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Title: Railway Reform
Author: publics, Bureau du Journal des travaux
Language: French
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*** Start of this LibraryBlog Digital Book "Railway Reform" ***


Note sur la Transcription

Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées.
Une liste d'autres corrections faites se trouve à la fin du livre.
L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée.

  Marquage: _mots en italique_
            =mots en gras=



RAILWAY REFORM.



Imp. de Mme DE LACOMBE, rue d'Enghien, 12.



                            RAILWAY REFORM

                                  OU

                            CONSIDÉRATIONS

                     sur la nécessité de réformer

                    Les Bases du Système qui a créé

                             ET QUI DIRIGE

               LES CHEMINS DE FER DE LA GRANDE BRETAGNE,

                       ET DES MOYENS A EMPLOYER

                        POUR ATTEINDRE CE BUT.

              --=LONDRES=, 2me Edition.--Octobre 1843.--

        (Traduction extraite du _Journal des Travaux Publics_.)

  «Si nous vivons assez long-temps pour
  voir l'entier développement du système
  des chemins de fer, nous reconnaîtrons,
  sans aucun doute, que c'est un des plus
  grands bienfaits dont l'art ou la philosophie
  ait doté le genre humain.»

  (_Quarterly Review._)

                                PARIS.

               AU BUREAU DU JOURNAL DES TRAVAUX PUBLICS,

                     10, BOULEVART BONNE-NOUVELLE.

                                 1843.



RAILWAY REFORM.


Le tableau des revenus de l'année financière expirée le 5 avril 1843,
offre une triste preuve de la dépression qui existe dans le commerce et
l'industrie et de la misère qu'elle doit faire subir à la grande masse
du peuple anglais.

Les droits de douane et d'accise, qui sont le thermomètre des moyens
d'achat et de consommation du peuple, ont diminué respectivement d'un
million sterling; les droits de timbre, critérium certain de l'étendue
des transactions commerciales, ont présenté un déficit de 146,000
liv. sur les années précédentes. Les impôts directs dont la plus
grande partie est payée par la classe moyenne, et qui en quelque sorte
représentent sa condition, ont présenté un déficit égal à celui du
timbre. Ainsi donc, les quatre grandes sources du revenu public offrent
un déficit d'environ deux millions et demi de livres. N'est-ce pas là
une preuve convaincante des souffrances du peuple?

Il est juste cependant de dire qu'une partie considérable de ce déficit
est due aux réductions que l'on a faites à l'ancien tarif. Cependant,
quelque importance qu'on leur accorde, la différence est assez grande
pour convaincre les plus sceptiques qu'elle doit avoir été amenée
par des causes étrangères aux réductions fiscales. Il n'entre pas
dans mon plan d'indiquer les diverses mesures qui ont été proposées
pour remédier à cette détresse que personne n'ose nier. La valeur de
la question des céréales, de celle des monnaies, de la liberté du
commerce ou des droits protecteurs, a été suffisamment discutée, et si
l'on n'a pas adopté les mesures proposées par leurs avocats respectifs,
il ne faut pas l'attribuer à un manque de zèle de leur part pour la
défense de leurs doctrines.

Le 8 mai, le chancelier de l'Echiquier présenta son budget et fit
l'aveu de l'impossibilité où se trouvait le gouvernement de continuer
la mise en pratique des principes de réforme qui avaient été reconnus
et adoptés dans la session précédente.

La détresse de ce pays provient sans doute d'une multitude de causes
dont quelques-unes sont en dehors de tout contrôle législatif; d'autres
sont enracinées dans notre système commercial et protégées par tant
d'intérêts, qu'elles ne peuvent disparaître que graduellement.
Cependant, il y a des maux récemment introduits, qui n'ont pas encore
eu le temps de prendre racine, qui ne reposent qu'à la surface, et que
l'on peut extirper radicalement et avec promptitude. Je vais appeler
l'attention du lecteur sur l'un de ces maux.

Il y a peu de sujets qui soient d'une plus grande importance parmi
nous, que celui qui a rapport au transit, au transport des voyageurs
et des marchandises d'un point à l'autre du pays, transport établi en
vue d'obtenir un maximum de vitesse par un minimum de frais. Tandis
que nous donnons tous les jours une plus grande extension à ces deux
gigantesques instrumens de civilisation, le bateau à vapeur et le
chemin de fer, qui seuls peuvent amener le résultat ci-dessus indiqué,
nous nous inquiétons peu de voir si le bien qu'ils produisent a atteint
son entier développement.

L'application de la vapeur aux divers usages de la vie fut une grande
impulsion donnée aux arts et aux sciences; on peut dire avec raison
qu'elle a marqué une nouvelle ère dans l'histoire du monde. Il est
bien peu de découvertes en physique qui aient amené des résultats
plus importans, ou dont les futurs développemens promettent d'amener
d'aussi grandes révolutions sur toute la surface du monde civilisé. La
variété des objets auxquels la vapeur peut être appliquée n'est pas
moins extraordinaire que sa puissance. «L'application de la vapeur est
encore dans son enfance» est une remarque très commune, et la vérité
en est attestée par les améliorations continuelles que l'on fait à
la machine à vapeur, et par les divers usages auxquels on l'applique
journellement. Si l'application de la vapeur est encore dans son
enfance, que ne doit-on pas attendre d'elle, lorsqu'elle sera parvenue
à un âge plus avancé, lorsque le temps aura perfectionné sa puissance
si variée et développé ses immenses ressources.

Parmi les différens objets auxquels sa puissance a été appliquée, celui
qui a rapport aux chemins de fer est de beaucoup le plus important,
et c'est lui qui attirera toute notre attention. Il n'existe aucune
découverte dans les sciences, chez les anciens comme chez les modernes,
qui, dans une période aussi courte, ait produit des résultats aussi
étonnans que ceux qui frappent journellement nos yeux sur les chemins
de fer. Une enquête pour savoir si cette puissance est ou n'est pas
dans une bonne direction, ne doit pas être considérée comme inutile.
Les abus que l'exploitation des chemins de fer a amenés depuis
leur établissement jusqu'à ce jour, ont été une cause de plaintes
continuelles, et dans le travail auquel nous allons nous livrer nous
aurons constamment en vue deux objets:

1º Nous établirons une enquête sur le système adopté pour la création
des chemins de fer et pour leur exploitation.

2º Nous examinerons les modifications que l'on pourrait y introduire au
profit de tous, sans détriment pour personne.

Depuis environ dix ou douze ans, les capitaux et les talens se sont
appliqués avec une énergie remarquable à l'amélioration des moyens de
transport intérieur, et cet important medium de richesse nationale et
de civilisation en a reçu une impulsion proportionnée. Nous sommes
témoins de faits que nous eussions regardés comme des fictions, si
on nous les eût racontés il y a vingt ans. Qui aurait voulu croire
à la possibilité d'une pesante machine de fer, chargée de plusieurs
centaines de passagers, renfermés dans une longue suite de voitures,
et d'une grande quantité de coke et d'eau, partant de Manchester et
arrivant à Liverpool en moins d'une heure, bien que ces deux villes
soient distantes entre elles de plus de 30 milles? Aujourd'hui c'est un
fait qui se renouvelle à chaque heure.

La vitesse des transports n'est pas moins étonnante que le poids
transporté. La puissance de la machine à vapeur, sous ce rapport,
dépasse les besoins des deux plus grandes places commerciales de la
Grande-Bretagne. On transporte des charges de 50 à 100 tonneaux à une
vitesse de 25 milles par heure. Une fois nous avons vu une charge,
ou plutôt une cargaison de marchandises du poids de 200 tonnes,
transportée de Liverpool à Manchester à la vitesse moyenne de 12 milles
par heure. Les moyens que l'on emploie pour donner l'impulsion à la
machine à vapeur ne sont pas favorables à l'économie du combustible;
cependant une livre de coke dans une machine-locomotive suffit pour
évaporer cinq pintes d'eau. Cette évaporation crée une force suffisante
pour tirer un poids de deux tonneaux et lui faire parcourir un mille
en deux minutes. Quatre chevaux attelés à une voiture légère, sur un
chemin ordinaire, parcourraient la même distance avec le même poids en
six minutes.

Un convoi de voitures, pesant environ 80 tonneaux et transportant 240
voyageurs, a été de Liverpool à Birmingham et de Birmingham à Liverpool
en quatre heures et quart chaque fois, y compris les temps d'arrêt.
La distance entre ces deux villes est, par le chemin de fer, de 98
milles. Ce double voyage d'environ 200 milles, est effectué à l'aide
d'une force mécanique produite par la combustion de quatre tonneaux de
coke dont la valeur est d'environ 5 liv. Il faudrait 20 voitures et
380 chevaux pour transporter journellement le même nombre de voyageurs
entre ces deux villes, si l'on employait des voitures ordinaires
qui roulent sur les grandes routes; et ce voyage ne pourrait pas
s'accomplir en moins de douze heures, si l'on y comprend le temps de
relai.

Telle est la puissance et l'économie de la vapeur lorsqu'elle est bien
employée.

Les chemins de fer anglais ont été établis sur des principes
diamétralement opposés à ceux qui ont prévalu pour la création des
chemins de fer du continent. En comparant ces principes et les
résultats qu'ils ont produits; nous pourrons nous faire une idée juste
de leurs mérites respectifs.

L'établissement de nos chemins de fer est dû à l'industrie privée. Le
capitaliste est amené à placer son argent dans une entreprise qu'il
sait devoir faire déserter les voies ordinaires de communication
à l'intérieur du pays, et qu'il suppose, par ce moyen, devoir lui
procurer un haut intérêt. Il la considère comme une spéculation dont
il a le droit de tirer tout le profit possible. Ses intérêts sont
diamétralement opposés à ceux du public, parce que ses profits sont
d'autant plus grands qu'il fait payer un prix plus élevé. Il n'est
sujet qu'à une légère responsabilité envers le gouvernement. Il n'est
point obligé d'étudier le confort et la convenance du public; aussi ne
leur accorde-t-il que l'attention nécessaire à ses vues. Dans quelques
cas sa spéculation a réussi, et, il reçoit depuis 5 jusqu'à 15 p. cent
de son placement de fonds; dans d'autres cas, elle n'a pas réussi,
et il reçoit peu ou rien. Eh bien! quelle que soit sa position, le
capitaliste n'a qu'un seul objet en vue, gagner le plus qu'il peut, et
il élève le tarif du chemin de fer qui lui donne 15 p. cent d'intérêt,
avec aussi peu de scrupule qu'il élèverait le tarif de celui qui ne lui
rapporte même pas 5 p. cent.

Les anciennes voies de communication dans le royaume ont été
abandonnées, et l'on a accordé à des capitalistes le monopole des
nouvelles. Ce monopole est d'autant plus sûr que rien ne peut lui faire
concurrence; il est d'autant plus étendu qu'il couvre de son réseau
toute la surface de l'Angleterre; il est d'autant plus durable qu'il a
été concédé à perpétuité. C'est encore le monopole le plus pernicieux
au bien général, parce qu'il met la société sous la dépendance du
capitaliste particulier pour un de ses besoins les plus importans.

Le système établi en Belgique, et adopté par les autres puissances du
continent, présente un contraste frappant avec celui que nous venons
de décrire. Chez elles les chemins de fer ont été construits par les
gouvernemens; le but qu'elles se sont proposé n'a pas été de favoriser
des profits particuliers, «mais d'étendre le commerce et les moyens
de communication du pays jusqu'à leurs dernières limites, et de ne
retirer de l'exploitation que ce qui est strictement nécessaire pour
rembourser le capital engagé. Le projet que le gouvernement a entrepris
ne doit être ni un fardeau, ni une source de profits. Il devra
seulement couvrir ses dépenses, qui consistent dans l'entretien et les
réparations des chemins et du matériel, dans le paiement des intérêts
et l'amortissement graduel du capital engagé.»

Tels sont les systèmes établis en Angleterre et en Belgique. Les
résultats qui en découlent sont la conséquence exacte des principes
opposés sur lesquels ils sont basés. Le but avoué de l'un est d'imposer
au public le maximum du tarif le plus profitable; le but de l'autre est
de n'exiger de lui que le minimum de la dépense la plus économique. Le
premier doit faire la fortune de quelques particuliers. Le second doit
étendre ses bienfaits sur la société tout entière. Examinons les tarifs
de chacun:

Sur le chemin de fer de Londres à Birmingham, par exemple, la distance
est de 112 milles, et le prix du transport dans la 1re classe est de 1
liv. 12 sh. 6d.

En Belgique, pour la même distance, et dans une voiture de pareille
classe, on paie 14 fr. C'est le tiers de ce qui est exigé en Angleterre.

Ce simple fait ne devrait-il pas suggérer à chacun l'idée qu'il doit
y avoir quelque chose de radicalement faux dans notre système; que
le pouvoir de taxer le public _ad libitum_, placé entre les mains
d'individus sans responsabilité et qui ne le font servir qu'à leur
intérêt particulier, est un fléau! Un monopole de cette importance ne
doit appartenir qu'au gouvernement; ou bien, si on l'accorde à des
particuliers, on ne devrait le faire qu'avec des restrictions qui
protégeraient les intérêts du public.

Le principe généralement adopté dans ce pays d'abandonner toutes les
entreprises à l'industrie privée, est, sans aucun doute, bon; mais,
comme tous les bons principes, on peut l'exagérer et même lui faire
produire des résultats pernicieux. Ce n'est qu'alors que le bien public
l'exige que l'Etat est justifié de se faire lui-même entrepreneur,
ou bien d'intervenir entre les capitaux et le travail dans leurs
développemens. Chez nous, ce n'est que dans des circonstances
semblables que l'intervention du gouvernement se fait sentir. Ainsi,
il construit des phares, des tours de signaux, des ports, quelquefois
des chemins et autres ouvrages qu'aucun capitaliste ne voudrait
entreprendre, parce que les profits ne seraient pas en rapport avec
sa mise de fonds. L'Etat fait naviguer ses vaisseaux entre différens
ports; ces vaisseaux transportent des voyageurs et de l'argent; mais la
principale branche de commerce qu'il exploite, c'est le transport des
lettres, dont il a le monopole pour le bien général. Nous verrons par
la comparaison des tarifs anglais et belges combien le public aurait
gagné à ce que le gouvernement s'adjugeât le monopole du transport des
voyageurs.

En 1839, une commission prise dans le sein de la Chambre des communes
fut instituée pour une enquête sur l'état des communications par
chemins de fer. Elle était composée de plusieurs membres influens de
la chambre, sir Robert Peel, lord Stanley, sir James Graham, M. Poulet
Thomson, M. Shaw Lefêvre, etc., et leur attention fut principalement
dirigée vers ces deux points:

1º La situation financière des chemins de fer.

2º Le pouvoir que leur avait accordé l'Etat, et l'usage qu'ils en
faisaient pour le bien public et pour faciliter les communications
intérieures.

«Il ne paraît pas, dit la commission dans son rapport à la Chambre des
communes, que l'intention du parlement ait été de donner à un chemin
de fer un monopole complet des moyens de communication sur la ligne
qu'il parcourt; au contraire, le parlement a eu soin de faire une
réserve dans tous ou presque tous les actes constitutifs, en faveur des
personnes qui voudraient faire circuler des voitures ou des machines
sur le chemin, en payant un certain droit à la compagnie. L'intention
du parlement est nulle quant aux effets qu'elle se proposait, car il
est évident que le paiement de droit n'est qu'une bien minime part
des arrangemens qu'il faudrait faire pour ouvrir un chemin de fer à
la concurrence. Un individu qui n'aurait que le pouvoir de placer
une machine et une voiture sur le chemin de fer, n'aurait aucun
moyen d'entretenir d'eau sa machine, ou de prendre et de déposer ses
voyageurs à une station convenable; enfin, il serait placé vis-à-vis
de la compagnie dans une telle infériorité que la concurrence serait
impossible.»

La réserve législative, signalée par la commission, a si bien été une
lettre morte, que fort peu de personnes, probablement, savent qu'elle
existe, et qu'il est permis à d'autres qu'aux compagnies de transporter
des voyageurs sur les différens chemins de fer.

Pour les marchandises, le même principe de propriété exclusive
prévaut, et les essais que l'on a tentés pour entraver le monopole des
compagnies n'ont pas eu meilleur résultat; c'est-à-dire chaque fois
que les compagnies ont trouvé leur intérêt à transporter elles-mêmes
les marchandises ou d'en accorder le privilége à une ou plusieurs
personnes, elles l'ont fait. Quelques-unes font exclusivement leurs
transports, comme le Grande-Junction; d'autres les font partiellement,
et d'autres ne s'en mêlent pas. Quand une compagnie veut se charger
des transports de marchandises exclusivement, ou bien repousser de sa
ligne les étrangers, on perd son temps à vouloir lutter, à moins d'être
doué d'une grande détermination et d'avoir de l'argent à perdre en
procès. Même avec ces avantages, on n'a que peu de chances de succès.
En voici un exemple tout récent: MM. Pickford et Cie, commissionnaires
de roulage bien connus, ont eu un long procès sur le point en question,
contre une des grandes compagnies de chemins de fer, et ils obtinrent
jugement en leur faveur, du lord chef, baron de la cour de l'Echiquier.
La compagnie n'a pas eu plus d'égard pour ce jugement que s'il eût été
prononcé par un juge-de-paix. Les directeurs n'ont même pas cru devoir
en faire mention dans leur rapport semestriel à leurs actionnaires, et
aucun de ces derniers ne leur a adressé de question à ce sujet.

Les délais de la loi et les fonds que l'on met sans réserve à la
disposition des directeurs, pour le contentieux, leur permettent de
rendre nuls tous les efforts de ceux qui voudraient profiter du petit
nombre de priviléges que la loi a accordés au public.

Quelques compagnies ne s'arrêtent pas là, et violent ouvertement la
loi en exigeant des prix plus élevés que ceux que leurs actes de
constitution leur donnent le droit de demander. Cet abus n'a lieu,
bien entendu, que sur les lignes dont les prix ont été limités. Deux
des plus grandes lignes du royaume ont eu leurs tarifs fixés par acte
du parlementas à 3½d. par mille, mais, si nous consultons les tarifs
en vigueur, nous trouvons que l'une et l'autre, sur quelques parties
intermédiaires, demandent 20 et 25 p. cent de plus qu'elles n'y sont
autorisées.

Pourquoi le public s'y soumet-il? Le pauvre public est forcé de se
soumettre à bien d'autres impositions, et à celle-ci en particulier.
Ce qui est l'affaire de tout le monde n'est l'affaire de personne.
Le rôle d'accusateur n'est pas très populaire dans ce pays. Il n'est
pas ensuite fort agréable pour un particulier d'entamer un procès
avec une riche et puissante compagnie, afin de savoir deux ou trois
ans après (s'il est assez heureux pour que sa cause soit promptement
jugée), combien d'interprétations un avocat peut trouver dans un acte
du parlement. Le simple citoyen trouve donc préférable de se soumettre
patiemment ou impatiemment s'il l'aime mieux, à l'abus dont il est
victime et de passer son chemin.

Un trait caractéristique distingue les assemblées semestrielles des
actionnaires de chemins de fer. C'est leur soin d'éviter toute allusion
aux pratiques de leurs directeurs, quelque illégales qu'elles soient,
quand elles ont pour but un accroissement de leur revenu. Nous en
avons un exemple dans l'affaire de MM. Pickfort dont nous venons de
parler. Chaque actionnaire savait très bien que la cour de l'Echiquier
avait condamné la compagnie, et qu'en conséquence la compagnie avait
été obligée de payer 700 livr. pour les frais de la partie adverse et
une somme double pour les leurs, et que, malgré cet échec, elle ne
persévérerait pas moins dans sa même ligne de conduite qu'auparavant;
néanmoins, aucun d'entre eux ne crut devoir se permettre la plus légère
allusion à ce sujet.

A la vérité, les compagnies sont rarement forcées de violer la lettre
de la loi, bien qu'elles s'embarrassent peu de son esprit; car si elles
élevaient leurs tarifs autant que la loi leur permet, leurs chemins
deviendraient déserts et ne serviraient qu'aux classes opulentes. Sur
le Great-Western, la compagnie a le droit d'exiger de chaque voyageur,
pour le transit de Londres à Bristol, 35 sh., mais elle a reconnu qu'il
était dans son intérêt de n'exiger, pour les voitures de 1re classe,
que 30 sh. et 20 sh. pour celles de 2e classe.

Cependant, ce tarif, bien qu'inférieur au tarif légal, ne put pas
assurer à la compagnie un monopole complet, parce que les voitures
publiques, n'exigeant que 12 et 14 sh., continuèrent leurs voyages.
Pour les faire disparaître, la compagnie créa une 3e classe de voitures
à 12 sh. 6 dr., et elle réussit à les faire tomber.

La compagnie de Londres à Birmingham, ainsi que d'autres, se
trouvèrent dans la même position, parce que, dès leur ouverture, elles
n'établirent que des wagons de 1re et 2e classe. Elles n'eurent des
wagons de 3e classe que lorsqu'elles furent assurées que leur monopole
serait incomplet sans cette mesure. Il existe même encore une voiture
publique en concurrence avec la ligne de Birmingham. Elle prend 12 sh.
pour une place de banquette, tandis que la compagnie demande 14 sh.
pour la 3e classe.

On peut conclure de ce qui précède, que l'intervention de la
législature dans l'établissement des tarifs des chemins de fer a été
sans aucun résultat pour le bien public. Si les compagnies eussent
voulu suivre les règlemens, neuf fois sur dix elles se seraient
suicidées.

Des tarifs élevés sont donc la conséquence du système actuel, nous
voulons dire élevés par rapport aux frais de traction; car, quelque
minimes que soient ceux-ci, le public n'en retire aucun avantage. La
seule considération qui fasse agir les directeurs est de fixer le tarif
au point où il pourra rapporter le plus de profit aux actionnaires.
Ils adoptent, en conséquence, une échelle proportionnelle entre
différentes stations et ils l'élèvent ou l'abaissent jusqu'à ce qu'ils
croient avoir atteint le point qui doit leur rapporter davantage,
sans avoir aucunement égard aux besoins ou à la convenance du public.
Le Grand-Junction, bien que payant à ses actionnaires 10 p. cent
d'intérêt, a élevé dernièrement son tarif de 27 p. cent, et cela
dans un moment où il existait une stagnation sans exemple dans les
affaires. Peut-être la compagnie retirera-t-elle 1 p. cent. de cette
augmentation, c'est douteux; mais supposons-le, ce résultat peut-il
balancer la perte et les inconvéniens que cette mesure cause au public!

La compagnie ne gagnera que la 27e partie de ce qu'elle prélève sur
lui, et elle force une classe de voyageurs à manquer leurs voyages ou à
les faire d'une manière désagréable, et elle impose à l'autre une taxe
supplémentaire de 27 p. cent.

Les compagnies ont trouvé très difficilement la moyenne entre un tarif
élevé et un tarif bas, qui leur donnât le plus grand bénéfice possible.
Celles de Greenwich et de Blackwall, et, en général, toutes les
compagnies qui n'ont pas réussi, modifient constamment leurs tarifs.
Afin de bien faire connaître les vexations qui résultent pour le public
d'un pareil état de choses, nous allons entrer dans quelques détails à
ce sujet.

La compagnie de Blackwall peut fort bien nous servir d'exemple: le prix
de ce chemin de fer, lors de son ouverture entre Blackwall et Londres,
était, pour la 1re classe, de 4 d.; pour la 2e, de 3. Quelque temps
après, la 2e classe fut élevée à 4 d., et la 1re à 6 d. Une nouvelle
augmentation eut lieu en septembre 1841: la 1re classe paya 8 d.; la
2e, 6. On exigea le même prix pour toutes les stations intermédiaires.

Ceci dura deux mois, au bout desquels on réduisit le prix, pour les
stations intermédiaires, à 6 d. et à 4 d. Le dernier changement a eu
lieu en mars dernier. Alors les prix, entre Blackwall et Londres,
furent réduits à 6 d. et à 4 d., et, pour les stations intermédiaires,
à 4 d. et à 3 d.

Le rapport du directeur va nous faire connaître quel fut le résultat de
l'augmentation des tarifs en 1842:

«Le tarif a été élevé le 13 septembre dernier, et nous avons été
surpris de voir qu'il en était résulté une diminution considérable,
non-seulement dans le nombre des voyageurs, mais encore dans les
recettes.»

L'augmentation n'avait pas été considérable l'été précédent. Dans les
huit semaines avant le 13 septembre (elles présentent le plus sûr
moyen de comparaison avec l'année écoulée, puisqu'elles datent de
l'ouverture de la station de Fenchurch-Street, le 2 août 1841), les
recettes offrent une augmentation de 16 p. cent sur l'année écoulée,
tandis que pour les huit semaines qui suivirent le 12 septembre il y a
une diminution de 41 p. cent sur le nombre des voyageurs, et de 17 p.
cent sur les recettes, si on les compare à celles des mêmes semaines
en 1841. Les directeurs ne crurent pas devoir mentionner la perte
bien plus grande qu'ils avaient fait subir au public. Le nombre des
voyageurs transportés par le chemin de fer lors de l'abaissement du
tarif en 1841, pendant les huit semaines, s'éleva à 200,000 environ;
dans les huit semaines correspondantes de l'année suivante, pendant
l'élévation du tarif, il ne fut que de 118,000; c'est donc 82,000
personnes qui, pendant deux mois, furent entièrement privées des
avantages du chemin de fer, et qui furent forcées de rester chez elles
ou de faire le trajet à pied, ou bien de chercher un autre moyen de
transport. Les 118,000 individus qui se servirent du chemin payèrent
30 p. cent de plus, et la compagnie perdit 17 p. cent. L'exemple que
nous venons de citer se renouvelle journellement sur tous les chemins
de fer, jusqu'à ce que les directeurs soient bien convaincus qu'ils ont
enfin trouvé le tarif qui leur est le plus favorable.

La puissance d'un chemin de fer pour transporter des voyageurs et
des marchandises est, pour ainsi dire, sans limites. Il serait bien
difficile de fixer le nombre que le chemin de Blackwall pourrait
transporter pendant huit semaines; mais, cependant, nous croyons que,
sans changer en rien les moyens de transport dont la compagnie dispose,
elle pourrait transporter plus d'un million d'individus avec le même
nombre de convois, de voitures et de locomotives. Les convois qui,
chaque quart d'heure, parcourent la ligne entre Londres et Blackwall et
les stations intermédiaires, transportent, chaque voyage, terme moyen,
50 voyageurs, et il y a place pour plus de dix fois ce nombre.

Voilà une énorme perte de puissance qui devrait être employée utilement
pour le bien public. 250 individus, qui sont aujourd'hui obligés de
faire route à pied, pourraient être ajoutés sans aucune dépense aux 50
qui la font en chemin de fer, si le tarif était mis à leur portée.

C'est là le grand inconvénient du système actuel. Les intérêts du
public sont sans aucune valeur aux yeux des propriétaires de chemins
de fer. Ils l'imposeraient sans scrupule de 30 p. cent, dussent-ils
n'avoir, eux, que 1 p. cent de bénéfice, et ils ne reviennent en
arrière que lorsqu'ils s'aperçoivent qu'ils ont été trop loin.

On aurait tort cependant de soutenir qu'un tarif très bas donne le plus
de profit; c'est, au contraire, l'opposé. Sur le chemin de Blackwall,
et sur d'autres encore, il existe des concurrences, et c'est ce qui
fait des exceptions à la règle générale.

La commission de la Chambre des communes, dont le rapport a été cité,
rapporte plusieurs exemples qui établissent que les compagnies ont
plus de bénéfice à transporter un petit nombre de voyageurs payant
un prix élevé, qu'un grand nombre payant un prix minime. Répondant à
l'observation d'un des témoins entendus, qui disait, «que l'intérêt
du public et des compagnies était le même,» la commission fait
observer, «que cette assertion ne peut être admise qu'avec de grandes
restrictions et pour les chemins de fer seulement à côté desquels il
existe d'autres moyens de communication qui maintiennent une espèce
de concurrence, toute faible qu'elle soit.» La commission prouve la
vérité de son assertion par l'exemple de Leeds à Selby, Manchester à
Bolton, London à Birmingham et Dundée à Newtyle, chemins de fer qui
ont tous essayé des tarifs bas et élevés, et qui se sont arrêtés à ces
derniers comme plus profitables. Le rapport continue en ces termes:
«La commission signale ce fait à l'attention du parlement et du
public. C'est un devoir des directeurs de veiller sur les intérêts des
actionnaires et de maintenir le tarif au taux où il rapporte davantage;
cette obligation que leur position leur impose, réagit d'une manière
fâcheuse sur le public, et particulièrement sur cette partie du public
qui a le moins le pouvoir de payer.

Toutes les compagnies, comme nous l'avons déjà dit, peuvent empêcher
d'autres compagnies de passer sur leurs lignes, non seulement en
exigeant le maximum du tarif, mais encore en leur refusant toutes les
facilités dont elles auraient besoin pour leur service.»

Il est inutile d'observer qu'en effet les compagnies ont complètement
réussi à empêcher la concurrence de convois étrangers sur leurs lignes.

Il existe encore un abus insupportable dans le système des chemins de
fer anglais: c'est lorsque deux chemins s'embranchent à de certains
endroits l'un sur l'autre, ou bien lorsque l'un est la continuation de
l'autre, et que tous deux appartiennent à des compagnies différentes et
rivales. Cette rivalité apparaît sous mille formes selon les intérêts
ou la jalousie des parties respectives.

En voici un exemple: il est de l'intérêt du chemin de fer
Grand-Junction d'empêcher les voyageurs qui se dirigent vers le Nord de
passer sur le chemin de fer de Chester à Birkenhead, bien qu'en suivant
cette direction par le chemin de fer de Chester à Crewe, qui se réunit
à Grand-Junction, les voyageurs évitent une distance de douze milles
pour aller de Londres à Liverpool et en Irlande.

La compagnie du Grand-Junction, pour empêcher le public de se servir de
ce chemin, a acheté le Chester à Crewe qui communique avec le sien, et
elle en a élevé le tarif au plus haut point. La distance n'est que de
dix-huit milles. Le prix du transport est de 6 d. par la diligence, et
de 4 d. par la dernière classe. Les directeurs changent continuellement
le moment des départs et les fixent aux heures les plus incommodes; de
sorte que ce chemin de fer, qui serait très utile au public, ne lui
rend aucun service. Nous avons été témoins, à Londres, d'une discussion
entre deux compagnies dans la même position. Après avoir harassé le
public pendant un certain temps, l'une d'elles prit la résolution de
cesser à une époque de transporter des voyageurs. Elle s'était aperçue
que la compagnie adverse avait le pouvoir, dont elle abusait, de lui
faire éprouver des pertes en exigeant le maximum du tarif, et elle fut
forcée, pour échapper à cette cruelle position, de prendre le moyen que
nous venons d'indiquer. Une personne, présente à l'assemblée lorsque
cette proposition passa, fit observer combien il en résulterait de
pertes et d'inconvéniens pour le public: «Les personnes qui voyagent
sur cette ligne seront forcées, dorénavant, de faire le trajet, soit
en voiture particulière, soit à pied; et ce n'était pas encore le
plus grand mal qui résultait de leur décision: des constructions
considérables avaient été élevées aux différentes stations, était-il
juste d'agir ainsi envers ceux qui en étaient propriétaires? Beaucoup
de gens perdraient moitié sur la valeur de leurs propriétés si
l'exploitation du chemin de fer cessait. Une nécessité impérieuse
pouvait seule motiver une semblable détermination.»

Ces sentimens furent approuvés de tout le monde, mais l'on démontra
l'existence de cette nécessité impérieuse, puisqu'une autre compagnie
abusait du pouvoir qu'elle avait d'élever son tarif au point où
l'exploitation du chemin mettait sa rivale en perte. On approuva donc
la résolution d'abandonner l'exploitation du chemin, et on laissa les
directeurs maîtres de la mettre à exécution à l'instant où ils le
jugeraient convenable.

Nous avons déjà vu, qu'en thèse générale, ce n'est point l'intérêt des
compagnies de chemins de fer d'abaisser beaucoup le tarif des places,
c'est-à-dire de le réduire au-dessous de celui des voitures ordinaires.
Car si de telles réductions augmentent de beaucoup le nombre des
voyageurs, l'augmentation n'est pas suffisante pour combler le déficit
des recettes. La vérité de ce principe a été démontrée.

Ainsi, dans certains cas, des tarifs de places, très bas dans
l'origine, ont été de beaucoup augmentés et même doublés; bien que
le nombre des voyageurs ait sensiblement diminué, les recettes se
sont néanmoins maintenues, grâce à l'augmentation des prix. Dans
l'origine, le prix des places sur le railway de Londres à Birmingham,
entre Londres et Harrow (distance de onze milles et demi) n'était
que de 1 sh.; on le mit à 2 sh., et quoique le nombre des voyageurs
diminuât de moitié, cependant, d'après le témoignage de M. Boothby,
l'un des directeurs, les recettes s'accrurent: ce dernier prix fut
en conséquence maintenu. Le prix des places sur les chemins de fer
de cette contrée est, terme moyen, aussi élevé, et, dans beaucoup de
cas, plus élevé que n'était auparavant celui demandé par les voitures
roulant sur les routes de terre.

Pour aller de Londres à Birmingham ou de Londres à Bristol, le prix
ordinaire des voitures était de 25 sh. au-dedans et 15 sh. au-dehors.
Il existait une voiture faisant régulièrement, chaque jour, le voyage
de Bristol, qui avait des places à 20 sh. dans l'intérieur et 12 sh.
au-dehors. Maintenant, pour se rendre dans cette ville, il faut payer
30 sh. dans les voitures de 1re classe, et 20 sh. dans celles de 2e
classe. Pour se rendre à Birmingham, par le départ de nuit, le prix des
voitures de 1re classe est de 32 sh. et de 25 sh. pour les secondes.
Dans le jour, on paie 5 sh. de moins.

Il faut faire observer en outre qu'un voyageur pressé et qui est obligé
de passer sur plusieurs chemins de fer, est généralement obligé de se
servir d'une voiture de 1re classe, par suite des arrangemens que les
diverses compagnies ont pris entre elles dans leur intérêt commun. Le
Grand-Junction va nous servir d'exemple. C'est une section de la grande
ligne de communication entre la métropole, l'intérieur et le nord de
l'Angleterre et de l'Ecosse. Ce chemin de fer expédie journellement six
convois. Sur ces six, deux seulement ont des voitures de 2e classe.
L'un part à l'heure un peu incommode de six heures du matin; l'autre,
à quatre et demie de l'après-midi. Les quatre autres convois sont
exclusivement destinés aux voyageurs de 1re classe, qui paient 1 liv.
6 sh. et 1 liv. 7 sh. 6 d.; de sorte que des voyageurs, arrivant à
Birmingham de bon matin, doivent attendre jusqu'à quatre heures et
demie pour continuer leur voyage, ou bien, s'ils arrivent passé cette
heure, ils attendent jusqu'au lendemain matin. Lorsqu'il n'y avait
que les voitures publiques sur les routes de terre, c'était bien
différent. Les malles contenaient autant de voyageurs à l'extérieur
qu'à l'intérieur, et les voitures ordinaires deux et trois fois
autant. Il y avait à toutes les heures des départs de Birmingham pour
Liverpool et _vice-versâ_; on ne payait pas plus de 12 à 14 sh.; tandis
qu'aujourd'hui, si l'on veut éviter d'être attardé, il faut payer
le double de cette somme. Autrement on subit le désagrément de voir
son voyage interrompu pendant six, huit et douze heures. Le prix des
places de 2e classe est de 50 p. cent plus élevé que celui des places à
l'extérieur des anciennes diligences.

C'est un plan très ingénieux que celui de faire coïncider l'arrivée
d'un convoi de 1re classe d'un chemin de fer, avec le départ d'un
train aussi de 1re classe d'un autre chemin de fer, et lorsqu'il est
bien mis en oeuvre, il réussit parfaitement. Le voyageur se soumet à
la nécessité, paie le haut prix et continue son chemin. De tous les
chemins de fer, c'est celui de Grand-Junction qui a tiré le plus de
profits de ce système, et, par conséquent, c'est lui qui a payé les
plus forts dividendes. Depuis quelques années il a augmenté son tarif
de 20 à 30 p. cent, et comme il le tient toujours à ce taux, c'est la
meilleure preuve que nous ayons, qu'en thèse générale, des prix très
minimes ne donneraient pas autant de profit que des prix élevés.

La commission dont nous avons déjà eu occasion de citer le rapport à la
Chambre des communes, après avoir constaté l'obligation des directeurs
envers leurs mandans, de maintenir le tarif au point qui donne le plus
de bénéfices, et les inconvéniens qui en résultent pour le public,
continue en ces termes: «Les maux que souffre la classe des pauvres
voyageurs par suite du système de nos chemins de fer, se feront sentir
d'autant plus, que tous les autres moyens de transport à bas prix
disparaîtront.» M. Ritson, trésorier du chemin de fer de Bolton à Bury
explique parfaitement les moyens dont se servent les compagnies pour
écarter toutes ces voitures de transport à bas prix. Voici un extrait
de son interrogatoire.

«--L'ouverture de votre chemin de fer a eu lieu en 1833?--Oui!

--Quel prix avez-vous établi?--2 sh. 6 d. pour les places de 1re
classe et 2 sh. pour la seconde. Nous n'avions pas encore de wagons
découverts; ce n'est qu'au commencement de juin que nous en avons
établi.

--Cette mesure a-t-elle fait augmenter le nombre des voyageurs?

--Elle l'a fait augmenter de beaucoup.

--Vos bénéfices ont-ils augmenté dans une proportion équivalente?

--Nous avons eu un grand nombre de voyageurs de la dernière classe, ce
qui a causé une diminution de ceux des premières.

--Dans le courant de l'été, le 12 juillet, vous avez réduit vos prix?

--Nous réduisîmes la 1re classe à 1 sh. 6 d. Les wagons ne furent pas
modifiés.

--Dites-nous quel motif vous fit réduire le prix des places de 1re et
de 2e classe?

--C'était afin de faire concurrence aux voitures (c'est-à-dire les
faire tomber), qui roulaient encore sur la route de terre. Notre
comité jugea que le prix de la 1re classe était trop élevé à 2 sh. 6
d., prix que demandaient les diligences. Nous obtînmes pour résultat
une augmentation de voyageurs, mais nos recettes furent à peu près les
mêmes qu'auparavant.

--Votre but était de vous emparer du service que faisaient encore les
voitures?

--Nous voulions transporter à notre chemin de fer le mouvement qu'elles
opéraient encore.

--Réussîtes-vous?--Oui!

--Je m'aperçois que le 1er décembre vous avez augmenté le prix des
places de 1re classe de 6 d. (2 sh. 6 d.) et que vous avez supprimé les
wagons découverts entièrement?--Oui.

--Ce fut après que vous eûtes fait tomber les diligences?--Oui.

--Les diligences ont-elles repris leur service?--Non.

--Ainsi donc, vous avez privé le public de l'avantage que lui offraient
les voitures en diminuant vos prix; vous les avez ensuite élevés, et
vous avez supprimé les wagons de 3e classe. Avez-vous augmenté vos
recettes en transportant un plus grand nombre de voyageurs?

--Je ne le crois pas.

--D'après l'état que vous nous avez remis, il paraîtrait qu'en
élevant vos prix le 1er décembre, vous avez augmenté vos recettes en
transportant un nombre moins grand de voyageurs?

--Oui: nous avons eu en moins 7,484 voyageurs et la recette a été de 46
liv. de plus.

--N'est-il pas plus avantageux pour vous, bien qu'il n'y ait qu'une
différence de 46 liv. entre ces deux situations, de transporter 23,951
voyageurs, plutôt que 31,968?

--Le poids transporté par la locomotive est moindre; les droits ne
sont pas aussi élevés, mais nous faisons marcher autant de wagons.»

Ce témoignage démontre suffisamment la puissance irrésistible d'une
compagnie de chemin de fer, et l'inutilité de vouloir lui résister, que
l'on soit riche ou pauvre. Les directeurs ont deux tâches à remplir
envers cette dernière classe. Ils commencent d'abord par établir des
places de 3e classe, afin de faire tomber toute concurrence, et quand
ce but est accompli, ils en ont un second à atteindre qui n'est pas
moins important; c'est d'empêcher les voyageurs de se servir de ces
voitures de 3e classe et de les forcer de prendre celles de 2e classe.
On se rappellera, sans doute, qu'il y a quelques années, les accidens
arrivés sur les chemins de fer furent si nombreux, que le parlement
fut forcé d'intervenir et de limiter le pouvoir jusque-là sans limite
des compagnies; on n'a pas oublié non plus la résistance que les
compagnies, soit individuellement, soit collectivement, opposèrent
à cette intervention. Néanmoins, leur opposition fut inutile et on
confia au bureau du commerce (_Board of trade_) le soin de veiller
sur la vie et les membres des sujets de Sa Majesté. Les compagnies
furent obligées de se conformer à la loi, et la conséquence fut que
dès ce moment les accidens devinrent fort rares. On doit se rappeler
aussi que les victimes de ces accidens étaient presque toutes sans
exception des voyageurs de 3e classe, qui étaient placés tout près de
la locomotive, sans aucune voiture entre elle et eux. Les conséquences
de ce système ne sont que trop connues. _Le Times_ prit l'affaire en
main et il fit cesser l'abus en dépit de l'opposition des compagnies,
en attirant l'attention de l'opinion publique sur un plan aussi
monstrueux que celui d'effrayer la classe pauvre des voyageurs. Il
reste encore assez de moyens aux compagnies pour forcer tous les
voyageurs, à l'exception de ceux qui sont dans l'impossibilité de
payer, à abandonner les places de 3e classe pour prendre celles de
2e; en n'ayant qu'un seul convoi de 3e classe par jour, comme sur le
chemin de Birmingham et Grand-Junction; en le faisant partir à des
heures incommodes, comme sur le Great-Western; en le retenant fort
long-temps en route et en ne lui accordant aucune facilité. Tels sont
les principaux inconvéniens attachés aux places de 3e classe. Sur
quelques chemins de fer, on défend aux hommes de peine de donner aucune
assistance aux voyageurs des wagons (c'est le terme de mépris qu'on
emploie pour les désigner), soit pour prendre leur bagage, soit pour
tout autre service qu'ils pourraient demander. De tous les chemins
de fer du royaume, le Great-Western est celui qui a poussé le plus
loin le système d'abreuver de dégoût les voyageurs de 3e classe, afin
de les obliger à prendre des places supérieures. Les directeurs de
ce chemin ont persisté avec obstination à placer les voyageurs de 3e
classe immédiatement après la machine et le tender, même après que le
danger de cette position fut devenu évident pour tout le monde excepté
pour eux. La vertueuse indignation d'un de ces directeurs alla même
si loin contre ces malheureux voyageurs de 3e classe, qu'il fit la
motion de mêler parmi eux des ramoneurs afin de les forcer à changer
de voiture. Mais il n'était nullement besoin de recourir à des mesures
extrêmes; le but a été atteint aussi bien d'une autre manière. A
l'assemblée générale de la compagnie du chemin de fer le Great-Western,
un actionnaire fit l'observation «qu'il ne croyait pas que la compagnie
se conformât aux intentions du législateur, en fournissant des moyens
de transport aussi mauvais à cette classe de voyageurs que les chemins
de fer avaient privés de ceux qu'elle avait anciennement. Il fit
remarquer que les voyageurs étaient obligés soit de quitter Londres à 9
heures du soir pour monter dans une voiture non couverte, et qu'alors
ils arrivaient à Bristol à 5 h. 20 min. du matin, heure à laquelle il
était difficile de se procurer un abri et de la nourriture, soit de se
trouver à la station à 4 heures du matin, et dans ce cas d'être exposés
à l'inclémence du temps une grande partie de la nuit: son opinion était
que des améliorations dans cette partie du service seraient d'une
grande utilité à la masse de la population.»

Ce digne actionnaire désira connaître le nombre des voyageurs de 3e
classe.

Le secrétaire répondit «que dans l'opinion du directeur, on avait fait
pour le mieux; que l'on ne pouvait pas considérer comme un voyage
de nuit celui qui se faisait en partie pendant le jour; les autres
convois ne transportaient pas des voyageurs de 3e classe, parce que
les désagrémens qu'il était impossible de leur éviter, ne pouvaient
pas être supportés par ceux qui faisaient 40 milles à l'heure.»
Cet excellent secrétaire croyait que les voyageurs de 3e classe
ne découvriraient pas cela eux-mêmes; mais il aurait fallu qu'ils
devinassent d'abord comment une distance de 118 milles ¼, franchie par
la plus grande vitesse en 4 h. ¾, fait terme moyen 40 milles par heure.
Ce n'est guère que 24 milles, et, en supprimant le temps passé aux
stations, 30 milles par heure. Suivant ce secrétaire, il n'y a aucun
désagrément d'être obligé de se lever à 3 h. par une matinée d'hiver,
et de gagner le chemin de fer comme l'on peut, car on ne trouve pas
d'omnibus à cette heure. Si c'est un voyage de jour, il est nouveau. Le
voyage de Londres à Taunton, par les voitures de 1re classe se fait en
6 heures, par les convois mixtes en 7 heures, et par les wagons en 16
h. ½. Exagérons-nous en disant que pour se servir d'un semblable moyen
de transport, il faut y être obligé par la cruelle nécessité, et que
tout homme qui tient à conserver sa santé est forcé, quelle que soit sa
détresse, à prendre une place de 2e classe qui, cependant, si elle est
couverte au-dessus de sa tête, est ouverte sur les côtés et est fort
peu confortable à l'intérieur.

Le résultat de ce système est évident: le secrétaire de cette compagnie
refuse de faire connaître le nombre des voyageurs de 3e classe qu'elle
a transportés. Le nombre des voyageurs de toutes classes était, pour
l'année entière, de 1,606,015; et, pour l'édification des actionnaires,
nous leur apprendrons que le nombre de ceux de 3e classe ne dépassait
pas 100,000!

Citons encore un grand désagrément auquel sont soumis les voyageurs de
3e classe. C'est d'être exposés aux éclats et aux étincelles de coke
qui s'échappent du tuyau. On lit constamment dans les journaux des
plaintes de gens qui ont eu leurs vêtemens brûlés. Il est tout-à-fait
inutile d'ajouter qu'ils ne reçoivent jamais aucune indemnité. C'est
à la presse en général et au _Times_ en particulier que les classes
pauvres doivent de ne pas être privées entièrement de la faculté de
voyager en chemin de fer. Nous allons faire passer sous les yeux
du lecteur l'extrait d'un article du _Times_. «Plusieurs de nos
correspondans nous écrivent pour nous prier de défendre les voyageurs
de la classe pauvre qui se servent des chemins de fer, et qui sont
forcés de se contenter des places que les compagnies principales leur
ont affectées; ils nous prient de demander pour eux un peu plus de
bien-être et de facilité qu'on ne leur en accorde. Il paraîtrait,
d'après les faits que nous avons recueillis dans plusieurs de ces
lettres, que toutes les grandes lignes ne traitent pas mieux l'une
que l'autre ceux qui ont le malheur d'être obligés de voyager dans
les voitures de 3e classe. La manière dont le Great-Western traite
cette classe de voyageurs dépasse de beaucoup, en brutalité, celle des
autres chemins. Leur convoi est celui que l'on emploie au transport des
bestiaux, du charbon de terre et d'autres marchandises. Par exemple, on
nous assure qu'un voyageur parti de Paddington dans un wagon découvert
à 4 h. ½ de l'après-midi est arrêté plus d'une ½ heure à Swindon, et
si le convoi marche comme à son ordinaire, il arrive à Bristol en 9 h.
½, tandis que les voitures de 1re et 2e classes font le même trajet en
moins de 4 h. ¾. Si un voyageur de 3e classe veut se rendre à Taunton,
d'une ville quelconque située à l'E. de Bristol c'est encore pis; il
est retenu 4 ou 5 h. à Bristol, et il reste en route de 14 à 16 h. au
moins, tandis que les voyageurs de 2e et 1re classes font ce trajet
en 6 h. ½. Ces accusations sont graves, et si l'on n'y répond pas
d'une manière satisfaisante, il faut que tôt ou tard ces entreprises
tombent sous la direction du bureau de commerce, qui devra s'assurer
si les compagnies ont pris les mesures nécessaires pour donner des
moyens de transport, à des heures convenables, aux classes pauvres de
ce pays. Les directeurs de chemins de fer ont eu jusqu'ici trop de
pouvoir sans aucune responsabilité, et ils s'imaginent qu'il leur est
permis de traiter le public comme il leur plaît. Qu'ils n'oublient
pas, cependant, de maintenir leur pouvoir dans de justes limites;
bien que la construction des chemins de fer ait produit de grands
avantages, il nous reste encore à voir ce qu'ils deviendront avec
une semblable administration, si les personnes qui la dirigent sont
abandonnées plus long-temps sans contrôle à leur seule volonté. Nous
espérons que cet avertissement suffira pour démontrer aux compagnies
la nécessité d'introduire des améliorations dans le transport des
voyageurs de 3e classe; car si nous devons considérer les chemins de
fer comme des monumens de l'industrie et de la richesse nationales,
toutes les classes du public doivent en recueillir des avantages. La
France, qui se dispose à créer un vaste réseau de chemins de fer,
pourra vaincre ces abus, s'ils se présentaient, bien plus facilement
que nous. Le gouvernement de ce pays s'est étroitement identifié avec
ces entreprises à l'aide de secours en argent, et de cette manière,
il a acquis le droit d'intervenir dans les résolutions sans courir le
risque d'être blâmé par cette partie du public qui est intéressée au
maintien du pouvoir illimité des directeurs. Il existe une opinion
très en faveur parmi les actionnaires de chemins de fer; elle a même
plusieurs fois donné lieu à une forte opposition contre l'inspection du
bureau de commerce, c'est que le gouvernement ayant dans le principe
décliné toute responsabilité à ce sujet et laissé les capitaux
particuliers vaincre les obstacles que présentaient ces entreprises,
il n'a aucunement le droit de s'immiscer dans leur administration. La
seule réponse que l'on doive faire à cet argument, c'est que partout où
la sécurité ou la convenance du public est en jeu, le gouvernement a le
droit de surveiller et doit exercer cette surveillance dans l'intérêt
de tous.»

Mais voici la difficulté:--Comment le gouvernement forcera-t-il une
compagnie de chemin de fer à adopter des mesures qui lui seront fatales
sans l'indemniser? On a fait un traité avec ces grandes compagnies pour
qu'elles transportassent des voyageurs à raison de 3½ à 3 d. par mille.
Ce n'est que depuis peu d'années que leur intérêt leur a fait établir
des voitures de 3e classe à 1½ d. par mille.

Elles pourraient dès demain supprimer les wagons si elles le
voulaient. Elles ont adopté le système de persécuter les voyageurs
de 3e classe, afin de les obliger à prendre des places de 2e, et, il
n'y a aucun doute que ce plan ne leur soit très profitable. Lorsque
les propriétaires du chemin de fer de Croydon prirent la résolution
de fermer leur chemin, un des actionnaires demanda au président si
le gouvernement n'interviendrait pas, à cause de l'inconvénient qui
résulterait pour le public de leur détermination. Le président lui
répondit, avec raison, que le gouvernement n'avait pas le droit de
forcer qui que ce soit à se ruiner. Le bureau du commerce engagea la
compagnie, par la promesse d'un _quid pro quo_, lors de la présentation
d'un autre bill, à continuer son exploitation. Voilà notre système!

Les directeurs de la compagnie de Londres à Birmingham annoncent
dans leur rapport que le nombre de milles parcourus sur leur ligne
pendant les six derniers mois de l'année écoulée s'est élevé, pour
la 1re classe, a 11,043,483; pour la 2e, à 12,192,051, et, pour la
3e, seulement à 2,140,705. Si nous comparons ces nombres avec ceux
des autres chemins de fer dont les directeurs se sont vus obligés,
par des circonstances particulières, à donner plus de facilité aux
voyageurs de la classe pauvre, nous trouverons que ceux-ci, au lieu
de former le cinquième ou le dixième seulement de la totalité des
voyageurs, en forment les deux tiers ou les trois quarts. Quand un
chemin de fer s'est assuré le transport exclusif des voyageurs, il
élève le prix des places de 3e classe en même temps que celui des
autres classes aussi haut qu'il peut sans nuire à ses intérêts. La
seule crainte qui l'arrête est celle de forcer le public à se servir de
quelques moyens de transport en dehors des siens, ou de le mettre dans
l'impossibilité de payer. Dans la dernière année, plusieurs compagnies,
nous le répétons, ont élevé leurs prix de 20 à 30 p. cent, et si elles
trouvaient de l'avantage à les élever encore, elles le feraient tout de
suite.

Il est inutile d'entrer dans de plus longs détails. Les compagnies de
chemins de fer sont guidées dans ce cas par le même principe qui les
fait agir dans tous les autres. «Tirez autant d'argent que vous le
pouvez du paysan et du pair, de l'artisan et du négociant.» Voilà le
principe universel qui dirige les compagnies. Les craintes manifestées
par la commission de la Chambre des communes sur les effets déplorables
qui résulteraient de l'élévation des tarifs, ont été réalisées dans
toute leur étendue.

Nous venons de signaler quelques-uns des maux inévitables qui résultent
du système d'accorder à des individus irresponsables le monopole
des moyens de communication d'un royaume et de faire un objet de
spéculation particulière de travaux qui devraient n'être entrepris que
dans un but d'utilité générale.

Les compagnies sont-elles coupables d'exiger les prix les plus élevés
qu'elles peuvent obtenir, et de chercher par tous les moyens à défendre
leurs intérêts à l'exclusion de ceux des autres? Certainement non. Si
elles trouvent, par exemple, qu'elles gagnent davantage en transportant
20,000 personnes à des prix élevés qu'en en transportant 100,000 à bas
prix, elles sont parfaitement justifiées d'empêcher les 80,000 qui
se serviraient de leur chemin d'en profiter, le profit fût-il dans
le premier cas de 5 p. cent et dans le deuxième de 4½. Quel est le
patriote qui, aujourd'hui, ferait le sacrifice de ½ p. cent sur l'autel
de sa patrie? Ne serait-on pas en droit d'accuser les directeurs de
sacrifier l'intérêt de leurs actionnaires à celui du public? mais il
faut leur rendre cette justice, qu'une accusation de cette nature ne
serait nullement fondée.

Si tous les chemins de fer donnaient des bénéfices et payaient même
100 p. 100 à leurs actionnaires, le gouvernement n'aurait le droit
d'intervenir qu'autant que la sécurité publique serait compromise, et
il ne pourrait pas obliger les propriétaires à adopter des mesures
tendant à diminuer le moins du monde leurs profits. Le respect que
nous avons dans ce pays pour le droit de propriété doit constamment
dominer toute autre considération, même l'intérêt général; le contrat
primitif ne peut être altéré que d'un commun accord, ou moyennant une
indemnité équitable. On doit agir avec autant de bonne foi envers
l'entrepreneur d'un transport qu'envers le créancier de l'Etat. Nous
devons strictement adhérer au contrat. N'oublions pas surtout que sur
les cinquante chemins de fer qui traversent le pays, il y en a à peine
le ⅓ qui soit d'un rapport avantageux, c'est-à-dire dont les actions
soient au pair ou au-dessus; les deux autres tiers ne valent pas, terme
moyen, la moitié de ce qu'ils ont coûté. Si l'on réfléchit à cela, on
sera d'avis qu'il n'y a aucune propriété qui exige plus de ménagement
et qui doive moins être astreinte à une loi _ex post facto_.

Résumons la situation.

1º On a découvert un moyen de transport qui a remplacé tous les autres.

2º On a accordé le monopole à une compagnie d'individus qui ne sont
soumis envers l'Etat à aucune responsabilité sur la manière dont ils
l'exercent.

3º Les rapports entre le public et ces compagnies sont les mêmes que
ceux qui existent entre le vendeur et l'acheteur; leurs intérêts sont
par conséquent opposés. Celui du premier est d'obtenir le plus qu'il
peut, celui du 2e de payer le moins qu'il peut.

4º Les possesseurs du monopole l'exerçant en vue de leurs bénéfices,
le bien de la société est entièrement négligé; et comme l'expérience a
démontré que des tarifs élevés étaient plus avantageux que des tarifs
bas, ils ont adopté les premiers.

5º D'après ces faits, la société tout entière et particulièrement la
classe commerçante et les classes inférieures, éprouvent de grandes
pertes et souffrent de nombreux inconvéniens.

6º Le gouvernement ne peut pas intervenir d'une manière préjudiciable
aux propriétaires de chemins de fer sans leur accorder une indemnité
équitable.

7º En général la possession de ce monopole est aussi stérile pour ceux
qui le possèdent, que la manière dont ils l'exercent est préjudiciable
au public.

Maintenant que nous avons énuméré les maux les plus graves qui sont
inhérens à notre système de railways, il nous reste une tâche plus
difficile à remplir. C'est celle d'indiquer le remède à ces maux. Nous
ne devons pas seulement faire disparaître le mal, mais il faut encore
que nous remplacions le système par quelque chose de mieux afin que ces
grandes routes des nations ne soient plus resserrées dans d'étroites
limites, et pour qu'elles reçoivent au contraire tous les développemens
qu'exigent les besoins de la société. Pour mettre ce plan à exécution,
il faudrait annuler l'ancien contrat et en faire un autre sur de
nouvelles bases.

Nous avons en commençant fait remarquer la différence qui existait
entre notre système et celui qu'avait adopté le gouvernement belge
pour l'établissement de ses chemins de fer. La comparaison des deux
systèmes a été faite d'une manière remarquable par un écrivain, dans
la _Revue d'Edimbourg_. «Examinons, dit-il, quelle est la nature d'un
chemin de fer, et voyons ensuite si l'intérêt particulier peut faire
jouir la société de tous les bienfaits qu'une entreprise de ce genre
doit produire; voyons si les causes qui, dans d'autres circonstances,
ont rendu les entreprises particulières si utiles, produiront dans
celle-ci les mêmes effets; voyons enfin si le capitaliste sera amené
par l'intérêt, obligé par la concurrence, ou forcé par sa position
envers le public, à tirer d'un système dont il est le maître absolu et
irresponsable tout le bien qu'il peut rendre.

L'effet immédiat de l'établissement d'un chemin de fer, c'est
d'investir ses possesseurs du monopole le plus absolu. Ce monopole fait
disparaître instantanément et de la manière la plus complète toute
espèce de concurrence. Il met la société, pour un de ses principaux
besoins, complètement à la merci d'individus qui n'agissent que sous
l'impulsion de leur intérêt, qui sont dirigés par leurs préjugés ou
leurs passions, et qui sont souvent aussi ignorans de leurs véritables
intérêts qu'ils sont exclusivement dévoués à ce qui n'en est que le
fantôme.

Il est donc évident que la concurrence et la dépendance du public,
deux causes, qui ont opéré avec tant de force sur les entreprises
particulières, cessent d'agir sur une compagnie de chemin de fer.
Elle n'est guidée que par un intérêt pécuniaire, et c'est à lui que
la société doit la moindre attention qu'on lui porte. On peut dire
cependant que la société retirera un avantage de ce motif, c'est qu'on
lui donnera au moins toutes les facilités nécessaires pour empêcher la
concurrence des voitures publiques sur les routes ordinaires. Cette
objection est vraie, mais cette concurrence peut-elle faire naître
la moindre crainte, lorsque l'on pense que la locomotive n'a qu'à
faire agir un tiers de sa puissance pour faire de nouveau déserter la
grande route? De même, le prix restera un peu au-dessous de celui des
anciennes diligences, et le public recueillera certainement quelques
avantages du nouveau système; mais que sont-ils ces avantages, si
on les compare à ceux qu'aurait pu rendre une force aussi puissante
confiée en d'autres mains?

Vos principes, nous dira-t-on, tendent à établir que ces chemins
de fer qui, chez nous, ont attiré tous les voyageurs et qui ont
converti les anciennes routes en déserts, n'auraient pas dû être
livrés entièrement à l'industrie privée, mais que l'Etat aurait dû
entreprendre leur construction, ou se réserver un droit de contrôle
sur leur administration. Certainement, nous pensons que la législature
a agi aveuglément en livrant sans contrôle le monopole d'un objet
aussi important que les communications publiques, à des capitalistes
particuliers. Quand nous songeons aux dépenses folles qui ont été
faites dans ce genre de travaux, quand nous réfléchissons aux sommes
énormes qui ont été payées aux propriétaires de terrains, non pas à
titre de compensation pour le tort que l'on faisait à leur propriété,
mais pour les faire concourir à des projets dont ils devaient retirer
tous les profits, quand nous voyons des sommes énormes honteusement
prodiguées en débats fictifs entre lignes opposées, créées par des
spéculateurs de Bourse, avant même que le parlement ait accordé son
autorisation, et lorsque nous songeons que ces constructions folles,
ces demandes exorbitantes des propriétaires, ces spéculations de Bourse
doivent tous augmenter le prix des places du voyageur, et ainsi mettre
obstacle à la fréquence des rapprochemens individuels, nous regrettons
que l'Etat n'ait pas adopté des mesures pour réduire des dépenses que
la société finira toujours par payer.

Si aux dépenses de l'établissement des chemins de fer, nous ajoutons
le despotisme qu'exercent les compagnies sur la Bourse, le temps, les
convenances et la sûreté du public soumis à leur caprice, si nous
trouvons que le prix des places est élevé au plus haut degré possible,
la vitesse du transport nullement en rapport avec ce qu'elle devrait
être, si nous voyons la presse rapporter chaque jour des exemples de la
négligence la moins pardonnable, de réglemens capricieux et injustes,
alors nous regrettons amèrement qu'une affaire aussi importante pour la
société n'ait pas été tout de suite entreprise par elle.

Nous admettons la vérité de cette proposition que les bénéfices
d'un capitaliste sont rarement une perte pour le pays. Mais, si les
communications faciles sont les plus puissans agens de la civilisation,
si leurs effets immédiats et sûrs sont de faire prospérer le commerce,
d'exciter l'industrie et d'augmenter les revenus publics, si, dans ce
cas, les bénéfices que la nation en retire sont minimes, comparés aux
bénéfices du particulier, n'est-il pas évident alors que les profits
des propriétaires de chemins de fer sont prélevés au détriment du pays,
parce qu'ils empêchent le développement des communications intérieures?

Lorsque les recettes d'un chemin de fer couvrent les dépenses
d'entretien et de réparations, et qu'elles paient l'intérêt du capital
employé, on a, selon nous, atteint le but que l'on devait se proposer.
Atteindre ce résultat, et non pas faire des bénéfices, voilà le
principe qui devrait servir de base aux tarifs. C'est d'après lui que
le gouvernement belge a agi lorsqu'il a construit ce réseau de chemins
de fer qui couvre tout ce beau pays. Là, le but que l'on s'est proposé,
ce n'est pas de favoriser les intérêts privés, mais, au contraire,
d'étendre le commerce et les communications du pays aussi loin qu'il
est possible, et, de ne faire payer au public que le prix strictement
nécessaire pour rembourser les dépenses premières.

C'est ainsi que le gouvernement belge, en se chargeant des travaux, a
pu, en peu d'années, construire un réseau de chemins de fer dont le
but est de servir les intérêts de la société; tandis que l'Angleterre,
qui a permis aux capitaux particuliers de s'emparer du monopole des
lignes commerciales productives, est privée d'un bon système de
communications, et voit, trop tard, que le bien public a été sacrifié
au monopole.»

J'approuve les prémisses de l'écrivain, mais je n'approuve pas la
conclusion qu'il en tire, que l'Angleterre voit _trop tard_ le bien
public sacrifié au monopole. Pourquoi serait-il trop tard pour
effectuer les changemens que l'on jugerait convenables? S'il était
nécessaire, pour le bien du pays, que les chemins de fer disparussent
de sa surface, ou que le gouvernement s'en emparât, ou bien qu'il
forçât les propriétaires à transporter gratis les marchandises et
les voyageurs, il n'y a point de puissance au monde qui pourrait y
soustraire ce genre de propriété plus qu'aucun autre. Un acte du
parlement l'a créé, un acte du parlement peut le faire disparaître ou
changer ses conditions d'existence, en indemnisant, bien entendu, les
propriétaires pour la perte qu'ils supporteraient dans l'un ou l'autre
cas.

Il faut un motif bien puissant pour justifier l'intervention de l'Etat
dans les spéculations industrielles, et nous ne sommes nullement
convaincus que le gouvernement a eu tort de ne pas se charger de la
construction des chemins de fer. Dans toute entreprise commerciale,
il faut laisser au capitaliste le bénéfice de son capital et de son
industrie, et lorsque l'ouvrage est terminé, que le profit ou la perte
qui en résultent sont exactement connus, alors le gouvernement peut
traiter avec lui selon que les besoins de la société l'exigent, et en
veillant à ce qu'il ne perde rien par cette intervention.

Il n'y aurait aucune injustice, par exemple, à ce que le gouvernement
forçât un chemin de fer qui paie 5 p. cent à ses actionnaires, à
transporter les voyageurs moyennant un prix qui ne produirait que 4 p.
cent s'il en payait la différence.

Les membres de la commission instituée par le ministère pour éclaircir
la question suivante: «s'il serait convenable que le gouvernement
construisit les chemins de fer de l'Irlande,» ont présenté, aux deux
Chambres, un rapport très remarquable sur ce sujet. Après avoir énuméré
les nombreux bienfaits qui résultent du développement commercial du
pays, le rapport décrit avec beaucoup d'éloquence la rivalité du bien
public et des intérêts privés, lorsque les chemins de fer sont la
propriété des compagnies et non de l'Etat.

«La puissance des moyens que possède un chemin de fer est telle, dit le
rapporteur, que partout où il y en aura un il rendra les grandes routes
désertes. Non seulement les moyens de transport en usage aujourd'hui
disparaîtront, mais encore il portera un coup fatal aux postes qui
disparaîtront dans son voisinage. La supériorité d'un chemin de fer
est trop assurée, trop évidente, pour qu'il ait à craindre la moindre
rivalité. Il n'existe point de mouvement commercial, si étendu qu'il
soit, qu'un chemin de fer ne puisse satisfaire; il n'y a point de
multitude de voyageurs qu'il ne puisse transporter. La rapidité d'une
locomotive, qui ne déploie même pas toute sa vitesse, surpasse de
beaucoup celle que peut atteindre la voiture la plus légère sur la
meilleure route.

Le monopole du chemin commence lors de son ouverture. La crainte
salutaire de la concurrence ne peut jamais stimuler l'activité ou
troubler le repos du propriétaire de chemins de fer qui, dans un
moment, se trouve investi d'un pouvoir despotique, devant lequel les
intérêts les plus sacrés de la société doivent succomber. L'industrie
particulière choisit de préférence, pour son terrain, les parties du
royaume les plus fréquentées. Les artères du pays cessent d'appartenir
au pays, on les livre en toute propriété à des _monopoleurs_ qui n'ont
à redouter ni contrôle, ni concurrence.

Alors, ils établissent le plus absolu monopole qui existe; ils peuvent
à volonté ralentir ou accélérer les communications intérieures du pays.
Tout leur est livré à discrétion. Le choix des heures de départ, le
temps du voyage et le nombre qu'ils en peuvent faire dans un jour.
Comme ils ont le pouvoir de fixer le prix de transport des voyageurs
et des marchandises, ils peuvent alors se rembourser, non seulement du
coût des travaux et de l'entretien, mais encore des dépenses folles
et ruineuses qui leur ont été imposées. C'est le public qui paie
finalement leurs sottises.»

Ces observations sont justes en tant qu'elles ont rapport au système
de confier à des compagnies la direction absolue d'ouvrages qui sont
d'une grande importance nationale; mais nous ferons remarquer quelques
erreurs directes et indirectes assez importantes dans les principes qui
viennent d'être établis, d'autant plus qu'elles ont été répétées par
les principaux organes de l'opinion publique dans ce pays, entre autres
par la _Revue d'Edimbourg_.

La commission dit: «que les compagnies ont le pouvoir de se rembourser
non seulement du coût des travaux, mais encore de toutes les dépenses
causées par leurs extravagances.» Que doit-on conclure de ceci? que les
compagnies établissent les bases de leur tarif d'après l'importance
du capital dépensé, et qu'elles sont satisfaites de faire payer
au public un prix suffisant pour couvrir leurs dépenses et leurs
extravagances. Cette opinion est on ne peut plus fausse. Sur les bonnes
lignes, quelque grande qu'ait été la dépense, les directeurs ne se
conforment nullement à cette règle. Sur les mauvaises lignes que l'on a
construites avec la plus grande économie, ils ne le peuvent pas. Il y
a quelques années, les actions du Grand-Junction de 100 liv. montèrent
à 240 liv. et payaient 14 p. cent d'intérêt du capital; le tarif fut
_élevé_ de 15 p. cent. Il y a deux mois, la compagnie de Blackwall
vit tomber ses actions de 16 liv. à 5. Elle réduisit son tarif de
20 p. cent. Que le capital dépensé pour construire le chemin de fer
soit de 5, 50 ou 500 millions sterling; que ce capital soit dirigé
avec économie ou prodigalité, cela ne regarde en rien le public. Sur
des chemins de fer qui donnent 8 et 10 pour cent d'intérêt, on paie
plus cher que sur d'autres qui ne rapportent que 3 et 4 p. cent. Bien
plus, les directeurs de chemins de fer, qui ne paient rien à leurs
actionnaires, sont obligés de demander des prix inférieurs à ceux des
chemins qui donnent de bons revenus. Le chemin de Blackwall a coûté
320,000 liv. par mille, et son tarif est de un denier et demi par
mille pour les voyageurs de la 1re classe[1]. Le chemin de Londres à
Birmingham a coûté 55,000 par mille, et son tarif est de 3 d. ½ (36
centimes et demi par mille--95 centimes environ par lieue) par mille
pour la même classe; cent pour cent de plus que l'autre! Le chemin de
Blackwall ne paie pas un sou à ses actionnaires, et celui de Birmingham
paie 11 p. cent du capital engagé. Le Blackwall a essayé une fois
d'élever son tarif; mais les recettes décrurent tellement qu'il fut
obligé de revenir à celui en vigueur aujourd'hui.

Il n'y a en effet aucun rapport entre le coût d'un chemin de fer et son
tarif. Ceci est un point très-important. Car il ne faut pas oublier que
si le capitaliste a fait un bon placement sur quelques grandes lignes,
il en a fait de mauvais sur d'autres. Si, dans le premier cas, il a du
bénéfice; dans le second, l'Etat gagne d'autant plus que le spéculateur
a perdu. Ceci est une simple affaire de comptes dont nous examinerons
les articles séparément.

Quant aux dépenses extravagantes de quelques compagnies, nous croyons
avoir démontré clairement qu'elles sont entièrement à leur charge.
Elles n'exercent aucune influence sur les prix du tarif et sur la
valeur du chemin de fer. C'est en résumé de l'argent perdu.

De quelque côté que nous envisagions la question, notre opinion est que
le gouvernement a agi avec sagesse en s'abstenant d'intervenir dans
l'emploi que le capitaliste voulait faire de son argent. Qu'en est-il
résulté? C'est qu'un réseau de chemins de fer couvre toute la surface
du pays et relie le village le plus obscur et le plus éloigné avec la
métropole; c'est que les obstacles les plus difficiles ont été aplanis
par la science, et que le tout forme le plus beau monument qu'aient
jamais fondé les capitaux particuliers et l'activité individuelle.

Si les chemins de fer eussent été exécutés par l'Etat, les travaux
n'eussent pas été mieux faits, et peut-être l'eussent-ils été moins
bien. En outre, tel est leur degré de fini, leur grandeur monumentale,
sur quelques-unes des grandes lignes, qu'un gouvernement qui aurait
ordonné une telle dépense eût été injustifiable. La simplicité des
lignes belges contraste singulièrement avec la magnificence des nôtres.

L'intérêt des compagnies et celui du public se sont rencontrés sur
un seul point: dans le choix des meilleures lignes, de celles où il
y avait le plus grand mouvement commercial. Les compagnies ont donc
choisi celles dont on avait le plus besoin.

Dans une contrée aussi commerçante que la nôtre, où il y a tant de
capitaux flottans, le gouvernement aurait eu tort d'empêcher les
spéculateurs de les employer quand une occasion convenable de le faire
se présentait. Sous ce rapport, on ne peut établir aucune comparaison
entre l'Angleterre et la Belgique. Le système adopté pour l'une
n'aurait pas pu servir à l'autre, et, quant au caractère des travaux,
nous avons déjà fait remarquer la magnificence extraordinaire des uns
et la simplicité des autres.

Voilà quel a été le bon résultat de permettre l'emploi d'un capital
de 50,000,000 de liv. sterl.[2] en travaux d'utilité publique. Les
capitalistes ont retiré de leurs capitaux des avantages qui sont
exactement proportionnés à la prudence de leur placement. On a créé
une propriété dont la valeur positive peut être fixée, car elle est
constamment sur place. De cette manière le gouvernement peut, sans
difficulté et aussitôt qu'il le voudra, traiter avec elle selon ce que
les besoins du pays exigeront.

Nous allons examiner maintenant quels seraient les résultats d'un
système différent, ce qu'amènerait un changement du principe
d'administration des chemins de fer. Nous avons vu comment ils étaient
dirigés, il nous reste à voir comment ils pourraient l'être.

Depuis long-temps nous sommes accoutumés aux tarifs des chemins de fer,
et nous ne murmurons pas, tant qu'ils ne s'élèvent pas au-dessus des
prix des anciennes voitures; satisfaits du temps que nous épargnons,
nous fermons les yeux sur les prix demandés. Nous jouissons des
avantages de ce mode de locomotion, tels qu'ils sont, sans nous
inquiéter de ce qu'ils pourraient être.

Les deux caractères distinctifs de la vapeur, partout où elle a été
substituée au travail de l'homme, sont la vitesse et l'économie.
Avec son aide on fabrique non pas seulement ⅔ plus vite, mais encore
⅔ meilleur marché qu'à l'aide des procédés ordinaires. Cette règle
s'applique avec bien plus de force encore à l'emploi de la vapeur sur
les chemins de fer.

Mettons de côté un instant la vapeur, et faisons l'estimation du coût
du transport sur un chemin de fer dont la traction est opérée par des
chevaux, comme cela se pratique sur certains chemins de fer où l'on
ne tient pas à la vitesse, dont l'étendue est bornée et le mouvement
commercial peu important. Nous trouvons qu'un cheval fait autant
d'ouvrage que 12 ou 15 chevaux sur la meilleure voie pavée. Le chemin
de fer de Stockton à Darlington est le premier chemin de fer établi
dans le royaume pour le transport des voyageurs. On employait des
chevaux pour la traction avant l'introduction ou plutôt la découverte
des locomotives. Un cheval tirait une voiture contenant 50 voyageurs
avec une vitesse supérieure à celle d'une voiture contenant 12
voyageurs et tirée par 4 chevaux sur une route pavée.

Pour faire voir la différence qui existe entre le vieux système et
le nouveau, nous allons publier le paragraphe d'un vieux numéro du
_Railway Magazine_ qui a attiré notre attention par hasard il y a
quelques jours:

«_Facilité de traction sur un chemin de fer._»

«Deux chevaux ont tiré le poids énorme de 263 quarters de grains, de
Dalkeith à Edimbourg, sur le chemin de fer qui joint ces deux villes.
La distance est de 6 milles[3]. Le poids de 263 quarters est d'environ
44 tonn., et le poids des wagons de 10 tonn., ce qui fait, au total,
un poids de 54 tonn. (_Journal de Bath_). La force de traction directe
n'étant que de 432 liv., un cheval aurait dû suffire pour la tirer si
la route est de niveau.» (_Railway Magazine._)

Deux chevaux tirer 54 tonn.! n'est-ce pas comme si l'on avait augmenté
pour notre usage de 20 fois leur force ordinaire? Et cependant
l'éditeur du _Railway Magazine_ nous dit que si la route a un niveau
égal, un seul cheval devait suffire.

Quelque bon marché que soit ce moyen de traction, la vapeur l'a
remplacé, non seulement pour le transport des voyageurs, mais encore
pour celui des marchandises, lorsque la vitesse est comparativement
de peu d'importance. J'ai cité l'ouvrage du docteur Lardner, sur la
machine à vapeur, pour établir la puissance de la vapeur et l'économie
qui résulte de son emploi sur les chemins de fer.

La consommation du coke est d'environ ¼ de livre par tonn. et par
mille[4], au prix de 25 sh. le tonn[5]. Un convoi ordinaire de 40 tonn.
coûterait environ 10 sh. pour une distance parcourue de 100 milles.

40 tonn. de marchandises ou 110 voyageurs parcourront une distance de
100 milles pour 10 schellings, en dehors du prix de la machine à vapeur
et de son entretien. Nous ne parlons que de la dépense de traction
comparée avec celle du transport par le moyen des chevaux. Les frais
d'entretien, dans les deux cas, sont à peu près les mêmes.

Et, cependant, en dépit de tous ces avantages, il en coûte autant
pour voyager qu'il y a vingt ans. Il n'en est résulté qu'une économie
de temps. Bien que des masses pesant plus de 100 tonn. puissent être
transportées avec rapidité d'un bout du pays à l'autre à peu de frais,
comparativement à ce qu'elles auraient coûté autrefois, la dépense est
la même. N'est-ce pas une étrange anomalie qui exige une investigation
minutieuse des causes qui la produisent?

Nous avons déjà indiqué la principale, celle qui opposera toujours un
obstacle insurmontable à la réduction des tarifs sans l'intervention du
parlement: c'est l'intérêt des compagnies. Elles tirent en général plus
de bénéfice de tarifs élevés que de tarifs modérés.

Les témoignages recueillis par la commission de la Chambre des
Communes et la pratique presqu'universelle suivie par les principales
compagnies les mieux administrées, confirment ce fait qui nous paraît
concluant.

Mais, bien que ceci nous explique pourquoi les tarifs sont maintenus
très haut, l'apathie que le public montre pour un objet de cette
importance, ne nous est pas expliquée. Il faut, pour lui arracher
quelques murmures, que les directeurs élèvent leurs prix à un taux
exorbitant au point de mettre en doute la préférence à donner aux
chemins de fer sur les anciennes voies pavées.

Il y a quelques semaines que les habitans de Brigthon tinrent une
assemblée pour envoyer une députation aux directeurs du chemin de fer
de Londres à Brigthon, et leur représenter le tort qu'ils faisaient à
leur ville par la mise en vigueur d'un tarif élevé et arbitraire, alors
que toute concurrence était devenue impossible. Ce cas et tous ceux
qui s'y rapportent ne sont, toutefois, que des exceptions à la règle
générale.

Quatre causes ont, selon nous, détourné l'attention du public de cet
objet important:

1º L'opinion erronée que le coût excessif des prix de revient
nécessitait des tarifs élevés, et, qu'en conséquence, le prix du
transport ne pouvait pas être aussi bas chez nous qu'en Belgique;

2º L'inutilité d'engager les compagnies à faire des réductions, et
l'absurdité de les espérer, si elles étaient contraires à leurs
intérêts. On supposait, avec raison, qu'elles étaient les meilleurs
juges de ce qui leur convenait;

3º La majorité des compagnies ne payant pas de dividendes, le public
était plus disposé à plaindre les actionnaires ruinés qu'à attendre une
réduction des tarifs;

4º L'opinion erronée que l'on avait des causes de l'élévation du
prix des transports. On s'imaginait qu'elle provenait des dépenses
nécessitées par la traction, et comme les chemins de fer demandaient
les mêmes prix que les voitures publiques, et que, malgré cela, la
plupart étaient de mauvaises spéculations, on en concluait que le coût
du transport était aussi dispendieux, et que les voyageurs ne pouvaient
pas payer moins que sur les anciennes routes.

On doit voir maintenant que l'adoption de tarifs modérés dépend
entièrement du prix de revient des transports et des autres frais
qui en sont forcément la conséquence. Nous devons donc prendre en
considération:

1º Quelle est la dépense actuelle des chemins de fer;

2º Dans quelle proportion s'accroîtrait-elle si le nombre des voyageurs
augmentait de beaucoup, soit du triple de ce qu'il est aujourd'hui.

Le chemin de fer de Londres à Birmingham a la réputation d'être l'un
des mieux administrés du royaume. Un extrait de ses comptes semestriels
nous fera voir quelles sont les différentes causes de dépense, et à
combien elles s'élèvent pour chaque article. Je les ai classées sous
trois titres: 1º dépenses générales pour l'entretien du chemin de fer;
2º dépenses particulières de traction; 3º dépenses spéciales en dehors
du contrôle de la compagnie:

1er TABLEAU.

_Dépenses du chemin de fer de Birmingham pour le deuxième semestre de
l'année 1842._

  1º Dépenses de police                                 6,200 liv.

  Transport des voyageurs                               16,281

  Salaires et gages pour le transport des marchandises  2,135

  Dépenses pour direction, surveillance, secrétaires,
  commis, frais d'insertion et de bureau, etc.          8,309
                                                       ----------
  Total                                                 32,925

  2º Entretien de la voie         22,711 liv. }

  Frais de traction               38,640      }

  Réparation des voitures         8,633       }      84,196

  Entret. et remplac. du matériel 14,212      }

  3º Impôts des paroisses         7,771       }
                                              }      21,848
  Droits sur les voyageurs        14,077      }
                                                     ---------
                                   Total             138,969[6].

Les recettes pendant la même époque se sont élevées à la somme de
420,958 liv., le bénéfice net a donc été de 281,989 l.[7] et la dépense
comparée à la recette a été de 33,012 p. % ou à peu près. Nous avons
compris, dans le tableau ci-dessus, le transport des marchandises et
des voyageurs. Ces deux branches d'exploitation donnent à peu près les
mêmes bénéfices et coûtent autant.

Ainsi donc, le prix du transport de chaque voyageur est environ le ⅓
_de ce qu'il paie_, en admettant, ce qui doit être presqu'évident,
que la compagnie taxe chaque classe de voyageurs en proportion de la
dépense qu'elle lui occasionne.

Nous pouvons donc calculer à présent de combien la dépense d'un chemin
de fer augmenterait, s'il avait à transporter un nombre de voyageurs
triple de celui qu'il transporte.

Les dépenses d'administration ne seraient que peu ou point augmentées.
Les frais de direction, d'employés, de commis, de police, de porteurs,
d'annonces et de bureau seraient les mêmes, car la compagnie doit
toujours être en état de répondre aux exigences du mouvement commercial.

Dans les frais de transport, il y aurait plusieurs articles qui
subiraient une augmentation considérable. Les frais de réparation
et remplacement du matériel roulant augmenteraient de 50%, ceux
d'entretien de la voie de 20% et d'autres articles de 5 à 10%.
Supposons que toutes ces augmentations réunies élèveraient la dépense
de ce chemin de 138,969 liv. à 173,712 liv. Pour d'autres, ainsi que
nous le verrons par la suite, l'augmentation serait moindre, et sur
quelques-uns elle serait nulle.

L'article le plus dispendieux du transport, ce sont les frais de
locomotive, qui absorbent presque la moitié des dépenses. S'ils
devaient croître en proportion du poids ou du nombre des voyageurs
transportés, ils seraient triples; si, au contraire, la force employée
maintenant est suffisante pour effectuer le triple du travail que l'on
exige, les frais seraient les mêmes. Une locomotive qui peut traîner
un poids de 240 tonn. et à laquelle on n'en fait traîner qu'un de 80
tonn., peut être comparée à un cheval ne portant que le ⅓ de sa charge.
La puissance d'une machine locomotive n'est plus un fait théorique,
c'est un fait positif et prouvé chaque jour. Le poids d'un convoi
varie de 30 à 250 tonn. et quelquefois il est beaucoup plus lourd. Les
convois de marchandises ne dépassent pas ordinairement le poids de 200
tonn.

M. Brunel, ingénieur du chemin de fer _Great Western_, interrogé par
la commission de la Chambre des communes, sur la facilité et la sûreté
avec laquelle ces immenses charges sont traînées sur le chemin de fer,
répondit: «J'examinais hier les comptes de nos convois de marchandises,
et je vis que le 2 mars une des machines locomotives, appropriée aux
convois de voyageurs, amena de Woothon-Basset à Paddington, qui sont
éloignés l'un de l'autre de 82¾ milles[8], un convoi de 256 tonn.,
non compris le poids de la machine et de son tender. La machine se
conduisit très bien. Il n'en résulta ni inconvénient ni délai.» Une
locomotive destinée aux convois de marchandises aurait traîné un poids
de 400 tonn. dans le même espace de temps.

Le poids d'un convoi ordinaire de voyageurs sur le chemin de Londres
à Birmingham est d'environ 40 tonn., non compris la locomotive et son
tender qui pèsent près de 15 tonn. et le nombre des voyageurs est
d'environ 80 par convoi. N'est-il pas démontré maintenant qu'il y a
constamment de la _force perdue_, et que l'on pourrait desservir un
mouvement commercial trois fois plus grand avec un accroissement de
dépense à peine sensible dans les frais de locomotion?

Nous allons à présent faire connaître le résultat d'un calcul de la
dépense du chemin de fer de Londres à Birmingham, proportionnée à
chaque voyageur, et ce qu'elle serait si l'on en transportait 3 fois
plus. Nous y joindrons les prix du tarif en vigueur et le temps du
parcours.

2e TABLEAU.

_Dépenses et prix des places pour chaque classe de voyageurs de Londres
à Birmingham.--Distance, 112¼ milles_[9].

  1--Dépenses générales. 25 p. cent.
  2--Dépenses de traction. 60 p. cent.
  3--Dépenses spéciales. 15 p. cent.
  4--Total des dépenses de transport pour chaque voyageur.
  5--Prix que devrait payer chaque voyageur, si leur nombre était triple.
  6--Prix des places aujourd'hui.
  7--Temps du parcours.

  -----------------+------+------+------+------+------+------+-------
                   |  1   |  2   |  3   |  4   |  5   |  6   |   7
                   +------+------+------+------+------+------+-------
                   |sh. d.|sh. d.|sh. d.|sh. d.|sh. d.|sh. d.|heures.
  Conv. de malle.  | 2  9 | 6  6 | 1  7 |10 10 | 4  6 |32  6 |  5  »
  1re classe.      | 2  6 | 6  » | 1  6 |10  » | 4  2 |30  » |  5¼
  2e classe (nuit).| 2  1 | 5  » | 1  3 | 8  4 | 3  5 |25  » |  5¼
  2e classe (jour).| 1  8 | 4  » | 1  » | 6  8 | 2  9 |20  » |  5¼
  3e classe.       | 1  2 | 2  9 | »  9 | 4  8 | 1 11 |14  » |  8½

Les résultats du tableau ci-dessus sont clairs et positifs, et aucune
personne versée dans les chemins de fer ne les contestera.

Il est donc admis que le transport des voyageurs de Londres à
Birmingham coûte aujourd'hui pour la 1re classe 10 sh. 10; et pour la
dernière 4 sh. 8 d.

Si l'on transportait trois fois plus de voyageurs, bien que la dépense
totale en serait considérablement augmentée, le prix des places pour
chaque individu serait réduit à 4 sh. 6 d. pour la 1re classe, et 1 sh.
11 d. pour la dernière, y compris les impôts, taxes, etc., que l'on
paie maintenant.

Si ce que nous avançons est prouvé; si les classes riches de la société
paient 1 liv. 12 sh. 6 d. et la plus pauvre 14 sh., ce qui, sous un
système différent, ne coûterait au vendeur que 4 sh. 6 et 1 sh. 11
d. ou environ ⅛ du prix demandé aujourd'hui, n'est-il pas urgent
de rechercher la cause d'un semblable état de choses afin d'y porter
remède?

Bien que j'aie estimé à 25 p. cent l'augmentation de dépense du chemin
de fer de Londres à Birmingham, il ne faut pas croire qu'elle soit
aussi élevée sur tous. Nos observations peuvent suffire, jusqu'à
un certain point, pour nous en convaincre. Sur le chemin de fer de
Greenwich, par exemple, les voitures ne sont jamais, terme moyen,
remplies au-delà du ⅓. A Pâques, le nombre des voyageurs transportés
sur ce chemin de fer a été de 28,340; c'était plus en un seul jour
que dans aucune des semaines écoulées depuis six mois. Sur tous les
chemins de fer on est obligé d'avoir un approvisionnement de matériel
capable de répondre à toutes les exigences. Sur celui de Blackwall, il
y a un matériel de transport suffisant pour transporter dix fois plus
de voyageurs que ce chemin n'en transporte. Le nombre des voyageurs
transportés par chaque convoi a été l'hiver dernier, terme moyen, de
37, tandis que le nombre des wagons aurait suffi pour en transporter
dix fois plus. Sur les grandes lignes, les voitures ne sont jamais
remplies qu'à moitié et, par conséquent, il en faudrait davantage pour
transporter trois fois plus de voyageurs. Mais si nous considérons
que la dépense pour voitures sur le chemin de Londres à Birmingham ne
s'élève qu'à 4 p. cent des recettes, l'augmentation que j'ai fixée
paraîtra suffisante.

Qu'une perte de force ait lieu à terre ou en mer, la différence est peu
de chose. Lorsqu'un bateau à vapeur est construit pour transporter un
certain nombre de voyageurs, il dépense tout autant, que ce nombre soit
au complet ou non. Il en est à peu près de même pour les chemins de
fer; il y a seulement de plus les dépenses que nous avons énumérées.

Quoique la dépense du chemin de Londres à Birmingham, par passager et
par mille, puisse être regardée comme un terme moyen juste du coût du
transport sur les autres chemins de fer, cependant il existe d'assez
grandes différences entre eux. Chez quelques-uns les prix de revient
sont cinq fois plus élevés que chez d'autres; non pas que cela soit
causé par des circonstances particulières, mais parce qu'il entre dans
les vues des propriétaires de payer cinq fois plus qu'ils ne doivent
afin d'obliger le public à faire comme eux. Il y a quelques exceptions
à cette règle que beaucoup ont trouvé avantageux de suivre; il faut
observer que je n'entends parler ici que de la dépense de la traction
de chaque individu, et non de la dépense totale.

3e TABLEAU.

_Principaux Chemins de fer du royaume.--Leurs Recettes et Dépenses
pendant le 2e semestre 1842.--Tant pour 100 des Dépenses sur les
Recettes.--Leurs Longueurs.--Leurs Tarifs.--Leurs Frais de transport
pour un voyageur parcourant toute la ligne.--Leurs frais pour chaque
distance de 100 milles.--Frais pour chaque distance de 100 milles et
pour chaque voyageur, si le nombre des voyageurs venait à tripler.
Le surplus de dépenses qu'il occasionnerait étant estimé à 25 pour
100 en sus des dépenses actuelles, comme pour le chemin de Londres à
Birmingham._

  ========+==========+===========+=========+==========================+
           |         |           |POUR 100 |                          |
           |         |           |des      |                          |
           |         |           |dépenses |                          |
  LONGUEUR.|RECETTES.|  DÉPENSES.|sur les  |      CHEMINS DE FER.     |
           |         |           |recettes.|                          |
           |         |           |         |                          |
  ---------+---------+-----------+---------+--------------------------+
  milles.  |         |           |         |                          |
           |Liv. St. | Liv. St.  |         |                          |
  112  ¼   |420,954  | 138,969   |     33  | Londres à Birmingham     |
  162  ¾   |359,376  | 139,417   |     38  | Great Western            |
   97  ¼   |207,837  |  78,586   |     37  | Grand-Junction           |
   87  »   |173,630  |  76,270   |     43  | Londres et South Western |
   30  ¾   |123,746  |  56,453   |     45  | Liverpool à Manchester   |
   60   »  |119,113  |  56,409   |     47  | Manchester à Leeds       |
   73   »  |115,580  |  41,887   |     36  | North Midland            |
   50  ½   |105,246  |  45,075   |     42  | Londres à Brighton       |
   60   »  | 77,672  |  30,469   |     40  | Newcastle à Carlisle     |
   57  ¼   | 70,738  |  39,631   |     57  | Midland Counties         |
   41   »  | 60,521  |  18,160   |     30  | Manchester à Birmingham  |
   46   »  | 59,994  |  19,181   |     36  | Edinbourg à Glasgow      |
   28   »  | 51,553  |  17,309   |     34  | York and North Midland   |
   53   »  | 50,319  |  29,475   |     58  | Birmingham à Gloucester  |
    6   »  | 42,401  |  20,600   |     48  | Dublin à Kingstown       |
   45   »  | 36,252  |  15,895   |     41  | Great North of England   |
   41  ¼   | 35,748  |  19,783   |     55  | Birmingham à Derby       |
   32  ¼   | 35,746  |  15,759   |     47  | Northern et Eastern      |
   22  ½   | 30,107  |  10,804   |     35  | North Union              |
    3  ¾   | 27,106  |  13,503   |     50  | London à Greenwich       |
   40   »  | 26,601  |  11,589   |     43  | Glasgow à Ayr            |
   17  ½   | 26,202  |  13,144   |     50  | Eastern Counties         |
    3  ¾   | 26,067  |  15,410   |     59  | London à Blackwall       |
   22  ½   | 24,855  |  11,900   |     48  | Glasgow à Greenock       |
   15   »  | 16,580  |   7,531   |     44  | Chester à Birkenhead     |
   25   »  | 10,800  |   5,460   |     51  | Ulster                   |


  =========================+=======================+
                           |                       |
                           |                       |
                           |                       |
        CHEMINS DE FER.    |       PRIX DU TARIF.  |
                           |-----------------------|
                           |1re CL. |2e CL. |3e CL.|
  -------------------------+--------+-------+------+
                           |        |       |      |
                           |Sh.   D.|Sh. D. |Sh. D.|
  Londres à Birmingham     | 31   3 |22  6  |14  » |
  Great Western            | 41   » |28  6  |17  » |
  Grand-Junction           | 26   » |18  »  |13  » |
  Londres et South Western | 21   6 |15  »  | 8  6 |
  Liverpool à Manchester   |  6   3 | 4  6  | »  » |
  Manchester à Leeds       | 15   » |10  »  | 7  » |
  North Midland            | 18   » |12  »  | 8  » |
  Londres à Brighton       | 13   » | 8  »  | 6  » |
  Newcastle à Carlisle     | 11   » | 8  6  | »  » |
  Midland Counties         | 11   6 | 8  6  | 4  6 |
  Manchester à Birmingham  | 11   » | 8  »  | »  » |
  Edinbourg à Glasgow      |  8   » | 6  »  | 3  » |
  York and North Midland   |  6   » | 4  6  | 3  6 |
  Birmingham à Gloucester  | 14   » |10  »  | 5  6 |
  Dublin à Kingstown       |  »   8 | »  6  | »  4 |
  Great North of England   | 12   » | 8  »  | 5  » |
  Birmingham à Derby       | 10   » | 7  »  | 5  » |
  Northern et Eastern      |  7   » | 5  6  | 3  6 |
  North Union              |  5   » | 3  6  | »  » |
  London à Greenwich       |  »  10 | »  7  | »  » |
  Glasgow à Ayr            |  6   » | 4  »  | 3  » |
  Eastern Counties         |  3   6 | 2  6  | 2  » |
  London à Blackwall       |  »   6 | »  4  | »  » |
  Glasgow à Greenock       |  2   6 | 1  6  | »  6 |
  Chester à Birkenhead     |  3   6 | 2  6  | 1  6 |
  Ulster                   |  3   » | 2  »  | 1  4 |


  =========================+=================================+
                           |                                 |
                           |                                 |
                           | PRIX DE REVIENT                 |
        CHEMINS DE FER.    | DE LA COMPAGNIE.                |
                           |---------------------------------|
                           |1re CLASSE.|2e CLASSE.|3e CLASSE.|
  -------------------------+-----------+----------+----------+
                           |           |          |          |
                           |Sh.  D.    |Sh.  D.   | Sh.  D.  |
  Londres à Birmingham     |10   4     | 7   5    |  4   8   |
  Great Western            |15   8     |10  10    |  6   6   |
  Grand-Junction           | 9   3     | 6  10    |  4   8   |
  Londres et South Western | 9   3     | 6   5    |  3   7   |
  Liverpool à Manchester   | 2  10     | 2   »    |  »   »   |
  Manchester à Leeds       | 7   1     | 4   9    |  3   3   |
  North Midland            | 6   6     | 4   4    |  2  11   |
  Londres à Brighton       | 5   5     | 3   6    |  2   6   |
  Newcastle à Carlisle     | 4   5     | 3   4    |  »   »   |
  Midland Counties         | 6   7     | 4   7    |  2   6   |
  Manchester à Birmingham  | 3   4     | 2   5    |  »   »   |
  Edinbourg à Glasgow      | 2  10     | 2   2    |  1   1   |
  York and North Midland   | 2   1     | 1   6    |  1   2   |
  Birmingham à Gloucester  | 8   2     | 5  10    |  3   2   |
  Dublin à Kingstown       | »   3¾    | »   2¾   |  »   1¾  |
  Great North of England   | 4  11     | 3   3    |  2   1   |
  Birmingham à Derby       | 5   6     | 3  10    |  2   9   |
  Northern et Eastern      | 3   3     | 2   7    |  1   8   |
  North Union              | 1   9     | 1   3    |  »   »   |
  London à Greenwich       | »   5     | »   3½   |  »   »   |
  Glasgow à Ayr            | 2   6     | 1   8    |  1   3   |
  Eastern Counties         | 1   9     | 1   3    |  1   »   |
  London à Blackwall       | »   3½    | »   2¼   |  »   »   |
  Glasgow à Greenock       | 1   2     | »   8½   |  »   2¾  |
  Chester à Birkenhead     | 1   5     | 1   »    |  »   7   |
  Ulster                   | 1   7     | 1   1    |  »   8¼  |


  =========================+=============================+
                           |      PRIX DE REVIENT        |
                           |      DE LA COMPAGNIE        |
                           |      Par 100 milles.        |
        CHEMINS DE FER.    |                             |
                           |-----------------------------|
                           |1re CL.    |2e CL.  |3e CL.  |
  -------------------------+-----------+--------+--------+
                           |           |        |        |
                           | Sh.  D.   | Sh.  D.| Sh.  D.|
  Londres à Birmingham     |  9   2    |  6   7 |  4   2 |
  Great Western            |  9   4    |  6   8 |  3  11 |
  Grand-Junction           |  9   6    |  7   » |  4  10 |
  Londres et South Western | 10   7    |  7   4 |  4   1 |
  Liverpool à Manchester   |  9   1    |  6   5 |  »   » |
  Manchester à Leeds       | 11   9    |  7  11 |  4   8 |
  North Midland            |  9   »    |  6   » |  4   » |
  Londres à Brighton       | 10   8    |  6  11 |  4  11 |
  Newcastle à Carlisle     |  7   4    |  5   7 |  »   » |
  Midland Counties         | 13   5    |  9   4 |  6   1 |
  Manchester à Birmingham  |  8   5    |  6   1 |  »   » |
  Edinbourg à Glasgow      |  6   4    |  4   6 |  2   3 |
  York and North Midland   |  7   9    |  5   4 |  4   » |
  Birmingham à Gloucester  | 15   6    | 11   » |  6   1 |
  Dublin à Kingstown       |  5   3    |  4   » |  2   8 |
  Great North of England   | 10  10    |  7   1 |  4   7 |
  Birmingham à Derby       | 13   4    |  8   9 |  6   2 |
  Northern et Eastern      | 10   1    |  8   » |  5   2 |
  North Union              |  7   9    |  5   7 |  »   » |
  London à Greenwich       | 11   1    |  7   9 |  »   » |
  Glasgow à Ayr            |  6   3    |  4   2 |  3   1 |
  Eastern Counties         | 10   »    |  7   3 |  5   8 |
  London à Blackwall       |  7  11    |  5   3 |  »   » |
  Glasgow à Greenock       |  5   2    |  3   1 |  1   » |
  Chester à Birkenhead     |  9   7    |  6   8 |  5  11 |
  Ulster                   |  6   4    |  4   4 |  2   9 |


  =========================+=============================+
                           |       PRIX DE REVIENT
                           |        DE LA COMPAGNIE,
                           |    si le nombre des voyag.
        CHEMINS DE FER.    |       était triplé.
                           |---------------------------
                           |1re CL.   |2e CL.  |3e CL.
  -------------------------+----------+------ -+-------
                           |          |        |
                           | Sh.  D.  |Sh.  D. |Sh.  D.
  Londres à Birmingham     |  5  10   | 2   9  | 1   9
  Great Western            |  3  10   | 2   9  | 1   8
  Grand-Junction           |  5  11   | 2  11  | 2   »
  Londres et South Western |  4   5   | 3   1  | 1   9
  Liverpool à Manchester   |  3  10   | 2   8  | »   »
  Manchester à Leeds       |  4  11   | 3   4  | 1  11
  North Midland            |  5   9   | 2   6  | 1   7
  Londres à Brighton       |  4   5   | 2  11  | 2   1
  Newcastle à Carlisle     |  3   5   | 2   3  | »   »
  Midland Counties         |  5   7   | 3  10  | 2   1
  Manchester à Birmingham  |  3   7   | 2   6  | »   »
  Edinbourg à Glasgow      |  2   7   | 1  11  | 1   »
  York and North Midland   |  3   3   | 2   2  | 1   8
  Birmingham à Gloucester  |  6   5   | 4   7  | 2   6
  Dublin à Kingstown       |  2   2   | 1   8  | 1   2
  Great North of England   |  4   5   | 2  11  | 1  11
  Birmingham à Derby       |  5   6   | 3   9  | 2   7
  Northern et Eastern      |  4   2   | 3   4  | 2   1
  North Union              |  3   3   | 2   3  | »   »
  London à Greenwich       |  4   5   | 3   3  | »   »
  Glasgow à Ayr            |  2   7   | 1   9  | 1   3
  Eastern Counties         |  4   2   | 3   1  | 2   4
  London à Blackwall       |  5   3   | 2   2  | »   »
  Glasgow à Greenock       |  2   2   | 1   4  | »   5
  Chester à Birkenhead     |  4   »   | 2   9  | 1   8
  Ulster                   |  2   7   | 1   9  | 1   2

Il est nécessaire que nous sachions, aussi exactement que possible,
quelle est la position des différens chemins de fer relativement à ce
prix de revient du transport individuel, et jusqu'à quel point ils
ont jugé convenable de le surtaxer, pour surtaxer avantageusement
le public. Le 3e tableau ci-joint est le résultat des calculs faits
d'après le prix des places et les dépenses de vingt-six chemins de
fer. L'objet que j'ai en vue est de faire voir jusqu'à quel point on
pourrait réduire la dépense intrinsèque du transport de chaque voyageur.

Nous présumons que tout le monde est convaincu que le principe sur
lequel mes calculs sont basés, est juste, en ce qui regarde la dépense
que chaque voyageur occasionne aux Compagnies.

La Compagnie de Londres à Birmingham, par exemple, fait payer à un
voyageur de 3e classe, pour une distance de 100 milles, 12 sh. 8.
Les dépenses de la Compagnie ne s'élèvent qu'au ⅓ de ses recettes;
conséquemment le voyageur ne coûte que 4 sh. 2 d.

La compagnie de Glascow à Greenock fait payer à un voyageur de 3e
classe, pour 100 milles parcourus sur son chemin, 2 sh. 3. Les dépenses
ne s'élèvent qu'à 48 p. cent des recettes; c'est donc 1 sh. que ce
transport coûte. C'est un peu moins du quart de ce qu'il coûte à la
Compagnie de Londres à Birmingham. (_Voir ci-contre le tableau nº 3_).

Je n'ai fait dans le tableau ci-contre aucune mention du capital engagé
par les propriétaires du chemin de fer. C'est une autre affaire qui
mérite un examen particulier. Le but que je me proposais était d'abord
de montrer ce que coûtait à chaque Compagnie le prix du transport
d'un voyageur, ensuite quel serait le prix si le chemin de fer en
transportait un nombre triple de ce qu'il est aujourd'hui.

En examinant ce tableau, le lecteur sera probablement frappé de la
proportion uniforme qui existe entre le prit exigé du public et les
dépenses des compagnies. Elle n'est modifiée que par l'importance de
la circulation. Prenez pour exemple celles qui ont le plus haut et le
plus bas tarif. Il en coûte à la compagnie de Birmingham à Gloucester,
pour le transport d'un voyageur de 3e classe, pendant une distance de
100 milles, 6 sh. 1. La compagnie de Glascow à Greenock, ne paie pour
la même distance que 1 sh., c'est-à-dire moins d'un sixième. Cette
dernière transporte un voyageur à une distance de 100 milles pour 2
sh. 3 d.; la première pour 9 sh. 6 d. Cependant les dépenses de la
compagnie de Birmingham à Gloucester sont de 58 p. % des recettes, et
celles de Glasgow à Greenock ne sont que de 48 p. %.

Sur le chemin de Londres à Birmingham, la dernière classe de voyageurs
paie, pour un parcours de 100 milles, 12 sh. 8 d., et sur celui de
Liverpool à Manchester, pour le même parcours, 14 sh. 9 d. Les dépenses
de celui-ci sont de 45 p. cent du total des recettes; celles de
Greenock de 48 p. cent. L'un fait payer 14 sh. 9 d. pour un parcours
de 100 milles, l'autre 2 sh. 3 d. La compagnie de Greenock faisait
payer l'année dernière à ses voyageurs de 3e classe, trois fois plus
qu'aujourd'hui. Cette réduction a diminué les dépenses de la compagnie
de 50 p. cent qu'elles étaient auparavant, à 48 p. cent, et les
actionnaires ont eu le profit de la différence. Si le chemin de fer de
Liverpool à Manchester ne faisait payer que 2 sh. 3 d. pour un parcours
de 100 milles, au lieu de 14 sh. 9 d., il se pourrait qu'il gagnât
par l'adoption de cette mesure, autant que la compagnie de Greenock.
Certainement les directeurs sont persuadés que toute modification dans
leurs tarifs diminuerait leurs profits; mais nous ne saurions trop
répéter au public que le lourd impôt qu'il paie, et dont on pourrait
en partie le décharger, ne provient nullement du coût de ce qu'on lui
donne en échange de son argent. C'est le résultat d'un système qui ne
favorise pas les intérêts de la société, mais bien ceux des individus
qui conduisent les affaires des compagnies et qui ne voudraient pas
risquer un shilling de leur revenu par une réduction d'un liard
(farthing) sur leurs tarifs, dût le public, par ce changement, gagner
une livre.

Si l'on veut examiner avec soin la table précédente, on sera frappé de
la différence des dépenses faites par les compagnies, selon qu'elles
adoptent des tarifs élevés ou bas.

4e TABLEAU.

_Analyse du tableau 3, ou examen des dépenses occasionnées par le
transport de chaque voyageur sur quelques-uns des principaux chemins
de fer du royaume, suivi de notes statistiques tirées des tableaux
précédens._

  ----------------------------------+------------+------------+---------
                                    |1re CLAS.   | 2e CLASS   |3e CLASS
                                    +------------+------------+---------
                                    |   sh. d.   |  sh. d.    |  sh. d.
                                    |            |            |
  Prix moyen du transport de chaque |            |            |
  voyageur sur les 26 chemins de    |            |            |
  fer cités par mille               |    »   2.7 |   »   1.9  |   »  1.2
  Id. id. par 100 milles            |   22   7   |   15  10   |  10   2
  Moyenne de la dépense  id.        |    9   2   |    6   5   |   4   2
  Id. s'ils transportaient          |            |            |
  trois fois plus de passagers, par |            |            |
  100 milles                        |    3  10   |    2   8   |   1   9
                                    |            |            |
  Le prix de revient du transport   |            |            |
  d'un voyageur sur le chemin de    |            |            |
  Birmingham à Glocester, où il est |            |            |
  le plus élevé, est pour un        |            |            |
  parcours de 100 milles, de        |   15   6   |   11   »   |   6   1
                                    |            |            |
  La compagnie de Londres à         |            |            |
  Birmingham, dont les tarifs sont  |            |            |
  les plus  élevés, fait payer, pour|            |            |
  un parcours de 100 milles         |   29   0   |   22   6   |  12   6
                                    |            |            |
  La compagnie de Glascow dont les  |            |            |
  tarifs sont les plus modérés, fait|            |            |
  payer, pour un parcours de 100    |   11   1   |    6   8   |   2   3
  milles

_Remarques statistiques générales._

La dépense moyenne des différentes compagnies est de 41 p. cent. La
moyenne du nombre des voyageurs par chaque convoi de Birmingham à
Glocester est de 81; tandis que sur le chemin de Greenock à Glascow
elle n'est pas moindre de 267. Il y a en moyenne 82 voyageurs sur
chaque convoi de Londres à Birmingham, 62 sur chaque convoi de
Liverpool à Manchester, et 56 sur ceux de Londres à Blackwall.

  Sur le chemin de Birmingham à Glocester, la puissance locomotive coûte
                              1 sh. ¾ d. par mille.
  Id. Glascow à Greenock, id. »  11½    id.

Le prix des places de 3e classe, sur le chemin de Londres à Birmingham,
pour un parcours de 100 milles est

  de                     12 sh. 8 d. Il coûte à la comp. 4 sh. 2 d.

  Id. s. le Dublin à
  Kingston                 5    6           id.           2     8

  Id. s. le Liverpool à
  Manchester              14    9           id.           6    11

  Id. s. le Glascow à
  Greenock                2     3           id.           1     »

  Id. Ulster              5     4           id.           2     9

  Id. le Great-Western   10     4           id.           4     8

  Id. North-Union        13     6           id.           5     7

On voit que le prix des places passe successivement «du grave au doux,
du plaisant au sévère» dans la même classe; depuis 2 sh. 3 d. jusqu'à
14 sh. 9 d. Dans le premier cas, la dépense comparée à la recette est
de 48 p. cent; dans le deuxième, elle est de 45 p. cent.

Ainsi celui qui reçoit ne fait pas la moindre attention à celui qui
paie; il ne voit qu'une chose: quel est le prix qui lui rapportera le
plus, et si celui de 14 sh. 9 d. augmente son revenu d'un huitième p.
cent de plus que celui de 2 sh. 3 d., il l'adoptera sans hésiter.

Voilà notre système tel qu'il est mis en oeuvre par le chemin de
Londres à Birmingham. Son comité, toujours très prudent, a porté
ses prix de 1re classe presque aussi haut que la loi le lui permet.
Les autres classes ont été réglées en proportion. Il se garde bien
d'offenser le public par des manières trop grossièrement brutales
envers ses voyageurs de 3e classe; mais il sait si bien les incommoder,
à l'aide de procédés méthodiques et doux, qu'ils ne s'exposent jamais
à voyager deux fois de la même manière, s'ils peuvent l'éviter. C'est
ainsi que le chemin de fer de Londres à Birmingham parvient à ses fins.

Voilà aussi le système pratiqué par le Great-Western. Sans s'inquiéter
de l'opinion publique, il n'a qu'un but, c'est de gagner de l'argent.
Il traite la classe de voyageurs la plus pauvre et la moins protégée
d'une manière que le _Times_ a qualifiée d'infâme et qui le méritait,
sans doute, à raison de l'obstination qu'on met à placer ces
malheureux tout près de la locomotive: c'est ainsi que le Great-Western
parvient à ses fins.

C'est également le système pratiqué par le chemin de Liverpool à
Manchester et par d'autres compagnies aristocratiques, qui ne se
doutent nullement qu'il existe des classes pauvres, ou bien qui ne
les considèrent point comme faisant partie de la société. Il règne en
réalité sur ces chemins de fer une loi, plus puissante que tous les
actes du parlement, qui défend à tout homme pauvre de voyager. Il y a
plusieurs manières ingénieuses d'éluder les lois, mais nous ne croyons
pas possible d'éluder la vigilance de l'homme préposé à la demande des
billets.

C'est encore là le système pratiqué par la compagnie du Grand-Junction.
Elle l'a assez prouvé par sa résistance déterminée à la loi, ou au
moins à la décision de la cour de l'Echiquier, et par ses efforts sans
cesse répétés pour s'arroger le monopole général des transports. Elle
augmente ses tarifs pour le riche comme pour le pauvre, au moment même
où elle paie de gros dividendes.

Enfin, voilà notre système général de chemins de fer! Nous nous
soumettrions en silence à ces charges énormes, s'il y avait nécessité;
si elles provenaient du prix de revient de transport, ou d'autres
dépenses indispensables. Mais lorsque rien de tel n'existe, lorsque
tout le système d'un bout à l'autre est artificiel et arbitraire,
lorsque les frais de voyage sur un chemin de fer sont trois ou quatre
fois plus élevés que sur d'autres, sans qu'il ait un privilége pour
cela, lorsque tout le monde est imposé arbitrairement sur un objet
de première nécessité, il nous semble qu'on doit examiner ce système
d'un peu plus près qu'on ne l'a fait jusqu'à présent, et aviser aux
changemens qu'on peut y introduire.

Quelques personnes nous reprocheront peut-être d'avoir appelé le prix
des places d'un chemin de fer un impôt, ou de ranger les voyages parmi
les objets de première nécessité. Nous répondrons que ceci est une
question de mots, comme le paiement de l'un et la jouissance de l'autre
sont souvent une affaire de choix. Il en est de même de la consommation
des marchandises soumises aux droits d'accises, le thé, le sucre, les
liqueurs, etc. A dire vrai, il serait assez difficile de désigner
quels sont _les objets de première nécessité_. Nous servons-nous d'une
chose qui ne puisse être remplacée? Nous avons coutume de parler du
pain comme d'un objet de première nécessite, et nous oublions que des
millions de nos semblables, vivant à peu de distance de nous, forts et
vigoureux, en goûtent à peine une fois par an. Un objet de première
nécessité signifie maintenant une chose dont nous avons l'habitude
de nous servir et que nous aimons à avoir. Le mot impôt ou impôt
indirect signifie ce que nous avons l'habitude de payer, ou ce que
les circonstances nous forcent à payer. C'est ce qui arrive pour les
voyages en chemin de fer.

Comment les impôts d'une nature variable sur les objets de première
nécessité sont-ils regardés dans ce pays? L'agitation produite par la
loi des céréales est là pour répondre à cette question. On ne déteste
pas cet impôt parce qu'il est lourd, mais parce qu'il produit un prix
artificiel, qui ne profite qu'aux parties intéressées. Mais comme les
résultats de la loi des céréales sont encore un sujet de controverse,
et qu'ensuite la question est trop politique pour nous servir
d'exemple, nous allons poser l'hypothèse suivante:

Supposons que le gouvernement changeât, non seulement la quotité de
l'impôt sur le thé, mais encore le principe de cet impôt et la manière
de le lever. Supposons que dans chaque ville du royaume l'impôt fût
différent, que dans la plupart des grandes villes les droits devinssent
si élevés que le thé fût par le fait interdit aux classes pauvres, et
que les riches seuls payassent les prix demandés; supposons encore
qu'afin d'augmenter les bénéfices, on vendît aux pauvres, qui seraient
forcés d'en acheter comme médicament, un affreux composé de feuilles de
prunier et de congou de la dernière qualité. Tandis que cette horrible
drogue serait vendue dans les grandes villes pour le prix exorbitant
de dix sh. 6 d ou 12 sh. 6 d. (la plus belle _poudre à canon_ coûte
29 sh.), on vendrait dans une pauvre ville (celle de Greenock), de
l'excellent thé à 2 sh. 3 d. la livre, parce que le gouvernement aurait
découvert qu'il tirait dans cette ville un plus grand revenu de cet
article lorsqu'il était à un prix modéré que lorsqu'il était cher.
Pense-t-on que cet abus de pouvoir durerait un seul mois?

Les voyages par chemins de fer sont-ils moins nécessaires que le thé?
La machine à vapeur n'est-elle pas aussi utile à nos besoins que la
théière? Si des droits élevés nous privent de prendre du thé, nous
pouvons nous en dédommager en prenant du café; mais si nous avons un
besoin urgent d'aller demain à Liverpool ou dans d'autres parties
éloignées du pays, comment ferons-nous si nous ne pouvons pas y aller
par chemins de fer?

Continuons notre comparaison: le gouvernement arrangerait-il l'affaire
convenablement s'il accordait à cinquante compagnies différentes, par
contrat entre lui et elles, le droit illimité d'user ou d'abuser de
ce monopole du thé à leur convenance; s'il leur donnait le pouvoir
d'arrêter entièrement et pendant un jour la consommation d'un article
qui coûte au pays plus de 5,000,000 liv.[10] par an, et de la permettre
le lendemain, suivant qu'il conviendrait aux intérêts des spéculateurs,
sans accorder la moindre attention à la santé et au bien-être des
milliers d'hommes, qui dépendraient ainsi de leur volonté égoïste et
irresponsable?

L'habitude nous fait croire que nous ne sommes pas imposés par les
chemins de fer; que le paiement est tout-à-fait volontaire de notre
part (n'en est-il pas de même pour le thé?); et parce que nous donnons
notre argent à un commis au lieu de le donner à un collecteur de taxes,
nous croyons que cette transaction doit être considérée comme libre.
_La liberté du commerce_ ne peut pas exister avec le _monopole_, et
les chemins de fer, par leur nature, seront toujours des monopoles,
n'importe par qui ils seront administrés.

On a vu dans le dernier tableau que la moyenne des voyageurs de chaque
convoi sur le chemin de Glasgow à Greenock est de 267, tandis que sur
les autres chemins elle varie de 50 à 80. Aussi la modicité des prix
sur le premier chemin est-elle compensée par la plus grande quantité
de voyageurs. Je ne puis mieux terminer cette partie de mon sujet et
montrer la puissance de la vapeur qu'en copiant le paragraphe suivant
du _Railway Magazine_, du 16 juillet dernier:

«Le chemin de fer Great-Western a transporté jeudi, à Bristol, dans
trois convois, 3,000 voyageurs. Le convoi de 7 heures est parti de
Paddington avec dix voyageurs seulement; il en avait 800 à son arrivée
à Bristol; le surplus avait été chargé en route.»

Je me rappelle avoir lu qu'un jour de fête, l'été dernier, le chemin
de fer de Stockton à Darlington avait transporté, dans un seul convoi,
2,200 voyageurs.

Les prix demandés pour le transport des marchandises, des chevaux,
des bestiaux, sont généralement très élevés; comme toutes les autres
perceptions, elles sont réglées de manière à donner le plus de profit
aux actionnaires. Il n'est point nécessaire d'entrer dans des détails
sur ces divers articles. Ils seraient peu intéressans pour le public;
quant à ceux qui sont forcés de subir les tarifs, ils les connaissent
trop bien. Après tout, c'est le consommateur qui doit payer le total,
quel qu'il soit, de tous les frais de transport jusqu'au marché des
marchandises et des bestiaux que l'on y conduit. Il lui importe autant
de les voir réduire que de voir diminuer le tarif des places. La seule
différence qui existe entre ces deux impôts prélevés sur le public,
c'est que l'un est direct et l'autre indirect. Dans le premier cas, il
est forcé de tirer son argent de sa poche, et cette nécessité laisse
dans son esprit une impression claire et distincte. Si l'on réduit le
prix, l'économie qui en résulte pour lui est distincte et apparente.
Dans l'autre cas, c'est différent. On lui soutire son argent de
plusieurs côtés à la fois; il ne s'en aperçoit pas, mais il n'a pas
moins payé l'impôt.

Dans la métropole et dans les grandes villes manufacturières, le
monopole exercé par les chemins de fer produit un effet pernicieux
pour toutes les classes de la société sur l'approvisionnement des
vivres, dont le prix varie beaucoup selon les frais de transport. Que
le prix des denrées soit élevé ou bas, le peuple est forcé de manger,
s'il ne l'est pas de voyager. Nous voyons, cependant, que les frais
de transport du bétail sont tellement élevés que le peuple ne retire
aucun avantage des chemins de fer.

L'Irlande pourrait approvisionner Londres et les grandes villes
manufacturières d'une immense quantité de bétail, si les frais de
transport n'étaient pas jusqu'à un certain point prohibitifs. Sur
le chemin de fer le Great-Western, les frais sont d'environ 20 p.
cent de la valeur de l'animal transporté, et, malgré ce prix énorme,
il transporte à Londres une grande quantité de boeufs, de moutons
et de porcs. Quel nombre n'en transporterait-on pas si les frais
ne s'élevaient qu'à 5 p. cent de la valeur? De cette manière on
ouvrirait un vaste marché aux produits irlandais, et nos grandes villes
manufacturières jouiraient des avantages que donne le voisinage d'un
pays où les produits agricoles sont à bas prix. Mais la compagnie du
Great-Western et les autres chemins de fer gagnent davantage avec un
tarif élevé qu'avec un tarif modéré. Cela ne fait aucun doute, et la
question étant posée ainsi, peut-on espérer que les compagnies feront
_proprio motu_ du tort à leurs propriétés, ou, ce qui revient au même,
qu'elles réduiront les revenus qu'elles en tirent?

Quelquefois, mais rarement, des querelles entre les compagnies font
connaître au public les articles secrets passés entre elles, et lui
donneraient une nouvelle preuve, s'il en avait besoin, de la puissance
sans limites de la vapeur appliquée aux chemins de fer et du peu de
dépense que coûte le transport des marchandises.

En voici un exemple: Si l'on examine une carte des chemins de fer de
l'Angleterre, on verra qu'il y a deux lignes de chemins de fer qui
s'éloignent de Manchester dans des directions tout opposées. L'une se
dirige vers Leeds, l'autre vers Birmingham. On sera persuadé qu'il
ne peut y avoir entre elles aucune cause de rivalité; eh bien! l'on
se trompe. On peut voir que la ligne de Leeds se dirige tout d'abord
vers le Nord; elle tourne ensuite à angle droit vers l'Est et joint
le chemin North-Midland à Normanton après un parcours de 51 milles,
et la distance où elle est de Londres n'est que de 10 milles plus
proche que sa distance de Manchester. La ligne de Birmingham se dirige
directement vers la métropole et joint le Grand-Junction à Crewe,
qui est à une distance de 40 milles de Manchester. Qui est-ce qui
supposerait qu'une rivalité pût exister entre les deux chemins pour le
transport de marchandises? Par l'un, les marchandises doivent parcourir
51 milles, pour arriver à un point qu'elles atteignent par un parcours
de 10 milles sur l'autre. Cependant, quelque incroyable que cela
paraisse d'abord, la compagnie de Birmingham s'engagea, il y a quelque
temps, à payer à la compagnie de Leeds 5,000 liv. par an, pour qu'elle
s'abstint de lui faire concurrence pour le transport des marchandises
de Manchester à Londres.

Depuis, cette somme a été réduite à 50 livres par semaine. Mais, comme
la compagnie de Leeds ne pensait nullement à cesser tout-à-fait son
commerce, les deux chemins se font à présent une guerre de plume. La
compagnie de Birmingham, répondant à une accusation de la compagnie de
Leeds qui lui reprochait d'avoir diminué son tarif, a dit gravement
qu'elle n'avait pas réduit son tarif sur les marchandises pour Londres,
et elle a prouvé même, d'une manière satisfaisante, qu'elle l'avait
élevé pour les marchandises en destination pour cette ville. Cette
discussion sera sans doute de courte durée; un arrangement se fera
entre les compagnies, et le traité recevra son entière exécution; mais
elles agiraient sagement dans leurs intérêts si elles s'abstenaient de
donner connaissance au public d'un semblable traité.

Néanmoins, si nous venons à comparer les prix de revient avec les prix
du tarif pour le transport des marchandises, la rivalité de compagnies
situées comme le Manchester à Leeds et le Manchester à Birmingham
le sont à l'égard l'une de l'autre, ne nous surprendra plus. Nous
la comprenons d'autant mieux en calculant l'immense fardeau qu'une
locomotive peut tirer, lorsque la vitesse est hors de question.

La machine qui, par une vitesse de 30 milles[11] par heure, ne tirerait
pas au-delà de 40 tonnes, peut en tirer 400 si elle ne fait que 10
milles[12] par heure, et le transport des 400 tonnes ne coûterait
 pas davantage que celui de 40 tonnes, parce que la quantité de
coke consumée dans le voyage lent serait balancée par l'usure que
causeraient les frottemens dans le voyage rapide. La puissance
locomotive sur le chemin de Birmingham à Gloucester coûte, pour chaque
voyage, d'après les calculs de la compagnie, 3 liv. 0 sh. 10 ¼ d.[13].
La distance parcourue est de 55 milles[14].

Sur d'autres chemins, c'est plus ou moins; mais admettons que 1 sh. 3
d. par mille, soit le terme moyen, ou 6 liv. 5 sh. par convoi (quelle
que soit sa pesanteur) pour un parcours de 100 milles. Pour transporter
le même poids dans un jour, sur une route ordinaire, il faudrait
2,000 chevaux, et chaque cheval devrait tirer une tonne pendant 20
milles. Mais la puissance de la vapeur est encore bien supérieure. Une
locomotive sur le Great-Western traînerait un poids de 1,000 t. avec
plus de vitesse qu'un cheval ne traînerait un tonneau.

N'est-il pas absurde en présence de pareils faits de vouloir comparer
les avantages que l'on pourrait retirer d'un chemin de fer avec ce que
l'on peut exécuter sur les routes ordinaires? Le chemin de fer ne peut
se comparer qu'avec lui-même, et le prix des places, comme le prix du
transport des marchandises, devrait être établi d'après la puissance et
non d'après ce qui existait avant.

Examinons maintenant quelle pourrait être l'augmentation en nombre des
voyageurs par chemins de fer, si une échelle réduite de prix remplaçait
celle qui existe, et si elle était assez modérée pour que tout le monde
pût voyager. Nous avons des données suffisantes pour établir cette
importante proposition sur des bases justes, et nous ne pouvons mieux
entrer en matière que par un nouvel extrait de l'article de la _Revue
d'Edimbourg_ déjà cité:

«Avant l'ouverture du chemin de fer de Liverpool à Manchester, il y
avait sur la route ordinaire vingt-deux voitures faisant régulièrement
le voyage entre les deux villes et transportant journellement, terme
moyen, 450 personnes. Dans l'intérieur des voitures, le prix était de
10 sh., et à l'extérieur, 6 sh., et le voyage durait de 4 h. à 4 h ½.
Le prix par chemin de fer (1834) fut de 5 sh. 6 d. pour la première
classe, 3 sh. 6 d. pour la deuxième. Le temps du voyage pour la
première classe, était d'une heure un quart, pour la deuxième classe
d'environ deux heures. Le nombre des voyageurs s'est élevé à 220,000
pendant le deuxième semestre 1833. Ce serait donc 1,210 par jour. Ainsi
leur nombre aurait triplé depuis l'ouverture du chemin de fer.

Nous voyons, par les documens officiels, que le nombre des voyageurs
entre Liverpool et Londres s'élève à plus d'un demi-million. Si nous
appliquons au chemin de fer projeté entre Londres et Birmingham des
résultats proportionnés à ceux que nous avons obtenus pour Manchester,
nous devons nous attendre à ce que le nombre des voyageurs entre les
deux villes augmente dans une proportion triple; mais nous avons des
raisons très plausibles pour supposer que l'augmentation sera encore
plus grande que sur le chemin de Manchester à Liverpool. Il n'existe
entre ces deux villes aucun centre de population; le mouvement est donc
borné.

Le chemin de Londres à Birmingham sera alimenté par un grand concours
de voyageurs qui viendront des villes qui le bordent à peu de distance.
Ces villes doubleront au moins l'importance de son parcours direct.

Le royaume sera traversé en tous sens par ces grandes artères de
communication. Elles produiront un échange de bienfaits physiques et
moraux, politiques et commerciaux, dont il est impossible d'évaluer ou
de prédire l'importance.

Pour se former une idée des effets que ces vastes entreprises doivent
produire dans le pays, il est nécessaire de considérer l'importance
du mouvement qui existe aujourd'hui sur les lignes de Birmingham et
de Southampton, et de la comparer avec les effets produits sur le
mouvement commercial par l'établissement de la ligne de Manchester
à Liverpool. Il est prouvé, par les témoignages fournis à diverses
commissions parlementaires, que le nombre annuel des voyageurs entre
Birmingham et Londres s'élève à 488,342. Nous voyons par les états
de l'administration du timbre que le revenu des voitures qui passent
le long du chemin de fer projeté de Southampton, d'après les tarifs
actuels, s'élève à 446,193 livres sterling. Maintenant si nous
calculons le prix moyen du voyage jusqu'à Southampton, le mouvement sur
cette ligne équivaut à 446,193 voyageurs qui parcourraient annuellement
toute la distance. Voici donc quel serait, le long de ces deux lignes,
l'importance actuelle du mouvement:

  Birmingham      488,342 }
                          } 934,535.
  Southampton     446,193 }

Nous avons déjà dit que le nombre des voyageurs entre Manchester et
Liverpool était de 450 avant l'établissement du chemin de fer, et
que, pendant le dernier semestre de 1833, il s'éleva à 1,210 par
jour, augmentation qui est en proportion de 8 à 3. Supposons qu'il y
ait une augmentation proportionnelle sur les chemins projetés, nous
aurons le nombre approximatif des voyageurs en élevant l'estimation
précédente dans la proportion de 8 à 3, et voici les résultats que nous
obtiendrons:

  Birmingham       1,302,244  }
                              } 2,491,492.
  Southampton      1,189,248  }

Ainsi le nombre des voyageurs qui se rendraient chaque année de ces
deux villes à la métropole égalerait presque le ⅙ de la population du
royaume.»

On voit, par les calculs précédens, que le nombre des voyageurs entre
Liverpool et Manchester avait augmenté après l'établissement du
chemin de fer dans la proportion de 8 à 3. Le prix des places pour
les voitures était de 10 sh. et 6 sh.; par chemin de fer de 5 sh. 6
d. et de 3 sh. 6. Le nombre des voyageurs entre Londres et Birmingham
était, avant l'ouverture du chemin de fer, de 488,342 et il aurait dû
s'élever à 1,302,244; mais, comme les prix ont été plutôt augmentés que
diminués, l'année dernière le nombre des voyageurs n'a pas dépassé le
chiffre de 780,370. Ce chemin de fer, traversant un pays extrêmement
peuplé, aurait dû transporter un nombre beaucoup plus grand de
voyageurs que le chiffre de 1,302,244 que nous avons indiqué.

Pour celui de Southampton, on avait fixé le nombre à 1,189,840, il
s'en est fallu de 350,000 que ce chiffre ait été atteint. Si l'on eût
diminué les tarifs sur les chemins de fer de Londres à Birmingham et
de Londres à Southampton dans la même proportion que sur la ligne
de Manchester à Liverpool, il n'y a pas à douter que les résultats
n'eussent été identiques.

Il y a fort peu de chemins de fer sur lesquels on ait fait d'aussi
grandes réductions que celles que je proposerais; cependant, d'après
l'augmentation des voyageurs qui est résultée des réductions que
certains chemins ont faites, on peut juger de ce qu'elle serait, si les
tarifs eussent été baissés davantage.

On ne doit point douter que le nombre des voyageurs augmenterait en
proportion du bon marché des places. Prenons pour exemple les ports de
lettres. On les a réduits, terme moyen, au ⅙ de ce qu'ils étaient il
y a quelques années. Personne maintenant qui ayant besoin d'adresser
une lettre, en soit empêché par le prix du port. Le même principe peut
s'appliquer aux chemins de fer.

Le chemin de fer de Liverpool à Manchester, deux ans après son
ouverture, éleva son tarif de 20 p. cent. Cette augmentation rapporta à
la compagnie ½ p. cent de bénéfice!

Sur quelques chemins de fer, l'abaissement du tarif leur a rapporté des
bénéfices considérables.

  Pendant la semaine finissant le 9 mars, le nombre des voyageurs
  sur le chemin de fer de Blackwall a été de 24,400.
  Recette                                      497 liv. 16 sh. 7 d.

  Pendant la semaine finissant le 16, le tarif
  ayant été réduit de 30 p. cent, ce nombre
  a été de 31,892                               509 liv. 3 sh. 9 d.

  Pendant la semaine finissant le 23 mars,
  époque du tarif réduit très bas, 39,202       630 liv. 17 sh. 8 d.

Le chemin de Blackwall est dans la même situation que ceux de
Dublin à Kingstown, de Glasgow à Greenock. Ses directeurs ignorent
encore que son tarif ne peut jamais être trop bas. Ils ont tenté
toutes sortes d'expériences excepté la bonne, c'est-à-dire un tarif
_extrêmement bas_. Le tarif qui leur rapporterait probablement le
plus de profit, serait celui qui n'exigerait que 2 ou 3d.[15] pour le
trajet entre Blackwall et Londres[16], et 1 et 2 d. pour les stations
intermédiaires, et qui doublerait ces prix le dimanche. Qu'ils en
essaient pendant un mois, et leurs affaires s'en trouveront peut-être
mieux. Nous voyons que sur leur chemin une réduction de 30 p. cent dans
les prix a produit une augmentation de 60 p. cent dans le nombre des
voyageurs, et ajouté plus de 25 p. cent à leurs recettes sans accroître
leurs dépenses. Qu'ils réduisent encore leur tarif de 50 p. cent et
ils s'en trouveront encore mieux. Cet exemple, ne l'oublions pas, est
une exception à la règle générale. Sur la plupart des autres chemins
de fer, une réduction de 30 p. cent sur les tarifs pourrait en amener
une de 5 p. cent sur les recettes, et si cette réduction de tarif
allait jusqu'à 60 ou 70 p. cent. la diminution des recettes pourrait
bien être de 20 à 25 p. cent. Dans tous les cas, elle varierait selon
les circonstances. Dans de certains endroits où les masses n'ont
retiré aucun avantage des chemins de fer, à cause des prix élevés de
leurs tarifs, une diminution qui leur permettrait d'en faire usage ne
causerait pas une grande perturbation dans les recettes. Afin de donner
à nos lecteurs une idée des obstacles qui doivent empêcher, chez les
classes inférieures, le développement de la locomotion comme moyen de
chercher du travail, nous allons comparer le nombre des voyageurs de
différentes classes sur les chemins de fer qui ont des tarifs bas et
des moyens de transports commodes pour la 3e classe, avec ceux qui n'en
veulent pas avoir. Nous prendrons le tant pour cent de chaque nombre.

  A  Manchester à Leeds.
  B  York et N. Midland.
  C  Edimbourg à Glasgow.
  D  Glasgow  à Ayr.
  E  Paisley à Ayr.
  F  Dublin à Kingstown.
  G  Terme moyen.

  -----------+-------+-------+-------+-------+-------+-------+------
             |   A   |   B   |   C   |   D   |   E   |   F   |   G
             +-------+-------+-------+-------+-------+-------+------
             |p. 100.|p. 100.|p. 100.|p. 100.|p. 100.|p. 100.|p. 100
  1re classe.|   8   |  18   |  20   |  11   |   7   |   4   | 11
  2e classe. |  23   |  31   |  29   |  50   |  15   |  54   | 33
  3e classe. |  69   |  51   |  51   |  39   |  78   |  42   | 56

Voici maintenant les quatre grandes compagnies qui cherchent, par tous
les moyens possibles, à forcer les voyageurs à prendre des places de
1re et 2e classes.

            |Londres    | Grand    |  South  |   Great | Moyenne.
            | à         | Junction.| Western.| Western.|
            |Birmingham.|          |         |         |
------------+-----------+----------+---------+---------+---------
            |  %        |   %      |    %    |     %   |     %
  1re classe|  44       |    46    |     38  |      30 |    40
  2e classe |  48       |    44    |     53  |      63 |    52
  3e classe |   8       |    10    |      9  |       7 |     8

Excepté la compagnie de Londres à Birmingham (qui ne dissimule rien),
ces compagnies ont jugé convenable de cacher même à leurs actionnaires
le petit nombre de voyageurs de troisième classe. Nous avons déjà fait
remarquer qu'à l'assemblée des actionnaires du Great-Western qui eut
lieu en février dernier, le secrétaire refusa de faire connaître à l'un
d'eux, qui le demandait, le nombre de voyageurs de cette classe. Nous
devons nous féliciter, maintenant que nous le connaissons, qu'un nombre
aussi minime de voyageurs se soit trouvé dans la nécessité de souffrir
les affronts et les inconvéniens attachés à cette classe de places.

Sur quelques lignes telles que celles de Liverpool à Manchester,
North-Union, New-Castle à Carlisle, les classes ouvrières sont
totalement exclues d'après le principe professé à la _Taverne de
Londres_.

Les quatre chemins de fer ci-dessus, pour lesquels nous venons de
donner la classification des voyageurs, sont les grandes voies de
communication de la métropole avec le nord, le sud et l'ouest du
royaume. Ils font plus d'affaires et recouvrent plus d'argent que
tous les autres chemins de fer réunis. On peut dire qu'à présent les
gens pauvres en sont exclus. Ceux qui s'en servent font exception
à la règle, car non seulement ils doivent subir toutes les avanies
que nous avons décrites, mais encore les prix de la troisième classe
sont plus élevés que ceux de première classe sur les autres chemins
de fer. Si ces lignes étaient mises à la portée du public, le nombre
des voyageurs s'accroîtrait-il dans une proportion assez exacte, pour
qu'une diminution d'un quart dans le tarif amenât une augmentation
correspondante dans le nombre des voyageurs? Bien que cela peut être,
il ne faut pas y compter absolument. Tout dépendrait des circonstances.
Au résumé, j'admets qu'il y aurait un déficit sur les recettes brutes.

Pour donner un aperçu du nombre d'individus qui voyagent lorsque les
moyens de transport sont à leur portée, nous comparerons le résultat
de tarifs élevés et de tarifs modérés entre villes qui ont adopté les
différens systèmes.

La distance entre Anvers et Bruxelles est de 27 milles ¼[17]. Les prix
des places sont de 2 sh. 6 d.[18], 1 sh. 8 d. et 1 sh. La population
d'Anvers est de 75,000 âmes et celle de Bruxelles de 134,000.

  Le nombre des voyageurs a été en 1837 de 1,145,467
                                en 1838 de 1,148,324

La distance entre Liverpool et Manchester est de 30 milles ¾. Les prix
des places, il y a quelques années, étaient de 5 sh. 6 d.[19], 3 sh.
6 d. Pendant 6 ans, de 1831 à 1836, la moyenne des voyageurs a été de
436,993. La population de Manchester était alors de 270,000 âmes et
celle de Liverpool de 190,000. Ces deux villes, les plus commerçantes
de l'empire, avaient des relations très étroites entre elles; elles
avaient une population double de celle de Bruxelles et d'Anvers, et
elles étaient dix fois plus riches; cependant, avec tous ces avantages,
le nombre des voyageurs transportés par leurs chemins de fer, dépasse
de peu le tiers de celui transporté par le chemin de fer belge.

Nous avons pris nos chiffres dans les états soumis au parlement, parce
que la compagnie de Manchester et de Liverpool ne donne que fort peu
de détails statistiques sur ses propres affaires. Elle a depuis lors
élevé ses prix à 6 sh. 6 d.[20], 6 sh. et 4 sh. 6 d. et, malgré cette
augmentation, le nombre des voyageurs s'est considérablement accru. Il
ne faut pas oublier que la population de ces deux villes est bien plus
nombreuse et que leur commerce est plus étendu.

Quelle serait l'augmentation du mouvement sur cette ligne si l'on
réduisait le tarif de 70 % sans que les dépenses s'accrussent comme il
est arrivé pour la ligne de Glasgow à Greenock?

La première de ces lignes a de grands avantages sur celle-ci. La
population de Liverpool et de Manchester est bien plus nombreuse que
celle de Glasgow et de Greenock, et le grand nombre de bateaux à
vapeur qui naviguent sur la Clyde, transportent presque la moitié des
voyageurs qui font le trajet entre ces deux dernières villes. La ligne
de Liverpool à Manchester est en possession d'un monopole complet;
quel bien résulte-t-il de tous ces avantages? Le chemin de Glasgow à
Greenock a transporté l'année dernière 833,755 voyageurs, tandis que
l'autre n'en a transporté que 694,423 (du 24 juin 1841 au 24 juin
1842). Les prix de la première ligne (22 milles ½) sont de 2 sh. 6
d., 1 sh. 6 d. et 6 d. Dans la même proportion, ceux de Manchester
devraient être de 3 sh. 6 d., 2 sh. 1 d. et 8 d. au lieu de 6 sh. 6
d., 6 sh. et 4 sh. 6 d., selon le tarif actuel. Avec de tels prix,
le nombre des voyageurs triplerait. Nous avons vu qu'il en coûtait
sur la ligne de Glasgow à Greenock 1 sh.[21] par 100 milles[22] pour
le transport d'un voyageur. Dans ce prix sont comprises toutes les
dépenses, droits, taxes, etc. Sur celle de Manchester à Liverpool,
le prix des dernières classes est 6 fois plus élevé par 100 milles,
c'est-à-dire qu'il est de 6 sh. 5, parce que les directeurs préfèrent
obliger le public à payer 6 fois plus qu'il ne serait juste, afin de
s'assurer ½ pour % de profit de plus.

Il est inutile de pousser cette enquête plus loin. Vers quelque partie
du royaume que nous tournions les yeux, nous trouvons les mêmes
résultats. Le nombre des voyageurs est d'autant plus considérable
que les tarifs sont moins élevés. Les compagnies qui ont adopté les
bas tarifs font exception à la règle générale. On considère les
tarifs _modérés_ comme ceux qui rapportent le plus. Par modérés, on
entend ceux qui ne sont pas assez élevés pour arrêter complètement
la circulation. Il ne faut pas s'attendre à ce que les compagnies
abaissent leurs tarifs, elles sont bien plutôt prêtes à les augmenter.

Il nous reste maintenant à développer l'application de notre théorie.
Comment passera-t-on d'un tarif élevé à un tarif bas? Comment
mettra-t-on la locomotion sur les chemins de fer, à la portée de toutes
les classes de la société? Nous espérons que nos remarques précédentes
ont démontré la vérité des propositions suivantes:

1º Que le tarif en vigueur sur les chemins de fer anglais exigeant
en moyenne pour les différentes lignes 2.71, 1.9, et 1.2 _pence_ par
mille, et si l'on ne fait attention qu'au total de leurs recettes
2.85, 2.1. et 1.25 pence par mille, est tellement élevé qu'il empêche
quelques classes de la société de voyager, et qu'il impose, sous ce
même rapport, des privations à beaucoup d'individus d'autres classes;

2º Que la force en activité aujourd'hui sur les chemins de fer peut
grandement accomplir trois fois sa tâche (je pourrais dire avec preuves
dix fois; mais pour ma présente proposition, dire trois fois me
suffit), et, conséquemment, comme le nombre des voyageurs par convoi
est sur quelques chemins de fer de 60 ou 80, tandis que sur d'autres,
il est de 200 et 300, le coût serait le même;

3º Que toutes les compagnies, sauf un petit nombre, trouvent
plus avantageux de transporter peu de voyageurs payant cher; que
l'accroissement des voyageurs n'est pas assez grand pour balancer
la réduction des prix, et que par conséquent, le système en vigueur
conservera ses tarifs élevés.

Les directeurs et les capitalistes n'ont en vue que leurs intérêts.
Pourquoi en serait-il autrement? S'ils voient jour à faire le plus
léger profit en augmentant leurs tarifs de 25 p. cent, ils le font.
S'ils craignaient de voir une diminution minime dans leurs bénéfices
par une réduction de 50 p. cent, n'attendez pas plus d'eux que de
toutes autres personnes qu'ils préfèrent l'avantage du public au leur.

Les capitalistes de ce pays ont placé des sommes immenses dans la
construction des chemins de fer; il est entendu que toute proposition
qui leur ferait tort d'un liard (farthing) devrait être rejetée,
qu'aucune mesure législative ne pourrait les priver de leur propriété
sans qu'il y ait au préalable achat ou indemnité. Mais avant d'entrer
dans des considérations de cette nature, il est nécessaire d'établir
rigoureusement en quoi cette propriété consiste, son prix d'achat,
sa valeur actuelle, le revenu qu'elle donne et la perte probable qui
résulterait d'une baisse de ⅔ sur le prix de transport. Nous diviserons
donc cette question en trois catégories.

La 1re catégorie comprendra la grande masse des chemins de fer du
royaume, de ceux dont les actions sont au-dessus et au-dessous du pair,
mais qui sont journellement cotées à la Bourse. On peut calculer à un
shilling près la valeur de cette catégorie.

La deuxième catégorie comprendra principalement ces chemins de fer qui
sont rarement sur la place ou dont la cote n'est que nominale.

La troisième catégorie comprendra ceux qui ne sont pas à présent sous
l'administration directe de leurs propriétaires respectifs.

Nous croyons inutile de faire observer que la valeur des propriétés
de chemins de fer change constamment. Les tableaux suivans ont été
calculés lorsque les actions de presque tous les chemins de fer étaient
très élevées, pendant le mois d'avril. Comme ces calculs ne sont qu'une
affaire de détail, les valeurs de mois serviront aussi bien que celles
de tout autre mois. (_Voir ci-contre le 5e tableau_).

La 2e catégorie comprend les chemins de fer dont la plus grande partie
a donné des résultats fâcheux. Quelques-uns de ceux-ci ne sont pas sur
la place; d'autres n'y sont que par fiction et à des prix au-dessus de
leur valeur réelle; mais pour chacun d'eux, nous avons pris la valeur
la plus élevée qui soit cotée, estimée ou annoncée. (_Voir ci-contre le
6e tableau_).

Si l'on veut examiner de nouveau le 3e tableau, on s'assurera qu'en
estimant la dépense à 50 p. cent des recettes, nous sommes dans le
vrai; plusieurs des chemins de fer ci-dessus indiqués ne publiant
point de comptes, nous avons été obligés d'évaluer leurs recettes
soit d'après le taux de leurs actions, soit d'après une estimation
du mouvement de leurs lignes. Pour leurs dépenses, nous avons pris
la moyenne de celles des autres chemins de fer. Le total en est
comparativement peu élevé.

5e TABLEAU.

Etat de la valeur foncière et mobilière des Chemins de Fer Anglais.

_Première catégorie comprenant vingt-quatre lignes._

  ====+==========+=============+===========================+=============+
  Nos.|ÉTENDUE   |    COUT     |       CHEMINS DE FER.     |     COUT    |
      |EN MILLES.| PAR MILLE.  |                           |    TOTAL.   |
      |          |             |                           |             |
      |          |             |                           |             |
      |          |             |                           |             |
  ----+----------+-------------+---------------------------+-------------+
      |          |Livres sterl.|                           |Livres sterl.|
   1  | 112 ¼    |53,150       | Londres à Birmingham      | 5,953,000   |
   2  | 118 ¼    |56,365       | Great Western             | 6,651,000   |
   3  |  92 ¾    |27,830       | South Western             | 2,588,000   |
   4  |  83 ¾    }22,740       | Grand-Junction          } | 2,375,000   |
   5  |  18      }             | Chester à Crewe         } |             |
   6  |  30 ¾    |50,910       | Liverpool à Manchester    | 1,578,000   |
   7  |  40 ¾    |62,450       | Londres à Brighton        | 2,656,000   |
   8  |  51      |59,800       | Manchester à Leeds        | 3,125,000   |
   9  |  72 ¾    |45,790       | North Midland             | 3,344,000   |
   10 |  57      |29,990       | Midland Counties          | 1,725,000   |
   11 |  46      |34,630       | Edinbourg à Glasgow       | 1,569,000   |
   12 |  40      |24,720       | Glasgow à Ayr             | 1,029,000   |
   13 |  22      |27,820       | North Union               |   615,000   |
   14 |  25      |22,400       | Stockton à Darlington     |   560,000   |
   15 |  15      |22,000       | Stockton à Hartlepool     |   330,000   |
   16 |  27      |24,110       | York et North Midland     |   673,000   |
   17 |  60 ½    |17,490       | Newcastle à Carlisle      | 1,070,000   |
   18 |   6      |56,660       | Dublin à Kingstown        |   340,000   |
   19 |  25      |13,800       | Ulster                    |   345,000   |
   20 |  25      |17,400       | Brandling-Junction        |   471,000   |
   21 |  14 ½    |37,480       | Chester à Birkenhead      |   538,000   |
   22 |   7      |34,550       | Newcastle et North Shields|   242,000   |
   23 |  16 ¾    | 8,600       | Dundee à Arbroath         |   155,000   |
   24 |   7 ½    | 9,470       | Sheffield à Rotherham     |    71,000   |
      +----------+             |                           +-------------+
      |1,014[23] |             |                           |38,003,000   |

  +=========================+================+================+
    CHEMINS DE FER.         |   VALEUR.      |    RECETTES    |
                            |                |     EN 1842.   |
  --------------------------+----------------+----------------+
                            |Livres sterling.|Livres sterling.|
  Londres à Birmingham      |11,430,000      |  809,200       |
  Great Western             |8,305,000       |  670,200       |
  South Western             |3,650,000       |  314,800       |
  Grand-Junction          } |4,640,000       |  413,200       |
  Chester à Crewe         } |                |                |
  Liverpool à Manchester    |2,849,000       |  237,700       |
  Londres à Brighton        |2,046,000       |  168,500       |
  Manchester à Leeds        |3,234,000       |  228,800       |
  North Midland             |2,550,000       |  216,500       |
  Midland Counties          |1,263,000       |  135,500       |
  Edinbourg à Glasgow       |1,496,000       |   93,700       |
  Glasgow à Ayr             |  771,000       |   56,700       |
  North Union               |  610,000       |   55,800       |
  Stockton à Darlington     |  975,000       |   85,400       |
  Stockton à Hartlepool     |  590,000       |   67,000       |
  York et North Midland     |1,110,000       |   85,200       |
  Newcastle à Carlisle      |  975,000       |   77,600       |
  Dublin à Kingstown        |  354,000       |   42,400       |
  Ulster                    |  285,000       |   21,100       |
  Brandling-Junction        |  410,000       |   40,400       |
  Chester à Birkenhead      |  276,000       |   30,600       |
  Newcastle et North Shields|  200,000       |   20,500       |
  Dundee à Arbroath         |  144,000       |   12,100       |
  Sheffield à Rotherham     |   85,000       |   18,700       |
                            +----------------+----------------+
                            |48,248,000      |3,901,600       |

  +=========================+================+================+=========+
    CHEMINS DE FER.         |                |   BÉNÉFICES    | INTÉRÊT |
                            | DÉPENSES.      |     NETS.      | ANNUEL  |
                            |                |                | P. 100. |
  --------------------------+----------------+----------------+---------+
                            |Livres sterling.|Livres sterling.|L. Sh. D.|
  Londres à Birmingham      |  272,300       |  536,900       | 11  2 » |
  Great Western             |  277,100       |  393,100       |  7  » » |
  South Western             |  141,000       |  173,800       |  6 10 » |
  Grand-Junction          } |  162,500       |  250,700       | 10  » » |
  Chester à Crewe         } |                |                |         |
  Liverpool à Manchester    |  110,600       |  127,100       | 10  » » |
  Londres à Brighton        |   77,400       |   91,100       |  4  » » |
  Manchester à Leeds        |  101,400       |  127,400       |  5 10 » |
  North Midland             |   90,800       |  125,700       |  3  5 » |
  Midland Counties          |   78,000       |   57,500       |  3  » » |
  Edinbourg à Glasgow       |   30,200       |   63,500       |  5  » » |
  Glasgow à Ayr             |   25,400       |   31,300       |  3  » » |
  North Union               |   21,400       |   34,400       |  6 13 » |
  Stockton à Darlington     |   35,000       |   50,400       | 15  » » |
  Stockton à Hartlepool     |   27,200       |   39,800       |  9  » » |
  York et North Midland     |   29,700       |   55,500       | 10  » » |
  Newcastle à Carlisle      |   30,400       |   47,200       |  4  » » |
  Dublin à Kingstown        |   20,600       |   21,800       |  5  » » |
  Ulster                    |   10,800       |   10,300       |  4  » » |
  Brandling-Junction        |   18,200       |   22,200       |  4 10 » |
  Chester à Birkenhead      |   15,200       |   15,400       |  4  » » |
  Newcastle et North Shields|    8,400       |   12,100       |  4  » » |
  Dundee à Arbroath         |    4,900       |    7,200       |  5  » » |
  Sheffield à Rotherham     |   10,900       |    7,800       |  6  » » |
                            +----------------+----------------+---------+
                            |1,599,400       |2,302,200       |  6 6 7  |

 +=========================+====================+
    CHEMINS DE FER.         | INTÉRÊT
                            | ANNUEL P. 100.
                            | d'après leur cours.
  --------------------------+--------------------+
                            |L. Sh. D.
  Londres à Birmingham      | 4  18  »
  Great Western             | 4  16  »
  South Western             | 4  15  »
  Grand-Junction          } | 4  17  »
  Chester à Crewe         } |
  Liverpool à Manchester    | 4  16  »
  Londres à Brighton        | 4  11  »
  Manchester à Leeds        | 4  18  »
  North Midland             | 4  19  »
  Midland Counties          | 4  16  »
  Edinbourg à Glasgow       | 5   1  »
  Glasgow à Ayr             | 4  17  »
  North Union               | 5  11  »
  Stockton à Darlington     | 5  10  »
  Stockton à Hartlepool     | 5   »  »
  York et North Midland     | 5   »  »
  Newcastle à Carlisle      | 4  18  »
  Dublin à Kingstown        | 5   1  »
  Ulster                    | 4  10  »
  Brandling-Junction        | 5   5  »
  Chester à Birkenhead      | 4  18  »
  Newcastle et North Shields| 5   »  »
  Dundee à Arbroath         | 5   »  »
  Sheffield à Rotherham     | 5   8  »
                            +-----------
                            | 4  19 4
6e TABLEAU.

Valeur foncière et mobilière des Chemins de Fer Anglais.

_Deuxième catégorie comprenant vingt-quatre lignes._

  -----+----------+-------------+-----------------------+
  Nos. |LONGUEUR  |     COUT    |     CHEMINS DE FER.   |
       |EN MILLES.|  PAR MILLE. |                       |
       |          |             |                       |
  -----+----------+-------------+-----------------------+
       |          |Livres sterl.|                       |
      1|   55     |     26,720  |Birmingham à Gloucester|
      2|   48  ½  |     24,180  |Birmingham à Derby     |
      3|   45     |     27,300  |Great North of England |
      4|   52  ½  |     53,600  |Eastern Counties       |
      5|    3  ¾  |    343,700  |Londres à Blackwall    |
      6|    3  ¾  |    273,300  |Londres à Greenwich    |
      7|    8  ¾  |     76,800  |Londres à Croydon      |
      8|   66     |     38,350  |South Eastern          |
      9|   22  ½  |     32,670  |Glasgow à Greenock     |
     10|   10     |     77,800  |Manchester à Bolton    |
     11|   31     |     21,000  |Hull à Selby           |
     12|   26  ½  |     15,110  |Llanelly               |
     13|   32  ¼  |     25,280  |Northern et Eastern    |
     14|   23     |     23,170  |Pontop et South Shields|
     15|   16     |     20,440  |Leycester à Swannigton |
     16|   19     |     22,730  |Preston à Wyre         |
     17|   11     |     46,540  |Sheffield à Manchester |
     18|   30  ¼  |     17,922  |Taff Vale              |
     19|   16     |     16,620  |Durham à Sunderland    |
     20|   12  ¼  |     15,740  |Slamannan à Airdrie    |
     21|    9     |     19,440  |Glasgow à Gankirk      |
     22|   15     |      9,130  |Arbroath à Forfar      |
     23|    7     |     22,860  |Bolton à Leigh         |
     24|    7     |     11,860  |Dundee à Newtyle       |
       +----------+             |                       +
       |  571[24] |             |                       |
       |          |             | _A déduire 50 p. 100_ |

  -----------------------+----------------+------------------+
      CHEMINS DE FER.    |       COUT     |      VALEUR      |
                         |      TOTAL.    |     ACTUELLE.    |
                         |                |                  |
  -----------------------+----------------+------------------+
                         |Livres sterling.| Livres sterling. |
  Birmingham à Gloucester|    1,470,000   |      995,000     |
  Birmingham à Derby     |    1,173,000   |      660,000     |
  Great North of England |    1,230,000   |      876,000     |
  Eastern Counties       |    2,737,000   |    1,865,000     |
  Londres à Blackwall    |    1,289,000   |      642,000     |
  Londres à Greenwich    |    1,026,000   |      679,000     |
  Londres à Croydon      |      672,000   |      581,000     |
  South Eastern          |    2,536,000   |    1,804,000     |
  Glasgow à Greenock     |      730,000   |      594,000     |
  Manchester à Bolton    |      778,000   |      520,000     |
  Hull à Selby           |      651,000   |      548,000     |
  Llanelly               |      395,000   |      235,000     |
  Northern et Eastern    |      810,000   |      665,000     |
  Pontop et South Shields|      533,000   |      500,000     |
  Leycester à Swannigton |      327,000   |      300,000     |
  Preston à Wyre         |      432,000   |      386,000     |
  Sheffield à Manchester |      512,000   |      195,000     |
  Taff Vale              |      540,000   |      310,000     |
  Durham à Sunderland    |      266,000   |      180,000     |
  Slamannan à Airdrie    |      190,000   |      163,000     |
  Glasgow à Gankirk      |      175,000   |      150,000     |
  Arbroath à Forfar      |      137,000   |      105,000     |
  Bolton à Leigh         |      160,000   |      120,000     |
  Dundee à Newtyle       |       83,000   |       60,000     |
                         +----------------+------------------+
                         |   18,852,000   |   13,133,000     |
   _A déduire 50 p. 100_ |                |                  |
                         |                |                  +
                         |       _Bénéfice net_              |

  -----------------------+----------------+----------
      CHEMINS DE FER.    |   RECETTES     | POUR 100
                         |    BRUTES      | PAR AN.
                         |   EN 1842.     |
  -----------------------+----------------+----------
                         |Livres sterling.| L.  Sh.
  Birmingham à Gloucester|     92,300     | 2   10
  Birmingham à Derby     |     65,000     | 2    »
  Great North of England |     68,200     | 2   10
  Eastern Counties       |    120,000     | 1    4
  Londres à Blackwall    |     49,100     | »    »
  Londres à Greenwich    |     54,600     | »   10
  Londres à Croydon      |     16,000     | 2   10
  South Eastern          |    180,000     | 2   10
  Glasgow à Greenock     |     55,200     | 2    »
  Manchester à Bolton    |     30,000     | 2    3
  Hull à Selby           |     65,000     | 4    »
  Llanelly               |     18,000     | 2    »
  Northern et Eastern    |     64,700     | 4    »
  Pontop et South Shields|     40,000     | 3    »
  Leycester à Swannigton |     25,000     | 3    »
  Preston à Wyre         |     8 ,500     | »    »
  Sheffield à Manchester |     15,000     | »    »
  Taff Vale              |     21,000     | 2   16
  Durham à Sunderland    |     31,400     | 2    »
  Slamannan à Airdrie    |      9,000     | 3    »
  Glasgow à Gankirk      |      6,000     | 3   10
  Arbroath à Forfar      |      7,000     | 3   10
  Bolton à Leigh         |      8,000     | 2   10
  Dundee à Newtyle       |      4,500     | 3    »
                         +----------------+
                         |  1,053,500     |
   _A déduire 50 p. 100_ |    526,750     |
                         +----------------+
                         |    526,750     |

La troisième catégorie comprend les chemins de fer qui, au moyen d'un
bail, sont exploités par d'autres chemins, ou qui sont administrés par
des syndics. Les recettes de celle-ci sont comprises dans les deux
précédentes catégories.

7e TABLEAU

    _3e Catégorie comprenant sept lignes._

  +--------+--------+-----------+--------------------+-----------+
  |Numéros.|Longueur| COUT      |                    |     Coût. |
  |        |en      | par       |  CHEMINS DE FER    |           |
  |        |milles  | mille.    |                    |           |
  +--------+--------+-----------+--------------------+-----------+
  |        |        |liv. sterl.|                    |liv. sterl.|
  |1       |  7     |   8,710   |Aylesbury Junction. |    61,000 |
  |2       | 10     |  33,900   |Bolton à Preston.   |   339,000 |
  |3       | 53½    |  27,110   |Bristol à Exeter.   | 1,450,000 |
  |4       | 18     |  31,390   |Cheltenham et       |   565,000 |
  |        |        |           |G.-Western          |           |
  |5       | 20½    |  21,240   |Lancaster à Preston.|   435,000 |
  |6       | 18     |   6,940   |Hayle.              |   125,000 |
  |7       | 20     |  17,000   |Leeds à Selby       |   340,000 |
  |        |------- |           |                    | --------- |
  |        |147[25] |           |                    | 3,315,000 |

  +--------+-----------+------------+---------+
  |Numéros.|Valeur.    | Bénéfices  | Intérêt |
  |        |           | nets.      | p. cent |
  |        |           |            | annuel. |
  +--------+-----------+------------+---------+
  |        |liv. sterl.| liv. sterl.| liv. sh.|
  |1       |  55,000   |   2,500    |  4      |
  |2       |  310,000  |   10,000   |  3      |
  |3       |  952,000  |   48,000   |  3 10   |
  |4       |  350,000  |   17,000   |  3      |
  |5       |  380,000  |   15,000   |  3      |
  |6       |  100,000  |    5,000   |  4      |
  |7       |  360,000  |   13,000   |  4      |
  |        |  -------- |  -------   |         |
  |        | 2,507,000 |  110,500   |         |

En analysant avec soin les trois tableaux qui précèdent, nous avons les
résultats suivans:

8e TABLEAU.

    _Classification de la propriété foncière et mobilière des chemins
      de fer._

  +-----------+----------------+---------+--------------+--------------+
  |           |Chemins de fers.| Milles. |Coût total.   |       Valeur.|
  |           |                |         |              |              |
  +-----------+----------------+---------+--------------+--------------+
  |           |                |         |liv. sterling.|liv. sterling.|
  +-----------+----------------+---------+--------------+--------------+
  |1re classe.|              24|   1,014 |37,376,000    |    48,248,000|
  +-----------+----------------+---------+--------------+--------------+
  |2e  classe.|              24|     571 |18,424,000    |    13,133,000|
  +-----------+----------------+---------+--------------+--------------+
  |3e  classe.|               7|     147 |3,315,000     |     2,507,000|
  +-----------+----------------+---------+--------------+--------------+
  |           |              55|1,732[26]|59,115,000[27]|63,888,000[28]|
  +-----------+----------------+---------+--------------+--------------+

  +-----------+---------------+--------------+--------------+
  |           |Recettes brutes|     Dépenses.|   Profit net.|
  |           |en 1842.       |              |              |
  +-----------+---------------+--------------+--------------+
  |           |liv. sterling. |liv. sterling.|liv. sterling.|
  +-----------+---------------+--------------+--------------+
  |1re classe.|3,901,600      |    1,599,400 |     2,302,200|
  +-----------+---------------+--------------+--------------+
  |2e  classe.|1,053,500      |      526,750 |       526,750|
  +-----------+---------------+--------------+--------------+
  |3e  classe.|115,500        |            » |       115,500|
  +-----------+---------------+--------------+--------------+
  |           |5,070,600[29]  |2,126,150[30] | 2,944,450[31]|
  +-----------+---------------+--------------+--------------+

  La 1re catégorie coûte par mille      36,910 liv.[32].
  sa valeur actuelle par mille est de   47,580     [33].

  La 2e catégorie coûte par mille       32,420 [34].
  sa valeur actuelle par mille est de   23,000 [35].

  La 3e catégorie coûte par mille       24,190 [36].
  sa valeur actuelle par mille est de   18,290 [37].

  1re catégorie.--Moyenne de l'intérêt en raison du nombre de lignes
                                        6 liv. 6 sh. 7 d.[38].
  Id. sur le total des recettes brutes  6      4     »
  Id. au taux actuel                    4     15     5

  2e catégorie.--Moyenne de l'intérêt   2     17     3
  Id. sur les recettes                  2     18     5
  Id. au taux actuel                    4      »     »

  3e catégorie.--Moyenne de l'intérêt   3     13     5
  Id. sur les recettes                  3     16     6
  Id. au taux actuel                    4     12     4

  Moyenne _bona fide_ de l'intérêt payé par les bonnes lignes
                                        4     19     9
  Id. suivant les prix arbitraires auxquels nous avons évalué les
  bonnes et les mauvaises               4     12     3

Les voyageurs contribuent aux recettes pour ⅔. L'autre tiers provient
du transport des marchandises, des produits agricoles, des bestiaux,
etc., etc. Le général Paisley mentionne dans son rapport annuel au
bureau du commerce que le nombre des voyageurs s'est élevé l'année
dernière à 19,000,000. De ce nombre, 12 p. cent ont voyagé par des
convois de 1re classe, 50 p. cent par des convois de 2e classe, et 32
p. cent par ceux de 3e classe. Ce qui fait plus de 10,000 voyageurs par
mille[39].

Maintenant que nous avons évalué la propriété foncière et mobilière
des chemins de fer du royaume, aussi exactement qu'il est nécessaire
pour l'objet que nous voulons atteindre, il nous reste à considérer les
différentes manières de traiter avec les compagnies:

1º Etablir un tarif uniforme dont les prix seraient en moyenne le tiers
du tarif en vigueur aujourd'hui, et indemniser les propriétaires au
bout d'un certain temps lorsque la perte qu'ils auraient subie serait
parfaitement connue;

2º Faire un forfait avec les compagnies pour une somme payée une fois
ou chaque année, au moyen duquel elles mettraient à exécution le
changement proposé à leurs risques et périls;

3º Acheter tous les chemins de fer du royaume, payer leurs dettes,
leurs engagemens et leurs hypothèques, et rembourser les actionnaires
au cours de la place.

La mise à exécution du premier projet rencontre une objection
insurmontable, non-seulement en ce que l'Etat aurait à payer pour
une perte réelle, mais encore pour une perte qui s'augmenterait des
dépenses extravagantes ou de la mauvaise administration des directeurs.
Il faut donc écarter ce projet.

Le deuxième projet serait plus faisable, mais il s'y rencontre deux
objections: la première, c'est que les compagnies demanderaient
certainement une somme considérable, 15 ou 20 millions sterling[40]
pour réduire leurs tarifs de deux tiers, et, la deuxième, que le
gouvernement n'y consentirait jamais. Si, néanmoins, c'est là le seul
moyen d'enlever les entraves qui s'opposent à la libre circulation,
il ne serait pas acheté trop chèrement. Il est inutile de s'arrêter
davantage là dessus. Il y aurait de la folie à augmenter de 20
millions la dette d'un pays déjà courbé sous le poids des impôts.

Il nous reste donc à examiner la troisième et dernière proposition,
qui consiste dans l'achat de tous les chemins de fer, dans le paiement
de leurs dettes, de leurs hypothèques, etc., etc. On achèterait les
actions d'après leur cours. Si nous eussions considéré ce plan comme
aussi peu praticable que les deux autres, nous aurions épargné au
lecteur la peine de lire les remarques précédentes, et nous aurions
adopté les conclusions de la _Revue d'Edimbourg_, que le mal est sans
remède, et qu'il est à regretter qu'une affaire aussi importante que
celle des communications intérieures ait été abandonnée à l'industrie
privée.

Ce projet d'achat est-il praticable, est-il convenable, est-il juste?
C'est ce que nous allons examiner.

Toute le monde doit être d'accord sur le premier point: s'il est
praticable. Si le gouvernement croyait devoir acheter tous les chemins
de fer du royaume, il trouverait sans difficulté l'argent nécessaire
aux mêmes conditions que lui ont faites ses autres créanciers. Cette
acquisition ne pourrait affecter en rien le crédit du pays. Différent
des emprunts qui ne rapportent rien, celui-ci rendrait au gouvernement
ce qu'il produit aujourd'hui, moins la différence résultant des
changemens proposés.

Il est inutile d'entrer dans des développemens plus étendus sur ce
point.

Le sujet principal que nous avons à considérer, c'est, s'il convient au
gouvernement d'intervenir comme nous le proposons.

Dans nos observations précédentes, nous espérons avoir démontré les
propositions suivantes; quelques-unes sont tellement évidentes qu'il
est inutile de s'y arrêter plus long-temps:

1º Que les chemins de fer ont introduit dans le mode de transport
en usage auparavant, un grand et utile changement; que, pour nous
servir des expressions de la _Revue d'Edimbourg_, ils sont le ressort
principal de tous les bienfaits moraux, intellectuels et politiques,
et qu'ils créent une telle révolution dans le commerce intérieur du
pays et dans ses ressources qu'on ne peut y songer sans être rempli
d'étonnement;

2º Que les bienfaits qu'une communication libre et non interrompue dans
tous les sens, apporte à un pays, et surtout à un pays commercial, sont
incalculables. Le commerce et l'industrie augmentent en proportion
des facilités que donne la modicité des tarifs; une portion du public
est soulagée d'un impôt assez lourd, tandis qu'une autre partie jouit
d'avantages dont elle était privée;

3º Que les tarifs des chemins de fer de ce pays sont, à quelques
exceptions près, si élevés, que la société ne retire pas de leur
établissement les avantages auxquels on devait s'attendre;

4º Que l'élévation des tarifs pour le transport des voyageurs et des
marchandises ne provient nullement du prix de revient du transport,
puisque, dans certains cas, l'on pourrait transporter trois fois le
nombre des uns et le poids des autres sans augmentation de dépenses,
et que, dans d'autres cas, l'augmentation serait légère. Elle ne
provient pas non plus du prix de revient du chemin de fer, mais bien de
l'intérêt seul des actionnaires, qui ne cherchent qu'à faire le plus
d'argent possible. Aussi voyons-nous des chemins de fer demander des
prix cinq fois plus grands que d'autres;

5º Que c'est un fait pour ainsi dire général que les tarifs élevés
donnent plus de bénéfices que des tarifs modérés; que, depuis quelques
années, les principales compagnies ont élevé les leurs et qu'elles
ont l'intention positive de les élever encore. On aurait donc tort
d'attendre des compagnies, prises en masse, une rédaction dans leurs
tarifs;

6º Qu'il y aurait de grands avantages pour le public à opérer le
transport des voyageurs et des marchandises au tiers des prix actuels;

7º Que c'est le devoir du gouvernement, tout désagréable qu'il soit
à remplir, de changer cet état de choses, surtout s'il peut l'être
sans léser les parties et sans aggraver la situation du pays par de
nouvelles taxes.

Nous pensons que personne ne contestera la vérité des propositions
précédentes; mais, afin de confirmer ce que nous avons déjà dit
touchant le coût du transport, nous allons citer le témoignage des
directeurs du chemin de fer de Glasgow à Greenock, qui ont adopté des
tarifs très bas comme plus avantageux. Ils ont réduit leurs prix de
66 p. cent ou, ce qui revient au même, ils ont une autre classe de
voyageurs au prix de 1 farthing le mille[41].

Voici ce que nous trouvons dans leur rapport du premier semestre 1842:
«Nous avons prouvé que l'augmentation des dépenses qui résulte d'un
nombre plus considérable de voyageurs mérite à peine d'être remarquée,
et que le nombre de convois que nous avons aujourd'hui pourrait
transporter moitié plus de voyageurs sans grande augmentation de
dépenses.» La réduction opérée sur les places de la 3e classe a eu des
résultats si heureux, que les directeurs annoncent à leurs actionnaires
que si elle eût eu lieu avant le commencement de l'année, le résultat
du mouvement commercial de leur ligne eût été bien différent de celui
qu'ils présentent.

  Dans la semaine finissant le 21 mai, le nombre des voyageurs
  était de                                          12,133

  La semaine suivante, après diminution du tarif    17,332

  La semaine suivante                               19,621

Et toujours en augmentant jusqu'à ce que nous trouvions ce nombre
atteindre le chiffre de 33,887 dans une semaine de l'été; et les
directeurs assurent qu'avec un accroissement minime de dépenses, on
en transporterait 50,000 par semaine. «Le nombre total des voyageurs
sur toute la ligne s'est élevé, pendant le dernier semestre de 1842,
à 123,349, _et comme les dépenses générales n'ont pas augmenté_, les
bénéfices nets se sont accrus de 10 p. cent par l'adoption de la classe
de 6 d.[42], bien que le ¼ des voyageurs des 1re et 2e classes aient
pris les wagons de 3e classe.»

Le chemin de fer de Dublin à Kingstown nous fournira un exemple
encore plus frappant des résultats d'un tarif très bas, mis en vigueur,
il y a deux ans. L'année dernière, la compagnie a transporté, sans
augmenter en rien ses dépenses, 478,117 voyageurs de plus qu'en 1840,
et ses actions de 100 livres, qui étaient à 18 p. cent. au-dessous du
pair, sont aujourd'hui de 16 p. cent au-dessus.

«Les partisans des tarifs élevés de ce côté du détroit, dit un des
journaux de chemins de fer, dans ses remarques sur l'assemblée
semestrielle de la compagnie ci-dessus nommée, seront sans doute
étonnés d'apprendre qu'il existe un prix de ½ farthing[43] par mille
pour une certaine classe de voyageurs; mais le succès qui a couronné
les opérations de la compagnie de Kingstown démontre qu'il n'est pas
trop bas. Nous serions heureux de voir une semblable méthode adoptée
par les compagnies anglaises; mais nous n'osons pas l'espérer.»

_Le Journal des chemins de fer d'Herapath_ et d'autres papiers publics,
qui s'occupent de ces voies de communication, prèchent vigoureusement
l'adoption, par toutes les lignes, d'une échelle de tarif plus réduite,
comme moyen d'augmenter les dividendes; mais il est inutile d'ajouter
qu'ils sont loin d'approcher de la réduction que nous avons proposée.

Nous avons déjà vu que dans plusieurs cas, des tarifs très bas
donnaient des résultats plus satisfaisans même que des tarifs modérés.
Ceux-ci sont des exceptions à la règle générale; mais si des essais
plus fréquens étaient tentés, ils réussiraient peut-être à la changer.
Nous avons vu les résultats de la ligne de Blackwall; Greenwich perd 20
p. cent par semaine pour avoir augmenté son tarif d'environ 30 p. cent.
Avec cette augmentation là on ne peut pas encore dire qu'il soit élevé;
il appartient à la classe dite _modérée_.

Il serait absurde de chercher à évaluer pour chaque chemin de fer le
profit ou la perte qui résulterait d'une réduction de 70 p. cent sur la
moyenne des tarifs.

Nous venons de voir que le Blackwall gagne environ 100 liv. par semaine
par la réduction de 30 p. cent dans son tarif. Il pourrait le réduire
encore de 30 p. cent. sans aucune crainte de perte.

Le chemin de Dublin à Kingstown par l'adoption d'une classe à ½
farthing, ce qui constitue une diminution de 80 p. cent. a vu les
dividendes, s'élever de 4 à 5 p. cent.

Le chemin de Glasgow à Greenock a beaucoup amélioré ses affaires en
réduisant son tarif de 66 p. cent.

Nous sommes persuadés que beaucoup de lignes obtiendraient les mêmes
résultats. Celle de Liverpool à Manchester, par exemple, n'a que deux
classes. La plus élevée de 6 sh. 6 d.[44]; l'autre, à 4 sh. 6 d. Nous
doutons fort qu'il en résultât pour elle la moindre perte si elle
réduisait ses prix à 2 sh. 6 d., et 1 sh. 6 d. et si elle ajoutait un
convoi de 3e classe à 1 sh.[45].

Une réduction de 70 p. cent sur le chemin de Londres à Birmingham
diminuerait probablement, au contraire, ses recettes de 150 mille
livres[46] par année.

Les recettes de la plupart des grandes lignes éprouveraient
probablement une diminution proportionnée.

On peut estimer la diminution, dans les recettes totales, à 1 million
sterling[47]. Nous croyons que ce chiffre dépasse de beaucoup la
réalité; mais dans des supputations de ce genre, on ne saurait laisser
trop de marge.

Nous ne saurions trop répéter que les prix de revient du transport
par chemin de fer est aussi arbitraire que les règlemens de tous
les directeurs du royaume diffèrent entre eux, et ce n'est pas peu
dire; que, malheureusement, la majorité des compagnies trouvent leur
intérêt à dépenser pour la traction trois fois plus qu'il ne faudrait
afin de faire payer le public en conséquence; mais si elles mettaient
plus d'économie dans leurs dépenses, en faisant profiter le public du
bénéfice net, elles paieraient un intérêt moindre à leurs actionnaires
sur le capital primitif. Des compagnies qui donnent aujourd'hui 8 et 10
p. cent d'intérêt par an, ne donneraient pas plus de 6 et 8 p. cent, et
ainsi des autres dans la même proportion.

On peut estimer à 200,000 liv.[48] par an l'augmentation de dépenses
qui résulterait de la mise hors de service du matériel, etc.; mais,
d'un autre côté, on économiserait trois cent mille livres par la
réunion de 50 administrations en une seule. Il faudrait déduire de
la recette la somme payée aux chemins de fer par l'administration
des postes. Elle est d'à peu près 100,000 liv. par an[49]. Supposons
maintenant que le gouvernement achetât tous les chemins de fer du
royaume au taux élevé de 106 liv. 3 p. cent consolidés pour chaque 100
liv. de valeur de chemins de fer, et examinons quelles seraient les
conséquences de ce compte:

9e TABLEAU.

    _Compte de l'Etat._

             CRÉANCIER.                    |             DÉBITEUR.
                                           |
  Produit net des recettes 2,946,450 l.[50]|Int. de liv. 66,311,000[52]
                                           | 3 p. 100 2,051,600 l.[53]
  Réduction dans la dépense                |
  annuelle par                             |Somme payée par la direction
  suite de la concentration                |des postes         120,000
  de 48 administrations                    |
  en une seule                300,000[51]  |Accroissement de dépense
                                           |du matériel     200,000[54]
  Bénéfice que ferait la                   |
  direction des postes                     |Réduction dans le montant
  par un transport plus                    |brut des recettes
  facile des malles            150,000     |               1,000,000[55]
                             ---------     |      Balance      25,450
  Liv. 3,396,450                           |                  ---------
                             =========     |              Liv. 3,396,450
  A nouveau par balance         25,450     |


Si notre projet était mis à exécution, nous ne craignons pas d'affirmer
que nos calculs seraient trouvés aussi justes que peuvent l'être des
calculs de ce genre; et, d'après les règles suivies dans des cas
semblables, nous nous contentons de la balance de 25,000 liv.[56], et
nous abandonnons les fractions. Nous avons cité les deux seuls exemples
dans ce pays d'adoption de tarifs excessivement bas. Dans l'un, une
classe de voyageurs paie 1 farthing (2 c. ½) par mille, dans l'autre,
un demi farthing (1 c. ¼). Les deux compagnies qui les ont adoptés ont
gagné à ce changement. Si toutes les compagnies voulaient en faire
autant à leurs risques et périls, et si elles n'augmentaient point
leurs dépenses, tout en transportant une quantité triple de voyageurs
et de marchandises, d'après nos calculs, le profit net qu'elles ont
aujourd'hui, lequel s'élève à 2,946,450 liv. ne serait plus que de
2,051,000 ou bien, en d'autres termes, l'intérêt actuel de 4 liv.
19 sh. 9 d. tomberait à 3 liv. 2 sh. 1 d., et la valeur foncière et
mobilière des chemins de fer aujourd'hui de 63,888,000 liv.[57] ne
serait plus que de 39,980,000 liv.[58]; ce qui vaut aujourd'hui 100
liv. ne vaudrait plus que 61 liv.

Nous le demandons au partisan le plus zélé des tarifs élevés,
pense-t-il que la réduction que nous avons prise pour base de nos
calculs produirait une dépréciation aussi ruineuse, si le gouvernement
forçait les compagnies à baisser leurs tarifs des ⅔? Nous avons là
sous les yeux le chemin de fer le _South Eastern_ qui transporte
des voyageurs à 3 farthings[59] par mille et celui _l'Eastern_ à 2
pence[60]. Pourquoi une telle différence, si des tarifs élevés sont
plus lucratifs?

Avant de balayer 50 directions, et avec elles leurs milliers de lois,
d'ordonnances, de règles, de règlemens opposés les uns aux autres,
se contredisant quelquefois; avant de dissoudre autant de comités
d'investigation avec leurs volumineux rapports, il nous faut d'abord
indiquer par qui nous les remplacerons. Quel système adopterons-nous
pour administrer les chemins de fer? Nous croyons que le meilleur
système à adopter serait celui de la direction des postes. Une personne
distinguée également par le talent et la naissance et un membre du
cabinet auraient entre les mains toute la direction. Ils répondraient
au gouvernement de la manière dont ils rempliraient leurs fonctions. Ou
bien, il serait mieux peut-être de constituer la direction comme l'a
été récemment le bureau du Commerce (Board of trade). On choisirait
le président dans la Chambre des Pairs, et le vice-président dans la
Chambre des Communes.

Nous proposons 4 classes de voyageurs:

  La 1re classe:  1 penny par mille[61].
  La 2e classe:   3 farthings id.[62].

Ces 2 classes voyageraient par le même convoi à la vitesse de 25 milles
(10 lieues) par heure y compris les stations.

  La 3e classe:   ½ penny par mille[63].
  La 4e classe:  1 farthing  id.[64].

Ces deux classes de voyageurs voyageraient par le même convoi à la
vitesse de 15 milles (6 lieues) par heure y compris les stations. Il y
aurait deux départs par jour aux heures les plus convenables pour les
classes ouvrières.

Ce n'est point dans le but d'empêcher les gens de voyager par ce
dernier convoi que je demande qu'il aille plus lentement; c'est parce
que les voyages à grande vitesse occasionnent une double dépense par
l'usure des wagons et l'effet des frottemens. _Nous voudrions que les
voitures de 3e classe fussent fermées comme celles de 2e classe_; on
ne paierait que la différence de vitesse. En examinant le tableau
suivant, extrait de l'ouvrage de Nicholas Wood sur les chemins de fer,
nous verrons qu'une locomotive qui traînera un fardeau de 125 tonn.
avec une vitesse de 15 milles par heure n'en traînera qu'un de 25 tonn.
si l'on double la vitesse. Le tableau suivant indique les différentes
proportions de poids et de vitesse:

10e TABLEAU.

    _Puissance d'une locomotive ordinaire._

  Poids en tonn. Milles. Milles Poids en tonn.
   25             30.90 | 10        250
   50             25.15 | 12½       184
   75             22.54 | 15        138
  100             18.18 | 17½       106
  125             15.98 | 20        83
  150             14.29 | 22½       65
  175             13.28 | 25        50
  200             11.20 | 27½       38
  225             10.77 | 30        28

Ainsi donc, une locomotive qui traînerait 138 tonn. avec une vitesse
de 15 milles par heure ne pourrait traîner que 50 tonn. avec une
vitesse de 25 milles[65]. L'usure causée par le frottement est plus
considérable. Il y a donc dans le fait, en proportion, autant de profit
dans le transport des voyageurs qui paient 1 farthing[66] par mille que
dans le transport de ceux qui paient un penny[67]. Si l'on transportait
les 2 classes avec une vitesse égale, ou l'on commettrait une injustice
envers la 1re classe en la transportant trop lentement, ou l'on
perdrait sur le transport des deux dernières classes.

Nous ajouterons à ces 4 classes le convoi de la poste, pour les
voyageurs de 1re classe seulement. Le prix serait de 2 pence[68] par
mille, la vitesse de 35 milles[69] par heure y compris les stations. Ce
serait là un grand avantage pour ceux qui par goût, ou par nécessité
voudraient voyager très rapidement. Ce mode de transport plus exclusif
conviendrait beaucoup aux sentimens aristocratiques d'un grand nombre
de personnes.

Jusqu'à présent, nous n'avons considéré les recettes que dans leurs
rapports avec le bien général, autant du moins qu'une réduction
 immédiate dans les tarifs pourrait le servir. Il nous reste à
considérer maintenant les bienfaits indirects que le pays retirerait du
changement que nous proposons.

Avec le système qui régit nos chemins de fer, il n'est guère possible
d'exécuter l'admirable plan de réforme postale de M. Rowland Hill à
moins que le gouvernement ne consentît à faire le sacrifice d'une
portion considérable du revenu direct. On n'a pas oublié que nous avons
déduit des recettes une somme de 120,000 liv.[70] que la direction
des postes paie aux compagnies pour le transport des malles, de sorte
que la direction l'aurait dans son département. D'un autre côté, nous
avons porté au crédit une somme de 150,000 liv.[71] à laquelle nous
estimons l'accroissement du revenu des postes au moyen des facilités
plus grandes créées pour le transport, puisque la direction aurait
le pouvoir d'envoyer à toute heure et sans surcroît de dépenses, ses
malles-postes dans toutes les directions.

Des 55 chemins de fer que nous avons désignés, la direction des postes
n'a de rapport qu'avec la moitié d'entre eux y compris le _South
Eastern_, l'_Eastern_, _Northern_ et _Eastern_. Elle en emploie 20
environ d'une manière assez irrégulière, et il n'y en a que _cinq_
sur la totalité qui servent au transport des malles-postes; et ces 5
chemins reçoivent environ les ¾ de la somme payée. Que coûterait-il
à la direction des postes d'envoyer autant de malles par les autres
lignes que par celles-ci? Elle paie annuellement pour le transport de
ses dépêches à la compagnie de Birmingham à Gloucester (55 milles)
10,156 liv.[72]. Aux chemins de fer dont les noms suivent: Carlisle à
Newcastle (60 milles), Stockton à Darlington (25 milles), _Great North
of England_ (45 milles), Londres à Brighton (50 milles), Manchester à
Leeds (60 milles) qui forment un total de 240 milles[73] de longueur,
la direction ne paie annuellement que 2,994 liv.[74], c'est-à-dire le
tiers de ce qu'elle paie à une seule ligne qui n'a que 55 milles de
long. Il est certain que la direction des postes dépensera toujours
le moins qu'elle pourra, et il en résulte qu'elle se sert des chemins
de fer le moins possible. Quels que soient les avantages que le
public pourrait recueillir de la mise à exécution dans toute son
étendue du plan de réforme de M. Rowland Hill, ce plan entraînerait
le gouvernement à faire des sacrifices plus considérables qu'il ne
le voudrait. Si au contraire les chemins de fer appartenaient au
gouvernement, non-seulement l'Etat gagnerait ce qu'il paie aujourd'hui
pour le transport de ses dépêches, mais il pourrait encore achever de
développer dans toute son étendue la réforme postale de M. Rowland Hill.

Le changement que nous proposons est, sous quelques rapports, bien
que dans des proportions plus restreintes, analogue à celui de cette
réforme. Il n'est pas inutile d'examiner quoi leurs principes diffèrent
ainsi que la nature des circonstances au milieu desquelles ils sont
placés. Nous verrons en même temps si les résultats produits par la
réforme postale, peuvent être cités pour ou contre celle que nous
proposons, sous le rapport financier.

D'abord, dans le plan de M. Rowland Hill, le port des lettres était
réduit au 6e de ce qu'il était avant, et la diminution des recettes qui
en fut la conséquence s'éleva à 900,000 liv. (22,500,000 fr.) Dans la
réforme du système des chemins de fer que nous proposons, la réduction
ne va qu'aux deux tiers, et nous avons estimé le déficit qui s'en
suivrait dans les recettes à 1 million sterling (25 millions de fr.).

Ensuite le plan de M. Rowland Hill, sous le rapport financier, n'a
pas répondu aux espérances que l'on en concevait, parce que l'on a
adopté le principe d'un droit fixe, au lieu d'un droit proportionnel
qui eût été dans ce cas-ci le plus avantageux. Un tarif de ports de
lettres variant de 1 penny à 3 pence (de 10 à 30 centimes), selon les
distances, aurait produit un revenu plus considérable et aurait été
plus en harmonie avec les bons principes d'économie politique et le bon
sens.

En admettant même que les vues de M. Rowland Hill soient justes sous
le rapport du prix payé pour le port d'une lettre par celui qui
l'écrit, il n'a pas pris en considération la valeur que cette lettre
avait pour celui qui la reçoit. Si un marchand a deux articles de
différentes qualités qui lui coûtent le même prix, il fera autant
d'attention à leur valeur relative aux yeux de l'acheteur, qu'à ce
qu'ils lui ont coûté. Un individu accoutumé à payer dans un endroit 1
sh. 6 d. (1 f. 85 c. ½) le port d'une lettre, et dans un autre 6 d.
(62 c. ½) et qui peut continuer sa correspondance moyennant le 6e du
prix qu'il payait auparavant, n'écrira probablement pas une lettre
de plus parce que la réduction est d'un 18e; la différence est donc
perdue pour le gouvernement. Si l'on veut jeter un coup d'oeil sur le
3e tableau, on verra que sur la route de Glasgow à Greenock, si le
nombre des voyageurs triplait, le coût du transport d'un voyageur,
pour une distance de 100 milles (160 kilom. ou 40 lieues), serait de
6 d. Le coût de la traction seule ne serait que de 3 d.; mais la part
des dépenses d'administration, de taxe, d'impôts, etc., monterait à
3 d. de plus. Maintenant, un voyageur serait-il raisonnable d'exiger
que l'on ne fit payer le transport que d'après le prix de revient à
la compagnie, exclusivement, parce que l'on pourrait le transporter
pendant 100 milles pour 6 d., soit, par exemple, de Londres à
Liverpool, pour 2 sh. 2 d. (2 fr. 70 c.), au lieu de 27 sh. (35 fr. 75
c.) qu'il paie aujourd'hui?

Voilà en quoi notre plan diffère beaucoup de celui de M. Rowland
Hill. Ses calculs ont été basés seulement sur la dépense faite par le
vendeur; dans les nôtres, la valeur reçue par l'acquéreur est prise
également en considération.

Il y a une différence totale de position dans les deux cas. Par la
réforme de la taxe des lettres, le déficit dans les recettes qui a
été de 900,000 liv., est une perte positive pour l'Etat, et il faut
la combler par d'autres taxes directes. Par la réforme que nous
proposons, les revenus de l'Etat ne peuvent pas perdre un simple
farthing. Le revenu que le Gouvernement tire des chemins de fer est
d'environ 200,000 liv. (5 millions de fr.) Non-seulement nous laissons
cet article dans les dépenses, mais encore nous déduisons des recettes
la somme payée par la direction des postes. _Le Gouvernement ne
perdrait donc en effet par la réduction des tarifs que ce qu'il gagne
aujourd'hui avec ceux en vigueur._

Le crédit du Gouvernement lui permet d'emprunter à un taux peu
au-dessus de 3 p. cent. L'actionnaire d'un chemin de fer ou de toute
autre entreprise sujette à spéculation, ne veut pas placer son capital
à un taux moindre de 5 p. cent. La solidité du placement est le premier
objet du capitaliste; l'intérêt vient ensuite.

Des actions de chemin de fer qui aujourd'hui valent 100 liv., peuvent,
dans un an, ne pas valoir 50 liv. C'est de là que vient la différence
entre un intérêt incertain et soumis à de continuelles fluctuations qui
mettent en danger le capital, et la fixité comparative des capitaux
garantis par l'Etat.

Ces vérités sont hors de doute. On a observé avec raison que les
capitaux, aussi bien que l'eau, trouvent toujours leur niveau. Le
porteur de rente qui ne reçoit que 3 p. cent pour son argent placé
dans les consolidés, pourrait vendre et acheter des actions de chemin
de fer qui lui rapporteraient 5 p. cent, ou à peu près, dans les
meilleures lignes. S'il ne le fait pas, n'est-il pas évident que le
premier placement est à ses yeux meilleur que le second? Les compagnies
d'assurances sont dans ce pays les établissemens qui donnent les plus
beaux bénéfices. On dit que l'_Equitable_, qui est la plus riche
corporation du monde, a un capital de plus de 15,000,000 sterling (375
millions de fr.). Ce capital provient des bénéfices qu'elle a faits
en assurant les particuliers contre tous risques. Les différentes
compagnies d'assurances après avoir payé au Gouvernement plus d'un
million sterling (25 millions de fr.), chaque année, partagent
d'énormes bénéfices entre leurs actionnaires. Il suffit de jeter un
coup-d'oeil sur la cote de leurs actions pour avoir une idée de leur
valeur. Et d'où viennent ces bénéfices? De l'anxiété du public pour
assurer ses propriétés, et de ses dispositions à payer plus qu'il ne
serait nécessaire pour couvrir les risques. Un placement de fonds dans
les chemins de fer est dans le même cas. Échangez vos actions contre
des 3 p. cent, et ces 3 liv. 2 sh. _certains_ que vous recevrez valent
autant que les 4 liv. 19 sh. 9 d. _incertains_ que vous receviez.
Les valeurs que ces deux placemens représentent sont identiques; la
différence forme une prime d'assurances. Le gouvernement ferait donc
un bénéfice clair en recevant une prime de 895,000 liv. (22,375,000
fr.) pour la garantie qu'il donnerait au capital et aux intérêts. Cette
prime comblerait le déficit présumé qu'occasionnerait l'abaissement des
tarifs.

Le lecteur versé dans les affaires comprend parfaitement tout ceci;
mais cette explication était nécessaire pour ceux qui ne connaissent
pas la nature de notre système monétaire.

Nous croyons avoir démontré qu'il y a bien peu de rapport entre la
réforme postale de M. Hill et la nôtre pour les chemins de fer. On
ne peut pas prévoir quels seraient les résultats financiers de notre
proposition, d'après ceux de la réforme postale, parce que ces deux
réformes ne sont pas placées dans les mêmes circonstances, et parce
que les principes sur lesquels elles sont fondées sont différens. La
réforme commerciale introduite par M. Hill a produit sans doute un bien
infini, mais qui ne peut atteindre ses dernières limites qu'autant que
les malles-postes seront transportées gratis dans tous les bourgs et
villages. Pour cela il faudrait que le Gouvernement se déterminât à
faire le sacrifice d'une grande partie de son revenu.

Notre plan de réforme produirait encore un bien immense par les
secours qu'elle donnerait à des millions de malheureux qui sont dans
l'impossibilité de payer pour se transporter là où ils trouveraient des
secours, et qui tombent, par suite de cette impossibilité, à la charge
de leur paroisse. Leur transport ne coûterait rien au gouvernement, et
l'argent que les pauvres coûtent aujourd'hui serait une économie pour
le pays tout entier.

Il existe encore une autre classe d'individus que nous ne devons pas
oublier. Elle est malheureusement considérable dans ce pays, aussi bien
que dans tous les autres. C'est celle du pauvre ouvrier qui ne peut pas
même payer un liard (farthing) par mille pour son transport lorsqu'il
est en quête d'ouvrage et de pain, et qu'il est trop fier pour demander
des secours à sa paroisse.

Nous ne devons pas passer sous silence une considération importante;
c'est l'économie que le gouvernement ferait dans le transport des
troupes, des officiers publics, des employés d'administration, des
courriers, du matériel de la guerre et de la marine, etc. Elle serait
considérable.

Nous ne nous sommes occupés jusqu'à présent que des avantages que
le public retirerait des changemens que nous proposons; il ne faut
pas oublier cependant qu'il existe d'autres intérêts, ceux de
l'actionnaire, qui doivent être protégés. Voyons s'il aurait raison de
se plaindre d'être exproprié _nolens volens_.

Plus qu'aucune autre propriété, celle des chemins de fer a été créée
par le parlement. Un chemin de fer, à l'aide du pouvoir qui lui donne
l'existence, se fraie une route à travers les terres, malgré la volonté
de ceux qui les possèdent; il détruit la beauté des domaines, il
renverse les maisons de fond en comble, arrache les arbres et poursuit
sa course sans jamais dévier de la ligne droite, jusqu'à ce qu'il ait
atteint son but. Il a fait des ravages qu'aucune indemnité ne saurait
compenser aux yeux de beaucoup de gens.

De toutes les propriétés existantes il n'en est aucune qui ait moins
le droit d'être privilégiée, si le besoin public exigeait que l'Etat
la réglât par son intervention; ceux qui la possèdent ne peuvent donc
demander aucun privilége. Cette propriété est constamment sur la
place, elle change constamment de mains. Elle n'est considérée que
comme placement de fonds, et les fluctuations que sa valeur éprouve la
rendent incertaine, même pour une semaine.

On se rappellera que j'avais divisé les chemins de fer en deux grandes
catégories, parce que leur évaluation était basée sur des principes
différens.

Dans la première catégorie, j'ai compris la grande majorité des chemins
de fer qui ont donné de bons résultats, avec quelques-uns d'un ordre
inférieur dont les actions sont constamment sur la place, ici ou
ailleurs. Leur valeur peut être fixée tout de suite à 100 liv. près.
Cette catégorie ne présente donc aucun obstacle à la mise à exécution
du plan proposé.

Pour la seconde, c'est un peu différent. Elle comprend tous ces chemins
de fer qui n'ont pas réussi, qui paient peu ou point d'intérêt.
Pour la plupart, leurs actions ne sont pas cotées, et à peine,
sur vingt-quatre, y en a-t-il six ou huit qui donnent lieu à des
transactions publiques. On doit s'attendre à ce qu'une propriété
qui coûte autant et qui rapporte si peu n'a pas, aux yeux de ses
détenteurs, une valeur égale à celle qui donne de gros intérêts. On
fait donc très peu d'affaires sur ces chemins de fer. Par exemple: le
Birmingham à Derby, le Birmingham à Manchester, le Manchester à Leeds,
le Birmingham à Gloucester, d'après leurs cotes, ne doivent pas payer
plus de 3½ p. cent d'intérêt à leurs acheteurs, tandis que la meilleure
ligne du royaume, le Stockton à Darlington, paie environ 6 p. cent à
l'acquéreur de ses actions, au taux actuel. Ses actions, primitivement
de 100 liv., rapportent 15 p. cent, et leur valeur, suivant le cours,
est de 255 liv. La compagnie de Manchester à Birmingham paie 2 p.
cent, et le cours officiel de ses actions est de 22 liv., tandis
que leur prix d'émission est de 40 liv. En résumé, le gouvernement
devrait payer les actions au prix du cours, quel qu'il fût, sans
prendre en considération le taux de l'intérêt, ou même si les actions
en rapportent un. Le Blackwall ne paie aucun intérêt; il serait donc
difficile d'évaluer une propriété qui ne rapporte rien et qui impose
de grandes obligations à ceux qui la possèdent. Le Greenwich est à
peu près dans la même situation. Le dividende est, pour ainsi dire,
nominal, car il est payé au taux de 10 sh. (12 fr. 50 c.) par an. Les
dividendes de plusieurs compagnies ont tellement l'air de fictions,
que ces compagnies feraient mieux de suivre l'exemple du Blackwall
et de n'en pas annoncer. Il y a, dans les chemins de fer ruinés ou à
peu près, qui sont épars sur la surface du royaume, un vaste capital
enterré, appartenant à des propriétaires, à des prêteurs hypothécaires,
qui ne rapporte rien et qui ne peut être liquidé. Ne serait-ce pas un
grand bonheur pour ces gens-là de pouvoir en faire de l'argent d'après
sa valeur nominale, ou bien d'après celle qu'ils lui donnent. Il existe
dans la première catégorie plusieurs lignes dont les propriétaires
seraient charmés de liquider de cette manière leur propriété. Cette
propriété, qui n'a aucune valeur considérée comme source de revenu
(et ce n'est que sous ce rapport qu'elle n'a pas de valeur pour les
actionnaires), en aurait une immense pour l'Etat, même sous le point
de vue financier. Elle est sans valeur pour les détenteurs actuels, non
pas tant parce qu'elle ne possède aucun mérite intrinsèque, que parce
que les bénéfices sont absorbés par des emprunts considérables, souvent
à 6 pour cent, tandis que le gouvernement ne paierait que la moitié de
ce prix.

L'esprit d'entreprise souffrira-t-il dans ce pays, si le gouvernement
devient acquéreur des chemins de fer, à l'exclusion de tout autre
individu? La bonne-foi nationale sera-t-elle accusée, la confiance
publique ébranlée, parce qu'un malheureux actionnaire de Stockton à
Darlington ou de Londres à Birmingham ayant placé, il y a dix ans
ou vingt ans, un capital dont il aura tiré jusqu'à ce jour 10 ou 15
p. cent par an, devra en recevoir le remboursement au cours actuel,
c'est-à-dire sera forcé d'accepter la double ou le triple de ce que sa
propriété lui a coûté!

Des offres libérales éviteraient au gouvernement l'embarras de négocier
un emprunt qui rapporterait probablement aux soumissionnaires une prime
de 2 p. cent. Le dernier emprunt a été soumissionné, par M. Jaubert,
au taux de 107 liv. 5 sh. 8 d. 3 p. cent pour 100 liv. Les consolidés
étaient alors à 3 p. cent plus bas qu'ils ne le sont aujourd'hui.

Il existe encore une considération qui doit être constamment présente
à l'esprit du législateur qui a en vue la moralité et le bonheur du
peuple confiés à ses soins. Il doit, autant que possible, le garantir
de la tentation de spéculer, qui est opposée au véritable esprit des
affaires, et qui a des effets si désastreux pour ceux qui s'y livrent.
Il y a malheureusement dans ce pays une classe nombreuse d'individus
pour laquelle les spéculations dans les chemins de fer présentent de
grandes tentations. Les cours des actions de chemins de fer éprouvent
des fluctuations continuelles sur la place; ils sont soumis, jusqu'à un
certain point, aux opérations des joueurs à la baisse et à la hausse,
et par cela même, ils remplissent parfaitement le but des coulissiers.
Il existe ensuite une autre classe d'individus plus digne de notre
sympathie, qui place ses fonds dans les chemins de fer, attirée par
l'appât du haut intérêt qu'ils paient; il serait impossible de calculer
le nombre de ceux qui se ruinent par suite de la dépréciation que
cette valeur éprouve. Nous avons donné la nomenclature de ces chemins
de fer dans un but différent; il serait donc inutile d'y revenir.
A-t-on une idée du nombre de familles qui ont été ruinées par le
chemin de fer de Greenwich, depuis le temps où ses actions étaient
à 25, jusqu'à l'époque où elles sont tombées à 5, ne payant qu'un
intérêt fictif; ou bien par celui de Blackwall, dont les actions de 2
ou 3 au-dessus du pair qu'elles étaient dans l'origine, sont tombées
au taux minime où nous les voyons à présent! Depuis l'année dernière
ces actions sont tombées d'environ 60 p. cent. Mais ces ruineuses
dépréciations n'atteignent pas seulement les chemins de fer qui n'ont
pas réussi; les actions du Grand-Junction étaient, il y a deux ou
trois ans, à 240 liv.; elles payaient 14 p. % d'intérêt; elles sont
aujourd'hui à 200 liv. et donnent 10 p. cent. D'un autre côté, quels
sont les résultats des effets opposés, lorsque des actions ont augmenté
de valeur et que leur vente a fait gagner à leurs détenteurs 20, 30
ou 50 p. cent? L'honnête homme devient un spéculateur déterminé: il
attribue à sa sagesse ce qui est l'effet du hasard. Ses prévisions
peuvent ne pas être aussi heureuses dans la suite, et après avoir
éprouvé toutes les vicissitudes de jeu, il termine sa carrière comme
tous les joueurs, par une banqueroute.

Dans notre opinion, rien ne saurait être plus pernicieux que de
semblables influences; elles détruisent la moralité et les habitudes
d'ordre d'une nation. Dans la situation actuelle, deux parties
intéressées agissent constamment en sens inverse sur une valeur de plus
de 60 millions sterling (1 milliard 500 millions de fr.), et cette
valeur est tour à tour augmentée ou dépréciée, selon les intérêts de
la partie la plus puissante. Ne vaudrait-il pas mieux que ceux qui ont
placé de bonne foi leurs capitaux dans ces entreprises, retirassent
un intérêt sûr d'un capital comparativement fixe, que de courir de
semblables risques et d'être constamment en danger de se ruiner?

Chez une nation aussi commerçante que la nôtre, les spéculations et
les marchés à termes auront toujours lieu sur une grande échelle; mais
le gouvernement doit circonscrire leur fatale influence parmi les
personnes qui s'y livrent habituellement, et empêcher l'honnête homme
d'être victime de transactions souvent frauduleuses.

Dira-t-on que si le gouvernement ne peut pas détruire entièrement
ce genre de spéculation, il ne doit rien faire pour l'arrêter. Quel
est le mal que l'on puisse extirper radicalement? Parce que nous ne
pouvons pas déraciner l'arbre, nous est-il défendu de couper ses
branches? Parce que nous ne pouvons pas empêcher le crime, devons-nous
nous abstenir de le punir? Parce que nous ne pouvons pas empêcher
le jeu, faut-il que nous tolérions les maisons de jeu? Le devoir du
gouvernement est de frapper ferme et fort sur tous les maux de ce
genre, toutes les fois qu'il en a l'occasion comme aujourd'hui.

Nous avons presque terminé cette longue série de faits, de citations,
d'argumens, et nous craignons d'avoir épuisé la patience de nos
lecteurs. Notre excuse est tout entière dans l'importance du sujet qui
intéresse plus ou moins tous les membres de la société.

D'après les faits que nous avons cités, et les opinions que nous avons
imprimées, on doit voir que nous avons cherché à établir la vérité des
propositions suivantes; nous espérons avoir réussi dans la tâche que
nous nous sommes imposée:

1º Que la situation du pays s'améliorerait considérablement sous le
rapport politique, social et moral, par une extension aussi vaste
que possible des moyens de communication entre toutes les parties du
royaume;

2º Qu'il y a une force immense chaque jour en mouvement, qui suffirait
seule pour amener ce résultat; mais _qu'elle est perdue_ en grande
partie. Elle pourrait transporter tout individu qui voudrait changer
de place d'un bout du pays à l'autre, avec une vitesse incroyable, et
moyennant un prix si modique que le plus humble artisan pourrait s'en
servir;

3º Que c'est l'intérêt de ceux auxquels cette puissance est soumise, de
limiter ses services à un petit nombre d'individus au lieu de l'étendre
aux masses. De cette manière, le pays est privé des avantages qu'il
pourrait retirer de son application aux besoins de la société;

4º Que l'intervention du législateur peut seule détruire cet abus
criant, cette subversion de tous droits, si pernicieuse à la nation en
général;

5º Que le pouvoir confié aux propriétaires de chemins de fer devrait
appartenir au gouvernement, qui répondrait de l'usage qu'il en ferait
devant les Chambres et devant le pays;

6º Que si ce pouvoir était placé entre les mains du gouvernement, il
lui permettrait de faire jouir toutes les classes d'avantages qui
sont aujourd'hui le partage d'une seule. Il soulagerait les classes
riches d'un impôt très lourd, et les pauvres d'un mal intolérable. Il
étendrait le commerce en abolissant les charges qui pèsent sur lui, et
il diminuerait le prix des denrées de première nécessité, non pas en
diminuant les profits du producteur, mais les frais de production. De
cette manière, il rendrait un service immense au pays, sous un double
rapport politique et commercial, en développant les sources de sa
richesse, de sa puissance et de sa grandeur;

7º Que malgré l'importance de ces avantages, la morale et la société
en retireraient de plus grands encore. Les barrières qui séparent
l'homme de son semblable tomberaient; ce qui, par lui-même, est et
sera toujours un monopole deviendrait la plus noble invention de la
science et de la philantropie, au lieu d'être un instrument sordide
de gain. L'homme pourrait aller partout admirer les ouvrages de son
créateur, l'artisan maladif pourrait aller respirer un air plus pur,
qui redonnerait de la vigueur à sa constitution; les amis, séparés
seulement par un espace de 50 milles, ne seraient plus éloignés les
uns des autres comme si l'Océan les séparait; l'homme jouirait, dans
toute son étendue, du bonheur et de l'aisance que lui procurerait une
manière de voyager aussi rapide qu'économique. Tels sont, en somme, les
avantages qui sont à notre portée et à celle de tous les peuples qui
possèdent des chemins de fer;

8º Que l'adoption de notre plan ne ferait tort à personne; qu'elle ne
diminuerait aucune branche du revenu direct, et qu'elle accroîtrait de
beaucoup le revenu indirect; et enfin que ne nuisant à aucun intérêt,
elle ne devrait soulever les préjugés d'aucun parti.

Si nous jetons un coup-d'oeil sur les pays étrangers, nous verrons
qu'ils nous ont surpassé dans la manière d'établir et de conduire leurs
chemins de fer. Nous avons déjà eu occasion de citer la Belgique. Les
gouvernemens de France, d'Autriche, de Russie, de Prusse, de Hollande
et les états de l'Allemagne regardent ces entreprises comme tellement
importantes, qu'ils les ont fait diriger par l'Etat, ou qu'ils ont
donné toute espèce d'encouragemens aux capitalistes, à condition que
leurs tarifs seraient très bas. En Angleterre, on a suivi une ligne
de conduite diamétralement opposée: le gouvernement n'a fait aucune
construction de chemin de fer, et n'a accordé aucun secours à ceux qui
ont entrepris ces nouvelles routes. Quelle en a été la conséquence?
C'est que l'on extorqué a des capitalistes des millions qui ont été
dépensés en sollicitations auprès des Chambres, ou à écarter des
compagnies rivales. On ne peut pas avoir oublie les rivalités que la
ligne de Brighton a soulevées. Il y avait quatre compagnies, et leurs
dépenses parlementaires, pour une seule année, se sont élevées à plus
de 100,000 liv.[75]. En voici le détail par une personne engagée dans
l'affaire: «Nous avions vingt conseillers, dirigés par six sergens du
roi et conseils du roi; nous avions un régiment de vingt avoués des
plus éminens, flanqués par une brigade d'agens du parlement; et, en
outre, il y avait une armée d'ingénieurs, dont la principale affaire
était de se contredire les uns les autres, ce pourquoi les hommes
de loi leur prêtaient main-forte avec la plus grande cordialité.»
Ceci n'est que la contre-partie de ce qui a eu lieu, plus ou moins,
sur chaque ligne. Que de millions on aurait alors épargnés aux
actionnaires, si le gouvernement eût tracé les meilleures lignes, et
les eût offertes aux enchères à la compagnie qui aurait proposé le
tarif le plus bas! Il faut reconnaître néanmoins que le gouvernement
a agi avec impartialité envers tous. S'il a laissé dépouiller le
capitaliste, il ne pouvait pas, en toute justice, l'empêcher d'en
faire autant aux autres lorsqu'il a eu en mains le pouvoir de le
faire. Pour accorder à chacun ce qui lui est dû, il faut convenir que
le capitaliste n'a pas été long-temps sans l'exercer, ce pouvoir, et
qu'il rend maintenant avec usure à la société les faveurs qu'il en a
reçues.

N'est-il pas extraordinaire que dans un pays comme le nôtre, où tous
les membres de l'administration, depuis le premier ministre jusqu'au
bedeau de la paroisse, sont responsables de leurs actes, il existe
une soixantaine de corporations, responsables seulement envers leurs
actionnaires, qui ont le pouvoir de taxer le public _ad libitum_,
et qui ne cessent d'augmenter leurs tarifs qu'au moment où ces
augmentations cessent de leur être profitables; qui sont forcées d'agir
ainsi par devoir, et de soutirer de la nation autant d'argent qu'elles
peuvent, quelles que soient les conséquences de ce système pour le
pays? Le voyageur est forcé littéralement de se soumettre à tous les
règlemens, lois et charges qu'il convient à 50 fois 12 ou 24 individus,
respectables sans doute, de lui imposer pour leurs bénéfices.

  Le total des recettes de tous les chemins de fer s'élève
  à                                   5,072,600 liv.[76].

  Le tiers de cette somme serait      1,690,800
                                      ---------
  Différence                          3,381,800 liv.

La partie du public qui est obligée de se servir de chemins de fer
serait donc soulagée de cette somme, ou au moins de 3,000,000[77].

Il est impossible de calculer le nombre d'individus que l'adoption de
notre plan engagerait à se servir des chemins de fer. Mais qui pourrait
calculer, non pas ce que l'on a tiré des malheureux avec le système
actuel, mais la perte qu'ils ont éprouvée dans leur temps, leur santé,
leur industrie et leur confort? Ils ont été obligés de sacrifier
des heures précieuses lorsque des minutes auraient suffi; ils n'ont
pu aller chercher ailleurs des moyens d'existence qui leur étaient
refusés autour d'eux. Voilà l'impôt dont on les dégrèverait: que les
calculateurs en fixent l'importance!

Nous sommes persuadés que beaucoup de personnes diront qu'il y
aurait folie à discuter une semblable question et qu'elle ne mérite
même pas l'attention du gouvernement. Si les principes que nous avons
défendus sont vrais, si les faits que nous avons cités existent, si
nous en avons tiré des conclusions logiques, pourquoi le gouvernement
ne tournerait-il pas son attention vers ce sujet? Si, au contraire,
nous avons examiné ce sujet sous un faux point de vue, si notre projet
est l'oeuvre de visionnaire, si les faits que nous avons avancés sont
erronés, et nos conclusions fausses, alors le gouvernement a encore le
devoir, plus qu'aucune autre partie, de porter attention à notre projet
afin d'en faire justice.

Mais nous croyons notre projet de réforme utile, praticable et juste.
A tout évènement, il mérite d'être examiné; et s'il peut produire un
grand bien, aucune époque n'en aura eu plus besoin.

Il ne serait ni difficile ni dispendieux de faire un essai de notre
système; il s'agit de commencer par un chemin de fer. Le Blackwall,
par exemple. Les directeurs se prêteraient volontiers à un arrangement
équitable avec le gouvernement. Les prix seraient 2 pence pour la 1re
classe et 1 penny pour la 2e[78]. Nous doutons beaucoup qu'il y ait
un déficit dans les recettes; mais si elles baissaient d'un tiers
seulement, nos données seraient correctes, puisque la différence serait
balancée par la diminution d'intérêt. S'il est prouvé que l'on peut
voyager sur ce chemin de fer au tiers du prix que l'on paie à présent,
que personne ne perd et que tout le monde gagne au change, on essaiera
le système sur un autre: le Liverpool à Manchester. Que ce chemin
de fer, qui n'est ouvert au public que comme l'est _la Taverne de
Londres_, le soit réellement. Que le prix de 1re classe soit de 2 sh.
6 d. et 1 sh. 8 d., et la 2e classe 1 sh. 3 d. et 8 d.[79]. Si cette
seconde expérience réussit, on pourra en essayer une dernière sur le
chemin de Londres à Birmingham.

Supposons un instant que notre première expérience ne réussit pas et
que les rapports entre le prix de l'objet et la quantité consommée ne
fussent pas ceux que nous avons indiqués. Le chemin de fer Blackwall a
augmenté son mouvement en réduisant ses prix de 8 d. et 6 d. à 6 d. et
4 d. Supposons qu'une réduction plus forte n'amène aucun résultat parce
que les voyageurs préfèrent payer 6 d. et 4 d. au lieu de 2 d. et 1.
Admettons tout cela. Serait-il moins nécessaire de faire une expérience
qui coûterait aussi peu à la société et qui peut en cas de succès lui
rendre d'aussi grands services?

Nous regardons cette mesure non-seulement comme utile, mais encore
comme pouvant dégrever le pays d'une taxe directe qui n'est pas
moindre de 3,000,000 liv.[80], et donner au commerce et à l'industrie
une grande extension au moyen des nouvelles facilités accordées à la
circulation. Nous avons la confiance de n'avoir pas à nous reprocher
d'avoir donné trop d'importance au sujet; nous ne regardons pas
notre réforme comme une panacée qui doit guérir tous les maux du
pays, mais comme une mesure capable de rendre de grands services. La
législature n'a pas une puissance sans limites; il ne lui est pas
donné de maintenir une prospérité invariable. Elle ne peut pas régler
les moissons et faire qu'elles soient abondantes toutes les saisons;
attendons qu'elle ait ce pouvoir pour exiger qu'elle nous donne une
prospérité uniforme.

C'est à l'administration précédente que le pays doit la réforme
postale; mais elle l'avait refusée trop long-temps et elle l'a accordée
de trop mauvaise grâce pour que l'on puisse lui en savoir gré. Elle
a été accordée aux instances du pays, et c'est une majorité composée
également de ses adversaires et de ses partisans qui l'a votée dans la
Chambre des Communes. Les jours de ceux à qui nous devons ce bienfait
étaient déjà comptés, leur carrière touchait à son terme, et on
attribua cette concession de leur part bien moins au désir de servir
leur pays qu'à celui de soutenir leur fortune chancelante. Il n'existe
pas la moindre analogie entre la position de la présente administration
et celle de l'administration qui l'a précédée. Elles sont placées au
milieu de circonstances très différentes. Le gouvernement qui a eu
le courage moral d'imposer les taxes les plus détestées et les plus
inquisitoriales lorsque la nécessité l'exigeait, ne sera pas accusé de
rechercher seulement la popularité en rendant à la nation un service
aussi important que celui de mettre la circulation à la portée de tout
le monde.

Personne ne peut douter que le monde en général ne retire de grands
avantages des nouvelles voies de transport. Par elles les provinces
les plus éloignées deviennent étroitement liées avec la capitale.
De plus, elles font tomber les barrières qui séparent les nations,
elles unissent la capitale d'un état avec celle d'un pays étranger,
et elles convergent rapidement vers un des grands buts de l'existence
humaine, la connaissance de notre semblable. C'est ainsi que ces deux
gigantesques pionniers de la civilisation et de la science, la machine
à vapeur et le chemin de fer se feraient chaque jour de nouvelles voies
et pénètrent dans des régions presque inconnues. L'univers est leur
domaine, ils sont indigènes partout, toute forme de gouvernement leur
est indifférente. Ils s'élancent à grands pas à travers les forêts
désertes de l'Amérique, les steppes arides de la Russie, les bords
romantiques du Rhin ou les plaines fertiles de la Lombardie. Plus nous
apprécions les sages desseins de la Providence qui veut que tous les
hommes se regardent comme les membres d'une grande famille, plus nous
devons faire d'efforts pour étendre l'usage de ce qui semble destiné à
accomplir ce grand objet.

Ce sujet embrasse encore d'autres considérations que nous ne ferons
qu'effleurer. Aucun homme de sens ne peut douter que la science
ne se propageât plus facilement, que la religion et la moralité
ne s'étendissent davantage au moyen d'une plus grande facilité de
communication avec les parties de notre pays qui en ont le plus besoin.
Les témoignages recueillis devant la dernière commission parlementaire
créée pour s'enquérir de l'état des enfans dans les districts
manufacturiers et dans les mines offrent un tableau déplorable de
l'immoralité et de l'ignorance qui existent dans les districts les plus
peuplés. L'influence que des moyens de communications comparativement
libres exerceront pour détruire ces maux est admirablement bien
décrite par ces paroles d'un homme d'état distingué qui, plus que
personne au monde, a le pouvoir de faire triompher ses vues à ce
sujet[81]: «La machine à vapeur et le chemin de fer, a-t-il dit, dans
une solennité importante, ne facilitent pas seulement le transport des
marchandises d'un pays à un autre; ils font bien plus, ils développent
les rapports de l'intelligence avec l'intelligence; ils font naître
le besoin de la science, et la font accourir de tous les coins de
l'empire. Ils tendent d'autant plus puissamment à la culture de
l'esprit qu'ils améliorent davantage les pouvoirs physiques du pays.»


RÉSUMÉ.

Ceux qui n'ont pas le loisir ou l'inclination de parcourir les pages
précédentes, et d'examiner les détails statistiques que j'ai donnés
pour démontrer l'urgence d'introduire une réforme radicale dans notre
système de chemins de fer, seront peut être bien aises d'avoir un
résumé des argumens et des faits que j'ai avancés pour établir la
nécessité et la possibilité des changemens que j'ai proposés.

J'ai cherché à établir la nécessité d'un examen des principes sur
lesquels notre système de chemins de fer est fondé, et de la manière
dont ils sont exploités. J'ai démontré l'existence d'abus qui sont
tellement notoires qu'il suffit de les rappeler, sans qu'il soit besoin
d'autres preuves. Voici quels sont les principaux d'entre eux:

1º Les prix exorbitans du transport des voyageurs sur la plupart des
grandes lignes, si on les compare avec ceux des lignes du continent, et
particulièrement de la Belgique, les prix dans ce dernier pays étant
deux tiers moins élevés que chez nous.

2º Les charges illégales et _extorsionnaires_ que quelques compagnies
établissent, sûres comme elles le sont de pouvoir le faire impunément.

3º La privation imposée à la société du petit nombre de priviléges
que la législature lui avait concédés, les directeurs ayant recours
à des procès ruineux sur des points de droit les plus évidens, et
refusant même de se soumettre aux jugemens obtenus contre eux, afin
d'envelopper leurs adversaires dans d'interminables procès, et de
dégoûter par ce moyen ceux qui seraient tentés de les imiter.

4º Le mal et les vexations infligés au public, lorsque des compagnies
rivales possèdent différentes lignes de chemins de fer s'embranchant
les unes sur les autres.

5º Le préjudice que l'on cause à la société quand des compagnies
placées dans la même position se coalisent pour élever les prix.

6º Les conséquences ruineuses de notre système pour les classes pauvres
de ce pays. Ces classes sont, en grande partie, privées des avantages
que l'établissement des chemins de fer devait leur procurer. Les tarifs
sont, en grande partie, prohibitifs pour elles. On les soumet à des
traitemens indignes, au moyen d'un plan organisé pour les forcer à
prendre les trains de la classe supérieure: on choisit avec intention
les heures les plus incommodes pour le départ et pour l'arrivée, et on
les retient sur la route un temps indéterminé.

Tels sont les principaux moyens vexatoires employés par les compagnies,
et que nous avons prouvés par des documens statistiques.

Nous avons établi qu'une réforme radicale est indispensable, et que le
pays ne retire pas des chemins de fer tous les avantages qu'ils peuvent
donner. Nous avons remonté à la source du mal: _c'est que l'Etat a
accordé à des particuliers le contrôle et la direction des grandes
voies de communication intérieure, pour qu'ils en tirent tous les
bénéfices possibles_.

Nous avons prouvé l'inutilité d'attendre des compagnies des
améliorations au système en vigueur, à l'aide des deux faits suivans,
qui ont été publiés par un comité de la Chambre des Communes, et qui
n'ont pas encore rencontré de contradicteurs:

1º Qu'il est désavantageux aux compagnies _en général_ de transporter
des voyageurs à très bas prix, parce que, bien que leur nombre
s'accroisse, il n'augmente jamais assez pour combler le déficit produit
par la réduction du tarif;

2º Que les compagnies, après avoir écarté toute concurrence, élèvent
leur tarif au plus haut degré, sans craindre qu'elle reparaisse.

La compagnie de Londres à Brighton était dans ce cas; mais ses tarifs
dépassaient tellement toute limite, que des services de voitures
s'établirent de nouveau, ce qui força la compagnie à réduire ses prix
une seconde fois.

Or donc, puisqu'un tarif élevé donne plus de bénéfice, et que c'est le
système en vigueur sur les chemins de fer en cours de prospérité, il
n'est guère vraisemblable que les compagnies réduisent leurs prix et
qu'elles fassent disparaître les abus qui enflent leurs recettes.

Nous faisons ensuite remarquer les difficultés qui s'opposent à la
réforme que nous allons proposer. Un contrat a été passé entre le
législateur et les compagnies; par conséquent, aucune mesure à leur
préjudice ne peut être adoptée par le parlement, soit par rapport à
leur propriété, soit pour diminuer leurs profits, qu'il ne leur accorde
au préalable une indemnité satisfaisante. Mais nous ajoutons que le
législateur a un droit incontestable de traiter les propriétaires de
chemins de fer comme il traite tous les autres propriétaires lorsque
l'utilité publique le demande.

Nous décrivons en détail le système d'exploitation des chemins de fer
dans ce pays, et nous le mettons en regard de celui qui pourrait être
adopté, système qui rendrait leur utilité _entièrement_ dépendante du
bien public. Nous ajoutons qu'avec le système en vigueur, le _seul_
objet des compagnies est d'obtenir de gros dividendes, et qu'elles ne
songent à la convenance du public qu'autant qu'elle produit ce résultat.

Pour faire concevoir l'étendue des services que les chemins de fer
pourraient rendre à la société, nous appelons l'attention sur deux
points:

1º La puissance presque sans limites des chemins de fer pour effectuer
toute espèce de transport.

2º La grande _perte_ de puissance locomotive qui a lieu dans le
transport des voyageurs et des marchandises.

La vérité de la première proposition est tellement prouvée, que nous
nous sommes dispensés de nous y arrêter; mais la seconde est longuement
motivée, et nous avons cité une foule de documens statistiques pour
prouver que la puissance locomotive journellement employée est
suffisante pour _faire dix fois ce qu'elle fait_, et que par conséquent
_les_ 9/10es _de sa force sont perdus_. Nous avons tâché de démontrer
que si les tarifs étaient réduits de manière à tripler le nombre des
voyageurs, les dépenses totales ne seraient que faiblement augmentées,
et nous citons, pour corroborer notre opinion, l'exemple de plusieurs
compagnies, qui ont considérablement abaissé leurs tarifs, et qui, par
suite de cette mesure, ont vu tripler le nombre de leurs voyageurs sans
encourir _la plus légère augmentation de dépenses_. Mais, pour éviter
toute chicane là-dessus, nous avons fixé a 25 p. cent la dépense que
causerait une aussi grande augmentation de voyageurs.

Avant de discuter la manière dont le gouvernement devra traiter les
compagnies, nous estimons la valeur de leur propriété aussi juste qu'il
est possible de le faire, et nous la divisons en deux catégories: la
bonne et la mauvaise; les compagnies qui rapportent et celles qui sont
en perte. Les premières paient à leurs actionnaires environ 6 p. cent
par an sur le capital versé, et les autres environ 3 p. cent.

Nous disons qu'il y a trois manières de traiter avec les compagnies:

1º Les forcer à adopter un tarif uniforme (soit un tiers du tarif en
vigueur) et les indemniser au bout d'un certain temps de la perte
qu'elles auront supportée.

2º Le gouvernement paierait tous les ans aux compagnies une somme fixe,
et la réforme serait faite à leurs risques et périls.

3º Ou bien le gouvernement achèterait d'après les prix courans tous les
chemins de fer du royaume.

Après avoir fait remarquer les difficultés et les désavantages qui
résulteraient de l'adoption des premier et deuxième plans, nous
établissons que le troisième est le plus praticable, en expliquant
longuement comment il pourrait être exécuté.

La valeur estimative de tous les chemins de fer est d'environ
63,000,000 liv. (1,575,000,000 f.). La valeur de ceux de 1re classe
est de 48,000,000; ils paient 5 p. cent par an au taux actuel des
actions. La valeur de ceux de deuxième classe et de 15,000,000; ils ne
paient pas au-delà de 4 p. cent, suivant leur cours actuel, et celui de
beaucoup d'entre eux est nominal. Il va sans dire que l'on n'achèterait
pas une mauvaise valeur pour payer 4 p. cent, lorsque l'on peut en
avoir une bonne à 5 p. cent.

Nous proposons donc que l'Etat se rende acquéreur de toute cette
propriété au taux actuel des actions, et qu'il paie les détenteurs en 3
p. cent consolidés à des conditions assez libérales, non-seulement pour
qu'ils aient un bénéfice, mais encore pour que le gouvernement ne soit
pas obligé d'emprunter.

Pour satisfaire le lecteur, qui est étranger aux matières de finance,
et qui demandera tout naturellement où l'on prendra les 63 millions,
nous entrons dans quelques détails au sujet de notre système financier.
Nous disons que le gouvernement garantirait un certain paiement annuel
aux détenteurs d'actions, et qu'il s'adjugerait leur propriété pour en
faire ce qui lui semblerait utile au public.

La différence entre la somme des recettes faites aujourd'hui par les
compagnies et celle que le gouvernement aurait à payer en dividendes à
la création des consolidés nécessaires pour cette acquisition, serait
d'environ 1,000,000 st. (25 millions de francs.) Il est démontré
qu'un capital comparativement stable et d'un intérêt sûr, tel que
le capital placé dans les fonds du gouvernement, dont l'intérêt est
d'un peu plus de 3 p. cent, est égal, dans l'opinion publique, à un
capital _fluctuant_, dont l'intérêt est de 5 p. cent, terme moyen. La
différence entre les recettes des compagnies et les dividendes payés
par le gouvernement, produirait donc à celui-ci un bénéfice sûr de un
million sterling, si les tarifs n'étaient pas modifiés.

Nous proposons, dès que le gouvernement se sera mis en possession
des chemins de fer du royaume, d'établir un tarif uniforme qui ne
dépasserait pas le tiers du tarif actuel. Voici, dans notre opinion,
quelle en devrait être l'échelle:

Voyageurs par le mail (malle) 2 d. par mille[82] parcours 35 mil. (56
kilo) à l'heure,

  1re   classe 1»  d.[83]»} 25 m. (40 kil.)
  2e    classe ¾ » [84] » }
  3e    classe ½ » [85] » } 15 m. (24 kil.)
  4e    classe ¼ » [86] » }

Les marchandises, le bétail, les produits de l'agriculture seraient
transportés également pour le tiers du prix des présens tarifs.

Nous indiquons ensuite quelques-uns des bons résultats que les
modifications produiraient:

1º Un puissant stimulant au commerce et à l'industrie, en réduisant les
frais de transport des deux tiers.

2º Réduction dans le prix des objets de première nécessité.

3º Le public serait dégrevé de 3,000,000 liv.[87] de _taxes directes_
sans compter ce qu'on prélève sur lui en _taxes indirectes_.

4º Le gouvernement, alors seulement, aurait le moyen de mettre
complètement à exécution le plan de réforme sur les postes de M.
Rowland Hill, parce que le transport des malles serait franc de droit.

5º Les bienfaits qu'en retireraient les classes pauvres, et l'économie
qui résulterait pour les paroisses du transport de leurs pauvres gratis.

6º L'Etat n'aurait plus à payer pour le transport des troupes, du
matériel de la guerre et de la marine, de l'argent, etc.

7º Le bien qui en résulterait pour toutes les classes, riches et
pauvres, de pouvoir, pour leur santé, leurs affaires ou leurs plaisirs,
jouir des avantages qu'une libre communication de tous les points du
pays entre eux peut procurer.

Des documens statistiques établissent ensuite les résultats de la
mesure sous le point de vue parement financier.

Les comptes de deux chemins de fer (de Glasgow à Greenock, et de Dublin
à Kingstown), dont les propriétaires ont adopté un tarif très abaissé,
nous montrent que l'augmentation des passagers a plus que balancé la
réduction du tarif.

Le chemin de fer de Glasgow à Greenock a 22½ milles[88] d'étendue;
l'année dernière, il a abaissé son tarif de ⅔, ou, ce qui revient au
même, les voyageurs purent parcourir cette distance pour le tiers
du _plus bas prix_ précédemment exigé. Le résultat fut qu'en peu de
semaines le nombre des voyageurs s'éleva de 12,000 à 33,000, et la
compagnie gagna beaucoup à cette mesure. Le prix pour tout le parcours
n'est que de 6 d.[89].

Les résultats du système adopté par le chemin de fer de Dublin à
Kingstown prouvent encore suffisamment que le gouvernement pourrait,
sans danger de perte d'argent, opérer de grandes réductions dans les
tarifs. Il y a deux ans, les directeurs de cette compagnie abaissèrent
tellement leur tarif, qu'une classe de voyageurs est transportée
maintenant pour ½ farthing[90] par mille; et leurs affaires ont si bien
prospéré par l'adoption de cette mesure, que les actions qui, avant,
étaient à 18 p. cent _au-dessous du pair_, sont aujourd'hui à 16 pour
100 _au-dessus_.

Nous avons surtout appelé l'attention du lecteur sur ce fait, que ces
deux compagnies (les seules du royaume qui aient adopté le système des
tarifs très bas) n'ont pas eu la moindre augmentation de dépenses, bien
que, sur le chemin de Dublin à Kingstown, le nombre des voyageurs,
l'année dernière, ait dépassé de 400,000 celui des années précédentes.

Nous admettons toutefois que l'adoption de ce genre de tarif causerait
une diminution sensible dans la recette brute de la plupart des chemins
de fer; que la diminution ne serait pas moindre d'un tiers pour
quelques-uns, mais, d'un autre côté nous espérons avoir démontré que
le profit qui reviendrait a l'Etat _au moyen de la différence entre
les recettes perçues actuellement par les compagnies et les dividendes
qu'il aurait à payer_, compenserait amplement ce déficit.

D'où nous concluons que la mise à exécution de notre projet de réforme
est basée sur les quatre propositions distinctes:

1º _La force perdue_ sur les chemins de fer pourrait être utilisée
moyennant des frais très bornés, si on les compare au bénéfice qu'on en
retirerait;

2º Que cette _force perdue_, au moyen d'une grande réduction dans les
tarifs, rendra des services immenses au pays;

3º Que l'augmentation des voyageurs couvrirait à peu de chose près le
déficit produit par les réductions dans les tarifs;

4º Que le crédit dont jouit le gouvernement lui permet de mettre à
exécution ce projet, sans qu'il en coûte rien au pays.

Ce résumé est suffisant pour donner au lecteur une idée générale de
notre projet de réforme.



APPENDICE[91].


CHAPITRE PREMIER.

    _Perte de puissance.--Degré auquel on pourrait réduire les tarifs._

L'auteur annonce qu'il n'a jamais entendu donner un calcul
rigoureusement exact de la perte de puissance qui a eu lieu dans les
locomotives. Il lui suffisait d'avancer que les deux tiers de cette
puissance étaient perdus, puisque l'on pouvait, sans augmentation de
dépense, transporter un nombre de voyageurs ou une charge triple.

Le calcul du coût du transport par voyageur et par mille est basé sur
l'hypothèse qu'au moyen d'une réduction dans les tarifs toute la force
des locomotives serait employée. Ce qui aurait lieu sur beaucoup de
lignes.

«La vitesse la plus économique pour le transport sur les chemins de
fer, d'après M. Wood, est de 10 à 12 milles par heure. Dans son tableau
de la puissance des locomotives que nous avons donné dans le corps de
notre ouvrage, il est établi qu'une locomotive qui traînerait un poids
de 28 tonnes à la vitesse de 30 milles par heure, en traînerait avec la
même facilité un de 130 t. à la vitesse de 15 milles par heure, ou de
184 t. à celle de 12½ milles, ou de 250 tonn. à celle de 10 milles par
heure, etc.

Le coût de la traction serait moins élevé pour les poids les plus
lourds cheminant à une vitesse moindre, que pour des poids légers
cheminant à une grande vitesse, parce que les frottemens seraient
moindres. Sur la ligne de Glasgow à Greenock, les convois cheminent
avec une vitesse de 30 milles par heure, et transportent de 4 à 500
voyageurs. Avec une vitesse moitié moindre, en prenant en considération
la puissance de la locomotive, ils pourraient transporter 2,000
voyageurs. Nous voyons souvent dans les journaux que des convois en ont
transporté un plus grand nombre.

Chercher à connaître le plus haut degré de puissance d'une locomotive
est un sujet qui peut satisfaire la curiosité, mais qui n'est pas d'une
grande utilité pratique. La puissance qui agit aujourd'hui sur les
chemins de fer pourrait au moins accomplir un travail vingt fois plus
considérable avec une vitesse un peu moindre; et si les communications
entre les parties du royaume étaient entièrement gratuites, elle
suffirait probablement et au-delà au grand mouvement qui résulterait de
ce système.

Rien n'est plus ridicule que de chercher à établir une comparaison
entre les dépenses des transports par chemins de fer et par voilures
ordinaires et entre les prix exigés du public par ces deux différens
systèmes, si l'on ne prend pas en considération le coût du transport
de chacun. Le chemin de Londres à Brighton va nous servir d'exemple:
calculons le prix du transport de 2,000 voyageurs allant de l'une de
ces villes à l'autre. Il faudrait 18 cwt. de coke, qui coûteraient sur
cette ligne 1 liv. 6 sh.[92]. Ce coke, avec quelques gallons d'eau
qui ne coûteraient rien, ferait un travail qui exigerait 750 chevaux
pendant un jour entier sur un chemin pavé, d'égale distance. Ainsi
la dépense actuelle de locomotion pour un voyageur entre Londres et
Brighton pourrait être réduite à un peu plus d'un demi-farthing[93],
ou bien, si nous comptons chaque article de dépenses, pour l'usure du
matériel, les frais d'administration, etc., à 2 _pence sterling_[94].
Deux pence pour transporter un voyageur de Londres à Brighton! C'est un
calcul que tout le monde peut faire en une demi-heure.

Est-il nécessaire de faire observer que notre calcul est basé sur
l'hypothèse qu'une grande réduction dans les tarifs permettrait
entièrement ou à peu près d'employer la force qui est aujourd'hui
perdue: la _puissance de la locomotive_. Il n'y a pas le moindre doute
qu'elle pourrait être employée entièrement sur plusieurs lignes.

Depuis que M. Rowland Hill a la direction du chemin de fer de Brighton,
les différentes classes de cette ligne ont été réduites de 20 à 30 p.
cent, et il en est résulté que le nombre des voyageurs, pour le mois
d'août 1843, a dépassé de plusieurs milliers celui du même mois de
l'année 1842, et les recettes brutes ont dépassé également de plus de
5,000 livres sterling. Les prix de cette ligne sont, ce qu'on appelle
en langage de compagnies, _modérés_. Les plus bas sont de 5 sh.[95].
Nous croyons qu'en ne prenant en considération que les pertes ou les
bénéfices qui en résulteraient, la compagnie gagnerait encore à réduire
son tarif de 50 p. cent. Mais peut-on douter que si le chemin de fer
appartenait au gouvernement et que le prix des places fût réduit à 6
pence[96], le nombre des voyageurs ne fût dix fois plus considérable?

Cherté et bon marché ne sont que des termes de comparaison dont on ne
doit se servir qu'avec l'idée du prix de revient. La vapeur a, dans
les manufactures, remplacé, en grande partie, le travail manuel. On
fabrique beaucoup d'articles de consommation pour le tiers du prix
qu'ils coûtaient autrefois, et naturellement on les vend deux tiers
meilleur marché. On pourrait voyager par chemin de fer pour un prix
10 fois moindre que l'on ne voyageait sur les anciennes routes, et
cependant les prix sont aussi élevés, si non plus élevés qu'ils étaient
avant l'introduction des nouvelles voies. Le prix des places dans la
voiture qui va à Birmingham est de 12 sh. Il est de 14 sh.[97] par la
dernière classe du chemin de fer; et cependant un voyageur peut être
transporté de Londres à Birmingham, tous frais payés, pour 6 pence[98]!

Le peuple de ce pays s'est soumis sans murmurer aux tarifs élevés des
chemins de fer, parce qu'il a cru que les dépenses immenses de leur
construction en étaient la cause. C'est une erreur que nous avons
combattue. Les lignes qui ont coûté le plus à construire sont celles
de Blackwall et de Greenock, et leurs tarifs sont moins élevés que
ceux des lignes qui coûtent 10 fois moins. D'autres lignes n'ont pas
coûté la moitié de celles établies sur le continent, et cependant leurs
tarifs sont deux et trois fois plus élevés!»

L'auteur revient ensuite, pour la combattre, sur l'opinion que les
tarifs sont basés sur le prix de revient de la traction sur un
chemin de fer. Il cite plusieurs exemples concluans à l'appui de son
raisonnement.


CHAPITRE II.

    _Intervention du gouvernement dans les affaires commerciales._

Dans tous les pays libres et principalement en Angleterre, on voit avec
défiance l'intervention du gouvernement dans les affaires commerciales.
«Nous endurons beaucoup de maux, dit l'auteur, pourvu qu'ils ne nous
viennent pas de l'autorité, et que les transactions qui en sont la
cause, aient une apparence de liberté. Ce n'est qu'à la dernière
extrémité que nous permettons au gouvernement d'intervenir, et nous
nous consolons de nos maux avec ce vieil adage: «Cela ne peut être
autrement.» Nous nous reposons sur le temps ou le hasard pour remédier
à ces maux.

Ce sentiment d'indépendance individuelle fait le plus grand honneur
au caractère de notre nation; mais la question est de savoir s'il
n'a pas été poussé trop loin, s'il n'a pas été préjudiciable aux
intérêts de la société. J'admets que le gouvernement ne peut se faire
commerçant ou industriel qu'à la dernière extrémité, comme pour
le transport des lettres, par exemple. Mais si la même nécessité
existe pour d'autres cas, comme pour celui-ci, si l'intervention du
gouvernement peut produire un grand bien, peu de personnes hésiteront
sur le choix de la ligne de conduite à suivre. Il est certainement
très difficile de marquer le point qui devra séparer l'intervention de
la non-intervention, et de fixer les cas où les affaires commerciales
iront chercher elles-mêmes leur équilibre ou bien obtenir l'aide du
parlement.

Ce sentiment d'indépendance auquel nous venons de faire allusion a subi
de grandes modifications depuis quelques années. Toutes les classes de
la société commencent à se former une idée plus correcte des devoirs
du gouvernement. Le secours de la législature a été invoqué dans des
cas où, il y a plusieurs années, il aurait ameuté tous les partis
contre elle, si elle avait voulu intervenir. Nous pouvons en citer
des exemples. Les actes votés pour régler le passage des émigrans,
les intérêts des manufactures et des mines, le travail des femmes
et des enfans prouvent le changement qui s'est opéré dans l'opinion
publique. Ou reconnaît que le gouvernement a le droit et que c'est son
devoir de faire des règlemens partout où l'état des choses les rendent
nécessaires. En général, le gouvernement attend que l'on invoque son
appui. La multitude de naufrages qui ont eu lieu depuis quelques années
a fait naître le voeu que l'on constituât par acte du parlement une
commission chargée de constater la capacité des maîtres et seconds de
navires du commerce. Le président du bureau du commerce fit entendre
aux personnes qui s'adressaient à lui à cet effet, que le gouvernement
était disposé à prendre cette proposition en considération, si
l'opinion publique était disposée, elle, à le soutenir. Dans des cas
semblables le gouvernement ne prendra jamais l'initiative, et il n'est
pas à désirer non plus qu'il la prenne.

Il n'est pas besoin d'aller chercher des exemples en dehors de notre
sujet: le gouvernement n'a-t-il pas été obligé d'intervenir dans
l'administration des chemins de fer, et de protéger la vie et les
membres des sujets de S. M., après qu'une série d'homicides eurent
été commis par suite de l'omnipotence et de l'irresponsabilité des
compagnies?

La mauvaise nature du système ne tarda pas à se révéler sous toutes les
formes. Ce système était fondé sur l'argent; le gain était l'unique but
auquel il tendait. Nous avons esquissé, dans les pages précédentes, les
maux qui en sont résultés. Ils produisirent dans le public de nouvelles
plaintes; la souffrance seule les lui arrachait; elles n'en appelaient
pas encore à l'intervention du gouvernement. _Il y a quelque chose à
faire_ était et est encore le cri général; mais que fera-t-on? Les
actionnaires ont le droit de tirer le parti qui leur convient de leur
propriété; ils ne doivent rien au législateur ni au public, et les
forcer d'adopter des mesures étrangères à la sécurité publique et qui
diminueraient leurs profits, serait une injustice à laquelle une nation
honnête ne doit pas songer.

La question qui se présente est donc celle-ci: jusqu'à quand ce système
durera-t-il? Le pays ne doit-il jamais jouir des avantages que lui
procurerait le développement de ses communications intérieures? Une
grande découverte nationale sera-t-elle stérile pour la nation? Sur
beaucoup de chemins de fer, les tarifs pourraient être réduits de
9/10mes et il serait douteux que les profits décrussent de beaucoup.
Sur la ligne de Brighton, les recettes se sont élevées, dans les onze
semaines écoulées au 17 septembre 1842, à 47,963 liv.; elles ont été
de 55,778 liv. dans les onze semaines correspondantes de cette année,
où le tarif a été réduit de ⅓. Il serait bien difficile de prédire
exactement si elles seraient plus ou moins élevées dans le cas où le
tarif serait réduit de 9/10mes. Sur la ligne de Blackwall à Shadwell,
par exemple, où le prix des places est de 3 pence, il est douteux que
le revenu souffre d'une réduction à ½ penny.

Les recettes des chemins de fer, pendant la présente année, s'élèveront
à environ 5 millions sterling[99]. Lorsque toutes les lignes en voie
de construction seront achevées, elles ne seront pas moindres de 6
millions. Si l'on diminuait de ⅚mes les prix de transport, le public
ferait une économie directe de 5 millions sterling. Supposons que les
recettes fussent tout juste suffisantes pour balancer les dépenses,
le public gagnerait encore 3 millions, savoir: la différence entre
la somme distribuée en dividendes, et les 5 millions sterling qu'il
aurait payés avec le système actuel. Mais il n'y a rien qui puisse
faire supposer une pareille chose. Nous admettons volontiers que les
bénéfices nets actuels diminueraient considérablement; mais il n'est
pas présumable que la diminution sur la totalité serait importante.

MM. R. et B. Watson, agens de change à Leeds, ont publié le 16
septembre dernier, dans leur dernière circulaire, les observations
suivantes sur l'échelle de tarifs adoptée par les compagnies: «Ce qui
nous étonne le plus, dans la direction des chemins de fer, c'est la
répugnance des directeurs à satisfaire le public par l'adoption de
tarifs bas. Notre opinion est que ce plan procurerait des avantages
incalculables à ceux qui l'adopteraient sans crainte. Si les directeurs
du South Eastern avaient eu sur ce point le même avis que ceux de
Brighton, ils auraient porté à ce dernier chemin de fer un coup dont
il ne se serait pas relevé de long-temps. Que l'on considère les
effets qu'a produits sur le Blackwall et le Greenwick l'augmentation
de leurs tarifs. Tous deux ont été forcés de revenir à l'ancien tarif,
après avoir forcé le public à se passer d'eux. Nous ne pouvons pas
admettre avec l'auteur de la brochure intitulée: "Railway Reform"
qu'une réduction de ⅔ dans les tarifs actuels soit possible dans
aucune circonstance; mais nous croyons que beaucoup de compagnies
serviraient leurs intérêts et ceux du public en les réduisant d'un
tiers.» Je ne comprends pas trop ce que MM. Watson entendent par ces
mots _dans aucune circonstance_; s'ils se rapportent à une réduction
sous le système actuel, ils ont raison. On ne peut pas espérer que la
majorité des compagnies adoptera un système de tarif qui diminuerait
leurs profits. Mais si MM. Watson veulent dire qu'avec un système tout
différent, les tarifs ne pourraient pas être réduits de ⅔, nous ne
différons pas seulement de leur opinion entièrement, mais encore nous
ne considérons cette réduction que comme une approximation des vrais
principes. Pourquoi calculerait-on les prix du transport d'après des
principes différens de ceux qui servent à établir les prix de tous
les autres objets? MM. Watson sont peut-être les meilleurs juges du
royaume de toutes les matières qui ont rapport aux chemins de fer.
Ils connaissent parfaitement les divers articles de dépense de cette
industrie. Ils savent qu'un voyageur de première classe pourrait être
transporté sous un système différent de celui en vigueur, de Londres à
Liverpool pour 5 sh.[100] au lieu de 5 liv.[101], prix du tarif actuel,
et que le premier prix donnerait encore un bénéfice de 100 p. cent.
Ils admettent qu'avec le système actuel les tarifs pourraient donner
des bénéfices aux propriétaires avec une réduction d'un tiers, et ils
doutent que dans _aucune circonstance_ on puisse les réduire de ⅔!»



CHAPITRE III.

    _Centralisation._

Elle ne vaut rien pour les affaires locales, elle est bonne pour les
affaires générales. En somme, on a de grands préjugés contre elle en
Angleterre. L'auteur soutient cependant que la centralisation des
administrations des chemins de fer tournerait au profit de tous, et
qu'elle serait en même temps un bienfait et une économie pour le pays.


CHAPITRE IV.

    _Liberté du commerce et monopole._

Les chemins de fer sont de véritables monopoles. Est-ce le monopole
 en lui-même ou l'abus que l'on en peut faire qui est pernicieux?
Le transport des lettres est un monopole; s'en plaint-on? L'auteur
entre dans quelques développemens pour prouver que la question qu'il
soumet au public n'a rien de commun avec celle qui agite la nation et
qui la divise en partisans et en adversaires du régime de la liberté
commerciale.


CHAPITRE V.

    _Différence des systèmes d'administration suivis par les compagnies
      de Londres à Birmingham et du Great-Western._

Dans ce chapitre l'auteur revient sur les moyens humilians et
vexatoires mis en oeuvre par ces compagnies pour dégoûter le public
de se servir des voitures de 3e classe. L'une est brutale et violente
envers lui; elle agit franchement et sans détour; l'autre est
doucereusement impertinente. Toutes deux par des voies différentes
atteignent le but qu'elles ont en vue.


CHAPITRE VI.

    _Chemins de fer de la Grande-Bretagne et de l'Irlande._

L'auteur cite ici 72 chemins de fer. Il fait connaître leur étendue,
la moyenne de leur mouvement commercial, leur direction, leur coût et
les résultats qu'ils ont donnés. Cette nomenclature, qui n'est pas sans
intérêt pour les hommes spéciaux, est étrangère, pour ainsi dire, au
but que se proposait l'auteur dans son ouvrage.


CHAPITRE VII.

    _Augmentation probable des voyageurs, si les tarifs sont réduits au
      tiers de leur moyenne actuelle._

L'auteur appelle l'attention du lecteur sur le soin qu'il a eu d'éviter
tout ce qui pouvait faire croire à un calcul rigoureusement exact
de sa part, sur l'augmentation probable des voyageurs par suite de
l'abaissement des tarifs. Il s'est borné à fixer le déficit qui
résulterait de la réduction à un million sterling. Il regarde néanmoins
cette augmentation probable comme un point trop important pour ne pas
s'y arrêter; il espère en donner une approximation assez exacte à
l'aide des résultats qu'a produits sur certaines lignes la mesure qu'il
recommande.

Il compare donc de nouveau le mouvement commercial de la ligne de
Manchester à Liverpool, avec celui de la ligne de Bruxelles à Anvers,
et il trouve que malgré la différence de population, toute en faveur
de la première ligne, le nombre des voyageurs a été pour la deuxième,
malgré l'infériorité de sa population comparée à la première, dans
la proportion de 5 à 1. Le chemin belge, il est vrai, a un tarif de
beaucoup meilleur marché. Il suppose donc que si les tarifs étaient
au même taux, on aurait des résultats différens, et la ligne de
Manchester à Liverpool, au lieu de transporter annuellement 19 millions
d'individus, en transporterait 50 millions.

L'auteur cite un exemple remarquable à l'appui de son opinion sur
les effets du bon marché et sur la puissance de la locomotive.
Les directeurs de la ligne de Manchester à Birmingham prirent la
résolution, un jeudi, de transporter les écoles de charité à Alderley
Edge, à des prix très bas. Des milliers d'individus profitèrent de leur
générosité, et pendant toute la journée, ce site charmant fut couvert
d'une foule immense. A huit heures du soir, le dernier convoi, composé
de soixante-deux voitures, ramena plus de trois mille personnes. Il
couvrait plus de ¼ de mille (400 mètres environ), et il était tiré par
deux machines locomotives. Bien que la soirée fût pluvieuse, tout le
monde paraissait content, et les cris de joie des voyageurs trouvaient
des milliers d'échos le long de la ligne.


CHAPITRE VIII.

    _Fluctuations dans le prix des actions._

Toutes les valeurs qui subissent de grandes fluctuations doivent, au
total, payer un intérêt élevé. Le spéculateur ne veut courir la chance
d'être ruiné, qu'autant qu'il perçoit une prime pour le risque qu'il
court. L'auteur, après cette réflexion, fait connaître les diverses
fluctuations que les actions de vingt-six chemins de fer ont éprouvées
pendant les six dernières années. L'auteur dit qu'à la vue des tableaux
qu'il publie, on sera frappé des désastreux effets qu'ont dû causer
ces fluctuations, et il demande s'il se pourrait qu'un propriétaire
d'actions de chemins de fer ne préférât pas un fonds public stable,
rapportant 3 p. 100, à un fonds si variable que l'est celui qu'il
possède, et qui cependant ne rapporte guère plus en moyenne que 5 p.
cent.


CHAPITRE IX.

    _Opinion de M. Culloch sur les chemins de fer._

L'auteur s'appuie de l'opinion de cet économiste distingué pour montrer
le danger de livrer à des corporations particulières le monopole
du transport, non pas seulement pour toujours, mais même pour un
temps limité. D'après M. Culloch, il fait ressortir les abus et les
difficultés insurmontables que l'on rencontrerait, si l'on voulait y
mettre des bornes.


CHAPITRE X.

    _Droits perçus par le gouvernement anglais sur les chemins de fer._

Autrefois les compagnies payaient ⅛ de penny (1 centime ¼) par
voyageur, quelle que fût sa classe ou le tarif de la Compagnie.
Cette injustice évidente n'a pu subsister, et, depuis deux ans, le
gouvernement prélève 5 p. cent, sur les recettes brutes. L'auteur fait
suivre cette mention d'un tableau des droits perçus en 1842 sur 50
chemins de fer et leurs divers embranchemens. Les recettes brutes étant
de 3,359,774 liv. 15 sh. 5 d. (83,994,369 f.), les droits ont été de
167,988 liv. 14 sh. 9 d. ¼ (4,199,718 f.). La Direction des Postes a
payé à 28 chemins, seulement pour le transport des dépêches, 71,890
liv. 2 sh. 4 d. (1,797,253 f.). La balance en faveur du gouvernement
entre l'ancien système de perception et le nouveau, est d'environ
30,000 liv. st. (750,000 f.). En Irlande, il n'est payé aucun droit à
l'Etat par les compagnies de chemins de fer.


CHAPITRE XI.

    _Effets du principe_ laissez faire, laissez passer, _relativement
      aux chemins de fer._

L'auteur attribue à l'influence exclusive de ce principe en Angleterre,
les maux qui découlent du système en vigueur. Dans ce pays, le peuple
fait toutes les entreprises sans l'intervention du gouvernement.
C'est tout l'opposé des autres pays. Quand le gouvernement a voulu
protéger la vie des citoyens exposée par la négligence des directeurs
de chemins de fer, il a rencontré une résistance dont il a bien fini
par triompher. Maintenant qu'il a pourvu à la sécurité publique, il est
temps qu'il s'occupe du bien public.

L'auteur cite plusieurs exemples des inconvéniens nombreux qui
résultent pour le public de la différence des tarifs, de la non
concordance des départs sur les différentes lignes, des traitemens
qu'éprouvent les voyageurs selon l'importance de la classe de voitures
qu'ils prennent, etc. Partout un manque d'unité se fait apercevoir;
il est préjudiciable à tous les intérêts, mais il est le résultat
inévitable du principe _laissez faire_. L'auteur conclut encore une
fois à ce que le gouvernement s'empare du monopole du transport comme
il l'a déjà fait pour celui des postes.

[Illustration]


NOTES:

[1] C'est à peu près 15 cent. par mille anglais et 40 cent. par lieue
de France.

[2] 1 milliard 250 mille francs.--Quoique la livre sterling vaille
réellement aujourd'hui 25 francs 25 centimes, nous pensons que pour
établir seulement un rapport entre la monnaie anglaise et la monnaie
française, il convient de ne compter la livre que pour sa valeur
nominale, et de multiplier, conséquemment, les sommes de livres
sterling par 25. C'est la règle que nous avons suivie pour tous nos
calculs de proportion.

Pour les fractions, on sait que la livre sterling se divise en 20
shillings (1 franc 25 centimes chaque sh.), et le shilling en 12
deniers ou _pence_ (à peu près 10 centimes chaque denier ou _penny_).
Le denier se divise encore en 4 liards ou _farthings_ (0 fr. 025
millimes chaque farthing); mais on ne trouve plus guère de farthings
en Angleterre. On ne s'en sert maintenant que comme indication de prix
pour les objets de très minime valeur.

[3] Un peu moins d'un myriamètre.--Le mille anglais fait un peu plus
d'un kilomètre 6/10; 2 milles ½ forment environ 4 kilomètres ou une
lieue, et 6 milles ¼ un myriamètre.

[4] Voir la note précédente.

[5] 31 fr. 25 c.

[6] 3,474,225 fr.

[7] 7,049,725 francs.

[8] 132 kilomètres ou 33 lieues.

[9] Environ 180 kilomètres ou 45 lieues.

[10] 125 millions de francs.

[11] 12 lieues.

[12] 4 lieues.

[13] 76 fr. 10 c.

[14] 22 lieues.

[15] 20 ou 30 centimes

[16] 3 milles ¾ ou 6 kilomètres.

[17] Environ 11 lieues.

[18] 3 fr. 12 c. ½.

[19] 6 fr. 87 c. ½ pour 12 lieues ½ de France.

[20] 8 fr. 12 c. ½.

[21] 1 fr. 25 c.

[22] 160 kilomètres ou 40 lieues.

[23] 1631 kil. ou 408 lieues.

[24] 918 kil. ou 229 lieues.

[25] 236 k. ou 59 lieues.

[26] 2,786 kilom. ou 696 lieues 1|2.

[27] 1,477,875,000 f.

[28] 1,597,200,000 f.

[29] 126,765,000 f.

[30] 53,153,750 f.

[31] 73,611,250 f.

[32] 922,750 fr. par mille, et 576,720 fr. par kilomètre.

[33] 1,189,500 f. par mille, et 743,437 f. par k.

[34] 810,500 f. par mille, et 506,562 f. par k.

[35] 575,000 f. par mille, et 359,375 f. par k.

[36] 604,750 f. par mille, et 377,969 f. par k.

[37] 457,250 f. par mille, et 285,781 f. par k.

[38] 158 fr. 20 c. pour 100 livres sterling ou 2,500 fr. de capital.

[39] Il y a dans l'original une erreur, 12, 50 et 32-94 au lieu de
100 pris pour unité dans la répartition des différentes classes de
voyageurs. (Note du traducteur.)

[40] 375 ou 500 millions de francs.

[41] Moins de 2 cent. le kil.--6 cent. ¼ les 4 kil.

[42] 62 cent. ½ pour tout le parcours, qui est de 22 milles ½ ou 36 kil.

[43] 1 cent. ¼ par mille; à peu près 3 cent. pour 4 kil. ou une lieue
de France.

[44] 8 fr. 13 cent.

[45] 1 fr. 25 c. pour un parcours de 30 milles ou 48 kil.

[46] 3,750,000 fr.

[47] 25,000,000 fr.

[48] 5,000,000 fr.

[49] 2,500,000 fr.

[50] 73,661,250 f.

[51] 7,500,000 fr.

[52] 1,657,775,000 f.

[53] 51,275,000 f.

[54] 5,000,000 f.

[55] 25,000,000 f.

[56] 625,000 f.

[57] 1,597,200,000 f.

[58] 999,500,000 fr.

[59] 7 c. ½.

[60] 20 c.

[61] 6 c. ½ par kilom.

[62] Moins de 5 c. par k.

[63] 3 c. ¼ par kilom.

[64] Moins de 2 c. par kilom. et 6 c. ½ par 4 k. ou une lieue de France.

[65] 40 kilom. ou 10 lieues.

[66] 2 c. ½--0 f. 016 mill. par kilom.

[67] 10 c.--0 f. 065 mill. par kilom.

[68] 21 c.--0 f. 13 c. par k.

[69] 56 kilom. ou 14 lieues.

[70] 3,000,000 fr.

[71] 3,750,000 fr.

[72] 253,900 fr. pour 88 kilomètres ou 22 lieues.

[73] 96 lieues ou 384 kilom.

[74] 74,850 fr.

[75] 2,500,000 fr.

[76] 126,815,000 fr.

[77] 75,000,000 fr.

[78] 20 c. et 10 c. pour tout le parcours, qui est de 3 milles ¾ ou 6
kilomètres.

[79] 3 fr. 12 c., 2 fr. 10 c., 1 fr. 55 et 85 c. pour tout le parcours
qui est de 30 milles ¾ ou 12 lieues ½ de France.

[80] 75,000,000 fr.

[81] Discours de sir Robert Peel, lors de son inauguration au Rectorat
de l'Université de Glasgow.

[82] 0,13 cent. par kilomètre,

[83] 0,065 millimes par kilom.

[84] 0,05 cent. par kilom.

[85] 0,032 millimes par kilom.

[86] 0,016 millimes par kilom.

[87] 75 millions de francs.

[88] 36 kilomètres.

[89] 0,625 millimes.

[90] 0,008 millimes par kilomètre.

[91] Cet appendice, qui est fort copieux, n'a été publié qu'avec la
seconde édition de l'ouvrage principal. Pour la France, il n'est besoin
que de donner une simple analyse des pièces justificatives; c'est ce
que nous avons fait, tout en conservant la division par chapitres
des matières contenues dans l'appendice, suivant la méthode adoptée
par l'auteur. Lorsque nous avons traduit littéralement le texte de
la publication anglaise, nous avons encadré ces passages avec des
guillemets.

[92] 31 fr. 25 c.

[93] 1 c. ¼ pour un parcours de 50 milles ½ ou 20 lieues.

[94] 20 c.

[95] 6 fr. 25 c.

[96] 62 c. ½

[97] 17 fr. 50 c.

[98] 62 c. ½.

[99] 125,000,000 fr.

[100] 6 fr. 25 c.

[101] 75 fr.



Corrections.

La première ligne indique l'original, la seconde la correction:


p. 15:

  Le dernier changement à eu lieu
  Le dernier changement a eu lieu

p. 34:

    le gouvernement à eu tort de ne pas se charger de la constrution
    des chemins de fer.

    le gouvernement a eu tort de ne pas se charger de la construction
    des chemins de fer.

p. 95:

  le chemin de fer se fraient
  le chemin de fer se feraient

p. 106:

  un voyageur de Londres à Bringhton
  un voyageur de Londres à Brighton



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