Home
  By Author [ A  B  C  D  E  F  G  H  I  J  K  L  M  N  O  P  Q  R  S  T  U  V  W  X  Y  Z |  Other Symbols ]
  By Title [ A  B  C  D  E  F  G  H  I  J  K  L  M  N  O  P  Q  R  S  T  U  V  W  X  Y  Z |  Other Symbols ]
  By Language
all Classics books content using ISYS

Download this book: [ ASCII | HTML | PDF ]

Look for this book on Amazon


We have new books nearly every day.
If you would like a news letter once a week or once a month
fill out this form and we will give you a summary of the books for that week or month by email.

Title: Tableau historique et pittoresque de Paris depuis les Gaulois jusqu'à nos jours (Volume 8/8)
Author: Saint-Victor, Jacques-Maximilien Benjamin Bins de
Language: French
As this book started as an ASCII text book there are no pictures available.


*** Start of this LibraryBlog Digital Book "Tableau historique et pittoresque de Paris depuis les Gaulois jusqu'à nos jours (Volume 8/8)" ***


generously made available by the Bibliothèque nationale
de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr)



  TABLEAU

  HISTORIQUE ET PITTORESQUE

  DE PARIS.



  IMPRIMERIE ET FONDERIE DE J. PINARD,
  RUE D'ANJOU-DAUPHINE, Nº 8.



  TABLEAU
  HISTORIQUE ET PITTORESQUE
  DE PARIS,

  DEPUIS LES GAULOIS JUSQU'À NOS JOURS.


  Dédié au Roi
  Par J. B. de Saint-Victor.


  _Seconde Édition_,
  REVUE, CORRIGÉE ET AUGMENTÉE.

  TOME QUATRIÈME.--DEUXIÈME PARTIE.


                       _Miratur molem..... Magalia quondam._
                                                  ÆNEID., lib. 1.



  PARIS,
  LIBRAIRIE DE CARIÉ DE LA CHARIE,
  RUE DE L'ÉCOLE-DE-MÉDECINE, Nº 4, AU PREMIER.

  M DCCC XXVII.



TABLEAU

HISTORIQUE ET PITTORESQUE

DE PARIS.



QUARTIER

SAINT-GERMAIN-DES-PRÉS.

     Ce quartier est borné, à l'orient, par les rues Dauphine et de
     Bussy, du Four et de Sèvre inclusivement; au septentrion, par la
     rivière, y compris le pont Royal et l'île aux Cygnes; à
     l'occident, par les extrémités du faubourg et les barrières qui
     le terminent, depuis la rivière jusqu'à la rue de Sèvre.

     On y comptoit, en 1789, cinquante-huit rues, deux culs-de-sac,
     une abbaye et trois communautés d'hommes, quatre couvents et deux
     communautés de filles, un collége, trois séminaires, trois
     maisons hospitalières, un pont, quatre quais, les maisons royales
     des Invalides et de l'École-Militaire, etc.


PARIS SOUS LA RÉGENCE ET SOUS LOUIS XV.

Pour sauver la France de ces abîmes que Louis XIV avoit ouverts devant
elle, il eût fallu qu'immédiatement après lui, son trône eût été
occupé par un prince qui réunît, à la fois, et la force de volonté que
possédoit ce monarque et les vues supérieures dont il étoit dépourvu.
Il ne s'agissoit point de rétablir d'abord, et en politique et en
administration, les vieilles institutions qui avoient déjà été
altérées avant lui, et qu'il avoit à peu près achevé de détruire. Ce
sont là les parties périssables de la société: les refaire ce qu'elles
avoient été n'étoit pas possible, et ce qu'elles avoient de bon se
seroit en quelque sorte rétabli de lui-même. Un roi, tel que nous
l'imaginons, eût eu pour première pensée d'aller à la source du mal:
il eût reconnu qu'en séparant violemment le pouvoir politique du
pouvoir religieux, son prédécesseur avoit attaqué le principe même de
la vie dans une société chrétienne; et son premier soin eût été d'en
renouer l'antique alliance, et de la raffermir sur ses bases
naturelles. C'est-à-dire qu'au lieu de se prémunir contre les
_entreprises_ de Rome, il eût supplié Rome de concourir avec lui à
rétablir l'ordre au milieu de cette société, dont Dieu l'avoit fait
chef à la charge de lui en rendre compte, en la ramenant, de la
licence des opinions qui menaçoient de la pénétrer de toutes parts, à
cette unité de croyances et de doctrines que la soumission seule peut
produire, puisque croire et se soumettre sont en effet une seule et
même chose; d'où il résulte qu'il y a révolte et désordre partout où
manque la foi.

Il eût donné lui-même l'exemple de cette soumission. La corruption
qu'apportoient avec elles ces opinions licencieuses ne s'étoit pas
encore introduite dans les entrailles du corps social: jusqu'alors
elle n'en avoit attaqué que les superficies; et, hors des classes
supérieures de la société, des parlementaires, et de quelques coteries
qui croissoient sous les auspices d'un petit nombre d'évêques et
d'ecclésiastiques jansénistes ou gallicans, le catholicisme étoit
partout. La France avoit le bonheur de posséder un clergé puissant par
ses richesses, et dont par conséquent l'influence étoit grande au
milieu des peuples, sur lesquels il se faisoit un devoir de les
répandre. Il étoit si loin d'avoir adopté ces maximes d'une prétendue
indépendance, qui le livroient honteusement et sans défense aux
caprices du pouvoir temporel, que ceux-là même de ses membres, et sauf
quelques exceptions, qui d'abord s'y étoient laissé séduire,
revenoient déjà sur leurs pas, effrayés des conséquences
qu'entraînoient après elles ces maximes dangereuses. Au premier signal
des deux puissances, cette milice de l'Église pouvoit encore opérer
des prodiges: le jansénisme rentroit dans la poussière; l'impiété
seroit demeurée silencieuse ou se fût faite hypocrite; l'esprit
parlementaire, c'est-à-dire l'esprit de révolte, eût été comprimé, et
peut-être eût-il fini par s'éteindre. S'aidant, pour atteindre un si
noble but, de toutes ces ressources de civilisation et de puissance
matérielle créées par son prédécesseur, et dont celui-ci avoit fait un
si funeste usage, le fils aîné de l'Église, le roi très chrétien,
pouvoit acquérir la gloire incomparable de ranimer pour des siècles,
non pas seulement ce beau royaume de France, mais encore toute la
chrétienté expirante. Ce moyen de salut, le seul qu'il fût possible
d'employer, le duc de Bourgogne étoit, dit-on, capable de le
comprendre et de le mettre à exécution; et nous sommes portés à le
croire d'un élève de Fénélon, celui de tous les évêques de France qui
entendoit le mieux cette politique chrétienne, et qui avoit le mieux
saisi toutes les fautes du règne qui venoit de finir. La Providence en
avoit décidé autrement: ce prince fut enlevé à une nation qui mettoit
en lui toutes ses espérances; et au milieu des orages que tant de
fautes avoient accumulés sur elle, un enfant en bas âge fut assis sur
le trône d'où le vieux monarque venoit de descendre si douloureusement
dans la tombe.

(1715) Louis XIV ne s'étoit point trompé lorsqu'il avoit pensé que son
testament, arraché aux importunités du duc du Maine et de Mme de
Maintenon, auroit probablement la même destinée que tant d'autres
dernières volontés des rois, desquelles, après leur mort, on a coutume
de faire moins de cas que de celles des derniers de leurs sujets[1].
Ce testament, injurieux pour le duc d'Orléans, en ce qu'il sembloit,
par des précautions extraordinaires prises pour la sûreté du jeune
roi, réveiller les soupçons odieux élevés contre lui quelques années
auparavant, attentatoire à ses droits de premier prince du sang,
puisqu'il le réduisoit aux simples fonctions d'un président de conseil
de régence[2], fut cassé le lendemain même de la mort du roi, par le
parlement, ivre de joie, après de si longues humiliations, d'avoir
trouvé l'occasion d'exercer un acte de puissance politique, attendant
tout de sa position nouvelle, et déjà ne mettant plus de bornes à ses
espérances et à ses prétentions. Les princes légitimés, et
particulièrement le duc du Maine, n'étant plus soutenus par la main
puissante qui les avoit si prodigieusement élevés, descendirent dès
lors presque aussi bas qu'ils pouvoient descendre; le neveu de Louis
XIV fut nommé régent de France pendant la minorité de Louis XV, et dut
ce succès à la promptitude de ses mesures, à l'adresse avec laquelle
il avoit su prodiguer, aux grands du royaume et aux magistrats, des
promesses qu'il étoit bien résolu de ne pas tenir. Le droit de
remontrance fut rendu au parlement, et peu s'en fallut que, dans cette
même séance, il n'obtînt encore davantage[3]; la création que fit
sur-le-champ le nouveau régent, de sept conseils auxquels furent
attribués les divers départements des affaires, lui fournit les moyens
de satisfaire ces grands, si long-temps exclus du pouvoir, qui
conservoient aussi des souvenirs très vifs de ce qu'avoient été leurs
pères, et toutes les prétentions de leur ancienne aristocratie. Ils
obtinrent les premières places dans ces conseils; et le prince trouva
encore le moyen de se rendre agréable aux classes moins élevées, en y
faisant entrer quelques hommes d'une naissance inférieure, mais qui
lui étoient signalés par l'estime publique que leur avoient acquise
leur capacité et leur intégrité. Dans ces premiers moments, plusieurs
améliorations furent faites dans l'administration des affaires
publiques, et l'on en fit espérer beaucoup d'autres; on pourvut à un
paiement plus régulier des troupes; celui des rentes de
l'Hôtel-de-Ville fut assuré; les attributions des intendants de
province, qui sembloient trop étendues, subirent quelques
modifications généralement désirées; une ordonnance fixa le prix
jusqu'alors si vacillant des matières d'or et d'argent; et, pour
combler les espérances que le peuple avoit déjà conçues du nouveau
gouvernement, le régent fit publiquement connoître la disposition où
il étoit d'attaquer les traitants, que les malheurs de la dernière
guerre avoient multipliés et gorgés de richesses, et de faire servir
leurs dépouilles à acquitter les dettes de l'État; il y eut des
réformes très sensibles dans les dépenses de la cour; enfin, il parla
de diminuer les impôts, et demanda même publiquement des conseils sur
les moyens d'y parvenir et d'en rendre la perception moins onéreuse
aux contribuables. De si beaux commencements, qui enivroient la
multitude, n'étoient pas faits pour en imposer à ceux qui
connoissoient le caractère du duc d'Orléans.

[Note 1: Par cette raison toute simple que, même quand ils traitent de
leurs intérêts privés, les rois stipulent presque toujours pour des
intérêts publics, sur lesquels, dans un tel cas, leurs affections
domestiques peuvent facilement les égarer. S'il est vrai que, de leur
vivant, ils appartiennent à l'État, même dans leurs rapports de
famille, il en résulte que les destinées de l'État ne peuvent être
légitimement compromises par leurs dernières volontés, c'est-à-dire
par eux, après leur mort.]

[Note 2: «Louis XIV y établissoit un conseil de régence, composé de M.
le duc d'Orléans qui en étoit le chef, de M. le duc de Bourbon qui y
devoit assister quand il auroit vingt-quatre ans accomplis, du duc du
Maine, du comte de Toulouse, du chancelier, des maréchaux de Villeroi,
de Villars, de Tallard, d'Harcourt, des quatre secrétaires d'État et
du contrôleur général. Dans ce conseil, tout devoit se régler à la
pluralité des voix; l'avis du chef ne devoit prévaloir que quand le
nombre des suffrages seroit égal. La personne du jeune roi étoit mise
sous la tutelle et garde du conseil de régence, et le duc du Maine
chargé de veiller à son éducation et à sa conservation, avec une
entière autorité sur les officiers de la garde de sa majesté. Le duc
du Maine venant à manquer, le comte de Toulouse devoit prendre sa
place. Le maréchal de Villeroi étoit nommé gouverneur sous l'autorité
du duc du Maine.» (AVRIGNY, t. 5, p. 320.)]

[Note 3: Tout ce que le duc d'Orléans demanda dans cette séance
mémorable lui fut accordé avec tant de facilité, que, dans le
transport de sa joie, il se laissa entraîner aux promesses les plus
exagérées. Un homme habile, dévoué à ses intérêts, qui observoit
froidement dans la foule, et qui connoissoit l'esprit parlementaire,
lui fit parvenir un billet où étoient ces mots: «Vous êtes perdu si
vous ne rompez la séance.» Il le crut, et continua l'assemblée à
l'après-midi. Il avoit tout obtenu avant même que le testament fût
ouvert.]

Ce prince étoit né avec les plus heureuses dispositions, et, dans
beaucoup de parties, son éducation avoit été extrêmement cultivée. Il
avoit l'esprit net et pénétrant, et ce qu'il concevoit clairement et
rapidement, il l'exprimoit avec grâce et facilité; il avoit montré à
la guerre une bravoure et une capacité qui en auroient fait un grand
général, s'il eût eu de plus fréquentes occasions de commander les
armées; ses connoissances dans les sciences physiques, dans les
lettres, dans les arts, étoient étendues et variées; il avoit un fond
de bonté naturelle qui le faisoit aimer encore, même après qu'on avoit
cessé de l'estimer; mais il arrivoit qu'il perdoit l'estime dès qu'on
avoit commencé à le mieux connoître. Jamais il n'y eut une âme plus
énervée, plus corrompue par tous les vices qui prennent leur source
dans le plus dangereux de nos penchants, celui de la volupté. Un homme
infâme, qui avoit été son précepteur, et que nous allons voir jouer
un rôle si extraordinaire et si scandaleux, l'abbé Dubois, s'étoit
fait un jeu et peut-être un calcul de développer ces dispositions,
malheureusement trop précoces dans son élève; et il les avoit
fortifiées en y ajoutant des leçons d'athéisme, dont il faisoit dès
lors secrètement profession. Cette culture n'avoit que trop profité;
et tels avoient été le débordement des moeurs et les jactances
irréligieuses du jeune prince, au milieu de l'austérité des dernières
années de l'ancienne cour, qu'ils avoient rendus vraisemblables ces
horribles soupçons que le testament du roi venoit de rappeler, et qui
s'élevèrent presque naturellement contre lui, lorsque tant de morts
violentes et subites vinrent désoler la famille royale; et même que,
dans l'esprit de plusieurs, ces soupçons ne furent jamais entièrement
effacés[4]. Ces goûts voluptueux étoient devenus plus ardents encore
avec l'âge, et son irréligion profonde et invétérée les rendoit
exempts de trouble et de remords. Parce qu'il étoit né bon, ses vices
ne l'avoient pas fait méchant, mais l'avoient jeté dans cette
indifférence du bien et du mal, et dans ce mépris pour les hommes qui
résulte de ce retour que fait sur lui-même un homme profondément
corrompu et digne de toute espèce de mépris. Toute idée de devoir
s'étoit effacée de cette âme à ce point dégradée; les affaires
fatiguoient un prince qui éprouvoit sans cesse la fatigue des
plaisirs, dont les plaisirs étoient néanmoins la principale affaire;
et à peine maître de ce pouvoir qu'il avoit vivement défendu contre
ceux qui vouloient le lui enlever, il cherchoit déjà à qui il en
pourroit sûrement remettre les soins et les embarras.

[Note 4: Ils acquirent assez de force pour qu'il se vît réduit à s'en
défendre devant le roi comme d'une accusation formelle. Louis XIV, qui
le connoissoit bien, l'appeloit un _fanfaron de vices_.]

Cependant, dès ces premiers moments de la régence, les intérêts
politiques de l'Europe, renfermés dans le cercle étroit des intrigues
de cour et des intérêts particuliers des princes, se compliquoient de
la manière la plus étrange; et il est nécessaire d'en donner quelque
idée pour bien faire comprendre ce qui se passa en France sous
l'administration du duc d'Orléans.

Malgré le peu de succès des efforts que Louis XIV avoit faits pour
rétablir les Stuarts sur le trône d'Angleterre, il s'en falloit de
beaucoup que la branche protestante qui les avoit remplacés, y fût
solidement établie. De simple électeur de Hanovre devenu souverain
d'un grand royaume, Georges Ier y vivoit au milieu des alarmes que lui
causoit un parti puissant qui ne voyoit en lui qu'un usurpateur, peu
digne d'ailleurs, par ses qualités personnelles, de la haute et
inespérée fortune à laquelle il étoit parvenu. Sur ce trône, où il
chanceloit encore, ses regards se tournoient avec inquiétude vers la
France, qui, dans cette disposition des esprits et en raison du pacte
de famille qui sembloit devoir l'unir éternellement à l'Espagne,
pouvoit plus efficacement agir pour les Stuarts, et avec de moindres
efforts que ne l'avoit fait le feu roi, au milieu de tant de guerres
si malheureuses dont les dernières années de son règne avoient été
affligées.

L'Espagne, si long-temps gouvernée par le génie ardent et tracassier
de la princesse des Ursins, après avoir reçu de la France et de la
famille des Bourbons l'un des plus foibles princes dont il soit fait
mention dans ses annales, avoit vu, lors du second mariage de Philippe
V avec une princesse de Parme, s'opérer une révolution subite et
complète dans la chambre du roi, devenue, d'après les exemples que lui
en avoit donnés Louis XIV, le centre et le siége de son gouvernement.
La princesse des Ursins avoit été violemment et outrageusement chassée
par la nouvelle reine, dont le caractère hautain et ambitieux ne
vouloit point d'un semblable intermédiaire auprès d'un époux qu'elle
étoit sûre de gouverner. Le mélancolique et ennuyé monarque, cloîtré
en quelque sorte dans ses appartements, où son premier et même son
unique besoin étoit d'avoir une compagne légitime de sa couche,
s'abandonnoit encore plus entièrement à la tutelle de sa jeune épouse
qu'à celle de la vieille favorite, à qui il n'avoit manqué que de
pouvoir exercer sur lui un empire de cette même nature, et qu'il lui
avoit sacrifiée avec une indifférence qui alloit jusqu'à l'inhumanité.
Cette nouvelle reine, haïe des Espagnols autant que l'autre en avoit
été adorée[5], élevée par sa mère dans une retraite profonde et dans
une ignorance entière de toutes choses, au milieu des projets qu'elle
avoit formés assez intelligente pour sentir et apprécier son
inexpérience des affaires, se méfiant avec juste raison de ceux qui la
haïssoient et à qui elle rendoit toute leur haine, avoit cherché,
parmi les Italiens qui l'avoient suivie, un homme à qui elle pût se
confier, un guide qui fût capable de la bien conduire. Albéroni, alors
ministre de Parme à la cour d'Espagne, lui parut être cet homme
qu'elle cherchoit. Né sujet de son père et dans les dernières classes
du peuple; de simple curé de village qu'il étoit, parvenu par ses
intrigues, par son audace, par l'activité et la souplesse de son
esprit, à jouer un rôle brillant dans le monde, il sembloit réunir
tout ce qui pouvoit inspirer de la sécurité à cette princesse
ambitieuse[6]; elle lui devoit d'ailleurs le haut rang auquel elle
étoit parvenue[7], et elle crut avec juste raison ne courir aucun
risque en livrant le pouvoir à un personnage qui s'étoit montré si
dévoué à ses intérêts, que sa propre bassesse et la dépendance entière
où il se trouvoit à son égard lui livroient à elle-même sans réserve.
Ainsi s'expliquent, l'élévation subite d'Albéroni, son pouvoir sans
bornes, son audace à tout entreprendre tant au dedans qu'au dehors,
sans obstacle, sans contradiction, enfin une fortune qui étonna
l'Europe et des projets qui l'étonnèrent encore davantage.

[Note 5: «Son mariage leur avoit déplu, parce qu'ils désiroient que
leur roi prît une femme de leur nation; de son côté, Élisabeth Farnèse
ne leur pardonnoit pas qu'ils en eussent souhaité une autre. Cette
aversion réciproque s'augmentoit encore par les préférences pour les
places et les emplois, que la reine, dans la méfiance qu'elle avoit
des Espagnols, faisoit accorder, tant qu'elle pouvoit, aux Italiens et
aux Flamands.» (ANQUETIL.)]

[Note 6: Les enfants qu'elle avoit du roi ne pouvant prétendre au
trône parce qu'il avoit des fils de sa première femme, la princesse de
Savoie, elle avoit formé le dessein de leur procurer d'autres
établissements, ainsi que nous le verrons ci-après.]

[Note 7: Il trompa la princesse des Ursins, qui cherchoit pour le roi
d'Espagne une femme douce, timide, sans expérience, qu'elle pût
gouverner en même temps que son royal époux, et lui persuada que la
princesse de Parme étoit telle qu'elle pouvoit le souhaiter. Ce fut
sur le portrait qu'il en fit que le mariage fut conclu.]

Tandis que ces choses se passoient en Espagne, une autre intrigue
politique s'ourdissoit à Paris. Le principal moteur en étoit ce même
abbé Dubois, que son élève venoit de faire entrer au conseil d'État,
non pas sans quelque répugnance, parce qu'il le connoissoit trop bien
et qu'il n'avoit pas encore perdu toute pudeur, mais obsédé par ses
continuelles et pressantes sollicitations, et n'ayant pu imaginer
d'autre moyen de s'en débarrasser que de consentir à tout ce qu'il lui
demandoit. Un projet avoit été conçu par cet audacieux aventurier,
dans lequel il ne s'agissoit pas moins que de changer toute la
politique de la France en l'alliant avec l'Angleterre et en
l'éloignant de l'Espagne, projet monstrueux et tellement contraire à
ses véritables intérêts, aux rapports si naturels où le pacte de
famille avoit placé les deux puissances et qui étoient le seul
avantage que l'on eût tiré de la guerre désastreuse qui venoit de
finir, qu'il sembloit qu'il y eût même de la folie à l'avoir osé
concevoir. Dubois, consommé dans les intrigues de tout genre, et qui
connoissoit à fond le terrain sur lequel il alloit manoeuvrer, en
jugea autrement: peu lui importoit qu'un tel projet fût utile ou
funeste à la France; sa grande affaire étoit de se rendre nécessaire
afin de s'élever plus haut; et déjà gagné par l'or de l'Angleterre,
dont les diplomates savoient distinguer, partout et d'un oeil sûr,
ceux qui avoient le caractère propre à les servir, il y trouvoit le
double avantage de satisfaire à la fois son ambition et sa cupidité.

Le duc de Noailles et Canillac furent les deux premiers qu'il
persuada. Le duc, placé par le régent à la tête des finances, fut
entraîné par de misérables vues d'économie, calculant qu'il en
coûteroit fort cher pour tenter de nouvelles expéditions en faveur du
prétendant. Canillac, vaniteux, indiscret, de peu de jugement, lié par
des parties de débauche avec Stairs, alors ambassadeur d'Angleterre en
France, flatté, cajolé par lui, croyoit se donner de l'importance en
faisant le politique, et ce motif lui suffisoit. La partie étant ainsi
liée, et Dubois, bien qu'il y jouât le principal rôle, n'y paroissant
encore que comme agent secondaire, le duc d'Orléans fut amené
graduellement dans le piége par de basses insinuations qui touchoient
uniquement son intérêt personnel. On commença par lui inspirer
quelques alarmes sur les dispositions du roi d'Espagne à l'égard de la
régence qu'il pouvoit lui contester; on eut l'art d'en faire naître
ensuite de plus grandes relativement à la succession au trône, dans le
cas où la France viendroit à perdre son roi-enfant, dont la
constitution étoit foible et la santé chancelante. Il suffisoit,
disoit-on, des exemples du règne précédent pour faire supposer que
Philippe V pourroit bien ne pas se croire irrévocablement engagé par
ses renonciations; et le mouvement qu'Albéroni, qui avoit aussi ses
projets (projets inoffensifs pour la France, car il étoit trop habile
pour en concevoir de semblables), imprimoit alors à l'Espagne, lui fut
présenté, avec une adresse non moins perfide, comme une disposition
hostile contre lui en cas d'événement[8]. Il trouvoit au contraire,
ajoutoit-on, dans le roi Georges un prince inquiet sur la solidité
d'un trône qu'il avoit trop évidemment usurpé, ayant besoin d'appui
pour s'y raffermir, et prêt par conséquent à lui donner le sien, dans
le cas où la couronne de France, venant à vaquer, lui seroit contestée
à lui-même par un compétiteur qui, en apparence, y auroit des droits
plus évidents. Tous ces raisonnements étoient d'un faux et d'une
absurdité que les moins habiles auroient pu saisir. «Le duc
d'Orléans, dit Saint-Simon, avoit toute la pénétration nécessaire pour
voir ce piége: ce qui le séduisit, ce fut le _contour tortueux de
cette politique_, et point du tout le désir de régner.» Dès lors il se
livra aux Anglois avec un abandon qui effraya tous ceux qui n'étoient
pas de ce honteux complot. Un homme non moins habile que Stairs dans
la politique machiavélique de son pays, Stanhope, alors ministre du
roi Georges, vint lui-même en France pour mettre la dernière main à ce
que l'ambassadeur, son agent Dubois, et ses dupes avoient si
heureusement commencé. Le régent les vit l'un et l'autre dans la plus
grande intimité, traitant le matin d'affaires avec eux, le soir les
admettant dans ses orgies. Ce fut dans ces conférences secrètes[9] et
peut-être dans les épanchements familiers de la débauche, qu'il leur
sacrifia le prétendant, que Louis XIV, même dans ses plus grands
revers, n'avoit jamais voulu abandonner; et telle fut la confiance
audacieuse de ces diplomates anglois dans l'ascendant qu'ils avoient
su prendre sur le prince que ses propres créatures lui avoient livré,
qu'ils ne craignirent point, au milieu même de la France, de préparer
un guet à pens où faillit tomber le fils de Jacques II, et dont il
n'échappa que par la sagacité et la présence d'esprit admirable d'une
femme dont il n'étoit point connu[10]. Une ordonnance fut publiée à
son de trompe, qui enjoignoit à tous les _étrangers rebelles_ de
sortir en huit jours des terres du royaume, et ces _rebelles_ étoient
les serviteurs du roi légitime d'Angleterre, qui l'avoient suivi dans
son exil; enfin, vers la fin de cette même année, Dubois fut envoyé en
Hollande en qualité d'ambassadeur extraordinaire, et avec la mission
d'y conclure un traité déjà convenu entre la France, l'Angleterre, et
les États-Généraux, et qui étoit entièrement dirigé contre l'Espagne,
que l'on continuoit de présenter au régent comme machinant des projets
hostiles contre lui[11].

[Note 8: «On n'auroit pu certainement blâmer le duc d'Orléans de
prendre d'avance ses précautions pour cet objet (la succession au
trône); et c'est ce que reconnoissoit le maréchal de Villars parlant à
lui-même dans le conseil. «Nous sommes très persuadés, lui disoit-il,
que vous désirez la vie du roi, comme nous la désirons tous tant que
nous sommes; mais il n'y a personne qui puisse s'étonner que vous
portiez vos vues plus loin. Comment les mesures qu'il est libre à tout
particulier de prendre dans sa famille pour ne pas laisser échapper
une succession qui le regarde, pourroient-elles être blâmées dans un
prince auquel la couronne de France doit naturellement tomber?»
Villars concluoit qu'il falloit se contenter de savoir _bien
certainement_ quelles étoient les vues de l'Espagne dans ses
armements, et quand on se seroit assuré qu'ils ne menaçoient pas la
France, lui souhaiter un bon succès, et ne pas s'en mêler. (_Mém. de
Villars_, ANQUETIL.)]

[Note 9: «Venant un jour au Palais-Royal, raconte encore Villars, je
trouvai que le prince avoit été renfermé trois heures avec mylord
Stairs et Stanhope. Quand ils sortirent de la longue audience qu'il
leur avoit donnée, je lui dis: Monseigneur, j'ai été employé en
diverses cours, j'ai vu la conduite des souverains; je prendrai la
liberté de vous dire que vous êtes l'unique qui veuille s'exposer à
traiter seul avec deux ministres du même maître. Il me répondit: «Ce
sont mes amis particuliers.» Selon les apparences, répliquai-je, ils
sont encore plus amis de leur maître, et deux hommes bien préparés à
vous parler d'affaires, peuvent vous mener plus loin que vous ne
voudriez. (_Mém. de Villars_, ANQUETIL.)]

[Note 10: Ce guet à pens avoit été établi à Nonancourt, bourg situé à
dix-neuf lieues de Paris, où le prétendant devoit passer pour se
rendre en Bretagne, et de là s'embarquer pour l'Écosse. Ce fut la
maîtresse des postes qui, sur de simples pressentiments, déjoua le
complot et sauva ce prince d'une mort certaine.]

[Note 11: Ce traité est connu sous le nom de la _quadruple alliance_.
«Il avoit pour prétexte, selon saint Simon, 1º de réparer les troubles
apportés, soit à la paix conclue à Bade en 1714, soit à la neutralité
de l'Italie, par le traité d'Utrecht en 1713; 2º de faire une paix
solide, et soutenue par les principales puissances de l'Europe. Entre
autres clauses, on y régloit la succession de divers États souverains
d'Italie, de manière qu'après la mort de leurs possesseurs actuels,
les mutations qui s'y pourroient faire ne troublassent point le repos
de l'Europe. Le but réel de ce traité entre Georges Ier et le régent
étoit de se garantir mutuellement, à l'un la possession d'un trône
usurpé, à l'autre la succession à un trône qu'il croyoit, contre toute
vraisemblance, pouvoir, en cas d'événement, lui être disputée.»]

Cependant, si ce prince eût voulu, ainsi que le lui conseilloit
Villars, prendre, sur le but des armements que faisoit alors cette
puissance, des renseignements qu'il lui étoit facile de se procurer,
il se fût assuré que ces dispositions guerrières qu'on lui présentoit
comme inquiétantes, n'avoient d'autre but que de reprendre à
l'empereur les États d'Italie que la paix d'Utrecht l'avoit forcée de
lui abandonner pour en faire des souverainetés aux enfants de la
nouvelle reine, qui le désiroit passionnément; et que, pour empêcher
les Anglois de porter secours à l'empereur, il entroit dans le plan
d'Albéroni de les occuper dans leur île, en y faisant passer le
prétendant avec une armée auxiliaire suffisante pour l'y maintenir et
rallier ses partisans. Ce ministre dont les vues étoient fort
supérieures à celles qui dominoient alors dans le cabinet des
Tuileries, et qui, dans le gouvernement intérieur de l'Espagne, avoit
déjà déployé une vigueur, une capacité, une activité qui n'alloient
pas moins qu'à faire sortir ce royaume de l'inertie profonde où la
foiblesse non interrompue de ses princes l'avoit, depuis si
long-temps, plongé, et à lui faire reprendre en Europe le rang qu'il
lui appartenoit d'y tenir, étoit loin de penser, lorsqu'il avoit conçu
un semblable projet dont le résultat étoit d'abaisser les ennemis
naturels de la France, que le plus grand obstacle qu'il y pourroit
rencontrer viendroit de la France elle-même, et qu'une politique aussi
stupide que celle d'une alliance avec l'Angleterre prévaudroit dans le
conseil du régent: il devoit bien plutôt compter sur sa
coopération[12]. Ce fut cet obstacle si étrange et si imprévu qui,
déconcertant un plan bien conçu, utile dans ses principaux résultats
au repos de l'Europe, et dont le succès paroissoit immanquable, le
jeta dans les mesures fausses, exagérées, qui rendirent sa chute aussi
subite et aussi éclatante que l'avoit été son élévation. Il eut le
tort de s'opiniâtrer à suivre ses premières idées, et de ne point
changer de marche, lorsque tout en changeoit autour de lui.

[Note 12: Villars l'entendoit bien mieux que le duc d'Orléans. «Eh
bien, lui disoit-il, si l'Espagne veut s'agrandir, aidez-la au lieu de
la contrarier. Plus vous contribuerez à son agrandissement, moins elle
sera tentée de vous troubler dans vos prétentions à la couronne; et si
Philippe V avoit cette tentation, il verroit toute l'Europe s'élever
contre un prince que vous auriez rendu trop formidable en étendant sa
puissance.» (_Mém. de Villars._)]

Telles étoient alors les intrigues qui agitoient les trois cabinets;
et il a été nécessaire d'entrer à ce sujet dans quelques détails, pour
bien faire comprendre les événements qui vont suivre, et surtout cette
influence de l'Angleterre, qui se prolongea si long-temps et qui fut
si fatale à la France.

(1716-1717) Rien n'éclata pendant deux années de ces grands projets de
l'Espagne, et de ces manoeuvres ténébreuses où le duc d'Orléans venoit
d'être engagé. Ces deux années produisirent toutefois un événement, en
lui-même de peu d'importance, mais qui, par la suite, se rattacha à
toute cette intrigue. Ce fut le procès intenté par le duc de Bourbon
aux princes légitimés, qu'il prétendoit devoir être exclus du rang et
des prérogatives de princes du sang, que le feu roi leur avoit
accordés. Il n'avoit aucun motif de faire un semblable affront à ces
princes qui, réduits par un seul acte du parlement à la plus entière
nullité, sembloient être assez humiliés: la duchesse du Maine étoit sa
soeur, et l'outrage qu'il vouloit faire à son mari rejaillissoit sur
elle; mais il haïssoit le duc du Maine, et cette haine, poussée à
l'extrême, étoit pour lui un motif suffisant. Le duc d'Orléans ne
l'empêcha point d'entamer cette affaire; car il avoit aussi une sorte
d'aversion pour ces princes légitimés, par cela seul qu'il avoit pu
les craindre un moment. C'étoit encore au Parlement qu'appartenoit le
droit d'achever de dépouiller les deux bâtards de Louis XIV: le duc de
Bourbon lui présenta donc requête et réclama l'intervention des ducs
et pairs qui, «par ce titre de princes du sang, accordé à des princes
illégitimes, se trouvoient, disoit-il, éloignés du trône d'un degré de
plus.» Les ducs du Maine et de Toulouse cherchèrent un appui dans la
haute noblesse, jalouse des ducs et pairs, et extrêmement choquée de
cette importance qu'ils prétendoient se donner en faisant cause
commune avec les princes du sang, comme s'ils eussent formé un ordre
supérieur, et qu'ils voulussent tracer entre eux et elle une ligne de
démarcation. Ces misères de vanité, sous un gouvernement qui avoit
succédé à toute la plénitude du despotisme de Louis XIV, firent naître
une discussion fort animée et surtout de la part de ceux qui étoient
attaqués; mais tous leurs efforts ne purent empêcher qu'une
déclaration du roi en date du 2 juillet 1717, et enregistrée au
parlement le 8 du même mois, ne privât les princes légitimés des nom,
droits et priviléges de princes du sang, ne leur laissant de leurs
anciennes prérogatives que le droit de séance dont ils étoient en
possession dans cette cour souveraine. Ce jugement, auquel le duc de
Toulouse, d'un caractère doux et paisible, se résigna sans beaucoup
d'efforts, eût été probablement supporté avec patience par le duc du
Maine; mais il fut entraîné par le ressentiment profond qu'en éprouva
la duchesse, et nous allons voir bientôt quels en furent les effets.

Cependant le duc d'Orléans vouloit tenir la parole qu'il avoit donnée,
aux premiers jours de sa régence, de poursuivre les traitants et de
leur faire rendre raison des profits énormes qu'ils avoient faits dans
leurs transactions avec le dernier gouvernement. Quelque scandaleux
que pussent être ces profits, il est évident que c'étoit là une mesure
arbitraire, tyrannique, dans laquelle la foi publique étoit violée;
car enfin le gouvernement du feu roi avoit été maître d'accepter ou de
refuser les marchés onéreux qui lui avoient été proposés, marchés sur
lesquels avoient dû toutefois influer, et les circonstances
malheureuses où se trouvoit alors la France, et les autres risques que
les événements politiques pouvoient encore faire courir aux prêteurs
ou fournisseurs. Mais des considérations prises dans la justice et
dans la morale n'étoient pas faites pour arrêter le duc d'Orléans; et
tous moyens lui sembloient bons pour réparer le désordre des
finances, seule plaie de l'État à laquelle il fût sensible, parce
qu'elle étoit la seule qui lui causât de véritables embarras. Il parut
donc en 1716 un édit portant création d'une chambre de justice
destinée à connoître de toutes exactions ou malversations en fait de
finances, avec plein pouvoir de poursuivre, de taxer, d'emprisonner et
même de condamner à des peines afflictives tous ceux qu'elle jugeroit
comptables envers l'État, et qu'elle auroit appelés devant son
tribunal[13]. Les procédures furent d'abord vives, rigoureuses, et la
Bastille se remplit de prisonniers. Les premières taxes rapportèrent
des sommes immenses, et l'on avoit conçu, dans le commencement, de
grandes espérances; mais les attributions trop étendues et trop
vaguement exprimées que l'édit avoit données à cette commission[14]
répandirent bientôt l'alarme dans toutes les classes de la société,
lorsqu'on le vit porter ses recherches sur tous ceux qui avoient pris
quelque part aux affaires du feu roi. Des milliers de délations,
vraies ou fausses, se succédèrent tant à Paris que dans les provinces,
et de manière à effrayer même les plus innocents. L'argent cessa de
circuler; le commerce et l'industrie tombèrent dans une langueur
désespérante; enfin, après un an d'exercice, il fallut mettre fin à
cette inquisition désastreuse qui produisit, presque sans aucun fruit
matériel pour l'État, des maux très réels pour un grand nombre de
familles. De cent quatre-vingts millions que l'on tira des taxes, à
peine la moitié entra-t-elle dans les coffres du roi[15]; la plus
grande partie en fut prodiguée sans mesure aux courtisans avides, aux
agents d'intrigues et aux compagnons de débauche dont le régent étoit
entouré. Ce fut là la première marque publique qu'il donna de son
indifférence pour ce qui étoit bon et honnête, de la légèreté de son
esprit, et de la foiblesse de son caractère.

[Note 13: La liste en étoit longue. Le roi rendoit justiciables de
cette cour «les officiers de nos finances, disoit l'arrêté, les
comptables, traitants, sous-traitants et gens d'affaires, leurs
clercs, commis et préposés, et autres qui ont vaqué et travaillé, tant
en la levée, perception et régie de nos droits et deniers de nos
recettes, qu'autres levées et recouvrements ordinaires et
extraordinaires, traités, sous-traités, entreprises et marchés par
étapes, fournitures de vivres aux troupes, hôpitaux, munitions de
guerre et de bouche aux villes, garnisons et armées de terre et de
mer, circonstances et dépendances, ou en l'emploi et distribution
desdits deniers, soit pour les dépenses de la guerre, de nos maisons
royales, et autres charges de notre État. Ensemble contre tous ceux
qui ont exercé l'usure à l'occasion et au détriment de nos finances,
tant sur les papiers que sur les espèces.»]

[Note 14: Les fonctions de cette chambre, composée de présidents et
conseillers au parlement, d'officiers de la chambre des comptes, de la
cour des aides, et de maîtres des requêtes, étoient «de procéder à
l'instruction et jugement des procès civils et criminels mus et à
mouvoir par le procureur général de la chambre, pour raison de
péculat, concussions, exactions et malversations en fait de finances.»
On emprisonnoit une foule de gens accusés ou simplement soupçonnés;
plusieurs furent gardés dans leurs maisons. Il y eut défense de donner
des chevaux de poste à ceux qui voudroient se sauver, et de favoriser
en aucune manière leur évasion. Il y en eut de condamnés au pilori,
aux galères, à de grosses amendes, et un seul à la mort dans une
province éloignée. (ANQUETIL.)]

[Note 15: Les taxes imposées sur environ quatre cents personnes
produisirent plus de cent quatre-vingts millions, dont quatre-vingts à
peu près furent employés à retirer des billets d'État et à rembourser
le capital des rentes. (ANQUETIL.)]

Les plaisirs, et quels plaisirs! étoient en effet sa principale ou
plutôt son unique affaire. Les mémoires du temps nous ont conservé de
nombreux détails des débauches effrénées de ce malheureux prince, de
ses orgies dégoûtantes et chaque jour renouvelées, où il sembloit
prendre plaisir à se dégrader avec des femmes perdues, des libertins
souvent de la classe la plus obscure et qui se faisoient un titre
auprès de lui de leur science dans les raffinements de ces honteuses
voluptés, détails indignes de l'histoire, qui nous montrent le
successeur immédiat du trône, le prince qui gouvernoit la France après
Louis XIV, dans un délire d'impiété et dans un excès d'abjection
crapuleuse, dont jusqu'à lui la race de nos rois n'avoit point offert
d'exemples, et que ne surpassèrent point les débordements du siècle
affreux qu'il étoit digne sans doute d'annoncer et d'ouvrir. Ces
exemples si nouveaux fructifièrent dans sa propre famille, et les
désordres d'une de ses filles[16] que suivit une mort prématurée en
furent la première punition; ils infectèrent la jeunesse de la cour,
et déterminèrent à jeter plus effrontément leur masque, ces vieux
courtisans que les dernières années de Louis XIV avoient réduits à se
faire hypocrites. Les autres classes de la société s'étonnèrent
d'abord de cette extrême corruption: elle ne devoit pas tarder à les
atteindre.

[Note 16: La duchesse de Berry.]

Un événement extraordinaire, et qui ne pouvoit arriver que sous une
semblable administration, hâta le débordement de cette corruption. Les
finances, telles que le feu roi les avoit laissées, étoient, nous
l'avons déjà dit, une des plaies les plus profondes de l'État, et ce
mal venoit de très loin. L'accroissement des impôts avoit commencé dès
la première guerre de Hollande, et depuis ce moment jusqu'à la fin de
ce règne, tout rempli de guerres, de victoires et de défaites, ce
torrent n'avoit cessé de se grossir, non seulement de taxes nouvelles
et écrasantes pour le peuple, mais encore de toutes ces ressources
perfides et désastreuses qui sont le savoir-faire des financiers, et
dont le résultat le plus subtil est de se procurer des capitaux que
l'on consomme comme des revenus, pour accroître ainsi ses charges, et
de ces capitaux et des intérêts qu'ils portent avec eux[17]. La dette
étoit encore hors de toute proportion avec les ressources que pouvoit
procurer un système d'impôts que d'anciens priviléges, demeurés
immuables lorsque tout changeoit autour d'eux, rendoient l'un des plus
mauvais de l'Europe, et désormais intolérable pour les imposés[18].
La dépréciation des billets d'État, qui perdoient alors de soixante à
soixante-douze pour cent, étoit déjà une espèce de banqueroute
anticipée. La recherche des traitants, loin d'avoir apporté même un
palliatif à cette détresse, avoit achevé de ruiner le crédit public
par les rigueurs arbitraires dont nous venons de présenter le tableau,
et par les dilapidations révoltantes dont elle avoit été suivie.

[Note 17: _Voyez_ 1re partie de ce volume, p. 196 et seqq.]

[Note 18: Lorsque l'administration de l'État se centralisoit de jour
en jour davantage, et alloit détruisant sans cesse devant elle toute
action et tout privilége politique dans les diverses classes de la
société, les anciens priviléges concernant l'impôt, priviléges
qu'avoient autrefois justifiés certaines charges publiques exercées
par les premiers ordres de l'État, certains droits honorifiques qui
leur avoient été concédés, et même d'anciennes transactions avec
quelques provinces, loin d'avoir été détruits, étoient défendus avec
plus d'opiniâtreté que jamais par leurs possesseurs qui mettoient un
certain point d'honneur à ne s'en point dessaisir. Dans d'autres
temps, ces priviléges avoient eu l'avantage d'arrêter plus d'une fois
l'ambition et le despotisme des souverains; ce n'étoit que violemment
qu'ils parvenoient quelquefois à vaincre cet obstacle qui se
rétablissoit en quelque sorte de lui-même.--Ils étoient devenus odieux
et intolérables, maintenant que les peuples écrasés par les
prodigalités excessives de Louis XIV, et ne trouvant plus, dans ces
premiers ordres de l'État, de protection et de garantie contre les
excès du pouvoir absolu, demandoient que du moins ils partageassent
avec eux le fardeau de la dette publique. Il étoit d'ailleurs
nécessaire de soutenir, sur ce point, la concurrence de l'Angleterre
qui venoit d'établir chez elle le seul système d'impôt que le
matérialisme social, auquel tout tendoit dès lors en Europe, pût
désormais admettre et supporter.]

Dans ces extrémités, un Écossais, nommé Law, se présenta au régent
avec un plan de finances qu'il avoit déjà essayé de faire valoir
auprès des ministres du feu roi, et que ceux-ci avoient rejeté. Ce
n'étoit autre chose d'abord qu'une imitation de la banque créée en
Angleterre depuis la révolution de 1688; et l'on ne peut nier qu'un
tel projet, renfermé dans de justes bornes, ne fût de nature à
produire d'heureux effets, en rendant la circulation des espèces plus
facile et plus active, en doublant par le crédit les ressources de
l'État et l'industrie des particuliers. Ce fut ainsi que cette banque
fut d'abord conçue: six millions en faisoient le fonds, et dans ce
capital étoient compris trois millions de ces mêmes billets d'État si
extraordinairement dépréciés. Ses opérations, ouvertes le 2 mai 1716,
se bornoient à l'escompte des lettres-de-change, à l'échange pur et
simple de ses billets contre l'argent, et en autres opérations de ce
genre; et il existoit alors, entre ses fonds réels et l'émission de
son papier, une juste proportion qui gagnoit la confiance générale et
sembloit ranimer toutes les parties de l'État. En avril 1717, il fut
ordonné que les billets de banque seroient reçus pour comptant dans
toutes les caisses publiques, et dès lors ces billets furent préférés
à l'or même, parce qu'ils avoient en effet une valeur plus invariable
et un mouvement plus facile et plus rapide. «Un tel établissement
changeoit la face du royaume, dit Forbonnais, s'il n'eût pas été
dénaturé; et quelle que fût l'énormité des dettes, on les eût
acquittées graduellement par l'augmentation successive des revenus;»
mais il eût fallu se soumettre à des opérations lentes, économiques,
bien enchaînées les unes aux autres: une marche si prudente et si
régulière convenoit peu au caractère du régent, et nous verrons
bientôt ce qu'il sut faire de ce moyen de salut. Avant d'en rendre
compte, d'autres événements appellent notre attention.

Malgré ces heureux commencements de la banque et les espérances
qu'elle faisoit concevoir, un mécontentement sourd agitoit les
esprits. Héritier temporaire du pouvoir de Louis XIV, nous avons vu
que le régent avoit voulu poser lui-même des bornes au despotisme de
l'ancienne cour, en créant des conseils d'administration où les grands
de l'État avoient obtenu quelque part du pouvoir; en rendant au
parlement son droit de remontrances, et recréant ainsi l'ancienne
opposition populaire. Mais bientôt entraîné par ce dégoût invincible
qu'il avoit pour les affaires, il s'ennuya, et des lenteurs qu'y
apportèrent les délibérations de ces divers conseils, et des
résistances qu'il y rencontroit quelquefois dans l'exécution des
projets que lui suggéroient les intrigants politiques dont il étoit
entouré. Ceux-ci lui persuadèrent peu à peu de se dégager des entraves
qu'il s'étoit lui-même imposées; et bientôt les conseils
d'administration furent moins écoutés, et le droit de remontrances
rendu au parlement, sans être entièrement aboli, fut renfermé dans des
bornes plus étroites, et tant pour le fond que pour la forme, soumis à
de certains réglements. Dubois, le plus actif, le plus audacieux, et
sans contredit le plus habile parmi tous ceux qui obsédoient ce foible
prince, entreprit de le pousser plus loin dans ces voies de pouvoir
absolu, qui seules pouvoient le conduire lui-même au but où tendoient
ses desseins ambitieux; et ce fut d'après ses instigations que de
nouveaux affronts furent préparés au duc du Maine, et qu'un nouveau
coup fut porté au parlement.

(1718) On avoit su persuader au régent que ce prince étoit à la tête
des mécontents, et qu'il devoit se méfier de ses dispositions. Au
moment où ces insinuations calomnieuses commençoient à faire sur lui
quelque impression, il arriva que le parlement ayant fait, au sujet
d'un édit fiscal sur les monnoies[19], des remontrances qui n'avoient
point été écoutées, rendit à ce sujet un arrêt auquel il donna de la
publicité, et qui, le même jour, fut cassé par le conseil de régence.
De nouvelles remontrances, faites à l'instant même par cette cour,
furent encore plus mal reçues que celles qui les avoient précédées, ce
qui l'entraîna à rendre un second arrêt plus violent que le premier,
par lequel elle prétendoit tracer à la banque, dont les accroissements
commençoient à devenir alarmants, les limites dans lesquelles devoient
se renfermer ses opérations, et proscrivoit en quelque sorte
l'étranger qui l'avoit créée, et à qui le régent en avoit confié
l'administration. Law fut effrayé. D'Argenson, qui venoit de remplacer
d'Aguesseau dans la dignité de chancelier, craignit qu'un triomphe du
parlement ne fût le signal de sa disgrace, et tous les deux se
réunirent à Dubois pour obtenir du duc d'Orléans ce qu'ils appeloient
un acte de vigueur. Ils achevèrent de l'y déterminer, en lui
persuadant que la partie étoit liée entre le duc du Maine et les
parlementaires; qu'en sa qualité de surintendant de l'éducation du
jeune roi, il lui étoit facile de s'emparer de ce prince, de le mener
à l'improviste au parlement, de l'y faire déclarer majeur, et
d'anéantir ainsi la régence; que ce plan avoit été arrêté, et qu'on
n'attendoit qu'un moment favorable pour le mettre à exécution.

[Note 19: Il s'agissoit d'une refonte d'espèces dont on ne se croyoit
point obligé de lui faire connoître ni le titre ni les motifs. Louis
XIV, qui avoit employé trop souvent cette ressource ruineuse et
frauduleuse, avoit fini par y renoncer, les variations continuelles
dans ce taux des monnoies ayant été une des plus grandes calamités de
son règne. La perspective d'un bénéfice assez considérable y fit
revenir, et ce bénéfice, qui étoit d'un cinquième par louis d'or,
rendit en effet soixante-douze millions; mais la plupart des espèces,
et il étoit facile de le prévoir, au lieu d'être échangées, passoient
à l'étranger qui les fabriquoit au nouveau titre; et ainsi
s'appauvrissoit et se discréditoit la France.]

Il fut donc convenu qu'il seroit tenu un lit de justice aux Tuileries;
et toutes les précautions furent prises pour y avoir raison du
parlement, s'il se montroit récalcitrant. Cette cour, qui s'attendoit
à quelque chose de sinistre, s'y rendit à pied, «dans l'intention, dit
Saint-Simon, d'_émouvoir le peuple_.» Elle y fut reçue au milieu d'un
appareil armé qui avoit quelque chose de menaçant: ce qui s'y passa,
acheva de la consterner. Ses arrêts furent cassés; le garde des sceaux
l'admonesta avec aigreur sur sa conduite, lui rappela sévèrement ses
devoirs, et ensuite furent lus les édits qui devoient être portés au
lit de justice. L'un défendoit au parlement de prendre connoissance
des affaires d'État; l'autre déclaroit que, dès qu'un édit lui auroit
été présenté pour être enregistré, l'enregistrement seroit censé fait
huit jours après la présentation; enfin un troisième édit ôtoit aux
princes légitimés, et ce, disoit-on, à la sollicitation des pairs, le
rang de préséance qui leur avoit été accordé par le feu roi, ordonnant
qu'ils ne prendroient place désormais au parlement que selon leur rang
d'ancienneté. Il y eut exception pour le comte de Toulouse dans
l'exécution de cet édit, mais uniquement par faveur particulière, et
il dut avoir son entière exécution à l'égard du duc du Maine; et pour
mettre le comble aux outrages dont ses ennemis se plaisoient à
l'accabler, on le dépouilla, dans cette même séance, de la
surintendance de l'éducation du roi, que le duc de Bourbon réclama, et
qui lui fut accordée.

Le régent ne s'arrêta pas là: il voulut prévenir jusqu'aux murmures;
et trois conseillers qu'on lui signala comme moins dociles que les
autres, furent enlevés dans leurs maisons, et conduits dans des
prisons d'État. Les mêmes violences furent exercées à l'égard de
plusieurs autres parlements, ce qui fit fermenter à la fois Paris et
les provinces. Enfin, comme s'il se fût fait un jeu d'abattre tout ce
qu'il avoit d'abord élevé, ce prince, de plus en plus fatigué des
conseils d'administration et de cette opposition si foible qu'il y
rencontroit encore quelquefois, trouva plus expédient de les supprimer
tout à fait, pour y substituer une administration par département, à
la tête de laquelle il mit des secrétaires d'État qui étoient plus
dans sa dépendance. Les grandes familles et les cours souveraines,
dont les chefs ou les principaux membres formoient, en grande partie,
ces conseils, et qui se considéroient ainsi comme ayant quelque part
au gouvernement de l'État, en conçurent un vif ressentiment. Ainsi le
pouvoir avoit repris toutes ces formes tranchantes et despotiques qui
déplaisoient à la nation; et les ennemis du régent devinrent bientôt
plus nombreux que ses partisans. Cette mauvaise disposition
s'accroissoit encore du mécontentement que causoit généralement
l'alliance impolitique, et de jour en jour plus intime, qu'il avoit
contractée avec les Anglois, et de la dépréciation de jour en jour
plus grande des billets d'État, auxquels le succès de la banque de Law
avoit porté le dernier coup, dépréciation dont le fisc s'enrichissoit
aux dépens de ceux qui en étoient porteurs[20].

[Note 20: «Les billets d'État perdoient jusqu'à soixante-dix-huit et
demi, pendant que les actions de la banque gagnoient quinze pour cent;
on recevoit les premiers au trésor royal sur le pied de leur perte, et
on les payoit en actions sur le pied du gain de celles-ci. Ainsi
l'État les retiroit à peu de frais et s'enrichissoit en se libérant,
et les particuliers se ruinoient en se dépouillant de plus des deux
tiers de leur bien.» (ANQUETIL, _Mém. sur la Rég._)]

Cependant Albéroni, dont la main ferme et habile avoit rétabli l'ordre
dans les finances d'Espagne, et rendu à ce royaume languissant et
épuisé une partie de sa vigueur première, poursuivoit, dans sa
politique extérieure, l'exécution de ses plans, avec toute l'activité
de son esprit et toute l'ardeur de son imagination[21]. Il se faisoit
des alliés jusque dans le Nord, où le romanesque Charles XII, avide de
tous les genres de gloire, adopta comme une bonne fortune le projet de
se mettre à la tête de l'armée qui devoit aller en Angleterre rétablir
un roi exilé sur le trône de ses pères; les Turcs qu'ils avoient su
gagner s'engageoient à déclarer la guerre à l'empereur et à l'occuper
par une puissante diversion, tandis que l'armée espagnole opéreroit en
Italie; enfin, une flotte considérable, chargée de troupes de
débarquement, que l'on vit sortir, par une sorte d'enchantement, des
ports d'un royaume dont on croyoit la marine anéantie, avoit envahi la
Sardaigne et fait la conquête presque entière de la Sicile. Un
armement plus formidable s'y préparoit encore; et l'Espagne reprenoit,
dans toutes les cours, la considération que depuis long-temps elle
avoit perdue. On ne peut nier que ce plan ne fût bien conçu et
vigoureusement préparé: le succès en étoit immanquable, si la France
se fût réunie à l'Espagne; il pouvoit encore réussir, si elle eût
seulement consenti à garder la neutralité; mais la quadruple alliance
et les engagements impolitiques qu'on y avoit fait prendre au duc
d'Orléans, étoient un obstacle qui arrêtoit tout court le ministre
espagnol. Il en avoit déjà surmonté de bien grands; il se mit dans la
tête de vaincre encore celui-ci.

[Note 21: Saint Simon jette de grands cris sur les projets d'Albéroni:
«Ils n'avoient, dit-il, d'autre fondement que sa folie, ni d'autres
ressources que les seules forces de l'Espagne contre celles de la
France, de l'empereur et de la Hollande.» C'étoit n'y rien entendre,
et imputer à ce ministre la folie des autres. Il ne pouvoit prévoir le
parti que prendroit le régent de s'allier aux Anglois et à l'empereur
contre le roi d'Espagne, parce qu'il est des absurdités qui semblent
impossibles, et que, par conséquent, on ne peut raisonnablement faire
entrer dans le calcul des chances contraires au succès d'une
entreprise.]

Attentif à ce qui se passoit alors en France, il y crut l'exaspération
des esprits assez grande: pour qu'il fût possible d'y opérer une
révolution dont le résultat eût été d'abattre le régent et de faire
rentrer le cabinet des Tuileries dans les voies d'une politique plus
conforme à son honneur et à ses intérêts. On ne sait point au juste
comment les premiers rapports s'établirent entre lui et les
mécontents; mais la maison de la duchesse du Maine, dont la fureur
étoit au comble contre ce qui venoit de se passer au parlement, ne
tarda point à devenir le centre d'une conspiration contre le duc
d'Orléans. Les agents de cette princesse, de concert avec ceux de
l'ambassadeur d'Espagne, intriguèrent adroitement dans tous les ordres
de l'État et se rallièrent un grand nombre de partisans. Les mesures
sembloient bien prises[22], le secret avoit été bien gardé; ce qui
prouve contre ce prince une haine plus grande encore que les
apparences ne sembloient l'indiquer. Sur ces entrefaites, les Anglois,
qui avoient découvert, en ce qui les concernoit, quelque chose des
projets de l'Espagne, crurent devoir la prévenir et commencèrent
contre elle les hostilités: il devint donc urgent que la conspiration
éclatât, et elle alloit éclater, lorsqu'un incident, qu'il étoit
impossible de prévoir, la fit découvrir[23].

[Note 22: L'Espagne promettoit de soutenir d'une armée la révolte du
Languedoc, sur laquelle on comptoit, et celle de la Bretagne qui déjà
étoit commencée. La guerre civile allumée, le parlement déféroit la
régence au roi d'Espagne, et annuloit l'acte de renonciation de ce
monarque à la couronne de France. Le duc du Maine devoit exercer en
son nom l'autorité de régent. Ce plan eût eu plus de chances de
succès, plutôt, lorsque le duc du Maine étoit surintendant de
l'éducation du roi, et pouvoit disposer jusqu'à un certain point de la
personne de ce jeune prince, ou plus tard, lorsque la chute du système
de Law porta la haine du peuple contre le régent jusqu'au dernier
degré d'exaspération.]

[Note 23: Il y a deux versions sur la découverte des papiers de la
conspiration que le prince de Cellamare, ambassadeur d'Espagne à
Paris, envoyoit à Albéroni; mais le résultat en est le même. Un abbé,
Porto-Carero, qui en étoit porteur, fut arrêté à Poitiers; on visita
sa voiture, et ces papiers y furent saisis dans un double fond où ils
étoient cachés.]

Heureusement pour les conjurés que presque toutes les traces en
furent détruites: toutefois le duc et la duchesse du Maine furent
arrêtés et avec eux leurs principaux domestiques; la Bastille se
remplit de prisonniers. (1719) Pour jeter de l'émotion dans le peuple,
on annonça la découverte des plus horribles projets; mais ce fut une
grande maladresse de publier en même temps quelques pièces qui
présentoient un tableau énergique, et malheureusement trop vrai, de
l'administration arbitraire et de la vie scandaleuse du régent[24].
On affecta de procéder, avec grand appareil, à l'interrogatoire des
principaux conspirateurs, et Dubois fut du nombre des commissaires
nommés à cet effet. Ces interrogatoires ne produisirent aucun résultat
qui pût les satisfaire, et ils finirent eux-mêmes par en être
embarrassés. Les papiers découverts n'inculpoient guères que
l'ambassadeur d'Espagne; et, peu à peu, ce fut une nécessité d'élargir
tous ces prisonniers que l'on avoit arrêtés avec un si grand fracas;
la bonté naturelle du duc d'Orléans éclata dans cette occasion[25].

[Note 24: On y retraçoit avec énergie les promesses publiques que le
régent avoit faites de gouverner suivant les lois et par
l'établissement des conseils de régence, promesses qu'il avoit
indignement violées; et l'on ajoutoit: «Le public n'a ressenti aucun
fruit, ni de l'augmentation des monnoies, ni de la taxe des gens
d'affaires. On exige cependant les mêmes tributs que le feu roi a
exigés pendant le fort de ses plus longues guerres; mais dans le temps
que le roi tiroit d'une main, il répandoit de l'autre, et cette
circulation faisoit subsister les grands et les peuples. Aujourd'hui
les étrangers qui savent flatter la passion dominante, consument tout
le patrimoine des enfants.» On ajoutoit: «Il semble que le premier
soin du duc d'Orléans ait été de se faire honneur de l'irréligion;
cette irréligion l'a plongé dans des excès de licence dont les siècles
les plus corrompus n'ont point eu d'exemple, ce qui, en lui attirant
le mépris et l'indignation des peuples, nous fait craindre à tout
moment, pour le royaume, les châtiments les plus terribles de la
vengeance divine.» (_Mém. sur la Régence_, t. 2, p. 170-184.)]

[Note 25: Madame de Staël nous apprend dans ses Mémoires, qu'à
l'exception du duc et de la duchesse du Maine, toutes les personnes
arrêtées pour cette affaire furent traitées avec beaucoup de douceur.
Lui-même, au bout de quelque temps, ne parut pas moins pressé que ses
prisonniers d'en finir avec eux et de les mettre en liberté.]

(1719-1720) Sous d'autres rapports, les suites de cette conspiration
avortée furent immenses, en ce qu'elles renversèrent et les projets et
la fortune d'Albéroni, dont le régent devint aussitôt le plus
implacable ennemi. Tous les événements semblèrent en même temps
conjurer contre lui: la flotte angloise détruisit presque entièrement
cette flotte si formidable qui avoit fait la conquête non encore
achevée de la Sicile; et mal établies dans cette île par les fautes et
les lenteurs de leur général, les troupes espagnoles y furent bientôt
réduites à la plus pénible défensive. L'empereur, que les exploits du
prince Eugène venoient de délivrer de la guerre que les Turcs avoient
été excités à faire contre lui, se trouva en mesure de défendre le
royaume de Naples et ses autres États d'Italie. La mort de Charles
XII, tué au siége de Fredericshall, rendit inexécutable le plan
concerté d'une diversion en Angleterre; et le prétendant, qui étoit
accouru en Espagne sur les espérances magnifiques qui lui avoient été
données, n'essaya pas même de tenter la fortune avec les secours
insuffisants qui lui furent offerts[26]. Enfin la France, devenue
ouvertement l'alliée de l'Angleterre, déclara la guerre à l'Espagne et
fit marcher une armée vers les Pyrénées.

[Note 26: Albéroni lui avoit promis une flotte considérable et
quarante mille hommes de troupes de débarquement; déconcerté sans
doute par tant de fâcheux événements qui dérangeoient tous ses
calculs, il ne put réaliser les promesses qu'il lui avoit faites, et
néanmoins le prétendant eut tort peut-être de ne pas s'aventurer même
avec le peu qu'on lui offroit. Ses véritables auxiliaires étoient dans
le pays même; il ne s'agissoit que d'y aborder et d'y pouvoir tenir en
abordant.]

La nouvelle de ce mouvement hostile effraya peu d'abord Philippe V et
son ministre; et tous les deux se firent à ce sujet de bien
singulières illusions. Ils se flattèrent, jusqu'au dernier moment, que
des soldats françois n'oseroient jamais tourner leurs armes contre le
petit-fils de Louis XIV, qu'ils avoient aidé eux-mêmes à placer sur le
trône; que la haine que l'on portoit au duc d'Orléans éclateroit très
probablement au milieu des camps, et que, loin d'y rencontrer des
ennemis, ils y trouveroient des auxiliaires disposés à concourir avec
eux à renverser une administration devenue insupportable à la France.
Ce fut là la grande faute d'Albéroni, d'avoir pris, dans d'aussi
graves circonstances, des probabilités aussi incertaines pour base de
ses calculs politiques et de ses opérations militaires. L'armée
françoise entra donc en Espagne, sous les ordres du maréchal de
Berwick, sans trouver aucune résistance; elle y porta, de toutes
parts, la dévastation, tandis que nos flottes désoloient ses côtes, et
alloient jusque dans ses ports achever, au profit des Anglois, de
détruire ses vaisseaux. Une tentative que le ministre espagnol faisoit
en même temps pour faire soulever la Bretagne où il avoit des
intelligences, échoua complétement[27]; mais ce fut surtout en Sicile
que les plus grands revers achevèrent de le déconcerter. Un corps de
dix-huit mille Allemands y avoit abordé sans rencontrer un seul
vaisseau ennemi qui s'opposât à son débarquement; et l'armée
espagnole, mise en déroute par des forces si supérieures; forcée
d'évacuer, les unes après les autres, les places dont elle s'étoit
emparée; poussée de position en position, sans espoir de secours,
n'avoit pas même celui de la retraite, puisqu'il n'y avoit plus de
flotte pour la ramener. La consternation et l'épouvante s'emparèrent
alors du roi et même de la reine d'Espagne; le régent, secondé par les
intrigues de Dubois, en profita habilement pour exiger le renvoi
d'Albéroni. Philippe V fut obligé de souscrire à cette première
condition de la paix. Le ministre prévoyant avoit déjà mis en sûreté
ses immenses richesses; il sortit d'Espagne avec la satisfaction de
voir jusqu'à quel point il étoit encore un objet de frayeur pour les
ennemis du grand royaume qu'il avoit gouverné: sa chute ne fut
humiliante que pour le monarque, qui, en le renvoyant ainsi, subissoit
la loi du vainqueur; et avec lui tomba de nouveau l'Espagne dans la
léthargie dont il venoit de la tirer.

[Note 27: On vouloit soumettre cette province à des impôts qu'elle ne
se croyoit pas obligée de payer; et, depuis 1717, sa noblesse
combattoit, dans les États provinciaux, cette prétention du
gouvernement. Irrités du mépris qu'on faisoit de leurs justes
représentations, un grand nombre de gentilshommes bretons avoient
écouté les propositions d'Albéroni, et n'attendoient que l'apparition
d'une flotte espagnole pour exciter un soulèvement; ce projet ayant
manqué avec tous les autres, le régent crut devoir faire un exemple de
sévérité dans une province où les esprits étoient plus remuants que
partout ailleurs. Une chambre de justice fut établie à Nantes, à
l'effet de faire le procès aux gentilshommes qui avoient trempé dans
la conspiration d'Albéroni, et quatre d'entre eux eurent la tête
tranchée.]

Philippe accéda aussitôt à la quadruple alliance, et les liens du
pacte de famille semblèrent plus que jamais se resserrer par le double
mariage de l'infante d'Espagne avec le roi de France et du prince des
Asturies avec une fille du régent[28]; mais la position devint fausse
pour l'une et pour l'autre puissances: cette guerre et cette paix ne
furent réellement utiles qu'à l'Angleterre qui en obtint des avantages
immenses pour son commerce; elles consolidèrent la branche protestante
de Hanovre sur le trône des Stuarts, et ainsi prévalut ce système
d'une alliance intime avec une nation dont les intérêts étoient
visiblement en opposition avec ceux de la France, qui, par conséquent,
ne pouvoit user de cette alliance qu'aux dépens de son alliée, système
que le simple bon sens repoussoit, et dont les premiers effets, déjà
palpables dans tout ce qui venoit de se passer, attestoient
l'absurdité[29].

[Note 28: Mademoiselle de Montpensier. L'infante n'avoit alors que
quatre ans; le roi en avoit déjà treize. Elle fut envoyée en France
pour y être élevée, et attendre, au milieu des événements politiques,
l'âge où ce mariage pourroit donner des héritiers au trône.]

[Note 29: «L'Angleterre, dit saint Simon, dont la politique ne vouloit
souffrir de marine à aucune puissance de l'Europe, avoit obtenu, par
la toute-puissance de l'abbé Dubois, qu'il ne se formât aucun vaisseau
en France, et qu'on y laissât tomber en ruine le peu qui y restoit. Le
secours que cette puissance avoit donné à Naples et à la Sicile, avoit
eu pour objet la ruine de la flotte espagnole par la leur qui étoit
très supérieure, plus que son attachement aux intérêts de l'empereur.
La France avoit non seulement souffert que la flotte angloise, non
contente de secourir la Sicile, détruisît encore la flotte espagnole;
mais nous nous étions laissé séduire au point de porter les armes dans
le Guipuscoa, moins pour y faire les faciles conquêtes que la France y
fit, et qu'elle ne pouvoit se proposer de conserver, que pour anéantir
la marine d'Espagne, donner un champ libre à celle d'Angleterre, lui
assurer l'empire de toutes les mers, et lui faciliter l'empire des
Indes, en y détruisant celui d'Espagne.» (_Mém._, liv. V.)]

Il étoit temps néanmoins que cette paix, où le duc d'Orléans avoit
parlé en maître à un petit-fils de Louis XIV, vînt le tirer lui-même
du plus grand embarras où il se fût encore jeté, et le préserver des
suites de la plus grande faute qu'il eût encore commise. Nous avons
déjà dit comment il avoit été séduit par le système de Law, et comment
cette opération financière, renfermée dans les justes bornes qui
d'abord lui avoient été tracées, pouvoit avoir les plus heureux
résultats. Pour rendre ces résultats complets, il eût fallu les
combiner avec une bonne administration des finances, à laquelle la
banque eût fourni des ressources de crédit toujours prêtes,
mutuellement avantageuses aux parties contractantes, et au moyen
desquelles se fût opérée graduellement, facilement, l'extinction
totale des dettes de l'État. Ce plan avoit déjà reçu un commencement
d'exécution; et le duc de Noailles, qu'un homme habile et d'une
probité sévère aidoit à gouverner les finances[30], seroit parvenu
sans doute à achever ce qu'il avoit heureusement commencé. Mais il
demandoit encore quinze années, et ces lenteurs, cette économie, cette
marche régulière, nous l'avons déjà dit, ne pouvoient convenir à un
homme tel que le duc d'Orléans[31]. Law, soit qu'il cherchât à flatter
l'impatience du prince et son goût pour les idées neuves et hardies,
soit qu'il fût réellement enivré de la faveur publique dont il étoit
environné, conçut ce fatal système, dont le but étoit d'augmenter sans
mesure la monnoie fictive qu'il venoit de créer, en changeant
entièrement sa nature et ses garanties. À cette banque qu'il venoit de
créer, il imagina donc de joindre, par une autre imitation du nouveau
système financier de l'Angleterre, et à l'instar de sa _compagnie des
Indes_, une _compagnie d'Occident_, dont les actions devoient être
payées en ces billets d'État qui composoient la plus grande partie de
la dette nationale; quant à la valeur de ces actions, elle étoit
garantie par des billets de banque que la banque générale devoit
continuer à échanger contre de l'argent. Il falloit une base au crédit
d'une semblable association commerciale; et si la cupidité n'étoit pas
ce qu'il y a au monde de plus aveugle, on auroit peine à concevoir
comment le charlatanisme inepte et perfide de cet étranger ne fut pas
mis à découvert à l'instant même où il fonda ce crédit sur la cession
de la Louisiane, qui fut faite par le gouvernement à la nouvelle
compagnie. Au lieu de vérifier si ce gage étoit en effet suffisant, on
crut sur paroles les récits mensongers qu'il fit répandre sur cette
terre lointaine, plus riche, disoit-on, en mines d'or, que le Mexique
et le Pérou; et tout porte à croire que le duc d'Orléans, loin d'être
la dupe du financier écossois, se fit complice de cette odieuse et
barbare déception[32]. Ce crédit étant ainsi établi sur un commerce
dont les bénéfices étoient inconnus, et sur cette crédulité publique
qui se plaisoit à les exagérer au delà même des bornes du possible; il
devenoit facile à la banque _générale_, qui reçut alors la
dénomination de banque _royale_, d'élever au degré qu'elle voudroit
ces bénéfices éventuels, d'augmenter ainsi sans mesure la valeur
idéale de ses actions, et de porter aux derniers excès l'émission de
ses billets.

[Note 30: Rouillé du Coudray. Il étoit déjà parvenu à éteindre quatre
cent millions de dettes exigibles.]

[Note 31: Il avoit fallu réduire de beaucoup les pensions; et cette
opération, faite avec une rigueur nécessaire, avoit consterné ce
peuple d'avides courtisans dont le régent étoit environné, et qui
l'obsédoit de plaintes auxquelles il n'avoit pas la force de résister.
Il n'osoit pas en même temps proroger l'impôt du dixième dont le terme
fatal approchoit, et qui devoit cesser alors sans retour, suivant la
parole royale que Louis XIV en avoit donnée. Cet impôt étoit odieux
aux grands qui avoient la foiblesse d'en être humiliés; et qui
sacrifioient ainsi le repos et la sûreté de l'État à la plus ridicule
des vanités, celle d'avoir le privilége de n'en pas partager les
charges.]

[Note 32: Aux mensonges payés de plusieurs voyageurs qui attestoient
l'existence de ces mines trouvées près du fleuve du Mississipi, on
joignit la manoeuvre frauduleuse de faire conduire publiquement à la
Monnoie des lingots que l'on assuroit avoir été tirés de ces mines
merveilleuses.]

C'est ce qui ne manqua pas d'arriver, lorsqu'on vit qu'à cette
compagnie d'_Occident_, dite aussi du _Mississipi_, elle ne tarda pas
à joindre le commerce du Canada, celui du Sénégal pour la traite des
nègres, celui de la navigation et du négoce dans toutes les mers de
l'Orient depuis le cap de Bonne-Espérance jusqu'à la Chine, la
fabrication des monnoies pour neuf ans dans toute la France; les
fermes-générales du royaume; en un mot, tous les revenus de l'État et
tous les produits du commerce. Le peuple de Paris, ivre d'espérances,
se jeta inconsidérément dans le piége qu'on venoit de lui tendre; les
actions, qu'on s'arrachoit et qui se multiplièrent bientôt de la
manière la plus extravagante, s'élevèrent, en peu de temps, vingt fois
au dessus de leur valeur primitive. En raison de cet accroissement
chimérique de valeur, le nombre des billets de banque représentatifs
des actions, s'accrut dans une proportion non moins prodigieuse. Ils
étoient supposés représenter des sommes invariables, tandis que l'on
faisoit à dessein subir à la monnoie de continuelles variations. Tout
l'argent de la France vint donc s'engouffrer à la banque; le
gouvernement remboursa en papier tous les rentiers, tous les
créanciers de l'État; et le Parisien transporté recevoit, en échange
de ses richesses réelles, ces actions magiques qui, d'un jour à
l'autre, triploient, quadruploient, en apparence, la fortune de leurs
heureux possesseurs.

Cependant, dans ce mouvement continuel et presque inconcevable de ces
papiers divers, il étoit impossible qu'ils n'éprouvassent pas, tour à
tour, des alternatives de hausse et de baisse, dans leur valeur
respective. Quelquefois les billets d'État reprenoient quelque faveur,
et les papiers de la banque languissoient; ceux-ci se relevoient
ensuite tout à coup, au détriment des billets d'État: ces variations
dans leur cours firent naître un nouveau genre de spéculation, auquel
on donna le nom d'_agio_, et qui consistoit à profiter habilement, de
cette fluctuation d'effets publics pour vendre cher et acheter à bon
marché. On ne peut se faire une idée de la fureur avec laquelle toutes
les classes de la société se jetèrent dans ce trafic honteux et
insensé. La hausse ou la baisse du même papier, amenée successivement
cinq ou six fois, dans un jour, par les manoeuvres des joueurs les
plus expérimentés, produisoit, comme par enchantement, des fortunes
subites et exhorbitantes, des ruines affreuses et imprévues. La rue
Quincampoix fut d'abord, on ne sait pourquoi, le théâtre de cette
manie frénétique; elle devint bientôt trop étroite pour l'affluence
des joueurs, et leur rendez-vous fut successivement transporté à la
place Vendôme et à l'hôtel de Soissons. Si, de nos jours, un papier
plus désastreux encore, parce que la France entière, et non pas
seulement Paris, en a été la victime, ne nous avoit rendus témoins des
effets prodigieux de l'agiotage, on auroit peine à croire ce qui
arriva dans ces rassemblements tumultueux. On y voyoit pêle-mêle
grands seigneurs, bourgeois, artisans, magistrats; les vols y étoient
fréquents, la cupidité y fit même commettre des assassinats. «On
n'entendoit parler, dit Duclos, que d'honnêtes familles ruinées, de
misères secrètes, de fortunes odieuses, de nouveaux riches étonnés et
indignes de l'être, de grands méprisables, de plaisirs insensés, de
luxe scandaleux[33].»

[Note 33: «Il seroit difficile de dépeindre l'espèce de frénésie qui
s'empara des esprits à la vue des fortunes aussi énormes que rapides
qui se firent alors. Tel qui avoit commencé avec un billet d'État, à
force de trocs contre de l'argent, des actions, et d'autres billets,
se trouvoit des millions au bout de quelques semaines. Il n'y avoit
plus, dans Paris, ni commerce, ni société. L'artisan dans sa boutique,
le marchand dans son comptoir, le magistrat et l'homme de lettres dans
leurs cabinets, ne s'occupoient que du prix des actions. La nouvelle
du jour étoit leur gain ou leur perte. On s'interrogeoit là dessus
avant de se saluer; il n'y avoit point d'autre conversation dans les
cercles, et le jeu des actions remplaçoit tous les autres.»
(ANQUETIL.)

«Il suffisoit d'approcher de cette heureuse rue (la rue Quincampoix)
pour faire fortune. Un bossu, dont la bosse alloit en pente douce
comme un pupitre, en la louant à ceux qui avoient quelques signatures
à faire, gagna en peu de temps plus de cinquante mille livres.» (_Mém.
de la Régence._)]

Cependant il étoit évident que, dans ce mouvement extraordinaire
imprimé aux actions uniquement par l'opinion publique, il n'y avoit
point d'équilibre à espérer de la force des choses, puisqu'il n'y
avoit ni garanties ni produits réels qui pussent représenter la valeur
de ces actions; et qu'au moment même où cette opinion recevroit la
moindre atteinte, une chute subite et effroyable suivroit
immédiatement une fortune aussi prodigieuse. Law, à moins d'être tout
à fait fou, pouvoit lui-même en fixer l'époque au moment où il seroit
dans l'obligation de payer le premier dividende des actions, dividende
qui, d'après le taux exhorbitant qu'il n'avoit pas craint de fixer aux
intérêts, auroit seul surpassé trois fois les revenus affermés à la
compagnie; mais les financiers, qui avoient vu avec dépit tous les
revenus de l'État enlevés de leurs mains pour passer dans les siennes,
hâtèrent encore ce moment en tirant sur la Banque des sommes énormes
qui l'épuisèrent. La difficulté de payer s'étant fait sentir, l'alarme
se répandit partout aussi promptement que la pensée, et les porteurs
de billets se précipitèrent en foule à la Banque pour convertir leur
papier en argent.

Dès ce moment tout fut perdu: dans l'impossibilité où l'on étoit de
payer, il parut, le 20 mai 1720, un édit qui réduisoit à moitié la
valeur des actions. Ce coup imprévu acheva d'ouvrir les yeux, et tous
les moyens furent désormais inutiles pour ranimer une confiance à
laquelle succédoient les plus affreuses terreurs, et le désespoir
profond que peut faire naître le passage subit et violent de la
richesse extrême à la plus extrême misère. Vainement le régent et ce
funeste étranger employèrent-ils, l'un toutes les ressources de son
esprit, l'autre toutes les combinaisons de sa prétendue science
financière, pour soutenir leur monstrueux et fragile édifice: il
crouloit de toutes parts. On fit frapper de nouvelles espèces plus
légères auxquelles seules on donna cours; il y eut ordre de porter les
anciennes à la monnoie, et le public s'obstina à ne point s'en
défaire. On défendit à tout particulier d'avoir chez soi plus de cinq
cents livres en argent; et malgré les délations odieuses que fit
naître cette mesure tyrannique, le trouble, les méfiances,
l'espionnage qu'elle introduisit dans le sein des familles, elle ne
produisit d'autre effet que de faire resserrer plus soigneusement les
sommes que chacun avoit pu soustraire au naufrage général. On essaya
de redonner aux billets leur première valeur, mais personne ne s'y
laissa prendre. Law fut nommé contrôleur général, et, peu de temps
après, forcé de se démettre d'une charge qui le rendoit encore plus
odieux. D'Argenson, qui avoit soutenu le système tant qu'il l'avoit
cru utile, dès qu'il vit l'abus qu'on en faisoit ne voulut pas se
rendre complice de tant de perfidies et d'iniquités; il se démit des
sceaux, qui furent rendus à d'Aguesseau disgracié d'abord pour avoir
désapprouvé le système, sans qu'il résultât d'un tel changement
d'autre effet que d'altérer beaucoup la haute réputation dont
jouissoit celui-ci[34]. Le parlement, qui déjà plusieurs fois s'étoit
élevé, et toujours inutilement, contre les refontes d'espèces et
contre les progrès dangereux de la banque, ayant voulu faire des
remontrances nouvelles, fut exilé à Pontoise, et cet exil ne fit
qu'aigrir les esprits. En moins de huit mois il parut trente-trois
édits, déclarations, arrêts du conseil des finances, pour fixer le
taux de l'or et de l'argent, augmenter le numéraire, indiquer les
moyens de partager les actions, prescrire la manière de les couper, de
les transmettre, de tenir les registres, d'ouvrir et de fermer les
comptes de banque, et autres manoeuvres qui déceloient l'embarras et
le manque absolu de ressources.

[Note 34: Élevé, en 1717, à cette haute dignité, d'Aguesseau y porta
un mélange singulier d'affections parlementaires et de principes
monarchiques qui rendirent sa marche lente, indécise dans toutes les
opérations de son ministère, et d'excellent magistrat qu'il étoit, en
firent, selon Saint-Simon, un chancelier à faire regretter les
d'Aligre et les Boucherat. Le fameux président Molé nous a déjà offert
un exemple de cette fausse position d'un membre du parlement devenu
ministre, mais non pas à ce degré de foiblesse presque ridicule où
tomba d'Aguesseau. Placé par ses préventions et ses tendresses presque
inconcevables pour la magistrature, et par les devoirs de sa place
entre le pouvoir et l'opposition, sans cesse occupé d'interpréter, de
concilier, de composer, de subtiliser, dans presque toutes les
affaires, «cet homme, ajoute le même écrivain, de tant de droiture, de
talents et de réputation, est parvenu à rendre sa droiture équivoque,
ses talents pires qu'inutiles, à perdre sa réputation, et à devenir le
jouet de la fortune.»]

Cependant les débiteurs continuoient d'acquitter en papiers qui
n'avoient plus aucune valeur, les dettes les plus légitimes, parce
que la loi forçoit encore à les recevoir; et le peuple de Paris, les
mains pleines de billets de banque, ne pouvoit plus avoir de pain. Il
fut ouvert une caisse où étoient payés en argent les billets de peu de
valeur: on s'y porta avec tant d'affluence que trois hommes y furent
étouffés, et le spectacle de ces trois cadavres fut sur le point
d'exciter une sédition. La populace assiégea le Palais-Royal; Law,
qu'elle vouloit déchirer en pièces, ne dut son salut qu'à la vitesse
de ses chevaux, et revint ensuite chercher un asile dans la demeure du
prince, qui le retint encore six mois auprès de lui, tout chargé qu'il
étoit de l'exécration publique. Enfin ce trop célèbre aventurier
quitta la France et alla mourir à Venise dans un état voisin de la
misère, tandis que les débris immenses du système, soumis à
l'opération frauduleuse et tyrannique du _visa_, furent réduits à peu
près à rien[35].

[Note 35: «Il fut enjoint à tous les actionnaires de venir à des
bureaux établis à cet effet, prouver qu'ils avoient eu telle terre,
telle rente, telle maison ou tel autre bien-fond, dont les billets ou
actions qu'ils présentoient étoient le fruit. Alors on timbroit ces
papiers, ce qui s'appeloit _viser_, et tous ceux qui ne purent subir
cette épreuve tombèrent.... D'abord, il étoit extrêmement désagréable
de se trouver forcé de déclarer qu'on avoit vendu le bien de ses
pères; ensuite ceux qui s'étoient vus contraints de recevoir des
billets, les uns pour des marchandises, d'autres pour des meubles, ne
pouvant prouver qu'ils venoient de propriétés foncières, restoient
avec des papiers sans valeur. À l'égard même des agioteurs de
profession, c'étoit une injustice de les priver, par une formalité, du
prix de leur industrie, etc. (ANQUETIL.)

»Jamais gouvernement plus capricieux, dit Duclos, jamais despotisme
plus frénétique ne se virent sous un régent moins ferme. Le plus
inconcevable des prodiges pour ceux qui ont été témoins de ce temps là
et qui le regardent aujourd'hui comme un rêve, c'est qu'il n'en soit
pas résulté une révolution subite, que le régent et Law n'aient pas
péri tragiquement. Ils étoient en horreur; mais on se bornoit à des
murmures. Un désespoir sombre et timide, une consternation stupide
avoient saisi tous les esprits; les coeurs étoient trop avilis pour
être capables de crimes courageux. (_Mémoires secrets._)]

(1720-1721) Ainsi se termina la plus grande révolution qui jusqu'alors
eût jamais été opérée dans les finances, révolution qui acquitta
presque toutes les dettes de l'État, si c'est les acquitter que de
ruiner une quantité presque innombrable de citoyens, en leur enlevant,
par artifice ou par séduction, les gages ou cautionnements des avances
qu'ils ont pu faire au souverain. Elle fit sortir de leur état une
foule d'hommes obscurs, en même temps qu'elle plongea dans l'obscurité
qui suit ordinairement la misère beaucoup de familles honnêtes; elle
gorgea de richesses quelques spéculateurs habiles, qui, se méfiant de
bonne heure d'une monnoie périssable, avoient su l'échanger à propos
contre des valeurs plus solides[36]. De tels bouleversements dans les
fortunes, en amenant le mélange de toutes les classes de la société,
achevèrent de corrompre les moeurs, et ce fut là leur effet le plus
funeste. Ce fut surtout dans les classes moyennes, jusque là
préservées de la contagion, que le système porta le désordre, en y
répandant un goût de luxe effréné, une soif ardente de richesses, qui
détruisirent peu à peu tout sentiment d'honneur et de vertu. Les
richesses tinrent lieu de tout et rapprochèrent toutes les distances;
chacun aspira à sortir de son état, et l'on vit naître dans
l'intérieur des familles, encore si régulièrement ordonnées dans le
siècle précédent, des désordres jusqu'alors inconnus.

[Note 36: Les hommes les plus puissants de la cour se montrèrent, en
ce genre, les plus méfiants et les plus habiles; et personne ne sut
mieux qu'eux faire des bénéfices énormes et les mettre en sûreté. Le
duc de Bourbon, arrière petit-fils du grand Condé, est cité comme l'un
des plus heureux parmi ces nobles spéculateurs. On les appeloit
_seigneurs mississipiens_, et loin de rougir de ce sobriquet, ils
étoient les premiers à en plaisanter.]

Dans cette suite rapide d'événements où dominoient toujours les
conseils de Dubois, la faveur de ce vil personnage sembloit
s'accroître de toutes les fautes qu'il faisoit commettre à son maître,
et en même temps s'accroissoit son audace, et achevoit de se
développer une ambition que rien ne pouvoit rassasier. Les dignités de
l'Église étoient la seule voie par laquelle pût s'élever à une sorte
de considération personnelle un aventurier, né dans une classe
obscure, et qui n'étoit sorti de cette obscurité que par des intrigues
qui l'avoient publiquement déshonoré. Dubois, l'homme de France le
plus décrié pour l'infamie de ses moeurs et le cynisme de son impiété,
secrètement marié[37], n'ayant de l'état ecclésiastique que l'habit,
que d'abord il en avoit pris pour se procurer, à l'aide de ce
déguisement, des moyens d'existence, conçut le projet criminel et
extravagant de se faire nommer archevêque de Cambrai. Le régent, tout
perdu qu'il étoit lui-même d'impiété et de débauche, fut d'abord
épouvanté de cet excès d'impudence et de scélératesse: mais Dubois le
vouloit de la volonté la plus ferme; il avoit pris un ascendant que
rien ne pouvoit plus détruire, et le maître subjugué fut obligé de
céder. Dubois fut donc archevêque de Cambrai[38], et ceux qui
craignoient le pouvoir des papes et les entreprises de la cour de Rome
purent reconnoître, en cette circonstance, que le droit usurpé par les
rois ou par ceux qui les représentent, de donner des évêchés, pouvoit
avoir quelquefois ses inconvénients.

[Note 37: L'acte de son mariage existoit dans un village du Limousin.
L'intendant de cette province, gagné par Dubois, s'introduisit, chez
le curé de ce village par une véritable ruse de comédie, l'enivra, et
enleva furtivement de ses registres cette pièce si importante pour
l'abbé prétendu. Cet intendant se nommoit Breteuil, et ce bel exploit
fut le commencement de sa fortune et de celle de sa famille.]

[Note 38: «Muni d'un bref du pape pour recevoir tous les ordres à la
fois, il se rendit de grand matin, avec l'évêque de Nantes, dans une
paroisse de village du vicariat de Pontoise, et y reçut tous les
ordres jusqu'à la prêtrise inclusivement, à une basse messe; puis il
en repartit aussitôt, et fit assez de diligence pour être de retour à
Paris à l'heure du conseil.

«On se récria en le voyant entrer. Le prince de Conti lui fit un
compliment ironique sur la célérité de son expédition en fait d'ordres
sacrés. Dubois l'écouta sans se démonter, et répondit froidement que,
si le prince étoit mieux instruit de l'histoire de l'Église, il ne
seroit pas si surpris des ordinations précipitées, et cita là dessus
celle de saint Ambroise. Chacun applaudit à l'érudition et au
parallèle. L'abbé ne s'en émut pas, laissa continuer la plaisanterie
tant qu'on voulut; et quand on en fut las, il parla d'affaires.»
(DUCLOS, _Mémoires secrets_.)]

L'épiscopat françois n'avoit point encore subi une semblable honte.
Cet ascendant d'un misérable dont les vices n'étoient compensés par
aucuns talents supérieurs, qui n'avoit pas même pour lui cet agrément
des formes extérieures qui explique du moins la séduction, en qui tout
étoit odieux, ignoble et repoussant, affligeoit et confondoit en même
temps tous les honnêtes gens. Le duc d'Orléans sembloit encore plus
fou que son favori n'étoit effronté; et l'on peut concevoir combien
une telle faveur dut alors sembler inexplicable, puisque depuis, et
jusqu'à ce jour, personne n'a même tenté de l'expliquer. Cependant le
duc d'Orléans avoit un esprit étendu et pénétrant; il avoit montré
dans plusieurs circonstances qu'il ne manquoit pas de résolution, et
que, quand ses intérêts le commandoient, il savoit surmonter cette
répugnance qu'il avoit pour l'application et le sérieux des affaires.
Il ne faut point croire qu'un pareil homme se soit livré comme un
enfant, ou pour mieux dire comme un stupide, au dernier des hommes,
lorsqu'il est facile de trouver, dans un dessein très astucieusement
combiné, l'explication d'une conduite qui semble, au premier coup
d'oeil, contraire à tout bon sens et à toute réflexion.

Nous avons vu qu'au moment où le duc d'Orléans s'étoit saisi d'un
pouvoir qu'on s'étoit préparé dès long-temps à lui disputer, et qu'il
pouvoit craindre de lui voir échapper, il avoit jugé nécessaire, pour
se créer des partisans, de faire quelques concessions à la noblesse de
cour, qui rêvoit deux choses, d'abord qu'elle représentoit à elle
seule toute la noblesse de France, ensuite qu'elle étoit encore un
ordre politique; puis au parlement, que plus d'un demi-siècle de
servitude n'avoit pas changé, et qui se retrouvoit, à la mort de Louis
XIV, tel qu'il avoit été sous la Fronde, et prêt à recommencer, à
l'égard du pouvoir temporel, l'opposition que l'autorité spirituelle
n'avoit cessé de trouver en lui. Les fautes du régent en finances, en
administration, en politique extérieure, développèrent ces deux
oppositions que lui-même avoit formées, et qui n'étoient pas
elles-mêmes plus réglées que le pouvoir qu'elles combattoient. Il vit,
dans les grands, la prétention absurde de rétablir l'ancienne
aristocratie; dans le parlement, celle de se faire de nouveau le
défenseur des peuples opprimés et le tuteur des rois. Ces tracasseries
l'impatientèrent d'abord, l'irritèrent ensuite. Le despotisme de Louis
XIV, auquel on se persuadoit d'ailleurs, et si follement, que la
nation étoit désormais et sans retour entièrement façonnée et
accoutumée, lui sembloit, avec juste raison, une manière beaucoup plus
facile de gouverner; et Dubois, qui y voyoit le seul moyen de faire
triompher cette politique angloise sur laquelle se fondoient toutes
ses espérances, l'y poussoit de toute l'activité de son esprit
intrigant et cauteleux. Le régent s'y jeta donc de fatigue et
d'impatience; et ce parti une fois pris, comme il ne vit dans tout ce
qui l'entouroit qu'un seul homme qui, sur ce point, fût parfaitement
d'accord avec lui, il devint inévitable qu'il se débarrassât sur lui
seul de la plénitude d'un pouvoir qu'il étoit résolu de ne pas
exercer. La corruption profonde de cet homme n'étoit pas pour arrêter
un esprit aussi profondément corrompu que le sien; et il trouvoit même
dans la bassesse et le néant d'un tel ministre, des garanties que ne
lui eût point offertes un personnage considérable par ses alliances et
par son extraction. En cela il suivoit encore le système de Louis XIV,
qu'il poussoit ainsi jusqu'à ses dernières et plus abjectes
conséquences; et en effet, si ce monarque, maître absolu d'un pouvoir
incontesté et incontestable, résolu qu'il étoit de l'exercer sans
souffrir la moindre opposition, n'avoit pas cru prudent d'en confier
la moindre part à des hommes dont l'existence sociale eût une grande
consistance, à plus forte raison devoit agir ainsi le duc d'Orléans,
dont le pouvoir temporaire avoit déjà rencontré des partis disposés à
le renverser, et qui s'étoit rendu, par ses fautes et ses scandales,
odieux et méprisable à la nation. Il livra donc ce pouvoir à Dubois,
parce qu'il le considéroit, parmi tous ceux qui entroient dans ses
conseils, comme le seul qui fût dans l'impossibilité d'en jamais
abuser contre lui; il le lui livra sans bornes, parce qu'il ne pouvoit
y en avoir dans le système despotique qu'il avoit définitivement
adopté. Dubois comprit parfaitement sa position, et en abusa jusqu'à
violenter quelquefois le maître qui la lui avoit faite[39], sûr qu'il
le pouvoit impunément, et que, dans la position difficile où ce maître
s'étoit lui-même placé, il passeroit tout et accorderoit tout à
l'homme qui lui en sauvoit les difficultés, cet homme étant tel
d'ailleurs, qu'il lui eût été impossible de le remplacer[40]. Telle
étoit la dégradation profonde où étoit déjà tombé le pouvoir
despotique exercé par Richelieu et Louis XIV, avec une apparence de
grandeur qui en masquoit le vice radical, et que la Providence avoit
voulu laisser tomber, immédiatement après _le grand roi_, entre les
mains d'un prince sans moeurs et sans religion.

[Note 39: «Il jouit si bien de toute l'autorité, disoit Saint-Simon au
régent lui-même, qu'il n'y a qui que ce soit, françois ou ministre
étranger, qui ose se jouer à aller directement à votre altesse royale,
bien convaincu qu'affaires, justice ou grâce, tout dépend tellement de
lui, qu'on se regarde comme absolument battu, si on le trouve
contraire, et on n'ose aller plus haut; mais si on le trouve
favorable, le plus souvent on s'en tient à son consentement, sans que
votre altesse royale en entende parler, si ce n'est pour la forme, et
seulement quand le cardinal l'ordonne, ce qu'il fait quelquefois dans
des cas de refus, et dans l'espérance de faire prendre le change, et
de se décharger de l'odieux sur vous.»]

[Note 40: Il le lui avoit persuadé du moins. «Dubois, dit encore
Saint-Simon, séduisit son maître avec ces prestiges d'Angleterre qui
firent tant de mal à l'État, et dont les suites en causent encore de
si fâcheux. Il le força, et tout de suite il le lia à cet intérêt
personnel, en cas de mort du roi, de deux usurpateurs intéressés à se
soutenir l'un l'autre; et le régent s'y laissa entraîner par le babil
de Canillac, les profonds _proposito_ de Noailles, et par les
insolences et les grands airs de Stairs qui lui imposoient, et cela
sans aucun désir de la couronne..... De là ce lien devenu nécessaire
entre Dubois et lui.»

«Quand celui-ci fut parvenu à aller la première fois en Hollande, ce
qui ne fut pas sans peine, ceci le conduisit à Hanovre, puis à
Londres, et à devenir seul maître de la négociation, partie
l'arrachant à la foiblesse de son maître, partie en l'infatuant qu'il
ne s'y pouvoit servir de nul autre, parce que nul autre ne pouvoit
être comme lui dépositaire du vrai nom qui faisoit le fondement de la
négociation, qui étoit, en cas de mort du roi, le soutien réciproque
des deux usurpateurs, trop dangereux pour M. le duc d'Orléans à
confier à qui que ce soit qu'à lui.» (_Mémoires_, liv. V.)]

L'ambition de Dubois étoit sans bornes comme son audace: ce n'étoit
pas assez pour lui d'avoir été fait archevêque de Cambrai, il voulut
être cardinal. Après lui avoir donné la mître, le duc d'Orléans ne
pouvoit reculer à lui faire obtenir le chapeau; et tous les deux
travaillèrent de concert à faire réussir ce nouveau projet, quoique le
régent affectât avec ses autres familiers, d'être indigné que son
favori osât prétendre à cette haute dignité. Pour y parvenir, il étoit
convenable et même nécessaire de faire quelque chose qui fût agréable
au pape et utile à la religion: or, depuis la mort de Louis XIV, les
querelles élevées par le parti janséniste, à l'occasion de la bulle
_Unigenitus_, n'avoient pas, un seul instant, cessé de troubler
l'Église de France, d'occuper le gouvernement, et d'entretenir la
correspondance la plus active entre le pape, le régent et les évêques
_acceptants_ ou _opposants_. Cette bulle que, peu de temps avant sa
mort, le feu roi avoit résolu d'aller lui-même faire enregistrer au
parlement, non seulement n'étoit point encore revêtue de cette
formalité, mais cette compagnie se montroit, plus que jamais, décidée
à en refuser l'enregistrement. Or, il est vrai de dire que c'étoit le
duc d'Orléans lui-même qui avoit provoqué une résistance si obstinée,
lorsque, dans les premiers moments de son administration, voulant se
rendre agréable à ces gens de robe qui lui avoient, jusqu'à un certain
point, donné la régence, il avoit affecté de protéger les Jansénistes,
et même de leur sacrifier leurs adversaires. Quelques-uns de ces
sectaires, emprisonnés sur la fin du dernier règne, avoient été mis en
liberté. Nommé chef du tribunal de conscience, le cardinal de
Noailles, archevêque de Paris, obtint, en même temps, la direction des
affaires ecclésiastiques; le régent fit plus encore pour la secte, en
éloignant du nouveau roi et même en faisant exiler le père Le Tellier.
Ce fut l'abbé Fleury qui le remplaça; et ce grand partisan des
_libertés gallicanes_[41], n'étoit pas fait pour effrayer les enfants
de Jansénius.

[Note 41: Ses _Opuscules_, publiés après sa mort, font foi qu'il y
reconnut, plus tard, quelques inconvénients.]

Les choses restèrent en cet état, tant que Dubois et son maître
n'eurent aucun intérêt à les changer. Dès qu'ils furent intéressés à
ménager le pape, tous les deux se firent _constitutionnaires_, et il
fut résolu que la bulle seroit acceptée. Ils espéroient pouvoir, dans
cette circonstance, se passer du parlement, en la faisant enregistrer
au grand conseil, où, bien qu'il y eût une opposition très forte
contre cet enregistrement, le parti dévoué au régent étoit en
majorité. Dubois avoit même formé le projet hardi de faire casser
cette compagnie, dont la résistance, surtout dans l'affaire du
système, avoit exaspéré le duc d'Orléans, et qui l'irritoit encore,
même dans son exil, où la faveur publique l'avoit suivie. Son dessein
transpira: comme on savoit que c'étoit un furieux que rien ne pouvoit
arrêter, les parlementaires en furent effrayés, et, pour détourner le
coup dont ils étoient menacés, manoeuvrèrent avec le cardinal de
Noailles qui leur étoit dévoué. Nous nous proposons de raconter, avec
quelques détails, non seulement ce qui se passa en cette circonstance,
mais encore tout ce qui a rapport à cette grande affaire de la bulle
_Unigenitus_, et à cette lutte à jamais mémorable du parlement contre
le clergé, qui se prolongea jusqu'à la fin du règne de Louis XV; et le
tableau que nous en présenterons, sera, sans contredit, la partie la
plus intéressante de nos récits; mais, voulant, pour le faire mieux
comprendre, en réunir ensemble tous les traits, il nous suffira de
dire ici que ce prélat, que, ni les remontrances du pape, ni ses
menaces, ni les prières et les exhortations du corps presque entier
des évêques, n'avoient pu amener à accepter la bulle _Unigenitus_, se
montra disposé à céder, lorsqu'il vit la magistrature en danger; et,
d'accord avec les parlementaires, promit de donner son mandement
d'acceptation, dès que le parlement auroit enregistré, soutenant que
l'enregistrement au grand conseil ne suffisoit pas. Il finit par le
persuader: alors Dubois changea lui-même de marche, et fit aussi
tourner à son gré le régent, qui d'abord s'étoit jetté, avec la plus
grande ardeur, dans ce projet de le débarrasser du parlement. On
alloit l'exiler à Blois: son rappel de Pontoise lui fut présenté comme
le prix de cet enregistrement. Il y consentit enfin, mais avec des
modifications qui mettoient à couvert les _opposants_ et leur
doctrine; immédiatement après, l'archevêque donna son mandement et
avec _la même bonne foi_: ceci fait, le parlement rentra dans Paris le
20 décembre 1721[42].

[Note 42: Le rappel du parlement fut le signal de l'exil de Law, qui,
toujours réfugié dans le palais du régent, exerçoit encore de
l'influence dans ses conseils, et avoit concerté avec Dubois le plan
de la destruction de cette compagnie. Quoiqu'il eût fait des bénéfices
énormes, tant par une émission frauduleuse de ses billets de banque,
que par le jeu de l'agiotage dont il tenoit la balance entre ses
mains, il n'avoit pas su se ménager une ressource assurée pour la
mauvaise fortune; et après avoir parcouru l'Italie et l'Allemagne, il
se fixa à Venise, où il mourut dans un état voisin de l'indigence.]

La conclusion de cette grande affaire valut donc à Dubois le chapeau
de cardinal, auquel il aspiroit; et quoique ce scandale fût moins
grand que celui qu'avoit causé sa nomination à l'archevêché de
Cambrai, l'impression qu'il produisit fut plus vive; et la lettre par
laquelle le pape déclaroit au roi de France «qu'il l'avoit honoré de
la pourpre à cause des grands services qu'il avoit rendus à l'Église,
à la paix de laquelle il étoit un de ceux qui avoient le plus
contribué,» enveloppa Rome elle-même dans cette indignation générale
que causoit une telle profanation d'une si haute dignité. Cependant
quoi de plus injuste et de plus irréfléchi? Parce que les vices et les
turpitudes de Dubois étoient publiquement connus en France, étoit-ce
une raison pour qu'on en dût être exactement instruit à Rome?
Lorsqu'on disputoit au pape tout acte et à peu près tout droit de
juridiction sur le clergé gallican, étoit-il en mesure d'exercer une
surveillance active et sévère sur les vie et moeurs d'un ministre du
roi; et n'eût-on pas trouvé mauvais qu'il se permît même d'en avoir la
pensée? En supposant que quelques rumeurs de la conduite déréglée de
Dubois fussent parvenues jusqu'à lui, pouvoit-il, sur de vagues
insinuations, même sur des rapports officieux, se persuader qu'un
grand monarque, ou le prince de son sang qui tenoit alors sa place,
s'oublieroit au point de lui présenter un homme infâme pour en faire
un prince de l'Église? Il ne le pouvoit ni ne le devoit. Dubois ne lui
étoit connu qu'en raison des hautes fonctions publiques auxquelles la
confiance du régent l'avoit appelé; le service qui venoit d'être rendu
en France à la religion étoit réel, quels que fussent les motifs
honteux et secrets qui l'avoient fait rendre: les raisons qui avoient
déterminé le pape étoient donc justes, raisonnables; et l'indignité du
sujet ne pouvoit être imputée qu'à celui qui, ne sachant ce qu'il
étoit, n'en avoit pas moins voulu qu'il devînt membre du sacré
collége. C'est ainsi qu'en se mêlant plus qu'il ne leur appartenoit du
gouvernement de l'Église, en imposant, en quelque sorte, à son chef
des hommes de leur choix pour les grandes dignités ecclésiastiques,
les princes temporels, qui ont cru accroître les attributions de leur
pouvoir, n'ont fait qu'ajouter des charges à leur conscience[43].

[Note 43: Duclos raconte, dans ses _Mémoires secrets_, que le pape
étant mort, au moment où Dubois intriguoit à Rome pour avoir le
chapeau, l'abbé de Tencin, qui étoit, dit-il, son principal agent dans
cette intrigue, offrit au cardinal de Conti de lui _procurer la tiare_
par la faction de France et des autres partisans _bien payés_, si lui
Conti vouloit s'engager _par écrit_ à donner, après son exaltation, le
chapeau à Dubois; que, le marché fait et signé, Tencin intrigua
_efficacement_, et Conti fut élu pape; qu'alors Tencin l'ayant sommé
de sa parole, ce pontife, _naturellement vertueux_, qui s'étoit laissé
arracher cet écrit, dans une _vapeur d'ambition_, refusa d'accomplir
ce marché simoniaque, et de prostituer le cardinalat à un sujet aussi
indigne; que la lutte dura long-temps entre le pape et l'abbé; que
celui-ci l'ayant enfin menacé de rendre public son billet, le pontife
effrayé céda, et nomma Dubois cardinal pour anéantir ce fatal billet;
que la nomination faite, Tencin, qui ne l'avoit point encore rendu,
demanda le chapeau pour lui-même, et y mit, pour s'en dessaisir, cette
dernière condition; que le pape en tomba malade, et finit par en
mourir de honte et de douleur.

Tous les genres d'invraisemblances et d'absurdités sont accumulés dans
ce conte ramassé, on ne sait où, par Duclos, qui, sous le rapport des
doctrines religieuses, étoit au niveau de Dubois, et dont les moeurs
ne valoient guère mieux. Mais fût-il vraisemblable que l'abbé de
Tencin, dont les philosophes et les Jansénistes ont dit beaucoup de
mal, ce qui est un grand préjugé en sa faveur, pût, à son gré, faire
un pape avec de l'argent; et qu'un cardinal, _vertueux_ ou non, fût
assez stupide pour signer, en entrant au conclave, un pareil billet
entre les mains d'un agent subalterne, on n'en sera pas moins fondé à
demander à celui qui raconte un tel fait: quelle preuve en
donnez-vous? sur quels témoignages l'appuyez-vous? avez-vous vu, de
vos propres yeux, ce billet que Tencin n'a pas rendu? avez-vous du
moins des moyens suffisants pour en constater l'existence? Rien de
tout cela. Le fait est raconté sans preuves, sans autorités, sans
témoignages; et comme si le narrateur eût pris à tâche d'en démontrer
lui-même l'absurdité et l'invraisemblance, il ajoute naïvement,
relativement à l'élection d'Innocent XIII, que probablement il eût été
nommé pape, _sans aucune manoeuvre_, pour sa naissance et _par la
considération dont il jouissoit_; et sur la promotion de Dubois,
qu'elle étoit fondée «sur la sollicitation de la France, sur la
recommandation de l'empereur, redouté à Rome et que le roi
d'Angleterre avoit fait agir vivement, enfin sur le crédit et le
ministère de Dubois, qui pouvoient être utiles à la cour de Rome.»

Qu'un écrivain qui écrit des Mémoires, et surtout des Mémoires
_secrets_, y jette malignement et sans réflexion de semblables
sottises, c'est ce qui se peut, jusqu'à un certain point, concevoir;
mais qu'un autre écrivain, qui a la prétention d'écrire l'histoire,
s'en empare comme d'une vérité historique, c'est ce que l'on conçoit
plus difficilement; et c'est cependant ce qui est arrivé, dans ces
derniers temps, de ce conte ridicule, digne pendant de la conversation
de M. Amelot avec le pape Clément XI[43-A].]

[Note 43-A: _Voyez_ la 1re partie de ce volume, p. 181.]

(1721-1722) Parvenu à cette prodigieuse fortune, l'effronté favori
n'étoit point encore satisfait. Élevé si haut par les caprices et les
foiblesses de son maître, il vouloit se mettre à l'abri de ses
foiblesses et de ses caprices, et tellement qu'il devînt difficile au
prince de détruire cette oeuvre que ses mains avoient trop facilement
formée. La place de premier ministre pouvoit seule offrir à Dubois de
semblables garanties: il se mit dans la tête d'être nommé premier
ministre; et jamais, sans doute, cet ascendant qu'il avoit pris sur le
régent ne se manifesta d'une manière plus frappante et plus faite pour
achever de désespérer les gens de bien. Une dispute de préséance dans
le conseil lui fournit un prétexte pour en faire exclure tous ceux
qu'il savoit lui être contraires, et pour plusieurs l'exclusion fut
accompagnée de l'exil[44]. Le maréchal de Villeroi, gouverneur du
jeune roi, l'inquiétoit encore: n'ayant pu le gagner, il sut l'attirer
dans un piége où l'excès de sa présomption le fit donner tête baissée;
puis il le fit aussitôt arrêter et exiler par ordre du régent, qui
joua son rôle dans cette comédie, à qui il persuada qu'en cette
circonstance ils avoient un commun intérêt[45]. Enfin le foible
prince, si l'on en croit le duc de Saint-Simon, le nomma premier
ministre, après mille hésitations et au milieu d'anxiétés qui
prouvoient à quel point il sentoit l'énormité de la faute qu'il alloit
commettre, et plus encore à quel point il étoit subjugué.

[Note 44: C'étoit la prétention du chancelier et des ducs de ne pas
céder, dans le conseil, le rang aux cardinaux; et par suite de cette
prétention, Dubois, depuis qu'il étoit cardinal, s'étoit abstenu d'y
paroître: il vouloit y rentrer, mais d'une manière convenable à sa
nouvelle dignité; et prévoyant ce qui en alloit arriver, craignant
encore que son manque de considération personnelle ne le fît échouer
dans une telle entreprise, il eut l'adresse de persuader au cardinal
de Rohan de demander d'y être d'abord admis, lui montrant en
perspective, pour lui-même, la place de premier ministre. Celui-ci
donna dans le piége, obtint facilement du régent d'entrer au conseil,
et Dubois s'y glissa à sa suite. Dès que le chancelier et les ducs
virent paroître les cardinaux, ils se retirèrent, et les maréchaux
suivirent leur exemple. Dubois partit de là pour faire croire au
régent que c'étoit une cabale formée contre lui, puisque les
maréchaux, qui n'avoient jusque-là rien disputé aux cardinaux,
prenoient parti dans cette affaire. Les maréchaux d'Uxelles, de
Tallard et de Bezons se retirèrent dans leurs terres, et il y eut
défense de leur payer leurs pensions. D'Aguesseau quitta une seconde
fois les sceaux qui furent donnés à d'Armenonville. Enfin le duc de
Noailles, plus redouté de Dubois parce que le régent l'aimoit plus que
les autres, fut exilé à cent cinquante lieues, et se vit, en raison de
cette amitié même, le plus maltraité de tous.]

[Note 45: Dans une entrevue dont le but étoit d'opérer entre eux une
réconciliation, Villeroi s'étoit emporté contre Dubois jusqu'aux
derniers outrages. Ce n'étoit point assez pour lui ôter les hautes
fonctions dont il avoit été revêtu: il fut décidé qu'on feroit en
sorte qu'il manquât au régent lui-même, et l'on parvint sans beaucoup
de peine, et par l'effet de son extrême fatuité, à lui faire commettre
cette énorme sottise; puis, lorsqu'il vint en demander excuse, on
l'enleva, on le jeta dans une chaise de poste qui partit aussitôt,
environnée de mousquetaires, et le porta, en peu d'heures, à son
château de Villeroi, d'où il eut ordre de ne pas sortir.]

Quelques-uns cependant, et avec plus de vraisemblance, lui ont prêté
d'autres motifs qui supposeroient que, sous cette insouciance et cette
légèreté apparente, il savoit dissimuler, quand il le jugeoit
convenable, des desseins assez profondément combinés; et que le dégoût
des affaires, qu'avoit fait naître en lui l'abus des plaisirs, n'avoit
pas banni de son âme la passion qui a peut-être le plus d'empire sur
ceux qui en sont possédés, et qui presque toujours survit à toutes les
autres, l'amour du pouvoir. Le roi touchoit à sa majorité; et ce
pouvoir, dont le régent s'étoit fait une habitude, alloit lui
échapper. Si, après cette époque fatale, il continuoit encore à
l'exercer, il pouvoit craindre qu'on ne l'accusât de vouloir s'y
perpétuer; tandis que le faisant passer, lorsqu'il lui appartenoit
encore, entre les mains de sa créature, de l'homme de France le plus
déconsidéré, le plus dépourvu de consistance, et par conséquent le
moins redoutable pour lui, il écartoit ainsi, en ce qui le touchoit,
et quoi que l'on pût dire sur le choix qu'il auroit fait, tout
soupçon de vues ambitieuses, et tellement qu'après avoir été régent de
France, consentant à succéder à Dubois dans cette place de premier
ministre, il sembleroit faire un acte de dévouement. Or, cette
succession ne devoit pas se faire long-temps attendre: Dubois étoit
atteint d'une maladie mortelle, digne fruit de ses débauches
crapuleuses, et son arrêt avoit été prononcé par les médecins[46].
Dans moins d'une année, la place ne pouvoit manquer d'être vacante; et
c'étoit ainsi que le duc d'Orléans spéculoit sur la mort de celui à
qui il s'étoit abandonné pendant sa vie. Il s'en expliqua ainsi,
dit-on, dans des conversations intimes avec quelques familiers; et du
reste, de telles combinaisons n'étonneroient point de la part de ce
prince dont l'esprit affectionnoit tout ce qui sembloit subtil en
intrigues et en affaires, et mettoit même de l'amour-propre à
surpasser les plus habiles et les plus corrompus, en immoralité, en
mépris pour les hommes, et en habileté dans la science des intérêts.

[Note 46: Il est très remarquable que le duc d'Orléans s'étoit informé
très curieusement auprès de Chirac, médecin de Dubois, de ce qu'il
pensoit à ce sujet; que celui-ci l'assura que le cardinal n'avoit pas
plus de six mois à vivre, et que le régent répéta, dans son intimité,
la sentence prononcée par le médecin; d'où il faut conclure qu'il
avoit un plan tout près à être mis à exécution, après ce terme fatal
et si rapproché.]

(1723) Quoiqu'il en puisse être, la prédiction se vérifia: Dubois
jouit à peine une année de ce faîte des grandeurs auquel il n'avoit
cessé de tendre, sans se donner aucun repos qu'il n'y fût parvenu; et
le malheureux mourut comme il avoit vécu[47]. Sa mort acheva de
révéler les turpitudes de sa vie: car alors il fut découvert que
l'argent qu'il recevoit des Anglois, pour leur vendre les intérêts de
la France, composoit à peu près la moitié de ses immenses revenus[48].
Quelques-uns ont vanté les actes de son court ministère; d'autres les
ont décriés, et nous le représentent, dans ces derniers moments, comme
plus emporté, plus cynique, plus désordonné dans les affaires, plus
dégagé de tout frein, par cela même qu'il étoit dégagé de toutes
craintes[49]. Lorsqu'il s'agit d'un homme tel que Dubois, ce qui est
le plus infâme semble le plus vraisemblable, et nous croyons plutôt à
ce dernier récit. Au reste, les actes de ce court ministère furent de
peu d'importance; et en ce qui concerne l'histoire, ils sont
tout-à-fait insignifiants.

[Note 47: Il mourut des suites d'un abcès dans la vessie, après une
opération faite pour empêcher la gangrène d'attaquer cet organe, et ne
cessa de jurer et de blasphémer jusqu'à ce qu'il eût perdu la parole
et le jugement.]

[Note 48: Cette pension étoit de neuf cent mille livres, et la
totalité de ses revenus se montoit à près de deux millions.]

[Note 49: «Quand il fut devenu le véritable maître, dit Saint-Simon,
toute son application à ce que son maître ne lui échappât pas,
s'épuisa à épier les moments de ce prince, ce qu'il faisoit, qui il
voyoit, le temps qu'il donnoit à chacun, son humeur, son visage, ses
propos, et l'issue de chaque audience ou de chaque partie de plaisir,
qui en étoit, quels propos, et par qui tenus, et à combiner toutes ces
choses; surtout à effrayer, à effaroucher pour empêcher d'aller au
prince, et à rompre toutes mesures à qui en avoit la témérité, sans en
avoir obtenu son congé et son aveu..... Cette application et quelque
écorce indispensable d'ordres à donner, ravissoient son temps; en
sorte qu'il étoit devenu inabordable, hors quelques audiences
publiques ou autres, aux ministres étrangers.» (_Mém._, liv. V.)]

Le duc d'Orléans partagea ouvertement, et, l'on peut le dire,
effrontément, la joie que ressentoit la France d'être débarrassée de
ce vil et odieux personnage[50], sans s'inquiéter si le mépris dont il
affectoit d'accabler sa mémoire, ne retomboit pas sur lui-même qui
l'avoit fait ce qu'il étoit devenu; et cependant, comme s'il n'eût pu
trouver désormais personne à qui se confier, il se ressaisit du
pouvoir, parut sortir du long sommeil dans lequel il avoit été plongé,
et jetant un coup d'oeil sûr et pénétrant sur les affaires auxquelles
on le supposoit désormais inhabile pour les avoir trop long-temps
négligées, étonna la ville et la cour par la supériorité, la facilité
avec laquelle il sut les traiter, et l'étendue d'esprit qu'il montra à
en embrasser l'ensemble sans lenteur, et sans confusion. Il joignoit à
ces dons si rares de l'intelligence, des manières charmantes
auxquelles on ne pouvoit résister, se rendoit accessible à tous, et
même lorsqu'il refusoit, avoit l'art de ne point mécontenter. Ces
efforts que l'ambition et non le sentiment du devoir lui firent faire
sur lui-même, n'étoient qu'une fatigue nouvelle qu'il ajoutoit à celle
des honteux plaisirs, qui étoient devenus pour lui une incurable
habitude, et qui n'en furent point interrompus. L'excès du travail
acheva bientôt d'éteindre une vie que les excès de l'intempérance
continuoient d'épuiser: il mourut d'apoplexie entre les bras d'une de
ses maîtresses[51], près de laquelle il attendoit l'heure de son
travail avec le roi. Cette mort du régent arriva le 2 décembre de
cette même année et peu de mois après celle du cardinal; il étoit âgé
de quarante-neuf ans.

[Note 50: Le jour où l'opération fut faite à Dubois, l'air extrêmement
chaud tourna à l'orage. Aux premiers coups de tonnerre, le prince ne
put s'empêcher de dire: «Voilà un temps qui, j'espère, fera partir mon
drôle.» Or ce drôle étoit un homme à qui il avoit livré la France
entière comme une proie, avec plein pouvoir de l'opprimer au dedans,
et de la trahir au dehors. Un tel mot suffit pour peindre celui à qui
il est échappé; il confirme d'ailleurs ce que nous avons dit de ses
véritables desseins, lorsqu'il avoit comme abdiqué le pouvoir en
faveur de ce misérable.]

[Note 51: La duchesse de Phalaris.]

Telle fut la régence du duc d'Orléans: toutes les conséquences du
système de gouvernement établi par Louis XIV y sont en quelque sorte
accumulées; et la seule différence qu'offrent l'une et l'autre manière
de gouverner, se trouve uniquement dans le caractère des deux hommes
qui gouvernoient. Louis XIV n'avoit voulu de bornes au pouvoir
monarchique, ni dans les anciennes institutions politiques de la
France, ni dans la suprématie de l'autorité religieuse; mais il étoit
sincèrement attaché à la religion. Ces bornes que son orgueil ne
vouloit pas reconnoître, il les trouvoit dans sa conscience, qui, au
milieu de ses plus grands écarts, devenoit son modérateur et l'y
faisoit rentrer: ainsi, le despote étoit sans cesse adouci ou réprimé
par le chrétien. Un prince sans foi, sans moeurs, sans conscience,
reçoit, immédiatement après lui, ce même pouvoir et dans toute son
étendue: il en peut faire impunément, et il en fait à l'instant même
un instrument de désordre, de scandale, de corruption, de violences et
de spoliations envers les citoyens, d'insultes et d'outrages envers la
nation; car tout cela se trouve dans l'administration de ce sybarite,
presque toujours plongé dans la paresse ou dans la débauche. Si l'on
vit un moment, sous cette administration oppressive, et uniquement par
le _bon plaisir_ du maître, reparoître quelque ombre de cette
opposition politique que Louis XIV avoit abattue, cette opposition,
qui depuis long-temps s'étoit faite elle-même indépendante de
l'autorité religieuse, qui de même n'avoit ni frein ni modérateur,
reprit sa tendance anarchique, plus incompatible que jamais avec un
tel despotisme, et dut être bientôt brisée par lui, pour recommencer,
dans l'ombre, à conspirer contre lui.

Cependant il est remarquable que, dans cette tendance continuelle du
pouvoir à établir, en France, le matérialisme politique le plus abject
et le plus absolu, le catholicisme, dont la nation étoit comme
imprégnée dans presque toutes ses parties, l'embarrassoit dans sa
marche, et malgré tout ce qu'il avoit fait pour en atténuer
l'influence, lui suscitoit des obstacles plus réels et bien plus
difficiles à vaincre que l'opposition parlementaire. Ne pouvant le
détruire, il voulut du moins l'exploiter à son profit; et la religion,
que les usurpations continuelles et successives des princes temporels
avoient, par degrés, soustraite en France à la protection sainte et
efficace de son chef naturel, se vit, lorsque Louis XIV eut comblé la
mesure de ces usurpations que l'on eut grand soin de maintenir après
lui, réduite à l'opprobre d'être protégée par des hommes qui, en même
temps, la profanoient par leurs scandales, et l'outrageoient par leurs
mépris. Nous ne verrons que trop tôt ce qui en arriva; il nous suffira
maintenant de faire remarquer encore que, malgré cette position fausse
où se trouvoit placé, dans ce royaume, tout ce qui avoit action
politique sur le corps social, et particulièrement la puissance
religieuse, cette action n'en étoit pas moins réelle, et qu'elle
empêchoit le pouvoir de marcher aussi fermement qu'il auroit voulu
dans les voies qu'il s'étoit ouvertes; que, tour à tour, foible ou
violent, selon qu'il étoit plus ou moins pressé par les résistances
environnantes, il avoit tous les inconvénients du despotisme, sans y
joindre les avantages qui résultent ordinairement pour le despote, de
l'unité de la volonté et de l'énergie de l'action.

Il en alloit autrement en Angleterre: depuis la révolution de 1688,
tout y avoit changé de face. Le protestantisme y avoit subi le sort
qu'il devoit nécessairement éprouver partout où il parvenoit à
s'établir: après y avoir été, tour à tour, un instrument de révolte et
de despotisme, il avoit fini par n'avoir plus, dans l'État, aucun
caractère, ni politique ni religieux. Plus heureux cependant que le
clergé protestant du nord de l'Europe, le clergé anglican avoit pu
conserver une grande partie des biens enlevés aux églises, lors de la
réforme de Henri VIII, et se fondre dans le parti aristocratique de
la nation qui, propriétaire à peu près de tout le territoire, s'étoit
emparé du pouvoir après l'expulsion des Stuarts, et n'avoit rétabli
une ombre de monarchie que comme un moyen de le conserver plus
sûrement, décidé qu'il étoit à ne plus jamais s'en dessaisir[52].
Ainsi se forma tout d'un coup un matérialisme politique, sans nulle
opposition religieuse, et qui ne trouva plus de résistance que dans
les intérêts également matériels de cette autre partie de la nation
qui n'avoit de part ni dans la propriété de la terre, ni dans
l'exercice du pouvoir. Cette opposition toute populaire, abandonnée à
elle-même, pouvoit devenir terrible: il eût été insensé d'essayer de
la détruire; car on ne l'auroit pu qu'en détruisant la race d'hommes
dont elle se composoit: les personnages habiles qui se succédèrent
dans la direction de ce système nouveau et périlleux (et c'étoit une
nécessité qu'ils fussent habiles pour s'y maintenir, ceux qui ne
l'étoient pas tombant d'eux-mêmes par la force des choses), n'eurent
donc qu'une seule pensée: ce fut d'incorporer, en quelque sorte, au
pouvoir, une opposition si formidable, en l'y attachant par le lien
indissoluble de tous ses intérêts.

[Note 52: Ce fut pour n'avoir pas bien compris cette position nouvelle
des choses, et pour avoir essayé de régner à d'autres conditions que
celles qui leur avoient fait obtenir le trône, que les premiers
princes de la branche d'Hanovre furent sur le point d'en être
précipités. Ils ne s'y raffermirent que lorsqu'ils marchèrent d'accord
avec cette aristocratie redoutable, soit en lui cédant quand elle se
montra impérieuse, soit en s'y créant, dans les deux chambres[52-A]
qui la représentoient, un parti prépondérant, pour l'amener à faire ce
qu'ils vouloient: ce qui étoit reconnoître d'une autre manière la
supériorité de son pouvoir.]

[Note 52-A: La chambre des communes n'est en effet qu'une branche de
ce pouvoir aristocratique, le seul qui domine véritablement au milieu
de l'opposition factice et des pouvoirs fictifs dont il est
environné.]

Le commerce maritime pouvoit seul résoudre ce problème difficile
d'enrichir à la fois et d'occuper cette population turbulente: ce fut
vers le commerce maritime, déjà florissant chez eux, que ces chefs du
parti aristocratique dirigèrent tous ses efforts, excitant et
développant en elle, à dessein, toutes les passions cupides. Ce fut à
s'emparer de l'empire des mers, à y détruire toute rivalité de la part
des autres nations, qu'on les vit tendre tous les ressorts de leur
politique extérieure; et deux puissances, la France et l'Espagne,
qu'ils craignoient par dessus tout, et que le pacte de famille leur
rendoit encore plus redoutables, devinrent le principal point de mire
de cette politique machiavélique. Leurs ministres dans les cours
étrangères, ne furent plus occupés qu'à y semer l'or pour corrompre,
les flatteries et les séductions pour décevoir, et quand il étoit
nécessaire, les troubles et les dissensions, pour détourner
l'attention de l'Europe de leur marche constante, et de leurs progrès
toujours croissants dans ce plan d'invasion commerciale. En même temps
qu'ils étendoient de toutes parts leurs relations mercantiles, ils
fondoient le _crédit public_, combinaison financière jusqu'alors sans
exemple dans le monde civilisé, dont le résultat, qu'ils avoient
profondément calculé, étoit de rendre toutes les fortunes
particulières dépendantes de la fortune publique, et par conséquent
intéressées à la soutenir; de fournir à l'État des ressources
_anticipées_ dont s'accroissoit encore l'activité du commerce, tandis
que, par cette activité toujours croissante, le commerce consolidoit
et augmentoit à son tour le crédit, pour en tirer ensuite d'autres
ressources et lui rendre de nouveau ce qu'il en avoit reçu; espèce de
progression qui sembloit ne devoir trouver de terme que dans
l'envahissement entier du monde commercial, et dans l'appauvrissement
de toutes les nations au profit de l'Angleterre. C'étoit un état
violent qui, en exagérant les forces vitales de la nation, ne pouvoit
manquer de la conduire tôt ou tard à quelque grande catastrophe; mais
enfin cette catastrophe inévitable, vers laquelle l'Angleterre se
précipite aujourd'hui comme poussée par la main de la Providence,
n'est point encore arrivée, depuis plus d'un siècle que cette nation a
commencé à présenter à l'Europe ce grand et effrayant spectacle. Elle
a vécu d'une vie factice sans doute; mais c'est entière sur les
intérêts matériels; cette vie, elle l'a prolongée et la prolonge
encore aux dépens des sociétés catholiques, pour qui l'essai de ce
système politique est devenu un principe de mort, parce qu'il leur a
été impossible d'y confondre ensemble, comme le fait l'Angleterre,
tous les intérêts en les _matérialisant_, et de leur imprimer ainsi le
mouvement irrésistible qui résulte, pour cette nation, de cette
réunion en quelque sorte _forcée_ de toutes les volontés
individuelles[53]: elle seule l'a pu faire, parce qu'elle se trouvoit
dans des circonstances dont l'histoire du monde n'offre pas un second
exemple; et ce qui n'étoit jamais arrivé avant elle, après elle
n'arrivera jamais chez aucune autre nation, et plus particulièrement
chez celles qui l'ont follement imitée.

[Note 53: Ainsi s'explique pourquoi les catholiques, quelque nombreux
qu'ils puissent être en Angleterre, y sont, pour ainsi dire, jetés
hors de la société politique; c'est qu'en raison du _spiritualisme_ de
leur religion, ils y seroient en contradiction perpétuelle avec ses
principes et ses maximes, et deviendroient en quelque sorte un
instrument de désordre pour les machinistes qui en entretiennent et en
font mouvoir les ressorts. Quand ces ressorts se détraqueront, il est
probable que l'Angleterre redeviendra catholique.]

Nous avons déjà vu les premiers effets de cette politique angloise à
l'égard de la France: la pension payée à Dubois avoit valu deux choses
au cabinet de Saint James, la destruction presque totale de la marine
espagnole, et qu'il ne fut pas construit un seul vaisseau dans nos
ports, tant que dura la régence. Nous allons le voir obtenir, en ce
genre, bien d'autres succès; et quand la corruption ne l'aidera pas,
un aveuglement non moins fatal se fera son auxiliaire.

La mort du régent réjouit tous les partis: les gens de cour, pour
n'avoir pas obtenu de lui tout ce qu'il leur avoit fait d'abord
espérer; le parlement, pour ces coups d'autorité dont il l'avoit
accablé, après lui avoir promis un meilleur avenir; les jansénistes,
pour en avoir été repoussés et persécutés après qu'il les avoit
accueillis et même protégés; le clergé, pour n'en avoir été satisfait
qu'à demi, parce qu'en faisant enregistrer la bulle _Unigenitus_, il
s'étoit obstiné à maintenir les _appels comme d'abus_, et l'avoit
ainsi laissé sous le joug de ce même parlement, qu'à son égard il
avoit jugé à propos de réduire au dernier degré de servitude; les
honnêtes gens, pour la corruption de ses moeurs, son impiété déclarée
et le scandale de sa vie; la France entière, pour les funestes
opérations financières qui avoient fait sa ruine et dont il la
menaçoit encore, lorsqu'il eut repris la direction des affaires. On se
réjouit donc généralement de cette mort, et avec juste raison, comme
de la délivrance d'un fléau; mais au milieu de cette joie, personne,
en regardant autour de soi, n'eût pu dire ce qu'il espéroit d'un
changement. Louis XV, alors à peine âgé de quinze ans, étoit d'un
caractère doux, timide, inappliqué, et avoit toute l'inexpérience de
son âge. Toutes les pensées et toutes les affections de ce roi enfant,
concentrées dans sa domesticité, se portoient plus particulièrement
sur son précepteur, l'abbé de Fleuri, évêque de Fréjus. Lors de
l'enlèvement du maréchal de Villeroi, celui-ci, ayant feint de vouloir
partager sa fortune et s'étant éclipsé de la cour, la douleur de
l'élève s'étoit manifestée avec une telle violence qu'on en avoit été
effrayé, et qu'on s'étoit hâté de chercher son précepteur pour le lui
rendre, ne trouvant aucun autre moyen de l'apaiser. L'évêque de Fréjus
étoit donc revenu à la cour, plus sûr que jamais de son ascendant sur
le jeune monarque, le fortifiant de jour en jour davantage de ce qu'il
avoit dans l'esprit d'insinuation et d'aménité, cachant avec le plus
grand soin le désir qu'il avoit du pouvoir, et, quoique déjà
septuagénaire, attendant tout de sa patience et du temps. Tel étoit sa
position à la cour depuis l'événement qui avoit révélé cet attachement
excessif que Louis XV avoit pour lui, que le duc d'Orléans lui-même
n'avoit pas cru pouvoir succéder à Dubois dans la place de premier
ministre, sans solliciter son appui; et l'adroit vieillard, jugeant
que le temps n'étoit pas encore venu pour lui, l'avoit accordé avec
toutes les apparences d'un entier désintéressement. Il n'en fut pas de
même lorsqu'à la mort de ce prince, le duc de Bourbon prétendit à le
remplacer. Cette fois-ci, la complaisance de l'évêque de Fréjus, sans
lequel il ne pouvoit rien, ne fut pas aussi désintéressée; il voulut
qu'une part du pouvoir en fût le prix, et se réserva la direction des
affaires ecclésiastiques. Cette part lui fut cédée avec répugnance par
le plus altier des princes du sang; mais enfin il l'obtint, et ce fut
ainsi que le précepteur du roi commença à entrer dans le gouvernement
de l'État.

(1724-1725) Ce ministère du duc de Bourbon fut court, et deux mots
suffisent pour le peindre: il fit regretter celui du duc d'Orléans.
Abandonné avec autant d'indolence à sa maîtresse la marquise de Prie,
que le régent l'avoit été à Dubois, et surtout avec plus d'aveuglement
et d'ineptie, il fut le premier qui offrit à la France le scandale
plus grand encore d'une femme perdue placée à la tête des affaires
publiques, et s'en emparant comme d'une proie à partager avec les
agents de ses intrigues et les compagnons de ses débauches. Les
diplomates anglois n'eurent autre chose à faire que de transmettre à
cette femme la pension qu'ils avoient payée au favori du régent pour
continuer de régner en paix dans le cabinet des Tuileries, et d'y voir
suivre le système de politique et d'administration le plus favorable à
leurs vues et à leurs intérêts.

Ainsi rien ne changea dans la politique extérieure; dans
l'administration intérieure, ce fut pis qu'auparavant. Les hommes les
plus décriés, parmi ceux que le système de Law avoit enrichis sans
avoir pu assouvir leur avidité insatiable, formèrent la clientelle
d'un prince qui s'étoit enrichi avec eux et par des moyens tout
semblables; et tout se vendit à la cour, places, honneurs, grâces,
dignités, avec un tarif pour chaque chose, et plus effrontément qu'on
ne l'avoit fait jusqu'à ce jour. Il y eut des ministres et un conseil
d'État, mais seulement pour la forme: tout se décidoit d'avance dans
un comité secret auquel présidoit la marquise de Prie[54], et où
siégeoient uniquement des financiers; car des affaires de finance,
c'est-à-dire des édits bursaux, sous toutes les formes, étoient, pour
cette coterie prodigue et cupide, les affaires les plus importantes,
ou pour mieux dire, les seules affaires de l'État.

[Note 54: Cette femme qui n'étoit pas moins impie que Dubois, et qui
n'avoit pas moins de cynisme dans son impiété, se mit dans la tête de
signaler les commencements du ministère de son inepte amant par
quelque chose de grand; et pour remplir un tel projet, elle ne trouva
rien de mieux que de lui faire imiter Louis XIV dans une persécution
nouvelle contre les protestants, qui en effet avoit remué depuis la
mort de ce roi, mais que ces persécutions plus violentes encore,
exercées par de semblables persécuteurs, rendirent intéressants même
aux yeux de ceux qui leur étoient le plus opposés.]

Cependant, à peine maître de ce pouvoir qu'il avoit, à l'instant même,
si stupidement prostitué, le duc de Bourbon se vit menacé de le
perdre: une maladie du roi, que l'on crut sérieuse, le jeta, ainsi que
sa maîtresse et ses affidés, dans les plus vives alarmes. L'héritier
présomptif du trône étoit le nouveau duc d'Orléans qui le haïssoit; et
la mort de Louis XV seroit devenue, pour le premier ministre, le
signal de la plus cruelle disgrace. Il fut donc arrêté, dans le comité
secret, que, dès que le roi auroit recouvré la santé, on prendroit des
précautions pour n'être plus exposé à des chances aussi périlleuses;
et la principale occupation de ce ministère, qui ne devoit durer qu'un
jour, fut d'assurer à jamais son existence en cherchant au jeune
monarque une femme qui pût, sur-le-champ, lui donner un héritier.
Cette résolution prise, l'infante à laquelle il avoit été fiancé et
que l'on élevoit à Paris, étant encore en bas âge, fut renvoyée en
Espagne, et le fut avec une insolence dont Philippe V et la reine
surtout conçurent un profond ressentiment. On vouloit pour Louis XV
une femme dont la position et le caractère fussent tels, qu'elle pût
être facilement conduite et même dominée par ceux à qui elle auroit dû
son élévation; et la soeur du duc de Bourbon, à laquelle on avoit
d'abord pensé[55], fut elle-même rejetée, parce qu'elle ne sembla pas
présenter des garanties suffisantes à cette folle prétention qu'avoit
la coterie de se perpétuer dans le pouvoir. La marquise de Prie crut
les trouver, et sur ce point elle avoit rencontré juste, dans la fille
d'un roi de Pologne détrôné[56], à qui la France avoit accordé un
asile obscur au fond d'une de ses provinces, et qui y vivoit en
quelque sorte de ses aumônes; et il fut décidé que Marie Leczinska
seroit reine de France. Telle fut l'origine de la fortune subite et
prodigieuse de cette jeune princesse, dont une duchesse de Bade
n'avoit pas voulu pour sa bru, et qui se fût estimée heureuse,
quelques mois auparavant, d'épouser un des officiers de cette cour
dont elle alloit devenir la souveraine.

[Note 55: Mademoiselle de Vermandois.]

[Note 56: Stanislas Leczinsky. Placé sur le trône de Pologne par
Charles XII, il s'étoit vu enveloppé dans le désastre de son
protecteur, après la bataille de Pultawa, et avoit erré quelque temps
en Allemagne avant de venir se réfugier en France.]

Tel fut aussi le grand oeuvre du ministère du duc de Bourbon: il en
triomphoit sottement et sa maîtresse avec lui, et cependant leur chute
suivit de près l'événement par lequel ils s'étoient crus raffermis.
Ils n'avoient en effet aucun obstacle à craindre du côté de la jeune
reine; mais aussi ils n'y pouvoient trouver un appui. La haine
publique croissoit sans cesse contre eux par l'effet de ces
tracasseries financières, et cependant insuffisantes, dont ils ne
cessoient de tourmenter la nation. Ils essayèrent de sortir d'embarras
par la création d'un impôt plus fort et qui pesoit également sur tous
les ordres de l'État: le clergé, la noblesse, le parlement, élevèrent
à la fois leurs réclamations; l'animadversion de toute la France fut à
son comble; et Fleuri, qui épioit le moment favorable, crut qu'il
étoit temps enfin de renverser un ministère aussi mal habile que
violent et scandaleux. Il ne lui fut pas difficile d'y amener son
royal élève qui n'aimoit pas le duc de Bourbon, et jamais on ne tomba
de si haut avec moins de bruit. Une lettre de cachet exila le duc à sa
terre de Chantilli, une autre relégua sa maîtresse en Normandie, et
tout finit là. Fleuri, qui avoit su conserver, malgré eux, la part de
pouvoir qu'ils avoient été forcés de lui laisser, se trouva ainsi
doucement et presque naturellement porté à la tête des affaires.

L'évêque de Fréjus étoit un homme médiocre en tout. Son caractère,
sans être foible jusqu'à l'extrême timidité, n'avoit pas cependant
l'énergie nécessaire pour lutter contre de grands obstacles et pour
les surmonter. Il avoit dans l'esprit ce qu'il falloit de sens et de
sagacité pour bien comprendre un certain ordre à mettre dans certaines
parties de l'administration, et pour exécuter ce qu'il avoit compris;
mais là s'arrêtoit la portée de sa vue; et ces vives lumières qui
embrassent l'ensemble des affaires, qui pénètrent jusqu'aux entrailles
du corps social pour y découvrir le mal interne dont il est tourmenté,
qui saisissent les rapport extérieurs d'un grand empire, leurs
avantages ou leurs inconvénients, et s'étendent jusque sur son avenir,
lui avoient été refusées. C'étoit de même un homme réglé et modeste
dans ses moeurs, à qui l'on ne connoissoit aucun vice; qui, si l'on en
excepte un extrême amour du pouvoir qu'il avoit su très adroitement
dissimuler, n'étoit troublé par aucune passion dominante; mais aussi
il n'y avoit en lui aucune de ces vertus fortes qui produisent les
grandes actions et édifient par de grands exemples. C'étoit par cette
médiocrité même et par la douceur de son commerce, lequel, à l'égard
de son royal élève, ressembloit à une sorte de paternité, qu'il avoit
su s'emparer des affections de ce jeune prince, médiocre lui-même, et
qu'une éducation molle et absurde avoit entretenu dans l'indolence de
toutes ses facultés intellectuelles; car c'est là un des plus grands
reproches que l'on puisse faire à Fleury, d'avoir élevé un roi de
France comme s'il fût né pour obéir et non pour commander. Tel étoit
ce vieillard qui, à soixante-treize ans, ne fut point effrayé de la
charge de gouverner un grand royaume. Devenu maître du pouvoir, il
n'est pas besoin de dire qu'il le fut aux mêmes conditions que tous
ceux qui l'avoient précédé, aussi absolument que Louis XIV et Dubois
avoient pu l'être: il en fit seulement un usage différent. Il ne
voulut point du titre de premier ministre que Dubois avoit avili,
auquel le duc de Bourbon étoit loin d'avoir rendu son ancien éclat,
qui d'ailleurs n'auroit rien ajouté à ce qu'il y avoit de réel et de
solide dans sa nouvelle position. Mais les hautes dignités de l'Église
étoient de nature à lui donner un véritable relief; et cette même
année, sur la demande du roi de France, et du consentement de
l'empereur et du roi d'Espagne, l'évêque de Fréjus fut nommé cardinal,
hors de rang et par anticipation.

Le nouveau ministre s'entoura d'hommes encore plus médiocres que lui,
mais qu'il choisit propres à entrer dans ses vues d'ordre et
d'économie; il rappela de l'exil et fit sortir de prison ceux que la
haine et les vengeances des ministères précédents avoient exilés ou
emprisonnés; les princes légitimés recouvrèrent toutes leurs
prérogatives, le seul droit de succession au trône excepté; la cour
prit, au même instant et avec la souplesse qui lui est propre, toutes
les allures douces, décentes et paisibles du vieillard qui gouvernoit
l'État, et si la corruption invétérée des moeurs n'y fut pas moins
profonde, elle s'y dépouilla du moins de ces manières cyniques et
grossières qu'elle avoit adoptées sous la régence, et les remplaça par
ces raffinements de la galanterie que l'on peut appeler l'hypocrisie
de la débauche. Le seul prince dont Fleuri eût pu craindre
l'influence, le jeune duc d'Orléans, étoit sans ambition et le plus
éloigné de tous de lui disputer le pouvoir: il le posséda donc sans
rivaux et à peu près sans ennemis.

(1726-1730) C'étoit pour la première fois, et depuis des siècles, que
l'on voyoit arriver au timon de l'État un ministre parfaitement
désintéressé. Les finances, si violemment et si scandaleusement
restaurées sous la régence, menaçoient de redevenir un abîme pour la
France. La prodigalité du duc d'Orléans, la cupidité sans bornes de
ceux dont il s'étoit entouré, y avoient porté, depuis le système, de
nouvelles et funestes atteintes, et le ministère du duc de Bourbon
avoit été une espèce de pillage. Ce fut, ainsi que nous venons de le
dire, par l'ordre, par l'économie, que le nouveau ministère voulut
réparer le mal. La paix profonde dont jouissoit l'Europe lui en
fournissoit une occasion favorable, et plusieurs opérations
heureusement combinées produisirent de bons résultats. Il fixa enfin,
d'une manière invariable, la valeur des monnoies, si frauduleusement
altérées sous les ministères précédents, et le fit de manière à donner
désormais de la sûreté aux transactions particulières sans porter
dommage aux intérêts de l'État; il trouva tout à la fois le moyen de
diminuer les impôts et d'accroître les revenus publics, en augmentant
le prix des fermes générales; pour éteindre des emprunts faits à un
taux onéreux, il sut, vu la confiance qu'il inspiroit, en contracter
d'autres à des conditions avantageuses; par l'effet naturel de
l'aisance du trésor public, le commerce et les manufactures reprirent
de l'activité, et les colonies prospérèrent[57].

[Note 57: Le seul reproche que l'on puisse lui faire, dans cette
partie de son administration, est d'avoir voulu opérer une réduction
nouvelle sur les rentes qui étoient elles-mêmes un débris misérable du
système, débris qui attestoit la ruine de la plupart de ceux qui en
étoient porteurs. C'étoit là une nouvelle atteinte portée à la foi
publique, et, si l'on peut s'exprimer ainsi, une banqueroute dans une
banqueroute. Des cris s'élevèrent de toutes parts contre cette mesure
inique; elle fut sur le point de perdre dans l'opinion de la France le
ministre à qui tout commençoit à se rallier. Pour rétablir son crédit
ébranlé, il n'eut d'autre parti à prendre que de revenir sur ses pas,
en modifiant, dans ses plus graves conséquences, cette mesure vraiment
indigne de sa probité financière; et le secrétaire d'État, qui la lui
avoit conseillé, fut sacrifié[57-A].]

[Note 57-A: Lepelletier-Desforts.]

Ici finissent les éloges que nous pouvons donner au ministère du
cardinal de Fleury. Hors de ses opérations financières, son
administration n'offre plus que foiblesse et ineptie. Nous le suivrons
d'abord, et jusqu'à la fin, dans sa politique extérieure qui ne fut
qu'une suite de fautes grossières, même alors qu'elle sembloit être
justifiée par des succès, et qui prépara les désastres et la honte des
temps qui vinrent après lui; puis nous reviendrons à ce qui se passa
dans l'intérieur, où les événements les plus graves ne purent être
maîtrisés par la main timide et débile de ce vieillard.

Entraînés comme nous l'avons été jusqu'ici, et afin de rendre
intelligible l'histoire d'une ville comme Paris, à y joindre une
esquisse rapide de l'histoire de la France entière, nous nous voyons,
de temps à autre, forcés d'y ajouter un tableau général de la
situation de l'Europe; car, depuis le seizième siècle surtout, il est
également difficile de comprendre ce qui concerne quelqu'une des
grandes nations qu'elle renferme, si l'on ne retrace, à certains
intervalles, un exposé de la situation, des vues, des intérêts des
autres nations dont se compose la grande société européenne, société
unique dans l'histoire des peuples, et par les intérêts communs qui
lui donnent la force et la vie, et par les dissensions intestines qui
l'épuisent et la tuent, société à laquelle le christianisme a rattaché
les destinées du monde, et à un tel point que sa chute et sa
dissolution semblent devoir amener avec elles la fin de toute société.
Il convient donc de jeter ici un second coup d'oeil sur cette
situation des grandes puissances de l'Europe et sur les intrigues de
leurs cabinets, intrigues qui, depuis long-temps, formoient toute leur
politique.

La reine d'Espagne ne pardonnoit point à la France le renvoi
outrageant qu'on lui avoit fait de sa fille, et nous avons dit que
Philippe en avoit été également offensé. Dans leurs projets de
vengeance, auxquels se joignoit le vif désir que conservoit toujours
Élisabeth Farnèse de procurer à ses fils des établissements en Italie,
ils se tournèrent vers l'Autriche, qui se trouvoit alors comme isolée
au milieu de cette alliance de l'Angleterre avec la France, de
celle-ci avec l'Espagne, et, par ce triple obstacle, contrariée dans
le projet qu'elle avoit formé de prendre part au commerce maritime,
que l'on commençoit à considérer comme la principale prospérité des
nations. Elle accueillit d'abord avec empressement les ouvertures que
lui fit l'Espagne, dont l'alliance sembloit devoir rétablir pour elle
cet équilibre que les derniers traités avoient rompu. Un traité fut
donc conclu à Vienne le 30 avril 1725: l'empereur y reconnoissoit les
droits héréditaires de l'infant don Carlos aux duchés de Toscane, de
Parme et de Plaisance, et s'engageoit à employer ses bons offices pour
faire rendre à l'Espagne, par l'Angleterre, Gibraltar et l'île de
Minorque. De son côté, le roi d'Espagne se faisoit garant de l'ordre
de succession établi par l'empereur pour ses États héréditaires,
affaire à laquelle ce monarque attachoit la plus grande importance,
dont il étoit presque uniquement occupé, qui se lie aux plus grands
événements de ce siècle, et dont nous ne tarderons point à parler avec
plus de détail. Peu de temps après, ces deux puissances signèrent
entre elles un second traité de commerce et d'alliance défensive. Ceci
se passa sous le ministère du duc de Bourbon, et immédiatement après
que l'infante eut été renvoyée.

Les Anglois, qui payoient pour être maîtres dans le cabinet des
Tuileries, informés de ce qui se passoit, n'eurent point de peine à y
faire prévaloir cette opinion, qu'il n'y auroit rien de plus
préjudiciable aux intérêts de la France que de souffrir que l'Autriche
devînt puissance maritime et commerçante. Pour parer à un danger
aussi imminent, un nouveau traité resserra les liens qui unissoient
entre elles les deux puissances[58]. Alors l'Angleterre arma contre
l'Espagne; de son côté l'Espagne se prépara au siége de Gibraltar.
Mais il arriva que l'Autriche, sur laquelle elle avoit compté, ne tint
point ses engagements; d'autres intérêts l'en détournèrent, et
Philippe, dont le ministre Riperda étoit lui-même vendu à
l'Angleterre, se trouva bientôt seul vis-à-vis d'une puissance
maritime à laquelle il ne pouvoit opposer un seul vaisseau, et
embarrassé d'un siége où se consumoit inutilement son armée. Les
choses en étoient là, lorsque le cardinal de Fleuri arriva au
ministère.

[Note 58: Il fut signé à Hanovre, le 3 septembre 1727. La Hollande y
accéda, et aussi le roi de Prusse; mais celui-ci ne tarda point à s'en
détacher.]

Ce n'étoit point un homme que l'on pût corrompre avec de l'argent;
mais déjà le cabinet de Saint-James avoit trouvé son côté foible:
c'étoit une bonne opinion de lui-même, si solidement établie, qu'il
n'étoit point de flatterie sur son mérite qui ne trouvât son oreille
prête à la recevoir, et à laquelle il ne se laissât prendre comme
l'enfant le plus inexpérimenté. Horace Walpole étoit alors ambassadeur
d'Angleterre en France: sachant à qui il avoit affaire, et bien
endoctriné par son frère, le célèbre Robert Walpole, qui gouvernoit
alors l'Angleterre, et qui avoit encore besoin de la paix pour achever
d'y résoudre le problème du gouvernement représentatif par la
_corruption_ (qui est en effet son seul principe de vie, en tant qu'il
peut vivre), le rusé diplomate joua donc auprès du nouveau ministre le
rôle de flatteur; et jamais on ne fut plus malheureusement dupe que ce
vieillard d'un plus grossier manége[59]. Affectant de le consulter
sur tout, de déférer à ses conseils, d'être subjugués par la force de
ses raisonnements, de le vénérer, de le chérir même, les deux frères,
comme s'ils eussent voulu lui donner la plus haute marque de la
confiance et du respect qu'ils avoient dans ses lumières, le firent
médiateur entre l'Angleterre et l'Espagne, et ce fut pour lui la plus
douce des jouissances de pouvoir procurer à cette puissance une paix
dont l'Angleterre elle-même avoit le plus grand besoin. Le résultat
de cette paix fut d'établir enfin, dans le duché de Parme, un infant
d'Espagne, et de faire obtenir aux Anglois ce qu'ils désiroient depuis
long-temps avec ardeur, une part active dans le commerce des colonies
espagnoles[60]. Par l'effet de cette médiation, le pacte de famille se
resserra, et, depuis, l'union fut inaltérable entre l'Espagne et la
France.

[Note 59: Le récit qu'en fait Saint-Simon est curieux, plaisant même,
et mérite d'être rapporté. «Voyant, dit-il, que le cardinal
s'abandonnoit aux Anglois avec une dépendance qui sautoit aux yeux de
tout le monde, je résolus enfin de lui en parler. Je lui dis donc un
jour ce que j'en pensois là dessus, les inconvénients solides dans
lesquels il se laissoit entraîner, et beaucoup de choses sur les
affaires qui seroient ici déplacées. Sur les affaires, il entra en
matière; mais sur la confiance en Walpole, en son frère et aux Anglois
dominants, il se mit à sourire: «Vous ne savez pas tout, me
répondit-il; savez-vous qu'Horace me montre toutes ses dépêches, et
que je lui dicte les siennes, qu'il n'écrit que ce que je veux? Voilà
un intrinsèque qu'on ignore et que je veux bien vous confier: Horace
est mon ami intime; il a toute confiance en moi, mais je dis aveugle.
C'est un très habile homme; il me rend compte de tout; il n'est qu'un
avec Robert qui est un des plus habiles hommes de l'Europe et qui
gouverne tout en Angleterre; nous nous concertons ensemble, et _nous
laissons dire_.» Je demeurai stupéfait, moins encore de la chose que
de l'air de complaisance, de repos et de conjouissance en lui-même
avec lequel il me le disoit. Je ne laissai pas d'insister, et de lui
demander qui l'assuroit qu'Horace ne reçût et n'écrivît pas doubles
dépêches, et ne le trompât ainsi bien aisément. Autre sourire
d'applaudissement en lui: «Je le connois bien, me dit-il; c'est un des
plus honnêtes hommes, un des plus francs et des plus incapables de
tromper qu'il y ait peut-être au monde.» Et de là à battre la campagne
en exemples et en faits dont Horace l'amusoit.

»Le dénouement fut qu'après s'être servi de la France contre l'Espagne
et contre elle-même, pour leur commerce et pour leur grandeur, et
l'avoir amusée jusqu'au moment de la déclaration de cette courte
guerre de 1733, les Walpole, ses confidents, ses chers amis, qui
n'agissoient que par ses ordres et ses mouvements, se _moquèrent de
lui_ en plein parlement, l'y traitèrent avec cruauté, et, de point en
point, manifestèrent toute la duperie et l'enchaînement de lourdises
où, à leur profit et à notre grand dommage, ils avoient fait tomber,
six ans durant, notre _premier ministre_, qui en conçut une rage
difficile à exprimer, mais qui ne le corrigea pas[59-A]. (_Mém._, liv.
V.)]

[Note 59-A: Ne semble-t-il pas, en lisant ce récit, qu'on entende
raconter un événement de nos jours? Les Canning n'ont-ils pas
religieusement conservé les traditions des Walpole; et, dans des
circonstances presque semblables, n'ont-ils pas su s'en servir avec la
même dextérité? N'ont-ils pas trouvé, pour la confiance intrépide en
soi-même, les vues courtes, la _finasserie_ niaise, une dupe, de tous
points, comparable au cardinal de Fleuri; toutefois avec cette très
grande différence, que si celui-ci s'étoit lourdement trompé sur cette
politique angloise, qui, du reste, n'étoit pas alors à découvert comme
elle l'est aujourd'hui, il avoit du moins relevé le crédit public et
restauré les finances de l'État?]

[Note 60: Ils obtinrent par ce traité de pouvoir envoyer tous les ans
un vaisseau à Porto-Bello. On verra bientôt ce qui résulta de cette
concession qui parut d'abord être de peu d'importance.]

Cependant la Russie que Pierre Ier avoit tirée de la barbarie profonde
qui, jusqu'à lui, l'avoit tenue séparée du système européen,
commençoit à y prendre sa place, et au milieu des révolutions de
palais qui l'agitèrent après la mort de son féroce législateur,
mettoit déjà son poids dans la balance de ses intérêts. Cette
puissance étoit trop voisine de la Pologne pour ne pas prétendre à
exercer une influence décisive sur les destinées de cette nation; et
l'on sait que ce même Stanislas Leczinski, dont la fille se voyoit
maintenant reine de France comme par une espèce de prodige, avoit été
précipité par Pierre lui-même de son trône électif. Les successeurs du
czar avoient depuis arraché le duché de Courlande au prince Maurice de
Saxe, fils naturel du roi régnant Auguste II, et malgré les voeux des
Courlandois qui l'appeloient à régner sur eux. À peine s'étoient-ils
emparés de cette province, que le roi de Pologne mourut: d'accord avec
l'Autriche, ils y portèrent son fils l'électeur de Saxe. Alors
s'éveilla en France, et surtout à Paris, une ardeur guerrière que l'on
auroit pu croire éteinte au milieu de l'oisiveté d'une si longue paix.
Ce qui restoit des vieux généraux de Louis XIV s'ennuyoit de la
nullité à laquelle ils étoient réduits; et le feu de l'âge y poussoit
les jeunes gens, à qui la vie des camps étoit encore entièrement
inconnue. Le père de la reine avoit un parti puissant en Pologne: ce
fut un cri général que l'honneur de la France étoit intéressé à l'y
rétablir.

(1733-1735). La première marque de foiblesse que donna le cardinal de
Fleuri, fut de se laisser entraîner par ces clameurs à faire une
guerre qu'il désapprouvoit, qui l'arrachoit à ses plans de réformes
financières, et qui n'avoit effectivement aucun but utile pour la
France; la seconde, de n'avoir pas su la pousser vigoureusement, après
avoir, bon gré mal gré, pris son parti. Tandis que l'Autriche et la
Russie faisoient marcher des armées formidables sur les frontières du
royaume en litige, une lâche et sotte condescendance pour les Anglois
qu'il craignoit d'inquiéter en faisant sur mer de trop grands
armements, et son économie parcimonieuse, réduisirent à quinze cents
hommes et à trois millions le secours honteux qu'il envoya à
Stanislas. Celui-ci, bien que proclamé roi par le voeu unanime de la
noblesse polonaise, fut bientôt, et pour la seconde fois, renversé du
trône pour avoir été si mal secouru, se trouva heureux d'échapper à
travers mille périls à ses ennemis, et se hâta de revenir en France,
désormais son refuge assuré. L'électeur de Saxe fut proclamé roi de
Pologne.

La guerre, pour être faite en Allemagne et en Italie d'une manière
moins déshonorante, étoit loin cependant d'y être glorieuse et
décisive. Les deux vétérans de la gloire militaire de la France,
Villars et Berwick commandoient les armées destinées à agir sur ces
deux points des frontières. Villars, alors octogénaire, avoit pour
auxiliaire le successeur de Victor-Amédée qui, suivant en tous points
les traditions politiques de son père, s'étoit allié avec la France
uniquement pour qu'elle fît, à son profit, la conquête du Milanais.
Elle fut achevée en trois mois; et le roi de Sardaigne, jusque-là
plein d'ardeur et d'activité, devint, dès ce moment, timide, indolent,
irrésolu, et, par ses hésitations et ses fausses manoeuvres, prit à
tâche d'entraver toutes les opérations de l'armée françoise, et
l'empêcha de tirer aucun fruit de ses victoires. En Alsace, le corps
d'armée sous les ordres de Berwick se vit réduit à l'inaction, dès son
entrée en campagne, par cette pusillanimité présomptueuse du cardinal
qui, du fond de son cabinet, prétendoit aussi diriger les plans de
campagne, comme l'avoit fait Louis XIV; et cent mille hommes
commencèrent la guerre par un repos de quatre mois, pour ne se
hasarder que l'année suivante à passer le Rhin. Le fleuve passé,
Berwick, après avoir remporté quelques avantages, résultat presque
nécessaire de la supériorité du nombre, alla mettre, et probablement
par ordre, le siége devant Philisbourg, se renferma dans des lignes
inexpugnables, pour n'y être point troublé par l'ennemi, et, avant que
la ville eût été prise, fut emporté par un boulet de canon. Villars
mouroit en même temps dans son lit à Turin; et des hommes, plus ou
moins médiocres, remplacèrent ces deux grands capitaines. Philisbourg
se rendit: le prince Eugène, qui avoit jugé imprudent d'attaquer les
François dans leurs retranchements, se retrancha à son tour; et, par
les mêmes motifs, l'armée françoise n'osa pas tenter une attaque
contre lui. Deux généraux en avoient pris le commandement après la
mort de Berwick, le marquis d'Asfelt et le duc de Noailles: ils se
divisèrent; il n'y eut plus de dessein arrêté dans les mouvements de
l'armée; le prince Eugène n'eut pas de peine à faire avorter leurs
manoeuvres incertaines; et de part et d'autre on prit, dès l'automne,
des quartiers d'hiver.

En Italie, le maréchal de Coigni avoit remplacé Villars: de ce côté,
où l'Autriche avoit encore moins de forces, il y eut un événement
décisif, mais dont les Espagnols eurent seuls la gloire, et dont aussi
ils recueillirent seuls les avantages. Le royaume de Naples fut envahi
par l'infant don Carlos, à la tête d'une armée que commandoit sous lui
un général habile, le duc de Montemar; ses opérations militaires y
furent secondées par les voeux de la nation, et, dans moins de deux
campagnes, les troupes impériales se virent entièrement chassées de ce
royaume, et, à l'exception de trois villes, de toute la Sicile. En
Lombardie, grâce aux lenteurs calculées de Charles-Emmanuel, les
Autrichiens faisoient plus de résistance: après avoir été battus par
le général françois à la bataille de Parme, ils le battirent à son
tour au combat de la Secchia, parce qu'il n'avoit pas su profiter de
sa victoire; et la revanche qu'il prit bientôt sur eux à Guastalla,
fut de même sans résultat. Tout, après cette affaire qui devoit être
décisive, et de même que sur le Rhin, devint timide et incertain dans
les manoeuvres du maréchal de Coigni, auquel on avoit également donné
un second, le maréchal de Broglie. Le roi de Sardaigne, qui s'étoit
montré plein de résolution pendant la bataille, revint à ses perfidies
accoutumées après la victoire; et le général autrichien Koenigsegg,
meilleur tacticien que ses ennemis, sut habilement profiter de leurs
fautes. Après deux victoires, on avoit perdu du terrain, on se
soutenoit difficilement dans le Milanais, et tout languissoit
également sur ce point des opérations militaires. Il y avoit encore
d'autres causes de ce peu d'activité: c'est qu'on avoit déjà commencé
à négocier de la paix.

La France, dans cette guerre, n'avoit à peu près rien gagné; l'Autriche
avoit beaucoup perdu, et l'avenir étoit de nature à lui causer de
sérieuses alarmes. À la vérité, la Russie se disposoit à envoyer une
armée nombreuse à son secours; mais de tels alliés, au sein de ses
États, l'auroient inquiétée presque autant que des ennemis. Toutefois il
n'y avoit rien dans sa position d'assez désespéré pour déterminer
Charles VI à faire les concessions que lui coûta cette paix: le vif
désir qu'il avoit de faire reconnoître et garantir par toutes les
puissances de l'Europe la _Pragmatique_ par laquelle il régloit sa
succession, espèce d'idée fixe dont il étoit presque uniquement possédé,
l'emporta sur toute autre considération[61]. Pour obtenir cette
garantie illusoire, ce foible prince abandonna le royaume de Naples à
l'Espagne, et la Lorraine à la France, qui fut étonnée de l'obtenir, car
elle n'avoit pas même d'abord songé à la demander[62]. C'est ainsi que
lui fut acquise, et sans retour, par une suite de fautes politiques et
militaires, une province que Louis XIV, dans le plus haut degré de sa
puissance et de ses victoires, n'avoit pu réussir à joindre à ses États.
Le duc de Lorraine reçut en échange le duché de Toscane, et épousa la
fille de l'empereur, cette Marie-Thérèse que nous allons bientôt voir
jouer le premier rôle sur ce grand théâtre de l'Europe. Ni dans cette
guerre ni dans cette paix, on ne vit paroître les Anglois; il n'étoit
pas encore temps pour eux de se mêler ouvertement aux troubles du
continent: ils s'y préparoient.

[Note 61: «Dès l'année 1713, il avoit voulu assurer, dans sa maison,
la succession à tous ses États héréditaires. Il n'avoit point alors
d'enfants; mais il pouvoit en avoir, et fit rédiger, dans son conseil,
une loi par laquelle ses enfants mâles, et, à leur défaut, ses filles,
les uns et les autres par ordre de primogéniture, posséderoient ses
terres, États et principautés, le tout en entier, sans division ni
partage. Cette succession indivisible devoit, au défaut de la branche
Caroline, issue de lui, passer dans la branche Joséphine, issue de son
frère Joseph, et au défaut de ces deux branches, aux deux soeurs de Sa
Majesté. Depuis ce plan de succession, Charles avoit eu un fils, mort
l'année même de sa naissance, et trois filles auxquelles il vouloit
assurer le droit à sa succession indivisible par ordre de
primogéniture. Il commença par s'assurer de la renonciation de ses
deux nièces, princesses électorales, l'une de Saxe, l'autre de
Bavière, et publia ensuite la loi de succession, sous le titre de
_Pragmatique sanction_.»]

[Note 62: Les prétentions du cardinal de Fleuri étoient loin de se
porter aussi haut. Il s'étoit contenté de demander le Barrois. Ce fut
le garde des sceaux Chauvelin, lequel avoit en même temps le
portefeuille des affaires étrangères, qui conçut cette pensée hardie,
et qui conquit en quelque sorte cette province à la France, par
l'adresse et la fermeté qu'il mit à conduire les négociations.]

L'économie du cardinal de Fleuri avoit triomphé, dans cette guerre,
plus que les armes de la France: avec l'établissement d'un dixième il
avoit fait face à toutes les dépenses. Si les suites en eussent été
désastreuses, on lui eût justement reproché cette économie mal
entendue: on lui en sut gré, parce que ces suites passèrent même ce
qu'on auroit pu imaginer; et des événements inattendus et inespérés le
firent considérer comme le plus sage et le plus prévoyant des
ministres.

(1735-1741.) La France jouit avec délice de cette paix, qui se
prolongea depuis 1735 jusqu'à 1741, et comme si rien n'eût jamais dû
la troubler. Fleuri continuoit d'exercer le pouvoir le plus absolu qui
eût jamais été accordé à un ministre de France[63], et, fidèle à son
système, apportoit tous ses soins à rétablir les finances et laissoit
dépérir la marine. Le jeune roi s'enfonçoit de jour en jour davantage
dans la mollesse et l'oisiveté, et ses moeurs donnoient les premiers
signes de cette dépravation qui plus tard devoit montrer sur le trône
de France des prodiges d'infamie qu'on n'y avoit jamais vus. Ces
premiers signes furent effrayants: deux soeurs[64] se disputèrent les
faveurs du monarque et les obtinrent tour à tour; elles en jouirent
même ensemble, et l'on eût dit que ce qu'il y avoit d'incestueux dans
ces commerces les lui rendoit plus attrayants. La mort subite et
violente d'une d'elles[65] le frappa cependant, et parut lui causer
quelques remords: aussitôt l'effroi fut grand parmi les courtisans; il
y eut une ligue pour le replonger dans le vice d'où il sembloit
vouloir sortir, et ce fut une troisième soeur que l'on choisit pour
remporter ce détestable triomphe[66]. Elle en jouit avec encore plus
de scandale, et fut, sous le nom de duchesse de Châteauroux, la
première maîtresse de Louis XV publiquement et en quelque sorte
officiellement reconnue. Le cardinal de Fleuri hasarda quelques
représentations qui furent mal reçues: il se garda bien de les
réitérer, et fermant prudemment les yeux, se renferma dans les soins
de son administration économe et imprévoyante, s'établissant le
médiateur heureux des démêlés peu importants qui pouvoient s'élever
entre quelques alliés de la France, et ne changeant rien au système
qu'il s'étoit fait de marcher à la suite de l'Angleterre, continuant
de mettre tous ses soins à ne pas la troubler, à ne pas lui causer le
moindre ombrage, comme si les concessions qu'il faisoit à cette
puissance eussent été le gage assuré d'une paix éternelle pour la
France et pour tout le continent.

[Note 63: Ce même Chauvelin qui venoit de rendre un si grand service à
la France, et qui probablement étoit un homme fort supérieur au
cardinal, fut bientôt disgracié et exilé pour avoir voulu tenter de
renverser un ministre qu'il jugeoit au dessous de sa réputation et de
sa place. Le roi, auprès de qui il avoit fait quelques tentatives à
cet effet, le livra à l'instant même à son précepteur dont la
vengeance fut prompte et sévère. C'est alors que les sceaux furent
rendus à d'Aguesseau, qui continua de jouer un bien triste rôle dans
les affaires publiques depuis qu'il s'étoit si gauchement placé entre
la cour et le parlement.]

[Note 64: Mesdames de Mailly et de Vintimille. Elles étoient de la
famille de Nesle, et avoient trois autres soeurs, la duchesse de
Lauraguais, la marquise de Flavacour, et la marquise de Tournelle.]

[Note 65: La marquise de Vintimille.]

[Note 66: La marquise de Tournelle.]

On pouvoit prévoir cependant que la cupidité de ses marchands ne se
contenteroit pas de cette petite part que le dernier traité leur avoit
fait obtenir dans le commerce des colonies espagnoles; qu'une fois
introduits si imprudemment dans ce commerce, ils essaieroient de
l'attirer à eux tout entier; que l'Espagne s'en irriteroit et
prendroit des mesures pour les arrêter dans leurs empiétements; que le
gouvernement anglois soutiendroit des actes frauduleux que lui-même
avoit secrètement encouragés, et que de cet article de la paix
sortiroit une guerre où il deviendroit bien autrement utile de se
faire médiateur, et de se présenter dans une attitude propre à faire
respecter sa médiation: c'est ce qui arriva. L'Espagne se fâcha de
voir son propre commerce dépérir au profit des contrebandiers
anglois[67], et ordonna contre eux des mesures répressives;
l'Angleterre, qui violoit si ouvertement les traités, cria à
l'outrage, à la violation du droit des gens, et déclara la guerre à
l'Espagne. Le cardinal s'offrit comme médiateur; c'étoit le rôle qu'il
aimoit à jouer. Acceptée dérisoirement par les ministres, le parlement
lui fit voir le peu qu'étoit maintenant cette médiation, en la
rejetant avec mépris; les flottes angloises parcoururent les mers, où,
grâce à lui, elles ne rencontroient plus d'obstacles, achevant d'y
détruire le commerce espagnol, menaçant de toutes parts ses
établissements d'outre-mer; et le vieux ministre fut le témoin
impuissant d'une guerre entreprise pour justifier un brigandage, et
achever d'arracher leurs dépouilles à ceux qui n'avoient pas voulu se
laisser dépouiller. Cette guerre devoit bientôt se compliquer avec les
nouveaux intérêts qu'un grand événement alloit faire naître en Europe.

[Note 67: Nous avons dit que, par le dernier traité, ils avoient
obtenu de pouvoir envoyer tous les ans un vaisseau à Porto-Bello. «Ce
vaisseau, qui d'abord ne devoit être que de cinq cents tonneaux, fut,
en 1717, de huit cent cinquante par convention, mais en effet de mille
par abus; ce qui faisoit deux millions pesant de marchandises. Ces
mille tonneaux étoient encore le moindre objet de commerce de la
compagnie angloise; une patache, qui suivoit toujours le vaisseau sous
prétexte de lui porter des vivres, alloit et venoit continuellement;
elle se chargeoit, dans les colonies angloises, des effets qu'elle
apportoit à ce vaisseau, lequel, ne désemplissant jamais par cette
manoeuvre, tenoit lieu d'une flotte entière. Souvent même d'autres
navires venoient remplir ce vaisseau de permission, et leurs barques
alloient encore sur les côtes de l'Amérique porter des marchandises
dont les peuples avoient besoin, mais qui faisoient tort au
gouvernement espagnol, et même à toutes les nations qui se croient
intéressées au commerce qui se fait des ports d'Espagne au golfe du
Mexique.» (VOLTAIRE, _Précis du Siècle de Louis XV_, ch. VIII.)]

(1740) L'empereur Charles VI venoit de mourir, laissant sa fille
Marie-Thérèse seule héritière de ses États, et protégée dans ses
droits à cette succession par un pacte que tous les souverains de
l'Europe avoient reconnu; et cette reconnoissance, il l'avoit payée
assez cher pour pouvoir espérer que l'on tiendroit les conditions du
marché[68]. Mais l'Autriche étoit alors épuisée par une guerre
malheureuse qu'elle venoit de soutenir contre les Turcs, et qu'une
paix honteuse avoit difficilement terminée; une simple femme se
présentoit pour revendiquer ce grand héritage, et, malgré la foi des
traités, un brigandage non moins révoltant que celui que les Anglois
exerçoient sur les mers, fut à l'instant même projeté sur le
continent. Les électeurs de Saxe et de Bavière, la reine d'Espagne, en
sa qualité de princesse de Parme, le roi de Sardaigne, s'élevèrent à
la fois contre l'héritière, les uns lui disputant l'héritage entier,
les autres essayant de lui en arracher des lambeaux, et tous faisant
valoir des prétentions plus ou moins absurdes; car ils avoient encore
la pudeur de chercher à couvrir d'une ombre de justice cette oeuvre
d'iniquité. Cet orage, qui s'élevoit contre la fille de Charles VI,
enhardit le souverain du plus petit royaume du Nord à se mettre au
rang des compétiteurs: le roi de Prusse réclama la Silésie, usurpée,
disoit-il, sur ses aïeux; et tandis que les autres en étoient encore à
étaler leurs titres et à rassembler des arguments pour en prouver la
légitimité, ce prince (c'étoit Frédéric II, qui venoit de monter sur
le trône) montra d'abord ce qu'il étoit capable de faire, en
envahissant à main armée la province qu'il venoit de réclamer.
Guerrier hardi et entreprenant, il ne se montra pas moins adroit
politique, en offrant sur-le-champ à Marie-Thérèse de prendre son
parti si elle vouloit lui abandonner sa conquête, et de l'aider à
faire couronner son mari empereur. La fière princesse dédaigna ses
offres, et n'y répondit qu'en faisant marcher une armée contre lui.
(1741) Frédéric remporta sur cette armée la première de ses victoires;
l'occupation de la Silésie entière fut le prix de la bataille de
Molwitz, et la ligue contre l'Autriche en fut la conséquence.

[Note 68: _Voyez_ p. 107 et 108.]

Que l'électeur de Bavière, ainsi qu'il ne tarda pas à le manifester,
eût des prétentions à la couronne impériale; que les autres souverains
que nous venons de nommer crussent la circonstance favorable pour
s'emparer de quelques dépouilles de l'Autriche, on le peut concevoir
dans cette politique de l'Europe _civilisée_, qui, sous tous les
rapports de violence et de rapacité, ne différoit point de celle des
peuplades les plus barbares; mais la France, qui ne prétendoit à rien
dans cet odieux partage, qui jouissoit d'une paix dont elle avoit
besoin, qui se parjuroit gratuitement en entrant dans une semblable
ligue, quels motifs pouvoient l'y entraîner? Il n'en fut pas présenté
un seul que le bon sens eût osé avouer. «L'intérêt de la France étoit,
disoit-on, de favoriser contre l'Autriche l'électeur de Bavière, son
ancien allié, qui avoit autrefois tout perdu pour elle à la bataille
d'Hochstedt.» Mais ce qu'il avoit perdu alors, les traités depuis le
lui avoient fait recouvrer, et la reine de Hongrie n'avoit ni le
pouvoir ni la volonté de le lui ravir de nouveau.» Il paroissoit aisé,
ajoutoit-on, de lui procurer à la fois l'Empire et une partie de la
succession autrichienne; par là on enlevoit à la nouvelle maison
d'Autriche-Lorraine cette supériorité que l'ancienne avoit affectée
sur tous les autres potentats de l'Europe; on anéantissoit cette
vieille rivalité entre les Bourbons et les Autrichiens; on faisoit
plus que Henri IV et Richelieu n'avoient pu espérer[69]. Mais
l'événement prouva que ce que l'on croyoit aisé étoit fort difficile;
et d'ailleurs, au temps de Henri IV et de Richelieu, la maison
d'Autriche régnoit sur l'Espagne, possédoit le royaume de Naples et
plusieurs autres États d'Italie, que depuis elle avoit perdus, et
c'étoit la maison de Bourbon qui l'y avoit remplacée. Elle avoit
alors, dans l'Empire germanique, une influence que la paix de Munster
lui avoit ôtée; en un mot, au seizième siècle et au commencement du
dix-septième, elle avoit été aussi redoutable qu'elle étoit peu à
craindre maintenant. Que pouvoit-il résulter de son abaissement, sinon
de créer en Allemagne une autre puissance prépondérante, que ses
intérêts n'eussent point tardé à mettre dans la position d'où
l'Autriche auroit été déplacée? Le cardinal de Fleuri sentoit,
dit-on, tout cela, et étoit très fortement opposé à cette guerre
impolitique et dangereuse. «Deux hommes, le comte, depuis maréchal de
Belle-Isle, et son frère, petits-fils du fameux Fouquet, sans avoir ni
l'un ni l'autre aucune influence dans les affaires, ni encore aucun
accès auprès du roi, ni aucun pouvoir sur l'esprit du cardinal, firent
résoudre cette entreprise[70].» Ils devoient à leur jactance politique
et militaire, que soutenoit sans doute la conviction intime où ils
étoient de leur supériorité, d'avoir une grande réputation sans avoir
fait de grandes choses[71]; on les croyoit capables de tout, parce
qu'ils ne doutoient de rien, et il n'en faut pas davantage pour
entraîner le vulgaire des esprits. Tous les deux se trouvèrent donc,
sans qu'on sût trop comment, ni à quel titre, à la tête de la
politique extérieure de la France, dans une guerre où l'Europe entière
alloit se trouver enveloppée; et ce prodige arriva sous le
gouvernement d'un ministre absolu qui désapprouvoit cette guerre, et
qui n'avoit qu'à dire un mot pour faire avorter ce projet, et en
replonger les auteurs dans l'obscurité d'où ils venoient à peine de
sortir.

[Note 69: VOLTAIRE, _Précis du Siècle de Louis XV_, ch. V.]

[Note 70: VOLTAIRE, _Précis du Siècle de Louis XV_, ch. V.]

[Note 71: Les deux frères n'étoient encore connus, l'un et l'autre,
que par quelques persécutions qu'ils avoient éprouvées sous le
ministère du duc de Bourbon, par suite de leurs liaisons avec Leblanc,
secrétaire d'État de la guerre, accusé de dilapidations, et poursuivi
plutôt par la haine que lui portoit la marquise de Prie, que pour ce
crime, dont il n'existoit pas d'ailleurs de preuves suffisantes. Le
comte et le chevalier de Belle-Isle, accusés, dans cette affaire, de
manoeuvres frauduleuses, et soupçonnés d'entretenir une correspondance
secrète avec Leblanc que l'on avoit fait mettre à la Bastille, furent
arrêtés à leur tour, et renfermés dans la même prison.]

(1741-1743) La France n'y parut d'abord que comme alliée de l'électeur
de Bavière, qui, dès qu'il se vit soutenu par un si puissant
auxiliaire, déclara hautement ses prétentions à la couronne impériale,
en concurrence avec le grand duc de Toscane, mari de la reine de
Hongrie. Le maréchal de Belle-Isle, jouant à la fois le rôle de
négociateur et de guerrier (car le commandement suprême des armées
françoises avoit été donné à cet homme qui n'avoit encore fait la
guerre autrement qu'en sous ordre), commença à parcourir l'Allemagne,
allant de Francfort à Dresde, de Dresde au camp du roi de Prusse, pour
assurer par des traités le succès des projets ambitieux du prince
bavarois, tandis que celui-ci, soutenu d'un corps considérable de
soldats françois, entroit, sans trouver de résistance, dans les États
de Marie-Thérèse, qui, même après avoir réuni toutes ses forces pour
les opposer au roi de Prusse, se défendoit à peine contre ce
redoutable ennemi. De tels succès devoient être rapides, et en effet,
des provinces entières furent envahies par de simples marches; Lintz,
Passaw, ouvrirent leurs portes, et l'on arriva bientôt sous les murs
de Vienne, où l'on pouvoit entrer avec la même facilité. Mais déjà la
division régnoit parmi les alliés, et, par ce seul fait, la folie de
cette guerre étoit démontrée. La France, qui ne s'attendoit pas à des
succès si prompts et si extraordinaires, craignit de rendre l'électeur
de Bavière trop puissant en lui livrant ainsi tous les États
autrichiens, et celui-ci avoit hâte lui-même de quitter l'Autriche,
pour aller en Bohême empêcher l'électeur de Saxe de prendre à lui seul
cette province, que probablement il auroit voulu s'approprier. On
quitta donc un pays ouvert pour s'engager dans une des parties les
plus difficiles de l'Allemagne; les conseils du comte Maurice de Saxe,
qui, dans cette expédition, commandoit les troupes françoises, ne
furent point écoutés; de fausses manoeuvres, dont rien ne put
détourner l'électeur, mirent l'armée dans une position qui pouvoit
devenir périlleuse, qui le devint en effet lorsqu'elle eut fait sa
jonction, sous les murs de Prague, avec l'armée saxonne[72]. Pour la
sauver, il falloit se rendre maître de la capitale de la Bohême: cette
ville, qui sembloit devoir soutenir un long siége, fut prise en peu de
jours; et ce succès inespéré, dû au génie du comte de Saxe, secondé
par celui de Chevert, devint le salut de l'armée confédérée.

[Note 72: En entrant dans la Bohême, on s'étoit emparé de deux postes
importants, Tabor et Budweiss; et le marquis de Ségur avoit été laissé
en Autriche avec un corps de quinze mille hommes, que l'on croyoit
suffisant pour garder les conquêtes qu'on y avoit faites. Il arriva
que des corps autrichiens, chassés de la Silésie, attaquèrent ces deux
postes, et s'en emparèrent. Ainsi la communication se trouva, dès le
commencement, interrompue entre le corps de Ségur et l'armée de
Bohême; d'un autre côté, le grand duc, qu'une trève avec le roi de
Prusse avoit laissé libre de ses mouvements, s'avançoit en toute hâte,
à travers la Moravie, au secours de la ville assiégée.]

Cependant, au milieu de tant de revers et d'une situation qui sembloit
désespérée, Marie-Thérèse déployoit un grand courage et ne désespéroit
pas d'elle-même. Par une démarche énergique, soutenue de ce que son
double caractère de reine et de mère pouvoit y ajouter d'imposant et
de pathétique[73], elle avoit entraîné à la défense de sa cause la
noblesse hongroise, qui d'abord s'y étoit montrée peu disposée. Le
mouvement de la Hongrie se communiqua avec une rapidité presque
miraculeuse aux provinces autrichiennes, qui se réveillèrent tout à
coup de leur léthargie avec une sorte de transport, et présentèrent
bientôt l'aspect d'un peuple entier en armes et ne respirant que la
vengeance[74]. Hongrois et Autrichiens, animés d'une égale ardeur,
formèrent, en se réunissant, une armée qu'un nombre considérable de
troupes irrégulières rendit encore plus redoutable, et ainsi réunis se
précipitèrent sur la Bavière; et tandis que Charles-Albert se faisoit
complaisamment couronner à Francfort, des ennemis exaspérés mettoient
à feu et à sang ses États héréditaires. Cependant le maréchal de
Belle-Isle donnoit tranquillement ses ordres du sein des cours
d'Allemagne, où il négocioit toujours; et il n'y avoit plus
qu'incertitude et discordance dans les mouvements des généraux qui
opéroient sous ses ordres, et qu'une seule volonté auroit dû
surveiller et diriger. Les divers corps qu'ils commandoient furent
successivement isolés les uns des autres. On étoit entré en Bavière,
et l'on avoit été obligé d'en sortir; on y rentra une seconde fois
pour en sortir encore. Le roi de Prusse, victime des fautes de ses
alliés, manoeuvroit aussi un peu au hasard, sans cesse harcelé dans sa
marche par le général le plus actif et le plus habile qu'il eût encore
rencontré, le prince Charles de Lorraine, frère du grand duc. S'étant
enfin réuni à l'armée saxonne, il s'avançoit à grands pas dans la
Bohême, pour forcer, par cette diversion, les Autrichiens à lever le
siége de Lintz; mais déjà cette place avoit capitulé, et le comte de
Ségur, à qui elle avoit été confiée, n'avoit trouvé que ce moyen de
sauver les débris de son corps d'armée. Cependant l'Angleterre, voyant
le moment arrivé de renoncer à son système pacifique, livroit à la
dérision de l'Europe le trop crédule cardinal, en se déclarant
ouvertement pour la reine de Hongrie; la Hollande, désormais sous son
influence irrésistible, entroit à sa suite dans la confédération; elle
y attiroit en même temps le roi de Sardaigne, qu'on trouvoit toujours
prêt lorsqu'il s'agissoit de trahir la France; et les chances de cette
guerre, qui d'abord avoient été si favorables à nos armées, tournèrent
ainsi tout à coup contre elles, et plus brusquement qu'on n'auroit pu
même l'imaginer.

[Note 73: «Elle étoit sortie de Vienne, et elle s'étoit jetée entre
les bras des Hongrois, si sévèrement traités par son père et par ses
aïeux. Ayant assemblé les quatre ordres de l'État à Presbourg, elle y
parut tenant entre ses bras son fils aîné presque encore au berceau;
et leur parlant en latin, langue dans laquelle elle s'exprimoit bien,
elle leur dit à peu près ces propres paroles: «Abandonnée de mes amis,
persécutée par mes ennemis, attaquée par mes plus proches parens, je
n'ai de ressource que dans votre fidélité, dans votre courage et dans
ma constance; je mets en vos mains la fille et le fils de vos rois,
qui attendent de vous leur salut.» Tous les palatins, attendris et
animés, tirèrent leurs sabres en s'écriant: _Moriamur pro rege nostro
Mariâ Theresiâ_. (VOLTAIRE, _Précis du Siècle de Louis XV_, ch. VI.)]

[Note 74: Ce fut de ces milices populaires, formées tout à coup par ce
mouvement exalté de patriotisme, que sortirent ces troupes
irrégulières, Pandours, Croates, Talpaches, qui, conduites par des
partisans, et étrangères, ainsi que leurs chefs, à toutes les lois de
la guerre, exercèrent, partout où elles passèrent, les plus affreux
ravages, et devinrent la terreur de l'Allemagne et même de la France.
Mentzel étoit le chef suprême de ces bandes féroces, et se rendit
lui-même fameux par sa férocité.]

Consterné de tant de désastres, et plus alarmé encore de l'avenir que
du présent, le cardinal de Fleuri, après n'avoir su ni empêcher la
guerre ni la diriger, essaya plus gauchement encore de se procurer la
paix. Il imagina d'en faire des ouvertures dans une lettre qu'il
écrivit au général de Koenigsegg: pour toute réponse, la reine de
Hongrie fit imprimer cette lettre, chef-d'oeuvre d'innocence
diplomatique[75], et dont l'effet fut d'accroître ses embarras en le
rendant suspect à ses alliés. Le roi de Prusse fut le premier qui
l'abandonna, et sa défection, que Marie-Thérèse fut forcée de payer de
la cession de la Silésie, mit l'armée françoise, qui occupoit Prague
et la Bohême, dans une position tellement critique, qu'il devint
urgent de faire marcher une seconde armée pour la délivrer. À peine
cette armée étoit-elle en marche, qu'elle se vit arrêtée par le
cardinal lui-même, qui, malgré la leçon si amère qu'il venoit de
recevoir, se faisoit encore la dupe de l'Autriche, et prêtoit
l'oreille à ses négociations fallacieuses. Un autre corps de troupes,
qui marchoit de son côté pour joindre cette armée, ne la voyant point
paroître, se retira lui-même; la Bavière fut une seconde fois envahie
et dévastée par les Autrichiens, et le maréchal de Belle-Isle, qui
n'avoit su que se renfermer dans Prague, après avoir compromis de
toutes parts la fortune de la France, n'eut plus d'autre ressource que
d'essayer du moins de sauver par une retraite les troupes qui y
étoient renfermées avec lui. Cette retraite se fit au milieu d'un
hiver rigoureux[76]; pour éviter la cavalerie ennemie, il se dirigea
par des chemins impraticables, et cette précaution excessive fut plus
désastreuse que n'auroit pu l'être même la perte d'une bataille[77].
Cette armée de Bohême arriva presque anéantie à Égra, heureuse encore
de trouver ce refuge, que la prévoyance du comte de Saxe lui avoit
préparé[78]. Les autres corps d'armée rétrogradèrent également de tous
les côtés, et, de même qu'après la bataille d'Hochstedt, la guerre fut
en un instant portée du coeur de l'Allemagne aux frontières de France.
Le prince Charles de Lorraine poursuivoit sans relâche ces troupes
fugitives, et tandis qu'il les forçoit de repasser le Rhin en toute
hâte, une autre armée composée d'Anglois, de Hollandois, de Hessois,
d'Hanovriens, s'avançoit sur le Mein, commandée par le roi
d'Angleterre, George II, en personne, et par ce même lord Stairs, qui
venoit achever, les armes à la main, ce que sa diplomatie avoit si
bien commencé sous la régence. Les deux armées, manoeuvrant pour faire
leur jonction, avoient pour but d'envahir l'Alsace et la Lorraine. À
l'exemple du roi de Prusse, l'électeur de Saxe avoit fait sa paix; le
nouvel empereur, Charles VII, dépouillé de ses États héréditaires,
s'étoit réfugié à Augsbourg, et pouvoit être, à tous moments, chassé
de ce dernier asile; et la France se voyoit, presque seule, accablée
du fardeau d'une guerre où elle ne s'étoit d'abord engagée que comme
auxiliaire, et pour des intérêts qui n'étoient pas les siens.

[Note 75: «Bien des gens savent, disoit-il, combien j'ai été opposé
aux résolutions que nous avons prises, et que j'ai été en quelque
façon _forcé_ d'y consentir. Votre Excellence est trop instruite sur
ce qui se passe, pour ne pas deviner celui qui mit tout en oeuvre pour
déterminer le roi à entrer dans une ligue _qui étoit si contraire à
mon goût et à mes principes_.» «L'impératrice ayant fait imprimer sa
lettre, il en écrivit une seconde, dans laquelle il se plaignoit au
général autrichien de ce qu'on avoit publié sa première lettre, et lui
disoit _qu'il ne lui écriroit plus ce qu'il pensoit_. Cette seconde
lettre lui fit encore plus de tort que la première; il les fit
désavouer toutes deux dans quelques papiers publics, et ce désaveu,
qui ne trompa personne, mit le comble à ces fausses démarches, que les
esprits les moins critiques excusèrent dans un homme de
quatre-vingt-sept ans, fatigué de mauvais succès.» (VOLTAIRE, _Précis
du Siècle de Louis XV_, ch. VII.)]

[Note 76: Le 16 décembre 1742, Chevert fut laissé dans la ville avec
une garnison.]

[Note 77: Dans une marche de dix jours, quatre mille François périrent
de faim et de misère; le reste arriva à Égra dans l'état le plus
déplorable.]

[Note 78: La justesse de son coup d'oeil militaire lui ayant fait
juger que les François ne tarderoient pas à être renfermés dans
Prague, il avoit pris sur-le-champ ce parti à la fois prudent et
audacieux de s'emparer d'Égra, pour leur assurer un point d'appui dans
leur retraite.]

Une armée restoit encore: elle venoit de se former sous les ordres du
maréchal de Noailles, que ses succès dans la Catalogne avoient jadis
honoré. Après tant de généraux qui n'avoient su que se retirer sans
combattre, on y en vit un qui paroissoit décidé à marcher à l'ennemi,
et à déranger ses plans en lui livrant bataille. Le maréchal de
Noailles alla effectivement au devant de l'armée angloise, et la
rencontra lorsqu'elle côtoyoit encore les bords du Mein. Après l'avoir
mise dans une position difficile, il fit, dit-on, des dispositions
savantes, et qui lui assuroient la victoire. Une faute de discipline
lui en fit perdre tout le fruit, et l'armée angloise, qui devoit être
anéantie à Dettingen, put dire, avec quelque vraisemblance, qu'elle
avoit été victorieuse à cette bataille meurtrière, qui ne fut décisive
que pour le malheureux empereur Charles VII, dont la cause parut alors
perdue sans retour. Le maréchal de Broglie, qui commandoit les seules
troupes que l'on eût laissées en Allemagne, et qui, depuis le
commencement de cette guerre, n'avoit cessé de se retirer et d'éviter
de combattre, considéra cette bataille comme un signal qui lui
indiquoit d'opérer sa dernière retraite. Alors le maréchal de
Noailles, qui, malgré la prétendue victoire des Anglois, se soutenoit
encore en Franconie, se vit forcé de se retirer lui-même; et de toutes
parts il ne fut plus question que de défendre les frontières, de
toutes parts menacées.

Il ne s'étoit pas donné une seule grande bataille, et cent mille
François avoient péri dans deux campagnes; les finances, si
péniblement restaurées par les soins assidus d'une longue économie,
étoient épuisées et retombées dans leur premier désordre; il ne
restoit plus que des débris de nos armées. Réduite sur terre à se
tenir sur la défensive contre les Anglois, la France n'avoit contre
eux sur mer aucun moyen de résistance; et ces ennemis arrogants
pouvoient impunément achever de détruire son commerce, insulter ses
colonies et celles de l'Espagne, et faire également la loi sur l'Océan
et dans la Méditerranée. «Le cardinal de Fleuri, dit Voltaire, mourut
au milieu de ces désastres[79], et laissa les affaires de la guerre,
de la marine, des finances, de la politique, dans une crise qui
altéra la _gloire_ de son ministère et non la _tranquillité_ de son
âme.» Il faut croire, pour l'honneur de son caractère, qu'il ne mourut
si tranquille que parce que l'affoiblissement de ses facultés
intellectuelles ne lui permettoit pas de mesurer, dans toute son
étendue, le mal qu'il avoit fait et celui qu'il avoit laissé faire. Il
nous reste à examiner ce qu'avoit été pour les affaires intérieures de
la France ce ministère, que Voltaire appelle _glorieux_. Il y avoit là
une guerre intestine bien plus alarmante que celle qui se passoit sur
les frontières, et dont les conséquences devoient être bien autrement
désastreuses. Toutefois il convient de ne point interrompre le récit
commencé de celle-ci; nous verrons ensuite si, dans l'autre, le
cardinal de Fleuri se montra plus habile et plus heureux.

[Note 79: Le 29 janvier 1743.]

Les armées confédérées continuoient de faire des progrès: le prince
Charles de Lorraine avoit pénétré en Alsace; et l'armée françoise,
partagée en deux corps sous les ordres des maréchaux de Noailles et de
Coigni, trop foible pour pouvoir le forcer d'en sortir, contrarioit à
peine sa marche en se tenant sur une timide défensive. Mentzel et ses
partisans, après avoir désolé la Bavière et chassé d'Ausbourg le
déplorable empereur Charles VII, s'étoient répandus dans la Lorraine,
et s'efforçoient de la soulever. L'indiscipline achevoit de détruire
les armées; les généraux qui les avoient si malheureusement commandées
au commencement de cette guerre, Belle-Isle, Broglie, Maillebois,
expioient, par des disgrâces, les fautes sans exemple qu'ils avoient
commises; et toutefois la France, recueillant alors les fruits amers
du système de Louvois[80], cherchoit vainement, au milieu d'elle, un
grand capitaine qui pût les réparer. Un ministère avoit été composé de
ceux qui avoient eu part aux affaires sous le cardinal de Fleuri; et
l'on y comptoit des hommes habiles dans quelques parties de
l'administration[81]: mais il y manquoit un homme supérieur dont la
main ferme sût saisir les rênes de l'État et diriger l'ensemble des
affaires. Le découragement étoit dans toutes les âmes; et il s'y
joignoit, dans la nation, de l'aigreur et du mépris pour le
gouvernement foible et inepte qui l'avoit réduite à ces
extrémités[82]. Le roi, qui, au moment de la mort du cardinal, avoit
ranimé les espérances en déclarant, comme Louis XIV, «qu'il régneroit
par lui-même,» étoit retombé dans son invincible indolence; et ce fut
sa maîtresse, la duchesse de Châteauroux, qu'il trouva bon de faire en
quelque sorte son premier ministre. Cependant la reine de Hongrie,
victorieuse sur tous les points par ses armes et par celles de ses
alliés, ne mettoit plus de bornes à ses espérances; et, libre
d'ennemis en Allemagne, tournoit déjà ses regards vers l'Italie, où
elle avoit d'autres injures à venger et d'autres états à reconquérir.

[Note 80: _Voyez_ 1re partie de ce volume, p. 125.]

[Note 81: Orry, dont la probité étoit suspecte, mais qui entendoit les
finances, conserva ce département qu'il avoit été sur le point de
perdre sous le ministère du cardinal. Le comte d'Argenson remplaça le
marquis de Breteuil au ministère de la guerre; il y montra des vues et
de l'activité. Maurepas resta à la marine pour en achever la
destruction; le chancelier d'Aguesseau ne fut point dérangé de sa
place: il étoit considéré comme le personnage le plus nul de tout le
ministère, et ce n'étoit malheureusement pas sans raison.]

[Note 82: Les épigrammes et les chansons étoient alors la seule
manière dont le peuple se vengeoit des fautes de ceux qui gouvernoient
si étrangement la France. On se tranquillisoit sur cette gaieté du
_bon_ peuple françois; on en tiroit cette conséquence, que puisqu'il
rioit et chantoit, c'est qu'il prenoit son mal en patience et qu'il
étoit facile à gouverner. Mazarin avoit pensé de même, et la guerre de
la Fronde avoit pu le désabuser. Il a fallu la révolution pour
apprendre au ministérialisme du XVIIIe siècle de quoi est capable une
nation qui se moque de ceux qui la gouvernent, et qui les chansonne.]

Dans ces extrémités, la France se trouva heureuse d'avoir donné asile
à un illustre étranger, et que cet étranger la payât d'affection et de
reconnoissance. Parmi les généraux qui avoient figuré dans cette
guerre, le comte Maurice de Saxe, auquel on avoit confié un
commandement, étoit le seul qui eût montré de la prévoyance, et
l'heureuse réunion de la hardiesse et de la science militaire. Il
jetoit déjà un grand éclat, et tous les regards se tournoient vers
lui. Pour prix de ses beaux faits d'armes, le roi venoit de l'élever à
la dignité de maréchal de France: cette nouvelle position l'enhardit à
présenter des plans qui parurent bien conçus; ils furent adoptés, et
l'on reprit courage. Des négociations furent entamées avec le roi de
Prusse, qui commençoit à s'alarmer des progrès de la reine de Hongrie;
et, de même que son intérêt lui avoit fait abandonner l'alliance de la
France, son intérêt l'y rejeta. Par un effet de cette politique
pusillanime du cardinal de Fleuri, qui ne lui avoit pas permis de
faire un seul mouvement dont les Anglois pussent concevoir de
l'ombrage, les Espagnols s'étoient trouvés abandonnés en Italie à
leurs propres forces; et tandis que le roi de Sardaigne pénétroit sans
obstacle jusqu'aux frontières du royaume de Naples, et qu'une escadre
angloise menaçoit d'en bombarder la capitale, tout ce qu'avoit osé
faire le vieux ministre, c'étoit d'avoir accordé le libre passage à
une armée espagnole, qui, sous les ordres d'un infant, étoit venue
envahir la Savoie. Il fut maintenant décidé qu'une armée françoise
seroit envoyée en Italie, et le commandement en fut confié au prince
de Conti. Des préparatifs très considérables se firent en même temps,
et avec une sorte d'affectation, comme si l'on eût eu l'intention
d'opérer une descente en Angleterre et d'y ramener le prétendant[83].
Toutefois ils n'avoient rien de réel, et ne servoient qu'à cacher aux
alliés le véritable plan que l'on vouloit mettre à exécution. Ce plan
étoit d'envahir les Pays-Bas autrichiens; c'étoit là que devoient se
porter les grands coups.

[Note 83: Une escadre de vingt-six vaisseaux de ligne, sous le
commandement du comte de Roquefeuil, entra dans la Manche; les côtes
se couvrirent de troupes qui sembloient prêtes à s'embarquer; le
maréchal de Saxe devoit, disoit-on, les commander, et le prince
Édouard étoit parti de Rome pour joindre l'armée françoise.]

Les principales forces du royaume avoient donc été rassemblées de ce
côté, et formoient deux armées considérables, l'une commandée par le
maréchal de Noailles, qui devoit faire les siéges, l'autre par le
maréchal de Saxe, que l'on destinoit à en couvrir les opérations.
C'étoient cent vingt mille hommes que l'on opposoit de ce côté aux
alliés, qui en comptoient à peine soixante mille. Louis XV s'étoit
enfin arraché aux délices de Versailles, et paroissoit pour la
première fois dans les camps, y traînant sa maîtresse après lui, mais
du moins spectateur des opérations militaires. Elles furent rapides et
brillantes: les manoeuvres savantes du maréchal de Saxe tinrent en
échec l'ennemi; on prit en peu de jours Ypres, Furnes, le fort de
Kenoque, et les armées françoises ne cessèrent pas de marcher en
avant. Mais on avoit commis la faute très grave de porter toutes les
forces sur ce seul point, où l'on vouloit des succès faciles et sûrs,
parce que le roi y devoit honorer l'armée de sa présence; et le prince
Charles de Lorraine, profitant de cette faute, avoit envahi l'Alsace,
et y faisoit des progrès alarmants. Ce fut donc une nécessité de
s'arrêter: le maréchal de Saxe fut laissé en Flandre avec une partie
des troupes, et dut s'y tenir sur la défensive, tandis que le reste de
l'armée se dirigea à marches forcées vers la province envahie. Ce fut
pendant cette marche que Louis XV tomba malade à Metz, et qu'à
l'occasion de cette maladie, il reçut de ses peuples des témoignages
d'affection qui parurent ranimer un moment cette âme énervée, et
accablée sous le poids de ses coupables voluptés. Nous le verrons
bientôt s'y replonger.

Dès qu'il fut rétabli, il continua sa route pour l'Alsace, et y arriva
au moment où les victoires du roi de Prusse forçoient le prince
Charles d'en sortir pour aller à la défense des États héréditaires,
que menaçoit de toutes parts cet audacieux et infatigable ennemi.
C'étoit cette diversion opérée par Frédéric qui sauvoit la province;
et le maréchal de Noailles, qu'elle tiroit d'une situation
embarrassante, devoit du moins la seconder en marchant rapidement sur
les traces de l'armée impériale, qui se seroit à son tour trouvée en
péril entre l'armée prussienne et l'armée françoise. Au lieu de cette
manoeuvre, qui étoit si évidemment indiquée par ce qui se passoit sur
cette partie du théâtre de la guerre, il rentra dans ce déplorable
système de circonspection qui avoit déjà tout perdu; et lorsqu'il eût
fallu s'attacher à suivre les traces du prince de Lorraine et le
harceler dans sa retraite, on le vit, au grand étonnement de toute
l'Europe, s'amuser, avec une armée de soixante mille hommes, à faire
le siége de Fribourg. À la vérité il prit cette ville; mais, pendant
ce temps, le roi de Prusse, accablé de tout le fardeau de la guerre,
renfermé seul au milieu des armées ennemies, non seulement perdoit
tout le fruit de ses victoires, mais se voyoit réduit aux dernières
extrémités, pour n'avoir pas été secouru. C'étoit la seconde fois
qu'il expioit ainsi les fautes des généraux françois.

(1745) Cependant on continua de demeurer sourd à son cri d'alarme: il
sembloit qu'on n'eût pas même ce qu'il falloit d'intelligence pour
concevoir l'ensemble de cette guerre; et quoiqu'il fût sans doute plus
essentiel de vaincre en Allemagne au milieu des alliés de la France
que de conquérir les Pays-Bas, on s'obstina à poursuivre cette
conquête, qui flattoit la vanité de Louis XV; et après s'être délivré
du prince Charles, qu'on rejetoit en quelque sorte sur le roi de
Prusse, tous les efforts furent de nouveau dirigés vers ce point. Le
roi, que l'ivresse des Parisiens avoit salué à son retour du nom de
_bien aimé_, n'avoit pas tardé à montrer combien il étoit digne de ce
titre en rappelant aussitôt, et avec l'éclat le plus scandaleux, la
duchesse de Châteauroux, que les terreurs de la mort l'avoient un
moment fait éloigner de lui. Atteinte, comme sa soeur, la marquise de
Vintimille, d'une maladie violente, elle n'avoit survécu que peu
d'instants à ce dernier triomphe; une femme d'une condition plus
obscure l'avoit remplacée[84], et devenue de même la compagne obligée
de son royal amant, elle le suivit au milieu de l'appareil des camps
et du mouvement des armées.

[Note 84: Son père, disoit-on, avoit été boucher et se nommoit
Poisson; sa mère, célèbre dans sa jeunesse par sa beauté et par sa
galanterie, l'avoit mariée à un sous-fermier nommé Le Normand
d'Étioles; et dès lors, spéculant sur les charmes et sur tous les
moyens de séduction que possédoit sa fille, elle avoit décidé qu'une
beauté si parfaite ne violeroit la foi conjugale que pour triompher du
roi de France, et lui avoit inspiré de tourner toutes ses pensées vers
cette illustre conquête. La fille se montra docile aux inspirations de
sa mère, et, à force de manoeuvres de comédie, finit par attirer dans
ses lacs le monarque voluptueux. Nous allons voir bientôt paroître,
sur le triste théâtre des affaires publiques, cette femme si fatale à
la France.]

Ce sont ces campagnes des Pays-Bas qui ont fait la gloire et élevé si
haut la renommée du maréchal de Saxe. Il y avoit déjà six mois que,
déployant toutes les ressources de la science militaire, il se
maintenoit inattaquable devant une armée supérieure en nombre: les
renforts et le roi étant arrivés, il marcha en avant et investit
Tournay; l'armée confédérée s'ébranla aussitôt pour venir au secours
de cette ville. On se rencontra au village de Fontenoy; et c'est là
que fut donnée cette bataille, devenue célèbre par une manoeuvre de
l'armée angloise dont il y a peu d'exemples dans les fastes
militaires, bataille meurtrière et long-temps indécise, que la
présence de Louis XV, l'embarras qu'elle causoit et le péril qu'il
courut, furent sur le point de faire perdre; dont le succès fut décidé
par une manoeuvre d'artillerie, ce qui étoit nouveau encore dans la
tactique moderne; bataille qui eut cet autre caractère de nouveauté,
que le général qui la gagna étoit mourant, et commandoit les
mouvements de son armée, porté dans une litière. Tournay se rendit, et
ce fut le premier fruit de cette victoire. Après cette ville tombèrent
Gand, Oudenarde, Bruges, Ostende, Dendermonde, Ath, Nieuport. Trompant
ensuite l'ennemi par une ruse de guerre ingénieuse et hardie, le
héros saxon disparut au milieu d'un bal pour aller investir Bruxelles,
et la prise de la capitale des Pays-Bas termina cette suite de succès
rapides et brillants, qui sembloient rappeler les beaux jours de Louis
XIV.

Mais pendant que l'on s'enivroit à Paris de ces triomphes, et que
Maurice, devenu l'idole des Parisiens, jouissoit de cet enivrement, il
se passoit en Allemagne des choses qui étoient de nature à en modérer
les transports. L'empereur Charles VII, le malheureux objet de cette
inutile et déplorable guerre, venoit de mourir; la France avoit cru
tenter l'électeur de Saxe en lui offrant la couronne impériale:
celui-ci, qui avoit sous les yeux un exemple frappant de l'abandon où
elle laissoit ses alliés, ne s'étoit point laissé séduire par cette
offre dangereuse, et avoit préféré demeurer attaché à la fortune de la
reine de Hongrie. De son côté, le nouveau duc de Bavière, dont les
États venoient d'être encore envahis et désolés, s'étoit hâté de
négocier avec Marie-Thérèse, et en avoit obtenu la paix dont il avoit
si grand besoin. Le roi de Prusse, qui pouvoit justement accuser la
France d'ingratitude et de perfidie, réduit maintenant, après tant de
travaux et de triomphes, à fuir devant le prince Charles, avoit aussi
demandé la paix, et elle lui avoit été refusée: son génie et son
courage la lui procurèrent, et ce fut dans cette situation presque
désespérée qu'il étonna l'Europe par des prodiges d'audace et de
science militaire. Par l'effet des plus belles manoeuvres, il gagna
d'abord la bataille de Friedberg, puis ensuite celle de Sohr; mais ce
qui fut décisif pour lui, car ces succès ne le sauvoient pas, ce fut
le projet hardi qu'il conçut de conquérir cette paix en faisant la
conquête de la Saxe, et le bonheur étonnant avec lequel il l'exécuta.
Une victoire remportée sur les Saxons par le plus renommé de ses
lieutenants, le prince d'Anhalt, lui en ouvrit le chemin jusqu'à
Dresde, d'où l'électeur fut obligé de s'enfuir précipitamment,
abandonnant sa famille à la générosité du vainqueur. Ce fut en
frappant de tels coups que Frédéric obtint la paix et garda la
Silésie. Ainsi, dans cette même campagne dont on faisoit tant de
bruit, la France avoit perdu, l'Espagne exceptée, les derniers alliés
qui lui restassent en Europe.

En Italie, les opérations militaires avoient commencé sous les
auspices les plus favorables; les armées confédérées de France et
d'Espagne y avoient remporté de grands succès sur le roi de Sardaigne,
qui, même alors qu'il étoit battu, ne se décourageoit jamais quand il
s'agissoit d'une guerre contre les François, et ne se montroit timide
et irrésolu que lorsqu'il étoit leur allié. Il avoit donc redoublé,
après ses défaites, d'activité et de courage, et néanmoins n'avoit pas
été plus heureux vis-à-vis du maréchal de Maillebois, qui venoit de
prendre la place du prince de Conti, celui-ci ayant été forcé, par la
jalousie de l'infant don Philippe, de s'arrêter au milieu de ses
victoires et d'aller prendre le commandement de l'armée d'Alsace. Les
armées des deux couronnes étoient rentrées dans le Milanais; des
mouvements habilement combinés avoient séparé l'une de l'autre les
armées ennemies, et le roi de Sardaigne avoit encore été battu. Le
Montferrat, Alexandrie, Tortone, Parme et Plaisance, étoient tombés au
pouvoir des François; maîtres du cours du Pô, ils venoient d'entrer à
Milan, dont ils assiégeoient la citadelle, et, d'un autre côté, le roi
de Naples réparoit la honte de la campagne précédente en chassant les
troupes impériales de ses États, et les poussant bien au delà de ses
frontières. Tout se présentait donc, de ce côté du théâtre de la
guerre, sous un aspect qui étoit loin de faire présager ce qui alloit
suivre. Cependant le prince de Conti, moins soutenu en Alsace qu'il ne
l'avoit été d'abord en Italie, et affoibli par les renforts qu'on lui
enlevoit sans cesse pour l'armée des Pays-Bas, s'étoit vu forcé de
faire repasser le Rhin à son armée, dont la première destination avoit
été de menacer l'Allemagne et de manoeuvrer au milieu des électorats.
Libres des craintes qu'il leur avoit inspirées, les électeurs avoient
enfin comblé les voeux de Marie-Thérèse; et, lui accordant le prix le
plus flatteur et le plus désiré de son courage et de ses victoires,
ils venoient de déférer à son mari, le grand duc de Toscane, la
couronne impériale. Il fut élu empereur le 13 septembre de cette
année.

(1746) La nouvelle campagne des Pays-Bas, où l'armée du maréchal de
Saxe s'étoit fortifiée de tout ce qui avoit affoibli les autres, ne
fut qu'une suite de triomphes: le roi, après avoir assisté à la prise
d'Anvers, qui ouvrit ses portes dès qu'elle vit paroître les troupes
françoises, étoit revenu à Versailles; et l'on avoit continué, sans
lui, de marcher en avant et de prendre des villes. Mons, Namur et
Charleroi ne coûtèrent que peu de jours, et ainsi se trouva achevée la
conquête des Pays-Bas autrichiens. C'étoit une occasion favorable pour
les Hollandois de secouer le joug de l'Angleterre, qui les traînoit en
quelque sorte à sa suite, et dominoit à la fois leur marine et leur
commerce: le roi leur fit à ce sujet des propositions qui auroient pu
les tenter; ils refusèrent par un effet de cette méfiance trop fondée
que la France, depuis Louis XIV, inspiroit à tous ses voisins, et
jugèrent que le souverain d'un si grand royaume où, depuis un siècle,
avoient été formés et exécutés tant de desseins ambitieux, étoit pour
eux un protecteur plus dangereux encore que l'Angleterre. Cependant le
prince Charles de Lorraine étoit accouru à la défense des Pays-Bas, au
moment où leurs dernières forteresses venoient de tomber: le maréchal
le laissa s'avancer, et l'ayant ainsi amené où il vouloit, remporta
sur lui la victoire de Raucoux, victoire qui auroit dû être décisive,
qui ne le fut point parce que, sur d'autres points, l'on éprouvoit des
revers pour y avoir affoibli les armées au profit de celle des
Pays-Bas; et maintenant on arrêtoit celle-ci dans ses succès, en lui
demandant des renforts pour aller au secours des autres armées.
C'étoient là de ces prodiges de désordre et d'imprévoyance qui se
faisoient dans le cabinet de Versailles, et que le maréchal de Saxe ne
pouvoit empêcher.

Il arriva donc que, tandis qu'il triomphoit en Flandre, tout étoit
perdu en Italie. La division s'étoit mise entre les armées espagnole,
françoise, napolitaine, génoise (car Gênes, pour son malheur, avoit
embrassé le parti des deux couronnes); les généraux ne s'entendant
plus, les opérations militaires s'étoient ralenties; et cependant
Marie-Thérèse, tranquille en Allemagne où tout étoit maintenant
pacifié, s'étoit empressée d'envoyer en Lombardie de nombreux
renforts, sous la conduite du prince de Lichstenstein. L'armée
impériale se rassembloit sur les confins de cette province, le roi de
Sardaigne réorganisoit la sienne, et l'on alloit se trouver entre deux
armées, dans un pays où l'on ne possédoit pas une seule forteresse. Le
maréchal de Maillebois, qui sentit le danger d'une semblable position,
parla de retraite: l'infant n'y voulut point entendre, ne pouvant se
faire à l'idée d'abandonner ces duchés de Parme et de Plaisance, qui
avoient coûté à l'Espagne tant d'or et tant de sang: ce fut sous les
murs même de Plaisance que cette retraite fut décidée par la défaite
la plus désastreuse que les armées des deux couronnes eussent encore
éprouvée. Il fallut alors évacuer et les deux duchés et les autres
conquêtes que l'on avoit pu faire en Italie. La retraite se fit avec
bonheur et habileté, et les débris de ces armées, réunis par une main
ferme et courageuse, pouvoient encore couvrir la ville de Gênes, et la
soustraire à la vengeance des Autrichiens. Le découragement et
l'animosité toujours croissante des chefs les uns contre les autres
empêchèrent de prendre ce parti, que commandoient à la fois l'honneur
et un intérêt bien entendu[85]. Pour prix de son dévouement, Gênes fut
lâchement abandonnée, et éprouva bientôt, même en se rendant, presque
toutes les rigueurs que l'on pourroit exercer sur une ville prise
d'assaut[86]. Les vainqueurs continuoient néanmoins de poursuivre les
deux armées fugitives; ils descendirent les Alpes après elles[87], et
leurs troupes irrégulières inondèrent et désolèrent la Provence et le
Dauphiné.

[Note 85: La mort de Philippe V, dont la nouvelle parvint à l'armée
espagnole pendant cette retraite, contribua beaucoup à accroître ce
découragement. L'influence de la reine cessa à l'instant même de la
mort de son mari; et le nouveau roi, Ferdinand VI, n'étoit pas disposé
à sacrifier ses armées et ses trésors, afin de conquérir des
principautés à ses frères utérins. Toutefois ce n'étoit pas une raison
pour abandonner de fidèles alliés.]

[Note 86: Les violences des Autrichiens y furent portées à de tels
excès, qu'elles soulevèrent contre eux une population entière
désespérée. On les attaqua dans la ville même; on les poussa de rue en
rue; les femmes, partageant cette fureur patriotique, les accablèrent,
du haut des toits, de débris arrachés à leurs propres maisons; ils
finirent par être chassés de la ville, après avoir perdu quatre mille
des leurs dans cette action meurtrière. La France envoya depuis aux
Génois, sous la conduite du duc de Boufflers, un corps de troupes au
moyen duquel ils purent se maintenir.]

[Note 87: Alors l'armée espagnole, réduite à moins de neuf mille
hommes, se sépara des débris de l'armée françoise où l'on comptoit à
peine onze mille soldats manquant de tout, et, traversant le Dauphiné,
alla se cantonner dans le duché de Savoie, dont le roi d'Espagne étoit
encore maître.]

Cependant la branche de Hanovre achevoit de se consolider en
Angleterre par les derniers résultats d'une entreprise qui avoit
semblé mettre plus que jamais en péril sa fortune et ses destinées.
L'expédition du prince Édouard en Écosse, si romanesquement
aventureuse, et justifiée d'abord par des succès presque fabuleux,
expédition que la France n'avoit su soutenir que par des secours
dérisoires, venoit de finir par un désastre complet, et qui ne
laissoit plus aucune ressource à ce prince, si digne d'un meilleur
sort. Assez heureux pour se sauver seul, et dans un dénuement plus
grand encore que lorsqu'il s'étoit hasardé à descendre sur les côtes
de son pays, il n'avoit retiré de cette dernière tentative que le
stérile avantage de prouver au cabinet de Versailles ce qu'il lui
auroit été possible de faire, s'il eût été plus tôt et plus
efficacement secouru.

Au reste, la politique de l'Angleterre avoit achevé de se développer
dans cette guerre, politique qui n'avoit pu réussir aussi complétement
que par les combinaisons prodigieuses de son système financier. Grâce
à ce système, il lui étoit donné de puiser à volonté dans un trésor
que rien sembloit ne pouvoir tarir; de prodiguer ainsi les subsides à
ses alliés; au moyen de ces subsides, d'entretenir leur haine,
d'exciter leur ambition, et de prolonger à son gré une guerre dont, en
dernier résultat, elle seule devoit profiter. C'est ce qui n'étoit
point encore arrivé dans les troubles du continent: il étoit sans
exemple, et même il auroit été impossible de prévoir, qu'une puissance
du second ordre, retranchée dans une île où elle avoit su s'entourer
de la barrière inexpugnable de ses vaisseaux, se procureroit un jour,
au moyen de cette invention formidable du _crédit public_, soutenue de
la crédulité stupide de quelques cabinets, une force suffisante pour
remuer jusque dans ses entrailles cette vieille Europe, pour l'acheter
en quelque sorte au prix qu'elle voudroit se vendre, la couvrir de
ravages, l'inonder de sang au gré de ses intérêts, et exploiter
ensuite à son profit et les vainqueurs et les vaincus. Acharnée contre
la France et l'Espagne, et résolue de ne point lâcher prise qu'elle
n'eût détruit ou envahi leurs dernières colonies, anéanti leur
commerce et leur marine, l'Angleterre ajoutoit sans cesse de nouveaux
subsides aux subsides déjà prodigués; et tandis que ses alliés
occupoient sur terre les deux puissances, ses flottes étoient partout:
elles apparoissoient sur nos côtes pour y faire, quand elles le
jugeoient convenable, d'utiles diversions; elles parcouroient celles
de l'Amérique, et portoient la désolation dans les établissements
espagnols. La prise de Porto-Bello par l'amiral Vernon, l'expédition
audacieuse du commodore Anson, étoient de tristes preuves de cette
prépondérance maritime que l'ineptie et la trahison lui avoient laissé
prendre, et qu'il n'étoit plus possible de lui enlever. Les extrémités
où les Hollandois se trouvoient réduits par la conquête des Pays-Bas,
loin de l'embarrasser, lui étoient un avantage; car elle y voyoit un
moyen assuré de vaincre leur répugnance à rétablir le stathoudérat;
puis, au moyen d'un stathouder, dont elle devenoit nécessairement
l'unique appui, d'être plus maîtresse encore qu'elle n'avoit été au
milieu de cette république de marchands. C'est ce qui arriva, lorsque
les armées françoises eurent envahi les Pays-Bas hollandois.
D'ailleurs toutes ces conquêtes de Louis XV les inquiétoient peu: à
chaque victoire que remportoit pour lui le maréchal de Saxe, il alloit
offrant la paix; et il en manifestoit si impolitiquement le désir et
le besoin, qu'on ne pouvoit guère considérer tant de provinces
conquises que comme un dépôt entre ses mains, qu'il s'empresseroit de
rendre, dès qu'on consentiroit à transiger avec lui.

Cependant une flotte angloise avoit paru sur les côtes de la Provence;
elle y protégeoit les mouvements des Autrichiens qui continuoient à
désoler cette province; l'armée françoise, dont la désorganisation
étoit complète, ne pouvoit mettre aucun obstacle à leurs progrès, et
Toulon étoit menacé. Telle étoit en France la disette des généraux,
qu'on ne trouva rien de mieux à faire que d'y envoyer le maréchal de
Belle-Isle, qui, long-temps prisonnier en Angleterre[88], reparut
ainsi vers la fin de cette guerre qu'il avoit si malheureusement
commencée. Il montra cette fois plus d'activité et d'intelligence: il
sut rétablir la discipline et ranimer le courage des soldats; des
renforts arrivés à propos le mirent à même de se hasarder contre
l'ennemi; il eut des succès, fit lever le siége d'Antibes, reprit
l'offensive, et passant le Var, envahit le comté de Nice. Il avoit
promis de rentrer en Italie, et voulut tenir sa promesse; mais
cherchant à faire mieux que le prince de Conti, et que le maréchal de
Maillebois, il imagina d'y pénétrer par le col de Fenestrelles et
d'Exiles, route plus courte à la vérité, mais aussi plus difficile,
comptant très mal à propos, parmi les chances de succès de son
entreprise, que le roi de Sardaigne se laisseroit surprendre. Il en
fut autrement; et cette manoeuvre mal conçue, à laquelle il auroit
fallu renoncer à l'aspect de l'ennemi bien retranché et sur ses
gardes, devint funeste par l'obstination extravagante que mit son
frère, le chevalier de Belle-Isle, à vouloir forcer un passage que
Charles-Emmanuel avoit su rendre inexpugnable. Il paya sa témérité de
sa vie, et le combat meurtrier d'Exiles rendit désormais toute
opération militaire impossible en Italie.

[Note 88: Il avoit été fait prisonnier le 20 décembre 1743, en prenant
des relais à la porte d'Elbingerode, petit bourg enclavé dans le
territoire de Hanovre, et conduit en Angleterre, où il resta jusqu'au
17 août de l'année suivante.]

Le roi continuoit de vaincre dans les Pays-Bas, et à chaque nouvelle
victoire continuoit d'offrir la paix, que les ennemis continuoient de
refuser. Pour arracher en quelque sorte cette paix à leur obstination,
il fut décidé que l'on feroit le siége de Maëstricht: l'armée
confédérée s'avança aussitôt pour couvrir cette place, et le maréchal
de Saxe, allant à sa rencontre, remporta sur elle la victoire de
Lawfelt, victoire brillante, mais toutefois si peu décisive, que, bien
qu'il fût resté maître du champ de bataille, il ne crut pas qu'il fût
prudent d'entreprendre encore le siége que l'on avoit résolu. Afin de
rendre plus facile une si grande entreprise, le maréchal chargea le
plus habile de ses lieutenants, le comte de Lowendalh, d'aller
assiéger Berg-op-Zoom; et cette place forte, chef-d'oeuvre de Cohorn
et considérée comme imprenable, fut emportée en six semaines par les
manoeuvres combinées de ces deux grands capitaines, tous les deux
étrangers[89], et cependant les seuls, parmi ses généraux, à qui la
France pût maintenant confier ses armées. Cette opération faite, le
maréchal de Saxe reprit le cours de ses manoeuvres, et, malgré tous
les efforts des armées confédérées, Maëstricht put être cerné.

[Note 89: Le comte de Lowendalh étoit danois d'origine, et avoit servi
d'abord en Russie. La prise de Berg-op-Zoom lui valut le bâton de
maréchal de France.]

La puissance que s'étoient créée les Anglois, étoit telle, que,
l'argent à la main, ils faisoient venir des soldats d'où ils
vouloient, et que, par l'effet magique d'un subside, ils avoient
obtenu de la Russie un secours formidable en hommes et en
vaisseaux[90]. Tandis qu'ils traitoient avec cette puissance, afin de
prendre sur terre une revanche terrible des victoires infructueuses de
Louis XV, ils poursuivoient sur mer le cours de leurs faciles
triomphes. Tel étoit l'abandon dans lequel la France se voyoit
maintenant forcée de laisser ses colonies, qu'il suffit aux marchands
de la Nouvelle-Angleterre de se cotiser pour former une petite armée,
et s'emparer ainsi de Louisbourg, ville importante située à
l'embouchure du fleuve Saint-Laurent, et la clef de nos possessions
dans le nord de l'Amérique; ce qui anéantit tout à coup notre commerce
et nos pêcheries dans cette partie du Nouveau-Monde[91]. On essaya de
réparer ce désastre, et des désastres plus grands furent le résultat
des efforts que l'on avoit tentés. Une première flotte, sous les
ordres du duc d'Enville, fut dispersée par la tempête; une seconde,
composée de seize vaisseaux et commandée par le marquis de la
Jonquières, étoit à peine sortie de Brest qu'elle fut attaquée par les
amiraux Anson et Warrin, qui l'attendoient près du cap Finistère,
ayant pour eux l'avantage du nombre, et cette plus grande expérience
de la mer, à laquelle rien ne peut suppléer. Malgré la résistance la
plus intrépide, l'amiral françois vit prendre tous ses vaisseaux, et
fut lui-même obligé de se rendre. L'amiral Hawkes porta, dans cette
même année, un second et dernier coup à la marine françoise, en lui
enlevant six vaisseaux sur sept, qu'il avoit attaqués et enveloppés
avec une flotte de quatorze voiles. Ce fut alors un jeu pour les
Anglois de s'emparer des riches convois qui revenoient des Indes
occidentales, et le commerce de la France fut ruiné en même temps que
sa marine étoit anéantie. Alors le cabinet de Saint-James arrêta la
marche de ses auxiliaires russes, qui déjà avoient atteint la
Franconie, et jugea qu'il pouvoit permettre à ses alliés de faire la
paix, puisqu'il ne restoit plus à la France un seul vaisseau.

[Note 90: «L'impératrice Élisabeth Petrowna, fille du czar Pierre, fit
marcher cinquante mille hommes en Livonie, et promit d'équiper
cinquante galères. Cet armement devoit se porter partout où voudrait
le roi d'Angleterre, moyennant cent mille livres sterling seulement.»
(Voyez _Précis du Siècle de Louis XIV_, ch. XXVI.)]

[Note 91: Louisbourg est une place qui pouvoit se défendre, et rendre
tous les efforts inutiles, si on avoit eu assez de munitions.» (Voyez
_Précis du Siècle de Louis XIV_, ch. XXVIII.)]

Les ministres des puissances se rassemblèrent à Aix-la-Chapelle; la
suspension d'armes eut lieu le 13 mai 1746, et la paix fut signée le
18 octobre de cette même année. Louis XV ne recouvra pas sa marine, et
pour prix du sang de ses sujets, des trésors de la France et des
victoires du maréchal de Saxe, il transigea, ainsi que ses ennemis
l'avoient prévu, en rendant toutes ses conquêtes[92].

[Note 92: Le roi de Prusse garda la Silésie qu'il avoit conquise, et
le roi de Sardaigne conserva une partie du Milanois qui avoit été le
prix de son alliance avec la reine de Hongrie.]

Certes c'étoient là de grands revers et surtout de grandes fautes.
L'intérieur de la France va nous offrir un spectacle plus triste
encore. Il nous faut maintenant remonter jusqu'au commencement de ce
période de plus de trente années que nous venons de parcourir.

Jamais État chrétien n'offrit peut-être un désordre moral plus
singulièrement compliqué que celui que présenta la France après la
mort de Louis XIV. Les ressorts du gouvernement s'étant un moment
détendus, nous avons vu que le parlement étoit, à l'instant même,
revenu à ses anciennes traditions, et avoit essayé de se rétablir de
lui-même le modérateur suprême du pouvoir politique et du pouvoir
religieux, aidé dans son entreprise par les jansénistes, ses
auxiliaires habituels, qu'avoit d'abord accueillis et protégés un
prince indifférent à toutes croyances religieuses, et devenu un moment
leur protecteur, par la seule raison qu'ils avoient été persécutés
sous Louis XIV[93]. Cette opposition ayant bientôt fatigué celui-là
même qui avoit contribué à la faire renaître, on a vu encore qu'il
l'avoit brisée en un instant et avec une telle violence, qu'on avoit
pu croire, d'après ce coup si rudement frappé, que les intérêts
nouveaux qui portèrent ensuite le régent et son ministre à faire cause
commune avec la cour de Rome délivreroient enfin le clergé de France
de ce joug ignominieux que la magistrature avoit osé lui imposer, et
que la fausse politique de nos rois avoit maintenu et même agravé.
Mais cette politique égoïste et absurde étoit encore toute vivante, et
l'instinct despotique du régent sut la comprendre, même au milieu de
ses plus grandes animosités contre les gens de robe. Redoutant à la
fois et le clergé et le parlement, ce prince, dans tout ce qu'il
entreprit ou contre l'un ou en faveur de l'autre, et peut-être sans
s'être fait à ce sujet un plan profondément combiné, sut s'arrêter
précisément au point où l'un des deux partis auroit entièrement
triomphé du parti opposé; de manière que le clergé n'emporta qu'une
demi-victoire, que la magistrature n'essuya qu'une demi-défaite, et
que lorsque le parlement revint de son exil de Pontoise, aussi abattu
sous la main du régent qu'il avoit pu l'être, sous celle de Louis XIV,
il conserva encore, même dans les conditions de retour qu'il fut forcé
de subir et qui confirmèrent sa dépendance à l'égard du pouvoir
temporel, une partie de l'ascendant qu'il s'étoit arrogé sur
l'autorité spirituelle. Les choses étant ainsi arrangées, il en
résultoit qu'au moment même où le prince auroit éprouvé quelque
embarras de la part de l'opposition religieuse, il étoit en mesure de
s'en délivrer en élevant contre elle le parlement; et quant à
celui-ci, les lits de justice et les prisons d'État devoient lui en
rendre raison, si la fantaisie lui prenoit de passer les limites qu'il
auroit jugé à propos de lui tracer. Cette politique, sous une forme un
peu différente, étoit toujours celle de Louis XIV.

[Note 93: Il convient cependant de donner une juste idée des
persécutions _cruelles_ exercées par ce monarque contre ces honnêtes
sectaires, qui, comme tout le monde sait, étoient des agneaux pour la
douceur, point persécuteurs; au contraire, pleins de charité à l'égard
de ceux qui avoient le malheur de ne pas être de leur avis. Il est à
propos de dévoiler les _horreurs_ que l'on exerça contre eux, et dont
le père Letellier, cet _atroce_ et _farouche_ jésuite, fut
l'instigateur; il faut enfin déchirer les voiles et montrer à tous les
yeux ces _victimes_ nombreuses qu'un historien moderne (M. Lacr......)
nous représente, en style pathétique et en phrases plus ou moins
harmonieuses, _entassées_ dans les cachots de la Bastille et de
Vincennes, et lorsqu'elles furent enfin délivrées sous la régence,
«défilant lentement au milieu de leurs parents et de leurs amis:»
spectacle, ajoute cet historien, bien propre à aigrir les esprits
contre la mémoire de Louis XIV. Or les écrits du temps les plus
favorables à la cause du jansénisme nous apprennent que, jusqu'au mois
d'octobre 1715, il avoit été mis DEUX personnes à Vincennes et QUATRE
à la Bastille, six en tout; et ces écrits les _nomment_[93-A]. Telle
est la liste effrayante de ces _victimes_ qui défilèrent _lentement_
et _processionnellement_ en sortant de ces cachots où elles avoient
été _entassées_. Voilà comme certaines gens écrivent l'histoire au
XIXe siècle. En ce genre, nous sommes forcés d'avouer que nous ne
connoissons rien de plus curieux que l'histoire ou plutôt les
_histoires_ de M. Lacr....., que tant de braves gens lisent _pour leur
instruction_, et dont il faut espérer toutefois que quelque jour
justice sera faite.]

[Note 93-A: Voyez _les Mémoires pour servir à l'Histoire
ecclésiastique du 18e siècle_, t. I, p. 111, 2e édition.]

Mais, nous l'avons déjà dit, Louis XIV étoit chrétien, et il n'y eut
jamais d'irréligion plus scandaleusement déclarée que celle du régent.
Un troisième parti qui, jusqu'alors, s'étoit tenu dans l'ombre, d'où
il n'auroit pu sortir, sans se voir à l'instant même écrasé sous la
main redoutable à laquelle rien ne résistoit, se montra tout à coup au
grand jour, toléré par un prince qui n'avoit cessé d'être son
complice, encouragé par ses exemples dans ses excès les plus
licencieux, au-dessus de toute autorité, parce qu'il nioit tout
devoir, prêt à profiter de toutes les fautes des autres partis, et de
tous les embarras où pourroit les jeter la fausse position dans
laquelle ils étoient respectivement placés: ce fut le parti des
incrédules, plus connu sous le nom de parti _philosophique_. Né, de
même que les disciples de Jansénius, du protestantisme, dont il
exprimoit les dernières conséquences, déjà plus nombreux qu'on
n'auroit pu le penser, lorsqu'avoit défailli cette main qui avoit su
le contenir, et prédominant surtout dans la nouvelle cour, il sut y
profiter de la corruption effrénée des moeurs pour y accroître la
licence des esprits; et bientôt on le vit étendre plus loin ses
conquêtes, lorsque la soif des richesses, allumée dans tous les rangs
par la plus funeste des opérations financières, eut rapproché
l'intervalle qui les séparoit, et commencé à introduire, dans quelques
classes moins élevées de la société, les vices des grands seigneurs et
la manie de les imiter. Ainsi commença, de la cour à la ville, à
circuler le poison, d'abord dans le ton général des conversations où
il fut du bel air de se montrer impie et libertin, ensuite dans une
foule d'écrits obscurs, pamphlets, libelles, contes, épigrammes, qui
se multiplièrent sous toutes les formes, échappant à l'action de la
police par le concours de ceux-là mêmes qui auroient dû contribuer à
en arrêter le cours, et propageant le mal avec cette rapidité qui
n'appartient qu'à l'imprimerie, puisqu'elle est celle de la pensée.
Deux hommes parurent à cette époque, qui étoient destinés à exercer
une grande influence sur leur siècle, par l'éclat de leur talent, et
par l'usage pernicieux qu'ils eurent le malheur d'en faire, Voltaire
et Montesquieu. Celui-ci qui devoit, dans la suite, être dépassé de
très loin par l'autre dans cette guerre ouverte contre le
christianisme, se montra le plus hardi en entrant dans la carrière, et
ses _Lettres persannes_ attaquèrent plusieurs des vérités
fondamentales de la religion avec une originalité de style et une
énergie d'expression qui rendoient l'attaque plus séduisante et par
cela même plus dangereuse. Cependant il le put faire sans être
inquiété, tant étoit déjà avancée la licence des esprits; et dès lors
le crime de s'attaquer au prince étant estimé plus grand que celui de
s'attaquer à Dieu, Voltaire expioit en même temps, à la Bastille, le
simple soupçon d'être l'auteur d'une satire contre le régent. La
fougue d'impiété de celui-ci s'exhaloit plus alors dans ses paroles
que dans ses écrits, où quelques traits, jetés par intervalle,
commençoient seulement à la déceler.

Tandis que croissoit ainsi ce parti, au milieu de l'espèce
d'enivrement de débauche que la régence répandoit dans toutes les
classes oisives ou opulentes de la société, l'Église de France, nous
l'avons déjà dit, courbée sous le joug d'une servitude outrageante et
intolérable, étoit réduite, pour résister au parti janséniste et se
soustraire à l'action tyrannique du parlement, de se rallier au chef
de l'État, d'accepter pour protecteur son infâme favori, de supporter
la profanation de ses plus hautes dignités; et c'étoit là un opprobre
qui fournissoit contre elle de nouvelles armes aux incrédules,
lesquels en tiroient parti pour grossir leurs rangs de beaucoup
d'esprits foibles et passionnés à qui ils savoient persuader que cette
protection dérisoire qu'accordoient à la religion des hommes faisant,
comme eux, profession d'incrédulité, étoit une preuve évidente de la
fausseté de ses dogmes. Cette humiliation du clergé produisoit encore
cet autre effet de jeter dans le parti janséniste des hommes à vues
courtes et à conscience timorée, qui croyoient reconnoître, dans le
rigorisme affecté des sectaires et dans leur opposition au pouvoir,
bien que cette opposition n'eût commencé qu'après que le pouvoir les
eût lui-même repoussés, une résistance courageuse à l'iniquité du
siècle, à l'égard de laquelle ils reprochoient au parti opposé de se
montrer beaucoup trop indulgent. Telle étoit la position des choses et
des esprits, lorsque l'évêque de Fréjus parvint au ministère.

Toutefois ce n'est point assez de cette vue générale pour bien faire
comprendre ces querelles déplorables qui se continuèrent si vivement,
sous l'administration de ce foible vieillard, entre le clergé, les
jansénistes et les parlements, si l'on n'y joint quelques traits de ce
qui s'étoit passé, depuis Louis XIV, relativement à la bulle
_Unigenitus_. L'ignorance et la sottise philosophique considèrent avec
beaucoup de pitié les troubles et les désordres dont cette bulle
fameuse fut en France l'occasion et le prétexte, et peu s'en faut
qu'elles n'en jugent les détails indignes de l'histoire: il ne leur
appartient pas de concevoir que c'est là, dans son principe et dans
ses conséquences, le plus grand événement du XVIIIe siècle, et qu'il
suffiroit seul pour l'expliquer tout entier.

(1715-1718) Il n'est pas difficile de prévoir ce qui seroit arrivé de
l'obstination du cardinal de Noailles, si Louis XIV eût vécu; il n'y a
pas d'apparence qu'il eût refusé d'obéir au commandement d'un maître à
qui on ne résistoit pas impunément, et pour quelque temps, du moins,
la paix eût été rendue à l'Église. La politique du régent, masquée
sous le voile de la modération et de l'esprit conciliateur, changea la
face des choses: le cardinal le voyant plein de condescendance pour
lui et de tolérance à l'égard des jansénistes, reprit courage, et le
parti des opposants avec lui. Il ne fut plus question d'accepter la
bulle, quoiqu'il eût fait une promesse formelle à ce sujet. Un déluge
de libelles où les doctrines qu'elle contenoit étoient attaquées et
les opinions de Quesnel défendues, inonda Paris et les provinces; la
division éclata ouvertement dans le corps des évêques, l'esprit de
révolte commença à se manifester dans le clergé inférieur, dans les
universités, dans les facultés de théologie; et l'on put se croire à
la veille de ce schisme depuis si long-temps redouté par tous ceux qui
en avoient vu le principe dans ce qui se passoit en France depuis près
de quarante ans.

Les premiers symptômes de cette guerre qui alloit désoler l'Église de
France, se manifestèrent dans cette même assemblée du clergé qui
s'étoit ouverte quelques mois avant la mort du feu roi[94]; et ce fut
à l'occasion de deux ouvrages que le parti janséniste venoit de jeter
dans le public, et dans lesquels tout le venin de leur doctrine se
trouvoit répandu[95]. Il fut décidé que ces deux productions
dangereuses seroient examinées et censurées: les prélats opposants[96]
firent voir, dès lors, combien ils étoient favorables aux sectaires,
par les manoeuvres de tout genre qu'ils employèrent pour arrêter cette
censure; et, n'ayant pu y réussir, pour empêcher du moins qu'il y fût
parlé honorablement de la bulle, à l'occasion de laquelle cependant
ces ouvrages avoient été composés, et contre laquelle ils étoient
principalement dirigés. Ayant encore échoué sur ce point, leur
dernière ressource avoit été de faire intervenir le régent, dont
l'intention n'étoit pas de donner en ce moment gain de cause à l'un ou
à l'autre parti, et qui, sous prétexte qu'il venoit d'ouvrir une
négociation avec le pape au sujet de leurs contestations, défendit
provisoirement la publication des censures. Cependant la faculté de
théologie de Paris avoit commencé à montrer de quel esprit elle étoit
animée, en rétractant publiquement l'acceptation qu'elle avoit faite
de la bulle, et déclarant même avec beaucoup d'impudence «qu'elle ne
l'avoit jamais acceptée.» Son audace fut telle, dès ces premiers
moments, que les livres censurés trouvèrent des apologistes au milieu
d'elle, et purent y être impunément défendus.

[Note 94: Le 25 mai 1715.]

[Note 95: Les _Hexaples_ et _le Témoignage de la Vérité_[95-A]. «On y
lisoit ces énormes maximes, que les peuples ne doivent point écouter
leurs pasteurs; que les disciples ne doivent point être enseignés par
leurs maîtres; que les fidèles n'ont pas la seule docilité pour
partage. On y enseignoit au contraire que les peuples ont un droit
acquis de s'élever contre tout ce qui blesse leurs préventions et d'en
décider par leurs clameurs. On citoit à ce tribunal de l'esprit
particulier les conciles généraux eux-mêmes, pour s'assurer de
l'authenticité de leurs canons; et on faisoit du soulèvement du peuple
la souveraine règle vivante et infaillible de notre foi. Telle étoit
la monstrueuse doctrine du livre du _Témoignage de la Vérité_.»

«Le livre des _Hexaples_ n'étoit pas moins impie. Le but principal de
son auteur étoit d'opposer la doctrine de l'Écriture et des Pères à
celle de la _Constitution_, d'y mêler des remarques propres à étouffer
dans le coeur des fidèles les sentiments de soumission et de respect
qui sont dus au Saint-Siége, de justifier les _Réflexions morales_ aux
dépens de tous ceux qui les avoient si formellement proscrites, et
d'invectiver contre les auteurs d'une morale opposée à la sienne.»
(LAFITEAU, _Histoire de la Bulle Unigenitus_, t. I, p. 320, in-12.)]

[Note 95-A: L'auteur des _Hexaples_ se nommoit Fouillou; celui du
_Témoignage_ étoit un oratorien nommé La Borde.]

[Note 96: Ils étoient au nombre de douze, y compris leur chef, le
cardinal de Noailles.]

Lorsque ces nouvelles parvinrent à Rome, Clément XI en ressentit une
vive douleur, et jamais l'embarras de sa situation vis-à-vis de
l'Église de France n'avoit été plus grand. Partout ailleurs, l'hérésie
et la rébellion auroient été, à l'instant même, comprimées et punies
par des actes décisifs de son autorité suprême, que le pouvoir
temporel auroit accueillis avec respect, à l'égard desquels il eût
exigé une prompte et entière obéissance. En France les obstacles se
présentoient de toutes parts: formeroit-il une commission pour
instruire le procès des évêques opposants? Mais c'étoit une
prérogative de l'Église _gallicane_, que les évêques n'y pouvoient
être jugés en première instance que par les métropolitains assistés
de leurs suffragants, et ce n'étoit que par voie d'appel que le pape
avoit le droit de connoître de la cause d'un évêque accusé.
Assembleroit-il un concile national? c'eût été soulever à l'instant
même mille questions odieuses sur l'autorité pontificale: il n'y
falloit pas penser. La convocation d'un concile général, qui lui fut
proposée par ses conseillers, fut encore rejetée, parce qu'il y vit de
même de graves inconvénients[97]. Sévir contre la Sorbonne, contre une
simple faculté de théologie, il ne le pouvoit même pas sans
imprudence, et sans s'exposer à voir son autorité compromise; car
l'_appel comme d'abus_ au parlement en eût été la conséquence; et,
devant le tribunal séculier, la Sorbonne l'auroit très probablement
emporté sur le souverain pontife. Au milieu de ces incertitudes, qui
n'étoient que trop fondées, Clément XI s'arrêta du moins à la
résolution de refuser des bulles à tout sujet qu'on lui présenteroit
pour de nouveaux évêchés, et qui n'auroit pas accepté formellement la
constitution[98]. Enfin, dans une congrégation générale qu'il
assembla, et au milieu de laquelle il déplora les malheurs de l'Église
avec cette éloquence noble et touchante qui éclatoit jusque dans ses
moindres paroles, ce saint pape fit comprendre en peu de mots, et avec
une admirable sagacité, quelles pouvoient être pour la religion en
France les conséquences de l'opposition qui venoit d'y éclater: «Ce
que je vous prie d'observer, dit-il au sacré collége assemblé, c'est
que les évêques opposants n'attaquent ma bulle _Unigenitus_, qu'afin
de saper en même temps et de faire tomber du même coup toutes celles
où ce saint siége a foudroyé leurs erreurs. Comme il n'en est aucune
au sujet de laquelle les formalités les plus solennelles aient été
observées plus exactement qu'à l'égard de la dernière constitution, il
n'en est point aussi qui mérite, avec plus de raison, d'avoir force de
loi dans l'Église. Par conséquent, travailler à infirmer l'autorité de
celle-ci, c'est vouloir anéantir toutes les précédentes. Bientôt on
verroit la bulle d'Innocent X et d'Alexandre VII contre les cinq
fameuses propositions de Jansénius, celle d'Innocent XII contre le
livre des _Maximes des Saints_, celle de Pie V et de Grégoire XIII
contre Baïus, la nôtre même contre le fameux _Cas de conscience_,
rejetées avec hauteur. Ce n'est plus un mystère dans le parti. Depuis
quelque temps il s'en explique si clairement, qu'il n'est plus permis
d'en douter. Ainsi, autant qu'il importe au sacré dépôt de la foi que
des erreurs capitales ne jettent pas de nouvelles racines, ou qu'elles
ne prennent pas de nouvelles forces, autant est-il nécessaire que nous
maintenions, dans toute sa vigueur, une bulle qui, en achevant de les
démasquer, achève aussi de les confondre[99].»

[Note 97: Outre que la convocation n'en étoit pas aisée dans les
circonstances où l'on se trouvoit, le pape ne voyoit pas la nécessité
d'une semblable assemblée pour sanctionner une loi, qu'à l'exception
de quelques réfractaires, tous les évêques du monde chrétien avoient
reçue avec le respect qui lui étoit dû. Qui pouvoit assurer d'ailleurs
qu'après que le concile auroit été convoqué, les Quesnélistes
n'imiteroient pas les Calvinistes dans la conduite que ceux-ci avoient
tenue à l'égard du concile de Trente? (LAFITEAU, _Histoire de la Bulle
Unigenitus_, t. I, p. 355, in-12.)]

[Note 98: Ce qui se passe à ce sujet suffira pour faire apprécier
quelles étoient, sous les apparences du respect hypocrite et de
l'esprit de conciliation, les véritables dispositions de la cour de
France à l'égard du Saint-Siége. En 1716, plusieurs ecclésiastiques,
dont la doctrine et les liaisons étoient suspectes, avoient été nommés
à des évêchés: le pape refusa des bulles; le régent demanda la stricte
exécution du concordat, et il s'ensuivit entre les deux cours une
altercation qui dura jusqu'en 1718. Alors perdant patience, le duc
d'Orléans assembla un conseil de régence où des commissaires furent
nommés, à l'effet d'examiner les motifs de ce refus que faisoit le
pape, d'aviser aux moyens de le faire cesser, et s'il y persistoit, à
ceux que l'on pourroit mettre en usage pour gouverner l'Église de
France et pourvoir au sacre des évêques. Le duc de Saint-Simon, l'un
des plus chauds opposants, étoit au nombre de ces commissaires, parmi
lesquels on ne voyoit ni un évêque ni un magistrat. Les théologiens
qu'il consulta étoient tous, comme lui, des opposants furieux; on y
comptoit entre autres un chanoine excommunié par son évêque, et un
docteur de Sorbonne qui revint exprès de Hollande où il s'étoit retiré
auprès de Quesnel, pour lui donner son avis. Il sortit de ce
conciliabule un Mémoire où l'on présentoit les moyens de se passer du
pape et de secouer entièrement le joug de la cour de Rome. Il ne
s'agissoit pas moins, suivant l'avis de Saint-Simon, que de faire
_appeler_ tous les parlements et toutes les universités. Enfin les
avis qui s'ouvrirent sur cette question furent si violents, que le duc
d'Orléans en fut effrayé; il en vit le danger, et trouva assez de
force pour résister aux sollicitations de ceux qui vouloient
l'entraîner dans le schisme. Toutefois on y touchoit pour ainsi dire à
chaque instant; et l'on ne peut savoir ce qui seroit arrivé en cette
circonstance, si l'on n'eût appris, quelques jours après, que le pape,
satisfait des explications qui lui avoient été données, avoit accordé
les bulles. (Voyez les _Mém. pour servir à l'Hist. ecclés. du 18e
siècle_, année 1718.)]

[Note 99: LAFITEAU, tom. I, pag. 390. Ce passage remarquable suffit
pour démontrer que cette affaire, si légèrement traitée par tant
d'esprits superficiels, touchoit le fond même de la religion, et que
la question de l'acceptation de la bulle _Unigenitus_ étoit en même
temps celle de savoir si la France continueroit ou cesseroit d'être
catholique; la suite le fera bien voir.]

Que demandoient les opposants? Des _explications_ sur le sens de
plusieurs passages de la bulle, qui leur sembloient obscurs et
susceptibles de fausses interprétations. Cette demande, au premier
abord, paroissoit naturelle; plusieurs avoient peine à comprendre
qu'elle pût leur être refusée, et c'étoit avec ces apparences de
candeur qu'ils se présentoient dans le monde. Mais lorsque, allant au
fond de leur pensée, le pape leur faisoit demander, à son tour, s'ils
vouloient s'engager d'avance à accepter _purement_ et _simplement_ la
bulle, après que ces explications leur auroient été données, alors
commençoient leurs tergiversations; et pressés sur cette question
importante, ils ne pouvoient plus cacher quel étoit le véritable but
de cette demande insidieuse, faite uniquement dans l'intention
d'établir une sorte de controverse avec le souverain pontife,
controverse dans laquelle ils se réservoient le droit de rejeter ses
explications, s'ils les trouvoient contraires à leurs doctrines. Ce
fut dans ce sens que parlèrent des agents qu'ils osèrent envoyer à
Rome, pour y faire cette proposition insolente[100]. Luther et Calvin
n'auroient pas autrement parlé[101].

[Note 100: L'un d'eux se nommoit l'abbé Chevalier; l'autre étoit ce
même P. La Borde, auteur du livre du _Témoignage_. Ils finirent par se
faire chasser de Rome.]

[Note 101: C'est qu'au fond la doctrine de Jansénius étoit absolument
la même que celle de ces hérésiarques. Au moyen d'une interprétation
absurde de Saint-Augustin, l'évêque d'Ypres enseignoit, dans son
livre, que le plaisir est le seul mobile de nos actions; que lorsque
le plaisir vient de la _grâce_, il nous porte à la vertu; que quand
c'est la _cupidité_ qui le fait naître, il nous entraîne vers le vice;
et que, depuis la chute du premier homme, notre volonté est
_nécessairement_ déterminée à suivre celui de ces deux mouvements qui
se trouve _actuellement_ le plus fort dans notre coeur. Ainsi le fond
de son système est que l'homme, comme fils d'Adam et entaché du péché
originel, est soumis à la nécessité _invincible_ de faire le bien ou
le mal: le bien, quand c'est la _grâce_ qui prédomine; le mal, lorsque
c'est la _cupidité_. Calvin n'enseigne rien de plus monstrueux dans ce
qu'il établit sur la prédestination, sur la grâce, sur le libre
arbitre. «Un ecclésiastique anglois, dit l'illustre comte de Maistre,
a donné une superbe définition du calvinisme: c'est, dit-il, un
système de religion qui offre à notre croyance des hommes esclaves de
la nécessité, une doctrine inintelligible, une foi absurde, un Dieu
impitoyable.» On ne pouvoit peindre le jansénisme en termes plus
énergique et plus vrais. Le même écrivain remarque que le système de
l'athée Hobbes, qui soutenoit également que tout est _nécessaire_,
offre, en tous points, une identité parfaite avec ceux de Calvin et de
Jansénius.

«Comment donc, ajoute-t-il avec sa merveilleuse sagacité, une telle
secte a-t-elle pu se créer tant de partisans et même de partisans
fanatiques? Comment a-t-elle pu faire tant de bruit dans le monde?
fatiguer l'État autant que l'Église? Plusieurs causes réunies ont
produit ce phénomène; la principale est celle que j'ai touchée. Le
coeur humain est _naturellement_ RÉVOLTÉ. Levez l'étendard contre
l'autorité, jamais vous ne manquerez de recrues. _Non serviam_
(Jérémie, II, 20); c'est le crime éternel de notre malheureuse nature.
«Le système de Jansénius, a dit Voltaire, n'est ni philosophique, ni
consolant; mais le plaisir d'_être d'un parti_, etc.» (_Siècle de
Louis XIV._) Il ne faut pas en douter, tout le mystère est là. Le
_plaisir_ de l'_orgueil_ est de braver l'autorité, son _bonheur_ est
de s'en emparer, ses _délices_ sont de l'humilier. Le jansénisme
présentoit cette triple tentation à ses adeptes. (_De l'Église
gallicane_, liv. I, ch. IV, p. 32.)]

Cependant Clément XI vit s'accroître ses incertitudes par l'usage
même qu'il tenta de faire de son autorité. Immédiatement après cette
congrégation des cardinaux, il avoit expédié en France deux brefs,
l'un aux évêques opposants, par lequel il leur enjoignoit d'accepter
la bulle sans délai, sans restriction, sans modification, y menaçant
le cardinal de Noailles de le dépouiller de la pourpre, et de le
traiter, lui et ses adhérents, selon toute la rigueur des canons, si,
dans un terme fixé, il n'avoit pas donné des marques certaines de son
obéissance; l'autre au régent, pour lui démontrer la nécessité du
parti qu'il venoit de prendre, et exciter son zèle à soutenir avec lui
la cause de la religion. Les deux brefs furent considérés comme non
avenus, parce que, suivant les libertés de l'Église _gallicane_,
telles que les avoit instituées Louis XIV, aucun rescrit de la cour de
Rome ne pouvoit être présenté au roi de France avant que copie en eût
été donnée d'abord à ses ministres, comme si ce monarque eût craint de
déroger en traitant directement avec le vicaire de Jésus-Christ. Une
telle formalité, sans exemple dans la chrétienté, auroit eu de trop
graves conséquences: le pape refusa de s'y soumettre, et put dès lors
reconnoître quelles étoient, dans cette affaire, les véritables
dispositions du régent, sur lequel d'abord il avoit cru pouvoir
compter. Ce fut donc une nécessité pour lui de suspendre des coups
qu'il devenoit imprudent de frapper.

Il n'est pas besoin de dire que les opposants s'enhardirent de cet
échec, que venoit d'éprouver l'autorité de la cour de Rome: dès ce
moment ils ne mirent plus de bornes à leurs prétentions et à leur
insolence à l'égard du chef de l'Église. Toutefois, comme on traitoit
encore le dogme assez sérieusement en France, ils essayèrent d'abord
de répandre dans le public que cette bulle dont on faisoit tant de
bruit, ne touchoit que quelques points de discipline de peu
d'importance. Cette manoeuvre ne leur ayant pas réussi, ils en
imaginèrent une autre: ce fut d'inviter les acceptants à se réunir à
eux pour établir ensemble un précis de doctrine que l'on soumettroit
au pape, dans lequel on tomberoit d'accord sur tous les points
dissidents, et qui, s'il étoit agréé, tranquilliseroit leur conscience
sur l'acceptation pure et simple de la bulle. La proposition fut
acceptée; on s'assembla: après de longues difficultés et des chicanes
sans nombre, qui ne purent fatiguer la patience et la complaisance de
leurs adversaires, ils parurent tomber d'accord avec ceux-ci sur la
doctrine, et tout sembloit sur le point d'être terminé. Mais il devint
évident que ce n'étoit de leur part qu'un jeu pour gagner du
temps[102]; car, employant aussitôt, pour arrêter l'effet de cette
conciliation, la plus insigne et la plus coupable des fourberies, ils
trouvèrent le moyen de substituer à la pièce originale une copie
qu'ils en avoient dressée eux-mêmes, et dans laquelle ils avoient
supprimé les corrections essentielles que les évêques acceptants y
avoient faites, de tous les passages entachés de jansénisme; et
l'ayant ainsi altérée, ils l'envoyèrent à Rome comme la profession de
foi de tout le clergé de France. Ils furent encore démasqués cette
seconde fois: alors ils proposèrent une assemblée générale des
évêques, faisant entendre que c'étoit le seul moyen de parvenir à une
entière conciliation; mais les acceptants, qui d'abord avoient
accueilli cette idée, acquirent bientôt la certitude que leurs
adversaires y porteroient la même obstination et se serviroient de
cette circonstance pour donner de plus grands scandales, et se
hâtèrent d'écrire au pape pour le prier de mettre opposition à ce
projet d'assemblée. Telle fut cependant la condescendance du souverain
pontife à l'égard de cette poignée de rebelles, que, ne pouvant donner
lui-même les explications demandées, et au sens qu'ils les
demandoient, sans compromettre gravement son caractère et son
autorité, il consentit qu'elles leur fussent indirectement offertes
dans une lettre que le sacré collége demanda la permission de lui
écrire, lettre qui fut rendue publique, et après laquelle les
opposants n'eurent plus aucun prétexte plausible de persister dans
leur refus.

[Note 102: L'abbé Dorsanne, secrétaire du cardinal de Noailles,
l'avoue lui-même naïvement: «Les opposants, dit-il, ne cherchoient
qu'à _allonger_ pour donner _au second ordre_ le temps de se
déclarer.» (_Journal de Dorsanne_, année 1717.)]

Cette dernière marque d'indulgence ayant été accordée aux rebelles, le
pape reprit le ton de maître; et dans deux nouveaux brefs, adressés,
l'un au régent, l'autre aux évêques acceptants, il fixa le délai
qu'il accordoit au cardinal de Noailles pour faire son acte de
soumission, se montrant décidé, ce délai passé, à procéder contre lui
et contre ses adhérents selon toute la rigueur des canons. Il
rappeloit particulièrement, dans celui qu'il adressoit aux évêques, ce
qui s'étoit passé relativement au livre des _Réflexions morales_, le
venin caché dans ce livre dangereux, l'empressement avec lequel le feu
roi et l'Église de France en avoient demandé la condamnation, le
respect avec lequel la majorité des évêques l'avoit acceptée; et le
détail de ces circonstances lui servoit à faire ressortir davantage ce
qu'il y avoit d'odieux dans la révolte des opposants et dans la
conduite insolente de la faculté de théologie, qui, livrée à de
continuelles variations, tantôt avoit reconnu, tantôt bravé l'autorité
du saint siége, et ne prétendoit pas moins qu'à se faire en France la
règle de la doctrine et la dominatrice de l'épiscopat. Un troisième
bref, adressé à la faculté elle-même, étoit plus que comminatoire: il
prononçoit la déchéance de ceux de ses docteurs qui s'étoient déclarés
opposants, et décernoit contre eux les peines canoniques[103].

[Note 103: LAFITEAU, t. I, p. 445.]

C'est ici que triomphèrent les libertés gallicanes. Le régent, qui
trouvoit bon d'arranger les choses à l'amiable avec la cour de Rome,
s'il y avoit possibilité de le faire selon son propre gré, mais non de
lui laisser exercer en France des actes d'autorité, vit très
tranquillement le parlement rendre aussitôt un arrêt par lequel,
statuant sur tous rescrits émanés de la cour de Rome, il défendoit de
recevoir en France aucune pièce de ce genre qui n'eût été
préalablement munie de lettres-patentes du roi, arrêt par suite duquel
les agents généraux du clergé reçurent l'ordre d'écrire à tous les
évêques du royaume «qu'il leur étoit défendu, _de la part du roi_,
d'accepter le bref qui venoit de leur être adressé, et qu'ils eussent
à remettre aux mains de M. le régent tous les exemplaires qu'ils en
avoient reçus[104].» Le pape en écrivit très vivement à ce prince,
qui, sur ce point, ne voulut lui donner aucune satisfaction, et se
borna seulement, pour ne pas rompre entièrement l'espèce de bonne
intelligence qui paroissoit exister entre lui et le saint père, à
défendre cette assemblée générale d'évêques que celui-ci avoit de si
justes raisons de redouter. Mais le projet de conférences nouvelles
par commissaires fut repris, et ceux des évêques acceptants qui
essayoient encore de travailler au rétablissement de la paix en
conçurent d'abord quelque espérance; on peut même dire que, pour y
parvenir, ils se montrèrent trop faciles envers leurs adversaires.
Déjà, dans ces conférences, on étoit parvenu à se mettre une seconde
fois d'accord sur la doctrine, et il sembloit que l'acceptation de la
bulle dût s'ensuivre naturellement; mais, arrivés à ce point principal
de la querelle et poussés dans ce dernier retranchement, les opposants
revinrent à leurs éternelles difficultés sur le sens auquel ils
prétendoient l'entendre; les esprits s'échauffèrent par la
controverse; et plusieurs d'entre eux, laissant enfin échapper leur
secrète pensée, _appelèrent_ de la bulle du pape au futur concile
général, et portèrent leur appel à la faculté de théologie, qui
_appela_ aussitôt avec eux. Tel fut le résultat de ces funestes
conférences.

[Note 104: LAFITEAU, t. I, p. 446.]

Ce fut aussi le signal de l'orage dont tout ce qui avoit précédé peut
n'être considéré que comme un signe avant-coureur: se voyant ainsi
soutenu et par les hésitations politiques de la cour et par la
complicité des magistrats, le parti janséniste leva le masque;
d'_opposants_ qu'ils étoient, ses fauteurs se firent _appelants_, et
l'_appel_ devint le mot d'ordre de la révolte pour tous ceux qui
partageoient leurs doctrines erronées. Un grand nombre de curés de
Paris et plusieurs communautés y donnèrent leur adhésion; non content
de semer ainsi la division dans son diocèse, le cardinal de Noailles,
chef avoué de cette faction, alla porter le trouble partout où il
espéra trouver des rebelles et des brouillons; et telle fut la
mauvaise foi des sectaires, qu'ils n'eurent pas honte de faire des
emprunts pour obtenir des appels à prix d'argent[105]. La licence se
manifesta bientôt de la manière la plus effrayante, et surtout dans
les classes subalternes du clergé: on vit des curés se réunir et
délibérer ouvertement sur les moyens à prendre pour s'arroger les
droits de l'épiscopat, des chapitres s'élever contre les décisions de
leurs évêques; et bien que le nombre des appelants ne formât encore
dans le clergé qu'une misérable minorité, le parti trouva le moyen, vu
cette position sans exemple où se trouvoit l'Église de France, de se
faire persécuteur de la grande majorité de ses membres[106]. À Paris,
et dans les diocèses que gouvernoient des évêques appelants, les
acceptants étoient interdits, soumis aux peines canoniques, en butte à
toutes les vexations de leurs supérieurs; dans ceux où siégeoient des
évêques acceptants, les rebelles pouvoient au contraire braver
impunément leurs premiers pasteurs; au moyen de l'appel comme d'abus,
ils les traînoient devant les tribunaux séculiers, où gain de cause
leur étoit toujours assuré, et leur faisoient expier, par d'odieuses
et insultantes condamnations, le légitime et consciencieux usage
qu'ils avoient fait et dû faire de leur autorité.

[Note 105: Ce fait est avoué par un de leurs principaux historiens.
(_Anecdotes_, t. 3, p. 248 et suiv.) Ils empruntèrent à cet effet au
delà de quatre cent mille livres; on donnoit cinq cents livres à
chaque candidat qui, dans des thèses publiques, soutenoit
quelques-unes des erreurs condamnées par la bulle; les curés
recevoient davantage; et l'on payoit encore de plus fortes sommes aux
chanoines qui avoient assez de crédit pour gagner leurs chapitres, aux
religieuses assez puissantes pour entraîner leurs communautés. Cette
manoeuvre dura deux ans, et ne fut découverte que par les plaintes des
créanciers qui demandoient à être payés, et qui n'obtinrent jamais le
remboursement de leurs avances. Cependant, malgré l'emploi de moyens
si honteux, soutenus des plus odieuses calomnies et de tous les genres
de séduction, le parti des _appelants_ ne compta jamais, dans sa plus
grande prospérité, que seize évêques, trois universités, deux à trois
mille ecclésiastiques, et un petit nombre de laïques sans autorité.]

[Note 106: Contre ce petit nombre d'opposants que nous venons de
signaler, se présentoient en France plus de cent évêques, toutes les
universités, trois seulement exceptées, et plus de cent mille
ecclésiastiques qui demeuroient attachés au corps épiscopal; hors de
France, tous les évêques de la chrétienté.]

La conduite du régent, dans ces graves circonstances, continua d'être
ce qu'elle avoit été, foible en apparence, au fond calculée,
insidieuse, et telle qu'il falloit qu'elle fût pour ne donner de
triomphe complet à aucun parti. Sur les plaintes que lui adressèrent
de toutes parts les évêques, il leur écrivit pour les assurer de sa
coopération à rétablir l'ordre dans leurs diocèses, leur protestant
qu'il sauroit contenir le clergé du second ordre et même les
parlements; il écrivit en même temps une lettre au pape, dont l'objet
apparent étoit de renouer autant que possible les négociations; mais,
dans cette lettre, ainsi que dans sa circulaire aux évêques, le
principe des _appels_ étoit maintenu, et le prince se contentoit
seulement de les attaquer «dans l'abus que l'on prétendoit en faire
dans cette circonstance,«de manière qu'il trouva le moyen de
mécontenter à la fois tout le monde[107]; ce dont il se soucioit peu,
d'après le plan qu'il s'étoit tracé, dans ces querelles, de tout
ramener définitivement à son autorité.

[Note 107: Quelques magistrats trouvèrent mauvais que le régent eût
insinué dans sa lettre que des parlements avoient attenté aux droits
de l'épiscopat. (LAFITEAU, t. 2, p. 42.)]

Les appelants avoient pénétré son dessein, et si bien qu'ils ne
cherchoient qu'un moyen de le commettre avec la cour de Rome en le
faisant intervenir dans les affaires de l'Église, de manière à mettre
cette autorité dont il sembloit si jaloux en opposition avec celle du
souverain pontife. Ce fut dans cette intention qu'ils proposèrent,
comme moyen de conciliation, un silence _absolu_ sur la bulle,
silence qui seroit _ordonné_ par le roi, y ajoutant toutefois cette
condition que l'ordonnance royale ne paroîtroit qu'après que le
cardinal de Noailles auroit publié son appel; ils demandoient même que
le roi, dans cette ordonnance, s'expliquât sur les excommunications
«de manière à rassurer les consciences;» que les appels y fussent
considérés comme légitimement faits, et que la décision de l'affaire
sur laquelle ce silence général auroit été imposé, fût renvoyée, non
au pape, mais au futur concile général. Certes, l'insolence ne pouvoit
aller plus loin: c'étoit non seulement se maintenir dans leur ancienne
prétention de traiter avec le chef de l'Église sur le pied de la plus
parfaite égalité, mais encore pousser le souverain temporel à porter
la main à l'encensoir, et allumer entre les deux puissances une guerre
qu'en effet ils désiroient ardemment, et dont les insensés espéroient
profiter.

On conçoit avec quelle indignation un semblable projet fut rejeté. Le
pape, à la vérité, demandoit le silence; mais il vouloit que l'hérésie
fût seule forcée de se taire. Le cardinal de La Trémouille,
ambassadeur de la cour de France auprès du Saint-Siége, et qui y
jouoit, depuis le commencement de ces querelles, le rôle de
conciliateur avec assez peu de discernement, commit en cette occasion
une grande faute: encore qu'il connût parfaitement la pensée du saint
Père sur ce projet de silence également imposé au mensonge et à la
vérité, il se persuada très mal à propos que, si ce silence _général_
étoit en effet ordonné pour peu de temps, sans toutefois y admettre
les conditions insolentes proposées par les appelants, on pourroit, à
la faveur du moment de calme qu'il auroit procuré, parvenir à
s'entendre sur le fond de la discussion; et qu'en faveur d'un si
heureux résultat, on obtiendroit probablement du pape qu'il fermât les
yeux sur un acte du pouvoir temporel qui pouvoit avoir de si graves
conséquences. Ce fut en ce sens qu'il écrivit à sa cour; et la
déclaration du roi; qui ordonnoit _le silence_ sur les affaires de la
bulle, parut immédiatement après[108].

[Note 108: Le 17 octobre 1717.]

On conçoit que les acceptants ne s'y soumirent qu'avec beaucoup de
répugnance: c'étoit exiger d'eux une sorte de prévarication. Quant aux
appelants, ils ne vouloient point du silence à de telles conditions;
et pour éluder l'effet de la déclaration; ils mirent en avant le
cardinal de Noailles qui parvint à persuader au régent qu'il ne
pouvoit convenablement se taire avant que le pape se fût expliqué sur
le précis de doctrine qui venoit d'être arrêté entre les deux partis.
L'adhésion des évêques acceptants à cet exposé doctrinal ne laissoit
aucun doute sur son orthodoxie: l'explication demandée au pape ne
pouvoit donc qu'être favorable, et l'on commençoit à concevoir quelque
espérance d'une véritable paix. Or, et nous l'avons déjà dit, les
opposants n'en vouloient point; tout ceci n'étoit de leur part qu'un
jeu détestable: par une seconde fraude qui n'étoit pas moins odieuse
que la première, de laquelle toutefois on prétend que le cardinal ne
fut pas complice (ce qui semble difficile à croire et se trouve
démenti par sa conduite postérieure), ils altérèrent ce précis de
doctrine dans tout ce qu'il contenoit de contraire à leurs maximes; et
résolus de mettre à cette paix un obstacle insurmontable, ils
choisirent ce moment pour publier l'appel de ce prélat, appel qu'il
avoit fait secrètement et auquel il avoit jusqu'alors différé de
donner de la publicité. Le chapitre métropolitain et les curés de
Paris y adhérèrent à l'instant même; la Sorbonne, qui, en fait
d'appel, avoit déjà pris les devants, reçut celui-ci avec les plus
grands applaudissements, et la confusion fut à son comble dans le
clergé de Paris.

Le régent, soit qu'il fût réellement irrité de cette audace, soit
qu'il feignît de l'être, ordonna au parlement de poursuivre la
publication de cet appel, et le parlement, qui l'approuvoit
intérieurement, le condamna _par ordre_. Alors blessé au vif dans son
amour-propre, le foible et vaniteux prélat ne se contint plus: il
avoua hautement son appel, en prit la défense, et montra quels étoient
ses véritables sentiments en repoussant les nouvelles marques de
condescendance que le pape se montroit disposé à lui donner; puis se
mettant plus ouvertement encore qu'il ne l'avoit fait à la tête de son
parti, il se fit l'apologiste des doctrines censurées, et déclara
nettement qu'une acceptation conditionnelle étoit tout ce qu'il
pouvoit accorder. Après ce dernier éclat, Clément XI, dont la
modération et la longanimité ne sauroient être trop admirées dans ces
circonstances difficiles et malheureuses, se décida, ayant épuisé tous
les moyens de conciliation, à publier sa bulle de séparation[109].

[Note 109: Cette bulle qui commence par ces mots, _Pastoralis
officii_, fut publiée à Rome, le 28 août 1718. Adressée à tous les
fidèles, elle leur ordonnoit de rompre toute communication avec les
opposants, déclaroit ceux-ci séparés de la charité de la sainte Église
romaine, les privoit de la communion ecclésiastique avec l'Église et
son chef, leur obéissance seule pouvant les rétablir dans l'unité du
siége apostolique.]

Ce fut le signal d'une nouvelle confusion plus grande que tout ce qui
avoit précédé. Les appels contre la nouvelle bulle s'élevèrent
aussitôt de toutes parts dans le parti des opposants; et le parlement
tressaillit de joie en voyant des princes de l'Église lui fournir
eux-mêmes, par leurs fureurs, l'occasion qu'il cherchoit depuis si
long-temps d'élever sa puissance sur celle de Rome. Déjà il n'avoit
pas craint de faire brûler par la main du bourreau une lettre qu'un
prélat courageux (l'archevêque de Reims) avoit adressée au régent,
pour lui peindre l'excès du mal et l'inviter à en arrêter le cours: en
cette nouvelle circonstance, il n'eut pas même la peine de prendre
l'initiative. Ce furent les gens du roi eux-mêmes qui appelèrent
devant lui de la bulle comme d'abus; il reçut leur appel, et s'apprêta
ainsi à procéder contre le pape lui-même. Cependant les opinions les
plus monstrueuses se professoient hautement dans la Sorbonne, et le
langage de ses docteurs ne différoit point de celui des plus furieux
protestants; les choses allèrent même à cet excès, qu'un plan de
séparation de l'Église de France avec celle de Rome, et d'union avec
l'Église anglicane, fut secrètement dressé dans le parti des
opposants[110]. L'archevêque de Reims écrivit de nouveau pour
démasquer ces détestables machinations, et l'évêque de Soissons publia
sur le même objet quelques écrits très énergiques: le parlement s'en
saisit aussitôt pour les flétrir, et confia encore à la main du
bourreau le soin de lui en rendre raison. Cependant les parlements de
provinces s'empressoient d'imiter leur digne modèle; et plus de
quarante évêques ayant déclaré les appels schismatiques, la plupart
d'entre eux se virent cités devant les tribunaux séculiers, qui
supprimèrent et condamnèrent leurs mandements comme abusifs.

[Note 110: Ce plan avoit été tracé par Dupin, docteur de Sorbonne, à
qui ses violences et ses erreurs ont acquis, dans ces querelles, une
si malheureuse célébrité. Une correspondance qu'il avoit avec
l'archevêque de Cantorbery éveilla les soupçons; on saisit ses
papiers, et les fils de cette trame presque incroyable furent ainsi
dévoilés. «Il y étoit dit que les principes de notre foi peuvent
s'accorder avec les principes de la religion anglicane; que sans
altérer l'intégrité du dogme, on peut abolir la confession
auriculaire, et ne plus parler de _transsubstantiation_ dans le
sacrement de l'Eucharistie, anéantir les voeux de religion, permettre
le mariage des prêtres, retrancher le jeûne et l'abstinence du carême,
se passer du pape, et n'avoir plus ni commerce avec lui, ni égard pour
ses décisions.» (LAFITEAU, t. 2, p. 126.)]

L'indignation du pape étoit à son comble, et néanmoins, lorsqu'il
sembloit résolu de la faire éclater, les mêmes embarras se
présentoient toujours devant lui. Plus d'une fois, il fut sur le point
de sévir contre les parlements prévaricateurs; puis il s'arrêtoit,
effrayé d'un coup d'autorité qui pouvoit faire éclater le schisme,
depuis si long-temps préparé dans l'Église de France, et revenoit à
des supplications nouvelles auprès du régent, pour qu'il arrêtât enfin
ce torrent qui menaçoit de tout entraîner. Fidèle à son plan,
celui-ci continuoit à prendre des demi-mesures qui, sans satisfaire le
pontife, entretenoient du moins ses espérances, et ne le mettoient pas
dans la nécessité périlleuse de rompre ouvertement avec lui. La
première fut d'ordonner de nouveau un silence général sur tout ce qui
concernoit la bulle; et ce funeste remède, déjà si malheureusement
employé, et que nous verrons par la suite agraver le mal au lieu de le
guérir, ne produisit pas un meilleur effet cette fois-ci que la
première: les acceptants en furent affligés, et les appelants s'en
moquèrent. (1719) Les excès de la Sorbonne ayant passé toutes les
bornes, ses docteurs furent mandés chez le garde des sceaux et
réprimandés: ils n'en continuèrent pas moins de dogmatiser avec la
même insolence[111]. L'évêque de Soissons se plaignit de l'outrage
qu'il venoit de recevoir: tout ce que fit pour lui le régent fut
d'empêcher que l'arrêt du parlement qui condamnoit son livre au feu ne
fût exécuté. Il souffroit en même temps, et avec la plus grande
tranquillité, que ce même parlement supprimât par un nouvel arrêt la
condamnation que le pape venoit de faire d'une instruction pastorale
du cardinal de Noailles, la plus séditieuse qu'il eût encore publiée;
et l'évêque de Soissons fut, en cette circonstance, moins maltraité
que le souverain pontife. Alors Clément XI, poussé à bout, reprit sa
résolution de refuser des bulles à tout évêque nommé qui n'accepteroit
pas purement et simplement la constitution _Unigenitus_.

[Note 111: La faculté _appelante_ de Caen ayant établi très
positivement dans son appel que l'opinion de l'infaillibilité du pape
étoit erronée, la faculté de Paris approuva cette opinion et la
confirma par un décret. On n'étoit point encore allé jusque-là en
France. (_Mém. pour servir à l'Hist. ecclés. du 18e siècle_, année
1719.)]

(1720) Ni cette résolution, ni les rescrits et les anathèmes du
Saint-Siége, ni le zèle des évêques acceptants n'auroient suffi: il
falloit par dessus tout la volonté du pouvoir temporel, qui s'étoit
fait en France l'arbitre suprême des rapports de l'Église avec son
chef; et cette volonté, nous l'avons déjà dit, commença à se
manifester au moment où Dubois eut la pensée de devenir cardinal.
Alors il fut arrêté, dans le conseil du régent, qu'on se procureroit,
de gré ou de force, un enregistrement quelconque de la bulle, et qu'on
emploieroit des moyens plus efficaces auprès de l'archevêque de Paris,
pour parvenir à vaincre son obstination. Des négociations nouvelles
furent donc ouvertes avec lui, et l'on y mit plus de suite et de
ténacité. Le cardinal ne se montra ni moins tenace, ni moins
opiniâtre: il batailla long-temps, tergiversa, exigea de nouvelles
explications qu'il fallut consentir à lui donner. D'habiles
théologiens y travaillèrent pendant six mois, les arrangeant de
manière à ce qu'elles pussent satisfaire ce vieillard ombrageux; ce
qui fit qu'elles ne satisfirent point plusieurs évêques acceptants qui
refusèrent de les signer. Telles qu'elles étoient cependant, la
plupart d'entre eux les signèrent, trop complaisamment sans doute,
mais tant étoit grand leur désir de la paix; et le cardinal les signa
avec eux. Toutefois, alors même que cette paix sembloit être sur le
point de se conclure, il donnoit des preuves nouvelles de sa mauvaise
foi en publiant de nouveaux écrits contre la bulle[112], écrits que,
par une mauvaise foi plus grande encore, il désavoua, après qu'ils
eurent été condamnés à Rome, non pas tant à cause de cette
condamnation que parce qu'ils l'exposoient à encourir l'entière
disgrâce du régent.

[Note 112: Entre autres, une lettre circulaire adressée à ses curés,
dans laquelle il les conjuroit de ne s'alarmer, ni sur les
explications qu'il venoit d'adopter, ni sur l'acceptation qu'il avoit
promise: «Par mes _explications_, disoit-il, j'ai mis _la vérité à
couvert_; et si j'accepte, c'est avec une bonne _relation_. (LAFITEAU,
t. 2, p. 163.)]

Cette conduite, qui semble presque inexplicable, venoit de ce qu'il
comptoit sur le parlement, comme le parlement comptoit sur lui. Mais
aussitôt qu'il lui fut démontré que l'existence de cette compagnie étoit
menacée, il sentit son courage s'abattre; et, pour sauver le tribunal
séculier qui citoit devant lui les évêques, qui les condamnoit, qui les
outrageoit, il parut céder enfin; et la bulle, _forcément_ enregistrée
au parlement, fut _conditionnellement_ acceptée par le prélat;
c'est-à-dire que, par un dernier trait de mauvaise foi qui passoit tous
les autres, tandis qu'il acceptoit _sans restriction_ dans le mandement
qu'il publioit, il faisoit imprimer en même temps un second mandement
clandestin où son acceptation étoit positivement _restrictive_. Le pape
eut connoissance de cette fraude au moment même où le cardinal la
commettoit; et l'on peut concevoir combien il dut être satisfait d'une
semblable paix, la bulle étant acceptée d'une si étrange manière par
l'archevêque de Paris, et enregistrée au parlement «_purement et
simplement_, assuroit le régent, et sans autres bornes que celles qu'il
falloit _nécessairement_ s'imposer, pour ne pas s'écarter des _maximes_
du royaume[113].» Or ces maximes étoient justement le principe de cette
guerre continuelle qui se faisoit en France contre le Saint-Siége, et
qui menaçoit sans cesse le royaume _très chrétien_ du schisme et de
l'hérésie. Dubois convenoit lui-même «qu'il manquoit _quelque chose_ à
l'affermissement de la paix; mais il démontroit, en même temps,
l'impossibilité d'obtenir davantage, pour le moment[114].

[Note 113: LAFITEAU, p. 166.]

[Note 114: LAFITEAU, p. 168.]

(1721-1723) Clément XI mourut au milieu des amertumes que lui
causoient cette triste paix et ces scandaleuses négociations: on
n'aura pas de peine à croire qu'Innocent XIII, qui lui succéda, n'en
fut pas plus satisfait. Toutefois ses efforts auprès du cardinal de
Noailles pour obtenir de lui une acceptation pure et simple n'eurent
pas plus de succès que ceux de son prédécesseur; et tels étoient les
résultats de cette prétendue paix, que sept évêques opposants eurent
l'audace singulière de lui écrire une lettre dans laquelle la bulle
étoit formellement attaquée, et le caractère de Clément XI
outrageusement insulté; plusieurs autres écrits furent en même temps
publiés, soit par des évêques, soit par des docteurs de Sorbonne, où
étoient développées contre les _deux puissances_[115] les doctrines
les plus pernicieuses de la secte[116]. Le pape flétrit ces écrits
avec les qualifications qu'ils méritoient, et s'adressa en même temps
au régent pour obtenir raison de ces perturbateurs et de ces
séditieux. Ce fut alors que, fatigué de tant de mutineries par
lesquelles l'autorité royale se trouvoit elle-même avilie, et résolu
de satisfaire du moins le pape dans ce qui ne compromettoit en rien
les _maximes_ du royaume et l'autorité _spirituelle_ du cabinet de
Versailles, le duc d'Orléans parla enfin en maître, et, soutenu de la
puissante volonté de son ministre, appesantit son bras sur les
jansénistes avec tant de violence[117], que, jusqu'à sa mort, ils
n'osèrent plus remuer. De son côté, le nouveau pape jugea que, dans
des circonstances aussi difficiles, il lui convenoit d'user de cette
politique patiente du Saint-Siége, politique dont, tôt ou tard, le
triomphe est assuré, parce qu'elle a pour fondement l'éternelle
vérité. Il parut donc se contenter de ce que le régent avoit fait,
considérant toutefois ce qui se passoit alors en France plutôt comme
une trève que comme une véritable paix.

[Note 115: Il convient de remarquer que les deux _puissances_ étoient
toujours _conjointement_ attaquées, chaque fois que le pouvoir
temporel cessoit de se montrer tolérant à l'égard des sectaires: nous
en verrons bientôt un exemple plus frappant.]

[Note 116: LAFITEAU, p. 181 à 189.]

[Note 117: Il en exila quelques-uns, en destitua d'autres, et apprit
ainsi à tous qu'il vouloit être obéi: il avoit lui-même appris à bien
connoître l'esprit de ces sectaires, au milieu de ces longues
querelles; et les ayant bien accueillis d'abord, il avoit fini par ne
plus pouvoir les supporter. Il disoit, dans les derniers temps de sa
vie, «que si le ciel l'eût fait roi, il n'auroit jamais souffert,
parmi ses sujets, des gens qui, dans une révolte, pussent prétexter
avec les jansénistes que _la grâce leur avoit manqué_.» LAFITEAU, p.
192.]

(1724-1726) Ce calme apparent se prolongea après la mort du duc
d'Orléans jusqu'à celle d'Innocent XIII, qui mourut en 1724. Cependant
les sectaires, moins contenus sous le ministère du duc de Bourbon, se
montrèrent déjà disposés à abuser de la tolérance dont ils
jouissoient, et que la prudence du chef de l'Église n'avoit pas cru
devoir troubler. Le nouveau pape, Benoît XIII, n'en jugea pas ainsi:
il ne lui parut pas convenable de garder plus long-temps de tels
ménagements avec l'hérésie; et à peine fut-il monté sur le trône
pontifical, qu'il porta son attention sur les affaires de l'Église de
France, et résolut d'avoir raison de l'acceptation illusoire du
cardinal de Noailles. Il n'est pas besoin de dire qu'il employa de
nouveau tous les moyens de douceur et de persuasion que ses
prédécesseurs avoient en quelque sorte épuisés à l'égard de ce prélat.
Le parti se réveilla aussitôt, plus ardent qu'il n'avoit jamais été,
quoique ses rangs commençassent déjà à s'éclaircir[118]; et aussitôt
recommencèrent avec la cour de Rome ces manoeuvres insolentes et ces
négociations perfides dont le scandale avoit si long-temps affligé la
chrétienté. L'impudence des sectaires fut poussée cette fois jusqu'à
publier, sous le nom du pape, un mémoire composé par eux et infecté de
toutes leurs erreurs: convaincus de mensonge, comme ils l'avoient déjà
été tant de fois, ils ne s'en déconcertèrent pas, et ce fut par des
mensonges nouveaux qu'ils cherchèrent à se disculper[119].

[Note 118: La Sorbonne donnoit déjà quelques signes de retour vers la
soumission à l'autorité: les facultés de théologie de Reims, de
Poitiers et de Nantes s'étoient désistées de leur appel, et l'évêque
de Saint-Malo, qui s'étoit fait appelant en 1717, venoit d'accepter la
bulle purement et simplement.]

[Note 119: LAFITEAU, t. 2, p.]

Cependant il étoit visible que le cardinal de Noailles n'étoit qu'un
instrument entre les mains des sectaires: il ne paroît pas
qu'abandonné à lui-même, il eût eu assez d'énergie de caractère pour
opposer une aussi longue résistance. Pressés autour de lui, les plus
habiles du parti le soutenoient, le raffermissoient, écrivoient pour
lui dans cette déplorable polémique, et exploitoient ainsi à leur
profit sa foiblesse et sa vanité. Dans cette circonstance, ils le
virent plus chancelant qu'il n'avoit été, et presque honteux du rôle
qu'on lui faisoit jouer, prêt à se rendre aux sollicitations du
souverain pontife, dont le zèle et la charité ne lui laissoient pas un
moment de repos. Aussitôt trente curés jansénistes de Paris furent
ameutés pour le rejeter dans le parti, et dans un mémoire infecté de
schisme et d'hérésie, s'élevèrent aussi audacieusement qu'on l'avoit
jamais pu faire contre la bulle _Unigenitus_, soutenant qu'elle
mettoit la foi en péril, et qu'on ne pouvoit ni l'accepter ni la
publier. Ce fut ainsi qu'ils ramenèrent le foible prélat, et que la
paix d'Innocent XIII fut ouvertement rompue.

Ceci se passoit en 1726: l'évêque de Fréjus venoit d'être nommé
ministre; cette même année, il avoit été décoré de la pourpre par le
souverain pontife; il sembloit professer les maximes du Saint-Siége,
et même il avoit publié, sous le feu roi, quelques écrits contre le
_Quesnélisme_. Ses dispositions à l'égard de la cour de Rome n'étoient
point hostiles sans doute; mais en supposant même qu'elles eussent été
aussi favorables qu'on le pouvoit désirer, et qu'il ne les eût pas
soumises aux calculs de son ambition et aux intérêts de sa nouvelle
position politique, il leur auroit toujours manqué ce qui pouvoit en
assurer le succès, l'étendue des vues et la fermeté du caractère.

Un arrêt du conseil supprima le mémoire des trente curés comme
scandaleux et contraire aux décisions de l'Église et aux lois de
l'État. Ceux-ci adressèrent au roi une remontrance, dans laquelle ils
rappelèrent et soutinrent toutes les erreurs contenues dans leur
mémoire. Ils y renouveloient leur appel au concile général, niant que
la bulle fût une loi de l'Église et de l'État; et comme pour se mettre
à couvert de l'autorité royale qu'ils bravoient avec tant d'insolence,
ils y établissoient l'_inviolabilité_ de leurs personnes «en les
mettant sous la protection de Dieu et du futur concile oecuménique.»
Un second arrêt du conseil flétrit cet écrit détestable; mais comme le
roi y déclaroit en même temps «que les curés ne formoient point un
corps qui pût lui adresser des remontrances,» il fut décidé que
désormais les évêques du parti prêteroient leurs noms à tous les
écrits qu'il lui conviendroit de publier. Aussitôt se répandit un
déluge d'invectives, de calomnies, d'erreurs de tout genre, sous la
forme de mandements et d'instructions pastorales; et l'on voyoit
paroître au premier rang, parmi les évêques qui ne rougissoient pas de
signer ces oeuvres de ténèbres, ceux de Montpellier, d'Auxerre et de
Senez.

(1727-1728) Ce dernier (M. de Soanen) se faisoit surtout remarquer par
une fureur qui ne respectoit plus rien[120]: ce fut sur lui que tomba
l'orage, et il éclata à l'occasion d'une dernière instruction
pastorale dans laquelle il excitoit ouvertement au schisme et à la
révolte[121]. Le cardinal de Fleuri, forcé enfin de reconnoître que de
semblables excès ne pouvoient être plus long-temps tolérés, résolut de
le faire juger par le concile de sa province. Ce concile fut assemblé
à Embrun sous la présidence du métropolitain, M. de Tencin[122]: le
vieil évêque, que quelques conférences amicales avec ses juges avoient
d'abord ébranlé, fut raffermi dans son fanatisme par les agents que le
parti se hâta de lui envoyer de Paris; il parut donc devant le concile
pour récuser d'abord son autorité, avoua ensuite que l'instruction
pastorale «n'étoit pas de lui,» mais déclara en même temps qu'il en
adoptoit tous les principes, et persista dans ses erreurs avec une
telle opiniâtreté, qu'il devint impossible même aux plus indulgents de
ne pas prononcer sa condamnation. Il fut suspendu de ses fonctions et
relégué en Auvergne dans une abbaye de bénédictins. Toutes les
opérations du concile furent approuvées par le pape, et le roi
témoigna qu'il en étoit satisfait.

[Note 120: «Il ordonnoit publiquement tous les apostats que lui
envoyoient les jansénistes de Hollande, et les admettoit aux ordres
sacrés, tantôt sans démissoires, tantôt sur le seul témoignage d'un
évêque intrus dans les pays protestants.» (LAFITEAU, t. 2, p. 198.)]

[Note 121: Dans sa fureur janséniste, ce vieillard fanatique y
défendoit à ses diocésains d'écouter le successeur que la Providence
lui donneroit, s'il s'avisoit jamais de leur parler en faveur de la
constitution _Unigenitus_. (LAFITEAU, t. 2, p. 198.) Il est
remarquable que ce même évêque de Senez avoit accepté la bulle _Vineam
Domini_.]

[Note 122: Ce prélat, dont la doctrine étoit pure et le savoir très
étendu, a été peint des plus noires couleurs par les libellistes et
les gazetiers du parti, parce qu'il fut un de ses plus redoutables
antagonistes. Ces calomnies odieuses et dégoûtantes, que démentent
toutes les circonstances de sa vie, ont été recueillies comme des
vérités authentiques par les faiseurs de _Mémoires secrets_, et même,
de nos jours, par des historiens sans critique, que l'on trouve
toujours disposés à croire le mal que l'on peut dire d'un homme
d'église, et dans tous les degrés de la hiérarchie.]

Qui le croiroit? ce fut dans le barreau de Paris que les Quesnélistes
allèrent chercher des appuis; et l'on vit, pour la première fois, des
avocats paroître dans ces querelles de théologie et de discipline
ecclésiastique. Cinquante d'entre eux signèrent avec une rare
intrépidité une consultation, dans laquelle ressassant toutes les
erreurs et toutes les calomnies du parti, ils entassoient lois sur
lois pour infirmer le jugement du concile d'Embrun. Sur l'invitation
du cardinal de Fleuri, trente et un évêques, alors à Paris, donnèrent
leur avis doctrinal sur cette pièce, qu'ils déclarèrent hérétique,
diffamatoire, et par suite duquel un arrêt du conseil, du 3 juillet
1728, la supprima avec les qualifications qu'elle méritoit. Les
évêques qui l'avoient jugée la flétrirent ensuite par leurs
mandements; et l'un d'entre eux, l'évêque d'Évreux, allant plus loin,
pénétra jusqu'aux sources où ses auteurs avoient puisé leurs prétendus
arguments contre le concile d'Embrun, et les convainquit d'ignorance
grossière en ce qui concernoit les lois, les exemples, les réglements
qu'ils avoient rappelés dans leur consultation; de mensonge et de
perfidie, pour avoir généralement supposé, tronqué, falsifié toutes
les autorités dont ils avoient invoqué le témoignage. Cet écrit
demeura sans réplique, parce que les preuves y étoient poussées
jusqu'à la démonstration[123]; et il fut reconnu, dans le parti, que,
pour le moment, les gens de chicane ne lui pouvoient apporter qu'un
très foible secours.

[Note 123: LAFITEAU, t. 2, p. 217.]

Alors les sectaires revinrent à demander celui des évêques appelants.
Il s'en présenta douze qui embrassèrent la cause de l'évêque de Senez;
et telle fut leur aveugle précipitation que, dans une lettre au roi où
ils se plaignoient du jugement rendu contre ce prélat, ils accusèrent
d'irrégularité les actes du concile d'Embrun, avant d'avoir pris la
précaution de les consulter, et sur le simple rapport que leur en
firent les têtes les plus échauffées du parti: il en résulta que tous
les faits qu'ils avoient avancés se trouvèrent faux; ce qui leur fut
démontré[124]. Leur lettre fut traitée de séditieuse et désapprouvée;
mais ce n'étoit pas là un événement propre à les déconcerter.

[Note 124: _Ibid._, p. 218.]

Ils le furent davantage de la rétractation solennelle que fit le
cardinal de Noailles des erreurs dans lesquelles ils l'avoient
entraîné. Depuis quelque temps, ce prélat, qui n'avoit jamais manqué
ni de foi ni de piété, se lassoit des violences auxquelles son parti
se laissoit emporter, et montroit quelque effroi de certaines
conséquences de leur doctrine, qu'il avoit enfin commencé à
entrevoir. Les divisions qui éclatèrent à Utrecht entre les
jansénistes réfugiés sur la doctrine même qu'ils opposoient au saint
siége, achevèrent de lui dessiller les yeux: il reconnut dans ces
divisions le principe protestant, par conséquent l'esprit de
mensonge et d'erreur, et revint sincèrement au giron de l'Église et
à une soumission pleine et entière à son autorité. Il accepta
publiquement la bulle sans restrictions ni modifications, condamna
le livre de Quesnel, ses propres mandements et tout ce qui avoit
paru sous son nom de contraire aux décisions du souverain pontife;
fit à son égard des actes d'une pleine et entière soumission, et
écrivit à tous les évêques qu'il avoit scandalisés[125]. Telle fut
l'heureuse fin d'un prélat dont la foiblesse et la vanité avoient
causé de si grands maux: elle arriva malheureusement trop tard pour
produire quelque bien. Il mourut l'année suivante, poursuivi, à son
lit de mort, par les invectives du parti qui l'avoit si long-temps
enivré de ses adulations[126].

[Note 125: Cette même année 1728 vit la rétractation des évêques
d'Agen, de Condom, d'Acqs, de Blois, d'Agde, d'Angoulême et de Rodez.
Les évêques de Metz, de Mâcon, de Tréguier, de Pamiers et de Castres,
bien que leurs opinions fussent suspectes, gardoient le silence. Le
parti ne comptoit donc plus à sa tête que trois à quatre évêques, ceux
de Montpellier, d'Auxerre, de Troyes, et l'évêque _suspens_ de Senez.
Voilà ce qu'ils opposoient au pape suivi de tout le corps épiscopal.
(_Mémoires pour servir à l'Histoire ecclésiastique du 18e siècle_,
année 1728.)]

[Note 126: On lui fit cette épitaphe burlesque, qui peint assez bien
ses continuelles variations:

  Ci-gît Louis Cahin-Caha,
  Qui dévotement appela,
  De oui, de non, s'entortilla;
  Puis dit ceci, puis dit cela,
  Perdit la tête et s'en alla.

Toutefois le dernier vers manque de justesse; il eût été plus vrai de
dire que le cardinal avoit _retrouvé sa tête_ avant de _s'en aller_.]

(1729-1730) Il fut remplacé par l'archevêque d'Aix, M. de Vintimille:
c'étoit de la part de celui-ci un acte de courage que d'accepter la
charge d'un diocèse comme celui de Paris. Le désordre y étoit au
comble: il n'y avoit plus ni décence ni subordination dans le clergé
inférieur, où de toutes parts avoient pénétré et fructifié les
doctrines nouvelles; une gazette clandestine, dont les auteurs
avoient jusqu'alors échappé à toutes les recherches de l'autorité,
paroissoit régulièrement deux fois la semaine, et, sous le titre de
_Nouvelles ecclésiastiques_, répandoit à grands flots le poison de
l'erreur et du schisme, livroit à la haine ou à la risée du public
tous ceux qui se montroient les adversaires de la secte. Le mal avoit
gagné jusqu'aux classes populaires, et les femmes elles-mêmes
prenoient parti avec tout l'entêtement de leur ignorance et de leurs
petites passions. Tel étoit l'affligeant spectacle qui s'offroit au
nouvel archevêque; tels étoient les maux que son zèle étoit appelé à
combattre.

Ce zèle ne tarda pas à être éprouvé: au moment même de son
installation, il avoit eu la consolation de voir le chapitre
métropolitain donner, de son plein gré, une entière adhésion à la
bulle. Cet exemple n'avoit pas été suivi; et, pour ramener les
esprits, il avoit jugé nécessaire de prouver dogmatiquement, dans une
instruction pastorale, que cette bulle, si outrageusement attaquée par
l'ignorance et la mauvaise foi, ne condamnoit que des erreurs
capitales; il la présentoit comme une loi de l'Église à laquelle il y
avoit obligation absolue de se soumettre, et montroit, avec une force
invincible, qu'à moins d'un renversement total de la foi et de la
religion, on ne pouvoit opposer le témoignage de laïques ou de simples
prêtres aux décisions du corps épiscopal, ayant à sa tête le vicaire
de Jésus-Christ. Depuis le commencement de ces querelles déplorables,
aucun écrit catholique n'avoit encore produit un effet aussi
salutaire: beaucoup de simples fidèles en furent frappés et se
désistèrent de leur appel; des corps entiers d'ecclésiastiques et un
grand nombre de communautés religieuses se rendirent à la voix de leur
pasteur; la Sorbonne, déjà ébranlée depuis quelque temps, acheva
d'être entraînée par la force de conviction qui régnoit dans cette
pièce, fit une rétractation solennelle, et, depuis ce moment, demeura
inébranlable dans la doctrine orthodoxe. Pendant que le prélat
remportoit de si doux triomphes, vingt-huit curés de Paris écrivoient
et publioient contre son instruction pastorale un Mémoire insolent,
railleur et séditieux: l'archevêque s'en plaignit au roi comme d'un
exemple inouï de révolte du second ordre du clergé contre ses
supérieurs, suppliant toutefois le monarque de ne point sévir contre
les coupables, et se réservant de les ramener par tous les moyens que
la charité pourroit lui suggérer.

Cet incident est remarquable par la déclaration du roi qui suivit la
plainte de l'archevêque, déclaration dont l'objet étoit de rétablir
l'autorité des évêques et de rendre la paix à l'Église. Elle fut
rendue le 24 mars 1730: on y rappeloit les anciennes ordonnances sur
la signature du formulaire[127], et elles y étoient maintenues dans
toute leur vigueur; on y établissoit que la bulle _Unigenitus_,
devenue loi de l'Église «par l'acceptation qui en avoit été faite,»
devoit être considérée, par cette acceptation, comme loi de l'État;
et, sur ce point important, il étoit accordé aux évêques un grand
pouvoir à l'égard de leurs subordonnés. Mais comme rien ne se pouvoit
faire en France de favorable à l'autorité spirituelle sans que le
pouvoir temporel y mêlât ses méfiances et ses prétentions,
indépendamment de cette clause de l'_acceptation_ qui laissoit
entendre qu'une bulle du pape pouvoit être légalement refusée, un
article de cette déclaration consacroit de nouveau le principe «des
appels comme d'abus,» sous le prétexte officieux d'en régler l'usage;
et sous l'expression de «libertés gallicanes,» si vague, si facile à
interpréter dans tous les sens, et sans cesse rappelée dans tous les
actes du pouvoir temporel, mettoit à couvert les doctrines et les
maximes parlementaires à l'égard du clergé de France. Toutefois
l'enregistrement qui s'en fit, dans un lit de justice, affligea
profondément le parlement, et donna lieu, de sa part, à de très vives
remontrances: on voit que cette compagnie étoit difficile à
contenter[128]. Ses remontrances n'ayant point été écoutées, le calme
parut renaître, et le cardinal de Fleuri, qui avoit conduit cette
affaire, crut avoir remporté un grand triomphe: il ne tarda pas à être
détrompé. Revenu de son premier étourdissement, le parlement lui fit
bientôt voir qu'en ce qui touchoit l'Église, lui avoir accordé quelque
chose c'étoit lui tout accorder.

[Note 127: Voyez la première partie de ce volume, p. 26.]

[Note 128: Parmi les plus fougueux jansénistes qui dirigeoient alors le
parlement, se distinguoit un certain abbé Pucelle, conseiller-clerc, et
l'un des vétérans de la secte. C'étoit autour de lui que se
rassembloient les jeunes magistrats, ou autrement _la cohue des
enquêtes_; et, soutenu de cette jeunesse turbulente, il dominoit le plus
souvent dans les délibérations de ce genre. Dans celle qui suivit ce lit
de justice, il proposa une protestation qui se composoit de quatre
articles, différents sans doute pour la forme; mais pour le fond
visiblement imités des quatre articles de la déclaration de 1682, dont
ils mettoient à découvert les dernières conséquences[128-A]. Ce
rapprochement est remarquable: ainsi les principes de cette déclaration
fameuse étoient reproduits par le parlement dans une occasion où il se
montroit hostile contre le clergé, et reproduits avec l'intention de
donner plus de force à ses hostilités.]

[Note 128-A: Voici le texte littéral de cette protestation:

1º La puissance temporelle, établie directement par Dieu, est
indépendante de toute autre; et nul pouvoir ne peut donner la moindre
atteinte à son autorité.

2º Il n'appartient pas aux ministres de l'Église de fixer les termes
que Dieu a placés entre les deux puissances; les canons de l'Église ne
deviennent lois de l'État qu'autant qu'ils sont revêtus de l'autorité
du souverain.

3º À la juridiction temporelle seule appartient la juridiction
extérieure qui a le droit de contraindre les sujets du roi.

4º Les ministres de l'Église sont comptables au roi et à la cour, sous
son autorité, de tout ce qui peut blesser les lois de l'État.]

Il suffisoit de lui avoir laissé «l'appel comme d'abus,» l'une des
usurpations les plus criantes dont le pouvoir temporel se fût rendu
coupable envers l'autorité spirituelle[129], pour qu'il lui fût
facile, en s'enveloppant de tous les artifices de la chicane, d'éluder
toutes dispositions faites pour en restreindre l'usage, et de
renverser les foibles barrières que lui opposeroient les déclarations
du roi, les arrêts de son conseil et autres injonctions royales. Il ne
tarda pas à en donner la preuve, et à l'occasion même de cette
déclaration: à peine les évêques eurent-ils commencé à en exécuter les
clauses en ce qui concernoit la signature du formulaire et les peines
canoniques à exercer contre les ecclésiastiques qui persistoient dans
leur refus d'accepter la bulle, que les appels comme d'abus se
renouvelèrent au parlement, y furent reçus avec plus de faveur que
jamais, et suivis d'un grand nombre d'arrêts qui infirmoient les
sentences des évêques, et encourageoient la rébellion de leurs
subordonnés. Les avocats de Paris reparurent en cette circonstance, et
signèrent, en faveur des appelants, un nouveau Mémoire où les deux
puissances étoient attaquées avec une égale fureur, où ils
établissoient que les arrêts de défense du parlement suffisoient pour
relever des censures des évêques, et une foule d'autres maximes
anarchiques qui jetèrent l'effroi parmi tous les amis de l'ordre et de
la religion. Suivant une autre marche, l'évêque de Montpellier, l'un
des plus furieux appelants, s'efforçoit, dans une lettre qu'il
adressoit au roi, de lui rendre suspecte la fidélité des acceptants,
présentant comme incompatible la soumission qu'ils professoient pour
le pape et l'obéissance qu'ils devoient au monarque[130].

[Note 129: Ces appels étoient un des effets les plus déplorables de la
lutte non interrompue qui, depuis plusieurs siècles, s'étoit engagée
en France entre les deux puissances, et dans laquelle n'avoit cessé de
triompher le pouvoir temporel avec toutes les injustices et toutes les
brutalités que peut produire la force mise à la place du droit. Dans
l'établissement de ces appels, on avoit d'abord procédé avec une
apparence d'équité et même d'utilité: «On ne se servoit de ce moyen,
est-il dit dans les procès-verbaux de l'assemblée du clergé de 1655,
que pour arrêter les violences de fait, les usurpations et entreprises
des juges d'Église sur la juridiction du roi et sur son temporel; peu
à peu les parlements les ont étendus à toutes sortes de cas; et encore
que les injustices prétendues avoir été commises par les juges de
l'Église pussent être réparées par leur juge ecclésiastique supérieur,
par la voie ordinaire de l'appel simple, néanmoins les parlements en
attirent la connoissance à leur tribunal par la voie extraordinaire de
l'_appel comme d'abus_, et par ce moyen énervent toute la juridiction
ecclésiastique, et empêchent qu'elle ne puisse procéder à la
discipline, correction des moeurs et réglement de la police de
l'Église.» (In-folio, p. 301, § XVI.)

On lit encore dans le même recueil que, «le 24 janvier 1656, l'évêque
de Lodève rendant compte, en présence du cardinal de Mazarin qui
présidoit l'assemblée, des principaux points contenus au cahier des
plaintes du clergé, dit que le second (point) étoit des empêchements
que reçoivent les évêques dans leur juridiction, lesquels procédoient
de ce que les juges royaux étendoient la leur au delà de l'ancienne
coutume, lois et ordonnances du royaume, et rendoient l'ecclésiastique
tout-à-fait inutile et sans pouvoir; que si l'on remontoit jusqu'aux
sources et l'on considéroit l'usage continuel que les évêques avoient
observé depuis treize à quatorze cents ans, l'on verroit qu'ils ont
exercé paisiblement leur juridiction suivant le droit, les canons et
les coutumes anciennes, sans y avoir été troublés par la juridiction
séculière; mais que, depuis François Ier, les désordres des guerres
civiles avoient donné occasion aux juges laïques de tout entreprendre
sur les ecclésiastiques; qu'ils en ont toujours porté leurs plaintes
aux rois et obtenu de leur justice le rétablissement de la juridiction
ecclésiastique en certains points, qui ont demeuré néanmoins sans
exécution par la résistance des juges séculiers, et par les
modifications que les parlements ont apportées aux registres des
ordonnances et déclarations des rois.» (P. 300, § XVI.)]

[Note 130: LAFITEAU, t. 2, p. 252.]

Nous nous arrêterons un moment sur le Mémoire des quarante avocats,
parce que ce qui se passa à l'occasion de ce libelle touche le fond
même de ce grand débat, et montre plus visiblement encore que tout le
reste quelles étoient, au milieu de dangers aussi imminents, la
déplorable politique et les funestes traditions du gouvernement, dans
tout ce qui touchoit ses rapports avec l'autre puissance.

Il étoit évident en principe qu'attaquer une des deux puissances
c'étoit battre l'autre en ruine; la première, qui est la gardienne et
l'interprète de la loi de Dieu, étant la sanction de la seconde, et
lui imprimant le caractère moral et religieux en vertu duquel les
intelligences lui obéissent et la révèrent. Les protestants avoient
parfaitement compris et su mettre en pratique ce principe de révolte;
et dès que les rois leur avoient été importuns, ils avoient tourné
contre eux les armes avec lesquelles ils avoient combattu les papes.
Les Quesnélistes, autres contempteurs du chef de l'Église, n'avoient
pas manqué d'en tirer les mêmes conséquences; et déjà plus d'une fois,
lorsque l'autorité royale s'étoit montrée rigoureuse envers eux, ils
avoient laissé entrevoir dans leurs écrits cette doctrine de la
souveraineté du peuple dans l'ordre politique, comme une conséquence
de celle des conciles ou de l'Église universelle dans l'ordre
religieux. Elle étoit à découvert dans le Mémoire des quarante
avocats: «Ils y enseignoient que les parlements ont reçu de _tout le
corps de la nation_ l'autorité qu'ils exercent dans l'administration
de la justice, qu'ils sont les _assesseurs du trône_, le _sénat de la
nation_, et que _personne n'est au dessus de leurs arrêts_; ils
insinuoient que le roi (qu'ils appeloient aussi le _chef de la
nation_) ne peut traiter que d'_égal à égal_ avec ses sujets, et qu'il
est exposé _à recevoir la loi_ de ceux même à qui il doit la donner;
ils égaloient en quelque sorte la puissance des parlements à celle du
monarque; ils les associoient positivement à l'empire, et
établissoient des maximes de gouvernement qui n'auroient pas été
reçues dans les républiques mêmes[131].»

[Note 131: LAFITEAU, t. 2, p. 259-260. C'étoit la première fois que
ces idées républicaines étoient si clairement énoncées; et l'on ne
peut trop remarquer qu'elles venoient d'un parti qui affectoit un zèle
ardent pour la cause des rois, et prétendoit n'avoir entamé cette
guerre et ne la soutenir, que pour défendre leur autorité contre les
usurpations des papes, qu'ils appeloient une puissance _étrangère_.]

Ceci attira bien autrement l'attention de la cour que tout ce qu'on
avoit pu écrire de plus violent contre l'autorité du saint siége et du
corps épiscopal: un arrêt du conseil supprima le Mémoire comme
contenant des propositions injurieuses pour l'autorité du roi,
séditieuses, et tendant à troubler la tranquillité publique. Tout y
annonçoit la colère du monarque prête à éclater sur les coupables. Ils
en furent effrayés; et dans un second Mémoire explicatif du premier,
ils se hâtèrent de rendre à la puissance royale ce qui lui étoit dû,
et, sur ce point, se montrèrent assez adroits pour satisfaire même les
plus ombrageux. C'en fut assez pour adoucir cette colère qu'ils
avoient tant redoutée, et pour leur mériter la clémence royale; mais
dans ce second Mémoire se trouvoient plusieurs propositions extraites
du premier, lesquelles détruisoient de fond en comble toute la
juridiction des évêques: le roi s'étant fait faire une réparation
qu'il jugeoit suffisante à l'outrage qu'il avoit reçu, la question fut
de savoir quels moyens les évêques pourroient employer pour que
l'insulte qui avoit été faite à leur sacré caractère fût aussi
réparée; mais comme il ne s'agissoit plus que du corps épiscopal
demandant raison de quelques membres du corps des avocats, ceci
présenta des difficultés.

Il fut agité si le roi ne donneroit pas une déclaration de son
conseil, par laquelle seroit maintenue cette puissance que les évêques
tiennent de Dieu seul: après y avoir réfléchi on crut prudent de
rejeter ce moyen, par l'appréhension que l'on eut des obstacles que le
parlement ne manqueroit pas d'élever lorsqu'il s'agiroit de
l'enregistrement, et des nouveaux scandales qui en pourroient
résulter. Plusieurs autres partis furent proposés, qui montroient
combien peu les évêques comptoient sur l'appui de la cour pour le
maintien de leurs droits; et tous ayant semblé offrir des
inconvénients, ils se décidèrent à faire usage de leur propre
autorité, et à flétrir par des mandements le Mémoire des avocats.

Dès que les premiers mandements eurent été publiés, ils furent déférés
au parlement par les gens du roi, condamnés et supprimés «comme
téméraires, séditieux, et tendant à troubler la tranquillité de
l'État[132].» Le mandement de l'archevêque de Paris parut après cette
condamnation: les avocats qu'il censuroit osèrent en appeler comme
d'abus; leur appel fut reçu, et pour la première fois on vit la
magistrature de la première ville du royaume déclarer qu'il y avoit
abus dans un mandement de son archevêque. Il fut avancé, dans cette
circonstance, par les parlementaires, qu'encore que l'on dût
reconnoître une puissance ecclésiastique souveraine et indépendante,
le terme de _juridiction_ ne pouvoit lui être appliqué, et
n'appartenoit qu'à la puissance séculière.

[Note 132: Les mandements furent condamnés au feu et brûlés en même
temps que les _Nouvelles ecclésiastiques_, cette gazette clandestine
des jansénistes dont nous avons déjà parlé. On ne dit point ce qu'il
advint par la suite des mandements; mais la gazette n'en continua pas
moins de paroître très régulièrement, et fut lue avec la même
avidité.]

Indignés de semblables excès, et surtout de cette usurpation en
matière de foi faite par un tribunal séculier sur son propre pasteur,
tous les évêques de France, à l'exception du petit nombre des
appelants, se préparèrent à publier leurs mandements: qui le croiroit?
Cette disposition effraya la cour, et le parti fut pris d'en arrêter
les effets; un arrêt parut dans lequel le roi, après avoir longuement
assuré les évêques qu'il maintiendroit à l'_Église_ «l'autorité
qu'elle tenoit de Dieu seul,» finissoit par imposer un silence _absolu
et général_ sur cet article, jusqu'à ce qu'il eût pris, pour terminer
entièrement cette discussion, une résolution définitive. Les évêques
furent étonnés et affligés: ils représentèrent que le silence ne
pouvoit leur être imposé; ils demandèrent que cette expression si
vague de l'_autorité de l'Église_, que les Quesnélistes eux-mêmes
admettoient dans un sens anarchique, fût restreinte au seul corps
épiscopal; que l'arrêt du roi rétablît le mot de _juridiction_, qui
appartenoit si évidemment à leurs hautes fonctions et qu'on sembloit
avoir affecté de n'y point insérer; enfin que justice fût rendue à
l'archevêque de Paris de l'entreprise inouïe du parlement[133]. La
cour trouva que c'étoit beaucoup trop exiger: l'arrêt fut maintenu; et
l'on jugea que les évêques pouvoient se contenter d'une lettre
circulaire que le roi leur adressa, et dans laquelle il vouloit bien
reconnoître leur droit de juridiction. Quant au fond de leurs
demandes, il fut résolu qu'il seroit établi une commission pour en
connoître et y faire droit: elle se composa de huit commissaires, que
présidoit le cardinal de Fleuri, s'assembla plusieurs fois à
Fontainebleau où étoit alors la cour, et se sépara «sans avoir publié
aucun fruit de ses travaux.»

[Note 133: On eut égard à cette partie de la demande; et l'affaire
ayant été évoquée au conseil du roi, il fut permis à l'archevêque de
publier son mandement. Les avocats signataires de la consultation en
furent choqués et fermèrent leur cabinet. La plupart de leurs
confrères imitèrent cet exemple; on cria que l'honneur du corps étoit
outragé; ceux qui refusèrent d'entrer dans la ligue furent honnis, et
le public prit parti dans cette querelle. Dix des plus ardents furent
exilés; mais cet acte de sévérité effraya la cour elle-même qui
l'avoit tenté. Lorsqu'elle vit que les autres n'en étoient point
intimidés, elle négocia avec eux; ils voulurent bien rentrer au
Palais, et les dix exilés furent rappelés. On apprit ainsi ce qu'une
résistance persévérante pouvoit obtenir de la foiblesse du pouvoir et
de la position fausse où il s'étoit placé.]

On jugea convenable en même temps de donner quelques marques de
déférence aux appelants qui ne vouloient pas que la bulle fût appelée
_règle de foi_; et une nouvelle circulaire du roi aux évêques les
invita, «pour le bien de la paix,» à supprimer ce mot, puisqu'il
déplaisoit, disant qu'après tout il étoit indifférent de l'employer ou
de le supprimer, la qualification de _jugement dogmatique de l'Église
universelle_, que les Quesnélistes vouloient bien supporter, n'ayant
point d'autre sens que celle de _règle de foi_. Enfin cette même
lettre leur faisoit entendre qu'il falloit y aller plus doucement avec
les réfractaires, et les invitoit à recourir à la protection du roi
«chaque fois qu'il y auroit occasion de sévir contre eux.» Sa Majesté
usoit, disoit-on, de tous ces ménagements pour assoupir les disputes.

C'étoit ainsi qu'un prince de l'Église, ministre absolu du roi
Très-Chrétien, gouvernoit en France les affaires de la religion.

(1731-1735) Les sectaires s'enhardissoient de toutes ces foiblesses:
ils voyoient que la cour demeuroit chancelante au milieu des deux
partis, disposée sans doute à comprimer l'un, mais aussi ne jugeant
pas qu'il fût de sa politique de trop fortifier l'autre. Ils pensèrent
donc que s'ils parvenoient à l'effrayer en exaltant la multitude, que
depuis si long-temps leurs doctrines licencieuses faisoient fermenter,
leur parti finiroit par triompher. Ils avoient déjà, et dans cette
intention, jeté les bases d'un projet tout-à-fait digne d'eux: c'étoit
d'appuyer par de faux miracles leur doctrine mensongère. Ce n'étoit
pas la première fois qu'ils avoient eu recours à de semblables moyens;
et on le peut facilement concevoir d'une secte qui, au fond toute
protestante, couvroit hypocritement ses erreurs d'un masque de
catholicité, prétendoit combattre avec Rome toutes les hérésies, pour
ensuite combattre Rome, sous prétexte qu'elle n'étoit point assez
catholique. Les miracles étoient une des grandes preuves du
christianisme: Dieu devoit sans doute de semblables témoignages à ceux
qui prétendoient être, dans les derniers temps, les seuls défenseurs
de la véritable foi; et puisqu'ils se présentoient pour remplacer les
apôtres, il étoit à propos qu'ils ne fussent point embarrassés
lorsqu'on leur demanderoit des preuves de leur mission. Il avoit donc
été résolu que l'on feroit un saint d'un diacre mort depuis quelques
années[134], appelant des plus opiniâtres et des plus fanatiques, et
qui, au moment de mourir, avoit renouvelé solennellement son appel. Ce
prétendu saint se nommoit Pâris, et avoit été inhumé dans le cimetière
de la paroisse Saint-Médard.

[Note 134: En 1727.]

On s'y étoit pris adroitement: d'abord quelques personnes, des plus
simples dans le troupeau que dirigeoient les sectaires, avoient été
invitées à aller faire quelques prières sur le tombeau de l'homme de
Dieu; on faisoit, en même temps, répandre sourdement le bruit de
prodiges et de guérisons miraculeuses qui s'opéroient sur ce tombeau;
et des témoins se présentoient pour les affirmer. On y fit ensuite des
neuvaines qui attirèrent un certain concours de _fidèles_; et il ne
fut pas difficile à des gens qui avoient su se procurer des appelants
à prix d'argent, de rassembler, par les mêmes moyens, des jongleurs
assez adroits pour fasciner les yeux de la multitude, et donner à ces
farces criminelles quelque apparence de réalité. La chose devint
assez sérieuse pour que l'archevêque de Paris crût devoir faire une
information juridique: elle eut le résultat qu'on en devoit attendre,
et il fut prouvé que les prétendus miracles n'étoient que de
grossières impostures. Convaincus de mensonge, les sectaires n'en
mentirent que plus effrontément; et cette audace eut son succès.
L'Église nioit leurs miracles; ils les multiplièrent; et bientôt tout
Paris accourut au cimetière Saint-Médard pour y voir les merveilles
qu'on en publioit. «Les voitures publiques ne suffisoient pas pour y
transporter la multitude de ceux que la curiosité y attiroit; et les
avenues étoient si remplies de monde, que, durant plusieurs heures du
jour, on ne pouvoit fendre la presse. Autour du tombeau, les places se
louoient à prix d'argent; on y trouvoit constamment une foule de
prétendus malades, tous gens apostés et secourus dans leur mendicité
pour y affecter les plus violentes convulsions; quelques personnes
séduites qui, dans leur simplicité, adressoient leurs voeux au sieur
Pâris pour obtenir leur guérison; cinq ou six prêtres qui se
relevoient successivement, et qui, alternativement avec des personnes
de l'un et de l'autre sexe, récitoient des psaumes à haute voix.
Jusque dans les charniers, il se passoit des spectacles dignes de
compassion. On y voyoit des personnes gagées qui, au moyen de
courroies qu'on leur attachoit sous les bras, sembloient dans
l'obscurité s'élever au dessus de leurs forces, et être enlevées par
une vertu surnaturelle. Par là l'église Saint-Médard se trouvoit
travestie en une espèce de théâtre, où la religion étoit indignement
jouée, et où la vérité des miracles étoit tournée en dérision[135].»

[Note 135: LAFITEAU, t. 2, p. 280.]

Cependant les appelants, qui n'avoient pas arrangé les ressorts de
cette comédie pour en faire un vain amusement, en tiroient, pour la
multitude abusée, les conséquences qui sembloient naturellement en
sortir; et leurs écrivains établissoient, dans les écrits qu'ils
répandoient au milieu d'elle, «que ce n'étoit plus au siége
apostolique et au corps pastoral qu'il falloit recourir pour recevoir
la règle de la foi; que ce n'étoit plus par le ministère des apôtres
ni de leurs successeurs que la vérité étoit enseignée; que c'étoit au
tombeau du sieur Pâris qu'elle se manifestoit, et que c'étoit à lui
qu'il falloit s'adresser pour obtenir de Dieu l'intelligence[136].»
Toutes ces abominations se faisoient, s'écrivoient, se publioient à
la face de l'Église, qui les anathématisoit, du gouvernement, dont la
foiblesse ou l'indifférence les toléroit, et purent se continuer
impunément, non pas durant quelques jours, quelques semaines, mais
pendant près d'une année. On craignoit un soulèvement de la multitude
fanatisée; et, avec de telles craintes, personne n'étoit moins capable
que le cardinal de Fleuri de prendre un parti vigoureux et chrétien.

[Note 136: _Ibid._, p. 278. Ces inconcevables folies, et beaucoup
d'autres semblables, furent sérieusement débitées dans trois ouvrages
qui parurent alors, sous le titre commun de _Vie de M. Pâris,
diacre_.]

Ce furent les incrédules qui se chargèrent de porter les premiers
coups aux convulsionnaires: leur parti continuoit de s'accroître au
milieu des divisions des autres partis; et, spectateurs malicieux de
ce qui se passoit autour d'eux, leurs voeux et leurs applaudissements
hypocrites avoient été jusqu'alors pour les jansénistes, qui
calomnioient et persécutoient les _molinistes_[137] (c'étoit le
sobriquet qu'on avoit imaginé de donner à ceux qui, ayant accepté la
bulle, demeuroient dans l'unité catholique), et pour le parlement, qui
continuoit, à l'égard de l'Église, le cours de ses usurpations. Mais
c'étoit les mettre à une épreuve trop rude que d'opérer des prodiges:
quoiqu'il fût visiblement contre leur intérêt de rompre l'espèce
d'alliance qu'ils avoient contractée avec la secte, il leur fut
impossible de ne pas se moquer des miracles du sieur Pâris; et sur ce
point, ils se firent, sans s'en douter, les auxiliaires du parti
catholique. Leur influence étoit grande: leurs sarcasmes piquants et
leurs continuelles moqueries firent impression; la multitude elle-même
commença à rougir de sa crédulité, et ce fut au profit de l'impiété
que se calma peu à peu le fanatisme, et que s'affoiblit la croyance au
thaumaturge. Le gouvernement eut la lâcheté d'attendre qu'il fût
entièrement discrédité pour fermer le cimetière Saint-Médard[138].
Chassés d'un lieu public et abandonnés de la foule, les
convulsionnaires se réfugièrent dans des maisons particulières, où,
pendant long-temps encore, ils purent exploiter la crédulité des plus
fanatiques de leurs partisans[139].

[Note 137: Du nom de Molina, jésuite espagnol, auteur d'un système sur
la grâce et le libre arbitre, système qui a trouvé des adversaires
très passionnés, mais que le Saint-Siége n'a pas condamné, et qui
s'est toujours enseigné comme opinion _libre_ dans les écoles.]

[Note 138: Il fut fermé le 27 janvier 1732.]

[Note 139: On feroit un livre entier des folies, des turpitudes, des
abominations de tout genre qui se passoient dans ces assemblées,
composées d'imbécilles, de fripons, de libertins hypocrites, de femmes
perdues, où les séances, commencées par des miracles, des prophéties,
surtout par des tortures bizarres (coups de poing, coups d'épée,
crucifiements, etc.), exercées particulièrement sur ces malheureuses
par ceux qui les avoient ou payées ou séduites, dégénéroient souvent
en orgies infâmes et dégoûtantes. Réunis d'abord sous la même
bannière, les convulsionnaires se partagèrent bientôt en une multitude
de sectes, désignées par le nom de leurs chefs, divisées par leurs
doctrines, et retraçant, dans leurs rêveries, ce que les anciennes
hérésies les plus décriées ont jamais offert de plus absurde, de plus
impie, de plus fanatique. Abandonnés par les appelants qui n'avoient
pas renoncé à tout bon sens et à toute pudeur, ils trouvèrent
long-temps encore des partisans et des protecteurs, et jusque dans le
parlement; mais ce que beaucoup de personnes ignorent, c'est que la
secte des convulsionnaires n'étoit pas encore entièrement éteinte au
commencement du dix-neuvième siècle. En 1787, deux ans avant la
révolution, il parut une relation imprimée d'un crucifiement, qu'un
curé de Fareins, nommé Bonjour, avoit fait subir à une jeune fille,
devant la porte même de son église. Il fut arrêté et renfermé. On le
vit reparoître en 1792, accompagné d'un enfant _miraculeux_, dont la
mission divine devoit commencer en 1813; et il trouva, même encore à
cette époque, quelques partisans. Leurs rassemblements mystérieux se
prolongèrent jusqu'en 1806, où ils excitèrent l'attention de la
police. Bonjour fut arrêté ainsi que l'enfant; et depuis cette époque
la trace de ces sectaires insensés s'est entièrement perdue. (_Voyez_
les _Mémoires pour servir à l'histoire ecclésiastique du dix-huitième
siècle_, année 1761.)]

Qui n'auroit cru la secte perdue sans retour, après avoir été si
honteusement démasquée? À peine en fut-elle déconcertée: ses racines
étoient dans le parlement même, et tant qu'il seroit debout, elle se
sentoit impérissable. On la vit donc renoncer aux miracles, mais non
aux injures et aux calomnies. Sa gazette clandestine, qui continuoit
de paroître régulièrement toutes les semaines, échappant à toutes les
recherches réelles ou affectées de la police, redoubla de fureur; et
pour les avoir si long-temps ménagés et ensuite si doucement
réprimés, le gouvernement ne gagna rien avec les sectaires. Ils
recommencèrent, dans leurs libelles périodiques, à invectiver contre
l'autorité du roi, en même temps qu'ils continuoient d'outrager les
évêques et de blasphémer contre l'Église. La majesté royale partageant
de nouveau les injures du sacerdoce, l'archevêque de Paris crut que le
moment étoit favorable pour flétrir de ses censures ces détestables
écrits, ne supposant pas que, vu cette circonstance, ils trouvassent
des défenseurs. Ils en trouvèrent: vingt-deux curés de Paris
refusèrent de publier le mandement de leur archevêque. Poursuivis par
l'official pour cet acte de révolte et de scandale, ils allèrent plus
loin encore, et dénoncèrent au parlement et l'official et le mandement
de l'archevêque.

Le ministère montroit une apparence de vigueur, chaque fois que les
sectaires s'attaquoient au pouvoir du roi: il fut défendu au parlement
de prendre aucune délibération et de rien statuer sur la dénonciation
qui venoit de lui être faite. Cette compagnie, bien qu'elle eût
elle-même condamné la gazette, ne voulut pas manquer une occasion de
condamner son archevêque: elle présenta, à trois reprises, ses
remontrances; trois fois on les rejeta, et six de ses conseillers les
plus opiniâtres furent exilés. Alors le parlement cessa de
s'assembler et de rendre la justice. Il lui fut enjoint, par des
lettres patentes, de reprendre ses fonctions: il les reprit; mais,
continuant ses expériences sur la politique si foible et si incertaine
de la cour dans toute cette affaire, quelques jours étoient à peine
passés qu'il rendit un arrêt par lequel «les gens du roi n'ayant rien
requis à cet égard,» il recevoit le procureur général comme appelant
du mandement de l'archevêque. Le conseil d'État cassa l'arrêt: il fut
défendu au parlement, «à peine de désobéissance et d'encourir
l'indignation du roi, et de privation de leurs charges à ceux qui y
contreviendroient,» de rien statuer sur cette affaire. Plus de cent
trente conseillers donnèrent leur démission: ils reçurent aussitôt
l'ordre de se retirer dans leurs terres. Qui n'auroit cru, à voir
frapper ces grands coups d'autorité, que le parlement étoit abattu
sans retour et le triomphe de l'Église assuré? La cour ne vouloit en
effet ni l'un ni l'autre. Son déplorable système étoit de se
maintenir, comme elle pourroit, au milieu de ces deux extrêmes: à
peine ces conseillers étoient-ils arrivés dans le lieu de leur exil,
qu'une négociation s'ouvrit pour leur rappel. Peu de mois après ils
furent tous rappelés.

Le parlement dut croire avec juste raison qu'on le craignoit, et qu'il
n'étoit rien qu'il ne pût oser. Après un moment de calme, il reprit
donc, et plus violemment encore, le cours de ses usurpations; et deux
arrêts parurent successivement, l'un dans lequel, marquant plus
clairement encore qu'il ne l'avoit fait jusqu'alors le but qu'il
vouloit atteindre, «il régloit la doctrine qui devoit s'enseigner dans
les écoles, déterminoit les sources où l'on devoit puiser les
principes _autorisés_ et les maximes _décidées_; fixoit à son gré la
soumission et le respect qui étoient dus aux saints canons[140];»
l'autre, où il défendoit positivement de publier la bulle _Unigenitus_
comme _règle de foi_. Une ordonnance du roi annula ces arrêts. Le
parlement fit des remontrances, où cette doctrine prodigieuse, qui
n'alloit pas moins qu'à livrer aux tribunaux séculiers ce qui restoit
d'autorité dogmatique à l'Église, étoit encore plus fortement énoncée.
Ses remontrances n'ayant point été écoutées, dès le lendemain les
chambres assemblées rendirent un nouvel arrêt, portant «qu'en tout
temps et en toute occasion, la compagnie représenteroit au roi combien
il étoit important qu'on ne pût révoquer en doute sa compétence, à
l'effet d'empêcher qu'on ne donnât à la bulle _Unigenitus_ le
caractère de _règle de foi_, qu'elle ne pouvoit avoir _par sa
nature_[141].» «Mais comme cet arrêt ne fut pas rendu public, dit
Lafiteau, on n'y donna aucune attention;» ce qui prouve que la cour se
contentoit du moindre prétexte pour éviter de continuer la lutte avec
le parlement.

[Note 140: LAFITEAU, t. 2, p. 287.]

[Note 141: Les actes de cette compagnie furent dès lors poussés à cet
excès de démence de supprimer une lettre pastorale de l'archevêque de
Cambray, par la raison qu'il y donnoit au roi le titre de
_Très-Chrétien_, soutenant que, de la part d'un sujet de Sa Majesté,
c'étoit lui _manquer de respect_ que de ne pas lui donner simplement
le nom de _Roi_. Cet arrêt, qui semble incroyable, est du 13 juin 1734
(LAFITEAU, t. 2, p. 299). Cependant, jusqu'à un certain point, cette
compagnie raisonnoit conséquemment; car sous les rois païens, quels
qu'ils fussent, la religion du pays, quelle qu'elle pût être, étoit
constamment honorée, protégée, et au besoin vengée de quiconque osoit
l'insulter dans ses dogmes ou dans ses ministres.]

Les choses étant arrivées à ce point, le cardinal de Fleuri adopta un
système qui combla la mesure de toutes les lâchetés dont il s'étoit
rendu coupable dans cette grande affaire: ce fut d'en revenir à
l'expédient imaginé par Dubois, d'envelopper dans des arrêts _de
silence_ l'erreur et la vérité, et de supprimer indistinctement tout
écrit sur les matières alors controversées entre les sectaires et les
défenseurs des droits de l'Église. Il avoit été répandu dans le
public, sous le titre d'_Anecdotes_, un libelle affreux où le schisme
et l'hérésie se montroient à découvert, «en termes que l'enfer seul
avoit pu inventer[142].» Le cardinal avoit lui-même sollicité un
évêque d'en faire la réfutation[143]: elle parut; et le cardinal, qui
venoit d'adopter ce nouveau plan de faire taire tout le monde, trouva
convenable que, _pour le bien de la paix_, le parlement supprimât à la
fois et le libelle et la réfutation. Neuf évêques crurent devoir
porter leurs plaintes au pied du trône sur ce silence imposé aux
premiers pasteurs, silence qui avilissoit l'épiscopat, laissoit la
religion sans défenseurs, annonçoit une indifférence funeste pour le
vrai et le faux, et, par cela seul qu'il empêchoit d'attaquer
l'hérésie, lui donnoit gain de cause et toute liberté de répandre ses
poisons. La lettre fut supprimée, et le _concert_ des évêques blâmé
comme «contraire aux lois et usages du royaume.» Confondus de ce
mépris et d'une aussi profonde ignorance des temps passés, les neuf
évêques espérèrent davantage de l'assemblée générale du clergé, dont
le temps approchoit[144], et dans laquelle ils étoient résolus de
faire entendre de nouveau leurs plaintes: le cardinal de Fleuri
pressentit leur dessein, et intrigua dans les assemblées de provinces
pour empêcher leur élection. Ce qu'il y avoit de plus énergique dans
l'épiscopat françois ne fit donc point partie de cette assemblée.
Cependant l'un des plus courageux parmi ces neuf prélats, et celui que
le parlement avoit par cela même persécuté avec le plus d'acharnement,
l'évêque de Laon, résolut de s'adresser à cette réunion des
représentants du clergé; ce qu'il fit dans une lettre où il exposa
avec netteté et simplicité sa doctrine, et dénonça celle de ses
adversaires. Il fut reconnu par tous les évêques assemblés que celle
qu'il professoit étoit la doctrine constante de l'Église, que la
doctrine qu'il combattoit y étoit directement opposée. Cependant ils
n'osèrent déclarer hautement ce dont ils convenoient tous dans le
secret; ils crurent, «dans leur sagesse,» qu'ils devoient _céder au
temps_; et d'ailleurs, ils avoient des _promesses_ de la cour de
suppléer au silence qu'elle leur enjoignoit de garder, ce qui étoit
fort rassurant. Ils se turent donc, malgré les instances du prélat qui
imploroit leur assistance et leur montroit leur devoir; et l'assemblée
se sépara, sans avoir rien dit ni fait en faveur de l'Église avilie et
persécutée.

[Note 142: LAFITEAU, t. 2, p. 314.]

[Note 143: Ce même Lafiteau, évêque de Sisteron, à qui nous devons la
meilleure relation qui existe de ces querelles causées par la bulle
_Unigenitus_, relation à laquelle on ne peut faire d'autre reproche
que de montrer trop d'indulgence pour le régent, son ministre et le
cardinal de Fleuri.]

[Note 144: L'Assemblée générale du clergé se tenoit à Paris tous les
cinq ans. L'objet de ses délibérations, le plus intéressant pour la
cour, étoit d'y voter le don gratuit qu'elle avoit coutume d'offrir au
roi: alors on l'écoutoit volontiers. Elle devenoit le plus souvent
importune, lorsqu'elle s'occupoit des maux de l'Église, et qu'elle
demandoit au pouvoir les moyens d'y porter remède. Comme, dans ces
moyens qu'elle proposoit pour y parvenir, il s'agissoit, avant tout,
de lui rendre une liberté suffisante, et d'autoriser, à ce sujet, ses
synodes et ses conciles provinciaux, on conçoit que les profonds
politiques qui gouvernoient alors la France devoient y trouver un
grand danger[144-A]. Nous allons voir tout à l'heure un
contrôleur-général des finances essayer de résoudre le problème
d'avoir l'argent de l'Église, et de se passer de ses assemblées et de
ses remontrances.]

[Note 144-A: Loin de permettre ces réunions extraordinaires du clergé,
le régent n'avoit pas jugé à propos de convoquer son assemblée
ordinaire et quinquennalle de 1720; celle de 1725 avoit eu à se
plaindre du mépris qu'on avoit fait de ses remontrances, et des
procédés violents du duc de Bourbon à son égard. (_Voyez_ les
_Mémoires pour servir à l'histoire ecclésiastique du dix-huitième
siècle_, A, 1725.)]

Alors satisfait d'avoir, par sa prudence, procuré cette paix à la
religion et à ses ministres, le cardinal de Fleuri tourna toute son
attention vers la guerre que l'on venoit, non moins judicieusement, de
déclarer à l'Autriche, et la conduisit, ainsi que nous avons vu, avec
la même énergie et la même habileté.

(1747-1750) Il étoit mort avant que cette guerre eût été entièrement
terminée. Alors Louis XV ayant solennellement déclaré qu'il vouloit
régner par lui-même, on a vu que chaque secrétaire d'État avoit été
renfermé dans les attributions de son département, et que, du fond des
petits appartements du monarque, sa maîtresse, la duchesse de
Châteauroux, avoit commencé à prendre la direction générale des
affaires: c'étoit, depuis la régence, la seconde femme perdue qui se
chargeoit d'un tel soin. Elle ne fit que passer, laissant un bel
exemple à suivre à celle qui alloit être appelée à lui succéder.
Madame d'Étioles, dont, au moment de son début, l'ambition ne s'étoit
probablement pas élevée si haut, mais que les soins d'une mère
prévoyante avoient, dès sa plus tendre jeunesse, dressée à tous les
artifices de la volupté, ne tarda point à s'apercevoir que, fatigué de
ces plaisirs sensuels qu'il recherchoit cependant avec plus d'ardeur
que jamais, qui étoient son premier besoin, sa plus douce habitude,
son royal amant lui échapperoit bientôt, si elle n'employoit pour le
retenir des moyens plus efficaces que le goût passager qu'avoient fait
naître ses charmes, et ce qu'avoient pu y ajouter les savantes
manoeuvres de sa coquetterie. Louis XV étoit à la fois indolent et
voluptueux: ce fut sur ces deux vices qu'elle fonda la durée de sa
fortune et qu'elle sut en cimenter l'édifice; du libertinage où elle
avoit su le retenir pendant quelques années, elle le plongea dans la
crapule en lui créant elle-même une espèce de harem[145], où
d'obscures beautés se succédoient sans relâche, appelées seulement à
satisfaire les appétits grossiers du monarque, et disparoissoient à
l'instant même où l'on s'apercevoit qu'elles pouvoient produire une
impression plus durable. En sortant de ces asiles mystérieux où la
favorite avoit si abondamment pourvu à ses plus chères jouissances, il
rentroit dans son palais pour y trouver des fêtes variées et
brillantes, mille divertissements plus ou moins ingénieux et sans
cesse renaissants, qui ne lui laissoient pas un moment de repos, et
l'étourdissoient sur les ennuis et la honte d'une vie aussi
déplorable. Amusé comme il pouvoit l'être et autant qu'il étoit
possible qu'il s'amusât, le malheureux prince trouva que c'étoit un
service de plus que lui rendroit Mme d'Étioles que de chercher à le
débarrasser de nouveau de la fatigue des affaires, en même temps
qu'elle s'étoit faite le ministre infatigable de ses plaisirs. Ce fut
ainsi que la fille du boucher Poisson, décorée du nom pompeux de
marquise de Pompadour, s'immisça par degrés dans la politique et dans
l'administration, fut mêlée à toutes les intrigues du cabinet où elle
porta ses petites passions, ses petites vues, ses petits intérêts, et
finit, lorsque commença la guerre désastreuse dont il nous reste à
parler, par devenir à peu près la maîtresse absolue de la France, pour
la gouverner dans le système despotique de Louis XIV et de tous ceux
qui l'avoient gouvernée après lui. Elle eut également la précaution de
prendre pour compagnons de sa gloire et de ses travaux des hommes qui
fussent entièrement sous sa dépendance, choisit constamment les plus
médiocres ou les plus corrompus, pour être plus sûre de son fait; et
il put sembler curieux de voir, quarante ans après la mort du grand
roi, son système de gouvernement, exploité par une troisième
courtisane, arriver si rapidement à ses dernières conséquences.

[Note 145: Le _Parc aux Cerfs_: c'étoit un enclos pratiqué sur
l'emplacement où s'élève aujourd'hui le quartier Saint-Louis, à
Versailles. On y avoit bâti plusieurs maisons élégantes dans
lesquelles étoient conduites les malheureuses destinées à ses
embrassemens passagers, et recrutées par la violence ou par les
séductions des nombreux agents de ses débauches, dans tous les rangs
de la société. La plume se refuse à retracer les horreurs qui se
passoient dans ce repaire royal. Si l'on en croit des traditions qui
semblent certaines, puisqu'elles se composent des témoignages d'un
grand nombre de personnes attachées à la cour, ce n'étoient pas
seulement des femmes arrachées à leurs maris, des filles achetées à
leurs mères, qui venoient s'y perdre: l'enfance même y fournissoit des
victimes; et, introduite dès l'âge de neuf à dix ans dans cet asile
infâme, la jeune vierge y attendoit qu'elle fût nubile pour être
profanée, et y recevoit une éducation conforme à ses futures
destinées. Après quelques semaines, quelques jours, quelquefois même
après un seul jour, elles en sortoient, quelques unes entièrement
abandonnées et réduites à se livrer à la prostitution publique;
d'autres dotées et mariées, quand elles pouvoient l'être, à des hommes
que l'on abusoit pour les leur faire épouser, ou qui s'avilissoient
eux-mêmes volontairement en contractant de semblables alliances. On
ajoute que celles qui avoient eu des enfants du roi conservoient un
traitement fort considérable. Ce fut vers 1753 que commença cet
établissement de prostitution. Il coûta des sommes immenses qu'il
seroit difficile d'évaluer, mais qui peuvent être portées, sans
exagération, à plus de cent millions.]

Résumons en peu de mots ce qui s'étoit passé pendant ces trente
années: Louis XIV, comme s'il eût dû vivre éternellement, avoit
anéanti, au profit de son despotisme, l'autorité de l'Église, sûr
qu'il étoit de contenir, par la force de sa volonté et par la position
royale qu'il avoit su prendre, l'opposition parlementaire ou populaire
(nous l'avons déjà dit, ces deux mots sont synonymes), et il étoit
mort laissant le pouvoir isolé au milieu de toutes les résistances
_naturelles_ de la société. Cette opposition populaire s'étoit ranimée
sous la régence, tantôt favorisée, tantôt comprimée par les hommes
pervers qui gouvernoient alors et achevoient de corrompre la nation.
Sous le vieillard pusillanime qui vint après eux, nous venons de la
voir déjà menaçante, se jouant des vains coups d'autorité dont le
gouvernement essayoit de temps en temps de la frapper, et, sous le
voile du jansénisme, s'accroissant sans cesse, et dans tous les rangs
de la société, de ceux qu'avoient rendus impatients de tout frein, et
les calomnies répandues à grands flots contre le clergé, et tant de
condamnations infamantes dont avoient été flétris des hommes jusque-là
les objets de la vénération publique, et la licence de tant de
doctrines nouvelles qui remettoient en question et la religion et la
nature du pouvoir, et la société tout entière. Il est facile de
concevoir que les chefs cachés de ces nouveaux opposants avoient en
effet d'autres desseins que celui de faire triompher les doctrines de
Jansénius et d'établir la domination de ses hideux et haïssables
disciples; mais l'enfer leur avoit offert cette secte comme le moyen
le plus sûr et le plus actif de détruire la religion en affectant un
zèle religieux, de jeter peu à peu hors du christianisme une nation
dont, depuis un si grand nombre de siècles, les croyances et en
quelque sorte les habitudes étoient chrétiennes. Ils continuoient donc
de marcher à la suite du parti janséniste: c'étoit une sorte d'appât
qu'ils jetoient à la multitude, et bien que leurs dupes formassent
encore la majorité du parlement, ils y comptoient déjà plusieurs
complices. Ils en comptoient aussi dans un ministère dont la
présidence venoit de passer des mains du cardinal de Fleuri dans
celles de la dame Le Normand d'Étioles, et commençoient à laisser
entrevoir le but qu'ils vouloient atteindre.

En manoeuvrant de la sorte, le parti philosophique, de simple
auxiliaire qu'il étoit dans cette lutte anarchique contre un
despotisme sans force et sans habileté, parvint, plus rapidement qu'on
ne le pourroit même imaginer, à y jouer un rôle prépondérant. Il
s'étoit long-temps glissé dans l'ombre, ne lançant que par de longs
intervalles ses fausses lueurs et ses traits empoisonnés; et depuis
l'apparition des _Lettres persannes_ de Montesquieu jusqu'à l'époque
où nous sommes parvenus, ce parti, si l'on en excepte les _Lettres
philosophiques_ de Voltaire, n'avoit produit aucun ouvrage qui fût de
nature à exciter une grande sensation. Ces lettres, dans lesquelles ce
funeste écrivain effleuroit, avec le naturel et la grâce piquante de
son style, à peu près tout ce qui compose le domaine de
l'intelligence, théologie, métaphysique, histoire, littérature,
sciences, moeurs, beaux-arts, n'étoient sur ces divers points qu'une
sorte d'analyse rapide des opinions des libres penseurs d'Angleterre,
avec lesquels il avoit vécu ou dont il avoit étudié les ouvrages
pendant les années de son premier exil, opinions qui représentoient
presque toutes les nuances des idées anti-religieuses produites par le
protestantisme, et qu'il offroit à son pays comme un fruit précieux de
son séjour chez le plus sage, le plus libre et le plus heureux des
peuples de la terre. Ces lettres furent condamnées, en 1734, par un
arrêt du parlement: cette condamnation n'ayant point empêché
l'indiscret auteur de publier quelques autres pièces non moins
licencieuses[146], l'animadversion de l'autorité éclata plus vivement
encore contre lui; il lui fallut se cacher et ensuite désavouer ce
qu'il avoit écrit pour éviter une nouvelle proscription. Sentant alors
que le moment n'étoit pas encore arrivé, il prit le parti d'aller
mûrir, dans la retraite, ses détestables projets. Ce fut à Cirey,
auprès d'une femme qui ne valoit pas mieux que lui[147], qu'il établit
l'atelier de ses machinations, en apparence uniquement occupé de
littérature, mais travaillant bien plus sérieusement à jeter les
fondements de cette correspondance si étendue, si prodigieusement
active, qui, plus que tout le reste, servit à rallier, autour d'un
centre commun, les fauteurs de l'incrédulité, et à donner à leur parti
une véritable consistance.

[Note 146: _Le Mondain_ et _l'Épître à Uranie_.]

[Note 147: La marquise Du Châtelet.]

Ce fut en 1746, et peu de temps après l'avénement de la favorite, que
ce parti commença à donner des signes plus sensibles de son existence,
à jeter dans le public des écrits plus hardis, à attirer davantage
l'attention d'un parlement qui, sans savoir où il alloit, faisoit
brûler à la fois, par la main du bourreau, les livres impies et les
mandements des évêques. Depuis cette époque jusqu'en 1760, parurent
successivement, et lui furent successivement dénoncés, l'Analyse de
Bayle, le Traité de l'Âme de Lamétrie, la Thèse de l'abbé de Prades,
Candide, Zadig, le Poëme de la Religion naturelle et quelques autres
productions de Voltaire, le livre de l'Esprit d'Helvétius, plusieurs
ouvrages de Diderot, un grand nombre d'autres productions, la plupart
anonymes, et plus ou moins dégoûtantes de cynisme et d'impiété;
l'Encyclopédie enfin, ce vaste répertoire, si astucieusement conçu, de
tous les systèmes du parti, et des innombrables paradoxes qu'enfantoit
sa raison en délire. On condamna ces ouvrages; on punit de l'exil
quelques auteurs choisis parmi les plus obscurs; ceux qui jouissoient
d'une existence sociale plus élevée, et qui par cela même étoient plus
dangereux, furent épargnés. En attendant qu'on les protégeât, il leur
suffisoit, pour obtenir l'impunité, d'une rétractation hypocrite ou
d'un impudent désaveu. L'Encyclopédie fut tolérée, même après qu'un
arrêt du conseil en eut révoqué le privilége, et n'en devint que plus
cynique et plus audacieuse. De crainte d'un scandale plus grand, et
d'être publiquement bravée par Buffon et par Montesquieu, la faculté
de théologie, qui avoit cru devoir censurer l'_Esprit des Lois_[148]
de celui-ci, et les paradoxes de celui-là sur la formation de la
terre, se vit forcée de négocier avec le magistrat et de se contenter
des explications dérisoires du naturaliste. Aussi, par un retour
d'égards et de bienveillance, le parti philosophique continuoit-il
d'applaudir aux excès toujours croissants de la magistrature contre le
clergé, et de hurler contre lui avec les enfants de Jansénius. Nous
suivrons rapidement ce désordre inconcevable de la société, que nous
verrons en peu d'années parvenir à son comble, c'est-à-dire au delà de
ce qu'on auroit pu même imaginer.

[Note 148: L'_Esprit des Lois_ est un de ces livres produits par les
_doctrines philosophiques_ du dix-huitième siècle, dont beaucoup de
gens, qui font profession de haïr ces doctrines, sont encore engoués
au dix-neuvième; et parmi ceux qui pérorent dans nos tribunes
publiques, avec toutes les prétentions de l'orateur et du profond
politique, il en est un grand nombre qui ne parle jamais de
Montesquieu qu'en l'appelant _notre grand publiciste_: c'est son
sobriquet. Cependant ils seroient fort embarrassés s'il leur falloit
expliquer quel est le plan et l'idée première de cet écrivain, d'où il
part, et où il veut aller; si on les invitoit à montrer, dans son
livre, nous ne dirons pas la véritable théorie, mais une _théorie
quelconque_ de la société, qu'il ne conçoit pas même complétement dans
son existence _matérielle_, seul rapport cependant sous lequel il
l'ait constamment envisagée. En attendant que quelqu'un de ces
honnêtes enthousiastes nous ait clairement déduit ce que _notre grand
publiciste_ a voulu démontrer, et ce qu'il a prétendu conclure, nous
ne craindrons pas, nous, d'avancer qu'il est difficile de présenter,
dans un style plus piquant, plus nerveux, plus original, un plus grand
nombre de paradoxes absurdes et de fausses définitions; de rassembler,
avec moins de critique et de véritable savoir, plus d'idées
superficielles, de notions hasardées et souvent contradictoires; enfin
de faire un ouvrage de politique plus attrayant pour la forme, pour le
fond plus mauvais et plus dangereux. Nous ajouterons que tout ce qu'il
y a de remarquable dans ce livre, et qui s'y présente avec quelque
apparence de profondeur, appartient à Machiavel, peu connu en France à
l'époque où écrivoit Montesquieu, et qu'il pille continuellement avec
la mauvaise foi littéraire de ne pas faire, une seule fois, l'aveu de
ses larcins.

Lorsque ce livre parut, une femme très spirituelle (nous croyons que
c'est madame Du Deffant) dit que «c'étoit de l'esprit _sur_ les lois.»
Les habiles d'alors se moquèrent d'elle; cependant elle seule l'avait
bien défini.

Quant à Buffon, il est jugé depuis long-temps comme savant et comme
naturaliste; comme écrivain il voit, de jour en jour, diminuer le
nombre des admirateurs de l'ennuyeuse et périodique magnificence de
son style.]

Le parlement n'attendoit que l'occasion de recommencer ses attaques
contre l'Église de France, et avec d'autant plus d'impatience que,
pendant cette paix factice et malgré cette loi humiliante du silence
qui lui avoit été imposée, son clergé avoit su rallier la plupart de
ses membres égarés, et ne comptoit plus dans son sein qu'un petit
nombre de jansénistes, et chaque jour décroissant[149]. Cette occasion
ne se présentant point encore, il trouva du moins à la cour un
auxiliaire sorti de ses rangs, qui, devenu ministre, conservoit, dans
ses nouvelles fonctions, toute la pureté des traditions
parlementaires, c'est-à-dire, la même haine pour le clergé que
lorsqu'il étoit simple magistrat: c'étoit le contrôleur-général
Machault, créature de madame de Pompadour, et qui payoit du dévouement
le plus servile la fortune brillante à laquelle son caprice l'avoit
élevé. Les dépenses de la guerre qui venoit de finir, et les
profusions effrénées de la cour, avoient rouvert l'abîme des
finances[150]: afin de le combler, il fut le premier qui eût encore
osé porter un regard cupide sur les biens du clergé, et penser à faire
de ses dépouilles une ressource pour ce qu'il appeloit les besoins de
l'État. Le parti philosophique qui savoit qu'attaquer ce corps
vénérable comme propriétaire, c'étoit l'attaquer dans son existence
même, et porter à la religion un coup plus funeste qu'aucun de ceux
dont on essayoit de la frapper, faisoit, depuis long-temps, de cette
spoliation l'un des textes favoris de ses déclamations furibondes, se
plaisoit à exagérer l'immensité des richesses des gens d'Église, et
après avoir établi que chaque citoyen doit à l'État, qui le protége,
de concourir à l'aider dans ses besoins, rappeloit la pauvreté des
apôtres, la présentoit comme le seul patrimoine qui convînt aux
ministres de l'Évangile, et prouvoit à sa manière que le gouvernement
avoit le droit de s'emparer de leurs biens pour parvenir au double
résultat de subvenir à ses embarras pressants, et de ramener le clergé
aux vertus de l'Église primitive. Machault tenta donc de réaliser
cette idée spéculative des philosophes: pour en espérer quelque
succès, il étoit prudent d'y procéder graduellement. Un arrêt du
conseil, rendu en 1749, «l'un des premiers triomphes accordés à
l'esprit philosophique,» dit un écrivain qui s'y connoît[151],
défendit d'abord tout nouvel établissement de chapitre, collége,
séminaire, maison religieuse ou hôpital, sans une permission expresse
du roi et lettres-patentes enregistrées dans les cours du royaume;
révoquoit tous les établissements de ce genre, faits sans cette
autorisation; interdisoit à tous les gens de main-morte d'acquérir,
recevoir ou posséder aucuns fonds, maison ou rente, sans une
autorisation légale[152].» Il n'est pas besoin de dire que cet édit
jeta l'alarme dans le clergé; et ses craintes s'accrurent encore
lorsque, dans son assemblée générale qui se tint, comme à l'ordinaire,
l'année d'après, les commissaires du roi vinrent réclamer, comme une
contribution, le don gratuit que l'on avoit coutume d'y voter[153],
démarche qui fut suivie d'une déclaration du monarque, par laquelle,
de sa propre et pleine autorité, il levoit plusieurs millions sur le
clergé, et obligeoit tous les bénéficiers à donner un état de leurs
revenus. L'assemblée crut devoir résister: elle adressa au roi des
remontrances, dans lesquelles elle défendoit avec force les immunités
de l'Église, et montroit non moins fortement le danger qu'il y auroit
pour l'État lui-même d'y porter la moindre atteinte. Il est probable
que ses arguments ne parurent pas très décisifs à celui qui avoit
conçu le projet de la dépouiller et à ceux qui y avoient applaudi;
mais on jugea que, pour le moment, il étoit à propos de ne pas aller
plus loin: il suffisoit, pour une première fois, d'avoir établi en
principe que les biens du clergé étoient dans la dépendance du fisc
plus qu'aucune autre espèce de propriété.

[Note 149: Il n'y avoit plus alors qu'un seul évêque appelant, M. de
Caylus.]

[Note 150: Il n'y eut jamais d'avidité comparable à celle de cette
femme à qui il falloit, avant toutes choses, un contrôleur-général qui
fût de son choix, et qui, lui devant tout, ne pût rien lui refuser.
Elle avoit aussi tellement asservi Louis XV, que, d'économe qu'il
étoit naturellement, elle le jeta, à son égard, dans des excès presque
incroyables de prodigalité. Ce fut pour elle que se multiplièrent sans
mesure les _acquits du comptant_, espèce de billets qui, pour être
payés, n'avoient besoin que de la signature du roi, sans qu'il fût
nécessaire de mentionner le genre de service auquel ils étoient
affectés. On pouvoit aller loin avec de semblables opérations
financières. Aussi la marquise de Pompadour fut-elle gorgée de
richesses; et sans parler des dépenses extravagantes qu'elle faisoit
faire journellement pour désennuyer son royal amant, on peut estimer
que, pour son propre compte, elle recevoit, chaque année, près de
1,500,000 francs.]

[Note 151: M. Lac......., déjà cité.]

[Note 152: Il est à propos de faire remarquer que, depuis des siècles,
tous les biens tombés en main-morte n'avoient été acquis que pour
créer ou soutenir des hôpitaux et hôtels-dieu, des séminaires, des
écoles de charités et autres établissements de ce genre, qui
probablement, pour être utiles à l'Église, n'étoient pas inutiles à
l'État, et que les biens à l'usage du clergé ne s'en étoient pas
accrus d'une obole, pendant ce long espace de temps. (_Voyez_ les
_Mém. pour servir à l'hist. ecclés. de dix-huitième siècle_, année
1750.)

Le chancelier d'Aguesseau aida, dit-on, le contrôleur-général dans la
création et la rédaction de cette loi; et ce fut par cet acte tout
parlementaire qu'il termina sa pitoyable carrière ministérielle. Il
donna, l'année suivante, sa démission, étant alors âgé de
quatre-vingt-deux ans.]

[Note 153: Convoqué six fois depuis dix ans, le clergé avoit donné,
dans cet intervalle, soixante millions. (_Ibid._)]

Nous voici arrivés à des événements qui semblent appartenir aux
époques les plus orageuses des hérésies du Bas-Empire, événements
néanmoins si rapprochés de nous, qu'ils peuvent avoir eu pour témoins
des hommes qui sont encore nos contemporains, et en même temps
tellement incroyables, que ceux qui les ignorent seront tentés de les
assimiler à quelques unes de ces traditions incertaines qui ne nous
parviennent qu'altérées ou exagérées par une longue suite de siècles.
On a vu, dans le cours de cette histoire et depuis plusieurs règnes,
que le parlement n'avoit, à l'égard du clergé, qu'une seule pensée,
qui étoit de détruire sa juridiction pour établir, sur la France
entière, la domination exclusive de ses tribunaux: c'étoit une
entreprise difficile, car tout étant lié indissolublement dans
l'oeuvre plus qu'humaine de la religion, tant que le dogme demeuroit
intact, la discipline se maintenoit nécessairement; et dans la
discipline sont renfermées la juridiction et la hiérarchie. Cette
difficulté avoit été tellement sentie par la magistrature, que c'étoit
au moment même où des sectaires avoient attaqué le dogme, qu'elle
avoit redoublé d'efforts contre la juridiction; et ces sectaires, dont
elle s'aidoit, se trouvant, par le caractère unique de leur hérésie,
placés dans le sein même de la puissance qu'il s'agissoit d'attaquer,
on l'avoit vue, soutenue de ces membres hypocrites du clergé, étendre
rapidement ses usurpations jusqu'à s'arroger le droit de décider sur
la doctrine et d'interpréter les canons. Le gouvernement de l'Église
en avoit été ébranlé jusque dans ses fondements; mais il lui avoit
fallu peu de temps pour se rasseoir. Ainsi que nous venons de le dire,
si l'on en excepte quelques membres isolés et épars, le jansénisme
étoit presque entièrement expulsé de son clergé; et la religion étant
le principe de tout ordre et de toute subordination, la subordination
et l'ordre s'y étoient rétablis d'eux-mêmes. Voyant donc l'Église de
France désormais inattaquable dans les rapports des premiers pasteurs
avec les membres inférieurs de sa hiérarchie, ses ennemis imaginèrent
une autre manoeuvre pour la commettre avec les sectaires, et la
replacer ainsi sous la main du parlement: de là l'odieuse affaire des
billets de confession et des refus de sacrements.

(1750-1751) Dès 1749, un membre du parlement avoit dénoncé aux
chambres quelques refus de sacrements faits à des appelants; et cette
dénonciation, bien qu'on n'y eût pas donné de suite, avoit fait
quelque bruit. L'année suivante, un semblable refus est encore
dénoncé, et le parlement mande le curé de Saint-Étienne-du-Mont, que
l'on accusoit de ce délit d'une nouvelle espèce, pour qu'il ait à
s'expliquer sur les motifs de ce refus: il répond ce qu'il devoit
répondre, qu'il en avoit rendu compte à l'archevêque, et que, dans
l'exercice de son ministère, il n'avoit d'ordre à recevoir que de lui.
Le curé est envoyé en prison, et les gens du roi se transportent chez
l'archevêque (c'étoit alors M. de Beaumont, nouvel Athanase, dont
cette époque d'impiété et de persécutions a rendu le nom à jamais
célèbre et vénérable), pour l'inviter charitablement à faire
administrer le malade, à qui l'un des membres de son clergé refusoit
si indignement les derniers secours de la religion. Certes,
l'étonnement du prélat dut être grand, lorsqu'il vit des magistrats se
montrer si ignorants des pratiques les plus communes de l'Église,
dans son gouvernement intérieur et dans ses rapports avec les simples
fidèles. Les billets de confession étoient une coutume établie dans
toute la chrétienté et de temps immémorial: on la trouve expressément
recommandée dans les avis de saint Charles-Borromée à l'un des
conciles de Milan[154]; l'assemblée du clergé de 1655 l'avoit adoptée,
et avoit recommandé aux curés de s'y conformer; elle étoit surtout
nécessaire, ou plutôt indispensable, au milieu de la population
immense d'une ville telle que Paris, dans laquelle abondoient tant
d'individus justement suspects, ou totalement inconnus de leurs
pasteurs; le cardinal de Noailles en avoit lui-même ordonné
l'observation. L'intrépide et vertueux prélat étoit d'autant moins
disposé à s'en départir, que les jansénistes professoient, sur le
droit d'absoudre et de confesser, des doctrines entièrement opposées
à la discipline de l'Église; et l'invitation étrange que venoit lui
faire, à cet égard, une autorité séculière, n'étoit pas propre à le
faire changer de résolution. Les esprits n'étant pas encore préparés à
ce nouveau genre de persécution, l'emprisonnement du curé choqua
généralement; il déplut au roi, qui désapprouva la conduite violente
du parlement, et rejeta des remontrances dans lesquelles il qualifioit
«de scandale» les refus de sacrements, présentoit les billets de
confession «comme une pratique odieuse,» et se répandoit en outrages
contre le clergé, dont il essayoit malicieusement de rendre la
fidélité suspecte au souverain. La réponse du roi fut «qu'ils
n'eussent plus à se mêler d'une affaire à laquelle il auroit soin de
pourvoir.» Plusieurs magistrats blâmèrent eux-mêmes ces violences, et
firent observer à leur compagnie qu'elle se plaçoit sur les limites
des deux puissances, et qu'elle se mettoit en danger de les dépasser.
Le parlement n'insista pas; et, satisfait d'avoir jeté un premier
brandon de discorde, il attendit des temps «meilleurs» pour le
rallumer[155].

[Note 154: «Le curé ne doit point recevoir à la communion pascale ceux
qui se seront confessés à d'autres qu'à lui, s'ils n'ont remis entre
ses mains une attestation qui fasse foi comme ils se sont confessés à
un prêtre approuvé de nous, écrite et signée précisément en la forme
qui est ci-dessous (nous supprimons cette formule), pour le moins
trois jours avant celui auquel ils veulent communier, afin que le
curé, y faisant difficulté, puisse s'éclaircir de la vérité de cette
attestation, et si le confesseur qui l'a délivrée est approuvé, etc.»
(_Instruction de saint Charles-Borromée aux confesseurs_, etc.,
imprimée par ordre de l'Assemblée générale du Clergé de France. Années
1655, 1656 et 1657.--Édit. de 1736.--Paris.)]

[Note 155: _Voyez_ les _Mém. pour servir à l'Hist. ecclés. du
dix-huitième siècle_, année 1751.]

(1752) Le mouvement des esprits devenoit de jour en jour plus rapide;
les philosophes accouroient en foule et de toutes parts grossir le
parti parlementaire, et ces temps meilleurs ne tardèrent point à
arriver. Dès 1752, il se sentit assez fort pour pouvoir lutter contre
l'autorité royale qui s'affoiblissoit chaque jour davantage, au sein
des intrigues et des corruptions de tout genre dont elle étoit
environnée. Sur la dénonciation que l'on fit aux chambres d'un nouveau
refus de sacrements, ordre fut donné à l'archevêque de Paris de faire
administrer le malade dans vingt-quatre heures, et le curé, qui avoit
refusé son ministère, fut décrété de prise de corps. Le roi cassa le
décret; des remontrances lui furent aussitôt adressées, et il y fit
cette inconcevable réponse: «qu'il ne vouloit pas ôter au parlement
_toute connoissance_ des refus de sacrements,» mais qu'il exigeoit
«qu'on lui en rendît compte; et qu'il «s'attendoit» que, connoissant
ses intentions, cette compagnie cesseroit toutes procédures sur cette
matière.» Cette réponse de la cour, si foible à l'égard de la
magistrature, et, de même que la première, si astucieuse à l'égard du
clergé, dont elle ne parloit pas de rétablir les droits méconnus et
violés, mais qu'elle ne cherchoit à soustraire à l'action du
parlement, que pour le soumettre à sa propre influence, ne fit
qu'enhardir les magistrats. Le parlement y répliqua, le surlendemain,
par un arrêt de règlement «qui défendoit à tout ecclésiastique de
faire aucun acte tendant au schisme,» et notamment «de se permettre
aucun refus de sacrements, sous prétexte de défaut de billet de
confession, ou de déclaration du nom du confesseur, ou d'acceptation
de la bulle _Unigenitus_;» arrêt que ses suites ont rendu si
malheureusement célèbre, et sur lequel se fondèrent depuis toutes les
entreprises inouïes des tribunaux séculiers. Ainsi, d'usurpation en
usurpation, des gens de robe en étoient venus à apprendre aux
ministres de l'Église ce que c'étoit que le schisme, et à désigner,
par des ordonnances, quels étoient les schismatiques[156].

[Note 156: _Voyez_ les _Mém. pour servir à l'Hist. ecclés. du
dix-huitième siècle_, année 1752.]

Cependant quels étoient les moyens employés par la cour pour réprimer
de tels excès? Au fond, complice de ces continuels attentats contre
l'indépendance du clergé, elle donnoit, de son côté, un arrêt de
réglement, dans lequel, «établissant que la bulle _Unigenitus_ «étoit
une loi de l'Église et de l'État[157],» elle ordonnoit, par une
concession nouvelle, qu'avant «de rien statuer» sur les refus de
sacrements, le parlement eût à en rendre compte à l'autorité royale.»
Cette conduite misérable produisit l'effet qu'elle devoit produire:
le parti entier, ivre de joie, s'ameuta en quelque sorte autour du
Palais; les dénonciations contre les prêtres et les évêques se
multiplièrent; les magistrats n'eurent plus d'autre occupation que de
les recevoir, confirmant par des arrêts nouveaux leurs arrêts cassés
par le souverain. Vingt-un évêques, alors à Paris, s'élevèrent, dans
une lettre qu'ils adressèrent au roi, contre ces prétentions nouvelles
de la magistrature, plus téméraires qu'aucune de celles qu'elle avoit
manifestées jusqu'à ce jour; plus de quatre-vingts autres évêques y
adhérèrent; plusieurs firent des réclamations particulières; enfin
l'épiscopat entier se souleva. Des arrêts supprimèrent et flétrirent
la lettre et les réclamations; le parlement ne s'assembla plus qu'au
milieu d'une foule exaltée qui remplissoit le lieu de ses séances,
poursuivant de ses huées ou saluant de ses acclamations les avis
divers qui s'y ouvroient, et faisant du sanctuaire de la justice une
arène de démagogie. Les libelles, les pamphlets, les caricatures, ces
moyens accoutumés du parti, se reproduisirent avec une abondance et
une fureur nouvelle, confondant avec plus d'insolence que jamais le
trône et l'autel dans leurs insultes et leurs calomnies.

[Note 157: Cet arrêt fut rendu le 19 avril 1752.]

(1753) Ainsi s'enhardissoient les meneurs du parlement,
s'intimidoient les foibles, et la compagnie entière étoit entraînée.
Le curé de Saint-Médard et ses vicaires sont dénoncés pour refus de
sacrements faits à deux religieuses: ils sont mandés. Les vicaires
seuls se présentent, et déclarent qu'ils ont fait ce refus sur les
ordres de l'archevêque. Le prélat reçoit de nouveau l'invitation de
faire administrer; il y répond comme il avoit déjà fait et avec la
même fermeté. On le met en cause, son temporel est saisi; les pairs
dont il est justiciable sont convoqués pour le juger, et le curé de
Saint-Médard est décrété de prise de corps. Le roi casse ces arrêts et
défend la convocation des pairs: l'ordonnance royale, est portée au
parlement; le président veut la lire, on refuse de l'entendre. Une
lutte scandaleuse s'établit entre le prince et ses officiers de
justice: les députations, les arrêts, les remontrances se succèdent
sans interruption; le pape, les évêques, le clergé, l'autorité de
l'Église, les lois même du souverain y sont insultés ou menacés; et le
conseil du roi ne sait faire autre chose que refuser les remontrances,
casser les arrêts, et ordonner «de surseoir à toutes procédures sur
des affaires de ce genre.»

Des mesures si peu décisives n'étoient pas faites pour arrêter des
factieux qui avoient résolu de faire, en cette occasion, une épreuve
de ce qu'ils pouvoient tenter avec un tel prince entouré de tels
conseillers: le parlement refuse d'enregistrer les lettres-patentes du
roi, et déclare qu'il demeurera assemblé jusqu'à ce que ses
remontrances aient été reçues. Lettres de jussion envoyées le même
jour, qui lui ordonnent d'enregistrer, «sous peine de désobéissance et
d'encourir l'indignation du roi.» Déclaration de la part du parlement
«qu'il ne peut obtempérer;» et bravant jusqu'à l'insulte le monarque
qui, dans cette dernière démarche, avoit osé prendre le ton de maître,
il s'occupe sur-le-champ de nouvelles procédures relatives à des refus
de sacrements. Louis XV n'étoit pas encore descendu à supporter de
semblables outrages, et le ministère lui-même ne vouloit pas d'une
semblable résistance du parlement. Le 9 mai, tous les membres
composant les chambres des enquêtes et des requêtes furent exilés, et
l'on renferma quatre des plus mutins dans des prisons d'État.

La grand'chambre avoit été épargnée: elle ne s'en montra que plus
arrogante, persista dans tous les arrêtés déjà pris, et continua
d'informer contre les billets de confession. Le surlendemain 11 mai,
un ordre du roi la transféra à Pontoise: elle partit, consolée et
raffermie par les acclamations de ses partisans, et, arrivée au lieu
de son exil, n'en demeura pas moins opiniâtre dans ses arrêtés, ni
moins active dans ses poursuites contre «la rébellion» des prêtres et
des évêques. Absorbée dans ces grands intérêts, elle ne voulut écouter
aucune autre affaire, et cessa de rendre la justice aux citoyens. On
crut pouvoir se passer d'elle en instituant à cet effet des chambres
particulières: mais le parti entier se ligua contre ces nouveaux
juges; ils furent décriés, baffoués, chansonnés; et tandis qu'on
déversoit sur eux le mépris et le ridicule, les magistrats exilés
étoient présentés à la vénération de la multitude comme ses véritables
défenseurs, comme les appuis les plus solides de l'État; on exagéroit
les droits politiques du parlement, ceux du souverain étoient
discutés, et l'on en établissoit les limites. Les parlements de
province se montroient encore timides et irrésolus; plusieurs même
étoient animés d'un autre esprit et avoient conservé les anciennes
traditions monarchiques: la cabale, dont les projets s'agrandissoient
en même temps que ses triomphes, et dont les pensées séditieuses
embrassoient déjà la France entière, les entoura de ses séductions,
mit en mouvement tous ses agents, fit jouer tous les ressorts de ses
intrigues, et quelques uns de ces parlements donnèrent dès lors des
signes de connivence avec le parlement de Paris. Celui de Rouen lutta,
pendant six mois, contre les ordres du roi, celui d'Aix fit aussi des
réglements de discipline pour l'Église, et le parlement de Toulouse
commença à fermenter[158].

[Note 158: _Voyez_ les _Mém. pour servir à l'hist. ecclés. du
dix-huitième siècle_, année 1753.]

(1754) Cependant des négociations s'étoient ouvertes pour le rappel
des magistrats exilés au moment même où l'on avoit prononcé leur exil,
et les amis puissants qu'ils avoient à la cour et partout, y
travailloient avec ardeur. C'est ici que se montrent plus visiblement
encore les misères de ce déplorable gouvernement. Certes la première
condition d'un pardon accordé à des rebelles devoit être une entière
soumission à l'autorité qu'ils avoient offensée: Louis XV ne demanda
pas ce qu'il n'espéroit point obtenir; les murmures qu'avoit fait
naître ce coup d'autorité alloient toujours croissant et commençoient
à l'effrayer; et se trouvant heureux qu'on lui fournît une occasion de
faire cesser ses frayeurs en le suppliant de mettre fin à cet exil, ce
fut, et l'on aura peine à le croire, au moyen d'un «nouvel arrêt de
silence» qu'il imagina d'arranger leur rappel et de cimenter la paix.
Sa déclaration à ce sujet, devenue fameuse en ce que le parlement s'en
fit par la suite une autorité contre le roi lui-même, est un monument
curieux de foiblesse et d'ineptie. C'étoit ce même parlement qu'il
disoit _avoir justement puni_ à cause de sa résistance à ses volontés,
mais dont il attendoit désormais une soumission et une fidélité
entières, qu'il chargeoit «de _tenir la main_ à ce qu'il ne fût rien
fait ou tenté de contraire à ce _silence_ et à cette _paix_.» Il
annuloit en même temps toutes poursuites et procédures antérieures.
Telle qu'elle étoit, cette déclaration ne fut cependant pas
enregistrée sans difficultés: ces magistrats, qui avoient daigné
reprendre leurs fonctions, furent choqués du préambule; et, n'en étant
complétement satisfaits ni sur la forme ni sur le fond, ils ne la
portèrent sur leurs registres qu'avec cette clause: «qu'elle seroit
exécutée conformément aux arrêts et aux règlements de la cour,»
c'est-à-dire conformément à ces arrêts et à ces règlements que
l'autorité royale venoit de casser. On les laissa faire; c'étoit dès
lors à ce degré que cette autorité s'étoit abaissée. Les Jansénistes
donnèrent de grands applaudissements à cette loi du silence; ils
inondèrent de nouveau Paris et les provinces de leurs libelles pour en
exalter l'excellence et les bienfaits, et parlèrent plus qu'ils
n'avoient jamais fait pour prouver qu'il falloit se taire. Leur
gazette n'en continua pas moins de paroître, toutes les semaines,
toute gonflée d'invectives et de calomnies contre leurs adversaires;
et le parlement, fermant les yeux sur leurs excès, interprétant
l'arrêt de silence par une obéissance entière à ses propres arrêts,
continua de livrer aux flammes les mandements des évêques qui
soutenoient les droits et les décisions de l'Église, de citer à son
tribunal tout ecclésiastique qui lui étoit dénoncé pour refus de
sacrements, et redoubla de rigueur dans ses condamnations. On
n'entendoit plus parler que de sommations, de sentences, de saisies,
d'exils, d'emprisonnements; et c'étoit sur des prêtres que
s'exerçoient ces coupables violences. Accoutumés à jouer des comédies
sacriléges, des Jansénistes en pleine santé feignoient d'être malades
pour provoquer des refus de sacrements, qu'ils alloient à l'instant
même dénoncer, et que suivoient des arrêts foudroyants contre les
curés ou les vicaires qui avoient «prévariqué;» et s'il s'en
rencontroit quelques uns qui donnassent alors quelques signes de
foiblesse, c'étoit au milieu d'un cortége d'huissiers et de recors
qu'il leur falloit porter le saint viatique; et après avoir été
préparée par une sommation, la communion d'un janséniste se consommoit
par un procès-verbal.

Il devint clair alors que «l'arrêt de silence» étoit plus pitoyable
encore qu'on n'avoit pensé, que ce n'étoit pas autre chose qu'un voile
honteux dont on avoit essayé de couvrir une pleine et entière
concession aux prétentions du parlement; car s'en étant pris de
nouveau à l'archevêque de Paris, et de la fuite des prêtres qui se
cachoient pour éviter la persécution, et des ordres qu'il leur donnoit
en contravention à leurs arrêts, et n'en ayant point obtenu d'autre
réponse que celle que ce vigoureux prélat étoit accoutumé de leur
faire, les magistrats eurent assez de crédit pour obtenir du roi
l'exil de leur premier pasteur, d'abord à Conflans et ensuite à Lagny.
C'en fut assez: après avoir consenti à exiler un évêque sur la demande
d'un parlement janséniste, ce fut vainement que le monarque se
déconsidéra jusqu'à avouer qu'il ne l'avoit fait qu'à contre-coeur;
qu'il se plaignit de ce que, malgré tant de marques de condescendance
qu'il lui avoit données, son parlement «s'écartoit de l'esprit de
_modération, de paix et de prudence_ qu'il lui avoit recommandé.» À
ces remontrances, «tout-à-fait _paternelles_,» les gens de robe ne
répondirent qu'en dénonçant l'évêque d'Orléans, qu'il fallut bien
exiler à son tour. L'évêque de Troyes parut ensuite sur les bancs des
accusés, fut condamné à une amende, vit ses meubles confisqués, son
temporel saisi; et il fallut l'intervention du roi pour l'arracher aux
poursuites et aux insultes des tribunaux subalternes. Ceux des
parlements de province qui faisoient partie de la cabale, à ce signal
donné, se ruèrent en quelque sorte sur leurs premiers pasteurs.
L'archevêque d'Aix fut exilé par le parlement de Provence; ce même
parlement osa citer devant lui l'évêque de Marseille, l'héroïque
Belzunce, et le flétrir d'une condamnation[159]. Les évêques de
Saint-Pons et de Montpellier furent poursuivis par le parlement de
Toulouse; le parlement de Rennes traita plus rigoureusement encore
ceux de Vannes et de Nantes[160]. Par ces outrages et ces violences
exercées à l'égard des chefs, on peut juger de ce qu'avoient à
souffrir les ministres inférieurs. Ils continuoient d'être accablés de
dénonciations et de décrets; on les traînoit devant les tribunaux, où
ils étoient interrogés avec la dernière insolence; et les
condamnations rendues contre eux alloient souvent jusqu'à la
confiscation des biens et au bannissement perpétuel. Il ne manquoit
plus que de les envoyer à l'échafaud parce qu'ils ne vouloient pas
sacrifier aux doctrines de Jansénius, comme les magistrats romains
condamnoient aux bêtes les premiers chrétiens qui refusoient de
sacrifier aux idoles.

[Note 159: On supprima un écrit qu'il avoit publié à l'occasion d'une
feuille de la Gazette janséniste, où il avoit été calomnié; et on ne
toucha point au libelle calomniateur. (_Mém. pour servir à l'Hist.
ecclés. du dix-huitième siècle_, année 1754.)]

[Note 160: Le temporel de ces deux évêques fut saisi; et l'on vendit
deux fois les meubles de l'évêque de Nantes. (_Mém._, _ibid._, année
1754.)]

(1755) Ce n'étoit point encore assez: la bulle _Unigenitus_
embarrassoit toujours; elle étoit la sentence de mort du jansénisme,
la sanction de l'autorité pontificale, le retranchement à l'abri
duquel le clergé soutenoit encore le combat. C'étoit constamment
contre ce décret du saint siége que la faction avoit dirigé ses
attaques, même les plus détournées. Elle se crut assez forte pour
l'attaquer de nouveau en face: saisissant donc l'occasion d'un de ses
jugements les plus scandaleux, rendus pour refus de sacrements[161],
le parlement se concerta avec le procureur général pour le recevoir
_incidemment_ appelant comme d'abus de la bulle _Unigenitus_,
«considérée comme règle de foi et loi de l'État» (on en revenoit
toujours là); et il fut enjoint à tout ecclésiastique, quelle que fût
sa dignité, de se renfermer à cet égard «dans le silence général,
respectif et absolu, prescrit par la déclaration du 2 septembre 1754.»
Cet arrêt fut rendu le 18 mars de cette année, au milieu d'une
affluence extraordinaire du peuple janséniste et philosophe, qui le
couvrit de ses applaudissements. Louis XV, bien qu'entraîné déjà vers
ces idées nouvelles par cette tourbe perverse de courtisans et de
ministres dont il étoit entouré, sentit se réveiller au fond de son
coeur ce sentiment religieux qui y étoit comme enraciné, et que rien
ne put jamais détruire, et fit un nouvel effort sur sa foiblesse pour
désapprouver la conduite du parlement. Ce n'étoit plus assez pour
l'arrêter: il se plaignit hautement du roi qui avoit osé se plaindre
de lui; et continuant de marcher avec une nouvelle audace dans la
route qu'ils venoient de s'ouvrir, ces magistrats qui dénonçoient à la
France la tyrannie intolérable des enregistrements forcés, exigèrent
impérieusement de la Sorbonne qu'elle enregistrât leur arrêt, sur son
refus mandèrent le recteur et les principaux membres de cette faculté,
inscrivirent eux-mêmes l'arrêt sur leurs registres, et jusqu'à nouvel
ordre leur défendirent de s'assembler.

[Note 161: Pour avoir refusé les sacrements à un chanoine nommé
Cougnion, appelant furieux, et qui, exhorté à l'article de la mort à
revenir de ses erreurs, avoit qualifié la bulle d'_oeuvre du diable_,
le chapitre d'Orléans venoit d'être condamné à douze mille livres
d'amende; plusieurs de ses chanoines avoient été bannis à perpétuité,
et c'étoit à cette occasion que l'évêque de cette ville avoit été
dénoncé et exilé. Le parlement fit plus: il ordonna que le chapitre
fonderoit un service et feroit les frais d'un monument élevé en
l'honneur de Cougnion, lequel seroit placé dans une des églises
d'Orléans; et cet arrêt reçut son exécution. (_Mém. pour servir à
l'Hist. ecclés. du dix-huitième siècle_, année 1755.)]

L'assemblée générale du clergé s'ouvrit le 25 mai de cette année: elle
apportoit avec elle les plaintes et les gémissements de toutes les
églises de France; et résolue de remplir le grand devoir qui lui
étoit imposé, elle demande à s'aller jeter en corps aux pieds du roi.
On craignit pour Louis XV l'impression d'un semblable spectacle: elle
essuya un refus, ne put faire admettre que ses députés, et reconnut,
dès lors, que les dispositions de la cour lui étoient peu favorables.
Elle n'en dressa pas moins ses remontrances, dans lesquelles étoient
énergiquement retracées toutes ces usurpations si criantes du
parlement contre la juridiction ecclésiastique, usurpations qui
sembloient ne devoir avoir d'autre terme que l'entière destruction de
l'Église de France: on y demandoit le rétablissement de cette autorité
spirituelle qui est la première condition de son existence, justice de
tant d'arrêts iniques rendus contre ses membres par les tribunaux
séculiers, une interprétation claire et nette des déclarations rendues
relativement à la bulle et à la juridiction des évêques; et qu'enfin
les cours de justice fussent renfermées dans les justes bornes de
leurs attributions. En finissant, les prélats assemblés jetoient un
cri d'effroi sur les progrès toujours croissant de l'irréligion, qui
maintenant marchoit le front levé, nioit hautement, non pas seulement
la religion et ses dogmes, mais les futures destinées de l'homme,
l'existence même de Dieu, ébranloit ainsi l'ordre social jusque dans
ses fondements, et répandant de toutes parts le torrent de ses livres
abominables, dont quelques uns même circuloient sous le sceau
protecteur de l'autorité publique, infectoit déjà de ses poisons
jusqu'aux classes populaires. Cependant tous ne se soutinrent pas à la
hauteur courageuse de ce début: il y eut des signes de foiblesse ou de
séduction dans cette même assemblée, et des indices frappants de cette
décadence vers laquelle étoit entraînée l'Église de France par les
maximes anti-catholiques que l'on avoit jetées dans son sein, et par
cette situation précaire et sans dignité où, depuis si long-temps,
l'avoit réduite la folle arrogance du pouvoir temporel. Lorsqu'il fut
question d'établir les droits de la puissance ecclésiastique, et
spécialement dans les deux questions de la bulle _Unigenitus_,
considérée comme jugement dogmatique et irréformable de l'Église
universelle, et de l'administration ou du refus des sacrements, les
membres de l'assemblée se divisèrent: plusieurs, et ce fut
malheureusement le plus grand nombre, rejetèrent les explications
claires et positives que présentoient leurs confrères sur ces points
si importants, et dont la circonstance périlleuse où l'on se trouvoit
accroissoit encore l'importance; s'exprimèrent d'une manière foible,
équivoque, qui remettoit en question tout ce que l'on vouloit
décider, et furent accusés d'avoir trahi les devoirs de leur
ministère pour se rendre agréables à la cour, avec laquelle on les
soupçonnoit de s'être auparavant concertés[162]. Cependant la fermeté
des autres évêques en imposa à cette majorité pusillanime; et ils
obtinrent d'elle que sur ce qui avoit été statué de part et d'autre on
s'en rapporteroit à la décision du pape. Le parlement, avec lequel il
faut toujours marcher de surprise en surprise, même après tout ce que
l'on a vu de son audace et de son insolence, se montra mécontent de
cette témérité qu'avoient eue les évêques d'écrire au souverain
pontife, prétendit que de pareilles communications entre l'Église de
France et le chef de l'Église universelle «étoient de nature à
troubler la tranquillité de l'État,» et adressa à ce sujet des
remontrances. Louis XV, qui n'avoit fait que des réponses évasives aux
représentations de l'assemblée du clergé, trouva néanmoins que cette
compagnie alloit trop loin de vouloir empêcher des évêques d'écrire
au pape; et, sans avoir égard à ses remontrances, fit partir lui-même
la lettre. Ainsi cette grande question se trouva définitivement
soumise au jugement doctrinal du Saint-Siége.

[Note 162: À leur tête étoit le cardinal de La Rochefoucauld, devenu
ministre de la feuille des bénéfices depuis la mort de M. Boyer.
Dix-sept évêques et vingt-deux députés du second ordre signèrent après
lui les dix articles qui composoient cette déclaration équivoque;
l'autre, composée seulement de huit articles, fut signée par seize
évêques et dix députés. Neuf évêques, qui n'étoient pas de
l'assemblée, adhérèrent aux huit articles. (_Voyez_ les procès-verbaux
des assemblées du clergé de France, t. 8, première partie, in-folio,
p. 555.)]

(1756) Voici de nouvelles violences du parlement; et même, en
sévissant contre lui, le prince va donner de nouveaux signes de son
incurable foiblesse. Le 16 octobre de cette année, Benoît XIV donna
son bref _Ex omnibus_, adressé aux membres de la dernière assemblée.
Cette pièce, écrite avec toute la modération qu'exigeoient des
circonstances aussi périlleuses, n'en établissoit pas moins, avec
précision et fermeté, les vrais principes de la foi: la bulle
_Unigenitus_ y étoit présentée de nouveau «comme une loi de l'Église,
à laquelle nul fidèle ne pouvoit se soustraire;» et il en sortoit
cette conséquence «que tout réfractaire se déclarant par cela même
pécheur public et notoire, ne pouvoit être admis à la communion de
l'Église.» Ainsi se trouvoient non seulement justifiés, mais encore
_ordonnés_ ces refus de sacrements, prétexte de toutes les violences
exercées contre le clergé par les magistrats. Peu de temps avant que
ce bref fût parvenu en France, ils venoient de se livrer à de
nouvelles persécutions contre l'archevêque de Paris, en présidant
eux-mêmes, sur le refus qu'il en avoit fait et contre les droits de
l'Ordinaire, à l'élection d'une supérieure dans un couvent de
religieuses réfractaires; et une instruction de ce prélat vénérable,
dans laquelle, s'adressant à son troupeau, il lui parloit, avec sa
force accoutumée, de l'autorité de l'Église, de l'enseignement de la
foi, de la soumission à la bulle, de ces droits des premiers pasteurs
de tout temps reconnus et pour la première fois si témérairement
contestés, avoit été supprimée par la chambre des vacations, et, sur
un arrêt des juges du Châtelet, brûlée par la main du bourreau[163].
Un rescrit du pape leur en imposoit peut-être moins encore: ils
supprimèrent celui de Benoît XIV, dès qu'ils en eurent connoissance;
jetèrent de nouveaux cris sur les entreprises du Saint-Siége, et, dans
l'espace de peu de jours, fatiguèrent le roi de sept ou huit
députations, accompagnées de dénonciations virulentes contre les
évêques, et particulièrement contre l'archevêque de Paris, les
signalant comme des factieux «dont les excès étoient portés à un degré
si _effrayant_, qu'il n'y avoit que l'exercice le _plus absolu_ de
l'autorité royale qui pût prévenir les maux funestes, les dissensions
civiles et les orages dont la France étoit menacée.»

[Note 163: Tel étoit l'état d'oppression auquel étoit alors réduit le
clergé de France, que la Sorbonne, ayant formé le dessein d'adhérer au
mandement de son archevêque, M. de Beaumont crut devoir lui-même
engager ses docteurs à s'abstenir d'une démarche publique qu'il ne
jugeoit pas absolument nécessaire, et dont l'effet eût été d'attirer
sur eux la vengeance et les persécutions de ces juges passionnés.
(_Mém. pour servir à l'Hist. ecclés. du dix-huitième siècle_, année
1756.)]

Cependant la cour commençoit à s'alarmer: le savant équilibre qu'elle
s'étoit flattée de maintenir entre le clergé et le parlement, et à la
faveur duquel elle comptoit les dominer tous les deux, commençoit trop
visiblement à se rompre. Ce n'étoit plus seulement l'Église que la
magistrature attaquoit: endoctrinée par les Jansénistes, et déjà
exercée à leur tactique, elle attaquoit aussi le pouvoir royal, chaque
fois qu'elle y rencontroit quelque obstacle à ses desseins. Cette
ligue que les séductions du parlement de Paris avoient commencé à
former avec les parlements de province, qu'il prétendoit ne faire avec
lui qu'un parlement _unique_ réparti en diverses classes[164], les
maximes anarchiques de la souveraineté du peuple, d'un contrat
primitif entre le prince et les sujets, que professoient hautement
les publicistes philosophes, et qui, des écrits de ces sophistes,
avoient plusieurs fois passé dans ses arrêts et dans ses ordonnances,
déplaisoient plus encore au ministre que l'exil des évêques et
l'emprisonnement ou le bannissement des curés. Une insulte faite au
pape blessoit personnellement un prince qui, nous le répétons, au sein
de ces honteux désordres auxquels il n'avoit pas la force de
s'arracher, conservoit au fond de son âme une foi profondément
enracinée, et sut la conserver jusqu'au dernier moment; les plaintes
du clergé retentissoient douloureusement à ses oreilles, et il
trouvoit, dans sa propre famille, des anges de piété qui le
sollicitoient de sortir des voies dans lesquelles on l'avoit engagé.
Ses ministres se trouvant donc d'accord avec lui sur la nécessité
d'arrêter les prétentions et les entreprises du parlement, il fut
décidé qu'on y emploieroit des moyens plus efficaces.

[Note 164: Le parlement de Paris devoit être le chef de cette
association, sous le titre de _première classe_, ou de _parlement
métropolitain_. C'étoit un premier pas pour constituer les cours de
justice en assemblées représentatives et permanentes de la nation. On
voit que les meneurs de ces corps visoient au grand, et possédoient à
un très haut degré l'instinct des révolutions modernes.]

Mais le temps étoit passé où une seule parole de Louis XIV faisoit
rentrer dans la poussière ces gens de robe, tour à tour et suivant les
circonstances, si humbles et si hautains; on n'avoit même personne,
dans le conseil du roi, que l'on pût, pour la position ou pour le
caractère, comparer à un Dubois, capable, dans ses brutalités, de
prendre une résolution vigoureuse, et de monter son maître au degré
d'énergie qu'il falloit pour l'exécuter; et les choses étoient bien
autrement avancées que sous le cardinal de Fleuri. Dans cette
dégradation profonde où la cour étoit tombée, elle avisa donc, autant
qu'il étoit en elle et que le lui permettoit la peur que lui faisoient
les parlementaires, aux moyens de rétablir entre le clergé et le
parlement cet équilibre que tant d'essais malheureux ne pouvoient la
déterminer à abandonner, parce qu'elle y voyoit toujours la garantie
du despotisme mesquin qu'elle s'obstinoit à exercer sur l'un et sur
l'autre, et prit en conséquence une de ces demi-mesures conciliatrices
dont l'effet immanquable est de mécontenter tous les partis. Il parut,
le 10 décembre de cette année, une déclaration du roi, qui «ordonnoit
le _respect_ et la _soumission_ pour la bulle _Unigenitus_, sans qu'on
pût toutefois lui attribuer _le nom, les effets et le caractère de
règle de foi_[165].»Elle autorisoit, à la vérité, les évêques à
continuer leurs enseignements aux fidèles, mais leur recommandoit en
même temps de ne point «troubler la paix.» Les juges séculiers ne
devoient plus se mêler des sacrements: les prêtres auroient désormais
le droit de les refuser sans être exposés aux poursuites des
tribunaux, mais seulement «à l'égard des personnes contre lesquelles
des jugements auroient été rendus, des censures exercées, ou qui se
seroient elles-mêmes déclarées réfractaires;» on défendoit prudemment
les _interrogations indiscrètes_. (Ainsi le parlement avoit statué sur
la validité des confessions, et le roi statuoit sur la manière de
confesser.) Enfin tout ce qui s'étoit passé à l'occasion des derniers
troubles étoit considéré comme non avenu; toutes sentences et
procédures étoient annulées; chacun rentroit dans sa situation
première: on n'offroit pas d'autre dédommagement à ceux qui avoient
été bannis, dépouillés, emprisonnés; et l'on espéroit de toutes ces
foiblesses une paix durable et un accord parfait. À la vérité, pour
consolider l'édifice de cette paix, la cour essaya de se montrer un
peu plus hardie: on joignit à cette déclaration deux lois, l'une qui
supprimoit deux chambres des enquêtes, l'autre qui régloit la
discipline des chambres, et dont l'objet étoit de rendre les réunions
des magistrats plus difficiles, de leur ôter ainsi le moyen
d'interrompre à tout moment le cours de la justice, et d'abandonner
leur rôle de juges pour jouer celui de factieux; puis, armé de ces
trois pièces, le roi alla, le 15 décembre, tenir un lit de justice,
où il en ordonna l'enregistrement. Or la difficulté n'étoit pas
d'avoir fabriqué de semblables lois, mais maintenant de les faire
accepter et exécuter. À peine la séance royale étoit-elle levée, qu'un
soulèvement général des magistrats éclata et contre les lois et contre
la déclaration. «De telles mesures ne tendoient pas moins,
s'écrioit-on de toutes parts, qu'à bouleverser l'État.» Il falloit de
leur côté frapper un grand coup et faire peur à qui avoit voulu les
effrayer: tous se concertèrent pour donner à la fois leur démission,
se rappelant que ce moyen leur avoit déjà réussi. La majorité de la
grand'chambre demeura seule en place, soit qu'elle ne voulût point
suivre ce parti, soit que les meneurs du parlement jugeassent qu'il
n'eût pas été prudent d'effacer ainsi jusqu'aux dernières traces de
son existence.

[Note 165: C'étoit non seulement se mettre en opposition avec les
décisions doctrinales du Saint-Siége, mais encore avec ses propres
arrêts; car celui qu'il avoit rendu, le 19 avril 1752, disoit
positivement le contraire. (_Voyez_ p. 244.)]

(1757) Peu de jours après, le 5 janvier de cette année, Louis XV fut
assassiné: l'assassin étoit un homme de la dernière classe du peuple,
nommé Damiens; il prouva qu'il auroit pu tuer le roi s'il l'avoit
voulu, et que son intention avoit été seulement de le blesser «pour
lui donner,» disoit-il, un utile avertissement qui le portât à écouter
les représentations de son parlement, et à prendre le parti de son
peuple qui périssoit[166]. «Si l'on avoit coupé la tête à trois ou
quatre évêques, ajoutoit-il, cela ne seroit point arrivé[167].» Il
écrivit une lettre au roi, dans laquelle il l'invitoit «à ne pas avoir
tant de bonté pour les ecclésiastiques, à ordonner qu'on donnât les
sacrements à l'article de la mort, sans quoi _sa vie n'étoit pas en
sûreté_[168].» Il lui enjoignoit de rétablir son parlement et de ne
plus l'inquiéter, affirmant «qu'il n'a eu d'autre objet, dans le
malheureux coup qu'il a fait, que de contribuer _aux peines et soins_
du parlement qui soutient la _religion de l'État_[169].» Cet homme
avoit servi, vingt ans auparavant, chez les jésuites, et en avoit été
deux fois chassé: on espéra tirer parti de cet incident contre la
compagnie; mais il déclara formellement «_qu'il haïssoit la façon de
penser des jésuites_, et que s'il avoit vécu chez eux, c'étoit par
politique et pour avoir du pain[170]. Il déclara encore «qu'il avoit
conçu son projet dans les temps où il passoit des nuits dans les
salles du Palais à attendre la fin des délibérations qui s'y
faisoient, et lorsqu'il a vu le peu d'égards que le roi avoit pour
les représentations de son parlement[171]. «L'instruction prouva qu'il
avoit successivement servi chez quatre conseillers au parlement, et
dans le temps de la plus grande effervescence de cette compagnie;
qu'il étoit très assidu dans la grande salle, point de réunion des
factieux à la suite du parlement; que, dans ces rassemblements
tumultueux, sa tête s'étoit échauffée aux vociférations qui
retentissoient de toutes parts contre le clergé, contre l'archevêque
de Paris, et dans lesquelles «le roi lui-même n'étoit point
épargné[172];» il avoit entendu dire, dans le palais, «que c'était une
oeuvre méritoire de le tuer[173].» Enfin toute la procédure, depuis le
commencement jusqu'à la fin, ne montra dans cet homme qu'un malheureux
que les doctrines parlementaires et ses rapports continuels avec les
partisans de ces doctrines avoient fanatisé; et les juges qui
l'interrogèrent et le condamnèrent furent convaincus, par ses aveux et
ses déclarations, de lui avoir mis eux-mêmes le poignard à la
main[174]. Il fut exécuté le 28 mars: nous épargnons à nos lecteurs le
détail des horreurs de son supplice.

[Note 166: Pièces originales et procédures du procès fait à Damiens,
t. 2, p. 25.]

[Note 167: Pièces originales et procédures du procès fait à Damiens,
t. I, p. 151.]

[Note 168: Lettre de Damiens au roi.]

[Note 169: Pièces originales, etc., t. 2, p. 36.]

[Note 170: _Ibid._, t. 2, p. 137.]

[Note 171: Pièces originales et procédures du procès fait à Damiens,
t. 3, p. 168.]

[Note 172: _Ibid._, t. 3, p. 310, 311.]

[Note 173: _Ibid._]

[Note 174: Cependant, malgré ces aveux et ces déclarations qui les
accabloient, les parlementaires essayèrent de faire considérer Damiens
comme un émissaire des jésuites, soutenant, avec leur audace et leur
logique accoutumées, qu'il n'avoit pu prendre qu'à leur service de ces
leçons de régicide, qu'ils donnoient publiquement, comme tout le monde
sait, jusque dans leurs cuisines et dans les loges de leurs portiers;
ils rappelèrent que c'étoient les jésuites qui avoient endoctriné Jean
Châtel[174-A] et Ravaillac, ce que le parlement avoit déjà démontré,
comme Pascal et Arnaud démontroient qu'ils étoient des professeurs de
débauche, des voleurs, des empoisonneurs, des simoniaques, des
sacriléges, etc. Les arguments avec lesquels on rétorqua contre eux
cette accusation étoient d'une autre force; et cette terreur que le
parlement inspira, dès ce moment, à Louis XV, et dont nous allons
parler, ne fut pas le moins décisif.]

[Note 174-A: Sur l'attentat de Jean Châtel, _voyez_ le tome 1 de cet
ouvrage, première partie, p. 228.]

Cet événement fit une impression profonde sur Louis XV; mais ce fut
d'une terreur pusillanime qu'il le pénétra; et loin de nuire au
parlement, à qui, sous un roi tel que Louis XIV, les révélations de
Damiens eussent porté un dernier coup, l'effet qu'il produisit fut de
déterminer ce déplorable prince à user de ménagements encore plus
grands à l'égard d'un corps qui avoit des partisans assez affectionnés
pour tuer, au besoin, les rois qui pouvoient lui être importuns. Cette
terreur ne le quitta plus jusqu'à la fin; et nous verrons jusqu'à quel
point la cabale des novateurs sut la faire servir à ses desseins. Il
fut donc plus facile que jamais aux amis du parlement d'ouvrir en
faveur de cette compagnie des négociations qui eurent tout le succès
qu'elle pouvoit désirer. La grand'chambre commença, avant toutes
choses, par enregistrer la déclaration du 10 décembre précédent.
Satisfait de cet acte de condescendance, le roi rendit les démissions
aux magistrats qui les avoient données; on rappela ceux qu'on avoit
exilés, et les évêques condamnés revinrent aussi de leur exil. Ceci
fait, le parlement recommença tranquillement ses persécutions contre
l'archevêque de Paris, dont la fermeté inébranlable l'irritoit par
dessus tout; et en raison de cette paix que la déclaration et son
enregistrement avoient cimentée, il eut, dès l'année suivante, le
crédit de faire exiler son premier pasteur jusqu'au fond du
Périgord[175]. Toutefois, jusqu'aux nouveaux orages qui ne tardèrent
point à éclater, et qui furent pour l'Église de France une atteinte
plus cruelle et plus funeste qu'aucune de celles qu'elle avoit reçues,
ce qui se passa alors peut être considéré comme une espèce de trève,
les factieux ayant jugé qu'il étoit de leur politique de modérer leurs
coups, afin de les porter plus sûrement. Une autre guerre venoit de
commencer; et reprenant le récit, un moment interrompu, du
gouvernement intérieur de la France et de la politique extérieure de
son cabinet, nous allons y voir reparoître, sous de nouveaux aspects,
tous les symptômes de destruction dont nous venons d'être épouvantés.

[Note 175: Les affaires ecclésiastiques furent alors confiées à M. de
Jarente, évêque d'Orléans, qui, dans cette fin du dix-huitième siècle,
a acquis une si honteuse célébrité. Sous son administration, la
faculté de théologie, que le parlement tenoit, depuis plusieurs
années, sous son joug tyrannique, fut en butte aux plus indignes
traitements, et privée de plusieurs de ses membres les plus éclairés
et les plus courageux.]

(1756-1763) Il faut bien le dire, cette prospérité matérielle que les
profonds penseurs de nos jours ont en si grande estime, et qu'ils
considèrent à peu près comme le seul principe vital des États, s'étoit
accrue, dans cette belle France, au milieu de cette dissolution
sociale qu'y préparoient un despotisme idiot et une démagogie
insensée. Le commerce extérieur surtout, et nous ne parlerons ici que
de cette branche de ses ressources industrielles, avoit pris de grands
accroissements: la France faisoit presque exclusivement celui du
Levant; dans les Indes occidentales, aucune colonie ne pouvoit être
comparée à la partie françoise de Saint-Domingue pour la richesse et
la fertilité; ses autres colonies des Antilles, ses possessions
immenses dans le Canada, prenoient chaque jour de nouveaux
développements, et les factoreries qu'elle avoit créées en Afrique, et
particulièrement sur les côtes du Sénégal, contribuoient à faire
fleurir tous ces établissements. Dans l'Inde, les divisions de Dupleix
et de La Bourdonnaie avoient un moment compromis l'existence encore
mal affermie de ses comptoirs; mais, demeuré vainqueur d'un rival de
talent et de gloire dont il avoit été bassement jaloux et que des
intrigues de bureaux lui avoient sacrifié, Dupleix, tandis que La
Bourdonnaie expioit à la Bastille les services inappréciables qu'il
avoit rendus à son pays, se montroit du moins digne de le remplacer
par son activité, son courage, les grandes vues qu'il déployoit dans
son administration. Habile à profiter des divisions des nababs dont la
colonie françoise étoit entourée, il faisoit payer chèrement ses
secours à ceux de ces petits princes qu'il étoit de son intérêt de
favoriser, et le territoire de Pondichéry s'agrandissoit
considérablement des concessions qu'il les obligeoit de lui faire. Il
n'est pas besoin de dire que les Anglois voyoient d'un oeil cupide et
jaloux, et cette prospérité de nos établissements dans l'Inde plus
grande que la leur, et cet état florissant de nos colonies
occidentales, et surtout ces milliers de vaisseaux qui, sortant sans
cesse de nos ports et parcourant toutes les mers du levant et du
couchant, nous formoient ainsi une race nombreuse de marins bientôt
capable de leur disputer l'empire de ces mers, et menaçant ainsi
l'existence d'un système de gouvernement dont cette suprématie
maritime étoit l'unique base, et qui crouloit sur lui-même, si elle
leur étoit enlevée. Attentifs à tout ce qui se passoit, et suivant en
ceci la politique profondément perverse des Romains, qui décidoient
qu'un peuple et qu'un royaume ne devoient plus subsister, dès que son
existence étoit de nature à inquiéter la république, les chefs de
l'aristocratie angloise reconnurent qu'il étoit temps encore de
détruire cette rivalité renaissante de la France dont ils étoient
alarmés; d'assurer, en frappant quelque grand coup, cette supériorité
navale, qui, quelques années plus tard, pouvoit leur être enlevée; et
la guerre fut résolue dans leur cabinet.

Comme il ne s'agissoit point, dans une semblable résolution, du juste
ou de l'injuste, mais tout simplement d'un intérêt que ce cabinet
machiavélique considéroit comme le premier intérêt de sa nation, tous
les moyens semblèrent bons pour en assurer le succès. Si l'on en croit
les récits les plus dignes de foi, les Anglois commencèrent les
hostilités par un assassinat sur les limites du Canada[176], se
plaignirent hautement des justes représailles qui, dans cette
occasion, furent exercées contre eux, comme d'une disposition
menaçante à l'égard de leurs possessions dans le nord de l'Amérique;
et, afin de rendre incontestable le droit qu'il avoit de faire la
guerre à la France, prirent des mesures à peu près immanquables pour
l'empêcher de pouvoir la soutenir, en faisant sortir traîtreusement de
leurs ports toutes leurs flottes, lui enlevant en pleine paix trois
cents navires marchands, et ce qui étoit pour eux une capture bien
autrement précieuse, dix mille matelots qui en formoient les
équipages; écrasant ainsi à la fois son commerce et sa marine, avant
qu'elle eût même songé à se mettre en défense. C'étoit encore là un de
ces traits de politique romaine dont il y avoit peu d'exemples parmi
les peuples de la chrétienté, même dans leurs siècles les plus
barbares. Tandis que ce projet se préparoit et s'exécutoit, le cabinet
de Versailles, constant dans ces traditions de complaisance et de
déférence[177] pour les Anglois, qui avoient été créées sous la
régence, laissoit dans l'Inde Dupleix sans secours, de crainte de leur
causer de l'ombrage, et lui faisoit perdre ainsi, à leur profit, tout
le fruit de ses victoires et de ses négociations; puis, sur l'affaire
du Canada, il se berçoit niaisement des vaines paroles dont ces
astucieux diplomates, en attendant que leur brigandage eût eu son
plein et entier effet, amusoient la crédulité de l'ambassadeur le plus
malhabile que ce cabinet malavisé leur eût jamais envoyé[178].

[Note 176: Un officier, nommé Jumonville, avoit été envoyé vers eux en
négociateur, à l'occasion de quelques différents que la construction
d'un fort sur le territoire françois avoit élevés entre les
gouverneurs des établissements limitrophes. Ils le reçurent en cette
qualité, et, tandis qu'il exposoit le sujet de sa mission, se jetèrent
sur lui, le massacrèrent, et, avec lui, huit soldats de son escorte;
les autres furent faits prisonniers.]

[Note 177: Cette complaisance, il l'avoit poussée jusqu'à violer, à
l'égard du prince Édouard, les droits du malheur et de l'hospitalité,
en lui signifiant, sur la demande ou plutôt sur l'injonction du
cabinet de Londres, de quitter sans délai le territoire françois. Le
prince refusa, décidé, disoit-il, à ne céder qu'à la force. On
l'employa contre lui: il fut enlevé comme il entroit à l'Opéra, jeté
dans une chaise de poste et conduit à Vincennes. Trois jours après, il
sortit de France. (Ceci étoit arrivé en 1748.)]

[Note 178: Le maréchal de Mirepoix.]

Cependant les ministres de Prusse et d'Autriche, qui n'avoient pas la
vue si courte que les nôtres, avoient déjà reconnu que la guerre entre
la France et l'Angleterre étoit inévitable, et manoeuvroient en
conséquence avec notre ministère. Le comte de Kaunitz, alors ambassadeur
de Marie-Thérèse auprès de Louis XV, appréciant la portée de nos
diplomates, conçut le projet hardi de changer la politique de la France,
de rompre l'équilibre établi par la paix d'Aix-la-Chapelle[179],
d'alliée qu'elle étoit du roi de Prusse d'en faire son ennemie, et de
trouver, dans cette espèce de perturbation des rapports et des intérêts,
quelques chances pour reconquérir la Silésie, continuel objet des
regrets de Marie-Thérèse, et source de ses ressentiments contre un
prince qui, sans doute, l'en avoit très injustement dépouillée. De son
côté, Frédéric demandoit à rester dans notre alliance, et offroit le
secours efficace de ses excellentes armées et de ses incomparables
talents militaires pour contenir l'Autriche, en cas qu'elle voulût faire
cause commune avec l'Angleterre, et agir hostilement sur le continent.
Ce qu'il demandoit étoit l'ancien système de politique extérieure de la
France, depuis que, dans les rapports des puissances chrétiennes entre
elles, tout avoit été réduit aux intérêts purement matériels; et c'étoit
indubitablement le meilleur à suivre dans cette circonstance, car il ne
sembloit pas probable que, la France se montrant disposée à conserver
la paix sur le continent, l'Autriche eût hasardé de commencer la guerre
en présence des armées du roi de Prusse, soutenues d'une alliance si
redoutable; et alors tous les efforts du gouvernement se portoient vers
la guerre maritime, avec l'espoir fondé d'y rétablir cette parité de
forces que venoit de rompre la perfide agression de l'Angleterre. Mais
la maîtresse du roi avoit à se plaindre du héros prussien, dont l'esprit
caustique lui avoit lancé, de Berlin à Versailles, quelques sanglantes
épigrammes. Ce n'étoit pas tout: une correspondance à laquelle Kaunitz
avoit eu l'adresse de faire descendre la fille des Césars avec cette
impudente courtisane, et dans laquelle la raison d'État, beau nom dont
on a coutume de couvrir les fautes et les turpitudes des princes,
l'avoit fait se dégrader jusqu'à prodiguer à cette femme ces expressions
affectueuses qu'on n'accorde qu'à l'intimité et aux affections les plus
familières, avoit produit un effet plus sûr que les intrigues et les
négociations des cabinets. La tête tourna à Mme de Pompadour de se voir
en un commerce réglé de lettres amicales avec une grande souveraine; et
Marie-Thérèse put tout obtenir de cette vanité bourgeoise, qu'elle avoit
su satisfaire aux dépens de sa franchise et de sa dignité. Dès ce
moment, la favorite n'eut plus qu'une pensée, qui fut d'allier la
France à l'Autriche dans une guerre continentale; c'étoit la moindre
chose qu'elle pût faire pour une impératrice-reine qui lui écrivoit de
petits billets et qui l'appeloit son _amie_.

[Note 179: Alors l'Europe chrétienne, dit Voltaire, se trouva partagée
entre deux grands partis qui se ménageoient l'un l'autre, et qui
soutenoient chacun de leur côté cette balance: les États de
l'impératrice, reine de Hongrie, et une partie de l'Allemagne, la
Russie, l'Angleterre, la Hollande, la Sardaigne, composoient une de
ces grandes factions; l'autre étoit formée par la France, l'Espagne,
les Deux-Siciles, la Prusse, la Suède. Toutes les puissances restèrent
armées; et on espéra un repos durable, par la crainte même que les
deux moitiés de l'Europe sembloient inspirer l'une à l'autre. (_Précis
du Siècle de Louis XV_, ch. XXX.)]

Cependant ce projet d'alliance étoit discuté dans le conseil où sa
domination n'étoit pas encore aussi souverainement établie qu'elle le
fut depuis, et où le ministérialisme, très concentré sous la régence
et sous le cardinal de Fleuri, avoit fini, grâce à l'incurable
foiblesse du prince, par dégénérer en une sorte d'anarchie
oligarchique; chaque secrétaire d'État s'étant fait maître absolu dans
son département, n'étendant pas ses vues au delà des intérêts et des
affaires qui en dépendoient, y rapportant tout, et pour les soutenir,
se mettant en état d'hostilité contre ses collègues, au risque de
compromettre la fortune et le salut même de l'État. D'Argenson,
ministre de la guerre, de qui Duclos lui-même rend ce témoignage
«qu'il étoit dégagé de tout principe moral, et que le bien et le mal
lui étoient indifférents,» auroit voulu armer sur terre la France
entière, et réduire ainsi le ministère de la marine à la nullité la
plus absolue. Machault, qui ne valoit pas mieux que lui, dirigeoit
alors ce département, auquel il avoit tout refusé lorsque Maurepas en
étoit le chef, et qu'il étoit, lui, contrôleur général; et ministre
de la marine, il prétendoit, au contraire, que la guerre maritime
étoit la seule qu'il fût à propos de faire, conseilloit d'abandonner
tout projet hostile sur le continent, de chercher plutôt, dans une
alliance offensive avec l'Espagne, des moyens de réprimer la nation
ambitieuse qui menaçoit également l'une et l'autre puissance; et
l'intérêt qui le faisoit parler étoit ici d'accord avec le bon sens.
Toutefois il ne soutenoit pas cet avis, qui étoit incontestablement le
meilleur, aussi fortement qu'il l'auroit fallu, parce qu'il craignoit
de mécontenter Mme de Pompadour, dont il étoit la créature; étant déjà
alarmé de voir l'abbé de Bernis, homme de cour très agréable et homme
d'église fort scandaleux, s'insinuer dans les bonnes grâces de la
favorite, travailler par ses soins et ses flatteries à la dégoûter de
l'inepte Rouillé, qu'elle-même avoit placé aux affaires étrangères, et
à peu près sûr de le supplanter, tendre à s'emparer exclusivement de
sa confiance et de celle du roi. Quant au contrôleur des finances, qui
étoit alors Hérault de Séchelles, uniquement occupé du soin de
s'enrichir lui et ses créatures, et servilement aux ordres de la
marquise, il vaut à peine l'honneur d'être nommé.

D'Argenson, Machault et Bernis dirigeoient donc les affaires sous
l'influence de Mme de Pompadour, qui elle-même dirigeoit Louis XV à
son gré. Les Mémoires du temps leur accordent des talents et de la
capacité, ce qui ne peut être considéré comme vrai que par rapport à
ceux qui les remplacèrent. C'étoit entre ces divers personnages que la
question de la guerre continentale étoit principalement débattue: le
roi, que l'imprudent Frédéric n'avoit point épargné dans ses
épigrammes, y étoit porté par le ressentiment qu'il en avoit gardé,
par une sorte d'antipathie qu'au sein de ses désordres il éprouvoit
pour un prince irréligieux jusqu'à l'impiété déclarée; et à ces motifs
purement personnels se joignoit la pensée de former une alliance
catholique qui pût balancer le parti protestant déjà prépondérant en
Europe[180], pensée qui eût été sublime dans un autre temps, qui alors
étoit presque ridicule. La marquise étoit entraînée par engouement et
surtout par sa vanité à la fois satisfaite et blessée. Sur deux
ministres influents, il y en avoit un qui vouloit la guerre de toutes
ses forces, l'autre osoit à peine s'y opposer; le contrôleur général
étoit de l'avis de la favorite. Autour du ministère se pressoient ceux
qui espéroient jouer un rôle sur ce nouveau théâtre, le comte
d'Estrées, le prince de Soubise, le duc de Richelieu et plusieurs
autres. L'abbé de Bernis, que le roi aimoit, que la marquise
protégeoit, qui se voyoit sur le point d'entrer au conseil, n'eut donc
pas le généreux courage de combattre un projet de guerre
qu'intérieurement il désapprouvoit, et donna la mesure de son
caractère et de sa probité politique, en se chargeant de négocier avec
l'ambassadeur d'Autriche le traité qui devoit la faire éclater.

[Note 180: DUCLOS, _Mém. secrets_, t. 2, p. 299.]

Or toutes ces choses se passoient, tandis que ce même ministère,
composé de semblables hommes, luttoit si misérablement contre le
parlement, et ne se soutenoit dans cette lutte qu'en lui sacrifiant
journellement quelques dépouilles de l'Église de France, comme une
proie à dévorer. Le traité entre la France et l'Autriche fut signé, à
Versailles, le 1er mai 1756. Cependant, cette même année, la guerre
s'étoit ouverte avec les Anglois, sous les auspices les plus
favorables: l'escadre françoise, commandée par La Galissonnière, avoit
battu et dispersé l'escadre angloise que commandoit l'amiral Bing; et
la prise de l'île de Minorque, et de la forteresse de Mahon qui suivit
cette victoire navale, étoit un fait d'armes brillant qui donnoit au
maréchal de Richelieu les apparences d'un général heureux, brave et
expérimenté[181]. Ces premiers succès enivrèrent les fauteurs de la
guerre; et cet enivrement fut d'autant plus fatal, qu'ils ne
s'arrêtèrent plus dans leurs espérances.

[Note 181: «On a prétendu, dit Duclos, que l'attaque du fort
Saint-Philippe, à Mahon, étoit une entreprise folle. Il est vrai qu'on
ne s'y fût peut-être pas engagé, si on l'eût connu exactement: on
s'étoit déterminé sur un plan fourni par l'Espagne; mais on ignoroit
l'état de la place depuis que les Anglois la possédoient, et il n'y
eut que l'intrépidité du soldat françois qui suppléa à tout.» (DUCLOS,
_Mém. secrets_, t. 2, p. 310.)]

Le roi de Prusse, au contraire, ne s'aveugloit point sur sa situation;
et bien instruit des dispositions et de la prépondérance de la coterie
qui manoeuvroit contre lui à la cour de France, il avoit prudemment
jugé que ce seroit agraver cette position périlleuse que de rester
seul à la merci de hautes parties contractantes. Il connoissoit trop
bien l'Autriche pour ne pas avoir deviné où elle en vouloit venir en
négociant avec la France un traité d'alliance et de neutralité dans la
guerre de cette puissance avec l'Angleterre, traité par lequel elle
s'engageoit à garantir et à défendre en Europe tous les États du
monarque françois, que personne n'attaquoit ni ne pouvoit attaquer;
tandis qu'elle s'y faisoit garantir les siens, non sur les bases du
traité d'Aix-la-Chapelle, mais selon l'ordre établi par la
Pragmatique-sanction[182], clause qui le menaçoit directement dans la
possession usurpée de la Silésie. Aussi cette convention n'étoit pas
encore signée, qu'il avoit pris le seul parti qu'il lui fût possible
de prendre, en signant le premier un traité d'alliance avec le roi
d'Angleterre. Cependant des négociations actives, entamées avec tous
les cabinets de l'Europe et conduites avec adresse pas l'abbé de
Bernis, fortifioient le traité de Versailles de l'alliance de la
Russie et de la Suède; la Bavière, le Palatinat et le Wirtemberg y
avoient accédé; la diète de l'Empire refusa son assistance au roi de
Prusse, et la Hollande confirma sa neutralité. Ainsi l'Europe presque
entière s'ébranloit sur ses fondements pour faire rendre un petit coin
de terre à l'Autriche, à cette Autriche contre laquelle, quelques
années auparavant, cette même Europe s'étoit également armée dans le
dessein de la dépouiller de tous ses États; et c'étoit la France qui
provoquoit de nouveau cet ébranlement général, n'ayant rien à réclamer
pour elle, ne prétendant à aucune conquête, n'ayant nulle appréhension
d'être entamée dans la moindre partie de son territoire. Certes,
c'étoit là de la démence; et cette démence semble encore plus
caractérisée, lorsque l'on considère que cette confédération si
formidable n'étoit formée que pour avoir raison d'un des plus petits
royaumes de l'Europe. Les plus simples notions des intérêts grossiers
dont se composoit alors la politique moderne y étoient renversées; et
tout ceci semble à peine croyable. Ce qui va suivre est plus
incroyable encore.

[Note 182: _Voyez_ p. 107, 108 et 151 de cette deuxième partie.]

Jamais souverain ne s'étoit vu dans de plus grandes extrémités que le
roi de Prusse: ses ennemis se présentoient à lui sur tous les points;
mais aussi il ne se rencontra jamais sur le trône un génie plus propre
que le sien à lutter contre une pareille situation, à montrer ce que
peuvent opérer de prodiges un pouvoir absolu sur des peuples façonnés
à l'obéissance, une force de volonté que rien ne peut ébranler, et une
capacité militaire en état de tout entreprendre et même de tout
hasarder, parce qu'elle n'est comptable qu'à elle-même de ses revers
et de ses succès[183]. Son coup d'oeil perçant lui fit voir avec la
rapidité de l'éclair ce qu'il avoit à faire: c'étoit d'attaquer avant
qu'on eût pu se réunir pour l'accabler, et il le fait à l'instant
même. À la tête de ses armées si long-temps victorieuses, et entouré
de ce cortége de généraux habiles qu'il avoit formés lui-même sur les
champs de bataille, il entre brusquement en Saxe, ordonne au prince
Ferdinand de Brunswick, l'un de ses plus dignes compagnons d'armes,
d'aller s'emparer de Leipsick, marche lui-même sur Dresde, force pour
la seconde fois le roi de Pologne à sortir de la capitale de ses États
héréditaires; et tandis que celui-ci va s'enfermer avec ses meilleures
troupes dans le camp de Pyrna, vole, dans la Bohême, à la rencontre
des Autrichiens qui commençoient à s'ébranler; déclaré par la diète
ennemi de l'Empire, répond à cette déclaration en les battant à
Lokowitz, revient au blocus du camp de Pyrna, d'où le roi-électeur
s'échappe encore, abandonnant son armée qui tout entière se rend
prisonnière, et, dans sa fuite, suppliant le vainqueur de dicter les
conditions d'une paix qui lui est refusée. Frédéric ne lui accorda que
des passe-ports pour se retirer en Pologne, et combla lui-même,
dit-on, la mesure de ses mépris en lui offrant des chevaux de
poste[184].

[Note 183: Comme homme de guerre, Frédéric est, sans contredit, un des
plus grands génies qui aient paru dans le monde. Avant lui, il y avoit
eu, parmi les modernes, des hommes supérieurs dans plusieurs parties
de l'art militaire; mais on peut dire que la tactique y étoit encore à
son enfance, ou plutôt que ses principes, servilement calqués sur ceux
des anciens, étoient en contradiction avec les moyens si différents
d'attaque et de défense que l'on a depuis inventés, et que l'on
employoit sans en connoître la véritable application. Ce fut en
substituant l'ordre _mince_ à l'ordre _profond_, que cet homme
extraordinaire renversa d'un seul coup toutes les vieilles routines,
et qu'il opéra principalement ces prodiges qui frappèrent son siècle
d'étonnement et d'admiration, et lui ont valu une si grande place dans
la postérité. Buonaparte, qui avoit aussi le génie militaire, et qui
se trouvoit, de même que le roi de Prusse, dans une position
indépendante, a fait en ce genre de grandes choses, pour avoir su
imiter en plusieurs points un si habile maître, avec cette différence
qu'il n'a rang qu'à une distance considérable de son modèle, non
seulement par cette qualité d'imitateur, mais encore parce qu'il a
opéré avec des moyens immenses, tandis que Frédéric luttoit contre
l'Europe entière avec les foibles ressources de son petit État. Il est
hors de doute que là où le héros prussien s'est sauvé, Buonaparte
auroit mille fois péri.]

[Note 184: La reine de Pologne montra plus de caractère que son mari;
elle ne voulut jamais sortir de Dresde, et y mourut bientôt,
succombant à ses chagrins et aux duretés qu'elle eut à essuyer de la
part du vainqueur.]

Ces succès extraordinaires et inattendus du roi de Prusse n'eurent
d'autre effet que de conduire plus promptement l'Autriche au but
qu'elle vouloit atteindre. Mme de Pompadour accueillit sur-le-champ la
demande que fit son _amie_, l'impératrice-reine, de rendre offensive
cette alliance, stipulée seulement comme défensive dans le traité de
Versailles; et le roi, ainsi que tous ses ministres, bon gré mal gré,
se rangèrent encore à cet avis, car elle étoit alors maîtresse
souveraine des délibérations du cabinet. Ceci fait, et la question se
réduisant désormais à tracer des plans de campagne et à administrer
les armées de terre et de mer, la favorite fit renvoyer du ministère
les deux hommes qui seuls se fussent montrés capables dans
l'administration de la marine et de la guerre, Machault et
d'Argenson[185], et les remplaça par deux autres qu'elle choisit,
comme à plaisir, parmi les plus ineptes, Paulmy et Moras. Ce fut sous
ces heureux auspices que s'ouvrit la campagne de 1757.

[Note 185: Dans le premier effroi que lui avoit causé la blessure que
lui avoit faite Damiens, Louis XV avoit senti renaître, comme dans sa
maladie de Metz, ses remords et ses sentiments religieux, et avoit
ordonné qu'on renvoyât madame de Pompadour. Machault, non moins
alarmé, mais par un motif bien différent, s'étoit, à l'instant même,
tourné contre sa protectrice plus bassement encore qu'il ne l'avoit
adulée, et avoit voulu lui-même lui signifier l'ordre de se retirer.
On pense bien qu'elle ne pouvoit lui pardonner. Quant à d'Argenson, il
montra aussitôt pour le dauphin un empressement que Louis XV ne lui
pardonna pas davantage.]

On s'étoit ridiculement persuadé que le roi d'Angleterre, maître en
apparence de faire la paix ou la guerre, l'étoit en réalité; et que
dès qu'il verroit son électorat de Hanovre envahi, il souscriroit
cette paix à peu près aux conditions qu'il plairoit de lui imposer.
Une seule campagne suffisoit, disoit-on, pour amener cet immanquable
résultat. On ouvrit donc cette campagne en faisant marcher une armée,
à travers la Hesse et la Westphalie, vers cet électorat de Hanovre,
que défendoit le prince de Cumberland, dont l'armée, toute
hanovrienne, étoit fortifiée des troupes hessoises et brunswickoises.
L'armée françoise, dont une division étoit sous les ordres du prince
de Soubise, l'un des favoris de Mme de Pompadour, avoit pour général
en chef le maréchal d'Estrées. Tandis qu'elle marchoit en avant,
l'ennemi reculant toujours devant elle, et lui abandonnant
successivement ses places fortes et ses positions, les intrigues de
Versailles se montroient déjà plus actives que le général françois,
qui, en effet, laissoit voir de la lenteur, de l'indécision, et ne
savoit pas profiter des avantages que lui offroit cette singulière
manoeuvre du général anglois. Il hésitoit encore à attaquer celui-ci
qui, fortement retranché près de Hastenbeck, paroissoit enfin décidé à
l'attendre, lorsqu'il apprit que son successeur étoit déjà nommé: ce
fut cette nouvelle qui lui donna la résolution de livrer enfin
bataille. Il attaqua donc le prince de Cumberland, remporta une
victoire qu'il dut aux fautes de celui-ci et à l'habileté de Chevert
et de quelques autres officiers distingués; puis, quelques jours
après, fut destitué comme s'il avoit été battu, et remit le
commandement au maréchal de Richelieu. Celui-ci profita de la terreur
panique de l'ennemi, terreur qui, lui ayant fait d'abord abandonner un
champ de bataille qu'il pouvoit encore disputer, ne lui avoit pas
permis de s'arrêter un seul instant dans une retraite qu'il continua
jusqu'à ce que l'armée françoise l'eût acculé à l'embouchure de
l'Elbe. Ce fut là que, réfugié dans Stades avec des troupes qui
partageoient son effroi et son découragement, le duc de Cumberland,
que Fontenoi et Culloden avoient autrefois illustré, signa cette
convention fameuse de Closter-Severn, par laquelle les François
demeurant maîtres de l'électorat de Hanovre, du landgraviat de Bremen
et de la principauté de Verden, les troupes alliées de cet électorat
étoient tenues de se retirer dans leurs pays respectifs, pour y rester
neutres jusqu'à la fin de la guerre, les Hanovriens devant passer
l'Elbe et ne point sortir des quartiers qui leur seroient assignés. En
signant, de son côté, cette convention, le duc de Richelieu, qui
pouvoit faire toute cette armée prisonnière de guerre par
capitulation, et qui avoit commis la première faute d'en manquer
l'occasion, en commit une seconde plus grave encore: ce fut d'oublier
que le duc de Cumberland n'étant pas autorisé par sa cour à proposer
un semblable arrangement, il étoit nul par le fait; et qu'en refusant
de le ratifier, les Anglois pouvoient faire perdre à la France tout le
fruit de cette suite de succès inespérés. Cette dernière faute fut la
plus capitale d'une guerre où l'on ne commit que des fautes; et le
vainqueur hasardeux de Mahon n'avoit, ni dans son caractère ni dans
ses talents militaires, ce qu'il falloit pour la réparer. Tandis que
le prince de Soubise, qu'il avoit détaché de l'armée avec un corps de
vingt-cinq mille hommes, se joignoit aux troupes des cercles de
l'Empire pour pénétrer en Saxe et y rétablir l'électeur, le général en
chef, plus habile à piller qu'à combattre, parcouroit le Hanovre en le
désolant, et, uniquement occupé de satisfaire sa cupidité insatiable,
laissoit au prince Ferdinand de Brunswick le temps de mettre
Magdebourg en état de défense, et ne faisoit aucune manoeuvre pour
soutenir son lieutenant.

C'est que, présomptueux et léger, il considéroit la guerre comme
terminée, et le roi de Prusse comme perdu sans ressource. Or, voici ce
qui arriva: sorti des quartiers d'hiver qu'il avoit pris dans la Saxe,
Frédéric, après avoir vainement essayé de rompre la ligue formidable
qui avoit juré sa ruine, s'étoit livré de nouveau à ces tentatives
hardies qui seules, dans de semblables extrémités, pouvoient lui
offrir quelques chances de salut. Alors l'armée des cercles n'étoit
pas encore rassemblée; la Suède et la Russie attendoient pour agir les
subsides de la France, embarrassée de payer même ses propres soldats;
et au commencement de cette campagne, l'Autriche se trouvoit encore
abandonnée contre lui à ses propres forces. Il saisit le moment et
rentre dans la Bohême, se proposant non pas seulement de vaincre les
armées de son ennemi, mais de les anéantir; pénètre jusqu'aux
environs de Prague; y remporte sur le prince de Lorraine une victoire
sanglante et long-temps disputée; le force de se renfermer dans cette
capitale, avec quarante mille hommes qu'il est sûr de bientôt affamer;
sans en abandonner le blocus, vole à la rencontre d'une seconde armée
qui s'avance pour délivrer la première, et qui, si elle est détruite,
lui ouvre le chemin de Vienne, où il ira dicter les conditions de la
paix dans le palais même des empereurs; trouve enfin, dans le vieux
tacticien Daun, un général dont la prudence et les combinaisons
savantes lui arrachent la victoire, et le replongent dans tous les
périls dont il se croyoit au moment de sortir. Forcé de lever le siége
de Prague et toutefois sans que ses ennemis victorieux pussent
l'empêcher de se maintenir encore dans la Bohême, ayant déjà épuisé
toutes ses épargnes, et quelques fautes du prince Henri son frère le
mettant en péril de perdre la Silésie, il apprend à la fois l'entrée
de quatre-vingt mille Russes dans la Prusse orientale, l'irruption des
Suédois dans la Poméranie, les succès extraordinaires de l'armée
françoise, la convention de Closter-Severn, la marche du prince de
Soubise vers la Saxe, et sa réunion avec l'armée de l'Empire. Pressé
ainsi de toutes parts, envahi sur toutes ses frontières, Frédéric sent
un moment s'abattre son courage, et cependant, au milieu des pensées
de désespoir dont il est agité[186], conserve encore cette présence
d'esprit et ce coup d'oeil ferme qui savent lui créer des ressources
de salut, alors que tout semble perdu pour lui. Un de ses généraux,
Bevern, est laissé à la garde de la Silésie avec une armée de
cinquante-six mille hommes; puis se confiant à sa fortune et à son
génie, il n'emmène avec lui que douze mille soldats, en rassemble à
peu près dix mille autres sur sa route, et, avec cette petite troupe,
va chercher les armées combinées de France et des cercles, qui, sous
les ordres du prince de Soubise et du plus incapable des généraux
autrichiens, le prince de Saxe-Hildbourghaussen, étaient alors réunies
auprès d'Erfurt; par une suite de manoeuvres ingénieuses, sait tromper
l'ennemi et lui faire quitter une position où il étoit fortement
retranché, pour venir se livrer à lui dans la plaine de Rosback; et
là, avec un petit nombre de bataillons et d'escadrons de cavalerie,
remporte la victoire la plus complète sur une armée de soixante mille
hommes, indisciplinée, mal commandée, qui, à peine attaquée, se met
en déroute, à la honte de ses deux chefs, incapables même de la
rallier après la défaite. Vainqueur à Rosback, Frédéric n'a pas même
le temps de respirer: il faut qu'il retourne en toute hâte dans la
Silésie, où Bevern a été battu par les Autrichiens, déjà maîtres de
Breslaw et bientôt de toute la province. Sa seule présence y change la
face des choses: des débris de ses armées il en compose une nouvelle
qu'il sait remplir de confiance et d'ardeur, et marche à la rencontre
de Daun et du prince de Lorraine, quelques jours auparavant vainqueurs
de ses lieutenants, tous les deux généraux expérimentés et qui
commandent une armée deux fois plus nombreuse que la sienne; les
atteint dans la plaine de Lissa, et, par une de ces manoeuvres qu'il
n'appartient qu'au génie militaire de concevoir sur-le-champ et de
savoir exécuter[187], remporte sur eux une victoire plus complète
encore et surtout plus décisive que celle de Rosback. Peu de jours
après, Breslaw lui rouvrit ses portes, et il se rétablit bientôt dans
la Silésie. L'armée autrichienne étoit, par sa dernière défaite,
affoiblie, dispersée, et hors d'état d'agir avant d'avoir été
réorganisée: le vainqueur concentra ses forces pour les porter tour à
tour sur les divers points menacés par ses nombreux ennemis, Russes,
Suédois, François, Allemands; et jusqu'à la fin de cette mémorable
campagne de 1757, sut les contenir et les repousser.

[Note 186: Peu s'en fallut que ce prince impie n'effrayât le monde
d'un crime inoui dans la chrétienté, et qu'il n'y donnât le premier
exemple du suicide d'un roi. On en trouve la preuve dans l'épître en
vers qu'il adressa alors à Voltaire, et qui fut remise à celui-ci par
le marquis d'Argens.]

[Note 187: Ayant reconnu, à la disposition du corps de troupes
commandé par le prince de Lorraine, que ces troupes seroient tournées
s'il parvenoit à s'emparer d'un tertre qui couvroit leur aile gauche,
il fit pour y parvenir des manoeuvres si adroites et si compliquées,
que les deux généraux ennemis se persuadèrent qu'il battoit en
retraite, et n'y mirent aucune opposition. Dès qu'il se fut emparé du
tertre, et qu'il y eut fait jouer de l'artillerie, la bataille fut
gagnée.]

(1758) La France n'avait pas, depuis long-temps, éprouvé un affront
comparable à celui de la journée de Rosback; les autres puissances
étoient également humiliées; et ce fut parce que l'on avoit fait
honteusement la guerre qu'on refusa la paix au vainqueur, qui ne
cessoit de la demander, mais qui la vouloit honorable, quoiqu'il en
eût plus besoin encore que les vaincus. La haine et le mépris pour
Louis XV et sa favorite alloient toujours croissant; les armées
françoises étoient devenues la risée de la France elle-même, ce qui ne
s'étoit point encore vu; et les défaites de leurs tristes généraux
étoient accueillies par des chansons et par des épigrammes. Mais
tandis qu'on se moquoit d'eux à Paris, ils étoient ordinairement bien
reçus à Versailles, où ils trouvoient leurs complices en intrigues et
en ineptie; et ceux que leur incapacité ou leurs prévarications
forçoient de destituer, n'en étoient ni moins impudents ni moins
favorisés. Il en alloit autrement en Angleterre: l'amiral Bing, pour
s'être laissé vaincre, avoit été condamné à mort et fusillé aux
acclamations du peuple anglois, qui vouloit que ses amiraux fussent
vainqueurs, sous peine de la vie. Cumberland, à son retour de sa
campagne ignominieuse, avoit été disgracié, entraînant dans sa chute
le secrétaire d'état Fox; et le célèbre Pitt, depuis lord Chatam,
venoit d'être placé au timon des affaires. Dès ce moment, les
résolutions les plus énergiques sortirent du cabinet de Saint-James:
le nouveau ministère rompit ouvertement la convention de
Closter-Severn, se souciant fort peu de la foi jurée là où il
s'agissoit des intérêts du pays, et cette nouvelle perfidie avoit été
prévue; un subside considérable fut accordé au roi de Prusse, et
l'armée des alliés, qu'ils avoient dégagée de son serment par
l'omnipotence de leur diplomatie, renforcée d'un corps de troupes
angloises, commença à se mettre en mouvement, sous les ordres du
prince Ferdinand de Brunswick. Ce fut alors seulement que l'on
s'aperçut, dans le cabinet de Versailles, que le duc de Richelieu
étoit un général mal habile et mal avisé; on le rappela, et ce fut un
prince du sang, le comte de Clermont, encore plus mal habile que lui,
qui eut la fantaisie de le remplacer: il arriva sur le théâtre des
opérations militaires pour y rassembler, avec toute son inexpérience,
quatre-vingt mille hommes épars sur une grande étendue de terrain. Le
prince Ferdinand n'avoit garde de lui en laisser le temps: il pénétra
promptement et hardiment à travers tous ces corps isolés, les battit
en détail, les força d'évacuer successivement et les postes et les
villes qu'ils occupoient; et le nouveau général, forcé de repasser
honteusement le Rhin en abandonnant à l'ennemi onze mille prisonniers,
sembla n'être entré en Allemagne que pour donner le signal à son armée
d'en sortir. Ainsi s'ouvrit, sur les frontières de France, la campagne
de 1758.

En Allemagne, le roi de Prusse étoit moins heureux que l'année
précédente: Daun, après lui avoir enlevé tous ses convois, l'avoit
forcé de sortir de la Moravie, où il venoit de se jeter, et
d'abandonner le siége d'Olmutz, qu'il avoit peut-être imprudemment
commencé. Laissant son armée dans la Bohême, où il vouloit se
maintenir, il étoit allé, suivi seulement de quatorze bataillons, à la
défense de ses propres États, que cent mille Russes venoient
d'envahir; et ralliant à ce corps d'élite les troupes qu'il avoit dans
la Poméranie, il avoit marché à leur rencontre et les avoit vaincus
près du village de Zorndorf, dans une des batailles les plus
sanglantes et les plus disputées de toute cette guerre. Mais c'étoit
peu pour lui d'avoir forcé à la retraite quelques uns de ses puissants
ennemis par des prodiges de bravoure et d'habileté; d'autres
reparoissoient à l'instant même, non moins menaçants et redoutables;
et vainqueur des Russes, le héros prussien n'eut que le temps de se
rendre en Saxe, à marches forcées, pour délivrer le prince Henri son
frère, que Daun avoit poursuivi jusque sous le canon de Dresde, où il
s'étoit réfugié, attendant son libérateur. Dès que le roi parut, le
siége fut levé, et les deux armées se réunirent; mais cette fois-ci le
général autrichien se montrant, contre sa coutume, plus actif que son
illustre antagoniste, eut la gloire de tromper sa vigilance, de le
vaincre une seconde fois, à Hochkirch: et de le voir se retirer devant
lui. Cette défaite et sa victoire sur les Russes, si chèrement
achetée, avoient épuisé les armées de Frédéric: cette fois on le crut
et on dut le croire perdu sans ressource, et ce ne fut pas sans
étonnement que l'Europe le vit reprendre bientôt, à force d'activité,
de sang froid et de science militaire, tout son ascendant sur Daun; et
par une suite non interrompue de ses manoeuvres accoutumées, le forcer
à aller chercher ses quartiers d'hiver hors de la Saxe et de la
Silésie, où, à la fin de cette campagne, les Prussiens ne
rencontrèrent plus un seul ennemi.

Que faisoit, pendant ce temps, l'armée françoise sous les ordres du
comte de Clermont? Après lui avoir fait passer le Rhin, toujours
poursuivie par le prince Ferdinand, qui le passa après elle, son
général vouloit encore lui faire éviter le combat, et continuer
indéfiniment la retraite commencée. Quelques uns de ses officiers l'en
firent rougir, et le forcèrent en quelque sorte à s'arrêter à Crevelt
et à y attendre l'ennemi. Les deux armées ne tardèrent point à en
venir aux mains; et le comte de Saint-Germain, l'un de ceux qui
avoient conseillé la bataille, étoit sur le point d'assurer la
victoire, lorsqu'il se vit abandonné par le général en chef, habile
seulement à ordonner la fuite, et qui, cette fois-ci, donna l'exemple
en fuyant le premier. Le vainqueur s'empara de Nuys, de Ruremonde, de
Dusseldorf, et poussa des partis jusqu'aux environs de Bruxelles. Il
n'étoit plus possible d'employer encore le comte de Clermont: Contades
le remplaça, et ce nouveau général, ayant pour second le prince de
Soubise, qui cherchoit une occasion d'effacer la honte de Rosback,
sembla relever un peu le courage du soldat? L'un et l'autre
remportèrent quelques succès peu décisifs, et montrèrent quelque
disposition à reprendre l'offensive; mais les manoeuvres du prince
Ferdinand les forcèrent bientôt à revenir au point d'où ils étoient
partis.

Voilà où l'on étoit après trois campagnes qui avoient fait verser des
flots de sang, et réduit la France aux plus cruelles extrémités. Nos
généraux battus répondoient aux reproches de lâcheté ou d'ineptie
qu'on leur adressoit en récriminant contre leurs subordonnés, qu'ils
accusoient de trahison; et ceux-ci se défendoient en mettant dans un
plus grand jour les fautes qui avoient tout perdu. Les soldats,
indisciplinés et découragés, du mépris de leurs chefs étoient passés à
l'admiration et à l'enthousiasme pour le héros qui les avoit si
souvent battus; et la France étoit entraînée à partager cet
enthousiasme et cette admiration. Enfin, la guerre qui pesoit sur elle
avoit été tellement conduite, et l'esprit public y étoit tellement
exaspéré contre le roi et ses ministres, qu'on voyoit, ce qui étoit
encore sans exemple, les vaincus faire hautement des voeux pour le
vainqueur, s'affliger de ses revers, se réjouir follement de ses
succès.

Cependant, absorbé par les embarras toujours croissants de cette
guerre insensée, troublé par mille cabales, agité de mille intrigues
subalternes, le ministère, comme si le génie des Dubois et des Fleuri
eût encore présidé à notre marine, ne s'en occupoit guère plus que si
l'Angleterre eût été notre alliée; et celle-ci, profitant savamment,
ou de cette incurie, ou, ce qui est plus probable, des intelligences
secrètes qu'elle s'étoit créées dans le centre même de notre
administration maritime (car ce qui s'y passa alors et ce qui s'y est
passé depuis et pendant long-temps, ne peut guère s'expliquer que par
une trahison continuelle et en quelque sorte héréditaire), préludoit
aux grands coups qu'elle alloit frapper, par des descentes sur nos
côtes, des attaques contre nos ports, qui n'avoient pas en apparence
de grands résultats, où souvent même elle sembloit éprouver des
échecs, mais dont elle obtenoit ce résultat bien autrement important,
d'arrêter les secours en hommes, en munitions et en vaisseaux que
demandoient nos colonies, et d'où dépendoit leur conservation. Ceux
qui les commandoient poussoient des cris d'alarme qui parvenoient
jusqu'en France, et qui ne laissoient pas que d'accroître le trouble
que causoient tant d'embarras où l'on s'étoit si inutilement jeté.
Cependant on n'avoit qu'à dire un seul mot, qu'à laisser entrevoir la
moindre disposition pacifique, et l'on finissoit à l'instant même
cette guerre déplorable du continent, dont l'Autriche elle-même étoit
fatiguée. Ce fut alors que l'abbé de Bernis, revenant à ses premières
idées, commença à faire des instances pour la paix; et quelque
servilité qu'il y eût alors dans le ministère, si l'on en excepte le
maréchal de Belle-Isle, qui s'y montroit opposé uniquement sans doute
parce qu'il avoit le département de la guerre, et que cependant il
n'eût pas été difficile de ramener au meilleur avis, il n'y eut qu'une
seule voix pour cette paix devenue si nécessaire. Le roi lui-même
commençoit à être persuadé et avoit permis que des négociations
fussent entamées à ce sujet. Mme de Pompadour, dont l'amour-propre se
sentoit froissé de toutes parts, que la clameur publique, dont elle
étoit le principal objet, irritoit, parce qu'elle n'avoit pas assez de
sens pour en être effrayée, s'entêta seule à la guerre, parla de la
honte qu'il y auroit à céder, de l'honneur de la France compromis,
joua la femme forte et le grand caractère, ce qui offrit le mélange de
l'odieux et du ridicule; et telle étoit cette dégradation à laquelle
tout étoit parvenu, qu'il fallut continuer à verser du sang et à
ravager des provinces, pour venger Mme de Pompadour des chansons des
Parisiens, après avoir commencé ces ravages et cette effusion de sang,
pour punir le roi de Prusse de ses épigrammes et payer Marie-Thérèse
de ses cajoleries. L'abbé de Bernis, pour prix de la seule bonne
action qu'il eût faite depuis qu'il étoit entré dans les affaires,
fut destitué[188]; et c'est alors que l'on vit paroître dans ce
ministère, où bientôt il alloit jouer le premier rôle, le plus grand
fléau de la France, dans ce siècle où tout ce qui prenoit part au
gouvernement étoit fléau pour elle, le duc de Choiseul.

[Note 188: Il venoit d'être nommé cardinal. Nous le verrons bientôt,
ministre du roi, à Rome, y jouer un rôle tout aussi peu honorable que
lorsqu'il étoit à Versailles à la suite de madame de Pompadour.]

On le savoit ambitieux, actif, entreprenant; on croyoit qu'il haïssoit
la favorite, parce qu'il en avoit souvent parlé sans ménagement: on
applaudit donc à sa faveur et l'on en conçut quelques espérances. Mais
pour espérer ainsi d'un homme qui montoit au pouvoir, il eût fallu lui
supposer de la conscience; et le nouveau ministre des affaires
étrangères donna sur-le-champ la mesure de la sienne en se livrant
tout entier à l'idole que, la veille, il insultoit encore. Pour
complaire à Mme de Pompadour, il alla même plus loin qu'elle n'eût
osé, et signala son entrée au conseil par le second traité de
Versailles, plus désastreux encore que le premier, dans lequel la
France entière, avec ses armées et ses finances, étoit mise à la
disposition de l'Autriche. Ce traité fut signé le 30 décembre 1758.

À partir de ce moment, la guerre de sept ans n'offre plus pour la
France qu'une suite de revers et d'humiliations.

(1759-1761) Sur le continent, les vicissitudes du roi de Prusse se
multiplient, et son courage ainsi que son activité semblent s'en
raffermir. Les armées françoises, mieux conduites par Contades et
surtout par Broglie, qui partage avec lui le commandement, continuent
de faire une guerre infructueuse et meurtrière dans des provinces
dévastées, mais se soutiennent du moins sans honte jusqu'à la bataille
de Minden, que, de l'aveu même du roi de Prusse, Contades devoit
gagner, et qu'il perd en criant à la trahison contre son compagnon
d'armes, selon l'usage adopté alors par tous nos généraux. Celui-ci
reste seul à la tête de l'armée, et déjà vainqueur du prince Ferdinand
à Berghen, sait se maintenir dans la Hesse et dans le Hanovre;
continue, pendant la campagne suivante, à tenir en échec son habile
ennemi. Battu par lui à Warbourg, il prend sa revanche à Clostercamp,
et semble destiné à relever la réputation des armes françoises,
lorsque, dans une troisième et dernière campagne, Mme de Pompadour
envoie le malencontreux prince de Soubise, toujours possédé de la
manie d'être un grand capitaine, entraver les opérations de Broglie,
et, sous deux généraux désunis, fait battre les armées françoises à
Fillingshaussen; nouveau désastre qui produisit de part et d'autre de
nouvelles accusations, et dont le résultat fut de faire exiler dans
ses terres le seul général qui, jusqu'alors, eût montré quelque
talent.

Cependant, et nous venons de le dire, cette habileté de Broglie
n'avoit eu d'autre résultat que de sauver aux armées françoises la
honte de reculer sans cesse devant l'ennemi. Pendant ces trois
campagnes les soldats manoeuvrèrent à peu près sur le même terrain, se
battirent dans les mêmes plaines ou autour des mêmes forteresses, et
il n'en arriva rien de plus. Dans le centre de l'Allemagne, la scène
étoit du moins plus variée et plus dramatique: les Russes avoient
commencé à prendre leur revanche de la victoire du roi de Prusse en
battant un de ses lieutenants; s'étant ouvert par ce succès les
marches de Brandebourg, ils y avoient occupé la ville de
Francfort-sur-l'Oder, où s'étoit réuni à leur armée un corps
autrichien commandé par le général Laudon. Frédéric se met aussitôt en
marche, traverse la forêt de Kunersdorf, les surprend et les attaque
dans la position où ils s'étoient retranchés: la victoire se déclare
d'abord pour lui, puis lui échappe bientôt parce qu'il la veut trop
complète, et que, décidé à ne rien laisser échapper de cette armée, il
s'acharne avec trop de fureur contre un ennemi dont la résistance
devient d'autant plus terrible qu'il l'a rendue lui-même désespérée.
Par les suites de cette faute, il voit presque toute son armée périr
dans cette lutte sanglante et téméraire contre des masses immobiles,
et quitte en frémissant ce champ de carnage, n'ayant plus autour de
lui que cinq mille soldats. C'en étoit fait de la Prusse et de son
souverain, si le général russe Soltikoff eût su profiter de sa
victoire; mais il se montra timide et irrésolu, n'osa agir avant
l'arrivée de la grande armée commandée par Daun; et le prince Henri,
en arrêtant tout court celui-ci dans la Haute-Lusace, fut, dans cette
circonstance critique, le libérateur de son pays. On vit alors les
Russes victorieux se retirer une seconde fois vers la Pologne; et
quoique douze mille Prussiens, surpris et cernés par toute l'armée de
Daun, eussent été forcés de mettre bas les armes, la prise de Dresde
avoit été, dans cette campagne, le seul exploit utile de ce général
temporiseur. Mais Frédéric, dans trois défaites, avoit perdu cinquante
mille hommes, et, dans la campagne suivante, il se ressentit
cruellement de cet épuisement de ses forces militaires. Un de ses
lieutenants fut encore battu à Landshut par le même général Laudon;
Glatz, l'une des principales forteresses de la Silésie, lui fut
enlevée par un coup de main; après s'être épuisé en vains efforts pour
reprendre le château de Dresde, il s'étoit vu forcé d'abandonner cette
entreprise, où s'étoient encore affoiblis les débris de ses armées.
Rien ne pouvant désormais mettre obstacle à la réunion des Russes et
des Autrichiens, les deux armées ennemies, devant lesquelles le prince
Henri n'avoit pu que se retirer en bon ordre, marchèrent à grandes
journées sur Berlin, qu'il lui étoit impossible de couvrir: alors
Frédéric, dont la perte sembloit assurée, se vit réduit à faire la
guerre en partisan, tournant autour des armées ennemies, et dans cette
situation extraordinaire, battant encore les corps isolés qu'il avoit
l'art et le sang-froid de surprendre. Cependant Russes et Autrichiens
étoient entrés à Berlin, et la capitale de la Prusse subissoit la loi
rigoureuse des vainqueurs, lorsque, par une résolution subite et
inexplicable, le général Soltikoff se retira précipitamment et repassa
l'Oder, abandonnant les Autrichiens qui, de leur côté, se replièrent
sur Torgau. Frédéric, qui se disposoit à marcher au secours de Berlin,
se dirige aussitôt vers ceux-ci, les atteint dans cette position, et,
après un long carnage qui détruisit en grande partie l'une et l'autre
armée, remporte une victoire comparable aux plus éclatantes de celles
qu'il avoit remportées dans des jours plus heureux. Cependant ce
vainqueur, qui remplissoit l'Europe du bruit de sa renommée, étoit
réduit aux abois par ses triomphes comme par ses revers, et la
nouvelle campagne le prouva: mais aussi elle mit en évidence la
fatigue et l'affoiblissement de ses ennemis. De part et d'autre, on ne
fit que de foibles efforts, et sur tous les points; et tandis que les
généraux françois, Broglie et Soubise, remuoient lentement des masses
énormes, pour venir perdre cette dernière bataille dont nous venons de
parler, les opérations des Autrichiens se bornèrent dans la Silésie à
s'emparer d'une seule forteresse; les Russes se contentèrent de la
prise de la ville de Colberg, qu'ils avoient deux fois inutilement
assiégée, et l'extrême foiblesse des Prussiens se manifesta par
l'impossibilité où ils furent de se maintenir dans la Saxe, qu'ils
furent enfin forcés d'évacuer.

Telle fut, depuis le commencement jusqu'à la fin, la guerre
continentale, sanglante, acharnée, et sans résultats. La guerre
maritime fut bien différente, et c'est là, ainsi que dans la guerre de
1741, que se portèrent les coups les plus funestes à la France, qu'il
lui fallut enfin subir ce que lui avoit préparé un demi-siècle
d'incurie et de trahison. Avant d'oser faire une déclaration de
guerre, on avoit, pendant six mois, laissé l'Angleterre exercer
librement ses pirateries, ruiner notre commerce et nous enlever la
fleur de nos matelots; nos colonies avoient été abandonnées, en Orient
et en Occident, à leurs propres forces, et l'on avoit considéré comme
des triomphes d'avoir forcé les soldats anglois à se rembarquer,
chaque fois qu'ils avoient fait des descentes sur nos côtes. Il fallut
enfin, à la dernière extrémité, sortir de ce sommeil, et ce ne fut pas
vers nos colonies menacées que se porta d'abord la pensée du
ministère; il imagina des descentes en Angleterre sur plusieurs
points, comme par représaille de ces descentes qu'elle venoit d'opérer
en Bretagne et en Normandie[189], et ce fut pour exécuter ce plan
insensé que l'on arma tous nos vaisseaux. Pour le déconcerter, les
Anglois, forts de la supériorité de leurs flottes et de l'incomparable
habileté de leurs marins, n'eurent qu'à se présenter à l'entrée de nos
ports. La flotte de Toulon, composée de quinze vaisseaux et commandée
par La Clue, sortit la première: huit de ses vaisseaux s'en séparèrent
presque au moment de la sortie, et l'amiral françois ne sut pas les
rallier. L'amiral anglois vint alors lui présenter le combat avec
quatorze voiles, et ce fut comme un jeu pour lui de l'écraser dans ce
combat inégal[190]. Ce désastre étoit grand: celui de la flotte de
Brest le fit bientôt oublier. Le maréchal de Conflans la commandoit,
et il avoit enfin donné l'ordre d'appareiller, après avoir manqué
l'occasion de combattre avec avantage l'escadre angloise qui bloquoit
le port, et que les vents avoient plusieurs fois repoussée et même
dispersée. À peine la vit-il reparoître que, saisi d'une terreur
panique et inexplicable, il donna le signal de la retraite; pour la
rendre plus sûre, engagea ses vaisseaux dans les rochers et les bancs
de sable dont la côte étoit hérissée, et laissa ainsi couper son
arrière-garde qui, sous les ordres de Saint-André Duverger, soutint
avec intrépidité un combat inégal, dans lequel il lui fallut enfin
succomber, tandis que le lâche amiral faisoit échouer et brûler son
vaisseau, que d'autres étoient brisés sur les côtes, ou engloutis dans
les flots, ou se précipitoient dans les eaux de la Villaine, d'où il
fut impossible de les retirer. Jamais désastre aussi grand et aussi
irréparable n'avoit encore désolé notre marine[191], et ce fut le
signal d'une suite d'humiliations et de revers dont il n'y avoit
également point d'exemple. La France perdit, cette même année, le
Canada, si long-temps et si vaillamment défendu par Montcalm, la
Martinique, la Guadeloupe et toutes les petites îles qui en dépendent;
on envoya, dans l'Inde, un Irlandois nommé Lally, qui s'y conduisit
comme s'il avoit eu la mission de détruire ce qu'y avoient fait
Dupleix et La Bourdonnaie: «Cet étranger, dit Duclos, avide d'argent,
et d'une tête malsaine, n'exerce sa férocité que sur ceux qu'il doit
défendre, livre ou vend la place de Pondichéry, dont la défense lui a
été confiée, refuse même la capitulation offerte par l'ennemi, et la
trahison est si visible qu'on est obligé en France de le mettre en
prison.» Sur les côtes d'Afrique nos établissements, non moins
abandonnés, sont pillés et dévastés par nos infatigables ennemis. Pour
combler la mesure de tant d'opprobre, ils s'emparent de Belle-Isle, à
la vue des côtes de France, sans qu'on puisse ou qu'on ose y mettre
le moindre obstacle[192]. Quand toutes ces fautes ont été commises et
que tous ces malheurs sont arrivés, on pense enfin à éveiller
l'Espagne sur les dangers dont nos revers la menacent; et Choiseul,
qui a su joindre le département des affaires étrangères à celui de la
guerre, négocie avec assez d'art pour entraîner son nouveau roi
Charles III dans une alliance offensive qu'il eût fallu faire plus
tôt, et qui, trop tardive, n'eut d'autre résultat pour notre allié que
de lui faire partager nos désastres. «Cette puissance, dit encore
Duclos, y a perdu sa marine et des richesses immenses, qui ont fourni
les moyens à nos ennemis de continuer la guerre et de dicter
impérieusement les conditions de la paix[193].

[Note 189: Ce plan d'invasion avoit été imaginé par le maréchal de
Belle-Isle, alors ministre de la guerre. Deux corps d'armée avoient
été rassemblés, l'un à Dunkerque, sous les ordres de Chevert, l'autre
en Bretagne, commandé par le duc d'Aiguillon. Les deux escadres de
Brest et de Toulon devoient se réunir et protéger le débarquement de
ces troupes, sur plusieurs points de l'Irlande et de l'Angleterre.]

[Note 190: Trois vaisseaux se sauvèrent dans le port de Lisbonne, deux
furent pris et deux autres brûlés.]

[Note 191: «Le maréchal de Conflans perd notre flotte, dit Duclos,
celle des Anglois étant tout au plus égale à la nôtre; il brûle un
vaisseau qui étoit une citadelle flottante; il ose s'en vanter comme
d'un exploit. Quel est son châtiment? de n'être point présenté au roi,
et d'aller journellement en public affronter les mépris qu'on ose lui
marquer. Il se plaint des officiers qui servoient sous lui; ceux-ci
récriminent, et tout se borne là. Les mesures sont partout aussi mal
prises que mal exécutées. Les vaisseaux de transport sont séparés de
la flotte, parce que le petit orgueil du duc d'Aiguillon ne lui permet
pas d'être subordonné dans Brest. Voilà ce qui l'engage à mettre les
vaisseaux de transport à Quiberon, pour y commander seul, au hasard de
tous les périls de la jonction.» (_Mém. secrets_, t. 2, p. 391.)]

[Note 192: Tous ces désastres de notre marine arrivèrent en 1758 et
1759. «Ce fut encore la présomption du duc d'Aiguillon, ajoute Duclos,
qui fit perdre Belle-Isle. Les États de Bretagne, voyant l'importance
de cette place, l'avertissent, un an d'avance, de pourvoir à sa
sûreté, et offrent les approvisionnements nécessaires. Il répond, avec
une vanité puérile et une ironie amère, à une députation qu'il doit
respecter, qu'il est obligé aux États de vouloir bien lui apprendre
son métier. Il en avoit pourtant besoin, puisqu'il a laissé prendre
Belle-Isle, faute des précautions offertes.» (_Mém. secrets_, t. 2, p.
391.)]

[Note 193: Il est vrai de dire cependant que cette alliance, devenue
fameuse sous le nom de _pacte de famille_, est le seul acte qui honore
le ministère de Choiseul. Telle étoit l'excellence de ce traité que,
pendant près de quinze ans, il a contenu l'Angleterre, même après tant
de victoires; et que, si la révolution françoise ne fût venue au
secours de notre ennemie, il lui eût tôt ou tard arraché cet empire
des mers, qui naturellement ne doit pas lui appartenir. Le plus bel
éloge qu'on en puisse faire, c'est que le cabinet de Londres n'a pas
de plus grande crainte que celle de le voir rétablir; et que cette
crainte a été publiquement manifestée par ses ministres à l'occasion
de la dernière guerre d'Espagne.]

De notre côté, la continuation de cette guerre devenoit impossible: la
France n'en pouvoit plus; l'état des finances étoit désespéré, et le
changement continuel des contrôleurs généraux, les expédients honteux
ou téméraires que l'on essayoit chaque jour, loin de guérir le mal,
l'aggravoient en accroissant la méfiance et en resserrant ainsi les
derniers canaux par où l'argent auroit pu encore circuler. Frédéric en
étoit réduit à ne pouvoir commencer une nouvelle campagne, et la
Prusse se voyoit menacée d'être rayée de la liste des nations. La paix
sembloit donc difficile à faire, même aux conditions les plus
humiliantes: on essaya néanmoins d'entamer des négociations avec
l'Angleterre, qui, bien que victorieuse avec tant d'éclat, étoit
obérée par ses victoires, et d'ailleurs ne désiroit pour le moment
rien de plus que ce qu'elle avoit obtenu. Quant au roi de Prusse, ce
fut la mort de la czarine Élisabeth, dont la haine implacable n'avoit
cessé de le poursuivre, qui le sauva: il avoit un admirateur
enthousiaste dans Pierre III; et si ce prince eût vécu, la Russie,
d'ennemie qu'elle étoit, seroit devenue son alliée la plus sûre.
Après la révolution de palais qui lui fit perdre à la fois le trône et
la vie, Catherine, depuis si fameuse, garda du moins la neutralité, de
manière que le poids de la guerre retombant tout entier sur
l'Autriche, et l'avènement de Georges III au trône d'Angleterre ayant
écarté du ministère Pitt qui seul s'obstinoit à repousser la paix, les
opérations militaires languirent de toutes parts, les négociations
prirent plus d'activité, et cette paix, le dernier et le plus cruel
des affronts que la France avoit été depuis si long-temps forcée de
subir[194], fut enfin signée au mois de février 1763.

[Note 194: Le roi de France cédoit au roi d'Angleterre ses prétentions
sur l'Acadie, le Canada, l'île du cap Breton et toutes les îles du
golfe et du fleuve Saint-Laurent, l'île de la Grenade et des
Grenadins, Saint-Vincent, la Dominique, Tabago, la rivière de Sénégal
et les comptoirs qui en dépendoient; l'île de Minorque et le fort
Saint-Philippe étoient rendus à cette même puissance; la ville et le
port de Dunkerque devoient être mis dans l'état fixé par le dernier
traité d'Aix-la-Chapelle. La France restituoit toutes les places et
pays qu'elle occupoit en Allemagne, etc.]

Pense-t-on que, pendant une telle guerre qu'accompagnoient tant de
misères et que signaloient chaque jour tant de désastres, le parlement
eût du moins laissé entrevoir quelques sentiments de patriotisme en
cessant de troubler au dedans la France désolée au dehors? Nous
l'avons déjà dit: satisfait du nouvel exil de l'archevêque de Paris,
secondé dans ses vues par quelques prélats prévaricateurs, il avoit
bien voulu donner un peu de relâche au clergé; et ce fut alors qu'on
le vit, dans cette position à la fois odieuse et ridicule où il
s'étoit placé entre les ministres du ciel et les suppôts de l'enfer,
se montrer plus hostile envers le parti philosophique, qu'il
poursuivit quelquefois à outrance dans les livres impies et séditieux
que ce parti, plus habile et plus conséquent que lui, ne cessoit de
publier[195], montrant en ce point une sorte d'accord avec les évêques
qui, dans toutes leurs assemblées, ne cessoient d'élever vers le trône
des cris d'alarmes sur ce fléau toujours croissant et qui menaçoit de
tout détruire.

[Note 195: Voyez p. 231.]

Mais ce moment de calme étoit le précurseur d'une plus horrible
tempête, qui devoit ébranler jusque dans ses fondements l'antique et
saint édifice de l'Église de France. Il existoit une société
religieuse si fortement constituée, que, depuis son origine, elle
étoit la seule qui n'eût pas eu besoin d'être réformée; organisée de
telle sorte qu'embrassant toutes les oeuvres de la religion que se
partageoient les autres communautés, elle se présentoit partout où le
clergé séculier avoit besoin de son secours, et se montroit prête à
tout et propre à tout; tellement catholique dans son essence et dans
ses actes, que partout où se rencontroient des novateurs, ils
n'avoient pas de surveillants plus actifs ni d'adversaires plus
redoutables; société créée à la fois pour édifier et pour combattre,
qui avoit commencé à naître au moment même où avoit paru dans le monde
la dernière des hérésies[196], puisqu'elle est la dernière expression
de toutes les hérésies possibles; société que, dès sa naissance et
pendant tout le cours de son existence marquée par tant de prodiges et
de travaux, le coup d'oeil perçant de l'impiété avoit signalée comme
son ennemie la plus dangereuse, et que ses fauteurs, hérétiques ou
athées, soit par cette prévision, soit par une sorte d'instinct
infernal, n'avoient cessé de poursuivre avec une rage qui ne s'étoit
pas un seul instant ralentie[197]. Elle avoit la première dénoncé le
jansénisme, et les jansénistes lui avoient voué une haine aussi
implacable que les enfants de Luther et de Calvin[198]. Spécialement
consacrée à l'éducation de la jeunesse, elle formoit des générations
chrétiennes sans cesse menaçantes pour les ennemis de la religion;
préférée, pour la direction de leurs consciences, par les souverains
et les personnes pieuses des hautes classes de la société, elle
devenoit ainsi pour l'impiété un sujet d'alarmes encore plus vives; et
le ministérialisme, qui commençoit à établir son despotisme abject
dans toutes les cours, ne la haïssoit pas moins que tous ces fauteurs
de révolte et d'anarchie.

[Note 196: Le protestantisme.]

[Note 197: «Les jésuites, disoit Calvin, sont nos plus grands ennemis;
il faut les _tuer_; et si l'entreprise est trop difficile, les chasser
du moins, et les accabler sous le poids _des mensonges_ et _des
calomnies_.» Ceci semblera sans doute incroyable, même dans la bouche
de Calvin; il est donc à propos de citer le texte original: «_Jesuitæ
vero, qui se maxime nobis opponunt, aut_ NECANDI, _aut, si hoc commode
fieri non potest, ejiciendi aut certe_ MENDACIIS _et_ CALUMNIIS
_opprimendi sunt_.» (Calvin apud Becan., t. I; Opusc., 17, Aphor., 15,
de Modo propagandi Calvinismum.)]

[Note 198: Les jésuites étoient pour le cardinal de Noailles un objet
de méfiance continuelle. Il les voyoit partout, les accusoit de tout,
et les dénonçoit en même temps au pape et au roi. (Voyez les _Mém.
pour servir à l'Histoire ecclésiastique du dix-huitième siècle_, année
1710.)]

La compagnie de Jésus (car quelle autre société religieuse pourroit
présenter cette réunion de caractères)[199], sembloit alors parvenue
au plus haut degré de prospérité, et plus solidement établie qu'elle
ne l'avoit jamais été. Elle répandoit à la fois les lumières de la
religion, et exerçoit les oeuvres de la charité évangélique au milieu
des nations les plus policées, et parmi les hordes sauvages les plus
abruties; les puissances catholiques de l'Europe lui devoient
l'accroissement de leur commerce dans les deux hémisphères et la
civilisation de leurs colonies; ce qui étoit surtout frappant à
l'égard du Portugal, dont la puissance, si petite en Europe, étoit
ainsi devenue colossale dans les Indes et dans le Brésil. Les miracles
et l'apostolat de Xavier, les travaux, les sueurs et le sang de ses
compagnons et de ses frères, avoient valu à la cour de Lisbonne ces
conquêtes immenses aux extrémités de l'Asie, et avoient fécondé pour
elle ces vastes contrées de l'Amérique méridionale. Aussi n'étoit-il
aucun royaume de la chrétienté où les jésuites eussent plus de crédit
et de prépondérance, dans toutes les classes de la société, que le
Portugal: ce fut du Portugal que partit le signal de leur destruction.

[Note 199: _Voyez_ sur l'institut des jésuites, le tome 2 de cet
ouvrage, deuxième partie, page 1187.]

Il n'est point de notre sujet de raconter comment Carvalho, depuis
marquis de Pombal, ce ministre ambitieux et pervers d'un roi fainéant
et voluptueux, parvint à exécuter cette audacieuse et criminelle
entreprise; d'expliquer en détail les motifs de sa haine contre les
jésuites, qui avoient projeté de le faire expulser du ministère, parce
qu'ils avoient deviné son caractère et ses dangereux projets
d'innovation; les moyens adroits et perfides qu'il sut employer pour
séduire Joseph Ier, après avoir plus facilement gagné le vénal
patriarche de Lisbonne, Saldagna; l'édifice de mensonges et de
calomnies qu'il sut élever contre la société des enfants d'Ignace, la
présentant à la fois comme une réunion de moines corrompus dans leurs
moeurs et dans leurs croyances, puis comme un corps puissant et
redoutable qui avoit conçu le projet d'une domination indépendante
dans le Nouveau-Monde; comment il sut, à force d'importunités et en
supposant des délits imaginaires, arracher à Benoît XIV un bref pour
leur réformation, bref au moyen duquel Saldagna et lui commencèrent à
les avilir et à les dépouiller, pour rompre ensuite brusquement avec
Clément XIII, lorsque, la fraude ayant été reconnue, ce saint pape fit
entendre ses cris et ses réclamations en faveur de l'innocence
calomniée et persécutée; enfin cette machination exécrable et si digne
de couronner cette oeuvre d'iniquité d'un prétendu complot contre la
vie du roi, complot dirigé et exécuté par Pombal lui-même, ce qui fut
prouvé depuis jusqu'à l'évidence[200]; la procédure atroce et
scandaleuse qui s'ensuivit, et dans laquelle furent enveloppés et les
jésuites et deux illustres familles que redoutoit encore ce ministre
tout puissant; les exécutions sanglantes qui la terminèrent et
détruisirent ces deux familles[201]; la procédure plus abominable
encore au moyen de laquelle, n'ayant pu parvenir à faire un régicide
du jésuite Malagrida, on lui supposa des crimes monstrueux,
impossibles, pour lesquels ce vieillard de soixante et quinze ans fut
brûlé vif, à la vue de la population entière de Lisbonne, qu'il avoit,
pendant un demi-siècle, édifiée de ses paroles et de ses exemples: «De
manière, dit Voltaire lui-même, dont l'autorité sur ce point n'est pas
suspecte sans doute, que l'excès du ridicule et de l'absurdité fut
joint à l'excès de l'horreur[202].» La plus courte analyse de cette
trame détestable, dont tous les fils furent saisis et mis à découvert
du vivant même de Pombal[203], nous entraîneroit trop loin: il nous
suffira de dire que le résultat de tant de crimes, fut un édit arraché
le 3 septembre 1759 à l'imbécille monarque dont ce scélérat avoit fait
sa dupe, par lequel les jésuites furent chassés de toutes les contrées
soumises à la domination du Portugal, «pour avoir dégénéré de la
sainteté de leur pieux institut;» et la manière dont on l'exécuta ne
fut pas moins barbare que tout ce qui l'avoit précédé et amené[204].

[Note 200: «Les dépêches secrètes du comte de Merles, alors
ambassadeur de France à Lisbonne, ne dévoilent que trop la main
ministérielle qui a dirigé ce prétendu assassinat: il en résulte que
c'étoit l'ouvrage bien combiné de Pombal; que la blessure du roi
n'étoit qu'une contusion égratignée, et que cette égratignure ne
venoit pas de l'explosion du coup de carabine qui avoit été tiré
contre sa voiture, et dont on n'avoit voulu faire qu'un épouvantail.»
(_Mém. de l'abbé Georgel_, t. I, p. 47.)]

[Note 201: Les familles d'Aveyro et de Tavora. Le roi avoit une
intrigue galante avec la jeune marquise de Tavora; ce fut en revenant
d'un rendez-vous qu'elle lui avoit donné, que ce prétendu assassinat
fut commis. Il fut facile à Pombal de diriger les soupçons de ce
prince coupable et passionné contre les parents de la femme qu'il
avoit séduite.]

[Note 202: Le père Malagrida étoit un missionnaire dont l'influence sur
le peuple de Lisbonne étoit prodigieuse, et la vie d'une sainteté qui en
faisoit un objet de vénération pour toutes les classes de la société.
Pombal le haïssoit et avoit juré sa perte, à cause de cette influence
qu'il redoutoit. (Sur cette oeuvre d'iniquité et les horreurs de ce
procès, voyez un ouvrage italien intitulé: _Il Buon Raziocinio
dimostrato in due Scritti, o siano siaggi Critier-Apologetici sul famoso
processo e tragico fine del fu P. Gabriele Malagrida, etc., in Lugano,
1784._)]

[Note 203: La reine de Portugal le fit mettre en jugement après la
mort de Joseph Ier; une enquête juridique et solennelle mit à nu tous
les crimes de cet homme; et dans le décret qui le condamnoit à passer
le reste de ses jours dans une forteresse, cette princesse déclare,
«que consultant plus sa clémence que sa justice, elle fait grâce au
coupable du supplice qu'il a mérité, mais seulement en faveur de son
âge et de ses infirmités.» (_Mém. de Pombal_, préf., in-12, p. lx.)]

[Note 204: «On les entassa au fond de cale des vaisseaux qui les
ramenoient du Brésil et des Indes en Europe, souffrant la faim, la
soif et la nudité, pour, à leur arrivée en Portugal, les uns être
jetés sur les côtes d'Italie, dans les États du pape, comme une
_vermine pestiférée_, et les autres, sans avoir jamais été
personnellement accusés et jugés, aller pourrir dans des cachots que
l'on avoit infectés à dessein; et le marquis de Pombal, pour assouvir
sa vengeance, alloit repaître ses yeux et son odorat de cette
infection.» (_Mém. de l'abbé Georgel_, t. I, p. 51.)]

Cet événement retentit dans l'Europe entière; mais en même temps qu'il
indignoit les âmes honnêtes, il réveilloit, dans la pensée des
implacables ennemis de la compagnie de Jésus, ces espérances qui ne
s'y étoient jamais entièrement éteintes, de trouver enfin un moyen de
la frapper d'un coup décisif et mortel. Ces ennemis étoient plus
actifs et plus puissants en France que partout ailleurs; et à peine la
catastrophe des jésuites portugais y eut-elle été connue, que leurs
presses clandestines recommencèrent à gémir, et qu'un grand nombre de
libelles en sortirent, dans lesquels étoient reproduites toutes ces
anciennes calomnies contre l'institut, qu'offroient, toutes préparées,
les _Provinciales_ de Pascal et la _Morale pratique_ du GRAND Arnauld.

Il n'y avoit pas moins de perversité à la cour de France qu'à celle de
Portugal, et le nombre des pervers y étoit plus grand. Ils entouroient
de même un roi livré à la paresse et à la volupté, mais que des moeurs
plus douces et un sentiment inquiet de religion dont il étoit toujours
obsédé, n'auroient pas permis de rendre complice de mesures violentes
contre les jésuites françois; il ne montroit contre eux aucune
prévention, et avoit même donné des marques d'un vif intérêt à ceux de
leurs frères qui venoient d'être persécutés en Portugal. Sa pieuse
famille les aimoit et les considéroit. Appuyés de ces puissants
protecteurs, jouissant de l'estime publique pour la régularité de
leurs moeurs et l'utilité de leurs travaux, non pas seulement dans
l'éducation publique dont ils étoient presque exclusivement chargés,
mais encore dans toutes les parties du saint ministère, il ne semble
pas qu'il y ait eu d'abord, dans cette coterie d'intrigants qui
régnoient à la place du monarque, un projet arrêté d'imiter les
exemples que venoit de donner le ministre portugais. Les complots que
l'on faisoit contre les Jésuites s'ourdissoient hors de son sein; et
il est probable, qu'en ce moment du moins, elle ne se fût point
associée à ses ennemis, si Mme de Pompadour eût pu trouver, parmi ces
religieux, l'instrument docile qu'elle cherchoit, pour l'aider à
masquer son hypocrisie, et à se perpétuer dans le pouvoir, en trompant
la religion d'une reine vertueuse, dont elle avoit si long-temps
encouru le mépris et entretenu les douleurs. La trop grande simplicité
du Jésuite à qui elle s'étoit adressée, pour exécuter le prétendu
projet de conversion qu'elle avoit conçu, compromit sa compagnie
entière, dans l'injonction qu'il lui fit comme première réparation de
ses scandales, de quitter à jamais la cour[205]. N'ayant joué cette
comédie que dans l'intention de s'y établir plus honorablement, elle
fut à la fois irritée et alarmée de cette décision; et jura, dès ce
moment, la perte d'un ordre dont l'influence étoit grande au sein même
de cette cour si corrompue, et qui pouvoit, tôt ou tard, jeter, dans
l'âme de son royal complice, assez de trouble et de remords pour lui
faire exécuter lui-même la sentence qui venoit d'être si unanimement
prononcée contre elle. Pombal avoit éprouvé les mêmes alarmes et le
même ressentiment; et des causes à peu près semblables produisirent de
semblables effets.

[Note 205: Ce religieux étoit le P. de Sacy. Madame de Pompadour,
malgré toute sa puissance, sentoit que sa position étoit fausse et son
existence précaire à la cour: elle voulut être dame du palais de la
reine, pour s'y établir d'une manière inébranlable; et ce fut pour y
parvenir qu'elle arrangea cette scène d'hypocrisie. Si le P. de Sacy,
après lui avoir donné son avis sur le parti qu'elle avoit à prendre,
se fût retiré, il est probable que cet événement n'auroit pas eu de
suite fâcheuse: elle se seroit contentée d'appeler un autre
ecclésiastique. Mais troublé des objections qu'elle lui présenta, et
peut-être du dépit qu'elle laissa éclater, lorsqu'il lui eut fait
connoître les conditions de sa réconciliation avec l'Église: «Je vais,
lui dit-il, retourner à Paris pour consulter nos Pères, et je
reviendrai le plus tôt possible vous rapporter leur décision.» Cette
décision fut prompte, et les jésuites ne balancèrent pas un moment sur
l'application d'un principe dont il n'étoit pas possible de s'écarter
sans prévarication. Mais les plus habiles aperçurent, dès lors,
l'abîme que leur creusoit la bonhomie du P. de Sacy. En le chargeant
de leur réponse, quelles qu'en pussent être les suites, ils lui firent
sentir combien il avoit été imprudent d'en appeler au conseil de ses
frères sur un point qu'il devoit décider lui-même avec une fermeté
évangélique, et sans aucune considération humaine. (_Mém. de l'abbé
Georgel_, t. I, p. 65.)]

Les plus dangereux ennemis des jésuites, ceux qui pouvoient servir le
plus efficacement la vengeance de la favorite, étoient dans le
parlement. Nous avons vu que là étoit le foyer du jansénisme, et que
la secte philosophique y avoit aussi ses partisans. Il faut ajouter
qu'en sa qualité d'opposition politique, cette compagnie accusoit les
jésuites d'être, depuis long-temps, les provocateurs secrets de tous
les coups d'autorité qui avoient pu la contrarier dans ses
prétentions, ou l'arrêter dans ses excès; et c'étoit là surtout ce
qu'elle ne leur pardonnoit pas. Ce fut Berryer, l'une des créatures de
Mme de Pompadour, et de lieutenant de police devenu, par sa
protection, ministre de la marine, qui prépara les premiers ressorts
de cette intrigue, en lui indiquant, comme propres à l'aider dans son
projet, trois parlementaires qui jouissoient, dans leur corps, d'un
grand ascendant; l'abbé de Chauvelin, l'abbé Terray, Laverdy. L'abbé
de Bernis fut le quatrième personnage que l'on initia dans cette
manoeuvre ténébreuse[206]; et l'ami intime de Duclos étoit bien digne
d'y entrer.

[Note 206: _Mém. de l'abbé Georgel_, t. I, p. 71.]

Tout étant ainsi préparé, il falloit ou trouver ou faire naître une
occasion d'éclater: elle se présenta malheureusement d'elle-même. Un
jésuite, dont le nom a acquis une bien triste célébrité, le père
Lavalette, chargé du temporel des établissements que la société avoit
formés à la Martinique, imagina de faire des spéculations commerciales
dans lesquelles il ne pouvoit avoir qu'un seul but, celui d'enrichir
son ordre: tout autre eût été folie. Ses spéculations, d'abord
heureuses, et que ses supérieurs immédiats eurent la foiblesse de
tolérer, ne réfléchissant pas que ce qui est innocent pour un
particulier cessoit de l'être pour un religieux, tournèrent mal
ensuite. Le commerce de France s'étoit plaint, dès le principe, d'une
semblable concurrence: ce qui avoit été un premier scandale. Les
frères Lioney, négociants de Marseille, et d'autres encore, se
trouvèrent compromis dans les opérations désastreuses du
jésuite-banquier: on le sut, et des agents, mis en oeuvre par la
cabale, leur persuadèrent de renoncer à un projet de conciliation
qu'ils avoient entamé avec les maisons de l'ordre, dans la dépendance
desquelles étoit le père Lavalette, pour attaquer l'ordre entier,
comme solidaire des écarts d'un de ses membres. En droit, la maison de
la Martinique étoit seule responsable: toutefois, et malgré ce droit
si évident, il eût mieux valu mille fois, en un cas si grave et si
délicat, consulter la prudence, et étouffer l'affaire au moyen d'une
contribution levée sur toutes les maisons de la société. La cabale
manoeuvra avec la même adresse auprès des premiers supérieurs de
l'ordre, qu'elle l'avoit fait auprès des créanciers; et de même
qu'elle avoit déterminé ceux-ci à l'attaque, elle persuada à ceux-là,
non seulement de se défendre, mais, ce qui étoit le chef-d'oeuvre de
sa perfidie, d'user du crédit que les Jésuites de Paris avoient à la
cour, pour faire attribuer à la grand'chambre le jugement de ce
procès. On a peine à croire qu'une société, où dominoient les conseils
de tant de personnages également remarquables par l'esprit, les
lumières, et cette grande expérience du monde que leur donnoient leurs
nombreuses et continuelles relations avec les classes supérieures de
la société, ait pu se laisser prendre à un piége aussi grossier, se
jeter ainsi, tête baissée, dans les filets que lui tendoient des
ennemis si bien connus. Il y a, dans ce singulier aveuglement, un
dessein de la providence, qu'il ne nous est pas donné de pénétrer.

Toutefois, dès le premier pas qu'ils firent dans ce funeste procès,
les Jésuites parurent comprendre les dangers qu'il entraînoit avec
lui, puisqu'ils cherchèrent à éviter l'éclat des plaidoiries, et
demandèrent, par requête, que la cause se discutât par écrit. Leur
demande fut rejetée; et les premiers mémoires que publièrent les
avocats de leurs adversaires, les premiers plaidoyers qu'ils
prononcèrent, leur firent déjà entrevoir ce qu'on leur préparoit.
L'affaire des créanciers du père Lavalette n'y fut traitée que
subsidiairement: ce fut sur les constitutions de la société que
s'exerça la faconde des légistes, que l'on avoit déchaînés contre eux.
Dans ces constitutions, si semblables, pour le fond, à celles de tous
les ordres religieux, et spécialement en ce qui concerne la loi
d'obéissance entière aux supérieurs, sans laquelle aucune institution
de ce genre ne pourroit subsister, loi d'obéissance qui n'avoit ici
plus d'extension que parce que la compagnie de Jésus embrassoit un
plus grand nombre d'oeuvres, ces sophistes gagés virent le germe de
tous les crimes que l'hypocrisie peut commander au fanatisme; et les
ayant ainsi travesties, ils les exposèrent avec tous les artifices et
toutes les brutalités du style de palais, devant un tribunal qui,
d'avance, avoit prononcé son arrêt. Sur les conclusions de l'avocat
général, Pelletier de Saint-Fargeau[207], janséniste fougueux, tous
les jésuites de France furent déclarés solidaires du père Lavalette,
et condamnés à payer les sommes considérables dues à ses créanciers.
Cet arrêt fut rendu le 8 mai 1761, au milieu des acclamations, des
trépignements de pieds, et de mille autres démonstrations d'une joie
furieuse que firent éclater leurs ennemis, accourus en foule pour
jouir de leur défaite.

[Note 207: Le même qui, depuis, vota la mort de Louis XVI dans la
convention nationale, et fut assassiné, peu de jours après, par un
garde-du-corps, nommé Pâris. C'étoient de pareils hommes qui, entre
autres crimes dont ils accusoient les jésuites, leur reprochoient de
professer la doctrine du régicide.]

Ce fut comme un signal donné aux libellistes qui, sur le champ,
inondèrent le public de pamphlets où reparurent, sous toutes les
formes, toutes les calomnies inventées ou recueillies par de plus
habiles qu'eux, contre la société; tactique usée et misérable, que
nous signalons, pour ainsi dire, à chaque instant, dans cette guerre
anti-religieuse, mais toujours nouvelle et décisive pour la multitude
dont le vice incurable est d'être ignorante et passionnée. Ce fut en
cette circonstance, tant étoit effrénée la haine des jansénistes, que
commença leur alliance ouverte avec les philosophes qui, dans une
occasion si favorable au succès de leurs doctrines, ne pouvoient
manquer d'en faire leurs instruments, en feignant de se présenter
comme leurs auxiliaires[208]. Les circonstances ne les servoient que
trop: une guerre de jour en jour plus désastreuse achevoit d'avilir
l'autorité du prince, et l'affoiblissoit de tout ce qu'elle ajoutoit
de force au mécontentement de la nation. Ils étoient sûrs du
parlement: le ministère, et particulièrement celui qui en étoit alors
le chef[209], applaudissoit à leurs doctrines, et étoit affilié à leur
clique: la perte des Jésuites fut jurée.

[Note 208: «Les parlements, disoit d'Alembert, croient servir la
religion; mais ils servent la raison, sans s'en douter. Ce sont des
exécuteurs de la haute justice pour la philosophie dont ils prennent
les ordres sans le savoir.» (Lettre à Voltaire, du 4 mai 1762.) «C'est
proprement la philosophie qui a détruit les Jésuites, dit-il ailleurs,
le jansénisme n'en a été que le solliciteur.» (_Voyez_ sa brochure
intitulée: _De la Destruction des Jésuites_.)]

[Note 209: Le duc de Choiseul.]

C'étoit dans le plaidoyer de l'avocat général que se trouvoient les
déclamations les plus violentes contre les constitutions de la
société. Il y insistoit surtout, avec une affectation marquée, sur
cette obéissance des religieux envers leur général, obéissance qu'il
appeloit passive et aveugle, comparant celui-ci à ce _Vieux de la
montagne_, dont le moindre signe dirigeoit à son gré ses bandes
d'assassins. La composition en avoit été concertée avec l'abbé de
Chauvelin qui, prenant de là son texte, dénonça ces constitutions dans
une séance du parlement[210], à laquelle on avoit affecté de donner
une grande solennité. Cette dénonciation, faite avec assez d'art, et
qu'il renouvela, quelques jours après, dans un second discours,
n'étoit néanmoins, quant au fond, qu'un résumé des vieilles calomnies
répétées jusqu'à la satiété contre cette institution religieuse, et
toutes constamment fondées sur ce raisonnement absurde: «Que plusieurs
Jésuites théologiens, anciens et modernes, ayant publié certaines
opinions pernicieuses, tant dans le dogme que dans la morale, il
s'ensuivoit nécessairement que tel étoit l'enseignement _constant et
non interrompu_ de la société[211];» Argument au moyen duquel il
n'étoit pas une seule institution politique et religieuse qu'il n'eût
fallu détruire en France, à commencer par le parlement, à qui l'on
pouvoit opposer un si grand nombre d'arrêts hérétiques, séditieux et
même régicides, qu'il avoit rendus, à peu près dans tous les temps. Il
n'est pas besoin de dire que la dénonciation fut accueillie: le
parlement ordonna en conséquence qu'examen seroit fait des
constitutions de la société de Jésus.

[Note 210: Le 17 avril 1761.]

[Note 211: À certaines époques, déjà fort éloignées, où l'on agitoit,
dans les écoles, beaucoup plus de questions de morale et de théologie
qu'on ne l'a fait depuis, et particulièrement la question si
importante des rapports de suprématie et de dépendance qui existent
entre les deux puissances, il en sortoit une foule d'opinions plus ou
moins hasardées, parmi lesquelles il y en avoit même d'exagérées et de
dangereuses. (Celle du régicide, considéré comme _justifiable dans
certains cas_, étoit de ce nombre.) L'Église, attentive à toutes ces
controverses, s'en emparoit, les examinoit avec soin, condamnoit ce
qui étoit condamnable, fixoit les limites du vrai, dans toutes ces
questions; et, sous peine d'anathème, il falloit se soumettre à ses
décisions. Il n'étoit pas un seul ordre religieux, pas une seule
faculté de théologie, qui n'offrît, et en plus grand nombre que chez
les Jésuites, de ces doctrines erronées, que le Saint-Siége avoit
réprouvées: on le prouvoit jusqu'à la démonstration. On défioit, en
même temps, leurs adversaires de citer un seul Jésuite qui eût
enseigné, avec l'autorisation de ses supérieurs, une proposition
condamnée par l'Église, c'est-à-dire _après que l'Église l'avoit
condamnée_: il étoit donc d'une absurdité révoltante de s'en prendre,
sur ce point, aux seuls jésuites, de faire un crime à la société de
n'avoir pas été douée du privilége unique et surnaturel d'être
composée de membres incapables de se tromper.]

Cependant quelque opposition se manifesta dès lors contre cette
persécution inique, et ce fut dans la famille royale qu'elle se forma.
La reine, dont la pitié étoit si sincère et si vive, le Dauphin, qui
promettoit à la France un règne si différent de celui de son père,
savoient les répugnances qu'éprouvoit Louis XV à se prêter aux projets
de la cabale, et ne cessoient de l'exciter à montrer enfin qu'il étoit
le maître, en arrêtant ce torrent d'intrigues et de basses vengeances.
Leurs sollicitations en obtinrent un arrêt qui ordonnoit aux jésuites
de remettre à son conseil d'état les titres de leurs divers
établissements, et qui défendoit au parlement de rien statuer avant un
an, sur l'institut et les constitutions de ces religieux. De pareils
ordres n'étoient pas faits pour l'arrêter: il avoit déjà bravé les
injonctions royales pour de moins grands intérêts; et nonobstant
l'arrêt du conseil, il reçut le procureur général appelant comme
d'abus de toutes les bulles ou brefs promulgués en faveur de la
société[212]; condamna au feu vingt-quatre ouvrages composés par des
jésuites, comme séditieux, destructifs de la morale chrétienne, et
enseignant une doctrine coupable et meurtrière; déclara, d'après
l'assertion absurde et calomnieuse du dénonciateur, «Que tel étoit
l'enseignement _constant et non interrompu_ de la société; rejetant à
cet égard tous _désaveux_ ou _rétractations_, comme inutiles et
dérisoires; lui défendit de tenir des colléges, et à tout sujet du roi
d'y étudier, ou d'entrer dans son institut.» À cet acte de révolte si
insolent, le déplorable prince, qu'ébranloient et commençoient à
entraîner les manoeuvres artificieuses de sa favorite et de son
principal ministre, ne sut opposer que des lettres patentes qui
suspendoient l'exécution de ces mesures iniques, lettres que le
parlement enregistra, mais avec cette stipulation audacieuse, que la
suspension ordonnée auroit pour terme le premier avril 1762.

[Note 212: Le 12 juillet suivant.]

Le roi profita de cet intervalle qu'avoit bien bien voulu fixer le
parlement, pour convoquer à Paris une assemblée d'évêques, à l'effet
d'avoir leur avis sur les constitutions des Jésuites. Cinquante
prélats avoient été convoqués: sur ce nombre, quarante-cinq se
déclarèrent pleinement et formellement en faveur de ces constitutions,
n'y trouvant rien à changer ni à redire sur aucuns points, et
représentèrent la destruction de la société de Jésus comme un malheur
pour l'Église. Quatre demandèrent quelques modifications dans son
régime, et un seul se déclara contre elle[213]. Tel fut le triomphe
des Jésuites dans cette assemblée vénérable. Quatre évêques, nous
venons de le dire, y avoient ouvert un avis plus foible: il devoit
plaire à Louis XV, qui crut y avoir trouvé un moyen de concilier les
esprits. Cet avis fut donc la base d'un édit qu'il rendit au mois de
mars de l'année suivante, peu de jours avant le terme fatal fixé par
le parlement. Par cet édit, les Jésuites continuoient d'exister en
France, mais sous la condition d'y être assujettis à l'autorité du
roi, et à la juridiction des ordinaires; l'autorité du général de
l'ordre y était soumise à certains réglements, ainsi que le régime de
leurs établissements, etc.

[Note 213: M. de Fitz-James, évêque de Soissons, et janséniste
fanatique. Toutefois, dans la lettre qu'il écrivit contre eux, la
force de la vérité lui arracha ce témoignage: «Que les moeurs des
Jésuites étoient pures, et qu'il leur rendoit volontiers la justice de
reconnoître qu'il n'y avoit peut-être point d'ordre dans l'Église dont
les religieux fussent plus réguliers et plus austères dans leurs
moeurs.» (Voyez les _Mém. pour servir à l'Histoire ecclésiastique du
dix-huitième siècle_, année 1761.)]

Pendant qu'une réunion si imposante des premiers pasteurs de l'église
de France réclamoit ainsi en faveur des Jésuites, leurs ennemis
n'avoient eu garde de perdre un temps que tant de circonstances leur
prescrivoient de bien employer. À peine la dénonciation de l'abbé de
Chauvelin avoit-elle été prononcée, que toutes les presses du parti
s'en étoient emparées; on l'avoit répandue avec profusion dans les
provinces, et à ce signal convenu, tout avoit commencé à fermenter
dans les autres parlements. Trois avocats et procureurs généraux, Joli
de Fleury à Paris, Monclar à Aix, La Chalotais à Rennes, s'étoient mis
sur le champ à l'oeuvre. Un atelier de Jansénistes, établi aux
Blancs-Manteaux, leur fournissoit des matériaux, composés, suivant les
traditions polémiques de la secte, de textes altérés, isolés,
tronqués, falsifiés; des plumes, plus exercées que celles de ces
magistrats, étoient employées à revêtir ces compositions mensongères
de tous les prestiges de l'art oratoire, et des formes les plus
énergiques de la satire. Ce fut ainsi qu'ils publièrent des _Comptes
rendus_. L'écrivain choisi pour polir le travail de La Chalotais,
s'étoit montré le plus adroit et le plus éloquent[214]. Ce fut ce
_compte rendu_ qui fit le plus de sensation, et cette sensation fut
prodigieuse: on se l'arrachoit, on en dévoroit les pages, on croyoit à
toutes ces infamies que le silence des jésuites sembloit confirmer, et
un cri presque universel s'éleva contre l'_Institut_.

[Note 214: L'abbé Georgel raconte qu'il se trouvoit chez le prince
Louis de Rohan, à un dîner auquel avoit été invité M. de La Chalotais,
et où se trouvoient réunis, entre autres convives, Buffon, Duclos,
d'Alembert et Marmontel. «Quelqu'un, dit-il, voulant faire sa cour à
l'auteur présumé du _compte rendu_ à la mode, fit tomber la
conversation sur les jésuites. M. de La Chalotais, qui savoit sa
diatribe par coeur, en fit fort bien les honneurs..... J'avois fait,
pour le prince, quelque temps auparavant, un petit travail qui
démontroit à quel point l'ouvrage du magistrat breton avoit tronqué,
altéré et falsifié l'Institut. Interpellé par lui et provoqué par M.
de La Chalotais lui-même, je me trouvai tout à coup entré en lice avec
ce redoutable athlète. Le combat, commencé avec sang-froid et sans
fiel, se prolongea avec chaleur d'une manière très pressante.....
L'issue n'en fut pas heureuse pour le _compte rendu_. L'_Institut_,
édition de Prague, et le _compte rendu_, furent apportés et
confrontés: les altérations étoient palpables. L'extrême embarras du
procureur général fut remarqué de tous les assistants: il sortit, pour
ne point entendre sans doute les réflexions que cette vérification
faisoit naître. Le triomphe de l'_Institut_ fut complet; on parut
persuadé que M. de La Chalotais n'étoit point l'auteur de son _compte
rendu_.» (_Mém._, t. I, p. 80.)]

Ce fut une grande faute de leur part que ce silence qu'ils gardèrent
trop long-temps: il y avoit, dans cette espèce d'abandon de leur
propre cause, cette simplicité trop confiante de l'innocence qui ne
peut croire au succès de la calomnie, lorsqu'elle est poussée à ce
degré qui la confond avec l'extravagance. Ils s'aperçurent enfin
qu'ils se trompoient; que tel étoit l'esprit de vertige répandu sur la
multitude, que ce qu'il y avoit de plus fou dans ces diatribes, étoit
justement ce qui obtenoit le plus de croyance; et leurs apologies
commencèrent à paroître. Elles détruisirent sans peine tout cet
échafaudage de mensonges et d'infamies que l'on avoit élevé contre
eux. Quelques-unes sont restées et resteront comme un éternel monument
de la bassesse et de la méchanceté de leurs ennemis, qui y sont
démasqués et confondus, et dans leurs projets coupables, et dans leurs
manoeuvres ténébreuses. On n'y répliqua point, parce qu'elles étoient
sans réplique. Choiseul, Mme de Pompadour et les parlements, avoient,
pour les réfuter, d'autres arguments: arrivés au point où ils avoient
voulu parvenir, les jésuites ayant été livrés entre leurs mains par
cette suite d'intrigues si savamment ourdies, il n'y avoit plus qu'un
dernier effort à faire auprès du monarque pusillanime, que sa famille,
le corps des évêques, le souverain pontife, maintenoient encore dans
une sorte de résistance à leurs sinistres projets. Son ministre et sa
maîtresse l'entraînèrent enfin en l'effrayant sur sa propre sûreté.
Depuis l'attentat de Damiens, c'étoit un moyen à peu près immanquable
de lui faire faire ce que vouloit le parlement, que de lui montrer un
nouvel assassin prêt à sortir de la foule, que cette réunion de
factieux exaspéroit à son gré. Ils eurent même l'adresse perfide de
faire partager ces alarmes à la famille royale. Elle cessa ses
sollicitations en faveur des Jésuites, et Louis XV retira son édit.

Alors se consomma l'iniquité. Le 1er avril 1762, ainsi qu'il l'avoit
déclaré, une année à l'avance, le parlement fit fermer tous les
colléges des Jésuites; et au même instant, fut publié le recueil
fameux «des _Assertions_ des écrivains de la société,» recueil composé
par des agents de la cabale[215], et avec la même bonne foi qui avoit
présidé aux _Comptes rendus_, et à tant d'autres libelles; et cette
publication fut faite pour justifier cet acte de violation de tous
droits et de toute justice, qui surpassoit ses plus grands
excès[216]. Le 6 août suivant, il rendit son arrêt définitif contre la
société. Elle y étoit présentée «comme abusive, inadmissible, par sa
nature, dans tout état policé; contraire au droit naturel,
attentatoire à l'autorité spirituelle et temporelle[217], etc.» Il
étoit ordonné aux Jésuites de sortir de leurs maisons, d'en quitter
l'habit, de renoncer à l'institut, à ses règles, à la vie commune, de
cesser toutes correspondances avec les membres de leur ordre, etc. Le
parlement de Rennes suivit le premier cet exemple; après lui vint le
parlement de Rouen, qui se signala par une fureur encore plus grande,
et telle, qu'elle fut blâmée même dans le parti. À Bordeaux, à Metz, à
Perpignan, à Aix, à Toulouse, à Pau, à Dijon, à Grenoble, la cabale
eut plus d'obstacles à vaincre; mais il est remarquable que, partout,
elle ne l'emporta que d'un petit nombre de voix[218]. Quelques
parlements ne se laissèrent point ébranler, et refusèrent de mentir à
leur conscience[219]. Clément XIII condamna ce qui venoit de se
passer, aussitôt, qu'il en eut connoissance, par un bref apologétique
des Jésuites, annonçant aux cardinaux françois, qu'il avoit déclaré
_vains et nuls_, dans un consistoire et par un décret solennel, tous
ces arrêts des parlements de France. L'archevêque de Paris, à peine
revenu de l'exil, éleva de nouveau cette voix que l'on étoit toujours
sûr d'entendre chaque fois qu'il y avoit péril pour la religion; et,
dans une instruction pastorale devenue fameuse, attaquant le jugement
rendu contre les Jésuites par les tribunaux séculiers, les convainquit
de mensonge et d'ignorance dans ce qu'ils avoient avancé sur leur
institut, sur leurs voeux, sur leurs doctrines, sur leurs fonctions.
Un grand nombre d'évêques, qui n'avoient point encore parlé, rompirent
le silence, et unirent leurs réclamations à celles de l'intrépide
archevêque; et, à l'exception de quatre de ses membres, ce fut alors
le corps épiscopal qui s'éleva tout entier en faveur de la société.
Les actes les plus graves et les plus solennels des premiers pasteurs
de l'Église, n'étoient pas faits pour en imposer au parlement: on peut
dire au contraire que son audace en devint plus insolente.
L'instruction de l'archevêque de Paris lui fut dénoncée; et bien que
le dénonciateur eût lui-même reconnu qu'elle étoit écrite avec
modération, un arrêt la condamna au feu. Ces furieux attaquèrent
ensuite le prélat lui-même, et quoique le roi l'eût exilé
sur-le-champ à la Trappe, comme pour le soustraire à leur vengeance,
et que, dans l'impossibilité de _mieux faire_ pour lui, il les
conjurât de ne pas aller plus loin, il ne put éviter des remontrances
où ils distillèrent, en quelque sorte, leur rage contre les Jésuites
et contre leurs généreux défenseurs. Cette rage ne connoissant plus de
bornes; ils sévirent contre tous les écrits que l'on publioit en
faveur de la société, contre les distributeurs de la lettre pastorale
de M. de Beaumont, contre les évêques qui y adhéroient par des
mandements, et supprimèrent les brefs du pape[220]. Il leur manquoit
encore de chasser de Paris le grand nombre d'évêques que ce danger
imminent de l'Église y avoit attirés: ils essayèrent de le faire, en
ordonnant au procureur-général «de faire exécuter les lois sur la
résidence.» Enfin, voulant en finir tout d'un coup avec ses victimes,
le parlement rendit un arrêt qui prescrivoit aux Jésuites de renoncer
à leur institut «par un serment,» c'est-à-dire, qui leur ordonnoit le
parjure contre Dieu même; et comme ils refusèrent presque tous de le
prêter, un autre arrêt fut rendu sur le champ, et c'étoit celui de
leur bannissement. Jamais proscription plus inique ne fut exécutée
avec plus de cruauté: ni l'âge, ni les infirmités, ni l'éclat des
talents, ni la vertu la plus éprouvée, ni les plus utiles travaux, ni
les supplications même de la famille royale qui demandoit que du moins
on lui laissât quelques-uns de ces proscrits qu'elle avoit attachés à
son service, rien ne put devenir un titre d'exception; et quatre mille
religieux, qu'il avoit plu à ces tyrans en simarre de placer entre
leur conscience et la faim, furent arrachés à leur famille, à leur
pays, et forcés d'aller mendier leur pain dans une terre
étrangère[221]. De quoi les accusoient leurs persécuteurs? ils ne leur
reprochoient aucun crime; ils avouoient que leur conduite étoit
régulière; que leurs moeurs étoient irréprochables: tout leur tort
étoit d'être soumis «à une règle impie, sacrilége, attentatoire à la
majesté divine et à l'autorité des deux puissances.» C'étoit
uniquement pour cela que l'on sévissoit contr'eux. Nous avons vu qu'en
Portugal, au contraire, on les avoit chassés, parce que c'étoient des
hommes corrompus, abominables, «qui avoient dégénéré de la _sainteté_
de leur pieux institut[222].» Telles sont les contradictions
monstrueuses de l'iniquité. Cependant ce dernier acte de barbarie
trouva des désapprobateurs, même parmi les ennemis les plus ardents
des Jésuites. Peu de parlements se sentirent le courage d'imiter celui
de Paris; et, de cette diversité de conduite, il résulta que le roi,
conseillé par Choiseul qui trouvoit lui-même que les instruments de sa
haine avoient trop fait, rendit un édit qui adoucit la rigueur de
l'arrêt, soumit les Jésuites à une loi commune, et permit aux bannis
de respirer du moins l'air de leur pays.

[Note 215: On a conservé les noms de ces artisans de mensonges:
c'étoient un conseiller nommé Roussel de Latour, un abbé Goujet, et un
sieur Minard. (_Mém. pour servir à l'Histoire ecclésiastique du
dix-huitième siècle_, année 1762.)]

[Note 216: «Ce qui est révoltant à l'excès, dit un contemporain dont
l'écrit, encore manuscrit et rempli des détails les plus curieux sur
cette grande affaire, est entre nos mains, c'est d'avoir falsifié la
doctrine de ces Pères, pour la rendre odieuse; d'avoir altéré,
tronqué, mutilé les textes de leurs auteurs, de manière à leur faire
dire précisément le contraire de ce qu'ils disoient, soit pour leur
faire combattre la doctrine pure et sainte établie et défendue dans
ces textes, soit pour leur faire soutenir et appuyer la doctrine
erronée, combattue et réfutée dans ces textes mêmes, calomnies
horribles, impostures inimaginables, qu'il faut avoir vues et
vérifiées pour les croire, et qui donnent l'idée la plus étrange, non
seulement des accusateurs, mais de juges assez dégradés, assez
corrompus pour avoir prononcé, d'après de pareils témoins.» C'étoit
justement ce livre des _Assertions_ qui excitoit à ce point
l'indignation de cet écrivain. Les infâmes qui avoient fabriqué ce
tissu de mensonges et d'horreurs furent confondus dans un écrit
intitulé: _Réponse aux Extraits des Assertions_; mais les
calomniateurs étoient les plus forts: ils _brûloient_, et ne
répondoient pas.]

[Note 217: Il ne se peut rien imaginer de plus odieux et de plus
dérisoire, que de voir cette assemblée de gens de robe, qui supprimoit
les brefs du pape, exiloit les évêques, emprisonnoit et bannissoit les
prêtres, prendre hypocritement fait et cause pour la puissance
_spirituelle_, à l'égard d'un ordre religieux que le pape déclaroit
utile à l'Église, et soutenoit contre les arrêts de ces factieux par
de nouveaux brefs qu'ils supprimoient encore; en faveur duquel le
corps épiscopal entier élevoit des réclamations qu'ils flétrissoient
de condamnations infamantes; et qu'il n'étoit permis à aucun membre du
clergé de défendre, sous peine de châtiment.]

[Note 218: «Ce qui fait douter, dit encore un contemporain, que tous
les parlements fussent dans le secret, c'est la diversité des
suffrages. À Rouen, 20 contre 13; à Rennes, 32 contre 29; à Toulouse,
41 contre 39; à Aix, 24 contre 22; à Bordeaux, 23 contre 18; à
Perpignan, 5 contre 4. De sorte qu'en faisant le résumé des opinions,
5 à Rouen, 3 à Rennes, 2 à Toulouse, 2 à Aix, 5 à Bordeaux, 1 à
Perpignan; le nombre se réduit à _dix-huit_. Il se trouve que ce sont
dix-huit particuliers qui, malgré l'édit du roi, l'intervention du
pape, le suffrage des évêques, le voeu de la nation, détruisent les
Jésuites, condamnent un institut religieux, annulent des voeux
solennels, disposent de l'enseignement public, et jugent l'affaire du
monde la plus importante, qui est le moins de leur compétence, et qui
intéresse le plus directement l'autorité de l'Église et le
gouvernement du roi.» (_Mes Doutes sur l'Affaire présente des
Jésuites_, brochure de 49 pages, 1762.)]

[Note 219: Les parlements de Douai, de Besançon et d'Alsace. Le
conseil provincial de l'Artois se déclara aussi pour les Jésuites;
mais il ne put soutenir ses arrêts, qui furent cassés par le parlement
de Paris. En Lorraine, ils demeurèrent tranquilles sous la protection
du roi Stanislas, et n'en furent expulsés qu'après sa mort.]

[Note 220: Il n'est pas besoin de dire que les autres parlements
suivirent leur exemple. Il y en eut même qui firent brûler ces brefs
par la main du bourreau. (_Mém. pour servir à l'Histoire
ecclésiastique du dix-huitième siècle_, année 1764.)]

[Note 221: Cependant tous ne furent pas exilés. À Brest, on condamna
un Jésuite à être pendu pour _quelques indiscrétions_. Semblable arrêt
fut rendu à Paris contre un ecclésiastique nommé Ringuet, accusé de
s'être _émancipé_ sur les parlements, _dans la chaleur de la
conversation_: il fut pendu le 30 décembre 1762. Depuis, le tribunal
révolutionnaire n'a guère mieux fait. (Voyez les _Mém. pour servir à
l'Histoire ecclésiastique du dix-huitième siècle_, année 1762.)
Voltaire et d'Alembert s'égaient sur l'exécution de ce prêtre, dans
leur correspondance infernale. La lettre de d'Alembert est du 12
janvier 1763, et la réponse de son patron, du 18 du même mois.]

[Note 222: _Voyez_ page 319.]

Cette même année mourut Mme de Pompadour, et la date de sa mort nous
dispense de toute réflexion sur cette femme. La faveur de Choiseul,
déjà grande, s'accrut de toute celle qu'elle avoit possédée[223]:
sans en avoir le titre, il obtint tous les pouvoirs de premier
ministre, les honneurs qu'il voulut, les richesses qu'il lui plut
d'accumuler, et n'en devint que plus acharné contre les Jésuites,
qu'il avoit des motifs particuliers de haïr, motifs que l'on a crus
fort différents de ceux qu'il faisoit publiquement valoir[224]. Lié
avec les chefs du parti philosophe dont il étoit le disciple, poussé
par eux et par une perversité égale à la leur, cet homme, devenu le
maître de la France, avoit conçu le projet insensé (et des lettres de
sa main en font foi) de détruire, dans le monde entier, l'autorité du
pape et la religion catholique. Or, l'entière destruction d'un ordre
religieux si fortement constitué, et qui, répandu dans les deux
hémisphères, soutenoit et propageoit de toutes parts la pureté de la
foi et la plénitude de cette autorité apostolique, devenoit la
condition première d'un semblable projet: il s'y porta donc de toute
l'activité de son esprit, nourri d'intrigues et de fraudes. C'étoit en
Espagne que le plus grand coup restoit à frapper: il n'est point
encore de notre sujet de raconter, par quels moyens et par quels
sacrifices faits aux dépens de la dignité du trône de France, il sut
s'introduire dans les bonnes grâces de Charles III, s'appuyant en
même temps, et par d'autres concessions, de l'influence de la cour de
Vienne, afin de se rendre inébranlable dans son pouvoir et dans son
crédit; l'horrible machination des prétendues lettres du P. Ricci,
dans lesquelles il avoit tracé lui-même le plan d'une conspiration
imaginaire contre le monarque espagnol; l'insurrection populaire que,
d'accord avec Pombal, il sut exciter à Madrid, pour aigrir encore
davantage les ressentiments d'un prince, dont le caractère opiniâtre
et impétueux étoit propre à embrasser tous les partis extrêmes
auxquels ils vouloient le pousser; l'expulsion des Jésuites de toutes
les contrées de l'Espagne, sans en excepter le Paraguay qu'ils avoient
civilisé, décidée par le roi dans un conseil mystérieux où furent
admis seulement trois de ses plus affidés ministres; l'exécution
violente et singulière de cette décision, opérée le même jour, à la
même heure, dans toutes les parties du monde; et ces victimes, que
l'on disoit possédées de l'esprit d'indépendance et de révolte,
étonnant leurs persécuteurs par leur patience et leur résignation; les
Jésuites, chassés immédiatement après, du royaume de Naples et du
duché de Parme[225], sur une simple invitation de Charles III, à son
fils et à son frère; Clément XIII recueillant ces pieux exilés que
l'on avoit jetés sur les côtes de ses États, et leur faisant partager
l'asile qu'il avoit déjà accordé à leurs frères du Portugal; les
inutiles efforts de ce saint pape pour ramener à des sentiments plus
justes et plus modérés, un monarque dominé par ses terreurs, par ses
préventions, et à qui les machinateurs de ce complot avoient eu l'art
de persuader qu'il ne pouvoit, sans danger, laisser échapper un
secret, dont la découverte les eût perdus[226]; ce même Charles III,
plongé, par ces terreurs toujours croissantes, dans une sorte
d'égarement, et poursuivant les Jésuites dans l'Europe entière après
les avoir chassés de ses États; entraînant d'abord le roi de Portugal,
plus difficilement Louis XV, mais enfin, à l'aide de Choiseul, le
déterminant à s'unir aussi à lui pour demander au pape la suppression
de l'ordre, son existence seule étant encore un sujet d'alarmes pour
ses implacables ennemis; la résistance inflexible de Clément XIII, et
sa mort, sur laquelle s'élevèrent d'affreux soupçons[227]; les
intrigues qui précédèrent le conclave où le cardinal de Bernis, envoyé
par Choiseul, continua d'intriguer pour faire élire un pape tel qu'il
étoit nécessaire qu'il fût pour l'accomplissement du dessein arrêté
par les trois couronnes; Ganganelli élu, et les soupçons qui se
répandirent alors, soupçons qui ne sont point encore détruits, d'un
marché simoniaque, dont cette suppression des Jésuites devoit être le
prix[228]; ses indécisions, ses terreurs, ses tergiversations[229]
lorsqu'il fut sommé d'exécuter son engagement; les circonstances
honteuses et singulières qui accompagnèrent cet acte arraché à sa
foiblesse et à sa lâcheté; la vie de ce pontife devenue, depuis ce
moment, une suite continuelle d'inquiétudes, de remords, et se
terminant par une mort effrayante et prématurée[230]; sa rétractation
trop tardive de la faute qu'il avoit commise, rétractation qu'il fit
peu de temps avant de mourir, et dont l'authenticité est
incontestable[231]; enfin les Jésuites, repoussés et comme exterminés
de tous les États catholiques[232], trouvant, par une circonstance qui
n'est pas la moins frappante et la moins extraordinaire de cette
grande catastrophe, un refuge assuré chez des princes hérétiques et
schismatiques, comme si ceux-ci eussent reçu mission de conserver ces
restes précieux de la milice chrétienne, la plus redoutable au schisme
et à l'hérésie[233]. Nous passons donc légèrement sur cette suite
d'événements qui se prolongèrent jusqu'à l'année 1774, où ils eurent
leur dernier accomplissement. Ce qui se passa en France doit seul nous
occuper. L'exemple de l'Espagne n'y fut pas perdu pour le parlement:
ces nouveaux crimes dont les Jésuites étoient accusés leur fournirent
un prétexte d'importuner le roi de nouveaux cris, d'accabler leurs
victimes de nouvelles accusations, d'obtenir enfin qu'un nouvel arrêt
de bannissement qu'ils prononcèrent ne fût point révoqué par un nouvel
édit. Il fut rendu en 1767; et les Jésuites, à l'exception d'un très
petit nombre, qui s'étoient parjurés, disparurent entièrement du sol
de la France.

[Note 223: «Il n'a pas échappé au soupçon, bien ou mal fondé, d'avoir
contribué à hâter le trépas de cette maîtresse dont le pouvoir étoit
si absolu, et que Louis XV oublia si facilement après l'avoir perdue.
(_Mém. de l'abbé Georgel_, t. I, p. 96.)]

[Note 224: Il racontoit une prétendue conversation qu'il disoit avoir
eue, pendant son ambassade à Rome, avec le P. Ricci, général des
Jésuites, dans laquelle il s'étoit convaincu que le chef de cet ordre,
au moyen du voeu secret qui lioit toutes les volontés de ses religieux
à la sienne, étoit instruit de tout ce qui se passoit, et dans les
cabinets des princes et dans l'intérieur des familles; ajoutant que,
dès lors, il avoit jugé qu'une société semblable étoit dangereuse dans
un État. Cette conversation semble fort invraisemblable; mais vraie ou
fausse, elle ne fut point le véritable motif de l'acharnement qu'il
mit à la destruction des Jésuites. L'abbé Georgel raconte, et son
récit est confirmé par d'autres écrits du temps[224-A], qu'instruite,
et dans le plus grand détail, par le dauphin lui-même, des manoeuvres
secrètes et détestables employées pour lui nuire, par ce ministre et
par madame de Pompadour, la société avoit fait faire, par le plus
habile de ses écrivains (le P. Neuville), un Mémoire contre lui, et
que ce Mémoire avoit été présenté au roi. Cet incident suscita un
orage que la favorite et son protégé eurent beaucoup de peine à
apaiser; enfin ils parvinrent à persuader à leur dupe qu'on les avoit
calomniés, et le Mémoire fut jeté au feu. «Mais, dès ce jour, ajoute
cet écrivain, ces âmes vindicatives conjurèrent la perte du dauphin et
l'anéantissement de ses protégés. Effectivement, à dater de cette
époque, ce prince, calomnié sans cesse près de son père, perdit sa
confiance; et une maladie lente, dont il connut la cause, le conduisit
au tombeau. Les gens de l'art y découvrirent les traces d'un poison
lent et infaillible.» Il ajoute avoir entendu dire à l'empereur Joseph
II, dans une conversation familière chez la princesse d'Esterhasy,
qu'à l'occasion de cette mort, de fortes présomptions s'élevoient
contre le duc de Choiseul. (_Mém._, t. I, p. 102.)]

[Note 224-A: Particulièrement dans une brochure intitulée:
«_Destruction des Jésuites en France_, anecdote politique et
intéressante, trouvée dans les papiers d'un homme bien instruit des
intrigues du temps.» Londres, chez Jos. Booker, nº 56, new Bond
Street.]

[Note 225: Vers ce temps-là (en 1768), le roi de France s'empara
d'Avignon et du Comtat, pour venger ce même duc de Parme d'un bref
d'excommunication que le pape, poussé à bout par les entreprises
audacieuses et sacriléges de ce prince sur les droits de l'Église,
s'étoit vu forcé de lancer contre lui. Il ne semble pas cependant que
ce fût pour se liguer contre le père commun des fidèles, que les
Bourbons eussent signé le _Pacte de Famille_.]

[Note 226: Voyez les _Mém. de l'abbé Georgel_, t. I, p. 123.]

[Note 227: Cette mort, ardemment désirée par ceux qui soupiroient
après la ruine des Jésuites, ne parut pas naturelle. Les dernières
paroles de Clément XIII prouvent qu'il en jugeoit ainsi lui-même. »Je
pardonne ma mort, dit-il à ceux qui ne m'ont jamais pardonné mon
attachement pour un ordre, que j'ai toujours regardé comme un des plus
forts boulevarts de l'Église.» (_Mém. de l'abbé Georgel_, t. I, p.
132.)]

[Note 228: Sur ce marché conclu par le cardinal Ganganelli avec les
ministres des trois couronnes, l'abbé Georgel donne des détails
curieux, circonstanciés, mais qui n'ont pas un caractère suffisant
d'authenticité. Cependant il paroît certain que pour arracher un
consentement qu'il s'efforçoit encore de refuser, l'ambassadeur
d'Espagne à Rome, Florida Blanca, le menaça de faire imprimer
certaines lettres et certaines promesses; et que sur cette menace, il
ne résista plus.

Telles étoient toutefois les angoisses auxquelles il étoit livré,
qu'il n'osa exécuter cette destruction de la société de Jésus par une
bulle solennelle. Il pensa qu'un simple bref le compromettroit moins;
et ne pouvant même prendre sur lui de faire la rédaction de ce bref,
ce fut un général d'ordre, celui des _Piaristes_, qu'il en chargea. Il
fallut encore de nouveaux cris et de nouvelles menaces de la part des
ambassadeurs-philosophes dont il étoit sans cesse obsédé, pour le
déterminer à y mettre sa signature. Enfin il le signa[229-A]; mais ce
qui est remarquable, c'est que ce bref ne fut ni publié ni affiché
dans les endroits destinés, à Rome, à la publication des lois, ni au
Champ de Flore ni aux portes de Saint-Pierre; il ne fut pas non plus
enregistré à la chancellerie, publication et enregistrement
nécessaires cependant, même aux bulles, pour leur donner force de loi.
Il sembloit que ce pape infortuné cherchât ainsi à invalider, autant
qu'il étoit en lui, l'acte injuste et honteux que la peur lui avoit
arraché.]

[Note 229: Nous avons recueilli une lettre curieuse et très rare, que
Clément XIV écrivit à Louis XV, en 1769; elle peut donner matière à
bien des réflexions.

     «Je m'attends que les ambassadeurs de la maison de Bourbon vont
     faire les plus vives instances..... Il est donc à propos que je
     prévienne Votre Majesté sur ces objets, et que je lui déclare mes
     sentiments. 1º J'ai envoyé au duc de Parme les dispenses de
     mariage qu'il m'a demandées. Je suspends, à son égard, tous les
     effets du bref dont il se plaint[229-B] et des bulles qui y sont
     relatives, et je lui donne cordialement ma bénédiction
     apostolique.

     »2º Pour ce qui regarde les Jésuites, je ne puis ni blâmer ni
     anéantir un institut loué par dix-neuf de mes prédécesseurs, et
     le puis d'autant moins qu'il a été confirmé par le saint concile
     de Trente, et que, _selon vos maximes françoises_, le concile
     général est au dessus du pape. Si l'on veut, j'assemblerai un
     concile général, où tout sera discuté avec justice et équité, à
     charge et à décharge, dans lequel les Jésuites seront entendus
     pour se défendre; car je dois aux Jésuites, comme à tout ordre
     religieux, justice et protection. D'ailleurs, la Pologne, le roi
     de Sardaigne et le roi de Prusse même, m'ont écrit en leur
     faveur; ainsi je ne puis, par leur destruction, contenter
     quelques princes qu'au mécontentement des autres.

     »3º Je ne suis point propriétaire, mais administrateur des
     domaines du Saint-Siége. Je ne puis céder ni vendre le comtat
     d'Avignon, ni le duché de Bénévent; tout ce que je ferois à cet
     égard seroit nul, et mes successeurs pourroient réclamer comme
     d'abus.

     »Au reste, je céderai à la force, et ne repousserai pas par la
     force, quand je le pourrois: je ne veux pas répandre une goutte
     de sang pour des intérêts. Vous êtes, Sire, fils aîné de
     l'Église; je connois la droiture de votre coeur. Je travaillerai
     volontiers, seul à seul, avec Votre Majesté, tous les intérêts
     que nous avons à démêler. Je prie, tous les jours, pour votre
     prospérité, et je vous donne cordialement ma bénédiction
     apostolique.»

Cette lettre a été publiée dans un bulletin du 1er novembre 1769.]

[Note 229-A: Le 21 juillet 1773.]

[Note 229-B: Le bref d'excommunication publié contre lui par Clément
XIII, et dont nous venons de parler.]

[Note 230: Voyez les _Mém. de l'abbé Georgel_, t. I, p. 158.]

[Note 231: Cette rétractation est datée du 29 juin 1774, jour de la
fête de Saint-Pierre. Elle est écrite en latin, et se trouve rapportée
en entier dans une histoire des Jésuites, écrite en allemand par
Pierre-Philippe Wolff, imprimée à Zurick, en 1791; troisième partie,
page 296 et suivantes. (Voyez les _Mémoires de l'abbé Georgel_, t. I,
p. 159.)

Voilà un pape qui se rétracte: que devient donc l'infaillibilité du
Saint-Siége, s'écrieront peut-être quelques esprits superficiels?
Cette infaillibilité est dans la foi et non dans un fait personnel, à
l'occasion duquel un pape, en sa qualité d'homme, peut se tromper et
faillir tout comme un autre homme, et même autant que le plus foible
des hommes. En détruisant les Jésuites, Clément XIV a-t-il sacrifié la
doctrine du concile de Trente et la foi de tous les conciles,
soutenues et défendues par cette société? a-t-il approuvé celles des
Jansénistes et des Quesnélistes leurs ennemis? Pour s'être fait le
complice de leurs passions et de leur animosité, s'est-il fait en même
temps le docteur de leur hérésie et de leurs impiétés? Toute la
question de l'infaillibilité est là dedans.]

[Note 232: Marie-Thérèse ne se prêta qu'avec la plus grande répugnance
à l'exécution du bref de destruction des Jésuites; et pour l'y
déterminer, il fallut que Clément XIV lui fit un cas de conscience de
sa résistance au chef visible de l'Église. «L'Allemagne, la Pologne,
le Piémont, Venise, Gênes, la Suisse, y procédèrent avec des
ménagements, qui annonçoient l'estime et la considération qu'on y
conservoit pour cette société. Dans tous ces États, les individus
supprimés reçurent des pensions alimentaires; les évêques continuèrent
de les employer dans le ministère; et plusieurs Jésuites, sous l'habit
de prêtres séculiers, furent réservés pour l'enseignement et
l'éducation de la jeunesse.» (_Mém. de l'abbé Georgel_, t. I, p.
156.)]

[Note 233: Le roi de Prusse et l'impératrice de Russie. Frédéric leur
laissa leurs maisons et leurs biens en Silésie; Catherine II, malgré
toutes les sollicitations des souverains de la maison de Bourbon,
s'obstina à les conserver dans la Russie Blanche, où ils avoient des
établissements.]

Alors se fit sentir, dans toutes les parties du saint ministère, la
plaie qu'avoit faite à la France la destruction de cet ordre
religieux. La prédication évangélique perdit en eux ses organes les
plus éloquents; et les moyens mercenaires que l'on crut devoir
employer pour exciter, en ce genre, quelque émulation, ne servirent
qu'à prouver que le zèle et le désintéressement font seuls les
orateurs sacrés. On vit, dès lors, languir les missions nationales par
lesquelles se renouveloit en quelque sorte la face des diocèses et des
paroisses, se réparoient les scandales, se ranimoit la ferveur
religieuse, et dont les Jésuites étoient les principaux et les plus
habiles ouvriers. Le vide fut plus affligeant encore dans les missions
étrangères: elles tombèrent presque entièrement; la société de Jésus,
qui les avoit si admirablement organisées, ayant seule, dans ses
institutions, les moyens de les maintenir florissantes et d'en
développer complétement les progrès, au milieu de tant d'obstacles
dont elles sont environnées. Mais c'est surtout dans l'éducation de la
jeunesse que cette plaie fut sensible; c'est là qu'elle devint
irrémédiable. À ces écoles, où les semences des doctrines et des
sentiments religieux pénétroient de toutes parts l'intelligence des
élèves, en même temps qu'elle se fortifioit de ces études profanes
dans lesquelles les Jésuites encore n'avoient point de rivaux,
succédèrent des colléges, que nous peindrons d'un seul trait, en
disant que d'Alembert fut chargé d'y fournir le plus grand nombre des
professeurs. Alors venoit de naître la génération qui a fait la
révolution de 1789; et c'est là qu'elle a été élevée.

Ce fut immédiatement après la destruction des Jésuites en France, et
seulement après (ceci mérite d'être remarqué) que l'impiété rompit
toutes ses digues, déchira ses derniers voiles, et attaqua, non plus
obliquement comme elle l'avoit fait jusqu'alors, mais en face, Dieu et
le christianisme; c'est alors que parut, dans tout son éclat, le
sophiste Jean-Jacques Rousseau, le plus éloquent sans doute et
peut-être le plus dangereux de tous ces professeurs d'incrédulité, par
cela même qu'il couvroit d'un vernis de _religiosité_ ses attaques
contre la religion, et calmoit jusqu'à un certain point la conscience
en corrompant l'esprit et en justifiant les passions; aussi
l'enthousiasme qu'il fit naître alla-t-il jusqu'au fanatisme. Alors
Voltaire commença à entrer dans ces fureurs impies, qui firent de son
affreuse vieillesse comme une longue possession; et le projet de
détruire le christianisme fut publiquement avoué, et, autant qu'il
étoit en lui, publiquement exécuté par ce patriarche des modernes
philosophes[234]. Alors parurent l'_Émile_, la _Nouvelle Héloïse_, le
_Dictionnaire philosophique_, les _Lettres de la Montagne_, le _Sermon
des cinquante_, le _Testament de Jean Meslier_, la _Profession de foi
du vicaire savoyard_, la _Philosophie de l'Histoire_, et tant d'autres
écrits où ces deux hommes, dont le talent étoit alors hors de pair,
endoctrinoient une génération depuis si long-temps préparée à recevoir
leurs funestes leçons; ce fut à cette même époque que la
correspondance de Ferney prit une plus grande activité, et multiplia,
dans toutes les parties de la France, ses dangereuses relations.
Ministres, gens de cour, magistrats, ne craignirent plus d'avouer
leurs liaisons de doctrine et d'intérêts avec la secte philosophique;
et, le croira-t-on, les livres qu'elle produisoit, dénoncés encore au
parlement, et, par la plus absurde des contradictions, quelquefois
condamnés, circuloient librement sous la protection du magistrat, qui
étoit alors directeur de la librairie[235]. Plus d'une fois encore le
clergé poussa des cris d'effroi et fit entendre des gémissements qui
retentirent jusqu'au pied du trône; et les actes de son assemblée de
1765, dans lesquels sa prévoyance signala tous les maux dont tant de
licences inouïes menaçoient la société, et établit, d'une main ferme,
les droits de l'autorité spirituelle, que l'on envahissoit de toutes
parts, sont au nombre des monuments les plus remarquables que ces
assemblées solennelles aient produits. Le corps épiscopal entier, à
l'exception de quatre évêques, toutes les facultés de théologie, une
foule innombrable de curés et autres ecclésiastiques y adhérèrent: le
parlement proscrivit ces actes; l'assemblée protesta contre les
violences et les usurpations continuelles du tribunal séculier, et la
cour cassa les actes du parlement. Mais (et cette circonstance est
surtout digne d'attention) cette cour, qu'importunoit un parlement
factieux, s'alarma de la liberté généreuse avec laquelle le clergé
venoit de défendre l'indépendance de l'Église; et la bulle
_Apostolicum_ de Clément XIII[236], dans laquelle cette indépendance
de l'autorité spirituelle étoit fortement exprimée, ayant été publiée
à cette même époque, un arrêt du conseil, en date du 24 mai 1766,
rappela les dispositions de l'édit de 1682, non seulement tombé en
désuétude, mais formellement révoqué par la lettre de Louis XIV à
Innocent XII[237], et lui rendit le caractère de loi du royaume, qu'il
avoit depuis si long-temps perdu. Ainsi reparurent les quatre articles
que, de nos jours, quelques membres du clergé, heureusement peu
nombreux, et dont le nombre va toujours décroissant, ont encore le
courage de défendre, et que promulguoit alors un ministère philosophe,
disputant le servage de l'Église à un parlement janséniste[238].

[Note 234: Ce fut alors que toutes ses missives à ses disciples et à
ses frères, se terminèrent par cette formule, qu'aucune expression ne
sauroit qualifier, dans aucune langue: _écrasons l'infâme_.]

[Note 235: M. de Malesherbes; c'étoit un des protecteurs et des
admirateurs les plus déclarés de J.-J. Rousseau. Il a depuis expié,
par un acte sublime de dévouement, les graves erreurs de sa carrière
administrative; et sa mort demande grâce pour sa vie.]

[Note 236: Cette bulle, donnée en 1765, fut le dernier effort de ce
vénérable et courageux pontife en faveur de la compagnie de Jésus. Ses
sollicitations auprès de Louis XV n'ayant pu arrêter la catastrophe
qu'il redoutoit, il pensa qu'un acte aussi solennel qu'une bulle du
Saint-Siége feroit peut-être plus d'effet: celle-ci confirma de
nouveau l'Institut, dont elle louoit la sainteté et l'utilité. Clément
XIII ne la publia toutefois qu'après avoir écrit à tous les évêques
pour leur demander leur avis. On assure que presque tous, dans leurs
réponses, se prononcèrent pour la conservation de l'ordre. (_Mém. pour
servir à l'Histoire ecclésiastique du dix-huitième siècle_, année
1765.)]

[Note 237: _Voyez_ la première partie de ce volume, p. 131.]

[Note 238: Certes, l'Église de France, que nous voyons, pendant tout
le cours de ce malheureux siècle, presque uniquement occupée de
défendre les droits de la puissance _spirituelle_, sans cesse attaqués
et si souvent envahis par l'autre puissance, étoit loin de désirer le
rétablissement de cette déclaration fatale, à peu près tombée dans
l'oubli depuis près d'un demi-siècle, et dont l'effet devoit être de
légitimer tant de violences et d'usurpations. On peut même dire que
ces combats qu'elle n'avoit cessé de soutenir contre les parlements,
et ces représentations solennelles qu'elle avoit tant de fois
adressées au souverain, étoient comme une continuelle protestation
contre ce que l'on appeloit si dérisoirement les _libertés
gallicanes_.]

Ce n'étoit pas contre de semblables édits que ce parlement faisoit des
remontrances: il se hâta de montrer combien il approuvoit celui-ci,
en rendant un arrêt pour faire exécuter une nouvelle loi de
silence[239] que le ministère avoit publiée, en même temps qu'il
rétablissoit les quatre articles, ce qui les mettoit sans contredit
hors de toute discussion; et sans perdre un moment il fit payer au
clergé séculier cette espèce de trève qu'il lui avoit accordée, alors
que les jésuites occupoient tout son temps, en recommençant ses
procédures sur les refus de sacrements, remettant en vigueur les
poursuites, les décrets de prise de corps, les bannissements;
ordonnant à des évêques, convoqués à Paris par les agents du clergé,
d'en sortir dans trois jours, comme il auroit pu le faire à des
malfaiteurs; bravant les arrêts du conseil qui essayoit vainement de
modérer ses excès, et qui commençoit à s'en effrayer.

[Note 239: On a sans doute remarqué ces lois de _silence_ qui se
renouvellent si souvent, et qui semblent être la dernière ressource du
pouvoir, au milieu de ces déplorables débats. Le despotisme n'en sait
pas davantage: c'est aux intelligences qu'il en veut, parce qu'il n'y
a que le mouvement des intelligences qui le contrarie dans sa marche
stupide et orgueilleuse. Dans l'Orient, où tant de causes arrêtent le
développement de la raison humaine, il peut régner paisiblement sur
des populations abruties et stationnaires dans leur abrutissement: sa
folie est de vouloir s'établir au milieu des nations chrétiennes, et
même lorsqu'elles abusent le plus de la lumière du christianisme.
C'est la région des intelligences: là il est donné au pouvoir,
lorsqu'il est intelligent lui-même, de les diriger: les arrêter en une
entreprise au dessus de ses forces; et c'est pour n'avoir pas compris
cette grande vérité, pour ne pas la comprendre encore, que tout
pouvoir chancelle ou périt au sein de la chrétienté.]

Cependant le torrent des mauvais livres alloit toujours croissant: il
débordoit jusque dans les campagnes, attaquant à la fois tous les
pouvoirs et toutes les vérités; les brochures de Voltaire, où
s'exhaloit, sous les formes les plus cyniques, une fureur d'impiété
poussée jusqu'à la rage, se succédoient avec une rapidité prodigieuse,
et la police ne sembloit veiller sur lui que pour lui assurer
l'impunité[240]. Sa considération, son influence s'augmentoient par
l'effet même des poisons qu'il répandoit dans la société; ses
protecteurs et ses admirateurs étoient partout[241]. À leur tête
s'étoit placé ce même Frédéric, dont la cour n'avoit cessé d'être le
refuge assuré de tous les écrivains impies que la France rejetoit de
son sein, qu'il faut considérer lui-même comme le plus coupable et le
plus dangereux de tous, parce qu'il étoit roi, qu'il avoit une grande
renommée, et qu'ainsi les exemples et les leçons qu'il donnoit, venant
de plus haut, avoient plus d'autorité. La coterie, plus détestable
encore, du baron d'Holbach[242] s'étoit organisée, et le _Système de
la nature_ avoit paru, c'est-à-dire un livre où, plus conséquents que
tous les libres-penseurs qui les avoient précédés, ceux-ci déclaroient
ouvertement la guerre à Dieu, aux prêtres, aux rois, rejetant tout
ordre et toute société, livre qui effraya l'autre clique des
philosophes[243], et que Voltaire attaqua avec ces foibles armes qui
sont à l'usage des déistes contre les athées, et qu'il est si facile à
ceux-ci de briser entre leurs mains[244]. D'Holbach et son principal
auxiliaire, Diderot, triomphèrent donc, et sans beaucoup d'efforts, de
leurs _consciencieux_ adversaires, et la nouvelle école de philosophie
qu'ils avoient formée, plus positive et plus entreprenante, répandit
encore plus de doctrines séditieuses et anarchiques, eut des succès
plus décisifs, et un plus grand nombre de sectateurs. Épouvanté de ces
ravages que faisoient en France les mauvais livres, Clément XIV en
condamna plusieurs par des décrets; l'assemblée du clergé de 1770
renouvela ses avertissements et les accompagna de prédictions
sinistres sur ce fléau, le plus grand de tous ceux dont la France
étoit désolée; le parlement lui-même, inconséquent jusqu'à la fin, osa
condamner de nouveau ces funestes productions, les accusant de saper à
la fois le trône et l'autel[245].

[Note 240: Toutes ses lettres étoient ouvertes par un sieur Marin,
censeur et secrétaire général de la librairie. Il s'en effraya
d'abord, et se rassura bientôt, n'ayant point tardé à acquérir la
conviction qu'on n'avoit aucun projet hostile contre lui.]

[Note 241: Tant qu'elle vécut, Madame de Pompadour le protégea, et,
après elle, le duc de Choiseul. Il étoit recherché, on pourroit même
dire courtisé, par beaucoup de grands seigneurs; et l'on sait quel
étoit le concours de personnages de toutes conditions, qui alloient
visiter, dans sa retraite, le seigneur de Ferney.]

[Note 242: Diderot, Helvétius, Turgot, Naigeon, Grimm, Saint-Lambert,
Thomas, Saurin, etc., en étoient les principaux membres; elle comptoit
encore un grand nombre d'affiliés étrangers, et entre autres, Hume,
Gagliani, le marquis de Caraccioli, le comte de Creutz, le baron de
Gleichen, Galli, etc.; Rousseau, d'Alembert et Buffon y avoient été
attirés d'abord, et ne tardèrent point à s'en retirer.]

[Note 243: Celle-ci se partageoit encore en plusieurs coteries qui,
toutes, avoient certaines nuances d'opinions. Les plus célèbres
étoient celle de mademoiselle Lespinasse, dans laquelle dominoit
d'Alembert; celle de madame Necker, où se réunissoit surtout le
troupeau philosophique, à la suite de Voltaire; et la société de Mme
Doublet. On étoit plutôt parlementaire et janséniste, dans celle-ci,
que philosophe; mais, dit Grimm, on n'_y étoit pas chrétien_, ce qui
étoit la première condition de toutes les réunions de ce genre.]

[Note 244: Lorsqu'on a secoué le joug salutaire de la révélation,
s'arrêter dans le déisme est une absurdité: c'est ce que n'a jamais
fait un esprit doué d'une véritable vigueur. Il va droit aux dernières
conséquences de l'incrédulité, qui sont l'athéisme et le scepticisme,
où il trouve une sorte de repos dans la mort de son intelligence; ou
bien il rétrograde jusqu'à la foi, qui en est la vie et la véritable
paix. Voltaire, Rousseau, et leurs disciples, qui se débattoient dans
ce milieu des opinions philosophiques, étoient, sans contredit, les
plus foibles de tous ces insensés raisonneurs.]

[Note 245: Ce double projet des philosophes fut mis à découvert dans
un réquisitoire de l'avocat-général Séguier.]

C'étoit de sa part folie ou dérision. Il avoit depuis long-temps fait
ses preuves contre l'autel: l'année suivante combla la mesure de ses
outrages contre le trône. Des troubles s'étoient élevés en Bretagne,
où l'administration inepte et arbitraire du duc d'Aiguillon,
gouverneur de cette province, avoit fait naître une opposition
séditieuse dans la noblesse et dans la magistrature: c'étoit une
occasion offerte au parlement de Paris de sanctionner ce principe
d'unité et d'indivisibilité de tous les parlements de France, qu'il
avoit lui-même établi et qu'il lui importoit de maintenir. Il prit
donc fait et cause pour le parlement de Rennes, fit, au sujet du duc
d'Aiguillon, des remontrances, et prit à son égard des arrêts qui
passoient tout ce qu'il avoit fait jusqu'alors de plus violent et de
plus séditieux[246], secrètement soutenu et encouragé en cette
circonstance par le duc de Choiseul, qui, jusqu'alors, s'étoit si
heureusement servi de ses résistances pour intimider et gouverner son
maître; poussa la témérité jusqu'à braver ouvertement le roi, qui,
dans un lit de justice, avoit apporté lui-même à cette compagnie des
ordres dont le ton plus ferme auroit dû cependant lui faire soupçonner
que quelque chose d'extraordinaire se tramoit contre elle, si une si
longue impunité ne l'eût plongée dans le dernier aveuglement[247].
Pour sévir contre une magistrature séditieuse qui, depuis tant
d'années, le fatiguoit et l'irritoit, Louis XV n'avoit besoin que
d'être dirigé et soutenu par une volonté plus ferme que la sienne: le
chancelier Maupeou apporta cette volonté dans son conseil. Il arriva
que le duc de Choiseul fut disgracié dans ce même temps, pour n'avoir
pas su apprécier les justes bornes de sa faveur, et s'être fait un
point d'honneur ridicule d'insulter la nouvelle maîtresse du
roi[248], après avoir si long-temps rampé devant l'autre: alors il
fut décidé qu'on auroit raison du parlement, ou qu'il seroit brisé. Il
aima mieux rompre que plier, refusa d'obéir, cessa le service et
résista aux lettres de jussion. Le chancelier, non moins opiniâtre et
plus entreprenant, lui prouva que l'autorité royale, au milieu de
toutes ses foiblesses, pouvoit être encore plus forte que lui: tous
les membres du parlement furent exilés; la grand'chambre à qui, dans
son exil, on avoit encore conservé son caractère et ses fonctions de
cour de justice, persistant dans sa révolte, le dernier coup fut
frappé, et, dans un lit de justice, tenu à Versailles avec une
solennité extraordinaire, le roi cassa le parlement. Tout avoit été
préparé par le chancelier pour qu'il fût, à l'instant même, remplacé
par une autre cour de justice; et la rapidité d'exécution que l'on mit
dans ces mesures bien concertées, en assura l'exécution.

[Note 246: Voltaire lui-même en fut choqué au dernier point. «Il m'a
toujours paru absurde, dit-il dans une lettre à M. de Florian (25
février 1771), de vouloir inculper un pair du royaume, quand le roi,
dans son conseil, a déclaré que ce pair n'a rien fait que par ses
ordres et a très bien servi. C'est, au fond, vouloir faire le procès
au roi lui-même; c'est, de plus, se déclarer juge et partie: c'est
manquer, ce me semble, à tous les devoirs.»]

[Note 247: Ce lit de justice fut tenu le 7 septembre 1770. Le roi y
défendoit au parlement de se servir des termes d'_unité_,
d'_indivisibilité_ et de _classes_, d'envoyer, aux tribunaux des
provinces, d'autres mémoires que ceux qui auroient été spécifiés par
les ordonnances, de cesser le service, sinon dans les cas prévus par
les mêmes ordonnances, de donner des démissions en corps, et de rendre
des arrêts pour retarder l'enregistrement.]

[Note 248: C'étoit sans doute le dernier degré d'avilissement où
pouvoit tomber Louis XV, que d'être joué par les agents de ses
débauches, au point de recevoir pour favorite, et comme une conquête
qui n'étoit pas à dédaigner même pour un roi, une malheureuse
créature, tirée des plus infâmes repaires de la prostitution; mais il
n'en est pas moins curieux de voir son premier ministre, faire le
délicat avec la comtesse Du Barry, ayant été si long-temps le valet de
la marquise de Pompadour: l'une valoit au moins l'autre; et même s'il
falloit désigner la moins méprisable des deux, la prostituée auroit
notre voix.]

Ce succès sembloit aussi grand qu'inespéré: on étoit ivre de joie à
Versailles; on y portoit aux nues ce chancelier «qui, disoient
hautement les courtisans, avoit retiré le sceptre du greffe du
parlement, pour le remettre entre les mains du monarque.» Insensés qui
s'arrêtoient à la superficie du mal, parce qu'ils étoient incapables
d'en sonder la profondeur! Tandis qu'ils se réjouissoient ainsi de la
victoire que venoit de remporter le ministérialisme, le ministre
disgracié triomphoit dans sa retraite, où il s'étoit rendu avec un
appareil insultant pour son maître, où bientôt se donnèrent
rendez-vous tous les mécontents; et la révolte, si long-temps
concentrée dans le parlement, éclata partout. On n'avoit point encore
vu autant d'exaspération dans les esprits, de violence dans les
murmures, de licence dans les discours et dans les écrits; il ne
s'étoit point encore élevé tant de clameurs contre le pouvoir, il
n'avoit point encore été en butte à tant d'injures et de sarcasmes. Il
s'éleva, de la France entière, un cri en faveur des parlements: nobles
et plébéiens, quoique leurs intérêts fussent si différents, sembloient
animés de la même fureur; on se soumettoit en frémissant, et ainsi se
manifestoit, de toutes parts, cette opposition anarchique que le
parlement avoit créée et fomentée, et qui alloit être, avant peu,
livrée à d'autres chefs dont il n'étoit, depuis près d'un demi-siècle,
que l'aveugle instrument. Un écrivain, à qui cette époque de délire a
fait un nom, l'abbé de Mably, publia, au milieu de l'effervescence
nationale, un livre dans lequel il traçoit le plan d'une révolution,
et ce plan est précisément celui qui, depuis, a été exécuté; mais le
moment n'étoit pas encore venu. Telle étoit alors la puissance des
libellistes, que, ne se sentant pas assez forte pour les atteindre et
les punir, la cour, plus d'une fois, composa avec eux; et pour
quelques-uns qu'elle avoit achetés, en fit naître mille autres qui
espéroient se vendre, ou qui étoient sûrs de pouvoir la braver
impunément[249]. On vit ce même Malesherbes, que nous ne nommons
encore qu'à regret, et qui, sans doute, n'étoit pas un ennemi du
trône, adresser à son souverain, sur l'exil du parlement, des
remontrances que Voltaire lui-même jugea _trop dures_, et lui parler
de la convocation des états-généraux, «comme d'une mesure réclamée par
la justice et la nécessité;» tant étoit grand l'esprit de vertige dont
tous, et même les plus fidèles, étoient alors possédés.

[Note 249: C'est alors que parurent les _Nouvelles à la main_,
libelles qui circuloient aussi librement que les feuilles périodiques
autorisées, et où l'on déversoit la haine et le mépris sur le roi, sur
les ministres, sur la nouvelle magistrature. Il y eut même des
placards régicides affichés dans les places publiques de Paris.]

Cependant, ce même pouvoir qui s'étoit ranimé un moment pour abattre
l'opposition parlementaire, quel profit tiroit-il de ce qu'il avoit
fait? Il se rioit en quelque sorte de cette opposition plus terrible
qui le débordoit de toutes parts, et la dédaignoit parce qu'elle se
présentoit à lui, sans dessein arrêté et sans point de ralliement. Ce
chancelier tant vanté, quelle suite donnoit-il à un grand dessein si
vigoureusement exécuté? Il faisoit du cabinet d'une prostituée, le
rendez-vous du travail avec le roi; et c'étoit là, qu'entouré des
personnages ineptes et corrompus[250] qui formèrent le dernier
ministère de ce déplorable règne, il travailloit avec eux à isoler
encore davantage le pouvoir, à accroître, s'il étoit possible, ce
mélange prodigieux d'impuissance et de despotisme dont il étoit
composé. Comme si le parlement lui eût légué sa haine contre les
Jésuites, ce ministère redoubloit alors d'instances auprès de Clément
XIV, pour qu'il prononçât enfin la sentence fatale de leur
suppression; et continuoit, sous l'influence du parti philosophique,
d'exécuter le plan, conçu quelques années auparavant, d'une extinction
graduelle des ordres religieux[251], qui formoient, avec le
Saint-Siége, comme un dernier lien qu'il falloit briser, afin de
n'avoir plus en France qu'un clergé séculier, tout entier sous le joug
des _libertés gallicanes_. Un système fiscal, le plus machiavélique
qu'on eût jusqu'alors imaginé, creusoit, dans les finances, de
nouveaux abîmes où se préparoient, sinon les causes premières de la
révolution, du moins celles qui devoient la faire éclater; enfin la
politique extérieure de la France, subordonnée aux petites vues et aux
petits intérêts de ses agents diplomatiques, achevoit de perdre ce qui
lui restoit d'influence et de dignité; et le partage de la Pologne, le
dernier des brigandages européens qu'ait produit ce système
d'équilibre ou plutôt de massacres et de spoliations, que l'on nomme
la paix de Westphalie, put se faire impunément sous ses yeux, sans
qu'elle y mît le moindre obstacle, sans que ce funeste ministère eût
même la pensée d'y intervenir. Tels étoient les hommes qui avoient
renversé le parlement: telles furent leurs oeuvres; telles étoient les
idées qu'ils s'étoient faites du pouvoir. Ils avoient, comme tant
d'autres, la prétention de s'y perpétuer: la mort subite et imprévue
de Louis XV renversa leurs projets[252].

[Note 250: Le duc d'Aiguillon, l'abbé Terray, etc.]

[Note 251: Cette conspiration contre les ordres monastiques avoit pris
naissance, en 1766, au sein d'une commission d'évêques et de
magistrats, créée, au contraire, pour les revivifier, en ramenant un
grand nombre d'entre eux, du relâchement où ils étoient tombés à la
pureté de la règle primitive. L'archevêque de Toulouse, Brienne, qui
joua depuis un rôle si honteux et si funeste dans le ministère de
Louis XVI, étoit membre de cette commission; et ce fut lui qui fit
prévaloir, dans cette commission, le système d'extinction graduelle.]

[Note 252: Louis XV mourut le 10 mai 1774, dans de grands sentiments
de piété et de repentir.]

À cette mort se termineront nos récits: le tableau du règne de Louis XVI
et de la révolution, époque la plus remarquable des annales du monde,
depuis la venue de celui qui en a renouvelé la face, n'est point entré
dans le plan que nous nous sommes tracé, et qu'autant qu'il est en nous,
nous avons rempli, de montrer comment la monarchie françoise s'est
formée, fortifiée, agrandie; et par quelles causes, d'abord presque
insensibles, ensuite et par degrés plus actives, puis vers la fin,
palpables pour ainsi dire, elle a commencé à décliner, pour se
précipiter, après quatorze siècles d'existence, et tomber de cette chute
épouvantable, dont il reste encore tant de victimes et tant de témoins.
Sous un monarque jeune et sans expérience, doué de beaucoup de vertus,
mais de ces vertus privées, qui, dans des circonstances difficiles, ne
suffisent pas pour bien jouer le rôle de roi, la philosophie, pénétrant
déjà de toutes parts le corps social, continua tranquillement son oeuvre
si avancée; et, chose aussi horrible qu'étrange, tandis qu'achevant de
corrompre le pouvoir et de lui apprendre à ne chercher qu'en lui-même
son droit et sa règle, elle l'affermissoit de jour en jour davantage
dans les théories de son absurde et intolérable despotisme, ses
doctrines, à la fois égoïstes et licencieuses, poussoient, en sens
contraire, la multitude qu'elle avoit pervertie, et l'enivroient, de
jour en jour davantage de révolte et d'anarchie. Au reste, la
conspiration contre l'autorité spirituelle étoit devenue européenne:
elle avoit à sa tête un empereur, que l'on peut compter au nombre des
hommes les plus dépourvus de sens qui aient jamais porté le
sceptre[253], et à un tel point qu'il sut rendre ridicule en lui un
fanatisme anti-religieux qui, dans tout autre, n'eût été que révoltant.
Tandis qu'il désoloit, comme à plaisir, l'Église, dans ses vastes états,
par des innovations extravagantes et des usurpations sacriléges; sous
son influence active et puissante, le conciliabule de Pistoie
introduisoit les maximes gallicanes jusqu'aux portes de Rome; et le
ministérialisme, non moins puissant à Naples qu'en Toscane, entroit, à
son tour, dans les voies qu'il avoit ouvertes. Or, il est remarquable
qu'en Allemagne comme en Italie, et de même qu'en France, c'étoient
surtout les ordres monastiques dont on poursuivoit la destruction avec
le plus d'acharnement, comme si l'on eût voulu faire du pape un roi sans
armée, pour ensuite le renverser plus facilement de son trône.
Cependant, tandis qu'elle portoit ainsi la sape jusques dans les
fondements de la religion du Christ, l'incrédulité se faisoit à
elle-même une religion dans l'_illuminisme_; et attirant ainsi à ses
doctrines ce qu'il y avoit de plus corrompu, depuis les classes les plus
élevées de la société jusqu'aux plus obscures, cachoit d'horribles
projets sous d'exécrables mystères; et dans ses divers degrés
d'initiation, traçoit à ses adeptes, suivant qu'ils les pouvoient
supporter, leurs règles de conduite et leurs articles de foi. Enfin, les
temps marqués, où les hommes devoient chercher à résoudre le problème de
la société SANS DIEU, étant arrivés, et Dieu s'étant retiré pour les
laisser faire, le parlement de Paris (car la France avoit été marquée
par la Providence, pour être le principal théâtre de ce prodigieux
événement), honorablement rappelé de son exil, afin qu'il trouvât dans
ce dernier triomphe son dernier châtiment, essaya vainement de se
replacer à la tête d'une opposition qui ne le connoissoit plus, et,
devenue trop forte, pendant son absence, pour consentir à rentrer dans
le cercle de ses prétentions gothiques, et de ses traditions à la fois
séditieuses et monarchiques. Ce fut, au contraire, cette opposition qui
fit du parlement l'instrument aveugle de ses vastes desseins. Ce fut au
moyen des mutineries nouvelles de ces gens de robe, si puissamment
aidées du désordre des finances et de l'ineptie tracassière des
ministres, qu'elle obtint les ÉTATS-GÉNÉRAUX, et avec eux le centre
d'action dont elle avoit besoin. Alors, puissamment favorisée par le
perfectionnement extraordinaire qu'avoit acquis, à Paris et dans les
provinces, la partie _matérielle_ de la société, la RÉVOLUTION commença.

[Note 253: Joseph II.]



QUARTIER

SAINT-GERMAIN-DES-PRÉS.


Sous le règne de Louis XIII, ce quartier ne s'étendoit guère au-delà
de la rue du Bac, et même la partie de cette rue, située devant
l'église de Saint-Thomas-d'Aquin (l'ancien couvent des Jacobins
réformés) n'avoit point encore été élevée. La cour de France, devenue,
sous Louis XIV, plus nombreuse et plus brillante qu'elle n'avoit
jamais été, sembla choisir de préférence le vaste terrain que lui
offroit cette extrémité de Paris, pour y bâtir ces demeures
magnifiques, qui en ont fait, en moins d'un siècle, la partie la plus
considérable et la plus belle de cette capitale; et l'on ne cessa pas
d'y construire de nouveaux édifices, de l'embellir de nouveaux
monuments, sous Louis XV et sous Louis XVI, jusqu'au moment de la
révolution[254].

[Note 254: _Voyez_ pl. 189 et 190.]


L'HÔTEL DES MONNOIES.

La fabrication des monnoies, ainsi que l'emploi des matières d'or et
d'argent, sont d'une telle importance, que, de tous temps, les
souverains ont eu des officiers particuliers, chargés de veiller sur
toutes les opérations qui pouvoient y avoir rapport. Les Romains
avoient des _triumvirs monétaires_ qui, sous Constantin, furent
remplacés par un intendant des finances, ayant aussi l'intendance des
monnoies, et la juridiction suprême sur tout ce qui tenoit à leur
fabrication. Nous trouvons que nos rois de la première race suivirent,
de tous points, cette forme d'administration, telle qu'elle étoit
pratiquée dans les Gaules, lorsqu'ils les envahirent, avec cette
différence seulement que, pour l'activité du service, ils remplacèrent
l'intendant par plusieurs officiers, nommés d'abord _généraux des
monnoies_, ensuite _maîtres des monnoies_, _magistri monetæ_. Sous ces
grands officiers, étoient des maîtres particuliers qui dirigeoient les
chambres des monnoies, établies dans les principales villes. Sous le
règne de Charlemagne, on battoit monnoie dans plusieurs villes de son
vaste empire[255]; et au temps de Charles-le-Chauve, la France seule
comptoit déjà neuf hôtels des Monnoies, y compris celui du
Palais.[256]

[Note 255: _Car. Calv. Cap._, tit. 36, c. 12.]

[Note 256: _Cap. Lud. Pii._, an. 23, c. 18.]

Le nombre des généraux ou maîtres des monnoies a beaucoup varié. Il
n'y en eut d'abord que trois, et alors ils furent unis et incorporés
aux maîtres des comptes et aux trésoriers des finances, qui n'étoient
également que trois, dans chacune de ces deux juridictions; et ces
neuf officiers furent placés dans le palais à Paris, au lieu qu'occupe
encore aujourd'hui la chambre des comptes. Les généraux des monnoies
avoient, dans cette enceinte, une chambre particulière, dans laquelle
ils s'assembloient, pour ce qui concernoit le fait de leur
juridiction.

Ces trois corps ayant été augmentés sous Charles V, cette circonstance
amena leur séparation, qui fut faite vers 1358. Alors la chambre des
monnoies fut placée au-dessus du bureau de la chambre des comptes; et
ce tribunal y tint ses séances jusqu'en 1686, qu'il fut transféré au
pavillon neuf du palais, du côté de la place Dauphine, où, depuis
cette époque jusqu'à celle de la révolution, il a toujours été
établi.

Les généraux des monnoies étoient alors au nombre de huit; ils furent
ensuite successivement maintenus ainsi, ou diminués par les
successeurs de Charles V jusqu'à François Ier, qui porta jusqu'à onze
le nombre de ces officiers, un président et dix conseillers[257].

[Note 257: Jusqu'au règne de ce prince, on trouve encore des seigneurs
qui avoient le droit de battre monnoie: ce fut lui qui acheva de
l'abolir entièrement. Ses prédécesseurs, depuis Philippe-le-Bel,
n'avoient pas cessé de le restreindre; mais lors même que ce droit
étoit dans toute sa vigueur, le roi connoissoit seul, par ses
officiers, des contestations qu'il faisoit naître; et les officiers,
que les seigneurs nommoient pour leurs monnoies, devoient être agréés
par le souverain, et reçus par les généraux.]

Au mois de janvier 1551, la chambre des monnoies fut érigée en cour et
juridiction souveraine et supérieure, comme étoient les cours du
parlement, pour juger par arrêt, et en dernier ressort, toutes
matières tant civiles que criminelles, dont les généraux avoient
auparavant connu ou dû connoître. Il y eut encore, à cette époque et
depuis, plusieurs créations et suppressions dont le détail deviendroit
fastidieux: il nous suffira de dire qu'en 1789, on comptoit, dans
cette cour, un premier président, huit autres présidents, deux
chevaliers d'honneur, trente-cinq conseillers, tous officiers de robe
longue, deux avocats généraux, un procureur général et deux
substituts, un greffier en chef, deux commis du greffe, un receveur
des amendes et épices, un huissier en chef, et seize huissiers, etc.,
etc.

Cette cour, suivant sa création, avoit le droit de connoître, en toute
souveraineté, du travail des monnoies, des fautes, malversations et
abus commis par les maîtres-gardes, tailleurs, essayeurs, monnoyeurs,
ajusteurs, changeurs etc., et autres faisant des monnoies,
circonstances ou dépendances d'icelles, ou travaillant et employant
les matières d'or, d'argent, en ce qui concernoit leurs charges,
métiers, etc. Elle connoissoit également par prévention, et en
concurrence avec les baillis, sénéchaux et autres juges, des faux
monnoyeurs, rogneurs, altérateurs des monnoies, et généralement de
tous ceux qui transgressoient les ordonnances sur le fait des
monnoies, tant françoises qu'étrangères[258].

[Note 258: On gardoit, dans cette cour, tous les poids originaux de
France, sur lesquels ceux de toutes les villes du royaume devoient
être étalonnés. Elle commettoit, tous les ans, un commissaire, chargé
de faire marquer, en sa présence, tous les poids publics, au poinçon
du roi.]

La cour des monnoies jouissoit des droits de _committimus_, de
franc-salé, et autres droits attachés aux cours souveraines. Elle
avait rang, dans les cérémonies publiques, immédiatement après la
cour des aides; ses présidents portoient la robe de velours noir;
celle des conseillers étoit seulement de satin.

Nous venons de dire que, sous les premières races, on battoit monnoie
dans le palais de nos rois. Sous la troisième, on ne sait pas
précisément, quand et dans quel endroit, fut construit le premier
bâtiment affecté à cet usage. On a vu que saint Louis avoit établi les
religieux de Sainte-Croix de la Bretonnerie dans une maison où l'on
avoit frappé la monnoie[259]. Le nom de _Vieille Monnoie_, que porte
une rue du quartier de Saint-Jacques de la Boucherie, semble annoncer
qu'anciennement elle y avoit été placée. L'hôtel des Monnoies fut
établi, pendant long-temps, dans la rue qui en porte encore le nom, et
qui est située entre celle du Roule et la place des trois Maries; mais
on ignore également dans quel temps il y fut transféré. Les anciens
bâtimens, qui subsistoient encore vers la fin du siècle dernier,
annonçoient le règne de saint Louis ou celui de Philippe-le-Hardi.
Sous Henri II, le moulin de la monnoie étoit placé sur la rivière,
presque vis-à-vis l'endroit où est aujourd'hui la rue de Harlai. On a
aussi frappé des espèces dans la rue du Mouton, à l'hôtel de Nesle, et
dans d'autres endroits. Louis XIII transporta la monnoie aux galeries
du Louvre, dans les salles où depuis fut établie celle des médailles;
et il y a grande apparence que l'intention de ce prince étoit de l'y
fixer pour toujours, puisqu'il disposa du jardin de l'ancien hôtel en
faveur d'un particulier[260]. Cependant la monnoie fut de nouveau
transférée dans ce local, lequel avoit son entrée principale dans la
rue qui porte son nom, et une autre très étroite dans la rue
Thibautodé; elle y resta jusqu'à ce qu'on eût achevé le monument qui
lui étoit destiné[261].

[Note 259: _Voyez_ t. 2, 2e partie, p. 985.]

[Note 260: JAILLOT, _Quartier du Louvre_, p. 50.]

[Note 261: Alors l'ancien édifice fut démoli, et sur son emplacement,
on perça les deux rues _Neuve-Boucher_ et _Étienne_.]

Ce fut le dépérissement sensible de ces vieilles constructions qui
détermina M. de Laverdy, alors ministre des finances, à faire bâtir un
nouvel hôtel des Monnoies. Il choisit, à cet effet, un emplacement
d'un bel aspect, mais qui du reste n'étoit rien moins que favorable,
dans sa disposition, à la construction d'un semblable monument,
l'ancien hôtel de Conti. La première pierre de l'édifice fut posée en
1771, par M. l'abbé Terray, contrôleur général; et le monument s'éleva
sous la direction de M. Antoine, habile architecte, dont le ministre
avoit adopté les dessins.

Destiné à contenir une foule d'objets d'une nature différente, tels
qu'une école et un cabinet de minéralogie, une grande administration,
de vastes ateliers, une forte manipulation de métaux, une immense
réunion d'ouvriers, cet hôtel présentoit à l'architecte de nombreuses
difficultés; et il ne sembloit pas aisé de bien déterminer le genre de
décoration propre à un semblable monument; car s'il ne devoit avoir ni
l'aspect pompeux d'un arc de triomphe, ni l'élégance magnifique et
recherchée d'un palais, destiné cependant à donner une grande idée de
la richesse nationale, il ne pouvoit être traité dans le style sévère
d'un simple monument d'utilité publique. L'architecte a résolu ce
problème avec une habileté et un succès qui ne laissent rien à
désirer.

Il sut profiter, avec beaucoup d'art, des deux faces que pouvoit
offrir le monument, pour les accorder avec la nature des objets qu'il
devoit renfermer, et combiner sa distribution intérieure avec l'effet
extérieur de la décoration. Les ateliers furent rejetés sur la rue
Guénégaud; les pièces d'apparat et l'entrée principale se
développèrent sur le quai de Conti. Il décora cette dernière façade
d'une ordonnance d'Architecture et de figures allégoriques, tandis
qu'il adoptoit, pour les bâtiments secondaires, un style plus ferme,
qui, pour être privé de la présence des ordres, n'en a pas moins le
genre de beauté et le caractère qui lui sont propres. Il y joignit la
précaution essentielle d'isoler des autres bâtiments celui où l'on
frappe la monnoie, pour leur éviter l'ébranlement et la secousse des
balanciers[262].

[Note 262: On a reproché à M. Antoine, et beaucoup de gens lui
reprochent encore, d'avoir aligné le bâtiment principal avec l'un des
pavillons du collége des Quatre-Nations, trop avancé sur le quai, et
dont on annonce toujours la prochaine démolition; mais si l'on
considère avec attention la forme et le peu d'étendue du terrain
qu'occupe l'hôtel des Monnoies, on reconnoîtra qu'il offre une espèce
de triangle très irrégulier; que pour donner à cet endroit du quai une
largeur telle qu'on l'eût désirée, il eût fallu rentrer parallèlement
ce bâtiment d'une grande partie de son épaisseur (car en ne le
rentrant que du côté des Quatre-Nations, l'angle que forme le quai
avec la rue Guénégaud devenoit encore plus aigu, et eût été
insupportable dans la distribution comme dans l'élévation); enfin que
l'un et l'autre eussent fait perdre une quantité considérable d'un
terrain précieux sur cette face, et qu'il n'en seroit pas resté assez
pour les besoins du monument. (LEGRAND.)]

Cet édifice ne présente que deux faces d'un triangle, ayant chacune
environ soixante toises. Il est divisé en trois grandes cours et
plusieurs autres moins considérables, toutes entourées de bâtiments.

Le principal corps de logis, ayant face sur le quai, renferme un
superbe vestibule, orné de vingt-quatre colonnes doriques, un bel
escalier que décorent également seize colonnes ioniques, un immense et
précieux cabinet de minéralogie, plusieurs cabinets de machines, des
salles pour l'administration et de vastes logements.

Au fond de la grande cour, entourée de galeries, est la salle des
balanciers; celle d'au-dessus est occupée par les ajusteurs. Elles ont
chacune soixante-deux pieds de longueur sur trente-neuf de largeur; à
côté est une chapelle dont on a fait depuis une pièce de travail. Le
surplus des bâtiments se compose d'ateliers et autres dépendances.

La décoration de la façade principale présente un avant-corps de six
colonnes ioniques, élevées sur un soubassement de cinq arcades, orné
de refends; un grand entablement, avec consoles et modillons, couronne
l'édifice dans toute sa longueur. L'avant-corps est surmonté d'un
attique, au devant duquel sont six figures isolées. Ces figures
exécutées par Pigale, Mouchy et Le Comte, représentent la Loi, la
Prudence, la Force, le Commerce, l'Abondance et la Paix[263].

[Note 263: _Voyez_ pl. 191.]

La seconde façade, sur la rue Guénégaud, offre un attique, sur un
soubassement de même hauteur que celui de la première, et orné de
bossages. Sur l'avant-corps, on a placé les figures des quatre
éléments, exécutées par Caffieri et Dupré. L'extrémité du grand
bâtiment forme pavillon à l'un des bouts de cette façade. On en a
construit un pareil à l'autre bout, mais uniquement pour la régularité
de la décoration.

La cour principale a cent dix pieds de profondeur sur
quatre-vingt-douze de largeur; elle est entourée d'une galerie. La
salle des balanciers s'annonce par un péristyle de quatre colonnes
doriques; quatre colonnes toscanes en supportent la voûte intérieure:
dans le fond est la statue de la Fortune, par Mouchy. Sur les arcades
et portes carrées dont est alternativement percée la construction
circulaire qui termine cette cour, sont placés les bustes de Henri IV,
Louis XIII, Louis XIV, et Louis XV[264].

[Note 264: _Voyez_ pl. 192.]

Le cabinet de minéralogie, qui occupe le pavillon du milieu au premier
étage, est décoré de vingt colonnes corinthiennes d'un grand module,
qui soutiennent une tribune régnant au pourtour dans la hauteur du
deuxième étage; il est orné de bas-reliefs et d'arabesques. Les
corniches, les chambranles des portes et des croisées, sont enrichis
d'ornements sculptés et dorés, mais distribués avec goût et sans
confusion. Un lambris circulaire renferme des banquettes pour les
personnes qui assistent au cours de minéralogie, et sert de fond aux
armoires établies sur sa face extérieure, pour renfermer la collection
des minéraux. Personne n'ignore que cette collection précieuse est la
plus complète qui existe en Europe.

La pièce qui la contient et que nous venons de décrire est d'un style
très noble; mais elle pèche peut-être par un excès de richesse. Ces
dorures, cette variété de couleurs dont elle est parée, lui donnent
plutôt l'air d'une salle de concert ou de bal, que d'un lieu destiné à
l'étude. Telle qu'elle est cependant, il n'en est aucune du même genre
qu'on puisse lui comparer.

Les cours de l'école royale des mines, indépendants des cours publics
qui se tenoient trois fois la semaine, avoient lieu tous les jours
dans cette salle. Le public pouvoit y assister; mais on n'étoit admis
au nombre des élèves qu'après avoir subi des examens.[265]

[Note 265: L'hôtel des Monnoies n'a point changé de destination.]


LE COLLÉGE MAZARIN, DIT DES QUATRE-NATIONS.

On sait que le cardinal Mazarin, n'ayant pu exécuter lui-même le
projet qu'il avoit formé d'établir un collége en faveur d'un certain
nombre de jeunes gentilshommes ou principaux bourgeois des pays
nouvellement conquis, ordonna, par son testament du 6 mars 1661, que,
sous le bon plaisir du roi, il seroit fondé un collége, sous le nom
et titre de _Mazarin_, pour soixante gentilshommes ou bourgeois de
Pignerol et de son territoire, de l'État ecclésiastique, d'Alsace et
pays d'Allemagne, de Flandre et de Roussillon[266]. Dans le même acte,
ce ministre inséra les statuts qu'il avoit fait dresser pour ce
collége et académie, et légua, pour assurer le succès de sa fondation,
deux millions en argent, 45,000 liv. de rente sur l'hôtel de ville et
sa bibliothèque, suppliant en outre S. M. de vouloir bien unir à tous
ces dons, et à perpétuité, le revenu de l'abbaye de Saint-Michel en
l'Herm, dont il étoit titulaire. Toutes ces dispositions furent
exactement remplies par MM. de Lamoignon, Fouquet, Le Tellier,
Zongo-Ondedei, évêque de Fréjus, et Colbert, ses exécuteurs
testamentaires. Comme un établissement aussi magnifiquement conçu
demandoit un très vaste terrain et de nombreux bâtiments, ils
jettèrent d'abord les yeux sur le palais d'Orléans dit le
_Luxembourg_; mais le prix considérable qu'il auroit coûté, et les
changements dispendieux qu'il auroit fallu y faire, les forcèrent d'y
renoncer; et ils se déterminèrent à acheter ce qui restoit encore de
l'hôtel et du séjour de Nesle. Ils y joignirent quelques maisons
voisines, et obtinrent, au mois de juin 1665, des lettres-patentes,
enregistrées le 14 août, par lesquelles Sa Majesté confirmant cette
fondation, vouloit qu'elle fût considérée comme fondation royale.

[Note 266: C'est ce qui a fait donner, à cette fondation, le nom de
collége des _Quatre-Nations_.]

Le monument, commencé sur les dessins de Levau, premier architecte du
roi, fut exécuté par deux autres architectes, Lambert et d'Orbay. On
démolit à cet effet, en 1662, la tour de Nesle, reste des anciens
hôtels dont nous venons de parler; et sur ce vaste emplacement,
s'élevèrent assez rapidement, et les immenses constructions qui
forment le corps de cet édifice, et cette façade, unique dans son
genre à Paris, qui se compose d'un avant-corps, surmonté d'un dôme et
de deux ailes en demi-cercle, que terminent deux gros pavillons;
mélange singulier de parties incohérentes, de lignes ressautées, de
pilastres alliés avec des colonnes et de toutes les combinaisons
systématiques de l'ancienne architecture françoise, mais dont la masse
présente cependant une décoration d'un effet imposant, et tel qu'on
pouvait le désirer pour accompagner heureusement la façade latérale du
Louvre, située en regard, sur la rive opposée de la Seine[267].

[Note 267: _Voyez_ pl. 193.]

On a reproché aux deux pavillons du collége des Quatre-Nations
d'intercepter le passage et même la vue du quai dans toute son
étendue; et, depuis long-temps, l'opinion générale semble demander
leur démolition. Le quai y gagneroit sans doute; mais il faudrait
renoncer à l'heureux effet que produisent les masses combinées du dôme
et de ces pavillons, disposition pittoresque et théâtrale que l'on
trouve si rarement à Paris, où la plupart des monuments, ensevelis au
milieu d'une foule de constructions étrangères, ne se présentent
presque jamais, dans tout leur développement, et sous un point de vue
agréable. Il est certain que, ces deux parties du bâtiment étant
détruites, le dôme, isolé dans une trop vaste étendue, ne paroîtroit
plus qu'un point maigre et de l'aspect le plus mesquin.

L'avant-corps, décoré de colonnes et de pilastres corinthiens et
surmonté d'un fronton triangulaire, sert d'entrée à l'intérieur du
dôme, autrefois la chapelle du collége, et dédiée sous le nom de
_Saint-Louis_; cet intérieur a cela de singulier, qu'il est de forme
elliptique, tandis que le dôme extérieur est circulaire, moyen
ingénieux employé par l'architecte pour placer dans l'épaisseur des
murs quatre escaliers à vis par lesquels on monte à quatre tribunes,
et sur le comble de l'édifice. Autour de cette courbe ovale
s'élevoient quatre grandes arcades séparées par des pilastres
corinthiens, dont l'une servoit d'entrée et les trois autres de
chapelles. La coupole, qui paroît un peu élevée pour son petit
diamètre, offroit, dans toutes ses parties, un grand luxe de peinture
et de sculpture; le dôme, décoré extérieurement de pilastres, est
garni de bandes de plomb doré qui répondent symétriquement à ces
pilastres, et se terminent au campanille placé sur son sommet[268].

[Note 268: _Voyez_ pl. 194.]


CURIOSITÉS DE LA CHAPELLE.


     TABLEAUX.

     Sur le maître-autel, une Nativité; par _Alexandre Véronèse_.


     SCULPTURES.

     Au dessus de la corniche du maître-autel, un bas-relief
     représentant saint Louis qui reçoit la couronne d'épines des
     mains du patriarche de Jérusalem; par _Bocciardi_.

     Dans les pendentifs de la coupole, les quatre évangélistes en
     bas-reliefs; par le même.

     Dans les angles des arcs, huit figures de femmes offrant les
     emblèmes des huit Béatitudes; exécutées en bas-reliefs par
     _Desjardins_.

     Entre les pilastres de l'ordre supérieur, les douze apôtres en
     médaillons; par le même.

     Sur la balustrade qui règne extérieurement au dessus du portail,
     les quatre évangélistes et les pères des églises grecque et
     latine; par le même.

     Dans le fronton, un cadran accompagné des deux figures
     allégoriques de la Science et de la Vigilance.

     Le pavé et toutes les décorations de l'autel, exécutés en marbre,
     présentoient une grande magnificence.


     SÉPULTURE.

     Dans cette chapelle avoit été inhumé le cardinal Mazarin,
     fondateur du collége. Son mausolée, de la main de _Coyzevox_,
     étoit placé dans une chapelle à droite du sanctuaire[269].

[Note 269: Le cardinal, revêtu des marques de sa dignité, est
représenté à genoux sur un coussin, une main sur son coeur, l'autre
étendue; derrière lui, un génie soutient un faisceau d'armes. Au
dessus, deux figures qui accompagnent ses armoiries offrent chacune
une double allégorie: d'un côté, la Charité et la Foi; de l'autre, la
Religion et la Vigilance. Sur la base du monument sont assises trois
figures en bronze, qui, par leurs attributs divers, indiquent la
France et la Fidélité, l'Abondance et la Paix, la Prudence et l'art de
gouverner. Ce monument, dont l'ensemble n'est pas à la vérité sans
magnificence, mais que toutes les descriptions présentent comme un
chef-d'oeuvre, nous semble d'un style maigre, dépourvu de vérité
d'imitation dans les figures, de noblesse et d'élégance dans les
draperies. La statue seule du cardinal est traitée avec plus de soin;
la tête peut même passer pour belle. (Déposé, pendant la révolution,
aux Petits-Augustins.)]

Les bâtiments de ce collége sont immenses et se prolongent le long de
la rue Mazarine, divisés en trois cours. Toutes ces constructions,
celles de la première cour exceptées, n'ont absolument aucun mérite
sous le rapport de l'architecture. Cette première cour présente, de
chaque côté, un portique en arcades, orné de pilastres corinthiens;
l'un mène à la bibliothèque qui occupe le pavillon de la gauche, et la
plus grande partie de cette face latérale; l'autre sert d'entrée à la
chapelle.

La seconde cour, l'une des plus vastes de Paris, n'a de bâtiments que
de deux côtés seulement. Au rez de chaussée étoient les classes, et
au premier étage les appartements, des maîtres et les dortoirs des
boursiers. La troisième, qui est la plus petite, renfermoit les
cuisines, les offices, etc.[270].

[Note 270: Le collége des Quatre-Nations, connu aujourd'hui sous le
nom de _Palais des Sciences et des Arts_, est consacré aux travaux et
aux séances des quatre Académies, réunies sous celui d'_Institut_.]


BIBLIOTHÈQUE.

Cette bibliothèque, l'une des plus belles et des plus nombreuses de
Paris, se compose des débris de cette fameuse bibliothèque du cardinal
Mazarin, dont le parlement ordonna en 1652 la confiscation et la
vente. Elle avoit été formée par Gabriel Naudé, le plus habile
bibliographe de son temps; ce fut encore lui que le cardinal chargea,
après la fin des troubles, d'en créer une autre en rassemblant ce
qu'il pourroit retrouver de l'ancienne, ce qu'il fit avec tant de
succès, qu'elle fut rétablie presque en son entier. On y joignit
ensuite la bibliothèque de M. Descordes, chanoine de Limoges; après sa
mort, celle de Naudé lui-même; et successivement l'on y ajouta tous
les bons livres, tant manuscrits qu'imprimés, que l'on put recueillir
dans toutes les parties de l'Europe. À la mort du cardinal, elle
contenoit vingt-sept mille volumes et un grand nombre de manuscrits,
qui furent transportés alors dans la bibliothèque du roi. Vers le
milieu du dernier siècle, le nombre des livres, presque doublé,
s'élevoit à plus de quarante-cinq mille. À cette époque (en 1740) les
dimensions de cette bibliothèque furent changées, surtout par
l'élévation des plafonds, de manière à contenir vingt mille volumes de
plus qu'elle n'en renfermoit. Elle a reçu, depuis la révolution, des
accroissements considérables, par les nombreux dépôts de livres qui y
ont été annexés.

C'est la bibliothèque de Paris la plus riche en livres de médecine et
en matériaux pour l'histoire d'Allemagne. Elle est enrichie de globes
de _Coronelli_, et de bustes en bronze et en marbre, dont quelques-uns
sont antiques.


LES AUGUSTINS RÉFORMÉS, DITS LES PETITS-AUGUSTINS.

Nous avons fait connoître avec beaucoup de détails l'origine des
Augustins, l'époque de leur établissement à Paris[271], la réforme
opérée dans leur ordre, la fondation faite dans cette capitale, par
la reine Marguerite de Valois, d'un couvent de ces Augustins réformés,
et le caprice singulier qui la détermina à révoquer la donation
qu'elle avoit stipulée en leur faveur et à leur substituer d'autres
religieux du même ordre, tirés de la province de Bourges[272]. Quoique
le procédé de cette princesse eût toutes les apparences de
l'injustice, ce changement n'en fut pas moins approuvé par un bref de
Paul V, du 14 août 1613, et confirmé par des lettres-patentes de la
même année. L'évêque de Paris et l'abbé de Saint-Germain y donnèrent
aussi leur consentement[273].

[Note 271: _Voyez_ t. 3, 2e part., p. 600.]

[Note 272: _Voyez_ t. 2, 1re part., p. 217.]

[Note 273: MALINGRE, _Antiquités de Paris_, p. 369 et suiv.]

Deux ans après, la reine Marguerite mourut sans avoir pu exécuter les
promesses qu'elle avoit faites; et les nouveaux habitants de ce
monastère eussent tiré peu d'avantage de son bienfait, si quelques
personnes pieuses ne fussent venues à leur secours, et par leurs
libéralités n'eussent contribué à soutenir leur établissement
naissant. La fondatrice y avoit fait bâtir une chapelle assez jolie,
richement décorée[274], mais beaucoup trop petite: ces religieux se
trouvèrent bientôt des ressources suffisantes pour faire construire
une plus grande église, dont la reine Anne d'Autriche posa la première
pierre le 15 mai 1617. Cet édifice, qui n'avoit rien de remarquable
dans son architecture, fut achevé en 1619 et dédié sous l'invocation
de _saint Nicolas de Tolentin_[275].

[Note 274: Ce petit monument fit alors une très grande sensation à
Paris: c'étoit la première voûte en forme de coupole qu'on y eût
élevée, et l'on se porta en foule pour voir un genre de construction
dont on ne se faisoit pas même une idée.]

[Note 275: _Voyez_ pl. 221.]

Nous avons dit que le terrain accordé aux Augustins par la fondatrice
consistoit en une place qui avoit précédemment appartenu aux Frères de
la Charité, et en six arpents du petit pré aux clercs que cette
princesse avoit pris à cens et à rente de l'Université[276]. Ces pères
avoient trouvé le moyen de tirer un parti avantageux de cette partie
de leur territoire en le rétrocédant, par portions, à des
particuliers, à la charge d'y bâtir, et de leur payer certaines
redevances annuelles; c'est ainsi que se formèrent les rues Jacob et
des Saints-Pères. Mais les maisons qui les composoient n'étoient pas
encore entièrement bâties, que l'Université résolut de rentrer dans
ses droits, et se pourvut à cet effet contre le contrat passé entre
elle et la reine Marguerite. Le parlement fit droit à sa demande, et
donna en 1622 un arrêt pour la faire rentrer dans cette propriété; ce
qui priva les Augustins du fruit de leurs travaux et de la plus belle
partie de leurs revenus.

[Note 276: _Voyez_ t. 2, 1re part., p. 218.]


CURIOSITÉS DE L'ÉGLISE.


     TABLEAUX.

     Dans le cloître, une suite de tableaux à fresque exécutés par des
     peintres médiocres et peu connus. Les deux principaux
     représentoient:

     La reine Marguerite donnant à un moine Augustin le contrat de
     fondation qu'elle avoit passé en faveur de son couvent.

     La conversion de saint Augustin: ce tableau, placé à l'entrée du
     cloître, étoit d'un peintre nommé _de Dieu_.

     Le frère François _Gourdes_, religieux de ce couvent, avoit peint
     le paysage de tous les autres tableaux qui ornoient ce cloître;
     d'autres peintres les avoient achevés.


     SCULPTURES.

     Sur le maître-autel, décoré d'un ordre corinthien en menuiserie,
     un groupe en terre cuite très estimé, représentant un agonisant,
     accompagné de saint Nicolas de Tolentin, et soutenu par un ange
     qui lui montroit le ciel; par _Biardeau_.

     Aux deux côtés du même autel, les statues de sainte Claire et de
     sainte Monique; par le même.

     Sur le devant de l'autel, un grand bas-relief en métal doré,
     représentant le baptême de saint Augustin; par _Gaillard_.


     SÉPULTURES.

     Dans cette église avoient été inhumés:

     Dans la chapelle de la reine Marguerite, le coeur de cette
     princesse; on y lisoit son épitaphe, composée par M. Servin,
     avocat-général au parlement de Paris.

     François Porbus, peintre célèbre, mort en 1622.

     René de l'Âge, seigneur de Puylaurent, sous-gouverneur de Gaston
     de France, etc.

     Antoine de l'Âge, duc de Puylaurent, son fils, mort au château de
     Vincennes en 1635.

     Renée de Kergounadech, femme du marquis de Rosmadec, morte en
     1643. (Son tombeau, placé dans la nef du côté de l'évangile,
     étoit entouré d'une petite grille de fer.)

     Le coeur de Sébastien de Rosmadec, marquis de Molac, etc., mort
     en 1699.

     Nicolas Mignard, peintre, frère de Pierre Mignard, mort en 1668.

     Jean Pontas, prêtre, sous-pénitencier de l'église de Paris, l'un
     des bienfaiteurs de ce couvent, mort en 1728.

     Dans la chapelle Saint-Claude, à côté du grand autel, étoit la
     sépulture de la famille Le Boulanger, l'une des plus illustres de
     la magistrature.

     Dans le cloître, on voyoit la tombe de Mathieu Isoré d'Airvaut,
     évêque de Tours, mort en 1716.

       *       *       *       *       *

La bibliothèque de ces pères, riche de dix-huit à vingt-mille volumes,
contenoit plusieurs livres rares et quelques manuscrits curieux; ils
avoient, en médailles, une collection complète de tous les souverains
pontifes.

La réforme qu'ils suivoient avoit été introduite en France par les
pères Étienne Rabache et Roger Girard, le 30 août 1594. Elle prit le
nom de _Réforme de Bourges_, parce que la maison de cette ville, de la
province de Saint-Guillaume, l'avoit acceptée la première; et quoique
le chapitre général, tenu en 1693, lui eût donné celui de _province de
Paris_, elle étoit plus généralement connue sous le premier nom. Cette
réforme, adoptée par trente-un couvents, consistoit particulièrement
dans un détachement absolu de toute propriété, et dans la
renonciation aux grades qu'on prenoit dans les Universités; ce qui n'a
pas empêché cet ordre de produire un grand nombre de personnages
recommandables par leurs talents et par leur érudition[277], parmi
lesquels il faut distinguer le P. André Le Boulanger, prédicateur
célèbre avant que les modèles de la prédication eussent paru; le P.
Charles Moreau, qui a donné de Tertullien une édition estimée; les PP.
Chesneau et Lubin, tous les deux grands théologiens, et le second
habile géographe; le P. Ange Le Proust, instituteur de la congrégation
des Filles de Saint-Thomas-de-Villeneuve, et bon prédicateur; les PP.
Théophile Loir, Jacques Hommey, distingués par leur érudition; et
surtout le P. Pierre de Bretagne, considéré, dans son ordre, comme un
des génies les plus heureux qu'il ait produits. Son mérite l'ayant
fait appeler à la cour de Bavière, il ne profita des faveurs dont il y
fut comblé que pour le bien de son couvent, qui le comptoit, avec
raison, au nombre de ses bienfaiteurs.

[Note 277: L'église, la maison et le jardin des Petits-Augustins, qui
ont subi de grands changements dans leur intérieur, servoient, pendant
la révolution, de dépôt à tous les tombeaux qu'on avoit enlevés des
églises, et généralement à tous les monuments de la sculpture
françoise qu'on avoit pu soustraire au vandalisme révolutionnaire.]


LES FRÈRES DE LA CHARITÉ.

Une maison de la ville de Grenade, louée, en 1540, par Jean de Dieu,
pour y retirer et soigner les pauvres malades, devint le berceau d'une
congrégation qui, dès son origine, s'est répandue dans une grande
partie de l'Europe. Le charitable instituteur, que sa vertu sublime a
fait mettre au nombre des saints, étoit pauvre et d'une naissance
commune; mais la Providence, à laquelle il remit le succès de sa
généreuse entreprise, ne l'abandonna point, et lui envoya de pieux
associés qui se trouvèrent heureux de partager ses fonctions. Ainsi se
forma une petite communauté, qui n'eut d'abord d'autre règle à suivre
que l'exemple de son digne chef. Il mourut le 8 mars 1550; et sa
congrégation ne fut approuvée par le saint siége et mise sous la règle
de Saint Augustin qu'en 1572. Ayant bientôt formé des établissements
en Italie, les Frères de la Charité se trouvèrent sous l'autorité
immédiate du pape Sixte V, qui leur permit, en 1586, de dresser des
constitutions, et de tenir un chapitre général. Leur ordre reçut en
même temps le titre de congrégation de _Jean de Dieu_; et Paul V
l'érigea en ordre religieux l'an 1609. Aux trois voeux ordinaires, ils
ajoutèrent celui d'exercer l'hospitalité, en vertu d'un bref du même
pape de l'année 1617.

Marie de Médicis n'amena point des Frères de la Charité en France,
comme l'a prétendu le P. Hélyot; mais un an après son mariage, en
1601, elle en fit venir quelques-uns de Florence, et les établit, en
1602, au lieu qu'occupèrent depuis les Petits-Augustins. Ils obtinrent
presque aussitôt des lettres-patentes du roi, le consentement de
l'archevêque de Paris, etc.

Marguerite de Valois, ayant désiré avoir, pour sa fondation, le
terrain qu'occupoient ces religieux, en traita avec eux en 1606, et
les fit transférer dans une autre maison accompagnée d'un grand
jardin, et située rue des Saints-Pères, près de la chapelle
Saint-Pierre. Cette chapelle, dont nous allons bientôt parler,
appartenoit alors à la paroisse Saint-Sulpice; et les Frères de la
Charité, qui obtinrent alors la permission d'y célébrer l'office
divin, n'en acquirent l'entière propriété qu'en 1659. Toutefois, à
cette dernière époque, l'ancienne chapelle n'existoit plus depuis
long-temps: dès 1613, elle avoit été démolie, et l'on avoit commencé
aussitôt à en bâtir une plus grande sur le propre terrain de ces
religieux. La reine Marguerite en posa la première pierre dans cette
même année 1613; mais elle ne fut dédiée sous l'invocation de _saint
Jean-Baptiste_ qu'en 1621; et l'on y mit enfin la dernière main en
1733, en y faisant construire un portail d'assez bon goût, qui fut
élevé sur les dessins de de Cotte, architecte. En 1738, ces religieux
acquirent une portion de terrain aliénée peu de temps auparavant par
l'abbaye Saint-Germain, et sur cet emplacement firent bâtir des salles
plus vastes pour y recevoir un plus grand nombre de malades. M.
Antoine, architecte de l'hôtel des monnoies, donna le dessin et
dirigea la construction d'une de ces salles, disposa la cour sur un
nouveau plan, et décora l'entrée de l'hospice d'un petit porche à
colonnes sans bases, d'un très bon style[278].

[Note 278: _Voy._ pl. 211. Cet architecte, recommandable
principalement par le soin qu'il apportoit à l'exécution de ses
ouvrages, voulut faire dans ce portail un essai de l'ordre dorique
grec, et donner une légère idée de ces propylées célèbres, qu'alors
les professeurs d'architecture commençoient à faire connoître dans les
leçons académiques. Toutefois, en risquant une semblable nouveauté, M.
Antoine crut qu'il étoit prudent de la modifier un peu, pour
s'accommoder au goût françois, peut-être aussi pour y apporter quelque
perfectionnement; mais l'événement prouva qu'on ne touche point
impunément aux chefs-d'oeuvre de l'antiquité. En altérant les
proportions générales et particulières de cet ordre, il lui ôta son
nerf, son originalité. Cette représentation des propylées parut assez
fidèle à ceux qui ne les connoissoient que superficiellement, et par
les dessins qui en furent donnés dans le temps; mais ceux qui avoient
étudié l'ouvrage alors très peu connu de Stuart, regrettèrent qu'on
eût ainsi tronqué les proportions de l'original, en élevant le
fronton, en retranchant sur l'architrave, en négligeant plusieurs
détails dans les profils: les chapiteaux, trop saillants, n'ont point
le caractère de l'antique; les triglyphes sont trop longs; en un mot,
ce seroit prendre une très fausse idée de la sévérité, de la grâce et
de l'harmonie de l'ordre des propylées, que de le juger sur ce petit
monument.

Du reste, la disposition est la même à peu près pour les marches, dont
une partie servant de base aux colonnes, forme en dehors un petit
soubassement; et l'autre se trouve en arrière sous le porche, dans une
demi-teinte favorable à l'effet de l'ensemble. (LEGRAND.)]


CURIOSITÉS DE L'HOSPICE DE LA CHARITÉ.


     TABLEAUX.

     Dans la nef de l'église qui étoit propre et régulière, le martyre
     de saint Pierre et celui de saint Paul; par _Cazes_.

     Saint Jean prêchant dans le désert; par _Verdot_.

     La Résurrection du Lazare; par _Galoche_.

     La Multiplication des pains; par _Hallé_.

     Notre Seigneur guérissant les malades; par _d'Ulin_.

     La belle-mère de saint Pierre guérie de la fièvre; par le même.

     Dans le choeur, un Christ; par _Benoît_.

     Dans la chapelle à droite, une Annonciation et une Visitation;
     par _Verdot_.

     Dans la chapelle à gauche, l'apothéose de saint Jean de Dieu; par
     _Jouvenet_.

     Sur les deux côtés, Abraham visité par les anges, et le
     Samaritain; par _Restout_.

     Dans la chapelle de la grande salle, saint Louis pansant un
     malade; par _Tételin_.

     Notre Seigneur chez le Pharisien, et les noces de Cana; par
     _Restout_.

     Dans la salle Saint-Michel, la Charité; par _Le Brun_.

     Dans les autres salles, plusieurs tableaux de _La Hire_, _Le
     Brun_, de _Sève_, etc.


     SCULPTURES.

     Dans une des chapelles de l'église, une statue en marbre de la
     Vierge; par _Le Pautre_.


     SÉPULTURES.

     Dans la même chapelle avoit été inhumé Claude Bernard, dit le
     pauvre prêtre, mort, en 1641, en odeur de sainteté. Sa statue, en
     terre cuite, étoit d'un sculpteur nommé _Benoît_.

Cet hospice, au moment de la révolution, pouvoit contenir environ deux
cent trente malades, qui y étoient traités avec un soin, un zèle et
une charité qu'on ne pouvoit trop admirer. Les religieux de la Charité
possédoient une pharmacie, un jardin botanique et un cabinet
d'histoire naturelle[279].

[Note 279: Au pied d'une butte qui s'élevoit auprès de la rue
Saint-Guillaume, étoit, en 1534, le cimetière des lépreux. Il
subsistoit encore à la fin du siècle dernier, et servoit de sépulture
à ceux qui mouroient à la Charité.]

       *       *       *       *       *


LES ENFANTS TEIGNEUX.

Presque tous nos historiens ont confondu cet établissement avec les
Petites-Maisons, parce qu'effectivement la ville avoit destiné, dans
ce dernier établissement, des salles pour recevoir les personnes
affligées de la teigne. Dans la crainte que cette maladie ne se
communiquât, on les plaça bientôt dans des bâtimens séparés; enfin,
pour éloigner jusqu'à l'ombre du danger, on fit construire, rue de la
Chaise, un nouvel hospice réservé uniquement pour les teigneux, avec
une chapelle, qui fut bénite sous l'invocation de _sainte Reine_.
Sauval donne à cet établissement la date de 1655: il faut qu'il soit
antérieur à cette époque, puisqu'on le trouve sur le plan de Gomboust,
publié en 1652[280].

[Note 280: L'hôpital de la Charité n'a point changé de destination;
les Enfants teigneux sont maintenant réunis aux Petites-Maisons.]


L'ABBAYE ROYALE

DE SAINT-GERMAIN-DES-PRÉS.

Tous nos historiens[281] s'accordent à dire que cette abbaye, l'une
des plus anciennes et des plus illustres de France, fut fondée par
Childebert Ier, fils de Clovis; mais ils varient entre eux de 543 à
556, sur la date de cette fondation. Jaillot, sans prétendre que la
première de ces deux époques, présentée par Adrien de Valois,[282]
soit appuyée d'autorités incontestables, la considère cependant comme
celle qui offre le plus de vraisemblance. Ce critique, même en
regardant comme douteuse la tradition qui veut que Childebert, dans
son expédition d'Espagne, ait obtenu des habitants de Saragosse, qu'il
assiégeoit, la tunique de saint Vincent,[283] et n'ait fait bâtir la
basilique dont nous parlons que pour l'y déposer, paroît persuadé
cependant que ce fut effectivement, à son retour de cette contrée,
qu'il éleva ce monument, soit par une dévotion particulière à l'égard
de ce saint, soit qu'il voulût placer honorablement quelques unes de
ses reliques qu'il auroit pu se procurer à Valence, lieu de son
martyre. Alors la date de 543 doit paroître la véritable; et du reste
le même historien explique d'une manière assez satisfaisante la charte
de Childebert, dont les expressions ont déterminé dom Mabillon et
plusieurs autres savants à reculer de douze à treize ans ce grand
événement[284].

[Note 281: MABILLON, _Ann. Bened._, t. I, liv. V, ch. 42.--BOUILLART,
_Hist. de l'abbaye Saint-Germain_, p. 4 et 297.--_Gall. Chr._, t. 7,
p. 416.]

[Note 282: _Deff. de Basil._, part. I, ch. 4.]

[Note 283: _Quartier Saint-Germain-des-Prés_, p. 21. Plusieurs de nos
historiens prétendent en effet que loin d'avoir rien obtenu des
habitants de Saragosse, son armée fut battue devant cette ville, et
forcée de se retirer.]

[Note 284: _Quartier Saint-Germain-des-Prés_, p. 22.]

Cette église fut dédiée sous l'invocation de _saint Vincent_, _de la
sainte Croix_ etc., par saint Germain, alors évêque de Paris, le jour
même de la mort de Childebert, le 23 décembre 558. C'étoit seulement
le 6 du même mois, que ce prince avoit donné sa charte de fondation de
la nouvelle abbaye, portant donation du fief d'Issi avec ses
appartenances et dépendances, du droit de pêche sur la rivière, depuis
les ponts de Paris jusqu'au _ru_ de Sèvre, d'un chemin de dix-huit
pieds de large des deux côtés de la rivière, et d'une chapelle de
Saint-Andéol, qu'on suppose avoir été remplacée depuis par l'église
Saint-André-des-Arcs[285].

[Note 285: _Hist. de l'abbaye Saint-Germain_, _preuves_, p. 1; DU
BREUL, p. 296.]

On sait que les monastères anciens les plus célèbres renfermoient
ordinairement, dans leur enceinte ou dans leurs dépendances, plusieurs
églises séparées, quelquefois même assez éloignées les unes des
autres, et dont les plus petites n'avoient que le simple titre
d'oratoire. Saint Germain, qui avoit eu tant de part à la fondation de
l'abbaye de Saint-Vincent, fonda une chapelle de ce genre, au midi de
l'église, sous l'invocation de saint Symphorien; c'est là qu'il fut
enterré, ainsi que son père Éleuthère et sa mère Eusébie. Vers le même
temps, on construisit au nord, sous le nom de Saint-Pierre, l'oratoire
dont nous avons déjà parlé, à l'article de Saint-Sulpice, ainsi que la
chapelle Saint-Martin des Orges. Quant au monastère lui-même, il fut
occupé d'abord par des religieux soumis à la règle de saint Basile,
que le saint évêque fit venir d'Autun, et qu'il mit sous la conduite
de Droctové, généralement regardé comme leur premier abbé[286]; et
telle fut l'affection qu'il porta à cette abbaye, sinon créée, du
moins organisée par ses soins, qu'après l'avoir comblée de biens, il
voulut encore se démettre, en sa faveur, des droits de son siége, et
lui accorder l'exemption de la juridiction épiscopale, dans toute
l'étendue du territoire d'Issi, que Childebert venoit de lui donner.
Il est vrai que les chartes qui établissent cette exemption ont été
vivement attaquées, dans le dix-septième siècle, par des savants du
premier ordre; mais il est certain aussi qu'une possession non
contestée de onze cents ans formoit un titre de prescription assez
respectable; et que, malgré le droit commun et les décrets des
conciles qui soumettoient les moines à l'autorité des évêques, il y a
des exemples si éclatants d'exemptions de ce genre, et de priviléges
particuliers accordés à certains monastères, que la règle générale ne
peut être nullement alléguée ici, comme une preuve vraiment
péremptoire. Jaillot entre à ce sujet dans une longue discussion, dont
le résultat est de prouver, par une foule d'actes solennels, cette
_dépendance immédiate du saint siége_, toujours revendiquée avec
succès par l'abbaye Saint-Germain, et qui confirme jusqu'à la dernière
évidence, l'authenticité des chartes sur lesquelles elle étoit
fondée[287].

[Note 286: _Vita S. Droct._, lib. 2.]

[Note 287: _Quartier Saint-Germain-des-Prés_, p. 24 et seq.]

Le saint évêque de Paris mourut, et bientôt la dévotion des peuples
excitée par les miracles qui s'opéroient, dit-on, sur son tombeau,
s'empressa de joindre son nom à celui du patron de cette abbaye. Dans
une infinité d'actes des 7e et 8e siècles, elle est indistinctement
appelée la basilique de _Saint-Germain_, de _Saint-Vincent_; de
_Saint-Vincent et de Saint-Germain_. Cependant les fidèles accouroient
de toutes parts dans la chapelle Saint-Symphorien, où reposoit le
corps du bienheureux, et le concours en devint si prodigieux, que le
roi Chilpéric forma le projet de faire bâtir une basilique nouvelle,
uniquement pour recevoir les restes de ce saint évêque. Nous avons
parlé, à l'article de Saint-Germain-l'Auxerrois, de ce projet qui
resta sans exécution; et ce fut seulement en 754, que ces restes
précieux furent transférés de la chapelle Saint-Symphorien dans la
grande église, cérémonie qui se fit en présence de Pépin et de ses
deux fils, Charles et Carloman. On plaça la tombe qui les contenoit
dans le rond-point du sanctuaire.

Cette abbaye éprouva, à diverses reprises, toute la rage des Normands.
Ils la pillèrent en 845 et 858, et y mirent le feu en 861. Elle fut
réparée, huit ans après, par les soins de l'abbé Gozlin; mais, au
rapport de Dubreul, ces barbares, revenus en 885 dans les environs de
Paris, la détruisirent presque de fond en comble, et tellement, que,
soit qu'on craignît de nouvelles incursions, soit que d'aussi grands
malheurs eussent réduit ses religieux à l'indigence, l'église et le
monastère ne furent entièrement rebâtis qu'en 990. Piganiol place
cette construction en 1014; mais il ne fait pas attention que l'abbé
Morard, qui en fut l'auteur ainsi qu'il le reconnoît lui-même[288],
mourut le 1er avril de cette année, et qu'alors l'église étoit
entièrement finie. Elle fut dédiée en 1163 par le pape Alexandre III;
et ce souverain pontife déclara lui-même publiquement que cette
église n'étoit soumise à aucun archevêque ou évêque, mais au
Saint-Siége seulement[289]; ce qu'il confirma quelques jours après,
dans le concile qu'il tint à Tours.

[Note 288: L'épitaphe qu'on lisoit sur sa tombe portoit que l'église
Saint-Germain avoit été brûlée trois fois par les Barbares; qu'il
l'avoit fait rebâtir de fond en comble; qu'il avoit fait élever une
tour dans laquelle il avoit mis des cloches, etc.]

[Note 289: _Hist. de l'abbaye Saint-Germain_, _preuves_, p. 40, 55e
pièce.]

Le relâchement s'étant introduit parmi les religieux de l'abbaye
Saint-Germain, Guillaume Briconnet, évêque de Lodève, qui en étoit
abbé au commencement du 16e siècle, résolut de rétablir l'ancienne
discipline, et pour y parvenir, appela dans ce monastère environ
trente religieux de celui de Chézal-Benoît. Cette réforme se soutint
un siècle entier; mais commençant à décliner vers 1618, on fit venir,
pour une réforme nouvelle, des religieux de la congrégation de
Saint-Maur. Avec eux entrèrent, dans cette maison, la régularité, la
piété, la pénitence, l'étude des saintes lettres; et alors commença
cette suite d'esprits distingués et de savants illustres, qui ont
donné un si grand éclat à cette célèbre abbaye.

Si l'on en croit les anciennes traditions, la première basilique,
bâtie par Childebert, étonnoit par sa magnificence. Les colonnes qui
en soutenoient la voûte étoient de marbre, l'or éclatoit de toutes
parts sur les murs et sur les lambris, l'extérieur même étoit tout
couvert de cuivre doré[290]. Alors l'abbaye Saint-Germain, isolée dans
la campagne, avoit toutes les apparences d'une citadelle; ses
murailles étoient flanquées de tours et environnées de fossés; un
canal large de treize à quatorze toises, qui commençoit à la rivière,
et que l'on nommoit _la petite Seine_, couloit le long du terrain où
est présentement la rue des Petits-Augustins, tomboit dans ces fossés,
et séparoit le grand pré aux Clercs du petit. Celui-ci étoit le plus
proche de la ville. Lorsque l'abbé Morard entreprit de rétablir cette
église déjà plusieurs fois dévastée, il n'en conserva qu'une grosse
tour sous laquelle il fit construire le portail que l'on voit encore
aujourd'hui. Tous les piliers de la nef et de ses collatéraux sont de
son temps, ainsi que les quatre piliers qui supportent les petites
tours placées des deux côtés du choeur. La tour principale est donc le
seul débris des constructions faites par Childebert, et encore faut-il
en excepter son couronnement, dont les piliers, entièrement semblables
à ceux de la nef, doivent être également attribués à l'abbé Morard.
Cependant l'abbé Lebeuf pense que certaines arcades par lesquelles on
alloit de la tour septentrionale à la chapelle de la vierge,
pourroient être aussi du temps de la fondation de l'abbaye. Les
parties extérieures des petites tours lui sembloient être seulement de
la fin du onzième siècle.

[Note 290: Elle en avoit reçu la dénomination populaire de
_Saint-Germain-le-Doré_.]

Après l'abbé Morard, il se fit encore beaucoup de travaux dans
l'église; et l'on a remarqué que, dans ces constructions nouvelles, on
ne suivit pas exactement l'alignement de l'ancien édifice. L'abbé
Eudes éleva un nouveau cloître en 1227. Simon, son successeur, fit
construire, en 1239, le réfectoire et les murs de l'abbaye; Hugues
d'Issi, qui le remplaça, fit bâtir la chapelle de la vierge dont nous
venons de parler; et l'abbé Gérard ordonna, en 1273, la construction
du chapitre et du dortoir qui étoit au-dessus.

Cette chapelle de la vierge, située au nord de l'église, en étoit
séparée par le petit cloître et par la sacristie, bâtie sous le règne
de saint Louis, par le célèbre architecte Pierre de Montereau. Elle
étoit admirée comme un des chefs-d'oeuvre gothiques les plus élégants
qu'il y eût à Paris. Il en étoit ainsi du réfectoire, séparé seulement
de ce monument par le dortoir, construit sur le même plan et sans
doute par le même artiste. Les anciennes cryptes de l'abbaye étoient,
suivant dom Bouillart, à la place où fut depuis élevée la chapelle
bâtie par Montereau.

Les dernières réparations faites à l'église, avant la révolution,
remontent à l'année 1653. On éleva alors une voûte à la place d'un
vieux lambris qui en couvroit les murs, et les deux côtés furent
ouverts pour y pratiquer des ailes. Tel qu'il est cependant, ce
bâtiment n'offre rien de très remarquable. Construit en forme de
croix, il présente une dimension de deux cent soixante-cinq pieds de
longueur, sur soixante-cinq de large et cinquante-neuf de
hauteur[291]. La croisée est éclairée à ses deux extrémités par deux
grands vitraux qui en occupent toute la largeur; le choeur, placé dans
le rond-point, est entouré de huit chapelles, et le grand autel est
isolé entre le choeur et la nef.

[Note 291: La plupart des chapiteaux des colonnes ou piliers, qui
séparent la nef des bas-côtés, offrent une particularité dont nous ne
croyons pas qu'il y ait d'exemple dans aucune autre église de Paris.
Ils sont couverts de figures en bas-relief, représentant des oiseaux,
des sphinx, des griffons, des apôtres, des saints, etc. Ces
sculptures, qui toutes sont du gothique le plus grossier, pourroient
bien dater du temps de la construction primitive.]

Cette basilique n'en méritoit pas moins d'être visitée pour quelques
précieux restes d'antiquités qu'elle conservoit. Il est assez probable
que nos premiers rois chrétiens l'avoient choisie pour le lieu de leur
sépulture. Nous apprenons, par Grégoire de Tours que Childebert et
Chilpéric y furent inhumés; les historiens, qui écrivoient après lui,
témoignent que plusieurs autres y furent ensevelis; et c'est une
ancienne tradition qu'on y déposoit les corps de toutes les personnes
royales qui, étant mortes de mort violente, n'avoient rien ordonné
touchant leurs sépultures. Toutefois, on ne comptoit dans cette église
que six tombeaux de ces princes de la seconde race, et encore
l'authenticité de plusieurs étoit-elle contestée.


CURIOSITÉS DE L'ÉGLISE SAINT-GERMAIN-DES-PRÉS.


     TABLEAUX.

     Sur les deux piliers du choeur, près du maître-autel, la
     translation de saint Germain et le martyre de saint Vincent; par
     _Hallé_.

     Sur la menuiserie qui entouroit le choeur, neuf tableaux par
     _Cazes_: 1º saint Vincent et l'évêque Valère jugés devant Dacien;
     2º saint Vincent et Valère traînés en prison; 3º saint Vincent
     prêchant devant l'évêque Valère; 4º le saint ordonné diacre par
     le même évêque; 5º une descente de croix; 6º le sacre de saint
     Germain; 7º saint Germain présentant au roi Childebert le plan de
     l'abbaye; 8º le roi Clotaire malade, guéri miraculeusement par
     saint Germain; 9º la mort de saint Germain.

     Dans la nef:

     Saint Pierre guérissant le boiteux; par le même.

     Ananie et Saphire; par _Le Clerc_.

     Le Baptême de l'Eunuque; par _Bertin_.

     Ananie imposant les mains à saint Paul; par _Restout_.

     Saint Pierre ressuscitant Tabithe; par _Cazes_.

     Saint Pierre délivré de sa prison; par _Vanloo_ aîné.

     La conversion de Serge-Paul et l'aveuglement de Barjésu; par _Le
     Moine_.

     Saint Paul et saint Barnabé refusant les sacrifices de la ville
     de Lystre; par _Christophe_.

     Les portes de la prison s'ouvrant miraculeusement devant saint
     Paul; dans la même ville; par _Hallé_.

     Saint Paul mordu d'une vipère dans l'île de Malte; par _Verdot_.

     Dans la chapelle Saint-Symphorien: Hérode-Agrippa frappé de Dieu;
     par _Pierre_.

     Saint Pierre guérissant les malades avec son ombre; par le même.

     Saint Étienne devant les docteurs; par _Natoire_.

     La conversion de saint Paul; par _Jeaurat_.

     À l'autel, le martyre de saint Symphorien; par _Hallé_.

     Dans la sacristie neuve, les esquisses terminées de tous les
     tableaux de la nef; une copie de la Transfiguration de Raphaël,
     et l'ancien tableau dont nous avons déjà parlé[292], représentant
     l'abbé Guillaume et sa famille, en adoration auprès d'un Christ
     mort.

     [Note 292: _Voyez_ t. I, 2e part., p. 768. On conserve ce tableau
     au Musée des Petits-Augustins; il est remarquable non seulement
     pour les antiquités curieuses dont il retrace seul l'image, mais
     encore pour le mérite de la peinture, qui réunit un bon coloris à
     une vérité d'imitation, à une délicatesse de pinceau, vraiment
     étonnantes dans un siècle où l'art étoit encore à sa première
     enfance.]

     Dans le réfectoire: une Nativité, par _Van-Mol_; et une copie des
     Pélerins d'Emmaüs, de _Paul Véronèse_, dont l'original est à
     Versailles.

     Dans la bibliothèque, le meurtre d'Abel; par _Le Brun_.

     Dans l'apothicairerie, Apollon et Esculape; par _Cazes_.


     SCULPTURES.

     Sur le maître-autel, décoré de six colonnes de marbre cipolin,
     avec baldaquin, palmes, feuilles d'acanthe, etc., un ange tenant
     le suspensoir du Saint Sacrement, et deux autres à genoux sur des
     enroulements, supportant la châsse de saint Germain, suspendue au
     milieu de cette décoration; le tout exécuté, sur les dessins
     d'_Oppenord_, par les frères _Slodtz_.

     La châsse de saint Germain, en vermeil, exécutée en 1408 par les
     soins et les libéralités de l'abbé Guillaume III. Ce monument
     d'orfévrerie, d'un travail très délicat, et couvert de pierres
     précieuses, avoit la forme d'une église entourée d'arcades en
     ogives, et offrant douze niches où étoient placés les douze
     apôtres. Le portail étoit orné d'un groupe représentant la Sainte
     Trinité, l'abbé Guillaume, le roi Eudes[293], saint Germain,
     saint Vincent et saint Étienne, ces deux derniers en habit de
     diacre.

     [Note 293: C'étoit à ce prince que l'on devoit l'ancienne châsse,
     dont l'or fut employé dans la construction de la nouvelle.
     Celle-ci avoit environ deux pieds dix pouces de longueur, et
     contenoit vingt-six marcs deux onces d'or, et deux cent cinquante
     marcs d'argent.]

     Un devant d'autel en cuivre doré, autre don du même abbé, et
     offrant, sous sept arcades très précieusement terminées, d'abord
     et au milieu, un Christ accompagné d'un groupe, dans lequel on
     reconnoissoit la figure du donataire; ensuite, et de chaque côté,
     les figures de divers saints apôtres et archanges. (Toutes ces
     figures étoient en vermeil.)

     Sur l'autel, une belle croix, exécutée sur les dessins du frère
     _Bourlet_, religieux de cette maison.

     Dans la chapelle Saint-Maur, au retable de l'autel, un bas-relief
     en pierre de Tonnerre, représentant l'apothéose du saint; par
     _Pigale_.

     Dans la chapelle de Sainte-Marguerite, la statue de cette sainte;
     par le frère _Bourlet_.

     Dans le vestibule de la chapelle de la Vierge, un Christ en
     plâtre; par le même.

     Dans la bibliothèque, un bas-relief en marbre à la gloire du
     comte de Caylus; par _Bouchardon_; et plusieurs bustes en bronze,
     parmi lesquels on remarquoit ceux du janséniste Arnauld et de
     Boileau; par _Girardon_.

     Dans le vestibule de l'église, des deux côtés de la porte, huit
     statues gothiques représentant des rois, des reines et un
     évêque[294].

     [Note 294: Ces statues, détruites pendant les jours
     révolutionnaires, ont fait naître de grands débats parmi les
     antiquaires. D. Ruinart, qui les regarde comme aussi anciennes
     que l'église, prétend qu'elles représentoient saint Remi, Clovis,
     la reine Clotilde, Clodomir et Thierri leurs fils, Childebert,
     Ultrogothe et Clotaire II. L'abbé Lebeuf, qui ne peut nier que
     les deux figures les plus éloignées de la porte ne fussent
     effectivement celles de Clodomir et de Clotaire II, parce
     qu'elles portoient leurs noms gravés sur des inscriptions,
     soutient que les autres statues offroient, suivant un usage assez
     commun, des rois et des reines de l'ancienne loi; et que
     Jésus-Christ, placé au milieu de la porte sur un trumeau qui
     n'existe plus, étoit le symbole de la nouvelle. D'autres y
     voyoient la famille de Charlemagne, saint Germain à la place de
     saint Remi, et rapprochoient ainsi de plusieurs siècles
     l'antiquité de ce monument. De toutes ces opinions, la première
     nous semble encore celle qui présente le plus de probabilités.]

     Dans la sacristie, un grand nombre de reliques précieuses, de
     croix, de vases sacrés, d'ornements, où éclatoient l'or, les
     diamants, les pierreries, et qui n'étoient pas moins remarquables
     par l'excellence du travail que par la richesse de la matière.


     SÉPULTURES.

     Dans cette église avoient été inhumés:

     Dans le choeur, Childebert, roi de France, et fondateur de cette
     abbaye, mort en 551, et Ultrogothe sa femme. La pierre qui
     couvroit sa tombe le présentoit couché, tenant son sceptre d'une
     main, et de l'autre, le modèle de l'église de Saint-Germain[295].

     [Note 295: Cette pierre avoit été déposée au Musée des
     Petits-Augustins. L'antiquité n'en est point équivoque.]

     Dans le sanctuaire, du côté de l'évangile, Chilpéric Ier, roi de
     France, assassiné en 584, et Frédégonde sa femme, morte en
     597[296]; Childéric II, assassiné en 673.

     [Note 296: La pierre qui couvroit la tombe de cette reine offre
     une mosaïque formée d'un nombre considérable de petits émaux liés
     ensemble par un mastic, et incrustés dans une pierre de liais, où
     ils représentent une figure, dont le visage est indiqué par un
     simple contour, sans aucun trait intérieur; il en est ainsi des
     pieds et des mains. Elle est couronnée de trois fleurs-de-lis,
     revêtue d'une longue robe, et porte à la main un sceptre terminé
     également par des fleurs-de-lis. Ce monument curieux, et qui date
     certainement du temps de Frédégonde, étoit déposé aux
     Petits-Augustins.]

     Du côté de l'épître, Clotaire II, mort en 628, et Berthrude, sa
     première femme, morte en 620, Bilihilde, femme de Childéric II,
     et son fils Dagobert, assassinés en 673[297].

     [Note 297: Les tombes de Clotaire II, de Berthrude, de Childéric
     II, se voyoient dans le même Musée; mais elles sont modernes, et
     furent exécutées, dans le siècle dernier, d'après les débris
     d'anciens monuments.]

     Clovis et Mérovée, fils de Chilpéric Ier, morts en 577 et 581,
     tous les deux victimes des fureurs de Frédégonde.

     Catherine de Bourbon, fille de Henri de Bourbon, prince de Condé,
     et de Marie de Clèves, morte en 1595.

     Marie de Bourbon-Conti, fille de François de Bourbon-Conti et de
     Louise de Lorraine, morte en 1610, douze jours après sa
     naissance.

     François de Bourbon-Conti son père, mort en 1614.

     Le coeur de Henri de Bourbon, duc de Verneuil, fils naturel de
     Henri IV, et abbé de Saint-Germain, mort en 1682.

     Louis-César de Bourbon, comte de Vexin, fils naturel et légitimé
     de Louis XIV, mort en 1683.

     Dans la chapelle Saint-Christophe, consacrée à l'illustre famille
     des Douglas, princes d'Écosse, Guillaume Douglas, comte
     d'Auguise, mort en 1611[298].

     [Note 298: Il est représenté couché, revêtu de ses armes, la tête
     appuyée sur son coude: c'est de la sculpture la plus barbare.
     (Déposé aux Petits-Augustins.)]

     Jacques Douglas, son petit-fils, mort en 1645[299].

     [Note 299: Il est, comme son père, à moitié couché sur des
     coussins, et couvert de son armure, avec cette différence qu'il
     tient un livre de la main droite. Sculpture moins mauvaise que la
     précédente, mais qui ne s'élève pas au dessus de la médiocrité.
     (Déposé dans le même Musée.)]

     Robert Douglas, capitaine aux gardes, mort en 1662.

     La comtesse de Dumbarton, femme de Georges Douglas, morte en
     1691.

     Georges Douglas, comte de Dumbarton, général des armées de S. M.
     britannique en Écosse, mort en 1692.

     Guillaume-Mathias Douglas, mort en 1715.

     Dans la chapelle de Saint-Casimir, le coeur de Jean Casimir, roi
     de Pologne, mort en 1672, abbé de Saint-Germain[300]. (Son corps
     avoit été transporté en Pologne.)

     [Note 300: Il est représenté en marbre blanc, sur un tombeau de
     marbre noir, soutenant d'une main une chape sur ses épaules,
     étendant l'autre pour offrir son sceptre et sa couronne à saint
     Casimir, dont l'image étoit sur l'autel; devant et derrière lui
     sont groupées ses armes; aux angles, des captifs enchaînés à des
     trophées désignoient ses victoires sur les Turcs, les Tartares et
     les Moscovites. Ce monument, exécuté par Gaspard _de Marsi_, et
     comblé d'éloges par tous les historiens de Paris, est une
     production de la dernière médiocrité.

     Au milieu de la base, un bas-relief en plomb, ouvrage d'un frère
     convers de cette maison, nommé Jean _Thibaut_, représente une des
     batailles de Casimir. Il est encore plus mauvais que le mausolée.
     (Le tout avoit été déposé aux Petits-Augustins.)]

     Dominique du Gabré, évêque de Lodève, mort en 1558.

     Jean Grollier, trésorier de Milan et de France, mort en 1565.

     Pierre Danez, évêque de Lavaur, envoyé de François Ier au concile
     de Trente, mort en 1577.

     Eusèbe Renaudot, de l'Académie françoise et de celle des
     Inscriptions et belles-lettres, mort en 1720.

     Dans la chapelle Sainte-Marguerite, Charles de Castellan, abbé
     commandataire de Saint-Evre-de-Toul et de la Sauve-Majeure, mort
     en 1677.

     François de Castellan, seigneur de Blénot-le-Ménil, mort en 1683.

     Le coeur d'Olivier de Castellan, lieutenant-général des armées du
     roi, tué au siége de Tarragone en 1644.

     Celui de Louis de Castellan, brigadier d'infanterie, blessé à
     mort au siége de Candie en 1669[301].

     [Note 301: Leur monument, que l'on prétend être de la main de
     _Girardon_, se compose d'un tombeau de marbre blanc, au dessus
     duquel s'élève une colonne surmontée d'une urne antique. Deux
     statues, de grandeur naturelle, placées de chaque côté, et
     représentant la Piété et la Fidélité, soutiennent les portraits
     d'Olivier et de Louis Castellan; sculpture peu remarquable sous
     tous les rapports. (Déposé dans le même Musée.)

     On voit encore dans le jardin de ce Musée une tombe de six pieds
     de longueur, dont le couvercle, fait en dos d'âne, est orné
     d'écailles de poisson, de palmettes et d'un cep s'échappant d'un
     vase. Il fut trouvé en 1704, dans une fouille faite à six ou sept
     pieds de profondeur, près du maître-autel de l'église
     Saint-Germain, et découvert de nouveau au commencement de la
     révolution. Ce tombeau renfermoit un personnage inconnu, mais
     couvert de vêtements qui annonçoient une haute dignité.]

     Ferdinand Égon, landgrave de Furstenberg, mort en 1696.

     François de La Marck, colonel du régiment de cavalerie de
     Furstenberg, mort en 1697.

     François Henri, prince de La Tour-et-Taxis, chanoine de Cologne,
     mort en 1700.

     Guillaume Égon, cardinal de Furstenberg, etc., abbé de
     Saint-Germain, mort en 1704.

     N....., comtesse de La Marck, morte en 1704, peu de temps après
     sa naissance.

     César, cardinal d'Estrées, abbé de Saint-Germain, mort en 1714.

     Dans la chapelle de la Vierge, Pierre de Montereau, architecte
     célèbre du treizième siècle, mort en 1266[302]. (Agnès, sa femme,
     étoit inhumée dans le même tombeau.)

     [Note 302: La pierre qui couvroit son tombeau, gravée en creux,
     le représentoit, une règle et un compas à la main. (Ce monument a
     été détruit dans les démolitions faites sur le terrain de
     l'abbaye.)]

     Le P. Jean Mabillon, savant illustre, mort en 1707, etc.

     Les historiens de Paris parlent encore de plusieurs tombeaux
     découverts dans les fouilles faites, à différentes époques, dans
     cette église, et dont quelques uns contenoient des squelettes
     enveloppés dans des étoffes précieuses, des restes de bottines,
     de baudriers et d'autres attributs, qui indiquoient des personnes
     du rang le plus illustre, et la plupart inhumées sous la seconde
     race.

Les bâtiments de ce monastère éprouvèrent successivement des
changements et des augmentations considérables jusque dans le
dix-huitième siècle. Vers 1585, le cardinal de Bourbon commença la
construction du palais abbatial qui existe encore aujourd'hui, et les
religieux relevèrent les murailles qui entouroient les fossés, du côté
des rues Saint-Benoît et du Colombier. En 1684, ils firent élever le
bâtiment qui régnoit le long du parvis, en face de leur jardin, et
dans lequel étoient établis les bureaux de leurs officiers. Depuis
1699 jusqu'en 1715, on ouvrit plusieurs rues dans l'enclos abbatial,
où se logèrent aussitôt un grand nombre d'artisans, dans l'intention
de jouir du droit de franchise qui y étoit attaché. En 1715, on bâtit
une nouvelle sacristie auprès de l'ancienne; enfin dans ce même siècle
on reconstruisit, sous la direction du père de Creil, une partie du
cloître et deux grands corps de logis qui renfermoient un vestibule et
de grandes salles basses. Tous ces bâtiments, de vastes cours,
plusieurs jardins, et une foule d'autres dépendances, étoient
renfermés dans un espace circonscrit par les rues du Colombier,
Saint-Benoît, Sainte-Marguerite, et de l'Échaudé.


BIBLIOTHÈQUE.

La bibliothèque de ce monastère, la plus belle et la plus nombreuse de
Paris, après celle du roi, avoit été commencée par le père Dubreul; et
dès-lors composée d'excellents livres, depuis sans cesse augmentée par
les bibliothécaires qui lui succédèrent, elle reçut ses accroissements
les plus considérables, d'abord en 1685, que Noël Vallant, médecin de
mademoiselle de Guise, lui donna tous ses livres par testament. En
1700, Michel Antoine Baudran, prieur de Rouvres et de Neumarché,
l'enrichit encore de sa bibliothèque. Elle eut en 1718 celle de l'abbé
Jean d'Estrées; en 1720 les livres de l'abbé Renaudot; en 1732 la
bibliothèque des manuscrits du chancelier Séguier; en 1744 et en 1762
les livres et manuscrits du cardinal de Gèvres, archevêque de Bourges,
et de M. de Harlay, conseiller d'état. Cette précieuse collection
contenoit environ cent mille volumes imprimés, parmi lesquels on
comptoit un grand nombre d'éditions rares et anciennes; quinze à vingt
mille manuscrits dans toutes les langues, dont plusieurs très précieux
et très rares, surtout un psautier latin en lettres onciales, et deux
ou trois bibles de la plus haute antiquité. On y voyoit le manuscrit
des Pensées de Pascal, sur de petits papiers écrits de sa main et
réunis dans un volume _in-folio_.


CABINET D'ANTIQUITÉS ET D'HISTOIRE NATURELLE.

Ce cabinet, formé vers la fin du dix-septième siècle contenoit une
assez grande quantité d'antiquités égyptiennes, grecques, romaines,
gauloises, chinoises, indiennes, des vases étrusques, des médailles,
des pierres gravées, etc., et quelques objets d'histoire naturelle.

L'abbaye de Saint-Germain possédoit en outre un immense chartier, dans
lequel étoient réunis un nombre considérable de titres et pièces très
précieuses concernant l'abbaye elle-même, le faubourg Saint-Germain,
la ville de Paris, et qui ont fort aidé à en débrouiller les
antiquités.


BAILLIAGE DE L'ABBAYE.

Les abbés de Saint-Germain-des-Prés avoient autrefois toute
juridiction, tant spirituelle que temporelle, sur le faubourg
Saint-Germain. Ce n'est qu'en 1668 que M. de Péréfixe prétendit
soumettre ce faubourg à la juridiction de l'ordinaire, comme tout le
reste de la ville de Paris. Cette prétention, devenue la matière d'un
procès, fut terminée par une transaction, dans laquelle il fut convenu
que les droits de l'abbé seroient restreints à l'enclos de son
monastère, mais sous la condition que le prieur de l'abbaye seroit
vicaire général né et perpétuel de l'archevêque.

Les audiences de ce bailliage se tenoient en conséquence dans
l'enclos. Le bailli portoit le titre de juge civil, criminel et de
police, et remplissoit toutes ces attributions. Les appels se
relevoient au châtelet.


PRISON DE L'ABBAYE.

Cette prison, située rue Sainte-Marguerite au fond du petit marché,
étoit particulièrement affectée aux Gardes Françoises et autres
militaires. Il y avoit une chapelle desservie par un prêtre de
Saint-Sulpice[303].

[Note 303: Les bâtiments de l'abbaye Saint-Germain ont été en partie
détruits, et l'on a percé plusieurs rues sur l'emplacement qu'ils
occupoient. Le palais abbatial est habité par des particuliers. Sur
l'emplacement de la chapelle de la Vierge, on a bâti des maisons;
l'église, dépouillée de presque tous ses ornements, a été rendue au
culte. (_Voyez_ l'article _Monuments nouveaux_.)]



LE SÉMINAIRE

DES MISSIONS ÉTRANGÈRES.


Le désir de voir la lumière de l'Évangile pénétrer dans les contrées
encore plongées dans les ténèbres des fausses religions donna
naissance à cet établissement. Ce fut M. Bernard de Sainte Thérèse,
évêque de Babylone, qui en conçut le dessein; et en formant une
société de Missionnaires qu'il destinoit à parcourir les pays
étrangers, son intention étoit surtout qu'ils fissent de la Perse le
théâtre de leurs travaux apostoliques. Il y consacra tous ses biens,
ainsi que le prouve le contrat de donation passé le 16 mars 1663. Une
des conditions portées dans cet acte fut que la maison qu'on alloit
bâtir seroit appelée le _Séminaire des Missions Étrangères_, et qu'on
en dédieroit la chapelle sous l'invocation de la _sainte Famille_. Les
bâtiments furent élevés immédiatement après, sur un terrain
appartenant à cet évêque, et situé au coin des rues du Bac et de la
Fresnaie, dite depuis de _Babylone_. Des lettres-patentes du mois de
juillet de la même année 1663 confirmèrent cette fondation; l'abbé de
Saint-Germain ayant donné son consentement le 10 octobre suivant, les
sieurs Poitevin et Gasil, au profit desquels la donation avoit été
faite, y entrèrent le 27 du même mois. Une salle de cette maison leur
servit d'abord de chapelle, et continua d'en servir jusqu'en 1683,
époque à laquelle on en bâtit une plus régulière, dont la première
pierre fut posée, au nom du roi, par M. François de Harlai, archevêque
de Paris. Cette chapelle, qui est double, n'a rien de remarquable dans
son architecture.


CURIOSITÉS.


     TABLEAUX.

     Dans la chapelle basse, sur l'autel principal, une Adoration des
     Mages; par _Mauperrin_.

     Sur les deux autels à droite et à gauche, la Vierge et saint
     François-Regis; par le même.

     Dans la chapelle haute, sur le maître-autel, l'Adoration des
     Mages; par _Carle Vanloo_.

     Dans la chapelle à droite, la Sainte Famille; par _Restout_.

     Dans la chapelle à gauche, une Vierge; par _d'André-Bardon_.


     SÉPULTURES.

     Dans cette église avoient été déposés:

     Le coeur de Bernard de Sainte-Thérèse, archevêque de Babylone,
     fondateur de cette maison.

     Le coeur de Louis Le Voyer d'Argenson, doyen et chanoine de
     Saint-Germain, l'un de ses bienfaiteurs.

     Le coeur de Louise de La Tour d'Auvergne, dite mademoiselle de
     Bouillon, morte en 1683.

La maison de ce séminaire, qui fut entièrement rebâtie en 1736, étoit
accompagnée d'un assez grand enclos. Elle possédoit une bibliothèque
d'environ vingt-cinq mille volumes, où l'on comptoit plusieurs
manuscrits intéressants, et une collection précieuse de livres
chinois.

Quoique l'objet principal des directeurs de ce séminaire fût de
former, suivant le voeu du fondateur, des ecclésiastiques propres à
suivre la carrière des missions, et à travailler à la conversion des
infidèles, cependant ils se rendoient encore utiles, à Paris même,
dans les fonctions du saint ministère. Aux sermons publics ils
joignoient des instructions particulières, faisoient le cathéchisme
aux enfants, rassembloient des artisans et des ouvriers auxquels ils
apprenoient leurs devoirs, et à sanctifier les dimanches et fêtes;
enfin ne négligeoient aucune oeuvre de religion et de charité[304].

[Note 304: L'église a été rendue au culte; les bâtiments, long-temps
habités par des particuliers, sont maintenant occupés par des prêtres
de la mission.]



LES CONVALESCENTS.


Le projet de cet établissement, destiné à donner un asile aux pauvres
convalescents qui sortent des hôpitaux, et qui, faute des secours
nécessaires pour achever de revenir à la santé, sont exposés à des
rechutes dangereuses et souvent mortelles, fut conçu par plusieurs
personnes pieuses et charitables, dès 1628, ainsi que le prouvent les
lettres-patentes de Louis XIII données cette même année; mais il ne
fut exécuté qu'en 1650 par madame Angélique Faure, veuve de M. Claude
de Bullion, surintendant des finances. Voulant suivre le précepte de
l'évangile, elle essaya de cacher son bienfait en se servant du nom et
du ministère d'un ancien chanoine de Reims, nommé André Gervaise.
Celui-ci acheta à cet effet, de M. Le Camus, évêque de Bellay, une
maison située rue du Bac, la fit disposer convenablement pour recevoir
huit convalescents, et obtint, le 6 août 1650, la permission d'y faire
bâtir une chapelle. Cette maison fut donnée, en 1652, aux religieux de
la Charité: ils y furent introduits, le 15 août de cette année, par
le premier grand-vicaire de Saint-Germain, qui bénit la chapelle sous
le nom de _Notre-Dame des Convalescents_.

L'exemple de madame de Bullion eut quelques imitateurs; et, vers les
derniers temps, on comptoit dans cette maison vingt-un lits pour les
convalescents, qui pouvoient y rester huit jours[305].

[Note 305: C'est maintenant une fabrique d'ouvrages en cuivre.]



LE MONASTÈRE ROYAL DE L'IMMACULÉE CONCEPTION.


Cet ordre, fondé à Tolède en 1484 par Béatrix de Silva, fut mis, en
1501, sous la direction des Frères Mineurs par Alexandre VI, qui donna
à ses religieuses la règle de Sainte-Claire: ce fut alors qu'elles
prirent le nom de _Récolettes_, sous lequel elles ont été introduites
en France. Quelques-unes d'entre elles, établies à Verdun, obtinrent,
en 1627, par la protection de madame la présidente de Lamoignon, le
consentement de l'abbé de Saint-Germain pour former un établissement
sur son territoire; consentement que confirmèrent des lettres-patentes
données en 1635. Sans entrer ici dans les discussions assez futiles
qui se sont élevées entre nos historiens sur la date de leur
établissement, il nous suffira de dire, d'après les autorités qui nous
ont semblé les plus sûres[306], que ces Récolettes de Verdun, n'ayant
pas jugé à propos de profiter de la permission qu'elles venoient
d'obtenir, cédèrent, en 1634, à celles de Saint-Nicolas de Tulle, tous
leurs droits et priviléges. En conséquence de cette cession, celles-ci
achetèrent, rue du Bac, une maison où elles se logèrent en 1637.

[Note 306: JAILLOT, _Quartier Saint-Germain_, p. 11.]

Ces religieuses étoient sous la direction des Récollets. La distance
qui séparoit les deux maisons rendant ce devoir extrêmement pénible à
remplir pour ces religieux, ils obtinrent, en 1658, la permission de
faire bâtir près de ce couvent un hospice pour quelques-uns d'entre
eux. On le construisit, du côté de la rue de la Planche; mais depuis
il fut entièrement abandonné.

La vie exemplaire des Récolettes avoit engagé la reine Marie-Thérèse
d'Autriche à jeter les yeux sur elles, pour remplir le dessein qu'elle
avoit formé d'établir un couvent de l'ordre de la Conception de
Notre-Dame. Ces religieuses y ayant donné leur consentement avec
joie, cette princesse obtint pour elles, en 1663, une bulle
d'Alexandre VII, qui leur permettoit «de prendre l'habit, l'institut,
la règle et la dénomination de religieuses de l'Immaculée Conception
de la B. V. Marie, en demeurant toujours sous la direction des
Récollets de la province Saint-Denis.» Les lettres-patentes qui
confirmèrent cette bulle, en 1664, déclarèrent ce monastère de
fondation royale; et les libéralités de Louis XIV procurèrent les
moyens d'en rebâtir l'église. En 1693 la première pierre en fut posée
par M. de Ligny et mesdemoiselles de Furstenberg, ses petites-filles.
Elle fut achevée et bénite à la fin de l'année suivante[307].

[Note 307: L'église est changée en magasin; les bâtiments sont habités
par des particuliers.]


CURIOSITÉS.

     Sur le maître-autel, l'Immaculée Conception; par _La Fosse_.


LES FILLES SAINTE-MARIE, OU DE LA VISITATION.

Nous avons déjà parlé de l'origine de ces religieuses, de leur
établissement à Paris, et des circonstances qui leur procurèrent en
peu de temps trois couvents dans cette capitale[308]. Celui-ci, qui
fut établi le dernier, devoit sa fondation à madame Geneviève
Derval-Pourtel, qui consacra à cette bonne oeuvre un don que lui avoit
fait, par testament, M. d'Eufréville-Cizei son mari, pour la fondation
et dotation d'un monastère de tel ordre qu'il lui plairoit de choisir.
En vertu de ce testament, approuvé par deux arrêts du parlement de
Rouen en 1656 et 1657, madame d'Eufréville passa un contrat de
fondation avec les religieuses de la Visitation du faubourg
Saint-Jacques, ajoutant aux libéralités de son mari une somme de
40,000 livres. Les soeurs qui devoient former la nouvelle maison
s'établirent d'abord, en 1660, rue Montorgueil; mais ne s'y trouvant
pas logées commodément, elles achetèrent, rue du Bac, une maison dont
elles prirent possession en 1673. On y construisit aussitôt les lieux
réguliers et une chapelle, dont la première pierre fut posée par une
pauvre femme, sans autre cérémonie.

[Note 308: _Voyez_ t. 2, 2e part., p. 1249.]

Cette chapelle fut reconstruite dans le siècle dernier, sur les
dessins et sous la conduite de M. Hélin, architecte. C'est un assez
joli petit bâtiment, décoré d'un porche d'ordre ionique, avec
fronton. La reine en avoit posé la première pierre en 1775[309].

[Note 309: _Voyez_ pl. 211. Ce couvent est maintenant habité par des
particuliers.]


CURIOSITÉS.

     Sur le maître-autel, la Visitation; par _Philippe de Champagne_.

     En face de la porte d'entrée, Notre Seigneur au jardin des
     Olives; par _Hallé_.

     Dans les chapelles, des statues de saints et saintes; par
     _Bridau_.


LES JACOBINS RÉFORMÉS.

En parlant du couvent qu'avoient ces religieux dans la rue
Saint-Honoré, nous avons fait mention de la réforme que le P.
Sébastien Michaëlis avoit introduite dans leur ordre. Afin d'en
assurer le succès, le P. Nicolas Rodolphi, général de l'ordre, résolut
d'établir en France un noviciat général pour ceux qui voudroient
embrasser cette réforme. Il y fut autorisé par un bref d'Urbain VIII,
donné en 1629, par des lettres-patentes de Louis XIII, et trouva en
même temps, dans le cardinal de Richelieu, un protecteur puissant,
qui, par ses bienfaits, mérita d'être considéré comme le fondateur du
nouvel établissement. Dès 1631, quatre religieux, tirés de la maison
de la rue Saint-Honoré, avoient été placés dans celle-ci, située rue
Saint-Dominique, et qui n'étoit alors qu'un bâtiment très simple, avec
un jardin et un clos contenant sept arpents et demi. Ils y firent
construire aussitôt une petite chapelle, qui fut bénite en 1632. Mais
le nombre des sujets qui se présentoient pour subir les épreuves et
obtenir leur admission dans l'ordre, augmentant chaque jour, il fallut
penser à bâtir des lieux plus réguliers. Ils commencèrent par
l'église, qui fut élevée sur les dessins de l'architecte Pierre
Bullet. La première pierre en fut posée, en 1682, par M. Hyacinthe
Serroni, archevêque d'Albi, et par madame Anne-Montbazon, duchesse de
Luynes. Elle fut achevée l'année suivante.

Ce bâtiment, d'une médiocre grandeur, et décoré intérieurement d'un
ordre de pilastres corinthiens, offre tous les caractères de
l'architecture employée à cette époque dans les édifices sacrés, et du
reste n'a rien de remarquable. Le portail, rebâti quelques années
avant la révolution par le frère Claude, religieux de cette maison, se
compose de deux ordres élevés l'un sur l'autre, dans la forme
pyramidale adoptée pour le plus grand nombre des églises de Paris;
mais ces deux ordres, dont l'ensemble a quelque apparence, sont d'une
proportion, et surtout d'une maigreur qui peut choquer l'oeil le moins
exercé[310].

[Note 310: _Voyez_ pl. 210.]


CURIOSITÉS DE L'ÉGLISE.


     TABLEAUX.

     Dans les panneaux du choeur, dont la boiserie étoit exécutée avec
     soin, et très estimée, neuf tableaux, dont les sujets étoient
     tirés de la vie de Jésus-Christ; par le frère _Jean André_,
     religieux de cette maison.

     Dans le plafond de ce choeur, la Transfiguration de Notre
     Seigneur; par _Le Moine_.

     Au milieu du rond-point de l'église, la Résurrection de
     Jésus-Christ; par le frère _André_.

     Dans l'attique, à l'entrée du choeur, saint Thomas-d'Aquin en
     extase; par le même.

     En regard, le pape Pie V à genoux devant un crucifix, adressant
     ses voeux au ciel pour l'heureux succès de la bataille de
     Lépante; par le même.

     Dans la chapelle du Rosaire, à gauche du maître-autel, la sainte
     Vierge donnant un rosaire à saint Dominique; par un peintre
     inconnu.

     Dans la chapelle Sainte-Hyacinthe, sur l'autel, l'image de ce
     saint traversant un grand fleuve pour dérober les choses saintes
     aux Tartares qui pilloient la ville de Kiovie; sans nom d'auteur.

     Dans la chapelle en regard de celle du Rosaire, la sainte Vierge
     donnant à un religieux de l'ordre le portrait de saint Dominique;
     la Visitation; la Présentation au Temple: ces trois tableaux
     étoient de frère _André_.

     Dans la chapelle Saint-Barthélemi, le martyre de ce saint; par le
     même.

     Dans la sacristie, les Pélerins d'Emmaüs, la Naissance de
     Jésus-Christ, saint Louis recevant les reliques de la
     Sainte-Chapelle, etc.; par le même.

     Dans le réfectoire, le repas chez Simon le lépreux; par le même.
     Des portraits en médaillons représentant plusieurs religieux de
     cet ordre martyrisés à la Chine.

     Dans une salle du premier étage, où se faisoient les offices
     nocturnes, cinq tableaux, par le même. Un Christ, par _Girault_.

     Dans la salle des récréations, huit portraits par _Rigaud_,
     représentant le duc de Bourgogne, le duc de Vendôme, le comte de
     Toulouse, le duc de Bouillon, le comte d'Évreux, le maréchal de
     Villars, etc.

     Dans une autre salle, tous les dessins et esquisses des tableaux
     du frère _André_, et le portrait du frère _Romain_, architecte
     célèbre.

     Dans le parloir des étrangers, les portraits en pied de plusieurs
     papes de l'ordre de saint Dominique, de quelques généraux de
     l'ordre, du cardinal de Richelieu, etc.


     SCULPTURES.

     Le maître-autel, construit à la romaine, étoit orné de huit
     colonnes de marbre, offroit une gloire en bronze doré;
     accompagnée de chérubins. On y voyoit aussi la résurrection de
     Jésus-Christ, exécutée par _Martin_, sur les dessins de _Le
     Brun_.

     Dans une salle à la suite de la bibliothèque, des bustes de
     divers personnages.


     SÉPULTURES.

     Dans cette église avoient été inhumés:

     Le P. Vincent Baron, religieux de cet ordre, fameux théologien,
     mort en 1674.

     Le frère François Romain, ingénieur et architecte, mort en 1735.

     Dans la chapelle du Rosaire:

     Philippe de Montault, duc de Navailles et maréchal de France,
     mort en 1684.

     Suzanne de Parabère, sa femme, morte en 1700[311]. (Cette même
     chapelle contenoit la sépulture d'un grand nombre d'autres
     membres de cette famille.)

     [Note 311: On avoit élevé à ces deux époux un tombeau qui a été
     détruit.]

     Charles de Lorraine, duc d'Elbeuf, troisième du nom, mort en
     1692.

     Suzanne d'Elbeuf, duchesse douairière de Mantoue, morte en 1710.

     Françoise Berteau de Freuville, femme du marquis de Coetenfao,
     morte en 1715.

     Louis Le Gay, l'un des bienfaiteurs de cette maison, mort en
     1732.

     Maximilien de Bellefourrière, marquis de Soyecourt, mort en 1649.

     Hyacinthe Serroni, archevêque d'Albi, mort en 1687.

     Jacques de Fieux, évêque et comte de Toul, mort en 1687.

     Henriette de Conflans, marquise d'Armentières, morte en 1712.

     René de Bec-Crespin, Grimaldi, marquis de Vardes, mort en 1688.

     Marie de Bellevenave, veuve du marquis de Clérembaut, dame
     d'honneur de Madame, morte en 1724.

     Marguerite de Laigue, veuve du marquis de Laigue, morte en
     1700[312].

     [Note 312: Le tombeau de cette dame, exécuté sur les dessins
     d'_Oppenord_, n'avoit point été déposé aux Petits-Augustins.]

     Ferdinand, comte de Relingue, lieutenant-général des armées du
     roi, mort en 1704.

     François-Amable de Monestay, marquis de Chazeron, lieutenant des
     gardes-du-corps et des armées du roi, gouverneur de Brest, mort
     en 1719.

     L'abbé Arthus Poussin, docteur en théologie, l'un des
     bienfaiteurs de cette maison, mort en 1735.

     Barthélemi Mascarini, maître des requêtes, l'un des bienfaiteurs
     de cette maison, mort en 1698.

     Charles Gigault, seigneur de Merlus, mort en 1644.

La bibliothèque de ces pères, composée de plus de vingt-quatre mille
volumes, étoit ornée de deux globes de Coronelli. Ils avoient partagé
leur terrain: le cloître et le jardin en occupoient une partie;
l'autre étoit couverte de maisons qu'ils louoient à des
particuliers[313].

[Note 313: L'église des Jacobins réformés a été rendue au culte, et
est devenue une des paroisses de Paris sous le titre de
Saint-Thomas-d'Aquin; les bâtiments du couvent sont habités par des
particuliers.]

Parmi les religieux qui ont illustré cette maison, on distingue le P.
Vincent Baron, docteur conventuel de l'Université de Toulouse, et
considéré comme l'un des premiers théologiens du dix-septième siècle;
le frère Jean André, peintre habile, et dont les tableaux faisoient le
principal ornement de l'église et du monastère; le frère François
Romain ingénieur et architecte très estimé. On lui doit le plan du
pont de Maëstricht et une partie de sa construction. Louis XIV, qui
l'avoit chargé de la conduite du Pont-Royal, fut si content de ses
travaux, qu'il lui confia l'inspection des ouvrages des ponts et
chaussées, et la réparation des bâtiments dépendants de son domaine.


LES THÉATINS.

Ces religieux étoient des clercs réguliers institués en Italie dans
l'année 1524, par saint Gaëtan de Thiéne, Jean-Pierre Caraffe,
archevêque de Théate, aujourd'hui Chieti, au royaume de Naples, Paul
Consiglieri et Boniface de Colle. Leur institut, approuvé d'abord par
Clément VII, sous le simple titre de _clercs réguliers_, prit celui de
_Théatins_, lorsque l'archevêque de Théate, qui s'étoit démis de son
siége pour entrer dans cette nouvelle congrégation, eut été élu pape
en 1555, sous le nom de Paul IV. Le cardinal Mazarin, qui connoissoit
cet ordre, ayant formé le dessein de lui faire avoir un établissement
à Paris, acheta en 1642, sur le quai Malaquais, une maison qu'il fit
arranger convenablement, et appela en France quatre religieux
Théatins. Ils y vinrent en 1644; mais leur établissement légal n'eut
lieu que quatre années après. Ce fut seulement en 1648 que, sur leur
requête présentée à Henri de Bourbon, abbé de Saint-Germain, ils
obtinrent toutes les permissions nécessaires. Le 7 août de la même
année, le prieur de l'abbaye bénit leur chapelle, et le roi plaça
lui-même la croix sur le portail de la maison, qui, d'après ses
ordres, fut nommée _Sainte-Anne la royale_. Des lettres-patentes
confirmèrent, en 1653, tout ce qui avoit été fait[314].

[Note 314: _Histoire de Paris_, t. 4, p. 160 et suiv.]

Le cardinal de Mazarin laissa aux Théatins une somme de 300,000 liv.
pour bâtir une église, à la place de leur chapelle qui étoit beaucoup
trop petite. Ils en confièrent l'exécution à un de leurs religieux
nommé Camille Guarini, qu'ils firent venir exprès d'Italie, et qui
passoit pour un grand architecte. Non seulement il fit un édifice du
plus mauvais goût, mais il le construisit dans de si vastes
proportions qu'il fallut en suspendre l'exécution. Cette église avoit
été commencée en 1662, et le prince de Conti en avoit posé la première
pierre au nom du roi: ce ne fut qu'en 1714 qu'il fut possible d'en
reprendre les travaux, au moyen d'une loterie que Sa Majesté voulut
bien accorder; et de toute l'ancienne, on ne conserva que la croisée.
Elle fut bénite en 1720.

Le portail, sur le quai, fut érigé en 1747 par les libéralités du
dauphin, père de Louis XVI, et à la sollicitation de M. Boyer, évêque
de Mirepoix, qui avoit été religieux dans cette maison. Les dessins en
furent donnés par M. Desmaisons, architecte; et tout médiocre qu'il
est, ce portail passoit alors pour un morceau distingué, en le
comparant à ce que produisoit le goût bizarre de cette époque[315].

[Note 315: _Voyez_ pl. 210. Les bâtiments des Théatins sont occupés
par des particuliers; l'église a été convertie, d'abord en une salle
de spectacle, depuis, en habitations particulières.]


CURIOSITÉS DE L'ÉGLISE.


     TABLEAUX.

     Derrière l'autel, le Paralytique à la piscine; copie du tableau
     de _Restout_, qui se voyoit à Saint-Martin-des-Champs.

     Dans la chapelle Sainte-Anne, la Visitation; sans nom d'auteur.

     Dans la chapelle située vis-à-vis, saint Gaëtan; également sans
     nom d'auteur.

     Dans le réfectoire, une Cène attribuée au _Titien_.


     SÉPULTURES.

     Dans cette église avoient été inhumés:

     Le coeur du cardinal Mazarin.

     Pompée Varesi, nonce du pape, mort en 1678.

     Delorme, médecin célèbre, mort en 1678.

     Edme Boursault, auteur comique, mort en 1701.

     Louis d'Aubusson, duc de la Feuillade, mort en 1725.

     Frédéric-Jules de La Tour-d'Auvergne, connu sous le nom de
     chevalier de Bouillon et du prince d'Auvergne, mort en 1733.

     Dans la chapelle de la Vierge on voyoit le mausolée du marquis du
     Terrail, maréchal des camps et armées du roi, exécuté par
     _Broche_ jeune[316].

[Note 316: Ce monument n'avoit point été déposé au Musée des
Petits-Augustins.]

       *       *       *       *       *

La bibliothèque de ces pères étoit composée d'environ douze mille
volumes.

Cette maison, la seule qu'il y eût en France de cet ordre, a produit
plusieurs sujets d'un vrai mérite, et s'est toujours soutenue avec
honneur, quoique la règle de son institut défendît, à la fois, à ses
membres d'avoir aucune propriété, et de demander l'aumône. Ils se
contentoient seulement de recevoir ce qu'on leur donnoit.

Parmi les personnages célèbres qui sont sortis des Théatins, il faut
distinguer le P. Alexis du Buc, controversiste fameux; le P. Quinquet,
et le P. Boursault, fils de l'auteur comique du même nom, tous les
deux habiles prédicateurs; surtout le P. François Boyer, devenu
successivement évêque de Mirepoix, membre des trois académies,
aumônier de la dauphine, etc., etc. Ses talents pour la prédication,
ses vertus religieuses, et les invectives des philosophes modernes,
dont il ne cessa pas un seul instant de signaler les doctrines
dangereuses, sont des titres sans doute suffisants pour rendre sa
mémoire respectable à tous les gens de bien.


LE PONT ROYAL.

Jusqu'en 1632, on ne communiquoit, du faubourg Saint-Germain, au
Louvre et aux Tuileries que par un bac établi en cet endroit. À cette
époque, un particulier nommé Barbier fit construire un pont de bois
que l'on nomma successivement le pont Barbier, le pont Sainte-Anne en
l'honneur de la reine d'Autriche, le pont des Tuileries, parce qu'il
y conduisoit, enfin plus communément le pont Rouge, de la couleur dont
il étoit barbouillé. Ce pont, qui étoit aligné avec la rue de Beaune,
ainsi que le prouve l'inspection de tous les plans, fut brisé
plusieurs fois par l'effort des glaces et par la rapidité de l'eau,
enfin emporté tout-à-fait le 20 février 1684. Alors Louis XIV ordonna
qu'il seroit rebâti en pierre et à ses dépens; les fondements en
furent jetés le 25 octobre 1685, sous la conduite des sieurs Mansart
et Gabriel, auxquels succéda bientôt le frère François Romain, dont
les talents supérieurs étoient reconnus dans ce genre de construction,
et qui en effet surmonta avec beaucoup de hardiesse et de bonheur
toutes les difficultés que lui présentoient, en cet endroit, la
profondeur de l'eau et la rapidité du courant. Ce pont, dont la
dépense ne monte qu'à 720,000 fr., fut, dès-lors, appelé _Pont-Royal_.

Il a soixante-douze toises de long sur huit toises quatre pieds de
large, y compris l'épaisseur des parapets; on y compte quatre piles et
deux culées, formant cinq arches dont la construction a plus de
solidité que d'élégance.


CHAPELLE DE LA VIERGE.

Cette chapelle, qui existoit dans le dix-septième siècle, avoit été
élevée sur l'emplacement qu'occupe aujourd'hui la rue Sainte-Marie,
pour servir de succursale à la paroisse Saint-Sulpice. Elle est
indiquée en 1652 sur le plan de Gomboust; on ignore quand elle fut
démolie, mais il est prouvé par d'autres plans qu'elle n'existoit plus
en 1674.


LES CHANOINESSES DU SAINT-SÉPULCRE.

Ces chanoinesses étoient vulgairement appelées les religieuses de
_Belle-chasse_. Leur ordre, institué en Palestine vers la fin du
onzième siècle, ne fut connu en Europe que long-temps après, ce qui
vient de ce que les rois de Jérusalem ne l'avoient d'abord formé que
pour des hommes destinés à la garde du Saint-Sépulcre; les femmes n'y
furent admises par la suite que parce qu'elles devinrent nécessaires
pour remplir un grand nombre de fonctions et de détails qui semblent
appartenir particulièrement à leur sexe. Quelques-unes de ces
religieuses établies à Viset, dans le pays de Liége, en furent
appelées en 1622 par la comtesse de Challigni[317], qui les fixa à
Charleville[318]. En 1632, la baronne de Planci en fit venir cinq à
Paris. Leur établissement dans cette ville éprouva d'abord quelques
difficultés, parce que l'on ne vouloit point y agréer de nouvelles
institutions religieuses, à moins qu'elles ne fussent suffisamment
dotées. Enfin, en 1635, la mère Renée de Livenne de Verville acheta
d'un particulier nommé Barbier une maison située au lieu dit
_Belle-chasse_; et l'année suivante, la duchesse de Croy les gratifia
de 2000 liv. de rente. On acheva, dans cette même année, de bâtir leur
monastère, où elles entrèrent le 20 octobre. Des lettres-patentes,
données en 1637, confirmèrent cet établissement, qu'elles qualifient
«Chanoinesses régulières de l'ordre du Saint-Sépulcre de Jérusalem,
sous la règle de Saint-Augustin.» Ces religieuses ont augmenté depuis
leurs jardins, leurs bâtiments, et fait reconstruire leur chapelle,
qui fut bénite en 1673[319].

[Note 317: _Histoire des Ordres religieux_, t. 2, p. 124.]

[Note 318: _Histoire de Lorraine_, t. 3, p. 775.]

[Note 319: Une partie des bâtiments de cette communauté a été
détruite, l'autre est changée en habitations particulières. On a aussi
percé une rue nouvelle sur le terrain qu'elle occupoit.]


LES PETITES CORDELIÈRES.

Nous avons déjà parlé de l'établissement de ces religieuses au
faubourg Saint-Marcel[320]. Leur nombre s'étant fort augmenté, elles
obtinrent, en 1632, des lettres-patentes qui leur permettoient «de
fonder et instituer dans la ville un petit couvent de leur ordre, par
forme de secour à leur monastère du faubourg[321]». Sur le
consentement que l'archevêque donna la même année à ces lettres, elles
s'établirent, sous le titre de religieuses de _Sainte-Claire de la
Nativité_, dans une maison située rue des Francs-Bourgeois et Payenne,
qui leur avoit été donnée par M. Pierre Poncher, auditeur à la chambre
des comptes. En 1687, ayant acquis, à titre d'échange, l'hôtel de
Beauvais, rue de Grenelle, elles obtinrent de Louis XIV la permission
d'y transférer leur communauté, et y demeurèrent jusqu'en 1749, que ce
monastère fut supprimé par un décret.

[Note 320: _Voyez_ t. 3, 1re part., p. 530.]

[Note 321: _Histoire de Paris_, t. I, p. 465, et t. 5, p. 89.]


L'ABBAYE DE NOTRE-DAME-DE-PENTEMONT.

Deux pieuses personnes, Catherine Florin et Jeanne-Marie Chésar de
Martel, s'étoient associées dans l'intention de former une communauté
qui se destineroit à l'instruction des jeunes filles. Ce nouvel
institut, créé à Lyon en 1625, fut approuvé en 1631 par une bulle du
pape Urbain VIII. Dès 1627, des affaires ayant appelé à Paris la dame
de Martel, l'utilité déjà reconnue de son établissement la fit
accueillir de la reine Anne d'Autriche, et de plusieurs personnes de
la plus haute qualité; et, soutenue par d'aussi puissantes
protections, elle forma aussitôt le projet d'avoir une seconde maison
dans cette capitale. Ce ne fut toutefois qu'en 1643 qu'on lui accorda
les lettres-patentes qui lui permettoient de s'y établir. Elle plaça
son petit troupeau dans une grande maison accompagnée de jardins, dont
la propriété appartenoit à l'hôpital général, et qui étoit située rue
de Grenelle, au lieu dit _l'Orangerie_. La chapelle en fut bénite par
le prieur de Saint-Germain, qui, en 1644, introduisit ces filles dans
ce monastère, sous le titre _d'Augustines du Verbe Incarné et du
Saint-Sacrement_. Cependant, comme cette communauté n'avoit pas de
revenus suffisants pour assurer sa subsistance, les lettres-patentes
de 1643 n'avoient point été enregistrées. Les filles du Verbe Incarné
sollicitèrent et obtinrent en 1667 des lettres de surannation, au
moyen desquelles elles espérèrent en 1670 se soustraire à la
suppression qui fut faite alors de plusieurs hospices et maisons;
mais ce fut moins en raison de ce titre qu'elles échappèrent alors à
cette mesure générale, que parce que l'archevêque de Paris jugea leur
maison propre à recevoir une partie des religieuses qui sortoient des
couvents supprimés. Leurs lettres furent donc enregistrées, mais sous
la condition de ne point recevoir de novices, jusqu'à ce qu'il en eût
été autrement ordonné. Cette faveur qu'on leur accordoit étoit en
effet bien illusoire; car, dès l'année suivante, une ordonnance du
prieur de l'abbaye, confirmée par des lettres-patentes et par arrêt du
parlement, les supprima et appliqua tous leurs biens à l'hôpital
général[322].

[Note 322: Les filles du Verbe incarné furent alors transférées à la
place du Puits-de-l'Ermite, dans la maison dite _de la Crèche_.
(_Voyez_ t. 3, 1re part., p. 501.)]

Ce fut cet événement qui procura aux religieuses de Pentemont
l'occasion de s'établir à Paris. Cette abbaye avoit été fondée, en
1217, par Philippe de Dreux, évêque de Beauvais, pour des
Bénédictines: cinq ans après, elles embrassèrent la règle de Cîteaux.
On pense que c'est de la situation de leur monastère, bâti près de
Beauvais sur le penchant de la montagne de Saint-Symphorien, que le
nom de _Pentemont_ leur a été donné. Cette situation étoit extrêmement
désagréable, et les débordements de la rivière d'Avalon avoient
plusieurs fois dégradé leurs bâtiments; enfin, en 1646, les ravages
qu'y causa l'inondation furent tels, que ces religieuses se virent
forcées de se retirer dans les faubourgs de Beauvais. S'y trouvant
trop à l'étroit, et jugeant leur maison désormais inhabitable, elles
obtinrent en 1672 des lettres-patentes qui leur permirent de s'établir
à Paris; et, sur le consentement de leurs supérieurs, de l'archevêque
et du prieur de Saint-Germain, elles achetèrent, à titre d'échange,
des administrateurs de l'Hôpital général, le couvent dont nous venons
de parler.

L'église de ce couvent fut rebâtie dans le siècle dernier sur les
dessins et sous la conduite de M. Coutant, architecte du roi. Depuis,
M. Fransque, son élève, et comme lui architecte du roi, acheva
plusieurs détails de ce monument, que son maître avoit laissés
imparfaits. La première pierre en avoit été posée, en 1755, par le
dauphin père de Louis XVI.

C'est une assez jolie coupole, supportée par quatre pendentifs. Le
maître-autel, placé en face de la porte d'entrée, étoit adossé à la
grille du choeur; et l'église, du reste, n'offroit rien de remarquable
que la fraîcheur de son exécution et l'extrême propreté des ornements
dont elle étoit décorée. Le portail sur la rue est orné de deux
colonnes ioniques que surmonte un fronton circulaire dont la forme
pesante s'accorde mal avec la délicatesse de l'ordre[323].

[Note 323: _Voyez_ pl. 211. Les bâtiments de l'abbaye ont été changés
en caserne; on a fait de l'église un dépôt d'effets militaires.]


LES CARMÉLITES.

Ces religieuses, établies d'abord à Notre-Dame-des-Champs, désirant
avoir dans l'intérieur de Paris une maison qui, dans les cas
extraordinaires, pût leur servir de refuge et de retraite, obtinrent
en 1656 des lettres-patentes qui leur permirent d'établir, rue du
Bouloi, un monastère dépendant de celui de la rue Saint-Jacques,
toutefois avec défense d'y recevoir des novices, des professes ou
d'autres religieuses que celles qui seroient envoyées de cette
première maison. Ces défenses subsistèrent jusqu'en 1663 que la reine
Marie-Thérèse d'Autriche voulut, en l'honneur de sa patronne et en
action de grâces de la naissance du dauphin, fonder un nouveau couvent
de Carmélites. Elle obtint en conséquence du roi de nouvelles
lettres-patentes datées de cette même année, qui, détruisant les
premières, déclarèrent l'indépendance de la maison de la rue du
Bouloi, et permirent d'y recevoir des novices, des donations, des
gratifications, etc. La reine fondatrice et la reine Anne d'Autriche
posèrent la première pierre de l'église, le 20 janvier 1664; mais le
peu d'étendue et l'incommodité du lieu qu'elles habitoient firent
désirer à ces religieuses d'être transportées dans le faubourg
Saint-Germain. Elles en obtinrent la permission en 1687, suivant
l'historien de l'abbaye; en 1689, si l'on en croit Piganiol et de La
Barre[324].

[Note 324: Ce couvent a été changé en une caserne de cavalerie.]

Le terrain qu'elles y occupoient, dans la rue de Grenelle, étoit
vaste; les religieuses y étoient bien logées; mais leur église étoit
petite et peu commode.


LES FILLES DE SAINTE-VALÈRE.

C'étoit une communauté de filles pénitentes que le succès de plusieurs
autres établissements du même genre engagea quelques personnes pieuses
à former. Le P. Daure, Dominicain de la maison du noviciat, y eut la
plus grande part. Le 30 avril 1704, on acheta un terrain qui contenoit
neuf cent trente toises de superficie; on y éleva les bâtiments
nécessaires, avec une chapelle, et les filles pénitentes y furent
admises en 1706. Cet établissement fut confirmé en 1717 par des
lettres-patentes[325].

[Note 325: Les bâtiments de cette communauté sont maintenant habités
par des particuliers.]


LES FILLES DE SAINT-JOSEPH OU DE LA PROVIDENCE.

Cette communauté de filles séculières devoit son origine à Marie
Delpech, connue sous le nom de mademoiselle de Létan. Élevée à
Bordeaux dans une maison d'orphelines, elle en devint la bienfaitrice,
et lui procura des statuts, dressés en 1638 par Henri d'Escoubleau de
Sourdis, archevêque de cette ville. L'utilité de cet établissement fit
naître à quelques personnes pieuses le projet d'en former un semblable
à Paris. Mademoiselle de Létan y fut appelée en 1639, et se logea
d'abord, rue du Vieux Colombier. Le nombre toujours croissant de ses
élèves la détermina, peu de temps après, à prendre à loyer, près du
noviciat des Jésuites, une maison qui devint bientôt trop petite pour
quatre-vingts orphelines, dont elle dirigeoit déjà les travaux. Elle
acheta donc, en 1640, rue Saint-Dominique, la maison que cette
communauté a occupée jusque dans les derniers temps, et l'agrandit, la
même année, par l'acquisition de sept quartiers de terre contigus. Le
roi permit cet établissement par lettres-patentes; et M. Henri de
Gondi donna à ces filles des statuts, qu'elles ne cessèrent point
d'observer avec la plus grande exactitude.

L'objet de cette institution étoit d'instruire des orphelines et de
leur apprendre toutes les petites industries convenables à leur sexe,
jusqu'à ce qu'elles fussent en âge d'être mariées, d'entrer en
religion, ou de se mettre en service[326].

[Note 326: Les bureaux de la guerre sont placés dans cette maison.]


LE PALAIS BOURBON.

Ce palais, situé dans la rue de l'Université, à peu de distance de
l'hôtel des Invalides, doit sa première construction à Louise-Françoise,
duchesse de Bourbon. C'est en 1722 qu'il commença à s'élever sur les
dessins de Girardini, architecte italien; continué par l'Assurance,
élève de Jules-Hardouin Mansart, il fut successivement augmenté par
Gabriel Barreau, Charpentier, Belisart, etc. On avoit, dans ces
augmentations diverses, réuni aux constructions primitives, l'hôtel de
Lassai, de manière à n'en former qu'un seul ensemble de bâtiments, dans
lesquels les princes de la maison de Condé avoient rassemblé tout ce que
la distribution intérieure a de plus recherché, tout ce que le luxe
d'ameublement pouvoit offrir de plus élégant. La position de ce palais
sur les bords de la Seine, en face des Tuileries et des Champs-Élysées,
en faisoit une maison de plaisance autant qu'un palais, et du côté de la
rivière, le caractère de l'édifice annonçoit moins un palais qu'une
maison de plaisance.

Son aspect, sur cette face, se composoit de deux pavillons en
longueur, symétriques par la dimension seulement, et formés chacun
d'un simple rez-de-chaussée. Cette composition pouvoit déjà sembler
assez mesquine; mais lorsque Louis XVI eut fait bâtir en avant de ces
deux pavillons le pont auquel on donna son nom, l'obligation absolue
où l'on se trouva de relever le terrain de ce côté fut cause que la
façade entière se trouva masquée dans son soubassement et parut de
loin comme enterrée. La petitesse de l'ordonnance n'en devint que plus
choquante, et l'on peut présumer que, sans la révolution, le prince
qui en étoit propriétaire eût senti la nécessité de faire disparoître
de semblables incohérences[327].

[Note 327: _Voyez_ pl. 198. Cette façade a éprouvé plusieurs
changements: on avoit d'abord élevé un attique sur l'ordonnance, ce
qui exhaussa un peu la masse sans la rendre beaucoup meilleure. Depuis
on l'a changée en un péristyle composé de douze colonnes
corinthiennes, avec fronton. On doit cette construction à M. Poyet.
(Voyez _Monuments nouveaux_.)]

L'entrée de ce palais sur la rue est une des plus magnifiques qui
existent à Paris. Elle consiste en une grande porte accompagnée de
chaque côté d'une colonnade d'ordre corinthien. Ce vestibule donne
bien l'idée d'un grand et riche palais[328]. La première partie de la
cour n'y répond que par son étendue[329]; et les bâtiments dont elle
est formée n'ont aucun caractère. Mais la seconde cour offre un assez
bel ensemble de portiques et de masses bien distribués. L'avant-corps
du fond étoit couronné par un groupe de la main de Coustou jeune,
représentant le Soleil sur son char, entouré des Saisons, que
figuroient quatre Génies tenant les rênes des chevaux. À droite et à
gauche, deux vastes péristyles en colonnes isolées servoient d'entrée
aux appartements. Sur les avant-corps de ces ailes s'élevoient les
statues des Muses, exécutées par Pajou[330].

[Note 328: _Voyez_ pl. 197.]

[Note 329: Cette cour a deux cent quatre-vingts pieds de long sur cent
soixante-deux de large; et ses bâtiments se lient par une corniche
continue à celle de l'ancien palais, qui formoit alors une cour
d'honneur de cent quarante-un pieds de profondeur sur quatre
vingt-seize dans l'autre dimension.]

[Note 330: _Voyez_ pl. 199. Au fond de cette seconde cour, s'élève et
se détache maintenant, sur le nu du mur, un portique orné de colonnes
corinthiennes qui annoncent l'entrée du monument. Cette décoration
est de M. Gisors, architecte.]

L'ancien hôtel de Lassai formoit le petit palais Bourbon, et avoit
subi, dans sa jonction avec le grand palais, des changements et des
augmentations considérables. Dix cours principales composoient le
commun des deux palais réunis, et les écuries pouvoient contenir plus
de deux cent cinquante chevaux.

Le jardin du palais, auquel avoit été également réuni celui de l'hôtel
de Lassai, étoit terminé par une terrasse de cent cinquante-une toises
de long, qui régnoit le long de la Seine, et d'où la vue s'étendoit
sur la plus belle partie de Paris et sur toutes les routes et
promenades qui, de ce côté, y aboutissent.

Les petits appartements, avec leur jardin particulier, étoient situés
à l'extrémité de cette terrasse, du côté des Invalides.


L'HÔTEL ROYAL DES INVALIDES.

Dès long-temps, la sollicitude de nos rois s'étoit étendue sur les
vieux soldats qui, après avoir consumé leurs plus belles années au
service de l'État, se trouvoient, par l'âge et par les infirmités,
dans l'impossibilité de pourvoir à leurs besoins, et souvent réduits à
mendier leur pain. Henri IV avoit projeté de former un établissement
en leur faveur; et, sous son règne, on en plaça un certain nombre, rue
de l'Oursine, dans la maison de la Charité chrétienne. Animé du même
esprit, et voulant exécuter avec plus de grandeur le plan conçu par
son père, Louis XIII y destina le château de Bicêtre, qui tomboit
alors en ruine: en 1634 on y fit, par son ordre, des réparations
considérables; on y ajouta de nouveaux bâtiments, et cette maison fut
appelée la _commanderie de Saint-Louis_. La mort de ce prince, et les
troubles qui la suivirent, arrêtèrent ce dessein, et Louis XIV disposa
de cette maison en 1656 en faveur de l'Hôpital général[331]. Ce fut
alors qu'il conçut l'idée d'une fondation encore plus vaste et plus
magnifique; ainsi que nous l'avons déjà dit, il y eut, dans le plan de
ce monument et dans son exécution, plus d'ostentation que de
véritable utilité[332]. Les premiers fondements en furent jetés en
1671, au plus fort de la guerre; et cependant, dès 1674, il étoit déjà
très avancé et en état de recevoir des soldats. Alors le monarque
donna son édit de fondation, dans lequel cette maison fut qualifiée
_d'hôtel royal des Invalides_. L'église, commencée presque en même
temps, ne fut achevée que trente ans après, et dédiée en 1706 par M.
le cardinal de Noailles, archevêque de Paris, sous le titre et
l'invocation de _Saint-Louis_. Deux architectes unirent leurs talents
dans cet immense travail: Libéral Bruant construisit tous les
bâtiments d'habitation et la première église; Jules-Hardouin Mansart
éleva la seconde église ou le dôme.

[Note 331: Vers ce temps-là, M. et madame Berthelot avoient fait
bâtir, rue de la Lune, une maison assez spacieuse, qu'ils consacrèrent
à recevoir cinquante soldats estropiés. (_Voyez_ t. 2, 1re part., p.
526.) Il y avoit aussi dans la rue de Sèvre un hôpital destiné au même
usage, mais seulement pour un très petit nombre d'individus.]

[Note 332: _Voyez_ 1re part. de ce volume, p. 80.]

Le vaste emplacement de l'hôtel des Invalides a dix-huit mille sept
cent quarante-quatre toises de surface. Il est divisé sur la longueur,
qui est de cent trente toises, et sur une profondeur de soixante-dix
toises, en cinq parties principales: celle du milieu offre une grande
cour de trente-deux toises de largeur sur cinquante-deux de
profondeur; de chaque côté sont deux autres cours, chacune de quinze
toises sur vingt-deux et demi, toutes entourées de grands corps de
bâtiments, et au delà desquelles sont de vastes terrains servant de
promenoirs. Le surplus de la profondeur de l'enceinte est occupé, au
milieu, par les églises, qui sont isolées, et, de chaque côté, par des
cours et jardins entourés de bâtiments, au-delà desquels sont encore
de vastes terrains clos de murs.

Le premier corps de bâtiment, du côté de la rivière, est précédé d'une
avant-cour fermée d'une grille et entourée de fossés. La grande face
de ce bâtiment a cent deux toises de longueur et présente trois
avant-corps: celui du milieu est décoré de pilastres ioniques, qui
reçoivent un grand arc dans lequel étoit autrefois un bas-relief
représentant la statue équestre de Louis XIV, accompagnée de la
Justice et de la Prudence, par Coustou le jeune. La statue a été
détruite[333]: on a laissé subsister les deux autres figures.

[Note 333: Elle a été rétablie.]

Cette façade présente trois étages de croisées au-dessus du
rez-de-chaussée, dont les ouvertures sont en arcades; des deux côtés
de la porte sont les statues de Mars et de Minerve, exécutées par le
même sculpteur[334].

[Note 334: _Voyez_ pl. 200.]

La première cour, dite, avant la révolution, _cour royale_, est
entourée, tant au rez-de-chaussée qu'au premier étage, de portiques
ouverts en arcades, et formant des avant-corps au milieu de chacune
des quatre faces et dans les angles. L'avant-corps du fond, qui
conduit à l'église, est décoré de deux ordres de colonnes ioniques et
composites, l'un sur l'autre, et couronnés d'un fronton. Toutes les
autres faces des bâtiments, sur les cours et sur les jardins, sont
régulièrement percées d'un grand nombre de croisées, sans autre
décoration que l'entablement. Il y a, dans tout ce plan et dans son
exécution, autant de grandeur que de simplicité[335].

[Note 335: _Voyez_ pl. 201.]

L'intérieur du grand corps de bâtiment, du côté de la rivière, est
divisé de la manière suivante. Le pavillon du milieu offre, au
rez-de-chaussée, un vestibule; au premier, une bibliothèque servant
aussi de chambre de conseil; l'aile gauche est occupée par le
gouverneur et l'état-major; la droite par les médecins et chirurgiens
en chef; le surplus sert de logement aux soldats et officiers, ainsi
qu'aux divers usages de la maison. Les réfectoires sont ornés de
peintures à fresque par Martin, et de six tableaux de Parrocel,
représentant des traits pris dans les diverses campagnes de Louis XIV.

La première église, destinée aux personnes de la maison, se compose
d'une grande nef et de deux bas-côtés. Elle a un porche d'entrée, un
sanctuaire et deux sacristies ou chapelles par lesquelles on
communique à la seconde église: la nef est décorée d'un grand ordre de
pilastres avec entablement corinthien: les bas-côtés sont du même
ordre, mais beaucoup plus petits: les deux églises ont un autel
commun.

Cette seconde église, dite le _dôme_, doit être considérée du côté du
midi, si l'on veut jouir de tout l'effet qu'elle peut produire. Le
portail de ce dôme a trente toises de largeur sur seize de hauteur; il
est élevé sur un perron de plusieurs marches, et décoré des ordres
dorique et corinthien, enrichis l'un et l'autre de tous les ornements
qu'ils peuvent admettre. Un troisième ordre de quarante colonnes
corinthiennes règne au pourtour du tambour de cette vaste
construction, et supporte un attique qui reçoit la coupole. Cette
dernière partie est elle-même surmontée d'une lanterne au dessus de
laquelle s'élève une aiguille, terminée par une croix[336].

[Note 336: _Voyez_ pl. 202.]

Ce morceau d'architecture jouit en France d'une grande réputation; et
l'on ne peut disconvenir que sa forme svelte et élégante ne se dessine
agréablement à une très grande distance, et même lorsqu'on s'en
rapproche assez pour jouir à la fois du dôme et du portail. Mais quel
que soit alors l'effet imposant de l'ensemble, l'amateur éclairé
reconnoît aussitôt que ce portail est d'une trop petite masse, et
trop subdivisé dans ses parties pour servir d'empattement à une
décoration d'une hauteur si colossale. C'est alors qu'il faut plus que
jamais déplorer ce malheureux esprit de système qui égara, dans le
dix-septième siècle, tant d'artistes doués des plus heureuses
dispositions, leur fit dédaigner la route ouverte par les anciens, et
préférer, à l'imitation de ces modèles uniques du grand et du beau,
les productions froides et bizarres de leur imagination désordonnée.
Ils prétendoient créer un goût _françois_, une architecture
_françoise_, et gâtèrent ainsi à grands frais tout ce qu'ils firent,
et même ce qu'ils avoient d'abord le plus heureusement conçu, par la
manie de vouloir innover et perfectionner.

L'intérieur présente également un mélange de beautés et de défauts.
C'est là surtout que Louis XIV prétendit déployer toute sa
magnificence: il y employa les plus habiles artistes, voulut qu'on
n'épargnât ni les soins ni la dépense; et en effet, la blancheur de la
pierre, la profusion et le fini précieux des ornements de sculpture,
les peintures du dôme, la richesse des marbres qui forment le
pavement, le superbe baldaquin de l'autel, modèle de celui qui devoit
être exécuté en bronze doré d'or moulu, frappent d'admiration tous les
étrangers[337].

[Note 337: _Voyez_ pl. 203.]

La disposition du plan est ingénieuse; et l'effet des quatre chapelles
que l'on aperçoit du centre de la rotonde a quelque chose de
séduisant. On est également frappé de l'effet magique et
extraordinaire que produit l'autel placé dans le sanctuaire élevé que
l'on a pratiqué entre le dôme et l'église. Toutefois la réunion des
deux édifices par cette ouverture commune établie à l'extrémité de
l'église et à la circonférence du dôme auroit plus de grandeur, si
elle étoit un peu moins resserrée.

Lorsqu'on arrive du côté de l'église, on est fâché que le sol du dôme
soit aussi renfoncé, et l'on ne peut se dissimuler que cette
construction, placée au centre, auroit encore plus de majesté. Si l'on
entre au contraire par le dôme, on est étonné qu'il ne soit pas
précédé d'une nef, ou du moins d'un très grand vestibule: de quelque
côté qu'on se place, on ne peut jouir de l'ensemble; ce sont toujours
deux monuments contigus qu'il faut considérer l'un après l'autre, ce
qui laisse quelque chose à désirer. «On ne peut excuser cette
disposition extraordinaire, dit un habile architecte[338], qu'en
considérant l'église comme appartenant à la maison et formant la
chapelle destinée aux vieux militaires qui l'habitent, et le dôme
comme une chapelle royale où Louis XIV se plaisoit à joindre les
actions de grâces qu'il rendoit au Dieu des armées, à celles de ses
compagnons d'armes. Dès lors, on est moins surpris de trouver de ce
côté un portail et des avenues superbes, puisque toute la pompe royale
devoit se déployer avant d'entrer dans ce dôme, dont la porte ne
s'ouvroit que pour le monarque.»

[Note 338: Feu M. Legrand.]


CURIOSITÉS DE L'HÔTEL DES INVALIDES.


     TABLEAUX.

     Dans la première voûte du dôme, distribuée en douze parties
     égales, les douze Apôtres peints à fresque; par _Jouvenet_.

     Dans la seconde coupole, l'apothéose de saint Louis; par
     _Lafosse_.

     Entre les arcs-doubleaux, les quatre Évangélistes; par le même.

     Dans la voûte du sanctuaire, le mystère de la Trinité et
     l'Assomption de la Vierge; par _Noël Coypel_.

     Dans les embrasures des fenêtres, des groupes d'Anges formant des
     concerts; par _Louis_ et _Bon Boulongne_.

     Dans la chapelle Saint-Grégoire, divers événements de la vie de
     ce père de l'Église; par M. _Doyen_. (Ces peintures avoient été
     faites quelques années avant la révolution pour remplacer celles
     de _Le Brun_, que l'humidité avoit détruites.)

     Dans la chapelle Saint-Jérôme, la vie, la mort et l'apothéose de
     ce saint; par _Boulongne_ aîné.

     Dans la chapelle Saint-Augustin, les principaux événements de la
     vie de ce saint évêque; par _Boulongne_ le jeune.

     Dans la chapelle Saint-Ambroise, les principaux événements de sa
     vie; par _Boulongne_ aîné.


     SCULPTURES.

     Sur le maître-autel, six colonnes torses, groupées trois à trois,
     entourées d'épis de blé, de pampres, de feuillages, et portant
     quatre faisceaux de palmes qui se réunissoient pour soutenir le
     baldaquin: les figures d'amortissement et les autres ornements
     par _Vanclève_ et _Coustou_ jeune.

     Sur la face de cet autel, au midi, la Sépulture du Sauveur; par
     _Vanclève_.

     Au dessus de l'entablement des vingt-quatre pilastres composites
     qui ornent l'intérieur du dôme, les portraits en médaillons de
     douze rois de France: Clovis, Dagobert, Childebert, Charlemagne,
     Louis-le-Débonnaire, Charles-le-Chauve, Philippe-Auguste,
     Saint-Louis, Louis XII, Henri IV, Louis XIII et Louis XIV.

     Dans la chapelle Saint-Grégoire, la statue de ce saint, par _Le
     Moyne_; sainte Émilienne sa tante, par _Dhuez_; sainte Silvie sa
     mère, par _Caffieri_; au dessus de la porte, saint Louis servant
     les pauvres, bas-relief par _Le Gros_.

     Dans la chapelle de la Vierge, sa statue par _Pigale_; la
     translation faite par saint Louis de la couronne d'épines,
     bas-relief par _Vanclève_.

     Dans la chapelle Saint-Jérôme, sa statue, par _Adam_ aîné; sainte
     Paule, par _Granier_; sainte Eustochie sa fille, par _Dieu_; des
     groupes de prophètes, bas-reliefs, par _Coustou_ l'aîné; le pape
     bénissant saint Louis, bas-relief par l'_Espingola_; des Anges au
     dessus de la porte, par _Vanclève_.

     Dans la chapelle Saint-Augustin, la statue du saint, par _Pajou_;
     saint Alipe, par _Mazière_; sainte Monique, par _François_.

     Dans la chapelle Sainte-Thérèse, la statue de la sainte, par _Le
     Moyne_; deux anges en plomb, par le même et par _Lapierre_.

     Dans la chapelle Saint-Ambroise, sa statue par _Slodtz_; saint
     Satyre son frère, par _Bertrand_; sainte Marcelline sa soeur, par
     _Le Pautre_.

     Sur les portes qui communiquent du dôme dans les chapelles,
     quatre bas-reliefs représentant: 1º un Ange armé d'un bouclier,
     par _Coustou_ aîné; 2º un Ange portant un casque, par _Coyzevox_;
     3º un Ange chargé d'un étendard, par _Vanclève_; 4º un Ange
     tenant la sainte ampoule, par _Flamen_.

     Dans les niches de la façade méridionale, deux statues
     colossales: saint Louis, par _Coustou_ aîné, d'après un modèle de
     _Girardon_; Charlemagne, par _Coyzevox_[339].

     [Note 339: Ces deux statues avoient été déposées, pendant la
     révolution, dans le jardin du Musée des Petits-Augustins.]

     Sur la balustrade, les huit Pères des Églises grecque et latine:
     1º saint Basile et saint Ambroise, par _Poultier_; 2º saint Jean
     Chrysostôme et saint Grégoire-le-Grand, par _Mazeline_; 3º saint
     Grégoire de Nazianze et saint Athanase, par _Coyzevox_; 4º saint
     Jérôme et saint Augustin, par _Hurtrelle_.

     Sur le fronton et dans diverses parties du portail, plusieurs
     groupes de figures allégoriques: 1º quatre vertus couchées: la
     Justice, la Tempérance, la Prudence et la Force, par _Coyzevox_;
     2º la Foi et la Charité accompagnant les armes de France; 3º
     quatre autres vertus: la Constance, l'Humilité, la Confiance et
     la Magnanimité, sans nom d'auteur.

     La chaire, exécutée sur les dessins de _Vassé_, formoit une
     espèce de dais supporté par deux palmiers; l'amortissement
     offroit la couronne de France soutenue par des chérubins[340].

[Note 340: On avoit transporté dans les combles immenses de cet hôtel
tous les plans déposés d'abord dans la grande galerie du Louvre, que
l'on destinoit, dès avant la révolution, à former un Muséum.]

       *       *       *       *       *

On compte dans cette maison environ trois mille soldats et officiers,
tous nourris et entretenus convenablement suivant leurs grades et
leurs infirmités. Deux compagnies, chacune de cent hommes, y montent
journellement la garde.

Avant la révolution, le ministre de la guerre, ou, à son défaut, le
contrôleur général, présidoit le conseil qui se tenoit tous les
jeudis.

Les revenus de l'établissement se composoient de pensions que payoient
les abbayes en raison de la renonciation faite par le roi au droit des
_oblats_[341]: on y ajouta depuis trois deniers pour livre sur toutes
les dépenses de la guerre.

[Note 341: Ces oblats, fort anciens dans l'église, étoient des
moines-lais que le roi plaçoit dans chaque abbaye de sa nomination,
pour y être nourris et entretenus. Cette faveur tomboit ordinairement
sur des soldats estropiés.]

Une grande place en demi-lune précède l'entrée de l'avant-cour; et
toute l'esplanade, qui s'étend jusqu'à la rivière, forme une promenade
plantée d'arbres, dont on est redevable à M. le comte d'Argenson,
ministre de la guerre. Les allées pratiquées sur l'esplanade
méridionale, et qui se prolongent jusqu'à l'École militaire, ont été
percées, peu de temps avant la révolution, sous la direction de feu M.
Brongniart, architecte des Invalides.

Les PP. de Saint-Lazare gouvernoient le spirituel de cette maison,
dont l'état-major étoit composé d'un gouverneur, d'un lieutenant du
roi et d'un major[342].

[Note 342: Lorsque le roi entroit aux Invalides, la garde ordinaire
cessoit ses fonctions, pour être relevée sur-le-champ par une
compagnie de ces vieux soldats. Cela fut ainsi décidé, dès les
premiers temps que Louis XIV alla visiter cet établissement. Les
Invalides qui se pressoient autour de lui, se voyant repoussés un peu
brusquement par la garde, parurent sensibles à cette espèce d'affront:
le roi s'en aperçut, et avec cette bonté qui lui étoit naturelle, il
déclara qu'il vouloit qu'on traitât plus doucement ses anciens
serviteurs et qu'il étoit en sûreté au milieu d'eux. Ils composèrent
dès ce moment sa garde, et cet usage s'est perpétué sous ses
successeurs. (L'hôtel des Invalides n'a point changé de
destination.)]


L'ÉCOLE MILITAIRE.

Ce monument fut construit par Louis XV, en faveur de la noblesse
pauvre de son royaume. L'édit de fondation, donné au mois de janvier
1751, porte que S. M. établit l'hôtel de l'École royale et militaire
en faveur de cinq cents jeunes gentilshommes, pour y être entretenus
et élevés dans toutes les sciences convenables et nécessaires à un
officier. Pour fournir aux dépenses de cette École, le monarque
accorda le bénéfice d'une loterie, et y annexa les revenus de l'abbaye
de Laon alors vacante; on choisit, dans la plaine de Grenelle, un
vaste terrain[343], à peu de distance de l'hôtel des Invalides; et
tandis que l'édifice s'élevoit sur les dessins de Gabriel, architecte
du roi, l'École s'organisoit provisoirement dans le château de
Vincennes. Quatre-vingts élèves y entrèrent en 1753; et dès 1756, ils
purent être transférés, en beaucoup plus grand nombre, dans leur
nouvelle et magnifique demeure. La première pierre de la chapelle fut
bénite par l'archevêque de Paris, en présence du roi qui la posa au
même instant. Ceci n'arriva qu'en 1769.

[Note 343: Ce terrain étoit anciennement une garenne appartenant à
l'abbaye de Saint-Germain. De là est venu par corruption le nom de
_Grenelle_, comme nous le dirons en son lieu.]

Toute l'étendue des bâtiments, cours et jardins, est comprise dans un
parallélogramme de deux cent vingt toises de largeur sur cent trente
de profondeur, précédé et entouré de grandes avenues plantées
d'arbres: l'entrée opposée est par le Champ-de-Mars.

La façade de ce dernier côté est décorée d'un seul avant-corps de
colonnes corinthiennes; au centre est un vestibule à quatre rangs de
colonnes d'ordre toscan, ouvert de trois portes sur les deux faces. À
gauche de ce vestibule, on trouve la chapelle, dont la voûte, en arc
surbaissé, est portée par des colonnes corinthiennes, engagées dans
les murs[344].

[Note 344: _Voyez_ pl. 205.]

Le principal corps de bâtiment, du côté de la cour, est décoré d'un
ordre de colonnes doriques, surmonté d'un second ordre ionique. Au
milieu s'élève également un avant-corps d'ordre corinthien, dont les
colonnes embrassent les deux étages; il est couronné d'un fronton et
d'un attique.

Deux cours, dont la première a soixante-dix toises en carré, et la
seconde environ quarante-cinq, précèdent le principal corps de
bâtiment: le reste consiste en cours adjacentes, jardins et
constructions d'un goût plus simple, pour tous les besoins de ce vaste
établissement[345].

[Note 345: _Voyez_ pl. 204.]

Dans les bâtiments en aile qui bordent la première cour, on éleva, en
1788, un très beau manége et un observatoire, qui existent encore et
dont la construction fut dirigée par M. La Lande.


CURIOSITÉS DE L'ÉCOLE MILITAIRE.


     TABLEAUX.

     Dans la chapelle, onze tableaux représentant les principaux
     événements de la vie de saint Louis, savoir:

     1º Saint Louis s'élançant du vaisseau à l'attaque de Damiette;
     par _Restout_ fils.

     2º Saint Louis rendant la justice sous un chêne dans le bois de
     Vincennes; par _Lépicier_.

     3º Saint Louis portant la couronne d'épines de Vincennes à Paris;
     par _Hallé_.

     4º Le mariage de saint Louis; par _Taraval_.

     5º Saint Louis remettant la régence du royaume à la reine Blanche
     sa mère; par _Vien_.

     6º Saint Louis donnant à son fils les instructions nécessaires
     pour bien régner; par _Beaufort_.

     7º L'entrevue de saint Louis et du pape Innocent IV à Lyon; par
     _Lagrenée_ aîné.

     8º Saint Louis recevant les ambassadeurs du Vieux de la Montagne;
     par _Brenet_.

     9º Saint Louis lavant les pieds aux pauvres; par _du Rameau_.

     10º Le sacre de saint Louis; par _Carle Vanloo_.

     11º Sur l'autel, saint Louis malade de la peste à Tunis, et
     recevant le Viatique; par _Doyen_.

     Dans la chambre du conseil, le portrait de Louis XV; par _Carle
     Vanloo_.

     Plusieurs tableaux de siéges, batailles et autres faits
     militaires, arrivés sous le règne de ce dernier monarque; par _Le
     Paon_.

     Sur les frontons des deux faces des bâtiments en aile qui se
     prolongent jusqu'à la première grille, des grisailles à fresque;
     par _Gibelin_. La première représente deux athlètes, dont l'un
     arrête un cheval fougueux; l'autre, la figure allégorique de
     l'Étude avec ses attributs.


     SCULPTURES.

     Au milieu de la cour royale, la statue pédestre de Louis XV, tête
     nue et cuirassé; par _Le Moyne_.

     Sur le grand escalier, les statues du grand Condé, par _Le
     Comte_; de Turenne, par _Pajou_; du maréchal de Luxembourg, par
     _Mouchy_; du maréchal de Saxe, par d'_Huez_.

       *       *       *       *       *

Une machine hydraulique, posée sur quatre puits, faisoit mouvoir
quatre pompes, et fournissoit à la maison quarante muids d'eau par
heure: elle existe encore.

Le réfectoire est immense et d'une belle construction. La
bibliothèque, contenant environ cinq mille volumes, méritoit d'être
vue.

La façade méridionale est fermée par une grille et un fossé en avant
duquel on a planté, sur les dessins de M. Brongniart, une magnifique
avenue qui croise celle des Invalides et se prolonge jusqu'à la rue de
Sèvre.

L'état-major de cette maison se composoit d'un gouverneur, d'un
inspecteur général des colléges du royaume[346], d'un directeur des
études, d'un capitaine de la compagnie des cadets, d'un contrôleur
général, etc. Elle étoit gardée journellement par une compagnie de
cent vingt invalides.

[Note 346: Ces colléges ou écoles royales militaires étoient au nombre
de dix: Sorèse, Brienne, Tiron, Rebais, Beaumont, Pont-le-Voy,
Vendôme, Effiat, Pont-à-Mousson, Tournon. Il y avoit, en outre, au
collége de La Flèche, un pensionnat dépendant de l'école de Paris, où
les élèves étoient placés depuis huit ans jusqu'à quatorze.]

L'École militaire, quant au spirituel, étoit entièrement sous la
direction de l'archevêque de Paris[347].

[Note 347: Cet établissement est aujourd'hui une caserne
d'infanterie.]


CHAMP-DE-MARS.

C'est ainsi qu'on appeloit, et qu'on appelle encore aujourd'hui, une
immense esplanade, entourée d'un fossé revêtu de pierres, qui, du côté
de la rivière, sert d'avenue à l'École royale militaire et fait partie
de la plaine de Grenelle; quatre rangées d'arbres plantés sur les
côtés, tant en dedans qu'en dehors des fossés, y forment de longues et
belles allées. Cinq grilles de fer en ouvrent les entrées. Ce champ,
destiné aux évolutions des élèves de cette école, servoit également
aux exercices du régiment des Gardes-Françoises: il peut contenir dix
mille hommes rangés en bataille[348].

[Note 348: Le Champ-de-Mars n'a point changé de destination; il sert
aux exercices militaires de toutes les troupes stationnées à Paris.]


HÔPITAL DES GARDES-FRANÇOISES.

Cet hôpital, vaste, commode et situé en bon air, fut établi en 1765 au
Gros-Caillou, sous les ordres et par les soins de M. le maréchal duc
de Biron, colonel des Gardes-Françoises. Il étoit spécialement et
exclusivement destiné aux soldats de ce régiment.

     Dans la chapelle, un tableau représentant saint Louis en
     adoration; par _du Rameau_.


CHÂTEAU DE GRENELLE.

En sortant de l'École militaire par la première grille à gauche du
Champ-de-Mars, on trouvoit le château de Grenelle, situé dans la
plaine du même nom. Ce château, qui n'offroit rien de remarquable que
sa position, avoit haute et basse justice, relevant de l'abbaye de
Sainte-Geneviève. Il dépendoit, ainsi que les maisons qui
l'entouroient, de la paroisse Saint-Étienne du Mont[349].

[Note 349: Ce château, dont on avoit fait une poudrière au
commencement de la révolution, sauta avec un grand fracas et
d'horribles accidents, dans l'année 1793.]


HÔTELS.

ANCIENS HÔTELS DÉTRUITS.


HÔTEL DE NESLE, NEVERS, GUÉNÉGAUD ET CONTI (quai de Conti).

Cet hôtel, l'un des plus vastes et des plus magnifiques parmi ceux qui
faisoient l'ornement de l'ancien Paris, occupoit une grande étendue de
terrain: les rues de Nevers, d'Anjou et Guénégaud, ont été, en partie,
percées et bâties sur son emplacement. Il se prolongeoit le long de la
rivière, jusqu'à la porte et à la tour nommées _Philippe-Hamelin_,
dites depuis _de Nesle_, et à la place desquelles on a bâti le
pavillon gauche du collége Mazarin. En 1308, Amauri de Nesle le vendit
5000 liv. à Philippe-le-Bel; Charles V le donna au duc de Berri, son
oncle, en 1380. Charles VI, qui confirma ce don en 1385, y joignit
deux tuileries et deux arpents et demi de terre, pour agrandir _le
séjour de Nesle_, maison de plaisance qui étoit séparée de l'hôtel
par le fossé de l'enceinte de Philippe-Auguste[350]. On trouve ensuite
qu'en 1446, Charles VII donna cet hôtel à François, duc de Bretagne,
son neveu. Il passa ensuite en 1461 au comte de Charolois[351].

[Note 350: C'est ce séjour que le commissaire Delamare a pris pour
l'hôtel de Nesle, qu'il place, par erreur, hors de la ville.]

[Note 351: Chamb. des comptes, mémorial L, fº 172, et K, fº 140.]

Henri II ayant ordonné, par un édit de 1552, que le pourpris, maison
et place du _grand Nesle_, seroient vendus et délivrés par lots,
portions et places aux plus offrants et derniers enchérisseurs, le duc
et la duchesse de Nivernois en firent l'acquisition en 1580, et
obtinrent de l'abbé de Saint-Germain qu'il fût érigé en fief, sous la
condition de foi et hommage, et d'une redevance annuelle de 50 sols
parisis. Jaillot dit avoir lu l'acte de foi et hommage rendu par le
duc de Nevers le 3 août 1618, «pour _l'hôtel de Nevers_ anciennement
appelé hôtel _de Nesle_[352].»

[Note 352: _Quartier Saint-Germain-des-Prés_, p. 68.]

Ce ne fut qu'en 1646, et sur la réquisition de M. de Guénégaud,
secrétaire d'état, qui en étoit alors propriétaire, que l'abbé et les
religieux de Saint-Germain consentirent à transiger pour l'extinction
de ce titre de fief. Madame Anne-Marie Martinozzy, veuve d'Armand de
Bourbon de Conti, en devint ensuite propriétaire en 1670. Les princes
de Conti et de La Roche-sur-Yon l'augmentèrent en 1679, par
l'acquisition qu'ils firent du petit hôtel Guénégaud. Enfin, en 1718,
madame la princesse de Conti acheta, sur le quai, une maison joignant
cet hôtel, et qui porta depuis le nom de _petit hôtel de Conti_.
L'hôtel de Nevers étoit dès-lors connu sous ce nom, qu'il a porté
jusqu'à sa destruction. Dans le temps qu'il appartenoit à M. de
Guénégaud, il avoit été réparé et embelli, dans toutes ses parties,
par François Mansart.

Depuis long-temps, le corps municipal désiroit pour ses assemblées un
lieu plus vaste et plus commode que l'ancien hôtel-de-ville: il jeta
les yeux sur le terrain qu'occupoit l'hôtel de Conti; et la permission
de l'acquérir lui ayant été donnée par Louis XV, un arrêt du conseil,
donné en 1750, en fixa le prix à 1,600,000 liv.; mais des obstacles
forcèrent de renoncer au projet de bâtir en cet endroit une maison
municipale, et l'on y éleva, comme nous l'avons déjà dit, l'hôtel des
Monnoies, qui existe aujourd'hui.

Sur les deux vues que nous donnons de l'hôtel de Nesle, celle qui le
représente du côté du jardin, copiée d'après une gravure ancienne et
de la plus grande rareté, le montre sans doute tel qu'il étoit, après
l'acquisition qu'en avoient faite les ducs de Nevers. On y reconnoît
en effet le caractère de l'architecture du seizième siècle, et ce
dessin donne l'idée d'un immense et somptueux édifice. L'autre vue,
plus moderne, offre la porte à laquelle il avoit donné son nom, et la
masse extérieure de ses bâtiments; mais il est difficile d'y
reconnoître les constructions régulières tracées sur le premier
dessin[353].

[Note 353: _Voyez_ pl. 206 et 207.]


HÔTEL DE LA REINE MARGUERITE (rue de Seine).

Cette princesse le fit bâtir, sur une portion du petit pré aux clercs,
qu'elle avoit acquise, et quitta l'hôtel de Sens pour venir l'habiter.
Ceux qui ont pu voir encore cet hôtel, dans le dix-septième siècle,
disent qu'il étoit composé de trois corps de logis contigus, de
jardins qui s'étendoient jusqu'à la rue des SS. Pères, et de plusieurs
allées d'arbres plantés le long de la rivière, qu'on appeloit _le
cours de la reine Marguerite_[354]. Sauval se trompe lorsqu'il avance
que «la veuve de Jean-Baptiste de Budes, comte de Guébriant, maréchal
de France, acheta un hôtel à la rue de Seine, bâti sur les ruines du
palais de la reine Marguerite[355]». Les titres démentent cette
assertion: 1º l'hôtel dont il s'agit n'ayant été bâti au plus tôt
qu'en 1606, ne pouvoit être en ruine, trente-sept ans après sa
construction. 2º S'il fut acquis par la veuve du maréchal de
Guébriant, ce ne put être avant 1643, puisque le maréchal ne mourut
que dans le courant de cette année; mais un rôle de taxes, fait en
1639 et cité par Jaillot[356], marque que les trois corps de logis,
formant l'hôtel de la reine Marguerite, appartenoient à madame de
Vassan, et qu'ils étoient alors occupés par le président Séguier. Cet
hôtel fut acquis en 1718 par MM Gilbert de Voisins.

[Note 354: SAUVAL, t. 2, p. 250.]

[Note 355: _Ibid._, p. 157.]

[Note 356: _Quartier Saint-Germain_, p. 79.]


HÔTEL DE BEAUVAIS (rue de Grenelle).

Cet hôtel, qui, vers la fin du dix-septième siècle, fut changé en
maison religieuse[357], est remarquable par deux particularités:
l'une, qu'en 1685, il servit de logement au doge et aux quatre
sénateurs de Gênes, lorsqu'ils vinrent faire au roi les satisfactions
qu'il avoit exigées de leur république; l'autre que, dans la
métamorphose qu'il éprouva, la salle de bal fut conservée et changée
en église. Après que le monastère des Petites-Cordelières eut été
supprimé, on vendit l'emplacement qu'il occupoit à des particuliers,
qui y élevèrent de nouveaux bâtiments.

[Note 357: _Voyez_ p. 442.]


HÔTELS EXISTANTS EN 1789.


HÔTEL DE LA ROCHEFOUCAULD (rue de Seine).

Sauval, en parlant de cet hôtel, dit[358] «que Louis III de Bourbon,
premier comte de Montpensier, qui devint dauphin d'Auvergne par son
mariage, et ses descendants, avoient un hôtel dans cette rue, qu'ils
vendirent à Henri de La Tour, duc de Bouillon, maréchal de France, et
qui a passé ensuite au duc de Liancourt.» Ceci paroît exact; mais il
ajoute que, «tant que ces princes logèrent là, leur hôtel fut appelé
_l'hôtel Dauphin_, qui donna le nom à la rue; et bien que depuis,
changeant de maître, il eût été appelé l'hôtel _de Bouillon_ et
l'hôtel _de Liancourt_, la rue s'est toujours appelée et s'appelle
encore la rue _Dauphine_.» Jaillot combat cette seconde partie de son
récit, démentie par tous les plans de Paris, dont aucun, depuis quatre
siècles, n'offre la rue de Seine sous le nom de rue Dauphine. Les
titres ne présentent également rien qui puisse appuyer une semblable
assertion.

[Note 358: T. 2, p. 67 et 120.]

M. François, duc de La Rochefoucauld, ayant épousé, en 1659,
Jeanne-Charlotte du Plessis-Liancourt, fille unique du duc de
Liancourt, devint, par ce mariage, propriétaire de l'hôtel dont nous
parlons: on lui donna dès-lors le nom de La Rochefoucauld, qu'il
n'avoit point cessé de porter jusqu'à ce jour[359].

[Note 359: Cet hôtel vient d'être démoli; et sur l'emplacement très
vaste qu'occupoient les bâtiments, il vient d'être percé une rue
nouvelle, dont les constructions ne sont pas encore entièrement
achevées.]

C'étoit un édifice d'assez belle apparence qui, du côté de la cour,
présentoit un carré de bâtiments décoré d'un ordre dorique en
pilastres et bizarrement couronné de grandes croisées à la mansarde,
avec tout le luxe d'ornement employé dans l'architecture du
dix-septième siècle. Mais ce qui méritoit plus d'attention, c'étoit le
jardin dessiné, dit-on, dans le siècle dernier, par le peintre
_Robert_, et sans contredit l'un des jardins particuliers les plus
agréables et les plus pittoresques qu'il y eût à Paris.


HÔTEL MAZARIN (quai Malaquais).

Cet hôtel appartenoit, dans l'origine, à la princesse de Conti, qui
l'échangea pour l'hôtel Guénégaud. Il passa successivement aux ducs de
Créqui, de La Trémouille et de Lauzun. On le voit rentrer ensuite dans
la maison de Conti, par l'acquisition qu'en fit mademoiselle de La
Roche-sur-Yon. Après sa mort, cet édifice fut loué pour les écuries de
la dauphine; acquis depuis par le duc de Mazarin, il passa ensuite
dans la famille de Juigné, dont il portoit le nom, au commencement de
la révolution.


HÔTEL DE BOUILLON (même quai).

Cet hôtel, bâti pour un trésorier de l'épargne, nommé Macé-Bertrand de
La Basinière, fut acquis depuis par M. de Bouillon. C'est un bel
édifice, dans une très-belle position.


HÔTEL DE SALM (rue de Lille, ci-devant de Bourbon).

Cet hôtel, que l'on cite avec raison au nombre des édifices les plus
remarquables de Paris, a plutôt les apparences d'un monument public
que d'une habitation construite pour un particulier. Sa porte
d'entrée, établie sur la rue, offre la forme d'un arc de triomphe,
flanqué de chaque côté par une colonnade d'ordre ionique, laquelle
s'appuie à des corps de bâtiments avancés, dont la masse est parallèle
à celle de la porte, et qui, par leur attique orné de bas-reliefs, se
rattachent à la décoration et au motif de l'ensemble.

La colonnade se réunit, dans l'intérieur de la cour, à celle des ailes
ou parties latérales, et forme tout autour un promenoir couvert et
continu qui aboutit à un frontispice en colonnes d'ordre corinthien,
annonçant le corps de logis principal et donnant entrée au
vestibule[360].

[Note 360: _Voyez_ pl. 208.]

La partie que nous venons de décrire, modèle de grâce et d'élégance,
est aussi la plus parfaite de l'édifice. Le reste consiste en cours
adjacentes et en un corps d'habitation, qui, se prolongeant sur le
quai, se termine par une partie demi-circulaire et deux corps de
bâtiments continus. On regrette que cette façade ne réponde, ni par sa
décoration ni par son élévation, au reste du monument[361].

[Note 361: _Voyez_ pl. 211. L'administration de la Légion-d'Honneur
est établie dans cet hôtel.]


AUTRES HÔTELS LES PLUS REMARQUABLES.

Il n'est aucun quartier de Paris qui en contienne un plus grand
nombre. La plupart, bâtis dans le dix-septième siècle et au
commencement du dix-huitième, sont vastes et magnifiques, mais plus
remarquables par la solidité de leur construction, et par cet air de
grandeur que présente la masse de leurs bâtiments, que par l'élégance
ou la sévérité de leur architecture. La description de ces édifices,
qui, généralement n'ont point à l'extérieur un caractère déterminé, et
dont la décoration intérieure a subi tant de changements depuis la
révolution, deviendroit embarrassante pour nous, et sans doute
fastidieuse pour nos lecteurs: nous nous bornerons à en donner une
nomenclature la plus exacte possible.

    Hôtel d'Aiguillon, rue de l'Université.
    ---- Amelot, même rue.
    ---- d'Angennes, rue de Varennes.
    ---- des Archives de l'ordre de Saint-Lazare, rue de Monsieur.
    ---- d'Avaray, rue de Grenelle.
    ---- d'Avrincourt, rue Saint-Dominique.
    ---- de Bandeville, rue des Saints-Pères.
    ---- de Barbançon, rue de Babylone.
    ---- de Beaupréau, rue de l'Université.
    ---- de Benonville, rue Belle-Chasse.
    ---- de Bentheim, rue de Bourbon.
    ---- de Béthune, rue Saint-Guillaume.
    ---- de Béthune-Charost, rue de Bourbon.
    ---- de Béthune-Pologne, rue de la Chaise.
    ---- de Bezenval, rue de Grenelle.
    ---- de Biron, rue de Varennes.
    ---- de Bois-Geslin, même rue.
    ---- de Bréant, rue de Grenelle.
    ---- de Brienne, rue Saint-Dominique.
    ---- de Brissac, rue de Grenelle.
    ---- de Broglie, rue de la Planche.
    ---- de Broglie, rue Belle-Chasse.
    ---- de Broglie, grand et petit, rue de Varennes.
    ---- de Cassini, rue de Babylone.
    ---- de Castellane, rue de Grenelle.
    ---- de Castries, rue de Varennes.
    ---- de Caumont, rue de Grenelle.
    ---- de Chabannes, rue des Saints-Pères.
    ---- du Châtelet, rue de Grenelle.
    ---- de Châtillon, rue de Babylone.
    ---- de Choiseul, quai des Théatins.
    ---- de Choiseul Praslin, rue de Bourbon.
    ---- de Mademoiselle de Condé, abbesse de Remiremont, rue de Monsieur.
    ---- du prince de Conti, rue de Grenelle.
    ---- de Créqui, même rue.
    ---- de Croy, rue de Bourbon.
    ---- de Damas d'Anlezy, rue de Babylone.
    ---- de Dillon, rue Saint-Dominique.
    ---- des Écuries de la Reine, rue de Bourgogne.
    ---- des Écuries de Monsieur, rue de Monsieur.
    ---- des Écuries de la comtesse d'Artois, rue des Saints-Pères.
    ---- de Feuquières, rue de Grenelle.
    ---- de Galiffet, rue du Bac.
    ---- de Gensac, rue de l'Université.
    ---- de Goubert, rue de l'Université.
    ---- de Grammont, rue de Bourbon.
    ---- de Guerchi (deux), rue de Belle-Chasse.
    ---- de Guines, rue de Varennes.
    ---- d'Harcourt (deux), rue de Grenelle.
    ---- de Jarnac, rue de Monsieur.
    ---- de Jaucourt, rue de Varennes.
    ---- de Kunsky, rue Saint-Dominique.
    ---- de La Briffe, quai des Théatins.
    ---- de La Châtre, rue de l'Université.
    ---- de Lamoignon, rue de Grenelle.
    ---- de La Rochefoucauld, rue de Varennes.
    ---- de La Salle, rue de Grenelle.
    ---- de La Trémouille, rue de Belle-Chasse.
    ---- de Lautrec, quai Malaquais.
    ---- de Lignerac, rue Saint-Dominique.
    ---- de Ligny, rue du Bac.
    ---- de Luynes, rue Saint-Dominique.
    ---- de Maillebois, rue de Grenelle.
    ---- de Mailly, rue de l'Université.
    ---- de Matignon (grand), rue de Varennes.
    ---- de Matignon (grand et petit), rue Saint-Dominique.
    ---- de Maupeou, rue de l'Université.
    ---- de Maurepas, rue de Grenelle.
    ---- de Mesgrigni, même rue.
    ---- de Mirabeau[362], rue de Seine.
      [Note 362: Cet hôtel a été bâti sur les ruines de celui de la reine
      Marguerite.]
    ---- de Mirepoix, rue Saint-Dominique.
    ---- de Molé, rue de Belle-Chasse.
    ---- de Monaco, rue Saint-Dominique.
    ---- de Montboissier, rue de Verneuil.
    ---- de Montesquiou, même rue.
    ---- de Montmorenci, rue de Bourbon.
    ---- de Montmorenci-Tingri, rue de Varennes.
    ---- de Montmorin, rue Plumet.
    ---- de Mortemart, rue Saint-Guillaume.
    ---- de Narbonne-Pelet, rue de la Planche.
    ---- de Noailles-Mouchy, rue de l'Université.
    ---- de Novion, rue de la Planche.
    ---- d'Orsai, rue de Varennes.
    ---- de Périgord, rue de l'Université.
    ---- de Phelippeaux, rue de Grenelle.
    ---- de Polignac, rue des Saints-Pères.
    ---- de Pons, rue de Taranne.
    ---- de Queuille (la), rue de Babylone.
    ---- de Rochechouart, rue de Grenelle.
    ---- de Rohan, rue de Varennes.
    ---- de Rohan-Chabot, même rue.
    ---- de Rohan-Montbazon, rue de l'Université.
    ---- du Roure, rue Saint-Dominique.
    ---- du Roure, rue de Bourbon.
    ---- de Saumeri, rue de Belle-Chasse.
    ---- de Seignelai, rue Saint-Dominique.
    ---- de Senectère, rue de l'Université.
    ---- de Sens, rue de Grenelle.
    ---- de Seysseval, rue de Bourbon.
    ---- de Soyecourt (grand), rue de l'Université.
    ---- de Soyecourt (petit), rue de Belle-Chasse.
    ---- de Tessé, quai des Théatins.
    ---- de Valbelle, rue du Bac.
    ---- de Vaudecourt, quai des Théatins.
    ---- de Vaudreuil, rue de la Chaise.
    ---- de Villeroi, rue de l'Université.


HÔTEL DES MOUSQUETAIRES-GRIS (rue de Beaune).

On sait que la première compagnie de cette troupe fut créée en 1622,
par Louis XIII, sous le nom de _Grands Mousquetaires du roi pour sa
garde_. On les logea d'abord chez les habitants du faubourg
Saint-Germain, tandis que l'on cherchoit un emplacement pour leur
bâtir un hôtel. La halle du Pré-aux-Clercs, plus connue sous le nom de
la _halle Barbier_, parut propre à l'exécution de ce projet: ce ne fut
toutefois qu'en 1659 que le roi donna ordre à la ville d'acheter cette
halle, qui comprenoit le carré borné par les rues de Beaune, de
Bourbon, du Bac, et de Verneuil, ainsi que les vingt-six échoppes ou
maisons bâties au pourtour, et d'y faire élever les bâtiments
nécessaires. On voit ensuite, par deux arrêts du conseil de 1707 et
1715, que cet édifice, achevé seulement en 1671, commençoit déjà à
menacer ruine. Il fut question alors d'en rebâtir un nouveau sur une
grande place achetée par le roi, rue de Bourgogne, et sur le quai
d'Orsai; mais ce terrain ne se trouvant pas assez spacieux, il fallut
renoncer à ce projet, et l'on se contenta de rebâtir à neuf l'ancien
hôtel, tel qu'on l'a vu jusqu'au commencement de la révolution[363].

[Note 363: Sur l'emplacement de cet hôtel on a construit un marché qui
se nomme le marché _Boulainvilliers_.]


POMPE À FEU.

Cette pompe à feu, établie au Gros-Caillou, sur le bord de l'eau, est
composée d'un corps de bâtiments décoré d'arcades, et offre dans sa
masse un aspect peu différent de l'édifice du même genre, que nous
avons décrit dans le premier volume de cet ouvrage. Elle fournit de
l'eau aux Invalides, à l'École militaire, et aux maisons du faubourg
Saint-Germain.


GROS-CAILLOU.

À l'extrémité du quartier Saint-Germain et le long de la rivière, est un
terrain couvert de maisons et de jardins, que l'on nomme _le
Gros-Caillou_. Piganiol dit[364] «que son nom très-ancien étoit _la
Longray_, et que le moderne vient d'un caillou énorme qui servoit
d'enseigne à une maison publique de débauche.» Jaillot[365], qui trouve
avec raison cette opinion très singulière, surtout parce qu'elle est
avancée sans la moindre preuve, observe que le Gros-Caillou n'occupe
qu'une partie du terrain que l'on nommoit effectivement _la Longue
Raie_, il y a trois ou quatre cents ans, parce qu'il s'étendoit depuis
la rue de Bourgogne jusqu'à l'endroit où sont aujourd'hui les barrières,
formant dans ce long espace une lisière très étroite. À l'égard de
_l'énorme caillou_ qui servoit d'enseigne à une maison de débauche, il
ne pense pas même qu'une semblable assertion mérite d'être réfutée, et
se contente de dire que ce gros caillou étoit une borne naturelle qui
servoit à distinguer les limites des seigneuries de Sainte-Geneviève et
de Saint-Germain-des-Prés; ce qui est constaté par un plan manuscrit.

[Note 364: T. 8, additions, p. 339.]

[Note 365: _Quartier Saint-Germain_, p. 82.]

Le terrain du Gros-Caillou s'étant insensiblement couvert de maisons,
et l'administration des sacrements y devenant, par la trop grande
distance des lieux, également pénible pour le curé de Saint-Sulpice et
pour ses paroissiens, on pensa à y faire construire une succursale
entre les rues de Grenelle et de Varennes, ce qui fut définitivement
arrêté dans une assemblée générale de la paroisse, tenue le 18 août
1652. Mais le terrain destiné à l'exécution de ce projet, et qui
appartenoit à la fabrique, ayant été vendu en 1686 par arrêt du
conseil, ce n'est qu'en 1735 qu'on put songer à la construction du
monument, et qu'on obtint de l'archevêque et de l'abbé de
Saint-Germain la permission définitive de faire bâtir une chapelle au
Gros-Caillou. Toutefois, les moyens des habitants ne répondant point à
leur zèle, ce projet eût encore échoué pour la seconde fois, si le roi
ne leur eût permis une quête de trois ans, tant pour la construction
de la chapelle que pour l'achat des vases sacrés et les honoraires du
desservant. La première pierre en fut posée le 19 mars 1738, et
l'Église fut achevée le 11 août suivant. Quoiqu'elle eût été bénite
sous le titre de _l'Assomption de la Vierge_, et que les habitants lui
eussent donné celui de _Notre-Dame-de-Bonne-Délivrance_, les registres
de l'archevêché l'offrent sous la dénomination de _Saint-Pierre du
Gros-Caillou_, succursale de Saint-Sulpice. Au commencement de la
révolution on travailloit à la construction d'une Église plus grande,
dont M. Chalgrin étoit l'architecte, et qu'on avoit le projet d'ériger
en cure[366].

[Note 366: Les premières constructions de cette église, restées
imparfaites, ont été depuis entièrement démolies. (_Voyez_ l'article
_Monuments nouveaux_.)]


L'ÎLE MAQUERELLE OU DES CYGNES.

Vis-à-vis le Gros-Caillou, étoit une île assez grande, qu'un très
petit courant d'eau séparoit du rivage, et qu'on y a réunie en
comblant cet espace. Cette île s'étoit formée par la réunion de
plusieurs autres, et par des atterrissements, que l'amas des sables et
les dégradations de ces petites îles avoient occasionnés. On nommoit
île _de Grenelle_ celle qui faisoit face à _la Longue Raie_; elle
s'accrut depuis par l'adjonction de l'île _des Treilles_, qui étoit
au-dessus, et de l'île _aux Vaches_, qui étoit au-dessous. Dès 1494,
on l'appeloit île _Maquerelle_, nom dont on n'a pu découvrir jusqu'à
présent ni l'origine ni l'étymologie[367]. Jaillot dit avoir lu, dans
les archives de l'abbaye Saint-Germain, que la plus grande partie de
cette île étoit en prés, et que les soldats alloient s'y exercer, ce
qui causa un assez grand dommage pour que les religieux prissent la
résolution de l'affermer à divers particuliers, qui séparèrent leurs
portions par des haies, des fossés, ou des rigoles, ce qui formoit
autant de petites îles. Ce lieu fut destiné, dans le seizième siècle,
et par arrêt, à servir de sépulture aux pauvres décédés à
l'Hôtel-Dieu; mais cet arrêt ne fut point exécuté. Le nom d'île des
Cygnes lui vient de ce qu'au commencement de ce siècle, on y avoit
placé quelques oiseaux de cette espèce[368].

[Note 367: Jaillot pense que cette île a pu servir de rendez-vous pour
terminer par le duel des querelles particulières, et qu'elle a pu en
tirer son nom; mais il observe qu'alors il faudroit écrire
_Ma-Querelle_. Il auroit mieux fait, selon nous, de renoncer à
chercher cette étymologie, que d'en présenter une aussi bisarre, et
qu'il ne soutient d'aucune preuve.]

[Note 368: L'état de la Seine étoit autrefois bien différent de ce qu'il
est aujourd'hui, et nous pensons qu'une courte description de ce que les
traditions nous en font connoître se trouvera bien placée ici et s'y
fera lire avec intérêt. Cette rivière, dont les bords n'étoient point
resserrés, comme aujourd'hui, par des quais, étendoit alors ses eaux sur
une plus grande surface, et formoit un assez grand nombre d'îles ou
atterrissements, emportés depuis par la violence des débordements, ou
détruits lorsqu'on rétrécit le lit du fleuve, pour la facilité de la
navigation. Indépendamment des îles dont nous avons parlé, et qui
s'étendoient depuis l'Arsenal jusqu'à la pointe occidentale de la Cité,
il s'en présentoit d'abord deux autres qui se prolongeoient
parallèlement depuis les Augustins jusqu'à la tour de Nesle; on y
blanchissoit des toiles: et la Seine couvroit tout le terrain jusqu'à
l'endroit où depuis l'on a bâti la chapelle du collége Mazarin.
Vis-à-vis, et du côté du Louvre, il y avoit encore quelques petites
îles, mais peu considérables, et qui paroissent ne point avoir eu de
dénomination particulière. Plus bas étoit l'île _aux Treilles_[368-A].
Vis-à-vis l'emplacement du palais Bourbon, au delà duquel elle se
prolongeoit, cette île étoit séparée, par un petit bras d'eau, d'un
autre atterrissement, qu'on appeloit, en 1250, l'île _de Seine_, et qui
fut depuis l'île _aux Vaches_, dont nous venons de parler; celle-ci
étoit située vis-à-vis de Chaillot. Le long de ces deux îles s'en
étendoit une troisième, longue et étroite, appelée l'île de
_Hiérusalem_. Toutes ces îles étoient, partie en pâtures, et partie en
saussaies et oseraies. Elles étoient louées ou acensées à divers
particuliers, qui, pour marquer les limites de leurs possessions, les
entouroient de petits fossés ou rigoles, souvent remplis d'eau, lesquels
formoient autant d'îles particulières, qu'on désignoit par les noms de
leurs possesseurs ou autres: de là les îles _à Prunier_, de _la
Garenne_, de _Long-Champ_, _Merdeuse_, de _la Pierre_, de _Bucy_, du
_Passeur_ et _Pasteur-aux-Vaches_, etc. Elles étoient mentionnées et
décrites dans un registre de Saint-Germain-des-Prés, qui en contenoit la
recette depuis 1489 jusqu'à 1521.

De l'autre côté, et au dessous des Tuileries, étoit l'île ou _les
mottes de la Saumonnière_; toutes ces îles existoient encore au milieu
du quinzième siècle. Vers ce temps-là, la rivière cessa de séparer
l'île des Vaches de celle des Treilles; mais on continua de les
distinguer, et long-temps après, on disoit encore l'île _Maquerelle_
dite _des Treilles_, ou l'île _des Treilles_ dite _Maquerelle_.
Insensiblement plusieurs parties de ce terrain furent abandonnées par
les propriétaires qui n'en retiroient presque rien; les canaux ou
fossés se comblèrent, et ce lieu devint une espèce de promenade
publique. On s'y promenoit à pied, et en voiture au commencement du
dix-septième siècle; les soldats y faisoient l'exercice; ce qui
détermina les propriétaires à le mettre en jardinage. Les deux îles
ainsi confondues contenoient vingt arpents et demi, qui, en 1645,
furent vendus 60,000 liv. à M. de Guénégaud, secrétaire d'État.

À l'égard de l'île de Bucy, elle étoit située plus bas, vis-à-vis d'Issy
et du port de Javel. Dans un acte de 1529, cité par Jaillot, elle est
désignée sous le nom d'île _de Bucy_ ou _le Pressouer-aux-Vaches_, nom
qu'on a peut-être corrompu ou altéré en disant _le Passeur_ ou _le
Pasteur-aux-Vaches_, qui ne se trouve point dans les actes originaux.]

[Note 368-A: Il y a grande apparence que cette île avoit pris son nom
des vignes qu'on y avoit anciennement plantées.]

Le bac des Invalides, pour la communication du quartier Saint-Germain
avec le faubourg Saint-Honoré, étoit situé près de cette île. Il fut
concédé, pour la première fois, en 1542, par les religieux de
Saint-Germain, à qui il appartenoit.


FONTAINES.

_Fontaine de Conti._ Cette fontaine existoit encore, vers le milieu du
siècle dernier, près de l'emplacement où depuis on a bâti l'hôtel des
Monnoies. Elle n'avoit point d'inscription, quoique ce fût pour elle
que Santeul eût fait celle-ci:

  _Sequanides flebant imo sub gurgite nymphæ,
     Cùm premerent densæ pigra fluenta rates:
   Ingentem Luparam nec jam aspectare potestas,
     Tarpeii cedat cui domus alta Iovis.
   Huc alacres, rex ipse vocat, succedite, nymphæ;
     Hinc Lupara adverso littore tota patet[369]._

[Note 369: Nous citerons la traduction de cette inscription, non
qu'elle soit élégante, ni même fort exacte, mais parce qu'elle est de
Pierre Corneille:

    C'est trop gémir, nymphes de Seine,
  Sous le poids des bateaux qui cachent votre lit,
  Et qui ne vous laissoient entrevoir qu'avec peine
  Ce chef-d'oeuvre étonnant dont Paris s'embellit,
    Dont la France s'enorgueillit;
  Par une route aisée aussi bien qu'imprévue,
  Plus haut que le rivage un roi vous fait monter,
    Qu'avez-vous plus à souhaiter?
  Nymphes, ouvrez les yeux, tout le Louvre est en vue.]

_Fontaine de l'abbaye Saint-Germain._ Cette fontaine, située dans un
angle, près de la porte de l'abbaye qui conduit à la rue
Sainte-Marguerite, fut construite aux frais des religieux, pour la
commodité des habitants de ce quartier. Elle fournit de l'eau de la
Seine, et l'on y lisoit cette inscription:

  _Me dedit urbs claustro, claustrum me reddidit urbi:
     Ædibus addo decus, faciles do civibus undas._

Un puits situé à l'angle opposé avoit aussi une inscription conçue en
ces termes:

  _Quam puteus non dat sanctæ tam proximus ædi,
     A Christo vivam poscere monstrat aquam._

_Fontaine de la Charité._ Cette fontaine, située dans la rue Taranne,
à peu de distance de l'église de la Charité, fournit de l'eau
d'Arcueil, et offroit l'inscription suivante, composée par Santeuil:

  _Quem pietas aperit miserorum in commoda fontem,
     Instar aquæ, largas fundere monstrat opes._

_Fontaine de Grenelle._ Cette fontaine, construite aux frais de la
ville, et achevée en 1739, sous la prévôté de M. Turgot, est un
monument remarquable par sa masse et par la richesse de sa décoration.
Elle s'élève sur un plan demi-circulaire de quinze toises de largeur
sur six de hauteur, et présente une ordonnance de pilastres, de
niches, de croisées feintes, avec un entablement surmonté d'un
acrotère. L'avant-corps, qui occupe le milieu de la façade, se compose
de quatre colonnes ioniques, accouplées deux à deux et couronnées
d'un fronton. Ce morceau d'architecture fut élevé sur les dessins et
sous la conduite d'Edme Bouchardon, le meilleur sculpteur de son
temps, qui lui-même exécuta toutes les figures, tous les bas-reliefs,
et même quelques-uns des ornements dont il est décoré.

Sur un socle de glaçons que soutient l'avant-corps, sont trois
statues. On reconnoît d'abord la ville de Paris dans celle qui s'élève
au milieu: couronnée de tours et assise sur la proue d'un vaisseau.
Les deux autres, couchées au milieu, des roseaux, et appuyées sur des
urnes, représentent la Seine et la Marne. Ces trois figures sont en
marbre blanc. Dans les niches pratiquées sur les ailes, sont placées
les quatre Saisons en pierre de Tonnerre; chacune est accompagnée d'un
bas-relief indiquant ses divers attributs. Les armes de la ville
s'élèvent au milieu de ces quatre niches; et deux mascarons fixés sur
la partie avancée du soubassement donnent de l'eau de la Seine.

Si l'on considère en elle-même toute cette sculpture, elle est d'un
style bien mesquin et d'une bien médiocre exécution; le monument
n'offre pas non plus un grand caractère d'architecture; mais ces
figures sont des chefs-d'oeuvre, comparées aux productions ignobles de
la plupart des sculpteurs d'alors; et si l'on compare également
l'édifice aux constructions bisarres qui se faisoient à la même
époque, on y trouvera une certaine pureté de lignes et d'ensemble, qui
devoit sembler extraordinaire à la plupart des architectes du siècle
de Louis XV. Il n'en est pas moins vrai que, dépouillé de sa
sculpture, ce monument n'offriroit qu'un bien médiocre intérêt: des
portes, des croisées lui donnent l'aspect d'une habitation
particulière; le soubassement, trop élevé pour l'ordonnance, la fait
paroître grêle; et la décoration générale n'indique pas plus une
fontaine que tout autre édifice. Ces deux maigres filets d'eau qui
sortent par les deux mascarons contribuent encore à détruire, sous ce
rapport, toute espèce d'illusion[370].

[Note 370: _Voyez_ pl. 209.]

Sur une table de marbre noir on lit l'inscription suivante:

     _Dum Ludovicus XV, populi amor et parens optimus, publicæ
     tranquillitatis assertor, gallici imperii finibus innocuè
     propagatis, pace Germanos Russosque inter et Ottomanos feliciter
     conciliatâ, gloriosè simul et pacificè regnabat, fontem hunc
     civium utilitati urbisque ornamento consecrârunt præfectus et
     ædiles, anno Domini_ M. D. CC. XXXIX.

Une autre inscription offre les noms des officiers municipaux alors en
exercice.

_Fontaines des Incurables._ C'est un simple tuyau qui sort de cet
hôpital, et qui fournit de l'eau d'Arcueil.


BARRIÈRES.

  Barrière du Bord-de-l'Eau[371].
  ---- des Ministres[372].
  ---- de l'École-Militaire.
  ---- de l'Observatoire[373].

[Note 371: Maintenant barrière de la _Cunette_.]

[Note 372: Maintenant barrière de Grenelle.]

[Note 373: Cette barrière est aujourd'hui fermée.]


NOUVEAUX BOULEVARDS.

Les boulevards qui entourent la partie méridionale de Paris, ne furent
entièrement achevés qu'en 1761. Ils commencent à la rue de Grenelle,
et forment, à quelque distance de leur origine, une patte d'oie qui
unit leur contre-allée en dehors avec le quinconce des Invalides. De
là les allées, tirées partout en ligne droite, traversent l'extrémité
de la rue de Babylone, la rue Plumet[374], un terrain qui servoit de
dépôt aux boues du quartier Saint-Germain, la rue de Sèvre, celle de
Vaugirard, et, passant ensuite le long du clos des Chartreux, se
prolongent jusqu'à la rue d'Enfer, vis-à-vis celle de la Bourbe et le
monastère de Port-Royal. Il fallut les arrêter là, parce que l'on
n'aurait pu les prolonger sans violer le territoire de ce monastère,
et peut-être sans détruire son église, ainsi que beaucoup d'autres
édifices.

[Note 374: On a établi à cet endroit, en dehors du rempart, un puisard
qui reçoit toutes les eaux des environs.]

On prit alors le parti d'aplanir une ancienne butte, dite du
Mont-Parnasse, et de former un embranchement qui traverse la chaussée
du Bourg-la-Reine, et que termine une demi-lune. De là cette promenade
se continue, et toujours par des lignes droites, jusqu'à la barrière
Saint-Jacques, passe ensuite au-dessus de la rue des Capucins et de la
rue de Seine; traverse le Clos-Payen, où sont deux ponts de pierre
jetés sur deux branches de la rivière de Bièvre; sortant de ce clos,
forme un angle qui conduit à la barrière de Fontainebleau et de
Choisy-le-Roi; enfin vient aboutir en droite ligne au bord de la
Seine, en face de la rue Contrescarpe et du jardin de l'Arsenal,
laissant en dehors l'hôpital de la Salpétrière.

Ces boulevards, composés, comme ceux du nord, d'une grande allée pour
le passage des voitures, et de deux contre-allées, suivent ainsi les
murs d'enceinte de la ville, depuis la rivière jusqu'à la rue d'Enfer,
et de là rentrent dans son intérieur pour partager en deux le faubourg
Saint-Germain jusqu'à l'hôtel des Invalides, parcourant dans leur
totalité un espace de trois mille six cent quatre-vingt-trois
toises[375]. Moins variés que ceux de la partie septentrionale, moins
riches en monuments et en aspects pittoresques, beaucoup moins
fréquentés des promeneurs, ils offrent, par une sorte de compensation,
des arbres plus élevés, un ombrage plus agréable et plus épais.

[Note 375: Les anciens boulevards n'ont que deux mille quatre cents
toises de longueur.]

Dans ce grand circuit qu'ils décrivent, leur nom change aussi
plusieurs fois, et dans l'ordre suivant:

Depuis le bord de l'eau, du côté du jardin des Plantes, jusqu'à la
barrière de Fontainebleau, _boulevard de l'Hôpital_.

Depuis la barrière de Fontainebleau jusqu'à celle de Gentilli,
_boulevard des Gobelins_.

Depuis la barrière de Gentilli jusqu'à celle d'Enfer, _boulevard
Saint-Jacques_.

Depuis la barrière d'Enfer jusqu'à la jonction du boulevard du
Mont-Parnasse, _boulevard d'Enfer_.

Depuis la rue d'Enfer jusqu'à la rue de Sèvre, _boulevard du
Mont-Parnasse_.

Depuis la rue de Sèvre jusqu'à la rue de Grenelle, _boulevard des
Invalides_.


BARRIÈRES NOUVELLES DE PARIS.

Il n'est pas besoin de dire que les barrières de Paris étoient
autrefois beaucoup plus rapprochées du centre qu'elles ne le sont
aujourd'hui, et qu'elles en ont été successivement éloignées, à mesure
que la ville elle-même a étendu sa circonférence. Ces barrières sont
maintenant à mille huit cents toises de distance d'une borne militaire
placée, comme point central, près de l'église Notre-Dame.

Jusqu'en 1787, ces limites de la capitale n'étoient autre chose que
des murailles informes et grossières, ou de foibles cloisons de
planches mal assemblées; les recettes se faisoient dans de simples
guérites de bois; et l'on ne s'étoit encore occupé, dans cette grande
opération, que du résultat utile le plus important, la perception des
droits d'entrée. Ce fut M. de Calonne, alors ministre des finances,
qui, sur la demande des fermiers généraux, conçut le projet de
renfermer la ville dans une enceinte, projet dont l'exécution devoit
offrir le double avantage d'opposer un obstacle efficace à l'audace
des fraudeurs, et d'orner Paris d'un grand nombre de monuments utiles.
M. Le Doux, architecte de la ferme générale, fut chargé de cette vaste
entreprise.

Cet artiste, doué d'une imagination féconde, ardente, et même exaltée,
conçut la plus haute idée de la mission dont il se vit chargé: il
s'agissoit de bâtir près de soixante monuments[376] pour
l'embellissement d'une ville que l'on regardoit déjà comme la plus
belle du monde. Aucun architecte n'avoit encore rencontré une occasion
aussi favorable de montrer à l'Europe l'étendue et la variété de son
talent; aussi Le Doux donna-t-il un libre essor à toute la fougue de
ses conceptions. Avec une rapidité sans exemple, il enfanta une
multitude de projets dont la plupart eurent presque simultanément
leur exécution; et dans ce travail immense, il ne fut gêné ni par la
lenteur des moyens pécuniaires, ni par la demande d'un devis et de
soumissions au rabais, ni par aucune des circonstances qui dérangent
souvent les projets les plus heureusement conçus.

[Note 376: Les barrières de Paris sont effectivement au nombre
d'environ soixante; mais il n'y en avoit que vingt-quatre principales,
conduisant aux principales grandes routes, où l'on payât et acquittât
les droits de toutes les denrées qui entroient dans la ville, pour la
consommation de ses habitants. Ces barrières étoient celles de
Saint-Victor, Saint-Marcel, l'Oursine, Saint-Jacques, Saint-Michel,
des Carmes, Saint-Germain, la Conférence, Chaillot, du Roule, la
Ville-Lévêque, Montmartre, Sainte-Anne, Saint-Denis, Saint-Martin, la
Croix-Faubin, Picpus, Rambouillet. Les autres étoient des traverses et
des communications. Cependant les monuments élevés par Le Doux sont au
nombre de quarante-trois.

Il y avoit aussi deux entrées par eau, l'une à la Rapée, l'autre
vis-à-vis les Invalides.]

Le Doux construisit, d'abord, cette grande muraille qui renferme la
ville dans une enceinte d'environ douze mille toises; ensuite il
éleva, à la rencontre de toutes les grandes routes qui y aboutissent,
des édifices de grandeur et de caractères différents; il construisit
encore, aux angles que forme le mur d'enceinte, des pavillons
d'observation, et dans les intervalles, le long du mur en dehors, des
guérites en pierre et en brique, pour y placer des sentinelles; enfin
cette immense clôture fut entourée d'un large boulevard, orné de trois
allées plantées d'arbres, et formant ce qu'on appelle un _chemin de
ronde_. Les réclamations nombreuses qui, pendant le cours de ces
travaux, s'élevèrent contre l'énormité de la dépense, un arrêt même du
conseil d'état, qui ordonnoit l'examen des plans et des dépenses
faites et à faire, n'apportèrent que peu de changement aux ouvrages
commencés; et à l'exception de deux ou trois barrières qui n'ont point
été achevées, et dont les pierres taillées sont encore éparses sur le
terrain, l'architecte termina ses constructions dans l'état où on les
voit aujourd'hui.

Elles ont essuyé bien des critiques: quelques personnes ont pensé qu'à
la place de ce haut mur d'enceinte, qui masque le point de vue et
semble, en quelque sorte, arrêter la libre circulation de l'air, on
eût mieux fait de pratiquer un fossé qui n'eût pas eu ce double
inconvénient et auroit peu coûté. D'autres ont trouvé peu convenable
que l'artiste eût donné des caractères si différents et même si
opposés à des bâtiments qui ont tous la même destination. On pourroit
ajouter encore qu'il a sacrifié la distribution et les commodités de
l'intérieur à l'effet pittoresque du dehors; mais, quoi qu'il en soit
de ces observations plus ou moins fondées, on ne peut nier qu'il
convenoit, pour l'embellissement d'une ville telle que Paris, que des
édifices, élevés à chacune de ses entrées, fussent d'un grand
caractère; et qu'on ne pouvoit éviter la monotonie dans un si grand
nombre de monuments, presque tous construits dans les mêmes
proportions, qu'en s'efforçant d'en varier beaucoup les formes et
l'ordonnance. Il en résulte que Le Doux mérite des éloges pour la
fécondité extraordinaire qu'il a montrée dans ses diverses
compositions, pour les idées neuves et heureuses qui s'y font
remarquer; et qu'il ne lui a manqué que de savoir réprimer ces écarts
d'imagination, qui lui ont fait prendre quelquefois la bizarrerie
pour l'originalité.

Parmi ces édifices, dont il seroit inutile et même fastidieux de
répéter ici la nomenclature en donnant de chacun une description
particulière, il en est plusieurs qui se font distinguer par un accord
heureux de parties, par une pureté de style qui les mettent au nombre
des monuments les plus élégants de Paris. Nous citerons entre autres,
1º la barrière du Trône, composée de deux corps de bâtiments offrant
une dimension de sept toises de largeur sur chaque face, et de
cinquante pieds d'élévation. Dans l'intervalle de ces deux édifices,
placés de front à cinquante toises de distance l'un de l'autre,
s'élèvent deux colonnes d'ordre dorique, de soixante-quatre pieds, sur
un soubassement qui leur sert de piédestal: cette composition est sage
et d'un aspect imposant. 2º La barrière de Fontainebleau, qui se
compose également de deux corps de bâtiments pareils, placés en regard
de chaque côté de la route: les cinq arcades de ce pavillon forment un
porche couvert pour le corps-de-garde pratiqué dans son intérieur, et
présentent ainsi une façade d'un effet simple, gracieux et piquant. 3º
La barrière Saint-Martin, que nous considérons comme la plus belle de
toutes: on peut même dire que, par son caractère et par l'importance
de son architecture, elle annonce une autre destination que celle
d'une simple barrière; on croiroit plutôt que l'artiste a voulu
construire un édifice destiné à servir de douane, et propre, par sa
position entre deux routes (celles de Pantin et de la Villette), à
faire également le service de l'une et de l'autre. Il se compose d'un
plan carré, dont les quatre faces présentent chacune un péristyle de
huit pilastres isolés. L'étage circulaire, placé au dessus du
soubassement[377], offre une galerie percée de vingt arcades, d'où
l'on peut facilement observer les opérations d'emballage et de
transport. Des logements sont pratiqués dans l'espèce d'attique qui
règne au dessus de cette galerie. Une cour circulaire occupe le milieu
du bâtiment. Les sculptures qui devoient orner ce monument n'ont point
été exécutées.

[Note 377: Ce soubassement a quinze toises de largeur sur chaque face:
la rotonde a douze toises de diamètre.]

«Cette architecture, pleine de force et de grâce, dit M. Le Grand,
n'est ni égyptienne, ni grecque, ni romaine; c'est de l'architecture
françoise: elle est neuve, et l'artiste n'en a puisé le goût et les
formes que dans son imagination.[378]»

[Note 378: Les trois planches que nous joignons ici, offrent des vues
exactes des quarante-trois monuments composés et exécutés par _Le
Doux_; mais l'espace dans lequel le graveur étoit renfermé ne lui
ayant pas permis de développer ceux qui se composent d'un double
pavillon, nous avons eu soin, pour les faire reconnoître, de les
marquer d'un *. (_Voyez_ p. 212, 213, 214.)]


RUES ET PLACES

DU QUARTIER SAINT-GERMAIN-DES-PRÉS.

_Rue Abbatiale ou de l'Abbaye._ Elle aboutit d'un côté à la cour
abbatiale, dont elle tiroit son nom, et de l'autre à la boucherie du
Petit-Marché. Le cardinal de Furstenberg, abbé de Saint-Germain-des-Prés,
aliéna, en 1699, plusieurs places de l'enclos abbatial, à la charge par
les acquéreurs d'y faire bâtir des maisons. Elle formèrent trois rues,
qu'on nomma _Abbatiale_, _Cardinale_ et _de Furstenberg_.

_Rue des Deux-Anges._ Elle forme une équerre qui aboutit dans les rues
Jacob et Saint-Benoît. On la connoissoit, dès le commencement du
dix-septième siècle, sous ce nom qu'elle devoit à deux statues d'anges
placées à ses deux extrémités.

_Rue d'Anjou._ Elle aboutit, d'une part à la rue Dauphine, de l'autre
à celle de Nevers. On l'ouvrit, en 1607, ainsi que les rues Dauphine
et Christine. Le nom qu'elle porte lui fut donné en l'honneur de
Jean-Baptiste Gaston de France, duc d'Anjou, fils de Henri IV.

_Rue des Petits-Augustins._ Elle traverse du quai Malaquais à la rue
du Colombier, et fut ouverte sur le _petit Pré-aux-Clercs_. Ce pré,
qui comprenoit deux arpents et demi, avoit été donné, en 1368, à
l'Université, à titre d'indemnité ou d'échange du terrain que les
religieux de Saint-Germain s'étoient vus obligés de prendre, pour
faire creuser des fossés autour de leur abbaye. Il étoit séparé du
grand pré par un canal de quatorze toises de large qui aboutissoit à
ces fossés; ce canal s'appeloit la _Petite-Seine_, et traversoit le
terrain qui servit depuis de cloître aux Petits-Augustins. C'est par
cette raison que le nom de _Petite-Seine_ fut d'abord donné à la rue
dont nous parlons, lorsqu'on commença à bâtir sur le petit pré, après
avoir comblé le canal. Elle le portoit encore en 1640, quoique les
Petits-Augustins, qui lui ont enfin donné le leur, y fussent déjà
établis depuis vingt-sept ans.

_Rue de Babylone._ Elle commence à la rue du Bac, et aboutit aux
nouveaux boulevards. Elle s'appeloit d'abord rue _de la Fresnaie_,
ensuite _petite rue de Grenelle_ ou _de la Maladrerie_, ce qui dura
jusqu'en 1669[379]. On la trouve indiquée pour la première fois, en
1673, sous celui qu'elle porte aujourd'hui. Elle le doit à Bernard de
Sainte-Thérèse, évêque de Babylone, lequel y possédoit plusieurs
maisons et jardins, sur l'emplacement desquels fut construit le
séminaire des Missions-Étrangères.

[Note 379: _Archiv. de Saint-Germain_, 2e inv., fº 92, vº.]

_Grande rue du Bac._ Elle aboutit, d'un côté, sur le quai des
Théatins, vis-à-vis le Pont-Royal, de l'autre, à la rue de Sèvre. Ce
nom lui vient d'un bac établi vis-à-vis, par lettres-patentes données
en 1550[380]. Il subsista jusqu'en 1632, qu'un particulier nommé
Barbier fit construire un pont de bois pour servir de communication du
faubourg Saint-Germain aux Tuileries. Sur quelques-uns de nos plans
cette rue est nommé _du Barc_.

[Note 380: _Reg. de la ville_, fº 147.]

_Rue de Beaune._ Elle aboutit au quai des Théatins et à la rue de
l'Université. Sauval lui donne le nom de rue _du Pont_,[381] lequel
est populaire, et ne se trouve que sur un plan de 1651. Auparavant et
après, elle a toujours été nommée rue de Beaune.

[Note 381: T. I, p. 115.]

_Rue de Belle-Chasse._ Elle aboutit au quai d'Orsai et à la rue
Saint-Dominique. Ce nom est dû à un terrain situé en face de cette
rue. Elle ne fut d'abord percée que pour communiquer du Pré-aux-Clercs
à la rue Saint-Dominique, appelée alors le _chemin aux Vaches_. On l'a
continuée depuis jusqu'au quai d'Orsai.

_Rue Saint-Benoît._ Elle commence au bout des rues Jacob et du
Colombier, et aboutit au carrefour Saint-Benoît et à la grande rue
Taranne. Cette rue n'étoit autrefois qu'un chemin qui longeoit le
fossé de l'abbaye; lorsque ce fossé eut été comblé, et qu'on eut élevé
des maisons sur le clos de ce monastère, on y conserva un petit fossé
pour l'écoulement des eaux, ce qui lui fit donner le nom _des Égouts_
et de _l'Égout_, qu'elle conserve encore dans la partie qui aboutit à
la rue du Four. Ce canal fut voûté et couvert en 1640. La rue fut
alors appelée des _Fossés-Saint-Germain_; mais lorsque, l'année
suivante, l'hôtel de Bourbon eut été aliéné, et qu'on eut ouvert une
porte de l'abbaye dans les nouveaux murs de clôture, le carrefour et
la rue reçurent les noms de Saint-Benoît, parce que l'abbaye étoit
sous la règle de ce saint.

_Rue de Blomet_, voyez _rue Plumet_.

_Rue de Bourbon._ Elle aboutit à la rue des SS. Pères et à celle de
Bourgogne. Cette rue fut percée, vers l'an 1640, sur le grand
Pré-aux-Clercs, et ainsi nommée en l'honneur de Henri de Bourbon,
alors abbé de Saint-Germain.

_Rue de Bourbon-le-Château._ Elle aboutit d'un côté à la rue de Buci,
de l'autre à l'entrée de la rue Abbatiale. Son nom lui vient du
cardinal de Bourbon, abbé de Saint-Germain, qui construisit en 1586 le
palais abbatial, que le cardinal de Furstenberg fit depuis réparer.
Sur un plan de 1652, elle est nommée _du Petit-Bourbon_.

_Rue de Bourgogne._ Elle aboutit à la rue de Varennes et à la
Grenouillère ou quai d'Orsai. Louis XIV ordonna, par arrêt de son
conseil du 23 août 1707, que cette rue seroit ouverte et nommée rue de
Bourgogne: elle fut alignée et commencée peu de temps après,
discontinuée ensuite, enfin reprise en exécution des arrêts du conseil
du 1er décembre 1713 et 15 mars 1717, et prolongée dans sa longueur
actuelle, en vertu de lettres-patentes du 18 février 1720.

_Rue des Brodeurs._ Elle va, d'un bout à la rue de Sèvre et de
l'autre à celle de Babylone. Il en est fait mention dans un bail à
cens, fait en 1642, et qui se trouvoit dans le cartulaire de
Saint-Germain[382]. En 1644 on la trouve sous le nom de rue du _Lude_,
et sous les deux noms, dans un plan de 1676. Dans le titre cité
ci-dessus, elle est appelée de _Brodeval derrière les Incurables_.
Est-ce une faute de copiste ou une appellation populaire? c'est ce
qu'on ne peut décider. Cette rue se bornoit d'abord à la rue Plumet;
mais, en vertu des lettres-patentes citées dans l'article précédent,
elle fut continuée jusqu'à la rue de Babylone[383].

[Note 382: Fº 139.]

[Note 383: Dans cette rue, est un cul-de-sac situé en face de la rue
_Plumet_, et qui porte le nom de cette dernière rue.]

_Rue Cardinale._ Elle donne d'un bout dans la rue de Furstenberg, et
de l'autre dans la cour abbatiale. Nous avons déjà fait observer
qu'elle devoit ce nom au cardinal de Furstenberg, qui aliéna, en 1699,
plusieurs places vagues, dépendantes de son abbaye, à la charge d'y
faire bâtir. Elle se nomme maintenant rue de Gunzbourg.

_Rue de La Chaise._ Elle traverse de la rue Grenelle dans celle de
Sèvre. On l'appeloit anciennement _Chemin_ ou _petite rue de la
Maladrerie_. Les copistes en ont défiguré le nom en écrivant _la
Chèze_, _la Chaire_, _la Chaîne_; quelques plans l'indiquent sous le
nom de rue des _Teigneux_, à cause de l'hôpital qui y étoit situé.

_Rue Childebert._ Elle a été percée dans l'ancien enclos de l'abbaye
Saint-Germain. Les embellissements faits au palais abbatial, et les
rues ouvertes par le cardinal de Furstenberg, ayant fait naître aux
religieux le projet de tirer parti d'un terrain inutile qui rendoit
leur cour irrégulière, ils firent élever, du côté de la rue
Sainte-Marguerite, plusieurs bâtiments contigus et uniformes, qu'ils
firent continuer en retour parallèlement à la rue Saint-Benoît,
jusqu'à cette entrée de leur monastère, laquelle donnoit alors sur
cette rue; ce qui forma trois rues nouvelles, dont la principale fut
appelée Childebert, du nom du fondateur de l'abbaye. La première
pierre de ces édifices fut posée par le cardinal de Bissi, abbé de
Saint-Germain, le 11 avril 1715[384].

[Note 384: Depuis les changements faits dans tout ce terrain, la rue
Childebert communique d'un bout à la rue Sainte-Marthe, de l'autre à
la petite rue Sainte-Marguerite.]

_Rue des Ciseaux._ Elle traverse de la rue Sainte-Marguerite à la rue
du Four. Ce nom vient d'un hôtel appelé _des Ciseaux_, dont il est
fait mention dans les titres de Saint-Germain en 1453, et dans
plusieurs actes postérieurs. Le procès-verbal de 1636 la nomme rue des
_Fossés-Saint-Germain_.

_Rue du Colombier._ Elle commence à la rue de Seine, et finit au coin
de celle des Petits-Augustins. Ce n'étoit anciennement qu'un chemin
entre l'abbaye Saint-Germain et le Pré-aux-Clercs. Jaillot dit avoir
vu quelques titres qui indiquoient une maison dite _le Colombier,
près les murs de l'abbaye_[385]; et Sauval prétend que[386], suivant
un registre du trésor des chartes, à l'année 1317 et suivantes, il est
fait mention d'une maison et dépendances sises à Saint-Germain, au
lieu nommé le _Colombier_; d'où l'on peut inférer que c'est de là que
cette rue a tiré son nom. En 1585, on l'appeloit rue _du
Pré-aux-Clercs_. Cette rue, ou plutôt ce chemin, étoit auparavant plus
reculé du côté de la rivière, parce que Charles V ordonna de creuser
des fossés autour de l'abbaye; mais comme par la suite ils furent
jugés inutiles, les religieux les firent combler, excepté dans une
longueur de cent toises, qu'ils réservèrent pour faire un vivier.
C'est sur l'espace qu'avoit occupé ce vivier, et qui depuis fut aussi
rempli, qu'en 1585 le bailli de Saint-Germain fit faire l'alignement
d'un nouveau chemin. Il y eut d'abord à ses deux extrémités des portes
qui se fermoient la nuit; et, le jour, les gens de pied pouvoient
seuls y passer. On trouve depuis que les religieux permirent à des
particuliers d'y bâtir; et peut-être furent-ils troublés dans la
jouissance de ce terrain par les écoliers de l'Université; car, en
1641, le parlement rendit un arrêt pour que les bâtiments commencés
fussent continués[387]. Ce sont les maisons que nous voyons dans cette
rue et dans celle des Marais.

[Note 385: _Quartier Saint-Germain-des-Prés_, p. 36.]

[Note 386: T. I, p. 127.]

[Note 387: 2e invent., fº 48.]

_Rue Saint-Dominique._ Elle commence au haut de la rue Taranne, et
finissoit jadis à la barrière des Invalides; mais depuis elle fut
prolongée jusqu'à l'extrémité du Gros-Caillou. Avant que les religieux
de Saint-Dominique vinssent s'y établir, on l'appeloit _Chemin des
Vaches_, parce qu'on les conduisoit par-là, au Pré-aux-Clercs et à la
plaine de Grenelle. Dans un titre de 1542 elle porte ce nom et celui
de _la justice_, parce qu'alors celle de Saint-Germain étoit située à
son extrémité. Les Dominicains obtinrent, en 1643, du bailli de
Saint-Germain, la permission de mettre, aux deux bouts de ce chemin,
un marbre avec cette inscription, _rue Saint-Dominique, jadis des
Vaches_.

_Rue du Dragon_, voyez _rue du Sépulcre_.

_Cour du Dragon._ Elle est située à l'extrémité de la rue de l'Égout,
presqu'en face de la rue Sainte-Marguerite, et donne de l'autre bout
dans celle du Sépulcre. Au milieu du dix-septième siècle, il y avoit
en cet endroit une Académie royale. Madame Crozat en ayant fait
l'acquisition, y fit construire plusieurs maisons et ouvrir un passage
de communication. On l'appela _cour du Dragon_, sans doute par
allusion à celui que l'on voit sous les pieds de Sainte-Marguerite, et
qu'on a sculpté au-dessus de la principale porte de cette cour; on la
fermoit encore des deux côtés à la fin du siècle dernier.

_Rue de Durnstein_, voyez _rue de l'Échaudé_.

_Rue de l'Échaudé._ Nous avons déjà eu occasion de remarquer qu'on
appelle ainsi une île de maisons en forme triangulaire, qui donne sur
trois rues; aussi celle-ci aboutit-elle aux rues de Bourbon-le-Château,
du Colombier et de Seine. En 1541, elle n'étoit désignée que sous le nom
de «ruelle qui va du guichet de l'abbaye à la rue de Seine,» et en 1549,
«ruelle qui descend de l'abbaye à la rue de Seine[388].» Malgré cette
désignation, il faut observer qu'elle ne passoit pas alors la rue du
Colombier, et que la partie qui se prolonge au-delà n'a été continuée
qu'en 1586. Ce fut sur une place triangulaire, de cinq toises de long
sur trois toises un pied de large, donnée à cens, dans cette même année,
par le cardinal de Bourbon à un particulier nommé Geoffroy Lambert[389],
qu'on permit, en 1608 seulement, d'élever les maisons dont elle est
formée. On ignore quand cette rue a commencé à porter le nom de
l'Échaudé; mais elle est ainsi désignée sur le procès-verbal de 1636. La
plupart des plans ne la distinguent pas du cul-de-sac du _Guichet_, dont
elle fait la continuation. Ce cul-de-sac tiroit son nom du guichet de
l'abbaye, qui étoit situé à son extrémité. La rue et le cul-de-sac
portent aujourd'hui le nom de _Durnstein_.

[Note 388: _Arch. de Saint-Germain._]

[Note 389: _Id._, 2e invent, fº 82.]

_Rue de l'Égout._ Elle aboutit au carrefour Saint-Benoît et à la rue
du Four. Ce nom est dû à un égout, lequel y passe encore. Elle fut
anciennement nommée rue _Forestier_, ensuite _de la Courtille_, parce
qu'elle conduisoit à la Courtille ou clos de l'abbaye Saint-Germain.
Au quinzième siècle, on l'appeloit rue de _Tarennes_, et ce nom lui
venait de ce qu'elle régnoit le long d'une grande maison dite l'hôtel
de _Tarennes_: on lui donnoit encore cette dénomination en 1523[390].
On l'appeloit rue de l'Égout, dès le commencement du dix-septième
siècle.

[Note 390: _Arch. de Saint-Germain._]

_Rue d'Erfurt_, voyez _Petite rue Sainte-Marguerite_.

_Rue de Fréjus_, voyez _rue de Monsieur_.

_Rue de Furstenberg._ On avoit donné ce nom au passage qui conduit de
la rue du Colombier au palais abbatial. Nous avons déjà dit que cette
rue fut ouverte en 1699. On la nomme maintenant rue de _Wertingen_.

_Rue de Grenelle._ Elle commence à la Croix-Rouge, et finit à
l'extrémité du Gros-Caillou. À l'endroit où étoit situé le château de
Grenelle, et sur l'emplacement qu'occupe l'hôtel de l'École militaire,
étoit anciennement une garenne appartenant à l'abbaye Saint-Germain.
Les titres latins la nomment _Garanella_; les traducteurs ont corrompu
ce nom en écrivant _Guernelles_, _Guarnelles_, _Guarnelle et
Grenelle_. Lorsqu'on eut relevé et redressé ce chemin, on l'appela
simplement le _chemin Neuf_, le _chemin de Garnelle_, enfin rue _de
Grenelle_.

_Rue de Guénégaud._ Elle aboutit au quai de Conti et à la rue
Mazarine. Le duc de Nevers ayant fait bâtir un hôtel sur une partie du
terrain qu'avoit occupé celui de Nesle, la princesse Marie de Gonzague
de Clèves, sa veuve, obtint, en 1641, des lettres-patentes portant
permission de vendre le terrain et les matériaux de cet hôtel à des
particuliers, pour y bâtir des maisons et pour y percer des rues.
Henri de Guénégaud, ministre et secrétaire d'état, fut un des
acquéreurs: il fit construire l'hôtel qui portoit son nom, et qui le
donna ensuite à la rue, pratiquée le long de son jardin. Au bout de
cette rue est un égout: c'est en cet endroit que passoit autrefois le
mur de l'enceinte de Philippe-Auguste.

_Rue Saint-Guillaume._ Elle commence à la rue des Saints-Pères, et,
retournant en équerre, aboutit à la rue Saint-Dominique, vis-à-vis
celle des Rosiers. Cette situation lui a quelquefois fait donner, dans
cette partie, le nom de _rue Neuve des Rosiers_: c'est ainsi qu'elle
est indiquée dans le procès-verbal de 1636. Ce n'étoit autrefois qu'un
petit chemin qui tournoit autour d'une butte, sur laquelle il y avoit
en 1368 un moulin qui fut reconstruit en 1509: c'est pourquoi, sur un
plan manuscrit, elle est nommée rue _de la Butte_.

_Rue de Gunzbourg_, voyez _rue Cardinale_.

_Rue Hillerin-Bertin._ Elle traverse de la rue de Grenelle dans celle
de Varennes. On n'a pas moins varié sur le nom de cette rue que sur la
manière de l'écrire. Elle est successivement indiquée dans les plans,
rue _Villeran_, _des Bohêmes_, _Guilleri-Bertin_, _Hillorai_,
_Hillorain-Bertin_, _Valeran Hillorain_, _de Saint-Sauveur_,
_Villerin_. Son véritable nom est celui qu'elle porte; elle le devoit
au sieur d'Hillerin, qui possédoit en cet endroit plusieurs pièces de
terre, dont il vendit une partie au roi pour l'emplacement des
Invalides.

_Rue Jacob._ Elle commence au bout de la rue du Colombier, au coin de
celle des Petits-Augustins, et finit à celle des Saints-Pères.
Plusieurs plans ne la distinguent point de la rue du Colombier, dont
elle fait la continuation. Cette rue doit le nom qu'elle porte à
l'hôtel de Jacob, que la reine Marguerite avoit fait voeu de faire
bâtir. Le terrain sur lequel on l'ouvrit, s'appeloit anciennement
_l'Oseraie_; il contenoit, en 1344, trois arpents, et étoit contigu à
celui que l'on nommoit _la Saumonerie_, lequel s'étendoit le long de
_la petite Seine_.

_Rue des Marais._ Elle traverse de la rue de Seine dans celles des
Petits-Augustins. L'espace qu'elle occupe, faisoit partie du _petit
Pré-aux-Clercs_, que l'Université aliéna en 1540. Comme ce terrain
étoit couvert de marais, c'est-à-dire de jardins fruitiers et
potagers, on en donna le nom à la rue qu'on y ouvrit.

_Rue Sainte-Marguerite._ Elle commence au carrefour des rues de Buci,
des Boucheries et du Four, et finit à la rue de l'Égout. On la bâtit
sur l'ancien fossé que l'abbé Richard avoit fait faire, en 1368,
autour de l'abbaye, et qui fut comblé en 1636, en vertu d'une
transaction passée entre les religieux et Henri de Bourbon, leur abbé.
Ce concordat est du premier juillet 1635, et fut homologué au
parlement, le 26 février de l'année suivante.

Avant l'existence du fossé remplacé par cette rue, il y avoit, sur ce
même emplacement, une ancienne rue, dont Sauval a fait mention, et qui
se nommoit rue _Madame la Valence_[391]. On la désignoit ainsi en
1412, et elle conservoit encore ce nom en 1368, lorsqu'on la
détruisit. Piganiol, qui n'a point compris ici le texte de Sauval,
l'accuse mal à propos d'erreur et de contradiction[392].

[Note 391: T. 1, p. 149, et t. 3, p. 126.]

[Note 392: T. 8, p. 86. JAILLOT, _quartier Saint-Germain_, p. 57.]

_Petite rue Sainte-Marguerite._ On a donné ce nom à l'espace qui
conduit de la porte de l'abbaye Saint-Germain, rue Sainte-Marguerite,
à celle de l'église. Elle fut bâtie en 1715, partie sur le jardin de
l'abbé, partie sur le terrain qu'il avoit cédé aux religieux. On la
nomme aujourd'hui rue d'_Erfurt_.

_Rue Sainte-Marie._ Cette rue traverse de la rue de Bourbon dans celle
de Verneuil. Elle doit, sans doute, son nom à la chapelle de la Vierge
qu'on voyoit en cet endroit, au siècle dernier, et sur l'emplacement
de laquelle elle fut ouverte, avant 1674.

_Rue Sainte-Marthe._ C'est une de celle qu'on ouvrit en 1715,
lorsqu'on fit à l'abbaye Saint-Germain-des-Prés les changements dont
nous avons parlé. Celle-ci commence à la porte située dans la rue
Saint-Benoît, et retournant en équerre, finit à la rue Childebert. Le
nom qu'elle porte lui fut donné par reconnoissance, en l'honneur de D.
Denis de _Sainte-Marthe_, alors général de la congrégation de
Saint-Maur.

_Rue Mazarine._ Elle aboutit d'un côté au carrefour des rues Dauphine,
Saint-André, des Fossés-Saint-Germain et de Buci; de l'autre, à la rue
de Seine. Elle prit le nom qu'elle porte du collége Mazarin, lequel
en occupe une partie: auparavant, on l'appeloit rue _du Fossé_ ou _des
Fossés_; c'est ainsi qu'elle est désignée, sur presque tous les plans
du dix-septième siècle; cependant elle n'a pas été bâtie sur le fossé
même de l'enceinte de Philippe-Auguste, mais sur le chemin qui le
bordoit, et qu'on appeloit anciennement rue _des Buttes_. Ce nom lui
venoit de plusieurs élévations, formées en cet endroit par les débris
de deux tuileries voisines. On les aplanit ensuite, et l'on en fit un
lieu d'exercice pour ceux qui apprenoient à tirer de l'arc. Le retour
d'équerre que forme cette rue pour aboutir à la rue de Seine, est
indiqué sous le nom de _Traversine_ dans un terrier de 1540; et dans
le procès-verbal de 1636, il est nommé rue _de Nesle_ et petite rue
_de Nesle_, parce qu'il conduisoit directement à la porte et à l'hôtel
de ce nom.

_Rue de Monsieur._ Cette rue, ouverte depuis 1780, donne, d'un bout,
rue de Babylone, de l'autre, rue Plumet. On la nomme aujourd'hui rue
de _Fréjus_.

_Rue de Nevers._ Elle commence au quai de Conti, et aboutit à la rue
d'Anjou. Ce n'étoit au treizième siècle qu'une ruelle qui servoit de
passage aux eaux et aux immondices de la maison des frères Sachets, et
du jardin du collége Saint-Denis. Dans un acte de 1571,[393] elle est
simplement indiquée «ruelle par laquelle on entre et sort du quai et
jardin de l'hôtel St.-Denis.» On la fermoit à ses deux extrémités,
circonstance qui l'avoit fait nommer rue _des Deux Portes_. Dans le
procès-verbal de 1636, on lui a donné le nom de _Nevers_, parce
qu'elle régnoit le long des murs de l'hôtel qui portoit ce nom.

[Note 393: _Arch. de Saint-Germain._]

_Rue d'Olivet._ Elle aboutit à la rue de Traverse et à celle des
Brodeurs. Plusieurs plans l'indiquent _petite rue de Traverse_. Le
territoire dit _d'Olivet_, sur lequel elle est située, lui en a fait
donner le nom.

_Rue Saint-Père_, vulgairement dite _des Saints-Pères_. Elle commence
au quai Malaquais et finit à la rue de Grenelle. Son véritable nom est
rue _Saint-Pierre_, qu'elle avoit pris, parce que la chapelle
Saint-Pierre y étoit située: le peuple altéra ce nom en l'appelant
_Saint-Père_, et par une seconde altération, des _Saints-Pères_. On
voit, par les titres de Saint-Germain, qu'elle portoit, ainsi que la
rue Saint-Dominique, et par la même raison, le nom de _Chemin_ et de
rue _aux Vaches_. Dans plusieurs titres de la même abbaye, elle est
nommée, avant le milieu du seizième siècle, rue de la _Maladrerie_, de
_l'Hôpital de la Charité_, _de l'Hôtel-Dieu appelé la Charité_, alias
la _Satinat_. Ce nom ne venoit pas de l'hôpital de la Charité que nous
y voyons aujourd'hui, parce qu'il n'y étoit pas encore établi, qu'il
n'étoit pas même institué; mais d'un hôtel-Dieu qu'on avoit commencé à
construire sur le bord de la rivière, presque vis-à-vis cette rue. Il
est marqué sur le plan de Saint-Victor, publié par d'Heuland. Le
procès-verbal de 1636 désigne cette rue, sous la dénomination vague de
«rue des Jacobins réformés, allant de la Charité au Pré-au-Clercs;»
mais on la voit sous le nom de _Saint-Père_ dès 1643, sur le plan de
Boisseau. En 1652, le plan de Gomboust lui donne déjà celui _des
Saints-Pères_.

_Rue de la Planche._ Elle donne d'un bout dans la rue du Bac, de
l'autre dans celle de la Chaise; sur les plans du dix-septième siècle,
elle n'est point distinguée de la rue de Varennes dont elle fait la
continuation. Son nom actuel lui vient du sieur Raphaël de La Planche,
trésorier général des bâtiments de Henri IV, à qui ce prince avoit
donné des lettres de privilége pour l'établissement d'une manufacture
de tapisseries de haute-lice. Comme cette manufacture étoit située, en
1640, dans la rue de la Chaise, au coin de celle de Varennes, on donna
le nom de la _Planche_ à la partie de cette dernière rue qu'occupoient
ses ateliers: elle l'a toujours conservé depuis.

_Rue Plumet._ Elle commence à la rue des Brodeurs et aboutit aux
nouveaux boulevarts. Sur les plans de la Caille et autres, elle est
déjà nommée _Plumet_; et ce nom, répété dans des actes authentiques,
est écrit encore aujourd'hui à ses deux extrémités; mais Jaillot
prétend que le véritable nom est _Blomet_, et qu'elle est indiquée
ainsi dans tous les titres de l'abbaye.

_Rue de Poitiers._ Elle aboutit au quai d'Orsai ou à la Grenouillère,
et à la rue de l'Université. Elle ne fut ouverte qu'à la fin du
dix-septième siècle; et on la trouve sous le nom de _Potier_ dans tous
les plans de ce temps-là.

_Rue des Rosiers._ Elle traverse de la rue Saint-Dominique à celle de
Grenelle. Il paroît qu'elle fut ouverte au commencement du
dix-septième siècle. On la nommoit alors rue _Neuve des Rosiers_. Il
est probable qu'elle fut percée sur un terrain où les roses étoient
abondantes, ce qui lui en aura fait donner le nom. Elle a pris le nom
de la _rue St.-Guillaume_, dont elle est la continuation.

_Rue Rousselet._ Elle donne, d'un bout dans la rue Blomet ou Plumet,
de l'autre, dans celle de Sèvre. Ce n'étoit en 1672 qu'un simple
chemin de traverse qu'on nommoit alors rue des _Vachers_ ou des
_Vaches_. Elle porte encore ce dernier nom, en 1714, sur divers plans.
Cette rue doit sa dénomination actuelle à un particulier nommé
_Rousselet_, qui y fit bâtir des maisons.

_Rue du Sabot._ Elle aboutit à la rue du Four, et à la petite rue
Taranne. Dès le quinzième siècle, il y avoit dans le carré qu'elle
forme avec la rue de l'Égout un clos appelé le clos _Copieuse_ et
depuis _l'Hermitage_. Ce nom de _Copieuse_ venoit des propriétaires de
ce clos, ainsi nommés, et plusieurs fois mentionnés dans les titres de
Saint-Germain. Ils l'avoient fait donner également au chemin qui
régnoit le long de leur domaine. Dans le terrier de l'abbaye de 1523
on lit: «Maison rue du Four, faisant le coin de la rue _Copieuse_, où
pend le sabot.» C'est de cette enseigne que lui vient le nom qu'elle
porte aujourd'hui.

_Rue de Seine._ Elle va de la rue de Buci au quai Malaquais. Ce
n'étoit autrefois qu'un chemin qui descendoit du bourg Saint-Germain à
la rivière, dont cette rue a pris le nom. Après la clôture de
Philippe-Auguste, on la nomma comme auparavant: «Chemin du
Pré-aux-Clercs, chemin tendant de la porte de Buci au Pré-aux-Clercs,
chemin de la porte de Buci à la Seine, rue qui tend du pilori au
«Pré-aux-Clercs; enfin rue de Seine.» Elle fut percée en 1545, d'après
deux arrêts rendus à ce sujet, à la réquisition du cardinal de
Bourbon, alors abbé de Saint-Germain-des-Prés.

_Rue du Sépulcre._ Elle aboutit à la rue de Taranne et à celle de
Grenelle. Ce nom lui vient d'une maison appelée _le Petit Sépulcre_,
située à côté de l'hôtel Taranne, une ruelle entre deux. Elle étoit
ainsi nommée, parce qu'elle avoit été donnée aux chanoines du
Saint-Sépulcre, dès le commencement du quinzième siècle. On la nomme
aujourd'hui _rue du Dragon_.

_Rue de Taranne._ Elle commence au carrefour Saint-Benoît et finit à
la rue des Saints-Pères. Sauval[394] et Piganiol se sont probablement
trompés, en la désignant, en 1531, sous le nom de rue _aux Vaches_,
parce qu'elle faisoit la continuation de celle de Saint-Dominique.
Jaillot trouve que, dès le quatorzième siècle, on la nommoit rue de la
_Courtille_, parce que ce chemin régnoit le long de la courtille ou
clos de l'abbaye Saint-Germain. On la trouve aussi sous le nom de
_Forestier_. Au siècle suivant elle fut appelée _de Tarennes_, parce
que Jean et Christophe de Tarennes y avoient plusieurs maisons et
jardins, sur partie desquels fut construite la cour du Dragon dont
nous avons déjà parlé.

[Note 394: SAUV., t. I, p. 163; PIGAN., t. 8, p. 293.]

_Petite rue Taranne._ Cette rue, qui aboutit à la rue de l'Égout et à
celle du Sépulcre, doit aussi cette dénomination à l'hôtel de
Tarennes; et c'est la ruelle, d'abord indiquée _sans nom_ qui séparoit
cet hôtel de celui du Sépulcre.

_Rue de Traverse._ Elle est ainsi nommée, parce qu'elle traverse de la
rue Plumet dans celle de Sèvre. Sur le second plan de Bullet elle est
appelée _de Traverse_ ou _de la Plume_.

_Rue de Varennes_ ou _de Varanne_. Elle commence rue du Bac, au bout
de la rue de la Planche, et finit au nouveau cours, en face des
Invalides. Sur un plan manuscrit de 1651, on lit rue de _la Varenne_
ou _du Plessis_: c'est le nom d'un particulier.

_Rue de Verneuil._ Elle donne d'un bout dans la rue des Saints-Pères,
de l'autre dans celle de Poitiers. Elle doit ce nom à Henri de
Bourbon, duc de Verneuil, abbé de Saint-Germain, et fut percée sur le
grand Pré-au-Clercs vers 1640.

_Rue de l'Université._ Elle aboutit à la rue des Saints-Pères et à
l'extrémité du Gros-Caillou. Plusieurs plans lui donnent le nom de
_Sorbonne_, que porte la rue Saint-Dominique dans quelques titres.
Jaillot pense que cette double dénomination vient peut-être de ce que
le peuple, confondant assez ordinairement l'Université avec la
Sorbonne, a pu l'appeler indifféremment des deux manières, parce
qu'effectivement elle fut bâtie sur le Pré-aux-Clercs que l'Université
aliéna en 1639. Anciennement et même encore en 1529 ce n'étoit qu'un
chemin nommé le chemin _des Treilles_, parce qu'il conduisoit à l'île
des Treilles, dite depuis l'île _Maquerelle_ ou _aux Cygnes_.

_Rue de Wertingen_, voyez _rue de Furstenberg_.


QUAIS.

_Quai de Conti._ Il commence au bout du pont Neuf, et finit au
pavillon du collége Mazarin, près de la rue de Seine. Au dix-septième
siècle on l'appeloit quai _Guénégaud_, à cause de l'hôtel que M. de
Guénégaud, secrétaire d'état y avoit fait construire: auparavant on le
nommoit quai _de Nesle_, parce que l'hôtel de Nesle y étoit situé.

_Quai Malaquais._ Il fait la continuation du quai de Conti depuis la
rue de Seine jusqu'à celle des Saints-Pères. Tous les titres de
l'abbaye portent que l'espace qu'il occupe se nommoit le _port
Malaquest_; et l'on trouve que l'endroit où étoit établi le bac,
remplacé depuis quelques années par le pont des Arts, s'appeloit en
1530 _le Heurt du port aux Passeurs_. Jaillot dit avoir vu qu'en 1641
il étoit désigné sous le nom de quai de _la Reine Marguerite_.

_Quai des Théatins._ Ce quai doit son nom aux religieux qui s'y sont
établis; et, commençant à la rue des Saints-Pères, vient finir à la
rue du Bac. Nous avons souvent parlé du grand Pré-aux-Clercs sur
lequel il a été construit. (Il se nomme maintenant quai _de
Voltaire_.)

_Quai d'Orsai._ Avant l'établissement des Théatins, tout l'espace qui
s'étend jusqu'à la rue du Bac faisoit la continuation du quai
Malaquais et en portoit le nom. Les bâtiments qui s'élevèrent
successivement le long de la rivière et au delà du pont Royal,
commencèrent à former un autre quai, qui devoit se prolonger jusqu'à
l'avenue des Invalides. Cet espace auquel sa situation marécageuse
avoit fait donner le nom de _la Grenouillère_, qu'il portoit encore à
la fin du siècle dernier, offroit un point de vue très désagréable au
jardin des Tuileries situé vis-à-vis. M. Boucher d'Orsai, prévôt des
marchands, fut autorisé, par arrêt du conseil du 18 octobre 1704, «à
faire continuer le quai de la Grenouillère, de ligne droite de dix
toises de largeur, dans toute son étendue depuis le pont Royal et
l'encoignure de la rue du Bac jusqu'à la rencontre du boulevart, etc.»
Des obstacles suspendirent l'exécution de ce projet qu'un second arrêt
fit revivre en 1707. On y fixoit la largeur du trottoir à huit pieds,
et la longueur du quai à quatre cents toises ou environ; et le roi y
déclaroit que le quai seroit nommé quai _d'Orsai_. En conséquence, M.
d'Orsai, accompagné du corps de ville, en posa la première pierre le 3
juillet 1708. Toutefois, malgré ces deux arrêts, l'ouvrage demeura
imparfait jusqu'au commencement de la révolution[395].

[Note 395: On l'achève en ce moment, et le projet paroît être de
prolonger ce quai, jusque vis-à-vis l'École militaire.]


RUES DU GROS-CAILLOU.

Le Gros-Caillou est coupé dans sa longueur par les rues
Saint-Dominique, de l'Université et de Grenelle; et dans sa largeur
par quatre autres rues:

_Rue de la Boucherie._ Elle est ainsi nommée, parce qu'elle conduit à
la boucherie des Invalides[396].

[Note 396: Entre cette rue et l'esplanade des Invalides, est une rue
nouvelle appelée rue _de Nicolet_, qui donne sur le bord de l'eau.]

_Rue Neuve-de-l'Église._ Elle a été percée vis-à-vis de l'église à
laquelle elle conduit.

_Rue Saint-Jean_ ou _des Cygnes_. Elle avoit été ouverte devant le
pont qui servoit de communication avec l'île des Cygnes[397].

[Note 397: Entre cette rue et celle de la Boucherie est un cul-de-sac
nommé _de_ l'_Étoile_. En face de la même rue on en a ouvert une autre
qui se nomme rue _de la Pompe_, et qui aboutit également à la
rivière.]

_Rue de la Vierge._ Elle est voisine de la chapelle qui porte ce
nom[398].

[Note 398: Une nouvelle rue, percée à peu de distance de celle-ci, se
nomme rue _du Vert-Buisson_. Il y a encore dans ce quartier deux rues
nommées grande et petite rue _Chevert_, et plusieurs autres rues
jusqu'à présent sans nom.]

_Rue de la Comète._ C'est une rue nouvelle ouverte depuis 1780,
laquelle donne d'un bout rue Saint-Dominique, de l'autre rue de
Grenelle, près de la boucherie.


AVENUES DES INVALIDES ET DE L'ÉCOLE MILITAIRE.

_Avenue de la Bourdonnaie._ Elle commence à celle de la Motte-Piquet,
à l'angle de l'École Militaire, longe la partie orientale du
Champ-de-Mars, et vient finir sur le quai.

---- _De Breteuil._ Commençant au point central de l'église des
Invalides, elle vient aboutir à la rue de Sèvres.

---- _De Lowendal._ Elle prend naissance à l'avenue de Tourville,
longe la partie méridionale de l'École Militaire, et se termine à la
barrière qui porte le nom de ce monument.

---- _De la Motte-Piquet._ Elle commence à l'esplanade des Invalides,
est interrompue par le Champ-de-Mars, et va finir de l'autre côté à
des jardins potagers.

---- _De Saxe._ Elle commence au centre méridional de l'École
Militaire, traverse la place de Breteuil, et finit à la rue de Sèvres.

---- _De Ségur._ De même que l'avenue de Breteuil, elle prend
naissance au point central de l'église des Invalides, et suivant une
direction divergente, vient aboutir à l'avenue de Saxe.

---- _De Suffren._ Elle commence à l'avenue de Lowendal, longe la
partie occidentale de l'École Militaire, et vient finir sur le quai.

---- _De Tourville._ Commençant au boulevart des Invalides, elle longe
la partie méridionale de l'hôtel, et vient aboutir à l'angle de
l'École Militaire.

---- _De Villars._ Elle commence, comme les avenues de Breteuil et de
Ségur, au point central de l'église des Invalides, et va aboutir, en
divergeant, au boulevart qui porte le même nom.



MONUMENTS NOUVEAUX

ET RÉPARATIONS FAITES AUX ANCIENS MONUMENTS, DEPUIS 1789.


ÉGLISE SAINT-GERMAIN-DES-PRÉS.

Ce monument, qui tient une place si importante parmi les antiquités de
Paris, menaçoit ruine, il y a quelques années, et à un tel point,
qu'il y avoit lieu de craindre qu'il ne s'écroulât, et que le danger
parût assez grand pour y suspendre le service divin; on assure même
qu'il fut mis en question si on ne le démoliroit pas, pour le
remplacer par un autre édifice: un meilleur avis a heureusement
prévalu. L'antique édifice, étayé de toutes parts par une opération de
charpente des plus ingénieuses et des plus hardies, a pu être repris
en sous-oeuvre jusque dans ses fondations; et l'église de
Saint-Germain, scrupuleusement restaurée dans son ancienne forme et
dans tous les détails de ses constructions[399], se trouve ainsi
conservée pour plusieurs siècles.

[Note 399: On a seulement abattu les deux petites tours carrées qui
s'élevoient des deux côtés de l'église, vers la croisée, parce que la
voûte en étoit trop surchargée.]


DÉCORATIONS NOUVELLES.

     Les deux autels des chapelles pratiquées dans les croisées ont
     été enrichies de colonnes en marbre; on a également élevé un
     nouvel autel dans la chapelle de la Vierge qui occupe le
     rond-point de l'église. La nef est décorée de plusieurs
     peintures, parmi lesquelles il faut remarquer le très beau
     tableau de M. Steuben, représentant saint Germain qui distribue
     des aumônes.

     Dans les diverses chapelles, ont été replacés quelques-uns des
     tombeaux qu'on y voyoit avant la révolution, ceux de Casimir, roi
     de Pologne, des deux Douglas, de Louis de Castellan; plusieurs
     tables de marbre noir portant des inscriptions latines y ont été
     élevées à la mémoire de Nicolas-Boileau Despréaux, de Jean
     Mabillon, de Bernard de Montfaucon, etc.


LES PETITS AUGUSTINS.

On sait que l'église et le cloître de ce couvent ont servi, pendant la
révolution, de dépôt aux tombeaux et autres monuments de sculptures
que l'on avoit enlevés aux églises, et que c'est ainsi que ces
monuments ont été préservés d'une entière destruction. Depuis la
restauration, presque tous ont été rendus aux saintes demeures qui en
avoient été dépouillées; quelques-uns ont été transportés au cimetière
du Père-la-Chaise; et ce qui en reste encore sera, dit-on, déposé dans
la salle des Thermes, que l'on restaure à cet effet.

L'Académie de peinture, sculpture et architecture, est maintenant
établie dans ce couvent.


PALAIS DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

La façade de ce palais, qui remplace, du côté de la rivière,
l'ancienne façade si mesquine du palais Bourbon, se compose d'une
décoration de douze colonnes avec fronton, imitée, comme tant
d'autres, du célèbre monument d'Agrippa[400]. On critiqua beaucoup,
dans le temps, la hauteur prodigieuse du perron, l'espace trop
resserré des entre-colonnements, et les portes trop étroites qui en
étoient la conséquence nécessaire: ces critiques qui sont justes
n'empêchent pas que ce monument, dû à feu M. Poyet, ne soit d'un bel
effet.

[Note 400: Le Panthéon.]

Les sculptures du fronton représentoient, dans le principe, Buonaparte
à cheval, au milieu d'un groupe de personnages indiquant le commerce
et les arts. Cette figure a été remplacée par une statue colossale qui
nous semble être celle de _la Loi_; elle est accompagnée, d'un côté,
par la Justice qui tient un glaive à la main, de l'autre par la Force,
sous les traits d'Hercule armé de sa massue. Les figures symboliques
du commerce, des arts, des deux principales rivières de Paris, la
Seine et la Marne, se groupent autour de ces trois principales
figures.


SAINT-THOMAS D'AQUIN.

Cette église a été décorée de deux nouveaux tableaux: Saint-Thomas
d'Aquin apaisant une tempête par ses prières, par M. Scheffer; une
descente de croix par M. Guillemot. Ce sont des morceaux fort
remarquables; ils lui ont été donné par la ville, le premier en 1723,
le second en 1719.


ÉGLISE DES INVALIDES.

Tous les ornements intérieurs du dôme ont été redorés à neuf, depuis
quelques années. Dans la nef de l'église, sont deux tombeaux; celui du
comte de Guibert, mort en 1786: il se compose d'une pyramide ornée
d'un trophée d'armes; celui du maréchal duc de Coigni, mort en 1821:
il offre un cippe accompagné de lances, d'épées, de guirlandes de
cyprès.


ÉGLISE DE SAINT-PIERRE.

Cette église, commencée avant la révolution, dans la partie de la rue
Saint-Dominique qui traverse le Gros-Caillou, et ensuite démolie,
vient d'être rebâtie sur son ancien emplacement. La façade se compose
de six colonnes d'ordre toscan, dont quatre forment un porche, élevé
sur cinq marches et supportant un fronton. La porte de l'église se
trouve placée entre les deux dernières colonnes, et sur un second
plan. Un campanille en bois, que surmonte une croix dorée, couronne
cet édifice, dont l'aspect est d'une élégante simplicité.

L'intérieur offre, de chaque côté, sept arcades que soutiennent six
colonnes également d'ordre toscan, et auxquelles correspondent autant
de pilastres, qui supportent les arcs-boutants des voûtes de la nef.
Dans le choeur, dont la forme est circulaire, est placé le seul autel
qui existe dans cette église. La voûte est ornée de caissons peints,
imitant la pierre.


NOUVEL HÔTEL DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES.

Ce grand et bel édifice, élevé jusqu'à la moitié du second rang des
colonnes, et dont les travaux ont été interrompus depuis quelques
années, se doit composer, du côté de la rue de Bourbon où est son
entrée, d'un portique en arcades qui embrassera toute la largeur de la
cour principale, et se liera à d'autres portiques dont cette cour sera
entourée; à droite et à gauche des cours de service donneront des
dégagements commodes sur les rues de Belle-Chasse et de Poitiers. La
disposition et la distribution du plan sont combinées de manière que
les voitures puissent arriver jusqu'aux pieds des escaliers qui
conduiront aux appartements du ministre, et dans les diverses
divisions du ministère.

La façade d'entrée, sur la rue de Bourbon, se développe sur une
longueur de 115 mètres; elle se compose de deux avant-corps, qui font
saillie sur la partie du milieu, occupée par le portique dont nous
venons de parler.

Du côté du quai, l'autre façade présente un avant-corps de 90 mètres,
et deux arrière-corps reculés, de 20 mètres. Dans cet avant-corps,
doivent être pratiqués: au rez-de-chaussée les cabinets de travail et
un vaste appartement de réception, au premier étage le logement du
ministre et de sa famille.

Les deux parties, en arrière-corps, semblent avoir été conçues, pour
tenir éloignées du reste et en quelque sorte isolées, toutes les
pièces destinées à la représentation, aux cabinets et bureaux
particuliers du ministre, et celles qui composent ses appartements.

Les deux façades auront la même hauteur dans tout le pourtour de
l'édifice, et seront couronnées du même entablement. Leur décoration
sera formée par deux ordres d'architecture, disposés à peu près comme
les deux premiers de la cour du palais Farnèse: et l'on voit que
l'intention de l'architecte a été de rappeler, dans sa composition, le
caractère de ces grandes et somptueuses habitations dont la Rome
moderne est ornée.


MANUFACTURE ROYALE DES TABACS.

Elle est située au Gros-Caillou, sur le quai et près de la pompe à
feu. C'est un bâtiment qui n'a rien de remarquable.


HOSPICE LE PRINCE.

Cet hospice, situé au Gros-Caillou, presque en face de l'église
Saint-Pierre, et qui a reçu le nom de son fondateur, a été créé en
1819 pour un certain nombre de femmes âgées et infirmes. En
remplissant les deux conditions de payer une modique somme d'argent et
d'apporter un petit mobilier, elles y sont nourries et entretenues,
leur vie durant. La maison est administrée par des Soeurs de la
Charité.


HÔPITAL MILITAIRE DE LA GARDE.

Il est situé dans la rue Saint-Dominique.


HOSPICE D'ENGHIEN.

Il est situé dans la rue de Babylone.


FONTAINES.


FONTAINE DES INVALIDES.

Elle se compose d'un piédestal carré, qui s'élève au milieu du bassin
circulaire, et sur lequel on avoit placé le lion de Saint-Marc. Ce
monument ayant été rendu à la ville de Venise, le piédestal a été
démoli et remplacé par une gerbe de fleurs-de-lys dorées, par laquelle
l'eau jaillit dans le bassin.


FONTAINE DE LA RUE DE SÈVRES.

Elle a été construite, près des incurables, par M. Bralle. Cette
fontaine se compose d'un massif à parois inclinés, couronné de
l'entablement ordinaire des temples d'Égypte; au milieu est une figure
égyptienne, dans l'attitude symétrique de l'Antinoüs, et qui verse de
l'eau de deux vases qu'elle tient, dans chacune de ses mains. Cette
figure a été exécutée par M. Beauvallet.


FONTAINE DE MARS.

Cette fontaine qui s'élève, vis-à-vis l'hôpital militaire de la garde,
offre d'un côté la figure en pied de ce dieu, de l'autre celle
d'Hygie, ou la déesse de la santé. Ces deux figures sont encore de M.
Beauvallet.


RUES ET PLACES NOUVELLES.

_Rue de l'Abbaye._ Elle longe le côté septentrional de l'église, et
aboutit, d'un côté à la rue Saint-Germain-des-Prés, de l'autre à la
rue Bourbon-le-Château.

_Rue des Acacias._ Elle commence à la rue de Vaugirard, et vient
aboutir à la rue Plumet.

_Rue Amélie._ Cette rue, percée presque en face de la rue Saint-Jean,
aboutit, d'un côté à la rue Saint-Dominique, de l'autre, à la rue de
Grenelle[401].

[Note 401: Des lettres-patentes du 6 septembre 1772, enregistrées au
parlement de Paris le 23 août 1774, avoient ordonné l'ouverture de
cette rue, par suite de cessions de terrain faites à cet effet. Elle
fut donc ouverte, et l'on y construisit quelques habitations; mais,
long-temps encore, elle ne forma qu'un cul-de-sac, dont l'entrée étoit
dans la rue Saint-Dominique: à son autre extrémité, le propriétaire
l'avoit fait fermer par des barricades en planches.

Ce ne fut qu'en 1822, et sur la requête de M. Pilian de Laforest, qui
venoit d'acquérir une maison dans cette rue, qu'un arrêt du préfet de
la Seine ordonna qu'elle seroit achevée. Depuis son ouverture,
autorisée en 1772, jusqu'à son entier achèvement en 1824, elle n'étoit
indiquée, sur les plans de Paris, que sous le nom de rue _projetée_.

Ce fut à cette époque qu'elle reçut celui d'_Amélie_, l'un des prénoms
de la fille de ce même M. Pilian de Laforest, à qui l'on en doit
l'ouverture. On se plut à accorder cet honneur à la mémoire de cette
jeune personne, morte en 1823, à la fleur de son âge, et dont la vie
si courte avoit été un modèle de toutes les vertus chrétiennes.]

_Rue Barthélemy._ Elle longe le côté méridional de l'Abattoir de
Grenelle.

_Rue Bayard._ Elle fait la continuation de la rue Duguesclin, au côté
nord de la caserne de la poudrière.

_Rue Neuve Belle-Chasse._ Elle aboutit d'un côté à la rue
Saint-Dominique, de l'autre à la rue de Grenelle.

_Place de Breteuil._ C'est le nom que l'on a donné à l'espace
circulaire où se croisent les deux avenues, qui commencent, l'une en
face de l'hôtel des Invalides, l'autre en face de l'École Militaire.

_Rue de la Bourdonnaie._ Elle longe le côté septentrional de l'École
Militaire.

_Passage Dauphine._ Ce nouveau passage percé dans la rue Dauphine, en
face de la rue Christine, vient aboutir dans la rue Mazarine.

_Rue Duguesclin._ Elle longe le côté nord de la caserne de la
poudrière, et vient donner dans la rue Bayard, avec laquelle elle fait
un angle.

_Place Dupleix._ C'est ainsi que l'on nomme le carré pratiqué devant
l'ancienne poudrière.

_Rue Dupleix._ Elle commence à la barrière de Grenelle, et aboutit à
l'avenue de Suffren.

_Rue d'Estrées._ Elle commence à la place de Fontenoy, et vient finir
au boulevard des Invalides.

_Place de Fontenoy._ C'est l'espace demi-circulaire qui a été pratiqué
devant l'École Militaire.

_Place Saint-Germain-des-Prés._ Elle est située devant l'église qui
porte le même nom.

_Rue Saint-Germain-des-Prés._ Elle aboutit d'un côté à la place
ci-dessus mentionnée, de l'autre à la rue des Petits-Augustins.

_Rue Kléber._ Elle commence au bord de l'eau, vers la barrière des
Cunettes, et finit près de l'École Militaire.

_Rue Malar._ Elle est ouverte dans la rue Saint-Dominique, à peu de
distance de l'église du Gros-Caillou, et vient aboutir dans la rue de
l'Université.

_Rue des Paillassons._ Elle traverse les Marais, et aboutit à la
barrière du même nom.

_Rue Pérignon._ Elle longe le côté nord de l'abattoir de Grenelle.

_Passage du Pont-Neuf._ Il été ouvert, depuis peu, rue Mazarine, en
face de la rue Guénégaud, et vient aboutir dans la rue de Seine.

_Place Saint-Thomas d'Aquin._ Elle a été pratiquée devant l'église qui
porte ce nom.

_Rue Saint-Thomas d'Aquin._ Elle aboutit d'un côté à cette place, de
l'autre à la rue Saint-Dominique.

_Rue Saint-Vincent de Paul._ Elle donne d'un bout sur la place
Saint-Thomas d'Aquin, de l'autre dans la rue du Bac[402].

[Note 402: Les marais situés à l'extrémité de ce quartier sont
traversés par plusieurs ruelles _sans nom_, où sont éparses quelques
petites habitations. L'une donne sur la place Dupleix, une autre dans
l'avenue de Suffren, deux dans l'avenue de Lowendal, une autre sur la
place de Fontenoy, deux dans l'avenue de Saxe.]


ABATTOIRS DE PARIS.

Les opérations sanglantes des bouchers se faisoient, il y a encore
peu d'années, dans l'intérieur même de Paris; et l'on appeloit
_tuerie_ l'endroit où l'on assommoit et égorgeoit le bétail, et où il
étoit coupé par quartiers, avant d'être distribué au public. La police
de Paris, à laquelle il faut accorder de s'être extrêmement
perfectionnée, dans tout ce qui touche à l'ordre matériel et à la
salubrité de cette ville immense, a pensé, avec juste raison, qu'il
convenoit de rejetter, si non hors de son enceinte, du moins à ses
extrémités, ces foyers d'infection, et le spectacle dégoutant de ce
carnage. Des emplacements aérés ont donc été choisis sur divers points
très rapprochés des barrières; et sur ces emplacements, se sont
élevés, sous le nom d'_abattoirs_ (mot nouveau inventé pour des
établissements d'une espèce toute nouvelle) d'immenses boucheries, où,
sous les yeux de quelques préposés, les bouchers amènent le bétail
qu'ils ont acheté, l'_abattent_ et le partagent pour la consommation
journalière, mettent leurs cuirs en réserve, et fondent leurs suifs,
avant de les livrer au commerce.

Ces édifices sont au nombre de cinq; et leurs dimensions, qui ne sont
pas les mêmes, ont été déterminées, d'après les besoins des diverses
parties de la ville auxquelles ils correspondent. Les abattoirs du
Ménil-Montant et de Montmartre sont les plus considérables; après,
vient celui de Grenelle; ceux de Mousseaux et de Villejuif sont d'une
moindre étendue.

Tous ayant été conçus dans un même système, et offrant ainsi, dans
l'ensemble et dans les détails, beaucoup de ressemblance, il suffira
d'en décrire un seul, pour donner une idée exacte des autres: nous
choisirons celui du Ménil-Montant.

Cet abattoir est situé sur un terrain incliné, dont la pente, quoique
douce et presque insensible, contribue cependant beaucoup, et à la
salubrité de cet établissement, et à l'effet général des fabriques
dont il se compose. Tout l'espace compris entre les quatre rues, au
milieu desquelles il est isolé, forme un trapézoïde, dans lequel est
inscrit un parallélogramme de 215 mètres de face sur 190 de
profondeur, l'architecte ayant judicieusement négligé quelques
irrégularités qu'il lui sera facile de masquer, soit par des
plantations, soit par quelques bâtimens de service. Une grille, de
plus de 100 pieds de développement, appuyée sur deux pavillons où sont
placés les bureaux de l'administration, forme l'entrée principale de
cet édifice. Elle s'ouvre sur un espace libre, dont l'aspect est moins
celui d'une cour que d'une place publique; et en effet, du centre de
cet espace, l'oeil embrasse la totalité des bâtimens qui, au nombre de
vingt-trois, composent l'ensemble de l'abattoir.

À droite et à gauche de cette cour immense, large de 97 mètres, et sur
ses grands côtés dont la longueur est de 146, s'élèvent quatre
bâtiments doubles, séparés par une voie qui traverse tout le terrain,
parallèlement à la façade principale. Ce sont ces bâtiments qui ont
reçu plus particulièrement le nom d'_Abattoirs_: ils ont, chacun, 47
mètres de longueur sur 32 de largeur. Une cour dallée en pente pour
l'écoulement des immondices, les sépare dans le sens de leur
longueur, en deux corps semblables, qui, l'un et l'autre, renferment
huit abattoirs à l'usage des bouchers. Chaque abattoir reçoit l'air et
le jour par deux grandes arcades, percées, l'une vis-à-vis de l'autre,
dans les murs de face. Au dessus, on a ménagé de vastes abris, pour y
sécher les peaux et y déposer les suifs en branche; et afin que ces
lieux, quoique extrêmement aérés, demeurâssent toujours frais, on a
donné une projection considérable à la saillie des toitures plates,
dont ils sont recouverts.

On trouve, derrière ces abattoirs, deux bergeries qui leur sont
parallèles, et à leur extrémité, en retour d'équerre, deux étables.
Ces bâtiments renferment, chacun, un abreuvoir particulier, leur
grenier à fourrage, et complètent, de chaque côté de la cour, les deux
principales masses d'édifices qui forment l'établissement.

Au fond de cette cour, dans laquelle on a construit un abreuvoir
commode, et pratiqué deux parcs pour la première distribution du
bétail, s'offrent deux pavillons isolés, destinés à la fonte des
suifs. Ils sont traversés, dans leur longueur, par un large corridor
qui donne accès à quatre fonderies séparées, au-dessous desquelles
sont des caves voûtées, servant de rafraîchissoirs. Dans ces mêmes
pavillons sont placées les _échauderies_, pour les têtes et pieds de
moutons.

Au delà de ces fondoirs, et sur une ligne parallèle au mur de clôture,
ont été construits deux longs bâtiments, divisés en un assez grand
nombre de magasins particuliers, tant au rez de chaussée qu'au premier
étage. Ils sont élevés sur des caves où l'on tient les cuirs en vert;
la partie supérieure est destinée aux peaux de veaux et de moutons.

Enfin, dans la partie la plus élevée du terrain, précisément en face
de l'entrée, on a établi un double réservoir, tout en maçonnerie: il
est porté sur deux rangs de voûtes en berceau, sous lesquelles sont
des remises. Les eaux y sont montées au moyen d'une pompe à feu,
placée entre les deux bassins, qui ont ensemble 76 mètres de longueur.
Toutes ces constructions ont été commencées au mois d'avril 1810, sur
les desseins de M. Happe, qui en est l'architecte.

Il ne faut point chercher ici de nombreux détails de décorations: les
convenances d'un édifice de ce genre les rejettent. On n'y doit
exiger, et l'on n'y trouve en effet, d'autre luxe que celui qu'on a pu
mettre dans le choix et dans l'emploi des matériaux. Excellents
moëllons liés avec un bon mortier, belles pierres bien appareillées,
bois sains coupés à vive-arrête, c'est avec ces éléments, mis à la
disposition d'un architecte habile, que l'on est toujours sûr de faire
des édifices remarquables, quelle que soit d'ailleurs leur
destination; et l'on pourroit presque dire, quel que soit le goût de
leur architecture. Que l'on ajoute à ce genre de mérite, une grande,
belle et commode distribution des diverses parties, la concordance et
la variété pittoresque des masses, et l'on aura une juste idée des
_Abattoirs_ de Paris, qui doivent être comptés au nombre de ses
monuments d'utilité publique, les plus remarquables.


FIN DE LA DEUXIÈME PARTIE DU QUATRIÈME VOLUME.



TABLE DES MATIÈRES.


QUATRIÈME VOLUME.--DEUXIÈME PARTIE.


  QUARTIER SAINT-GERMAIN-DES-PRÉS.

  Paris sous la régence et sous Louis XV                      Page 1

  Quartier Saint-Germain-des-Prés                                373

  L'hôtel des Monnoies                                           374

  Le collége Mazarin                                             384

  Les Augustins réformés                                         391

  Les Frères de la Charité                                       397

  Les Enfans teigneux                                            401

  L'abbaye royal de Saint-Germain-des-Prés                       402

  Bailliage de l'abbaye                                          420

  Prison de l'abbaye                                             421

  Le séminaire des Missions-Étrangères                           422

  Les Convalescents                                              425

  Les Filles de la Conception                                    426

  Les Filles Sainte-Marie ou de la Visitation                    428

  Les Jacobins réformés                                          430

  Les Théatins                                                   435

  Le Pont-Royal                                                  439

  Chapelle de la Vierge                                          440

  Les Chanoinesses du Saint-Sépulcre                             441

  Les Petites-Cordelières                                        442

  L'abbaye de Notre-Dame-de-Pentemont                            443

  Les Carmélites                                                 447

  Les Filles de Sainte-Valère                                    448

  Les Filles de Saint-Joseph de la Providence                    449

  Le Palais Bourbon                                              450

  L'hôtel royal des Invalides                                    453

  L'École-Militaire                                              463

  Le Champ de Mars                                               469

  L'Hôpital des Gardes-Françoises                                470

  Le Château de Grenelle                                       _Id_.

  Hôtels                                                         471

  Le Gros-Caillou                                                484

  Fontaines, Boulevards et Barrières                             497

  Rues, Places et Avenues du quartier Saint-Germain-des-Prés     503

  Monuments nouveaux                                             527

  Table générale des Matières                                    543


FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES.



TABLE GÉNÉRALE

DES MATIÈRES

DU TABLEAU DE PARIS.

Les tomes sont indiqués par les chiffres romains: I, II, III, IV; _a_,
marque la première partie; _b_, la seconde. Les chiffres arabes
indiquent la pagination.


  A.

  _Abailard_, III, _a_, 553.

  _Abattoir_ de Villejuif, III, _a_, 661.

  _Abattoirs_ de Paris, leur nombre, IV, _b_, 536.
    --Description, 537.

  _Abbaye_ Notre-Dame-aux-Bois, IV, _a_, 292.

  _Abbés_ de Saint-Vincent de Senlis (hôtel des), III, _a_, 615.

  _Abbés_ de Saint-Denis, leur hôtel, III, _b_, 709.

  _Abbon_, auteur d'un poëme latin sur le siége de Paris par les
          Normands, I, _a_, 29.

  _Académies_, I, _b_, 802.

  ---- françoise, son origine, I, _b_, 802.
    --Son état au 17e siècle, _ib._
    --Ce qu'elle fut au 18e, 803.
    --Son triomphe à la révolution, _ib._
    --Rampe sous le tyran, _ib._
    --Ce qu'elle est aujourd'hui, _ib._

  ---- royale des Inscriptions et Belles-Lettres, I, _b_, 804.
    --Ses services, _ib._

  ---- des Sciences, reçut une forme régulière en 1699, I, _b_, 805.
    --Son but, _ib._

  ---- de Peinture et Sculpture, I, _b_, 806.
    --Ses succès, 807.

  ---- d'Architecture, I, _b_, 808.

  _Adam_, clerc du Roi, lègue deux maisons dans Paris à l'Hôtel-Dieu,
          I, _a_, 372.

  _Affaires_ étrangères (nouvel hôtel des), IV, _b_, 531.

  _Agathe_ (les filles de Sainte-), origine, III, _b_, 485.

  _Agio_, ce que c'étoit, IV, _b_, 49.

  _Agnès_ (chapelle Sainte-) ou Saint-Eustache, II, _a_, 298.

  _Agnès_ (communauté de Sainte-), II, _a_, 313.
    --Zèle et charité de ces religieuses, 314.

  _Agnès_ de Russie, femme de Henri Ier, I, _b_, 543.

  _Agobard_ rejette les épreuves de l'eau, du feu, etc., I, _a_, 352.

  _Agriculture_ (société royale d'), II, _b_, 1137.

  _Aides_ (cour des), son origine, I, _a_, 185.
    --Costume des membres de cette cour, 188.
    --Ses attributions, _ib._
    --Lieu de ses séances, 189.
    --Son rang dans les cérémonies, _ib._

  _Aignan_ (la chapelle Saint-), I, _a_, 280.
    --Son origine et son emplacement, _ib._

  ---- (hôtel Saint-), II, _b_, 1004.

  _Aiguillon_ (le duc d') excite en Bretagne une opposition séditieuse,
          IV, _b_, 361.

  _Alais_ (Jean), tradition sur ce personnage, II, _a_, 298.

  _Albiac_ (hôtel d') détruit, III, _a_, 615.

  _Albigeois_, I, _b_, 691.

  _Albret_ (hôtel d'), II, _b_, 1319;
    III, _b_, 569.

  _Alençon_ (hôtel d'), I, _b_, 594 et 827.

  _Alexandre VIII_ succède à Innocent XI, IV, _a_, 130.

  _Alexia_, défaite des Gaulois auprès de cette ville, I, 10.

  _Aligre_ (hôtel d'), I, _b_, 832.

  ---- (ancien hôtel d') détruit, II, _a_, 329.

  _Allemands_ (collége des), III, _a_, 598.

  _Amalarion_, diacre, rédige une règle pour les chanoines, I, _a_, 358.

  _Ambigu-Comique_, II, _b_, 1133.

  _Amboise_ (le cardinal d'), sa réponse aux députés de l'Université,
          II, _b_, 906.

  ---- (hôtel d'), détruit, III, _a_, 614.

  _Ambroise_, (séminaire Saint-), II, _b_, 1370.

  _Amelot_, anecdote sur ce Janséniste, IV, _a_, 181, note.

  _Amet_ (le père), confesseur de Marguerite de Valois, II, _a_, 217.

  _Amiot_ (Jacques), maître de la librairie, II, _a_, 187.

  _Amortissement_, I, _a_, 223.

  _Anastase_ (Sainte-), II, _b_, 1163.

  _Anceline_, avocat, III, _a_, 374.

  _Andelot_ (d'), chef des réformés, III, _a_, 4.
    --Sa mort, 150.

  _André-des-Arcs_ (quartier Saint-), sa position et son origine,
          III, _b_, 599.
    --Église de ce nom, 617.
    --Description, 621.
    --Curiosités, 622.
    --Circonscription, 625.
    --Hospice de ce nom, 627.

  _Angevilliers_ (hôtel d'), I, _b_, 832.

  _Angleterre_, son gouvernement, IV, _b_, 80.
    --Son commerce maritime, 82.
    --Crédit public, 83.
    --Pourquoi elle exclut les catholiques des affaires, 84.
    --Payoit une pension à Dubois, 85.

  _Anglois_ (rois), vassaux des rois de France, II, _a_, 13.

  _Anglois_ (les), envahissent la France à la faveur des troubles
          civils, II, _a_, 151.
    --Pourquoi ne sont pas demeurés maîtres de la France sous
          Charles VII, 371.
    --Songent à s'emparer du Canada, IV, _b_, 272.

  _Angloises_ (religieuses), origine, II, _b_, 1269.
    --Église, 1270, III, _a_, 464.
    --Curiosités de leur église, 455.
    --Les filles angloises, 536.

  _Angoulême_ (hôtel des comtes d'), détruit, II, _b_, 1316.

  _Anjou_ (le duc d'), frère du roi Charles V, II, _a_, 77.
    --Sa régence, 79.
    --Appelé au trône de Naples, 83.
    --Ses exactions avant de quitter la France, 83-89.
    --Part pour la conquête de Naples, 89.
    --Sa mort, III, _a_, 257.

  ---- (hôtel d'), détruit, II, _b_, 851.

  _Anne_ (communauté Sainte-), I, _b_, 969.

  _Anne_ (chapelle Sainte-), II, _a_, 555.

  _Anne-la-Royale_ (communauté de Sainte-), III, _b_, 446.

  _Anne d'Autriche_, régente, III, _b_, 110.
    --Accusée de trop de familiarité avec Mazarin, 117.
    --Reçoit le parlement au Palais-Royal à la journée des Barricades, 150.
    --Emmène le roi à Ruel, 156.
    --Ramène le roi à Paris, 160.
    --Quitte une seconde fois Paris, 165.
    --Désire la paix, 186.
    --Revient à Paris avec le Roi, 197.

  _Annonciades_ célestes, institution de cet ordre, II, _b_, 1184.
    --Leur établissement à Paris, 1185.
    --Genre de vie, _ib._
    --Curiosités de l'église, 1186.

  ---- du Saint-Esprit, origine, II, _b_, 1273.
    --Supprimées, 1277.

  _Annonciation_ (Filles de l'), IV, _a_, 256.

  _Antoine_ (le Petit-Saint-), origine, II, _b_, 1167.
    --Établissement de ces religieux à Paris, 1167.
    --Changement dans l'administration, 1171.
    --Maison rebâtie, 1172.
    --Église, _ib._

  _Antoine_ (abbaye Saint-), II, _b_, 1298.
    --Curiosités, 1300.

  _Antoine_ (M.), architecte, auteur du dépôt des archives au
          Palais-de-Justice, I, _a_, 164.
    --Restaure ce palais après un incendie, _ib._

  _Appels_ d'abus et appelants, IV, _b_, 200 et suiv.

  _Aqueducs_ de Belleville, I, _b_, 833.
    --Réparés sous Henri IV, 834.

  _Arc_ de triomphe de la barrière du Trône, II, _b_, 1309.
    --Pourquoi appelée du Trône, 1310.
    --Description, 1311.

  _Arcades_ de la Chambre des Comptes, I, _a_, 169.
    --Mérite de ce monument, 405.

  _Archevêché_, I, _a_, 327.
    --Érigé en 1622, 354.

  _Arcis_ (Saint-Pierre-des-), étymologie de ce nom, I, _a_, 256.
    --Détails sur cette église, curiosités, tableaux, _ib._
    --Paroisse au commencement du 12e siècle, 258.
    --Ses droits curiaux, _ib._

  _Arcueil_ (aqueduc d'), I, _b_, 834.
    --Alimente 14 fontaines, 835.

  _Ardents_ (mal des), I, _a_, 289.

  _Argenson_ (hôtel d'), II, _b_, 1319.

  _Armagnac_ (le comte d'), fait connétable, II, _a_, 144.
    --Son retour à Paris, 147.
    --Difficultés que lui suscite la reine, 149.
    --Arrêté, 154.
    --Sa mort, 156.

  _Armagnac_ (la faction des), II, _a_, 117.
    --Poursuivis dans Paris par les bouchers, 120.
    --Aux portes de Paris, 124.
    --Défection parmi eux, 125.
    --Le dauphin les favorise, 127.
    --Doivent exciter moins d'indignation que les Bourguignons, 134.
    --Réflexions en leur faveur, 136.
    --Leur conduite à Paris, 140.

  _Arnauld_, retiré à Port-Royal-des-Champs, IV, _a_, 179, note.

  _Arnaud_ (Jacqueline-Marie-Angélique), réforme l'abbaye de
          Port-Royal, IV, _a_, 338.

  _Arnolfini_, moine espagnol député aux frondeurs, III, _b_, 182.
    --Introduit dans le parlement, 184.
    --Sa harangue, 185.

  _Arquebuse_ (hôtel de l'), II, _b_, 1333.

  _Arques_ (la journée d'), III, _a_, 336.

  _Arras_ (collége d'), III, _a_, 598.

  _Arsenal_ (l'), ancienneté des établissements de ce genre, II, _b_, 953.
    --Arsenal particulier de Paris, _ib._
    --Devient la propriété des rois, 954.
    --Henri IV l'augmente, _ib._
    --Grand et petit, 955.
    --Inscription, 956.
    --Changements et réparations, 975.

  _Artois_ (hôtel du comte d') détruit, II, _a_, 459.

  _Asfelt_ (marquis d'), IV, _b_, 105.

  _Assomption_ (les religieuses de l'), leur couvent, I, _b_, 999.
    --Appelées d'abord Haudriettes, _ib._
    --Au faubourg Saint-Honoré, 1001.
    --Attaquées juridiquement par les héritiers de Jean Haudri, 1003.
    --Fondation de l'église actuelle, 1004.
    --Curiosités, 1005.

  _Aubin_ (bataille de Saint-), II, _b_, 894.

  _Aubriot_ (Hugues), prévôt de Paris, I, _b_, 539, II, _a_, 70.
    --Pose la première pierre de la Bastille, 72.

  _Audran_ (Gérard), sa sépulture, III, _b_, 361.

  _Audrouet_ du Cerceau, commença le Pont-Neuf, I, _a_, 91.

  _Augustin_ (saint), restaurateur de la vie commune en Occident,
          I, _a_, 356.

  _Augustins_ (les grands), III, _b_, 600.
    --Époque de leur établissement à Paris, 602.
    --Accroissement, 603.
    --S'établissent dans la rue qui porte leur nom, 607.
    --Église et curiosités, 608.
    --Bibliothèque, 612.
    --Leurs querelles, 614.
    --Quai, 750.

  _Augustins_ réformés (ou petits), IV, _b_, 391.
    --Curiosités de l'église, 394.
    --Bibliothèque, 395.

  _Aumont_ (hôtel d'), II, _b_, 965.

  _Aure_ (les filles de sainte), III, _b_, 438.

  _Auroux_, capitaine de quartier, III, _a_, 374.

  _Austerlitz_ (pont d'), III, _a_, 660.

  _Autriche_ (maison d'), sa politique, III, _b_, 76.
    --Se met à la tête du parti catholique, _ib._
    --Justifiée d'avoir aspiré à la monarchie universelle, 79.

  _Autun_ (collége d'), III, _b_, 685.

  _Auvergne_ (le comte d'), III, _b_, 27.

  _Avançon_ (Guillaume d'), archevêque d'Embrun, II, _a_, 216.

  _Ave Maria_ (les religieuses de l'), II, _b_, 917.
    --Origine, 918.
    --Austérités, 923.
    --Curiosités du couvent, 924.
    --Sépultures, _ib._

  _Avenues_ des Invalides et de l'École-Militaire, IV, _b_, 455.

  _Avoués_ des églises. Ce que c'étoit, I, _a_, 207.

  _Avoie_ (les religieuses de sainte). Origine, II, _b_, 989.
    --Statuts, 991.
    --Adoptent la règle des Ursulines, _ib._
    --Église, 993.

  _Avoie_ (fontaine Sainte-), II, _b_, 1012.

  _Azincourt_ (bataille d'), II, _a_, 143.


  B.

  _Baillet_ (Jean), trésorier général, assassiné, I, _b_, 552, II, _a_, 42.

  _Bailliage_ du palais, I, _a_, 190.
    --Du Temple, II, _b_, 1187.

  _Banque_ de France, II, _a_, 367.

  ---- de Law, IV, _b_, 29.
    --Sa chute, 52.
    --On essaie en vain de la relever, 53.

  _Bar_ (hôtel des comtes de), III, _a_, 615.

  _Barbe_ (collége et communauté de Sainte-), III, _b_, 482.
    --Discipline, 535.
    --Saint Ignace de Loyola y avoit étudié, 536.

  _Barbeaux_ (hôtel des), II, _b_, 963.

  _Barbette_ (hôtel), II, _b_, 1313.

  _Barnabites_. Leur couvent, I, _a_, 224.
    --Origine et emplacement, 227.

  _Barre_ (Jean de la), gardien de la bibliothèque, II, _a_, 186.

  _Barre_ (hôtel de), II, _b_, 962.

  _Barricades_ (journée des), III, _a_, 298; III, _b_, 150.

  _Barrière_ (Jean de la), abbé commandataire des Feuillants, I, _b_, 983.
    --Merveilles de sa vie, 984.
    --Vient à Paris, _ib._
    --Henri III envoie des seigneurs au devant de lui, _ib._

  _Barrière_ avoit comploté la mort de Henri IV, III, _a_, 434.

  _Barrières_ de Paris, I, _b_, 1074; II, _a_, 260-562; II, _b_,
          765-1344; III, _a_, 631, _b_, 573; IV, _a_, 368, _b_, 497.

  _Barry_ (la du), IV, _b_, 362.

  _Barthélemi_ (Saint-), église royale et paroissiale, I, _a_, 250.
    --Origine et emplacement, 251.
    --Par qui desservie, 252.
    --Confiée aux religieux de St-Benoît, 253.
    --Curiosités, 254.

  _Barthélemi_ (massacre de la Saint-). Ne doit pas retomber sur la
          religion, III. _a_, 153.
    --La reine y détermine le roi, 177.
    --Préparatifs, 181.
    --Signal du massacre, 185.
    --Scènes en divers lieux, 186.
    --N'a eu lieu qu'à Paris, 196.
    --N'eut lieu que par représailles, 204.

  _Basoche_, I, _a_, 166.

  _Basochiens_ (les) jouent des pièces de théâtre, IV, _a_, 312.

  _Baschi_ (Mathieu de) réforme les frères de saint François, I, _b_, 992.

  _Bassompierre_ (le maréchal de) à la Bastille, III, _b_, 74.

  _Baudoyer_ (place), étymologie, II, _b_, 834.

  _Baudrier_; le clergé en obtient les honneurs, I, _a_, 205.

  _Bavière_ (hôtel de), III, _a_, 615.

  _Bayeux_ (collége de), III, _b_, 697.

  _Beaufort_ (le duc de), son rôle, III, _b_, 172.
    --Accusé, 206.
    --Nommé gouverneur de Paris, 305.
    --Suit Gaston dans son exil, 317.

  _Beaugé_ (bataille de), II, _a_, 161.

  _Beaujeu_ (madame de), II, _b_, 880.
    --Déconcerte les projets du duc d'Orléans, 883.
    --Veut le faire enlever, 889.
    --Sa conduite impolitique, 893.

  _Beaujon_, conseiller d'état et receveur des finances, I, _b_, 1035.

  _Beaujon_ (chapelle), dédiée à saint Nicolas.
    --Sa description, I, _b_, 1035.
    --Intérieur, 1036.
    --Architecture de cette église, 1037.

  _Beaujon_ (hospice), son emplacement et ses fondateurs, I, _b_, 1038.

  _Beaumont_ (M. de), archevêque de Paris, nouvel Athanase, IV, _b_, 240.
    --Prend le parti des jésuites, 339.

  _Beautreillis_ (hôtel), II, _b_, 960.

  _Beautru_ (hôtel de), II, _a_, 249.

  _Beauvais_ (hôtel de), II, _b_, 965;
    II, _b_, 1331;
    IV, _b_.

  _Bedfort_ (le duc de) fait prêter serment au roi d'Angleterre par le
          parlement, II, _a_, 373.
    --Assiége Meulan, _ib._
    --Son retour en France après la bataille de Montargis, 383.
    --Fait les derniers efforts contre le roi de France, 384.
    --Ouvre la campagne, 385.
    --Assiége Orléans et est repoussé par la Pucelle, 389.
    --Abandonne Paris, 392.
    --Y rentre, 396.
    --Se retire, 406.
    --Meurt, 407.

  _Béguines_, II, _b_, 917.

  _Belle-Isle_ (le comte et maréchal de), IV, _b_, 118.
    --Sa retraite, 124.
    --Fait la guerre en Provence, 147.
    --Combat à Exiles, _ib._

  _Bénédictines_ de la Ville-l'Évêque, I, _b_, 1026.
    --Deviennent plus austères, 1027.
    --Ce monastère, d'abord prieuré dépendant de Montmartre, 1027.
    --Leurs différends avec ce couvent, 1028.
    --Curiosités de leur église, _ib._
    --Église détruite, _ib._

  ---- de Notre-Dame de Liesse, IV, _a_, 260.
    --Fondation, 261.

  _Bénédictins_ anglais, III, _b_, 453.
    --Église, 456.

  _Bénéfices_, leur origine, I, _a_, 77.

  _Bénéfices_ royaux, I, _a_, 203, 208.

  _Benoît_ (Saint-), quartier, III, _b_, 337.
    --Église collégiale et paroissiale, 355.
    --Particularités sur le chevet de cette église, 359.
    --Curiosités, 360.
    --Circonscription, 362.

  _Bertichram_, Bertchram ou Bertrand, évêque du Mans, I, _b_, 741.

  _Bernard_ (Saint) engage inutilement les jeunes gens de Paris à
          embrasser la vie monastique, I, _a_, 281.

  _Bernard_ (porte Saint-), origine, III, _a_, 438.
    --Renouvelée, 439.
    --Description, 440.

  _Bernardins_ (les), origine, III, _a_, 450.
    --Église, 454.
    --Curiosités, 455.

  _Bernin_ (le chevalier), architecte et statuaire, I, _b_, 787.
    --Détails sur ce personnage, 788.
    --Son plan du Louvre critiqué, 790.

  _Bernis_ (l'abbé de), son caractère, IV, _b_, 278.
    --Se charge du traité entre la France et l'Autriche, 279.

  _Berulle_ (le cardinal de), fondateur de l'Oratoire, I, _b_, 810.
    --Achète l'hôtel du Bouchage, 812.
    --Bâtit une nouvelle maison, 813.

  _Berry_ (duc de), frère du roi Charles V, I, _a_, 77.
    --Perd la confiance des Parisiens, 119.
    --Assiégé dans Bourges, 126.
    --Reçoit des ambassadeurs anglais, 141.
    --Sa mort, 145.

  ---- (ancien hôtel de), II, _a_, 341.

  _Bertholot_ (François), fonde une maison.

  _Berwik_ fait la guerre en Alsace, IV, _b_, 104.
    --Assiége Philisbourg et y meurt, 105.

  _Besançon_ (hôtel de), III, _b_, 715.

  _Beze_ (Théodore de), III, _a_, 74.

  _Bibliothèque_ royale, son origine et ses progrès, II, _a_, 182.
    --Fondée par Charles V, 184.
    --Presqu'entièrement détruite sous Charles VI, 185.
    --Son état sous Louis XI, François Ier, 186.
    --Ordonnance de Henri II en sa faveur, _ib._
    --Sous les rois suivants, 187.
    --Bâtiments, 190.
    --Dépôt des livres imprimés, 191.
    --Curiosités, 192.
    --Manuscrits, 194.
    --Médailles, 197.
    --Estampes, 201.
    --de la ville, II, _b_, 1262.
    --Description, 1263.
    --Devient un magasin d'armes, 1266.

  _Bièvre_, petite rivière, III, _a_, 627.

  _Biscornet_, serrurier de la façade Notre-Dame, I, _a_, 310.

  _Blaise_ (chapelle Saint-) et Saint-Louis, III, _b_, 344.

  _Blanche_ (la reine), son administration pendant la minorité
          de son fils, I, _b_, 694.
    --Soin qu'elle mit à le bien élever, 695.
    --Échappe à une embuscade près d'Étampes, 696.
    --Délivrée à Montlhéri, 697.
    --Traite rigoureusement l'Université, _ib._
    --Sa régence, 704.
    --Favorise les affranchissements, 707.
    --Sa mort, 708.

  _Blancs-Manteaux_ (monastère des), II, _b_, 998.
    --Concession de Philippe de Valois, 1001.
    --Église, 1002.
    --Curiosités, bibliothèque, 1003.
    --Marché, 1370.

  _Blanc-Menil_, président du parlement, III, _b_, 2.

  _Blois_ (Charles de), ses démêlés avec Jean de Montfort, II, _a_, 21.

  _Blondel_, auteur d'un Traité sur l'architecture, I, _b_, 934.

  _Boileau_, son tombeau dans la Sainte-Chapelle, I, _a_, 116.

  _Bois-Bourdon_, ses intrigues avec la reine, II, _a_, 150.

  _Bois-Dauphin_, maréchal de France, III, _b_, 20.

  _Boissy_ (collége de), III, _b_, 686.

  _Bonald_ (de), montre les avantages de la féodalité, I, _a_, Avert., 73.
    --Cité, 217.

  _Bonami_, académicien, a répandu des lumières sur les antiquités de
          Paris, I, _a_, avert. XIII, note.

  _Boncourt_ (collége de), III, _a_, 609.

  _Bonfons_, retouche le livre de Corrozet sur Paris, I, _a_, Avert. iij.

  _Bonneau_ (Marie), fondatrice des Miramionnes, III, _a_, 444.

  _Bons-Enfants_ (collége des), II, _a_, 320.
    --Boursiers nommés par l'évêque, 321.
    --L'enseignement y cesse, 332.
    --Annexé au chapitre, _ib._

  ---- (le séminaire des), Voy. _Firmin_ (Saint-).

  _Bont_ (chapelle Saint-), II, _b_, 821.

  _Boucherie_ (grande), I, _b_, 537.
    --Origine et emplacement, 539.
    --Bouchers de Paris pendant les troubles du règne de Charles VI, 540.
    --Grande boucherie rasée par les ordres du duc d'Orléans, _ib._
    --Rétablie, 541.

  _Bouchers_, leur milice, et leurs cruautés, II, _a_, 155.

  _Boufflers_, IV, _a_, 147.
    --Au siége de Lille, 160.

  _Bouillon_ (le duc de), frustré du commandement de l'armée, III, _b_, 5.
    --Ses services, 9.
    --S'aigrit et excite le prince de Condé, 11.

  _Bouillon_ (hôtel de), IV, _b_, 478.

  _Boulevards anciens_, II, _b_, 1343.

  _Bouquet_ (Geneviève), dite du saint nom de Jésus, réforme les
          religieuses de l'Hôtel-Dieu, I, _a_, 373.

  _Bourbon_ (Louis de), fait bâtir un hôpital pour les pélerins,
          I, _b_, 578.

  _Bourbon_ (Antoine de), roi de Navarre, III, _a_, 39.
    --Attaché à la réforme, 40.
    --Se rend aux états généraux, 62.
    --Ébranlé par les variations des réformés au colloque de Poissy, 76.
    --Gagné par les Guises, 77.
    --Catholique, 81.
    --Blessé à la prise de Rouen, 105.

  _Bourbon_ (le cardinal de), proclamé roi, III, _a_, 335.
    --Sa mort, 346.

  _Bourbon_ (le duc de) intente un procès aux princes légitimés,
          IV, _b_, 21.
    --Issue de ce procès, 23.
    --Premier ministre, 83.
    --Son ministère pire que celui de Dubois, 87.
    --Est menacé de perdre le pouvoir, 89.
    --renvoie l'Infante d'Espagne, _ib._
    --Fait épouser au roi Marie Leczinska, 90.
    --Exilé à Chantilly, 91.
    --Mendie le secours des Anglais, 122.
    --Entre dans Paris, 124.
    --traite avec les Anglais, 137.
    --Fuit et demande la paix, 140.
    --Offre en vain ses services contre les Anglais, 143.
    --S'unit à Henri V, 149.
    --Délivre la reine, 151.
    --Rentre dans Paris, 156.

  _Bourbon_, célèbre poëte latin, I, _b_, 880.

  _Bourbon_ (hôtel de la duchesse de), II, _a_, 252.

  _Bourbon_ (le palais), IV, _b_, 450.

  _Bourbon_ (hôtel de), III, _a_, 615;
    IV, _a_, 363.

  _Bourgeois_ (grande confrérie des), I, _a_, 267.

  _Bourgogne_ (le duc de), frère du roi Charles V, II, _a_, 77.
    --premier ministre, 101.
    --Sa mort, 102.

  _Bourgogne_ (hôtel de), II, _a_, 556.
    --Devient la propriété des confrères de la passion, 558.
    --Leur salle louée aux comédiens d'Italie, 559, III, _b_, 569.

  ---- (collége de), III, _b_, 692.

  ---- (le duc de), IV, _a_, 147.

  ---- (le duc de) élève de Fénélon, IV, _b_, 4.

  _Bourguignons_. Leur faction, II, _a_, 117.
    --Les paysans prennent ce nom pour se livrer à divers excès, 121.
    --restent maîtres des environs de Paris, 125.
    --Nouveaux excès, 129.
    --Reçoivent un coup mortel, 133.
    --Abandonnés du duc de Bourgogne, 134.
    --Conspiration contre le roi, 146.
    --rentrent dans Paris, 153.
    --Versent des torrents de sang, 155.

  _Bourse_ (la), II, _a_, 291.

  _Bouthellier_, maçon de Notre-Dame, I, _a_, 309.

  _Boutteville_ veut émouvoir le peuple en faveur de Condé, III, _b_, 213.

  _Bretagne_ (le duc de) devient le chef des mécontents, II, _a_, 611.
    --Fait de fausses promesses, 612.
    --Devient chef de la ligue des grands vassaux, 613.
    --Condamné à Tours par la noblesse, 618.
    --Paix de Conflans, 635.

  _Brétigny_ (paix de), II, _a_, 63.

  _Bretonvilliers_ (hôtel de), I, _a_, 418.
    --Par qui bâti, 419.
    --Ce qu'il devint en 1719, 419.
    --Décoré par Bourdon et par Baptiste, _ib._

  _Breul_ (dom Jacques du) retouche l'ouvrage de Corrozet et Bonfons,
          I, _a_, Avert.
    IV, jugement sur son travail, _ib._

  _Brissac_ (le maréchal de) défend Paris, III, _a_, 102.
    --Médite d'y introduire Henri IV, 415.
    --Livre Paris au roi, 421.

  _Brisson_ (président du parlement), III, _a_, 322.
    --Sa mort, 375.

  _Broglie_, IV, _b_, 302.

  _Brongniart_, architecte de l'Église des Capucines (Chaussée d'Antin),
          II, _a_, 245.
    --De la Bourse, 292.

  _Broussel_, conseiller, devient l'idole du peuple, III, _b_, 134.
    --Envoyé en exil, 142.
    --Troubles à son occasion, 143.
    --Son retour, 163.

  _Bullion_ (hôtel de), II, _a_, 342.

  _Bureau des Pauvres_ (grand), II, _b_, 820.

  _Bureaux_ (l'isle aux), ce que c'était, I, _a_, 8.


  C.

  _Cabinet_ d'histoire naturelle, III, _a_, 494.

  _Caboche_ et cabochiens, II, _a_, 123.

  _Caillard_ (Pierre), gouverneur du Louvre, II, _a_, 60.

  _Calais_ (hôtel), II, _a_, 341.

  _Calvaire_ (le), II, _a_, 455.

  ---- (les religieuses du), II, _b_, 1088, 1090.

  ---- (les dames du), IV, _a_, 281.
    --Chapelle, 284.

  _Calvin_, son portrait, III, _a_, 3.
    --Retiré à Genève, 4.

  _Calvinistes_ (les) se font craindre, III, _a_, 21.
    --Brûlés, 22.
    --Leurs premières églises, _ib._
    --Leurs progrès, 23.
    --Se défendent l'épée à la main auprès de la Sorbonne, 26.
    --Conquête de leur parti, 28.
    --Deviennent un parti politique, 41.

  _Cambray_ (collége de), III, _b_, 512.

  _Cambrai_ (place), III, _b_, 578.

  _Cambis_ (hôtel de), II, _b_, 1135.

  _Camisards_, révoltés des Cévennes, IV, _a_, 150.

  _Camulogène_, général des parisiens, I, _a_, 9.
    --Défait par Labiénus, _ib._

  _Camus_ (hôtel le) II, _b_, 1135.

  _Canning_ (lord), rapprochement curieux d'une de ses démarches avec
          la conduite de Walpole envers Fleury, IV, _b_, 101, note.

  _Canaye_, détails sur cette famille, III, _a_, 538.

  _Capets_, obstacles qu'ils eurent à vaincre dans l'origine, II, _a_, 5.
    --Cessation du plaid général, 6.
    --Nouvel ordre de succession, 7.
    --Désignoient, jusqu'à Louis VIII, l'héritier du trône, 9.
    --Cherchent un appui dans le peuple, 10.
    --Ne comprirent pas assez la nécessité de la puissance spirituelle, 11.

  _Capétiens_, flattent le tiers-état, II, _b_, 590.
    --Auraient dû chercher plutôt leur appui dans la puissance
          spirituelle, 591.

  _Capuce_, signe de ralliement des factieux, II, _a_, 40.

  _Capucines_ (monastère des), II, _a_, 171.
    --Sa construction, 172.
    --Leur régle, 173.
    --Transférées rue Neuve-des-petits-Champs, 174.
    --Portail de leur église, _ib._
    --Intérieur, 175.
    --Curiosités, 176.

  _Capucins_ (les), origine, I, _b_, 992.
    --S'établissent à Picpus, 994.
    --Catherine de Médicis leur donne une maison, 995.
    --Église, 996.
    --Ne méritaient pas les dédains de la philosophie moderne, 997.
    --Curiosité de leur église, 998.
    --Bibliothèque, _ib._

  ---- de la Chaussée d'Antin, II, _a_, 243.
    --Église, 244.

  ---- du Marais, II, _b_, 1084.
    --Curiosités, 1085.

  ---- du quartier Saint-Benoît, III, _b_, 486.

  _Cardinal_ (Palais-), V. _Palais-Royal_.

  _Carlos_ (l'infant don) envahit le royaume de Naples, IV, _b_, 106.

  _Carmélites_ de la rue du Chapon, II, _b_, 683.

  ---- (les), III, _b_, 462.
    --Curiosités, 468.

  ---- (les), IV, _b_, 447.

  _Carmes_ billettes, II, _b_, 978.
    --Embrassent le tiers-ordre, 981.
    --Leur relâchement, 982.
    --On laisse cet ordre s'éteindre, 983.
    --Église, 984.

  _Carmes_ (les), III, _b_, 346.
    --Leur arrivée en France avec saint Louis, 347.
    --Église, 350.

  _Carmes_ déchaussés, IV, _a_, 269.
    --Église, 271.
    --Monastère, 272.

  _Carnavalet_ (hôtel de), II, _b_, 1327.

  _Carrouge_ (la dame de) accuse Legris d'avoir attenté à son
          honneur, II, _a_, 165.

  _Carrousel_ (le plan du), I, _b_, 912.
    --Origine de ce nom, 913.
    --Détails sur les carrousels, 914.

  _Cas_ royaux, I, _b_, 514-516.

  _Cas_ de conscience, IV, _a_, 168.

  _Capel_ (hôtel de), IV, _a_, 365.

  _Catherine_ (l'hôpital Sainte-), I, _b_, 570.
    --Son plus ancien titre, 571.
    --Par qui administré anciennement, _ib._
    --Religieuses, 572.
    --Statue de sainte Catherine, 573.

  _Catherine_ du Val-des-Écoliers (les chanoines réguliers de sainte),
          I, _b_, 1214.
    --Leurs progrès, 1218.
    --Église, 1220.
    --Réparations, 1223.
    --Curiosités, 1225.

  _Catholiques_ (la religion). Son influence sur l'homme et la société,
          IV, _a_, 187.
    --Régulatrice universelle, 188.

  _Catholiques_ (les Nouvelles-). But de cette communauté, II, _a_, 178.
    --Libéralités à leur égard, 180.
    --Leur maison, 181.
    --Curiosités, _ib._

  _Catinat_, IV, _a_, 142.
    --Rappelé, 143.

  _Caumont_ (Anne de) fonde le monastère des Filles-Saint-Thomas,
          II, _a_, 230.

  _Célestins_, II, _b_, 935.
    --Introduits en France, _ib._
    --Affection de Charles V pour eux, 937.
    --Église, 938.
    --Richesse de leur couvent, 940.
    --Curiosités, _ib._
    --Chapelles, 942.
    --Vitraux, 950.

  _Cent-Filles_ (les), III, _a_, 505.

  _César_ fait rebâtir Paris, I, _a_, disc. prél., 9.

  _Chaillot_, village près de Paris, I, _b_, 1039.
    --Origine et étymologie de ce nom, 1040.
    --Coutume singulière qui y régnoit, 1042.
    --Église, 1097.
    --Dépendoit du prieuré de Saint-Martin-des-Champs, 1045.
    --Position remarquable de Chaillot, 1044.

  _Chalotais_ (la), IV, _b_, 333.
    --Sa dispute avec l'abbé Georgel au sujet des Jésuites, 334, note.

  _Chambre des comptes_. Son origine, I, _a_, 180.
    --Étoit résidente à Paris, 181.
    --But de cette institution, 182.
    --Divers ordres d'officiers et leurs fonctions, 183.
    --Dignité du président, _ib._
    --Droits honorifiques de ce magistrat, 184.
    --Bâtiment de la chambre des comptes, _ib._
    --Arcades de la chambre des comptes, 405.

  ---- du domaine et du trésor, I, _a_, 190.

  ---- de saint Louis, III, _b_, 137.
    --Cesse de s'assembler, 139.

  ---- royale et syndicale des imprimeurs et libraires de Paris,
          III, _b_, 723.

  _Chamillart_ (hôtel de), II, _a_, 330.

  _Champagne_ (Philippe de), peintre, I, _b_, 879.

  _Champ-de-Mars_, I, _a_, 133; IV, _b_, 469.

  _Champigny_ (Jean-Simon de), évêque de Paris, I, _b_, 585.

  _Champeaux_ (Guillaume de), III, _a_, 552.

  _Champs-Élysées_, I, _b_, 1017.

  _Chanai_ (collége de), III, _a_, 584.
    --Nombre de boursiers, 585.

  _Chancellerie_ du palais, I, _a_, 190.

  _Change_ (pont au), I, _a_, 88-391.

  _Chanoines_. Leur origine, I, _a_, 355.
    --Louis-le-Débonnaire leur donne une règle fixe, 358.

  ---- De Paris, sous le nom de Frères de sainte Marie, 258.

  _Chantier_ du roi, II, _b_, 964.

  _Chapelle_ (la Sainte-), I, _a_, 107.
    --Anciennes chapelles sur le même terrain, 110.
    --Chapelle de Saint-Nicolas, 111.
    --Saint Louis la fait bâtir pour y déposer la couronne d'épines, _ib._
    --Description, 113.
    --Ses vitraux, 114.
    --Basse Sainte-Chapelle, 115.
    --Par qui elle était desservie, 116.
    --Reliques et autres objets précieux, 118.
    --Tableaux, 120.
    --Sculptures, 121.
    --Tombeaux, _ib._
    --Cérémonie du vendredi saint, _ib._
    --Trésor des chartres, 123.

  _Chapitre_. Ce que c'est, I, _a_, 355.

  _Charenton_ (attaque de), III, _b_, 176.

  _Charité_ (les filles de la), II, _a_, 548.
    --Fondation, 549.
    --Composées d'abord de filles de campagne, 551.
    --Appelées soeurs grises, 552.

  ---- Notre-Dame (hôpital de la), I, _b_, 1244.
    --Voeux des religieuses, 1245.

  ---- (frères de la), origine, IV, _b_, 397.
    --S'établissent rue des Saints-Pères, 398.
    --Curiosités de l'hospice, 400.
    --Fontaine, 491.

  _Charlemagne_ et les Carlovingiens, I, _a_, 65.
    --Ce qu'il faisoit avant de se mettre en campagne, 135.
    --Interdit au clergé le service militaire, 206.
    --Chute des Carlovingiens, I, _b_, 48.

  _Charles-le-Mauvais_ deux fois emprisonné au Louvre, I, _b_, 771;
    II, _a_, 25.
    --S'évade, 35.
    --Gouverneur général de Paris, 52.
    --Veut traiter, 53.
    --Devient suspect, 54.

  _Charles_, dauphin. Idée qu'on avoit de lui, II, _a_, 26.
    --Est fait lieutenant général du royaume, _ib._
    --Va trouver à Metz l'empereur Charles IV, 28.
    --Revient à Paris et harangue le peuple, 37.
    --Conduite de Charles envers Marcel et Charles-le-Mauvais, 39.
    --Harangue le peuple aux halles, 41.
    --Contient les factieux, 43.
    --Demande la vie à Marcel, 47.
    --Signe un traité rédigé par les factieux, 43.
    --Quitte Paris, 49.
    --Demande qu'on lui livre les chefs de la faction, 52.
    --Se prépare à rentrer dans Paris, 52.
    --Se justifie devant le peuple d'avoir fait arrêter douze
          bourgeois, 61.
    --Devient roi, 68.

  ---- V. État de la France à son avènement, 68.

  ---- Merveilles des cinq premières années de son règne, 69.
    --Fixe la majorité des rois à quatorze ans, 73.
    --Sa mort, 75.
    --Bienfaits de son règne, 76.

  ---- VI. Sa minorité, II, _a_, 79.
    --Son sacre, 80.
    --Troubles; états-généraux, 82.
    --Sédition, 85.
    --Marche au secours du comte de Flandre, 90.
    --Exécutions terribles, 92.
    --Paix avec les Flamands, 94.
    --Anecdote de la forêt du Mans, 98.
    --Premiers signes d'aliénation, 99.
    --Naissance de son cinquième fils, 102.
    --Fin malheureuse de ce règne, 103.
    --Troubles des Armagnacs et des Bourguignons, 117.
    --Reçoit son épouse, 156.
    --Sa mort, 162.

  ---- VII. Monte sur le trône, II, _a_, 372.
    --Sacré, _ib._
    --Conspiration en sa faveur, 374.
    --Revers, 375.
    --Bataille de Verneuil, 376.
    --Ce qui le sauve, 378.
    --Il offre l'épée de connétable à Richemont, 380.
    --Est abandonné du duc de Bretagne, 383.
    --Ses défenseurs assiégés dans Orléans, 385.
    --Journée aux harengs, 386.
    --La pucelle, 387.
    --Charles est conduit à Reims et sacré de nouveau, 389.
    --S'avance jusqu'à Dammartin, 391.
    --Reprend Saint-Denis, 393.
    --Succès, 399.
    --Se réconcilie avec le duc de Bourgogne, 406.
    --Sa valeur à Montereau Faut-Yonne, 415.
    --Entre à Paris, _ib._
    --Sa mort, 420.

  ---- le Téméraire, duc de Bourgogne, II, _b_, 639.
    --Son ambition, 647.
    --Cède aux troupes du roi, 649.
    --Perdu par ses succès, 651.

  ---- VIII. II, _b_, 880.
    --États de Tours, 881.
    --Son armée triomphe à Saint-Aubin, 894.
    --Se marie, 895.
    --Fait revivre ses prétentions sur Naples, 897.
    --Conquête de l'Italie, 898.
    --Demande des secours aux Parisiens, 900.
    --Mort du roi Charles VIII, 902.

  _Charles_ IX s'avoue auteur de la Saint-Barthélemy, 209.
    --Sa mort, 218.

  ---- IV donne ses états à Louis XIV, IV, _a_, 27.

  ---- II, roi d'Angleterre, IV, _a_, 50.
    --Sa politique, 51.
    --Révoque la liberté de conscience, _ib._
    --Fait épouser sa fille au prince d'Orange, 76.

  _Charni_ (le sire de) frappe Marcel d'un coup de hache, II, _a_, 59.

  _Charni_ (hôtel de), II, _b_, 854.

  _Charniers_ (les), II, _a_, 451.
    --Inscription, 452.
    --Curiosités, _ib._
    --Démolis, 458.

  _Charollais_ (le comte de), chef des mécontents, II, _b_, 611.
    --À la tête des flamands, 621.
    --Veut s'emparer de Paris, 623.
    --Fuit à Montlhéri, 625.
    --Revient contre Paris, 627.
    --Entre en conférence avec les parisiens, 628.
    --Veut passer la Seine, 632.
    --Conférences, 633.
    --Fait la paix, 635.

  _Chanon_ (Jean), prévôt des marchands, III, _a_, 182.

  _Charonne_ (les religieuses de), IV, _a_, 87.

  _Chartreux_, IV, _a_, 326.
    --Constructions, 328.
    --Église, 330.
    --Curiosités, _ib._
    --Sculptures, 333.
    --Entrée, 335.
    --Cloître, 336.
    --Dépendances, 337.

  _Chasse-midi_ (le prieuré de), IV, _a_, 244.

  _Château-Neuf_ (garde des sceaux), III, _b_, 113.
    --Exilé, 124.

  _Châtel_ (Jean), sa pyramide, I, _a_, 228.
    --Tente d'assassiner Henri IV, III, _a_, 434.

  _Châtelet_ (le grand et le petit), n'étaient point des forteresses,
          I, _a_, 12;
      III, _b_, 338.

  _Châtelet_ (le grand), I, _b_, 509.
    --Opinions sur l'origine de ce monument, _ib._
    --Sa juridiction, 511.
    --Le prévôt de Paris y siégeoit, 520.
    --Disposition en faveur du Châtelet, consignée dans le grand coutumier
          de France, 522.
    --Étendue de la juridiction de cette cour, 527.
    --Bâtiment du Châtelet, 528.
    --Ses prisons, 530.

  _Châtillon_ (le cardinal de), III, _a_, 41.

  _Châtillon_ (le comte de), III, _a_, 360.
    --Il échoue en voulant escalader les murs de Paris, 361.

  _Châtre_ (le maréchal de la), III, _b_, 6.

  _Chaumont_ (les filles de Saint), V. Union chrétienne.

  _Chavigny_, ministre, III, _b_, 104.
    --Gouverneur de Vincennes, 113.
    --Exilé, 156.
    --En liberté, 160.

  _Chenart_ (Hôtel-Dieu de Jean), II, _a_, 507.

  _Chereins_ ou Cherei, fondateur de l'église Saint-Honoré, I, _b_, 818.

  _Chirurgie_ (académie royale de), III, _b_, 654.
    --Chaires, 662.

  _Chiverny_ disculpe Jean Châtel, I, _a_, 234.

  _Choiseul_ (ancien hôtel), II, _a_, 250-252.

  _Choiseul_ (le duc de), au ministère, IV, _b_, 301, et suiv.
    --Poursuit les Jésuites, 344.
    --Disgracié, 362.

  _Cholets_ (le collége des), III, _b_, 530.

  _Christophe_ (Saint), I, _a_, 286.
    --Origine de cette église et par qui elle était desservie, 287.

  _Cippe_ antique, découvert dans la Cité, I, _a_, 463.

  _Cité_ (île de la), différente autrefois de ce qu'elle est, I, _a_, 88.

  _Cités_. Leur administration à la chute de l'empire romain, II, _b_, 801.
    --Décurions, 802.
    --Decemvirs, 803.
    --Régime municipal sous les rois de France, 807.
    --Prévôts, 809.

  _Clair_ (Saint), chapelle, II, _a_, 322.
    --_V._ bons enfants.

  _Clarence_ (le duc de), défait à Beaucé, II, _a_, 161.

  _Clamart_ (hôtel), III, _a_, 620.
    --Cimetière, 627.

  _Clément_ (Jacques), III, _a_, 329.

  _Clercs_ irlandais, II, _b_, 559.

  _Clergé_, commence à jouir d'une existence politique, II, _b_, 594.

  _Clergé_ (assemblée du), IV, _a_, 89.
    --Assemblée générale, 90.
    --Examine la question de l'autorité du pape, 91.
    --Déclaration, 92.
    --S'assemble en 1754, IV, _b_, 255.
    --Il dénonce le philosophisme, 256.
    --Se montre faible, 257.

  _Clermont_ (le comte de), II, _a_, 398.

  ---- (le comte de), IV, _b_, 294.

  _Cléry_ (ancien hôtel), II, _a_, 250.

  _Clèves_ (hôtel de), I, _b_, 825.

  _Clisson_ (Olivier de), arrêté dans un tournoi, I, _b_, 794.
    --Son supplice, II, _a_, 21.

  _Clisson_ (le connétable de), II, _a_, 94.
    --Assassiné, 97.

  _Clopinel_ continue le roman de la rose, III, _b_, 417.

  _Clos_ Saint-Victor, III, _a_, 627.

  _Clotilde_ (congrégation de Sainte), II, _b_, 1372.

  _Clovis_ s'établit à Paris, I, _a_, Disc. prél., 14.
    --Son gouvernement, 55.
    --Sa conversion, 194.
    --Son cénotaphe, III, _b_, 380.
    --Palais de Clovis, 385.

  _Cluny_ (collége de), III, _b_, 704.
    --Hôtel, 716.

  _Collége_ royal, III, _a_, 515.
    --Chaires diverses, 520.

  _Colbert_ (hôtel de), II, _a_, 252.

  _Colbert_, IV, _a_, 9.
    --Jugement, 14.
    --Décrie les billets d'épargne, 15.
    --Ses succès, 17, 26.
    --Époque de sa gloire, 83.
    --Excite le roi contre le pape, 87.
    --Sa mort, 126.
    --Il commence la dette publique, 193.

  _Colombes_ (pont aux), I, _a_, 86.

  _Côme_ (église Saint) et Saint-Damien, III, _b_, 650.
    --Curiosités, 651.
    --Circonscription, 652.

  _Comédiens_ italiens, leur origine en France, II, _a_, 232.
    --Premiers acteurs, 235.
    --Adoptent des pièces françoises, _ib._
    --Interdits, 236.
    --Rappelés, _ib._
    --Leurs progrès, 238.
    --Élèvent un théâtre, 239.
    --Description, _ib._
    --Intérieur, 243.

  _Comédie_ françoise, IV, _a_, 302.
    --Fête des fous, 303, note.
    --Progrès, 304.
    --Tragédies, 305.
    --Pélerins, 307.
    --Leur manière de jouer, 309.
    --Des jeunes gens de Paris forment un théâtre, 311.
    --Les bazochiens, 312.
    --Moralités, 313.
    --Arrêt du parlement sur les spectacles, 314.
    --Épuration du goût, 316.
    --Molière, 318.
    --La comédie françoise s'organise, 329.
    --Son théâtre, 320.
    --Description, 322.
    --Incendié et reconstruit, 322.

  _Compagnies_ (grandes), I, _a_, 51.
    --Leurs ravages, 66.
    --Détruites, 69.

  _Comtes_ de Paris. Leur usurpation, I, _a_, 67.

  _Conception_ (filles de la), origine, I, _b_, 1006.
    --Exiguïté de leurs revenus, 1008.
    --Louis XIV les secourt, _ib._
    --Église, _ib._

  ---- Immaculée (le monastère royal de la), IV, _b_, 426.

  _Conciles_. De l'idée de leur souveraineté, dérive la souveraineté
          du peuple, III, _a_, 232.

  _Concini_, son ascendant sur la reine, III, _b_, 7.
    --S'enfuit, 24.
    --Assassiné, 32.
    --Insulte faite à son cadavre, 34.
    --I, _a_, 96.
    --Sa femme est exécutée en place de Grève, 34.

  _Condé_ (le prince de.), III, _a_, 40.
    --Chef de la réforme, 41.
    --Se justifie d'un complot, 50.
    --Veut s'emparer de Lyon, 61.
    --Condamné à mort, 63.
    --Se réconcilie avec le duc de Guise, 73.
    --Quitte Paris, 95.
    --Revient avec une armée, 97.
    --Reçoit des renforts, 105.
    --Entre en conférence avec la reine, 109.

  ---- (fils du précédent), revient d'un exil volontaire, III, _b_, 6.
    --Se retire de nouveau, 12.
    --Ses manifestes, 13.
    --Nommé président du conseil, 22.
    --Cabale de nouveau, 23.
    --Arrêté au Louvre, 25.
    --Conseille de continuer la guerre contre les protestants, 50.
    --Travaille au renvoi de Mazarin, 158.
    --Menace le parlement, 161.
    --Prépare le siége de Paris avec 8,000 hommes, 174.
    --Ses railleries sur les frondeurs, 177.
    --Fait outrage à Mazarin, 197.
    --Rompt ouvertement avec lui, 201.
    --Arrêté au Palais-Royal, 202.
    --Mis en liberté, 243.
    --Ses projets ambitieux, 244.
    --Cède aux intrigues de Gondi, 254.
    --Condé à Saint-Maur, 256.
    --Sort de nouveau de Paris à la majorité du roi, 258.
    --Sa révolte, 266.
    --Entre à Paris, 286.
    --Combat aux portes de Paris, 296.
    --Se retire derrière la Seine, 299.
    --Veut forcer le cardinal de Retz à quitter Paris, 301.
    --Horribles scènes, 303.
    --Il est accusé d'être l'auteur d'un massacre, 304.
    --Sort de France, 315.
    --Opposé aux Hollandais par Louis XIV, IV, _a_, 60.
    --Remplace Turenne en Alsace, 67.
    --Battu à Dreux et fait prisonnier, 108.
    --Fait la paix, 117.
    --Sa conduite à la Cour, 120.
    --Fait enlever le roi, 133.
    --Assiége Paris, 137.
    --Perd la bataille de Saint-Denis, 140.
    --Paix, 143.
    --Nouveaux troubles, 145.
    --Bataille de Jarnac, 147.
    --Mort de Condé, 148.

  _Condé_ (ancien hôtel de), IV, _a_, 363.

  _Conflans_ (le seigneur de), assassiné par les ordres de Marcel,
          II, _a_, 45.

  _Conflans_ (traité de), II, _b_, 635.

  _Conférence_ (porte de la), I, _b_, 955.
    --Quand elle fut construite, 958.

  _Confession_ (billets de), IV, _b_, 240.

  _Confréries_. Causes morales de ces associations, I, _b_, 559.
    --Civiles et religieuses, 561.
    --Chez tous les peuples, _ib._
    --Confréries religieuses dès les premiers siècles de l'église, 562.
    --Confréries des arts et métiers, _ib._
    --Corruption de ces établissements, _ib._
    --Confréries des états modernes, 563.
    --Leurs différentes espèces, 564.
    --Confréries pour le salut des âmes, 564.
    --Pour les oeuvres de charité, 565.
    --Des pénitents, _ib._
    --De négociants, 166.
    --Des officiers de justice, 167.
    --Des artisans, _ib._
    --De la passion, 168.
    --Confréries de factieux, _ib._

  _Congrégation_ de Notre-Dame (les filles de la), III, _a_, 469.

  _Conseil_ (le grand), en quoi il différait du parlement, I, _a_, 170.
    --Reçoit une forme permanente, 177.
    --Confirmé, _ib._
    --Ses attributions depuis Louis XII, 177.
    --De quoi il se composait dans les derniers temps de la monarchie, 179.
    --Où il tenait ses assemblées, 180.

  _Constance_ (le concile de), II, _b_, 599.
    --Devient conciliabule, 600.

  _Constantinople_. Sa fondation. Disc. prél., 2.

  _Conti_ (fontaine de), IV, _b_, 490.

  _Contrôleur-général_ (hôtel du), II, _a_, 252.

  _Convalescents_ (les), IV, _b_, 425.

  _Convertis_ (les nouveaux), III, _a_, 484.

  _Coqueret_ (collége), III, _b_, 536.

  _Cordelières_, III, _a_, 530.
    --Reçoivent une maison, 533.
    --Leur règle, _ib._
    --Église, 534.
    --Forcées différentes fois d'abandonner leur maison, 535.

  _Cordeliers_, III, _b_, 663.
    --Église, 668.

  _Cordonniers_ (la communauté des frères), III, _b_, 615.

  _Cornouaille_ (collége de), III, _b_, 499.

  _Corrozet_ publie son livre sur Paris, I, _a_, Avertiss. iij.
    --Ce livre retouché par Bonfons, _ib._
    --Ne compte que quatre cents rues et ruelles à Paris, 441.

  _Cossé-Brissac_ (hôtel de), II, _b_, 1315.

  _Cotte_ (Jules et Robert de), architectes, I, _b_, 962.

  _Coucy_ (Enguerrand de), enfermé dans la tour du Louvre, I, _b_, 771.

  _Couronne-d'Or_ (maison de la), I, _b_, 653.
    --Habitée en 1698 par Guy de la Trémouille, 653.

  _Cours-la-Reine_, I, _b_, 1016.
    --On y joint les Champs-Élysées, 1017.

  _Coutras_ (bataille de), III, _a_, 284.

  _Craon_ (Pierre de), II, _a_, 95.
    --Obtient sa grâce, 99.

  _Crécy_ (bataille de), II, _a_, 22.

  _Créqui_ (le duc de), IV, _a_, 21.

  ---- (le maréchal de), IV, _a_, 68.
    --Remplace Villars, IV, _b_, 106.

  _Crévant_ (bataille de), II, _a_, 375.

  _Croisades_, I, _b_, 688.
    --Leurs avantages extérieurs, 689.
    --Intérieurs, _ib._
    --Contre les Albigeois, 691.

  _Croix_ de la Cité (Sainte-), I, _a_, 259.
    --Origine, _ib._
    --Sa cure, 260.
    --Curiosités de cette église, _ib._
    --Confrérie en l'honneur des cinq plaies de Notre-Dame, 261.
    --Circonscription, 261.

  _Croix-du-Tiroir_ (fontaine de la), I, _b_, 837.
    --Inscription, 838.

  ---- Gastine (la), II, _a_, 454.

  ---- (les filles de la congrégation de Sainte-), II, _b_, 848.
    --Leur maison, 850.

  ---- la Bretonnerie (les chanoines réguliers de Sainte-), I, _b_, 985.
    --Église, _ib._
    --Curiosités, 988.

  ---- (les religieuses de la), III, _b_, 1287.
    --Église, 1389.

  ---- (les filles de la), II, _a_, 504.

  _Cromwell_ s'empare de la Jamaïque, IV, _a_, 4.

  _Culture-l'Évêque_, I, _a_, 347.

  _Cybèle_, adorée à Paris, I, _a_, Disc. prél., 7, note.

  _Cyran_ (Saint-) à Port-Royal, IV, _a_, 179.


  D.

  _Damiens_ assassine Louis XV, IV, _b_, 265.
    --Ses déclarations relativement aux Jésuites, 266.

  _Dammartin_ (hôtel du comte de), I, _b_, 594.

  _Darnville_ (collége de), III, _b_, 694.

  _Dauphine_ (place), I, _a_, 102.
    --D'où lui vient ce nom, 103.
    --Son irrégularité, 104.

  _Dauphin_ (le), Louis, fils de Charles VI, II, _a_, 135.
    --Retiré à Bourges, 141.
    --S'empare de Paris, 142.
    --Appelle les princes d'Orléans à son secours, 143.
    --Sa mort subite, 144.

  ---- fils de Louis XIV, IV, _a_, 81.
    --Épouse la fille de l'électeur de Bavière, _ib._

  _Davilar_, III, _a_, 301.

  _Décrétoire_ (année), III, _b_, 332.

  _Décurions_, premiers magistrats des cités, II, _b_, 802.

  _Delamare_. Son Traité sur la police, I, _a_, X.

  _Deni_ de justice, I, _b_, 481.

  _Denis_ de la Chartre (Saint-), I, _a_, 168.
    --Pourquoi ainsi appelée, _ib._
    --Desservie par des chanoines séculiers, 270.
    --Rebâtie, 271.
    --Curiosités, 272.
    --Vitrages, 273.

  ---- du Pas (Saint-), cause de ce surnom, I, _a_, 364.
    --Existait avant le 12e siècle, 365.

  ---- (quartier Saint-), origine, II, _a_, 481.

  _Députés_ (palais des), IV, _b_, 528.
    --Le fronton, _ib._

  _Desbrosses_, architecte, termine la grande salle du palais, I, _a_, 163.
    --Construit l'aqueduc d'Arcueil, I, _b_, 834.

  _Descartes_. Son buste et son épitaphe, III, _b_, 381.

  _Dessessarts_ (Pierre), enfermé au Louvre, I, _b_, 771.
    --Occupait l'hôtel des Tuileries, 915.

  ---- (Pépin), poursuit Marcel, prévôt des marchands, II, _a_, 58.
    --Prend la fuite, 128.
    --S'empare de la Bastille et est pris, 129.
    --Livré à la populace, _ib._

  _Desjardins_, architecte de la place des Victoires, II, _a_, 210.

  _Desmarets_ (Jean), II, _a_, 86.
    --Son éloge et sa mort, 92.

  _Desnoyers_, ministre, III, _b_, 104.

  _Dessin_ (école gratuite de), III, _b_, 695.

  _Dinocheau_ (Jean), marchand de bétail, fondateur d'une chapelle des
          cinq plaies, I, _b_, 960.

  ---- (Étienne), neveu du précédent, courrier ordinaire du roi,
          I, _b_, 960.

  _Doctrine_ chrétienne (les prêtres de la), III, _a_, 466.
    --Église et curiosités, 469.

  _Doriole_ (Pierre de), chancelier de France devient président de la
          cour des comptes, I, _a_, 185.

  _Dormans-Beauvais_ (collége de), III, _b_, 507.
    --Chapelle et curiosités, 509.

  _Double_ (pont au), I, _a_, 378.

  _Douglas_ (le comte de) fait connétable, II, _a_, 162.

  _Doyenné_ (maison du), I, _b_, 830.
    --Célèbre par la mort de Gabrielle d'Estrées, _ib._

  _Drapiers_, chaussetiers.
    --Leur confrérie, I, _a_, 273.

  _Drapiers_ (bureau des marchands), I, _b_, 659.

  _Dreux_ (bataille de), perdue par les réformés, III, _a_, 108.

  _Droit_ (école de), III, _b_, 550.
    --Histoire du droit français, _ib._
    --Composition de la Faculté de droit, 558.
    --Curiosités, 559.

  _Dubois_ (l'abbé), au conseil d'état, IV, _b_, 14.
    --Gagne le duc de Noailles et Canillac, 15.
    --Conclut en Hollande la quadruple alliance, 18.
    --Sa faveur s'accroît au milieu des misères publiques, 37.
    --Archevêque de Cambrai, 58.
    --D'où venait son crédit auprès du régent, 60.
    --Vise au cardinalat, 64.
    --Veut faire casser le parlement, 66.
    --Reçoit le chapeau, 67.
    --Ce qui a pu décider le pape à le nommer, 68.
    --Fait exiler ses adversaires, 71.
    --Premier ministre, 73.
    --Atteint d'une maladie mortelle, 74.
    --Sa mort impie, 75.
    --Ses turpitudes révélées après sa mort, _ib._

  _Dubourg_ (Anne), arrêté en plein parlement, III, _a_, 33.
    --Son procès, 43.

  _Duchâtel_ (Pierre), gardien de la bibliothèque, II, _a_, 186.

  _Duel_ judiciaire sous Charles VI, II, _a_, 165.

  _Dufour_, arrêté en plein parlement, III, _a_, 33.

  _Duguesclin_. Ses exploits, II, _a_, 169.

  _Dunois_, bâtard d'Orléans, II, _a_, 389.

  _Dupes_ (journée des), III, _b_, 72.

  _Dupleix_ disculpe les Jésuites de l'attentat de Jean Châtel,
          I, _a_, 231.

  _Duprat_ (chancelier), et la pragmatique, II, _b_, 1029.

  _Dupuy_ (Raymond) organise une milice parmi les hospitaliers,
          II, _b_, 1093.


  E.

  _École-Militaire_, IV, _b_, 465.
    --Curiosités, 467.

  _Écoles Chrétiennes_ (frères des), IV, _a_, 357.
    --Leurs différents noms, 358.
    --Arrivent à Paris, _ib._

  _Écossais_ (collége des), III, _a_, 611.
    --Tombeaux, 613.

  _Ecquevilly_ (hôtel d'), II, _b_, 1136.

  _Édit_ de juillet contre les Calvinistes, III, _a_, 71.

  ---- de janvier, et ses effets, III, _a_, 83.

  ---- d'Amboise, III, _a_, 117.

  ---- d'Union, III, _a_, 309.

  ---- de Nantes, III, _b_, 2.
    --Confirmé pendant la minorité de Louis XIII, III, _b_, 4.

  _Édouard_ Ier, ses débats avec Philippe-le-Bel, II, _a_, 14.

  ---- II, laisse reprendre aux rois français leur ascendant, II, _a_, 17.

  ---- III, dispute le royaume de France à Philippe-de-Valois, II, _a_, 17.
    --Reçoit à bras ouverts Robert III, banni de France, 21.
    --Prend le parti de Jean-de-Montfort, 21.
    --Débarque en Normandie, 22.
    --Défait les Français à Crécy, et s'empare de Calais, _ib._
    --Vient de nouveau au secours des révoltés, 25.
    --Vainqueur à Maupertuis, 25.
    --Propose un traité honteux, 62.
    --Rentre en France, et sans succès, 63.
    --Cité devant le parlement, 71.

  _Église_ de France, son état sous Louis XV, IV, _b_, 156 et suiv.

  _Egmont_ (Juste d'), peintre, I, _a_, 879.

  _Elbeuf_ (le duc d') et ses trois fils intriguent à Paris, III, _b_, 169.
    --Éprouve un échec, 171.

  _Éléonor_ (comtesse de Vermandois), dote l'église de Saint-Symphorien,
          I, _a_, 274.

  _Éléonore_ de Guyenne, II, _a_, 13.

  _Élisabeth_ (les religieuses de Sainte-), II, _b_, 1126.
    --Église, 1128.
    --Curiosités, _ib._

  _Éloi_ (Saint-), orfévre, établit une communauté de filles, I, _a_, 234.
    --Ceinture de Saint-Éloi, 225.

  ---- (chapelle Saint-), I, _b_, 626.
    --Hôpital des orfévres, 627.
    --Rendu plus vaste et plus commode, 629.
    --Par qui la chapelle était desservie, 629.

  _Émery_ (le surintendant), III, _b_, 126.
    --Sa disgrace, 130.
    --Sa réintégration, 202.

  _Emmenot_, capitaine de quartier, III, _a_, 374.

  _Enfant-Jésus_ (les filles de l'), IV, _a_, 263.
    --Soeurs de l'Enfant-Jésus, ou École de charité, 356.

  _Enfants-Rouges_ (hôpital des), par qui fondé et à quelle occasion,
          II, _b_, 1090.
    --Supprimé, 1092.

  _Enfans-Teigneux_, IV, _b_, 401.

  ---- _Trouvés_ (hôpital des), II, _b_, 1271.
    --Curiosités, 1272.

  ---- _Trouvés_ (maison des), I, _a_, 384.
    --Reconstituée par Saint-Vincent-de-Paul, 387.
    --Revenus et usages de cette maison, 388.

  _Enghien_ (le duc d'), à Rocroy, III, _b_, 115.
    --Ses liaisons avec la duchesse de Montbazon, 116.
    --Victoire de Lens, 140.

  ---- (hospice d'), IV, _b_, 533.

  _Épernay_ (conférences d'), III, _a_, 269.

  _Épernon_ (le duc d'), quitte le parti de Henri Quatre, III, _a_, 333.
    --Force le parlement à donner la régence à Marie de Médicis,
          III, _b_, 3.
    --Conseille sagement la régente, 12.
    --Écoute les propositions de Marie de Médicis, 36.
    --Reçu en grâce, 37.
    --Refuse d'obéir au roi, 61.

  _Épiscopal_ (palais), quand bâti et par qui, I, _a_, 328.
    --Agrandi, 329.

  _Esprit_ (hôpital du Saint-), III, _b_, 818.
    --Curiosités, 819.

  ---- (séminaire du Saint-), III, _b_, 562.
    --Chapelle et curiosités, 564.

  _Estrées_ (hôtel d'), II, _b_, 1318.

  _Essarts_ (Marie des), sa sépulture, III, _b_, 361.

  _Étampes_ (hôtel de la duchesse d'), III, _b_, 711.

  _États-Généraux_ sous Charles Dauphin, II, _a_, 27.

  _Étienne_, doyen de Paris, dresse des statuts pour l'Hôtel-Dieu,
          I, _a_, 370.

  ---- prévôt de Paris, I, _b_, 521.

  _Étienne-du-Mont_ (Saint-), église paroissiale, III, _b_, 388.
    --Architecture, 391.
    --Curiosités, 392.
    --Circonscriptions, 395.

  _Étienne-des-Grès_ (collégiale), III, _b_, 419.
    --Ancienneté, 421.
    --Son état au 11e siècle, 422.
    --Curiosités, 424.
    --Inscription grecque rétrograde, 425.

  _Étoile_ (de l'), justifie les Jésuites de l'attentat de Jean Châtel,
          I, _a_, 232.

  _Étuves_ (maison ou hôtel des), I, _a_, 89.

  _Eudes_, comte de Paris, _b_, I, 490, note.

  _Eudistes_ (communauté des), III, _b_, 560.

  _Eusèbe_ (Saint-) de Verceil soumet ses clercs à la vie monastique,
          I, _a_, 356.

  _Eustache_ (quartier Saint-), II, _a_, 296.
    --Antiquités romaines, 364.
    --Monuments nouveaux, 365.

  ---- (église Saint-), origine, II, _a_, 298.
    --Paroisse, 300.
    --Fondation, 301.
    --Confréries, 302.
    --Réparée et agrandie, 302.
    --Son architecture, 303.
    --Nouveau portail, 304.
    --Sa critique, 305.
    --Intérieur, 306.
    --Curiosités, 307.
    --Circonscription, 312.
    --Réparations, 363.

  _Évêché_ de Paris, séparé de la métropole de Sens, I, _a_, 354.
    --Devient archevêché, _ib._

  _Évêques_, leur autorité sous les rois de France, I, _a_, 330.
    --Prennent le baudrier, 331.
    --Leur puissance sous Pépin, 333.
    --Se mêlent de la police temporelle, 335.
    --Tenaient des plaids, 338.
    --N'infligeaient point arbitrairement l'excommunication, 40.
    --S'ils allèrent trop loin dans l'assistance qu'ils prêtèrent
          à l'autorité séculière, 342.

  ---- de Paris. Leur maison, I, _a_, 327.
    --À quelle occasion ils firent construire des chapelles, 329.
    --Terrain qu'ils possédaient au couchant de Paris, 347.
    --Leur puissance au temps de Saint-Louis, _ib._
    --Offrent une suite nombreuse de grands et pieux personnages, 354.

  _Excommunication_. Ses effets, I, _a_, 340.


  F.

  _Farnhèse_ (Élisabeth) épouse Philippe V, IV, _b_, 11.
    --Son ambition, 12.

  _Faubourgs_ de Paris. Leur origine, I, _a_, 83.

  _Felibien_, bénédictin, auteur d'un ouvrage sur Paris, I, _a_, VII.

  _Féodalité_, son origine, I, _a_, 45.
    --Plus naturelle qu'on ne pense, 61.
    --Condamnée par Mably, défendue par M. de Bonald, 73.
    --Ses abus, 75.

  _Ferdinand_, empereur d'Allemagne, a recours à Walstein, III, _b_, 83.
    --Fait assassiner Walstein, 85.
    --Rétablissement de ses affaires, 86.

  _Fermes_ (hôtel des), II, _a_, 342.
    --Acheté par Pierre Séguier, 343.
    --Décoration intérieure, _ib._

  _Ferte_ Senectère (ancien hôtel la), II, _a_, 250.

  _Fenrand_, comte de Flandre, enfermé dans la tour du Louvre, I, _b_, 730.

  _Ferrière_-Maligni, établit la première église reformée à Paris,
          III, _a_, 23.

  _Feu_ sacré, I, _a_, 289.

  _Feuillade_ (le duc de la), II, _a_, 205.
    --Fait ériger un monument à Louis XIV, 206.
    --Précautions qu'il prend pour rendre son monument durable, 211.
    --Plaisanterie de l'abbé Perrin sur ce maréchal, 213, IV, _a_, 150.

  _Feuillantines_ (les religieuses), origine, III, _b_, 457.
    --Curiosités de l'église, 459.

  _Feuillants_ de la rue Saint-Honoré, I, _b_, 982.
    --Leur règle, 983.
    --Leur congrégation érigée à Paris, 935.
    --Faveurs dont les comble Henri IV, 986.
    --Église, portail, 987.
    --Description et curiosités, 989.
    --Bibliothèque, 991.

  ---- des Anges gardiens, IV, _a_, 324.

  _Feux_ de Saint-Jean, II, _b_, 796.

  _Feydeau_ (théâtre), II, _a_, 290.

  _Fiacres_ (maison des), II, _b_, 762.

  _Fiffer_, commandant des Suisses, III, _a_, 134.

  _Filles-Dieu_ (communauté des), II, _a_, 508.
    --Époque de leur établissement, 509.
    --Abandonnent leur maison, 512.
    --Leur translation, _ib._
    --Le relâchement s'y introduit, 513.
    --Nouvelles religieuses, 514.
    --Église, 515.
    --Crucifix, 516.

  _Firmin_ (le séminaire Saint-), remonte au moins à 1247, 592.
    --Bibliothèque, 595.

  _Flandre_ (ancien hôtel de), II, _a_, 331.

  _Flamel_ (Nicolas), I, _a_, 291.
    --Bâtit le portail de Saint-Jacques-la-Boucherie, _b_, 548.
    --Représenté sur un pilier de cette église, 551.

  _Fleming_ (Reinier), bourgeois de Paris, II, _b_, 978.

  _Fleury_ (l'abbé de), évêque de Fréjus, IV, _b_, 86.
    --Vise au ministère, 87.
    --Y parvient, 91.
    --Son caractère, 92.
    --Nommé cardinal, 93.
    --Sans rivaux et sans ennemis, 94.
    --Réforme les finances, 95.
    --Sa politique inepte, 96.
    --Dupe de Walpole, 100, note.
    --Foiblesse de ce ministre, 103.
    --Au comble de la puissance, 109.
    --Ferme les yeux sur les dissolutions du roi, 111.
    --S'oppose à la guerre, 116.
    --Son innocence diplomatique, 123.
    --Meurt, 127.
    --Sa conduite dans les affaires du jansénisme, 170 et suiv.

  _Foire_ Saint-Germain, IV, _a_, 345.
    --Où elle se tenoit, 346.
    -- Supprimée, 347.
    --Rétablie, 348.
    --Nouvelles acquisitions, _ib._
    --Loges construites et brûlées, 349.
    --Préau de la foire, 351.
    --Marché, 352.

  _Foires_ de Paris, IV, _a_, 350, note.

  _Foix_ (Sainte-). Ses Essais sur Paris, I, _a_, viii.
    --Ses défauts, ix.

  _Foix_ (le comte de) défend Meaux, II, _a_, 52.

  _Fontaines_ de Paris sous Philippe-Auguste, I, _b_, 832.
    --Depuis Philippe-Auguste jusqu'à Louis XII, _ib._
    --Sous Louis XIII, 834.
    --En 1669, 835.
    --Nouvelles en 1671, 886.
    --Sous Louis XV, _ib._
    --Pompe à feu, 837.

  _Fort-l'Évêque_ (le), étymologie de ce mot, I, _b_, 620.
    --Inscription, 623 et la note.

  _Force_ (prison de la), Histoire de cet hôtel II, _b_, 1173.
    --Description, 1174.

  _Force_ (la petite). Destination de cette prison, 1183.
    --Description, _ib._

  _Force_ (M. de la), gouverneur du Béarn, III, _b_, 21.

  _Fortet_ (collége de), III, _b_, 540.

  _Fouace_ (Pierre) tue Marcel, prévôt des marchands, II, _a_, 59.

  _Foulon_ (hôtel de), II, _b_, 1137.

  _Fouquet_, IV, _a_, 16.

  _Fourcy_ (hôtel de), II, _b_, 965.

  _Fous_ (fête des), IV, _a_, 303, note.

  _France_ chrétienne (Gallia christiana) a répandu des lumières sur
          les antiquités de Paris, I, _a_, XIII, note.

  _François_ de Sales (les prêtres de saint), III, _a_, 501.

  ---- de Paule (saint), I, _b_, 1054.

  _François Ier_. État de la France au commencement de son règne,
          II, _b_, 1024.
    --Songe à reconquérir le duché de Milan, 1026.
    --Concordat, 1030.
    --Résistance du parlement, 1031.
    --Doctrines sur la souveraineté du peuple, 1034.
    --Troubles dans l'Université, 1037.
    --Le roi la réduit à la raison, 1039.
    --Rivalité du roi avec Charles d'Autriche, 1041.
    --Conquête du Milanois, 1042.
    --Revers et dévouement des Parisiens, 1048.
    --Pavie, 1053.
    --Le roi revient à Paris, 1065.
    --Sa conduite envers les réformés, 1073.
    --Nouvelle guerre, 1073.
    --Bataille de Cerisolles, 1078.
    --Dernières années de ce prince, 1080.
    --Sa mort, 1082.

  _François II_. Commencements de son règne, III, _a_, 37.
    --Sa foiblesse, 38.
    --Assemblée de Fontainebleau, 58.
    --Revient à Paris bien accompagné, 62.
    --Sa mort subite et imprévue, 63.

  _François II_, duc de Bretagne, II, _b_, 890.
    --Fait la guerre au roi, 894.
    --Sa mort, 895.

  _Frédegaire_, ancien chroniqueur, II, _a_, 166.

  _Frédéric II_, roi de Prusse, s'empare de la Silésie, IV, _b_, 114.
    --Gagne la bataille de Molwitz, 115.
    --Ligue contre lui, 289.
    --Son intrépidité, 291.
    --Vainqueur à Rosbach, 292.
    --Éprouve des revers, 295-303.
    --Fait la guerre en partisan, 305.

  _Frondeurs_. Leur armée, III, _b_, 175.
    --Attaque de Charenton, 176.
    --Disposés à la paix, 178.
    --Nouveaux troubles, 204.
    --Ils demandent le jugement de leurs chefs Gondy et Beaufort, 209.
    --Siége et paix de Bordeaux, 222.


  G.

  _Galerie_ (la grande) du Louvre, I, _b_, 931.
    --Sous qui commencée et achevée, 932.
    --Description extérieure, 937.
    --Distribution intérieure, 939.
    --Tableaux, 941.
    --Sculpture, 942.

  _Galigaï_, épouse de Concini, III, _b_, 7.

  _Galles_ (le prince de), vainqueur à Maupertuis, II, _a_, 25.

  _Galon_, évêque de Paris, I, _b_, 536.

  _Ganganelli_ (Clément XIV), IV, _b_, 347.
    --Abolit l'ordre des Jésuites, _ib._, note.

  _Garancière_ (hôtel de), IV, _a_, 364.

  _Garde_ (hôpital de la), IV, _b_, 532.

  _Garde-meuble_. Description, I, _b_, 1014.
    --Comparable à la façade du Louvre, _ib._

  _Gare_ (la), II, _b_, 976.

  _Garin_ Masson consacre une maison à l'établissement des pauvres
          passants, I, _b_, 497.

  _Garlande_ (Étienne de) fonde la chapelle de Saint-Agnan, I, _a_, 280.

  _Gaston_, ennemi de Richelieu, III, _b_, 73.
    --Lieutenant-général du royaume, devient le jouet de Condy, 235.
    --Ses irrésolutions, 255.
    --Excite une émeute contre Mazarin, 274.
    --Exilé à Blois, 317.

  _Gauguin_ (Simonne) fonde l'hôpital de la Charité Notre-Dame,
          II, _b_, 1244.

  _Genève_ (petite). Pourquoi le faubourg Saint-Germain fut ainsi
          appelé, I, _a_, xxj.

  _Généraux_ super-intendants, I, _a_, 186.
    --Généraux conseillers, 187.

  _Généraux_ des aides, I, _a_, 187.

  _Geneviève_ (Sainte-). Son emplacement, I, _a_, 83.
    --sa fondation, III, _b_, 368.
    --État des chanoines au 12e siècle, 371.
    --Réformés, 373.
    --Relâchement, 374.
    --Antiquités de l'église, 372.
    --Reliques de sainte Geneviève, 376.
    --Chapelle, 378.
    --Curiosités, _ib._
    --Châsse et tombeau de sainte Geneviève, 380.
    --Cloître, 381.
    --Bibliothèque, 383.
    --Communauté des Filles de Sainte-Geneviève, 397.
    --Nouvelle église, 398.
    --Réparations, 402.
    --Carré, 384.

  ---- _des Ardents_ (Sainte-), I, _a_, 288.
    --Pourquoi ainsi nommée, 289.
    --Miracles à l'occasion du mal des ardents, _ib._
    --Sainte-Geneviève (la petite église), 290.
    --Cédée à Eudes de Sully, 291.

  ---- (cour et hôpital Sainte-), III, _b_, 437.

  _Geoffroy_ de Saint-Omer, fondateur des templiers, II, _b_, 1094.

  _Georges_ (Saint-), oratoire sur le chemin de Saint-Denis, I, _a_, 252.

  _Gérard_, fondateur des hospitalières, II, _b_, 1099.

  _Germain_ (le vieux Saint-), I, _a_, 261.
    --Origine, _ib._
    --Pourquoi ainsi surnommé, 263.
    --Le recteur de l'Université nommait à cette cure, _ib._
    --Curiosités, 264.
    --Circonscription, 265.
    --Les fonts baptismaux de Paris étoient jadis dans cette église, 361.

  _Germain-des-Prés_ (Saint-), I, _a_, 83.

  ---- _l'Auxerrois_ (Saint-), I, _a_, 83.
    --Son origine, I, _b_, 740.
    --Opinion de Jaillot, 741.
    --De Lebeuf, 743.
    --Sa dépendance de l'église cathédrale, 746.
    --Détruite par les Normands, 747.
    --Rebâtie, _ib._
    --N'était pas un monastère, 748.
    --Avait un chapitre, 749.
    --Réuni au chapitre de Notre-Dame, 752.
    --Église royale, _ib._
    --Antiquité de ses constructions, _ib._
    --Devient paroissiale, 755.
    --Curiosités, 757.
    --Circonscription, 760.

  ---- (Saint-) et Saint-Marcel-les-Paris, I, _b_, 502.

  ---- (nouveau marché Saint-), IV, _a_, 407.

  ---- (quartier Saint-), IV, _b_, 373.
    --L'Abbaye, _b_, 402.
    --Curiosités, 412.
    --Décorations nouvelles, 418.
    --Bibliothèque, 419.
    --Cabinet d'antiquités, 420.
    --Hôtels divers, 480.
    --Fontaines, 490.

  _Gervais_ (l'église Saint-). Origine, II, _b_, 836.
    --Paroissiale, 837.
    --De qui dépendante au 11e siècle, 838.
    --Rebâtie, 843.
    --Curiosités, 844.
    --Circonscription, 845.
    --Hôpital, 847.
    --Nouvelles décorations, 874.

  ---- (filles de Saint-), II, _b_, 1163.

  _Gesvres_ (hôtel de), II, _a_, 253, 347.

  _Giffart_, partisan de Marcel, II, _a_, 59.

  _Gilles_ et Saint-Leu (Saint-), I, _a_, 272.

  _Glaces_ (manufacture royale des), II, _b_, 1301.

  _Glocester_ (le duc de), II, _a_, 378.
    --Manque l'occasion d'écraser le parti de Charles VII, 379.

  _Grenier_ à sel, I, _b_, 624.

  _Gloriette_ (cul-de-sac), III, _b_, 585.

  _Gobelins_. Détails sur cette famille, III, _a_, 537.

  ---- (la manufacture royale des), III, _a_, 537.
    --La première de l'Europe en ce genre, 539.
    --Produits, _ib._

  _Gondi_, premier archevêque de Paris, en 1622, I, _a_, 354.

  _Gondi_, coadjuteur de Paris, III, _b_, 135.
    --Frondeur, 140.
    --Sa conduite au sujet de Broussel, 142.
    --Maître de Paris, 147.
    --Se lie avec le prince de Condé, 154.
    --Fait chansonner Mazarin et le régent, 164.
    --Se fait arrêter par le peuple, 168.
    --Prend la Bastille, 171.
    --Veut empêcher la paix de Charenton, 180.
    --Négocie secrètement avec l'Espagne, 182.
    --Fait trembler le parti modéré du Parlement, 189.
    --Retire seul tous les avantages de la paix, 195.
    --Ses liaisons avec la duchesse de Chevreuse, 196.
    --Essaie de ranimer la guerre, 201.
    --Accusé d'avoir voulu faire assassiner Condé, 206.
    --Devient l'appui du trône, 211.
    --Mazarin se prononce contre lui, 224.
    --Orage contre lui, 237.
    --Cite, en se justifiant, un prétendu passage de Cicéron, 238.
    --Sa retraite feinte à l'archevêché, 248.
    --Comment il reçut la nouvelle que la reine, conseillée par Mazarin,
          l'appeloit au ministère, 252.
    --Se déclare contre Condé, 255.
    --L'accuse en parlement, et est lui-même accusé, 258.
    --Se fait défendre par la reine d'assister au parlement, 262.
    --Refuse de consentir au retour de Mazarin, 272.
    --Nommé cardinal, 278.
    --Se retire de nouveau à l'archevêché, 279.
    --Reparoit avec un appareil formidable, 306.
    --Reçoit le chapeau des mains du roi, 313.
    --Sa mort, 318. Note.

  _Godin_ (hôpital de Pierre), II, _a_, 507.

  _Goujon_, le plus grand statuaire moderne, I, _b_, 781.

  _Gourdaine_ (l'isle à la). Ce que c'était, I, _a_, 89.

  _Grammont_ (ancien hôtel), II, _a_, 250.

  _Grange_ (Jean de la). Son portrait sur les vitraux de Saint-Denis
          de la Chartre, I, _a_, 273.

  _Grassins_ (le collége des), III, _b_, 547.
    --Chapelle, 549.

  _Gratien_, l'empereur, habita Paris, I, _a_, dis., p., 13.

  ---- jurisconsulte, sa compilation fait instituer les écoles de
          droit canonique, III, _a_, 557.

  _Grégoire_ XIII approuve la ligue, III, _a_, 262.

  _Grenier_ de réserve, II, _b_, 975.

  _Grève_ (quartier de la), II, _b_, 793.
    --Place, 795.

  _Gros-Caillou_, IV, _b_, 484.

  _Guemené_ (hôtel) II, _b_, 1332.

  _Gueret_ (le père), précepteur de Jean Châtel, disculpé, I, _a_, 233.
    --Son courage dans les tourments de la question, 236.
    --Banni à perpétuité, 237.

  _Guerri_. Changeur, I, _b_, 538.

  _Guet_ (maison du chevalier du), I, _b_, 656.

  _Guignard_ (le père), Jésuite, justifié de l'attentat de Jean Châtel,
          I, _a_, 233.
    --Sa mort courageuse, 235.

  _Guillaume_, roi d'Angleterre, à la tête de la grande alliance,
          IV, _a_, 139.

  _Guillot_, poète du XIIIe siècle, I, _a_, 430.
    --Son Dict. sur les rues de Paris, 431.
    --Nombre de rues à Paris au temps de Guillot, 440.

  _Guise_ (François de), ses commencements, III, _a_, 16.
    --Nommé lieutenant-général du royaume, 17.
    --Parti qu'il prend à l'égard des réformés, 49.
    --Déclaré conservateur de la patrie, 54.
    --Feint de se réconcilier avec le prince de Condé, 73.
    --Entre à Paris, 93.
    --Prépare le siége d'Orléans, 111.
    --Sa mort, _ib._
    --Son apologie, 113.

  _Guise_ (le jeune duc de), chargé de tuer Coligny, III, _a_, 182.
    --Chef des ligueurs, 264, somme Henri III de faire la guerre au
          roi de Navarre, 272.
    --Sa conduite avec l'armée allemande, 285.
    --Est rejoint par les principaux ligueurs, 287.
    --Entre à Paris, 291.
    --Se présente devant le roi, 294.
    --Exige le renvoi des favoris, 295.
    --Sa conduite à la journée des Barricades, 300.
    --Traité qu'il voulait faire avec le roi, 301.
    --Rétablit le calme dans Paris, 304.
    --Édit d'union, 309.
    --Assassiné par l'ordre du roi, 316.

  _Guises_ (les), leur parti, III, _a_, 37.
    --Leur conduite prudente, 42.
    --Poursuivent la réforme avec vigueur, 46.
    --Découvrent la conspiration d'Amboise, 52.
    --Pourquoi ils ménagent le prince de Condé, _ib._
    --Leur crédit effraye la reine, 56.
    --Leur exil, 89.

  _Gustave_, roi de Suède, entre en Allemagne, III, _b_, 83.
    --Ses conquêtes, _ib._
    --Tué, 84.

  _Guy_, comte de Flandre, enfermé au Louvre, I, _b_, 771.


  H.

  _Hainault_ (Jacqueline de), épouse le duc de Glocester, II, _a_, 378.

  _Halles._ Leur origine, II, _a_, 427.

  ---- (au bled), son origine, 323.
    --Description, 324.
    --La cour couverte, 325.
    --Colonne et fontaine, 327.
    --Voûte en fer, 365.

  ---- (aux cuirs), II, _a_, 439.

  ---- (aux draps et aux toiles), II, _a_, _ib._

  ---- (aux fromages), II, _a_, 438.

  ---- (aux fruits), II, _a_, 437.

  ---- (aux herbes et aux choux), II, _a_, 438.

  ---- (à la marée), II, _a_, 436.

  ---- (aux poirées), II, _a_, 438.

  ---- (au poisson d'eau douce), II, _a_, 437.

  ---- (aux veaux), III, _a_, 447.

  ---- (à la viande), II, _a_, 437.

  ---- (au vin), III, _a_, 447.
    --La nouvelle, 459.

  _Harcour_ (collége de), III, _b_, 701.

  _Harengs_ (journée des), II, _a_, 386.

  _Harlay_ de Chanvallon, archevêque de Paris, I, _a_, 354.

  ---- (hôtel de), II, _b_, 1136.

  _Haudri_, fondateur des Haudriettes, I, _b_, 1000.

  _Haudriettes_, religieuses, I, _b_, 999.
    --Hospice et chapelle, II, _a_, 798.
    --Statuts, 800.

  _Hélyot_, son témoignage sur les religieuses de l'Hôtel-Dieu,
          I, _a_, 376.

  _Héloyse_, III, _a_, 553.

  _Henri II_, réprime l'hérésie, 5. III, _a_, 4.
    --Ménage les Anglais, 6.
    --Refuse de recevoir les décrets du concile de Trente, 9.
    --Conclut une alliance avec le corps germanique, 10.
    --Assemble le parlement, 11.
    --Son expédition contre l'empereur, 14.
    --Cède, 15.
    --L'ennemi en France, 16.
    --Paix de Cateau-Cambresis, 18.
    --Son antipathie pour la réforme, 27.
    --Fait saisir deux membres du parlement, 33.
    --Son apologie, 35.

  _Henri III._ Son avénement, III, _a_, 219.
    --Ses concessions aux réformés, 224.
    --Son indolence quand la guerre s'allumait de toutes parts, 244.
    --Chef de la Ligue, 245.
    --Ses débauches, 251.
    --Ses mignons, 253.
    --Conspiration contre lui, 254.
    --Devient l'objet de l'animadversion publique, _a_, 269.
    --Son discours à l'assemblée qu'il avait convoquée au Louvre, 273.
    --Effet de sa harangue, 276.
    --Guerre des trois Henri, 277.
    --Ne veut pas détruire les huguenots, 278.
    --Nouvelle guerre, 279.
    --Déconcerte un complot de ligueurs, 283.
    --La haine publique se déchaîne contre lui, 286.
    --Son indécision, 288.
    --Promet le renvoi des favoris, 296.
    --Journée des barricades, 298.
    --Quitte Paris, 303.
    --Fait paraître un manifeste, 305.
    --Édit d'union, 309.
    --États de Blois, 311.
    --Veut faire assassiner le duc de Guise, 314.
    --Se jette entre les bras du roi de Navarre, 324.
    --Se présente devant Paris avec une armée, 328.
    --Assassiné par Jacques Clément, 331.

  _Henri_ IV ne croyait point les Jésuites complices de Jean Châtel,
          I, _a_, 240.
    --Pourquoi il les laissa proscrire par le parlement, 244.
    --Les rappelle, 245.
    --Son avénement au trône, III, _a_, 332.
    --Journée d'Arques, 336.
    --Assiége Paris, _ib._
    --Se rend à Tours, 337.
    --Différents compétiteurs, 339.
    --Assiége Dreux, 343.
    --Bataille d'Ivry, _ib._
    --Investit Paris, 350.
    --Nourrit les assiégés, 352.
    --Reçoit une députation des Parisiens, 355.
    --S'éloigne de Paris, 368.
    --Découvre les projets de Charles de Bourbon, 370.
    --Guerre civile dans les provinces, 380.
    --Henri négocie avec Mayenne, 384.
    --État de la ligue, 389.
    --Se déclare catholique, 398.
    --Abjure, 407.
    --S'empare de Paris, 420.
    --Gagne les coeurs, 423.
    --Meurt, 435.

  ---- (place de) et sa statue, I, _a_, 92.
    --Sa statue détruite et rétablie, 97.
    --Inscription, 94.
    --Jugement sur cette statue et ses reliefs, 96.
    --Ses inscriptions, 99.

  _Henri_ V s'avance en conquérant dans la Normandie, II, _a_, 157.
    --Trompe le Dauphin, 158.
    --Déclare régent et héritier du trône, 160.
    --Entre à Paris, _ib._
    --Meurt à Vincennes, 162.

  _Henri_ VI quitte Rouen, II, _a_, 402.
    --Est reçu et sacré à Paris, 403.
    --Retourne en Angleterre, 404.

  _Henri-de-Merle_ (hôtel de), III, _b_, 730.

  _Herbouville_ (hôtel d'), II, _b_, 1320.

  _Hercule_ (hôtel d'), III, _b_, 712.

  _Hibernois_ (hospice des), IV, _a_, 256.

  _Hilaire_ (Saint-), son origine, III, _b_, 354.
    --Curiosités, 365.

  _Hilduin_, auteur des aréopagitiques, II, _a_, 166.

  _Hippolyte_ (église paroissiale de Saint-), III, _a_, 526.
    --Description, 528.
    --Curiosités et circonscription, 529.

  _Hocstet_, bataille perdue, IV, _a_, 151.

  _Holbach_ (le baron d'), IV, _b_, 359.

  _Hollandais_. Leur orgueil, IV, _a_, 36.
    --Attaques par toute la puissance de Louis XIV, 40.
    --Demandent la paix, 42.
    --Acceptent la médiation de la Suède, 49.
    --Les hostilités continuent, 54.
    --Ils font de nouvelles propositions et les retirent, 55.
    --Font la paix, 77.

  _Honel_ (Nicolas), fonde un hôpital, III, _a_, 514.

  _Honoré_ (l'église Saint-), sa fondation, I, _b_, 818.
    --Appelée une des filles de Notre-Dame, 819.
    --Curiosités, 820.

  _Hôpital_ (Michel de l'), III, _a_, 54.
    --Sa conduite au sujet de Condé, 63.
    --Colloque de Poissy, 76.
    --Plan de conciliation qu'il offre à la cour, 101.

  _Hôpital_ (hôtel de l'), II, _b_, 1136.

  _Hôpital Général_. Voyez _Salpétrière_.

  _Hôpitaux_, leur établissement est un bienfait du christianisme,
          I, _a_, 366.
    --Leur origine en France, 367.

  _Hospice_ de la rue de Grenelle, II, _a_, 328.

  _Hospitaliers_ de Jérusalem, II, _b_, 1092.

  _Hospitaliers_ de la Miséricorde de Jésus, III, _a_, 502.
    --Curiosités, 504.

  _Hospitalières_ de la Roquette, II, _b_, 1278.

  _Hospitalières_ de Sainte-Anastase, II, _b_, 164.
    --À quel ordre elles appartenoient, 1165.

  _Hôtel-Dieu_, I, _a_, 366.
    --Premier titre relatif à cet établissement, 369.
    --Intérieur, 372.
    --Bâtimens anciens et modernes, 376.
    --Incendies, 379.
    --Réparations, _ib._

  _Hôtel-de-Ville_, II, _b_, 813.
    --Description, 814.
    --Curiosités, 816.
    --Brûlé, III, _b_, 302.

  _Huguenots_. Étymologie de ce mot, III, _a_, 52.
    --Leurs alarmes après la mort de Henri IV, _b_, 4.
    --Se réunissent en assemblée générale, 8.
    --Se conduisent comme une puissance indépendante, 13.
    --Conférences de Loudun, 22.
    --Leur conduite factieuse, 44.
    --Courent aux armes, 45.
    --Leur assemblée à La Rochelle, 46.
    --Rendent la ville de Montpellier et font la paix, 54.

  _Hugues Capet_ appelé au trône, I, _a_, 83.
    --_b_, 491.
    --La France sous Hugues Capet, 683.


  I.

  _Ignace_ de Loyola, fonde les Jésuite à Montmartre, II, _b_, 1187.

  _Île_ Saint-Louis. Sa description, I, _a_, 408.
    --Projets de Henri IV sur ce terrain, 411.
    --Ses hôtels, 415.
    --Ses ports, 420.
    --Rues, 460.
    --Quais, 461.

  _Importants_, factieux ainsi appelés, III, _b_, 109.
    --Leurs chefs aspirent au ministère, 113.
    --Leur défaite, 118.

  _Imprimerie_ introduite à Paris, II, _b_, 658.

  _Immunité_ (privilége de l'), I, _a_, 209.

  _Inchade_ cède plusieurs terres aux chanoines de Notre-Dame, I, _a_, 359.

  _Incurables_, IV, _a_, 257.
    --Administration de cet hospice, 258.
    --Curiosités, 259.

  _Indes_ (hôtel de la Compagnie des), II, _a_, 252.
    --Sa magnificence, 253.

  _Instruction_ chrétienne (les filles de l'), IV, _a_, 279.

  _Innocents_ (église des Saints-), son antiquité, II, _a_, 440.
    --D'où lui venoit ce nom, 443.
    --Sa dédicace, _ib._
    --Curiosités, 446.
    --Circonscription, 448.
    --Cimetière, _ib._
    --S'augmente, 450.
    --Charniers, 451.
    --Curiosités, 454.
    --Sculptures, 456.
    --Place et fontaine, 460.
    --Époque de la fondation de ces deux monuments, 461.
    --Leur mérite, 450.
    --Inscription de Santuel, 464.
    --Marché, 478.

  _Institut_. _Voyez_ Mazarin (collége).

  _Invalides_ (église des), IV, _b_, 457.
    --Avenues, 525.
    --Hôtel (royal des), 453.
    --Description extérieure, 455.
    --Le dôme, 458.
    --Description intérieure, 459.
    --Curiosités, 461.

  _Isabeau_ de Bavière entre à Paris, I, _a_, 394.

  _Isabelle_ de Bavière. Son inconduite, II, _a_, 150.
    --Reléguée à Tours, est délivrée, 151.
    --Son entrée triomphante à Paris, 156.
    --Meurt, 406.

  _Isis_. Collége de ses prêtres à Issy, I, _a_, disc. prél., 7.

  _Isis-Cybèle_ (tête d'), II, _a_, 364.

  _Italien_ (théâtre), II, _a_, 241.
    --Description de l'extérieur, _ib._
    --Intérieur, 243.


  J.

  _Jacobins_ de la rue Saint-Honoré. Origine, I, _b_, 971.
    --Leur réforme, 971.
    --Détails sur leur maison, 973.
    --Tableaux, curiosités, _ib._
    --Bibliothèque, 974.
    --Événement qui eut lieu dans ce couvent, _ib._

  ---- _réformés_, IV, _b_, 430.
    --Bibliothèque, 434.

  _Jacquerie_, I, _a_, 159.

  _Jacques-de-la-Boucherie_ (Saint), quartier, I, _b_, 471.

  _Jacques-de-la-Boucherie_ (église Saint-), I, _b_, 542.
    --Opinion de l'auteur sur son origine, 545.
    --Paroisse, 546.
    --Augmentée, 547.
    --Ses parties plus modernes, _ib._
    --Tour, 548.
    --Petit portail, _ib._
    --Curiosités, 552.
    --Droit d'asile, _ib._
    --Circonscription, 553.
    --Confréries, 557.

  _Jacques-l'Hôpital_ (Saint-), II, _a_, 482.
    --Époque de sa fondation, 484.
    --Comment il étoit administré, 485.
    --Église, 489.
    --Inscription, 490.

  _Jacques-du-Haut-Pas_ (Saint-), III, _b_, 433.
    --Église-nouvelle, 435.
    --Circonscription, 437.
    --Curiosités, 436.
    --Hospice, 486.

  _Jaillot_, ses recherches sur Paris, I, _a_, Avert. X.

  _Jansénisme_. Idée de cette hérésie, IV, _a_, 24.
    --S'introduit dans le parlement, 25.
    --Où était son foyer, 179, Note.
    --Réflexions sur les querelles de jansénisme, 179.

  _Jansénistes_, manoeuvres des évêques de cette secte, IV, _b_, 180.
    --Difficultés qu'éprouve le pape à les réprimer, 161.
    --Leurs intrigues multipliées, 163 et suiv.
    --Détails sur la doctrine de Jansénius, 166, Note.
    --Opposants et appelants, 173.
    --Silence absolu, 176.
    --Bulle de séparation, 180.
    --Calme apparent, 188.
    --Nouvelles manoeuvres, 191.
    --Conséquence rigoureuse de celle hérésie, 205.
    --Les Jansénistes travaillent le peuple, 211.
    --Miracles prétendus, _ib._ et suiv.
    --Leur doctrine sur leur droit d'absoudre, IV, _b_, 241.
    --Leurs manoeuvres, 251.
    --S'allient aux philosophes, 327.

  Jardin des Tuileries, I, _b_, 944.
    --Sa distribution primitive, 946.
    --Moderne, 948.
    --Statues et autres ornements, 953.

  ---- Turc, II, _b_, 1160.

  ---- du Roi (pont du). II, _b_, 1370.

  ---- et cabinet du Roi, III, _a_, 488.
    --Origine, 489.
    --Jardin botanique, 491.
    --Cabinet d'histoire naturelle, 494.
    --Agrandi, 660.

  _Jarnac_ (bataille de), III, _a_, 147.

  _Javeaux_ ou _Javiaux_ (île des), ou _Louvier_, I, _a_, 423.

  _Jean-le-Rond_ (Saint-), I, _a_, 361.
    --Cause de ce surnom, 362.
    --Par qui ce baptistère était desservi, 362.
    --Sépultures, 363.
    --Démoli, 363.

  _Jean_ (le roi), I, _b_, 736.
    --Défait à Maupertuis, II, _a_, 25.
    --Prisonnier, 31.
    --Rendu à la liberté, 63.
    --Retourne à sa prison, 67.

  _Jean_ II, duc d'Alençon, prisonnier, I, _b_, 772.

  _Jean_, comte de Richemont, I, _b_, 771.

  _Jean-sans-Peur_, fils du duc de Bourgogne, II, _a_, 102.
    --Fait assassiner le duc d'Orléans, 108.
    --Fuit, 110.
    --Revient avec une armée, et entre à Paris, 112.
    --Marche contre les Liégeois, 114.
    --Fait la paix, 115.
    --Est nommé surintendant de l'éducation du Dauphin, 117.
    --Assassiné, 158.

  _Jean-porte-Latine_ (chapelle Saint-), II, _a_, 249.

  ---- en Grève (Saint), église paroissiale, II, _b_, 822.
    --Agrandie, et restaurée, 824.
    --Curiosités, 825.
    --Circonscription, 826.
    --Détruite, 829.
    --Restes de cette église, 874.

  ---- (le marché Saint-), II, _b_, 833.

  ---- de Latran (la commanderie de Saint-), III, _b_; 352.
    --Curiosités, 354.

  ---- en Vallée (hôtel Saint-), III, _b_, 717.

  _Jean-de-Saint-Michel_ rédige la règle des Templiers, II, _b_, 1095.

  _Jeanne_ (la reine), II, _a_, 54.

  _Jeane d'Arc_. Voyez _Pucelle d'Orléans_.

  _Jeannin_ (le président), III, _a_, 369.

  _Jésuites_, accusés à tort du crime de Jean Châtel, I, _a_, 229.
    --Injustement chassés par le parlement, 239.
    --Henri IV ne les jugea point coupables, 240.
    --Rappelés, 245.
    --Fondés en 1534, II, _b_, 1187.
    --Nécessité de cet ordre à l'époque où il fut fondé, 1188.
    --Leurs progrès, 1190.
    --Leur devise, 1191.
    --Leurs voeux, 1192.
    --Se consacrent aux missions étrangères, 1197.
    --Exercent le ministère, 1198.
    --S'adonnent à l'éducation, 1203.
    --Leur chute, 1207.
    --Reçus en France, plus tard que partout ailleurs, 1207.
    --Leur premier établissement à Paris, 1208.
    --Leur bibliothèque, 1213.
    --Passent pour avoir excité Louis XIV à user de rigueur envers
          les Jansénistes, IV, _a_, 177.
    --Leur noviciat, 277.
    --Curiosités de leur église, 278.
    --Déchaînement contre la société, IV, _b_, 314.
    --Leur splendeur, 315.
    --Poursuivis en Portugal, 318.
    --Pompadour est leur ennemie, 321.
    --Le parlement et les Jansénistes la secondent, 323.
    --Ils sont compromis par les spéculations de Lavalette, 325.
    --Condamnés en justice avec ce père, 327.
    --Arguments de leurs ennemis, 328.
    --Le parlement fait examiner leurs constitutions, 330.
    --Leur triomphe devant les évêques, 332.
    --La Chalotais, 334.
    --Confondent leurs ennemis, 335.
    --Le parlement leur porte les derniers coups, 336.
    --L'archevêque de Paris les défend, 339.
    --Ils sont bannis, 340.
    --Poursuivis hors de France, 344.
    --Détruits par le pape, 347, note.
    --Effets de leur suppression, 351.

  _Job_, imposteur hongrois, I, _b_, 705.
    --À la tête des pastoureaux, 705.
    --À Paris, 706.
    --Sa mort, 707.

  _Joie-en-Val_ (hôtel de l'abbaye de), I, _b_, 655.

  _Joly_, se prête aux manoeuvres de Gondi pour ressusciter la Fronde,
          III, _b_, 204.

  _Joseph_ (église Saint-), II, _a_, 228.

  _Joseran-de-Marcon_ poursuit Marcel, II, _a_, 58.

  _Josse_ (Saint-), I, _b_, 573.
    --Érigé en paroisse, 574.
    --Curiosités, et circonscription, 576.

  _Jours Gras_ (l'entreprise des), III, _a_, 217.

  _Joyeuse_, tué à Coutras, III, _a_, 284.

  _Joyeuse_ (hôtel de), I, _b_, 826.

  _Jugement_ de Dieu, I, _a_, 351.
    --Se pratiquait dans la cour de l'évêché de Paris, 352.

  _Juges-Consuls_, II, _b_, 678.
    --Maison consulaire et curiosités, 680.

  _Juifs_, rappelés par le roi Jean, II, _a_, 64.

  _Juigné_, archevêque de Paris, I, _a_, 355.

  _Julien_, affectionnait Paris, I, _a_, disc. prél., 13.

  _Julien-des-Menestriers_ (Saint-), hospice, II, _b_, 680.
    --Ses fondateurs et pourquoi ainsi appelés, 681.
    --Église, 682.

  _Julien-le-Pauvre_ (Saint-), III, _b_, 341.
    --En quel temps cette église devint prieuré, 343.

  _Jupiter_ (autel de), découvert dans la Cité, 461.

  _Jurés-Crieurs_ (bureau des), II, _b_, 762.

  _Jury_, institution blâmée, I, _b_, 511.

  _Jussienne_ (chapelle de la). _V._ Marie-Égyptienne.


  L.

  _Labiénus_ défait les Parisiens, I, _a_, 8.

  _Lafayette_ (le maréchal), gagne la bataille de Beaugé, II, _a_, 161.

  _Laillier_ (la femme), découvre une conspiration, II, _a_, 147.

  _Laillier_ (Michel), conspire pour le roi, est pris et s'évade,
          II, _a_, 374.
    --Conspire de nouveau en faveur du roi, 409.

  _Lally_, jugé, IV, _b_, 309.

  _Lambert_ (hôtel), I, _a_, 416.
    --Intérieur et extérieur, 417.

  _Lamoignon_ (hôtel de), II, _b_, 1323.

  _Lancastre_, proclamé roi d'Angleterre, II, _a_, 102.

  _Landri_ (Saint-), I. _a_, 276.
    --Paroissiale au 12e siècle, 278.
    --Curiosités, 279.

  _Landri_ (Saint-), est-il fondateur de l'Hôtel-Dieu? I, _a_, 367.

  _Langres_ (frère Simon), séditieux, II, _a_, 43.

  _Laon_ (le collége de), III, _a_, 600.

  _Larcher_, se charge d'assassiner le duc de Guise, III, _a_, 314.
    --Sa mort, 375.

  _Larochefoucauld_ (hôtel de), IV, _b_, 476.

  _Launoy_ (de), a écrit sur les antiquités de Paris, I, _a_, v.

  _Laurent_ (Saint-), I, _a_, 83.

  ---- (la foire Saint-), II, _a_, 553.
    --Détails sur cette foire, 554.

  ---- (église Saint-), II, _b_, 735.
    --Paroisse, 744.
    --Rebâtie, augmentée, 745.
    --Curiosités, 746.
    --Chapelle, 747.

  _Laval_ (ancien hôtel), II, _a_, 332.

  _Lavalette_, Jésuite, fait des spéculations de commerce, IV, _b_, 324.

  _Lazare_ (la maison de Saint-), ancien hospice, II, _a_, 532.
    --Son administration, 536.
    --Réformée, 539.
    --Réunie aux prêtres de la mission, 540.
    --Bâtiments et église, 544.
    --Curiosités, 545.
    --Cérémonies particulières, 546.

  _Law_, se présente au régent, IV, _b_, 29.
    --Gâte son système, 47.
    --Compagnie d'Occident, 48.
    --Sa chute, 52.
    --Réduit à fuir, 55.
    --Résultats de son système, 56.

  _Lebeuf_, son histoire du diocèse de Paris, I, _a_, x.

  _Leclerc_, faisait imprimer des estampes représentant la pyramide de
          Jean Châtel, I, _a_, 249

  _Lecoq_ (Robert), évêque de Laon, II, _a_, 31.

  _Legras_ (madame), fonde les filles de la Charité, II, _a_, 549.

  _Legris_, accusé faussement se bat en duel et est tué, II, _a_, 165.

  _Lemaître_, président du parlement, III, _a_, 12.

  _Lemoine_ (le cardinal), fonde un collége, I, _b_, 721.

  _Lemoine_ (collége du cardinal), III, _a_, 586.
    --Chapelle et curiosités, 589.

  _Lemot_, sculpteur fameux, auteur de la nouvelle statue de Henri IV,
          I, _a_, 98, note.

  _Lenôtre_, décorateur de jardins, I, _b_, 945.
    --Décore le jardin des Tuileries, 948.
    --Défaut reproché à son ouvrage, 952.

  _Léon X_, obtient l'abolition de la pragmatique, II, _b_, 1027.

  _Léopold_ (l'empereur), se déclare contre Louis XIV, IV, _a_, 47.
    --Devient l'âme de la ligue formée contre Louis XIV, 146.

  _Lesdiguières_ (hôtel), II, _b_, 961.

  _Lesdiguières_, maréchal-général des camps et armées, III, _b_, 46.
    --Connétable, 54.

  _Levachet_ (Jean-Antoine), un des fondateurs des Filles de
          l'Union-Chrétienne, II, _a_, 518.

  _Leu_ (Saint-) et Saint-Gilles, église, I, _b_, 588.
    --Succursale en 1611, 590.
    --Paroisse, 591.
    --Curiosités, _ib._
    --Circonscription, 592.
    --Ancien usage, 593.

  _Leufroi_ (église Saint-), I, _b_, 530.
    --L'_étalon_ des poids et mesures s'y conservoit, 537.

  _Leviel_, vitrier, répare les vitraux peints de Notre-Dame, I, _a_, 308.
    --Compose un poëme sur cette espèce de peinture, _ib._

  _Ligue_ (la), III, _a_, 245.
    --Ses progrès, 245.
    --Assemblée des chefs, 259.
    --Approuvée par Grégoire VIII et blâmée par Sixte V, 262.
    --Envahit presque toute la France, 323.
    --Serment des ligueurs, 348.
    --Leur procession dans Paris, 359.
    --Succès de Henri IV contre la ligue, 413.
    --Déconcertée par la conversion du roi, 414.

  _Lisle-Adam_, introduit dans Paris, II, _a_, 153.
    --Y entre de nouveau par escalade, 411.

  _Lisieux_ (collége de), III, _b_, 500.

  _Lobineau_, bénédictin, a écrit sur Paris, I, _a_, VII.
    --Loi romaine sur les donations faites aux églises, I, _a_, 199.

  _Loignac_, se charge d'assassiner le duc de Guise, III, _a_, 314.

  _Lombards_ (collége des), III, _b_, 502.

  _Longueville_ (le duc de), ses démêlés avec le maréchal d'Ancre,
          III, _b_, 19.
    --Ses cabales 23.

  _Longueville_ (duchesse de), exilée, III, _b_, 116.

  _Lorraine_ (hôtel de), II, _b_, 1320.

  _Lorraine_ (le cardinal de), au colloque de Poissy, III, _a_, 75.

  _Lorraine_, réunie à la France, IV, _b_, 108.

  _Louis_ (église Saint-), en l'île, I _a_, 412.
    --Paroisse, 413.
    --Détails sur ce monument, _ib._
    --Curiosités, 415.

  _Louis-du-Louvre_ (Saint-). _Voyez_ Saint-Nicolas-du-Louvre.

  _Louis_ (l'hôpital Saint-), II, _b_, 752.
    --Pourquoi ainsi nommé, 754.
    --Sa destination, _ib._
    --Description, 757.
    --Augmenté, 789.

  _Louis_ (l'église Saint-), et la maison professe des Jésuites,
          II, _b_, 1208.
    --Curiosités, 1210.

  _Louis-le-Débonnaire_, charge Amalarion de rédiger une règle pour
          les chanoines, I, _a_, 358.

  _Louis VI_, dit le Gros. Ses démêlés avec le chapitre de Saint-Agnan,
          I, _a_, 282.
    --Embellit Paris, I, _b_, 494.

  _Louis-le-Jeune_, n'augmenta point l'enceinte de Paris, I, _b_. 496.
    --Son mariage et son divorce, II, _a_, 13.

  _Louis VIII_, sa mort et son testament, I, _b_, 693.

  _Louis IX_, I, _b_, 693.
    --Devenu majeur, 701.
    --Part pour la croisade, 704.
    --Revient en France, 709.
    --Établit une bibliothèque publique, 713.
    --Fondations, _ib._
    --Seconde croisade, 715.
    --Il meurt, 721.

  _Louis XI_, réprime les grands vassaux, II, _b_, 601.
    --Ennemi de la pragmatique, 603.
    --Ne fut pas un tyran, _ib._
    --Pourquoi il fut inquiet et soupçonneux, 606.
    --Entre à Paris, 607.
    --Sa duplicité, 609.
    --Ses démêlés avec le duc de Bretagne, 612.
    --Conspiration 616.
    --Son habileté, 619.
    --Fond sur les États du duc de Bourbon, 621.
    --Sa conduite pusillanime à Montlhéry, 625.
    --Entre à Paris, 626.
    --Punit ceux qui avoient voulu traiter avec le comte de Charolais, 630.
    --Excite l'indignation publique contre le comte, 633.
    --Paix, 635.
    --Désunit les vassaux pour les affoiblir, 637.
    --Ses démêlés avec Charles, duc de Bourgogne, 639.
    --Ses succès, 646.
    --Est sauvé par l'ambition de Charles, 649.
    --Réunit la Bourgogne au domaine de la couronne, 652.
    --Réflexions sur son règne, 654.
    --Paris sous ce roi, 655.

  _Louis XII_, II, _b_, 902.
    --Sa conduite envers l'Université, 903.
    --Exile le chef de cette assemblée séditieuse, 907.
    --Ses alliances en Italie, 908.
    --Conquête du Milanais, 909.
    --Conquête du royaume de Naples, _ib._
    --Reste des événemens d'Italie, 910.
    --Éloge de ce prince, 914.
    --Sa mort, 915.

  _Louis XIII_, considérations générales sur son règne, III, b, 1.
    --Troubles sous sa minorité, 3.
    --Sa majorité est déclarée, 14.
    --États-généraux, _ib._
    --Se marie à Bordeaux, 20.
    --Conférences de Loudun, 22.
    --Détestoit Concini, 29.
    --Signe l'arrêt de mort de ce maréchal, 31.
    --Son gouvernement s'affoiblit, 35.
    --Guerre dans le midi, 47.
    --Nouvelle guerre contre les Huguenots, 51.
    --Confirme l'édit de Nantes, 54.
    --Se brouille avec sa mère, 73.
    --Veut gouverner par lui-même, 104.
    --Sa mort, 105.
    --Jugement sur ce prince, 107.

  _Louis XIV_ devient roi, III, _b_, 105.
    --Particularités de sa naissance, _ib._, note.
    --La Fronde, 112.
    --Embarras des finances, 125.
    --Troubles, 127.
    --Sa majorité, 264.
    --Son mariage, 311.
    --Son règne, IV, _a_, 1.
    --Se montre en roi après la mort de Mazarin, 8.
    --Laisse entrevoir ses principes de gouvernement, 10.
    --Prend pour ministres des hommes obscurs, 12.
    --Se perd souvent dans les menus détails, 20.
    --Ses désordres, 23.
    --Sa haine pour les Jansénistes, 25.
    --Guerre de Flandre, 30.
    --Conquête de la Franche-Comté, 34.
    --Envahit la Lorraine, 39.
    --La Hollande, 40.
    --Accepte la médiation de la Suède, 45.
    --Menacé d'une guerre générale, 57.
    --Ligue de toute l'Europe, 58.
    --Succès et revers, 69.
    --Nouvelle campagne, 70.
    --Fait la paix avec les Hollandois, 77.
    --Ne perd pas la guerre de vue, 82.
    --Cherche mal à propos à humilier la puissance spirituelle, 84.
    --Querelles pour la régale, 85.
    --Démêlés avec le pape, 86.
    --Assemblée du clergé, 89.
    --Les quatre articles jugés, 92.
    --Querelle avec le pape au sujet des franchises, 95.
    --Recule devant le schisme, 101.
    --Révocation de l'édit de Nantes, 106.
    --Blocus de Luxembourg, 110.
    --Repasse le Rhin, 116.
    --Nouvelle ligue contre lui, 118.
    --Paix de Riswick, 124.
    --S'empare du Comtat, 130.
    --Accepte le testament du roi d'Espagne, 137.
    --Nouvelle guerre, _ib._
    --Louis entre en Hollande, 138.
    --Les alliés se déclarent contre lui, 144.
    --Bataille d'Hocstet, 151.
    --De Ramilly, 154.
    --De Turin, 156.
    --Louis sait pourvoir à tout, 157.
    --Fautes, 159.
    --Déroute d'Oudenarde, 160.
    --Lille pris, _ib._
    --Situation affreuse de la France, 161.
    --Paix d'Utrecht, 167.
    --Le quiétisme, 168.
    --Le cas de conscience, 169.
    --Bulles contre les Jansénistes, 170.
    --Mort de Louis, 185.
    --Réflexions sur son règne, _ib._
    --Sa méfiance contre le pouvoir spirituel, 189.
    --Opérations de finances, 196.
    --Capital de la dette à sa mort, 206.
    --Quel prince il eût fallu à la France après lui, IV, _b_, 1.
    --Son testament, 4.
    --Cassé par le parlement, 6.
    --À quoi se réduisent ses persécutions contre les Jansénistes,
          152, note.

  _Louis XV_ à la mort du régent, IV, _b_, 86.
    --Sa maladie, 89.
    --Épouse Marie Leczinska, 90.
    --Défauts de son éducation, 92.
    --Coup d'oeil sur l'Europe, 97.
    --Premières dissolutions du roi, 109.
    --Mauvais succès de ses armes, 122.
    --État de la France, 127.
    --Nouvelle guerre, 131.
    --Tombe malade à Metz, 133.
    --Surnommé le bien aimé, 155.
    --Succès en Italie, 138.
    --Guerre dans les Pays-Bas, 148.
    --Pertes sur mer, 150.
    --Congrès d'Aix-la-Chapelle, 151.
    --Désordre moral en France à cette époque, _ib._
    --Les Jansénistes, 153.
    --Veut régner par lui-même à la mort de Fleury, 224.
    --Ses débauches au Parc-aux-Cerfs, 225, note.
    --Il porte atteinte aux immunités du clergé, 236.
    --Lutte contre le parlement, 262.
    --Est frappé par Damiens, 265.
    --Succès maritimes, 270.
    --Guerre, 287.
    --Revers, 291.
    --On penche vers la paix, 300.
    --Paix honteuse, 301.
    --Louis prévenu contre les Jésuites, 313.
    --Casse le parlement, 363.

  _Louis XVI_. Coup d'oeil sur son règne, IV, _b_, 368.

  _Louis_, comte de Flandre et de Nevers, enfermé au Louvre, I, _b_, 771.

  _Louis-le-Grand_ (collége de), III, _b_, 525.
    --Aux Jésuites, 527.

  _Louis_ (collége Saint-), III, _b_, 752.

  _Louise_ de Lorraine, fondatrice des Capucines, II, _a_, 171.

  _Louvier_ (île), I, _a_, 423.
    --À quoi elle servoit, 424.

  _Louvois_ (ancien hôtel), II, _a_, 251.

  _Louvre_ (quartier du), I, _b_, 676.

  _Louvre_ (palais), I, _b_, 476.
    --Étymologie de ce nom, 763.
    --Avantages de sa position, 766.
    --Constructions anciennes, _ib._
    --La grosse tour servoit de prison d'État, 770.
    --Tours diverses, 772.
    --Changements successifs, 774.
    --Trois époques dans les travaux du Louvre, 778.
    --Intérieur, extérieur, 781.
    --Façade, _ib._
    --Achevée, 782.
    --Travaux exécutés sous Louis XIV, 784.
    --Plan de Perrault, 786.
    --Colonnade, 793.
    --Événements qui ont eu lieu au Louvre, 800.
    --Constructions récentes, 850.

  _Lullier_, prévôt des marchands, III, _a_, 415.

  _Lutèce_, voyez _Paris_.

  _Luynes_ (de), tout-puissant auprès de Louis XIII, III, _b_, 29.
    --Trame contre Concini, 30.
    --Tire le prince de Condé de sa prison, 39.
    --Orages contre lui, 40.
    --Veut humilier les protestants, 45.
    --Se fait nommer connétable, 46.
    --Échoue au siége de Montauban, 48.
    --Sa mort, 49.

  _Luxembourg_ (le duc de), ambassadeur de Henri IV à Rome, I, _a_, 243.

  _Luxembourg_ (Jean de), dévoué aux Anglois, II, _a_, 393.

  _Luxembourg_ (palais du), IV, _a_, 282.
    --Bâti par Marie de Médicis, 286.
    --Description, 288.
    --Curiosités, 293.
    --Tableaux, 295.
    --Petite et grande galerie, 296.
    --Jardin, 299.
    --Palais de la chambre des pairs, 401, 402.
    --Statues, 405.

  _Luxembourg_ (quartier du), IV, _a_, 1.


  M.

  _Mably_, ennemi de la féodalité, I, _a_, 73.

  _Mace_ (Perrin), assassin de Jean Maillet, I, _b_, 552.

  _Machault_, contrôleur-général des finances, IV, _b_, 235.

  _Magdeleine_ (la), I, _a_, 265.
    --Origine, 266.
    --Archipresbytérale, _ib._
    --La grande confrérie des bourgeois, 267.
    --Curiosités, _ib._
    --Circonscription, 268.

  ---- antiquité de cette église, I, _b_, 1020.
    --Pourquoi dédiée à cette sainte, 1022.
    --Devient plus spacieuse, 1023.
    --Nouvelle église, 1025.
    --Changements faits au plan de cette nouvelle église avant la
          révolution, _ib._

  ---- (les filles de la), but de cette fondation, II, _b_, 709.
    --Accroissement de cette communauté, 711.
    --Trois classes de cette communauté, 714.
    --Église et maison, 715.

  ---- de Trainel (les religieuses de la), II, _b_, 1284.
    --Curiosités, 1286.

  ---- (la mère) arrive à Paris avec ses soeurs, IV, _a_, 228.
    --Règle et costume de ses religieuses, 229.

  _Magloire_ (Saint-), I, _a_, 252.
    --Reliques du saint, _ib._

  ---- (les religieuses de Saint-), I, _b_, 582.
    --Leur relâchement et leur réforme, 585.
    --Leurs statuts, 586.
    --Curiosités, _ib._
    --Découvertes faites dans les jardins voisins de l'église, 587.

  ---- (le séminaire Saint-), son origine, III, _b_, 428.
    --Curiosités, 432.
    --Bibliothèque, 433.

  _Mahaud_, fille de Robert, deuxième comtesse d'Artois, II, _a_, 19.

  _Maillard_ empêche Marcel de livrer Paris à Charles-le-mauvais,
          II, _a_, 56.

  _Maillotins_, I, _a_, 159.
    --II, _a_, 85-90.

  _Maine_ (le duc de), rendu suspect par Dubois, IV, _b_, 32.
    --Arrêté, 39.

  _Maintenon_ (madame de) remplace madame de Montespan, IV, _a_, 132.
    --Son crédit surpasse celui des reines de France, I, 41.

  _Maire._ Officier qui présidait dans les anciennes cités, I, _b_, 518.

  _Maires_ du Palais, leurs usurpations, I, _a_, 67.

  _Maison_ Saint-Louis (la), III, _a_, 623.

  _Maisons_ (petites), IV, _a_, 250.
    --Fondation de l'hôpital tel qu'il est demeuré, 252.

  _Malborough_ (ses succès), IV, _a_, 148.
    --Vainqueur à Hocstet, 151.
    --S'oppose à la paix, 162.

  _Mallebranche_ (le père), oratorien célèbre, I, _b_, 117.

  _Mallet_ (Gilles) fait l'inventaire de la bibliothèque royale,
          II, _a_, 185.

  _Malesherbes._ Philosophe, IV _b_, 354. Note.
    --Ses remontrances au roi, 365.

  _Malplaquet_ (bataille de) IV, _a_, 163.

  _Mans_ (collége du), IV, _a_, 359.

  _Mansfeld_ entre en France, à la tête d'une armée allemande,
          III, _b_, 52.
    --Échoue, 53.

  _Maquerelle_ (l'île) ou des Cygnes, IV, _b_, 487.

  _Marcel_ (église Saint-), origine, III, _a_, 516.
    --Église, 522.
    --Bourg formé autour de cette église, 523.

  ---- (Étienne), chef de la Jacquerie, I, _a_, 158.

  ---- (Étienne), prévôt des marchands, II, _a_, 28.
    --Son entrevue avec des envoyés du Dauphin, 29.
    --Excite plusieurs soulèvements, 29-32.
    --Se montre lâche et vil, 35.
    --Appelle à son secours Charles-le-mauvais, 37.
    --Excite encore une sédition, 40.
    --Fait assassiner Regnault d'Acy, 45.
    --Couvre le Dauphin de son chaperon, 46.
    --Se concerte avec le roi de Navarre, 47.
    --Veut se défendre par la force, 50.
    --Offre le trône de France à Charles-le-mauvais, 56.
    --Veut livrer Paris à ce prince, 57.
    --Meurt, 59.

  _Marcel_, prévôt, contribue à la Saint-Barthélemy, III, _a_, 182.

  _Marchand_ (Charles), capitaine de 300 arquebusiers de Paris, I, _a_, 87.

  _Marchand_ (le pont), détruit, I, _a_, 87.

  _Marche_ (collége de la), III, _a_, 595.
    --Bourses, 597.
    --Curiosités, _ib._

  _Marché_ aux chevaux, III, _a_, 496-660.

  _Marguerite_ de Provence, épouse de Louis IX, I, _b_, 700.

  _Marguerite_ de Valois contribue à l'établissement des carmes
          déchaussés, II, _a_, 217.
    --Son inconstance à leur égard, _ib._

  _Marguerite_ (église Sainte-), origine, II, _b_, 1290.
    --Église, 1292.
    --Circonscription, 1293.
    --Embellissements, 1369.

  _Marguerite_ de Navarre, protestante, III, _a_, 4.

  _Marguerite_ (hôtel de la reine), IV, _b_, 474.

  _Marie_ (le pont), I, _a_, 420.

  _Marie_ Égyptienne (chapelle Sainte-). Origine, II, _a_, 315.
    --Confrérie, 319.

  _Marie_ Thérèse. Ses malheurs, IV, _b_, 113-119.
    --Ses affaires se rétablissent, 121.

  _Marie_ (les filles de Sainte-), ou la visitation, IV, _b_, 428.

  _Marigny_ (Enguerrand de), enfermé au Louvre, I, _b_, 771.

  _Marillac_ (le maréchal de), condamné à mort, III, _b_, 73.

  _Marine_ (Sainte-), I, _a_, 283.
    --Origine, 284.
    --Étoit la paroisse archi-épiscopale, 284.

  _Marle_ (le chancelier de), I, _b_, 594.

  _Marolles_ (l'abbé de), auteur de la collection d'estampes à la
          bibliothèque royale, II, _a_, 201.

  _Martel_ (Charles), vainqueur des Sarrasins, I, _b_, 485.

  _Martial_ (Saint-), communauté de filles, I, _a_, 224.
    --Le désordre s'y introduit, 225.
    --Ce qu'elle devient, et son local, _ib._

  _Marotille_ (François), établit en Calabre l'ordre des minimes,
          I, _b_, 1054.

  _Mars_, adoré à Paris, I, _a_, 7. Note.

  _Martin_ des Champs (le prieuré royal de Saint-), II, _b_, 695.
    --Origine, 696.
    --Par qui administré, 705.
    --Église réparée, 706.
    --Réfectoire, 707.
    --Curiosités, 708.
    --Marché Saint-Martin, 790.
    --Fontaines, 791.

  _Martin_ (maison de la rue Saint-), II, _b_, 761.

  _Martin_ (l'église Saint-), III, _a_, 524.
    --Curiosités, 525.

  _Marthe_ (filles de Sainte-), II, _b_, 1280, III, _b_, 635.

  _Mathurins_. Leur origine, III, _b_, 635.
    --S'établissent à Paris, 637.
    --Curiosités, 639.
    --Inscription remarquable, 640.

  _Massillon_, oratorien célèbre, I, _b_, 817.

  _Maupertuis_ (bataille de), II, _a_, 25.

  _Maupeou_, ministre, IV, _b_, 362.
    --Vise à éteindre graduellement les ordres religieux, 366.

  _Maximilien_, déclare brusquement la guerre à la France, II, _b_, 393.

  _Mayenne_ (le duc de), III, _a_, 275.
    --Veut casser le conseil de l'union, 341.
    --Organise un gouvernement, 342.
    --Son habileté, 344.
    --Obtient des secours, 356.
    --Son crédit à Paris, 370.
    --Soupe au Louvre avec les seize, 378.
    --Négocie avec le roi, 384.

  _Mazarin_, créé ministre, III, _b_, 104.
    --Accusé de rapports trop familiers avec la reine, 117.
    --La haine générale se prononce contre lui, 119.
    --Son caractère, 120.
    --Sa frayeur après les barricades, 153.
    --Soulève contre lui le parlement, 156.
    --Est déclaré ennemi de l'État, 168.
    --Ses biens sont vendus, 173.
    --Condé lui fait ombrage, 193.
    --Condé rompt avec lui, 199.
    --Il gagne le duc d'Orléans, 200.
    --Mazarin réussit à faire croire que les frondeurs ont voulu
          l'assassiner, 205.
    --Rappelle Gondi, 212.
    --Sa conduite envers les frondeurs après l'emprisonnement de
          Condé, 216.
    --Fait une paix feinte avec Gondi, 217.
    --Oppose Duplessis-Praslin à Turenne, 220.
    --Fait sortir le roi de Paris, et fait assiéger Bordeaux, 220.
    --Obtient la translation des princes au Havre, 227.
    --Part pour l'armée, 230.
    --Prise de Rhetel, 233.
    --Rentre triomphant à Paris, 235.
    --Se retire à Saint-Germain, 240.
    --Se retire à Bruyll, 243.
    --Gouverne encore la reine du fond de sa retraite, 251.
    --Lève une armée et rentre en France, 277.
    --Sa marche, 279.
    --Sort encore de France, 310.
    --Rentre à Paris, 319.
    --Reçoit une fête à l'Hôtel-de-Ville, 320.
    --En quel état il laisse l'Europe, 333.
    --Sa mort, IV, _a_, 6.

  _Mazarin_ (collége de), IV, _b_, 384.
    --Description, 386.
    --Curiosités de la chapelle, 388.
    --Bâtiments, 389.
    --Bibliothèque, 390.
    --Hôtel, IV, _b_, 477.

  _Médard_ (église Saint-), III, _a_, 508.
    --Origine et étymologie, 509.
    --Description, 510.
    --Curiosités, 511.
    --Circonscription, 512.

  _Médecine_ (école de), III, _b_, 494.

  _Médicis_ (Catherine de) commence les Tuileries, I, _b_, 917.
    --Interrompt à cause des prédictions d'un astrologue, 915.
    --Sa politique, III, _a_, 63.
    --Mécontente les chefs de la réforme, 72.
    --Fait alliance avec Condé et les Coligny, 81.
    --Convoque les notables, 82.
    --Abandonnée de tout le monde, 91.
    --Ouvre enfin les yeux sur les projets de la réforme, 104.
    --Devient maîtresse absolue des affaires, 116.
    --Ce qu'elle voulait, 128.
    --Sa part à la Saint-Barthélemy, 157.
    --À un entretien secret avec le roi, 168.
    --Sa mort, 317.

  _Médicis_ (Marie de), régente, III, _b_, 3.
    --Son conseil, _ib._
    --Sages mesures, 5.
    --Sa situation à la retraite des princes, 12.
    --Veut opposer Condé au duc de Longueville, 23.
    --Fait arrêter Condé, 25.
    --Consignée dans son appartement après la mort de Concini, 33.
    --Exilée à Blois, _ib._
    --S'échappe, 37.
    --Échoue dans la guerre contre son fils, 42.
    --Se déclare ennemie de Richelieu, 72.
    --Exilée à Compiègne, 74.
    --S'échappe, 75.

  _Meilleraye_ (le maréchal de), sa conduite à l'égard de Broussel,
          III, _b_, 144.

  _Ménars_ (ancien hôtel), II, _a_, 250.

  _Mense_ abbatiale, I, _a_, 213.

  _Menus_ plaisirs (hôtel des), II, _a_, 253.

  _Merci_ (religieux de la), dévouement de cet ordre, II, _b_, 994.
    --Ses succès, 995.
    --Introduits en France, 996.
    --Église, 997.

  _Merci_ (le collége de la), III, _b_, 439.

  _Mercier_ (Denis), son discours au parlement en faveur du duc
          d'Orléans, II, _b_, 884.

  _Merciers_ (galerie des), au palais de Justice, I, _a_, 169.

  _Mercure_, le même que Pluton chez les Gaulois. I, _a_, disc. prél. 7.

  _Meri_ (Saint-), église collégiale et paroissiale, II, _b_, 666.
    --Origine, 667.
    --Était une des filles de Notre-Dame, 670.
    --Par qui administrée, 671.
    --Chapitre, 673.
    --Curiosités, 674.
    --Circonscription, 676.
    --Reçoit un nouveau tableau, 789.

  ---- (hospice Saint-), II, _b_, 678.

  _Mérovingiens_, dégénérés, I, _b_, 487.

  _Mesmes_ (le président de) III, _b_, 184.
    --Se rend à la cour muni de passe-ports, 187.
    --Sa frayeur en contraste avec l'intrépidité de Molé, 194, Note.

  ---- (hôtel de), II, _b_, 1006.

  _Meuniers_ (pont aux), I, _a_, 87.

  _Mezières_ (hôtel de), IV, _a_, 365.

  _Michel_ (petite église Saint-), prés le palais de Justice, I, _a_, 168.
    --Pont, 395.

  ---- (chapelle Saint-), III, _b_, 386.

  ---- (les filles de Saint-), III, _b_, 445.
    --Place du pont Saint-Michel et quai, 753.

  _Michodière_ (hôtel de la), II, _b_, 1137.

  _Mignon_ (le collége de), III, _b_, 688.

  _Minéralogie_ (cabinet de), IV, _b_, 383.

  _Minimes_ de Chaillot, I, _b_, 1053.
    --Curiosités, 1056.

  ---- de la place Royale, II, _b_, 1237.
    --Fondation, 1238.
    --Curiosités, 1240.
    --Réfectoire, 1243.

  _Miracles_ des ardents, I, _a_, 289.

  _Miramiones_ (les), III, _a_, 443.
    --Leur règle, 446.

  _Missions_ étrangères (le séminaire des), IV, _b_, 422.

  _Mississipi_ (compagnie du), IV, _b_, 110.

  _Molay_ (Jacques), grand-maître des Templiers, I, _a_, 104.

  _Molé_, III, _a_, 415.
    --Son portrait, 135.
    --Harangue la reine, 150.
    --Sa fermeté, 151-193.

  _Molinistes_, IV, _b_, 215.

  _Monastères_, leur origine, I, _a_, 198.
    --Veulent décliner la juridiction des évêques, I, _a_, 210.
    --Services qu'ils ont rendus, 218.

  _Monnaies_ (hôtel des), IV, _b_, 374.
    --Généraux des monnaies, 375.
    --La cour des monnaies, 377.
    --Anciens hôtels, 378.
    --Nouvel hôtel, 379.
    --Description et mérite de ce monument, 380.

  _Montagu_ surintendant, II, _a_, 116,

  _Montaigu_ (le collége), III, _b_, 441.

  _Montalembert_ (hôtel), II, _b_, 1335.

  _Montceau_, de l'académie des maîtres, I, _b_, 964.

  _Montcontour_ (bataille de), III, _a_, 149.

  _Mont-Doré_ (Pierre de), gardien de la bibliothèque royale, II, _a_, 187.

  _Mont-de-Piété_, II, _b_, 1011.

  _Montespan_ (madame de), se retire de la cour, IV, _a_, 132.

  _Montecuculli_, opposé à Turenne, IV, _a_, 66.
    --Entre en Alsace, 67.

  _Montesquieu_, IV, _b_, 156.

  _Montfort_ (Jean de), II, _a_, 21.

  _Montigny_ (le maréchal de), III, _b_, 27.

  _Mont-Louis_ (maison de), _b_, 1336.

  _Montmartre_, étymologie de ce nom, I, _a_, disc. prél., 7. Note.
          II, _a_, 165.

  ---- (quartier), II, _a_, 165.
    --Rues et places, 262.
    --Rues nouvelles, 284.
    --Antiquités romaines, 286.

  _Mont-Luc_ (Blaise de), III, _a_, 101.

  _Mont-Parnasse_ (barrière de), IV, _a_, 408.

  _Montpensier_ (le duc de), III, _a_, 107.
    --La Duchesse, III, _a_, 313.
    --Accusée d'être complice de Jacques Clément, 330.

  _Montmorency_ (Mathieu), comte de Beaumont, I, _a_, 274.

  ---- le connétable achette Boulogne aux Anglais, III, _a_, 6.
    --Sa faveur, 6.
    --Harangue le parlement, 11.
    --Perd la bataille de Saint-Quentin, 17.
    --Essaie de former un parti contre les Guises, 38.
    --Favorable aux conspirateurs d'Amboise, 53.
    --Poursuit les réformés, 98.
    --Pris à Dreux, 108.
    --Mécontent, 121.
    --Sa mort, 141.

  ---- (Charles de), parrain du Dauphin, II, _a_, 71.

  ---- (hôtel), II, _a_, 254.

  ---- (petit hôtel), II, _a_, 254.

  ---- (hôtel de), II, _b_, 760.

  _Montreuil_ (Eudes de), chargé de construire la Sainte-Chapelle,
          I, _a_, 112.

  _Montri_ (Robert), marchand, fondateur des Filles de la Magdeleine,
          II, _b_, 710.

  _Moyse_ (hôtel du grand), IV, _a_, 365.

  _Mystères_, détails sur ces anciens spectacles, II, _a_, 495.

  _Munster_ (le congrès de), critiqué, IV, _a_, 3.


  N.

  _Nacart_ (Alexandre), curé de Saint-Sauveur, II, _a_, 505.

  _Narbonne_ (collége de), III, _b_, 699.

  _Navarre_ (la reine de), Sa mort, III, _a_, 163.

  ---- (collége de), III, _a_, 602.
    --Curiosités, 605.
    --Bibliothèque, 606.

  _Nazareth_ (les pères de), leur maison, II, _b_, 1129.
    --Église, 1130.

  _Nemours_ (le duc de), à Meaux, III, _a_, 134.
    --Entre en France avec une armée espagnole et française, III, _b_, 280.
    --Tué en duel par Beaufort, 307.

  ---- (duc de), son supplice, II, _b_, 658.

  _Neret_, échevin, III, _a_, 415.

  _Nesle_ (hôtel de), IV, _b_, 471.

  _Nesmond_ (hôtel de), III, _a_, 625.

  _Nevers_ (le duc de), III, _b_, 53.

  ---- (évêques de), leur hôtel, III, _b_, 571.

  ---- (hôtel de), IV, _b_, 471.

  _Nicolaï_, fait l'apologie des Templiers, II, _b_, 1102.

  _Nicolas-du-Louvre_ (Saint-), I, _b_, 862.
    --Son ancienneté, 862.
    --Avait quatre chanoines prêtres en 1192, 864.
    --Contestation dans cette église, 864.
    --Collége, 865.
    --Événement tragique arrivé dans Saint-Nicolas-du-Louvre, 867.
    --L'église reconstruite, change de nom, 868.
    --Nouvelle église, 869.
    --Curiosités, 871.
    --Nombre des paroissiens, 872.

  _Nicolas_ le Flamand, a la tête tranchée, II, _a_, 91.

  _Nicolas-des-Champs_ (Saint-), origine, II, _b_, 686.
    --Paroisse, 687.
    --Agrandie, 690.
    --Addition à la nef, 691.
    --De qui cette église dépendait, 692.
    --Confrérie de Notre-Dame de la Miséricorde, 693.
    --Usage singulier relatif aux enfants de choeur, 693.
    --Circonscription, 694.
    --Embellissements, 789.

  _Nicolas-du-Chardonnet_ (l'église Saint-), origine, III, _a_, 457.
    --Description, 459.
    --Portail, 460.
    --Curiosités, 460.
    --Circonscription, 463.
    --Séminaire, 590.
    --Lettres-patentes y relatives, 591.
    --Bibliothèque, 592.
    --Embellissements, 658.

  _Nicolet_ (grands danseurs de), II, _b_, 1132.

  _Nivernais_ (hôtel de), IV, _a_, 366.

  _Noailles_ (le cardinal de), dans l'affaire du livre de Quesnel,
          IV, _a_, 174.

  _Noailles_ (le duc de), IV, _b_, 105.

  _Nobles_, composoient à eux seuls toute la nation, II, _b_, 593.
    --Leur perfidie à Tours envers le roi Louis XI, 617.

  _Noblesse_ française, corrompue sous Louis XIV, IV, _a_, 192.

  _Nom de Jésus_ (Hôpital du Saint-), II, _b_, 750.
    --Son but, 751.
    --Améliorations apportées par Saint-Vincent-de-Paule, 751.
    --Priviléges, 752.

  _Nordlingue_ (victoire de), III, _b_, 85.

  _Normandie_ (le maître de), brûlé dans l'île aux Bureaux, I, _a_, 104.

  _Notre-Dame des Ventes_ (confrérie de), I, _a_, 273.

  _Notre-Dame_ (l'église), I, _a_, 292.
    --Origine, 293.
    --Remonte à l'épiscopat de Prudentius, 297.
    --S'appeloit d'abord Saint-Étienne, 299.
    --Reçoit un don de Childebert, 301.
    --Époque où elle fut bâtie telle que nous la voyons, 303.
    --Description, 304.
    --Décorée par Louis XIV, 310.
    --Fouilles remarquables, 311.
    --Curiosités, 317.
    --Reliques et autres objets pieux, 326.
    --Chapitre, 355.
    --Sa réforme, 358.
    --Dignité et canonicats, 360.
    --Principale entrée du cloître, 361.

  _Notre-Dame_ de Lorette ou des Porcherons (la chapelle), II, _a_, 247.
    --Origine, _ib._
    --Usage pour la chandeleur, 248.

  _Notre-Dame_ de Bonne-Nouvelle, II, _a_, 522.
    --Rebâtie et achevée, 523.
    --Circonscription, 524.

  _Notre-Dame_ du Bec-Hellouin (hôtel), II, _b_, 1011.

  _Notre-Dame_ de Bon-Secours (les religieuses), II, _b_, 1281.
    --Curiosités, 1283.

  _Notre-Dame_ des Vertus (les Filles), II, _b_, 1294.

  _Notre-Dame_ de la Victoire (les chanoinesses religieuses de),
          II, _b_, 1304.
    --Curiosités, 1305.

  _Notre-Dame_ de la Cuisine, III, _b_, 378.

  _Notre-Dame_ de la Miséricorde, III, _b_, 378.

  _Notre-Dame_ de la Charité (les Filles), III, _b_, 445.

  _Notre-Dame_ de Bayeux (collége de), III, _b_, 691.

  _Notre-Dame_ des dix-huit (collége), III, _b_, 706.

  _Notre-Dame_ de la Miséricorde (hôpital), III, _a_, 505.
    --Curiosités, 507.

  _Notre-Dame_ de la Miséricorde (religieuses de), IV, _a_, 227.

  _Notre-Dame_ des Prés (les religieuses de), IV, _a_, 265.


  O.

  _Observatoire_ royal, III, _a_, 488.
    --Description, 491.

  _Odon_ de Châteauroux déploie l'oriflamme, I, _a_, 704.

  _Olier_, fondateur des Sulpiciens, IV, _a_, 353.

  _Opéra_ (ancien théâtre de l'), II, _a_, 718.
    --Associations pour ce théâtre, 724.
    --Lulli l'administre, 725.
    --Réuni au département de la maison du roi, 729.
    --Administré par la ville, _ib._
    --Incendié, 730.
    --Nouvelle salle, nouvel incendie, 731.
    --Nouvelle salle, 732.
    --S'appelle aujourd'hui le théâtre de la Porte-Saint-Martin, 734.
    --Nouveau théâtre de l'Opéra, 292.

  _Opportune_ (quartier Sainte-), I, _a_, 616.
    --Église royale, collégiale, paroissiale, 641.
    --Époque de sa fondation, 642.
    --Composition primitive du chapitre de cette église, 647.
    --Changement, 648.
    --Constructions diverses, 649.
    --Reliques, 650.
    --Curiosités, 651.
    --Cette église a été détruite, 652.

  _Orange_ (le prince d') s'oppose à la paix, IV, _a_, 43.
    --Fait assassiner le grand pensionnaire, 44.
    --Conçoit le projet d'une ligue contre Louis XIV, 45.
    --Fait rejeter la paix, 46.
    --Battu par Luxembourg, 48.
    --Intrigue contre le roi de France, 113.

  _Oratoire_ de notre Seigneur Jésus-Christ (la congrégation de l'),
          I, _b_, 810.
    --Par qui fondée, _ib._
    --Ses maisons en France, 816.
    --Bibliothèque, 817. IV, _a_, 343.
    --Prêtres, 345.

  _Oratoire_ (église de l'), I, _b_, 814.
    --Curiosités, 815.

  _Orgemont_ (le chancelier d'), I, _a_, 160.

  _Orléans_ (le duc d'), II, _a_, 100.
    --Son luxe et son avidité, 104.
    --Sa fuite, 105.
    --Lève des troupes, _ib._

  _Orléans_ (le duc d') sous la minorité de Charles VIII, II, _a_, 880.
    --Veut enlever le jeune roi, 883.
    --Travaille à se faire un parti à Paris, 884.
    --S'adresse à l'Université, 888.
    --Fait prisonnier à Saint-Aubin, 894.

  _Orléans_ (hôtel du duc d'), II, _b_, 1317.

  _Orléans_ (le duc d') nommé régent, IV, _b_, 6.
    --Appelle les grands au pouvoir, 7.
    --Son portrait, 8.
    --Sa conduite avec Stairs et Stanhope, 17.
    --Sacrifie le prétendant, _ib._
    --Quadruple alliance, 18.
    --Le régent poursuit les traitants, 23.
    --Ses débauches, 26.
    --Law, 29.
    --Querelles du régent avec le parlement, 34.
    --Supprime les conseils d'administration, 35.
    --On conspire contre lui, 38. Fait marcher une armée contre
          les Pyrénées, 41.
    --Nuit au système de Law, 47.
    --Son attachement pour Dubois, 60.
    --Se réjouit de sa mort, 76.
    --Meurt, 77.
    --Réflexions sur sa régence, 78.

  _Ormesson_ (hôtel d'), II, _b_, 1332.

  _Orphelins_ du saint Enfant-Jésus, III, _a_, 440.

  _Orphelins_ de Saint-Sulpice, IV, _a_, 230.

  _Ossat_ (d') et Villeroy au sujet des Jésuites, I, _a_, 241.

  _Oursine_ (hôpital de l'). Auteur de cette institution, III, _a_, 513.


  P.

  _Pairs_, être jugé par ses pairs, I, _b_, 515.

  _Palais_ (île du), ce que c'étoit, I, _a_, 89.

  ---- de justice, I, _a_, 124.
    --Son origine, 125.
    --État de ce palais sous Charles V, 129.
    --Sous François Ier, 130.
    --Comte palatin, 136.
    --Différentes espèces de conseillers, 137.
    --Juridiction de la cour de justice du roi, 138.
    --Charles V le quitte pour l'hôtel Saint-Paul, 158.
    --La grand'salle, 160.
    --Détruite par un incendie, 162.
    --Description des parties modernes de ce palais, 163.
    --Curiosités, 167.
    --Grand conseil, 170.
    --Chambre des comptes, 180.
    --Cour des aides, 185.
    --Bailliage du palais, 190.
    --Chancellerie du palais, 190.
    --Chambre du domaine et du trésor, _ib._
    --La table de marbre, _ib._

  _Palais-Royal_, I, _b_, 872.
    --Bâti par Richelieu, 874.
    --Changements, 875.
    --Richelieu le cède à Louis XIII, 877.
    --Pourquoi il fut appelé _royal_, 878.
    --Agrandi, _ib._
    --Galerie des hommes illustres, 879.
    --Description du Palais-Royal, 881.
    --Jardin, 883.
    --Galeries, 884.
    --Théâtre, 887.
    --Galeries de bois, 887.
    --Curiosités, 889.
    --Médailles et pierres gravées, 897.
    --Bibliothèque, 898.
    --Place, 901.

  _Palatine_ (la princesse) apparoît dans les intrigues de la fronde,
          III, _b_, 228.

  _Panorama_ dramatique, II, _b_, 1160.

  _Papes_ (les) exercent pendant le règne des premiers Capétiens une
          puissance absolue, II, _b_, 595.
    --Commencent à exciter la jalousie des rois, 596.
    --Première révolte des rois de France contre les papes, 597.

  _Paris_. Son origine, Disc. prél., 4.
    --Fables à ce sujet, 5.
    --L'une des plus anciennes villes des Gaules, 5.
    --Ses divers noms, _ib._
    --Divinités adorées à Paris, 7.
    --César le fait rebâtir par les Gaulois, 9.
    --Y établit une garnison romaine, _ib._
    --Paris mis au nombre des villes appelées _vectigales_, 11.
    --Affection de Julien l'apostat pour cette ville, 13.
    --Paris, depuis Clovis jusqu'aux rois de la troisième race, 14.
    --Sa première enceinte sous Philippe-Auguste, 17.
    --Paris sous Philippe-le-Bel, 24.
    --Paris, depuis le règne de François Ier jusqu'à Louis XIV, 25.
    --Paris sous Louis XIV, I, _a_, 26, 28. IV, _a_, 195.
    --Fut toujours un des points principaux du royaume, I, _a_, 81.
    --Dévasté par les Normands, _ib._
    --Plan de Paris sous Hugues Capet, I, _b_, 471.
    --Sous son fils Robert, 493.
    --Sous les rois suivants, 494.
    --Sous Philippe-Auguste, 498.

  _Pâris_ (le diacre), IV, 211.
    --Ses prétendus miracles, 212.

  _Parlement_ (le), long-temps complaisant pour les Anglais, fait la
          paix avec Charles VIII, II, _a_, 413.
    --Devient le centre d'action du parti populaire, II, _b_, 602.
    --Défend la pragmatique, 603.
    --Résiste à François Ier, 1031.
    --Sous le règne de Henri II. III, _a_, 13.
    --Fait des représentations, 14.
    --Refuse l'établissement de l'inquisition, 24.
    --Mandé au conseil d'état, 70.
    --Enregistre de force l'édit de janvier, 84.
    --Emprisonné par Bussy Leclerc, 321.
    --Opposé à Henri IV, 350.
    --Sa conduite à la mort de ce roi, III, _b_, 3.
    --Au commencement de la majorité de Louis XIII, 16.
    --Ses remontrances, 18.
    --Sous la minorité de Louis XIV, 122, 128.
    --Triomphe de la régente, 129.
    --Intérieur du parlement, 132.
    --Remontrances nouvelles, 139.
    --Se rend en corps au Palais-Royal le jour des barricades, 150.
    --Triomphe, 154.
    --Se proroge, 155.
    --Se soulève contre Mazarin, 156.
    --Enregistre l'arrêt de sûreté publique, 160.
    --Se divise en deux partis, 166.
    --Ses députés mal reçus à Saint-Germain, 168.
    --S'empare de l'administration, 173.
    --Disposé à la paix après la prise de Charenton, 178.
    --Reçoit un envoyé espagnol, 184.
    --Efforts du parti royaliste dans cette assemblée, 185.
    --Conférences avec la cour, 190.
    --Paix, 191.
    --Informe sur le prétendu assassinat de Condé, 207.
    --S'oppose au retour de Mazarin, 274.
    --Demande le renvoi de Mazarin, 239.
    --Nouvel arrêt contre Mazarin, 241.
    --Scènes entre Gondi et Condé, 260.
    --Le parlement transféré à Pontoise, 309.
    --Louis XIV lui fait enregistrer un édit par lequel il lui étoit
          interdit de se mêler des affaires de l'État, 317.
    --Le parlement force la Sorbonne à enregistrer les quatre articles,
          IV, _a_, 93.
    --Se prononce contre l'autorité du pape, 97.
    --Casse le testament de Louis XIV, IV, _b_, 6.
    --Se rend au lit de justice tenu par le régent, 33.
    --Chasse Albéroni, 44.
    --Dogmatise, 219.
    --Condamne les lettres de Voltaire, 230.
    --Se déchaîne contre les gens d'église, 235.
    --Les philosophes se joignent à lui, 243.
    --Défend d'exiger les billets de confession, 244.
    --Résiste au roi, 247.
    --Exil des membres, 248.
    --Leur rappel, 249.
    --Porte atteinte à la souveraineté du roi, 261.
    --Compromis par Damiens, 267.
    --Fait examiner les constitutions des Jésuites, 330.
    --Leur porte les derniers coups, 336.
    --Condamne les mauvais livres, 360.
    --Est cassé, 363.

  _Parloir_ des bourgeois, I, _b_, 595. III, _b_, 718.

  _Parvis_ Notre-Dame.
    --Pourquoi ainsi appelé, I, _a_, 380.
    --Fut agrandi en 1748, 381.
    --Ornements, 382.
    --L'évêque y avoit une échelle patibulaire, 383.

  _Pasteur_ (les filles du bon), IV, _a_, 253.
    --Leur fondatrice, 254.
    --Composition de cette maison, 255.
    --Église, 259.

  _Pastoureaux_, I, _b_, 705.

  _Patriarche_ (maison du), III, _a_, 616.

  _Parme_ (le duc de) vient au secours de Mayenne, III, _a_, 357.
    --Ses manoeuvres, 359.

  _Paul_ (église paroissiale), II, _b_, 926.
    --Fondateurs, 927.
    --Description, 928.
    --Curiosités, 930.
    --Circonscription, 932.

  ---- (hôtel Saint-) ou de la Force, II, _b_, 13, 24.

  ---- (hôtel Saint-), II, _b_, 957.
    --Maison royale, 958.
    --Détails sur les appartements du Roi, 958.

  _Paumier_ (Simon le), II, _a_, 59.

  _Pavilly_ (Eustache de) lit un mémoire contre les ministres,
          II, _a_, 128.

  _Pélagie_ (Sainte-), III, _a_, 498.
    --Curiosités de l'église, 500.

  _Pelletier_ (hôtel), II, _b_, 1318.

  _Pecquigny_, gouverneur de l'Artois, délivre Charles le Mauvais,
          II, _a_, 35.

  _Penthemont_ (Notre-Dame de), abbaye, IV, _b_, 443.

  _Pénitents_ réformés du tiers ordre de saint François, II, _b_, 1306.
    --Église et curiosités, 1308.

  _Pénitentes_ (filles), I, _b_, 584.

  _Pepin_ voulut que l'église recouvrât les biens qu'elle avait perdus,
          I, _a_, 202.

  _Pepin_, maire du palais, I, _b_, 485.

  _Péréfixe_, cité au sujet du crime de Jean Châtel, I, _a_, 228.

  _Perrin_ (l'abbé) compose une pastorale en cinq actes, II, _b_, 722.

  _Perrine_ (abbaye de Sainte-), I, _b_, 1044.
    --Administration de cette abbaye, 1045.
    --Église, _ib._

  _Perinet_ Leclerc ouvre une porte aux partisans du duc de Bourgogne,
          II, _a_, 153.

  _Pernelle_, femme de Nicolas Flanel, I, _b_, 550.

  _Perrier_ frères, habiles mécaniciens, construisent la pompe à feu,
          I, _b_, 1046.

  _Perron_ (du), cité pour prouver que Henri IV n'avait consenti qu'à
          regret au bannissement des Jésuites, 243.

  _Père Lachaise_ (cimetière du), II, _b_, 1371.

  _Perpétue_ (les filles de Sainte-), III, _b_, 442.

  _Pet-au-Diable_ (hôtel du), II, _a_, 852.

  _Peteau_ (Anne), femme d'un conseiller au parlement, fondatrice des
          filles de la Conception, I, _b_, 1006.

  _Pétersbourg_ (Saint-). Sa fondation, I, _a_, disc. prél., 2.

  _Petit_ (Jean) fait l'apologie du Tyrannicide, II, _a_, 112.

  _Petit-Musc_ (hôtel du), II, _b_, 1315.

  _Petits-Pères_ (les), ou Augustins réformés, II, _a_, 215.
    --Abandonnent le couvent, 220.
    --Achètent un terrain près du Mail, 221.
    --Pourquoi on les appelait Petits-Pères, 222.
    --Église, 221, 223.
    --Curiosités, 225.
    --Bibliothèque, 225.
    --Réparations, 289.

  _Petit-Pont_ (le), I, _a_, 400.

  _Pharmacie_ (collége de), III, _b_, 564.
    --Curiosités, 566.

  _Philippe_ du Roule (Saint-), I, _b_, 1029.
    --Détails sur la fondation de la première chapelle, _ib._
    --Hôpital des monnoyeurs, 1029.
    --Paroisse, 1030.
    --Une église remplace la chapelle, 1031.
    --Description, 1032.

  _Philippe-Auguste_ embellit et agrandit Paris, I, _b_, 498.

  _Philippe-le-Bel_ appelle les communes à voter avec le clergé et la
          noblesse, II, _a_, 14.

  ---- le Bon, duc de Bourgogne, se ligue avec les Anglais, II, _a_, 159.
    --Se brouille avec Glocester, 378.
    --Vainqueur, 379.
    --Maître de Paris, 396.
    --Continue de faire la guerre au roi, 400.
    --Se réconcilie, 406.

  ---- de Valois. Ses démêlés avec Édouard III, II, _a_, 17.

  ---- second, III, _a_, 76.

  _Philosophes_. Leur triomphe à la destruction des Jésuites, IV, _b_, 353.

  _Philosophique_ (le parti). Sa naissance, IV, _b_, 155.
    --Ses progrès, 229.
    --Sa position en 1746, 230.

  _Picald_, cordonnier séditieux, III, _b_, 26.

  _Picardie_ (collége de), III, _b_, 498.

  _Picpus_, II, _b_, 1306.

  _Pierre_ (Saint-), église, IV, _b_, 530.

  ---- aux Boeufs (Saint-). Origine, I, _a_, 285.
    --Cure modique, 286.
    --Portail, _ib._, note.

  ---- de Chaillot (Saint-), église paroissiale, I, _b_, 1043.
    --Curiosités, 1044.

  ---- et Saint-Louis (le séminaire Saint-), IV, _a_, 360.
    --Confirmé, 361.
    --Chapelle, 362.

  _Piganiol_ de la Force, compilateur ennuyeux sur Paris, I, _a_,
          Avert., X.

  _Pitié_ (hôpital de la), III, _a_, 486.
    --Curiosités de l'église, 487.

  _Place_ Royale. Par qui commencée, II, _b_, 1230.
    --Achevée, 1231.
    --Description, _ib._
    --Statue   de Louis XIII, 1233.
    --Inscription, _ib._, note.

  _Plaids_ généraux, I, _a_, 131.
    --Détails sur ces assemblées, _ib._
    --Chambre des plaids, 158.

  _Plessis-Sorbonne_ (collége du), III, _b_, 521.

  _Poids_ du roi (maison du), I, _b_, 595.

  _Poin-Lasne_ (Guillaume) fonde une chapelle à Saint-Eustache,
          II, _a_, 301.

  _Poisson_ (marché au), II, _a_, 478.

  _Poissi_ (colloque de), III, _a_, 79.

  _Pol_ (le comte de Saint-). Son supplice, II, _b_, 653.

  _Police_ de Paris. Ses progrès, II, _b_, 1174.
    --Police municipale, 1181.

  _Politiques_ (le parti des) sous Charles IX, III, _a_, 216.

  _Pollalion_ (madame de) forme l'association des filles de la
          Providence, II, _a_, 518.

  _Pombal_, IV, _b_, 318.

  _Pomereux_ (la chapelle), II, _a_, 455.

  _Pompadour_ (la marquise de), IV, _b_, 227.
    --Feint de se convertir, 323.
    --Meurt, 342.

  _Pompe_ à feu. Emplacement et description, I, _b_, 1046.
    --Détails, _ib._

  _Pomponne_ de Bellièvre. Ses libéralités envers l'Hôtel-Dieu,
          I, _a_, 378.

  _Ponce_, abbé de Cluni, I, _b_, 546.

  _Ponthieu_ (hôtel du comte), I, _b_, 830.

  _Pont-Neuf_, I, _a_, 85.
    --Ce qui le rendit nécessaire, 90.

  _Ponts_ et chaussées (école des), II, _b_, 1138.

  _Porte_ Saint-Denis (la). Où elle était sous Philippe-Auguste,
          II, _a_, 527.
    --À quelle occasion elle fut construite telle qu'elle est, _ib._
    --Description, 528.
    --Inscription, 530, note.

  _Port-Royal_ (abbaye de), IV, _a_, 338.
    --Origine et translation, 339.
    --Port-Royal des champs, 340.
    --Supprimé, 341.
    --Curiosités, 342.

  _Potier_, évêque de Beauvais, III, _b_, 110.

  _Pragmatique_ (sanction), II, _b_, 601.
    --Abolie, 1028.

  _Pré-aux-Clercs_, I, _b_, 719.

  _Prêcheurs_ (les frères), III, _b_, 408.
    --Appelés aussi Jacobins, 410.
    --Bienfaits de Saint-Louis envers cet ordre, 411.
    --Enceinte du couvent, 413.
    --Curiosités de l'église, 414.

  _Prêchoir_ (le), II, _a_, 455.

  _Prémontrés_ réformés, IV, _a_, 239.
    --Église, 240.
    --Curiosités, 241.
    --Prémontrés, III, _b_, 647.
    --Église, 649.

  _Présentation_ de Notre-Dame (les religieuses), III, _b_, 443.

  _Presles_ (collége de), III, _b_, 210.

  _Prêtres_ de la mission, fondés par saint Vincent de Paule, II, _a_, 541.
    --Placés à Saint-Lazare, 543.
    --Bâtiments et églises, 544.
    --Curiosités, 545.

  _Prévôt_ de Paris. Siégeoit au Châtelet, I, _b_, 520.
    --Ses prérogatives, 522.
    --Commandoit la ville de Paris, 524.

  _Prévôts_. Leur office, I, _b_, 519.

  _Prieuré_ de Notre-Dame de Consolation, IV, _a_, 244.
    --Église, 245.

  _Prince_ (hospice le), IV, _b_, 582.

  _Prouvaires_ (marché des), II, _a_, 366.

  ---- (passage des), II, _a_, 366.

  _Protestantisme_. Ses progrès en France, III, _a_, 4.

  _Providence_ (maison de la), II, _b_, 1272.

  ---- (les filles de la), III, _b_, 459.

  _Prudentius_, évêque de Paris, I, _a_, 297.

  _Pucelle_ d'Orléans (la), II, _a_, 387.
    --Ses promesses,388.
    --Ses exploits, _ib._

  _Pyramide_ de Jean Châtel, I, _a_, 228.
    --Ses inscriptions, 239.
    --Renversée par ordre de Henri IV, 248.
    --Estampes que l'on en fit, 249.


  Q.

  _Quai_ d'Anjou, I, _a_, 461.

  ---- de l'Archevêché, I, _a_, 468.

  ---- (des Augustins), II, _b_, 750.

  ---- des Balcons, I, _a_, 461.

  ---- Saint-Bernard, III, _a_, 662.

  ---- de Bourbon, I, _a_, 461.

  ---- des Célestins, II, _b_, 974.

  ---- de la Cité, I, _a_, 468.

  ---- de la Conférence, I, _b_, 1094.

  ---- Dauphin, I, _a_, 461.

  ---- aux Fleurs, I, _a_, 468.

  ---- des Galeries du Louvre, II, _b_, 1094.

  ---- de Gesvres, I, _a_, 612.

  ---- de l'Horloge, I, _a_, 459.

  ---- de la Mégisserie, I, _b_, 674.

  ---- des Morfondus, I, _a_, 459.

  ---- des Orfèvres, I, _a_, 459.

  ---- d'Orléans, I, _a_, 461.

  ---- des Ormes, II, _b_, 974.

  ---- Saint-Paul, II, _b_, 974.

  ---- du port aux Pierres, I, _b_, 1094.

  ---- de la Rapée, II, _b_, 1369.

  ---- de la Savonnerie, I, _b_, 1094.

  ---- des Tuileries, I, _b_, 1094.

  _Quesnel_, son livre, IV, _a_, 171.

  _Quinze-Vingts_ (hôpital royal des), I, _b_, 904-906.
    --Sa dotation primitive, 907.
    --Accroissements, 908.
    --Paroisse pour ceux qui en habitaient l'enceinte, 900.
    --Aveugles et Voyants, hommes et femmes, 909.
    --Mariage qui se pouvaient faire, 910.
    --Ressources de cet hôpital, 911.
    --Par qui administré, II, _b_, 1267.
    --Église, 1268.


  R.

  _Ragnemonde_, évêque de Paris, I, _b_, 750.

  _Ramilly_ (bataille de), IV, _a_, 154.

  _Ramus_, III, _a_, 572.

  _Ratabon_, surintendant des bâtiments sous Louis XIV, I, _a_, 784.

  _Ravaillac_, III, _a_, 435.

  _Récollets_ (couvent des), II, _b_, 747.
    --Curiosités, 750.

  _Rédemption_ des captifs. Voyez _Merci_.

  _Réformés_ (les), écrivent à la reine en faveur de Dubourg, III, _a_, 44.
    --Menacent, 45.
    --Conspirent, 46.
    --Obtiennent l'édit de Romorantin, 56.
    --Se soulèvent en plusieurs provinces, 57.
    --Conspirent de nouveau, 60.
    --Édit de juillet, 72.
    --Colloque de Poissy, 73.
    --Leurs assemblées, 79.
    --Édit de janvier, 83.
    --Courent aux armes, 100.
    --Entrent en campagne, 103.
    --Bataille de Saint-Denis, 140.
    --La Saint-Barthélemy, 179.
    --Commencent la quatrième guerre civile, 223.

  _Régence_ (conseil de) sous Louis XV, IV, _b_, 5.
    --État des affaires de l'Europe au commencement de la régence, 10.

  _Régnaut d'Acy_, avocat-général, assassiné par les ordres de Marcel,
          II, _a_, 45.

  _Reims_ (collége de), III, _b_, 537.

  _Reine_ (hôtel de la), II, _b_, 1316.

  _Renaud-de-Corbeil_, I, _b_, 536.

  _Renaudie_, chef de la conspiration d'Amboise, III, _a_, 47.
    --Son indiscrétion, 48.
    --Meurt en combattant, 50.

  _Reuilly_ (château de), II, _b_, 1317.
    --Jardin, 1338.

  _Révolution française_, enseigne aux hommes toute vérité, I, _a_.
          Avert. XXIX.

  _Ribauds_ (les), ce que c'était que cette troupe, I, _b_, 506.

  _Richard_ Ier, détrôné, II, _a_, 102.

  ---- jeune enfant que les juifs avaient, dit-on, crucifié à Pontoise,
          II, _a_, 442.

  ---- moine, prêche à Paris, II, _a_, 446.

  _Richelieu_ (le cardinal de), bâtit le palais cardinal, I, _b_, 874.
    --Cède ce palais à Louis XIII, 877.
    --Apparaît sur la scène politique, III, _b_, 15.
    --Entre au conseil, 26.
    --Sa conduite prudente, 30.
    --Manière dont il juge la guerre que Marie de Médicis voulait faire
          à son fils, 42.
    --Progrès de sa fortune, 54.
    --Réflexions générales sur son administration, 66.
    --Son entrée triomphante dans Montauban, 71.
    --Journée des dupes, 72.
    --Richelieu, maître absolu, 75.
    --Se déclare pour les Suédois, 86.
    --Embrase l'Europe entière, 86.
    --Succès et revers de la France, 87.
    --Son antipathie pour la maison d'Autriche, 92.
    --N'a pas compris tout le mal qu'il faisait, 103.
    --Mort de Richelieu, 104.

  ---- (le duc de), général, IV, _b_, 294.

  ---- (hôtel), II, _a_, 254.

  _Richemont_ (le comte de), connétable, II, _a_, 379.
    --Sa conduite sévère envers les favoris du roi, 380.
    --Reçoit Lallier sur le pont Notre-Dame, 412.

  _Riparienne_ (troupe). Ce que c'était, I, _a_, 47.

  _Riperda_, ambassadeur de Philippe V, IV, _b_, 99.

  _Robert-le-Fort_, I, _b_, 491.

  ---- comte de Dreux, I, _b_, 864.

  ---- III, se porte pour héritier du comte d'Artois, II, _a_, 19.
    --On lui préfère Mahaud, 19.
    --Va chercher un asile en Angleterre, 20.

  ---- de Clermont, assassiné, II, _a_, 65.

  _Robertins_ (communauté des) IV, _a_, 356.

  _Roch_ (église Saint-), I, _b_, 959.
    --Quand elle fut achevée, 961.
    --Paroisse, 961.
    --Description, 962.
    --Curiosités, 966.
    --Circonscription, 968.

  _Rochechouard_ (abattoir), II, _a_, 295.

  _Rocheblond_ (la), auteur de la faction des Seize, III, _a_, 270.

  _Rochefoucauld_ (la), veut faire assassiner Gondy, III, _b_, 261.

  ---- (le cardinal de la), son tombeau, III, _b_, 381.

  _Rochelle_ (le siége de la), III, _a_, 213.

  _Rocroy_ (bataille de), III, _b_, 115.

  _Rohan_ (le duc de), déclaré ennemi de l'État, III, _a_, 20.

  _Rohaud-Montbazon_ (hôtel de), I, _b_, 655.

  _Romorantin_ (édit de), III, _a_, 56.

  _Roses_ (baillée des), singulière coutume, I, _a_, 154.

  _Rouen_ (hôtel de l'archevêque de), III, _b_, 717.

  _Rousseau_ (J. J.), IV, _b_, 352.

  _Roussillon_ (hôtel de), IV, _a_, 364.

  _Royal_ (pont), IV, _b_, 439.

  _Royaumont_ (hôtel de), I, _b_, 655.
    --II, _a_, 333.

  _Royauté_, héréditaire anciennement en France quant à la famille,
          élective quant aux individus, I, _a_, 63.
    --Pouvait être partagée à plusieurs ou donnée à un seul, 64, 66, 69;
    I, _b_, 472.

  _Rues_ de Paris, sont une matière très embrouillée, I, _a_, 425.
    --Leur état jusqu'au 15e siècle, 426.
    --Pavées par Philippe-Auguste, 426.
    --Combien il y en avait au temps du poète Guillot, 440.
    --Combien au temps de Corrozet, 441.
    --Rues par ordre alphabétique. (Voir la table particulière, page 575.)


  S.

  _Sachets_ (les), III, _b_, 605.

  _Sacrement_ (les filles du Saint-), II, _b_, 1086.
    --Église, 1087.

  ---- (filles du Saint-), IV, _a_, 234.
    --But de cette institution, 235.
    --Anecdote sur leur établissement à Paris, 236.
    --Monastère rue Cassette, 238.

  _Sacy_ (le père de), s'attire la haine de Pompadour, IV, _b_, 321.

  _Salm_ (hôtel de), IV, _b_, 478.

  _Salpétrière_, origine de cet hôpital, III, _a_, 540.
    --Église, 543.
    --Curiosités, 546.

  _Samaritaine_ (la), I, _a_, 100.

  _Sang_ (les religieuses du précieux), IV, _a_, 273.

  _Sauval_ (Henri), a écrit sur les antiquités de Paris, I, _a_. Avert. vj.

  _Sauveur_ (les filles du), II, _b_, 1130.

  ---- (Église Saint-), II, _a_, 501.
    --Paroisse, 502.
    --Reconstruite, 503.
    --Description, 504.
    --Curiosités, _ib._
    --La Cure, 505.
    --Circonscription, 506.

  _Savoie_ (hôtel de), III, _b_, 709.

  _Savoisi_ (Charles de), II, _a_, 163.

  _Savonnerie_ (manufacture royale de la), I, _b_, 1048.
    --Sa chapelle, 1050.

  _Savoyards_ (école des), III, _b_, 566.

  _Saxe_ (le comte de), IV, _b_, 130.
    --Devient maréchal, 131.
    --Ses campagnes dans les Pays-Bas, 136.
    --Victoire de Raucoux, 141.

  _Scipion_ (hôtel), III, _a_, 626.

  _Seez_ (collége de), III, _b_, 696.

  _Séguier_ (le président), devant le roi Henri II, III, _a_, 24.
    --Arrêté sur le quai de la Mégisserie, III, _b_, 148.

  _Seize_ (la faction des). Son but et ses progrès, III, _a_, 270.
    --Manoeuvre de cette faction, 270.
    --Fomentent la haine publique contre le roi, 286.
    --Excitent les écoliers, 298.
    --Soulèvent Paris à la mort du duc de Guise, 319.
    --Désappointés, 342.

  _Séjour_ d'Orléans (le), III, _a_, 618.

  ---- de la reine Blanche, III, _a_, 621.

  _Sens_ (hôtel de), II, _b_, 964.

  _Sergents d'Armes_, institués par Philippe-Auguste, I, _b_, 506.

  _Sépulcre_ (église du Saint-), I, _b_, 577.
    --Achevée, 578.
    --Différends au sujet de la juridiction de cette église, 579.
    --Curiosités, 581.
    --Une des filles de Notre-Dame, 582.

  ---- (les chanoinesses du Saint-), IV, _b_, 441.

  _Servandoni_, bâtit le portail de Saint-Sulpice, IV, _a_, 215.

  _Severin_ (église Saint-), III, _b_, 627.
    --Origine, 628.
    --Curiosités, 631.
    --Circonscription, 633.
    --Embellissements, 751.

  _Sévigné_ (Mme de), II, _b_, 1327.

  _Shaftsbury_, jugement sur cet homme, IV, _a_, 51.
    --Jure la perte des Stuarts, 53.
    --Ses intrigues pour le prince d'Orange et Monmonth, 115.

  _Sibylle_, femme de Renold de Cherins, I, _b_, 818.

  _Sicile_ (hôtel de), II, _b_, 851.

  _Sigismond_ (l'empereur), à Paris, II, _a_, 146.

  _Silleri_ (le chancelier), III, _b_, 17.
    --Le roi lui retire les sceaux, 23.

  _Siméon_ Salus (communauté de Saint-), III, _b_, 738.

  _Six-Corps_ (les). Cette réunion attribuée à Philippe-Auguste,
          I, _b_, 630.
    --Leur constitution, 631.
    --Objet de cette association, 633.
    --Marchands de vin exclus, 633.
    --Drapiers, 634.
    --Épiciers, 635.
    --Merciers, 637.
    --Pelletiers, 638.
    --Bonnetiers, 639.
    --Orfèvres, 640.

  _Sixte V_, et la ligue, III, _a_, 338.

  _Soanen_, évêque de Senez, IV _b_, 193.

  _Société_ de la croix (les filles de la), II, _b_, 1241.

  _Soissons_ (hôtel de), II, _a_, 334.
    --Ses différents propriétaires, 335.

  ---- (le comte de), III, _b_, 4.
    --Se retire de la cour avec le prince de Condé, 12.

  _Somptuaire_ (loi), sous Philippe-le-Bel, I, _b_, 441.

  _Sorbonne_ (la) rend un décret contre Henri III, _a_, 320.
    --Contre Henri IV, 347.
    --Fait sa soumission, 422.
    --Sa fondation, 675.
    --L'église, 678.
    --Description, 679.
    --Curiosités, 680.
    --Bibliothèque, 682.
    --Régime intérieur, 683.
    --Restaurée, 753.

  _Sorel_ (Agnès), II, _a_, 387.

  _Soubise_ (hôtel de), II, _b_, 1006.

  ---- demande pardon à genoux, III, _b_, 47.
    --Dévaste le Poitou avec une armée de 6,000 hommes, 51.

  _Sourdiac_ (hôtel de), IV, _a_, 366.

  _Spifame_ (Raoul), fait rendre l'ordonnance qui oblige les libraires
          à fournir des exemplaires à la bibliothèque royale, II, _a_, 187.

  _Squelette_ de Germain Pilon, II, _a_, 455.

  _Stairs_, ambassadeur d'Angleterre en France, IV, _b_, 15.
    --Fait la guerre à la France, 125.

  _Stanislas_, roi de Pologne, IV, _b_, 104.

  _Stations_ agraires, ce que c'était, I, _a_, 46.

  _Strasbourg_ (hôtel de), II, _b_, 1010.

  _Suède_ (collége de), III, _b_, 691.

  _Suger_, abbé de Saint-Denis, I, _b_, 496.
    --Et la note.

  _Sully_ (Maurice de), reçoit de Philippe-Auguste tous les édifices
          publics des Juifs, I, _a_, 266.
    --Fait construire le palais épiscopal, 328.

  ---- (Eudes de) évêque de Paris, I, _b_, 818.

  ---- (le duc de). Sa disgrace sous la régence, III, _b_, 7.
    --Jugement sur ce personnage, 8.
    --Note.

  _Sulpice_ (église paroissiale de Saint-), IV, _a_, 208.
    --Agrandie, 212.
    --Nouvelle église, _ib._
    --Travaux suspendus et repris, 213.
    --Portail, 215.
    --Construction des autres parties, 217.
    --Dédicace, 218.
    --Curiosités de l'église en 1789, 220.
    --Circonscription, 225.
    --Restaurée, 396.
    --Embellissement des chapelles, 396.

  ---- (hospice de Saint-), IV, _a_, 262.

  ---- (grand séminaire Saint-), IV, _a_, 353.
    --Curiosités de la chapelle, 354.
    --Petit séminaire, 355.
    --Nouveau séminaire, 400.

  _Symphorien_ (Saint-), ou chapelle Saint-Luc, I, _a_, 273.
    --Par qui desservie, 274.
    --Curiosités, 275.

  ---- (chapelle Saint-), III, _b_, 425.


  T.

  _Tabacs_ (manufacture des), IV, _b_, 532.

  _Tableau_ historique et pittoresque de Paris; plan qu'à suivi
          l'auteur, I, _a_. Avertissement XIV.
    --Sa première édition, 24.
    --Son atlas, 25.
    --La nouvelle édition, 26.

  _Tardif_ (Jean), sa mort, III, _a_, 376.

  _Tarif_ sous la régence, III, _b_, 126.

  _Tasseline_ (Jeanne), fonde une chapelle, II, _b_, 747.

  _Tellier_ (le père le), confesseur de Louis XIV, IV, _a_, 177.
    --Préventions contre lui, 178.

  _Théluson_ (hôtel), II, _a_, 257.

  _Temple_ (le), II, _b_, 1119.
    --Description, 1120.
    --Trois sortes d'habitants au Temple, 1121.
    --L'église, 1122.
    --Description, 1123.
    --Curiosités, 1124.
    --Marché du Temple, 1159.

  _Templiers_ (les) étaient coupables, I, _a_, 93.

  ---- leur origine, II, _b_, 1094.
    --S'établissent à Paris, 1095.
    --Leur fin tragique, 1097.
    --Les nouveaux philosophes les prennent sous leur protection, 1098.
    --Leur culpabilité démontrée, 1104.
    --Leur apologie réfutée, 1112.
    --Clément V les supprime, 1118.

  _Tencin_ (l'abbé de), ses intrigues à Rome, IV, _b_, 69.

  _Tenneguy_ Duchâtel sauve le Dauphin, II, _a_, 154.
    --S'exile de la cour, 380.

  _Théatins_ (les), IV, _b_, 435.

  _Thècle_ (les filles de Sainte-), IV, _a_, 267.

  _Thémines_ (le maréchal de), III, _b_, 27.

  _Thermes_ (palais des), son origine, disc. prél., XIV.
    --Description, III, _a_, 642.
    --Constructions souterraines, 645.
    --Réparation, 752.

  _Thomas_ (Saint-), contraire aux monomachies, I, _a_, 353.

  ---- de Cantorbery (Saint-), église à Paris sous son invocation,
          I, _b_, 864.
    --_Voyez_ Saint-Nicolas du Louvre.

  ---- d'Aquin (les filles Saint-), II, _a_, 230.
    --Par qui fondées, 230.
    --Leur monastère, 231.

  ---- (les filles Saint-) de Villeneuve, IV, _a_, 247.

  ---- d'Aquin (église Saint-), IV, _b_, 529.

  ---- de Jésus (le père), II, _a_, 215.

  _Thou_ (Jacque de), historien, II, _a_, 187.

  _Thouars_ (hôtel), III, _b_, 713.

  _Tiercelin_ (Jean), maître-d'hôtel du Dauphin, I, _b_, 916.

  _Timbre_ royal, II, _a_, 294.

  _Tisserand_ (Jean), cordelier, I, _b_, 583.

  _Tombe_ Isouard (la), II, _a_, 458.

  _Toulouse_ (le comte de), sa pénitence publique, I, _b_, 699.

  ---- (hôtel de), II, _a_, 345.

  _Tour_ de Notre-Dame des Bois (la), II, _a_, 454.

  _Treguier_ (collége de), III, _b_, 511.

  _Trémouille_ (la), II, _a_, 402.

  ---- (hôtel de la), II, _b_, 1005.

  _Trente-Trois_ (le séminaire des), III, _a_, 607.

  _Trésor_ des chartres, ce que c'était, I, _a_, 123.

  _Trésorier_ (collége du), III, _b_, 704.

  _Tournay_ (le collége de), III, _a_, 610.

  ---- (hôtel de), III, _a_, 615.

  _Tournelle_ (la), I, _a_, 151.
    --Pont de la Tournelle, 421.

  _Tournelle_ (château de la), rebâti, III, _a_, 441.
    --Établissement qu'y forme Saint-Vincent de Paul, _ib._
    --Détruit, 443.

  ---- (la marquise de la), maîtresse de Louis XV, IV, _b_, 111.

  _Tournelles_ (le palais des), par qui construit, II, _b_, 1227.
    --Demeure du duc de Bedfort, 1228.
    --Description, 1229.
    --Détruit et remplacé par la place royale, 1230.

  _Tournon_ (le cardinal de), dispute contre Théodore de Beze,
          III, _a_, 75.

  _Tours_ (collége de), III, _b_, 690.
    --Hôtel, 716.

  _Trêve_ du Seigneur sous Henri Ier, I, _b_, 687.

  _Trinité_ (hôpital de la), II, _a_, 491.
    --Son administration, 493.
    --Par qui desservi jusqu'en 1545, 495.
    --Les confrères de la passion y représentent la passion, 496.
    --Église, 500.
    --Filles de la Trinité, II, _b_, 1302.

  _Triumvirat_, durant la minorité de Charles IX, III, _a_, 69.
    --Exilé, 86.
    --Délivre le roi à Fontainebleau, 97.

  _Tuileries_ (le palais des), origine de ce nom, I, _b_, 915.
    --État primitif de cet emplacement, 916.
    --Bâti par Catherine de Médicis, 917.
    --La prédiction d'un astrologue fait cesser les travaux, _ib._
    --Ces travaux repris et achevés, 918.
    --Travaux sous Louis XIV, 920.
    --Décoration intérieure, 925.
    --Salle des machines, 928.
    --La chapelle, 930.

  _Turenne_, Sa défection en faveur des frondeurs, III, _b_, 187.
    --Veut enlever les trois princes, 219.
    --Sauve l'armée royale, 284.
    --Chasse le duc de Lorraine, 290.
    --Engage un combat avec Condé aux portes de Paris, 296.
    --Triomphe à Dunes, IV, _a_, 5.
    --Ses succès dans la guerre de Hollande, 48.
    --Entre en Allemagne, 56.
    --Marche contre les impériaux, 60.
    --Ses belles manoeuvres sur le Rhin, 61.
    --Ses cruautés dans le Palatinat, 62.
    --Refuse de quitter l'Alsace, 63.
    --Sa belle défense, 64.
    --On lui oppose Montecuculli, 66.
    --Meurt au milieu de ses succès, 67.

  _Turgot_ (hôtel), II, _b_, 1330.


  U.

  _Unigenitus_ (bulle), IV, _a_, 174.
    --Importance de cette bulle, IV, _b_, 164.
    --Nouvelles attaques contre elle, 254.

  _Union_ chrétienne (les filles de l'), II, _a_, 518.
    --But de cette institution, 519.
    --Lettres-patentes de Louis XIV, 519.
    --La petite union chrétienne, 525.

  _Université_. Son établissement sous Louis le jeune, contribue à
          l'accroissement de Paris, I, _a_. Disc. prél., 23.
    --Conduite de Louis XII envers l'université, I, _b_, 903.
    --Croit à la souveraineté du peuple, 1037.
    --Ses querelles avec les Jacobins au sujet de l'immaculée
          conception, II, _a_, 95.
    --Se mêle moins des affaires publiques, 162.
    --Se soumet à Charles VII, 414.
    --Son origine, III, _a_, 546.
    --Ses progrès, 548.
    --Son lustre, 552.
    --Son état au XIIIe siècle, 557.
    --Ses premiers réglements, 558.
    --Messagers de l'université, 560.
    --Fondation des colléges, _ib._
    --Faveurs des papes envers elle, 562.
    --Arrivée des dominicains et des franciscains, 565.
    --École de théologie, 567.
    --L'université devient telle qu'elle est, 568.
    --Ses ressources, 569.
    --Son esprit républicain, 570.
    --Sa conduite pendant les troubles, _ib._
    --Renaissance des lettres, 574.
    --Ramus s'élève contre Aristote, 578.
    --Institution des divers colléges, 580.
    --Fait valoir son autorité à l'égard des religieux de l'abbaye
          Saint-Germain, IV, _a_, 347.

  _Ursins_ (la princesse des), IV, _b_, 11.

  _Ursulines_ (les religieuses), III, _b_, 449.

  _Utrecht_ (paix d'), IV, _a_, 167.

  _Uzès_ (hôtel d'), II, _a_, 258.


  V.

  _Vaiguerie_ (la), président au parlement, II, _b_, 886.
    --Ses remontrances au roi, 901.

  _Vaillant_ (M.) recherche les médailles en Italie, II, _a_, 198.

  _Val-de-Grâce_ (abbaye royale du), II, _b_, 472.
    --Église, 474.
    --Description, 476.
    --Curiosités, 482.

  _Valentinien_, habita Paris, disc. prél., XIII.

  _Valentinois_ (la duchesse de), son ascendant sur Henri, III, _a_, 35.

  _Valère_ (les Filles de sainte), IV, _b_, 448.

  _Valière_ (hôtel de la), II, _a_, 258.

  _Valois_ (de) sa dispute avec Delaunoy sur les anciennes églises de
          Paris, I, _a_, avert., v.

  ---- (Adrien de). Lumières qu'il a répandues sur les antiquités de
          Paris, I, _a_, avert., XIII.

  _Valteline_ (la), rendue aux Grisons par Richelieu, III, _b_, 78.

  _Vanden_ Bogaër (Voy. Desjardins).

  _Variétés_ (théâtre des), II, _a_, 293; _b_, 1134.

  _Varzy_ (Guillaume de), doyen de Saint-Germain, II, _a_, 300.

  _Vassaux_ (les grands), à la fin de la seconde race, II, _a_, 5.
    --Donnent la couronne à Hugues Capet, _ib._

  _Vasselage_, son origine, I, _a_, 59.
    --Ses effets, _ib._

  _Vassy_ (prétendu massacre de), III, _a_, 92.

  _Veing_ d'Arbouze, supérieure des Bénédictines, leur fait embrasser
          une vie plus austère, I, _b_, 1027.

  _Vendôme_ (place), son origine, I, _b_, 975.
    --Description, 978.
    --Ancien monument, 980.
    --La colonne le remplace, 982.
    --Détails sur cette colonne, 1102.

  ---- (le duc de), refuse le passage au duc de Bretagne, II, _b_, 628.

  ---- (collége de), III, _b_, 690.

  ---- (le duc de), ses succès, IV, _a_, 147.
    --En Espagne, 164.

  ---- (hôtel de), IV, _a_, 366.

  _Ventadour_ (la duchesse de), I, _b_, 593.

  _Verneuil_ (bataille de), II, _a_, 376.

  _Viande_ (ancienne halle à la), II, _a_, 478.

  _Viarmes_ (de), prévôt des marchands, II, _a_, 324.

  _Vic_ (Henri de), horloger, I, _a_, 168.

  _Victoires_ (place des), II, _a_, 205.
    --Description, 206.
    --Statue de Louis XIV, 208.
    --Réparations, 289.

  _Victor_ (l'abbaye Saint-), III, _a_, 472.
    --Église, 474.
    --Le cloître, 479.
    --Curiosités, 480.
    --Bibliothèque, 481.

  _Villa_, villæ capitaneæ, mansionales, ce que c'était, I, _a_, 80.

  _Villain_ (l'abbé), son histoire de Saint-Jacques de la Boucherie,
          I, _b_, 544.

  _Villars_, IV, _a_, 147.
    --Remplacé par Marsin, 148.
    --Ses succès sur le Rhin, 157.
    --Gagne la bataille de Denain, 167.
    --On blâme le régent, IV, _b_, 17. Note.

  _Villeroi_ (M. de), sa lettre à d'Ossat, I, _a_, 241.

  _Villeroi_ (hôtel de), I, _b_, 654.

  _Villeroi_ (la chapelle de), II, _a_, 455.

  _Villeroi_. Son impéritie, IV, _a_, 143.
    --Perd la bataille de Ramilly, 154.

  _Villévêque_, I, _a_, 347.

  _Vincent_ de Paule (Saint-), établit les Enfants Trouvés, I, _a_, 387.
    --Engage les dames de la Charité à se charger des enfants trouvés, 388.

  _Vincent_ de Paule (église Saint-), II, _a_, 294.

  _Vineam domini Sabaoth_, bulle de Clément XI, IV, _a_, 170.

  _Vintimille_ (madame de), maîtresse du roi, IV, _b_, 110.

  _Vintimille_ (M. de), archevêque de Paris, IV, _b_, 197.
    --Dans quel état il trouve cette église, 198.
    --Son zèle, 199.
    --Protestation contre son mandement, 200.

  _Visitation_ Sainte-Marie (les religieuses de la), II, _b_, 1249.
    --S'établissent à Paris, 1251.
    --Transférées, 1252.
    --Église, 1253.
    --Curiosités, 1254, III, _b_, 427.

  _Visitation_ de Chaillot (la), par qui fondée, I, _b_, 1051.
    --Augmentée, 1052.
    --Église, 1053.

  _Vitri_ (le baron de), III, _b_, 32.

  _Volaille_ (marché à la volaille), III, _b_, 751.

  _Voltaire_, IV, _b_, 156-353-358.


  W.

  _Walpole_, ambassadeur anglais, exploite la vanité de Fleury,
          IV, _b_, 99.

  _Walstein_, général allemand, III, _b_, 80.
    --Reprend le commandement d'une armée après une disgrace, 84.
    --Ferdinand le fait assassiner, 85.

  _Westphalie_ (traité de). Ne reconnoît dans la société que des intérêts
          matériels, III, _b_, 332.


  Y.

  _Yves_ de Chartres. Contraire aux _monomachies_, I, _a_, 353.

  _Yves_ (Saint-), chapelle, II, _a_, 344.


  Z.

  _Zamet_, italien fort riche, chez qui mourut Gabrielle d'Estrées,
          I, _b_, 830.

  _Zône_ (hôtel), III, _a_, 622.
    --Dépendance de la commanderie de Saint-Jean de Latran, III, _b_, 355.



  TABLE DES RUES DE PARIS.


  A.

  Abbatiale, IV, _b_, 503.

  Abbaye (Neuve-de-l'), IV, _b_, 534.

  Abreuvoir (de l'), I, _a_, 442.

  Abreuvoir-Popincourt (de l'), I, _b_, 660.

  Acacias (des), IV, _b_, 534.

  Aiguellerie (de l'), I, _b_, 661.

  Albiac (d'), III, _a_, 632.

  Aligre (d'), II, _b_, 1345.

  Allouette (du Champ de l'), III, _a_, 632.

  Amandiers (des), II, b, 1345; III, _b_, 574.

  Amboise (d'), II, _a_, 262.

  Amélie, IV, _b_, 534.

  Amelot, II, _b_, 1345.

  Anastase (Sainte-), II, _b_, 1141.

  Anastase (Neuve Sainte-), II, _b_, 966.

  André (Saint-), II, _b_, 1345.

  André-des-Arcs (Saint-), III, _b_, 730.

  André-des-Arcs (du Cimetière St-), III, _b_, 732.

  Anges (des Deux), IV, _b_, 503.

  Angevillers (d'), I, _b_, 839.

  Anglade (d'), I, _b_, 1075.

  Anglois (des), III, _b_, 574.

  Angloises (des Filles), II, _b_, 632.

  Angoulême (d'), I, _b_, 1075.

  Angoulême (d'), II, _b_, 1141.

  Anjou (d'), I, _b_, 1075.

  Anjou (d'), II, _b_, 1141.

  Anjou (d'), IV, _b_, 503.

  Anne (Sainte), I, _a_, 442; b, 1075; II, _a_, 262.

  Antin (d'), II, _a_, 262.

  Antoine (Saint-), II, _b_, 1345.

  ---- (du Faubourg), II, _b_, 1347.

  ---- (des Fossés), II, _b_, 1347.

  Apolline (Sainte-), II, _a_, 563.

  Arbalète (de l'), III, _b_, 574.

  Arbre-Sec (de l'), I, _b_, 839.

  Arcade (de l'), I, _a_, 44; _b_, 1076.

  Arche-Marion (de l'), I, _b_, 661.

  Argenteuil (d'), I, _b_, 1076.

  Arras (d'), III, _b_, 632.

  Artois (d'), II, _a_, 263.

  Assas (d'), IV, _a_, 408.

  Astorg (d'), I, _b_, 1077-1106.

  Aubry-le-Boucher, I, _b_, 597.

  Augustin (Neuve-Saint), II, _a_, 263-284.

  Augustins (des Vieux-), II, _a_, 348.

  Augustins (des Grands-), III, _b_, 732.

  Augustins (des Petits), IV, _b_, 503.

  Auvergne (de la Tour-d'), II, _a_, 264.

  Aveugles (des), IV, _a_, 369.

  Avignon (d'), I, _b_, 597.

  Avoie (Sainte-), II, _b_, 1013.


  B.

  Babille, II, _a_, 348.

  Babylone (de), IV, _b_, 215.

  Bac (du), IV, _a_, 370, 215.

  Bagneux (de), IV, _a_, 370.

  Baillet, I, _b_, 842.

  Bailleul, I, _b_, 842.

  Baillif, II, _a_, 349.

  Bailly, II, _b_, 766.

  Ballets (des), II, _b_, 1347.

  Banquier (du), III, _a_, 683, III, _a_, 662.

  Barbe (Sainte-), II, _a_, 563.

  Barbette, II, _b_, 1348.

  Barillerie (de la), _a_, 443.

  Barouillère, IV, _a_, 370.

  Barre-du-Bec, II, _b_, 1013.

  Barre (de la), III, _a_, 633.

  Barrés (des), II, _b_, 966.

  Barrière (de la), III, _a_, 633.

  Barthélemy, IV, _b_, 534.

  ---- (de Saint-), I, _a_, 443.

  Batailles (des), I, _b_, 1077.

  Battoir (du), III, _a_, 634.

  Basfroi, II, _b_, 1348.

  Basse-du-Rempart, II, _a_, 264.

  Bassins (des), I, _b_, 1077.

  Basville (de), I, _a_, 443.

  Baudin, II, _a_, 265.

  Bayard, IV, _b_, 535.

  Beaubourg, II, _b_, 766.

  Beauce (de), II, _b_, 1142.

  Beaune (de), IV, _b_, 505.

  Beaujolois (de), I, _b_, 1077, II, _b_, 1142.

  Beauregard, II, _a_, 265, 563.

  Beaurepaire, II, _a_, 563.

  Beautreillis, II, _b_, 967.

  Beauvais (de), I, _b_, 842.

  Beauveau, II, _b_, 1348.

  Belle-Chasse (de), IV, _b_, 505.

  ---- Neuve, IV, _b_, 535.

  Bellefond, I, _a_, 265.

  Benoît (Saint-), II, _b_, 768, IV, _b_, 505.

  ---- (du Cimetière), III, _b_, 575.

  Bercy (de), II, _b_, 1348.

  Bergère, II, _a_, 265.

  Bernard (Saint-), II, _b_, 1349.

  ---- (des Fossés), III, _a_, 635.

  Bernardins (des), III, _a_, 634.

  Berthoud, II, _b_, 792.

  Bertin-Poiré, I, _b_, 662.

  Berry (de), I, b, 1077, II, _b_, 1142.

  Béthisi, I, _b_, 662.

  Beurrière, IV, _a_, 371.

  Biches (du Pont aux), III, _a_, 635.

  Bienfaisance (de la), I, _b_, 1106.

  Bièvre (de), III, _a_, 635.

  Billettes (des), II, _b_, 1014.

  Biron (de), III, _b_, 575.

  Bissy, IV, _a_, 371.

  Blanche, II, _b_, 1143.

  ---- (de la Croix), II, _a_, 266.

  Blanchisseuses (des), I, _b_, 1077.

  Blancs-Manteaux, II, _b_, 1016.

  Bleue, II, _a_, 266.

  Boeuf (du Pied de), I, _b_, 598.

  Bondi, II, _b_, 768.

  Borda, II, _b_, 792.

  Bordet, III, _a_, 635.

  Bornes (des), II, _b_, 1143.

  Boucher, I, _b_, 663.

  Boucherat, II, _b_, 1143.

  Boucheries (des), I, _b_, 1078, IV, _a_, 371.

  ---- (au Gros-Caillou), IV, _b_, 524.

  ---- (de la), II, _b_, 1373.

  ---- (de la Vieille-), III, _b_, 733.

  Boulangers (des), III, _a_, 636.

  Boulets (des), II, _b_, 1349.

  Bouloy (du), II, _a_, 349.

  Bourbe (de la), IV, _a_, 372.

  Bourdonnaye (de la), IV, _b_, 535.

  Bourbon (du Petit-), I, _b_, 843, IV, _a_, 372.

  ---- IV, _b_, 506.

  ---- le Château, IV, _b_, 506.

  ---- II, _a_, 564.

  Bourg-Thibout, II, _b_, 1017.

  Bourg-l'Abbé, II, _a_, 564.

  Bourgogne (de), II, _b_, 1143, IV, _b_, 506.

  Bourguignons (des), III, _b_, 576.

  Bout-de-Brie, III, _b_, 734.

  Bout-du-Monde (du), II, _a_, 350.

  Braque (de), II, _b_, 1017.

  Brave (du), IV, _a_, 372.

  Bretagne (de), II, _b_, 1144.

  ---- (Neuve de), II, _b_, 1160.

  Breteuil (de), II, _b_, 769, IV, _b_, 538.

  Bretonnerie (de la Grande-), III, _b_, 576.

  ---- (de la Petite-), III, _b_, 576.

  Bretonvilliers (de), I, _a_, 460.

  Brise-Miche, II, _b_, 769.

  Brodeurs (des), IV, _b_, 506.

  Brunette, I, _b_, 1078.

  Bucherie (de la), III, _b_, 577.

  Buci (de), IV, _a_, 372.

  Buffault (de), II, _a_, 266.

  Buffon, III, _a_, 662.

  Buisson (Saint-Louis du), II, _b_, 792.

  Buttes (des), II, _b_, 1349.


  C.

  Cassini, III, _b_, 597.

  Cadet, II, _a_, 266.

  Caille (de la), IV, _a_, 409.

  Caillou (du Gros-), III, _a_, 636.

  Caire (du), II, _a_, 585.

  Calandre (de la), I, _a_, 443.

  Calonne (de), II, _a_, 350.

  ---- (place), III, _b_, 578.

  Calvaire (Filles-du-), III, _b_, 1144.

  Canettes (des), IV, _a_, 374.

  Canettes (des Trois-), I, _a_, 444.

  Canivet (du), IV, _a_, 374.

  Capucins (des), III, _b_, 578.

  Capucins (Neuve des), II, _a_, 266.

  Capucines (des), II, _a_, 266.

  Cardinale, IV, _b_, 507.

  Carême-Prenant, II, _b_, 770.

  Cargaisons (des), I, _a_, 445.

  Carmes (des), III, _b_, 578.

  Carneau (du), III, _b_, 578.

  Caron, II, _b_, 1349.

  Carpentier, IV, _a_, 374.

  Carreau (du Petit-), II, _a_, 565.

  Carrefour de la Croix-Rouge, IV, _a_, 377.

  Carrousel (du), I, _b_, 1078.

  Cassette, IV, _a_, 374.

  Castiglione (de), I, _b_, 1106.

  Catherine, (Sainte-), IV, _a_, 374.

  ---- (de l'Égout-Sainte-), II, _b_, 1350.

  ---- (Neuve Sainte-), II, _b_, 1350.

  Caumartin, II, _a_, 267.

  Cerisaie (de la), II, _b_, 967.

  Chabanais (des), II, _a_, 267.

  Chaillot (du Grand-), I, _b_, 1078.

  ---- (Basse de), I, _b_, 1078.

  Chaise (de la), IV, _b_, 507.

  Champs (des), I, _b_, 1078.

  Champs-Élysées (des), I, _b_, 1078.

  Champs (Neuve des Petits-), II, _a_, 267.

  Champ-de-l'Alouette (Petite r. du), II, _a_, 662.

  Champs (des Petits-), II, _b_, 771.

  Chandeliers (des Trois-), III, _b_, 735.

  Chanoinesse, I, _a_, 445.

  Chantereine, II, _a_, 267.

  Chantier (du Grand-), II, _b_, 1144.

  Chantiers (des), II, _b_, 1351.

  Chantre (du), I, _b_, 843.

  Chantres (des), I, _a_, 445.

  Chanvrerie (de la), II, _a_, 466.

  Chapelle (de la), II, _a_, 585.

  Chapitre (du) ou Massillon, I, _a_, 445.

  Chapon (du), II, _b_, 771.

  Charbonniers (des), II, _b_, 1351.

  Charbonniers (des), III, _b_, 579.

  Charenton, (de), II, _b_, 1351.

  Charité (de la), II, _a_, 585.

  Charlot, II, _b_, 1144.

  Charonne (de), II, _b_, 1352.

  Chartière, III, _b_, 579.

  Chartres (de), I, _b_, 1079.

  Château-Landon, II, _a_, 585.

  Chat-qui-Pêche (du), III, _b_, 735.

  Chauchat, II, _a_, 267.

  Chaume (du), II, _b_, 1018.

  Chaussée-d'Antin (de la), II, _a_, 268.

  Chaussée (de la), II, _b_, 1373.

  Chaudron (du), II, _a_, 585.

  Chemin-Vert (du), I, _b_, 1079; II, _b_, 1352.

  Chenet (du Gros-), II, _a_, 269.

  Chevalier-du-Guet (du), I, _b_, 664.

  Cheval-Vert (du), III, _b_, 579.

  Cherche-Midi (du), IV, _a_, 375.

  Chiens (des), III, _b_, 580.

  Childebert, IV, _b_, 507.

  Choiseul (de), II, _a_, 269.

  Cholets (des), III, _b_, 580.

  Chopinette (de la), II, _b_, 792.

  Christine, II, _b_, 736.

  Christophe (Saint-), I, _a_, 445.

  Censier, III, _a_, 636.

  Ciseaux, IV, _b_, 508.

  Claude (Saint-), II, _a_, 566.

  Claude (Saint-), II, _b_, 1145.

  Clef (de la), III, _a_, 637.

  Clément, IV, _a_, 409.

  Cléri (de), II, _a_, 269, 566.

  Cloître Saint-Benoît, III, _b_, 753.

  Cloître Saint-Benoît (du), III, _b_, 736.

  Cloche-Perce, II, _b_, 1352.

  Cloître Notre-Dame, I, _a_, 445.

  Cloître Saint-Germain-l'Auxerrois, I, _b_, 846.

  Clopin, III, _a_, 637.

  Clos-Georgeau, I, _b_, 1079.

  Clovis, III, _a_, 662.

  Clichy (de), II, _a_, 270.

  Cluni (de), III, _b_, 736.

  Cocatrix, I, _a_, 446.

  Coeur-Volant, IV, _a_, 376.

  Colbert (de), II, _a_, 270.

  Colombe, I, _a_, 446.

  Colombier (Neuve du), II, _b_, 1353.

  Colombier, IV, _a_, 508.

  Colombier (du vieux), IV, _a_, 376.

  Colysée, I, _b_, 1079.

  Combat, II, _b_, 771.

  Comète (de la), IV, _b_, 524.

  Comtesse d'Artois, II, _a_, 467.

  Condé (de), IV, _a_, 377.

  Conté, II, _b_, 792.

  Contrescarpe, II, _b_, 1353.

  ---- III, _b_, 736.

  Copeau, III, _a_, 638.

  Coq (du), I, _b_, 843.

  Coqhéron, II, _a_, 351.

  Coquenart, II, _a_, 270.

  Coquillière, II, _a_, 351.

  Corderie (de la), II, _b_, 1145.

  Corderie. _V._ de la Sourdière.

  Cordeliers (des), III, _b_, 736.

  Cordiers (des), III, _b_, 737.

  Cordonnerie (de la), II, _a_, 468.

  Corneille (de), IV, _a_, 377.

  Corroyerie (de la), II, _b_, 772.

  Cossonnerie (de la), II, _a_, 468.

  Cotte (de), II, _b_, 1353.

  Cour au Villain, II, _b_, 772.

  Cour du More, II, _b_, 773.

  Courcelle (de), I, _b_, 1079.

  Couronnes, (des trois), III, _a_, 639.

  Crébillon, IV, _a_, 377.

  Creuse, III, _a_, 639.

  Croix (de la), II, _b_, 773.

  Croix (Sainte-), I, _a_, 446; II, _a_, 270.

  Croix blanche (de la), II, _a_, 271.

  Croix-des-petits-Champs, II, _a_, 350.

  Croix Blanche (de la), II, _b_, 1020.

  Croix du Roule (de la), I, _b_, 1106.

  Croix de la Bretonnerie (Sainte-), II, _b_, 1018.

  Croissant (du), II, _a_, 270.

  Croulebarbe, II, _a_, 639.

  Crucifix Saint-Jacques (du), I, _b_, 598.

  Culture Sainte-Catherine, II, _b_, 1349.

  Cygne (du), II, _a_, 469.


  D.

  Daguesseau, I, _b_, 1080.

  Dames (de la Tour des), II, _a_, 271.

  Dauphin (du), I, _b_, 1080.

  Dauphine (passage), IV, _b_, 535.

  Dauphine, III, _b_, 737.

  Daval, II, _b_, 1354.

  Déchargeurs (des), I, _b_, 664.

  Degrés (des), II, _a_, 568.

  Degrés (des grands), III, _a_, 639.

  Demi-Saint (du), I, _b_, 844.

  Denis (Saint-), I, _b_, 599; II, _a_, 566.

  Denis (du Faubourg Saint-), II, _a_, 568.

  Denis (Neuve Saint-), II, _a_, 568.

  Denis (Basse Saint-), II, _ib_.

  Denis (du Chemin Saint-), II, _b_, 1146.

  Dervillé, III, _a_, 641.

  Deux écus (des), II, _a_, 352.

  Diamans (des cinq), I, _b_, 599.

  Dominique (Saint-) d'Enfer, IV, _a_, 378.

  Dominique (Saint-), IV, _b_, 509.

  Doyenné, (du), I, _b_, 1081.

  Dragon (du), IV, _b_, 510.

  Draperie (de la Vieille), I, _a_, 446.

  Dugay-Trouïn, IV, _a_, 469.

  Duguesclin, IV, _b_, 535.

  Duphot, I, _b_, 1106.

  Dupleix, IV, _b_, 635.

  Duras (de), I, _b_, 1081.


  E.

  Écharpe (de l'), III, _b_, 1354.

  Échaudé (de l'), II, _a_, 469.

  Échaudé (de l'), II, _b_, 1146.

  Échaudé (de l'), IV, _b_, 510.

  Échelle (de l') I, _b_, 1081.

  Échiquier (de l'), II, _a_, 569.

  École de médecine (de l'), II, _b_, 753.

  Écosse (d'), III, _b_, 580.

  Ecouffes (des), II, _b_, 1354.

  Écrivains (des), I, _b_, 599.

  Écuries (des petites), II, _a_, 569.

  Église (Neuve de l'), IV, _b_.

  Égout (de l'), II, _a_, 271.

  Égout (de l'), IV, _b_, 511.

  Élisabeth (Neuve Sainte-), II, _b_, 792.

  Éloi (Saint-), I, _a_, 447.

  Enfants (des bons), II, _a_, 355.

  Enfants (Neuve des Bons), II, _a_, 251.

  Enfants rouges (des), II, _b_, 1146.

  Enfer (d'), I, _a_, 447.

  Enfer (d'), IV, _a_, 378.

  Enfer (_V_ Bleue).

  Enghien (d'), II, _a_, 569.

  Épée de Bois (de l'), III, _a_, 640.

  Éperon (de l'), III, _b_, 737.

  Erfurt, _v_. Marguerite (petite Sainte-).

  Ermites (des deux), I, _a_, 450.

  Est (de l'), IV, _a_, 409.

  Estrapade (vieille de l'), III, _b_, 581.

  Étienne, I, _b_, 665.

  Étienne (Neuve Saint-), II, _a_, 569.

  Étienne (Neuve Saint-), III, _a_, 640.

  Étienne des grés (Saint-), III, _b_, 580.

  Étoile (de l'), II, _b_, 967.

  Étuves (des vieilles), II, _a_, 355.

  Étuves (des), II, _b_, 773.

  Eustache (Neuve Saint-), II, _a_, 271.

  Eustache (de la pointe Sainte-), III _a_, 469.

  Évêque (l'), I, a, 448; _b_, 1081.


  F.

  Fauconnier, II, _b_, 968.

  Favart, II, _a_, 271.

  Fécan (de la Vallée), II, _b_, 1354.

  Félibien, IV, _a_, 409.

  Femme sans tête (de la), I, _a_, 460.

  Fer (de), III, _a_, 641.

  Fer à Moulin, III, _a_, 641.

  Ferdinand, II, _b_, 1160.

  Féronerie (de la), I, _b_, 665.

  Férou, IV, _a_, 378.

  Fers (aux), II, _a_, 469.

  Feuillade (de la), II, _a_, 272.

  Fèves (aux), I, _a_, 448.

  Feydeau, II, _a_, 272.

  Fiacre (Saint-), II, _a_, 272.

  Fidélité (de la), II, _a_, 585.

  Figuier (du), II, _b_, 968.

  Filles-Dieu (des), II, _a_, 569.

  Fleurus, IV, _a_, 409.

  Fleury (de Champ-), I, _b_, 843.

  Foi (Sainte-), II, _a_, 570.

  Foin (du), II, _b_, 1354.

  Foin (du), III, _b_, 738.

  Foire (de la), IV, _a_, 378.

  Folie Méricourt (de la), II, _b_, 1147.

  Folie Regnaut, II, _b_, 1355.

  Fontaine (de la), III, _a_, 641.

  Fontaines (des), II, _b_, 774.

  Fontaines du roi (des), II, _b_, 1147.

  Fontenoy (place), IV, _b_, 535.

  Forges (des), II, _a_, 585.

  Forez (de), II, _b_, 1147.

  Fossés Saint-Germain (des), I, _b_, 845.

  Fossés Saint-Martin (des), II, _a_, 555.

  Fossés Saint-Marcel (des hauts), III, _a_, 641.

  Fossoyeurs (des), IV, _a_, 380.

  Fouare (du), III, _b_, 581.

  Four (du), II, _a_, 356.

  Four (du), III, _b_, 582.

  Four (du), IV, _a_, 381.

  Four Basset (du), I, _a_, 449.

  Fourcy, II, _b_, 968.

  Fourcy, III, _b_, 581.

  Fourneau (du), IV, _a_, 409.

  Fourreurs (des), I, _b_, 666.

  Française, II, _a_, 570.

  Française, III, _a_, 642.

  François (Neuve Saint-), II, _b_, 1147.

  Francs Bourgeois, II, _b_, 1355.

  Francs Bourgeois, III, _a_, 642.

  Francs Bourgeois, IV, _a_, 381.

  Frépillon, II, _b_, 774.

  Frères (des Trois-), II, _a_, 273.

  Froidmanteau, I, _b_, 845.

  Fromagerie (de la), II, _a_, 470.

  Fromentel, III, _b_, 582.

  Friperie (de la), II, _a_, 470.

  Fuseaux (des), I, _b_, 667.

  Furstemberg, IV, _b_, 512.


  G.

  Galande, III, _b_, 583.

  Gaillon (de), II, _a_, 273.

  Garçons (des Mauvais-), IV, _a_, 382.

  Garencière, IV, _a_, 382.

  Gasté, I, _b_, 1106.

  Gautier-Renauld, III, _a_, 643.

  Geneviève (montagne Sainte-), III, _a_, 643.

  Geneviève (carré Sainte-), III, _b_, 584.

  Geneviève (place Sainte-), III, _b_, 584.

  Geneviève (mont. Sainte-), III, _b_, 584.

  Geoffroi-Langevin, II, _b_, 775.

  Geoffroi-Lasnier, II, _b_, 968.

  Georges (Saint-), II, _a_, 273.

  Gerard-Boquet, II, _b_, 969.

  Germain-l'Auxerrois (Saint-), I, _b_, 667.

  Germain-des-Prés (place Saint-), IV, _b_, 535.

  Germain-des-Prés, IV, _b_, 535.

  Germain (des Fossés-Saint), IV, _a_, 383.

  Gervais (culture Saint-), II, _b_, 1147.

  Gervais (Saint-), II, _b_, 1147.

  Gervais (des hospitalières Saint-), II, _b_, 1373.

  Gervais-Laurent, I, _a_, 449.

  Gèvres (de), I, _b_, 600.

  Gilles (Saint-), II, _b_, 1147.

  Gilles (Neuve-Saint-), II, _b_, 1147.

  Gilles-Coeur, III, _b_, 738.

  Gindre (du), IV, _a_, 383.

  Glatigny, I, _a_, 450.

  Gloriette (cul-de-sac de la), III, _b_, 585.

  Gobelins (des), III, _a_, 643.

  Gourdes (des), I, _b_, 1106.

  Grammont (de), II, _a_, 273.

  Grange-aux-Belles, II, _b_, 775.

  Grange-Batelière, II, _a_, 273.

  Gracieuse, III, _a_, 643.

  Gravilliers (des), II, _b_, 776.

  Grenelle (de), II, _b_, 357.

  Grenelle (de), IV, _b_, 512.

  Greneta, II, _a_, 550.

  Grenier-Saint-Lazare, II, _b_, 776.

  Gresillons (des), I, _b_, 1106.

  Gretri (de), II, _a_, 275.

  Gril (du), III, _a_, 644.

  Guénégaud, IV, _b_, 512.

  Guerin-Boisseau, II, _a_, 571.

  Guillaume, I, _a_, 460.

  Guillemin (Neuve-), IV, _a_, 384.

  Guillaume (Saint-), IV, _b_, 513.

  Guizarde, IV, _a_, 385.

  Gunzbourg, _voy._ Cardinale.


  H.

  Hanovre (de), II, _a_, 275.

  Harangerie (de la), I, _b_, 668.

  Harlay (de), II, _b_, 1147.

  Harlay (de), I, _a_, 450.

  Harpe (de la), III, _b_, 738.

  Haudriettes (des Vieilles-), II, _b_, 1149.

  Hautefeuille, III, _b_, 739.

  Hauteville, II, _a_, 571.

  Heaumerie (de la), I, _b_, 600.

  Helder (du), II, _a_, 284.

  Henri, II, _b_, 776.

  Hilaire (du mont Saint-), III, _b_, 685.

  Hillerin-Bertin, IV, _b_, 513.

  Hippolyte (Saint-), III, _a_, 644.

  Hirondelle (de l'), III, _b_, 737.

  Homme-Armé (de l'), II, _b_, 1020.

  Honoré (Saint-), I, _b_, 668-846.

  Honoré-Chevalier, IV, _a_, 386.

  Houssaye (de la), II, _a_, 275.

  Huchette (de la), III, _b_, 737.

  Hugues (Saint-), II, _b_, 776.

  Hurepoix (de) III, _b_, 737.

  Hurleur (du Grand-), II, _a_, 571.

  Hurleur (du Petit-), II, _a_, 572.

  Hyacinthe (Saint-), I, _b_, 1106.

  Hyacinthe (Saint-), IV, _a_, 385.


  J.

  Jacinthe, III, _b_, 586.

  Jacob, IV, _b_, 513.

  Jacques-de-la-Boucherie (Saint-), I, _b_, 601.

  Jacques (Saint-), III, _b_, 586.

  Jacques (du-Faubourg-Saint-) III, _b_, 586.

  Jacques (des Fossés-Saint-) III, _b_, 587.

  Jardin-du-Roi (du), III, _a_, 644.

  Jardinet (du), III, _b_, 742.

  Jardiniers (des), II, _b_, 1373.

  Jardins (des), II, _b_, 970.

  Jarentes, II, _b_, 1350.

  Jean-Lantier, I, _b_, 669.

  Jean-Saint-Denis, I, _b_, 847.

  Jean-Baptiste (Saint-), I, _b_, 1106.

  Jean-de-Beaune, II, _a_, 471.

  Jean-Beausire, II, _b_, 1356.

  Jean-de-Beauvais, III, _b_, 588.

  Jean-de-Latran (Saint-), III, _b_, 589.

  Jean-Bart, IV, _a_, 409.

  Jean-Robert, II, _b_, 776.

  Jean-Hubert, III, _b_, 597.

  Jean (Saint-), ou des Cygnes, IV, _b_, 524.

  Jérôme (Saint-), I, _b_, 602.

  Jeûneurs (des), II, _a_, 275.

  Jouaillerie (de la), I, _b_, 602.

  Jocquelet, II, _a_, 275.

  Joseph (Saint-), II, _a_, 275.

  Joubert, II, _a_, 276.

  Jour (du), II, _a_, 367.

  Jouy (de), II, _b_, 970.

  Judas, III, _b_, 589.

  Juifs (des), II, _b_, 1356.

  Juiverie (de la), I, _a_, 451.

  Jules (Saint-), II, _b_, 1373.

  Julien-le-Pauvre, III, _b_, 589.

  Jussienne, II, _a_, 357.


  K.

  Kléber, IV, _b_, 536.


  L.

  Lancry, II, _b_, 777.

  Landri (Saint-), I, _a_, 451.

  Landri (du cheval Saint-), I, _a_, 452.

  Lanterne (de la), I, _a_, 452.

  Lanterne (de la Vieille), I, _b_, 603.

  Lard (au), II, _a_, 471.

  Lappe (de), II, _b_, 1357.

  Laurent (Saint-), II, _a_, 573.

  Laurent (Neuve-Saint-), II, _b_, 777.

  Laurent (du Faubourg-Saint-), II, _b_, 777.

  Laval (de), II, _a_, 284.

  Lavandières (des), I, _b_, 669.

  Lavandières (des) III, _b_, 589.

  Lazare (Saint-), II, _a_, 276.

  Lazare (du Faubourg-Saint-) II, _a_, 573.

  Leclerc, III, _b_, 975.

  Lesdiguières, II, _b_, 971.

  Leufroi (Saint-), I, _b_, 603.

  Licorne (de la), I, _a_, 452.

  Limace (de la), I, _b_, 664.

  Limoges (de), II, _b_, 1150.

  Lingerie (de la), II, _a_, 472.

  Lion (du Petit-), II, _a_, 574.

  Lionnais (des), III, _b_, 790.

  Lions (des), II, _b_, 931.

  Lombards (des), I, _b_, 603.

  Longue-Allée (de la), II, _a_, 574.

  Louis (Saint-), I, _a_, 453.

  Louis (Saint-), I, _b_, 460.

  Louis-le-Grand, II, _a_, 276.

  Louis (Saint-), II, _b_, 1358.

  Louis (de l'Hôpital-Saint-), II, _b_, 777.

  Louis (Saint-), II, _b_, 1150.

  Lourcine (de), III, _a_, 645.

  Louvois, II, _a_, 284.

  Lubeck (de), I, _b_, 1084.

  Lulli, II, _a_, 285.

  Lune (de la), II, _a_, 574.

  Luxembourg (Neuve de), I, _b_, 1084-1106.


  M.

  Mabillon, IV, _a_, 409.

  Maçons (des), III, _b_, 742.

  Mâcon (de l'abreuvoir), III, _b_, 742.

  Mâcon (de) III, _b_, 742.

  Magdebourg, I, _b_, 1084.

  Magdeleine (de la), I, _b_, 1085.

  Magloire (Saint-), I, _b_, 604.

  Mail (du), II, _a_, 276.

  Maillet, III, _b_, 590.

  Maillet, IV, _a_, 386.

  Maire (au), II, _b_, 777.

  Maisons-Neuves (des), I, _b_, 1107.

  Maquignon, III, _a_, 646.

  Marais (du Faubourg-St-Martin), II, _b_, 780.

  Marais (des), IV, _b_, 514.

  Marc (Saint-), II, _a_, 276.

  Marc (Neuve-Saint-), II, _a_, 177.

  Marceau (Saint-), II, _b_, 778.

  Marcel (Saint-), III, _a_, 662.

  Marche (de la), II, _b_, 1150.

  Marché-Neuf (du), I, _a_, 453.

  Marché-Palu (du), I, _a_, 453.

  Marché (du), I, _b_, 1084.

  Marché-Saint-Honoré (du), 1106.

  Marguerite (Sainte-), IV, _b_, 514.

  Marguerite (petite Sainte-), IV, _b_, 514.

  Marguerite (Sainte-), II, _b_, 1358.

  Marie (de Sainte-), I, _b_, 1084.

  Marie (ruelle de Sainte-), I, b, 1084.

  Marie (Sainte-), IV, _b_, 515.

  Marie (des Trois-), I, _b_, 484.

  Marigny (de), I, _b_, 1085.

  Marivaux (de), I, _b_, 604.

  Marivaux (de), II, _a_, 277.

  Marmouzets (des), I, _a_, 454; III, _a_, 646.

  Martel, II, _a_, 574.

  Marthe (Sainte-), IV, _b_, 515.

  Martin (Saint-), II, _b_, 778.

  Martin (du Faubourg-Saint-), II, _b_, 778.

  Martin (du Marché-Saint-), II, _b_, 779.

  Martin (Neuve-Saint-), II, _b_, 779.

  Martyrs (des), II, _a_, 277.

  Massillon, _a_ Chapitre.

  Mathurins (Neuve-des-), II, _a_, 277.

  Mathurins (de la Ferme-des), II, _a_, 277.

  Mathurins (des), III, _b_, 743.

  Matignon (première de), I, _b_, 1085.

  Matignon (deuxième de), I, _b_, 1085.

  Maubert (de la place), III, _a_, 646.

  Maubert (du Pavé de la place), III, _a_, 647.

  Maubuée, II, _b_, 780.

  Mauconseil, II, _a_, 575.

  Maur (Saint-), IV, _a_, 387.

  Maur (Saint-), II, _b_, 780.

  Maures (des Trois), I, b, 605.

  Mazarine, IV, _b_, 515.

  Mazure (de la), II, _b_, 971.

  Médard (Neuve-Saint-), III, _a_, 647.

  Méchin, III, _b_, 597.

  Ménars (de), II, _a_, 278.

  Ménétriers (des), II, _b_, 781.

  Mercier, II, _a_, 358.

  Meri (du Cloître-Saint-), II, _b_, 781.

  Meri (Neuve-Saint-), II, _b_, 782.

  Meslai, II, _b_, 782.

  Mesnil-Montant (de), II, _b_, 1150.

  Mesnil-Montant (Neuve), II, _b_, 1160.

  Messageries (des), II, _a_, 585.

  Mézières, IV, _a_, 387.

  Michel (Saint-), I, _b_, 1107.

  Michel-le-Comte, II, _b_, 783.

  Michodière (de la), II, _a_, 278.

  Mignon, III, _b_, 744.

  Milan (de), I, _b_, 1085.

  Minimes (des), II, _b_, 1358.

  Minimes (de la Chaussée des), II, _b_, 1358.

  Miromesnil, I, _b_, 1085.

  Moine (du Petit), III, _a_, 648.

  Moineaux (des), I, _b_, 1085.

  Molière, IV, _a_, 387.

  Mondétour, II, _a_, 472.

  Mondovi, I, _b_, 1107.

  Mongallet, II, _b_, 1358.

  Montgolfier (de), II, _b_, 792.

  Monnoie (de la Vieille-), I, _b_, 605.

  Monnoie (de la), I, _b_, 848.

  Montaigne, I, _b_, 1107.

  Montfaucon, IV, _a_, 410.

  Mont-Thabor, I, _b_, 1107.

  Montholon, II, _a_, 278.

  Montigny, III, _a_, 648.

  Montmartre, II, _a_, 278; II, _a_, 358.

  Montmartre (du Faubourg), II, _a_, 279.

  Montmartre (des Fossés), II, _a_, 280.

  Montmorenci, II, _b_, 783.

  Montorgueil, II, _a_, 575.

  Montpensier (de), I, _b_, 1086.

  Montreuil, II, _b_, 1358.

  Monsieur, IV, _b_, 516.

  Moreau, II, _b_, 1359.

  Mortellerie (de la), II, _b_, 971.

  Morts (des), II, _b_, 784.

  Morts (des), _b_, 1374.

  Mouceaux (de), I, _b_, 1086.

  Mouffetard, III, _a_, 648.

  Moulin (du Haut-), I, _a_, 455.

  Moulins (des), I, _b_, 1086.

  Moulins (des), II, _b_, 1150.

  Moulins (des), II, _b_, 784.

  Moulins (des), II, _b_, 1374.

  Moussy (de), II, _b_, 120.

  Muette (de la), II, _b_, 1359; III, _a_, 649.

  Malar, IV, _b_, 536.

  Mule (du Pas-de-la-), II, _b_, 1359.

  Mulets (des), I, _b_, 1086.

  Mûrier (du), III, _a_, 649.

  Musc (du Petit), II, _b_, 972.


  N.

  Nazareth (de), I, _a_, 455.

  Necker, II, _b_, 1360.

  Nevers (de), IV, _b_, 516.

  Nicaise (Saint-), I, _b_, 1086.

  Nicolas (Saint-), II, _b_, 1360.

  Nicolas (Saint-), III, _a_, 650.

  Nicolas (de Saint-), II, _a_, 280.

  Nicolas (du Cimetière-Saint-), II, _b_, 784.

  Nicolas (Neuve-Saint-), II, _b_, 784.

  Noir (le), II, _a_, 473.

  Noir (le), II, _b_, 1360.

  Noir (du), III, _a_, 650.

  Nonandières (des), II, _b_, 972.

  Normandie (de), II, _b_, 1151.

  Notre-Dame (Neuve-), I, _a_, 456.

  Notre-Dame-de-Grâce, I, _b_, 1107.

  Notre-Dame (vieille), III, _a_, 651.

  Notre-Dame-des-Champs, IV, _a_, 387.

  Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle, II, _a_, 575.

  Notre-Dame-de-Recouvrance, II, _a_, 576.

  Notre-Dame-de-Nazareth, II, _b_, 784.

  Noyers (des), III, _b_, 590.


  O.

  Observance (de l'), III, _b_, 744.

  Observatoire (de l'), III, _b_, 590.

  Oblin, II, _a_, 358.

  Odéon (de l'), IV, _a_, 388.

  Ogniard, I, _b_, 605.

  Oiseaux (des), II, _b_, 151.

  Olivet (d'), IV, _b_, 517.

  Orangerie (de l'), III, _a_, 651.

  Oratoire (de l'), I, _b_, 848.

  Oratoire (de l'), I, _b_, 1086.

  Orfèvres (des), I, _b_, 670.

  Orléans (d'), II, _a_, 358.

  Orléans (Neuve d'), II, _a_, 770.

  Orléans (d'), II, _b_, 1152.

  Orléans (d'), III, _a_, 651.

  Ormeaux (des), II, _b_, 1374.

  Ormesson (d') II, _b_, 1360.

  Orties (première r. des), I, _b_, 1086.

  Orties (deuxième r. des), I, _b_, 1086.

  Oseille (de l'), II, _b_, 1152.

  Ouest (de l'), IV, _a_, 410.

  Ours (aux), II, _a_, 576.


  P.

  Pagevin, II, _a_, 359.

  Paillassons (des), IV, _b_, 536.

  Paix (de la), II, _a_, 285.

  Palais (place du), I, _a_, 456.

  Palatine, IV, _a_, 388.

  Pantin (du chemin de), II, _b_, 792.

  Paon, III, _a_, 651.

  Paon (du), III, _b_, 744.

  Paon blanc (du), II, _b_, 973.

  Papillon, II, _a_, 280.

  Paradis, II, _a_, 577.

  Paradis (de), II, _b_, 1021.

  Parc royal (du), II, _b_, 1152.

  Parcheminerie (de la), III, _b_, 744.

  Paroles (des mauvaises), I, _b_, 670.

  Paul (Saint-), II, _b_, 973.

  Paul (neuve Saint-), II, _b_, 974.

  Pavée, II, _a_, 578.

  Pavée, II, _b_, 1360.

  Pavée Saint-André, II, _b_, 745.

  Pavillons (des trois), II, _b_, 1360.

  Paxant (Saint-), II, _b_, 784.

  Payenne, II, _b_, 1361.

  Pélican, II, _a_, 359.

  Pelleterie (de la), I, _a_, 456.

  Pelletier, II, _a_, 280.

  Pépinière (de la), I, _b_, 1087.

  Percée, II, _b_, 974.

  Percée, III, _b_, 745.

  Perche (du), II, _b_, 1153.

  Perdue, III, _a_, 652.

  Père (Saint-), IV, _b_, 517.

  Petits Pères, II, _a_, 280.

  Pérignon, IV, _b_, 536.

  Périgueux (de), II, _b_, 1153.

  Perle (de la), II, _b_, 1153.

  Perpignan, I, _a_, 457.

  Perrin Gosselin, I, _b_, 670.

  Petit-Lion (du), IV, _a_, 386.

  Petrelle, II, _a_, 280.

  Philipeaux, II, _b_, 785.

  Philippe (Saint-), II, _a_, 578.

  Picpus (de), II, _b_, 1362.

  Pierre (Saint-), II, _a_, 280.

  Pierre Aulard, II, _b_, 785.

  Pierre aux boeufs (Saint-), I, _a_, 458.

  Pierre aux poissons, I, _b_, 605.

  Pierre Sarrasin, III, _b_, 745.

  Pierre Lombard, III, _a_, 662.

  Pierre (Saint ou neuve Saint-), III, _b_, 1154.

  Pierre d'Assis, III, _a_, 652.

  Pierre (Saint-), II, _b_, 1362.

  Pierre (petite r. Saint-), II, _b_, 1362.

  Pigalle, II, _a_, 280.

  Pinon, II, _a_, 285.

  Pirouette, II, _a_, 473.

  Pistolets (des trois), II, _b_, 974.

  Placide (Sainte-), IV, _a_, 388.

  Planche (de la), IV, _b_, 518.

  Planchette (première r. de la), II, _b_, 1363.

  Planchette (deuxième r. de la), II, _b_, 1363.

  Plat d'étain (du), I, _b_, 671.

  Plâtre (du), III, _b_, 1021.

  Plâtre (du), III, _b_, 591.

  Platrière, II, _a_, 359.

  Plumet, IV, _b_, 518; I, _b_, 1087.

  Poirées (des), III, _b_, 745.

  Poirier (du), II, _b_, 787.

  Poitevins (des), III, _b_, 746.

  Poitiers (de), I, _b_, 1087.

  Poitiers, IV, _b_, 518.

  Poitou (de), II, _b_, 1154.

  Poissonnière, II, _a_, 579.

  Poissonnière (du faubourg), II, _a_, 579.

  Poissy (de), III, _a_, 652.

  Poliveau, III, _a_, 652.

  Ponceau, II, _a_, 580.

  Pont (du), I, _b_, 1087.

  Pont de Lodi (du), III, _b_, 753.

  Pont Saint-Michel (du), III, _b_, 753.

  Pont Saint-Michel (du), III, _b_, 746.

  Pont (du Petit-), III, _b_, 591.

  Pont aux choux, II, _b_, 1154.

  Pont aux biches (du), II, _b_, 786.

  Ponts (des deux), I, _a_, 460.

  Popincourt, II, _b_, 1363.

  Popincourt (du bas), II, _b_, 1364.

  Ponthieu (de), I, _b_, 1087-1107.

  Pontoise (de), III, _a_, 652.

  Port Mahon (du), II, _a_, 285.

  Port aux oeufs (du), I, _a_, 458.

  Porte-Foin, II, _b_, 1155.

  Portes (des deux), II, _a_, 581; III, _b_, 746.

  Portes (des douze), II, _b_, 1156.

  Portes (des), II, _a_, 281; III, _b_, 591-592.

  Pot-de-Fer (du), IV, _a_, 389.

  Pot-de-Fer (du), III, _b_, 593.

  Poterie (de la), II, _a_, 473.

  Potiers d'étains (des), II, _a_, 473.

  Poulletier, I, _a_, 460.

  Poules (des), III, _b_, 593.

  Poulies (des), I, _b_, 849.

  Prêcheurs (des), II, _a_, 474.

  Prêtres (des), III, _b_, 593.

  Prêtres Saint-Germain-l'Auxerrois, I, _b_, 846.

  Prince (des Fossés M. le), IV, _a_, 390.

  Princesse, IV, _a_, 389.

  Projetée, II, _a_, 281.

  Prouvaires (des), II, _a_, 360.

  Provence (de), II, _a_, 281.

  Puits (du), II, _b_, 1021.

  Puits de la Ville (du), III, _b_, 591.

  Puits qui parle (du), III, _b_, 593.

  Puits de l'Ermite (du), III, _a_, 653.

  Puits (du bas), III, _a_, 653.


  Q.

  Quatre-Fils (des), II, _b_, 1146.

  Quatremère, I, _b_, 1087.

  Quatre-Vents (des), IV, _a_, 394.

  Quenouilles (des), I, _b_, 671.

  Quincampoix, I, _b_, 606.


  R.

  Racine, IV, _a_, 390.

  Rambouillet, II, _b_, 1364.

  Rameau, II, _a_, 285.

  Rapée (de la), _b_, II, 1364.

  Rats (des), II, _b_, 1364.

  Rats (des), III, _b_, 594.

  Réale (de la), II, _a_, 474.

  Récollets (des), II, _b_, 786.

  Regard (du), IV, _a_, 390.

  Regnard (de), IV, _a_, 390.

  Regrattier, I, _a_, 461.

  Reims (de), III, _b_, 594.

  Reine Blanche (de la), III, _a_, 654.

  Rempart (du), I, _b_, 1088.

  ---- (du Chemin du), I, _b_, 1088.

  Renard (du), II, _b_, 786.

  Renard (du), II, _a_, 581.

  Reposoir (du), II, _a_, 361.

  Reuilly (de), II, _b_, 1365.

  ---- (du Bas-), II, _b_, 1365.

  Ribouté, II, _a_, 281.

  Richelieu (Neuve-), III, _b_, 747.

  Richelieu, II, _a_, 281.

  Richelieu (de), I, _b_, 1088.

  Richepanse, I, _b_, 1107.

  Richer, II, _a_, 282.

  Rivoli (de), I, _b_, 1107.

  Roch (Saint-), II, _a_, 281.

  Roch (Neuve-Saint-), I, _b_, 1088.

  Rochechouart, II, _a_, 281.

  Rochefoucauld (de la), II, _a_, 281.

  Rocher (du), I, _b_, 1088.

  Rohan (de), I, _b_, 1089.

  Roi de Sicile (du), II, _b_, 1365.

  Roi doré (du), II, _b_, 1156.

  Romain (Saint-), IV, _a_, 390.

  Roquépine, I, _b_, 1089.

  Roquette (de la), II, _b_, 1365.

  ---- (des Murs de la), II, _b_, 1364.

  Rosiers (des), II, _b_, 1364.

  Rosiers (des), IV, _b_, 518.

  Rotonde (de la), II, _b_, 1169.

  Roule (du), I, _b_, 849.

  Roule (du), I, _b_, 1089.

  Roulette (de la), II, _b_, 1156.

  Rousselet, I, _b_, 1089.

  Rousselet, IV, _b_, 519.

  Royale (première), I, _b_, 1089.

  Royale (deuxième), I, _b_, 1089.

  Royale, II, _a_, 282.

  Royale, II, _b_, 786.

  Royale, II, _b_, 1367.


  S.

  Sabot (du), IV, _b_, 519.

  Saintonge (de), II, _b_, 1156.

  Salle-au-Comte, I, _b_, 607.

  Sanson, II, _b_, 786.

  Santé (de la), III, _b_, 594.

  Sartine, II, _a_, 361.

  Sartine (de), III, _a_, 654.

  Saunerie (de la), I, _b_, 671.

  Saussaies (des), I, _b_, 1090.

  Sauveur (Saint-), II, _a_, 581.

  ---- (Neuve Saint-), II, _a_, 581.

  Savoie (de), III, _b_, 747.

  Savonnerie (de la), I, _b_, 607.

  Sébastien (Saint-), II, _b_, 1367.

  Seine (de), III, _a_, 654.

  Seine, IV, _b_, 519.

  ---- (Neuve de), IV, _a_, 410.

  Sentier (du), II, _a_, 282.

  Sept-Voies (des), III, _b_, 594.

  Sépulcre (du), _voy_. Dragon.

  Serpente, III, _b_, 747.

  Servandoni, IV, _a_, 391.

  Severin (Saint-), III, _b_, 747.

  ---- (des Prêtres-Saint), III, _b_, 748.

  Sèvres (de), IV, _a_, 391.

  Simon-le-Franc, II, _b_, 786.

  Singes (des), II, _b_, 1021.

  Soly, II, _a_, 362.

  Sorbonne (de), III, _b_, 748.

  Sourdière (de la), I, _b_, 1090.

  Spire (Saint-), II, _a_, 582.

  Surène (de), I, _b_, 1091.


  T.

  Tabléterie, I, _b_, 672.

  Taitbout, II, _a_, 282.

  Taillepain, II, _b_, 787.

  Tannerie (de la Vieille-), I, _b_, 608.

  Taranne (Grande), IV, _b_, 520.

  ---- (Petite), IV, _b_, 520.

  Temple (du), II, _b_, 1156-1157.

  ---- (Vieille du), II, _b_, 1367.

  ---- (du Faubourg du), II, _b_, 1157.

  ---- (des Fossés du), II, _b_, 1158.

  ---- (des Marais du), _b_, 1158.

  Terres Fortes (des), II, _b_, 1367.

  Théâtre-Français (du), IV, _a_, 391.

  Thérèse, I, _b_, 1091.

  Thévenot, II, _a_, 582.

  Thibaut-aux-Dés, I, _b_, 672.

  Tireboudin, II, _a_, 583.

  Tirechappe, I, _b_, 672.

  Thiroux, II, _a_, 282.

  Thomas (des Filles Saint-), II, _a_, 282.

  Thomas-d'Aquin (Saint-), IV, _b_, 536.

  Thomas-du-Louvre (Saint-), I, _b_, 1091.

  Thomas (Saint-), IV, _a_, 391.

  Thorigny, II, _b_, 1158.

  Tiquetonne, II, _a_, 362.

  Tiron, II, _b_, 1368.

  Tirouanne, II, _a_, 475.

  Tison (Jean), I, _b_, 848.

  Tonnellerie (de la), II, _a_, 475.

  Touraine (de), II, _b_, 1158.

  Touraine (de), III, _b_, 748.

  Tournelle (de la), III, _a_, 655.

  Tournelles (des), II, _b_, 1368.

  Tournon (de), IV, _a_, 392.

  Toustain, IV, _a_, 410.

  Tracy, II, _a_, 583.

  Traînée, II, _a_, 362.

  Transnonain, II, _b_, 787.

  Traverse (de), IV, _b_, 521.

  Traversière, I, _b_, 1091.

  Traversière, II, _b_, 1368.

  Traversine, III, _a_, 655.

  Treille (de la), IV, _a_, 393.

  Triperie (de la), I, _b_, 608.

  Triplet, III, _a_, 655.

  Trognon, I, _b_, 608.

  Trône (du), II, _b_, 136.

  Trop-va-qui-dure, I, _b_, 609.

  Trousse-Vache, I, _b_, 609.

  Trouvée, II, _b_, 1369.

  Tuanderie (de la Grande-), II, _a_, 476.

  ---- (Petite), II, _a_, 477.

  Tuerie (de la), I, _b_, 610.

  Tuileries (des Vieilles-), IV, _a_, 392.


  U.

  Ulm (d'), III, _b_, 597.

  Université (de l'), IV, _b_, 521.

  Ursins (Haute, basse et du milieu des), I, _a_, 458.--I, _b_, 1093.

  Ursulines (des), III, _b_, 598.


  V.

  Val-de-Grâce (de), III, _b_, 598.--IV, _a_, 410.

  Valois (de), I, _b_, 1092.

  Vannes (de), II, _a_, 362.

  Varennes (de), IV, _b_, 521.

  Varennes II, _a_, 362.

  Vaucanson, II, _b_, 792.

  Vaugirard (de), IV, _a_, 393.

  ---- (du Petit-), IV, _a_, 394.

  Vendôme (de la Place-), II, _a_, 283.

  Vendôme (de), II, _b_, 1158.

  Venise (de), I, _b_, 611.

  Ventadour, I, _b_, 1092.

  Verdelet, II, _a_, 363.--II, _a_, 477.

  Verneuil, IV, _b_, 521.

  Verrerie (de la), II, _b_, 787, 1021.

  Versailles (de), III, _a_, 656.

  Vertbois (du), II, _b_, 788.

  Verte, I, _b_, 1092.

  Vertus (des), II, _b_, 788.

  Veuves (des), I, _b_, 1092.

  Viarmes (de), II, _a_, 362.

  Victoires (Notre-Dame des), II, _a_, 283.

  Victor (Saint-), III, _a_, 656.

  ---- (du Faubourg Saint-), III, _a_, 656.

  ---- (des Fossés Saint-), III, _a_, 657.

  Vide-Gousset, II, _a_, 283.

  Vieille-Place aux Veaux (de la), I, _b_, 610.

  Vierge (de la), IV, _b_, 524.

  Vignes (des), I, b, 1093.--III, _a_, 662.

  Villedot, I, _b_, 1092.

  Ville-l'Évêque (de la), I, _b_, 1093.

  Vinaigriers (des), II, _b_, 788.

  Vincent de Paule (Saint-), IV, _b_, 536.

  Visages (des Trois-), I, _b_, 674.

  Voltaire, IV, _a_, 395.

  Voyerie (de la Grande-), I, _b_, 1107.

  ---- (Petite-), 1108.

  Vrillerie (de la), II, _a_, 363.

  ---- (Petite de la), II, _a_, 363.


  W.

  Wertingen. _Voyez_ Furstemberg.


  Z.

  Zacharie, III, _b_, 748.


FIN DE LA TABLE GÉNÉRALE DES MATIÈRES.



ERRATA.


TOME PREMIER.--PREMIÈRE PARTIE.

   Page. Note.  Ligne.

     35   [1]      1     quelque temps avant la révolution,
                         _lisez_ en 1777.

     33   [4]      1     1672, _lisez_ 1673.

    104   ...     21     1314, _lisez_ 1313.

    160   ...     11     1314, _lisez_ 1313.

    272   [1]      2     1743, _lisez_ 1643.

    289   ...     28     1139, _lisez_ 1129.

    291   ...     25     Flanel, _lisez_ Flamel.

    298   [1]      5     1407, _lisez_ 1467.

    391   ...      7     1631, _lisez_ 1621.

    400   ...     12     1390, _lisez_ 1590.

    411   ...     15     1714, _lisez_ 1614.

    427   ...     18     1148, _lisez_ 1184.

    444   [1]      9     de la Cité, _lisez_ de la Juiverie.


TOME PREMIER.--DEUXIÈME PARTIE.

    501   ...     17     Saint-Nicolas des Champs (à supprimer).

    502   [1]      2     Hanselin, _lisez_ Hamelin.

    630   ...     21     c'est par cette raison «que le prévôt des
                         marchands est nommé _chef de l'Hôtel-de-Ville_,
                         _lisez_ «que le chef de l'Hôtel-de-Ville est
                         nommé _prévôt des marchands_.

    525   [2]      3     Louis XI, _lisez_ Louis XII.

    660   [2]      5     rue des Deux-Visages, _lisez_
                         rue des Trois-Visages.

    673   ...      8     Audet, _lisez_ Odet.

    686   [2]      1     1041, _lisez_ 1241.

    724   ...     12     donne à ce prince, _lisez_ au roi.

    819   ...     18     de l'archevêché, _lisez_ de l'évêché.

    828   ...     24     1378, _lisez_ 1578.

    830   [1]    ...     d'Angeviller, _lisez_ d'Angivilliers.

    832   ...     12     _Idem._

  _Id._   ...     10     rue Baillet, _lisez_ rue Bailleul.

    839   ...      1     d'Angeviller, _lisez_ d'Angivilliers.

    854   ...     28     d'Angeviller, _lisez_ d'Angivilliers.

    940   [2]    ...     _Idem._

    942   ...     25     Louis XIII, _lisez_ Louis XIV.

    960   ...     16     1377, _lisez_ 1577.

   1054   ...      7     1346, _lisez_ 1436.

   1077   ...    ...     Radziville, _lisez_ Radziwil.

   1092   ...    ...     _Idem._

   1096   ...    ...     _Idem._


TOME II.--PREMIÈRE PARTIE.

     64   [1]      2     le Rouergue, le pays de Tarbes, l'Angoumois, etc.;
                           _lisez_ le Rouergue, l'Angoumois, etc.

     65   ...      2     Gavre, _lisez_ Gaure.

     66   ...      1     1563, _lisez_ 1363.

     83   ...      1     1581, _lisez_ 1381.

    103   ...      7     La, _lisez_ Le.

    116   [1]      3     les éminents, _lisez_ les plus éminents.

    254   ...      9     Croisi, _lisez_ Croissi.

    255   ...      7     Tresme, _lisez_ Tresmes.

    259   ...    ...     Saint-Chamant, _lisez_ Saint-Chamans.

  _Id._   ...      3     d'Inécourt, _lisez_ d'Imécourt.

    278   ...     15     Monthalon, _lisez_ Montholon.

    283   ...    ...     Les trois dernières lignes à supprimer.

    294   ...     21     Monthalon, _lisez_ Montholon.

    297   ...    ...     sur la ligne de la rue des Fossés-Montmartre,
                         des rues Montmartre, de Bourbon, etc; _lisez_
                         sur la ligne de la rue des Fossés-Montmartre,
                         des rues Neuve-Saint-Eustache, de Bourbon, etc.

    302   ...     10     Gausainville, _lisez_ Goussainville.

    324   ...     16     Vingt pieds, _lisez_ vingt toises.

    410   ...     22     le vendredi 15 avril 1436, _lisez_
                         le vendredi 13, etc.

    419   ...     14     1350, _lisez_ 1450.

    449   ...     13     Clovis, sainte Clotilde, sa fille, etc.; _lisez_
                         Clovis, sainte Clotilde, sa femme, leur fille
                         Clotilde, etc.

    487   [1]    ...     Varengeville, _lisez_ Varangéville.

    504   ...    ...     ces trois personnages, etc.; _lisez_
                         ces quatre personnages, etc.

    527   ...      4     Charles IX, _lisez_ Charles VII.

    530   ...      4     on lisoit, etc., _lisez_ on lit, etc.

    542   ...     24     1542, _lisez_ 1532.

    567   ...      2     cul-de-sac des Peintres; _lisez_ cul-de-sac
                         de la Porte-aux-Peintres.


TOME II.--DEUXIÈME PARTIE.

    613   ...     13     1363, _lisez_ 1463.

    693   ...      1     de Brief, _lisez_ de la Briffe.

    682   ...     10     1638, _lisez_ 1658.

    683   ...      9     1677, _lisez_ 1617.

    700   ...      1     dès le dix-huitième siècle, _lisez_
                         dès le huitième, etc.

    720   ...     11     Vaudemont, _lisez_ Vaudémont.

    721   ...      5     Voit l'a, _lisez_ l'avoit.

    725   ...     11     Lully, _lisez_ Lulli.

    727   ...      1     _Idem._

    733   ...     13     _Idem._

    731   ...     23     21 juin, _lisez_ 8 juin.

    777   ...     33     Aumaire, _lisez_ Aumer.

    799   ...     13     Clément XI, _lisez_ Urbain VI.

    814   ...      4     Ainsi qu'une statue de bronze, représentant
                         Louis XIV, celle-ci étoit pédestre, etc.; _lisez_
                         une autre statue de bronze, pédestre, de ronde
                         bosse, et représentant Louis XIV, étoit placée,
                         etc.

    816   ...      6     Biaod, _lisez_ Biard.

    819   ...     10     grand hôtel, _lisez_ grand autel.

    822   [1]      6     enlevée, _lisez_ élevée.

    916   ...     13     suivant toutes les apparences (à supprimer).

    917   ...      9     Pendant plusieurs siècles, _lisez_ pendant un
                         siècle et demi.

    919   ...     21     inégale, _lisez_ illégale.

    930   ...     20     Bouthilier, _lisez_ Bouthillier.

    935   ...     12     Célestin VI, _lisez_ Célestin V.

    939   ...      9     Clément VII, _lisez_ Urbin VI.

    953   ...     22     Charles VII, _lisez_ Charles VI.

    975   ...     23     Delaunay, _lisez_ Delannoy.

    995   ...     20     1250, _lisez_ 1230.

   1007   ...      3     Babon, _lisez_ Babou.

   1011   ...     15     Bar-du-Bec, _lisez_ Barre-du-Bec.

   1216   ...      7     Honorius, _lisez_ Honoré III.

   1228   ...     10     1423, _lisez_ 1425.

   1252   ...     19      On travailla de suite, etc.; _lisez_
                          on travailla aussitôt, etc.

   1260   [3]    ...      127, _lisez_ 125.

   1319   ...      7      Hôtel d'Argenson, même rue; _lisez_
                          Vieille-rue-du-Temple.

   1317   ...     14      1568, _lisez_ 1558.

   1358   [2]    ...      Folie-Regnau, _lisez_ Folie-Regnaut.


TOME III.--PREMIÈRE PARTIE.

     54   ...     11      l'orage qui se préparoit, _lisez_
                          l'orage prêt à éclater.

    134   ...     18      Fiffer; _lisez_ Pfiffer.

    139   ...      2      qu'il, _lisez_ qu'ils.

    204   [1]      2      trente ans après lui, _lisez_
                          trente ans avant lui.

    205   [2]      5      Le Forets, _lisez_ Le Forez.

  _Id._   ...     16      Montmarsan, _lisez_ Mont-de-Marsan.

    223   ...      4      Le duc d'Anjou, _lisez_ le duc d'Alençon.

    256   [1]      1      1775, _lisez_ 1575, ligne 2; Vaudemont,
                          _lisez_ Vaudémont.

    271   [1]      3      Deffiat, _lisez_ D'Effiat.

    282   ...      4      étoit résolu, _lisez_ étoit décidé.

    295   ...      2      Saint-Avoie, _lisez_ Sainte-Avoie.

    317   ...      5      de celui-ci, _lisez_ du cardinal.

    429   [1]      1      au dessus de sa dignité, _lisez_
                          au dessous de sa dignité, etc.

    491   ...      7      1739, _lisez_ 1738.

    496   ...     13      1659, _lisez_ 1639.

    509   [1]     12      1372, _lisez_ 1272.

    511   ...    ...      L'Ourcine et L'Oursine, _lisez_ Lourcine.

    512   ...    ...      _Idem._

    513   ...    ...      _Idem._

    525   ...    ...      _Idem._

    545   ...      9      Charles VIII, _lisez_ Charles VII.

    561   ...     24      protégea des lettres, _lisez_
                          protégea les lettres.

    692   ...    ...      Les notes (1) et (2) transposées.

    619   ...     19      de Mêsme, _lisez_ de Mesmes.

    622   ...     15      Lourcines, _lisez_ Lourcine.

    623   ...      2      _Idem._

    637   ...      1      rue Sans-Clef, _lisez_ rue Sans-Chef.

    646   ...     19      en allemand _Groot_, _lisez_
                          en hollandois _Groot_.


TOME III.--DEUXIÈME PARTIE.

     81   [1]      2       Vallenstein, _lisez_ Wallenstein.

     85   [1]      1       Oxenstirn, _lisez_ Oxenstiern.

     89   [1]      4       Wesphalie, _lisez_ Westphalie.

    114   [1]      2       qu'il, _lisez_ qu'ils.

    124   ...     15       Charigni, _lisez_ Chavigni.

    185   ...     27       de Mesme, _lisez_ de Mesmes.

    187   [1]      5       Veymariens, _lisez_ Weymariens.

    267   ...     13       il ne pourroit, _lisez_ il ne pouvoit.

    319   [1]     15       qui charmoient, _lisez_ que charmoient.

    330   ...      7       Brisac, _lisez_ Brisack.

    336   ...     19       De Quesnoi, _lisez_ Du Quesnoi.

    361   ...     22       Oppenor, _lisez_ Oppenord.

    384   ...     14       Saint-Geneviève, _lisez_ Sainte-Geneviève.

    390   ...     16       Urbain III, _lisez_ Innocent III.

    460   ...      1       Polallion, _lisez_ Pollalion.

    483   ...      8       Saint-Agnan, _lisez_ Saint-Aignan.

    490   [1]    ...       _Voyez_ pl. 166, _lisez_ 167.

    510   ...     16       1588, _lisez_ 1688.

    641   [1]      8       Sainte-Foix, _lisez_ Saint-Foix.

    652   ...     14       Bouthilier, _lisez_ Bouthillier.

    737   ...     23       1672, _lisez_ 1673.

    625   ...      2       1637, _lisez_ 1698.

    665   ...     10       Philippe-le-Hardi, _lisez_ Philippe-le-Bel.

    703   ...     12       1646, _lisez_ 1636.

    743   ...     26       Le reconnoître, _lisez_ La reconnoître.

    745   ...     15       la rue des Cordiers, _lisez_ des Cordeliers.


TOME IV.--PREMIÈRE PARTIE.

     57   ...     18       Furstemberg, _lisez_ Furstenberg.

     61   ...     18       Seintzheim, _lisez_ Sintzheim.

     74   ...     19       Eisenak, _lisez_ Eisenach.

     75   ...      7       Kokerberg, _lisez_ Kochersberg.

     99   ...     22       Furstemberg, _lisez_ Furstenberg.

    100   ...      8       _Idem._

    109   [1]     11       Brisac, _lisez_ Brisack.

    113   [1]      2       _Idem._

    114   ...      7       Ausbourg, _lisez_ Augsbourg.

    115   ...      1       Montmouth, _lisez_ Monmouth.

    116   ...    11.      Ausbourg, _lisez_ Augsbourg.

  _Id._   [1]    ...      Keiserloutre, _lisez_ Kaiserslautern.

    128   ...     16      Furstemberg, _lisez_ Furstenberg.

  _Id._   ...      8      contre, _lisez_ entre.

  _Id._   ...     20      Augebourg, _lisez_ Augsbourg.

    131   [2]      3      à peu, _lisez_ à peu près.

    147   ...     27      Hocstet, _lisez_ Hochstet.

    148   ...     11      Brisac, _lisez_ Brisack.

    151   ...     20      Hocstet, _lisez_ Hochstet.

    152   ...     15      _Idem._

    155   ...     29      Ramilli, _lisez_ Ramillies.

    156   ...     20      Hocstet, _lisez_ Hochstet.

  _Id._   [8]     23      Ramilli, _lisez_ Ramillies.

    159   [1]      4      cette fantaisie de, _lisez_
                          cette fantaisie de vouloir.

    162   ...     29      Gertruydemberg, _lisez_ Gertruydenberg.

    180   [1]     24      la Bastille se remplit une seconde fois de
                          Jansénistes, qui, etc.; _lisez_ quelques
                          Jansénistes furent encore renfermés à la
                          Bastille, et, etc.

    184   ...      8      le duc de Toulouse, _lisez_ le comte de Toulouse.

    234   ...     15      Saint-Michel, _lisez_ Saint-Mihiel.

    235   ...     10      _Idem._

    238   [1]      1      la mer Catherine, _lisez_ la mère, etc.

    251   ...     13      le Maladrerie, _lisez_ la Maladrerie.

    409   ...     16      auquelle, _lisez_ auquel.


TOME IV.-- DEUXIÈME PARTIE.

     18   [1]      4      la maîtresse des postes, _lisez_
                          la maîtresse de poste.

     19   ...      7      d'autre but, _lisez_ d'autre objet.

     90   [2]    ...      Leczinsky, _lisez_ Leczinski.

    105   ...     13      Philisbourg, _lisez_ Philipsbourg.

    110   [1]      4      Flavacour, _lisez_ Flavacourt.

    128   ...     26      Ausbourg, _lisez_ Augsbourg.

    141   ...      7      Raucoux, _lisez_ Rocoux.

  _Id._   ...     27       Lichstenstein, _lisez_ Lichtenstein.

    146   [1]    ...      à la porte, _lisez_ à la poste.

    148   ...     18      Lowendalh, _lisez_ Lowendal.

    150   ...      3      duc d'Enville, _lisez_ d'Anville.

    175   ...     14      et leur faisoient expier, _lisez_
                          et ils leur faisoient expier.

    273   ...      5      qu'il avoit, _lisez_ qu'ils avoient.

    291   ...     14      Hildbourghaussen, _lisez_ Hildbourghausen.

    302   ...     23      Fillingshaussen, _lisez_ Fillingshausen.

    338   [3]      3      à Rouen, 20 contre 13, _lisez_ à Rouen,
                          20 contre 15.

  _Id._   [2]    ...      les parlements de Douai, de Besançon et d'Alsace,
                          _lisez_ les parlements de Douai, de Besançon,
                          et le conseil supérieur d'Alsace.

    356   [2]      5      après ces mots: «à peu près tombée dans l'oubli
                          depuis près d'un demi-siècle,» etc., _ajoutez_
                          «bien que l'esprit n'eût point cessé d'en être
                          vivant à la cour comme dans le parlement,» etc.

    494   ...      2      barrière de l'Observatoire, _lisez_
                          des Paillassons.

    357   [1]     13      les arrêter en une entreprise, _lisez_ les
                          arrêter est une entreprise.

    388   ...     29      manificence, _lisez_ magnificence.

    415   ...      7      Childebert, mort en 551, _lisez_ mort en 558.

    420   ...     18      Chartier, _lisez_ Chartrier.

    443   ...     18      Martel, _lisez_ Matel.

    444   ...      5      _Idem._

    454   ...      8      L'Oursine, _lisez_ Lourcine.

    480   ...    ...      hôtel de Bois-Geslin, _lisez_ de Boisgelin.

    481   ...    ...      hôtel de Galiffet, _lisez_ de Gallifet.

    482   ...    ...      hôtel de Saumery, _lisez_ de Sommery.

    498   [1]      6      l'Ourcine, _lisez_ Lorcine.

    512   ...      8      rue de Fustenberg, _lisez_ de Furstenberg.

    516   ...     29      1412, _lisez_ 1312.

    521   ...     15      Saint-Cermain, _lisez_ Saint-Germain.

    524   [2]    ...      rue de la Pombe, _lisez_ de la Pompe.

    529   ...     26      1723, 1719, _lisez_ 1823, 1819.


FIN.



  IMPRIMERIE ET FONDERIE DE J. PINARD,
  RUE D'ANJOU-DAUPHINE, Nº 8.


[Notes au lecteur de ce fichier numérique:

Seules les erreurs clairement introduites par le typographe ont été
corrigées. L'orthographe de l'auteur a été conservée.

Quelques références de page sont incomplètes dans l'original.]





*** End of this LibraryBlog Digital Book "Tableau historique et pittoresque de Paris depuis les Gaulois jusqu'à nos jours (Volume 8/8)" ***

Copyright 2023 LibraryBlog. All rights reserved.



Home