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Title: La vie privée d'autrefois : Arts et métiers : modes, moeurs, usages des parisiens du XIIe au XVIIIe siècle - Les soins de toilette — Le savoir vivre
Author: Franklin, Alfred
Language: French
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*** Start of this LibraryBlog Digital Book "La vie privée d'autrefois : Arts et métiers : modes, moeurs, usages des parisiens du XIIe au XVIIIe siècle - Les soins de toilette — Le savoir vivre" ***


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 ┌────────────────────────────────────────────────────────────────────┐
 │ Note de transcription:                                             │
 │                                                                    │
 │ Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été       │
 │ corrigées. L'orthographe et la ponctuation d'origine ont été       │
 │ conservées et n'ont pas été harmonisées.                           │
 │                                                                    │
 │ Les mots en italiques sont _soulignés_.                            │
 │                                                                    │
 │ La Table des Matières se trouve en fin de livre et a été créée par │
 │ le transcripteur.                                                  │
 └────────────────────────────────────────────────────────────────────┘



  LA VIE PRIVÉE

  D'AUTREFOIS



L'auteur et les éditeurs déclarent réserver leurs droits de traduction
et de reproduction à l'étranger.

Ce volume a été déposé au ministère de l'intérieur (section de la
librairie) en février 1887.


PARIS. TYPOGRAPHIE E. PLON, NOURRIT ET Cie, RUE GARANCIÈRE, 8.



  LA VIE PRIVÉE
  D'AUTREFOIS

  ARTS ET MÉTIERS

  MODES, MŒURS, USAGES DES PARISIENS

  DU XIIe AU XVIIIe SIÈCLE

  D'APRÈS DES DOCUMENTS ORIGINAUX OU INÉDITS

  PAR

  ALFRED FRANKLIN

  LES SOINS DE TOILETTE

  LE SAVOIR-VIVRE

  [Illustration]


  PARIS

  LIBRAIRIE PLON
  E. PLON, NOURRIT ET Cie, IMPRIMEURS-ÉDITEURS
  RUE GARANCIÈRE, 10

  1887



LA

VIE PRIVÉE D'AUTREFOIS

LES SOINS DE TOILETTE.

LE SAVOIR-VIVRE.



I


Jusqu'au milieu du dix-septième siècle, tout barbier était en même
temps chirurgien. Dans sa boutique, obscure et sale, il rasait et
saignait, coupait les cheveux et posait des ventouses, pansait
les plaies, ouvrait les anthrax, ne reculait même pas devant les
opérations les plus compliquées et les plus dangereuses. Un préjugé
persistant enveloppait dans le même dédain tout travail manuel, qu'il
s'appliquât à un métier, à un art ou à une science. L'ouvrier maçon et
l'architecte, le barbouilleur d'enseignes et le peintre qui ornait les
palais royaux de chefs-d'œuvre, le barbier et le chirurgien enfin,
appartenaient l'un et l'autre et au même titre à la même corporation
ouvrière. Je développerai tout cela ailleurs, lorsque j'aurai à
raconter la lutte soutenue pendant cinq cents ans par les barbiers
contre les chirurgiens. A vrai dire, il n'y avait guère entre eux de
différence, et plusieurs de nos meilleurs chirurgiens, Ambroise Paré
entre autres, n'étaient que des barbiers, et furent associés fort tard
à la classe des chirurgiens proprement dits.

Ce que l'on reprochait aux barbiers, gens fort serviables et fort
aimés du petit peuple, qui ne connaissait guère d'autres médecins,
c'était donc surtout le mélange d'attributions disparates, les
opérations de chirurgie et les soins de toilette: «Voicy le mal que le
barbier ne se contente du poil[1]», était déjà une phrase proverbiale
au seizième siècle. Louis XIII voulut donner satisfaction à un vœu si
général. En décembre 1637, il autorisa l'établissement d'une nouvelle
communauté de barbiers, celle des _barbiers-barbants_, à laquelle
toute pratique chirurgicale était interdite, et qui n'avait dans ses
attributions que les bains et la coiffure. Les barbiers-chirurgiens
protestèrent, et l'affaire fut portée au Parlement, qui procéda avec
une sage lenteur. Au mois de décembre 1659, Louis XIV intervint et
confirma la création faite par son prédécesseur. L'édit rendu à cette
occasion ne put encore être exécuté, et fut renouvelé le 23 mars 1673.

En vérité, il n'était que temps, et jamais la nécessité de constituer
une corporation ne s'était fait plus vivement sentir. Car enfin, il
faut tout dire, depuis près d'un siècle les Parisiens négligeaient
fort les soins les plus élémentaires de la toilette; ils avaient perdu
à peu près complétement l'habitude de se laver. Esquissons à grands
traits l'histoire de la propreté en France.

Par réaction contre le sensualisme païen, l'Église se montra d'abord
fort indifférente sur ce point; peu s'en faut même qu'elle ne regardât
la propreté comme une pratique dangereuse, une vanité coupable, un
péché. En général, les moines ne prenaient de bains que deux fois par
an, à Noël et à Pâques. La règle de saint Benoît s'exprime ainsi:
«On permettra les bains aux malades toutes les fois qu'on le jugera
nécessaire; mais pour ceux qui se portent bien, surtout s'ils sont
jeunes, on ne leur en accordera l'usage que rarement[2].» Dom Calmet,
qui a écrit un très-savant commentaire sur la règle de saint Benoît,
trouve cette mesure excellente, et montre combien il eût été cruel
de refuser ces deux bains annuels aux religieux. Ils leur étaient
nécessaires, dit-il, parce «qu'alors ils n'usoient point de linge,
comme ils n'en usent point encore aujourd'hui. Couchant tout vêtus
et changeant peu souvent d'habits de laine qu'ils portoient sur
la chair, ils contractoient beaucoup de crasse par la sueur et le
travail, ce qui étoit non-seulement très-incommode aux particuliers
pour leur personne, mais aussi étoit à charge aux autres à cause de la
mauvaise odeur et de la malpropreté. Aujourd'hui, ajoute-t-il, on a
pourvu à ces inconvénients par les chemises de serge qu'on porte, et
que l'on peut laver aussi fréquemment que le besoin ou la bienséance
le demandent[3].» La seule concession faite sur ce point s'applique
donc, non à la personne des religieux, mais à leur chemise, qu'ils
étaient autorisés à laver tous les quinze jours[4]. Ce qui tendrait
à faire supposer qu'ils n'abusaient pas de la permission, c'est que
la règle leur accordant des pédules ou pantalons à pieds, les moines
en coupaient l'extrémité qui, paraît-il, se salissait trop vite; dom
Calmet s'exprime ainsi: «A cause de la sueur, ils coupent ce qu'ils
mettent dans leurs pieds, pour s'épargner la peine de les laver[5].»
Il y a là amphibologie, mais le commentaire qui suit explique la vraie
pensée de l'auteur.

La règle de Cluni ordonnait aux moines de se réunir chaque matin dans
le cloître, afin d'y faire leur toilette. Celle-ci était sans doute
bien sommaire, car trois serviettes pendues au mur constituaient
tout le linge mis à la disposition de la communauté; la première
était exclusivement réservée aux novices, la deuxième aux profès,
et la troisième aux frères lais[6]. Les Bénédictins avaient chacun
leur peigne, et, dit dom Calmet, «ils se peignoient et se lavoient
assez souvent le visage et la tête». Il explique un peu plus loin ce
qu'il faut entendre par ces mots _assez souvent_: les religieux, qui
avaient tout le crâne rasé et ne conservaient qu'une étroite couronne
de cheveux, se lavaient la tête «tous les samedis[7]».

On comptait si peu sur la propreté des séculiers, des évêques même,
que l'on exigeait qu'ils se peignassent avant de monter à l'autel.
Comme ils ne se décidaient à subir cette opération qu'au dernier
moment, «et que l'on étoit bien aise de conserver la chape et la
chasuble, et d'empêcher que la crasse ne tombât dessus, on mettoit sur
leurs épaules un linge fait en forme de petit manteau[8]».

[Illustration: PEIGNE EN IVOIRE SCULPTÉ DU SEIZIÈME SIÈCLE.

Musée du Louvre. Collection Sauvageot.]

A l'égard des soins du corps, les couvents de femmes eux-mêmes ne
jouissaient d'aucun privilége, bien qu'on y autorisât le rouge et
les mouches. Vers la fin du dix-septième siècle, madame de Mazarin,
retirée chez les Visitandines de la rue Saint-Antoine, ayant demandé
un jour à se laver les pieds, la maison entière s'en émut, et la
duchesse essuya un refus fort net. Comme elle tenait à ses idées, elle
se procura de l'eau et, faute de mieux, en remplit un grand coffre
qui était dans le dortoir; de sorte que tout cela finit par une
inondation générale[9].

Dans son grand _Dictionnaire des sciences ecclésiastiques_ publié
en 1760, le Dominicain Richard concède que «l'usage du bain est
permis en soi, pourvu qu'on ne le prenne pas par volupté, mais par
nécessité[10],» et la récente canonisation de Benoît Labre prouve
bien que l'Église n'a jamais entendu faire de la propreté même une
demi-vertu. A en croire les panégyristes de ce saint personnage,
l'odeur infecte qu'exhalait son corps crasseux et couvert de vermine
faisait fuir jusqu'aux mendiants les plus sales[11].

En dehors de l'Église, on fut assez propre au moyen âge, surtout dans
la classe aisée. Les croisés avaient rapporté d'Orient le goût des
bains, et de bonne heure les étuves s'étaient multipliées à Paris.
Leur souvenir s'y est conservé, presque jusqu'à nos jours, dans le nom
de plusieurs rues.

Le _cul-de-sac des Étuves-Saint-Michel_ longeait l'église de ce nom
et aboutissait dans la rue de la Barillerie[12], aujourd'hui boulevard
du Palais.

La _rue des Étuves-Saint-Martin_, devenue _rue des Vieilles-Étuves_,
se nommait au treizième siècle rue Geoffroi-des-Bains ou des Étuves,
_vicus Gauffridi de Balneolis sive stuffarum_[13].

La rue Sauval actuelle portait, il y a encore peu d'années, le nom de
rue des _Vieilles-Étuves-Saint-Honoré_.

A gauche de la rue Marivaux, aujourd'hui rue Nicolas-Flamel, s'ouvrait
le _cul-de-sac des Étuves_, ainsi appelé d'un établissement qui y
était situé[14], et dont la réputation dura plusieurs siècles.

Le cul-de-sac de la Porte-aux-Peintres, aujourd'hui impasse des
Peintres, s'est appelé _ruelle sans chef dite des Étuves_[15].

La partie de la rue des Bourdonnais qui aboutit au quai de la
Mégisserie fut dite d'abord rue de l'Abreuvoir-Thibaut-aux-Dés, puis
_ruelle des Étuves_, et enfin rue de l'Arche-Marion, du nom de la
femme qui y tenait alors des étuves[16].

Un autre _cul-de-sac des Étuves_ aboutissait dans le grand cul-de-sac
Gloriette[17], qui lui-même débouchait dans la rue de la Huchette.

La rue du Chat-qui-pêche, située tout près de là, a porté aussi le nom
de _ruelle des Étuves_[18].

On nommait également _rue aux Étuves_ une petite voie qui allait de la
rue des Cordeliers, aujourd'hui rue de l'École-de-Médecine, à la rue
Mignon[19].

Il est clair que bien d'autres rues de Paris ont possédé des étuves,
sans perdre pour cela leur nom primitif. Nous savons, par exemple,
qu'à l'angle de la rue Beaubourg, des étuves destinées aux femmes
étaient installées dans une maison qui avait pour enseigne le _Lion
d'argent_[20].

Les Juifs, dont la loi prescrit aux femmes l'usage du bain au moins
une fois par mois[21], avaient dès 1248 dans la rue de la Pelleterie,
une maison d'étuves à leur usage: _domus quæ fuit stuffæ Judæorum_[22].

En somme, la _Taille de 1292_ mentionne vingt-six étuves, réparties à
peu près dans tous les quartiers, et parmi lesquelles figurent celles
de la rue des Vieilles-Étuves-Saint-Martin[23], de la rue Sauval[24]
et de l'impasse Marivaux[25].

Chaque matin, les valets étuveurs parcouraient les rues, annonçant que
les bains étaient prêts:

    Oiez c'on crie au point du jor[26]:
    Seignor, quar vous alez baingnier
    Et estuver sanz delaier[27],
    Li baing sont chaut, c'est sanz mentir[28].

Les statuts des étuveurs sont compris dans le _Livre des métiers_[29],
mais ils y ont été insérés après la mort d'Étienne Boileau, car
l'écriture date du quatorzième siècle seulement. Ils offrent,
d'ailleurs, un grand intérêt comme peinture des mœurs de l'époque.

Le métier était franc, ce qui signifie que chacun pouvait s'établir
étuveur sans payer aucune redevance. On se bornait à exiger
l'engagement de respecter les statuts rédigés en commun par les
membres de la corporation: «Quiconques veut estre Estuveur en la ville
de Paris, estre le peut franchement, pour tant que il euvre selonc les
us et les coustumes du mestier, faites par l'acort du commun[30].»

Nul ne devait annoncer ni faire annoncer l'ouverture des étuves avant
le point du jour, «pour les perilz qui pevent avenir en ceux qui se
lievent audit cri pour aler aus estuves[31]». Ces périls prouvent le
peu de sûreté que présentaient les rues pendant l'obscurité.

Il était défendu de recevoir dans les étuves des femmes d'une conduite
suspecte, des lépreux ou des lépreuses, des vagabonds, des gens mal
famés, coureurs de nuit: «Que nulz dudit mestier ne soustiengne en
leurs mesons ou estuves bordiaus de jour ne de nuit, mesiaus ne
meseles, reveurs, ne autres genz diffamez de nuit.»

Le prix de l'étuvage était fixé à un franc de notre monnaie, celui du
bain à deux francs: «Et paiera chascunne personne pour soy estuver
deus deniers, et se il se baigne il paiera quatre deniers[32].» Cette
distinction montre que parmi les personnes qui fréquentaient les
étuves, les unes se bornaient à prendre un bain de vapeur, tandis que
d'autres y faisaient succéder un bain d'eau chaude; c'est encore ce
qui se pratique dans les bains publics de l'Orient. Au siècle suivant,
les prix étaient presque doublés: l'étuvage coûtait deux francs,
l'étuvage et le bain réunis quatre francs. Le peignoir était fourni
moyennant cinquante centimes[33].

L'habitude des étuves était si générale que l'État prenait de grandes
précautions pour en prévenir la fermeture. Ainsi, quand un hiver
rigoureux faisait hausser le prix du bois et du charbon, le prévôt de
Paris admettait les réclamations des étuveurs, et augmentait le prix
d'entrée proportionnellement à celui qu'avait atteint le combustible:
«Et pour ce que en aucun temps buche, charbon sont plus chiers une
fois que autre», le prévôt de Paris pourra élever le prix des étuves,
«par le rapport et serement[34] des bones genz dudit mestier[35].»

Un article, sans doute postérieur à ces premiers statuts[36], nous
apprend qu'on allait aux étuves le soir aussi bien que le matin,
que souvent on y restait toute la nuit, et que la réputation de ces
maisons était déjà fort mauvaise: «Que nuls ne chaufe estuves à Paris
que pour hommes tant seullement ou pour fames, lequel qui li plera,
car c'est vil chose et honteuse, pour les ordures et pour les perilz
qui y pevent avenir; car quant les hommes s'estuvent par devers le
soir, aucune foiz ils demeurent et gisent leens jusques au jour qu'il
est haute heure. Et les dames viennent au matin es dictes estuves,
et aucune foiz vont es chambres aus hommes par ignorance; et assés
d'autres choses qui ne sont pas belles à dire.»

Les étuves étaient fermées les dimanches et jours de fête[37].

Trois «preud'ommes du mestier», élus par leurs confrères et acceptés
par le prévôt de Paris, prêtaient serment de dénoncer toutes les
contraventions aux statuts, les «mesprentures», dit le texte[38].
Chaque contravention de ce genre était punie d'une amende de dix sols
(soixante francs), dont six allaient au Roi, et les quatre autres aux
preud'hommes jurés[39].

En dépit de ces sages règlements, les étuves continuèrent à servir
de lieux de plaisirs, et rien ne paraît avoir été changé pendant
longtemps à leur organisation. Au commencement du seizième siècle, on
criait encore l'ouverture des étuves au point du jour:

    C'est à l'image Saincte Jame
    Où se vont baigner ces femmes.
    Et baignez et estuvez, allez.
    Bien servies vous y serez
    De varletz, de chambrière,
    De la dame, bonne chère.
    Allez tost, les baings sont prestz[40].

Ces bains se prenaient dans des baquets de bois, car la baignoire de
métal est d'invention récente. Froissart rapporte[41], il est vrai,
qu'en 1382, les Gantois pillant les meubles du comte de Flandre,
brisèrent la «cuvelette où on l'avoit d'enfance baigné, qui étoit
d'or et d'argent»; mais il s'agit évidemment ici d'une cuvette et non
d'une baignoire. Isabeau de Bavière paya en 1416 treize sous pour
faire «desassembler et rassembler, recingler et relier tout de neuf
deux cuves à baigner» pour son usage[42]. En 1478, Jacques Cadot,
menuisier, reçoit trente sous pour une «cuve à baigner» le Roi. En
1481, Mace Pignet, tonnelier, demande vingt-deux sous six deniers,
«pour avoir habillé et nectoyé les cuves à baigner» Louis XI[43]. Les
peignoirs ou fonds de bain se nommaient _baignoères_ ou _baignoires_;
ils étaient ordinairement de toile très-fine, et on employait jusqu'à
douze aunes pour en faire un seul[44].

[Illustration: UNE BAIGNOIRE AU QUINZIÈME SIÈCLE.

    Apres ces motz sans arrester
    Fit neron vng baing apprester

    Et fit ens le preudomme mettre
    Et puis saigner ce dit la lettre
    Et tant luy fit de sang espandre
    Qui luy conuint son ame rēdre

Mort de Sénèque, d'après le _Roman de la rose_, édit. s. d. (quinzième
siècle), fº53.]

Les cuvettes de toilette se nommaient alors _bassins à laver_.
Ordinairement on les posait à terre sur une natte, et l'on se lavait à
genoux la tête et le haut du corps, c'est-à-dire tout ce que le bain
laissait hors de l'eau. Le _pot à laver_ ou _pot à eau_, différait de
l'aiguière, qui s'employait surtout pour le lavage des mains avant et
après le repas. On voit dans l'inventaire dressé après la mort de
Charles V, que ce prince possédait vingt-quatre bassins à laver en or,
une foule de bassins semblables en argent, et «ung bassin ou vaisseau
à laver piez» qui pesait quarante-sept marcs d'argent[45]. Mais
l'inventaire ne fait aucune distinction entre les bassins de toilette
et ceux qui étaient destinés au service de la table.

Comme chez les Romains, il était d'usage de se baigner avant le
repas. Pour qu'une réception parût vraiment luxueuse et cordiale,
il fallait offrir un bain à son hôte, qui passait de la baignoire à
la salle à manger. Jean de Troyes raconte qu'en septembre 1467 «le
Roy et la Royne firent de grans chiers[46] en plusieurs des hostels
de leurs serviteurs et officiers. Et entre les aultres, le jeudy
dixiesme jour dudit mois, la Royne et plusieurs dames de sa compaignie
souppèrent en l'ostel de maistre Jehan Dauvet, premier président au
Parlement, et illec furent receuës et festoyées moult noblement et à
grant largesse. Et y eut faits quatre moult beaux bains et richement
aornez, cuidant que la Royne se y deust baigner, dont elle ne fist
rien, pource qu'elle se sentit ung peu mal disposée, et aussi que le
temps estoit dangereux. Mais en l'un desdits baings se y baignèrent
madame de Bourbon, madamoiselle Bonne de Savoye; et en l'autre baing
se baignèrent madame de Montglat et Perrette de Châlons, bourgoise de
Paris[47]: et là firent bonne chière.» Le 22 du même mois, Louis XI
alla souper chez le prévôt des marchands Denis Hesselin; «et audit
hostel le Roy y fist grande chière, et y trouva trois beaulx baings
honnestement et richement attintelez, cuidant que le Roy deust illec
prendre son plaisir et se baigner[48].»

Les bains dont il est ici question paraissent avoir été improvisés en
vue de la réception des souverains. Cependant, les grandes familles
avaient souvent des étuves et des salles de bain dans leur hôtel; les
récits du temps nous en fournissent de nombreuses preuves[49]. Des
étuves destinées à la maison royale avaient été construites dans le
jardin du Palais, à l'extrémité de la Cité[50], et ce petit bâtiment
figure encore sur le plan dit de Ducerceau, qui date du milieu du
seizième siècle. Il y avait également des étuves et des bains au
Louvre, à l'hôtel Saint-Paul et à celui du Petit-Musc. Sauval nous dit
même qu'«ils étoient pavés de pierre de liais, fermés d'une porte de
fer treillissé, et entourés de lambris de bois d'Irlande; les cuves
étoient de même bois, ornées tout autour de bossetes dorées et liées
de cerceaux attachés avec des clous de cuivre doré[51]».

C'est ordinairement aux étuves qu'avait lieu l'épilation, coutume
adoptée par toutes les classes de la société. Dans les établissements
publics, le barbier, son valet ou quelque vieille matrone se
chargeaient de l'opération vis-à-vis des deux sexes. Quand François
Ier mit à la mode les cheveux courts et la barbe longue, Clément Marot
peignit en vers railleurs le désespoir des barbiers, réduits au métier
d'épileurs[52]. Nos anciens poëtes donnent sur ce point des détails
fort curieux, mais que je ne puis faire figurer ici.

[Illustration: UNE BOUTIQUE DE BARBIER AU SEIZIÈME SIÈCLE.

D'après J. Amman.]

En somme, les étuves rendaient de réels services, bien qu'elles
n'eussent rien perdu au seizième siècle de la mauvaise réputation
qu'elles s'étaient légitimement acquise depuis le quatorzième.
Toutefois leur vogue ne se soutint pas. Endroits de perdition,
anathématisés à la fois par les prédicateurs catholiques et par les
ministres huguenots, elles se virent peu à peu abandonnées, et presque
toutes disparurent. La morale y gagna, cela est certain, mais nous
allons voir tout ce qu'y perdit la propreté. Les étuves fermées,
à qui s'adresser pour les soins du corps? Restaient seulement les
barbiers-chirurgiens, dont les boutiques n'avaient rien d'attrayant.
Dans un réduit obscur gisaient trois ou quatre baquets destinés
surtout aux malades; quant au maître barbier, il était là, prêt à
vous rendre ses petits services, essuyant ses mains qui venaient de
panser un cautère ou d'ouvrir un abcès. Entre deux maux, il faut
choisir le moindre. Les Parisiens prirent leur parti, et sans trop
de peine, semble-t-il. On cessa d'aller au bain; puis, l'habitude de
l'eau une fois perdue, on finit par ne plus se laver du tout, même
chez soi. Une charmante et élégante reine, Marguerite de Navarre, dans
un dialogue amoureux composé par elle[53], trouve tout naturel de
dire à son amant: «Voyez ces belles mains; encore que je ne les aye
point descrassées depuis huict jours, gageons qu'elles effacent les
vostres[54].»

A cette époque, on mangeait encore sans fourchette; aussi
recommandait-on de ne pas se moucher avec la main qui prenait la
viande. On était libre, d'ailleurs, de se moucher dans ses doigts,
pourvu que ce fût de la main gauche:

    Enfant, se ton nés est morveux,
    Ne le torche pas à main nue
    De quoy la viande est tenue,
    Le fait est villain et honteux[55].

On constate sur ce point, quelques années plus tard, un progrès
sensible. Érasme, en 1530, conseille l'emploi du mouchoir. Cependant,
ajoute-t-il, il n'est pas interdit de se moucher avec deux doigts,
pourvu que l'on prenne soin de poser aussitôt le pied sur ce qui
sera tombé à terre[56]. Cent ans après, on pouvait encore, sans
trop offenser la civilité, faire cette délicate opération avec un
seul doigt. Un grand seigneur, d'Hauterive de l'Aubespine, recevait
un jour à dîner la fleur de la galanterie française, l'illustre
Turenne entre autres, et le marquis de Ruvigny. Au milieu du repas,
d'Hauterive ayant eu besoin de se moucher, pressa avec le doigt une
de ses narines, et le contenu de l'autre, partant comme une flèche,
alla s'aplatir contre la cheminée, «en faisant autant de bruit qu'un
pistolet». Ruvigny, qui était assis auprès de Turenne, s'écrie en
entendant cette détonation: «Monsieur, n'êtes-vous pas blessé?»
Et, ajoute Tallemant des Réaux[57], «ce fut un esclat de rire le
plus grand du monde». Cette grave question du mouchoir, qui semble
aujourd'hui à peu près résolue, soulevait encore des controverses peu
de temps avant la Révolution. De la Mésangère s'exprimait ainsi en
1797: «On faisait un art de se moucher il y a quelques années. L'un
imitait le son de la trompette, l'autre le jurement du chat. Le point
de perfection consistait à ne faire ni trop de bruit ni trop peu[58].»

Revenons à Érasme. Il nous apprend encore qu'il fallait éviter autant
que possible de conserver dans ses cheveux des lentes et des poux,
tout au moins qu'il était peu convenable de les faire tomber sur ses
voisins en se grattant la tête[59]; que les personnes désireuses de
passer pour très-distinguées, prenaient soin de se peigner avant
d'aller dîner chez un homme de qualité[60]; enfin, qu'un homme
soucieux de sa santé devait bien se garder de retenir les flatuosités
qu'occasionne une digestion difficile, mais que dans le monde il était
de bon goût d'en dissimuler le bruit en toussant: «tussi crepitum
dissimulet[61].» Il ne s'agit ici, bien entendu, que des bruits
intempestifs émis par en bas; ceux d'en haut avaient toute licence de
se produire, comme le démontre une belle réponse faite par Louis XIII,
alors âgé de huit ans, à M. de Souvré son gouverneur[62].

Le père de cet éloquent petit bonhomme, Henri IV, souverain sans
morgue, ne dissimulait pas qu'il «avoit les pieds et le gousset
fins»; et, s'il faut en croire Tallemant des Réaux[63], ordinairement
bien informé, madame de Verneuil, dans un moment de colère, lui
dit «qu'il puoit comme une charogne». Le bourru d'Aubigné voulait
peut-être se moquer de son maître quand il met en scène[64] ce
Renardière qui, «à force d'estre noble, dès la première veuë
connoissoit fort bien un gentilhomme, et au sentir mesme, car il
vouloit qu'un vrai noble eust un peu l'œsselle surette et les pieds
fumants».

Ce n'était pourtant pas là, hélas! un privilége exclusif de la
noblesse, et la propreté outragée se vengeait de son mieux. Elle
livrait les coupables à une foule de cruels parasites chargés de les
torturer. Le _Ménagier de Paris_, composé en 1393, enseigne déjà six
manières de se débarrasser des puces, et l'auteur reconnaît qu'en
préserver son mari constituait une des sérieuses préoccupations d'une
tendre épouse: «Et pour ce, chère seur[65], je vous pry que le mari
que vous arez[66], vous le vueillez ainsi ensorceller, et le gardez
de maison maucouverte[67] et de cheminée fumeuse; et ne luy soyez pas
rioteuse[68], mais doulce, aimable et paisible. Gardez en yver qu'il
ait bon feu sans fumée, et entre vos mamelles bien couchié, bien
couvert. Et en esté gardez que en vostre chambre ne en vostre lit
n'ait nulles puces, ce que vous pouvez faire en six manières[69]...»

Dans une pièce publiée vers 1520, une puce parlant en vers déclare
qu'elle a été créée pour tourmenter la gent animale et se repaître de
son sang:

    Quant l'yver vient, ilz ont quelque esperance
    De se venger tandis que le froit dure,
    Car sus leur chair ne fais plus demourance,
    Je perds vigueur quant sens venir froidure.
    Mais en esté, je ne tiens point mesure
    De tormenter femmes, chiens et chats.
    Beau dire ilz ont que je leur fais nuisure,
    Pour les pincer ne veulx point de compas.
    De leur bon sang je fais tous mes repas,
    Sans espargner damoyselle ou bourgeoyse,
    Leur faisant peine jusques à mon trespas.

Et l'auteur termine en indiquant un procédé nouveau:

    Pour toutes pulces faire soubdain mourir[70].

C'était bien, en effet, une guerre incessante et une guerre à mort.
Aussi tous les manuels de la vie pratique écrits vers cette époque
se font-ils l'écho de ce grave souci. Le _Traicté nouveau, intitulé
bastiment de receptes_[71] fournit, avec d'intéressants détails, cinq
procédés infaillibles:

«Pour faire que les punaises ne te nuysent point la nuyt;

«Pour faire un oignement qui tue les punaises en la couche ou
couchette;

«Pour faire qu'il n'y aye nulles pusses en une chambre;

«Pour faire un unguent qui tue les punaises ou mortzpions;

«Pour tuer les poulz et lentes.»

Remarquez que, de ce temps, date la fureur des cosmétiques, des
fards, des essences, des pâtes, des parfums, qui ne se calma qu'au
commencement du règne de Louis XIV. Il faut donc se rendre à
l'évidence, et se représenter telle qu'elle était la haute société
du seizième siècle. S'il y avait, par exemple, gala au Louvre,
gentilshommes et grandes dames, bardés de crasse, mais couverts de
parfums, de perles et de pierreries, montaient sur un cheval ou un
mulet, la femme en croupe derrière son mari[72]. On se mettait à
table, et les convives, s'aidant un peu du couteau, mangeaient avec
les doigts, engluant leur serviette, qu'on était forcé de changer
après chaque plat.

Vers 1640, parurent enfin, les _Loix de la galanterie_[73], code
du bon ton à l'usage des petits-maîtres; on y voit avec surprise
quels raffinements de soins la mode imposait alors aux galants du
grand monde. Lisez: «L'on peut aller quelquefois chez les baigneurs
pour avoir le corps net, et tous les jours l'on prendra la peine de
se laver les mains. Il faut aussi se faire laver le visage presque
aussi souvent, et se faire razer le poil des jouës, et quelquefois
se faire laver la teste... Vous aurez un valet de chambre instruit à
ce mestier, ou bien vous vous servirez d'un barbier qui n'ait autre
fonction, et non pas de ceux qui pansent les playes et les ulcères,
et qui sentent toujours le puz et l'onguent. Outre l'incommodité que
vous en recevez, il y a danger mesme que venant de panser quelque
mauvais mal, ils ne vous le communiquent; tellement que vous ne les
appellerez que quand vous serez malades. Et en ce qui est de vous
accommoder le poil, vous aurez recours à leurs compétiteurs, qui sont
barbiers-barbans[74].» Notre manuel ne parle pas des femmes, mais la
mode est toujours donnée par elles. Si elles eussent eu soin de leur
personne, auraient-elles pu souffrir auprès d'elles ces soupirants
malpropres?

[Illustration: «UN COURTISAN ET SA DEMOISELLE.»

  D'après les _Monumens_ de Montfaucon.
  (Seizième siècle.)
]

Lorsque l'excès de la propreté eut été porté à ce point qu'un raffiné
dut se laver le visage _presque tous les jours_, on comprit enfin
ce que présentaient de répugnant les multiples attributions des
barbiers-chirurgiens, et les barbiers-barbants furent créés. A la
suite de l'édit de 1637, quelques industriels avisés avaient déjà
adopté cette spécialité, mais la corporation ne fut définitivement
instituée que par l'édit du 23 mars 1673. «Nous avons reconnu dès il
y a longtemps, dit le Roi, que l'usage de faire le poil et de tenir
des bains et étuves, et les soins que l'on apporte à tenir le corps
humain dans une propreté honneste, estant autant utile à la santé que
pour l'ornement et la bienséance, par nostre édit du mois de décembre
1659, nous aurions ordonné l'établissement d'un corps et communauté de
_Barbiers-Baigneurs-Étuvistes-Perruquiers_[75], réduits à deux cens,
pour en faire profession particulière, distincte et séparée de celle
des maistres chirurgiens-barbiers[76].» Ces deux cents charges étaient
vendues par le Roi, et déclarées héréditaires.

C'était là, sans nul doute, une utile réforme, mais dans cet ordre
de faits il n'eût pas fallu s'arrêter en si beau chemin. Soumise à
un examen même bienveillant, la cour brillante qui entourait Louis
XIV aurait perdu beaucoup de son prestige. On commençait, il est
vrai, à comprendre qu'il était bon de se laver de temps en temps, et
l'on revenait peu à peu à l'idée que l'eau pouvait avoir été faite
pour cela; on la subissait cependant plus qu'on ne l'aimait. L'usage
quotidien d'abondantes ablutions telles que nous les pratiquons
aujourd'hui eût certainement paru alors une singularité. Le plus
souvent, les gens soigneux se bornaient à promener le matin sur leur
visage un petit tampon de coton trempé dans de l'alcool très-faible
et aromatisé. Un manuel des bienséances, imprimé en 1782, prohibe
encore l'emploi de l'eau pour la toilette: «Il est de la propreté
de se nettoyer tous les matins le visage avec un linge blanc, pour
le décrasser. Il est moins bien de le laver avec de l'eau, car cela
rend le visage plus susceptible du froid en hiver et du hâle en
été[77].» On voit que l'auteur, brave docteur en théologie, n'avait
pas sur la physiologie et l'hygiène des notions bien exactes. Madame
de Motteville éprouve le besoin de nous dire qu'Anne d'Autriche était
«propre et fort nette»; elle ne néglige pas non plus de nous apprendre
que, lors de l'arrivée de la reine Christine à Compiègne, les mains
de l'auguste souveraine «étoient si crasseuses qu'il étoit impossible
d'y apercevoir quelque beauté[78]». On sait, du reste, que la fistule
dont fut atteint Louis XIV est parfois le résultat d'un manque de
propreté, et que le roi-soleil avait souvent son sommeil troublé par
des punaises[79].

Vers cette époque commença la vogue des carrosses et des chaises à
porteur, qui facilitèrent les relations sociales dans ce que l'on
appelait alors le monde galant. En 1550, il n'y avait guère à Paris
que trois ou quatre carrosses, et c'était encore un luxe de faire ses
courses _en housse_, c'est-à-dire sur un cheval de selle couvert d'une
housse de drap ou de velours. Sully allait au Louvre en housse, et il
n'eut un carrosse que lorsqu'il fut grand maître de l'artillerie[80].
La bourgeoisie, la noblesse pauvre allaient à pied; on marchait avec
précaution dans les rues boueuses, et si l'on rendait une visite de
cérémonie, on changeait de chaussures dans l'antichambre avant de
passer au salon. Les _Loix de la galanterie_ nous fournissent sur ce
point des détails curieux: «Lors que la mode a voulu que les seigneurs
et hommes de condition allassent à cheval par Paris, il estoit honeste
d'y estre en bas de soye sur une housse de velours et entouré de pages
et de laquais. Mais maintenant, veu que les crottes s'augmentent
tous les jours dans cette grande ville, avec un embarraz inévitable,
nous ne trouvons plus à propos que nos galands de la haute volée
soient en cet équipage et aillent autrement qu'en carrosse. Nous
sçavons qu'autrefois pour parler d'un qui paroissoit dans le monde,
soit financier ou autre, l'on disoit de luy: _il ne va plus qu'en
housse_; mais maintenant cela n'est plus guère propre qu'aux médecins
ou à ceux qui ne sont pas des plus relevez. De quelque condition que
soit un galand, nous luy enjoignons d'avoir un carrosse s'il en a le
moyen, d'autant que lors que l'on parle aujourd'huy de quelqu'un qui
fréquente les bonnes compagnies, l'on demande incontinent: _a-t-il
carrosse?_ et si l'on respond que oüy, l'on en fait beaucoup plus
d'estime. Si les galands du plus bas estage veulent visiter des
dames de condition, ils remarqueront qu'il n'y a rien de si laid
que d'entrer chez elles avec des bottes ou des souliers crottez,
spécialement s'ils en sont logez fort loin; car quelle apparence y
a-t-il qu'en cet estat ils aillent marcher sur un tapis de pied et
s'asseoir sur un faut-œil de velours? C'est aussi une chose infâme
de s'estre coulé de son pied d'un bout de la ville à l'autre, quand
mesme on auroit changé de souliers à la porte, pource que cela vous
accuse de quelque pauvreté, qui n'est pas moins un vice aujourd'huy
en France que chez les Chinois, où l'on croid que les pauvres soient
maudits des Dieux à cause qu'ils ne prospèrent point. Vous pouvez
aussi vous faire porter en chaize, dernière et nouvelle commodité,
si utile qu'ayant esté enfermé là dedans sans se gaster le long des
chemins, l'on peut dire que l'on en sort aussi propre que si l'on
sortoit de la boiste d'un enchanteur; et comme elles sont de loüage,
l'on n'en fait la despense que quand l'on veut, au lieu qu'un cheval
mange jour et nuict[81].»

[Illustration: «DEUX COURTISANS QUI VONT AU LOUVRE.»

D'après les _Monumens_ de Montfaucon. (Seizième siècle.)]

Il s'agissait donc surtout de briller à peu de frais, et pourvu que
le galant eût sa chaussure et ses vêtements à peu près propres, on ne
s'inquiétait pas d'autre chose. Un traité de la civilité qui eut un
immense succès vers la fin du dix-septième siècle[82] résume ainsi
des recommandations d'ordre plus intime faites aux personnes de la
cour: «Il faut avoir soin de se tenir la teste nette, les yeux et les
dents, les mains aussi, et même les pieds, particulièrement l'esté,
pour ne pas faire mal au cœur à ceux avec qui nous conversons[83].» Le
même ouvrage mentionne quelques modifications heureuses apportées dans
les usages depuis le commencement du siècle: «Autrefois, dit-il, il
estoit permis de cracher à terre devant des personnes de qualité, et
il suffisoit de mettre le pied dessus: à présent, c'est une indécence.
Autrefois on pouvoit bâiller, et c'estoit assez pourvû que l'on ne
parlast pas en bâillant: à présent une personne de qualité s'en
choqueroit. Autrefois, on pouvoit tremper son pain dans la sauce, et
il suffisoit pourveu que l'on n'y eust pas encore mordu: maintenant
ce seroit une espèce de rusticité. Autrefois on pouvoit tirer de
sa bouche ce que l'on ne pouvoit pas manger, et le jeter à terre
pourveu que cela se fist adroitement: maintenant ce seroit une grande
saleté[84].» Mais nous entrons ici dans le cérémonial de la table,
dont je m'occuperai ailleurs.

Le salut vint de l'hôtel de Rambouillet, qui, en dépit des justes
railleries de Molière, eut la gloire de généraliser en France le bon
ton, la politesse, l'urbanité, le savoir-vivre.



II


Je ne raconterai pas l'histoire de la coiffure et de la barbe, car
on la trouve partout. Elle est bien exposée dans l'_Histoire du
costume_ de M. Quicherat, relativement exacte dans les _Dictionnaires
de la conversation_ et les _Encyclopédies_[85]; la refaire d'après
les sources serait donc me donner beaucoup de peine en pure perte.
D'ailleurs, je tiens à rester fidèle au programme que je me suis
tracé; il consiste à exclure autant que possible de ces petites
notices les faits déjà étudiés de l'histoire des mœurs, pour me
borner à recueillir les détails ignorés ou peu connus, et à relever
les erreurs accréditées par une longue tradition. Ainsi, des statues
qui ne peuvent être antérieures à 1150 ont fait jusqu'ici attribuer
aux mérovingiennes la jolie coiffure que portaient les grandes
dames du douzième siècle; leurs cheveux, partagés au milieu de la
tête, descendaient par devant en deux longues tresses nattées et
galonnées[86].

[Illustration:

  REINE DU GRAND PORTAIL      LA REINE DE SABA,

  DE CHARTRES.                PROVENANT DE
                              N.-D. DE CORBEIL.

D'après Willemin.]

Au siècle suivant, les nattes ont disparu. Les femmes mariées les
ont remplacées par un volumineux chignon attaché derrière le crâne;
les jeunes filles laissent pendre leurs cheveux sur le dos, mode qui
demeura très-longtemps en France le signe de la virginité, comme en
témoignent les anciennes représentations de la Vierge. Le quatorzième
siècle adopte les nattes relevées de chaque côté du front sur les
tempes. Au quinzième, les cheveux sont sacrifiés à des couvre-chefs
fantaisistes, dont le hennin est le type. Le seizième siècle découvre
les fronts et inaugure la coiffure dite _à la Marie Stuart_, dont les
différentes variétés nous conduisent jusqu'au règne de Louis XIV.
Celui-ci peut être caractérisé par la coiffure _à la Sévigné_, qui est
composée d'une multitude de boucles échelonnées sur les joues.

Pour se faire une idée générale de la forme que les hommes donnèrent
successivement à leur chevelure et à leur barbe, il suffit de passer
en revue les portraits de nos rois.

La barbe disparaît à partir de Philippe-Auguste; le visage est rasé
et les cheveux ne dépassent guère le milieu du cou. La barbe fait une
réapparition timide sous Philippe VI et Jean II, mais Charles V et
ses successeurs sont imberbes: par derrière, leurs cheveux descendent
jusqu'au cou; par devant, ils sont coupés très-courts, c'est la
coiffure dite _aux enfants d'Édouard_. A dater de François Ier, on
fait peu de cas des cheveux, mais la barbe est en plein triomphe. Elle
reste taillée en pointe jusqu'à Henri IV, dont la riante figure est
encadrée de poils touffus et frisés. Richelieu et Louis XIII portent
la moustache épaisse et la royale à la lèvre inférieure. Un caprice
changea tout cela.

Louis XIII, forcé d'embrasser la même carrière que son père, y
réussissait peu. En revanche, il avait des dispositions pour une foule
d'autres métiers; il cuisinait très-bien, lardait à ravir, s'entendait
à l'élève des oiseaux et au jardinage, composait en musique, peignait
un peu, travaillait au besoin le cuir, le bois et le fer. Un jour, il
lui prit fantaisie de faire concurrence aux barbiers-barbants qu'il
avait créés; il coupa la barbe à tous les officiers de sa maison,
ne leur laissant qu'un petit bouquet de poils au menton. Richelieu,
avec qui on ne plaisantait pas ainsi, conserva seul les moustaches
retroussées et la royale. La cour et la ville rirent beaucoup de
l'étrange distraction qu'avait choisie le mélancolique souverain; on
la mit même en chanson:

      Hélas! ma pauvre barbe,
    Qu'est-ce qui t'a faite ainsy?
      C'est le grand roy Louis,
      Treiziesme de ce nom,
    Qui a toute esbarbé sa maison.

      Laissons la barbe en pointe
    Au cousin de Richelieu,
      Car, par la vertudieu!
      Qui seroit assez osé
    Pour prétendre la luy raser[87]?

Les cheveux longs avaient repris faveur sous la minorité de ce roi
ennuyé et ennuyeux. Un homme de goût se reconnaissait alors aux
_moustaches_ ou _cadenettes_ qui, vite oubliées, furent ressuscitées
un siècle plus tard. On appelait ainsi de longues mèches de cheveux,
réunies avec une rosette, et qu'on laissait pendre le long de la
joue et même de l'épaule sur le côté gauche. La moustache se portait
rarement seule. L'auteur de _La promenade du cours_[88] nous apprend
que les gens désireux de se donner un air terrible en exhibaient
jusqu'à six:

    Les braves à l'œil froncé
    D'un air demy courroucé
    Font flotter leurs grands panaches,
    Aux portières s'avançant,
    Et guignent tous les passants
    Au travers de six moustaches.

Au besoin, les perruquiers pouvaient en fournir: «Potel, écrit
Tallemant[89], avoit trois ou quatre moustaches postiches de chaque
costé, où il y avoit plus de douze aulnes de ruban noir; car on
n'avoit pas trouvé encore les coings de cheveux.» Potel était un
original: la moustache se portait à gauche. Le côté droit de la
tête ainsi dégagé restait bien visible, et on l'ornait d'une boucle
d'oreille, perle ou diamant. Le comte Henri d'Harcourt, cadet de
la maison de Lorraine, en fut surnommé Cadet la Perle, sobriquet
qu'il garda toute sa vie. Son beau portrait, exécuté par Antoine
Masson, est connu sous le nom de _Cadet à la perle_; il porte encore
cet ornement sur celui qui fut gravé par Édelinck pour les _Hommes
illustres_ de Perrault[90], longtemps après que les cadenettes eurent
cessé d'être à la mode. Le premier galant qui les mit en faveur fut
Honoré d'Albret, seigneur de Cadenet, frère du célèbre Luynes[91].
Quand on fit celui-ci connétable, Cadenet du même coup fut improvisé
maréchal de France, mais ses exploits se bornèrent à l'importante
innovation que je viens de rappeler: elle a suffi pour transmettre son
souvenir à la postérité.

[Illustration: _Le Comte d'harcour_

D'après les _Hommes illustres_ de Perrault.]

Notre moustache actuelle avait aussi ses partisans. On lit dans les
_Loix de la galanterie_: «Les uns portent les moustaches comme un
traict de sourcil, et fort peu au menton; les autres ont une moustache
à coquille[92].» Cette dernière était celle dont on relevait les
pointes. Au moyen d'un petit instrument appelé _bigotère_, on la
pinçait de manière à ce qu'elle ne perdît pas son pli pendant la nuit.
C'est ce qu'explique très-bien une _Mazarinade_ publiée en 1650:

    Ensuite voyons la moustache
    Que la bigotère nous cache
    Lorsque le jeune damoiseau
    Le soir en bride son museau.
    Le matin lui-même se l'ôte,
    En frottant un peu le bigote
    Avec quelque chose de chaud[93]!

Sarazin[94], racontant en style burlesque l'enterrement anticipé de
Voiture, fait figurer parmi les assistants quelques Amours: «L'un,
dit-il, faisoit des grimaces devant le miroir, l'autre se bridoit de
la bigotère, l'autre tiroit les poils des sourcils de ses compagnons
avec des pincettes[95].» La bigotère était encore employée à la fin du
dix-huitième siècle[96].

Depuis Louis XIII, aucun roi de France ne garda sa barbe. Elle ne
laissa pas pour cela d'être honorée et cultivée. Louis Guyon[97],
qui a traité agréablement ce sujet, dit que la barbe est utile,
non-seulement parce qu'elle protége l'homme contre le froid, mais
encore parce qu'elle le rend «plus beau. A cause de quoy nature n'a
voulu couvrir les éminences qui sont à chacun costé des yeux, ny le
nez, ni autres parties de la face; autrement, l'homme ressembleroit
une beste sauvage et approcheroit de la semblance des bestes brutes.
Il ne se cognoistroit quand il seroit joyeux ny fasché. La face
descouverte de poils appartient à un animal raisonnable, politic,
familier et sociable, tel qu'est l'homme.» Mais alors, pourquoi la
nature a-t-elle privé de barbe les femmes? Rien n'est plus simple:
«La matière de la barbe, aux femmes, monte à la teste, qui leur cause
de plus grands cheveux qu'aux hommes; et de vray, la chevelure est
bienséante aux femmes et la barbe à l'homme.»

Louis XIV porta d'abord le semblant de moustache dont j'ai parlé, un
trait léger sur la lèvre supérieure. Il la fit disparaître en 1680,
et tout bon courtisan s'empressa de l'imiter; aussi les derniers
portraits de Corneille et de Molière les représentent-ils sans un poil
sur la figure[98]. Je ne parle ici que des courtisans, car il faut
rendre cette justice à Louis XIII et à Louis XIV qu'ils respectèrent
la tête de leurs sujets (on n'oserait en dire autant de Richelieu);
ils laissèrent chacun arranger à sa guise barbe et cheveux. Si
ce fut une faiblesse de la part du roi-soleil, elle ne resta pas
sans châtiment: la mode, devenue plus impérieuse que l'orgueilleux
monarque, finit par lui imposer la perruque et la poudre, qui lui
étaient toutes deux antipathiques.

A défaut d'autres libertés, le dix-septième siècle eut donc celle
de la barbe. Les beaux portraits gravés par Édelinck et Lubin nous
révèlent que:

  Le Jésuite Jacques Sirmond,
  L'érudit Fabri de Peiresc,
  L'historien Papire Masson,
  Le savant Scévole de Sainte-Marthe,
  Le poëte Malherbe,
  Le jurisconsulte Pithou
    portaient la barbe entière avec les moustaches.

  Le cardinal de Bérulle,
  Henri de Sponde, évêque de Pamiers,
  Le secrétaire d'État Pontchartrain,
  Vincent de Paul,
  Joseph Scaliger
    portaient la barbe en pointe avec les moustaches.

  Pierre Camus, évêque de Belley,
  Le garde des sceaux du Vair,
  Le premier président A. de Harlay,
  Le président Jeannin
    portaient une magnifique barbe étalée sur la poitrine.

  Pierre de Marca, archevêque de Paris,
  Antoine Godeau, évêque de Vence,
  J. F. Senault, général de l'Oratoire,
  Le prince de Condé,
  Turenne,
  Le chancelier Séguier,
  Colbert,
  Le premier président Lamoignon,
  Le président de Thou,
  L'avocat général J. Bignon,
  Le théologien Arnauld d'Andilly,
  Descartes,
  L'avocat Antoine Lemaître,
  Le philosophe Gassendi,
  Balzac,
  Voiture,
  Sarazin,
  Mansart,
  Le peintre Nicolas Poussin,
  Le graveur Callot,
  Le romancier H. d'Urfé,
  Le maréchal de Gassion,
  Le maréchal Fabert,
  L'amiral Duquesne,
  Le chancelier Michel Letellier,
  Le premier président de Bellièvre,
  N. Rigault, garde de la bibliothèque du Roi,
  Simon Vouet, premier peintre du Roi,
    portaient la moustache et la royale.

  Le P. Thomassin, hébraïsant,
  L'académicien Pélisson,
  Le savant Ducange,
  La Fontaine,
  L'historien Le Nain de Tillemont,
  Le peintre Ch. Lebrun,
  Le poëte Santeuil,
  Le maréchal de Luxembourg,
  Le musicien Lully,
  Le philologue Ménage,
  Quinault,
  Benserade,
  Racine
    avaient le visage entièrement rasé.

N'oublions pas de faire remarquer que plusieurs de ces personnages
portent perruque, une perruque superbe, majestueuse, frisée avec art
et qui parfois descend jusqu'à la ceinture. Tout était grand dans le
siècle du grand roi.

C'est à ce siècle que revient l'honneur d'avoir ainsi contrefait la
nature, mais il y avait longtemps qu'on avait cherché à l'imiter.

L'usage des faux cheveux doit être aussi ancien que la coquetterie
féminine, et c'est remonter bien haut. A l'époque romaine, les femmes
portaient des nattes postiches, le commerce des cheveux était en
pleine activité, et on allait en chercher des cargaisons sur la rive
droite du Rhin. Cependant, les Pères de l'Église d'abord, puis les
prédicateurs du moyen âge apostrophèrent très durement les femmes
qui mettaient des chevelures d'emprunt «des cheveux de mortes[99]»,
disaient-ils, et ce qui est bien pis, des cheveux de personnes
peut-être impures, peut-être criminelles, peut-être condamnées aux
peines de l'enfer, _capitis forsan immundi, forsan nocentis et gehennæ
destinati_[100].

C'est sous Charles V qu'Eustache Deschamps composa la célèbre ballade
qui a pour refrain:

    Rendez l'emprunt des estranges cheveux.

Sous Henri III et Henri IV, toutes les femmes s'affublaient de faux
chignons. La reine Marguerite, écrit Brantôme, «s'habilloit quelques
fois avec ses cheveux naturels, sans y adjouster aucun artifice
de perruque; elle les sçavoit très bien tortiller, frizonner et
accommoder... et pourtant peu souvent s'en accommodoit, si non de
perruques bien gentement façonnées[101].» Tallemant des Réaux affirme
tout crûment qu'elle fut chauve de bonne heure, et qu'«elle avoit de
grands valets de pied blonds que l'on tondoit de temps en temps[102]».

Dès le règne de Louis XII, les élégants imitaient leurs maîtresses:

    De la queue d'un cheval painte,
    Quant leurs cheveux sont trop petiz,
    Ilz ont une perrucque faincte,

disait d'eux Guillaume Coquillart[103].

Les gens qui commençaient à perdre leurs cheveux y suppléaient au
moyen de _coins_, fragments de perruque qu'on dissimulait le mieux
possible sous la chevelure naturelle. Louis XIII vit tomber la
sienne à trente ans, ce qui inaugura le règne de la perruque; «les
courtisans, les rousseaux et les teigneux en portèrent les premiers:
les courtisans par délicatesse[104], les rousseaux par vanité et les
teigneux par nécessité[105].» Comme toutes les modes, celle-ci eut
ses détracteurs acharnés et ses admirateurs enthousiastes; parmi ces
derniers, il faut citer l'abbé Legendre, qui s'écrie naïvement: «Il
est surprenant qu'une coiffure aussi commode qu'est la perruque, n'ait
esté en usage que depuis le règne de Louis XIII[106].»

C'est sous Louis XIV qu'elle atteignit son apogée. L'année où il créa
les barbiers-barbants (1673) est précisément celle où il consentit à
prendre perruque. Il avait trente-cinq ans lorsqu'il se soumit à cette
mode, que son opulente chevelure lui donnait le droit de mépriser. On
composa pour lui, dit Pélisson[107], des perruques avec des jours par
où passaient les mèches de ses cheveux, dont il ne voulait pas faire
le sacrifice. Son fils, le grand Dauphin, n'y mettait pas tant de
façons: «Monseigneur, écrit Dangeau, a encore fait raser ses cheveux,
qui étoient revenus plus beaux que jamais. Il trouve la perruque plus
commode[108].»

Le _Livre commode pour 1692_[109], nous a conservé les noms de Pascal,
de Pelé, de Jordanis, de Vincent, «renommez pour faire les perruques
de bon air»; de La Roze, «renommé pour les perruques abbatiales»;
de Binet, enfin, le célèbre fournisseur du Roi et le créateur des
perruques dites _binettes_, expression qui a fini par désigner dans le
langage populaire la tête elle-même. A Versailles, entre la chambre à
coucher et la salle du conseil[110], était le cabinet des perruques
du Roi. Elles reposaient dans des armoires vitrées qui entouraient
la pièce; de distance en distance se dressaient des têtes d'enfants,
au nombre de vingt, qui servaient aux essayages, aux remaniements.
Les formes variaient suivant que Louis XIV allait à la messe ou à la
chasse, recevait des ambassadeurs ou restait dans ses appartements.
Quant au barbier, il ne quittait guère la cour[111], et comptait parmi
les cinq cents personnes distribuées en cinq tables, qui avaient
le droit de manger à la cour. «Avant que le Roy se lève, dit un
contemporain, le sieur Quentin, qui est le barbier et qui a soin des
perruques, se vient présenter devant Sa Majesté, tenant deux perruques
ou plus, de différente longueur. Le Roy, suffisamment peigné, le sieur
Quentin lui présente la perruque de son lever, qui est plus courte que
celle que Sa Majesté porte ordinairement le reste du jour. Sa Majesté
aïant mis sa perruque, les Officiers de la Garderobe s'approchent pour
habiller le Roy... Le Roy, dans la journée, change de perruque, comme
quand il va à la messe, après qu'il a dîné, quand il est de retour de
la chasse, de la promenade, quand il va soûper, etc. Le garçon qui
est commis pour peigner les perruques du Roy a deux cens écus sur
la cassette...» Louis XIV n'était rasé que tous les deux jours: «De
deux jours l'un, c'est jour de barbe, c'est-à-dire que le Roy se
fait raser. Les deux barbiers de quartier rasent alternativement de
deux jours l'un, et celui qui ne rase point apprête les eaux et tient
le bassin. Celui qui est de jour pour raser Sa Majesté met le linge
de barbe au Roy, le lave avec la savonnette, le rase, le lave après
qu'il est rasé, avec une éponge douce, d'eau mêlée d'esprit de vin, et
enfin avec de l'eau pure. Pendant tout le temps qu'on rase le Roy, le
premier valet de chambre tient le miroir devant Sa Majesté, et le Roy
s'essuie lui-même le visage avec le linge de barbe[112].» On rasait
souvent aussi la tête de Louis XIV, car même après qu'il eut passé
soixante-dix ans, ses cheveux, triomphant des efforts de la perruque,
s'obstinaient à repousser[113]. Sous le règne d'un souverain qui, par
sa chevelure, semblait descendre de la race mérovingienne, la perruque
poursuivait noblement sa carrière, forçant à l'obéissance jusqu'au
maître devant qui tous tremblaient.

L'article 63 des statuts de 1718 accorde aux barbiers-perruquiers
le monopole de «la vente et revente des cheveux»; les marchands en
gros devaient, avant d'écouler leurs ballots, les apporter au bureau
de la corporation, où ils étaient examinés. Il se faisait alors une
incroyable consommation de poil. Les têtes des femmes vivantes et
mortes étaient mises à contribution dans les quatre parties du monde,
et le commerce des cheveux avait pris une extension considérable.
Colbert songea même à en arrêter l'importation qui menaçait,
disait-il, de devenir aussi ruineuse pour l'État que l'avait été
naguère celle des ouvrages de fil. Mais les perruquiers se montrèrent
meilleurs économistes que le ministre. Ils dressèrent des statistiques
et démontrèrent, chiffres en mains, que la vente des perruques à
l'étranger faisait rentrer plus d'argent dans le royaume qu'il
n'en sortait par l'achat des cheveux[114]. En effet, l'Angleterre,
l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, etc., étaient nos tributaires;
le perruquier français avait acquis déjà dans toute l'Europe la
réputation qu'il conserva jusqu'à la fin d'être un artiste inimitable.
Le commerce en gros était représenté à Paris par les sieurs Pelé,
Vincent, Potiquet, Rossignol, etc.; ces deux derniers demeuraient
«sous la galerie des Innocents[115]». Tous ces commerçants avaient
des coupeurs qui parcouraient la Normandie, la Flandre, la Hollande.
Certains villages fournissaient jusqu'à dix livres de cheveux, qui
devaient toujours avoir de vingt-quatre à vingt-cinq pouces de long.
Les cheveux des pays chauds étaient réputés mauvais; les plus estimés
étaient ceux de Normandie, que l'on nommait _cheveux de pays_.
L'Angleterre en fournissait fort peu, «le peuple, qui est à son aise,
ne consentant pas aisément à laisser couper les cheveux de leurs
femmes et de leurs filles». Le prix variait entre quatre francs et
cinquante écus la livre; les plus chers étaient les blonds et les
blancs. On appelait _cheveux vifs_, ceux qui avaient été coupés sur
la tête de leur propriétaire, vivante ou morte; _cheveux morts_, ceux
qui avaient été arrachés par le peigne ou étaient tombés à la suite de
quelque maladie; _cheveux naturels_, ceux qui frisaient naturellement.
Au début du dix-huitième siècle, il y avait à Paris une cinquantaine
de marchands de cheveux[116].

La rareté des cheveux était devenue telle à la fin du règne de Louis
XIV, qu'on fut obligé de fabriquer en crin les perruques communes.
Jean-Paul Marana écrivait vers 1700: «Depuis que la perruque a été
reçue, les têtes des morts et celles des femmes se vendent cher,
étant la mode que les sépulcres et les femmes fournissent le plus bel
ornement à la tête des hommes[117].»

Les premières perruques se composèrent de quelques rangs de cheveux
échelonnés autour d'une vaste calotte. On leur donna ensuite la forme
exacte d'un bonnet, et c'est ainsi que fut créée _la bonnette_, dite
aussi _perruque d'abbé_ ou _perruque ronde_; l'abbé de la Rivière,
favori de Gaston d'Orléans, fut, dit-on, le premier qui la porta.

Sous Louis XIV paraît enfin _la royale_ ou _l'in-folio_, privilége
de la haute société, crinière pleine de majesté, faite pour des
statues plus que pour des vivants. _La brigadière_ fut la coiffure
habituelle des militaires, _la moutonne bouclée_ ou _bichonne_ celle
des petites-maîtresses et des bambins. Les gens du Palais portaient
_la robin_. La perruque, symbole de la monarchie, partage sa fortune,
s'affaisse avec elle, et, vers la fin du règne, perd beaucoup de
son prestige. De l'in-folio, on est tombé _à la cavalière_, _à la
financière_, _à l'espagnole_, _à la carrée_, _à la nouée_, _à la
naturelle_, etc., vestiges encore imposants d'une splendeur évanouie.

La décadence se précipite sous Louis XV. Les perruques deviennent plus
basses et plus étroites; puis on les sépare en trois touffes, qui
composent les _cadenettes_ sur les côtés et la _queue_ par derrière.
Le dessin, d'ailleurs, varie à l'infini. On peut choisir entre les
perruques _de chasse_, _à nœuds_, _à deux queues_, _naissante_, _à la
chancelière_; _à la Sartine_, adoptée par ce magistrat; _à la régence_
ou _à bourse_, portée par la valetaille.

L'_Encyclopédie perruquière_, que publia en 1757 l'avocat A. H.
Marchand, contient une suite de quarante-cinq têtes, coiffées chacune
d'une perruque de forme particulière, et distinguée par un nom spécial.

En voici la liste:

  _A l'ordinaire._
  _A la Port-Mahon._
  _A la rinoxerros._
  _A l'adorable._
  _A l'oiseau royal._
  _A la cabriolet._
  _A l'aile de pigeon._
  _A la nouvelle mode._
  _A l'impatient._
  _A l'aventure._
  _A la cavalière._
  _A la paresseuse._
  _A la singulière._
  _Au chasseur._
  _A l'indifférence._
  _A la dragonne._
  _A la comète._
  _A la Tronchin._
  _A la mousquetaire._
  _A la légère._
  _A la Choisy._
  _A la gendarme._
  _Au vieillard._
  _A la Gentilly._
  _A la parisienne._
  _Au_ petit-maître.
  _A la françoise._
  _A l'italienne._
  _A la plus tôt fait._
  _Au favori._
  _A la lunatique._
  _A ravir._
  _A l'éléphant._
  _A l'antiquité._
  _A l'économe._
  _Au combattant._
  _Au conquérant._
  _A la jalousie._
  _A la prudence._
  _A la royale._
  _A l'envieux._
  _A la maître-d'hôtel._
  _A la félicité._
  _A l'inconstance._
  _A la Beaumont._

On eut aussi l'idée de composer des perruques en laine, qui devinrent
le monopole des matelots, et des perruques de fil de fer, mode
économique qui permettait de laisser à ses enfants une coiffure à
jamais héréditaire.

Nous voyons fleurir encore, sous Louis XVI, les perruques _de
palais_, _à oreilles_, _à la circonstance_, _brisée_, _à la grecque_,
_en bonnet_, _à rosette_, _à cadogan_ ou _catogan_, gros nœud
descendant sur la nuque; _à la Panurge_; _à trois marteaux_[118],
qu'affectionnaient surtout les médecins et les apothicaires. Tout le
monde alors portait perruque, depuis le vieillard le plus décrépit
jusqu'à l'enfant à peine sevré; les nobles comme les roturiers,
les bourgeois, les maîtres des métiers, les ouvriers. Le moindre
laquais aurait eu honte de se montrer avec ses propres cheveux,
et la condition des personnes se reconnaissait à la forme de leur
perruque[119].

[Illustration: PERRUQUES DU DIX-HUITIÈME SIÈCLE.

D'après l'_Encyclopédie méthodique_.]

Elle s'y reconnaissait d'autant mieux que le poids de ces tresses
empruntées avait fait presque complétement abandonner l'usage de
toute autre coiffure. C'est de là qu'est née notre coutume de rester
la tête nue en société. Avant que la perruque fût devenue d'un usage
général, on ne se découvrait guère que pour saluer; puis la profusion
de faux cheveux dont on se chargea modifia si bien cette habitude,
que le tricorne est souvent désigné sous le nom de _chapeau de bras_,
place qu'en effet il ne quittait guère. «Le chapeau est une coiffure
infiniment commode, dit J. F. Sobry[120], mais de peu d'agrément. On
le porte d'ailleurs fort souvent à la main.»

L'usage de se découvrir dans le monde et pour saluer ne s'introduisit
en France que fort tard. Pour les gentilshommes emprisonnés dans un
casque solidement lié à l'armure par des courroies, il n'y fallait
point songer. La coiffure civile ne s'y prêtait pas beaucoup plus. Le
chaperon, fouillis d'étoffes qui resta en honneur jusqu'au quinzième
siècle, était difficile à ôter et plus encore à remettre. On saluait
alors en repoussant de la main le chaperon, de manière à découvrir
un peu le front[121]. Monstrelet raconte qu'Isabeau de Bavière,
exilée à Tours, «avoit en grant haine maistre Laurens du Puis [un de
ses gardiens], car il parloit à elle irreveremment, sans mectre main
à son chaperon[122].» Jadis, écrit Saint-Simon[123], on restait en
toute circonstance la tête couverte, «et quand autour du Roi quelqu'un
avaloit[124] son chaperon, les plus près du Roi lui faisoient place,
parce que c'étoit une marque qu'il vouloit parler au Roi.»

La décadence des chaperons, l'avénement des bonnets, des toques et des
chapeaux modifièrent cet usage, qui semble avoir souvent varié. Il est
certain que sous Henri IV, on était tenu de se découvrir non-seulement
en présence du roi, mais même en présence du Dauphin. En voici deux
preuves irréfutables. Le 6 avril 1606, le petit Louis XIII avait à
peine six ans: «Il se fait mettre à la fenêtre, dit Héroard[125];
il passa un nommé Dumesnil sans le saluer, suivi de son laquais,
qui fit de même. Il demande: Qui est cettui-là qui passe sans ôter
son chapeau? Bompar, allez arrêter ce laquais! Il y va, l'arrête.
L'on disoit derrière M. le Dauphin: Voilà un homme mal avisé et son
laquais aussi. Il crie: Laissez, laissez-le aller Bompar; il est aussi
sot que son maître.» Au mois d'octobre de la même année, on mène le
petit roi à la messe: «M. Birat le portoit ayant la tête nue, et M.
de Belmont marchoit auprès, la tête couverte; il dit à M. Birat:
Mettez votre chapeau.—Monsieur, je suis bien.—Non, non, mettez votre
chapeau, vous êtes vieil. Otez votre chapeau, Belmont[126].» D'un
autre côté, on voit par les gravures d'Abraham Bosse, de Sébastien
Leclerc, etc., que sous Louis XIV, on restait la tête couverte dans
les appartements, devant les femmes, au Conseil du Roi et au bal en
dansant. Mais on n'adressait jamais la parole au souverain sans se
découvrir, la calotte même des ecclésiastiques n'était pas tolérée en
cette circonstance[127].

[Illustration: LE CONSEIL DU ROI LOUIS XIV.

D'après Sébastien Leclerc.]

Les courtisans, entrant dans la chambre du Roi, saluaient son lit, et
sa nef si le couvert était mis[128]. Mais c'eût été une inconvenance
de paraître tête nue à un repas: «Quand on est à table, dit un manuel
de civilité imprimé en 1618, c'est assez de faire quelque signe de
reverence avec la teste, car il n'est pas bienséant de se descouvrir
à table[129].» Soixante-dix ans après, cette coutume subsistait
encore, quoique déjà affaiblie: «Il ne faut pas violer la maxime de
la table, qui est de ne se point découvrir, l'usage l'ayant tellement
établi que l'on passeroit pour un nouveau venu dans le monde d'en user
autrement[130].» Un peu plus tard, on put, sans manquer aux lois de la
politesse, garder ou ôter sa coiffure: «C'étoit autrefois un manque
de respect et une incivilité grossière d'être à table sans chapeau,
surtout devant des femmes d'un certain rang et d'un certain caractère,
pour qui on étoit obligé d'avoir des ménagemens et des égards; il est
libre maintenant de prendre son chapeau à table ou de le quitter, sans
que personne s'en formalise[131].» Enfin le duc de Luynes écrivait
en 1738: «On sait qu'il y a longtemps qu'il est en usage, lorsqu'on a
l'honneur de manger avec le Roi, d'ôter son chapeau. Ce n'étoit pas
autrefois le respect, et madame la maréchale de Villars m'a dit que,
dans le temps qu'elle suivoit M. le maréchal dans ses campagnes, les
officiers qui mangeoient avec elle et M. le maréchal gardoient leur
chapeau sur la tête. J'ai vu aussi cet usage, et il n'y a pas grand
nombre d'années qu'il est supprimé. Cependant, il faut qu'il ait
varié, car M. de Polastron m'a dit qu'à une des campagnes de M. le duc
de Bourgogne, à la table de M. le duc de Bourgogne, on mangeoit sans
chapeau, et quand quelqu'un ignorant cet usage gardoit son chapeau, on
l'en avertissoit. M. le maréchal de Boufflers, dans la même campagne,
disoit à ceux qui dînoient chez lui d'ôter leur chapeau, parce qu'il
faisoit chaud, ce qui prouveroit que la règle étoit de l'avoir[132].»
La vérité est que l'influence de l'hôtel de Rambouillet commençait
à se faire sentir, même dans les camps. Néanmoins, jusqu'à la
Révolution, la politesse exigeait que l'on restât couvert à table; je
lis, en effet, dans un traité de la civilité imprimé en 1782: «Il est
contre la bienséance de se découvrir lorsqu'on est à table, à moins
qu'il n'y survienne quelque personne qui mérite beaucoup d'honneur.
S'il y a à table quelque personne de haute qualité qui soit sans
chapeau pour sa commodité, il ne la faut pas imiter, cela seroit trop
familier, mais on doit toujours demeurer couvert[133].»

C'était là, bien entendu, un cas particulier. Bussy, ami des
précieuses, voulant peindre le désordre d'esprit où l'amour jette
Marsillac en présence de madame d'Olonne, s'exprime ainsi: «La
première chose qu'il fit après s'être assis, ce fut de se couvrir,
tant il étoit hors de lui; un instant après, s'étant aperçu de sa
sottise, il ôta son chapeau et ses gants, puis en remit un, et tout
cela sans dire un mot[134].» Écoutons maintenant Antoine de Courtin,
qui écrivait vers 1675: «Il est de la civilité d'avoir la teste
nuë dans les salles et dans les antichambres; et avec cela il faut
remarquer que celuy qui entre est toujours obligé de saluer le
premier ceux qui sont dans la chambre. Il y en a même qui ayant appris
le rafinement de la civilité dans quelque païs étranger, n'osent en
compagnie ni se couvrir ni s'asseoir le dos tourné au portrait de
quelque personne de qualité éminente. C'est s'exposer à un affront
que d'avoir son chapeau sur la teste dans la chambre où l'on a mis le
couvert du Roy ou de la Reyne, et même il faut se découvrir lorsque
les officiers portent la nef et le couvert, et passent devant vous.
Dans la chambre où est le lit, on demeure aussi découvert; et même,
chez la Reyne, les dames en entrant saluent le lit, et personne n'en
doit approcher quand il n'y a point de balustre[135].»

Au dix-septième siècle, il était d'usage de saluer une dame en
l'embrassant. Fitelieu, vers 1642, blâme déjà cette mode, fort
dangereuse, dit-il, pour «la pudicité des filles[136]»; et Courtin
recommande de n'embrasser une «dame de haute qualité que si elle-même
tend la joue, et alors même il faut seulement faire semblant de la
baiser, et approcher le visage de ses coëffes[137].»

Les gravures du temps nous montrent avec quel respect les hommes se
saluaient alors; le corps était courbé en deux et la plume du chapeau
balayait la terre. S'il s'agissait d'un supérieur, la main elle-même
devait toucher le sol. «Mais surtout, ajoute avec prudence un maître
en civilité, il faut faire ce salut sans précipitation ni embarras,
ne se relevant que doucement, de peur que la personne que l'on saluë,
venant aussi à s'incliner, on ne luy donne quelque coup de teste.»
Tout salut devait être rendu, même aux personnes de la plus petite
condition: manquer à cette règle, vous reléguait dans la classe des
gens «très-incivils et très-mal élevés[138]».

Entre hommes, le salut le plus humble consistait à s'incliner devant
son supérieur, et à lui baiser la cuisse, qu'on entourait de ses bras.
Henri IV adorait le melon; son maître-d'hôtel Parfait lui en apporta
un jour pendant qu'il était à table, «et commença à crier par deux
fois: Sire, embrassez-moi la cuisse, car j'en ai de fort bons[139]».
Louis de Brienne raconte que lors des amours de Louis XIV avec
mademoiselle de La Vallière, ayant avoué au Roi qu'il avait du goût
pour elle, celui-ci le pria de cesser de la voir: «Ah, mon cher
maître! dis-je en lui accolant la cuisse, je ne lui parlerai de ma
vie[140].»

[Illustration: LES SALUTATIONS AU DIX-SEPTIÈME SIÈCLE.

Dessin de J. Marot.]

Pour saluer la Reine ou les princesses, on baisait le bas de leur
robe[141]. L'ambassadrice de Venise, reçue par la Reine, fit une
révérence en entrant, une deuxième au milieu de la chambre, une
troisième auprès de Sa Majesté, baisa le bas de sa robe, fit une
quatrième révérence et un compliment[142]. La Reine ne saluait que
Monsieur, frère du Roi, et sa femme: «Lorsque Marie-Thérèse arriva en
France, et qu'on lui proposa de saluer Monsieur, frère du Roi, elle
pleura à cette proposition, et dit qu'en Espagne elle n'avoit coutume
de saluer que le Roi son père et la Reine sa mère[143].» En présence
du Roi ou des princes du sang, on ne devait saluer personne[144], et
il était interdit de s'embrasser ou de se tutoyer[145].

Je relève encore dans les _Manuels_ du temps quelques préceptes de
civilité qui montrent quels progrès s'étaient accomplis sous la double
influence des raffinements inventés par l'hôtel de Rambouillet et de
l'étiquette imposée par Louis XIV.

Les convenances exigeaient que l'on ne heurtât pas trop fort à la
porte d'un grand. Il fallait aussi ne pas frapper plus d'un coup.

Si une dame venait vous rendre visite, vous deviez ceindre votre épée,
mettre votre manteau, aller jusqu'au carrosse de votre visiteuse, la
faire descendre, l'introduire dans le lieu le plus honorable de votre
demeure, lui offrir un fauteuil et vous asseoir sur une chaise ou un
placet[146]. A son départ, vous étiez tenu de la reconduire à son
carrosse, de l'aider à y monter, et de ne pas vous retirer avant que
la voiture se fût éloignée.

Dans l'intérieur des appartements, il était interdit de frapper à
une porte. On se contentait d'y gratter doucement, et en général
avec l'ongle du petit doigt; aussi les raffinés le conservaient-ils
d'une longueur démesurée afin de prouver leur savoir-vivre. Scarron
dit du prince de Tarente qu'«il étoit propre en sa personne, curieux
en perruques, se piquoit de belles mains, et s'étoit laissé croître
l'ongle du petit doigt de la gauche jusqu'à une grandeur étonnante, ce
qu'il croyoit le plus galant du monde[147].» Molière n'a pas oublié
ce ridicule, et c'est le Clitandre du _Misanthrope_[148] qu'il en
gratifie:

    Mais au moins, dites-moi, madame, par quel sort
    Votre Clitandre a l'heur de vous plaire si fort.
    Sur quel fonds de mérite et de vertu sublime
    Appuyez-vous en lui l'honneur de votre estime?
    Est-ce par l'ongle long qu'il porte au petit doigt
    Qu'il s'est acquis chez vous l'estime où l'on le voit?

Peut-être y avait-il un petit instrument destiné à tenir lieu de
l'ongle. C'est au moins ce que semblent indiquer ces deux vers:

    Grattez du peigne à la porte
      De la chambre du roi[149].

Si un huissier vous demandait votre nom, il ne fallait jamais le faire
précéder du mot monsieur, mais répondre: _le marquis_ ou _le comte de
X_.

Se promener dans l'antichambre en attendant qu'on vous introduisît
était d'un goujat.

On devait, en visite, garder son manteau, mais il était défendu de s'y
envelopper.

Si l'on vous offrait un objet, vous deviez vous déganter pour le
prendre, et baiser la main qui vous l'offrait.

Si quelqu'un, fût-ce un laquais, venait vous parler de la part d'un
supérieur, vous deviez vous lever et recevoir l'envoyé debout et
découvert.

C'était une incivilité de joindre au mot monsieur le nom ou le
titre de la personne à qui on s'adressait. Il ne fallait donc pas
dire: _oui, monsieur Cicerville_, ou _oui, monsieur le duc_; mais
simplement: _oui, monsieur_.

Un homme parlant de sa femme devait dire seulement: _ma femme_; y
ajouter son nom ou son titre, l'appeler _madame X_ ou _madame la
présidente_, etc., était du plus mauvais goût. Une femme devait
également dire: _mon mari_, jamais _monsieur_ tout court. «C'est une
faute pourtant, écrit Courtin, qui est assez ordinaire et sur tout
parmy les bourgeoises.»

Si l'on parlait d'une femme à son mari, il fallait au contraire faire
suivre le mot madame d'un nom ou d'un titre: _Je suis bien aise que
madame X soit heureusement accouchée_, ou _Je souhaite que madame la
maréchale reprenne vite ses forces_.

On voit que la plupart des règles de politesse observées aujourd'hui
dans la conversation remontent à plus de deux siècles.

Les enfants parlant de leurs parents devaient dire: _mon père_, _ma
mère_. Seuls les enfants de haute qualité pouvaient dire et écrire:
_monsieur le comte_, _monsieur le duc_, etc.

Quand une personne éternuait, il ne fallait pas lui dire tout haut:
_Dieu vous assiste!_ On était tenu de se découvrir et de faire une
profonde révérence, sans parler.

On avait déjà le droit de quitter une société sans saluer personne, en
se retirant le plus discrètement possible. Gui Patin écrivait le 8
juin 1660: «Je fus hier souper chez M. le premier président... Comme
nous achevions de souper survint le comte d'Albon, puis sa femme, et
puis d'autre monde, ce qui fut cause que je m'en vins tout doucement,
sans dire adieu à personne, comme on fait chez les grands[150].»

Dans un carrosse, la place la plus honorable était celle du fond;
puis, par ordre: le fond à gauche, le devant à droite, le devant à
gauche.

Si étant en carrosse vous rencontriez un enterrement, un prince,
un légat, votre cocher devait s'arrêter et vous étiez tenu de vous
découvrir. Si le Saint-Sacrement venait à passer, vous deviez
descendre de voiture et vous agenouiller par terre.

Je réserve pour d'autres notices ce qui est relatif aux actes de
l'état civil, aux repas, aux parfums, aux gants, aux siéges, aux
formules de politesse à la fin des lettres, etc., etc. Quand on avait
appris cela et quelques autres petites choses, on avait le droit de
se dire _honnête homme_. Un honnête homme alors, c'était un homme
poli, bien élevé, de bonnes manières, possédant les qualités et les
connaissances nécessaires pour figurer dans la haute société et pour
s'y rendre agréable. L'académicien Nicolas Faret a publié un petit
volume assez curieux qui a pour titre: _L'honneste homme ou l'art de
plaire à la cour_[151]. Antoine de Courtin, dans un _Traité du point
d'honneur et de ses règles_[152], ne fait pas grande différence entre
l'honnête homme et l'homme d'honneur. Enfin Hamilton, voulant peindre
un gentilhomme accompli, lui fait dire: «Tu sais que je suis le plus
adroit homme de France; j'eus bientôt appris tout ce qu'on y montre;
et, chemin faisant, j'appris encore ce qui perfectionne la jeunesse
et rend honnête homme, car j'appris encore toutes sortes de jeux aux
cartes et aux dés[153].»

Mais nous voici bien loin des perruques. Rappelons que la
Révolution eut la gloire de détrôner cette mode ridicule. Encore
lui résista-t-elle longtemps. Les vieillards, que l'usage des faux
cheveux avait rendus chauves, s'obstinèrent surtout dans les vieilles
coutumes, et la jeunesse les qualifia fort impertinemment de _têtes à
perruque_.

On ne sait quelle est la Parisienne au teint bruni qui eut la
première l'idée de se coller sur la figure des petits morceaux de
taffetas noir; mais je suis assez fier d'avoir retrouvé dans un livre
peu connu l'origine de cette coutume. A la fin du seizième siècle, on
soignait les maux de dents en appliquant sur les tempes de mignons
emplâtres étendus sur du taffetas ou du velours[154]. Il ne fallut
pas longtemps à une coquette pour remarquer que ces taches noires
faisaient ressortir la blancheur de sa peau, et que si le remède
était inefficace contre l'odontalgie, il jouissait d'une vertu bien
autrement précieuse, celle de donner de l'éclat au visage le plus
fané. Les _mouches_ firent ainsi leur entrée dans le monde, réunirent
tous les suffrages, et triomphèrent des obstacles suscités contre
elles par de sévères confesseurs et par des moralistes ennemis de la
beauté.

Sous Henri IV, toutes les femmes en portaient[155], même à l'église,
car on lit dans un couplet satirique du temps:

    Portez-en à l'œil, à la temple[156],
    Ayez-en le front chamarré,
    Et, sans craindre votre curé,
    Portez-en jusque dans le temple[157].

L'austère Fitelieu s'en indigne, et déclare aux coquettes qui
se couvrent de mouches «qu'il y en a bien davantage dans leurs
cervelles[158].» Les hommes pouvaient prendre leur part de ce
compliment, puisque les _Loix de la galanterie_ permettent aux
«galands de la meilleure mine de porter des mouches rondes et
longues, ou bien l'emplastre noire assez grande sur la temple, ce
que l'on appelle l'enseigne du mal de dents[159]». La mode finit par
gagner jusqu'au clergé: une mazarinade, écrite en 1649, menace de
la colère de Dieu «les abbés frisez, poudrez, le visage couvert de
mouches[160].» Parmi les lots de la _Loterie d'amour_, publiée vers
1654, figure «un traité excellent de la situation des mouches sur le
visage des dames; avec des observations exactes de leur grandeur et de
leur figure, selon les lieux où elles sont placées[161].»

On portait des mouches même dans les couvents. Madame de Mazarin,
plaidant en séparation, s'était réfugiée chez les religieuses de
Sainte-Marie, dans la rue Saint-Antoine. Son mari étant venu lui
rendre visite, elle le reçut avec le visage couvert de mouches. Le
duc, élevé dans les bons principes, déclara «qu'il ne lui parleroit
point qu'elle ne les ôtât»; et la bonne petite femme ajoute: «Jamais
homme ne demanda les choses avec une hauteur plus propre à les
faire refuser, surtout quand il croyoit que la conscience y étoit
intéressée, comme en cette occasion; et ce fut aussi ce qui me fit
obstiner à demeurer comme j'étois, pour lui faire bien voir que ce
n'étoit ni mon intention ni ma croyance d'offenser Dieu par cette
parure[162].» On sait que la folle duchesse finit par courir le monde
déguisée en homme.

En 1661, un poëte, peu soucieux de la vérité historique, eut l'idée
d'écrire l'origine de cette mode, et il n'hésita pas à lui attribuer
une généalogie tout à fait fantaisiste. Il suppose que, resté un beau
jour auprès de sa mère:

    L'Amour, sans dire un pauvre mot
    Chassoit aux mouches comme un sot.

Vénus, impatientée, se fâche. L'Amour ne fait qu'en rire,

    Et pour éviter la colère
    De sa maman sut si Lien faire,
    Qu'il lascha du creux de sa main
    Une mouche dessus son sein.
    Cette mouche à peine fut-elle
    Sur le sein de cette immortelle
    Que l'on vit, dans le même instant,
    Qu'il en parut plus éclatant.
    Comme quand un sombre nuage
    Cache le ciel par son ombrage,
    A l'entour de ce corps obscur
    Le ciel prend un nouvel azur,
    Et, rehaussé par son contraire,
    Brille d'une façon plus claire.

La déesse est ravie. Elle promet à son fils deux tourterelles pour
récompense, et celui-ci

    Lors de ses doigts industrieux
    Découpant une étoffe noire
    Fit, si l'on en croit bien l'histoire,
    Mille mouches sans se lasser;
    Puis aussy tost les vint placer
    Une près de l'œil de sa mère
    (La chose icy n'est pas bien claire
    Si ce fut le gauche et le droit).
    Il en mit encore dans l'endroit
    Où vola la première mouche,
    Sur les temples et sur la bouche,
    A costé du nez, sur le front,
    Sur les joues, sur le menton[163].

Chacune de ces mouches avait un nom.

  Placée
  Près de l'œil, elle se nommait    _la passionnée_;
  Au coin de la bouche              _la baiseuse_;
  Sur les lèvres                    _la coquette_;
  Sur le nez                        _l'effrontée_;
  Sur le front                      _la majestueuse_;
  Au milieu de la joue              _la galante_;
  Sur le pli de la joue en riant    _l'enjouée_;
  Sous la lèvre inférieure          _la discrète_;
  Sur un bouton                     _la voleuse_.

On comprend que des insectes jusqu'alors méprisés, chassés,
persécutés, furent remplis d'orgueil en apprenant qu'ils avaient donné
naissance à un artifice de coquetterie féminine, auquel leur nom
restait attaché. Ils contèrent tout cela à La Fontaine, qui voulut
immortaliser tant de gloire, et fit dire fièrement à la fourmi par la
mouche:

    Je rehausse d'un teint la blancheur naturelle,
    Et la dernière main que met à sa beauté
      Une femme allant en conquête,
    C'est un ajustement des mouches emprunté[164].

En 1692, «la bonne faiseuse de mouches» demeurait rue Saint-Denis,
_à la perle des mouches_[165]. Sous Louis XV, toutes les femmes
avaient dans leur poche une boîte à mouches, petit coffret d'or,
d'argent, d'ivoire ou d'écaille, qui renfermait un miroir, du rouge
et des mouches. Ces dernières, faites en général de taffetas gommé,
affectaient toutes les formes: il y en avait de rondes, de carrées,
d'ovales. On s'amusa même à les découper de manière à imiter les
étoiles, la lune, le soleil, un croissant, un cœur, des personnages,
surtout des animaux, ce qui permettait d'avoir toute une ménagerie sur
la figure. Pendant un moment, la grande mode fut de se coller sur la
tempe droite une large mouche ronde en velours noir, qui ressemblait à
un emplâtre[166] et que l'on ornait parfois de petits brillants[167].

L'usage de se poudrer les cheveux date également du seizième siècle.
Henri III allait par les rues de Paris, fardé comme une vieille
coquette, le visage empâté de blanc et de rouge, les cheveux couverts
de poudre[168] de violette musquée. Mais les Parisiens, si faibles
pourtant en présence de toute mode nouvelle, ne l'imitèrent pas.
C'est seulement à la toilette des mignons que l'on voyait un valet
«ayant en ses mains une boiste pleine de poudre semblable à celle de
Chipre[169], avec une grosse houppe de soye, laquelle il plongeoit
dans cette boiste, et en saupoudroit la teste du patient[170]».
Lestoile parle en 1593 de religieuses qui se montrèrent publiquement
«masquées, fardées et pouldrées[171]». Cette fois, c'en était fait, et
pour longtemps, en dépit de l'Église et des sermonnaires qui, comme le
petit Père André[172], reprochaient aux femmes de se présenter dans le
saint lieu «poudrées comme des meuniers[173]».

Dès 1624, il était entendu qu'

    Une dame ne peut jamais estre prisée
    Si sa perruque n'est mignonnement frisée,
    Si elle n'a son chef de poudre parfumé[174].

La poudre la plus recherchée était l'_argentine_. Mais on en faisait
de toutes les couleurs, et l'engouement était si grand, que les filles
pauvres, n'osant montrer leurs cheveux tels que les avait faits la
nature, les «saupoudroient de poudre de bois pourri qu'on trouve parmy
les vieux bastimens aux poutres et pièces de bois sur lesquels il n'a
point pleu[175].» Quand un irréparable malheur venait à frapper une
femme, et qu'elle prétendait renoncer, momentanément au moins, à ce
que l'existence offre de plus agréable, si elle devenait veuve par
exemple, elle cessait de se poudrer[176]. Ce sacrifice modifiait tout
à fait l'aspect d'une toilette, car une élégante ou un petit-maître
ne se bornaient pas à poudrer leur tête, les vêtements devaient
participer à la distribution:

    Ça qu'on lui donne son manteau,
    Dont le collet sera fort beau,
    Pourvu qu'il ait de la farine
    Jusques au milieu de l'échine,

dit une très-curieuse _mazarinade_[177] que j'ai déjà citée.

Louis XIV avait une répugnance instinctive pour ces cheveux blanchis,
cette vieillesse anticipée, et il ne se soumit que fort tard à une
mode, inutilement maltraitée par les poëtes satiriques:

    Avec plus de succès je rimeray peut-être
    Auprès de ce blondin aux airs de petit-maître.
    Juste ciel! que de poudre! il en a jusqu'aux yeux.
    De quoy s'avise-t-il? Veut-il paroître vieux?
    Que n'attend-il du moins que l'âge le blanchisse[178]?

[Illustration: LA TOILETTE DU CLERC DE PROCUREUR.

D'après Carle Vernet.]

Le monopole de la fabrication de la poudre ne tarda pas à être accordé
aux gantiers, qui eurent à ce sujet de fréquents démêlés avec les
merciers[179], les barbiers[180] et les amidonniers[181]. Sous Louis
XV et sous Louis XVI, tout le monde, hommes, femmes, enfants[182],
portait de la poudre; elle faisait même partie de la tenue militaire.
Afin de ne pas être obligées de se poudrer tous les jours, les femmes
couchaient avec une coiffe de taffetas blanc qui emprisonnait leur
chevelure. La fureur pour cette mode inepte et sale était telle
encore en 1786 que Sobry écrivait très-sérieusement: «L'usage modéré
de la poudre tient autant à la bienséance qu'à la commodité, et il
a été regardé comme de première nécessité chez tous les peuples
policés[183].»

Aussi se fit-il pendant deux siècles une effroyable consommation de
poudre. Les philantrophes en gémissaient, disant qu'avec la farine
ainsi employée «on nourriroit dix mille infortunés[184].» M. Paul
Boiteau, qui a le tort de ne pas citer ses sources, écrit qu'en 1789,
au moment où la farine était si rare, on transformait chaque année
en poudre à poudrer vingt-quatre millions de livres d'amidon[185].
«L'_accommodage_, dit M. Quicherat[186], était devenue une véritable
opération de meunerie. Elle avait lieu au milieu d'un nuage épais
que le coiffeur faisait voler sur la tête du patient, enveloppé
d'un peignoir et le visage fourré dans un cornet de carton, afin de
n'être point aveuglé.» Et comme les industriels qui distribuaient
si généreusement la farine à leurs pratiques en prenaient une bonne
part pour eux-mêmes, ils justifièrent le nom de _merlans_ qui leur
fut donné par le peuple. Dans l'exercice de leur profession, ils
ressemblaient en effet à des merlans qu'on va mettre à la poêle.

La Révolution eut grand'peine à détrôner la poudre. L'élégant
Robespierre était toujours fraîchement poudré, et Bonaparte
n'abandonna cette mode qu'après sa campagne d'Italie.



III


La corporation des Barbiers-Perruquiers-Baigneurs-Étuvistes ou
Barbiers-barbants avait reçu, le 14 mars 1674, des statuts qui furent
renouvelés le 26 avril 1718[187]. Ces derniers sont composés de
soixante-neuf articles que je vais rapidement analyser.

Comme l'ancienne communauté des barbiers-chirurgiens, la nouvelle
était placée sous l'autorité du premier chirurgien du Roi, «chef et
garde des chartes, statuts et priviléges de la barberie du royaume».
En cette qualité, il avait sur tous les barbiers de France «inspection
et juridiction». Ne pouvant exercer en personne, il se faisait
représenter par un mandataire ou _lieutenant_, qu'il était tenu de
choisir parmi les anciens jurés de la corporation[188].

Celle-ci se composait du premier chirurgien du Roi, de son
lieutenant, d'un greffier, de six jurés ou prévôts-syndics, des
anciens syndics retirés du métier et des maîtres[189].

Les jurés étaient élus pour deux ans[190], par une délégation formée
du premier chirurgien du Roi, de son lieutenant, des six jurés en
charge, de tous les maîtres anciens et de quinze modernes[191].

Tout le monde sait quel rôle jouaient les jurés dans l'administration
des communautés; je dirai donc seulement ici un mot des Anciens et
des Modernes, dont l'origine est moins connue. Les sentiments de
fraternité qui avaient servi de base aux corporations ouvrières
s'affaiblirent peu à peu[192], et, vers le commencement du seizième
siècle, on vit s'introduire parmi les maîtres une hiérarchie que
finirent par accepter presque toutes les communautés. Les maîtres
furent alors divisés en trois classes:

Les _Jeunes_, qui comptaient moins de dix ans de maîtrise;

Les _Modernes_, reçus depuis plus de dix ans;

Les _Anciens_, qui exerçaient depuis vingt ans au moins ou avaient
rempli la charge de juré.

En général, les _Jeunes_ ne prenaient aucune part à l'administration
de la communauté: ils ne pouvaient être élus jurés, et n'avaient même
pas en cette circonstance le droit de vote. Ils n'étaient pas admis
non plus dans les commissions appelées à juger les _chefs-d'œuvre_.
En réalité, le temps passé parmi les Jeunes était une sorte de stage
imposé au compagnon après sa réception à la maîtrise.

Comme on le voit ici, les _Modernes_ eux-mêmes, bien qu'éligibles, ne
figuraient pas tous parmi les électeurs des jurés.

Les _Anciens_ formaient dans la corporation une véritable
aristocratie, très-jalouse de ses prérogatives. Au reste, chaque
communauté avait sur ce point ses usages particuliers. En 1680, la
corporation des couteliers se composait de quatre-vingt-onze maîtres,
qui étaient ainsi classés[193]:

  22 Anciens,
  32 Modernes,
  33 Jeunes,
  4 veuves, continuant le commerce de leur mari.

Je reviens à nos statuts.

Les jurés avaient droit de visite chez les barbiers-chirurgiens, et
ces derniers droits de visite chez les barbiers-perruquiers[194].
Assistés d'un sergent à verge, il devaient faire au moins quatre
visites par an chez chaque maître, «pour voir si les perruques et
cheveux qui seront exposés en vente au public sont bons et marchands».
Il était dû aux jurés quinze sous par visite[195]. D'une manière
générale, on appelait article _royal_ ou _marchand_ celui qui était de
bonne qualité, sans tare, sans défaut caché.

Le conseil de la corporation était composé de trente personnes: le
premier chirurgien du Roi, son greffier, son lieutenant, le doyen, les
six jurés et vingt anciens[196]. Il se réunissait tous les mardis,
à deux heures, «pour délibérer sur les affaires communes, police et
discipline concernant les maîtres, veuves[197], aspirans, locataires,
apprentifs, garçons, ouvriers, et tous ceux qui sont soumis à la
communauté[198].»

La profession de barbier-perruquier était non un métier, mais un
office héréditaire. Payé fort cher par les acquéreurs, il devenait
leur entière propriété: ils pouvaient le céder et le sous-louer[199],
quoique le nom seul du titulaire figurât sur l'enseigne de la
boutique. Pour avoir le droit d'exercer, il ne suffisait pas à
celui-ci d'obtenir après apprentissage des lettres de maîtrise, il
lui fallait acheter une charge, et il était mis en possession par le
premier chirurgien du Roi. Tout cela était bien fait pour remplir
d'orgueil une communauté, mais ne la mettait pas plus qu'une autre
à l'abri des créations de maîtrises ordonnées directement et à prix
d'argent par le Roi. Pour faire face à ses embarras financiers, Louis
XIV augmentait sans cesse le nombre des offices de barbiers. En
1689, d'un trait de plume il le double, le porte à quatre cents. La
communauté, redoutant une pareille concurrence, rachète ces deux cents
charges moyennant cent dix mille livres versées au Trésor. C'était
tout ce que demandait le Roi; aussi, encouragé par le succès, il
crée de nouveau cinquante charges en février 1692. Le prix fut fixé
au-dessous de trois cents livres, et on eut grand'peine à les vendre,
ce qui prouve que le besoin ne s'en faisait guère sentir. Pourtant, en
juillet et en août 1706, on crée d'un seul coup encore quatre cents
charges: la communauté terrifiée voulut les racheter, et ne le put.
En somme, le nombre des titulaires était de six cent dix à la fin
de 1712[200] et de sept cents en 1719[201]. Je raconterai ailleurs
l'histoire navrante des créations royales de maîtrises et d'offices,
qui en vinrent à ruiner toutes les corporations.

Aux acquéreurs de charges créées par le Roi, on ne demandait que de
payer. Mais si l'on voulait acheter ou louer une charge de barbier à
l'un des titulaires, il fallait avoir été apprenti pendant trois ans
et compagnon pendant deux ans[202].

Chaque maître ne pouvait avoir à la fois qu'un seul apprenti. Il était
cependant autorisé à en prendre un second quand le premier avait
achevé sa deuxième année[203].

Les fils de maître et les compagnons épousant une fille de maître
étaient tenus seulement de l'_Expérience_, épreuve facile pour
laquelle on se montrait plus qu'indulgent. Les autres aspirants à la
maîtrise devaient parfaire le _Chef-d'œuvre_, travail dont la durée
était limitée à deux jours[204].

Il était interdit à un maître d'avoir plus d'une boutique dans
Paris[205]. Un apprenti ne pouvait, durant les deux années qui
suivaient son admission à la maîtrise, ouvrir boutique dans le
quartier des maîtres chez qui il avait été soit apprenti, soit
compagnon[206]. Les apprentis ou compagnons changeant de maison ne
pouvaient, avant une année, se replacer dans le quartier du maître
qu'ils venaient de quitter[207].

Afin d'établir une distinction bien apparente entre les boutiques des
barbiers-perruquiers et celle des barbiers-chirurgiens, les premiers
devaient avoir «des boutiques peintes en bleu, fermées de châssis à
grands carreaux de verre, et mettre à leurs enseignes des bassins
blancs pour marque de leur profession et pour faire différence de ceux
des chirurgiens, qui en ont des jaunes». L'enseigne devait être ainsi
conçue: _X, Barbier, Perruquier, Baigneur, Étuviste. Céans on fait le
poil et on tient bains et étuves_[208].

Les barbiers-perruquiers étaient autorisés à «vendre des poudres,
opiats pour les dents, savonnettes, pommades et autres senteurs et
essences, pâtes à laver les mains, et généralement tout ce qui est
propre pour l'ornement, propreté et netteté du corps humain[209]».

A eux seuls appartenait «le droit de faire le poil, bains, perruques,
étuves et toutes sortes d'ouvrages de cheveux, tant pour hommes que
pour femmes, sans préjudice du droit que les chirurgiens ont de faire
le poil et les cheveux, et de tenir bains et étuves pour leurs malades
seulement[210]». Il était défendu à tous particuliers, ainsi qu'aux
«soldats servans dans les Gardes Françoise et Suisse, de faire aucuns
ouvrages de cheveux, mais seulement la barbe aux soldats desdits
régimens[211]».

La police soumettait à des règlements spéciaux les _perruquiers en
vieux_. Il leur était interdit de tenir boutique ailleurs que sur le
quai de l'Horloge. Ils réparaient les vieilles perruques, mais on
ne leur permettait pas d'en fabriquer de neuves, à moins qu'ils n'y
fissent entrer du crin, et la coiffe devait porter ces mots: _perruque
mêlée_. Ils n'avaient point de bassins pour enseigne: leur étalage
était seulement orné d'une tête de bois appelée _marmot_.

Bien que les anciens étuveurs eussent eu, selon toute apparence, saint
Michel pour patron[212], la corporation des barbiers-perruquiers fut
placée sous le patronage de saint Louis[213].

A cette époque, il y avait encore à Paris deux établissements
installés sur le modèle des anciennes étuves. Ils étaient situés rue
Marivaux[214] et rue du Cimetière-Saint-Nicolas[215], et les anciennes
traditions s'y étaient conservées. On pouvait y prendre à la fois des
bains d'eau chaude et des bains de vapeur, et la séance était souvent
terminée par l'application d'une ou deux ventouses dans le dos. Voici,
au reste, d'après un livre devenu rare[216], comment les choses se
passaient alors:

«Celuy qui veut se baigner dans l'eau froide va à la rivière.

«Nous lavons la crasse dans les bains chauds, soit assis dans la cuve,
soit en montant en haut aux bancs à suer, et nous nous frottons de la
pierre ponce ou d'une estamine.

«Nous quittons nos habits dans la garde-robe, et nous prenons des
caleçons.

«Nous mettons un bonnet sur nostre tête et nos pieds dans le bassin.

«La servante des bains sert de l'eau dans un seau, qu'elle puise dans
l'auge où elle coule par les tuiaux.

«Le maistre ou valet des estuves scarifie la peau avec sa lancette en
y appliquant des ventouses, pour en tirer du sang qui est entre chair
et cuir, et l'essuye avec une éponge.»

Les établissements de ce genre portaient en général le nom de bains,
et on réservait celui d'étuves pour les maisons où des bains de
vapeur étaient administrés par ordre du médecin, à titre de remède.
La mieux organisée était celle de Popincourt: «Les douleurs de la
sciatique, celles qui sont causées par le mercure qui a été donné
en panacée, en sublimez et en précipitez, celles de la goutte des
pieds et des mains, les paralisies universelles et particulières, les
tumeurs froides et beaucoup d'autres maladies sont infailliblement
guéries par l'usage des étuves vaporeuses de nouvelle invention qui
se tiennent au jardin médicinal de Pincourt.» Le _Livre commode_ qui
nous fournit ces renseignements ajoute: «C'est une sorte de machine
en laquelle on est baigné sans être dans l'eau, en laquelle on suë
aussi abondamment que l'on veut sans être à sec, ce qui fait que
son usage ne cause ni la constipation du ventre et la foiblesse de
poitrine comme les bains ordinaires, ni les évanouissemens, la chaleur
intérieure et la difficulté de respirer qui sont les suites ordinaires
des étuves échauffées par le feu de bois ou d'esprit de vin. Les
malades y sont couchez sur un lit suspendu, où ils reçoivent une
vapeur nouvelle, anodine et fortifiante[217].»

Il y avait encore, à l'usage du grand monde, une troisième catégorie
de bains. Maisons meublées fort suspectes, endroits de luxe et de
débauche, le bain n'y figurait le plus souvent que comme accessoire.
L'hôtel de Zamet, devenu hôtel de Lesdiguières, dans la rue de la
Cerisaie, avait eu cette destination sous Henri IV, qui le fréquentait
si assidûment qu'on l'appelait sa «maison des menus plaisirs» et
son «palais d'amour[218]». On se rendait chez le baigneur, dit M.
Walckenaer[219], «par différents motifs; c'était la que l'on prenait
les meilleurs bains, les bains épilatoires, les bains mêlés de
parfums et de cosmétiques. La maison était pourvue d'un grand nombre
de domestiques soumis, réservés, discrets, adroits. On s'y enfermait
la veille d'un départ[220] ou le jour même d'un retour, afin de se
préparer aux fatigues que l'on alloit éprouver, ou pour se remettre
de celles qu'on avoit essuyées. Voulait-on disparaître un instant du
monde, fuir les importuns et les ennuyeux, échapper à l'œil curieux
de ses gens, on allait chez le baigneur. On s'y trouvait chez soi,
on était servi, choyé, on s'y procurait toutes les jouissances qui
caractérisent le luxe et la dépravation d'une grande ville. Le maître
de l'établissement et tous ceux qui étaient sous ses ordres devinaient
à vos gestes, à vos regards, si vous vouliez garder l'incognito;
et tous ceux qui vous servaient et dont vous étiez le mieux connu
paraissaient ignorer jusqu'à votre nom.»

Dans la _Coquette_, comédie jouée vers 1720, Baron nous montre le
conseiller Durcet sortant de l'audience et venant, encore en robe,
voir Cidalise. Marton, suivante de la belle, l'accueille par ces mots:
«Monsieur ne seroit pas de ces gens qui, au retour d'un voyage, vont
descendre chez le baigneur pour ne pas dégoûter leur maîtresse[221]?»

Prud'homme fonda une maison de ce genre qui devint surtout à la mode
sous son successeur La Vienne. Saint-Simon[222] raconte que «le Roi,
du temps de ses amours, s'alloit baigner et parfumer chez lui... On
prétendoit, ajoute-t-il, que le Roi, qui n'avoit pas de quoi fournir
à ce qu'il désiroit, avait trouvé chez La Vienne des confortatifs
qui l'avoient rendu plus content de lui-même.» Louis XIV se montra
reconnaissant: le père de La Vienne devint, après Prud'homme, son
premier barbier, et La Vienne fut nommé premier valet de chambre[223].
Le Roi n'en avait pas moins encore huit barbiers servant par quartier.
Leurs fonctions étaient «de peigner le Roy, tant le matin qu'à son
coucher, luy faire le poil, et l'essuyer aux bains et étuves, et après
qu'il a joué à la paume[224].»

L'établissement de Prud'homme était situé rue Neuve-Montmartre. On en
trouvait d'autres, célèbres aussi, rue Richelieu, rue d'Orléans, rue
Vieille-du-Temple et rue des Marmouzets[225].

Les bourgeois qui voulaient prendre des bains à domicile pouvaient
louer, moyennant vingt sous par jour, une baignoire en cuivre chez
un chaudronnier, ou moyennant dix sous par jour une baignoire de bois
chez un tonnelier[226]. L'eau était chauffée à la bouilloire; il y
avait donc intérêt à construire des baignoires qui n'en exigeassent
pas un trop grand volume. Celles de cuivre représentaient le plus
souvent un sabot à tige élevée, disposition aussi économique
qu'incommode, car le corps y était presque moulé, et l'on dépensait
ainsi moitié moins de liquide qu'en employant un cuvier oblong. La
baignoire dans laquelle fut assassiné Marat, et qui vient d'être
acquise par le musée Grévin, est un sabot de ce genre. Les grands
seigneurs avaient dans leur hôtel des salles de bain fort luxueuses,
où les baignoires affectaient la forme de canapés, de chaises longues,
de lits de repos, etc. Il paraît qu'on s'y baignait parfois de
compagnie, puisqu'il existait au château de Genlis une baignoire assez
vaste pour contenir quatre personnes[227].

Au dix-huitième siècle, les dames recevaient volontiers leurs
visiteurs, femmes ou hommes, pendant qu'elles étaient au bain. Dans
ces circonstances, on avait soin de blanchir l'eau soit avec «une
pinte ou deux de lait[228], soit avec de l'essence: c'est ce que
l'on appelait un _bain de lait_.» M. le comte de Reiset possède une
baignoire Louis XVI, munie d'un couvercle canné qui empêchait de voir
la personne dans son bain, tout en permettant l'évaporation[229]. Le
jour même du retour de Varennes, la Reine dictait à un des huissiers
de sa chambre une lettre destinée à madame Campan, et qui commence
ainsi: «Je vous fais écrire de mon bain, où je viens de me mettre
pour soulager au moins mes forces physiques[230].» Marie-Antoinette,
élevée dans les sévères principes de la cour de Vienne, se baignait
vêtue d'une longue robe de flanelle boutonnée jusqu'au cou, et
tandis que ses deux baigneuses l'aidaient à sortir du bain, elle
exigeait que l'on tînt devant elle un drap destiné à la cacher à ses
femmes[231]. Il ne faut pas oublier qu'à cette époque, les grandes
dames en agissaient souvent encore avec leurs gens comme les
Romaines vis-à-vis de leurs esclaves, et regardaient un valet comme
un animal en présence duquel la plus craintive pudeur pouvait tout se
permettre[232].

Les Parisiens amateurs de bains froids les prenaient dans la Seine,
sans se préoccuper des exhibitions dont ils gratifiaient les riverains
et les passants. Une chanson[233] de Coulange nous a décrit l'effroi
de la Précieuse qui passe en carrosse, par un chaud jour d'été, près
de la porte Saint-Bernard:

    Quel spectacle indécent se présente à mes yeux!
    Des hommes vraiment nuds au bord de la rivière
    Me font évanouir! Ah! de grâce, ma chère,
          Évitons cet objet affreux;
    Allons, viste, cocher, retournons à la ville.

Il y avait aussi au dix-septième siècle des piscines où les femmes, à
qui «il n'est point permis de se baigner dans la rivière», pouvaient
aller se plonger dans l'eau froide. Le recueil des _Caquets de
l'accouchée_[234] nous en fournit la preuve. Le soleil «estant au
signe du Cancre, je me résolus, avec quelques-unes de mes voisines,
d'aller aux étuves pour me rafraîchir.... Comme je fus arrivée aux
baings où d'ordinaire nous avons coustume entre nous autres de
rafraîchir, je me trouvay au milieu d'une bonne et agréable compagnie
de bourgeoises et dames de Paris qui estoient venues au mesme lieu
pour ce subject.»

Au siècle suivant, nous trouvons des bains froids installés sur la
Seine:

  A la Râpée;
  Près de l'archevêché;
  Quai des Morfondus, aujourd'hui quai de l'Horloge;
  Port Saint-Nicolas, en face de la rue des Poulies;
  Quai des Quatre-Nations, aujourd'hui quai Conti;
  Près de la barrière des Invalides[235].

Ces bains, entièrement recouverts d'une toile, avaient douze toises de
long sur deux de large. Ils étaient formés par une vingtaine de pieux
enfoncés dans la rivière, et que des planches reliaient ensemble. On
y descendait au moyen d'une échelle attachée à un bateau dans lequel
les baigneurs se déshabillaient et laissaient leurs vêtements. Le prix
du bain était de trois sous. Le linge se payait à part: un sou pour
une serviette du côté des hommes, trois sous pour une chemise du côté
des femmes.

Ce n'était pas précisément là que se donnaient les rendez-vous de
noble compagnie. Pour celle-ci, des bateliers avaient établi dans la
rivière, au-dessus et au-dessous de Paris, de petites cabanes appelées
_gores_. Elles se composaient de quatre pieux ombragés par une toile;
un autre pieu planté au milieu permettait de se soutenir sur l'eau.
«Les dames, dit le _Journal du citoyen_[236], sont conduites et
descendues dans ces gores, sûrement, commodément et secrettement. Les
femmes de mariniers conduisent les baigneuses. On fait marché de gré
à gré pour se faire conduire. Il en coûte communément vingt-quatre ou
trente sols par heure du loyer d'un bateau.»

Cette façon de se baigner sans bouger inspira, vers 1781, une idée
assez étrange à un sieur Turquin. Sur le petit bras du fleuve, près
du pont de la Tournelle, il plaça dans un bateau plusieurs baignoires
maintenues par un plancher à une certaine profondeur; leurs parois
étaient percées de trous qui permettaient au courant de les traverser
et d'y renouveler l'eau sans cesse. Chaque baignoire, installée dans
un cabinet, était assez grande pour recevoir jusqu'à trois personnes.
Cet établissement, qui subsistait encore en 1787[237] reçut le nom de
_Bains chinois_. Le succès qu'il obtint décida Turquin à en ouvrir un
autre où les baignoires disparurent, où l'on ne put se montrer sans
caleçon, et où l'on disposa des cabines pour se déshabiller. Turquin
fut ainsi le véritable créateur des écoles de natation telles que nous
les voyons organisées aujourd'hui. La première, située près des Bains
chinois, fut inaugurée le 16 juillet 1785, en présence de plusieurs
membres du corps municipal, de l'Académie des sciences et de la
Société de médecine[238]. Turquin ne tarda pas à établir une seconde
école de ce genre à la pointe de l'île Saint-Louis; puis une troisième
au-dessous du Pont-Royal[239], sur l'emplacement qu'occupe
aujourd'hui l'embarcadère du _Touriste_.

[Illustration: BAINS ÉTABLIS SUR LA SEINE PAR POITEVIN EN 1761.

D'après l'_Encyclopédie méthodique_.]

Paris ne comptait encore qu'une dizaine de bains chauds, possédant
chacun de douze à quinze baignoires, quand un sieur Poitevin imagina
d'en établir un sur la Seine même. Ce projet, patronné par la
municipalité, reçut sa réalisation en 1761. Le bateau organisé par
Poitevin fut amarré près du Pont-Royal, en face des Tuileries. Long de
cent quarante et un pieds et large de vingt-huit, il était divisé en
deux étages. Un côté était réservé aux femmes. Les cabinets ouvraient
sur un couloir central, et l'eau, puisée dans le fleuve par deux
pompes à bras, était filtrée avant d'arriver aux baignoires[240].
Un autre bateau, appartenant au même propriétaire, et disposé de la
même façon bien qu'il n'eût qu'un rez-de-chaussée, stationnait pendant
l'été à l'extrémité de l'île Saint-Louis, au bas du quai d'Anjou.
Poitevin eut pour successeur un sieur Guignard, qui finit par diriger
plusieurs établissements de ce genre. Dans un d'entre eux, situé à
l'angle du Pont-Royal et du quai d'Orsay, les pauvres étaient reçus
gratuitement sur un certificat du médecin ou du curé de leur paroisse.

Des bains plus complets occupaient une maison qui faisait le coin de
la rue de Bellechasse et du quai. Outre des bains de vapeur et des
douches, on y trouvait une vaste piscine dans laquelle on pouvait se
livrer à la natation. Les prix étaient ainsi fixés:

  Bain simple                       3 livres.
   —    —     par abonnement        2   —
   —  russe                         7   —  4 sols.
   —  dépilatoire et de propreté   12   —
  Douche composée                  12   —
    —   simple                      9   —
    —   ascendante                  3   —

Les anciens bains du dix-septième siècle, où l'on venait ordinairement
chercher tout autre chose que de l'eau, étaient représentés par
l'_Hôtel des Bains de S. A. R. Mgr le duc d'Orléans_, situé au
Palais-Royal, et dont l'entrée était rue de Valois. On y trouvait «des
appartemens garnis, propres à recevoir des personnes de la première
distinction[241].»

Tous les établissements de bains chauds étaient tenus par des maîtres
barbiers-perruquiers-baigneurs-étuvistes, dont la corporation
avait pris d'autant plus d'importance que la communauté des
barbiers-chirurgiens disparaissait peu à peu. Mais une redoutable
concurrence vint troubler la quiétude dans laquelle ils vivaient.

Dès le quinzième siècle, il y avait eu des coiffeuses pour les femmes.
On les trouve nommées _atourneresses_, _atourneuses_, _achemeresses_,
etc., elles n'étaient guère employées d'ailleurs que dans les
grandes occasions: bals, mariages, etc. Le soin des chevelures
féminines restait donc en général réservé aux chambrières, et les
barbiers-chirurgiens n'avaient jamais élevé aucune prétention à cet
égard. Un homme de génie en son genre, le sieur Champagne, créa cette
spécialité. «Ce faquin, dit Tallemant des Réaux[242], par son adresse
à coiffer et à se faire valoir, se faisoit rechercher et caresser de
toutes les femmes. Leur foiblesse le rendit si insupportable, qu'il
leur disoit tous les jours cent insolences: il en a laissé telles
à demy coiffées; à d'autres, après avoir fait un costé, il disoit
qu'il n'acheveroit pas si elles ne le baisoient; quelquefois il s'en
alloit, et disoit qu'il ne reviendroit pas si on ne faisoit retirer
un tel qui luy desplaisoit, et qu'il ne pouvoit rien faire devant ce
visage-là. J'ay oüy dire qu'il dit à une femme qui avoit un gros nez:
«Voys-tu, de quelque façon que je te coiffe, tu ne seras jamais bien
tant que tu auras ce nez-là.» Avec tout cela, elles le couroient, et
il a gaigné du bien passablement; car, comme il n'est pas sot, il n'a
pas voulu prendre d'argent, de sorte que les présens qu'on luy faisoit
luy valoient beaucoup. Lorsqu'il coiffoit une dame, il disoit ce que
telle et telle luy avoit donné, et quand il n'estoit pas satisfait,
il adjoustoit: «Elle a beau m'envoyer quérir, elle ne m'y tient
plus.» L'idiote qui entendoit cela, trembloit de peur qu'il ne lui en
fist autant, et luy donnoit deux fois plus qu'elle n'eust fait. Avec
cela, il estoit mesdisant comme le diable; il n'y avoit personne à sa
fantaisie. De Pologne, il alla en Suède, et revint icy avec la reyne
Christine.»

Ce singulier personnage eut une fin tragique. Il fut assassiné au
cours d'un voyage, et Loret raconta cet événement tout au long dans sa
gazette rimée:

    Un bruit venant de la campagne
    Nous apprend que le sieur Champagne,
    Que deux ou trois Reynes du Nord
    Estimoient et cherissoient fort,
    Et qui d'estre de luy coiffées
    Faisoient autrefois des trophées,
    Dans un rencontre inopiné
    Fut l'autre jour assassiné,
    Entre, dit-on, Vienne et Grasse,
    Par cette detestable race
    Que l'on appelle des bandits,
    Gens sanguinaires, gens maudits[243].

Champagne n'eut pas aussitôt de successeur digne de lui[244], mais
les dames continuèrent à rechercher des mains plus habiles que celles
de leurs femmes de chambre, et l'industrie des _Coiffeurs de dames_
et des _Coiffeuses_ fut fondée. Madame de Sévigné a transmis à la
postérité le nom de la Martin, qui inventa la coiffure _hurluberlu_
ou _hurlupée_, dite aujourd'hui coiffure _à la Maintenon_, parce que
c'est celle que porte la grande favorite sur ses premiers portraits.
Cette mode date de 1671. Le 18 mars, madame de Sévigné écrit à sa
fille de s'en garder; elle lui déclare que «c'est la plus ridicule
chose qu'on puisse s'imaginer», et la supplie de rester fidèle à la
jolie coiffure que sa femme de chambre Montgobert fait si bien[245].

Quinze jours après, la cour a adopté la nouvelle coiffure, et dès
lors madame de Sévigné en raffole. Elle mande aussitôt à sa fille
que, frisée ainsi, elle sera «comme un ange», et que décidément «la
coiffure que fait Montgobert n'est plus supportable[246]».

Le _Livre commode pour 1692_ cite parmi «les coiffeuses fort
employées, mesdemoiselles Canilliat, place du Palais-Royal; Poitier,
près les Quinze-Vingts; le Brun, au Palais; de Gomberville, rue des
Bons-Enfans; et d'Angerville, devant le Palais-Royal[247]».

Depuis le règne de Louis XV, les coiffeurs l'emportèrent sur les
coiffeuses. Frison fut mis à la mode par la marquise de Prie;
Dagé, coiffeur de madame de Châteauroux et de madame de Pompadour,
avait équipage; Larseneur était le confident de Mesdames, filles
du Roi[248]; Legros[249] publiait _L'art de la coëffure des dames
françoises_, qui eut trois éditions en trois ans, et fut suivi de
plusieurs suppléments.

On trouve dans ces volumes de curieux spécimens de coiffures, précédés
d'avertissements dans lesquels l'auteur étale naïvement sa bouffonne
vanité. Il s'exprime ainsi en tête de son deuxième supplément, imprimé
en 1769: «J'avois autrefois pour passion la pêche, la chasse, la
cuisine[250], et courir les armées, tant en Flandres qu'en Allemagne,
changeant souvent d'état, et remarquant toujours le bon d'avec le
mauvais, faisant ma cour aux vieillards de tout état, afin qu'ils me
racontassent ce qu'ils sçavoient de leurs anciens temps. Voilà la
seule étude que j'ai faite pour acquérir de l'expérience et connoître
à peu près l'esprit et le caractère des hommes. Il s'agissoit donc de
connoître un peu celui des Dames, chose bien difficile, qui m'a causé
bien de l'embarras, ne sçachant comment m'y prendre. Enfin, le moyen
le plus juste selon moi étoit de me mettre Coëffeur, talent où il faut
sçavoir se taire et parler, être sage et honnête, tout voir et ne rien
dire, et avec ces bonnes qualités et l'art de la coëffure, on est bien
reçu des Dames en tout pays. La coëffure des Dames m'a causé bien des
tourmens; il n'y a que moi qui sçais la peine qu'elle m'a donnée. Ce
n'est point l'argent qui m'a engagé à suivre cet état au milieu d'un
champ rempli d'épines pour moi, mais c'est l'ambition et le zèle que
j'ai de prouver aux Dames que tant que le monde subsistera, elles
porteront de mes coëffures. C'est avec preuve que je ne ressemble
point à bien des coëffeurs et perruquiers, qui étalent leurs talents
avec leur langue, mais moi c'est avec mes doigts que je fais voir à
tout le monde ce que je sçais. Malgré la contrariété, tant que je
vivrai je donnerai toujours des preuves que je serai le premier de mon
état pour la coëffure des Dames en tous genres, comme on le verra par
mon livre...»

Legros eut la prétention de fonder une académie de coiffure, et il y
réussit à peu près. Il avait des _prêteuses de tête_ qui permettaient
à ses élèves d'étudier sur nature et de reproduire les estampes
publiées par lui. L'élève parvenu à copier les onze premiers modèles,
recevait un certificat portant le cachet dit _de l'étoile_. Pour
obtenir le cachet de l'étoile et celui des _trois croissants de la
lune_, il fallait avoir imité exactement les vingt-huit premières
estampes. Quant à l'habile homme qui reconstituait sur le vif
trente-huit planches, son certificat portait à la fois le cachet de
l'étoile, celui des trois croissants et le _grand cachet du soleil_;
en outre, on le proclamait «maître professeur et académicien de l'art
de la coëffure des Dames».

[Illustration]

Legros ne se dissimule pas que son mérite et sa gloire lui ont créé
bien des ennemis. «Il y aura peut-être, dit-il, des personnes qui
trouveront mauvais que mon livre ait pour titre _L'art de la coëffure
des Dames_, et mes classes le nom d'_Académie_. En voici la raison: la
coëffure des Dames est devenu un Art pour moi, parce que j'ai composé
et fait les plans de toutes mes Coëffures, et que voilà le quatrième
goût que je change depuis neuf ans, que j'ai coëffé les Dames de
cinquante-deux sortes de goûts différents, et que je leur ai fait
avec des cheveux faux trois cents pièces d'ouvrages tous différens
pour leurs coëffures... Puisque je suis le seul dans le monde qui ai
poussé la coëffure des Dames à son dernier degré, et qui ai fait tant
d'ouvrages en cheveux imitant le naturel, ce que personne ne s'était
jamais avisé de faire, ainsi que le traité des cheveux naturels qui
n'a jamais paru, je crois qu'il m'est bien permis de me dire le
premier des Artistes pour la Coëffure des Dames.»

Tant de soins ne furent pas perdus. Legros nous apprend qu'il reçut
«les applaudissemens des Reines et Princesses de toutes les Cours et
de toutes les Dames en général.»

Mais ce succès et celui qu'obtinrent ses nombreux confrères,
suscitèrent aux coiffeurs de femmes, dont le nombre s'élevait alors
à douze cents, des jalousies et des haines. La corporation des
barbiers-perruquiers leur intenta des procès; ces derniers soutenaient
avec raison qu'ils avaient seuls le droit de vendre des cheveux, et
il était prouvé que les coiffeurs fournissaient des chignons à leurs
clientes. L'avocat des coiffeurs publia en faveur de ceux-ci un
factum fort gai[251] qui, écrit Bachaumont le 8 janvier 1769, «se
trouve également sur les bureaux poudreux des gens de loix et sur les
toilettes élégantes des femmes[252].»

L'auteur s'efforce de prouver que ses clients sont, non pas des
artisans, mais des artistes dont la profession doit rester libre: «Par
les talents qui nous sont propres, leur fait-il dire, nous donnons
des grâces nouvelles à la beauté que chante le poëte. C'est souvent
d'après nous que le peintre et le statuaire la représentent; et si la
chevelure de Bérénice a été mise au rang des astres, qui nous dira
que pour parvenir à ce haut degré de gloire elle n'a pas eu besoin
de notre secours?... Un front plus ou moins grand, un visage plus ou
moins rond demandent des traitements bien différents: partout il faut
embellir la nature ou réparer ses disgrâces. Il convient encore de
concilier avec le ton de chair la couleur sous laquelle l'accommodage
doit être présenté. C'est ici l'art du peintre; il faut connaître
les nuances, l'usage du clair-obscur et la distribution des ombres
pour donner plus de vie au teint et plus d'expression aux grâces.
Quelquefois la blancheur de la peau sera relevée par la teinte
rembrunie de la chevelure, et l'éclat trop vif de la blonde sera
modéré par la couleur cendrée dont nous revêtirons ses cheveux.» Notre
art, ajoutent-ils, ne se borne pas à disposer avec goût les cheveux et
les boucles; nous avons aussi la mission de placer les diamants, les
croissants, les aigrettes; notre habileté assure et étend sans cesse
l'empire de la beauté. Les coiffeurs ne se dissimulent point qu'on les
accuse d'encourager le luxe et la coquetterie; mais leur appartient-il
de s'ériger en censeurs des mœurs et de réformer leur siècle? «Ce
n'est pas à nous de juger si les mœurs de Sparte étoient préférables à
celles d'Athènes, et si la bergère qui se mire dans la fontaine, met
quelques fleurs dans ses cheveux et se pare de ses grâces naturelles,
mérite plus d'hommage que de brillantes citoyennes qui usent de tous
les raffinemens de la parure... Il faut prendre le siècle dans l'état
où il est; c'est au ton des mœurs actuelles que nous devons notre
existence, et tant qu'elles subsisteront, nous devons subsister avec
elles.» Cet éloquent plaidoyer ne désarma point les magistrats. Deux
arrêts, rendus le 27 juillet 1768 et le 7 janvier 1769, enjoignirent
aux coiffeurs de se faire inscrire dans la corporation des barbiers;
ils résistèrent longtemps, et ne se soumirent définitivement que
sous Louis XVI. Au mois de septembre 1777, celui-ci créa six cents
coiffeurs de femmes, qui payèrent leur privilége six cents livres
et furent agrégés à la corporation des barbiers[253]. L'_Almanach
Dauphin_[254] mentionne alors parmi les coiffeurs en vogue: la veuve
de Legros, établie rue Saint-Honoré, en face de la rue de l'Arbre-Sec;
Frédérik, rue Thibautodé, qui «tient école de coëffure, place des
femmes et valets de chambre coëffeurs, et fournit un rouge de Portugal
accrédité par la finesse et la douceur de ses nuances»; Audis, quai
de l'École, qui «tient assortiment d'ouvrages méchaniques en cheveux,
pour faciliter aux dames la commodité de se coëffer elles-mêmes et
de varier en un instant leur coëffure;» madame Desmares, au coin de
la rue Saint-Louis du Louvre, coiffait «avec beaucoup de goût et de
légèreté»; enfin, Durand, dit Legoût, logé quai de la Ferraille,
vendait «toutes sortes de postiches de différens genres, tocques
montées en fil de laiton, peignes garnis de cheveux, et généralement
tout ce qui concerne le talent de la coëffure».

Legros n'avait pas donné de nom aux créations de son génie; ses émules
furent moins modestes, et les recueils du temps nous signalent les
coiffures suivantes parmi celles qui se partagèrent, de 1770 à 1780,
la faveur des plus folles têtes:

  _A la Henri IV._
  _A la Minerve._
  _A la Sylphide._
  _A la Harpie._
  _A la Diane._
  _A la Corne d'abondance._
  _A la Glaneuse._
  _Au Levant._
  _A la Frivolité._
  _Au Caprice._
  _Au Haut rang._
  _A la Daphné ou la Demi-conquête._
  _A la Conquête assurée._
  _Le Papillon constant._
  _Le Lever de la Reine ou le Triomphe de l'aurore._
  _Le Témoin discret._
  _La Sapho moderne._
  _En Bandeau d'amour._
  _Au Hérisson._
  _Au Demi-hérisson._
  _Au Hérisson à crochets._
  _Au Chien couchant ou au Mystère._
  _A la Zodiacale._
  _A la Bourgeoise._
  _A la Colombe._
  _A la Conseillère._
  _En Crochets._
  _A l'Ingénue._
  _A la Cérès._
  _A la Recherche._
  _A la Modestie._
  _A la Distinction._
  _A la Candeur._
  _Au Parterre galant._
  _A la Janot._
  _A la Pierrot._
  _En Échelle._
  _En Rouleaux._
  _Au Croissant._
  _Au Vol d'amour._
  _En Corbeille._
  _A la Flore._
  _Au Parc anglais._
  _A l'Anglaise._
  _A l'Irlandaise._
  _A l'Espagnole._
  _A la Circassienne moderne._
  _A la Turque._
  _A la Grecque._
  _A la Persane._
  _A la Phrygienne._
  _En Baigneuse._
  _En Gondole._
  _En Moulin à vent._
  _Au Cerf-volant._
  _Sans redoute._
  _A l'Espoir._
  _A la Nation._
  _Aux Charmes de la liberté[255]. Etc., etc._

[Illustration: COIFFURE FANTAISIE.

COIFFURE EN BANDEAU D'AMOUR.]

Je ne cite ici, bien entendu, que les coiffures. Je triplerais cette
liste si je voulais y comprendre les noms donnés pendant la même
période aux bonnets et aux chapeaux.

Dès 1723, l'abbé de Bellegarde écrivait: «Depuis que les femmes se
sont avisées de se servir de fers pour soutenir la pyramide de leur
coëffure, qui est une espèce de bâtiment à plusieurs étages, elles
ont tellement enchéri sur cette mode qu'il n'y a plus de porte assez
élevée pour leur donner passage sans baisser la tête[256].» On sait
jusqu'à quelle démence cette mode fut portée sous Louis XVI. Une
élégante devait avoir alors sur le crâne un échafaudage de chiffons
et de cheveux qui égalât le tiers de sa taille, et il entrait dans
cet édifice tant de fil de fer qu'on était en droit de demander à une
dame quel était l'adroit serrurier qui l'avait coiffée. Je ne crois
pas qu'en aucun temps et sous aucun ciel, la mode ait jamais imposé
à ses esclaves rien de plus niaisement prétentieux que le _pouf_.
Décrire une de ces parures, je n'y pense point, on m'accuserait
d'exagération, je laisse donc la parole à un contemporain qui écrivait
au jour le jour et dont le témoignage est inattaquable. Voici, d'après
les _Mémoires_ dits de Bachaumont[257], comment était composé le
_pouf au sentiment_. «On l'appelle _pouf_, à raison de la confusion
d'objets qu'il peut contenir, et _au sentiment_, parce qu'ils doivent
être relatifs à ce qu'on aime le plus. La description de celui de
madame la duchesse de Chartres rendra plus sensible cette définition.
Dans celui de Son Altesse Sérénissime, au fond est une femme assise
sur un fauteuil et tenant un nourrisson, ce qui désigne M. le duc
de Valois et sa nourrice. A la droite est un perroquet becquetant
une cerise, oiseau précieux à la princesse. A gauche est un petit
nègre, image de celui qu'elle aime beaucoup. Le surplus est garni de
touffes de cheveux de M. le duc de Chartres, son mari; de M. le duc
de Penthièvre, son père; de M. le duc d'Orléans, son beau-père, etc.,
etc. Toutes les femmes veulent avoir un pouf et en raffolent.»

On vit dès lors paraître successivement les poufs:

  _A la Turque._
  _A l'Asiatique._
  _A l'Assyrienne._
  _A la Chinoise._
  _A la Sophie._
  _A l'Art de plaire._
  _En Crête._
  _A la Grande prêtresse._
  _A la Puce._
  _En Rocher._
  _En Gueule de loup._
  _Au Globe fixé._
  _A Bandelettes._
  _Etc., etc., etc._

La fortune des poufs fut plus brillante que durable. Dans la fureur
de nouveauté qui hantait les cerveaux féminins, une coiffure vieille
de trois mois n'était plus bonne qu'à orner ridiculement quelque
crâne provincial. Faute de mieux et à bout d'imagination, on s'empara
des événements du jour et on les figura en cheveux sur la tête des
élégantes. Les romans, le théâtre, les succès de nos armées, les
moindres faits divers, tout fut exploité.

En 1778, après le célèbre combat livré aux Anglais par la
_Belle-Poule_, les femmes surmontèrent leurs cheveux d'une frégate
avec sa mâture, ses voiles, ses agrès, ses canons, ses pavillons, et
cette coiffure prit le nom du glorieux bâtiment qu'elle représentait.
Beaumarchais la fit oublier. La vogue de ses _Mémoires_; le ridicule
qu'il jetait sur le gazetier Marin, le succès du _Quès-aco, Marin?_
qui termine le portrait de ce personnage[258], inspirèrent la création
du _quesaco_, trois panaches plantés derrière un chignon composé de
huit boucles.

Au même ordre d'idées se rattachent les coiffures suivantes:

  _A la Frégate._
  _A la Junon._
  _A la Victoire._
  _A la Philadelphie._
  _A la Voltaire._
  _A la Raucourt._
  _A l'Iphigénie en Tauride._
  _A l'Eurydice._
  _A l'Irène._
  _A la Cléopâtre._
  _A l'Armide_ ou _la Grande prétention_.
  _A la Gabrielle de Vergy._
  _A l'Almaviva._
  _Au Colisée._
  _A la Montgolfier._

C'étaient là les grands soucis des dames de la cour quinze ans avant
la Révolution; la jeune et belle Dauphine donnait l'exemple, sourde
aux reproches de son époux[259], insensible aux railleries dont elle
commençait à être l'objet. Nous possédons un curieux spécimen de
celles-ci dans une assez plate comédie, que publia en 1778 l'avocat
Marchand.

Au début, le coiffeur Duppefort et sa femme sont en scène, et le
dialogue s'établit ainsi:

     DUPPEFORT.

     Ouf! je suis harassé comme un général d'armée le jour d'une
     action. Les femmes veulent être servies toutes à la fois et
     dans la même minute; l'on ne sait à laquelle entendre. L'une
     veut de la fourrure, l'autre un plumage; celle-ci des fleurs et
     des émaux, celle-là des arbres et des diamants. Il faudroit,
     en vérité, avoir sous la main tous les élémens et les quatre
     parties du monde. Elles veulent apparemment toucher à la lune.
     Elles ne sont occupées que de coëffures, et chacune en veut trois
     pouces de plus que sa voisine. En vérité, je ne sais pas à quoi
     cette manie aboutira à la fin. Si l'émulation augmente, il faudra
     exhausser les lanternes dans les rues... Eh bien, qui est-ce qui
     est venu pendant mon absence?

     MADAME DUPPEFORT.

     Un monde étonnant. D'abord ce riche banquier qui a fait venir
     des plumes de colibris pour sa filleule; en second lieu, ce
     petit abbé qui a fait un poëme sur la coëffure des odalisques;
     troisièmement, madame la comtesse de Cavecreuse, qui veut
     absolument que vous lui fournissiez sur sa garniture le jardin du
     Palais-Royal, avec le bassin, la forme des maisons et surtout sa
     grande allée avec la grille et le café.

     M. DUPPEFORT.

     En vérité, elle n'y pense pas. Une autre me demandera bientôt les
     Thuilleries, le Luxembourg, le boulevard; les femmes du Marais
     voudront avoir la place Royale ou l'hôtel de Soubise. Mais
     n'importe, il faut satisfaire les gens pour leur argent.

     MADAME DUPPEFORT.

     Il est encore venu cette grande marquise sèche, qu'on appelle
     madame de la Brasse, et qui est veuve depuis trois mois. Elle
     vous prie de mettre sur sa garniture un catafalque de goût[260].

Ce court extrait suffira pour donner une idée de la pièce, où l'esprit
n'abonde pas et qui ne fut jamais représentée.

A la cour et dans l'entourage même de la Reine, les gens sensés
blâmaient les exagérations qu'ils avaient sous les yeux: «Les
coiffures, dit madame Campan, parvinrent à un tel degré de hauteur,
par l'échafaudage des gazes, des fleurs et des plumes, que les femmes
ne trouvoient plus de voitures assez élevées pour s'y placer, et
qu'on leur voyoit souvent pencher la tête ou la placer à la portière.
D'autres prirent le parti de s'agenouiller pour ménager d'une
manière plus certaine encore le ridicule édifice dont elles étaient
surchargées[261].» En février 1776, Marie-Antoinette honora de sa
présence un bal donné par la duchesse de Chartres. Les _Mémoires
secrets_ de Bachaumont racontent qu'à cette occasion «la Reine
ayant redoublé la hauteur de son panache, il fallut le baisser d'un
étage pour qu'elle pût entrer dans son carrosse, et le lui remettre
quand elle en est sortie». Comme on imitait la Reine, même dans la
bourgeoisie, les théâtres étaient troublés par des querelles sans
cesse renaissantes, à ce point que de Visme, directeur de l'Opéra, dut
interdire l'entrée de l'amphithéâtre aux coiffures trop élevées[262].

Ce n'est pas tout. Ces pyramides gonflées de crin, bourrées de
coussins, chargées de poudre, baignées de pommade, maintenues par
une forêt d'épingles dont la pointe atteignait la peau, devenaient
l'origine d'une foule de malaises; en même temps que la vermine
engendrée par la poudre causait aux malheureuses victimes de la
coquetterie d'insupportables démangeaisons. La civilité permit d'abord
de se frapper doucement la tête avec un doigt pour calmer le prurit
qu'occasionnaient les indiscrètes bestioles[263]. Puis on inventa en
faveur de ces martyres volontaires le _grattoir_, longue tige terminée
par un crochet d'ivoire, d'argent ou d'or, secours bien doux, mais
impuissant contre «la crasse infecte qui séjournait sous les brillants
diadèmes[264].» Je m'arrête. Ne nous montrons pas trop sévères
pour nos aïeules; s'il prenait fantaisie à quelque cerveau fêlé de
ressusciter cette mode aujourd'hui, est-il bien sûr que la tentative
échouerait?

Rien n'égale la burlesque vanité, le naïf orgueil dont était rempli le
cœur des hommes qui élevaient ces monuments éphémères. Dutens raconte
que le prince Lanti, se trouvant à Paris et ayant demandé un coiffeur,
on introduisit dans sa chambre un personnage bien mis et l'épée au
côté. Le prince s'assit, en lui recommandant de se dépêcher. «Mon
prince, lui dit cet homme, je suis le physionomiste, permettez que
je fasse entrer mon second.» Et il fait entrer un garçon perruquier
avec tout son appareil. Plaçant ensuite le prince à sa fantaisie, il
l'observe avec attention, le prenant par le menton pour mieux examiner
son visage. Puis, s'adressant à son second: «Visage à marrons[265],
dit-il; marronnez monsieur.» Et il se retira en faisant une humble
révérence[266].

[Illustration: BOUTIQUE DE BARBIER, d'après Cochin.

Dix-huitième siècle.]

De si grands artistes rougissaient d'appartenir à la corporation des
barbiers. Ils tentèrent encore une fois de s'en séparer pour former
une communauté indépendante; mais un arrêt du 25 janvier 1780 repoussa
cette prétention, et leur interdit de mettre sur leur enseigne les
mots: _Académie de coiffure_[267]. Il est certain d'ailleurs que les
boutiques de certains barbiers avaient alors un aspect peu séduisant.
Voici la description que nous en a conservée Mercier: «Imaginez tout
ce que la malpropreté peut assembler de plus sale. Les carreaux des
fenêtres, enduits de poudre et de pommade, interceptent le jour;
l'eau de savon a rongé et déchaussé le pavé; le plancher et les
solives sont imprégnés d'une poudre épaisse; les araignées pendent
mortes à leurs longues toiles blanchies, étouffées en l'air par le
volcan éternel de la poudrerie[268].»

Un grand événement se produisit en 1780. A la suite d'une couche,
Marie-Antoinette perdit ses cheveux. Dès lors, disent les _Mémoires
secrets_, «l'art est continuellement occupé à réparer les vuides
qui se forment sur cette tête auguste». Cette tête auguste finit
par adopter une coiffure très-basse, dite _à l'enfant_. Aussitôt,
les dames de la cour, «empressées de se conformer au goût de leur
souveraine, ont sacrifié leur superbe chevelure[269].»

La reine de France, reine surtout des poufs et des chiffons, avait
pour ministres la Bertin, sa marchande de modes, et Léonard Autier,
son coiffeur, qui avait porté le génie jusqu'à faire entrer quatorze
aunes d'étoffes dans une coiffure. Elle les comblait de faveurs, ne
sachant rien refuser à des personnages dont le concours lui était si
précieux. Il était de règle que tout artisan pourvu d'une charge à
la cour cessât de servir le public; mais Marie-Antoinette, craignant
que le goût de son coiffeur se perdît s'il cessait de pratiquer son
état, voulut qu'il conservât sa clientèle, «ce qui, dit très-bien
madame Campan[270], multiplia les occasions de connaître les détails
de l'intérieur de la Reine et souvent de les dénaturer.» Quand
l'infortunée princesse, décidée à quitter la France, préparait la
fuite de Varennes, sa folle coquetterie survivait tellement aux
dangers de sa situation, aux angoisses endurées, aux humiliations
subies, qu'elle ne put se résoudre à se séparer de Léonard, serviteur
au reste fidèle et dévoué; elle le fit partir quelques heures avant
elle, sous la protection de de Choiseul[271].

Léonard ne revint pas à Paris avec sa souveraine; il émigra et alla
mettre ses talents au service des grandes dames russes. En France, le
temps des futilités était passé, et plus d'une des belles chevelures
qu'avait abandonnées Léonard devait être maniée pour la dernière fois
dans une prison et par un aide du bourreau.



ÉCLAIRCISSEMENTS


I

EXTRAIT DE LA _CIVILITÉ_ DE JEAN SULPICE,

_traduite en français par_ GUILLAUME DURAND, _en_ 1545[272].

[1483]


O enfant de bonne nature, devant que de t'exposer et bâiller mes
preceptes, je t'admoneste que tu ayes à les garder et que tu faces en
sorte que tousjours ils te soyent devant les yeux.

Ta robe soit nette et sans ordure.

N'aye point le visage ou les mains ordes.

Donne toy de garde que aucune morve ou roupie ne te sorte du nez et
y pende, comme ceste glace longue que l'on void pendre en hyver aux
chevrons et gouttières des maisons.

Tes ongles ne soyent point trop longs, ny pleins d'ordure.

Tes cheveux soyent bien peignez, et que ta perrucque[273] ne soit
pleine de plumes ou autre ordure.

Tes souliers soyent nets et non boueux ou fangeux.

Que ta langue ne soit point couverte d'ordure et immundicité accumulée
dessus.

Aye les dents nettes et sans rouille, c'est à dire sans matière jaulne
attachée contre, par faute de les nettoyer et mundifier souvent.

Estime qu'il est peu seant et peu honneste de soy grater la teste à
table; et prendre au col ou au doz poulx, ou puces, ou autre vermine,
et la tuer devant les gens; se grater, ou crever, ou percer sa
roigne[274] en quelque partie du corps qu'elle soit.

Si tu viens à te moucher, tu ne doibs prendre tel excrement avec les
doigts, mais les doibs recevoir dedans un mouchoir. Et si tu craches
ou tousses, il ne fault pas avaller ce que tu as desjà attraict en la
gorge, mais faut cracher en terre ou en un mouchoir ou serviette.

Si, par contrainte, tu es provoqué à roter, fay le avec le moindre son
de la bouche que faire se pourra, et tousjours en détournant la face.

Combien que nature te presse fort de peter ou vessir, il te faut du
tout efforcer de bien serrer les fesses et ne lascher rien de mauvais
goust. Et en ce, il se faut garder de suyvre l'opinion des stoïciens,
qui tenoient que les pets et les rots estoient permis et loysibles en
toutes compagnies et en toutes actions.

       *       *       *       *       *

II

EXTRAIT DE LA _CIVILITÉ_ D'ÉRASME[275],

_traduite en français par_ PIERRE SALIAT _en_ 1537[276].

[1530]


_Des rencontres et entregent._—Si tu rencontres quelqu'un en ton
chemin, qui à cause de sa vieillesse soit venerable, ou pour sa
saincteté reverend, ou pour sa dignité grave, ou aultrement digne
d'honneur, sois souvenant de luy ceder, de te détourner et luy
faire voie, en descouvrant la teste reveremment et en ployant
aulcunement[277] le genoil.

Que l'enfant ne dise jamais ainsi: _Que ay-je affaire d'ung que je
ne cognois point? Que ay-je affaire d'ung qui ne me feit jamais
bien?_ Cest honneur n'est point faict à ung homme, non aux merites et
bienfaicts, mais à Dieu... Celluy qui previent à faire honneur à son
pareil ou à moindre que luy, il n'en est point pourtant fait moindre,
mais plus civil, et pour ce plus honnorable.

Il fault parler reveremment et en peu de parolles avec ses superieurs,
avec ses pareils amiablement et affablement. En parlant, la main
gauche doit tenir le bonnet, la droicte estant doulcement posée sur
le nombril; ou, ce qui est reputé plus honneste, le bonnet pendant
aux deux mains joinctes, les deux poulces apparoissans, couvrira le
dessoubs de la ceincture.

Tenir son livre ou son bonnet dessoubs son aisselle, c'est chose
rusticque.

Il fault que l'enfant ait une honte qui luy donne grace, non point qui
le rende estonné. Les yeulx doivent regarder celuy à qui tu parles,
mais posement et simplement, sans qu'ilz montrent rien de lascif ou de
meschant. Baisser la veue, ainsi que font les catoblepes[278], porte
soupson de maulvaise conscience. Regarder de travers semble d'un qui
veult mal. Tourner la face çà et là, c'est signe de legiereté. Il est
aussy laid de changer sa face en diverses sortes, tellement que tu
fronces puis le nez, puis le front, que tu haulses maintenant les
sourcils, maintenant tu remues les lèvres, et que la bouche soit puis
estendue, puis serrée.

Il est aussy laid de jecter les cheveulx en secouant la teste, de
toussir sans necessité, de cracher ou de gratter sa teste, fouiller
en ses oreilles, moucher son nez, applanir son visaige avec la main,
car cela semble d'ung qui torche sa honte; frotter le chaisnon du
col[279], serrer les espaules, laquelle chose nous voyons en d'aulcuns
italiens; nier en tournant la teste, ou en la hochant appeler
quelqu'un; et affin que je ne poursuyve tout, parler par signes,
encores qu'il siée bien quelque fois à l'homme, toutesfois il ne sied
point bien à l'enfant.

C'est chose laide de jouer des bras, faire singeries des doigts, se
bercer sur ses pieds, bref non point parler de la langue, mais de tout
le corps, qui est le propre des tourtereles ou des balaqueues[280], et
assez approchant des pies.

La voix soit doulce et posée, non haultaine qui appartient aux
paysans, ne si basse et si sombre qu'elle ne parvienne jusques aux
oreilles de cestuy à qui tu parles. Que le parler ne soit trop
hatif et allant devant la pensée, mais tout à loisir, et qu'il soit
entendible.

En parlant à quelqu'un, c'est civilité de repeter souvent son tiltre
honorable. Si tu ne sçays point les tiltres particuliers d'ung
chascun, tous gens savans vans te doivent estre maistres très
honorés, tous prestres et moynes pères reverends, tous tes semblables
frères et amys: bref tous hommes incogneus, seigneurs; toutes femmes
incongneues, dames.

C'est chose villeine et deshonneste d'ouyr ung jurement de la bouche
de l'enfant, soit par jeu ou à bon escient. Qu'est-il plus villain que
la coustume dont en d'aulcuns pays à chascun mot, mesmes les filles
jurent par le pain, par le vin, par la chandelle; bref, qu'est-il
qu'elles ne jurent?

Que l'enfant ne mesle point sa langue parmy paroles villeines,
et qu'il n'y preste point l'oreille, finablement à tout ce qui
se descouvre deshonestement aux yeulx des hommes, et se presente
indecentement à leurs oreilles. Si le cas requiert qu'il faille nommer
quelque membre honteux, il le fault signifier par ung desguisement
modeste.

Davantaige, s'il eschet quelque chose qui puisse faire mal au cueur
à l'escoutant, comme si quelqu'un parle d'ung vomissement, d'ung
retret[281] ou de merde[282], qu'il prie premièrement qu'il ne
desplaise aux oreilles.

S'il veult contredire à quelque chose, qu'il se garde de dire: _Vous
ne dictes point vray_, specialement s'il parle à personne eagée, mais
prie avant, qu'il ne luy desplaise, et dise: _Je l'ay aultrement
entendu d'ung tel._

Rompre le propos d'ung qui parle devant qu'il ait achevé, c'est chose
incivile.

Ne sois point fort curieux des affaires d'aultruy, et si tu as veu ou
entendu quelque chose, fais semblant que tu ne saiches point ce que tu
sçais.

Regarder du coing des yeulx les lettres qui ne te sont point offertes,
c'est chose peu civile. Si quelqu'un ouvre son coffre et escrin en ta
presence, retire toy; car il est plus incivil de regarder dedens, et
est encores plus d'en manier quelque chose.

Si tu apperçois qu'il survienne quelques propos secrets entre quelques
ungs, retire toy sans en faire semblant, et ne te mesle à tel propos
sans y estre appellé.

       *       *       *       *       *

III

EXTRAIT DE LA _CIVILITÉ_ D'ÉRASME,

_imitée en français par_ C. CALVIAC _en_ 1560[283].

[1530]


Il faut que l'enfant tourne la face de costé quand il voudra cracher,
de peur qu'il ne crache sur personne, ou qu'il ne face mal au cueur
de ceux qui le verront cracher: pour laquelle raison il doit aussi
effacer ce qu'il a craché en mettant le pied dessus. Que s'il ne luy
est commode de se tourner ny de cracher en terre ou autre lieu propre
à cela, il pourra cracher dans son mouchoir plus tost que d'en avaler
l'ordure, car cela est vilain et ord.

Comme aussi de cracher ou de tousser à tous propos sans necessité,
mais aussi par une mauvaise coustume; cela est propre aux menteurs,
qui en parlant songent ce qu'ilz doibvent dire. Toutefois à aucuns
cela sert de cherche-memoire, car en ce faisant, ilz pensent mieux à
ce qu'ilz doivent dire, combien qu'en nulle sorte cela n'est point
honeste.

Il est fort vilain de s'accoustumer à roter, veu que mesme quand cela
advient par inadvertance, peut estre tenu pour autre.

S'il advient que l'enfant veuille tousser par necessité, qu'il se
tourne en arrière la face, et qu'il se garde que ce ne soit sur la
face d'autruy, ou sur la viande s'il est à table.

Le vomir, peter, roter et faire telles ordures, quoy que les autres
en jugent, il me semble que se doyvent faire si secretement, si on y
est contrainct, que personne n'en oye rien, ou pour bien faire s'en
abstenir du tout.

Il faut que les dens soyent nettes et blanches. Que si il demeure
quelque chose entr'elles après le repas, il les faut nettoyer avec un
cure-dens de boys propre à cela, ou bien avec un des petits os de ceux
qu'on tire des ergotz des chappons. Et non point avec le cousteau ou
avec les ongles, comme les chiens, ne avec la serviette.

Il faut que tous les matins l'enfant lave sa bouche et ses yeux avec
de l'eau fraische et nette, et qu'il se peigne en menant le peigne du
devant en arrière de la teste, pour tousjours renvoyer en derrière les
humeurs qui descendent sur les yeux et le visage.

Il faut que les cheveux d'un enfant ne viennent jamais si grans qu'ilz
luy tombent jusques aux yeux et aux espaules. Et ne les doit point
secouer en hochant sa teste, car cela appartient aux chevaux qui se
pompent. Il ne se doit point grater la teste ne le reste du corps avec
ses ongles, car cela est vilain et ord, et principalement s'il le fait
par accoustumance plus que par nécessité.

_Du corps et de sa contenance._—L'enfant ne doyt point baisser la
teste entre les deux espaules, car c'est signe de paresse; ne se
renverser aussi, car c'est signe d'arrogance. Mais se doyt tenir
droict et sans effort, car cela ha bonne grâce. Et ne faut point aussi
que sa teste penche d'un costé ne d'un autre dessus son corps, à la
mode des hypocrites, si ce n'est que le propos ou chose semblable
requiert telles contenances à gester.

Il faut que l'enfant tienne ses espaules avec un juste contrepoix,
sans en hausser l'une et baisser l'autre sans aucune modestie ny
honesteté.

Il n'est guière bien seant à un jeune enfant de tenir les bras au sein
ny en croix l'un sur l'autre, car c'est signe de paresse; ne de les
tenir derrière le dos, car cela donne à penser qu'il soyt ou larron
ou paresseux, ou tenant quelque chose en la main qu'il ne veut point
qu'on voye.

Aucuns trouvent beau de tenir une main au costé et présenter le coude
à costé, à la mode des souldats, mais cela n'est point bienséant à un
enfant.

Il est fort honeste à un petit enfant de ne manier point ses parties
honteuses, mesme quand la necessité le requerra et qu'il sera seul,
qu'avec honte et comme vergogne: car cela denote grande pudicité et
honesteté. Et quand il luy faut qu'il rende son urine, il se doict
separer et tirer à part que nul ne le voye, et pour le moins faut
qu'il y procede le plus secretement et modestement qu'il pourra, sans
toutes fois la retenir si longtemps que cela luy puisse engendrer la
pierre.

Il faut que quand l'enfant sera assis qu'il tienne ses genoux joinctz
et les pieds aussi, non point ouvers et estallés, car cela n'est point
modeste. Et quand il sera droyt, il luy sera bien seant de les tenir
moyennement ouvers. Il n'est point honeste qu'estant assis il tienne
l'un genoux sur l'autre et les jambes en croix; ne qu'estant debout il
tienne ses jambes serrées et les bras croysés, car c'est le propre de
ceux qui sont pensifs.

Il ne fault point que l'enfant bransle les jambes estant assis,
comme les folz; ne qu'il face un tas de frectillemens des mains, qui
demonstrent que l'entendement est peu sain et entier.

Il y a plusieurs façons de faire la reverence, selon les pays où on se
trouve et les coustumes d'iceux. Mais les Françoys ployent seulement
le genouil droyt, se tenant autrement plus droyctz que enclinés, avec
un doux contournement et mouvement du corps; et estant le bonet de
la main droyte, le tenant ouvert par le devant, l'obeissent au mesme
costé droyt.

Après, s'il fault faire plusieurs reverences tenant tousjours bas le
bonet, dessous la jambe droicte font la rentrance de la gauche en la
mesme sorte qu'ilz ont faict de la droicte, et ainsi de l'une puis de
l'autre, autant qu'il en sera de besoin, et selon que le personnage à
qui on adressera et le propos ou recueil le requerrent.

Il fault que l'alleure de l'enfant soit asseurée droitte et par pas
de mediocre grandeur, et non point comme rompue et feinte, car c'est
le propre des gens effeminés et de nul courage; ne trop hastée, comme
celle des gens furieux ou impatiens; ne bersante ou chancellante
d'un costé ou d'autre, car cela donne à penser qu'on soit verollé ou
infecté de quelque telle maladie; ne par des grans pas, qui signifient
prodigalité et arrogance; ne par trop petis, qui signifient avarice et
chifeté; mais mediocres, ou de mesme, poursuivie tousjours d'un mesme
train.

       *       *       *       *       *

IV

EXTRAIT DE LA _CIVILITÉ_ D'ÉRASME,

_traduite en français par_ CLAUDE HARDY _en_ 1613[284].

[1530]


_Du nez._—Les enfants ne doibvent aucunement laisser de morve en leur
nez, qui est le propre des ords et salles; duquel vice et salleté
Socrates a esté blasmé. Mais se moucher à son bonnet ou à sa manche
appartient aux rustiques; se moucher au bras et au coulde convient
aux patissiers; et se moucher de la main, si d'aventure au mesme
instant tu la portes à ta robbe, n'est chose beaucoup plus civile.
Mais recevoir les excrements du nez avec un mouchoir, en se retournant
un petit des gens d'honneur, est chose honneste. Et si d'aventure
quelque chose tomboit à terre en se mouchant de deux doigs, il faut
incontinent marcher dessus.

_Souffler du nez._—C'est chose indecente de souffler haut du nez, qui
est un tesmoignage de cholère; et est encores chose plus laide de
ronfler, car il appartient aux furieux seulement, principallement si
cela se fait avec accoustumance. Mais il faut pardonner à ceux qui
ont la courte haleine, et qui ne respirent qu'avec difficulté. C'est
aussi chose ridicule de parler du nez, qui convient aux corneilles et
elephans. Froncer le nez appartient aux mocqueurs et gausseurs.

_De l'esternuement._—S'il advient qu'il te faille esternuer en la
presence d'autruy, c'est chose honneste de se tourner un petit, et
à l'instant après que la violence est passée, faire le signe de la
croix, et puis après oster son bonnet et saluer ceux qui t'auront
salué ou deu saluer: car l'esternuement et le baailler prive l'oreille
de sentiment. Il te faut aussi prier la compagnie de t'excuser ou la
remercier.

C'est chose religieuse de saluer celuy qui esternuë. Si plusieurs
gens eagez saluent quelque homme ou femme d'honneur à qui il soit
arrivé d'esternuer, le debvoir de l'enfant est d'oster son chappeau.
Davantage, c'est le propre des fols et glorieux de s'efforcer à
esternuer hault, et de redoubler pour monstrer ses forces. Retenir le
son que la nature excite, c'est marque de folie, et attribuer plus à
la civilité qu'à la santé.

_Des jouës._—Que les jouës de l'enfant soient teintes d'une honte
naïfve, sans fard et faulse couleur, combien qu'il la faille tellement
temperer qu'elle ne se tourne en meschanceté et trop grande hardiesse,
ne qu'elle apporte trop grand estonnement, et comme dit le proverbe,
le quatriesme degré de folie. Car il y en a qui de leur naturel sont
tellement timides, qui sont presque semblables à celuy qui radote. Ce
deffault se peut corriger, si l'enfant s'accoustume à vivre avec gens
plus eagez que luy, et s'il est exercé à joüer des comedies. Enfler
les joües est un tesmoignage d'orgueil, et les retirer est un signe de
meffiance: l'un est pour le glorieux, et l'autre pour le traistre.

_De la bouche._—Que la bouche ne soit serrée, chose qui convient à
celuy qui craint de prendre l'haleine d'autruy; qu'elle ne soit aussi
ouverte, comme appartient aux incensez. Mais que les lèvres soient
conjoinctes, s'entrebaisants doucement l'une-l'autre. C'est aussi
chose peu decente de faire des lèvres comme si tu applaudissois à un
cheval en sifflant, combien que cela se doibve pardonner aux grands
qui marchent en quelque grande foulle: car rien ne leur messiet. Mais
nous voulons icy dresser seulement les enfants.

_Du baaillement._—Si d'aventure le baailler te presse, et si tu ne
peux te tourner ou demarcher un petit, il te fault mettre ton mouchoir
ou ta main devant ta bouche, et faire le signe de la croix.

_Du rire._—C'est le propre des fols de rire à tout propos; et de
ne rire d'aucune chose appartient aux stupides; de rire de choses
vilaines et deshonnestes, c'est meschanceté. Outre plus, ceste manière
et façon de rire qui esmeut tout le corps, que les Grecs appellent
[Greek: synkrousion], n'est honneste et decente à aucun eage, non
pas mesme à la jeunesse. C'est aussi chose deshonneste de rire en
hennissant; comme il n'est pas decent et seant de rire en eslargissant
la bouche et en retirant les joües et descouvrant les dents, car
proprement c'est un ris de chien et sardonien; mais il faut que le
visage soit tellement composé qu'il demonstre une alegresse et non pas
un esprit dissolu, ny aucune difformité de la bouche. Ce sont propos
de fols de dire: _je pisse ou crève de rire_; _je pasme de rire_, ou
_j'ay cuidé mourir de rire_.

Et si le subject qui se presente nous force malgré nous à rire, alors
il faudra se couvrir le visage ou de la serviette ou de la main. Rire
tout seul sans aucune apparente raison est un acte de sottise ou de
pure folie. Et le cas advenant qu'il soit eschappé de rire à l'enfant,
cela dependera de la civilité de declarer ouvertement la raison
qui l'aura meu à rire; ou s'il n'est à propos de le dire, il fault
controuver quelque cassade, afin que nul de la compagnie n'aye quelque
soupçon que l'on veuille se moquer de luy.

_De ne mordre ses lèvres._—C'est une mauvaise contenance que de mordre
ses lèvres d'embas avec les dents de dessus, et les lèvres de dessus
avec les dents d'embas: car c'est le geste d'un homme qui menace
quelqu'un. C'est aussi chose indecente de lescher le bord de ses
lèvres avec la langue. Advancer ses lèvres, et comme les preparer à
un baiser, estoit jadis une coustume bien receuë entre les Alemans,
comme il se peult remarquer par des tableaux anciens. C'est un tour de
bouffonnerie en tirant la langue se moquer de quelqu'un.

_Du cracher._—Tourne ton visage quand tu voudras cracher, afin que nul
de la compagnie ne soit offensé de ton crachement. Si tu as craché
par terre ou si tu t'y es mouché, il convient marcher dessus, comme
j'ay cy-devant dit, afin que personne n'en aye mal au cœur. Si tu n'as
moyen de te tourner, reçoy le crachat en ton mouchouer.

Avaller sa salive est une chose deshonneste; comme pareillement de
cracher à chacun mot, comme nous en voyons beaucoup ausquels cela
arrive d'ordinaire, plustost par mauvaise accoustumance que par
necessité qu'ils en ayent.

D'abondant, il y en a qui toussent en parlant, par une habitude qu'ils
ont contractée, sans qu'il en soit besoin. Mais telle façon de faire
est propre à ceux qui se proposent de mentir, et qui se veulent donner
du temps pour penser à ce qu'ils doivent dire.

Aucuns, encores plus incivils, ne sçauroient dire trois mots sans
roter. Que si le jeune enfant dès son bas eage prend ceste mauvaise
coustume, elle luy demeurera. Il en faut autant dire du cracher, dont
le Clitipho de Terence[285] est blasmé par un serviteur.

Si tu es pressé de la toux, garde toy de tousser en la bouche
d'autruy, et prens bien garde de commettre ceste ineptie que de
tousser plus hault que la nature ne le requiert.

_Du vomissement._—Quand tu auras volonté de vomir, tire toy à
quartier; car le vomissement n'est pas deshonneste, mais bien de le
provoquer par gourmandise.

_Des dents._—Il faut soigneusement prendre garde d'avoir les dents
nettes; car de les blanchir avec des poudres, il n'appartient qu'aux
filles; les frotter de sel ou d'alun est fort dommageable aux
gencives; et se servir de son urine au mesme effet c'est aux Espagnols
à ce faire.

S'il te reste entre les dents quelque chose, ne te sers du cousteau
ou de tes ongles pour les tirer, comme les chiens et les chats; ny
avec la serviette; mais avec la pointe d'un cure-dent de lentisque,
ou d'une plume, ou de petits os tirez des pieds de chappons ou des
poulles bouillies.

_De laver la bouche._—C'est une chose civile et salubre de laver sa
bouche d'eau nette le matin. Mais de la laver souvent, c'est un acte
qui est impertinent. De la langue, nous en parlerons en son lieu.

_De nettoyer la teste._—C'est à faire aux gens de village de ne se
peigner la teste. Il faut que la teste soit tellement nette qu'elle
ne soit pas pourtant atiffée comme celle d'une fille. C'est chose
deshonneste d'y voir des pouds et des lentes.

En après, grater sa teste devant quelqu'un et faire tomber l'ordure
qui en sort sur luy, c'est chose peu decente; tout ainsi que se grater
avec les ongles les autres parties du corps, c'est chose vilaine,
principalement s'il le fait avec accoustumance et non par necessité.

Les cheveux ne doivent tomber sur le front, ny couvrir les espaules.
Esbranler ses cheveux en secouant la teste, c'est le propre des
chevaux qui se panadent. De relever les cheveux du front en hault avec
la main gauche, c'est chose peu seante, mais il est plus à propos de
les demesler avec la main droite.

_Qu'il ne faut retenir son urine, ny le son du ventre._—Se garder
d'uriner est dommageable à la santé; mais se tirer à part pour rendre
l'urine est chose digne de la honte requise à un enfant.

Il y en a quelques uns qui commandent que l'enfant retienne la
ventosité du ventre, serrant les fesses. Mais ce n'est pas chose
civile de se causer une maladie pour avoir la reputation d'estre
bien apprins. S'il luy est loisible de s'esloigner de la compagnie,
qu'il lasche son vent estant ainsi à l'escart, sinon qu'il desguise,
selon l'ancien proverbe, le son du ventre par un toussement.
Autrement pourquoy n'ordonnent ils pas, par semblable raison, qu'ils
s'empeschent d'aller à la garderobbe, veu qu'il est plus dangereux de
retenir son vent que de s'abstenir des necessitez de nature[286].

_De se tenir droict._—C'est imiter le glorieux Trason de Terence[287]
que de se seoir les genouils ouverts, et de brandiller ou entortiller
ses jambes. Quand tu seras assis, prends garde à joindre tes genouils,
et quand tu seras debout tiens tes pieds proches l'un de l'autre, au
moins qu'ils ne soient que moyennement esloignez. Aucuns sont assis
avec ceste mauvaise grace qu'ils font passer la jambe par dessus
le genouil; les autres sont debout, ayans les bras croisez et les
jambes joinctes estroictement: desquelles façons de faire, l'une est
propre aux resveurs et l'autre aux gens grossiers et mal apprins. Se
seoir ayant la jambe droicte jettée sur la gauche estoit une ancienne
coustume des Rois, mais maintenant elle est reprouvée. Les Italiens,
par respect, mettent un pied sur l'autre, et se soustiennent quasi sur
une jambe, à la mode des cigongnes, mais je ne sçaurois bonnement dire
si cela est decent à l'enfant.

_Comment il convient faire la reverence._—Pareillement, en un païs
une façon de fleschir les genouils et faire la reverence est bien
receuë, laquelle en autre païs donneroit subject de rire et de se
moquer. Quelques-uns ployent les deux genouils ensemble, et entre
ceux-là, les uns tiennent le reste du corps droit et les autres le
panchent aucunement. Il y en a d'autres qui estimans ceste façon
de faire la reverence n'estre seulement convenable qu'à la femme,
ployent en premier lieu le genouil droit, et puis le gauche au mesme
instant, et ceste manière de reverence est recommendable en la
jeunesse de Bretaigne. Les François, contournant doucement le corps,
fleschissent seulement le genouil droit. Es choses ou la varieté n'a
rien de repugnant à la bienséance, il sera en la liberté de chacun de
practiquer l'usance du païs, ou suivre les façons estrangères, comme
il s'en trouve aucuns ausquels elles plaisent davantage que celles de
leur païs[288].

       *       *       *       *       *

V

EXTRAIT DU _Nouveau Traité de la civilité qui se pratique en France
parmi les honnestes gens_.

_Par_ ANTOINE DE COURTIN[289].

[1675]


_L'audience d'un Grand._—A l'égard d'un Grand, lors que l'on entre
dans sa chambre ou dans son cabinet, il faut marcher doucement, et
faire une inclination du corps et une profonde révérence, s'il est
présent. Que s'il ne paroissoit personne, il ne faut point fureter çà
et là, mais sortir sur-le-champ, et attendre dans l'antichambre.

Si cette personne est malade et au lit, il faut s'abstenir de la voir,
si elle ne le demande; et si nous la voyons, il faut faire la visite
courte, parce que les malades sont inquiets et sujets aux remèdes et
aux temps. Il faut de plus parler bas, et ne l'obliger que le moins
qu'il se peut à parler.

Mais sur tout, il faut observer que c'est une très-grande indécence
de s'asseoir sur le lit, et particulièrement si c'est d'une femme. Et
même il est en tout temps très-mal séant et d'une familiarité de gens
de peu, lors que l'on est en compagnie de personnes sur qui on n'a
point de supériorité, ou avec qui on n'est pas tout à fait familier,
de se jetter sur un lit, et de faire ainsi conversation.

Si cette personne écrivoit, lisoit, ou étudioit, il ne faut pas la
détourner, mais attendre qu'elle ait achevé ou qu'elle se détourne
elle-même, afin que nous luy parlions.

Si elle nous ordonne de nous asseoir, il faut obéir avec quelque
petite démonstration de la violence que souffre notre respect, et
observer de se mettre au bas bout, qui est toujours du costé de
la porte par la quelle nous sommes entrez, comme le haut bout est
toujours où la personne qualifiée se met.

De même, il faut prendre un siége moins considérable que le sien, s'il
y en a. Le fauteuil est le plus honorable, la chaise à dos après, et
ensuite le siége pliant.

C'est une chose tout à fait indécente de se présenter devant des
personnes au-dessus de nous, et particulièrement devant des Dames, et
de montrer la peau à travers la chemise et le pourpoint; ou d'avoir
quelque chose d'entr'ouvert qui doit estre clos par honnesteté, comme
nous avons déjà dit.

Quand on s'assiet, il ne faut pas se mettre coste à coste de la
personne qualifiée, mais vis-à-vis, afin qu'elle voye que l'on est
tout prest à l'écouter. Il faut avec cela se tourner le corps un peu
de costé et de profil, parce que cette posture est plus respectueuse
que de se tenir de front.

Il faut luy laisser entamer le discours, quand elle ne diroit qu'un
mot qui nous donnât lieu de parler. A moins qu'on ne vist cette
personne en passant, pour l'informer promptement d'une affaire, ou la
faire ressouvenir de quelque chose qu'elle sçûst déjà.

Il ne faut pas se couvrir si elle ne le commande. Il faut avoir ses
gands aux mains, et se tenir tranquille sur son siége, ne point
croiser les genoux, ne point badiner avec ses glands, son chapeau, ses
gands, etc., ni se fouiller dans le nez, ou se grater autre part.

Il faut éviter de bâiller, de se moucher et de cracher. Et si on y est
obligé, là et en d'autres lieux que l'on tient proprement, il faut le
faire dans son mouchoir, en se détournant le visage, et se couvrant de
sa main gauche, et ne point regarder après dans son mouchoir.

A propos de mouchoir, on doit dire qu'il n'est pas honneste de
l'offrir à quelqu'un pour quelque chose, quand même il seroit tout
blanc, si on ne vous y oblige absolument.

Il ne faut point prendre de tabac en poudre, ni en mâcher, ni s'en
mettre des feuilles dans le nez, si la personne qualifiée, qui est en
droit d'en prendre devant nous, ne nous en présentoit familièrement.
Auquel cas il faut en prendre, ou en faire le semblant si on y avoit
répugnance.

Si on est assis près du feu, il faut bien se donner de garde de
cracher dans le feu, sur les tisons, ni contre la cheminée; moins
encore faut-il s'amuser à badiner avec des pincettes, ou tisonner le
feu. Que si cette personne témoignoit de vouloir accommoder le feu,
alors il faut se saisir promptement des tenailles ou pincettes pour la
prévenir, à moins qu'elle ne le voulust faire absolument elle-même
pour son divertissement. Il ne faut pas aussi se lever de dessus son
siége pour se tenir debout le dos au feu; mais si cette personne se
levoit, il faudra se lever aussi.

Que si par avanture il ne se trouvoit qu'un écran chez cette personne,
et qu'elle vous contraignist de le prendre: après luy avoir témoigné
la confusion que vous avez de l'accepter, il ne le faut pas refuser.
Mais incontinent après, sans qu'elle s'en apperçoive, il faut le
mettre doucement de costé, et ne s'en point servir.

De même, si par quelque occasion cette personne se trouvoit chez vous
près du feu, il ne faut pas souffrir qu'un laquais luy présente un
écran, mais vous devez le luy présenter vous-même.

Et pour ce qui est des Dames, c'est une immodestie très-grande de
trousser leurs jupes près du feu, aussi-bien qu'en marchant par les
ruës.

Il ne faut pas, quand on parle, faire de grands gestes des mains: cela
sent d'ordinaire les diseurs de rien, qui ne sont pathétiques qu'en
mouvemens et en contorsions de corps.

Mais il est ridicule, en parlant à un homme, de luy prendre et tirer
ses boutons, ses glands, son baudrier, son manteau, ou de luy donner
des coups dans l'estomac, etc.

Il s'en fait quelquefois un spectacle des plus divertissans, quand
celuy qui se sent poussé et tiraillé, recule, et que l'autre,
n'appercevant pas son incivilité, le poursuit et le recogne jusqu'à
luy faire demander quartier.

Il est mal-séant aussi de faire de certaines grimaces d'habitude,
comme de rouler la langue dans la bouche, de se mordre les lèvres, de
se relever la moustache, de s'arracher le poil, de cligner les yeux,
de se frotter les mains de joye, de se faire craquer les doigts en se
les tirant l'un après l'autre, de se grater, de hausser les épaules,
etc. Il ne faut pas avoir non plus une contenance toute d'une pièce,
fière, arrogante et dédaigneuse.

Il est de même très mal-séant, quand on rit, de faire de grands éclats
de rire, et encore plus de rire de tout et sans sujet.

Que si par hazard cette personne laissoit tomber quelque chose, il
faut en cette rencontre comme en toute autre, le ramasser promptement,
et ne pas souffrir qu'elle ramasse rien de ce qui nous seroit tombé,
mais il le faut ramasser vistement nous-même.

Que si elle éternuoit, il ne faut pas luy dire tout haut _Dieu vous
assiste_; mais il faut seulement se découvrir, et faire une profonde
révérence, faisant ce souhait intérieurement.

Et si la nécessité nous oblige nous-même d'éternuer, il faut tâcher de
le faire doucement, et non comme certaines gens qui en ébranlent la
maison par les fondemens: ce qui est très-importun aux personnes qui
nous entendent.

S'il arrivoit qu'elle se mist en peine d'appeler quelqu'un qui ne fust
pas proche d'elle, il faut sortir pour l'aller appeller soy-même: ce
qu'il ne faut pas faire tout haut sur le degré ou par la fenestre,
mais envoyer quelqu'un le chercher où il sera pour le faire venir:
autrement c'est pécher contre le respect[290].

Une autre incivilité fort mal-plaisante est de ceux qui ne croyent pas
qu'on les entende s'ils ne parlent bouche à bouche, crachant au nez
des gens, et les infectant bien souvent de leur haleine. Les personnes
qui ont de la civilité en usent autrement, et si elles ont quelque
rapport à faire ou quelque chose de secret à dire à quelque personne
qualifiée, elles luy parlent à l'oreille.

Au reste, il faut avoir grand soin de ne pas faire sa visite trop
longue; mais observer, en cas que la personne qualifiée ne vous
congédiast point elle-même, de prendre le temps pour sortir lors
qu'elle demeure dans le silence, lors qu'elle appelle quelqu'un, ou
lors qu'elle donne quelque autre indice qu'elle a affaire ailleurs. Et
alors il faut se retirer sans grand appareil, et même sans rien dire
s'il arrivoit quelque tiers qui prist votre place, ou si la personne
s'appliquoit à autre chose. Que si votre retraite est apperceuë, et
que ce grand Seigneur voulust vous faire quelque civilité au sortir
de sa chambre, il ne faut pas l'en empêcher, parce que ce ne seroit
pas paroistre assez persuadé qu'il sçait ce qu'il fait, et que souvent
il arriveroit que nous nous défendrions d'une chose que l'on ne fait
pas à notre sujet. On peut bien seulement témoigner par quelque
petite action, qu'en cas que cet honneur s'adressast à nous, nous
ne nous l'attribuons pas, et cela se fait en poursuivant son chemin
sans regarder derrière soy, ou même en se tournant ou en s'arrestant,
comme pour le laisser passer, et montrer par là que l'on croit qu'il a
affaire autre part.

Que si on ne peut éviter que la civilité ne se manifeste, et que cette
personne sorte de sa chambre, il faut s'arrester tout court, se tirer
à costé, et ne point sortir de cette place qu'après qu'elle sera
rentrée dans sa chambre.

De même, si par rencontre cette personne avoit à aller quelque part
et que nous nous trouvassions devant, il faut se tirer à costé,
s'arrester tout court, la saluer, et la laisser passer.

Et même, si c'estoit le Roy, la Reine, Monseigneur le Dauphin,
Monseigneur le Duc d'Orléans, et autres Enfans de France qui dûssent
passer, il faut s'arrester d'aussi loin que l'on entend le bruit, pour
les laisser passer, soit que l'on fust à pied ou à cheval, en chaise
ou en carrosse.

Que si la personne qualifiée nous menoit à une fenestre, ou que même
il y eust quelque spectacle à voir de là, il ne faut point prendre
place, ni s'approcher de cette fenestre, qui nous seroit commune avec
elle, pour regarder. Il ne faut pas non plus cracher par la fenestre,
ni en cette rencontre-là, ni en aucune autre.

Que si la personne qualifiée nous reconduisoit jusqu'à la porte de
la ruë, il ne faut point monter, ni à cheval, ni en chaise, ni en
carrosse en sa présence, mais la prier de rentrer dans sa maison avant
que d'y monter. Que si elle s'obstinoit, il faut s'en aller à pied
et laisser suivre le carrosse, etc., jusqu'à ce que cette personne ne
paroisse plus.

Que si en présence de cette personne qualifiée, il en arrivoit une
autre qui fust notre supérieure, mais inférieure à l'autre, il ne faut
pas quitter la personne qualifiée à qui nous faisons la cour, pour
aller au nouveau venu, mais il faut faire simplement quelque signe de
civilité muette. Que si ce dernier estoit supérieur à la personne à
qui nous rendons visite, alors il faut que comme celle-cy se rangera
vray-semblablement à son devoir, nous nous y rangions de même, et que
nous quittions le premier pour honorer le dernier.

Que si avec cela la personne qualifiée parloit à une autre, il ne
faut pas se servir de ce temps-là pour faire conversation à part avec
quelqu'un qui seroit près de nous: cette familiarité est mal-séante.
Outre que si on parle bas, cela est suspect et défendu, et si on parle
haut, ce bruit l'interrompt et l'importune.

Que si on est obligé d'accompagner cette personne supérieure dans sa
maison, ou même en la nôtre, il faut, s'il y a lieu de cela, passer
devant, pour ouvrir les portes et pour relever les tapisseries s'il
y en a à relever. Même si c'est un homme qui ait de mauvaises jambes
et qui marche avec peine, il est de la civilité de luy donner la main
pour l'aider à marcher.

_Pour marcher avec un Grand et pour le salut._—Que si nous sommes
obligez d'aller dans les ruës à costé de personnes qualifiées, il
faut leur laisser le haut du pavé, et observer de ne pas se tenir
directement coste à coste, mais un peu sur le derrière, si ce n'est
quand elles nous parlent et qu'il faut répondre, et alors il faut
avoir la teste nuë.

Sur quoy il est bon d'avertir ceux qui ont droit de souffrir
qu'on leur cède toujours le haut du pavé[291], d'avoir un peu de
considération pour ceux qui leur rendent cet honneur, et de se
dispenser le plus qu'ils peuvent de passer et de repasser le ruisseau,
pour ne pas les incommoder en les obligeant de faire une espèce de
manége autour d'eux pour leur laisser le lieu d'honneur.

Que si quand nous sommes dans la ruë avec une personne qualifiée,
il passoit ou s'il se rencontroit quelqu'un de connoissance, ou un
laquais de quelque amy, il faut bien se garder de les appeler tout
haut: _Holà, hé? Comment se porte ton maistre? Mes baise-mains à
Madame_, etc. Il n'y a rien de si mal poli, aussi-bien que de quitter
la compagnie de cette personne pour aller à eux. Mais si on a affaire
à ces personnes-là, et que l'on ne soit pas engagé à l'entretien de la
personne qualifiée, on peut faire signe secrètement, et leur dire à
l'écart et promptement ce qu'on a à leur dire, ou les saluer de loin
simplement, sans que la personne qualifiée l'apperçoive trop.

De même, c'est une grande incivilité, rencontrant dans les ruës une
personne avec qui on n'est pas familier, de luy demander où elle va ou
d'où elle vient.

Que si on se promène avec cette personne supérieure dans une chambre
ou dans une allée, il faut observer de se mettre toujours au-dessous.
Dans une chambre, la place où est le lit marque le dessus, si la
disposition de la chambre le permet, sinon il faut se régler sur la
porte.

Que si c'est dans un jardin, il faut se mettre à main gauche de la
personne, et avoir soin sans affectation de regagner cette place à
tous les tournans.

Que si on est trois à se promener, le milieu est le lieu d'honneur
et, partant, celuy de la personne qualifiée; la droite est le second,
et la gauche est le troisième. De là vient que le haut bout dans un
jardin, et ailleurs où l'usage n'a rien déterminé, est la droite de la
personne qualifiée.

Que si, par exemple, deux grands Seigneurs faisoient mettre un
inférieur au milieu d'eux pour pouvoir mieux écouter quelque récit
qu'il auroit à leur faire, il faut à chaque retour d'allée que
l'inférieur se tourne du costé du plus qualifié de ces Seigneurs. Que
s'ils sont tous deux égaux, il faut qu'il se tourne à un bout d'allée
du costé de l'un, et à l'autre bout du costé de l'autre; observant de
quitter luy-même le milieu quand il aura achevé son récit.

Que si la personne qualifiée garde sa place, qui est le milieu, et que
les deux autres personnes qui sont à ses costez soient d'une assez
égale condition, il sera de son honnesteté de se tourner à chaque
retour d'allée tantost vers l'un et tantost vers l'autre.

En général, quand on se promène deux à deux, il faut observer qu'au
bout de chaque longueur de promenade, on doit tourner en dedans du
costé de la personne avec laquelle on se promène, et non en dehors, de
peur de luy tourner le dos.

Que si on se promène trois ensemble, et que l'on soit égaux, on peut
se quitter le milieu alternativement à chaque retour d'allée, celuy
qui estoit au milieu se reculant à costé pour laisser entrer au milieu
un de ceux qui estoient à costé.

Que si la personne qualifiée s'asseoit pour se reposer, il ne
faudroit point s'asseoir près d'elle qu'elle ne nous y conviast, et
en ce cas-là on doit prendre le bas bout, c'est-à-dire sa gauche, en
laissant un espace raisonnable entre deux. Mais si nous nous trouvions
avec d'autres gens, ce seroit une grande incivilité de se promener en
la présence et à la veuë de la personne qualifiée pour laquelle on
doit avoir du respect; comme aussi de se tenir assis devant elle si
elle se promenoit.

De même, c'est une grande incivilité, quand on est dans le jardin
d'une personne que l'on doit respecter, d'y cueillir ou des fruits, ou
des fleurs, ou autre chose. Si on en présente, on peut les accepter,
sinon il ne faut toucher à rien que des yeux.

Que si on rencontre dans les ruës teste à teste une personne de
qualité, il faut prendre le bas où est le ruisseau. S'il n'y a point
de haut ni de bas dans un chemin, il faut se poster en sorte que nous
passions sous sa main gauche pour luy laisser la main droite libre. Et
cela se doit aussi observer dans la rencontre des carrosses.

Que s'il s'agit de la saluer comme venant de la campagne, il faut le
faire en se courbant humblement, ostant son gand et portant la main
jusqu'à terre. Mais sur tout il faut faire ce salut sans précipitation
ni embarras, ne se relevant que doucement, de peur que la personne que
l'on saluë venant aussi à s'incliner, et peut-estre par honnesteté à
embrasser celuy qui la saluë, on ne luy donne quelque coup de teste.

Que si c'est une Dame de haute qualité, il faut par respect ne la pas
baiser, si elle-même par honnesteté ne tend la jouë, et alors même il
faut seulement faire semblant de la baiser, et approcher le visage
de ses coëffes. Et de quelque façon qu'on la saluë, soit qu'on la
baise ou non, il faut que toutes les révérences se fassent avec de
très-profondes inclinations de corps.

Que si, en la compagnie de cette Dame, il s'en rencontre quelques
autres qui soient d'égale condition ou indépendantes d'elle, alors
il les faut saluer de même. Que si elles luy sont inférieures ou
dépendantes, c'est une incivilité de les saluer, parce que c'est faire
quelque injure à leur supérieure que de les traiter de leur égale.

       *       *       *       *       *

VI

EXTRAIT DE _La civilité puérile et honneste, dressée par un
missionnaire_[292].

[1749]


_La manière de saluer en se rencontrant._—Si dans le chemin vous
rencontrez une personne qui vous semble de mérite, ou par son âge
ou par sa qualité, vous la saluerez honnestement, sans beaucoup
vous retourner vers elle, si ce n'est que vous la connoissiez
particulièrement.

Il ne faut pas qu'un jeune enfant fasse de difficulté de saluer les
personnes qu'il rencontre, particulièrement si ces rencontres ne sont
pas fréquentes, parce qu'il y a de l'honneur à honorer les autres.

La coutume de Paris est de ne saluer que ceux que l'on connoist, à
cause du luxe et de la braverie[293] qui règne dans cette ville, où
la qualité des personnes est méconnoissable. Il ne faut pas néanmoins
refuser ce devoir aux ecclésiastiques et aux religieux.

Si une personne vous salue et vous arreste dans le chemin, il faut lui
rendre au moins autant qu'il vous donne, pourveu qu'il ne vous soit
pas tout à fait inférieur. Il ne faut pas dire à toutes personnes:
_Comment vous portez-vous?_ mais seulement à ceux qui vous sont à peu
près semblables, et que vous connoissez particulièrement.

Dans la rencontre d'une personne d'honneur ou qui vous est semblable,
donnez-lui le haut bout, et vous retirez tant soit peu au milieu de la
rue pour lui faire honneur[294].

Il est de mauvaise grâce de dire à une personne _Couvrez-vous,
monsieur_, si ce n'est qu'il soit inférieur. A vos semblables, vous
pouvez dire _Couvrons-nous_.

Si vous avez besoin de vous couvrir en présence d'une personne à qui
vous voulez faire de la civilité, vous pouvez lui dire: _Monsieur,
j'attends votre ordre pour me couvrir._

Si on vous dit de vous couvrir, il le faut faire incontinent, sans
attendre qu'on vous l'ait dit trois fois; et si la personne qui vous
parle est aussi découverte, ne vous couvrez pas le premier, mais
faites-le ensemble.

_Du port ou du maintien extérieur._—Il ne faut point baisser le dos
comme si vous aviez un gros fardeau sur les épaules; mais tenez-vous
toujours droit, et accoutumez-vous à cette posture.

Ne mettez pas votre chapeau sur l'oreille, ni trop sur le devant de la
teste comme si vous vouliez cacher votre visage; voyez comme font les
honnestes gens.

Portez votre manteau sur les deux épaules, et non pas retroussé sous
le bras; il est encore plus ridicule de le porter sur le coude.

Ne mettez pas les bras aux costés, comme ces femmes qui sont en colère
et qui disent des injures à leurs voisines.

Il est incivil de branler les jambes quand on est assis, comme font
les petits enfans qui ne peuvent s'en empescher.

Il ne faut pas aussi mettre une jambe sur l'autre: cela n'appartient
qu'aux grands Seigneurs et aux Maistres; mais tenez-les fermes et
arrestées, les pieds également joints et non croisés l'un sur l'autre.

_La manière de donner ou de recevoir quelque chose._—Si vous
présentez quelque chose à quelqu'un, il faut baiser la chose si cela
se peut; et la lui ayant présentée, il faut faire la révérence.

Si on vous présente quelque chose, telle qu'elle puisse estre, il faut
baiser la main avant que de la recevoir, et puis baiser la chose que
vous avez reçue. Il ne faut pas néanmoins mettre la main ou la chose
si près de la bouche: il suffit de faire semblant de la baiser.

Quand vous présentez quelque chose à quelqu'un, il la faut tellement
tenir qu'il la puisse prendre facilement par où elle doit estre prise.
Ainsi, lorsque vous présentez un couteau ou une cuillière, il faut
tourner le manche vers celui qui doit la recevoir.

C'est contre la bienséance de faire des éloges du présent que vous
faites, comme si vous vouliez que l'on eût plus de reconnoissance.
Que si d'autres le louoient, il faut répondre que vous souhaiteriez
qu'il fust plus beau et plus digne du mérite de celui à qui vous le
présentez.

Il est de la civilité, au contraire, de témoigner de l'estime du
présent que l'on vous fait, et de ne le point cacher incontinent.

C'est une très-grande faute d'y trouver à redire, particulièrement
devant celui qui vous l'a fait, parce qu'il ne faut jamais faire honte
à personne.

_La manière de se moucher, cracher et éternuer sans manquer à
la civilité._—Bien que toutes les actions soient naturelles et
quelquefois nécessaires, il y a néanmoins la manière de les faire pour
ne point pécher contre les règles de la civilité.

Quand vous avez besoin de cracher, tournez-vous tant soit peu le
visage à costé, en sorte que vous n'incommodiez personne. Mettez
incontinent le pied dessus, avant qu'il puisse estre apperçu, si le
phlegme est considérable.

Il est de mauvaise grâce de cracher par la fenestre dans la rue, ou
sur le feu, et en tout autre lieu où on ne pourroit marcher sur le
crachat.

Ne crachez point si loin qu'il faille aller chercher le crachat pour
mettre le pied dessus, et encore moins ne crachez point vis-à-vis de
personne.

Gardez-vous bien de vous moucher avec les doigts ou sur la manche,
comme les enfans; mais servez-vous de votre mouchoir, et ne regardez
pas dedans après vous estre mouché.

Il ne faut pas aussi faire un grand bruit en se mouchant, comme pour
sonner de la trompette. Mais on doit se comporter tellement qu'à peine
ceux qui sont présens puissent s'en appercevoir.

Si vous vous sentez disposé à éternuer, tournez-vous tant soit peu
de costé, couvrez votre visage avec le mouchoir, et remerciez la
compagnie qui vous aura salué, en lui faisant la révérence.

Il faut s'abstenir de bâiller en compagnie autant que l'on peut, parce
que c'est une marque d'une personne ennuyée. Que si néanmoins on y
étoit contraint, il faudroit s'abstenir de parler pour lors, mettre le
mouchoir ou la main devant la bouche, après avoir tourné la teste.

_Comme l'enfant doit se comporter auprès du feu._—Apprenez à vous
comporter auprès du feu comme en toute autre rencontre, et que
l'honnesteté veut que l'on cède toujours la place la plus honorable
et la plus commode aux personnes de plus grand mérite.

La place d'honneur est celle du milieu, quoique à présent, dans les
familles, celle du coin qui regarde la porte soit celle d'ordinaire
que le maistre choisit pour voir ceux qui entrent et qui sortent; mais
ce doit estre une place de son choix, non pas qu'elle puisse estre
honnestement présentée à un honneste homme.

Ne vous approchez pas si près du feu, crainte de vous brûler les
jambes; et encore moins ne mettez pas les mains dans la flamme.

Toucher au feu sans cesse, pour approcher les tisons les uns des
autres ou pour changer la disposition du feu, c'est la marque d'un
esprit turbulent et qui ne peut se tenir en repos.

En présence d'honneste compagnie, vous ne devez pas tourner le dos
au feu; et si quelqu'un se donnoit cette liberté à cause de sa
prééminence, il ne faudroit pas l'imiter en cela.

La charité, aussi bien que la civilité, veut que l'on fasse place à
ceux qui viennent de nouveau, et que l'on s'incommode un peu en faveur
de ceux qui ont plus besoin de se chauffer.

Si quelqu'un jette quelque chose dans le feu, comme lettres, papiers,
ou autres choses semblables, il est de très-mauvaise grâce de les
retirer pour quelque raison que ce puisse estre.

       *       *       *       *       *

VII

EXTRAIT DES _Règles de la bienséance et de la civilité chrétienne_.

Par DE LA SALLE[295].

[Édition de 1782]


_De la tête._—Gratter sa tête lorsqu'on est en compagnie, cela est
d'une très-grande indécence, et indigne d'une personne bien née. C'est
aussi l'effet d'une grande négligence et malpropreté, car cela vient
ordinairement de ce qu'on n'a pas assez de soin de se bien peigner
et de se tenir la tête nette. C'est à quoi doit prendre garde une
personne qui n'a point de perruque de ne laisser ni ordure, ni crasse
sur sa tête, car il n'y a que des personnes mal élevées qui tombent
dans cette négligence.

La modestie et l'honnêteté demandent qu'on ne laisse pas amasser
beaucoup d'ordure dans ses oreilles; ainsi il faut de temps en temps
les nettoyer avec un instrument fait exprès, qu'on nomme pour ce sujet
_cure-oreille_. Il est d'usage à présent que les oreilles ne soient
pas entièrement couvertes de cheveux; c'est pourquoi il faut avoir
grand soin de les tenir fort nettes.

Il n'y a qu'une nécessité indispensable qui puisse obliger un homme à
pendre des anneaux à ses oreilles. C'est une marque d'esclavage qui
l'avilit, et qui ne peut convenir qu'aux femmes qui, selon la loi de
Dieu, doivent être assujetties à leurs maris, et à qui la vanité fait
croire que c'est un ornement d'avoir des pendants d'oreilles.

Le plus bel ornement des oreilles d'un chrétien est qu'elles soient
bien disposées et toujours prêtes à écouter avec attention et à
recevoir avec soumission les instructions qui regardent la religion...

Quoiqu'il ne faille pas facilement mettre de la poudre sur ses
cheveux, et que cela ressent un homme efféminé, on doit cependant
prendre garde de ne les pas avoir gras. C'est pourquoi, lorsqu'ils le
deviennent, on peut les dégraisser avec du son, ou mettre de la poudre
dans le peigne pour les rendre secs et leur ôter leur humidité, qui
pourroit gâter le linge et les habits.

On ne doit jamais sortir du logis qu'après avoir peigné et arrangé
proprement ses cheveux. On y peut mettre de la pommade et de la poudre
en très-petite quantité.

Il est de la modestie et de l'honnêteté de ne pas toucher ses cheveux
sans nécessité. C'est pourquoi il n'y faut mettre que très-peu de
poudre, parce que la trop grande quantité engendre de la vermine,
qui engage quelquefois les jeunes gens à imiter certaines dames qui
frappent la tête avec le doigt dans les endroits où cette vermine se
fait sentir.

Il est de la propreté de se nettoyer tous les matins le visage avec un
linge blanc pour le décrasser. Il est moins bien de le laver avec de
l'eau, car cela rend le visage plus susceptible du froid en hiver et
du hâle en été.

C'est une chose très-messéante de mettre des mouches sur son visage,
et de le farder en y mettant du blanc ou du vermillon. Cette vanité
prouve que ceux qui en usent ainsi n'ont pas de beauté naturelle.

Il n'est pas à propos de se couper les sourcils fort courts: ce seroit
s'exposer à s'attirer quelque fluxion sur les yeux.

Un homme sage ne doit jamais lever la main pour donner sur la joue
à quelqu'un. La bienséance et l'honnêteté ne le permettent pas, à
l'égard même d'un domestique.

Il est de la bienséance de tenir le nez fort net; car il est l'honneur
et la beauté du visage, et la partie de nous-même la plus apparente.

Il est vilain de se moucher avec la main nue en la passant dessous le
nez, ou de se moucher sur sa manche ou sur ses habits.

C'est une pratique assez en usage de prendre du tabac en poudre. Il
est cependant beaucoup mieux de ne le pas faire, particulièrement
lorsqu'on est en compagnie, et il ne faut jamais le faire lorsqu'on
est avec des personnes à qui on doit du respect. Mais il est
très-indécent d'en mâcher, et de s'en mettre des feuilles dans le nez.
Il ne l'est pas moins de le prendre en pipe, surtout en présence des
femmes.

Si une personne de haute qualité prend du tabac devant ceux qui sont
avec elle, et qu'elle leur en présente, le respect qu'ils lui doivent
les empêche de le refuser, ou du moins faire semblant. Mais de toute
autre personne on peut le refuser, en la remerciant honnêtement.

Lorsqu'on prend du tabac en compagnie, il faut que cela soit rare, et
qu'on n'ait pas toujours une tabatière ou un mouchoir entre les mains
et les doigts pleins de tabac. On doit aussi prendre garde qu'il n'en
tombe pas sur le linge ni sur les habits, car il est malhonnête qu'on
y en apperçoive; et afin que cela n'arrive pas, il en faut prendre peu
à la fois.

Il faut bien prendre garde de ne pas se servir de ses ongles, de
ses doigts ou d'un couteau pour nettoyer ses dents. Il est de la
bienséance de le faire avec un instrument fait exprès, qu'on nomme
_cure-dent_, ou avec un bout de plume taillée à propos pour le faire,
ou avec un gros linge.

C'est une incivilité très-grande de se prendre une dent avec l'ongle
du pouce pour exprimer un dédain ou un mépris de quelque personne ou
de quelque chose; et il est encore plus mal de dire en le faisant: _Je
m'en soucie non plus que de cela._

Il n'est pas moins incivil de mettre la langue ou la lèvre d'en bas
sur la lèvre d'en haut pour en tirer de l'eau qui seroit tombée du
nez, et de la rapporter ensuite dans la bouche.

_Du chapeau et de la manière de s'en servir._—Le chapeau sert à
l'homme pour orner sa tête, aussi bien que pour la garantir de
plusieurs incommodités. Le porter sur son oreille, ou sur le derrière
de la tête, ou le mettre trop fort sur le devant, comme si on vouloit
cacher son visage, sont toutes manières ridicules et indécentes.

Lorsqu'on salue quelqu'un, il faut prendre son chapeau avec la main
droite et l'ôter entièrement de dessus sa tête, et d'une manière qui
soit honnête, en portant le bras jusqu'en bas et en tenant le chapeau
par le bord, et le côté qui doit couvrir la tête tourné vers la
cuisse, sans la toucher.

Si on ôte son chapeau dans les rues, ou en passant devant quelque
personne pour la saluer, on doit le faire un peu avant que d'être
auprès d'elle, et ne pas se recouvrir qu'on ne soit un peu éloigné de
cette personne.

Et si on salue quelqu'un en l'abordant, il faut ôter son chapeau cinq
ou six pas avant que d'en approcher.

Lorsqu'on entre dans une place où il y a une personne de qualité ou
à qui on doit beaucoup de respect, il faut toujours ôter son chapeau
avant que d'entrer dans cette place. Si ceux qui sont dans la place
sont debout et découverts, on est obligé de se tenir dans la même
posture. Après avoir ôté son chapeau avec bien de l'honnêteté, il faut
tourner le dedans vers soi, et le mettre sur le bras gauche ou devant
soi sur l'estomac du côté gauche.

Lorsqu'étant assis, on est obligé d'avoir le chapeau bas, il est de la
bienséance de le tenir sur ses genoux, le dessus tourné vers soi.

C'est une grande incivilité, lorsqu'on parle à quelqu'un, de tourner
son chapeau, de gratter dessus avec les doigts, de battre le tambour
dessus, de toucher la laisse ou le cordon, de regarder dedans ou tout
autour, de le mettre devant son visage ou sur sa bouche.

Les occasions dans lesquelles il faut se découvrir et ôter son
chapeau, sont:

1º Lorsqu'on se trouve dans un lieu où il y a des personnes
considérables;

2º Quand on salue quelqu'un;

3º Quand on donne ou qu'on reçoit quelque chose;

4º En se mettant à table;

5º Quand on entend prononcer le saint nom de Jésus et de Marie[296];
excepté lorsqu'on est à table, car il faut seulement baisser la tête;

6º Lorsqu'on est devant des personnes à qui on doit beaucoup de
respect; comme lorsqu'on est avec des ecclésiastiques, des magistrats,
et d'autres personnes considérables. A l'égard de ces personnes, on
doit se découvrir d'abord, mais il n'est pas nécessaire de se tenir
découvert, à moins que l'on ne leur soit beaucoup inférieur.

On doit aussi se découvrir devant toutes les personnes qui sont
supérieures, et ne pas se recouvrir que par leur ordre. Et aussitôt
qu'elles le disent, il faut se recouvrir sans différer, parce que
c'est un ordre; mais, après s'être couvert, il ne faut plus se
découvrir qu'en les quittant.

Il est contre la bienséance de se découvrir lorsqu'on est à table,
à moins qu'il ne survienne quelque personne qui mérite beaucoup
d'honneur.

S'il y a à table quelque personne de haute qualité qui soit sans
chapeau pour sa commodité, il ne la faut pas imiter, cela serait trop
familier, mais on doit toujours demeurer couvert.

Lorsque quelqu'un parle le chapeau bas, il faut toujours ordinairement
le faire couvrir si on lui est supérieur; et on peut alors lui dire:
_Couvrez-vous, monsieur._ Cette manière de parler n'est cependant
permise qu'à l'égard des personnes qui sont beaucoup au-dessous de soi.

Faire couvrir quelqu'un qui est au-dessus de soi, c'est une grande
incivilité. Cela se peut bien faire à l'égard des personnes avec qui
on est familier et qui sont d'égale condition; mais il ne faut pas que
ce soit par manière de commandement, ni qu'on se serve de paroles qui
en expriment aucun. On doit le faire, ou seulement par signe et se
couvrir en même temps, ou par quelque circonlocution, en disant par
exemple: _Vous pouvez, monsieur, être incommodé d'être découvert_; ou
en se servant de paroles familières, comme de celles-ci: _Sans doute,
monsieur, que vous restez découvert pour votre commodité._

_De la manière dont on doit saluer les personnes qu'on visite ou qu'on
rencontre._—La première chose qu'on doit faire en entrant dans la
chambre d'une personne qu'on visite est de la saluer et de lui faire
la révérence.

On peut saluer quelqu'un de trois manières différentes.

Il y a une manière de saluer qui est fort ordinaire, qui se fait:

Premièrement, en se découvrant de la main droite en portant le chapeau
jusqu'en bas, étendant tout à fait le bras jusque sur la cuisse droite
et laissant la main gauche dans sa liberté.

Secondement, en regardant doucement et honnêtement la personne qu'on
salue.

Troisièmement, baissant la vue et inclinant le corps.

Quatrièmement, en tirant le pied. Si on veut avancer, il faut couler
le pied droit en avant. Si on veut reculer, en tirant le pied gauche
en arrière. Si l'on passe à côté, en glissant le pied en avant du
côté de la personne qu'on veut saluer, et en se courbant et saluant
la personne quelques pas avant que d'être vis-à-vis d'elle. Si on
salue une compagnie tout entière, on doit couler le pied en avant pour
saluer la personne la plus considérable, et tirer le pied gauche en
arrière pour saluer de côté et d'autre toute la compagnie.

La seconde manière de saluer est de saluer dans la conversation, c'est
ce qu'on nomme ordinairement une honnêteté. Cela se fait simplement en
se découvrant, en se courbant tant soit peu, et en glissant le pied en
avant d'une manière imperceptible.

La troisième manière de saluer, qui est extraordinaire, se fait quand
quelqu'un vient du dehors, ou lorsqu'on prend congé de quelqu'un avant
son départ pour un voyage. Cette manière de saluer se fait comme la
première; mais il faut ôter son gant de là main droite, se courber
humblement, et après avoir porté la main presque à terre, la rapporter
ensuite doucement vers sa bouche, comme pour la baiser.

Une autre manière extraordinaire de saluer est d'embrasser la personne
qu'on aborde. Ce qui se fait en portant la main droite dessus l'épaule
et la gauche dessous, et en se présentant l'un à l'autre la joue
gauche, sans se la toucher ni la baiser.

Le baiser est encore une autre manière de saluer, qui ne se fait
ordinairement que par des personnes qui ont quelque union entre elles
et quelque amitié particulière.

Dans Paris, on ne salue ordinairement que les personnes qu'on connoît
ou qui sont d'une qualité éminente et beaucoup élevée au-dessus du
commun, comme sont les princes et les évêques.

Lorsque dans la rue on rencontre tête à tête quelque personne
de qualité, il est à propos de se détourner un peu et de passer
au-dessous d'elle, en se retirant du côté du ruisseau.

S'il n'y a point de haut ni de bas, mais un chemin uni, il faut passer
à gauche de la personne qu'on rencontre et lui laisser la main droite
libre. Et quand elle passe, il faut s'arrêter et la saluer avec
respect, et même avec un profond respect si sa qualité le demande.

Lorsqu'étant en carrosse, on se rencontre en un lieu par où passe
le Saint-Sacrement, on en doit descendre et se mettre à genoux. Si
c'est une procession ou un enterrement, ou bien le Roi, la Reine,
les Princes les plus proches du sang Royal, ou des personnes d'un
caractère ou d'une dignité éminente, il est du devoir et du respect de
faire arrêter le carrosse jusqu'à ce qu'elles soient passées, et avoir
la tête nue.

Il n'est pas de la bienséance de monter en carrosse ou à cheval devant
une personne pour qui on doit avoir quelque considération, à moins
qu'elle n'en fasse un commandement; et alors il faut éloigner un peu
le carrosse ou le cheval, ou bien on peut faire avancer le carrosse ou
le cheval jusqu'à ce qu'on ne la voie plus, et y monter ensuite.



INDEX ALPHABÉTIQUE


  Abbé (perruque d'), 67, 70, 71.

  Abreuvoir-Thibaut-aux-Dés (rue de l'), 10.

  Académie de coiffure, 134, 154.

  Accommodage (l'), 103, 104, 139.

  Achemeresses, 129.

  Adorable (perruque à l'), 68.

  Aiguière, 19.

  Aile de pigeon (perruque à l'), 68.

  Albon (comte d'), 90.

  Albret (Honoré d'), 53.

  Alegiani (J. B.), 9.

  Allemands, 177.

  Almanach Dauphin, 141.

  Almaviva (coiffure à l'), 149.

  Amidon, 103.

  Amidonniers, 100.

  Amman (J.), 22.

  Anciens (maîtres), 106, 107, 108.

  Angerville (d'), 132.

  Anglaise (coiffure à l'), 145.

  Angleterre (cheveux d'), 66.

  Anne d'Autriche, 37.

  Antiquité (perruque à l'), 69.

  Apothicaires, 70.

  Apprentissage, 108 à 111.

  Arche-Marion (rue de l'), 10.

  Argentine, _poudre_, 98.

  Argonne (Bonav. d'), 74.

  Armide (coiffure à l'), 149.

  Arnauld d'Andilly, 57.

  Asiatique (pouf à l'), 147.

  Assyrienne (pouf à l'), 147.

  Atourneresses, 129.

  Aubigné (A. d'), 29, 97.

  Aucunement (sens du mot), 165.

  Audis, _coiffeur_, 141.

  Aussel-d'Argenteuil (rue), 12.

  Autier (Léonard), 158, 159.

  Aventure (perruque à l'), 69.


  Bachaumont (_Mémoires_ dits de), 124, 133, 138, 141, 146, 157.

  Baigneuse (coiffure en), 145.

  Baignoires, 16, 19, 119, 120, 124.

  Bâiller (manière de), 43, 176, 184, 197.

  Bain (fond de), 19.

  Bains chauds, 3, 4, 9, 11 et s., 114 et s., 116 et s., 122, 127 à
    129.—Voy. _Étuves_.

  Bains chinois, 124.

  Bains de lait, 120.

  Bains de vapeur, 14, 114 et s., 128.

  Bains épilatoires, 116, 128.

  Bains froids, 114, 121 et s.

  Bains russes, 128.

  Baiseuse (la), _mouche_, 96.

  Balzac (G. de), 57.

  Bandeau d'amour, _coiffure_, 142, 145.

  Bandelettes (pouf à), 147.

  Baquets, 16, 19, 25.

  Barbe, 44 et s., 113.

  Barbiers-barbants, 2, 32, 35, 36, 64 et s., 100, 105 et s., 129, 138
    et s., 154.—Voy. _Coiffeurs_.

  Barbiers-chirurgiens, 1, 2, 22, 25, 32, 35, 108, 111, 112, 129.

  Barbiers du Roi, 63, 118.

  Barillerie (rue de la), 10.

  Baron (Michel), 117.

  Bassins à laver, 19, 20.

  Beaubourg (rue), 11.

  Beaumarchais, 148.

  Beaumont (perruque à la), 69.

  Bellechasse (rue de), 128.

  Bellegarde (abbé de), 79, 145.

  Bellemare (marquis de), 133.

  Belle-Poule (coiffure à la), 148.

  Bellièvre (président de), 58.

  Belmont (de), 77.

  Bénédictins, 3 à 6.

  Benserade, 58.

  Bérénice, 139.

  Bertin (mad.), 158.

  Bérulle (cardinal de), 56.

  Bibliothèque du Roi, 58.

  Bibliothèque nationale, 36, 107, 145.

  Bichonne, _perruque_, 67.

  Bignon (J.), 57.

  Bigotère, 53, 54.

  Binet, _perruquier du roi_, 62, 63.

  Birat, 77.

  Blanc, _fard_, 201.

  Blegny (Nic. de).—Voy. _Livre commode_.

  Boileau (Étienne), 12.

  Boileau (Nic.), 86.

  Bois à brûler, 14.

  Boiteau (Paul), 103.

  Boîtes à mouches, 97.

  Bompar, 77.

  Bonaparte, 104.

  Bonne de Savoie, 21.

  Bonnet (perruque en), 70, 71.

  Bonnette, _perruque_, 67.

  Bons-Enfants (rue des), 132.

  Bosse (Abraham), 77.

  Bouche (propreté de la), 170, 179.

  Boufflers (maréchal de), 79.

  Boudin _de perruque_, 70, 71.

  Boullanger (André), 98.

  Bourdonnais (rue des), 10.

  Bourgeoise (coiffure à la), 142.

  Bourgogne (duc de), 79.

  Bourse (perruque à), 68, 70, 71.

  Boutiques, 22, 109, 111, 112,
  154 à 157.

  Brantôme, 60.

  Bras (tenue des), 167, 171, 172, 195.

  Breteuil (baron de), 78.

  Bretons, 181.

  Brienne (Louis de), 82.

  Brigadière (perruque à la), 67, 70, 71.

  Brisée (perruque), 70.

  Buchon (J.), 16.

  Bussy-Rabutin, 80.


  Cabriolet, _perruque_, 68.

  Cadenettes, 49, 68.

  Cadet de la Perle, 50, 53.

  Cadot (Jacques), _menuisier_, 19.

  Caleçons, 114, 124.

  Callot (J.), 58.

  Calmet (dom), 4 à 6.

  Calviac (C.), 169.

  Campan (mad.), 120, 151, 158.

  Camus (Pierre), 57.

  Candeur (coiffure à la), 145.

  Canilliat, _coiffeuse_, 132.

  Caprice (coiffure au), 142.

  Caquets de l'accouchée, 121.

  Carrée (perruque), 68.

  Carrosses, 38, 41, 86, 90, 188, 192, 207, 208.

  Casque, 73.

  Catoblepes, 166.

  Catogan, 70.

  Cavalière, _perruque_, 68, 69.

  Cérès (coiffure à la), 142.

  Cerf-volant (coiffure au), 145.

  Cerisaie (rue de la), 116.

  Chaises à porteur, 38, 42.

  Chambrières, 129.

  Champagne, _coiffeur_, 120 à 131.

  Champcenetz, 119.

  Chancelière (perruque à la), 68.

  Chapeau (tenue du), 195, 202, 203.

  Chapeau de bras, 73.

  Chaperon, _coiffure_, 73, 74.

  Chapon (rue), 113.

  Charbon, 14.

  Charles V, 20, 48.

  Charlotte de Savoie, 20.

  Charmes de la liberté (coiffure aux), 145.

  Chartres (duchesse de), 147, 152.

  Chartres (N. D. de), 47.

  Chasse (perruque de), 68.

  Chasseur (perruque au), 69.

  Châteauroux (duchesse de), 132.

  Chat-qui-pêche (rue du), 11.

  Chaudronniers, 119.

  Chaussures (propreté des), 38, 41, 42, 164.

  Chefs-d'œuvre _des métiers_, 107, 111.

  Chemises, 4.

  Cheveux (commerce des), 59, 65, 66, 138.

  Chien couchant (coiffure au), 142.

  Chinois, 42.

  Chinoise (pouf à la), 147.

  Chirurgien du Roi, 105, 106, 108, 109.

  Chirurgiens, 1, 2.—Voy. _Barbiers_.

  Choiseul (duc de), 158.

  Choisy (perruque à la), 69.

  Christine _de Suède_, 37, 131.

  Chypre (poudre de), 98.

  Cimetière-Saint-Nicolas (rue du), 113.

  Circassienne moderne (coiffure à la), 145.

  Circonstance (perruque à la), 69.

  Cité (la), _à Paris_, 21.

  Civilité (caractères dits de), 169.

  Clément d'Alexandrie, 59.

  Cléopâtre (coiffure à la), 149.

  Cluni (règle de), 5, 6.

  Cochin, 154, 157.

  Coiffeurs, 104, 130 et s.

  Coiffeuses, 129 et s.

  Coiffures, 44 et s., 129 et s.

  Coins _de cheveux_, 61.

  Colbert (J. B.), 57, 65.

  Colisée (coiffure au), 149.

  Colombe (coiffure à la), 142.

  Combattant (perruque au), 69.

  Comète (perruque à la), 69.

  Compagnonnage, 110, 111.

  Compiègne, 37.

  Condé (prince de), 57.

  Conquérant, (perruque au), 69.

  Conquête assurée (coiffure à la), 142.

  Conseillère (coiffure à la), 142.

  Conti (quai), 122.

  Contredire (ne pas), 168.

  Coquette (la), _mouche_, 96.

  Coquillart (Guill.), 60.

  Coquille (moustache à), 53.

  Corbeil (N. D. de), 47.

  Corbeille (coiffure en), 145.

  Corne d'abondance (coiffure à la), 142.

  Corneille (Pierre), 56.

  Corrozet (Gilles), 86.

  Cosmétiques, 31, 100, 112, 116, 141.—Voy. _Fards_, etc.

  Coulange (marquis de), 121.

  Courtin (Ant. de), 42, 78, 80, 81, 82, 89, 91, 182.

  Courtisans, 32, 42, 55, 61.

  Couteliers, 107.

  Couvert du Roi, 78, 81.

  Cracher (manière de), 43, 164, 167, 169, 170, 177, 184, 197.

  Crête (pouf en), 147.

  Cretonniers, 100.

  Crochets (coiffure en), 142.

  Croisades, 9.

  Croissant (coiffure au), 145.

  Cuisse (embrasser la), 82, 85.

  Cure-dent, 170, 178, 202.

  Curieux (ne pas être), 169.

  Cuves à baigner, 19, 22, 25.

  Cuvettes, 19.


  Dagé, _coiffeur_, 132.

  Dangeau (marquis de), 62, 118.

  Daphné (coiffure à la), 142.

  Dauvet (Jean), _premier président_, 20.

  Découvrir (se), 73 et s., 190, 194, 195, 204 et s.—Voy. _Saluer_.

  Delamarre (manuscrits), 36, 107.

  Demi-conquête, _coiffure_, 142.

  Demi-hérisson, _coiffure_, 142.

  Dents (propreté des), 42, 112, 164, 170, 178, 202.

  Dents (maux de), 92, 93.

  Descartes, 57.

  Deschamps (Eustache), 60.

  Desmares, _coiffeuse_, 141.

  Deux queues (perruque à), 68.

  Diane (coiffure à la), 142.

  Discrète (la), _mouche_, 96.

  Distinction (coiffure à la), 145.

  Doigts (faire craquer ses), 186.

  Domestiques, 68, 70, 121, 129.

  Donner (manière de), 196, 204.

  Douches, 128.

  Douët-d'Arcq, 19.

  Dragonne, _perruque_, 69.

  Droit (se tenir), 171, 180, 195.

  Ducange, 58.

  Ducerceau (plan de), 21.

  Dumesnil, 74.

  Du Puis (Laurent), 74.

  Duquesne (amiral), 58.

  Durand, _coiffeur_, 141.

  Durand (Guillaume), 163.

  Dutens (L.), 153.

  Du Vair (G.), 57.


  Échelle (coiffure en), 145.

  École (quai de l'), 141.

  Économe (perruque à l'), 69.

  Écrans, 185.

  Édelinck, 53, 56.

  Effrontée (l'), _mouche_, 96.

  Éléphant (perruque à l'), 69.

  Embrasser (manière d'), 81, 85, 193, 206.

  _Encyclopédie méthodique_, 65, 71, 127.

  _Encyclopédie perruquière_, 68.

  Enfant (coiffure à l'), 157.

  Enfants d'Édouard (coiffure aux), 48.

  Enjouée (l'), _mouche_, 96.

  Enseigne du mal de dents, 93.

  Envieux (perruque a l'), 69.

  Épaules, 171, 179, 195.

  Épilation, 22, 116.

  Érasme (D.), 26, 28, 165, 169, 173.

  Espagnole (coiffure à l'), 145.

  Espagnole (perruque à l'), 68.

  Espagnols, 178.

  Espoir (coiffure à l'), 145.

  Éternument, 89, 175, 186, 197.

  Étuves, 9, 10 et s., 21 et s., 112 et s., 122.—Voy. _Bains_.

  Étuves (cul-de-sac des), 9 à 12.

  Étuves (rue des), 10 à 12.

  Étuveurs, 12 et s.

  Eurydice (coiffure à l'), 149.

  Expérience, 111.

  Èze (G. d'), 44.


  Fabert (maréchal), 58.

  Faiseuse de mouches (la), 95, 96.

  Fards, 6, 31, 97, 98, 141, 201.

  Faret (Nicolas), 90.

  Favori (perruque au), 69.

  Félicité (perruque à la), 69.

  Ferraille (quai de la), 141.

  Feu (conduite à tenir près du), 184, 197, 198.

  Fil de fer (perruques de), 69.

  Financière (perruque à la), 68.

  Fitelieu, 81, 93.

  Flore (coiffure à la), 145.

  Forgeais (A.), 113.

  Fourchettes, 26.

  Fournereau (Jean), 100.

  Fournier (Éd.), 50, 78, 98.

  Françaises (gardes), 112.

  François Ier, 22, 48.

  Françoise (perruque à la), 69.

  Franqueville (de), 114.

  Frédérik, _coiffeur_, 141.

  Frégate (coiffure à la), 148.

  Frison, _coiffeur_, 132.

  Frivolité (coiffure à la), 142.

  Froissart, 16.

  Furon (Jean), 100.


  Gabrielle de Vergy (coiffure à la), 149.

  Galante (la), _mouche_, 96.

  Galanterie (lois de la), 32, 38, 41, 53, 93.

  Gallonner, 47.

  Gamart, 85.

  Gantiers, 100.

  Gants, 80, 88, 184, 206.

  Gassendi (P.), 57.

  Gassion (maréchal de), 58.

  Gay (Victor), 14, 19.

  Gendarme (perruque à la), 69.

  Genlis (château de), 119.

  Genlis (mad. de), 85, 97, 99, 119, 133.

  Genoux (manière de tenir les), 172, 180, 184.

  Gentilly (perruque à la), 69.

  Geoffroi-des-Bains (rue), 10.

  Gestes, 185.

  Glaneuse (coiffure à la), 142.

  Globe fixé (pouf au), 147.

  Gloriette (cul-de-sac), 11.

  Godeau (Ant.), 57.

  Gomberville (de), 132.

  Gondole (coiffure en), 145.

  Gores, 123.

  Goutte, _maladie_, 115.

  Grævius (J. G.), 77.

  Grande prétention (coiffure à la), 149.

  Grande prêtresse (pouf à la), 147.

  Gratter (se), 164, 167, 171, 179, 184.

  Grattoir _pour la tête_, 153.

  Grecque (coiffure à la), 145.

  Grecque (perruque à la), 70.

  Grévin (musée), 119.

  Gueule de loup (pouf en), 147.

  Guignard, _baigneur_, 128.

  Guyon (Louis), 55, 92, 99.


  Hamilton (Ant. d'), 91.

  Harcourt (Henri d'), 52, 53.

  Hardy (Claude), 173.

  Harlay (A. de), 57.

  Harlay (rue de), 22.

  Harpie (coiffure à la), 142.

  Hauterive de l'Aubespine (d'), 27.

  Haut rang (coiffure au), 142.

  Hennins, 47.

  Henri III, 97.

  Henri IV, 28, 29, 48, 82, 116.

  Henri IV (coiffure à la), 142.

  Hérisson (coiffure au), 142.

  Hérisson à crochet, 142.

  Hermaphrodites (île des), 54, 60, 98.

  _Héroard_ (_Journal d'_), 28, 74, 92.

  Hésecques (comte d'), 62.

  Hesselin (Denis), 21.

  Hochequeue, 167.

  Honnête homme, 90, 91.

  Honneur (place d'), 90, 183, 191, 194, 198.—Voy. _Pavé_.

  Horloge (quai de l'), 113, 122.

  Housse (aller en), 38, 341.

  Huchette (rue de la), 11.

  Hurluberlu, _coiffure_, 131.

  Hurlupée, _coiffure_, 131.

  Hurtaut (P.), 119.


  Impatient (perruque à l'), 69.

  Inconstance (perruque à l'), 69.

  Indifférence (perruque à l'), 69.

  In-folio, _perruque_, 67.

  Ingénue (coiffure à l'), 142.

  Innocents (galerie des), 66.

  Interrompre (ne pas), 168.

  Iphigénie en Tauride (coiffure à l'), 148.

  Irène (coiffure à l'), 149.

  Irlandaise (coiffure à l'), 145.

  Irlande (bois d'), 22.

  Isabeau de Bavière, 19, 74.

  Italienne (perruque à l'), 69.

  Italiens, 181.


  Jaillot, 10 à 12.

  Jalousie (perruque à la), 69.

  Jambes (manière de tenir les), 172, 180, 195.

  Janot (coiffure à la), 145.

  Jarretières _de perruque_, 70, 71.

  Jean II, 48.

  Jeannin (P.), 57.

  Jeunes (maîtres), 106, 107.

  Jèze, 122.

  Jordanis, _perruquier_, 62.

  _Journal du citoyen_, 123.

  Juifs, 11.

  Junon (coiffure à la), 148.

  Jurements, 168.

  Jurés, 15, 16, 105 à 108.


  Labarte (J.), 20.

  Labre (Benoît), 9.

  La Fontaine (J. de), 58, 96.

  Laine (perruques de), 69.

  La Mésangère (de), 27.

  Lamoignon (président), 57.

  Langue (propreté de la), 164.

  Lanti (prince), 153.

  Larivey (P. de), 2.

  La Rivière (abbé de), 67.

  La Roze, _perruquier_, 62.

  Larseneur, _coiffeur_, 132.

  La Salle (J. B. de), 37, 80, 153, 199, 204.

  La Vallière (Mlle de), 85.

  La Vienne, _baigneur_, 117.

  Le Brun, _coiffeuse_, 132.

  Lebrun (Ch.), 58.

  Leclerc (Séb.), 77.

  L'Écluse (abbé de), 82.

  Legendre (abbé), 61.

  Légère (perruque à la), 69.

  Legoût, _coiffeur_, 141.

  Legrain, _barbier_, 63.

  Legros, _coiffeur_, 133 et s.

  Legros (veuve), 141.

  Lemaître (Ant.), 57.

  Le Nain de Tillemont, 58.

  Lentes, 28, 31.—Voyez _Poux_.

  Lépreux, 13.

  Lesdiguières (hôtel de), 116.

  Lestoile (P. de), 98.

  Le Tellier (Michel), 58.

  Levant (coiffure au), 142.

  Lever de la Reine (coiffure au), 142.

  Lèvres, 176, 177, 186.

  Lit, 182.

  Lit de la Reine, 81.

  Lit du Roi, 38, 78.

  Littré (E.), 154.

  _Livre commode_ (_le_), 62, 66, 97, 115, 118, 132.

  _Livre des métiers_, 12, 15.

  Longchamp, 121.

  Loret (J.), 131.

  Loterie d'amour (la), 93.

  Louis IX, 113.

  Louis XI, 19 à 21.

  Louis XIII, 2, 28, 48, 49, 56, 61, 74, 174.

  Louis XIV, 3, 28, 31, 37, 56, 61 à 64, 77, 83, 86, 99, 109, 118.

  Louvre (musée du), 6.

  Louvre (palais du), 22.

  Lubin, _graveur_, 56.

  Lully (J. B.), 58.

  Lunatique, _perruque_, 69.

  Luxembourg (maréchal de), 58.

  Luynes (connétable de), 53.

  Luynes (duc de), 79, 85.


  _Magasin des modes_, 145.

  Magny, 119.

  Mains (propreté des), 25, 26, 32, 37, 112, 163.

  Maintenon (mad. de), 131.

  Maître-d'hôtel (perruque à la), 69.

  Maîtrises (créations de), 109, 110.

  Majestueuse (la), _mouche_, 96.

  Malherbe, 56.

  Mansart, 58.

  Manteau (tenue du), 195.

  Marais (théâtre du), 131.

  Marana (J. P.), 67.

  Marat, 119.

  Marca (P. de), 57.

  Marcel (A.), 44.

  Marchand (A. H.), 68, 149.

  Marchand (article), 108.

  Marcher (manière de), 173.

  Marconi, 9.

  Marguerite de Navarre, 25.

  Marguerite de Valois, 60.

  Marie-Antoinette, 120, 149, 152, 157, 158.

  Marie Stuart (coiffure à la), 47.

  Marie-Thérèse, 85.

  Marin (F.), 148.

  Marmot, _enseigne_, 113.

  Marmouzets (rue des), 118.

  Marot (Clément), 22.

  Marot (J.), 85.

  Marron, _boucle de cheveux_, 154.

  Marsillac (prince de), 80.

  Marteaux (perruques à), 70.

  Martin, _coiffeuse_, 131.

  Masques, 35, 98.

  Masson (Ant.), 53.

  Masson (Papire), 56.

  Mazarin (duchesse de), 6, 94.

  Médecins, 2, 41, 70.

  Mêlée (perruque), 113.

  Ménage (G.), 53, 58.

  _Ménagier de Paris_, 29.

  Menuisiers, 19.

  Mercier (Séb.), 103, 153, 154.

  Merciers, 100.

  Mercure, _remède_, 115.

  Merlans, _coiffeurs_, 104.

  Métra, 149.

  Meurisse, 120.

  Michaud (J.), 21.

  Michel (saint), 113.

  Minerve (coiffure à la), 142.

  Modernes (maîtres), 106, 107.

  Modestie (coiffure à la), 145.

  Molière, 43, 56, 87.

  Monstrelet (E. de), 74.

  Montfaucon (B. de), 32, 35, 42.

  Montglat (mad. de), 21.

  Montgobert, 132.

  Montgolfier (coiffure à la), 149.

  Morfondus (quai des), 122.

  Morts (cheveux), 66.

  Motteville (mad. de), 37.

  Moucher (manière de se), 26, 27, 164, 167, 174, 184.

  Mouches, 92 et s., 201.

  Mouchoir, 184, 202.

  Moulin à vent (coiffure en), 145.

  Mousquetaire, _perruque_, 69.

  Moustaches, 49, 53.

  Moutonne, _perruque_, 67.

  Mystère (coiffure au), 142.


  Naissante (perruque), 68, 70, 71.

  Natation (écoles de)—Voy. _Bains froids_.

  Nation (coiffure à la), 145.

  Nattes, 47, 59.

  Naturelle (perruque à la), 68.

  Néron, 19.

  Neuve-Montmartre (rue), 118.

  Nez (souffler du), 174.

  Nez (propreté du), 26, 164, 173, 201.—Voy. _Moucher_.

  Nicolas-Flamel (rue), 10, 113.

  Nicot (J.), 86.

  Nœuds (perruque à), 68, 70, 71.

  Normandie (cheveux de), 66.

  Nouée (perruque), 68.

  Nouvelle mode (perruque à la), 68.


  Oiseau royal, _perruque_, 68.

  Olonne (mad. d'), 80.

  Ongles, 87, 164.

  Opéra, 157.

  Ordinaire (perruque à l'), 68.

  Oreilles (boucles d'), 199, 200.

  Oreilles (perruques à), 69.

  Oreilles (propreté des), 167, 199.

  Orléans (Gaston d'), 67.

  Orléans (rue d'), 118.

  Orsay (quai d'), 128.


  Palais (boulevard du), 10.

  Palais (perruque de), 69.

  Palais de Justice, 21, 22.

  Palais-Royal, 63, 129, 132.

  Pantalons à pieds, 5.

  Panurge (perruque à la), 70.

  Papillon constant, _coiffure_, 142.

  Parc anglais, _coiffure_, 145.

  Paré (Ambroise), 2.

  Paralysie, 115.

  Paresseuse, _perruque_, 69.

  Parfait, _maître-d'hôtel de Henri IV_, 82.

  Parfums, 31, 90.—Voy. _Cosmétiques_, _fards_, etc.

  Parisienne, _perruque_, 69.

  Parler (manière de), 166, 167.

  Parterre galant (coiffure au), 145.

  Pascal, _perruquier_, 62.

  Passionnée (la), _mouche_, 96.

  Patin (Gui), 90.

  Pâtissiers, 174.

  Patron des étuveurs, des perruquiers, 113.

  Paul (Vincent de), 57.

  Pavé (le haut du), 189, 190, 192, 194, 207.—Voyez _Honneur_.

  Pays (cheveux de), 66.

  Pédules, 5.

  Peignes, 5, 6.

  Peignes _pour gratter aux portes_, 88.

  Peignoirs de bain, 14, 19.

  Peintres (impasse des), 10.

  Peiresc (Fabri de), 56.

  Pelé, _perruquier_, 62, 65.

  Pelleterie (rue de la), 11.

  Pellisson (P.), 58, 61.

  Penthièvre (duc de), 147.

  Perrault (Ch.), 53.

  Perrette de Châlons, 21.

  Perruques, 56 et s.

  Perruquiers, 36, 64 et s.—Voy. _Barbiers_, _coiffeurs_, etc.

  Perruquiers en vieux, 113.

  Persane (coiffure à la), 145.

  Petit-maître (perruque au), 69.

  Petit-Musc (hôtel du), 22.

  Petitot (C. B.), 37.

  Petits-Champs (rue des), 63.

  Pets, 28, 164, 170, 180.

  Philadelphie (coiffure à la), 148.

  Philippe-Auguste, 48.

  Philippe VI, 48.

  Phrygienne (coiffure à la), 145.

  Pieds (propreté des), 5, 6, 20, 29, 43.

  Pierrot (coiffure à la), 145.

  Pignet (Mace), _tonnelier_, 19.

  Pipes, 201.—Voy. _Tabac_.

  Pithou (Pierre), 56.

  Placet, _siége_, 86.

  Pline, 166.

  Plus tôt fait (perruque à la), 69.

  Poitevin, _baigneur_, 127 à 128.

  Poitier, _coiffeuse_, 132.

  Polastron (de), 79.

  Pompadour (marquise de), 132.

  Pontchartrain (L. P. de), 57.

  Pont Royal, 124, 127, 128.

  Popincourt, 115.

  Porte-aux-Peintres (cul-de-sac de la), 10.

  Portes (gratter aux), 86, 87.

  Port-Mahon (perruque à la), 68.

  Portugal (rouge de), 141.

  Pot à eau, 19.

  Potel, 50.

  Potiquet, _perruquier_, 65.

  Poudre à poudrer, 56, 97 et s., 153, 200.

  Poufs, 146, 147.

  Poussin (Nicolas), 58.

  Poux, 28, 31, 153, 164.

  Prêteuses de têtes, 134.

  Prévôt de Paris, 14, 15.

  Prie (marquise de), 132.

  Propreté, 3 et s.—Voy. _Bouche_, _dents_, _mains_, _nez_, _oreilles_,
    _pieds_, _tête_, _visage_, etc.

  Prudence (perruque à la), 69.

  Prud'homme, _baigneur_, 117, 118.

  Puce (pouf à la), 147.

  Puces, 29 et s., 164.

  Punaises, 31, 38.


  Quatre-Nations (quai des), 122.

  Quentin, _barbier du roi_, 63.

  Quesaco, _coiffure_, 148.

  Queue, _de cheveux_, 68.

  Quicherat (J.), 44, 59, 104.

  Quinault (Phil.), 58.

  Quinze-Vingts, 132, 136.


  Racine (Jean), 58.

  Rambouillet (hôtel de), 43, 79, 86.

  Rapée (la), 122.

  Raucourt (coiffure à la), 148.

  Ravir (perruque à), 69.

  Raynaud (Th.), 77.

  Recevoir (manière de), 196, 204.

  Recherche (coiffure à la), 145.

  Reconduire, 187.

  Régence (perruque à la), 68.

  Reiset (comte de), 120.

  Renardière, 29.

  Renifler, 174.

  Repas, 26 à 28, 43, 78 et s.

  Rhinocéros (perruque à la), 68.

  Richard, _dominicain_, 9.

  Richelieu, 48, 49, 56.

  Richelieu (rue), 118.

  Rigault (Nicolas), 58.

  Rire (manière de), 176, 186.

  Robespierre, 104.

  Robin (perruque à la), 67.

  Rocher (pouf en), 147.

  Ronde (perruque), 67.

  _Rose_ (_roman de la_), 19.

  Rosette (perruque à), 70, 71.

  Rossignol, _perruquier_, 65.

  Rots, 28, 164, 170, 178.

  Rouge, _fard_, 6, 97, 141, 201.

  Rouleaux (coiffure en), 145.

  Royale (perruque), 67.

  Ruvigny (marquis de), 27.


  Saba (reine de), 47.

  Saint-Antoine (rue), 6, 94.

  Saint-Bernard (porte), 121.

  Saint-Denis (rue), 96.

  Saint-Germain des Prés (abbaye de), 85.

  Saint-Honoré (rue), 141.

  Saint-Louis (île), 124, 128.

  Saint-Louis (rue), 141.

  Sainte-Marthe (Scévole de), 56.

  Saint-Nicolas (port), 122.

  Saint-Paul (hôtel), 22.

  Saint-Réal, 9, 94.

  Saint-Simon, 74, 117.

  Saint-Sacrement, 90, 207.

  Saliat (Pierre), 165.

  Saluer (manières de), 73 et s., 77, 80 et s., 90, 172, 181, 193,
    194, 202 à 207.

  Sans redoute, _coiffure_, 145.

  Santeuil (J.), 58.

  Sapho moderne (coiffure à la), 142.

  Sarrazin (J. F.), 54, 58.

  Sartine (perruque à la), 68.

  Sauvageot (collection), 6.

  Sauval (H.), 22, 116.

  Sauval (rue), 10, 12.

  Savary (J.), 66, 110.

  Scaliger (J.), 57.

  Scarron, 87.

  Sciatique, 115.

  Séguier (chancelier), 57.

  Senault (J. F.), 57.

  Sénèque, 19.

  Sentiment (pouf au), 146.

  Sergents à verge, 108.

  Serviettes, 32, 123.

  Sévigné (coiffure à la), 47.

  Sévigné (mad. de), 85, 116, 131, 132.

  Siéges, 183.

  Singulière (perruque à la), 69.

  Sirmond (Jacques), 56.

  Sobry (J. F.), 73, 103.

  Socrate, 174.

  Sonnettes, 187.

  Sophie (pouf à la), 147.

  Soufflet, 201.

  Sourcils, 54, 201.

  Souvré (de), 28.

  Sponde (Henri de), 57.

  Stoïciens, 165.

  Suisses (gardes), 112.

  Sully, 38, 82.

  Sulpice (Jean), 163.

  Sylphide (coiffure à la), 142.


  Tabac, 184, 201, 202.

  Taille de 1292, 12.

  Tallemant des Réaux, 25, 27, 28, 29, 38, 49, 50, 53, 60, 93, 98, 129.

  Témoin discret, _coiffure_, 142.

  Térence, 178, 180.

  Tertullien, 59.

  Tête (propreté de la), 5, 6, 28, 31, 32, 42, 164, 171, 179, 199.

  Têtes à perruque, 91.

  Thibaut-aux-Dés (rue), 141.—Voy. _Abreuvoir_.

  Thiers (J. B.), 61.

  Thiéry, 124, 129.

  Thomassin (L.), 58.

  Thou (J. A. de), 57.

  Timidité, 175.

  Tonneliers, 19, 119.

  Tonsure _de perruque_, 70, 71.

  _Touriste_ (le), 127.

  Tournelle (pont de la), 123.

  Tours, 74.

  Tousser (manière de), 164, 167, 170, 178.

  Trabouillet, 64.

  Trévoux (_Dictionnaire_ de), 54, 74, 85.

  Tricorne, _chapeau_, 73.

  Triomphe de l'aurore, _coiffure_, 142.

  Tronchin (perruque à la), 69.

  Troyes (Jean de), 20.

  Tuileries (palais des), 174.

  Tumeurs froides, 115.

  Turenne, 27, 57.

  Turque (coiffure à la), 145.

  Turque (pouf à la), 147.

  Turquin, _baigneur_, 123, 124.

  Tutoiement, 86.


  Urfé (H. d'), 58.

  Uriner (manière d'), 172, 179.


  Vagabonds, 13.

  Valois (rue de), 129.

  Varennes (fuite de), 120, 158.

  Ventouses, 114.

  Vernet (Carle), 100.

  Verneuil (mad. de), 29.

  Verneuil (rue de), 12.

  Versailles (château de), 62.

  Vert (Claude de), 6.

  Vesses, 165.

  Vêtements (propreté des), 163.

  Veuves de maîtres, 108.

  Victoire (coiffure à la), 148.

  Vieillard (perruque au), 69.

  Vieille-du-Temple (rue), 118.

  Vieilles-Étuves (rue des), 10, 12

  Vierge (la), 47.

  Vifs (cheveux), 66.

  Villars (maréchal de), 79.

  Ville de Paris (biblioth. de la), 145.

  Vincent, _perruquier_, 62, 65.

  Visage (propreté du), 32, 35, 37, 163, 200.

  Visitandines, 6, 94.

  Visites, 182, 187.

  Visme (de), 157.

  Voiture (V.), 54, 57.

  Voix, 167.

  Vol d'amour, _coiffure_, 145.

  Voleuse (la), _mouche_, 96.

  Voltaire (coiffure à la), 148.

  Vomir, 170, 178.

  Vouet (Simon), 58.


  Wagnière (J. L.), 121.

  Walckenaer (baron), 116.

  Willemin, 47.


  Yeux (propreté des), 42, 170, 171.


  Zamet (hôtel de), 116.

  Zodiacale (coiffure à la), 142.



ADDITIONS


Page 28, après: _qu'elles effacent les vostres_, la phrase suivante a
été oubliée:

Rabelais[297] raconte comme chose fort ordinaire que Panurge cueillit
un pou sur le sein de la belle lingère du Palais. Panurge l'y avait
mis, c'est vrai; mais la belle lingère ne semble pas s'être étonnée le
moins du monde de la découverte.


Page 82, ajouter le passage suivant, que j'emprunte à
Saint-Simon. C'est de Louis XIV qu'il est ici question:

«Jamais homme si naturellement poli, ni d'une politesse si fort
mesurée, si fort par degrés, ni qui distinguât mieux l'âge, le mérite,
le rang, et dans ses réponses quand elles passoient le _je verrai_, et
dans ses manières. Ces étages divers se marquoient exactement dans sa
manière de saluer et de recevoir les révérences, lorsqu'on partoit ou
qu'on arrivoit. Il étoit admirable à recevoir différemment les saluts
à la tête des lignes de l'armée ou aux revues. Mais surtout pour les
femmes, rien n'étoit pareil. Jamais il n'a passé devant la moindre
coiffe sans soulever son chapeau, je dis aux femmes de chambre, et
qu'il connoissoit pour telles, comme cela arrivoit souvent à Marly.
Aux dames, il ôtoit son chapeau tout à fait, mais de plus ou moins
loin; aux gens titrés, à demi, et le tenoit en l'air on à son oreille
quelques instants plus ou moins marqués. Aux seigneurs, mais qui
l'étoient, il se contentoit de mettre la main au chapeau. Il l'ôtoit
comme aux dames pour les princes du sang. S'il abordoit des dames,
il ne se couvroit qu'après les avoir quittées. Tout cela n'étoit que
dehors, car dans la maison il n'étoit jamais couvert. Ses révérences,
plus ou moins marquées, mais toujours légères, avoient une grâce et
une majesté incomparables, jusqu'à sa manière de se soulever à demi
à son souper pour chaque dame assise[298] qui arrivoit, non pour
aucune autre, ni pour les princes du sang; mais sur les fins cela
le fatiguoit, quoiqu'il ne l'ait jamais cessé, et les dames assises
évitoient d'entrer à son souper quand il étoit commencé.» _Mémoires_,
édit. de 1881, t. XII, p. 75.


AJOUTER, p. 60, après la citation de Guillaume Coquillart:

«Les rois de France portaient autrefois une longue chevelure, ce qui
n'était permis qu'aux princes du sang. Tous les anciens portraits des
rois sont ainsi chevelus: il y a peu de temps que cette coutume a été
abandonnée. Le Roi (Henri III), d'après les conseils de ses médecins,
s'est fait raser tous les cheveux; il porte un béret semblable de
forme au bonnet polonais, qu'il n'ôte jamais, ni en présence des
ambassadeurs ni même à l'église. Il a une chevelure postiche très
riche et très belle[299].» _Voyage de Jérôme Lippomano, ambassadeur en
France en 1577_, dans les _Relations des ambassadeurs vénitiens_, t.
II, p. 568.


PARIS. TYPOGRAPHIE E. PLON, NOURRIT ET Cie, RUE GARANCIÈRE, 8.



APPENDICE


AVERTISSEMENT

Mon intention, en écrivant ces petits volumes, a été de pénétrer dans
la vie privée de nos pères, de les montrer tels qu'ils étaient dans
l'intimité, de mettre en lumière les petits côtés de leur existence,
ceux qu'ont systématiquement négligés tous les historiens.

De là, la nécessité d'aborder parfois certains sujets scabreux,
difficiles à traiter aujourd'hui. Il est clair, par exemple, que,
recherchant les secrets de la toilette, je ne pouvais passer sous
silence la coutume de l'épilation; que voulant reconstituer les règles
du savoir-vivre, j'étais bien forcé de rappeler qu'au seizième siècle
le meilleur monde autorisait sur beaucoup de points un laisser aller
qui révolterait notre société actuelle[300].

Afin de concilier le respect des bienséances avec mes devoirs
d'écrivain consciencieux, j'ai pris le parti de réserver pour un
Appendice facile à détacher du volume, les renseignements qui
s'adressent surtout aux érudits. On y trouvera aussi certaines pièces
que notre pruderie moderne,—pruderie dans les mots, s'entend,—ne m'eût
pas pardonné de produire au trop grand jour.

A tort ou à raison, nos pères n'y regardaient pas de si près. Ainsi,
au seizième siècle, les vers de Pierre Broë étaient répandus dans
toutes les écoles, et on les faisait apprendre par cœur aux enfants;
ils n'ont même été composés que pour cela. Et qu'on ne suppose pas
que ce soit là un fait isolé. En veut-on une preuve? Le vertueux
Mathurin Cordier, le pédagogue le plus accompli du seizième siècle,
celui qui avait pris pour devise: _Pietas et boni mores cum litterarum
elegantia_, publia vers 1563 des entretiens destinés à former les
mœurs des enfants, en même temps qu'à les familiariser avec la
langue latine. Le livre eut un immense succès, les éditions s'en
multiplièrent, et deux ou trois amis de la jeunesse se chargèrent de
le traduire en français.

J'ai sous les yeux une de ces traductions, donnée en 1672 sous ce
titre: _Nouvelle traduction des colloques de Mathurin Cordier.
Corrigée d'un grand nombre de fautes, et mise dans la pureté des deux
langues, pour la plus grande facilité des enfans_. J'en extrait trois
passages, qui suffiront pour donner une idée de l'ensemble.

     LE MAISTRE.—D'où venez-vous?

     L'ENFANT.—Je viens d'en bas.

     LE MAISTRE.—Quelle affaire aviez-vous en bas?

     L'ENFANT.—J'estois allé pour pisser[301].

                                         Livre I, colloque 23, page 33.


     ROSSET.—Je vous diray encore un autre usage du papier, et
     très-fréquent au collége.

     LE MOINE.—Quel?

     ROSSET.—Je n'oserois pas le dire sans compliment[302].

     LE MOINE.—Qu'est-il besoin de faire des compliments entre amis,
     car les paroles ne puent pas.

     ROSSET.—Je le diray donc, puisque vous le voulez.

     LE MOINE.—Dites librement.

     ROSSET.—Pour torcher son derrière au privé[303].

                                         Livre I, colloque 27, page 41.


     LE MAISTRE.—A quelle heure vous êtes-vous éveillé ce matin?

     L'ENFANT.—Avant le jour; je ne sçay à quelle heure.

     LE MAISTRE.—Qui vous a éveillé?

     L'ENFANT.—Le réveilleur de la semaine est venu avec sa lanterne,
     il a heurté fort à la porte de ma chambre...

     LE MAISTRE.—Dites moy par ordre tout ce que vous avez fait depuis
     ce temps-là. Vous autres, enfans, écoutez avec soin des oreilles
     et de l'esprit, afin que vous appreniez à imiter vostre compagnon.

     L'ENFANT.—Estant éveillé, je me suis levé du lit, j'ay mis ma
     camisole avec mon pourpoint... je me suis bien peigné, j'ay
     mis mon chapeau, j'ay mis ma robe; ensuite je suis sorty de
     ma chambre, j'ay descendu en bas, et j'ay pissé contre la
     muraille[304].

                                       Livre II, colloque 54, page 210.

C'est ainsi qu'au seizième siècle, et même à la fin du dix-septième,
on entendait l'éducation des enfants. Nous en sommes revenus, et un
peu trop peut-être. A une si grande licence, innocente en somme, a
succédé une pudeur exagérée qui explique l'oubli dans lequel ont été
laissés les usages et la vie privée d'autrefois. L'histoire s'est
faite trop chaste et trop fière pour s'occuper de pareils détails.
Laissez-moi en citer un curieux exemple. Vers 1828, un homme de
talent, M. F. Barrière, découvre et publie les très intéressants
_Mémoires_ de Louis-Henri de Loménie, comte de Brienne. Il y rencontre
cette phrase: «Sa Majesté, me voyant entrer si matin dans sa chambre,
dont toutes les entrées m'étoient permises, même de sa garde-robe, où
j'entrois à toute heure, sans avoir eu besoin de brevet d'affaires,
_même quand elle étoit sur sa chaise percée_...» Ces derniers mots
révoltent M. Barrière, qui les supprime. Il en éprouve pourtant
quelque remords, et, dans une note perdue à la fin du volume, il
avoue qu'il n'a pas reproduit cette ligue parce qu'elle «figurait
assez mal dans une scène d'amour». Mais, barbare, notre littérature
n'est que trop riche en scènes d'amour; ce qui importait, c'était
de nous montrer dans quelle position, en dépit de l'étiquette, le
grand roi consentait à recevoir ses secrétaires d'État. Saint-Simon,
heureusement, a été moins réservé.

En voici assez, j'espère, pour excuser mon éditeur et moi. Les
lecteurs sont donc prévenus que je ne reculerai devant aucune des
exigences de mon sujet. C'est, d'ailleurs, une nécessité que je
subirai, n'ayant aucune envie de courir au-devant des occasions, et,
dans les moments difficiles, je m'effacerai autant que possible
pour laisser parler les documents contemporains. A cet égard, les
Appendices me seront d'une grande utilité. J'aurai soin, cependant,
de n'y insérer que des pièces historiques ayant directement trait
à la question et susceptibles de l'éclaircir. Quant aux gens qui y
chercheraient autre chose, je les avertis qu'ils chercheront en vain.


I

EXTRAIT DE LA _Civilité_ DE JEAN SULPICE[305],

_imitée en français par_ PIERRE BROË _en 1552_.


    Sur toute chose amonester te veux
    Que tu n'aies point le nez ord ne mourveux,
    Car trop seroys à moquer et reprendre
    S'on te voioyt distiler ou descendre
    Du nez en bas la roupie ou morveau,
    Qui te feroyt estre estimé pour veau.
    D'un autre point aussi je t'amoneste:
    Garde toy bien de te grater la teste
    Devant les gens tant qu'à table seras.
    Puces et poux aussy ne chasseras,
    Ni autre beste ou meschante vermine,
    Quoyqu'en ton doz ou en ton col chemine.

           *       *       *       *       *

    Mais de peter garde qu'il ne t'eschappe,
    Retiens ce vent et en dedans l'atrappe,
    Ferme le trou, joins les fesses ensemble
    Et serre fort, encores qu'il te semble
    Que la douleur te deust tant tormenter
    Comme une femme approchant d'enfanter:
    Car pour un pet ord, puant et infame
    Fait à la table, il n'est homme ne femme
    Qui ne te dist que tu es à outrance
    L'un des plus grands archevilains de France.
    J'en dis autant sur ce propos ici
    Si tu avoys ocultement vessi:
    Car quelque cas que die le stoïque[306],
    Le rot, le pet et la vesse impudique
    Sont reprouvez en bonne compaignie.
    Il n'est celui qui sans honte le nie.

Nous avons vu plus haut[307] qu'Érasme prêchait une doctrine contraire
à celle qui est si poétiquement exposée ici, et qu'en 1613 encore on
enseignait aux enfants à NE PAS _retenir la ventosité du ventre_. Il
faut dire, à la louange de nos mœurs, qu'au milieu du dix-septième
siècle cette théorie n'était plus en faveur. Je n'en veux pour preuve
que les vers suivants, attribués à Saint-Évremont, et que j'extrais
d'un petit volume rare publié en 1661[308].

SUR UN PET QU'UN AMANT FIT EN PRÉSENCE DE SA MAISTRESSE.

    Unique objet de mes désirs,
    Philis, faut-il que mes plaisirs
    Pour rien se changent en supplices,
    Et qu'au mépris de vostre foy
    Un pet efface les services
    Que vous avez receu de moy?

    Je sçay bien, ô charmant objet,
    Que vous avez quelque sujet
    D'estre pour moy toute de glace;
    Et je confesse ingénûment,
    Puisque mon cul fait ma disgrâce,
    Qu'elle n'est pas sans fondement.

    Si pourtant cet extrême amour
    Dont j'eus des preuves chaque jour
    Pour un pet s'est changé en haine,
    Vous ne pouviez jamais songer
    A rompre une si forte chaisne
    Pour aucun sujet plus léger.

    Mon cœur outré de déplaisirs
    Estoit gros de tant de soûpirs,
    Voyant votre amour si farouche,
    Que l'un d'eux se trouva réduit,
    Ne pouvant sortir par ma bouche,
    A chercher un autre conduit.

    S'il est vray qu'on n'ose nier
    La porte à chaque prisonnier
    Alors que la Princesse passe,
    Ce pet pouvoit avec raison
    Vous demander la mesme grâce,
    Puisqu'il se voyoit en prison.

    S'il ne s'est pas fort bien conduit,
    Qu'il ait fait quelque peu de bruit
    Lors qu'il se fraya cette voye,
    C'est qu'il estoit si transporté
    Qu'il fit en l'air un cry de joye
    En recouvrant sa liberté.

    Hélas! quand je viens à songer
    A ce sujet foible et léger
    Qui cause mon malheur extrême,
    Je m'écrie en ma vive ardeur:
    Falloit-il me mettre moy-même
    Près de vous en mauvaise odeur?

    Si pour un pet fait par hazard,
    Vostre cœur où j'ay tant de part
    Pour jamais de moy se retire,
    Voulez-vous que d'oresnavant
    Vous me donniez sujet de dire
    Que vous changez au moindre vent?


II

SUR L'ÉPILATION.


Clément Marot raille ainsi les barbiers réduits au rôle d'épileurs:

    Povres barbiers, vous estes morfonduz
    De veoir ainsi gentilzhommes tonduz
    Et porter barbe. . . . . . . . . . . .
    . . . . . . . . . Plus comtes ne ducz
    Ne peignerez; mais comme gens perduz
    Vous en irez besongner chaudement
    En quelque estuve, et là gaillardement
    Tondre maujoinct et raser priapus[309].

Parmi les talents variés que prétend posséder le _Varlet à tout faire_
de Christophe de Bordeaux[310], figure l'art de manier dextrement le
rasoir:

    Je suis fort bon barbier d'estuves
    Pour raser et tondre maujoint.

La _Chambrière à tout faire_[311] est prête à rendre le même service
aux dames plus réservées. Je suis, dit-elle,

    Fort bonne barbière d'estuves
    Pour raser et tondre le cas.

L'auteur du _Banquet des chambrières_[312] nous introduit dans des
étuves où viennent d'entrer trois jeunes servantes délurées, Perrette,
Alizon et Ysabeau, conduites par une vieille commère, servante comme
elles. Les quatre femmes ont apporté de quoi déjeuner, mais on les
invite à se baigner auparavant:

    Filles, montés sans babiller;
    Si vous voulez deshabiller,
    Le baing est désormais trop chaud.

Après le bain, la vieille se rendit dans un petit cabinet où

    Quelque chambrière ou varlet
    Luy ratissa d'ung vieil cousteau
    Le ventre jusques à la peau.

Elle fut remplacée par Perrette, puis par Alizon,

    Ausquelles on faucha leur prez.

Mais Ysabeau avait peur, et refusait de se laisser raser. Elle finit
cependant par céder:

    La vieille ratissa en sorte
    Que Babeau cuydoit estre morte.
    Mais en fin elle fut moult fière
    D'avoir ung si mignon derrière.

Le poëte, qui n'a pas eu tort de garder l'anonyme, nous apprend
ensuite que Babeau, ayant remis sa chemise, le repas commença:

    La nappe fut près du baing mise,
    Le petit banquet appresté.

Au chapitre des redevances curieuses, Sauval raconte que la comtesse
d'Auge recevait chaque année de ses vassaux un rasoir[313], dont
l'usage n'est d'ailleurs pas indiqué. Il est certain que, dans le
peuple et la bourgeoisie, la mode de l'épilation disparut en même
temps que l'habitude d'aller aux étuves. Un passage des _Facétieuses
paradoxes de Bruscambille_[314], passage que je ne veux pas
reproduire, montre bien qu'au seizième siècle la plupart des femmes
y avaient renoncé. Mais parmi les recherches de la coquetterie à
cette époque, il faut mentionner la coutume de s'épiler les sourcils,
de manière à ne conserver au-dessus des yeux qu'une ligne à peine
visible[315].

Dans le grand monde, l'épilation resta en honneur jusqu'à la fin du
dix-huitième siècle. En 1766, quand le duc d'Orléans épousa madame
de Montesson, l'époux reçut la chemise, le soir des noces, avec le
cérémonial usité à la cour. Le marquis de Valençay la présenta, et
le prince, se dépouillant de celle qu'il portait, offrit à tous les
assistants le spectacle d'une épilation complète, suivant les règles
de la plus brillante galanterie du temps. «Les princes et les grands,
ajoute Soulavie[316], ne consommaient des mariages ou ne recevaient
les premières faveurs d'une maîtresse qu'après cette opération
préalable.»


III


Voici le passage auquel je fais allusion, page 121:

«Le lendemain, j'entrai chez elle en même temps que sa femme de
chambre; elle fit tirer les rideaux et se leva. Tandis que ma sœur
préparait une chemise, madame, qui se trouvait debout vis à vis de
moi, laissa subitement couler celle qu'elle avait sur le corps, et
resta nue comme une statue de marbre. J'étais interdit et n'osais
lever les yeux sur elle... Quand je fus seul avec ma sœur, je lui
demandai si madame du Châtelet changeait ainsi de chemise devant tout
le monde; elle me dit que non, mais que devant ses gens elle ne se
gênait nullement, et elle m'avertit qu'une autre fois, quand pareille
chose arriverait, je ne fisse pas semblant de m'en apercevoir.

«Cependant, quelques jours après, au moment où elle était, dans
son bain, elle sonna. Je m'empressai d'accourir dans sa chambre;
ma sœur, occupée ailleurs, ne s'y trouvait point alors. Madame du
Châtelet me dit de prendre une bouilloire qui était devant le feu, et
de lui verser de l'eau dans son bain, parce qu'il se refroidissait.
En m'approchant, je vis qu'elle était nue, et qu'on n'avait point
mis d'essence dans le bain, car l'eau en était parfaitement claire
et limpide. Madame écartait les jambes, afin que je versasse plus
commodément et sans lui faire mal l'eau bouillante que j'apportais. En
commençant cette besogne, ma vue tomba sur ce que je ne cherchais pas
à voir. Honteux et détournant la tête autant qu'il m'était possible,
ma main vacillait et versait l'eau au hasard: «Prenez donc garde, me
dit-elle brusquement d'une voix forte, vous allez me brûler.» Force
me fut d'avoir l'œil à mon ouvrage, et de l'y tenir, malgré moi, plus
longtemps que je ne voulais.

«Cette aventure me parut encore plus singulière que le changement de
chemise. Je n'étais pas encore familiarisé avec une telle aisance de
la part des maîtresses que je servais... J'ai été à même de juger
que les grandes dames ne regardaient leurs laquais que comme des
automates. Je suis convaincu que madame du Châtelet dans son bain,
en m'ordonnant de la servir, ne voyait pas même en cela une ombre
d'indécence, et que mon individu n'était alors à ses yeux ni plus ni
moins que la bouilloire que j'avais à la main[317].»

Soulavie[318], de son côté, raconte le fait suivant, bien
invraisemblable de toute manière, et qui ne se concilie guère avec ce
que madame Campan nous dit de la réserve que montra toujours sur ce
point Marie-Antoinette: «Un ecclésiastique remarquable par son âge,
ses vertus et sa réputation dans une des parties de l'art de guérir,
appelé auprès de la Reine, la trouva nue, étendue dans un bain. Le
vieillard recule, elle le rappelle, et il est obligé de lui répondre
et de rester dans une situation où il pouvait admirer le plus beau
corps qu'eût jamais produit la nature.»


IV


J'ai parlé des colères de l'Église contre l'usage des faux cheveux et
les autres artifices de la coquetterie féminine. Mais les théologiens
s'exprimaient alors en tel style qu'il est difficile, même ici, de
citer la plupart d'entre eux, et en particulier les sermons de Menot
et de Maillard. J'emprunte l'extrait suivant à un moraliste plus
réservé, le brave père Arnoux, chanoine de Riez:

«Les filles vaines, les femmes hautaines, les veuves mignardes,
les damoiselles pompeuses et les dames superbes, pour punition de
l'ornement débordé qu'elles font à leurs cheveux et déguisement de
leurs sourcilleuses perruques, elles auront la teste pelée, car là
on ne verra plus ces belles perruques, ces cheveux blonds en forme
de casamate sur la teste esparpillez et ondoyans sur ces fronts
emperlez... Et pour punition du desbordement de vos superbes habits,
en enfer vous serez toutes nuës à vostre grande honte et confusion, de
quoy les diables feront de très grandes risées, vous reprochant haut
et clair devant tous toutes vos lubricitez, crimes et paillardises,
et tout ce que vous aurez fait de plus voluptueux et deshonneste, et
découvrant ignominieusement à la veuë de tous tout ce qu'en vostre
corps vous aurez de plus honteux, vous traînant toutes nuës par tout
l'enfer, à la veuë d'un chacun.

«Ha femmes! ha filles! ha damoiselles! ha mes dames que ne pensez-vous
à cela? Hélas, vous estes si vergongneuses et craignez tant la honte,
que pour rien au monde vous ne voudriez permettre qu'un homme vous
vist nuës une seule fois, et fut-il celuy que vous estimez qui vous
ayme le plus; et cependant vous n'avisez pas que pour punition de vos
vanitez et débordemens, mille et autres mille fois on vous traînera
nuës par tout l'enfer, non devant un homme, mais devant cent mille qui
à gorge déployée se mocqueront et riront de vous, voyant vos hontes
et vergongnes. De quelle confusion serez-vous saisies quand vous vous
verrez ainsi traînées toutes nuës, monstrant à découvert tout ce que
vous aurez de plus honteux, et menées en tel équipage par tout l'enfer
mille et mille fois le jour, avec le fanfare des trompettes que les
diables sonneront avec grandes risées et mocqueries, et criant:
Voyez, voyez, voicy la paillarde, voicy la p....n, voicy telle dame de
tel lieu, la nommant par son propre nom et surnom, laquelle tant et
tant de fois a paillardé, disant le nombre, avec un tel, et tant avec
un tel, et plusieurs fois avec beaucoup d'autres; voicy la paillarde,
voicy la p....n, venez, venez la voir!

«Et alors, cent mille et autres cent mille, qui très bien te
cognoistront, puis tous tes parens, ton père, ta mère, ton mary, et
tous tes voisins passionnez d'une haine mortelle à l'encontre de toy,
accourront te voir pour se rire et se mocquer de toy, disant l'un à
l'autre, la voilà la p....n! la voilà! Puis, s'accordans avec les
diables pour entièrement te confondre, tous ensemble crieront: Voicy
la paillarde, voicy la p....n, qu'elle soit donc tourmentée; sus, sus
les diables! sus démons, sus! sus furies infernales! jetez-vous sur
cette p....n, et qu'on luy rende autant de tourmens et de supplices
qu'elle a eu de plaisirs en sa vie!

«Femmes, ce n'est pas moy, mais c'est sainct Jean l'Évangéliste, qui
dit en son Apocalypse cela estre très véritable[319].»



NOTES:

[1] LARIVEY, _Les tromperies_, scène 4.

[2] «Sanis autem, et maxime juvenibus, tardius concedatur.»

[3] Dom CALMET, _Commentaire sur la règle de saint Benoît_, t. I, p.
563.

[4] Dom CALMET, _Commentaire sur la règle de saint Benoît_, t. II, p.
260.

[5] Dom CALMET, _Commentaire sur la règle de saint Benoît_, t. II, p.
236.

[6] «Lotis manibus et facie, cum tria manutergia pendeant simul
in claustro, non tergit ad aliud quam quod suis similibus est
deputatum, quia unum est pueris, alterum cantoribus, tertium idiotis.»
_Antiquiores consuetudines Cluniacensis monasterii_, lib. II, cap. X,
p. 62.

[7] _Commentaire_, etc., t. II, p. 275 et 276.

[8] CLAUDE DE VERT, _Explication des cérémonies de l'Église_, t. II,
p. 370.

[9] Voy. les _Mémoires de la duchesse de Mazarin_, dans les Œuvres de
SAINT-RÉAL, t. III, p. 578.

[10] Tome I, p. 487.

[11] Voy. J.-B. ALEGIANI, _Abrégé de la vie de B. Labre_, p. 48.—
MARCONI, _Vie de B. Labre_, p. 127.

[12] JAILLOT, _Recherches sur Paris_, quartier de la Cité, p. 26.

[13] Archives de Saint-Martin des Champs, citées par JAILLOT, quartier
Saint-Martin, p. 15.

[14] JAILLOT, quartier Saint-Jacques-la-Boucherie, p. 65.

[15] JAILLOT, quartier Saint-Denis, p. 37.

[16] JAILLOT, quartier Sainte-Opportune, p. 10.

[17] JAILLOT, quartier Saint-Benoît, p. 103.

[18] JAILLOT, quartier Saint-André, p. 46.

[19] JAILLOT, quartier Saint-André, p. 48.

[20] JAILLOT, quartier Saint-Martin, p. 15.

[21] _Lévitique_, chap. XV.

[22] Censier, cité par JAILLOT, quartier de la Cité, p. 155.

[23] Alors _rue des Estuves_.

[24] Alors _rue de Vernueil_.

[25] Alors _rue Aussel d'Argenteuil_.

[26] Jour.

[27] Sans différer.

[28] Voy. dans cette collection le volume intitulé: _L'annonce et la
réclame_.

[29] Titre LXXIII.

[30] Article 1.

[31] Article 2.

[32] Article 4.

[33] Manuscrit du fonds de Saint-Germain, cité par V. GAY, _Glossaire
archéologique_, p. 105.

[34] Serment.

[35] Article 4.

[36] Il se trouve seulement dans le manuscrit le moins ancien du
_Livre des métiers_.

[37] Article 4.

[38] Article 6.

[39] Article 5.

[40] _Les cent et sept cris, que l'on crie journellement à Paris_,
etc., 1545, in-12.

[41] _Chroniques_, liv. II, chap. CLXIII; édit. Buchon, t. II, p. 215.

[42] Voy. le _Glossaire archéologique_ de GAY, p. 104.

[43] DOUËT-D'ARCQ, _Comptes de l'hôtel_, p. 353 et 390.

[44] DOUËT-D'ARCQ, _Comptes de l'argenterie_, p. 230 et 350.

[45] Inventaire publié par J. Labarte, p. 75, 184 et 199.

[46] Firent grande chère.

[47] Maîtresse du Roi.

[48] _Chronique_, édit. MICHAUD, 1re série, t. IV, p. 280 et 281.

[49] Voy. entre autres, dans les _Cent nouvelles nouvelles_, les
contes I et III.

[50] Il ne faut pas oublier que la Cité finissait alors à peu près à
l'endroit où s'élève aujourd'hui le grand escalier du Palais, sur la
rue de Harlay.

[51] _Antiquités de Paris_, t. II, p. 273, 274 et 280.

[52] Édition de 1731, t. VI, p. 257.

[53] Voy. TALLEMANT DES RÉAUX, _Historiettes_, t. I, p. 147.

[54] _La ruelle mal assortie_, dans le _Nouveau recueil des pièces les
plus agréables de ce temps_, p. 114.

[55] _La contenance de la table_, in-8º goth. de 8 pages.

[56] «Si quid in solum dejectum est, emuncto duobus digitis naso, mox
pede proterendum est.» _De civilitate morum_, p. 12.

[57] _Historiettes_, t. I, p. 493.

[58] _Le voyageur à Paris, tableau pittoresque et moral de cette
capitale_, t. II, p. 95.

[59] «Subinde scabere caput apud alios parum decet.» P. 22.

[60] Page 44.

[61] Page 26.

[62] _Journal de Jean Héroard_, t. I, p. 386.—Sur ce sujet, voy. aussi
TALLEMANT DES RÉAUX, t. I, p. 37, et le _Journal de la santé de Louis
XIV_, p. 329.

[63] _Historiettes_, t. I, p. 8.

[64] _Aventures du baron de Fæneste_, liv. IV, chap. VII.

[65] Sœur.

[66] Aurez.

[67] Mal couverte.

[68] Querelleuse.

[69] Tome I, p. 171.

[70] _Le procès des femmes et des pulces_. Paris, in-8º goth.

[71] Paris, 1539, in-32, p. 18.

[72] Voy. B. DE MONTFAUCON, _Monumens de la monarchie françoise_, t.
V, p. 314.

[73] Dans le _Nouveau recueil des pièces les plus agréables de ce
temps_, p. 1 et suiv.

[74] Pages 15 à 17.

[75] Les actes officiels les nomment dans la suite _Barbiers_,
_Perruquiers_, _Baigneurs_, _Étuvistes_.

[76] Bibliothèque nationale, manuscrits Delamarre, Arts et métiers, t.
II, fº 112.

[77] J. B. DE LA SALLE, _Les règles de la bienséance et de la civilité
chrétienne_, p. 11.

[78] _Mémoires_, édition PETITOT, t. XXXVI, p. 354, et t. XXXIX, p.
384.

[79] _Journal de la santé de Louis XIV_, p. 320.

[80] TALLEMANT DES RÉAUX, t. I, p. 112, et t. IX, p. 370.

[81] Pages 10 à 15.

[82] _Nouveau traité de la civilité qui se pratique en France parmi
les honnestes gens_, par Ant. DE COURTIN, 1675, in-12. Je cite la
huitième édition, imprimée en 1695.

[83] Page 75.

[84] Page 263.

[85] Voy. aussi l'_Histoire de la coiffure des dames en France_, par
G. D'ÈZE et A. MARCEL, qui vient de paraître chez Ollendorff.

[86] _Galonner_ la barbe ou les cheveux, c'était les diviser en
plusieurs touffes autour desquelles on enroulait des fils d'or ou
d'argent. Le sens actuel du mot galonner est venu de là. On nommait
_gallon_ l'instrument employé pour galonner la barbe ou la chevelure.

[87] TALLEMANT DES RÉAUX, t. II, p. 246.

[88] Dans Éd. FOURNIER, _Variétés historiques_, t. X, p. 29.

[89] Tome VII, p. 164.

[90] Tome II, p. 23.

[91] Voy. MÉNAGE, _Dictionnaire étymologique_, édit. de 1750, au mot
_Cadenette_; et TALLEMANT DES RÉAUX, t. Ier, p. 399.

[92] Page 17.

[93] _Vers à la Fronde sur la mode des hommes._

[94] _La pompe funèbre de Voiture_, dans les _Œuvres_ de Sarazin,
édit. de 1696, p. 259.

[95] C'était là un usage déjà ancien, car on lit dans la _Description
de l'isle des Hermaphrodites_: «Quand cela estoit parachevé, il en
venoit un autre (_un homme_) ayant en la main un petit pinceau de fer,
duquel il se servoit pour tirer l'abondance des poils des sourcils, et
n'y laisser qu'un traict fort délié pour faire l'arcade.» Page 10.

[96] _Dictionnaire de Trévoux_, édit. de 1771.

[97] _Diverses leçons_ [1625], liv. Ier, chap. XXI; t. II, p. 141 et
148.

[98] Voy. _Les hommes illustres_ de PERRAULT, édit. de 1696.

[99] CLÉMENT d'Alexandrie, _Pædagogus_, lib. III, cap. XI.

[100] TERTULLIEN, _De cultu feminarum_, lib. II, cap. VII.—M.
Quicherat, qui traduit inexactement ce passage, en tire la conclusion
inexacte que l'exploitation des têtes vivantes n'était pas alors
pratiquée. Voy. son _Histoire du costume_, p. 189.

[101] Édit. Lalanne, t. VIII, p. 35.

[102] Édit. Téchener, t. I, p. 148.

[103] Edit. elzévirienne, t. II, p. 292.—Voyez aussi la _Description
de l'isle des Hermaphrodites_, p. 114.

[104] L'auteur n'a pas osé dire: par courtisanerie.

[105] J. B. THIERS, _Histoire des perruques_, p. 28.

[106] _Mœurs des François_, p. 233.

[107] _Lettres historiques_, 13 août 1673, t. I, p. 396.

[108] _Journal_, 27 novembre 1687, t. II, p. 71.

[109] Tome II, p. 40.

[110] Comte D'HÉSECQUES, _Souvenirs d'un page_, p. 152.

[111] Binet demeurait rue des Petits-Champs. Legrain, premier barbier
de Monsieur, logeait au Palais-Royal.

[112] TRABOUILLET, _État de la France pour 1712_, t. Ier, p. 255, 258,
262 et 307.

[113] _Journal de la santé de Louis XIV_, p. 261, 304, 311, 331, 335
et 338.

[114] _Encyclopédie méthodique_, Arts et métiers, t. VI, p. 259.

[115] NICOLAS DE BLEGNY, _Le livre commode pour 1692_, t. II, p. 41.

[116] Voy. SAVARY, _Dictionnaire du commerce_, t. Ier, p. 746.

[117] _Lettre d'un Sicilien_, édit. V. Dufour, p. 42.

[118] Terminée par une longue boucle entre deux nœuds.

[119] Chiffres de renvois de la gravure ci-contre:

Fig. 1-2, intérieur et extérieur d'une perruque en bonnet.

— 3-4, intérieur et extérieur d'une perruque à bourse.—A, la bourse.
BB, les jarretières.

— 5-6, intérieur et extérieur d'une perruque à nœuds.—AA, les nœuds.
B, le boudin.

— 7, nœud de la même perruque.

— 8, boudin.

— 9, bourse à rosette.—BB, les cordons.

— 10-11, intérieur et extérieur d'une perruque naissante.

— 12-13, intérieur et extérieur d'une perruque d'abbé.—AA, la tonsure.

— 14-15, intérieur et extérieur d'une perruque à la brigadière.—AA,
les boudins. B, la rosette.

— 16, boudins de la même perruque.

— 17, rosette.—AA, les cordons.

[120] _Le mode françois_, p. 418.

[121] Voy. BONAV. D'ARGONNE, _Mélanges de littérature_, t. III, p.
443.—_Dictionnaire de Trévoux_, t. II, p. 444.

[122] _Chronique_, liv. I, année 1417; édit. Douët-d'Arcq, t. III, p.
228.

[123] Édit. de 1881, tome II, p. 275.

[124] Repoussait.

[125] _Journal sur l'enfance et la jeunesse de Louis XIII_, t. I, p.
181.

[126] _Journal sur l'enfance et la jeunesse de Louis XIII_, t. I, p.
221.

[127] Voy. TH. RAYNAUD, _De pileo_, dans Grævius, _Thesaurus
antiquitatum_, t. VI, p. 1230.

[128] Voy. _Extrait inédit des mémoires du baron de Breteuil_, dans
Éd. FOURNIER, _Variétés historiques_, t. X, p. 107.

[129] _Les bienséances de la conversation entre hommes_, p. 10.

[130] Antoine DE COURTIN, édition de 1695, p. 126.

[131] Abbé DE BELLEGARDE, _Modèles de conversations pour les personnes
polies_ (1723), p. 484.

[132] _Mémoires_, 28 août 1738; t. II, p. 201.

[133] J. B. DE LA SALLE, _Les règles de la bienséance et de la
civilité chrétienne_, p. 54.

[134] _Histoire amoureuse des Gaules_, édit. elzévir, t. Ier, p. 47.

[135] _Traité de la civilité_, p. 19 et 21.

[136] _La contre-mode_, p. 78 et suiv.

[137] _Traité de la civilité_, p. 104.

[138] Antoine DE COURTIN, p. 14 et 104.

[139] _Mémoires de Sully_, édit. de l'abbé de l'Écluse, t. II, p. 603.

[140] _Mémoires de Loménie de Brienne_, t. II, p. 168.

[141] Voy. le _Dictionnaire de Trévoux_, t. VII, p. 517.

[142] Duc DE LUYNES, _Mémoires_, 27 décembre 1735; t. I, p. 55.

[143] Duc DE LUYNES, _Mémoires_, 18 octobre 1736; t. I, p. 112.

[144] Voy. une lettre de mad. DE SÉVIGNÉ du 26 mai 1683, t. VII, p.
238.

[145] Mad. DE GENLIS, _Étiquette de la cour_, t. I, p. 187.

[146] Le placet était un large tabouret. J. Nicot le définit ainsi:
«Façon de petit siége sans dossier ni accoudoir.» (_Thrésor de la
langue françoise_, édition de 1621, p. 483.) On trouve un de ces
siéges représenté dans les _Blasons domestiques_ de Gilles CORROZET,
édit. de 1539. On enviait fort le droit au placet à l'époque où
l'étiquette de la cour tenait assises par terre les plus grandes
dames. Le placet est encore cité dans _le Lutrin_:

    En achevant ces mots, cette amante enflammée
    Sur un placet voisin tombe demi pâmée.

                                        (CHANT II.)

[147] _Nouvelles tragi-comiques_, édit. de 1727, t. II, p. 96.

[148] Acte II, sc. 1.

[149] MOLIÈRE, _l'Impromptu de Versailles_, remercîment au Roi.

[150] _Lettres_, t. III, p. 219.

[151] Paris, 1639, in-12. Réimprimé en 1681.

[152] Paris, 1675, in-12, p. 352.

[153] _Mémoires de Grammont_, chap. III.

[154] Louis GUYON, _Diverses leçons_ (1625), t. II, p. 138, liv. I,
ch. XX.

[155] Voir le _Journal d'Héroard_, t. I, p. 49 et 380.

[156] A la tempe.

[157] TALLEMANT DES RÉAUX, _Historiettes_, t. IV, p. 335.

[158] _La contre-mode_ (1642), p. 373.

[159] Page 27.

[160] _Suite des maximes morales et chrestiennes_, p. 22.

[161] _Recueil de pièces en prose les plus agréables de ce temps_, p.
16.

[162] _Mémoires de madame la duchesse de Mazarin_, dans les Œuvres de
Saint-Réal, t. III, p. 577.

[163] Voy. _La faiseuse de mouches_, dans le recueil cité ci-dessus.

[164] _La mouche et la fourmi_, liv. IV, fable 3.

[165] _Livre commode_, t. II, p. 76.

[166] Madame de GENLIS, _Mémoires_, t. IX, p. 222.

[167] Madame de GENLIS, _Dictionnaire des étiquettes_, t. I, p. 406.

[168] D'AUBIGNÉ, _Tragiques_, liv. II, édit. Réaume et de Caussade, t.
IV, p. 94.

[169] Poudre parfumée.

[170] _Description de l'isle des Hermaphrodites_, édit. de 1724, p. 10.

[171] _Journal du règne de Henri IV_, 8 décembre 1593.

[172] André Boullanger, religieux Augustin.

[173] TALLEMANT DES RÉAUX, t. IV, p. 333.

[174] _Le satyrique de la court_ (1624), dans Éd. FOURNIER, _Variétés
historiques_, t. III, p. 253.

[175] L. GUYON, _Diverses leçons_, t. II, p. 137.

[176] Madame DE GENLIS, _Dictionnaire des étiquettes_, t. II, p. 68.

[177] _Vers à la Fronde sur la mode des hommes._

[178] _Vengeance des femmes contre les hommes, satyre nouvelle contre
les petits-maîtres_, 1704, in-8º.

[179] Voir un arrêt du 4 juillet 1689, rendu contre Jean Fournereau
et Jean Furon, marchands merciers, chez qui on avait saisi «un grand
mortier et quatre tamis à battre et passer la poudre à poudrer les
cheveux».—Un autre arrêt, daté du 9 juillet 1715, est plus explicite
encore.

[180] Voir un arrêt du 18 mai 1726, qui confirme le droit accordé aux
barbiers par leurs statuts de «faire fabriquer chez eux des poudres,
savonnettes, opiats, essences, quintessences, pâtes, etc.», mais à la
condition que tous ces produits seront «pour leur usage particulier et
consommés dans leurs boutiques et maisons, sans qu'il leur soit permis
d'en pouvoir vendre et débiter, ni même d'en faire étalage à leur
boutique.»

[181] L'article 33 des statuts des amidonniers-cretonniers leur
interdit de vendre l'amidon en poudre, leur défend même d'«avoir aucun
outil ou ustensile propre à réduire l'amidon en poudre».

[182] MERCIER, _Tableau de Paris_, ch. CVII, t. V, p. 131.

[183] _Le mode françois_, p. 419.

[184] Voir MERCIER, _Tableau de Paris_, t. I, p. 100.—«Tel aristocrate
dépensait en farine autant pour ses cheveux que pour son estomac.»
_Nouveau Paris_, t. II, p. 156.

[185] _État de la France en 1789_, p. 510.

[186] _Histoire du costume en France_, p. 619.

[187] _Statuts et règlemens pour la communauté des
Barbiers-Perruquiers-Baigneurs-Étuvistes de la ville, fauxbourgs et
banlieuë de Paris._ In-4º. Souvent réimprimés.

[188] Article 1.

[189] Article 3.

[190] Article 9.

[191] Article 8.

[192] Voy. dans cette collection: _L'annonce et la réclame_.

[193] Bibliothèque nationale, manuscrits DELAMARRE, _Arts et métiers_,
t. IV, p. 59.

[194] Article 44.

[195] Article 46.

[196] Article 14.

[197] Elles étaient autorisées à continuer le commerce de leur mari.

[198] Article 17.

[199] Article 48.

[200] Arrêt du 29 novembre.

[201] Arrêt du 16 septembre.—C'est encore le chiffre que fournit
Savary en 1740. Voy. _Dictionnaire du commerce_, t. II, p. 424.

[202] Article 26.

[203] Article 28.

[204] Articles 29, 30, 39.

[205] Article 55.

[206] Article 47.

[207] Article 54.

[208] Article 42.

[209] Article 60.

[210] Article 58.

[211] Article 59.

[212] Voy. FORGEAIS, _Numismatique des corporations_, p. 93.

[213] Article 21.

[214] Aujourd'hui rue Nicolas-Flamel.

[215] Aujourd'hui rue Chapon.

[216] DE FRANQUEVILLE, _Le miroir de l'art et de la nature_, p. 197.

[217] Tome I, p. 183.

[218] SAUVAL, _Antiquitez de Paris_, t. II, p. 146 et 245.

[219] _Mémoires sur la vie de madame de Sévigné_, t. II, p. 39.

[220] «Je suis trop raisonnable pour trouver étrange que, la veille
d'un départ, on couche chez des baigneurs.» _Lettre de madame de
Sévigné à Bussy_, 26 juin 1655.

[221] Acte I, scène 5.

[222] _Mémoires_, édition de 1881, t. I, p. 499.

[223] La Vienne, devenu gentilhomme ordinaire de la maison du Roi,
mourut en 1710, à l'âge de quatre-vingts ans. Il fut remplacé par son
fils Champcenetz, qui avait depuis longtemps la survivance de cette
charge. Voy. le _Journal_ de Dangeau, 13 mars 1702, t. VIII, p. 351;
et 12 août 1710, t. XIII, p. 225.

[224] _État de la France pour 1672_, t. I, p. 92.

[225] _Le livre commode pour 1692_, t. I, p. 182.

[226] HURTAUT et MAGNY, _Dictionnaire historique de Paris_, t. I, p.
513 et 517.

[227] Madame de GENLIS, _Mémoires_, t. I, p. 256.

[228] MEURISSE, _L'art de saigner_, p. 382.

[229] Comte de REISET, _Livre-Journal de madame Éloffe_, t. I, p. 250.

[230] Madame CAMPAN, _Mémoires_; éclaircissements historiques, t. II,
p. 323.

[231] Madame CAMPAN, _Mémoires_, ch. IV, t. I, p. 104.

[232] Voir une curieuse anecdote racontée par LONGCHAMP et WAGNIÈRE,
_Mémoires sur Voltaire_, t. II, p. 119 et suiv.

[233] Tome I, p. 128.

[234] Édit. elzévirienne, p. 196.

[235] JÈZE, _État ou tableau de la ville de Paris_, p. 336.

[236] Paris, 1754, in-8º, p. 187.

[237] THIÉRY, _Guide des amateurs et des étrangers_, t. II, p. 136.

[238] Voy. les _Mémoires secrets_ dits de Bachaumont, 18 juin et 16
juillet 1785, et 10 septembre 1786; t. XXIX, p. 79 et 121; t. XXXIII,
p. 19.

[239] THIÉRY, _Guide des amateurs et des étrangers_, t. II, p. 133 et
suiv.

[240] Voy. _l'Encyclopédie méthodique_, arts et métiers, t. VI, p.
311.—Voici l'explication des lettres de renvoi qui figurent sur la
planche ci-contre:

  FF passages,
  GG escaliers pour monter au premier,
   H aisances,
   M chambres de bains,
   N chambres à lit,
   O chaudière,
   R fourneau,
   S dessous du fourneau,
   T baignoires,
   V lits,
  XX réservoirs,
   c logement du concierge,
  dd lingerie des hommes,
  gg lingerie des femmes,
  hh fond du bateau.

[241] THIÉRY, _Guide des amateurs_, etc., t. I, p. 286; t. II, p. 593
et 595.

[242] _Historiettes_, t. V, p. 412.

[243] _Muze historique_ du 12 novembre 1658.

[244] Après sa mort, une comédie, intitulée _Champagne le Coiffeur_,
fut représentée sur le théâtre du Marais. Elle a été publiée en 1663.

[245] Tome II, p. 117.

[246] _Lettre_ du 4 avril 1671; t. II, p. 143.

[247] Tome II, p. 41.

[248] Voy. madame de GENLIS, _Mémoires_, t. II, p. 224.

[249] Il finit aussi malheureusement que Champagne. Il mourut étouffé,
en 1770, aux fêtes données à l'occasion du mariage du Dauphin. Voir
les _Mémoires secrets_ dits de Bachaumont, 4 juin 1770, t. XIX, p. 187.

[250] Il avait été cuisinier chez le marquis de Bellemare; c'est
Legros lui-même qui nous l'apprend, et il ajoute: «J'ai fait un livre
de cuisine qui n'est point imprimé, parce que je n'ai point encore eu
le temps de le finir.»

[251] _Pour les Coëffeurs de dames de Paris contre la communauté des
maîtres Barbiers-Perruquiers-Baigneurs-Étuvistes._

[252] _Mémoires secrets_, t. IV, p. 184.

[253] _Mémoires secrets dits de Bachaumont_, 5 septembre 1777, t. X,
p. 213.—La somme de six cents livres fut réduite à trois cents par
arrêt du conseil du 9 avril 1778. Voy. _Recueil de règlemens pour les
corps et communautés d'arts et métiers_, 1779, in-4º, p. 193 et 248.

[254] Paris, 1777, Supplément, p. 15.

[255] Voy. les gravures de modes conservées à la Bibliothèque de la
Ville de Paris et à la Bibliothèque nationale; et, pour les années
1785 à 1788, le _Magasin des modes_.

[256] _Modèles de conversations pour les personnes polies_, p. 454.

[257] 26 avril 1774, t. VII, p. 165.

[258] _Quatrième mémoire à consulter_, p. 111.

[259] Voir la _Correspondance secrète_ de Métra, 9 janvier 1775, t. I,
p. 158.

[260] _Les panaches ou les coëffures à la mode_, comédie en un acte.
Paris, 1778, in-8º.

[261] _Mémoires_, ch. IV, t. I, p. 96.

[262] BACHAUMONT, 6 novembre 1778, t. XII, p. 154.

[263] «Il est de la modestie et de l'honnêteté de ne pas toucher ses
cheveux sans nécessité. C'est pourquoi il n'y faut mettre que très-peu
de poudre, parce que la trop grande quantité engendre de la vermine,
qui engage quelquefois les jeunes gens à imiter certaines dames qui
frappent la tête avec le doigt dans les endroits où cette vermine se
fait sentir.» J. B. DE LA SALLE, _Règles de la bienséance_, p. 8.

[264] MERCIER, _Tableau de Paris_, chap. CCCXXXIX, t. IV, p. 212.

[265] On appelait _marron_ une grosse boucle de cheveux ordinairement
nouée avec un cordon. _Marronner_, c'était friser à grosses boucles;
le mot est dans Littré.

[266] _Mémoires d'un voyageur qui se repose_, t. III, p. 42.

[267] MERCIER, _Tableau de Paris_, t. II, p. 192.

[268] _Tableau de Paris_, t. VI, p. 46.

La gravure de Cochin, que nous reproduisons ci-contre, prouve que
toutes les boutiques de barbiers ne ressemblaient pas à celle décrite
par Mercier. Voici l'explication des lettres de renvoi:

  _a_, garçon occupé à faire la barbe.
  _b_, garçon occupé à accommoder une perruque.
  _c_, une femme occupée à tresser.
  _d_, deux ouvriers occupés à monter des perruques.
  _e_, un ouvrier occupé à faire chauffer des fers à friser.
  _f_, particulier qui ôte la poudre de dessus son visage.

[269] 26 juin 1780, t. XV, p. 210.

[270] _Mémoires_, chap. IV, t. I, p. 100.

[271] Duc DE CHOISEUL, _Relation du départ de Louis XVI_, p. 69 et
suiv.

[272] _Libellus de moribus in mensa servandis, Joanne Sulpitio
Verulano authore. Cum familiarissima et rudi juventuti aptissima
elucidatione gallicolatina Gulielmi Durandi._ Comme tous les traités
de civilité, celui-ci est d'une extrême rareté. L'édition dont je me
suis servi est celle de 1577 (Paris, Buon, in-12).

[273] _Coma._

[274] _Scabies._

[275] La première édition de ce livre parut à Bâle en 1530, sous ce
titre: _De civilitate morum puerilium, per Des. Erasmum nunc primum et
conditus et æditus._

[276] _Declamation contenant la manière de bien instruire les enfans
dès leur commencement. Avec un petit traicté de la civilité puérile._
Le tout translaté nouvellement de latin en françois par Pierre SALIAT.
Paris, Simon de Colines, 1537, in-12.

[277] Le mot _aucunement_ signifiait alors un peu, en quelque façon,
etc. C'est la traduction littérale du latin _aliquatenus_.

[278] _Catoblepæ_, petits animaux originaires d'Éthiopie, et dont le
regard tue; aussi ont-ils soin de tenir toujours la tête baissée.
C'est Pline qui affirme tout cela (lib. VIII, cap. XXXII).

[279] Le derrière de la tête. Le texte porte _sufficare occipitium_.

[280] _Motacillarum_, des hochequeue.

[281] Lieux d'aisances.

[282] C'est la traduction brutale mais exacte du mot _oletum_.

[283] _La civile honesteté pour les enfans_, par C. CALVIAC. Paris,
1560, in-12.—Calviac ne cite pas le nom d'Érasme, et on l'a jusqu'ici
regardé comme l'auteur de cette plaquette très-rare, dont un
exemplaire a été vendu 505 francs à la vente Pichon. C'est la première
Civilité qui ait été imprimée avec les caractères dits _de civilité_.

[284] _La civilité morale des enfans, composée en latin par Érasme,
traduicte en françois par Claude Hardy, parisien, eagé de neuf ans._
Paris, Jean Sara, 1613, in-8º.—La dédicace au Roi se termine ainsi:
«Depuis que j'ay eu le bon-heur d'avoir, par un heureux rencontre,
parlé à vostre Majesté dedans vostre jardin des Thuilleries, par deux
diverses fois, et après avoir remarqué tant de rares perfections que
le ciel prodigue a thesaurisé en vostre personne, j'ay mille fois
pensé combien est heureuse la condition de ceux qui sont proches de
vous, et sont employez à vostre service, sans esperer jamais de ma
bonne fortune autre chose, sinon que d'avoir l'heur d'estre recongneu
de vous comme celuy qui desire estre toute sa vie, Sire, de vostre
royale Majesté, tres-humble serviteur et subjet, CLAUDE HARDY.»

[285] Voy. l'_Heautontimorumenos_.

[286] «Lotium remorari valetudini perniciosum, secreto reddere
verecundum. Sunt qui præcipiant ut puer, cumpressis natibus, ventris
flatum retineat. Atqui civile non est, dum urbanus videri studes,
morbum accersere. Si licet secedere, solus id faciat; sin minus,
juxta vetustissimum proverbium tussi crepitum dissimulet. Alioqui cur
non eadem opera præcipiunt ne alvum dejiciant, quum remorari flatum
periculosius sit quam alvum stringere?»

[287] Voy. l'_Eunuque_.

[288] Je ne donne aucun extrait de l'ouvrage suivant, qui n'est qu'une
mauvaise imitation d'Érasme: _La civilité honneste pour l'instruction
des enfans. En laquelle est mis au commencement la manière d'apprendre
à bien lire, prononcer et escrire. A Paris, par Pierre Ménier, portier
de la porte Sainct Victor._ 1625, in-12.

[289] Dès 1685, cet ouvrage avait eu huit éditions. Il n'en est pas
moins rare.

[290] Les sonnettes mises en mouvement par des fils de fer ne
remontent pas au delà du règne de Louis XV; mais on avait depuis
longtemps dans les appartements des timbres et des sonnettes posées
sur les tables.

[291] Le ruisseau étant au milieu de la rue, la politesse voulait que
l'on abandonnât la partie de la chaussée qui bordait les maisons.
C'est ce que l'on appelait _céder le haut du pavé_.

[292] Souvent réimprimée.

[293] Dépense en habits, penchant à se vêtir richement.

[294] Voy. ci-dessus, p. 190.

[295] Ouvrage qui a eu un nombre considérable d'éditions, et qui se
réimprime encore aujourd'hui.

[296] Il ne faut pas oublier que l'auteur était «prêtre, docteur en
théologie, et instituteur des Frères des écoles chrétiennes».

[297] _Pantagruel_, liv. II, chap. XVI.

[298] Ayant droit de s'asseoir.

[299] Il y a dans le texte: «Anzi porta una capigliata finta, per il
più tutta ricca e bella.»

[300] Voyez ci-dessus, p. 26 et suivantes.

[301] Il y a dans le texte: _Iveram redditum urinam_.

[302] _Non ausim dicere sine præfatione honoris._

[303] _Usui est ad tergendum nates in latrina._

[304] _Deinde egressus cubiculo, descendi infra, urinam in aera
reddidi ad parietem._

[305] Voyez ci-dessus, p. 163.

[306] Quoi qu'en disent les stoïciens.

[307] Pages 28 et 179.

[308] _Recueil de poësies de divers autheurs._ In-18. Deuxième partie,
p. 4.

[309] Édition de 1731, t. VI, p. 257.

[310] _Anciennes poésies françoises_ (bibliothèque elzévirienne), t.
I, p. 84.

[311] _Anciennes poésies françoises_, t. I, p. 103.

[312] _Ibid._, t. II, p. 284.

[313] _Antiquitez de Paris_, t. II, p. 465.

[314] Rouen, 1615, in-18, p. 24.

[315] Voy. A. D'EMBRY, _Description de l'isle des hermaphrodites_, p.
10, et GABRIEL DE MINUT, _De la beauté_, p. 145.

[316] _Mémoires du règne de Louis XVI_, t. II, p. 99.

[317] LONGCHAMP et WAGNIÈRE, _Mémoires sur Voltaire_, t. II, p. 119 et
suiv.

[318] _Mémoires du règne de Louis XVI_, t. VI, p. 9.

[319] _Les merveilles de l'autre monde_, 1665, in-18, p. 65.



TABLE DES MATIÈRES

                                                                Page

  I                                                                1

 II                                                               44

III                                                              105

ÉCLAIRCISSEMENTS                                                 163

    I EXTRAIT DE LA CIVILITÉ DE JEAN SULPICE                     163

   II EXTRAIT DE LA CIVILITÉ D'ÉRASME                            165

  III EXTRAIT DE LA CIVILITÉ D'ÉRASME                            169

   IV EXTRAIT DE LA CIVILITÉ D'ÉRASME                            173

    V EXTRAIT DU Nouveau Traité de la civilité qui se pratique
      en France parmi les honnestes gens                         182

   VI EXTRAIT DE La civilité puérile et honneste, dressée par
      un missionaire                                             193

   VII EXTRAIT DES Règles de la bienséance et de la civilité
       chrétienne                                                199

INDEX ALPHABÉTIQUE                                               209

ADDITIONS                                                        221

APPENDICE                                                          1

    I EXTRAIT DE LA Civilité DE JEAN SULPICE                       6

   II SUR L'ÉPILATION                                              9

  III                                                             12

   IV                                                             14





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