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Title: La guirlande de Julie - augmentée de documents nouveaux
Author: Montausier, Charles, Sainte-Ma, Charles de
Language: French
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*** Start of this LibraryBlog Digital Book "La guirlande de Julie - augmentée de documents nouveaux" ***


Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le
typographe ont été corrigées. L'orthographe d'origine a été conservée et
n'a pas été harmonisée.



[Illustration:

    LA
    GUIRLANDE
    DE
    JULIE

A. Mongin del et sculp. Imp. A. Salmon.]



    LA
    GUIRLANDE DE JULIE
    _Augmentée de Documents nouveaux_
    PUBLIÉE AVEC NOTICE, NOTES ET VARIANTES
    PAR OCTAVE UZANNE
    ET ORNÉE D'UN
    _PORTRAIT INÉDIT DE JULIE D'ANGENNES_

    [Illustration]

    PARIS
    LIBRAIRIE DES BIBLIOPHILES
    Rue Saint-Honoré, 338

    M DCCC LXXV



[Illustration: IVLIE LVCINE

D'ANGENNES

DAMOISELLE DE RAMBOVILLET]



[Illustration]



ÉPITRE DÉDICATOIRE

A. M. PAUL LACROIX

(Bibliophile Jacob)


    MONSIEUR,

_Je viens, disciple fidèle, placer cette édition de la_ Guirlande de
Julie _sous votre haute protection, rendre humblement hommage à votre
vaste savoir, et atténuer, s'il est possible, ma dette de reconnaissance
envers vous_.

_C'est non-seulement au_ maître, _au docte bibliophile, au grand lettré
de ce siècle, que je dédie cette réimpression, c'est plus encore à
l'homme bienveillant, au savant d'intimité, prodigue, comme les vraiment
riches, de ses immenses trésors bibliographiques, de son expérience et
de ses conseils._

_N'est-ce pas, en effet, sous l'influence de vos généreux encouragements
que j'ai pu concevoir ma tâche, préparer et mûrir la réhabilitation des_
poëtes de ruelles _du XVIIe siècle?_

_Aux quelques_ beaux esprits _que je me proposais d'exhumer, à_ Sarasin,
Voiture, Colletet, Malleville, Brébeuf et Scudéry, _n'avez-vous pas
ajouté, avec l'enthousiasme juvénile de votre ardente érudition, les
noms de_ Chapelle, Montreuil, Charleval, Lainez, Ferrand, _et autres
poëtes, hélas! oubliés, jadis oracles dans le temple du beau langage,
talents originaux, précieusement étoffés de couleur locale, au milieu de
la grandiose universalité littéraire du siècle de Louis le Grand?_

_Vous avez particulièrement daigné sourire à l'illustre galanterie du
marquis de Montausier, éclose dans ce pays de_ la conversation, _ou
Julie d'Angennes était reine et idole, et j'ai eu l'inappréciable
bonheur de contempler dans votre cabinet de travail, radieuse dans son
auréole de fleurs, la_ ravissante Guirlandeuse, _dont le portrait si
recherché, et jusqu'alors ignoré, embellit, grâce à vous, cette nouvelle
édition_.

_Ne sont-ce pas là, monsieur, des titres à mon entier dévouement, et ne
dois-je pas m'estimer fier et heureux d'avoir su rencontrer, au début du
chemin, le guide sûr et charmant qui a bien voulu faire quelques pas sur
ma route?_

_C'est donc sous votre inspiration que paraît aujourd'hui la_ Guirlande
de Julie, _et que renaîtront tour à tour tous ces rimeurs galants_,
favoris des Parnassides, _troupe légère d'avant-garde des Corneille et
des Molière, qui, en dépit de la verte férule du_ régent Boileau, _sut
si agréablement faire l'école buissonnière et butiner dans les sentiers
de la double colline_.

_Grâces vous soient rendues, monsieur, si je puis mener à bonne fin
l'entreprise que je conçois, et offrir aux lettrés, dans une gracieuse
rénovation, ces délicates victimes de l'oubli._

_Quoi qu'il en soit, heureux ou non dans l'avenir, ayant votre
exemple comme guide et votre mérite comme but, je marcherai fièrement en
avant, prenant la devise que les anciens, dans leur erreur, plaçaient
sous le disque solaire_:

    Fit cursu clarior.

_Avec l'assurance de ma plus vive reconnaissance et de ma sincère
amitié, veuillez me croire_,

    MONSIEUR,

    _Le plus fervent et le plus dévoué de vos
    admirateurs_.

    OCTAVE UZANNE.

Paris, le 10 décembre 1875.



[Illustration]



NOTICE

SUR LA GUIRLANDE DE JULIE

    Quand les dieux eurent fait
    Le chef-d'œuvre parfait
    Que _Julie_ on appelle,
    Minerve qui la vit
    En pleura de dépit,
    Et se trouva moins belle.

      VOITURE.

    Après Helene, il n'y a gueres eu de personne dont
      la beauté ayt esté plus generalement chantée.

      TALLEMANT DES RÉAUX.


La princesse Aminte, fille de la Déesse d'Athènes, avoit un esprit de
pacification, et portoit la paix partout où elle alloit. C'étoit une
personne aimable et aimée de tout le monde, qui n'a jamais fait que du
bien, et qui a toujours empêché le mal autant qu'elle a pû. Elle avoit
des charmes dans l'esprit qui se faisoient connoître à tous ceux qui
l'approchoient, mais qui ne se peuvent exprimer. Jamais personne n'a
mieux sçû qu'elle conserver l'affection de ceux qui étoient le plus mal
ensemble, ni être si bien venuë chez les ennemis des gens qu'elle venoit
de quitter. Rien n'étoit beau sans elle: les maisons qu'elle ne vouloit
pas honorer de ses visites étoient désertes et décriées; enfin son
approbation seule faisoit valoir ceux qu'elle en jugeoit dignes, et pour
bien débuter dans le monde, il falloit avoir l'honneur d'être connu
d'elle.»

Ainsi parle _Mademoiselle_ dans la _Princesse de Paphlagonie_[1], et si
nous commençons cette Notice par un début digne des Perrault et des
Galland, c'est que Julie-Lucine d'Angennes de Rambouillet fut une fée,
bonne, gracieuse, spirituelle et presque divine, à laquelle les poëtes
ses contemporains prodiguèrent avec justice les plus éclatants hommages
dus à sa féminine puissance.

  [1] _La Princesse de Paphlagonie_, petit roman de _Mademoiselle_,
  dont Segrais fut le correcteur. (Voyez _OEuvres de Segrais_,
  Amsterdam, 1723, t. II, p. 213.) On trouve une clef de cette
  histoire dans le même ouvrage (t. Ier, p. 159). Mme de
  Rambouillet y est peinte sous le nom symbolique de la _Déesse
  d'Athènes_, et Julie d'Angennes est représentée par la princesse
  _Aminte_.

Ces éloges enthousiastes dont elle fut l'objet, ces pompeuses
métamorphoses dans lesquelles on se plut à transformer ses différents
mérites comme pour mieux les fixer, ces bouquets de madrigaux qui
enguirlandent encore sa mémoire après avoir animé son exquise beauté,
toute cette gamme de louanges enfin peut paraître à première vue
excessive et fanatique, mais l'étude sérieuse de sa personne et de sa
vie justifie pleinement à nos yeux l'ardente admiration qu'elle sut
inspirer.

Julie d'Angennes fut un esprit rare, digne de tenir un illustre rang
dans l'histoire littéraire des femmes françaises, par sa grâce, ses
vertus, sa remarquable intelligence, et le doux éclat poétique qu'elle
semble jeter sur la société polie de son époque.

Le XVIIe siècle naissait à peine, que la poésie des Ronsard, des Baïf et
des Du Bellay changeait brusquement sa manière rude, quoique mignarde,
au sein même de l'hôtel de Rambouillet. La Muse vigoureuse et féconde du
XVIe siècle, introduite par Malherbe dans la maison de la vertueuse
Arthenice, y abandonna son allure négligée. Initiée peu à peu à de
nouvelles doctrines, elle sut se façonner à l'étiquette du bel esprit,
et, mettant tous ses soins à enjoliver son style, à gazer son langage, à
modifier son ton, elle fut tour à tour coquette sans être prude,
spirituelle avec malice, frivole avec enjouement. De forte fille
populaire à l'accent net et franc, elle devint _damoiselle_ affétée, usa
de métaphores, sut jouer de l'éventail et étaler ses falbalas. Elle eut
peut-être moins de verve gauloise; mais elle acquit à coup sûr plus de
politesse française. La Muse avait pris rang _de qualité_.

Julie ne contribua pas médiocrement à cette transformation poétique,
conçue et opérée sous ses auspices; à la protection qu'accordait madame
de Rambouillet aux littérateurs en renom, elle ajouta les charmes de sa
pétulante conversation et de son vivace entrain, et fut surtout, par sa
seule présence, la reine des madrigaux, le bon génie inspirateur, la
vivante idole, et comme le palpable idéal des poëtes qui
l'entouraient[2].

  [2] «Elle est, dit Mlle de Scudéry, la plus affectueuse du monde,
  ayant un charme si particulier dans la conversation, pour peu que
  les gens qui sont avec elle lui plaisent, qu'il suffiroit, pour
  devenir amoureux de _Philonide_, de passer une après-dînée à sa
  ruelle, quand même on y seroit sans la voir, et en un de ces
  jours d'été où les dames font une nuit artificielle dans leurs
  chambres pour éviter la grande chaleur.» (_Le grand Cyrus_, t.
  VII, livre Ier.)

Autour de cette déité se forma une cour brillante et courtisanesque,
nourrie de l'_Astrée_ et des pastorales à la mode, esprits délicats,
talents gradués, génies naissants, qui tous se hasardaient avec savoir
sur les gracieux confins du Païs de Tendre[3], en se proclamant heureux
de se mourir pour la dame de leurs pensées et de payer la dîme à sa
beauté.

  [3] Nous ne prétendons pas parler ici du _Païs de Tendre_,
  introduit plus tard, par de _fausses précieuses_, dans le roman
  de _Clélie_, et dont la Mer dangereuse, le Lac d'indifférence,
  Orgueil, Tiédeur, Oubli, etc., formaient les redoutables Limites.

Dans ce temple du beau parler, la recherche était de bon goût, le
vulgaire à l'index, et tous les efforts incombaient à proscrire le
malsonnant, à chasser le banal, et à revêtir d'honnêtes circonlocutions
la brutalité de certains mots, trop court vêtus jusqu'alors.

Il fallait être passé maître dans l'art du bien dire, et superbement
connaître _tout le bel air des choses_, pour posséder ses grandes et
petites entrées dans cette immortelle réunion; un novice eût-il laissé
échapper une expression triviale, une tournure de phrase basse ou
grossière, qu'aussitôt environné de mignonnes toux sèches, de cris
étouffés, et du mouvement accéléré de _zéphirs_[4], il fût resté
pétrifié devant les visages froidement dédaigneux et l'attitude
visiblement outragée de la noble assemblée. Aussi, quel langage
chastement imagé il se parlait dans ce sanctuaire d'euphonie et de
pudeur! Que d'audacieux néologismes, que d'habiles périphrases, que de
brillantes et solides épithètes qui vinrent enrichir notre langue pour
demeurer aujourd'hui parmi nous, et sans qu'on y songe, de l'emploi le
plus familier!

  [4] Les éventails étaient ainsi nommés. Voy. le _Dict._ de
  Saumaize.

C'est sur cette société d'élus, où sa spirituelle beauté s'épanouissait,
que l'illustre Julie régnait sans égale. Elle était l'arbitre souverain
des belles choses, le point de mire des saillies vives et élégantes.
Toutes les fusées d'esprit étaient tirées en son honneur, et une œuvre
badine ou sérieuse n'aurait pu se passer de son assentiment.

N'est-ce pas pour elle que Voiture écrivait ses lettres les plus
galantes et ciselait ses vers les plus enjoués; que le vénérable Godeau,
abandonnant ses paraphrases bibliques, se faisait rimeur de ruelles, et
que le grave Chapelain, infidèle à sa _Pucelle_, contraignait son bon
sens à _madrigaliser_? N'est-ce pas encore pour cette douce
enchanteresse que Colletet, Malleville, Gombaud, Scudéry, Habert,
Desmarests et tant d'autres luttaient de talent et de finesse, et que
Pierre Corneille, amoureux lui-même, dictait à sa muse émue les petits
vers musqués qu'il parafait de son grand nom?

Il n'y a jamais eu une dame qui ait si bien entendu la galanterie, ni si
mal entendu les galants, pensait spirituellement le malicieux
Voiture[5]. En effet, au milieu de tous ces mourants, Julie d'Angennes
demeurait d'une humeur toujours libre et aimable, savante sans orgueil,
modeste sans contrainte; elle vivait dans ce monde galant, comme la
salamandre parmi les flammes, sans que le moindre soupçon ait pu
l'atteindre; sa vertu toujours souriante brillait dans toute sa pureté,
et elle semblait enfin soutenir de son exemple cette admirable mais
trop souvent dangereuse maxime de madame de Sablé: «Que les femmes,
ornements de la terre, sont faites pour être adorées et répandre autour
d'elles tous les grands sentiments, en accordant comme une assez digne
récompense leur estime et leur amitié.»

  [5] Lettre écrite à Mlle Paulet, datée de Lisbonne, en octobre
  1633.

C'est de sa mère, la marquise de Rambouillet, s'écrie Fléchier dans sa
remarquable oraison funèbre[6], que «l'admirable Julie tenoit cette
grandeur d'âme, cette bonté singulière, cette prudence consommée, cet
esprit sublime et cette parfaite connoissance des choses qui rendirent
sa vie si éclatante. Vous dirai-je, poursuit l'harmonieux orateur,
qu'elle pénétroit dès son enfance les défauts les plus cachés des
ouvrages d'esprit et qu'elle en discernoit les traits les plus délicats?
que personne ne savoit mieux estimer les choses louables, ni mieux louer
ce qu'elle estimoit? qu'on gardoit ses lettres comme un modèle de
pensées raisonnables et de la pureté de notre langue... et que, tout
enfant qu'elle étoit, elle se fit admirer de ceux qui étoient eux-mêmes
l'ornement et l'admiration de leur siècle?»

  [6] _Oraison funèbre_ de Mme Julie-Lucine d'Angennes de
  Rambouillet, duchesse de Montausier, prononcée par Fléchier, en
  l'église de l'abbaye d'Hière, le 2 janvier 1672.

Telle était l'incomparable fille d'Arthenice, qui, à ces belles
qualités, joignait un dévouement héroïque et un philosophique mépris de
la mort[7], et si l'on envisage cet éclatant ensemble de perfections,
qui s'élevait modestement au milieu d'une civilisation avide de trouver
la femme forte pour la diviniser, on comprendra que tout ce que Paris
comptait alors de personnes illustres et distinguées, se soit empressé
autour de cet _astre_, pour lui décerner de justes honneurs et de
sincères adulations.

  [7] Le plus jeune des fils de Mme de Rambouillet, né en 1624, et
  qui prit le titre de son père, celui de «vidame du Mans», fut
  atteint de la peste, à l'âge de sept ans. Cette épouvantable
  épidémie faisait fuir souvent parents et amis loin de ceux qui en
  étaient atteints. Julie d'Angennes ne quitta pas le chevet de son
  jeune frère, et elle l'assista jusqu'à son dernier soupir, ainsi
  que Mme Paulet.

Lorsque le baron de Sainte-Maure parut à l'hôtel de Rambouillet, il
tomba aussitôt sous le charme de Julie d'Angennes, et par ses manières
courtoises, ses multiples attentions et ses franches coquetteries, il
essaya de donner l'éveil au cœur de cette sirène, dont il se déclara
vivement l'amant le plus passionné et le prétendant le plus tendre[8].

  [8] Charles de Sainte-Maure n'éleva ses prétentions à la main de
  Julie qu'après la mort de son frère aîné, qui aspirait lui-même à
  ce mariage. Il n'avait alors que vingt-cinq ans et ne comptait
  pas à son actif les charges honorables qui firent de lui, plus
  tard, un des plus beaux partis que pût rêver la fille d'une
  illustre maison. Tallemant, du reste, rapporte, dans ses
  _Historiettes_, que: M. de Salles (depuis M. de Montausier) ne se
  déclara point qu'il ne fût maréchal de camp et gouverneur de
  l'Alsace.

Montausier n'était à cette époque que le brillant officier de Casal[9];
il avait l'air noble et grand, la taille bien prise, les yeux vifs et
pleins de feu, et sur la mâle beauté de son visage se peignait une
expression de téméraire franchise qui semblait défier l'hypocrisie; à
cet extérieur aimable et sympathique, le futur gouverneur du Dauphin
ajoutait un esprit cultivé, une farouche bravoure et cette scrupuleuse
honnêteté à remplir ses devoirs qui fit dire plus tard à Montesquieu:
«Le caractère de Montausier a quelque chose des anciens philosophes et
de cet excès de leur raison.»

  [9] Voyez la _Vie de Montausier_, par le Père Nicolas Petit,
  jésuite, citée plus loin, et l'Éloge _de Charles de Sainte-Maure,
  duc de Montausier_, par Garat, 1781.

Le nouveau venu reçut l'accueil le plus chaleureux dans le palais
d'honneur des Rambouillet; ce n'était pas encore l'austère Alceste qu'il
fut dans la suite, mais le gentilhomme dans toute sa magnificence, l'ami
des plaisirs et des agréables entretiens, le poëte improvisateur et le
chansonnier habile, le plaisant moraliste enfin, qui savait rire des
vices de son époque et les censurer gaîment. A ces différents titres, il
eut vite conquis tous les suffrages et toutes les sympathies dans le
cercle spirituel d'Arthenice, où il prenait à partie Balzac ou Sarasin,
Ménage ou Voiture, Charleval ou l'abbé Cotin, et surtout Conrart et le
_formaliste_ Chapelain. Mais il ne pouvait consacrer à ces aimables
récréations que les pacifiques entr'actes de sa jeunesse active: la
guerre ou la politique venaient trop tôt le rappeler en province ou à
l'étranger, et le soupirant de Julie devait faire voyager sa passion que
ces absences forcées ne faisaient qu'allumer davantage. Cependant,
hâtons-nous de le dire, absent ou présent, M. de Sainte-Maure occupa
toujours une place importante dans la société de la marquise de
Rambouillet. Il s'était lié assez intimement avec Chapelain, dont il fut
sans cesse le fidèle ami, et avait entrepris avec le père de la
_Pucelle_ une correspondance familière et suivie, à laquelle
participaient quelquefois la marquise et sa fille, et tous les beaux
esprits de l'endroit[10].

  [10] Cette correspondance fut si suivie qu'il en était résulté,
  au dire de Chapelain (_lettres d'avril 1638_), plus de lettres en
  prose et en vers qu'il n'en faudrait pour faire une _Arcadie_ de
  Sannazar.

Montausier était-il à l'armée, la docte assemblée ne parlait que de sa
bravoure et de ses actions d'éclat dans les campagnes auxquelles il
prenait part; chacun se plaisait à vanter l'universel mérite de l'absent
regretté, et l'après-dînée se passait le plus souvent à commenter sa
dernière missive ou son nouveau sonnet.

De son côté, le pauvre exilé trouvait un grand adoucissement à sa
tristesse dans les épîtres qui lui étaient adressées. C'étaient de longs
et curieux bavardages, remplis des bruits du jour, des scandales à la
mode, des ouvrages nouveaux, parmi lesquels le tendre amant savait si
bien retrouver tous les _coq-à-l'âne_ de la conversation de l'_hôtel_,
qu'il parvenait à assister de loin aux agréables devis de la ruelle
d'Arthenice.

Néanmoins, l'impatient jeune homme désirait vivement assurer les liens
sacrés qui l'unirent par la suite à Julie d'Angennes. Cette dernière
hésitait à contracter ce mariage: elle comprenait peu qu'on se donnât de
sang-froid un maître, et répétait souvent qu'elle renoncerait le plus
tard possible à sa chère liberté, qu'elle ne devait abandonner, en
effet, dans les mains du marquis de Montausier, que quatorze ans plus
tard.

Les choses en étaient là vers 1641, lorsque Montausier, dans ses loisirs
justement acquis, réunit et fit écrire par Jarry les madrigaux de sa
fameuse _Guirlande_, qu'il avait conçue et préparée bien avant que d'en
couronner sa charmante fiancée.

Quoiqu'il existât déjà plusieurs recueils de poésies italiennes sous le
nom de _Guirlande_[11], le galant baron sut donner à sa fantaisie un
cachet de nouveauté et d'originalité, qui surpassa les dons les plus
merveilleux que l'amour ait pu faire éclore dans l'imagination des
amants.

  [11] Voyez 1° _La Ghirlanda_ della Contessa Angela Bianca
  Beccaria, contesta di Madrigali de diversi autori dichiarati da
  Stefano Guazzo. _Genova_, pel Bartoli, 1595, in-4°;

  --2° Ghirlanda di frondi, fiori e frutti, ed altre rime del signor
  Alcide infiammati per l'illustrissima Signora Zenobia Reina
  Beccaria Parona, gentildonna di Pavia. _In Pavia_, per gli credi
  di Girolamo Bartoli. 1596, in-12.

  (Quadrio, _Storia e ragione d'ogni poesia_, en 47 vol., t. Ier, p.
  263.)

  Il existe également des livres de poésie française sous le titre
  de _Couronne de fleurs_, etc. Voy. au Catalogue imprimé des belles
  lettres de la Bibliothèque du Roy, p. 511, col. 1, lettre Y, no
  4898.

Ce manuscrit... Mais laissons, pour un instant, la parole à M. de
Gaignères, l'auteur principal d'une Notice que la tradition a
consacrée[12]. Charles Nodier, dans l'édition qu'il a donnée de la
_Guirlande_, prétend qu'il y aurait quelque pédantisme à la remplacer
par une autre; nous nous rangeons à l'avis de _ce maître_, et bien que
la Notice en question soit assez confusément rédigée, nous nous
contenterons de l'annoter et d'y ajouter les éclaircissements que nous
croyons nécessaires.

  [12] Cette Notice est insérée dans le Catalogue des livres rares
  et précieux de feu M. le duc de La Vallière, rédigé par Guillaume
  de Bure fils aîné (première partie, t. III, p. 57 du supplément
  de ce Catalogue, _à Paris_, chez Guillaume de Bure, 1783). Toutes
  les éditions de la _Guirlande de Julie_ sont précédées de cette
  Notice.

Nous reproduisons donc ici cette Notice sans en changer l'orthographe et
dans toute son intégrité[13]:

_Le dessein de cet ouvrage est un des plus ingénieux et des plus galants
qu'on pût imaginer en ce genre. M. Huet l'a appelé le chef-d'œuvre de
la galanterie et a vanté la magnificence de son exécution[14]. On peut
dire qu'elle n'a été en rien inférieure au projet._

  [13] Nous avons groupé autour de cette Notice, sous la forme
  succincte d'annotations, toutes nos études sur la _Guirlande_ et
  l'histoire de ses manuscrits; nous croyons apporter une certaine
  lumière sur plusieurs points assez obscurs jusqu'ici, et rendre
  par là même cette nouvelle édition aussi achevée que possible et
  plus complète qu'aucune autre.

  [14] _Huetiana_ (édition de Paris, in-12, 1722, p. 103). «Jamais,
  dit l'évêque d'Avranches, l'amour n'a inventé de galanterie plus
  ingénieuse, plus polie et plus nouvelle que la _Guirlande de
  Julie_, dont le duc de Montausier régala Julie d'Angennes, un
  premier jour de l'an, lorsqu'il la recherchoit en mariage.» Dans
  cet article, l'honorable M. Huet fixe le don de la _Guirlande_ à
  l'année 1633 ou 1634. Il y a certainement erreur, car le
  manuscrit porte la date de 1641.

_Il a pour auteur feu M. le duc de Montausier[15] qui l'envoya, le jour
de la fête de Julie-Lucine[16] d'Angennes de Rambouillet[17], à cette
charmante personne dont il devint l'époux après en avoir été longtemps
l'amant[18]._

  [15] Charles de Sainte-Maure, alors baron de Salles, est né le 6
  octobre 1610. C'était le second fils de Léon de Sainte-Maure,
  baron de Montausier, et de Marguerite de Chateaubriant, tous deux
  issus des plus illustres maisons de la Bretagne et de la
  Touraine. Marquis en 1644, puis duc et pair en 1664, il reçut en
  l'année 1668 la charge de gouverneur du Dauphin. Molière, dans
  son _Misanthrope_, a taillé son portrait _en plein marbre, sous
  les traits d'Alceste_, dont il fut, paraît-il, l'original.

  [16] Elle s'appelait _Julie_, du nom de sa grand'mère, Julia
  Savelli; celui de _Lucine_ lui fut donné par une tradition
  très-ancienne dans la maison Savelli; on ajoutait toujours ce nom
  à celui que recevaient, en baptême, les filles issues de cette
  ancienne famille de Rome.

  [17] Julie d'Angennes, née en 1607, était l'aînée des quatre
  filles de Charles d'Angennes, marquis de Rambouillet et de
  Pisani, et de Catherine de Vivonne-Savelli. Elle devint, par
  suite de son mariage avec M. de Montausier, gouvernante de
  monseigneur le Dauphin et dame d'honneur de la reine; et mourut à
  Paris, le 15 novembre 1671, dans la soixante-quatrième année de
  son âge. (Voyez le P. Anselme, _Histoire généal._, t. II, p. 427,
  et t. V, p. 20; et Fléchier, _Oraison funèbre de madame la
  duchesse de Montausier_.)

  [18] Ce ne fut que quatre ans après la présentation de la
  _Guirlande_ que M. de Montausier épousa Julie d'Angennes (le 13
  juillet 1645). Elle avait alors trente-huit ans. «Elle s'étoit
  mariée (dit madame de Motteville dans ses _Mémoires_), n'étant
  plus jeune, au marquis de Montausier, qui l'avoit aimée _quatorze
  ans_, et en se donnant à lui, il lui sembla qu'elle étoit plus
  touchée des obligations qu'elle lui avoit et de son mérite que du
  désir de se marier.»

  M. de Montausier, pour conclure ce mariage, abjura la religion
  protestante pour se faire catholique.

_Comme cette fête arrivoit dans un temps où la terre ne produit pas
assez de fleurs au gré des amants[19], celui-ci suppléa à la stérilité
de la saison par cette guirlande._

  [19] Le 22 mai, _jour de la Sainte-Julie_. Nous serions plutôt
  tenté d'affirmer, avec M. Huet, que l'offre de la _Guirlande_ eut
  lieu «un premier jour de l'an»; car, Mai, le mois du renouveau,
  produit certes assez de fleurs, même au gré des amants. Quant à
  l'année où Julie trouva ce chef-d'œuvre _à son réveil_, il est
  probable que ce fut le 1er janvier 1642, puisque le manuscrit est
  daté de 1641.

_Ce manuscrit commence par huit feuillets._

_Les trois premiers sont en blanc. On lit au haut du recto du second le
billet que l'abbé de Rothelin[20] écrivoit de sa main à M. de Boze[21],
en lui faisant présent de ce beau livre_:

   Je prie M. de Boze de vouloir bien accepter le présent livre, et le
   placer dans son magnifique cabinet, comme une marque de ma tendre
   amitié.

    _L'abbé_ DE ROTHELIN.

_Le quatrième feuillet contient le titre._

_Sur le cinquième est peinte une guirlande superbe, au milieu de
laquelle on lit ces mots_:


LA

GVIRLANDE

DE

IVLIE

  [20] Charles d'Orléans de Rothelin, abbé de Cormeilles et
  littérateur distingué, né à Paris, le 5 août 1691, mort le 17
  juillet 1744. Il fut reçu à l'Académie française en 1728, et à
  celle des Inscriptions en 1732.

  [21] Claude Gros de Boze, antiquaire, né à Lyon en 1680, mort à
  Paris, en 1753. Il remplaça Fénelon à l'Académie française et fut
  reçu à celle des Inscriptions, dont il devint secrétaire
  perpétuel en 1706.

_Le sixième est encore en blanc._

_Il y a sur le septième une miniature où l'on voit Zéphire entouré
d'un nuage et représenté du côté gauche au côté droit du spectateur[22].
Il tient dans sa main droite une rose, et dans sa gauche la guirlande de
fleurs[23], au nombre de vingt-neuf, qu'il souffle légèrement sur la
terre pour qu'on puisse les reconnoître aisément[24]._

  [22] C'est-à-dire faisant face au spectateur. Dans cette
  position, la droite de Zéphire est à gauche du spectateur; il est
  représenté de trois quarts.

  [23] Cette seconde guirlande, en forme de couronne, peut avoir
  deux pouces au plus de diamètre, tandis que la première occupe
  presque entièrement la page. Celle-là n'est pas la copie exacte
  de celle-ci, qu'elle ne rappelle que vaguement, et c'est plutôt
  dans la première que dans la seconde que les fleurs peuvent être
  comptées.

  [24] Ces fleurs que souffle Zéphire ne sont pas aussi variées que
  celles de la première guirlande. (C'est d'après M. Ch.-L. Livet
  que nous donnons ces détails. Plus heureux que nous, M. Livet a
  pu visiter, chez le duc d'Uzès, le précieux manuscrit avant la
  publication de son édition. Voy. l'Appendice de _Précieux et
  Précieuses_. Paris, Didier, 1870, 2e édition.)

_Le huitième contient un madrigal intitulé_: Zéphire à Ivlie.

_Le corps de l'ouvrage vient ensuite; il est de quatre-vingt-dix
feuillets, dont le premier est coté 6, et le dernier 95._

_De ces quatre-vingt-dix feuillets, il y en a vingt-neuf qui contiennent
chacun une fleur, et soixante et un qui contiennent chacun un
madrigal[25]._

  [25] Nous avons fait en sorte de rendre, dans notre réimpression,
  cette disposition du manuscrit original, en ne mettant qu'un
  fleuron par chaque sorte de fleurs. Les éditions précédentes
  n'avaient pas suivi, d'aussi près que nous l'avons fait, la
  reproduction de l'œuvre de Jarry.

_Ce volume est terminé par une table alphabétique qui n'est point du
tout commode. Elle est dressée selon l'ordre des premières lettres de
chaque madrigal, de là vient que le nom de la même fleur y est répété
plusieurs fois, et qu'on n'y voit pas d'un seul coup d'œil toutes les
pièces qui ont été faites sur elle[26]._

  [26] L'édition, à la suite de la _Vie de Montausier_ par Nicolas
  Petit (_Paris_, 2 vol. in-12, _Rollin et Genneau_, 1729), a
  reproduit cette table.

_Nous avons corrigé ce défaut en substituant à cette table défectueuse
celle donnée par l'abbé Rive[27]._

  [27] L'abbé Rive (Jean-Joseph), bibliographe, né le 19 janvier
  1730, mort en 1792. La table dont il est question ici fut dressée
  par l'abbé à la suite de sa notice. Voyez _Notices historiques et
  critiques_ de DEUX MANUSCRITS uniques et très-précieux de la
  bibliothèque de M. le duc de La Vallière, dont l'un a pour titre:
  LA GUIRLANDE DE JULIE, et l'autre: _Recueil de fleurs et insectes
  peints par Daniel Rabel en 1624_. Par l'abbé Rive. _A Paris_, de
  l'imprimerie de Didot l'aîné, 1779, in-4º de 20 pages. Cette
  plaquette est très-rare.

_Sans vouloir enrichir le passé aux dépens du présent, il faut avouer
qu'il seroit difficile aujourd'hui d'assembler un aussi grand nombre de
beaux esprits et de poëtes célèbres qu'il s'en trouva alors pour
immortaliser le nom de_ JULIE.

_La table qui contient les noms de tous ces poëtes, et que nous avons
ajoutée à celle de l'abbé Rive, ne présente que les illustres fondateurs
de l'Académie françoise, qui s'élevoit alors à l'hôtel de Rambouillet,
en attendant qu'elle reçût et sa forme et sa gloire du cardinal de
Richelieu._

_Mais quand on n'auroit pas appris par là qui sont ceux qui aidèrent à
M. de Montausier à célébrer mademoiselle de Rambouillet, il seroit
toujours facile de juger, par tant de poésies diverses et ingénieuses,
que des esprits d'un ordre supérieur y ont eu part._

_Ces poésies ou madrigaux ont été imprimés à Paris, en 1729[28], à la
suite de la Vie de M. de Montausier, rédigée par Nicolas Petit, jésuite,
qu'on a confondu avec d'autres auteurs du même nom, dont les ouvrages
sont annoncés dans la France littéraire, t. Ier, p. 361; t. II, p. 92,
et Supplément, part. Ire, p. 167. L'on vient de réimprimer tout
récemment[29] ces madrigaux avec la Vie de M. le duc de Montausier._

  [28] Cette édition fut réimprimée à Paris, chez Rollin fils, en
  1735, puis en 1736. Le même ouvrage parut anonyme à Rotterdam (ou
  Berlin), in-12, en 1731, sous le titre: _Mémoires de M. le duc de
  Montausier_.

  [29] La récente réimpression dont parle Guillaume de Bure, au
  moment où il rédigeait son Catalogue, fut sans doute l'édition,
  alors sous presse, donnée par Didot en 1784, d'après l'in-4º
  manuscrit de la _Guirlande_, acheté par cet imprimeur à la vente
  Crozat de Tugny, en 1751. Mais cette édition parut isolée, et
  c'est par erreur qu'elle figure dans cette Notice comme ayant
  paru avec la Vie de Montausier.

_L'on apercevra aisément à la table des noms des auteurs, que M. de
Montausier, comme amant, a composé un très-grand nombre de ces
madrigaux. On ignore les raisons pour lesquelles il s'est caché
quelquefois sous ces lettres: M. le M. de M.[30], ainsi que le marquis
de Racan par celles de M. le M. de R.[31]; M. Conrart, que l'on peut
appeler le père de l'Académie françoise, n'y est désigné que par M.
C.[32]._

  [30] Tous les noms d'auteurs sont écrits par Jarry, dans l'angle
  gauche de chacune des pages où commencent leurs madrigaux. Les
  poëtes de la _Guirlande_ ne signèrent donc pas de leur main, à la
  fin de chaque pièce. Le marquis de Montausier ne se cache
  nullement sous les initiales décrites ici. Excepté à la table et
  au madrigal _Zéphire à Julie_, son nom paraît toujours en toutes
  lettres.

  [31] Rien ne fait supposer que le sixain signé M. le M. de R.
  soit du marquis de Racan; tout, au contraire, porte à croire
  qu'il a pour auteur le marquis de Rambouillet, père de Julie. (V.
  la _Note 23, à la fin du présent volume_.)

  [32] Nous ne savons sur quelle autorité ont pu s'appuyer les
  auteurs de cette Notice pour attribuer à Valentin Conrart les
  madrigaux signés _M. C._ Conrart ne faisait pas de vers galants,
  et en eût-il fait, les six pièces signées de ces initiales ne
  seraient pas de lui. Trois de ces madrigaux sont assurément de
  Pierre Corneille; pour les trois autres, s'ils ne sont pas du
  même auteur, leur paternité est restée assez obscure pour qu'on
  puisse les attribuer à l'abbé Cotin ou à tout autre (non
  Colletet, ni Chapelain, qui signent dans le recueil) aussi bien
  qu'au _Père de l'Académie françoise_. (Voyez, _à la fin de cette
  édition_, les _notes 18, 21, 24, 27, 29, 33_.)

_Comme la baronnie de Montausier ne fut érigée en marquisat qu'en
1644[33], trois ans après que la_ Guirlande de Julie _fut présentée à
mademoiselle de Rambouillet, l'on sera sans doute étonné que M. de
Montausier ait pris le nom de marquis avant de l'être effectivement;
mais on ne doit pas ignorer qu'il étoit très-commun que les gens de
qualité prissent dans le monde le titre de marquis avant que la terre de
leur nom fût érigée en marquisat[34]. Le frère aîné de M. le duc de
Montausier, qui mourut en 1633[35], avoit aussi porté le titre de
marquis de Montausier._

  [33] La baronnie de Montausier fut érigée en marquisat, en 1644,
  par lettres patentes données à Paris, au mois de mai de la même
  année. Ce marquisat fut ensuite érigé en duché-pairie, en 1664.
  (Voyez le P. Anselme, _Hist. généal._, t. V, pp. 1 et 20.)

  [34] Molière, dans les _Précieuses_, a ridiculisé les marquis
  sans marquisat, et l'on connaît cette pointe de Scarron, dans son
  _Roman comique_:

  «... Enfin il se tint à la fille d'un marquis de je ne sais quel
  marquisat: car c'est la chose du monde dont je voudrois le moins
  jurer, dans un temps où tout le monde se marquise de soy-mesme, je
  veux dire de son chef.»

  [35] C'est par erreur qu'on a donné cette date de 1633. Hector de
  Sainte-Maure, baron de Montausier, fut blessé d'un coup de pierre
  à la tête, devant Bornéo, et succomba le 20 juillet 1635. Sans
  cet accident, M. de Montausier, l'aîné, eût peut-être épousé
  Julie d'Angennes; c'est du moins ce que nous apprend Tallemant:
  «On avoit parlé autrefois, dit l'intéressant anecdotier, de
  marier madame de Montauzier à feu M. de Montauzier, aisné de
  celuy-ci.» A la mort de son frère, Montausier le jeune avait dejà
  commencé à préparer la GUIRLANDE, dont les madrigaux devaient
  être presque tous rassemblés.

_Chapelain, fameux par l'attente de la_ Pucelle _qui avoit par avance un
nom qu'elle n'a pu soutenir quand elle a été au grand jour[36], fut un
de ceux qui brilla le plus en cette occasion. La fleur impériale
dont il fit choix donna lieu à une allégorie fort spirituelle, sur
laquelle roule toute la finesse de son madrigal[37]._

  [36] Chapelain avait partagé son poëme en vingt-quatre chants,
  dont les douze premiers seuls parurent en 1656. Jusque-là sa
  renommée n'était fondée que sur des petits ouvrages de poésie:
  odes, sonnets, madrigaux, tous assez bons pour ne pas nuire à la
  haute idée d'un poëme, fruit de tant de veilles, et que la France
  entière semblait attendre impatiemment. (Voyez d'Olivet,
  _Histoire de l'Académie françoise_; Guizot, _Corneille et son
  temps_. Paris, Didier, nouvelle édition, 1866.)

  [37] Voyez la note 2, aux _Notes et Variantes_.

_En voici l'explication en deux mots:_

_Le grand Gustave étoit alors au plus haut période de sa gloire, et il
en jouissoit sans rivaux, puisque personne ne pouvoit lui disputer celle
d'être le plus fameux conquérant de son siècle. Mademoiselle de
Rambouillet, juge très-capable du vrai mérite, ne parloit d'ordinaire de
ce prince qu'avec éloge; elle avoit même son portrait dans sa chambre,
et disoit toujours qu'elle ne vouloit point d'autre amant que ce
héros[38]._

  [38] «Julie faisoit paroître une grande admiration pour la valeur
  de ce prince, dit également Huet (_Huetiana_, p. 105). Elle avoit
  son portrait dans sa ruelle et prenoit plaisir à dire qu'elle ne
  vouloit pas d'autre galant que lui. M. de Montausier étoit
  pourtant son galant fort ardent et fort déclaré.»

_Cela donna lieu à Chapelain de choisir pour sujet de son madrigal la
fleur qu'on nomme_ impériale, _qu'il suppose être Gustave ainsi
métamorphosé qui vient lui rendre hommage et lui offrir de la couronner.
Voiture, à qui cette fiction avoit sans doute paru très-noble, y fait
allusion dans la lettre qu'il écrivit à mademoiselle de Rambouillet[39],
au nom du roi de Suède, et qui commence_: Voicy le lion du Nord, _etc._

  [39] (_OEuvres de Voiture_, lettre VII.) Cette lettre fut écrite,
  sous le nom du roi de Suède, à mademoiselle de Rambouillet, en
  mars 1632. Voiture, ayant fait travestir cinq à six hommes en
  Suédois, les envoya en carrosse à l'hôtel de Rambouillet où ils
  se présentèrent comme ambassadeurs de Gustave-Adolphe, en
  remettant à Julie d'Angennes, avec cette lettre, un portrait du
  grand conquérant.

_On a cru devoir cette explication en particulier à ceux qui verront ce
livre, sans entrer dans le détail du reste, qui s'entend facilement, et
l'on se contentera d'ajouter ici que Robert[40], célèbre peintre
d'alors, fut chargé de peindre les fleurs dont il est enrichi, et que
Nicolas Jarry[41], le plus fameux maître d'écriture de son temps, a_
_écrit de sa main et les madrigaux et la table des auteurs._

  [40] Robert, peintre et graveur à la pointe, né à Langres, vers
  1610, mort en 1684. Il peignait en miniature pour Gaston de
  France, duc d'Orléans, et excellait dans la peinture des plantes,
  fleurs et insectes. Nous avons vu, au Cabinet des estampes de la
  Bibliothèque nationale, un fort intéressant recueil qui fait
  honneur à cet artiste: c'est un grand in-folio portant le no
  1199, en 2 volumes, cotés J. C. 33, sous le titre de: _Plantes
  dessinées à la sanguine, par Robert_, tomes I et II. Les dessins
  sont délicats et d'une merveilleuse exécution, bien qu'un peu
  affaiblis par le temps.

  [41] Nicolas Jarry, né à Paris, vers 1620, mort vers 1670. Tout
  ce qui est sorti de la main de cet inimitable artiste passe pour
  chef-d'œuvre. Son talent dans l'art calligraphique est au-dessus
  de tout éloge; il a effacé tous ceux qui l'ont précédé ou suivi
  dans la même carrière. (_Dictionnaire de bibliologie_, par
  Gabriel Peignot, 1802, t. II, p. 388.--Le _Dictionnaire des
  artistes_, de l'abbé de Fontenac, 1776, reste muet sur Jarry.)

  Ce fameux calligraphe avait à peine vingt et un ans, lorsqu'il
  écrivit la _Guirlande de Julie_; six ans plus tard, il fit un
  autre chef-d'œuvre: les _Heures de Notre-Dame_, in-8° de 120
  feuillets. Il reçut plus tard de Louis XIV le brevet de _maître
  écrivain_ et de noteur de la musique du roy.

  Le recueil manuscrit de Maurepas attribue même à Jarry le dessin
  et la peinture des fleurs de la _Guirlande_.

_Afin que rien ne manquât à embellir cet ouvrage, il fut relié par le
Gascon, qui n'avoit pas d'égal en son art, et enrichi par le dehors et
le dedans des chiffres de Julie-Lucine, afin que l'on sût d'abord à qui
il étoit[42]._

  [42] Ce manuscrit est relié en maroquin rouge, avec filets, et
  recouvert d'un étui en peau de frangipane; le chiffre, imprimé en
  or, est semé sur le maroquin; il est formé des lettres J.-L.
  (Julie-Lucine), écrites à la fois de gauche à droite et de droite
  à gauche.

_Tant que madame de Montausier a vécu, elle a conservé précieusement ce
gage de la politesse et de l'amour de son mari pour elle. Étant morte,
M. de Montausier en devint le dépositaire et le montroit avec plaisir à
ses amis. De ses mains, il passa en celles de madame la duchesse d'Uzès,
sa fille[43], qui savoit trop ce qu'il valoit pour ne pas le garder avec
soin. Aussi ce ne fut qu'après sa mort que ce livre fut vendu par ses
héritiers, comme une pièce qui ne méritoit pas leur attention. Un
particulier l'acheta à l'intention de M. Moreau, premier valet de
chambre de monseigneur le duc de Bourgogne, si connu par son mérite
et son bon goût, qui lui paya quinze louis d'or, valant alors deux cents
livres; et depuis il a eu l'honnêteté de m'en faire un présent et de
m'obliger à le prendre, croyant, avec raison, enrichir par là mon
cabinet[44]._

  [43] Marie-Julie de Sainte-Maure, née vers 1646, mariée en 1664,
  à Emmanuel de Crussol, duc d'Uzès, morte le 14 avril 1695.
  Tallemant des Réaux, dans ses _Historiettes_, lui a réservé
  quelques lignes sous ce titre: «_La petite Montauzier_». Il y
  raconte très-agréablement les reparties précoces de la jeune et
  chère enfant de Julie d'Angennes. La Vie de Montausier que nous
  avons citée fut écrite par le P. Petit, jésuite, d'après les
  _Mémoires de la duchesse d'Uzès_.

  [44] C'est du cabinet de M. de Gaignères, auteur principal de
  cette Notice, qu'il est question ici.

_Nicolas Jarry, écrivain inimitable du dernier siècle, fit trois
manuscrits de la Guirlande de Julie dans la même année 1641, savoir: un
in-folio, un in-quarto et un in-octavo._

_Le premier[45], annoncé dans le Catalogue des livres de M. le président
Crozat de Tugny, Paris, 1751, p. 119, no 1316, n'étoit pas imprimé.
C'est une erreur de ne pas l'avoir annoncé manuscrit. Il est de la
propre main de Jarry, sur papier in-quarto, à longues lignes, et
contient cinquante-trois feuillets très-bien écrits, en lettres
bâtardes. Il paraît avoir été l'esquisse et le modèle de l'in-folio
présenté à mademoiselle de Rambouillet. M. le marquis de Courtanvaux en
a été ensuite possesseur. Il est passé, à sa vente, entre les mains de
P. F. Didot, imprimeur de Monsieur[46]._

  [45] C'est le second qu'il faudrait dire, car c'est du manuscrit
  in-4º que l'auteur veut parler. Il est annoncé comme imprimé dans
  le Catalogue de M. Crozat de Tugny (in-8º, à Paris, chez
  Thiboust, 1751), dont la vente fut faite au commencement d'août
  de cette même année. Il y fut adjugé au marquis de Courtanvaux,
  au prix surprenant de 3 francs. M. P. F. Didot jeune l'acheta, à
  la vente de ce dernier, pour la somme, non moins étonnante, de 3
  fr. 75; et c'est d'après cet in-4º que l'édition de 1784 fut
  donnée par ce même imprimeur.

  [46] Nous ne pouvons suivre au delà les changements de
  propriétaire que ce manuscrit a dû subir. Il n'est probablement
  pas resté dans la famille des Didot. En tous cas, le savant
  bibliophile M. Ambroise Firmin Didot ne le possède pas.

_Le second[47], très-précieux, sur vélin in-folio, qui a donné lieu à
cette Notice, est supérieurement écrit en lettres rondes; les figures de
toutes les fleurs, peintes par le fameux Robert, et la reliure
magnifique, en maroquin rouge, de ce livre, orné, en dehors et en
dedans, du chiffre entrelacé de J. L., ajoutent au très-grand mérite de
cet ouvrage unique en son genre._

  [47] C'est-à-dire le premier. La rédaction de cette Notice est
  fautive: la marche à suivre était de décrire à la suite
  l'in-folio, l'in-octavo, et, en dernier lieu, l'in-quarto. Nous
  ne sommes pas étonné des nombreuses erreurs qui se sont glissées
  dans les différentes bibliographies de la _Guirlande_, qui toutes
  ont pris cette Notice pour guide.

_Il paraît qu'après M. de Gaignières, ce manuscrit passa entre les mains
du chevalier de B***; il fut acheté, en 1726, à la vente de ses
livres[48], par M. l'abbé de Rothelin, qui, comme on l'a vu plus haut,
en fit présent quelque temps après à M. de Boze. M. de Cotte[49]
l'acheta des héritiers de M. de Boze, avec une partie de sa
bibliothèque, et le céda à M. Gaignat, à la vente duquel il fut
acheté par M. le duc de La Vallière[50]. M. Peyne, libraire de Londres,
l'a payé, à la vente de ce dernier[51], quatorze mille cinq cent dix
livres. Nous ignorons entre les mains de qui il est passé[52]._

  [48] _Catalogus librorum viri nobilis D. equitis D. B***_
  (Bauche). _Parisiis_, 1726 (n° 785, p. 70.)

  [49] Jules Robert de Cotte, mort en 1767, fils de Robert de
  Cotte, élève et beau-frère de Mansard. Ce fut lui qui disposa
  l'aménagement de la Bibliothèque du roi, dans le palais Mazarin.

  [50] M. le duc de La Vallière le paya, à cette vente, 780 fr.

  [51] Catalogue du feu duc de La Vallière, t. II, p. 382, no 3247.
  La notice de l'abbé Rive, citée plus haut (Didot, 1779), fut
  vendue, sous le no 3249, la somme de 15 fr., à cette même vente.

  [52] M. Ch. Nodier, dans son édition, a reproduit ces lignes,
  sans annoncer que M. le duc d'Uzès était devenu possesseur de ce
  précieux volume. Après la vente La Vallière, il fut acquis par
  madame la duchesse de Châtillon, à la mort de laquelle il passa
  chez la duchesse d'Uzès, sa fille. Il appartient aujourd'hui à M.
  de Crussol, qui l'a reçu de son père, le duc d'Uzès. Il figurait
  à l'exposition organisée à Paris, au profit des
  Alsaciens-Lorrains, en 1874. On a offert plus de _cent mille
  francs_ de cet admirable manuscrit au duc d'Uzès, qui s'est
  empressé de refuser.

  Madame la duchesse de Châtillon se _rendit sans doute
  propriétaire_ de ce chef-d'œuvre à Hambourg, en 1795, car nous
  trouvons, dans la _Botanique littéraire_ de madame de Genlis
  (Paris, chez Maradan, libraire, 1810, p. 190), cette intéressante
  note touchant ce manuscrit: «Ce monument intéressant de la
  galanterie du XVIIe siècle, passé dans des mains étrangères (sans
  doute par les malheurs de la Révolution), se trouvoit transporté à
  Hambourg en 1795, et il étoit en vente... On ignore quelle est la
  personne qui en fit l'acquisition.» (Cette vente eut donc lieu
  onze ans après celle du duc de La Vallière.)

_Le troisième et dernier manuscrit de la_ Guirlande[53] _contient
quarante feuillets sur vélin in-octavo, écrits en_ lettres _bâtardes. Il
ne renferme que les madrigaux seuls, sans aucune peinture. La
reliure est la même que celle du manuscrit précédent (1641), parce
qu'ils furent présentés, tous les deux en même temps, à mademoiselle de
Rambouillet, par M. le duc de Montausier. L'on ignore absolument comment
il est passé dans la bibliothèque de M. le duc de La Vallière[54]. M. G.
Debure fils aîné, chargé de la vente de cette bibliothèque, l'a payé
quatre cent six livres, et en est actuellement le possesseur[55]
(1784)._

  [53] Ce manuscrit, sur vélin in-8º, relié en maroquin rouge,
  vient de la bibliothèque de l'abbé de Rothelin, dont il porte les
  armes, gravées en taille-douce, collées sur l'intérieur du
  premier carton de la couverture. Le Catalogue de l'abbé de
  Rothelin n'en faisant pas mention, il est probable qu'il aura été
  donné, par celui-ci, à M. de Boze en même temps que l'in-folio.
  Le corps de ce manuscrit commence à la page 3, par le madrigal de
  _Zéphire à Julie_; il finit à la page 70, et il est suivi d'une
  table de 5 feuillets, dressée comme celle de l'in-folio. Notre
  édition se trouve donc presque en tout point conforme à ce
  manuscrit, sur lequel _le recueil de Maurepas_ prit copie, et non
  sur l'in-folio, comme on semble généralement le supposer.

  [54] Ce volume manuscrit a sans doute suivi le destin du superbe
  in-folio: les acquéreurs de l'un se seront faits adjudicataires
  de l'autre, et ils durent ainsi fraternellement arriver dans la
  bibliothèque du duc de La Vallière, à la vente duquel le sort des
  enchères les sépara.

  [55] Brunet, dans le _Manuel du libraire_, annonce cet in-octavo
  vendu 406 francs à la vente La Vallière (no 3248, p. 384, t. II),
  622 francs à la vente d'Hangard, 250 francs à la vente de Febvre,
  et enfin 2,900 francs à la vente du dernier de Bure, qui eut lieu
  en 1853. Il fut alors acquis par M. le marquis de Sainte-Maure,
  dans la famille duquel il a dû rester.

_Ce manuscrit peut être regardé comme le chef-d'œuvre de M. Jarry,
parce qu'il excelloit encore plus dans les_ lettres bâtardes _que dans
les_ lettres rondes.

_Nous croyons ne pouvoir mieux finir cette Notice qu'en rapportant le
sonnet de Gilles Ménage, imprimé dans ses_ Miscellanea, Parisiis, 1652,
_in-4º, p. 124_.


SONNET

SUR

LA GVIRLANDE DE IVLIE[56]

    Sous ces ombrages verds la nymphe que j'adore,
    Ce miracle d'amour, ce chef-d'œuvre des Dieux,
    Avecque tant d'éclat vient d'ébloüyr nos yeux,
    Que Zephire amoureux l'auroit prise pour Flore.

    Son teint estoit plus beau que le teint de l'Aurore,
    Ses yeux estoient plus vifs que le flambeau des Cieux,
    Et sous ses nobles pas on voyoit en tous lieux
    Les roses, les jasmins et les œillets éclore.

    Vous qui, pour sa GVIRLANDE, allez cueillant des fleurs,
    Nourrissons d'Apollon, favoris des neuf sœurs,
    Ne les épargnez point pour un si bel ouvrage.

    Venez de mille fleurs sa teste couronner:
    Sous les pieds de IVLIE il en naît davantage
    Que vos savantes mains n'en peuvent moissonner.

  [56] Nous signalons l'analogie qui existe entre ce sonnet et
  celui de Voiture, qui débute ainsi:

    _Sous un habit de fleurs, la nymphe que j'adore_, etc.

  (Voyez l'édition de Voiture donnée par A. Ubicini. _Paris_,
  Charpentier, t. II, p. 309.)

Nous avons donné audience à M. de Gaignères pour la contexture et
l'histoire des trois manuscrits de Jarry; complétons sa Notice par
l'analyse succincte et aussi complète que possible des diverses copies
et éditions de la _Guirlande de Julie_.

C'est le _Recueil de Maurepas_ que nous citerons en premier lieu: Le
volume I de ce Recueil manuscrit[57] contient une copie prise
très-fidèlement, le 24 octobre 1715, sur le texte de l'in-8° de Jarry,
appartenant alors à M. le duc d'Uzès.

  [57] Recueil de chansons, vaudevilles, sonnets, épigrammes,
  épitaphes et autres vers satiriques et historiques, avec des
  remarques curieuses depuis 1389 jusqu'en 164... (Vol. 1er, p.
  527.)

  _Bibliothèque nationale_, département des manuscrits. FR. 12, 616.

En second lieu, dans un des manuscrits de Conrart[58] indépendant des
deux collections connues de la bibliothèque de l'Arsenal, nous voyons
une version très-incomplète des madrigaux de la _Guirlande_, parmi
lesquels plusieurs pièces aussi anonymes qu'inédites se trouvent mêlées.

  [58] Mélanges de vers et de prose, petit in-folio;
  belles-lettres, 145 pp. 1087 et suivantes. (Voyez Madrigaux
  inédits, p. 79 de ce vol.) _Bibliothèque de l'Arsenal_, mss., B.
  L., n° 151.

Ces deux copies manuscrites sont les seules dont nous ayons eu
connaissance.

Le recueil de Sercy[59] eut la gloire de mettre au jour les madrigaux
_imprimés_ de l'illustre _Guirlande_, mais c'est à l'édition de la Vie
du duc de Montausier, parue en 1729[60], que revient l'honneur d'une
première impression conforme au texte de l'in-folio manuscrit.

  [59] Poésies choisies de MM. Corneille, Benserade, de Scudéry,
  Bois-Robert, Cotin, etc., 5 vol. in-12. (_Paris_, Ch. de Sercy,
  1657-1666, t. II, p. 237.) A part les trois madrigaux de
  Corneille, aucune pièce de la Guirlande n'est signée dans ce
  recueil.

  [60] Vie de M. le duc de Montausier, gouverneur de Monseigneur le
  Dauphin, par N*** (Nicolas Petit), _Paris_, Rollin et Genneau,
  1729, 2 vol. Les madrigaux se trouvent à la fin du tome II.

Voici maintenant les éditions intégrales et successives de la _Guirlande
de Julie_:

1° LA GUIRLANDE DE JULIE, offerte à Mlle de Rambouillet, _Julie-Lucine
d'Angènes_, par M. le Marquis de Montausier. _Paris, de l'Imprimerie de
Monsieur_, 1784, in-8° de 82 pages[61].

  [61] M. Renouard, dans le _Catalogue d'un amateur_, prétend que
  cette édition de Didot (qu'on peut considérer comme édition
  princeps) fut tirée à 90 exemplaires, et Brunet affirme qu'elle
  le fut au moins à 250. De toutes manières, ce livre est devenu
  excessivement rare, et son prix est très-élevé dans les ventes où
  il figure.

2° LA GUIRLANDE DE JULIE, offerte à Mlle de Rambouillet, _Julie-Lucine
d'Angènes_, par M. le Marquis de Montausier, ornée de trente gravures
dessinées et peintes par Mme Legendre. _A Paris_, chez Mlle Adèle
Prudhomme, rue des Marais, no 18.--_H. Nicole et Pelicier._--_Imprimerie
de Didot le jeune_, 1818, in-18 carré, frontispice gravé, avec
vignette[62].

  [62] Cette édition, copie fidèle du texte de 1784, est sur papier
  vélin double satiné, et d'une forme carrée peu agréable. Bien que
  relativement rare, ce petit volume est orné de dessin-enluminés
  si médiocres d'exécution, qu'ils sembleraient destinés à un
  manuel de botanique plutôt qu'à la Guirlande de la belle
  Julie.--Il est douteux, comme le dit Nodier, que cette édition
  passe jamais du boudoir des dames dans le cabinet du bibliophile.

3° LA GUIRLANDE DE JULIE, expliquée par de nouvelles annotations sur les
madrigaux et sur les fleurs peintes qui la composent, par M. Amoreux, Dr
M{n}. _Gabon et Cie, Montpellier et Paris_, 1824, in-8°[63].

  [63] La Guirlande de Julie expliquée par les annotations de M.
  Amoreux suit le texte des éditions précédentes; mais les
  éclaircissements et notes de l'éditeur portent peut-être trop sur
  _la flore_ de chaque madrigal pour ne pas assez s'attacher au
  madrigal lui-même.--Cependant, bien que M. Amoreux se soit
  éloigné du but où il eût dû grouper ses notes, son édition est
  intéressante et digne d'être consultée.

4° LA GUIRLANDE DE JULIE, offerte à Mlle de Rambouillet par M. de
Montausier. _Paris_, N. Delangle, éditeur, 1826 (collection des Petits
Classiques françois)[64].

  [64] La collection des _Petits Classiques françois_, si
  recherchée aujourd'hui, a prêté sa charmante typographie à la
  _Guirlande de Julie_, qui en fait partie.--M. Ch. Nodier, associé
  de N. Delangle, s'est contenté de réimprimer élégamment l'édition
  de 1784, avec toutes ses erreurs, sans y joindre la moindre
  note.--C'est sous la forme d'un simple petit avertissement que le
  fin bibliophile a prouvé sa collaboration à cette nouvelle
  édition.

5° LA GUIRLANDE DE JULIE pour Mlle de Rambouillet, _Julie-Lucine
d'Angennes_. (Appendice de _Précieux et Précieuses_, par Ch. L. Livet.
_Paris_, Didier et Cie, in-8º, 1859; 2e édition, in-12, 1870[65]).

  [65] La galanterie de M. de Montausier ne pouvait être mieux
  précédée que de la riche étude des mœurs littéraires du XVIIe
  siècle que M. Ch. L. Livet peint si habilement dans _Précieux et
  Précieuses_. M. Livet nous introduit à l'hôtel de Rambouillet, où
  rien ne nous échappe. Avec lui nous vivons la vie de tous les
  littérateurs connus de l'époque; leur langage imagé refleurit
  comme aux beaux jours, et nous voyons vigoureusement dessinées,
  défiler devant nous, les silhouettes de Scudéry, Boisrobert,
  René, Le Pays, l'abbé Cotin, l'abbé d'Aubignac et tant
  d'autres.--C'est pour terminer cette étonnante résurrection et
  placer dans son vrai milieu l'œuvre de Montausier que M. Livet
  donne la _Guirlande de Julie_ à la fin de son volume.--Son
  édition est correcte, sérieuse, et revue avec le plus grand soin
  sur le manuscrit original que possède aujourd'hui M. le duc
  d'Uzès.

La bibliographie de ce livre aussi recherché que curieux se termine ici;
nous croyons avoir noté aussi consciencieusement que possible les faits
les plus saillants qui ont rapport à cet ouvrage; nous avons parlé de
ses manuscrits, de ses copies et de ses différentes réimpressions;
revenons donc à son _parrain_ et aux poëtes qui dans cette fête des
madrigaux prirent part, sur le Parnasse, à la nombreuse cueillette des
fleurs qui composèrent l'immortelle couronne.

Pendant son séjour à Paris, M. de Sainte-Maure, assidu à l'hôtel de
Rambouillet, vivait dans la plus parfaite intelligence avec les
familiers de la marquise. C'étaient chaque jour assauts de sonnets, de
rimes équivoques, d'épigrammes ou de rondeaux. Dans cette épicurienne
demeure des Muses, l'esprit sans cesse était en sentinelle et
l'impromptu sur le _qui-vive_, prêts à saisir la plus petite allusion ou
le moindre prétexte pour lancer un bon mot, une espièglerie, un rien
adorable. Aussi, lorsque l'occasion s'offrit à tous ces poëtes de faire
leur cour à la _princesse Julie_, ce fut par un enthousiasme général et
une pluie de fleurs qu'ils s'empressèrent d'y répondre.

L'ingénieuse conception de Montausier rallia vers un but unique les
talents les plus opposés; les flèches du madrigal furent mises en commun
dans le même carquois, la coquetterie de chacun fit trêve pendant
quelque temps pour laisser paraître la galanterie d'un seul. Enfin, il
se forma pour ce plan d'amour une association généreuse et spontanée,
une union fidèle, une fraternelle solidarité.

Les jardins d'Apollon furent dévalisés. C'était à qui apporterait les
plus belles fleurs ou en plus grand nombre[66], et Montausier vit venir
à lui, tous animés du même zèle, Arnauld d'Andilly père et fils, Arnauld
de Corbeville, Arnauld de Briotte, marquis de Pomponne; Chapelain,
Colletet, Corneille, Desmarests de Saint-Sorlin, Godeau, Gombaud, Habert
de Montmor; Habert, abbé de Cérisy; Habert, commissaire d'artillerie;
Malleville, Martin de Pinchesne, Scudéry, Tallemant des Réaux, et
jusqu'au vieux marquis de Rambouillet qui voulut, comme les autres,
attacher son petit madrigal à la Guirlande de sa fille Julie.

  [66] Voyez l'Avertissement que nous donnons aux _Madrigaux
  inédits_.

Voiture seul manquait à l'appel: poëte trop grand seigneur, et amoureux
pour son propre compte, il ne voulait pas être comparé. Il est vrai, à
ce que dit Tallemant, «que les chiens de M. de Montausier et les siens
n'ont jamais trop chassé ensemble[67]»; mais il est juste aussi
d'ajouter que le grand épistolier voyageait alors en Espagne[68], et
qu'il prit fièrement sa revanche plus tard par ses lettres et poésies à
l'adresse de Mlle de Rambouillet et sa riche métamorphose de _Julie en
Diamant_[69].

  [67] Tallemant des Réaux (Historiette de _Montausier le cadet_).
  Chapelain, dans une lettre écrite à Montausier, en Alsace (en
  avril 1640), confirme le bavardage de l'anecdotier; car, en
  parlant de Voiture, il l'appelle: _la suffisance de votre
  aversion_.

  [68] Voiture fit son voyage d'Espagne vers 1633, juste à l'époque
  où fut faite en principe la _Guirlande de Julie_ (d'après notre
  opinion), bien qu'elle n'ait été calligraphiée et offerte qu'en
  1641.

  [69] Ms. de Conrart, t. X, p. 604.

M. de Montausier composa seize madrigaux pour sa chère cruelle: l'amant,
comme on le voit, avait fait au poëte la part du lion; mais la muse
Erato n'inspira pas toujours le poëte comme elle l'aurait dû, et, bien
qu'il ait lutté sans trop de désavantage avec ses illustres émules, nous
ne pouvons disconvenir que quelques-unes de ses fleurs manquent de
coloris et paraissent maussades. L'_Alceste de l'hôtel de Rambouillet_
ne fut pas toujours exempt de cet esprit alambiqué qui fit jaillir la
pure critique de l'_Alceste de Molière_, et, de l'avis de Charles
Nodier, l'_Oronte_ de la comédie aurait trouvé place dans la
_Guirlande_[70].

  [70] Remarques préliminaires de l'édition donnée par Nodier et
  citée plus haut.

Claude de Malleville vient après Montausier par le nombre de madrigaux.
L'heureux poëte de la _Belle Matineuse_, qui remporta le prix sur tous
ses concurrents pour ce célèbre sonnet proposé au mérite[71], travailla
sur treize fleurs de la _Guirlande_, dont neuf furent insérées dans le
manuscrit original[72]; ses vers, galamment tournés, remplis de
délicatesse et de douceur, sont dignes assurément de ses autres poésies.

  [71] Malleville avait une telle facilité à composer des sonnets
  qu'il en fit trois pour la _Belle Matineuse_.--L'abbé Ménage les
  cite dans une dissertation curieuse qu'il a faite sur tous les
  sonnets que produisit cette manière de concours. D'après lui, ce
  sont des imitations d'Annibal, célèbre poëte italien qui avait
  traité le même sujet.

  [72] Voyez _Poésies de Malleville_, édition A. Courbé, Paris,
  1649, in-4°. Tous les madrigaux y figurent.--Nous avons ajouté à
  la fin de notre édition les quatre pièces qui manquent au
  manuscrit.

Georges de Scudéry vient ensuite avec un bouquet de douze fleurs
brillantes et diaprées, parmi lesquelles cinq seulement furent prises et
conservées par Montausier. Ces pièces, du fécond auteur d'_Alaric_, sont
empreintes d'une légère affectation, mais le sentiment qui les a dictées
est sincère[73], et l'on reconnaît vite d'ailleurs, sous l'aimable
tournure de ses madrigaux, le faire original du _Poëte guerrier_.
Scudéry rima souvent pour la marquise de Rambouillet et la charmante
Julie. Nous trouvons dans ses poésies, outre de longues stances à
Arthenice[74], le sixain suivant sur le portrait de Mme de Montausier,
_peinte sur marbre en habillement de Pallas, par Stella_[75]:

    Cette taille, ce port et cette majesté,
    Mieux que l'habillement, montrent la vérité
    De ce que le pinceau nous a voulu dépeindre.
        L'art icy n'a point voulu feindre,
        Et sans doute, ayant tant d'appas,
        Ou c'est IVLIE ou c'est PALLAS.

  [73] Voyez page 92: _Fleurs inédites de M. de Scudery_.

  [74] Scudery, _Poésies diverses_, Courbé, 1649, in-4°.--_Neptune
  à la nymphe de Seine pour Madame la marquise de Rambouillet_, p.
  257.

  [75] _Le Cabinet de M. de Scudery_, etc., _à Paris_, chez A.
  Courbé, 1646, in-4°, p. 124.--Ce portrait, sans doute égaré ou
  détruit, malgré toutes les recherches faites pour le découvrir,
  est complétement inconnu aujourd'hui.

Après Scudéry, Pierre Corneille apparaît, modestement dissimulé derrière
l'initiale C, et porteur de six fleurs qu'on attribua faussement à
Conrart[76]. Habitué de l'hôtel de Rambouillet, où de sa voix lente et
monotone il donnait la première lecture de ses tragédies[77], et digne
admirateur des vertus de Julie, l'auteur du _Cid_ ne pouvait rester
inactif dans ce tournoi galant: il abaissa donc mignardement son _vers_
ample et sonore au ton madrigalesque, son style fier et élevé devint
doucereux et fleuri, bref le grand tragique daigna changer sa manière et
laissa gracieusement coqueter sa plume pour le chef-d'œuvre de
Montausier.

  [76] Voyez l'_Histoire de Pierre Corneille_, par J. Taschereau,
  ainsi que les notes que nous donnons à la fin de notre édition
  sur les madrigaux signés C.

  [77] La Bruyère, _Caracteres_, ch. XII; Vigneul de Marville,
  _Mélanges d'histoire et de littérature_, t. I, p. 167.

Guillaume Colletet[78], au contraire, poëte bon vivant et madrigalier
par tempérament, semble mal à l'aise et un peu guindé dans les quatre
pièces qu'il écrivit pour la _Guirlande_. Sa muse, comme celle de
Villon, s'abandonnait au débraillé, aux chansons à boire et aux sonnets
grivois, et l'_époux de Claudine_, qui prenait d'habitude ses divinités
en bas lieu, dut se trouver cérémonieusement intimidé lorsqu'il eut à
chanter la chaste beauté de Julie.

  [78] Guillaume Colletet, académicien en 1634 et mort en 1659,
  paraît être un poëte du XVIe siècle égaré dans le XVIIe. Sa
  fécondité fut énorme et son talent trop peu goûté. Cet épicurien
  passa sa vie entre Apollon et Bacchus, sans s'embarrasser du
  lendemain; aussi, mourut-il pauvre, et Chapelain, dans ses
  _Lettres_, dit qu'il fallut quêter pour l'enterrer.--Voyez:
  _Histoire de l'Académie françoise_; Moreri, _Dictionnaire_, et
  _les Grotesques_, de Th. Gautier, qui a peint avec son coloris
  habituel ce _bohème_ d'un autre âge.

Philippe Habert, le commissaire de l'artillerie et l'auteur du _Temple
de la mort_[79], attacha trois fleurs à la couronne poétique offerte à
Julie: le _Narcisse_ et deux _Soucis_. Ses madrigaux sont d'une finesse
et d'une élégance remarquable, le troisième surtout, le plus connu après
celui de Desmarests, est poussé dans le dernier galant:

    Ne pouvant vous donner ni Sceptre, ni Couronne,
    Ni ce qui peut flatter les cœurs ambitieux,
    Recevez ce _Soucy_, qu'aujourd'huy je vous donne
    Pour ceux que tous les jours me donnent vos beaux yeux.

  [79] Philippe Habert, l'un des premiers de l'Académie française,
  en 1629, _mourut dans l'année 1637_. Comme la _Guirlande de
  Julie_ ne fut écrite et offerte qu'en 1641, c'est donc une
  nouvelle preuve qui confirme notre opinion _sur la date de 1632_,
  où fut commencée la _Guirlande de Julie_.--Les poésies diverses
  de cet auteur se trouvent dans différents recueils, et, si l'on
  en croit Sorel dans sa _Bibliothèque françoise_, quelques-unes
  furent mises au jour en un volume.--Son principal ouvrage est le
  _Temple de la mort_, qui, selon Pellisson, est une des plus
  belles pièces de notre poésie française.

Ce joli quatrain n'est-il pas d'un tour spirituel et d'une grâce
parfaite!

Simon Arnauld, marquis de Pomponne[80], choisit avec délicatesse le
_Muguet_, la _Fleur de grenade_ et la _Perce-Neige_. Il traita avec goût
ces trois sujets, qu'il signa du nom de _De Briotte_, sorte de
pseudonyme dont le futur grand ministre ornait volontiers les
productions poétiques de sa jeunesse.

  [80] Simon Arnauld de Pomponne, né en 1618, mort en 1699, est
  fils d'Arnauld d'Andilly et neveu du grand Arnauld. Il succéda à
  M. de Lionne aux affaires étrangères, et c'est sous son ministère
  que fut conclue la glorieuse paix de Nimègue. Voyez les _Mémoires
  du marquis de Pomponne_, publiés en 2 vol. in-8º, à Paris, en
  1862. On trouve, dans le tome II du _Recueil de poésies
  diverses_, par M. de La Fontaine, pages 113 et 114, un fort beau
  sonnet pour le _tombeau de M. le duc de Weymar_, et une ode
  superbe _sur la Sagesse_, de la composition de M. de Pomponne.

D'Andilly le fils se décida pour le _Soucy_ (sous le nom de Clytie) et
la fleur de _Thym_; il se fit l'avocat de ces deux fleurs d'une manière
si correctement adulatrice, que Julie d'Angennes dut prendre souvent
plaisir à regarder le feuillet de vélin où elles s'épanouissaient dans
leur élégance raffinée.

Desmarests, sieur de Saint-Sorlin[81], qu'on nommait le plus fou de tous
les poëtes, et le meilleur poëte qui fût entre les fous, prouva, à
l'occasion de la _Guirlande_, que s'il savait composer de longs et
innombrables poëmes, il pouvait faire également de petits et délicieux
madrigaux.--Il se présenta avec deux quatrains: l'un sur les _Lys_,
l'autre sur la _Violette_; le premier d'un charme agréable, mais
peut-être équivoque; le second tendrement expressif et d'un mouvement si
emblématiquement vrai, qu'il l'emporte en franche beauté sur tous les
autres madrigaux du recueil de Montausier. Il est impossible d'exprimer
une prétention plus noble sous une forme aussi humblement séduisante. La
_Violette_ de Desmarests a conservé sa fraîcheur et son parfum délicat.
Elle brille encore aujourd'hui dans tout son éclat, et la coquette
petite fleur demeurera assurément immortelle dans notre poésie comme un
parangon symbolique de grâce modeste et de timide hardiesse.

  [81] Jean Desmarests de Saint-Sorlin fut reçu à l'Académie
  française en 1634, et mourut à Paris en 1676, âgé de plus de 80
  ans. Outre son poëme de _Saint Louis_, le plus connu, il en
  composa dix autres, plus ses pièces de théâtre: _les
  Visionnaires_, _Roxane_, _Scipion_, _Mirame_, et _l'Europe_.
  Quantité de pièces de vers de ce fécond auteur se trouvent à la
  fin de ses œuvres de théâtre et dans différents recueils de
  poésies. Voyez: _Histoire de l'Académie française_; Dictionnaires
  de _Bayle_ et de _Moréri_; Baillet, _Jugement des Sçavans sur les
  poëtes modernes_, etc.

Le père Le Moyne[82], auteur du poëme héroïque de _Saint Louis_, fit
par la suite une si ingénieuse _Métamorphose de la Violette_, que nous
n'hésitons pas à la citer comme une charmante paraphrase du quatrain de
Desmarests.

La voici:

    L'humble et timide violette
    Craint de montrer aux yeux du jour
    L'infortune de son amour,
    Depuis la faute qu'elle a faite.
    Sans ajustement et sans fard,
    Elle n'emprunte rien de l'art:
    Son habit est simple et modeste,
    Et son visage sans couleur,
    Dans le repentir qui lui reste,
    En fait un voile à sa douleur.

  [82] _OEuvres poétiques_ du père Le Moyne, in-f°, 1672, p.
  446.--A l'exemple de Montausier, sans doute, le père Le Moyne
  offrit à Mlle d'Angenois une _guirlande_ composée de fleurs du
  Parnasse cueillies par la main des Muses. Nous n'avons pu trouver
  le texte exact de cette nouvelle _Guirlande_, dont nous n'avons
  eu connaissance que par la lettre d'envoi (p. 330. _Epître en
  vers_). Dans ce même volume (p. 435), nous trouvons la douce
  épigramme suivante sur le _portrait de Julie_:

    Sage et noble _Julie_, estoit-ce pas assez
    Qu'avecque ton esprit, qu'avecque ton visage,
    Aux illustres du temps et des âges passez
    Ton heureuse naissance eust osté l'avantage,
    Sans que ce beau portrait demeurât pour ternir
        Celle des siècles à venir.

Sans avoir l'attrait ni la forme succincte du madrigal de Desmarests,
l'œuvre du père Le Moyne est assez gracieuse pour figurer à sa suite.

Habert, l'abbé de Cérisy[83], celui-là même qui sut traiter avec un goût
achevé un poëme d'environ 700 vers _sur la métamorphose des yeux de
Philis en Astres_, pouvait d'autant plus aisément se faire l'interprète
de la _Rose_ et du _Narcisse_ en faveur de _Julie_.--Il prêta à ces
deux fleurs un langage de piquante courtoisie, qui, dans son exquise
politesse, laisse percevoir le genre d'esprit de cet excellent écrivain.

  [83] Germain Habert, abbé de La Roche, abbé et comte de Cérisy,
  frère de Philippe Habert, commissaire de l'artillerie, cité plus
  haut.--L'abbé de Cérisy fut un des premiers de l'Académie. Il a
  donné: en prose, _La vie du cardinal de Berulle_, in-4°, Paris,
  1646;--_La métamorphose des yeux de Philis en Astres_, in-4°,
  _Paris_, 1639.--Il fit beaucoup d'autres vers non imprimés.--Mort
  en 1654.--Voyez la _Muse historique_ de Loret, _Gazette_ du 6
  juin 1654.

La majesté des _Lys_ tenta par deux fois Martin, sieur de Pinchesne[84],
qui fit deux madrigaux sur ces fleurs royales.--Ce poëte ne fut pas
divinement inspiré en cette occurrence, mais on ne saurait le juger sur
cette œuvre de civilité: les Muses ne répondent pas toutes les fois
qu'on les appelle, et le neveu de Voiture déploya assez de talent par la
suite pour qu'on puisse le considérer comme le plus injustement négligé
parmi les oubliés du XVIIe siècle.--De Pinchesne fut un des chantres les
plus fidèles des beautés de _Julie_, et après la mort de Madame de
Montausier il gravait encore sur son tombeau le sonnet suivant:

    Tout ce qui peut rester d'une brillante vie,
    Quand la mort en a mis la dépouille au tombeau,
    Reste encore de _Julie_ en un estat si beau
    Qui d'honneurs immortels rend sa perte suivie.

    Son âme, aux lois du temps cessant d'être asservie,
    Ne se ferme aux rayons du céleste flambeau
    Que pour s'ouvrir au jour d'un autre tout nouveau,
    Dont elle est dans la gloire heureusement ravie.

    Tandis que ses beaux ans furent en leur esté,
    Jamais tant de vertu, d'esprit et de clarté
    N'ont rendu parmi nous un mérite célèbre.

    Ses beaux ans ne sont plus, mais son nom vit toujours,
    Et la nuit ny l'oubli de l'empire funèbre
    Jamais sous le soleil n'en borneront le cours.

  [84] Estienne Martin, sieur de Pinchesne, contrôleur ancien et
  vétéran de la maison du roy, né en 1616, mort en 1705.--Ce poëte,
  neveu de Voiture (dont il fit l'éloge en tête de ses œuvres),
  était fort jeune lorsqu'il composa ses madrigaux pour la
  _Guirlande_. Les poésies qu'il fit par la suite marquent un
  talent original et personnel, une imagination vive et colorée,
  une forme correcte et pure.--Boileau ayant dédaigné de le
  débarbouiller de son fiel, il est resté inconnu des chercheurs de
  nos jours. Voyez:

  1° _Poésies meslées_ du sieur de Pinchesne, dédiées à Monseigneur
  le duc de Montausier, in-4º, 1672;

  2° _Amours et poésies chrestiennes_ de M. de Pinchesne, in-4º,
  1674;

  3° _Géorgiques_ de Virgile, traduites en vers françois par Martin
  de Pinchesne, in-8, Rouen, 1708.

Il nous reste à noter les huit poëtes qui, bornant leur ambition à un
seul madrigal, choisirent avec recherche, sur les fertiles coteaux de
l'Hélicon, la fleur unique dont ils devaient orner le front de Julie.

Commençons par Chapelain[85] et son altière _Couronne Impériale_, qui
fut si goûtée à l'hôtel de Rambouillet. M. de Gaignères parle assez
longuement dans sa Notice du sujet allégorique traité dans ce madrigal;
nous ne jugerons donc que l'œuvre en elle-même.--Chapelain s'était si
puissamment imposé à son époque, avant la pénible apparition de son
poëme, que _de fait il ne pouvait être médiocre_. Les quelques pièces
qu'il donnait en à-compte sur _son colossal chef-d'œuvre_, étaient
saisies, admirées, exaltées avec une telle passion, que c'eût été un
crime de ne pas s'extasier.--Aujourd'hui nous pouvons considérer la
_Couronne Impériale_ avec un sens plus rassis et exempt de ce prisme
d'enthousiasme qui fit regarder le créateur de la _Pucelle_ comme le
premier poëte du monde, et, à l'avouer franchement, le madrigal de
Chapelain nous semble légèrement boursouflé et d'une allure un peu trop
majestueuse pour l'harmonie générale et l'ensemble bien caractérisé de
la _Guirlande_.

  [85] L'abbé Goujet, dans sa _Bibliothèque françoise_ (tome XVII,
  p. 373), attribue à Chapelain, outre la _Couronne Impériale_, une
  pièce intitulée _l'Aigle de l'Empire à la princesse Julie_. Cette
  épistre de 96 vers environ, qui est insérée dans le Recueil de
  Sercy (tome V, p. 400), ne peut être de Chapelain, car elle se
  trouve signée des initiales D. M. (sans doute Desmarests). Dans
  le même Recueil se trouve une pièce qui est assurément de
  Chapelain, c'est un sonnet sur le mariage de M. le marquis de
  Montausier. Voyez, sur la _Couronne Impériale_, la note 2, aux
  _Notes et Variantes_.

Godeau[86], par contre, trouva pour sa _Tulipe_ une forme fraîche et
idyllique; il donna à son vers l'élégance et le tour agréable de la
pastorale, et le madrigal du _Nain de la princesse Julie_ est si
honnêtement troussé et d'une physionomie si colorée que l'on s'étonne,
en le regrettant, que M. _de Vence_ ait presque exclusivement consacré
son talent à rimer des psaumes et à versifier des méditations
chrétiennes et des églogues sacrées.

  [86] Antoine Godeau, évêque de Grasse et de Vence, de l'Académie
  française; né vers 1605, mort en 1672. Les ouvrages de Godeau
  sont tellement considérables que nous renvoyons au _Catalogue
  académique_, dressé par l'abbé d'Olivet.--M. de Grasse présida au
  mariage du marquis de Montausier et de _Julie d'Angennes_. «Ce
  fut à Rueil que les nopces se firent, dit Tallemant, et par une
  rencontre plaisante, celuy qu'on appeloit autrefois _le Nain de
  la princesse Julie_ fut celuy-là même qui les espousa.»

D'Andilly le père[87] drapa royalement ses _Lys_, sous son inspiration.
Ils dressent noblement la tête et donnent à Julie, dans un langage
pompeux, les marques de la plus haute courtoisie.

  [87] Robert Arnaud d'Andilly, né le 28 mai 1589, mort le 27
  septembre 1674.--M. d'Andilly composa de nombreux ouvrages de
  poésies chrétiennes, qui (au dire d'un de ses contemporains) font
  autant d'honneur aux lettres qu'à la religion.--Voyez la piquante
  historiette de Tallemant des Réaux sur ce _saint homme_.

Le vieux Gombaud[88], en vétéran du madrigal, paya d'un fier et
magistral quatrain sur l'_Amaranthe_, les bontés et les douces
attentions que les Rambouillet lui prodiguaient dans sa fortune adverse.

  [88] Jean Ogier de Gombaud, de l'Académie françoise, né vers
  1570, mort en 1666.--Voyez, sur ce curieux poëte, l'historiette
  de Tallemant, et le portrait si originalement étudié par Paul de
  Musset dans les _Originaux du XVIIe siècle_, Paris, Charpentier,
  1848.

L'auteur des _Historiettes_, le _calomniographe_ Tallemant des
Réaux[89], montra un échantillon de son savoir-faire galant dans un
madrigal sur les _Lys_, et il s'en tira assez délicatement pour
recevoir tous les éloges.

  [89] Gédéon Tallemant, seigneur des Réaux, né en 1619, mort en
  1692. MM. Monmerqué et Paulin-Paris ont écrit sur Tallemant une
  longue et savante étude, insérée dans les _Historiettes_,
  publiées chez Techener.

Arnauld de Corbeville[90] emprunta le pinceau de Flore pour donner le
plus vif coloris et les tons les plus fins à la fleur qu'il cueillit; sa
_Tulipe_, superbe d'éclat, reste l'emblème du plus parfait amour sous la
forme la plus élégante.

  [90] Pierre-Arnauld de Corbeville, mestre de camp, général des
  carabiniers, de la grande famille des Arnauld, que Balzac
  appelait la _famille éloquente_: mort en 1651.--Voiture parle
  souvent de lui dans ses poésies et ses lettres, et c'étoit au
  moins, dit Tallemant, le _Racan_ de Voiture en poésie burlesque.

Habert de Montmor[91] eut le choix original; il rima sur une robuste
mais modeste petite fleur: La blanche _Perce-Neige_ prêta à
l'imaginative de l'auteur une grâce et un esprit qui font de son
madrigal un des plus réussis de la _Guirlande_.

  [91] Henri-Louis Habert, sieur de Montmor, conseiller du roy en
  ses conseils, maître des requêtes, de l'Académie française, et
  cousin de Philippe et Germain Habert, cités plus haut.--Mort vers
  1635.--Cet auteur fit peu de vers français; à part quelques
  épigrammes, on ne connaît de lui que des études latines.

Le marquis de Rambouillet[92] enfin, qui n'était assurément pas le
courtisan ordinaire des Muses, essaya, pour la première fois peut-être,
de les invoquer, afin de couronner son admirable fille. A travers la
métamorphose de l'_Hyacinthe_ qu'il choisit, il trouva matière à un
aimable sixain, assez agréablement tourné pour faire honneur à un poëte
de profession.

  [92] Charles d'Angennes, marquis de Rambouillet, né en 1577, mort
  en 1652.

Avec le père de la princesse Aminte se termine notre étude sur la
_Guirlande_. Nous aurions pu étendre cette Notice, l'augmenter de
nombreuses pièces, y joindre des poésies à la louange de Julie, et faire
ressortir davantage la _flore_ de chaque madrigal; mais nous avons
craint d'alourdir de trop de plomb le fragile canevas sur lequel se
joue, en légères arabesques, la délicatesse des plus doux madrigaux.

Nous avons reproduit avec une grande exactitude, l'orthographe de la
_Guirlande de Julie_, extrêmement surannée même pour l'époque où elle
fut calligraphiée par le célèbre Jarry. Après avoir revu sur tous les
textes connus le texte original de l'œuvre de Montausier, nous en avons
minutieusement recueilli les variantes pour les placer à la fin de ce
volume, et, sans vouloir parler du luxe typographique dont nous
entourons cette réimpression, nous croyons, grâce aux sérieuses études
auxquelles nous nous sommes livré, donner une édition justement
recommandable par sa clarté, ses annotations, ses documents inédits et
les soins scrupuleux que nous avons apportés dans les plus petits
détails.

La _Guirlande de Julie_ devait figurer dans notre collection des _Poëtes
de ruelles_ au XVIIe siècle.--Le concours de tant de brillants esprits,
réunis pour une œuvre si fameuse qu'elle est, en quelque sorte devenue
classique, est d'un vif attrait pour la savante curiosité des
lettrés.--Nous ne prétendons pas cependant présenter au public un
chef-d'œuvre littéraire: ces petites pièces de poésie, ainsi que nous
le fait remarquer un bibliographe judicieux, ont un mérite assez mince
quand on les considère séparées des peintures pour lesquelles elles ont
été faites, et privées d'une circonstance unique dans l'histoire de la
galanterie; mais, en souvenir et pour le respect que nous portons à Mlle
de Rambouillet, la _Guirlande de la princesse Julie_ restera toujours le
livre de l'imagination la plus française, l'Anthologie galante la plus
précieuse de notre littérature, et comme un monument d'illustre
courtoisie, à cette époque admirable et de suprême politesse où le
talent tenait à honneur de couronner dignement et de fleurs immortelles
la vertu, le mérite et la beauté.

    OCTAVE UZANNE.

[Illustration]

[Illustration]



    LA
    GVIRLANDE
    DE
    IVLIE,

    pour
    Mademoiselle de Rambouillet,
    IVLIE-LVCINE
    D'ANGENNES.

    [Illustration]

    Escript par N. Jarry.
    1641



[Illustration]



ZEPHIRE A IVLIE[1].

_Madrigal._


          Recevez, ô Nymphe adorable,
          Dont les cœurs reçoiuent les loix,
          Cette COVRONNE, plus durable
    Que celle que l'on met sur la teste des Roys.
          Les Fleurs dont ma main la compose
    Font honte à ces Fleurs d'or qu'on voit au Firmament;
          L'eau dont Permesse les arrose
    Leur donne vne fraîcheur qui dure jncessamment:
          Et tous les jours ma belle Flore,
          Qui me chérit et que i'adore,
          Me reproche, auecque courroux,
          Que mes soupirs iamais pour elle
          N'ont fait naistre de Fleur si belle
          Que i'en ay fait naistre pour vous.

     De M. le marquis DE MONTAUSIER.

[Illustration]



[Illustration]



LA COVRONNE IMPERIALE[2].

_Madrigal._


            Ie suis ce Prince glorieux
            De qui le bras victorieux
    A terracé l'orgueil d'vn redoutable Empire.
    Au plus froid des climats je me sentis brusler
    Par vn nouueau Soleil que l'vniuers admire,
    Et que celuy des Cieux ne sçauroit égaler.
    Du riuage inconnu de l'aspre Corélie,
    Où la mer sous la glace est toute enseuelie,
    Le flambeau de l'Amour mes voiles conduisant,
    Ie vins pour rendre hommage à l'auguste IVLIE;
    Mais, iugeant ma Couronne vn indigne présent,
    Ie voulus conquérir le riche Diadême
    Dont iadis les Cæsars en leur pompe suprême
          Eurent le front si reluisant.
    Au comble d'vn succés qui les peuples étonne,
    Vainqueur des ennemis et vaincu du malheur,
    Ie rencontray la mort dans le champ de Bellonne.
    L'Amour vid mon désastre, et, flattant ma douleur,
        Me conuertit en vne illustre Fleur
        Que de l'EMPIRE il nomma la COVRONNE.
    Ainsi ie fus le prix que cherchoit ma valeur,
    Ainsi par mon trépas i'acheuay ma conqueste.
    En cet état, IVLIE, accorde ma requeste,
          Sois pitoyable à ma langueur;
          Et si ie n'ay place en ton cœur,
          Que ie l'aye au moins sur ta teste.

      De M. CHAPELAIN.

[Illustration]


LA COVRONNE IMPERIALE.

_Madrigal._

    BIEN que de la Rose et du Lys
    Deux Roys, d'éternelle mémoire,
    Facent voir leurs fronts embellis,
    Ces Fleurs sont moindres que ta gloire;
    Il faut vn plus riche ornement
    Pour récompenser dignement
    Vne vertu plus que Royale;
    Et si l'on se veut acquitter,
    On ne peut moins te présenter
    Qu'vne COVRONNE IMPERIALE.

     De M. DE MALLEVILLE.

[Illustration]


LA COVRONNE IMPERIALE[3].

_Madrigal._

    Qvelqve diuersité que le parterre étale,
        Ie me treuve sans effroy:
        LA COVRONNE IMPERIALE
        Est seule digne de toy.
        Tant de Fleurs que la nature
        Esmaille de sa peinture
        N'ont rien qu'on doiue estimer.
        Voy l'éclat qui m'enuironne:
        Moy seule fais LA COVRONNE
    Que tant d'autres ensemble ont peine de former.

     De M. DE SCUDERY.

[Illustration]



[Illustration]



LA ROSE.

_Madrigal._


    Alors que ie me voy si belle et si brillante,
    Dans ce teint dont l'éclat fait naistre tant de vœux
    L'excés de ma beauté moy-même me tourmente;
    Ie languis pour moy-même, et brusle de mes feux,
    Et ie crains qu'aujourd'huy la ROSE ne finisse
    Par ce qui fit iadis commencer le Narcisse.

     De M. HABERT, abbé de Cérisy.

[Illustration]


LA ROSE[4].

_Madrigal._

    Devant ce teint d'vn beau sang animé,
    Ie ne parois que pour ne plus paroistre;
    Ie n'ay plus rien de ce lustre enflamé
    Que de Vénus le sang auoit fait naistre.
    Le vif éclat de ce teint nompareil
    Me fait paslir, accuser le Soleil,
    Seicher d'enuie et languir de tristesse.
    O sort bizarre! ô rigoureux effet!
    Ce qu'a produit le sang d'vne Déesse,
    Le sang d'vne autre aujourd'huy le défait.

     De M. DE MALLEVILLE.

[Illustration]


LA ROSE[5].

_Madrigal._

    Assise en majesté sur vn Throsne d'épines,
          Ie porte le Sceptre des Fleurs,
    Qui cédent à l'éclat de mes grâces diuines,
    Quand l'Aurore au matin m'arrose de ses pleurs;
          Mais, beauté que le monde adore,
          Et qui sçais doucement rauir,
    I'estime beaucoup plus l'honneur de vous seruir
    Que celuy de régner dans l'Empire de Flore.

     De M. le marquis DE MONTAUSIER.

[Illustration]


LA ROSE.

_Madrigal._

    Si vous n'auiez banny l'ardeur démesurée
    Qui du cœur des mortels fait triompher l'Amour,
    Ma beauté prés de vous seroit mal assurée:
    Aux chaleurs de l'esté ie ne dure qu'vn jour.
    Mais vn sort plus heureux en ce lieu m'enuironne:
    Le temps, dont le pouuoir de toute chose ordonne,
    Par vos charmes puissans se trouue surmonté;
    I'ay de vous obtenu la faueur desirée,
    Et sur vostre visage, où règne la beauté,
            Ie suis d'éternelle durée.

     De M. COLLETET.

[Illustration]


LA ROSE[6].

_Madrigal._

        Qvoy que la Fable nous raconte,
        Iamais la Reine d'Amathonte
    Ne changea ma couleur ni mon lustre ancien.
    Si quelque trait de flame à ma neige s'allie,
    C'est de honte que i'ay que le teint de IVLIE
    Est estimé plus frais et plus beau que le mien.

     De M. COLLETET.

[Illustration]



[Illustration]



LE NARCISSE[7].

_Madrigal._


    Ie consacre, IVLIE, vn NARCISSE à ta gloire;
    Luy-mesme des beautez te céde la victoire.
    Estant iadis touché d'vn amour sans pareil,
            Pour voir dedans l'eau son image,
            Il baissoit toujours son visage,
    Qu'il estimoit plus beau que celuy du Soleil.
    Ce n'est plus ce dessein qui tient sa teste basse;
    C'est qu'en te regardant, il a honte de voir
              Que les Dieux ont eu le pouuoir
    De faire vne beauté qui la sienne surpasse.

     De M. le marquis DE MONTAUSIER

[Illustration]


LE NARCISSE[8].

_Madrigal._

            Ie suis ce NARCISSE fameux
    Pour qui iadis Echo répandit tant de larmes,
    Et de qui les appas ne cédent qu'à vos charmes,
            Qui viens pour vous offrir mes vœux.
            Qu'on m'accuse, _belle Ivlie_,
    D'auoir en ce dessein plus de temerité
            Que ie n'eus iamais de folie
            Adorant ma propre beauté,
    Ie ne puis m'empescher de commettre ce crime,
            Ie le trouue trop glorieux.
    Oyez donc ce discours que ma pasleur exprime,
            Et qui ne s'entend que des yeux:
            Si vous me voyez le teint blesme,
            Ce n'est plus moi, c'est vous que i'ayme.

     De M. le marquis DE MONTAUSIER.

[Illustration]


LE NARCISSE[9].

_Madrigal._

          Epris de l'amour de moy-même,
    De Berger que i'estois ie deuins vne Fleur;
          Faites proffit de mon malheur,
    Vous que le Ciel orna d'vne beauté suprême;
          Et pour en euiter les coups,
    Puisqu'il faut que tout ayme, aymez d'autres que vous.

     De M. HABERT, cap. de l'artillerie.

[Illustration]


LE NARCISSE[10].

_Madrigal._

    Qvand ie voy vos beaux yeux si brillans et si doux,
    Qui n'ont plus desormais rien à prendre que vous,
    Leur éclat m'est suspect, et pour vous i'appréhende.
    Souuent ce riche don est chérement vendu:
    Je sçay que ma beauté ne fut jamais si grande,
    Et pourtant chacun sçait comme elle m'a perdu.

     De M. HABERT, abbé de Cérisy.

[Illustration]



[Illustration]



L'AMARANTHE[11].

_Madrigal._


    Ie suis la Fleur d'Amour, qu'AMARANTHE on appelle,
    Et qui viens de IVLIE adorer les beaux yeux.
    Roses, retirez-vous, i'ay le nom d'Immortelle!
    Il n'appartient qu'à moy de couronner les Dieux.

     De M. DE GOMBAUD.

[Illustration]



[Illustration]



L'ANGELIQVE.

_Madrigal._


    Recevez mon service, adorable IVLIE,
    Seule que la nature a fait naistre accomplie.
    Ah! que i'estimeray mon destin glorieux,
    Si vôtre belle main sur vos cheueux m'applique!
            Ie suis fauorite des Cieux,
            Ie porte le nom d'ANGELIQVE;
    Mais ie n'ignore pas qu'au jugement de tous,
            Ie la suis beaucoup moins que vous.

     De M. le marquis DE MONTAUSIER.

[Illustration]


L'ANGELIQVE[12].

_Madrigal._

    Qvand toutes les Fleurs prennent place
    Sur l'yuoire de vôtre front,
    Il faut par raison que ie face
    Ce que par audace elles font;
    Et certes, si la voix publique
    Me nomme par-tout ANGELIQVE,
    Et me donne tant de renom,
    Ie répons mal à ses louanges,
    Et ne mérite plus mon nom,
    Si ie ne couronne les Anges.

     De M. DE MALLEVILLE.

[Illustration]



[Illustration]



L'OEILLET.

_Madrigal._


            Bien que dans l'Empire des Fleurs
            I'espere emporter la Couronne
            Dessus toutes mes autres sœurs,
            Au moins si la beauté la donne,
            Deuant ton teint vif et vermeil,
    De qui l'effet, plus grand que celuy du Soleil,
    Des cœurs les plus gelez fond la plus dure glace,
    Mon éclat se ternit et mon lustre s'efface;
    Mais dessus tes cheueux ie reprens ma beauté,
    Et i'emprunte de toy ce que tu m'as osté.

     De M. le marquis DE MONTAUSIER.

[Illustration]



[Illustration]



LA FLEVR DE THIN[13].

_Madrigal._


    Sans beauté, sans grandeur, sans éclat et sans grace,
    Ie nays, par un arrest de mon jniuste sort,
        Incapable d'vn bel effort
        Pour acquérir l'illustre place
    Où mon ambition m'ose faire aspirer.
        Toutesfois, ô belle IVLIE,
    Si de tes doux regards tu daignes m'éclairer,
    Ie renaistray par eux de tant d'attraits remplie
        Que i'auray suiet d'espérer
    De rendre ta COVRONNE et ma gloire accomplie.
        Sois donc fauorable à mes vœux,
    Embellis ma laideur, releue ma bassesse,
        Des Destins montre-toy maîtresse,
    Metz-moy, malgré leur haine, en vn état heureux.
    La Nature, pour moy non moins barbare qu'eux,
        En vain t'oppose ses obstacles;
    Tes beaux yeux chaque iour font de plus grans miracles.

     De M. D'ANDILLY le filz.



[Illustration]



LE IASMIN.

_Madrigal._


    Cavse de tant de feux, source de tant de pleurs,
          _Ivlie_, accorde ma requeste;
          Comme à toutes ces autres Fleurs,
          Donne-moy place sur ta teste:
          Deuant le lustre de mon teint
          L'éclat des plus beaux Lys s'éteint;
          Par tout ailleurs ie leur fais honte;
    Seulement dans ton sein leur blancheur me surmonte.

     De M. le marquis _de Montausier_.

[Illustration]



[Illustration]



L'ANEMONE.

_Madrigal._


          Ie m'offre à vous, belle IVLIE,
          Mais ne refusez pas mes vœux;
    La COVRONNE qu'on met dessus vos beaux cheueux
          Sans moy ne peut estre accomplie.
    Ie dois entre les Fleurs tenir le premier rang;
    On ne sçauroit cueillir que parmy les épines
    Cette Fleur que Vénus fit naistre de son sang,
    Et ie n'en mesle point à mes beautez diuines;
          Mais l'éclat de votre beauté
          M'accuse de temerité,
          Ie céderai toujours aux Roses,
    Tandis qu'elles seront sur vôtre teint écloses.

     De M. le marquis DE MONTAUSIER.

[Illustration]



[Illustration]



LA VIOLETTE[14].

_Madrigal._


    Franche d'ambition, ie me cache sous l'herbe,
    Modeste en ma couleur, modeste en mon séiour;
    Mais si sur vostre front ie me puis voir vn jour,
    La plus humble des Fleurs sera la plus superbe.

     De M. DES MARESTZ.

[Illustration]


LA VIOLETTE.

_Madrigal._

    De tant de Fleurs par qui la France
    Peut les yeux et l'ame rauir,
    Vne seule ne me deuance
    Au juste soin de te seruir.
    Que si la Rose en son partage
    Fait gloire de quelque auantage
    Que le Ciel daigne luy donner,
    Elle a tort d'en estre plus fiére,
    I'ay l'honneur d'estre la premiére
    Qui naisse pour te couronner.

     De M. DE MALLEVILLE.

[Illustration]



[Illustration]



LES LYS.

_Madrigal._


    Merveille de nos jours, dont les charmes vainqueurs
    Rauissent les esprits et regnent dans les cœurs,
    Rare present du Ciel, adorable IVLIE;
    Lors que toutes les Fleurs d'vn email precieux
    Viennent rendre à l'enuy ta COVRONNE embellie,
    C'est sur moy que tu dois arrester tes beaux yeux.
      De la Reyne de l'air ie suis la fleur diuine,
    Ma blancheur de son lait tire son origine,
    Il se fait voir encor sur mon teint sans pareil;
    Et le Dieu dont les loix forment la destinée
    Veut que le plus grand Roy qu'éclaire le Soleil
    Ayt de moy seulement la teste couronnée.
      Au temple de Thémis ie preside auec luy;
    Son Throsne glorieux est mon illustre appuy;
    La valeur de ce Mars fait pour moy des miracles,
    Et ie dois espérer que par son bras puissant
    S'accompliront bien-tôt les celebres oracles
    Qui me promettent place au dessus du Croissant.
      Mais parmy ces grandeurs, le bruit de ton merite
    A me donner à toy si fortement m'jnuite,
    Que ie veux de ma gloire enrichir ta beauté.
    En vain toutes les Fleurs, dans leur pompe suprême
    Se vantent de t'orner d'vn Royal Diadême,
    Leur plus superbe éclat n'a point de majesté.
      Nulle autre que le LYS sans audace n'aspire
    A te rendre vn honneur qui soit digne de toy:
    Elles parent ton front, et ie t'offre vn Empire,
    Puis qu'en te couronnant, ie t'égale à mon Roy.

     De M. D'ANDILLY.

[Illustration]


LES LYS[15].

_Madrigal._

          Le plus ardent de tous mes vœux
          Est de couronner tes cheueux,
          Et ie croy, si ie ne me flatte,
    Que ie puis aspirer à cet honneur nouueau;
          Car par moy ton visage est beau,
    Et par moy de nos Roys le Diadême éclatte:
          Mais i'ay plus de gloire cent fois,
          Et ie tire plus d'auantage
          D'éclatter dessus ton visage
          Que dessus la teste des Roys.

     De M. le marquis DE MONTAUSIER.

[Illustration]


LES LYS[16].

_Madrigal._

          Reçoy les LYS que ie te donne,
          Pour en former vne Couronne
          Par qui ton pouuoir soit dépeint;
          C'est l'ornement que ie t'apreste:
    Pour rendre ce qu'on doit aux LYS de ton beau teint,
          Il t'en faut mettre sur la teste.

     De M. DE MALLEVILLE.

[Illustration]


LE LYS.

_Madrigal._

    Devant vous je pers la victoire
    Que ma blancheur me fit donner,
    Et ne preten plus d'autre gloire
    Que celle de vous couronner.
      Le Ciel, par vn honneur insigne,
    Fit choix de moy seul autres fois,
    Comme de la Fleur la plus digne
    Pour faire vn present à nos Roys.
      Mais si i'obtenois ma requeste,
    Mon sort seroit plus glorieux
    D'estre monté sur vôtre teste
    Que d'estre descendu des Cieux.

     De M. DES REAUX-TALLEMANT.

[Illustration]


LES LYS.

_Madrigal._

    Ie puis mettre, entre les louanges
    Qui me rendent si glorieux,
    D'auoir fleury dedans les Cieux,
    Cultiué de la main des Anges;
    Mais, certes, c'est y retourner
    Que de vous pouuoir couronner.

     De M. MARTIN.

[Illustration]


LES LYS[17].

_Madrigal._

    Qve i'ay de gloire à cette fois,
    Que j'ombrage ces belles tresses!
    Ie ne couronnois que les Roys,
    Et ie couronne les Déesses.

     De M. MARTIN.

[Illustration]


LES LYS[18].

_Madrigal._

    Vn diuin oracle, autres fois,
    A dit que ma pompe et ma gloire
    Sur celle du plus grand des Roys
    Pouuoit emporter la victoire;
    Mais si i'obtiens, selon mes vœux,
    De pouuoir parer vos cheueux,
    Ie dois, ô IVLIE adorable,
    Toute autre gloire abandonner,
    Car nul honneur n'est comparable
    A celuy de vous couronner.

     De M. C... (?)

[Illustration]


LES LYS[19].

_Madrigal._

          Belle, ces LYS que ie vous donne,
          Auront plus d'honneur mille fois
          De seruir à vôtre COVRONNE
    Que d'estre couronnez aux armes de nos Roys.

     De M. DES MARETZ.

[Illustration]



[Illustration]



LA TVLIPE[20].

_Madrigal._


          Ie fus vn Berger, autres fois,
          Qui, poussé d'vne belle audace,
          Alla cueillir dessus Parnasse
    Des lauriers plus fameux que les lauriers des Roys.
    Ce genereux desir d'vne éternelle gloire
          Ne m'empécha pas de seruir
          Auec les Filles de Mémoire
    Les mortelles beautez qui me sceurent rauir.
          Mais mon âme fut si volage,
    A tant d'obiets diuers elle rendit hommage,
          Et les bergeres si souuent,
          En me reprochant leurs caresses,
          Se plaignirent que mes promesses
    Se perdoient parmy l'air dessus l'aile du vent,
          Qu'Amour vint d'vne main puissante
          Me transformer en cette Fleur,
          Qui, comme i'eus l'ame inconstante,
          Est inconstante en sa couleur.
    Miracle de nos iours, si mes yeux t'eussent veuë
    Avec tous ces appas dont le Ciel t'a pourueuë,
           Mon cœur n'eut point esté leger;
    Mais mon sort me console, et pour ma gloire ordonne,
    Depuis que i'ay l'honneur d'embellir ta COVRONNE,
    Que mes viues couleurs ne pourront plus changer.

     De M. GODEAU.

[Illustration]


LA TVLIPE.

_Madrigal._

            Ie suis le plus brillant ouurage
    Dont le pinceau de Flore embellit les estez,
    Et sur les autres Fleurs i'ay le même auantage
    Qu'a le feu de tes yeux sur les autres clartez.
            Mais dans l'éclat qui m'enuironne,
    Et qui de cent couleurs reléue mes beautez,
            La gloire que le Ciel me donne,
            D'estre vne fleur de ta COVRONNE,
            A pour moy de si doux appas,
    Que, bien que de ma mort ma gloire soit suiuie,
            Pour mourir d'vn si beau trépas,
            J'ayme mieux la mort que la vie.

     De M. ARNAUD DE CORBEVILLE.

[Illustration]


LA TVLIPE, AV SOLEIL[21].

_Madrigal._

    Bel Astre à qui je dois mon estre et ma beauté,
            Ajoûte l'jmmortalité
    A l'éclat nompareil dont ie suis embellie;
    Empêche que le temps n'efface mes couleurs:
    Pour Throsne donne-moy le beau front de IVLIE;
    Et si cet heureux sort à ma gloire s'allie,
            Ie seray la Reyne des Fleurs.

     De M. C. (CORNEILLE.)

[Illustration]


LA TVLIPE

NOMMÉE FLAMBOYANTE.

_Madrigal._

    Permettez-moy, belle IVLIE,
    De mesler mes viues couleurs
    A celles de ces rares Fleurs,
    Dont vôtre teste est embellie:
    Ie porte le nom glorieux
    Qu'on doit donner à vos beaux yeux.

     De M. le marquis de MONTAUSIER.

[Illustration]



[Illustration]



LA IONQUILLE[22].

_Madrigal._


          Dans la Fable, ni dans l'Histoire
          Il ne se parle point de moy;
    Je ne me puis vanter de posséder la gloire
    De descendre du sang ni d'vn Dieu ni d'vn Roy:
          Mais la passion véritable
          Que vous témoigne ma couleur,
          Plus qu'vne plus illustre Fleur
          Me doit rendre recommandable.
          O beauté qu'on doit adorer!
          Permettez-moy de vous parer,
    Et ie m'estimeray cent fois plus glorieuse
    Que celle dont l'histoire est cent fois plus fameuse.

     De M. le marquis de MONTAUSIER.

[Illustration]



[Illustration]



L'HYACINTHE[23].

_Madrigal._


    Ie n'ay plus de regret à ces armes fameuses
    Dont l'jniuste refus précipita mon sort;
    Si ie n'ai possedé ces marques glorieuses,
    Vn destin plus heureux m'accompagne à la mort;
    Le sang que i'ay versé d'vne illustre folie
    A fait naistre vne Fleur qui couronne IVLIE.

     De M. le M. DE R. (marquis DE RAMBOUILLET).

[Illustration]


L'HYACINTHE.

_Madrigal._

    Depvis mon changement, tout l'Vniuers remarque
            Que d'vn triste et muet discours
            Ie me plains qu'en mes plus beaux jours
        I'ai ressenti la rigueur de la Parque;
            Mais ie cesse de murmurer;
    Car l'extrême plaisir que i'ai de te parer
            Efface maintenant la plainte
            Que mes feuilles portoient empreinte.

     De M. le marquis DE MONTAUSIER.

[Illustration]


L'HYACINTHE[24].

_Madrigal._

    D'vn éternel bon-heur ma disgrace est suiuie;
    Ie n'ai plus rien en moy qui marque mon ennuy,
    Autres fois vn Soleil me fit perdre la vie;
    Mais vn autre Soleil me la rend aujourd'huy.

     De M. C. (?)

[Illustration]



[Illustration]



L'ELIOTROPE

OV TOVRNESOL.

_Madrigal._


    A ce coup, les Destins ont exaucé mes vœux;
    Leur bonté me permet de parer les cheueux
            De l'jncomparable IVLIE;
            Pour elle, Apollon, ie t'oublie,
            Ie n'adore plus que ses yeux.
    C'est auecque leurs traits qu'Amour me fait la guerre;
            Ie quitte le Soleil des Cieux,
            Pour suiure celuy de la terre.

     De M. le marquis DE MONTAUSIER.

[Illustration]



[Illustration]



LE SOVCY.

_Madrigal._


    Si l'on vous donne vn Lys, vn OEillet, vne Rose,
          Ie vous veux présenter aussy
          Vn triste et languissant SOVCY:
          Le sort ne me laisse autre chose.
          Ie souffre vne telle douleur
          De vous offrir la moindre Fleur,
          Qu'on verra dans vôtre COVRONNE
          Que ie deuiens ce que ie donne.

     De M. le marquis DE MONTAUSIER.

[Illustration]


LE SOVCY.

_Madrigal._

    Favt-il donc que la Rose ait sur moy l'auantage
    D'étaler ses beautez dessus vôtre visage,
    D'y charmer tous les cœurs et d'y donner des loix?
    Luisez, Astre viuant, dessus ma dernière heure,
    Vne jalouse ardeur ordonne que ie meure,
    Pour vn second Soleil, vne seconde fois.

     De M. HABERT, C... de l'artillerie.

[Illustration]


LE SOVCY.

_Madrigal._

    Ne pouuant vous donner ni Sceptre, ni Couronne,
    Ni ce qui peut flatter les cœurs ambitieux,
    Receuez ce SOVCY, qu'aujourd'huy ie vous donne,
    Pour ceux que tous les jours me donnent vos beaux yeux.

     De M. HABERT, C... de l'artillerie.

[Illustration]


LE SOVCY AV SOLEIL.

_Madrigal._

    Qvoy que tu sois pourueu d'vn éclat nompareil,
    Ce n'est pas de ton feu que ie suis embellie;
            Si ie suis la Fleur du Soleil,
    C'est du Soleil qui luit dans les yeux de IVLIE.

     De M. COLLETET.

[Illustration]


LE SOVCY[25].

_Madrigal._

            Iadis les rigueurs du Soleil
                  Me coûtérent la vie;
            I'attens vn accident pareil
            A cause que i'ai même enuie;
    Mais il m'importe peu qu'elle me soit rauie,
            Puis-que, même après le trépas,
            Ie sçay l'art de suiure ses pas.

     De M. DE SCUDERY.

[Illustration]


LE SOVCY[26],

SOVS LE NOM DE _CLYTIE_.

_Madrigal._

    Mortels, qu'on ne m'accuse pas
    D'estre jnfidéle, ni volage,
    Bien qu'vn miracle de cet âge
    Ait pris mon âme en ses appas;
    Ie puis sans crime, et sans folie,
    Cherir cet objet nompareil;
    Aymer Apollon, ou IVLIE,
    C'est toujours aymer le Soleil.

     De M. DE MALLEVILLE.

[Illustration]


LE SOVCY,

SOVS LE NOM DE _CLYTIE_.

_Madrigal._

              Ie suis l'Amante, et l'Image
    De l'Astre étincellant qui regne dans les Cieux,
    Et ie puis sans orgueil prétendre l'auantage
              De parer son front glorieux;
              Mes riualles ont eu l'audace,
              Dans leur plus superbe appareil,
              De t'oser demander ma place;
              Mais, jncomparable Soleil,
    Plus digne de mes vœux que celuy qu'on adore
              Nulle dans l'Empire de Flore
    Ne me peut disputer cet honneur sans pareil.
              Ie n'exalte point ma naissance,
              Ie ne vante point mes appas;
              Pour conceuoir cette espérance,
              I'ay ce que les autres n'ont pas:
    De rayons éclattans ie suis enuironnée;
                    Telle est ma destinée,
    Que tu ne peux qu'à moy cette gloire donner:
    Qui pourroit, qu'vn Soleil, vn Soleil Couronner?

     De M. D'ANDILLY le filz.

[Illustration]



[Illustration]



LA PENSEE.

_Madrigal._


    Vovs qui suiuez l'Amour, dont le feu vous égare,
    Ne jettez point les yeux sur vn obiet si rare;
    C'est auecque respect qu'il en faut approcher:
    Quoy que de ses beautez vôtre âme soit blessée,
    Apprenez que les mains n'ont pas droit d'y toucher,
    Et que cet heur n'est deu qu'à la seule PENSÉE.

     De M. COLLETET.

[Illustration]



[Illustration]



LES SOVCYS ET LES PENSÉES.

_Madrigal._


    Lors que, pressé de mon deuoir,
    Ie veux t'offrir vne GVIRLANDE,
    Ta beauté m'oste le pouuoir
    D'accomplir ce qu'il me commande;

    Ce qui te la fait mériter
    Empesche que tu ne l'obtiennes:
    Ton beau teint ne peut supporter
    D'autres merueilles que les siennes;

    Par luy la Rose est sans couleur,
    Les OEillets ont perdu la leur,
    Les Tulipes sont effacées,

    Les Lys n'ont plus de pureté;
    Et pour toy rien ne m'est resté
    Que des SOVCYS et des PENSÉES.

     De M. DE MALLEVILLE.



[Illustration]



LA FLEVR D'ORANGE[27].

_Madrigal._


    Dv palais d'emeraude où la riche Nature
    M'a fait naistre et regner auecque maiesté,
    Ie viens pour adorer la diuine beauté
    Dont le Soleil n'est rien qu'vne foible peinture.
    Si ie n'ay point l'éclat ni les viues couleurs
            Qui font l'orgueil des autres Fleurs,
    Par mes douces odeurs ie suis plus accomplie,
    Et par ma pureté plus digne de IVLIE.
    Ie ne suis point suiette au fragile destin
            De ces belles infortunées
            Qui meurent dès qu'elles sont nées,
    Et de qui les appas ne durent qu'vn matin;
    Mon sort est plus heureux, et le ciel fauorable
    Conserue ma fraîcheur et la rend plus durable.
    Ainsi, charmant objet, rare présent des Cieux,
    Pour mériter l'honneur de plaire à vos beaux yeux,
            I'ai la pompe de ma naissance,
    Ie suis en bonne odeur, en tout temps, en tous lieux,
            Mes beautez ont de la constance,
    Et ma pure blancheur marque mon jnnocence;
    I'ose donc me vanter, en vous offrant mes vœux,
    De vous faire moy seule vne riche Couronne,
            Bien plus digne de vos cheueux
    Que les plus belles Fleurs que Zéphire vous donne.
    Mais si vous m'accusez de trop d'ambition,
    Et d'aspirer plus haut que ie ne deurois faire,
            Condamnez ma présomption,
            Et me traittez en temeraire;
    Punissez, i'y consens, mon superbe dessein
            Par une seuére défense,
    De m'éleuer plus haut que iusqu'à vôtre sein,
    Et ma punition sera ma récompense.

     De M. C. (CORNEILLE).

[Illustration]



[Illustration]



LE SAFFRAN.

_Madrigal._


    Ie viens m'offrir à vous pour parer vos cheueux,
          Diuin obiet de mille vœux,
          Par qui toute ame est enflammée;
          La Nature, Mere des Fleurs,
          Pour me distinguer de mes sœurs,
          De langues m'a toute formée;
    Mais, aymable IVLIE, il le faut auouër,
    Ie n'en ay pas encore assez pour vous louër.

     De M. le marquis DE MONTAUSIER.

[Illustration]



[Illustration]



LA FLAMBE.

_Madrigal._


    Ie ne croy pas que ces GVIRLANDES,
    Dont chacun vous fait des offrandes,
    Conseruent toutes leurs couleurs;
    Si votre bel œil les éclaire,
    Ie m'attens bien de luy voir faire
    Des FLAMBES de toutes les Fleurs.

     De M. DE MALLEVILLE.

[Illustration]


LA FLAMBE.

_Madrigal._

            Parmy toutes ces autres Fleurs,
    Receuez cette FLAMBE, ô IVLIE adorable!
    C'est le viuant portrait des mortelles douleurs
    Que cause dans mon sein vne playe jncurable;
    Pour vous montrer l'état de mon cœur consumé,
    Ie ne pouuois choisir qu'vn obiet enflammé!

     De M. le marquis DE MONTAUSIER.

[Illustration]



[Illustration]



LE MVGVET[28].

_Madrigal._


    I'abandonne les bois, dont les feüillages sombres,
    Malgré l'Astre bruslant qui répand les clartez,
    Conseruant ma fraicheur sous leurs épaisses ombres,
    Pour venir rendre hommage à tes rares beautez.
    Mais ie crains, en voyant l'éclat qui t'enuironne,
                  Que ton feu sans pareil,
    Ne me soit plus fatal que celuy du Soleil.
    N'jmporte, toutes fois, quoy que le Ciel ordonne,
          Ou i'embelliray ta COVRONNE,
          Ou, mourant au feu de tes yeux,
    Mon sort égalera le sort des demy-Dieux.

     De M. DE BRIOTTE.

[Illustration]



[Illustration]



LA FLEVR DE GRENADE[29].

_Madrigal._


    Dans l'Empire fameux de Flore et de Pomone,
    Mon pere a mille enfans qui portent la Couronne;
            Mais, préférant mon sort au leur,
            I'ay mieux aymé demeurer Fleur,
    Auec le vif éclat dont ie suis embellie,
    Afin de m'offrir Vierge à la chaste IVLIE.
    O perte fauorable! ô change précieux!
              Ie quitte vne gloire mortelle,
    Pour l'jmmortel honneur de parer cette belle,
    Et le destin des Roys pour le destin des Dieux.

     De M. C... (?)

[Illustration]


LA FLEVR DE GRENADE.

_Madrigal._

    D'vn pinceau lumineux l'Astre de la lumiere
          Anime mes viues couleurs,
    Et regnant sur l'Olympe en sa vaste carriere,
          Il me fait regner sur les Fleurs;
    Ma pourpre est l'ornement de l'empire de Flore;
    Autres fois ie brillay sur la teste des Roys,
                Et le riuage More
                Fut suiet à mes loix;
    Mais, méprisant l'éclat dont ie suis embellie,
          Ie renonce au Flambeau des Cieux,
          Et viens, ô diuine IVLIE!
                Adorer tes beaux yeux,
    Pour viure par le feu d'vne plus noble vie,
          Ie viens par vne belle ardeur,
    A la honte du Ciel, acheuer ta grandeur;
          Il te deuoit vne Couronne,
                Et moy ie te la donne.

     De M. DE BRIOTTE.



[Illustration]



LA FLEVR D'ADONIS[30].

_Madrigal._


    Si quelque soin vous tient de vous rendre jmmortelle,
    Et de voir vôtre nom par le monde semé,
    Rendez-vous à l'Amour, ne soyez plus rebelle;
    Si ie fleuris encor, c'est pour auoir aymé.

     De M. DE MALLEVILLE.

[Illustration]



[Illustration]



LA PERCE-NEIGE.

_Madrigal._


          Fille du bel Astre du jour,
          Ie nays de sa seule lumiere,
    Alors que sans chaleur, à son nouueau retour,
          Des mois il ouure la Carriere.
          Ie vis pure, et dans la froideur;
          Et mon teint, qui la NEIGE efface,
    Conserue son éclat dans l'extréme rigueur
          De l'hyver couronné de glace.
          Fleurs peintes d'vn riche dessein
          Que le chaud du Soleil fait naistre,
    Et qui, peu chastement, ouurez votre beau sein
          Au Pere qui vous donna l'estre;
          Vous qui sans pudeur aux Zéphirs
          Souffrez découurir vos richesses,
    Et vous laissant toucher à leurs foibles soupirs,
          Ployez sous leurs molles caresses;
          Osez-vous, peu modestes Fleurs,
    Prétendre Couronner cette beauté séuère?
    Et ne craignez-vous point les cruelles froideurs
    Dont elle sait punir vne ame temeraire?
          N'ayez plus cette vanité,
    Puis que seule ie dois obtenir l'auantage
    D'orner de son beau chef l'auguste maiesté,
    Lors que de tous les cœurs elle reçoit l'hommage,
          Au Throsne de la pureté.

     De M. DE MONTMOR-HABERT.

[Illustration]


LA PERCE-NEIGE[31].

_Madrigal._

    Sovs vn voile d'argent la Terre enseuelie
          Me produit, malgré sa fraicheur;
          La NEIGE conserue ma vie,
    Et, me donnant son nom, me donne sa blancheur;
    Mais celle de ton sein, nompareille IVLIE,
          Me fait perdre aujourd'huy le prix
          Que ie ne cede pas au Lys.

     De M. DE BRIOTTE.

[Illustration]



[Illustration]



LE PAVOT.

_Madrigal._


            Accordez-moy le priuilége
            D'approcher de ce front de nége;
    Et si ie suis placé (comme il est à propos)
    Auprès de ces Soleils que le Soleil seconde,
            Ie leur donneray le repos
            Qu'ils dérobbent à tout le monde.

     De M. DE SCUDERY.

[Illustration]



[Illustration]



L'IMMORTELLE[32].

_Madrigal._


          Foibles Fleurs, à qui le destin
          Ne donne jamais qu'vn matin,
          Reconnoissez vôtre folie;
    Moy seule dois prétendre à couronner IVLIE.
          Digne objet des plus dignes vœux,
          Placez-moi dessus vos cheueux;
    I'aspire à cet honneur, faites que ie l'obtienne;
    Ainsi puisse le Ciel vous combler de plaisirs,
    Faire que tout succéde à vos justes desirs,
    Et que vôtre beauté dure autant que la mienne!

     De M. DE SCUDERY.

[Illustration]



[Illustration]



L'IMMORTELLE BLANCHE[33].

_Madrigal._


    Donnez-moy vos couleurs, Tulipes, Anémones;
    OEillets, Roses, Iasmins, donnez-moy vos odeurs:
    Des contraires saisons le froid, ni les ardeurs,
          Ne respectent que les Couronnes
          Que l'on compose de mes Fleurs;
    Ne vous vantez donc point d'estre aymables ni belles;
    On ne peut nommer beau ce qu'efface le Temps,
      Pour couronner les beautez éternelles,
          Et pour rendre leurs yeux contens,
          Il ne faut point estre mortelles.
      Si vous voulez affranchir du trépas
          Vos brillans, mais frêles appas,
          Souffrez que i'en sois embellie;
    Et si ie leur fais part de mon éternité,
    Ie les rendray pareils aux appas de IVLIE,
    Et dignes de parer sa diuine beauté.

     De M. C. (CORNEILLE).



[Illustration]



LE MELEAGRE[34].

_Madrigal._


            Ie vay finir pour IVLIE:
            O que Mon destin est beau!
            La glorieuse folie!
            Dieux! le superbe tombeau!
          Ie suis Fleur, et fus jadis Homme;
    Mon sort vne autre fois se trouue au même point,
          Car un feu secret me consomme,
          Qui me brusle et ne paroist point.

     De M. DE SCUDERY.

[Illustration]

[Illustration]



MADRIGAUX

DESTINÉS

A LA GUIRLANDE DE JULIE



[Illustration]



AVERTISSEMENT

    _Il_ avoit cueilli sur le Parnasse _toutes les
    plus belles fleurs_ qui composoient cette
    fameuse _Guirlande_, dont les Muses françoises
    couronnèrent à l'envie l'illustre Julie.

     NICOLAS PETIT, _Vie de Montausier_.


_Le baron de Sainte-Maure s'occupait depuis longtemps de la composition
de sa_ Couronne poétique, _avant que Jarry ne se mît à l'œuvre, et
l'idée de_ la Guirlande _fut au moins conçue, selon nous, dans le
courant de l'année 1632_[93].

  [93] Voyez la note que nous donnons plus loin, aux Madrigaux de
  Scudéry, imprimés en 1636, avec un très-intéressant
  _Advertissement_.

  M. Amédée Roux, dans son remarquable ouvrage _Montausier, sa vie
  et son temps_ (Paris, Didier, 1860), relève une erreur du père
  Petit, jésuite, qui porte la présentation des deux Montausier à
  l'hôtel de Rambouillet en 1634. C'est dans l'hiver 1631-1632 que
  cette présentation eut lieu (affirme M. A. Roux). Or, par un
  curieux rapprochement qui vient fortifier notre assertion sur la
  date où fut conçue la _Guirlande_, Tallemant nous apprend que le
  baron de Sainte-Maure fut amoureux, dès qu'il la vit, de Julie
  d'Angennes, et que cette dernière dut s'en apercevoir, «_car dès
  le temps du Roy de Suède il avoit commencé à travailler à la_
  Guirlande». _Le temps du Roi de Suède_, n'est-ce pas l'époque des
  grandes guerres et de la mort du héros, c'est-à-dire 1631 et 1632?
  (Voyez Tallemant des Réaux, historiette de _Montauzier_.)

_Plus guerrier que poëte, et par conséquent moins souvent à Paris qu'au
delà du Rhin, l'amant discret de Julie d'Angennes, ne pouvant donner à
son œuvre que ses rares moments de loisir, dut convier par avance tous
les poëtes à l'illustre galanterie qu'il a su perpétuer_.

_Les fleurs affluèrent en gerbes, briguant l'honneur d'être nouées à la_
Guirlande, _qui, certes, se fût de beaucoup augmentée si M. de
Montausier, forcé de choisir, n'eût fait l'anthologie manuscrite que
nous réimprimons_.

_Le_ Dignus intrare _ne fut donc pas prononcé pour toutes les fleurs, et
nombre de pauvres madrigaux durent rester à la porte, honteux et confus
de ne pas orner le front de Julie_.

_Les poëtes de l'époque étaient inconstants, et dans le_ _monde
précieux qui fréquentait le_ Bureau d'esprit, _un madrigal ne pouvait
rester longtemps inoccupé; il serait donc plausible qu'une partie des
fleurs primitivement destinées à la_ Guirlande, _légèrement retouchées
et fardées par la suite, fussent passées comme simples bluettes dans les
mains de beautés inconnues_.

_Par un heureux contraste, des fidèles comme Malleville et Scudéry, des
madrigaliers modestes comme les anonymes du manuscrit de Conrart,
déposèrent intacts dans différents recueils leurs madrigaux rejetés de
la_ Guirlande _comme un hommage dévoué que nous devons respecter_.

_Nous ne saurions, à la suite de notre réimpression, refuser
l'hospitalité à ces courageux madrigaux, depuis trop de temps vagabonds;
M._ Ch. L. Livet, _dans la parfaite et sérieuse édition qu'il a donnée
de la_ Guirlande[94], _a déjà restitué à leur véritable place les
anonymes du manuscrit de Conrart et les pièces de Malleville qui ne
figurent pas dans le texte original_.

  [94] Appendice à la savante étude des _Précieux et Précieuses_
  (Paris, Didier, 1870, 2e édition).

_Nous suivons cette excellente voie, et ajoutons à notre nouvelle
édition sept madrigaux, jusqu'alors inédits, conservés dans les poésies
de Scudéry._

_En ramassant en quelque sorte les fleurs tombées en dehors de la_
Guirlande _manuscrite, et en les groupant de nouveau, nous faisons plus
qu'une restitution, nous adhérons pieusement aux vœux des poëtes qui
voulurent payer à la belle Julie leur tribut d'estime et d'admiration_.

    _O. U._

[Illustration]



[Illustration]



MADRIGAUX INÉDITS

COMPOSÉS POUR LA GUIRLANDE

MANUSCRIT DE CONRART[95]

  [95] Ces madrigaux inédits, destinés à la _Guirlande de Julie_
  nous sont fournis par une copie, d'ailleurs très-incomplète, qui
  se trouve dans un des volumes manuscrits de Conrart, indépendant
  des deux collections bien connues de l'Arsenal. (Manuscrit petit
  in-f{o}, Mélanges de vers et prose, Belles-lettres, 145, pages
  1087 et suivantes.) Les madrigaux de ce manuscrit ne portaient
  pas primitivement de noms d'auteurs. M. J. B. A. SOULIÉ a
  restitué sa paternité connue à chaque madrigal, et a dressé une
  nomenclature des pièces qui manquent à cette version manuscrite.
  Tous les madrigaux que nous donnons ici sont anonymes et ne
  figurent pas dans le manuscrit original.

  Ce texte est scrupuleusement conforme à l'orthographe du
  manuscrit.


SUR LA FLAMBE

GUSTAVE A JULIE

    _Divine cause de mes pleurs,
    Object dont la gloire m'estonne,
    Adjouste à tant de belles fleurs
    Ceste_ Flambe _que je te donne_.

    _Tes yeux peuvent bien approuver
    Ce présent d'un cœur tributaire;
    La_ Flambe _qui te va trouver
    Est un feu qui tend à sa sphere_.

    _Jette ton regard curieux
    Sur les merveilles qu'elle enserre;
    Ce qu'est Iris dedans les Cieux,
    La_ Flambe _l'est dessus la terre_.

    _Ou sois favorable à mes vœux,
    Ou tu seras digne de blasme;
    Je ne mets que sur tes Cheveux
    Ce que tu mets dedans mon âme._

    _Il faut que son feu nompareil
    Cherche un object à qui tout cede,
    Et que ce qui vient du Soleil
    Un autre Soleil le possede._

    _A peine luit-elle en ces lieux,
    Où l'amour veut que je l'envoye,_
    _Que, paroissant devant tes yeux,
    Elle s'espanouit de joye._

    _Tes yeux en cest heureux séjour
    Raniment sa grâce premiere,
    Et c'est moins de l'Astre du jour
    Que d'eux qu'elle tient sa lumiere._

    _L'Arc-en-Ciel n'a point de couleur
    Que le Soleil rende si belle
    Que le lustre de cette fleur
    Quand tes yeux rayonnent sur elle._

    _A l'esclat du feu vehement
    Dont toutes ses feuilles sont pleines,
    Tu pourras juger aysement
    Celuy qui brusle dans mes veynes._

    _Ces feuilles qui dans ce beau lieu
    N'ont rien que de vif et de rare,
    Sont autant de langues de feu
    Par qui mon amour se déclare._

    _Je ne puis en la vive ardeur
    Que me cause ta renommée
    Exprimer l'estat de mon cœur
    Que par une chose enflammée._

    _Certes, mon courage est atteint
    D'autant de peines violentes
    Que l'émail dont elle se peint
    Brille de couleurs differentes._

    _Face l'Astre qui luit aux Roys,
    Pour adoucir mon amertume,
    Que la_ Flambe _que tu reçois
    Passe en ton cœur et te consume_[96]!

     ANONYME

  [96] P. 1097 du manuscrit.



LA TULIPE[97]

    _Curieux Enfants d'espérance,
    Belle troupe de mes Amans,
    Ne vivez plus dans l'ignorance
    Du suject de mes changemens.
    Je cherche à me rendre embellie
    D'un si grand nombre de couleurs
    Qu'il ne faille que de mes fleurs
    Pour la Guirlande de_ Julie.

     ANONYME.

  [97] P. 1100 du manuscrit.



EN FAVEUR DE LA GUYRLANDE DE JULIE

MADRIGAL[98]

    _Quell' est cette beauté que tout le monde adore?
    A voir son front orné de tant de vives fleurs,
    Et son teint surmonter l'esclat de leurs couleurs,
        On la prendroit pour la Déesse Flore.
    Mais non, Flore s'esmeut au doux vent des Zephirs,
    Et celle-cy resiste au vent de noz souspirs._

     ANONYME.

  [98] P. 1102 du manuscrit.


LE NARCISSE

POUR LA GUIRLANDE DE JULIE[99]

    _Lorsque la Nymphe Écho fut réduitte en servage,
    Et ressentit les traicts de ma vaine beauté,
    Si de_ Julie _elle eust eu le visage,
    J'eusse banny de moy l'insensibilité.
    Jamais une fontaine en son cristal mobile_
    _Ne m'eust charmé les yeux d'un object decevant,
    Un autre plus divin m'eust pris auparavant
    Et la Nymphe eust trouvé ma conqueste facile.
    Je ne serois pas fleur; mais, ô doux changement,
    Mémorable destin d'un bienheureux Amant!
                Agréable folie!
    Je triomphe en ma perte et deviens glorieux
    De pouvoir vivre ainsy jusqu'au temps de_ Julie,
    _D'embellir sa Guirlande et de plaire à ses yeux_.

     ANONYME.

  [99] P. 1103 du manuscrit.


L'OEILLET A JULIE[100]

    _La blancheur de ta main m'est un trosne d'yvoire,
    Et, bien que par ton teint le mien soit surmonté,
    Je suis soubz ton Empire au comble de la gloire,
    Et j'emprunte de toy ma plus grande beauté._

     ANONYME.

  [100] P. 1104 du manuscrit.


L'ANGELIQUE[101]

          _De tant de fleurs que l'on vous donne
          Pour composer cette Couronne,
          Celle que je vous viens offrir
                Vous sera la plus chere.
    Le Ciel qui cognoissoit qu'elle vous devoit plaire,
    D'un Amour non commun a daigné la chérir;
    A ce que vous aymez ses dons il communique,
    Et vous aymez surtout la celeste_ Angelique[102].

     ANONYME.

  [101] P. 1106 du manuscrit.

  [102] Allusion à la sœur de Julie, Angélique-Claire d'Angennes
  (mariée à François-Adhémar de Monteil, comte de Grignan, morte le
  22 décembre 1664).


LA ROSE

A JULIE[103]

    _Par la loy d'un nouveau Destin,
    Ma pourpre, qui jadis ne vivoit qu'un matin,
    Conserve son esclat dans ta riche Guirlande._
    _Je naquis du beau sang de la Mere d'Amour;
            Mais c'est une grace plus grande
          De conserver que de donner le jour._

     ANONYME.

  [103] P. 1108 du manuscrit.

LA ROSE[104]

    _Vénus qui veoid les Cieux[105], ainsi que les Mortelz,
    Implorer sa clemence au pied de ses autelz,
    Se repent que son sang m'ayt donné la naissance,
            Et croit recevoir un affront
            Me voyant couronner le front
    De celle dont le cœur se rit de sa puissance._

     ANONYME.

  [104] P. 1108 du manuscrit.

  [105] Les (?) Dieux.



LE NARCISSE[106]

            _Rien n'est esgal à ma douleur;
            Bien que je ne sois qu'une fleur,
            J'ayme la fille d'Artenice[107],
    Aux flammes de ses yeux je me laisse esblouyr;
    Mais je suis sans espoir, car le sort de_ Narcisse
    _Est d'aymer les objets dont il ne peut jouir_.

     ANONYME.

  [106] P. 1109 du manuscrit.

  [107] _Arthénice_ est l'anagramme célèbre que Malherbe composa
  pour Mme de Rambouillet (_Catherine_ de Vivonne), mère de Julie.


L'HYACINTHE[108]

    _Alors que d'un Garçon je devins une Fleur,
    Le Dieu qui me perdoit voulut que sa douleur
        Dessus mes feuilles fût tracée;
        Mais te couronnant aujourd'huy,_
    _Qu'on ne s'estonne point de la veoir effacée,
    Je gaigne plus en toy que je ne perds en luy_[109].

     ANONYME.

  [108] P. 1109 du manuscrit.

  [109] Le titre de cette pièce a été écrit de la main même de
  Conrart, ainsi que le mot EN, qui paraît deux fois dans le
  dernier vers, comme correctif à

    Je gaigne plus de toy que je ne perds de lui.

  [Illustration]



  [Illustration]



  PIÈCES

  CONSERVÉES DANS LES POÉSIES DE MALLEVILLE

  Sous le titre _Madrigaux_.


  LE SOUCY

  SOUS LE NOM DE _CLYTIE_

  AU SOLEIL

    _Perfide Amant, je te declare
    Que mon cœur n'est plus ton captif;
    C'est trop chercher un fugitif
    Et trop reclamer un barbare.
    Un plus admirable flambeau,
    Un Astre plus doux et plus beau
    Me vient guerir de ma folie.
    J'adore son feu nompareil,_
    _Et ne cognois plus de Soleil
    Que dans les beaux yeux de_ JULIE[110].

  [110] _Poésies de Malleville_, in-4º, chez Augustin Courbé,
  Paris, 1649, p. 264. (Également dans l'in-12, à Paris, chez
  Nicolas Bessin, 1659.)


SUR LA FLEUR DE GRENADE

    _Moy qui pouvois passer pour la Reyne des Fleurs,
    Je seiche, je languis, je flestris et je meurs
    Quand je voy ces beaux yeux, dont l'esclat me surmonte;
    Mon teint n'a plus ce feu qui brilloit vivement,
    Et s'il rougit encore, il rougit seulement
                De depit et de honte_[111].

  [111] _Poésies_, 1649, p. 268.


LE NARCISSE

    _Après m'estre perdu dans une onde perfide,
    Je seiche au feu des yeux d'une belle homicide,
    Quand je luy rend hommage et m'acquitte d'un vœu._
    _O Destin, qui me fais cette injure seconde!
    N'estoit-ce pas assez d'avoir pery par l'onde
                Sans perir par le feu[112]?_

  [112] _Poésies_, 1649, p. 268.


LA FLEUR D'ADONIS

    _Je suis si fragile en mon estre
    Que je ne puis longtemps fleurir;
    Le vent qui les Roses fait naistre
    Est si fort qu'il me fait mourir.
    Je dépens du moindre Zephyre,
    Et dès le moment qu'il souspire
    Je tombe à terre et ne vis plus:
    Mais si je suis sur vostre teste,
    Ne seray-je pas au-dessus
    Et des vents et de la tempeste[113]?_

  [113] _Poésies_, 1649, p. 269.

[Illustration]



[Illustration]



FLEURS INÉDITES

DE M. DE SCUDÉRY

DESTINÉES A LA GVIRLANDE DE LA PRINCESSE IVLIE


_ADVERTISSEMENT_[114]

Tovs les bons esprits de la Cour, ayans trauaillé à la Guirlande de
cette excellente personne à qui i'offre ce liure, pour y contribuer
quelque chose, j'ay voulu cueillir ces fleurs au pied du Parnasse, où je
n'ay pas le droict de monter comme eux.--Leur forme, leur couleur, leur
nature, ou les Fables qui s'en voyent, m'ont fourny les pensées sur ce
sujet; et je croy que c'estoit ainsy que je le deuois traitter: Sois en
iuge comme du reste de mes ouvrages.

    De Scvdery.

  [114] Ce curieux avertissement et les madrigaux suivants se
  trouvent à la suite du _Vassal généreux_, poëme tragi-comique,
  dédié par M. de Scudéry à Mlle de Rambouillet (Paris, A. Courbé,
  1636). Ce qui donne une grande valeur à ce document, c'est
  l'année même de sa publication, 1636. La _Guirlande_ ayant été
  mise au jour en 1641, il en résulterait que les madrigaux étaient
  achevés depuis fort longtemps lorsque Jarry se mit à l'œuvre.

  Scudéry fut présenté à l'hôtel de Rambouillet, vers 1631, par le
  poëte Chandeville, son ami, mort quelque temps après.

   Suivent _douze fleurs destinées à la Guirlande de Julie_, parmi
   lesquelles les sept madrigaux que nous publions[115], et qui ne
   font pas partie du texte original, ni des éditions de la
   _Guirlande_ données jusqu'alors.

  [115] Nous avons suivi textuellement, pour ces sept madrigaux,
  l'orthographe de l'édition de Courbé.


LA PENSÉE

            _I'estein mes flames insensées,
            Ie reste aux termes du devoir,
            Iugeant que vous voulez avoir
                  De plus hautes pensées;
    Je cède vostre front à l'orgueil du Iasmin,
    Et suffira pour moy de parer le chemin
            (Sans pleurs et sans melancholie)
    Que fouleront les pas de la belle_ Ivlie.


L'IRIS

    _Si i'approche de vous avec le moindre orgueil,
    Celle qui me nourrit devienne mon cercueil,
    Que le froid Aquilon me déclare la guerre,
    Que ma feuille se seiche et tombe sous vos pas,
    Et qu'on chasse de l'air, ainsi que du parterre_,
          (_Afin de vanger vos appas_)
          L'IRIS _du Ciel et de la terre_.


LE NARCISSE

    _Enfin ie le confesse, auprès d'un œil si dous,
        Et dont le pouvoir (est) extreme,
        Ie suis plus amoureux de vous
        Que ie ne le fus de moy-mesme._


LA ROSE

        _Le bel œil qui me surmonta,
        Ne voit rien qu'il ne dompte:_
              _Et celle qui m'ensanglanta,
        Rougira comme moy de despit et de honte._


LE SOVCY

    _Si parmy tant de fleurs, ie puis estre choisie[116],
    I'auray bien de l'amour et de la jalousie:
    Mais pour rendre vos maux et les miens adoucis
    Escartez loing de vous tous les autres_ SOUCIS.

  [116] Ce premier vers du _Soucy_ vient corroborer notre opinion
  sur le _tri_ que M. de Montausier dut opérer, avant que de livrer
  sa _Guirlande_ au célèbre calligraphe Jarry.


LA FLEVR D'ORANGE

    _Si pour vous couronner on me croit inutile,
            Souffrez qu'en pleurs ie me distile,
    Mes larmes vous plairont; et peut estre vos yeux,
    En auront par pitié, qui plairont beaucoup mieux:
            Ainsy nous ferons un meslange,
            De l'eau de Nasse et de l'eau d'Ange._


L'OEILLET

    _Divin object tousjours vainqueur,
    Il faut que ie t'approche, il faut que ie te cueilles:
    Deusse-ie ressentir plus de pointes au cœur
            Qu'on n'en voit à mes feuilles._

[Illustration]



[Illustration]



NOTES ET VARIANTES

SUR LES

FLEURS DE LA GUIRLANDE DE JULIE


1.--Dans l'original, tous les vers, de quelque nombre de syllabes qu'ils
soient, commencent à égale distance de la marge.--Nous ne poussons pas
le scrupule jusqu'à reproduire dans notre édition cet arrangement
disgracieux, tout au plus admissible dans un manuscrit.

_Zéphire à Julie_ est le seul madrigal du marquis de Montausier qui ne
soit pas signé dans l'original.


2.--La _Couronne Impériale_, de Chapelain, fut regardée, à l'hôtel
de Rambouillet, comme l'un des plus beaux madrigaux de la
_Guirlande_.--Julie professait la plus grande admiration pour le roi de
Suède, Gustave-Adolphe, tué à la bataille de Lutzen, qu'il gagna;
Chapelain suppose que ce héros ayant voulu conquérir une _couronne
impériale_ pour l'offrir à son admiratrice, fut métamorphosé en la fleur
à laquelle cet événement fit donner le nom de _Couronne Impériale_.

Voiture, dans ses Lettres, nomme Chapelain père de la _Pucelle_ et
ouvrier de la _Couronne Impériale_, et ce madrigal, alors si fameux, fut
inséré dans le _Huétiana_ (page 105, chap. XLIV) Huet, le vénérable
évêque d'Avranches, bien qu'un des plus violents défenseurs de
Chapelain, lors de l'apparition de la _Pucelle_, fait remarquer avec
justesse le contre sens des vers suivants:

    «Du rivage inconnu de l'aspre Corélie,
    Où la _mer sous la glace est toute ensevelie_,
    Le flambeau de l'Amour _mes voiles conduisant_,
    Je vins pour rendre hommage à l'auguste Julie.»

Comment, s'écrie le prélat, des vaisseaux pouvaient-ils avancer sur une
mer toute ensevelie sous la glace?

L'honnête Chapelain, pour se justifier, eût peut-être répondu que _le_
«_flambeau de l'Amour_, qui conduisait les voiles de Gustave-Adolphe,
était assez incandescent pour fondre toute la glace de _l'aspre
Corélie_!»

Le _Recueil_ de Conrart (in-f{o}, Belles-Lettres 145, bibl. de
l'Arsenal), page 1087, donne ce madrigal avec le sous-titre: _A la
Princesse Julie_. L'orthographe de ce manuscrit est de beaucoup plus
surannée que celle de l'original.


3.--Au second vers de ce madrigal, le mot _treuve_, qui est écrit ainsi
que nous le donnons, dans le texte original et dans la copie de
Maurepas, subit la variante de _trouve_ dans les éditions Nodier, Didot,
et dans les œuvres de Scudéry, qui portent:

    «Je me trouve sans effroy.»


4:.--.....:

    «Je n'ay plus rien de ce lustre enflammé
    Que de Vénus le sang avait fait naistre.»

Quelques auteurs ont fait sortir la _Rose_ d'une piqûre de Vénus, image
gracieuse, mais fable peu consacrée.

Voiture fit également une _métamorphose en prose de la Rose_ pour _Me de
Rambouillet_.


5.--Les derniers vers de la _Rose_, de M. de Montausier, se trouvent
très-maltraités dans le recueil de Sercy, qui termine ainsi ce madrigal:

    «Mais beauté que le monde adore,
    «_J'estime celuy de règner dans l'empire de Flore_.

Il faut attribuer à une faute d'impression ce non-sens et ce vers faux.


6.--Le même Recueil de Sercy fait débuter ainsi la _Seconde Rose_, de M.
Colletet:

    «Quoyque la fable nous raconte
    Jamais la _Royne d'Amaronte_,» etc.


7.--La version manuscrite de Conrart donne ces légères variantes à ce
premier madrigal du _Narcisse_: au troisième vers, _jadis estant_ au
lieu de _estant jadis_, et au sixième vers:

        Il baissoit toujours son visage,
    Qu'il estimoit _plus beau que le soleil_;

au lieu de:

    Qu'il estimoit plus beau que celui du soleil.


8.--Le manuscrit de Conrart, page 1105, donne cette énorme variante;
après le troisième vers, le madrigal continue ainsi:

    _Je viens pour vous offrir mes vœux,
    Unique beauté que j'estime,
    Escoutez ce discours que ma pasleur exprime:
    Vous pour qui souffrent mille amans
    Un nombre infini de tourments,
    Si vous me voyez le teint blesme,
    Ce n'est plus moy, c'est vous que j'ayme._


9.--Le Recueil de Sercy nous fournit cette variante pour la fin du
_Narcisse_ de M. Habert:

    _Et pour éviter son courroux,
    Julie, aimez d'autres que vous._

A propos de _cet Habert_ auquel les éditions Didot et Nodier décernent à
tort le titre de _capitaine_, nous rectifions, ainsi que l'a fait M. Ch.
L. Livet, cette grosse erreur. Habert était _commissaire_ et non
_capitaine de l'artillerie_. Nous signons donc, ainsi que le manuscrit
original et le recueil de Maurepas, les madrigaux de cet auteur: M.
Habert, C. de l'artillerie.

NOTA. C'est par suite d'une faute de correcteur que le mot _cap_.
subsiste dans la signature de ce madrigal.


10.--Dans la copie manuscrite de Maurepas, le _Narcisse_, du commissaire
de l'artillerie est placé ainsi que nous le donnons. L'édition Nodier,
au contraire, place le _Narcisse_ de l'abbé de Cerisy auparavant.

Au sujet de celui-ci, les textes de Didot et Nodier portent cette
variante au dernier vers:

    «_Chacun sçait toutefois_ comme elle m'a perdu.


11.--Jean Ogier de Combaud est auteur d'une pastorale également nommée
_Amaranthe_ (in-8, 1631). L'allusion qu'il fait dans son quatrain, à
l'immortalité de l'_amarante_, est appuyée par toute l'antiquité.

Homère nous apprend qu'aux funérailles d'Achille, les Thessaliens
étaient couronnés d'_amarantes_, et Malherbe dit, dans une ode à Henri
IV (_Sur l'heureux succès du voyage de Sedan_):

    «La louange dans mes vers,
    _D'amarante couronnée_,
    N'aura sa fin terminée
    Qu'en celle de l'Univers.»

L'amarante d'or était le prix de l'ode dans les jeux floraux.


12.--_L'Angélique_, de M. de Malleville, ne se trouve pas dans ses
madrigaux (Paris, A. Courbé, 1649). Ce fait est d'autant plus curieux
que c'est le seul madrigal de ce poëte qui manque à l'appel dans ses
poésies imprimées.


13.--Le mot _THIN_ est ainsi écrit dans le manuscrit original; nous
faisons cette remarque d'après l'abbé Rive.


14.--Ce fameux madrigal de la _Violette_ n'a jamais été attribué qu'à
Desmarest; dans l'original il est signé avec cette orthographe: _M. Des
Marestz_; dans la copie de Maurepas, signé: _De_.....

L'édition de 1729, à la suite de la vie de Montausier, du père N. Petit,
porte: «_Anonyme_», et donne cette très-intéressante variante, dont on
n'a pas encore fait mention jusqu'ici:

    «_Fleur sans ambition_, je me cache sous l'herbe.»


15.--Au troisième vers du _Lys_ de M. de Montausier, la copie de
Maurepas donne, en supprimant la particule négative:

    «Et je crois _si je me flatte_.»


16.--Dans les poésies de Malleville (1649), il se trouve la variante
suivante:

          «Reçoy les lys que je te donne
          Pour en former une couronne
    _Par qui de ta beauté le lustre soit dépeint_.»


17.--Le manuscrit de Maurepas donne à ce madrigal le début suivant:

    «_Que j'ay d'honneur à cette fois._»

Cette variante est intéressante, car la copie de Maurepas suit assez
fidèlement le texte original.


18.--Cette pièce est seulement signée des initiales _M. C._ dans
l'original et la copie de Maurepas; les textes imprimés de Didot et de
Nodier signent: «_Conrart_», sans motifs connus. Il est vrai que l'abbé
Goujet, dans sa _Bibliothèque Françoise_ (tome XVII, page 401, et tome
XVIII, page 444) met à l'actif de Conrart quelques-uns des madrigaux de
la _Guirlande_. Mais est-ce là une autorité suffisante? L'éditeur de
1729, plus circonspect, ne garde de _Conrart_ que le silence prudent et
signe «_M. C._» M. Taschereau, dans son _Histoire de la vie et des
ouvrages de Corneille_ (Paris, Jannet, 1855, page 318), revendique pour
l'auteur du _Cid_ les six pièces signées «_M. C._»


19.--Ce dernier madrigal sur les _Lys_ est signé _Desmaretz_ dans le
recueil manuscrit de Maurepas. L'édition de 1729 le porte _anonyme_.


20.--Dans la _Tulipe_, de _M. de Vence_, la version manuscrite de
Conrart remplace ce vers:

    «Miracle de nos jours si mes yeux t'eussent vue»,

par:

    «_Julie si je t'eusse vue_».


21.--La _Tulipe_ signée _M. C._, dans l'original et dans la copie de
Maurepas, est une des trois pièces attribuées à Corneille. Le Recueil de
Sercy, si avare cependant de signatures intégrales, signe ce madrigal:
«_Corneille_», et l'abbé Granet, éditeur des œuvres diverses du grand
tragique, a inséré dans son édition (_Paris_, _Gissey_, 1738, in-12) la
_Tulipe_, ainsi que la _Fleur d'Orange_ et l'_Immortelle blanche_, de
même signées «_Corneille_» dans le Recueil de Sercy.--Madame de Genlis,
dans sa _Botanique historique et littéraire_ (Paris, 1810, p. 91), donne
également à Corneille la paternité de ces trois madrigaux, et dans la
_Bibliographie Cornélienne_, qui vient de paraître (Paris, Fontaine,
1875), les éditeurs attachent une assez grande importance à ces trois
madrigaux, qu'ils attribuent à Corneille, car, page 198 et suivantes,
ils ont dressé fort consciencieusement la liste des trois manuscrits et
des différentes éditions de la _Guirlande de Julie_.

Les éditions Didot et Nodier signent: «_Conrart_».


22.--La _Jonquille_ était une fleur rarissime et très-chère en 1641. Mme
de Sévigné, en parlant d'une superbe fête, raconte, comme une chose
extraordinaire, qu'on _y avait prodigué les jonquilles_.


23.--Le Recueil de Sercy, au deuxième vers de ce madrigal, donne, au
lieu de:

    «Dont l'injuste refus précipita mon sort»,

cette variante:

    «_Dont mon juste repos_ précipita mon sort».

Dans l'original, la copie de Maurepas et l'édition de 1729, ce sixain
paraît signé des initiales: «de M. le M. de R.»--Les textes de Didot et
de Nodier, ennemis des initiales, signent à tort: «_M. le marquis de
Racan_.»--Le poëte des _Bergeries_ n'est aucunement l'auteur de ce
madrigal, généralement attribué, et avec raison, au marquis de
Rambouillet, père de Julie.

Tallemant est là, du reste, pour appuyer notre assertion: «Elle
remercia, dit-il (en parlant de Julie d'Angennes), tous ceux qui
avoient fait des vers pour elle. Il n'y eut pas _jusqu'à M. le
marquis de Rambouillet qui n'en fist, on y voit un madrigal de sa
façon_.»--Tallemant (historiette de _Montauzier_).


24.--Ce quatrain de l'_Hyacinthe_ est signé: «M. C.» dans l'original, le
manuscrit de Maurepas et l'édition de 1729. Les éditions Nodier et
Didot, logiques dans leurs hypothèses, portent: «_M. Conrart_.»


25.--Ce madrigal n'est pas inséré dans l'édition de 1729, mais il se
trouve dans celle de 1784.


26.--A la page 1094 de la version manuscrite de Conrart, nous
trouvons, au quatrième vers de ce huitain, cette petite variante:

    Au lieu de: «Ait pris mon âme en ses appas»,
    Il y a:     «_Ayt pris âme_ en ses appas».

Le texte imprimé des poésies de Malleville (Courbé, 1649) donne cette
autre variante pour les deux derniers vers:

    «Aymer la divine Julie
    N'est-ce pas aymer le Soleil?»


27.--La _Fleur d'Orange_ est la seconde fleur de la _Guirlande_, qu'on
attribue à Corneille; Sercy la signe en toutes lettres «_Corneille_»
dans son Recueil, et l'abbé Granet l'inséra dans son édition des œuvres
diverses de ce poëte.

L'original, la copie de Maurepas et l'édition de 1729 signent de «_M.
C._». Les textes Didot et Nodier, conséquents dans leur erreur, signent:
«_M. Conrart_».


28.--Le manuscrit de Maurepas écrit ainsi le pseudonyme du marquis de
Pomponne: «_M. de Briotte_». L'édition Livet: «_M. Briote_». Nous
adoptons l'orthographe du Recueil de Maurepas.


29.--Ce madrigal, signé avec constance «_Conrart_» dans les textes de
Didot et Nodier, ne porte dans l'original et le Recueil de Sercy que les
initiales _M. C._--Au sujet de cette fleur, on avait donné cette devise
à la reine Anne d'Autriche: _Une grenade_, avec ces mots: _Mon prix
n'est pas dans ma couronne_.


30.--Dans les poésies de Malleville (1649, p. 269), ce madrigal subit
cette variante au second vers:

    «_Et de voir votre nom sur la terre estimé._»

Le manuscrit de Conrart donne, page 1095, ce madrigal conforme à
l'original, et, page 1097, le même avec la variante de Malleville que
nous venons de citer.


31.--Mme de Genlis, dans sa _Botanique historique et littéraire_ (Paris,
1810, page 189), s'exprime ainsi sur ce madrigal:

«Le Perce-Neige fut encore une fleur de la guirlande de Julie;
_Benserade_ en fit les vers que voici:»

Suit le madrigal avec cette curieuse variante qu'il nous procure pour
les derniers vers:

    «Mais celle de ton sein, _adorable Julie,
    Me fait perdre aux yeux éblouis
    La gloire désormais ternie
    Que je ne cédois pas aux lys_.»

Nous laissons à Mme de Genlis la responsabilité de son affirmation, et
nous ne chercherons pas comment _Benserade_ pourrait être auteur d'un
madrigal signé «de Briotte» dans l'original.


32.--L'_Immortelle_ devient l'_Amarante_ au titre de ce madrigal, dans
les poésies de Scudéry, à la suite du _Vassal généreux_ (Paris, Courbé,
1636). Nous devions signaler cette synonymie.


33.--L'_Immortelle blanche_ est le troisième madrigal signé «M. C.» pour
lequel le Recueil de Sercy ait donné, avec sa puissante autorité, la
signature de «_Corneille_». Avec la _Tulipe_ et la _Fleur d'Orange_, il
fait partie des œuvres diverses de notre grand poëte, publiées par
l'abbé Granet.

L'original, la copie manuscrite de Maurepas et l'édition de 1729 signent
«M. C.»; _Conrart_ est la signature que donnent les éditions Didot et
Nodier.


34.--Ce madrigal, qui est le dernier du volume, occupe dans le manuscrit
original le feuillet 95. (Les feuillets ne sont paginés qu'au recto.)

[Illustration]



[Illustration]



TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS

AVEC L'INDICATION

DU PREMIER VERS DE LEURS MADRIGAUX


                                                                   Pages

    ANDILLY (M. d').

    _Merveille de nos jours, dont les charmes vainqueurs_             27


    ANDILLY (M. d') le filz.

    _Sans beauté, sans grandeur, sans éclat et sans grace_            22
    _Je suis et l'Amante et l'Image_                                  52


    BRIOTTE (M. de).

    _J'abandonne les bois dont les feuillages sombres_                61
    _D'un pinceau lumineux l'Astre de la lumiere_                     63
    _Sous un voile d'argent la terre ensevelie_                       67


    CHAPELAIN (M.).

    _Je suis ce Prince glorieux_                                       5


    COLLETET (M.).

    _Si vous n'aviez banny l'ardeur démesurée_                        12
    _Quoy que la Fable nous raconte_                                  13
    _Quoique tu sois pourveu d'un éclat nompareil_                    49
    _Vous qui suivez l'Amour dont le feu vous égare_                  54


    M. C. (?).

    _Un divin oracle autresfois_                                      34
    _Bel Astre à qui je dois mon estre et ma beauté_ [Corneille]      39
    _D'un éternel bonheur ma disgrâce est suivie_                     44
    _Du palais d'émeraude, où la riche Nature_ [Corneille]            56
    _Dans l'Empire fameux de Flore et de Pomone_                      62
    _Donnez-moi vos couleurs, Tulipes, Anémones_ [Corneille]          70


    CORBEVILLE (Arnaud de).

    _Je suis le plus brillant ouvrage_                                38


    DES MARESTZ (M.).

    _Franche d'ambition, je me cache sous l'herbe_                    25
    _Belle, ces Lys que je vous donne_                                35


    GODEAU (M.).

    _Je fus un Berger autrefois_                                      36


    GOMBAUD (M. de).

    _Je suis la fleur d'Amour qu'Amarante on appelle_                 18


    HABERT (M.), abbé de Cérisy.

    _Alors que je me voy si belle et si brillante_                     9
    _Quand je voy vos beaux yeux si brillans et si doux_              17


    HABERT (M.), commissaire de l'artillerie.

    _Epris de l'Amour de moy-même_                                    16
    _Faut-il donc que la Rose ait sur moi l'avantage_                 47
    _Ne pouvant vous donner ni Sceptre ni Couronne_                   48


    MALLEVILLE (M. de).

    _Bien que de la Rose et du Lys_                                    7
    _Devant ce teint d'un beau sang animé_                            10
    _Quand toutes les Fleurs prennent place_                          20
    _De tant de Fleurs par qui la France_                             26
    _Reçois les Lys que je te donne_                                  30
    _Mortels, qu'on ne m'accuse pas_                                  51
    _Lorsque pressé de mon devoir_                                    55
    _Je ne croy pas que ces Guirlandes_                               59
    _Si quelque soin vous tient de vous rendre immortelle_            64


    MARTIN (M.).

    _Je puis mettre entre les louanges_                               32
    _Que j'ay de gloire à cette fois_                                 33


    MONTAUSIER (M. le marquis de).

    _Recevez, ô Nymphe adorable_                                       3
    _Assise en majesté sur un Throsne d'épines_                       11
    _Je consacre, Julie, un Narcisse à ta gloire_                     14
    _Je suis ce Narcisse fameux_                                      15
    _Recevez mon service, adorable Julie_                             19
    _Bien que dans l'Empire des Fleurs_                               21
    _Cause de tant de feux, source de tant de pleurs_                 23
    _Je m'offre à vous, belle Julie_                                  24
    _Le plus ardent de tous mes vœux_                                 29
    _Permettez-moy, belle Julie_                                      40
    _Dans la Fable ni dans l'Histoire_                                41
    _Depuis mon changement tout l'Univers remarque_                   43
    _A ce coup les Destins ont exaucé mes vœux_                       45
    _Si l'on vous donne un Lys, un OEillet, une Rose_                 46
    _Je viens m'offrir à vous pour parer vos cheveux_                 58
    _Parmy toutes ces autres Fleurs_                                  60


    MONTMOR-HABERT (M. de).

    _Fille du bel Astre du jour_                                      65


    M. le M. de R. (marquis de Rambouillet).

    _Je n'ay plus de regret à ces armes fameuses_                     42


    RÉAUX-TALLEMANT (M. des).

    _Devant vous je pers la victoire_                                 31


    SCUDÉRY (M. de).

    _Quelque diversité que le parterre étale_                          8
    _Jadis les rigueurs du Soleil_                                    50
    _Accordez-moi le privilége_                                       68
    _Foibles Fleurs à qui le Destin_                                  69
    _Je vay finir pour Julie_                                         71

[Illustration]



[Illustration]



TABLE

DE LA GUIRLANDE DE JULIE

PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE DES FLEURS[117]

  [117] Nous donnons cette table d'après celle dressée par l'abbé
  Rive à la suite de sa Notice sur la _Guirlande_.--Pour plus de
  commodité, nous avons placé en premier lieu la table par ordre
  alphabétique des auteurs.


                                                                   Pages

    ADONIS (La Fleur d'), madrigal de M. de Malleville                64
      _Si quelque soin vous tient de vous rendre immortelle._


    AMARANTE (L'), madrigal de M. de Gombaud                          18
      _Je suis la Fleur d'Amour qu'Amarante on appelle._


    ANÉMONE (L'), madrigal de M. le marquis de Montausier             24
      _Je m'offre à vous, belle Julie._

    ANGÉLIQUE (L'), premier madrigal de M. le marquis de Montausier   19
      _Recevez mon service, adorable Julie._

    Second madrigal de M. de Malleville                               20
      _Quand toutes les Fleurs prennent place._


    ÉLIOTROPE (L'), madrigal de M. le marquis de Montausier           45
      _A ce coup les Destins ont exaucé mes vœux._


    FLAMBE (La), premier madrigal de M. de Malleville                 59
      _Je ne croy pas que ces Guirlandes._

    Second madrigal de M. le marquis de Montausier                    60
      _Parmi toutes ces autres Fleurs._


    GRENADE (La Fleur de), premier madrigal de M. C. (?)              62
      _Dans l'Empire fameux de Flore et de Pomone._

    Second madrigal de M. de Briotte                                  63
      _D'un pinceau lumineux, l'Astre de la lumiere._


    HYACINTHE (L'), premier madrigal de M. le marquis
    de R. (de Rambouillet)                                            42
      _Je n'ai plus de regret à ces armes fameuses._

    Second madrigal de M. le marquis de Montausier                    43
      _Depuis mon changement, tout l'Univers remarque._

    Troisième madrigal de M. C. (?)                                   44
      _D'un éternel bonheur ma disgrâce est suivie._


    IMMORTELLE (L'), madrigal par M. de Scudéry                       69
      _Foibles Fleurs à qui le Destin._


    IMMORTELLE BLANCHE (L'), madrigal de M. C.
    (Corneille)                                                       70
      _Donnez-moy vos couleurs, Tulipes, Anémones._


    IMPÉRIALE (La Couronne), premier madrigal de

    M. Chapelain                                                       5
      _Je suis ce Prince glorieux._

    Second madrigal de M. de Malleville                                7
      _Bien que de la Rose et du Lys._

    Troisième madrigal de M. de Scudéry                                8
      _Quelque diversité que le parterre étale._


    JASMIN (Le), madrigal de M. le marquis de Montausier              23
    _Cause de tant de feux, source de tant de pleurs._


    JONQUILLE (La), madrigal de M. le marquis de Montausier           41
      _Dans la Fable ni dans l'Histoire._


    LYS (Les), premier madrigal de M. d'Andilly                       27
      _Merveille de nos jours, dont les charmes vainqueurs._

    Second madrigal de M. le marquis de Montausier                    29
      _Le plus ardent de tous mes vœux._

    Troisième madrigal de M. de Malleville                            30
      _Reçois les Lys que je te donne._

    Quatrième madrigal de M. des Réaux-Tallemant                      31
      _Devant vous je pers la victoire._

    Cinquième madrigal de M. Martin                                   32
      _Je puis mettre entre les louanges._

    Sixième madrigal de M. Martin                                     33
      _Que j'ay de gloire à cette fois._

    Septième madrigal de M. C. (?)                                    34
      _Un divin oracle autresfois._

    Huitième madrigal de M. Desmarestz                                35
      _Belle, ces Lys que je vous donne._


    MÉLÉAGRE (La Fleur de), madrigal de M. de Scudéry                 71
      _Je vay finir pour Julie._


    MUGUET (Le), madrigal de M. de Briotte                            61
      _J'abandonne les bois dont les feuillages sombres._


    NARCISSE (Le), premier madrigal de M. le marquis
    de Montausier                                                     14
      _Je consacre, Julie, un Narcisse à ta gloire._

    Second madrigal du même                                           15
      _Je suis ce Narcisse fameux._

    Troisième madrigal de M. Habert, commissaire de l'artillerie      16
      _Épris de l'Amour de moy-même._

    Quatrième madrigal de M. Habert, abbé de Cérisy                   17
      _Quand je voy vos beaux yeux si brillans et si doux._


    OEILLET (L'), madrigal de M. le marquis de Montausier             21
      _Bien que dans l'empire des Fleurs._


    ORANGE (La Fleur d'), madrigal de M. C. (Corneille).              56
      _Du palais d'émeraude, où la riche Nature._


    PAVOT (Le), madrigal de M. de Scudéry                             68
      _Accordez-moi le privilége._


    PENSÉE (La), madrigal de M. Colletet                              54
      _Vous qui suivez l'Amour, dont le feu vous égare._


    PERCE-NEIGE (La), premier madrigal de M. de
    Montmor Habert                                                    65
      _Fille du bel Astre du jour._

    Second madrigal de M. de Briotte                                  67
      _Sous un voile d'argent la Terre ensevelie._


    ROSE (La), premier madrigal de M. Habert, abbé de
    Cérisy                                                             9
      _Alors que je me vois si belle et si brillante._

    Second madrigal de M. de Malleville                               10
      _Devant ce teint d'un beau sang animé._

    Troisième madrigal de M. le marquis de Montausier                 11
      _Assise en majesté sur un Throsne d'épines._

    Quatrième madrigal de M. Colletet                                 12
      _Si vous n'aviez banny l'ardeur démesurée._

    Cinquième madrigal du même                                        13
      _Quoique la Fable nous raconte._


    SAFFRAN (Le), madrigal de M. le marquis de Montausier             58
      _Je viens m'offrir à vous pour parer vos cheveux._


    SOUCY (Le), premier madrigal de M. le marquis de
    Montausier                                                        46
      _Si l'on vous donne un Lys, un OEillet, une Rose._

    Second madrigal de M. Habert, commissaire de
    l'artillerie                                                      47
      _Faut-il donc que la Rose ait sur moi l'avantage._

    Troisième madrigal du même                                        48
      _Ne pouvant vous donner ni Sceptre ni Couronne._

    Quatrième madrigal de M. Colletet                                 49
      _Quoyque tu sois pourveu d'un éclat nompareil._

    Cinquième madrigal de M. de Scudéry                               50
      _Jadis les rigueurs du Soleil._

    Sixième madrigal de M. de Malleville                              51
      _Mortels, qu'on ne m'accuse pas._

    Septième madrigal de M. d'Andilly le filz                         52
      _Je suis et l'Amante et l'image._

    Ces deux derniers madrigaux sont intitulés:
      _Le Soucy sous le nom de Clytie_.


    SOUCYS ET LES PENSÉES (Les), madrigal de M. de
    Malleville                                                        55
      _Lorsque pressé de mon devoir._


    THIN (La Fleur de), madrigal de M. d'Andilly le filz              22
      _Sans beauté, sans grandeur, sans éclat et sans grace._


    TULIPE (La), premier madrigal de M. Godeau                        36
      _Je fus un Berger autrefois._

    Second madrigal de M. Arnaud de Corbeville                        38
      _Je suis le plus brillant ouvrage._

    Troisième madrigal de M. C. (Corneille)                           39
      _Bel Astre à qui je dois mon estre et ma beauté._


    TULIPE (La), nommée _flamboyante_, madrigal de M. le
    marquis de Montausier                                             40
      _Permettez-moy, belle Julie._


    VIOLETTE (La), premier madrigal de M. Desmarestz                  25
      _Franche d'ambition, je me cache sous l'herbe._

    Second madrigal de M. de Malleville                               26
      _De tant de Fleurs par qui la France._


    ZÉPHIRE A JULIE, madrigal de M. le marquis de
    Montausier                                                         3
      _Recevez, ô Nymphe adorable._

    Ce madrigal est sur le huitième des feuillets qui sont à la
    tête de ce manuscrit.

[Illustration]



TABLE GÉNÉRALE


    ÉPITRE DÉDICATOIRE.


    NOTICE.


    MADRIGAUX DE LA GUIRLANDE DE JULIE.


    MADRIGAUX DESTINÉS à _la Guirlande de Julie_:

      1º _Avertissement_;

      2º Madrigaux inédits du manuscrit de Conrart;

      3º Pièces conservées dans les poésies de Malleville;

      4º Fleurs inédites de M. de Scudéry.


    NOTES ET VARIANTES.


    TABLE de _la Guirlande de Julie_, par ordre alphabétique des
      Auteurs, avec l'indication du premier vers de leurs
      Madrigaux.


    TABLE par ordre alphabétique des Fleurs.

[Illustration]



_Achevé d'imprimer_

LE DIX DÉCEMBRE MIL HUIT CENT SOIXANTE-QUINZE

Pour OCTAVE UZANNE

PAR D. JOUAUST

IMPRIMEUR BREVETÉ

338, Rue Saint-Honoré, 338

A PARIS





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