cadeaux de), 24
       -- (catholique), 33
       -- (civil), 30
       -- (contrat), 14
       -- (demande en), 1
       -- (d'une demoiselle âgée), 74
       -- (demoiselle d'honneur), 35 et suiv.
       -- (formalités), 27
       -- (garçon d'honneur), 35 et suiv.
       -- (israélites), 44
       -- (lettres de part du), 16
       -- (protestant), 44

     Mariage (second), 73

     Marraines, 52

     Médecin (le), 183

     Ménage (les coulisses du), 95

     Ménage (couvert), 96

     Menus, 89

     Mots (les) qu'on cite, 290


     Naissance (la), 46
       -- (billets de part), 48
       -- (déclaration), 46
       -- (toilette), 48

     Noces d'argent, 74

     Noces d'or, 75

     Nourrice (la), 57


     Papier à lettres, 222

     Parapluie, 213

     Parrainages, 56

     Politesse (dans la rue), 201

     Précepteurs et Professeurs, 66

     Prêtre (le), 182


     Quêtes (les), 42


     Recevoir (la façon de), 195

     Réceptions (les), 163

     Repas (champêtres), 215
       --    (de chasse), 125

     Repas (exceptionnels), 119
       -- (de Pâques), 121
       -- (de funérailles), 126
       -- (pique-nique), 216
       -- (réveillon), 120
       -- (Rois), 119

     Restaurant (au), 205


     Salut (le), 171

     Savoir-vivre (le), v

     Service (le), 98

     Shake hand, 203

     Soupers, 138

     Spectacle (au), 206


     Table (à), 108

     Toilettes, 37

     Trousseau, 22


     Ventes de charité, 218

     Vers sept ans, 60

     Veuvage, 25

     Visites (les), 160

     Voyages (de noces), 78



TABLE DES CHAPITRES


     Savoir-vivre                                               v

     La demande en mariage                                      1

     Agréé                                                      7

     Bague des fiançailles                                     10

     Le contrat                                                14

     Les lettres de faire part d'un
     mariage                                                   16

     La corbeille                                              20

     La question des cadeaux                                   24

     Formalités légales du mariage                             27

     Mariage à la mairie                                       30

     Formalités du mariage catholique                          33

     A l'autel                                                 35

     Toilette de la mariée                                     37

     Cortège (mariage)                                         39

     Cérémonial (mariage)                                      41

     Autour du berceau                                         46

     Sur les fonts baptismaux                                  51

     Parrainages                                               56

     La nourrice                                               57

     La première enfance                                       59

     La petite fille                                           62

     Le petit garçon                                           64

     Précepteur et professeur                                  66

     Catéchisme et première communion                          69

     Second mariage                                            73

     Dîner de noces                                            76

     Les voyages de noces                                      78

     Les visites de noces                                      80

     Les invitations à dîner.--Les
     repas                                                     81

     Le dîner.--Habituels usages                               87

     Les grands dîners                                         88

     Dîners de demi-cérémonie                                  92

     Dîners intimes                                            93

     Coulisses du ménage                                       95

     Le service                                                98

     L'heure de la faim                                       101

     L'ananas                                                 104

     La question du bras                                      105

     A table                                                  108

     Celui qui découpe et celui qui
     sert                                                     113

     Après le dîner                                           117

     Les repas exceptionnels                                  119

     Five o'clock tea                                         122

     Les vieilles coutumes françaises                         128

     Les déjeuners                                            130

     Les bals                                                 131

     Buffets.--Soupers                                        138

     Cotillon                                                 141

     Garden parties                                           149

     Soirées                                                  151

     L'accompagnateur et celui qui
     tourne les pages                                         152

     Le jeu                                                   154

     La carte de visite                                       156

     Les visites                                              160

     Le jour de réception                                     163

     Le salut                                                 171

     La femme de bon ton                                      173

     L'homme bien élevé                                       175

     Le jeune homme                                           178

     La jeune fille                                           180

     Le prêtre                                                182

     Le médecin                                               183

     Les petits jeux                                          185

     Ceux qui nous servent                                    190

     La façon de recevoir                                     195

     Cadeaux d'étrennes                                       198

     La politesse dans la rue                                 201

     Shake-hand                                               203

     Au restaurant                                            205

     Au spectacle                                             206

     Le chapitre des chapeaux                                 211

     Canne, parapluie, éventail                               213

     Élégances                                                215

     Ventes de charité                                        218

     A l'église                                               221

     Notre correspondance                                     222

     Les audiences                                            232

     Causeries                                                234

     La bicyclette                                            238

     Le duel                                                  239

     Au delà de la vie. Les coutumes
     du deuil                                                 243

     Les lettres de décès                                     255

     Les visites de condoléance                               256

     Les fleurs                                               258

     Conseils pratiques (instruction
     des enfants et des jeunes gens)                          262

     Emplois                                                  287

     Les mots qu'on cite                                      290



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