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Title: Essai d'Introduction à l'Histoire Généalogique
Author: Poli, Oscar de
Language: French
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(This file was produced from images generously made
available by the Bibliothèque nationale de France
(BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr)



Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le
typographe ont été corrigées. L'orthographe d'origine a été conservée
et n'a pas été harmonisée.

Quelques caractères, en exposant dans l'original, et dont l'abréviation
n'est pas évidente ou non courante, ont été mis en accolade dans cette
version électronique. Une liste de ces abréviations se trouve à la fin
de ce fichier.



     ESSAI D'INTRODUCTION

     A

     L'HISTOIRE GÉNÉALOGIQUE

     ESSAI D'INTRODUCTION

     A

     L'HISTOIRE GÉNÉALOGIQUE

     PAR

     LE VICOMTE OSCAR DE POLI

     PRÉSIDENT DU CONSEIL HÉRALDIQUE DE FRANCE

     _La distinction la moins exposée à l'envie
     est celle qui vient d'une longue suite
     d'ancêtres._

     FÉNELON.

     [Illustration]

     PARIS

     CONSEIL HÉRALDIQUE DE FRANCE

     21, AVENUE CARNOT, 21

     1887



AU COMTE DE COURTIN DE NEUFBOURG


     MON CHER AMI,

_Après avoir écrit l'_Histoire Généalogique des Courtin, _je conçus la
nécessité de la faire précéder d'une étude aussi succincte que
possible sur les vicissitudes de l'ancienne Noblesse, sur ce qu'on
peut appeler l'envers de ses priviléges et de sa gloire. Le sujet
était tentant, presque nouveau, n'ayant guère été qu'effleuré, il y
aura bientôt deux siècles, par le comte de Boulainvilliers._

_Comme le poëte_, contentus paucis lectoribus, _je ne m'attendais pas
à ce que cette modeste étude méritât à son auteur des suffrages dont
il s'honore. On a bien voulu me dire que, détachée de votre
généalogie, elle pourrait servir à faire justice de plus d'un des
préjugés et des mensonges accumulés contre la France d'autrefois par
les pseudo-philosophes et les coryphées de la révolution. C'était
faire, à mon patriotisme, à ma foi monarchique, un appel auquel je
n'avais pas le droit de me dérober._

_Voici donc cette_ Introduction. _Souffrez que je vous la dédie, à
vous dont les pères ont connu les amères vicissitudes de l'état de
noblesse et se sont relevés brillamment, au soleil de Louis XIV, au
prix du sang versé pour le Roi et pour la Patrie; à vous qui, fidèle à
leurs saintes amours, à leurs généreuses traditions, à leur
chevaleresque devise_, FORTIS ET FIDELIS, _honorez ce qu'ils
honorèrent et glorifiez ce qu'ils glorifièrent._

     Vte OSCAR DE POLI.



     ESSAI D'INTRODUCTION

     A

     L'HISTOIRE GÉNÉALOGIQUE[1]



CHAPITRE I

  Prophétie de saint Remi.--La fausse égalité.--Si la noblesse
    fut une caste.--La hiérarchie sociale.--Opinion d'un vrai
    philosophe sur les distinctions héréditaires.--La patrie et
    l'humanité.--Emulation féconde.--Contre la séduction des
    richesses.--Juvénal et Boileau réfutés.

  [1] Les _Preuves_ et les _Planches_, auxquelles renvoient
  fréquemment les notes, se trouvent dans l'_Histoire Généalogique
  des Courtin_, Paris, 1887, in-4º.

Lorsque l'eau sacrée du Baptême eut fait de Clovis le vassal du
Christ, il demanda: «Jusques à quand durera le royaume des Francs?»
Saint Remi répondit: «Tant qu'y régneront la Religion et la Justice!»
Ce n'est pas sans un sentiment vif de patriotique tristesse, que je
rappelle cette parole prophétique du grand Évêque, à l'heure où, sur
la terre de France, la foi chrétienne est officiellement bafouée, où
la justice n'est qu'une arme hypocrite aux mains de la tyrannie, où
l'abaissement de la Patrie Française apparaît comme l'inéluctable
conclusion de la grande mystification révolutionnaire.

Il y aura bientôt un siècle qu'au nom de l'égalité, passant un niveau
grossier et barbare sur toute grandeur et toute supériorité, la fausse
démocratie a détruit l'antique hiérarchie sociale qui n'était pas la
part la moins splendide du patrimoine de la Nation; comme si la
véritable égalité n'était pas celle qui permet à tout ce qui est beau,
noble et généreux de se produire, de s'épanouir et de monter! La
Noblesse, en France, ne fut jamais une caste, c'est-à-dire une classe
fermée; dans tous les temps, ses rangs furent libéralement ouverts au
mérite, au talent, à la vertu, à l'honneur; elle constituait la plus
magnifique récompense, à la portée même des plus humbles, et fécondait
héréditairement, pour le bien de l'État, l'esprit de devoir, de
dévouement et de sacrifice. Le bas orgueil des peuples démocratisés
répugne aux distinctions transmissibles; mais, dans une société
hiérarchisée, elles n'humilient pas plus que le soldat n'est humilié
d'avoir des chefs.

«La gloire d'une antique origine, a dit un philosophe du XVIIIe
siècle, est injustement traitée de chimère, et quand bien même elle
seroit fondée sur un préjugé national, la politique serait intéressée
à le perpétuer comme une erreur utile que le philosophe ne peut
combattre sans déroger au titre de citoyen. Les distinctions accordées
à la noblesse héréditaire sont fondées sur des motifs d'utilité et de
justice. Le premier dont une race s'honore fut un citoyen utile. Ses
travaux ne se sont pas bornés à procurer le bonheur et la gloire de
son siècle; les générations suivantes en ont recueilli le fruit: c'est
donc à la postérité à reconnaître dans les descendans de ses
bienfaiteurs les services rendus à la patrie et à l'humanité. Ce
principe d'équité, qui établit et qui justifie les prérogatives de la
noblesse héréditaire, est encore un germe fécond d'émulation:
quiconque a l'avantage de compter des aïeux illustres doit se croire
engagé à marcher sur leurs traces. Son âme embrasée par les exemples
s'élève sans effort au-dessus des obstacles et des périls. Les
sentiers de la gloire, aplanis par ses ancêtres, ne lui offrent rien
de pénible et de rebutant: tout homme naît imitateur et c'est dans ses
aïeux qu'il aime à trouver des modèles. La prospérité d'un État est
assurée lorsque les honneurs y tiennent lieu de récompenses, lorsqu'on
n'y fait pas un vil trafic de son sang et de ses travaux,
lorsqu'enfin les hommes en place sont assurés que leurs descendants
jouiront de leur gloire. Cette idée est le plus fort rempart qu'on
puisse opposer à la séduction des richesses; une nation est toujours
florissante lorsque les citoyens sont persuadés que la reconnaissance
publique est le plus bel héritage qu'ils puissent laisser à leurs
enfants.»[2]

  [2] Turpin, _Vies de Charles et de César de Choiseul, Maréchaux
  de France_, 1768, p. 1.

«Tout l'effort de ceux qui débitent ironiquement les satires de
Juvénal et de Boileau contre la Noblesse ne peut prouver que deux
choses: ou qu'un homme sans sens et sans droiture est indigne de la
noblesse, ou qu'un Noble véritablement généreux doit imiter ses
ancestres et marcher comme eux dans les voyes de l'honneur et de la
vertu; mais ces deux vérités sont hors de contestation.»[3]

  [3] Comte de Boulainvilliers, _Essais sur la Noblesse_, p. 8.



CHAPITRE II

  La civilisation féodale.--Le grand artisan national.--Balzac et
    Madame de Staël.--Royer-Collart et Viollet-Leduc.--La peine
    de naître.--Habitués de père en fils à se faire
    tuer.--L'envers des privilèges nobiliaires.--Cent ans
    bannière, cent ans civière.--Cadets de noblesse.--Labeur de
    restauration familiale.


Quand la civilisation féodale jeta ses premières lueurs, les idées
morales de la grandeur, en se rattachant au nom, firent sentir le prix
de la gloire héréditaire, et la Noblesse devint réellement une
institution sociale. La féodalité, maintenant conspuée par l'ignorance
et la mauvaise foi, fut le grand artisan de l'épanouissement national;
Balzac a dit que ses ruines «sont sublimes et frappent aujourd'hui
d'admiration les vainqueurs ébahis», et Mme de Staël a vu dans la
féodalité «le chef-d'œuvre de l'esprit humain». Royer-Collart et
Viollet-Leduc en pensaient de même, et ce sont là des autorités dont
le jugement est d'un autre poids que certains préjugés et certaines
diatribes. A les en croire, il semblerait que les Nobles n'eussent à
peu près d'autre peine que celle de naître, et que le privilège de la
naissance leur assurât immuablement la possession de grands biens, les
richesses, les jouissances, les honneurs. Ils avaient le devoir
d'aller à la guerre pour les autres, et c'était bien quelque chose que
de faire de sa poitrine un rempart au Roi et à la Patrie; mais, comme
disait un bon paysan d'autrefois, ne se doutant pas qu'il faisait le
panégyrique du principe de la Noblesse, «ces gens-là étaient habitués
de père en fils à se faire tuer!» A part ce léger désagrément, le
gentilhomme, entend-on dire, ne payait pas d'impôts, et ses hoirs
recueillaient régulièrement la gloire et le bien paternels. Il ne
pouvait perdre ses avantages que s'il dérogeait, en usurpant le
fructueux privilège des non-nobles, c'est-à-dire en se livrant au
négoce.

Comme il en faut rabattre lorsque l'on étudie, ses titres en main, les
fastes d'un lignage chevaleresque! Combien d'amères vicissitudes dans
son histoire! Combien de déboires, de brisements, d'écroulements
souvent irrémédiables, sont le lamentable dénouement de la plupart de
ces pages épiques! La décadence par l'appauvrissement, puis la
déchéance, telle fut pour maintes races illustres, traditionnellement
prodigues de leur bien et de leur sang, la récompense ordinaire de
l'héroïsme chevaleresque, du loyalisme royaliste, de la piété
patriotique. Le bon sens populaire,--une autre ruine du passé,--avait
traduit ces fatales alternatives de grandeur et de fléchissement dans
un adage expressif et poignant: «Cent ans bannière, cent ans civière!»

Encore étaient-ce les plus heureux parmi les bannerets, ceux qui,
après un temps d'épreuves plus ou moins prolongé, parvenaient à
reconquérir la fortune et la noblesse; mais combien ne se relevaient
pas! Au cours de cette étude, on verra les cadets de noblesse, les
«juveigneurs d'aînés»[4], et souvent les aînés mêmes, abdiquant leur
onéreux privilège, se réfugier dans les villes, s'agréger à la
bourgeoisie et chercher dans le trafic les moyens de redorer leur
vieux blason. Deux, trois générations se consacraient à cet âpre
labeur de restauration familiale, que consacraient des lettres royales
de relief de dérogeance. Parfois les anciens titres s'adiraient, le
souvenir même de l'extraction noble se perdait[5], et c'était par les
charges d'échevinage ou par l'exercice des professions libérales que
se recouvrait d'abord la noblesse personnelle, puis la noblesse
héréditaire.

  [4] D'Hozier, _Armor. général_, t. XI, Champagné, p. 52, charte
  de 1291: «... Comme dom Gohier de Champaagné, chevalier,....
  comme joveignor de éné...»

  [5] Voyez ci-après, au chapitre XXVII, ce qui concerne la famille
  d'Allard.



CHAPITRE III

  Homère et Bayard.--L'honneur.--La Croix ou l'Épée.--Soldats de
    Dieu ou du Roi.--Esprit de sacrifice.--Honneur triomphe de
    tout.--Défense du sol national.--Bien vivre et bien
    mourir.--Pierre d'Origny.--Le comte de Saint-Pern.--Chant du
    départ pour la croisade.--Du Guesclin et Bayard.--La doulce
    France.--L'envers de la gloire.


Homère, voulant peindre d'un trait un guerrier de grande race, dit de
ce preux qu'il était «sans peur et sans reproche»[6]. Trois mille ans
après le poëte de l'_Iliade_, Bayard héritait cette immortelle devise,
dont l'origine, on le voit, remonte aux âges héroïques. Ce fut la
devise de la chevalerie de France; après Dieu, l'honneur fut son dieu.
La Croix ou l'Épée, tel était le dilemme de la vie dans les premiers
temps de la féodalité; tout homme était prêtre, moine ou guerrier,
c'est-à-dire soldat de Dieu[7] ou du Roi. L'esprit de sacrifice
germait en pleine terre, au grand soleil de l'Honneur, et l'on ne
croyait jamais avoir assez fait pour son Dieu, pour son Roi, pour son
pays. «Honneur triomphe de tout!» disait une vieille devise, purement
française celle-là. Tous les rouages de l'organisme féodal tendaient
au même but, à la défense du sol national, _ad defensionem patriæ_[8],
traditionnellement[9] considérée comme la loi la plus sainte après
celle de Dieu, et la Noblesse, «habituée à se faire tuer», était le
rempart vivant de la Patrie. La volonté du sacrifice, l'ambition d'un
glorieux trépas l'animaient héréditairement; c'était l'enseignement
des pères à leurs fils, des vieillards aux jeunes, des Rois aux
peuples. Lisez cette épitaphe d'un chevalier du XVIe siècle, Jehan de
Meaux[10]: «Le premier degré à la vertu est de naistre de parens
nobles et pleins de mérites, mais le plus asseuré chemyn de la vraye
gloire est de bien vivre et de _bien mourir_[11].» Lisez encore ces
lignes si chrétiennes et si patriotiques par lesquelles, en 1578,
Pierre d'Origny termine son _Hérault de la Noblesse Françoise_:
«Faisant ainsy..., tu auras faict acquest singulier de Noblesse, non
seulement pour toy mais pour ta postérité travaillant en mesme
imitation généreuse, afin que d'un si grand et seul bien proposé en ce
monde à ce pauvre homme terrien, le fruict en redonde à la gloire de
Dieu, service du Roy et repos du pays.» Quand le Roi confère à des
Français la noblesse ou quelque titre de dignité, les lettres patentes
stipulent que c'est «afin que laissant à la postérité des marques de
leurs mérites, leurs successeurs, incités d'une juste émulation,
fassent gloire de sacrifier _leurs biens et leurs vies_ pour la
deffense et conservation de l'Estat.[12]» Et qu'importait la vie en
regard de l'honneur? Sous Louis XV, dans une bataille, le comte de
Saint-Pern voit son régiment ébranlé par une volée de boulets: «Eh
bien! quoi, mes enfants, dit-il tranquillement, c'est du canon! _Cela
tue, et voilà tout!_» Parole sublime, digne des temps épiques où les
croisés, vaincus, traînés en captivité, menacés des plus affreux
supplices, oubliaient leur effroyable misère pour jeter vers le Ciel
la sainte prière d'Ézéchias: _Domine, salvum fac Regem!_ Et quel
dédain superbe de la vie dans ce chant du départ pour la Terre-Sainte:
«Celui de nous qui mourra pourra dire à Dieu: Si tu es mort pour moi,
ne suis-je pas mort pour toi?» Pas un de ces rudes guerriers qui ne
tombât, comme plus tard Du Guesclin et Bayard, en recommandant à Dieu
son âme, son prince et sa patrie. Leur fin glorieuse avivait,
grandissait l'auréole de leur lignage, et les fils la consignaient
avec un légitime orgueil dans les actes[13]. Ceux des croisés qui
revirent «la doulce France», couverts d'indulgences, de lauriers et de
dettes, durent la plupart aliéner leurs domaines pour payer leur
gloire[14].

  [6] _Iliade_, livre V, v. 168.

  [7] Charte des moines de Marmoutier, v. 1254: «... sub militari
  disciplina Deo militantes.»--_Cartul._, t. III, p. 376.

  [8] Robertson, _Introd. à l'hist. de Charles V_, p. 13: «La
  défense nationale était le principal objet du système féodal.»

  [9] Dom Bouquet, t. V, p. 57, _Constit. Caroli Magni_: «Quicumque
  beneficia habere videntur omnes in hostem veniant.»

  [10] Époux de Louise de Bonadona.

  [11] Clairambault, t. 943, p. 248.

  [12] Lettres d'érection du marquisat d'Hermanville, 1651; _doss.
  bleu_ 17510, Vauquelin, p. 1.

  [13] Charte de 1109: «Goffridus Rorigo, filius Goffridi Rorigonis
  qui in exercitu hierusolimitano obiit...»--_Coll. d'Anjou_, t.
  IV, no 1290.

  [14] Sur la ruine générale de la Noblesse par les croisades, voy.
  Boulainvilliers, _Essais_, p. 149-152.



CHAPITRE IV

  Appauvrissement et dépopulation de la Noblesse.--Chevaliers
    pleuvent.--Magnanime mot d'ordre.--Morts au lict
    d'honneur.--Rallye au Roy!--Etats Généraux de 1483.--La
    république et la chose publique.--Vive qui vainque!--Les
    casaniers.--Dégradations de noblesse.--Sully et sa chevalerie
    d'honneur.--Louis XIV et la croix de Saint-Louis.--Ils se
    battaient pour nous!


Ce qui, dans l'histoire de la chevalerie de France, est plus frappant
encore que son appauvrissement jusqu'à la ruine, c'est son
amoindrissement numérique, sa constante dépopulation. Dans les vieux
cartulaires, à partir du XIe siècle, les chevaliers abondent,
«chevaliers pleuvent», comme disait la devise des sires de Chauvigny;
puis, progressivement, ils se raréfient; les guerres saintes ont
dévoré les seigneurs et les fiefs; les survivants, à quelques-uns
près, ne sont plus assez riches pour tenir le rang de chevalier; trois
cents ans de batailles contre les Anglais, puis la fureur des guerres
de religion, achèvent l'œuvre d'extermination, de spoliation, de
dénobilisation. A Crécy, à Poitiers, à Cocherel, dans les champs
d'Azincourt, le sang des chevaliers coula jusqu'à l'épuisement;
telle bataille faucha presque toute la Noblesse d'une province[15];
mais les traditions d'honneur et de sacrifice ne mouraient pas;
elles se transmettaient de génération en génération comme un
magnanime mot d'ordre; Bayard, tué à Rebec, était fils, petit-fils,
arrière-petit-fils, neveu, petit-neveu de gentilshommes «morts au lict
d'honneur». Tant que l'on pouvait, on servait, on sacrifiait la
fortune et la vie avec une généreuse obstination, en disant la devise
des Montesson: «Rallye au Roy!» Le Roi! auguste et prestigieuse
incarnation de la majesté, de la grandeur et de la pérennité de la
Patrie française, dont la Noblesse était, je l'ai dit, le premier et
le vivant rempart; vérité que proclamèrent les États généraux du
Royaume, assemblés à Tours en 1483: «L'estat de Noblesse est
nécessaire à la tuition et garde de la république, car c'est le nerf
et la force du Royaulme.» La république, en ce temps-là, c'était la
chose publique; ce n'est plus, hélas! la même chose. Aux États
généraux de 1589, il fut demandé «qu'on restablist la chevallerye,
comme la seule institution capable de réprimer les désordres du
Royaulme[16].» C'est que non seulement les rangs de la Noblesse
apparaissaient décimés, mais le désordre des choses fomentait
l'indécision, le découragement, et plus d'un gentilhomme se tenait à
l'écart des luttes, prêt peut-être à crier comme en Italie: «Vive qui
vainque!» Un arrêt de la cour des aides, donné à Tours en 1593,
déclara roturiers les nobles qui n'allaient pas à la guerre[17], tant
le nom de noblesse était synonyme de service militaire, et cette
affirmation se retrouve, en 1596, dans les remontrances des trois
ordres du bailliage de Loudunois, aux États généraux de Rouen: «Les
cazaniers et qui auront demeuré en leurs maisons sans avoir faict
service à Sa Majesté seront déclarez roturiers et dégradez de
noblesse, paieront une somme de deniers à Sa Majesté pour avoir manqué
à leur debvoir et [seront] doresnavant taillables[18].» Deux ans avant
la mort d'Henri IV, Sully pensait rendre à l'État sa splendeur et sa
force par la création d'une chevalerie d'honneur[19]; patriotique
conception que devait réaliser le génie de Louis XIV; et l'on sait
quels miracles de vaillantise enfanta le noble appât de la croix de
Saint-Louis[20].

  [15] Par exemple, la noblesse du Perche, à la bataille de
  Verneuil, en 1425.

  [16] De Thou, _Hist._, ann. 1589, liv. XCIV, p. 388 et 504.

  [17] Comme la loi des Visigoths, dégradant les Nobles oublieux de
  leur premier devoir, qui était de marcher à l'ennemi pour le roi
  et la patrie. (Leber, t. V, p. 415.)

  [18] _Coll. d'Anjou et Touraine_, t. XI, no 4750.

  [19] _Mémoires_, t. X, p. 311.

  [20]--Vous êtes bien jeune, Monsieur! répondit Louis XIV à un
  brave officier qui demandait la croix de Saint-Louis.--Sire, on
  ne vit pas vieux dans votre régiment d'Orléans!

Ainsi noblesse était synonyme de «service de guerre»; le gentilhomme
se devait en tout temps, à tout âge[21], à la défense du pays, et
c'était, on le verra, une charge grandement en disproportion avec ses
avantages honorifiques; le culte des traditions et la passion de
l'honneur pouvaient seuls la rendre supportable. «Nos nobles! disait
avec un tendre orgueil un paysan de l'héroïque Vendée. Ils se
battaient pour nous!»--Cela, c'était leur devoir et leur droit,
c'était l'honneur!

  [21] Dans les revues de l'arrière-ban comparaissent des
  gentilshommes octogénaires.--Voy. le chap. XVIII.



CHAPITRE V

  L'Impôt du sang.--Héroïsme de la vieille France.--Le sang
    bleu.--Fourmillement de héros.--Le marquis de Gesvres.--Le
    maréchal de Choiseul.--Onze Fautrières tués dans les guerres
    de Louis XIV.--Treize frères tués à Azincourt.--La folie de
    l'honneur.--Le duc de la Feuillade.--Les comtes de Chabot et
    de Frotté.--Noblesse oblige.--Tout son sang à sa patrie!


D'Hozier a laissé sous ce titre, _L'Impôt du sang_, ou _La Noblesse de
France sur les champs de bataille_, un manuscrit que Mr Louis Paris a
publié, en 1874, non sans avoir longuement essuyé le mauvais vouloir
du gouvernement impérial; comme si les Napoléons eussent appréhendé
que leur jeune gloire ne fût éclipsée par ce colossal témoignage de
l'héroïsme de la vieille France! L'œuvre de d'Hozier a formé six
volumes in-octavo, et l'on peut dire que le «sang bleu» y coule par
torrents. Pourtant ce recueil est outrageusement incomplet; ce n'est
rien que la compilation du _Dictionnaire de la Noblesse_, de La
Chenaye-Desbois, et de l'_Histoire des régiments_, de M. de Roussel;
le compilateur y a pris note des blessés et des morts, et c'est tout.
Il faudrait plus de vingt in-folios pour composer la simple
nomenclature des gentilshommes dont le sang coula pour la défense de
la civilisation chrétienne et de la patrie, depuis les croisades
jusqu'à nos temps. Toutefois la compilation en question constitue un
éblouissant panégyrique de la valeur, du patriotisme et de l'esprit
traditionnel de la Noblesse. Ce fourmillement de héros saisit l'âme
d'une orgueilleuse admiration et d'une généreuse envie; ici, c'est le
marquis de Gesvres, mourant, au siège de Thionville, de sa
trente-neuvième blessure; là, Charles de Choiseul, dont le bâton de
maréchal représente vingt-deux blessures, quatre-vingts sièges ou
batailles, et ses trois fils, tués à l'ennemi. Onze frères du nom de
Fautrières périssent dans les guerres de Louis XIV[22]; quand l'aîné
tombe, le suivant, comme au temps des croisades, part et va prendre sa
place. Les treize fils aînés de Gervais Auvé et de Guillemette de
Vendôme meurent à Azincourt[23]. Et voilà comme quoi les Nobles
n'avaient d'autre peine que celle de naître! Ils avaient bien aussi
celle de mourir, et de se ruiner, ces hommes atteints de l'incurable
folie de l'honneur, comme les croisés aliénant leurs terres pour aller
au secours de la Terre-Sainte, comme les ducs de Berry et de
Bourbon[24] vendant leurs domaines pour aller au secours du Roi, comme
La Feuillade volant au secours de Candie avec trois cents
gentilshommes équipés à ses frais. «Mieux on est né, disait le comte
de Chabot à son jeune neveu, l'illustre Louis de Frotté, mieux on est
né, plus on a d'obligations à remplir dans la société, et plus on doit
de sacrifices au Roi et à l'État[25].» Belle paraphrase du dicton
populaire: Noblesse oblige! «Mon père, dit le comte de Puisaye[26],
avoit pour principe qu'un gentilhomme devoit _tout son sang à sa
patrie_ pendant la guerre, mais qu'une vie indépendante et employée à
se rendre utile à ses concitoyens et à faire le bonheur de ses
vassaux, quand sa fortune lui en donne les moyens, est celle qui lui
convient à la paix. Cette opinion était alors partagée par beaucoup de
seigneurs assez riches pour se passer de grâces et de faveurs, et
trop fiers pour acheter par le sacrifice de leur indépendance une
élévation factice, à laquelle ils attachaient peu de prix.» Je
pourrais multiplier les citations; aucune ne serait plus éloquente,
plus probante que ce mot du comte de Puisaye: «Tout son sang à sa
patrie!» Il résume magnifiquement l'histoire et l'esprit de la
Noblesse française.

  [22] _L'Impôt du sang_, t. II, p. 120; t. III, p. 12; t. V, p.
  156--O. de Poli, _Royal-Vaisseaux_, p. 48.

  [23] _Pièces orig._, t. 148, Auvé, p. 31.

  [24] La Mure, t. II, p. 524, col. 1.

  [25] L. de la Sicotière, _Un chapitre de l'hist. de Frotté_,
  1884, p. 16.

  [26] _Mémoires_, t. I, p. 127-128.



CHAPITRE VI

  Officiers d'emblée.--Stage militaire.--François de la Noüe
    Bras-de-fer et les Ecoles militaires.--Gentilshommes simples
    soldats.--La Vernade, Beauharnais, Praslin, Rohan, Dampierre,
    La Guiche, Biron.--Marc Courtin.--Le Tiers-État, séminaire de
    Noblesse.--La révolution et les privilèges.--La terre aux
    paysans.--Les naufrageurs.--_In sudore sanguinis._


Un préjugé très répandu, c'est que tout noble était officier d'emblée;
pas plus, cependant, que de nos jours, un Saint-Cyrien. Le stage
militaire était aussi rigoureux autrefois qu'à présent. Avant
l'institution des Écoles militaires, réclamée dès 1580 par François de
la Noüe[27], les jeunes gentilshommes l'accomplissaient aux XIVe et
XVe siècles, sous la conduite des chevaliers ou des écuyers; plus
tard, dans les compagnies d'archers, puis dans les régiments. Une
ordonnance du 30 septembre 1668, rendue par Bouchu, intendant de
Bourgogne, appelle à faire les preuves de leur noblesse les
gentilshommes alors au service du Roi comme «simples soldats de
cavallerye ou d'infanterye»[28]. En 1641, Jean de la Vernade est
cavalier au régiment de Sirot[29]; en 1673, Mr de Beauharnois,
cavalier au régiment des Fourneaux; Mr de Praslin, cavalier au
Régiment Royal; Mrs de Rohan, de Renouard, de Cochefillet, de
Dampierre, de la Guiche, cavaliers au régiment Royal-Wallon[30]; en
1693, Mr de Biron, cavalier au régiment de Girardin, et Mr de Praslin,
au régiment de Florensac[31]. On trouvera, dans cette histoire
généalogique, Marc Courtin, mort brigadier des armées du Roi, servant
d'abord comme simple soldat[32]. On verra plus loin ce qu'il faut
penser de cet autre préjugé que les nobles seuls pûssent parvenir aux
grades. Et quand il en eût été ainsi, les rangs de la Noblesse
n'étaient-ils pas ouverts au mérite? Encore une fois, elle ne
constituait pas une caste, la caste étant exclusive, «mais une classe
de familles illustres dans laquelle chacun pouvait aspirer à se faire
admettre, ou à faire admettre ses enfants; d'où l'adage ancien: _Le
Tiers-Estat est séminaire de Noblesse_[33].»

  [27] Dans ses curieux _Mémoires_.--Voy. mon _Précis généal. de la
  Maison de la Noüe_.

  [28] Chartrier de Beauvoir, no 164, orig. impr.

  [29] _Montres_, t. XCV, p. 1176.

  [30] _Montres_, t. CXII, p. 1694; t. CXIII, p. 1862; t. p. CXV,
  p. 2061.

  [31] _Montres_, t. CXXIX, p. 3559, 3575.

  [32] _Preuves_, nos 1624, 1625.

  [33] Cte de la Porte, Membre Honoraire du Conseil Héraldique de
  France, _Hist. généal._, p. 11.

La révolution se glorifie de la suppression des privilèges,
c'est-à-dire qu'elle a lésé toutes les classes, car chacune avait les
siens: la bourgeoisie, le privilège du commerce; les travailleurs, le
privilège de rester à leurs travaux et de ne payer pas l'impôt du
sang. La révolution a dit au peuple qu'elle supprimait des barrières,
quand elle supprimait les échelons par lesquels les citoyens de la
condition même la plus modeste pouvaient, le mérite aidant, monter
jusques à la cîme sociale[34]. Elle a, tout au contraire, dressé des
barrières à peu près infranchissables pour la masse du peuple, parqué
désormais dans son milieu comme dans une galère; elle lui donne à
ronger l'os de la prétendue gratuité de l'enseignement primaire; mais
l'élévation croissante du niveau des études supérieures creuse entre
le peuple et les privilégiés de l'instruction un fossé dont les
ouvriers intelligents perçoivent seuls la largeur et la profondeur. La
révolution les a même dépouillés des avantages qui découlaient de
l'association corporative, et qu'elle n'a compensés par rien.

  [34] Cf. O. de Poli, _Royal-Vaisseaux_, p. 2-3, 47.

Au peuple des champs, elle a dit qu'elle lui donnait la terre; niaise
duperie qui ne leurre plus que l'ignorance. A toute époque, on le
verra, le paysan fut propriétaire, et les familles anoblies sont
innombrables dont la fortune eut pour point de départ la culture de
leurs terres. Le censitaire, l'emphytéote, le serf même les avoient
acquises originellement au prix de redevances ou de services librement
stipulés, réciproquement utiles. En confisquant les biens des moines
et du clergé, la révolution spoliait surtout les pauvres; en
confisquant ceux des Nobles, elle perpétrait un vol aggravé
d'ingratitude. Quelques habiles, légers de scrupules, comme les
naufrageurs, ont bénéficié des épaves; mais la plus grosse part de ce
bien mal acquis devait sombrer dans le gouffre de la banqueroute
révolutionnaire.

Aujourd'hui, dépouillée de sa puissance, la Noblesse garde encore un
mystérieux prestige, comme ces splendeurs du soleil couchant qui
ressemblent à des aurores. Quand le penseur s'arrête à contempler les
grandes tombes de l'histoire, couchées aux pieds du Dieu de Clovis et
de saint Louis, une grave et fière leçon s'élève de la poussière des
hommes: il n'y a point, sur la noble terre de France, de droits de
fraîche date, et la génération vivante doit tous les siens au labeur,
au courage, aux sacrifices de ses devancières. A l'exemple des Rois,
la Noblesse a cimenté l'édifice national «à la sueur de son sang»,
comme dit une devise qui m'est chère, et quel fut son salaire? La
calomnie, l'outrage, la spoliation, l'exil, les supplices. Examinons
si elle avait mérité cet excès d'ingratitude et ces indignités.



CHAPITRE VII

  Royaume en petit.--Stipendiaires.--Le génie du Christianisme et
    la chevalerie.--Tancrède.--La fraternité vraie.--La charité
    devient la grande loi féodale.--Coup d'œil sur les
    concessions des seigneurs aux populations rurales.--Les
    forêts du Roi.--Opinion de Pecquet.--Influence de la
    Religion.--Esprit de réciprocité.--La féodalité, plus
    libérale que la révolution et l'état moderne.--_Risum
    teneatis!_


Au début de la féodalité, chaque seigneur a ses barons[35], ses pairs,
généralement de son estoc, qui composent sa cour et son conseil; car
chaque fief est un royaume en petit, avec ses gens de justice et ses
gens de guerre, _milites_, tant nobles que non nobles[36], aux gages
du seigneur[37]; et cet état de stipendiaire, considéré comme
dérogeant, jette sur les _milites_ un vernis de défaveur et même
comme une sorte de déshonneur[38]. Le génie du Christianisme s'empare
de ces hommes farouches, barbares, prompts à toutes les audaces de la
force brutale, les assouplit au respect des lois divines, les
convertit à la religion du devoir, les transforme en chevaliers de
Jésus-Christ, et la qualification de _miles_, naguère entourée de
crainte et de sourd mépris, devient le titre d'honneur le plus
éclatant, le plus envié, le plus haut[39], à ce point que Tancrède le
plaçait au-dessus même du titre de Roi[40]. Le père consigne avec
orgueil dans les chartes que son fils, tout jeune encore, est déjà
revêtu de l'ordre de chevalerie[41]. Sous l'influence féconde de
l'Eglise, la charité devient la grande loi féodale; l'amour des
pauvres, des humbles, des faibles, la fraternité chrétienne, la
fraternité vraie, celle-là, inspirent et multiplient les fondations
généreuses, les donations aux monastères, ministres nés de l'aumône
privée et de l'assistance discrète, les hospices et les _maladeries_
pour les vassaux et les pauvres voyageurs, les concessions de droits
d'usage dans les bois seigneuriaux, si précieuses pour les populations
rurales; et, sur ce dernier point, j'invoquerai le témoignage d'un
ancien chef de l'administration forestière, homme éminent que la mort
a brusquement enlevé à ses consciencieux et remarquables travaux; la
citation sera longue, mais probative.

  [35] Charte de 1025: «Humbaldus Virsionensis dominus et barones
  ejus.»--_Cartul. de Vierzon_, fol. 12.

  [36] Guill{e}, seigneur de Talmont, v. 1080: «... milites suos tam
  nobiles quam ignobiles.»--Dom Fonteneau, t. XIV, p. 245.

  [37] Charte de 1053: «Ego Ebroinus miles stipendiarius.»--_Coll.
  d'Anjou_, t. II, no 541.

  [38] Charte de 1045: «Ego Almoricus vir nobilis, tamen
  miles.--Dom Grenier, t. LXVIII, fol. 260, no 7.

  [39] Cf. Léon Gautier, _La Chevalerie_.

  [40] Michaud, t. I, p. 455-456.

  [41] Charte de Raoul, comte de Soissons, 1183: «Aalis uxor mea et
  Guido, filius ejus, jam miles factus.» (_Senlis_, t. I, fol.
  24.)--Charte de Bouchard, seigneur de l'Isle, 1184: «... filiis
  meis Bucardo, jam milite, et Barth{o} puero.» (_Marmoutier_, t. II,
  p. 276.)

   «Si on considère qu'une portion souvent importante, quand ce
   n'était pas la _totalité des produits forestiers, était absorbée
   par ces usages_, il serait injuste de méconnaître que la
   concession de la plupart de ces droits a été, de la part des
   seigneurs, un _sacrifice tout aussi grand que la constitution des
   forêts communales cédées en toute propriété_. Il serait injuste,
   soit de déprécier outre mesure la valeur des donations faites par
   les seigneurs, soit de rabaisser la libéralité de ces hauts et
   puissants personnages qui, héritiers des conquérants et par
   conséquent possesseurs par le droit de conquête, auraient pu très
   probablement se refuser envers des communautés d'habitants sans
   puissance, _à des concessions que leurs successeurs ont été
   jusqu'à détruire_. Par exemple, dans une forêt de 5,000 hectares,
   ancienne propriété des comtes d'Alençon, les droits réglementés
   au profit de deux abbayes, d'un prieuré, d'une réunion de prêtres
   séculiers, de six particuliers, de vingt paroisses environnant
   la forêt, consistaient en 150 cordes de bois de feu équivalentes
   à six cents stères actuels, en bois à bâtir pour une des abbayes
   et pour la réunion des prêtres séculiers, en droits au mort-bois
   et au bois mort, au bois cassé, brisé et tombé, en droits de
   pâturage et de panage pour au moins 1,900 brebis, 1,000 chevaux,
   3,000 porcs, 1,000 bêtes à cornes, en totalité plus de 6,900
   têtes d'animaux. Or, si, indépendamment de ce qui précède, on
   remarque avec le célèbre commentateur Pecquet, grand maître des
   eaux et forêts de Normandie en 1753, qu'avant l'ordonnance de
   1669, «_presque toutes les forêts du Roi étaient inondées de
   droits de pâturage gratuits, qu'il n'y avait personne, un peu
   voisin des forêts, qui n'y fût usager_, qu'en parlant du droit de
   pâturage il dit aussi: _C'est une grâce des Rois, une aisance
   qu'ils ont bien voulu accorder à leurs sujets_,» on comprend
   quelle était autrefois l'importance des forêts pour
   l'approvisionnement des populations d'alentour et pour la
   nourriture de leurs animaux domestiques...

   «... Ceux-là, mêmes qui avaient pu abuser de la puissance que
   l'institution féodale avait mise entre leurs mains, ont pu aussi
   céder à _l'influence de la civilisation religieuse, obéir aux
   sentiments généreux que l'ardente foi de cette époque et la
   charité leur inspiraient_ envers les peuples dont ils étaient les
   maîtres plus cléments que leurs prédécesseurs. Si même on
   considère que les importantes concessions dont je parle ont
   coïncidé avec les croisades, avec l'honneur chevaleresque, avec
   l'apparition de grandes individualités laïques et religieuses,
   avec de nombreuses fondations de charité et avec l'élévation des
   grandes basiliques chrétiennes; si on considère enfin que c'est
   au moyen âge que la religion chrétienne et la charité ont eu le
   plus grand développement et ont exercé le plus d'influence, _il
   ne faut pas s'étonner qu'un même esprit, qu'un même courant
   d'idées ait inspiré ces mouvements généreux_ d'une époque qui,
   malgré ce qu'avait d'oppressif une autorité si morcelée et sans
   contrôle, se distinguait, au moins, par l'indépendance et les
   autres vertus viriles de ces fiers seigneurs.

   «Dans l'appréciation d'une époque, il importe de tenir compte de
   toutes les circonstances, et il ne faut pas perdre de vue que
   beaucoup d'historiens n'ont toujours parlé que des méfaits du
   régime féodal _sans jamais vouloir chercher ce qu'il avait pu
   faire de bien_; qu'ils ont fait ressortir tous les abus de
   l'autorité féodale, mais _qu'ils ont passé sous silence l'esprit
   de communauté ou de réciprocité de certains intérêts_ qui, aux
   moments les moins mauvais de l'époque féodale, _s'était établi
   entre beaucoup de seigneurs et les peuples de leurs fiefs, ainsi
   que le démontrent les concessions forestières faites à tant de
   réunions d'habitants_. Je dois ajouter que ce n'est pas seulement
   des seigneurs féodaux, mais aussi de nombreuses abbayes ou autres
   communautés religieuses propriétaires de forêts, que les réunions
   d'habitants, constituées plus tard en communes proprement dites,
   ont obtenu au moyen âge de si nombreuses concessions, car il
   était naturel que les peuples trouvassent ces sortes d'avantages
   autant auprès de ceux qui prêchaient la charité qu'auprès des
   seigneurs auxquels elle était prêchée; _et on sait d'ailleurs
   qu'indépendamment de ces jouissances forestières, les anciens
   monastères employaient leurs revenus à secourir l'infortune et
   la misère. Il est même permis de se demander quel avantage ont
   trouvé les malheureux à la destruction de ces établissements de
   charité_.

   «... Quiconque étudiera les titres de concessions forestières au
   moyen âge, pour en découvrir les véritables mobiles, y
   reconnaîtra sans peine que _les donateurs n'ont le plus souvent
   obéi qu'à des sentiments de religion et de charité_, et n'y
   trouvera pas la moindre trace d'une soumission forcée aux
   exigences des populations. Je sais que plusieurs attribuent à
   d'autres causes les concessions forestières. Ces concessions de
   l'époque féodale ayant été souvent accordées à de simples
   bourgades, ne jouissant encore d'aucune institution communale,
   elles sont considérées par certains comme la conséquence
   naturelle de l'obligation personnelle du contrat qui, lorsque le
   régime féodal régnait dans toute la plénitude de son principe,
   liait le seigneur à ses vassaux, ou comme une juste rémunération
   par le suzerain des prestations et des redevances des vassaux.
   Quoique dans ce système on ne tienne pas compte des causes
   morales, religieuses et civilisatrices dont j'ai parlé, il n'est
   pas moins vrai qu'un système par suite duquel les seigneurs
   accordaient au peuple de pareilles concessions, en échange même
   de prestations, de redevances ou d'impôts, _était plus libéral
   envers les peuples qu'on n'a bien voulu le dire, plus libéral
   surtout, au point de vue forestier, que certains régimes modernes
   sous lesquels, en rémunération même des impôts plus ou moins
   équivalents aux prestations du régime féodal, les lois actuelles
   n'accordent pas aux peuples la moindre jouissance forestière_.
   L'antique libéralité envers ces peuples a progressivement
   diminué avec l'esprit chrétien et avec la charité qui en était
   la conséquence nécessaire.

   «Enfin, d'autres disent que les seigneurs des dixième, onzième et
   douzième siècles ont été obligés de céder aux réclamations des
   habitants des campagnes en leur accordant les concessions
   forestières. Mais, si c'est à cette cause qu'on doit attribuer
   ces concessions, _il faut avouer qu'au moyen âge les communautés
   d'habitants luttaient avec avantage contre la puissance des
   seigneurs féodaux_, puisque d'une part les cités, les
   agglomérations urbaines conquéraient des institutions municipales
   dont certaines étaient presque républicaines; que, d'une autre
   part, _les bourgades les plus modestes obtenaient_, toutes
   dépourvues qu'elles étaient de moyens de pression violente sur
   les seigneurs, _la consécration des jouissances forestières_
   qu'elles considéraient presque comme des droits, quoique les
   seigneurs fûssent propriétaires des forêts par un ancien droit de
   conquête. On ne peut disconvenir que les seigneurs n'avaient plus
   envers le peuple, à l'époque des concessions, toute la puissance
   oppressive qu'on leur a attribuée. _Ces concessions démontrent
   même que les désirs ou les réclamations des communes étaient d'un
   tout autre poids sur l'esprit des chefs de chaque famille
   féodale, que le seraient les réclamations de ces mêmes communes
   sur l'Etat abstrait et centralisé d'aujourd'hui._

   «... Mais, quelle qu'en ait été au juste la cause, les
   concessions forestières démontrent d'une manière évidente que,
   malgré les vices du régime féodal, malgré ce que d'extrêmes
   inégalités entre les classes composant la nation française et ce
   que les privilèges dont jouissait la Noblesse ont d'antipathique
   à l'esprit social et aux idées démocratiques d'aujourd'hui, _les
   peuples avaient plus d'indépendance, plus de moyens de faire
   respecter leurs droits qu'on n'a cherché à le faire croire_. Il
   est certain aussi qu'aux époques postérieures de notre histoire,
   _de pareils avantages ne furent plut accordés_. L'Etat,
   propriétaire actuel de ces forêts, jouit de leurs revenus à
   l'exclusion de toute espèce de tolérance. La loi forestière, non
   seulement supprime jusqu'à l'usage du bois mort, non seulement
   s'oppose à toute espèce de concession de droits d'usage, à
   l'avenir, dans les forêts de l'Etat, mais elle ne tend à rien
   moins qu'à l'abolition complète des droits de pâturage et des
   droits de chauffage qui ont été maintenus par l'ordonnance de
   1669, ainsi que des bois de construction. _Aux anciennes
   libéralités des seigneurs a succédé un régime de moins en moins
   libéral._

   «Les anciens droits d'usage forestiers, les nombreuses tolérances
   rurales, telles que la vaine pâture dont témoignent les vieilles
   coutumes, démontrent que, si ce n'est la chasse dont les nobles
   s'étaient réservé le privilège, _la propriété royale, comme celle
   des seigneurs et celle des particuliers, était autrement
   accessible à ceux qui ne possédaient rien, que l'est en ce moment
   la propriété sous la garde de nos lois_[42].»

  [42] _La propriété forestière_, par un ancien Conservateur des
  forêts, _passim_.

Et voilà comment la révolution a donné la terre aux paysans: en les
dépossédant de jouissances et de droits libéralement concédés par les
seigneurs! _Risum teneatis!_



CHAPITRE VIII

  Chrétiennes libéralités.--Grands repentirs.--Sobriquets
    vengeurs.--Surnoms élogieux.--Sous la bure des
    cloîtres.--Inhumés en habit religieux.--Chevalier
    moine.--Hugues Courtin.--Paupérisme.--_Ubi Ecclesia, ibi
    miles._--Les Cartulaires monastiques.--Ce que le peuple doit
    aux Moines.--Ecoles vraiment gratuites.--Marmoutier et Cluny.


Le sentiment de la foi chrétienne dictait ces nobles libéralités,
toujours faites pour le repos de l'âme du donateur, de ses parents, de
ses amis[43]. C'est ainsi qu'en 1230 Dreux de Mello, seigneur de
Loches et de Mayenne, affranchit à perpétuité de toute espèce d'impôts
ses vassaux de Saint-Mars-sur-la-Futaie[44], et qu'en 1264 le seigneur
de Bagneux exempta les siens de presque toutes charges[45]. Ce n'est
pas à dire que tous les Nobles fûssent aussi larges, ni qu'ils fûssent
tous parfaits; pour être seigneurs, ils n'en étaient pas moins hommes,
avec toutes les faiblesses de l'humanité; mais, ce qu'oublient de
relater les détracteurs systématiques du passé, les plus endurcis et
les plus puissants, avant de paraître devant Celui qui juge les
justices, avaient à cœur de réparer les torts ou le mal qu'ils
avaient faits[46]. C'était sous l'influence vénérée de la Religion que
germaient dans les âmes ces grands et admirables repentirs qui ne sont
pas le moindre honneur des temps féodaux; et parfois, pour marquer sa
contrition du sceau de l'humilité, le seigneur prenait non ses pairs,
mais ses serfs à témoins de ses restitutions[47]. Pour un seigneur dur
à ses vassaux et flétri d'un sobriquet vengeur, comme Guillaume
Talvas[48], combien, comme les Lusignan, furent surnommés «le bon»
par la reconnaissance de leurs sujets! «Les peuples, dit un ancien
héraldiste, préfèrent un seigneur noble à un non-noble. Bienheureuse
est la terre, dit l'Ecclésiaste, dont le Roi est noble[49]!»

  [43] Charte de 1260: «... pro salute anime mee et amicorum
  meorum.» (_St Cyr-de-Friardel_, fol. 15 vo.)--Contrat de partage
  du 18 mars 1501: «Si le dict pré vault par an plus grant somme,
  led. Françoys Courtin, ses hers et aians cause, seront tenuz
  l'employer en bienfaiz pour les ames de leurs amys trespassez.»
  (_Preuves_, no 264.)

  [44] _Fontaine-Daniel_, fol. 51 vo.

  [45] «Pro anima patris nostri.»--_Cartul. du dioc. de Paris_, p.
  148.

  [46] Par exemple: Gui, comte de Ponthieu (Louandre, p. 68); le
  comte de Roussillon (B. Alart, _Not. hist. sur les communes du
  Rouss._, p. 71); Louis, duc d'Anjou, comte du Maine. (L'abbé R.
  Charles, _Souvigné_, p. 142.)--Cf. Laurentie, t. II, p. 293.

  [47] Charte de restitution faite à Saint-Marcel de Châlon par Et.
  de Neublans, ch{er}, v. 1170: «Signum Hugonis servi
  manentis.»--_Cartul._, p. 152.

  [48] «Qui pro duritia jure Talvatius vocabatur.» Orderic
  Vital.--_Talvas_, taille-vassal.

  [49] G.-A. de la Roque, _Traité de la nobl._, p. 234.

Maints chevaliers, après avoir valeureusement servi leur Prince,
allaient terminer leurs jours sous la bure des monastères, pour ne
plus servir que leur Dieu[50]. C'était l'heure des expiations
magnanimes. Des rois et des empereurs voulurent cette fin pieuse[51],
et les cartulaires monastiques sont pleins de ces généreux
renoncements. Les preux qui n'avaient pu accomplir dans le cloître
cette suprême retraite préparatoire, voulaient au moins mourir sous
l'habit religieux, «suivant un usage très suivi au moyen âge par la
piété des latins comme des grecs[52].» Baudouin II, roi de Jérusalem,
mourut sous l'habit des chanoines du Saint-Sépulcre[53]; l'empereur
Jean de Brienne, sous celui des fils de saint François[54]. Dans les
nécrologes du XIIIe siècle, des personnages sont qualifiés «chevaliers
et moines.»[55] Dante voulut être inhumé en habit religieux[56].

  [50] Charte de 1229: «Robertus de Renge, miles, seculari relicta
  milicia, solo Deo militare desiderans...»--_Cartul. de l'abb. de
  Bonneval_, p. 82.

  [51] Cf. Michaud, t. V, p. 274.--Huart, _Jacq. de Bourbon, comte
  de la Marche, roi de Hongrie, de Sicile et de Jérusalem, frère
  mineur à Besançon_. Besançon, 1882, in-8º.

  [52] L. de Mas-Latrie, _L'Ile de Chypre_, p. 352-353, nos 27, 28.

  [53] A. Couret, _L'Ordre du Saint-Sépulcre_; dans la revue _La
  Terre-Sainte_, 1er avril 1885.

  [54] Michaud, t. III, p. 63, 536.--Marchangy, _Gaule poét._, t.
  IV, p. 354.

  [55] _Coll. de Picardie_, t. CLXIV, _Nécrol. de Saint Luc. de
  Beauvais_: «III id. jan. Joannes miles et monachus.»

  [56] Cantù, _Hist. des Ital._, t. V, p. 385.

Les nobles dames pratiquaient également cette dévotion; telles,
Marguerite Escaface, en 1331, et Marguerite Mesnagier, en 1340[57]. Au
même temps, Pierre de Bailleul et Mathilde d'Estouteville, sa femme,
«furent inhumez estans revestus de l'habit de sainct Françoys;
c'estoit une dévotion assez ordinaire en ce temps-là, de se faire
inhumer avec l'habit de sainct Françoys, comme fist Marguerite
d'Yvetot, dame de Goderville, qui gist sous une tombe auprès de la
sacristie[58].» Comme fit aussi Hugues, dit Huet Courtin, seigneur de
Soulgé, en 1330[59].

  [57] L. de Mas-Latrie, _ut suprà_.

  [58] Farin, t. III, p. 332.

  [59] Voy. la planche IV.

Le clergé par l'aumône, la féodalité par son fractionnement,
prévinrent cette plaie sociale qui, grâce au désordre révolutionnaire,
devient gangreneuse sous le nom barbare de paupérisme. L'Eglise, en
façonnant à son esprit les maîtres des peuples, travaillait autant
pour le bien des âmes que pour le bien-être des hommes. _Ubi Ecclesia,
ibi miles_, disait un adage des temps chevaleresques. L'Eglise, en
effet, était le chevalier des petits en face des grands, et les moines
rivalisaient de dévouement avec le clergé séculier sur le terrain de
la bienfaisance et du bien public. Il semble aux esprits superficiels
que la Noblesse doive seule l'hommage de la gratitude à ces Religieux
dont les cartulaires nous retracent clairement ses mœurs, ses
chevaleresques ardeurs, ses vaillantises, ses actes de foi, ses
œuvres de charité, ses grandes fautes chrétiennement rachetées par de
grands repentirs, et constituent de précieux témoins généalogiques, en
même temps que de lumineux jalons pour l'histoire de la civilisation
française. C'est le peuple surtout qui doit aux moines un hommage
filial de gratitude. Combien de «lieux incultes, sans chemins,
repaires de bêtes fauves»[60], défrichés de leurs mains, fécondés de
leurs sueurs, devenant des sources de richesse agricole! Et quels
généreux emplois de leurs biens[61]! Les malades, les pauvres, les
infirmes, les déshérités n'étaient pas leurs seuls favoris; à côté du
cloître, il y avait toujours une école, vraiment gratuite, celle-là,
riche des dons des générations et ne coûtant rien aux contribuables.
Les moines de Marmoutier _donnaient_ l'instruction partout où ils
avaient des possessions[62]; tous les ordres religieux, et nombre de
seigneurs à leur exemple, faisaient de même, «et le plus grand prince
n'était pas élevé avec plus de soins dans le palais des Rois que ne
l'était à Cluny le plus petit des enfants[63].»

  [60] _Cartul. de Saint Vincent du Mans_, B. N., p. 106.

  [61] Cf. l'abbé Deniau, t. II, p. 194.

  [62] _Coll. d'Anjou_, t. XII, no 6583.

  [63] Udalricus, _Antiq. consuetud. Clun. mon._, l. II, cap. 8.



CHAPITRE IX

  L'Eglise et la Nation.--Devise de Césène.--Sous la
    houlette.--Liberté céleste et liberté terrestre.--Serfs
    volontaires.--Niaiserie républicaine.--Les roturiers et le
    droit de propriété.--Pillages et gaspillages
    révolutionnaires.--Les abbayes et l'aumône
    journalière.--Spoliations ingrates.--Patriotisme du clergé de
    France.


Fidèle dans tous les temps à sa grande mission nationale et sociale,
l'Eglise apparaissait aux peuples comme une auguste bienfaitrice,
comme une mère; volontiers ils eussent pris, comme Césène, pour
devise: _Ecclesiastica libertas[64]!_ Ils disaient proverbialement
qu'«il fait bon vivre sous la houlette», et quand l'autorité royale,
punissant un mauvais seigneur, les dégageait de l'obéissance féodale,
ces hommes libres couraient se placer avec leurs terres dans la
vassalité du monastère voisin, comme sous une égide plus sûre et plus
digne que la liberté même[65].

  [64] Bibl. nat., ms. ital. no 361.

  [65] _Cartul. de l'abb. de Montier-en-Der_, t. I, fol. 86 vo.

On ne feuillette pas un cartulaire sans rencontrer en abondance les
marques de l'amour de l'Eglise pour les humbles, et de la
reconnaissance de ceux-ci[66]. Il y a dans le cartulaire de Marmoutier
une admirable charte dans laquelle les moines promettent «la liberté
céleste» à ceux qui donneront à leurs serfs «la liberté
terrestre»[67]; et, dans cette voie généreuse, l'Eglise prêchait aussi
d'exemple[68]; mais, à la suite d'une charte d'affranchissement, il
n'est pas rare d'en trouver une par laquelle un homme libre se déclare
serf de telle abbaye et lui fait don de sa personne et de ses
biens[69]. Les indigents étaient les véritables bénéficiaires de ces
pieuses libéralités, dont les plus hauts seigneurs ne s'exemptèrent
pas; en 1118, à Lamballe, en présence des barons et des bourgeois, le
vicomte Geoffroy se fit serf de Marmoutier[70]. Toutes les classes
manifestaient à l'envi leur filiale dévotion, et les chartes qui la
constatent servent à montrer ce qu'il faut penser de cette niaiserie
républicaine: que le droit de propriété, pour les roturiers, date de
la révolution. En 1364, c'est Macé Jardin, mercier de Beaulieu, qui
donne ses héritages à l'abbaye de Baugerais[71]; vers 1170, un paysan,
Robert, qui donne à Saint-Georges de Hesdin deux champs qu'il avait
hérités de son père[72]; en 1140, un cuisinier propriétaire de vignes,
dont une _jure paterno_[73]; vers 1115, un homme du peuple, Gosbert,
qui donne un champ à N.-D. de Josaphat[74]; vers 1100, un sellier
de Chartres, qui donne sa maison aux moines de Saint-Père[75];
au XIe siècle, un paysan qui donne sa vigne à Saint-Etienne
de Dijon[76]; vers 1040, «un pauvre homme» qui donne son moulin à
Saint-Vincent-du-Mans[77]. Nous voilà loin de la révolution! Quand
elle dépouilla les moines pour gaspiller misérablement leurs biens,
les départements durent s'imposer pour fournir à l'aumône journalière
fondée par les abbayes[78]. Quand elle dépouilla les églises, il n'y
avait pas six ans que l'assemblée générale du Clergé de France, fidèle
à ses séculaires traditions, avait voté la somme d'un million «pour
être employée au soulagement des matelots blessés et des veuves et
orphelins de ceux qui ont péri pendant la guerre.» De quel côté, je le
demande, étaient la raison patriotique, l'amour de la France et du
peuple?

  [66] Voy. notamment le _Cartul. de l'abb. de Vendôme_, p. 24.

  [67] Salmon, p. 14.

  [68] _Coll. de Poitou_, t. X, p. 203, 343, 359, etc.

  [69] Voy. sur ce sujet la _Revue hist. et archéol. du Maine_,
  1878, p. 30.

  [70] _Cartul._, t. III, p. 214.

  [71] _Tiltres de Baugerais_, fol. 119.

  [72] _Cartul. de St-G. de H._, p. 138: «Quidam rusticus, Robertus
  nomine, campos duos... concessit.»

  [73] _Cartul de St-Vinc. du Mans_, B. N., p. 32.

  [74] _Cartul._, p. 45: «Gosbertus quidam plebeius homo et uxor
  ejus... agrum quendam... in elemosinam contribuerunt.»

  [75] Guérard, _Cartul. de St P. de Ch._, no 103: «Quidam plebeius
  homo, arte sellarius.»

  [76] _Cartul. de St Etienne_, no 96.

  [77] _Cartul._, B. N., p. 251: «Quidam pauper homo nomine
  Hagelet.»

  [78] Robert, _Réplique à Me Dupuy, avocat à Rouen_, p. 10.



CHAPITRE X

  Le servage, l'Église et la féodalité.--Louis X et les serfs.
    Feudophobes.--Sujétions infamantes.--Le fief, base de
    l'État.--Affranchissements.--Serfs maires, comtes et hauts
    justiciers.--Serf ayant des esclaves.--Riches
    laboureurs.--Vieilles familles patriarcales.--Le Sire de
    Coucy, otage pour un paysan.--Taillables à merci.


Les détracteurs du régime féodal inclinent à lui imputer la paternité
du servage, triste rejeton de la barbarie payenne, quand, au
contraire, c'est à partir de l'organisation de la féodalité que, sous
l'impulsion de la civilisation chrétienne, le servage tend à
disparaître. Assurément c'était un état contraire à la dignité de
l'homme, mais était-il vraiment ce que nous le voyons, à travers les
buées du sophisme, avec les yeux de notre temps? On a peine à le
croire, lorsqu'on voit les serfs refuser la liberté que Louis X leur
voulait octroyer[79]. On s'apitoie exclusivement, dans les sphères où
sévit la _feudophobie_, sur ces infortunés ruraux rivés à la glèbe, ne
possédant rien en propre, ne pouvant se marier sans l'aveu du
seigneur, transmis à titre d'héritage «comme un vil bétail»; encore
passè-je sous silence les sujétions infamantes, inventées par les
_feudophobes_ et dont, après Louis Veuillot, le savant comte Amédée de
Foras, l'un des Présidents d'honneur du Conseil Héraldique de France,
vient de faire magistralement justice[80]. Il n'est plus permis
d'ignorer que l'organisation féodale comportait, à tous les degrés de
l'échelle sociale, des servitudes convergeant toutes à la défense de
la patrie. Le fief était la base de l'Etat: comment le seigneur eut-il
acquitté les services qu'il devait au Roi, si ses vassaux avaient eu
le droit de déserter son fief sans indemnité, sans compensation? Les
plus nobles ne pouvaient se marier sans l'agrément de leur suzerain,
et c'était encore la raison d'Etat, une raison d'ordre qui dictait
cette précaution, toujours en vigueur dans les familles régnantes: il
fallait que la sûreté du petit état féodal ne pût pas être compromise
par quelque alliance intempestive ou dangereuse. En 999, nous voyons
des hommes libres, des «Francs» transmis, comme des serfs, avec leurs
héritages[81]: pour ceux-ci comme pour ceux-là, la transmission doit
s'entendre seulement des services dûs par leurs héritages. Quant à la
question de propriété, je l'ai déjà touchée; c'est une simple
absurdité que de prétendre que le serf ne pouvait posséder en propre.
Les chartes abondent par lesquelles des serfs achètent leur
affranchissement; avec quoi, s'ils n'eussent rien possédé? En voici un
qui, en 1097, est propriétaire et maire[82]; un autre qui a lui-même
un esclave et lui octroie la liberté[83]; il y en eut qui devinrent
comtes, c'est-à-dire gouverneurs militaires et civils, délégués de la
puissance souveraine[84]. J'en vois un qui, vers 1099, ayant cessé
d'être de condition servile, possède un fief dont il a la haute
justice[85]. En 1273, Guillaume Poulain, tourneur, inféode une partie
de son bien à un autre tourneur, moyennant un cens annuel et
perpétuel, et revêt de son sceau la charte d'inféodation[86]. Il avait
également son sceau, ce paysan normand qui, en 1256, contracte avec
l'abbaye de Savigny[87]. L'inventaire de ce que possédait, en 1382, un
«pauvre laboureur», relate «troys chevaulx, une vache, deux veaulx de
let, une charrue et ses rouelles, deux colliers,» etc[88]. Mais ce
«pauvre» serait presque riche aujourd'hui! Plus près de nous, en 1601,
«Claude Saulnier, laboureur de la parroisse de Roanne», vend à Antoine
Courtin «ses terres et domaines[89]», qui constitueraient de nos jours
une fortune considérable. Le 24 mars 1626, «en la présence de leurs
preudhommes», les enfants de «Jean Farges, laboureur de la parroisse
de Riorges», partagent la succession paternelle, et il faut
vingt-quatre pages in-quarto pour détailler les prés, terres, bois,
etc., qui la composent[90]. Si l'on creuse jusqu'au fond de l'ancienne
société française, on rencontre un peu partout de vieilles familles
patriarcales de cultivateurs, se transmettant de génération en
génération, à travers les siècles, des propriétés de concession
féodale et, comme la part la plus belle de leur héritage, l'esprit de
foi, de devoir, de probité, de respect de soi-même et d'autrui[91].
Tout cela dément radicalement le mensonge révolutionnaire. Et que
penser de l'oppression féodale, lorsque nous voyons de hauts et
puissants seigneurs comme le sire de Coucy se faire plèges et otages
pour un paysan[92]? D'ailleurs, ce qui démontre irréfutablement que la
classe non noble ne fut pas, comme aujourd'hui le contribuable,
taillable à merci, dans le sens sophistiqué qu'entendent les
feudophobes, autrement dit ruinable à merci, et qu'elle avait de sûrs
et durables profits, c'est qu'à toutes les époques de notre histoire
on voit des marchands, des artisans, des laboureurs acquérir des biens
fonciers, tandis que s'émiettent les domaines de la classe noble,
incessamment appauvrie, fatalement poussée à la ruine par les
dispendieuses obligations de son état.

  [79] Michaud, t. VI, p. 302, 318-320.

  [80] _Le droit du Seigneur._

  [81] Bruel, t. III, no 2489.

  [82] Mabille, p. 143.

  [83] Leber, t. V, p. 343: «... à mon esclave N... que j'ai acheté
  de N...»

  [84] Leber, t. V, p. 355.

  [85] _Cartul. de Cluny_, t. I, fol. 57 vo.

  [86] _Chartes d'Evreux_: «Ego G{s} dictus Pulanus, tornator...
  concessi in feodo et hereditate G{o} dicto Asbues, tornatori...
  presentem feodationem sigilli mei munimine roboravi.»

  [87] _Cartul. de Sav._, p. 88.

  [88] _Quittances_, t. XXVIII, p. 398.

  [89] Chartrier de Beauvoir, no 4, orig. parch.

  [90] Chartrier de Beauvoir, no 143, orig. parch.

  [91] Voy. _La famille de la Noë_, par le comte de
  Quatrebarbes,--et le _Patriote de Normandie_, 16 juill. 1885.

  [92] Charte de 1173, dans les _Chartes de Pic. et d'Artois_, B.
  N. ms. latin nouv. acq. 2096, no 3.



CHAPITRE XI

  Nos Rois.--Odon de Deuil et! Louis VII.--Né pour le salut de
    tous.--Le servage.--Louis IX et le Comte de Poitiers.--Belle
    définition de la puissance féodale.--Machiavel et
    Mézeray.--Hâbleries et viande creuse.--Guitares
    révolutionnaires.--Le grand œuvre de la Royauté.--Villes
    anoblies.--Une nation de gentilshommes.--Les pauvres
    assimilés aux Nobles.--Dieu, qui est droiturier!


On peut appliquer à presque tous nos Rois l'expression dont se sert,
pour peindre son héros, le vieil auteur du poëme d'_Alexandre le
grand_: «Il fut roi!» Le chroniqueur Odon de Deuil dit de Louis VII:
«Il savait qu'un roi n'est pas né pour lui seul, mais pour le salut de
tous[93].» L'esprit chrétien, dont la Monarchie française était
imprégnée jusqu'aux moëlles, devait suffire pour amener
l'adoucissement, puis l'abolition du servage. Premier vassal de
Jésus-Christ, le roi de France, «né pour le salut de tous», couvrait
d'une sollicitude paternelle les faibles et les humbles. Avant que
Louis X eût la pensée d'appeler les serfs à l'honneur de la liberté,
Louis IX avait dit: «Les serfs appartiennent à Jésus-Christ comme
Nous, et dans un royaume chrétien nous ne devons pas oublier qu'ils
sont _nos frères_.» Et le frère du saint roi, le comte de Poitiers,
ardent à détruire la servitude: «Les hommes naissent libres, et
toujours il est sage de faire retourner les choses à leur
origine[94].» Quelle simple et claire définition de la puissance
féodale dans cette parole du comte de Foix, en 1386: «Mon peuple, j'ai
juré à le garder et tenir endroit et justice, ainsy que tous seigneurs
terriens doibvent tenir leur peuple, car pour ce ont-ils et tiennent
les seigneuryes[95].» Ainsi pensaient nos Rois, et l'on en vit se lier
volontairement les mains «pour, disaient-ils, ne plus pouvoir faire
que le bien[96].»

  [93] Michaud, t. VI, p. 423.

  [94] Michaud, t. IV, p. 446; t. V, p. 63.

  [95] Froissart, t. II, p. 564.

  [96] Cf. O. de Poli, _La Royauté_, p. 12.

«Parmi les royaumes bien ordonnés et bien gouvernés, dit Machiavel,
est celui de France, car les rois y sont soumis à une infinité de lois
qui assurent la liberté du peuple[97].» Quoi! la liberté serait plus
ancienne en France que la fameuse révolution? Pour ceux qui ne se
paient pas de hâbleries et de viande creuse, c'est la servitude qui y
est nouvelle. Le parlement de Toulouse, au XVe siècle, déclara que
tout homme qui entrait dans le royaume en criant _France!_ devenait
libre; et, rapportant cet arrêt, l'historien Mézeray ajoute: «Tel est
le royaulme de France que son air communicque la liberté à ceulx qui
le respirent, et nos Roys sont si augustes qu'ils ne règnent que sur
des hommes libres[98].»

  [97] _Le Prince_, ch. XIX; _Discours_, liv. I, ch. XVI; liv. III,
  ch. I.

  [98] Cité par Michaud, t. VI, p. 303.

Nous voyons ce que la révolution a fait des concessions forestières,
des droits corporatifs, des franchises municipales et de la liberté de
conscience; sa fraternité n'est qu'une curée; les fameux abus dont
elle a mené si grand bruit sont remplacés par la tyrannie des basses
influences; et quant à son égalité, autre «guitare», elle se résout en
l'inégalité devant le juge et la mise hors la loi de la moitié de la
nation. Qu'on nous ramène aux carrières de la Monarchie, aux grands
siècles où tel de ses apologistes, réfutant un de ses détracteurs
d'outre-Rhin, pouvait répondre avec un patriotique orgueil: «La
constitution du royaume de France est si excellente qu'elle n'a
_jamais_ exclu et n'exclura jamais les citoyens, nés dans le plus bas
étage, des dignités les plus relevées[99].» C'était le grand œuvre de
la Royauté que le discernement des mérites et la juste récompense des
services rendus à la Patrie; il faudrait une longue vie de labeur pour
nombrer les familles sorties de la foule par la porte de l'honneur, et
portées au pinacle par la Royauté justicière. Des villes même furent
mises par elle à l'ordre du jour de la Nation, au rang de Noblesse, avec
exemption perpétuelle d'impôts, comme Abbeville par Charles V[100],
Dianières en Forez par Charles VII, Saint-Jean-de-Losne par
Louis XIII; splendide rémunération de la loyauté, du courage, du
dévouement au pays; glorieux et fructueux privilèges dont la
révolution a fait table rase et du maintien desquelles ne se
plaindraient sans doute pas, surtout en république, les populations
intéressées. La Royauté voulait faire de la France une nation de
gentilshommes, égaliser sur les sommets, au contraire de la révolution
qui veut créer une aristocratie à rebours, égaliser dans les
bas-fonds.

  [99] Matharel, _Rép. au livre d'Hotman intitulé_ Franco-Gallia;
  Leber, t. V, p. 354.

  [100] O. de Poli, _Un martyr de la patrie_, p. 89.

     Nul n'est noble, si de cœur non;
     Nul n'est vilain, si ne vilaine;

disait un bon vieux adage, où les plus humbles, les plus déshérités
pouvaient prendre leurs lettres de noblesse. Les pauvres, au temps
passé, n'étaient point, comme dans notre ghetto social, des parias,
des quantités négligeables; la coutume, les assimilant aux Nobles, les
exemptait d'impôts[101], et même on voit qu'en vertu d'une
chevaleresque donation «les pauvres de Perpignan» étaient «seigneurs
de Cornella de Bercol[102]». De quoi sont-ils seigneurs
aujourd'hui?... C'est qu'au-dessus de tout et de tous, dans la vieille
France très chrétienne, il y avait ce dont les puissants du jour ne
veulent plus: «Dieu, qui est droiturier!» comme dit bellement
Froissart.

  [101] Chorier, _Estat politique_, t. III, p. 688, rôle de feux,
  XVe s.: «Joh. Uraisii, pauper, quasi nobilis est.»

  [102] B. Alart, _Communes du Rouss._, p. 210.--Le plus pauvre, à
  l'hôpital de Beauvais, était traité en seigneur. Règlement de
  1565, article XXX: «... Et puys après, sera mené au lict, où
  doresenavant sera traitté comme seigneur de la maison.» A
  rapprocher des hôpitaux laïcisés, où, sans parler de certains
  sévices, le malade n'est pas même seigneur de son âme et de sa
  conscience.



CHAPITRE XII

  L'ignorance des Nobles.--La Croix.--Les écoles et les
    pédagogues des temps féodaux.--Charlemagne.--Précepteurs
    gentilshommes.--Les amoureux du gai savoir.--Chevaliers
    clercs.--Les Sainte-Maure.--Guillaume de Montmorency,
    proviseur de la Sorbonne.--Gentilshommes
    estudiants.--Boniface de Castellane.--Au Collège de
    Navarre.--Bertrand du Guesclin.--La Noblesse et les
    lettres.--La Renaissance.--La Noblesse et les Arts.--Voltaire
    et le Pogge.--Mentez, mes amis!


Un autre préjugé contre la Noblesse féodale, c'est son dédain des
lettres, son manque absolu d'instruction. Je ne connais pas une époque
où ce préjugé revête l'apparence d'une vérité. Le gros argument, c'est
que les Nobles signaient leurs chartes d'une croix, comme l'illettré
de notre temps; l'argument prouve non leur ignorance, mais celle de
l'argumentateur. Aux siècles de foi vive, on signait d'une croix, en
regard de son nom écrit par le scribe, parce que la Croix, étant le
signe le plus révéré, était la plus haute affirmation de la loyauté
du contractant, du témoin, du signataire. En 1224, Renaud, archevêque
de Lyon, Zacharie, abbé de la Bénisson-Dieu, Guillaume, abbé de
Savigny, Jean, abbé d'Ainay, et plusieurs autres, signent d'une croix
une charte de l'Ile-Barbe[103]: qui pourrait en inférer que ces
dignitaires ecclesiastiques ne sûssent pas écrire? Voici une charte
d'Agobert, évêque de Chartres, que souscrivent dix-neuf chevaliers ou
nobles: un seul est indiqué comme illettré[104].

  [103] _Chartes diverses_, p. 4.

  [104] _Marmoutier_, t. II, p. 103: «Signum Gausberti indocti.»

Quand donc les Nobles furent-ils ignorants de parti pris? Est-ce au
temps du bon roi Dagobert, où les légendes nous montrent les pâtres et
les fils de comtes étudiant ensemble dans les écoles monastiques[105]?
Est-ce au temps où Charlemagne, ouvrant des écoles jusque dans ses
palais, menaçait les jeunes nobles paresseux de les dégrader de leur
rang pour le donner à leurs condisciples non-nobles et studieux?
Est-ce aux XIe et XIIe siècles, lorsque les écoles, dans Paris,
étaient nombreuses et florissantes[106], lorsque les jeunes nobles
recevaient l'instruction dans les écoles des monastères[107], lorsque
les jeunes comtes, les jeunes seigneurs apparaissent si fréquemment
dans les actes publics avec leur _nutricius_, leur pédagogue, leur
maître de grammaire ou de philosophie, leur précepteur, leur
éducateur? Vers 1043, Herbert IV, comte de Vermandois, a pour témoin
d'un de ses actes «Wautier, son pédagogue.»[108] En 1066, Ilger est le
pédagogue de Robert, fils de Guillaume le conquérant[109]. Raoul le
philosophe souscrit une charte d'Alain, comte de Coutances[110]. En
1095, Noël est le précepteur du fils de Guillaume, seigneur de
Roulant[111]. En 1104, Guillaume, fils du comte d'Aquitaine, figure
dans un titre «avec son pédagogue[112]». En 1107, Savary est dit
«ancien précepteur de Geoffroy, comte» de Vendôme[113], et Payen est
précepteur d'Amaury Crespin, sire de Champtoceaux[114]. Voici encore
Ingomar, grammairien d'Alain de Vitré[115]; en 1119, Ain, précepteur
de Foulques, comte d'Anjou, qui fait, à sa prière, une donation[116];
vers 1130, Renaud, grammairien de Geoffroy, fils du dit comte[117]; en
1190, Laurent, précepteur de Jehan de Saint-Médard[118]; vers 1200,
Eudes, pédagogue de Jehan, comte d'Eu.[119] Et de quelle considération
jouissaient les professeurs! Au commencement du XIIe siècle, Bernard
le grammairien souscrit une charte de Guy de Verdun immédiatement
avant Hugues, sire de Milly, et Bertrand, sire de Châtenay[120].
Précepteurs, maîtres de philosophie ou de grammaire, étaient parfois
eux-mêmes gentilshommes, et non des moins hauts: en 1069, Bérenger le
grammairien, Gausbert son frère, et Agnès sa mère, concèdent une
donation faite par Hardouin, sire de Maillé[121]; concession qui
implique la parenté. Vraiment, l'érudit croit rêver, lorsqu'il entend
affirmer que les Nobles affectaient de ne savoir pas écrire; si, du
moins, on se contentait de dire qu'ils savaient moins bien manier la
plume que l'épée, nous serions près d'être d'accord; mais les preuves
documentaires réduisent à néant cette absurde affirmation. Voici le
seing manuel d'Hugues, sire de la Ferté, en 1015[122]; celui de
Gilbert, seigneur de Chaunai, vers 1050[123]; les signatures de vingt
chevaliers angevins, en 1215[124]. Je m'imagine qu'un moine leur
tenait la main, comme aussi sans nul doute, en 1186, à Simon de
Bresson, chevalier, qui, faisant une donation au monastère de Lugny,
en rédigea de sa main la charte[125]. C'étaient les moines qui
dictaient leurs poésies à Guillaume III, comte de Poitiers, à Etienne,
comte de Blois, à Thibaut, comte de Champagne, aux troubadours, aux
Blacas, aux la Barre[126], aux Coucy, à tous les nobles amoureux du
gai savoir. Mais, si les gentilshommes se faisaient gloire d'être
ignorants, comment expliquer cette charte antérieure à 1050, dans
laquelle un d'eux se qualifie en même temps «chevalier et clerc»[127]?
Dans une charte par laquelle, en 1057, il affranchit un serf «pour le
repos de l'âme de Guillaume de Sainte-Maure, son frère», Gausbert de
Sainte-Maure se qualifie «clerc»[128]; et les Sainte-Maure sont un des
plus antiques lignages de la chevalerie de France. Vers 1200,
Foulques, sire de Tussé, est maître des écoles du diocèse du
Mans[129]. En 1220, Baudouin de Gombert se qualifie «chevalier et
jurisconsulte»[130]. En 1224, Pierre de Villedavray, frère d'Eudes et
de Roger, chevaliers, est «étudiant à Boulogne».[131] Geoffroy
d'Escharbot, chevalier, dit dans son testament, en 1283: «Item, je
donne et lègue à Jean et Philippe, fils à la Bouteillière, mes
cousins, XXV livres pour acheter des livres afin qu'ils puissent
étudier en iceux et s'instruire dans les écoles[132].»

  [105] Courtalon-Delaistre, _Topogr. hist. du dioc. de Troyes_, t.
  III, p. 241, _Vie de saint Serein_: «Il laissoit ses bestiaux
  pour accompagner le fils du comte à l'abbaye de Nesle où ils
  alloient faire ensemble leurs estudes.»--Des Guerroys, _La
  Saincteté chrestienne_, fol. 155-163.--O. de Poli, _Les seigneurs
  et le chât. de Béthon_, p. 14.

  [106] L'abbé Lebeuf, _Dissert._, t. II, p. XI, 4, 10, 11, 16,
  319.

  [107] Mabillon, _Annal. Benedict._, t. V, p. 335: «Nobilium filii
  in monasteriorum scholis eruditi.»

  [108] Colliette, t. I, p. 690: «Walterus pedagogus meus.»

  [109] _Marmoutier_, t. II, p. 28: «Ilgerius pedagogus Roberti
  filii comitis.»

  [110] _Mém. de Bretagne_, fol. 452 vo: «Radulphus philosophus.»

  [111] _Chartes de St-Evroult_, 1095, non fol.: «Natalis nutricius
  infantis Willelmi de Roelent.»

  [112] Guérard, _Polyptic. Irminon. abb._; t. II, no 33, p. 373:
  «Filius comitis Willelmus cum pedagogo suo.»

  [113] Mabille, p. 154: «Savaricus qui fuit nutricius comitis.»

  [114] _Marmoutier_, t. I, p. 397: «Paganus nutricius.»

  [115] _Marmoutier_, t. III, p. 288: «Ingomar grammaticus.»

  [116] _Coll. d'Anjou_, t. IV, no 1381, charte dud. comte: «Aiani
  nutricii sui exortationi adquiescens.»

  [117] _Marmoutier_, t. IV, p. 129: «Rainaldus grammaticus.»

  [118] _Cartul. de Val-le-Roy_, fol. 57: «Joh. de sancto Medardo
  et Laurentius, nutricius ejus.»

  [119] _Cartul. de Foucarmont_, fol. 42, 48, 51, 68: «Odo
  pædagoga.... Odo pædagogus.... Odo magister....»

  [120] _Cartul. de St Marcel de Chalon_, p. 161: «Signum Bernardi
  grammatici. Signum Hugonis de Miliaco. Signum Bertranni de
  Castaniaco.»

  [121] _Marmoutier_, t. I, p. 384 b: «Actum est hoc in curte
  Berengerii grammatici.»

  [122] _Cartul. de St Vinc. du Mans_, B. N., p. 86.

  [123] _Coll. d'Anjou_, t. II, no 534: «Gislebertus de Calniaco
  manu firmavit.»

  [124] _Coll. d'Anjou_, t. XIII, no 8474.

  [125] _Cartul. de Lugny_, fol. 48: «Symon de Brecon miles...
  charta... per cujus manum facta.»

  [126] Guillaume de la Barre, chevalier, auteur de poésies
  satiriques qu'il paya de sa vie.--Voy. ma notice sur la _Maison
  de la Barre_, dans la revue _La Terre Sainte_ no 258, 1er mai
  1886.

  [127] _Cartul. de Cluny_, t. I, fol. 34: «Quidam miles et
  clericus nomine Achardus.»

  [128] _Coll. de Poitou_, t. XVII, fol. 82.

  [129] _Extr. de cartul. relat. à la Bret._, p. 733: «Fulco
  dominus de Tusse, ma{gr} scholasticus cenom.»--_Obit. de l'égl. du
  Mans_, fol. 3: «Fulco quondam dns de Tusseyo ac
  scholast. cenom.»

  [130] Borel d'Hauterive, t. XVI, p. 236.

  [131] Dom Villevieille, _Trésor_, t. XCI, vo Villedavray.

  [132] _Coll. d'Anjou_, t. VII, no 3337: «... ad querendum libros
  ut possent studere in eis et addiscere in schollis.»

Au même temps, le proviseur de la Sorbonne s'appelle Guillaume de
Montmorency[133]. En 1368, «Messire Girerd d'Estres, chevalier,
seigneur de Banneins», se qualifie «docteur en loix»[134]. En 1382,
Guillaume Musnet se dit «compeignon de Jehan et Guy, nepveuz
monseigneur le conte de Bloys, estudians à Engiers[135]». Je trouve,
en 1391, «Euvrart de Hautelaine, maistre d'eschole d'Anthoyne
monsieur, filz du duc de Bourgoingne[136]». Guillaume de Clugny,
seigneur de Conforgien, d'extraction chevaleresque, est qualifié dans
son épitaphe, en 1386, «noble seigneur et saige, licentié en loix
et en décret[137]». Boniface de Castellane, baron d'Allemagne,
testant en 1393, laisse «à sa fille des livres de droict, comme un
trésor, pour par elle espouser un homme de robe longue, docteur
jurisconsulte[138]». Noble homme messire Raymond de Bernard,
chevalier, se qualifie en 1394 «docteur en lois[139]». En 1399, «noble
et scientificque Raoul de Refuge», d'extraction chevaleresque, est
«docteur régent en l'Université d'Angers[140]». En 1469, «noble homme
Jehan de Chandemanche, escuyer», fils de René, chevalier, et de noble
dame Aliette Courtin, est «escholier estudiant» en la même
université[141]. En 1540, «noble personne Jehan de Clèves, fils de
deffunt messire Hermand de Clèves, chevalier», est «escolier estudiant
en l'université de Paris[142]». Lisez cet «Estat des escoliers du Roy
estudians au collège Royal de Champagne dict de Navarre», en
1581[143]; ils sont là trente jeunes gentilshommes, s'instruisant à
l'exemple de leurs pères. Quand donc les Nobles ont-ils méprisé
l'instruction? On raconte, il est vrai, que Bertrand du Guesclin ne
savait pas écrire; mais ce fait est précisément noté comme une
singularité, et d'ailleurs il se retourne contre les apôtres de
l'instruction à outrance, puisqu'il démontre qu'il n'est pas
indispensable de savoir écrire pour devenir un grand citoyen, un grand
capitaine, un grand homme et le sauveur de la Patrie.

  [133] _Cartul. de la Sorbonne_, fol. 27, 33 vo, 34: «Guillelmus
  de Monte Moranciaco, provisor domus pauperum magistrorum de
  Seurbonio.»

  [134] Clairambault, t. DCCLXXXVI, p. 66.

  [135] _Quittances_, t. XXVIII, p. 366.

  [136] Rossignol, _Invent. somm. des Arch. de la Côte-d'or_, t. I,
  p. 137.

  [137] Dom Plancher, t. I, p. 353.

  [138] _Doss. bleu_ 4102, Castellane, fol. 167.

  [139] _Cartul. de Provence_, t. I, p. 44.

  [140] _Cartul. de Bonneval_, p. 119.

  [141] _Preuves_, no 114.

  [142] _Pièces orig._, t. 2610, Salazar, p. 186.

  [143] Clairambault, t. CCCI, p. 234.

Comment oser parler de l'ignorance de la Noblesse, lorsque la France
lui doit ses premiers poètes, les troubadours, Fortunat, Thibaut de
Champagne, Charles d'Orléans, Malherbe; son premier penseur, Abaylard;
ses premiers jurisconsultes, Beaumanoir, Navarre, Jehan d'Ibelin, et
ce merveilleux cortège de chroniqueurs et d'historiens qui, depuis
Grégoire de Tours, forme une partie, non la moins brillante, de sa
gloire littéraire? Nos plus anciens documents historiques en langue
française sont de la fin du XIIe siècle. Le premier de tous est
l'histoire de la cinquième croisade et de la prise de Constantinople,
par Geoffroy de Villehardouin, maréchal de Champagne; vient ensuite le
compagnon de saint Louis, l'historien de la septième croisade, le bon
sire de Joinville; et ces deux chroniqueurs étaient de la plus noble
race après celle de nos Rois. Puis c'est Enguerrand de Monstrelet,
gentilhomme du comté de Boulogne; Georges Chastelain, issu de la
maison de Gavres, ami de Philippe le bon, duc de Bourgogne; Mathieu de
Coucy, noble du Hainaut; Jehan de Troyes, fils du grand-maître de
l'artillerie de Charles VII; Philippe de Commines, sire d'Argenton;
Olivier de la Marche, conseiller du duc de Bourgogne; Guillaume de
Marillac, secrétaire du connétable de Bourbon; François de Rabutin,
Guillaume de Rochechouart, Martin du Bellay, Hurault de Cheverny,
l'amiral de Coligny, François de la Noüe Bras-de-fer, illustre
gentilhomme breton, Michel de Castelnau, Claude de la Chastre,
maréchal de France, Pierre de l'Estoile, Sully, Pierre de Bourdeille,
seigneur de Brantôme, de Thou, Turenne, Saulx-Tavannes, d'Aubigné, le
maréchal de Marillac, Charles de Valois, duc d'Angoulême, le maréchal
de Montluc, le comte de Montrésor, et cent autres. Et ce splendide
renouveau des arts, des lettres et des sciences, la Renaissance, son
nom se peut-il séparer de ceux du Roi-chevalier et des grands
seigneurs qui en furent les magnifiques initiateurs, les Montmorency,
les Amboise, les Gouffier, les Urfé[144]? «Mentez, mes amis, disait à
ses séides le sieur de Voltaire, il en reste toujours quelque chose.»
C'était renouvelé du Pogge, à qui l'on signalait de ses mensonges
historiques: «Laissez faire, répondit-il, d'ici à trois cents ans tout
cela sera vrai.»

  [144] Cf. Laurentie, t. IV, p. 109.

Le vandalisme révolutionnaire, héritier du mensonge philosophique, se
flattait d'anéantir le prestige de la Noblesse en faisant un autodafé
de ses parchemins; puis l'école du mensonge est venue à la rescousse;
on peut salir l'histoire, on ne la détruit pas.



CHAPITRE XIII

  Les Nobles au barreau.--Assises de Jérusalem.--Le
    d'Ibelin.--Philippe de Navarre.--Gentilshommes
    jurisconsultes.--Les géants des batailles.--Chevaliers en
    armes et chevaliers en lois.--Comment les Nobles se
    détachèrent de l'étude du droit.--Seigneurs en loi.--Ecuyers
    en droits.--Jean Carondelet.--Pierre Puy.--La bourgeoisie
    remplace la Noblesse dans les parlements.


Eustache des Champs, dans une de ses ballades, regrette le temps où
l'étude des arts libéraux était l'apanage des Nobles, où les plus
grands seigneurs, après avoir défendu par les armes les droits de la
patrie, défendaient par leur éloquence les droits des particuliers,
imitant en cela «les Romains, qui se consacraient également aux
exercices de la guerre et à ceux de la plaidoyerie[145].» Dans les
premiers siècles de la féodalité, nous trouvons, en effet, des
chevaliers de vieux lignage, comme Pierre de Touchebœuf, comme Pierre
de Faydit[146], comme Baudouin de Gombert, que j'ai déjà cité, se
qualifier juges, _judices_, ou juristes. L'étude approfondie du droit
était alors singulièrement en honneur parmi les Nobles, et ce fut
ainsi que le royaume de Jérusalem leur dut ses admirables
constitutions; Jean d'Ibelin, qui rédigea les _Assises_, était un haut
et puissant baron, et son petit-fils, Jacques d'Ibelin, fils du prince
de Tibériade et d'Alix de Lusignan, écrivit un traité succinct de
jurisprudence féodale. Causant de jurisprudence avec le roi Amaury,
Raoul de Tibériade disait avec un légitime orgueil «qu'il ne feroit
pas son pareil, Remont Antiaume, ne aultre soutil borgeois[147]».
Philippe de Navarre, le preux chevalier, le guerrier infatigable,
l'habile politique, couvert d'honneurs et de gloire, disait sur la fin
de sa brillante carrière: «Je suis, envieilly en plaidant pour
aultruy[148].» Gentilshommes et bourgeois rivalisaient généreusement
sur le noble terrain du droit; on les voit siéger côte à côte[149]
sous l'orme de justice[150]. Quand les paysans ont un litige, leurs
prudhommes désignent à l'unanimité des suffrages un chevalier pour
arbitre[151]. Les cours de justice sont remplies de barons[152]; ils
composent le parlement du Roi[153]; Jean de Vieuxpont, conseiller en
1315[154], Quentin de Moÿ, conseiller en 1410[155], Henri de Marle,
chevalier, président au parlement en 1409[156], étaient de la première
noblesse. Pendant longtemps, pour les fonctions de justice, «on élut
de préférence des nobles, quand ils se trouvaient suffisans[157]». Et
c'étaient bien les compagnons des du Guesclin et des Barbazan, les
«géants des batailles», non pas des «chevaliers en loix», qui
dépouillaient le heaume et la cuirasse pour revêtir le manteau de
justice; le 4 mars 1405, Charles VI mande aux gens de ses comptes:
«Comme _de longue observance et grant ancieneté les chevaliers en
armes_ de nostre conseil, servans en ordonnance en nostre court de
parlement et semblablement ès requestes de nostre hostel, ont
accoustumé d'avoir dix livres par chacun an pour manteaulx[158]...» Ce
furent les grandes guerres nationales qui détachèrent les Nobles de
l'étude du droit et des charges judiciaires; la patrie était en
danger; ils ne furent plus, ils ne devaient plus être que des hommes
d'épée, et la bourgeoisie fit du parlement sa chose. En prenant la
place des chevaliers, elle s'attribua la chevalerie; car c'est
exactement de ce temps que datent ces «chevaliers de lois» dont
parlent Pasquier et Loiseau[159]. Dès le commencement du XIVe siècle,
on trouve, à vrai dire, des «seigneurs en loy[160]», mais «seigneur»
n'avait pas d'autre sens que «maître», et l'expression, pour être
prétentieuse, n'était pas absolument hyperbolique. Les «bacheliers en
lois[161]» viennent ensuite, et plus tard on rencontre jusqu'à des
«escuyers en droicts»[162]. Ce fut alors que pour se distinguer de
cette chevalerie et de cette bachellerie de robins, les gentilshommes
adoptèrent la qualification de chevaliers d'armes, _milites in armis_.
Nous venons de la constater dans un mandement de Charles VI, et elle
ne doit tomber en désuétude qu'au XVIe siècle. «Et si fut prins ung
gentilhomme d'armes nommé Jouan Chervié», dit Monstrelet, à l'armée
1419[163]. Voici, en 1458, «Baudet Berthelot, chevalier d'armes,
lieutenant général du bailly de Touraine[164]»; en 1480, «noble et
sage homme messire Pierre Puy, chevalier en armes, conseiller et
chambellan du Roy nostre sire[165]»; et, en 1506, «feu de pieuse
mémoire noble et magnifique et généreux homme messire Jehan
Carondelet, vivant chevalier en armes[166]». C'était aussi pour n'être
pas confondus avec les chevaliers en lois et les écuyers en droits
qu'au XVIe siècle des Nobles ne prenaient ni la qualité d'écuyer, ni
celle de chevalier, et s'intitulaient fièrement «gentilshommes[167]».

  [145] Sainte-Palaye, p. 22, 73, 83.

  [146] Chartes de l'abb. d'Uzerche, vers 1135; citées par
  Saint-Allais, t. XIV, p. 186, note 2.

  [147] L. de Mas-Latrie, _L'Ile de Chypre_, p. 372.--_Assises de
  Jérus._, t. I, p. 523.--Cf. E. Rey, _Colonies franques de Syrie_,
  p. 171-172.

  [148] Borel d'Hauterive, _Ann._, t. XXIV, p. 231.

  [149] _Cartul. de Marmoutier_, t. II, p. 297, vers 1126: «...
  justo judicio procerum et burgensium.»

  [150] _Cartul. de St Vinc. du Mans_, B. N., p. 265-266: «... qui
  cum abbate erant subtus ulmum que est ante ecclesiam.»

  [151] _Cartul. de St Vinc. du Mans_, p. 486, charte de juin 1205.

  [152] Cf. A. du Buisson de Courson, _Rech. nobil._, p. 268.

  [153] Laurentie, t. II, p. 353.

  [154] _Doss. bleu_ 17791, Vieuxpont, p. 19.

  [155] Borel d'Hauterive, t. XXXIV, p. 150.

  [156] _Cartul. de St Corneille de Compiègne_, B. N., ms. latin
  9171, p. 235: «Henricus de Marla, miles, domini nostri regis
  consiliarius et in suo parlamento præsidens.»

  [157] P. de Miraulmont, _De l'orig. du parl. de Paris_, 1612, p.
  51-52.--Cf. H.-F. de Malte, _Les nobles dans les tribunaux_,
  1680, _pass._

  [158] _Chartes royales_, t. XII, p. 575.

  [159] La Roque, _Traité de la nobl._, p. 143: «Pasquier (_Rech.
  de la France_, liv. II) et Loiseau (_Offices_, liv. I, ch. IX),
  disent qu'il y a deux sortes de chevaliers en France, les uns
  d'armes et les autres de loix.» Au XVe siècle, il y avait, dans
  l'église de Lyon, sept _milites jurisperiti_ chargés de défendre
  ses droits. (_Tiltres du Lyonnois_, fol. 184.)--Cf.
  Boulainvilliers, p. 123-124.

  [160] L. de Mas-Latrie, _Hist. de Chypre_, Documents, t. I, p.
  149: «1328. Mons. Pierre Champion, seigneur en loy.»

  [161] _Marmoutier_, t. III, p. 25: «1398. Symon Destrees,
  bachellier en loys, garde du seel de la conté de Sancerre.»

  [162] _Cartul. d'Abenon_, fol. 71: «1543. Es plès d'Orbec tenuz
  par nous Jacq. Baudoin, escuier es droictz, vicomte dud. lieu.»

  [163] _Chroniq._, p. 452.

  [164] _Marmoutier_. t. II, p. 480.

  [165] L'abbé F. Renon, _Chron. de N. D. d'Espérance de
  Montbrison_, p. 556.

  [166] _Carrés_, t. CLIII, Carondelet, p. 1: «... dum viveret
  miles in armis.»

  [167] Dom Fonteneau, t. XIV, p. 619, acte de 1568: «Noble homme
  Pierre Goheau, gentilhomme, seigneur de Laubinière en Touraine.»



CHAPITRE XIV

  Hiérarchie féodale.--Gentilshommes bourgeois.--Noblesse
    urbaine.--Comment les Nobles s'agrégeaient à la
    bourgeoisie.--Les Chaponay, les Châteaubriand, les Chabot,
    les Sainte-Aldegonde, les les Croy.--Ecuyer et
    marchand.--Deux catégories de bourgeois.--Benoît
    Caudron.--Bourgeois et marchand de sang royal.--Gérard de
    Castille et sa postérité.


«Duc est la première dignité, et puis contes, et puis vicontes, et
puis barons, et puis chastelain, et puis vavassor, et puis citaen, et
puis vilain[168].» Nous avons là toute la hiérarchie féodale. Citoyen,
_vicinus_[169], bourgeois, ce sont trois mots synonymes. Des
généalogistes se sont refusés à ranger dans la noblesse d'ancienne
extraction certaines familles, parce qu'en remontant les degrés de
leur filiation, ils y découvraient un bourgeois. D'autres ont
justement émis l'opinion que, même sous le régime purement féodal,
l'on pouvait être à la fois gentilhomme de race et bourgeois de
ville[170]; «surtout sous le régime purement féodal», devaient-ils
dire. La Noblesse se recrutait seulement par en bas; la bourgeoisie,
corps mixte, se recrutait par en bas et par en haut. Il n'y avait pas
alors, entre ces deux corps sociaux, la distinction absolue, la
division fomentée par l'appauvrissement de la Noblesse, accrue par les
guerres de religion et poussée à l'aigu par la révolution. Avec la
simple nomenclature des bourgeois des bonnes villes, du XIIe au XVe
siècle, on ferait un splendide nobiliaire chevaleresque. Le plus
souvent, lorsque, dans les chartes ou les annales, on rencontre de
grands noms accompagnés de la qualification de bourgeois, la
présomption vient à l'esprit qu'on se trouve en présence de roturiers
ayant pris le nom de leur lieu d'origine; le fait a certainement pu se
produire; mais, en règle générale, ce sont des gentilshommes
authentiques, volontairement agrégés à la bourgeoisie pour avoir le
bénéfice de ses privilèges, qui constituaient réellement une sorte de
noblesse urbaine. Soit que le manoir paternel fût trop étroit par
suite du grand nombre des enfants, soit qu'ils eûssent plus de goût
pour le séjour des villes, soit encore que les infirmités ne leur
permîssent pas ou que les blessures ne leur permîssent plus d'aller à
la guerre, maints bons gentilshommes, et des races les plus illustres,
se faisaient bourgeois, recherchant les dignités échevinales ou
consulaires, se livrant aux arts, au commerce, exerçant des métiers,
et, dans la paix féconde des cités, devenant infiniment plus riches
que leurs aînés, les chevaliers, forcément appauvris par les lourdes
obligations du privilège de noblesse. Je m'imagine que l'on eût
grandement surpris ces nobles volontaires de la bourgeoisie en leur
insinuant qu'ils dérogeaient à leur naissance, et qu'un jour viendrait
où quelque héraldiste officiel la contesterait en arguant de leur
embourgeoisement: tels Pons de Chaponay, bourgeois de Lyon en
1219[171]; David de Châteaubriand, bourgeois d'Angers en 1226[172];
Eudes Chabot, bourgeois de Sens en 1227[173]; Mathieu Barbotin,
chevalier, bourgeois de l'Ile-Bouchard en 1230 et 1254[174]; Robert
des Loges, bourgeois de Chevreuse en 1233, et seigneur suzerain de
Jean de Fayel de Coucy[175]; Dreux et Simon d'Auteuil, frères,
bourgeois de Bray en 1234, et plèges, avec deux chevaliers, de Simon
d'Auteuil, chevalier[176]; Geoffroy de Roye, bourgeois de Péronne en
1235[177]; Gilon de Billy, charpentier, bourgeois de Soissons, vendant
de ses terres vers 1240[178]; Nicolas de Blangy, bourgeois de
Pont-l'Evêque, faisant en 1242 une donation aux moines de Saint-Himer
par charte munie de son sceau[179]; Pierre de Marle, du lignage des
sires de Coucy, bourgeois de la Fère en 1247, et l'un des proviseurs
de la confrérie de cette ville[180]; Richard de Chambly, bourgeois de
Pontoise en 1268[181]; Mathieu Buridan, bourgeois de Saint-Quentin en
1295[182]; Jehan de Vanves, «borgois de Paris» en 1300, dont le sceau
porte un écu chargé d'une croix ancrée[183]; Pierre de Hangest,
chevalier, bailli de Rouen et bourgeois de Montdidier en 1308[184];
Hugues, baron d'Arpajon, damoiseau, bourgeois d'Aurillac, et
Esquivart, sire de Chabanais, bourgeois de Bigorre, en 1317[185];
Hélie de la Porte, bourgeois de Marmande en 1334[186]; Robert et
Jacques du Castel, décédés l'un en 1336, l'autre en 1355, qualifiés
dans leur commune épitaphe «Nobles et vénérables bourgois de Rouen»,
et maires de cette ville[187]; Robert d'O, bourgeois de Séez en
1336[188]; quatre bourgeois de Saint-Omer, du nom de Sainte-Aldegonde,
en 1337, dont le sceau porte l'écu de cette très noble maison
chevaleresque[189]; Jacquemart de Sainte-Aldegonde, bourgeois de
Saint-Omer en 1366, et à qui Béatrix de Vix, femme de Jehan de
Sainte-Aldegonde, chevalier, fait une vendition[190]; Pierre et
Tassart de Culant, bourgeois de Saint-Omer et marchands de bois en
1356, dont les sceaux portent un écu chargé d'une croix de Saint
André[191]; Ponson Chevrières, bourgeois de Romans en 1389, ayant le
même prénom et les mêmes armes que Pons de Chevrières, chevalier
d'ancienne noblesse, vivant en 1366[192]; Pierre de Croy, élu d'Amiens
en 1368[193], descendant très probablement de Jean de Croy, bourgeois
d'Amiens, fils de Mathieu de Croy, et à qui en 1244 Dreux de Milly,
chevalier, vendit tout ce qu'il avait dans le fief de messire Baudouin
de Belleval, chevalier[194]; Jean de Grailly, chevalier, s'agrégeant
vers 1360 à la bourgeoisie de Bordeaux, dont il devint maire[195]; des
Boubers (de la maison d'Abbeville, issue des comtes de Ponthieu),
bourgeois d'Abbeville aux XIVe et XVe siècles[196]; Jean de la Barre,
bourgeois de Noyon, qui en 1407 donne une charte «soubz mon seel», où
se voit un écu chevaleresque, penché, timbré d'un heaume à cimier,
avec deux léopards en supports[197]; Perronet de Rogneins, bourgeois
de Villefranche-sur-Saône, au XVe siècle[198]; Enguerrand de
Sainte-Marie, dit Fouloigne du nom de son fief, bourgeois et marchand
de Caen en 1410[199]; Guillaume de la Mare, bourgeois de Rouen, mort
en 1440, et dont il est dit: «Le dict de la Mare bourgeoys estoit
noble et portoit une bande et 6 croisettes[200]»; Guillaume de
Châteauvilain, bourgeois de Paray en 1447[201]; Guillaume du Bosc,
qualifié «escuier, marchant et bourgeois de Rouen» dans un arrêt de
l'échiquier de Normandie, en 1478[202].

  [168] Rapetti, _Li livres de justice et de plet_, p. 67.

  [169] _Cartul. de Barbeaux_, fol. 263 ro-vo: «Andreas _Vicinus_
  de Glerannis.... Andreas de Gleranis cognomento _Borgeois_.»

  [170] Cf. La Roque, _Traité de la nobl._, ch. LXXIV, p. 225.

  [171] _Cartul. de Champagne_, fol. 35 vo-37: «Pontius de
  Chaponai, civis lugdunensis.»

  [172] _Coll. d'Anjou_, t. VI, no 2625.

  [173] Dom Villevieille, _Trésor_, t. LXXXVIII, fol. 8
  vo.--Gaignières, _Egl. et abb._, t. I, p. 225.

  [174] Clairambault, t. CMXCIX, fol. 22 vo.--_Marmoutier_, t. III,
  p. 17, 376.

  [175] _Cartul. de N. D. de la Roche_, p. 17: «... quam domum
  tenebant a Rob. de Logiis, burgen. de Caprosia... Preterea dictus
  Robertus, primus dominus feodi... et Joh. Faiel de Coussiis,
  secundus dominus dicti feodi... dictam venditionem concesserunt.»

  [176] _Pastoral de N. D. de Paris_, fol. 11.

  [177] Peigné-Delacourt, _Ourscamp_, p. 186.

  [178] _Cartul. de St Médard_, fol. 33.

  [179] _Titres de St Himer_, p. 127.

  [180] _Cartul. de St Crespin_, fol. 69 vo.

  [181] L. Pannier. _Méry-sur-Oise et ses seigneurs_, p. 64.

  [182] H. Bouchot, p. 126.--Colliette, t. II, p. 819.

  [183] Arch. Nat., Layett. J. 377, no 235.

  [184] La Roque, _Traité de la nobl._, p. 22{5}.--Willaume de
  Hangest était aussi bourgeois de Montdidier, en 1367. (Dom
  Grenier, t. XXX, fol. 29.)

  [185] La Roque, _ibid._, p. 226.

  [186] _Pièc. orig._, doss. 52772, p. 2.--Vers 1089, Hélie de la
  Porte, chevalier, est témoin d'une donation au prieuré de
  Saint-Denis de la Chapelle, dioc. de Bourges. (_Ibid._, p. 161.)

  [187] Farin, t. III, p. 332.

  [188] _Mém. de Bretagne_, fol. 100 vo.

  [189] Demay, _Sceaux d'Artois_, nos 1218-1221.

  [190] E. de Rosny, t. III, p. 1323.

  [191] Demay, _op. cit._, nos 1286-1288.

  [192] G. de Rivoire, add. mss. à son _Armorial de Dauphiné_.

  [193] Clairambault, t. CCCI, p. 38.

  [194] Dom Grenier, t. XXXIX, fol. 65.

  [195] La Roque, _op. cit._, p. 226.

  [196] O. de Poli, _Un martyr de la patrie_, p. 153-156.

  [197] _Pièc. orig._, t. 201, doss. 4431, p. 6.

  [198] Bibl. nat., _Invent. des tiltres de la ch. des comptes de
  Villefranche_, p. 124.--Le chartrier de Beauvoir renferme un
  certain nombre de chartes des Rognin ou Rognins, ancienne famille
  chevaleresque, paraissant être un ramage des sires de Lavieu; nos
  512, 560, 617, 624, 649, 665, 718, 769, 781, 837 (ann.
  1336-1491.)

  [199] _Quittances_, t. XLVI, p. 4350.

  [200] Farin, t. III, p. 311.

  [201] _Cartul. de Cluny_, t. II, fol. 189 vo.

  [202] La Roque, _op. cit._, p. 227.

«On trouve, dit dom Caffiaux non sans une expression de surprise, des
titres où les personnes dont la noblesse est bien constatée, après
avoir pris la qualité d'écuyer ou de chevalier, ne prennent plus que
celle de bourgeois[203].» C'est parce que, dans ce dernier cas, ils
agissaient ou contractaient en vertu de leur privilège de bourgeoisie,
qui non seulement n'était pas incompatible avec leur privilège de
noblesse, mais leur conférait des droits particuliers. Les coutumes de
Champagne et de Brie «nous enseignent qu'il y avait deux sortes de
bourgeois, les uns nobles, les autres non-nobles[204]» On peut en
inférer qu'il en était de même dans toutes les villes du royaume.
C'est de ces «bourgeois nobles» que parle clairement Froissart
lorsque, narrant l'héroïque action d'Eustache de Saint-Pierre et de
ses compagnons, il dit: «Et vous jure que ce sont et estoient
aujourd'huy les plus honnorables de corps, de chevance _et
d'ancesterie_ de la ville de Calays[205].» Plus clairement encore,
lorsque, racontant le siège de Rennes par le comte de Montfort, il
dit: «Si s'accordèrent finablement tous à la paix, et _les grants
bourgoys_, qui estoient bien pourveus, ne s'y vouloient accorder: si
mouteplia la dissention, si dure que les grants bourgoys, _qui
estoient tous d'ung lignaige_, se trairent tous[206]...» En 1708, au
scandale du juge d'armes de la noblesse de France, Louis XIV octroya à
Benoît Caudron, avocat, échevin et bourgeois d'Arras, des lettres de
relief de dérogeance dans lesquelles est relatée sa filiation sans
lacune jusqu'à Baudouin Caudron, chevalier, vivant en 1096[207]. Tel
bourgeois de Paris était même de sang auguste et ne croyait pas avilir
son blason royal en en faisant l'enseigne de son négoce, comme, au
XVIe siècle, «Gérard de Castille, marchand bourgeois à l'enseigne du
_Château d'or_, rue aux fers, descendant filiativement d'un fils de
Henri II, roi de Castille; il gagna trois cent mille escus; sa
petite-fille espousa Charles de Chabot, comte de Charny; il fut le
trisaïeul de Marie de Castille, femme d'Anne de Lorraine, prince de
Guise, et le bisaïeul de Charlotte de Castille, princesse de
Chalais.[208]»

  [203] _Trésor généal._, 1777, p. XXIX.

  [204] La Roque, _op. cit._, p. 147.

  [205] Livre I, chap. 320.

  [206] Tome I, p. 130.

  [207] _Pièces orig._, t. 621, Caudron, p. 4.

  [208] _Doss. bleu_ 4118, Castille, p. 3-15.



CHAPITRE XV

  Les Communes à Bouvines.--Les légions bourgeoises à la
    Croisade.--Le privilège de Noblesse était conciliable avec le
    privilège de bourgeoisie.--Chevaliers et damoiseaux
    bourgeois.--Les bourgeois de Jérusalem.--Louis VI et les
    maïeurs des bonnes villes.--Lettres de noblesse et lettres de
    bourgeoisie.--Tournoi des bourgeois de Tournay en 1331.--Le
    seigneur Carrige.--Gentilhomme cordonnier.--Noble
    marchand.--Noble et puissant seigneur, fils de bourgeois.


Quand on connaît la composition mixte de la bourgeoisie dans
les temps féodaux, on conçoit que le mérite de certains actes
chevaleresques,--comme l'héroïsme des «communes» à Bouvines[209] et la
présence des légions de plusieurs villes à la seconde croisade de
saint Louis[210],--ne saurait sans témérité, sans risque d'injustice,
être exclusivement imputé à la catégorie non-noble des bourgeois,
comme l'ont fait des historiens âpres à scinder historiquement la
France en deux éléments inconciliables, en deux camps ennemis. La
bourgeoisie avait ses membres d'origine noble, comme la noblesse avait
ses membres d'origine bourgeoise, les anoblis, dont la part d'honneur
et de gloire se confond, en l'accroissant, dans le rayonnement
séculaire de l'aristocratie.

  [209] _Chronique de Saint-Denis._--Dom Bouquet, t. XVII, p. 409:
  «Les communes trespasserent toutes les batailles des chevaliers
  et se mirent devant le Roy encontre Othon et sa bataille.»

  [210] Michaud, t. V, p. 71.

Comment douter de la conciliabilité du privilège de noblesse avec le
privilège de bourgeoisie, lorsqu'on voit, dans des lettres de Louis
VI, en 1126, Richard des Costes qualifié simultanément écuyer et
bourgeois[211]; «Jobert Mahauz, écuyer, bourgeois de Samois», en
1265[212]; «Robert de Loines le viel, escuier, bourgois de Beaugency»,
en 1353[213]; vers le même temps, Jehan Croupet, écuyer, bourgeois de
la Ferté-Bernard[214]; «noble homme Jehan de Villette, damoiseau,
bourgeois de Besançon, père de vénérable et discret maître Pierre de
Villette, licentié en lois, damoiseau et bourgeois de Besançon[215]»;
en 1437, le «testament de noble homme Hugues Baudet, damoiseau,
bourgeois de Villefranche, publié à requeste de messire Jehan Baudet,
chevalier, bourgeois et habitant de Villefranche[216]»; en 1457, Ponce
Baudoche, chevalier, bourgeois de Metz[217]; en 1506, le testament de
«Guillaume Mouchet, escuier, citoien de Besançon[218]»? Je pourrais
multiplier à l'infini les citations probantes[219]; je n'ajouterai que
cette observation: les coutumes du royaume de Jérusalem étaient
calquées sur celles du royaume de France; or «les bourgeois de
Jérusalem pouvaient être en même temps hommes ou barons du Roi, et par
conséquent appartenir à des familles nobles[220].»

  [211] Isambert, t. I, p. 138.

  [212] _Cartul. de Barbeaux_, fol. 64.

  [213] Dom Villevieille, _Trésor_, t. LII, vo Loines.

  [214] L. Charles, _De l'adm. d'une commun._, p. 6.

  [215] _Cartul. de la chartreuse de Dijon_, p. 525, 527 de
  l'Obituaire.

  [216] _Cartul. de Paray_, fol. 99.

  [217] Dom Villevieille, _Trésor_, t. LXXXV, vo Simon.

  [218] _Coll. de Bourgogne_, t. XVIII, p. 35.

  [219] Cf. R. de Belleval, _Nobil. de Ponthieu_, p. 398.

  [220] Rey, _Familles d'outre-mer_, p. 644.

Ces prémisses acquises, on n'a plus de surprise lorsqu'on voit armer
chevaliers en 1187 une fournée de cinquante bourgeois[221]; Louis VI
conférer aux maïeurs des bonnes villes les insignes de la chevalerie;
Philippe-Auguste, avant de partir pour la croisade, instituer par son
testament six bourgeois de Paris les gérants de sa fortune et de ses
domaines, et les exécuteurs de ses volontés dernières en cas de
mort[222]; Foulques de Sens, bourgeois de Troyes en 1236, appeler une
de ses filles «Comtesse»[223]; les bourgeois du Roi,--car le Roi
octroyait des lettres de bourgeoisie[224] comme des lettres de
noblesse,--assimilés aux Nobles[225]; trente-et-un bourgeois de
Tournay, en 1331, «emprindre de faire une très noble et belle feste de
trente et ung roys pour jouster... et avoient faict une banière et
penons de trompe _des armes des 31 dessusdictz_;» et, parmi ces
bourgeois aux blasons chevaleresques, figurent Jehan de
Sainte-Aldegonde, Andrieu de Lor, Guillaume de Bauffremez, etc.[226]
On n'est plus étonné de voir, en 1271, un bourgeois de Cahors envoyer
en son lieu à l'ost de Foix un damoiseau; un bourgeois de
Castel-Sarrazin envoyer «pour li ung chevallier et trois
damoiseaux[227]»; des bourgeois, des échevins qualifiés messire,
_dominus_[228]; Jacques d'Urfé, bailli de Forez, homologuant en 1573
un contrat d'acquêt fait par «honnorable homme Noël Carrige, bourgeoys
et marchant de Roanne», l'appeler, dans le corps de l'acte, «le
seigneur Carrige»[229]; les bourgeois coutumièrement qualifiés
«Sire»[230], à l'égal des plus hauts seigneurs[231] et du Roi même;
quelquefois, exempts des tailles[232], à l'instar des gentilshommes,
et ayant le droit de recevoir la ceinture de chevalerie de la main des
barons et des prélats, sans le placet du Roi[233]; employant, dans
les actes, comme les personnages les plus relevés, la formule «de
nostre certaine science[234]»; Henri III, en 1579, permettant aux
bourgeois des villes franches de prendre à l'avenir la qualité de
nobles[235]; des argentiers, des changeurs, bourgeois de Paris, munir
leurs quittances de sceaux chargés d'un écu chevaleresque, penché,
heaumé, avec un cimier et, pour tenants, des anges ou des damoiselles,
comme le scel de Geoffroy Marcel en 1366[236], et celui de Charles
Poupart en 1393[237]; il n'est pas jusqu'au cordonnier du Roi, qui, en
1398, ne timbrât son écu penché d'un heaume de chevalier[238]. Voici,
en 1435, un marchand de Condrieu, Louis Chapuys, qualifié «noble
homme»[239], et, en 1642, un élu de Roanne, fils d'un notaire et
bourgeois de cette ville, qualifié «noble et puissant seigneur Guy de
Chastelus[240]». On peut tenir pour certain que la plupart de ces
qualifications nobiliaires, en désaccord avec la position plus ou
moins modeste de ceux qui les reçoivent dans les actes, sont
l'affirmation d'une situation antérieurement plus relevée, notoire, et
généralement d'une extraction noble.

  [221] Michaud, t. II, p. 337.--Cf. Rey, _Colonies franq._, p. 60.

  [222] Isambert, t. I, p. 138.--Rittiez, p. 60.

  [223] Socard, p. 181.

  [224] Lettres de Jean II aux «attournez et bourgeois de nostre
  ville de Compiègne,» en faveur de Ch. Colmir, «nostre amé barbier
  et valet de cambre», 1352. (_Coll. de Picardie_, t. CX, fol.
  225).--«Nous Jehan de St Pierre, sergent darmes du roy nostre
  sire et _son citoien_ et prevost de Mascon...» (_Sceaux_, t.
  LXXXV, p. 6725.)

  [225] _Cartul. du dioc. de Paris_, p. 156, charte de 1271: «...
  exceptis nobilibus, clericis et quibusdam quos dicebant burgenses
  Regis.»

  [226] V. Bouton, _Armorial des tournois, Jouste faicte à
  Tournay_.

  [227] La Roque, _Traité du Ban_, rôles, p. 69.

  [228] Titre de 1272: «Dominus Gerardus de Canibus civis et
  scabinus.» (Arch. Nat., layett. _Croisades_, J. 456, no
  28{81?}.)

  [229] Chartrier de Beauvoir, no 502, orig. parch.: «Et sera tenu
  le seigneur Carrige prendre bonne et vallable quictance.»

  [230] Cab. des titres, no 1110, _Epitaph._, p. 69: «Cy devant
  gist honorable personne sire Guill{e} de Vassé, en son vivant
  marchant rostisseur et bourgoys de Paris, qui trespassa le 26e
  jour de janv. 1550.»--B. N. ms. franç. 8229, p. 163, 179:
  Commencement du XVIe siècle: «Honorable personne Sire Guill{e}
  Guerrier, marchant apoticaire d'Orléans... Sire Michel le
  Thoreau, marchant apoticaire de la ville d'Orléans.»

  [231] Le 11 oct. 1462, «Jehan Billon advoue tenir prochement...
  de Sire René de Rais...» (_Extr. de Bretagne_, p. 648.)

  [232] La Roque, _Traité de la Nobl._, p. 208.

  [233] Fontanieu, portef. 651-653, no 1298.

  [234] 12 nov. 1422: «A tous ceulx qui ces présentes lettres
  verront, les consulz, bourgois et habitans de la ville de
  Lymoges, salut... Nous..., de nostre certaine science,
  cognoissons...»--_Quittances_, t. LV, p. 8.

  [235] La Roque, _Traité de la Nobl._, p. 227.

  [236] Douët-d'Arcq, t. II, no 4103.

  [237] _Sceaux_, t. LXXXVIII, p. 6977; t. LXXXIX, p.
  6981-6985.--_Quittances_, t. XLVII, p. 4567, 4576.

  [238] Gaignières, _Chartes div._, t. I, p. 136: «J. de Saumur,
  cordouennier et varlet de chambre du Roy.» Il signe bellement
  «Jehan de Saumur.»

  [239] Testament orig. en parch. communiqué par Mr le M{is} de
  Rivoire la Bâtie, 10 août 1435: «... Nobilis vir Ludovicus
  Chapuysii, burgensis et mercator Condriaci, Viennen. dyocésis...»

  [240] _Preuves_, no 2088.



CHAPITRE XVI

  Concorde sociale.--Esprit de réciprocité.--Fusion
    prospère.--Jeanne Braque, femme d'un marchand.--Le sire de
    Montmorency et le drapier Fouchard.--Rapports entre
    inégaux.--Les Nobles dans la vie publique.--Édiles
    chevaleresques.--Chevaliers fils de bourgeois.--Nobles
    vilains.--Nobles manants.--Règne de la courtoisie.--Jeanne
    d'Arc et son compère.--Le duc de Rohan et Monsieur d'Assas.


Il n'est pas contestable que l'agrégation des gentilshommes à la
bourgeoisie était plus profitable à la concorde sociale, au bien des
cités et de l'État, que la scission des classes et leur isolement
empreint d'inimitié. Des rapports nécessaires de la vie commune
découlaient naturellement le respect mutuel, l'estime, la réciprocité,
la sympathie, l'affection entre nobles et bourgeois, et cette fusion
prospère aboutissait fréquemment à des alliances qui, dans notre temps
de fausse démocratie, feraient crier au scandale. Je ne parle pas de
telle veuve d'un chevalier de l'ordre du Roi épousant, en 1581, un
marchand boucher[241], ni de tels gentilshommes dénués, mariés à
d'honnêtes bourgeoises et vivotant obscurément sur quelque maigre
lopin[242]; mais lisez cette épitaphe de 1568: «Cy devant gist noble
femme Jehane Braque, originaire de Montargis, en son vivant dame de
Puyseux et Chastillon sur Loing, et femme d'honorable homme Paschal
Perret, marchant de la ville de Sens[243].» Cette femme d'un marchand,
c'était l'arrière-petite-fille de «noble et puissant seigneur
monseigneur Jehan Braque, chevalier, seigneur de Sainct Morise sur
Laveson, Chastillon sur Loing et aultres lieux, maistre du scel du
Roy,» et conseiller du duc d'Orléans[244]. En 1365, Jehanne, fille de
Nicolas le Mire, faiseur d'armes et bourgeois de Paris, est mariée à
Etienne Braque, trésorier de France, cousin-germain de messire Nicolas
Braque, chevalier, époux de Jeanne la Bouteillère de Senlis[245]. En
1205, Robert de Saint-Martin, bourgeois du Mans, est le second époux
d'Agnès, veuve de Jean de Souvré, chevalier[246]. Au début du XVe
siècle, tel bourgeois marie ses filles aux plus grands seigneurs du
royaume[247].

  [241] Papon, p. 942.

  [242] Voy. la _Revue hist. de l'Ouest_, mai 1886, p. 5 et suiv.

  [243] _Pièc. orig._, t. 493, Braque, p. 148.

  [244] _Pièc. orig._, p. 56.--Guillery, p. 9.

  [245] Gaignières, _Extr. de comptes_, t. I, p. 177.--_Coll. de
  Picardie_, t. CLV, p. 349.

  [246] _Cartul. de Vivoin_, p. 13.

  [247] Monstrelet, p. 161.

Dans les actes de la vie privée aussi bien que de la vie publique, des
bourgeois, des marchands figurent côte à côte avec de hauts
gentilshommes; c'est ainsi que, vers 1141, Nicolas Fouchard, marchand
de draps, est, avec Mathieu de Montmorency et d'autres puissants
seigneurs, témoin d'une donation pie faite par le comte de
Meulan[248]. Ces rapports entre inégaux, possibles dans une société où
la hiérarchie assure à chacun la plénitude de sa dignité propre, ne le
sont plus dans un monde en confusion où le respect revêt l'apparence
de l'abaissement.

  [248] _Cartul. du prieuré de Meulan_, fol. 23: «Testes...
  Mattheus de Montemorenciaco, Nich. Fulchardus draperius...»

Sous le régime féodal, loin de se cantonner dans les châteaux, les
Nobles prenaient une part active à la vie publique; on les rencontre
dans tous les conseils, auprès du Roi, des comtes[249], des
évêques[250], et ils s'honoraient de briguer les charges d'édilité.
Vibert de la Barre, d'illustre lignage, échevin d'Eu en 1202, fut
ensuite maire de cette ville.[251] Etienne Boileau, prévôt des
marchands de Paris en 1249, était chevalier et noble de race.[252] On
trouve en 1259 des maires de l'extraction la plus haute,[253] et il
suffit de jeter les yeux sur l'histoire d'une ville pour constater que
les maïeurs et les échevins, aux XIIe et XIIIe siècles, «estoient tous
d'ung lignaige», comme dit Froissart.[254] Le maire de Poitiers se
qualifiait «premier baron du Poitou»,[255] et, encore en 1697, il
fallait être gentilhomme pour être premier échevin de Caen[256]. La
participation des Nobles à l'administration des villes fut même
antérieure à l'organisation de la féodalité, puisque d'un capitulaire
de Lothaire il appert qu'au IXe siècle il fallait être noble pour être
«scabin»[257].

  [249] Charte de Geoffroy, vicomte de Bourges, 1012: «... ad quod
  bonum opus peragendum advocavi nobiles patriæ...»--_Gall.
  Christ._, t. II, _Instrum._, p. 50.

  [250] Coll. Moreau, t. IV, p. 69, charte de Cluny, 1060: «...
  inter prudentes viros milites... domni Ardradi
  presulis.»--_Cartul. de l'abb. de Longpont_, B. N. ms. latin
  11005, p. 56-57, charte de 1189: «Testes sunt... Radulfus de
  Compendio, Scibertus decanus, christianitatis milites.»

  [251] Kermaingant, nos 74, 98.

  [252] Rittiez, p. 67.

  [253] Saint-Allais, t. III, p. 193.

  [254] Voy. notamment l'_Hist. des comtes de Ponthieu et des
  maieurs d'Abbeville_, par le P. Ignace.

  [255] Borel d'Hauterive, t. XXXI, p. 188.

  [256] A. du Buisson de Courson, _Rech. nobil._, p. 233.

  [257] Leber, t. V, p. 414, note.

La qualité de «bourgeois» était donc bien loin, sous la féodalité, de
constituer une infériorité blessante; on voit des chevaliers,
seigneurs de fiefs, qui sont dits fils de bourgeois[258]; et surtout,
il faut le noter au passage, on ne prenait pas encore en mauvaise part
tels vocables auxquels la suite des temps devait attacher un sens de
mépris. Les meilleurs gentilshommes portaient, comme sobriquet ou même
comme nom, les mots de «vilain» et de «manant». Sans parler des
Vilain, ramage de l'illustre maison de Gand, voici, au XIIe siècle,
«Villain de Nuillé, chevalier»,[259] et Jean Grosvilain, gentilhomme
de Bourgogne;[260] en 1249, «Hervé dit Grosvillein, écuyer»;[261] en
1252, Georges Blanc vilain, chevalier.[262] Les nobles damoiselles
s'attribuaient le surnom de «Vilaine»,[263] qui certes, en ce
temps-là, n'avait rien de blessant, pas même pour la coquetterie
féminine. Au XIe siècle, Girard le Manant est un des chevaliers du
comte d'Anjou,[264] et «Monseigneur Robert le Manant, chevalier», est
à la croisade en 1242.[265] En 1557, «Philippes Vigier, escuyer,
seigneur de Rocheblon en la seneschaussée de Montmorillon, a déclaré
estre exempt (de l'arrière-ban), parce qu'il est _manant_ et habitant
de la ville de Paris.»[266]

  [258] Chartes de 1190-1215: «Garnerius de Pratis, civis
  Senonensis... Gaufridus miles...» fils dud. Garnier. (_Cartul. de
  l'arch. de Sens_, t. II, fol. 26-28.)

  [259] _Cartul. de N. D. de Larivour_, B. N., ms. latin nouv. acq.
  1228, fol. 67 vo, charte de 1195: «Villanus de Nuille miles.»

  [260] Témoin d'une donation à St Etienne de Dijon, avec Guiard de
  Grancey, G{e} d'Orgueil et autres chevaliers de
  Bourgogne.--_Cartul. de St Etienne_, part. I, p. 111.

  [261] Mabille, p. 232: «Herveus dictus Gros villein, armiger.»

  [262] _Cartul. de St-Evroult_, t. II, fol. 85: «Georgius dictus
  Blanc vilain, miles.»

  [263] _Coll. d'Anjou_, t. XIII, no 9906, charte du XIe s.:
  «Laurentia, cognomento Villana, uxor Turpini de Ramoforti.»

  [264] _Marmoutier_, t. IV, p. 103: «Giraldus Manens.»

  [265] _Chartes de l'abb. du Bec_, no 34: «Dominis Rob. le Manant
  miles.»

  [266] La Roque, _Traité du ban_, p. 141.

L'enchevêtrement des droits féodaux aidait encore à entretenir la
courtoisie; tel seigneur, par suite du morcellement des fiefs, devait
lui-même l'hommage à son vassal, d'une condition inférieure à la
sienne; par exemple, René Gaudin, sieur de la Fontaine et du lieu
seigneurial de Montguyon, rendant aveu à «hault et puissant seigneur
messire Guy du Bellay, chevalier, seigneur de la Courbe-Raguin,
Soulgé-le-Courtin et la Salle,» lui dit: «Sensuyt la desclaration du
fief que je tiens de vous et le nom de mes hommes... Et premièrement,
vous, mon seigneur, estes mon homme de foy et hommage simple pour
rayson de vostre herbergement du dict Soulgé le Courtin[267]...»

  [267] _Chartrier de Soulgé-le-Courtin_, Livre II des _Remembr. de
  Monguyon_, p. 1.

La courtoisie, en effet, était, après la Religion, le grand lien
social, et comme la préface de l'estime, de la confiance et de
l'affection, entre nobles et bourgeois. Une des plus grandes dames de
Bourgogne, Jehanne d'Arc, veuve d'Eudes de Saulx, chevalier, sire de
Vantoux, dit en 1383 dans son testament: «Je institue mes
exécuteurs... mon très cher et féal amy et compère Symon le Germenet,
bourgeois de Dijon[268].» En 1449, un grand seigneur, Raymond
d'Ortafa, écrivant à un bourgeois de Perpignan, l'appelle «Très honoré
et cher frère[269]». Le gracieux mot de «courtoisie», naguère encore
si français, ne résonne, dans ce pays défrancisé par la révolution et
la juiverie, que comme un terme archaïque, du temps où le duc de
Rohan, de race princière, écrivant à un simple gentilhomme, Mr
d'Assas, terminait ses lettres par ces mots: «Je vous baise les mains
et suys vostre affectionné[270].»

  [268] Dom Plancher, t. II, _Preuves_, p. 282.

  [269] B. Alart, _Communes du Roussillon_, p. 57.

  [270] Clairambault, t. 301, p. 237-241.



CHAPITRE XVII

  Désagrégation et antagonisme.--Plaie vive.--Les Nobles à la
    campagne.--Ruine et scission progressives.--Statut des
    tournois.--Le lieu n'anoblit pas l'homme.--Intrusions
    légales.--Les guerres de religion creusent le
    fossé.--Pasquier et Blaise de Montluc.--Pillage des
    armoiries.--Un mot de Ménage.--Trente mille bourgeois
    blasonnés.--Le duc de Saint-Simon.--Les nouveaux seigneurs de
    villages.--La vieille bourgeoisie française.--L'honneur ou
    rien!


Entre deux classes si intimement confondues et se recrutant
incessamment l'une dans l'autre, quand et comment la désagrégation
a-t-elle pu se produire, engendrer la scission, dégénérer en
antagonisme de castes? C'est ce qu'il importe d'indiquer; nous
touchons ici à l'une des plaies vives de la Noblesse.

Déjà, vers la fin du règne de saint Louis, Hugues de Bercy «se
plaignait de ce que la Noblesse de son temps quittât les villes pour
aller résider à la campagne.»[271] C'est que, ruinés par les
croisades, les gentilshommes souffraient cruellement dans leur
amour-propre à comparer leur dénûment, fruit de l'héroïsme
chevaleresque, à la richesse des bourgeois, fruit du labeur
mercantile[272]. C'est là le germe de la scission, germe qui se
développe à mesure que s'augmente l'appauvrissement des Nobles,
parachevé par la longue guerre contre les Anglais. A la fin du XIVe
siècle, non seulement les rangs de la Noblesse sont effroyablement
décimés, mais la majeure partie de ses domaines sont passés aux mains
des marchands; de là, un sentiment d'amère envie, que trahit, par
exemple, le Statut des tournois, de 1480, interdisant aux
gentilshommes de prendre le droit de bourgeoisie dans une ville, sous
peine d'être exclus des tournois[273], c'est-à-dire disqualifiés, à
peu près dégradés de noblesse par leurs pairs. Toutefois le Statut
n'excluait pas les nobles habitant les villes sans y avoir le droit de
bourgeoisie. C'était un antique adage que «le lieu n'anoblit pas
l'homme, mais que l'homme anoblit le lieu»; sans doute il n'avait pas
empêché plus d'un non-noble, enrichi par le trafic, acquéreur de
domaines plus ou moins considérables, de se faufiler dans les rangs de
la Noblesse; mais, à présent, en vertu de l'édit des francs-fiefs, ils
étaient légalement envahis, et l'ancienne gentilhommerie recula devant
le flot des nouveaux nobles, qui n'avaient pas, ceux-là, reçu le sacre
de l'épée et ne devaient leur élévation sociale qu'au négoce. Les mots
de «bourgeoisie» et de «trafic», considérés dès lors comme synonymes,
eurent à l'ouïe des anciens nobles appauvris une assonnance
d'infériorité sociale; longtemps ils affectèrent de ne vouloir pas
être confondus avec les parvenus gras de leurs dépouilles, parés de
leurs plumes, de leurs titres, de leurs honneurs, parfois même de
leurs noms; désertant les cités, où leur orgueil souffrait, où leur
maigre revenu n'était plus en rapport avec la cherté de la vie, ils se
confinèrent dans les lambeaux de fief qu'ils avaient pu sauver du
désastre; puis les guerres de religion, pendant lesquelles les cités
étaient généralement catholiques et les vieux nobles généralement
huguenots, achevèrent d'aigrir les esprits et de creuser le fossé. Le
vocable de «bourgeois» prit le sens exclusif de «roturier»; puis les
généalogistes royaux achevèrent officiellement la scission. Il
semblait, au XVIe siècle, que l'on ne pût être gentilhomme qu'à la
condition de vivre hors des villes. Pasquier dit expressément que
«ceulx qui veullent estre estimez nobles à bonnes enseignes, laissent
les villes pour choisir leur demeure aux champs; tant à l'occasion que
la plus grande partye des fiefz y sont assis, dont la possession est
seulement permise sans réserve aux Nobles, que pour se garantir de
l'opinion qu'on auroit qu'ils traficquassent dans les villes, chose
qui obscurciroit leur noblesse; et, à vray dire, la vie qui approche
le plus près de la militaire en tems de paix est la champestre[274].»
Plus d'un gentilhomme, et non des moins qualifiés, se prenait à
déplorer les résultats de cette retraite générale des Nobles,
résultats dont leur fierté ne s'accommodait pas sans un regain
d'amertume.

  [271] Pasquier, _Rech. de la France_, titre II, ch. XVI; cité par
  Michaud, t. VI, p. 245, note.

  [272] En quelques années, Jacques Cœur acheta plus de vingt
  seigneuries ou châtellenies «dont la plupart appartenaient
  auparavant aux plus anciennes familles du Royaume.» (P. Clément,
  _Jacques Cœur_, t, II, p. 2.)

  [273] La Roque, _Traité de la Nobl._, p. 228.

  [274] Pasquier, _Recherches_, liv. II, ch. XV.--La Roque, _Traité
  de la Nobl._, p. 233.

«Ha! Noblesse, lamentait l'illustre Blaise de Montluc, tu t'es faict
grant tort et dommage de desdaigner les charges des villes; car
refusant les charges, ou les laissant prendre par les gens des villes,
ceux-cy s'emparent de l'autorité, et quand nous arrivons, il fault
les bonneter et leur faire la cour. Ç'a estè un maulvais avys à ceux
qui en sont premièrement cause[275].»

  [275] _Commentaires_, liv. I, p. 7.

La retraite volontaire des Nobles eut pour effet de faire de la
bourgeoisie un corps homogène. Ce fut alors que les petits bourgeois,
à l'exemple des grands, voulurent avoir des armoiries; car la vanité
se rencontre à tous les degrés de l'humanité. Ménage, outré de cette
usurpation générale, disait qu'avant vingt ans il n'y aurait pas
d'enseigne de boutique qui ne se changeât en blason; il est vrai que
telle enseigne de boutique, comme le _Château d'or_ de Girard de
Castille, avait pu commencer par être un noble blason et, par ainsi,
ne faisait que retourner à sa condition première. La mesure purement
fiscale, prescrite par Louis XIV, de l'enregistrement des armoiries
transforma l'usurpation en un droit qu'acheva de consacrer
l'ordonnance royale de 1760, dans laquelle il est dit par Louis XV
que, «suivant un usage qui a prévalu, le port des armoiries n'est pas
borné à la seule Noblesse.» De 1696 à 1704, environ trente mille
bourgeois firent enregistrer les leurs[276]; à ceux qu'un sentiment
de modestie empreinte de dignité détermina à s'abstenir, le juge
d'armes en impartit d'office; Molière eût eu beau jeu pour mettre à la
scène _Le blasonné malgré lui_. Nous verrons quelque chose de plus
comique encore: le gentilhomme malgré lui. Peut-être ce blasonnement
en masse de la nation, en même temps qu'il servait à combler les vides
du trésor, rentrait-il dans le plan royal d'égalisation dans les
hauteurs, d'élévation progressive, de fusion des classes. La Noblesse,
il faut le dire, n'y vit généralement qu'une injustifiable usurpation,
sanctionnée par un abus de la puissance souveraine, et ce fut pour
elle un nouveau motif de cette antipathie contre les bourgeois,
qu'elle ne perdait pas l'occasion de manifester dans l'exercice des
droits qui lui restaient[277]; antipathie dont l'expression se
retrouve presque à chaque page dans les mémoires du duc de Saint-Simon
et d'autres gentilshommes. Les travers des parvenus, des nouveaux
fieffés, sont le thème ordinaire des sarcasmes de la rancune
aristocratique; leur esprit d'économie, souvent poussée jusqu'à la
parcimonie et «fleurant la boutique», contrastait singulièrement avec
l'esprit de largesse, poussée jusqu'à la prodigalité, de l'ancienne
Noblesse. Je m'imagine que les peuples durent plus d'une fois
regretter leurs anciens maîtres, surtout lorsque «le nouveau seigneur
du village» était de l'acabit de ce marchand enrichi qui, pour don de
joyeux avènement, ne trouva rien de mieux que de rosser ses
vassaux[278], dont il lui en cuit.--Le type de la vieille bourgeoisie
française, disparue presque autant que l'antique chevalerie, je le
reconnais dans ce bourgeois de Chalon, «Claude Bussillet, huict foys
eschevin, une fois maire, troys foys juge des marchants et l'un des
aumosniers publics de la ville», et surtout dans sa superbe devise,
que l'on croirait contemporaine de la bourgeoisie des temps féodaux,
si son épitaphe ne nous faisait connaître qu'il vécut au XVIe siècle:
_L'honneur ou rien[279]!_

  [276] Un «ouvrier en soye» de Saint-Chamond, Jean Jacquier, fit
  enregistrer ses armoiries, _de gueules à 3 croissans d'argent_.
  (_Armor. général_, LYON, p. 460.) Qui sait s'il n'était pas de
  quelque lignage appauvri?--Voy. ci-après le chap. XXIV de cette
  Introduction.

  [277] Notamment aux Etats de 1614.--Cf. A. du Buisson de Courson,
  _Rech. nobil._, p. 139, note 1.

  [278] Papon, p. 779.

  [279] Clairambault, t. CMXLIII, p. 172.



CHAPITRE XVIII

  La pauvreté, état coutumier de la Noblesse.--Gautier le pauvre
    homme.--Les juifs, les moines et les chevaliers. Dénûment
    navrant.--Tavernière de sang princier.--Misère
    impériale.--Comment on payait sa gloire.--Revues de
    l'arrière-ban.--Séries de gentilshommes indigents.--Vérité de
    Mr de la Palice.--Fiefs et domaines saisis.


La pauvreté fut l'état coutumier de la Noblesse française; on en
recueille maints témoignages antérieurement même au dénouement des
croisades. Vers 1095, un des chevaliers de Jacquelin de Champagne,
faisant une donation aux moines de Saint-Vincent du Mans, en retient
la moitié de la dîme «à cause de sa pauvreté[280]». Au même temps, un
autre chevalier, Achard, excepte d'une donation foncière le tiers de
la dîme, à cause, dit-il, de la pauvreté qui l'oppresse[281]. En
1209, Milon, seigneur de Sissonne, chevalier, écrasé de dettes, vend,
pour les payer, une série de terres et de redevances[282]. L'épithète
de «pauvre» se rencontre fréquemment dans les chartes, accolée à la
qualité de chevalier, et même elle devint le nom de plusieurs
lignages[283]. Des nobles sont surnommés, «Sans avoir», ou «Sans
terre», ou «Sans argent», ou «Sans revenu[284]».

  [280] _Cartul. de St Vinc._, B. N., p. 62: «... excepta medietate
  decime quam predictus miles meus Wido, paupertate districtus,
  sibi retinuit.»

  [281] _Cartul. de St Vinc.,_ p. 91: «... pro angustia...
  paupertatis que me constringit.»

  [282] _Cartul. de Val-le-Roy_, fol. 77 vo-91 ro: «Dominus Milo de
  Sissonia, cum multo onere debitorum oppressus esset...»

  [283] _Coll. d'Anjou_, t. XII, no 6444, charte de la fin du XIe
  s.: «Johannes Pauper, miles.»--Dom Bouquet, t. XIV, p. 7: «Hugo
  Pauper,» fils d'Hugues, comte de Clermont en
  Beauvaisis.--_Cartul. de Saint Corneille de Compiègne_, p. 250,
  charte de 1115: «Hugo Pauper, miles.»--_Cartul. de Clairvaux_, p.
  17, ch. de 1179: «Johannes Pauper, miles.»--_Coll. de Picardie_,
  t. CLV, fol. 99, ch. de 1190: «Bernardus Pauper, miles.»--_Coll.
  d'Anjou_, t. VI, no 2225, ch. de 1207: «Robertus Pauper,
  miles.»--_Coll. de Bourgogne_, t. XIII, fol. 101, ch. de 1218:
  «Petrus, miles, cognomento li poivres de Possesse.»--_Coll.
  d'Anjou_, t. VII, no 2706, ch. de 1231: «Geoffroy, dit le pauvre,
  chevalier, sgr du Plessys Mellé.»--D'Hozier, _Armor. et généal._,
  fol. 67, arr. ban d'Anjou en 1470: «Huguet le Pauvre.»

  [284] De Camps, _Nobil. hist._, t. II, vo Sansavoir: «Galterus
  Sine habere» ou «Sine pecunia», l'illustre croisé.--«Guillaume
  Sans avoir, tué dans Rame en 1101.»--_Cartul. de Marmoutier_, t.
  II, p. 385, ch. de 1142: «Bertrannus sine terra;» t. I, p. 263,
  ch. de 1177: «Simon sine censu, miles»; t. II, p. 33, v. 1200:
  «Radulphus sine avero.»

Voici, en 1230, «Scard de nul fief[285]», et en 1350 «Guillaume
Platebourse, chevalier[286]». Et combien de pauvres parmi les
volontaires des guerres saintes! Lambert le Pauvre, chevalier, est à
la première croisade[287]. Richard Forbanni, «voulant aller à
Jérusalem», troque une bonne terre contre une mule[288]. Nivelon du
Plessis chevalier, surnommé le pauvre, fait une aumône aux moines de
Froimont, en 1190, lorsqu'il prend la Croix[289]. Manassés le Pauvre,
chevalier, seigneur de Hez, et Eustache, son frère, partent pour la
Palestine avec saint Louis[290]. En 1278, «Gautier, chevalier, dit le
pauvre homme, empêché par la maladie d'accomplir le vœu qu'il avait
fait d'aller à Jérusalem,» fait un don aux églises de Langres[291].

  [285] _Cartul. de Meaux_, non fol., juin 1230: «Scardus de nullo
  feodo.»

  [286] Dom Villevieille, _Trésor_, t. LXVIII, vo Platebourse.

  [287] De Camps, t. II, vo _Pauper_.--Cf. Dom Villevieille,
  _Trésor_, t. LXVII, vo Pauvre.

  [288] _Coll. de Poitou_, t. XIX, p. 126: «... volens pergere
  Hierosolymam... mulam unam... accepi, pro qua... donavi... mansum
  unum obtimum terre.»

  [289] _Cartul. de Froimont_, fol. 5 vo: «Nevelo miles de
  Plesseio, cognomento Pauper, iturus Iherosolimam...»

  [290] _Cartul. de Froimont_, fol. 11 vo, 14 vo: «Manasserius
  Pauper, dominus de Hes, miles.»

  [291] _Gall. Christ._, t. IV, col. 612.--En 1283, «Gautier lou
  pauvre homme, chevalier,» est l'époux de Marguerite de Mailly.
  (_Coll. de Bourgogne_, t. XLI, fol. 158.)

Les juifs, créanciers âpres[292], s'engraissaient déjà des dépouilles
françaises, car on les trouve partout où il y a des naufrages et des
épaves; les moines, qui sont quelquefois eux-mêmes leurs
débiteurs[293], viennent chrétiennement en aide à la Noblesse, pour la
dégager des serres judaïques[294]. En 1192, Geoffroy d'Anjou et
Désirée, sa femme, vendent de leurs biens «au juif Cresson»[295]. En
1202, la femme et le fils de Vilain de Nuillé, chevalier, vendent des
terres pour acquitter ce que leur époux et père doit aux juifs[296].
En 1237, Raoul, avoué de Hérissart, chevalier, vend ses domaines pour
cause d'indigence[297]. Après les croisades, le dénûment des Nobles
est navrant; les Rois, à l'exemple de saint Louis[298], s'efforcent
de l'atténuer, et c'est une des recommandations ordinaires de
l'Eglise que d'être secourable aux «pauvres chevaliers»[299]. Pierre
de Montmorin, damoiseau, en 1406, met sa ceinture en gage chez un
marchand de Limoges, pour un prêt de 23 écus d'or[300]. En 1445,
Evrard de la Marche, damoiseau, dans une «lettre de défiance» au duc
de Bourgogne, dit: «Et moy qui suys ung jeune homme povre
d'argent....[301]» Au XVe siècle, dit la _Revue Nobiliaire_[302], les
familles nobles de Bourgogne étaient presque toutes complètement
ruinées; témoin ce Guillaume de la Marche, ancien bailli de Chalon,
dont les dettes étaient si énormes que sa veuve, Marie d'Ayne, «pauvre
parente et servente du Duc, descendüe et extraicte du sang de
Flandre», après avoir tenu un grand état, tomba dans une telle misère
que les sergents ne trouvèrent à saisir dans son logis «que le lict où
elle gisoit», et qu'on la vit dans sa vieillesse vendre du vin «à
taverne», comme un pauvre tavernier, pour s'aider à vivre. La misère
sévissait jusque sur les plus hauts sommets; qui ne se rappelle
l'horrible pauvreté de Baudouin, empereur de Constantinople[303]? En
1339, Catherine de Viennois, princesse d'Achaïe, pour obtenir d'un
boucher de la viande, dut lui remettre en gage son gobelet
d'argent[304]. Et quel désordre introduit l'appauvrissement dans la
hiérarchie militaire! Les riches écuyers ont maintenant dans leurs
compagnies, sous leurs ordres, non seulement des chevaliers
bacheliers[305], mais même des chevaliers bannerets[306]. Tel
gentilhomme, après avoir longtemps combattu comme homme d'armes,
devenu pauvre, retombait au rang d'archer[307]; car la gloire, en ce
temps-là, n'était pas plus le sang que l'argent des autres; il
fallait payer de sa poche aussi bien que de sa personne pour avoir
l'honneur de servir, et les maigres subsides du trésor royal n'étaient
pas faits pour conjurer la ruine. Dans les revues de l'arrière-ban, la
moitié des Nobles se déclarent sans ressources, incapables de
s'équiper et, par suite, de faire service au Roi. Lisez cet extrait de
l'arrière-ban d'Anjou, en 1470:

«Ce sont les noms des gens nobles du ressort d'Angiers... Guillaume
d'Ampoigné, aaigé, dict qu'il servira en habit de brigandine si
possible luy est, mais qu'il n'a de quoy avoyr habillement, et qu'il a
troys de ses enffans en la guerre du Roy. Mathelin de Portebise, ung
voulge en sa main, et dit qu'il n'a de quoy avoyr habillement de
guerre, et s'il peult avoyr de quoy il se mectra en poinct. Jehan de
Quéon s'est présenté en robbe, un voulge en sa main, et dict qu'il n'a
de quoy se mectre en poinct. Jehan de Chierzay, en brigandine; et
neantmoings il a affermé par serment qu'il n'a comme riens de quoy
vivre et ne tient que en bienfaict. Mathelin de Chargé s'est présenté
en robbe, ung voulge en sa main, disant qu'il n'a de quoy avoyr
habillement. Jehan de Langies s'est présenté en robbe et dict qu'il a
la garde de la place de Lodun et qu'il n'a de quoy avoyr aulcung
habillement. Charles de Rigné s'est présenté en robbe disant qu'il
est eaigé de quatre-vingtz ans, pouvre homme, et n'a de quoy avoyr
shabillement, et qu'il n'a seulement de quoy vivre[308].» Deux siècles
après, l'Estat des gentilshommes de la sénéchaussée de Dax, ban et
arrière-ban (1689-1692), contient ces mentions: «M. d'Abesse, pauvre;
son fils vient de quitter les gardes du Roy; son père ne pouvoit
l'entretenir.--M. de Six, pauvre...»; et plus loin, une série de «gens
tenant fief et vivant noblement» sont désignés comme étant «pauvres et
hors d'estat de servir, ne pouvant faire d'équipage[309].»

  [292] _Anc. évêchés de Bretagne_, t. III, p. 81.

  [293] _Cartul. de Saint-Seine_, p. 24.--_Varia ad hist. Brit._,
  fol. 123.

  [294] _Anc. évêchés de Bret._, t. III. p. 195-196 et notes.

  [295] _Cartul. de St Vinc. du Mans_, B. N., p. 505-506: «...
  Cresson judeo...»

  [296] _Cartul. de St Vinc. du Mans_, B. N., p. 501: «Cum Vilanus
  de Nouile judeis denarios debuisset...»

  [297] _Cartul. de Froimont_, fol. 50 vo: «Radulfus, advocatus de
  Harissart, miles, indigens peccunia...»

  [298] Dom Bouquet, t. XXII, p. 592, ann. 1239: «Milites pauperes
  donis adjuti... Terricus Torcheboef, pauper miles, de dono
  [regis], X lib.»

  [299] L. Gautier, _La Chevalerie_.

  [300] Dom Villevieille, _Trésor_, t. LXI, vo Montmorin.

  [301] _Chroniq. de Math. de Coussy_, éd. Buchon, p. 20.

  [302] Tome III, p. 209.

  [303] Michaud, t. V. p. 16-17.

  [304] Cantù, _Hist. des Ital._, trad. franc., t. V, p. 361.

  [305] _Montres_, t. II, p. 93, ann. 1387: «La reveue de J.
  Fouquaut, escuier, de 3 chevaliers bacheliers et de 36 aultres
  escuiers de sa chambre.» Page 415, ann. 1388: «La monstre de Loys
  de la Porte, escuier, quatre chevaliers et 14 aultres escuiers de
  sa compaignie.»

  [306] _Sceaux_, t. LXXXVIII, p. 6942, ann. 1415: «M{re} George, sgr
  de Clere, chevalier benneret, servant dans la comp. de Robert de
  la Porte, chevalier bachelier.

  [307] Ban de Saintonge en 1467: «Geoffroy Gombaud, lequel souloit
  estre homme d'armes, a esté receu pour archier, pour ce que ses
  chasteaulx ont esté bruslez.»--Comte Anatole de Bremond d'Ars,
  _Le chevalier de Méré_, 1869, in-8º.

  [308] D'Hozier, _Armor. et généal._, fol. 43
  ro-vo.--_Brigandine_, haubergeon ou cotte de maille des soldats.
  _Voulge_ ou _vouge_, épieu de vènerie à large fer.

  [309] Baron de Cauna, _Armorial des Lannes_, t. I, p. 25, 26.--O.
  de Poli, _Rech. sur la fam. de St Vincent de Paul_, p. 9, note 1.

C'était une vérité... de Mr de la Palice que cette malice de La
Bruyère: «Il y a des gens qui n'ont pas le moyen d'être nobles.» Pas
plus que l'âge, l'infirmité ne dispensait le Noble du service de
guerre; l'impotent envoyait un remplaçant valide et bien en
point.[310] Aux comparants qui n'étaient pas «en souffisant
habillement» ou «souffisamment montés», ou équipés «deument selon leur
richesse», ou que le commissaire aux revues jugeait «non souffisamment
en poinct selon la qualité de leur terre[311]», comme aussi aux
«deffaillans», on saisissait impitoyablement «tous leurs fiefz et
héritaiges», et «tous les fruiz» en étaient «cueillis au proffict du
Roy[312]». Ceux dont l'indigence était notoire et constatée pouvaient
être exemptés de servir[313]; mais quelle douloureuse humiliation! A
la fin du XIIIe siècle, les commissaires royaux usaient fréquemment
d'indulgence; mais, dans les siècles suivants, leur rigueur s'accrut
en proportion de l'appauvrissement des Nobles, qui, presque tous,
eûssent pu légitimement exciper de leur dénûment.

  [310] La Roque, _Traité du ban_, p. 116, _Monstre des nobles du
  baill. de Caux_, en 1470: «Pour G. Louvel, ancien et impotent, se
  présenta G. Louvel, armé de brigandine, sallade, arc et trousse.»

  [311] _Coll. de Picardie_, t. LXVIII, fol. 221-222, _Monstre des
  nobles de l'archidiaconé de Dynan_, en 1472.

  [312] La Roque, _Traité du ban_, p. 117.

  [313] Ainsi, en 1270, furent renvoyés avec cette mention, _pauper
  est_, de nombreux écuyers du bailliage d'Orléans: J. Bocher, Ph.
  de Lisserville, Huguelin de Montréal, Pierre de Boigne, G.
  d'Ozereau, Odin de la Porte, etc.--_Ibid._, p. 78-79.



CHAPITRE XIX

  Appauvrissement forcé.--_Crescite et multiplicamini._--Guehedin
    Chabot.--Les vingt enfants de Claude de Cremeaux.--Les
    quatorze fils de Gervais Auvé.--Causes de ruine.--Charges du
    service militaire.--Abdications nobliaires.--L'état de
    noblesse, obstacle à la fortune.--Les gentilshommes n'étaient
    exempts d'aucune sorte d'impôts.--Le comte Louis de
    Frotté.--Les grands pauvres.--Paysans nobles.--Les Braque et
    les Allard.--Gentilshommes laboureurs.--Rabelais et la
    Bruyère.--Tout est adieu, tout est à Dieu!


Cet appauvrissement procédait, en partie, du grand nombre d'enfants,
qu'il fallait élever, équiper, apaner, ou doter à chaque génération;
le patrimoine féodal se morcelait, s'en allait en miettes. Le précepte
évangélique, _Crescite et multiplicamini_, n'étant pas encore lettre
morte, telle famille comptait dix, quinze, vingt enfants.[314]

  [314] Voy. mes _Rech. sur la fam. de Saint Vinc. de Paul_, p. 11.

Le pape Urbain IV, en 1263, autorisa les religieuses de N.-D. de
Soissons à recevoir, bien que leur nombre fût au complet, Alix de
Bernot, jeune fille lettrée, fille d'un chevalier «appauvri par la
multitude de ses enfants».[315] En 1392, Charles VI octroie des
lettres de rémission à «Guehedin Chabot, chevalier, chargié de femme,
de six filz et de troiz filles, poure et misérable personne[316]».
Claude de Saint-Georges eut vingt enfants de Marie, sa femme, fille de
Claude de Cremeaux d'Entragues et d'Isabeau d'Urfé.[317] Gervais Auvé
eut au moins quatorze fils de Guillemette de Vendôme[318]. Un
gentilhomme dauphinois, Mr de Vallier, avait sept fils et sept filles
vivants, lorsque la pauvreté le força de recourir à un expédient dont
je parlerai dans un instant. Mais la multiplicité des rejetons n'était
pas l'agent le plus actif de la ruine des Nobles; parmi tant
d'enfants, d'ailleurs, il se pouvait qu'un d'eux fît à la guerre ou à
la cour quelque merveilleuse fortune, et qu'ensuite il aidât tous les
siens à monter; le salut, par cette voie, était problématique; la
ruine, par l'exercice même de la noblesse, était à peu près certaine;
car, pour une famille qui voyait grandir sa chevance, il y en avait
mille qui sombraient fatalement sous les charges du service militaire.
Ces charges étaient si lourdes que, le produit des terres ne se
trouvant plus en équilibre avec les obligations qu'en comportait la
possession, beaucoup de Nobles, notamment en Champagne, préférèrent
remettre leurs fiefs aux mains de leurs suzerains, et se dégager ainsi
de devoirs qu'il ne leur était plus possible de remplir.[319] «Si les
avantages de la Noblesse, écrivait vers 1695 le comte de
Boulainvilliers, étaient bornez, par l'idée corrompue que l'on s'en
forme aujourd'huy, à la seule jouyssance des privilèges dont elle est
en possession, le titre de noblesse ne serait pas un objet bien
désirable; on le pourrait au contraire regarder _comme un obstacle aux
biens de fortune_.»[320] Et plus loin, traitant du service de
l'arrière-ban, il formulait une déclaration significative et
radicalement contraire à l'idée qu'on se forme généralement des
privilèges nobiliaires:

«L'obligation où les Nobles étaient autrefois de marcher à l'armée en
conséquence de leurs possessions féodales, a été convertie en une
obligation personnelle de servir à l'arrière-ban pour la conservation
du privilège de l'exemption des tailles, supposant une espèce de
partage des charges onéreuses de l'Etat, par lequel l'ordre populaire
est soumis à payer les taxes et les impositions, pendant que la
Noblesse est obligée de défendre la patrie; mais ce partage est une
fiction, puisque _les gentilshommes ne sont exempts d'aucune sorte
d'impôts_.»[321]

  [315] _Coll. de Picardie_, t. CXI, fol. 86: «Cum dilecta in
  Christo filia Aelidis, puella litterata, nata Americi de Bernoc,
  militis, qui gravatus est multitudine filiorum...»

  [316] Arch. Nat., _Trésor des Chartes_. JJ. 142, No 90.--Guehedin
  Chabot, de l'illustre maison de ce nom, était un des plus preux
  chevaliers de son temps; il avait été plusieurs fois guerroyer
  contre les Sarrasins, ce que relatent avec d'autres vaillantises
  les lettres royales de rémission.--Voy. la revue _La Terre
  Sainte_, no 230, 1er février 1885.

  [317] _Doss. bleu_ 7907, Saint-Georges, p. 2.

  [318] _Pièc. orig._, t. 148, Auvé, p. 31.

  [319] Brussel, _Traité des fiefs_.

  [320] _Essais sur la Nobl._, p. VI.

  [321] _Ibid._, p. 256-257.

«La Noblesse,--écrivait le comte de Frotté dans le canevas de ses
_Mémoires_,--servit personnellement, et en général gratis, pendant
longtems; et depuis Louis XIV, sous lequel les armées françaises
prirent tout à fait une forme régulière et où l'on assigna des
appointemens à tous les officiers, ces appointemens furent toujours
les plus faibles de toute l'Europe et très insuffisans pour soutenir
la Noblesse au service. En général, la Noblesse française ne calculait
pour rien son traitement; elle mangeait, communément, au service du
Roy, ses revenus et souvent ses fonds, sauf les gentilshommes qui n'en
avoient plus, leurs pères les ayant dissipés, lesquels alors, s'ils
obtenoient du service, étoient obligés d'en subsister.»[322]

  [322] L. de la Sicotière, _Un chap. de l'Hist. de Frotté_, p. 6,
  note 4.

La Noblesse, dit excellemment Mr G. d'Orcet dans un livre plein de
charme et tristement instructif,[323] «la Noblesse payait chèrement
les maigres privilèges dont elle jouissait, et n'avait pas comme
aujourd'hui le droit de fumer son écusson par de riches mésalliances.
Ce monopole si vanté de certains grades subalternes dans l'armée et
dans la marine, de certains bénéfices dans les chapitres nobles ou de
commanderies dans l'Ordre de Malte, elle devait l'acheter _au prix
d'une pauvreté éternelle et irrémédiable_, et, si c'était dur pour
elle, c'était bon pour le pays: les gentilshommes d'autrefois avaient
l'âme et l'honneur plus solidement chevillés dans le cœur que les
autres.» Plus loin, l'auteur nous fait assister à une de ces navrantes
scènes de misère, si communes autrefois, en Auvergne et un peu
partout, dans les sphères de la Noblesse militaire, et qui furent
l'envers de sa gloire. «Mon père, dit le chevalier de Montgrion,
était si pauvre quand il rentra dans son nid d'aigle avec sa croix de
chevalier de Saint-Louis! Tous les toîts s'étaient écroulés, les
rentes avaient été aliénées, il ne restait plus au château de
Montgrion que ce qu'on nommait jadis le vol du chapon. Il se fit
construire une chaumière à quelques pas des ruines de son manoir. Nous
vécûmes du colombier, du gibier de la montagne et du peu que nous
pouvions ensemencer avec une paire de vaches laitières.»[324] Ce
tableau de décadence est pris sur le fait; plus d'un preux d'antan s'y
fût reconnu, et combien d'humbles paysans n'eussent pas voulu troquer
leur position contre celle de ce «cousin du Roi»!

  [323] _Les grands pauvres_, p. 10.

  [324] _Ibid._, p. 11-12.

Chorier, parlant des Bouillane et des Richaud, anoblis en 1475 pour un
trait de courageux dévouement, dit: «Ce sont de pauvres gentilshommes
à qui la noblesse est _un obstacle à toute meilleure fortune_.» Plus
d'un siècle après le temps où l'historien du Dauphiné formulait cette
appréciation, en 1788, aux États Généraux de Romans, on vit siéger
quatorze Bouillane et vingt-sept Richaud, «la plupart en habit de
paysans, portant fièrement de vieilles et longues rapières rongées de
rouille.»[325]

  [325] G. de Rivoire, p. 97, 608.

«Une tradition, dans la branche des Courtin du Plessis, veut que, dans
un tems dont elle ne fixe pas l'époque, vint à Nogent un Courtin (on
ne dit point d'où), lequel vit Mr Courtin de la Bourbonnière et luy
proposa d'entrer dans les poursuytes qu'il vouloit faire d'une
réhabilitation, à quoy Mr de la Bourbonnière ne voulut entendre, _la
noblesse n'estant alors un advantage si prétieux ny si ambitionné
qu'aujourd'huy_, parce qu'en le balanceant avec la gehenne dans le
genre de vie et les autres charges, dont la sujection à l'arrière-ban
n'estoit pas la moindre, on préféroit volontiers la liberté, les
sujections et de foibles impôts qu'on envisageoit comme moins
onéreux.»[326]

  [326] _Essay_, p. 20.

«De toutes les conditions, est-il dit dans les _Mémoires_ du comte de
Rochefort, il n'y en a point de si malheureuse que celle d'un
gentilhomme.»[327] Les mêmes doléances se retrouvent, comme une
antienne de misère, dans la plupart des mémoires de gentilshommes;
relisez, par exemple, ceux du maréchal de Montluc et du comte de
Montrésor; même lorsqu'ils parviennent à de hauts emplois, que de
déboires, d'écœurements, de dépenses ruineuses! Si l'état de noblesse
fut un privilège, il faut reconnaître que ce fut un privilège à
rebours.

  [327] G. des Courtils, seigneur de Sandras, _Mém. du comte de
  Rochefort_, 1713, p. 399.

«_Il est sans exemple_, écrivait un généalogiste, en 1685, qu'aucune
famille du Royaume qui fait profession des armes ayt pu longtems
soutenir son élévation sans les bienfaicts du Souverain.»[328] La
maison de Braque, à laquelle il appliquait cette observation, peut
être présentée comme un type d'alternatives de grandeur et
d'abaissement; les mêmes vicissitudes se constatent dans l'histoire de
la plupart des anciennes familles, et l'histoire que j'écris en
fournit plus d'un exemple.

  [328] Guillery, _Maison de Braque_, p. 2.

«Le premier titre que l'on trouve de la famille de Braque est de 1009,
sous Robert, lequel n'a point de suite jusqu'à un autre de 1144, sous
Louys le jeune, qui n'en a point aussy jusqu'à celuy de 1211, sous
Philippe-Auguste, qui est suivy jusqu'à présent (1685).»[329]--Arnoul
Braque, chevalier, vivant en 1211, époux d'Erimberge de Beaumont,
avait été à la croisade avec Mathieu, sire de Montmorency (1189)
Cent et quelques années après, les Braque sont bourgeois de
Saint-Omer,[330] puis de Paris. Arnoul Braque, fils d'Amaury Braque et
de Jehanne de Montmorency, bourgeois de Paris, reçoit en 1339 de
Philippe VI des lettres de noblesse.[331] Ses frères et ses fils sont,
les uns bourgeois de Paris et changeurs, c'est-à-dire banquiers, les
autres maîtres des comptes du duc de Normandie, trésoriers de France,
conseillers et maîtres d'hôtel du Roi, trésoriers des guerres,
sergents d'armes, écuyers des princes.[332] Nicolas Braque, chevalier,
fils aîné de l'anobli ou plutôt du réanobli, «maistre d'hostel du Roy
et général conseiller de nostre dict seigneur sur le faict de la
guerre», combattit aux côtés de Jean II à Poitiers et fut pris par les
Anglais avec son prince; en 1358, pour parfaire sa rançon, qui lui
coûta la vente de ses terres, le Roi lui fit don de deux mille deniers
d'or. Il fut un des ambassadeurs chargés de négocier la paix avec les
Anglais. Le 3 septembre 1387, «Monseigneur Jehan Braque, chevalier,
sire de Coursy, maistre de l'hostel des eaux et forestz du Roy nostre
sire, et Madame Jehanne de Coursy (Courcy)[333], sa femme, exposent
que durant le mariage de Noble homme Monseigneur Nicolas Braque,
chevalier, seigneur de Chatillon sur Loing et de Sainct Maurice sur
Laveson, père dudict Monseigneur Jehan, avec feue Madame Jehanne la
Bouteillière, sa femme, auparavant veuve de Monseigneur Guillaume de
Coursy, chevalier, père et mère de ladicte dame Jehanne de Coursy, ils
avoient esté obligez de faire _quantité de grosse debtes pour soutenir
les despenses de plusieurs services que ledict seigneur Nicolas Braque
avoit rendus à quatre roys ses maistres_.»[334] Les dettes énormes,
contractées pour avoir l'honneur de servir son prince et sa patrie,
tel est le lot ordinaire du gentilhomme. L'arrière-petite-fille de
l'ambassadeur, l'héritière d'un lignage allié aux Courtenay, aux
Montmorency, aux Châtillon, aux Coligny, aux Stuart-Aubigny, Jehanne
Braque, épouse un marchand de Sens.[335]

  [329] _Ibid._, p. 9.

  [330] Demay, _Sceaux d'Artois_.

  [331] Arch. Nat., _Trés. de chartes_, J. 73, fol. 9 vo.

  [332] _Pièces orig._, t. 493, Braque, p. 2-30.

  [333] Voy. sur cette illustre maison le chapitre suivant.

  [334] Guillery, p. 18-19.

  [335] _Pièces origin._, t. 493, Braque, p. 148.--Voy. ci-dessus
  le chap. XVI, p. 94.

«La vie est une révolution continuelle où les uns montent de la
pauvreté aux richesses, et les autres descendent des richesses à la
pauvreté, n'y ayant rien qui soyt stable au monde; d'où il faut
inférer que la Noblesse abattue se peut relever, et celle qui est
élevée par la bonne fortune peut aussy tomber dans la décadence.»[336]

  [336] La Roque, _Traité de la Nobl._, p. 351.

Dans les «Faictz de généalogie» articulés devant la Cour des Aides, en
1650, par «Pierre Allard, escuyer, sieur du Fieu, conseiller du Roy,
lieutenant particullier assesseur criminel au bailliage et siège
présidial de Montbrison, controlleur général des finances en la
générallité de Lion, demandeur en entherinement de lettres de
reabilitation à noblesse par luy obtenues le 9 aoust 1646.», il est
dit «que Pierre Allard et ses descendans sont demeurés à Mezilliac,
les descendans de Gabriel Allard à Montvendre en Daulphiné, et Louys
Allard se retirast en Forests au lieu de la Grange de Leuvre, y fust
marié, vescust noblement, portoit les armes pour le service du Roy,
est mort investy des dignitez et quallitez requises à noblesse;
que de Louys Allard est issu Denys Allard, ayeul du demandeur,
lequel porta les armes quelque temps,[337] _et n'ayant pas eu
le moien de subvenir à la despence requise et nécessaire pour
le maintien de sa noblesse_ et de celle de ses prédécesseurs,
_son père ayant laissé de grandes debtes à cause de la despence
qu'il avoit faict pour le service du Roy_, fust reduict à faire
commerce de marchandises, et en iceluy a tousjours vescu et s'est
comporté assez honnorablement....»[338]

  [337] «Denys Allard» figure, en effet, le 10 juillet 1525, comme
  archer, dans la «revue de 57 hommes d'armes et cent archiers du
  nombre de 60 lances fournyes des Ordonnances du Roy, estans soubz
  la charge et conduicte de Mr d'Ars». (Clairambault, _Sceaux_, t.
  VI p. 305.)--«Honneste Denys Allard, marchant de Sainct-Estienne
  de Furan», y fait un acquêt, le 12 juin 1566. (Chartrier de
  Beauvoir, No 627.)--«Noble homme Denys Allard, escuier, demeurant
  en sa maison à Sainct-Estienne de Furan», y fait un autre acquêt
  le 20 avril 1572. (_Ibid._, No 854.)

  [338] _Ibid._, No 822, liasse.

«La plupart des maisons en France, disait Vigneul de Marville, se font
par le négoce ou par l'usure[339]; elles se maintiennent quelque temps
par la robe et s'en vont par l'épée. Un seigneur mange son bien à
l'armée; ses enfants chargés de dettes défendent le terrain encore
quelque temps par les procès; les châteaux deviennent des masures, et
leurs descendants labourent la terre.»[340] Nous voyons, en effet,
qu'en Provence le dernier rejeton de la très illustre maison de
Porcelet, marquis de Maillane et souverains de Morville,--en Berry,
des Monchy, qui ont des maréchaux de France, ducs et pairs,--en
Auvergne, des Scorailles, dont était la duchesse de Fontanges, avaient
quitté l'épée pour la charrue. Chaque province et presque chaque
vieille race pourraient citer de ces écroulements.[341] Quelle maison
plus illustre que celle de Villiers de l'Isle-Adam, le dernier
grand-maître de Rhodes? Au XVIIe siècle, «elle est tombée dans une si
grande misère, dit encore Vigneul de Marville, qu'on a vu, ces années
dernières, à Troyes en Champagne, l'un des descendants de sa maison
réduit à charrier de la pierre pour avoir de quoy nourrir son père...
J'ai ouy dire à Mr de la Galissonnière, conseiller d'Etat, que
lorsqu'il estoit intendant de Normandye, il avoit trouvé dans la
recherche de la Noblesse qu'un des plus anciens gentilshommes de cette
province et des plus qualifiés estoit réduit à labourer sa terre pour
subsister.»[342] Nous verrons ci-après plus d'un autre exemple de ces
décadences cruelles, fatalement terminées par une complète déchéance.

  [339] Le change ou la banque.

  [340] _Mélanges d'hist. et de littérature_, éd. 1779, t. II, p.
  279.

  [341] Voy. ma notice sur la maison d'Arc, dans la revue _La Terre
  Sainte_, 15 janv. 1885, et mes _Rech. sur la famille de Saint
  Vincent de Paul_.

  [342] _Mélanges_, t. I, p. 308.

«Une famille élevée vient-elle à décroître, dit Mr le marquis de
Belleval, elle roule sans s'arrêter jusqu'au bas de la pente.» Et il
cite: les d'Amerval, issus des comtes de Boulogne, et les de Bernard,
qui finirent dans la roture; les Gueschard, d'ancienne chevalerie, qui
vivaient «dans une chaumière du village dont leurs ancêtres avaient
été les maîtres pendant des siècles, et n'avaient d'autre ressource
qu'une petite pension que leur faisait une famille jadis alliée à la
leur»; les Desforges de Caulières, issus d'Adam des Fourges, écuyer,
seigneur de Charville-lès-Givet, vivant au XVe siècle, qui avaient
contracté des alliances magnifiques et occupé de grandes charges
militaires. «Après avoir mené le plus grand état de maison, le vicomte
de Caulières ne laissait à son fils que le souvenir de ses
prodigalités et de ses splendeurs. Ce fils, pauvre, épousa sa servante
et mourut, laissant treize enfants... Aucun d'eux n'a tenté de
s'arracher à l'obscurité qui les envahit.»[343]

  [343] _Lettres sur le Ponthieu_, p. 415-422.

«Je pense, dit Rabelais avec philosophie, que plusieurs sont
aujourd'huy empereurs, roys, ducs, princes en la terre, lesquels sont
descendus de quelques porteurs de rogatons ou de coustrets, comme au
rebours plusieurs sont gueux de l'hostière, souffreteux et misérables,
lesquels sont descendus de sang et ligne de grands roys et
empereurs.»[344]--«Il y a peu de familles dans le monde, dit La
Bruyère, qui ne touchent aux plus grands princes par une extrémité, et
par l'autre au simple peuple.» Georges Dandin, sermonnant son fils,
dans la comédie des _Plaideurs_, déborde de dédain bourgeois pour la
noblesse pauvre:

     Qu'est-ce qu'un gentilhomme? Un pilier d'antichambre.
     Combien en as-tu vu, je dis des plus hupés,
     A souffler dans leurs doigts dans ma cour occupés,
     Le manteau sur le nez ou la main dans la poche,
     Enfin, pour se chauffer, venir tourner ma broche?
     Voilà comme on les traite!.......

  [344] _Gargantua_, liv. I, chap. I.

Si l'on écrit jamais une histoire du paupérisme, il y faudra faire une
large place à la Noblesse, la place d'honneur. Déchoir ainsi, pour
avoir sacrifié tout à son Dieu dans les guerres saintes, à son Roi
dans les guerres civiles, à sa Patrie dans les guerres nationales, à
ses croyances, à ses traditions, au devoir et au prestige de sa
classe, ce n'était pas perdre sa noblesse, c'était l'affirmer, la
rehausser même, et ce serait une ingratitude ignoble, une criminelle
sottise que de marquer d'une tare les races ainsi tombées. _Heu!
fuimus Troës!_ pouvaient-elles dire sur les ruines de leur
grandeur; et comme on comprend bien, après ce tableau de misère, cette
devise de résignation inscrite sous le blason d'une ancienne
tapisserie: _Tout est adieu, tout est à Dieu![345]_

  [345] Clairambault, t. CCCX, fol. 14 vo.



CHAPITRE XX

  A l'aventure.--Un varlet devenu roi.--Fortunes
    extraordinaires.--Guillaume Coquillart.--Chevaliers
    anoblis.--Valet cordonnier devenant grand
    trésorier.--Balthazar Pina et Jean le Blanc.--Coup de balai
    de la Vérité.--Déclaration de Louis XVIII en 1800.--Noblesse
    militaire.--Fraternité du loyalisme et du
    patriotisme.--Comment jadis on s'anoblissait
    soi-même.--Mesure paternelle.


Au moyen âge, les jeunes gentilshommes à l'escarcelle légère partaient
à l'aventure, avec l'espoir de faire quelque merveilleuse fortune à la
guerre ou dans les cours, d'énamourer et d'épouser quelque gente
princesse aux cheveux d'or et aux yeux pers, comme dans les romans de
chevalerie. La chronique des temps féodaux fournit maints exemples de
ces élévations prodigieuses. Baudry le Teutonique, étant venu à la
cour de Richard II, duc de Normandie, «suivant l'usage des anciens
chevaliers, qui alloient, partout où se faisoit la guerre, offrir
leurs services aux souverains», reçut de la munificence de ce prince
des domaines considérables et fut l'auteur de l'illustre maison
normande de Courcy.[346] Un «varlet» du comte de Poitou, Guy de
Lusignan, était devenu roi de Jérusalem.[347] L'histoire des
croisades, en regard de trop nombreuses ruines, relate çà et là
d'autres fortunes extraordinaires.[348] C'était à qui se rangerait
sous la bannière des princes renommés par leur inclination à
récompenser les prouesses par des libéralités «tant d'or que d'argent,
dit Froissart, car c'est le métal par quoy on acquiert l'amour des
gentilshommes et des povres bachelliers.»[349] Ce chroniqueur de la
chevalerie nous apprend que le rêve de tout écuyer était de faire, sur
le champ de bataille, quelque grand prisonnier, dont l'énorme rançon
lui servît à chausser les éperons de chevalier. Oudard de Renti, ayant
fait prisonnier un chevalier anglais, «le rançonna bien et grant».
Quand partit le sire de Barclay, fait prisonnier par un écuyer picard,
«il paya six mille nobles d'or, et devint le dict escuier chevallier,
pour le grant profict qu'il eut de son prisonnier.»[350] Guillaume
Coquillart fait ainsi parler «les armes»:

     Fay-je pas ung simple escuier,
     S'il scet bien les armes conduyre,
     Tout incontinent chevalier
     Que chascun l'appelle messire?[351]

  [346] _Doss. bleu_ 5583, Courcy, p. 6.

  [347] D'Ault-Dumesnil, _Dict. des Croisades_, p. 41.

  [348] Michaud, t. I, p. 120, note 2; p. 451, note; p. 491.

  [349] _Chroniq._, t. I, p. 8.

  [350] La prise du comte de Tancarville et du connétable Raoul de
  Nesles rapporta cent mille moutons d'or à Thomas
  Holland.--Froissart, t. I, p. 352; t. II, p. 58, 431.

  [351] _Blazon des armes et des dames_, éd. Coutelier, p. 26.

Les non-nobles eux-mêmes faisaient à la guerre de splendides fortunes,
comme ces deux frères, l'un et l'autre parvenus au rang de chevaliers
lorsque le duc de Bourbon, en 1334, les anoblit en leur donnant par
surcroît son nom et ses armes;[352] preuve éclatante que sous
«l'ancien régime», il n'était pas nécessaire d'être de noblesse pour
sortir de la foule par le chemin de l'honneur. C'est un point
d'histoire sociale à toucher incidemment, à cette fin de donner le
coup de balai de la Vérité, de la Justice aux préjugés, aux mensonges
accumulés par certaine école pour masquer aux yeux du peuple les
bienfaisantes splendeurs de la Monarchie traditionnelle.

  [352] Huillard-Bréholles, No 2041.

Voici, en 1427, «Pierre Baille, qui avoit esté vallet cordouanier à
Paris, et puis fut sergent à verge, et puis recepveur de Paris, et
lors estoit grand trésorier du Mayne.»[353] Plus tard, voici «le fils
d'un pauvre boullanger, et frère d'un boullanger, devenu chef de la
régie des Aydes, riche et considéré, le plus grand travailleur des
fermes.»[354] Balthazar Pina, de simple soldat, arriva par sa bravoure
au grade de capitaine et fut anobli en 1591; son arrière-petit-fils
fut créé marquis de Saint-Didier.[355] Jean le Blanc, de simple
gendarme dans la compagnie du connétable de Lesdiguières, devint
capitaine de ses gardes, fut anobli en 1602 et reçut pour armoiries un
semé de piques d'or en champ d'azur, avec cette belle devise:
_L'honneur guide mes pas_. Un de ses deux fils épousa Geneviève
d'Agoult, d'une des plus illustres maisons de la Provence.[356] Hector
Caton, major au régiment de Lorraine dès 1636, fut anobli en 1645 pour
sa valeur éprouvée.[357] Faut-il rappeler que le chevalier Paul,
lieutenant-général et vice-amiral de France sous Louis XIII, était
fils d'une blanchisseuse; Fabert, maréchal de France sous Louis XIV,
fils d'un typographe; Catinat, maréchal de France, et Duguay-Trouin,
fils de bourgeois; Saint-Hilaire, lieutenant-général sous Turenne,
fils d'un savetier; Chevert, lieutenant-général sous Louis XV, fils
d'un bedeau?

  [353] _Journal d'un bourgeois de Paris_, XVe siècle, éd. Buchon,
  p. 674.

  [354] _Pièc. origin._, t. 1490, Haudry, p. 43.

  [355] G. de Rivoire la Bâtie, p. 525.

  [356] A. de Terrebasse, _Salvaing de Boissieu_, p. 116.

  [357] G. de Rivoire, p. 724.

«Voulant, déclarait Louis XVIII en 1800, assurer à la profession des
armes, véritable origine de la Noblesse, toute la considération qui
lui est due et que l'esprit national y attache, j'abolirai les deux
règlements aussi injustes qu'impolitiques, dont l'un affectait à la
naissance les places d'officiers, et l'autre confinait dans le grade
de lieutenant le soldat que son mérite seul y avait élevé; car je
n'oublie pas que parmi les Condé, les Turenne, les Luxembourg, la
Monarchie a produit des Fabert, des Catinat, des Chevert, et que la
révolution même lui en donnera de nouveaux, non moins propres à
illustrer ses armes.»[358]

  [358] O. de Poli, _Louis XVIII_, p. 181; instructions secrètes
  envoyées de Mittau, le 20 février 1800, par le Roi à ses agents
  en France.

Louis XVIII condamnait des règlements «aussi injustes
qu'impolitiques», innovés, sous le règne de son infortuné frère, par
un ministre de la guerre plus zélé qu'habile, et qui mettaient à néant
le sage édit de 1750, portant création d'une noblesse militaire,
ouverte à tous les services; on peut dire que ce fut la seule
injustice que Louis XVI sanctionna de sa signature; mais il en appert
sans conteste qu'auparavant tous les grades étaient à la portée du
mérite. En effet, dans les fastes des régiments d'autrefois, on voit
les officiers de fortune, dans la noble fraternité du loyalisme et du
patriotisme, marcher côte à côte avec les gentilshommes de vieille
roche; les noms obscurs confondus avec les plus éclatants, et tous les
officiers, patriciens ou non, ne connaissant d'autre rivalité que
l'émulation de l'héroïsme.[359] Cette chevaleresque émulation entre
nobles et bourgeois, notre temps l'a revue dans la douloureuse guerre
de 1870, et c'est d'un heureux augure pour la réconciliation si
désirable des classes, pour l'avenir de la société française, pour la
restauration de notre commune patrie.

  [359] O. de Poli, _Royal-Vaisseaux_, p. 2-3, et p. 47:
  «L'histoire des Potier serait l'éclatante réfutation du mensonge
  révolutionnaire qui fait de la Noblesse sous la monarchie une
  caste fermée, et la glorification de ce régime vraiment national
  qui s'appliquait à tirer de la foule les Colbert, les le Tellier,
  les Potier, tous les mérites, pour les porter à la cime sociale
  comme un fécond exemple, un superbe encouragement.»

Jusque vers le milieu du XIVe siècle, on s'anoblissait soi-même, par
la profession des armes; _militia nobilitat_ était un axiome
courant;[360] preuve nouvelle que la Noblesse n'était pas un corps
exclusif et fermé. Au demeurant, la mesure de n'admettre que le moins
possible de non-nobles dans les grades était une mesure paternelle:
c'était pour ne pas surcharger le peuple par suite d'exemptions
d'impôts; car autant de non-nobles dans les grades, autant d'exempts,
autant d'aggravations de charges pour la masse des contribuables, et
les villes étaient les premières à réclamer contre la multiplicité des
exemptions. Ce fut pour ce motif que Louis XIV supprima l'une des deux
compagnies de cent gentilshommes, et Louis XV celle qui restait, «pour
diminuer d'autant les privilèges, qui sont toujours à la charge de nos
sujets».[361]

  [360] Tiraqueau, _De nobilitate_, cap. VIII.

  [361] Édit de septembre 1724.--Clairambault, t. DCCCXVII, fol.
  137.



CHAPITRE XXI

  Comment on luttait contre la ruine.--Ecuyers de cuisine, maçons
    généraux, gouverneurs des chiens.--Les Montholon et les
    Lamoignon.--Avocats gentilshommes.--Avocat et homme
    d'armes.--Le barreau menait aux honneurs.--La savonnette à
    vilain.--Procureurs nobles.--Les Thumery.--Notaires et
    tabellions.--Ecuyers et notaires.--Boutique, puis étude.


Pour quelques-uns que la guerre élevait ou enrichissait, les
obligations militaires, inhérentes à l'état de noblesse, étaient la
ruine pour la plupart des gentilshommes. Que pouvaient-ils faire pour
maintenir leur situation, pour parer aux catastrophes?

Les plus favorisés entraient dans la maison du Roi ou des princes, ne
répugnant pas même à des offices auxquels, avec les idées modernes, il
semble difficile d'accorder un caractère de noblesse; ou bien ils
briguaient les charges publiques, militaires ou civiles: gouverneurs,
baillis, prévôts, gardes-du-scel, verdiers, sergents royaux,
trésoriers, vicomtes-receveurs, avocats du Roi, grenetiers des
greniers à sel, chevaucheurs, etc. C'est ainsi qu'en 1309 Pierre de
Hangest est bailli de Rouen; en 1369, un Gontaut, trésorier de Louis,
duc d'Anjou; en 1393, Jehanin de Rochefort, chevaucheur du Roi; en
1404, Jehan Aubelet, «sergent d'armes du Roy nostre sire et maçon
général de mon dict seigneur»; en 1415, Godefroy de Barville, «advocat
du Roy nostre seigneur en la vicomté du Pontautou», et son sceau porte
un écu penché, timbré du heaume chevaleresque.[362] En 1432,
«Jehnequin Choisel», d'un vieux lignage de Vexin qui était très
probablement un ramage de la maison de Choiseul,[363] est, «escuier de
cuisine de Loys, Daulphin de Viennoys», et qualifié «gentilhomme» dans
des lettres de Charles VII.[364] En 1483, «Jehan de Valence, escuier,
gentilhomme de l'hostel du Roy», est «grenetier du grenier à sel de
Gisors».[365] Sous Charles VI, l'aîné de la maison de Dreux, issue en
ligne directe de Louis VI, est «varlet tranchant du Roy».[366] A
Saint-Martin de Chambly en Beauvaisis, sur une pierre tombale était
figuré «un chevalier armé», avec cette épitaphe: «Cy gist Litteard de
la Tour, escuier, _fruictier_ du roy nostre sire, qui trespassa lan
1293.»[367] Le 3 mai 1390, Charles VI mande à son trésorier de payer
40 francs «à nostre amé et féal chevalier Phelipes de Courguilleroy,
pour gouverner les chiens et varlez de nostre très cher et très amé
oncle le duc de Bourbonnoys».[368] Les plus instruits, parmi les
nobles appauvris, entraient dans les parlements, et quelques-uns,
comme les Montholon[369] et les Lamoignon[370], d'extraction
chevaleresque, en s'élevant aux plus hautes dignités de justice,
eurent l'allégresse de restituer à leur nom tout son antique éclat.
D'autres, de moins hautes visées, mettaient à profit leur instruction
pour embrasser les professions libérales, généralement lucratives; ils
se faisaient médecins, apothicaires, avocats, et, pour eux, ce n'était
qu'à moitié déchoir, puisque l'exercice de ces professions
n'entraînait pas la dérogeance.

  [362] _Quittances_, t. II, p. 175; t. XVII, p. 756; t. XXXV, p.
  1933; t. XLI, p. 3559; t. XLIX, p. 4934.

  [363] Voy. ma notice sur la Maison de Choiseul, dans la revue _La
  Terre-Sainte_, No 215, 15 juin 1884.

  [364] _Coll. d'Anjou_, t. IX, No 3868: «Jehnequin Choisel... ou
  aultre gentilhomme du pais.»

  [365] _Pièces orig._, dossier Valence.

  [366] Boulainvilliers, p. 245.

  [367] P. Roger, _Nob. et chevalerie_, p. 196.--Au XVIe siècle,
  N... de Larmain est «fruitier de la Reyne». (L. Guignard,
  _Chouzy_, p. 69.)

  [368] _Chartes Royales_, t. X, p. 258.

  [369] Lazare de Montholon, conseiller au parlement de Bourgogne,
  mort en 1537 (_Coll. de Bourgogne_, t. X, fol. 97), descendait
  très probablement de Lazare de Monthelon, tué à Azincourt en 1415
  (Courcelles, t. I, p. 57), qui lui-même descendait
  vraisemblablement de Lazare de Montelon, chevalier, vivant en
  1213 (B. N., Ms franc. 8237, _Épitaphes_, p. 209).

  [370] Originaires du comté de Nevers, où, depuis le XIIIe siècle,
  ils possédaient le fief de Lamoignon; «avant d'entrer dans la
  magistrature, ils comptaient depuis plusieurs siècles dans la
  noblesse d'épée.» (Vte de Ségur, _Les Seigneurs de Méry_, p. 73.)

«Les procureurs et practiciens, quoyqu'ils soyent extraicts de noble
famille, ne peuvent néantmoings se servir du privilège de la noblesse
pour l'exemption des tailles... De mesme n'est pas des advocats,
ausquels tant s'en fault que leur qualité et la robe fassent préjudice
à leur noblesse, qu'au contraire elle y adjouste suyvant la
disposition du droict.»[371] On voit, en effet, des gentilshommes
conserver, dans la profession d'avocat, leur qualification nobiliaire;
comme, en 1527, «maistre Loïs Blondel, escuier, licentié ès loix,
advocat»;[372] en 1551, «maistre Claude du Buisson, escuier, licentié
en la faculté des droicts, bourgeoys et advocat à Caen», et, en 1589,
«Tanneguy du Buisson, escuier, seigneur de Rommarie, advocat en la
cour du parlement de Rouen, conseiller en l'admiraulté du dict
lieu».[373] D'aucuns même, tout en étant avocats, faisaient le service
de guerre, comme, en 1452, «maistre Jehan de Piceleu», d'extraction
chevaleresque, homme d'armes de la compagnie de Pierre de Brézé, grand
sénéchal de Normandie.[374] Le barreau menait aux honneurs[375] les
éloquents et les habiles, leur ouvrait la porte des parlements et des
conseils, et même procurait aux non-nobles ce que le français, né
malin, avait surnommé «la savonnette à vilain»: le brevet de
«conseiller, secrétaire du Roi, Maison, Couronne de France, et de ses
finances». Les avocats exerçant aux justices et juridictions
inférieures étaient suspects de dérogeance, parce que la plupart
cumulaient avec leur état l'office de procureur;[376] «c'est pourquoi
Nicole Mauroy, se disant Noble et extraict de noble lignée, obtint des
lettres royaux données à Tours le 3 décembre 1461, par lesquelles il
lui fut permis de postuler comme avocat devant le bailly et le prévôt
de Troyes, et jouyr de la noblesse; sur cela, l'impétrant eut une
sentence à son bénéfice en l'élection de Troyes contre les habitans de
la ville.»[377] Le métier de procureur était tenu pour bas, et
pourtant la nécessité poussa plus d'un noble à s'y adonner; tels, en
1389, Jehan de Béthisy, procureur en parlement, dont le sceau porte un
écu chargé de deux pals sous un chef;[378] en 1481, Jehan de
Courcillon, procureur à la Ferté-Bernard;[379] vers 1580, Christophe
de la Chassaigne, «contrôleur et élu en l'élection de Nivernois, issu
de noble lignée et de prédécesseurs portans le titre de damoiseau»,
qui «obtint du roi Henri IV des lettres de réhabilitation, données à
Nantes en octobre 1593, pour avoir exercé la charge de procureur au
bailliage de Nivernois.»[380] Mêmes lettres de François 1er pour Jehan
de Thumery, écuyer, enregistrées à la Cour des Aides de Paris le 3
juillet 1542:

«Sur ce que de la partye du dict de Thumery... eust esté dict que de
feu Jehan de Thumery, escuier, seigneur de Sainct Goubain en nostre
pays de Picardye, qui estoit en son vivant noble personne et vivant
noblement, estoient yssuz entre autres enfans deux enfans, François et
Jehan de Thumery, dict chevalier, et Bertrand de Thumery, trisaïeul ou
proave dudict demandeur, duquel Jehan de Thumery dict chevalier (et
lequel fut faict chevalier au moyen de plusieurs faictz darmes par luy
faictz en nostre royaulme es guerres par noz predecesseurs conduictes
contre les Angloys, lequel nom de chevalier seroit depuys demouré a sa
lignée et postérité) seroit yssu Robert de Thumery dict chevalier,
duquel Robert seroit yssu Jehan de Thumery dict chevalier du Pont,
duquel chevalier du Pont seroit yssu Jehan de Thumery dict chevalier,
et dudict Jehan de Thumery seroit aussy issu maistre Anthoine de
Thumery dict chevalier, lieutenant du bailly de Vermandoys, et du dict
maistre Anthoine seroit yssu Pierre de Thumery dict chevalier, tous
lesquels dessus nommez estoient personnes nobles et vivoient
noblement, suyvoient noz armes et joyssoient du privileige de
noblesse... Lequel demandeur estant noble tant du costé paternel que
maternel, après le trespas de son dict père, auroit suyvy lestat de
praticque et esté procureur en nostre chastelet de Paris et icelluy
estat exercé par aucun temps et jusques autour de Pasques 1538, dès
lequel temps il auroit icelluy du tout delaissé pour vivre noblement
sans faire aucun acte desrogeant à noblesse; et pour autant que le
dict demandeur, en exerçant ledict estat de procureur, auroit desrogé
à sa dicte noblesse...»[381] Sur le vu de ces lettres de relief, la
Cour des Aides condamna les habitants de Villepreux, qui avaient taxé
Jean de Thumery au rôle des tailles.

  [371] Le Brun de la Rochette, livre II, p. 183.

  [372] _Pièces orig._, t. 371, Blondel, p. 59.

  [373] A. du Buisson de Courson, _Rech. nobil._, p. 127, 193.

  [374] _Sceaux_, t. CXXIII, p. 515.

  [375] Après vingt ans d'exercice, les docteurs régents des
  facultés de droit acquéraient la noblesse comitive.

  [376] Voy. aux Preuves, No 1933, l'arrêt du 13 juin 1665, relatif
  aux héritiers de René Courtin.

  [377] La Roque, _Traité de la Nobl._, p. 357.

  [378] _Pièces orig._, t. CCCXXVI, Béthisy, p. 4, 94.

  [379] L. Charles, _De l'adm. d'une commun._, p. 72.

  [380] La Roque, _op. cit._, p. 356.

  [381] _Pièces orig._, dossier Thumery, orig. parch.--En juillet
  1526, «honorable h{e} Nic. de Neufbourg, marchant et bourgeoys de
  Paris», acquiert douze arpens de terre, à Sarcelles, de «Maistre
  Johan de Thumery, procureur ou chastellet de Paris, et Marguerite
  Josset, sa femme.» (_Ibid._).--Martin Courtin, seigneur de
  Pomponne, eut pour première femme Isabeau de Thumery. (_Preuves_,
  No 1375).

L'office de notaire et de tabellion ne fut considéré comme dérogeant
que vers le XVIe siècle. Il fut un temps, dit Chorier, «où cet art,
bien loin de desroger à la noblesse, estoit mesme un exercice noble.»
L'édit royal de 1532 «contenoit que les notaires et tabellions
n'écriroient plus en latin; qu'ils contracteroient en françois; que
ces charges, qui n'ont esté exercées _que par des Nobles_, l'ont esté
enfin indifféremment par toute sorte de personnes, sans considérer
leur naissance, leur érudition et leurs mérites.»[382] Du temps de
César de Nostradamus, en Provence et dans le Comté Venaissin, «une
partie des gentilshommes descendait de notaires, qui contractaient en
latin et non en langage vulgaire, étaient gens de sçavoir et avaient
rang entre les barons et nobles du pays»; Pierre de Tressemannes, fils
d'un notaire, testant en 1463, fit «son héritier Honorat, l'un de ses
fils, s'il n'entroit point dans l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem,
dit de Rhodes».[383] L'_Armorial de Dauphiné_ cite un certain nombre
de maisons nobles ayant exercé le notariat et le tabellionnage sans
déroger.[384] On en trouve aussi en Bretagne, en Normandie, en Berry,
un peu partout.[385] Pierre le Roux, en 1527, prend dans les actes les
qualités d'«escuier, tabellion de la sergenterye de Moyaux»[386].
Claude d'Urac est qualifié «escuyer et notaire» dans son contrat de
mariage du 23 juillet 1542. Noble Bertrand de Rosset, notaire, syndic
et archivaire d'Aix en 1421 et 1432, maria sa fille à Isnard d'Agoult,
baron d'Ollières, et lui donna en dot, entre autres terres, la
baronnie de Belleau.[387] Les noms les plus illustres se rencontrent
dans le notariat: en 1257, Oudard de Joinville, clerc, notaire de la
cour de Laon;[388] en 1489, Jean d'Ampoigné, «notaire et praticien en
cour laye, adjoinct du lieutenant du seneschal d'Anjou»;[389] en 1555,
Jean de Louvencourt, notaire à Paris, père de Marie de Louvencourt,
femme de Guillaume Pingré, marchand de camelot à Paris, dont une fille
mariée à Gérard Colbert, orfèvre;[390] en 1636, André de Maillé,
notaire à Changé;[391] en 1745, Charles d'Aligre, notaire à
Sours.[392] La «bouticque»[393] du notaire était remontée au rang
d'«estude», qu'elle ne devait plus perdre.

  [382] La Roque, _Traité de la Nobl._, p. 360.--Cf. Tiraqueau, _De
  Nobil._, cap. XXX.

  [383] La Roque, p. 363-368.

  [384] G. de Rivoire la Bâtie, p. 148-149.

  [385] La Roque, _loc. cit._

  [386] _Cartul. d'Abenon_, fol. 65.

  [387] La Roque, p. 364, 365.

  [388] _Cartul. de St-Michel-en-Thiérache_, p. 280.

  [389] _Coll. d'Anjou_, t. IX, no 4105.

  [390] _Cartul. des Blancs Manteaux_, p. 153.--_Pièc. orig._, t.
  910, doss. 20092, p. 1.--Par contrat du 27 juill. 1607,
  Marguerite, fille de Gérard Colbert et de Marie Pingré, fut
  mariée à noble homme Jean Courtin, seigneur de Cormeilles.
  (_Preuves_, nos 1780, 1781.)

  [391] L'abbé Guiller, t. I, p. 35.

  [392] Merlet, _Invent._, t. I, p. 181.

  [393] _Preuves_, no 2000{2}, acte de 1520: «Faict... en la
  bouticque dud. maistre Jacques Victon...»



CHAPITRE XXII

  Les médecins, enfants gâtés des Rois.--Les médecins à la
    censure.--Les anoblis par médecine.--Renaud Fréron, premier
    physicien de Charles VI.--Médecins gentilshommes.--Pluie
    d'honneurs et de richesses.--Chirurgien-barbier devenu
    premier ministre.--Les docteurs et la robe rouge.--Les
    maîtres en physique et la satire.--Favoris de la fortune et
    favoris de l'infortune.


On a remarqué que la satire de Molière, si dure aux médecins et aux
apothicaires, avait épargné les avocats et, en général, les gens de
robe;[394] peut-être ne voulut-il pas aller sur les brisées de Racine.
Longtemps avant Molière, la malignité s'était exercée contre les
médecins, enfants gâtés des Rois, et dont elle tympanisait cruellement
l'ignorance.[395] Froissart en médisait avec beaucoup de verve,[396]
et Pétrarque en faisait des plaisanteries.[397] Un pamphlet de
1651[398] se terminait par cet avis peu charitable:

     Bonnes gens qui ne pouvez vivre
     Sans piper et charlataner,
     Ne regardez dedans ce livre
     Que pour vous y voir condamner.

  [394] Truinet, _Pourquoi Molière n'a pas joué les avocats_.

  [395] Voy. Michaud, t. VI, p. 373-374.--Th. Sonnet, sr de
  Courval, _Satyre contre les charlatans et pseudomédecins_, etc.
  Paris, 1610, pet. in-8º.

  [396] _Chroniques_, t. III, p. 174.

  [397] Cantù, _Hist. des Italiens_, trad. franc., t. VII, p. 47.

  [398] _Le chirurgien charitable_, par Guérin. Lyon, pet. in-8º.

Quatre ans après la mort de Molière, Guillaume de Besançon publiait un
autre pamphlet non moins virulent, _Les Médecins à la censure_.
L'extraordinaire faveur dont ils n'avoient cessé de jouir depuis des
siècles[399] était le secret de cette envieuse animosité. La médecine
menait communément aux honneurs les plus grands; aux gentilshommes
appauvris elle rendait la fortune et leur rang; aux roturiers elle
ouvrait les portes de la Noblesse. «Je suis de la vieille noblesse,
dit Béroalde de Verville, non admise _par médecine_, ni mairie, ni
eschevinage, ni lettres.»[400] Les anoblis «par médecine» sont
effectivement innombrables. Charles VI combla de biens Renaud Fréron,
son «premier physicien», et anoblit sa femme, fille d'un tavernier du
Roi.[401] Ce même prince anoblit en 1393 maistre Bernard Coursier,
licencié en médecine.[402] Raphaël de Taillevis, médecin du duc de
Vendôme, reçut en 1556 des lettres de noblesse.[403] Mr le marquis de
Rivoire la Bâtie cite plusieurs médecins dauphinois, les Villeneuve,
les Darcier, les Davin, etc., anoblis par Henri III et Henri IV.[404]
On ferait un gros livre avec la nomenclature des anoblis «par
médecine»; on en ferait un gros également avec la nomenclature des
gentilshommes esculapes: René de Fallaque, «escuyer», médecin fameux
au XVe siècle;[405] «noble homme et sage Mr Jacques Turgis, chevallier
et docteur en médecine qui decedda lan 1483 le 17e mars»;[406] «Salmon
de Bombelles, chevalier, conseiller et premier médecin du Roy»[407] en
1509, d'un vieux lignage représenté aux croisades;[408] un Saporta,
médecin de Charles VIII;[409] en 1525, Jean du Buisson, écuyer,
docteur en médecine, d'une ancienne maison de chevalerie normande,
aussi représentée aux croisades;[410] Guillaume de Baillou, médecin au
XVIe siècle, de race chevaleresque;[411] Honorat de Castellan, en
1560, conseiller et médecin ordinaire du Roi, premier médecin de la
Reine, époux d'Antoinette de Libel, dame d'honneur de la
Reine-mère;[412] en 1632, le petit-fils d'Antoine Dubost, écuyer, puis
chevalier, est médecin à Lyon.[413] La maison de Montlovier, très
ancienne en Dauphiné, «déchut peu à peu du rang qu'elle avait occupé,
et nous voyons Joseph de Montlovier, bourgeois de Crémieu, s'établir à
Crest, où il fut consul en 1683. Son fils, Louis de Montlovier, se
fixa à Vienne où il exerça la médecine.»[414]

  [399] Cf. Moréri, vo médecins.

  [400] _Le moyen de parvenir_, chap. C.

  [401] _Sceaux_, t. L, p. 3769.--La Roque, _op. cit._, p. 62,
  l'appelle erronément «Renaut Frérot»; toutes les quittances qu'il
  donne aux trésoriers du Roi sont signées «R. Fréron».

  [402] Arch. Nat., _Trés. des chart._, JJ. 142, no 52.

  [403] _Généalogies_, p. 109.

  [404] _Armorial de Dauph._, p. 184, 187, 572, etc.

  [405] Saint-Allais, t. IV, p. 239.

  [406] Farin, t. III, p. 348.

  [407] _Sceaux_, t. XVII, p. 1127.

  [408] _Chartes de croisade_, no 331, charte d'emprunt, Damiette,
  2 nov. 1249: «Dominus Symon de Bumbellis».

  [409] Borel d'Hauterive, t. XXI, p. 403.

  [410] A. du Buisson de Courson, _Rech._, p. 193.--Voy. mon
  _Nobiliaire des Croisades_, Notice sur la maison du Buisson, dans
  la revue _La Terre Sainte_, no 224, 1er nov. 1884.

  [411] Fret, t. III, p. 530.--_Gall. Christ._, t. XIV, col. 636:
  1218, Simon de Baillou, chevalier.

  [412] _Pièc. orig._, t. 613, Castellan, p. 5-7, 17.

  [413] J. Guillien, _Rech. hist. sur Roanne_, publ. par Alph.
  Coste, p. XXIV.

  [414] G. de Rivoire, _Armor. de Dauph._, p. 435.

C'étaient de gros seigneurs que les médecins d'antan, et l'orgueil de
ceux qui parvenaient à s'insinuer dans le service de la Cour s'élevait
parfois jusqu'à l'insolence.[415]

  [415] Par exemple, Jacq. Coythier, médecin de Louis XI.--Voy.
  Marchangy, _Gaule poétique_, t. VIII, p. 236.

Tous les honneurs leur pleuvaient, sans parler des richesses, comme
l'eau court à la rivière; Arnulphe, 47e évêque d'Amiens, était fils de
Roger de Fournival, médecin de Louis VIII et de Louis IX;[416] les
chirurgiens mêmes pouvaient prétendre à tout; Pierre de la Brosse,
chirurgien-barbier de saint Louis, devint le premier ministre de son
fils. Robert du Lyon, médecin de Louis XI, fut gratifié du contrôle
général de la recette de Bordeaux, charge très lucrative, avec
permission de ne pas quitter la cour[417]; Ange Cato, autre médecin et
aumônier de ce prince, fut nommé à l'archevêché de Vienne;[418] Adam
Fumée, médecin de Charles VII et de Louis XI, devint maître des
requêtes et fut commis par Charles VIII à la garde des sceaux. «Il
s'apprend des Mémoires de Mr de Marolles, abbé de Villeloin, que
Guillaume, cardinal d'Estouteville, commissaire du roy Charles VII
pour la réformation des universités du royaume, permit aux docteurs de
la faculté de médecine de porter la robe rouge.»[419] Les grâces
pleuvaient encore sur les protégés des médecins; en 1392, par exemple,
Jehan le Gentilhomme déclare que «le Roy luy avoit donné la forfaiture
de Jehan Ernault, à la prière de messire Bertran du Guesclin, lors
connestable, dont Dieu ayt l'âme, et de maistre Gervays Crestien, lors
phisicien du Roy».[420] Après ce que l'on vient de lire, comment
s'étonner de la morgue des «maistres en physicque», de leurs rapides
enrichissements, de leurs sceaux aristocratiques,[421] de leurs
fructueux cumuls,[422] de l'arrêt du Conseil du Roi, du 4 janvier
1699, leur confirmant le droit de prendre «la qualité de Nobles»,[423]
qu'ils le fûssent ou non? Comment s'étonner surtout que les traits de
l'envie et de la satire n'aient pas épargné ces favoris de la fortune?
Mais, en pensant aux gentilshommes appauvris, déchus, qui cherchèrent
à se relever par la profession médicale, on soupçonne que beaucoup de
médecins avaient été d'abord les favoris de l'infortune.

  [416] _Gall. Christ._, t. X, col. 1184.

  [417] _Catal. de pièces hist._, Paris, librairie Voisin, 10 avril
  1885, no 150.

  [418] G. de Rivoire, p. 712.

  [419] La Roque, _op. cit._, p. 371.

  [420] _Quittances_, t. XXXIII, p. 1632.

  [421] Douët-d'Arcq, nos 5905-5909.--Clairambault, _Sceaux_, t.
  XL, p. 3015, sceau de «Pierre de Dye, maistre en physicque»,
  1355.

  [422] Dom Plancher, t. II, _Preuves_, p. 258, no 299, charte de
  1360: «Actum in presencia Rob. de Balneolis, phisici, notarii
  ejusdem loci.»

  [423] _De la Nobl. des médecins et des avocats en France_, Paris,
  1860, in-8º p. 8, 10, 29.



CHAPITRE XXIII

  Molière tue les apothicaires.--La vérité sur ses
    victimes.--Profession non dérogeante.--Nobles
    apothicaires.--Apothicaires gouverneurs de villes et prévôts
    des maréchaux.--Maréchal de France, petit-fils
    d'apothicaire.--Petite-fille d'apothicaire, femme d'un du
    Guesclin.--Jean l'apothicaire, époux d'une Châtillon.--Le
    bâton de maréchal et le pilon d'apothicaire.--Comment on
    commence et comment on finit.--Le coup de pied de
    l'âne.--Comment on se relevait.


Si Molière, avec l'arme terrible du ridicule, blessa les médecins, ce
ne furent pas ses seules victimes; car on peut dire que l'impitoyable
comique tua les apothicaires. Aujourd'hui, leur nom n'est plus qu'un
archaïsme, nous ne les connaissons guère que par Molière, et la
gauloiserie s'accommode complaisamment de ces fausses couleurs. Or,
les apothicaires n'étaient pas ce qu'un vain peuple pense; inférieurs
aux médecins par la hiérarchie, ils leur furent quelquefois supérieurs
par le savoir, et tel apothicaire fut un parfait érudit, entouré
d'une grande et légitime considération.[424] Hiérarchiquement
supérieurs aux chirurgiens, «ils prenoient leurs degrés dans les
universités, et, s'ils n'estoient docteurs, au moins ils estoient
licentiés, bacheliers ou maistres aux arts. Dans un tiltre recognu à
Angers le 9 septembre 1471, l'apothicaire de René, roy de Sicile, duc
d'Anjou et Comte de Provence, prend les qualités de Noble et
d'honorable, et tient mesme rang que le physicien ou médecin.»[425] Je
surprendrai sans doute plus d'un de mes lecteurs en disant que la
profession d'apothicaire, considérée comme un art, ne dérogeait pas à
la noblesse, à moins qu'il ne s'y joignît quelque trafic, comme
l'épicerie. Entre les innombrables lettres de relief de dérogeance
accordées par les Rois, on n'en trouve pas qui visent l'exercice de
cette profession. Les descendants d'Antoine Courtin durent se faire
réhabiliter, non parce qu'il avait été apothicaire,[426] mais parce
qu'il avait tenu des terres en fermage.[427] «Les Roys de France, dit
Papon, toutes fois et quantes qu'ils ont fait des édicts des
mestiers.., ont tousjours excepté les mestiers et arts des Apoticaires
et chirurgiens»,[428] qui ne pouvaient exercer qu'après avoir subi un
examen en présence de deux médecins et de douze maistres et prouvé
leur suffisance. Au XVIe siècle, comme les grands bourgeois, les
apothicaires étaient qualifiés «sire»;[429] au XVIIe, «noble
homme»,[430] et même, comme les conseillers au parlement, «monsieur
maistre».[431]

  [424] P. A. Cap, _Un apothicaire belge au XVIe siècle, Pierre
  Coudenberg_, 1862, in-8º.

  [425] La Roque, _Traité de la Noblesse_, p. 371.

  [426] _Preuves_, nos 2015, 2019, 2043.

  [427] _Preuves_, nos 2024, 2210, 2216, 2314.

  [428] _Arrests notables_, liv. XXIII, tiltre VIII, p. 1297.

  [429] Bibl. nat., ms. franc. 8229, _Epitaphes_, p. 163, 179:
  «1535. Honorable personne sire Guill. Guerrier, marchant
  apothicaire d'Orléans... Sire Michel le Thoreau, marchant apoth.
  d'Orléans.»

  [430] Dom Villevieille, _Titr. orig._, t. XXXIV, p. 77: «Blois,
  1632. Noble homme René Truchon, appothicaire du Roy.»

  [431] _Coll. de Picardie_, t. CLXIV, fol. 232, lettre de Blayrie,
  théologal d'Amiens, ann. 1622, adressée «à Monsieur, Monsieur
  Maistre Michel d'Achery, marchand apothicaire, demeurant à
  Saint-Quentin.»

On voit au musée du Louvre le sceau de Guillaume de la Blachère,
apothicaire du XIVe siècle.[432] La somme de considération dont
jouissaient les apothicaires, avant le temps de Molière, nous est
indiquée par plus d'un fait significatif. Jehan de Nant, apothicaire
du Roi en 1473, reçoit une pension de quatre cents livres,
considérable à l'époque;[433] de lui descendait peut-être Charles de
Nans, maistre apothicaire de Six-fours, qui fit enregistrer en 1699
ses armoiries, _d'or au chevron de sable chargé de 3 aigles
d'argent_;[434] et il n'est pas hors de propos de noter qu'il y avait
une ancienne famille chevaleresque du même nom.[435]

  [432] Douët-d'Arcq, no 5857: «+ S. G. DE BLACHERIA. YPOTECARII.»

  [433] _Coll. Blondeau_, t. CXXVI, p. 157.

  [434] _Pièces orig._, t. 2089, dossier 47590, p. 2.

  [435] _Ibid._, dossier 47591.

Gervais Neveu, d'abord marchand droguiste apothicaire, fut ensuite
gouverneur de Sablé, et résigna son gouvernement, en 1510, en faveur
de son fils puîné; l'aîné fut l'aïeul de Roland Neveu, dont la fille
unique, Renée, dame d'Auvers-le-Courtin, épousa Gabriel du Guesclin,
conseiller au parlement de Bretagne.[436]

  [436] _Doss. bleu_ 12769, Neveu, _Généalogie_, par Mr du
  Guesclin, p. 4.

En 1505, Claude, reine de France, fait don à Julien Baugé, son
apothicaire, de la terre et seigneurie d'Ingrande, près Blois.[437]
Jean Maillard, fils d'un apothicaire de Paris, fut reçu auditeur des
comptes en 1623.[438] Antoine Courtin, apothicaire en 1628, fils
d'apothicaire, fut prévôt des maréchaux de France en 1647.[439] Tel
apothicaire reçut des lettres de noblesse, sans discontinuer sa
profession,[440] preuve manifeste qu'elle n'était pas dérogeante. Le
bisaïeul du maréchal de la Meilleraye, Nicolas Fauques, était
apothicaire. «Cela ne prouve rien contre la naissance, dit très
justement à ce propos un érudit gentilhomme; nous voyons trop souvent,
hélas! les descendants des plus grandes races réduits à de modestes
professions, et j'en pourrais citer un grand nombre, si je n'étais
retenu par un sentiment de discrétion que le lecteur comprendra.»[441]

  [437] _Catal. du cab. d'autogr. d'Antoine de Latour, secr. des
  command. de S. A. R. Mgr le duc de Montpensier_, juin 1885, no
  48, orig. parch.

  [438] _Pièces orig._, t. 1760, doss. 41578.

  [439] _Preuves_, nos 2046, 2102.

  [440] P. L. Jacob, _Curiosités de l'hist. de France_, p. 208.

  [441] Cte A. de la Porte, _Hist. généal._, p. 354.

On vient de voir un du Guesclin épouser l'arrière-petite-fille d'un
apothicaire; voici mieux encore: en 1278, «Chastelaine de Chastillon»
est veuve de «Jehan l'apothicaire de Dijon».[442] Il n'est pas douteux
que maints nobles appauvris embrassèrent cette profession, tant que la
satire moliéresque ne l'eut pas déconsidérée. Le 29 octobre 1390,
Charles VI ordonne de payer «à Estienne de Marle, nostre varlet de
chambre et apothicaire, ung roolle qui a esté veriffié et signé par
nostre amé et féal phisicien maistre Regnaut Freron».[443] En l'église
du Saint-Sépulcre, à Paris, se lisait cette épitaphe: «Cy gist
honorable homme Blaise Seguier, marchand apothicaire, bourgeoys de
Paris», décédé en 1510.[444] Charles de la Chapelle, marchand
apothicaire à Montluçon en 1580, était d'une ancienne maison
chevaleresque de ce nom.[445] A Saint-Eustache de Paris, au-dessous de
deux écussons, se lisait cette épitaphe:

«Cy gist honnorable homme Jacques Blondel, vivant appoticaire du Roy
et maistre appoticaire espicier et bourgois de Paris qui deceda aagé
de 67 ans le 14e jour de décembre 1621. Aussy gist honorable femme
Geneviefve Patin, veufve du dict deffunct.»[446] Il n'est pas
téméraire de supposer que cet apothicaire descendait de «noble homme
Jacques Blondel», vivant à Paris en 1516 et figurant dans un acte avec
des chevaliers de Flandre,[447] et que sa devise, _Crescit in
adversis virtus_, gravée sur sa tombe au pied de son écusson, le
rattachait au fidèle écuyer de Richard Cœur-de-lion.--Autre épitaphe,
à Saint-Jacques de la Boucherie:

«Cy gist honnorable homme Claude de Baillon, marchand apoticaire et
espicier et ancien consul de ceste ville de Paris. Il decedda le 7 de
juin 1639. Priez Dieu pour luy!»[448]

  [442] Dom Caffiaux, _Trésor_, Cab. des titres, no 1209, fol. 97
  vo.

  [443] _Chartes Royales_, t. X, p. 268.

  [444] _Généalogies_, p. 14.

  [445] _Pièces orig._, t. 675, doss. 15778, p. 187.--Voy.
  ci-après, au chap. XXVII de cette Introduction, l'extrait des
  lettres de relief de dérogeance obtenues en 1700 par Louis de la
  Chapelle.

  [446] Cab. des titres, no 515, _Rec. des sépult. de Paris_, p.
  143.

  [447] Dom Villevieille, _Trésor_, t. XV, vo Blondel.

  [448] _Dossier bleu_ 1201, Baillon, fol. 32 vo.

Claude de Baillon, apothicaire, espicier, bourgeois et consul de
Paris, était le troisième fils de Michel de Baillon, écuyer,
petit-fils de Guy de Baillon, guidon de la compagnie d'hommes d'armes
du preux La Hire. Et quel était le père de ce Guy? «Pierre de Baillon,
chevalier (neveu du mareschal de Baillon), tué à Poictiers en 1356;
gist aux Jacobins de Poictiers.»[449] Commencer par le bâton de
maréchal, et finir par le pilon d'apothicaire! Quelle instructive
addition à faire au triste et curieux chapitre de Mr le marquis de
Belleval intitulé: _Comment on commence et comment on finit![450]_ Le
_Mercure galant_, gazette des ruelles de cour, n'était pas tendre aux
fils d'Hippocrate, et son éclat de rire semble un écho de Molière:

     Le père médecin, l'aïeul apothicaire,
     Le bisaïeul peut-estre encore pis que cela,
     Qui diable seroit noble à descendre de là?

  [449] _Pièces orig._, t. 171, Baillon, fol. 165.

  [450] _Lettres sur le Ponthieu._

C'était le coup de pied de l'âne au mérite ou au malheur. Qu'importe
la voie de labeur par laquelle on s'élève ou l'on remonte à son rang,
si la voie est honorable? On verra dans cette histoire généalogique un
apothicaire, petit-fils d'un écuyer, devenir prévôt des Maréchaux de
France, commander par conséquent en leur nom à la Noblesse, et se
faire chevaleresquement tuer au service de Louis XIV.[451]

  [451] Antoine-Garnier Courtin, né à Roanne le 13 sept. 1598;
  marié le 8 fév. 1628, à Pierrette Bouillefont, _aliàs_ de
  Bouillefons, et en secondes noces, le 7 nov. 1632, à Claude
  Dupuy; apothicaire et pharmacien de Roanne, en 1628; noble homme
  Anthoine Courtin, commis à la recette générale des aides de
  Roanne, en 1637; volontaire au régiment de Béthune-Charost, en
  1645; prévôt des maréchaux de France et chevalier du guet de
  Roanne, le 20 mai 1647; écuyer, seigneur des Jandons, le 15 août
  suivant; écuyer, seigneur de Châteauneuf et des Jandons, en 1650;
  tué, dans l'exercice de sa charge de prévôt des maréchaux, en
  1652. (_Preuves_, nos 2026, 2046, 2050, 2072, 2095, 2102-2105,
  2110, 2314).

Les maréchaux de France, chefs de la Noblesse militaire, étaient les
juges naturels du plus précieux de tous les biens: l'honneur! Il faut
lire, dans une excellente étude de Mr le Marquis de Belleval,[452] de
quel prestige était entouré, «dans une ville de province, chef-lieu
d'un bailliage ou d'une sénéchaussée», leur délégué, leur
représentant, «personnage devant lequel officiers et soldats se
découvrent avec une nuance plus marquée de respect». Dans une étude
sur la France d'autrefois, au chapitre de la noblesse déchue par
appauvrissement, il y aurait une page singulièrement intéressante à
écrire sous ce titre: _Comment on se relevait_.--Mais tous ne se
relevaient pas, surtout si brillamment.

  [452] _Revue Nobiliaire_, t. XIV, p. 89.--Sur les fonctions et
  les pouvoirs des prévôts des maréchaux, voy. Le Brun de la
  Rochette, p. 145-146.



CHAPITRE XXIV

  Martyrologe de la Noblesse.--Gentilshommes cultivateurs et
    charbonniers.--Le chevalier de Pradt.--Le négoce, interdit
    aux Nobles, réservé au Tiers-Etat.--Femme de gentilhomme,
    publique marchande.--Jean le Bigot.--Édit de
    1669.--Gentilhomme chapelier.--La maison de Vallier.


Que pouvaient faire ceux des Nobles appauvris qui n'avaient pas une
instruction suffisante pour devenir avocats ou notaires, médecins
ou apothicaires, voire procureurs? Nous allons les voir à l'œuvre,
et ce n'est pas une des faces les moins curieuses et les moins
instructives de l'histoire, on pourrait dire du martyrologe de la
Noblesse. Les uns prenaient à ferme les revenus d'une châtellenie,
comme «Guibert de Thiéry, damoiseau, fermier des revenus du château
de Saint-Mural»,[453] en 1356, ou étaient receveurs d'opulents
seigneurs, comme «Jehan de Brée, escuier»,[454] en 1474. Ceux-ci,
voulant au moins pouvoir dire comme Job en sa misère, _in meo nidulo
moriar_, faisaient valoir de leurs mains les terres qui leur
restaient. «Est à remarquer, dit un juriste du XVIIe siècle, que ceulx
qui ont privilège d'exemption pour la noblesse ou prestrise, ne
peuvent estre imposez en la taille contre leur privilège, sous ombre
de ce qu'ils travaillent de leurs mains en leurs propres possessions,
comme nous avons veu aucuns gentilshommes en ce pays, contraincts par
la nécessité de labourer, cultiver et ensemencer les terres,
moissonner et battre les bleds y provenus, coupper les boys de
tailles, les mettre en fagots et les porter sur leurs dos en leurs
maisons.»[455] Ceux-là se faisaient charbonniers, comme le frère du
trop fameux abbé de Pradt, «d'une famille très ancienne mais très
pauvre, si pauvre que, avant la révolution, le chevalier de Pradt
avait dû adopter la profession de charbonnier, qu'un gentilhomme
pouvait exercer sans déroger.... Le chevalier faisait donc du charbon
qu'il allait vendre lui-même, en sabots et l'épée au côté.»[456] De
rares _privilégiés_ obtenaient du Roi l'autorisation de faire valoir
des terres par leurs mains sans déroger à leur noblesse, comme
François de Saint-Pol, seigneur de la Porte, en 1755.[457]

  [453] L. Barthélemy, _Chartes de la maison de Baux_, no 1354.

  [454] Chartrier de Soulgé-le-Courtin, registre orig. pap.: «C'est
  le double du compte que rend à noble et puiss. sgr monseigneur
  Loys de la Palu, sgr de Sougé le Courtin et de St Mars du désert,
  Jehan de Brée escuier, des receptes et mis. qu'il a faictz pour
  et ou nom dud. sgr en sad. terre de Sougé le Courtin depuys le
  jour de la feste de N. D. angevine lan 1474...»

  [455] Le Brun de la Rochette, liv. II, p. 182.

  [456] G. d'Orcet, _Les grands pauvres_, p. 4.

  [457] Merlet, _Invent._, t. I, p. 292.

L'empereur Honorius avait interdit le commerce aux grands, non comme
déshonorant, mais «parce qu'ils auraient eu toute facilité pour nuire
aux personnes de condition inférieure.»[458] Nos Rois, gardiens-nés de
l'honneur chevaleresque et des privilèges de chaque classe,
interdirent le commerce aux Nobles pour d'autres motifs. «On ne met
pas en doute, dit La Roque, si l'on doit trafiquer de quelque manière
que ce soit pour remédier à son indigence, mais si les gentilshommes
se peuvent mesler du négoce, parce qu'il semble être _réservé au
Tiers-Estat_, qui se trouve chargé des impositions ordinaires. La
Noblesse est née entre les armes, elle s'augmente dans l'exercice de
la guerre, et il semble que cette qualité ne peut se conserver en
contractant avec des hommes mercenaires, qui passent leur vie dans
l'inclination continuelle de s'enrichir.»[459] Ainsi, les Nobles
étaient condamnés à passer la leur dans l'inclination continuelle de
s'appauvrir, et Pasquier le dit crûment en ces termes: «Quant aux
François, ils tiennent non-seulement pour un acte desrogeant à la
noblesse, _mais mesme pour un crime_, d'exercer le négoce, estimant
ceste action basse, et ceulx qui s'y portent deviennent poltrons,
abandonnans l'ombre des lauriers pour prendre celuy des
bouticques.»--«Nos Rois, ajoute La Roque, avoient défendu étroitement
à la Noblesse toute sorte de négoce, de peur qu'elle ne s'avilît et ne
s'abaissât par ce commerce. Ce fut pour cette raison que François Ier
rendit une ordonnance à Aumale en avril 1540, et que Charles IX,
tenant ses Estats à Orléans l'an 1560, défendit à tous gentilshommes,
comme aux gens d'Église, de trafiquer de marchandise et de prendre ou
tenir des fermes par eux ou par personnes interposées, à peine d'être
privés du privilège de Noblesse.»[460] Un certain nombre de
gentilshommes, aux XVe et XVIe siècles, avaient cru pouvoir s'adonner
à quelque commerce «pour se soutenir»;[461] les timorés, sous le nom
d'un tiers, voire de leur femme, ce qui conste de la quittance
suivante:

«... Gilles Potier, garde du scel des obligacions de la viconté de
Caen... Savoir faisons que par devant Colin de Vernay, clerc tabellion
juré commis et establi en la ville et banlieue de Caen quant a ce qui
ensuit, fut presente Raoulle de Cahengnolles, femme de Jehan Langloys,
escuier, seigneur de Cohon, _publique marchande_, laquelle congnut et
confessa avoir eu et receu de honnorable homme pourveu et saige Gilles
Alespée, viconte de Caen, la somme de 28 soulz 8 deniers tournoys qui
deubz lui estoient pour 23 livres et dem. de plon en table, prinses
par le maistre des euvres pour mettre en plusieurs pertus des
goutieres des combles de la grosse tour du chastel de Caen... Ce fut
fait au lieu acoustumé lan de grace 1412, le 8e jour davril après
Pasques. _Signé_: C. Vernay.»[462]

  [458] Cantù, _Hist des Ital._, t. III, p. 404.

  [459] _Traité de la Nobl._, p. 251.

  [460] La Roque, _ibid._, p. 252.

  [461] Borel d'Hauterive, t. XXV, p. 154.

  [462] _Pièces orig._, t. 1642, doss. 38161, Langlois, seigneurs
  d'Oynel, p. 4, orig. parch.

Vers 1450, Maurice de la Noüe, gentilhomme de Bretagne, qui «se
mesloit auculne foys de marchandyse tant à la mer qu'à la terre»,
prit pour associé Jean le Bigot, qui «devint le plus riche bourgeois
de Saint-Brieuc, ville et fors bourgs», et fut anobli en 1480.[463]
Ainsi le commerce enrichissait, il anoblissait même, et les Nobles ne
pouvaient s'y livrer. Ce ne fut qu'au mois d'août 1669 qu'un édit de
Louis XIV, confirmé par la déclaration de décembre 1701 et par l'arrêt
du Conseil d'État du 28 avril 1727, leur permit de faire le commerce
de mer et le commerce en gros sans déroger à leur noblesse.[464] Après
les rigoureuses défenses de François Ier et de Charles IX, quelle
ressource restait aux appauvris? Quelques-uns, se cramponnant à leur
gentilhommerie, se résolurent à prendre un métier,[465] mais sans
abdiquer leur état, comme fit Mr de Vallier, de la branche de
Vaulnaveys, dont était Gaspard, maréchal et grand-croix de l'Ordre de
Saint-Jean de Jérusalem, fils de Claude et d'Odette Alleman, qui
défendait Tripoli lorsque cette ville fut prise par les Turcs vers la
fin du XVIe siècle. «Cette branche, ajoute Mr de Rivoire la Bâtie,
tomba dans la pauvreté, et son chef, père de sept fils et de sept
filles, voulant pourvoir à son existence et à celle de ses nombreux
enfants par son travail et sans déroger, présenta une requête au
parlement pour qu'il lui fût permis de s'adonner aux _méchanicques_,
avec promesse de vivre noblement dès qu'il aurait pu gagner une
fortune suffisante. Il se fit chapelier, et après avoir réalisé un
avoir convenable, il tint sa promesse et vécut noblement. Son
petit-fils, qui manquait d'ordre et d'énergie, fut attaqué dans sa
noblesse par la communauté de Vaulnaveys, et sut si mal se défendre
qu'il succomba dans cette attaque vers 1685.» Plus heureuse fut la
branche de By, dont le chef, le comte de Vallier, siégeait en 1789 aux
États Généraux parmi les membres de la Noblesse de l'élection de
Vienne.[466]

  [463] _Anc. évêchés de Bret._, t. II, p. 281.--Voy. mon _Précis
  généal. de la maison de la Noüe_, p. 54, 117, 118.

  [464] Clairambault, t. CMXXVIII, fol. 4.

  [465] La Roque, _Traité de la Nobl._, p. 417: «La Noblesse a ses
  écueils, comme tous les autres biens du monde; la pauvreté
  l'obscurcit souvent et la contrainct à s'abaisser à des employs
  mécanicques.»

  [466] _Armor. de Dauphiné_, p. 761-763.



CHAPITRE XXV

  Abdications forcées et déchéances.--Les sires de
    Chambéry.--Cadets de princes se faisant bourgeois et
    marchands.--Les Quinson.--La maison de Viego.--Grandeur et
    décadence des sires de Bardonnenche.--Pierre de Bardonnenche,
    ouvrier.--Épicerie et chevalerie.--Épiciers
    seigneurs.--_Primò vivendum._--La maison du Terrail.


Grand fut le nombre des gentilshommes que la nécessité réduisit à
résigner leur privilège[467], à se réfugier dans les villes,[468] non
sans une secrète amertume, à demander aux trafics de la bourgeoisie, à
quelque métier, le pain de chaque jour, une laborieuse aisance. Des
chevaliers, de grands seigneurs même,[469] s'arrêtèrent à ce parti. On
n'ouvre pas un nobiliaire consciencieux sans y rencontrer de ces
abdications, trop souvent suivies d'irréparables déchéances. Les
Chambéry, antiques dynastes qui, dès le commencement du XIe siècle,
étaient seigneurs du château et du bourg de leur nom (plus tard
capitale du duché de Savoie), vendirent le bourg au comte Thomas de
Savoie, en 1232, et, quelques années après, le château, dernier débris
de leur grandeur.

  [467] P. L. Jacob, _Curios. de l'hist. de France_, p. 202.

  [468] R. de Belleval, _Nobil. de Ponthieu_, p. 694.

  [469] Borel d'Hauterive, t. XXV, p. 240.

Un de leurs descendants, N... de Chambéry, était en 1411 hôtelier et
syndic de la ville dont ses aïeux avaient été les maîtres.[470] Les
cadets des princes de Mortagne et vicomtes de Tonnay, étant pauvres,
se firent bourgeois et commerçants[471]. Christophle Angenoust,
marchand, vivant en 1600, «se disoit noble champenois d'origine».[472]
En 1303, Philippe Riboud est chevalier; deux siècles après, les Riboud
ne sont plus que bourgeois de Montluel, et qualifiés «honnestes
hommes»;[473] Mr de Belleval cite les Grébaumaisnil, ancienne famille
noble, déchue au XVIe siècle,[474] si particulièrement cruel aux
gentilshommes. Mr de Rivoire cite les Fassion, les Montlovier, les
Noir, damoiseaux en 1311, puis «perdus dans l'obscurité», les
Nicollet, d'ancienne noblesse, «perdus dans les emplois de basse
judicature», les Pélisson, les Quinson. Cette dernière famille, «qui
offre de singulières vicissitudes, remonte à Lancelot de Quinson,
damoiseau de Sassenage, en 1339». Vincent de Quinson, dit Luce, est
qualifié «noble et discret homme» dans son contrat de mariage du 15
janvier 1529 avec noble et honneste vierge Françoyse Naturel... Il
paraît qu'il jugea à propos, vu son maigre patrimoine, de s'établir
marchand à Villebois pour rétablir sa fortune. Dès lors il prend
presque constamment la simple qualification d'«honorable homme[475]
Luce Quinson, marchand de Villebois», qualification sous laquelle il
fit de nombreuses acquisitions de terres, prés, vignes et bois, son
commerce nous paraissant avoir prospéré assez rapidement. Il testa le
24 août 1558 sous le nom d'«honorable homme Luce Quinson, bourgeois et
habitant de Villebois», élisant sa sépulture dans la chapelle fondée
par ses prédécesseurs dans l'église de Villebois. Il reçut, au mois de
décembre 1559, des lettres-patentes du duc Emmanuel-Philibert de
Savoie confirmant et reconnaissant son ancienne origine. Guy Allard
lui donne le titre de capitaine général de la justice en Bresse et en
Bugey. Son fils aîné, noble Antoine de Quinson, marié à d{lle} Françoise
de Gorras, fille de noble Humbert de Gorras, bourgeois de Lagnieu, fut
gentilhomme ordinaire de la maison du duc de Savoie.[476]» Un érudit
normand, Mr Amédée du Buisson de Courson, membre honoraire du Conseil
Héraldique de France, cite un gentilhomme du XVIe siècle qui, s'étant
voué au commerce, acquit de grands biens, et dont les enfants
obtinrent des lettres de réhabilitation de noblesse[477]. Voici les
Viego, maison chevaleresque connue dès le XIIIe siècle, ayant eu un
chanoine comte de Lyon en 1390: «Toutes ses branches étoient éteintes
en 1660, dit le Laboureur, à l'exception d'une, laquelle ayant dérogé,
celuy qui reste de cette branche ayant achepté le fief de Rapetour,
ancien bien des Viego, médite aujourd'huy sa réhabilitation, que je
luy souhaite, pourvu qu'il use mieux des titres qui luy ont esté remis
par son vendeur, et principalement d'un inventaire de ces titres,
lequel, avec ce que j'en ay recouvré d'ailleurs, auroit donné beaucoup
de lumière à cette maison, véritablement noble, mais avilie et
obscurcie par la pauvreté et le temps.»[478]

  [470] Cte A. de Foras, _Armor. de Savoie_, t. I, p. 347.

  [471] Borel d'Hauterive, t. XXX, p. 194.

  [472] La Roque, _Traité de la Nobl._, p. 144.

  [473] Ph. le Duc, _Pap. curieux d'une famille de Bresse_, 1862,
  p. 7, 12.

  [474] _Nobil. de Ponthieu_, p. 463.

  [475] Les qualifications d'«honorable» et «honneste» furent
  communes à l'origine entre la Noblesse et la Bourgeoisie,
  jusqu'au temps de leur complète scission; elles devinrent alors
  des qualificatifs exclusivement bourgeois.--_Cartul. de l'évêché
  de Langres_, p. 63, ann. 1274: «Honorable baron et saige le
  bailly de Langres».--_Coll. de Bourgogne_, t. X, fol. 184, fin du
  XIIIe s.: «Cy gist noble et honnorable dame... fame monseigneur
  Jehan, chevallier, sires de Fontaines.»--_Quittances_, t. VII, p.
  466, 468, ann. 1347: «Homme honnorable et honneste monseigneur
  Ph. le Despencier, chevalier et chastellain de
  Carenten.»--Monstrelet, p. 5, ann. 1400: «Noble homme et
  honorable personne Michel d'Orris.»--Dom Villevieille, _Trésor_,
  t. XLIX, vo Hennequin, 1403: «Honneste femme Jehanne Hennequin,
  femme de noble homme Mahiet Paaillon, escuyer»; t. XCI, vo
  Villefranche, 1452: «Honnorables Jehan de Villefranche et
  Bérenger de Copons, damoiseaux.»--Cf. Dom Caffiaux, _Trésor_,
  1777, p. XXVIII, et les consultations de Pierre d'Hozier et de
  Mrs de Sainte-Marthe, ap. _Revue Nobiliaire_, t. X, p. 469 et
  suiv.

  [476] _Armor. de Dauphiné_, aux noms cités.

  [477] _Rech. Nobil._, p. 352, note.

  [478] Le Laboureur, cité par le Mis de Rivoire, _Armor. de
  Dauph._, p. 791-792.

Les seigneurs de Bardonnenche du XIe au XIVe siècle, ne relevant que
de Dieu et de leur épée, étaient à peu près souverains dans leurs
domaines. La pauvreté atteignit cette race périllustre, mais sans lui
ravir la fierté de la noblesse de son origine; elle portait haut son
écu sans tache ni souillure. «Elle vint à Saint-Etienne vers la fin du
XVe siècle, s'efforçant d'oublier la grandeur des souvenirs qui
jusque-là avait occupé ses pensées, et tâchant que personne ne pût
reconnaître en elle cette noble race qui se montra si belle, dès le
commencement où elle apparaît au fond des premiers temps de la
féodalité. Elle y réussit complètement; pendant un siècle, elle y
végéta entièrement inconnue; car il est à remarquer que toutes ces
familles dépaysées n'ont pu se résoudre, dans les commencements, à se
mêler des affaires publiques et vivre de la vie commune. Elle tirait
son nom de la vallée de Bardonnenche, qu'elle possédait déjà au XIe
siècle, et n'avait jamais reconnu d'autre suzerain que le chef de
l'Empire, à qui elle prêtait foi et hommage. Ce ne fut qu'au XIVe
siècle que cette puissante famille s'avoua vassale des Dauphins; elle
s'était tellement accrue que la terre de Bardonnenche se trouva
divisée en coseigneuries, qui appartenaient à trente chefs de famille
du même nom, dont le Dauphin reçut l'hommage en 1330.» Dans le terrier
de la ville de Saint-Etienne, en 1515, est mentionné «Pierre de
Bardonnenche, ouvrier»;[479] le quatrième de ses petits-fils, aussi
nommé Pierre de Bardonnenche, commença par tenir un magasin
d'épiceries à Limoges, et le transféra ensuite à Saint-Etienne,
probablement en 1612, après la mort de Jacques, son frère aîné, par
l'inventaire duquel on voit qu'il faisait un énorme commerce
d'épiceries». La grande fortune que fit Pierre de Bardonnenche
«porterait à croire qu'il tenait les deux maisons de commerce de
Limoges et de Saint-Etienne. Sa fortune s'élevait, à sa mort, à la
somme, fabuleuse alors pour Saint-Etienne, de 324.000 livres. Il testa
le 6 avril 1637, et légua mille livres à l'Hôtel-Dieu et trois mille
livres pour marier de pauvres filles... Son nom, éteint depuis plus de
deux cents ans à Saint-Etienne, s'est pourtant conservé dans celui
d'un très vaste domaine situé dans la montagne de Sorbier, encore
appelé Bardonnenche.»[480]

  [479] «Petrus Bardonnenchi, faber de Sancto Stephano.»

  [480] De la Tour-Varan, _Armor et généal. des familles de
  Saint-Étienne_, p. 24-29.

Si le privilège de la noblesse consistait à payer l'impôt du sang et à
se ruiner, on voit que le privilège de la bourgeoisie était d'une tout
autre nature. L'épicerie rendait amplement tout ce qu'avait coûté la
chevalerie, et je m'imagine qu'ils étaient aussi de bon lieu,
«Eustache Langloys, bourgois et espicier de Sainct-Omer», qui, en
1300, revêtait ses quittances de fournitures, «de dragée blanche et
de sucre» de son scel, portant un écu chargé d'une épée de
chevalier;[481] «Guérin de la Clergerye, espicier bourgois de Paris,
seigneur de Montrouge», en 1351;[482] et cet autre qui rend aveu
féodal en 1454: «De vous noble homme monseigneur Guillaume de
Thouars... je Jehan Ligier, espicier, tiens et advoue a tenir a foy et
hommaige simple...»[483] Et encore «Jehan Noble, espicier et vallet de
chambre du Roy nostre sire», qui, en 1371, donne quittance munie de
son scel armorié.[484] _Primo est vivendum_, et l'épicerie servait,
par surcroît, à redorer le blason. Ces nobles épiciers firent-ils pas
mieux que de se plaindre, et de choir, par exemple, aux degrés les
plus infimes de la domesticité,[485] dans la basse bohême, sur les
tréteaux de comédiens nomades,[486] ou de s'ensevelir dans les
ténèbres de la roture, comme la branche aînée du lignage du
«chevalier sans peur et sans reproche»?[487]

  [481] Demay, _Sceaux d'Artois_, no 1270.

  [482] _Cartul. des Blancs-Manteaux_, p. 175.

  [483] Dom Villevieille, _Titres orig._, t. XXXIV, p. 46.

  [484] Clairambault, _Sceaux_, t. LXXXI; p. 6369.

  [485] La Roque, _op. cit._, p. 350-351.

  [486] Voy., sur les vicissitudes de J.-B. l'Hermite de Souliers,
  Henri Chardon, _Nouv. documents sur les comédiens de campagne et
  la vie de Molière_, ap. _Revue hist. du Maine_, t. XVIII-XX,
  1885-1886.

  [487] Des auteurs font remonter la maison du Terrail au IXe
  siècle; la filiation part d'Aubert du Terrail, en 1320,
  quartaïeul de Charles du Terrail, sgr de Bernin, chef de nom et
  d'armes, marié vers 1550 à Soffre d'Arces, dite «la belle
  Couvat», d'un illustre lignage du Dauphiné. Leur fils aîné,
  «Jaime Couvat du Terrail», et tous ses descendants sont dits
  «laboureurs», et le nom de «du Terrail» disparaît des actes. Un
  jugement du tribunal civil de Grenoble, du 3 déc. 1838, a
  prescrit la rectification des actes de l'état civil, en ce sens
  que le nom de Couvat y sera précédé de celui de «du Terrail». (De
  la Tour-Varan, _op. cit._, p. 372-391.)



CHAPITRE XXVI

  La particule nobiliaire.--Sa signification, son
    caractère.--Répudiations significatives.--Les
    embourgeoisés.--Jean de Béthisy, procureur.--Marchands
    qualifiés nobles.--Déchus, mais répugnant aux
    mésalliances.--Changements d'armoiries.--Blasons
    improvisés.--Calembourgs et rébus héraldiques.--Le hareng des
    Harenc.--La harpe des Arpajon.--La maison de Mun.--La belle
    des belles.


Un arrêt de la cour de Lyon, du 24 mai 1865, dénie à «la particule» le
caractère nobiliaire; opinion manifestement en désaccord non seulement
avec le préjugé public, mais avec certains actes de la puissance
souveraine,[488] et des jugements autorisant des nobles ou des anoblis
à faire précéder leur nom de la particule, considérée comme une des
prérogatives stipulées dans les lettres de maintenue ou
d'anoblissement. Il n'est pas contestable que la particule n'avait pas
autrefois une signification exclusivement nobiliaire, mais il n'est
pas non plus contestable qu'elle impliquait généralement la possession
terrienne, et par suite revêtait un caractère féodal; sinon, comment
expliquer ce fait que la plupart des Nobles appauvris, en s'agrégeant
à la bourgeoisie, dépouillent leur nom de la particule?[489] Pourquoi
répudier ce préfixe, s'il n'avait pas un sens nobiliaire? Il est à
noter que les répudiations de cette nature, comme de toutes
qualifications féodales, coïncident, de la part des «embourgeoisés»
avec la rupture de l'antique harmonie entre la noblesse et la
bourgeoisie, avec l'éclosion de l'antagonisme entre les châteaux et
les villes. Auparavant, les Nobles bourgeois conservaient généralement
leurs qualifications nobiliaires; ce fut en devenant un corps homogène
que la bourgeoisie devint exclusive, jalouse de sa dignité propre,
avec cette fierté que donne communément la richesse. Comment expliquer
encore, si l'on refuse au «de» le caractère d'une prérogative, que les
Nobles, qui avaient quitté la particule en se faisant bourgeois,
s'empressent de la reprendre lorsqu'enrichis par le négoce ils se
réagrègent à la Noblesse? Nous avons vu «noble homme Luce de Quinson»,
descendant d'un damoiseau de Sassenage, s'établir marchand à Villebois
vers 1530, et ne plus s'appeler dès lors que «honorable homme Luce
Quinson»; il meurt laissant de grands biens à son fils, «noble Antoine
de Quinson».[490] Les exemples de l'espèce abondent, comme aussi ceux
de gentilshommes déchus, à qui le public persistait à donner la
particule, mais qui la retranchaient de leur signature. «Jehan de
Bethisy, procureur en parlement», ainsi dénommé dans un acte de 1389,
le signe «Bethisy J{n}»[491]; en 1411, «Raoul de Guissart, clerc
tabellion juré en la viconté de Rouen», signe «R. Guissart»; en 1415,
«Jehan de Villeneuve, viconte de leaue de Rouen», signe «Jn
Villeneuve»; en 1419, «Guillemin de Villehier, clerc de la vénerye de
Mons. le duc d'Orléans», signe «G. Villehier».[492]

  [488] Cf. Louis Vian, _La Particule Nobiliaire_.

  [489] Cf. Borel d'Hauterive, t. XXV, p. 164.--Voy., au chap.
  suivant, l'extrait des lettres de réhabilitation de Louis de la
  Chapelle, dont les ascendants, issus de noble lignée, ayant
  embrassé le négoce, ne s'appelèrent plus que Chapelle.

  [490] G. de Rivoire, _op. cit._, p. 574.--Voy. le chap.
  précédent.

  [491] _Pièc. orig._, t. 326, doss. 7110, p. 4.

  [492] _Quittances_, t. XLVII, p. 4524; t. XLIX, d. 4967; t.
  XXXVIII, p. 2694.

Aux XIVe et XVe siècles, dans quelques provinces, il n'est point rare
de rencontrer des «marchands» qualifiés «nobles», comme par exemple,
«noble homme Louis Chappuis, bourgeois et marchand de Condrieu», ainsi
qualifié dans son testament du 10 août 1435;[493] puis, lorsque
s'accentue l'exclusivisme de la bourgeoisie, les fils ne sont plus
qualifiés qu'«honorables». Généralement, ces familles marchandes,
d'extraction noble, s'alliaient entre elles, sans doute parce que,
malgré leur décadence, elles répugnaient aux mésalliances. Louis
Chapuis, que je viens de citer, avait une sœur mariée à Jean de
Genas, bourgeois de Lyon, et trois filles, l'une abbesse de
Sainte-Colombe, les deux autres mariées à Jean de la Colombière,
bourgeois de Valence, et à Jean de Chaponay, bourgeois de Lyon, toutes
nommées dans son dit testament.

  [493] Chartrier de la maison de Chapuis, orig. parch.

Un autre fait, non moins frappant que l'abandon de la particule par
les Nobles embourgeoisés, c'est l'abandon des armoiries de leur race,
comme s'ils eussent appréhendé de les commettre en se déclassant, ou
voulu peut-être affirmer ainsi, aux yeux de leurs nouveaux pairs, la
sincérité de leur abdication. J'ai recueilli de nombreux exemples de
ce fait. Les néo-bourgeois prenaient généralement des armoiries en
rapport avec leur transformation sociale, le plus souvent allusives à
la profession qu'ils embrassaient, ou partiellement empruntées de
celles de la ville dont ils devenaient habitants. Beaucoup de ces
blasons improvisés constituaient de véritables calembourgs
héraldiques, «armes parlantes» que n'a pas épargnées l'éclat de rire
de Rabelais.[494] La mode pourtant n'en était pas neuve: au XIIIe
siècle, les Harenc quittèrent un instant leurs trois croissants pour
mettre sur leur scel un hareng[495]; à leur oiseau de proie,
_harpago_, qui déjà constituait des armes parlantes, les sires
d'Arpajon substituèrent définitivement une harpe.[496] La maison de
Mun, d'ancienne chevalerie, représentée aux croisades, et dont l'éclat
séculaire est si brillamment ravivé de nos jours, a pour blason un
«monde d'argent», en latin _mundus,_ armes parlantes. L'écu des
Chabeu, au XVe siècle, avait pour supports un _chat_ et un
_bœuf_.[497] Un des plus curieux exemples de rébus héraldique est
celui-ci: Gérarde _Cassinel_, dame de Pomponne, femme de Bertrand de
Rochefort, était la belle des belles de la cour de Charles VI; «le
Dauphin Louis, s'en allant avec le roy son père au siège de Compiègne
en 1414, fit broder sur son étendard un _K_, un _cigne_ et un L pour
désigner le nom de cette belle personne.[498]» Les «armes parlantes»
avaient, comme on voit, d'illustres précédents. J'ajoute qu'on les
répudiait communément, lorsqu'ayant fait ses «choux gras» dans le
négoce on entrait ou rentrait dans la Noblesse, pour arborer soit le
blason de sa race, soit celui de quelque fief acquis par alliance ou
par achat.[499]

  [494] _Gargantua_, liv. I, ch. IX.

  [495] Saint-Allais, t. V, p. 105.

  [496] Borel d'Hauterive, t. XVI, p. 150.

  [497] L. P. Gras, _Obit. de St Thomas en Forez_, p. 100.

  [498] Le P. Anselme, t. II, p. 42.

  [499] Par contrat du 9 avril 1567, Claude de Lévis, baron de
  Cousan, vendit à Jean Camus, notaire et secrétaire du Roi, la
  baronnie de Feugerolles, «ensemble le nom _et armes_ du dict
  Fogerolles». (De la Tour-Varan, _Chron. des chât. et abbayes_, t.
  I, p. 418.)



CHAPITRE XXVII

  La multitude des réhabilités.--Geoffroy de Chantepie, marchand,
    petit-fils d'un preux chevalier.--Les Lingendes.--Louis de la
    Chapelle fait le commerce et ne s'appelle plus que
    Chapelle.--Gabelou de sang royal.--Les descendants de la
    famille de Jeanne d'Arc.--Comment on perdait la notion de sa
    noblesse.--Les d'Allard.


Pour donner une idée du nombre des familles nobles qui renoncèrent à
leur état pour s'adonner au commerce, il doit suffire de noter que,
pour la seule province de Normandie, on trouve au Cabinet des titres
deux volumes in-folio de lettres de relief de dérogeance octroyées
sous le seul règne de Louis XIV. Dans tout le royaume, ces
renonciations furent aussi nombreuses, et presque toutes se
produisirent dans le courant du XVIe siècle, lorsque la Noblesse, déjà
si appauvrie par deux siècles de croisades et trois cents ans de
guerre contre les Anglais, reçut le coup de grâce des guerres de
religion. Un livre singulièrement instructif sur les vicissitudes des
familles nobles serait le recueil des lettres de réhabilitation
obtenues par celles qui eurent la fortune de se relever.

Le 12 mai 1548, Geoffroy de Chantepie, marchand de Rouen, est
réhabilité dans sa noblesse, ayant établi par documents filiatifs
qu'il était «arrière-petit-fils de messire Jehan de Chantepie,
chevalier, seigneur de Pontécoulant et aultres lieux, tué devant Caen
par les Anglois, à qui il avoit faict lever le siège du Mont Sainct
Michel.»[500]

  [500] _Doss. bleu_ 4430, Chantepie, p. 2.

Au mois de décembre 1646, «Jean de Lingendes, évesque de Serlat,
Antoine de Lingendes, écuyer, seigneur de Bourgneuf, l'un des
gentilshommes ordinaires du Roy et de la Reyne, Nicolas de Lingendes,
maistre d'hostel du Roy, Charles de Lingendes, aussy maistre d'hostel
ordinaire, et Jehan de Lingendes, conseiller au presidial de Moulins
et maistre des requestes de la Reyne, tous originaires de Bourbonnois,
exposent qu'ils sont issus de noble et ancienne race; que Guillaume de
Lingendes reprit en hommage-lige du comte de Clermont ce qu'il avoit
aux paroisses de Thiel et de Marry l'an 1300; un autre Guillaume de
Lingendes, aussy damoiseau, fit hommage, l'an 1342, de mesme que
Hugues de Lingendes, à Pierre, duc de Bourbon; mais Jean de Lingendes,
leur trisayeul, contraint par la nécessité, se retira au lieu de
Chartrolles où il fut notaire, de mesme qu'Antoine de Lingendes, son
fils, qui fut outre cela châtelain, procureur fiscal et greffier de
plusieurs justices particulières de seigneurs, et eut pour fils Jean
de Lingendes, seigneur de Bouzeaux, lieutenant criminel en la
seneschaussée de Bourbonnois, et père d'Antoine, Pierre et Michel de
Lingendes, lequel Antoine fut secrétaire de la Reyne de Navarrhe, puis
de la Reyne Louise, et trésorier du domaine de Bourbonnois, dont est
issu Anthoine de Lingendes, demeurant en l'élection de Rouanne, l'un
des suppliants. Quant à Michel, comme il estoit cadet avec peu de
bien, il fut obligé de faire le négoce affin de mieux élever es bonnes
lettres, comme il a fait, le dict Jean de Lingendes, évesque de
Sarlat, Nicolas et Charles de Lingendes, ses enfans. Et Pierre de
Lingendes, le second fils de Jean lieutenant criminel, fut receveur
général des finances à Moulins, intendant des Reynes Elisabeth et
Louise en Bourbonnois, et eut pour fils Gilbert de Lingendes, autre
suppliant...» Sur cet exposé, les suppliants obtinrent lettres de
réhabilitation de noblesse.[501]

  [501] _Généalogies_, p. 180-182.

Autres lettres du mois de janvier 1700: «Nostre très cher et bien amé
Louis de la Chapelle nous ayant très humblement faict remonstrer qu'il
est de l'ancienne famille de la Chapelle», et qu'il descend de Louis
de la Chapelle qui «fut tué à la bataille de Jarnac et ne laissa
qu'une fille qui fust mariée au comte de la Suze»; et le dit Louis eut
un frère, René, qui fut l'aïeul de «Louis de la Chapelle, lequel
s'estant habitué en nostre ville de Laval, où il s'engagea dans un
gros commerce, retrancha de son nom _de la_ et s'apella seulement
_Chapelle_»; lequel Louis était l'aïeul de l'exposant «qui est avocat
en nostre parlement et procureur fiscal au comté pairie de Laval...
Mais, parce que Louis de la Chapelle, aïeul de l'exposant, a, par le
commerce qu'il a faict, dérogé à sa noblesse et que l'exposant a pris
des fermes...», Louis XIV lui octroie sa réhabilitation, et le juge
d'armes lui reconnaît pour armoiries «celles qui ont esté portées de
tout tems par ceux de sa famille et qui sont un escu d'argent à 9
mouchetures d'hermine de sable posées 3-3-2-1.»[502]

  [502] _Pièces orig._, t. 675, doss. 15778, p. 171-175.

Le commerce et les fermes permirent donc à beaucoup de dérogeants de
se réhabiliter; mais combien de nobles familles sombrèrent jusque dans
les bas-fonds de la société! Mr le marquis de Belleval cite un pauvre
gabelou du nom de la Cerda, d'extraction royale. Les derniers
représentants directs de la famille de Jeanne d'Arc sont aujourd'hui,
à Paris, l'un brigadier des douanes, l'autre emballeur, et portent
avec un légitime orgueil le nom de «Dulys». Toutes les provinces, tous
les temps ont vu de ces ingrates déchéances. Heureux encore ceux des
appauvris qui gardaient le souvenir de leur noblesse première; mais
parfois il s'oblitérait, soit parce que la famille s'enfonçait de plus
en plus dans les ténèbres de la roture,[503] soit parce que le fils,
ayant perdu ses parents au berceau, n'avait pu recueillir de leur
bouche le patrimoine des traditions de la race. L'histoire de la
famille d'Allard présente un exemple frappant de ce fatal oubli,
réparé par un heureux hasard.

  [503] Mr Hugues d'Arbigny de Chalus, Membre Honoraire du Conseil
  Héraldique de France, m'écrivait, le 24 nov. 1882: «Un de mes
  cousins, maire en Haute-Saône, a découvert qu'un paysan de sa
  commune était baron de vieille souche, sans se douter même de ce
  que pouvait être une baronnie. En un siècle bien des choses
  s'oublient.»

_«Factum pour Claude Allard, escuyer, sieur des Tournelles, conseiller
du Roy, controlleur général des finances à Lyon, appelant d'un
jugement de Mr Dugué, intendant de la généralité de Lyon, du 3 mars
1668, luy deffendant de prendre la qualité d'escuyer à l'advenir,--et
pour Denys Allard, escuyer, sieur de Paradis, seul Escuyer de
Mademoiselle, intervenant._

«... Estant en la ville de Paris pour relever son appel, rappelant
auroit appris que feu Pierre Allard, son père, qui l'avoit laissé en
bas-âge, sans avoir pu luy donner connoissance des poursuites
qu'il faisoit en la Cour des Aydes de Paris pour se faire relever
de la dérogeance de Denys Allard son ayeul, avoit mis les titres
de sa famille entre les mains d'un procureur pour poursuivre
l'enregistrement des lettres qu'il avoit obtenu contre la dérogeance
dudit Denys Allard, lesquels titres l'appellant ayant retiré, il a
connu qu'il estoit noble d'extraction et d'ancienneté, au lieu qu'il
ne croyoit l'estre que par le privilège de la charge que son ayeul et
son père avoient possédé avant luy, et les ayant produit sur son
appel, il a fait voir: que le dit Pierre Allard, controlleur général
des finances à Lyon, est fils de Jean Allard, pourveu de la mesme
charge, et de Toussainte Doment; que ledit Jean estoit fils de Denys
Allard et de Catherine Baraillon; que ledit Denys estoit fils de Louys
Allard et de Marguerite du Taillot; que le dit Louys estoit fils de
Pierre Allard et de Magdelaine de Villemond; et que ledit Pierre
estoit fils de Jacques Allard et de Marguerite de Sainte-Colombe. Et
pour justifier que ledit Jacques Allard vivoit noblement, estoit
qualifié noble et seigneur de Mexiliac en Vivarez, dès l'année 1458
qu'il avoit espousé damoiselle Marguerite de Sainte-Colombe,
l'appellant a produit, etc.»[504]

  [504] Chartrier de Beauvoir, no 818, imprimé.



CHAPITRE XXVIII

  La plus ancienne vérification de noblesse.--Recherches des
    usurpateurs.--La recherche de Montfaud.--Vexations et
    persécutions.--Nobles imposés à la taille.--Procès
    dispendieux.--Le privilège des bourgeois.--Louis XI, «ce bon
    rompu de Roy».--L'édit des francs-fiefs et ses
    conséquences.--La déclaration de 1661.--Renoncements
    douloureux.--Avidité des traitants.--Supercheries
    généalogiques.--Sentences trop rigoureuses.--Misères des
    réhabilités.--L'émigration.--C'est la révolution qui a fait
    de la Noblesse une classe fermée.--La restauration nationale.


La plus ancienne vérification de noblesse que nous connaissions est de
l'an 1262: un arrêt déclare que Pierre aux Massues, chevalier, est
digne d'être chevalier, attendu qu'il a prouvé que son aïeul, Jehan de
Champougnes, l'avait été.[505] Ces vérifications, individuelles ou
collectives, étaient justes, nécessaires, utiles aux peuples,
puisqu'elles avaient pour but et pour effet d'empêcher les
usurpations de noblesse et par suite de restreindre le nombre des
privilégiés, exempts du paiement des tailles. La recherche des
usurpations fut souvent réclamée soit par les collecteurs responsables
des impositions, soit par les élus des villes ou les États généraux,
et plus tard par les intendants des provinces. La recherche de Raymond
de Montfaud en Normandie, en 1463, est particulièrement connue, et fit
rentrer dans la catégorie des taillables plus d'un geai paré des
plumes du paon. Les nobles, ou se disant tels, de la province du
Maine, durent comparoir, en 1518 et 1540, devant les élus du Mans et
produire leurs preuves. Défenseurs intéressés des populations, les
élus n'hésitaient pas à taxer au rôle des tailles quiconque, fût-il de
l'extraction la plus incontestablement noble, faisait ou seulement
paraissait faire acte de trafic, et leur âpreté dégénéra fréquemment
en persécution: il suffisait que l'on fût absent, retenu loin de ses
terres par le service du Roi, par la guerre ou toute autre cause, pour
être inscrit, à son insu, parmi les taillables, et, à son retour,
forcé de soutenir contre les élus un procès toujours dispendieux. De
lettres données, le 3 octobre 1441, par Charles VII à Thibaut de
Cherbaye, il appert que «Michel, son père, aiant esté conservé en ses
droictz de noblesse de tout tems, mesme par sentence donnée par les
commissaires lors deputez par le roy Charles VI, et luy s'estant
retiré dans la ville d'Angiers à cause de sa vieillesse et guerres des
Angloys, les habitans de la dicte ville l'aiant imposé en quelques
emprunts, il auroit obtenu aultre sentence conservatrice de sa
quallité...»[506] Mr Borel d'Hauterive relate un curieux exemple de
noble imposé à la taille, et réhabilité dans son droit.[507] En 1525,
les élus de Lisieux «imposèrent aux tailles Jean, seigneur d'Annebaud
et de Brestot, père de Claude, maréchal et amiral de France,
lieutenant général au gouvernement de Normandie, et de Jacques,
cardinal du Saint-Siège, évêque de Lisieux, grand aumônier de France,
pour avoir herbagé et engraissé des bœufs sur l'une de ses terres, en
intention, comme l'on croit, de les revendre. Cela n'étoit proprement
qu'une œconomie _qui n'est pas si odieuse en effet qu'elle est en
apparence_, et nos Rois relèvent avec justice ceux qui la
pratiquent».[508] On croit rêver quand on lit l'indulgente atténuation
de Gilles-André de la Roque, et cette réflexion vient à l'esprit que
le privilège des bourgeois était autrement sérieux que le privilège
des Nobles. Si les élus, sous un prétexte si parfaitement absurde, se
croyaient en droit de _tailler_ de si hauts et puissants seigneurs,
que ne devaient-ils pas se permettre envers les gentilshommes de
moindre envergure, appauvris, ruinés, obligés de vivre des fruits de
leur domaine amoindri?

  [505] Arch. Nat., _Olim_, t. I, fol. 27.--Boutaric, t. I, no 661.

  [506] _Doss. bleu_ 1882, p. 2.

  [507] _Annuaire de la Nobl._, t. XVI, p. 145.

  [508] La Roque, _op. cit._, p. 252.

Dans la deuxième moitié du XVe siècle, les rangs de la Noblesse
étaient si clairsemés et le nombre des roturiers possesseurs de fiefs,
et se dispensant de payer les tailles,[509] si grand que Louis XI, «ce
bon rompu de roy», comme l'appelle Brantôme, voulut faire d'une pierre
deux coups: le célèbre édit des francs-fiefs eut ce double effet de
régulariser l'état des nouveaux fieffés et de remplir les caisses du
Trésor; et même il advint ce fait curieux que, pour s'épargner les
frais de la recherche de leurs preuves et d'une instance en maintenue
de noblesse, d'excellents gentilshommes préférèrent légaliser leur
possession d'état en acquittant la taxe des francs-fiefs.[510]

  [509] Dans certaines provinces, avant l'édit de mai 1579, la
  possession féodale anoblissait: par sentences du parlement et de
  la chambre des comptes de Dauphiné, en 1461, Pierre Rolland,
  bourgeois de Grenoble et coseigneur d'Argenson, fut déclaré
  exempt des tailles, «quoique plébéien», parce qu'il possédait le
  château d'Argenson.--G. de Rivoire la Bâtie, p. 635.

  [510] La Roque, ch. XXXII, p. 106: «J'ay remarqué qu'il y en a
  quelques-uns d'ancienne noblesse qui, ayant acquis des fiefs et
  arrière-fiefs, avoient trouvé à propos d'estre maintenus et
  confirmés en leur qualité en vertu de la charte générale.» Cette
  pratique n'était pas nouvelle: en 1314, Geoffroy Courtin est
  inscrit au «Rôle des finances pour les francs-fiefs»; la
  conformité des prénoms permet de présumer qu'il tenait de près à
  Geoffroy de Courtin, chevalier vivant en 1279. (_Preuves_, nos
  53, 54.)--Montfaud dit des Bras-de-Fer, anoblis par la charte des
  francs-fiefs, qu' «ils sont nobles de tout temps».--Cf. A. du
  Buisson de Courson, _Rech. Nobil._, p. 118, note 1.

Le 8 février 1661, Louis XIV rendit une «Déclaration pour la recherche
et condemnation des usurpateurs de noblesse, à l'honneur des
véritables gentilshommes et au soulagement des autres subjets
taillables du Royaume».[511] Cette déclaration, et les suivantes qui
la confirmèrent en l'aggravant, jetèrent dans les rangs de la Noblesse
un trouble si profond qu' «un grand nombre de gentilshommes, pour
échapper aux taxes de la capitation afférentes aux titres héraldiques
qu'ils portaient, déclarèrent se désister des titres dont ils
s'étaient honorés jusque-là;» rien qu'en Bretagne, «on compta jusqu'à
67 gentilshommes, chefs de nom et d'armes, qui renoncèrent à leurs
titres héraldiques.»[512] Chaque province vit de ces abdications.
«Lors des réformations de noblesse,--mesures purement fiscales,
équitables dans leur principe, mais faussées dans l'application par
les commissaires royaux, la plupart bourgeois revêches, portés à
transformer leur mandat de recherches en tactique de vexations,--bien
des familles anciennement et authentiquement nobles, trop pauvres pour
subvenir aux frais de revendication de leur état, trop fières pour
avouer leur pauvreté, obsédées, abreuvées de dégoûts et de
persécutions, préférèrent se laisser dépouiller sans bruit de leur
prérogative héréditaire.»[513] A côté des intendants commis à la
recherche des usurpateurs, il y avait les traitants, qui, ayant
affermé le produit des poursuites, les exerçaient avec une activité
dévorante, avec une rigueur d'injustice qui, plus d'une fois, leur
attira de sévères mercuriales. En 1700, le premier président du
parlement de Paris dit à l'avocat des traitants, au sujet de la
famille du poète Boileau, laquelle établissait par titres authentiques
que sa noblesse remontait à l'an 1342: «Le Roy veut bien que vous
poursuiviez les faux nobles de son Royaume, mais il ne vous a pas
donné pour cela permission d'inquiéter les gens d'une noblesse aussi
avérée que sont ceux dont nous venons d'examiner les titres. Que cela
ne vous arrive plus!»[514] Allez, et ne péchez plus! mais les
traitants continuèrent à pécher, et à faire de l'eau trouble,--pour y
pêcher. Toute famille appelée à faire ses preuves devait justifier
d'un partage noble remontant au moins à cent ans, et produire, pour le
courant du XVIe siècle, au moins trois actes originaux, et deux pour
les siècles antérieurs. Il fallait être bien riche pour se lancer dans
des recherches ardues, dans la reconstitution des preuves, toujours si
difficile, lorsque les documents probatifs, chartes, contrats, aveux,
pierres tombales, étaient épars dans vingt endroits; combien le temps
en avait détruit, et les guerres, et les accidents ordinaires de la
vie! S'il y avait eu dérogeance, il fallait prouver cent ans de
noblesse antérieurement au dérogeant; preuve presque toujours
impossible à faire lorsque la famille était originaire d'une
province, éloignée de celle où elle se trouvait établie depuis moins
d'un ou deux siècles. L'ingéniosité de paléographes complaisants vint
au secours des persécutés; parfois des preuves furent fabriquées de
toutes pièces; plus communément, on se contenta de copier les actes
authentiques de la famille en cause, mais en les antidatant, de
manière à atteindre la somme d'années nécessaire pour être maintenu ou
réhabilité; par malheur, on avait affaire à forte partie, et les
collections des d'Hozier, notamment celle des _Carrés_, abondent en
constatations de ces supercheries, trop souvent mises au service de
droits moralement évidents, mais dénués de preuves matérielles.

  [511] Clairambault, t. CMXXVIII, fol. 66.

  [512] A. du Châtellier, _Des réformations de la Nobl. de Bret._,
  dans la _Revue Nobil._, t. XII, p. 12-14.

  [513] O. de Poli, _Rech. sur la fam. de St Vinc. de Paul_, p. 14.

  [514] _De la nobl. des médecins et des avocats_, Paris, 1860,
  in-8º, p. 10.

Certaines sentences des commissaires royaux apparaissent empreintes
d'une rigueur odieuse jusqu'à l'iniquité: Philippe du Bois, écuyer,
seigneur de Chevillon, établit qu'il était fils de Claude du Bois,
écuyer, seigneur de Chevillon, et petit-fils de François du Bois,
écuyer, seigneur de Chevillon, «la maison duquel où estoient les
tiltres et pièces justificatives de leur noblesse, fust bruslée et
pillée pendant la Ligue; et que le dict Francoys estoit fils de
Christophle du Boys, escuier, seigneur de Chevillon.» Ce qui n'empêcha
pas l'intendant Caumartin de condamner Philippe du Bois,[515] encore
que sa mère fût une Le Febvre, mais sans doute pas une Le Febvre de
Caumartin. Et pense-t-on que les maintenus ou les réhabilités, pour
avoir à grand labeur et grands coûts obtenu des «lettres royaux» ou
des sentences favorables, fûssent dorénavant à l'abri des recherches,
des dépenses et des persécutions? Telle famille, comme les Billeheust,
de 1661 à 1781, pourrait exhiber une douzaine d'arrêts de
maintenue.[516] Les d'Allard,[517] les Courtin du Forez,[518] les
Champagny[519] en comptent également une série. Quand on croyait tout
fini, tout était à recommencer, et chaque fois il fallait payer pour
être considéré.... comme Noble. Louis XIV, au mois de décembre 1692,
révoque toutes les réhabilitations; en 1696, déclare que les
réhabilités seront confirmés en payant finance; en 1698, qu'ils
produiront les titres justificatifs de leur noblesse; en 1703, qu'ils
seront tenus de rapporter les dits titres depuis 1560; en 1710,
révocation générale des confirmations.[520] Jusqu'au règne de Louis
XIV, les réformations avaient été simplement fiscales et répressives;
la bascule des édits contradictoires, l'avidité des traitants, la
rigueur des intendants donnèrent à la réformation du XVIIe siècle un
caractère lamentable d'aggression, dont eut plus particulièrement à
souffrir l'ancienne Noblesse, la Noblesse d'épée, parce que son
ancienneté même et ses vicissitudes rendaient plus difficile la
production de ses titres. Et que d'anomalies dans les décisions des
commissaires royaux! Jean-Louis de Cabannes,--frère aîné de
Jean-Jacques de Cabannes de Lanneplan, maintenu dans sa noblesse en
1696,--est classé comme «roturier» dans une convocation de ban faite,
au même temps, par l'intendant de Guyenne. En 1715, la maison de
Cabannes est condamnée pour usurpation de noblesse dans une de ses
branches, tandis qu'elle est maintenue dans trois autres par plusieurs
ordonnances des intendants. Pour se délivrer des persécutions, elle
acquit à beaux deniers une confirmation, qui fut annulée presque
aussitôt par l'édit général de 1710.[521] C'est une tache au soleil du
grand Roi, une tache d'injustice et d'ingratitude, que cette mise en
coupe réglée de la Noblesse, déjà si appauvrie par des siècles de
généreux sacrifices, et livrée, comme une proie fructueuse, aux serres
des traitants. Moins de cent ans après, la révolution achève l'œuvre
de persécution et de spoliation; la Noblesse prend le chemin de
l'émigration, autre voie d'honneur et de misère. On a pu la comparer,
privée de sa suprématie sociale, «à ces grands chênes que l'orage a
déracinés, et qui languissent desséchés sur la terre qui les a
longtemps nourris».[522] La comparaison n'est plus exacte: en faisant
de la Noblesse une classe fermée, la révolution l'a bien
involontairement replacée au dessus du corps social. «Dans les autres
pays, la Noblesse ouvre régulièrement ses portes à toutes les sommités
nationales; une démocratie, encore plus maladroite qu'envieuse, les a
fermées complaisamment sur un petit cénacle qui la laisse se morfondre
au dehors. C'est une des mystifications les plus singulières dont
l'histoire fasse mention.»[523] Aujourd'hui, cent ans après le
cataclysme qui noya dans le sang les fanges du XVIIIe siècle, la
Noblesse n'a pas perdu son salutaire prestige; elle apparaît comme une
des pierres d'attente de la restauration nationale, de cette
Monarchie, traditionnelle par son principe, moderne par son
fonctionnement, qui renationalisera, pour ainsi dire, plus intimement
la Noblesse en rouvrant ses portes à tous les mérites.

  [515] _Doss. bleu_ 2583, Du Bois de Chevillon, p. 7.

  [516] A. du Buisson de Courson, _Rech. Nobil._, p. 303.

  [517] _Chartrier de Beauvoir_, nos 819-822, liasses.

  [518] _Preuves_, nos 2203, 2210, 2212, 2216, 2269, 2270, 2314.

  [519] _Preuves_, no 2064.

  [520] Clairambault, t. CMXXVIII, fol. 77º-14 vo.

  [521] O'Gilvy, _Nobil. de Guyenne_, t. I, p. 139-140.

  [522] Michaud, t. VI, p. 241, note 2.

  [523] G. d'Orcet, _Les grands pauvres_, p. 174.



CHAPITRE XXIX

  Négligence coutumière des familles nobles.--_Impedimenta_
    généalogiques.--Il ne faut rien détruire.--Les ennemis
    intimes des parchemins.--Gargousses et pots de
    confiture.--Les changements de nom.--Onomastique de la
    géographie féodale.--Piété familiale.--Les Lusignan, les
    Vezins, les Milly.--Les croisés en Terre-Sainte.--Combien
    j'ai douce souvenance.--Peau neuve.--Fourmilière
    d'homonymes.--Écart social.--Le train de l'humanité.


«La Noblesse, écrivait en 1743 le président Chevalier, a été dans tous
les tems si distinguée, tant par le lustre et la prééminence qu'elle
donne à ceux qui en sont décorés, que par les privilèges particuliers
qui y sont attachés, que je ne puys assés m'étonner qu'il y ait des
personnes assés peu curieuses de cet honneur pour négliger ce qui le
peut conserver; c'est cependant ce qui se rencontre aujourd'huy très
communément, et il y a quantité de familles très anciennes et très
respectables, lesquelles, si elles étoient obligées de justifier leur
noblesse, se trouveroient très embarrassées, n'ayans en leur
possession aucuns titres de leur famille.»[524]

  [524] _Pièces orig._, t. 745, doss. 16942, Chevalier de
  Saint-Hilaire, p. 10.

«La famille qui a le plus d'intérêt à la conservation de ses titres,
dit Dom Caffiaux, n'est pas toujours la plus attentive et la plus
vigilante, et souvent les titres déplacés, à l'occasion de quelque
partage ou de quelques autres contrats, demeurent entre les mains des
alliés.»[525]

  [525] _Trésor généal._, 1777, p. XXXI.

Les difficultés que rencontre le généalogiste consciencieux ne
procèdent pas toutes de la négligence des familles. _Ascende
superiùs!_ est sa devise, à lui aussi; mais force lui est de
s'arrêter, lorsque le filon de lumière lui fait défaut. Assurément
beaucoup de gentilshommes n'eurent point, pour la conservation de
leurs titres de famille, tout le soin désirable; par exemple, il
appert d'annotations inscrites au dos d'un certain nombre de pièces du
chartrier de Beauvoir, au XVIIIe siècle, que d'autres furent détruites
comme «crues inutiles». Qui sait, cependant, si elles n'eussent pas
servi à faire la lumière sur quelque point de la généalogie? C'est, en
pareille matière, une règle absolue qu'il ne faut rien détruire. Les
parchemins, sans parler du vandalisme révolutionnaire, ces sûrs
témoins du passé ont déjà tant d'ennemis intimes, tant de risques de
destruction: la vieillesse, l'humidité, les rongeurs, et, il n'y a pas
bien longtemps encore, les pots de confitures. Passe pour les
parchemins dont la république fit des gargousses; on chargeait les
canons avec notre vieille gloire; ce n'était pas déroger; mais les
pots de confitures!...

D'autres causes constituent, pour le généalogiste, de graves
_impedimenta_; les homonymies aussi bien que les changements de nom,
si fréquents autrefois, en dépit de l'ordonnance d'Amboise,[526] et
qui souvent déroutent la chronologie, «cette guide de l'histoire»,
comme l'appelle Guichenon. Dès le XIVe siècle, les seigneurs de
Montesson quittent leur antique nom de «Hubert», pour ne plus porter
que celui de leur fief. Au XVIe, les Courtin, seigneurs de Centigny,
ne s'appellent plus que de ce dernier nom. Pierre d'Hozier ne
découvrit pas que le nom originel de la famille «d'Abatant» était
«Courtin», et il la confondit avec l'ancienne maison d'Abatant.[527]
Combien d'autres confusions du même genre ont dû se produire! C'était,
dans la Noblesse, une coutume très ancienne que de porter le nom de
son fief, et toute normale à l'origine, puisqu'elle était le signe et
l'affirmation de la possession féodale. D'ailleurs, le nom du fief
était le plus souvent composé du prénom ou du surnom de son premier
possesseur, l'auteur du lignage, et du _châtel_, ou de la _cour_,[528]
ou de la _ville_, ou du _mont_, ou de la _ferté_, ou de la _motte_, ou
de la _roche_, ou du _bois_, ou du _champ_, ou du _val_, ou du _mas_,
etc., qu'il avait reçu en partage; ainsi, par exemple, s'étaient
formés les noms de Château-Briand, de Court-Alain, de Ville-Hardouin,
de Mont-Doubleau[529], de la Ferté-Bernard, de Bois-Guyon, de
Champ-Aubert, de la Roche-Foucauld, de la Mothe-Achard, de Vau-Girard,
de Mas-Gontier, etc. Le nom ainsi composé devint généralement celui
de la race; mais, dans les premiers temps de la féodalité, le surnom
ou le prénom est souvent porté seul, sans l'indication du château, de
la cour, du mont, etc., et même devient le patronymique de branches
cadettes: ainsi les sires de Mont-Doubleau ou de Mont-Barbat sont
indifféremment appelés, dans les chartes des XIe et XIIe siècles, de
_Monte Dublello_ ou _Dublellus_[530], de _Monte Barbato_ ou
_Barbatus_[531]; on trouve des Châteaubriand appelés simplement
Briand;[532] les Monteynard, seigneurs du fief de ce nom, ne
sont le plus souvent appelés, jusqu'au XIIIe siècle, que
«_Aynardus_»;[533] les «Daniel», chevaliers manceaux, sont
indifféremment nommés ainsi ou «_de Danieleria_»;[534] et les
_Aenus_ du Maine doivent certainement être attribués aux «_de Curte
Aeni_».[535] Lorsque le lieu donné en fief avait déjà sa dénomination
propre, souvent il recevait comme suffixe le nom ou le surnom de
son premier seigneur: tels Cossé-le-Vivien, Chemiré-le-Gaudin,
Auvers-le-Hamon, Epineux-le-Seguin, Varennes-Lenfant, et des milliers
d'autres. Cette coutume servait à distinguer les fiefs du même nom,
ordinairement plus ou moins nombreux dans un même rayon, parce que,
surtout à partir du milieu du XIIe siècle, par un sentiment d'orgueil
légitime et de piété familiale, les juveigneurs imposèrent fréquemment
à leur apanage le nom de leur race. Parlant des Lusignan, Mr de
Bourrousse de Laffore, l'un des présidents d'honneur du Conseil
Héraldique de France, dit: «Ils ont fondé en Agenais, depuis la fin
du XIIe siècle, des châteaux auxquels ils ont donné le nom de leur
race et de leur château patrimonial du Poitou.»[536] Les seigneurs
de Vezins, chassés de leur château, se retirèrent à Mayet où ils en
bâtirent un autre qu'ils appelèrent Vezins.[537] La maison forte
d'Eydoche, étant entrée dans la famille de la Porte, fut communément
appelée «le château de la Porte».[538] Les seigneurs de Mont-Gaudry
avaient deux châteaux de ce nom.[539] Les Milly, devenus seigneurs de
Courcelles en Saint-Etienne-la-Varenne, au XVe siècle, donnèrent à
cette terre leur nom de Milly, qu'elle a conservé.[540] Mgr de
Neuville, archevêque de Lyon, ayant acheté la terre de Timy, la
dépouilla de ce nom pour l'appeler Neuville. Nous avons vu Pierre
de Bardonnenche, d'un antique lignage appauvri, imposer le nom du
berceau de sa race aux domaines qu'il acquit près de Lyon, lorsque
le négoce l'eut enrichi. Les exemples abondent de ces changements de
dénomination, inspirés le plus souvent aux seigneurs par un respectable
attachement pour les lieux où ils avaient reçu le jour, où s'était
épanouie leur enfance, où avait grandi leur lignage. C'était ce même
sentiment qui portait les croisés à donner à tels de leurs fiefs de
Terre-Sainte des noms de France; les Arabes à donner à Séville le nom
d'Émèse, à Grenade celui de Damas.

  [526] Henri II, 26 mars 1556: «Défenses sont faictes à toutes
  personnes de changer leurs noms et leurs armes, sans avoir obtenu
  des lettres de dispense et de permission, à peine de mille livres
  d'amende, d'estre punis comme faussaires et estre exauthorés et
  privés de tout degré et privilège de noblesse.»

  [527] _Pièces orig._, doss. d'Abatant, p. 2.

  [528] _Curia_ ou _curtis_.

  [529] _Cartul. de St Vinc. du Mans_, B. N., p. 81, charte
  d'Eudes, comte de Chartres, ann. 1015: «Quidam fidelium
  nostrorum, Hugo scilicet Dublellus... in proprio castro quod ab
  ipsius cognomine Mons Dublelli vocatur...»

  [530] Charte de 1101: «Paganus Dublellus». Charte de 1108:
  «Paganus de Monte Dublello.» (Mabille, p. 62, 75.)

  [531] Chartes de 1080-1105: «Ernaldus Barbatus... Ernulfus de
  Monte Barbato.» (_Cartul. de St Vinc. du Mans_, B. N., p. 147,
  155, 171, 325-328.)

  [532] De 1125 à 1226: «David de Castro Brientii» (_Coll.
  d'Anjou_, t. IV, no 1446; t. V, nos 1961, 2011; t. VI, nos 2135,
  2528; t. XII, no 7591, 7622; t. XIII, no 10015)--En 1335, «noble
  homme Mr Davy Brian, chevalier». (_Ibid._, t. VII, no 3557.)

  [533] Cte de Monteynard, _Cartul. de Domène_, pass.

  [534] _Coll. d'Anjou_, t. VII, no 2867, ann. 1240: «Mauricius de
  Danieleria, miles.» En note: «Dans un acte précédent, à la mesme
  page du Cartulaire, il est appelé _Mauricius Daniel miles_.»

  [535] _Preuves_, nos 10, 12, 29, 40, 42, 49.

  [536] _Les Lusignan du Poitou et de l'Agenais_, p. 79.

  [537] Legeay, _Rech. hist. sur Mayet_, p. 245, note.

  [538] A. de la Porte, _Hist. généal._, p. 50.

  [539] Pitard, p. 278.

  [540] Chartrier de Mr le comte de Thy de Milly, au château de
  Berzé, _Terrier_.

J'ai dit que l'addition du prénom ou du surnom du seigneur féodal au
nom de sa terre servait à distinguer entre eux les fiefs homonymes;
voici, dans le Maine, peu distants les uns des autres, Auvers-le-Hamon
et Auvers-le-Courtin, Sillé-le-Guillaume et Sillé-le-Philippe,
Assé-le-Bérenger, Assé-le-Boisne et Assé-le-Riboul, Sougé-le-Ganelon,
Soulgé-le-Bruant et Soulgé-le-Courtin. Dans la même province, aux XIe
et XIIe siècles, le fief de Courtin (aujourd'hui Courtoin, en Nouans)
est appelé Courtin l'Ain,[541] sans doute pour le distinguer de fiefs
du même nom situés à Gesvres[542] et à Saint-Ouen-de-la-Cour.[543]

  [541] _Preuves_, nos 36, 38, ann. 1219: «Cortin Aienne». Voy. aux
  _Preuves_, no 10, note 1.

  [542] L. Maître, _Dict. topogr._, p. 101.

  [543] Carte de Cassini.

A partir du XIVe siècle, et surtout après, lorsque des seigneurs
répudient leur vieux nom patronymique pour ne prendre que celui de
leur fief, c'est le plus souvent pour l'un de ces deux motifs: ou
c'est un noble de fraîche date qui veut faire peau neuve et faire
oublier l'humilité de son origine; ou c'est un noble d'ancienneté qui
appréhende d'être confondu avec des homonymes roturiers, lesquels
cependant pouvaient fort bien être de son estoc, sans le savoir
eux-mêmes. On a vu, par l'exemple de Pierre Allard, avec quelle
facilité pouvait se perdre la notion d'une origine noble. Au moyen
âge, avec des dix et quinze enfants, qui la plupart en avaient ensuite
autant, le nom se multipliait rapidement, à l'infini, et bientôt
c'était une fourmilière d'homonymes, les uns favorisés, les autres
maltraités par la fortune; tandis que ceux-ci montaient dans la
noblesse, ceux-là tombaient dans la roture; la poussière des âges
aidant, la trace même d'une commune extraction se perdait d'autant
plus vite que l'écart social était plus considérable. On a dit que les
malheureux n'ont pas d'amis: avec le temps, ils n'ont plus même de
parents; c'est le train de l'humanité.



CHAPITRE XXX

  Migrations des familles.--Leur genèse.--Pudeur de
    pauvreté.--Les Évêques et les Abbés.--Mariages de grands
    seigneurs.--Officiers du Roi.--Désordre et ténèbres.--La cape
    et l'épée.--La maison de Chastellux.--Filiation
    perdue.--Logogriphes onomastiques.--Latinisations
    barbares.--Faussaires et fantaisistes.--Les
    Damas.--Vercingétorix et le premier Choiseul.--Tout est bien
    qui finit bien.


Les changements et les usurpations de noms ne sont pas les seuls
obstacles que rencontre le pionnier généalogique; les migrations des
familles sont une des sources les plus communes de son embarras. Ces
migrations, dans les vieux temps, procédaient généralement des causes
que je vais énumérer: les mariages hors de sa province, les aventures
de guerre ou de garnison, des fonctions quelconques, ecclésiastiques,
militaires ou civiles, le commerce, l'exercice des professions
libérales dans les villes, la volonté d'aller abriter sa pauvreté loin
des lieux où l'on fut riche et puissant.

«Au moyen âge, dit excellemment Mr le comte Anatole de Bremond d'Ars,
l'un des présidents d'honneur du Conseil Héraldique de France, les
Évêques étaient fort souvent, et même presque toujours suivis dans
leur diocèse de quelques membres de leur famille, et c'est à cette
cause que l'on doit attribuer l'établissement de certaines maisons
dans des provinces éloignées de leur berceau.»[544] Il en était de
même pour les abbés de monastères, dont quelques-uns, puissants
seigneurs temporels, avoient à leurs gages de très nombreux officiers
de rang et de nature divers. Les mariages des grands seigneurs
amenaient aussi des déplacements de gentilshommes, qui suivaient leur
suzerain dans ses possessions nouvelles. D'autres allaient, loin de
leur pays d'origine, mettre leur épée au service d'un prince,
recevaient de sa munificence quelque domaine, et faisaient souche dans
ses états. Beaucoup allaient occuper, de par le Roi, hors de leur
province, des offices de judicature ou de finance, des postes de
baillis ou de châtelains, de vicomtes, de contrôleurs ou de
gardes-du-scel, se mariaient là, et faisaient souche sans esprit de
retour au pays des ancêtres. D'aucuns même troquaient leur nom contre
celui de leur femme, ou de sa terre dotale. Allez donc discerner, dans
ce désordre, sans une étude scrupuleuse, les tenants d'une même race!
Quelques générations suffisaient pour oblitérer le souvenir des
origines, d'autant plus que les émigrants n'emportaient communément
avec eux que leur cape et leur épée, sans un seul de leurs titres de
famille, qui naturellement demeuraient au lieu patrimonial, à la garde
de l'aîné. La maison de Chastellux n'a connu que récemment, par la
découverte d'une charte authentique, qu'elle était un ramage de
l'antique lignage des sires de Montréal.[545] Au XVIIIe siècle,
Blandine Courtin de Caumont, femme d'un Courtin de Saint-Vincent,
perdit un procès parce qu'elle ne put pas établir une filiation de
quelques degrés, qu'aujourd'hui j'ai très aisément dressée.

  [544] _Maison de Bremond d'Ars_, 1874, in-8º, p. 5.

  [545] Borel d'Hauterive, _Ann. de la Nobl._, t. XXXVII, p.
  112-113.

Et puis, il y a les logogriphes onomastiques, les dénaturations
incroyables des noms par les scribes latinisants du moyen-âge,[546]
par les chroniqueurs,[547] par les tabellions; les erreurs de lecture
ou de copie;[548] les bizarreries de dialectes;[549] les histoires de
famille apocryphes; les filiations véreuses, les prétentions
fantastiques, les généalogies de pacotille, les faussaires comme
Haudicquer de Blancourt, les fantaisistes ingénieux comme ceux qui
tirèrent l'illustre maison de Damas d'un soudan de Damas. Je ne sais
rien de plus phénoménal, en ce genre, que l'étymologie du nom de
Choiseul et l'origine de cette grande race, d'après César de Grandpré;
vraiment c'est à lire et à méditer: «Choiseuil: Cette maison est l'une
des plus anciennes de France, et le nom de Choiseuil vient de ce que
Vercingetorix dit à un des grands de son armée, (le menant sur une
montagne) qu'il _choisit_ à l'_œil_ toutes les terres qui estoient
autour de luy; et qu'il les luy donnoit.»[550]--Quoi encore? Les
erreurs de typographie, jetant le généalogiste dans un dédale de
recherches qui se terminent.... par un éclat de rire.[551] Heureux qui
peut éviter tous les écueils! Heureux qui rencontre de sûrs pilotes,
et l'on verra qu'ils ne m'ont pas manqué!

  [546] Durand de Courson est appelé, au XIe siècle, dans une
  charte de Geoffroy II, comte d'Anjou, _Durandus Corsonus_
  (Salmon, _Livre des serfs de Marmoutier_, p. 16), et dans une
  charte de St Nic. d'Angers, _Durandus Corpus suum_. (_Statuta
  monast._, fol. 148 vo.)--Geoffroy Boissel ou Boisseul est appelé,
  au XIIe siècle, dans une charte de Marmoutier, _Gausfridus
  Boissellus_ (_Cartul._, t. IV, p. 159), et, dans une autre,
  _Gaufridus Bibens solem_ (_Ibid._, t. I, p. 403.) Dans une charte
  de St Vinc. du Mans, vers 1115, Mainard de Grateuil est appelé
  _Mainardus de Grata oculum_ (_Cartul._, B. N., p. 213).--_Hugo
  Curto naso, Herbertus Cortneis_ (_Ibid._, p. 124, 484) et
  _Andreas Curtus nasus_ (Gaignières, _Cartul. de la Couture_, p.
  178) sont probablement des Courtenay. Montaigne a fait des
  gorges-chaudes de ces latinisations macaronîques qui, de la part
  des scribes monastiques, il faut le dire, découlaient
  généralement de leur parfait dédain pour tous autres noms que les
  noms de baptême. Ce dédain est éclatant dans une charte de l'abb.
  de St-Riquier, de l'an 1043: «Galterius miles... quem _vano
  cognomine_ Tirellum plerique appellamus...» (_Chronic. Centul._,
  l. IV, cap. XXI.--De Camps, _Nobil._, t. I, p. 406.) Il s'agit de
  Gautier Tirel, prince de Poix.

  [547] Je ne connais pas de nom plus bellement estropié par les
  anciens chroniqueurs que celui de Mac-Mahon par Mathieu de Coussy
  (éd. Buchon, p. 81), qui appelle ce chef irlandais «Mâchemaron».

  [548] Un n pris pour un u, un t pris pour un c,--et l'on sait
  combien les méprises de ce genre sont faciles dans les anciens
  textes, où l'n a la même forme que l'u, et le t la même que le
  c,--suffisent pour rendre contestable l'attribution d'une charte
  à la famille intéressée.--Clairambault indique «Jean de
  _Cortuiz_, chevalier», comme ayant été à la croisade en 1218; et
  il faut très probablement lire «_Cortinz_», qui est une des
  formes anciennes du nom de Courtin. (_Preuves_, nos 33, 50,
  51.)--«Drogo filius _Aui_» figure, vers la fin du XIe siècle,
  dans une charte de St Vincent du Mans (_Cartul._, B. N., p. 159);
  peut-être faut-il lire «Drogo filius Ain».

  [549] Voy. aux _Preuves_ les notes des nos 9, 10 (note 1), 42,
  49.

  [550] _Le César Armorial_, 1645, p. 42.

  [551] Quel labeur, par exemple, pour débrouiller cette phrase de
  l'_Histoire de Mortagne_ (page 2), par le baron Patu de
  Saint-Vincent. «Au moment de sa mort (Yves de Bellême), arrivée
  vers l'année 997, Mortagne dépendait de Bellême et passa, après
  Yves, à Guillaume Talvas, son fils selon Bry, Desnos, et à _René
  Courtin, son frère_, selon Dom Clément.» Quelle splendide origine
  pour les Courtin du Perche et du Maine! Que l'ombre de Dom
  Clément pardonne au malencontreux typographe! La fin de la phrase
  doit être rétablie ainsi: «... à Guillaume Talvas, son fils selon
  Bry, Desnos et René Courtin, son frère selon Dom Clément.»



CHAPITRE XXXI

  Les vingt familles du nom de Courtin.--Preuves ou présomptions
    d'identité originelle.--La leçon des vicissitudes
    humaines.--Vaillants paysans angevins.--Dom Courtin,
    assassiné par les révolutionnaires.--Le culte des
    ancêtres.--Le présent et le passé.--Ce qu'est l'histoire
    d'une famille.--_Domestica facta._--Orgueil
    légitime.--Comment parle un vrai gentilhomme.--Le pieux des
    Guerroys.


Il ne me reste plus qu'à expliquer comment cette étude généalogique,
qui dans le principe ne visait que les Courtin du Forez, a fini par
s'étendre à tous leurs homonymes. Pouvais-je éliminer les Courtin de
Pomponne et de Villiers, lorsqu'au XVIIe siècle et plus tard les
Courtin de Saint-Vincent et de Neufbourg se disaient issus d'eux; et
portaient les mêmes armes? Comment éliminer les Courtin de Torsay,
lorsque leur généalogie, dressée en 1769, donne comme étant sortis
d'eux les Courtin de Saint-Vincent et de Neufbourg? Comment éliminer
les Courtin de Centigny, incontestablement du même estoc que les
Courtin de Torsay? Et les Courtin de la Mothe-Saint-Loup, de
Cormeilles et de Crouy, paraissant se rattacher aux Courtin de
Pomponne? Et les Courtin de Cissé, les Courtin de la Beauloyère, les
Courtin de la Hunaudière, les Courtin de Tanqueux et d'Ussy, les
Courtin de Nanteuil, de la Grangerouge et de Clenord, etc., à l'instar
des Courtin de Villiers, se prétendant tous issus anciennement du même
tronc: les seigneurs de Soulgé-le-Courtin? Et ces derniers étant très
probablement un ramage des seigneurs de Courtin (_de Curte Aeni_),
connus au Maine dès le XIe siècle, comment laisser ces derniers à
l'écart? L'horizon de mes recherches s'est, par ainsi, élargi à mesure
que j'avançais. Et, de fait, entre tous ces Courtin disséminés dans
dix provinces, il y a, pour la plupart, preuve ou présomption grave
d'identité originelle. En mettant intégralement sous les yeux du
public le fruit de mes recherches, j'ai l'espoir que quelque érudit,
plus heureux que moi, pourra découvrir tel point de soudure qui m'a
échappé.

En accédant au plan de cette histoire généalogique, Mr le comte de
Courtin de Neufbourg n'a pas obéi à un sentiment de vanité qui est à
mille lieues de son caractère, mais à une pensée vraiment généreuse;
il sait trop bien, par la leçon des vicissitudes humaines et
spécialement des vicissitudes de la Noblesse, que les plus grands ont
pu venir des plus petits, et que les plus petits peuvent descendre des
plus grands: il a voulu ne répudier aucun de ses homonymes, même de
ceux que la fortune n'a pas élevés ou relevés. Et ne sont-ils pas
dignes de prendre rang dans une histoire de leur nom, par exemple, ces
vaillants paysans angevins du nom de Courtin, fusillés par les soldats
de la république pour crime de fidélité à Dieu et au Roi,[552] dans le
même temps où la tête de Dom Courtin, arrière-grand-oncle de Mr de
Neufbourg, tombait sur l'échafaud révolutionnaire?[553]

  [552] _Preuves_, nos 734, 1946.

  [553] _Preuves_, no 2469.

Le culte des ancêtres est vivifiant et doux; c'est une fleur de l'âme
humaine, fleur du souvenir et de l'espérance. Quel hommage ne
devons-nous pas à ces chers absents de qui Dieu nous a fait naître, et
qu'il a fait partir devant nous, en éclaireurs de l'Éternité! Honorer
leur mémoire est l'acte le plus filial, le plus naturel, le plus
noble: c'est féconder dans la race la continuité de leurs vertus, de
leurs croyances, de leurs saintes amours, de leurs généreuses
passions, de leur patriotisme; c'est aimer ce qu'ils ont aimé par
dessus tout, souvent au prix d'amers sacrifices: l'honneur! Le présent
n'est rien que la résultante du passé et la préparation de l'avenir;
et «qu'est-ce que la vie de l'homme, si le souvenir des faits
antérieurs ne rattache le présent au passé?»[554]

  [554] A. du Buisson de Courson, _Rech. Nobil._, p. VI.

L'histoire d'une famille n'est pas seulement, comme affectent de dire
les esprits superficiels, le recueil de ce qu'Horace appelle les
_domestica facta_; c'est aussi l'histoire intime des temps, des pays,
des sociétés dans lesquels elle a vécu, lutté, souffert, grandi ou
décliné; mais il est vrai que ces fastes des aïeux sont plus
particulièrement profitables à leurs descendants, parce qu'aucun
enseignement n'est plus propre à élever le courage, à régler les
sentiments, à conforter l'âme que la connaissance de soi-même et de
son origine. C'est un orgueil légitime et d'une saine philosophie,
puisqu'il implique de plus grands devoirs. Écrivant l'histoire de sa
maison, le comte de Boulainvilliers disait à ses enfants:

«Je me suis proposé le dessein de recueillir ce que les titres de
l'histoire nous ont conservé de mémoires touchant la vie, les emplois,
les alliances, la fortune, les biens et les disgrâces de nos ancêtres,
et d'éclaircir, autant que l'antiquité le peut souffrir, l'origine de
notre famille.... Par rapport à mes successeurs, c'est un travail très
utile, puisqu'il leur fera connaître un grand nombre d'illustres
ancêtres qu'il auroient peut-être ignorés.... Quelque genre de vie
qu'ils veuillent embrasser, ils peuvent se proposer d'excellents
modèles... Enfin j'espère remédier à l'oubli où les familles tombent
insensiblement, surtout dans les tems malheureux tels que ceux où j'ai
vécu. J'ai vu, en plusieurs de mes proches, les tristes conséquences
de cet oubli, et j'ai appris, par tradition, que quelques-uns de nos
pères se sont fait une vanité capricieuse d'ignorer ce qu'ils
étoient.[555] Le Ciel préserve mes enfans d'une telle indignité!
Quand on croit devoir beaucoup au Nom et au Sang qui nous a fait
naître, on prend rarement des sentimens qui y fassent déshonneur.»

  [555] C'était un sentiment fort commun dans l'ancienne Noblesse,
  qui volontiers eût dit comme la devise d'une illustre maison
  féodale: _Gratiâ Dei sum quod sum!_ (Par la grâce de Dieu je
  suis... ce que je suis.) Bertin du Rocheret écrivait, il y a plus
  de cent ans, à la comtesse de Brugny, née Condé: «... Je ne
  comprends pas votre délicatesse sur les avantages que vous devez
  tirer de votre naissance et de vos alliances: il n'y a de la
  vanité que de s'en prévaloir ou mal, ou mal à propos. Je conviens
  que nous ne sommes pas les maistres de naistre autres que nous
  sommes, et que l'on ne doit s'élever au-dessus de sa sphère que
  par les voyes que l'honneur prescrit; mais quand la Providence
  nous a mis dans une classe supérieure, il faut en jouir avec la
  décence convenable; la modération et l'humilité sont des vertus;
  poussées trop loin, elles tombent dans l'abjection.»--(Communiq.
  par Mr Armand Bourgeois, membre correspondant du Conseil
  Héraldique de France.--Voy. ma notice sur la maison de Condé,
  dans la revue _La Terre-Sainte_, 1er février 1887.)

Ce sont là de nobles sentiments, dont je retrouve l'écho dans une
lettre de Mr le comte de Courtin de Neufbourg, à qui j'avais signalé
certaines particularités de l'histoire de sa famille:

«... Je n'ignorais rien de ce que vous m'avez écrit. Quelle qu'ait été
notre origine, quelles que soient les épreuves par lesquelles mes
pères auront passé, plus ils auront souffert pour se relever, plus je
dois et je veux honorer leur mémoire, en les donnant pour modèles à
mes enfants. Ce n'est pas un livre de complaisance, ni de vanité, que
j'attends de votre érudition, mon cher ami, mais un livre de
vérité....»[556]

  [556] Lettre du 12 mai 1884.

Voilà le langage d'un gentilhomme, et son généalogiste peut dire au
lecteur, comme jadis le pieux des Guerroys:

«Icy, vous y trouverez tout avec preuve de la vérité et anticquité qui
estoit cachée non dans le puits de Démocrite, mais ès vieils
manuscripts presque perdus d'oubly, et avec un stil sincère.»[557]

  [557] _La Saincteté Chrestienne_, p. 1.



INDEX DES NOMS[558]

  [558] Les noms de lieux sont en italiques.--Le lecteur trouvera
  l'_Index des Sources_ à la fin de l'_Histoire Généalogique des
  Courtin_.

     A
     Abatant, 209.
     Abaylard, 68.
     Abbevile, 58, 82.
     _Abbeville_, 82, 96.
     _Abenon_, 75, 147.
     Abesse, 114.
     _Achaïe_, 112.
     Achard, 107.
     Achery, 158.
     _Agenais_, 211.
     Agoult, 135, 147.
     Ain, 218.
     _Ainay_, 61.
     Alart, 41, 59, 99.
     _Alençon_, 35.
     Alespée, 169.
     Aligre, 148.
     Allard, 13, 126, 127, 175, 191-193, 202, 213.
     _Allemagne_, 67.
     Alleman, 170.
     Amboise, 69.
     _Amboise_, 208.
     Amerval, 129.
     _Amiens_, 82, 153, 158.
     Ampoigné, 113, 148.
     Angenoust, 173.
     _Angers_, 66, 67, 79, 113, 157, 196.
     Angoulême (le duc d'), 69.
     Anjou, 110.
       ---- (le comte d'), 63, 98, 217.
       ---- (le duc d'), 140.
     _Anjou_, 41, 108, 113, 148, 157.
     Annebaud, 196.
     Antiaume, 72.
     Arbigny, 191.
     Arc, 99, 128, 191.
     Arces, 180.
     _Argenson_, 197.
     _Argenton_, 69.
     Arpajon, 81, 185.
     _Arras_, 84.
     Ars. Voy. Bremond d'Ars.
     _Artois_, 81, 124, 179.
     Asbues, 53.
     Assas, 99.
     _Assé-le-Bérenger_, 213.
       ---- _le-Boisne_, 213.
       ---- _le-Riboule_, 213.
     Aubelet, 140.
     Aubigné, 69.
     Aubusson la Feuillade, 25.
     Ault-Dumesnil (d'), 133.
     _Aumale_, 168.
     _Aurillac_, 81.
     Auteuil, 80.
     Auvé, 24, 117.
     _Auvergne_, 120, 128.
     _Auvers-le-Courtin_, 159, 213.
       ---- _le-Hamon_, 211, 213.
     Aynard, 210.
     Ayne, 111.
     _Azincourt_ (bataille d'), 20, 24.


     B

     Bagneux, 40, 154.
     Baille, 135.
     Bailleul, 43.
     Baillon, 162.
     Baillou, 152.
     Balzac, 11.
     _Banneins_, 66.
     Baraillon, 193.
     Barbat, 210.
     Barbazan, 73.
     _Barbeaux_, 77, 87.
     Barbotin, 79.
     Bardonnenche, 176-178, 212.
     Barre (la), 65, 82, 96.
     Barrin. Voy. Gallissonnière (la).
     Barthélemy, 165.
     Barville, 140.
     Baudet, 88.
     Baudoche, 88.
     Baudoin, 75.
     Baudouin (l'empereur), 112.
     Baudouin II, roi de Jérusalem, 42.
     Bauffremez, 89.
     Baugé, 159.
     _Baugerais_, 48.
     Baux, 165.
     Bayard, 15, 18, 20.
     _Beaugency_, 87.
     Beauharnais, 28.
     _Beaulieu_, 48.
     _Beauloyère_, (_la_), 222.
     Beaumanoir, 68.
     Beaumont, 124.
     _Beauvais_, 59.
     _Beauvoisis_, 141.
     _Beauvoir_, 28, 53, 83, 90, 127, 193, 202, 207.
     _Bec_ (_le_), 98.
     Bellay (du), 69, 98.
     _Belleou_, 147.
     _Bellême_, 219.
     Belleval, 82, 88, 128, 162, 164, 172, 173, 191.
     _Bénisson Dieu_, (la), 61.
     _Bercol._ Voy. _Cornella de Bercol_.
     Bercy, 100.
     Bernard, 67.
     _Bernin_, 180.
     Bernot, 117.
     Berry, (le duc de), 25.
     _Berry_, 127, 147.
     Berthelot, 75.
     Bertin, 225.
     _Berzé-le-Châtel_, 212.
     Besançon, 150.
     _Besançon_, 42, 87, 88.
     Béthisy, 144, 183.
     Béthune, Voy. Sully.
     Béthune-Charost (régiment de), 163.
     _Bigorre_, 81.
     Bigot (le), 170.
     Billeheust, 202.
     Billon, 90.
     Billy, 80.
     Biron, 28.
     Blacas, 65.
     Blachère (la), 158.
     Blanc (le), 135.
     Blancourt, 219.
     Blancvilain, 97.
     Blangy, 80.
     Blayrie, 158.
     _Blois_ (le comte de), 65, 66.
     Blois, 158, 159.
     Blondeau, 159.
     Blondel, 142, 161-162.
     Bocher, 115.
     Boigne, 115.
     Boileau, 10, 96, 199.
     Bois (du), 201, 202.
     Boisguyon, 209.
     Boissel, 217, 218.
     Boisseul, 218.
     Boissieu, 135.
     Bombelles, 151, 152.
     Bonadona, 16.
     _Bonneval_, 67.
     _Bordeaux_, 82, 153.
     Borel d'Hauterive, 65, 72, 73, 96, 152, 169, 172, 173, 182, 185,
       217.
     Bosc (du), 83.
     Boubers, 82.
     Bouchot, 80.
     Bouchu, 27-28.
     Bouillane, 121.
     Bouillefons, 163.
     Boulainvilliers, 5, 10, 74, 118, 141, 224.
     Boulogne (le comte de), 129.
     _Boulogne_, 66.
     Bouquet, 16, 86, 110.
     Bourbon, 42, 69, 134, 141, 189.
       ---- (le duc de), 25.
     _Bourbonnais_, 188, 189.
     _Bourbonnière_ (la), 122.
     Bourdeille, 69.
     Bourgeois, 77, 226.
     _Bourges_, 81, 95.
     _Bourgneuf_, 188.
     Bourgogne (le duc de), 66, 69.
     _Bourgogne_, 28, 97, 99, 111, 141.
     Bourrousse de Laffore, 211.
     Boutaric, 194.
     Bouteiller (le), 66, 94, 125.
     Bouton, 89.
     _Bouvines_ (bat. de), 86.
     _Bouzeaux_, 190.
     Brantôme, 69, 197.
     Braque, 94, 123-125.
     Bras-de-fer, 198.
     _Bray_, 80.
     Brée, 166.
     Bremond d'Ars, 112, 216.
     _Bresse_, 173, 175.
     Bresson, 64.
     _Brestot_, 196.
     _Bretagne_, 147, 159, 169, 198.
     Brézé, 143.
     Briand, 210.
     _Brie_, 84.
     Brienne, 42-43.
     Brosse (la), 153.
     Bruel, 52.
     Brugny, 225.
     Brun de la Rochette (le), 142, 164, 166.
     Brussel, 118.
     Bruyère (la), 114, 130.
     Bry, 219, 220.
     Buchon, 111, 135, 218.
     _Bugey_, 175.
     Buisson (du), 142, 152.
     Buisson de Courson (du), 73, 96, 105, 143, 152, 175, 198, 202,
       224.
     Buridan, 80.
     Bussillet, 106.
     _By_, 171.


     C

     Cabannes, 203.
     _Caen_, 83, 96, 142, 169, 188.
     Caffiaux, 83, 160, 175, 207.
     Cahengnolles, 169.
     _Cahors_, 89.
     _Calais_, 84.
     Camps. Voy. De Camps.
     Camus, 186.
     _Candie_, 25.
     Cantù, 43, 112, 150, 167.
     Cap, 157.
     _Carentan_, 174.
     Carondelet, 75.
     Carrige, 90.
     Cassinel, 185.
     Cassini, 213.
     Castel (du), 81.
     Castellan, 152.
     Castellane, 67.
     Castelnau, 69.
     _Castel-Sarrazin_, 89.
     Castille, 85, 104.
     _Castille_, 85.
     Catinat, 136.
     Cato, 153.
     Caton, 135.
     Caudron, 84, 85.
     _Caulières_, 129.
     Caumartin (Lefebvre de), 201, 202.
     _Caumont_, 217.
     Cauna, 114.
     _Caux_, 114.
     Castille, 85.
     _Centigny_, 208, 222.
     Cerda (la), 191.
     Chabanais, 81.
     Chabeu, 185.
     Chabot, 25, 79, 85, 117.
     _Chalais_, 85.
     _Châlon_, 41, 63, 66, 111.
     Chalus, 191.
     Chambéry, 173.
     _Chambéry_, 173.
     Chambly, 80.
     Champagne, 107.
     Champagne (le comte de), 65, 68.
     _Champagne_, 67, 68, 84, 118, 128.
     Champagné, 13.
     Champagny, 202.
     Champaubert, 209.
     Champdemanche, 67.
     Champion, 74.
     Champougnes, 194.
     Champs (des), 71.
     _Champtoceaux_, 63.
     _Changé_, 148.
     Chantepie, 188.
     Chapelle, 182, 190.
     Chapelle (la), 161, 182, 190.
     Chaponnay, 79, 184.
     Chappuis, 184.
     Chapuis, 184.
     Chapuys, 91.
     Chardon, 179.
     Chargé, 113.
     Charlemagne (l'empereur), 61.
     Charles, 41, 87, 144.
     Charles V, 58.
     Charles VI, 73, 75, 117, 140, 141, 150, 160, 186, 196.
     Charles VII, 58, 69, 140, 153, 154, 195.
     Charles VIII, 152, 153.
     Charles IX, 168, 170.
     _Charny_, 85.
     Chartres (le comte de), 209.
     _Chartres_, 48, 61.
     _Chartrolles_, 190.
     _Charville-lès Givet_, 129.
     Chassaigne (la), 144.
     Chastelain, 69.
     Chastellux, 217.
     Chastelus, 92.
     Chastre (la), 69.
     Châteaubriand, 79, 209, 210.
     _Châteauneuf_, 163.
     Châteauvilain, 83.
     Châtellier (du), 199.
     Châtenay, 63.
     Châtillon, 125, 160.
     _Châtillon-sur-Loing_, 94, 125.
     Chaunay, 64.
     Chauvigny, 19.
     _Chemiré-le-Goudin_, 211.
     Cherbaye, 195-196.
     Chervié, 75.
     Chevalier, 206-207.
     _Cheverny_, 69.
     Chevert, 136.
     _Chevilion_, 201.
     _Chevreuse_, 80.
     Chevrières, 82.
     Chiens (des), 90.
     Chierzay, 113.
     Choisel, 140.
     Choiseul, 10, 24, 140, 219. Voy. Praslin.
     Chorier, 59, 121, 146.
     _Chouzy_, 141.
     Chrestien, 154.
     _Chypre_, 74.
     _Cissé_, 222.
     Clairambault, 17, 66, 67, 79, 82, 99, 106, 127, 131, 138, 154,
       170, 179, 198, 202, 218.
     _Clairvaux_, 108.
     Claude (la reine), 159.
     Clément, 101, 219, 220.
     Clenord, 222.
     Clère, 112.
     Clergerie (la), 179.
     Clermont, 188.
       ---- (le comte de), 108.
     Clèves, 67.
     Clovis Ier, 7, 30.
     Clugny, 66.
     _Cluny_, 45, 65, 83, 95.
     Cochefillet, 28.
     _Cocherel_ (bat. de), 20.
     Cœur, 101.
     _Cohon_, 169.
     Colbert, 137, 148.
     Coligny, 69, 125.
     Colliette, 62, 80.
     Colmir, 89.
     Colombière (la), 185.
     Commines, 69.
     Compiègne, 96.
     _Compiègne_, 73, 89, 108, 186.
     Condé, 225, 226.
       ---- (le prince de), 136.
     _Condrieu_, 91, 184.
     _Conforgien_, 66.
     _Constantinople_, 68, 112.
     Copons, 175.
     Coquillart, 134.
     _Cormeilles_, 148, 222.
     _Cornella de Bercol_, 59.
     Cortneis, 218.
     _Cortuiz_, 218.
     _Cossé-le-Vivien_, 211.
     Coste, 152.
     Costes (des), 87.
     Coucy, 54, 65, 69, 80.
     Coudenberg, 157.
     _Courbe-Raguin_ (la), 98.
     Courcelles, 141.
     _Courcelles_, 212.
     Courcillon, 144.
     Courcy, 124, 125, 133.
     Couret, 42.
     Courguilleray, 141.
     Coursier, 151.
     Courson, 217.
     _Courson._ Voy. Buisson de Courson (du).
     Courtalain, 209.
     Courtalon, 61.
     Courtenay, 125, 218.
     Courtils (des), 122.
     Courtin, 5, 28, 40, 43, 53, 67, 122, 143, 146, 148, 157, 159,
       163, 198, 202, 208, 209, 218-226.
     _Courtin-l'Ain_, 213.
     _Courtoin_, 213.
     _Courval_, 149.
     _Cousan_, 186.
     Coussy, 111, 218.
     _Coutances_, 62.
     Coutelier, 134.
     Couvat, 180.
     Coythier, 153.
     _Crécy_ (bat. de), 20.
     Cremeaux, 117.
     _Crémieu_, 152.
     Crespin, 63.
     Cresson, 110.
     _Crest_, 152.
     Croupet, 87.
     _Crouy_, 222.
     Croy, 82.
     Culant, 81.


     D

     Dagobert Ier, 61.
     Damas, 219.
     _Damas_, 212, 219.
     _Damiette_, 152.
     Dampierre, 28.
     Daniel, 210.
     _Danielière_ (la), 210.
     Darcier, 151.
     _Dauphiné_, 82, 121, 126, 147, 152, 171, 197.
     Darvin, 151.
     _Dax_, 114.
     De Camps, 108, 109, 218.
     Demay, 81, 82, 124, 179.
     Démocrite, 227.
     Deniau, 44.
     Desnos, 219, 220.
     Despencier (le), 174.
     Deuil, 55.
     _Dianières_, 58.
     Die, 154.
     _Dijon_, 48, 87, 97, 99, 160.
     _Dinan_, 115.
     _Domène_, 210.
     Doment, 192.
     Doubleau, 209, 210.
     Douët-d'Arcq, 91, 154, 158.
     Dreux, 141.
     Dubost, 152.
     Duc (le), 173.
     Duguay-Trouin, 136.
     Dugué, 192.
     Dulys, 191.
     Dupuy, 49, 163.


     E

     _Emèse_, 212.
     Entragnes, 117.
     _Épineux-le-Seguin_, 211.
     Ernault, 154.
     Escaface, 43.
     Escharbot, 66.
     Estoile (l'), 69.
     Estouteville, 43, 154.
     Estrées, 74.
     Estres, 66.
     Eu, 63, 96.
     _Europe_, 119.
     _Eydoche_, 211.
     Ézéchias, 18.


     F

     Fabert, 136.
     Fallaque, 151.
     Farges, 53.
     Farin, 43, 81, 83, 151.
     Fassion, 173.
     Fauques, 160.
     Fautrières, 24.
     Faydit, 71.
     Fayel, 80.
     Febvre (le), 202.
     _Fère_ (la), 80.
     Ferté-Bernard (la), 64, 87, 144, 209.
     _Feugerolles_, 186.
     _Fieu_, (le), 126.
     Flandre, 111.
     _Flandre_, 162.
     Florensac, 28.
     Foix, 56.
     _Foix_, 89.
     _Fontaine_ (la), 98.
     _Fontaine-Daniel_, 40.
     Fontaines, 174.
     Fontanges, 128.
     Fontanieu, 90.
     Fonteneau, 32, 76.
     Foras, 51, 173.
     Forbanni, 109.
     _Forez_, 58, 90, 126, 202, 221.
     Forges (des), 129.
     Fortunat, 68.
     _Foucarmont_, 63.
     Fouchard, 95.
     _Foulogne_, 83.
     Fouquaut, 112.
     Fourneaux (des), 28.
     Fournival, 153.
     François (saint), 43.
     François Ier, 144, 168, 170.
     Fréron, 151, 161.
     Fret, 152.
     _Froimont_, 109.
     Froissart, 56, 59, 84, 96, 133, 134, 149.
     Frotté, 25, 119, 120.
     Fumée, 153.


     G

     Gaignières, 79, 91, 94, 218.
     Gallissonnière (la), 128.
     Gand, 97.
     Gaudin, 98.
     Gautier, 33, 111.
     Gavres, 69.
     Genas, 184.
     Gentilhomme (le), 154.
     Germenet (le), 99.
     _Gesvres_, 213.
     Girardin, 28.
     _Gisors_, 140.
     _Goderville_, 43.
     Goheau, 76.
     Gombaud, 112.
     Gombert, 65, 71.
     Gontaut, 28, 140.
     Gorras, 175.
     Gouffier, 70.
     Grailly, 82.
     Grancey, 97.
     Grandpré, 219.
     Grange-de-Leuvre (la), 126.
     _Grangerouge_ (la), 222.
     Gras, 185.
     Grateuil, 218.
     Grébaumaisnil, 173.
     Grégoire de Tours, 68.
     _Grenade_, 212.
     Grenier, 33, 81, 82.
     _Grenoble_, 180, 197.
     Grosvilain, 97.
     Guérard, 62.
     Guérin, 150.
     Guerrier, 90, 158.
     Guerroys (des), 61, 227.
     Gueschard, 129.
     Guesclin (du), 18, 68, 73, 154, 158-160.
     Guiche (la), 28.
     Guichenon, 208.
     Guignard, 141.
     Guillaume le Conquérant, 62.
     Guiller, 148.
     Guillery, 94, 123, 125.
     Guillien, 152.
     Guise, 85.
     Guissart, 183.
     _Guyenne_, 203.


     H

     Hagelet, 48.
     _Hainaut_, 69.
     Hangest, 81, 140.
     Harenc, 185.
     Haudicquer, 219.
     Haudry, 135.
     Haulelaine, 66.
     _Haute-Saône_ (dép. de la), 191.
     Hennequin, 174.
     Henri II, 208.
     Henri III, 91, 151.
     Henri IV, 21, 144, 151.
     Henri II, roi de Castille, 85.
     Hérissart, 110.
     _Hermanville_, 17.
     Hermite (l'), 179.
     _Hesdin_, 48.
     _Hez_, 109.
     Hippocrate, 163.
     Hire (la), 162.
     Holland, 134.
     Homère, 15.
     _Hongrie_, 42.
     Honorius (l'empereur), 167.
     Horace. 224.
     Hotman, 58.
     Hozier (d'), 13, 23, 108, 114, 175, 201, 208.
     Huart, 42.
     Hubert, 208.
     Huillard-Bréholles, 134.
     _Hunaudière_ (_la_), 222.
     Hurault, 69.


     I

     Ibelin, 68, 72.
     Ignace (le P.), 96.
     _Ile-Barbe_ (_l'_), 61.
     _Ingrande_, 159.
     Isambert, 87, 89.
     _Isle-Bouchard_ (_l'_), 33, 79.
     _Italie_, 21.


     J

     Jacob (P. L.), 160, 172.
     Jacquier, 104.
     _Jandons_ (_les_), 163.
     Jardin, 48.
     _Jarnac_ (bat. de), 190.
     Jean II, 89.
     _Jérusalem_, 42, 72, 83, 109-110, 133.
       ---- (Ordre de St-Jean de), 170.
         ---- Voy. _Malte_ et _Rhodes_.
     Job, 166.
     Joinville, 69, 148.
     Josset, 146.
     Juvénal, 10.


     K

     Kermaingant, 96.


     L

     Laboureur (le), 176.
     La Chenaye-Desbois, 24.
     La Curne-Sainte-Palaye, 71.
     _Lagnieu_, 175.
     _Lamballe_, 47.
     Lamoignon, 141.
     Langies, 113.
     Langlois, 169, 178.
     _Langres_, 110, 174.
     _Lanneplan_, 203.
     _Laon_, 148.
     _Larivour_, 97.
     Larmain, 141.
     Latour, 159.
     _Laubinière_, 76.
     Laurentie, 41, 70.
     _Laval_, 190.
     Lavieu, 83.
     Lebeuf, 62.
     Leber, 52, 96.
     Legeay, 211.
     Lesdiguières, 135.
     Lévis, 186.
     Libel, 152.
     Ligier, 179.
     _Limoges_, 91, 111, 178.
     Lingendes, 188-190.
     _Lisieux_, 196.
     Lisserville, 115.
     _Loches_, 40.
     Loges (des), 79.
     Loiseau, 74.
     _Longpont_, 96.
     Lor, 89.
     Lorraine, 85.
       ---- (régiment de), 135.
     Lothaire, 96.
     Louandre, 41.
     _Loudun_, 113.
     _Loudunois_, 21.
     Louvel, 114.
     Louvencourt, 148.
     Louis VI, 87, 88, 141.
     Louis VII, 55, 123.
     Louis VIII, 153.
     Louis IX, 30, 56, 68, 86, 100, 109, 110, 153.
     Louis X, 50, 56.
     Louis XI, 153, 197.
     Louis XIII, 58, 136.
     Louis XIV, 6, 22, 24, 84, 104, 119, 136, 138, 163, 170, 187, 190,
       198, 202, 203.
     Louis XV, 17, 104, 136, 138.
     Louis XVI, 137.
     Louis XVIII, 136.
     Louis (le Dauphin), 186.
     Loynes, 87.
     _Lugny_, 64.
     Lusignan, 41, 72, 133, 211.
     Luxembourg, 136.
     Lyon (du), 153.
     _Lyon_, 61, 74, 79, 152, 176, 181, 184, 192, 212.
     Lys (du), 191.


     M

     Mabille, 52, 63, 97, 210.
     Mabillon, 62.
     Machiavel, 56.
     Mac-Mahon, 218.
     _Mâcon_, 89.
     Mahaut, 87.
     _Maillane_, 127.
     Maillard, 159.
     Maillé, 64, 148.
     Mailly, 110.
     _Maine_, 41, 135, 195, 213, 219, 222.
     Maître, 213.
     Malherbe, 68.
     Malte, 73, 120.
     Manant (le), 98.
     _Mans_ (le), 94, 107, 195.
     Marcel, 91.
     Marchangy, 153.
     _Marche_ (la), 42, 69, 111.
     Mare (la), 83.
     Marillac, 69.
     Marle, 13, 80, 160.
     _Marmande_, 81.
     _Marmoutier_, 16, 45, 47, 61, 63, 64, 72, 74, 75, 79, 98, 109,
       217.
     Marolles, 153.
     _Marry_, 188.
     _Mas-Gontier_, 209.
     Mas-Latrie, 42, 43, 72, 74.
     Massues (Aux), 194.
     Matharel, 58.
     Mauroy, 143.
     _Mayenne_, 40.
     _Mayet_, 211.
     Meaux, 16.
     _Meaux_, 109.
     Meilleraye (la), 160.
     Mello, 40.
     Ménage, 104.
     Ménagier, 43.
     Méré, 112.
     Merlet, 148, 167.
     _Méry-sur-Oise_, 80, 141.
     _Metz_, 88.
     Meulan (le comte de), 95.
     _Meulan_, 95.
     _Mexiliac_, 193.
     Mézeray, 57.
     _Mezilliac_, 126.
     Michaud, 33, 50, 55-57, 86, 88, 101, 102, 133, 201.
     Milly, 63, 82, 212.
     Miraulmont, 73.
     Mire (le), 94.
     _Mittau_, 136.
     Molière, 105, 149, 150, 157, 158, 163, 179.
     Monchy, 127.
     Monstrelet, 69, 75, 95, 174.
     _Montargis_, 94.
     Montbarbat, 210.
     _Montbrison_, 75, 126.
     _Montdidier_, 81.
     Montdoubleau, 209, 210.
     Montesson, 20, 208.
     Monteynard, 210.
     Montfaud, 195, 198.
     Montfort, 84.
     Montgaudry, 212.
     Montgrion, 121.
     _Montguyon_, 98, 99.
     Montholon, 141.
     _Montier-en-Der_, 46.
     Montlovier, 152, 173.
     Montluc, 69, 103, 123.
     _Montluçon_, 161.
     _Montluel_, 173.
     Montmorency, 66, 69, 95, 123-125.
     _Montmorillon_, 98.
     Montmorin, 111.
     Montpensier (S. A. R. le duc de), 159.
     Montréal, 115, 217.
     Montrésor, 69.
     _Montrouge_, 179.
     _Mont-Saint-Michel_ (le), 188.
     _Montvendre_, 126.
     Moréri, 150.
     Mortagne, 173.
     _Mortagne_, 219.
     _Morville_, 127.
     Mothe-Achard (la), 209.
     _Mothe-Saint-Loup_, 222.
     Mouchet, 88.
     _Moulins_, 188, 189.
     Moÿ, 73.
     _Moyaux_, 147.
     Mun, 185.
     Mure (la), 25.
     Musnet, 66.


     N

     Nans, 159.
     Nant, 158.
     _Nanteuil_, 222.
     Naturel, 174.
     Navarre, 68, 72.
     _Navarre_, 67, 190.
     Nesle, 61.
     Nesles, 134.
     Neublans, 41.
     Neufbourg, 146.
     _Neufbourg_, 221, 223, 226.
     Neuville, 212.
     _Neuville_, 212.
     _Nevers_, 141.
     Neveu, 159.
     Nicollet, 174.
     _Nivernais_, 144.
     Noble, 179.
     Noë (la), 54.
     Noir, 174.
     Nompère. Voy. Champagny.
     Normandie (le duc de), 124.
     _Normandie_, 83, 128, 132, 143, 147, 187, 195, 196.
     Nostradamus, 147.
     _Nouans_, 213.
     Noüe (la), 27, 69, 169, 170.
     _Noyon_, 82.
     Nuillé, 97, 110.
     Nul-Fief, 109.


     O

     O (d'), 81.
     O'Gilvy, 203.
     _Ollières_, 147.
     _Orbec_, 75.
     Orcet, 120, 167, 204.
     Orgueil, 97.
     Origny, 17.
     Orléans (le duc d'), 68, 94, 183.
       ---- (régiment d'), 22.
     _Orléans_, 90, 115, 158, 168.
     Orris, 174.
     Ortafa, 99.
     Othon (l'empereur), 86.
     _Ourscamp_, 80.
     _Oynel_, 169.
     Ozereau, 115.


     P

     Paillon, 174.
     _Palestine_, 109.
     Palice (la), 114.
     Palu (la), 166.
     Pannier, 80.
     Papon, 94, 106, 157.
     _Paradis_, 192.
     _Paray_, 83, 88.
     Paris, 23.
     _Paris_, 62, 67, 73, 80, 85, 88, 90, 91, 96, 98, 124, 135, 145,
       146, 148, 159, 161, 162, 179, 192, 199.
     Pasquier, 74, 101, 103, 168.
     Patin, 161.
     Paul, 114, 116, 128, 135.
     Pauvre (le), 108, 109.
     Pauvre homme (le), 109, 110.
     Pecquet, 35.
     Peigné-Delancourt, 80.
     Pélisson, 174.
     _Perche_, 20, 219.
     _Péronne_, 80.
     _Perpignan_, 59, 99.
     Perret, 94.
     Pétrarque, 150.
     Philippe-Auguste, 88, 123.
     Philippe VI, 124.
     _Picardie_, 145.
     Pina, 135.
     Pingré, 148.
     Pisseleu, 143.
     Pitard, 212.
     Plancher, 67, 99, 154.
     Platebourse, 109.
     Plessis (du), 109.
     _Plessis_ (le), 122.
     _Plessis-Melet_ (le), 108.
     Pogge (le), 70.
     Poitiers (le comte de), 56, 65.
     _Poitiers_, 96.
       ---- (bat. de), 20, 124, 162.
     _Poitou_, 96, 109, 133, 211.
     _Poix_, 218.
     Poli, 24, 29, 56, 58, 61, 82, 114, 136, 137, 199.
     _Pomponne_, 146, 185, 221, 222.
     _Pontautou_ (le), 140.
     _Pontécoulant_, 188.
     Ponthieu (les comtes de), 82.
     _Ponthieu_, 41, 96, 129, 172, 173.
     _Pont-l'Évêque_, 80.
     _Pontoise_, 80.
     Porcelet, 127.
     Porte (la), 29, 81, 112, 115, 160, 211, 212.
     _Porte_ (la), 167.
     Portebise, 113.
     _Possesse_, 108.
     Potier, 137, 169.
     Potier de Gesvres, 24.
     Poulain, 52.
     Poupart, 91.
     Pradt, 166-167.
     Praslin, 28.
     Prez (des), 97.
     _Provence_, 67, 127, 135, 147, 157.
     Puisaye, 25, 26.
     _Puiseux_, 94.
     Puy, 75.


     Q

     Quatrebarbes, 54.
     Quéon, 113.
     Quinson, 174-175, 183.


     R

     Rabelais, 129, 185.
     Rabutin, 69.
     Racine, 149.
     Rais, 90.
     _Rame_, 108.
     Ramefort, 98.
     _Rapetour_, 176.
     Rapetti, 77.
     _Rebec_ (bataille de), 20.
     Refuge (du), 67.
     Remi (saint), 7.
     René, roi de Sicile, 157.
     Renge, 42.
     _Rennes_, 84.
     Renon, 75.
     Renouard, 28.
     Renti, 133.
     Rey, 72, 88.
     _Rhodes_ (Ordre de), 147.
     Riboud, 173.
     Richard Cœur-de-Lion, 162.
     Richard II, duc de Normandie, 132.
     Richaud, 121.
     Rigné, 114.
     _Riorges_, 53.
     Rittiez, 89, 96.
     Rivoire, 82, 91, 135, 147, 151-153, 171, 173, 176, 183, 197.
     _Roanne_, 53, 90, 92, 152, 163, 190.
     Robert, 49.
     Robert Ier, 123.
     Robertson, 16.
     _Rocheblon_, 98.
     Rochechouart, 69.
     Rochefort, 122, 140, 185.
     Rochefoucauld (la), 209.
     _Rocheret_ (le), 225.
     Roger, 141.
     Rognin, 83.
     Rogneins, 82.
     Rogues, 18.
     Rohan, 28, 99.
     Rolland, 197.
     _Romans_, 82, 121.
     _Rommarie_, 143.
     Roque (la), 42, 74, 78, 81-84, 90, 91, 98, 101, 103, 114, 115,
       126, 144, 146, 147, 151, 154, 157, 167, 168, 170, 173, 179,
       196-198.
     Rosny, 81.
     Rosset, 147.
     Rossignol, 66.
     _Rouen_, 21, 49, 81, 83, 140, 143, 83, 188.
     Roulant, 62.
     Roussel, 24.
     _Roussillon_, 99.
     Roux (le), 147.
     Royal (régiment), 28.
     Royal-Vaisseaux (régiment de), 137.
     Roye, 80.
     Royer-Collart, 11.


     S

     _Sablé_, 159.
     Sainte-Aldegonde, 81, 89.
     Saint-Allais, 71, 96, 151, 185.
     _Saint-Brieuc_, 170.
     _Saint-Chamond_, 104.
     Sainte-Colombe, 193.
     _Sainte-Colombe_, 184.
     _Saint-Denis-de-la-Chapelle_, 81.
     _Saint-Didier_, 135.
     _Saint-Etienne_, 127, 171-178.
     _Saint-Etienne-la-Varenne_, 212.
     _Saint-Évroult_, 97.
     Saint-Georges, 117.
     _Saint-Gobain_, 144.
     Saint-Hilaire, 136.
     _Saint-Himer_, 80.
     _Saint-Jean-de-Losne_, 58.
     Sainte-Marie, 83.
     _Saint-Mars_, 40.
     _Saint-Mars-du-Désert_, 166.
     Sainte-Marthe, 175.
     Saint-Martin, 94.
     _Saint-Martin-de-Chambly_, 141.
     Sainte-Maure, 65.
     _Saint-Maurice-sur-Laveson_, 94, 125.
     Saint-Médard, 63.
     _Saint-Mural_, 165.
     _Saint-Omer_, 81, 82, 124, 178.
     _Saintonge_, 112.
     _Saint-Ouen-de-la-Cour_, 213.
     Saint-Pern, 17.
     Saint-Pierre, 84, 89.
     Saint-Pol, 167.
     Saint-Quentin, 158.
     _Saint-Quentin_, 80.
     _Saint-Riquier_, 218.
     _Saint-Seine_, 110.
     Saint-Simon, 105.
     _Saint-Vincent_, 221.
     Salazar, 67.
     _Salle_ (_la_), 98.
     Salmon, 47, 217.
     Salvaing, 135.
     _Samois_, 87.
     Samson. Voy. Ignace (le P.)
     _Sandras_, 122.
     Sansavoir, 108.
     Sansterre, 108.
     Saporta, 152.
     _Sarcelles_, 146.
     _Sarlat_, 188, 189.
     _Sassenage_, 174, 183.
     Saulnier, 53.
     Saulx, 99.
     Saulx-Tavannes, 69.
     Saumur, 91.
     _Savigny_, 53, 61.
     Savoie, 173, 175.
     Scorailles, 128.
     _Séez_, 81.
     Seguier, 161.
     Ségur, 141.
     _Senlis_, 94.
     Sens, 89.
     _Sens_, 79, 94, 97, 125.
     Serein (saint), 61.
     _Séville_, 212.
     _Sicile_, 42, 157.
     Sicotière (la), 25, 120.
     _Sillé-le-Guillaume_, 213.
       ---- _-le-Philippe_, 213.
     Sirot, 28.
     Sissonne, 108.
     Six, 114.
     _Six-fours_, 159.
     Socard, 89.
     Soissons, 33.
     _Soissons_, 80, 117.
     Sonnet, 149.
     _Sorbier_, 178.
     _Sougé-le-Ganelon_, 213.
     _Soulgé-le-Bruant_, 213.
     _Soulgé-le-Courtin_, 43, 98, 99, 166, 213, 222.
     _Sours_, 148.
     _Souvigné_, 41.
     Souvré, 94.
     Souvré-Renouard, 28.
     Staël, 11.
     Stuart-Aubigny, 125.
     Sully, 22, 69.
     Suze (la), 190.


     T

     Taillevis, 151.
     Taillot (du), 193.
     Talmont, 32.
     Talvas, 41, 219, 220.
     Tancarville, 134.
     Tancrède, 33.
     _Tanqueux_, 222.
     Tellier (le), 137.
     Terrail (du), 180.
     Terrebasse, 135.
     _Terre-Sainte_, 18, 25, 212.
     Teutonique (Baudry le), 132.
     _Thiel_, 188.
     _Thiérache_, 148.
     Thiéry, 165.
     Thoreau (le), 90, 158.
     Thou, 21, 69.
     Thouars, 179.
     Thumery, 144-146.
     Thy de Milly, 212.
     _Tibériade_, 72.
     _Timy_, 212.
     Tiraqueau, 138, 146.
     Tirel, 218.
     _Tonnay_, 173.
     Torcheboef, 111.
     _Torsay_, 221, 222.
     Touchebœuf, 71.
     _Toulouse_, 57.
     Tour (la), 141.
     _Touraine_, 75, 76.
     _Tournay_, 89.
     _Tournelles_ (_les_), 192.
     _Tours_, 20, 21, 143.
     Tour-Varan (la), 178, 180, 186.
     Tressemanes, 147.
     _Tripoli_, 170.
     Troyes, 69.
     _Troyes_, 89, 128, 144.
     Truchon, 158.
     Truinet, 149.
     Turenne, 69, 136.
     Turgis, 151.
     Turpin, 10.
     Tussé, 65.


     U

     Urac, 147.
     Urais, 59.
     Urbain IV, 116.
     Urfé, 70, 90, 117.
     _Ussy_, 222.
     _Uzerche_, 71.


     V

     Valence, 140.
     _Valence_, 184.
     _Val-le-Roy_, 63, 108.
     Vallier, 117, 170-171.
     Valois, 69.
     _Vantoux_, 99.
     Vanves, 80.
     _Varennes-Lenfant_, 211.
     Vassé, 90.
     _Vaugirard_, 209.
     _Vaulnaveys_, 170, 171.
     Vauquelin, 17.
     _Venaissin_ (comté), 147.
     _Vendée_, 22.
     Vendôme, 24, 63, 117, 151.
     Vercingétorix, 219.
     Verdun, 63.
     _Vermandois_, 62, 145.
     Vernade (la), 28.
     Vernay, 169.
     _Verneuil_ (bat. de), 20.
     Verville, 150.
     Veuillot, 51.
     _Vexin_, 140.
     Vezins, 211.
     Vian, 181.
     Victon, 148.
     Viego, 176.
     _Vienne_, 91, 152, 153, 171.
     Viennois, 112.
     _Viennois_, 140.
     Vierzon, 32.
     Vieuxpont, 73.
     Vigier, 98.
     Vigneul de Marville, 127, 128.
     Vilain, 97.
     _Villebois_, 174, 175, 183.
     Villedavray, 66.
     Villefranche, 175.
     _Villefranche_, 88.
       ---- -sur-Saône, 83.
     Villehardouin, 68, 209.
     Villehier, 183.
     _Villeloin_, 153.
     Villemond, 193.
     Villeneuve, 151, 183.
     _Villepreux_, 146.
     Villette, 87.
     Villevieille, 66, 79, 87, 88, 109, 111, 158, 102, 179.
     Villiers de l'Isle-Adam, 128.
     _Villiers-sur-Marne_, 221, 222.
     Vincent de Paul (saint), 114, 116, 128.
     Viollet-Leduc, 11.
     Vitré, 63.
     _Vivarais_, 193.
     _Vivoin_, 95.
     Vix, 81.
     Voisin, 153.
     Voltaire, 70.


     W

     Wallon (régiment Royal-), 28.


     Y

     Yvetot, 43.


FIN DE L'INDEX DES NOMS.



TABLE DES MATIÈRES


  DÉDICACE.                                                          5

  CHAP. I.--Prophétie de saint Remi.--La fausse égalité.--Si la
    noblesse fut une caste.--La hiérarchie sociale.--Opinion d'un
    vrai philosophe sur les distinctions héréditaires.--La patrie
    et l'humanité.--Émulation féconde.--Contre la séduction des
    richesses.--Juvénal et Boileau réfutés.                          7

  CHAP. II.--La civilisation féodale.--Le grand artisan
    national.--Balzac et Madame de Staël.--Royer-Collart et
    Viollet-Leduc.--La peine de naître.--Habitués de père en fils
    à se faire tuer.--L'envers des privilèges nobiliaires.--Cent
    ans bannière, cent ans civière.--Cadets de noblesse.--Labeur
    de restauration familiale.                                      11

  CHAP. III.--Homère et Bayard.--L'honneur.--La Croix ou
    l'Épée.--Soldats de Dieu ou du Roi.--Esprit de
    sacrifice.--Honneur triomphe de tout.--Défense du sol
    national.--Bien vivre et bien mourir.--Pierre d'Origny.--Le
    comte de Saint-Pern.--Chant du départ pour la croisade.--Du
    Guesclin et Bayard.--La doulce France.--L'envers de la
    gloire.                                                         15

  CHAP. IV.--Appauvrissement et dépopulation de la
    Noblesse.--Chevaliers pleuvent.--Magnanime mot
    d'ordre.--Morts au lict d'honneur.--Rallye au Roy!--États
    Généraux de 1483.--La république et la chose publique.--Vive
    qui vainque!--Les casaniers.--Dégradations de
    noblesse.--Sully et sa chevalerie d'honneur.--Louis XIV et la
    croix de Saint-Louis.--Ils se battaient pour nous!              19

  CHAP. V.--L'impôt du sang.--Héroïsme de la vieille France.--Le
    sang bleu.--Fourmillement de héros.--Le marquis de
    Gesvres.--Le maréchal de Choiseul.--Onze Fautrières tués dans
    les guerres de Louis XIV.--Treize frères tués à
    Azincourt.--La folie de l'honneur.--Le duc de la
    Feuillade.--Les comtes de Chabot et de Frotté.--Noblesse
    oblige.--Tout son sang à sa patrie.                             23

  CHAP. VI.--Officiers d'emblée.--Stage militaire.--François de
    la Noüe Bras-de-fer et les Écoles militaires.--Gentilshommes
    simples soldats.--La Vernade, Beauharnais, Praslin, Rohan,
    Dampierre, La Guiche, Biron.--Marc Courti.--Le Tiers-État,
    séminaire de Noblesse.--La révolution et les privilèges.--La
    terre aux paysans.--Les naufrageurs.--_In sudore sanguinis._    27

  CHAP. VII.--Royaume en petit.--Stipendiaires.--Le génie du
    Christianisme et la chevalerie.--Tancrède.--La fraternité
    vraie.--La charité devient la grande loi féodale.--Coup
    d'œil sur les concessions des seigneurs aux populations
    rurales.--Les forêts du Roi.--Opinion de Pecquet.--Influence
    de la Religion.--Esprit de réciprocité.--La féodalité, plus
    libérale que la révolution et l'état moderne.--_Risum
    teneatis!_                                                      32

  CHAP. VIII.--Chrétiennes libéralités.--Grands
    repentirs.--Sobriquets vengeurs.--Surnoms élogieux.--Sous la
    bure des cloîtres.--Inhumés en habit religieux.--Chevalier
    moine.--Hugues Courtin.--Paupérisme.--_Ubi Ecclesia ibi
    miles._--Les Cartulaires monastiques.--Ce que le peuple
    doit aux Moines.--Écoles vraiment gratuites.--Marmoutier
    et Cluny.                                                       40

  CHAP. IX.--L'Église et la Nation.--Devise de Césène.--Sous la
    houlette.--Liberté céleste et liberté terrestre.--Serfs
    volontaires.--Niaiserie républicaine.--Les roturiers
    et le droit de propriété.--Pillages et gaspillages
    révolutionnaires.--Les abbayes et l'aumône
    journalière.--Spoliations ingrates.--Patriotisme du clergé
    de France.                                                      46

  CHAP. X.--Le servage, l'Église et la féodalité.--Louis X et
    les serfs.--Feudophobes.--Sujétions infamantes.--Le fief,
    base de l'État.--Affranchissements.--Serfs maires, comtes
    et hauts justiciers.--Serf ayant des esclaves.--Riches
    laboureurs.--Vieilles familles patriarcales.--Le sire de
    Coucy, ôtage pour un paysan.--Taillables à merci.               50

  CHAP. XI.--Nos Rois.--Odon de Deuil et Louis VII.--Né pour le
    salut de tous.--Le servage.--Louis IX et le Comte de
    Poitiers.--Belle définition de la puissance
    féodale.--Machiavel et Mézeray.--Hâbleries et viande
    creuse.--Guitares révolutionnaires.--Le grand œuvre de la
    Royauté.--Villes anoblies.--Une nation de gentilshommes.--Les
    pauvres assimilés aux Nobles.--Dieu, qui est droiturier!        55

  CHAP. XII.--L'ignorance des Nobles.--La Croix.--Les écoles et
    les pédagogues des temps féodaux.--Charlemagne.--Précepteurs
    gentilshommes.--Les amoureux du gai savoir.--Chevaliers
    clercs.--Les Sainte-Maure.--Guillaume de Montmorency,
    proviseur de la Sorbonne.--Gentilshommes
    estudiants.--Boniface de Castellane.--Au Collège de
    Navarre.--Bertrand du Guesclin.--La Noblesse et les
    lettres.--La Renaissance.--La Noblesse et les Arts.--Voltaire
    et le Pogge.--Mentez, mes amis!                                 60

  CHAP. XIII.--Les Nobles au barreau.--Assises de Jérusalem.--Les
    d'Ibelin.--Philippe de Navarre.--Gentilshommes
    jurisconsultes.--Les géants des batailles.--Chevaliers en
    armes et chevaliers en lois.--Comment les Nobles se
    détachèrent de l'étude du droit.--Seigneurs en loi.--Ecuyers
    en droits.--Jean Carondelet.--Pierre Puy.--La bourgeoisie
    remplace la Noblesse dans les parlements.                       71

  CHAP. XIV.--Hiérarchie féodale.--Gentilshommes
    bourgeois.--Noblesse, urbaine.--Comment les Nobles
    s'agrégeaient à la bourgeoisie.--Les Chaponnay, les
    Châteaubriand, les Chabot, les Sainte-Aldegonde, les
    Croy.--Écuyer et marchand.--Deux catégories de
    bourgeois.--Benoît Caudron.--Bourgeois et marchand de sang
    royal.--Gérard de Castille et sa postérité.                     77

  CHAP. XV.--Les Communes à Bouvines.--Les légions bourgeoises à
    la Croisade.--Le privilège de Noblesse était conciliable avec
    le privilège de bourgeoisie.--Chevaliers et damoiseaux
    bourgeois.--Les bourgeois de Jérusalem.--Louis VI et les
    maïeurs des bonnes villes.--Lettres de noblesse et lettres de
    bourgeoisie.--Tournoi des bourgeois de Tournay en 1331.--Le
    seigneur Carrige.--Gentilhomme cordonnier.--Noble
    marchand.--Noble et puissant seigneur, fils de bourgeois.       86

  CHAP. XVI.--Concorde sociale.--Esprit de réciprocité.--Fusion
    prospère.--Jeanne Braque, femme d'un marchand.--Le sire de
    Montmorency et le drapier Fouchard.--Rapports entre
    inégaux.--Les Nobles dans la vie publique.--Ediles
    chevaleresques.--Chevaliers fils de bourgeois.--Nobles
    vilains.--Nobles manants.--Règne de la courtoisie.--Jeanne
    d'Arc et son compère.--Le duc de Rohan et Monsieur d'Assas.     94

  CHAP. XVII.--Désagrégation et antagonisme.--Plaie vive.--Les
    Nobles à la campagne.--Ruine et scission
    progressives.--Statut des tournois.--Le lieu n'anoblit pas
    l'homme.--Intrusions légales.--Les guerres de religion
    creusent le fossé.--Pasquier et Blaise de Montluc.--Pillage
    des armoiries.--Un mot de Ménage.--Trente mille bourgeois
    blasonnés.--Le duc de Saint-Simon.--Les nouveaux seigneurs de
    villages.--La vieille bourgeoisie française.--L'honneur ou
    rien!                                                          100

  CHAP. XVIII.--La pauvreté, état coutumier de la
    Noblesse.--Gautier le pauvre homme.--Les juifs, les moines et
    les chevaliers.--Dénûment navrant.--Tavernière de sang
    princier.--Misère impériale.--Comment on payait sa
    gloire.--Revues de l'arrière-ban.--Série de gentilshommes
    indigents.--Vérité de Mr de la Palice.--Fiefs et domaines
    saisis.                                                        107

  CHAP. XIX.--Appauvrissement forcé.--_Crescite et
    multiplicamini._--Guehedin Chabot.--Les vingt enfants de
    Claude de Cremeaux.--Les quatorze fils de Gervais
    Auvé.--Causes de ruine.--Charges du service
    militaire.--Abdications nobliaires.--L'état de noblesse,
    obstacle à la fortune.--Les gentilshommes n'étaient exempts
    d'aucune sorte d'impôts.--Le comte Louis de Frotté.--Les
    grands pauvres.--Paysans nobles.--Les Braque et les
    Allard.--Gentilshommes laboureurs.--Rabelais et la
    Bruyère.--Tout est adieu, tout est à Dieu!                     116

  CHAP. XX.--A l'aventure.--Un varlet devenu roi.--Fortunes
    extraordinaires.--Guillaume Coquillart.--Chevaliers
    anoblis.--Valet cordonnier devenant grand
    trésorier.--Balthazar Pina et Jean le Blanc.--Coup de balai
    de la Vérité.--Déclaration de Louis XVIII en 1800.--Noblesse
    militaire.--Fraternité du loyalisme et du
    patriotisme.--Comment jadis on s'anoblissait
    soi-même.--Mesure paternelle.                                  132

  CHAP. XXI.--Comment on luttait contre la ruine.--Écuyers de
    cuisine, maçons généraux, gouverneurs des chiens.--Les
    Montholon et les Lamoignon.--Avocats gentilshommes.--Avocat
    et homme d'armes.--Le barreau menait aux honneurs.--La
    savonnette à vilain.--Procureurs nobles.--Les
    Thumery.--Notaires et tabellions.--Écuyers
    notaires.--Boutique, puis étude.                               139

  CHAP. XXII.--Les médecins, enfants gâtés des Rois.--Les
    médecins à la censure.--Les anoblis par médecine.--Renaud
    Fréron, premier physicien de Charles VI.--Médecins
    gentilshommes.--Pluie d'honneurs et de
    richesses.--Chirurgien-barbier devenu premier ministre.--Les
    docteurs et la robe rouge.--Les maîtres en physique et la
    satire.--Favoris de la fortune et favoris de l'infortune.      149

  CHAP. XXIII.--Molière tue les apothicaires.--La vérité sur ses
    victimes.--Profession non dérogeante.--Nobles
    apothicaires.--Apothicaires gouverneurs de villes et prévôts
    des maréchaux.--Maréchal de France, petit-fils
    d'apothicaire.--Petite-fille d'apothicaire, femme d'un du
    Guesclin.--Jean l'apothicaire, époux d'une Châtillon.--Le
    bâton de maréchal et le pilon d'apothicaire.--Comment on
    commence et comment on finit.--Le coup de pied de
    l'âne.--Comment on se relevait.                                156

  CHAP. XXIV.--Martyrologe de la Noblesse.--Gentilshommes
    cultivateurs et charbonniers.--Le chevalier de Pradt.--Le
    négoce, interdit aux Nobles, réservé au Tiers-État.--Femme de
    gentilhomme, publique marchande.--Jean le Bigot.--Edit de
    1669.--Gentilhomme chapelier.--La maison de Vallier.           165

  CHAP. XXV.--Abdications forcées et déchéances.--Les sires de
    Chambéry.--Cadets de princes se faisant bourgeois, et
    marchands.--Les Quinson.--La maison de Viego.--Grandeur et
    décadence des sires de Bardonnenche.--Pierre de Bardonnenche,
    ouvrier.--Épicerie et chevalerie.--Épiciers
    seigneurs.--_Primò vivendum._--La maison du Terrail 171
    CHAP. XXVI.--La particule nobiliaire.--Sa signification, son
    caractère.--Répudiations significatives.--Les
    embourgeoisés.--Jean de Béthisy, procureur.--Marchands
    qualifiés nobles.--Déchus, mais répugnant aux
    mésalliances.--Changements d'armoiries.--Blasons
    improvisés.--Calembourgs et rébus héraldiques.--Le hareng des
    Harenc.--La harpe des Arpajon.--La maison de Mun.--La belle
    des belles.                                                    181

  CHAP. XXVII.--La multitude des réhabilités.--Geoffroy de
    Chantepie, marchand, petit-fils d'un preux chevalier.--Les
    Lingendes.--Louis de la Chapelle fait le commerce et ne
    s'appelle plus que Chapelle.--Gabelou de sang royal.--Les
    descendants de la famille de Jeanne d'Arc.--Comment on
    perdait la notion de sa noblesse.--Les d'Allard.               187

  CHAP. XXVIII.--La plus ancienne vérification de
    noblesse.--Recherches des usurpateurs.--La recherche de
    Montfaud.--Vexations et persécutions.--Nobles imposés à la
    taille.--Procès dispendieux.--Le privilège des
    bourgeois.--Louis XI, «ce bon rompu de Roy».--L'édit des
    francs-fiefs et ses conséquences.--La déclaration de
    1661.--Renoncements douloureux.--Avidité des
    traitants.--Supercheries généalogiques.--Sentences trop
    rigoureuses.--Misères des réhabilités.--L'émigration.--C'est
    la révolution qui a fait de la Noblesse une classe
    fermée.--La restauration nationale.                            194

  CHAP. XXIX.--Négligence coutumière des familles
    nobles.--_Impedimenta_ généalogiques.--Il ne faut rien
    détruire.--Les ennemis intimes des parchemins.--Gargousses et
    pots de confiture.--Les changements de nom.--Onomastique de
    la géographie féodale.--Piété familiale.--Les Lusignan, les
    Vezins, les Milly.--Les croisés en Terre-Sainte.--Combien
    j'ai douce souvenance!--Peau neuve.--Fourmilière
    d'homonymes.--Ecart social.--Le train de l'humanité.           206

  CHAP. XXX.--Migrations des familles.--Leur genèse.--Pudeur de
    pauvreté.--Les Évêques et les Abbés.--Mariages de grands
    seigneurs.--Officiers du Roi.--Désordre et ténèbres.--La cape
    et l'épée.--La maison de Chastellux.--Filiation
    perdue.--Logogriphes onomastiques.--Latinisations
    barbares.--Faussaires et fantaisistes.--Les
    Damas.--Vercingétorix et le premier Choiseul.--Tout est bien
    qui finit bien.                                                215

  CHAP. XXXI.--Les vingt familles du nom de Courtin.--Preuves ou
    présomptions d'identité originelle.--La leçon des
    vicissitudes humaines.--Vaillants paysans angevins.--Dom
    Courtin, assassiné par les révolutionnaires.--Le culte des
    ancêtres.--Le présent et le passé.--Ce qu'est l'histoire
    d'une famille.--_Domestica Facta._--Orgueil
    légitime.--Comment parle un vrai gentilhomme.--Le pieux des
    Guerroys.                                                      221

  Index des Noms.                                                  229


FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES


Imprimerie de DESTENAY, à Saint-Amand (Cher).



   Quelques abréviations:

   Guill{e}       = Guillaume
   vo             = verso
   ro-vo          = recto verso
   mag{r}         = magister
   M{re}          = Maistre
   honorable h{e} = honorable homme
   d{lle}         = demoiselle
   M{is}          = Marquis
   dns            = dominus
   v.             = vers





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