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Title: Constantinople de Byzance à  Stamboul.
Author: Celâl Esad Arseven, - To be updated
Language: French
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*** Start of this LibraryBlog Digital Book "Constantinople de Byzance à  Stamboul." ***

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STAMBOUL. ***



    Au lecteur:

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    mais les erreurs typographiques évidentes ont été corrigées.
    La liste de ces corrections se trouve à la fin du texte. La
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    _en italiques_.

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                            CONSTANTINOPLE

                         DE BYZANCE A STAMBOUL



LES ÉTUDES D’ART A L’ÉTRANGER

_Collection de Volumes in-8º raisin illustrés._


  _Déjà parus_:

  =Saint François d’Assise et les origines de l’Art de la
  Renaissance en Italie=, par Henry THODE. Traduit de l’allemand
  par Gaston LEFÈVRE. 2 volumes illustrés de 64 planches hors texte.

  =L’Art Chinois=, par S. W. BUSHELL. Traduit de l’anglais par
  H. d’ARDENNE DE TIZAC, conservateur du Musée Cernuschi. 1 vol.
  illustré de 208 planches hors texte.

  =Constantinople=, De Byzance à Stamboul, par DJELAL ESSAD.
  Traduit du turc par l’auteur, 1 vol. illustré de 56 planches hors
  texte.



[Illustration: CONSTANTINOPLE.]



                             DJELAL ESSAD


                            CONSTANTINOPLE
                         DE BYZANCE A STAMBOUL

                     TRADUIT DU TURC PAR L’AUTEUR


                     _Préface de M. CHARLES DIEHL_
                  Professeur à l’Université de Paris.


              Ouvrage illustré de 56 planches hors texte.


                                 PARIS
                LIBRAIRIE RENOUARD, H. LAURENS, ÉDITEUR
                         6, RUE DE TOURNON, 6

                                 1909



    A MON AMI

    SÉLAH DJIMDJOZ



PRÉFACE


_On a beaucoup écrit sur Constantinople: des livres brillants, exquis
parfois, le plus souvent un peu sommaires, et des ouvrages d’érudition
austère, peu accessibles, souvent rebutants pour les profanes. Le livre
de Djelal Essad bey tient le milieu entre ces deux sortes d’ouvrages.
C’est ce qui fait son intérêt, son utilité et, en une certaine manière,
sa nouveauté._

_Djelal Essad bey n’est point un savant de profession. Né d’une grande
famille musulmane, il a commencé sa carrière dans l’armée; mais
il avait dès ce moment le goût des études d’art, la curiosité des
monuments du passé. Dessinateur élégant, architecte habile, il fut
chargé, à ce titre, de préparer, pour l’Exposition de Saint-Louis,
les plans du pavillon ottoman. La révolution de 1908 lui permit de se
donner plus pleinement encore aux choses intellectuelles. Il dirige
aujourd’hui, à Constantinople, le journal_ le Kalem.

_Mais si Djelal Essad bey ne prétend pas à être un érudit
professionnel, il est, du moins, fort exactement informé de l’érudition
d’autrui. Son livre est une mise au point tout à fait intelligente et
instructive des résultats essentiels auxquels, depuis cinquante ans,
la science est parvenue dans le domaine des choses de Byzance. Et,
sans doute, on pourra regretter que l’auteur, né musulman, n’ait point
mis davantage à profit, pour des recherches vraiment personnelles,
les facilités qu’il eût trouvées à étudier de près et à fond certains
monuments souvent malaisément accessibles à d’autres. C’eût été, par
exemple, une tâche singulièrement intéressante de relever, dans le
dédale des maisons turques qui avoisinent la mosquée d’Ahmed, ce qui
peut subsister encore des ruines du grand palais impérial, et il eût
valu la peine, ne fût-ce que par quelques sondages, d’entreprendre
quelques-unes des fouilles que Djelal Essad bey signale en passant à
notre attention. Mais ce n’était point là l’objet que se proposait
l’auteur._

_Résumer exactement, classer ingénieusement les informations
scientifiques relatives à l’antique Byzance,--dresser, plus
complètement que ne l’avait fait Mordtmann, la carte monumentale de
l’ancienne capitale des_ basileis,--_la faire revivre enfin à nos
yeux dans son pittoresque détail et son infinie variété, voilà ce que
Djelal Essad bey a voulu faire, et ce qu’il a fait non sans succès.
Assurément--et l’auteur le sait aussi bien que moi--il subsiste dans
ce livre certaines imperfections, certaines inexpériences, quelques
lacunes et quelques erreurs, et on sera tenté, en Occident, de sourire
de certaines préoccupations d’un nationalisme un peu bien ardent. Il
n’importe. En toute sincérité, on peut et on doit dire que Djelal
Essad bey a réussi dans la tâche qu’il s’était donnée. Sans doute, le
spécialiste retrouvera dans son livre bien des choses qu’il sait déjà;
mais les lecteurs moins initiés--et c’est la majorité, je pense--y
apprendront infiniment sur la topographie si difficile et sur les
monuments de l’antique Byzance._

_Ce n’est pas tout. Fort informé des choses musulmanes, très au courant
de l’architecture ottomane, Djelal Essad bey, après les édifices de
la capitale byzantine, a décrit attentivement ceux de la capitale
turque, et ici il a trouvé l’occasion de faire œuvre plus personnelle
et plus originale. Toute cette seconde partie de l’ouvrage est plus et
mieux qu’un résumé d’informations empruntées d’ailleurs. Et si l’on
songe qu’avant la révolution de 1908, de telles recherches n’étaient
ni fort bien vues ni fort encouragées, on appréciera tout ce qu’il a
fallu d’efforts, tout ce qu’il a coûté de difficultés pour faire ces
descriptions précises des édifices, pour rassembler ces informations
souvent inédites sur l’œuvre des grands architectes ottomans, pour
présenter le tableau exact et précis des monuments divers de Stamboul._


_Jusqu’ici, les savants grecs de Constantinople et les savants
d’Occident, Français et Russes, Allemands et Anglais, semblaient s’être
réservé le monopole des recherches sur l’ancienne Constantinople. Il
est intéressant de voir un Ottoman faire à son tour une place à son
pays dans ces études, comme Hamdy-bey la lui a faite, voilà longtemps
déjà, dans le domaine de l’archéologie classique. Et il ne me déplaît
point, je l’avoue, que cette fois encore cet effort intellectuel
s’exprime en notre langue. L’auteur a lui-même traduit l’original
turc en français: le lecteur appréciera à leur valeur, je pense, les
sérieuses qualités de cette traduction. Il saura surtout gré, je
l’espère à Djelal Essad bey de nous avoir donné--ce qui nous manquait
sur Constantinople--un livre bien informé, clair, exact, suffisamment
lisible, qui est plus qu’un simple guide, mais que n’encombre point non
plus un inutile appareil d’érudition, et où revivent, dans leur double
et magnifique développement historique, les splendeurs de Byzance
chrétienne et les merveilles de la musulmane Stamboul._

    _CH. DIEHL._



  Prinkipo, le 1er août 1907.


  Cher Ami,

  C’est avec une véritable admiration que je viens de parcourir
  votre travail monumental sur Constantinople, qui comble une
  lacune trop longtemps ressentie.

  Depuis Hammer et Scarlatos Byzantios, depuis un siècle et demi,
  personne n’avait osé entreprendre un travail aussi complet,
  embrassant la période byzantine et les quatre siècles suivants.
  Pendant les dernières années, la topographie byzantine et les
  monuments encore debout ont été étudiés à fond par un grand
  nombre de savants, qui ont changé complètement l’aspect de cette
  branche. Mais l’étude des monuments si importants, élevés pendant
  les cinq derniers siècles a enfin rempli les lacunes laissées par
  Hammer et Scarlatos. Dans votre travail, vous résumez d’abord les
  résultats des explorations sur l’époque antérieure du XVe siècle.
  Vous donnez ensuite une description complète et compétente ainsi
  que l’histoire exacte des monuments ottomans, objets d’une
  admiration générale. Vous avez le mérite de nous présenter un
  ensemble de renseignements précieux et correspondant à l’intérêt
  toujours croissant pour l’art ottoman.

  Veuillez agréer mes remerciements chaleureux et mes félicitations
  pour votre œuvre: _exegisti monumentum aere perennius_.

  Dr MORDTMANN.



[Illustration: Pl. 1.

    PANORAMA DE CONSTANTINOPLE (Entrée de la Corne d’Or).]


[Illustration: Pl. 2.

    PANORAMA DE CONSTANTINOPLE.--(Suite.)]



CONSTANTINOPLE



PREMIÈRE PARTIE

A TRAVERS BYZANCE



CHAPITRE PREMIER

PRÉCIS HISTORIQUE


I.--L’HISTOIRE DE LA VILLE JUSQU’A LA CONQUÊTE TURQUE

Byzance[1], capitale célèbre dans l’histoire autant qu’Athènes et
Rome, s’élève sur les hauteurs qui s’étendent entre la Corne d’Or, la
Propontide et le Bosphore.

                [1] Byzance a porté successivement les noms de
                Byzantion, Nova Roma, Constantinopolis, qui furent
                adoptés par les Grecs. Les Arabes l’ont nommée
                _Constantinié_ ou _Farouk_ et les Turcs l’ont appelée
                _Islamboul Dersaadet_, _Deralié_, mais généralement
                on la nomme _Stamboul_, d’après l’appellation grecque
                _Stin Polin_, en ville. Le nom d’Islambol a figuré
                assez longtemps sur les monnaies turques.

Le mot Bosphore dérive des mots grecs (βοῦς, bœuf, πόρος, passage);
d’après la mythologie grecque, ce détroit aurait été traversé à la nage
par Jo, fille d’Inachus, premier roi d’Argos, que Jupiter avait changée
en génisse et qui avait été confiée à la garde d’Argos par Junon. Le
Bosphore réunit la mer Noire (Pont-Euxin)[2] à la mer de Marmara
(Propontide). Avec ses rives et ses collines pittoresques, il donne à
la ville un charme caractéristique, qui en fait une des plus belles
cités du monde.

                [2] Les Phéniciens l’appelaient _Achkenas_, qui
                signifiait mer du Nord. Les Grecs ont changé cette
                appellation en Euxinos, qui veut dire hospitalier,
                quoique la mer Noire ait toujours été une mer
                hostile aux navigateurs. Il faut donc prendre cette
                appellation au sens euphémique du mot. La mer Noire
                était considérée par les Phéniciens comme un abîme de
                mort. Le petit village qui se trouve à l’embouchure de
                cette mer était appelé par les Phéniciens Charybdis
                (la porte de la mort). Son nom actuel de Garibtché
                provient peut-être de ce mot phénicien. D’après
                l’opinion des anciens, le détroit du Bosphore et celui
                des Dardanelles auraient été ouverts par un cataclysme,
                probablement au temps du déluge de Deucalion, roi de
                Thessalie, fils de Prométhée et de Pandore. C’est le
                Noë de la mythologie, comme on sait, qui, seul avec sa
                femme Pyrrha, aurait échappé au déluge et repeuplé la
                terre en jetant des pierres qui se transformèrent en
                hommes et en femmes.

Ses nombreux bassins, ses promontoires qui correspondent exactement à
ceux de la rive opposée, les couches de terrains des deux rives qui
coïncident parfaitement, sembleraient confirmer la tradition antique
d’après laquelle la mer Noire et l’Archipel n’auraient eu, dans les
temps préhistoriques, aucune communication entre eux.

Les terrains et les rochers qui se trouvent dans le Haut-Bosphore,
tendent à prouver d’autre part que le Bosphore a été creusé par une
éruption volcanique. On rencontre, surtout à l’entrée de la mer Noire,
des colonnes basaltiques et des cavernes qui ressemblent aux ruines
d’un immense château. Dans le Bosphore, les courants sont très violents
et les eaux, rejetées d’une rive à l’autre, viennent se briser sur la
pointe du Seraï qui les partage en deux. La longueur du Bosphore est
d’environ 27 kilomètres. La partie la plus étroite a 550 mètres, et la
partie la plus large n’a que 3.000 mètres.

Le nom ancien de Corne d’Or (Chrysos-or, Keras-corne) provient de sa
forme qui est celle d’une corne d’abondance. La Corne d’Or a environ
11 kilomètres de longueur, une largeur moyenne de 450 mètres, et une
profondeur maxima de 45 mètres. Ses rives ne sont pas aussi découpées
que celles du Bosphore. Elles forment un port immense, très favorable
au mouillage des plus grands navires et un asile absolument sûr pour
les petites embarcations.

Ce sont les avantages de cette situation qui ont toujours attiré
l’attention des peuples sur la ville de Byzance.

Byzance a été habitée dès les temps préhistoriques[3]. Les Thraces y
avaient une ville bien avant la fondation attribuée aux Mégariens;
les Phéniciens fondèrent un comptoir à _Moda_ près de Chalcédoine
(_Kadikeui_)[4], village situé en face de Byzance sur la côte
asiatique. Son nom de Chalcédoine provenait du mot phénicien
«Khalki-Don» (nouvelle ville); elle fut appelée ensuite «Prokeratis»
(avant la Corne d’Or). Elle était la capitale d’un petit État qui
comprenait toute la rive asiatique du Bosphore, et elle fut occupée par
l’armée de Darius. Cette capitale passa aux Romains en l’an 74 avant
J.-C., mais Mithridate la leur enleva bientôt. Elle fut prise plus tard
et occupée par Chosroès, roi de Perse (615 et 626 après J.-C.).

                [3] On a trouvé dans les environs de Constantinople, à
                Maltépé, à Erenkeuy et à Yarim Bourgaz des cavernes,
                des tumulus et des instruments en pierre remontant à
                l’époque préhistorique. On découvrit autrefois, sur
                l’acropole de la ville de Byzance, des constructions
                cyclopéennes appartenant au IXe siècle avant J.-C. Tout
                cela prouve que Byzance fut habité bien avant les Grecs.

                [4] Toutes les appellations données par les Turcs
                seront indiquées au cours de l’ouvrage en italique.

_Beïkos_, village situé sur la rive asiatique du Haut-Bosphore, était
déjà connu au temps des Argonautes qui allèrent conquérir la Toison
d’Or en Colchide.

Quant à la fondation légendaire de Byzance par les Doriens, elle
remonte à l’an 658 avant J.-C. Les Mégariens, dit-on, avaient consulté
l’oracle de Delphes sur l’emplacement à choisir pour une nouvelle cité.
L’oracle leur avait répondu: «en face des aveugles». Alors, des colons
de Mégare, dirigés par leur chef Byzas, arrivèrent au Bosphore. Byzas,
en voyant Chalcédoine, leur dit que les aveugles désignés par l’oracle
ne pouvaient être que les fondateurs de cette ville, puisqu’ils
n’avaient pas compris les avantages de la Corne d’Or et lui avaient
préféré l’endroit où s’éleva Chalcédoine. L’emplacement indiqué par
l’oracle était donc la pointe du Seraï. Les colons y construisirent une
ville et, du nom de leur chef Byzas, ils l’appelèrent Byzance. Mais
ce récit qu’on rencontre partout ne doit être considéré que comme une
légende, car les Grecs habitaient déjà cette ville vers le VIIIe siècle
avant J.-C.

La situation avantageuse de Byzance fut la cause d’un développement et
d’une prospérité très rapides, en sorte qu’elle se plaça bientôt au
même rang que les autres villes grecques.

D’abord gouvernée par un roi, Byzance le fut plus tard par
l’aristocratie, puis par l’oligarchie.

Située sur les confins de l’Asie et de l’Europe, elle eut beaucoup à
souffrir des guerres médiques, Darius, roi de Perse, au cours de son
expédition contre la Grèce, franchit le Bosphore près _Anatoli-Hissar_,
le point le plus rapproché entre les deux rives et où se trouvait alors
un temple de Jupiter. Son armée traversa le Bosphore sur un grand
pont de bateaux, et investit Byzance et ses environs. La ville fut
abandonnée par ses habitants et détruite de fond en comble.

Byzance ne resta que peu d’années au pouvoir des Perses; après la
bataille de Platée, en 479, elle fut occupée par Pausanias, chef des
Spartiates. Vers l’an 390 avant J.-C., l’oligarchie de Byzance se
transforma en démocratie. A partir de cette époque, elle commença à
souffrir des luttes intestines et des combats que les principaux États
de la Grèce eurent à soutenir pour leur indépendance. Cimon l’Athénien
enleva la ville aux Lacédémoniens, mais les Athéniens en furent
bientôt chassés. Alcibiade s’en empara par la famine en 408. Mais
une nouvelle victoire, remportée par le Spartiate Lysandre, rendit de
nouveau Byzance aux Lacédémoniens.


[Illustration: Pl. 3.

    LES MURS THÉODOSIENS.--Vue du côté des Sept-Tours.]


Ainsi Byzance, colonie encore toute récente, aurait succombé pendant la
lutte entre Athènes et Sparte, si elle n’avait pas penché tantôt vers
l’une, tantôt vers l’autre de ces cités rivales.

Philippe, roi de Macédoine, assiégea Byzance qui avait aidé les
Périnthiens. Ceci décida les Grecs à envoyer au secours des Byzantins
des troupes qui sauvèrent Byzance[5] (340).

                [5] Pendant le siège de Byzance par Philippe, au
                milieu d’une nuit obscure, la lune, si on doit croire
                la légende, apparut au ciel et révéla aux assiégés
                l’approche de l’ennemi. C’est probablement depuis
                lors que les Byzantins adoptèrent comme emblème le
                croissant. Quant aux Turcs, ils l’avaient eux-mêmes sur
                leurs drapeaux bien avant la conquête.

A cette époque, toutes les villes de la Grèce, épuisées et ruinées
par les guerres intestines, tombaient en décadence, Byzance seule
conservait son antique splendeur, grâce à ses murailles et surtout à sa
politique qui consistait à se ranger toujours du côté du plus fort.

Pendant les guerres d’Orient, les Romains avaient déclaré la ville
libre, en lui laissant ses lois et en lui assurant les territoires
qu’elle possédait sur les côtes de la mer Noire. Ils se bornèrent
à prélever le droit de péage que les Byzantins avaient l’habitude
d’exiger de tout navire qui traversait le Bosphore.

Pendant plusieurs siècles, Byzance conserva son indépendance. Lorsque
l’empereur Vespasien, plaça sous sa domination les provinces d’Achaïe,
de Lycie, Rhodes et Samos, Byzance aussi fut transformée en province
romaine. C’est à cette époque que saint André vint à Byzance pour
la propagation du christianisme, et c’est à Galata qu’il trouva ses
premiers disciples. La ville garda un certain temps encore son antique
prospérité; mais bientôt un nouvel état de choses vint amener sa ruine.

Septime-Sévère, dans sa lutte contre Pescennius Niger, mit le siège
devant Byzance. Ce siège qui resta mémorable dans l’histoire, dura
trois années. Les assiégés, réduits à la famine, se nourrissaient de
rats, de chats et même de la chair des morts. Les femmes coupèrent
leurs cheveux pour que l’on en fit des cordes à arc. Malgré ses
murailles imprenables, la ville céda pourtant aux horreurs de la famine
et se rendit. Septime fit mettre à mort les défenseurs et retira à
Byzance le droit de cité pour la punir d’avoir soutenu son rival; il
fit raser ses murailles, sans songer qu’il ruinait ainsi le plus fort
rempart de l’Empire contre les Barbares de l’Asie.

Pourtant Septime se repentit bientôt d’avoir détruit Byzance, et sur
les prières de son fils Caracalla, se décida à la restaurer. On éleva
dans la ville des bains, des portiques, des palais. En ce temps-là,
Byzance s’appelait Antonion, nom qui lui venait d’Antonin, père adoptif
de Marc-Aurèle[6].

                [6] Le musée de Constantinople possède des fragments de
                briques portant l’inscription d’Antoninia.

Entre tous les empereurs romains qui s’efforcèrent d’effacer les traces
des ravages dont Byzance avait souffert, et qui cherchèrent à relever
la ville de ses ruines, Constantin le Grand fut celui qui parvint à lui
donner la splendeur rêvée par ses prédécesseurs. Resté seul maître de
l’Orient et de l’Occident, Constantin accorda aux chrétiens la liberté
religieuse, tout en évitant de persécuter les païens. Il réunit le
premier concile de Nicée (_Isnik_) où l’hérésie d’Arius fut condamnée
et le repos du dimanche proclamé obligatoire.

Mais avec le gouvernement de Constantin s’accentue le régime
monarchique et despotique, jadis contrebalancé par les anciennes
institutions de Rome, qui gênaient souvent l’action de l’empereur.

Constantin, sur les accusations calomnieuses de sa seconde femme,
Fausta, fille de Maximien, avait ordonné la mort de son propre fils
Crispus, né d’une première femme, et celle de Licinius, jeune enfant
de douze ans, fils de sa sœur. Ses propres remords et la vive douleur
de sa mère Hélène l’éclairèrent sur la faute qu’il avait commise; il
découvrit alors les calomnies de Fausta, et la condamna à périr noyée
dans un bain d’eau bouillante.

Beaucoup d’autres personnages de la cour subirent le même genre de
supplice. Une grande terreur régna dans le peuple, qui redoutait de
voir réapparaître l’ancienne tyrannie. Tous ces événements devaient
hâter l’exécution d’un projet que l’Empereur caressait depuis quelque
temps: la création d’une nouvelle capitale. Les tentatives continuelles
des Barbares sur les frontières, tentatives que l’on ne pouvait
facilement surveiller de Rome, rendaient nécessaire la création de
cette capitale. D’autre part, l’Église catholique ayant, malgré
tous les efforts des empereurs romains, établi son siège à Rome, il
n’y avait, pour ainsi dire, plus de place dans cette ville pour la
Majesté Impériale. C’est surtout cette dernière raison qui détermina
Constantin à fonder une nouvelle capitale; depuis le règne de Caracalla
d’ailleurs, les empereurs romains avaient la coutume d’établir leur
résidence où bon leur semblait.

La nouvelle capitale devait répondre à de nombreuses exigences. Il
la fallait assez éloignée pour qu’elle fût à l’écart des événements
intérieurs de l’empire romain, et qu’elle fût cependant abritée contre
les invasions des Barbares.

L’empereur, désireux de réaliser les vœux des Romains, choisit d’abord
l’emplacement de l’ancienne Ilion, patrie des premiers fondateurs
de Rome et que son peuple avait maintes fois essayé de réédifier.
Toutefois les Romains, opposés à ce que l’Empereur y fixât sa résidence
au détriment de Rome, témoignèrent leur mécontentement. C’est pourquoi
Constantin décida de ne pas reconstruire l’ancienne ville et choisit
Byzance qui, par sa situation privilégiée, son commerce, la fertilité
de son sol, ses pêcheries abondantes, répondait à toutes les exigences
d’une capitale.

Byzance, avec ses sept collines, ressemblait beaucoup à Rome.
L’Empereur fit élever des murailles autour de cinq collines; puis,
à l’intérieur, il bâtit des palais, des églises, des thermes, des
aqueducs, des fontaines, un forum, un augustéon, deux grands édifices
pour le Sénat, deux palais pour le trésor, et une rue principale, ornée
de portiques, qu’on appela la Mésè. Toutes ces constructions coûtèrent
des sommes énormes à l’Empire, et comme elles avaient été faites à la
hâte, on eut beaucoup de peine par la suite à empêcher leur écroulement.

Pour orner la nouvelle ville, il fallut dépouiller les plus précieux
monuments de la Grèce et de l’Asie, tels que les anciens temples de
Diane, de Vénus et d’Hécate.

Constantin avait obligé les citoyens romains qui possédaient des
biens en Asie, à venir habiter Byzance, sous peine de ne plus pouvoir
disposer de leurs propriétés. De grands avantages furent promis à ceux
qui viendraient peupler la nouvelle capitale.

Le jour de la dédicace de la nouvelle cité (330), un édit gravé sur
une colonne de marbre lui donna le nom de nouvelle Rome. Depuis
cette date mémorable, chaque année, le 11 mai, on célébra la fête
dite de _Nea Roma_. Toutefois le nom plus flatteur pour Constantin
de Constantinopolis (ville de Constantin) figura bientôt sur les
médailles.


[Illustration: Pl. 4.

    RUINES DU PALAIS DE JUSTINIEN.

    CHATEAU DES SEPT-TOURS.--Escalier conduisant aux remparts.]


Constantin gouverna son empire avec une grande largeur de vues, mais
sa gloire a été ternie par les cruautés qu’il a commises, et qui ont
inspiré des doutes sur la sincérité de sa conversion au christianisme.
Néanmoins, et en raison des services qu’il rendit à la religion
chrétienne, il fut surnommé le Grand.

L’empire de Byzance ne prit sa physionomie propre qu’après la mort de
Théodose dit le Grand. Théodose en mourant, avait partagé l’Empire
entre ses deux fils, Honorius et Arcadius, qui devinrent l’un empereur
d’Occident, l’autre empereur d’Orient (395). Ainsi le monde romain
fut divisé en deux, bien qu’il continuât à ne former politiquement et
moralement qu’un seul empire.

Byzance ne se trouvait pas sur la route des Barbares d’Occident, elle
possédait en outre des murailles puissantes. Son existence fut donc
plus facile et plus longue que celle de Rome, bien que son histoire
soit remplie par les querelles religieuses, les intrigues de cour, les
troubles de l’hippodrome, et les tristes souvenirs de la dépravation de
ses mœurs.

Byzance fut le siège d’une civilisation qui remplit la moitié de
l’histoire du moyen âge et qui a répandu de vives lumières sur les
peuples voisins.

Le règne de Justinien (527-565) fut pour la capitale une période
d’extraordinaire splendeur. Après les ruines causées par la sédition
Nika (532), l’empereur rebâtit la ville avec une prodigieuse
magnificence, et les grandes églises de Sainte-Sophie et des
Saints-Apôtres montrent, entre bien d’autres édifices, le développement
somptueux de l’art byzantin.

A l’époque de la dynastie macédonienne, Constantinople n’était pas
moins prospère. Ses monuments, ses palais, et surtout ses cérémonies
grandioses en faisaient alors la première ville du monde. Un grand
mouvement littéraire et scientifique animait l’Université de la
capitale. De toutes parts, la jeunesse y accourait pour s’instruire. On
y trouvait tous les manuscrits de l’ancienne Grèce. Il est évident que,
sans Byzance, nous ne posséderions rien des manuscrits et des œuvres de
la Grèce antique.

L’art byzantin rayonnait sur tout l’Orient et l’Occident. Autour de
l’empereur Constantin Porphyrogénète, qui était lui-même un artiste,
les peintres, les architectes, les sculpteurs, les hommes de lettres
se groupaient pour ajouter à la beauté de la ville et enrichir les
bibliothèques.

La savante diplomatie des empereurs Comnènes fit plus tard de Byzance
le centre de la politique européenne et asiatique. Mais elle ne suffit
pas à enrayer la décadence qu’amenaient les troubles intérieurs, la
corruption des mœurs et la misère économique dont souffrait l’Empire
par suite de l’exploitation commerciale étrangère et des folles
dépenses de la cour.

A tous ces malheurs, s’ajoutaient les discordes religieuses qui
séparaient les Grecs et les Latins et qui préparèrent la chute de
l’Empire.

En France, un saint homme, appelé Foulque de Neuilly, avait avec
l’autorisation du pape Innocent III, prêché une quatrième croisade.
Plusieurs comtes et barons formèrent une armée de croisés et envoyèrent
des messagers à Venise pour prier cette république de leur prêter le
secours de ses vaisseaux. Un traité fut signé entre l’armée des croisés
et les Vénitiens. Le doge de Venise, Dandolo, âgé de quatre-vingt-dix
ans, entreprit lui-même la croisade.

A cette époque, régnait à Byzance l’empereur Alexis, qui avait détrôné
son frère Isaac, lui avait fait crever les yeux et l’avait jeté en
prison avec son fils Alexis le Jeune. Ce dernier parvint à s’échapper,
alla trouver le roi des Romains, Philippe de Souabe, qui avait épousé
sa sœur et le décida à envoyer des messagers à Venise avec mission de
détourner les efforts des croisés sur Byzance.

Les messagers dirent, raconte Geoffroy de Villehardouin[7]: «Puisque
vous marchez pour Dieu, pour le droit et pour la justice, à ceux
qui sont déshérités à tort vous devez rendre leur héritage si vous
pouvez... Tout premièrement, si Dieu accorde que vous le remettiez en
son héritage, il mettra tout l’empire de Romanie en l’obéissance de
Rome dont il est séparé depuis longtemps. Après, il sait que vous avez
dépensé tout avoir et que vous êtes pauvres, il vous donnera donc deux
cent mille marcs d’argent et des vivres à tous ceux de l’armée, petits
et grands.»

                [7] Poujoulat, _Histoire de la conquête de
                Constantinople_.

Venise, qui s’était acquis dans l’Empire byzantin une grande situation
commerciale, voulut augmenter son influence en détournant, à son
avantage, cette croisade sur Byzance. Le 23 juin 1203, la flotte des
croisés, forte de trois cents galères, mouillait devant Constantinople.
Grâce à un incendie qui se déclara aux environs du palais, les
assaillants pénétrèrent dans la ville. L’empereur Alexis prit la fuite
et les Byzantins mirent sur le trône Isaac, père d’Alexis le Jeune, qui
se trouvait parmi les croisés. Les Byzantins conclurent un traité avec
les Latins. Ceux-ci s’établirent à _Galata_.

Le jeune Alexis, couronné à Constantinople, parcourut l’Empire avec
les croisés. Mais son attitude vis-à-vis de ces derniers mécontenta le
peuple, qui mit Murzufle sur le trône. Isaac mourut, et le jeune Alexis
ayant été étranglé, les croisés attaquèrent de nouveau la ville et s’en
emparèrent (13 avril 1204).

Pendant le pillage, Sainte-Sophie fut dépouillée de ses trésors, les
soldats se partagèrent les pierres précieuses, et le grand rideau de
l’église, qui avait coûté des sommes énormes, fut déchiré et mis en
morceaux. Nicétas, un des témoins oculaires de ces événements, raconte
des scènes de sauvagerie inouïe. Les images des saints furent brisés
à coups de pied. Les restes de Justinien, qui reposaient depuis sept
cents ans dans les caveaux de l’église des Saints-Apôtres, furent
dépouillés des bijoux avec lesquels l’Empereur avait été inhumé.
Les grands sarcophages de porphyre rouge ou de brèche verte furent
brisés et les os des Porphyrogénètes jetés au vent. Les plus illustres
monuments de l’art ancien et moderne, qui faisaient la gloire de la
ville, ne trouvèrent pas grâce devant ces nouveaux Vandales. Le palais
des Blaquernes fut saccagé. On peut dire que c’est durant l’occupation
des Latins que l’art byzantin eut le plus à souffrir. Chaque nation
eut son quartier à exploiter. On forma de vastes dépôts des objets
pillés et on distribua le produit à toutes les troupes, au prorata du
grade. Quant aux statues en bronze et en métal des belles époques de
la Grèce et de Rome, qui avaient échappé aux tremblements de terre et
aux incendies, on en fit de gros sous, _de la monnaie noire_, comme on
disait alors. M. Dethier, ancien directeur du Musée impérial Ottoman à
Constantinople, parlant des monuments de Byzance, écrit ce qui suit:
«Les Latins, enlevèrent tous les bronzes, des statues tels que le
Tetradysion et les ornements de la colonne de Justinien Ier avec tant
d’autres, pour en faire frapper de la monnaie. Tout fut détruit, à
l’exception des chevaux de bronze de Lysippe transportés à Venise».

Le nouvel Empire latin fut partagé, suivant le système féodal, en
royaumes, duchés et comtés. Venise qui avait triomphé dans cette
expédition, assura partout son influence et s’établit en maîtresse dans
tout un quartier de la ville.

Les Grecs avaient tout de suite fondé de nouveaux États, en Morée,
à Trébizonde et surtout à Nicée, et ils n’oublièrent jamais leur
but principal, qui était de reconquérir leur empire. Les troubles
intérieurs qu’ils fomentaient et les attaques continuelles des Bulgares
épuisèrent vite l’Empire latin. Enfin Michel Paléologue VIII, qui
régnait à Nicée, eut la bonne fortune de renverser l’Empire latin,
de reconquérir Constantinople en 1261 et de faire revivre l’Empire
grec pendant deux siècles encore. Sous le règne des Paléologues et
des Cantacuzènes, malgré les efforts de quelques empereurs, l’Empire
byzantin ne parvint jamais pourtant à regagner son ancienne prospérité.
Une portion considérable du territoire fut perdue, car les Vénitiens
avaient pris une partie des îles, les seigneurs latins une partie
de la Grèce, les Bulgares une partie de la Thrace; l’Empire grec de
Trébizonde détenait enfin une partie de l’Asie Mineure.

Les troubles intérieurs affaiblissaient l’Empire. L’armée, composée de
mercenaires étrangers, ravageait le pays; d’autre part, les colonies
italiennes troublaient l’État par leurs rivalités et leurs empiétements
continuels. Les controverses religieuses détournaient l’attention
publique des intérêts nationaux. En 1390, Bajazet fit bloquer la ville;
Byzance dut acheter la paix moyennant une redevance annuelle. C’est
alors que les Turcs obtinrent le privilège d’avoir leur mosquée et
leur tribunal dans la ville. En 1422, Murad II assiégea Byzance sans
succès; mais bientôt, et pendant que l’Empire byzantin se débattait au
milieu de ces tristes événements, les armées de Mehmet II envahirent
le territoire byzantin et parvinrent jusqu’aux portes de la capitale
(1453).

Constantinople, depuis sa fondation jusqu’à cet événement d’une si
grande importance historique, avait été assiégé vingt-neuf fois par
différents ennemis: Grecs, Romains, Perses, Avares, Bulgares, Slaves,
Russes, Arabes, Varègues, Latins et Turcs. Sept fois seulement au cours
des siècles elle était tombée entre les mains des assiégeants.


II.--MEHMET II LE CONQUÉRANT

Pendant son premier règne, le sultan Mehmet n’avait pas eu l’occasion
de montrer son énergie. L’opposition du peuple et de ses ministres en
fut la cause. A la mort de son père (1451) il arriva à Andrinople et
monta pour la deuxième fois sur le trône.

Son premier soin fut de mettre à mort son jeune frère et de renvoyer
dans son pays sa belle-mère, fille du roi de Serbie Georges
Brancovitch. Tous les ministres qui avaient aidé Murad à monter pour
la deuxième fois sur le trône tremblaient devant le nouveau Sultan,
car ils craignaient son ressentiment. Mehmet ne leur ayant témoigné
aucune haine, ils n’en furent que plus effrayés. Les ambassadeurs et
les ministres étrangers venus pour le féliciter furent reçus très
froidement. Il renouvela le traité concernant la garde du petit-fils
du prince Suleiman interné chez les Byzantins et donna en paiement à
l’Empereur les revenus de quelques contrées.

Mehmet II eut d’abord affaire aux Caramans qui inquiétaient le pays.
Il résolut donc de marcher tout de suite contre eux, et d’annexer leur
État à l’empire. Le Bey de Caramanie effrayé s’enfuit à Tach-Ili,
tandis que le Sultan faisait une entrée triomphale à Konia. Se voyant
perdu, le bey promit obéissance au sultan et lui donna sa fille. Mais
Mehmet ne laissait jamais une affaire sans qu’elle fût définitivement
réglée. Il voulut imposer au vaincu des conditions plus dures.
Pendant ce temps, l’empereur de Byzance avait fait demander par un
ambassadeur qu’on augmentât la pension d’Orkhan, qui était toujours à
Byzance. Le Sultan, indisposé par les exigences de l’Empereur, renvoya
l’ambassadeur en lui répondant évasivement et donna l’ordre à l’armée
de lever le camp. Lorsque l’armée fut arrivée près de Brousse, il
se produisit un petit incident qui fit une profonde impression sur
l’entourage du Sultan. Les janissaires arrêtèrent le Sultan, pour lui
demander le don de joyeux avènement. Les pachas se montraient inquiets,
mais Mehmet marcha courageusement, seul, vers les troupes, en poussant
son cheval contre les janissaires qui, pour ne pas être écrasés, durent
se retirer du chemin. Le Sultan manda les chefs de ce corps d’élite, et
leur fit donner cent coups de bâton sur la plante des pieds. Cet acte
de vigueur étonna beaucoup les pachas, qui jusqu’alors n’avaient pas eu
l’occasion d’apprécier le caractère énergique du Sultan.

Mehmet quitta Brousse avec toute son armée et se rendit par Ismid
(Nicomédie), jusqu’au Bosphore. Là, il demanda à l’empereur Constantin
Dragasès de lui céder la place de Roumili-Hissar, située en face
d’Anatoli-Hissar. Cette dernière forteresse avait été élevée par le
sultan Bajazet, sur les ruines d’un temple de Jupiter. L’Empereur
répondit au Sultan que l’emplacement de Roumili-Hissar ne lui
appartenait pas, mais était possédé par les Génois (1452). Mehmet,
sans tenir compte de cette objection, fit commencer immédiatement les
travaux d’un fort à _Roumili-Hissar_ par les 2.000 maçons et les 4.000
ouvriers qu’il avait amenés avec lui. En même temps, il donna l’ordre
de réparer la forteresse d’_Anatoli-Hissar_.

Constantin XI, prévoyant le danger qui menaçait la ville, envoya à
Mehmet des ambassadeurs pour conclure un traité et lui offrir un tribut
annuel. Le Sultan leur répondit froidement que son intention n’était
que de barrer le Bosphore aux Génois et aux Vénitiens, qui entravaient
sans cesse le passage des troupes ottomanes. «Mon père, dit-il, empêché
par les Byzantins de franchir l’Hellespont pendant la campagne de
Varna, avait juré d’élever une forteresse à cet endroit du Bosphore; je
ne fais qu’exécuter sa volonté. Dites à l’Empereur que je ne ressemble
pas à mes ancêtres, qui étaient trop faibles et que mon pouvoir atteint
un degré auquel ils ne pouvaient aspirer.»

Il est certain que la construction de ces forts était le pas fait pour
préparer le siège de Constantinople, mais le but immédiat n’était
réellement que d’assurer le libre passage des troupes ottomanes en
_Roumélie_.

Pendant les travaux, les champs et les jardins des environs eurent
naturellement à souffrir des travaux et des pillages des soldats. Une
deuxième fois, Constantin envoya des courriers pour prier le Sultan
de faire cesser les ravages. Mehmet, loin de tenir compte de cette
réclamation, n’arrêta rien et donna même l’ordre de faire paître les
troupeaux sur les champs des Grecs.

Constantin, devinant enfin les intentions du Sultan, sentit le besoin
de changer de langage. Il envoya de nouveaux ambassadeurs à Mehmet
en l’assurant de son amitié. En outre, l’Empereur, qui connaissait
bien le faible des hauts personnages ottomans, leur faisait parvenir
de nombreux cadeaux. Il gagna ainsi à sa cause Halil et Chahabuddin
pachas, qui conseillèrent au Sultan de ne pas mettre le siège devant
Byzance et de se contenter du tribut que lui offrait l’Empereur. Mais
Mehmet, loin de les écouter, les chargea de lui trouver des hommes au
courant de la topographie de la ville, de ses fortifications et de
ses portes.


[Illustration: Pl. 5.

    TOUR DE GALATA.

    MOSQUÉE DE TOPHANÉ.]


L’Empereur, de son côté, cherchait à gagner du temps. Il espérait
obtenir des secours de l’Europe, et voulait mettre la ville en état de
soutenir un siège qu’il redoutait prochain.

Le fort de _Roumili-Hissar_ fut terminé en quatre mois. On y avait
travaillé jour et nuit. Ce fut une des forteresses les plus redoutables
de l’époque. On plaça de grosses pièces de canon sur la tour la plus
voisine de la mer, qu’on appela la tour de Halil Pacha. Firouz Agha
fut nommé commandant de la forteresse, qui reçut une garnison de 400
janissaires. Tous les navires qui montaient ou descendaient le Bosphore
furent soumis à la visite et à un droit de passage.

Sfendiar bey, gendre du Sultan, à la tête d’un convoi de chevaux et
de troupeaux, ravagea les champs des Grecs, près d’Epibatos, ce qui
occasionna une querelle sanglante. En l’apprenant, le Sultan envoya
des troupes pour châtier les Grecs. Alors les Byzantins fermèrent
toutes les portes de la ville, déclarant prisonniers les Ottomans qui
s’y trouvaient. L’Empereur, changeant d’attitude, alla jusqu’à menacer
le Sultan de rendre la liberté à Orkhan, petit-fils de Suleiman, ce
qui n’eût pas manqué de créer des troubles à l’intérieur de l’Empire
ottoman. Le Sultan se montra fort irrité et somma l’Empereur de lui
remettre la ville, ou sinon qu’il se préparât à la guerre pour le
printemps prochain.

Les mesures de Constantin étaient déjà prises et, aussitôt toutes les
portes furent murées.

Le fort de Roumili-Hissar (nommé fort de Bogaz Kessen) venait d’être
terminé (1452). Le sultan Mehmet, partit de là le 14 août 1452 pour se
rendre à Andrinople, et y terminer les préparatifs de la guerre. En
route, il s’arrêta quelques jours aux environs de Constantinople pour
relever lui-même le plan des fortifications. Le bey Ierbey Tourkhan
fut envoyé contre Démétrius et Thomas, frères de Constantin, qui
gouvernaient alors en Morée, pour les empêcher de venir au secours de
Byzance.

Plusieurs causes morales et religieuses militaient auprès des troupes
en faveur de cette guerre. Tout d’abord, le Prophète avait prédit la
prise de Constantinople. De plus, le souvenir des cruautés exercées sur
les musulmans par les empereurs byzantins comme Nicéphore Phocas avait
excité vivement leur désir de vengeance. Enfin les Ottomans tenaient à
posséder Constantinople pour en faire la capitale du monde.

A peine arrivé à Andrinople, Mehmet étudia les moyens de s’emparer
le plus facilement de Byzance. Il s’entoura d’ingénieurs et d’hommes
capables, se fit décrire la place, dessina lui-même le plan du siège
en indiquant les points d’attaque, l’emplacement des tours mobiles,
des béliers et des catapultes. Sur ces entrefaites, un Hongrois, nommé
Urbain, qui avait été au service de l’empereur de Byzance et qui,
mécontent de son traitement, avait quitté la ville, vint trouver le
Sultan et lui proposa de fondre des canons d’une dimension colossale.
Les deux premiers canons fondus par lui furent placés dans la tour
de Halil Pacha à Roumili-Hissar. A cette époque, les canons étaient
encore très primitifs, car il y avait à peine un siècle qu’on les avait
inventés. Les premiers coups de ces canons furent tirés sur un navire
vénitien qui voulait forcer le passage du Bosphore. Ce navire était
commandé par un capitaine nommé Ricci; il fut coulé immédiatement.
Encouragé par ce succès, le Sultan fit fondre des canons plus forts
qui lançaient des boulets de pierre de 600 kilogrammes à un mille de
distance. L’armée marcha sur Constantinople (février 1453) au son des
tambourins et des grosses caisses. Le grand canon était tiré par 50
couples de bœufs; il fallait 700 hommes pour le diriger et pour établir
les routes sur lesquelles il devait passer.

Tous les petits forts byzantins que l’armée rencontra se rendirent
sans résistance. Il fallut plus de deux mois pour arriver au pied des
murailles de Constantinople.

Constantin, de son côté, avait remis les murs en état et accumulé des
vivres en quantité suffisante pour nourrir les assiégés pendant six
mois. Il avait demandé le secours d’Hunyade et d’Alphonse, roi de
Naples, en leur offrant plusieurs duchés.

On tendit la grande chaîne[8] de l’une à l’autre rive de la Corne d’Or
pour empêcher le passage de la flotte ennemie. On arma les tours et
le sommet des murailles de canons, de balistes et autres machines de
guerre.

                [8] Cette chaîne, dont on voit encore aujourd’hui
                une partie dans la cour de l’église de Sainte-Irène
                (actuellement musée d’armes) était tendue entre Galata
                et Stamboul en travers de la Corne d’Or. Ses deux
                extrémités se fixaient à deux tours, et le poids de la
                chaîne, qui empêchait le passage des navires, était
                supporté par des flotteurs.

L’état moral de la ville laissait bien à désirer et allait en
s’aggravant. L’Empereur, qui avait demandé le secours du pape, n’obtint
que des prêtres catholiques pour célébrer la messe selon le rite latin;
à leur tête, se trouvait le cardinal Isidore. Pendant une assemblée qui
se tint à Sainte-Sophie (12 novembre 1452) pour discuter de l’union
des deux Églises, le débat dégénéra en un tumulte terrible. Une partie
de l’assemblée, qui espérait sauver la ville, grâce au secours de
l’Europe, était favorable à l’union. Mais l’autre préférait mourir
plutôt que de changer de dogme et de se soumettre à Rome. Au cours
d’une séance, quelqu’un cria même: «Plutôt le turban que la tiare.»
Tout cela retardait l’arrivée des secours du pape. Les Vénitiens
offrirent cinq grands navires et les Génois, qui occupaient alors Chio,
envoyèrent deux navires avec 700 hommes. La démoralisation régnait dans
la ville. Les uns disaient qu’elle serait prise; d’autres, que les
Turcs arriveraient jusqu’à Sainte-Sophie, mais que là, ils seraient
repoussés. On mura soigneusement plusieurs portes, par lesquelles,
selon les oracles, l’ennemi devait pénétrer.

L’armée ottomane au contraire, soutenue par une foi ardente, marchait
courageusement à l’assaut, dans l’espoir de conquérir la plus belle
ville du monde, et d’allumer prochainement les lampes d’huile sur
les tombeaux des saints musulmans qui étaient tombés au cours des
différents sièges.

Un vendredi après Pâques (1er avril 1453, v.-s.), les Byzantins virent
avec stupeur les turbans des Turcs près des murailles; de la Propontide
à la Corne d’Or, les champs qui se trouvaient en face des murailles
étaient couverts de tentes. Les troupes arrivées de la Turquie
d’Europe avec le sultan Mehmet, furent installées en face de la porte
d’Andrinople et leur front formait une ligne se déployant jusqu’à la
Corne d’Or. Les troupes d’Asie Mineure, qui avaient passé l’Hellespont,
formèrent l’aile droite de l’armée du siège.

Une partie de l’armée, sous les ordres de Saganos pacha, le beau-frère
du Sultan et de Karadja bey, était campée à _Ok Meidan_ (champ des
flèches), situé sur les hauteurs de Kassim Pacha et aux environs de
Péra, afin de surveiller les Génois qui, malgré leur engagement de
rester neutres, secouraient secrètement Byzance. De forts détachements
de cavalerie gardaient l’arrière de l’armée pour éviter toute surprise.

Le Sultan avait établi son quartier général sur les petites collines
situées en face de la porte de Saint-Romain (_Top Kapou_, Porte du
Canon). Les lignes les plus rapprochées des murailles étaient à une
distance d’un mille environ.


[Illustration: Pl. 6.

    PORTE MELANDISIA.

    PORTE DE RHEGIUM.]


III.--LA PRISE DE CONSTANTINOPLE

Ce siège mémorable commença le 6 avril 1453. Les Ottomans avaient pris
toutes les mesures pour atteindre leur but. Les lignes des assiégeants
entouraient les murailles depuis la porte des Sept-Tours jusqu’à la
Corne d’Or. La partie des murs qui se trouvait entre le palais du
Porphyrogénète et la porte Saint-Romain avait été choisie comme point
d’attaque, car c’était l’endroit le plus faible. Karadja bey commandait
l’aile gauche depuis la Xyloporta jusqu’à la porte de Charisios. Ishak
et Mammoud bey commandaient les troupes campées entre la partie des
murs appelée Myriandrion et la mer de Marmara. L’historien vénitien
Barbaro relate que les Ottomans avaient installé trois bombardes en
face du palais impérial des Blaquernes, deux en face de la porte de
Charisios, quatre en face de la porte Saint-Romain, avec trois autres
grands canons qu’on avait d’abord placés près de la porte Caligaria.
Un parc de siège faisait face à la porte de Pegae ou Pigi (porte de
Silivri).

Les historiens turcs et étrangers ne sont pas d’accord sur les forces
des assiégeants et des défenseurs de la ville. D’après Hammer, l’armée
ottomane était composée de 250.000 hommes dont 100.000 cavaliers. La
marine comportait 18 galères, 48 birèmes et 300 petits voiliers. Le
comte de Ségur ne porte les forces ottomanes qu’à 150.000 hommes et 280
voiliers. Mais, d’après les ouvrages turcs, il n’y avait réellement que
100.000 guerriers, 100.000 porteurs et cochers, y compris les curieux
et les pillards. Quant au nombre des défenseurs de la ville, Hammer
et d’autres prétendent qu’il ne dépassait pas 9.000 soldats dont 3.000
Génois accourus au secours de la flotte byzantine. Celle-ci était
composée de 26 navires dont 3 galères, 3 voiliers génois, 1 espagnol,
1 français et de 6 navires envoyés de Crête. Les navires byzantins
étaient bien montés, bien armés et pourvus de bordages très hauts.

Les murailles de la ville, d’une longueur de 16 kilomètres, exigeaient
au moins la présence de 160.000 hommes en comptant un homme par mètre.
Les portes demandaient à elles seules 20.000 hommes pour leur défense.
Par conséquent, on peut évaluer le chiffre des combattants à 150.000
hommes, dont la plupart étaient armés et prêts à défendre la ville.

La flotte ottomane, formée de nombreux petits voiliers construits ou
achetés à la hâte, ne pouvait franchir la Corne d’Or, que barrait la
fameuse chaîne. Le grand canon, posté d’abord en face de la porte
Caligaria, fut transporté plus tard près de la porte Saint-Romain,
qui en tira son nom actuel de _Top Kapou_. Deux autres canons lançant
des pierres de 75 kilogrammes y furent également placés, 14 batteries
de petit calibre étaient rangées depuis la Xyloporta jusqu’à la Porte
des Sept-Tours. Un fossé large et profond rempli d’eau protégeait les
murailles. Giustiniani, le chef des Génois, se tenait avec ses troupes
à la porte de Charisios. Près de lui, les murailles étaient défendues
par Théodore de Carystos et les frères Brochiardi. Les Vénitiens, sous
les ordres de Girolamo Minotto, tenaient garnison autour du palais
de Constantin. Les environs des Blaquernes et de la porte Caligaria
étaient surveillés par le cardinal Isidore, qui commandait les Romains
et les Chiotes. Théophile Paléologue, le Génois Maurice Cattaneo et le
Vénitien Fabrice Cornaro, gardaient les murailles situées entre le
château de l’Heptapyrgion (sept tours) et la porte Saint-Romain. On
trouvait, à la porte de Pigi, le Vénitien Dolfino; entre la porte des
Sept-Tours et la mer de Marmara, des Vénitiens et des prêtres byzantins
sous les ordres de Jacques Contarini; au palais de Boucoléon, des
soldats catalans commandés par Pedro Juliano; sur les murailles de la
Corne d’Or, des Crétois et des soldats grecs sous les ordres de Lucas
Notaras. Le phare de la Corne d’Or était gardé par les Vénitiens. Près
de l’église des Saints-Apôtres, on avait constitué une réserve composée
de plus de 700 prêtres armés, que commandaient Démétrius Cantacuzène et
Nicéphore Paléologue.

Avant de commencer l’attaque, le Sultan avait envoyé Mahmoud Pacha
(devenu plus tard grand vizir après la prise de Constantinople),
auprès de l’Empereur pour le sommer de rendre la ville afin d’éviter
l’effusion du sang. L’Empereur refusa. A l’aube du 6 avril 1453
retentit le premier coup de canon, suivi bientôt d’une canonnade
générale. Une grande terreur se répandit dans toute la ville.

Pour charger le gros canon, il ne fallait pas moins de deux heures,
de sorte qu’on ne pouvait tirer que huit à dix coups par jour. Les
projectiles pesaient 600 kilogrammes. Quatre autres canons, coulés
par les ingénieurs turcs, Saroudja et Mousslihiddin, jetaient des
projectiles moins lourds.

Tous ces canons dirigeaient leur feu sur les deux extrémités de la base
d’un triangle fictif prise sur la partie la plus faible des murs, afin
d’ouvrir des brèches, et de tirer ensuite sur le sommet de ce triangle.
Cette tactique n’était alors connue que des Byzantins, et ils pensèrent
qu’un traître l’avait enseignée à l’ennemi. Les brèches et les parties
démolies étaient d’ailleurs réparées avec une activité surprenante.
Pendant que les Ottomans faisaient pleuvoir une pluie de flèches sur la
muraille, d’autres soldats cherchaient à creuser des souterrains sous
les fossés des remparts. Les béliers battaient les portes avec fureur,
pendant que les quatre fameuses tours mobiles[9] s’approchaient des
murs.

                [9] Ces tours, fréquemment employées au moyen âge,
                étaient construites en charpente solide, on les montait
                sur des roues, et l’extérieur était capitonné à l’aide
                de plusieurs couches de peaux qu’on mouillait pour
                offrir plus de résistance au feu lancé par l’ennemi.
                Elles contenaient intérieurement des soldats et des
                matières explosibles, du bois, des buissons pour
                combler les fossés. Elles étaient munies d’un pont qui
                permettait de passer sur les murs.

Une de ces tours placée près de la porte Saint-Romain avait occasionné
beaucoup de dégâts; l’ennemi réussit à l’incendier à l’aide du feu
grégeois. Le gros canon éclata un jour pendant le tir et tua Urbain,
son constructeur. Instruits par cet accident, les assiégeants
mouillèrent désormais les canons avec de l’huile après chaque coup et
les laissèrent se refroidir.

Les ouvriers terrassiers perçaient des galeries souterraines qu’ils
consolidaient avec des madriers de bois; ils purent arriver ainsi
jusqu’aux fondations des murailles. Mais les Byzantins avaient entendu
le bruit des pioches; ils creusèrent des contre-mines et enfumèrent les
Turcs qui durent se retirer. On jetait sur les Ottomans qui tentaient
d’escalader les murailles, d’énormes blocs de pierre, des torches
enflammées et surtout du feu grégeois[10].

                [10] Le feu grégeois avait plus d’une fois sauvé
                Byzance; c’était un explosif qui prenait feu au contact
                de l’eau. On l’obtenait en mélangeant de la poudre
                à canon et du pétrole avec une matière résineuse.
                Toutefois la fabrication de cette poudre était tenue
                secrète. On y ajoutait probablement de la chaux vive
                qui, au contact de l’eau dégageait de la chaleur en
                quantité suffisante pour enflammer la poudre. Ce
                feu, fort connu des Byzantins, était, selon quelques
                historiens, d’origine arabe.


[Illustration: Pl. 7.

    SAINTE-SOPHIE.--Vue générale prise du côté de l’Hippodrome.]


Tout l’effort de l’ennemi se portait sur les murailles du côté de la
terre. Les assauts se multipliaient, mais sans résultat. Mehmet
estima nécessaire la coopération de la flotte, que la grande chaîne
empêchait de pénétrer dans la Corne d’Or.

Le Sultan attachait une grande importance à sa flotte; elle devait
arrêter les secours que la ville pourrait recevoir du dehors. Pourtant,
d’après les historiens, cette flotte n’était pas considérable:
elle n’était composée que de petites embarcations, de voiliers, de
transports et de galères à une seule rangée de rames. Elle était
commandée par un Bulgare devenu musulman, qui s’appelait Balta-Oglou
Suleiman bey.

La flotte ottomane était d’abord restée dans le petit port de
Balta-liman[11], au Bosphore. Au début du siège, postée d’abord près
de _Dolma Bagtché_, elle leva l’ancre pour attaquer les navires qui
étaient rangés derrière la chaîne, mais la défense énergique des
Byzantins et les effets désastreux du feu grégeois l’obligèrent à
reculer. Averti par les voiliers turcs venus à la hâte de l’Hellespont,
que de grands navires génois et vénitiens arrivaient au secours de la
place, le Sultan donna l’ordre à la flotte de se former en ligne pour
défendre l’entrée du port.

                [11] Ce nom vient de Balta Oglou, amiral turc.

La bataille navale qui eut lieu se termina par la victoire de l’ennemi,
dont les vaisseaux purent pénétrer dans le port[12] avec 5.000 hommes
de renfort. Selon les historiens grecs, ces navires, au nombre de
cinq, avaient des bordages très élevés, ce qui leur permit d’écraser
les petites galères ottomanes et d’incendier au moyen du feu grégeois
une partie considérable de la flotte turque.

                [12] D’après quelques historiens turcs, qui semblent
                avoir copié les auteurs étrangers, ce port serait celui
                de la Corne d’Or, mais cela paraît bien improbable. En
                effet, si l’on avait démonté la chaîne de ses flotteurs
                pour laisser passer les vaisseaux grecs, on n’aurait pu
                la remettre assez rapidement pour empêcher les galères
                ottomanes de pénétrer à leur suite. Selon un manuscrit
                turc trouvé dans la bibliothèque de Sainte-Sophie, les
                navires grecs n’auraient été que deux, et le port dans
                lequel ils purent entrer, serait celui de Théodose,
                ou Julien, sur les bords de la Marmara. Cette version
                paraît d’autant plus vraisemblable que ce port étant
                protégé par des tours et des portes en fer, les navires
                de secours pouvaient y entrer facilement sans être
                obligés de courir le risque de livrer bataille au large
                pour gagner la Corne d’Or.

Ils parvinrent assez facilement à pénétrer dans le port. Le Sultan,
qui du rivage assistait au combat naval, était très excité. Il alla
jusqu’à pousser son cheval dans la mer, vers une galère qui luttait à
une courte distance du bord près de Makri Keuy.

Cette victoire navale de l’ennemi, les réparations actives que les
assiégés apportaient aux murailles, la destruction des tours mobiles
avaient fortement abattu le courage des Ottomans. C’est à ce moment que
l’Empereur byzantin demanda à traiter, offrant un tribut annuel au cas
où le siège serait levé.

Un divan se réunit. Le grand vizir, Halil pacha, que plusieurs chefs
accusaient de connivence avec les Grecs, conseilla au Sultan de faire
la paix. Il alléguait que l’Europe enverrait certainement des secours.
Mais Saganos pacha, beau-frère du Sultan, Molla-Mehmed-Gurani et le
vénérable cheïkh Ak-Chemsuddine voulaient qu’on continuât la guerre.
A leur avis, l’Europe se désintéressait de l’Orient et Constantinople
devait certainement tomber sous peu entre les mains des musulmans.
Ak-Chemsuddine, que les musulmans considèrent encore comme un Véli
(saint), avait prédit la date de la prise de Constantinople en prenant
dans un verset du Coran le mot بلدة طيّب (jolie ville), dont les
lettres, considérées comme chiffres à la manière arabe, donnaient la
date de l’Hégire 857, qui correspondait à l’année 1453. Il répétait
au Sultan les louanges du Prophète. «Constantinople sera absolument
conquise par les musulmans. Quel magnifique prince que le conquérant,
quelles excellentes troupes que son armée, le prince et ses soldats,
qui prendront cette jolie ville.» Les propositions de paix furent
rejetées.

Le Sultan avait songé d’abord à briser la chaîne pour entrer dans le
port et forcer les murailles qui, de ce côté, étaient plus vulnérables
qu’ailleurs, mais il dut abandonner ce plan. Il décida ensuite de faire
traîner les galères par-dessus les collines qui entouraient Galata,
pour les amener dans la Corne d’Or. On construisit une route d’une
longueur de deux lieues allant de la vallée de Dolma Bagtché à la
vallée de Kassim pacha, et qui aboutissait à la Corne d’Or. On plaça
des madriers enduits de graisse et d’huile. En une nuit, plus de 70
bâtiments de différentes grandeurs furent traînés sur cette route par
des hommes, des bœufs et des chevaux. Les voiles déployées et gonflées
par un vent favorable, facilitèrent beaucoup le travail. Ce dut être
un spectacle grandiose que celui de ces milliers d’hommes travaillant
dans la nuit tout le long de cette route, au son des tambours, sous la
clarté vacillante des torches. Au matin, les galères étaient rangées
dans la Corne d’Or, derrière la chaîne.

Cet audacieux coup de main surprit douloureusement les Byzantins; il
leur fallut garnir d’une partie de leurs troupes les murailles de la
Corne d’Or qui, jusque-là, avaient pu rester sans défense. Giustiniani,
le fameux chef génois, résolut d’incendier la flotte ottomane, et s’en
approcha vers la nuit. Mais les Turcs, avertis par des Génois qui
servaient à tour de rôle dans les deux camps, étaient sur leurs gardes.
Le vaisseau que montait Giustiniani fut coulé par un énorme boulet de
pierre. La plus grande partie de l’équipage fut noyée; quant au chef
génois, vêtu d’une cotte de mailles, il put saisir une bouée et se
sauver dans une barque.

Désireux d’occuper à lui seul la Corne d’Or, le Sultan décida de couler
sans distinction de nationalité tous les bateaux génois, vénitiens et
byzantins qui se trouvaient dans le port: à cet effet, il fit installer
sur les hauteurs de Kassim pacha et de Péra des mortiers de son
invention qui lançaient, par un tir indirect, des projectiles sur les
navires abrités derrière Galata.

Malgré les protestations des Génois, plusieurs bateaux furent ainsi
coulés, et le Sultan devenu maître du port, établit sur la Corne
d’Or un large pont construit à l’aide de tonneaux attachés les uns
aux autres et recouverts de madriers. Une trentaine d’hommes pouvait
y marcher de front. Un des chefs vénitiens essaya de brûler ce
pont, mais la surveillance incessante des Ottomans fît échouer ce
projet. Enfin, après cinquante jours de siège, l’artillerie ouvrit
une large brèche près de la porte Saint-Romain. Plusieurs tours
furent abattues. Les pierres comblaient déjà en partie le fossé. Du
côté de la mer, les murailles étaient menacées par les galères qui
bombardaient continuellement la ville, mais sans grand résultat, car
les projectiles[13], qui étaient pour la plupart en marbre taillé,
n’occasionnaient pas de dégâts importants.

                [13] On voit encore aujourd’hui, sur les murs où on les
                conserve comme souvenirs, des boulets de ce genre.

Le Sultan envoya Sfendiar-Oglou, son gendre, auprès de Constantin;
il lui proposait une seconde fois de se rendre, et lui offrait une
principauté: «Il ne faut pas, disait-il, verser le sang inutilement».
Les hauts dignitaires, découragés, pressaient l’Empereur de capituler,
mais celui-ci répondit qu’il défendrait, jusqu’au dernier homme,
la ville que Dieu avait confiée à sa garde. Tout ce qu’il pouvait
faire était de payer une indemnité au Sultan, à condition qu’on lui
laisserait la ville. Mehmet ordonna alors pour le 24 mai 1453 un assaut
général par terre et par mer. Il promit à l’armée un grand butin et aux
soldats qui monteraient les premiers sur la muraille des récompenses
telles que _timars_ et _sandjaks_ (sortes de pension); les fuyards
seraient exécutés. Pour exciter le fanatisme des soldats, des derviches
parcouraient les camps en faisant des prières. On entendait partout ces
mots, cri de guerre insigne de l’islam: «Il n’y a d’autre divinité que
Dieu et Mahomet est son prophète.»

La veille du jour fixé, le Sultan prescrivit une illumination générale,
(appelée _moum donanmasi_). Ce lundi soir, Constantinople se trouva
au milieu d’un cercle de flammes. Dans toutes les lignes, autour des
murailles, sur les galères près de la Corne d’Or et sur la Propontide,
sur les hauteurs de Péra, des torches imbibées d’huile, des bûchers de
bois résineux brûlaient continuellement. Les lances des soldats étaient
munies de flambeaux. Les soldats chantaient, dansaient, faisaient des
prières. Les cris des ottomans qui célébraient à l’avance la prise de
Constantinople arrivaient jusqu’au centre de la ville.

Les assiégés, qui se croyaient en présence d’une armée fantastique,
étaient frappés de terreur. Ils se prosternaient en pleurant devant
l’image de la sainte Vierge. Constantin pourtant ne perdit pas son
sang-froid; il parcourut tous les postes, ranimant le courage des
soldats. Giustiniani fit réparer les fortifications, et creuser de
larges fossés derrière la porte Saint-Romain qui venait d’être détruite
par les projectiles ottomans. Il fit élever à la hâte de nouveaux
remparts, mais les sages dispositions de ce brave et noble étranger
étaient sans cesse contrariées par la jalousie des chefs grecs et
surtout par Lucas Notaras, premier ministre de l’Empereur. Notaras,
qui se trouvait à la tête des défenseurs des murs de la Corne d’Or,
avait même refusé de donner à Giustiniani les canons dont il avait
besoin. Ces deux chefs ne cessaient de s’insulter. L’Empereur, pour les
réconcilier, dut leur montrer le danger que courait la ville. En même
temps, les discussions religieuses continuaient de plus belle dans la
capitale. Tel était l’état des assiégés.

Au moment de l’attaque, les Ottomans furent arrêtés par la nouvelle
qu’une armée composée de Hongrois et d’Italiens venait au secours de
Constantinople. Frappés d’inquiétude, ils restèrent deux jours dans
l’inaction, attendant les événements. On a attribué la paternité de
cette fausse nouvelle au grand vizir Halil pacha, qui l’aurait répandue
pour permettre aux Byzantins de gagner du temps, mais les historiens
turcs ne sont pas d’accord à ce sujet. Mehmet avait d’ailleurs prévu
cette éventualité d’une surprise par une armée de secours et avait
laissé une partie de ses cavaliers pour couvrir l’arrière-garde. Il
avait même prévu une guerre avec l’Europe à la suite de la prise de
Constantinople. Pendant deux ou trois jours néanmoins, l’armée se tint
sur le qui-vive.

Tandis que les Ottomans priaient, un orage éclata sur la ville,
accompagné d’éclairs et de coups de tonnerre; la foudre tomba et le
ciel apparut tout rouge. Ce phénomène ranima l’espoir de l’armée
ottomane, cependant qu’il démoralisait l’armée byzantine. Un certain
nombre de Byzantins quitta même la ville, passa au camp ennemi et
embrassa l’islamisme.

La veille du 29 mai 1453, jour de la prise de la ville, l’ordre d’une
attaque générale décisive fut donné pour la seconde fois par le Sultan.
Ce dernier parcourut les rangs des soldats, les encourageant par des
discours et leur citant des versets du Coran. L’Empereur, enflammé du
même zèle que son rival, visita les postes de défense, assista à une
grande cérémonie de communion générale à Sainte-Sophie et rentra dans
son palais d’où il surveillait les mouvements de l’ennemi.

Le mardi matin 29 mai 1453, dès l’aube, les _sours_ (trompettes en
corne), les timbales, les _naccaras_ (petits tambours), donnèrent
le signal de l’assaut. Les Ottomans avaient choisi leurs points
d’attaque entre la porte Saint-Romain et la porte de Charisios. Les
canons tonnaient, une pluie de flèches tombait de part et d’autre. Les
Ottomans, après avoir comblé les fossés avec de la terre, des pierres
et des fascines, grimpèrent sur les murs au moyen de hautes échelles.
Les cris des blessés se mêlaient au bruit des _davouls_ (grosses
caisses) et des ourha (hurrah)[14] (frappe, va donc). Une lutte
terrible se livrait le long des murailles, du haut desquelles on jetait
sur les assiégeants de grosses pierres et de l’huile bouillante. Les
_sours_ des tchavouches (officiers d’ordonnance) faisaient entendre par
intermittence leurs sons lugubres. A l’intérieur de la ville, toutes
les cloches des églises sonnaient sans interruption.

                [14] Ce mot, qui a été changé en hourra, est le cri
                de guerre des armées européennes, tandis que chez les
                Turcs ce mot a disparu pour faire place au cri Allah!
                Allah! (Dieu! Dieu!)

Du côté de la Corne d’Or, le feu grégeois flottait sur l’eau en traçant
des sillons. On jetait des vases remplis d’explosifs sur les galères
ottomanes qui approchaient des murailles. Une épaisse fumée entourait
la ville. Du côté de la terre, le vent du nord s’était élevé, poussant
vers les assiégeants des tourbillons de fumée qui les aveuglaient.
Tous les soldats turcs étaient au pied des murailles. La lutte se
poursuivait avec acharnement.

Un nommé Hassan Oulou-Abatli (de la ville d’Oulou Abad), portant
son bouclier et son pala (sabre à large lame recourbée) escalada la
muraille d’où il fut précipité à coups de pierres. Dix-huit soldats
qui l’avaient accompagné gisaient au bas du mur. Le blessé se releva
soudain et, pris d’une rage extraordinaire, escalada à nouveau la
muraille, mais une énorme pierre jetée du haut d’une tour voisine
le renversa et le tua[15]. Le combat continuait depuis plus de deux
heures. De larges brèches avaient été pratiquées entre la porte
Saint-Romain et la porte de Charisios. Les historiens européens
rapportent qu’à ce moment, Giustiniani blessé grièvement par une flèche
se décida à quitter la ville malgré les supplications de l’Empereur, et
qu’il se rendit sur une de ses galères à Galata, d’où ses compatriotes
suivaient tranquillement les phases du combat. La lâcheté du chef grec
aurait démoralisé les troupes et contribué à la chute de la ville.
D’après d’autres historiens, Giustiniani était déjà blessé au moment
où les Ottomans pénétrèrent dans la ville par une porte qu’on avait
négligé de fermer près de la porte de Charisios, et il se serait
sauvé à bord de son navire qui se trouvait dans le port du côté de la
Propontide. Cette version paraît plus vraisemblable, car la Corne d’Or
était gardée par les galères turques et le passage était impossible.

                [15] Hammer dit que ce soldat était un janissaire,
                mais, comme son nom d’Oulou Abad l’indique, c’était un
                Turc originaire d’un village de l’Asie Mineure.

Cinquante soldats turcs entrèrent par la petite porte appelée
Kerkorporta, qu’on avait négligé de murer. Mettant à profit le
trouble qu’éprouva l’ennemi en les apercevant sur ses derrières, les
Ottomans montèrent sur les murs déserts et pénétrèrent dans la ville
par les différentes brèches restées sans défenseurs. Les fuyards se
précipitaient vers les rivages de la Corne d’Or et de la Propontide.
Les clefs des portes avaient été jetées à la mer avant la surprise de
l’ennemi. La plupart des Grecs se précipitèrent vers Sainte-Sophie, se
rappelant la légende d’après laquelle un ange devait descendre du ciel,
donner un sabre à un vieillard près de l’Hippodrome, à la suite de
quoi les Turcs seraient tous repoussés. Mais aucun miracle ne vint
sauver les Byzantins et bientôt, du côté de la Corne d’Or, les Ottomans
envahirent la ville par différentes portes.


[Illustration: Pl. 8.

    SAINTE-SOPHIE.--Nef centrale.]


Pendant qu’une partie des troupes occupait les murailles situées
entre la porte Saint-Romain et la porte de Charisios, les janissaires
couraient vers le palais impérial. Constantin Dragasès, averti par
ses gardes, voulut prendre la fuite, mais il fut surpris en route par
un détachement de soldats turcs qui luttaient avec les Grecs. Ivre de
fureur et de vengeance, l’Empereur se précipita sur un Turc déjà blessé
qui, faisant un dernier effort avant de mourir, renversa inanimé le
dernier empereur des Byzantins.

Comme dans toutes les guerres de l’époque, la ville fut livrée au
pillage. Les églises voisines des murailles, comme Saint-Jean-Baptiste,
dans le quartier de Petra Palaea et l’église de Chora (actuellement
mosquée Kahrié) furent saccagées. Mais le dernier pillage de Byzance
par les Turcs est de beaucoup dépassé en horreur par le pillage des
croisés.

Un certain nombre de fuyards byzantins s’échappèrent sur des
embarcations après avoir brisé les portes, et passèrent à Galata qui
était restée neutre pendant la guerre. D’autres parvinrent à se sauver
sur des bateaux et gagnèrent la Propontide. Environ 10.000 personnes
s’étaient réfugiées à Sainte-Sophie; les portes avaient été fermées,
mais ne purent résister à l’effort terrible des conquérants et bientôt
la foule se rendit en demandant grâce.

Constantinople était conquise après un siège de cinquante-quatre jours,
le mardi 29 mai 1453 (vingtième jour de Djemaziel Akhir de l’Hégire
857). Une légende rapporte que des prêtres grecs étaient occupés à
frire des poissons dans le monastère de Balouclou, lorsqu’on vint
leur annoncer que la ville était tombée aux mains des Ottomans. Les
religieux répondirent qu’ils n’y croiraient que si les poissons à
moitié frits sautaient dans un bassin voisin. Les poissons sautèrent,
dit la légende, et l’on montre encore aujourd’hui, dans le bassin, des
poissons rouges d’un côté et noirs de l’autre. Ce récit, qu’on retrouve
partout, paraît bien invraisemblable, car ce monastère, situé hors des
murs, était certainement occupé par des soldats turcs. De plus, il
est peu probable que, dans un pareil tumulte, les prêtres se soient
tranquillement livrés aux soins de la cuisine.

Lorsque les Ottomans eurent occupé tous les quartiers de la ville et
rétabli l’ordre en désarmant les dernières résistances, le sultan
Mehmet II fit une entrée triomphale dans la ville conquise. Il y
pénétra par la porte de Charisios avec son escorte et, par les grandes
rues et les places ornées de statues, se rendit à Sainte-Sophie.
Là, il descendit de cheval et entra dans le temple[16]. Après avoir
contemplé cette merveille du monde, il donna l’ordre de la transformer
en mosquée. Puis, il visita les palais impériaux qui étaient pour
la plupart depuis longtemps déserts. Ces ruines le remplirent d’une
profonde tristesse et on raconte qu’il récita ce distique persan: «Le
hibou chante le Nevbet[17] sur le tombeau d’Afrasiab, l’araignée fait
le service de «Perdedar»[18] dans le palais de l’empereur.»

                [16] On raconte dans plusieurs histoires et dans
                les guides que le Sultan entra à cheval dans
                l’église de Sainte-Sophie le jour même de la prise
                de Constantinople, et qu’il foula des monceaux de
                cadavres. Il aurait appuyé sa main tachée de sang
                contre une colonne que l’on montre encore aujourd’hui.
                Mais, en supposant mortes toutes les personnes que
                l’église pouvait contenir, la hauteur de leurs cadavres
                n’aurait pu être que de 50 centimètres; le Sultan étant
                sur un cheval d’un mètre et demi de hauteur, n’aurait
                jamais atteint la hauteur d’une dizaine de mètres à
                laquelle se trouve cette prétendue tache de sang.

                [17] L’air de tambour que l’on joue tous les jours pour
                célébrer l’indépendance.

                [18] Celui qui écarte les tentures des portes pour
                laisser passer les visiteurs.

Le Sultan fit rechercher le ministre byzantin, Lucas Notaras, qui parut
bientôt et lui offrit le trésor impérial. Aux reproches qui lui furent
adressés pour ne pas avoir consacré ces sommes au bien du pays, Notaras
répondit qu’il les avait gardées pour les remettre à sa Majesté. Le
Sultan, que cette hypocrisie irritait, lui dit:

--Puisque vous vouliez m’offrir ce trésor, pourquoi l’avez-vous gardé
si longtemps?

--Des lettres, envoyées par vos pachas, nous engageaient à résister.

Le grand vizir Halil pacha[19], soupçonné depuis longtemps, fut alors
jeté dans la forteresse des Sept-Tours. Quant à Notaras, il eut sa
grâce et le Sultan lui demanda la liste des grands fonctionnaires
byzantins à qui il accorda des brevets.

                [19] Halil fut exécuté par ordre du Sultan qui, outre
                sa trahison, n’avait pas oublié que ce même grand
                vizir l’avait fait descendre du trône du vivant de son
                père Mourad. Cet exemple de l’exécution des premiers
                ministres fut souvent suivi par les souverains.

Le corps de l’Empereur fut reconnu à ses brodequins pourpres portant
des aigles brodés d’or. Le pillage dura deux jours. Bientôt le calme se
rétablit dans la ville et le vendredi troisième jour de la conquête,
la prière du vendredi (_djouma namazi_) eut lieu dans l’église de
Sainte-Sophie, transformée à la hâte en mosquée. Le Sultan, cimeterre
en main, monta lui-même sur le Minber et dit la Kotba. On lit dans
quelques manuscrits que, ce jour-là, un prêtre grec sortit des
sous-sols de l’église où il était resté caché pendant trois jours,
embrassa l’islamisme et montra au Sultan le trésor de l’église.

Ce jour même, le Sultan envoya des ambassadeurs aux Génois de Galata.
Un nouveau traité fut signé entre les Génois et les Ottomans, traité
par lequel les Génois s’engageaient à démolir la partie supérieure des
murs de Galata.

Pour célébrer la conquête, le Sultan réunit l’armée en un grand banquet
sur les hauteurs de Kassim pacha[20]; son enthousiasme était tel qu’il
offrait de sa main les mets et les fruits à ses vizirs. Comme ces
derniers s’en défendaient, le Sultan leur répéta la parole du Prophète:
«Le Seigneur d’un peuple, c’est celui qui le sert.» Il récompensa par
des cadeaux les chefs de l’armée.

                [20] L’endroit où eut lieu cette fête s’appelle Ok
                Meidan (champ des flèches). Ce nom lui vient des
                exercices de tir à l’arc qu’on avait l’habitude d’y
                faire depuis le banquet jusqu’à ces derniers temps.

Les fêtes[21] durèrent plusieurs jours. Quelque temps après, le Sultan
envoya une lettre et des présents au sultan d’Égypte, pour lui annoncer
la conquête de Constantinople.

                [21] Quelques auteurs européens prétendent que les
                musulmans, pendant cette fête, burent à l’excès,
                chantèrent et se livrèrent à toutes sortes de
                débauches. Ces historiens ne prennent pas en
                considération que les musulmans, surtout au moyen âge,
                ne touchaient jamais aux boissons alcooliques qui leur
                étaient absolument interdites par leur religion.

Mehmet laissa aux chrétiens le libre exercice de leur culte ainsi que
plusieurs églises; il nomma un patriarche.

Il invita ensuite les Ottomans à venir habiter et peupler la ville. Les
différents quartiers furent attribués suivant les divers départements
dont les nouveaux habitants étaient originaires.

Comme emblème officiel de l’État, le Sultan adopta le croissant,
insigne de l’antique Byzance, auquel il ajouta une étoile.


[Illustration: Pl. 9.

    SAINTE-SOPHIE.--Intérieur.]



CHAPITRE II

TOPOGRAPHIE DE LA VILLE ANCIENNE


I.--LES RÉGIONS

Constantinople ne comprenait d’abord que cinq collines. Mais, vu
l’extrême rapidité avec laquelle la population augmenta, Théodose
II jugea nécessaire d’entourer d’une seconde ceinture de murailles
les quartiers qui se trouvaient en dehors de la première enceinte,
construite par Constantin le Grand. Tous ces quartiers qui occupaient
l’espace compris entre les murs constantiniens et les murs théodosiens
furent appelés d’abord χώρα (la campagne) et aussi ἐξωκιόνιον.

Voici quelle était l’origine de ce nom. Les gardes goths, ariens
comme leur empereur Constance, avaient voulu par la suite rester
fidèles à l’arianisme. Théodose Ier, protecteur de l’orthodoxie, ne
leur permit d’habiter qu’en dehors des murs. Comme à l’intérieur des
murs constantiniens se dressait une colonne (Kion) de Constantin, les
Goths furent appelés Exokionites, «ceux qui habitent en dehors de la
colonne», et leur camp, Exokionion. Cette partie de la ville, assignée
aux sept corps gothiques, fut divisée en sept quartiers appelés
(d’après M. Dethier) Deuteron, Triton, Pempton, Hebdomon, etc.[22]
Plus tard, quand l’émigration des peuples des Balkans, fuyant devant
Attila, vint augmenter la population de ces quartiers extérieurs. Le
préfet Anthémius, sous le règne de Théodose II, entoura cette partie
de la cité d’une nouvelle muraille. Après la construction des murs
théodosiens, la ville comprit sept collines; semblable à Rome, elle fut
divisée, dans sa partie ancienne construite par Constantin, en quatorze
régions, quartiers ou arrondissements. Chaque région était gouvernée
par un curator ou régionarchis, ayant sous ses ordres un diangeleas
(officier d’ordre), cinq deutereuontai ou topoteretai (gardiens de
nuit).

                [22] Cf. Dr Mordtmann, _Esquisse topographique
                de Constantinople_.--Dethier, _Le Bosphore et
                Constantinople_.


RÉGION I.--La première région commençait à la porte de
Sainte-Barbe et, passant au sud-est de l’Hippodrome, s’étendait jusqu’à
Saint-Serge et Bacchus. Le rocher de l’Acropole, qui portait jadis
un temple dédié à Jupiter, l’Augustéon et l’Hippodrome la séparaient
de la deuxième et de la troisième région. Elle contenait 29 rues,
118 maisons, 2 emboloi (rues à portiques), 4 bains publics, 2 bathra
(endroits où l’on distribuait du pain au peuple).


RÉGION II.--La deuxième région comprenait l’Acropole, le
Sénat, l’église de Sainte-Sophie, celle de Sainte-Irène et l’Augustéon;
elle comptait 34 rues, 98 maisons, 4 marchés couverts, 4 bathra.


RÉGION III.--La troisième région commençait aux thermes de
Zeuxippe, renfermait l’Hippodrome et la partie sud de la rue centrale
appelée Mésè (_Divan Yolou_), et descendait jusqu’à la mer. Le port
Sophien ou Portum Novum, appelé actuellement _Cadriga limani_, faisait
partie de cette région. Elle comprenait 7 rues, 98 maisons, 4 rues à
portiques et 4 bathra.


RÉGION IV.--La quatrième région était bordée sur un petit
parcours par la rue principale; elle descendait jusqu’à l’échelle de
Timasus, au bord de la Corne d’Or, en suivant les murs. Cette région
comprenait le Miliaire[23], l’église de Saint-Jean-l’Apôtre, le
Diippion, les Chalcopratia, 32 rues, 375 maisons, 4 marchés (rues à
portiques).

                [23] Le Miliaire, qui était une des portes terrestres
                de l’ancienne petite ville de Byzas, a été indiqué
                dans le plan de M. Labarte au milieu de l’Augustéon
                (l’espace compris entre le sénat, l’hippodrome et
                Sainte-Sophie). Mais le Dr Mordtmann prouve que la
                place du Miliaire doit être cherchée à l’ouest de
                Sainte-Sophie, au nord des Thermes de Zeuxippe et au
                commencement de la rue centrale.


RÉGION V.--La cinquième région était limitée d’un côté par
la troisième et de l’autre par la quatrième. On y trouvait, au bord
de la Corne d’Or, le Portus Prosphorianus et l’échelle de Chalcédoine
(_Sirkedji-Iskelessi_) où se déchargeaient les denrées alimentaires; le
Stratégium, (emplacement de la Sublime Porte) était situé dans cette
région.


RÉGION VI.--La sixième région occupait tout l’espace
compris entre la deuxième et la troisième colline, depuis le forum
de Constantin jusqu’à la Corne d’Or. Le port et l’échelle de Neorium
se trouvaient dans cette région. Les quartiers de la cinquième et de
la sixième région furent assignés plus tard aux colonies génoise et
vénitienne.


RÉGION VII.--La septième région était limitée au nord par la
rue centrale et s’étendait depuis le forum de Constantin jusqu’au forum
Tauri. Au sud, elle descendait jusqu’à la Propontide et renfermait le
port de Contoscalion.


RÉGION VIII.--La huitième région occupait tout le plateau de
la troisième colline, depuis le forum de Constantin jusqu’aux hauteurs
de la Corne d’Or. Elle n’aboutissait pas à la mer. Du côté de la Corne
d’Or, les pentes raides de la troisième colline la séparaient de la
sixième région, qui comprenait les quartiers des Vénitiens. A l’est,
elle s’étendait jusqu’au Macros Embolos (_Ouzoun-tcharchi_).


RÉGION IX.--La neuvième région, qui se trouvait sur le versant
méridional de la troisième colline, était séparée de la septième région
par la rue portant actuellement le nom de _Tavchan-Tach Yocouchou_
et bordée à l’ouest par la rue principale qui descendait du quartier
Philadelphium au forum Bovis et de là au port Théodosiaque, situé dans
la douzième région.


RÉGION X.--La dixième région comprenait tous les quartiers
situés sur le versant occidental de la troisième colline. C’était la
région extrême près des murs constantiniens. Elle touchait du côté de
l’occident à la rue principale et avait comme limite la colonne de
Marcien (_Kiz-Tachi_), le Nympheum Majus (probablement _Sou-Terazisi_)
et le plateau où s’élevait l’église des Saints-Apôtres et qui faisait
partie de la onzième région.


RÉGION XI.--La onzième région était située sur le versant
occidental de la quatrième colline et descendait jusqu’à la vallée
du Lycus. Elle s’étendait jusqu’au forum Bovis (_Ak-Seraï_) où la
douzième, onzième et neuvième régions se rencontraient. La vallée du
Lycus séparait la onzième région de la douzième. Comme la huitième, la
onzième ne touchait pas à la mer.


RÉGION XII.--La douzième région, qui était bordée par le
petit fleuve du Lycus, touchait du côté de l’ouest aux murs de
Constantinople. Elle comprenait tous les quartiers de la septième
colline qui s’étendaient jusqu’aux bords de la Propontide. Le grand
port de Théodose (_Vlanga_) et la colonne d’Arcadius faisaient
partie de cette région.


[Illustration: Pl. 10.

    SAINTE-SOPHIE.--Narthex.]


RÉGION XIII.--La treizième région se trouvait sur la pointe
séparée de la ville par la Corne d’Or et qu’on appelait Sycae
(figuiers), l’actuelle _Galata_.


RÉGION XIV.--La quatorzième région comprenait les quartiers
des Blaquernes et se trouvait hors des murs constantiniens. Cette
région était séparée de la dixième région par des terrains vagues qui
longeaient les rives de la Corne d’Or.


II.--LES RUES ET LES FORUMS

Sur la première colline de la ville s’élevait l’ancienne Acropole
construite par Sévère. Dans l’antiquité, on y donnait les jeux publics.
Après la conquête de Constantinople, les Turcs y construisirent le
Serai actuel (_Top Kapou_ ou _Seraï Djedid_).

Une grande rue principale, appelée Mésè, traversait la ville d’un
bout à l’autre. Cette rue commençait à l’Augustéon, grande place,
sorte d’atrium public, à côté de Sainte-Sophie, entouré de portiques à
doubles colonnades, où l’on vendait des livres et qui garantissaient
les passants contre le soleil et la pluie. Du côté oriental de
l’Augustéon se trouvaient les murs du palais avec la grande porte de
Chalké et la porte dite Monothyros. Les colonnades construites par
Constantin ayant été détruites avec le temps, Justinien les avait
reconstruites. Le sol était pavé de grands blocs de pierre. Cette rue
passait du côté nord par l’Hippodrome et, suivant la direction de la
rue actuellement nommée _Divan Yolou_, débouchait dans le forum de
Constantin, au milieu duquel se dressait la colonne de Constantin,
aujourd’hui _Tchemberli-Tach_ ou colonne cerclée, ou colonne brûlée;
ce dernier nom lui venait de ce qu’elle avait été la proie des flammes
dans un grand incendie.

La rue principale, après avoir traversé ce forum, prenait la direction
de la grande place appelée forum Tauri, place de _Bayazid_ et
_Seraskiérat_.

Ce forum contient actuellement la grande tour du feu, _Seraskiérat_,
qui remplace, d’après M. Dethier, la célèbre colonne de Théodose Ier,
conservée jusqu’à Selim Ier et renversée par la tempête, et le monument
nommé Tétradysion qui datait de Théodose II. M. Dethier, qui visita
les fouilles qu’on a faites pendant la construction du Seraskiérat,
a découvert un fragment qui lui a permis de restituer la statue de
Théodose II. Il écrit à ce propos: «Cette statue ne pourra plus être
que celle de Théodose II, car la statue de Théodose Ier, sur le forum
Tauri (comme celle sur l’Augustéon), était à pied et placée sur la
colonne spirale.»

Une grande partie de la rue Mésè était garnie de colonnes et d’arcades
en plein cintre (selon le système de construction de l’époque),
dont l’abri permettait l’étalage des étoffes et des marchandises
précieuses[24].

                [24] Ces portiques s’appelaient ἔμβολοι. On voit encore
                de nos jours des colonnades semblables dans la grande
                rue de _Chahzadé_ qu’on appelle _Direhler Arassi_ et
                dans plusieurs villes de Syrie.

Le forum Tauri qui était, et qui est encore aujourd’hui une des plus
grandes places de Constantinople, se trouvait au centre de la ville.
Deux grandes rues descendaient de cette place vers la Corne d’Or;
deux autres venaient du côté de Sainte-Sophie, l’une passant par le
forum de Constantin et l’autre traversant le petit forum de Théodose
et le forum Artopolion. Quelques parties couvertes de ces rues ont
sans doute été englobées dans le bazar actuel (_Tcharchi_); du côté
occidental du forum Tauri, une rue suivait la direction de l’aqueduc de
Valens (_Bosdogan-Kemeri_) et conduisait à l’église des Saints-Apôtres
(_Fatih_).

La rue principale ou rue triomphale, qu’empruntait toujours le cortège
impérial, menait au quartier du Philadelphium (_Chahzade-Bachi_) et
aboutissait à un petit forum appelé forum Amastrianon; là, elle se
divisait en deux rues, dont l’une montait à l’église des Saints-Apôtres
et l’autre, passant près de la citerne de Phocas, descendait au forum
Bovis (_Ak-Seraï_).

Les deux rues conduisant à l’église des Saints-Apôtres se réunissaient
après avoir traversé la place, et conduisaient à la porte de Charisios
(_Edirne-Kapoussou_). La rue qui descendait au forum Bovis en suivant
la route actuelle du tramway, rejoignait au forum Tauri celle qui
descendait du forum Amastrianon. Du forum Bovis, partaient plusieurs
rues qui aboutissaient aux nombreuses portes de la ville. L’une,
suivant la rue actuelle du tramway, conduisait à la porte Saint-Romain;
une autre, gravissant la septième colline, arrivait au forum d’Arcadius
(_Avrat Bazari_), au milieu duquel s’élevait la colonne de ce nom.
D’après le livre des Cérémonies, l’Empereur, en suivant la grande rue,
depuis le palais jusqu’au forum de Constantin, était tenu de faire les
stations suivantes:

    1º Grilles de la porte de Chalké;
    2º Zeuxippe ou Achille (bain);
    3º L’Augustéon;
    4º Les voûtes du Milion;
    5º Saint-Jean Théologos;
    6º Portique près du palais de Lausus;
    7º Prétoire;
    8º Anti Forum.

Du forum de Constantin au Philadelphium:

    1º Macros Embolos de Maurien;
    2º Les boulangeries (Artopolia);
    3º Forum Tauri;
    4º Église de la Vierge Diaconissa;
    5º Modios;
    6º Philadelphium.

Du Philadelphium jusqu’à l’église de la Zoodochos Pigi (source
vivifiante):

    1º Philadelphium;
    2º Amastrianon;
    3º Forum Bovis;
    4º La rue centrale (mésè) du Xérolophos;
    5º Première voûte de Xérolophos;
    6º Église de Saint-Kallinique;
    7º La Monnaie;
    8º Exakionion;
    9º Carrefour des trois rues où se trouve l’église de Saint-Onésime;

Il tourne ensuite à droite et passe par:

    10º L’église de Saint-Jacques-le-Perse;
    11º L’église de Saint-Mocius;
    12º L’aqueduc;
    13º Le portique où est dressée la colonne (Sigma);
    14º L’église de la Zoodochos Pigi (_Balouklou_).

La partie de la Mésè qui se trouvait entre le forum de Constantin et
le forum Tauri était appelée Artopolia (les boulangeries). A l’entrée,
s’élevaient deux statues colossales, dont l’une a été retrouvée en
1870, et transportée à Sainte-Irène. Le docteur Mordtmann pense,
d’après les auteurs anciens, comme la chronique pascale, Théophane
et Cédrenus, que les bazars byzantins se trouvaient entre le forum
de Constantin et la grande basilique, tandis qu’aujourd’hui ils se
trouvent vers le nord-ouest de ce forum.

Du forum d’Arcadius, la rue principale conduisait de la première
enceinte de Constantinople à la Porte Dorée, actuellement
_Essé-Kapousou_. (Porte de Jésus.)

Un embranchement de cette rue passait par l’église de Saint-André
(mosquée _Kodja Moustapha Pacha_); un deuxième, passant par l’église
de la Peribleptos (_Soulou Monastir_), conduisait à la Porte Dorée des
murs théodosiens (_Yedi Koulé Kapoussou_). Une autre rue parallèle
allait du forum Bovis à l’église Saint-Jacques-le-Perse (_Hekim-Oglou
Djamissi_) et traversait le quartier d’Exokionion. Le nom d’Exokionion
(hors de la colonne) se changea plus tard en _Exi Marmara_, que les
Turcs traduisirent par _Alti Mermer_ (six marbres).

Ce quartier était sur le chemin de la porte de Pigi ou Pegana (_Silivri
Kapoussou_). D’autres rues faisaient communiquer entre elles les
principales artères. Une rue partant de la porte de Plateia ou porte
Mesa (_Oun Kapani_), se dirigeait vers le Philadelphium, réunissant
ainsi cette partie de la rue principale à la rive de la Corne d’Or.
Un autre embranchement montait vers l’église des Saints-Apôtres,
parallèlement à la première enceinte de la ville. Cette rue, passant à
l’ouest de l’église des Saints-Apôtres, descendait dans la vallée du
Lycus (_Yeni Bagtche_) et de là, par de petites ruelles tortueuses,
arrivait au forum d’Arcadius. D’autres rues longeaient les murailles de
la Propontide et de la Corne d’Or.

Le quartier des Vénitiens était séparé de la ville par un mur dont on
voit encore quelques vestiges et qui amena plus tard les Ottomans à
appeler ce quartier _Tahta Kalé_ (sous les murs). Plusieurs topographes
ont traduit à tort «la tour en bois». A l’est du quartier des Vénitiens
se trouvait celui des Amalfitains et des Pisans. Celui des Amalfitains
ne dépassait pas la porte de Saint-Marc (_Yeni Djami_); celui des
Pisans s’étendait jusqu’à la porte du Neorium (_Bagtche Kapoussou_).
Là, commençait le quartier des Génois qui allait jusqu’à la porte
d’Eugène, tout près du couvent Apologotheton (_Turbé d’Abdul Hamid I_),
où s’élevaient les murs limites de la ville.

Le long de la Corne d’Or, une large bande de terrains s’étendait entre
les murs et le port.

Un grand nombre d’autres rues, très étroites et tortueuses, bordées
de maisons à encorbellement, donnaient à la ville un caractère fort
original.

Outre la Corne d’Or, la ville possédait encore d’autres ports.

On peut citer, sur la Propontide, le port de Julien ou Sophien
(_Kadriga Limani_) et le port de Théodose ou d’Eleuthère (_Vlanga
Bostani_[25]).

                [25] Le nom de Vlanga ou Blanca provient selon les uns
                d’une princesse nommée Bianca, qui y avait son palais,
                et selon les autres de Blaquos qui aurait transformé
                l’ancien port en un jardin potager.

Ces deux ports ont été comblés par les terres apportées par les eaux et
par les déblais des fondations nouvelles. Sur l’emplacement du dernier
se trouve aujourd’hui un jardin maraîcher qui produit une grande
quantité de légumes.

Ce port se trouve à l’embouchure de la vallée du Lycus qui commence
sur les collines voisines des murailles. Il naît en dehors de la ville
et en est séparé par une poterne située près de la porte de Sainte
Cyriaque (_Soulou Koulé Kapoussou_) actuellement murée. Les eaux
continuent leurs cours entre la colline où se trouvait l’église des
Saints-Apôtres et celle de Xérolophos. Puis passant par le forum Bovis
(_Ak Serai_), le fleuve arrivait à Vlanga où il se jette à la mer. Les
terres apportées par les eaux avaient déjà, au temps des Byzantins,
comblé une partie du port de Théodose. L’entrée de ce port était
gardée par des grilles en fer fixées à deux tours. Une de ces tours,
nommée Contoscopium, servait à la surveillance du port. Il est probable
que, pendant le siège de Constantinople, les navires génois, venant au
secours des Byzantins, sont entrés dans un de ces ports.


III.--LES ENVIRONS DE BYZANCE

Des champs, des jardins potagers, des prairies entouraient la ville. Le
peuple venait s’y promener. On y voyait de nombreux monastères souvent
désignés sous le nom d’_ayasma_ (lieu sacré). Le monastère appelé
actuellement _Baloukli_ renfermait lui aussi une source sacrée. Les
empereurs, qui habitaient le palais des Blaquernes, villégiaturaient en
été dans les jardins de ces monastères[26].

                [26] Ce monastère contient une curieuse image de sainte
                Irène. Quand on creusa les fondements de l’église
                actuelle en 1833, on découvrit les fondements de
                l’ancienne basilique.

Hors de la porte de Xyloporta, un village nommé Cosmidion (_Eyoub_)
s’étendait jusqu’au fond de la Corne d’Or. D’après plusieurs
cartographes du moyen âge, ce village possédait une jolie église,
plusieurs châteaux et des fontaines. Un cirque en bois (xylokerkos)
s’élevait à côté du monastère des saints Cosme et Damien: c’est
probablement de là que vient le nom de Cosmidion. C’est un lieu
sacré pour les musulmans; ils y trouvèrent en effet le tombeau
d’Aba-Eyoub-Ansari, un des compagnons du Prophète, qui vint à Byzance
et y mourut pendant la première grande campagne arabe, en 672 après
J.-C. Tous les musulmans cherchent à faire déposer leur dépouille
mortelle dans les immenses cimetières qui entourent le tombeau du saint.

L’autre rive de la Corne d’Or était peuplée également. Il y avait à
Galatiani (_Sutludje_), un ayasma réputé pour guérir la stérilité et
rendre abondant le lait des nourrices: de là son nom de Galatiani.

Une partie de l’arsenal actuel (_Tersané_)[27], qui se trouve près
de Haskeuy, était appelée autrefois Paraskeuè et aussi Keramidia
(quartier de _Piri Pacha_), parce que l’on y fabriquait des briques et
des tuiles. Sur la hauteur s’élevait Sainte-Paras Kévi. Près de là se
trouvait _l’Ok Meidan_ (place aux flèches), une plaine où les anciens
Turcs s’exerçaient au tir à l’arc.

                [27] Les Turcs ont tiré ce nom du mot _Darcina_, dont
                les Espagnols se servent pour désigner les chantiers.
                L’origine de ce mot paraît être Dar-u-ssnaa, mot arabe
                qui signifie atelier.

Galata, jadis une des quatorze régions de Byzance, fut habité dans
la suite par les Génois. C’était une citadelle entourée de murailles
percées de douze portes et garnies de plusieurs tours. Ces portes
étaient appelées par les Turcs, 1, _Tophané Kapoussou_; 2, _Azeb
Kapoussou_; 3, _Kutchuk Koulé Kapoussou_; 4, _Buyuk Koulé Kapoussou_;
5, _Meit Kapoussou_; 6, _Kurkdji Kapoussou_; 7, _Yag Kapan Kapoussou_;
8, _Moumhané Kapoussou_; 9, _Kiredj Kapoussou_; 10, _Egri Kapoussou_.
Les portes des murs de séparation s’appelaient: 1, _Kutchuk Karakeuï
Kapoussou_; 2, _Mikhal Kapoussou_; 3, _Meïdanjik Kapoussou_; 4, _Klisee
Kapoussou_; 5, _Itch Azeb Kapoussou_; 6, _Sarik Kapoussou_.

Le nom de Galata vient, d’après quelques auteurs, des vacheries qui y
existaient autrefois. On l’appelait aussi Sycae (figuiers), à cause des
figuiers qui y poussaient en grand nombre. Certains auteurs attribuent
l’origine du nom de Galata aux Gaulois qui y résidèrent et que les
Grecs appelaient Galates, mais cela ne semble pas très fondé, et
l’étymologie la plus vraisemblable paraît être celle qui s’explique par
les vacheries de Galata (lait). On l’appelait aussi Justinianopolis.
Quand il fut indépendant de Byzance, Galata devint une place forte.


[Illustration: Pl. 11.

    SAINTE-SOPHIE.--Galeries supérieures du Gynécée.

    SAINTE-SOPHIE.--Arcades supportant les galeries supérieures.]


Sur le point le plus élevé des murailles se dressait une tour nommée
Tour du Christ (_Galata Koulessi_). Quoique la partie supérieure en
ait été démolie, la tour a été conservée jusqu’à nos jours. Elle avait
été construite sous Zénon (474-491), puis surélevée à deux reprises en
1348 et en 1446. La tour possède aujourd’hui un escalier en pierre, de
146 marches prises dans l’épaisseur du mur et comprend intérieurement
cinq grands paliers en bois. Au sommet de la tour s’élevait une croix.
Un incendie détruisit le toit en 1794; le monument fut ensuite réparé
sous le règne du sultan Sélim. En 1824, devenu encore une fois la proie
des flammes, il fut réparé par le sultan Mahmoud. La tour n’a plus son
toit primitif. Elle est aujourd’hui occupée par des gardes chargés de
veiller aux incendies.

Pour récompenser les Génois qui avaient aidé les Byzantins à secouer
le joug des Latins, l’empereur Michel Paléologue leur avait donné
Galata et le faubourg de Péra. Une fois établis (1267), les Génois
se placèrent sous l’autorité d’un podestat nommé par la république
de Gênes. C’est seulement en 1303, sous Andronic, qu’ils obtinrent
l’autorisation d’entourer leur ville d’un mur d’enceinte; et ce n’est
qu’en 1341, après bien des difficultés, qu’ils parvinrent à transformer
leur mur en une forteresse munie de tours. L’ancienne ville génoise est
aujourd’hui le centre du commerce de la capitale.

Pendant le siège, les Génois avaient conclu avec le Sultan un traité
de neutralité et avaient ainsi pu sauver leur vie et leurs biens.
Mais Mehmet II, instruit de l’infidélité des Génois qui avaient aidé
secrètement les Byzantins, fit démolir leurs murs et leur imposa un
conseil municipal.

Deux ponts en fer, construits par les Ottomans, relient aujourd’hui
Galata à la capitale. Au temps des Byzantins, il n’existait qu’un pont
en bois aux environs d’Eyoub.

Galata garde encore plusieurs maisons byzantines. C’est le seul
quartier qui ait conservé un si grand nombre de types de l’architecture
civile du XIVe siècle. Entre autres monuments de cette époque, on
peut citer _Arab-Djami_, ancienne église transformée, après la
conquête arabe, en mosquée; l’église de Saint-Pierre, le couvent de
Saint-Benoît, occupé par les Lazaristes. En dehors des murs de Galata,
s’étendaient des vignes et des jardins. Plus tard, quand les habitants
de Galata se multiplièrent, la ville se développa, formant sur ses
hauteurs le faubourg de Péra, qui est actuellement le quartier européen.

Le nom de Péra provient du mot grec πέρα (qui signifie au delà, d’où
περαία, le quartier de la rive opposée). Les Turcs l’appelaient _Bey
Oglou_, qui veut dire fils du Prince, parce qu’un des fils de Jean
Comnène habitait ce faubourg. Le nom de _Tarlabachi_ démontre encore
que ces parages ne contenaient au XVIe siècle que des champs et des
vignes.

Le Bosphore depuis Galata était bordé de villages. Pour arriver au
village Argyropolis (_Foundouklou_) renfermant l’église de Saint-André,
il fallait traverser une forêt. Un peu plus loin, s’élevait le village
de Diplokionion ou Gunella, _Bechiktache_ (_bechik_, berceau, _tache_,
pierre.) Entre Argyropolis et Diplokionion se trouvait un port qui
fut comblé sous Ahmed Ier en 1023 de l’Hégire et qui fut nommé _Dolma
Bagtché_. Arnaoutkeuy, connu par ces forts courants que les Grecs
appelaient _Megarevma_, possédait l’église de l’archange Saint-Michel,
construite par Constantin et réparée par Justinien. Chelae (_Bebek_)
possédait un temple de Diane. Après le village de Bebek on trouve
_Roumili-Hissar_, château fort construit en quatre mois par Mahomet
II avant la conquête de Byzance. Sténia, autrefois Sosthénion, ou
Léosthénion, village du Haut-Bosphore, possédait un temple et la statue
que les Argonautes avaient élevée en l’honneur du Génie qui les avait
secourus. Constantin le Grand consacra ce temple à l’archange saint
Michel. Il fut détruit en 865 pendant l’invasion russe.

Les habitants du Bosphore voyaient alors pour la première fois
l’invasion d’un peuple qui, jusqu’alors, leur était inconnu. C’étaient
les Russes idolâtres, qu’ils appelaient les «Rhos homicides». Sous la
conduite d’Ascold et de Dir, leurs chefs, les Russes avaient traversé
le Pont-Euxin sur des centaines de petits navires et occupé les rives
du Haut-Bosphore. «Ils décapitèrent les moines, dit M. Schlumberger,
les crucifiant, les tuant à coups de flèches et s’acharnant à leur
enfoncer des clous dans le crâne.»

Thérapia, qui veut dire en grec «guérison», était un lieu de
convalescence pour les malades, désireux de changer d’air. Ancien
promontoire de Simas, cette ville possédait autrefois un temple de
Vénus Meretricia, vénéré par les navigateurs.

Buyukdéré était appelé Bathycolpos, ou Megas Agros; on prétend que
Godefroy de Bouillon y avait campé.

Après avoir passé _Roumili-Kavak_, où Jason avait élevé un autel à
Cybèle et les Byzantins le temple de Sérapis, on arrive aux châteaux
forts que les Génois avaient construits afin de s’assurer le commerce
du Bosphore. Les Génois avaient, dit-on, fermé le détroit par une
chaîne semblable à celle des Byzantins.

Ensuite vient _Buyuk Liman_, ancien port des Ephésiens, protégé par le
cap _Garibtché_, la Charybdis des Phéniciens.

La côte asiatique du Bosphore ne comptait pas moins de villages.
A l’entrée du Bosphore, près de la mer Noire, sur les hauteurs du
promontoire de Hiéron (_Anatoli-Kavak_), on voyait le grand château
génois, _Hiero Kalessi_, ancienne forteresse dont subsistent encore les
ruines, et le temple des douze dieux, consacré par l’Argien Phrygos et
doté par Jason à son retour de la Colchide. On peut encore rappeler,
tout près de là, le temple de Jupiter élevé par les Chalcédoniens.
Ce temple fut transformé en église par Justinien. Les anciens se
disputaient la possession de ce promontoire qui était la clef du
Bosphore.

Au pied de ce promontoire, la douane byzantine était établie. Prusias,
roi de Bithynie, l’avait enlevée aux Byzantins en 192 avant J.-C.
Vers le XIVe siècle, les Génois l’occupèrent sous les Paléologues et
bâtirent, avec les fragments d’Hiéron, le château fort dont on retrouve
aujourd’hui les ruines.

«C’est en ce lieu grandiose, raconte M. Schlumberger, que l’eunuque
pontife, Ignace, arraché à sa cellule d’Anderovithos, fut jeté par
ses gardes dans une étable à chèvres; on l’y laissa de longs mois en
plein hiver, demi nu, enchaîné, mourant de faim. Chaque jour, Lalacon
le frappait et le couvrait d’injures. On croit rêver en songeant que
ce prisonnier était le chef de l’église établie et que ceci se passait
à quelques heures de la ville la plus civilisée, rendez-vous des
philosophes et des lettrés de tout l’ancien monde».

[Illustration: Pl. 12.

    SAINTE-SOPHIE.--Gynécée.

    SAINTE-SOPHIE.--Gynécée.]

En suivant la rive asiatique du Bosphore, on arrive à la petite échelle
nommée _Sutludjé_, d’où un sentier conduit sur la plus haute montagne
du Haut-Bosphore. Au sommet de cette montagne (180 mètres au-dessus
de la mer) se trouve le tombeau de Josué (_Youcha_), le juge des
Hébreux, vénéré aussi par les musulmans. Les superstitions de tous les
temps se mêlent autour de cette tombe gigantesque qui a quatre mètres
de longueur et un demi-mètre de largeur. Selon les uns, c’était le
lit d’Hercule, selon les autres le tombeau d’Amycus, tué par Pollux.
Les musulmans la considèrent comme la tombe de Josué. Les malades
s’y rendent souvent et, pour se mettre sous la protection du saint,
attachent des bouts de chiffons aux grilles de cette tombe, espérant
ainsi obtenir la guérison de leurs maux.

Cette montagne possède quelques ruines byzantines provenant peut-être
de Saint-Pantéléimon et un _ayasma_ (source sacrée) dont l’eau donne
aux femmes stériles, dit-on, l’espoir de connaître les joies de la
maternité. A l’époque byzantine, cet endroit portait le nom de Κλίνη
Ἡρακλέους, lit d’Hercule.

L’histoire ne parle ni de la mort ni de l’enterrement d’Hercule qui,
pendant l’expédition des Argonautes, avait quitté ses compagnons avant
l’entrée du Bosphore. Mais, à ce propos, le docteur Mordtmann, dans ses
études sur le Bosphore, écrit justement: «En lisant chez Strabon que
les ossements de Melkart étaient conservés à Cadix dans un magnifique
tombeau en marbre, au milieu de son temple, nous pouvons bien admettre
qu’il s’agit aussi, sur le mont du géant, d’un tombeau ou lit de
Melkart, l’Héraclès Syrien, relique préhistorique de la navigation
phénicienne pour le Pont-Euxin.

«La découverte d’un dieu phénicien dans les décombres d’Amathonte de
Chypre, statue en calcaire poreux de 4 m. 20 de hauteur, appartenant
au VIIIe siècle et conservée actuellement au Musée impérial ottoman
(pavillon Tchinili Kiosk), nous a fait connaître Baal Melkart, appelé
par les Hellènes Ἡρακλῆς ἄρχηγευς de Tyr.

«On célébrait la fête du réveil de Melkart pendant la saison où les
eaux de source recommençaient à couler».

On sait que, bien avant la prise de Troie, les Phéniciens naviguaient
dans la mer Noire, ouvrant ainsi un chemin au commerce de Tyr et de
Sidon. D’ailleurs, le nom phénicien Achkenas, donné à cette mer,
suffirait à l’établir. Les Grecs ont fait de ce nom, Achkenas, ἔυξενος
(Euxin), attribuant ainsi comme toujours aux mots traduits par eux la
signification qu’ils leur souhaitaient. Ils appelaient hospitalière
une mer qui ne l’était guère, souhaitant sans doute calmer, par ce
qualificatif flatteur, les tempêtes qui l’agitaient.

Au pied de cette montagne se trouve le célèbre village de _Beïkos_, où
les vaisseaux des Argonautes se ravitaillèrent et où le roi Amycus fut
tué.

C’est à _Tchoubouclou_ que s’élevait autrefois le cloître des
Akoimètes. Lembos (_Kanlidja_) possédait un petit port appelé Lycadien,
Nafzimakion (_Vani Keui_), un monastère construit par Justinien, où les
femmes de mauvaise vie se retiraient pour y passer leur vie en prières.

Le long des rives asiatiques du Bosphore, nous pouvons citer encore
les villages d’_Anatoli-Hissar_ où Bayazid Ier construisit un château
fort pour assurer le passage de son armée sur le Bosphore, Botamonion
(_Geuk Sou_), où se trouvent les Eaux douces d’Asie, Protos Discos
(_Tchenguel Keui_), Deuteros Discos (_Beyler bey_), Chrysokeramos
(tuiles dorées) (_Kousgoundjouk_), le port du Bœuf, _Eukus Limani_,
et enfin Chrysopolis (ville d’or), aujourd’hui _Scudar_ ou _Scutari_
situé en face de la pointe du Seraï. Son nom lui venait selon les uns
de Chrysès, fils d’Agamemnon, et selon les autres du mot _uscudar_ qui
veut dire en persan lieu de campement. Les Persans accumulaient les
richesses de l’Asie Mineure dans cette ville qui a joué dans l’histoire
un rôle important. A l’époque des Byzantins, ces parages étaient
désignés pour servir au campement des soldats nommés _scutarii_, qui y
avaient leur caserne appelée _scutarion_. Cette étymologie paraît la
plus vraisemblable.

Entre cette ville et Byzance, à peu de distance du rivage asiatique, se
dresse en pleine mer un petit rocher surmonté d’une tour. Dans cette
tour qui a perdu sa forme primitive, les Byzantins avaient installé
un bureau de douanes, et elle est célèbre dans l’histoire sous le nom
de la tour de Damalis. Damalis, femme de Charès, général athénien qui
résidait à Chrysopolis, fut enterrée sur ce rocher même. Les Européens
l’appellent tour de Léandre et les Turcs, _Kis Koulessi_ (tour de la
fille). Après la conquête turque, cette tour ayant menacé ruine fut
démolie et rebâtie en bois. Quand elle fut plus tard la proie des
flammes, on la rebâtit en pierre (sous Ahmed III).

Damalis, le promontoire situé vis-à-vis de la tour de Léandre, portait
une statue représentant une vache. Une autre statue semblable se
trouvait entre _Couroutchéchmé_ et _Ortakeui_, sur un point appelé
Vaka. Plusieurs promontoires du Bosphore portaient également des
colonnes que les Phéniciens avaient érigées sur le passage de leurs
navigateurs et qui remplissaient un rôle analogue au service actuel des
phares.

Chalcédoine, _Kadi Keuï_[28], existait bien avant la fondation de
Byzance. C’est la ville que la fable a présentée comme le village
des aveugles; les raisons qui avaient fait choisir Kadi Keuï, de
préférence à la ville de Byzance, ne témoignaient pourtant pas d’un
tel aveuglement. Elles étaient inspirées par diverses considérations
pratiques, telles que la fertilité du sol, l’abondance de l’eau et
peut-être aussi par ce fait que la côte d’Europe était déjà occupée
par un peuple guerrier, comme l’attestent les murs cyclopéens mis à
jour par les travaux du chemin de fer de la Turquie d’Europe à la
pointe du Seraï. Le Dr Paspati prétend même qu’il a dû exister là
autrefois une acropole semblable à celle de Mycènes et de Troie.
Codinus dit qu’à la place de la colonne brûlée s’élevait un sanctuaire
du cavalier thrace.

                [28] Le nom actuel de _Kadi Keuï_ (village du juge)
                date du moment où les revenus de ce village ont
                été donnés comme appointements, _Arpalik_, par le
                Sultan conquérant à Hidir bey, premier Kadi (juge) de
                Constantinople.

Ce village était fameux par son temple d’Apollon, que remplaça l’église
d’Euphémie rendue célèbre par le concile de 451. Valens en avait démoli
les murailles pour construire son aqueduc. Les Turcs l’appelèrent
d’abord _Kaldja Dunia_[29].

                [29] D’après Melling, l’architecte du Sultan Selim III,
                qui dessina en 1715 une vue de ce village, Kadi Keuï ne
                possédait alors que 400 maisons environ; actuellement
                on en compte plus de dix mille.

Depuis Chalcédoine jusqu’à la ville de Nicomédie (_Ismid_), on
rencontrait de petits villages tout le long de la rive asiatique de la
Propontide. Après avoir doublé le promontoire de _Moda Bournou_[30],
occupé par une partie de Chalcédoine et qui était dans le temps le
comptoir phénicien, on se trouve en présence de _Kalamick Keurfezi_,
ancien port d’Eutrope, dont le nom rappelle le vieil eunuque
qui succéda à Rufin. La rive méridionale du port est limitée par
l’ancien cap Hiéron où s’élève actuellement un phare. C’est un des plus
beaux points de vue des environs de Constantinople. Justinien y avait
bâti un palais, des bains et des chapelles. Théodora y venait souvent
passer l’été, fuyant la vie agitée du cirque et la terreur des grandes
séditions.

                [30] Dans les couches inférieures de la falaise, on a
                dernièrement découvert des ustensiles et des objets
                appartenant aux époques préhistoriques; le Dr Mordtmann
                les juge semblables aux antiquités découvertes à
                Chypre. Voici ce que dit à ce sujet le savant docteur:
                «Il est permis de formuler deux conclusions: d’abord
                la présence d’une population indigène (Thrace) dans la
                vallée de _Kourbali Dèré_ où furent récemment trouvés
                par M. Milliopoulo des ustensiles préhistoriques de
                l’âge de la pierre polie, et qui sont identiques à
                ceux découverts par Schliemann à _Hissarlik_. Cette
                population doit être contemporaine de celle de
                Hissarlik; ensuite, l’existence d’un établissement sur
                le plateau de _Moda Bournou_ à l’époque égéenne où se
                faisaient les échanges commerciaux avec les étrangers
                arrivant par mer.»

                Ce comptoir existait encore au IXe siècle, lorsque les
                premiers colons mégariens apportèrent le culte dorien
                d’Apollon. Une preuve de plus de l’existence d’une
                peuplade préhistorique sur la côte asiatique résulte de
                ce fait que nous-mêmes avons constaté récemment sur le
                promontoire de _Maltépe_ des vestiges de cette époque,
                rappelant un tumulus. Les fouilles que nous allons
                incessamment y entreprendre en préciseront sans doute
                l’origine.


[Illustration: Pl. 13.

    SAINTE-SOPHIE.--Galerie supérieure.

    ÉGLISE DE SAINTE-IRÈNE.]


Sur l’extrême hauteur du mont de _Kaïch Dag_, était bâti un monastère;
on y découvre aujourd’hui, quand on fouille le sol, des mosaïques qui
en proviennent.

Là encore se trouvait la station de télégraphie optique. Cette station
communiquait jusqu’à la frontière par l’intermédiaire de postes situés
sur les points les plus élevés des montagnes. Dès que l’ennemi était en
vue, on allumait de grands feux sur le poste le plus voisin, et chacun
des autres, répétant à son tour le signal, transmettait la nouvelle
jusqu’à la station, établie dans le jardin du Palais impérial byzantin.

Le Grand Palais correspondait ainsi, par des signaux et des feux, avec
toutes les provinces de l’empire. Les restes du phare employé à cet
effet, et qui portait le nom de Kontoscopium, ont été retrouvés par M.
Paspati dans l’enceinte du Grand Palais, au milieu d’une agglomération
de maisons turques. Un corps spécial, militairement organisé, montait
la garde dans ce monument dont l’importance était très grande pour
la sécurité de l’Empereur. Cela n’empêcha pas Michel III, surnommé
l’ivrogne, qui était passionné pour les jeux du cirque, de supprimer
tous les signaux, parce qu’un jour, pendant les jeux, un signal ayant
annoncé l’ennemi, l’esprit du peuple en avait été troublé et le plaisir
de l’Empereur compromis.

Dans la Propontide, à une distance d’une dizaine de milles de la
capitale et à l’entrée du golfe de Nicomédie, en face de l’Olympe de
Thrace, vieille montagne sacrée du paganisme asiatique, se trouvent
plusieurs îles appelées dans le temps Demonisia (îles du peuple) ou
Papadonisia (îles des prêtres), à cause de leurs nombreux monastères et
couvents. On les a appelées aussi îles des Princes. Comme les intrigues
du palais ne cessaient jamais à Byzance, ces îles servirent en effet
pendant des siècles de lieu d’exil aux empereurs détrônés et aux plus
illustres personnages de l’histoire byzantine.

Nul coin sur la terre n’a vu mourir plus de princes et de princesses,
souvent les yeux crevés, au fond des cellules. Nul endroit dans le
monde n’est rempli d’aussi tragiques souvenirs, contrastant avec la
beauté naturelle et le pittoresque de ces îles.

Elles ne contenaient autrefois que les monastères fondés en majeure
partie par des princes et princesses. Quelques bâtiments sans intérêt
architectural, agglomération d’oratoires, d’églises, de logements
pour les prêtres, de cellules, quelques cabanes de pêcheurs et de
fournisseurs des monastères, formaient l’ensemble de ces constructions.
Les îles des Princes, au nombre de neuf, sont disposées en quelque
sorte sur une ligne parallèle à la côte asiatique, dans l’ordre
suivant: Proti, Antigoni, Pitys, Halki, Prinkipo, Andérovithos, ou
Terebinthos, Neandros et, un peu à l’ouest vers l’Hellespont, Plati et
Oxya.

De ces neuf îles, quatre seulement sont habitées aujourd’hui, les
autres n’étant que des étendues de terre sans arbres et sans eau.
L’île la plus rapprochée de la capitale s’appelait Proti (première)
(_Tinaki_). Elle contenait trois monastères et une gigantesque citerne
dont on voit encore les restes. L’Empereur romain Lécapène fut relégué
par ses propres fils dans un de ces monastères que le Romain avait bâti
sur la partie la plus élevée de l’île. Là fut enterré le corps mutilé à
coups de hache de l’empereur Léon l’Arménien (820). Michel Rangabé et
plusieurs autres y furent exilés après avoir eu les yeux crevés.

La deuxième île s’appelait Antigoni, en turc, _Bourgas_, «Antigoni
doit, semble-t-il, son nom, dit M. Schlumberger, au fameux Antigone,
l’ancien général d’Alexandre. Son fils, Démétrius Poliorcète, voulut
de la sorte immortaliser le nom de son père lorsqu’il vint dans la mer
de Marmara, en 298 avant J.-C., combattre pour la liberté des détroits
et l’empire du monde, contre Lysimaque de Thrace et Cassandre de
Macédoine.» Là se trouvait l’ancienne église de Saint-Jean-Baptiste
construite par l’impératrice Théodora (842), après la mort de son
époux, Théophile l’Iconoclaste. Basile le Macédonien y avait fait bâtir
un couvent. Constantin Porphyrogénète y avait fait enfermer Etienne,
fils de Lécapène (912-959).

Tout près de cette île on voit l’île de Halki, appelée en turc,
_Heibeli Ada_, et qui tirait son nom de Halki, Chalcitis, d’une mine de
cuivre très probablement déjà exploitée dans les temps préhistoriques.
Des gâteaux de cuivre récemment découverts à Moda semblent provenir de
cette mine.

Halki possédait le couvent de la Panagia bâti par Jean Paléologue
et sa femme Marie. Ce couvent brûla en 1672. Sur son emplacement
s’élève actuellement l’école grecque commerciale. On y trouvait aussi
le monastère de la Trinité, fondé par Photius, un des patriarches
les plus savants du IXe siècle, qui proclama en 857 le grand schisme
d’Orient. «On ne sait rien, dit M. Schlumberger, de l’histoire de cet
édifice à l’époque byzantine, ni de celle des moines qui y ont vécu
sous les empereurs grecs, comme sous les sultans ottomans.» Une école
théologique grecque, qui est actuellement le séminaire de l’Église
orthodoxe, fut en 1844 construite sur son emplacement. En 1828, pendant
le conflit turco-russe, le monastère de Halki devint le séjour des
prisonniers russes. A une faible distance du collège, non loin du
cimetière russe, on remarque la tombe de sir Edouard Barton, le second
ambassadeur anglais envoyé auprès de la Sublime Porte et mort (1598) à
Halki.

Parmi les îles habitées, la plus éloignée de la ville s’appelait
Prinkipo, _Buyuk ada_. C’est la plus grande et la plus importante: elle
est formée de deux grands pics séparés l’un de l’autre par un col; elle
a à peu près 8 kilomètres de circonférence et forme un site des plus
pittoresques. Au nord-ouest de la ville, se trouvait le couvent appelé
Camaraïa (les voûtes) ou monastère d’Irène, construit d’abord par
Justin et reconstruit par l’impératrice Irène. Cette dernière, régente
pour son fils Constantin, le détrôna, et après lui avoir fait crever
les yeux, l’emprisonna dans ce couvent. Elle y avait aussi enfermé sa
petite-fille, Euphrosyne, que l’empereur Michel le Bègue (820-829)
enleva plus tard pour l’épouser.

L’impératrice Irène, détrônée à son tour par Nicéphore le logothète,
fut reléguée d’abord dans ce monastère, puis transférée à Lesbos
(Mitylène), où elle mourut en 803. On ramena son corps à Prinkipo et on
l’inhuma dans ce même couvent.

Actuellement, du grand couvent de femmes de Prinkipo, on ne voit que
des chambres demi voûtées, des restes de cellules, et les murs épais
d’un oratoire.

L’impératrice Zoé, fille de Constantin VIII, fut aussi reléguée à
Prinkipo par ordre de Michel le Calfat, et la mère d’Alexis Comnène et
ses enfants y furent emprisonnés par ordre de Michel Ducas.

Cette île compte encore plusieurs autres monastères, dont les
principaux sont reconstruits, tels que celui de Christos et de
Saint-Nicolas et celui de Saint-Georges.

Les autres petites îles, quoique non habitées, ont été aussi le
théâtre d’événements historiques: Constantin, fils de l’empereur Romain
Lécapène, fut exilé en 945 par son père à Terebinthos, située en face
du couvent de Saint-Nicolas. Le patriarche Théodose y fut relégué par
ordre d’Andronic Comnène en 1183.

Oxya (la pointue), située derrière les îles de Proti et d’Antigoni, vit
l’exil de Gébon qui prétendait être fils de l’impératrice Théodora,
ainsi que celui de Niképhoritzès, le cruel eunuque, à qui l’on avait
auparavant crevé les yeux. On y remarquait un petit oratoire, devenu
célèbre et qui avait été bâti par le patriarche Anastase.

Plati (la plate) voisine d’Oxya, fut un lieu de supplices. On y
voit encore les ruines d’une ancienne église, élevée en 860 par le
patriarche Ignace Rangabé, ainsi que celles des horribles prisons
souterraines, véritables tombeaux vivants, dont l’origine remonte
à l’époque hellénique, et les vestiges d’un château construit en
ces temps derniers par un anglais, sir Henry Bulwer. Par ordre de
l’empereur Constantin VIII, le patrice Basile Bardas fut emprisonné
dans les oubliettes de Plati.

Les îles des Princes durent à leur voisinage de la capitale d’être
souvent pillées par l’ennemi et ravagées par les pirates. Pendant la
conquête latine, Dandolo avait recommandé le pillage des îles des
Princes comme moyen d’approvisionnement.

«Plusieurs fois encore, dit M. Schlumberger, sous le terrible Andronic
Comnène, puis sous Andronic Paléologue le vieux, des aventuriers
latins vinrent occuper les îles, après y avoir brûlé couvents et
maisons d’habitations. Les corsaires vénitiens de Candie, en arrivant
à Prinkipo, brûlèrent toutes les constructions et s’emparèrent de tous
les habitants, moines et laïques. Puis, ayant empilé sur leurs navires
les plus considérables de leurs captifs, ils allèrent jeter l’ancre
en vue de Constantinople. Là, ces infortunés, dépouillés de leurs
vêtements, furent pendus par les pieds aux vergues des mâts et déchirés
à grands coups de fouet: il fallut que le vieil Andronic vidât son
trésor presque épuisé déjà, pour payer à ces forbans les quatre mille
pièces d’or de rançon qu’ils réclamaient.»


IV.--LES MURS ET LES TOURS

Constantin avait entouré Constantinople d’une enceinte qui enfermait
seulement les cinq collines de la ville. Ces murs commençaient à
proximité de Psamatia et arrivaient à l’ancienne porte Dorée, près
de la mosquée _Essé-Kapoussou_, dont le nom fut plus tard donné à la
porte Dorée de la ville. Ils passaient près du monastère de Dius,
traversaient la vallée du Lycus et, après avoir gravi la colline qui
partait de l’église des Saints-Apôtres, descendaient à la porte de
Platea Mesa (_Oun Kapani_).

Aujourd’hui, on ne rencontre que quelques fondations en ruines de cette
muraille. La construction et la garde de ces murs avaient été confiés à
40.000 Goths.

Plus tard, sous Théodose II, il fallut élargir cette enceinte, et
protéger les nouveaux quartiers qui s’étaient formés en dehors des murs
constantiniens. Le préfet Anthémius bâtit d’abord en 412 un premier
mur intérieur, puis en 447, Cyrus Constantin, un autre préfet, doubla
la nouvelle muraille qui avait souffert d’un tremblement de terre,
et porta le fossé plus loin. Ce sont ces murs que l’on voit encore
aujourd’hui. «Ce rempart, dit M. Schlumberger, est bien plus grandiose
que celui de Rome, plus poétique et plus sauvage que celui d’Avignon,
infiniment plus étendu et plus important que ceux de Carcassonne ou
d’Aigues-Mortes.»

L’ensemble de tous les murs qui défendaient la ville formait un
triangle. Les murs maritimes ne comportaient qu’une rangée de murs
consolidés par des tours, tandis que ceux du côté de la terre étaient
les plus importants. Ils consistaient en trois lignes de défense,
protégées par des tours octogonales, carrées et hexagonales et par un
vaste fossé rempli d’eau.

Les eaux de la Propontide pénétraient dans le fossé jusqu’à la porte
de Pigi, et celles de la Corne d’Or jusqu’à un certain point près des
Blaquernes. A partir de ces deux points, le terrain était en effet plus
élevé que le niveau de la mer, et le fossé n’était plus rempli que par
les eaux de pluie. Des diataphrismata (murs, digues) arrêtaient l’eau
aux points inclinés, en sorte que la ville se trouvait entourée de tous
côtés par les eaux. Des ponts en bois reliaient les rives entre elles.
On les détruisait en temps de guerre. Les portes militaires n’avaient
pas de ponts. Les ponts en pierre qu’on voit actuellement sont d’une
construction postérieure à la conquête de Constantinople.

Les murs théodosiens s’étendaient depuis la côte de la Propontide
jusqu’au palais de Blaquernes. La partie située entre Tekfour-Séraï
et la Corne d’Or était plus fortifiée que les autres. Le palais
des Blaquernes était entouré par quatre rangées de murs. Le mur de
l’intérieur avait été construit par Anastase, lors de la reconstruction
du palais ou plus probablement par Héraclius, quand il arma la ville
en prévision de l’agression des Avares. La quatrième ligne de défense
était formée par des murs solidement construits qui touchaient d’un
côté au fossé du tribunal et de l’autre à la tour d’Isaac l’Ange.

La colline des Blaquernes était divisée en deux parties par un mur:
l’une, avec le palais et le quartier des Caligaria et l’autre, la
partie basse de la colline, qui touchait à la Corne d’Or. Cette
dernière, comprenant les églises de Notre-Dame des Blaquernes, des
Saints-Nicolas et Priscus et de Saint-Pierre et Saint-Marc, n’était
défendue que par deux rangées de murs construits sous Héraclius.

Léon V l’Arménien y avait ajouté un second mur destiné à protéger
l’église des Saints-Nicolas et Priscus restée hors des murs
d’Héraclius. Ce petit quadrilatère, qui contient aujourd’hui un ayasma,
est appelé d’après les topographes modernes Pentapyrgion, tandis que
d’après les historiens byzantins, le bâtiment de ce nom faisait partie
du grand palais bâti sur la Propontide. Les murs avaient 16 kilomètres
de longueur et étaient renforcés par plus de 400 grandes tours de
formes différentes. La plupart de ces tours sont carrées; quelques-unes
sont de forme hexagonale, octogonale ou ronde. Elles avaient à
l’intérieur plusieurs étages, auxquels on accédait par des escaliers
en pierre, pris dans l’épaisseur des murs. Chaque tour était munie de
canons, de grosses pierres et d’autres engins de guerre.

Ces murs, souvent ébranlés par les tremblements de terre et par les
assauts des armées ennemies, tombèrent plus d’une fois en ruine et
furent réparés au cours des siècles par les différents empereurs
byzantins, et principalement par Théophile, qui les reconstruisit de
fond en comble, ainsi que l’indiquent plusieurs inscriptions gravées
sur les tours. Les murs et les tours ont été à différentes reprises
consolidés par les Turcs après la prise de Constantinople. Ce serait
donc une erreur de voir dans ces ruines les effets de la guerre. En
les observant avec soin, on constate qu’elles proviennent surtout des
ravages du temps et des tremblements de terre.


[Illustration: Pl. 14.

    ÉGLISE SAINTS SERGE ET BACCHUS.--Chapiteaux et frise.

    MOSQUÉE DE KAHRIÉ.--Intérieur de la chapelle latérale.
   (Parekklesion.)]


Parmi les tours les plus remarquables, plusieurs sont célèbres par
le rôle qu’elles ont joué dans l’histoire. Les tours du Cyclobion,
_Yedi-Koulé_ (les sept tours), appelées aussi par les Grecs
Pentapyrgion, car le château n’avait alors que cinq tours, furent
réparées et reconstruites successivement par les sultans turcs, et
servirent longtemps de prison aux ambassadeurs étrangers. Deux de ces
tours furent ajoutées en 1470 par Mehmet II. Les deux tours carrées qui
protègent la porte Dorée consistent simplement en des blocs de marbre
posés les uns sur les autres.

Les prisonniers des légations européennes étaient jusqu’en 1768
enfermés dans les cachots de ces tours. A cette date, M. Obreskow,
chargé d’affaires de Russie, qui était en prison, tomba malade et les
autres ambassadeurs obtinrent du Sultan que les prisonniers pussent
habiter une des maisons qui se trouvaient dans l’enceinte du château
fort. Il y avait une dizaine de maisons et une mosquée destinées aux
troupes de la garnison, qui comportait l’agha (commandant), le kahia
(lieutenant), 6 beuluks bachi (officiers) et environ 50 soldats.
Dans la suite, le général Sébastiani, alors ambassadeur de France à
Constantinople, amena le Sultan à autoriser M. Obreskow à retourner
dans son pays.

Le plan de ce château fort qui figure dans l’ouvrage de Melling, a
été dessiné d’après les renseignements fournis par M. Pouqueville
aîné, consul général de Janina, qui a été longtemps enfermé dans cette
prison. Il nous donne une idée exacte de la disposition des maisons qui
existaient alors dans son enceinte.

Près de la porte de Selymbria, on trouve la tour dite de Constantin; on
y voit six colonnes de marbre rouge encastrées dans les murs. Un peu
plus loin, la tour de Saint-Romain.

A l’endroit où les eaux de la vallée du Lycus pénètrent dans la
ville, s’élève une tour appelée par les Ottomans _Soulou Koulé_ (tour
mouillée); vient ensuite la tour d’Andronic et la tour de Basile.
Puis, sur les murs de Manuel, se trouvent la tour d’Isaac l’Ange et la
tour d’Anémas. Cette dernière servait de prison. Son nom provenait,
dit-on, de Michel Anémas, fils d’un roi de Candie, qui y fut enfermé
sous Alexis Comnène.

La tour d’Isaac l’Ange avait trois fenêtres sur la façade extérieure
et un balcon. Les trois autres façades n’avaient qu’une seule fenêtre
chacune. De ces fenêtres, celle du sud faisait communiquer l’intérieur
de la tour avec la plate-forme des murs, celle du nord servait de
communication avec le chemin de ronde de la tour d’Anémas. Tout près de
cette tour on voit aujourd’hui les substructions d’un mur qui séparait
jadis le palais du quartier des Blanquernes. La tour a servi au dernier
empereur de Byzance d’observatoire pour étudier les mouvements de
l’ennemi pendant le siège.

A côté des murs maritimes de la Propontide, une des tours les plus
célèbres était celle de _Marmara Koulé_, la tour de marbre, dont
le pied est baigné par les eaux de la Propontide. Elle servait de
prison aux Byzantins. Son origine remonte au temps de la dynastie
macédonienne. Dans cette tour, on peut voir la prison des Byzantins
mentionnée par Nicétas Acominate. On y voit encore l’ouverture par
laquelle on jetait les corps des suppliciés dans la mer. Près de cette
tour, il en existait une autre appelée par les Turcs _Arab Koulessi_
et qui servait jadis d’hôtel des monnaies. A l’ouest de cette porte,
une échelle nommée _tach iskellessi_ était autrefois utilisée pour le
débarquement des empereurs quand ils se rendaient du Grand Palais à
Pigi par voie de mer.

La tour des Manganes est souvent citée également par les historiens.
Il est assez difficile aujourd’hui d’indiquer d’une façon exacte son
emplacement, qui était voisin de l’Acropole.

Parmi les tours qui garnissaient l’enceinte de Galata, il faut citer
la tour du Christ qu’on voit encore aujourd’hui, _Galata Koulessi_, et
qui avait probablement été construite par Anastase Ier ou par Zénon au
Ve siècle. Cette tour, qui est actuellement la plus élevée, avait 40
mètres de hauteur et atteignait une altitude de 150 mètres au-dessus
du niveau de la mer. Elle était recouverte d’un toit conique très
original. On y montait par un escalier de 140 marches adossées contre
le mur de la tour, et divisé en huit paliers. On l’appelait aussi tour
des Génois. D’après Melling, elle servait encore en 1751 de corps de
garde pour les officiers préposés au maintien de l’ordre public. Au
premier signe d’incendie, ou dès qu’un événement extraordinaire se
produisait, l’alarme était donnée de la tour, au moyen d’un énorme
tambour et, s’il faisait nuit, au moyen de feux allumés au sommet de la
tour. La tour exhaussée et réparée plusieurs fois par les Turcs a perdu
sa forme primitive. A l’époque où Melling l’a décrite (1703-1730) elle
possédait encore son toit conique qui lui donnait un aspect moyenâgeux.
Ce toit ayant été brûlé en 1794 fut remplacé par un toit d’une autre
forme.


V.--LES PORTES

Parmi les nombreuses portes, on distinguait les portes civiles et les
portes militaires. Les premières servaient de passage aux habitants
et facilitaient la communication avec les quartiers situés hors de la
ville. C’est à elles qu’aboutissaient les routes venant des environs et
celles partant des portes de la première muraille constantinienne, qui
n’avait pas été rasée, comme on l’a prétendu à tort. Les portes civiles
étaient reliées avec l’extérieur par de larges ponts jetés sur le
fossé. En temps de guerre, on détruisait ces ponts et on murait la baie
des portes.

Les portes militaires, protégées stratégiquement par des tours et
d’autres dispositifs, restaient toujours fermées par de lourdes et
doubles portes en fer et ne s’ouvraient que pour les contre-attaques
ou pour permettre l’entrée des secours. Plusieurs de ces portes
militaires, ouvertes pendant la guerre, étaient murées ensuite. Les
portes civiles de la muraille théodosienne eurent les mêmes noms que
celles de Constantin. On les distinguait seulement entre elles par
l’attribut de Vieille et de Nouvelle. Cette appellation a subsisté
jusqu’à nos jours et plusieurs portes sont qualifiées de «Nouvelles»
(_Yeni_), bien qu’elles soient couvertes d’inscriptions très anciennes.
Il est facile aujourd’hui de retrouver l’emplacement de ces portes,
qui sont encore fort bien conservées. Mais il est plus malaisé de les
désigner exactement par leur nom, car les plans et ouvrages, édités au
cours des siècles, ne s’accordent pas sur les noms. Cette confusion a
induit en erreur plusieurs auteurs, pour ce qui touche, entre autres,
les portes de Charisios et de Caligaria, qui ont été le théâtre de
grands événements historiques et qui ont par la suite fait l’objet
de longues discussions. Les portes murées, en effet, désorientèrent
beaucoup les topographes, qui ne savaient pas au juste quel emplacement
assigner à chacune des portes citées par séries dans les ouvrages
historiques.


[Illustration: Pl. 15.

    SAINTE-SOPHIE.--Porte en bronze.

    MOSQUÉE DE KAHRIÉ.--Chapiteau avec croix de l’église Khora.]


Du côté de la terre ferme les portes avaient les situations suivantes:


1º _Aurea Porta_ (Porte Dorée), (_Yaldizli Kapou_):

Cette porte, percée dans le mur de Théodose, avait autrefois la forme
d’un arc de triomphe à trois arcades; celle du centre, destinée au
passage du cortège triomphal de l’Empereur, était monumentale.
L’entrée de cette porte était ornée de statues parmi lesquelles
on remarquait la statue d’Hercule, le supplice de Prométhée et un
bas-relief représentant une victoire sur Maxime. La grande rue
triomphale qui traversait la ville pour conduire à l’Augustéon, partait
de cette porte.

A leur retour de campagne, les empereurs y passaient en triomphe pour
pénétrer dans la ville. Exclusivement réservée aux entrées solennelles
des empereurs, elle n’était point accessible au peuple, qui traversait
le passage ouvert à quelques pas au nord, et qu’on nommait la Petite
Porte, tandis que pour l’en distinguer, on appelait Grande Porte la
porte comprise dans le château des Sept-Tours.

«D’après les topographes modernes, dit le Dr Mordtmann, la petite porte
dorée aurait été ouverte après la conquête ottomane. Mais l’insertion
de l’arc construit en briques, au niveau des briques des murs
anthémiens, est un témoignage irrécusable de son origine byzantine.

De plus, au-dessous de la voûte se trouve l’aigle byzantine en marbre,
emblème que les Turcs n’auraient certainement pas fait figurer là, mais
qu’ils ont laissé subsister, de même qu’ils ont respecté les images
dans les églises converties en mosquées.»


2º _Porta Pentapyrgii_ (Porte des Cinq-Tours), (_Yedi Koulé Kapoussou_):

Cette porte était la porte civile du château du Pentapyrgion; elle
fut appelée plus tard Heptapyrgion (Sept-Tours), après qu’un des
Cantacuzène eut ajouté deux autres tours en 1350. Le château des
Sept-Tours répond à peu près au style de l’époque byzantine; il était
connu alors sous le nom de Cyclobion. La forme actuelle remonte à
l’époque du Sultan conquérant.

Au-dessus de la porte, à l’intérieur, on aperçoit une aigle byzantine
sculptée sur une plaque et enclavée dans le mur.


3º _Porta Pegana_ (porte de Pigi), (_Silivri Kapoussou_):

Sur la façade Est de la tour méridionale anthémienne de cette porte, on
voit l’inscription suivante:

«Cette porte de la fontaine vivifiante, protégée par Dieu, fut
réparée avec le concours et aux frais de Manuel Bryenne Leontaris, le
loyal serviteur de l’empire des très pieux empereurs, Jean et Marie
Paléologue, au mois de mai 6946 = 1438.»


4º _Porta Melandisia_ (_Mevlevi Hané Kapoussou_):

Les nombreuses inscriptions qui la garnissent l’identifient avec
l’ancienne porte de _Rhegium_; on l’a aussi nommée porte de la Faction
Rouge ou _Porta Roussii_. A l’intérieur de la porte, on voit quelques
inscriptions, desquelles le nom de la faction a été enlevé au moyen du
ciseau.

«Victoire à la fortune de Constantin, notre seigneur protégé par Dieu
et par la [faction rouge].»

C’est la même porte, dit M. Dethier, à laquelle Igor fixa son bouclier
en 912, comme signe que les Rhos (Moscovites) reçus hospitalièrement à
Eyoub comme mécréants, auraient le droit d’entrer dans la cité.


5º _Porta Ayos Romanos_ (Porte Saint-Romain), (_Top Kapou_):

Cette porte, surtout, est célèbre dans l’histoire; elle a été appelée
_Top Kapou_ par les Turcs, parce que le Conquérant avait installé son
grand canon en face d’elle.


6º _Porta Aya Kiriaky_ (Porte des Avares), (_Soulou Koulé Kapoussou_):

Cette porte actuellement murée était ainsi appelée du fait que les
Avares s’en étaient servis pour entrer dans la ville.


7º _Porta Charisii_ ou _Porta Myriandrii_ ou _Polyandrii_ (porte
d’Andrinople), (_Edirné Kapoussou_):

L’emplacement de cette porte a toujours fait l’objet des plus vives
controverses. Quelques-uns ont cru qu’elle devait se trouver à la place
de la porte d’_Egri Kapou_. Mais plusieurs topographes nous démontrent
que cet emplacement est loin d’être correct. Le Dr Mordtmann ayant
étudié les différentes inscriptions qui ornent cette porte, la situe au
lieu dit aujourd’hui, _Edirne Kapoussou_.


8º _Porte de Constantin_:

Actuellement murée. Elle se trouve à environ quarante pas vers le sud
du point où les murs prennent la perpendiculaire, après avoir formé un
angle près du palais de Constantin.

_Cerca Porta_ (porte du cirque). Selon quelques chroniqueurs, les
Ottomans seraient entrés pour la première fois dans la ville par cette
porte, négligée pendant le siège. «Les savants, dit M. Dethier, qui
prennent pour paroles d’évangile tout ce que les auteurs contemporains
racontent, se sont évertués à trouver cette porte, l’un par-ci, l’autre
par-là, sans réfléchir que chaque tour offrait de petites portes de
sortie, sans parler d’une quantité de _pylidia_ dans les murailles. Ce
n’est pas là le seul récit que de tous temps, même de nos jours, on
raconte pour se placer comme invincibles et pour ne pas convenir que
l’ennemi a été le vainqueur en règle.» Mais si, selon les topographes
modernes, il existait deux portes de Constantin, l’une appelée porte A
et l’autre porte B, il faut chercher la porte du cirque ailleurs qu’à
l’endroit indiqué sur la carte.


9º _Porta Caligaria_ ou _Ayos Yannis_ (porte de Saint-Jean), (_Egri
Kapou_):

Cette porte donnait accès au quartier de Caligaria.


10º _Xylina Porta_ (_Aïvan Seraï Kapoussou_):

Cette porte, qui est la dernière sur les murs terrestres, ne conduisait
pas directement dans la ville. Elle ne servait qu’aux communications de
la partie littorale de la ville avec la route arrivant du Cosmidion.
Elle fut détruite dernièrement, en même temps qu’une tour et une partie
des murs qui reliaient le mur héracléen à la mer. Le quartier qui
était situé dans la partie du littoral de la ville, entre la mer et
les murailles, était appelé τὸ μέροσ τοῦ Κυνηγοῦ, mais il faut bien
distinguer cette appellation de celle du théâtre des combats de bêtes
fauves situé sur la pointe du Seraï.


11º _Poterne de Saint-Callinique_:

Était célèbre du temps des Byzantins comme lieu d’exécution des
condamnés.

A côté de la _Xylo Porta_, il y a une porte qui mène directement à
l’Ayasma des Blaquernes. Cette porte n’a été ouverte que lorsque la
porte des Blaquernes eut été définitivement close.


[Illustration: Pl. 16.

    MOSQUÉE DE KAHRIÉ.--(Ancienne église de Khora.)]


VI.--LES PORTES DES MURS MARITIMES DE LA CORNE D’OR

Les murs de la Corne d’Or ne se trouvaient pas tout à fait au bord de
la mer. Un assez large espace les séparait du rivage.

En partant de Xylo Porta, les portes de la Corne d’Or étaient situées
comme suit:


12º _Porta Palati_ ou _Cynegii_ (porte du palais des Blaquernes),
(_Balat Kapoussou_):

Cette porte était appelée jadis _Basilica Porta_ ou Porte impériale.
Pendant la conquête, c’était Lucas Notaras qui la défendait. Hamza,
amiral Turc, passa par cette porte pour entrer dans la ville.


13º _Porta phari_ (_Fener Kapoussou_):

Sur le promontoire où se trouvait cette porte, s’élevait jadis le phare
de la Corne d’Or. C’est à cet endroit seulement que les murs maritimes
étaient doublés.


14º _Porta Petrii_ ou _Sidero Porta_ (_Petri Kapoussou_):

Cette porte est mentionnée pour la première fois par l’Alexiade sous
le nom de porte de Fer. Les croisés, ainsi qu’une partie des Turcs,
pénétrèrent dans la ville par cette porte. De là jusqu’à la porte
du Phare, un second mur s’étendait, formant une enceinte intérieure
appelée le château de _Petrion_.

Cette enceinte renfermait de nombreux couvents et églises. Il faut
bien distinguer le Petrion ou Petria, qui doit son nom à l’église
de Saint-Pierre, du quartier de Palea Petra (ancien Petra) siège de
nombreuses églises et qui se trouve près de _Balat_ dans le quartier de
_Kesmé Kaya_ (rocher argileux).


15º _Porta Aya Teodosi_ (ancienne porte de Sainte-Théodosie), (_Eski
Aya Kapoussou_):

Le nom de cette porte vient d’une église qui s’appelait _Aya Theodosia_
(actuellement Gul Djami). Là reposent les restes du seïd Mehmed,
Segban-Bachi du Conquérant.


16º _Yeni Aya Kapoussou_:

Cette porte fut ouverte par les Turcs après la prise de Constantinople.
On voit encore non loin d’elle les ruines d’une ancienne église
byzantine.


17º _Porta Puteae_ (_Djubali Kapoussou_):

Appelée ainsi par les Turcs, du nom d’un chef de l’armée arabe nommé
Ali, qui fut fait prisonnier pendant l’invasion arabe.


18º _Porta Platea Mesa_ ou _Farina_ (_Oun Kapan Kapoussou_):

Ainsi appelée à cause de la disposition du terrain des quartiers qui se
trouvaient derrière elle, Plateia (plaine). Quant à l’appellation de
_Mesa_ (milieu) elle vient de ce que cette porte se trouvait à égale
distance des extrémités des murailles de la Corne d’Or.


19º _Porta Drungarii_ (_Odoun Kapoussou_):

D’après M. Diehl, la Porta Drungarii correspondait à _Zindan
Kapoussou_, mais c’est à la place d’Odoun Kapoussou qu’il faut la
chercher. Derrière cette porte se trouvait le quartier des Vénitiens,
renfermant les églises de Saint-Marc et de Sainte-Marie.


20º _Porta juxta quam est ecclesia Precursoris_ (_Zindan
Kapoussou_).


21º _Porta Peramatis_ (_Balik Bazar Kapoussou_).


22º _Porta Ebraiki_ (porte des Juifs), (_Tchifut Kapoussou_ ou _Yeni
Djami Kapoussou_):

La partie du littoral qui se trouvait derrière cette porte était
appelée Zeugma (trajet), parce que le trajet de Galata s’accomplissait
par là. Ce nom a été remplacé plus tard par celui de Pérama.


23º _Porta Neorii_ ou _Porta Eugenii_ (Eugène), (_Bagtché Kapoussou_):

Cette porte séparait le quartier des Vénitiens de celui des Pisans.
Son nom provenait, dit-on, d’Eugénius, un des sénateurs qui y avait
son palais. C’est par elle que toutes les marchandises entraient dans
la ville et elle était une des plus importantes de la Corne d’Or. Une
des extrémités de la grande chaîne qui barrait la Corne d’Or était
attachée[31] à une des tours, voisine de cette porte. Là se trouvait
aussi le quartier des Arabes, qui correspond actuellement aux environs
de la station de chemin de fer de Sirkedji.


24º _Porta Aya Barbara_, (porte de Sainte-Barbe), (_Top Kapoussou_):

Cette porte se trouvait sur la pointe du Séraï près de Saint-Démétrius.

                [31] L’autre extrémité de la chaîne était attachée
                en face, sur les rives de Galata, à une autre tour
                située près d’un castel que l’on surnomme actuellement
                _Kourchounlou Mahzen_.


VII.--LES PORTES DES MURS MARITIMES DE LA PROPONTIDE


25º Après la porte d’Aya Barbara venait une autre porte appelée par les
Turcs _Deïrmen Kapoussou_, qui conduisait au couvent de Saint-Georges.
La tour des Manganes se trouvait au nord de cette porte. Cette tour
était le point d’attache de la chaîne qui barrait jadis le Bosphore.
Elle était située en face du rocher de Damalis. D’après Nicétas, Manuel
Comnène avait fait construire sur ce rocher une tour appelée alors
_Arcla_.


26º _Porta Ayos Lazaros_:

Cette porte était appelée aussi porte de l’Hodigitria. C’est par là
qu’on montait vers Sainte-Irène.


27º _Porta Palatii Imperialis_.


28º _Porta marina_ (_Tchadladi Kapou_):

Cette porte, qui se trouve près du port de Julien, est appelée par les
Turcs _Tchadladi-Kapou_ (porte fendue); elle fut en effet fendue par un
tremblement de terre en 1532. A quelques pas sur la mer, subsistent des
ruines qu’on suppose être celles de l’ancienne maison de Justinien. On
y rencontre des substructions de voûtes et un large mur qui formait la
limite occidentale du grand palais.

Tout près de cette porte, à l’entrée d’un égout, on voit actuellement
deux colonnes. Les inscriptions qui y sont gravées permettent de
rattacher ces piliers au piédestal qui portait jadis la statue de
Justinien à l’Augustéon.


29º _Porta Contoscali._ Ici le mur tourne vers l’intérieur et, après
avoir formé un rectangle, arrive de nouveau à la mer.


30º _Porta Vlanga_ (_Vlanga Kapoussou_).


31º _Porta Ayos Emilianos._


32º _Porta Psamathia_ (_Samathia Kapoussou_):

Ainsi appelée à cause du rivage sablonneux.


33º _Porta Ayos Yannis_ (_Narli Kapou_):

Son nom provenait du couvent de Saint-Jean-Baptiste du Stoudion
(_Imrahor djamissi_); on l’appelle actuellement Porte aux grenades, à
cause des grenadiers qui y poussaient en abondance.

L’inscription qu’on peut lire sur la tour octogonale de cette porte
témoigne qu’elle a été construite par Manuel Comnène Porphyrogénète.



CHAPITRE III

L’ART ET LES ÉDIFICES BYZANTINS


I.--L’ART BYZANTIN

Lorsque la capitale de l’Empire romain eut été transférée à Byzance,
les artistes byzantins, inspirés par l’art gréco-romain et par les
styles locaux, créèrent un art possédant son originalité propre et
qui s’appelle l’art byzantin. Cet art, que l’on fait remonter à la
construction de Sainte-Sophie, est plus ancien encore. Sainte-Sophie ne
contribua qu’à fixer le type classique de l’architecture byzantine[32].

                [32] Choisy. _L’art de bâtir chez les Byzantins_,
                page 152.

Bien avant l’époque de Justinien, Byzance avait créé un art propre, qui
peut être considéré comme un mélange des arts mésopotamien, sassanide
et gréco-romain. Toutefois jusqu’au VIe siècle, c’est-à-dire jusqu’à
la construction de Sainte-Sophie, cet art présente surtout l’aspect
d’un art gréco-romain d’Orient. En effet, les artistes byzantins, imbus
des idées de l’époque classique, guidés par les modèles païens de
l’ancien art grec, traitaient tous les sujets d’après l’antique. Toutes
les œuvres qui nous ont été conservées attestent cette influence.
D’ailleurs, les chefs-d’œuvre apportés par Constantin le Grand et ses
successeurs pouvaient alors offrir aux artistes byzantins les plus
parfaits modèles de l’art grec. Ces chefs-d’œuvre furent, jusqu’à la
conquête des Latins, la source d’une inspiration féconde[33]. Les
Latins eurent tôt fait de les détruire.

                [33] Bayet. _L’art byzantin._

Dès le temps de Septime-Sévère, les Romains avaient renoncé aux
plates-bandes d’origine grecque pour adopter l’emploi de l’arcade et
des coupoles assyriennes, qui étaient en usage en Perse depuis plus
de trente siècles. Jusqu’à Dioclétien, l’arcade sur colonne n’était
employée que dans un but purement décoratif. On appliqua, pour la
première fois, l’arcade sur colonnes à la construction monumentale dans
le palais bâti à Spalato par Dioclétien. Plus tard, à Byzance, les
lignes droites des basiliques romaines furent remplacées par des lignes
courbes et l’on commença à construire des églises circulaires avec
quelques naïfs essais de coupoles à pendentifs. La forme circulaire
répondait mieux à l’emploi de la coupole, mais elle ne permettait pas
aux édifices de recevoir les fidèles en assez grand nombre.

Pour remédier à cet inconvénient, les architectes byzantins,
s’inspirant des basiliques romaines, firent porter la coupole sur un
plan carré à pendentifs sphériques et donnèrent ainsi à la coupe de
l’ensemble la forme d’une croix à branches égales (croix grecque).
L’usage des briques avait beaucoup facilité la construction des
coupoles. Le désir de propager le christianisme poussa les empereurs
byzantins à construire des églises en grand nombre. Tous les efforts
artistiques se portèrent alors vers l’architecture, ce qui contribua
beaucoup au développement de l’art byzantin.

Vers le VIe siècle, Justinien qui disait: _Non multum inter se
differunt sacerdotium et imperium_, et qui n’avait en effet d’autre
but que celui d’unir l’Église et l’État, désireux de réaliser son rêve,
fit bâtir par Anthémius de Tralles et ensuite par Isidore de Milet,
l’église de Sainte-Sophie. Cette œuvre géniale consacre d’une façon
définitive le type classique de l’art byzantin, qui recevait ainsi,
après deux siècles de tâtonnements, sa forme caractérisée:

1º Par le plan en forme de croix grecque;

2º Par l’usage de la coupole sur pendentifs;

3º Par des chapiteaux cubiques à dosseret;

4º Par un large emploi des mosaïques. Les murs intérieurs des églises
étaient tapissés en outre de plaques de marbre, dont les veines
multicolores fournissaient des motifs décoratifs.

D’autres types furent créés dans l’église des Saints-Apôtres à
Constantinople, et dans celle de Saint-Vital à Ravenne, où la coupole
centrale reposait sur un plan octogonal. On peut voir aujourd’hui
plusieurs de ces églises byzantines à Constantinople, à Salonique et en
Grèce. Elles offrent des modèles classiques de l’architecture byzantine.

Mais cette architecture n’a jamais atteint son apogée, quoi qu’en
disent certains auteurs qui, exagérant son importance, n’hésitent pas à
considérer les moindres chapelles comme équivalentes à Sainte-Sophie.

D’après tous ces modèles, il est permis d’affirmer que l’art byzantin
n’atteignit jamais au même degré de perfection que l’art grec ancien;
la faute en est à ce que les artistes byzantins se laissaient guider
par l’amour et la recherche du luxe, plus que par l’amour du beau.

Ce serait une autre erreur de penser comme Lamartine qui dit, parlant
de Sainte-Sophie: «On sent à la barbarie qui a présidé à cette masse de
pierre, qu’elle fut l’œuvre d’un temps de corruption et de décadence.
C’est le souvenir confus et grossier d’un goût qui n’est plus, c’est
l’ébauche informe d’un art qui s’essaie.» Toutefois l’art byzantin
contenait en son principe même le germe de sa décadence: les artistes,
en cherchant toujours de nouvelles formes et en donnant une trop grande
importance au luxe dans ses détails, tombèrent rapidement dans le
maniérisme.

Comme toutes les autres branches de l’art, l’architecture a subi cette
décadence, pour ne se relever que vers le Xe siècle. Grâce aux efforts
très louables des empereurs macédoniens, une école s’était formée
en vue de sauver cet art en péril. On y étudia les modèles antiques
et l’on parvint ainsi à donner un nouvel éclat à l’art byzantin.
Pendant cette renaissance, les architectes portèrent leur attention
sur l’extérieur des églises qui était jusqu’alors loin d’égaler en
beauté et en luxe l’intérieur des édifices. Toutefois, leurs œuvres
gardèrent toujours cette naïve physionomie propre à l’art byzantin. La
sculpture ayant été de bonne heure délaissée par l’église, les artistes
se livrèrent plutôt à l’art ornemental et aux travaux de l’ivoire.
C’est pourquoi il n’y a pu avoir à Byzance de belles œuvres plastiques;
toutes les œuvres gardaient la gaucherie des temps primitifs.

Les peintres exerçant leur talent dans les images des mosaïques et
dans les miniatures des manuscrits, et reproduisant toujours des
scènes religieuses ou des victoires impériales, avaient négligé le
culte du beau et l’amour de la nature. Ils donnaient à toute figure
une forme fantastique et préféraient souvent à la beauté le luxe et
la richesse. Cet amour du luxe les avait même amenés à représenter le
Christ sous les traits d’un monarque oriental, revêtu de riches habits
et de la pourpre impériale. Au temps des iconoclastes, les peintres
durent renoncer aux sujets religieux et s’adonnèrent à des travaux
plus courants, comme les émaux, les étoffes historiées, que portait
alors la classe riche. Mais quand cette hérésie eut cédé, la nécessité
de refaire les mosaïques abîmées ou détruites par les iconoclastes
donna un nouvel essor à la peinture religieuse. On se trouve alors en
présence de deux écoles: l’une qui retourne à l’étude des traditions
artistiques antiques et l’autre qui se soumet à l’influence monastique
et à celle de l’Église. Vers le XIe siècle, l’influence monastique
l’emporte sur la première, et dès lors c’est l’église qui guide la
main de l’artiste en lui offrant des sujets religieux. Peu à peu
l’iconographie occupe la plus grande place dans l’art, et l’empreinte
de l’idée religieuse apparaît dans tous les travaux de l’époque.
Les dessins des mosaïques deviennent plus corrects, les plis des
habits plus gracieusement disposés, les couleurs des miniatures plus
délicates, mais les principes de perspective et d’anatomie restent
toujours ignorés.


[Illustration: Pl. 17.

    MOSQUÉE DE KAHRIÉ.--Narthex.]


L’importance donnée par les artistes byzantins à la richesse et au
luxe des détails les fait encore une fois tomber dans un maniérisme
qui prépare une nouvelle décadence de l’art. La fondation de l’empire
latin à Byzance fut la cause presque immédiate de cette décadence, les
Latins y ayant presque anéanti toute œuvre d’art, ainsi que le dit la
chronique. Les quatre chevaux de Lysippe furent expédiés à Venise; la
colonne de Constantin Porphyrogénète fut dépouillée de ses plaques de
bronze, qui servirent à la frappe de la monnaie noire. C’est donc aux
Latins, s’accordent à affirmer les auteurs, qu’il faut attribuer la
destruction de la ville, destruction qui, de l’aveu même des Européens,
ne peut être considérée comme l’œuvre des Turcs.

Au temps des Comnènes et des Paléologues apparaît une dernière
renaissance, qui n’a jamais pu perdre son caractère naïf. C’est une
vaine tentative de rajeunissement. Les artistes commencèrent alors à
s’inspirer, dans les œuvres d’art, de l’école italienne qui prenait son
essor. Mais pendant que l’Empire, bien avant la conquête des Turcs,
s’écroulait, politiquement, économiquement et socialement, l’art, lui
aussi, agonisait d’une façon générale.

Après la prise de Constantinople par les Turcs, grâce aux privilèges et
aux avantages accordés par le conquérant aux habitants, les ouvriers
qui n’avaient pas quitté la ville contribuèrent, en travaillant à la
construction des édifices turcs, à accentuer l’influence de l’art
byzantin sur l’art ottoman, qui depuis longtemps déjà en avait subi le
contact.

Constantinople, ville située aux portes de l’Asie, recevait de la
Perse une civilisation formée de toutes les civilisations asiatiques.
Byzance fut ainsi, au moyen âge, une capitale dont la culture faisait
affluer de partout les curieux, les élèves et les admirateurs, et d’où
se répandait à travers le monde, l’influence bienfaisante du progrès
et du christianisme. Les Slaves, Russes, Bulgares et Serbes, tirant
leur religion de l’Église d’Orient, ont subi davantage cette influence,
qui se manifeste dans toutes les branches de l’art et surtout dans
l’architecture, et qui témoigne d’une forte empreinte byzantine.
En Russie, Sainte-Sophie de Kiew n’est qu’une église byzantine.
L’Arménie et la Géorgie renferment de nombreux édifices de style
byzantin. Au mont Athos, l’art byzantin conserve encore de nos jours sa
physionomie propre. Il avait été introduit à Ravenne dès le Ve siècle
et n’y disparut qu’avec la domination byzantine. On voit par là que
l’influence de cet art sur tout l’Occident est indéniable. Elle cessa
au XIIe siècle, laissant pourtant sa marque sur les différents styles
propres à chaque pays. Cette question artistique a été longuement
discutée de nos jours par maints savants et archéologues, sous le nom
de question byzantine.

«L’Italie du Sud, dit M. Diehl, dont Byzance a fait une nouvelle
Grande Grèce, a gardé jusqu’au XIVe et au XVe siècle la langue, la
religion, les mœurs et les traditions artistiques de Byzance, et le
rayonnement que de là, comme de Venise, l’art byzantin exerça par toute
la péninsule, permet de croire que les plus anciens maîtres de la
Toscane, un Cimabué, un Duccio, ont dû bien des enseignements à cette
influence. Sans doute, de notre temps, des amours-propres susceptibles
ont tenté de nier cette influence.» Pourtant, il ressort des faits que
l’influence de l’art byzantin sur l’art occidental est parfaitement
justifiée et démontrée: Saint-Marc de Venise, les mosaïques de la
basilique de Torcello et de Cefalù, celles de la chapelle palatine et
de Monreale (XIe et XIIe siècle) manifestent clairement cette influence
en Italie. L’art byzantin donna naissance en Italie à la renaissance
italienne; on le reconnaît également dans l’ornementation de certains
édifices du sud de la France et de l’Allemagne.

L’art byzantin fleurit également en Asie Mineure, où les églises de
Sardes, d’Ephèse, de Philadelphie (Ve siècle) et bien d’autres, gardent
encore le précieux souvenir de ses enseignements. Il y eut un art
byzantin de Syrie, où les architectes de Justinien appliquèrent dans
leur plénitude les méthodes nouvelles. Il y eut aussi un art byzantin
d’Égypte. Les Arabes, qui avaient leur art propre, ne sont pas restés à
l’abri de l’influence byzantine. Procope cite[34] les monuments élevés
dans le nord de l’Afrique sous Justinien, lesquels introduisirent plus
tard chez les Arabes du Magreb la connaissance et l’influence de l’art
byzantin. Quand les Arabes eurent assiégé Byzance au VIIe siècle, ils
y construisirent une première mosquée et, ainsi en contact perpétuel
avec les Byzantins, ils empruntèrent à ceux-ci certains caractères de
leur art. Les Byzantins de leur côté influencèrent forcément les Arabes
et leur apportèrent certains éléments de leur conception artistique
propre. Cette influence se manifesta surtout en Syrie. Ainsi de
fécondes combinaisons naquirent. L’art arabe s’introduisit dans l’art
byzantin par le sud de l’Italie, par Venise et par la Syrie. Il se mêla
en Sicile aux éléments romano-byzantins. Et ainsi cet art composite fut
un intermédiaire entre la renaissance de l’Italie et l’art gréco-romain.

                [34] De Aedificiis Justiniani.


[Illustration: Pl. 18.

    MOSQUÉE DE KAHRIÉ.--Partie latérale.

    MOSQUÉE DE KAHRIÉ.--Coupole du Narthex (mosaïques). Les
    patriarches et les représentants des tribus d’Israël autour de
    la Sainte Vierge.]


II.--LES ÉGLISES BYZANTINES


SAINTE-SOPHIE

Sainte-Sophie offre, au point de vue artistique, le type classique
de l’architecture byzantine. La première construction remonte au IVe
siècle. Elle a été bâtie d’abord par Constantin le Grand en même
temps que les murs et les premiers palais de la seconde Rome. Cette
église dédiée à sainte Sophie--à la Sagesse Divine--(en grec, Hagia
Sophia) avait alors la forme d’une longue basilique couverte en bois.
Constantin, qui tolérait le paganisme, avait construit trois églises:
l’une à la Paix Divine (Irène), l’autre à la Sagesse Divine (Hagia
Sophia) et la troisième à la Divine Résurrection (Anastasis).

Sous Arcadius (404) Sainte-Sophie fut la proie des flammes; Théodose le
jeune la fit reconstruire en 415, mais elle fut de nouveau incendiée
en 532 pendant les troubles de l’Hippodrome, qui sont restés célèbres
sous le nom de sédition Nika. Immédiatement après, Justinien conçut
l’idée de la réédification grandiose de ce monument, et quarante jours
après l’incendie, on en posait la première pierre. Anthémius de Tralles
et Isidore de Milet, architectes originaires de l’Asie, et les plus
habiles techniciens de l’époque, guidèrent les travaux d’après les
méthodes persanes. Justinien voulut que cet édifice fût le plus beau et
le plus imposant des monuments du monde. Dans ce but, il épuisa presque
toutes les ressources de son empire.

Le terrain de l’ancienne église étant insuffisant pour la nouvelle
construction, on dut exproprier, à grands frais, tout un quartier
environnant. Les travaux absorbèrent une somme immense. D’après
Codinus, cet édifice aurait coûté la somme énorme de 361 millions.

Le temple de Diane à Ephèse dut fournir ses huit colonnes de porphyre,
enlevées jadis par Aurélien au temple du Soleil d’Héliopolis (Égypte),
ou, au dire de quelques chroniqueurs, à Baalbek. Athènes, Délos,
Cyzique, l’Égypte et toutes les grandes villes de l’antiquité fameuses
par leurs monuments, furent dépouillées de tout ce qu’elles avaient
de plus riche en métaux, marbres, etc.; l’or, l’argent, l’ivoire,
les pierres les plus précieuses furent employés à profusion pour
l’embellissement de l’intérieur.

Après cinq ans de travaux exécutés avec la plus grande activité
et présidés par Justinien lui-même, l’église put être inaugurée.
L’Empereur, traîné par un équipage de quatorze chevaux et entouré des
dignitaires de l’État et de la Cour, accomplit le trajet solennel du
Palais jusqu’à la porte de Sainte-Sophie où, reçu par le Patriarche
Ménas, il fit son entrée officielle dans l’église. Puis, courant depuis
la grande porte d’entrée jusqu’à l’ambon, il étendit ses bras vers le
ciel et s’écria d’une voix émue: «Béni soit Dieu qui m’a choisi pour
exécuter une telle œuvre; Salomon, je t’ai vaincu.»

L’église est bâtie sur un plan carré de 75 mètres de côté, orienté
vers Jérusalem. L’édifice étant placé sur un terrain d’une résistance
inégale, les fondations durent être jetées sur un réseau de voûtes
recouvert d’une couche de béton homogène de 25 pieds d’épaisseur. Les
dessous des fondations n’ont pas encore été explorés.

[Illustration: Plan de Sainte-Sophie.

    Constructions ajoutées de 563 jusqu’à 1453.
    Contreforts.
    Constructions appartenant à l’époque de Justinien.]

Comme l’indiquent les ouvertures pratiquées dans les dallages de la
nef et du bas côté méridional, ce sous-sol est formé d’une grande
citerne centrale et de voûtes immenses. Les piliers furent bâtis
avec d’énormes pierres calcaires; la brique fut employée pour
les murs. On dit que, pour la construction de la coupole on fit
spécialement fabriquer à Rhodes des briques très légères portant
chacune l’inscription suivante: «C’est Dieu qui l’a fondée, Dieu lui
portera secours». Mais toutes les briques qui se sont détachées jusqu’à
présent, dit M. Dethier, n’offraient rien de pareil. Toutes ces briques
ont été disposées par assises régulières. De douze en douze assises,
on enfermait, dit-on, dans la maçonnerie des reliques sacrées, pendant
que les prêtres récitaient des prières.

[Illustration: Sainte-Sophie: coupe longitudinale.]

[Illustration: Sainte-Sophie: coupe transversale.]

La coupole, au centre du plan, s’élève à une hauteur de 65 mètres
au-dessus du sol. Elle a un diamètre de 31 mètres au niveau du tambour
et de 32 mètres jusqu’au point de voûte extrême.

La coupole possède seulement quarante fenêtres cintrées, tout autour
de sa base. Elle est supportée par quatre pendentifs formés par quatre
grands arcs qui reposent sur quatre grands piliers. La coupole est
flanquée de deux autres demi-coupoles, qui se continuent elles-mêmes
par d’autres petites coupoles, donnant au spectateur l’illusion d’un
ciel suspendu sous le dôme. La colombe représentant le Saint-Esprit
y était suspendue; dans son corps étaient conservées les hosties. De
même, en représentant à l’intérieur de cette coupole les figures des
saints, on avait voulu donner l’impression d’un ciel d’une sublime
beauté vers lequel devait s’élever la prière.

Les architectes byzantins portaient toute leur attention sur les
parties intérieures de l’église où le peuple était réuni pour la
prière. Ils agissaient ainsi contrairement à l’habitude des architectes
grecs, qui donnaient la plus grande importance à l’extérieur des
temples, en négligeant complètement l’intérieur où le peuple n’était
pas reçu. C’est pourquoi l’extérieur de Sainte-Sophie est très simple,
quelque peu lourd et, dans tous les cas, loin d’égaler la richesse et
la beauté de l’intérieur. Les visiteurs qui n’auraient vu l’église que
du dehors ne pourraient jamais se figurer la féérique impression que
l’on ressent à l’intérieur.


[Illustration: Pl. 19.

    MOSQUÉE DE KAHRIÉ.--Mosaïque.
    Métochite, premier ministre de l’Empereur, présente au Christ
    Pantocrator le modèle de l’église.

    MOSQUÉE DE KAHRIÉ.--Mosaïque.
    Distribution aux jeunes filles de la laine pour filer le voile
    du Temple, le sort attribue à Marie la pourpre.]


Les parois des murs intérieurs furent revêtus de marbres précieux de
toutes sortes de couleurs. Les chapiteaux et les corniches furent dorés
et la coupole décorée d’une mosaïque intérieure à fond d’or.

L’église compte 108 colonnes dont 40 à l’étage inférieur, 60 aux
galeries du gynécée, et 8 soutenant les quatre petits segments de
coupoles qui se trouvent aux quatre angles de la grande nef. Ces
colonnes, toutes surmontées de chapiteaux, sont en porphyre, en granit,
en brèche verte et autres espèces de marbres colorés.

L’ambon était une grande tribune circulaire, surmontée d’un dôme,
supporté par 8 colonnes en marbre et surmonté d’une croix en or d’un
poids de cent livres. «Cette magnifique construction fut écrasée, dit
M. Labarte, sous les décombres de la grande coupole, dont la partie
orientale s’écroula à la suite d’un tremblement de terre dans la
trente-deuxième année du règne de Justinien. Elle fut réédifiée, mais
d’une façon moins splendide.»

Le sanctuaire était séparé du reste de l’église par une cloison en
argent munie de 12 colonnes; sur les parties qui séparaient ces
colonnes se détachaient des images en médaillons.

L’autel était en or serti de pierres précieuses. Au-dessus, et en forme
de ciborium, il y avait un dôme supporté par 4 colonnes en argent doré
et surmonté d’une croix en or.

Durant les fêtes de nuit, l’intérieur de l’église était un véritable
éblouissement. Six mille candélabres dorés brillaient à la fois,
éclairant les immenses panneaux décoratifs en mosaïque qui tapissaient
les parois.

Patènes, clefs, vases, bassins, tout était en or, orné de pierres
précieuses. Les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament pesaient,
avec leurs montures d’or, deux quintaux chacun. Selon Procope, il y
avait dans le sanctuaire 40.000 livres pesant d’argent. Les portes
étaient en bois de cèdre orné d’ambre et d’ivoire, et le portail en
argent doré.

La nef communique avec le narthex par trois grandes arches reposant
chacune sur une colonne double et dont l’ensemble supporte la grande
fenêtre demi-circulaire qui clôt l’arcade ouest du milieu.

L’Empereur entrait dans l’église par une galerie qui communiquait avec
le palais. C’est seulement aux grandes cérémonies qu’il entrait par le
vestibule du narthex.

Le narthex (galerie voûtée), avait 60 mètres de longueur sur 10 de
large. Les parois en étaient ornées, comme l’intérieur de la nef, de
marbres multicolores couverts de taches symétriquement disposées.
Cela donnait l’idée qu’ils étaient extraits d’un même bloc et formait
un dessin décoratif d’une réelle beauté[35]. Deux portes latérales
s’ouvraient sur un porche aboutissant à l’escalier de la galerie
et neuf portes en airain s’ouvraient du narthex sur l’église.
L’encadrement des trois portes du milieu, qui communiquent encore
maintenant avec la nef, est en bronze tandis que les autres sont en
marbre.

                [35] M. Antoniatis, dans l’intéressant ouvrage qu’il
                vient de publier sur Sainte-Sophie, nous montre qu’on
                pouvait, aidé d’un peu de mysticisme, y découvrir des
                figures et des images de saints.

Dans l’épaisseur des contreforts massifs, sont ménagées des pentes
inclinées par lesquelles les femmes nobles montaient dans des chaises à
porteurs jusqu’au gynécée. Là, chacune avait sa place fixe (à en juger
par les inscriptions où on lit: «place d’une telle»).

L’exo-narthex de l’église était précédé d’un atrium à portiques,
formé par des voûtes en berceau, supporté par des colonnes en marbre
alternant de deux en deux avec des piliers carrés. Les murs en briques
de cet atrium étaient percés de plusieurs entrées s’ouvrant sur la
place de l’Augustéon.

Au milieu de ce parvis existait un bassin de jaspe avec des lions
lançant de l’eau. Ce bassin servait aux ablutions qu’on avait coutume
de faire avant d’entrer dans les lieux sacrés; les musulmans ont
de nos jours conservé la même coutume. Un vaisseau de marbre placé
dans l’église, était affecté au même usage. Il portait l’inscription
suivante: «νίψον ἀνομήματα μὴ μόναν ὄψιν», qui pouvait être lue de la
même façon du commencement à la fin et de la fin au commencement et
qui signifiait: «lavez-vous de vos péchés et non pas seulement de la
figure».

Cette immense église s’est conservée jusqu’à nos jours, mais elle
a eu beaucoup à souffrir de la précipitation avec laquelle elle
fut construite. Elle a subi une destruction partielle pendant le
tremblement de terre qui eut lieu vingt ans après son érection par
Justinien. Toute une partie du dôme se détacha et fut précipitée sur
la table sacrée du ciborium et sur l’ambon qu’elle détruisit. Les
musulmans virent dans ce tremblement de terre un véritable prodige,
car il se produisit à la date anniversaire de la naissance du prophète
Mahomet.

Justinien fit réédifier la coupole par Isidore le Jeune qui renforça
les aboutissements, les arcs et les contreforts, et rehaussa la
nouvelle coupole de 25 pieds.

Cette fois, les échafaudages furent laissés en place pendant une année
entière. La deuxième consécration de l’église eut lieu en 558.

Plus tard, au IXe siècle, Basile le Macédonien fit réparer une des
grandes archivoltes de la coupole qui avait été endommagée, et, en même
temps, y fit placer des mosaïques.

En 987, cette même arcade fut de nouveau réparée par Basile II le
Bulgaroctone. Jusqu’au XIVe siècle, on se soucia peu de remédier aux
dégâts causés par le temps ou par des accidents divers. L’un des
derniers restaurateurs fut Andronic II Paléologue l’Aîné, qui, vers le
XIVe siècle, fit élever des contreforts du côté est.

Sous le sultan Abdul Medjid, on confia à Fossati une restauration
générale de la mosquée; il consolida la coupole à l’aide d’un cercle
en fer et redressa plusieurs colonnes qui avaient perdu leur position
verticale primitive.

Autour de l’édifice se trouvaient des annexes, telles que le puits
sacré, l’horologion, le Metatorion et le Triclinium de Thomaïtès;
ce dernier qui était une dépendance des appartements du Patriarche,
renfermait une bibliothèque et un baptistère construit par Justinien et
existant encore aujourd’hui.

Ce baptistère (actuellement turbé du sultan Moustafa Ier et d’Ibrahim
I) fut d’abord transformé en magasin pour les huiles servant à
l’éclairage de la mosquée. Il s’ouvrait au nord par une porte qui
donnait sur une petite cour à portique; de là, on gagnait un escalier
menant à une petite chapelle installée à la hauteur du gynécée. Cette
chapelle communiquait, à son tour, avec le gynécée par une porte qui,
murée probablement par les Turcs lors de la conquête, n’a été ouverte
que beaucoup plus tard par l’architecte Fossati au moment où il
réparait la mosquée.


_État actuel de Sainte-Sophie._--Après la prise de Constantinople par
les Turcs, le sultan Mehmed II convertit l’église en mosquée et y
ajouta un _minaret_ ainsi que les deux contreforts du sud-est. Bayazid
II fit construire un autre _minaret_ au coin de la porte du palais.
Selim II éleva, en 1569 deux autres _minarets_ et plusieurs murs de
soutènement. Murad III fit placer à l’intérieur de Sainte-Sophie les
tribunes en marbre et les deux grandes urnes d’albâtre provenant de
Pergame et qui peuvent contenir chacune 1.200 litres d’eau. L’Alem,
croissant en bronze doré, est venu surmonter le dôme par les soins de
Mehmed pacha, grand vizir. Les mosaïques qui représentaient les images
des saints ont été recouvertes, soit par des inscriptions, soit par
une forte toile sur laquelle on passa le badigeon, car la religion
musulmane ne permet pas d’avoir des icônes dans les mosquées. Seuls,
les quatre anges aux six ailes déployées qui ornaient les quatre
pendentifs de la coupole sont encore visibles aujourd’hui, mais sur
les visages on a peint de grandes étoiles dorées. Les mosaïques des
bas côtés et de la galerie supérieure n’ont subi aucune altération; la
nuit, quand l’intérieur de la mosquée est illuminé par des milliers de
candélabres, on aperçoit par un effet de lumière les croix encastrées
dans ces mosaïques.

L’autel fut remplacé par le _Mihrab_, tourné un peu plus au sud vers
la _Kaaba_[36] (la Mecque). Les tapis qui recouvrent les dallages sont
également disposés de façon à ce que ceux qui prient aient le visage
tourné vers la Kaaba[37], ce qui leur donne une direction légèrement
oblique par rapport aux lignes architecturales de l’ancienne église.
Les deux grands candélabres du _Mihrab_ ont été offerts par Suleiman le
magnifique en 981 de l’hégire.

                [36] Les musulmans donnent à cette direction le nom de
                Kiblé.

                [37] Cette disposition oblique permet de reconnaître
                les mosquées qui furent primitivement des églises.
                Les mosquées dont le mihrab est droit ne peuvent
                donc être considérées comme d’anciennes églises.
                Pourtant quelques petites mosquées où la disposition
                du terrain obligea l’architecte à donner aux lignes
                architecturales une direction différente de celle de
                Kibla, font certainement exception.

A droite du _Mihrab_ se trouve le _Mimber_ (chaire), où tous les
vendredis on fait la prière solennelle et le _Khotba_[38]. Le _Mimber_
consiste en une chaire, surmontée d’un dôme pointu, où l’on accède par
un escalier très raide, et orné d’une magnifique balustrade. En face
du _Mimber_ et à gauche du _Mihrab_ se trouve une tribune supportée
par des colonnes et munie d’un grillage doré. Cette tribune, qui est
réservée au Sultan, s’appelle _Hunkian Mahfili_. Elle a été construite
par Ahmed III. Avant cette époque, la tribune était adossée au mur.

                [38] Discours adressé au peuple.

On voit aussi dans la mosquée plusieurs plates-formes à grandes
estrades, dites _muezzine mahfili_, uniquement réservées aux
_muezzines_ (chantres). A la hauteur du gynécée sont suspendus, le long
de la Mosquée, d’immenses disques portant les noms des _Sahabés_ (les
compagnons du prophète). Ils sont l’œuvre du calligraphe Teknédji Zadé
Ibrahim effendi[39] (1060).

                [39] Hadikatu-I-djevami.

Les anciens lustres-candélabres en argent sont remplacés aujourd’hui
par des lustres en fer, supportés très probablement par les chaînes
mêmes qui étaient déjà en usage au temps des Byzantins. A l’extrémité
de tous ces lustres pendent des œufs d’autruche et des houppes de soie
qui en complètent la décoration; le candélabre qui descend du centre
du dôme et qui s’appelle _Top Kandili_ a été placé par Ahmed III; une
grande boule en or y était suspendue[40].

                [40] La place occupée par le Top Kandili (candélabre du
                milieu), est considérée par les dévots comme un lieu
                saint où on peut rencontrer Hidir, un saint très vénéré
                qui apparaît quelquefois pour aider les infortunés.

Parmi les curiosités de cet édifice, on montre aux visiteurs la fenêtre
froide où souffle toujours un vent glacé. Cette fenêtre est située
à l’entrée, près de la porte réservée aux sultans. Sur la galerie
supérieure du côté sud se trouvent également deux portes sculptées;
l’une est appelée porte de l’enfer et l’autre porte du paradis. Du côté
de l’ouest se trouve la pierre luisante, qui restitue pendant la nuit
la lumière absorbée pendant le jour. En entrant dans la mosquée par
la porte nord du narthex, on aperçoit une colonne revêtue de bronze,
qui suinte continuellement. Les visiteurs souffrant de quelque maladie
introduisent leur doigt par un trou pratiqué dans le revêtement de
bronze et touchent avec ce doigt leurs deux yeux. Le peuple attribue à
cette colonne des cures merveilleuses.

Tout près d’une fenêtre de la mosquée, sur le sol de la galerie, on lit
sur une pierre _Henricus Dandolo_. C’est le nom du doge qui mourut le
1er juin 1205 et qui fut inhumé à cet endroit. La cuirasse et les armes
d’Henri Dandolo, trouvées dans le sarcophage, ont été offertes par le
sultan conquérant au peintre Gentile Bellini, qu’il avait appelé à
Constantinople[41].

                [41] Hist. de Bello Const. p. 214.

Suivant la coutume qu’ont les Musulmans de construire près des mosquées
des _turbés_ (sépultures) pour y déposer les corps des _Evlia_ (saints)
et des grands personnages, on voit, dans la cour de Sainte-Sophie,
des chapelles mortuaires situées à côté du _mimber_. Elles renferment
les corps de plusieurs sultans, des membres de leur famille, et sont
enfouies dans le sol, au-dessus duquel une caisse vide en forme de
cercueil (_Sandouka_) est disposée, recouverte de châles extrêmement
précieux et d’étoffes brodées d’écritures. A l’extrémité qui correspond
à la tête se trouve la coiffure que portait le défunt.

Dans les quatre turbés de Sainte-Sophie reposent les dépouilles
mortelles de Selim II, de ses épouses et de ses enfants, le corps
de Murad III (1595), de ses femmes et de ses fils qui moururent
étranglés; enfin, les restes de Mehmed III, d’Ibrahim, de Moustafa
I, de sa mère et de sa femme, de Mehmed IV, de Moustafa II, et d’une
centaine de princes et de princesses.


ÉGLISE DE SAINTE-IRÈNE

Un peu au nord de Sainte-Sophie, dans l’enceinte du Sérail, sur les
hauteurs où se trouvait jadis l’ancienne petite ville de Byzas, se
dresse l’église de Sainte-Irène. Cette église, transformée par les
Turcs en un musée d’armes, est encore fort bien conservée.

Construite d’abord par Constantin le Grand au IVe siècle, elle fut la
proie des flammes en même temps que Sainte-Sophie pendant la sédition
Nika. Rebâtie par Justinien, puis détruite au VIIIe siècle par un
tremblement de terre, elle fut restaurée par Léon l’Isaurien. Elle est
construite sur un rectangle terminé par une abside dont le centre est
surmonté d’une coupole qui repose sur un haut tambour percé de vingt
fenêtres. L’église a trois nefs: la nef centrale est soutenue par des
points d’appui qui sont unis et recouverts par de grands arcs en plein
cintre. Chacun de ces arcs est orné de trois rangées de fenêtres. Un
gynécée est disposé à l’intérieur; la voûte de l’abside est revêtue de
mosaïques; les colonnes et les corniches sont en marbre blanc.

Parmi les armes antiques que renferme ce musée[42], il faut citer
l’épée du sultan Mehmed II le conquérant, celle de Skender bey, le
héros albanais, un brassard de Tamerlan, des casques, les clefs des
villes conquises, les marmites des Janissaires, des lances, des
arcs, de vieux canons datant des Croisés et une partie de la chaîne
historique qui servait aux Byzantins pour barrer la Corne d’Or.

                [42] L’entrée de ce Musée n’est accordée que sur
                autorisation spéciale.

A l’intérieur de l’église on voit plusieurs tombeaux byzantins en
marbre; ce sont les tombeaux des empereurs provenant de l’église des
Saints-Apôtres.


[Illustration: Pl. 20.

    PALAIS DE L’HEBDOMON.--Vue de l’intérieur.

    PALAIS DE L’HEBDOMON.--Façade.]


ÉGLISE DES GRANDS MARTYRS SERGE ET BACCHUS

Cette église, transformée en mosquée par Hussein aga à l’époque
de Bayazid et appelée _Kutchuk aya Sophia_, c’est-à-dire petite
Sainte-Sophie, fut bâtie, d’après l’inscription grecque finement
sculptée sur la frise, par Théodora, femme de Justinien, près du palais
d’Hormisdas. Elle a été appelée petite Sainte-Sophie à cause des
similitudes que présente son plan avec celui de la grande basilique de
Sainte-Sophie.

La coupole de cette église est soutenue par huit piliers placés aux
points angulaires d’un octogone renfermé dans un carré: huit pendentifs
soutiennent la base circulaire de la coupole. Les côtés communiquent
avec la nef par des rangées de colonnes ioniques qui relient les
arceaux. Plusieurs de ces colonnes sont tachetées de vert et de blanc
et surmontées de chapiteaux à corbeilles. Sur la corniche qui fait le
tour de l’édifice on remarque une guirlande ornée de grappes de raisins
et de feuilles de vigne. Une longue inscription, gravée sur la même
corniche, fait l’éloge de l’empereur Justinien et de l’impératrice
Théodora. Cette église était attenante à une autre appelée église
des apôtres Pierre et Paul et qui a disparu sans laisser de traces.
Salzenberg reconnut, en examinant les murs de clôture, que l’église
de Saint-Pierre et Saint-Paul s’appuyait à celle des saints Serge et
Bacchus du côté du sud. La hauteur de la coupole dépasse 19 mètres et
les côtés du plan sont respectivement de 34 mètres et 30 mètres.


ÉGLISE DE SAINT-JEAN DU STOUDION

Cette église fut construite sous Léon le Grand pour l’ordre des
Acémètes (sans-sommeil). De nombreux moines se relayaient pour y
chanter jour et nuit. Elle fut endommagée sous la domination latine
et restaurée plus tard, vers la fin du XIIIe siècle, par l’empereur
Andronic Paléologue.

Le trésor du monastère contenait de précieuses reliques que Bayazid
II envoya au pape Innocent et parmi lesquelles se trouvait la sainte
lance. Actuellement convertie en mosquée (_Emir Akhor Djamissi_), elle
possède encore d’élégantes colonnes et des chapiteaux.


ÉGLISE DE CHORA

Tout près de la porte d’Andrinople s’élève la mosquée de Kahrié.
C’est l’ancienne église de Chora, édifice à nef centrale et à deux
narthex. Le dôme central est supporté par un tambour cylindrique percé
de fenêtres. De petites coupoles, également posées sur des tambours
cylindriques et percés de fenêtres, éclairent le narthex.

L’origine de la fondation de l’église de Chora n’est pas clairement
établie. D’abord sanctuaire assez modeste, Justinien l’agrandit et
l’embellit après le tremblement de terre de 557, et il devint un des
plus beaux monuments de la ville.

L’église formait le centre d’un vaste monastère qui se trouvait hors
de la première enceinte de la nouvelle Rome. C’est pour cela qu’on
l’appelait τῆς χώρας (de la campagne). Plus tard quand Théodose II,
pour agrandir la ville, jugea nécessaire de faire construire une
deuxième enceinte dont on voit aujourd’hui les ruines, son nom lui
resta. Mais les byzantins du XIVe siècle, poussés par leur amour de
la rhétorique et des étymologies mystiques, trouvèrent un rapport
ingénieux entre le nom du Christ, source de vie et protecteur des
vivants (χώρα τῶν ξώντων) et celui de la basilique de Chora; et le mot
fut en conséquence inscrit à côté des images en mosaïque du Christ et
de la Vierge.

L’édifice qu’on voit aujourd’hui n’est pas le même que celui du VIe
siècle. Déjà au XIIe siècle, l’église menaçait ruine. Marie Ducas,
la belle-mère de l’empereur Alexis Comnène, la fit rebâtir en la
transformant selon les plans des églises de ce temps. L’intérieur en
fut décoré de marbres en couleur et de belles mosaïques.

Depuis Manuel Comnène, les empereurs avaient abandonné le grand palais
pour venir habiter le château des Blaquernes. C’est pourquoi l’église
de Chora, qui en était voisine et qui sous les Latins était tombée
dans un grand délabrement, devint l’objet de la sollicitude impériale.
Sous le règne des Paléologues, Théodore Métochite, ministre favori
d’Andronic II, la fit restaurer complètement et ordonna d’ajouter une
galerie latérale, destinée peut-être à servir de lieu de sépulture. Il
fit renouveler également la décoration intérieure, excepté celle de la
partie centrale qui est demeurée la même.

Malgré les ravages subis par la Chora, les mosaïques se sont conservées
jusqu’à nos jours dans un parfait état: elles sont les œuvres les plus
remarquables de la dernière renaissance de l’art byzantin et occupent
aujourd’hui une place très estimée dans l’histoire de l’art[43].

                [43] Pulgher, _Les anciennes églises de
                Constantinople_, 1880. Diehl, _Etudes byzantines_,
                1905, p. 392-431.

Les mosaïques qui se trouvent sur les deux côtés de la porte centrale
sont recouvertes de volets en bois, que demande la religion musulmane,
mais qu’on peut ouvrir à volonté pour voir les images; les murs sont
tapissés jusqu’aux bases des voûtes par de grandes plaques de marbre
gris encadrées par des bandes vertes. De fines bordures sont sculptées
au pourtour des marbres.

[Illustration: Plan de la mosquée Kahrié.]

A l’intérieur du second narthex, sur la porte du milieu qui donne
accès dans l’église, une mosaïque représente le Christ assis sur un
trône, à qui Métochite, agenouillé, présente un modèle en réduction de
l’église. Métochite est coiffé d’un haut bonnet blanc garni de bandes
rouges et vêtu d’une tunique dorée recouverte d’un manteau vert brodé
de fleurettes rouges.

Métochite, né à Nicée, arriva à l’âge de vingt ans à Constantinople
où, par son talent d’orateur et son érudition en littérature et en
philosophie, il attira l’attention d’Andronic II. Il commença sa
carrière dans les ambassades, devint ensuite logothète de la liste
civile, ministre du trésor, puis premier ministre de l’Empereur pendant
vingt ans. Il fut en même temps philosophe, diplomate et administrateur.

Il avait toute la confiance de l’Empereur son maître, qui ne lui
cachait aucun secret, et fit épouser à son propre neveu Irène, la fille
de Métochite, très intelligente et très instruite. Toutefois Métochite,
malgré les hautes satisfactions qui lui étaient accordées, pensait
toujours aux dangers dont les querelles philosophiques et religieuses
menaçaient le pays. Il attirait à chaque instant l’attention de
l’Empereur sur le péril turc, qui lui paraissait devoir causer un jour
la ruine complète de l’État. Il prévoyait la décadence et la chute
inévitable de l’empire.


[Illustration: Pl. 21.

    HIPPODROME, PALAIS IMPÉRIAL ET SAINTE-SOPHIE AU Xe SIÈCLE
    (Restitution de l’auteur d’après le plan de Labarte.)]


Les troubles à l’intérieur augmentaient de jour en jour. L’Empereur et
son favori se trouvaient dans une situation très difficile. Pendant les
guerres civiles qui durèrent de 1321 à 1328, Métochite fut un habile
négociateur entre Andronic II et son ambitieux petit-fils, Andronic le
Jeune, qui prétendait au trône.

Métochite, pour ne pas s’attirer la haine des deux factions, s’entremit
d’abord impartialement entre les deux princes ennemis. Mais, quand la
rupture entre les deux adversaires éclata, il se rangea du côté de
son ancien maître et refusa toutes les avances d’Andronic le Jeune.
Sentant gronder l’émeute dans la ville, il se retira dans le palais.
Lorsque pendant la nuit du 22 mai 1328, le prétendant pénétra dans
la ville, grâce à la trahison des gardes de l’Empereur, le ministre
fut la première victime. Sa maison fut livrée au pillage et démolie
complètement. Il fut jeté d’abord en prison et ensuite exilé. Cependant
il put obtenir son rappel et vint terminer ses jours au monastère de
Chora, où il vécut jusqu’au 13 mars 1332, portant en religion le nom de
Théoleptos.

Toute une série de tableaux en mosaïques, retraçant des scènes
religieuses variées, décorent les murs et les voûtes du narthex.

De nombreux médaillons garnissent le sommet des arcades. Au-dessus de
la porte d’entrée se trouve le buste du Christ. En face, entre deux
grandes arcades, c’est la Vierge tenant contre sa poitrine un médaillon
qui renferme l’Enfant Jésus, puis des saints en costume de cour, saint
Pierre et saint Paul aux deux côtés de la porte royale.

Parmi les séries de mosaïques qui décorent les coupoles et les voûtes
du narthex intérieur, les deux plus intéressantes sont celles qui
retracent les épisodes de la vie de Jésus et ceux de la vie de la
sainte Vierge tirés des Évangiles apocryphes[44].

                [44] Pour compléter les récits de l’Évangile, dès le
                IIe siècle on voulut détailler les épisodes de la vie
                du Sauveur, et pour donner à ces récits une apparence
                plus authentique, on les attribua à tel ou tel apôtre.
                On a donné à ces récits le nom d’Évangiles apocryphes.
                Dès le IVe siècle l’Église grecque les admit au nombre
                des textes sacrés, mais ce n’est qu’à partir du XIe que
                les compositions tirées de ces évangiles apparaissent
                sur les murs des églises.

[Illustration: Plan explicatif des mosaïques de Kahrié-Djami.

    MOSAIQUES DU NARTHEX

    PANNEAUX

    A. Anne faisant la prière.

    B. Nativité de la sainte Vierge, la jeune fille berçant l’enfant.

    C. On distribue aux jeunes filles de la laine pour filer le voile
       du temple, le sort attribue à Marie la pourpre.

    D. Le grand prêtre donne Marie à Joseph dont le bâton a fleuri.

    E. A gauche, Joseph part pour le travail; à droite, il s’aperçoit
       que Marie est enceinte et lui fait des reproches.

    F. Disparu.

    1. Le grand prêtre repousse les offrandes de Joachim et d’Anne.

    2. (Disparu.) Probablement Joachim et Anne.

    3. Joachim au milieu des bergers.

    4. (Arc.) Joachim et Anne se rencontrent devant la porte dorée et
       s’embrassent.

    5. La Vierge caressée par son père et sa mère.

    6. Sainte Vierge bénie par les prêtres.

    7. (Arc.) Sainte Vierge faisant les sept premiers pas.

    8. (Travée.) Présentation de la Vierge au temple.

    9. (Arc.) La Vierge demeurant dans le temple, et nourrie par un
       ange.

   10. (Arc.) La Vierge y est instruite (disparu en grande partie).

   11. (Arc.) Le grand prêtre prie devant l’autel où sont déposés
       les bâtons des prétendants à la main de Marie.

   12. Joseph emmène Marie.

   13. (Pendentif.) Annonciation au puits.

    EXONARTHEX

    PANNEAUX

    G. A gauche, Joseph averti par un ange; Marie se rend chez
       Elisabeth; à droite, Joseph conduit la Vierge à Bethléem.

    H. Le recensement à Bethléem.

    I. Nativité du Christ.

    J. Hérode recevant les trois Mages.

    K. Hérode convoque les grands prêtres et les scribes (détruit en
       grande partie).

    L. (Détruit.) Probablement adoration des Mages.

    M. Les Mages retournant chez eux.

    N. Fuite en Égypte.

    O. Hérode ordonne le massacre des innocents.

    P. Massacre des innocents.

    Q. Lamentation des mères.

    R. Elisabeth poursuivie par un soldat se réfugie dans une grotte.

    S. Retour à Nazareth.

    T. Voyage à Jérusalem.

   14. Jésus au milieu des docteurs.

   15. Saint-Jean-Baptiste baptisant.

   16. Jésus vient se faire baptiser.

   17. Jésus tenté par Satan.

   18. Noces de Cana.

   19. Multiplication des pains.

   20. Jésus et la Samaritaine.

   21. Guérison du paralytique.

   22. Guérison de l’hydropique.

   23. Rinceau, autre guérison de paralytique.]

Le Christ est figuré au centre sur l’une des coupoles du second
narthex; tout autour, dans les segments concaves qui forment la coupole
sont rangées les images des patriarches et des représentants des tribus
d’Israël. Dans le centre de l’autre coupole, autour de la Vierge, sont
groupés les prophètes et les rois d’Israël.

On voit dans ces mosaïques toute une série des miracles de
Jésus-Christ. Dans le narthex intérieur: guérison du lépreux, de
l’homme à la main desséchée, la guérison des aveugles. Enfin des
malades, des boiteux, des bossus et des enfants sont rangés autour du
Christ, attendant leur guérison.

Métochite cite parmi les ouvrages qui décoraient son église les
représentations de la Crucifixion, de la Descente de croix, de
l’Ascension et une quantité d’autres. Mais on ne rencontre plus ces
images, qui devaient orner les places d’honneur de l’église et qui ont
été complètement détruites; il est probable qu’on en
trouvera un jour quelques restes sous l’enduit qui recouvre les murs
et la coupole du sanctuaire même.

La chapelle latérale est décorée tout entière de fresques représentant
la sainte Vierge, les saints et des scènes empruntées à l’Ancien
Testament.

On y voit deux grandes arcades sculptées, dont l’une porte une longue
inscription, indiquant que les arcades proviennent du monument
funéraire de Tornikès, haut personnage de l’État, parent par sa mère
de l’empereur Andronic II et de Métochite. Lui aussi s’était retiré
dans ce monastère pour y finir ses jours. Il y fut enseveli. Quand,
avant 1453, une restauration fut entreprise dans le monastère, on
démolit probablement le monument de Tornikès et l’on plaça les arcades
au-dessus des passages s’ouvrant entre l’église et la chapelle latérale
(Parekklesion).

Les mosaïques de _Kahrié-Djami_ font l’objet de longues discussions
entre les byzantinologues. Plusieurs d’entre eux ont voulu démontrer
que la plus grande partie de ces mosaïques appartenait au XIIe siècle.
D’après M. Kondakof, qui a une grande autorité en la matière, ce sont
seulement les fresques du Parekklesion et les mosaïques représentant
les saints Pierre et Paul, le Christ fondateur, la décoration du second
narthex, qui appartiennent au temps de Métochite, c’est-à-dire au XIVe
siècle. Tout le reste daterait du XIIe siècle. «Mais si haute que soit
l’autorité du savant qui a proposé cette thèse, dit M. Diehl, il ne
paraît point que ses arguments suffisent à l’établir. La différence de
coloris, sur laquelle il s’appuie pour distinguer deux époques, tient
tout simplement à l’insuffisant nettoyage qui a laissé subsister un ton
grisâtre sur certaines mosaïques.»


[Illustration: Pl. 22.

    OBÉLISQUE DE THÉODOSE.]


Il est vrai que l’ordre dans lequel se succèdent les épisodes,
le système de l’ornementation, la manière de représenter les
personnages et la tonalité des couleurs prouvent que ces compositions
sont l’œuvre d’un même art appartenant à une même époque. D’un autre
côté, il n’y a aucune ressemblance entre les mêmes sujets représentés
par les œuvres authentiques du XIIe siècle et les mosaïques de Chora.
Donc il est plus juste de les attribuer au XIVe siècle.

Une des causes de la discussion soulevée sur l’origine de ces
mosaïques, est que l’Occident, voulant s’approprier l’honneur de ces
travaux, véritables chefs-d’œuvre, les attribua d’abord aux primitifs
italiens et surtout à Giotto, qui vivait justement à l’époque où ces
mosaïques furent exécutées. Mais au XIVe siècle, il y avait déjà à
Byzance des œuvres authentiques qui témoignent suffisamment de la
capacité des artistes byzantins de ce temps.

«S’il y a eu contact entre les deux civilisations, continue M. Diehl,
ce n’est point la renaissance de l’époque des Paléologues qui ne doit
rien à l’Occident; c’est plutôt l’Italie qui devrait quelque chose à
l’évolution qui s’accomplit alors dans l’art byzantin.»

Les mosaïques de Chora sont certainement des œuvres de la dernière
renaissance de l’art byzantin.


ÉGLISE DES BLAQUERNES

Après la grande église de Sainte-Sophie, aucun édifice religieux ne
tient une si grande place dans l’histoire byzantine que celui de la
Vierge des Blaquernes. Cette église était la chapelle de l’Empereur.
C’est là qu’était conservée la sainte image protectrice de Byzance, qui
avait miraculeusement repoussé, à maintes reprises, les ennemis de la
capitale. Les Latins transformèrent cette église en une église latine,
et en enlevèrent plusieurs reliques qui, aujourd’hui encore, font
partie du trésor de Venise.

Avant la conquête turque, sous le règne de Jean V Paléologue, un
immense incendie la détruisit, ce qui, dit l’historien Phrantzès, fut
considéré comme un sinistre présage. Quatre-vingts ans après la chute
de la ville, Gyllius vit les ruines de l’église encore debout. Il n’en
reste rien aujourd’hui que la source sainte, l’ayasma, abritée sous
un misérable toit. C’est là que trois fois par an le Basileus allait,
après les cérémonies d’usage, se plonger dans la piscine.

Sous la voûte, existait une image de la sainte Vierge des mains de
laquelle coulait l’eau bénite. Les détails suivants, extraits du livre
des Cérémonies écrit par l’empereur Constantin Porphyrogénète et cités
dans les _Esquisses byzantines_ publiées par M. A. Marrast, sont très
intéressants.

«Après diverses cérémonies, après avoir adoré la robe de la Vierge,
baisé l’autel, fait maintes stations, l’Empereur gagnait une chambre
haute où les baigneurs officiels lui enlevaient ses vêtements et
lui mettaient le lentium, en présence des seuls eunuques; les gens
à barbe n’étaient pas admis à cette partie de la cérémonie. Alors
l’Empereur était conduit dans la salle même du bain sacré, il y adorait
les Icones, puis entrait dans le natatorium dont le protembataire,
ou chef des baigneurs, avait préalablement béni l’eau; après trois
immersions, le prince sortait du bain et, rhabillé par les chambellans
ou cubiculaires, quittait l’église.»

[Illustration: Plan de Constantinople, en 1422, par Buondelmonte.

    1. Porte du palais des Blaquernes.

    2. Porte de Messi.

    3. Porte de Pescaria.

    4. Saint-Georges in Manganis.

    5. Saint-Démétrius.

    6. Colonne supportant la statue équestre de Justinien.

    7. Hippodrome.

    8. Église du Pantocrator.

    9. Statue de l’empereur Michel VIII Paléologue à genoux devant la
       statue de l’archange Michel.

   10. Saint Johannis de Petra.

   11. Palais impérial.

   12. Saint Marc.

   13. Porte de Saint Johannis.

   14. Porte de Lamidi.

   15. Porte Dorée.

   16. Saint Johannes studio.

   17. Saint-Andréas.

   18. Périblepte.

   19. Port.

   20. Condoscale.

   21. Domus Justiniani «Palais de Justinien».

   22. Palais Hormisdas.

   23. Port du Bucoléon.

   24. Chantier naval.

   25. Tour de Léandre.

   26. Tour du Christ.]

La table suivante indique par ordre alphabétique, les noms des églises
byzantines citées souvent dans l’histoire. Si la plupart de ces églises
ont été transformées en mosquées, au lendemain de la conquête, il ne
faut point voir là un effet de la persécution religieuse; mais les
Byzantins s’étaient retirés dans le faubourg et avaient abandonné ces
monuments; il est donc tout naturel que les Turcs les aient utilisés
comme édifices sacrés, puisque leur religion admet la prière dans tous
les lieux saints.

L’église de Sainte-Anastasie. Mosquée de _Mehmed-pacha_, à Kadirga,
construite, d’après M. Paspati, au VIIIe siècle, transformée en mosquée
en 1571.

L’église de Saint-André. Mosquée _Hodja Moustapha pacha_.

L’église de Sainte-Anne. L’emplacement de cette église, qui se trouvait
près de la porte de Selymbria, n’est pas exactement connu.

L’église de l’Archange Michel. Bâtie par Justinien II, se trouvait à
Kadirga.

L’église des Saints-Apôtres. Sur l’emplacement de cette église se
trouve, actuellement, la mosquée du sultan Mehmed II le Conquérant.

L’église des Blaquernes.

L’église de Constantin Lips. Mosquée de _Demirdjilar-mesdjidi_.

L’église de Gastria. _Sandjakdar Mesdjidi_.

L’église des Saintes Chrysanthe et Euphémie. Sur son emplacement se
trouve aujourd’hui l’église arménienne à _Koum-Kapou_.

L’église Saint-Démétrius. Sur l’emplacement de l’École de médecine.

L’église de Saint-Diomède. Cette église doit se trouver, d’après le
Dr Mordtmann, dans un jardin tout près de l’usine à gaz d’éclairage
de _Yedi Koulé_, là où on trouva, il y a une dizaine d’années, deux
colonnes de marbre.

Monastère de Dius. Près de l’ancienne porte de Jésus, au quartier
actuel _d’Et-Yemez_, consacré comme mosquée par _Mirza Baba_, un des
soldats du conquérant.

La chapelle de Saint-Emilien. Il faut la chercher près de la porte
actuelle de _Daoud-pacha_.

L’église de Saint-Eutychius-Christo-Camera, à Psamatia. Elle joua un
rôle important dans les troubles ecclésiastiques pendant le règne
d’Andronic II Paléologue, et était située à l’est du couvent de
Myréléon.

L’église de Gorgopikoos. C’est encore une petite église grecque du
quartier _Alti Mermer_ (Exokionon).

L’église de Saint-Jean du Stoudion. Mosquée _d’Emir-Akhor_.

L’église de Saint-Jean-Baptiste à Petra Paléa. _Kesmé Kaya._

L’église de Saint-Jean-Baptiste in Trullo. _Ahmed pacha mesdjidi._

L’église de Saint-Jean le Perse. Mosquée de _Hekim oglou Ali pacha_.

L’église de Saint-Julien. Sur les collines du port Sophien.

L’église de Kyra Martha. Bâtie par Marie Ducas, sœur de Michel
Paléologue. D’après le Dr Mordtmann, sur l’emplacement de cette église
se trouve actuellement la mosquée de _Chaaban Aga_. Marie Cléopé et
Saint-Jean le Guerrier reposent ici.

L’église de Kodjouma ou Pantepopte. Mosquée _Eski Imaret_. Elle a servi
d’abord comme _Imaret_ (cantine) aux élèves qui étudiaient dans la
mosquée du Conquérant.

L’église de Saint-Pierre et Saint-Marc. Mosquée _d’Atik Moustapha
pacha_. Elle possède une petite piscine baptismale, datant de 458.

Monastère d’Emmanuel. Mosquée _Kéfeli_.

Monastère de la Pammacaristos. Mosquée _Féthié_, dépendance de
l’ancien monastère de femmes fondé à la fin du XIIIe siècle par
Michel Tarchaniote et Marie Comnène, son épouse. Après la prise de
Constantinople par les Turcs, l’église fut pour quelque temps le
siège du Patriarcat orthodoxe; elle possède encore quelques images en
mosaïque représentant les prophètes et le Christ.

L’église de la Panachrantos. _Fenari Isa Djamissi_ (inscription
découverte par le Dr Paspati).

L’église de Saint Pantéleïmon. Cette église, qui se trouvait dans la
IXe région, contenait les reliques de deux saints, Pantéleïmon et
Marius. Elle a été bâtie par Constantin le Grand sous le nom de Homona.

L’église du Pantepopte. Fondée par la mère d’Alexis Ier Comnène, vers
le commencement du XIIe siècle, transformée en hospice et puis en
mosquée, _Eski Imaret Djami_.

L’église de la Peribleptos. Église arménienne à Soulou Monastir dans
l’ancien quartier appelé Heleniana.

L’église du Pantocrator. Cette église, _Zeïrek-Klissé Djamissi_,
fut bâtie en 1125 par Irène, épouse de Jean Comnène. Le tombeau de
l’empereur se trouve dans une crypte à côté des sépultures d’autres
Comnènes. C’est dans cette église que fut aussi inhumée Berthe, qui
avait pris le nom d’Irène et qui était épouse de Manuel, fille du comte
allemand de Sulzbach et belle-sœur de l’empereur Conrad. Cette église
ayant été endommagée par les tremblements de terre, fut reconstruite et
transformée en mosquée (_Zeïrek-Djami_). L’édifice se compose de trois
églises contiguës.

L’église Saint-Philippe. _Denis Abdal_ près de _Top-Kapou_.

L’église des Quarante Martyrs. Près de _Saradjhané-Bachi_ (ancien
Philadelphium).

L’église de Saint-Romain. Il est probable que sur son emplacement
se trouve aujourd’hui le _Monastir Mesdjidi_ auprès de la porte
Saint-Romain, _Top-Kapou_.

L’église des Saints-Serge et Bacchus. Mosquée _Kutchuk Aya Sophia_
(petite Sainte-Sophie).

L’église de Saint-Théodore Tiron. _Klissé Djamissi._ Construite vers le
XIe siècle.

L’église de Sainte-Théodosie. _Gul Djami._ Elle a servi d’abord de
dépôt pour les matériaux de l’arsenal. Ce n’est que sous Selim III
qu’elle fut transformée en mosquée.

L’église Théotocos au quartier de Sigma.

L’église de tous les Saints. Près des Saints-Apôtres.

L’église de la Sainte-Vierge. Mosquée de _Kalender_.

L’église de Saint-Thomas apôtre. Se trouvait à l’extrémité occidentale
du port Sophien.

[Illustration: L’église de Saint-Théodore de Tyron. _Klissé Djamissi._]

L’église du Christ Miséricordieux. Construite par Alexis Comnène, près
du couvent Saint-Georges des Manganes.

L’église de Saint-Georges des Manganes. Couvent qui se trouvait sur
la pente méridionale du rocher de l’Acropole où était le Cynegion,
construit par Irène, et qui servait jadis de lieu de spectacle.

L’église de Saint-Lazare (Topoïs). Sanctuaire de la Sainte-Vierge
Hodigitria. Elle se trouvait dans la plaine qui s’étendait depuis le
Cynégion jusqu’au Tzycanisterion.


III.--LES PALAIS BYZANTINS


PALAIS IMPÉRIAL

Il ne nous reste plus que quelques ruines de ces palais byzantins dans
lesquels étaient accumulées des richesses considérables et qui furent
le théâtre des faits les plus fantastiques et les plus extraordinaires
que l’histoire ait peut-être jamais mentionnés.

Parmi ces palais, il faut citer d’abord le grand palais impérial qui
s’étendait, d’après M. Labarte, sur un immense emplacement occupant une
surface de 400.000 mètres carrés à côté de Sainte-Sophie. Construit
d’abord par Constantin, probablement sur le modèle du palais de
Spalato, il a été embelli et agrandi par les empereurs Justinien,
Théophile, Basile le Macédonien. Dans ce palais, au IXe et au Xe
siècle, la splendeur de la décoration byzantine brillait de tout son
éclat.

M. Labarte, en s’aidant des auteurs anciens, est parvenu à reconstituer
ce palais dont les ruines mêmes ont disparu. Dans son ouvrage
classique, M. Labarte nous en donne la description détaillée. «Le
Kremlin, dit-il, peut seul en donner une faible idée. Il se composait
de sept péristyles ou vestibules, huit cours intérieures, quatre
églises, neuf chapelles, neuf oratoires ou baptistères, quatre salles
des gardes, trois grandes galeries, cinq salles d’audience et de
réception, trois salles pour les repas, dix appartements réservés à
l’habitation particulière des princes, sept galeries secondaires, trois
allées destinées à relier entre elles les diverses parties du palais,
une bibliothèque, une salle d’armes, des terrasses à ciel ouvert, un
manège, deux bains, huit palais particuliers au milieu des jardins et
un port.»


[Illustration: Pl. 23.

    COLONNE DE CONSTANTIN PORPHYROGÉNÈTE.]


[Illustration:

    GRAND PALAIS
    DE CONSTANTINOPLE,
    au Xe Siècle.

    _d’après J. Labarte_]

Toutes les pièces étaient disposées de façon que l’Empereur, sans
sortir de chez lui, pût assister aux offices, aux réceptions des
grands personnages dans les salles d’apparat, et même aux jeux de
l’hippodrome, dans le Kathisma, qui se trouvait en communication avec
le palais. La salle d’audience, le trône, le triclinium, toutes ces
pièces étaient décorées de sujets profanes ou de scènes religieuses
et légendaires. Comme dans toutes les cérémonies officielles, on
attachait une grande importance à la richesse et aux attributs de
l’ornementation, chaque pièce avait reçu une décoration spéciale
répondant à sa destination particulière. Au lieu d’avoir, comme les
palais modernes, une façade monumentale, le palais impérial était
composé d’une multitude de petits bâtiments portant les noms suivants:
triclinium (salle à trois lits ou salle à manger, pouvant aussi
comprendre plusieurs pièces); Coubouclion (cubiculum) corps de logis
formant un appartement de grande importance; Coiton (chambre à coucher
appelée aussi Métatorion); Diabatica (galerie servant de communication
entre les différentes parties du palais); Phiale (emplacement à ciel
ouvert, dallé de marbre et ayant souvent en son milieu un bassin ou une
fontaine); Péripatos (galeries ouvertes), etc...

Le palais se divisait en trois parties principales: la Chalcé, Daphné
et le palais sacré.

La Chalcé comprenait toute une série de pièces. On accédait au palais
du côté de l’Augustéon par la porte en fer qui ouvrait sur un des
vestibules de la Chalcé. Ce vestibule, couvert de tuiles en bronze
doré, se composait d’une cour en forme d’hémicycle surmontée d’une
voûte en cul-de-four faisant face à l’entrée d’un bâtiment carré à
coupole tout orné de mosaïques.

On comptait dans la Chalcé trois salles des gardes, les noumera,
les courtines, les tricliniums des scolaires, des excubiteurs, des
candidats, en enfilade. Venaient ensuite une salle de justice,
(tribunal de Lychnos), une salle de réception, une salle à manger
d’apparat, le grand consistorium et plusieurs édifices religieux
(l’oratoire du Sauveur et la chapelle des Saints-Apôtres). Le grand
consistoire était convoqué dans la salle de réception. Trois portes
en ivoire y donnaient accès. Au fond de la salle, un des trônes de
l’Empereur était dressé sur une estrade.

Entre la Chalcé et Daphné se trouvait le triclinium (salle à manger à
dix-neufs lits), où se donnaient les banquets officiels. Cette salle
était précédée d’une cour ou atrium, puis d’un portique formant porche.
Elle était divisée en deux; une partie était réservée aux invités, et
l’autre à l’Empereur. Toutes deux étaient éclairées par le haut. La
première pouvait contenir trois cents convives. Aux grands jours de
fête, par exemple à Noël, on y mangeait, couché à la mode antique.
D’après le récit de Luitprand, évêque de Crémone, qui assista en 943
à un des festins donné dans ce palais, on y mangeait, à demi couché,
le service étant fait uniquement dans de la vaisselle d’or; les
fruits étaient servis dans de grands vases en or qui, à cause de leur
poids, étaient transportés sur des chariots couverts de pourpre. On
les enlevait au moyen d’une poulie établie au plafond, sur laquelle
roulaient trois cordes enveloppées de peau dorée. Les bouts des cordes
étaient munis d’anneaux en or engagés dans les anses des vases;
plusieurs serviteurs placés en bas étaient chargés de faire fonctionner
ces appareils pour le service de la table.

La partie du palais appelée Daphné commençait par une grande galerie
couverte, précédée d’un porche à arcades qui conduisait à une salle
octogone. Cette partie du palais comprenait plusieurs édifices
religieux et des salles pour les réunions officielles. Une galerie
courant sur les étages supérieurs menait à un petit palais occupant la
place d’honneur de l’hippodrome. Cet édifice contenait plusieurs pièces
et l’Empereur y revêtait son costume officiel avant d’entrer dans sa
loge pour assister aux jeux. Les fonctionnaires qui se rendaient au
palais laissaient leurs chaises à porteurs et leurs chevaux dans un
manège spécialement disposé à cet effet dans les dépendances.

Le palais sacré comprenait le palais impérial proprement dit, contenant
dans son enceinte le péristyle du Sigma, le Triconque, et différents
appartements privés de l’Empereur.

A l’entrée du palais sacré, se trouvait un vaste atrium ou Sigma qui
avait la forme de la lettre grecque appelée Sigma. C’est là que les
courtisans et les hauts fonctionnaires attendaient l’Empereur. Au
centre de cet atrium, était placé un bassin aux bords d’argent, au
milieu duquel se trouvait un vase d’or en forme de coquille. Ce vase
était rempli des fruits les plus rares où puisaient les invités.

Après l’atrium, on entrait dans un péristyle formé de quinze colonnes
en marbre de Phrygie. Au centre, s’élevait un dôme soutenu par quatre
colonnes en marbre vert dominant le trône où l’Empereur s’asseyait
pendant les fêtes.

On y trouvait aussi un palais à deux étages, construit par Théophile au
IXe siècle sur le modèle du palais du khalife de Bagdad.

Une des parties les plus intéressantes du palais sacré était le
Chrysotriclinium (triclinium d’or), bâti par l’empereur Justin II le
Curopalate, embelli ensuite par Tibère son successeur. C’était une
salle octogonale couverte d’une coupole à seize fenêtres; sur les
huit côtés se trouvaient huit absides qui communiquaient entre elles.
Celle qui était en face de l’entrée était fermée par deux portes
argentées, sur lesquelles étaient figurées les images de Jésus-Christ
et de la sainte Vierge. Pendant les réceptions, ces portes restaient
d’abord closes, tandis que la foule entrait dans la salle. Une fois le
calme rétabli, elles s’ouvraient, et on voyait, au fond de l’abside,
l’Empereur vêtu d’un manteau de pourpre orné de pierres précieuses,
ayant à hauteur de sa tête l’image du Sauveur et entouré de toutes
sortes d’objets précieux. La foule se prosternait de suite devant
l’Empereur pour lui rendre hommage. Tout était calculé pour donner à
ces réceptions un aspect féérique. Toutes les grandes cérémonies telles
que le couronnement, le mariage impérial et les réceptions officielles
se faisaient dans cette splendide salle de fête. Ces cérémonies avaient
beaucoup de ressemblance avec celles des Persans: «La salle du trône,
dit M. Gayet, ouvrait directement sur la cour du palais, sans qu’aucune
barrière en interceptât l’entrée: un rideau immense dérobait seul le
monarque aux regards de ses sujets. Lorsqu’il daignait se montrer à eux
et prenait place sur l’estrade, entouré des princes du sang, des
ministres, des courtisans et de la garde, le voile se levait soudain à
un signal donné. Le Roi des rois surgissait alors dans le cadre d’un
luxe inoubliable.»


[Illustration: Pl. 24.

    COLONNE DE THÉODOSE.--Bas-reliefs du piédestal.]


Derrière cette salle, s’étendaient les nombreux appartements privés de
l’Empereur, orientés de façon à être aussi confortables en été qu’en
hiver.

Constantin Porphyrogénète, décrivant une de ces salles du palais nommé
Cenourgion, bâti par Basile le Macédonien, raconte qu’elle était
soutenue par 16 colonnes dont 8 en marbre vert et 6 en onychite, ornées
de rameaux de vignes qui s’entrelaçaient au fût et de différentes
figures d’animaux. Deux autres colonnes, également en onychite,
portaient des cannelures en spirales. La partie supérieure au-dessus
des colonnes jusqu’à la voûte était ornée de mosaïques sur fond d’or.
On y voyait Basile entouré de guerriers qui lui présentaient les clefs
des villes conquises. A la naissance de la coupole, une large corniche
formait une galerie à balustrade qui faisait le tour de la salle. Un
lustre était suspendu au centre.

L’appartement d’été de l’empereur Théophile se composait d’un
rez-de-chaussée et d’un premier étage comprenant une chambre à coucher
et un salon. Un chroniqueur de l’époque nous donne d’assez nombreux
détails sur la décoration d’une chambre à coucher impériale: «Le pavage
est en mosaïque, au centre s’étale un paon enfermé dans un cercle de
marbre. De ce cercle partent des rayons qui vont aboutir à un autre
cercle, plus grand, en dehors duquel sont des marbres verts imitant
des fleuves. Dans chaque coin se trouvent appliqués des aigles en
mosaïque faits de petits cubes de différentes couleurs. Les parois de
la pièce sont ornées de plaques de verre polychrome. Une bande d’or
sépare les mosaïques qui ornent la partie supérieure des parois, sur
lesquelles se détachent sur fond d’or les figures de Basile et de
sa femme Eudoxie. Tous deux sont assis sur des trônes et portent les
couronnes et les costumes impériaux. Sur les autres murs de la pièce
sont représentés leurs enfants vêtus du même costume, et tenant entre
les mains des livres de piété. Le plafond resplendissant d’or porte au
milieu le signe victorieux de la croix en verres de couleur; tout près,
se trouvent encore les images de l’Empereur, de l’Impératrice et de
leurs enfants, levant tous la main vers la croix.»

Cet immense palais, habité si longtemps par les empereurs byzantins,
fut abandonné vers le XIIe siècle, quand leurs successeurs allèrent
résider au palais des Blaquernes.

Bien avant la prise de Constantinople par les Turcs, ce palais
menaçait déjà ruine et ses débris étaient utilisés pour de nouvelles
constructions. Buondelmonte, qui visita la capitale trente ans avant la
conquête, n’avait plus rien trouvé sur l’emplacement de ce grand palais
que quelques pierres provenant des ruines. Et quand Pierre Gylles
visita Constantinople, il ne vit sur son emplacement que quelques
traces de ruines[45].

                [45] Banduri. _Topogr. Constantin._


PALAIS DE BOUCOLÉON

Ce palais se trouve sur les bords de la Propontide, dans l’enceinte du
grand palais byzantin. Il a été appelé d’abord château de Hormisdas,
du nom d’un prince sassanide qui s’était réfugié à Constantinople et
avait habité ce palais au temps de Constantin. Il fut reconstruit
par Justinien et, plus tard, agrandi et embelli par Constantin
Porphyrogénète[46] qui y ajouta des statues et un groupe d’animaux
sculptés en pierre, un lion luttant avec un bœuf.

                [46] Constantin Porphyrogénète--_Vie de Basile._

Il paraît que de là vient son nom de Boucoléon[47]. Tout près de ce
palais se trouvait un port appelé du même nom. Nicéphore Phocas qui
habitait presque toujours ce palais où il fut tué par Jean Tzimizès son
rival, l’avait fortifié en l’entourant de murs.

                [47] Bous (Bœuf), Léon (lion). Il nous paraît plus
                vraisemblable de croire que l’étymologie du mot de
                boucoléon vient de _bucca leonis_, entrée des lions,
                parce que ce port avait à son entrée des statues de
                lions.


PALAIS DE LA MAGNAURE

Le triclinium de la Magnaure ou Magna-aula (magna, grande, aula,
cour) se trouvait au nord du palais impérial entre la Chalcé et
Sainte-Sophie; les Empereurs y donnaient audience aux ambassadeurs.
Ce triclinium, bâti par Constantin, n’était qu’une basilique à nef
centrale et à bas côtés. Au fond, sur une estrade qui occupait toute
la largeur de l’édifice et qui recouvrait un hémicycle, se trouvait le
trône impérial. De chaque côté de l’abside, deux colonnes soutenaient
des draperies et des rideaux. Au-dessus du bas côté s’élevaient les
galeries réservées aux dames de la cour. Au pied de l’estrade, on
apercevait deux lions artificiels dressés sur leurs pattes et qui
poussaient des rugissements comme des lions vivants. Sur des arbres
d’or, des oiseaux de toutes sortes, artistement imités et perchés sur
les branches, faisaient retentir la salle de leurs chants joyeux.

Pour donner plus de vie à cette scène du passé, il faut écouter
Luitprand, envoyé extraordinaire du roi d’Italie à la cour de Byzance,
au Xe siècle. «L’Empereur, dit-il, étant assis sur son trône, des lions
automatiques commencent à rugir, les oiseaux chantent. Je me prosterne
devant lui, et, après être resté quelque temps dans cette position,
selon le cérémonial, je lève les yeux et aperçois l’Empereur enlevé par
une machine à une hauteur considérable.»


Sur l’emplacement du palais de la Magnaure, se trouve actuellement le
ministère de la Justice, qui dernièrement devint le siège du Parlement,
et devait primitivement servir d’université, mais il ne fut jamais
affecté à cette destination. En creusant les fondations de cet édifice
en 1847, on trouva, à une profondeur de trois mètres, l’ancien pavé et
la base de la célèbre statue argentée d’Eudoxie la Gauloise, objet de
la haine de Chrysostome. Elle portait l’inscription suivante en langue
grecque: «Voici la statue argentée où les souverains président aux
tribunaux de la capitale[48].» A côté de ce palais se trouvait le Sénat
ou basilique. Un portique orné de six grandes colonnes de marbre blanc
s’ouvrait, d’après M. Labarte, sur le forum Augustéon.

                [48] Cette base est conservée au Musée.


PALAIS DES BLAQUERNES

Lorsque Théodose II avait construit la grande muraille pour agrandir
la ville, le quartier des Blaquernes, qui était situé à l’extrémité
nord-ouest de la ville, près de la Corne d’Or, et qui renfermait alors
l’église de ce nom ainsi qu’une résidence impériale, ne fut pas compris
dans l’enceinte des murs. Ce n’est que deux siècles plus tard que
l’empereur Héraclius fit construire de nouveaux remparts devant les
Blaquernes, qui, devenus très peuplés, avaient besoin d’être protégés
contre les attaques ennemies. D’après M. Schlumberger, la partie des
murs théodosiens restés en arrière des nouveaux murs et qui étaient
devenus inutiles furent détruits. Le palais qui se trouvait dans ce
quartier avait été bâti d’abord par Anastase (491-518). Il servit
pendant plusieurs siècles de maison de plaisance aux Empereurs. Puis
il s’étendit et couvrit de ses nombreux bâtiments un espace de 300.000
mètres carrés (l’espace compris entre _Egri-Kapou_ et l’Ayasma des
Blaquernes).

C’est Manuel Comnène Ier qui, négligeant complètement le grand palais,
élut pour résidence le palais des Blaquernes (1143).


[Illustration: Pl. 25.

    COLONNE DE CONSTANTIN ET MESÈ.

    ANCIENNE RUE DE «MESÈ» ET COLONNE DE CONSTANTIN AU Xe SIÈCLE.
    (D’après la restitution de l’auteur.)]


L’enceinte fortifiée du palais comprenait de vastes jardins, des cours
à portiques, différentes habitations pour le Basileus, sa famille, ses
grands officiers et ses gardes, des églises, des chapelles et d’autres
édifices religieux. Le Portique carien, érigé par l’empereur Maurice
en 586 et dont on retrouve actuellement les substructions à l’est de
la porte d’_Eïvan Seraï_, consistait en une cour entourée de portiques
et qui conduisait au palais. L’ensemble de ces monuments formait un
quartier que les historiens grecs appelaient palais au toit doré.
Actuellement on ne voit plus que la portion de l’enceinte commune à la
grande muraille de la ville, et quelques pans de murs ensevelis sous
terre.

Le terrain étant disposé suivant des pentes très abruptes, d’immenses
voûtes et des murailles épaisses durent être construites pour supporter
les nombreuses terrasses dont on reconnaît parfaitement aujourd’hui
les ruines. Ces terrassements dominaient une vallée assez profonde qui
existe encore.

Une partie du palais était adossée à la grande muraille sur laquelle
s’ouvraient des fenêtres et des balcons dominant la campagne. C’est
dans ce palais qu’Isaac l’Ange, en 1204, reçut les croisés. Ces
derniers furent émerveillés de la splendeur des jardins, de l’ampleur
des voûtes, et de la magnificence des parois toutes tapissées de
mosaïques à fond d’or, des cours pavées de marbre précieux, des
ruisseaux d’eau courante coulant dans des canaux d’albâtre. Les
seigneurs Francs, quand ils furent reçus dans ce palais par Alexis,
furent éblouis par les richesses prodigieuses étalées non sans
intention: la vaisselle d’or, les innombrables vêtements de cérémonies,
les étoffes brodées de soie.

[Illustration:

    Palais des Blachernes
    d’après A. van Milligen.]

Les empereurs latins de Constantinople habitèrent aussi ce palais et
y tinrent leur cour. Nicéphore Grégoras et Pachymère racontent que
Michel Paléologue, après avoir reconquis Byzance, dut aller demeurer au
grand palais, les Blaquernes étant dans le plus affreux délabrement,
toutes noircies de fumée et pleines d’immondices et d’ordures. Après
sa réparation, le palais des Blaquernes redevint et resta l’unique
résidence des Paléologues jusqu’à la chute de Constantinople.

Ce qui subsiste aujourd’hui des fondations montre suffisamment
l’étendue occupée par ce palais, dont les proportions et la
magnificence ont toujours fait l’admiration des historiens.

Pulchérie, épouse de Marcien, y avait fait construire la célèbre église
des Blaquernes. Cette église touchait au mur du palais même et sa porte
ouvrait dans l’enceinte du palais.

«La porte de l’enceinte de l’église des Blaquernes, dit M.
Schlumberger, vaudrait bien comme intérêt l’escalier de Versailles!
Aujourd’hui, c’est l’Empereur en litière, entouré, tantôt de ses
fameux Vaerings, tantôt d’un cortège d’eunuques ou d’une longue chaîne
de prêtres et de caloyers, jetant un regard inquiet sur la foule des
dignitaires où il cherche à tout instant le meurtrier de l’heure qui
vient et le successeur heureux qui fera jeter au cirque son cadavre
mutilé; demain c’est le patriarche à la longue barbe blanche, qui
accourt tremblant sous ses vêtements d’or; il sait qu’un basileus tout
enfiévré d’un sombre esprit théologique l’a fait mander au palais pour
lui donner le choix entre l’option d’une hérésie qui damnera son âme
ou l’exil mortel sur quelque affreux rocher de Marmara. Aujourd’hui
ce sont des princesses, mères, femmes ou filles de quelque empereur
assassiné ou déposé, qu’on entraîne à la hâte vers l’église pour raser
leur chevelure, arracher leur tunique de pourpre brodée de perles et
les jeter ensuite, sous la robe brune des religieuses, dans quelque
couvent devenu leur demeure pour le reste de leurs jours.»

Près du palais on avait construit un cirque qui servait à l’amusement
des Empereurs. Non loin de là, on voit encore aujourd’hui deux grandes
tours, la tour d’Isaac l’Ange et la tour d’Anémas. La tour d’Isaac
l’Ange fut construite en 1188 pour servir de défense au palais des
Blaquernes qui se trouve derrière elle. On y pénétrait par la cour du
palais impérial. Un des murs de la tour d’Isaac l’Ange était percé
de trois fenêtres cintrées. Au-dessus de ces fenêtres, une rangée de
pierres saillantes semble avoir dû porter un balcon disparu. Les trois
autres murs n’ont chacun qu’une fenêtre; celle du côté sud sert de
communication entre la plate-forme des murs et l’intérieur de la tour.
Celle du côté du port conduit sur le toit de la tour basse d’Anémas,
ainsi nommée d’après Michel Anémas, fils d’un roi de Candie, qui y fut
enfermé sous Alexis Comnène. Ces tours furent plus tard reliées entre
elles intérieurement.

[Illustration:

    PRISONS D’ANÉMAS
    (D’après Van Millingen: _Byzantine Constantinople_.)]

Sous la tour d’Anémas se trouvent les fameuses prisons d’Anémas
découvertes dernièrement par le Dr Paspati. Ces prisons, très
curieuses, sont dans un meilleur état de conservation que d’autres
cachots similaires; mais la visite en est rendue très dangereuse par
les cavités dans lesquelles on risque de se précipiter. Outre ce danger
réel, les ordures jetées par les habitants des quartiers voisins
rendent l’abord de la place des plus désagréables.

On y accède par une petite ouverture cintrée percée dans un pan de mur
au pied de la tour d’Anémas. Un passage de dix mètres de long, très
bas et très étroit, conduit à une petite salle voûtée, humide et qui
ne reçoit par cette même entrée qu’une faible lumière. En passant à
droite par une petite ouverture, on arrive à une autre salle faiblement
éclairée par un trou pratiqué dans la voûte. Sur le passage s’ouvre
un puits béant qui coupe le cachot dans toute sa largeur. En face de
l’entrée, un autre passage menant à droite communique avec une autre
galerie.

On monte par un escalier à l’étage supérieur de la tour, où se trouve
une salle mesurant 7 mètres de haut sur 12 mètres de long et 10 mètres
de large. Elle ne prend jour que par un mince filet de lumière passant
par un trou pratiqué dans une fenêtre cintrée. On peut alors voir le
trou rond qui éclaire l’étage inférieur. L’escalier continue jusqu’au
sommet de la tour. Dans la petite salle d’entrée, une ouverture à
gauche conduisait aux cellules des prisonniers. Aujourd’hui, on
n’aperçoit qu’un grand bâtiment d’une soixantaine de mètres de
longueur, plein de décombres. Jadis cette grande salle était divisée
en deux étages, contenant chacun une enfilade de petites chambres
séparées les unes des autres par des murs de 1m, 50, percés de grandes
ouvertures cintrées. Un corridor de 1m, 75 de large courait tout le
long des chambres.


PALAIS DE CONSTANTIN PORPHYROGÉNÈTE

Ce palais, appelé aussi palais de Bélisaire[49], ou palais de
l’Hebdomon et nommé _Tekfour Serail_ par les Turcs, se trouve enclavé
dans les murs de Théodose. D’après Gyllius, il faisait partie du palais
de Constantin à l’Hebdomon hors des murs. Le nom d’«Hebdomon» lui
venait du septième quartier des auxiliaires Goths qui, en leur qualité
d’ariens, campaient hors des murs sur l’emplacement qu’on appelait
Hebdomon. Ce palais, restauré par Justinien, a été appelé aussi
_Palatium Justiniani_.

                [49] Dans le plan de Melling, dessiné en 1815, nous
                voyons les ruines d’un autre palais de Bélisaire à côté
                du forum de Constantin, là où se trouve actuellement
                l’imprimerie Osman bey.

Le Dr Mordtmann et M. Van Millingen[50], dans leurs travaux sur
l’archéologie byzantine, cherchent à démontrer que le palais
appelé aujourd’hui _Tekfour Serail_ n’est qu’une partie du palais
des Blaquernes. Le Dr Mordtmann veut prouver, en se basant sur la
manière dont cet édifice est construit, qu’il existait déjà au temps
de Théodose et qu’il formait la partie supérieure du palais des
Blaquernes. Il est certain en tout cas que de fausses suppositions
l’ont fait prendre pour le palais de l’Hebdomon.

                [50] Van Millingen, _Byzantine Constantinople_.

C’est un bâtiment rectangulaire où les briques alternent avec des blocs
de marbre blanc et jaune. Les murs indiquent clairement qu’il était
composé de trois étages et que l’étage supérieur dépassait la hauteur
des murailles. Le rez-de-chaussée comprenait une salle voûtée de 17
mètres de longueur, soutenue par deux rangées de colonnes. La façade
nord des bâtiments repose sur quatre arceaux séparés par un pilier
carré.

Le premier étage consistait en une grande salle rectangulaire dont
il est assez difficile aujourd’hui de reconstituer exactement les
divisions intérieures. Des six fenêtres cintrées qui éclairent cet
étage, quatre correspondent aux arcades de l’étage inférieur. Au second
étage, se trouve une grande salle semblable, éclairée sur toutes ses
faces par des fenêtres cintrées.

A l’est, au-dessous des trois fenêtres en plein cintre, un balcon
supporté par deux arceaux formait saillie.

Le palais continuait le long des murs vers le nord. Il était précédé
d’une cour formant atrium, orné de propylées soutenus par dix grandes
colonnes. Le toit reposait sur une corniche en marbre sculpté.

Outre le grand palais sacré, le palais des Blaquernes et ceux sur
lesquels nous venons de donner quelques détails, on peut citer une
série de palais appartenant aux différents siècles, tels que le palais
de l’impératrice Sophie, le palais d’Eleuthère, le palais Valentinien,
le palais de Bonus, le palais de Jucundiana, le palais de Justinien,
le palais de Kalaman, le palais de Pighi, le Philopation, le palais
Placidien, Saint-Mamas, le palais d’Arcadius, le palais de Toxaros, etc.

Le palais de l’impératrice Sophie qui se trouvait près du port Sophien
fut remplacé par le palais d’_Esma Sultane_. Le palais de Valentinien a
été construit par l’empereur Valentinien pour ses filles. L’emplacement
de ce palais est aujourd’hui occupé par les bâtiments de _Mechichat_
(Cheïhuslamat). Le palais de Bonus, construit par Romain II Lécapène,
se trouvait sur la colline où est située actuellement la mosquée de
_Sultan Selim_. L’Empereur venait y passer la nuit pour assister le
lendemain à la messe des Saints Apôtres. Le palais Kalaman se trouvait
dans le quartier des Génois.


HIPPODROME

L’hippodrome, où se déroulèrent tant d’événements historiques, où
30.000 hommes périrent pendant la révolte de Nika, occupait la grande
place appelée aujourd’hui _At Meïdan_, c’est-à-dire place aux chevaux.
Il s’étendait en outre sur une partie de l’emplacement de la mosquée
d’Ahmed, et sur le terrain où s’élèvent actuellement l’école des Arts
et Métiers et les nouveaux bâtiments du ministère des Mines et Forêts.
Son axe est indiqué par l’obélisque, la colonne serpentine et la
colonne murée qui existent encore.

L’hippodrome a été construit d’abord par Septime-Sévère, sur le modèle
du Circus Maximus de Rome. Constantin y ajouta les degrés, la sphendonè
et les tribunes, et orna les portiques de statues. Cet édifice fut
modifié plusieurs fois au cours des siècles.

L’hippodrome qui avait 370 mètres de long sur 180 de large pouvait
contenir 100.000 personnes[51]. Outre les petites portes, qui
conduisaient aux gradins, quatre portes monumentales s’ouvraient aux
extrémités des côtés latéraux.

                [51] Selon Gylles la longueur de l’hippodrome était de
                deux stades (370 mètres).

Du côté sud, le terrain s’inclinait vers la mer; cette partie de la
piste de l’hippodrome fut exhaussée par des soubassements composés de
hauts murs voûtés. Elle formait la partie hémisphérique de l’hippodrome
qui s’appelait sphendonè.


[Illustration: Pl. 26.

    COLONNE SERPENTINE.

    AQUEDUC DE VALENS.]


Du côté de Sainte-Sophie, s’élevait un bâtiment rectangulaire
comprenant la tribune impériale et les loges des grands dignitaires
et des sénateurs, et qu’on appelait _Kathisma_[52]; il n’avait aucune
communication avec l’arène ni avec les gradins du cirque. L’Empereur
y arrivait directement du palais. Au-dessous de la loge impériale,
se trouvait, sur une terrasse en forme de balcon garni de colonnes,
une autre tribune, réservée aux gardes de l’Empereur; elle était
appelée le Pi, à cause de sa forme qui rappelait la lettre grecque π.
Deux escaliers faisaient communiquer cette terrasse avec la tribune
impériale.

                [52] Aujourd’hui, sur l’emplacement de l’ancien
                Kathisma, se trouve la fontaine érigée par Guillaume
                II, empereur d’Allemagne.

Aux grandes fêtes, les musiciens jouaient sur cette plate-forme.
Au-dessous du Pi, à droite et à gauche, étaient les portiques par où
les chars entraient dans le cirque. Ces loges, qui avaient à Rome le
nom de Carceres, étaient appelées à Constantinople Manganon.

Au-dessus de la loge impériale s’élevait une tour ornée de quatre
chevaux de bronze, œuvre de Lysippe de Chio, et que, d’après une
légende, Théodose avait enlevés à l’île de Chio; une autre légende
voulait qu’on les eût apportés de Corinthe à Rome et de Rome à
Byzance[53].

                [53] Pendant la quatrième croisade on expédia les
                chevaux à Venise; Bonaparte les fit placer sur l’arc
                de triomphe du Carrousel à Paris. Mais en 1814 ils
                furent de nouveau transportés à Venise où ils ornent
                maintenant le portail de Saint-Marc.

Le Kathisma comprenait une salle à manger, une salle de réception et
plusieurs pièces où l’Empereur recevait les hauts fonctionnaires avant
les fêtes et donnait des repas, car les jeux de l’hippodrome formaient
une partie intégrante de la vie publique. L’Empereur devait avoir dans
le cirque des appartements privés pour revêtir les habits officiels
avant d’entrer dans sa loge et enfin pour se reposer pendant les jeux,
qui duraient parfois toute une journée.

Le Kathisma communiquait avec l’église Saint-Etienne, dont plusieurs
fenêtres s’ouvraient sur l’hippodrome. D’après Labarte, les dames de
la cour, qui ne siégeaient pas avec les hommes pendant les cérémonies
publiques, pouvaient assister aux jeux du haut de ces fenêtres. C’est
dans cette église que Léon l’Arménien fut assassiné et transporté
ensuite à l’hippodrome. M. Millet et plusieurs archéologues russes, se
basant sur les événements qui se déroulèrent au temps de Théodose II,
veulent montrer que la tribune impériale ne se trouvait pas au centre
du Kathisma, mais à son extrémité orientale, c’est-à-dire à la partie
contiguë au palais. Peut-être les Empereurs avaient-ils choisi cette
place pour avoir une meilleure vue sur la piste de l’hippodrome. Mais
il n’en est pas moins vrai qu’une tribune officielle existait au centre
du palais de Kathisma.

Les spectateurs étaient assis sur les gradins qui se continuaient
en forme d’amphithéâtre. Sur le sommet de ces gradins existait un
promenoir à colonnades, orné de statues.

Pour protéger les spectateurs contre les bêtes fauves et pour empêcher
les discussions souvent violentes des partis adverses, l’arène était
séparée des gradins par un fossé. Les jeux des bêtes fauves ayant été
remplacés un peu plus tard par des courses de chars, par des luttes et
des combats, ce fossé fut supprimé, mais on construisit un mur pour
empêcher les bleus de se jeter sur les verts et réciproquement.

Dans l’axe longitudinal du cirque s’élevait une terrasse longue et
étroite appelée «Spina» et sur laquelle on avait disposé divers
monuments et statues, la colonne de Théodose (obélisque), la colonne
murée, la colonne serpentine, qui portait autrefois le célèbre
trépied de Delphes; toutes ces colonnes étaient alignées dans la même
direction. Parmi les statues en bronze ou en marbre, on remarquait
un homme luttant avec un lion, un taureau mourant, l’Hercule colossal
de Lysippe, un loup combattant une hyène, un cheval indompté, un
aigle enlevant un serpent, Adam et Ève, Hélène inspirant l’amour aux
guerriers, les statues des empereurs Gratien, Valentinien, Théodose,
celles des conducteurs de chars couronnés, et la fameuse statue à trois
têtes, dont Jean (Yanis) l’Iconoclaste fit abattre les têtes.

Au centre d’un bassin se dressait, au haut d’une colonne, la statue
de l’impératrice Irène. «Les statues de Gratien, de Valentinien, de
Théodose, dit M. Dethier, étaient à cheval, à pied; c’est au choix
d’un interprète hardi. Je m’étonne que même M. Labarte ait eu la bonne
volonté d’y trouver une statue équestre d’un Théodose (p. 53), mais
toujours se garde-t-il d’affirmer que c’est Théodose Ier. D’ailleurs
ces statues étaient très petites et ornaient les gradins des bancs de
l’hippodrome.»

Sur toute l’étendue de l’hippodrome une grande tente (velum) doublée de
pourpre était tendue pour protéger les spectateurs contre les ardeurs
du soleil. Tout Byzance affluait sous cette tente, et sur les gradins
se pressaient des hommes de toutes races, aux costumes les plus divers,
bigarrés de toutes les couleurs.

Dans la suite, les jeux de l’hippodrome se firent plus rares et l’on ne
donnait plus de représentations qu’aux jours de grande fête.

Après la conquête latine, l’hippodrome fut complètement abandonné. Tous
les objets précieux qui l’ornaient furent détruits; plusieurs statues,
entre autres celles de l’Hercule en bronze, envoyées à la fonte et
l’on en fit de la monnaie. Comme on peut le voir d’après les anciens
plans de la ville, antérieurs à la conquête ottomane, il n’existait
plus rien alors de la splendeur de l’ancien hippodrome: seules les
trois colonnes qu’on peut voir de nos jours et qui indiquent l’axe
de l’hippodrome, seuls quelques marbres ayant appartenu aux gradins
subsistaient encore. L’hippodrome était rempli de monticules de terre
provenant de la démolition des gradins. A une certaine époque, on
construisit même des maisons sur cet emplacement. Une partie des ruines
a servi à Ibrahim Pacha, vizir du sultan Suleïman, pour la construction
du _Mehterhané_ (prison actuelle).

Près de l’Augustéon, en face des thermes de Zeuxippe, se trouvait
l’Octogone ou Tetradision, où était établie une sorte d’«Université».
C’était un grand édifice en forme d’octogone à huit pièces voûtées.
Il renfermait tous les ouvrages des grands maîtres de la littérature,
de la science et de la philosophie. D’après la chronique Pascale, ce
sont les Goths qui incendièrent l’Octogone pendant la sédition de Nika.
D’après Codin, c’est Léon l’Isaurien qui l’a fait brûler avec ses
académiciens parce qu’ils refusaient de s’associer aux illégalités de
l’Empereur.


IV.--LES BAINS BYZANTINS

Nul pays, au moyen âge, n’a possédé autant d’institutions d’utilité
publique que faisait Byzance, avec ses forums, ses fontaines, ses
aqueducs, ses citernes, ses canalisations et surtout ses bains qui
contribuaient à l’entretien de la santé publique. Chaque quartier
en possédait un. Ces établissements ne diffèrent que fort peu des
bains grecs et romains. On n’en trouve plus dans la ville un seul qui
appartienne à l’époque byzantine. Mais les Turcs ayant construit leurs
bains à peu près sur les mêmes plans que les Byzantins et les ayant
divisés en deux parties, l’une réservée aux dames et l’autre aux
hommes, il est facile aujourd’hui d’avoir une idée des modèles dont ils
s’inspirèrent. Voici, au sujet d’un bain grec construit par Hippias,
la description qu’en fait Lucien et que Mavroyéni Pacha cite dans ses
articles sur les bains orientaux: «La partie d’entrée est haute, on
y monte par un escalier large; la porte franchie, on entre dans une
salle commune réservée aux domestiques; après cette première pièce, on
entre dans une autre salle fort élevée, abondamment éclairée, ayant de
chaque côté des séparations pour ceux qui veulent se déshabiller. Au
milieu de la salle se trouvent trois piscines; on y voit deux statues
en pierre blanche, l’une représentant Hygie et l’autre Esculape, puis
on pénètre dans une salle légèrement tiède, afin d’éviter une chaleur
incommode. Après cette salle, il y en a une autre qui les dépasse
toutes en beauté, où l’on peut s’asseoir et se faire masser. Les murs
sont revêtus jusqu’au plafond de plaques de marbre de Phrygie. En
avançant par un passage, on entre dans la salle la plus reculée. Cette
salle offre trois baignoires d’eau chaude, toutes les parties en sont
de proportions harmonieuses.»


[Illustration: Pl. 27.

    CITERNE DE BIN BIR DIREK.]


Comme les Grecs, les Byzantins attachaient beaucoup d’importance à la
beauté architecturale des bains, où le peuple trouvait un plaisir plus
qu’une nécessité hygiénique et où il allait même se divertir en hiver.

On sait que les Néron et les Caracalla, les Titus et les Dioclétien
se rendirent populaires en construisant de magnifiques thermes où
trois mille personnes pouvaient trouver place en même temps. De même
le peuple byzantin, chez lequel le bain était devenu indispensable au
point de vue religieux autant que laïque, construisit des bains aussi
somptueux que les Romains. Parmi les plus beaux on peut citer celui
de Zeuxippe qui se trouvait tout près du Kathisma de l’hippodrome,
et touchait, d’après M. Labarte, aux Nouméra, un des derniers
bâtiments du palais, du côté du forum Augustéon. Il a été construit
par Septime-Sévère et remanié par Constantin. Il était orné de très
belles statues en marbre et en bronze. Si des fouilles adroites étaient
entreprises près de la fontaine construite par l’empereur d’Allemagne,
elles mettraient peut-être ces statues au jour.

Le bain de Zeuxippe fut détruit pendant la sédition Nika. Les bains
d’Arcadius, qui occupaient l’emplacement de l’école actuelle des
Beaux-Arts, étaient également célèbres chez les Byzantins. Vis-à-vis
de Sainte-Anastasie, vers le nord, on rencontre les substructions d’un
grand bain public du nom de Diagisthée[54]. Le bain de Constantin
subsista après la conquête et fut nommé _Tchoukour Hamam_. Citons
encore les bains d’Eudoxie qui se trouvent près de la Sublime Porte.

                [54] Voir, _Les bains turcs_, page 224.


V.--LES MONUMENTS


OBÉLISQUE DE THÉODOSE LE GRAND

Les œuvres plastiques et les monuments qui ornaient jadis la ville de
Constantinople ont été peu à peu détruits pour la majeure partie, et
un très petit nombre seulement ont échappé à la ruine et sont parvenus
jusqu’à nous. Parmi les monuments de l’ancien hippodrome, nous citerons
d’abord l’obélisque de Théodose le Grand.

C’est un monolithe de granit syénitique rose, haut de 30 mètres et
large de 2 mètres à la base. Les inscriptions hiéroglyphiques, gravées
sur chaque côté du monolithe et qui sont fort bien conservées, montrent
qu’autrefois l’obélisque était beaucoup plus élevé. Il fut érigé à
Héliopolis, 1700 ans avant J.-C., par le Pharaon Thoutmosis III.
Constance II et Julien (361-362) formèrent le projet de le transférer à
Byzance; les premiers travaux furent même commencés à cet effet, mais
l’Empereur mourut et l’obélisque resta environ trente années couché
sur le sol. En l’an 390, Théodose Ier le fit transporter à Byzance.
On construisit tout exprès une voie ferrée allant de la porte de
Fer, sur les bords de la Propontide, au plateau de l’hippodrome. On
plaça l’obélisque sur un piédestal en marbre orné de sculptures qui
représentent la vie et les hauts faits de Théodose.

L’inscription suivante est gravée en grec et en latin sur ce piédestal:
«Théodose Ier a dressé, avec l’aide du préfet du prétoire Proclus,
cette colonne quadrangulaire qui gisait sur le sol.» La colonne fut
érigée en trente-deux jours. «En fait la colonne ne s’éleva, dit M.
Dethier, qu’en l’an 400 pendant le règne d’Arcadius, sous les auspices
de Gaïnas, qui réussit à faire rendre justice à ses compatriotes, les
Ariens Goths, mais comme un météore, tomba sous la réaction orthodoxe;
sa tête fut portée dans les rues, 5.000 Goths brûlés dans une de leurs
églises et le nom de Gaïnas effacé sur les inscriptions de l’obélisque
pour être remplacé par celui de l’orthodoxe Proclus.» Sur le bas-relief
nord, on voit Arcadius et sa femme Eudoxie (la Gauloise) dans le
Kathisma et, à côté d’eux, un homme de la cour, Gaïnas, le puissant
chef des Goths.

L’obélisque repose sur quatre cubes en bronze posés à chaque coin de
sa base quadrangulaire. Les bas-reliefs du piédestal représentent,
sur le côté ouest, l’empereur Théodose le Grand assis sur le trône,
ayant à sa gauche sa femme (sœur de Valentinien II), et à droite ses
deux fils, Honorius et Arcadius; les ennemis vaincus viennent rendre
hommage à l’Empereur. Du côté de l’est, Théodose veuf et ses deux fils
semblent assister à une distribution de solde aux troupes ou plutôt à
une danse. L’Empereur tient en main une couronne destinée au vainqueur.
On y remarque les musiciens jouant de l’ancienne lyre, d’une espèce de
hautbois, de la double flûte lydienne et de la flûte mythologique à
sept trous, dite flûte de Pan. Du côté sud, Théodose ayant à sa droite
ses deux fils et à sa gauche Valentinien II, contemple une course de
chars. Du côté nord, c’est l’empereur Arcadius, sa femme Eudoxie, ses
enfants et le fameux Gaïnas assistant dans le Kathisma à l’érection de
l’obélisque.

Les sculptures de la partie inférieure du piédestal représentent les
travaux nécessités par l’érection de l’obélisque.


COLONNE SERPENTINE

Parmi les colonnes qui figuraient sur l’axe longitudinal de
l’hippodrome, on voit encore de nos jours la colonne serpentine, qui
est érigée un peu au sud de l’obélisque. Cette colonne représente trois
serpents en bronze fondu, provenant du butin enlevé aux Perses après la
victoire remportée sur Xerxès.

On a discuté assez longtemps sur l’origine de cette colonne, mais en
1856, quand on creusa le sol pour en trouver la base on découvrit des
inscriptions qui fixèrent son origine d’une manière exacte.

Elle reposait sur une pierre en forme de cube qui est aujourd’hui
enfouie dans le sol. Sur les anneaux tordus des serpents, on voit
des inscriptions en grec, indiquant les noms des villes, citées
par Plutarque, qui ont combattu contre les Perses. Ces serpents
supportaient autrefois le fameux trépied en or donné au temple
d’Apollon de Delphes par les vainqueurs de Salamine et de Platées en
souvenir des victoires gagnées sur les Perses par Thémistocle et
Pausanias. La colonne, haute jadis de 8 mètres, n’a plus aujourd’hui
que 5 mètres de hauteur. Le vase d’or que supportaient autrefois les
trois têtes de serpents avait 3 mètres de diamètre.


[Illustration: Pl. 28.

    MOSQUÉE DE BAYAZID]


Cette œuvre de l’art grec, une des plus célèbres qui existe, a été
apportée à Byzance par Constantin le Grand pour embellir la nouvelle
capitale. En se basant sur l’existence du tuyau en plomb et des
conduites d’eau qui allaient de l’aqueduc de Valens jusqu’à cette
colonne, plusieurs auteurs supposent que ce monument servait de
fontaine.

Il est facile aujourd’hui de se rendre compte, par l’excavation
qui entoure la base de cette colonne, du niveau du sol de l’ancien
hippodrome. Les terres rapportées et les débris de constructions l’ont
considérablement exhaussé.


COLONNE MURÉE OU COLONNE DORÉE (COLOSSE)

Cette colonne se trouve au sud de la colonne serpentine, sur le même
axe longitudinal de l’hippodrome. C’est un obélisque carré, de 25
mètres de hauteur, formé de petits blocs de pierre de taille. Érigée
par Constantin VII Porphyrogénète (911-959), elle était couverte de
plaques de bronze doré portant des bas-reliefs, qui représentaient les
hauts faits de son grand-père Basile le Macédonien. Les inscriptions
gravées à la base de la colonne indique qu’elle était appelée
«merveille rivale du Colosse de Rhodes». «Les croisés, dit M. Dethier,
dépouillèrent la colonne de sa couverture de bronze pour en faire de la
monnaie.»

On voit encore les trous des fers qui fixaient les plaques; le sommet
de la colonne portait une sphère de bronze.


COLONNE DE CONSTANTIN

Au centre du forum de Constantin, s’élevait la colonne supportant la
statue de l’empereur Constantin. Cette colonne est appelée par les
Turcs _Tchemberli-Tach_ (pierre au cercle) à cause des cercles de fer à
l’aide desquels on l’a consolidée. Les grands incendies qui en avaient
fendu les blocs avaient rendu cette mesure nécessaire.

Cette colonne était autrefois composée de neuf blocs cylindriques en
porphyre placés les uns sur les autres. A la jointure des cylindres et
à la partie supérieure de chaque bloc on avait sculpté une couronne
de laurier, ce qui donnait à l’ensemble l’aspect d’un monolithe dans
lequel on aurait taillé des colonnes transversales.

L’ensemble de la colonne atteignait une hauteur de 50 mètres. C’est
Constantin qui la fit venir de Rome, où elle portait la statue
d’Apollon. L’Empereur voulant symboliser la victoire du christianisme,
fit mettre sa tête à la place de celle d’Apollon. Dans la suite,
la statue de Julien, puis celle de Théodose remplacèrent celle de
Constantin.

Vers la fin du XIe siècle (1081), la statue et les tambours supérieurs
furent renversés par la foudre. Alexis Comnène répara le monument et
l’orna d’un nouveau chapiteau corinthien portant des inscriptions en
grec et une croix d’or.

Plusieurs historiens prétendent que le nom de colonne brûlée, donné
par les étrangers, vient de ce que cette colonne a été endommagée par
l’incendie qui éclata pendant l’émeute de Nika, mais cela ne paraît pas
exact, car la colonne, qui se trouvait alors au centre du forum, ne
pouvait être atteinte par les flammes. C’est d’un incendie qui éclata
au cours du XVIe siècle qu’elle eut à souffrir; à cette époque, en
effet, le forum était couvert de constructions qui arrivaient jusqu’à
la base de la colonne.

Après l’incendie, le sultan Moustafa fit entourer, en 1701, le
piédestal calciné par un massif de maçonnerie montant jusqu’au deuxième
tambour.


COLONNE D’ARCADIUS

Au centre du forum d’Arcadius, _Avret-Bazari_, s’élevait la colonne
d’Arcadius érigée en 401 par Arcadius en l’honneur de Théodose Ier.
Cette colonne ressemblait à la colonne de Trajan à Rome. Sans avoir
changé de place, elle se trouve enclavée aujourd’hui dans le jardin
d’une maison particulière. Il n’en reste actuellement que la base;
d’après cette base, qui a un diamètre de 4 mètres, on peut évaluer la
hauteur à 40 mètres.

Un escalier intérieur conduisait au sommet de la colonne. Elle était
couverte de bas-reliefs représentant les hauts faits de Théodose et
d’Arcadius. Aujourd’hui, en dehors du piédestal, haut de 6 mètres, il
ne reste plus que quelques inscriptions à moitié calcinées et quelques
marches de l’escalier. L’ouvrage de Banduri sur Constantinople contient
le dessin de cette colonne fait par un peintre vénitien. La colonne
existait encore en 1685, mais, ayant menacé ruine à cette époque, elle
fut démolie.


COLONNE DE MARCIEN

La colonne qui portait la statue assise de l’empereur Marcien, époux
de Pulchérie, au Ve siècle, est aujourd’hui située dans un jardin
privé. Elle a une dizaine de mètres de hauteur et repose sur trois
marches recouvertes de terre. Sur les côtés du piédestal on voit des
bas-reliefs. Deux génies ailés lèvent un panneau orné de myrtes avec
la croix. Au-dessous, les trous des clous qui fixaient autrefois des
lettres en métal permettent de lire une inscription latine.

Actuellement, le public appelle cette colonne «la colonne de la
Virginité», _Kiz-Tachi_. Cette appellation est erronée, car la vraie
colonne de la Virginité supportait la statue d’Aphrodite; elle avait
la remarquable vertu de désigner au milieu des passants la jeune fille
qui avait perdu sa virginité. La belle-sœur de Justin (565-578),
ayant été désignée de cette sorte dans la foule par cette statue, fut
mise en pièces, sur l’ordre de l’Empereur. La colonne en porphyre
qui supportait la statue de la déesse fut déplacée par Soliman le
Législateur et servit à la construction de sa mosquée, où elle figure
encore.


COLONNE DES GOTHS

A la pointe du sérail, sur une terrasse du jardin du Palais impérial,
s’élève une colonne d’ordre corinthien, taillée dans un seul bloc de
granit, et ayant 15 mètres de haut. Sur le côté du piédestal tourné
vers le Bosphore, on lit les inscriptions suivantes: _Fortunæ
reduci ob dévictos Gothos_. Cette colonne qui portait jadis, d’après
Nicéphore Grégoras, la statue de Byzas, est un des plus antiques
monuments de Byzance. Elle fut érigée en souvenir des victoires
remportées sur les Goths, sous l’empereur Claude II le Gothique.


STATUE DE JUSTINIEN

Cette statue, appelée dans le livre des Cérémonies «Achilleus», est
indiquée sur le plan de Banduri et par Buondelmonte au nord-est
de l’hippodrome; elle existait encore à l’époque où Christophe
Buondelmonte visita Constantinople, trente années avant la conquête
turque.

Elle devait être située près de l’endroit où une plaque en fer couvre
l’entrée d’une citerne sur la place de Sainte-Sophie. La position de
cette statue équestre, qui n’existe plus, est aussi indiquée par les
auteurs. Elle était tournée vers l’Occident. Selon le récit de Zonaras,
elle s’élevait à l’endroit où se dressait auparavant la statue argentée
de Théodose le Grand.

Un dessin de cette statue, datant de 1340, se trouve dans la
bibliothèque du sérail; il correspond assez exactement à la description
donnée par les auteurs byzantins. L’Empereur y est représenté sous
la figure d’un chevalier, portant sur la tête une plume énorme qui
ressemble à la queue d’un paon.

Parmi les monuments disparus, citons enfin la statue de Théodose Ier,
érigée au forum Tauri, et une autre statue de Théodose, élevée par son
eunuque Christoforus, près de la porte de Selimbria.


VI.--LES AQUEDUCS ET LES CITERNES

Comme Byzance était toujours exposée au danger d’un siège, on avait
eu soin d’aménager plusieurs grandes citernes pouvant contenir une
quantité d’eau suffisante pour alimenter la ville durant plusieurs
années. Ces citernes ont été construites sous le règne de différents
empereurs, et dans divers endroits de la ville.

Byzance avait d’abord, au IVe siècle, des citernes ouvertes,
c’est-à-dire d’immenses bassins entourés d’arbres, à la manière des
citernes ouvertes de Syrie. Les citernes de Bonus, actuellement
_Tchoukour Bostan_, et celles de Pulchérie et de Mocius appartiennent à
ce genre.

D’après la chronique Pascale, la citerne de Mocius ou d’Aspar, fut
construite par Aspar, chef de la milice gothique sous Léon Ier, pour
alimenter les Goths cantonnés dans l’Exokionion. Plusieurs de ces
citernes ont été remplies de terre et transformées en jardins potagers
au temps de l’empereur Héraclius. On les appelle aujourd’hui _Tchoukour
Bostan_ (Potager bas).

Parmi les citernes couvertes, les plus importantes sont la citerne de
Philoxenus, de Théodose, la grande citerne Basilique, la citerne de
Phocas, etc. Quand les petites citernes particulières vinrent remplacer
les anciennes et que l’on commença à avoir chez soi l’eau amenée par
les aqueducs, ces grandes citernes furent mises hors d’usage.

La citerne de Philoxenus a été construite sous le règne de Justinien,
vers le commencement du VIe siècle. Elle fut appelée du nom du sénateur
Philoxenus, qui la fit bâtir. Cette citerne se trouve vers le sud-ouest
de l’hippodrome. Elle mesure 60 mètres de long sur 50 mètres de large.
Elle est couverte de voûtes montées sur des arcs soutenus à leur
tour par 224 colonnes composées chacune de trois fûts reliés par des
linteaux, et munis de chapiteaux en marbre sculpté. On y compte quinze
rangées parallèles de colonnes, espacées l’une de l’autre de 4 mètres
en chaque sens.

La terre apportée par les eaux et les décombres ayant rempli la base de
la citerne, les colonnes ne semblent avoir aujourd’hui qu’une hauteur
de 10 mètres environ, tandis que jadis elles avaient 18 mètres. Les
Turcs l’appellent _Bin Bir Direk_[55] (mille et une colonnes) par
allusion au grand nombre de colonnes qu’elle renferme.

                [55] Sur cette citerne Fazli pacha avait son palais.

Cette citerne, abandonnée au cours des siècles, est depuis longtemps
desséchée. On l’utilisa comme atelier de tissage pour la fabrication
de cordes en soie; un escalier en pierre permettait d’atteindre
facilement l’intérieur qui est situé à 15 mètres au-dessous du niveau
du sol. Des ouvertures grillées pratiquées dans les voûtes et qui
servaient autrefois à aérer les eaux, éclairent faiblement l’intérieur.

La citerne contenait une quantité d’eau suffisante pour alimenter
pendant un mois 100.000 personnes.

Tout à côté de cette citerne existe la citerne de Théodose.
Celle-ci contient 33 colonnes ornées de chapiteaux corinthiens en
marbre sculpté. On y pénètre par un puits pratiqué dans une maison
particulière.

La grande citerne Basilique qui est appelée par les Turcs _Yéré batan
seraï_ (palais enfoncé) a été bâtie par Justinien, sous la cour du
palais de Justice. Cette immense citerne a 112 mètres de longueur sur
61 de largeur; 336 colonnes, ayant chacune 13m,50 de haut, supportent
les voûtes. La distance qui sépare les colonnes entre elles est de 4
mètres. On peut y pénétrer par une maison particulière, mais comme la
citerne contient encore de l’eau, il faut une petite embarcation pour
visiter l’intérieur.

Toutes ces citernes étaient alimentées par les aqueducs qui amenaient
les eaux des grands réservoirs construits entre les deux vallées, dans
les forêts environnant Belgrade. Parmi ces aqueducs, celui de Justinien
s’est conservé intact pendant quinze siècles. Quatre grandes arches
en deux étages ayant une hauteur de 36 mètres conduisent l’eau d’une
colline à l’autre.

La conduite d’eau de Valens relie par deux rangées d’arcades à plein
cintre les différentes hauteurs de la ville. Il est facile d’en faire
l’ascension; arrivé là-haut, on a un magnifique panorama de la cité.

Cet aqueduc a été bâti avec des pierres, fournies par les ruines des
murailles de Chalcédoine. Commencé au IIe siècle, il fut continué par
Constantin (306-337) et terminé enfin par Valens (366-378).

A l’époque de Justinien, cet aqueduc tombait déjà en ruines. Il fut
restauré sous les Turcs pendant le règne du sultan Suleïman. La hauteur
de l’aqueduc est de 23 mètres au-dessus du sol. Il a une longueur de
625 mètres. Les eaux qu’il amenait se déversaient dans une citerne
appelée _Nymphæum Maximum_ et qui était située sous le champ d’exercice
du Séraskérat.


VII.--L’HABITATION CIVILE BYZANTINE

Dès que Byzance eut été transformée en capitale romaine, les patrices
et les citoyens arrivés de Rome se hâtèrent de construire des
habitations.

C’est Rome qui fournit les premiers modèles, et au début on ne vit
partout que le type de maisons romaines.

Les riches patriciens avaient leurs maisons ornées de portiques et de
cours à colonnades. On déployait un grand luxe dans la décoration de
l’intérieur; les mosaïques et les incrustations étaient surtout en
faveur. Les riches avaient leurs bains privés et même leurs citernes.
Les murs et le sol de leurs habitations étaient décorés de marbres de
couleur et de mosaïques.


[Illustration: Pl. 29.

    MOSQUÉE DE BAYAZID.--Cour.]


Mais ces habitations construites hâtivement ne purent résister très
longtemps, et presque toutes furent détruites par les tremblements de
terre et par les incendies. Déjà, vers la fin du Ve siècle, les grandes
fortunes particulières ayant disparu, on avait construit beaucoup
de maisons en bois. Vers le VIe siècle, au moment où l’art byzantin
devait prendre sa forme définitive, les goûts et les conditions de
vie des habitants différaient sensiblement de celles de Rome,
et l’intérieur des habitations commença à se modifier. Le goût des
maisons syriennes s’était manifesté dans les maisons romaines, ce
qui fut la cause du mélange des deux styles et donna naissance à une
nouvelle forme typique. Ainsi les habitations, romaines à l’origine,
commencèrent à prendre une autre forme et ne restèrent même pas à
l’abri de l’influence de l’art religieux byzantin. D’un autre côté,
comme l’espace déterminé par l’enceinte de la ville obligeait les
propriétaires à économiser le terrain, on commença à faire des balcons
à encorbellement pour gagner sur la rue, déjà fort peu large. Ce mode
de construction existait déjà à Pompéi au IIe siècle. M. de Vogüe, nous
montre que ces balcons existaient aussi en Syrie au IVe siècle[56].

                [56] De même qu’à Rome, les gens de la classe moyenne
                à Constantinople tenaient à avoir un logement leur
                appartenant; un certain mépris s’attachait à l’état de
                locataire. Pour cette raison, une maison appartenait
                quelquefois à plusieurs propriétaires, qui s’en
                partageaient les étages. Aujourd’hui encore il existe
                à Constantinople des propriétés dont les étages
                inférieurs et supérieurs appartiennent à différents
                propriétaires.

La curiosité, qui, jadis comme aujourd’hui, régna toujours en maîtresse
à Byzance, se trouva fort bien de ces balcons. Ils procuraient, surtout
aux dames, une grande distraction. Pareilles à celles de Rome, les
fenêtres étaient souvent ornées de caisses et de vases de fleurs, qui
leur donnaient un aspect pittoresque.

L’éloignement des carrières obligea en outre les architectes à couvrir
de grands espaces avec des matériaux de petit volume. On voyait partout
des arcades et des coupoles de construction persane.

Le temps et les incendies ayant détruit à peu près toutes les maisons
appartenant à l’époque byzantine, on ne rencontre aucune de ces
maisons à Constantinople. On ne peut qu’en opérer la reconstitution en
s’aidant de miniatures de l’époque. Parmi les maisons de style byzantin
qu’on peut encore voir dans la ville, il y en a une ou deux qui sont
considérées comme antérieures à la conquête des Turcs. Mais celles
qui ont été bâties après la conquête ne différaient que très peu des
maisons byzantines du XIIIe siècle.

[Illustration: Type de maisons byzantines.]

Les architectes grecs continuèrent en effet à bâtir dans la ville
de la même manière[57] qu’auparavant. On reconnaît ces maisons à
leurs balcons à encorbellement, à leur ogive en accolade et à leurs
corniches en briques posées diagonalement, de manière à produire une
ornementation caractéristique et, en même temps, à supporter le toit.

                [57] La plupart des maçons et des architectes sont
                encore aujourd’hui des Grecs.

La plupart des maisons du XIVe siècle étaient construites en pierres
séparées par plusieurs rangées de briques. Toutes les jointures sont
cimentées en relief, ce qui forme parfois des motifs de décoration
géométrique.

Les fenêtres sont ogivales ou de plein cintre. Les fenêtres ogivales
appartiennent à un style dégénéré. Dans le véritable style byzantin,
les fenêtres sont en plein cintre et munies de gros grillages formés
de tiges de fer se coupant l’une l’autre à angle droit, avec de gros
anneaux reliant les points de jointure. Dans toutes ces constructions,
on voit clairement l’influence de l’art byzantin. Il fut employé
plus tard par les Turcs et forme une architecture spéciale nommée
l’architecture ottomane.

Voici les caractères particuliers de l’architecture civile à Byzance
depuis le IXe siècle:

1º Les maisons ont rarement plus de deux ou trois étages; 2º les étages
sont en crémaillère[58]; 3º des corniches saillantes, souvent ornées
de dessins de feuilles d’acanthe, séparent les étages; 4º la façade
est ornée par des rangées alternées de pierres blanches et de bandes
de briques rouges très minces, disposées géométriquement et auxquelles
venaient parfois s’ajouter des morceaux de marbre coloré[59]; 5º
les fenêtres sont en forme de plein cintre ou rectangulaires. Les
tympans des fenêtres portent souvent des dates ou des inscriptions.
L’éclairage des intérieurs se fait par des fenêtres vitrées de petits
carreaux enclavés dans des châssis en plâtre; 6º les toits en terrasse
ou à batière, couverts de tuiles, s’appuient sur des corniches à
trois rangées de briques posées diagonalement en forme de scie; 7º
à l’intérieur, les pièces sont disposées autour d’une grande salle,
souvent précédée d’un narthex; 8º les volets et les portes sont en fer
ornés de grands clous à grosse tête. A l’intérieur les portes sont en
bois sculpté ou incrusté. Quelquefois elles sont remplacées par des
portières en étoffe; 9º des jarres vides sont souvent posées entre les
voûtes et le toit pour diminuer le poids du toit[60]; 10º les dallages
sont souvent en marbre blanc ou en brique rouge; 11º les escaliers
sont en bois ou en pierre à plusieurs paliers appliqués quelquefois à
l’extérieur du bâtiment jusqu’au premier étage.

                [58] Le balcon à crémaillère ne servait pas seulement
                à gagner de la place et à satisfaire la curiosité de
                ses habitants, mais il était aussi un moyen de défense
                contre l’ennemi; l’on pouvait en effet, du balcon,
                apercevoir les portes et empêcher les assaillants de
                les briser.

                [59] Comme dans le palais de Tekfour Séraï.

                [60] On mettait de ces jarres dans les voûtes des
                églises pour renforcer l’écho.

[Illustration: Maison byzantine au Phanar.]

Du côté ouest de la station de Koum Kapou, à environ mille pas, on
peut voir une maison qui date des derniers temps byzantins. Son balcon
ressemble à celui du Tekfour Séraï. Chaque étage comprend une salle
voûtée d’une dimension de 4m,50 sur 6 mètres. Des fenêtres en plein
cintre s’ouvrent sur les façades surmontées d’un pignon.


[Illustration: Pl. 30.

    MOSQUÉE DE SÉLIM Ier.]


Le quartier du Phanar, qui a servi de refuge aux dernières familles
byzantines après la conquête des Turcs, contient plusieurs maisons
byzantines. Il y en a même quelques-unes qui datent probablement d’une
époque antérieure à la conquête. Parmi ces maisons, on peut citer
d’abord la légation de Venise, occupée anciennement par le Baile de
Venise et dont le premier étage contient deux salles voûtées. L’autre
comprend une seule salle également voûtée. Elle occupe toute la largeur
de la maison. A l’intérieur, l’escalier qui se trouve au centre de la
maison conduit à un corridor à trois colonnes en marbre surmontées de
chapiteaux en forme de stalactites.

Les deux maisons communiquent entre elles. Les dallages sont en briques
octogonales.

Galata, qui a été habité jadis par les Génois, renferme beaucoup de
bâtisses datant du XIIIe et XIVe siècle. Dans les étroites ruelles
qui sont situées entre les deux ponts actuels, existent (du côté de
Galata) d’anciennes maisons qui servent aujourd’hui de magasins ou de
dépôts. Parmi ces habitations le palais du Podestat attirait surtout
l’attention[61].

                [61] Il a été démoli cette année.



DEUXIÈME PARTIE

A TRAVERS ISLAMBOL



CHAPITRE PREMIER

L’ART OTTOMAN

[Illustration]


I.--L’ART TURC

Bien que l’art turc soit parfois encore considéré en Europe comme une
servile imitation des arts persan, arabe et byzantin, cette opinion
est contraire à toutes les réalités. On prétend généralement que l’art
musulman s’est inspiré de l’art arabe qui, lui-même, aurait imité
l’art byzantin de Syrie et l’art copte, propagé en Égypte avant l’ère
musulmane. L’art copte à son tour ayant subi l’influence byzantine,
toutes les diverses manifestations de l’art musulman, et surtout de
l’art turc, découleraient, par ricochet, de l’art byzantin et auraient
de multiples affinités avec ce dernier. Rien n’est plus contestable. Il
est évident que les arts de tous les peuples, comme les langues, ont
réciproquement exercé, les uns sur les autres, d’occultes, profondes et
continuelles influences.

Existe-t-il un art qui ne présente aucune parenté avec les autres arts?

L’archéologue qui se consacre spécialement à l’étude de l’art d’un
peuple a toujours des tendances à faire prévaloir la suprématie de
celui-là sur tous les autres. De tous temps les détracteurs de l’art
byzantin furent nombreux, qui refusèrent de reconnaître l’influence
qu’il exerça, pendant une certaine époque, sur les arts de l’Occident.
Ce fut la cause de controverses que l’on connaît sous le nom de
«question byzantine».

L’art turc a eu, lui aussi, et a encore aujourd’hui de nombreux
détracteurs, qui nient sa personnalité nationale et ne veulent y voir
qu’un mélange des arts arabe, persan et byzantin. Nous ne prétendons
nullement nier l’influence éducatrice de ces arts sur l’art turc;
mais il est juste de reconnaître que, grâce à de fortes traditions,
il n’a pas tardé à acquérir une individualité si précieuse et si
caractéristique qu’on ne saurait la méconnaître, sans faire preuve
d’un évident parti pris. Depuis, cette individualité s’est nettement
affirmée. De nombreux monuments permettent de suivre les diverses
étapes de l’art turc dans une voie personnelle et originale; chacune de
ces étapes prouve que l’art arabe, loin de ne compter chez les Turcs
que des copistes, a trouvé chez eux des disciples d’une originalité
aussi puissante que celle des plus grands artistes arabes.

Il n’est pas un art qui se soit développé par lui-même, à l’abri
de toute influence étrangère, si faible soit-elle. Et l’on ne peut
nier l’influence de l’art égyptien sur l’art grec, de l’art grec sur
l’art romain, de l’art assyrien et chaldéen sur l’art persan, et de
ce dernier enfin sur l’art byzantin. On constate aussi une parenté
plus ou moins étroite entre les manifestations des arts de tous les
pays. Les musées, les ruines et les vieux monuments qui perpétuent le
souvenir des époques abolies et des étapes parcourues par l’humanité,
nous fournissent un nombre suffisant d’exemples à ce sujet. Chaque
nation, chaque période, subit l’action réflexe de celles qui les
précèdent ou les entourent.


[Illustration: Pl. 31.

    MOSQUÉE DE CHAHZADÉ.]


Jusqu’à une époque récente, l’antinomie et l’irréductibilité des
principes qui séparent les Églises d’Orient et d’Occident avaient
empêché les archéologues européens de s’intéresser aux choses
byzantines avec la même ferveur savante que de nos jours. Aussi
sommes-nous persuadés que l’individualité de l’art turc, jusqu’ici
dédaignée et négligée, se révélera aussitôt que cet art aura été
l’objet d’une étude approfondie, impartiale, et exempte de préjugés.

«Existe-t-il un art turc? se demande Viollet-le-Duc, dans sa préface
à «_L’Architecture turque au XVe siècle_». Que les Turcs aient adopté
l’art ou les arts qui s’accommodaient le mieux à leurs habitudes et à
leur religion, rien de plus naturel, mais qu’ils aient été les pères
d’un art local, cela me paraît difficile à démontrer. En effet, dans
tous les exemples fournis par M. Parvillé, je trouve de l’arabe, du
persan, peut-être quelques influences hindoues, mais du Turc? Quoi
qu’il en soit et sans insister sur le point de savoir exactement la
part qui revient aux Turcs en cette affaire, on reconnaîtra facilement
qu’il y a dans ces compositions, soit comme tracé, soit comme
coloration, un art très développé et savant.»

Il nous faut donc reconnaître que la faute de l’ignorance en laquelle
l’opinion a été tenue si longtemps au sujet de l’art turc et des œuvres
géniales de nos artistes est imputable, jusqu’à un certain point, à nos
auteurs qui ont négligé de s’en faire les initiateurs.

Que d’œuvres exclusivement turques ont été injustement considérées
comme appartenant aux Arabes et aux Persans! On prétendait souvent
qu’un peuple nomade comme les Turcs ne pouvait avoir un art, et on
ajoutait que l’islamisme formait d’ailleurs le plus grand obstacle
à l’éclosion des choses d’art. Mais la religion musulmane, loin
d’empêcher, ainsi que certains auteurs ont voulu le prétendre,
l’éclosion des œuvres d’art, la provoqua et la favorisa, suivant en
ceci l’influence de toutes les religions sur l’art en général. L’islam
d’ailleurs ne dit-il pas: innallahé djemilun youhibbul djémal (Dieu,
parce que beau, aime le beau). Au point de vue de la littérature arabe,
le Koran même, par ses rythmes et son harmonie inimitables, constitue
un véritable miracle littéraire.

L’interdiction même de représenter la figure humaine amena les
artistes à varier à l’infini la décoration empruntée aux plantes et à
la géométrie. Ils réalisèrent de parfaites œuvres d’art dans toutes
les branches et découvrirent des proportions nouvelles, des harmonies
de couleurs et de formes entièrement originales, qui provoquent
aujourd’hui l’admiration du monde artistique, et l’on s’étonne à bon
droit que ces artistes aient produit de telles merveilles de forme,
sans avoir, comme les Grecs, une étude préalable des proportions du
corps humain.

Il suffit de l’examen consciencieux de ces œuvres pour se convaincre
qu’un art turc existe réellement, un art devenu ottoman par l’effet
de la race et qui s’est transformé au gré des évolutions successives
de la nation. Mais cet art n’est pas un simple dérivé occupant une
situation intermédiaire. Sa personnalité se détache et se manifeste
avec un relief remarquable dans l’architecture, la littérature, les
arts décoratifs, aussi bien que dans la musique. Il serait difficile
d’esquisser aujourd’hui une histoire de l’art turc, faute de sources
suffisantes. Cette lacune est malaisée à combler. On rencontre très
rarement dans nos bibliothèques des documents qui facilitent la mise au
point de cette histoire. La section particulière du Musée impérial,
affectée aux œuvres d’art national, n’est malheureusement pas encore
assez complète pour servir de base à une étude de ce genre.


II.--LES ORIGINES DE L’ART OTTOMAN

LES ARTS ARABE, PERSAN, ET TURC

Parmi les auteurs qui se sont adonnés spécialement à l’étude de l’art
arabe, il y en a qui, se refusant à considérer les Arabes comme des
artistes, n’emploient qu’à regret cette appellation d’_art arabe_, à
laquelle pourtant les oblige le droit de cité conquis par celui-ci
dans l’histoire de l’art. Mais on se demande par quelle étrange
contradiction ces auteurs, ayant commencé par dénier toute originalité
aux Arabes, sont amenés dans le cours de leur ouvrage même à les citer
souvent comme de «puissants artistes». Parmi les auteurs, il en est
plusieurs, qui, comme Gustave le Bon, disent: «Fort inférieurs aux
Romains en ce qui concerne les institutions politiques et sociales,
ils leur furent supérieurs par l’étendue de leurs connaissances
scientifiques et artistiques[62]». D’autres au contraire, tout en
s’obstinant à méconnaître leur influence dans la puissante civilisation
européenne, ne sont pas éloignés de leur accorder du génie lorsqu’ils
étudient leurs œuvres. Mais, à leur avis, les Arabes n’étaient guère
en possession d’un art propre, et ce qu’on appelle l’art arabe
n’était qu’un emprunt fait à l’art byzantin de Syrie et à l’art copte
d’Égypte. Ceci est une erreur. Il ne faudrait pas croire que les Arabes
ignoraient totalement toute notion artistique avant l’islamisme,
quoique l’art arabe ne se soit manifesté qu’avec l’apparition de
l’islam. Bien auparavant, le Yémen, l’Hedjaz possédaient des villes
prospères, qui avaient leur littérature, leur architecture et leurs
arts décoratifs. Maçoudi, historien arabe, par la description qu’il
fait des idoles, nous révèle chez les Arabes l’existence d’une
sculpture. L’Islamisme, qui est devenu en vingt ans la religion de
l’Arabie tout entière et a étendu ses conquêtes jusqu’en Perse, en
Égypte et aux Indes, a trouvé chez tous ces peuples des artistes
dont l’art arabe profita et qui contribuèrent à son développement,
en y apportant chacun sa personnalité. Mais cet art n’est pas une
copie servile de l’art chrétien de Syrie et de l’art copte d’Égypte:
c’est bien un art spécial créé par les Arabes, qui ont mis à profit
les divers éléments artistiques des pays où l’islamisme étendit ses
conquêtes. L’art arabe eut une physionomie particulière suivant qu’il
triompha en Égypte, en Syrie, à Bagdad ou en Espagne: il présenta
dans chacun de ces pays, des différences de détail par lesquelles on
reconnaissait un genre spécial.

                [62] _Civilisation des Arabes_, p. 669.

Les premiers modèles de l’architecture arabe furent la kaaba de la
Mecque et la mosquée de Médine.

On sait que la kaaba a été construite par le prophète Abraham. Puis
étant tombée en ruines, elle fut reconstruite par la tribu de Koreïch
à laquelle appartenait le prophète de l’islam. A l’époque du prophète
Mahomet et de son khalife Aboubeker, la kaaba n’était pas entourée de
murs; du temps du khalife Omar, le nombre des pèlerins ayant augmenté,
on dut acheter les quelques maisons avoisinantes afin d’élargir la cour
de la kaaba. Et on l’entoura d’un mur dont la hauteur ne dépassait pas
celle d’un homme. Ce n’est qu’à l’époque du khalife Vélid Bin Abdul
Melik bin Mervan que cette kaaba, ayant subi une nouvelle restauration,
fut dotée d’un mur plus haut. Celui-ci a d’ailleurs subi, par la suite,
bien des remaniements et des réparations, sous le règne du khalife
abbasside Osman, de sorte qu’il est impossible aujourd’hui de juger de
son état primitif.

L’an XXe de l’Hégire, Amrou[63], un des généraux du khalife Omar,
construisit en Égypte la mosquée qui porte son nom, sur les plans d’un
architecte converti à l’islamisme et qui prit ses ouvriers dans le
pays où l’art copte dominait entièrement à cette époque. Mais, malgré
l’influence copte prévalant chez tous les artistes qui travaillèrent à
ce monument, l’œuvre est marquée d’une originalité où un esprit nouveau
se fait jour. Le toit de la mosquée se composait d’arcades, supportées
par des centaines de colonnes. On y accédait par une grande cour qui
s’appelait _Sahan_. Soixante ans après la date de l’érection de cet
édifice, on dut rehausser les arcades.

                [63] Ce mot n’est que l’orthographe altérée du mot Amr.
                Les noms d’Omer et Amr étant écrits de la même façon,
                les Arabes ajoutent la lettre _vav_ (ou) à ce dernier
                pour les distinguer l’un de l’autre. C’est à ce _vav_
                traduit par les Français en ou, qu’il faut attribuer
                son orthographe: Amrou.

La partie de la mosquée située du côté de la Mecque était formée de six
rangées de chacune 20 colonnes, en tout 120. Cette partie renfermait le
_mihrab_ (autel), le _mimber_ et le _mahfil_ (tribune des chantres).
Parmi ces colonnes, on rencontre quelques chapiteaux byzantins, qui
provenaient probablement de certains monuments coptes. Les arcades, qui
n’ont à première vue qu’un aspect de plein cintre, révèlent l’ignorance
que les Arabes avaient de l’emploi de l’ogive et de l’arc brisé,
emploi que, d’après M. Gayet, les Coptes connaissaient et pratiquaient
deux siècles avant la conquête arabe. Mais on trouve encore chez les
Assyriens et chez les anciens Persans, un genre d’arc brisé et comme
l’essai d’une coupole ovoïde. Le manque de bois pour le cintrage qui
avait obligé les Coptes à adopter cette forme d’arc, qui offre un
rapport assez lointain avec celui des Arabes, avait également conduit
ceux-ci à construire leurs arcs de la même façon.

Pendant les premières années de la conquête musulmane, on se soucia
fort peu des édifices du culte; l’exercice de la religion n’en exigeait
pas, puisqu’elle permettait de prier en quelque lieu que ce soit. Ce
n’est que plus tard, quand l’islam étendit ses ramifications dans
l’Asie et l’Afrique, qu’il jugea à propos de marquer son triomphe par
des édifices spéciaux, tels que des temples qui attestaient la victoire
de la religion, mais il repoussa toutefois avec horreur la conception
artistique des chrétiens et des païens. Il doit à cette philosophie de
l’art toute son originalité.

C’est en Égypte que l’architecture arabe prospéra le plus et c’est ce
pays qui conserva le plus longtemps ses monuments. La mosquée d’Amrou
a servi pendant deux siècles de modèle à l’architecture de l’islam.
Elle n’était recouverte que d’un toit en plate-bande, supporté par des
arcades en forme d’arc brisé. Aucune décoration sur les murs, et, au
début, elle n’avait pas non plus de minaret. L’appel à la prière se
faisait dans la mosquée même. C’est seulement en l’an 218 de l’Hégire,
après qu’il eut été décidé qu’il fallait chanter _l’Ezan_ au point le
plus élevé de la mosquée pour qu’on l’entendît de tous les points de la
ville, qu’une tourelle carrée fut ajoutée à l’édifice. Cette tourelle,
suivant les évolutions subies par le monument, est devenue avec le
temps partie intégrante de la mosquée et a pris la forme décisive qu’on
lui connaît aujourd’hui sous le nom de minaret. Toutes les autres
parties de la mosquée subirent également leur évolution. Il en fut
ainsi pour le _maksoura_, sorte de grille qui permettait aux fidèles
de voir le khalife pendant le _khotba_, sans toutefois être en contact
avec lui et qui, imaginée pour la première fois par le khalife Othman,
fut l’origine des tribunes impériales dans les mosquées actuelles.
L’estrade, où prêchait le prophète, inspira la forme du _mimber_.

Dès que la capitale des Perses eut été conquise par les Arabes,
l’influence de l’art sassanide commença à s’accentuer dans l’art
arabe, qui d’ailleurs, avait déjà subi l’influence de l’art chaldéen.
Quant à l’influence byzantine, elle alla en s’accentuant depuis la
construction de la mosquée d’Omar ou _Koubbé-es-Sakhra_, construite sur
l’emplacement du temple de Salomon (687 ap. J.-C.), par Abdul Melik bin
Mervan et avec celle de la grande mosquée _Emevié_, érigée par Velid
bin Abdul Melik à Damas, qui avait été conquis par les Musulmans en 633
après J.-C.

La mosquée d’Omar fut bâtie sur un plan octogonal, forme qu’on
rencontre souvent en Syrie. Une autre mosquée, appelée Aksa, fut
construite à côté de la mosquée d’Omar. La Syrie se remplit de
monuments musulmans. C’est ainsi que l’art byzantin de Syrie, de
concert avec l’art arabe dont il avait déjà subi l’influence, a produit
l’école arabe de Syrie.

Les armées ommiades entrèrent en Espagne et Mouavié avait déjà étendu
son pouvoir jusqu’à Kairouan (Tunisie). L’Espagne vit s’élever partout
des monuments magnifiques, caractérisés par une délicatesse de formes
et de décorations vraiment admirable. A l’époque des Abbassides, les
architectes d’Elmamoun et Haroun-al-Réchid érigeaient à Bagdad les plus
beaux monuments, parmi lesquels nous pouvons citer le palais de Rakka,
construit par Haroun-al-Réchid sur l’Euphrate. Les arcades en trèfle
de ce palais peuvent être considérées comme le prototype des arcades à
dent et à trèfle qui constituent un des éléments caractéristiques de
l’École du Moghreb (ouest); on les rencontre souvent dans les monuments
de Syrie.

L’origine de ce genre d’arcades à trèfle est probablement indienne.
Bagdad pouvait être considérée à cette époque comme un véritable musée
artistique. Les ravages du temps et des invasions ont malheureusement
détruit tous ces monuments entre le VIIIe et le XIIIe siècle.

Après une longue période de troubles, une garde composée de tribus
turcomanes par le khalife El-Moutassam-Billah s’empara du pouvoir.
Avec elle commence en Égypte le règne des Toulounides. La mosquée de
Touloun, qui accentua dans la décoration l’importance des rinceaux
et des inscriptions avec entrelacs, reste comme un souvenir de cette
période où l’art fut particulièrement en progrès. Jusqu’à l’époque des
Fatimites, les Arabes, suivant en ceci les Coptes, avaient rejeté le
dôme et étaient attachés au toit en plate-bande. C’est alors qu’une
ère nouvelle s’ouvrit pour l’architecture, qui adopta la coupole et
la voûte en berceau, employées déjà par la Perse. La nouvelle coupole
des Arabes ne ressemblait guère à la coupole byzantine, l’arabe étant
relevée, alors que la byzantine était surbaissée. On ignore les raisons
exactes qui firent adopter par les Arabes ce mode de construction. Mais
il est permis d’en trouver au moins une dans leur désir d’éviter une
ressemblance avec les églises chrétiennes. Une autre raison, qui nous
paraît plus décisive encore, peut être cherchée dans la manière de
construire et dans les matériaux de construction. Si les architectes
arabes n’ont jamais eu la hardiesse de surbaisser leurs coupoles
comme les Byzantins, c’est peut-être pour éviter les grands murs de
soutènement et de contrefort exigés par ce genre de coupole; mais
c’est peut-être aussi parce qu’ils manquaient du bois indispensable
au cintrage. D’autre part, les coupoles surélevées ont l’avantage,
croyons-nous, d’être moins que les autres exposées au soleil. Elles
ont été particulièrement en usage chez les Assyriens. L’originalité
de l’art arabe fut surtout caractérisé par l’emploi de l’arc brisé,
de l’arc en fer à cheval et de la coupole. Au lieu d’orner les
pendentifs à l’aide de mosaïques, comme faisaient les Byzantins, les
Arabes adoptèrent un mode de décoration composé de prismes en forme
de stalactites. Ces stalactites avaient l’avantage de masquer les
angles brusques de l’édifice et permettaient de passer du plan carré du
bâtiment à la base octogonale de la coupole. L’usage des stalactites,
que les Arabes ont été les premiers à imaginer, pourrait avoir son
origine dans la façon dont les Assyriens assemblaient les briques,
à l’aide desquelles, ils formaient, comme motifs de décoration, des
sortes de prismes.


[Illustration: Pl. 32.

    MOSQUÉE NOURI OSMANIÉ.--Porte principale.

    TOMBEAU DE CHAHZADÉ.]


Jusqu’à l’époque des Fatimites et Eyoubites, la mosquée arabe avait
gardé en Égypte la disposition de la première mosquée à portique
(mosquées d’Amrou et de Touloun). Mais, à partir de cette époque, et
surtout sous Saladin, un polygone de 16 côtés fut ajouté à la forme
octogonale primitive et le passage du plan carré à la coupole se trouva
ainsi facilité. C’est aussi à cette époque que le plan des monuments
mésopotamiens commence à être mis en usage. Autour d’une cour carrée,
prirent place quatre medressés, réservés aux quatre rites de l’Islam,
Hanefi, Maliki, Chafii et Hanbeli.

Dans les premiers temps, les Arabes négligeaient l’extérieur de leurs
monuments. C’est seulement plus tard que la façade attira leurs
soins. L’usage de la faïence dans la décoration des monuments ne
s’était répandu que vers les dernières années des Baharites. Sous les
Baharites et Bordjites l’art atteint son apogée. L’emploi de la voûte
se généralise avec la mosquée sépulcrale et la décoration polygonale
s’applique à toute surface. Les monuments même deviennent des
polygones, ce qui a fourni d’ailleurs l’élément principal à tous les
arts musulmans.

Les Mamelouks ont rempli le Caire de monuments magnifiques, comme le
tombeau-mosquée de Kalaoun, dans lequel on distingue l’influence de
l’art de Tartarie.

La mosquée du sultan Hassan, où se manifeste l’influence de l’art turc
seldjoucide, est un des plus purs joyaux de l’art décoratif arabe. Ses
frises de bois sculpté, ses portes incrustées d’or et d’argent sont des
merveilles de l’art arabe. La mosquée d’El Gouri peut être considérée
comme le dernier des monuments arabes au Caire. C’est sous le règne du
fils d’El Gouri, Tomanbaï, que les Ottomans ont conquis l’Égypte. A
partir de cette époque, l’art turc commença à se mélanger à l’art arabe
d’Égypte, tout à fait différent des autres arts et même des autres
branches de l’art arabe. Avec la domination turque, apparaît au Caire
le type de la mosquée ottomane à coupole byzantine. Mais l’architecture
civile, conservant toujours, grâce aux architectes indigènes, les
caractères traditionnels de l’art local, reste à l’abri de cette
influence.

Fort heureusement le Caire garde encore de nombreux monuments qui nous
permettent de contempler les œuvres des artistes arabes, tandis que
ceux de Bagdad et de Syrie ont été dévastés. L’Espagne conserve aussi
quelques monuments appartenant à l’époque de la domination arabe,
tels que la mosquée de Cordoue, l’Alcazar de Séville et l’Alhambra de
Grenade (1248 après J.-C.).

L’Occident, qui se trouvait en communication avec l’Italie, où l’art
arabe a survécu même à la conquête normande, ne tarda pas à subir
l’influence de l’architecture arabe, qui a contribué au développement
de plusieurs autres arts occidentaux[64].

                [64] M. Emile Bertaux, dans ses études sur les
                monuments de l’Italie méridionale, démontre clairement
                cette influence.

Les décorateurs arabes, artistes puissants, réalisèrent des prodiges
de décoration en réseaux, en polygones et en stalactites. Usant de
toutes les combinaisons fournies par l’art géométrique, ils groupèrent
à l’aide de la plus brillante et de la plus ingénieuse des imaginations
tous les dessins, toutes les lignes, toutes les figures en un ensemble
qui éblouit l’œil et déroute la raison.

L’islamisme ne tolérant pas les idoles et les icônes, l’art arabe resta
indifférent à la peinture et à la sculpture, et c’est dans les formes
abstraites qu’il chercha le symbole de l’éternel. Il trouva, dans la
philosophie des lignes, l’image et l’impression de l’invisible.


L’art persan est celui dont l’influence a été le plus considérable sur
l’art turc. Il nous paraît donc utile d’esquisser un court aperçu de
l’histoire de cet art depuis l’époque musulmane qui succéda à celle des
Sassanides, dont les monuments, par leur luxe et leur grandeur étaient
légendaires chez les Romains et les Byzantins. Parmi ces monuments
on peut citer les palais de Machita, Ctésiphon, de Rabbath-Amman et
Eïvane; ce dernier avait déjà une coupole à pendentifs. Le grand arc
du palais de Ctésiphon, connu sous le nom de Tahti Kesra (Trône de
Chosroës) semble avoir servi de premier modèle aux grandes voussures de
l’art perso-arabe.

Quand la capitale romaine fut transférée à Byzance, la Perse, alors
très puissante, exerçait une grande influence sur les Byzantins. Les
armées de Khosroës II avaient pénétré jusqu’à Chalcédoine et conquis
Jérusalem et l’Égypte. Repoussées par l’armée d’Héraclius, ces
troupes regagnèrent la Perse, où Khosroës mourut quelque temps avant
l’invasion arabe. La Perse, alors ralliée en partie à la doctrine de
Nestorius, fut conquise par les armées d’Omar (XVe année de l’Hégire)
et devint une province arabe comme l’Égypte. Elle subit de profondes
transformations ainsi qu’en témoigne son architecture. Les premières
mosquées persanes furent semblables à celles des Arabes. Elles étaient
construites sur un plan carré, comprenant le _Sahan_ entouré de
portiques à colonnades (liwans). Celui qui renfermait le _Mihrab_,
était plus somptueux que les autres et surmonté d’un dôme. Elles ne
différaient des premières mosquées arabes que par cette dernière
disposition.

La mosquée de Djouma de Kasvin, bâtie selon l’historien Yakout par
Mohammed ibn Hadjadj, est une des premières mosquées arabes. Ayant
menacé ruine, elle fut rebâtie sur le même plan par Haroun al Réchid,
et agrandie par Melek chah, prince seldjoucide. Parmi ces mosquées
primitives, on peut citer la mosquée de Chiraz construite en 875 après
J.-C. par Amr ibn Leïs, et la mosquée de Djouma d’Ispahan, construite
par Elmamoun. Mais de ces mosquées il ne reste actuellement que des
ruines. Les mosquées de l’époque khalifale avaient, comme les monuments
de Damas et de Bagdad, une décoration semblable à celles des Arabes.
Cette décoration était composée d’inscriptions coufiques, d’entrelacs
et, mais très rarement, d’arabesques et de polygones. Les revêtements
des murs et des plafonds étaient en stuc colorié, dentelé, et moulé en
rosaces. Les Persans employaient des colonnes en marbre veiné, avec
des chapiteaux plaqués d’or ou d’argent. A l’époque des Fatimites,
IIe siècle de l’Hégire, on appliquait déjà la coupole à de nombreux
monuments (le tombeau de Reï, etc.).


[Illustration: Pl. 33.

    MOSQUÉE DE RUSTEM PACHA.

    MOSQUÉE DE RUSTEM PACHA.--Cour.]


Sous les différentes dynasties, telles que les Saffarides (870-964),
Samanides (964-1004), Daïlamites (946-1000), qui se partagèrent la
Perse après l’époque khalifale, l’architecture resta à peu près la
même, et ne subit que quelques légères transformations. L’époque des
Gaznévides, marquée par la marche en avant des Perses vers les
Indes, ouvrit une ère nouvelle. Les Turcs, les Mongols et les Afghans,
peuples nomades et continuellement en guerre, influencèrent l’art
persan en y apportant tous les éléments qu’ils avaient tirés de la
Perse antique, des Indes, de la Chine et de toutes les civilisations
asiatiques. Sous le brillant règne de Togroul baï, d’Alp Arslan, et de
Melek chah, princes Seldjoucides, dont le pouvoir s’étendait jusqu’à
l’Irak, Mossoul et Bagdad, l’art s’affina au contact d’une inspiration
nouvelle.

La décoration céramique se généralisa, ainsi que l’application des
briques de différentes couleurs, obtenues par une cuisson plus ou moins
prolongée. C’est encore à l’époque des Turcs que la coupole, déjà en
usage, subit une évolution et que l’on sut tourner les difficultés que
présentait le passage du plan carré à la base circulaire de la coupole.
Les dômes et les minarets furent ornés de minces plaques métalliques,
ondulées et martelées.

Pendant le règne des Attabeks Solgour, les Mongols, ayant à leur tête
leur chef Djenguiz Khan, ravagèrent la Perse. C’est seulement avec
Helakou, petit-fils de Djenguiz, que l’art semble reprendre son essor,
essor où se manifeste l’influence de l’art chinois, due aux ouvriers
et artistes qu’Helakou avait ramenés de Chine. On peut remarquer cette
influence sur les faïences et autres œuvres appartenant à cette époque.

Sous l’influence des Mongols, l’ogive devient la forme générale de la
coupole et la faïence l’élément essentiel de la décoration, rappelant
en cela l’art Sassanide.

Le tombeau de Mehmed Oldjaïtou, prince Gaznévide, construit en 1320 à
Sultaniéh, est un des plus remarquables monuments de cette époque, où
l’on commençait à remplacer par des carreaux de faïence, appliqués à
l’aide d’un mortier, les briques vernissées que l’on avait jusqu’alors
intercalées dans l’épaisseur du mur.

Après les Djenguizkhanites et à l’époque des Timourites (XVIe siècle),
l’art traversa une période qui continua pendant les querelles des
princes turcomans Ak-Koyoun (mouton blanc) et Kora-Koyoun (mouton
noir). Avec Djehan chah, prince turcoman de la tribu du mouton noir,
apparaît le type spécial de la mosquée bleue de Tebriz. La cour (sahan)
se couvre d’un dôme central et la partie renfermant le _mihrab_ est
surmontée d’une coupole moins élevée que celle du _sahan_. Les _liwans_
sont formés de nefs.

Sous les Safévis, une renaissance se manifeste dans tous les arts.
Abbas Chah Ier, cinquième chah des Safévis, ayant fait appel à des
artistes de différents pays, orne la ville d’Ispahan de monuments
magnifiques, tels que le Meïdan, (grande cour entourée de portiques à
deux étages), la mosquée royale (XVIe siècle), et de plusieurs palais.
La peinture prospéra alors: Djéhanguir, Boukhari, Behzad et Mani furent
les plus célèbres artistes de cette école. Mais la décadence ne tarda
pas à se faire jour. Elle s’accentua à la mort du chah Ismaïl, avec les
Afghans et les Zends, pour aboutir à la décadence finale de l’époque
contemporaine, où les œuvres d’art ne sont que de pâles copies,
dépourvues de goût et de tout élément artistique. On peut donc diviser
l’art de la Perse musulmane en quatre périodes.

    1º  Période arabe.
    2º    --    turque-seldjoucide.
    3º    --    mongole.
    4º    --    de renaissance sous les Safévis.

Dans ces trois dernières périodes, l’art est sensiblement différent de
celui de la période arabe. Deux raisons expliquent cette différence: en
premier lieu, l’indépendance de la province d’Iran, et d’autre part,
l’influence des Mongols, des Turcs, des Chinois et des Hindous,--qui
est de beaucoup plus importante.

Les différentes dynasties qui régnèrent en Perse n’ont pas introduit
dans l’art local un changement aussi grand qu’on l’a souvent prétendu.
Leur influence se fit plutôt sentir dans le domaine politique que
dans le domaine architectural. L’art persan a donc toujours gardé
les caractères de son art local qui résident dans: 1º l’usage de la
plate-bande et des arcades sans colonnes; 2º dans la coupole en forme
bulbeuse[65] qui couvre le sanctuaire; 3º dans le portail monumental
en ogive entouré d’un cadre rectangulaire dépassant souvent en hauteur
la base de la coupole; 4º dans les minarets circulaires, flanqués des
deux côtés de la façade, qui suit l’horizontalité des plates-bandes; 5º
dans l’abondance des faïences, à décoration florale, qu’enrichissent
tous les trésors de l’imagination. Cette décoration, qui répond mieux
aux sentiments des Persans, est préférée par eux aux ornementations
géométriques chères aux Arabes; les stalactites persanes sont
rectilignes et diffèrent des arabes.

                [65] Ce genre de dôme se rencontre surtout dans les
                monuments du Turkestan et de l’Afghanistan (Tombeau de
                Tamerlan à Samarkande) et semble, d’après M. Choisy,
                avoir une origine hindoue. L’avantage que les Persans
                y ont trouvé vient très probablement de ce que cette
                forme diminue la poussée de voûte.

Les Persans aiment la gaieté des bosquets et des jardins. Aussi leurs
mosquées, avec leurs bassins de marbre où l’eau retombe en cascades,
donnent-elles plutôt la joyeuse impression d’un palais que celle d’un
temple invitant au recueillement mystique.

La coupole, surtout, diffère de celle des Arabes. Ils attachaient en
effet plus d’importance que ces derniers à l’aspect extérieur de leurs
édifices, et dans un but d’embellissement ils ajoutèrent une deuxième
coupole extérieure à la première.

Leur imagination, enrichie de tous les trésors légendaires et épiques
de la littérature persane, souvenirs ou vestiges d’une civilisation
lointaine, se donnait libre cours dans le domaine des arts. Les dessins
variés dont s’ornent leurs tapis et la finesse de leurs miniatures
attestent ce goût décoratif, si prisé à juste titre et de tous temps
par les amateurs de l’art oriental. Il faut pourtant remarquer que
les Turcs et les Chinois n’ont pas peu contribué à donner à cette
production artistique son cachet de délicatesse. Les véritables
conservateurs de cet art furent réellement les Turcs et les Tartares
qui, durant l’occupation grecque, en gardèrent et en développèrent les
traditions.

L’influence de l’art persan sur l’art ottoman est considérable. Les
relations qui existèrent d’ailleurs entre l’art persan et l’art turc
des Seldjoucides, qui peut être considéré comme l’origine de l’art
ottoman, ont suffi pour les rapprocher.


Avant d’aborder l’étude de l’art ottoman, il est indispensable de
connaître l’art des Seldjouks, l’État turc fondé à Konia[66] (Iconium)
par Suleïman chah, fils de Koutoulmouch, qui était cousin de Mélik
chah, prince Seldjoucide régnant alors en Perse. Cet État comprenait la
plus grande partie de l’Asie Mineure. Les Seldjoucides y régnèrent du
XIe au XIIIe siècle, mais affaiblis par les luttes qu’ils avaient dû
soutenir contre les premiers croisés, ils tombèrent, au XIVe siècle,
sous la domination mongole. Vaincus et démembrés, ils se divisèrent en
dix petits États indépendants.

                [66] Konia fut en même temps le centre d’une
                philosophie religieuse fondé par Djelaleddin Roumi,
                élève de Chemseddin Tebrizi (de Tauris) (secte des
                derviches tourneurs).


[Illustration: Pl. 34.

    MOSQUÉE DE RUSTEM PACHA.--Mihrab et Mimber.]


Les Seldjoucides ont produit des œuvres d’art vraiment dignes
d’études et qui forment un trait d’union entre les arts persan, arabe
et ottoman. Mais il ne faut pas en conclure que l’art des Seldjoucides
soit une branche de l’art arabe de Syrie, ainsi d’ailleurs qu’on a
l’habitude de désigner toutes les manifestations de l’art musulman.
Il est vrai que l’art arabe a été la source où puisa l’art turc, mais
ce dernier eut vite fait de donner sa note personnelle. Et c’est
avec juste raison que nous avons affirmé plus haut que l’art arabe
avait trouvé en lui des disciples et non pas des copistes. L’art
des Seldjoucides, inspiré de l’art arabe, et influencé par les arts
byzantin et persan, a donc acquis une esthétique personnelle. Déjà à
cette époque, l’art arabe de Syrie avait subi l’influence byzantine;
les ouvriers et artistes syriens, auxquels les Seldjoucides furent
redevables de la plupart de leurs constructions, devinrent donc,
en quelque sorte, les intermédiaires entre l’art byzantin et les
Seldjoucides. Leur rôle ne s’arrêta pas là; et c’est grâce à eux que
l’on peut voir les derniers monuments arabes d’Égypte présenter un
caractère tout à fait seldjoucide. Les anciens monuments de Konia, qui
sont encore debout, nous offrent des merveilles de décorations. On y
remarque surtout la faïence, abondamment employée pour la décoration
intérieure et extérieure. L’étude de ces monuments permet de découvrir,
à travers un mélange d’art arabe, persan et byzantin, une tendance
réelle vers l’art chaldéen.

Cet art avait beaucoup d’analogie avec l’art mésopotamien, dont
il existait encore des types en Arménie et au Kurdistan; cette
architecture, que les Seldjoucides ont trouvée en Arménie, présentait
un caractère sassanide plutôt que syrien et n’était qu’un art
byzantino-persan, art avec lequel ils étaient d’ailleurs déjà familiers.

Parmi les monuments seldjoucides de Konia, on peut citer la grande
mosquée construite par un Syrien musulman (617 H. 1220 J.-C.), la
mosquée de Sahib Ata (1260 J.-C.), Sirtchali Médressé (640 H. 1242
J.-C.), et le médressé de Karataï, les hans et les karavansérails, tels
que Sultan Han (626 H. 1229 J.-C.), les citernes, etc...

D’autres villes de l’Asie Mineure, comme _Ak seraï_, _Ak chéhir_,
_Sivas_, _Karaman_, _Divrigue Ishakli_, etc... possèdent encore les
restes de plusieurs monuments seldjoucides, malheureusement à l’état de
ruines.

Ces monuments, dans lesquels l’influence de l’art syrien et
mésopotamien est apparente, sont d’une grande utilité pour l’étude de
l’art turc et musulman. On y remarque en effet l’embryon des éléments
caractéristiques de l’art ottoman, tels que les portails et les
colonnettes.


III.--L’ARCHITECTURE OTTOMANE

A l’époque d’Osman Ier, quand les Ottomans commencèrent à construire
des mosquées, des médressés et des écoles, c’est l’art de l’époque des
Seldjoucides qui leur servit de modèle. Dans leurs constructions encore
lourdes et massives, l’influence byzantine, résultant du voisinage
de Byzance, se révélait à côté de l’influence seldjoucide. Mais ces
essais rudimentaires étaient loin de présenter les caractères d’un art
national, qui cependant devait bientôt naître. Niloufer Hatoun, fiancée
de Tekfour de Biledjik, que le sultan Osman enleva aux Byzantins
pour en faire l’épouse de son fils Orhan, avait donné naissance au
prince Murad. Ce dernier qui devint ensuite le troisième Sultan des
Ottomans, sous le nom de Khudavendiguiar, tenait de sa mère une
éducation raffinée et des goûts artistiques. Cette culture le poussa à
encourager les artistes et les architectes qu’il avait fait venir de
tous les pays.

Dans les différentes parties de l’État, s’élevèrent des édifices
remarquables, tels que le tombeau et la mosquée du prince Ghazi
Suleïman, frère du sultan, à Boulayer, un grand bain, une mosquée, un
minaret construits en mémoire de sa mère à Nicée, les monuments de
Brousse qui datent de cette époque et ceux que l’on construisit pour
embellir Andrinople, après la conquête.

Dans tous ces édifices, on distingue les traces de l’influence
byzantine avec l’empreinte de l’art seldjoucide. Au fur et à mesure que
le trésor de l’État s’enrichit, la façade des monuments, jusqu’alors
négligée, tend à prendre un caractère esthétique. L’application
de la faïence sur les façades, en vogue chez les Seldjoucides, se
généralise. On s’explique d’autant mieux ce goût des Ottomans pour
l’art seldjoucide qu’il leur rappelait à la fois leur nationalité
et leur religion. Vivant en contact perpétuel avec les petits États
d’Asie Mineure fondés sur les ruines des Seldjoucides, les Ottomans
avaient l’occasion de se familiariser avec l’art local de tous ces
pays, et en tiraient des éléments servant au développement de leur art
propre. Mais cet essor fut fâcheusement arrêté pendant quelque temps
par les invasions de Tamerlan, par les luttes ouvertes contre l’empire
ottoman par ces petits pays profitant de l’embarras où l’invasion de
Tamerlan jetait l’État, et finalement par l’interrègne qui suivit ces
événements. Plus tard, Tchelébi sultan Mehmed, fils de Bayazid, redonne
à l’architecture un nouvel éclat. L’effort immense et si original
qu’il y a déployé permet de dire que l’architecture ottomane commence
réellement avec lui. Le sultan Mehmed, suivant l’exemple de son frère
et de son aïeul, Yildirin Bayazid et Murad Khoudavendiguiar, prodigue
les monuments dans les villes de Brousse et d’Andrinople, répare ceux
qui avaient été ruinés par les États Caraman et Guermian dans les
différentes villes et termine les édifices entrepris à Andrinople et
ailleurs par ses aïeux, tels que la mosquée _Oulou Djami_, commencée
à Brousse sous le règne de Murad Ier (781-818 H.). Il fait enfin
construire à Brousse le _Yéchil Djami_ (la mosquée verte), célèbre
dans le monde entier et qui est, par sa forme et sa magnificence, la
première grande œuvre de l’architecture ottomane.

Les monuments de cette époque diffèrent sensiblement de ceux qui ont
été construits plus tard à Constantinople et à Andrinople.

Les mosquées de Brousse possèdent au sommet de leur coupole une
ouverture formant souvent tambour, qui éclaire l’intérieur et
favorise la ventilation. Un fin grillage métallique empêchait les
oiseaux d’entrer par cette ouverture. Les Byzantins, et surtout les
Seldjoucides, pratiquaient déjà ces ouvertures à leurs coupoles. Dans
l’intérieur de la mosquée, au centre et juste au-dessous de l’ouverture
de la coupole, des jets d’eau jaillissaient dans un grand bassin de
marbre.

Si l’on compare la Mosquée Verte construite en 1420 de l’ère chrétienne
aux monuments byzantins et seldjoucides existant encore, on constate
que la Mosquée Verte se rapproche davantage de l’art seldjoucide. Elle
est couverte d’un grand dôme central et de trois petites coupoles dont
l’une s’élève au-dessus de l’abside. Des plaques de plomb recouvrent
ces coupoles. Les Byzantins avaient déjà emprunté ce mode de couverture
aux Sassanides[67].

                [67] Ce sont les Parthes qui, les premiers
                s’appliquèrent à fixer le bronze et le cuivre sur
                l’extérieur des dômes de leurs derniers édifices
                (Gayet).

La Mosquée Verte a été plusieurs fois détruite par des tremblements de
terre. Les minarets, ornés de faïences vertes, ont subi de nombreuses
restaurations et n’ont pas conservé leurs formes primitives. Le nom
de _Mosquée Verte_ venait des faïences bleu-verdâtre dont elle était
ornée. La porte[68] située en face du _Mihrab_ possède deux niches
latérales, semblables à celles des portails des médressés seldjoucides;
elle conduit à une sorte de narthex richement décoré de faïences. Des
deux côtés du narthex, deux escaliers conduisent à la tribune impériale
et aux tribunes réservées. Dans cette partie de la mosquée on remarque
quelques chapiteaux provenant de ruines byzantines. L’architecte a su
toutefois les placer de façon à ce qu’ils ne contrarient pas l’ensemble.

                [68] Ce portail fut défiguré par deux grotesques
                consoles qu’on a ajoutées pendant la restauration de la
                mosquée.

Le plan de la partie centrale de la mosquée est un carré; quand à la
partie qui contient le _Mihrab_ et le _Mimber_, elle est surélevée de
quelques degrés et rappelle les mosquées arabes[69]. Intérieurement,
les murs sont ornés de faïences vertes de forme hexagonale, où sur un
fond bleu foncé se détache une superbe décoration florale. Au-dessus de
celles-ci, et sur le même fond, court une frise reproduisant en lettres
blanches des versets du Koran. A l’intérieur, l’intersection de la
coupole et des murs est recouverte par une large application de prismes
et de cristaux se rattachant les uns aux autres et rappelant le système
décoratif polygonal des Arabes, qui servit plus tard à l’architecte
Sinan pour composer ses chapiteaux. Au milieu de la mosquée, sous
la coupole centrale, se trouve un bassin en marbre, artistiquement
travaillé.

                [69] Le plan de la mosquée sunnite de Tebriz (mosquée
                bleue de Tauris) présente une très grande ressemblance
                avec celui de la mosquée Yéchil Djami, à Brousse.

Au centre de ce bassin, dans une vasque élégante, un jet d’eau lance la
pluie fine de ses gouttes où viennent se jouer en reflets multicolores
la lumière du jour et les couleurs des faïences. Tout concourt à créer
un décor où la perfection divine, révélée dans le silence même des
choses, invite à la prière l’âme étonnée et ravie.

La partie qui contient le mihrab est séparée de la partie centrale par
des piliers carrés. Aux deux coins de chaque pilier sont posées des
colonnettes en marbre, mobiles et tournant facilement sur leur axe.
Cette disposition permet de constater que, jusqu’à ce jour, l’édifice
n’a pas subi de tassements.

Le mihrab, composé tout entier de faïences, constitue un des
chefs-d’œuvre les plus remarquables de la première époque de la
faïencerie ottomane. Le nom de l’architecte se trouve inscrit sur la
tribune impériale, en ces termes:


    قدتم هذه نقش العمارة الشريفة بيد افقر الياس على فى اواخر
                    رمضان المبارك سنهُ سبع و عشرين و ثمانمائه


c’est-à-dire:

«l’ornementation de ce saint édifice a été terminée par la main du très
humble Elias Ali vers le dernier jour du Ramazan de l’an 827 (1423).»
On considère Elias Ali comme l’architecte de ce monument. Mais si l’on
se rapporte au mot _ornementation_ de l’inscription citée plus haut,
il semble en résulter qu’Elias Ali a été plutôt l’artiste décorateur
que l’architecte. Cependant, si l’on songe à l’importance de l’œuvre
décorative dans cette somptueuse mosquée, Elias Ali peut en être
considéré comme l’auteur. Toutes les parties de ce magnifique monument,
ainsi que le _Tombeau Vert_ du sultan Mehmed, fondateur de la mosquée,
le travail artistique de ses plafonds, de ses boiseries, les sculptures
de ses portes, ses grillages incrustés et l’harmonie de ses faïences,
les verres coloriés qui ornent ses fenêtres, ses panneaux et ses
frises, tout, jusque dans les moindres détails, contribue à en faire
un modèle parfait et dont les artistes ottomans s’inspirèrent à juste
titre dans la suite. Il y a cinquante ans, la mosquée menaçait ruine.
Sur les instances de Ahmed Véfik effendi, alors gouverneur de Brousse
(1863), on fit venir pour la restaurer un architecte français, M.
Parvillée, qui profita de son séjour pour consolider quelques minarets
délabrés de Brousse. Ce travail lui fournit l’occasion d’étudier la
mosquée et le tombeau vert dans tous leurs détails et il s’attacha
à en découvrir les proportions architectoniques et à analyser les
lois qui avaient présidé à leur édification. C’est là qu’il puisa les
matériaux de son intéressant ouvrage _L’architecture et la décoration
turques au XVe siècle_, précédé d’une préface de Viollet-le-Duc. C’est
une œuvre de forte érudition, consultée avec profit par tous ceux qui
s’intéressent à ces questions. Les livres de ce genre sont rares.
Le seul qui, malgré les négligences de son texte, présente, par ses
illustrations, quelque intérêt fut édité par les soins du ministère
des Travaux publics pour être envoyé à l’Exposition de Vienne en 1867.
Mais plusieurs erreurs, dues à la hâte avec laquelle il a été composé,
ne permettent pas de le considérer comme un guide absolument sûr. Il
serait du plus haut intérêt qu’une commission compétente étudiât nos
divers monuments d’une manière approfondie. Il en pourrait sortir un
livre de documentation exacte.

Le vilayet de Khudavendiguiar, par le nombre de ses monuments, qui
remontent à l’époque de la première école architecturale, peut être
considéré comme un véritable musée de l’art ottoman. Entre autres
édifices, il convient de citer la mosquée de Muradié, et la mosquée de
Bayazid, terminée sous le règne de Mehmed.

Cette mosquée, construite sur un plan carré de 100 mètres de côté,
est surmontée d’une grande coupole et de vingt-quatre petites. Rien
ne subsiste de sa décoration et de ses faïences, qui furent autrefois
magnifiques.

Dans les constructions de cette époque, à Brousse, on constate l’emploi
des piliers prismatiques, en usage chez les Seldjoucides. Les édifices
les plus remarquables appartenant à ce genre sont la Tchinili-Djami
(mosquée aux faïences), commencée à Nicée et élevée par Tchendereli
Ibrahim pacha, grand vizir, à la mémoire de son père Haïreddin pacha,
le tombeau inachevé de Bayazid pacha à Brousse, du style seldjoucide,
le tombeau de Devlet Schah Hatoun, le pont de Niloufer et le bain connu
sous le nom de Cayagan à Brousse.

Depuis Tchelebi Sultan Mehmed jusqu’au Conquérant, l’architecture
adopta à peu de choses près le style de la Mosquée Verte. Après la
conquête, on s’inspira sans doute de l’art local, dont le prototype
était Sainte-Sophie, pour la construction de la première mosquée
élevée par le conquérant sur les ruines de l’église des Saints-Apôtres
à Byzance. Mais il est difficile de rien préciser à cet égard, car
cette mosquée, construite probablement par l’architecte byzantin
Christodoulos, a eu sa coupole et ses murs endommagés et détruits par
le tremblement de terre de l’année 1179 de l’Hégire, troisième jour du
Baïram. _Hadikat-ul-Djévami_, précieux ouvrage turc, parlant de cette
destruction, dit: «Les deux pieds d’éléphant et les deux colonnes
en porphyre ayant été démolis, on a construit la coupole sur quatre
piliers.» On peut donc inférer de cette description qu’elle rappelait
les mosquées de Brousse, bien que sa reconstruction, effectuée en 1181,
en diffère énormément et ressemble au contraire à la mosquée Laléli.
En tout cas, c’est à tort qu’on représente parfois la mosquée Fatih
actuelle comme étant celle du conquérant.


[Illustration: Pl. 35.

    MOSQUÉE SULEÏMANIÉ.--Galeries de la façade et fontaines
    d’ablutions.]


A l’époque de Bayazid II, fils du Conquérant, l’architecte
Haïreddin[70], chargé d’élever la mosquée qui porte le nom de
ce souverain, réunit tous les documents et tous les préceptes
d’architecture, en tira d’heureux effets dans les proportions et les
formes nouvelles qu’il appliqua aux colonnes et aux chapiteaux. La
mosquée Bayazid, par la pureté de ses lignes et l’harmonie de ses
éléments, est une des plus jolies mosquées de Constantinople. Elle est
la seule qui rappelle un peu le style des mosquées de Brousse. Un œil
exercé ne tarde pas à reconnaître que, dans cet édifice, une nouvelle
étape artistique avait été franchie. Haïreddin eut l’ingénieuse
idée d’appliquer aux chapiteaux les stalactites en usage chez les
Arabes pour orner les pendentifs et les encorbellements. Il établit
de nouvelles proportions et atteignit ainsi une _simplicité_ pleine
de grandeur et de beauté. C’est un réformateur de l’architecture, à
laquelle il ouvrit de nouveaux horizons. Nous ne savons pas exactement
quels avaient été ses maîtres. Parmi les architectes venus avant lui,
on rencontre seulement le nom de l’architecte Elias, qui construisit
le Mesdjid de Deniz Abdal et mourut en 958 de l’Hégire. Il était
contemporain du Conquérant et de son fils Bayazid et est enterré
dans le cimetière de la mosquée qu’il édifia. Après Haïreddin, nous
trouvons les noms de Mimar Ayas, mort en 892, de Mimar Kemaleddin,
Mimar Chedjaa, Adjem Ali[71] et Sinan[72]. Ce dernier, qui est le plus
célèbre, est réputé comme réformateur de l’architecture ottomane.
En suivant le chemin tracé par Haïreddin, il fixa les règles de cet
art. Les innombrables édifices[73] dus à Sinan constituent de purs
chefs-d’œuvre, où l’art turc atteint son apogée. Sinan eut plusieurs
élèves dont les plus connus sont Davoud Aga, Ahmed Aga Kemaleddin,
Youssouf, Tournadji bachi, Yetim Baba Ali effendi, et le petit Sinan.

                [70] Il a son Mesdjid près du tombeau de Sinan pacha.
                Quant à lui, il repose dans le jardin de ce tombeau.

                [71] Ainsi que son nom Adjem (Persan) l’indique,
                c’était probablement un des ouvriers amenés par Selim
                lors de la conquête de Tauris.

                [72] Voir la liste de ses ouvrages à la fin du volume
                (page 256).

                [73] Il existe une mosquée à Yeni Mevlevihané Kapoussou
                qui porte son nom.

Les empereurs mongols et hindous firent venir aux Indes quelques-uns de
ces derniers pour y exercer leur art. Le plus célèbre d’entre eux est
l’architecte Youssouf qui éleva le palais des grands Mongols. Les forts
merveilleux et un certain nombre de monuments de Delhi, de Lahore et
d’Agra, qui sont encore l’objet de l’admiration universelle, sont dus à
des élèves de Sinan.

Un autre de ces élèves, Yetim Baba Ali effendi, fut nommé par le
sultan, à l’emploi de _Bina Emini_ (intendant), lors de la construction
de la mosquée Suleïmanié[74]. A la mort de Sinan (986 de l’Hégire)
Davoud Aga devint premier architecte de l’Empire. Il fut décapité sur
la place publique de Véfa, pour crime d’irreligion.

                [74] Mort en 960, il repose dans le cimetière de la
                mosquée Suléïmanié.

Ce fut Dalguitch Ahmed Aga qui lui succéda et occupa ce poste, alors
très recherché, jusqu’en 1010, époque à laquelle Sedefkiar (travailleur
de nacre) y fut promu. Tous deux étaient, pour le travail de la nacre,
les élèves d’un même maître à Hass Bagtché[75].

                [75] Jardin privé du palais possédant plusieurs
                ateliers, où les janissaires apprenaient différents
                métiers.

Mehmed Aga[76], poussé par un souci, peut-être excessif, d’originalité,
négligea les principes établis par les maîtres de l’art, comme
Haïreddin et Sinan, et essaya de marquer de son empreinte personnelle
la construction de la mosquée Ahmédié. Ce monument est conçu en dépit
des règles et des lois artistiques respectées jusqu’alors.

                [76] Voir sa biographie page 265.

Son architecture diffère de celle des mosquées Bayazid, Selimié et
Suleïmanié. Les grands piliers carrés qui supportent la coupole de la
mosquée Suleïmanié sont remplacés par de gigantesques colonnes de 5
mètres de diamètre, sans aucune proportion; il en est de même de celles
qui supportent les galeries de l’intérieur. On suppose que Mehmed Aga,
qui avait beaucoup voyagé, voulut appliquer quelques souvenirs des pays
où il avait séjourné.

L’art turc est encore actif pendant un certain temps après l’époque du
sultan Ahmed, ainsi que l’attestent quelques monuments, parmi lesquels
la mosquée de Tchinili, construite à Scutari sous Ibrahim, et celle de
Yeni-Djani, élevée sous Mehmed IV (1074). Mais les luttes intestines
qui déchirèrent l’Empire, pendant le règne de cinq padichahs, firent
tomber l’architecture dans une décadence qui dura jusqu’à Ahmed III.

A l’avènement de ce souverain, des tentatives sont faites pour relever
l’art. On construit plusieurs fontaines (_tchechmés_) somptueuses
telles que la fontaine d’Ahmed, près de Sainte-Sophie, celle d’Azap
Kapou, etc. De magnifiques palais s’élevèrent dans la capitale parmi
lesquels les historiens de l’époque citent _Nichad Abad_, _Humayoun
Abad_, _Saad Abad_, _Cheref Abad_, situés sur les rives du Bosphore et
de la Corne d’Or. Il ne reste presque rien de la plupart de ces palais,
construits en bois et qui n’ont guère laissé de ruines aujourd’hui.

Les ingénieurs français, appelés en Turquie par Mahmoud Ier pour
les travaux hydrographiques, amenèrent avec eux des sculpteurs, des
décorateurs et des dessinateurs qui, en introduisant les styles Louis
XV et baroque, préparèrent la dégénérescence du style ottoman.

Avec le temps les artistes ottomans se rapprochèrent de plus en plus
des types de l’ornementation européenne qui devint à la mode, et fut
appelée alors vulgairement «à la franka». Ils eurent tôt fait d’oublier
les principes de l’art ottoman.

Ignorant les notions mêmes de cet art, les constructeurs mélangèrent
tous les styles, ne mettant ainsi au jour que des œuvres laides et
disparates. Telle est la mosquée Nouri Osmanié, commencée par Mahmoud
Ier et achevée par Osman; telle est aussi la mosquée Laléli: toutes
deux appartiennent à cette période de décadence. La première, d’un
aspect lourd et disgracieux, a été construite, dit-on, sur le plan du
sultan Mahmoud lui-même.

Malgré tous les efforts tentés sous le règne suivant, à partir du règne
de Sélim III, les pompons et les rocailles du style Louis XV, déjà
répandus dans toute l’Europe, envahissent l’art ottoman et finissent
par l’étouffer sous une forme de rococo-italien. M. Kaufer, architecte,
que Choiseul Gouffier avait amené avec lui à Constantinople, et M.
Melling, architecte du sultan Selim III, ont, en dépit de tout leur
talent, contribué à cette décadence, en élevant des palais de style
étranger, qui servirent de modèles aux architectes turcs. La plupart
des monuments et la décoration des fontaines datant de cette époque en
témoignent abondamment.

Cette décadence a continué jusqu’à nos jours, et les architectes n’ont
guère abouti à des résultats satisfaisants, leurs efforts n’étant point
basés sur une étude sérieuse des anciens monuments et des règles et
des formules qui présidèrent à l’établissement de leurs plans. Les
efforts tentés à l’époque du sultan Abdul Aziz pour construire quelques
mosquées et palais dans un style pseudo-renaissance, ne donnèrent pas
de meilleurs résultats.


[Illustration: Pl. 36.

    MOSQUÉE SULEÏMANIÉ.--Intérieur.]


L’ouvrage connu sous le titre d’_Architecture ottomane_ et qui fut
édité par le ministère de l’Instruction publique rapporte en détails
les tentatives faites à l’époque, en vue de relever l’architecture. Les
planches qu’il contient donnent à cet ouvrage un intérêt indéniable,
mais une certaine imprécision, une certaine négligence qui y règnent
risqueraient d’inculquer au lecteur une fausse notion de l’art ottoman.

L’architecture ottomane se divise donc en quatre périodes:

1º Depuis le sultan Mehmed Tchélébi jusqu’à Bayazid (816-886),
c’est-à-dire depuis la construction de la Mosquée Verte à Brousse
jusqu’à celle de la mosquée Bayazid à Constantinople.

2º Depuis Bayazid jusqu’au sultan Ahmed Ier (886-1012), c’est-à-dire
depuis la construction de la mosquée Bayazid jusqu’à la construction de
la mosquée d’Ahmed Ier.

3º Depuis la construction de la mosquée d’Ahmed Ier jusqu’au règne du
sultan Ahmed III (1012-1015).

4º Depuis Ahmed III jusqu’à l’époque contemporaine, période marquée
par une décadence générale due à l’abandon des principes essentiels
qui, loin d’empêcher la manifestation de la personnalité, conservent
les caractères particuliers d’un style national, de même que les lois
naturelles gardent et perpétuent la ressemblance de deux plantes de la
même famille et la physionomie des hommes de la même race.

Les anciens maîtres avaient sans doute des règles et des formules
architectoniques qu’il conviendrait de retrouver. M. Parvillée rapporte
dans son ouvrage qu’on utilisa dans l’architecture de la Mosquée Verte
un triangle semblable à celui employé par les Égyptiens et ayant entre
sa base et sa hauteur le rapport de 8:5; la place des fenêtres, la
forme de la coupole et le niveau des corniches étaient donc déterminés
par des lois immuables qu’il est impossible de négliger, si l’on
veut produire des œuvres purement ottomanes. Si l’on se contente de
recueillir, au hasard, les divers éléments décoratifs et de les grouper
sans tenir compte des règles auxquelles est soumis le style ottoman,
il est clair qu’il n’en saurait résulter une œuvre conforme à ce
style, malgré les ressemblances de détail que cet art pseudo-ottoman
pourrait renfermer. Faut-il ajouter maintenant qu’il est nécessaire,
pour bien comprendre une œuvre d’art, de pénétrer l’esprit et l’état
d’âme du peuple qui l’a conçue et qu’on ne saurait faire œuvre d’art
dans un domaine dont l’inspiration vous est étrangère? C’est ainsi que
l’écriture d’un calligraphe turc ne pourra jamais être reproduite par
un dessinateur étranger de façon à tromper un œil exercé. Il manquera
à l’étranger non seulement la manière, mais le caractère, l’esprit et
pour tout dire le sentiment de l’œuvre.


_Le caractère et la décoration de l’architecture ottomane._--Il suffit
de visiter les édifices turcs pour se convaincre de la différence qui
existe entre l’architecture ottomane et celle des Arabes. Outre le
caractère spécial des colonnes, des arcades et des chapiteaux ainsi que
de la coupole, l’ensemble du monument est conçu dans une note tout à
fait distincte.

On ne rencontre jamais chez les Turcs la coupole en ogive étranglée à
sa base, le chapiteau décoré de fleurs ornementales, l’arc surélevé
en fer à cheval et la surabondance de décorations en usage chez les
Arabes. Les Turcs, ayant apporté tous leurs soins à la technique de
la construction, imitèrent, en fait de coupoles, celles des Byzantins
qu’ils reproduisirent avec autant de courage que de hardiesse. Leurs
chapiteaux sont ornés de stalactites et de losanges dans le genre de
ceux qui servaient aux Arabes pour atténuer les brusques saillies de
leurs encorbellements. Quant à la décoration, elle était plus sobre
chez les Turcs, qui en faisaient pourtant usage avec un rare bon
goût dans les parties des monuments où ils l’estimaient nécessaire.
Ils n’appliquèrent pas non plus de mosaïques à leurs coupoles, ni
de marbres veinés aux parois intérieures de l’édifice comme les
Byzantins. Ils ornaient leurs coupoles de fresques avec inscriptions
en or et tapissaient les murs avec des carreaux de faïence où les plus
éclatantes couleurs se mariaient harmonieusement. Malgré quelques
détails décoratifs, rappelant l’art persan par endroit, l’art
turc ne peut en aucune façon lui être assimilé. Il ne présente ni
l’horizontalité de la façade, ni ce grand portail qu’atteint la base de
la coupole, ni la forme des minarets et de la coupole qui caractérisent
l’art persan.

La caractéristique de l’architecture ottomane réside dans la simplicité
sévère de ses formes et la verticalité accusée de ses lignes, où
l’esprit de l’homme semble suivre une route qui l’élève vers les cieux.


L’_Architecture ottomane_, l’ouvrage dont nous avons déjà parlé,
constate trois ordres distincts dans les édifices turcs qu’il désigne
ainsi: _ordre échanfriné_, _bréchiforme_, _cristallisé_, selon la
décoration plus ou moins riche des colonnes, chapiteaux, panneaux,
archivoltes et corniches. Mais ce que l’on remarque davantage, c’est
l’emploi combiné de ces ordres, appliqués indistinctement, suivant ce
que chaque partie du monument paraissait exiger. Tout en gardant leur
antipathie pour la décoration byzantine, les Ottomans paraissent avoir
adopté, en fait de plan et de construction, les méthodes des Byzantins.

La forme de la coupole est presque semblable à celle des Byzantins
avec un large emploi des bases octogonales. Dans la construction
des mosquées, le plan carré fut adopté; les grandes mosquées furent
couvertes d’une grande coupole et de plusieurs autres demi-coupoles
tout à fait semblables à celles de Sainte-Sophie. Les petites mosquées
n’ont qu’une coupole sur base octogonale. Dans les arcades, on utilise
souvent un genre d’ogive formé de deux arcs à centres différents. La
ligne qui réunit les centres passe au-dessus des chapiteaux et ces
centres coïncident avec les points qui divisent cette ligne en parties
égales. Une des arcades les plus usitées est un cintre formé d’un
cercle terminé à son sommet par deux tangentes à la circonférence.
On ne voit jamais le plein cintre représentant les deux tiers de sa
circonférence (comme chez les Arabes) et qui a la forme d’un fer à
cheval. Mais, en revanche, on rencontre abondamment des arcades formées
de claveaux alternés en marbre coloré. On rencontre souvent aussi
l’alternance de différents genres d’arcades sur une même rangée, ce qui
rompt la monotonie de la perspective.

On remarque quelquefois sur ces arcades de gros cabochons en pierre
taillée qui se placent entre les arcades sur la direction des colonnes
et qui semblent avoir leur origine dans les clous des boucliers.

Ainsi cette architecture permet d’employer et d’arranger comme on veut
les différentes parties constituantes; ainsi, en respectant l’ordre et
la forme convenables pour chaque partie, on obtient un effet des plus
variés.


[Illustration: Pl. 37.

    MOSQUÉE SULEÏMANIÉ.--Mihrab et Mimber.]


_La décoration._--C’est des formes décoratives apportées du Turkestan,
que les Turcs s’inspirèrent pour la décoration de leurs tapis et de
leurs ustensiles, avant d’être mis en possession d’un art ottoman. Ils
puisèrent également chez les Turcs seldjoucides et les Persans. D’autre
part, les motifs arabes ne cessèrent pas d’intéresser fortement
l’esprit des artistes ottomans, qui mirent particulièrement à profit
leurs arabesques et leurs polygones. C’est l’art seldjoucide et
syro-égyptien qui semble avoir fourni à l’art ottoman une grande partie
de sa décoration.

[Illustration]

La figure humaine et la représentation des animaux étant complètement
exclues de l’architecture ottomane, celle-ci resta loin de la
décoration byzantine. Les plantes, les fruits et les minéraux lui
fournirent ses motifs de décoration. Mais, comme la forme de ces
plantes et de ces fruits a subi, entre les mains des décorateurs turcs,
des métamorphoses variées, les parties constituantes de l’ornementation
prirent une forme tout à fait caractéristique et rationnelle, adaptée à
la nature des matériaux sur lesquels furent appliqués ces ornements.

[Illustration]

Les ornementations dérivées des feuillages s’inspiraient de l’état
de pétrification des plantes, tel qu’on le voit dans les empreintes
des végétations antédiluviennes sur les pierres. La décoration d’un
grillage, d’une serrure, d’une porte, était empruntée à des motifs
applicables et en harmonie avec la matière et la destination de l’objet
qu’ils ornaient.

Les Byzantins ornaient leurs chapiteaux de feuilles dentelées, taillées
et ciselées qui semblaient devoir être écrasées sous le poids qu’elles
supportaient. Les Ottomans, pour leurs chapiteaux, avaient employé des
combinaisons de prismes rappelant les stalactites[77] des grottes et
qui offraient à l’œil l’aspect logique de la pierre solide, capable de
porter son fardeau. Ils surent éviter avec un goût savant la monotonie
et la régularité excessive des lignes. Le motif principal de la
décoration ottomane est fourni par les feuilles de pois. Cette plante
à tiges flexibles qui tendent à s’enrouler sur elles-mêmes convenait
merveilleusement à la décoration. Sa forme naturelle, après une série
d’interprétations originales, a fini par atteindre un type purement
ornemental.

                [77] La construction de la stalactite ottomane diffère
                beaucoup de celle des Persans et des Arabes.

[Illustration]

D’autres plantes furent aussi prises comme modèles, suivant l’époque et
selon l’ordre dont on se servait.

Dans l’ornementation, on distingue deux parties principales: le
buisson, qui constitue le support, et la plante, qui forme l’ornement
même. La plante ornementale s’enroule sur le buisson qui forme déjà à
lui seul un ornement. Pour mouvementer la décoration, on ajoute sur
la plante et le buisson des petits ronds gracieux imitant l’escargot,
une petite feuille enroulée. Dans les décorations riches, on voit
souvent plusieurs plantes s’enrouler sur le même buisson; chacune de
ces plantes constitue un sujet à part qui, s’entrelaçant avec d’autres
motifs, présente l’aspect d’ornements séparés et mariés entre eux avec
une parfaite harmonie.

C’est l’architecte Ilias Ali qui a appliqué pour la première fois ce
genre de décoration. Il employa différents fruits: des coings, des
grenades, etc. La grenade, qui est considérée par les Turcs comme un
fruit du paradis, occupait le premier rang. Ce fruit subit, comme le
pois, des transformations successives, et finit par prendre la forme
d’une fleur complexe.

[Illustration]

Peu à peu, toutes ces formes décoratives se mélangèrent et donnèrent
naissance, en se combinant, à des formes nouvelles, et en particulier
à une ornementation hybride, où l’on voyait des feuilles sous l’aspect
d’oiseau.

Parmi les fleurs, les plus employées étaient la renoncule, l’œillet, le
carthame, la rose, la tulipe, l’althea; presque toujours en bouquets,
surtout dans l’architecture civile.

L’usage de la renoncule avait pris une particulière extension vers
l’époque d’Ahmed III.

Les conceptions décoratives des Arabes, Chinois, Hindous, Persans
et Byzantins contribuèrent en partie aux progrès de l’art décoratif
ottoman, avec lequel ils avaient de grands liens de parenté. Mais, dans
toutes les évolutions de ces forces ornementales, se fait jour une
tendance vers la calligraphie ottomane qui constituait chez les Turcs
l’art graphique le plus estimé. La même tendance peut être remarquée
dans l’art de l’écriture des Japonais.

Les décorateurs et les enlumineurs ottomans reproduisirent, dans les
écritures, les caractères et les formes ornementales dont ils se
servaient pour la décoration des livres sacrés.

[Illustration]

La calligraphie chez les Turcs remplace l’iconographie des Byzantins.
Ils ont pour l’écriture un respect sans bornes, qu’ils poussent
même jusqu’à ramasser et à cacher dans un trou de mur les papiers
qui traînent dans la rue, afin d’éviter qu’ils soient piétinés par
les passants. Les Turcs ont plusieurs genres d’écriture: _Koufi_,
_Djéli_, _Sulus_, _Rik-a_, _Taalik_, _Nesih et Divani_, dans lesquels
les spécialistes ont réalisé de vraies merveilles par l’harmonie des
courbes et l’attrait des entrecroisements, si enchevêtrés que les
dessinateurs étrangers les plus experts ne sauraient en obtenir des
copies. Ces écritures, qui entrent dans la décoration des édifices,
sont pour les Turcs d’un prix inestimable. Elles remplacent chez eux
les tableaux. Mais c’est un art qui semble décroître de jour en jour.

[Illustration]


_Faïence._--L’art de la faïence, un des éléments les plus en vogue
dans la décoration, est originairement oriental: il doit remonter à
l’émaillage des poteries pratiqué chez les anciens peuples d’Orient.
L’histoire nous apprend que les Assyriens ornèrent, les premiers, les
murs de leurs édifices de briques émaillées. Bien que la Mésopotamie
et le Turkestan aient vu prospérer particulièrement cet art, c’est la
Perse que l’on considère comme la patrie de la faïence. Les fouilles
opérées jusqu’à ce jour n’ont pas encore donné de résultats qui
permettent de se prononcer à cet égard. Il est permis de supposer que
la mode d’émailler les briques et les vases en terre, déjà connue des
Chinois, a été introduite en Perse par les Chaldéens. La conquête des
Grecs fit disparaître cet art qui refleurit avec les Turcs et les
Mongols.

Chez les Seldjoucides, la mosaïque en faïence occupait une place très
importante dans la décoration des édifices. Les Ottomans devinrent
ensuite des maîtres dans ce métier, qui différait dans tous les pays,
suivant la qualité des terres employées, la cuisson particulière à la
contrée, et les secrets de coloration, jalousement gardés par chaque
fabricant. A l’époque du sultan Mehmed Tchelebi, les fabriques fondées
à Kutahié, à Nicée et à Brousse réalisèrent des œuvres magnifiques,
qui, par la transparence inégalée des couleurs et la résistance de
l’émail, ne sauraient être comparées aux faïences d’aujourd’hui. Les
plus célèbres d’entre elles proviennent de Rhodes et de Nicée et ornent
les mosquées de Constantinople.


_Kalem._--La méthode du Kalem (fresque) était réservée à la décoration
des parties les moins importantes des édifices. Elle remplaçait dans
les habitations les carreaux de faïence dont on se servait pour les
mosquées et les monuments religieux. Elle ornait les plafonds et les
niches de paysages variés.

La sculpture sur bois, l’incrustation de nacre, le damasquinage, à
en juger par ce qu’on peut voir sur les _Mimber_, _Kursi_, _Rahlé_,
étaient également arrivés à un degré de perfection qui s’affirmait
aussi dans la menuiserie et l’ébénisterie. Cette dernière nous a laissé
des portes composées de petits morceaux de bois si habilement ajustés
les uns aux autres que les siècles écoulés ont été impuissants à les
disjoindre.

Les fenêtres étaient garnies de vitraux semblables à ceux des Arabes et
des Byzantins, en verre coloré de différentes dimensions; ils étaient
enchâssés dans des cadres de plâtre, et constituaient un motif de
décoration plus ou moins luxueux, suivant les édifices auxquels ils
étaient destinés. Ils étaient souvent ornés d’écritures saintes.

Avant la conquête de Constantinople par les Turcs, la ville possédait
déjà quelques mosquées dont la plus ancienne était celle d’Arab-Djami
à Galata. Elle avait été construite en l’an 97 de l’Hégire par
Muslimé-bin-Abdul Mélik après l’installation des Arabes. Quand ceux-ci
l’abandonnèrent, elle devint une église latine. Elle eut à souffrir de
la guerre, de l’incendie et des tremblements de terre. Après la prise
de Constantinople, elle fut réparée et affectée de nouveau au culte,
par les soins de la mère du sultan Mahmoud en 1222 de l’Hégire.

Yer Alti Djami (mosquée souterraine) appartient aussi à une époque
antérieure à la conquête turque.

Les Arabes avaient leur mosquée, aujourd’hui disparue, dans la ville
même, à Stamboul, près du quartier des Génois. Les deux autres, qui
subsistent encore, ne présentent aucun rapport avec les édifices turcs.



CHAPITRE II

LES ÉDIFICES OTTOMANS


I.--LES MOSQUÉES

MOSQUÉE DE BAYAZID

Elle a été construite de 906 à 911 par Bajazet II, le successeur et le
fils du Conquérant, sur l’ancien forum Tauri. Son architecte Haïreddin
fixa d’une façon précise la forme des chapiteaux et ouvrit ainsi une
nouvelle voie à l’architecture ottomane.

La mosquée est précédée d’un parvis ou cour à colonnades, que
recouvrent des coupoles supportées par des arcades en ogive où
alternent le marbre rose et le marbre blanc. Chaque colonne est
surmontée de chapiteaux ornés de stalactites. Au centre de la cour une
fontaine sert aux ablutions (_chadrivan_). On entre dans la cour par
trois portes, l’une s’ouvrant sur la façade et les deux autres sur les
deux côtés; les quelques cyprès qu’on y a laissés lui donnent un aspect
très pittoresque; lors de la fondation, des pigeons y élurent domicile
et, depuis cette époque, les magnifiques galeries sont traversées par
le vol des pigeons gris, bleus et argentés.

La légende rapporte «qu’un couple de pigeons avait été acheté par le
Sultan fondateur à une pauvre veuve et que depuis, ils se seraient
multipliés.» Mais la présence des oiseaux n’a réellement pas besoin
d’être expliquée; dans la cour de chaque mosquée, on les trouve en
grand nombre; les fidèles les nourrissent de grains achetés chez un
vendeur _ad hoc_ et qu’ils jettent eux-mêmes aux pigeons, poussés par
un sentiment de piété ou dans l’espoir d’obtenir soit la guérison d’un
malade, soit la réussite d’une affaire.


[Illustration: Pl. 38.

    MOSQUÉE DU SULTAN AHMED Ier ET HIPPODROME.]


L’intérieur de la mosquée est splendide. Il présente un ensemble
harmonieux et simple dont l’architecture, bien qu’elle en soit encore
différente, rappelle, plus que toute autre mosquée de Constantinople,
celle des mosquées de Brousse. La coupole, d’une forme gracieuse,
repose sur quatre grands piliers. Le côté dirigé vers la Mecque
renferme le Mihrab merveilleusement travaillé, au-dessus duquel
s’ouvrent des fenêtres dont la disposition est semblable à celle
qui caractérise les fenêtres de Yéchil-Djami à Brousse. Cinq portes
permettent l’accès dans la mosquée. La porte principale de la mosquée,
qui seule communique avec la cour, (_Harim_ ou _Avlou_) se trouve
située en face du Mihrab. Deux autres s’ouvrant en dehors de la cour,
à une égale distance de la porte principale, communiquent avec les
deux autres attenant à l’édifice. Les deux autres enfin, placées sur
les côtés de la nef centrale, se font face, à proximité des piliers
inférieurs. Chacune des deux arcades latérales qui supportent la
coupole est divisée en deux arcades plus petites soutenues par deux
immenses colonnes en porphyre rouge d’un mètre de diamètre, ornées d’un
gigantesque chapiteau en marbre, artistement sculpté de stalactites.
Peut-être ces colonnes sont-elles les mêmes que celles qui existaient
au forum Tauri, où la mosquée fut bâtie. Au-dessus des deux arcades
qui reposent sur la colonne et relient les deux piliers, des fenêtres
ogivales et rondes s’ouvrent sur deux rangées. La disposition du plan
est très intéressante. En entrant par la porte principale, deux ailes
s’ouvrent à droite et à gauche, débordant les parties latérales
de la nef et possédant chacune une entrée spéciale. Ces ailes n’ont
aucun rapport avec la nef centrale. Elle forment une sorte de narthex,
recouvert d’arcades en ogive. Si l’on se place à une extrémité
quelconque de ces ailes, on a le spectacle grandiose d’une sorte de
longue galerie à voûte, rappelant les réfectoires du moyen âge. Cette
disposition a permis à l’architecte de créer dans la perspective
intérieure du monument une variété de points de vue qui rompt la
monotonie résultant ordinairement d’un plan carré; on ne la rencontre
que dans cette mosquée.

[Illustration: Plan de la mosquée de Bayazid.]

La tribune impériale, en marbre ciselé, se trouve à l’angle droit du
mihrab, sur des colonnes. La tribune des muezzins, également en marbre
et supportée par des colonnes, est adossée au pilier droit à l’entrée
de la porte principale, qui est surmontée d’une galerie assise sur
une rangée de consoles de marbre. Sur la porte principale, du côté de
la cour, une plaque indique en lettres dorées, calligraphiées par le
célèbre Hamdoullah, la date de la construction de cette mosquée.

    و قد و قع الابتداء بالبناء فى لواخر ذى الحجة لسنة ست و تسعمائه ٩٠٦
                           واتفق الاتمام فى سنه احدى عشر و تسعمائه ٩١١

«La construction a été commencée vers les derniers jours du mois de
Zilhidjé de l’an 906 et terminée en l’an 911 de l’Hégire.»

Hadikatul Djevami cite les noms d’Emin bey et de Hassan halifé comme
étant deux des intendants de la mosquée désignés par le Sultan. Cette
fonction était alors particulièrement recherchée. L’excédent des
matériaux, ajoute le même livre, servit à Mehmed saïd effendi, moutemet
(intendant) de la construction, pour élever une petite mosquée à
Dizdarié.

La coupole de la mosquée est couverte en plomb et est ornée à son
sommet d’un alem d’or en forme de croissant.

L’alem qui orne généralement le faîte de chaque coupole a plutôt la
forme d’une corne double que d’un croissant. Son origine doit remonter
aux Égyptiens, chez qui la corne était le symbole de la force. Les
Turcs la fixaient aussi à l’extrémité de la hampe de leurs étendards.

De même que les autres grandes mosquées, celle-ci compte plusieurs
dépendances, telles que l’imaret et la bibliothèque. La bibliothèque,
restaurée dernièrement, est la plus grande de la ville. Plusieurs
manuscrits de grande valeur y sont conservés. Elle fut fondée par
Veliuddin effendi, Cheih-ul-islam. Tous les livres parus en turc
jusqu’à nos jours y sont à la disposition du public.

L’aspect intérieur n’est plus le même qu’au temps passé. On y voyait
jadis des pupitres très bas disposés sur le plancher couvert de nattes.
Le public se mettait à genoux devant ces pupitres à la mode ancienne.
Les costumes qu’on porte aujourd’hui exigèrent une installation
moderne et ces pupitres (_rahlés_) furent remplacés par des tables,
des fauteuils et des chaises. Dans le jardin, derrière la mosquée, se
trouve la sépulture (_turbé_) de Bajazet II, mort en 1512. Ce tombeau
fut construit sous Sélim.


MOSQUÉE DE SÉLIM Ier

Une des plus grandes mosquées bâties à Constantinople, après celles de
Bayazid, est la mosquée de Sélim Ier, construite par l’architecte Sinan
en 929, sur la cinquième colline qui domine la Corne d’Or; elle fut
élevée en mémoire de Sélim Ier, père du sultan Suleïman, qui régnait
alors. Elle se trouve tout près de la citerne ouverte de Bonus et
peut être vue de tous les points de la ville. Elle a deux minarets.
Un _Avlou_, dallé de marbre, pareil à celui de la mosquée de Bayazid,
et entouré d’une galerie à colonnades surmontée de petites coupoles,
mène à l’entrée du monument. On pénètre dans la cour par trois portes,
une principale et deux autres latérales, toutes les trois en forme de
niches ornées de stalactites. A côté des portes latérales, il en existe
une petite, de forme ogivale, qui conduit aux escaliers des minarets.
Dix-huit colonnes, rangées sur une estrade de marbre surélevée de 0m,50
au-dessus du sol, entourent la cour et supportent des arcades en ogive
surbaissée. Sur le mur, de deux en deux colonnes, sont disposées des
fenêtres également en ogive et dont les tympans sont ornés de faïences
magnifiques.

Un _chadrivan_ destiné aux ablutions est placé au milieu de la cour:
c’est un bassin à bords relevés, rempli d’eau et entouré d’un grillage
en fil de fer pour empêcher les oiseaux d’y pénétrer. Au bord du bassin
s’ouvrent sur une même ligne de nombreux robinets. Le chadrivan est
abrité par un toit en bois, reposant sur des colonnes de marbre, à
chapiteaux taillés en losange. Des cyprès et des arbres plantés tout
autour donnent à cette cour un aspect caractéristique.

La porte principale, remarquable par la beauté et l’harmonie des
lignes, suffirait à témoigner de la valeur de son architecte. Elle
offre une grande ressemblance avec celle de Bayazid construite par
Haïreddin, maître de Sinan. Cette analogie peut être constatée jusque
dans la décoration des petites colonnes en marbre engagées dans les
angles du mur. Le portail, orné de très belles stalactites, porte en
lettres dorées et sculptées l’inscription suivante:
‏
‏يأمى النشاء هذ الجامع الشريف سلطان الاكرم سلاطين العرب
و العجم مالك البرين و البحرين خادم الحرمين الشريفين السلطان
ابن السلطان السلطان سلطان سليم خان ابن السلطان سلطان
بايزيد خان ابن السلطان ابو الفتح سلطان محمد خان خلداللّه ملكه
و سلطانه و بذلك المباركة عنى فى شهر محرم الحرام لسبنة تسع
و عشرين و تسعمائه
‎
En voici la traduction:

«Cette mosquée vénérable fut érigée par ordre du magnanime Sultan
des sultans arabes et adjems[78], maître des terres et des mers,
serviteur des Haremeïn-u-Cherifeïn (la Mecque et Médine), Sultan, fils
de sultans, sultan Sélim Khan, fils du sultan Méhmed le Conquérant. Que
Dieu protège son pays et son trône ainsi que ce saint édifice érigé au
mois de Mouharrem 929 de l’Hégire.»

                [78] Ce mot que les Turcs emploient pour désigner les
                Persans indiquait, chez les Arabes, tous les peuples
                non-Arabes.


[Illustration: Pl. 39.

    MOSQUÉE D’AHMED Ier.--Intérieur.]


Sous la porte principale de la mosquée, conduisant à l’intérieur, le
dallage est fait d’un bloc de porphyre, moins sujet que le marbre à
l’usure.

L’intérieur de la mosquée est des plus simples: il ne possède ni
arcades ni colonnes. Le plan est carré. La coupole, de proportions
assez imposantes, repose sur quatre arcs formés par les murs latéraux.
Il est facile de voir que cette œuvre est une des premières du maître
Sinan. Sur chaque côté s’ouvrent des fenêtres avec tympan en ogive,
décoré de jolies faïences. La tribune impériale et la tribune des
Muezzins, supportées par des colonnes, sont quadrangulaires.

Le Mihrab, le Mimber, ainsi que les portes, sont travaillés avec une
magnificence incomparable. Les deux grands candélabres en bronze
du Mihrab, entre autres, sont de pures merveilles. Outre la porte
principale, deux autres portes latérales conduisent à l’intérieur.
Ces portes sont précédées d’un long vestibule, recouvert d’un dôme et
entouré de plusieurs pièces réservées aux personnages de la mosquée
et de la cour. Cette curieuse disposition est unique et peut, pour
l’originalité, être comparée aux deux ailes de la mosquée de Bayazid.
Les dômes des deux vestibules, avec leurs petits tambours à fenêtres et
leurs décorations en losange, rappellent la coupole de Yéchil Djami à
Brousse.

Hors de la mosquée, du côté du Mihrab, on remarque plusieurs turbés
(tombes) dont l’une renferme le corps du sultan Sélim, le conquérant
de l’Égypte. Tous ces turbés sont d’une forme octogonale et garnis
d’un dôme dont la couverture est faite de plaques de plomb en forme
d’écailles aux coins arrondis, comme celle du turbé de Chahzadé.
Une colonnade surmontée d’un toit précède la porte de chaque turbé.
Celle qui mène au turbé de Sélim est recouverte d’un vitrage qui en
fait comme un vestibule, pouvant en même temps servir de chambre pour
la garde du tombeau. Les deux côtés de la porte sont ornés de deux
panneaux de faïence d’une décoration pleine de goût: le travail des
portes est également merveilleux.

Le cercueil est protégé par une balustrade en noyer incrusté de nacre.
Le turbé renferme aussi de très beaux exemplaires du Coran, ouverts sur
de somptueux pupitres et des coffres où l’on conserve les reliques.

Un autre turbé, voisin de celui de Sélim Ier, renferme un tombeau
portant une inscription sculptée sur la pierre, et orné de panneaux en
faïence qui constituent de réels chefs-d’œuvre.


MOSQUÉE DE CHAHZADÉ

Cette mosquée fut bâtie par le fameux architecte Sinan, sur l’ordre du
sultan Suleïman, en mémoire de ses deux fils, les princes Mehmed et
Moustafa Djihanguir, morts à la suite des intrigues de leur belle-mère
Roxelane[79], _Haceki Khourrêm Sultane_. Le sultan Suleïman, ayant plus
tard reconnu son injustice, voulut la réparer en quelque sorte en
faisant construire cette mosquée qui fut nommée _Chahzadé sultan Mehmed
Djamissi_. La date de l’achèvement de la mosquée est indiquée par un
vers placé sur le frontispice du turbé.

                [79] Roxelane, née en Galicie, fut d’abord une esclave.
                Devenue ensuite l’épouse préférée de Suleïman, elle
                acquit sur lui une très grande influence.

                Désireuse d’assurer l’avenir de son fils, Sélim II,
                elle gagna à sa cause Rustem pacha, le mari de sa
                fille, princesse Mihrimah sultane, qui accusa le prince
                Moustafa, né, ainsi que son frère Djihan, de la sultane
                Masseki, d’avoir des intentions de révolte contre son
                père. Suleïman, convaincu de la trahison de son fils
                Moustafa, partit avec l’armée à Erégli, où il invita
                Moustafa à venir dans sa tente, où il le fit étrangler.
                Le prince Djihanguir lié par une profonde amitié à
                son frère Moustafa en conçut une douleur telle qu’il
                mourut peu après. Son père pour apaiser ses remords
                construisit, sur les hauteurs de Foundoukli, une
                mosquée qu’il appela mosquée de Djihanguir. Ce prince,
                surnommé Chahzadé, fut enterré avec les restes de son
                frère dans un turbé situé près de cette mosquée.

Cette mosquée, d’un style très gracieux, marque le commencement
de l’âge d’or de l’architecture ottomane. C’est un édifice carré
surmonté d’une grande coupole. On y entre par trois portes. Quatre
demi-coupoles s’appuient sur les bas côtés. Ces demi-coupoles sont
supportées à l’intérieur par quatre grands arcs posant sur des piliers
octogonaux dont la partie cylindrique supérieure est cannelée. Les
petites colonnettes qui sont adossées aux coins du portail ne sont pas
aussi richement décorées que celles de la mosquée de Sélim. L’aspect
de l’intérieur est splendide. Les vitraux sont d’une décoration très
artistique; malheureusement l’ensemble est gâté par d’horribles
peintures à la chaux qui ne permettent guère de reconnaître le
caractère de l’art ottoman.

Aux quatre points de jonction des demi-coupoles, sont posées de petites
tourelles cylindriques massives qui servent de contreforts.

Le parvis est formé d’une galerie à arcades, ornée de marbre blanc
alternant avec du marbre rouge. Ces arcades sont soutenues par des
colonnes de granit et de marbre. De chaque côté du parvis se dressent
deux élégants minarets de forme polygonale, ornés de nervures et
d’ornements en relief, différant un peu de ceux qu’on voit d’ordinaire.
Chacun d’eux est surmonté d’un balcon (_cherifé_) avec encorbellements
sculptés.

La construction de cette mosquée dura cinq ans et coûta 151 _Yuks
d’Akhtché_, soit à peu près 13 millions de francs.

Le turbé qui contient les restes des princes, fils de Suleïman, est
situé à l’est de la mosquée; il a une forme octogonale. Les huit
façades extérieures sont en marbre sculpté et se terminent par une
galerie ornée de larges trèfles, découpés à jour. Deux rangées de
fenêtres entourent le monument. Celles du bas sont quadrangulaires,
celles du haut sont ogivales.

A partir du sol jusqu’au-dessus de la deuxième rangée de fenêtres, les
angles de l’octogone sont limités par des cordons d’ordre cristallisé.
Au-dessus des galeries de trèfles, le turbé se transforme et devient
circulaire, près du tambour qui sert de base à la coupole. La toiture
en plomb est faite d’écailles aux côtes arrondies qui vont en se
rapetissant jusqu’au point le plus élevé de la coupole où est fixé
l’alem.

On accède au turbé par un péristyle, formé de quatre colonnes dont deux
sont en marbre rouge et deux autres en marbre vert antique. Sur la
porte on lit une inscription en lettres dorées.

Ce péristyle est couvert d’une petite coupole ronde. De chaque côté de
la porte d’entrée se trouvent des panneaux en faïence, représentant des
rinceaux d’un beau dessin. La porte et les boiseries de ce péristyle
sont dignes d’attirer tout spécialement l’attention des artistes
décorateurs. Les battants de la porte de chêne sont ornés d’ivoire et
d’ébène.

L’intérieur du turbé présente un aspect des plus pittoresques.
La lumière y pénètre par deux rangées de fenêtres, au nombre de
trente-deux (quatre sur chaque face de l’octogone) et garnies de
vitraux aux couleurs variées.

Depuis le sol jusqu’à la frise ornant la base de la coupole, les murs
sont revêtus de panneaux peints sur émail, décorés comme ceux du
péristyle. Au-dessus de chaque fenêtre, sur un panneau également en
faïence, des fleurs entrelacées et brodées d’or encadrent des versets
inscrits en lettres blanches sur un fond bleu foncé. La coupole est
ornée de fleurs et de feuillages verts formant médaillons sur fond
blanc. Le sol en marbre est couvert de tapis. La dépouille du prince se
trouve au milieu de l’édifice entre le tombeau de son frère et celui
de sa femme. Au-dessus se dresse une sorte de dais impérial, haut de
quatre mètres, en bois de noyer orné de rosaces géométriques découpées
à jour avec inscrustations de nacre.


[Illustration: Pl. 40.

    MOSQUÉE D’AHMED IER.--Mimber.]


MOSQUÉE SULEÏMANIÉ

Parmi les grands édifices et les mosquées que le sultan Suleïman le
législateur a fait construire, la mosquée qui porte son nom est la plus
imposante.

Cette mosquée, construite également par l’architecte Sinan de 1556 à
1566, est le véritable chef-d’œuvre de l’art ottoman. Elle s’élève
majestueusement sur le sommet d’une colline qui domine la Corne d’Or.
Son emplacement est merveilleusement choisi et son immense enceinte
plantée de cyprès et de platanes lui fait un cadre d’un charme
extraordinaire.

La pureté de son style et l’harmonie de ses contours se dessinent sur
un site féérique. Sinan disait, dans un ouvrage écrit de sa main,
que la mosquée de Chahzadé était son œuvre d’apprenti, la mosquée de
Suleïmanié, son œuvre de bon ouvrier et celle de Sélim à Andrinople,
son œuvre de maître.

A chaque coin du parvis se trouve un minaret à trois et deux galeries
ornées de magnifiques stalactites. Les deux minarets qui sont le plus
rapprochés de la coupole sont plus grands que les deux autres. Chaque
_cherifé_ a son escalier exclusivement réservé; trois personnes peuvent
monter à la galerie ou en descendre en même temps sans se rencontrer.
Tout l’édifice est conçu selon la forme d’un immense triangle et
l’inégalité de grandeur qui existe entre les minarets produit un effet
de perspective des plus heureux.

[Illustration: Plan de la mosquée Suléïmanié.]

Par le nombre de ces galeries, l’architecte a voulu symboliser l’ordre
qui caractérisa le règne de son fondateur, en même temps qu’imposer par
ce chiffre 4 le souvenir de ce fondateur, IVme Sultan depuis la prise
de Constantinople. Ses _chérifés_, au nombre de dix, indiquaient qu’il
était également le dixième empereur depuis la fondation de l’Empire
ottoman.

Trois belles portes font communiquer la porte extérieure avec le
parvis; l’une se trouve sur la façade principale et les deux autres sur
les côtés.

Sur la grande porte de la façade on lit en grosses lettres la formule
de l’islam:

    لا اله الا اللّه محمد رسول اللّه

«Il n’y a qu’un seul Dieu, Mouhammed est son prophète», au-dessus d’une
autre formule concernant la prière:

    ان الصلوة على المؤمنين كتاباً موقوناً

Le parvis est entouré d’un cloître de vingt-quatre arcades soutenues
par un même nombre de colonnes, dont douze sont en granit rose, dix
en marbre blanc et les deux autres qui se trouvent près de la porte
principale, en porphyre. Toutes ces colonnes sont surmontées de
chapiteaux de marbre sculptés en forme de stalactites et dont les
arêtes étaient dorées. Chacune de ces arcades est surmontée d’une
petite coupole. La coupole qui se trouve devant la porte d’entrée de la
nef est la plus grande; elle est ornée de pendentifs en stalactites.

Le dallage du parvis est en marbre blanc. Au centre se trouve un
_chadrivan_ (fontaine) de forme carrée, couvert d’un toit en plomb. Les
quatre façades de cette fontaine sont munies d’un grillage en bronze
percé à jour d’intéressants motifs de décoration. Au-dessus de ce
grillage courent des frises en marbre blanc.

Des colonnes à chapiteaux de différents ordres supportent sur les
façades extérieures des côtés latéraux de la mosquée des galeries à
deux étages. Ces galeries ne semblent guère avoir été mises là que pour
concourir à la beauté de l’ensemble. La galerie du premier étage est à
arcades ogivales alternant avec d’autres arcades plus petites. Celles
d’en haut sont plus étroites et plus petites. Sous les galeries, au
niveau du sol, des robinets sont disposés tout le long du mur pour les
ablutions. Du côté du parvis, on entre dans la mosquée par une grande
porte en marbre, ayant la forme d’une mitre en stalactite aux arêtes
dorées.

[Illustration: Mosquée Suléïmanié; coupe.]

Chaque fenêtre est surmontée d’un tympan en ogive orné de faïences sur
laquelle se dessinent les belles écritures saintes en langue arabe.
L’intérieur de la mosquée mesure 69 mètres de long sur 63 de large.
Quatre gigantesques piliers massifs carrés supportent la coupole de la
nef centrale.

Entre ces piliers se dressent, de chaque côté, des galeries latérales
réservées aux grands personnages pendant la cérémonie du Sélamlik. Ces
tribunes sont supportées par deux colonnes de marbre; quatre énormes
colonnes de porphyre soutiennent les arcades latérales qui supportent
la coupole.

D’après le livre de Sa-ï sur l’œuvre de Sinan, une de ces colonnes est
celle qui portait jadis la colonne de la virginité aux environs des
Saints-Apôtres. Son «Tezkeretulbunyan» raconte même les difficultés
qu’on eut pour la transporter. Elle était plus haute que les autres et
on dut la raccourcir. Une autre de ces colonnes, probablement celle
qui portait la statue de l’Empereur, a été amenée du palais. Les deux
autres colonnes viennent d’Iskenderoun (Alexandrette).

[Illustration: Mosquée Suléïmanié; coupe.]

Deux escaliers pratiqués près de la porte d’entrée conduisent à la
première galerie. Les deux galeries supérieures ne sont accessibles
qu’au moyen d’échelles en bois appliquées aux fenêtres s’ouvrant sur la
toiture.

Au centre s’élève la grande coupole de 71 mètres de hauteur (de 6
mètres plus haute que la coupole de Sainte-Sophie). Des candélabres
en fer ciselé qui portent des luminaires à l’huile y sont suspendus
par de longues chaînes. On les allume pendant les prières de nuit et
surtout pendant le _Ramazan_.

Une des galeries supérieures, formant la rotonde autour du tambour et
où l’on ne peut monter que par des échelles appliquées sur la toiture,
présente un très intéressant phénomène d’acoustique.

Le _Mihrab_ est en marbre sculpté de magnifiques stalactites rehaussées
d’or. Le _Mimber_, qui est placé à la droite du _Mihrab_, est composé
de grandes pièces de marbre merveilleusement sculpté. La tribune
impériale, également en marbre blanc, est supportée par des colonnes en
porphyre ornées de chapiteaux en marbre d’ordre cristallisé.

La porte de cette tribune, ainsi que plusieurs autres portes de la
mosquée, est en noyer orné de rosaces géométriques.

Le _Kursi_ (chaire) qui se trouve placé près de la tribune impériale,
est un des chefs-d’œuvre de la sculpture en bois; le noyer en est très
artistiquement découpé et travaillé.

Près du pied droit de la coupole s’appuie la tribune des muezzines
construite en marbre orné de sculptures en stalactites.

La décoration est des plus soignées, jusque dans les moindres coins et
dans les moindres détails.

De grandes rosaces de faïence portant des écritures en blanc sur fond
bleu décorent les deux côtés du Mihrab. Elles sont d’une très grande
valeur artistique.

Les écritures du célèbre calligraphe Hassan Karahissai ornent
l’intérieur. Les fenêtres sont garnies de beaux vitraux en couleur
à encadrement de plâtre, fabriqués, d’après de Hammer, par Serhoch
Ibrahim (Ibrahim l’ivrogne). Sous le porche, à l’intérieur du Djami,
devant la porte principale est placée une dalle ronde en porphyre
d’une seule pièce et d’un diamètre d’environ deux mètres. Une légende
raconte qu’un des ouvriers grecs, qui travaillaient à la construction,
poussé par le sentiment religieux, aurait gravé secrètement une petite
croix sur cette pierre qui était destinée à orner la place près du
Mihrab. Cet ouvrier fut exécuté en présence du Sultan, qui était entré
dans une violente colère. Quant au porphyre, qui était ainsi devenu
impropre à servir dans la mosquée, il aurait été mis devant l’entrée
principale de la nef, le côté portant la croix tourné contre terre.
Mais, si on observe les dallages des autres mosquées, à l’endroit des
portes où le public passe très souvent, on remarque qu’ils sont tous
de forme ronde et en porphyre, afin d’offrir plus de résistance. Cette
pierre ne pouvait donc être destinée qu’à la place qu’elle occupe
actuellement. Quant à la croix, il est étrange qu’un ouvrier grec ait
pu avoir l’audace de la graver devant un millier d’ouvriers musulmans
qui travaillaient avec lui: et si l’on va même jusqu’à admettre que
la croix ait été réellement gravée, il eût été facile de la faire
disparaître et de rendre à la pierre sa destination primitive.

Cette légende n’a jamais été qu’une calomnie.

La cour extérieure de la mosquée est entourée de nombreuses
dépendances, parmi lesquelles des _imarets_ (sortes de cantines) pour
les étudiants et les pauvres; quatre _médressés_ (écoles supérieures)
et une école primaire; une école de médecine, un hôpital pour les
pauvres et un hospice.

D’après un architecte, la mosquée aurait coûté 597 _Yuk_ et 60.180
_aktché_, soit 59 millions _aktché_; 60 _aktché_ équivalaient à un
_sikké_; le _sikké_ ou _gourouche_ du temps du sultan Suleïman, est
évalué par M. Belin, en monnaie medjadié, à 50 piastres et 27 paras.
Cette somme représentait alors à peu près 54 millions de piastres, soit
10 millions de francs.


LE TURBÉ DU SULTAN SULEÏMAN LE LÉGISLATEUR

Le turbé de Suleïman est situé à l’est de la mosquée, dans un cimetière
qui contient les restes des hauts personnages. C’est un monument
de forme octogonale surmonté d’une coupole. Une galerie l’entoure
extérieurement, recouverte d’un toit supporté par 29 colonnes, dont
27 ont des chapiteaux en losanges, et les deux autres sur la façade
sont ornées de stalactites. Quatre colonnes vert antique à chapiteaux
cristallisés forment une sorte de péristyle qui sert de vestibule à
l’entrée.

A chaque angle extérieur du monument est appliqué un cordon en porphyre.

Deux riches panneaux en faïence revêtent les murs des deux côtés de la
porte d’entrée.

Au-dessus de la porte, une plaque verte porte en lettres dorées la date
de la mort du Sultan, 674 de l’Hégire (1566).

A l’intérieur, la coupole est ornée de morceaux de cristal de roche,
taillés en rose et dont des émeraudes forment le cœur. De magnifiques
lustres descendent de la coupole. Huit arcades ogivales, reposant sur
huit colonnes de marbre et de porphyre, soutiennent cette coupole. Ces
colonnes se trouvent à 1m,50 des parois de l’édifice, qui sont ornées
de faïences, et, au-dessus, d’une large frise en faïence bleue portant
des versets du Coran en lettres blanches. Cette galerie est éclairée
par des niches en arcade munies chacune de six fenêtres accouplées deux
à deux et dont les vitraux sont maintenus par des bandes de plâtre
ajouré.


[Illustration: Pl. 41.

    MOSQUÉE DE YENI DJAMI.]


Une balustrade en noyer sculpté et incrusté de nacre entoure les
cercueils du sultan et de ses enfants, Suleïman II et Ahmed II. Des
châles, des étoffes brodées d’une grande valeur, recouvrent les
cercueils. Sur le côté correspondant à la tête sont déposées les
coiffures des défunts, turbans blancs avec aigrette impériale formée de
plumes.

Deux grands candélabres se dressent de chaque côté du cercueil. Un
magnifique pupitre sculpté porte des Corans manuscrits. Une carte en
relief de La Mecque orne le mur.

Près de ce monument se trouve le turbé de Roxelane, épouse de Suleïman.
Cette construction a également une forme octogonale et est ornée de
faïences peintes et de magnifiques sculptures.


MOSQUÉE D’AHMED Ier

Sur l’emplacement de l’ancien palais byzantin, à l’est de l’hippodrome,
le sultan Ahmed Ier a fait bâtir, en 1610, une mosquée qui fut nommée
_Ahmedié_. Elle remplaça un ancien _tekké_ de l’ordre des _Kadiriyah_.
L’édifice est précédé, comme les autres mosquées, d’une cour très
spacieuse à galeries couvertes par quarante petites coupoles que
supportent des colonnes en granit. Au centre de la cour se trouve un
_chadrivan_, entouré de six colonnes à arcades ogivales. Une rampe,
partant de la cour extérieure à gauche, conduit à la tribune impériale,
d’où le Sultan peut se rendre à cheval jusqu’à ses appartements privés,
à l’intérieur de la mosquée.

La grande coupole de la mosquée est posée sur un tambour sur lequel
s’appuient quatre demi-coupoles hémisphériques. Aux quatre angles
formés par l’intersection des demi-coupoles, s’élèvent de petites
tourelles octogonales couvertes chacune par une coupole surbaissée,
formée d’écailles aux côtés arrondis qui s’abaissent du faîte à la base
et s’unissent au sommet de la coupole. La mosquée possède six minarets
dont deux à deux galeries et les quatre autres à trois galeries. Sur
les deux côtés latéraux du parvis s’aligne une rangée de fontaines,
surmontées d’une galerie à arcades qui se composent alternativement
d’une grande et d’une petite ogive et qui semblent être copiées sur les
arcades latérales de la mosquée. Derrière les galeries, des fenêtres
s’ouvrent sur le parvis.

L’intérieur de la mosquée a un aspect très imposant; il se dégage de
cet intérieur une impression de grandeur et de gaieté qu’on ne trouve
dans aucune autre mosquée. Son architecte Mehmed aga, voulant se
distinguer de ses maîtres, réussit, grâce à une puissante originalité,
à créer une perspective remarquable.

L’édifice couvre un rectangle de 72 mètres sur 64. Le dôme qui mesure
33m,60 de diamètre est soutenu par quatre piliers circulaires en marbre
de 5 mètres de diamètre.

Du côté de la porte, deux fontaines sont adossées aux deux piliers.
Ces piliers sont ornés en partie de cannelures que surmontent des
inscriptions en frise; d’autres colonnes en marbre, surmontées d’arcs
en ogive, supportent les galeries qui entourent les murs latéraux. Tous
les murs, depuis le sol jusqu’aux fenêtres supérieures, sont revêtus de
faïences coloriées et fleuries bleues, vertes et blanches. De grandes
inscriptions en arabe, dues au célèbre calligraphe _Cassim Goubari_ et
indiquant les noms des _sahabés_, sont suspendues aux murs. Le Mihrab,
qui est en marbre sculpté, est un chef-d’œuvre. Parmi les faïences
du Mihrab, on distingue un morceau de la pierre noire sacrée de La
Mecque; de chaque côté du Mihrab on voit d’énormes candélabres en
bronze portant des cierges gigantesques. Tout à côté sont posés sur des
pupitres en noyer incrustés de nacre des Corans manuscrits. Le Mimber
est des plus remarquables au point de vue décoratif.

Malheureusement, les lignes étroites et sans proportion des châssis des
fenêtres nuisent beaucoup à l’effet. En outre, la mosquée a perdu ses
anciens vitraux que l’ouvrage de D’Ohsson nous présente tels qu’ils
étaient en 1787; les vitres ordinaires qui les ont remplacés laissent
pénétrer à l’intérieur une lumière trop crue, qui empêche de bien
goûter le coloris si richement nuancé des faïences tapissant les murs.

Pour ces raisons, au lieu de présenter l’atmosphère mystique et
discrète qui caractérise l’intérieur de la Suléïmanié, la mosquée
d’Ahmed, où la lumière pénètre à flots, évoque plutôt la magnificence
d’un palais. C’est dans cette mosquée que fut proclamé en 1826 le
décret de Mahmoud II abolissant le corps des janissaires.

L’enceinte très vaste de la mosquée est entourée de grands murs à
fenêtres. Dans la cour plusieurs grands arbres, s’harmonisant avec
les lignes de l’édifice, ajoutent une note pittoresque à l’aspect de
l’ensemble.

Près de la mosquée s’élève le turbé d’Ahmed Ier. Ce turbé est précédé
d’un parvis et d’une seconde pièce. A l’intérieur, huit colonnes
supportent une coupole recouverte de faïences. Au milieu de cette
coupole se trouve le cercueil du fondateur de la mosquée, entouré de
ceux de ses enfants et de son épouse Mahpeïker.


MOSQUÉE DE YENI DJAMI

Yeni Djami (nouvelle mosquée) est située en face du pont qui relie
Galata à Stamboul. Elle a été construite par l’architecte _Kodja
Kassim_ en mémoire de la Validé Sultane, au centre très animé de
Stamboul. Sa construction fut commencée en 1614 sous les auspices de la
sultane _Keusem-Mahpeïker_, épouse d’Ahmed Ier et grand-mère du sultan
Mehmed IV. Cette sultane mère, devenue trop puissante dans l’Empire,
fut étranglée par des eunuques à la porte du _Kouchané_, sous le règne
de son petit-fils Murad IV.

Par suite de troubles politiques, la construction de la mosquée était
restée inachevée. _Tarhan Hadidjé_, sultane mère du sultan Mehmed IV,
et qui était la rivale de Keusem sultane, ordonna de reprendre les
travaux qui furent terminés en l’an 1074 de l’Hégire.

La mosquée est précédée comme les autres d’un parvis à trois portes
monumentales, surmontées chacune d’un fronton, sous lequel on lit une
inscription arabe sacrée concernant la prière.

L’ensemble de la porte forme un cadre rectangulaire renfermant une
arcade en ogive. La porte en plein cintre surbaissé et formée par des
linteaux en marbre blanc et rouge se trouve enclavée sous cette ogive.

Les murs élevés du parvis sont ajourés de fenêtres rectangulaires
munies de lourdes grilles à dessins carrés. Au-dessus de chaque fenêtre
se trouve une rangée de niches en ogive.

Au milieu de la cour on voit le _chadrivan_. D’autres galeries à deux
étages se trouvent appliquées aux côtés latéraux de la mosquée. Sous
ces galeries, le long des murs, il y a des fontaines pour les ablutions.


[Illustration: Pl. 42.

    MOSQUÉE DE YENI DJAMI.--Faïences de l’entrée des appartements
    du Sultan.]


Du côté de la mer, près d’une sorte de tunnel passant sous les
appartements privés des Sultans, on peut admirer la magnifique porte
réservée aux souverains et qui sert seulement à conduire à la tribune
impériale. Cette porte, une des plus belles œuvres de l’art ottoman,
est en marbre sculpté et ajouré d’ornementations géométriques. Les
portes du perron et de la galerie portent la lettre «vave» deux fois
répétée et entrelacée. Cette lettre est le symbole du mot de هو un
des noms mystiques de Dieu. A l’extérieur, quatre énormes contreforts
ingénieusement dissimulés supportent l’immense coupole.

[Illustration: La grande coupole de Yeni Djami.]

Sur chacun de ces contreforts s’élèvent trois petites tourelles
élégantes qui, s’étageant l’une sur l’autre, allègent l’aspect de cette
masse.

Les contreforts sont masqués par quatre lanternes de grandes dimensions.

La grande coupole et les quatre demi-coupoles portent à leur base
des rangées de fenêtres en ogives surbaissées pareilles à celles qui
s’ouvrent sur les quatre faces de la mosquée.

L’aspect général de l’intérieur est des plus imposants. Les murs sont
par endroits ornés de faïences.

La couleur bleue domine dans l’ensemble des tonalités. La tribune
impériale, en face de laquelle se trouve la tribune des muezzines, est
supportée par des colonnes en porphyre. La décoration des appartements
privés, situés derrière cette tribune, constitue un véritable musée de
l’art décoratif ottoman. Les faïences des cheminées et des murs sont
ornées de dessins magnifiques, les vitraux des fenêtres sont superbes
et les portes sont des merveilles de sculpture sur bois.

La niche qui forme le Mihrab est ornée de magnifiques stalactites
recouvertes d’or. Le Mimber est fait de morceaux de marbre, artistement
sculptés, où s’entrelacent ingénieusement des rosaces géométriques. Le
monument a coûté environ huit millions de francs.

La mosquée possède comme dépendances une école primaire, une
bibliothèque fondée par Ahmed III, un sébil (fontaine où l’on distribue
l’eau aux passants), un grand turbé où sont enterrés le sultan Mehmed
IV, fils de la seconde fondatrice, le sultan Moustafa II (1703) et
son fils Ahmed III (1739), Mahmoud Ier (1754), Osman III (1757) et un
grand nombre de princes et princesses, parmi lesquels les dix-huit
enfants fils du sultan Ahmed III. L’aspect extérieur du turbé est très
original. A l’intérieur, parmi d’autres petits cercueils, on remarque
celui de la sultane Validé.


MOSQUÉE DU SULTAN MEHMED LE CONQUÉRANT (FATIH)

Cette mosquée fut élevée d’abord en 1471 par ordre du sultan Mehmed
le Conquérant. Elle est située un peu plus loin vers le nord que
l’emplacement où s’élevait jadis la fameuse église des Saints-Apôtres.
La construction de la mosquée fut commencée en l’an 867 de l’Hégire et
terminée en 875, c’est-à-dire huit ans après, ainsi que l’indique une
inscription sur la porte. Un tremblement de terre survenu en l’an 1179,
le troisième jour du _Kourban Baïram_ (fêtes des sacrifices), une heure
après le lever du soleil, l’avait horriblement endommagée. La coupole,
totalement démolie, a été reconstruite à nouveau en 1181-1185.

Nous manquons malheureusement de détails sur la forme première de
cette construction, qui a marqué le début d’une nouvelle période
architecturale. Dans la description que nous en donne _Hadi katul
Djevami_, nous ne rencontrons que le passage suivant: «les deux grands
pieds d’éléphants et les deux colonnes en porphyre, ayant été démolis
et renversés, la coupole fut élevée sur quatre piliers: ces colonnes
furent enterrées[80].»

                [80] Probablement par respect pour le matériel qui
                avait servi à la construction d’une mosquée.

La mosquée est actuellement précédée d’un parvis avec des galeries, des
arcades en ogive qui supportent de petites coupoles couvertes par des
plaques de plomb. A l’extérieur, sur la façade principale du parvis,
aux deux côtés de la porte, s’ouvrent des fenêtres rectangulaires
surmontées d’un tympan en ogive orné d’inscriptions en mosaïque, qui
proviennent probablement de la première construction de la mosquée.

Au milieu du parvis (_avlou_) se dresse une fontaine de forme
octogonale destinée aux ablutions.

Les cyprès donnent à ce parvis un aspect très pittoresque. La grande
coupole de la mosquée est soutenue par quatre demi-coupoles posées
sur de grands piliers aux coins arrondis. Au dehors, quatre petites
tourelles se dressent sur chaque contrefort pour en augmenter le poids
et rehausser l’aspect de l’ensemble.

Des deux côtés de la mosquée se trouvent deux minarets, entourés de
deux galeries (_cherefé_) réservés aux muezzines qui y montent pour
chanter l’_Ezan_ (l’appel aux prières).

A l’intérieur et à la droite du portail, on voit une petite plaque en
marbre qui porte en lettres d’or sur un fond vert foncé les paroles du
prophète relatives à la conquête de Constantinople.

    لتفتحن القسطنطينية فلنعم الامير لتفتحن
                  و فلنعم الجيش ذلك الجيش

Voici la traduction:

«On va conquérir Constantinople: quel honneur pour l’armée qui fera
cette conquête et quelle gloire pour son chef.»

Des deux côtés de la porte principale, sur des fenêtres, deux balcons
permettent aux muezzines d’entendre la prière et de la répéter aux
fidèles qui prient dehors.

Le tombeau du sultan Mehmed le Conquérant se trouve devant la mosquée,
qui possède comme autre dépendance des _médressés_, des _imarets_ et un
hôpital. La porte qui conduit au _Mousalla_ date d’Ahmed III.

Les grands personnages de l’État ont leur sépulture tout à côté de ce
grand turbé.


[Illustration: Pl. 43.

    MOSQUÉE DE YENI DJAMI.--Appartement du Sultan.]


MOSQUÉE DE LALÉLI

Cette mosquée, construite à la même époque que celle de Fatih, présente
extérieurement de très grandes ressemblances avec elle. Elle est bâtie
sur de profonds souterrains formant citerne. Elle est, comme les autres
mosquées, précédée d’une cour à portiques, où l’on accède par un
escalier en marbre. Les colonnes qui supportent les arcades sont d’une
forme bizarre et inesthétique. On ne voit plus sur les chapiteaux les
stalactites, si fréquemment employées dans l’art ottoman. Tout y est
pauvre. Les chapiteaux sont formés d’un simple abaque en marbre orné
d’une petite feuille aux quatre coins. Des deux côtés de la porte
principale qui conduit à l’intérieur et à une certaine hauteur, on voit
deux balcons, d’où l’on répétait la prière aux fidèles.

L’intérieur est disposé d’une façon nouvelle.

La base octogonale de la coupole est supportée par des colonnes
engagées dans l’épaisseur du mur. La partie qui renferme le Mihrab est
située hors de l’octogone formé par les colonnes. Les tribunes sont
au-dessus de la porte.


II.--LES FONTAINES

    و من الماء كل شى حى

Ainsi que l’indique un verset du Coran qu’on rencontre à peu près sur
toutes les fontaines, les musulmans considèrent l’eau comme la source
de la vie. Ils sont en cela d’accord avec le chimiste qui attribuait
l’origine des molécules à l’hydrogène.

Tout personnage musulman, désireux de faire une œuvre, construisait
pour le repos de son âme et celle de ses parents morts une fontaine
où coulait une eau pure ou potable. A chaque pas, dans la ville, on
rencontre des _tchechmés_ (fontaines) ou des _sébils_. Les _tchechmés_
sont de simples fontaines destinées à fournir l’eau potable que les
porteurs d’eau, appelés _Sakha_, portent dans les maisons des quartiers
avoisinants. Le _tchechmé_ consiste généralement en une construction
de marbre appliquée au mur et terminée à son extrémité inférieure par
un petit bassin.

Souvent ces _tchechmés_ possèdent à leur partie supérieure un grand
_satchak_ (toit avancé) pour abriter du soleil et de la pluie les gens
qui prennent de l’eau.

Les eaux amenées par des aqueducs alimentent de grands réservoirs en
pierre qui se trouvent derrière chaque fontaine. Sur chacun de ces
tchechmés se trouve enclavée dans le mur une plaque de marbre sculptée
et dorée, qui porte le nom des fondateurs de la fontaine et la date de
sa fondation (chronogramme).

Sur tous les monuments élevés par les musulmans la date est indiquée,
en général, par la somme des valeurs correspondant aux lettres du
dernier vers. Chaque lettre, selon la classification des Arabes,
correspond à un numéro d’ordre. Le total des chiffres qui composent
ainsi le dernier vers de l’inscription indique la date. Les poètes
s’efforçaient de réunir dans le dernier hémistiche leur nom, celui du
fondateur et la date de la fondation.

Les vers sculptés sur la pierre en caractères dorés contribuent
beaucoup à l’ornementation, grâce à la forme décorative des lettres
orientales.

Quant aux _sébils_, ils sont d’ordinaire situés dans les endroits
publics près des mosquées, et un homme est chargé de remplir les
gobelets en bronze vidés par les buveurs et qui restent attachés par
des chaînes aux grillages des _sébils_. Ces grillages, qui sont souvent
en bronze ajouré et ciselé de magnifiques ornementations, produisent
généralement un grand effet décoratif.

Les gobelets mis à la disposition des passants portent souvent, à
l’intérieur, des versets du Coran qui rendent sacrée l’eau qu’on boit.

Les sébils se composent de plusieurs pièces surveillées par le gardien.

La fontaine du sultan Ahmed III, près du vieux sérail, possède ces
deux genres de _tchechmés_ et de _sébils_. Elle est située à côté de
Sainte-Sophie, près de la porte du vieux sérail dite _Bab-i-Humayoun_,
probablement sur l’emplacement de l’ancienne fontaine byzantine qui
s’appelait Géranion. On dit que le croquis de cette fontaine a été
établi par le sultan Ahmed III lui-même.

Des vers de sa composition, sculptés en lettres d’or sur les plaques de
marbre, décorent richement la fontaine. Quelques-uns de ces vers sont
empruntés aux plus fameux poètes de l’époque et célèbrent les louanges
de Dieu et du souverain.

Comme nous venons de le dire, cette fontaine réunit les deux principaux
genres en usage à Constantinople: _sébil_ et _tchechmé_, qu’on
rencontre ailleurs séparément. La fontaine est comprise dans un carré
ayant à chaque angle des parties semi-circulaires où sont installés
quatre sébils.

Quatre fontaines sont placées dans les espaces libres entre les sébils;
à la droite et à la gauche de chaque fontaine sont creusées deux niches
ornées de stalactites.

Des fleurs ornementales finement sculptées sur des plaques de marbre
précieux, encadrent des inscriptions rehaussées d’or, au milieu des
frises en faïence qui décorent les quatre façades.

Les sébils sont garnis de grilles en bronze magnifiquement ciselées.
La fontaine est couverte d’une toiture très exhaussée, surmontée d’un
grand clocheton central et de quatre autres clochetons plus petits
placés au-dessus de chaque sébil, et qui portent à leur sommet des
_alems_ dorés, auxquels l’édifice emprunte son caractère religieux. La
toiture et les clochetons sont recouverts de plaques de plomb. Cette
fontaine fut achevée en 1141 H. (1728 J.-C.) Le sultan Ahmed avait fait
construire un grand nombre d’autres tchechmés, richement travaillés,
tels que la fontaine de Tophané, reconstruite par Mahmoud Ier en 1145,
et qui se trouve actuellement à l’angle du grillage de l’arsenal, sur
le coin de la rue qui va aux quais.

Les ornementations de cette fontaine sont d’un style bâtard. Une large
bande de fines inscriptions en vers décore la partie supérieure du
monument. Aujourd’hui, on ne voit plus rien de son ancienne toiture,
qui a été détruite et remplacée par une balustrade, ce qui lui enleva
toute son originalité. Le plafond du toit de cette fontaine était
richement orné de fleurs et de fruits sculptés sur bois. Ce toit
formait sur chaque façade une saillie de 15 pieds, 6 pouces, qui était
surmontée d’une grande coupole couverte de plomb, au sommet de laquelle
s’élevait une flèche (alem) dorée, pareille à celle de la fontaine de
l’Aya Sophia; seize autres petites coupoles entouraient la base de la
grande. La fontaine de Scutari, qui, reconstruite plusieurs fois, vient
de s’écrouler, a elle aussi beaucoup perdu de sa forme primitive et par
suite de son originalité.

Une autre fontaine fut construite par le sultan Ahmed au quartier
des _Arabes_[81] à Galata, presque en même temps que celle de
_Bab-i-Humayoun_. Comme Galata formait alors une petite ville entourée
d’une enceinte, et que les terrains étaient occupés par des maisons de
commerce, on n’avait pu trouver à cette fontaine un emplacement assez
vaste et dont les abords fussent suffisamment dégagés: on fut donc
obligé de lui donner la forme d’un biseau à angles et, pour obtenir
plus de développement de façade, on adopta une sorte de tourelle à six
pans.

                [81] Nom donné d’abord à l’infanterie légère et plus
                tard aux pontonniers et aux rameurs.

Elle est à la fois tchéchmé et sébil, comme celle du sérail à qui elle
ressemble, bien qu’elle soit d’une disposition un peu différente. La
fontaine d’_Arab Kapou_ n’a en effet qu’un seul sébil qui est formé par
une petite rotonde hexagonale; une colonnette se dresse à chaque angle,
supportant un chapiteau d’ordre cristallisé, sur lequel sont appliqués
des grillages en bronze ciselé et doré et de gracieuses rosaces.

Sur les façades qui se trouvent à droite et à gauche du sébil
sont installés deux tchéchmés, ornés de magnifiques sculptures et
inscriptions dorées en relief.


III.--LES CIMETIÈRES

Les musulmans souhaitent, pour la félicité de leur âme, reposer après
leur mort près d’un édifice religieux.

Les Sultans, les grands dignitaires de l’État, les grands personnages,
les riches, les gens aisés se font enterrer près d’une mosquée où la
prière est continue.

Les Sultans et les pachas ont toujours leurs tombeaux près de la
mosquée qu’ils ont fondée.

En général, à chaque mosquée est attenant un petit jardin qui sert de
cimetière; on y trouve le tombeau du fondateur, entouré des tombeaux de
ses parents et des grands personnages.

Les sépultures couvertes qu’on appelle turbés sont réservées aux
saints, aux Sultans et aux personnages considérables.

On ne peut faire un plus grand honneur à un défunt que de lui élever un
turbé.

Les turbés sont généralement construits en forme octogonale ou carrée,
surmontés d’une coupole et précédés d’un vestibule.

Dans les turbés des très grands personnages, des gardes (_turbedars_)
veillent sans cesse en lisant le Coran. Les turbés des Sultans
diffèrent de ceux des saints, en ce qu’ils sont plus richement décorés;
ceux des saints ont un aspect plus mystique et plus religieux.

On y voit un cercueil (_sandouka_), en forme de caisse à base
rectangulaire, recouvert d’un couvercle prismatique. Ce cercueil est
couvert de draps noirs ou verts et d’étoffes de valeur portant des
versets du Coran brodés en or et en argent. Du côté de la tête est
placé un turban rappelant la coiffure que portait le défunt. De chaque
côté du cercueil près de la tête sont posés deux grands candélabres
garnis de cierges; les candélabres sont en bronze ou en argent, selon
l’importance du défunt.

Des Corans manuscrits, ouverts sur des pupitres en forme d’X, sont à la
disposition des visiteurs qui voudraient prier pour le repos de l’âme
du défunt. On voit souvent, attachés aux grillages des fenêtres des
turbés ou à la balustrade qui entoure le cercueil, de petits chiffons
que les malades viennent fixer là avec l’espoir que cette pratique
religieuse les guérira. Le _turbedar_ fait passer les malades entre de
grands chapelets qui y sont gardés et leur fait boire de l’eau du puits
avoisinant le turbé. Suivant les prescriptions, cette eau doit être
puisée à l’aide de tasses portant des inscriptions sacrées.

Les turbés des Sultans sont plus richement décorés; le cercueil, plus
haut et plus grand, est excessivement luxueux. Il est recouvert de
châles précieux en velours brodé d’argent. Les pupitres en noyer ou
en ébène sont incrustés de nacre et de rosaces magnifiques. Un haut
grillage en bronze ou en argent entoure le cercueil.

Les cimetières publics sont situés à proximité de la ville. Outre
les petits cimetières qu’on rencontre dans chaque quartier, près des
mosquées, la ville possède trois cimetières principaux[82], qui peuvent
vraiment être considérés comme des villes des morts. Ils ont à peu près
le même aspect; on y voit d’immenses cyprès très vieux, des pierres
tombales souvent brisées disséminées un peu partout sans ordre, et
qui font ressembler ces cimetières, généralement entourés de murs en
ruines, à de véritables forêts de pierres.

                [82] Celui d’Eyoub, ceux qui bordent les murs, et le
                cimetière de Karadja Ahmed à Scutari.

Le corps du défunt est enseveli dans la terre, le côté droit tourné
vers La Mecque. Tous les morts sont placés dans la même position. Une
grande plaque de marbre couvre horizontalement le tombeau. Deux pierres
posées verticalement indiquent l’une le côté de la tête, l’autre le
côté des pieds. Dans la plaque de pierre horizontale sont creusés deux
trous assez larges qui communiquent avec la terre; on y plante des
fleurs ou des rosiers. Au milieu de la pierre, une cavité ronde remplie
d’eau de pluie sert aux petits oiseaux et aux colombes. Du côté de la
tête s’élève une pierre commémorative, rappelant par une sculpture
la coiffure du défunt, avec son nom et la date de sa mort souvent
écrits en vers et sculptés en reliefs rehaussés d’or. La grandeur et
l’ornementation de cette pierre varient selon l’importance du défunt.
Les pierres sépulcrales des femmes ont une forme différente de celle
des hommes. Elles ne portent qu’une ornementation ou une fleur.

Du côté des pieds, la pierre a une ornementation, mais sans écriture.
Toutes les pierres tombales des personnes riches ou pauvres ont des
vers commémoratifs qui commencent par la formule:

    هو الباقى

    (Dieu seul est éternel.)

ou

    كل نفس ذائقة الموت

    (Chaque âme doit goûter la mort.)

Les souffrances du défunt, son emploi, son âge sont rappelés en
quelques lignes. Toutes ces inscriptions se terminent en demandant aux
visiteurs la prière de _Fatiha_, premier chapitre du Coran, pour la
tranquillité de l’âme du défunt.


IV.--LES BAINS TURCS (HAMAM)

Le bain étant aussi indispensable au musulman que la mosquée, la ville
possède plus de trois cents bains publics, sans compter les bains
particuliers.

Les bains turcs ne diffèrent en général que fort peu de ceux des
Byzantins. Les Turcs, qui utilisèrent après la conquête les bains
abandonnés par les Byzantins, construisirent les leurs à peu près
dans le même genre et souvent sur le même emplacement. D’ailleurs la
disposition des bains byzantins était celle déjà adoptée par les Turcs
pour les bains de Brousse, de Salonique et de Damas.

L’eau et le feu, auxquels les bains étaient exposés continuellement,
n’ont laissé subsister jusqu’à nos jours aucun bain datant de
l’époque byzantine, et qui n’ait subi soit des réparations, soit des
transformations.


[Illustration: Pl. 44.

    MOSQUÉE DU SULTAN MEHMED II LE CONQUÉRANT.]


Gyllius, qui visita Constantinople soixante-douze ans après l’entrée
des Turcs dans cette ville, nous donne la description d’un bain turc.
Cette description permet de se faire une idée de ce qu’étaient les
bains à cette époque où ils rappelaient encore de très près les thermes
byzantins, s’ils ne leur étaient tout à fait semblables. Elle montre
qu’ils avaient les mêmes dispositions que les bains turcs actuels.

«Ces thermes sont doubles ou jumeaux, dit-il, composés de deux parties
exactement semblables, adossées l’une contre l’autre et réservées l’une
aux hommes, l’autre aux femmes[83]. On entre d’abord dans l’apodyterium
d’où l’on passe par une porte au tepidarium et par une autre du
tepidarium au caldarium. Ces trois compartiments réunis par des portes
de communication constituent les thermes. Chacune de ces parties de
l’édifice a sa toiture et ses murailles.»

                [83] Les bains qui n’ont qu’une seule division sont
                ouverts jusqu’à midi aux hommes, qui l’abandonnent
                ensuite pour laisser la place aux femmes.

«L’apodyterium est un édifice carré sur lequel s’appuie la rotonde en
briques de la voûte. Son intérieur a 240 pieds 8 pouces de pourtour.
Une estrade en pierre, ayant plus de six pieds de largeur et haute de
trois pieds, règne tout autour. La muraille de l’apodyterium, depuis
sa base jusqu’au sommet sur lequel la coupole prend naissance, a
trente-sept pieds de hauteur; le pavé est formé de dalles en marbre. En
son centre se trouve une vasque également en marbre.»

«Deux portes d’entrée conduisent de l’apodyterium au tepidarium dont
l’intérieur a cent pieds de circonférence. La voûte hémisphérique est
soutenue par quatre arcades, qui forment huit alcôves; une de ces
alcôves qui est plus petite de moitié que les autres est réservée aux
latrines. Six d’entre elles possèdent chacune une vasque munie d’une
fontaine à robinet, mais elles sont construites de manière qu’entre
chaque seconde arcade il en est une qui forme une chambre d’où l’on
passe à droite et à gauche dans une autre. Au centre du tepidarium est
une fontaine d’où jaillit un filet d’eau qui tombe dans un bassin de
marbre. Une seule porte sert de passage du tepidarium au caldarium.
Cette partie du bain présente huit arcades qui servent de soutien à
une coupole. Chacune des huit arcades ouvre sur une chambre. Au milieu
du pavé, qui est formé pareillement de dalles en marbre, s’élève
une estrade octogonale haute de deux pieds quatre pouces et ayant
cinquante-sept pieds un quart de circonférence. Elle est entourée par
une ruelle qui la sépare du pavé dont le niveau est le même que celui
de l’octogone.»

Dans ce passage de Gyllius, nous voyons que la disposition des premiers
bains turcs de Constantinople, provenant probablement des Byzantins, ne
différait presque pas des bains construits par les Turcs de l’époque
postérieure. Les bains turcs sont généralement construits sur un plan
rectangulaire. Chaque partie du bain est couverte d’un dôme, criblé de
petites ouvertures rondes garnies de clochetons en verre qui laissent
pénétrer la lumière à l’intérieur. Les murs latéraux sont dépourvus de
fenêtres. L’apodyterium est dallé de marbre, et possède au centre un
bassin sur lequel s’étagent de grandes cuvettes en marbre, à bordure
cannelée, de dimensions variables, se rapetissant de l’une à l’autre.
L’eau jaillissant de la cuvette placée au sommet le plus élevé fait
cascade sur les autres. Les mêmes eaux servent parfois à arroser des
fruits. Des canaris chantent continuellement dans des cages ornées de
perles bleues[84] (bondjouk).

                [84] Les perles bleues sont considérées comme un
                fétiche contre le mauvais œil.

Une colonnade en bois entoure la salle. De larges bancs en forme de
sofas y sont placés. C’est là que les gens de la classe pauvre se
déshabillent. Des morceaux de bois ronds, fixés entre les colonnes,
servent de portemanteaux. Au-dessus de cette première galerie, on en
voit une deuxième et souvent une troisième. Là aussi sont disposés de
larges sofas. Les galeries inférieures et supérieures sont séparées aux
angles par une cloison en bois. Ces pièces sont réservées aux riches et
aux grands personnages.

Sur une petite estrade près de la porte se tient le propriétaire, assis
sur un coussin (_minder_), devant une cassette en bois (_tchekmédjé_)
tout incrustée de nacre. Un miroir à main, d’une forme ogivale, reste
suspendu au mur près de cette cassette destinée à recevoir l’argent que
les baigneurs posent en quittant le bain.

A hauteur des galeries supérieures sont rangées des tiges en bois où
l’on étend les _pechtemal_ (essuie-corps) de couleurs éclatantes.

Une petite cheminée adossée au mur près de la porte intérieure sert
à préparer le café. Près de cette cheminée se trouvent des armoires
contenant des narguillés, des tasses à café, des savons parfumés de
musc, des vases en bronze doré, des fleurs artificielles.

Une porte étroite passe de l’apodyterium dans la pièce appelée
_soouklouk_ (tepidarium ou alipterium) dont la température est plus
élevée que dans la grande pièce, mais moins que dans la deuxième
appelée caldarium. Elle est surmontée d’une coupole percée de petites
ouvertures que recouvrent des cloches en verre. Une faible lumière
éclaire l’intérieur. Là, sur des bancs en bois, sont préparés des lits
à la disposition des baigneurs.

De petites portes ouvertes dans cette salle conduisent par des
galeries voûtées et obscures aux lieux d’aisance et à un cabinet
particulier, réservé aux toilettes intimes auxquelles chaque musulman
est religieusement astreint. Le baigneur pénètre dans cette dernière
pièce où un robinet d’eau chaude et un _kourna_ (récipient en marbre)
sont à sa disposition. Il couvre l’ouverture formée par la porte
d’un pechtemal et procède à ses ablutions. Une porte conduit du
tepidarium au caldarium où règne une très forte chaleur. Cette salle
est pareillement dallée de marbre et surmontée d’une coupole à petites
fenêtres rondes. A chaque coin de la salle, il y a de petites cabines
séparées par un mur bas, qui sont réservées à la classe riche. Toutes
ces cabines possèdent un ou deux _kournas_ avec deux robinets en bronze
dont l’un est à eau chaude et l’autre à eau froide.

La salle est également munie de _kournas_, au-dessus desquels sont
enfoncés dans le mur de grands et longs clous noirs qui servent à
suspendre les _pechtemals_.

Au milieu de la salle commune du caldarium, existe une estrade en forme
ronde ou octogonale et qui s’appelle _Gueubek-tachi_ (pierre-nombril)
où le baigneur s’allonge pour être massé.

Les bains turcs n’ont pas, comme on l’a dit à tort, un grand bassin où
le public va se baigner, car l’eau déjà touchée par un autre corps et
par le corps du baigneur même est considérée par les musulmans comme
rituellement impure. Toutefois le cas peut être exceptionnel dans les
bains thermaux où l’eau se renouvelle en coulant de source, comme à
Brousse par exemple. A Constantinople, il n’y a que les israélites qui,
fidèles aux prescriptions de la loi de Moïse, aient gardé la coutume de
se replonger dans une piscine d’eau froide après s’être lavé le corps.

Chaque bain possède un _kulhan_ (hypocauste). On y brûle
continuellement du bois. La chaleur et la fumée circulent sous le
dallage en marbre du bain, traversent les nombreuses conduites
maçonnées dans l’intérieur des murs, chauffent l’eau et l’air du bain
et ressortent par de petites cheminées en forme de tubes circulaires,
appliqués tout autour de la bâtisse au haut des coupoles couvertes de
plomb. Faut-il ajouter que ces bains sont constamment chauffés? Les
musulmans sont en effet astreints par leur religion à se laver le corps
en certaines circonstances.


[Illustration: Pl. 45.

    TOMBEAU DE MEHMED II LE CONQUÉRANT.
    Dans le Turbé devant sa mosquée.]


Le bain des dames diffère un peu de celui des hommes. D’abord les
accessoires comme essuie-corps, savon, sont apportés par les femmes
elles-mêmes dans de grands _bohdja_ (sortes de sacs en drap brodé).
Elles prennent même avec elles des vivres, car c’est pour elles un
grand plaisir que de passer toute la journée dans le bain en mangeant
sur le _gueubek-tachi_, en chantant et en s’amusant.

Au cours d’un ouvrage écrit sur les études de van Millingen, le Dr
Mavroyeni donne des détails très circonstanciés sur la façon compliquée
et pittoresque dont on prend le bain chez les Orientaux. Nous nous
permettrons de résumer cet intéressant travail.

«Dès l’entrée, on aperçoit les étuvistes, drapés à la romaine dans
des linges bleus rayés de rouge. Dans l’apodyterium, des baigneurs se
déshabillent, tandis que d’autres sortent du bain et viennent s’étendre
sur les lits de repos pour y goûter le _kieff_, mot intraduisible,
béatitude absolue que donnent à l’esprit et au corps des Orientaux le
tabac et le café unis au _dolce farniente_.

«Après s’être déshabillé, le baigneur s’enveloppe d’une sorte de
pagne, et, coiffé d’un large turban, les pieds dans des sandales de
bois qui rendent sa marche incertaine, il entre dans le tepidarium.
La température y est de 25° et c’est sur des couchettes garnies de
coussins que la pipe et le café sont présentés au baigneur. Dès qu’une
moiteur apparaît sur son corps, l’étuviste le fait passer au caldarium
où, sur une estrade située au centre, commence l’opération du massage
à laquelle une grande importance est attachée et qui est pratiquée par
des malaxeurs et des strigillaires modernes en qui se sont conservées
les traditions du passé.

«Après un massage complet de toutes les articulations, le masseur
mène son client près d’une des vasques qui entourent la rotonde et,
armé d’un gantelet en poils de chèvre, s’attaque au système cutané.
Les rinçages s’opèrent à l’eau tiède. Mais le baigneur est à bout
de forces: un verre d’eau froide lui redonne l’énergie nécessaire;
quelques écuellées d’eau froide versées sur la tête le remettent
complètement et le masseur en prend de nouveau possession, transformé
cette fois en alipte. Cataracte d’eau brûlante et vif savonnage, puis
rinçage de tout le corps: cette opération est répétée trois fois. Le
masseur fouette son savon à l’aide de longues fibres de palmier dans un
bassin de cuivre et ne l’applique que lorsqu’il est réduit à l’état de
mousse nuageuse et impalpable.

«C’est après une douche que le baigneur est aussitôt emmailloté de
serviettes chaudes, ses cheveux sont essuyés, et il vient goûter le
_kieff_ sur un lit de repos dans l’apodyterium.

«Nous avons vu le baigneur passer par trois salles: l’apodyterium, le
tepidarium et le caldarium; il n’y a en effet qu’un seul bain public
à Constantinople qui possède un frigidarium. C’est le bain de Djerrah
pacha, situé près d’Ak-Sérail.»


V.--LE GRAND BAZAR

Comme aux temps des Byzantins, la ville possède des bazars couverts. Le
plus grand de ces bazars est celui de Stamboul, dont une partie date
des Byzantins, véritable ville avec des rues couvertes d’arcades et
de coupoles. Des magasins étroits et souvent voûtés bordent ces rues.
Ses ruelles étroites, ses carrefours, ses bancs et dépendances, ses
passages sombres, font de ce bazar une sorte de labyrinthe compliqué à
tel point que les habitants de la ville eux-mêmes s’y perdent souvent
et sont obligés de demander leur chemin aux marchands.

Une lumière faible et blafarde, arrivant par de petites fenêtres
cintrées ouvertes au plafond des magasins, éclaire l’intérieur et les
marchandises sous un jour favorable aux boutiquiers. Le bazar est
divisé en quartiers dont chacun, réservé à un commerce spécial, porte
le nom du commerce qui y est pratiqué. C’est ainsi que _Kouyoumdji
Tcharchissi_ signifie bazar des bijoutiers. Il en est de même pour
les orfèvres, les fourreurs, les marchands d’étoffe, etc. La plupart
des magasins ne sont que de petites échoppes étroites. Devant chaque
magasin, un banc peu élevé sert de comptoir; le vendeur y est assis,
les jambes croisées. C’est là qu’il étale ses articles devant
l’acheteur qui prend souvent place à côté de lui.

Malheureusement, le bazar commence à perdre son caractère
d’originalité, les articles orientaux cédant peu à peu la place à ceux
provenant des manufactures européennes.

Le quartier du grand bazar qui a conservé son ancienne originalité
est le _Bedestén_ (le marché de ventes aux enchères). C’est une
grande bâtisse carrée, couverte de plusieurs coupoles, soutenues
par d’immenses piliers d’une très grande hauteur. Le _Bedestén_ est
situé au centre du bazar. Quatre portes de fer, ouvrant sur les côtés
communiquent avec l’intérieur du bazar. Quelques petites fenêtres à
volets de fer, percées à la hauteur des coupoles, éclairent faiblement
l’intérieur. Une lumière pâle tombe sur les objets anciens, suspendus
aux murs et noircis par la poussière des siècles.

Une balustrade en bois irrégulièrement construite et située à la
hauteur des fenêtres permet au gardien de nuit de circuler autour du
bâtiment et de fermer les volets de fer.

Le _Bedestén_ n’est pas ouvert à toute heure du jour. On l’ouvre plus
tard et on le ferme plus tôt que le reste du bazar. Il ne reste ainsi
accessible au public que pendant quelques heures. Les magasins ne
sont formés que d’estrades et de bancs en bois. Chaque marchand a son
_dolab_ (armoire) et une ou plusieurs vitrines plates où il expose ses
marchandises et devant lesquelles il est assis à la turque, les jambes
croisées, en attendant les clients.

Des _dellals_ ou courtiers privilégiés du _Bedestén_ font voir aux
marchands et aux amateurs les objets rares, et font la mise à prix.
C’est de ce célèbre bazar que sont sortis des objets antiques de la
plus haute valeur pour passer en Europe. Le Bazar égyptien, qui est
aussi un des plus grands de la ville, est formé d’une grande ruelle
voûtée en forme de berceau ayant au bas des voûtes des fenêtres
latérales qui éclairent faiblement l’intérieur. Les marchandises sont
exposées dans des sacs ouverts. Chaque magasin porte une arme ou un
objet particulier qui lui sert d’enseigne. On y vend des épices et
toutes sortes de drogues.


[Illustration: Pl. 46.

    FONTAINE D’AHMED III OU D’AYA SOPHIA.]


VI.--LES PALAIS IMPÉRIAUX OTTOMANS


PALAIS DE TOP KAPOU

Le premier palais ottoman a été bâti par Mahomet II le Conquérant sur
la place de l’ancien forum Tauri (place de Bayazid). Ce palais, habité
d’abord par le Sultan, reçut plus tard, après la construction du
palais de Top Kapou serail, le nom d’_Eski-serail_ (vieux palais). Il
était gardé par 500 _baltadji_. Sur cet emplacement s’élève aujourd’hui
le ministère de la Guerre appelé aussi _Eski-serail_.

Le sultan Mahomet II fit construire plus tard un autre palais sur
l’acropole de l’ancienne Byzance, où s’élevait autrefois le palais de
l’impératrice Placidie. Ce palais, dit de _Top Kapou_, fut habité par
les successeurs du Conquérant jusqu’au sultan Mahmoud II, le grand
réformateur, qui l’abandonna. Depuis, et jusqu’à nos jours, il a été
affecté à la résidence des _Sérailis_ (femmes du palais et de la cour
impériale).

Le palais se compose de plusieurs bâtiments et de _kiosques_ qui
communiquent entre eux par des _mabeïns_, sortes de couloirs.

L’enceinte du palais est entourée d’une muraille flanquée de deux
tours; c’est à peu près la même enceinte qui entourait l’ancienne
acropole[85] de Byzance. La partie principale du palais est
magnifiquement située sur la pointe la plus élevée de la colline, d’où
l’on jouit d’une vue admirable sur le Bosphore, les Iles des Princes,
la Corne d’Or, la Propontide et sur les montagnes de la Bithynie et
de l’Olympe. On ne rencontre nulle part ailleurs un panorama aussi
grandiose et aussi majestueux. L’ensemble de ces monuments offre un
aspect très pittoresque. Une multitude de bâtiments, de coupoles
surgissent par endroits du milieu d’immenses cyprès.

                [85] Il ne faut pas confondre l’emplacement du Top
                Kapou serail avec celui du grand palais byzantin qui se
                trouvait à l’est de l’hippodrome.

Outre l’enceinte principale, le palais en possède plusieurs autres à
l’extérieur. L’une des portes de l’enceinte principale se trouve près
de la mosquée Sainte-Sophie; elle s’appelle _Bab-i-Humayoun_ ou porte
impériale; on trouve ensuite la porte de _Soouk-Tchechmé_, une autre
près de l’École de médecine et une autre près de _Yali-Kiosque_.

La porte située près de Sainte-Sophie, en face de la fameuse fontaine
construite par le sultan Ahmed III, conduit à une grande esplanade
plantée de cyprès et de platanes. Cette cour rappelle la Chalké antique
des palais byzantins. En laissant à gauche l’église de Sainte-Irène
(actuellement le musée d’armes) et en suivant la grande allée, on
arrive devant la porte de l’enceinte intérieure du palais. La porte
est flanquée de deux tours aux toits coniques. Elle conduit à une cour
plantée de cyprès. A droite, sont les cuisines impériales, à gauche
le mur du harem et l’ancienne salle du _Divan_ où se tenait autrefois
le Conseil des ministres. Une tour carrée surmonte la salle. Mais
cette tour ne présente plus l’ancienne forme que nous lui voyons dans
l’ouvrage de Melling. De grandes fenêtres grillées éclairaient la salle
du _Divan_. En face, une galerie soutenue par une colonnade donne accès
et aboutit à une autre porte monumentale qui conduit à une troisième
cour réservée au Sultan et aux gens du palais.

Après avoir franchi cette porte, on se trouve en présence d’un pavillon
qui contient le _Divan_ ou salle du Trône, dans laquelle les Sultans
recevaient les ambassadeurs et les vizirs. Ce pavillon, d’un style
très original, est orné intérieurement de magnifiques faïences et de
vitraux. La cheminée est tout à fait remarquable.

Dans la même cour, tout près de la salle du Trône, se trouve la
bibliothèque du Sultan, qui contient de très beaux et très rares
manuscrits turcs et byzantins jusqu’ici inédits. Cette cour est
entourée d’une galerie à colonnades; à droite, une porte protégée par
un grillage donne accès au trésor impérial.

C’est un bâtiment formé de plusieurs pièces surmontées d’un grand toit
couvert de plaques en plomb. De petites fenêtres pratiquées aux murs
à une très grande hauteur du sol éclairent faiblement l’intérieur. Ce
trésor contient des objets extrêmement précieux ayant appartenu aux
Sultans; il forme le musée privé du palais. On y voit de nos jours tous
les costumes portés par les Sultans, leurs sabres, leurs coiffures,
etc. Dans des vitrines sont exposés des vases remplis de pierres
précieuses et de vieilles monnaies en or et en argent. Parmi les objets
de grande valeur, on peut citer le trône du chah Ismaël de Perse,
enlevé par Sélim en 1514. C’est un trône en or massif sculpté, garni
d’émeraudes et de brillants. Puis, le trône de Selim III, en ébène
sculpté et incrusté de nacre, d’argent et d’or, garni de rubis et de
pierres précieuses. Au centre du dais qui surmonte le trône et qui est
supporté par quatre colonnes est suspendue par une chaîne en or une des
plus grosses émeraudes du monde: elle a la grosseur du poignet.

[Illustration: Bibliothèque du Sultan au vieux Sérail.]

A gauche de la cour s’élève le pavillon sacré où toutes les reliques du
Prophète sont soigneusement conservées. L’intérieur de l’édifice est
des plus imposants. C’est un véritable chef-d’œuvre de l’art national.
Quelques fenêtres percées aux bases des coupoles laissent l’intérieur
dans un clair-obscur mystique. Les murs sont complètement recouverts
des plus belles faïences. Des versets du Coran écrits sur des tuiles
émaillées forment frise autour des salles. Les plus rares inscriptions,
en grandes lettres écrites de la main même des Sultans, sont suspendues
aux murs.

On rencontre au milieu de la première salle une petite fontaine en
marbre sculpté garnie de gobelets en or.

L’entrée de cette partie est absolument interdite au public, même
aux gens du palais. Une fois par an seulement, les hauts personnages
de l’Empire y sont reçus par le Sultan pour baiser, à travers une
couverture, la cassette qui renferme le manteau sacré du Prophète. Des
gardiens y veillent constamment en lisant des versets du Coran.

Par une porte ouvrant au nord-ouest de cette cour on descend à un
jardin en terrasses où sont construits des kiosques et des pavillons.
On y jouit d’une vue splendide.

Un ancien kiosque en bois, bâti par Mahomet II s’élevait sur une
terrasse à droite; sur cet emplacement, le sultan Medjid avait fait
construire Mermer kiosque.

A gauche, sur la colline, c’est le fameux Bagdad kiosque, si célèbre
par la magnificence de son architecture, par la beauté de ses faïences,
de ses cheminées, le dessin original de ses meubles, de ses divans et
de ses armoires incrustées de nacre.

Tout près de ce kiosque, on voit une autre terrasse dallée de
marbre avec, au milieu, un joli bassin. C’est un des coins les plus
pittoresques du palais. Dans l’enceinte du palais se trouvaient encore
d’autres kiosques actuellement disparus, tels que Indjili kiosque, Yali
kiosque, Harem kiosque, etc... Voici ce que nous lisons dans l’ouvrage
de Melling sur le kiosque appelé Indjili (aux perles); on voit encore
de nos jours les arcades de ses fondations. «Le Sultan s’y rendait
chaque année pour jouir du spectacle de l’ayasma (fontaine sacrée),
dont la source est dans l’enceinte du Seraï et qui jaillit, ce jour-là
seulement, sous l’arcade du pavillon où des tuyaux la conduisent.
Les Grecs attribuent à ses eaux une vertu miraculeuse... Le grand
seigneur prend plaisir à contempler leur empressement, leur extase, et
leurs ablutions; il leur jette quelques pièces de monnaie pour payer
l’amusement qu’ils lui donnent et jouit des combats qu’ils se livrent
dans leur activité à s’en saisir.»

Sur une des terrasses de l’enceinte moyenne du palais de _Top-Kapou_,
du côté de la ville se trouve _Tchinili kiosque_ (kiosque aux
faïences), ainsi nommé à cause des faïences qui décoraient jadis ses
murs anciens et dont une grande partie n’existe plus aujourd’hui.

Il fut d’abord bâti par l’architecte Kémaluddin sur l’ordre du sultan
Mehmed II le Conquérant (870 H.). Il fut reconstruit plus tard en 999
H., par Murad III, mais il a perdu sa forme primitive. Actuellement, il
fait partie du musée d’antiquités. Deux escaliers en marbre conduisent
sur une galerie à longues colonnades ornée de magnifiques mosaïques
en faïence. Un petit vestibule mène dans une grande salle cruciforme
voûtée à laquelle sont attenantes d’autres pièces plus petites; le plan
de la construction est conçu dans un carré avec des ailes latérales.


PALAIS DE TCHÉRAGAN

Le palais de Tchéragan, situé sur les bords du Bosphore, entre
_Bechiktache_ et _Ortakeuy_, fut construit par le sultan Abd ul Aziz
dans le style renaissance ottoman. Il a servi, pendant vingt-sept
années, de prison au sultan Mourad V. Son emplacement était jadis
occupé par un palais en bois nommé Tchéragan et habité autrefois par le
sultan Mahmoud, après qu’il eut enlevé sa cour du palais de Top-Kapou.

On peut considérer l’architecture de ce palais comme un essai de
renaissance de l’art ottoman. La façade a été bâtie sans respect des
proportions de l’art, et les ornementations surchargées n’offrent pas
l’originalité intéressante de l’ancien art ottoman. A l’intérieur, la
décoration est plus artistiquement comprise. Ce palais communique avec
le parc de Yildiz par un pont sous lequel passe le tramway.

Il possède comme dépendances d’autres bâtiments, telles que des
cuisines, des écuries, des casernes, des corps de garde, etc...


PALAIS DE DOLMA BAGTCHÉ

Le palais de Dolma Bagtché, construit par le sultan Abdul Medjid vers
1854, est composé de quatre grands bâtiments unis l’un à l’autre
par des galeries couvertes, sortes de passerelles. Au point de vue
architectural, ce palais n’a aucune valeur, car ses constructeurs ont
surchargé les façades de colonnes et d’ornementations sans style et
sans goût.

L’ensemble du portail ne représente qu’une agglomération de fragments
de fleurs ornementales. L’intérieur, malgré la grande richesse des
matériaux employés, n’offre rien d’artistique. On y rencontre des
balustrades en cristal, des colonnes en porphyre et de grands lustres
suspendus aux plafonds. Une salle de bains, construite en albâtre,
attire particulièrement l’attention.

Ce palais possède une immense salle du Trône. Du côté de la terre, le
palais est entouré de murs d’une grande hauteur; on y pénètre par le
portail. Son emplacement était occupé autrefois par un autre palais,
appelé _Bechiktache Saraï_, séjour favori du sultan Selim III. Nous
voyons, dans l’ouvrage de Melling, l’ensemble de ce palais ainsi que
le kiosque persan qui était bâti en pierre et revêtu extérieurement
de faïences dans toutes les parties se trouvant au-dessus du
rez-de-chaussée. Au milieu de ce pavillon existait un bassin avec
jets d’eau. Les plafonds et les panneaux étaient ornés d’arabesques
admirables. Une partie de l’ancien palais de Bechiktache fut construit
par Melling pour le sultan Selim III. L’architecture de ce kiosque
différait énormément de celle des autres par ses galeries et ses
colonnes d’ordre corinthien.


PALAIS DE YILDIZ

Il se compose de nombreux pavillons et de kiosques disséminés dans un
immense parc renfermant des forêts, des jardins et un grand lac. Ce
site ravissant ne le cède en rien pour la beauté à celui de l’acropole
de Byzance.


LES ANCIENS PALAIS

Parmi les palais les plus anciens, le seul qui soit encore debout
est celui de _Top Kapou_. La plupart des anciens palais ayant été
construits en bois tombèrent vite en ruines. Il ne reste plus rien des
magnifiques édifices construits par le sultan Ahmed III sur les rives
de la Corne d’Or et du Bosphore, du palais de Sultanié, construit par
Suleïman à Beïkos, du Kavak seraï appelé aussi Cheref Abad[86].

                [86] Les dessins de M. Laurens, qui représentent
                plusieurs vues du palais de Tirebolou, peuvent nous
                donner une idée de l’architecture de ces palais en bois.

Ce dernier se trouvait à côté de la grande caserne de cavalerie située
entre Haïdar pacha et Scutari, et qui s’appelle Selimié. L’emplacement
de ce palais disparu fut occupé, dit Melling, par un kiosque où le
sultan Selim III assistait aux manœuvres de cavalerie exécutées sur le
terrain qui le séparait de la caserne. _Aïnali kavak Seraï_ (palais des
Miroirs de Kavak) ainsi appelé parce qu’il était intérieurement orné
de glaces, envoyées comme cadeau par les Vénitiens au sultan Ahmet III
lors de la conclusion de la paix de 1718, était situé près de Hasskeui,
sur les bords de la Corne d’Or. Le sultan Selim III, après l’avoir
habité seulement un printemps, l’avait abandonné, peut-être à cause des
quartiers voisins de Hasskeui qui, pendant les épidémies, offraient un
véritable danger. Le Sultan, depuis lors, préféra habiter pendant l’été
le palais de Béchiktache.

On peut encore citer: le palais de _Nichad Abad_, situé entre Ortakeuy
et Kouroutchechmé, reconstruit sous Selim III. Le palais de _Fener
Bagtché_ (qui subsista jusqu’à Mahmoud I). Le palais de _Tersané_,
habité par Selim III. Le palais de _Cara agatch_ (sur la rive de la
Corne d’Or). Le palais de _Kiathané_. Le palais de Humayou Abad (à
Bebek). Le palais de _Beyler beï_, construit sous Abdul Hamid Ier,
appelé aussi palais d’Istavros.

Le palais de _Cheref Abad_, construit par Murad IV à Scutari près de
la caserne Selimié a été démoli en 1794. Le palais de _Nichad Abad_
subsistait encore jusqu’à une époque très rapprochée; à sa place deux
nouveaux palais ont été construits.


[Illustration: Pl. 47.

    INTÉRIEUR DU GRAND BAZAR.]


Le palais de _Cara agatch_ fut habité jusqu’à Selim III par les Sultans
qui y transféraient leur cour pendant l’été. Le sultan Mahmoud II l’a
fait démolir. Sur une des portes de ce palais on lisait le vers
suivant inscrit par Ahmed III.

    قد دلبر كبى دل اكلنجه سى. غمكسارم قره آغاچ باغچه سى

«Ce jardin, où je me console, offre autant d’attraits que la taille
élancée d’une belle.» Les débris de ce palais ont servi à la
reconstruction des palais de Kiathané.

Mehmed effendi, à son retour de Paris où il était ambassadeur à
l’époque d’Ahmed III, apporta en Turquie, en même temps que plusieurs
inventions, comme l’imprimerie, le dessin des palais de Versailles et
de Fontainebleau. Sur les encouragements de Damad Ibrahim pacha, gendre
du souverain, le Sultan, mettant à profit les nouveautés introduites
par Mehmed effendi, fit construire à Kiathané des kiosques et des
fontaines qu’il entoura de lacs et de cascades, tâchant d’imiter les
magnificences entrevues dans les dessins français. Ce palais portait
alors le nom de Saad-Abad. Il y avait, aux alentours, de nombreux
kiosques destinés aux fonctionnaires. La révolte de 1143 ayant détruit
ces kiosques, Selim les fit reconstruire en 1206 et plus tard en
1224. Sultan Mahmoud reconstruisit de nouveau le palais en y ajoutant
une mosquée et plusieurs chalets. Le kiosque de Bebek (disparu) fut
construit sous Abdul Hamid Ier par Hassan pacha, ministre de la Marine
et offert par lui au Sultan. Ce joli kiosque, que nous pouvons admirer
dans l’ouvrage de Melling, servait de lieu de rendez-vous au Reïss
Efindi (ministre des Affaires étrangères) et aux ambassadeurs des cours
étrangères. «Il est formé de trois pavillons contigus, dit Melling,
celui du milieu s’avançait en saillie sur les deux autres: leur front
était soutenu par des colonnes de marbre; on remarquait les contrevents
des fenêtres composés de deux parties mobiles, l’une supérieure et
l’autre inférieure; l’une de ces parties se levait tandis que l’autre
tombait à peu près comme le sabord d’un navire. Quelques-unes de ces
fenêtres se prolongeaient jusqu’à l’entablement, le dessus des croisées
était décoré de guirlandes artistiquement peintes. Les toits couverts
de tuiles sont d’une forme très aplatie. Une balustrade occupait le
principal corps de logis et on y entrait par de petites barrières qui
s’ouvraient sur le quai. Deux escaliers conduisaient extérieurement aux
salons de conférence.»


VII.--L’HABITATION

Dans l’architecture ottomane, on distingue deux genres différents,
le genre religieux et le genre civil. Si les édifices appartenant au
premier nous permettent d’en suivre la chronologie et les étapes, il
n’en est malheureusement pas ainsi des constructions civiles, qui ont
subi les atteintes du temps. Cependant, quelques vieilles maisons
de Brousse et des villes d’Asie Mineure, dans lesquelles subsistent
encore les vestiges des antiques constructions, peuvent donner une
idée, bien faible d’ailleurs, des premières habitations ottomanes. Sous
l’influence de l’architecture locale, ces constructions différaient
entre elles, suivant les pays où elles étaient élevées. Les premières
habitations ottomanes à Constantinople furent certainement celles
qu’avaient abandonnées les Byzantins. Mais, comme les coutumes et les
mœurs musulmanes exigeaient un changement radical, des maisons neuves
s’élevèrent bientôt partout, dans la nouvelle capitale de l’Empire
ottoman.

Après les légères modifications apportées dès le début aux anciens
logis, les grands personnages construisirent des _konaks_ plus
appropriés à leurs coutumes. Les gens du peuple bâtirent de petites
maisonnettes appelées _éves_[87]. Les habitations musulmanes et les
konaks sont composés de deux bâtiments séparés, appelés _selamlik_ et
_harem_; quelquefois, ces deux parties, bien que toujours séparées,
sont réunies sous le même toit.

                [87] Ce mot doit dériver de iv ou yiv, lequel a une
                analogie avec le mot youva qui signifie _nid_.

Le _selamlik_ est réservé aux hommes, et le _harem_ aux femmes. Dans
les konaks à deux bâtisses séparées, la communication du selamlik et
du harem est établie par un corridor suspendu entre le premier et le
deuxième étage de ces deux bâtiments. Les mœurs musulmanes défendent
aux hommes de vivre avec d’autres femmes que leurs parentes et leurs
épouses. Le maître de la maison reste souvent au selamlik où il reçoit
les visites des hommes.

Dans ces konaks, l’étage supérieur est le plus important, tandis que
le rez-de-chaussée ne contient que les chambres des domestiques et des
gens de service.

Les femmes, et en général les Turcs, qui aiment à rester à la maison,
préfèrent les maisons de bois percées de beaucoup de fenêtres. Ces
maisons n’ont que très rarement trois étages.

L’aspect extérieur est tout oriental. Au-dessus du rez-de-chaussée, des
balcons à larges saillies sont supportés par de grandes consoles en
bois et rappellent les balcons à encorbellement des Byzantins.

Chaque étage fait saillie sur l’étage inférieur. Le toit, très
saillant, donne un caractère tout spécial à ce genre de construction et
paraît avoir son origine dans le toit chinois, recourbé aux extrémités.
Ce dernier serait un souvenir de la tente nomade. La maison est souvent
couleur de terre-cuite.

Les cheminées, qui ont une forme particulière, portent des nids
construits par les cigognes. On entre dans le konak par deux portes,
dont l’une est réservée au harem et l’autre au selamlik.

La porte du selamlik donne accès à une grande cour pavée de moellons.
Les voitures peuvent aisément franchir cette porte et arriver jusqu’à
la cour située sous la grande salle du premier étage. Les escaliers
partent d’une sorte de petite estrade en marbre qui porte le nom de
_Binek-Tachi_ et d’où le maître de la maison peut facilement sauter à
cheval.

Autour de cette cour, se trouvent les chambres destinées aux _Ouchaks_
(domestiques), aux _Aïvazes_ (porteurs de mets), aux _Achtchi_
(cuisiniers), etc. Une chambre est réservée à l’intendant et une autre
aux eunuques. La cuisine est généralement dans le jardin; les écuries,
le bain, le réservoir d’eau forment autant de dépendances autour du
konak. Le bain est adossé aux murs du harem. De larges escaliers en
bois conduisent au premier étage. Là est la chambre où se tient le
maître de la maison.

Toutes les chambres sont pareilles et meublées de la même façon. Il
n’y a nulle différence entre les chambres à coucher et les salles à
manger. Un long sofa est installé le long des fenêtres près du mur
et quelquefois sur les deux côtés de la chambre. On y voit aussi une
niche destinée au miroir et, à côté, d’autres petites niches qui
sont réservées aux cruches d’eau et aux vases en porcelaine. Des
porte-pipes, appliqués aux murs, sont garnis de longues pipes en
bois de jasmin, en bois de rose et autres bois précieux; toutes sont
munies de bouts d’ambre. Des calligraphies en lettres harmonieusement
dessinées sont suspendues aux murs dans des cadres. Des étagères pour
le _Kavouk_ (coiffure), une pendule, des tapis, un brasier, voilà
ce qui constitue le mobilier d’une chambre. Chaque chambre possède
plusieurs grandes armoires fixes où l’on serre pendant la journée
les lits, les matelas et les couvertures.


[Illustration: Pl. 48.

    MARCHANDS DE CHAUSSURES.]


Quand on veut se coucher, on sort ces matelas et on les étale sur le
plancher. De même, pour les repas, on apporte de petits tabourets sur
lesquels on installe de grands plateaux ronds en cuivre étamé ou en
bronze, et l’on dispose des coussins tout autour, formant ainsi une
sorte de table improvisée.

Les pièces sont chauffées pendant l’hiver à l’aide de cheminées où on
brûle du bois, ou à l’aide de _mangals_ (brasiers en bronze). Dans les
konaks, les chambres donnent accès à une très grande salle dont les
dimensions dépassent l’étendue totale des chambres. Le harem diffère
peu du selamlik. Il est souvent plus grand. Les fenêtres y sont
soigneusement fermées par des _cafesses_ (jalousies) pour empêcher les
regards indiscrets des passants d’y pénétrer.

Ces _cafesses_ sont formées de petites baguettes en bois, clouées
perpendiculairement ou quelquefois diagonalement dans les rainures d’un
cadre ayant la moitié de la hauteur de la fenêtre. Les femmes, qui
restent derrière ces _cafesses_, peuvent très bien voir les passants à
travers les trous sans être aperçues du dehors.

Une autre rangée de fenêtres est située au-dessus des fenêtres portant
les _cafesses_ pour éclairer davantage l’intérieur des chambres. Ces
fenêtres sont souvent garnies de vitraux qui ajoutent à la décoration
de l’intérieur un luxe de couleurs et d’images du plus joli effet.

L’abondance des fenêtres est une chose très recherchée dans les
habitations. Les Turcs ont toujours reconnu l’action bienfaisante du
soleil et de l’air sur la santé et ils ont doté leurs habitations
d’autant de fenêtres que l’étendue de la façade le leur permettait. Le
grand nombre des fenêtres vient aussi de la nécessité où se trouvaient
les femmes d’occuper leurs loisirs pendant les longues heures où elles
étaient retenues à la maison. Nous voyons que le côté hygiénique
de cette disposition la fait appliquer aujourd’hui dans toutes
les maisons modernes en Europe. Les façades des maisons anglaises
modernes présentent, par l’abondance de leurs fenêtres, une certaine
ressemblance avec les maisons turques. Si cette disposition paraît
présenter l’inconvénient d’exposer l’intérieur aux changements brusques
de l’atmosphère et aux ardents rayons du soleil, les doubles châssis et
les volets viennent remédier au froid, de même que les toits avancés et
les saillies des étages préservent de la chaleur.

Les portes du harem restent toujours fermées et c’est le Harem
Kiahyassi (intendant du harem) qui en garde les clefs. Une armoire
ronde et pivotant sur son axe facilite le service, tout en empêchant
que les serviteurs et les servantes puissent se voir. Les objets une
fois placés du côté des servantes, on fait tourner l’armoire sur
son axe pour les mettre à la disposition des serviteurs. Le service
de _Dolap_ était permis seulement aux _aïvazes_: ceux-ci étant des
Arméniens, le maître de la maison leur laissait ce service, à cause de
la différence de religion peu favorable à l’éclosion de sentiments trop
intimes.

La plupart des konaks possèdent dans leurs jardins un grand _havouse_
(bassin). Les bains particuliers ne diffèrent presque pas des bains
publics; ils ont leur apodyterium, leur tepidarium et leur caldarium,
mais sur une échelle plus réduite.

Les cuisines ne ressemblent pas du tout aux cuisines occidentales. Une
grande cheminée cintrée est divisée à l’intérieur en compartiments de
différentes grandeurs, destinés aux marmites grandes et petites. On n’y
brûle que du bois et du charbon de bois.

Les petites maisons (éve) ont à peu près la même distribution
intérieure que les konaks. Au lieu d’être séparées en deux parties
différentes comme les konaks, ces maisons n’ont qu’une ou deux
chambres, destinées l’une au selamlik et l’autre au harem. Deux
escaliers séparés conduisent à chacune de ces parties.

Les salles sont également vastes. Les cuisines sont en dehors et, au
lieu de bains, il y a un _goussoulhané_ ou lieu d’ablutions. En guise
de réservoir, de nombreuses jarres enfoncées dans la terre du vestibule
conservent l’eau nécessaire au ménage. Le porteur d’eau, sans ouvrir
la porte, verse le contenu de son _kirba_ (sac en cuir) dans le creux
d’une pierre taillée en forme de cassette carrée, fermée par un cadenas
dont le porteur d’eau possède la clef; l’eau s’écoule ensuite dans les
jarres au moyen de tuyaux.

Malheureusement, toutes ces anciennes maisons ont disparu aujourd’hui,
cédant la place à des constructions laides et difformes, peintes de
couleurs criardes et d’un goût banal. Dans tout Constantinople, on ne
trouve plus qu’une vingtaine de ces vieilles maisons, dont la plus
ancienne ne remonte qu’à l’époque du sultan Mahmoud II; des réparations
successives lui ont d’ailleurs fait perdre beaucoup de son aspect
primitif.


[Illustration: Pl. 49.

    VIEUX SÉRAIL (Palais de Top Kapou).--Salle du Trône.]


C’est dans les quartiers de _Yuksek Kaldirim_, _Ak-Seraï_ et _d’Eyoub_
qu’on a le plus de chance de découvrir quelques-unes de ces anciennes
maisons. Parmi les faubourgs qui semblent conserver davantage de leurs
anciennes habitations, on peut citer les villages d’_Anatoli-Hissar_,
_Arnaout-Keuy_, _Yeni-Keuy_, _Tchenguelkeuy_, _Kousgoundjouk_ et
surtout _Scutari_, qui possèdent encore quelques types d’anciennes
maisons condamnées malheureusement à disparaître d’ici une dizaine
d’années. Comme habitations anciennes, nous pouvons citer l’Ambassade
de France à Therapia qui appartenait autrefois au prince Ypsilanty,
et qui fut confisquée par le Sultan pour être donnée au général
Sébastiani, alors ambassadeur de France à Constantinople. Les Français,
qui savent si bien apprécier les choses d’art et les restes de
l’antiquité, conservent son caractère à cet intéressant édifice.

[Illustration: Maison turque; XVIIIe siècle.]

Pour se familiariser avec le type de l’ancienne maison turque, il faut
prendre en considération les traits caractéristiques suivants de cette
architecture.

1º La bâtisse, souvent en bois, ne dépasse pas trois étages;

2º Chaque étage fait saillie sur l’étage immédiatement inférieur; la
partie surplombante est supportée par de grosses consoles en bois
recourbé;

3º Les toits sont avancés et couverts d’un genre de tuiles recourbées
dites Kerémid, pareil à celui en usage chez les Byzantins;

4º La partie avancée du toit (auvent) qui s’appelle _Satchak_ est ornée
en dessous d’ornements géométriques formés par de minces baguettes en
bois;

[Illustration: Maison turque; XVIIIe siècle.]

5º Sous ces auvents sont suspendus des cadres portant des inscriptions
sacrées qui préservent la maison du mauvais œil; sur ces inscriptions
on lit:

    Ce que Dieu veut, est, fut.           ماشا اللّه كان
    O propriétaire de la propriété.     يا مالك الملك
    O protecteur, etc.                        يا خافظ

derrière ces cadres inclinés, les hirondelles font souvent leurs
nids;

6º Les tuyaux des cheminées, assez hauts, ont une forme prismatique
quadrangulaire et sont munis à leur sommet de fentes verticales; ils
sont couverts de tuiles et les cigognes (surtout dans les quartiers
reculés de la Corne d’Or) ne manquent pas d’y venir faire leur nid.

Les cheminées elles-mêmes font souvent saillie sur les murs de la
bâtisse et forment alors des encorbellements d’un aspect original;

7º Les portes en bois sont ornées de moulures et de cordons formant des
décorations géométriques. Chacun des deux battants est muni d’un gros
anneau en métal appliqué sur des plaques en bronze ciselé et servant de
marteau ou heurtoir;

8º Au-dessus de chaque porte s’ouvre une fenêtre garnie de barres de
fer en carreau et souvent ornée extérieurement d’un grillage en bois
reproduisant la forme décorative d’un soleil;

9º Les fenêtres sont munies de _cafesses_ (espèces de grillages en
petits carreaux formés par de minces baguettes de bois qui empêchent
d’être vu de l’extérieur); plusieurs de ces fenêtres possèdent des
cafesses en forme de corbeilles proéminentes dans lesquelles les femmes
peuvent se pencher pour apercevoir les deux extrémités de la rue sans
être aperçues de dehors;

10º Des plantes grimpent parfois sur les balcons et les terrasses
munies de _cafesses_;

11º Souvent, sous les toits saillants des maisons ainsi que sur les
façades des édifices publics en pierre, sont disposées de minuscules
maisonnettes avec des colonnes, des portes et des fenêtres. Ces
habitations qui servent de nids en miniature sont, par un joli
sentiment, destinées aux petits oiseaux qui y viennent faire leurs nids
avec le plus grand plaisir.

[Illustration: Magasin du XVIIIe siècle.]



BIOGRAPHIE DE KODJA SINAN


Sinan n’était pas Autrichien, comme le prétendent plusieurs auteurs
européens. Dans un manuscrit écrit par Sa-ï, un poète du temps, qui
porte le nom de «Tezqueret-ul-bunyani-Mimar-Sinan» et qui renferme la
liste des édifices construits par l’architecte Sinan, on apprend qu’il
est né à Césarée, ancienne ville de la Cappadoce, fils d’un Grec nommé
Christo, en l’année 895 de l’Hégire.

Sous le règne de Sélim, on prenait des enfants grecs pour le service
de l’armée, sous le nom de _devchirmé_. Ceux-ci, après avoir reçu une
éducation primaire, entraient dans le fameux corps des janissaires.
Sinan était entré dans ce corps à vingt-trois ans comme _adjemi-oglani_
(apprenti).

Comme les adjemis devaient étudier un métier, Sinan avait choisi
l’architecture. Après quelques années, il devint janissaire. Excellent
soldat, il montra beaucoup de bravoure pendant les guerres de Rhodes et
de Belgrade. Pour récompenser ses services, le Sultan le promut au rang
de _Zenberekdji Bachi_. Sinan, sans qu’il devinât que l’architecture
lui devait assurer un avenir si brillant, attendait sa gloire du
militarisme. Mais pendant la campagne de Van, les troupes ayant besoin
de bateaux pour traverser le lac, Sinan construisit plusieurs galères
qui furent d’une grande utilité.

Le grand vizir, enchanté des services de Sinan, le nomma chef des
troupes qui étaient à bord de ses bateaux. Sinan, après avoir armé son
équipage, passa pendant la nuit à la rive de l’ennemi et fit plusieurs
prisonniers. Ce service fut la cause de sa promotion au grade de _Sou
bachi_.

Pendant la campagne de Bogdan, le sultan Sélim lui avait confié la
construction d’un pont que les ingénieurs ne pouvaient pas faire
à cause du terrain marécageux. Sinan parvint à faire ce pont que
franchirent les armées. Depuis lors, Sinan fut nommé le premier
architecte. Il débuta par la grande mosquée de Sélim. Sous les règnes
des quatre autres Sultans, il construisit 81 mosquées, 51 mesdjid
(chapelles), 26 darulkoura (bibliothèques), 17 imarets, 2 salpêtrières,
7 aqueducs, 8 grands ponts, 18 karavansérails, 6 citernes, 33 palais,
35 bains, 17 sépultures, des fontaines et d’autres constructions
civiles et religieuses.

Il a vécu plus de cent dix ans. Sous les règnes de Sélim Ier, de
Suléiman le Législateur, de Sélim II et de Mourad III, il fut appelé
Kodja Sinan pour être distingué d’un autre Sinan, un de ses élèves.
Pendant toute sa vie, il a reçu à titre de pension la solde de
_Hasseki_ du corps des janissaires. On peut voir aujourd’hui le turban
de _Hasseki_ sur le cippe en marbre blanc de son tombeau, lequel est
surmonté d’une coupole composée de quatre grands blocs de pierre
reposant sur quatre colonnes. Il repose près de son chef-d’œuvre, la
mosquée Suléïmanié, en face du _Cheihuslamat_, au coin de deux rues.
Sur sa pierre tombale on lit ces lignes:

«O celui qui séjourne quelques jours dans ce palais d’ici-bas. Pour
l’homme, ce domaine terrestre n’est pas un lieu de paix. Cet homme
d’élite que fut l’architecte de Suléiman Khan et qui a construit une
mosquée à l’image du paradis, par ordre du Sultan travailla pour
les conduits d’eau. Il fut Hizir[88] et fit couler sur le monde
l’_Abi-Hayat_. L’arc qu’il a construit au pont de _Tchek-médjé_ fut
l’image de la voie lactée.

                [88] Nom donné au prophète Ilias, qui ayant bu de la
                source _Abi-Hayat_ (Nectar de l’immortalité) est devenu
                immortel.

«Il bâtit plus de quatre cents _mesdjid_ toutes de splendides
constructions. Cet habile architecte érigea sur quatre-vingts places
des mosquées et mourut après avoir vécu plus de cent ans.

«Que Dieu Tout-Puissant transforme sa demeure éternelle en un jardin
élyséen. Son prieur (Sa-ï) a dit la date de sa mort. Il partit du
monde, le vieil architecte Sinan. Que jeunes et vieux prient pour son
âme.

    «La Fatiha (premier chapitre du Coran).»



TABLE DES MONUMENTS CONSTRUITS PAR KODJA SINAN[89]

                [89] Extrait de l’ouvrage de Sa-ï _sur l’œuvre de
                Sinan_.


    1. Mosquée du Sultan Suléïman.
    2. Mosquée du Chahzadé (prince) Mehmed.
    3. Mosquée de la sultane Haseki, à Avrat Bazar.
    4. Mosquée de la sultane Mihrumah, à la porte d’Andrinople.
    5. Mosquée de la mère d’Osman Chah, près d’Ak-Séraï.
    6. Mosquée de la princesse, fille du sultan Bayazid, près de
       Yéni-Baghtché.
    7. Mosquée d’Ahmed Pacha, à Top-Kapou.
    8. Mosquée de Rustem Pacha, à Taht-Ulkala.
    9. Mosquée de Mehmed Pacha, à Cadirga Liman.
   10. Mosquée d’Ibrahim Pacha, à Silivri Capoussou.
   11. Mosquée de Bali Pacha, à Houssrev Pacha.
   12. Mosquée d’Abdurahman Tchélébi, à Molla Gurani.
   13. Mosquée de Mahmoud Agha, à Akhour Capou.
   14. Mosquée d’Oda Bachi, à Yéni Capou.
   15. Mosquée de Hodja Khosrev, à Kodja Moustafa Pacha.
   16. Mosquée de Hamami Hatoun, à Soulou Monastir.
   17. Mosquée de Suleiman Tchélébi, à Uskublu Tchechmé.
   18. Mosquée de Férah Kahia, à Balata.
   19. Mosquée de Diragman Younous bey, à Balata.
   20. Mosquée de Hourem Tchaouche, à Yéni Baghtché.
   21. Mosquée de Sinan Agha, à Kadi Tchechméssi.
   22. Mosquée d’Akhi Tchélébi, à Ismir Iskelessi.
   23. Mosquée de Suléiman sou bachi, à Oun Kapan.
   24. Mosquée de Zal Pacha, à Eyoub.
   25. Mosquée de Chah Sultan, à Eyoub.
   26. Mosquée de Nichandji Pacha, à Eyoub.
   27. Mosquée d’Emir Bouhari, à Edirné Capou.
   28. Mosquée de Merkez Effendi, à Yéni Capou.
   29. Mosquée de Tchaouch Bachi, à Sutludjé.
   30. Mosquée de Husséin Tchélébi, à Kirémidlik.
   31. Mosquée de Kassim Pacha, à Tersané.
   32. Mosquée de Mehmed Pacha, à Azablar.
   33. Mosquée de Kilidj Ali Pacha, à Tophané.
   34. Mosquée de Mouhiddine Tchélébi, à Tophané.
   35. Mosquée de Mollah Tchélébi, à Tophané.
   36. Mosquée d’Ebulfadl, à Tophané.
   37. Mosquée de Chahzadé Djihanghir, à Tophané.
   38. Mosquée de Sinan Pacha, à Bechiktache.
   39. Mosquée de Sultan Djamissi, à Scutari.
   40. Mosquée de Chemsi Pacha, à Scutari.
   41. Mosquée de Skender Pacha, à Kanlidja.
   42. Mosquée de Moustapha Pacha, à Guebzé.
   43. Mosquée de Pertev Pacha, à Ismidt.
   44. Mosquée de Rustem Pacha, à Sapandja.
   45. Mosquée de Rustem Pacha, à Samanli.
   46. Mosquée de Moustapha Pacha, à Bolou.
   47. Mosquée de Ferhad Pacha, à Bolou.
   48. Mosquée de Mehmed bey, à Ismidt.
   49. Mosquée d’Osman Pacha, à Caïsseri.
   50. Mosquée de Hadji Pacha, à Caïsseri.
   51. Mosquée de Djenabi Ahmed Pacha, à Angora.
   52. Mosquée de Moustapha Pacha, à Erzéroum.
   53. Mosquée du Sultan Alla-ud-dine, à Tchoroum.
   54. Mosquée d’Abdusselam, à Ismidt.
   55. Mosquée du Sultan Suleiman, à Isnik (ancienne église
       byzantine brûlée).
   56. Mosquée de Khosrev Pacha, à Alep.
   57. Les coupoles de Harem chérif, à La Mecque.
   58. Mosquée du Sultan Murad, à Magnésie.
   59. Mosquée d’Orkhan Gazi, à Kutahia.
   60. Mosquée Rustem Pacha, à Bolvadine.
   61. Mosquée Husséin Pacha, à Kutahia.
   62. Mosquée Sélim, à Karapinar.
   63. Mosquée Sultan Suléiman, à Damas.
   64. Mosquée Sultan Selim, à Andrinople.
   65. Mosquée Mahmoud Pacha, à Tachlik (Andrinople).
   66. Mosquée Defterdar Moustapha Pacha, à Andrinople.
   67. Mosquée Ali Pacha, à Baba Eski.
   68. Mosquée Mehmed Pacha, à Hofasa.
   69. Mosquée Mehmed Pacha, à Bourgas.
   70. Mosquée d’Ali Pacha, à Erégli (Héraclé).
   71. Mosquée Bosnali Mehmed Pacha, à Sophia.
   72. Mosquée Sofi Mehmed Pacha, à Hersek.
   73. Mosquée Ferhad Pacha, à Tchataldja.
   74. Mosquée Maktoul (tué) Moustapha Pacha Djamii, à Boudine.
   75. Mosquée Firdevs Bey, à Astaria.
   76. Mosquée Mémi Kiahya Oulachlou.
   77. Mosquée Tatar Han, à Geuzleuvé.
   78. Mosquée Rustem Pacha, à Roustchouk.
   79. Mosquée Vézir Osman Pacha, à Trikala.
   80. Mosquée Haseki Sultane, à Andrinople.
   81. Mosquée Sultane Validé, à Scutari.


[Illustration: Pl. 50.

    VIEUX SÉRAIL.--Cheminée, porte, fontaine d’ablutions et faïences.]


MESDJIDS (Chapelles).

    1. Mesdjid de Rustem Pacha, à Yéni Baghtché.
    2. Mesdjid d’Ibrahim Pacha, à la porte d’Isa.
    3. Mesdjid du Tchivizadé, à Top Capou.
    4. Mesdjid d’Emir Ali, à Gumrukhané.
    5. Mesdjid construit à son nom, à Yéni Baghtché.
    6. Mesdjid d’Avdji Bachi, à Gumrukhané.
    7. Mesdjid de Chérif Zadé Effendi.
    8. Mesdjid de Defterdar Mehmed Tchélébi.
    9. Mesdjid de Hafiz Moustapha, à Yéni Baghtché.
   10. Mesdjid de Simkech Bachi, à Bazar de Lutfi Pacha.
   11. Mesdjid de Hodjegui Zadé.
   12. Mesdjid de Tchaouch, à la porte de Silivri.
   13. Mesdjid de la fille du Tchivi Zadé, à Davoud Pacha.
   14. Mesdjid de Takiédji Ahmed, à Silivri Capou.
   15. Mesdjid de Sari Hadji Nassouh.
   16. Mesdjid d’Elhadj Awz.
   17. Mesdjid d’Elhadj Hamza.
   18. Mesdjid de Tok Hadji Hassan.
   19. Mesdjid d’Ibrahim Pacha, à Koum Capou.
   20. Mesdjid de Baïram Tchélébi, à Vlanga.
   21. Mesdjid de Cheïk Ferhad.
   22. Mesdjid de Kurkdji Bachi, hors du Koum Capou.
   23. Mesdjid de Kemhadjilar.
   24. Mesdjid de Kouyoumdjilar.
   25. Mesdjid de Hersek bodroumou (près d’Aya Sofia).
   26. Mesdjid de Yaya Bachi, Fener Capou.
   27. Mesdjid d’Abdi Soubachi, à Sultan Sélim.
   28. Mesdjid de Hadji Iliasse, à Ali Pacha Hamam.
   29. Mesdjid de Husséin Tchélébi, à Sultan Sélim.
   30. Mesdjid de Douhani Zadé, à Kodja Moustapha Pacha.
   31. Mesdjid de Kadi Zadé, à Tchoukour Hamam.
   32. Mesdjid de Mufti Hamid Effendi, à Azablar.
   33. Mesdjid de Tufek Hané, à Hissar.
   34. Mesdjid de Saraï Aghassi, à Edirné Capou.
   35. Mesdjid de Deukmedji Bachi, à Eyoub.
   36. Mesdjid d’Arpadji Bachi, à Eyoub.
   37. Mesdjid de Hekim Kaïssouni Zadé, à Sutlidjé.
   38. Mesdjid de Kardji Suleïman, à Eyoub.
   39. Mesdjid de Kardji Suleïman, à Stamboul.
   40. Mesdjid d’Ahmed Tchélébi, à Kiremitlik.
   41. Mesdjid de Yaya Raya, à Kassim Pacha.
   42. Mesdjid de Chéhr-Emini Hassan Tchélébi, à Kassim Pacha.
   43. Mesdjid de Séhil Bey, à Tophané.
   44. Mesdjid de Iliasse Zadé, à Top Kapou.
   45. Mesdjid de Pazar Bachi Mémi Kahya, à Rassim Pacha.
   46. Mesdjid de Mehmed Pacha, à Buyuk Tchekmédjé.
   47. Mesdjid de Hadji Pacha, à Scutari.
   48. Mesdjid de Saradj Hané, à Hasskeuy.
   49. Mesdjid de Sarraf, hors de Top Kapou.
   50. Mesdjid de Rouznamédji Abdi Tchélébi, à Soulou Monastir.


MEDRÉSSÉS (Écoles).

    1. Sultan Suléiman, à La Mecque.
    2. Sultan Suléiman, à Stamboul.
    3. Sultan Sélim Ier, à Halidjilar.
    4. Sultan Sélim II, à Andrinople.
    5. Sultan Sélim Han, à Tchorlou.
    6. Chehzadé Sultan Mehmed, à Stamboul.
    7. Hasséki Sultan Mehmed, à Avret-Bazar.
    8. Hasséki Sultan Kaarié, à Sultan Sélim.
    9. Validé Sultan, à Scutari.
   10. Mihr i Mah Sultane, à Scutari.
   11. Mihr i Mah Sultane, à Edirné Kapou.
   12. Mehmed Pacha, à Kadirga Liman.
   13. Mehmed Pacha, à Eyoub.
   14. Osman Chah Validéssi, à Ak-Séraï.
   15. Rustem Pacha, à Stamboul.
   16. Ali Pacha, à Stamboul.
   17. Maktoul Mehmed Pacha, à Top Kapou.
   18. Sofou Mehmed Pacha, à Stamboul.
   19. Ibrahim Pacha, à Stamboul.
   20. Sinan Pacha, à Stamboul.
   21. Iskender Pacha, à Stamboul.
   22. Ali Pacha, à Baba Eski.
   23. Missirli Moustapha Pacha, à Guebzé.
   24. Ahmed Pacha, à Ismidt.
   25. Kassim Pacha.
   26. Ibrahim Pacha, à Stamboul près d’Issa Capou.
   27. Chemssi Pacha, à Scutari.
   28. Djafer Agha, à Stamboul.
   29. Capou aghassi Mahmoud agha, à Stamboul.
   30. Maaloul Emir Effendi, à Stamboul.
   31. Umm-ul-Veled, à Stamboul.
   32. Avdji Bachi, à Stamboul.
   33. Mufti Hamid Effendi, à Stamboul.
   34. Firouz agha, à Stamboul.
   35. Hadjéki Zadé, à Sultan Mehmed.
   36. Agha Zadé, à Sultan Mehmed.
   37. Yahya Effendi, à Sultan Mehmed.
   38. Abdusselam, à Sultan Mehmed.
   39. Toudi Kadi, à Sultan Mehmed.
   40. Hekim Mehmed Tchélébi, à Sultan Mehmed.
   41. Husséin Tchélébi, à Sultan Mehmed.
   42. Emin Sinan Effendi, à Sultan Mehmed.
   43. Chah Koulou, à Sultan Mehmed.
   44. Younouss Bey, à Diragman.
   45. Kardji Suléiman Bey, à Stamboul.
   46. Hadji khatoun, à Stamboul.
   47. Cherif Zadé, à Stamboul.
   48. Kadi Hekim Tchélébi, à Karaman.
   49. Baba Tchélébi, à Stamboul.
   50. Kermassi.
   51. Sekban Ali bey, à Kumruk Hané.
   52. Nichandji Mehmed Bey, à Alti Mermer.
   53. Bedestan Kahyassi Husséin Tchélébi, à Stamboul.
   54. Gulfem Hatoum, à Scutari.
   55. Houssrev Kahya, à Angora.


DARULKOURA (Bibliothèques).

    1. Sultan Suléïman, à Stamboul.
    2. Validé Sultan, à Scutari.
    3. Houssrev Kahya, à Stamboul.
    4 Mehmed Pacha, à Eyoub.
    5. Mufti Saïd Tchélébi, à Kutchuk Karaman.
    6. Bossnali Mehmed Pacha, à Stamboul.
    7. Kadi Zadé, à Stamboul.


TURBÉ (Tombeaux).

    1. Sultan Suléïman Han.
    2. Sultan Sélim Han.
    3. Chehzadé Mehmed Han.
    4. Chehzadéler, à Sultan Sélim.
    5. Rustem Pacha, à Chehzadé Bachi.
    6. Houssrev Pacha.
    7. Ahmed Pacha, à Top Capou.
    8. Mehmed Pacha, à Eyoub.
    9. Des fils de Siavèche Pacha, à Eyoub.
   10. Zal Pacha.
   11. Haïreddin Barbarosse, à Bechiktache.
   12. Yahya Effendi, à Bechiktache.
   13. Arab Ahmed Bey, à Bechiktache.
   14. Kilidj Ali Pacha, à Tophané.
   15. Pertev Pacha, à Eyoub.
   16. Chah Houban Kadine, à Yéni Baghtché.
   17. Ahmed Pacha, à Edirné Kapou.
   18. Hadji Pacha, à Scutari.
   19. Chemsi Pacha, à Scutari.


IMARETS (Cantines).

    1. Sultan Suléïman, à Stamboul.
    2. Hasséki, à La Mecque.
    3. Chéhzadé Sultan Suléiman, à Stamboul.
    4. Sultan Sélim, à Karapinar.
    5. Sultan Suléiman, à Tchorlou.
    6. Mihr i Mah Sultane, à Scutari.
    7. Validé Sultane, à Scutari.
    8. Sultan Mourad, à Manissa.
    9. Rustem Pacha, à Roustchouk.
   10. Rustem Pacha, à Sabandja.
   11. Mehmed Pacha, à Bourgas.
   12. Mehmed Pacha, à Hafssa.
   13. Moustapha Pacha, à Ghebzé.
   14. Mehmed Pacha, à Bossna.


[Illustration: Pl. 51.

    VIEUX SÉRAIL.--Tchinili Kiosque.]

    VIEUX SÉRAIL.--Terrasse et pavillon aux faïences.]


HOPITAUX

    1. Sultan Suléiman.
    2. Hasséki Sultane.
    3. Validé Sultane, à Scutari.


AQUEDUCS

    1. Dérbend Kéméri.
    2. Ouzoun Kemer.
    3. Mouallak Kemer.
    4. Keurundjé Kemeri.
    5. Muderiss Keuy Kemeri.


PONTS

  1. Le pont de Buyuk Tchekmédjé.
  2. Le pont de Silivri.
  3. Le pont de Moustapha Pacha sur Méritch.
  4. Le pont de Mehmed Pacha, à Marmara.
  5. Le pont de Oda Bachi, à Halkali.
  6. Le pont de Kapou aghassi, à Harami déré.
  7. Le pont de Mehmed Pacha, à Sinanli.
  8. Le pont de Grand Vizir Mehmed Pacha, à Vichgrad (Bosnie).


KARVAN-SÉRAÏ (Hôtelleries).

    1. Karvan Séraï de Sultan Suléïman.
    2. Karvan Séraï de Sultan, à Tchékmédjé.
    3. Karvan Séraï de Rustem Pacha, à Tekvourdaghi.
    4. Karvan Séraï de Rustem Pacha, à Bat Pazari.
    5. Karvan Séraï de Rustem Pacha, à Galata.
    6. Karvan Séraï de Ali Pacha, à Bat Pazari.
    7. Karvan Séraï de Pertev Pacha, à Vefa.
    8. Karvan Séraï de Moustapha Pacha, à Alghin.
    9. Karvan Séraï de Rustem Pacha, à Ak Biik.
   10. Karvan Séraï de Rustem Pacha, à Samanli.
   11. Karvan Séraï de Rustem Pacha, à Sabandja.
   12. Karvan Séraï de Rustem Pacha, à Karaman.
   13. Karvan Séraï de Rustem Pacha, à Karichdiran.
   14. Karvan Séraï de Houssrev Kahia, à Ipssalé.
   15. Karvan Séraï de Mehmed Pacha, à Bourgas.
   16. Karvan Séraï de Rustem Pacha, à Andrinople.
   17. Karvan Séraï de Ali Pacha, à Andrinople.


PALAIS

    1. Palais de Vieux Sérail.
    2. Palais de Nouveau Sérail.
    3. Palais de Usskudar.
    4. Palais de Galata.
    5. Palais de At Méïdani.
    6. Palais de Yéni Capou.
    7. Palais de Kandilli.
    8. Palais de Fener Baghtché.
    9. Palais de Iskender Tchélébi Bahdjéssi.
   10. Palais de Halkali.
   11. Palais de Rustem Pacha, à Kadirga.
   12. Palais de Mehmed Pacha, à Sainte-Sophie.
   13. Palais de Mehmed Pacha, à Scutari.
   14. Palais de Rustem Pacha, à Scutari.
   15. Palais de Siavèche Pacha, à Scutari.
   16. Palais de Siavèche Pacha, à Scutari.
   17. Palais de Siavèche Pacha, à Stamboul.
   18. Palais de Ali Pacha, à Stamboul.
   19. Palais de Ahmed Pacha, à At Méidani.
   20. Palais de Ferhad Pacha, à Sultan Bayazid.
   21. Palais de Pertev Pacha, à Véfa.
   22. Palais de Sinan Pacha, à At Méidani.
   23. Palais de Sofou Mehmed Pacha, à Hodja Pacha.
   24. Palais de Mahmoud Agha, à Yéni Baghtché.
   25. Palais de Mehmed Pacha, à Halkali.
   26. Palais du Chah Houban Kadine, à Kassim Pacha.
   27. Palais du Pertev Pacha, à Tachra.
   28. Palais de Ahmed Pacha, à Tachra.
   29. Palais de Ali Pacha, à Eyoub.
   30. Palais de Ali Pacha, à Eyoub.
   31. Palais de Mehmed Pacha, à Rustem Pacha tchiflik.
   32. Palais de Mehmed Pacha, à Bosnie.
   33. Palais de Rustem Pacha, à Isskender tchiflick.


DÉPOTS

  1. Dépôts à Galata.
  2. Dépôts à Terssané-i-Amiré (arsenal).
  3. Dépôts à Saraï.
  4. Dépôts à Hass Baghtché.
  5. Dépôts à Saraï.
  6. Dépôts à Oun Kapani.


BAINS

    1, 2, 3. Bains du Palais Impérial par ordre du Sultan Suléiman.
    4. Bains de Sultan Suléiman, à Stamboul.
    5. Bains de Sultan Suléiman, à Kéfé.
    6. Bains du Palais d’Usskudar.
    7. Bains de Hasseki Sultane, à Sainte-Sophie.
    8. Bains de Hasseki Sultane, à Yahoudiler.
    9. Bains de Validé Sultan, à Usskudar.
   10. Bains de Sultan, à Karapinar.
   11. Bains de Validé Sultane, à Djibali.
   12. Bains de Mihr-i-Mah Sultanne, à Edirné-Capou.
   13. Bains de Loutfi Pacha, à Edirné-Capou.
   14. Bains de Mehmed Pacha, à Galata.
   15. Bains de Mehmed Pacha, à Andrinople.
   16. Bains de Kodja Moustapha Pacha, à Yéni Baghtché.
   17. Bains de Ibrahim Pacha, à Silivri Capou.
   18. Bains de Capou aghassi, à Soulou Monastir.
   19. Bains de Sinan Pacha, à Bechiktache.
   20. Bains de Molla Tchélébi, à Findikli.
   21. Bains de Kapoudan Ali Pacha, à Tophané.
   22. Bains de Kapoudan Ali Pacha, à Fener Capou.
   23. Bains de Mufti Ali Pacha, à Madjoundji Tcharchissi.
   24. Bains de Mehmed Pacha, à Hafssa.
   25. Bains de Merkez Effendi, à Yéni Capou.
   26. Bains de Nichandji Pacha, à Eyoub.
   27. Bains de Houssrev Kahia, à Ortakeuy.
   28. Bains de Ismidt, à Ortakeuy.
   29. Bains de Tchataldja, à Ortakeuy.
   30. Bains de Rustem Pacha, à Sabandja.
   31. Bains de Husséin Bey, à Kaïsseri.
   32. Bains de Sari Kuzel, à Stamboul.
   33. Bains de Haïreddin Pacha, à Zéirek.
   34. Bains de Haïreddin Pacha, à Kumruk Hané.
   35. Bains de Yacoub Agha, à Tophané.


[Illustration: Pl. 52.

    VIEUX SÉRAIL.--(Au fond la porte de la salle du Trône.)

    VIEUX SÉRAIL.--Cour du Harem.]



BIOGRAPHIE DE MEHMED AGHA


Mehmed agha, fils d’Abdul Mouïn et architecte du sultan Ahmed Ier, qui
a construit quantités de mosquées et d’autres monuments, des chapelles,
des ponts, des turbés, et plus de cent fontaines, jouissait d’une
grande réputation. Un de ses amis, Djaffer effendi, lui a consacré,
ainsi qu’il était d’usage alors, une biographie intéressante comprenant
aussi un aperçu de ses œuvres (Ménakibnamé). Nous empruntons à ce
travail, dont nous avons eu le manuscrit sous les yeux, les détails
suivants.

Mehmed agha, originaire de Roumélie (Turquie d’Europe), arriva à
Constantinople en l’an 970, vers la fin du règne de Suléïman et fut
enrôlé dans le corps des janissaires comme _adjemi-oglan_ (apprenti).
Cinq ans plus tard, il était nommé gardien dans le jardin du tombeau
de Suléïman. Sa destinée le portait plutôt, semblait-il, vers la
musique que vers l’architecture où il devait s’illustrer. Mais un rêve
qu’il fit un soir le détourna de sa vocation. Il en avait demandé
l’explication à un vieux et vénérable chéikh, qui lui recommanda
d’abandonner la musique comme un péché. C’est alors qu’il brisa tous
ses instruments, résigné à chercher ailleurs l’application de ses
facultés intellectuelles et de ses goûts artistiques. Il se tourna vers
l’architecture, après avoir consulté le même vieillard qu’autrefois,
lequel, cette fois, lui représenta cette carrière comme vraiment digne
de lui, puisqu’il s’agissait de contribuer à une œuvre publique et
saine, telle que l’édification de forts, fontaines et mosquées. Mehmed
agha entra alors dans les ateliers du palais où il s’adonna à l’étude
de l’architecture et du travail sur nacre (977).

A cette époque, Kodja Sinan vivait encore. Il visitait fréquemment
ces ateliers et eut l’occasion d’admirer le talent de Mehmed agha. Il
l’encouragea et l’engagea à préparer une œuvre pour être présentée
au sultan Murad III. Mehmed agha se mit au travail et fit un pupitre
finement ouvragé, que Ahmed pacha, porte-armes de Sa Majesté, se
chargea de présenter au Souverain. Celui-ci en récompense lui décerna
le titre de _Bévab_ (portier du Palais) (998).

De retour à Constantinople, après un voyage qu’il fit en Égypte et
en Roumélie pour inspecter les frontières, il fabriqua un carquois
qu’il présenta à Sa Majesté. Ce nouveau travail lui valut une nouvelle
distinction. Le Sultan le nomma _Mouhsir-bachi_ (chef-procureur)
près du juge de Stamboul; lorsque Hussrev pacha fut nommé beylerbey
de Diarbékir, Mehmed agha fut envoyé en qualité de _Mussellim_
(transmetteur de pouvoirs). A son retour, il occupa les fonctions de
_Capou-Kéhia_ de ce pacha, jusqu’à l’époque où Hussrev pacha fut nommé
au gouvernement de Damas; Mehmed agha l’y accompagna et fut chargé de
l’administration du Hauran. Des bandes de brigands infestaient alors
le pays et attaquaient la caravane sacrée. Mehmed agha réussit à les
anéantir. Ce succès indisposa à son égard Hussrev pacha, dont la
jalousie croissante obligea Mehmed agha à retourner à Constantinople.
Il y rentra et fut en 1006 nommé administrateur des eaux, poste qu’il
conserva pendant huit ans.

A la mort de Mimar Sinan, Davoud agha devint architecte du sultan;
Ahmed agha surnommé Dalguitch, camarade de Mehmed agha, succéda à
celui-ci. Et à la mort d’Ahmed agha, ce fut Mehmed agha qui fut élevé
au poste d’architecte en chef du Sultan, en l’an 1015 de l’Hégire,
mercredi VIIIe jour de Djemazi-el-akir.

Outre les nombreux édifices et mosquées qui attestent sa puissance de
travail, Mehmed agha a eu l’honneur d’être envoyé à La Mecque afin d’y
réparer la Kaaba.

Cet artiste fut un homme pieux, fidèle à tous les préceptes de la
religion, et charitable à ce point qu’il destinait aux pauvres tous les
bénéfices qu’il retirait de ses travaux.


D’après _Hadikatul-Djevami_, sa maison se trouvait en face de la
mosquée construite par lui-même sur l’emplacement du Mesdjid de Zeïni
effendi, Mesdjid qui fut brûlé pendant l’incendie de Djibali.


[Illustration: Pl. 53.

    VIEUX SÉRAIL.--Balcons à encorbellement.

    VIEUX SÉRAIL.--Intérieur de Bagdad Kiosque.]



MONUMENTS DE L’ÉPOQUE BYZANTINE[90]

                [90] Les astérisques renvoient au tableau suivant, où
                sont indiqués les monuments musulmans contemporains de
                la même époque.


  +-------------------------+------------------------------------------+
  |     DATES ET NOMS       |          CHRONOLOGIE DES MONUMENTS       |
  +-------------------------+------------------------------------------+
  |658 av. J.-C. Byzas.     |Les murs de l’ancienne petite ville de    |
  |                         |  Byzance. Statue de Byzas. Acropole.     |
  |                         |  L’arène. Le milium (portes triomphales).|
  |                         |                                          |
  |490 av. J.-C. Darius.    |                                          |
  |                         |                                          |
  |479 av. J.-C. Pausanias. |                                          |
  |                         |                                          |
  |                         |                                          |
  |330 ap. J.-C. Constantin |L’Augustéon. Colonne de Constantin. Homona|
  |le Grand (306-337 J.-C.).|  (monastère de Pantéleïmon). Les premiers|
  |                         |  murs de la ville, la basilique de       |
  |                         |  Sainte-Sophie, l’église de Sainte-Irène |
  |                         |  (qui fut ensuite brûlée pendant la      |
  |                         |  révolution de Nika), le Sénat,          |
  |                         |  l’hippodrome.                           |
  |                         |                                          |
  |361-63. Julien l’Apostat.|                                          |
  |                         |                                          |
  |363-64. Jovien.          |                                          |
  |                         |                                          |
  |364-78. Valentinien Ier  |Aqueduc de Valens.                        |
  |  et Valens.             |                                          |
  |                         |                                          |
  |394-95. Théodose le      |L’Obélisque de Théodose. Destruction des  |
  |  Grand.                 |  temples païens. Forum Tauri.            |
  |                         |  Pentapyrgion (5 tours). Église de       |
  |                         |  Saint-Théodore Tyron.                   |
  |                         |                                          |
  |_Maison de Thrace_       |                                          |
  |  (395-518):             |                                          |
  |                         |                                          |
  |395-408. Arcadius.       |Thermes d’Arcadius. Forum d’Arcadius.     |
  |                         |  Colonne d’Arcadius surmontée de sa      |
  |                         |  statue.                                 |
  |                         |                                          |
  |408-50. Théodose II.     |Agrandissement de la ville. Les murs      |
  |                         |  théodosiens ou d’Anthémius (appelés     |
  |                         |  ainsi du nom du ministre qui les a      |
  |                         |  construits) (413). On a rebâti les murs |
  |                         |  détruits par un tremblement de terre    |
  |                         |  (447).                                  |
  |                         |                                          |
  |450-57. Marcien.         |Colonne Marcienne. Église de la           |
  |                         |  Sainte-Vierge des Blaquernes, bâtie par |
  |                         |  Pulchérie, épouse de l’Empereur.        |
  |                         |                                          |
  |457-74. Léon Ier.        |Le patricien Stoudios fit construire      |
  |                         |  l’église du couvent Saint-Jean de       |
  |                         |  Stoudios. Citerne de Mocius ou d’Aspar, |
  |                         |  construite par Aspar, chef de la milice |
  |                         |  gothique, pour alimenter les Goths      |
  |                         |  cantonnés hors les murs. Saint-Pierre   |
  |                         |  et Saint-Marc.                          |
  |                         |                                          |
  |474. Léon II le Jeune.   |                                          |
  |                         |                                          |
  |474-91. Zénon.           |La tour du Christ (tour de Galata).       |
  |                         |                                          |
  |491-518. Anastase Ier.   |Palais des Blaquernes.                    |
  |                         |                                          |
  |_Maison Justinienne_     |                                          |
  |  (518-610):             |                                          |
  |                         |                                          |
  |518-27. Justin Ier.      |                                          |
  |                         |                                          |
  |527-65. Justinien Ier.   |Sainte-Sophie (532-537). Saints-Serge et  |
  |                         |  Bacchus (Kutschuk aya Sofia). L’église  |
  |                         |  des Douze-Apôtres. La «Chora» (Kahrié   |
  |                         |  Djami). L’église de Sainte-Thecla.      |
  |                         |  Sainte-Irène. Cisterna Basilica         |
  |                         |  (Yerebatan serai). Cisterna Philoxeni   |
  |                         |  (Bin. bir. direk).                      |
  |                         |                                          |
  |565-78. Justin II.       |Construction du Chrysotriclinium dans le  |
  |                         |  grand palais.                           |
  |578-82. Tibère           |                                          |
  |  Constantin.            |                                          |
  |                         |                                          |
  |582-602. Maurice.        |Église de la Diaconissa. (Kalender-Djami.)|
  |                         |                                          |
  |*602-10. Phocas.         |                                          |
  |                         |                                          |
  |610-41. Héraclius.       |Murs d’Héraclius qui relièrent le château |
  |                         |  des Blaquernes avec les murs            |
  |                         |  théodosiens.                            |
  |                         |                                          |
  |641. Héraclius II ou     |                                          |
  |  Constantin III.        |                                          |
  |                         |                                          |
  |641. Héracleonas         |                                          |
  |  Constantin IV.         |                                          |
  |                         |                                          |
  |*641-68. Constant II.    |                                          |
  |                         |                                          |
  |*668-85. Constantin III  |Construction de la première mosquée par   |
  |  (ou V[91]) (Pogonat ou |  les Arabes (Arab Djamissi) à Galata.    |
  |  Barbu).                |                                          |
  |                                                                    |
  |           [91] Le cinquième de ce nom si l’on compte Héraclius et  |
  |           Heracleonas parmi les Constantin, compté par d’autres    |
  |           comme le troisième de ce nom.                            |
  |                         |                                          |
  |685-94. Justinien II.    |Construction de l’église de l’Archange    |
  |                         |  Michel, près du port Julien.            |
  |*694-705. Tibère III.    |                                          |
  |                         |                                          |
  |705-11. Justinien II.    |                                          |
  |                         |                                          |
  |711-13. Philippicus.     |                                          |
  |                         |                                          |
  |713-15. Anastase II.     |                                          |
  |                         |                                          |
  |715-17. Théodose III.    |L’église actuelle des dominicains, à      |
  |                         |  Galata.                                 |
  |                         |                                          |
  |_Dynastie Isaurienne_    |                                          |
  |  (717-867):             |                                          |
  |                         |                                          |
  |717-41. Léon III         |Pentapyrgion Aïvan Séraï (740). Un        |
  |  l’Isaurien.            |  tremblement de terre renversa la statue |
  |                         |  d’Arcadius, qui se trouvait sur la      |
  |                         |  colonne portant le même nom.            |
  |                         |                                          |
  |*741-75. Constantin IV ou|                                          |
  |  VI Copronyme.          |                                          |
  |                         |                                          |
  |775-80. Léon IV le       |                                          |
  |  Khazar.                |                                          |
  |                         |                                          |
  |*780-97. Constantin V ou |                                          |
  |  VII.                   |                                          |
  |                         |                                          |
  |780-802. Irène.          |                                          |
  |                         |                                          |
  |802-11. Nicéphore Ier    |                                          |
  |  (dit le Logothète).    |                                          |
  |                         |                                          |
  |811-13. Michel Ier.      |                                          |
  |  Rangabé dit Curopalate.|                                          |
  |                         |                                          |
  |813-20. Léon V           |                                          |
  |  l’Arménien.            |                                          |
  |                         |                                          |
  |820-29. Michel II        |                                          |
  |  le Bègue.              |                                          |
  |                         |                                          |
  |829-42. Théophile.       |Réparation des murailles de               |
  |                         |  Constantinople. Constructions au palais.|
  |                         |                                          |
  |842-67. Michel III       |Fondation de l’Académie dans la Magnaura. |
  |   l’Ivrogne.            |                                          |
  |                         |                                          |
  |_Dynastie Macédonienne_  |                                          |
  |  (867-1057):            |                                          |
  |                         |                                          |
  |867-86. Basile Ier.      |La Nouvelle église. Le Cenourgion.        |
  |                         |                                          |
  |*868-78. Constantin VI   |                                          |
  |  ou VIII.               |                                          |
  |                         |                                          |
  |886-912. Léon VI le Sage |L’église de la Théotokos.                 |
  |  ou le Philosophe.      |                                          |
  |                         |                                          |
  |912-59. Constantin VII   |Palais de Constantin ou Tekfour séraï.    |
  |  Porphyrogénète.        |   Colonne murée.                         |
  |                         |                                          |
  |920-944. Romain Ier      |                                          |
  |   Lécapène.             |                                          |
  |                         |                                          |
  |920-45. Constantin VIII  |                                          |
  |  ou X.                  |                                          |
  |                         |                                          |
  |959-63. Romain II.       |                                          |
  |                         |                                          |
  |963-69. Nicéphore II     |Port et palais du Boucoléon.              |
  |   Phocas.               |                                          |
  |                         |                                          |
  |*969-75. Jean Zimiscès.  |                                          |
  |                         |                                          |
  |975-1025. Basile II      |                                          |
  |  Bulgaroctone.          |                                          |
  |                         |                                          |
  |*975-1028. Constantin IX |                                          |
  |  ou XI.                 |                                          |
  |                         |                                          |
  |1028-34. Romain III dit  |Rénovation de l’église de Sainte-Marie des|
  |  Argyre.                |   Blaquernes et de Sainte-Sophie. Église |
  |                         |   de la Peribleptos.                     |
  |                         |                                          |
  |1034-41. Michel IX.      |                                          |
  |                         |                                          |
  |1041-42. Michel V        |                                          |
  |  Calafate.              |                                          |
  |                         |                                          |
  |1042-54. Constantin X ou |Le couvent Saint-Georges de Manganes.     |
  |  XII.                   |                                          |
  |                         |                                          |
  |1054-56. Théodora.       |                                          |
  |                         |                                          |
  |1056-57. Michel          |                                          |
  |  Stratiotique.          |                                          |
  |                         |                                          |
  |1057-59. Isaac Comnène.  |                                          |
  |                         |                                          |
  |1059-67. Constantin XI   |                                          |
  |  ou XIII Ducas.         |                                          |
  |                         |                                          |
  |1067-68 } Michel VII le  |Église Pammakaristos.                     |
  |1071-78 }   Parapinace.  |                                          |
  |                         |                                          |
  |1068-71. Romain IV.      |                                          |
  |                         |                                          |
  |1078-81. Nicéphore III   |                                          |
  |  Botoniate.             |                                          |
  |                         |                                          |
  |_Dynastie des Comnènes_: |                                          |
  |                         |                                          |
  |1081-1118. Alexis Ier.   |La foudre ayant renversé la statue qui se |
  |                         |  trouvait sur la colonne de Constantin,  |
  |                         |  avec les tambours supérieurs, l’Empereur|
  |                         |  la répara et fit mettre un nouveau      |
  |                         |  chapiteau corinthien avec des           |
  |                         |  inscriptions et une croix en or.        |
  |                         |  Reconstruction de l’église de Chora, par|
  |                         |  Marie Ducas, la belle-mère de           |
  |                         |  l’Empereur.                             |
  |                         |                                          |
  |*1118-43. Jean II        |L’église du Pantokrator (1125), bâtie par |
  |  Comnène.               |  Irène, épouse de l’Empereur.            |
  |                         |                                          |
  |*1143-80. Manuel.        |Agrandissement du palais des Blaquernes   |
  |                         |  qui fut adopté comme résidence          |
  |                         |  impériale.                              |
  |                         |                                          |
  |1180-83. Alexis II       |                                          |
  |  Comnène.               |                                          |
  |                         |                                          |
  |1183-85. Andronic        |                                          |
  |  Comnène.               |                                          |
  |                         |                                          |
  |*1185-95 }               |                                          |
  | 1203-04 } Isaac L’Ange. |                                          |
  |                         |                                          |
  |*1195-203. Alexis III.   |                                          |
  |                         |                                          |
  |1203-04. Alexis le Jeune.|                                          |
  |                         |                                          |
  |1204. Alexis Ducas.      |                                          |
  |                         |                                          |
  |_L’Empire latin de       |                                          |
  |  Constantinople_        |                                          |
  |  (1204-1261):           |                                          |
  |                         |                                          |
  |1204-06. Baudouin Ier.   |                                          |
  |                         |                                          |
  |*1206-16. Henri de       |                                          |
  |  Hainaut.               |                                          |
  |                         |                                          |
  |*1216-18. Pierre de      |                                          |
  |  Courtenay.             |                                          |
  |                         |                                          |
  |*1218-28. Robert.        |                                          |
  |                         |                                          |
  |*1228-31, 1231-37. Jean  |                                          |
  |  de Brienne.            |                                          |
  |                         |                                          |
  |*1237-61. Baudouin II.   |                                          |
  |                         |                                          |
  |_Empereurs grecs à       |                                          |
  |  Nicée_:                |                                          |
  |                         |                                          |
  |1204-222. Théodore       |                                          |
  |  Lascaris.              |                                          |
  |                         |                                          |
  |1222-254. Jean III       |                                          |
  |  Vatazès.               |                                          |
  |                         |                                          |
  |1254-259. Théodore II    |                                          |
  |  Lascaris.              |                                          |
  |                         |                                          |
  |_Dynastie des            |                                          |
  |  Paléologues et des     |                                          |
  |  Cantacuzènes_          |                                          |
  |  (1261-1453):           |                                          |
  |                         |                                          |
  |*1261-82. Michel         |Les nouveaux murs des Blaquernes. Église  |
  |  Paléologue.            |  de Kyra Martha bâtie par l’impératrice  |
  |                         |  Maria Ducas, sœur de l’Empereur.        |
  |                         |                                          |
  |*1282-1328. Andronic II  |Restauration de l’église de Chora et      |
  |  Paléologue.            |  renouvellement de ses mosaïques, par    |
  |                         |  Théodore Métochite, ministre            |
  |                         |  d’Andronic II. Restauration de          |
  |                         |  Christo-Camera.                         |
  |                         |                                          |
  |*1328-41. Andronic III   |                                          |
  |  Paléologue.            |                                          |
  |                         |                                          |
  |*1341-91. Jean V[92].    |Église des Blaquernes détruite par le feu.|
  |                                                                    |
  |             [92] Jean III et Jean IV avaient régné à Nicée.        |
  |                         |                                          |
  |*1341-55. Jean VI        |                                          |
  |  Cantacuzène.           |                                          |
  |                         |                                          |
  |*1355-56. Mathieu        |                                          |
  |  Cantacuzène.           |                                          |
  |                         |                                          |
  |*1376-79. Andronic IV P. |                                          |
  |                         |                                          |
  |*1391-1425. Manuel II P. |                                          |
  |                         |                                          |
  |1399-1402. Jean VII      |                                          |
  |  Paléologue.            |                                          |
  |                         |                                          |
  |*1425-48. Jean VIII      |                                          |
  |  Paléologue.            |                                          |
  |                         |                                          |
  |*1448-53. Constantin XII |                                          |
  |  ou XIV Dracosès.       |                                          |
  +-------------------------+------------------------------------------+


[Illustration: Pl. 54.

    VIEUX SÉRAIL.--Intérieur.

    INTÉRIEUR D’UNE MAISON TURQUE DU XVIIE SIÈCLE
    (D’après un dessin de l’auteur.)]



MONUMENTS MUSULMANS CONTEMPORAINS DE L’ÉPOQUE BYZANTINE


  +------+----------+--------------------------------------------------+
  |      |   ÈRE    |                                                  |
  |HÉGIRE|CHRÉTIENNE|                                                  |
  +------+----------+--------------------------------------------------+
  |   »  |    608   |Reconstruction de la Kaaba (Arabie).              |
  |      |          |                                                  |
  |   21 |    642   |Fondation de la mosquée d’Amrou (Caire).          |
  |      |          |                                                  |
  |   23 |    643   |Mosquée d’Omar, à Jérusalem.                      |
  |      |          |                                                  |
  |   49 |    669   |Mosquée El Aksa, à Jérusalem.                     |
  |      |          |                                                  |
  |   84 |    703   |Reconstruction de la mosquée Kairouan (Tunisie).  |
  |      |          |                                                  |
  |  132 |    750   |Califat de Cordoue (Espagne).                     |
  |      |          |                                                  |
  |  137 |    755   |Tombes, à Reï (Perse).                            |
  |      |          |                                                  |
  |  142 |    760   |Fondation de la Mesdjid Djouma, à Ispahan (Perse).|
  |      |          |                                                  |
  |  174 |    790   |Palais de Rakka (Mésopotamie).                    |
  |      |          |                                                  |
  |  261 |    875   |Mosquée Djouma de Chiraz (Perse).                 |
  |      |          |                                                  |
  |  264 |    878   |Mosquée Touloun (Caire).                          |
  |      |          |                                                  |
  |  361 |    971   |Mosquée El-Azhar (Caire).                         |
  |      |          |                                                  |
  |  408 |   1017   |Fondation de la grande mosquée d’Ardebil.         |
  |      |          |                                                  |
  |  471 |   1079   |Agrandissement de la grande mosquée d’Ispahan, par|
  |      |          |  Malik Chah.                                     |
  |      |          |                                                  |
  |  525 |   1132   |Chapelle palatine, à Palerme.                     |
  |      |          |                                                  |
  |  555 |   1160   |Palais des Seldjoucides, à Konia (Asie M.).       |
  |      |          |                                                  |
  |  567 |   1171   |Tombeau de l’imam Chafiï (Caire).                 |
  |      |          |                                                  |
  |  587 |   1191   |Grande mosquée de Mossoul (Mésopotamie).          |
  |      |          |                                                  |
  |  596 |   1199   |L’Alcazar de Séville (Espagne).                   |
  |      |          |                                                  |
  |  607 |   1160   |Tombeaux de Kilidj-Arslan et de Kaï-Khosrou Ier   |
  |      |          |  (Asie M.).                                      |
  |      |          |                                                  |
  |  613 |   1216   |Tach-Medressé, à Ak-Chehir (Asie M.).             |
  |      |          |                                                  |
  |  617 |   1220   |Mosquée d’Ala-ed-din, à Konia (Asie M.).          |
  |      |          |                                                  |
  |  627 |   1229   |Caravansérail de sultan Khan, près de Konia       |
  |      |          |  (Asie M.).                                      |
  |      |          |                                                  |
  |  628 |   1230   |Fondation de l’Alhambra (Espagne).                |
  |      |          |                                                  |
  |  640 |   1242   |Sirtchéli-medressé, à Konia (Asie M.).            |
  |      |          |                                                  |
  |  648 |   1250   |Achèvement de Tach-medressé, à Ak-Chéhir          |
  |      |          |  (Asie M.).                                      |
  |      |          |                                                  |
  |  649 |   1251   |Karataï-medressé et Indjé-minareli medressé, à    |
  |      |          |  Konia (Asie M.).                                |
  |      |          |                                                  |
  |  659 |   1261   |Turbé de Sahib-Ata, à Konia (Asie M.).            |
  |      |          |                                                  |
  |  669 |   1270   |Tchifté-minaré, Gueuk-medressé, à Sivas (Asie M.).|
  |      |          |                                                  |
  |  672 |   1273   |Mosquée de Djelal-ed-din à Konia (Asie M.).       |
  |      |          |                                                  |
  |  693 |   1294   |Mosquée de Ghazan Khan, à Tauris (Perse).         |
  |      |          |                                                  |
  |  704 |   1304   |Mosquée d’Oldjaïtou, à Sultanieh (Perse).         |
  |      |          |                                                  |
  |  725 |   1325   |Conquête de Brousse, par les Ottomans.            |
  |      |          |                                                  |
  |  755 |   1354   |Tombeau d’Orkhan, à Brousse (Ottom.). (Asie M.).  |
  |      |          |                                                  |
  |  755 |   1354   |La cour des Lions, la salle des Ambassadeurs de   |
  |      |          |  l’Alhambra, à Grenade (Espagne).                |
  |      |          |                                                  |
  |  757 |   1356   |Mosquée du sultan Hassan (Caire).                 |
  |      |          |                                                  |
  |  758 |   1357   |Fondation d’Oulou-Djami, par Murad Ier, à         |
  |      |          |  Brousse.                                        |
  |      |          |                                                  |
  |  768 |   1366   | Mosquée d’In-Eunu (Asie Mineure) (Ottom.).       |
  |      |          |                                                  |
  |  780 |   1378   |Mosquée Verte construite par Murad Ier à Nicée    |
  |      |          |  (Ottom.) (Asie M.).                             |
  |      |          |                                                  |
  |  780 |   1378   |Construction de la première mosquée turque à      |
  |      |          |  Constantinople.                                 |
  |      |          |                                                  |
  |  786 |   1384   |Mosquée de Barkouk (Caire).                       |
  |      |          |                                                  |
  |  791 |   1389   |Bains de la sultane Niloufer, à Nicée (Ottom.)    |
  |      |          |  (Asie M.).                                      |
  |      |          |                                                  |
  |  818 |   1415   |Achèvement d’Oulou-Djami, par Mahomet Ier         |
  |      |          |  (Ottom.), Brousse. Yéchil Djami, à Brousse      |
  |      |          |  (terminée en 1424) (Ottom.).                    |
  |      |          |                                                  |
  |  818 |   1417   |Mosquée El-Moyed (Caire).                         |
  |      |          |                                                  |
  |  823 |   1420   |Tombeau de (Mehmed Ier). Turbé vert, à Brousse    |
  |      |          |  (Ottom.).                                       |
  |      |          |                                                  |
  |  840 |   1436   |Mosquée Kaït Bey (Caire).                         |
  |      |          |                                                  |
  |  855 |   1451   |Construction du Château fort de Rouméli Hissar,   |
  |      |          |  par Mehmed II, sur la rive européenne du        |
  |      |          |  Bosphore.                                       |
  +------+----------+--------------------------------------------------+


[Illustration: Pl. 55.

    PALAIS DE DOLMA BAGTCHÉ.

    VUE PANORAMIQUE DE LA MOSQUÉE SULEÏMANIÉ.]



MONUMENTS DE L’ÉPOQUE OTTOMANE


  +---------+----------------+-----------------------------------------+
  |         |      NOMS      |                                         |
  |  DATES  |   DES SULTANS  |               MONUMENTS CÉLÈBRES        |
  +---------+----------------+-----------------------------------------+
  |1440-1445|Mehmed II le    |Bezesten (Bazar).                        |
  |         |  Conquérant.   |Mosquée de Fatih (867 H.), reconstruite  |
  |1451-1481|     --         |  sous Moustafa III.                     |
  |         |                |Mosquée d’Ibrahim Pacha.                 |
  |         |                |Mosquée de Mahmoud Pacha (868 H.).       |
  |         |                |Mosquée de Mourad Pacha (870 H.).        |
  |         |                |Mosquée de Nichandji Pacha (ancienne).   |
  |         |                |Mosquée de Roum Mehmed Pacha (875 H.).   |
  |         |                |Tchinili Kiosque (870 H.) restauré sous  |
  |         |                |  Murad III en (990 H.).                 |
  |         |                |Le palais de Top Kapou (vieux sérail).   |
  |         |                |                                         |
  |1481-1512|Bayazid II.     |Mosquée d’Atik Ali Pacha (902 H.).       |
  |         |                |Mosquée de Vefa (881 H.).                |
  |         |                |Mosquée de Bayazid.                      |
  |         |                |                                         |
  |1512-1520|Sélim Ier.      |Mosquée de Sélim.                        |
  |         |                |                                         |
  |1520-1566|Suleïman Ier le |Mosquée de Chahzadé (955 H.).            |
  |         |  Législateur.  |Mosquée de Djihanguir (reconstruite en   |
  |         |                |  1238 H.).                              |
  |         |                |Mosquée de Mihri Mah à Edirné Kapou.     |
  |         |                |Mosquée de Rustem Pacha.                 |
  |         |                |Mosquée de Suleïmanié (964 H.).          |
  |         |                |                                         |
  |1566-1573|Sélim II.       |Mosquée de Foundouklou (réparée en       |
  |         |                |  1238 H.).                              |
  |         |                |Mosquée de Pialé Pacha (981 H.).         |
  |         |                |                                         |
  |1573-1595|Murad III.      |Mosquée d’Azeb Kapou (985 H.).           |
  |         |                |Mosquée de Nichandji Pacha (Djedid)      |
  |         |                |  (992 H.).                              |
  |         |                |                                         |
  |1595-1603|Mehmed III.     |                                         |
  |         |                |                                         |
  |1603-1617|Ahmed Ier.      |Mosquée du sultan Ahmed.                 |
  |         |                |                                         |
  |1617-1618|Moustafa Ier.   |                                         |
  |         |                |                                         |
  |1618-1622|Osman II.       |                                         |
  |         |                |                                         |
  |1622-1640|Murad IV.       |                                         |
  |         |                |                                         |
  |1640-1648| Ibrahim.       |                                         |
  |         |                |                                         |
  |1648-1687|Mehmed IV.      |Mosquée de Djerrah Pacha (1082 H.).      |
  |         |                |Mosquée de Yeni Djami (1074 H.).         |
  |         |                |                                         |
  |1687-1691|Suleïman II.    |                                         |
  |         |                |                                         |
  |1691-1695|Ahmed II.       |                                         |
  |         |                |                                         |
  |1695-1702|Moustafa II.    |Mosquée de Yeni Djami de Galata.         |
  |         |                |                                         |
  |1702-1730|Ahmed III.      |Fontaine d’Azeb Kapou.                   |
  |         |                |Fontaine d’Ahmed (ou d’Aya Sofia).       |
  |         |                |Fontaine de Tophané reconstruite sous    |
  |         |                |  Mahmoud Ier.                           |
  |         |                |Mosquée de Kassim Pacha. Sa première     |
  |         |                |  construction est de l’époque de        |
  |         |                |  Suleïman II.                           |
  |         |                |                                         |
  |1730-1754|Mahmoud Ier.    |Mosquée de Nouri Osmanié (1169 H.).      |
  |         |                |                                         |
  |1754-1757|Osman III.      |                                         |
  |         |                |                                         |
  |1757-1773|Moustafa III.   |Mosquée de Laléli.                       |
  |         |                |Reconstruction de la mosquée de Fatih.   |
  |         |                |                                         |
  |1773-1789|Abdul-Hamid Ier.|Tombeau et Imarets.                      |
  |         |                |                                         |
  |1789-1807|Sélim III.      |Mosquée de Sélimié, à Scutari.           |
  |         |                |                                         |
  |1807-1808|Moustafa IV.    |                                         |
  |         |                |                                         |
  |1808-1839|Mahmoud II.     |Mosquée de Tophané ou Noussratié         |
  |         |                |  (1241 H.).                             |
  |         |                |                                         |
  |1839-1861|Abdul-Medjid.   |Tombeau de Mahmoud II. (1225 H.).        |
  |         |                |Caserne de Medjidié.                     |
  |         |                |École militaire.                         |
  |         |                |                                         |
  |1861-1876|Abdul Aziz.     |Ministère de la Guerre.                  |
  |         |                |Mosquée de Validé, à Akséraï.            |
  |         |                |Palais de Tchéragan.                     |
  |         |                |                                         |
  |1876-1876|Murad V.        |                                         |
  |         |                |                                         |
  |1876-1909|Abdul-Hamid II. |Defterhané.                              |
  |         |                |Dette publique.                          |
  |         |                |Reconstruction de la fontaine de Yeni    |
  |         |                |  Djami.                                 |
  |         |                |Mosquée de Yildiz.                       |
  |         |                |École de Médecine de Haïdar Pacha.       |
  |         |                |Réparation du grand Bazar.               |
  |         |                |                                         |
  |1909     |Ahmed V.        |Ministère des Postes et Télégraphes.     |
  +---------+----------------+-----------------------------------------+



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[Illustration: Pl. 56.

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TABLE DES PLANCHES


  Planches.                                                       Pages.

      PLAN DE CONSTANTINOPLE.                                   au titre

   1. PANORAMA DE CONSTANTINOPLE (entrée de la Corne d’Or).            1

   2. PANORAMA DE CONSTANTINOPLE (suite).                              1

   3. LES MURS THÉODOSIENS. Vue du côté des Sept Tours.                5

   4. RUINES DU PALAIS JUSTINIEN.--CHATEAU DES SEPT TOURS. Escalier
      conduisant aux remparts.                                         9

   5. TOUR DE GALATA.--MOSQUÉE DE TOPHANÉ.                            17

   6. PORTE MELANDISIA.--PORTE DE RHÉGIUM.                            21

   7. SAINTE-SOPHIE. Vue générale prise du côté de l’Hippodrome.      25

   8. SAINTE-SOPHIE. Nef centrale.                                    33

   9. SAINTE-SOPHIE. Intérieur.                                       37

  10. SAINTE-SOPHIE. Narthex.                                         41

  11. SAINTE-SOPHIE. Galeries supérieures du Gynécée.
      SAINTE-SOPHIE. Arcades supportant les galeries supérieures.     49

  12. SAINTE-SOPHIE. Gynécée.                                         53

  13. SAINTE-SOPHIE. Galerie supérieure. ÉGLISE DE SAINTE-IRÈNE.      57

  14. ÉGLISE SAINTS SERGE ET BACCHUS. Chapiteaux et frise.--MOSQUÉE
      DE KAHRIÉ. Intérieur de la chapelle latérale. (Parekklesion.)   65

  15. SAINTE-SOPHIE. Porte en bronze.--MOSQUÉE DE KAHRIÉ. Chapiteau
      avec croix de l’église Khora.                                   69

  16. MOSQUÉE DE KAHRIÉ. (Ancienne église de Khora).                  73

  17. MOSQUÉE DE KAHRIÉ. Narthex.                                     81

  18. MOSQUÉE DE KAHRIÉ. Partie latérale.--MOSQUÉE DE KAHRIÉ.
      Coupole du Narthex (mosaïques). Les patriarches et les
      représentants des tribus d’Israël autour de la Sainte Vierge.   85

  19. MOSQUÉE DE KAHRIÉ. Mosaïque. Métochite, premier ministre de
      l’Empereur, présente au Christ Pantocrator, le modèle de
      l’église.
      MOSQUÉE DE KAHRIÉ. Mosaïque. Distribution aux jeunes filles
      de la laine pour filer le voile du Temple, le sort attribue
      à Marie la pourpre.                                             89

  20. PALAIS DE L’HEBDOMON. Vue de l’Intérieur.
      PALAIS DE L’HEBDOMON. Façade.                                   97

  21. HIPPODROME, PALAIS IMPÉRIAL ET SAINTE-SOPHIE AU XE SIÈCLE.
      (Restitution de l’auteur d’après le plan de Labarte).          101

  22. OBÉLISQUE DE THÉODOSE.                                         105

  23. COLONNE DE CONSTANTIN PORPHYROGÉNÈTE.                          113

  24. COLONNE DE THÉODOSE. Bas-reliefs du piédestal.                 117

  25. COLONNE DE CONSTANTIN ET MESÈ.--ANCIENNE RUE DE «MESÈ» ET
      COLONNE DE CONSTANTIN AU Xe SIÈCLE. (D’après la restitution
      de l’auteur).                                                  121

  26. COLONNE SERPENTINE.--AQUEDUC DE VALENS.                        129

  27. CITERNE DE BIN BIR DIREK.                                      133

  28. MOSQUÉE DE BAYAZID.                                            137

  29. MOSQUÉE DE BAYAZID. Cour.                                      145

  30. MOSQUÉE DE SÉLIM Ier.                                          149

  31. MOSQUÉE DE CHAHZADÉ.                                           153

  32. MOSQUÉE NOURI OSMANIÉ. Porte principale.
      TOMBEAU DE CHAHZADÉ.                                           161

  33. MOSQUÉE DE RUSTEM PACHA.--MOSQUÉE DE RUSTEM PACHA. Cour.       165

  34. MOSQUÉE DE RUSTEM PACHA. Mihrab et Mimber.                     169

  35. MOSQUÉE DE SULEÏMANIÉ. Galeries de la façade et fontaines
      d’ablutions.                                                   177

  36. MOSQUÉE SULEÏMANIÉ. Intérieur.                                 181

  37. MOSQUÉE SULEÏMANIÉ. Mihrab et Mimber.                          185

  38. MOSQUÉE DU SULTAN AHMED IER ET HIPPODROME.                     193

  39. MOSQUÉE D’AHMED IER. Intérieur.                                197

  40. MOSQUÉE D’AHMED IER. Mimber.                                   201

  41. MOSQUÉE DE YENI DJAMI.                                         209

  42. MOSQUÉE DE YENI DJAMI. Faïences de l’entrée des appartements
      du Sultan.                                                     213

  43. MOSQUÉE DE YENI DJAMI. Appartement du Sultan.                  217

  44. MOSQUÉE DU SULTAN MEHMED II LE CONQUÉRANT.                     225

  45. TOMBEAU DE MEHMED II LE CONQUÉRANT (Dans le Turbé devant
      sa mosquée).                                                   229

  46. FONTAINE D’AHMED III OU D’AYA SOPHIA.                          233

  47. INTÉRIEUR DU GRAND BAZAR.                                      241

  48. MARCHANDS DE CHAUSSURES.                                       245

  49. VIEUX SÉRAIL. (Palais de Top Kapou). Salle du Trône.           249

  50. VIEUX SÉRAIL. Cheminée, porte, fontaine d’ablutions et
      faïences.                                                      257

  51. VIEUX SÉRAIL. Tchinili Kiosque.--VIEUX SÉRAIL. Terrasse et
      pavillon aux faïences.                                         261

  52. VIEUX SÉRAIL. (Au fond la porte de la salle du Trône).
      VIEUX SÉRAIL. Cour du Harem.                                   265

  53. VIEUX SÉRAIL. Balcons à encorbellement.--VIEUX SÉRAIL.
      Intérieur de Bagdad Kiosque.                                   269

  54. VIEUX SÉRAIL. Intérieur.--INTÉRIEUR D’UNE MAISON TURQUE AU
      XVIIe SIÈCLE. (D’après un dessin de l’auteur.)                 273

  55. PALAIS DE DOLMA BAGTCHÉ.--VUE PANORAMIQUE DE LA MOSQUÉE
      SULEÏMANIÉ.                                                    277

  56. INTÉRIEUR TURC A L’ÉPOQUE DES JANISSAIRES. Réception des
      étrangers. (Gravure de A.-J. Duclos d’après les dessins de
      Moreau le Jeune.)                                              281



TABLE DES MATIÈRES


  PREMIÈRE PARTIE
  =A TRAVERS BYZANCE=

    CHAPITRE PREMIER
    PRÉCIS HISTORIQUE

    I.   L’histoire de la ville jusqu’à la conquête turque             1
    II.  Mehmet II le Conquérant                                      14
    III. La prise de Constantinople                                   21

    CHAPITRE II
    TOPOGRAPHIE DE LA VILLE ANCIENNE

    I.   Les régions                                                  37
    II.  Les rues et les forums                                       41
    III. Les environs de Byzance                                      47
    IV.  Les murs et les tours                                        62
    V.   Les portes                                                   67
    VI.  Les portes des murs maritimes de la Corne d’Or               72
    VII. Les portes des murs maritimes de la Propontide               75

    CHAPITRE III
    L’ART ET LES ÉDIFICES BYZANTINS

    I.   L’art byzantin                                               77
    II.  Les églises byzantines                                       84
         Sainte-Sophie                                                84
         Église de Sainte-Irène                                       96
         Église des grands martyrs Serge et Bacchus                   97
         Église de Saint-Jean du Stoudion                             98
         Église de Chora                                              98
         Église des Blaquernes                                       105
         Autres églises                                              107
    III. Les palais byzantins                                        112
         Palais impérial                                             112
         Palais de Boucoléon                                         118
         Palais de la Magnaure                                       119
         Palais des Blaquernes                                       120
         Palais de Constantin Porphyrogénète                         126
         Hippodrome                                                  128
    IV.  Les bains byzantins                                         132
    V.   Les monuments                                               134
         Obélisque de Théodose le Grand                              134
         Colonne serpentine                                          136
         Colonne murée ou colonne dorée (colosse)                    137
         Colonne de Constantin                                       138
         Colonne d’Arcadius                                          139
         Colonne de Marcien                                          139
         Colonne des Goths                                           140
         Statue de Justinien                                         140
    VI.  Les aqueducs et les citernes                                141
    VII. L’habitation civile byzantine                               144

  DEUXIÈME PARTIE
  =A TRAVERS ISLAMBOL=

    CHAPITRE PREMIER
    L’ART OTTOMAN

    I.   L’art turc                                                  151
    II.  Les origines de l’art ottoman                               155
    III. L’architecture ottomane                                     170

    CHAPITRE II
    LES ÉDIFICES OTTOMANS

    I.   Les mosquées                                                191
         Mosquée de Bayazid                                          191
         Mosquée de Selim Ier                                        195
         Mosquée de Chahzadé                                         198
         Mosquée Suléïmanié                                          201
         Mosquée d’Ahmed Ier                                         209
         Mosquée de Yeni Djami                                       211
         Mosquée du sultan Mehmed le Conquérant (Fatih)              214
         Mosquée de Laléli                                           216
    II.  Les fontaines                                               217
    III. Les cimetières                                              221
    IV.  Les bains turcs (Hamam)                                     224
    V.   Le grand bazar                                              230
    VI.  Les palais impériaux ottomans                               232
         Palais de Top Kapou                                         232
         Palais de Tcheragan                                         237
         Palais de Dolma Bagtché                                     238
         Palais de Yildiz                                            239
         Les anciens palais                                          239
    VII. L’habitation                                                242

    Biographie de Kodja Sinan                                        253
    Table des monuments construits par Kodja Sinan                   256
    Biographie de Mehmed Agha                                        265
    Monuments de l’époque byzantine                                  269
    Monuments musulmans contemporains de l’époque byzantine          275
    Monuments de l’époque ottomane                                   277
    Bibliographie                                                    279
    Table des planches                                               285


       *       *       *       *       *


  Corrections:

  Page 5: «Mécédoine» remplacé par «Macédoine» (Philippe, roi de
    Macédoine).

  Page 21: «100.0000» remplacé par «100.000» (il n’y avait réellement
    que 100.000 guerriers).

  Page 22: «qu’ils» remplacé par «qu’il» (d’autres prétendent qu’il
    ne dépassait pas 9.000 soldats).

  Page 27: «spectale» remplacé par «spectacle» (Ce dut être un
    spectacle grandiose).

  Note 15: «Hammet» remplacé par «Hammer» (Hammer dit que ce soldat
    était un janissaire).

  Page 35: «embassadeurs» remplacé par «ambassadeurs» (le Sultan
    envoya des ambassadeurs aux Génois).

  Page 59: «probablemeut» remplacé par «probablement» (d’une mine de
    cuivre très probablement déjà exploitée).

  Page 63: «aggression» remplacé par «agression» (en prévision de
    l’agression des Avares).

  Page 81: «considéré» remplacé par «considérée» (ne peut être
    considérée comme l’œuvre des Turcs).

  Page 85: «et et» remplacé par «et» (des dignitaires de l’État et de
    la Cour).

  Page 92: «puit» remplacé par «puits» (telles que le puits sacré).

  Page 107: «d’Orée» remplacé par «Dorée» (15. Porte Dorée).

  Page 123 (Illustration): «Anéma» remplacé par «Anémas» (Prisons
    d’Anémas).

  Page 144: «Nymphœum» remplacé par «Nymphæum» (une citerne appelée
    Nymphæum Maximum).

  Page 151: «arc turc» remplacé par «art turc» (de l’art musulman, et
    surtout de l’art turc).

  Page 154: «conscienceux» remplacé par «consciencieux» (Il suffit de
    l’examen consciencieux de ces œuvres).

  Page 155: «leur» remplacé par «leurs» (par l’étendue de leurs
    connaissances scientifiques).

  Page 166: «s’acccentua» remplacé par «s’accentua» (Elle s’accentua
    à la mort du chah Ismaïl).

  Page 167: «chers» remplacé par «chères» (aux ornementations
    géométriques chères aux Arabes).

  Page 172: «couvertures» remplacé par «couverture» (avaient déjà
    emprunté ce mode de couverture aux Sassanides).

  Page 174: «mobile» remplacé par «mobiles» (des colonnettes en
    marbre, mobiles et tournant facilement).

  Page 176: «subsite» remplacé par «subsiste» (Rien ne subsiste de sa
    décoration).

  Note 70: «Medjid» remplacé par «Mesdjid» (Il a son Mesdjid près du
    tombeau de Sinan pacha).

  Page 107: «15. Porte d’Orée» remplacé par «15. Porte Dorée».

  Page 107: «26. Tour de Christe» remplacé par «26. Tour du Christ».

  Page 182: «nécesaire» remplacé par «nécessaire» (Faut-il ajouter
    maintenant qu’il est nécessaire).

  Page 197: «icomparable» remplacé par «incomparable» (avec une
    magnificence incomparable).

  Note 79: «Mousstafa» remplacé par «Moustafa» (où il invita Moustafa
    à venir dans sa tente).

  Page 207: «aktcké» remplacé par «aktché» (soit 59 millions aktché).

  Page 209: «cerceuils» remplacé par «cercueils» (entoure les
    cercueils du sultan et de ses enfants).

  Page 213: «un» remplacé par «une» (s’étageant l’une sur l’autre).

  Page 218: «grillage» remplacé par «grillages» (aux grillages des
    _sébils_).

  Page 219: «sébile» remplacé par «sébil» (placés au-dessus de chaque
    sébil).

  Page 221: «personnage» remplacé par «personnages» (les grands
    personnages, les riches).

  Page 225: «communications» remplacé par «communication» (réunis par
    des portes de communication).

  Page 231: «échopes» remplacé par «échoppes» (de petites échoppes
    étroites).

  Page 235: «toute» remplacé par «toutes» (où toutes les reliques du
    Prophète).

  Page 240: «situé» remplacé par «située» (située entre Haïdar pacha
    et Scutari).

  Page 244: «portes-pipes» remplacé par «porte-pipes» (Des
    porte-pipes, appliqués aux murs).

  Page 254: «darulkraa» remplacé par «darulkoura» (51 mesdjid
    (chapelles), 26 darulkoura (bibliothèques)).

  Page 255: «le» remplacé par «la» (La Fatiha).

  Page 257: inséré «à» (52. Mosquée de Moustapha Pacha, à Erzéroum.).

  Page 258: «sultanne» remplacé par «Sultane» (80. Mosquée Haseki
    Sultane, à Andrinople).

  Page 260: «Séléïman» remplacé par «Suléïman» (1. Sultan Suléïman, à
    Stamboul).

  Page 262: La répétition de «30. Palais de Ali Pacha, à Eyoub.» est
    probablement une erreur.

  Page 262: «Bahtché» remplacé par «Baghtché» (4. Dépôts à Hass
    Baghtché).

  Page 262: «de» remplacé par «du» (1, 2, 3. Bains du Palais
    Impérial).

  Page 262: «de» remplacé par «du» (6. Bains du Palais d’Usskudar.).

  Page 263: «Sultanne» remplacé par «Sultane» (Bains de Validé
    Sultane, à Djibali).

  Note 90: «astériques» remplacé par «astérisques» (Les astérisques
    renvoient au tableau suivant).

  Page 272: «George» remplacé par «Georges» (1042-54. Constantin X ou
    XII: Le couvent Saint-Georges de Manganes).

  Page 278: «du Suleïman II» remplacé par «de Suleïman II» (1702-1730
    --Ahmed III--Sa première construction est de l’époque de Suleïman
    II).

  Page 280: «d’arabe» remplacé par «de l’arabe» (IBN-BATOUTAH.
    Voyages, traduit de l’arabe).

  Page 280: «Tarikr» remplacé par «Tarikh» (IBN-IYAS. Kitab Tarikh
    Misr. Le Caire, 1893.).

  Page 280: inséré «2» (MAKRIZI. Histoire des sultans Mamelouks de
    l’Égypte, traduite par Quatremère. P. 1837-45, 2 vol. in-4º.).

  Page 281 BERNIER (Franc): lire (François).

  Page 281: «Vordersasiatsche» remplacé par «Vorderasiatische» (BODE
    (Dr). Vorderasiatische Knüpfteppiche).

  Page 282: «Forcheimer» remplacé par «Forchheimer» (STRZYGOWSKI et
    FORCHHEIMER D. Wasserbehälter v. Constantinopel).

  Page 283: «cerimoniis» remplacé par «ceremoniis» (CONSTANTIN
    PORPHYROGÉNÈTE. De ceremoniis aulæ Byzantinæ).

  Page 284: «letzen» remplacé par «letzten» (MORDTMANN (Dr). Die
    letzten Tage von Byzanz)

  Page 284: «Altchristche» remplacé par «Altchristliche» (SALZENBERG.
    Altchristliche Baudenkmäler von Constantinopel).

  Page 287 Chapitre III: «Saint-Irène» remplacé par «Sainte-Irène»
    (Église de Sainte-Irène).

  Page 287 Chapitre III: «Stoudiou» remplacé par «Stoudion» (Église
    de Saint-Jean du Stoudion).





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