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Title: Les cent histoires de Troye : L'epistre de Othea deesse de Prudence envoyee a l'esperit chevalereux Hector de Troye avec cent hystoires
Author: Christine, de Pisan
Language: French
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*** Start of this LibraryBlog Digital Book "Les cent histoires de Troye : L'epistre de Othea deesse de Prudence envoyee a l'esperit chevalereux Hector de Troye avec cent hystoires" ***


  Les cent histoires
  de troye.

  [Marque d’imprimeur: PHILIPPE PIGOUCHET]


  L’epistre de Othea deesse de prudence envoyee
  a l’esperit chevalereux Hector de troye/ avec cent
  hystoires. Nouvellement imprimee a Paris.



[Note du transcripteur: La table qui suit ne figure pas dans
l’original.]

TABLE


    Prologue
      1. Othéa
      2. Attrempance
      3. Hercule
      4. Minos
      5. Persée
      6. Jupiter
      7. Vénus
      8. Saturne
      9. Apollon
     10. Phœbé
     11. Mars
     12. Mercure
     13. Minerve
     14. Pallas
     15. Penthésilée
     16. Narcisse
     17. Athamas
     18. Aglauros
     19. Ulysse
     20. Latone
     21. Bacchus
     22. Pygmalion
     23. Diane
     24. Cérès
     25. Isis
     26. Midas
     27. Hercule
     28. Cadmus
     29. Io
     30. Mercure
     31. Pyrrhus
     32. Cassandre
     33. Neptune
     34. Atropos
     35. Bellérophon
     36. Memnon
     37. Laomédon
     38. Pyrame
     39. Esculape
     40. Achille
     41. Busierres
     42. Léandre
     43. Hélène
     44. Aurore
     45. Pasiphaé
     46. Adraste
     47. Cupidon
     48. Coronis
     49. Junon
     50. Amphiaraos
     51. Saturne
     52. La corneille
     53. Ganymède
     54. Jason
     55. La Gorgone
     56. Vulcain
     57. Thomyris
     58. Médée
     59. Acis et Galatée
     60. Pélée
     61. Laomédon
     62. Sémélé
     63. Diane
     64. Arachné
     65. Adonis
     66. Troye
     67. Orphée
     68. Pâris
     69. Actéon
     70. Eurydice
     71. Achille
     72. Atalante
     73. Pâris
     74. Fortune
     75. Pâris
     76. Céphale
     77. Hélénos
     78. Morphée
     79. Alcyone
     80. Troïlus
     81. Calchas
     82. Hermaphrodite
     83. Ulysse
     84. Briséis
     85. Patrocle
     86. Echo
     87. Daphné
     88. Andromaque
     89. Ninus
     90. Hector
     91. Hector
     92. Polyboete
     93. Polyxène
     94. Ajax
     95. Anténor
     96. Le cheval de Troie
     97. Ilion
     98. Circé
     99. Ino
    100. Auguste



    Treshaulte fleur par le monde louee.
    A tous plaisant/ & de dieu advouee
    De lis souef odorant delectable
    Puissant valeur hault pris sur tous notable
    Louenge a dieu avant oeuvre soit mise
    Et puis a vous noble fleur qui transmise
    Fustes du ciel pour anoblir le monde
    Seigneurie tresdroituriere et monde
    D’estoc troyen ancienne noblesse
    Pillier de foy que nul erreur ne blesse
    Que hault renom nul lieu ne va celant
    A vous aussi noble prince excellent
    D’orleans duc Loys de grant renom
    Filz de charles roy quint d’iceluy nom
    Qui fors le roy ne congnoissons greigneur
    Mon tresloué et redoubté seigneur
    D’humble vouloir moy povre creature
    Femme ignorant de petite estature
    Fille jadis philozophe et docteur
    Qui conseillier et humble serviteur
    Vostre pere/ que dieu face sa grace
    Et jadis vint de boulongne la grasse
    Dont il fut né par le sien mandement
    Maistre thomas de pizan/ autrement
    De boulongne fut dit et surnommé
    Qui solennel clerc estoit renommé
    En desirant faire se je sçavoye
    Chose plaisant qui vous mist en voye
    D’aucun plaisir ce me seroit grant gloire
    Pour ce emprins ay d’indigne memoire
    Presentement ceste oeuvre a rimoyer
    Mon redoubté/ pour le vous envoyer
    Le premier jour que l’an se renouvelle
    Car moult en est la matiere nouvelle
    Combien que soit de rude entendement
    Pourpensee/ car je n’ay nul sentement
    En sens fondé/ n’en ce cas ne ressemble
    Mon bon pere/ fors ainsi comme on emble
    Espis de blé en glennant en moissons
    Parmy les champs/ et coste les buissons
    Ou miettes cheans de haultes tables
    Qu’on recueult quant les mets sont notables
    Aultre chose n’en ay je recueilli
    De son grant sens dont il a assez cueilly
    Si ne vueillez mespriser mon ouvrage
    Mon redoubté seigneur humain & sage
    Pour le despoir de ignorant personne
    Car petite clochette grant voix sonne
    Qui bien souvent les plussaiges reveille
    Et le labeur d’estude leur conseille
    Pource prince treslouable & benigne
    Moy nommee chrestienne femme indigne
    De sens acquis pour si faicte euvre emprendre
    A rimoyer et dire me vueil prendre
    Une epistre qui a hector de troie
    Fut envoiee sicomme l’histore l’ottroie
    Se tel ne fut bien peut estre semblable
    Ou ens a maint vers bel et notable
    Bel a ouyr/ et meilleur a entendre
    Doresenavant au commencer vueil tendre.
    Or me doint dieu a sa louenge faire
    Tous faitz et ditz & chose qui puist plaire
    A vous mon redoubté/ pour qui l’emprens
    Et humblement supplie se je mesprens
    La franchise de vostre grant noblesse
    Qu’elle me pardoint se trop grant hardiesse
    D’escripre a vous personne si tresdigne
    Entreprens moy en sagesse non digne.



[Illustration]

Texte.

Cy commence l’epistre que othea la deesse envoya a Hector de troye quant
il estoit en l’aage de quinze ans.

    Othea deesse de prudence
    Qui adresse les bons cueurs en vaillance
    A toy hector noble prince puissant
    Qui en armes es adez flourissant
    Filz de mars le dieu de bataille
    Qui les faitz d’armes/ livre & taille
    Et de minerve la deesse
    Puissant/ qui d’armes est maistresse
    Successeurs des nobles troyens
    Hoir de troye et des cytoyens
    Salutacion devant mise
    Avec vraye amour sans faintise.

    Et com je soye desirant
    Ton grant preu que je voys querant
    Et qu’augmentee & preservee
    Soit/ et en tout temps observee
    Ta vaillance et haulte proesse
    Adez en ta prime jeunesse
    Par mon epistre amonnester
    Te vueil/ et dire & ennorter
    Les choses qui sont necessaires
    A haulte vaillance et contraires
    A l’opposite de prouesse
    Affin que ton bon cueur s’adresse
    A acquerir par bonne escolle
    Le cheval qui par l’air s’en volle
    C’est pesagus le renommé
    Qui de tous vaillans est aymé

    Pour ce que ta condicion
    Sçay par droicte inclinacion.
    Aux faictz chevalereux abille
    Plus que non aultres cinq cens mille
    Et comme deesse je sçay
    Par science non par essay
    Les choses qui sont a avenir
    Me doibt il de toy souvenir
    Car je sçay qu’a tousjours seras
    Le plus preux des preux & auras
    Sur tous les aultres renommee
    Mais que de toy je soye aymee
    Aymee/ et pour quoy ne seroye
    Je suy celle qui tous arroye
    Ceulx qui m’ayment et tiennent chiere
    Je leur lis leçon en chaiere
    Qui les fait monter jusque au cieulx
    Si te prie que soyes de ceulx
    Et que tu me vueilles bien croire
    Or met donc bien en ta memoire
    Les ditz que je te vueil escripre
    Et se tu m’os compter ou dire
    Chose qui soit a avenir
    Et je te dis que souvenir
    T’en doibt com s’ilz fussent passees
    Saches qu’ilz sont en mes pensees
    En esperit de prophecie
    Or enten et ne te soucye
    Car riens ne diray qui n’avienne
    S’avenu n’est/ or t’en souviengne.


i. Glose.

Othea selon grec peult estre prins pour sagesse de femme. Et comme les
anciens non ayans encore lumiere de foy adorassent plusieurs dieux.
Soubz laquelle loy soient passees les plus haultes seigneuries qui au
monde ayent esté comme le royaulme d’assirie/ de perse/ les gregoys/ les
troyens/ Alixandre/ les rommains et maintz aultres. Et mesmement tous
les plus grans philozophes. Comme dieu n’eust encore ouverte la porte de
sa misericorde. A present nous chrestiens par la grace de dieu enluminez
de vraie foy pouons ramener a moralité les opinions des anciens. Et sur
ce maintes allegories pevent estre faictes. Et comme iceulx eussent
acoustumé de toutes choses adorer/ qui oultre le commun cours des choses
eussent prerogatives d’aulcune grace plusieurs dames sages qui furent en
leurs temps appellees deesses. Et fut vraye chose selon l’histoire que
au temps que troie la grant florissoit en sa haulte renommee une moult
sage dame Othea appellee considerant la belle jeunesse de hector de
troye qui ja florissoit en vertus qui pouoient estre demonstrance des
graces estre en luy au temps advenir/ luy envoya plusieurs dons beaulx &
notables. Et mesmement le beau destrier que on appelloit galathee qui
n’eut pareil au monde. Et pour ce que toutes graces mondaines que bon
chevalier doit avoir furent en hector pouons dire moralement que il les
print par le admonestement othea qui cest epistre luy manda. par othea
nous prendrons la vertu de prudence et sagesse dont luymesmes fut aorné.
Et comme les quatre vertus cardinalles soient necessaires a bonne
pollice nous en parlerons ensuivant. Et a cest premier avons donné nom &
prins maniere de parler aulcunement poeticque & accordant a la vraie
hystoire pour mieulx ensuivir nostre matiere. Et a nostre propos
prendrons aulcunes auctoritez des philozophes anciens. Ainsi dirons que
par la dicte dame fut baillé ou envoyé ce present au bon hector qui
semblablement peult estre a tous aultres desirans bonté & sagesse. Et
comme la vertu de prudence soit tres a recommander dist le prince des
philozophes Aristote pour ce que sapience est la plus noble de toutes
aultres choses doibt elle estre monstree par la meilleur raison et la
plus convenable maniere.


Prologue a alegorie.

Pour ramener a allegorie le propos de nostre matiere applicquerons la
saincte escripture a noz ditz a l’edification de l’ame estant en cestuy
miserable monde.

Comme par la souveraine sapience et haulte puissance de dieu toutes
choses soyent crees raisonnablement doibvent toutes tendre a fin de luy.
Et pource que nostre esperit de dieu creé a son ymage est des choses
crees la plus noble apres les angelz. Convenable chose est & necessaire
que il soit adorné de vertus parquoy il puisse estre convoyé a la fin
pourquoy il est. Et pour ce que il peult estre empesché par les assaulx
& agaz de l’ennemy d’enfer qui est son mortel adversaire & souvent le
destourne de venir a sa beatitude. Nous pouons appeller la vie humaine
droicte chevalerie comme dit l’escripture en plusieurs pars. Et comme
toutes choses terrestres soient faillables devons avoir en continuelle
memoire le temps futur qui est sans fin Et pource que ce est la somme &
parfaicte chevalerie & toute autre soit de nulle comparaison. Et dont
les victorieux sont couronnez en gloire prendrons maniere de parler de
l’esperit chevalereux. Et ce soit faict a la louenge de dieu
principalement & au proffit de ceulx qui se delicteront a ouyr ce
present dictier.


Alegorie.

Comme prudence & sagesse soit mere & conduiseresse de toutes vertus sans
laquelle ne pourroient estre bien gouvernees est il necessaire a
l’esperit chevalereux que de prudence soit adorné comme dit sainct
augustin au livre de la singularité des clercz que en quelque lieu que
prudence soit legierement peult on cesser et anientir toutes choses
contraires Mais la ou prudence est despitee toutes choses contraires ont
seigneurie. Et a ce propos dit Salomon en ses proverbes.

  Si intraverit sapientia cor tuum et scientia anime tue placuerit
  consilium custodiet te et prudentia servabit te. Proverbiorum secundo
  capitulo.



[Illustration]

ii. Texte.

    Et a celle fin que tu saches
    Qu’il te fault faire/ & que tu faces
    A toy les vertus plus propices
    Pour mieulx parvenir aux premisses
    De vaillance chevalereuse
    Et tout soit elle aventureuse
    Encor te diray qui me maine
    J’ay une mienne seur germaine
    Remplie de toute beaulté
    Mais sur toute especiaulté
    Est doulce/ coye/ & attrempee
    Ne jamais d’ire/ n’est frappee
    A riens fors mesure ne pense
    C’est la deesse d’attrempance
    Si ne peulx s’a par elle nom
    Avoir de grant grace le nom
    Car s’elle n’en faisoit le pois
    Tout ne te vauldroit pas sept pois.
    Pour ce vueil qu’avec moy t’amye
    Celle soit/ ne l’oublies mye
    C’est la deesse tres apprise
    Qui sage est/ moult l’ayme & prise.


ii. Glose.

Dit othea que attrempance est sa seur/ laquelle il doibt aymer. La vertu
d’attrempance vrayement peult estre dicte seur et est semblable a
prudence. Car attrempance est demonstrance de prudence/ & de prudence
s’ensuyt attrempance. Pour ce dit que il la tienne pour s’amie. ce que
semblablement doibvent faire tous bons chevaliers desirans le louyer
donné aux bons. Si comme dit le philozophe nommé democritus.

Attrempance amodere les vices/ et parfait les vertus


ii Alegorie

La vertu d’attrempance qui a proprieté de limiter les superfluitez doit
avoir le bon esperit. Et dit sainct augustin au livre des meurs de
l’eglise que l’office de attrempance est refraindre & appaiser les meurs
de concupiscence qui nous sont contraires & qui nous destournent de la
loy de dieu. Et aussi despiter delices charnelles & louenge mondaine. A
ce propos parle sainct pierre l’apostre en sa premiere epistre.

  Obsecro vos tanquam advenas et peregrinos abstinere vos a carnalibus
  desideriis que militant adversus animam. Prima petri secundo capitulo



[Illustration]

iii. Texte

    Et avec nous te convient force
    Se tu de grand vertu fais force
    Vers Hercules te fault virer
    Et ses vaillances remirer
    En qui il eut trop de bernage
    Et pour tant se a ton lignage
    Fut contraire/ & eut attaine
    N’ayes mye pour tant hayne
    A ses vertus nobles & fortes
    Qui de prouesse oeuvrent les portes
    Mais se tu les veulx ensuyvir
    Ja pour ses vaillances suyvir
    Ne t’est pour tant necessaire
    Aux infernaulx guerre faire
    N’au dieu pluto aller contendre
    Pour proserpine a avoir tendre
    La fille ceres la deesse
    Qu’il ravit sur la mer de gresse
    Ne il ne t’est mye mestier
    Que a cerberus le portier
    D’enfer tu coppes les chaines
    Ne a ceulx d’enfer prendre ataines
    Qui trop sont desloyaux gaignons
    Comme il fist pour ses compaignons
    Pirotheus & theseus
    Qui a pou furent deceups
    D’eulx embatre en celle valee
    Ou mainte ame est moult adoulee
    Assez trouveras guerre en terre
    Sans que l’ailles en enfer querre.

    Si ne t’est mye necessaire
    Pour armes pourchasser & faire
    Aller combatre aux fiers serpens ravissans
    Aux lyons/ ne aux loups rampans
    Je ne sçay se tu l’ymagines
    Aussi aux aultres saulvagines
    Pour avoir renom de prouesse
    Se ce n’estoit en tel destresse
    Comme pour le tien corps deffendre
    Se telz bestes pour toy offendre
    T’assailloient/ lors la deffence
    T’est honnorable/ & sans doubtance
    Se tu as sur elles victoire
    Ce te sera honneur & gloire.


iii Glose.

La vertu de force est a entendre nonmye force corporelle/ mais constance
& fermeté que le bon chevalier doit avoir en tous ses faitz deliberez
par bon sens/ & force de resister contre les contrarietez qui luy pevent
venir. Soit infortune en tribulacions ou fort & puissant courage peult
estre vaillable a exaulcement de valeur.

Et pour donner materiel exemple de force allegue hercules/ affin que
doublement soit vaillable c’estassavoir en tant que touche ceste vertu.
Et mesmement es faitz de chevalerie ou icelluy fut tresexcellent. & pour
la haultesse de hector estoit chose convenable luy donner hault exemple.
Hercules fut ung chevalier de grece de merveilleuse force & mist a fin
maintes chevalereuses prouesses/ grand voiagier fut par le monde. Et
pour les grans & merveilleux voyages que il fist es choses de grant
force/ les poetes qui parlerent soubz couverture & en maniere de fable
disent que il alla en enfer combatre aux princes infernaulx/ & que aux
serpens & fieres bestes se combatoit qui est a entendre les fortes
emprinses que il faisoit. Et pour ce dit au bon chevalier que il se
doibt mirer c’estassavoir en ses prouesses & vaillances selon sa
possibilité. Et ainsi comme la clarté du soleil est proffitable a tous/
peult estre bon exemple. Si comme dit ung philozophe. Le grain de
forment quant il chiet en bonne terre il est a tous proffitable.
Semblablement peult estre bon exemple a tous ceulx vaillable qui
vaillance desirent. Et dit ung sage la vertu de force fait l’homme
permanable a vaincre toutes choses


iii Alegorie

Ainsi comme sans force & vigueur le bon chevalier ne pourroit desservir
pris d’armes Aussi ne pourroit le bon esperit avoir ne gaigner le louyer
& pris deu aux bons victoriens sans icelle. Et dit sainct ambroise au
premier livre des offices que la vraye force de courage humain est celle
qui n’est jamais brisee en adversité/ & ne se orgueillist point en
prosperité/ qui se espreuve a garder & deffendre les aornemens des
vertus a soustenir justice/ qui fait continuelle guerre aux vices/ qui
n’est jamais recreue en labeurs/ qui est hardie en perilz/ & roide
encontre les charnelz desirs & a ce propos parle sainct Jehan
l’evangeliste en sa premiere epistre.

  Scribo vobis juvenes quoniam fortes estis/ & verbum dei manet in vobis
  vicistis malignum. prima Johannis. ii. capitulo.



[Illustration]

iiii Texte.

    Encor se veulz estre des noz
    Resembler te convient minos
    Tant soit il justicier et maistre
    D’enfer et de tout son estre
    Car se tu te veulz avancier
    Estre te convient justicier
    Aultrement de porter heaulme
    N’es digne/ ne tenir royaulme


iiii Glose

Dit prudence au bon chevalier que s’il veult estre du renc aux bons la
vertu de justice lui convient avoir. C’estassavoir de tenir droituriere
justice & dit aristote. Celuy qui est droiturier justicier/ doit
premierement soy mesmes justicier car celui qui fauldra a soi mesmes
justicier seroit non digne d’aultrui justicier Si est a entendre soy
mesmes corriger de ses deffautes si qu’ilz soient du tout amorties. Et
puis homme ainsi correct peut bien et doibt estre corrigeur de plusieurs
aultres hommes. Et a parler moralement dirons une fable a ce propos
selon la couverture des poetes. Minos comme disent les poetes est
justicier d’enfer. Et comme prevost ou souverain baillif. Et devant lui
sont amenees toutes les ames descendans en icelle valee. Et selon ce que
elles ont desservi penance/ et autant de degrez comme il veult qu’elles
soient mises en parfont il tourne sa queue entour soy. Et pour ce que
enfer est la justice et punicion de dieu droituriere prenons a present
maniere de parler a ce propos. Il fut bien verité que ung roy fut en
crete appellé minos de merveilleuse fierté & eut en luy grant rigueur de
justice. Et pour ce dirent les poetes que apres sa mort fut comme a
estre justicier d’enfer. Et dit aristote. Justice est une mesure que
dieu a establie sur terre pour limiter les choses.


iiii Allegorie.

Et comme dieu soit chief de justice et de tout ordre. est il necessaire
a l’esperit chevalereux pour parvenir a glorieuse victore que il ait
celle vertu. & dit saint bernard en ung sermon que justice n’est aultre
chose que rendre a chacun ce qui est syen. Rens doncques dit il a troys
paires de gens ce qui est leur. A ton souverain/ a ton pareil ou egal/
et a ton subget. A ton souverain tu dois rendre reverence et obeissance
reverence de cueur & obeissance de corps A ton pareil tu dois rendre
conseil et ayde/ conseil en enseignant son ignorance et ayde en
confortant sa non puissance A ton subject tu dois rendre garde &
discipline garde en le gardant de mal faire. et discipline en le
chastiant se il a mal fait. Et a ce propos parle salomon es proverbes

  Excogitat justus de domo impii ut detrahat impios a malo: gaudium est
  justo facere justiciam. Proverbiorum. xxi. capitulo.



[Illustration]

v Texte

    Apres te mire en perseus
    De qui le hault nom est sceus
    Parmy le monde en toutes pars
    Pesagus ly chevaulx appars
    Chevaucha par l’air en volant
    Et andromeda en alant
    Delivra il de la velue
    Si luy a a force tollue
    Comme bon chevalier errans
    Si l’a rendue a ses parens
    Cestuy fait vueillez retenir
    Car bon chevalier doibt tenir
    Celle voye/ s’il veult avoir
    Honneur/ qui trop mieulx vault qu’avoir.
    Si te mires en son escu
    Luysant/ qui plusieurs a vaincu
    De son fauchon soyes armé
    Si seras fort & affermé.


v Glose.

Et pource que c’est chose convenable que au bon chevalier soit deu
honneur & reverence en ferons figure selon la maniere des poetes.
Perseus fut ung moult vailant chevalier/ & plusieurs royaulmes acquist &
de luy fut la grant terre de perse nommee & dirent les poetes que il
chevauchoit le cheval qui par l’air vole que ilz nommerent pesagus. Et
est a entendre renommee qui par l’air vole & va en tous pays il portoit
en sa main ung fauchon ou une faulx qui est dit pour la grant foison de
gens qui par luy furent desconfitz en maintes batailles. Il delivra
andromeda de la velue. ce fut une pucelle que il delivra de ung monstre
de mer qui par la sentence de dieu devorer la devoit/ qui est a entendre
que tous chevaliers doivent secourir femmes qui besoing de leur ayde
ayront. Si peult estre noté perseus/ & le cheval qui vole bonne renommee
que le bon chevalier doibt avoir et acquerir par ses bonnes merites/ &
la doibt chevaucher/ c’est que son nom doibt estre porté en toutes
terres. Et dit Aristote. Bonne renommee fait l’homme reluisant au monde/
& agreable en la presence des princes.


v Alegorie.

Renommee doibt desirer l’esperit chevalereux entre la noble compaignie
des benoictz sainctz de paradis acquise par ses bonnes merites. Le
cheval pesagus qui le portera sera son bon ange qui fera bon raport de
lui au jour du jugement. Andromeda qui sera delivree/ c’est son ame
qu’il delivrera de l’ennemi d’enfer par vaincre peché. Et que on doie
oultre ce voler ce est bonne renommee avoir en ce monde affin de dieu
non par vaine gloire avoir. Dit saint augustin au livre de correction
que deux choses sont necessaires a bien vivre/ c’estassavoir bonne
conscience & bonne renommee. Conscience pour soy/ & renommee pour son
prochain/ & qui se fie en conscience & despite renommee/ il est cruel.
Car c’est signe de noble courage de aymer le bien de renommee. Et a ce
propos dit le saige.

  Curam habe de bono nomine/ magis enim permanebit tibi quam mille
  thesauri preciosi. Ecclesiastici. xli. capitulo.



[Illustration]

vi Texte.

    Avec tes inclinacions
    De jovis les condicions
    Vueilles avoir/ mieulx en vauldras
    Quant tu en droit point les tendras


vi Glose

Comme dit est les païens qui adoroient plusieurs dieux. Les planettes du
ciel pour espiciaulz dieux tenoient & des sept planettes nommerent les
sept jours de la sepmaine jupiter ou jovis adoroient et tenoient pour
leur plus grant dieu. pour ce qu’il est assis en la plushaulte espece
des planetes apres saturnus. De jovis est le jour de jeudi nommé et
mesmes les arquemistes attribuerent & comparerent les vertus des sept
metaulz aux sept planettes Et nommerent les termes de leurs sciences/
par icelles planettes comme on peut veoir en geber et Nicolas & les
aultres auctoritez d’icelle science. A jupiter attribuerent le cuivre ou
arain. Jupiter ou jovis est planette de doulce condicion amiable & moult
joyeuse & est figuree a la complexion sanguine pour ce dit Othea
c’estassavoir prudence que le bon chevalier doit avoir les condicions
Jupiter & ce mesmes doivent avoir tous nobles poursuivans chevalerie. A
ce propos dit pitagoras que ung roy doit gracieusement converser avec
ses gens & leur monstrer joyeux visage/ et par ainsi est a entendre de
tous vaillans tendans a honneur.

Or ramenons a nostre propos allegorie la proprieté des vii planetes.


vi. Allegorie.

Jovis qui est doulce planette & humainne/ dont le bon chevalier doit
avoir les condicions/ nous peult signifier misericorde et compassion que
le bon chevalier doibt avoir en soy. car dit saint gregoire en l’epistre
a nepotian. Je ne recorde point dit il avoir veu ne ouy que cellui soit
mort qui a voulentiers acompli les oeuvres de misericorde/ car
misericorde a beaucoup de intercesseurs. Et est impossible que les
prieres de plusieurs ne soient exaulcees. Et a ce propos parle nostre
seigneur en l’evangile.

  Beati misericordes quoniam ipsi misericordiam consequentur.



[Illustration]

vii Texte

    De venus ne fays ta deesse
    Ne te chaille de sa promesse
    Le poursuivir en est travailleux
    Non honorable et perilleux


vii Glose.

Venus est planette du ciel dont le jour du vendredi est nommé. Et le
metal que nous appellons estain ou espeautre est a icelle attribué/
venus donne influence d’amours & de vagueté. & fut une dame ainsi nommee
qui fut royne de cypre. Et pour ce que elle exceda toutes en excellant
beaulté & joliveté et tresamoureuse fut et non constant en ung amour/
mais abandonnee a plusieurs L’appellerent deesse d’amours. Et pour ce
qu’elle donne influence de luxure dit Othea au bon chevalier que il n’en
face sa deesse c’est a entendre que en celluy vice ne doit son corps ne
son entente abandonner. Et dit hermes/ le vice de luxure estaint toutes
vertus.


vii Alegorie.

Venus dont le bon chevalier ne doit faire sa deesse c’est que le bon
esperit ne doibt avoir en soy nulle vanité et dit cassiodore sur le
psaultier/ vanité fist l’ange devenir dyable. Et au premier homme donna
la mort et le vuida de bonneureté qui luy estoit ottroyee Vanité est
mere de tous maulz la fontaine de tous vices. Et la veine de iniquité
qui l’homme met hors de la grace de dieu & le met en sa hayne. Et a ce
propos dit david en son psaultier en parlant a dieu.

  Odisti observantes vanitates supervacue psal. xxx.



[Illustration]

viii Texte.

    Se tu en jugement t’assembles
    Saturnus gard que tu ressembles.
    Ainçoys qu’ottroyes ta sentence
    Gard ne la donnes en doubtance


viii Glose.

De saturnus est le jour du samedi nommé/ et le metal que nous appellons
plomb & est de condicion tardive pesant et sage. Et fut ung roy de crete
ainsi nommé qui moult fut sage dont les poetes parlent soubz couverture
de fable. Et dient que son filz jupiter luy coppa les genitores qui est
a entendre que il luy tollit sa puissance que il avoit et le desherita
et chassa. Et pour ce il est pesant et sage veult dire Othea que le bon
chevalier doibt moult peser la chose ains qu’il donne sa sentence soit
en pris d’armes ou en aultres affaires. Et ce mesmes pevent notter tous
juges qui ont offices appartenant a jugement. Et a ce propos dit hermes.
penses bien a tous tes affaires et par especial au jugement d’autruy.


viii Allegorie

Si comme le bon chevalier doibt estre tardif en jugement c’estassavoir
bien peser sentence ains qu’il la donne semblablement doit le bon
esperit de ce qu’il lui appartient car a dieu appartient jugement qui
scet discerner les causes droiturierement. Et dit Sainct gregoire es
moralles/ que quant nostre fragilité ne sçait comprendre les jugemens de
dieu nous ne les devons mie discuter en hardies parolles/ mais les
devons honnorer en paoureuse silence et quelque merveilleux qu’il nous
semblent sy les devons nous reputer justes/ et a ce propos parle david
en son psaultier.

  Timor domini sanctus permanet in seculum seculi. Judicia domini vera
  justificata in semetipsa. psalmo. xviii.



[Illustration]

ix Texte.

    Ta parolle soit clere et voire
    Appollo t’en donra memoire
    Car celluy ne peult nulle ordure
    Souffrir dessoubz sa couverture


ix Glose

Appollo ou phebus est le soleil au quel le jour du dimenche est
attribué/ & aussi le metal que nous appellons or le soleil par sa clarté
monstre les choses mussees. Et pour ce verité qui est clere et monstre
les secretes choses lui peult estre attribuee. Laquelle vertu doibt
estre en cueur & bouche de tout bon chevalier. Et a ce propos dit Hermes
Aimes dieu & verité et donnes loyal conseil.


ix Alegorie.

Appollo qui est a dire le soleil par qui nous nottons verité pouons
prendre que verité doit avoir en bouche le vrai chevalier jesuchrist et
fuyr toutes faulcetez/ Comme dist crisostome au livre des louenges saint
pol. La condicion de faulceté est telle que mesmes ou elle n’a nulz
contredisans si dechiet elle en soy mesmes. Mais au contraire la
condicion de verité est si estable que tant a plus de adversaires
contredisans tant croit elle & se eslieve plus. Et a ce propos dit la
saincte escripture.

  Super omnia vincit veritas. Secundi Esdre tertio capitulo.



[Illustration]

x Texte

    A Phebé ne resembles mye
    Trop est muable et ennemye
    A constance et a fort courage
    Merancolieuse et lunage


x Glose

Phebé est appellee la lune. Dont le lundi est nommé & y est attribué le
metal que nous appellons argent. La lune n’arreste nulle heure en ung
droit point et donne influence de muableté et folie. Et pour ce veult
dire que le bon chevalier se doibt garder de telz vices. Et a ce propos
dit hermes usez de sapience et soyez constant


x Alegorie

Phebé qui est la lune que nous nottons inconstance que ne doit avoir le
bon chevalier & semblablement le bon esperit. Comme dit Saint ambroise
en l’espitre a simplician que le fol est muable comme la lune. Mais le
saige est tousjours constant en ung estat/ il n’est point brisé par
paour/ il ne se mue point par puissance/ il ne se eslieve point en
prosperité/ il ne se plunge point en tristesse. La ou est sapience/ la
est vertu/ force et constance/ le sage est tousjours d’ung courage/ il
n’appetice ne ne croist pour mutation des choses/ il ne flotte point en
diverses opinions mais demeure parfait en jesucrist fondé en charité/
enraciné en foy. Et ce propos dit la saincte escripture

  Homo sanctus in sapientia permanet sicut sol. Nam stultus sicut luna
  mutatur ecclesia. xxvii. c. i.



[Illustration]

xi. Texte.

    Mars ton pere/ je n’en doubt pas
    Tu ensuyvras bien/ en tous pas
    Car ta noble condition
    Y trait ton inclination.


xi Glose.

De mars est nommé le jour du mardi et luy est attribué le metal que nous
disons fer. Mars est planette qui donne influence de guerres &
batailles.

Et pour ce tout chevalier qui ayme ou suive armes & faitz de chevalerie
& en ce ait renommee de valeur peult estre appellé filz de mars. Et pour
ce othea nomma ainsi hector. Nonobstant fust il filz au roy priant &
dist que bien ensuyviroit son pere ce que bon chevalier doibt faire &
dit ung sage que par les oeuvres de l’homme peult on congnoistre ses
inclinations.


xi Allegorie.

Mars le dieu de batailles peult bien estre appellé le filz de dieu qui
victorieusement batailla en ce monde. Et que le bon esperit voye par son
bon exemple ensuyvir son bon pere jesucrist & batailler contre les vices
dist sainct ambroise au premier livre des offices que qui veult estre
amy de dieu il fault qu’il soit ennemy du dyable. Et qui veult avoir
paix a jesuchrist/ il fault qu’il ait guerre contre les vices. Et tout
ainsy comme en vain fait on guerre en champ aux ennemys forains la ou la
cité est plaine de princes espiez. Ainsi ne pevent vaincre les maulx de
par dehors qui ne guerroye fort les pechez de son ame. Et est la plus
glorieuse victoire qui soit que vaincre soy mesmes. Et a ce propos parle
saint pol l’apostre.

  Non est nobis colluctatio adversus carnem et sanguinem sed adversus
  principes/ & potestates adversus mundi rectores tenebrarum harum
  contra spiritualia nequicie in celestibus. ad epheseos. sexto
  capitulo.



[Illustration]

xii Texte.

    Soyes aorné de faconde
    Et de parolle nette & monde
    Ce t’aprendra mercurius
    Qui de bien parler scet les us.


xii. Glose.

De mercurius est nommé le jour du mecredi & l’argent vif y est attribué.
Mercurius est planette qui donne influence de pontifical maintien & de
beau languaige aorné de rethorique pour ce dist au bon chevalier que il
en doibt estre aorné/ car honorable maintien & belle loquence siet moult
a noble desirant le hault pris d’honneur/ mais que il se garde de trop
parler. Car dit diogenes que de toutes vertus le plus est le meilleur/
excepté de parolles.


xii Alegorie.

Mercurius qui est dit dieu de langage/ pouons entendre que le chevalier
jesuchrist doibt estre aorné de bonne predication/ & de parolle de
doctrine/ & aussi doibt aymer et honorer les anonceurs d’icelles.

Et dit sainct gregoire es omelies que on doibt avoir en grant reverence
les prescheurs de la saincte escripture/ car ce sont les coureurs qui
vont devant nostreseigneur & nostreseigneur les suyt.

Saincte predicacion vient devant et lors nostreseigneur vient a
l’habitacion de nostre cueur/ les parolles de exortacion font la course
devant. Et lors verité si est receue en nostre entendement. Et a ce
propos dit nostreseigneur a ses apostres.

  Qui vos odit/ me odit. et qui vos spernit me spernit. Luce decimo
  capitulo.



[Illustration]

xiii Texte

    Armeures de toutes sortes
    Pour toy armer bonnes et fortes
    Te livrera assez ta mere
    Minerve qui ne t’est amere


xiii Glose.

Minerve fut une dame de moult grant sçavoir et trouva l’art de faire
armeures/ car devant ne s’armoient les gens/ fors de cuir boully. et
pour la grant sagesse qui fut en ceste dame l’appellerent deesse. Et
pour ce que moult sceut hector armeures mettre en oeuvre/ et que ce fut
son droit mestier l’appella othea filz de minerve/ nonobstant qu’il fut
filz a la royne Ecuba de troye. Et par semblable nom pevent estre nommez
tous les armeurs des armes. A ce propos dit une auctorité. Les
chevaliers donnés aux armes sont a icelle subjectz.


xiii Allegorie

Ce qui est dit que armeures bonnes & fortes lui livrera assez sa mere au
bon chevalier nous pouons entendre la vertu de foy qui est vertu
theologale et est mere au bon esperit et que elle livrera assez armeures
dit cassiodore en l’exposition de la credo que foy est la lumiere de
l’ame la porte de paradis la fenestre de vie et le fondement de salut
pardurable. Car sans foy ne peult nul a dieu plaire/ et a ce propos
parle Sainct pol l’apostre.

  Sine fide impossibile est placere deo. ad hebreos. xi. ca.



[Illustration]

xiiii Texte

    Adjouste pallas la deesse
    Et met avec ta prouesse
    Tout bien te viendra se tu l’as
    Bien siet o minerve pallas


xiiii Glose

Apres dit que il adjouste Pallas avec minerve qui bien y siet. Et doit
on sçavoir que pallas & minerve est une mesme chose/ mais les noms
divers sont prins a deux entendemens. Car celle qui eut nom minerve fut
aussi sournommee pallas d’une ysle qui eut nom pallance/ dont elle fut
nee.

Et pour ce que elle generalement en toutes choses fut sage/ & maintz
artz trouva nouvellement beaulx & subtilz l’appellerent deesse de
sçavoir. Si est nommee minerve a ce qui appartient a chevalerie. Et
pallas en toutes choses qui appartienent a sagesse. Pour ce veult dire
que il doibt adjouster sagesse a chevalerie/ qui moult bien y est
duisant. Et comme armes doivent estre garde de la foy/ peult estre
entendu a ce propos ce que dit Hermes. Adjouste l’amour de la foy avec
sapience.


xiiii Alegorie

Et sicomme pallas qui note sagesse doit estre adjoustee avec chevalerie/
doibt estre la vertu de esperance adjoustee aux bonnes vertus de
l’esperit chevalereux sans laquelle il ne pourroit proffiter. Et dit
origenes es omelies sur exode que l’esperance des biens advenir est le
soulas de ceulx qui travaillent en ceste vie mortelle. Ainsi comme aux
laboureurs l’esperance du payement adoulcist le labour de leur besoigne.
Et aux champions qui sont en la bataille l’esperance de la couronne de
victoire attrempe les douleurs de leurs playes. Et a ce propos parle
sainct pol l’apostre.

  Fortissimum solatium habemus qui confugimus ad tenendam prepositam
  spem: quam sicut anchoram habemus anime tutam. Ad hebreos vi.
  capitulo.



[Illustration]

xv Texte

    Ayes chiere panthasselee
    De ta mort sera adoulee
    Tel femme doibt bien estre aymee
    Dont si noble voix est semee.


xv Glose

Panthasselee fut une pucelle royne d’amasome et moult fut belle & de
merveilleuse prouesse en armes et hardement. Et pour le grant bien que
renommee tesmoingnoit par tout le monde de hector le preux l’aymoit de
tresgrant amour et de ses parties vint a troye au temps du grant siege
pour veoir Hector/ mais quant mort le trouva dolente en fut oultre
mesure & atout grant ost de damoiselles moult chevalereuses vengea moult
vigoureusement sa mort/ ou elle fist de merveilleuses prouesses/ &
maintz grans griefz fist aux gregoys. Et pour ce que elle fut vertueuse
dit au bon chevalier que il la doibt aymer. Ce est a entendre que tout
bon chevalier doibt aymer & priser toute femme forte en vertu de sens/
et de constance. Et celle femme est adoulee de la mort hector/ c’est a
entendre combien prouesse & valeur est amortie en chevalier. Et dit ung
sage. Bonté doibt estre louee ou qu’elle soit apperceue.


xv Alegorie.

Panthasselee qui fut secourable pouons entendre la vertu de charité qui
est la tierce theologale doibt avoir parfaictement le bon esperit en soy
charité & dit cassiodore au psaultier que charité est ainsi comme la
pluye qui chiet en printemps qui distile les gouttes de vertus soubz
laquelle germe la bonne voulenté et bonne operation fructifie. Elle est
patiente en adversitez/ attrempee en prosperité/ puissante en humilité/
joyeuse en affliction/ bien voulante a tous ses ennemys/ & amye
mesmement a ses ennemys/ communicaire de ses biens. Et a ce propos parle
sainct pol l’apostre.

  Caritas patiens est benigna est. Caritas non emulatur/ non agit
  perperam/ non inflatur/ non est ambitiosa/ non querit que sua sunt.
  Prima ad corinthios xiii. capitulo.



[Illustration]

xvi Texte

    Narcisus ne vueilles sembler
    Par trop grant orgueil affuler
    Car chevalier oultrecuidé
    Est de mainte grace vuidé.


xvi Glose.

Narcisus fut ung damoysel qui pour sa grant beaulté fut eslevé en si
grant orgueil que il avoit en despris tous les aultres. Et pour ce que
il ne prisoit si non lui est il dit qu’il fut si amoureux & assoté de
luymesmes que il en mourut apres ce que il se fut miré en la fontaine.
ce est a entendre l’oultrecuidance de luymesmes ou il se mira.

Pour ce deffend au bon chevalier que il ne se mire en ses biens faitz/
parquoy il en soit oultrecuidé. Et a ce propos dit Socrates. Filz garde
que tu ne soyes deceu en la beaulté de ta jeunesse/ car ce n’est mie
chose durable.


xvi Alegorie.

Or ferons alegorie a nostre propos en applicquant aux sept pechez
mortelz. Par narcisus entendrons le peché d’orgueil/ dont le bon esperit
se doibt garder. Et dit origenes es omelies. A quoy se en orgueillist
terre et cendre. ne homme comment se ose il eslever en arrogance/ quant
il pense dont il est venu/ et que il deviendra & en combien fresle
vaissel est sa vie contenue/ & en quelles ordures il est plungé/ &
quelles nettayeures il ne cesse de getter de sa chair par tous les
conduitz de son corps. Et a ce propos dit la saincte escripture.

  Si ascenderit ad celum superbia ejus et caput ejus nubes tetigerit
  quasi sterquilinium in fine perdetur Job. x. capitulo.



[Illustration]

xvii Texte.

    Athamas plain de grant rage
    La deesse de forcennage
    Fist estrangler ses deux enfans
    Pour ce grant ire te deffens


xvii Glose.

Athamas fut roy et mari a la royne juno qui fist semer le bled cuit pour
desheriter ses fillastres car elle par argent corrumpit les prestres de
la loy qui raportoient les responces des dieux. Si dist au roy & a ceulx
de la contree que le bled que on avoit semé n’avoit point prouffité/
pour ce qu’il plaisoit aux dieux que deux enfans que le roy avoit beaulz
& gens fussent chassez & exillez. Et pour ce que le roy consentit l’exil
de ses deux enfans tout le fist il envis & a grant douleur. dit la fable
que la deesse juno en voulut prendre la vengance & ala en enfer dire a
la deesse de forsennage que elle venist vers le roy athamas. Adonc
l’orrible & l’expouentable deesse vint a tout ses crins serpentins/ & se
mist sur le sueil du palais/ et estendit ses bras aux deux lez de la
porte. Et adonc telz contens commença entre le roy et la royne que a peu
ne se entre occirent. Et quant du palais cuiderent saillir adonc la
forsennee deesse tira deux horribles serpens de ses crins et es girons
leur lança. Et quant la deesse virent tant espouentable/ adonc tous deux
forsenez devindrent. Athamas occist la royne par rage/ et puis ses deux
enfans et luymesmes de dessus une haulte roche se lança en la mer.
L’exposicion de ceste fable peult estre que une royne fut tant diverse a
ses fillastres qu’elle les fist desheriter/ dont puis n’eut paix entre
le pere et la marrastre/ & peult estre que au dernier il l’occist. Et
pour ce que ire est ung mortel vice et si mauvais que celluy qui en est
fort attaint n’a nulle congnoissance de raison dit au bon chevalier que
de ire se doibt garder/ car moult est grant default en bon chevalier
estre ireux. Et pour ce dit aristote/ garde toy de ire car elle trouble
l’entendement & destourne raison.


xvii Allegorie

Athamas qui tant fut plain d’ire entendrons proprement le peché de ire
dont le bon esperit doit estre vuide. Et dit saint augustin en une
epistre que ainsi comme le vin aigre ou boute corrumpt le vaissel ou il
est se il y demeure longuement. Ainsy ire corrumpt le cueur ou elle se
boute se elle y demeure de jour a autre/ pour ce dit saint pol l’apostre

  Sol non occidat super iracundiam vestram. ad epheseos. quarto ca.



[Illustration]

xviii Texte.

    Sur toute rien toute ta vie
    Fuys la faulse deesse envie
    Qui fist devenir plus vert que yerre
    Aglaros qui puis devint pierre


xviii Glose.

Aglaros ce dit une fable fut soeur hercé qui tant fut belle que pour sa
beauté eut espouse mercurius le dieu de language et furent filles
cycrops le roy d’athenes mais tant eut aglaros envie sur sa seur hercé
qui pour sa beauté tant fut avancee comme d’estre mariee au dieu que
toute d’envie se defrisoit/ et seche devint et descoulouree/ & verte
comme yerre pour l’envie que elle portoit a sa seur. ung jour estoit
aglaros sur le sueil de l’huis assise et a mercurius qui entrer vouloit
en l’ostel veoir l’entree ne pour priere qu’il luy fist entrer ens ne le
vouloit laisser. Adonc le dieu se courroussa et dit que tousjours y
peust elle remaindre aussi dure comme elle avoit le courage: et lors
devint aglaros dure comme pierre si peult estre averee la fable par
semblable cas advenir a aulcunes personnes/ Mercurius peult estre ung
puissant homme bien emparlé qui fist sa serourge emprisonner ou mourir
pour aulcun desplaisir que elle luy avoit fait. Et pour ce dit que elle
fut muee en pierre/ et pour cause que trop est villaine tache/ & contre
gentillesse estre envieux dit au bon chevalier que il s’en garde sur
toute riens. Et dit socrates. Celuy qui porte le faisseau d’envie a
peine perpetuelle.


xviii Allegorie

Sicomme l’auctorité defend envie au bon chevalier. Celluy mesmes peché
defend la sainte escripture au bon esperit/ et dit Sainct augustin.
Envie est la hayne de felicité d’autruy: et se estend l’envie de
l’envieux contre ceulz qui sont plus grant de soy/ pour ce que il n’est
ainsy grant que eulx/ et contre ceulx qui sont moindres de soy de paour
qu’ilz ne devienent aussi grans comme luy/ et a ce propos dit
l’escripture.

  Nequam est oculus mundi et avertens faciem suam. ecclesiastici. xiiii.
  ca.



[Illustration]

xix Texte.

    Ne soyes ne trop long ne prolixe.
    A toy garder de la malice
    Ulixés qui l’oeil au geant
    Embla/ tant fust il cler veant


xix Glose.

Dit une fable que quant Ulixés s’en retournoit en grece apres la
destruction de troye/ grant orage de temps transporta sa nef en une isle
ou eut ung geant/ qui n’avoit fors ung seul oeil emmy le frond d’orrible
grandeur. Ulixés par sa subtilité luy embla & ravit/ c’est a entendre
lui creva. Si est a entendre que le bon chevalier se garde que paresce
ne le laisse surprendre aux baratz et agaz des malicieux si que son oeil
en puist estre ravi. C’estassavoir l’oeil de son entendement ou son
honneur ou sa terre ou ce qu’il a plus chier comme souvent adviennent
maintz inconveniens par paresce et lacheté Et a ce propos dit hermes/
bieneureux est celluy qui use ses jours en solicitude convenable.


xix. Allegorie

Ce qui est dit que le bon chevalier ne soit ne long ne prolixe/ pouons
entendre le peché de paresce que le bon esperit ne doibt avoir. Car
comme dit bede sur les proverbes salomon le paresceux n’est pas digne de
regner avec dieu qui ne veult labourer pour l’amour de dieu. Et n’est
pas digne de recepvoir la couronne promise aux chevaliers qui est couart
de entreprendre les champs de bataille. pour ce dit l’escripture.

  Cogitationes robusti semper in habundantia omnis autem piger in
  egestate erit Proverbiorum. xxi. ca.



[Illustration]

xx Texte

    Ne prens pas contens aux renouilles
    Ne en leur palu ne te fouilles
    Contre lathona s’assemblerent
    Et l’eaue clere luy troublerent.


xx Glose.

La fable dit que la deesse lathona fut mere phebus/ et phebé qui est le
soleil & la lune et a une ventree les porta. Juno par tous pays les
chassoit pour ce que ensainte estoit de jupiter son mari. Ung jour fut
moult travaillee la deesse lathona et arriva a ung gué & lors s’abaissa
sur l’eaue pour estancher sa grant soif/ la avoit vilains a grans
tourbes qui pour la grant chaleur du soleil en l’eaue se baignoient/ &
lathona prindrent a ramposner & a luy troubler l’eaue que elle cuidoit
boire/ ne pour priere que elle leur feist ne la voulurent souffrir/ ne
avoir pitié de son meschief/ si les mauldist/ & dist que a tousjours
mais ilz peussent demeurer au palu & fussent lais & abhominables &
tousjours ne cessassent de braire & de ramposner. Adonc devindrent les
vilains renouilles/ qui depuis ne finerent de braire comme il appert au
temps d’esté en ces rivages. Si peult estre que aulcuns paysans firent
desplaisir a aucune grant maistresse qui les fist getter en la riviere &
noyer. Ainsi devindrent renouilles. Ce est a entendre que le bon
chevalier ne se doibt nullement souiller au palu de vilennie. Mais doibt
fuyr toutes vilaines taches qui sont contraires a gentillesse/ car comme
vilanie ne peult souffrir en soy gentillesse/ aussi ne doibt gentillesse
souffrir en soy vilanie/ ne mesmement contendre ne prendre debat a
personne vilaine de vices/ & de parler vilain. Et dit platon. Celuy qui
adjouste a sa gentillesse noblesse de bonnes meurs est a louer. Et celuy
a qui souffist la gentillesse qui vient de ses parens sans acquerir
bonnes condicions/ ne doibt pas estre tenu pour noble.


xx Alegorie.

Les villains qui devindrent renoulles pouons entendre le peché d’avarice
qui est contraire au bon esperit. Et dit sainct augustin que l’homme
avaricieux est semblable a enfer. Car enfer ne scet tant engloutir de
ames qu’il die c’est assez. Et se tous les tresors du monde estoient
amassez en la possession de l’avaricieux/ il ne seroit pas rassasié. Et
a ce propos dit l’escripture.

  Insatiabilis oculus cupidi. in parte iniquitatis non satiabitur.
  Ecclesiastici. xiiii. capitulo.



[Illustration]

xxi Texte

    Au dieu bacus point ne t’acordes
    Car ses conditions sont ordes
    Non vaillables en ses depors
    Les gens fait transmuer en pors


xxi Glose.

Bacus fut ung homme qui premierement planta vignes en grece. Et quant
ceulx de la contree sentirent la force du vin qui les enyvroit ilz
disrent que bacus estoit ung dieu qui telle force avoit donnee a la
plante. Si est par bacus entendue yvresse. Et pour ce dit au bon
chevalier que nullement ne se doibt abandonner a yvresse/ car c’est ung
tres impacient vice a tout noble/ & a homme qui vueille user de raison.
Et a ce propos dit ypocras. Superfluitez de vins & de viandes
destruisent le corps & l’ame & les vertus.


xxi Alegorie

Par le dieu Bacus pouonz entendre le peché de gloutonnie dont le bon
esperit se doit garder. De gloutonnie dit sainct gregoire es morales que
quant le vice de gloutonnie prent a seigneurier la personne/ elle pert
tout le bien que elle avoit fait.

Et quant le ventre n’est restraint par abstinences/ toutes vertus sont
ensemble noyees. Pour ce dit saint pol.

  horum finis interitus/ quorum deus venter est & gloria in confusione
  eorum qui terrena sapiunt. Ad philippenses. iii. capitulo.



[Illustration]

xxii Texte

    Ne t’assotes pas de l’ymage
    Pimalion se tu es sage
    Car de tel ymage paree
    Est la beaulté trop comparee.


xxii Glose.

Pymalion fut ung moult subtil ouvrier de faire ymages. Et dit une fable
que pour la grant vilité que il veit es femmes de cidoine il les
desprisa & dist que il feroit une ymage ou il n’airoit que redire/ une
ymage de femme tailla de souveraine beaulté/ quant il eut parfaicte
amour qui subtillement scet cueurs ravir le fist estre amoureux de son
ymage & pour luy fut agrigé des maulx d’amours/ plains & clamours a
piteux souspirs luy faisoit/ mais l’ymage de pierre ne l’entendoit. Au
temple de venus s’en alla pymalion & tant luy fist devote clamour que la
deesse en eut pitié/ & en demonstrance de ce le brandon que elle tenoit
a parluy s’esprint & aluma. Adonc pour le signe fut joyeux l’amant &
vers son ymage s’en va & entre ses bras le print & tant l’eschaufa a sa
chair nue que l’ymage eut vie & a parler se print & ainsi pymalion eut
joye recouvree.

A ceste fable pevent estre mises maintes expositions & semblablement a
toutes aultres fables et pour ce les firent les poetes affin que les
entendemens des hommes se aguisassent & subtilliassent a y trouver
divers propos. Si peult estre entendu que pymalion desprisa la vilité
des femmes folieuses & s’enamoura d’une pucelle de tresgrant beaulté/
laquelle ne vouloit ou ne pouoit entendre ses piteux plaingz nonplus que
se de pierre fust. L’ymage avoit faicte. C’est que par penser a ses
belles beaultés s’estoit enamouré/ mais en la parfin tant la pria & tant
s’en tint pres que elle l’ayma a sa voulenté & l’eut a mariage & ainsi
eut l’ymage dur comme pierre recouvree vie par la deesse venus.

Si veult dire que le bon chevalier ne doibt estre assoté de sy fait
ymage en telle maniere qu’il en laisse a suyvir le mestier d’armes
auquel il est obligé par l’ordre de chevalerie. Et a ce propos dit
aptalim/ impartinente chose est a prince de soy assoter de chose qui
soit a reprendre.


xxii Alegorie

L’ymage pymalion dont le bon chevalier ne se doibt assoter prendrons le
peché de luxure/ dont l’esperit chevalereux doit garder son corps de
luxure/ dit sainct hierome en une epistre. O feu d’enfer de qui la
busche c’est gloutonnie/ la flamme c’est orgueil/ les flamesches sont
corrumpues parolles/ la fumee c’est mauvaise renommee/ la cendre c’est
povreté/ & la fin est le torment d’enfer. A ce propos dit sainct pierre
l’apostre.

  Voluptatem existimantes delicias coinquinationis/ & macule deliciis
  affluentes conviviis suis luxuriantes. secunde petri. ii. ca.



[Illustration]

xxiii Texte

    De dianes soyes recors
    Pour l’honnesteté de ton corps
    Car ne luy plaist vie touillie
    Ne deshonneste ne souillie.


xxiii Glose.

Dyane c’est la lune. et comme il ne est riens tant maulvais qui n’ait
aulcune proprieté/ la lune donne condicion chaste/ & la nommerent d’une
dame ainsi nommee qui fut moult chaste & tousjours vierge. Si veult dire
que honnesteté de corps bien appartient a bon chevalier. A ce propos dit
hermes. Celui ne pourroit estre de parfait sens qui en lui n’airoit
chasteté.


xxiii Alegorie

Et pour ramener les articles de la foy a nostre propos/ les quelz ne
pourroient prouffiter au bon esperit chevalereux prendrons pour diane
dieu de paradis/ lequel est sans tache aulcune/ amour de toute netteté/
& a qui chose souillee ne pourroit estre aggreable au createur du ciel &
de la terre. Laquelle chose est necessaire a croire au bon esperit/
sicomme dit le premier article de la foy que dist monseigneur sainct
pierre.

  Credo in deum patrem omnipotentem creatorem celi et terre.



[Illustration]

xxiiii Texte.

    La deesse ceres resemble
    Qui les bledz donne & nul n’emble
    Ainsi doibt estre abandonné
    Bon chevalier bien ordonné


xxiiii Glose

Ceres fut une dame qui trouva l’art de arer les terres car devant
semoient les gaignages sans labourer. Et pour ce que plus abondamment
porta la terre apres ce que elle eut esté aree disrent que elle estoit
deesse des bledz et la terre nommerent de son nom. Si veult dire que
ainsi comme la terre est abandonnee et large donnerresse de tous biens/
doibt estre aussi le bon chevalier a toutes personnes abandonné/ et
donner son ayde et reconforter selon son pouoir. et dit aristote. Soies
liberal donneur & tu acquerras amis.


xxiiii Allegorie

Ceres a qui doit ressembler le bon chevalier prendrons pour le benoit
filz de dieu/ que le bon esperit doibt ensuivir qui tant nous a
largement donné de ses haultz biens. Et en luy doit estre creu
fermement/ sicomme dit le second article que dit sainct Jehan ou il dit.

  Et in jesum christum filium ejus unicum dominum nostrum.



[Illustration]

xxv Texte.

    Toutes vertus entes et plantes
    En toy comme ysis fait les plantes
    Et tous les grains fructifier
    Ainsy doibs tu edifier


xxv Glose.

Ysis dient aussi estre deesse des plantes et de cultiveure qui leur a
donné vigueur et croissance de multiplier. pour ce dit au bon chevalier
et donne comparaison que ainsy doit il fructifier en toutes vertus/ et
tout mal vice eschiver. Et dit hermes a ce propos. O homme se tu
sçavoies l’inconvenient de vice comme tu t’en garderoies. Et se le
louyer congnoissoyes de vaillance comme tu l’aimerois.


xxv Allegorie

La ou il dit que a isys qui est plantureuse doibt ressembler pouons
entendre la benoite conception de jesucrist par le saint esperit en la
benoicte vierge marie mere de toute grace/ de qui les grans louenges ne
pourroient estre ymaginees ne dittes entierement/ laquelle digne
conception doit le bon esperit avoir entee en soy et tenir fermement le
digne article sicomme le dit saint Jaques le grant.

  Qui conceptus est de spiritu sancto natus ex maria virgine.



[Illustration]

xxvi Texte.

    Ne te tiens pas au jugement
    Midas/ qui mie sagement
    Ne juga/ sy ne t’y conseilles
    Car il eut pour ce d’asne oreilles


xxvi Glose

Midas fut ung roy qui eut petit entendement/ et dit une fable que phebus
& pan le dieu des pastours estrivoient ensemble & disoit phebus que le
son de la lire faisoit plus a louer que le son du fretel ou du flajol et
pan soustenoit l’opposite & disoit que plus faisoit a louer celluy du
fretel sur midas se mirent du jugement de ce discort/ et apres ce que
tous deux eurent joué devant Midas a long loisir/ il juga que mieulx
valoit le son du fretel. Si dit la fable que phebus qui airé fut en
despit de son rude jugement luy fist avoir oreilles d’asnes en
demonstrance que entendement d’asne avoit qui si rudement avoit jugé. Si
peut estre que aucun juga follement contre ung prince qu’il punit par
luy faire porter sur luy aucun signe de fol qui a entendre par les
oreilles d’asne. Si est a entendre ceste fable que bon chevalier ne se
doit tenir a fol jugement non fondé sur rayson ne luy mesmes ne doit
estre juge de folle sentence. A ce propos dit ung philosophe. Le fol est
comme la taulpe qui oyt et n’entent & dyogenes compare le fol a la
pierre.


xxvi. Allegorie

Le jugement midas ou le bon chevalier ne se doibt tenir pouons prendre
pilate/ qui le benoict filz de dieu juga a prendre lier et pendre au
gibet de la croix comme larron lui qui estoit pur sans tache. Si est a
entendre/ que bon esperit se doit garder de jugier l’innocent: & doibt
croire l’article que dit sainct andrieu.

  Passus sub pontio pilato crucifixus mortuus et sepultus.



[Illustration]

xxvii Texte

    Se as loyaulx compaignons d’armes
    Jusqu’en enfer ou sont les armes
    Tu dois aller secourir les
    Au besoing com fist hercules


xxvii Glose

Dit une fable que pirotheus et theseus allerent en enfer pour proserpine
rescourre que pluto eut ravie: et mal habillez y eussent esté se
hercules qui leur compaignon yre ne les eust secourus/ qui tant y fist
d’armes que tous les infernaulx mist en effroy. Et a cerberus le portier
d’enfer couppa les chaines. si veult dire que le bon chevalier ne doibt
faillir a son loyal compaignon pour doubte de peril quel qu’il soit/ car
loyalle compaignie doibt estre une mesme chose. Et pitagoras dit. Tu
dois garder l’amour de ton amy diligemment.


xxvii Allegorie

Ce que l’auctorité dit que il doit secourir ses loyaulx compaignons
d’armes jusques en enfer pouons entendre la benoite ame de jesuchrist
qui tira hors les bonnes ames des sains patriarches et prophetes qui au
lymbe estoient et par exemple doit faire le bon esperit et traire a soy
toutes vertus & croire l’article sicomme le dit saint philippe.

  Descendit ad inferna.



[Illustration]

xxviii Texte

    Aymes & prises cadmus
    Et ses disciples chiers tenus
    Soient de toy/ car la fontaine
    Gaigna du serpent a grant peine.


xxviii Glose.

Cadmus fut ung moult noble & fonda thebes qui cité fut de moult grant
renommee/ l’estude y mist/ & luy mesmes fut moult lettré & de grant
science. Et pour ce dit la fable que il dompta le serpent a la fontaine/
c’est a entendre science et sagesse qui tousjours sourt.

Le serpent est noté pour la peine & travail qu’il convient a l’estudiant
dompter ains qu’il ait science acquise/ & dit la fable que luy mesmes
devint serpent/ qui est a entendre que corrigeur & maistre fut des
autres. si veult dire othea que le bon chevalier doibt aymer et honorer
les clercz lettrez qui sont fondez en sciences. A ce propos dit Aristote
a Alixandre/ honorez sapience & la fortifiez par bons maistres.


xxviii Alegorie

Cadmus qui dompta le serpent a la fontaine que le bon chevalier doibt
aymer pouons entendre la benoicte humanité de jesuchrist qui dompta le
serpent/ & gaigna la fontaine c’est la vie de ce monde qu’il passa a
grant peine & a grant travail/ dont il eut parfaicte victoire quant il
resuscita au tiers jour. Sicomme dit sainct thomas.

  Tertia die resurrexit a mortuis.



[Illustration]

xxix Texte

    Moult te delictes au sçavoir
    Yo/ plus qu’en nul aultre avoir
    Car par ce pourras moult aprendre
    Et du bien largement comprendre.


xxix Glose.

Yo fut une damoiselle fille du roy ynacus qui moult fut de grant sçavoir
et trouva maintes manieres de lettres qui devant n’avoient esté veues/
combien que aulcunes fables disent que yo fut amye jupiter & que vache
devint & puis femme commune fut/ mais comme les poetes aient mussé
verité soubz couverture de fable peult estre entendu que jupiter l’ayma/
c’est a entendre les vertus de jupiter qui en elle furent elle devint
vache/ car sicomme la vache qui donne lait lequel est doulx &
nourrissant elle donna par les lettres que elle trouva doulce nourriture
a l’entendement/ ce que elle fut femme commune peult estre entendu que
son sens fut commun a tous comme lettres sont communes a toutes gens.
Pource dit que le bon chevalier doibt moult aymer yo qui peult estre
entendu pour lettres & escriptures & les hystoires des bons que le bon
chevalier doibt voulentiers ouyr racompter & lyre & dont l’exemple luy
peult estre vaillable. A ce propos dit Hermes. Qui s’efforce de acquerir
science & bonnes meurs/ il trouve ce qui luy plaist en ce monde & en
l’autre.


xxix Alegorie

Yo qui est notee par lettres & escriptures nous pouons entendre que le
bon esperit se doibt delicter a lyre les sainctes escriptures & les
avoir escriptes en sa pensee & par ce pourra apprendre a monter au ciel
avec jesuchrist par bonnes oeuvres et saincte contemplation/ et croire
le digne article que dist sainct Barthelemy.

  Ascendit ad celos sedet ad dexteram dei patris omnipotentis.



[Illustration]

xxx Texte.

    Gardes en quelque lieu que soyes
    Qu’endormi des flageolz ne soyes
    Mercurius/ qui souef chante
    Les gens o son flageol enchante


xxx Glose.

Dit une fable que quant jupiter aymoit yo la belle que juno en fut en
moult grant suspicion/ et du ciel descendit en une nuee pour son mary
surprendre au fait/ mais quant jupiter la veit venir il mua s’amie en
une vache/ mais juno n’en fut pourtant hors de pensee/ ains la vache luy
demanda en don et jupiter maulgré son courage luy ottroya comme celuy
qui refuser ne luy osa pour doubte de suspicion. Adonc juno a argus son
vachier qui cent yeulz avoit bailla la vache a garder/ et tousjours la
guettoit. Mais le dieu mercurius par le commandement jupiter print son
flagol qui souef chante/ et tant corna a l’oreille argus que de tous ses
cent yeulx l’un apres l’autre l’endormit puis luy osta la vache & le
chief luy trencha. L’exposicion de ceste fable peult estre que aucun
puissant homme ayma une damoiselle que sa femme voulut avoir pour
guetter que son mari n’y peust advenir/ et grans gardes y myst & cler
voyans qui peult estre noté par les yeulx argus/ mais l’amant par
personne malicieuse et bien parlante fist tant faire que les gardes se
consentirent a rendre s’amye ainsi furent endormis par le flagol
mercurius et eurent le chief trenchié. Pour ce dit au bon chevalier que
a tel flagol ne se doibt laisser endormir que il ne soit desrobé de ce
que il doit bien garder. Et a ce propos dit hermes/ gardez vous de ceulx
qui se gouvernent par malice.


xxx Allegorie.

Par les flagolz mercurius pouons entendre que par l’ancien ennemy le bon
esperit ne soit deceu d’aulcune incredulité sur la foy ou aultrement. Et
doibt croire fermement l’article que dit Sainct mathieu l’evangeliste
qui dit que nostreseigneur vendra juger les vifz et les mors ou il dit.

  Inde venturus judicare vivos & mortuos.



[Illustration]

xxxi Texte.

    Croy que pirrus ressemblera
    Son pere et encor troublera
    Ses ennemis par grever les
    La mort vengera d’achiles


xxxi Glose.

Pirrus fut filz achilles et bien ressembla son pere de force et de
hardement. Et apres la mort de son pere vint sur troye et moult
asprement venga le pere & moult dommaga les troyens. pour ce dit au bon
chevalier que se il a meffait au pere que il se garde du filz quant en
aage sera/ car se le pere a esté vaillant semblablement doibvera estre
le filz. A ce propos dit ung sage. La mort du pere attrait la vengance
du filz.


xxxi Allegorie

La ou il dit que pirrus ressemblera son pere pouons entendre le sainct
esperit/ lequel procede du pere en qui doit croire le bon esperit
sicomme dit Saint jaques le myneur.

  Credo in spiritum sanctum.



[Illustration]

xxxii Texte.

    Frequente le temple & honneures
    Le dieu des cieulx en toutes heures
    Et de cassandra tien l’usage
    Se tu veulx estre tenu sage


xxxii Glose

Cassandra fut fille au roy priam/ et moult fut bonne dame & devote en
leur loy les dieux servoit et le temple hantoit & pou parloit sans
necessité: & quant parler luy convenoit elle ne disoit chose qui
veritable ne fust ne en mensonge ne fut oncques trouvee trop fut saige
cassandra/ pour ce dit au bon chevalier que a celle doibt ressembler/
car parolle mensongiere est moult a reprendre en bouche de chevalier/ si
doit dieu servir et le temple honnourer c’est a entendre l’eglise et ses
ministres. Et dit pitagoras treslouable chose est servir a dieu &
sanctifier ses sains.


xxxii Allegorie

L’auctorité dit que le temple doibt frequenter le bon chevalier par
semblable cas doit faire le bon esperit et doit avoir singuliere
devocion en saincte eglise catholicque et en la communion des saintz
sicomme dit l’article/ que dit Sainct simon.

  Sanctam ecclesiam catholicam sanctorum communionem.



[Illustration]

xxxiii Texte.

    Se tu vas moult souvent par mer
    Tu dois neptunus reclamer
    Et bien dois celebrer sa feste
    Affin qu’il te gard de tempeste


xxxiii Glose

Neptunus selon la loy des payens estoit appellé le dieu de la mer. Et
pour ce disoit au bon chevalier que il le deveroit servir affin que il
luy fust secourable/ sur mer si est a entendre que les chevaliers qui
souvent vont en maintz voyages en mer ou autres divers perilz ont plus
necessité d’estre devotz & servir dieu et les sainctz que aultres gens/
affin que au besoing leur soient secourables/ et aydans et doivent
prendre singuliere devocion a aucun sainct par devotes oraisons/ par
quoy ilz se reclament a luy en leur besoing & comme il ne suffist pas
seulement oraison de bouche/ dit ung sage. Je ne repute mie dieu estre
seulement servi par parolles mais par bonnes oeuvres et bonne vie mener.


xxxiii Allegorie

Neptunus que le bon chevalier doit reclamer se il va souvent par mer
prendrons que le bon esperit qui est continuellement en la mer du monde
doit reclamer devotement son createur & prier que se il luy doint vivre
que il puisse avoir remission de ses pechez/ et doibt croire l’article
que dit Sainct jude.

  Remissionem peccatorum.



[Illustration]

xxxiiii Texte

    Ayes a toute heure regard
    A attropos et a son dart
    Qui fiert et n’espargne nul ame
    Ce te fera penser de l’ame


xxxiiii Glose

Les poetes appellerent la mort attropos pource veult dire au bon
chevalier que il doit penser que tousjours ne vivra mie en cestui monde
mais tost s’en partira/ si doit plus user des vertus de l’ame que soy
delicter es vices du corps. Et a ce doit tout chrestien penser affin
qu’il ait a memoire la promission de l’ame qui durera sans fin. Et a ce
propos dit pitagoras que ainsi comme nostre commandement vient de dieu/
convient que nostre fin y soit.


xxxiiii Allegorie

La ou dit au bon chevalier que il ait regard a attropos qui est notee la
mort semblablement doibt avoir le bon esperit/ qui par les merites de la
passion de nostre seigneur jesucrist doit avoir ferme esperance avec la
peine et diligence que il mettra a avoir paradis en la fin. Et doibt
croire fermement que il ressuscitera au jour du jugement/ et aura vie
pardurable/ se il le dessert comme dit le dernier article que dit saint
Mathias.

  Carnis resurrectionem vitam eternam. Amen.



[Illustration]

xxxv Texte.

    Bellorophon soit exemplaire
    En tous les faitz que tu veulz faire
    Qui mieulx ayma vouloir mourir
    Que desloyauté encourir


xxxv Glose.

Bellorophon fut ung chevalier de moult grant beauté & plain de loiauté
sa marrastre fut forment esprinse de s’amour/ mais pour ce que il ne
voulut consentir sa voulenté/ elle fist tant que il fut condemné a estre
devoré des fieres bestes/ & il ayma mieulx eslire la mort que faire
desloyauté si dit au bon chevalier que pour doubte de mort encourir ne
doibt faire desloyauté. A ce propos dit hermes/ tu doibs mieulx vouloir
mourir sans cause que faire desconvenue ne desloyaulté. Or vendrons a
desclairer les commandemens de la loy/ & y prendrons allegorie a nostre
propos.


xxxv Allegorie

Bellorophon qui tant fut plain de loyaulté peult noter dieu de paradis/
et comme sa digne misericorde nous ait esté et soit plaine de loyaulté
nous y pouons prendre le premier commandement qui dit. Tu n’adoureras
point dieux estranges/ C’est a dire ce dit sainct augustin l’onneur qui
est appellé latrye tu ne la porteras ne a ydole ne a ymage ne a
semblance ne a quelconque creature/ car c’est honneur deue tant
seulement a dieu/ en ce commandement est deffendu toute ydolatrie de
cecy parle nostre seigneur en l’evangile.

  Dominum deum tuum adorabis & illi soli servies. Mathei quarto
  capitulo.



[Illustration]

xxxvi Texte

    Menimom ton loyal cousin
    Qui a tout besoing t’est voisin
    Et tant t’ayme/ tu le doibs aymer
    Et pour son besoing toy armer


xxxvi Glose

Menimom fut cousin Hector & de la lignee aux troyens & quant hector
estoit es fiers estours & es batailles ou maintesfois durement estoit
empressé de ses ennemis menimom qui tant fut vaillant chevalier le
suyvoit de pres si secouroit hector et departoit les grans presses &
bien y parut car quant achiles l’eut en trahyson occis menimom navra
durement achiles & l’eust occis se bref secours ne luy fust venu. Pource
dit au bon chevalier que il le doibt aymer & secourir a son besoing &
est a entendre que tout prince et bon chevalier qui ait parent quelque
petit ou povre qu’il soit bon & loyal le doibt aymer & le doibt porter
en ses affaires/ & par especial quant le sent estre loyal a soy/ &
avient aulcunes fois que ung grant prince est plus aymé & plus loyaument
de son povre parent que du bien puissant et a ce propos dit le
philosophe Rabion/ multiplie tes amys/ car ilz te seront secourables.


xxxvi Alegorie

Menimom le loyal cousin pouons encor prendre dieu de paradis qui bien
nous a esté loyal cousin de prendre nostre humanité auquel nous ne
pourrons guerdonner/ si y pouons prendre le .ii. commandement qui dit.
Tu ne prendras pas le nom de dieu en vain/ c’est a dire ce dit sainct
augustin. Tu ne jureras point deshonnestement ne sans cause ne pour
coulourer faulcesté car il ne peult estre plus grant abusion que de
amener en tesmoignage de faulceté la souveraine & tres ferme verité/ &
en ce commandement est deffendue toute mensonge/ tout parjure/ & tout
blaspheme. A ce propos dit la loy.

  Non habebit dominus insontem eum qui assumpserit nomen domini dei sui
  frustra. xx. capitulo.



[Illustration]

xxxvii Texte

    Avise toy ains que parolle
    De grant menace nice & fole
    De ta bouche ysse par trop dire
    Et en leomedon te mire


xxxvii Glose

Leomedon fut roy de troye & pere priam/ et quant jason hercules & ses
compaignons alloyent en colcos pour la toison d’or querre et ilz furent
arrivez & descenduz au port de troye pour eulx refreschir sans nul mal
faire a la contree/ adonc leomedon comme mal advisé les envoya par ses
messagiers laidement conraier de sa terre et fort menacer se tost ne
vuydoient dont les barons gregoys par icelluy conraiement se tindrent
tant estre injuriez que apres s’en ensuyvit la premiere destruction de
troye.

Pource veult dire au bon chevalier que comme parolle de menace soit
layde & vilaine doibt estre moult pesee ains qu’elle soit dicte/ car
maintz grans maulx en sont souvent ensuyvis. A ce propos dit le poete
Omer. Celuy est sage qui sa langue scet refrener.


xxxvii Alegorie

Comme parolle de grant menace viengne de arrogance & briser commandement
soit aussi oultrecuidance pouons prendre que nul ne doit briser les
festes/ car c’est contre le commandement qui dit. Souvienne toy de
sanctifier le jour du sabbat/ parquoy nous est commandé dit sainct
augustin que le dimenche nous festons en lieu du sabbat aux juifz nous
le devons solenniser en repos de corps & en cessant de toutes oeuvres
serviles & en repos de l’ame en cessant de tous pechez/ & de ce repos
parle ysaÿe le prophete.

  Quiescite agere perverse/ discite benefacere.



[Illustration]

xxxviii Texte

    Ne cuydes pas estre certain
    Ainçoys la verité atain
    Pour ung pou de presumption
    Piramus t’en fait mention


xxxviii Glose

Piramus fut ung jouvencel de la cité de babilone et quant il n’avoit que
vii. ans d’aage amour le navra de son dart & fut espris de l’amour
tisblé belle damoiselle & gente & sa pareille d’aage. Et pour la grant
frequentence des deux amans ensemble fut apperceue leur grant amour &
par ung serf fut accusee a la mere a la damoiselle qui sa fille print &
enferma en ses chambres & dist que bien la garderoit de hanter piramus
grant fut la douleur des deux enfans pour celle cause & leurs plains &
pleurs moult piteux long dura celle prison/ mais au feur que leur aage
croissoit embrasoit en eulx l’amoureuse estincelle qui pour longue
absence point n’estaignoit/ mais comme entre les palais aux parens aux
deux amans n’eust que une paroy tisblé ung jour avisa la paroy crevee
par ou on veoit la lueur de l’autre part/ adonc le mordant de sa
sainture ficha par la creveure affin que son amy l’apperceust ce que il
fist assez briefment & la firent souvent leurs assemblees les deux amans
a moult piteuses complaintes/ a la parfin comme par trop aymer contrains
fut leur accord tel que la nuit au premier somme se embleroient de leurs
parens & devoient assembler soubz ung murier blanc hors de la cité sur
une fontaine ou en leur enfance souloient jouer quant tisblé fut venue a
la fontaine seule & paoureuse adonc ouyt ung lyon venir moult roidement
dont elle plaine de paour s’en fuyt cacher en ung buisson au plus
prochain/ mais en la voye luy cheut sa blanche guimple mais toute l’eut
souillee & ensenglantee le lyon qui sur eut vomy l’entraille des bestes
que il eut devorees. Oultre mesure fut grande la douleur Piramus qui
cuyda s’amye estre devoree des fieres bestes dont apres moult piteux
regretz se occist de son espee. Tisblé saillit du buisson/ mais quant
elle entendit les souspirs de son amy qui mouroit & veit l’espee & le
sang adonc par grant douleur sur son amy cheut qui a elle parler ne
peult/ & apres plusieurs grans plains/ regretz et pasmoisons se occist
de la mesme espee/ & dit la fable que pour icelle pitié devint lors la
mure noire qui souloit estre blanche. Et pource que par petite achoison
advint si grande male adventure dit au bon chevalier que a petite
enseigne ne doibt donner grant foy. A ce propos dit ung sage. Ne te
rendz mye certain des choses qui sont en doubte ains que tu ayes faicte
convenable informacion.


xxxviii Allegorie

De ce que il dit ne cuide estre certain pouons noter l’ignorance que
avons en enfance ou nous sommes soubz la correction de pere et de mere &
pour les biens fais que nous recepvons de eulx pouons entendre le quart
commandement qui dit honnores pere & mere/ lequel expose sainct augustin
en disant que nous devons nos parens honnorer en deux manieres en leur
portant deue reverence & en leur administrant leurs necessitez/ a ce
propos dit le sage.

  Honora patrem tuum et genitus matris tue ne obliviscaris.
  ecclesiastici. vii. capitulo.



[Illustration]

xxxix Texte

    Croy pour la santé de ton corps
    D’esculapion les rapors
    Et nompas de l’enchanteresse
    Circés/ qui trop est tromperesse.


xxxix Glose

Esculapius fut ung moult sage clerc qui trouva la science de medecine &
en fist livres/ & pour ce dit au bon chevalier que il croye ses rapors
sur sa santé/ c’est a dire se il a besoing que il se tourne vers les
mires et medecins/ nonmie es sors de circés qui fut enchanteresse/ &
peult estre dit pour ceulx qui en leurs maladies usent de sors/ de
charmes & d’enchantemens & cuident par ce avoir garison qui est chose
deffendue & contre les commandemens de saincte eglise & dont nul bon
chrestien ne doibt user/ platon repudia & ardit les livres
d’enchantemens & de sors fais sur medecine dont ung temps avoient usé et
approuva & se tint a ceulx de science raisonnable & de experience.


xxxix Alegorie

Pour esculapion qui fut phisicien & mire pouons entendre le quint
commandement qui dit. Tu n’occiras point/ c’est a dire ne de cueur/ ne
de langue ne de main/ & si est deffendue toute violence percussion &
corporelle blesseure & n’est ici deffendu aux princes aux juges & aux
maistres de justice mettre a mort les malfaicteurs mais tant seulement a
ceulx qui n’en ont point de auctorité/ mais que en cas de necessité la
ou ung homme ne pourroit aultrement eschaper auquel cas les drois
seuffrent bien tuer aultruy en son corps deffendant aultrement non. A ce
propos dit l’evangile.

  [Qui gladio occiderit oportet eum in gladio occidi. Luce xiii. cap.]



[Illustration]

xl Texte.

    A cil a qui trop as meffait
    Qui ne s’en peult venger de fait
    Ne t’y fies/ car mal en prent
    La mort achilles le t’aprent


xl Glose.

Achilles fist moult de griefz aux troiens & au roy priam occist
plusieurs de ses enfans hector troylus & autres dont haÿr le devoit/ non
obstant ce achilles se fya en la royne hecuba femme priam a qui il eut
occis ses enfans par trahison et alla par nuit parler a elle pour
traicter du mariage de polixene sa fille et de luy & la fut occis par
paris & ses compaignons par le commandement de la royne sa mere au
temple apolin pour ce dit au bon chevalier que ne se doibt fyer en son
ennemy a qui trop a meffait sans faire a luy paix ne aulcune amende. A
ce propos dit ung sage/ garde toy des aguetz de ton ennemy qui vengier
ne se peult.


xl Allegorie.

Comme en celluy a qui as meffait ne te doibs fier. Nous prendrons que
comme nous devons doubter les vengances de dieu soit necessaire tenir le
commandement qui dit. Tu ne feras de meschief/ c’est a dire de adultere
ne de fornicacion/ et si est defendu ce dit ysodore toute illicite
couple charnelle qui n’est en cas de mariage et tout desordonné usage
des membres genitales. A ce propos dit la loy.

  Morte moriantur mechus et adultera levitici. xx. ca.



[Illustration]

xli Texte.

    Ne ressembles mie busierres
    Qui trop plus mauvais que lierres
    Sa cruaulté fait a reprendre
    A telz faitz ne te vueilles prendre


xli Glose

Busierres fut ung roy de merveilleuse cruaulté et moult se delectoit en
l’occision des hommes/ et de fait luymesmes en ses temples les occisoyt
de couteaulz et en faisoit sacrifice a ses dieux. Pour ce dit au bon
chevalier que nullement ne se doit delecter en l’occision de humaine
creature. Car telle cruaulté est contre dieu contre nature et contre
toute bonté. A ce propos dit socrates au bon conseillier se ton prince
est cruel tu le dois amoderer par bons exemples.


xli Allegorie.

Busierres qui fut homicide & contraire a humaine nature/ pouons noter la
defence que nous fait le commandement qui dit/ tu ne feras point larcin/
et si est defendu ce que dit Sainct augustin toute illicite usurpacion
des choses d’aultruy tout sacrilege toute rapine toute chose tollue par
force/ & par seigneurie sur le peuple sans raison. A ce propos dit saint
pol l’apostre.

  Qui furabatur jam non furetur. ad epheseos. iiii. ca.



[Illustration]

xlii Texte

    N’ayes pas si chier ta plaisance
    Que trop mettes en grant balance
    Ta vie/ que tu doibs aymer
    Lehander est peri en mer.


xlii Glose

Lehander fut ung damoisel qui trop aymoit de grant amour Hero la belle/
& comme il y eust ung bras de mer entre les manoirs aux deux amans le
passoit lehander tout a nage par nuyt moult souventesfois pour sa dame
veoir qui pres du rivage avoit son chasteau affin que leur amour ne fust
apperceue/ mais il advint que ung grant orage de temps leva qui par
plusieurs jours dura la marine qui destournoyt la joye des amans. Si
advint une nuyt que lehander contraint de trop grant desir se mist en la
mer au temps de l’orage & la fut sy loing porté par les vagues
perilleuses que il luy convint perir piteusement/ Hero qui fut de
l’autre part en grant soucy pour son amy quant elle veit le corps venir
flotant au rivage adonc estrainte d’une merveilleuse douleur se getta en
la mer & en embrassant le corps pery elle fut noyee. Pource dit au bon
chevalier que tant ne doibt aymer son delit que pour ce doye mettre sa
vie en trop grant aventure. Si dit ung sage. je me esmerveille de ce que
je voy tant de perilz souffrir pour le delit du corps/ & faire si petite
pourveance a l’ame qui est perpetuelle.


xlii Alegorie.

Comme l’auctorité deffend que il n’ait si chiere sa plaisance peult
estre entendu le commandement qui dit. Tu ne parleras point faulx
tesmoignages contre ton prochain. Et si est deffendu ce dit sainct
augustin toute faulse accusation/ murmuration/ detraction/ tout faulx
rapport/ & diffamation d’aultruy & est assavoir ce dit ysodore que le
faulx tesmoing fait villanie a trois parties/ c’estassavoir a dieu que
il despite en le parjurant/ au juge que il desçoyt en mentant/ & a son
prochain que il blesse en faulcement contre luy deposant. Et pour ce dit
l’escripture.

  Testis falsus non erit impunitus/ & qui loquitur mendacia non
  effugiet. Proverbiorum. xix. capitulo.



[Illustration]

xliii Texte

    Rens helaine s’on la demande
    Car en grant meffait gist amende
    Et mieulx vault tost paix consentir
    Que tard venir au repentir


xliii Glose.

Helayne fut femme au roy menelaus & ravie par paris en grece/ & quant
les grecz furent venus sur troye a grant armee pour la vengeance
d’icelluy fait/ ains qu’ilz meffeissent a la terre ilz requirent que
helayne leur fust rendue & amende leur fust faicte de celle offence ou
si non ilz destruiroient le pays/ et pource que riens n’en voulurent
faire les troyens s’en ensuyvit le grant meschief qui depuis leur
advint/ pour ce veult dire au bon chevalier que se il a folie
encouvenancee mieulx lui vault la delaisser & faire paix que la
poursuyvre que mal ne luy en aviengne. pour ce dit le philosophe Platon.
Se tu as fait injure a qui que ce soit tu ne doibs estre aise jusques a
tant que tu soyes a luy accordé et fait paix.


xliii Alegorie.

Helayne qui doit estre rendue peult estre entendu le commandement qui
dit. Tu ne desireras point la femme de ton prochain par quoy est
deffendu ce dit sainct augustin la pensee & la voulenté de faire
fornication dont le fait est deffendu devant par le. vi. commandement/
car dit nostreseigneur en l’evangile.

  Qui viderit mulierem ad concupiscendam eam jam mechatus est in corde
  suo. Matthei. vi. capitulo.



[Illustration]

xliiii Texte

    Ne ressemble pas la deesse
    Aurora qui rent grant leesse
    Aux aultres quant vient a son heure
    Et pour soy tient tristesse & pleure.


xliiii Glose.

Aurora c’est le point du jour & disent les fables que c’est une deesse
et que elle eut ung sien filz occis en la bataille de troye qui cinus
fut nommé & pour ce que deesse estoit elle avoit la puissance de ce
faire elle mua le corps de son filz en ung cinne & de la vindrent les
premiers cinnes. Celle dame estoit de sy grant beaulté que elle
resjouissoit tous ceulx qui la veoyent/ mais toute sa vie ploura son
filz cinnus qui fut mort & encore le plore ce dit la fable/ car la
rousee qui chiet au point du jour disent que c’est aurora qui plore son
filz cinnus/ Pource dit que le bon chevalier qui par ses bonnes vertus
resjouist les aultres ne doibt estre triste mais joyeux & moderé
gratieusement/ pource dit Aristote a Alixandre le grant/ quelque
tristesse que ton cueur ait doibs tousjours monstrer lyé visage devant
ta gent.


xliiii Alegorie

Aurora qui pleure pouons entendre que nul desir ne doibt plourer en nous
par couvoiter chose non deue. Et par ce pouons nous noter le .x. et
derrenier commandement qui dit. Tu ne couvoiteras pas la maison de ton
prochain/ ne son beuf/ ne son asne/ ne chose que il ait/ parquoy ce dit
sainct Augustin est deffendue la voulenté de faire larrecin ou rapine/
dont le fait est deffendu devant par le .vii. commandement/ et a ce
propos dit David en son psaultier.

  Nolite sperare in iniquitate. Rapinas nolite concupiscere.



[Illustration]

xlv Texte.

    Pour tant se pasiphé fut folle
    Ne vueilles lire en ton escolle
    Que telles soyent toutes femmes
    Car il est maintes vaillans dames


xlv Glose.

Pasiphé fut une royne et disent aucunes fables que elle fut femme de
grant dissolution & mesmement que elle ayma ung thoreau et que mere fut
mynothaurus qui fut moitié homme & moitie thoreau qui est a entendre que
elle acointa ung homme de vile condicion de qui elle conceut ung homme
qui estoit de grant cruaulté & de merveilleuse force/ et pource qu’il
eut forme de homme & nature de thoreau & ce que il fut fort et de grant
aspreté et si mauvais que tout le pays essilloit/ disrent les poetes par
fiction que il fut moitié homme et moitié toreau et pour ce se ceste
dame fut de vile condicion veult dire au bon chevalier que il ne doit
dire ne souffrir qu’il soit dit que toutes femmes soient semblables
comme la verité soit manifeste au contraire. Galien aprint la science de
medecine de une moult vaillante femme & sage appellee clempare qui luy
aprint a congnoistre maintes bonnes herbes et leurs proprietez.


xlv Allegorie.

Pasiphé qui fut folle pouons entendre l’ame retournee a dieu. Et dit
saint gregoire es omelies que plus grant joye est menee aux cieulx d’une
ame retournee a dieu que de ung qui a tousjours esté ainsi comme le
capitaine en la bataille ayme mieulx le chevalier qui s’en estoit fuy et
puis est retourné/ & apres son retour a fort navré l’ennemy que cellui
qui n’a fait nul beau fait. et comme le laboureur aime mieulx la terre
qui apres les espines porte abondamment fruit que celle qui n’eut
oncques nulles espines & n’a point porté fruit. A ce propos dit dieu par
le prophete.

  Revertatur unusquisque a via sua pessima & propicius ero iniquitati &
  peccato ipsorum. Hieremie. xxvi. ca.



[Illustration]

xlvi Texte

    Se filles as a marier
    Et tu les veulx aparier
    A hommes dont ne mal te vienne
    Du roy adrastus te souvienne


xlvi Glose.

Adrastus fut roy de arges & moult puissant & preudhoms deux chevaliers
errans l’un appelle polmites & l’autre thideus se combatoient par nuyt
obscure soubz le portail de son palais dont l’un calengoit le logis de
l’autre pour cause du fort temps & de la grosse pluye qui les avoit
toute nuit tormentez & la s’estoient d’aventure embatus/ A celle heure
le roy se leva qui avoit ouy la noise de espees sur les escus & vint
departir les deux chevaliers. Polmites estoit filz au roy de thebes &
thideus a ung aultre roy de grece mais de leurs terres furent exillez/
grandement honnora Adrastus les deux barons puis leur donna en mariage
deux moult belles filles que il avoit/ apres pour mettre polmites au
droit de sa terre que ethiocles son frere tenoit fist grant armee le roy
adrastus & sur thebes allerent a grant ost desconfitz & mors & prins y
furent tous & les deux gendres du roy mortz/ & les freres dont le
descord estoit s’entre occirent en la bataille & ne demeura de tous fors
adrastus luy tiers de chevaliers/ & pour ce que a gens exillez remettre
en leurs droictz a moult affaire dit au bon chevalier que en tel cas
doibt avoir conseil & se doibt mirer en la dicte aventure/ & comme
Adrastus eut songé une nuyt que il donnoit ses deux filles par mariage a
ung lyon & a ung dragon qui ensemble se combatoient/ dit l’expositeur
des songes que songe vient de la fantasie qui peult estre demonstrance
de bonne ou de male aventure qui doibt advenir aux creatures.


xlvi Alegorie

Ou il est dit que se filles a a marier que il garde a qui il les
donnera/ nous pouons entendre que le bon esperit chevalereux a dieu
doibt bien regarder a qui il s’acompaigne s’il advient qu’en compaignie
vueille aller comme fist le bon thobie/ aussi doit toutes assigner ses
pensees en sainctes meditations & dit sainct augustin en ung epistre que
ceulz qui ont aprins de nostreseigneur a estre debonnaire & humbles
proffitent plus en meditant & en priant que ilz ne font en lysant & en
oyant/ pource disoit david en son psaultier.

  Meditabar in mandatis tuis que dilexi.



[Illustration]

xlvii Texte

    De cupido/ se jeune & cointes
    Es/ assez me plaist que t’acointes
    Par mesure comment qu’il aille
    Il plaist bien au dieu de bataille.


xlvii Glose

Cupido c’est le dieu d’amours/ & pource qu’il ne messiet point a jeune
chevalier estre amoureux de dame qui soyt vaillable/ ains en pevent
mieulx valoir ses condicions mais que le moyen y sache garder & qui est
chose assez advisant aux armes/ dit au bon chevalier que elle consent
assez que de cupido s’acointe/ & dit ung philosophe que aymer de bon
courage vient de noblesse de cueur.


xlvii Alegorie

Que bien plaist au dieu de bataille que de cupido s’acointe peult estre
entendue penitance se le bon esperit repentant de ses pechez batailleur
contre les vices est jeune & nouvel entré la droicte voye bien plaist au
dieu de bataille c’est jesuchrist que il s’acointe de penitence & que
jesuchrist par sa digne bataille fut nostre redempteur dit sainct
bernard/ quel mot dit il de plusgrant misericorde peult on dire au
pecheur qui estoit damné que la ou il s’estoit vendu par peché a
l’ennemy d’enfer & n’avoit de quoy se racheter dieu le pere dist pren
mon filz & le baille pour toy & le filz dist pren moy & te rachete par
moy. Cecy ramentoit sainct pierre l’apostre en sa premiere epistre.

  Non corruptibilibus auro vel argento redempti estis: sed precioso
  sanguine quasi agni incontaminati et immaculati jesu christi. prima
  petri. i. ca.



[Illustration]

xlviii Texte

    N’occis pas corinis la belle
    Pour le raport & la nouvelle
    Du corbel/ car se l’occioyes
    Apres tu t’en repentiroyes.


xlviii Glose

Corinis fut une damoiselle comme dit une fable que phebus ayma par
amours le corbel qui adonc le servoit luy apporta qu’il avoit veu
corinis s’amye gesir avec ung aultre damoisel/ de celle nouvelle fut
tant dolent phebus que il occist s’amye des que il la veit mais a
merveilles s’en repentit apres dont le corbel qui guerdon attendoit a
avoir de son seigneur pour ce bien fait en fut mauldit & chassé & la
plume que il souloit avoir blanche comme nege luy mua phebus en noire en
signe de douleur & l’ordonna phebus des lors porteur & anonceur de males
nouvelles/ & peult estre entendue l’exposition que le serviteur d’aulcun
puissant homme luy raporta semblables nouvelles dont il fut chassé &
deffait. Pour ce veult dire que le bon chevalier ne se doibt avansser de
dire a son prince nouvelles dont il ait le cueur couroussé/ car a la fin
ne luy en pourroit bien venir/ & aussi ne doibt croire raport qui luy
soit fait par flaterie. A ce propos dit le philozophe hermes. Ung
raporteur ou controuveur de nouvelles ou il ment a celuy a qui il les
raporte ou il est faulz a celuy de qui il les dit.


xlviii Alegorie

Corinis qui ne doibt estre occise nous entendrons nostre ame que nous ne
devons occire par peché mais bien la garder. Et dit sainct augustin que
l’ame doibt estre gardee comme le coffre qui est plain de tresor & comme
le chastel qui est assiegé des ennemys & comme le roy qui se repose en
sa chambre de retrait et doibt estre ceste chambre close de cinq portes
qui sont les cinq sens de nature & n’est aultre chose clorre ses portes
sinon que retraire les delectations des cinq sens et s’il advient que
l’ame doye yssir par ses portes a ses operations foraines elle doibt
meurement & rassisement & en discretion yssir & ainsi comme les princes
quant ilz veullent yssir de leurs chambres ou ilz ont huyssiers devant
eulx tenans maces pour faire voye en la presse/ ainsi quant l’ame doit
yssir a veoyr ouyr/ parler/ & sentir/ elle doibt avoir devant soy paour
pour huyssier qui doibt avoir pour mace la consideration des peines
d’enfer & du jugement de dieu/ & de ainsi garder son ame amonneste le
sage.

  Omni custodia serva tuum cor quoniam ex ipso vita procedit.
  Proverbiorum. iiii. capitulo.



[Illustration]

xlix Texte

    De juno ja trop ne te chaille
    Se le nouel mieulx que l’escaille
    D’honneur/ desires a avoir
    Car mieulx vault prouesse qu’avoir


xlix Glose

Juno c’est la deesse d’avoir selon les fables des poetes et pource que
avoir et richesse convient acquerir a grant peine soing & travail & que
tel soing peult destourner honneur acquerre & comme honneur et vaillance
soit plus louable que richesse d’autant comme le nouel vault mieulx que
l’escaille/ si veult dire au bon chevalier que il n’y doibt mettre si
fort sa felicité que vaillance en soit delaissee a poursuyvir. A ce
propos dit hermes que mieulx vault avoir povreté en faisant bonnes
oeuvres que richesse acquise laidement comme valeur soit perpetuelle &
richesse deffaillance.


xlix Alegorie

Juno dont il est dit que trop ne luy doibt chaloir est prins pour
richesses & que le bon esperit les doibt despriser dit sainct bernard/ o
filz d’adam lignee couvoiteuse a quoy aymez vous tant ces mondaines
richesses qui ne sont vrayes ne vostres & vueillez ou non il les vous
fault laisser a la mort/ & dit l’evangile que le chameau passeroit plus
ayseement par le pertuys d’une esguille que le riche n’ataindroit au
royaulme des cieulx/ car le chameau n’a que une boce sur son dos/ mais
le mauvais riche en a deux/ une de mondaines possessions & l’autre de
pechez/ il fault qu’il laisse sa premiere boce a la mort/ mais l’autre
vueille ou non il l’emporte avec soy se il ne la laisse avant que il
meure. A ce propos dit nostreseigneur en l’evangile.

  Facilius est camelum per foramen acus transire/ quam divitem intrare
  in regum celorum. Matthei. xix. capitulo.



[Illustration]

l Texte.

    Contre le conseil amphoras
    Ne va destruire ou tu mourras
    La cité de thebes ne d’arges
    N’assemble ost n’escus ne targes


l Glose

Amphoras fut moult sage clerc de la cité d’arges/ & trop sceut de
science. Et quant le roy adrastus voulut aler sur thebes pour la cité
destruire/ amphoras qui par science sçavoit que mal luy en vendroit dist
au roy que ja n’y alast et que se il y aloit tous y seroient mors et
destruis mais il n’en fut mie creu sy avint comme il l’eut dit. Pour ce
veult dire au bon chevalier que le conseil du sage est peu prouffitable
a celluy qui n’en veult user.


l Allegorie.

Par le conseil amphoras contre lequel ne doit aler en la bataille pouons
noter que le bon esperit doit suivir les sainctes predications ce dit
saint gregoire es omelies que ainsi comme la vie du corps ne peult estre
soustenue sans souvent prendre sa refection corporelle/ ainsi ne peult
la vie de l’ame estre soustenue sans souvent ouyr la parolle de dieu
doncques les parolles de dieu que vous ouyez des oreilles corpo[re]lles
recevez les en vostre cueur. Car quant la parolle ouye n’est retenue au
ventre de la memoire. C’est ainsi comme l’estomac malade qui gette hors
la viande et tout ainsi comme en desespere de la vie de celuy qui ne
retient riens/ mais gette tout hors. Ainsi est celuy en peril de mort
perdurable qui oyt les predicacions et ne les retient ne met a oeuvre/
pour ce dit l’escripture.

  Non in solo pane vivit homo sed in omni verbo quod procedit de ore
  dei. Mathei quarto ca.



[Illustration]

li Texte.

    Ta langue soit saturnine
    Ne soit a nul malle voisine
    Trop parler est laide coustume
    Et qui l’ot folie y presume


li Glose.

Saturnus comme j’ay dit devant est planette lente & tardive et sage.
Pour ce dit au bon chevalier que sa langue luy doit ressembler car
langue doit estre tardive en ce que elle ne parle trop/ et sage que de
nul ne mesdie ne ne dye chose dont on s’en puist presumer folie/ car dit
ung sage. A la parolle congnoist on le sage & au regard le fol.


li Allegorie.

La langue qui doibt estre saturnine/ c’est a entendre lente de parler
dit a ce propos hugues de saint victor que la bouche qui n’a la garde de
discretion est ainsi comme la cité qui est sans mur comme le vaissel qui
n’a point de overture comme le cheval qui n’a point de frain comme la
nef qui est sans gouvernail la langue mal gardee glice comme l’anguille/
perce comme sayette volle tost pert amis et multiplie ennemis noyses
esmeut/ & seme discorde/ a ung coup frape & tue plusieurs personnes. Qui
garde sa langue il garde son ame/ car la mort ou la vie sont en la
puissance de langue. A ce propos dit david en son psaultier.

  Quis est homo qui vult vitam dies diligit videre bonos prohibe linguam
  tuam a malo et labia ne loquantur dolum.



[Illustration]

lii Texte.

    Croy la corneille et son conseil
    Jamés ne soyes en esveil
    De malle nouvelle apporter
    Le plus seur est s’en deporter


lii Glose.

La corneille ce dit la fable encontra le corbeau quant il portoit la
nouvelle a phebus de s’amie corinis qui s’estoit meffaicte et tant luy
enquist que il lui dist l’occasion de son erre/ mais elle desloua par
luy donner exemple d’elle mesmes qui pour semblable cas avoit esté
chassee de l’ostel pallas ou jadis souloit estre bien avancee/ mais il
ne la voulut pas croire dont mal lui en ensuivit pour ce dit au bon
chevalier que la corneille doit croire. Et dit platon. Ne soyes pas
jengleur ne au roy grant raporteur de nouvelles.


lii Allegorie.

Que la corneille doive estre creue veult dire que le bon esperit doibt
user de conseil sicomme dit sainct gregoire es moralles que force ne
vault riens ou conseil n’est car force est tantost abatue se elle n’est
appuyee par le don de conseil et l’ame qui a perdu dedens soy le siege
de conseil par dehors se espart en divers desirs pource dit le sage.

  Si intraverit sapientia cor tuum consilium custodiet te & prudentia
  servabit te. proverbiorum secundo. c.



[Illustration]

liii Texte.

    S’a plus fort de toy tu t’efforce
    A faire plusieurs jeux de force
    Retray toy que mal ne t’en vienne
    De ganimedes te souvienne


liii Glose

Ganimedes fut ung jouvencel de la lignee aux troyens et dit une fable
que phebus et luy estoient ung jour ensemble a getter la barre de fer/
et comme ganimedes ne peult contre la force de phebus fut occis par le
rebondissement de la barre/ que phebus eut si hault balancee qu’il en
eut la veue perdue. Et pour ce dit que a trop plus fort & plus puissant
de soy n’est mie bon l’estrif car n’en peult venir si non inconvenient.
Si dit ung sage soy jouer avec les hommes de mal gracieux jeux est signe
d’orgueil et fine communement par ire.


liii Allegorie.

Comme il est dit que contre plus fort de soy ne se doibt efforcer est a
entendre que le bon esperit ne doit entreprendre trop forte penitence
sans conseil/ de cecy dit saint gregoire es morales que penitence ne
proffite point se elle n’est discrete ne la vertu de abstinence ne vault
riens se elle n’est sy ordonnee que elle ne soit pas plus aspre que le
corps ne peult souffrir. Et pour ce conclud que nulle simple personne ne
doit entreprendre penitence sans conseil de plus discret de luy/ pour ce
dit le sage es proverbes.

  Ubi multa consilia ibi erit salus. Proverbiorum. ii. ca.

Et le proverbe commun

  Omnia fac cum consilio et postea non penitebis.



[Illustration]

liiii Texte

    Ne ressemble mye Jason
    Qui par medee/ la toison
    D’or conquist/ dont puis luy tendit
    Tres mauvais guerdon & rendit


liiii Glose.

Jason fut ung chevalier de grece qui alla en estrange contree
c’estassavoir en l’isle de colcos par l’enditement peleus son oncle qui
par envie sa mort desiroit la avoit ung mouton qui la toison avoit d’or
& par enchantement estoit gardé mais comme si forte en fust la conqueste
que nul n’y venist qui n’y perdist la vie. Medee qui fille fut au roy de
celle contree tant print grand amour a Jason que par les enchantemens
que elle sçavoit dont souveraine maistresse estoit donna charmes &
aprint enchantemens a Jason par quoy il conquist la toison d’or & dont
il eut honneur sur tous les chevaliers vivans et fut restoré de mort par
Medee a qui il eut promis a tousjours estre loyal amy/ mais apres foy
lui mentit & aultre ayma & du tout la laissa & relenquit nonobstant fust
elle de souveraine beaulté. Pource dit au bon chevalier que jason ne
vueille ressembler qui trop fut descongnoissant & desloyal a celle qui
trop de bien luy avoit fait comme ce soit villaine chose a chevalier & a
tout noble de estre ingrat & mal congnoissant d’aulcun bien s’il l’a
receu soit de dame damoiselle ou aultre ains luy en doibt souvenir & le
guerdonner a son pouoir. A ce propos dit Hermes. Ne vueilles point
attendre a remunerer a celuy qui t’a bien fait/ car souvenir t’en doibt
a tousjours.


liiii Alegorie.

Jason qui fut ingrat ne doibt le bon esperit ressembler qui des
benefices receuz de son createur ne doibt estre ingrat & dit sainct
bernard sur cantiques que ingratitude est ennemye de l’ame/
amendrissement de vertus/ dispersion de merites/ perdicion de benefices.
Ingratitude est ainsi comme ung vent sec qui seche la fontaine de pitié/
la rousee de grace & le russel de misericorde. A ce propos dit le sage.

  Ingrati enim spes tanquam hibernalis glacies tabescet & dispariet
  tanquam aqua supervacua. Sapientie xvi. capitulo.



[Illustration]

lv Texte

    De la serpent gorgon te gardes
    Gard bien que tu ne la regardes
    De perseus ayes memoire
    Il t’en dira toute l’hystoire.


lv Glose

Gorgon ce dit la fable fut une damoiselle de souveraine beaulté mais
pour ce que phebus jeut avec elle au temple dyane tant s’en couroussa la
deesse que elle le transmua en serpent de tres horrible figure & avoit
telle proprieté celle serpent que tout homme qui la regardoit estoit
soubdainement mué en pierre et pour le mal qui d’elle ensuivoit. Perseus
le vaillant chevalier alla pour combatre a la fiere beste & en la
resplendeur de son escu qui tout fut d’or se myroit pour non regarder la
male serpent & tant fist que le chief luy trencha. Mainte exposition
peult estre faicte sur la dicte fable et peult estre entendue gorgon
pour une cité ou ville qui ja souloit estre de grant bonté/ mais par les
vices des habitans devint serpent & venimeuse c’est a entendre que
maintz maulx faisoit aux marches voisines comme de tout rober & piller &
les marchans & aultres trespassans estoient prins retenuz & mys en
d’esctroicte prison & ainsi estoient muez en pierre. Perseus se mira en
sa chevalerie & alla combatre contre celle cité & la print & luy osta le
pouoir de plus mal faire/ et ainsi peult estre une dame moult belle & de
maulvais affaire qui par sa couvoitise maint desnua de leur avoir/ &
aultres plusieurs entendemens y pevent estre mys. Pource veult dire au
bon chevalier que il se garde de non regarder chose mauvaise qui a mal
se peult attraire. Et dit aristote/ fuys gens plains d’iniquité/ & ensuy
les sages & estudie en leurs livres & te mire en leurs faictz.


lv Alegorie

Que gorgon ne doye regarder/ c’est que le bon esperit ne doit regarder
ne penser aux delicez quelconques/ mais soy mirer en l’escu de estat de
perfection et que delices soyent a fuyr dit Crisostome que comme c’est
impossible que le feu arde en l’eaue ainsi est ce impossible que
compunction de cueur soit entre les delices du monde ce sont deux choses
contraires et qui destruisent l’un l’autre/ car compunction est mere de
larmes et les delices engendrent ris/ compunction restraint le cueur et
les delices l’alargissent. A ce propos dit l’escripture.

  Qui seminant in lacrimis: in exultatione metent.



[Illustration]

lvi Texte

    Se amour t’acourcist la nuyt
    Garde que phebus ne te nuyt
    Parquoy tu puisses estre prins
    Es liens vulcan & surprins.


lvi Glose

Dit une fable que mars & venus s’entraymoient par amours/ avint une nuyt
que les deux amans bras a bras furent endormis. Phebus qui cler voyt les
surprint & apperceut a vulcan le mari les accusa/ adonc lui qui en ce
point les veit forgea une chaine & ung lien comme celuy qui est febvre
des dieux et au ciel forge les fouldres & de ses chaines d’arain tous
deux les lya ensemble si que mouvoir ne se peurent/ & ainsi les surprint
& monstra aux aultres dieux & tel s’en rioyt qui bien eust voulu en
semblable mesfait estre escheu. Ceste fable peult estre notee a
plusieurs entendemens & mesmes aulcuns pointz touchans la science
d’astronomye & aussi arquemie. Pource dit au bon chevalier que il se
garde en quelque cas que ce soit d’estre surprins par oubly de temps. Et
dit ung sage. A peine est il chose si secrete que d’aulcun ne soit
apperceue.


lvi Alegorie

La ou l’auctorité dit que se amour t’acourcist la nuyt nous dirons que
le bon esperit se doit garder des agaz de l’ennemy/ de cecy dit sainct
leon pape que l’ancien ennemy qui se transfigure en ange de lumiere ne
cesse de tendre partout les las de ses tentations & de espier comment il
puisse espier la foy des creans/ il regarde qui il embrasera de feu de
couvoitise/ qui il enflammera de l’ardeur de luxure/ a qui il proposera
les athemans de gloutonnie/ il examine de toutes les coustumes/ discute
les cueurs/ conjecture les affections/ & la quiert il cause de nuyre ou
il trouve la creature plus diligemment encline et occupee/ pource dit
sainct pierre.

  Sobrii estote & vigilate quia adversarius vester diabolus tanquam leo
  rugiens circuit querens quem devoret. secunde petri ultimo capitulo.



[Illustration]

lvii Texte

    Thamaris ne desprise pas
    Pour tant se femme est du pas
    Te souvienne ou cirus fut pris
    Car chier compara le despris


lvii Glose

Thamaris fut royne moult vaillante dame plaine de grant prouesse et de
grant hardement et moult sage en armes & en gouvernement. Cirus le grant
roy de perse qui avoit conquis mainte region avec grand ost se esmeut
pour aller contre la royne de femenie dont il prisoit moult petit la
force/ mais elle qui fut experte et subtille au mestier d’armes le
souffrit entrer en son royaulme sans soy mouvoir jusques a ce que il se
fut mys es destrois passages entre montaignes ou il y avoit moult fort
pays/ adonc par embuschemens que thamaris eut fait faire fut assailly
Cirus de toutes pars de l’ost des femmes & atant fut mené que prins fut
& ses gens tous mortz & prins/ la royne devant elle le fist mener &
trencher luy fist le chief & getter en une cuve plaine de sang de ses
barons qu’elle eut fait decoler devant luy/ si dist. Cirus qui oncques
ne fut saoulé de sang humain. or en peulz boire ton saoul. & ainsi fina
cirus le puissant roy de perse qui oncques n’avoit peu estre vaincu en
nulle bataille. Pour ce dit au bon chevalier que ja ne soit sy
oultrecuidé qu’il n’ait doubte que mal cheoir luy peult par aulcune
fortune & par moindre de soy. A ce propos dit Platon. Ne desprise nul
pour sa petite faculté/ car ses vertus pevent estre grandes.


lvii Alegorie

Thamaris qui ne doibt estre desprisee pourtant se elle fut femme/ c’est
que le bon esperit ne doibt despriser ne haÿr l’estat d’humilité soit en
religion ou aultre estat/ & que humilité soit a louer dit Jehan cassian
que nullement ne peult l’edifice de vertus en nostre ame soy eslever ne
dresser se premierement ne sont goustez en nostre cueur les fondemens de
vraye humilité lesquelz assis tresfermement puissent soustenir la
haultesse de perfection & de charité/ pource dit le sage.

  Quanto major es humilia teipsum in omnibus & coram deo invenies
  gratiam. Ecclesiastici. iii. capitulo.



[Illustration]

lviii Texte

    Ne laisse ton sens avorter
    A fol delict/ ne emporter
    Ta chevance/ se demandee
    T’est/ et te mires en medee


lviii Glose.

Medee fut une des plus sachans de sors et de sciences qui oncques fut
selon les hystoires. Non obstant ce elle laissa son sens avorter a sa
propre voulenté pour son delict acomplir quant a folle amour se laissa
maistrier si que en Jason mist son cueur et luy donna honneur corps et
chevance dont mauvais guerdon lui rendit. Pour ce dit que le bon
chevalier ne doit en soy laisser vaincre raison a fol delict en
quelconques cas se il veult user de la vertu de force et dit platon ung
homme de legier courage s’ennuye tost de ce qu’il ayme.


lviii Allegorie.

Que son sens ne laisse avorter a fol delict peult estre entendu que le
bon esperit ne doit laisser seigneurier sa propre voulenté/ car se la
seigneurie de sa propre voulenté ne cessoit il ne seroit point d’enfer
ne le feu d’enfer n’auroit point de seigneurie mais que sur la personne
qui laisse seigneurier sa propre voulenté. Ta propre voulenté se combat
contre dieu et se orguillist c’est ce qui despouille paradis & revest
enfer & vuide la value du sang de jesucrist et soubmet le monde a la
servitude de l’ennemy. A ce propos dit le sage.

  Virga atque correctio tribuent sapientiam puer autem qui dimittitur
  proprie voluntati confundet matrem suam. proverbiorum. xxix. ca.



[Illustration]

lix Texte.

    Se a cupido es subgés
    Garde toy du grant enragés
    Que la roche ne soit boutee
    Sur achis et sur galathee


lix Glose.

Galathee fut une nymphe ou une deesse qui aymoit ung jouvencel qui achis
estoit nommé ung geant de layde estature estoit amoureux de galathee &
tant les espia que tous deux les apperceut au creux d’une roche/ adonc
fut surprins de soudaine rage de jalousie/ et tellement escroula la
roche que tout en fut achis agraventé mais galathee qui nymphe fut se
ficha en la mer et par ce fut eschapee. Si est a entendre que le bon
chevalier se garde en tel cas d’estre surprins de tel qui ait puissance
de ce faire.


lix Allegorie

Que du geant se gard qui a cupido est subget c’est que le bon esperit
bien se gard que nulle ymaginacion n’aye au monde ne aux choses
d’icelluy/ ains ait tousjours souvenance que toutes choses mondaines
sont de peu de duree/ et dit saint jerosme sur geremie que il n’est
riens qui doive estre reputé long envers les choses qui prennent fin et
tout nostre temps envers la trinité de paradis. A ce propos dit le sage.

  Transierunt omnia velud umbra et tanquam nuncius percurrens Sapientie.
  ca. v.



[Illustration]

lx Texte

    Fuys la deesse de discorde
    Maulx sont ses liens et sa corde
    Les nopces peleus troubla
    Dont puis mainte gent assembla


lx Glose

Discorde est une deesse de malaffaire & dit une fable que quant peleus
espousa la deesse Thetis dont puis fut né achilles jupiter & tous les
dieux et les deesses furent aux nopces mais la deesse de discorde n’y
fut pas mandee. Et pour ce comme envieuse vint sans mander mais n’y vint
mie pour neant car bien y sceut servir de son mestier. Adonc estoient
assises au disner a une table les trois deesses pallas/ Juno/ venus.
Adonc vint dame discorde qui getta sur la table une pomme d’or ou il eut
escript soit donnee a la plus belle/ adonc fut la feste troublee car
chascune soustenoit que avoir la devoit/ devant jupiter alerent pour
juger de ce discord mais ne voulut complaire a l’une ne desplaire a
l’autre pour ce mist le debat sur paris de troye qui pasteur estoit
adonc comme sa mere eut songié quant de luy estoit enssainte/ que il
devoit estre cause de la destruction de troye/ pour ce fut envoié en la
forest au pasteurs a qui il cuidoit estre filz/ et la mercurius qui
conduisoit les dames luy dit qui filz il estoit. Adonc il laissa brebis
a garder et a troye ala devers son grant parente ainsy le tesmoingne la
fable ou la vraye hystoire est mussee soubz couverture. Et pour ce que
soventesfois mains grans meschiefz aviennent par discorde et debat et
comme ce soit treslaide coustume estre discordant dit au bon chevalier
que discorde doibt fuyr/ et pour ce dit le philosophe pitagoras. ne va
pas en la voye ou croissent les haynes.


lx Allegorie.

Comme il est dit que discorde doit fuir. Ainsi doit le bon esperit fuir
tous empeschemens de conscience/ et que contens & riotes soyent a
eschever dit cassiodore sur le psaultier souverainement dit il fuy
contens et riotes car contendre contre paix est enragerie contendre
contre son souverain c’est forcennerie & contre son subject cest grant
villennie. Pource dit saint pol l’apostre.

  Non in contentione et emulatione. Ad romanos.



[Illustration]

lxi Texte.

    N’oublies mie le meffait
    Se tu l’as a qui que ce soit fait
    Car il t’en garde le guerdon
    Destruit en fut leomedon


lxi Glose.

Leomedon comme j’ay dit devant fut roy de troye et grant villennie eut
fait aux barons gregois de les exiller de sa terre laquelle ilz
n’oublirent mie/ ains oublié l’eut leomedon quant les gregois luy
coururent sus qui le surprindrent despourveu si le destruirent et
occirent pour ce dit au bon chevalier que se il a a aucun meffait que il
soit sur sa garde/ car estre peult certain que celluy ne l’oubliera mie
ains s’en vengera quant il pourra en temps et en lieu. Et a ce propos
dit hermes gardes que tes ennemys ne te surprennent despourveument.


lxi Allegorie

Que il ne doibt oublier le meffait se il l’a a aultruy meffait peult
estre entendu que quant le bon esperit se sent encheu en peché par
faulte de resistence il doit penser que punition en sera faite comme il
est des damnez se il ne s’amende/ et de ce dit sainct gregoire que la
justice de dieu va maintenant tout bellement et a lent pas mais au temps
advenir elle recompensera plus griefvement la misericorde tardera de son
attente. A ce propos dit le prophete joel.

  Convertimini ad dominum deum vestrum quia benignus et misericors est
  patiens & multe misericordie prestabilis super maliciam. Ihoelis
  tercio ca.



[Illustration]

lxii Texte.

    S’il advient que d’amours affolles
    Garde au moins a qui tu parolles
    Que ton fait ne soit emmeslé
    Souvienge toy de semellé


lxii Glose

Dit une fable que semelle fut une damoiselle que jupiter ayma par amours
juno qui en jalousie en fut print la semblance d’une ancienne femme et
vint a semelle et par belles parolles la print a raisonner et tant fist
que semelle luy congneut toute l’amour d’elle et de son amy & d’estre
bien aymee & congneue de son amy s’alloit vantant. Adonc la deesse dist
a celle qui garde ne se prenoit de la decepvance que de riens ne
s’estoit encore apperceue de l’amour de son amy mais quant elle seroit
avecques luy que elle luy requist ung don/ & quant bien luy auroit
promis & accordé que elle luy demandast que en telle maniere la voulsist
accoler comme il accoloit juno sa femme quant avec elle se vouloit
solacier & par celle maniere pourroit appercevoir l’amour de son amy.
Semelle ne l’oublia mie/ et quant la requeste eut faicte a jupiter qui
promis luy eut/ et comme dieu ne le peult rapeller en fut moult dolent
et bien sceut que elle avoit esté deceue. Adonc print jupiter semblance
de feu et accola s’amye qui en peu d’heure fut toute arse et brouye/
dont a jupiter moult pesa de l’aventure. Sur ceste fable pevent estre
mis plusieurs entendemens & mesmes sur la science d’astronomie/ comme
disent les maistres/ mais il peult estre que par aucune voye fut deceue
une damoiselle par la femme de son amy pour quoy lui mesmes la fist
mourir par ignorance. Et pour ce dit au bon chevalier que il se doit
garder quant il parle de chose que il veult celer devant qui il la
propose & a qui il parle/ car par les circonstances pevent estre
entendues les choses pour ce dit hermes/ ne revele point les secretz de
tes pensers fors a ceulx que tu auras bien esprouvez.


lxii Allegorie.

Que il garde a qui il parle pouons entendre que le bon esperit quelque
soient ses bonnes pensees se doibt garder en tous cas ou il pourroit
cheoir male suspicion a aultruy comme dit saint augustin au livre de
verbis que nous ne devons pas tant seulement avoir cure d’avoir bonne
conscience/ mais tant comme peult nostre enfermeté tant comme la
diligence de fragilité humaine devons avoir cure que nous ne façons
chose qui vienne a mauvaise suspicion a noz freres. A ce propos dit
saint pol.

  In omnibus prebe te exemplum bonorum operum. Ad titum. ii. ca.



[Illustration]

lxiii Texte.

    Ne suys mie trop le deduit
    De diane/ car il n’a duit
    Aux poursuivans chevalerie
    Eux amuser en chasserie


lxiii Glose

Dyane est appellee deesse des boys et de chasserie. si veult dire que le
bon chevalier poursuivant le hault nom des armes ne se doit trop amuser
en deduit de chace car c’est chose qui appartient a oysiveté. Et dit
aristote que oysiveté permaine a tous inconveniens.


lxiii Allegorie

Que le deduit diane ne doye trop suivir qui est dicte pour oysiveté peut
mesmes noter le bon esperit et que elle soyt a eschever/ dit sainct
gregoire fai tousjours aucune oeuvre de bien/ a ce que l’ennemy te
treuve occupé en aucune bonne excitacion. A ce propos est il dit de la
sage femme.

  Consideravit semitas domus sue & panem ociosa non comedit Prover.
  xxxi. ca.



[Illustration]

lxiiii Texte.

    Ne te vantes/ car mal en print
    A yraignes qui trop mesprint
    Que contre pallas se vanta
    Dont la deesse l’enchanta


lxiiii Glose

Yraignes ce dit une fable fut une damoiselle moult subtille en l’art de
tissir et de filerie/ mais trop se oultrecuida de son savoir/ et de fait
se vanta contre pallas dont la deesse s’ayra contre elle qui pour icelle
vantance la mua en yraigne. Et dist puis que tant se vantoit de tissir &
filer a tousjours mais fileroit et tristroit ouvrage de nulle value/ &
adonc devindrent elles yraignes qui encore filent & tissent si peut
estre que aucune se vanta contre sa maistresse dont mal luy en print en
aucune maniere.

Pource dit au bon chevalier que vanter ne se doibt/ et moult est laide
coustume a chevalier estre vanteur & qui trop peult abaisser le los de
sa bonté/ & semblablement dit platon quant tu feras une chose mieux que
ung aultre garde de te vanter car ta valeur en seroit trop moindre.


lxiiii Allegorie

Que il ne se doit vanter pouons dire que le bon esperit se garde de
vantise Et contre vantance dit saint augustin ou dousieme livre de la
cité de dieu que vantance n’est pas vice de louenge humainne/ mais est
vice de l’ame parfaite qui ayme la louenge humainne et despite la vraye
tesmoignance de sa propre conscience. A ce propos dit le sage.

  Quid prosint nobis superbia aut diviciarum jactantia quid contulit
  nobis. sapien. quinto ca.



[Illustration]

lxv Texte.

    Se trop grant voulenté te chasse
    A moult aymer deduit de chasse
    De adonius au moins te recort
    Qui fut par le porc sanglier mort


lxv Glose.

Adonius fut ung damoisel moult cointe & de grant beaulté venus l’aima
par amours/ mais pour ce que trop il se delectoit en chasserie venus qui
se doubtoit que mal luy en veinst par aucune mesaventure par maintes
fois luy pria que il se gardast de chasser a la grosse beste mais riens
n’en voulut faire adonius si fut occis par ung porc sauvage. Pource dit
au bon chevalier que se il veult a toutes fins chasser que il se garde
de tel chace dont mal luy peult venir. A ce propos dit sedechias le
prophete. Que ung roy ne doit laisser son filz trop user de chasse ne de
oysiveté/ ains le doit faire instruire a bonnes meurs et fuyr vanitez.


lxv Allegorie.

Que de adonius luy doibt souvenir peult estre entendu que se le bon
esperit est aucunement desvoyé que a tout le moins lui doit souvenir du
grant peril de perseverance car comme l’ennemy ait grant puissance sur
les pecheurs/ dit saint pierre en sa seconde epistre que les pecheurs
sont serfz de corruption & l’ennemy a puissance sur eulx car celluy qui
est surmonté d’un aultre en bataille est devenu son serf/ et en signe de
ce cy est dit en l’apocalipse.

  Data est bestie potestas in omnem tribum et populum. Apocal. xiii. ca.



[Illustration]

lxvi Texte.

    S’il advient que ennemis t’assaillent
    Garde que toy ne tes gens ne saillent
    Contre eulx dont ta cité desample
    Prens a la prime troye exemple


lxvi Glose.

Quant hercules avec grant foison de grecz vindrent sur la premiere troye
& le roy leomedon eut ouy dire leur venue. Adonc luy & toute la gent que
il peult avoir en la cité saillirent dehors et allerent contre eulx au
rivage & la s’assemblerent par moult fiere bataille et fut la cité
reverse de gens et vuidee. Adonc thalamon & ceulz qui embuschez
s’estoient atout grant ost pres les murs de la cité se ficha ens & ainsi
fut la premiere troye prise/ pour ce dit au bon chevalier que il se
garde que par tel tour ne puist estre deceu de ses ennemis. Et dit
hermes/ garde toy de l’aguet de tes ennemis.


lxvi Allegorie

Ce que il se doibt garder se ennemys l’aissaillent que sa cité ne soit
vuide c’est que le bon esperit se doibt tousjours tenir saisy et rempli
de vertu/ & de ce cy dit saint augustin que ainsi comme en temps de
guerre les gens d’armes ne se dessaisissent point de leurs armeures & ne
les despouillent point jour ne nuit aussi durant le temps de la vie
presente ne doivent point estre despouillez de vertus car celluy que
l’ennemy treuve sans vertus est ainsy comme celluy que l’adversaire a
trouvé sans armeures. Pour ce dit l’evangille.

  Fortis armatus custodit atrium suum. Luce. xi. ca.



[Illustration]

lxvii Texte.

    Trop ne t’assottes de la lire
    Orpheus se tu veulx eslire
    Armes pour principal mestier
    D’instrument suivir ne as mestier


lxvii Glose.

Orpheus fut ung poete et dit la fable que il savoit tant bien jouer de
la lire que mesmes les eaues courans en retournoient leurs cours & les
oyseaux de l’air/ les bestes sauvagez & les fiers serpens en oublioient
leur cruaulté & s’arestoient a escouter le son de la lire. Si est a
entendre que il tant bien sonnoit que toute gent de quelque condicion
que ilz fussent se delectoient a escouter le poete jouer. Et pour ce que
telz instrumens assotent souventesfois les cueurs des hommes dit au bon
chevalier que trop ne s’y doibt delecter comme il n’affiere aux
poursuivans chevalerie a eux trop amuser en instrumens ne aultres
oyseuseté. A ce propos dit une auctorité. Le son de l’instrument est le
las du serpent/ et dit platon. celuy qui a du tout mis sa plaisance aux
delices charnelz est plus serf que ung esclave.


lxvii Allegorie

La lire orpheus dont ne se doit assoter pouons prendre que l’esperit
chevalereux ne se doibt assoter ne amuser en quelconque compaignie
mondaine soyent parens ou aultres/ dit sainct augustin au livre de la
singularité des clercz que moins est stimulé des aguillons de la chair
le solitaire qui ne hante point en la frequentation des voluptez/ et
moins sont ilz molestés d’avarice qui ne voient point les riches du
monde. pour ce dit david.

  Vigilavi & factus sum sicut passer solitarius in tecto.



[Illustration]

lxviii Texte

    Ne fondes sur avision
    Ne dessus fole illusion
    Grand emprinse/ soit droit ou tort
    Et de paris ayes recort.


lxviii Glose

Pource que paris avoit songé que en grece yroit dont pour celuy songe
fut fait grant armee & envoyee de troye en grece ou paris ravit heleyne/
dont pour celluy meffait amender vindrent apres sur troye tout le pouoir
de grece qui sy grant pays estoit lors que il duroit jusques au pays que
nous appellons pouille & calabre ou ytalie & lors estoit appellé la
petite grece/ & d’iceluy pays fut Achiles & les mirmidonnois celle
grande quantité de gens confondirent troye & tout le pays.

Pource dit au bon chevalier que sur avision ne doibt emprendre grant
chose a faire/ car grant mal en peult venir a grant essoine/ & que
grande emprinse ne doye estre faicte sans grande deliberation de
conseil/ dit Platon. Ne fay chose que ton sens n’ait avant pourveu.


lxviii Alegorie

Que grant emprinse ne doibt estre faicte pour avision/ c’est que le bon
esperit ne doibt nullement presumer de soy ne soy eslever en arrogance
pour quelconque grace qui de dieu luy soyt donnee. Et dit sainct
gregoire es morales que quatre especes sont esquelles toute l’enfleure
des arrogans est demonstree. La premiere quant le bien que ilz ont ilz
reputent que ilz le ont de eulxmesmes. La seconde quant le bien que ilz
ont se ilz le cuydent avoir eu de dieu si le cuydent ilz avoir bien
desservi & receu pour leurs merites. La tierce quant ilz se vantent
d’avoir le bien que ilz n’ont mye. La quarte quant ilz desprisent
aultruy & desirent que on sache le bien qui est en eulx. Contre ce vice
parle le sage es proverbes.

  Arroganciam & superbiam & os bilingue detestor. Proverbiorum octavo
  capitulo.



[Illustration]

lxix Texte

    Se trop aymes chiens & oyseaulx
    D’antheon le gent damoyseaulx
    Qui serf devint/ bien t’en souvienne
    Et gard qu’autant ne t’en advienne


lxix Glose

Antheon fut ung damoisel moult courtois & de gentilles conditions & trop
aymoit chiens & oyseaulx & dit la fable que ung jour chassoit tout seul
par une forest espesse ou ses gens l’eurent perdu. Adonc comme dyane la
deesse des bois eust chassé par la forest jusques a l’heure de mydi si
fut eschauffee & ardant pour l’ardeur du soleil parquoy talent luy vint
d’elle baigner en une fontaine clere & belle qui la estoit/ & comme
toute nue fust avironnee de nimphes & deesses qui la servoient. Antheon
qui garde ne s’en prenoit s’embati sur elle & la deesse veit toute nue a
qui pour sa grant chasteté la face de honte rougit & moult fut dolente/
si dist adonc/ pource que je sçay que les damoyseaulx se vantent &
gabent des dames & des damoiselles/ affin que vanter ne te puisses que
m’ayes veue je t’osteray de parler la puissance. Adonc le mauldit/ &
tantost Antheon devint cerf ramage ne il ne luy demeura de sa forme
humaine fors seulement l’entendement dont luy plain de grant doleur & de
soubdaine paour alloit fuyant par le boscage & tost fut accueilly de ses
propres chiens & chassé de sa mesme gent qui par la forest l’aloyent
cerchant mais or l’ont trouvé mais ne l’ont mye recongneu la fut attaint
Antheon qui devant sa gent ploura a grosses gouttes & voulentiers leur
criast mercy se parler peust/ & des lors commencerent les cerfz a
plourer a la mort/ la fut antheon occis & martiré a grant douleur de sa
mesme mesgnie qui en peu d’heure l’eurent tout devoré.

Sur ceste fable pevent estre faictes maintes diverses expositions/ mais
a nostre propos peult estre ung jouvencel qui du tout s’abandonnoit a
oyseuseté/ & tout despendit son avoir & sa chevance au delict de son
corps & en deduyt de chace & en tenir mesgnie oyseuse/ par ce peult
estre dit qu’il fut haÿ de dyane qui notte chasteté & devoré de sa
propre gent.

Pource veult dire au bon chevalier que il se garde d’estre surprins en
mesmes cas. Et dit ung sage. Oyseuseté engendre ignorance & erreur.


lxix Alegorie

Par antheon qui serf devint/ pouons entendre le vray penitent qui
pecheur souloit estre. Or a matté sa propre chair & faicte serve a
l’esperit & prins l’estat de penitence. Dit sainct augustin sur le
psaultier que penitence est ung faiz bien aisé & une cherge legiere/ &
ne doibt estre appellé faiz d’homme ne charge mais asles d’oyseaulx
volans/ Car ainsi comme les oyseaulx portent en terre la charge de leurs
esles & leurs esles les portent au ciel. Ainsi se nous portons en terre
la charge de penitence elle nous portera au ciel. A ce propos dit
l’evangile.

  Penitentiam agite appropinquabit enim regnum celorum. Matthei. iii.
  capitulo.



[Illustration]

lxx Texte

    Ne va pas aux portes de fer
    Querre Erudice en enfer
    Pou y gaigna a tout sa lyre
    Orpheus/ si com j’oy lyre.


lxx Glose

Orpheus le poete qui si bien harpoit dit une fable que il se maria a la
belle Erudice/ mais le jour de ses nopces se alloit esbaloyant par ung
pray piedz nudz pour la chaleur du temps/ ung pastour couvoita la belle
& pour elle efforcer se mist au cours & elle qui devant luy fuyoit pour
crainte de luy fut morse au talon d’un serpent qui fut mussé soubz
l’herbe/ dont la pucelle fut morte en petite termine/ Trop fut dolent
orpheus de celle male aventure & adonc print sa lyre & s’en va aux
portes de fer en la valee tenebreuse devant le palais infernal/ & adonc
print a herper ung piteux lay & a chanter si doulcement que tous les
tormentz d’enfer en appaiserent & tous les infernaulx offices furent
cessez pour escouter le son de la lyre/ & mesmement proserpine la deesse
d’enfer fut meue de grant pitié/ adonc Pluto Lucifer Cerberus & Acaron
qui veirent pour le herpeur les offices delaisser des infernales peines
luy rendirent sa femme/ par tel sy que il yroit devant & elle apres sans
soy retourner arriere ou il la perdroit sans jamais recouvrer tant que
hors fussent saillyz de l’obscur palu/ mais celuy qui trop aymoit ne se
peult tenir de se retourner pour s’amye regarder/ & tantost Erudice de
lui se depart & reffuyt en enfer ne plus ravoir ne la peult.

Ceste fable peust estre entendue en assez de manieres. Et peult estre
ung a qui sa femme fut tollue & puis rendue/ & puis la reperdit/ ou
peult estre chastel ou aultre chose. Mais a nostre propos peult estre
dit que bien quiert erudice en enfer qui quiert chose impossible ne pour
icelle recouvrer on ne se doibt donner melancolie. Ce mesmes dit solin.
Somme/ folie est de querre ce qui est impossible a avoir.


lxx Alegorie

Que il ne doye aller querre erudice en enfer/ pouons entendre que le bon
esperit ne doibt tendre ne requerir a dieu chose miraculeuse ne
merveillable qui est appellee tempter dieu. Et dit sainct augustin sur
l’evangile sainct Jehan que la requeste que la creature fait a dieu
n’est pas exaulcee quant elle requiert chose qui ne se peult faire ou
qui ne se doibt faire ou chose dont elle useroit mal se elle luy estoit
ottroyee ou chose qui blesseroit son ame se elle estoit exaulcee/ et
pource de la misericorde de dieu vient se il ne donne mie a la creature
chose dont il scet qu’elle useroit mal. A ce propos dit sainct jacque
l’apostre en son epistre.

  Petitis & non accipitis eo quod male petatis. Jacobi. iiii. cap.



[Illustration]

lxxi Texte

    Se droitz chevaliers veulz congnoistre
    Et fussent ilz enclos en cloistre
    L’essay qu’on fist a Achiles
    T’apprendra a esprouver les


lxxi Glose

Achiles ce dit une fable fut filz a la deesse thetis/ & pource que elle
sçavoit comme deesse que se son filz hantoit armes que il y mourroit/
elle qui trop l’aymoit de grant amour le cela en vesture de pucelle &
voiler le fist comme nonne en l’abbaye de la deesse vesta/ longuement
fut celé achiles tant qu’il fut pres que parcreu. Et dit la fable que la
engendra pirrus qui apres fut moult chevalereux en la fille du roy
ystrus. Adonc commencerent les grans guerres troyennes & sceurent les
grecz par leurs fors que necessité leur estoit d’avoir achiles/ partout
fut quis/ mais nouvelle n’en peut estre ouye. Ulixés qui trop fut plain
de grant malice par tout le queroit/ si vint au temple/ mais comme il
n’en peust appercevoir la verité s’avisa de grant cautelle/ adonc ulixés
print aneletz guinples/ conroyes/ aulmosnieres & joyaux a dames & avec
ce armeures a chevaliers belles & cointes si getta tout emmy la place
present les dames & dist que chascune prensist le mieulx a sa plaisance/
& adonc comme toute chose traye a sa nature/ les dames coururent aux
joyaux/ & achiles print les armeures/ & lors le courut embrasser ulixés
& dist que c’estoit ce qu’il queroit. Et pource que les chevaliers
doibvent estre plus enclins aux armes que aux cointeries mignotes qui
aux dames appartiennent veult dire l’auctorité que a ce peult on
congnoistre le droit chevalier. A ce propos dit leginon. Le chevalier
n’est congneu fors aux armes. Et dit hermes. Esprouvez les hommes avant
que y ayez trop grant fiance.


lxxi Alegorie

Ou il dit se droitz chevaliers veulz congnoistre/ nous pouons prendre
que le chevalier jesuchrist doibt estre congneu aux armes de bonnes
operations/ & que tel chevalier ait le loyer deu aux bons dit sainct
hierome que la justice de dieu ainsi comme elle ne laisse nul mal
impugny/ aussi ne laisse elle nul bien inremuneré/ si ne doibt doncques
aux bons nul labeur sembler dur/ ne nul temps [l]ong quant ilz attendent
la gloire perdurable en louyer. Pour ce dit la saincte escripture.

  Confortamini & non dissolvantur manus vestre erit enim merces operi
  vestro. secundi paralipomenon. xv. c.



[Illustration]

lxxii Texte.

    N’estrivez a athalenta
    Car plus que toy grant talent a
    De fort courre/ c’est son mestier
    De tel cours tu n’as nul mestier


lxxii Glose.

Athalenta fut une nimphe de moult grant beauté mais dure estoit sa
destinee car pour cause d’elle plusieurs perdirent la vie. Ceste
damoiselle pour sa grant beauté fut de plusieurs couvoitee a avoir en
mariage/ mais ung tel edict estoit fait que nul ne l’auroit s’il ne la
vaincquoit au cours & se elle le vainquoit il devoit mourir et par celle
voye plusieurs moururent. Cestuy cours peult estre entendu en plusieurs
manieres/ et peult estre aucune chose moult couvoitee de plusieurs/ mais
sans grant travail nul ne la pouoit avoir/ le cours que celle faisoit
estoit la deffense et resistence de la chose. Et mesmement peult estre
notee la fable ou plusieurs font grant estrif sans necessité/ si veult
dire l’auctorité que a homme dur et courageux grant estriveur ne luy
doibt chaloir de trop estriver de choses inutiles qui ne sont touchant
son honneur/ ne dont il luy puist chaloir/ car maintz grans maulx sont
maintesfois ensuivis par tel estrif. Et dit thesibelle. Tu dois faire ce
qui est le plus prouffitable au corps/ et le plus convenable a l’ame et
fuyr le contraire.


lxxii Allegorie

N’estrives athalenta pouons entendre que le bon esperit ne se doibt
point empescher de chose que le monde face ne en quel gouvernement il
soit. Et de ce dit saint augustin en une epistre que le monde est plus
perilleux quant il est souef aux creatures que quant il est aspre mais
plus le voit on moleste et moins s’en doit on empescher & moins quant il
attrait a son amour que quant il donne occasion d’estre despité. A ce
propos dit jehan l’evangeliste en sa premiere evangile.

  Si quis diligit mundum non est caritas patris in eo. i. Jo. ii. c.



[Illustration]

lxxiii Texte

    Comme Paris ne juge pas
    Car on reçoipt maint dur repas
    Par male sentence ottroyer
    Maintz en ont eu maulvais loyer


lxxiii Glose

Dit la fable que les trois deesses de grant puissance/ c’estassavoir
Pallas deesse de sçavoir Juno deesse d’avoir & Venus deesse d’amours
vindrent devant paris tenans une pomme d’or qui disoit soit donnee a la
plus belle & plus puissant/ de celle pomme fut grant descort/ car
chescune disoit que avoir la devoit & sur paris s’en furent mys de ce
discort. Paris diligemment voulut enquerre de la force de chescune a par
soy. Lors dist pallas/ je suys deesse de chevalerie & de sagesse & par
moy sont departies armes aux chevaliers/ & science aux clercz & se la
pomme tu me veulx donner saches que sur tous te feray chevalereux & tous
aultres passer en toutes sciences. Apres dit juno deesse d’avoir et de
seigneurie/ par moy sont departis les grans tresors au monde & se la
pomme me veulz donner riche & puissant te feray plus que nul aultre.
Apres parla venus par moult amoureuses parolles & dist/ je suys celle
qui tient escolles d’amours & de joliveté & qui les folz fais estre
sages & les saiges fais foloyer/ les riches fais mendier/ & les exillez
enrichir/ ne il n’est puissance qui a la mienne se compare/ & se la
pomme tu me veulz donner l’amour a la belle Heleyne de grece te sera par
moy donnee qui plus te pourra valoir que ne feroit nul aultre avoir. Et
adonc Paris donna sa sentence & renonça a chevalerie & a sagesse & a
avoir pour venus a qui il donna la pomme/ pour laquelle achoison fut
puis troye destruycte. Si est a entendre pource que Paris ne fut point
chevalereux & ne lui chalut de grant sçavoir/ mais en amours furent
toutes ses pensees est entendu que a venus donna la pomme d’or. Et
pource dit au bon chevalier que semblablement ne doibt faire/ & dit
pitagoras/ le juge qui ne juge justement dessert tout mal.


lxxiii Alegorie

Paris qui jugea folement c’est que le bon esperit se doit garder de
faire jugement sur aultruy/ de ce parle sainct Augustin contre les
manichees que deux choses sont que nous devons par especial eschever/
jugement sur aultruy premierement/ car nous ne sçavons de quel courage
sont les choses faictes lesquelles condemner c’est grant presumption si
la devons interpreter en la meilleure partie. secondement car nous ne
sommes point certains quelz seront ceulx qui maintenant sont bons ou
mauvais. A ce propos dit nostreseigneur en l’evangile.

  Nolite judicare & non judicabimini in quo enim judicio judicaveritis/
  judicabimini. Mathei vii. c.



[Illustration]

lxxiiii Texte

    En fortune la grant deesse
    Ne te fies/ n’en sa promesse
    Car en peu d’heure elle se change
    Le plus hault souvent gette en fange


lxxiiii Glose

Fortune selon la maniere de parler des poetes peult bien estre appellee
la grant deesse/ car par elle nous veons le cours des choses mondaines
gouverner & pour ce que elle promet a maintz assez prosperités/ & de
fait en donne a aulcuns & les retoult en petit d’heure quant il luy
plaist. dit au bon chevalier que il ne se doibt fier en ses promesses ne
desconforter pour ses adversitez/ et dit Socrates/ les tours de fortune
sont comme engins a prendre poissons.


lxxiiii Alegorie

Par ce que il dit que il ne se doibt fier en fortune pouons entendre que
le bon esperit doibt fuyr et despriser les delices du monde. de ce dit
Boece au tiers livre de consolation que la felicité des epicurees doibt
estre appellee infelicité. Car c’est la plaine & parfaicte felicité qui
peult l’homme faire souffisant/ puissant/ reverend/ sollennel et joyeux/
lesquelles condicions ne prestent point les choses ou les mondains
mettent leurs felicitez. Pource dit dieu par le prophete ysaÿe.

  Popule meus qui te beatam dicunt ipsi te decipiunt.



[Illustration]

lxxv Texte

    Pour guerre emprendre & avancer
    Ne fay pas paris commencer
    Car mieulx sçauroit je n’en doubt mye
    Soy deduyre es beaulx bras s’amye


lxxv Glose

Paris ne fut mie condicioné aux armes/ mais du tout a amours. Et pource
dit au bon chevalier que il ne doibt mye faire capitaine de son ost ne
de ses batailles chevaliers non condicionés aux armes. Et pour ce dit
Aristote a Alixandre. Tu doibs establir connestable de ta chevalerie
celluy que tu sentiras sage & expert aux armes.


lxxv Alegorie

Que a paris ne face guerre encommencer/ c’est que le bon esperit tendant
a la seule chevalerie du ciel doibt du tout estre soustrait du monde &
avoir esleue la vie contemplative. Et dit sainct gregoire sur ezechiel
que la vie contemplative a bon droit est preferee a la vie active comme
la plus digne & la plus grande car la vie active se travaille au labeur
de la vie presente/ mais la vie contemplative si commence ja a gouster
la saveur du repos advenir.

Pour ce de marie magdaleyne par qui contemplacion est figuree/ dit
l’evangile.

  Optimam partem elegit sibi maria que non aufferetur ab ea in eternum.
  Luce. x. ca.



[Illustration]

lxxvi Texte

    Ne te chaille de nul guettier
    Mais t’en va tousjours ton sentier
    Cephalus o son glavelot
    Le t’apprent/ & la femme loth


lxxvi Glose

Cephalus fut ung ancien chevalier dit une fable que toute sa vie se
estoit moult delecté en deduyt de chace & a merveilles sçavoit bien
getter ung glavelot qu’il avoit qui avoit telle proprieté que ja ne fust
getté en vain & tout occioyt autant qu’il attaignoit. Et pour ce que
acoustumé avoit de soy lever au matin & aller a la forest la saulvagine
guetter/ sa femme en fut en grant jalousie que luy d’aultre que d’elle
fust amoureux & pour la verité sçavoir alla apres pour le guetter.
Cephalus qui au boys estoit quant il ouyt la feullee bruyre ou sa femme
se mussoit cuida que saulvagine fust/ atant lansa son glavelot & sa
femme attaint si l’occist/ dolent fut de la mesaventure cephalus/ mais
remede n’y peut estre mys. La femme loth comme tesmoigne la saincte
escripture se retourna arriere contre le commandement de l’ange quant
elle ouyt derriere soy fondre les cinq citez & pour ce fut tantost
tournee en une masse de sel. Et comme toutes choses soyent figureez y
peult estre mys assez d’entendemens/ mais a la prendre a la verité pour
exemple/ nul bon ne se doibt delecter a guetter aultruy en chose qui ne
luy doit appartenir et comme nul ne vouldroit estre guetté/ dit Hermes/
ne fay a ton compaignon nonplus que tu vouldroyes que il te feist & ne
vueilles tendre les las pour prendre les hommes ne pourchasser leurs
dommages ne deshonneur par aguet ou par cautelle/ car au derrenier
tourneroit sur toy.


lxxvi Alegorie

Que il ne luy doit chaloir de nul guetter peult estre entendu que le bon
esperit ne se doibt donner peine de sçavoir fait d’aultrui ne d’enquerir
d’aultruy nouvelles. Et dit sainct jehan crisostome sur l’evangile
sainct mathieu/ comment dit il/ es faitz d’autruy voys tu tant de
petites deffaultes & en tes propres faitz tu laisses passer tant grans
deffaultes/ se tu t’aymes mieulx que ton prochain pour quoy t’empesches
tu de ses faitz & laisses les tiens/ soyes premierement diligent de
considerer tes faitz/ & puis considere les faitz d’aultruy. A ce propos
dit nostreseigneur en l’evangile.

  Quid autem vides festucam in oculo fratris tui? trabem autem in oculo
  tuo non vides Matthei. vii. capitulo.



[Illustration]

lxxvii Texte.

    Ne desprises pas le conseil
    Helenus je le te conseil
    Car souvent advient maintz dommages
    Par non vouloir croire les sages


lxxvii Glose

Helenus fut frere hector et filz priam et moult fut sage clerc et plain
de science/ sy desconseilla tant comme il peut que paris n’allast en
grece ravir la belle heleyne/ mais il n’en fut mie creu dont grant
dommage vint aux troyens. Pource dit au bon chevalier que les sages on
doibt croire et leur conseil. Et dit hermes/ qui honnoure les sages et
use de leur conseil est perpetuel.


lxxvii. Allegorie

Helenus qui desconseilloit la guerre c’est que le bon esperit doit
eschever les tentacions/ et dit saint hierome/ que le pecheur n’a nulle
excusation qui se laisse surmonter de tentation/ car l’ennemy tenteur sy
est si foible que il ne peult surmonter sinon celluy qui se veult rendre
a luy. Et ce dit saint pol l’apostre.

  Fidelis deus qui non patietur vos temptari supra id quod potestis: sed
  faciet etiam cum exultatione proventum ut possitis sustinere. i. ad
  corinthios. x. ca.



[Illustration]

lxxviii Texte.

    Ne t’esjouys trop ne te troubles
    Pour les avisions moult troubles
    Morpheus qui est messagier
    Au dieu qui dort et fait songier


lxxviii Glose

Morpheus ce dit une fable est filz et message au dieu dormant & est dieu
de songe et fait songier. Et pour ce que songe est chose moult trouble
et obscure/ et aucunefois riens ne signifie et aucunefois tout le
contraire signifie de ce que on a songié/ ne il n’est sy sage qui
proprement en puisse parler quoy que les expositeurs en dient dit au bon
chevalier que esjouyr ne troubler ne se doit pour telz avisions dont on
ne peult monstrer certaine signification ne a quoi elles doivent
tourner/ et mesmement comme on ne se doibt ne troubler ne esjouyr des
choses de fortune qui sont transitoires dit socrates. Tu qui es homme ne
te doibs trop esjouyr ne troubler pour quelconque cas.


lxxviii Allegorie.

Ou il dit que trop ne se doit on esjouir ne troubler pour avisions/
dirons que le bon esperit ne se doit trop esjouir ne trop troubler pour
quelconque cas qui lui avienne et que il doit porter les tribulations
paciamment dit saint augustin sur le psaultier. Beau filz dit il se tu
pleures des maulx que tu sens si pleure soubz la correction de ton pere.

Se tu te plains des tribulations qui te surviennent garde que ce ne soit
par indignacion ne par orgueil/ car l’adversité que dieu t’envoye t’est
medicine non pas peine c’est chastiement non pas damnacion/ ne redoubtes
mye la verge de ton pere se tu ne veulx que il te reboute de son
heritage/ & ne penses mye la peine que tu as a soustenir son flayel/
mais considere quel lieu tu as en son testament. A ce propos dit le
sage.

  Esse quod tibi applicatum fuerit accipe et in dolorem sustine et in
  humilitate patientiam habe. Ecclesiastici. ii. ca.



[Illustration]

lxxix Texte

    Se par mer tu veulx entreprendre
    Voyage perilleux et prendre
    Croy le conseil de alchioine
    De ceÿs te dira l’essoine


lxxix Glose.

Ceÿs fut ung roy moult preudhom et moult aimé de alcioine sa femme
devocion print au roy d’aler par mer en ung perilleux passage par temps
de tempeste se mist en mer/ mais alcioine sa femme qui trop l’aymoit de
grant amour se mist en grant peine de luy destourner d’icelluy voyage et
a grans pleurs et larmes moult l’en prioit mais pour elle n’y peult
estre remede mis ne avecquez luy aler ne la voulut laisser ce que elle
vouloit a toutes fins et dedens la nef se getta au departir/ mais le roy
Ceÿs la reconforta & la fist a force remaindre/ dont moult fut
anguoisseuse et dolente/ car trop estoit en grant soucy dont tant veoit
colus le dieu des ventz meu sur la marine/ Ceÿs le roy dedens briefz
jours apres perit en mer dont quant alcioine sceut l’aventure se getta
en mer/ mais dit la fable que les dieux en eurent pitié et muerent les
corps des deux amans en deux oyseaulx affin que de leur grant amour fust
memoire perpetuelle. Si volent encore sur la marine les oyseaulx qui
alcioines sont appellez/ et de blanc plumage sont. Et quant les
mariniers venir les voyent adonc sont certains de tempeste avoir.

La droite exposicion peult estre que deux aimans s’entraimerent par
semblable maniere en mariage que le poete a comparez ausditz oyseaulx.
Si veult dire que le bon chevalier ne se doit mettre en perilleux
voyages sans le conseil de ses bons amis et dit assalon le sage
s’efforce d’eslongnier dommage et fol met grant peine a le trouver.


lxxix Allegorie

Que alcioine doibve croire c’est que se le bon esperit est par mauvaise
tentacion empesché d’aucune erreur ou doubte en sa pensee que il se doit
rapporter a l’opinion de l’eglise et dit saint ambroise au second livre
des offices que celluy est forcené qui despite le conseil de l’eglise
car joseph moult plus prouffitablement ayda le roy pharaon du conseil de
sa prudence que se il lui eust donné de l’argent/ car argent n’eust peu
pourveoir a la famine du royaulme d’egipte comme fist le conseil de
joseph qui remedia contre la famine d’egipte l’espace de cinq ans/ &
puis conclud croy le conseil et tu ne te repentiras point. A ce propos
dit le sage es proverbes en la personne de l’eglise.

  Custodi legem meam atque consilium & erit vita anime tue.
  proverbiorum. iii. ca.



[Illustration]

lxxx Texte.

    A conseil d’enfant ne t’acordes
    Et de troylus te recordes
    Croy les viellars et les expers
    Mais charge d’armes les appers


lxxx. Glose

Quant le roy priam eut fait reediffier troye qui pour la cause du
congeement de ceulx qui aloient en colcos eut esté destruicte. Adonc
d’icelle destruction voulut priam faire la vengance/ adonc assembla son
conseil ou moult eut de haulx barons et sages/ pour savoir se bon seroit
que paris son filz alast en grece ravir heleyne en eschange d’esyona sa
seur qui eut esté prinse par thalamon ajaux et menee en servage/ mais
tous les sages s’acordoient que non pour cause des prophecies & des
escriptures qui disoient que par celluy ravissement seroit troye
destruite. Adonc troylus qui enfant estoit et luy moinsné des filz priam
dist que on ne devoit croire en conseil de guerre ces viellars ne ces
provoires qui par recreandise conseilloient le repos sy conseilla tout
l’opposite/ si fut le conseil troylus tenu dont grant mal s’en ensuyvit.
Pour ce dit au bon chevalier que a conseil d’enfant qui naturellement
est de legiere et petite consideration ne se doit tenir ne croire. A ce
propos dit une auctorité. La terre est mauldite dont le prince est
enfant.


lxxx Allegorie

A conseil d’enfant ne se doit acorder le bon esperit/ & c’est a entendre
que ignorant ne doit estre mais sachant et aprins de ce qui peult estre
prouffitable a son salut/ et contre les ignorans dit sainct augustin.
Ignorance est une tresmauvaise mere qui a tresmauvaises filles
c’estassavoir faulceté et doubtance. La premiere est meschante et la
seconde miserable. La premiere si est plus vicieuse mais la seconde est
plus moleste/ et ces deux sont estaintes par sapience. de ce dit le
sage.

  Sapientiam pretereuntes non tantum in hoc lapsi sunt ut ignorent bona:
  sed insipientie sue reliquerunt hominibus memoriam. Sapientie. v. ca.



[Illustration]

lxxxi Texte.

    Hayz calcas et ses complices
    Dont les infinies malices
    Traÿssent regnes et empires
    Il n’est au monde aultres gens pires


lxxxi Glose.

Calcas fut ung soubtil clerc de la cité de troye/ et quant le roy priam
sceut que les gregois venoient sur luy a grant ost il envoia calcas en
delphos savoir au dieu appolin comment il iroit de la guerre mais apres
la response du dieu qui dist que apres dix ans aroient les grecz la
victoire se tourna calcas devers les grecz et s’acointa d’achilles qui
en delphos estoit venu pour celle mesme cause & avec lui s’en ala devers
les grecz lesquelz il ayda a conseiller contre sa propre cité/ et
maintesfois puis destourna a faire paix entre grecz & troyens. Et pource
que il fut traitre/ dit au bon chevalier que telz subtilz & mauvais doit
haÿr/ car leurs traÿsons faictes par cautelles pevent moult dommager
royaulmes et empires et toutes gens. Pource dit platon. le soubtil
ennemy povre et non puissant peult plus grever que le riche/ puissant et
non sachant.


lxxxi Allegorie.

Calcas qui doit estre haÿ peult estre entendu que le bon esperit doit
haÿr toute malice frauduleuse contre son prochain et nullement ne la
doit consentir et dit saint hierome que le traitre ne se adoulcist ne
pour familiarité de compaignie ne pour priveté de boire et de menger ne
pour grace de service ne pour planté de beneficez/ de ce vice disoit
saint pol l’apostre.

  Erunt homines elati cupidi superbi proditores proterui tumidi. ii. Ad
  thimoteum. iii. ca.



[Illustration]

lxxxii Texte

    Ne soyes dur a ottroyer
    Ce que tu peulz bien employer
    A hermofrodicus te mire
    A qui mal print pour escondire


lxxxii Glose

Hermofrodicus fut ung jouvenceau de moult grant beaulté/ une nimphe fut
moult esprinse de s’amour mais nullement il ne la vouloit aymer & celle
partout le poursuyvoit tant que une foys le damoyseau estoit moult lassé
pour la chace ou toute jour avoit travaillé/ adonc arriva a la fontaine
de salinaxis ou il avoit ung bel estanc cler & sery/ adonc luy print
talent de soy baigner/ de ses draps se despouilla & en l’eaue se mist.
Quant la nimphe le veyt tout nud soy despouiller apres luy se getta & le
jouvenceau print par grant amour a embrasser/ mais cil qui fut plain de
felonnie la print a debouter par grant rudesse ne celle son cueur ne
peult amollier pour nulle priere. Adonc de grant voulenté pria la nimphe
aux dieux que de son amy qui sy la deboutoit jamais ne peust departir/
les dieux ouyrent sa devote orayson si misrent les deux corps en ung
seul qui deux sexes avoit.

Ceste fable peult estre entendue en assez de manieres. Et comme les
clercz soubtilz philosophes ayent mussez leurs grans secretz soubz
couverture de fables y peult estre entendue sentence appartenant a la
science d’astronomye & aussi d’arquemye comme dient les maistres/ et
pour ce que la matiere d’amours est plus delectable a ouyr que aultre
firent communement leurs fictions sur amours pour estre plus delectable
mesmement aux rudes qui n’y prennent fors l’escorche/ & plus aggreable
aux soubtilz qui en succent la liqueur. Mais a nostre propos pouons
entendre que layde chose est & vilaine reffuser ou ottroyer a dangier ce
qui ne peult tourner a vice ou n’a prejudice estre ottroyee. Et dit
Hermes. Ne fay mye longue demeure a mettre a execucion ce que tu doibs
faire.


lxxxii Alegorie

Dur ne doit estre a ottroyer le bon esperit la ou il voyt la necessité/
mais reconforter le besoigneur a son pouoir comme dit sainct gregoire es
morales que quant nous voulons conforter aulcun afflict en sa tristesse
nous devons premierement douloir avecques luy/ car celuy ne peult
proprement reconforter le dolent qui ne s’accorde a sa douleur/ car
ainsi comme on ne pourroit joindre ung fer a l’autre se tous les deux ne
sont chauffez & amolliez au feu. Aussi ne pouons nous aultruy redresser
de tristesse se nostre cueur n’est amolly par compassion. A ce propos
dit la saincte escripture.

  Confortare manus dissolutas & genua debilia robotate. ysaie. xxxv.
  capitulo.



[Illustration]

lxxxiii Texte

    Tu te peulx bien esbatre aux gieux
    Ulixés/ en temps & en lieux
    Car ilz sont soubtilz & honnestes
    En temps de treves et de festes


lxxxiii Glose

Ulixés fut ung baron de grece de grant subtillité/ & au temps du long
siege devant troye qui dix ans dura tousjours quant treves estoient
trouvoit jeulx soubtilz & moult beaux pour esbatre les chevaliers tant
que ilz estoient a sejour/ & dient aulcuns que il trouva le jeu des
eschés & de telz semblables jeux a s’esbatre. Et dit Solin. Toute chose
subtille et honneste est louable a faire.


lxxxiii Alegorie

Les gieux Ulixés pevent estre entenduz que quant l’esperit chevalereux
sera lassé d’adourer & d’estre en contemplacion il pourra bien soy
esbatre a lyre les sainctes escriptures/ car comme dit sainct Hierome es
morales. La saincte escripture si est proposee aux yeulx de nostre cueur
comme en ung mirouer/ affin que nous y veons l’enteraine face de
nostreseigneur/ la pouons nous veoyr nostre laid/ la pouons nous veoyr
combien nous prouffitons & combien nous sommes loing de prouffiter. A ce
propos dit nostreseigneur en l’evangile.

  Scrutatis scripturas in quibus putatis vitam eternam habere. Johannis.
  v. capitulo.



[Illustration]

lxxxiiii Texte

    S’a cupido tu veulx donner
    Ton cueur et tout abandonner
    Gard briseyda n’acointier
    Car trop a le cueur villotier


lxxxiiii Glose

Briseida fut une damoiselle de moult grant beaulté et encor plus cointe
et de vague attrait. Troylus ly moinsné des filz priam qui trop fut
plain de grant prouesse/ de beaulté et de gentillesse l’ayma de grant
amour/ et elle luy donna s’amour et a tousjours promist de la non
faulcer. Calcas pere a la damoiselle qui par science savoit que troye
seroit destruite/ si fist tant que sa fille lui fut rendue et tiree hors
de la cité/ et menee au siege/ grant fut la douleur des deux amans a la
departie neantmoins dedens brief temps dyomedes qui hault baron estoit
des grecz et moult vaillant chevalier s’accointa de briseyda & tant fist
par son pourchas que elle l’aima & du tout oublia son bon amy troyolus.
Et pour ce que ainsi eut briseyda legier courage dit au bon chevalier
que se il veult son cueur donner que il se garde d’acointer semblable
dame que fut briseyda. Et dit hermes/ garde toy de la compaignie des
mauvais que tu ne soyes comme ung d’eulx.


lxxxiiii Allegorie

Briseida dont il se doibt garder d’accointer c’est vaine gloire que le
bon esperit ne doit nullement acointer/ mais fuyr a son pouoir car trop
est legiere & trop vient soudainement. et dit saint augustin sur le
psaultier que cellui qui a bien aprins & essaye par experience les
degrez des vices surmonter est venu a congnoissance que le peché de
vaine gloire qui tout seul ou plus especialement est a eschever aux
parfais hommes car c’est entre les pechez celluy qui est le plus fort a
vaincre. Pour ce dit saint pol l’apostre

  Qui gloriatur in domino glorietur. ii. ad chorin.



[Illustration]

lxxxv Texte

    Quant patroclus occis aras
    Lors d’achiles te garderas
    Se tu m’en crois/ car c’est tout ung
    Leurs biens sont entr’eux deux commun


lxxxv Glose

Patroclus & achiles furent compaignons ensemble et si tres amys que
oncques deux freres plus ne s’entre aymerent & eulx & leurs biens furent
une mesme chose/ & pource que Hector occist patroclus en la bataille
vint la grant hayne de achiles sur hector/ mais pource que trop
redoubtoit sa grant force oncques depuis ne fina de le guetter pour le
surprendre a descouvert & en trahyson. Si dist othea a hector comme par
prophecie de ce qui estoit a advenir que quant patroclus occis aroit
besoing luy seroit soy garder de achiles. Et est a entendre que tout
homme qui a occis ou meffait au loyal compaignon d’un aultre que le
compaignon en fera la vengeance se il peut. Pource dit Madarge. En
quelque lieu que tu soyes avec ton ennemy tien le tousjours pour suspec
ja soit ce que tu soyes plusfort que luy.


lxxxv Alegorie

Ce que il est dit que quant patroclus occis aura d’achiles se doit
garder pouons entendre que se le bon esperit se laisse a l’ennemy
encliner a peché il doibt douter mort pardurable/ & comme dit Job/ la
vie presente n’est que une chevalerie/ & en signe de cecy la vie
presente est appellee guerriant a la difference de celle de la amont qui
est appellee triumphant/ car celle a ja victoire des ennemys. A ce
propos dit sainct pol l’apostre.

  Induite vos armatura dei ut possitis stare adversus insidias diaboli.
  Ad ephesios. vi. capitulo.



[Illustration]

lxxxvi Texte

    Gardes qu’echo tu n’escondises
    Ne ses piteux plaintz ne desprises
    Se son vueil tu peulz soustenir
    Tu ne scez qu’il t’est a venir


lxxxvi Glose

Echo ce dit une fable fut une nimphe/ Et pource que trop grant
gengleresse souloit estre & par sa gengle encusa juno qui ung jour
guettoit son mari par jalousie/ la deesse s’en couroussa & dist d’ores
en avant plus ne parleras premiere si se n’est apres aultruy. Echo fut
amoureuse du bel narcisus/ mais pour nulle priere ne pour signe d’amytié
que elle luy feist pitié n’en daigna avoir & tant que la belle mourut
pour son amour/ mais en mourant pria aux dieux qu’elle peust estre
vengee de celuy en qui tant avoit trouvé de cruaulté que encor luy
donnassent sentir l’amoureuse pointure parquoy il peust sçavoir la grant
douleur que ont les fins amans qui d’amour sont refusez & dont mourir
luy convenoit/ atant fina Echo/ mais la voix d’elle remaint qui encor
dure/ et la firent les dieux perpetuelle pour memoire de celle adventure
& encor respond aux gens en ses valees & sur rivieres apres voix
d’aultruy/ mais parler ne peult premiere.

Echo peult signifier personne qui par grant necessité requiert aultruy/
la voix qui est demouree/ c’est que de gens souffreteux il est assez
demouré/ ne ilz ne pevent parler fors apres aultruy/ c’est que ilz ne se
pevent ayder d’eulx mesmes sans ayde d’aultruy. Pource veult dire au bon
chevalier que il doibt avoir pitié des souffretteux qui le requierent.
Et dit zaqualquin. Qui veult bien garder la loy doibt ayder a son amy de
son avoir/ & prester aux souffreteux/ estre gracieux/ non denyer justice
a son ennemy/ & soy garder de tous vices & de deshonneur.


lxxxvi Alegorie

Echo qui ne doit estre escondite peult estre nottee misericorde que le
bon esperit doit avoir en soy/ & dit sainct augustin au livre du sermon
de nostreseigneur en la montaigne que benoitz sont ceulx qui voulentiers
secourent aux presens qui sont en misere/ car ilz desservent que la
misericorde de dieu les delivre de leurs miseres et est chose juste que
qui veult estre aydé du souverain plus puissant que ainsi il ayde au
moindre de soy en ce en quoy il est plus puissant que luy. Pource dit le
sage es proverbes.

  Qui pronus est ad misericordiam benedicetur. Proverbiorum xxii.
  capitulo.



[Illustration]

lxxxvii Texte

    Se de laurier couronne avoir
    Veulx/ qui mieulx vault que nul avoir
    Dampné te convient poursuyvir
    Et tu l’auras par bien suyvir


lxxxvii Glose

Dit une fable que dampné fut une damoiselle que phebus ayma par amours &
moult la poursuyvit mais elle accorder ne s’y vouloit. Advint ung jour
que il veit la belle aller par une voye & quant elle le veit venir elle
print a fuyr & le dieu apres/ et quant il fut sy pres que elle veit bien
que eschapper ne pouoit sa priere fist a dyane la deesse que sa
virginité luy voulsist saulver/ & adonc fut le corps de la pucelle mué
en ung vert laurier/ & quant phebus fut approché il print des branches
de l’arbre & chappeau s’en fist en signe de victoire. Et depuis lors en
ça chappeau de laurier signifie victoire/ & mesmes au temps de la grant
felicité aux rommains couronnoient de laurier les victorieux.

Plusieurs entendemens peult avoir la fable: & peult advenir que ung
puissant homme poursuyvit a long travail une dame & tant que soubz ung
laurier il l’attaignit a sa voulenté/ & pour celle cause depuis lors en
ça ayma le laurier & le porta en devise en signe de victoire que il
avoit eue de ses amours soubz le laurier. Et peult estre aussi le
laurier prins pour or qui signifie noblesse/ & pour ce que le laurier
signifie honneur/ dit au bon chevalier que il luy convient Dampné
poursuyvir se couronne de laurier veult avoir. C’est a entendre peine &
travail se a honneur veult avenir. A ce propos dit Omer. Par grant
diligence vient on a perfection.


lxxxvii Alegorie

Se de laurier veult couronne avoir dampné luy convient poursuivir/
pouons entendre que se le bon esperit veult victoire glorieuse avoir luy
convient perseverance qui le mainera a la victoire de paradis dont les
joyes sont infinies comme dit sainct gregoire. Qui est dit il la langue
qui souffise racompter/ et qui est l’entendement qui puisse comprendre
quantes sont les joyes de ceste souveraine cité de paradis estre
tousjours present aux ordres des angelz avec les benoictz esperitz
assister a la gloire du conditeur regarder le present visage de dieu/
veoir la lumiere incircunscriptible estre asseur de non avoir jamais
paour de la mort soy esjouyr du don de pardurable incorruption. A ce
propos dit david au psaultier.

  Gloriosa dicta sunt de te: civitas dei.



[Illustration]

lxxxviii Texte

    Aussi te fays je mencion
    D’andromaca/ la vision
    Ta femme du tout ne desprises
    Ne d’aultres femmes bien apprises


lxxxviii Glose

Andromaca fut femme Hector & la nuyt devant ce que il fust occis vint a
la dame en avision que se le jour Hector alloit en la bataille sans
faille il y seroit occis/ dont andromaca atout grans souspirs & pleurs
fist son pouoir que il n’allast en la bataille/ mais ne l’en voulut
croire et il fut occis. Pource dit que le bon chevalier ne doibt du tout
despriser les avisions sa femme/ c’est a entendre le conseil & advis de
sa femme se elle est sage & bien condicionnee/ & dit Platon. Tu ne doibz
despriser conseil de petite personne sage/ car ja soit ce que tu soyes
vieulx n’ayes pas honte d’apprendre supposé que ung enfant te monstrast/
car aulcunefois peult le ignorant aviser le sage.


lxxxviii Alegorie

La vision andromaca que despriser ne doibt/ c’est que le bon propos
envoyé par le saint esperit ne doibt le bon chevalereux getter a neant/
mais tost mettre a effect selon son pouoir/ de ce dit sainct Gregoire es
morales/ que le bon esperit pour nous attraire a bien faire nous
admonneste/ nous esmeut/ nous enseigne/ il admonneste nostre memoire/ il
meult nostre voulenté & enseigne nostre entendement/ l’esperit doulz &
souef ne seuffre demourer quelconque petite paille en l’abitation du
cueur la ou il se inspire/ mais tantost la brusle du feu de sa
circunspection soubtille. Pource dit sainct pol l’apostre.

  Spiritum nolite extinguere. Ad hebreos. xi. capitulo



[Illustration]

lxxxix Texte

    Se tu as grant guerre ou essoine
    En la force de babiloine
    Ne t’y fie/ car par ninus
    Fut prinse nel peult nyer nulx


lxxxix Glose

Babiloine la grant qui fut fondee par nambrot le geant fut la plus forte
cité qui oncques fut faite mais nonobstant ce fut elle prinse par le roy
ninus. pour ce dit au bon chevalier que il ne se doit mie tant fier en
la force de sa cité ou chastel en temps de guerre que il ne soit tout
pourveu de gens & de tant qu’il convient pour couvenable deffense. Et
dit platon/ qui se fie seulement en sa force est souvent vaincu.


lxxxix Allegorie

En la force de babyloine on ne se doibt fier c’est que le bon esperit ne
se doibt fier ne avoir attente a chose que le monde promette. Et de ce
dit saint augustin au livre de la singularité des clercz que c’est trop
sote fiance de reputer sa vie seure contre les perilz de ce monde et
folle esperance est cuider estre sauf entre les morsures de peché. peu
certaine est encore la victoire tant comme on est entre les dars des
ennemis/ et qui est avironné des flammes n’est pas delivré legierement
sans ardoir/ croy a celluy qui a l’experience/ se le monde te rit n’y
ayes fiance en dieu soit assise ton esperance/ pour ce dit david.

  Bonum est confidere in domino quam confidere in homine.



[Illustration]

xc Texte.

    Hector noncer me fault ta mort
    Dont grant douleur au cueur me mort
    Ce sera quant le roy priant
    Ne croiras/ qui t’ira priant


xc Glose

Le jour que hector fut occis en la bataille Andromaca sa femme vint
prier au roy priam a moult grans plains & pleurs que il ne laissast
hector aler en la bataille. Car sans faille occis seroit se il y aloit
ce luy avoit certainement anoncé mars le dieu de bataille qui en dormant
a elle s’estoit apparu. Priam s’entremist tant comme il peult de
destourner que il ne se combatist icelluy jour mais hector s’embla de
son pere et saillit de la cité par une soubzterraine et s’en ala en la
bataille ou il fut occis/ et pour ce que oncques n’avoit desobeÿ a son
pere fors celuy jour pouoit dire que le jour que il desobeÿroit a son
pere adonc mourroit/ & peult estre entendu que nul ne doibt desobeÿr ses
bons amys quant ilz sont sages. Et pour ce dit aristote a alixandre.
Tant que tu croiras le conseil de ceulx qui usent de sapience et qui
loyaument t’ayment tu regneras victorieusement.


xc Allegorie

Ou elle dit a hector que sa mort luy couvient noncier c’est que le bon
esperit doit avoir en continuelle memoire l’heure de la mort. de ce dit
saint bernard que on ne trouve riens es choses humaines plus certain que
la mort ne moins certain que l’heure de la mort/ car la mort n’a point
mercy de povreté/ ne porte point d’honneur a richesse/ elle n’espargne
point sapience ne meurs ne aage. De la mort n’a on point aultre
certaineté/ mais que aux anciens elle est a l’huis et aux jeunes elle
est en espie. A ce propos dit le sage.

  Memor esto quoniam mors non tardabit Ecclesiastici. xiiii. ca.



[Illustration]

xci Texte

    Encor te vueil je faire sage
    Qu’en bataille n’ayes usage
    De tes armes toy descouvrir
    Car ce fera ta mort ouvrir


xci Glose

Hector en la bataille fut trouvé descouvert de ses armes et lors fut
occis. Et pour ce dit au bon chevalier que de ses armes en la bataille
ne se doit descouvrir/ et dit hermes. La mort est ainsi comme le coup
d’une saiette/ & la vie est ainsi comme la sayette qui met a venir.


xci Allegorie

Ce que il est dit que il se doit tenir couvert de ses armes c’est a
entendre que le bon esperit doibt tenir ses sens clos non mie vagues/ de
ce dit saint gregoire es moralles que la personne qui despart ses sens
est semblable au jengleur qui ne trouve pire hostel que le sien pour ce
est tousjours hors de son hostel ainsi l’homme qui ne tient ses sens
clos est tousjours vague hors de sa maison de sa conscience/ et ainsi
comme la hale ouverte ou on peult entrer de tous les costez. Pour ce dit
nostreseigneur en l’evangille.

  Clauso hostio ora patrem tuum in abscondito. Mathei. vi. ca.



[Illustration]

xcii Texte

    De pollibetes ne couvoites
    Les armes/ ilz soyent maloites
    Car au despouiller s’ensuyvira
    Ta mort/ par cil qui te suyvira


xcii Glose

Pollibetes fut ung roy moult puissant que Hector avoit occis en la
bataille apres maintz aultres grans faitz que il avoit faitz la journee
& pour ce que moult estoit armé de belles armes & riches Hector les
couvoita et s’abaissa sur le col de son destrier pour le col
despouiller. Et adonc Achiles qui par derriere le suivoit tout de gré
pour le prendre a descouvert le ferit par dessoubz en la faulte de ses
armes & a ung coup le getta mort/ dont fut grant dommaige/ car plus
vaillant chevalier jamais ne saingnit espee dont hystoires facent
mencion. Et que telle couvoitise peult estre nuysible en tel place
appert par ledit cas. Pour ce dit le philosophe. Couvoitise desordonnee
maine l’homme a mort.


xcii Alegorie

Que de polibetes ne couvoite les armes/ pouons noter que couvoitise de
quelconque chose mondaine ne doibt avoir le bon esperit/ car comme elle
maine l’ame a mort dit innocent au livre de la vilité de condicion
humaine que couvoitise est ung feu que on ne peult rassasier/ car le
couvoiteux n’est jamais content de avoir ce que il desire/ car quant il
a ce que il desiroit il desire tousjours oultre tousjours establist il
sa fin en ce que il attend a avoir & nonpas en ce que il a. Avarice &
couvoitise sont deux sanssues qui ne cessent de dire apporte apporte/ &
a la value que l’argent croist/ l’amour de l’argent croist. Couvoitise
est la voye de la mort espirituelle & souventesfois de la mort
temporelle. Pour ce dit sainct pol l’apostre.

  Radix omnium malorum cupiditas est. i. ad thimotheum. vi. capitulo.



[Illustration]

xciii Texte

    D’amour estrange ne t’assotes
    Le fait achilles pense et notes
    Qui follement cuida s’amie
    Faire/ de sa plus ennemie


xciii. Glose

Achilles s’assota de l’amour polixene la belle pucelle qui fut seur
hector/ et comme il eust veue a l’aniversaire des obseques hector au
temps de treves ou plusieurs grecz alerent a troye ou il fut tant
surprins de s’amour que nullement durer ne pouoit. Pour ce manda a la
royne hecuba que le mariage voulsist faire traicter et il feroit cesser
la guerre & partir le siege et a tousjours seroient amys/ longtemps fut
achilles sans soy armer contre les troyens pour icelle amour et grant
peine mist a faire partir l’ost ce que il ne peut faire/ pour ce ne fut
fait le mariage/ et apres ce occist achilles troylus qui tant estoit
plain de valeur que bien estoit pareil a hector son frere selon son
jeune aage mais de ce fut tant doulente la royne hecuba que elle luy
manda que a luy alast a troye pour icelluy mariage traicter sy y ala et
fut occis. Pour ce dit au bon chevalier que d’amour estrange ne se doit
assoter/ car par amours lointaines sont maintz maulx venus. Et pour ce
dit ung sage/ quant tes ennemis ne se pourront venger/ adonc as tu
mestier de toy guetter.


xciii Allegorie

D’amour estrange ne se doit assoter le bon esperit/ c’est a entendre que
il ne doit aimer nulle chose qui ne soit toute venant de dieu &
terminant en luy/ & toute chose estrange/ c’est que le monde doibt fuyr
et que le monde doit haÿr/ dit saint augustin en exposant l’epistre
saint jehan le monde passe et sa concupiscence. O donques homme
raisonnable lequel aymes tu mieulx ou aimer le monde temporel et passer
avecques le temps ou aimer jesuchrist & vivre perpetuellement avecques
luy. A ce propos dit saint jehan en sa premiere epistre.

  Nolite diligere mundum neque ea que in mundo sunt. i. johannis. ii.
  ca.



[Illustration]

xciiii Texte

    N’entreprens mye foles armes
    C’est peril pour corps & pour ames
    Ung bras nud/ ou sans escu prendre
    Par ayaulz le peulz tu apprendre


xciiii Glose

Ayaulz fut ung chevalier gregoys moult orgueilleux et oultrecuydé mais
bon chevalier fut de sa main & par orgueil et fierté entreprint armes
ung bras nud & descouvert de son escu/ si fut percé d’oultre en oultre &
mort abatu.

Et pour ce dit au bon chevalier que telles armes faire sont de nul
honneur/ ains sont reputees folies & orgueil & trop sont perilleuses. Si
dit Aristote. Plusieurs errent par ignorance et faulte de sçavoir/ & ne
scevent que est a faire ne a laisser/ & aultres faillent par orgueil &
arrogance.


xciiii Alegorie

Que folles armes ne doye entreprendre c’est que le bon esperit ne doibt
soy fier en sa propre fragilité comme dit sainct Augustin en ung sermon
que nul de son cueur ne doit presumer quant il prononce parolle/ ne nul
en sa force ne se doit fier quant il seuffre temptation/ car se nous
parlons sagement bonnes paroles de dieu vient nonpas de nostre sapience/
& se nous endurons fermement les adversitez de dieu vient nonpas de
nostre pacience. A ce propos dit sainct pol.

  Fiduciam talem habemus per christum ad deum non quod sumus
  sufficientes aliquid cogitare ex nobis tanquam ex nobis. secunde ad
  corinthios. iii. capitulo.



[Illustration]

xcv Texte

    Anthenor exille & chace
    Qui contre son pays pourchace
    Trahyson faulse & desloyale
    Sy luy en rendz souldee male


xcv Glose

Anthenor fut ung baron de troye quant vint a la fin des griefves
batailles troyennes les grecz qui le long siege avoient tenu devant la
cité ne sçavoient comment venir a chief de prendre la cité/ car elle
estoit de grant force/ mais par l’endittement de anthenor par couroux
qu’il avoit au roy Priam leur enhorta & dist comment ilz feignissent
faire paix au roy et par celle voye les mettroit luymesmes en la cité &
si leur donroit passage. Ainsi le fist parquoy troye fut trahye.

Et pour ce que trop grande fut la trahyson & maulvaistie de cestuy dit
au bon chevalier que tous ses semblables ou il les sçaira doibt chacer &
exciller/ car trop sont icelle gent a haÿr/ dit Platon. Barat est le
capitaine et gouverneur des maulvais.


xcv Alegorie

Anthenor qui doibt estre chacé/ pouons entendre que le bon esperit doit
chacer de soy toute chose dont inconvenient luy peult venir. De ce dit
sainct Augustin que celuy qui n’est soigneux de eschever les
inconveniens est semblable au papillon qui tournye tant entour le feu de
la lampe que ses esles se brulent & puis est noyé en l’huyle/ & a
l’oyseau qui tant volette entour le gluau que il y pert ses plumes.
Exemple de sainct Pierre qui demoura tant en la court au prince de la
loy que il encheut en celuy inconvenient de regnier son maistre. Et dit
Salomon.

  Fuge a via malorum ne transeas per eam. Proverbiorum. iiii. capitulo.



[Illustration]

xcvi Texte.

    Au temple minerve souffrir
    Ne doibs tes ennemis offrir
    Mire toy au cheval de fust
    Encore fust/ troye s’il ne fust


xcvi. Glose.

Les gregois firent paix par faintise aux troyens par la traïson Anthenor
ilz dirent que ilz avoient voué ung don a minerve/ la deesse qu’ilz
vouloient offrir: et avoient fait faire ung cheval de fust de
merveilleuse grandeur lequel estoit plain de chevaliers armez & tant fut
grant que la porte de la cité convint rompre pour eulx entrer & sur roes
estoit assis le cheval que ilz trainerent jusques au temple/ et quant la
nuit fut venue adoncques saillirent hors les chevaliers qui ceulx de
dehors mirent en la ville qui toute la gent occirent et ardirent &
destruirent la cité. Pour ce dit au bon chevalier qu’en tel faintise ne
en tel offrende ne doit fyer. Ad ce propos dit le sage. On doit doubter
les soubtillitez et les engins de son ennemy s’il est sage/ et s’il est
fol sa mauvaitie.


xcvi Allegorie

Le temple minerve pouons entendre l’eglise sainte ou ne doit avoir
offert fors oraison. & dit saint augustin au livre de la foy que sans la
compaignie de sainte eglise quelque bien ne peult a nully prouffiter ne
les oeuvres de misericorde ne pevent valoir ne vie pardurable avoir ne
hors le giron de l’eglise ne peult estre salut. Pour ce dit david en son
psaultier.

  Apud te laus mea in ecclesia magna.



[Illustration]

xcvii Texte.

    Ne cuides avoir leur chastel
    Car ylion le fort chastel
    Fut prins et ars/ aussi fut thune
    Tout est entre les mains fortune


xcvii Glose.

Ylion fut le maistre donjon de troye et le plus fort & le plus bel qui
oncques fut fait dont les hystoires facent mencion mais nonobstant ce
fut il prins & ars et vint a neant/ & aussi fut la cité de thune/ qui
jadis fut grant chose/ & pour ce que telz cas adviennent par la muableté
de fortune veult dire que le bon chevalier ne se doit en orgueillir ne
soy tenir seur pour nulle force. Pour ce dit ptholomee/ de tant comme
une seigneurie est plus hault de tant en est la ruine plus perilleuse.


xcvii Allegorie

Qu’il ne cuide avoir seur chastel/ pouons entendre que le bon esperit ne
doibt avoir regard ne regret a delices quelconques/ car comme delices
soient passables non seures et mainnent a damnacion dit sainct hierome
que c’est impossible que une personne passe de delices a delices que
elle saille des delices de ce monde aux delices de paradis que icy
remplisse son ventre et y la son ame. Car la condicion d’ame sy est
delice ne elle n’est point donnee a ceulx qui cuident avoir le monde
perpetuel en delices. A ce propos est escript en l’apocalipse.

  Quantum glorificavit se et in deliciis fuit tantum date ei tormentum
  et luctum. Apocalipsis. xviii. ca.



[Illustration]

xcviii Texte

    Le port escheves de circés
    Ou les chevaliers ulixés
    Furent tous en porcz convertis
    Souvienne toy de ses partis


xcviii Glose

Circés fut une royne qui avoit son royaulme sur la mer d’ytalie & fut
moult grant enchanteresse & trop sceut de sors & de annoncemens/ & quant
ulixés qui par mer alloit apres la destruction de troye sicomme il
cuydoit retourner en son pays par maintz grans tormentz & perilleux
qu’il avoit euz fut arivé au port de celle terre/ il manda a la royne
par ses chevaliers se il pourroit seurement prendre port sur sa terre.
Circés moult beau accueillyt les messagiers & par semblant de courtoisie
leur fist tendre bruvaige moult delicieux a boire mais telle vertu avoit
par poison que soubdainement furent les chevaliers muez en porcz.

Circés peult estre entendue en plusieurs manieres/ & peult estre
entendue pour une terre ou une contree ou les chevaliers furent mys en
orde ou villaine prison. Et peult estre aussi une dame pleine de vagueté
& que par elle plusieurs chevaliers errans/ c’est a entendre suyvans les
armes qui mesmes estoient de la gent ulixés/ c’estassavoir malicieux &
avisez furent tenuz a sejour comme porcz.

Et pource dit au bon chevalier que a tel sejour ne se doibt arrester. Et
dit Aristote. Celuy qui est du tout enclin a fornicacion ne peult en la
fin estre loué.


xcviii Alegorie

Le port circés pouons entendre pour ypocrisie que le bon esperit doibt
eschever sur toute riens/ & contre les ypocrites parle sainct Gregoire
es morales que la vie des ypocrites n’est nonplus que une avision
fantasticque & une fantasie ymaginaire qui monstre par dehors en
semblance de ymage qui n’est mye dedens en realle verité. A ce propos
dit nostreseigneur en l’evangile.

  Ve vobis ypocrite qui similes estis sepulcris dealbatis que a foris
  apparent hominibus speciosa/ intus vero plena sunt ossibus mortuorum.
  Matthei xxiii. capitulo.



[Illustration]

xcix Texte

    Tu ne doibs belles raisons tendre
    A qui bien ne le scet entendre
    Yno qui sema le bled cuyt
    Le te note assez com je cuid


xcix Glose

Yno fut une roine laquelle fist semer le bled cuyt qui ne revint point.
Et pour ce veult dire au bon chevalier que belles raisons bien ordonnees
& sages auctoritez ne doibvent estre dictes a gens de rude entendement &
qui ne les scevent entendre/ car elles sont perdues. Et pour ce dit
Aristote.

Ainsi que la pluye ne prouffite point au bled semé sur la pierre. Aussi
ne font bons argumens a l’insapient.


xcix Alegorie

Que belles raisons ne soyent dictes aux ignorans qui ne sçairoient
entendre comme ce seroit chose perdue/ mais que ignorance soyt a blasmer
dit sainct Bernard en ung livre des quinze degrez de humilité/ que pour
neant excusent de fragilité ou de ignorance ce qui a ce que ilz pechent
plus franchement sont voulentiers fraisles ou ignorans & plusieurs
choses qui debveroient estre aulcunesfois sceues sont ignorees
aulcunesfois ou par negligence de les sçavoir ou par paresse de les
demander/ ou par honte de les enquerir/ et toute telle ignorance n’a
nulle excusation. Et pour ce dit sainct pol l’apostre.

  Si quis ignorat/ ignorabitur. Prima ad corinthios xiiii. capitulo.



[Illustration]

C Texte

    Cent auctoritez t’ay escriptes
    Sy ne soyent de toy despites
    Car Augustus de femme aprint
    Qui d’estre adoré le reprint


C Glose

Cesar augustus fut empereur de romme & de tout le monde/ & pour ce que
au temps de sa seigneurie fut paix par tout le monde que il seigneurioit
paisiblement/ la folle gent mescreant tenoient que celle paix fust pour
cause du bien de luy/ mais non estoit/ car c’estoit pour cause de
Jesuchrist qui estoit né de la vierge Marie & ja estoit sur terre/ &
tant comme il vesquit paix fut par tout le monde/ si vouloyent adorer
cesar comme dieu/ mais adonc sibile Cumana lui dist que bien gardast que
adorer ne se feist/ & qu’il n’estoit fors ung seul dieu qui tout avoit
creé. Et lors le mena sur une haulte montaigne hors de la cité & dedens
le soleil par la voulenté nostreseigneur apparut une vierge tenant ung
enfant. Sibile luy monstra & luy dist que celuy estoit vray dieu qui
devoit estre adoré/ & adonc Cesar le adora. Et pource que cesar augustus
qui prince estoit de tout le monde apprint a congnoistre dieu a la
creance d’une femme peult estre dit a propos l’auctorité que dit Hermes.
Ne te soit point honte d’ouyr verité & bon enseignement qui que le die/
car verité anoblist celluy qui la prononce.


C Alegorie

La ou othea dit que cent auctoritez luy a escriptes/ & de femme apprint
Augustus/ c’est a entendre que bonne parolle & bons enseignemens sont a
louer de quelzconques personnes que ilz soyent ditz/ de cecy dit Hugues
de sainct victor en ung livre appellé didastalicon. Que le sage homme ot
voulentiers de tous/ & aprent voulentiers de chascun & lyt voulentiers
toutes manieres d’enseignemens/ il ne despite point l’escripture/ il ne
despite point la personne/ il ne despite point la doctrine/ il quiert
indifferemment par tout & tout ce que il voyt dont il a deffaulte/ il ne
considere point qui c’est qui parle/ mais que c’est que on dit/ il ne
prent point garde combien luymesmes scet/ mais combien il ne scet mye. A
ce propos dit le sage.

  Auris bona audiet cum omni concupiscentia sapientiam. Ecclesiastici.
  iii. capitulo.


Finis.



NOTES DU TRANSCRIPTEUR


On a conservé l’orthographe de l’original, en résolvant toutefois les
abréviations par signes conventionnels (par exemple hõe transcrit
homme). Pour faciliter la lecture, on a introduit cédilles, apostrophes
et accents, et distingué entre i/j et u/v selon l’usage. La ponctuation
est conforme à l’original, à l’exception des points finaux en fin de
phrase qui ont été systématiquement ajoutés lorsqu’ils étaient absents.

Seules quelques erreurs manifestement dues au typographe ont été
corrigées (lettres omises, interverties, à l’envers ou de formes
semblables, de type qni pour qui).




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