By Author | [ A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z | Other Symbols ] |
By Title | [ A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z | Other Symbols ] |
By Language |
Download this book: [ ASCII | HTML | PDF ] Look for this book on Amazon Tweet |
Title: Le trésor de la cité des dames de degré en degré et de tous estatz Author: Christine, de Pisan, 1364?-1431? Language: French As this book started as an ASCII text book there are no pictures available. *** Start of this LibraryBlog Digital Book "Le trésor de la cité des dames de degré en degré et de tous estatz" *** by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr) Le tresor de la cité des dames de degré en degré: et de tous estatz selon dame cristine [Illustration] Prologue. Et si par divin vouloir l'estat de majesté royalle & de seigneurie est eslevé sur tous estatz mondains & que a la conduyte & doctrine d'iceluy soit regi & gouverné le petit & menu peuple pour au monde estre en union paix & concorde / bien licite est & convenable que ceulx et celles tant femmes comme hommes que dieu a establis es haulx sieges de puissance & domination de tant plus soient mieulx moriginés que autre gent & aornés de belles doctrines & de bonnes meurs affin que la reputation de eulx en soit plus venerable / & que comme ilz sont ensuys et imitez aux choses mondaines et temporelles / pareillement en vie spirituelle soient a toutes gens miroir & exemple de toutes beneuretez & faitz vertueux. Et pource ma treschiere & tressouveraine dame Anne Royne de france treschrestienne que vostre tresbenigne et royalle majesté tousjours desire veoir bonnes choses et vertueuses. Je vostre treshumble et tresobeissant serviteur a l'honneur & magnificence de vostre trestriumphante souveraine je ay fait le livre des trois dames de vertus / c'est assavoir Raison droicture & justice souveraines dames de la noble cité des dames de vertus. Lequel livre fist & composa tresredoubtee dame cristine a l'enseignement et exhortacion des Roynes haultes dames et princesses par le commandement d'icelles nobles vertus. Ad ce que lesdictes Roynes haultes dames & princesses soyent convocquees a estre souveraines citoyennes / et comme telles mises & fichees en la noble cité des dames de vertus. Et a l'exemple d'icelles les aultres dames / damoiselles / bourgoises et femmes de commun peuple. Et si demontre comment les bonnes princesses doivent aymer et craindre dieu pour le premier et principal enseignement. Et qu'elles doivent prendre le bon & saint advertissement qui vient pour l'amour & crainte de nostreseigneur. Avecques plusieurs beaulx & vertueux enseignemens contenus en celuy livre. Ainsi que vostre tresglorifique et beneuree dignité en lisant le livre ou faisant lire par maniere de recreation pourra veoir & congnoistre. ¶ Or dit dame cristine. Aprés ce que j'eus edifié a l'aide & par le commandement des trois dames de vertus / c'est assavoir Raison droicture & justice la cité des dames par la forme & maniere que au contenu de ladicte cité est declairé. Je comme personne, travaillee de si grant labeur avoir accomply et mis sus mes membres & mon corps lassé pour cause du long & continuel excercite estant en oyseuse et querant repos s'apparurent a moy gueres ne tarderent les dessusdictes trois glorieuses en disant toutes trois parolles d'une mesmes substance en telle maniere. Comment fille d'estude as tu ja remis & fiché en mue l'ostil de ton entendement & delaissé en secheressse encre plume & le labour de ta main dextre auquel tant te soulois deliter. Veulx tu doncques donner oreille a la leçon de paresse qui te chantera se croyre le veulx / tu as assez fait / temps est que tu te reposes Comme ne scés / tu que doncques dit / que quoy que l'entendement du sage aprés grant labeur se repose. Si n'est il nul temps remis d'aulcune bonne oeuvre / non mie a toy appartient estre au mombre d'iceulx qui emmy chemin sont trouvés recreans. Male honte ayt chevalier qui se despart de la bataille ains la fin de la victoire. Car a ceulx appartient la couronne de lorier qui perseverent. Or sus baille ta main dresse toy / plus ne soyes accopie en la pouldriere de recreantise. Entens nos sermons et tu feras bonne oeuvre / nous ne sommes encores ressasiees ou saoulees de te mettre en besongne comme chamberiere de nos vertueux labours avons advisé preparlé & conclud au conseil de vertu et a l'exemple de dieu qui au commencement du siecle qu'il eut creé vit son oeuvre bonne / la beneist. Puis fist homme & femme & les animaulx. Ainsi nostredicte oeuvre precedente / ceste de la cité des dames qui est bonne & utile soit benie et exaulcee par tout l'universel monde que encores a l'acroissement d'icelle nous plaist que tout ainsi comme le sage oyseleulx apppreste sa cage ains qu'il prengne ses oyselons. Voulons que aprés ce que le heberge des dames honnorees est faicte et preparee soyent semblablement que devant par tout ayde pourpensés faitz & quis engins trebuchetz & rethz beaulx & nobles laciez & ouvrez a neudz d'amours que nous te livrerons & tu les estendras par la terre es lieux & es places et es angletz par ou les dames & generallement toutes femmes passent et courent affin que celles qui sont farouches et dures a dominer puissent estre happees prinses & trebuchees en nos latz si que nulle ou pou qui s'embate ne puisse eschapper & que toutes ou la plus grant partie d'elles soyent fichees en la caige de nostre glorieuse cité / ou le doulx chant aprengnent de celles qui desja y sont hebergees comme souveraines / et qui sans cesser deschantent alleluya avecques la teneur des beneurés anges. Lors moy christine oyant les voix series de mes tresreverables maistresses remplye de joye en tressaillant / tost me dreçay & agenoillee devant elles m'offry a l'obeissance de leurs dignes vouloirs. Et adonc je receu d'elles tel commandement. Pren ta plume & escrips. Beneurez seront celles qui habiteront en nostre cité pour acroistre le nombre des cytoyens de vertu. A tout le college femenin & a leur devote religion soit notifié le sermon et la leçon de sapience. Et tout premierement aux roynes princesses & haultes dames. Et puis ensuyvant de degré en degré chanterons semblablement nostre doctrine aux autres dames en toutes les damoiselles & estatz des femmes affin que la discipline de nostre escolle puisse estre a tous vaillable. ¶ Cy finist le prologue ¶ Cy commence la table de ce present livre du tresor de la cité des dames / & contient trois parties a la premiere y a .xxvi. chapitres A la deuxiesme .xiiii. chapitres / & a la troisiesme & derniere partie xiiii. chapitres. Et premierement. ¶ Comment les haultes roynes & princesses doivent aymer & craindre dieu Chap. premier. ¶ Comment les temptations pevent venir a haulte princesse. Chapitre. ii. ¶ Comment la bonne princesse qui aymera & craindra nostreseigneur pourra resister aux temptations par divine inspiration. Chapitre. iii. ¶ Le bon & saint advertissement & congnoissance qui vient a la bonne princesse par l'amour & crainte de nostreseigneur. chap. iiii. ¶ Des deux sainctes vies / c'est assavoir de la vie active & de la vie comtemplative. chap. v. ¶ Cy devise la voye que la bonne princesse se delibere a tenir. Chapitre vi. ¶ Comment la bonne princesse vouldra attraire a soy toutes vertus. Cha. vii. ¶ Comment la saige princesse ou dame se peinera de mettre la paix entre le prince & les barons s'il y a aulcun discord. cha. viii. ¶ Des voyes de devote charité que la bonne princesse tiendra. Chapitre. ix. ¶ Des enseignemens moraulx que prudence mondaine prendra a la saige princesse. chap. x. ¶ La maniere de vivre de la saige princesse par l'admonnestement de prudence. chap. xi. ¶ Des sept principaulx enseignemens de prudence qui sont necessaires a retenir a toute princesse qui ayme honneur. le premier est comment se tiendra vers son seigneur generallement & particulierement. chap. xii. ¶ Le deuxiesme enseignement de prudence qui est comment la saige princesse se contiendra vers les parens & amys de son seigneur Chapitre. xiii. ¶ Le troisiesme enseignement de prudence qui est comment la sage princesse sera songneuse de se prendre garde sur l'estat & gouvernement de ses enfans. chap. xiiii. ¶ Le quatriesme enseignement de prudence qui est comment la princesse tiendra discrette maniere vers ceulx qui ne l'aymeront pas & qui auront envye sur elle. chap. xv. ¶ Le .v. enseignement de prudence qui est comment la sage princesse mettra peine comment elle soit en la grace & benivolence de tous les estatz de ses subjetz. chap. xvi. ¶ Le .vi. enseignement comment la sage princesse tiendra en belle ordonnance les femmes de sa court. cha. xvii. ¶ Le .vii. enseignement devise comment la sage princesse se prendra garde sur ces revenues & de ses finances & de l'estat de sa court. Chapitre. xviii. ¶ En quelle maniere se doit estendre sa largesse et liberalité de la saige princesse. chap. xix. ¶ Les excusations qui affierent aux bonnes princesses qui ne pourroyent pour aucunes causes mettre a effect les choses dessusdictes. chap. xx. ¶ Du gouvernement a la sage princesse demouree vefve. ch. xxi. ¶ De ce mesmes a l'enseignement des jeunes princesses vefves. Chapitre. xxii. ¶ Du gouvernement qui doit estre baillé & tenu a jeune princesse nouvelle mariee. chap. xxiii. ¶ Les manieres que la sage dame ou damoiselle qui a en gouvernement jeune princesse doit tenir pour maintenir sa maistresse en bonne renommee & en l'amour de son seigneur. chap. xxiiii. ¶ De la jeune haulte dame qui se vouldroit esvoyer en folle amour & l'enseignement que prudence donne a la dame ou damoiselle qui l'aura en gouvernement. chap. xxv. ¶ La maniere des lectres que la sage dame peut envoyer a sa maistresse. chapitre xxvi. ¶ Cy commence la deuxiesme partie de ce livre laquelle s'adresse aux dames & damoiselles Et premierement a celles qui demeurent a court de princesse ou haulte dame. ¶ Le premier chapitre parle comment les trois dames / c'est assavoir / raison / droicture & justice recapitullent en brief ce qui est dit devant. chap. xxvii. ¶ Des quatre pointz les deux bons a tenir / & les deux autres a eschever. & comment dames & damoiselles de court doyvent aymer leur maistresse & ce est le premier point. chap. xxviii. ¶ Le deuxiesme point qui est bon a tenir aux femmes de court qui est comment elles doyvent eschever trop d'acointances. chap. xxix. ¶ Le .iii. point qui est le premier des deux qui sont a eschever parlant de l'envye qui regne en court & dequoy elle vient. chap. xxx. ¶ De ce mesmes enseignement aux femmes comment se garderont entre elles d'avoir le vice d'envye. chap. xxxi ¶ Le .iiii. point qui est le deuxiesme des deux qui sont a eschever & parle comment femmes de court se doivent bien garder de mesdire et de quelle chose vient mesdit ne a quelle cause ne occasion. Chapitre. xxxii ¶ De mesmes comment femmes de court se doyvent bien garder de dire mal de leur maistresse. chap. xxxiii ¶ Comment il ne appartient a femmes de diffamer l'une l'autre ne dire mal. chap. xxxiiii. ¶ Des dames baronnesses la maniere du sçavoir qui leur appartient. chap. xxxv. ¶ Comment il appartient que les dames & damoiselles qui demeurent sur les manoirs se gouvernent au fait de mesnage. ch. xxxvi. ¶ Des dames qui sont oultrageuses en leurs habitz atours et habillemens. chap. xxxvii. ¶ Contre l'orgueil d'aucunes. chap. xxxviii ¶ Des manieres qui appartiennent a dames de religion. c. xxxix. ¶ Cy commence la tierce partie. ¶ Comment tout ce qui est dit devant peut toucher aussi bien les unes comme les autres des femmes & de la maniere & gouvernement que femme d'estat doit tenir au fait de son mesnage. Chapitre. xl. ¶ Comment femmes d'estat doivent estre ordonnees en leur habit et comment se garderont de ceulx qui tachent a les decevoir. Chapitre. xli. ¶ Des femmes des marchans. chap. xlii. ¶ Des femmes vefves vieilles & jeunes. chap. xliii. ¶ Des jeunes filles & vieilles estans en l'estat de virginité. Chapitre. xliiii. ¶ Comment anciennes femmes se doyvent maintenir vers les jeunes & des meurs que avoir doyvent. chap. xlv ¶ Comment jeunes femmes se doivent maintenir vers les anciennes. chap. xlvi. ¶ Des femmes des mestiers / comment gouverner se doyvent. Chapitre. xlvii. ¶ Des femmes servantes & chamberieres. chap. xlviii ¶ Des femmes de folle vie. chap. xlix. ¶ Des femmes honnestes & chastes. chap. l. ¶ Des femmes des laboureurs. chap. li. ¶ De l'estat des povres. chap. lii. ¶ La fin & conclusion du livre. chap. liii. ¶ Cy fine la table de ce present livre. ¶ Cy commence le livre que fist dame cristine pour toutes roynes haultes dames & princesses. Et premierement. Comment ilz doyvent aymer et craindre dieu. chap. premier. De par nous troys seurs filles de dieu nommees raison / droicture / & justice. a toutes princesses empereys / roynes / duchesses / & haultes dames en domination regnans sur la terre crestienne & generalement a toutes femmes. Salut & dilection. Sçavoir faisons que comme amour charitable nous contraigne a desirer le bien & accroissement l'honneur & prosperité de l'université des femmes & a vouloir le decheement & destruction de toutes les choses qui y pourroyent empescher / sommes meuz a vous declairer & dire parolles de doctrine. Venes doncques toutes a l'escolle de sapience dames esleues es haultz estatz & n'ayez honte pour vous grandeurs de vous humilier & descendre aseoir bas pour ouÿr noz leçons. Car selon la parolle de dieu Qui se humiliera sera exaulcé quel chose est il en ce monde plus plaisant ne plus delectable a ceulx qui desirent richesses mondaines / que or & pierres precieuses. mais ne leur pourroient mye pourtant si embellir que font vertus aux corps qui desirent bien vivre. car de tant que vertus sont plus nobles pource que elles durent sans fin. & sont les tresors de l'ame qui est perpetuel & les autres passent comme fumee de tant ceulx qui le goust en sentent & assaveurent les desirent ardamment plus que autre chose mondaine ne pourroit estre desiree. Et doncques n'appartient il a ceulx & a celles qui sont assis par grace & bonne fortune es plus haultz estatz que ilz soyent servis de tresmeilleurs choses. Et pource que vertus sont les maitz de nostre table nous plaist il en distribuer premierement a celles a qui nous parlons. C'est assavoir ausdictes princesses se fera le fondement de nostre doctrine tout premierement sur l'amour de crainte de nostreseigneur. Car celuy point est le principe de sapience dont toutes les autres vertus yssent & dependent. Entendés doncques princesses & dames honnorees sur la terre comment tout premierement sur toutes choses vous advint amer & craindre nostreseigneur. Amer pourquoy pour son infinie bonté & les tresgrans benefices que vous en recevés. Et craindre pour sa divine & saincte justice qui riens ne laisse impugny. Et si ceste amour & crainte avés bien devant les yeulx / sans faulte vous estes au chemin qui conduyra au lieu dont nous vous preschons c'est assavoir aux vertus. Or est il ainsi & n'est nulle doubte que il convient que tout cueur qui bien ayme le demonstre par oeuvre. Sicomme il mesme dit en l'evangille. Les ouailles de mon pere me ayment / & je les garde Cest a dire que les creatures qui l'ayment suyvent les traces que sont de vertu & il les garde de tous perilz / doncques est il ainsi qui la princesse qui l'aymera le demonstrera si que pour quelconques charges ou occupations que elle ayt a cause de la magnificence de son estat ne se departira devant les yeulx la lumiere de droit chemin. Laquelle lumiere se combatra contre les temptations & tenebres de pechés & de vices & les vaincra & chassera selon la maniere que cy aprés est contenue. ¶ Cy devise la maniere des temptations qui pevent venir a haulte princesse. Chapitre .ii. Quant la princesse ou haulte dame sera en son lict au matin reveillee de son somme / & elle se verra couchee en son lit mol entre souefz draps environnee de riches paremens & de toutes choses pour ayse du corps dames & damoiselles entour elle qui l'ueil n'ont a autre chose fors a adviser que riens ne lui faille de tous delices prestes de courir a elle si elle souspire tant soit soit petit / ou s'elle sonne mot / les genoulx flexis pour luy administrer tout service & obeir a tous ses commandemens. Adonc souventesfois adviendra que temptation l'assauldra qui luy chantera la leçon. Beau sire dieu est il en ce monde plus grant maistresse de toy / ne plus auctorisee. de qui dois tu tenir compte ne iroyes tu devant les autres ceste cy celle la quoy que elle soit mariee a hault prince n'est point acomparee a toy / tu es plus riche ou plus haultement en lignage / ou plus prisee pour tes enfans plus crainte et plus renommee & auctorisee pour la puissance de ton seigneur. Qui seroit ce doncques qui te oseroit faire quelconque desplaisir / ne t'en vengerois tu pas bien par telle puissance et par telle. Il n'est si grant doncques tu ne venisse bien a chief. Toutesfois tieulx & tieulx ou telles & telles ont eu arrogance contre toy & ont cuydé par leur oultrecuydance povoir a toy. & ont fait telz & telz choses en ton desplaisir & prejudice. si t'en vengeras se tu peux ung temps viendra. & a ce pourras tu moult bien faire par tel ayde & par telle puissance / mais que convient il a ce faire nul ne fait riens tant soit grant maistre ne riens n'est craint s'il n'a argent & grant finance. Si te convient mettre peine a amasser tresor affin que en ton besoing tu t'en puisses ayder / c'est le meilleur amy & plus seur moyen que tu puisses avoir. qui sera celluy qui te desobeyra mais que tu ayes largement que donner. pose que n'en donnasses se petit non. Si seroys tu voulentiers servie en esperance & attendant d'en avoir mieulx puis que renom seroit de ta richesse. Or soit elle morte qui ne tirera doncques a soy a toutes mains qui que en soy grevé ne a qui il en desplaise. Ce pourras tu bien faire mais que peine y mettes que as tu affaire si on en parle telz parleurs ne te pevent nuyre ne grever. Quel soussy doibs tu avoir. Il ne te fault sinon adviser a toutes choses qui plaire te pourront. Tu n'as que ta vie en ce monde / vis a repos / de quoy te doibs tu embesongner vins & viandes ne te pevent faillir / de ce peuz tu avoir a ta plaisance & tous autres delices. Brief il ne te fault penser fors d'avoir toute la joye et tous les esbatemens que tu pourras en ce monde. Nul n'a bon temps s'il ne le se donne / aulcune gratieuse pensee te fault avoir qui te resjouyra pour qui seras jolye / tieulx robbes tieulx paremens & tieulx joyaulx tieulx abillemens / ainsi & ainsi fais et de tel devise te fault avoir / tu n'en as nulz de si noble façon. ¶ Cy devise comment la bonne princesse qui aymera & craindra nostre seigneur pourra resister aux temptations par divine insparation. Chapitre .iii. Toutes les choses dessusdictes ou les semblables sont les metz que temptation administre a toute creature vivant en ayse & delices / mais que fera la bonne princesse quant ainsi temptee se sentira Adoncques sauldra en place l'amour et crainte de nostre seigneur dieu jhesucrist qui luy chantera une autre leçon en disant en ceste maniere. Ha fole musarde mal advisee que as tu pensé en petit de heure avoyes oublié la congnoissance de toymesmes / ne scés tu pas bien que tu es une miserable et povre creature fresle debile & subjecte a toutes enfermetez a toutes passions maladies & autres douleurs que corps mortel peut souffrir / quel avantage as tu ne que ung autre / neant plus que auroit ung tas de terre couvert d'ung parement de celluy qui seroit soubz une povre flessoie. Ha dolente creature encline a pecher & a tout vice te veulx tu doncques mescongnoistre & oublier comment ce chetif vessel vuit de toute vertu qui tant veult d'honneurs & d'aises deffauldra & mourra en peu de terme sera viande aux vers / & aussi bien pourrira en terre que celluy de la plus povre femme qui soit & que la lasse ame n'en portera riens ne mais le bien ou le mal que le chetif corps aura commis sur terre / que te vauldront lors honneurs avoirs ne ton grant parenté desquelles choses en ce monde tu te aloses te yront ilz secourir en la peine ou tu seras si tu as mal vescu en ce monde / certes non Ainçoys tout ce dequoy tu auras mal use te tournera a ruyne Helasse dolente mieulx fust pour toy avoir usé ta vie en l'estat d'une trespovre femme que estre eslevee en tant d'estas qui seront / se tu ne t'en prens garde / la cause de ta dampnation. Car forte chose seroit d'estre entre les flammes sans brusler. Ne scés tu que dieu dist en l'evangile. que les povres seront bieneurez / et que le royaulme des cieulx est pour eulx. Et ailleurs il dist que neant plus que ung chamel chargié entreroit au pertuys de l'eguille n'iroit ung riche en paradis. O dolente tu es si aveugle que tu n'avises ton grant peril / mais ce fait le grant orgueil qui pour cause de ses vains honneurs ou tu te vois envelopé estaint en toy si toute raison que te semble il que tu ne cuydes mye seullement estre princesse ne grant dame / mais comme une droicte deesse en ce monde. Ha ce faulx orgueil comment le seuffres tu en toy et si scés par le raport de l'escripture dieu le hayt tant qu'il ne le peut souffrir. Car pour celle cause tresbucha il lucifer le prince des ennemys du ciel en enfer. Et certes aussi fera il toy se tu ne te gardes. O orgueil racine de tous maulx certainement je congnois que de toy viennent tous les aultres vices et ce puis je congnoistre en moymesmes / car pour cause de toy & non pour autre achoison je suis souvent embatue en ire desirant vengance / sicomme je pensoye nagueres. & me fais sembler que je doye estre redoubtee & prisee sur toutes les autres / & que je doye chascun supediter & que pource je ne doy riens souffrir qui me desplaise / mais tantost me venger tant soit le meffait petit. O vent perilleux en fleure de couraige boce plaine de venin & de pourriture la chair ou tu es fichee est en plus grant adventure que celle ou est la boce qui vient d'epidimie. Perverse creature tu desire vengeance pource que il te semble que es si grant que nul quoy que tu faces ne doit oser contredire ne groucier a tes vouloirs / mais ton aveuglee ygnorance conduycte d'orguelleuse arrogance te fait mecongnoistre comment toute personne soit grant ou petite qui mauvaisement use ses jours dessert que toute chose luy doye estre contraire si n'avises point en toy comment tu as desservy & dessers par la maniere que tu tiens que tu ne soyes point en la grace de maint. Par-*quoy n'est sans cause se plusieurs sont rebelles et contredisans a tes voulentés & opinions & ainsi ton tort tu n'avises point. Mais a tous propos quoy que tu faces te semble qu'il te laise a supediter toutes autres voulentes & oppinions Et si aucuns y regibent ou contredient tu les hés & pourpenses mal contre eulx & leur pourchasses en secret ou en appert sans adviser le mal & le tresgrant peril qui s'en pourroit ensuyvre a toy mesmes en ame & corps & a infinis autres / ou si tu ne leur pourchasse pource que tu ne peuz au moins leur portes tu mortel haine. En ce desloyal orgueil qui te fiche en la mer de perdicion ne te met il aussi en teste a cause des boubans pour le desirer de povoir accomplir ou tes vengences ou autres superfluités / comme tu amasseras tresors sans regard de conscience. Ha doloreux tresor c'est chose comme impossible que tu puisses estre amassé sans le prejudice de plusieurs & contre leur vouloir pour alouer maulvaisement a ton singulier vouloir. Saiches certainement & ne doubte du contraire que l'avoir acquis & amasse indeuement tu ne useras ja joyeusement. Car la ou tu l'auras assemblé en entente de l'employer en aucunes choses a ton plaisir dieu t'envoyera d'aultre costé tant d'adversité ou de maladies ou d'autre charges que il conviendra que ce mauldit tresor soit desploye & mis en usage doloreux tout au contraire de ce que tu pensoyes. que feras tu doncques de ce maudit tresor l'emporteras tu quant tu mourras. Certes non ne mais autant que tu emporteras la charge de ce que malacquis & usé l'auras. Mais regarde de rechief ou t'a bouté & empaint ce maudit orgueil pource qu'il te fait acroire que tu passez les autres en grandeur & auctorité. il fait ton cueur & de frire de paour que autre te puisse actaindre & avenir en si hault estat que tu es. Pource que il te fait tousjours desirer a estre la plus grant & s'il advient que tu voyes ou saches personne plus ou tant auctorisee ou honnoré nulle peine ne pourroit estre plus grande que le dueil que ton cueur emporte & ce te faict devenir mesdisant ireuse & rancuneuse une autre infernalle flamete te met orgueil en couraige. C'est que tu dis a toymesmes tu n'as mestier de labourer ne de riens faire il ne te fault ne mais querir tes ayses gesir grant matinee / puis aprés disner & reposer visiter tes coffres a tes joyaulx & a tes paremens ce doit estre ton ouvrage. Et ainsi maleureuse forcenee creature que tu es te semble il que dieu qui a donné le temps a toute personne pour employer a bon usaige t'aye donné auctorité de le passer en oyseuse plus que ung autre. Ha meschante creature & tu as ouÿ prescher aultre-*fois que saint bernard sur cantiques dit que oysiveté est la mere de toutes truffes & la marastre des vertus. C'est celle qui mesmement l'omme fort & constant fait tresbucher en peché qui estaint toutes les vertus nourrist orgueil & fait le chemin d'enfer mais encore que advient il. Cestuy orgueil qui ainsi te fait querir tes aises / et iceulx aises qui tant nourrissent cel orgueil te font desirer les lescheries friandes en boires & en mengiers / non mye des choses communes ne de viandes acoustumees. car de ce es tu toute ennuyee / mais il fault que les queux pour te complaire & pour bien desservir leurs gages pourpensent saveurs saulces & mistions nouvelles pour plus plaire la viande a ton goust & ainsi des vins. Ha doloreuse fault il ainsi emplir ce sac qui est viande a vers & vassel de toute iniquité. Mais que en advient il quant il est ainsi emply que demande il se maistre dieu tout ainsi que la bouche qui est le nourrissement du feu lescherie & friandise & superfluités de vins & de viandes est le nourrissement de charnalité c'est ce qui enflame l'orgueil & qui fait encliner le courage a desirer en toutes voyes tout ce qui au corps peut deliter / & certes la chair ainsi nourrie ressemble le cheval lequel quant son maistre a bien tasché a l'engresser il est si dru et si mignot que quant il se cuide aider il ne le peut tenir & le maine maulgré qu'il en ait les voyes qui luy sont prejudiciables & a la fin par son regibement et par ses saulx luy rompt le col. Tout ainsi tue l'ame & les vertus le corps trop souef nourry & engressé de viandes lecheresses mais l'orgueil qui se fiche en ce gras nourrissement te faict tant desirer et vouloir superflux habitz joyaulx et paremens que a pou tu ne penses a autres choses ne quoy qu'il doye couster ne dont il doyve venir comment que tu les ayes a ton vouloir. Et avec cestuy vice & les autres inconveniens malhonnestes et infinis ou il te maine il te faict tant estre desdaigneuse et dangereuse a servir que a peine pourra l'en trouver joyel habit ou parement qui te puist souffrir ne ou on ne treuve a redire et ne sera ame qui te puisse faire ton gré & avecques toutes ces choses tu es si oultrecuidee & presumptueuse que il ne te semble mye que a peine dieu ny autre chose quelconques te peust grever. O miserable chetive & adveuglee creature comment peut avoir en toy tant de force cest oultrageulx orgueil que il te fait oblier les pugnitions de dieu nonobstant qu'il te seuffre si longuement demourer plungé en tant de deffaulx sans te payer de tes desertes / mais ne sçay tu que ung saint docteur dit que de tant que la vengence de dieu plus retarde a venir de tant est elle plus perilleuse quant elle vient / ainsi comme l'arc qui est le plus fort tendu de tant est la fleche plus perçant quant elle vient / as tu oublyé comme nostreseigneur pugnit par son orgueil nabugodonosor qui estoit roy de babiloine & si grant prince que il ne redoubtoit tout le monde semblablement le grant roy de perse anthiochus. & aussi l'empereur xercés & grant nombre d'autres qui tant estoyent grans & puissans que il n'estoit quelconque chose au ciel ne en terre que ilz redoubtassent & toutes voyes furent par vengence & voulenté de dieu par leurs desertes tant humiliez & ramenez a telz perplexités que il n'estoit au monde homme ne plus miserable ne plus infortuné que ilz se virent. Ha ne te souvient a ce propos que il est escript ou livre de eclesiaste ou .x. chapitre si que tu as oy dire a ton beau pere que dieu a destruyt les sieges des ducz orgueilleux & a fait seoir les debonnaires pour eulx & sechié les racines des arrogans & a planté les humiliez en leur lieu qui n'est autre chose a entendre fors qu'il confont les orgueilleux & exaulce les humiliez. Si t'est bien advenu si tu veulx estre confondue. O beau sire dieu a toy qui est une simple femmelette qui n'as force puissance ne auctorité si elle ne t'est donnee d'autruy / cuides tu pourtant si tu es voix envelopee en aises & honneurs suppediter & surmonter le monde a ton vouloir. Cy devise le bon & saint avertissement & congnoissance qui vient a la bonne princesse par l'amour & crainte de nostreseigneur. chap. iiii Ainsi la bonne princesse de dieu amonnestee qui aymera & craindra nostreseigneur se reviendra a soy & quelque bonne qu'elle soit se reputera estre la pire de toutes et aprés les subdictes choses pensees elle dira a soymesmes. Or vois tu & congnois par grace de dieu les tresgrans & espoventables perilz ou tu t'es fichee tout a cause de ce dampnable orgueil que feras tu doncques le contumeras tu ainsi veulx tu estre dampnee lequel te vault mieulx ou vivre a cestuy monde ung petit espace de temps a ton ayse & non mye du tout a ton aise. car de tant que plus te ficheras es delices du monde & plus te souviendra de divers desirs / lesquelz te tourmenteront le cueur pource que acomplir ne les pourras ne du tout avenir a tes vouloirs ne jamais ton cueur n'aura souffisance et estre dampnee perpetuellement ou te refraindre de tes superflues delices & vivre en l'amour et crainte de nostre seigneur & estre sauvee ou royaulme sans fin. Helasse dampnee & qu'esse d'estre dampnee. La saincte escripture dit que c'est estre privee a tousjours sans fin de la vision de dieu & en tenebres espoventables en la compaignie des horribles deables ennemys de nature humaine avecques les ames dampnees qui gectent voix cris & plaintz terribles maudissans dieu & leurs parens & eulx mesmes en torment inestimable en feu ardant et a brief dire comment jacob en pueur merveilleuse & en perpetuelle orreur & avec qui plus engrege le mal en esperance de jamais n'en yssir. O dolente te veulx tu aller ficher en tel dampnation & perdre par ta folie la grace que dieu te promet se tu la veulx deservir pour bien petit de labour & que te promet il. il t'a promis par les merites de sa saincte passion que si tu veulx garder ses saintz commandemens tu iras en paradis. Saint gregoire es omelies en parlant de celle saincte cité de paradis dit en brief qui est la langue & l'entendement qui peut comprendre ne dire quelles ne comment grandes sont les joyes de paradis estre tousjours present en la compaignie des anges avecques les benoitz saintz fichés en la gloire de nostre createur veoir le visaige plain de gloire de dieu & de la benoiste trinité face a face regarder veoir & sentir sa lumiere incomprehensible estre asovy de tout desir avoir congnoissance de toute science en repos eternel n'avoir jamais paour de la mort & estre asseure de tousjours estre sans partir & remaindre en celle gloire beneuree. O vois la difference des deux chemins lequel prendras tu seras tu enragee que tu te fiches en la bourbe pour te noyer & perir & laisses la saine belle & seure voye qui conduyt a sauvete / nennil nennil tu ne seras pas si mal conseillee que tu laisses le bien pour prendre le mal. O saincte trinité ung dieu en unité souverainne puissance parfaicte sapience & infinie bonté conseillés moy et me secourez aidés a saillir hors des tenebres d'ignorance qui tant m'ont aveuglee vierge digne pure & sacree confort des desolez esperance des biens creans tens moy la main de ta saincte misericorde si me tire hors du palu de pechié & d'iniquité. Tressaint beneure colliege & court de paradis anges & archanges cherubins & seraphins trosnes & dominations. Sains apostres de dieu martirs confesseurs et toute l'université des beneures martires vierges et continentes prieres pour moy & soyez en mon ayde. ¶ Cy devise des deux sainctes vies / c'est assavoir de la vie active et de la vie contemplative. Chap. v. Or regardez doncques que tu as affaire se veux estre sauvee. L'escripture fait mention de deux voyes qui mainent ou ciel & sans suyvre les sentes d'icelles impossible est d'y entrer l'une s'appelle la vie contemplative & l'autre la vie active. Et que est a dire la vie contemplative & la vie active. La vie contemplative est une maniere & estat de servir dieu ouquel la personne qui est amy tant & si ardamment nostre seigneur que elle oublye entierement pere mere enfans tout le monde & soymesmes pour la tresgrant et embrasee entente que elle a a son createur sans cesser ne ailleurs ne pense et toutes aultres choses ne luy sont riens ne il n'est povreté tribulation ne autre torment dequoy autre creature puisse estre grevee qui au droit cueur contemplatif puist estre empeschement ne dequoy il fist compte sa maniere de vivre & despriser parfaictement tout ce qui est du monde & les joyes d'icelluy se tenir solitaire & sustrait de toute gent les genoulx a terre les mains joinctes les yeulx ou ciel le cueur eslevé par si haulte pensee que elle va devant dieu contempler & regarder par saincte inspiration la benoiste trinité la court du ciel & les joyes qui y sont & en cel estat est le parfait contemplatif souventeffois tellement que il semble qu'il ne soit mie en soymesmes & la consolation doulceur & joye que il sent adonc ne pourroit estre a celle comparee. Car il sent ja & gouste des gloires & joyes de paradis c'est assavoir il voit dieu en esperit par contemplation il art a son amour si a souffisance parfaicte en ce monde. car il ne veult ne desire autre chose & dieu le reconforte. Car il est son servant & le repaist des doulx metz de son saint paradis c'est de pures & des choses qui sont ou ciel et de parfaicte esperance d'aller a celle joyeuse compaignie. Si n'est nulle joye pareille a celle. Ceulx qui le scevent qui l'ont essayé combien que parler je n'en puis dont il me poise fors ainsy que l'aveugle des couleurs. Et ceste vie soyt sur toutes autres aggreable a dieu est apparu maintes fois au monde visiblement si comme il est apparu & escript de plusieurs saintz & sainctes contemplatis qui ont esté veuz quant ilz estoyent en leur contemplation eslevés dessus terre par miracle de dieu si que il sembloit que le corps voulsist suyvre la pensee qui montee estoit au ciel de ceste saincte & treslevee vie ne suis digne assez de a son droit parler ne la descripre si que a sa dignité appartient. mais de ce treuve l'en assez de sainctes escriptures plaines qui plus en vouldra veoir. La vie active est ung aultre estat de servir dieu qui est telle que la personne qui la veult suyvre sera tant charitable que elle vouldroit si elle povoit a tous servir pour l'amour de dieu. Si cerche les hospitaulx visite les malades & les povres & les sequeure du sien et de la peine de son corps pour l'amour de dieu selon son povoir / a si grant pitié des creatures que elle voit en pechié ou en misere & tribulation que elle en pleure comme de son mesmes fait ayme le bien de son prouchain comme le sien propre tousjours est en labour de bien faire ne jamais n'est oyseuse son cueur art sans cesser de desirer de acomplir les oeuvres de misericorde esquelles s'employe de tout son povoir. Telle creature porte toutes injures & tribulations paciemment pour l'amour de dieu & ceste vie active sert sicomme tu peulx veoir plus au monde que la devantdicte. Si sont toutes deux de grant excellence mais de la plus parfaictes des deux nostreseigneur Jhesucrist luy mesmes donna la sentence lorsque marie magdalene en qui est figuree la vie contemplative estoit seant aux piez de nostre seigneur comme celle qui n'avoit le cueur a aultre chose et qui toute ardoit de sa saincte amour et Marie marthe sa seur de laquelle est entendue de la vie active qui estoit hostesse de nostre seigneur et besongnoit aval l'hostel pour le service de luy et de ses apostres se plaingnit a nostreseigner de ce que marie la sa seur ne luy aydoit & nostreseigneur l'excusa en disant marie tu es moult dilligente et ton oeuvre bonne & necessaire mais non pourtant marie a esleu la meilleur partie pour laquelle partie de luy on peut sçavoir que non obstant que la vie active soit de grant excellence / & necessaire pour l'ayde & secours de plusieurs Toutesfoys la contemplation qui est de laisser tout le monde & les embesongnemens qui y sont pour seullement penser a luy est de plus grant dignité et plus parfaicte & pour celle cause furent trouvez & establies des saintz prudhommes jadis les religions qui est le plus hault estat vers dieu qui soit qui en faict son devoir affin que ceulx qui vouldront vivre a contemplation puissent la estre separés du monde au service de dieu sans autre soing & pleust a eulx mesmes / car a dieu plairoit bien que chascun y fist son devoir. ¶ Cy devise de la voye que la bonne princesse se delibere a tenir. Chapitre. vi Adviser te convient ce dit a soymesmes la bonne princesse de dieu inspiree laquelle de ses subdictes voyes tu veulx tenir il est dit communement / et il est vray que discrecion est mere des vertus. Et pourquoy est elle mere / pource que elle conduyt & maine les autres & qui n'entreprent par elle quelconques chose que l'en veult faire tout l'ouvraige vient a neant et est de nul effect / pource n'est necessaire ouvrer par discrecion / comment par discrecion / c'est ce que doy adviser ains que j'entrepreigne quelconque chose. Premierement la force ou foiblesse de mon povre corps & la fragilité a qui je suis encline & aussi a quel subgection il convient que je obeysse selon l'estat ou dieu en ce monde m'a appellee & commise & si je considere au vray ces choses je me treuve quelque bonne voulente que j'ay tresfoible de corps pour souffrir grant abstinence & grant peine & foible d'esperit par fragilité & inconstance & puis que je me sens telle je ne doy mye de moy mesmes preserver que je soye de tel vertu non obstant que dieu dit tu lairras pere & mere pour mon nom que je me pense du tout a ce disposer & laisser mary enfans estat mondain & toutes occupations terriennes pour entendre du tout a servir dieu en la vie contemplative sicomme ont fait les plus perfaictes creatures. Si ne doy entreprendre chose ou a le perseverer je peusse suffire. Que feray doncques chemineraige par voye active. Helas heureulx sont ceulx qui prennent les oeuvres qui ont esté commandés excercer Hé dieu que me eusses tu ores establie ou monde en l'estat d'une povre femme affin que je te peusse en ycelle a tout le moins parfaictement servir en administrant et faisant service a tes membres se sont les povres pour l'amour de toy. Helas comment acomplirayge ce que je ne me sens mye du tout disposee a vouloir a toutes fins de laisser tout estat pour moy employer / beau sire dieu conseilles moy et me inspires que je doy faire pour me saulver. Car quoy que je sache bien que autre chose ne fait a aymer ne desirer que toy seul & que toute aultre joye est neant je n'ay force en moy que je puisse du tout le monde relenquir. Si suis moult espoventee que je feray / car tu dis que impossible est que le riche soit saulvé. Adonc vient saincte informacion a la bonne princesse qui luy dist en telle maniere. Or vecy que tu feras dieu ne commande mye que on laisse tout pour le suyvre si ce n'est a ceulx qui du tout veullent estre de la tresplus parfaicte vie. Si ce peut chascun saulver en son estat & ce que dieu dist que impossible est que ung riche soit saulvé est a entendre des riches sans vertus se leurs richesses ne distribuent en aulmosnes & biensfais desquelz toute leur felicité est en leur avoir n'est mye doubte que telz gens dieu hét & que ja n'enterons ou ciel tant qu'ilz soyent telz et des povres dont il dit que ilz sont bieneurez / c'est a entendre de povres d'esperit laquelle chose peut estre mesmement ung tresriche et habondant homme. C'est assavoir celluy qui ne prisera riens les richesses du monde & se il a il les distribuera en bonnes oeuvres & au service de dieu ne pour honneur ne se orgueillist ne pour richesse ne se tient plus grant et telle creature quoy que elle habonde en biens mondains et povre d'esperit et possedera le royaume des cieulx & tu le peuz veoir n'a il pas esté grant foison de roys et de princes qui sont sains en paradis si comme sainct loys de france et plusieurs aultres qui ne laissoyent pas le monde ensois regnoyent & possedoyent leurs seigneuries au plaisir de dieu mais ilz vivoyent justement ne pource n'assavouroyent en vaine gloire ne en boubant les honneurs que on leur faisoit et reputoyent que l'honneur fust a l'estat de sa seigneurie dont ilz estoyent vicaires de dieu en terre et non mye a leurs personnes et semblablement a esté de roynes de princesses moult grant foison qui sont sainctes en paradis si comme la femme du roy de france aussi saincte baudour saincte helysabeth royne de hongrie & assez d'autres. Si n'ayez point de doubte que dieu veult estre servy de gens de tous estatz et en chascun estat on se peut saulver qui veult. Car l'estat ne fait mye le dampnement mais n'en sçauroit user sagement c'est ce qui damne la creature pource en conclusion je voy bien que puis que je ne me sens de tel force que je puisse du tout en tout eslire & suyvre l'une des deux dessusdictes vies je mettray peine a tout le moins de tenir le moyen si comme saint pol le conseille & prendre de l'une & de l'autre vie selon ma possibilité le plus que je pourray. ¶ Cy devise comment la bonne princesse vouldra attraire a soy toutes vertus. Chapitre .vii. Toutes ces choses ou les semblables pensera la bonne princesse par divine information & pour les mettre a effet tiendra tel voye elle vouldra estre bien informee par bons & saiges que est bien & que est mal affin que le bien puist eslire & le mal eschever & quoy que toute personne mortelle soit par nature encline en peché se gardera a son povoir par especial de peschié mortel et vouldra faire tout ainsi que faict le bon medecin qui cure la maladie par son contraire Si ensuyvra la parolle de Crisostome sur l'evangille sainct Mathieu qui dit que qui veult avoir la princesse celleste il luy convient ensuyvre humilité terrestre. Car envers dieu n'est pas celluy le plus hault qui est icy le plus grant & le plus eslevé en honneurs mais celluy qui est le plus juste en terre est le greigneur ou ciel pource que elle congoistra que les honneurs communement eslievent en orgueil son cueur se disposera en toute humilité et pensera en soymesmes que non obstant que il appartiengne a l'estat de son seigneur et du degré dont elle est que des honneurs reçoyvent ja en quelque dominacion que elle se voye son cueur n'en sera blecié en arrogance ne eslevé en pensee ains rendra graces a dieu & luy attribuera tout l'honneur & de son cueur ne partira point la pensee de congnoistre que elle est une povre creature mortelle fresle et pecheresse & que l'estat que elle reçoit n'est que ung office dont luy conviendra a dieu en brief temps luy en rendre compte. Car sa vie au regard du perpetuel siecle n'est que ung petit trespas ceste noble princesse doncques quoy que la dignité de son estat requiert que elle reçoyve des gens grant reverence n'y prendra point de delict quand on les luy fera & tout au moins que elle se pourra passer garde l'honneur de son estat vouldra que on luy face son maintien son parler son port sera doulx & benigne la chiere plaisante a yeulx baissez reddant salut a toute creature qui la luy baillera en parolle tant humaine tant doulce que aggreable soit a dieu & au monde. Et avecques ceste vertu d'humilité la noble dame vouldra tant estre paciente que quoy que le monde livre assez d'aversitez aussi bien aux grans seigneurs et aux grans dames que aux petites gens selon leurs estatz pour chose qui luy adviengne ne sera mené a impacience et toutes adversitez prendre en gré pour l'amour de nostre seigneur. Et l'en remercyra de bon cueur Et mesmement tellement se disposera en ceste vertu de pacience. que s'il advenoit ores que elle receust aucun tord ou grief de quelque personne ou de quelques gens comme on fait plusieursfois a maintes dames sans cause si ne querra elle leur pugnicion ne pouchassera ne vouldra et s'il advient que pugnis soyent par droit & par justice elle en aura pitié pensant que dieu commande que on ayme ses enemys & que saint pol dit que cherité ne quiert mye mesmes ce qui est sien. Si portera a dieu pour eulx qui leur donne pacience et en ait mercy. Ceste noble dame ainsi disposee par grant constance & force de courage ne fera pas grant compte des dars des envieux. C'est assavoir que si elle sçoit ores que aucunes parolles ayent esté dictes contre elle sicomme on fait tous les jours des meilleurs ja si grans ne seront pourtant ne s'en troublera ne le tiendra a grant meffait / ains le pardonnera de legier ne ja pour sa haultesse ne reputera pou de mesprison se aulcun luy fait par grant injure pensant les grans injures que nostre seigneur souffrit pour nous & si pria pour ceulx qui le tourmentoyent. Si pensera la tresbonne dame que en aucune maniere le peut avoir desservy & ainsi tiendra par vertu l'enseignement de senecque qui dit en parlant aux princes & princesses ou puissans personnes que c'est moult grant merite envers dieu louange au monde & signe de noble vertu que de laissoir aller legierement le meffait dequoy on se pourroit legierement venger & est chose de bon exemple aux petites gens Et ce mesmes temoigne saint gregoire ou .xxii. livre de moralles qui dit que nul n'est parfaict s'il n'a pacience sur les maulx que ses prochains luy font. Car qui ne porte souffraument les maulx d'aultruy est impatient & tesmoigne que il est loing de la plenitude des vertus & en louant les patiens dit icelluy mesmes sainct que tout ainsi que la rose fleure souef et est belle entre les espines poignans la patiente creature resplandist victorieusement entre ceulx qui s'efforcent de luy nuyre. Ceste princesse qui vouldra et se penera d'amasser vertus sus vertus aura bien reccort que sainct pol dit que qui auroit en luy toutes aultres vertus ne finast d'aourer allast en pelerinage fist grans jeunes et grant abstinences & tout le bien que faire se pourroit & n'auroit en soy charité tout ce ne luy prouffiteroit riens. Et pource elle de ce tresbien informee vouldra avoir celle belle vertu en telle maniere que elle sera tant piteuse envers toutes gens que le mal d'aultruy luy vouldra comme le sien propre & ne luy souffira mie seullement en avoir la desplaisance de veoir gens en desolation se elle mesmes ne met main a la paste de tout son povoir pour leur ayder. Et si comme dit ung tressaige docteur. Charité s'estent en plusieurs manieres et ne s'estent mye seullement que on doye aultruy ayder de l'argent de sa bourse mais aussi de l'ayde et reconfort de sa parolle & de son conseil ou il eschiet & de tout le bien que on peut faire. Si fera ceste dame par pure benigne & saincte charité advocate & moyenne entre le prince son mary & son enfant se elle est veufve et son peuple ou toute gent a qui en bien faisant selon que a elle appartiendra pourra ayder aucunesfoys adviendra par adventure que le dit prince par maulvais conseil ou pour aulcune cause vouldra grever son peuple d'aulcune charge par quoy les subjetz qui sentiront leur dame plaine de pitié de bonté et de charité viendront vers elle & treshumblement la supplieront que il luy plaise estre pour eulx vers le prince. Car ilz sont trespovres & ne pourroyent sans trop grant grief ou estre desers suffire a tel finance ou se il advient que ilz soyent en aucune indignation vers le prince ou par maulvais raport ou par aulcune deserte luy viendront supplier que elle face leur paix ou se ilz ont a faire d'aucune grace ou d'aucun previliege la bonne princesse parlera a eulx sans nul refus ne sans trop grant magnificence de longue actente les recevera tresbenignement & orra a leur loysir & bien entendra tout ce qu'ilz vouldront dire & sera acompaignee de saiges preudhommes & de bonne vie qui seront de son conseil. Si fera sa responce sage & convenable par le bon advis d'iceulx excusera son seigneur et en dira bien si aulcunement pour quelque cas s'en tiennent mal contens dira que elle se charge de tout son pevoir de en faire la paix ou d'estre leur bonne amye en la peticion que ilz demandent & en toutes autres choses a son povoir les prira que tousjours soyent loyaulx & bons obeissans vers son seigneur et que a toutes heures pourront vers elle a leurs besoings recourir & que point ne leur fauldra de chose que elle puisse. Ainsi celle noble dame respondra tant sagement aux embassadeurs du peuple ou des subgetz que quant ilz s'en partiront ilz seront contens que se ilz avoyent devant aucune rancune rebellion ou murmure en courage ilz seront tous pacifiez & la bonne dame ne les fera mye muser en vaine esperance ains leur tiendra bien ce que promis leur aura sans longue dilacion parlera a son seigneur bien & saigement & y appellera des autres sages se mestier est treshumblement suppliera pour le peuple. Monstrera les raisons dequoy elle sera tresbien informee comment il est necessaire que prince se longuement il veult regner en paix & glorieusement soit amé de ses subgetz & de son peuple luy ramentera parolles selon la forme que senecque dit ou troisiesme livre de ire / qu'il dit que quoy qu'il soit bien seant a toute personne d'avoir benignité par espicial il est advisant a prince l'avoir vers ses subjetz & a brief dire tant fera & tant pourparlera que elle aura tout ou partie de sa requeste et si sagement le raportera ausdictz subgetz que ilz se tiendront pour contens du prince & d'elle & treshumblement l'en mercieront. ¶ Ce devise comment la sage princesse ou dame se pourra de mettre la paix entre le prince & les barons s'il y a aucun discord. chap. viii Ou s'il advient cas que aucun prince voisin ou estranger vueille mouvoir guerre pour aucune chalange a son seigneur ou que son seigneur la vueille mouvoir a autruy la bonne dame pesera moult ceste chose en pensant les grans maulx et infinies cruaultés pertes occision de pays et detraction de pays & de gens qui a cause de guerre viennent a la fin que souventesfois en est merveilleuse / & advisera de toute sa puissance se elle pourra tant faire en gardant l'honneur de son seigneur que ceste guerre puisse estre eschevee & en ce vouldra travailler et labourer songnousement en appellant dieu a son ayde et par bon conseil & tant fera si elle peut que voye de paix sera trouvee Ou s'il advient que aucun des princes du royaulme ou pays ou des barons ou des chevaliers ou subgetz qui ayt puissance se soit d'aucune chose meffait mesmement contre la magesté de son seigneur ou que il en soit en coulpe. Et elle voit que de le prendre & pugnir ou movoir contre luy guerre peut venir grant mal en la terre sicomme en cas pareil on a veu maintesfois en france et ailleurs par les contes d'ung bien petit baron ou chevalier au regard du roy de france qui est ung grant prince sont venus mains grans maulx & dommages au royaulme sicomme racomptent les cronicques de france du conte de corbeil du seigneur de montlehery & de plusieurs autres. Et mesmement advint n'a pas long temps de messeir robert d'artoys lequel par le contenus que le roy ot a luy dommaiga moult le royaulme de france a l'ayde des angloys. Et pource la bonne dame qui aura regard a ces choses et pitié de la destruction du peuple se vouldra travailler d'y mettre paix si admonnestera le peuple son seigneur & son conseil d'avoir sur ceste chose regard avant que on l'entreprengne veu le mal qui en pourroit venir & ce que tout prince doit a son povoir eschever effusion de sang & par especial sur les subgetz. Si n'est mye peu de chose d'entreprendre nouvelle guerre qui ne se doit faire sans grant advis et meure deliberation & que mieulx vauldroit adviser aulcune plus convenable voye pour traire a accord par aucuns bons moyens. Ceste dame ne s'en souffrira mye a tant ains fera tant qu'elle parlera ou fera parler gardant son honneur et celle de seigneur a celluy ou ceulx qui auront commis le meffait & les en reprendra en pongnant & en oygnant disant que le meffaict est moult grant et que a bonne cause en est le prince indignes & que sentence est de s'en venger sicomme il est raison mais non pourtant elle qui tousjours vouldroit le bien de paix en cas que ilz se vouldroyent amender ou en faire amende convenable mettroit voulentiers peine d'essaier se pacifier les pourroit vers son seigneur par telz voyes ou par telz parolles ou semblables la bonne princesse sera tousjours moyenne de paix a son povoir sicomme estoit jadis la bonne royne blanche mere de sainct loys qui en ceste maniere se penoit tousjours de mettre accord entre le roy & les barons sicomme elle fist du conte de champaigne & d'autres laquelle chose est le droit office de saige & bonne royne & princesse d'estre moyenne de paix et concorde de travailler que guerre soit eschevee pour les inconveniens qui advenir en pevent & ad ce doyvent adviser principallement les dames. Car les hommes sont par nature plus courageulx & plus chaulx & le grant desir qu'ilz ont d'eulx venger ne leur laisse aviser les perilz ne les maulx qui advenir en pevent / mais nature de femme est plus poureuse & aussi de plus doulce condicion. Et pource si elles sont saiges si elles veullent elles pevent estre le meilleur moyen a pacifier l'homme. Et a ce propos dit salomon es proverbes au. xxvi chapitre. Doulceur & humilité assouagist le prince & la langue mole. C'estadire la doulce parolle fleichist & brise sa dureté. tout ainsi comme l'eaue par sa moisteur & froidure estaint la chaleur de feu. O de quans grans biens ont maintesfois esté cause au monde roynes & princesses en mettant paix entre ennemys entre princes & barons & entre peuple rebelle & leurs seigneurs les escriptures en sont toutes plaines. Si n'est en terre si grant bien que de princesse & haulte dame bonne & saige. Eureux est le païs & la contree qui telle l'a & de ce donnasse plusieurs exemples / mais de ce est assez parlé a ce propos ou livre de la cité des dames Et que advient il de tel princesse / il advient que tous les subgetz qui la sentent de tel sçavoir & bonté afuient a elle a refuge non mye seulement comme a leur maistresse mais ce semble a leur deesse en terre a qui ilz ont souveraine esperance & fiance & elle est cause de maintenir la contree en paix. Si ne sont mye ses oeuvres sans charité / ains sont tant meritoires que plus grant bien ne pourroit estre fait. ¶ Cy devise des voyes de devote charité que la bonne princesse tendra. Chap. ix. Par ceste voye qui est de charité cheminera la bonne princesse. mais avec ce encores fera elle plus sicomme si elle reputast en sa personne dicte la parolle que dit saint basille ou y dit au riche ainsi si tu te congnois & confesses que ses biens temporelz te soyent venuz de dieu & tousjours tu scés bien que tu as plus largement que n'ont assez d'autres qui sont meilleurs de toy penserois tu pour ceste cause que dieu ne fist pas justice qui ne les a partis esgaument. Mais ce ne doit mye pourtant estre pensé. car il a fait affin que en donnant & distribuant aux povres tu puisses desservir / que dieu le te rende & que le povre puist estre par sa souffrance & couronné du diademe de pacience. Si gardes que le pain du fameilleux ne moisisse en ta huche que le costé du nu tu ne laisses mengier aux vers que tu ne tienges enclos le soulier du deschaulx & que tu ne possides l'argent du souffreteux. Car saches de vray que les biens dont tu as trop grant largesse sont aux povres & nonpas tiens si es larron ou laronnesse & embles a dieu si tu peux secourir ton prouchain & tu ne le secours Et pour ce la bonne princesse de ce bien advertie / affin que elle acomplisse les euvres de misericorde nonobstant soit elle seant en sa magesté garde la vertu de son estat elle aura tresbons ministres environ soy. car quoy qu'on die des princes que ilz ont mauvais conseil ou mauvaise gent ou mauvais ministres / je croy que ceulx de qui la voulenté est toute bonne leurs conseilliers ne les oseroyent mesconseiller Et communement le maistre quiert servant selon la condicion si le conseillent bien ou mal selon qu'ilz sentent la voulenté du seigneur Pource ceste dame toute bonne aura servant selon elle. A ceulx elle commetra que ilz sachent & enquierent par la ville & par tout ou elle sera ou sont povres honteux povres gentilz hommes ou povre gentis femmes malades ou dechus de leur estat povres vefves mesnagiers souffreteux povres pucelles a marier femmes acouchees escolliers prestres ou religieux en povreté a ceulx par son aulmosnier que elle aura sceu devot charitable preudhomme & sans couvoitise ains que en tel estat l'ait mis non mie comme plusieurs seigneurs qui font du plus larron maistre. Car dieu scet comment il en va du gouvernement d'aulcuns aulmosniers de seigneurs ou de prelatz par icelluy ou par ung autre a ce commis evoyera a iceulx bonnes gens tout secrettement sans que les povres mesmes saichent dont l'aumosne leur vendra a l'exemple de monseigneur saint nicolas Et mesmement n'aura mye honte la bonne princesse de visiter aucuneffois les hospitaulx & les povres a tout son estat acompaignee grandement comme il appartient parlera aux povres & aux malades les couchera & les reconfortera doulcement en faisant son aumosne. & en ce fera elle son aumosne souveraine & fleurie. car le povre est trop plus reconforté & plus prent en gré la doulce parolle la visitacion & le reconfort d'une grant & puissant personne que d'une autre / la cause si est qu'il luy est avis et il est vray que tout se monde le desprise & luy semble que quant personne puissant la daigne visiter ou la reforcer qu'il a recouvré aucun honneur qui est chose que naturellement chascun desire & ainsi la princesse ou grant maistresse en ce faisant acquiert plus grant merite que une maindre en cas semblable ne feroit pour trois principalles raisons. La premiere est que de tant que la personne est plus grant & plus se humilie de tant plus croist sa bonté. La .ii. que elle donne plus grant reconfort aux povres sicomme dist est. Et la tierce qui dit que ce n'est mie petite raison que elle donne bonne exemple a ceulx qui la voient faire telle euvre & si grant humilité. Car il n'est riens que les subgetz et le peuple tire tant en exemple comme ce que faire vois a son seigneur ou a sa dame. & pource est grant bien quant seigneurs & dames & toutes gens qui ont a seigneurir autruy sont bien moriginez & grant meschief du contraire. Et ne cuide point nulle tant soit grant maistresse que se soit honte ne contre son estat d'aler elle mesmes devotement & humblement aucunesfois visiter les pardons les eglises & les sainctes places ne telz pensees ne sont que abusions / car se elle a honte de bien faire elle a honte de soy sauver. mais tu me diras comment fait la grant dame ses aulmosnes & ces choses se elle n'a argent. car devant est dit que il y a peril a amasser tresors si te respons a ce que n'est point de mal que la princesse ou grant dame amasse tresor de l'argent ou de la revenue ou pension qui luy peut venir licitement de son droit & sans extorcion faire. mais de ce tresor que fera elle. Sans faille elle n'est point tenue mesmement selon dieu se elle ne veult de donner tout aux povres. Mais en peult garder licitement pour ses necessaires pour son estat et pour payer ses servans faire deux quant il est expedient et payer ce qui est prins pour elle et ses debtes doibvent estre payees. Car neant vauldroit faire aulmosne de l'autrui / mais si la bonne dame restraint des superfluités que elle pourroit bien faire si elle voulloit de tant de robbes / et de tant de joyaulx qui ne luy sont necessaires pour employer en telz usaiges la ou est la pure et droicte aulmosne et le grant merite. O comme est grant et bien conseillee celle qui se fait celle peut par exemple estre comparee a ungz sages hommes de qui il est escript que une fois il fut esleu pour estre maistre gouverneur d'une cité luy qui estoit prudent et saige advisa que plusieurs autres hommes qui avoyent esté mis & eslus en ce mesme office en avoyent depuis esté deposez bennys povres & mis de tous biens en exil en une certaine povre contree ou ilz mouroient de fain. Si dist a soymesmes que il pourvoiroit tellement a celluy inconvenient que ou cas que il seroit la envoyé. Il n'y mourroit pas de fain Si ordonna tellement l'argent & l'avoir qui luy venoit de ses gaiges & de sa revenue tandis que il fut en l'office que aprés son estat ric a ric tenu. mettoit tout le demourant apert en lieu sauf. Si fut a la parfin fait de luy comme des autres / mais la saige provision qu'il avoit espergnee le sauva & garda de necessité. Tout ainsi l'avoir que on restraint de superflu doit estre pour donner aux povres & bien faire C'est le tresor qui est mis apart en saincte huche qui sert aprés la mort / et garde l'exil d'enfer & ceste chose chante l'evangille qui ne fait que crier. Thesaurisés en terre ou thesaurisés ou ciel Helas autre chose on en emporte que iceluy tresor. C'est chose vroye si que tesmoigne la saincte escripture. Si est sans faille souverainement bonne mesnagere la princesse & toute femme qui entent a icelluy espargner. Et a brief dire ceste noble vertu de charité qui ainsi comme dit est sera entee au cueur de la bone princesse avec les autres choses dessusdictes la rendra de si tresbonne voulenté envers toutes gens qu'il luy sera avis que chascune personne vaille mieulx que elle Et pource son cueur s'esjoyra du bien d'autruy comme du sien propre & la bonne renommee des aultres luy sera tresdelectable chose a oÿr et a son povoir en toutes choses donnera occasion aux bons de perseverer & au maulvais pour eulx retraire. ¶ Cy commence a parler des enseignemens moraulx que prudence donna a la sage princesse. Chap. .x. Nous autres assés devise ce qui touche principallement les enseignemens que l'amour & crainte de nostre seigneur donne & amonneste a la bonne princesse ou haulte dame / si que devant fut touché. Si nous convient doresnavant parler de la leçon & des enseignemens que prudence mondaine luy admonneste lesquelz enseignemens & amonicions ne se despartent de ceulx de dieu ains en viennent & dependent. Si parlerons du sage gouvernement & maniere de vivre qui luy advisent selon prudence premierement enseigne a la princesse ou haulte dame convient sur toutes les choses de ce bas monde doit aimer honneur & bonne renommee & luy dira il ne desplaist mye a dieu que creature vive en ce monde moralement & si elle vit morallement elle aymera le bien de renommee / qui est honneur & ce tesmoigne saint augustin ou livre de correction qui dit que deux choses sont necessaires a bien c'est conscience & bonne renommee. Et a ce s'accorde le saige ou livre de ecclesiastique qui dit ayes euvre de bonne renommee car elle te demourra plus longuement que quelconques autre tresor / pource dira la saige princesse a soy mesmes. Sur toutes choses terrestres n'est nulle qui autant affiere a haulte gent que fait honneur & quelz choses dira elle convient il a droit honneur. Certes a proprement dire ce ne sont mye richesses mondaines au moins si elles y servent selon la commune maniere du monde toutesvoyes a aller au droit ce doit estre toute la maindre partie qui serve a parfaire l'honneur. Et quelle chose doncques y sont plus convenables en verité ce sont bonnes meurs elles parfont la creature noble & la font estre bien renommee. et la est le droit parfait honneur / car il n'est point de doubte que quelconques richesses qui soyent en prince ou en princesse ou d'autre se il ne maine vie par laquelle on acquiert par bien faire bonne renommee et los honneur ne luy affiert / ne il ne l'a que pour luy blandir & avoir du sien quoy que on luy face acroyre. car droit honneur doit estre sans reproche. Et combien doit aymer la haulte dame cest honneur Certes plus que sa vie. Car plus chier a perdre la devroit que honneur La raison y est bonne. car qui bien meurt il est sauvé. mais qui est deshonnoré il reproche mort et vif a tousjours tant que de luy sera memoire. O le tresgrant tresor de princesse & de toute autre dame que bonne renommee. Certes nul si grant en ce monde ne pourroit avoir ne que elle doie tant aymer amasser. Car le tressor commun ne le peut servir que environ elle mais celuy de bon renom luy sert & pres & loing qui eslieve son honneur par toute la terre. & est ainsi de bonne renommee en une personne comme se il estoit possible que du corps d'une creature yssist si grant odeur que elle s'espandist par tout le monde si que toutes gens le fleurassent. Tout ainsi par l'odeur de la renommee qui par tout court d'une vaillable personne toute gent peut avoir le goust & le flair de bon exemple. De ces choses advertira prudence la saige princesse & que fera elle pour les mettre a oeuvre elle disposera son vivre principalement en deux choses l'une appartiendra aux meurs qu'elle vouldra tenir & excercer. & l'autre en la maniere & ordre de vivre en quoy elle vouldra estre riglee. Et quant aux meurs ensuyvans les vertus dessusdictes deux autres par especial sont necessaires a princesse & a toute haulte dame voire a toute femme qui desire grans honneurs avoir & sans lesquelles ne le pourroit avoir vouldra tressingulierement en especiaulté avoir / l'une est sobresse & l'autre est chateté. Icelle sobresse qui est la premiere ne s'estendra pas seullement en boire ne en menger / mais en toutes autres choses / esquelles elle pourra servir & restaindre & de rapeticier superfluités. Icelle sobrieté la fera estre non dangereuse a servir. Car elle ne vouldra point de service plus que raison ne demande / nonobstant son grant estat elle le fera estre contente de telz vins & de telles viandes que on luy administrera. Car en ce n'aura tant soit petite son entente & encores ne prendra fors ric a ric tant que necessité de vivre peut requerir elle la gardera de trop dormir / pource que prudence luy dira que trop grant repos engendre pechié & vice / & la gardera du vice d'avarice Car le pou d'avoir luy donnera grant souffisance Superflus & oultrageux habis joyeulx a tous & estat plus que raison luy deffendra a avoir sur toutes riens par l'admonnestement de prudence qui ainsi luy dira sans faille il appartient bien que toute princesse ou dame terrienne selon son degré que elle soit richement atournee / tant de vestemens d'atours de paremens & de joyaulx comme de grant court & de gent ou d'estat pour l'honneur de l'office ou dieu l'a assise. mais ne doubtes pas que se toy ou aultre n'estoyes contente de tel estat & abillemens que tes nobles davanciers ont porté que tu voulsisses avoir plus grant ou commencer nouvelles choses tu mesprendroyes & ferois contre ton honneur & contre le bien de sobresse si ne le feras mye Car il n'appartient pas a nulle de ainsi faire / voire se ce n'est par tel si que son seigneur par qui elle doit estre riglee le voulsist a toutes fins ne doit riens entreprendre sans bon advis ne conseil & ne juste cause. Ceste dicte sobresse monstre en tous les sens de la dame aussi bien que es faitz & habitz par dehors. Car elle luy rendra le regard tardif arresté & sans vaqueté la gardera de curiosité de moult de souefves odeurs en quoy assés de dames ont mis grant cure & despendu foison d'argent pource qu'elle luy dira que l'on ne doit mye procurer ne donner au corps tant de delices et que mieulx vault que tel argent soit donné aux povres et aux indigens. Et avec ce ceste sobresse corrigera & chastira tellement & ordonnera la bouche & le parler de la dame saige qu'elle la gardera principallement de trop parler / qui moult est messeant chose a haulte dame. voire en toute femme de value luy fera haïr de tout son cueur le vice de mensonge & aymer verité laquelle sera tant acoustumement en sa bouche que on croyra ce qu'elle dira & y adjoustera l'on foy comme a elle que jamais on n'orra mentir / laquelle dicte vertu de verité affier plus en bouche de prince & de princesse que en autres gens. pource que il appartient que on le croye luy deffendra qu'elle ne dye parolle par especial en lieu ou elle puisse estre pesee & raportee qu'elle n'ayt avant bien examinee prudence & sobreté aprendront a la dame a avoir parler ordonné & sage eloquence. & non pas mignote / mais rassise & quoye assez basse & beaulx traitz sans faire mouvement du corps des mains & grimaces du visaige la gardera de trop rire & non pas sans cause luy deffendra sur toute rien que nullement ne mesdie d'autruy ne parolle en blasmant / mais en exaulçant le bien & voulentiers tiengne en frain parolles vagues & non honnestes ne luy souffrira a dire & en ses joyeusetés luy conviendra a garder toute mesure & honnesteté luy appartiendra a dire entre ses femmes & autre part quant il escherra et sera bien seant parolles vertueuses & de bon exemple & telles que ceulx & celles qui les orront ou seront raportees diront que c'est parolle yssue de tresbonne sage & honneste dame la gardera de parler a ses femmes & a ses servans maulgratieusement ne en tençant ne disant villanie / mais les enseignera doulcement & les reprendra de leurs deffaulx courtoisement les menaçant de les mettre hors s'ilz ne se corrigent ou de les pugnir / ou par quelque autre maniere. mais toutesvoyes le parler d'elle sera tousjours quoy & sans villanye. car la vilanie yssue de bouche de dame ou de quelconque femme retourne plus a elle mesmes que a ceulx a qui elle la dit fera ses commandemens raisonnables en lieu et en temps et a ceulx a qui il appartient chascun en son office. Ceste dame lira voulentiers livres d'enseignemens et de bonnes meurs. et aucuneffois de devotion et ceulx de deshonnesteté et lubreté harra parfaictement et ne les vouldra avoir a sa court ne souffrir que ilz soyent portés ne leuz devant fille parente ne femme qu'ilz elle ait Car ce n'est point de doubte que les exemples soit de bien ou de mal atraient les cueurs couraiges et voulentés de tous ceulx ou celles qui les voyent ou oyent. & si ceste noble dame prent plaisir en recorder bonnes parolles & dire fera semblant de les ouÿr & par especial la parolle de dieu. Car elle qui sera de dieu orra voulentiers la parolle en la maniere qui le tesmoigne en l'evangelle ou il dit. Ceulx qui me ayment oyent voulentiers ma parolle & la gardent. Si orra souvent par notables & bons clercz sermons & collations aux festes annees & en tous temps. Et semblablement vouldra que ses filles & femmes & toute sa famille y soit vouldra estre bien informee de tout ce qui touche a nostre foy des articles & des commandemens & de tout ce qui acquiert a sauvemen Et de ce qui appartient aux choses mondaines orra voulentiers parler des vaillans gens / des preux chevaliers & gentilz hommes de leurs faitz & de leurs proesses / de grans clercz & de leurs sciences. de tous preudes hommes & de toutes preudes femmes / de leur sens & de leur belle vie & iceulx aymera & leur fera grant honneur & bonne chiere & beaulx dons leur donnera. Item avecques ce de gens de belle & esleue vie en fait de devotion s'acointera & vouldra avoir leur amitié humblement les recevera & parlera a eulx a secret / & moult voulentiers les orra se recommandera a leurs prieres. Et ainsi par ceste voye la vertu de sobresse reglera la bonne princesse. Si s'ensuyvra de ceste regle. La .ii. des deux vertus que nous avons dit qu'elle vouldra singulierement avoir / c'est assavoir chasteté de laquelle elle sera par ceste maniere de vivre tant remplye & ramenee a telle purté que en fait n'en dit semblant atour ne contenance maintien estat regard n'aura riens ou il y ait a redire ne reprochier. ¶ La maniere de vivre par l'admonnestement de prudence. chap. .xi. Prudence sicomme j'ay dit devant avertira la sage princesse comment l'ordre de son vivre sera riglé et par elle par son ennortement tiendra telle maniere elle se levera tous les jours assez matin & seront les premieres parolles adressans a dieu en disant. Daigne nous sire garder huy ceste journee de pechié de mort soudaine & de toute mauvaise aventure ainsi soit il a tous nos parens & amys aux tespassés pardon & a nos subjectz paix & transquilité amen. pater noster. Et au surplus d'oraisons ce que devotion luy administrera ne requerra avoir entour elle moult grant affaire de service. & ceste voye tenoit n'a pas moult de temps qu'elle vivoit la bonne & saige royne Jehanne femme jadis du roy charles de france .v. de ce nom qui se levoit tous les jours devant le jour / allumoit ellemesmes sa chandelle pour dire ses heures & ne souffroit que femme qu'elle eust se levast ne perdist son somme. Aprés qu'elle sera preste ira ouÿr ses messes tant et en telle maniere & quantité que sa devotion sera & que temps & loysir luy donnera. Car n'est mie doubte que ceste dame a qui sont commis grans gouvernemens comme plusieurs seigneurs font & ont fait a leurs femmes quant les voyent bonnes & saiges & ilz alloyent hors ou estoyent occupés ailleurs ilz bailloyent la charge a elles & auctorité de gouverner le fait de leur seigneurie et estre chief du conseil. Et telles dames sont plus a excuser mesmes depuis devers dieu se tant n'emploient de temps en longues oraisons que celles qui plus ont loisir ne elles n'ont pas moins de merite de bien et justement entendre a la chose publicque a leur povoir qu'elles auroient de plus longuement vacquer en oraisons se ce n'estoit qu'elles voulsissent du tout entendre a la contemplative & laisser la vie active. Si que j'ay devant dit / car la vie contemplative peut bien sans l'active. Mais la droicte bonne active ne peut sans aucune partie de la contemplative. Ceste dame aura donné ordonnance / que a l'issue de la chapelle soyent aulcuns povres a qui elle mesmes par humilité & devotion / & en memoire & signe que elle ne doye mie despriser les povres donnera de sa main l'aumosne & la endroit se aucunes piteuses requestes luy sont affaire / elles les orra benignement et donnera a chascun gracieuse responce & ceulx qu'elle pourra en brief temps expedier ne tiendra pas longue dilation / & de ce faire croistra l'aumosne & aussi la renommee Si y aura aulcuns preudhommes / pource qu'elle ne pourroit par adventure entendre a toutes les requestes qui luy viendront. Lesquelz preudhommes seront commis a y entendre. Et vouldra que iceulx soyent charitables & tost expediens / & ellemesmes de leurs meurs s'en prendra garde. Ces choses faictes si elle est dame qui se mesle du gouvernement / comme dit est / elle s'en ira au conseil aux jours que tenir se devera / l'aura a tel port telle maniere et telle contenance quant en son hault siege sera assise que elle semblera bien estre dame & maistresse de tous. Et chascun l'aura en grant reverence comme leur sage maistresse de grant auctorité. Et si orra diligemment ce qui sera propice et l'oppinion de tous et tant bien y mettra son entente qu'elle entendra les principaulx pointz des matieres & des conclusions & bien notera lesquelz diront mieulx & par la meilleur consideration & advis & qui luy apperront les plus saiges & de la plus vive oppinion. Et aussi notera en la diversité des oppinions quelz causes & quelz raisons pourroyent mouvoir les disans. Et ainsi en toutes choses sera advisee / & quant viendra a elle a parler ou respondre selon le cas qui escharra si sagement se advisera du faire que elle ne puisse estre reputee simple ygnorante / & se advant la main elle peut estre informee de ce qu'on devera & que proposer sur ce se choses pesantes sont & elle se pourvoit par sage conseil de responce ce n'est que bien. Avec ce ceste dame establira certains preudhommes saiges en certaines quantités qui seront de son conseil qu'elle sentira bons loyaulx de bonne vie & non trop couvoiteux / car c'est ce qui honnit tout en tout plusieurs princes & princesses que conseilliers remplis de couvoitise. Car selon leur inclinacion ilz induysent & ennortent ceulx qui conseillent / & sans faille ceulx qui habondent en tel vice ne pourroyent bien loyaument ne au proffit de l'ame & honneur du corps conseiller & qu'ilz soyent de bonne vie & de ce doit bien enquerir la prudente dame a ceulx elle se conseillera par chascun jour a certaine heure des besongnes qu'elle aura a faire aprés ce conseil du matin ira a table qui sera par especial aux jours solennelz & aux festes voire le plus communement en salle ou seront assises les dames & damoiselles & les personne a qui il appartiendra par ordre selon leur estat / la sera servie selon qu'il appartient a tel estat / & tandis que l'assiete durera selon la belle ancienne coustume des roynes & des princesses aura ung preudhomme en estat au chief du doy qui dira d'anciennes gestes d'aucuns bons trespassés ou d'aucunes belles moralités ou exemples / la n'aura mye grant noyse menee. Et aprés les tables levees & graces dictes s'il y a princes ou seigneurs dames ou damoiselles ou d'aultres estranges vers elle. Adonc celle qui sera en toutes choses enseignee & aprinse recepvra chascun en tel honneur comme il luy appartiendra. Si que tous se tendront pour contens parlera a eulx par maniere rassise a joyeulx visaige aux anciens d'une guise plus pesante aux jeunes d'une aultre plus riant et ce adonc vient la a parler ou a ouÿr d'aucuns esbatemens ou d'aucunes joyeusetés elle s'i saura contenir par si plaisant maniere que tous diront que c'est une gratieuse dame & qui bien scet son maintien en tous endrois. Aprés les espices prises & qu'il sera temps de retraire la dame s'en ira a sa chambre la ung petit se reposera se besoing en a / puis aprés se il est jour ouvrier & elle n'a aucune autre plus grande occupacion pour eschever oysiveté a aucun ouvraige se prendra & environ elle fera semblablement ouvrer ses filles & ses femmes & la a privé vouldra que chascune devise hardiment de toutes honnestes joyeusetés si que il luy plaira & elle mesmes rira avecques elles & s'esbatra en devisant si familierement que toute loueront sa grant priveté & benigneté & l'aymeront de tout leur courage ainsi fera jusques a heure de vespres que elle les yra oÿr en sa chapelle se il est jour de feste se aucune grande occupation ne les empesche ou les dira sans faillir avecques la chapellaine & aprés ce fait s'il est esté s'en ira esbatre en aucun jardin jusques a heure de souper l'en viendra & ira pour sa santé. Si vouldra que si aucuns ont a besongner a elle pour certaines causes que ilz soyent lassez entrer & les orra. Vers le coucher sera a dieu en oraisons & ainsi se finera l'ordre des communes journees de la prudente princesse vivant en bonne & saincte activeté. quant est d'autres esbatemens a quoy dames seulent prendre esbatemens & plaisir sicomme de aller a la chasse aucunesfois voler en riviere ou a autres jeux. Ces choses nous ne mettons point en l'ordre de nostre discipline & enseignement. Car nous les laissons en la distribution & vouloir de leurs maris & du leur aussi desquelles choses aucune licence peut bien estre donnee en temps & en luy mesmes aux dames tresvertueuses sans mesprendre mais que ce soit sans trop et que mesure soit gardee. ¶ Cy commence a parler des sept principaulx enseignemens de prudence qui sont necessaires a retenir a toute princesse qui ayme honneur & est premier comment se contiendra vers son seigneur generallement & particulierement. Chapitre .xii. Or avons assez devisé en termes generaulx & particulierement aussi tant ce qui touche vers dieu premierement & les bonnes meurs comme la maniere & ordre de leur vivre. Si nous plaise encores a deviser pour leur ennortement sept principaulx enseignemens lesquelz selon prudence leur sont necessaires a celles qui desirent sagement vivre et honneur veulent avoir. Si prions & enjoingnons a elles & semblablement a toutes femmes grandes moyennes & petites a qui se pourra apartenir que ces sept enseignemens veullent bien retenir noter & mettre a effet car pour neant oit doctrine qui ne la met a oeuvre. Le premier de ces sept pointz & rigles que nous enseignons & que toute dame & semblablement toute femme estant en ordre de mariage il appartient que elle ayme son mary & vivre en en paix avecques luy ou autrement elle a ja trouvé les tourments d'enfer ou n'a fors que toute tempeste. Et pource qu'il n'est point de doubte que assez de femmes de tous estatz non obstant que elles les ayment chierement ne scevent pas toutes les rigles ou par jeunesse ou aultrement de le bien demonstrer vecy nostre leçon qui leur aprendra / la noble princesse qui en toutes ces choses vouldra suyvre la rigle d'onneur si maintiendra vers son seigneur vieil ou jeune en toutes les manieres que en tel cas bonne foy & vraye amour commande. C'est assavoir se rendre humble vers luy en fait en reverence et parolle l'obeyra sans murmuration et gardera sa paix a son povoir curieusement par la maniere que faisoit la bonne & sage royne hester sicomme il est escript en la bible au premier chapitre. Et pource tant aymee & honnouree de son seigneur que il n'estoit chose que elle voulsist que il luy veast avecques ce demonstrera l'amour en ce que elle sera soygneuse et curieuse de toutes les choses qui pourront appartenir au bien de sa personne tant a l'ame comme au corps. A l'ame elle tiendra en amour son confesseur parquoy se elle voit en son dit seigneur aucune tache de lait peché duquel la coustumance luy peut tourner a dampnation & elle ne luy osast dire de doubte que il ne luy en despleust & aussi qu'il ne luy appartient pas elle luy fera dire par icelluy & luy dira que il luy admonneste bien d'estre tousjours serf de nostreseigneur. Et aussy en toutes ses aumosnes & biens fais dira priés Dieu pour monseigneur & pour moy. Avecques la pourvoyance de l'ame sera ceste dame tressoygneuse du corps de sondit seigneur. C'est assavoir qu'il soit en santé maintenu & conservement de longue vie. Si vouldra souvent parler a ses phisiens / leur enquerre de son estat & comme saige que elle sera vouldra ouÿr de leurs oppinions & que present elle soyent faictes aucunesfois leurs collations sur le fait de la dicte santé. Item vouldra sçavoir comment il sera servy & de ce n'aura pas honte de s'en prendre garde soygneusement quelques autres qui y soyent commis. Et pource que ce n'est mie l'ordre d'estat royal que les dames soyent si communement entour eulx que aultres femmes sont vers leurs marys elle enquerra souventesfoys aux chambellans & aux autres d'environ luy de son estat verra le plus souvent que elle pourra & du veoir sera tresjoyeuse & quant elle sera vers luy dira a son povoir toutes choses qui plaire luy devront & a joyeulx visaige se contiendra. mais pource que aucunnes nous pourroyent par adventure icy respondre que nous comptons sans rabatre. C'est assavoir que nous disons a toutes fins que les dames doyvent tant aymer leurs seigneurs et en monstrer les signes. Mais nous ne parlons mye se tous deservent vers leurs femmes que on le doye ainsi faire Pource que on scet bien que il en est de telz qui se portent vers elle tresfelonneusement & sans signe de nulle amour ou bien petite. Si respondrons a icelles que nostre doctrine en ceste presente euvre ne s'adrece point aux hommes quoy qu'il en fust besoing a plusieurs que ilz fussent bien endottrinez. Et pource que nous parlons aux femmes tant seulement tendons a leur prouffit pour enseigner les remedes qui pevent estre vaillables a eschever deshonneur & donner bon conseil d'ensuyvre bonne voye qui ne face le contraire & du bien & du mal leur prouffit. Poson que le mary fust de merveilleuses meurs pervers et rudes malamoureulx vers sa femme de quelque estat qu'il fust ou desvoyé en amour d'autre femme qui que elle soit quant elle scet tout ce porter & dissimuler sagement faire semblant que elle ne s'en apperçoit & que elle n'en scet riens voirement s'il est ainsi que elle n'y peust mettre remede. Car elle si pensera comme saige si tu luy disoyes rudement tu n'y gaigneroys riens & s'il t'en menoit male vie tu poindroyes contre l'aguillon il t'en eslongneroit par adventure & tant plus les gens s'en mocqueroyent & croistroit la honte & le diffame & t'en pourroit encores estre de pis il fault que tu vives & meures avecques luy quel qu'il soit. Ces choses considerees la saige dame mettra peine par bel & par doulceur de l'atraire a soy & se elle congnoist que ce soit le meilleur de luy en dire quelque chose elle luy en touchera apart doulcement & benignement une fois l'amonnestera par devocion / autre fois par pitié qu'il doit avoir d'elle / autre fois en riant comme si elle se jouast / avec ce luy fera dire par bonnes gens et par son confesseur / & avec ce autre vertus ceste noble dame l'excusera se elle en ot parler aux autres ne pourra souffrir ouÿr dire mal de luy ne aura cure que on luy en raporte riens & elle deffendra. Car elle comme sage pensera que du savoir n'aura fors tristesse et riens n'y gaigneroit / et quant toutes ses voyes elle aura ung temps tenues & verra que il ne s'en vouldra amender son refuge sera a dieu mettra toute peine de s'en mettre en paix sans plus luy en parler Et celle dame ou femme qui qu'elle soit qui ainsi fera soit certaine que ja l'homme si pervers ne sera que a la parfin conscience & raison ne luy dye tu as grant tort & grant peché contre ta bonne & honneste femme & que il ne s'amende & l'ayme plus ou tant que font ceulx qui oncques ne se desvoyerent en ainsi aura sa cause gaignee par bien souffrir. Et s'il advient que ledit seigneur voyse en aulcun voyage loingtain ou perilleux ou en quelque guerre la bonne dame priera dieu devottement & fera prier pour luy en processions & oblations tressongneusement & croistra le nombre de ses aulmosnes se tendra humblement et simplement d'estat de maintien & d'abit en tandis & a son retour en grant joye & honneur le recevera et a toute sa compaignie fera chiere joyeuse & bien vouldra estre informee des meilleurs de ses gens des plus preux & des plus vaillans & comment ilz se seront portés & tresvoulentiers en orra racompter si les recevera a grant honneur & beaulx dons leur donra aussi vouldra sçavoir comment ceulx qui avoyent la garde de son corps auront fait leur devoir & se seront vers luy portez. Si guerdonnera les biensfaitz aux bons & aux plus songneux & cestes manieres tenir sont de grant honneur a dames. Et pource quoy que elle les face de bon cueur. Et vouldra elle bien toutesvoyes que elles soyent manifestees & sceues au monde & non mye celees la cause si est que elle ayme honneur & le bien de renommee comme dit est si luy aprendra prudence que plus grant honneur ne peut estre dit de dame & de toute femme que dire que elle soit vraye & loyalle vers son seigneur & que bien fait semblant que elle l'ayme & par consequent luy est loyalle. Car il est a penser a ung chascun que femme qui bien ayme son mary ne luy fera ja faulceté. si ne peut faire autre certification de sa loyaulté fors par l'amour qu'elle luy monstre & les signes de par dehors par lesquelz on juge communement du couraige. Car autrement ne peut on juger de l'entention des gens fors par les oeuvres lesquelles si elles sont bonnes tesmoigne la personne bonne & aussi au contraire. Si souffise quant a ce premier enseignement lequel est convenable a toute preude femme que qu'elle soit. ¶ Cy devise le deuxiesme enseignement de prudence qui est comment la saige princesse se contiendra vers les parens & amys de son seigneur. Chap. .xiii. Le deuxiesme point & enseignement que prudence demonstre a la princesse & generallement a toute femme saige est qui se elle a chier honneur par quoy bien veult que on sache que elle ayme son mary si que dit est cy devant elle aymera & honnorera les parens de son seigneur & demonstrera en tel maniere elle leur fera honneur & tresbonne chiere de toutes pars que ilz vendront & devant les gens meilleur que aux siens propres si mettra peine en toutes manieres raisonnables & licites de les complaire & faire leur gré les attrayra amyablement & a chere joyeuse sera procureresse pour eulx vers son seigneur si besoing est & s'il advenoit qu'il y eust aucun contens entre eulx elle se mettra en peine d'en faire la paix elle dira bien de eulx & les essaucera. si gardera bien d'y prendre estrif de parolles & en toutes manieres eschevera a son povoir que contens ne aucune rancune naisse ou sourde entre elle & eulx. Poson que aucun feust dangereux & maltraictable mettra peine a le sçavoir avoir par la meilleur voye selon sa condicion en gardant toutes voyes l'honneur que a elle appartient si n'aymera mie seullement les parens de son seigneur. mais aussi tous que elle sçaura qu'il ayme. suppose ores qu'elle sceust qu'il en y eust de maulvais si leur fera elle bonne chiere la cause si pource que elle ne les pourroit faire estre bons ne aussi par adventure empescher ne destourner l'amour & la hantise que son seigneur y a Si ne seroit que riote & noise s'elle leur monstroit mauvais semblant & acqueroit tant plus d'ennemys. Et si diroit on que voirement est il vray que femme n'aimera ja personne que son mary ayme / bien est la verité que se elle sçait que son seigneur soit encliné a la croire & elle soit certaine que iceulx soyent vicieulx & mauvais & que mal en faict ou en murs puisse venir a sondit seigneur par les hanter elle luy dira & monstrera appert coyment & doulcement ou fera dire. Et de tenir ces manieres sondit seigneur luy sçaura tresgrant gré aura la grace & benivolence de ses parens qui moult luy pourra valoir & garder de mains autres perilz & encombriers & plus seure sera quand elle aura la seureur des parens de son seigneur. Car on a veu maint mal avoir a femmes maintes fois a cause des parens de leurs maris. Et cestuy signe avec les autres donnera plus grant certification de l'amour & loyaulté que elle a son seigneur. ¶ Cy devise du .iii. enseignement de prudence qui est comment la saige princesse sera songneuse de se prendre garde sur l'estat et gouvernement de ses enfans. chap. .xiiii. Le troisiesme enseignement de prudence a la princesse saige est que s'elle a enfans de se prendre garde d'eulx & de leur gouvernement aux filz non obstant qu'il appartiengne au pere de leur querir maistre & bailler telz gouverneurs qui soyent bons & convenables toutesvoyes la dame qui maine par adventure tant de charge de diverses choses & que aussi nature de mere est communement plus encline au regard de ses enfans doit moult adviser tout ce qui leur appartient & plus a ce qui touche discipline de meurs & d'enseignemens que au gouvernement du corps. Et pource la saige princesse prendra garde comment on les ordonnera quelz sont ceulx qui les auront en gouvernement & comment ilz en feront leur devoir et non mye s'en attendre au rapport d'autruy / mais elle mesmes souvent les visitera en leurs chambres les verra coucher & lever & comment ilz seront ordonnés & telle chose faire a princesse n'est ce honneur non. Car c'est le plus grant port seureté & parement que elle puisse avoir que enfans & tel par aventure souvent avient vouldroit bien nuyre a la mere qui n'endureroit pour la doubte des enfans si les dois bien tenir chierement & est grant los de dire que elle en soit soigneuse. Car c'est signe que elle est sage & bonne. doncques la sage dame qui chierement les aymera sera diligente que ilz soyent endoctrinés & que ilz aprengnent tout premierement a servir dieu soyent enseignes en lettres & que le maistre soit songneux de les faire aprendre aux heures competentes mettra peine la saige dame qu'il plaise au pere qu'ilz soyent introduitz en latin & que aucunement s'entendent es sciences. Laquelle chose est moult convenable a enfans de princes et de seigneurs. Elle vouldra aussi quant leur aage croistra & qu'ilz auront entendement qu'ilz soyent admonnestés des choses du monde du gouvernement qui leur affiert / et de toutes choses qui a sçavoir a princes appartiennent que tous admonnestemens de vertus leur soyent dis & demonstrés enseigner la voye de fuyr les vices. Ceste dame se prendra bien garde des meurs du maistre & de la sapience aussi des autres qui seront entour eulx. Si les fera oster s'ilz ne sont bons & mettre nouveaulx / vouldra que lesditz enfans soyent souvent menez vers elle. Considerera leurs manieres & faitz & ditz & les reprendera ellemesmes tresfort s'ilz mesprennent / se fera craindre a eulx & vouldra qu'ilz luy portent grant honneur / elle les arraisonnera pour sentir de leur entendement & de leur sçavoir saigement les enseignera. Ses filles fera gouverner par bonnes & sages dames & ainçois qu'elle commette a nulle le gouvernement sera bien informee du sens des moeurs & de la vie d'elle. Car a ceste chose doit bien prendre garde & que la dame ou damoyselle a qui baillera en gouvernement sa fille soit de bon renom & devote envers dieu & de sens & honneur mondain sage & prudente affin qu'elle luy sache bien monstrer le bien & la contenance & maintien qui appartient a fille de prince a avoir & sçavoir / & doit estre icelle assez agee / affin qu'elle soit plus saige en meurs & plus prisee & doubtee mesmes de l'enfant qu'elle gouvernera / & aussi de tous les autres de la court plus auctorisee & crainte. Car il appartient a dame qui a tel charge qu'elle se prengne bien garde que environ la fille du prince ne repaire fille ne femme ou y ait reproche ne qui soit mal conditionee legiere ou folle ne de layde maniere affin que l'enfant n'y peust prendre aucun maulvais exemple. Et vouldra la princesse que quant elle sera en aagee qu'elle apreigne a lire aprés qu'elle sçaura ses heures & son service qu'on luy baille et administre livres de devotion et contemplation / ou qui parlent de bonnes meurs / ne nulz de choses vaines de folies ou de dissolution ne souffrera que devant elle soyent portés pour ce que la doctrine & enseignement que l'enfant retient en sa premiere jeunesse il en est communement recors toute sa vie aussi saige princesse se prendra bien garde du gouvernement et de la doctrine de ses filles & autant que leur aage croistra tant plus en sera songneuse. Si les aura le plus du temps environ soy les tiendra en crainte & le saige maintien & vaillance d'elle sera exemple aux filles de semblablement eulx gouverner. ¶ Cy devise le .iiii. enseignement de prudence qui est comment la princesse tiendra discrete maniere vers ceulx qui ne l'aymeront pas et qui auront envye sur elle. Chapitre .xv. Le quatriesme enseignement de prudence a la sage princesse est tout d'autre matiere & tout soit il differencié du dessusdit se n'est il mye de moindre maistrise a le sçavoir bien conduyre / car l'autre est naturel comme ce soit chose acoustumee que toute saige mere a soing du gouvernement & de la doctrine de ses enfans / mais cestuy qui est de sçavoir vaincre & corriger le propre couraige & voulenté de soy mesmes est chose comme par dessus nature. Et pource de tant que plus est fort a faire de tant est plus digne de recommandation / & la personne qui bien en scet user en fait plus a louer. Car c'est signe de tresgrant force & constance de courage qui est entre les vertus cardinalles de grant excellence & toutesfois n'est mye doubte qu'il est necessité a toute sage princesse qui ayme le pris d'honneur & de renommee sçavoir user de ceste force ou autrement sa prudence ne se peut bonnement ne du tout monstrer ne faire congnoistre n'estre parfaicte. Si nous convient plus particulierement declarer a ce que nous voulons dire. Il n'est point de doubte que selon le corps du monde & les mouvemens de fortune il n'est nul si grant prince en ce monde / tant soit juste ne fut oncques prince seigneur ne dame ne aultre homme ne femme qui ayt peu estre ne soit de tous aymé. Car posons que une creature fust toute parfaicte si ne souffiroit point la despitable envie qui se fiche en cueur humain que la personne fust au gré de tous ne aymee de chascun. Et ce povons veoir par la personne de Jhesucrist qui fut seul tout parfait / & toutesfois envye le fist mourir / & si a elle faict mains autres bons vaillans que je pourroye traire a exemple. Et de tant que la personne est meilleure & plus vertueuse de tant plus fait envye bien souvent greigneur guerre & si n'est nul ne nulle tant puissant ne oncques ne fut fors dieu qui de tous se peut venger. Et pource a nostre propos la saige princesse & semblablement toutes celles que vouldront ouvrer de prudence sera de ce tresbien avertie & pourveue de remede / dont s'il advient que fortune la vueille assaillir par aucun endroit si qu'elle a fait & fait mainte bonne gent et elle apperçoyve & saiche que aucun ou aulcunes personnes puissans ne luy veullent point de bien l'ayent en male grace & qu'ils luy nuyroyent s'ilz povoyent & s'eslongeroyent de l'amour & de la grace de son seigneur qui les croyroit par adventure pour leurs blandices & flateries ou la mettoyent par les faulx rapors mal des barons des subgetz ou du peuple elle ne fera de ce nul semblant qu'on s'en aperçoive ne que on les repute ne tienne ses ennemys Ainçois pour la bonne chere qu'elle leur monstrera donnera a croyre qu'elle tient grandement ses amys & jamais ne croyroit que aultrement fust & que plus que en autre y a fiance / mais il conviendra que celle de bonne chere soit ordonnee par tel sens et si rassise que nul ne puisse appercevoir que sainctement le face. Car si une fois estoit trop grande & autre fois a yeulx felons sicomme de cueur qui est plain qu'on voit bien que le ris en est a force tout seroit honny pource est le sens a garder mesure en cest endroit & fault bien que le courage en soit pourveu avant le coup / si faindra qu'elle se veult gouverner par eulx & par leur conseil & les appellera en ses estroitz conseilz comme elle monstrera a semblant leur dira des choses communes par grant secret & fiance qui seront contre sa pensee / mais conviendra que ce soit fait par bonne maniere qu'ilz ne s'en donnent de garde & qu'elle soit maistresse de sa bouche. Car se aucun mot disoit d'eulx en derriere contraire a ses semblans qui fust raporté ce seroit peril / car il n'est si grant seigneur ne si grant dame a qui tous ses servans soyent loyaulx. Si doit on bien regarder devant qui on parle / mais cueur qui est gros & plain a peine seuffre la bouche tousjours taire de ce qui luy desplaist Et la est la maistresse elle gasteroit tout son affaire. Car ce seroit sa honte & amenuisant sa grandeur que ces ennemys apperceussent que elle sceust qu'ilz ne l'aymeroyent pas & leur fist tel semblant. Car ilz penseroyent que elle le fist par crainte. Si en seroyent plus orgueilleux et plus hardis de luy nuyre. Et l'en priseroyent moins / si se sçaura bien de ce garder. Et se aucune personne luy en rapporte riens et elle pense que a iceulx sa responce puist estre raportee / elle blasmera les rapporteurs & dira qu'elle scet bien que ceulx de qui ilz parlent vouldroyent son bien & son honneur / & qu'ilz sont tresbons et loyaulx & ses amys. Et pensons que iceulx ennemys fissent ou dissent aucune chose a son prejudice de la chose se peut couvrir nullement que pour aucune autre cause que pour mal d'elle l'ayent fait ou dit. Encores fera elle si la simple ou ygnorante que ne l'aperçoyve & monstrera semblant que ce ne luy touche point & qu'elle n'a nulle pensee ne suspecion contre eulx / mais nonobstant toutes ces choses & ses grans dissimulations se guettera d'eulx de tout ce qu'elle pourra & sera dessus ses gardes. Ainsi la sage dame usera de ceste discrete dissimulation & prudence cautelle laquelle chose ne croye nul que ce soit vice mais c'est grant vertu quant faicte est pour cause de bien & de paix & sans faire a nul injure pour eschever greigneur inconveniens. Et voicy le mal qu'elle eschevera et le bien qui luy en suyvra se semblant faisoit qu'elle apperceust leur crisme. Ce seroit raison qu'elle print debat & contens a eulx & mist peine a s'en venger. Si conviendroit qu'elle en emeust grant noise & mist en guerre & en peril ses amys / & peut estre que son seigneur les croyroit mieulx que elle ou les autres barons & subgetz. Si engregeroit adoncques le contens & viendroit a plus grant meschief & si ne s'en verroit ja par adventure vengee / si auroit de tant plus grant dueil / & par la susdicte voye de souffrance & dissimulation est a presumer qu'elle appaisera l'ire et le maltalant de ses ennemys / & a tout le moins n'auroient ilz jamais le cueur de tant luy nuyre comme s'elle se monstroit ennemye. Car trop seroit desloyal celluy qui vouldroit faire mal a la personne qui le reputast son amy. Et posons qu'ilz ne s'en souffrissent leur trahyson & leur maulvaistie sera de trop plus grande & de plus apparoit au monde / si en seroyent de tant plus reprins & plus deshonnorez & moins viendroyent a leur entente. Car chascun leur donneroit le tort / & ne peut a toutes fins que la dame ne gaigne plus en tel cas a tenir si saincte maniere que par voye de rigueur & n'est pas doubte que cest enseignement affiere a tenir / non mye seullement aux princesses & dames / mais aussi generallement a toutes femmes. car en mains contens viennent en mariage par faulx rappors de flateurs aux maris que maintes ne scevent pas bien ou ne pevent dissimuler / ce scet dieu aussi font autres. ¶ Cy devise le v. enseignement de prudence qui est comment la saige princesse mettra peine comment elle soit en la grace & benivolence de tous les estatz de ses subgetz Chapitre .xvi. Pource qu'il appartient a la sage princesse qui par prudence veult ordonner tous ses faictz qu'elle quiere et tienne toutes les voyes que honneur demander vouldra pour ceste cause qui est le cinquiesme enseignement estre bien du clergié / & en leur grace tant de gens des religions & des docteurs comme des prelatz & des gens du conseil & aussi des bourgois & mesmes de ceux du peuple. Mais aucuns se pourroient merveiller pourquoy nous disons plus nommeement de ceulx icy que des barons & des nobles. Si est la responce pource que nous suposons qu'elle en ja en soit bien si que c'est plus de commun usaige que lesditz barons & nobles elle frequente Si vouldra estre des dessus nommés bien pour deux principaulx causes L'une si est affin que les bons & devots prient dieu pour elle. & l'autre pource qu'elle soit louee d'eulx en leurs sermens et collations si que leurs voix & parolles luy puissent estre se mestier est escu & deffence contre les murmures & rappors de ses ennemys mesdisans. & les puissent estaindre par quoy elle en ait mieulx l'amour de son seigneur & aussi du commun peuple qui bien leur dame orra dire & qu'elle fust soustenue des plus puissans se besoing luy en venoit. Si sera bien informee lesquelz des clercz & des maistres tant des religieux comme d'autres seront les plus souffisans & de la greigneur auctorité & a qui on adjouste plus de foy a leurs ditz Iceulx mandera de fois a autre vers elle puis les ungs puis les autres parlera a eux moult amyablement vouldra avoir leur conseil & en user les fera aucunefois disner a sa court acompaignés de son confesseur & des gens de sa chappelle qui tous seront honnorables gens leur portera grant honneur / & vouldra que des siens soient honnorés qui est chose qui bien affiert. Car vrayment ceulx qui sont anoblis de science doivent estre honnorés / leur fera du bien de sa puissance donnera a leurs colleges & a leurs convens. Et combien que aulmosne doye estre faicte secrettement la cause si est telle / affin que la personne qui la fait n'en puisse monter en vaine gloire qui est trop mortel peché. mais se ladicte personne n'en n'avoit nulle elevation en son cueur mieulx seroit la donner publicquement que en secret pource qu'elle donneroit bon exemple a aultruy. & qui en celle intencion le fait double son merite & fait bien / dont ceste sage dame qui bien se sçaura garder d'icelluy vice vouldra bien que les dons & aulmosnes qu'elle fera par celle voye soyent sceuz & registrez s'ilz sont notables comme pour refaire leurs eglises & leurs convens ou autres necessaires en perpetuelle memoire en tableaulx en leurs eglises / affin que les gens prient dieu / ou autres registres ou ilz le dient publicquement / si y prendront exemple de pareillement donner d'avoir accointance mieulx pour avoir renommee par eulx s'il semble qu'elle touche aucun rain d'ypocrisie ou qu'elle en prengne le nom. toutesfois se peut elle nommer par maniere de parler juste ypocrisie. Car elle tend affin de bien & eschevement de mal. Car nous n'entendons mye que soubz umbre de ceste chose maulx et pechiez se doivent commettre ne que une grant vaine gloire en doyve sourdre en courage. Si disons de rechief que ceste maniere de juste ypocrisie est comme necessaire par especial a princes & princesses qui ont a dominer autruy a qui plus reverence affiert que a autre & certainement aussi ne messiet elle point a toute personne qui desire honneur le faisant a cause de bien. Et a ce propos il est escript au livre de valere que anciennement les princes faignoient qu'ilz fussent parens aux dieux affin que leurs subgetz les eussent en plus grant reverence & plus les craingnissent. Aussi vouldra la sage dame estre bien des gens du conseil de son seigneur soient prelatz chanceliers ou autres ordonnera qu'ilz viennent vers elle / les recevera honnorablement & parlera a eulx par sages parolles & le plus qu'elle pourra les tiendra en amour et ceste maniere de tenir luy sera vaillable en plusieurs choses. C'est assavoir car ilz loueront le sens & gouvernement d'elle qu'ilz verront notable. Aussi s'il advenoit que aucun envieux voulsisse quelque chose machiner contre elle ilz ne souffreroient passer en conseil riens a son prejudice et desmouveroyent le prince s'il estoit mal informé par aucuns autres / & aussi s'elle desiroit aucune chose estre passee en conseil ilz luy seroyent amys & plus favorables. Avec ce ladicte dame vouldra avoir la bien vueillance des clercz qui se meslent des causes comme du peuple comme nous dirions a paris avocas en parlement & ailleurs de tieulx semblables deffendeurs des causes si vouldra veoir a certains jours les presidens & principaulx d'entre eulx & des autres plus notables avec eulx & devisera a eulx amiablement & vouldra qu'ilz sachent & voyent de son honnorable estat non mye qu'elle leur die par maniere de vengence mais qu'ilz apperçoyvent par l'effet de son maintien & grant sçavoir & telle maniere tenir pourra estre vaillable a l'acroissement de son honneur et los / & la cause si est pource que tous estatz & de toutes manieres de gens de justice les principaulx bourgois des cités & villes de sa seigneurie de son seigneur & aussi des gros marchans & mesmement aucuns des plus honnestes des gens de mestier vouldra qu'ilz viengnent de fois a autre vers elle si leur fera tresbonne chere & mettra peine a estre bien d'eulx affin que s'elle avoit aucun affaire qu'ilz fussent devers elle & que se necessité leur venoit de quelque finance faire qu'elle peust par lesditz marchans de leur bon gré & voulentiers estre secourue laquelle chose il convient qu'elle emprunte se elle veult bien garder tous les termes & pointz de honneur doit rendre sans faillir a jour nommé affin que la verité de sa parolle soit tousjours tenue en toutes choses entieres & sans faillir & que plus grant foy on y adjouste. Pource que nous avons dit en cestuy chapitre .v. des .vii. enseignemens comment la saige princesse doit estre bien de ses subgetz si que dit est & pourroit sembler a aulcuns mal advisés que chose superflue soit de ce dire & que il n'appartiengne que princesses prengne cure de atraire ses subgés ains doit commander baudement ses plaisirs & que ilz doivent obeir & mettre peine de l'attraire a amour & non mye elle eulx ou autrement ne seront ilz mye subgés & elle maistresse mais a ce nous respondrons que sauve la grace des diseurs ce appartient a faire non mye seulement a princesses mais aux princes par maintes raisons / mais de deux nous passerons. Car moult se pourroit ceste matiere plus eslargir. L'une si est que quoy que le prince soit seigneur maistre des subgetz / toutesfois les subgetz font le seigneur & non mye le seigneur les subgetz. Et trouveroient trop plus legierement qui les reputeroit a subgetz se ils luy vouloyent estre mauvais que il ne trouveroit qui le recepveroit a seigneur & pour celle cause & aussi qu'il ne pourroit luy tout seul forçoyer contre eulx si luy estoient rebelles / & s'il avoit ores la puissance de les destruyre il mesmes se deffendroit. Et s'il est necessité que il les tiengne a amour en telle maniere que de celle amour viengne crainte plus que par rigueur ou autrement sa seigneurie est en balence. Si est vray le proverbe commun que l'en dit / il n'est mye sire de son païs qui de ses hommes est haÿs. Et de les tenir en amour vrayement plus grant sens ne pourroit faire se a droit veult estre nommé seigneur Car il ne pourroit avoir cité ne forteresse d'aussi grant deffence force & puissance comme luy peut estre l'amour & benivolence des vrays subgetz. L'autre raison si est pource que poson que subgetz ayent bonne voulenté vers prince & princesse si n'auroyent ilz jamais le hardement d'aler familierement vers eulx se ilz ne les mandoient ne il n'appartiendroit aussi. Si doit doncques venir le premier acueil du prince ou de la princesse mais il est bien raison que les subgetz facent de ce tresgrant joye & feste & qu'i s'en tiennent bien honnorez & en doit doubler en eulx leur amour & loyaulté tant que plus de doulceur & trouvent. Et a ce propos dit ung saige qu'il n'est chose qui plus suprengne le cueur des subgetz ne qui tant les tire vers leur seigneur comme quant ilz treuvent benignité et doulceur en luy si que il est escript d'un bon empereur qui disoit qu'il vouloit estre tel a ses subgetz que eulx mesmes desiroyent qu'il leur fust. & de ceste chose bien advisee la sage princesse le fera ainsi leurs femmes la visiteront aucunesfois & elle leur fera tresbonne chere et parlera a toutes si amyablement que tres contentes se tendront & loueront son sçavoir et sa tresgrant court tiendra et feste a ses gesines et aux nopces de ses enfans vouldra que elles soyent en la compaignie des dames & des damoiselles. Pour laquelle chose elle acquerra moult amour de tous & de toutes. ¶ Cy devise comment la saige princesse tiendra en belle ordonnance ses femmes de sa court. Chapitre xvii. Le vi. enseignement de prudence est que la saige princesse tout ainsi que le bon pasteur se prent garde que ses brebis soyent maintenues en santé & se aucune en devient rongneuse il la separe du troupel de peur qu'elle peust empirer les autres elle se prendra garde sur le gouvernement de ses femmes lesquelles aura terres a son povoir toutes bonnes & honnestes car aultres ne vouldra avoir en tour elle. Et pource que c'est chose assez acoustumee que chevaliers et escuyers et tous hommes qui frequentent en tour femmes par especial les aucuns ont maniere de les prier d'amours & de les attraire se ilz pevent / la saige princesse par ses ordonnances tiendra telle maniere qu'il n'aura nul repairant a sa court si hardy qui a nulle de ses femmes ose conseiller apart ne faire semblant d'atrait & se il le fait ou que il soit apperceu en aucun signe que tantost telle chere luy soit monstree qu'il ne s'i osera plus embatre. Et ainsi selon seigneur maisgnee duicte la dame qui toute honneste sera vouldra que toutes ses femmes le soyent sur peine d'estre mises hors de sa compaignie si vouldra qu'elles s'ebatent a jeulx honnestes & non tieulx que hommes s'en puissent mocquer ne tenir leurs parolles ainsi que voulentiers font de femmes quoy qu'ilz s'en rient & jouent avecques elles se contiennent entre chevaliers & escuyers & tous hommes par beau maintien dient leurs parolles coyment & simplement s'esbatent & solacent soit en dances ou autres esbatemens gracieusement & sans liberté ne soyent baudes saillans n'effrayees en parolles contenance maintien ris & ne voysent la teste levee comme cerfz ramages lesquelles contenances seroyent trop mal seans & grant mocquerie a femmes de court ou plus doibt avoir honnesteté bonnes meurs & courtois maintiens que en nulles autres. Car la ou est le plus d'onneur doivent estre les plus parfaictes meurs & maintiens & de ce deceveroient trop les femmes de court se aucun païs en avoit de telle opinion qui cuydassent que plus leur apartenist a estre baudes & saillans que autres femmes / mais pource que nous esperons que yceste nostre doctrine soit portee par le temps advenir en mains royaulmes affin que en tous lieux ou il auroit en cest endroit aucune deffaulte peust estre vaillable. Nous disons generaument a toutes & de tous pays que il appartient a toute dame & damoiselle de court estre plus saige plus rassise & mieulx moriginee en toutes choses soit jeune ou vieille que autre. Car elles doyvent estre exemplaire de tout bien & de tout honneur aux autres femmes & se autrement le foisoient point ne feroyent d'honneur a leur maistresse ne a elle mesmes. Avecques ce vouldra la sage princesse affin que toutes choses en honnesteté se correspondent que les robes & les atours de ses femmes quoy qu'ilz soyent beaulx & riches comme il appartient bien soyent d'honneste façon bien mis & bien seans honnestement & nettement maintenus mais n'y ait nulle desguisure ne deshonnesteté de trop grans collectz ou d'autres oultaiges & en toutes choses la saige princesse ordonnera ses femmes / tout ainsi que la prudente & bonne abbesse fait son convent en telle maniere que mauvais rapport en estranges contrees ne aval la ville ne autre part n'en puisse estre fait / & sera ladicte princesse tant crainte & redoubtee par le sage gouvernement que on luy verra tenir que nul ne nulle ne sera si hardy aucunement desobeir a ses commandemens ne lever l'ueil senestrement ne mal apoint / car il n'est nulle doubte que une dame est plus crainte & doubtee & tenue en plus grant reverence quant on la voit saige & de pesans meurs & honneste / & posons que elle soit benigne & doulce que ne seroit male & diverse / car le seul regard de la saige & chiere attrempee est assés souffisant signe pour corriger ceulx & celles qui mesprennent & les faire craindre. ¶ Cy devise comment la sage princesse se prendra garde sur ses revenues & de ses finances & de l'estat de sa court. Le .vii. enseignement de prudence a la sage princesse est que elle prendra garde soigneusement au fait de sa revenue & de sa despence laquelle chose doyvent adviser nonpas seullement princes & princesses / mais semblablement toutes gens que veulent vivre par ordre de saigesse n'aura point de honte elle mesmes de vouloir sçavoir la somme de ses revenues ou de ses pensions & que les comptes de ses receveurs & despenciers de ses finances soyent a certains jours fais devant elle vouldra sçavoir comment ses maistres d'ostel gouvernent ses gens & ordonnent son commun & distribuent les viandes & semblablement des autres offices de sa court dont elle ne vueille bien estre informee que ilz soyent prudens de bonne vie & prudens hommes ains que les prengne & se le contraire scet que tost ne les mette hors si sçaura combien monte la despence de son hostel vouldra sçavoir ce que on a prins des marchans & sus le peuple pour elle & pour sa despence & ordonnera qu'il soit bien payé a certain jour / car nullement ne vouldra leurs mauldissons ne estre a leur haine. si ne vouldra riens devoir mieulx aimera se passer a moins & plus sobrement despendre. deffendra qu'on ne prengne riens sus le peuple maulgré eulx & que ce ne soit a juste pris tantost payer & non mye faire aller les povres gens des villaiges & d'ailleurs a leur grant coust & destourbier & frais. Cent fois et plus a tout une cedule en sa chambre aux dames & a ses receveurs ains qu'ilz puissent estre payés ne vouldra point que ses tresoriers ou distributeurs de finances usent du stille commun / c'est assavoir soyent menteurs ne pourmenans les gens de terme en terme comme ilz pourront penser que ilz puissent payer. Ceste sage dame ordonnera l'avoir de ses revenues en la maniere qui s'ensuyt. Elle le partira en cinq parties. La premiere sera la part & porcion que elle vouldra mettre en aulmosnes & donner aux povres. La seconde en la despence de son hostel la somme elle sçaura que elle monte / voire s'il est ainsi que sur sa revenue & pention la doye querir et que son seigneur ne luy administre sans que elle s'en mesle. La tierce a payer ses officiers & ses femmes. La quarte en dons a estrangiers ou autres qui luy auront desservy extraordinairement. Et La .v. mettra en tresor & dessus prendra a sa plaisance ce que elle vouldra mettre pour elle en joyaulx robes & autres abillemens & sera chascune part & portion de telle quantité comme elle verra que elle puisse faire selon sa revenue. Et ainsi par ceste voye tenir riglement pourra avoir droit ordre en toutes ses choses sans confusion ne que argent faille pour assovyr aucunes des dessusdictes choses parquoy il convient faire finances estranges ou chevances non licites a grans dommaiges & frais. En ceste maniere par les sept dessusditz enseignemens de prudence tenir avec les autres vertus lesquelles choses ne sont mye fortes a faire / ains embellissent & sont plaisans mais que bon cueur s'i vueille disposer & que ung petit l'ait acoustumé pourra la saige dame acquerir la gloire renommee & grant honneur au monde & a la fin paradis qui est promis aux biens vivans. ¶ Cy devise en quelle maniere se doit estendre la largesse & liberalité de la saige princesse. Chap. .xix. Et pource que nous avons parlé des autres vertus convenables a princesse assés au long & plus en brief avons touché la largesse mondaine qui en dons luy affiert a avoir hors l'ordre commune de sa despence & extraordinairement comme ce soit chose advisant a princesse que en ce soit advisee en parlerons plus au large la saige princesse qui vouldra qu'il n'y ait riens a reproucher en ses faitz se gardera bien que le vice de chetiveté & de non deue echarceté ne soit point veu en elle & aussi de folle largesse qui n'est mye maindre vice. Et pourtant par grant discretion & prudence usera & fera de ces dons / car c'est une des choses du monde qui plus exaulce la renommee des grans seigneurs & dames que largesse & ce tesmoigne jehan de sabberieuse en policraticion ou tiers livre ou .xiiii. chapitre a demonstrer que la vertu de largesse soit necessaire a ceulx qui ont le gouvernement sur la chose publicque. exemple de titus le noble empereur qui acquist telle renommee par sa largesse que on l'apelloit le secours & l'aide de toute personne & il avoit tel amour a ceste vertu de largesse que le jour qu'il n'avoit fait don aucun il ne povoit estre joyeulx & pour ce aquist la generalle amour de tous. Si demonsterra la sage dame sa largesse en telle maniere se elle a puissance de donner & il luy vient a congnoissance se que elle soit bien informee que aucuns gentilz hommes estrangiers ou aultres aient par longue prison ou rançon moult perdu du leur ou soient a grant souffreté elle leur aidera voulentiers du sien & de bon usaige largement selon son povoir. & pource que largesse ne s'estend mie tant seulement en dons comme dit ung saige / mais aussi en reconfort de parolles en leur donnant esperance elle les confortera de meilleur fortune & ce reconfort par adventure leur fera autant ou plus de bien que l'argent que elle leur donra car moult est chose agreable a personne si que ja est touché si devant quant prince ou princesse luy donne reconfort & mesmes de sa parolle. Et aussi si ceste dame voit aucun gentilhomme soit chevalier de bon couraige qui ait grant voulenté de soy avancer en honneur. mais n'ait mye grant chevance pour soy habiller si qu'il affiert & elle voit que de luy ayder soit bien employé & que il le vaille la gentille dame qui aura en soy toutes nobles meurs pour honneurs de gentillesse & pour tousjours eslever noblesse de vaillance luy aidera. Et ainsi en divers cas qui peut advenir s'estendra la saige & bien ordonnee largesse de ceste dame & s'il advient que aucuns presens ou dons luy soyent faitz de par aucuns grans seigneurs elle donnera si grandement aux messagiers que ilz s'en puissent louer & plus se ilz sont estrangiers que aux autres affin que en leurs païs en facent mention a leurs seigneurs & vouldra que tous soyent expediez. Et se les presens viennent de grans dames elle leur envoyera semblablement de ses joyaulx & de ses belles choses plus largement Mais se povre ou simple personne luy fait aucun service ou luy presente quelque chose estrange par bon vouloir elle regardera la faculté de la personne & son estat & la grandeur du service ou la value ou bonté ou beaulté ou estrangeté du don selon le cas si le remunerera quoyque ce soit si grandement que l'en s'en puisse & doye louer & avec ce par si joyeuse chere recevra la chose que ce sera a pou moitié poiment. Et non mie sera sicomme nous veismes une fois & n'a pas moult de nos yeulx avenir dont moult nous pesa a une court du monde de prince ou de princesse que ce fust la fut mandee une personne que on reputoit a saige pour oÿr & congnoistre de son sçavoir. Si y frequanta plusieurs fois / & se tenoit on tresfort content de ses faitz & de ses ditz & de l'effect de son sçavoir duquel il avoit fait audit prince ou princesse aucuns services justes bons & loysibles dignes de recommandation & desserte. En cestuy mesmes temps & espace frequentoit a icelle mesme court une autre persone qu'on reputoit a folle qui a coustume avoit de servir les seigneurs & dames de bourdes & rappors de ce qu'on faisoit par tout & de parolles de nulle value sicomme par maniere de truffes & de faire rire. Advint que on voult remunerer & faire dons a la personne que on reputoit a saige & qui avoit desservy de son sçavoir & a la personne qu'on reputoit a folle qui avoit servy seulement de dire les bourdes / si fut donné a ladicte folle ung don qui fut extimé a la value de .vl. escus. & a l'autre ung don de douze escus / de laquelle chose quant ce vismes entre nous troys seurs / raison / doctrine & justice muçasmes nos faces de honte de veoir si desconvenable extimation et tant aveuglee descongnoissance en court que on dit autentique. non mye pour la value du don / mais pour l'extimation des personnes & de leurs faitz Si ne fera mye ainsi la saige princesse qui des folz ou des folles ou qui le contrefont / ou de raporteurs de parolles et de choses de nulle value gueres ne s'acointera ne la estandra mye ses dons mais aux vertueux & a ceulx a qui le bien est employé. ¶ Cy devisent les excusations qui affierent aux bonnes princesses qui ne pourroyent pour aucunes causes mettre a effect les choses dessusdictes. Cha .xx. Or avons dit ce qui appartient & touche a la largesse de la saige princesse / mais avant que nous passions oultre affin que oblié ne soit nous convient icy toucher par especial questions qui nous pourroient estre faictes sur deux pointz que touchié avons cy devant C'est assavoir l'un que nous avons dit & devisé comme il appartient que la saige princesse se face accointer des gens de tous les estatz & subgetz. Et l'autre a la liberalité que doit avoir. si que dernierement avons dit du premier point. Pourroit souldre telle question vous dictes qu'il appartient a saige princesse d'avoir la benivolence des subgetz pource se doit d'eulx accointer. Mais comment pourroit cestuy enseignement servir a toutes car il n'est point de doubte qu'il est assés que quoy qu'elles soyent tressaiges & prudentes si ont elles maris de merveilleuses meurs & qui si court les tiennent que a peine osent elles parler mesmes a leurs serviteurs et aux gens de leur ostel. si ne se pourroient icelles femmes de nul acointer & ne sert a nul envers elle cestuy enseignement. Item a l'autre point semblablement qu'il est assés de princes & d'autres hommes qui tant tiennent leurs femmes courtes d'argent qu'elles n'ont ung denier. Si ne pourroient celles par effect quelque bon vouloir qu'elles eussent user de celle vertu de largesse. Si respondrons a ces deux questions ensemble tout en unemesmes sentence. c'est assavoir que nous n'entendons mye de celles qui sont gardees par telles extremités. Car aux dames & princesses ou autres tenues en tel servage prudence ne peut donner autre enseignement & sil n'est il pas petit fors prendre en pacience faire tousjours bien a leur povoir & obeir pour avoir paix. Mais parlons a celles que nous supposons qui ayent auctorité sens & puissance de ce faire si que ja avons dit. Et aussi n'entendons mye des jeunes qui encores sont soubz l'administration d'autres dames vray est que cest nostre doctrine s'elles l'estudient & retiennent leur pourra servir d'aprendre a elles gouverner par telle prudence que quant seront en aage de plus grant discrection les maris & seigneurs qui les verront de semblable ordonnance & gouvernement leur pourront bien donner auctorité de faire & gouverner semblablement qu'il est dit & que nous dirons cy aprés en temps & en lieu a leur ennortement & l'homme est trop fol de quelque estat qu'il soit quant il voit qu'il a bonne femme & saige s'il ne luy donne auctorité de gouverner se besoing est. combien qu'il en soit assés de si malostrus & de si descongnoissans qu'ilz ne sçavent veoir ne congnoistre / ou bonté & sens sont assis & se fondent sur l'oppinion que en sens de femme ne peut avoir grant gouvernement. de laquelle chose nous veons souvent le contraire. Si disons de rechief en concluant que se celles dames ainsi courtes tenues ne pevent en ces pointz mettre a effect leur prudence tant en ce qui touche d'elles faire a congnoistre a leurs subgectz & aussi en faisant largesse elles en sont a excuser. mais neant plus que une grant lumiere se pourroit si fort mucier que par aulcun anglet ne fust apperceue ne les pourront tant empescher leurs maris que s'elles sont bonnes saiges & de bon amour a leurs subgetz que elles ne soyent bien aymees de tous & reputé leur bonne voulenté pour faict pour les discretes et bonnes apparences qu'on verra d'elles / & que louees & renommees ne soyent en tous lieux Et souffice quant a ce propos. ¶ Cy devise du gouvernement a la saige princesse demouree vefve. chap. .xxi. Parlé avons assés de ce qui touche les enseignemens des princesses mariees / mais affin que nostre doctrine soit en tous les estatz des dames vaillable dirons encore a ce propos parlant aux dames & princesses vefves tant aux jeunes comme aux anciennes en differences de leurs aages Si disons ainsi s'il advient que la saige princesse demeure vefve n'est point de doubte qu'elle plorera sa partie si que bonne foy le donne se tiendra close ung temps. aprés le service & obseques a petite lumiere de jour en piteux & dolent habit selon honneste usaige. Si n'oubliera pas la bonne ame de son seigneur / ains en priera & fera prier tresdevottement par grant soing en mesmes services aulmosnes offrandes et oblations. & moult la fera recommander a toutes gens de devotion / et ne durera pas ung pou de temps ceste memoire & ses biensfaitz / mais tant comme elle vivra. Neantmoins a ceste dame qui sera de grant sçavoir prudente dira / & l'admonnesteront souvent son beau pere & ceulx a qui il appartiendra que nonobstant sa tresgrant perte & son grant dueil & regretz de la mort de son seigneur & de la bonne lealle amour qu'elle luy portoit il convient estre pacient de tout ce qui plaist au seigneur estre faist & que nous sommes nez pour aller celle voye quant il luy plaira. Si pourroit bien pecher & courroucer nostreseigneur de tant estre adolee & par si long temps & espace Si convient qu'elle prengne autre maniere de vivre ou grever pourroit son ame & sa santé. si n'en seroit mye de mieulx a ses nobles enfans qui encores ont tout mestier d'elle. Ceste dame ainsi admonnestee de raison & de bon conseil pour aucunement mieulx passer ceste grant tribulation se prendra a se donner de garde de ses besongnes. Tout premierement vouldra avoir congnoissance du testament de son seigneur & mettra toute sa peine au plustost que faire ce pourra pour allegier la benoiste ame de celluy qu'elle aymoit qu'il soit accomply. Apres s'elle a des enfans & le pere ne les a partis en son vivant prendra grant cure que les partaiges des terres et des seigneuries soyent faitz entre eulx par bon regard & advis des barons & des saiges du conseil si que au gré d'un chascun soit s'elle peut s'en travaillera de tout son povoir de les tenir en amour sans debat ensemble & que tous les moindres servent & honnorent l'aisné leur seigneur si que raison est. Avec ce advisera ce que a elle apartient tant au faict de meubles comme a son douaire. Et s'elle n'a nulz enfans & aucun luy vueille faire tort de ce qu'il luy appartient / sicomme souventesfois on fait aux dames vefves soyent grandes ou petites elle appellera bon conseil & en usera en gardant et deffendant son droit hardiment par droit & raison sans s'eschauffer en hastiveté de parolles vers nulluy. ains dira sa raison ou fera dire courtoisement a tous. mais elle gardera son droit & tant comme elle vivra tiendra en amour a son pouvoir les parens de son seigneur & grant honneur leur portera. & de ce faire sera grandement louee & prisee Mais s'il advient cas que la princesse demeure vefve a tout son aisné filz encores jeune & moindre de aage et que par adventure guerre & contens sourde entre les barons. et pour cause du gouvernement la convient il qu'elle employe toute sa prudence & son sçavoir pour les mettre & les tenir en paix. car nulle guerre d'estranges ennemys ne luy pourroit estre tant perilleuse comme ceste. Et pource la saige dame qui toute sera saige sera si bonne moyenne entre eulx par son prudent maintien & sçavoir pensant le mal qui pourroit venir de leurs debatz / veu son enfant encores petit & jeune que bien les sçaura apaiser. Et pource faire querre les plus convenables manieres & le plus qu'elle pourra le traictera par doulceur & par bel. & vouldra que tout soit fait par bon & loyal conseil / ou s'il advient que aulcunes terres se rebellent ou que la contree soit assaillie d'ennemys. sicomme souventesfois advient aprés mort de prince a enfans moindres d'eage pourquoy conviengne avoir et maintenir guerre / bien aura besoing la prudente dame & princesse qui desirera a garder le bien des enfans que elle mette a oeuvre son grant sçavoir. Adonc luy aura mestier tenir en amour les barons chevaliers & seigneurs de son païs affin que tousjours soyent bons & loyaulx & de bon conseil a son enfant. Aussi les chevaliers escuyers & gentilz hommes / affin que de plus grant cueur voulentiers & hardiement se combatent se mestier est / & maintenant la guerre pour leur jeune seigneur le peuple aussi affin que plus voulentiers y aydent du leur se besoing est pour maintenir la guerre. Et pource affin qu'ilz soyent tousjours plus loyaulx subgetz & que autre ne les peust esmouvoir au contraire parlera a eulx aucunesfois par bel en disant par doulces parolles qu'il ne leur vueille ennuyer se adonc sont aucunement grevez pour la grant charge de la guerre & d'autres affaires que si dieu plaist ce ne durera mye longuement & que bien luy en souviendra et ramentevera a son filz le bien & la loyaulté qui est trouvee entre eulx Et telle maniere de parler leur dira la saige dame & princesse qui pourront estre vaillables en tel cas. Car ce les esmouvera a plus voulentiers y mettre du leur & a les garder de rebellion Lesquelles rebellions adviennent le plus souvent en peuple par estre trop oppressé de seigneurs & mené par rudesse. Et n'est pas de doubte que estre extimé ne pourroit le bien que telle princesse peut faire en royaulme & contree. Cy dit de ce mesmes a l'enseignement des jeunes princesses vefves Chap. .xxii. MAis se la princesse demeure vefve sans enfans ou qu'elle vueille vivre plus a son aise et en paix quant revestue sera de ce qu'il appartient Et du douaire assigné elle ira demourer sur la terre & la advisera comment elle se gouvernera bien & sagement selon sa revenue. Si mandera tantost les principaulx de ses hommes & aussi tous les prevotz & baillifz de ses chastellenies. Si vouldra sçavoir par bonne enqueste comment ilz se seront gouvernez et portés le temps passé & s'ilz sont preudommes se informera des coustumes du pays & se iceulx officiers sont bons ilz ne se bougeront / & se mauvais sont les ostera & mettra nouveaulx desquelz elle aura bonne relation. Et ne vouldra nullement que ses prevostez soyent baillees pour argent aux plus offrans & derniers encherissans / sicomme on fait maintenant communement en france. Et pource en sieges en beaucop de lieux a de tresmauvaise ribauldaille mengeurs de gens & pires que ne sont larrons / car il n'est mauvaistie qu'ilz ne facent pour tirer argent Et pour sçavoir le vray / l'experience commune le demonstre & certifie. Pource ne vouldra la bonne dame qui sera informee & avertie que sesdictes prevostés soyent loués vendues ne baillees a ferme / mais baillees par election aux plus preudhommes & aux plus sages ainsi que faire se doit. si leur conviendra expressement qu'ilz gardent que justice soit bien gardee / ou que autrement elle les desposeroit & pugniroit / & avec ses officiers fera expresse deffence & aux gens de son hostel que nul ne soit si hardy de faire grief a nul de ses subgetz ne prengnent riens sans payer / car elle ne vouldra pas son ame charger de l'avoir des povres gens pource que toute informee sera des grans excions que preneurs de seigneurs & de dames font souvent sus le commun / desquelles extortions pourtant s'ilz ne le servent ne seront pas excusés vers dieu lesditz seigneurs & dames Car ilz le doivent sçavoir & ne le souffrir pas: les vouldra tenir en paix & garder de tous maulx a son povoir. Et a brief dire de toutes choses les tiendra en amour / vouldra estre par eulx & par leurs femmes visitee souvent & bonne chere leur fera. Les dames & damoiselles du pays & les bourgoises semblablement viendront vers elle si les recevra joyeusement & honnorera chascune selon son droit. & les mandera pour en estre acompaigniee quant seigneurs ou estrangiers vouldront venir vers elle a ceste noble dame mesmement les petites femmes de village qui l'aymeront de tout leur cueur luy apporteront de leurs petis presens comme fruytz ou autres choses. & elle les fera venir vers elle et les vouldra veoir / recevra leurs chosettes joyeusement & de pou de chose fera grand compte et grant feste / & dira qu'il n'est riens si bon ne si beau. si les remercira cherement parlera avec elle / & leur tiendra parolles du faict de leur nourriture de leur mesnage / parquoy les bonnes femmes quant seront a leurs maisons feront grant feste & parlement de la chere que leur dame leur aura faicte & moult honnorees s'en tiendront. & grant quaquet en meneront avecques leurs voisins. Ceste noble dame n'aura pas honte de visiter les acouchees & povres et riches. aux povres donnera pour dieu / & les riches honnorera / tiendra sur fons de leurs enfans / & a brief dire en toutes choses bonnes se tiendra & demonstrera tant charitablement tant doulce & humaine vers ses subgetz qu'ilz ne parleront que d'elle prians pour elle & de tout leur cueur l'aymeront. Ces voyes bonnes sçavoyent bien tenir les tresnobles roynes de france & princesses en leurs veufvages que j'ay cy devant nommés / c'est assavoir la royne Jehanne la royne blanche la duchesse d'orleans fille jadis du roy charles .iiii. & semblablement d'autres que en telle maniere se gouvernent en toute bonté & saigeté qu'a tousjoursmais pourront estre exemplaire de bien et sagement vivre a celles advenir. Et cy est la fin des enseignemens que prudence donne a la saige princesse qui est en aage de congnoistre bien & mal. Si dirons ung petit puis que entrees ou propos sommes de la jeune princesse vefve & puis dirons des jeunes mariees il apartient a jeune princesse vefve que tant qu'elle sera en tel estat soit soubz la baille de ses parens obeysse a leurs vouloirs & se gouverne toute par eulx & par leur ordonance ne riens n'entrepreigne sans leur sceu & voulenté. Tenir se doit simplement d'abit & d'atour selon les usaiges des pays ou elle est coyment & doulcement en contenance que maintien jeux trop renvoisiés toutes dances estroictes robes & toutes jolivetés luy sont deffendues & quoy qu'elle soit joyeuse par nature & que jeunesse l'amonneste de rire de jouer & chanter. Si convient il si elle veult garder son honneur qu'elle s'en deporte au moins se ce n'est bien a son privé & non devant hommes & doit par especial entre segneurs & dames ou chevaliers estranges ou autres gentilz hommes moult faire le sage avoir contenance rassise pour parler & simplement regarder. Et lors diront les gens que c'est moult belle chose a si jeune dame avoir si beau maintien & si asseuree contenance il ne luy apartient point de tenir parolles appart ne conseil a hommes quelz qu'ilz soyent ne que chevaliers escuyers ne autres frequentent trop ne sans raisonnables achoisons environ elle ne a sa chambre / car par telz choses son bien en pourroit estre desavencé & cheoir en aucunes parolles qui moult tost & a peu d'achoison sont levees & de ce doit bien prendre garde la principal dame qui l'a en gouvernement mais pour eschever ennuy & oyseuse elle se doibt aux festes esbatre et jouer aux martres avec ses femmes & autres jeux simples & cois et aux jours ouvriers a faire aucuns ouvraiges elle se doit bien garder que elle ne tiengne parolles de mariage a quelconque personne a part en recelé ne sans le sceu de ses amys ne qu'elle en escoute nulles parolles se on les vouloit dire. Car ce ne seroit mye son honneur & si pourroit bien estre deceue. Si s'en doit du tout attendre a sesdis amys & bien garder que riens n'en face sans eulx car de se marier a sa voulenté sans leur bon consentement acquerroit grant blasme & se elle assenoit a mauvaise partie & que mal luy en prensist jamais ne seroit plainte & si perdroit leur grace. Si doit penser que ilz sauront mieulx congnoistre ce que luy est bon que elle mesmes ne feroit ¶ Cy devise du gouvernement qui doit estre baillé & tenu a jeune princesse nouvelle mariee. Chapitre .xxiii Nous commençasmes cy devant a dire le maniere comment la sage princesse veult & ordonne que ses filles soyent nourries & introduyctes en enfance & jeunesse. Si nous convient en continuant ceste matiere parler et deviser de l'ordonnance qui a la fille appartient a tenir c'est assavoir a la jeune princesse qui veult vivre si qu'il appartient depuis le temps qu'elle est mariee & hors le bail de ses parens si dirons ainsi il appartient a la jeune princesse qui de nouvel est mariee luy soit baillé estat d'hommes & de femmes tel & si grant comme a la haultesse du prince et seigneur a qui elle est donnee appartient. Si seront esleuz pour estre ses serviteurs gentilz hommes non mye trop jeunes ne trop emperlez ne mygnons mais sages & attrempés & preudhommes & s'ilz sont mariés tant mieulx vault & par especial ceulx qui la serviront a table & qui plus frequenteront environ elle & de ses femmes & se il eschiet est bien seant que leurs femmes demeurent semblablement a court les maistres d'hostel gens meurs & de bon sçavoir & pour la jeune princesse mieulx aprendre & endoctriner de ce qui apartient au sauvement de l'ame & de sa conscience luy doit on eslire confesseur religieux sage clerc en divinité prudent en meurs & de sens naturel preudhomme d'onneste & de bonne vie. Et au fait de ses femmes pource que c'est droit que des anciennes dames & damoyselles & aussi des jeunes y soyent mises doibt bien estre advisee quelles de quel sens et estat et vie sont & ont esté celles ains que mises y soyent trop plus y doit estre visité que a celles que on prent a court de plus ancienne princesse. Car nonobstant que en toutes cours soit bien seant que les femmes y soyent de honnestes meurs. Toutes voyes pourroit cheoir plus grant peril en compaignie de jeune princesse que en aultre pour deux especiaulx raisons. L'une que on juge communement a l'estat & maintien que on voit a la maisgnie de l'estre & condicion du seigneur ou de la dame pourquoy se les femmes n'estoyent de belle ordonnance aucuns pourroyent supposer que non feust la maistresse laquelle chose pourroit estre le descroissement de l'honneur d'elle. Item la deuxiesme raison est que mesmement ladicte maistresse jeune & enfant y pourroit prendre aucun enseignement & exemple non bien convenable entre ses femmes doibt avoir une dame ou damoiselle assez d'aage saige prudente bonne honneste & devote a qui on aura beillé par fiance le gouvernement de la jeune dame combien que par adventure en y aura a la court maintes de plus grant lignage & des parentes peut estre a ladicte princesse mises par honneur & compaignie & neantmoins ceste aura le soing & la garde principal d'elle. Si n'aura mye ceste dame cy se bien veult faire son devoir petite charge ne peu de soing ne regard. Car il convient que elle tende a deux choses principalles. L'une est qu'elle induyse & maintiengne sa maistresse en sage gouvernement & bonnes meurs & telles que nulles voix ne parolles puissent souldre contre son honneur & l'autre que elle la tiengne en amour & qu'elle ayt tousjours sa grace. Lesquelles deux choses c'est assavoir donner correction & enseignement a jeune gent & avoir ensemble leur amour & grace est souvent moult fort a faire si y convient ouvrer par grant discretion & ce peut faire par tel maniere. C'est trop plus fort chose d'estaindre le feu quant il a emprins & embrasé une maison / que il n'est a garder que il ne s'i esprengne Et pource la sage mesnagere qui a toutes heures est sur sa garde d'eschever les perilz qui pevent advenir cerche souvent par sa maison par especial au soir de paour que aulcune mesgnie mal songneuse ayt laissé chandelle ou moucheron ou autre chose dont dommage puisse venir tout ainsi ceste dame pourveue de ce qu'elle aura a faire en la maniere que on ploye la verge quant elle est jeune sicomme on veult adviser a son povoir de mettre en tel ploy sadicte maistresse se qu'a tousjours mais y puisse demourer. Et pource de loings & non mye tout a coup que la verge ne brise ira querre ses commencemens pour venir & attaindre a ses conclusions & a ce qu'elle vouldra mettre a fin. Car tout premierement elle prendra toute la peine qu'elle pourra par belle et courtoise maniere & par luy donner aucunes chosettes qui plaisent a jeunes gens & par ce monstrer amiable pour avoir l'amour de sa jeune maistresse & commandera que la bonne dame qui sera ja de aage ou ancienne aucunesfois en jeux ou esbatemens quant ilz seront a part & a prime ainsi que l'enfant & la jeune dira aucuneffois des fables & des comptes que on dit a enfans. Et tout ce fera elle pour attraire sa maistresse affin qu'elle prengne mieulx en gré quant il conviendra que elle la reprengne et corrige / car se elle se monstroit tousjours de pesant maniere sans ris & sans jeux jeunesse qui est encline a joye & soulas ne la pourroit souffrir & l'airoit en si grant crainte que desplaisance y prendroit & mal en gré ses corrections. Et quant elle verra que elle sera bien en sa grace & que elle sera ainsi que toute mignote sur elle / adonc selon l'eage ou le sentement que appercevera en elle luy prendra a compter comptes quant ilz seront en leurs chambres et a leurs devis de dames & damoiselles qui se sont bien gouvernees comment il leur est bien prins & l'onneur que elles en ont & par le contraire comment mal est ensuyvy a celles qui follement se sont portees dira que elle l'a veu advenir de son temps & les fera avant tous nouveaulx que elle n'en dye pour autre chose fors ainsi que l'en compte des aventures & de si bonne maniere les sçaura dire que elle mouvera le courage de sa maistre & des autres qui l'orront & seront toutes atroupelees entour elle & voulentiers l'escouteront dira aucunesfois histoires de sains & de saintes de leurs vies & passions & aucunesfois parmy pource que devis n'ennuye dira quelque truffe a rire & ainsi vouldra que les autres dient affin que chascune devise a son tour / icestes manieres tiendra la sage dame quant au fait d'actraire la jeune princesse a elle aimer / mais a ce qui touche a la correction & enseignement elle introduira par belles & courtoises parolles qu'elle se lieve assés de bonne heure. Si luy apprendra quelques bonnes & briefves oraisons et l'enortera qu'elle les dye en se levant. Salve premierement nostreseigneur & la vierge marie & dira que elle a ouÿ dire que personne qui a de coustume d'adresser ses premieres parolles de bon cueur a nostreseigneur en se levant n'aura ja la journee mauvaise adventure & de ce dira elle verité Car ainsi le tiengnent plusieurs & est la coustume moult bonne la fera vestir & atourner sicomme il appartiendra sans y mettre si longuement que assés de dames font qui est une si grant perte de temps & une coustume malordonnee aler a la messe & dire ses heures devottement & songneusement & avecques ses choses tout le bel maintien ou parler contenance atours & vestemens qui appartiennent a princesse de hault paraige luy ennortera a faire et maintenir en telle maniere qu'il n'y ait que redire & tant fera a brief dire par ses saiges ammonnestemens qu'elle la mettra en tel division que chascun dira que de son jeune aage on ne vit oncques dame de tel maintien ne mieulx aprinse. & diront d'elle les gens. O comment affiert grant louenge a jeune cueur estre viel & meur par bonnes meurs voire je supose que ladicte jeune dame soit de si bonne condicion que elle vueille et seuffre estre introduyte & vueille bien retenir. car estre pourroit si diverse que la dame seroit a excuser s'elle ne la povoit duire ne mettre en bonne rigle. Si doivent estre les menaces de la sage dame telles quant elle reprent sa maistresse de quelque faulte sicomme jeunes gens font. Il n'est si parfait si elle est bonne & doulce & que bien l'ait a main que se elle fait autrement ou que plus face ou die telles choses que la lairra & s'en ira chés elle ne jamais ne la servira & que ce n'est pas belle chose ne bien fait a telle dame comme elle est d'ainsi se gouverner & adonc se la jeune princesse est bonne & doulce & que elle aime la dame aura paour que elle la laisse & se chastiera de pou de menaces mais se elle est revesche & de diverses condicions despite & de pou d'amour elle luy dira a part tout asprement sache bon gré ou mal gré & que elle le dira a ses parens & amis ou son seigneur se besoing est se autrement ne se gouverne. Et quoy que ceste dicte dame ait la charge d'endoctriner & aprendre tel maintien qu'il convient a sa jeune maistresse nonpourtant elle qui sera saige sçaura bien qu'il convient jeunesse se joue & rie si luy en donra & souffrera assés espace convenablement a certaines heures avec les jeunes de ses femmes & qu'il n'y ait ame estrange selon la condicion & que elle verra encline sadicte maistresse. Car on ne peut mye ne ne doit on voer aux jeunes gens tous leurs plaisirs mais que ilz ne soyent mal honnestes ne desconvenables. Et de ce propos / c'est assavoir des meurs & contenances qui affierent a la bien ordonnee jeune princesse ne parlerons plus cy endroit pource que si aprés en l'espitre que la dame ancienne envoye a sa maistresse se en sera parlé. Cy devise les manieres que la sage dame ou damoiselle qui a en gouvernement jeune princesse doit tenir pour maintenir sa maistresse en bonne renommee & en l'amour de son seigneur. chap. .xxiiii Et avec ces choses / pource que jeunesse nourrie en grans delices aucunesfois peut de legier estre encline a trop grant gayeté pourroit desvoyer la jeune personne qui point n'a de malice de se garder convient par especial mettre frain de longue main si que ja est touché si devant ains que l'inconvenient adviengne Si peut estre le remede tel la saige dame qui aura en gouvernement la jeune princesse qui verra amour entre le prince son seigneur & sa maistresse si que communement jeunes gens nouveaulx mariés ont ensemble mettra toute la peine que elle pourra & les nourrira en celle amour & les ennortera de dire doulces parolles & amoureuses tousjours l'un a l'autre & faire tous plaisirs & prendra grant cure de elle mesmes rapporter entre eulx gratieulx messages & dons de choses plaisans recommandations & salus pour les nourrir tousjours en celle paix & amour & bien se traveillera que toutes choses au contraire soyent destourbees & eschevees & a part quant le seigneur n'y sera & la jeune princesse se couchera l'ancienne dame luy en tiendra plait en la ramentevant & devisant les bons motz qu'elle luy aura ouÿ dire de l'amour qu'il a en elle et comment il est bon & comme il est bel & gratieulx que bonne nuyt luy doint dieu & toutes telles choses. Et avecques ce pource que est de coustume que les seigneurs chevaliers & escuyers estranges et autres vont aucuneffois devers les princesses & dames & que leurs seigneurs & parens mesmes les y mainent il convient que elles voient & parlent a plusieurs & qu'elles les festoyent sicomme il apartient en festes & en dances aucunesfois ou parler ou autres esbatemens / si que il eschiet donc il avient aucuneffois que aucuns d'iceulx a telles assembles sont ferus de l'amour des dames ou veulent faire semblant que ilz le soyent donc la saige gouverneresse qui tousjours sera pres de sa maistresse prendra bien garde aux semblans & manieres de tous se elle pourra appercevoir par quelque semblant que aucuns ou aucun y voulsist penser & s'il advient que il luy semble en apercevoir quelque chose n'en dira riens a personne ains les tiendra secret a son couraige. Et quant vendra que ilz seront departis & la feste faillie & sa maistresse sera retraicte pourra advenir se sadicte maistresse est privee d'elle luy entrera elle mesmes en parolles disans nous avons bien dancé telz & telz sont gracieulx ou ilz ne sont mye en quelque autre chose. & adonc la saige princesse pourra respondre telz manieres de parolles je ne sçay que c'est / mais je ne voy nul qui me semble tant plaisant ne tant bel & gratieux que fait monsieur & m'en suis bien prinse garde / mais il m'est advis que entre les autres c'est celuy a qui plus advient toutes choses a faire. Et se ledit seigneur est vieil ou lait dira. certes je ne prenois garde a nul de la compaignie sinon a monseigneur. Car il m'est advis que entre les autres il sembloit si bien seigneur & prince / & comment le fait il si bon ouÿr parler qui parle sagement. Et posons qu'il n'y ait esté si le pourra elle ramentevoir en quelque guise disant bien de luy. mais de ce que pensé aura ne dira riens & se prendra bien garde se celuy ou ceulx de qui elle aura ymaginé se mettent en peine de frequenter entour sa maistresse & se ilz querront voyes & manieres cy avoir acointance ou aux parens ou autres qui les y puisse mener ou se eulx ou aucuns de leurs gens si vouldront acointer d'aulcunes des femmes Et se elle voit que aprés ladicte feste ou assemblee nul de ceulx qu'elle a pensé ne se traveille par choses qu'elle y voye s'en mettra en paix & hors de suspection. Mais se elle apperçoit les signes dessusditz ou semblables elle ne aura pas euvre laissee ne son couraige sans grant soing ou cure se pener se veult de y mettre remede a faire son devoir Si conviendra que elle oeuvre bien sagement. Car de le descouvrir a personne s'elle est sage & prudente se gardera bien / & seroit trop mal fait. Mais que fera elle pour le mieulx et pour ouvrer plus sagement / quant verra bien que ce sera a certes que aulcun par grant diligence se vouldra mettre en peine d'estre en grace pour telle amour de sa maistresse ains qu'il ait eu espace de luy en touchier aucune chose. posons qu'il eust le hardement elle luy fera si bel acueil que achoison luy donnera que il s'acointe d'elle / et ce fera il moult voulentiers / car il cuydera pource que c'est la plus prochaine de la dame que sa besoigne en doyve mieulx valoir & pourrira la chose qu'il s'enhardira de luy dire ce qu'il aura sur le cueur avec les grans offres des services & de tous biens qu'il luy fera selon la coustume des hommes en tel cas. Adonc la dame qui sera pourveue de sa responce & qui parlera a luy sans le sceu de la dame & le moins qu'elle pourra luy repondra sans nul effroy bassement par telles parolles. & s'il est tel qu'il appartient dira: monseigneur vrayement je me suis bien donné garde par voz semblans que vous aviez en couraige ce que vous m'avez dit. & pource que vouloye que telles parolles venissent de vous premierement je desiroye que j'eusse telle acointance de vous que le me dissiés affin que je le sceusse ains que aulcune autre personne par qui la chose peut estre raportee & mal selee la sceust ou s'en apperceust. si suis bien ayse que j'ay a present advisé de vous faire la responce sur ce que dit m'avez telle qu'elle est affermee en mon courage & qui jour de ma vie pour mourir en ce prometz je a dieu & a vous ne changera & sans vous faire de ce long sermon ne tenir trop de parolles vous dy tout a ung brief mot & une fois pour toutes que tant que je soye vivant & je soye en sa compaignie ceste jeune dame qui par la fiance que ses amys & son seigneur ont en moy tant n'en soye digne m'ont baillé en gouvernement / ne fera mal ne chose dont reproches ne parolles autres qu'il appartient a avoir a dame telle qu'elle est & du noble sang dont elle est yssue / car de ce a l'ayde de dieu la cuyderay je bien deffendre nonobstant qu'elle en est legiere a garder. Car je sçay bien que toute s'amour est en son seigneur ainsi qu'elle doit estre & qu'elle est toute bonne & bien condicionnee / ne que de telz amours elle n'a que faire ne n'y pense. & si sçay bien tant d'elle que se vous ou autre luy aviez dit ou qu'elle s'en apperceust qu'elle hairoit sur toutes choses celluy qu'elle cuyderoit qui a telle chose vers elle pensast. Si vous suplie monseigneur tant comme je puis que vous en vueillés oster du tout & plus n'y penser. Car je vous jure ma crestienté que vous perdriés vostre peine. Et affin que vous n'y ayez plus nulle esperance pour veoir dire. Je vous jure mon ame que posons qu'elle le voulsist / ce que je sçay bien que jamais ne feroit: j'y mettroye telles barres qu'elle ne pourroit. Si me croyés seurement & plus ne faictes telz allees ne telz venues ne telz semblans que sur l'ame de moy je ne les pourroye souffrir & conviendroit que je le disse a telz qui ne vous en sçauroyent nul gré & qui bien la garderoye de voz mains. Car je n'ay que d'une mort a mourir / laquelle chose aymeroye mieulx que il me advint que je consentisse ne veisse le deshonneur de ma maistresse. Si vault mieulx que n'en soit plus & que la chose demeure a tant. Telle responce ou semblable fera la sage dame / ne pour promesse don ofre ne menace ne changera son propos ne lors ne autres fois ne riens ne fera qui la puisse flechir au contraire. Si se gardera bien que n'ayt point la chere muee ne enflambee ne les yeulx felons quant elle partira de luy / mais aura le visaige rassis et la maniere asseuree sicomme se de autres choses eussent parlé. affin que personne ne se peust de ce appercevoir. Aussi ladicte dame se gardera bien que nul mot n'en sonnera a sa maistresse ne a autre soit son privé ou privee / ne nul semblant n'en fera / mais ne la laissera tant soit pou / & se prendra bien garde que nulle femme ou des servans ou aultre ne conseille a elle en maniere qu'elle puisse apercevoir que telle chose peust toucher. Car tantost l'appercevra a la maniere du rire & du parler / posons que elle ne les ouÿst & s'elle en aperçoit certainement quelque chose ne s'en taire mye ains menacera la personne de la faire bouter hors s'elle se mesle de plus conseiller a sa maistresse car ce n'appartient mye & si de pres s'en prendra garde que personne ne aura loisir de luy faire aulcun rapport. Si pourra advenir que celluy ne se souffrera mye pourtant & yra & viendra par aulcune voye cautelleuse qu'il aura trouvee de quelque acointance parquoy de foys a autre y pourra hanter & ce ne pourra la dame pas bien empescher / car se elle ce disoit trop grant mal en pourroit venir / si s'en souffrera. & de pres gardera sa dame et maistresse / mais s'il advient que de si pres ne la puisse garder qu'il ne conviengne que sadicte maistresse apperçoyve ou voye par les semblans ou parolles couvertes que celluy dira l'intencion & voulenté de luy encores ne s'en effroyera elle de riens pource que bien sçaura que maintes dames & damoiselles sont aymees & priees a qui bien petit en chault. & qui pourtant ne les ayme mye. Mais elle se prendra bien garde se elle pourra appercevoir que la jeune dame ou princesse y prengne aucun plaisir. & si elle en parlera plus voulentiers que d'ung autre ou si elle s'esjouyra quant elle le verra / ou s'elle muera aulcune contenance Si mettra toute peine par belles & doulces parolles de traire de sa bouche a privé qu'il n'y ayt que elles deux ce qu'elle aura sur son cueur de celluy homme / & s'il luy en aura point touché ou parle. Et adoncques selon ce qu'elle chantera ou dira elle luy pourra respondre. Et s'il advient qu'elle mesmes die que voyrement l'apperçoyve ou que il luy ayt dit / et qu'elle en est bien troublee & courroucee / & qu'il luy en poise la dame qui sera saige & discrete appercevera bien aucunement des parolles s'elle la veult bien sagement enquerre & par bonne maniere sans se monstrer au commencement trop rebelle si la dame le dit fainctement & pour luy donner acroire qu'elle n'y veult point penser ou s'elle le dit tout a certes / dont s'il advient qu'elle congnoisse qu'elle ayt bonne voulenté de non y avoir aucune pensee elle sera bien joyeuse & l'ennortera de toute sa puissance que se tienne en son bon propos / si luy dira de tous exemples du mal qui peut advenir & qui maintesfois est advenu a plusieurs par telles follies le grant deshonneur & reproches qui en sourdent & les decevemens qui sont en hommes. Si l'ennortera qu'elle garde bien comment elle respondera saigement a celluy toutes les fois qui luy en parlera & luy die tout a ung mot qu'il pert sa peine / & luy jure & afferme bien a certes que jamais pour toute sa puissance ne l'en demouvera qu'il luy desplaise de telles parolles ne de ses semblans n'a que faire / & avec ces parolles qu'elle l'estrange & eslongne tout le plus qu'elle pourra. Et qu'elle se garde bien que des yeulx de parolle de ris ne de contenance quelconques ne luy face nul semblant parquoy le puist attraire ne luy donner aucune esperance. Ainsi luy toute la maniere que tenir devra pour courtoisement l'estranger luy fera dire quant il viendra qu'elle se repose ou qu'elle est occuppee d'aulcune chose & qu'il ne luy desplaise qu'elle ne le peut veoir pour ceste foys. Et ainsi luy face dire par plusieursfoys que par la continuation de tenir tieulx manieres longuement il apperçoyve bien qu'il perdroit sa peine de plus y muser. Et avecques ces choses la sage dame ennortera bien a sadicte maistresse qu'elle se garde bien que de ceste chose ne parle a homme ne a femme. car mal en pourroit venir & que c'est le plus grant sens de s'en taire / & n'est point honneur a femme se vanter de telle chose. Et ceste deffence luy fera pource qu'elle le disoit se pourroit adresser a tel ou a telle qui ne luy donneroit mye bon conseil ains la conforteroit par adventure & ficheroit en la follie. ou qui le celeroit maulvaisement Si en pourroit saillir aucune fumee & venir mal / & ainsi par ceste saige tenue fera tant la bonne dame qu'elle estaindera & aneantira toute ceste chose & n'en fera plus qui que l'en doye haïr ou luy chaudra de telle hayne & ne la craindra pour bien faire. Car qui que l'en hait au premier l'en aymera au dernier & prisera mille foys plus quant on verra sa grant prudence & sa constant bonté car bien fait vault tousjours quoy qu'il demeure. Si fera cause que ladicte jeune princesse soit en son temps une tressage bonne & honneste dame & ayt les belles vertus que declairees avons cy devant. ¶ Cy devise de la jeune haulte dame qui se vouldroit esvoyer en fole amour & l'enseignement que prudence donne a la dame ou damoyselle qui l'aura en gouvernement. Chapitre .xxv. Mais pource que toutes gens ne sont pas d'une condition / & qu'il est assez de hommes & de femmes si pervers que quelque bonne correction & enseignement que on leur donne si suyvront ilz tousjours leur mauvaise inclination / & leur monstrer n'est que chose perdue & ne acquiert on que leur haine. Dirons icy a l'enseignement de la bonne dame qui aura en garde et gouvernement aulcune jeune princesse ou dame la maniere qu'elle devera tenir au cas que la maistresse verroit desvoyer en folle amour & qui ne vouldroit user de son saige & bon conseil. Si disons ainsi Et s'il advient que aucune jeune princesse ou haulte dame ne soit mye de tel sçavoir ne constance qu'elle puisse ou saiche ou vueille resister aux admonnestemens que celluy qui met toute sa peine a l'attraire a s'amour par divers semblans & manieres sicomme hommes scevent bien faire en tel cas. & que la dame qui l'a en garde voye & aperçoyve par signes & semblans que son cueur y trait quoy qu'elle luy face entendre & qu'elle luy die le contraire elle sera dolente de ceste chose de tout son cueur. mais non obstant quelque haine que avoir en doye d'elle fera son devoir de l'admonnester de son bien ne point ne dissimulera ne luy celera de luy dire a part puis par bel puis par menaces. s'elle l'avoit continué luy monstrer le grant mal & peril & le tresgrant prejudice qui en peut venir & sans cesser de ce la tournera tant par adventure que pour la destourber de faict & par l'admonition de ses parolles la pourra demouvoir et oster de celle pensee ains que la folie soit allee plus avant mais s'il advient que tout ne vaille riens & que elle la voye conseiller a part a aulcunes de ses autres femmes qu'elle pourra penser qui saiche de sa convenue & intencion & qu'on mettra peine de conseiller a messaiges qui viendront dehors & qu'on fera divers signes & se gardera l'en d'elle sur toutes riens & que ja sa maistresse qui sera fiere & de haultain couraige ne vueille plus souffrir d'elle / ains luy semble qu'elle n'est plus enfant pour estre en sa gouvernance & correction & que mal prendra en gré ce qu'elle luy dira / respondra fierement demy en menaçant / & qu'elle luy rechignera & grongnera. parquoy on pourra apparcevoir qu'elle sera en sa male grace & qu'elle en vouldroit estre delivre a toutes fins pour mieulx faire a sa voulenté. & orra par adventure qu'elle dira aucuneffois a part aucunes de ses femmes jeunes qui mieulx sera en sa grace que dyable ferons nous de ceste vieille elle ne fait que rechigner le feu d'enfer l'arde / ja n'en serons delivres. Et l'autre respondra Se m'aist dieu ma dame il fault semer des pois sur les degrés si se rompra le col. Et telles manieres de parolles. Que fera doncques la saige dame puis qu'elle verra que remede n'y peut estre mis & que elle a fait tout son devoir & a quite sa conscience de luy avoir monstré & luy fait dire par son beau pere les maulx qui pour ceste folie faire luy pourroient advenir / et que sadicte maistresse est si attainte que remede n'y pourroit estre mis. & a ja la voye trouvee de faire sa voulenté vueille ou ne vueille & a qui que doye desplaire. Car impossible est de garder personne qui ne veult garder d'elle mesmes / et que on en commence ja a murmurer & a s'en appercevoir & mesmes entre ses femmes par l'envye qu'elles ont sur celle ou celles qui scevent du secret a la jeune dame qui sont les mieulx aymees et en orra ja dire plusieurs nouvelles qui moult luy feront grant mal Adoncques quoy que son cueur en soit dolent merueillesement elle comme sage advisera la meilleure partie en pensant le mal et peril qui luy pourroit advenir de ceste chose se plus demouroit en court. Car posons que elle ne fust pas consentant du fait / laquelle chose ne consentiroit pour mourir & la chose venoit a congnoissance ou des parens ou du mary elle en auroit toute la charge. car ilz diroient / pourquoy ne le nous disiés vous / nous y eussions mis remede. Car nous nous en attendions a vous. Laquelle chose pour riens ne diroit pour les perilz & maulx qui s'en pourroyent ensuyvre. Car qui a conscience & sens doit bien redoubter a faire rapport de telles choses aux maris ne aux amis / ne qui que ce soit / & qui plus est d'y demourer ne seroit mie sans ung autre grant peril qui luy pourroit venir de par la haine de sa maistresse / ou de celuy a qui auroit son cueur. Pource que aulcunnement ilz la doubteroyent & leur seroit advis qu'elle les empescheroit. Et pource elle qui sera sur toutes choses advisee usera a ceste fois de son grant savoir & mestier en sera. si se taira du tout de ceste chose / ne bien ne mal plus a sa maistresse n'en parlera. et ne fera chiere ne semblant que au cueur en ait nul desplaisir / mais tout au plus tost qu'elle pourra par aucune bonne voye que ja de loings aura ouverte des le commencement que les condicions de sa maistresse vit changier se departira de court par le bon vouloir du seigneur se elle peut / mais se elle est bonne & saige se gardera bien que ne puisse appercevoir pourquoy se veult partir. si trouvera achoison se elle scet que il la voulsist a toutes fins retenir ou de maladie ou vieillesse ou d'aucune impotence & inconvenient qui luy soit venu a son propre corps ou se il vuloit trop enquerir de la cause de sa despartie dira avant que congé ne ayt du partir que elle n'est propice d'estre entour telle dame pour aulcun mal qui luy est venu tant qu'elle soit garie. Et ainsi se excusera & pourra advenir que sa mesme maistresse pource que veu aura que elle ne luy en parlera plus sera courroucee de sa despartie pource que elle penseroit que meilleur loysir auroit de faire ce que elle vouldroit tant qu'elle fust avecques elle. Car les gens ne parleroyent my sitost quant acompaignee seroit d'une telle dame si la vouldra flater & luy fera promesses affin qu'elle demeure. Mais la bonne dame de ce bien & saigement se sçaura excuser en disant que sans faulte elle est malade / mais elle guarie pourra bien retourner ne pour chose que le cueur luy face mal du partir ne pour tendreté qu'elle ayt a sa maistresse se gardera bien se elle est sage de demourer pour quelconques blandissemens. car aprés s'en repentiroit. Mais s'il advient que la dame soit joyeuse de sa despartie quant viendra au despartir / l'ancienne dame parlera a elle a part agenoillee humblement la remercyera des biens et des honneurs qu'elle luy a faitz luy priera que pardonner luy vueille & si bien & deuement ne l'a servye comme a l'estat d'elle luy appartiendroit ou s'elle a faict ou dit chose aulcune qui luy soit desplaisante que ce luy a fait faire la grant amour & jalousie qu'elle avoit a elle & qu'il luy fait bien mal de laisser. mais qu'elle est vieille & impotent & ne peut plus servir ou que par adventure vieillesse la fait estre rechinee & si maugratieuse qu'elle ne scet suporter ainsi que devroit les esbatemens des jeunes et pource a plus cher se partir & que ce soit par son bon congié & que elle luy supplie que elle se parte a tout sa bonne grace. car de tant peut bien estre certaine que jamais jour de sa vie n'aura femme qui mieulx ne plus loyaulment ayme elle ne son honneur que elle a fait & fera toute sa vie & que tousjours sera en celle voulenté. Telles manieres de parolles la dame dira a sa maistresse au departir / laquelle par adventure luy respondra belles parolles pour la joye que de sa departie aura / ou par adventure qu'elle l'aura longuement gouvernee & peut estre de son enfance le cueur luy sera mal. Et luy dira peut estre que de riens ne luy a sceu mauvais gré fors de ce que elle ne pensa oncques / et telles manieres de excusations aux quelles choses la dame qui point ne vouldra arguer a elle pource que bien sçaura que riens ne vouldra respondre que voirement peut bien estre advenu que de sa folie pour la grant paour qu'elle avoit d'elle avoit eu aucunes suspections. Si luy priera que tout luy vueille pardonner & que elle soit certaine que jamais jour de sa vie quelque suspection que elle y ait eu ne quoy qu'il en ait esté sa bouche n'en mouvera a personne ne oncques ne feist fors a elle pour son bien & ainsi se departira. Pource que l'espitre qui est contenue au livre du duc des vrays amans ou il est mis que Sebille de la tour l'envoya a la duchesse peut servir au propos que au chapitre cy aprés ensuyt sera de rechief recordé si la peut passer oultre qui veult si au lire luy ennuye ou se autreffois l'a veue quoy qu'elle soit bonne & prouffitable a ouÿr & noter a toutes dames & autres a qui ce peut appartenir. ¶ Cy devise la maniere des lettres que la saige dame peut envoyer a sa maistresse Chapitre. xxvi. Si pourra advenir aprés ces subzdictes choses que la jeune dame se gouvernera si mal advisement despuys la departie de celle qui gouverner la souloit que parolles seront eslevees contre l'onneur d'elle & tant se multiplieront que la bonne sage dame dessusdicte qui l'avoit en gouvernement et ores demeure a son mesnaige en orra parler / de laquelle chose sera tant doulente de ainsi veoir amendrir l'honneur de sa maistresse qui tant a mis peine de bien l'endoctriner enseigner & apprendre que plus ne pourra. Si ne sçaura bonnement que faire de ceste chose & conclusion quant assez aura pensé sur ceste chose sera contraincte par grant amour quel que bon gré ou maulgré que avoir en doye pource que ce qui est escript en lettres est aucunesfoys mieulx retenu et plus perce le cueur que ce qui est dit de bouche de luy escripre & signifier par lettres de rechief l'amonnestement que dire luy souloit pour veoir se aulcune chose y pourroit prouffiter. Si escripra telles ou les semblables parolles en une lettre & par ung prestre qui escriptes en confession les aura tressecretement les luy envoyera. Maistresse doubtee dame je me recommande a vous tant & si treshumblement comme je puis ma tresredoubtee dame plaise vous a ne me sçavoir aucun mauvais gré se je me suys a present meue de vous escripre pour vostre bien ce que grant aymer me contraint a faire. Car ma tresredoubtee dame il m'est advis que je suis jeune de vous admonnester vostre bien comme a celle qui a esté en ma gouvernance depuis enfance jusques a ores tout n'en feusse je mye digne me semble que je mesprendroye de moy taire de ce que sçauroye qui vous peust tourner a aucun grief se ne le vous signifioye. Et pource chere dame je escrips en ces presentes ce qui s'ensuyt de laquelle chose treshumblement je vous prie derechief que maulvais gré ne m'en vueillés sçavoir aucunement. Car vous povez estre trescertaine que tresgrant amour & desir de l'acroissement de mieulx en mieulx de vostre noble renommee & honneur me meut a ce faire. ma dame j'ay entendu aucunes nouvelles de vostre gouvernement telles que j'en suis dolente de tout mon cueur pour la peur que j'ay du decheement de vostre bon los & sont telles comme il me semble que comme il soit de droit & de raison que toute princesse & haulte dame tout ainsi comme elle est hault eslevee en honneur & estat sur les autres qu'elle doye estre en bonne sagesse meurs conditions & manieres excellente sur toutes affin qu'elle soit exemplaire par lequel les autres dames et mesmement toutes femmes se doibvent rigler en tout maintien & comme il appartiengne qu'elle soit devote vers dieu & quelle ayt contenance asseuree quoye & rassise en ses esbatemens attrempee et sans effroy rie bas & non sans cause ayt haulte maniere humble chere & grant port. Soit a tous doulce responce & aymable parolle son habit & atour riche & non trop cointe. A estrangiers d'acueil seignery parlant a dangier non trop acointable de regard tardif & non volage. A nulle heure n'appaire male felle ne despite ne a servir trop dangereuse a ses femmes & serviteurs humaines & amiables non trop haultaine en dons large par raison ordonnee. Saiche congnoistre de toutes gens lesquelz sont les plus dignes en bonté et preudhommie & de ses servans les meilleurs & ceulx & celles tire vers soy & leur guerdonne selon leurs merites ne croire ne adjouster foy a flateurs ne flateuses ains les congnoisse & chasse de soy ne croire de legier parolles raportees / n'ait coustume de souvent conseiller a estrange ne privé en lieu secret ne apart mesmement a nul de ses gens ou de ses femmes si que on ne puisse juger que plus sache de son secret l'une que l'autre & ne dye devant gens a personne quelconques en riant aucuns motz couvers que chascun n'entende / affin que les oyans ne supposent aucun vice secret entre eulx trop enclose en chambre ne trop solitaire ne se doit tenir / ne aussi trop commune a la veue des gens. Mais a certaine heure retraire & aucuneffois plus convenables. Et comme sesdictes condicions & toutes autres manieres convenables a haulte princesse feussent en vous le temps passé estes a present toute changee sicomme on dit. Car vous estes devenue trop plus esgaree plus emparlee & plus jolie que ne souliés estre & c'est ce qui faict communement jugier. les cueurs changent quant les contenances se changent / car vous voules estre seulle & retraire de gens fors d'une ou de deux de vos femmes ou aucuns de vos serviteurs a qui vous conseillés & riés mesmes devant gens & dictes parolles couvertes comme se vous vous entre entendissiés bien & ne vous plaist fors la compaignie d'iceulx / ne les autres ne vous pevent servir a gré. Lesquelles choses & contenances sont cause de mouvoir a envye vos autres servans & de juger que vostre cueur soit en amouré ou que ce soit a ma tresredoubtee dame pour dieu mercy prenés garde qui vous estes a la haultesse ou dieu vous a eslevee ne ne vueille vostre ame & vostre honneur pour aucune vaine plaisance mettre en oubly & ne vous fiés en vaines pensees que plusieurs jeunes femmes ont qui se donnent a croire que ce n'est point mal d'aymer par amours / mais qu'il n'y ait villenie car je me rens certaine que autrement ne le vouldriés penser pour mourir & que on vit plus liement & que de ce faire on faict ung homme vaillant & renommé a tousjours. Ha ma chere dame il va tout autrement. Et pour dieu ne vous y decevés ne laissés decevoir & prenes exemples a de telles grans maistresses avés vous veu en vostre temps qui pour seullement estre souppesonnees de telle amour sans que la verité en fust oncques attaincte en perdoyent l'honneur & la vie de telles y eut. Et si tiens sur mon ame que peché ne coulpe vilanie n'y avoyent & leurs enfans en avés reprouchiés & moins prisés / et combien que a toute femme soit povre ou riche telle folle amour deshonnorable encores trop plus est messeant & prejudiciable en princesse ou haulte dame de tant que est plus grande / & la raison y est bonne / car le nom d'une princesse est porté par tout le monde parquoy s'il y a en son renom aucune chose a redire plus est sceu par les estranges contrees que des simples femmes. Et aussi pour cause de leurs enfans qui doyvent seigneurir les terres & estre princes de aultres gens. Si est grant meschief quant il y a aucune suspection qu'ilz ne soyent droitz hoirs & maint meschief en peut venir. car posons qu'il n'y ait meffait de corps si ne le croyroient mye ceulx qui seullement l'orront dire telle dame est amoureuse. Et pour ung petit de vice semblant par adventure fait par jeunesse & sans malices mauvaises langues jugeront & y adjousteront des choses qui oncques ne furent ne faictes ne pensees / & ainsi va tel langaige de bouche en bouche qui mye n'est apeticié ains est acreu. Et ainsi est necessaire a une chascune grant maistresse avoir plus grant regard en toutes ses manieres contenantes & paraboles que a autres femmes. La cause si est / car quant on vient en la presence d'une haulte dame toute personne adresse son regard a elle & ses oreilles a ouÿr ce qu'elle dira & son entendement a noter tout son fait. Si ne peut la dame ouvrir l'ueil dire parolle rire ou faire semblant a aucun que tout ne soit recueilly & retenu de plusieurs personnes & puis raporté en maintes places. Et que cuidés vous ma treschiere dame que ce soit mauvaise contenance a une grant maistresse voire a toute femme quant plus qu'elle ne seul deul devient esgaree jolye & plus veult oÿr parler d'amours & puis quant son cueur se change pour aucun cas tout a coup devient rechinee malgratieuse tenceresse & ne la peut on servir a gré & ne luy chault de son habit & atour. Certes adonc dient les gens que elle souloit estre amoureuse. mais ne l'est plus. Ma dame si n'est mye maniere que dame doye avoir Car elle doit prendre garde encore quelque pensee qu'elle ait que tousjours soit d'un maintien et contenance a celle fin que telz jugemens ne puissent estre faitz sur elle. Mais peut bien estre que fort seroit en la vie amoureuse garder telle mesure. Et pource le plus seur est du tout l'eschever & fuir. Si povés veoir chiere dame que toute grant maistresse & semblablement toute femme doit trop plus estre couvoiteuse d'acquerir bon renom que quelconques autre tresor. Car il la fait reluyre en honneur & demeure tousjours a elle & ses enfans redoubtee dame ainsi comme devant est touchié / je suppose bien et pense les raisons qui pevent mouvoir la jeune dame a soy encliner a si faicte amour aise & joyeuseté luy fait penser Tu es jeune il ne te fault fors que ta plaisance tu peulz bien aymer sans villanie & n'est point de mal puis qu'il n'y ait peché tu feras ung vaillant homme on n'en sçaura riens tu en vivras plus joyeusement & auras acquis ung vray serviteur & loyal amy & ainsi telles choses. Ha ma dame pour dieu soiés advisee que telles folles oppinions ne vous deçoyvent. Car quant a la plaisance soyés certaine que en amours a deux foys plus de dueil nuysances & dangiers perilleux par especial du costé des dames qu'il n'y a de plaisance. Car avec ce amours livre de soy maintes diverses amertumes la peur de perdre honneur & qu'il soit sceu leur demeure ou cueur qui chier acheter leur fait telle plaisance. Et quant a dire ce ne sera mye mal puis que fait de peché n'y a. Helas ma dame ne soit nul ne nulle si asseuree de soy qu'elle se rende certaine quelque bon propos qu'elle ait de garder tousjours mesure en si faicte amour et que ne soit sceu comme j'ay cy devant dit. Certes c'est chose impossible. Car feu n'est point sans fumee. mais fumee est souvent sans feu. Et a dire je feray ung homme vaillant. Certes je dis que c'est trop grant folie de soy destruyre pour accoistre ung autre. Posons que vaillant en deust devenir & celle bien se destruyt qui pour refaire ung aultre se deshonnoure. Et quant a dire j'auray acquis ung vray amy et serviteur dieu dequoy pourroit servir si fait amy a la dame. car s'elle avoit aulcun afaire il ne se feroit porter en nul cas pour elle / pour peur de son deshonneur dequoy doncques luy pourra servir si fait serviteur qui s'osera employer pour le bien d'elle. mais ilz sont aucuns qui dient qu'ilz servent leur dames quant ilz font beaucoup de choses soit en armes ou autrefois. Mais je dy qu'ilz servent eulx mesmes. Car l'honneur & le preu leur est demouré & non mye a la dame. Encores ma dame se vous ou autres vous voulés excuser en disant j'ay mauvaise partie qui pou de loyaulté & de plaisir me fait. pource puis je sans mesprendre avoir plaisir en aucun autre pour oublier melencolie & passer le temps. mais certes telles excusations / saulve vostre bonne reverence & de toutes autres qui ce dient / ne vallent riens. car trop fait grant folie celluy qui met le feu en sa maison pour ardoir celle de son voisin. mais se celle qui a tel mary le porte patiemment & sans soy empirer tant acroist plus le merite de son ame & son honneur en bon los & quant a avoir plaisance. Certainement une si grant maistresse voire toute femme s'elle veult elle peut assés trouver de loisibles & bonnes plaisances a quoy s'entendre & passer le temps sans melencolie sans telle amour. Celles qui ont enfans plus gratieuse plaisance & plus delectable peut on demander que de souvent les veoir & prendre garde que bien soyent nourris & endoctrinés sicomme il appartient a leur haultesse & estat. & les filles ordonner en telle maniere que en enfance prengnent rigle de bien & de deuement vivre par exemple de suyvre & estre en bonne compaignie. Helas & se la mere n'estoit toute saige quel exemple seroit ce aux filles & a celles qui enfans n'ont. Certes n'est ce honneur non a tout haulte dame. Aprés ce qu'elle a dit son service de soy prendre & faire aulcun ouvraige ou besongne pour eviter oysiveté ou faire faire fins linges estrangement ouvrés / ou draps de soye ou autre choses dequoy elle peust user justement. & telles occupations sont bonnes / & destourbent a penser choses vaines. Et je ne dis mye que une grant maistresse ne se puisse bien esbatre rire & jouer en temps & en lieu mesmement ou il y ait seigneurs & gentilz hommes / & qu'elle ne doye honnorer les estrangiers selon que a sa haultesse appartient chascun selon son degré / mais ce doit estre fait si rassisement & de si beau maintien qu'il n'y ait ung seul regard ne ris ne parolle que tout ne soit a mesure & par raison. Assés & tousjours doibt estre sur sa garde que on ne puisse appercevoir en parolle ou regard ou contenance en elle chose desconvenable ne mal seant. Ha dieu se toute grande maistresse voire toute femme sçavoit bien comment beau maintien luy est advenant plus mettroit peine a l'avoir que quelque autre parement. Car il n'est joyau precieux qui tant la peust parer Et encores ma tresredoubtee dame reste a parler des perilz et dangiers qui sont en celle amour / lesquelz sont sans nombre. Le premier et greigneur est que l'en courrouce dieu. Aprés que se le mary s'en appercevoit ou les parens la femme est morte ou cheute en reproche ne jamais puis n'aura bien. Et encores suppose que n'aviengne disons du costé des amans encores que tous fussent loyaulx secretz vrays disans ce qu'ilz ne sont mye / ainçois scet on assés qui comunement sont faintz & pour les dames decevoir dient ce qu'ilz ne pensent ne vouldroient faire. Touteffois c'est chose vraye que l'ardeur de / telle amour ne dure mye longuement mesmes aux plus loyaulx & est ceste chose certaine. Ha chiere dame comment cuydés vous que quant il advient que celle amour est deffaillie & que la dame qui aura esté aveuglee par l'enveloppement de folle plaisance s'en repent durement quant elle s'avertist & pourpense les follies & divers perilz ou maintes fois s'est trouvee / & combien elle vouldroit qui luy eust cousté & oncques ne luy fust advenu & que tel reproche de elle ne peust estre dicte. Certes vous ne pourriez penser la grant repentance & desplaisant pensee qui au cueur leur en demeure Et oultre se vous & toutes les autres povés veoir quelle follie c'est de mettre son corps et son honneur es dangiers de langues & es mains de telz servanz puis que serviteurs s'apellent / mais la fin du service est communement telle que quoy qu'ilz vous ayent promis & juré de tenir secret ilz ne s'en taisent mye & en la fin de telle amour souventesfois le blasme & parler de gens aux dames en demeure ou a tout le moins la crainte & paour en leurs cueurs que ceulx mesmes en qui se sont fiees le dient & s'en vantent ou aulcun autre qui le fait saiche / et ainsi se sont mises de franchise en servaige & veés la fin du service de celle amour. Comment cuydés vous ma Dame qu'il semble a ses servans grant honneur de dire et eulx vanter qu'ilz soyent aimés ou ayent esté d'une grant maistresse ou femme de renom. Et comment en tairoient ilz la verité. car dieu scet comment ilz mentent. Et que pleust a dieu que entre vous mes dames le sceussiés bien. Car cause auriés de vous en garder. Oultreplus les servans qui scevent vos secretz & en qui convient que vous vous fiez cuydez vous qu'ilz s'en taisent. combien que leur ayés fait jurer. Certes la plus grant partie sont telz qu'ils seroyent bien dolens que l'on ne sceust que plus grant priveté & hardiesse ont vers vous que les autres. et s'ilz ne dient de bouche vos secretz ils les monstreront au doy par divers semblans couvers qui veullent bien que on note. He dieu quel servitude a une dame & a toute autre femme en tel cas qui n'osera reprendre ne blasmer son servant ou sa servante posons qu'elle les voye grandement mesprendre quant elle se sent en leur dangier & seront montés contre elle en tel orgueil que mot n'osera sonner ains conviendra qu'elle leur seuffre a faire et dire chose qu'elle n'endureroit de nul autre. Et que pensés vous que dient ceulx & celles qui ce voyent & notent ilz ne pensent fors ce qui y est & soyés certaine qu'ilz en murmurent assés. Et s'il advient que la dame se courrouce ou donne congié a telz servans / dieu scet se tout est revelé & dit en plusieurs places. et toutesfois souvent advient qu'ilz sont & ont esté moyens & procureurs d'icelle amour bastir / laquelle chose ilz ont voulentiers pourchassee & a grant diligence pour traire a eulx dons ou offices ou autres emolumens. Tresredoubtee dame que vous en dirois je / soyés certaine que aussi tost espuiseroit on une abisme comme on pourroit racompter tous les perilz et maulx qui sont en ceste vie amoureuse. & ne doubtés du contraire. Car il est ainsi. Et pource treschiere dame ne vous vueillés ficher en si fait peril. Et se aulcune pensee y avés eue / pour dieu vueillés vous en retraire ainçois que plus grant mal vous en ensuyve. Car trop mieulx vault tost que tard / & tard que jamais. Et ja povés veoir quelz parolles en seroyent se plus ce continuoyent vos nouvelles manieres quant ja sont apperceues parquoy parolles s'en espandent en maint lieu. Si ne vous sçay plus que respondre fors que de toute ma puissance vous supplye humblement que de ce ne me sachez aucun maulvais gré / mais vous plaise de adviser le bon vouloir qui le me fait dire / & au fort mieulx doit vouloir faire mon devoir & vous loyaulment admonnester & en deusse avoir vostre mal talent que de vous conseiller vostre destruction ou de l'attraire pour avoir vostre bon gré. Tresresoubtee princesse & ma treschere dame je prie a dieu qu'il vous doint bonne vie et longue / et en la fin paradis. Escript. &c. ¶ Cy commence la deuxiesme partie de ce livre laquelle s'adresse aux dames & damoiselles. Et premierement a celles qui demeurent a court de princesse ou haulte dame. Le premier chapitre parle comment les trois dames / c'est assavoir raison droicture et justice recapitulent en brief ce qui est dit devant. chap. .xxvii. Apres ce que avons parlé aux roynes princesses & haultes dames / c'est assavoir en ce qui touche la doctrine qui est proprice tant aux enseignemens de ce qui affiert a l'ame comme aux meurs vertueux & bons qui leur sont propices & appartiennent a leur haulte noblesse & a leur estat qui d'honneur est adornee sur toutes autres s'adressera nostre leçon doresenavant en ceste .ii. partie de la presente collation aux dames & damoiselles & femmes tant a celles qui sont demourans a court de princesses pour leur service & estat comme a celles qui demeurent sur leurs terres en chasteaulx manoirs villes fermes & bours / mais a ce commencement faisons protestation que nonobstant qu'il appartienne & affiere une mesmes doctrine par especial en plusieurs choses tant a l'ame comme aux vertus & meurs aussi bien aux dames & damoiselles & a toutes femmes comme aux princesses ne pensons mye a relater & dire de rechief tout ce qui est dit devant / car peine seroit sans necessité & a ennuy pourroit tourner aux lisans si serve ce que dit est pour toutes ou il eschiet & en prengne chascune ce dequoy sentira que elle ayt besoing au bien & au proffit de son ame & de ses meurs. Car semblablement que aux plus grans maistresses est mestier aux dames damoiselles & autres femmes qu'elles ayent tousjours & en tous leurs faitz devant les yeulx & en leur memoire l'amour & crainte de nostreseigneur qui leur ramentoyve les biens qu'elles reçoyvent de luy / c'est assavoir l'ame qui est creé a son ymage laquelle s'elles y veullent mettre peine possedera a tousjours le royaulme des cieulx. Ce n'est mye petit don l'entendement pour congnoistre dieu & que est bien & mal force de corps pour mettre le bien a effect santé & foison d'autres grans graces parquoy l'amour a quoy elles sont obligees vers luy qui est mesmes ung des commandemens de la foy et le premier qui dit tu aimeras dieu sur toutes choses ne doit jamais partir de leur memoire La crainte aussi en pensant la grant punition de sa justice en quoy se mettent en peril les creatures qui ne vont droite voye Ceste amour & crainte se a droit & en leurs couraiges les deffendra de vices & conduyra aux vertus / abessera en elles orgueil & essaucera humilité chassera ire & amenera pacience deboutera avarice & y mettra charité. leur tollira envye & leur donnera amour vers leurs prochains. eslongnera paresse & approuchera diligence de bien faire Leur fera haÿr gloutonnye et aymer sobrieté. bennira luxure et attraira chasteté Et ainsi donera toutes les vertus propice a l'ame. & chassera les vices qui nuyre y pourroyent. Et avec ce aussi bien & semblablemement affiert aux dames damoiselles & autres femmes avoir prudence mondaine pour ordonner en bonne guise leur maniere de vivre chascune selon son estat & qu'elles ayment honheur le bien de renommee & de bon los que aux princesses. Si commencerons ainsi Cy devise des quatre pointz les deux bons a tenir & les deux autres a eschever & comment dames & demoiselles de court doivent aymer leur maistresse. & ce est le premier point. chap. .xxviii. Derechief disons nous trois seurs / filles de dieu nommees raison / droicture / & justice comme dessus. Premierement a vous dames damoiselles & femmes de court au service de princesses et haultes dames tout ce que dit avons qui toucher peut au bien de vos dames & a l'acroissement de vos meurs Mais avec les bons admonnestemens dessusditz adjousterons quatre pointz les deux premiers bons a suyvre / & les autres a eschever. & ne sont pas simplement ne sans plus les deux premiers bons a tenir / mais vous sont tresnecessaires pour le bien de voz ames & l'honneur de vos personnes. De ces deux pointz le premier est que de tout vostre cueur devés amer comme vous mesmes vostre maistresse. c'est assavoir la princesse / auquel service ou compaignie vous estes. L'autre point est que vous devés estre en vos manieres parolles & tous faitz non trop acointables ne privees a divers hommes. Et des causes qui nous meuvent vous enseignerons les raisons cy aprés. Et quant est des autres belles manieres qui a tenir vous affierent pource qu'il est ja dit cy devant comment la saige princesse vous maintiendra en bel ordre en habitz simples & beaulx sans desguiseure. mais riches assés / & bien ordonnez sicomme il affiert comme en contenances rassises & coyes en parolles maintiens jeux & ris honnestes passerons oultre ces pointz pource que cy devant au xviii. chap. de la premiere partie de ce livre la peut on veoir qui veult. Selon nostre premier point & enseignement des deux dessusditz la dame ou damoiselle de court ou toute servante est tenue de aymer tresfort & de tout son cueur sa dame & maistresse soit bonne ou mauvaise / ou doulce / ou autrement elle se dampne et faict que tresmauvaise creature & semblablement je dis de tous servans puis que ilz sont aux gaiges pensions ou loyer de qui que ce soit. & si tu vouloies dire voire mais si mon maistre ou maistresse est mauvaise personne ou ne me fait gueres de bien suis je doncques tenue a l'aymer / nous te respondons que ouÿ sans faulte / car s'il te semble qu'ilz soyent mauvais & que n'y faces ton proffit: tu t'en dois partir se bonté semble non mye y demourer pour mal y faire ton devoir & ne luy porter tel amour & tel foy que tu doibs. posons qu'il face mal son debvoir pourtant ne doibs laisser a faire le tien tant que tu y es / ou t'en aller. Car saches si ainsi ne le fais tu te dampnes en servant. Si est a declairer nostre propos en quoy s'estendra celle amour que la dame ou damoyselle de court aura a sa maistresse sera en luy portant foy & loyaulté en toutes manieres / comment foy & loyaulté. c'est qu'elle aymera premierement le bien de son ame. en telle maniere qu'elle luy procurera et ennortera de son povoir & que a elle appartiendra tout bien a faire & ne luy donnera ocasion du contraire. gardera sa paix a son povoir en bien faisant. Et en ces choses icy fait entendre qu'elle ne luy fera rapors nulz quelz qu'ilz soyent qui a l'empirement de son ame puisse tourner / c'est assavoir ne en mesdisant d'autruy ne contre le bien de honnesteté ne de honneur. ne aussi en parolles felonnesses ou responces parquoy elle puisse troubler sadicte maistresse. Avecques ce elle gardera sauvement le sien en ce qu'il appartiendra a elle a faire & en destournant les autres a son povoir se oultrages non convenables appartenoyent en aucuns. & sur toutes riens soustiendra son honneur de toute sa puissance en fait en dit & en parolle plus en derriere que en devant & essaucera sa bonne renommee. Se gardera bien pourtant sur ce qu'elle ayme le bien de son ame que vers elle ne use de flaterie pour mieulx avoir sa grace. si que font plusieurs servans de tous estatz maistres & maistresses et par especial a grans seigneurs & dames qui est chose qui trop desplaist a dieu & que la saincte escripture blasme a merveilles. Mais pour plus proprement declarer que c'est flaterie affin que nul ne soit deceu de entendre. dirons la difference d'entre bien servir & flater. Si est assavoir que si tu sers bien & loyaulment de tout ton povoir & tressongneusement garde bien l'honneur & proffit en toutes manieres de maistre & maistresse & metz grant cure & dilligence de luy faire plaisir & service en toutes choses licites & honnestes. Mesmement tant pour faire ton devoir comme pour acquerir sa grace affin qu'il t'en face mieulx pource qu'il t'en est besoing & que se il a mal & desplaisir que tu en soyes dolent ou dolente comme du tien propre & semblablement joyeulx ou joyeuse de son bien & prosperité & soyes triste a mathe chiere quant luy voys avoir desplaisir & joyeulx quant bien luy vient & non mye devant luy seullement. mais plus en derriere & le excuses se mal oys dire & luy portes honneur & bonne renommee telz choses faictes de bon cueur ne sont mie flateries ains est vraye amour & pure loyaulté portee de bon servant ou servante a maistre ou a maistresse & ce en sont les signes. Le pur flateur est si tu sçayes que ton maistre ou maistresse eust aucune inclination vicieuse & contre le bien de son ame & de son honneur & bonnes meurs & se sur ce tu le confortoyes. en luy donnant conseil qui le peust soustenir & nourrir en son vice & peché & que tu portasses ses mesmes faitz en dit & en fait ou que tu luy ouÿsses dire parolles non vrayes contre le bien d'autruy ou soustenir oppinions mauvaises ou deshonnestes & tu disoyes monseigneur ou ma dame dit voir ou que tu luy feisses entendant qu'il soit bel ou bon ou saige ou que bien seroit que il fist quelque chose que tu penseroyes qui luy plairoit et ta conscience te disoit tout le contraire se telz choses & aultres semblables qui pourroyent advenir faisoyes vrayement tu flateroyes & pecheroye tresmortellement & avec ce que tu te dampneroyes pareillement seroyes cause de son dampnement. Mais non pourtant dieu scet tout comment plusieurs servans de jeunes gens & d'autres se gouvernent en telz cas car pour avoir leur grace & traire d'eulx plusieurs y a ne les soustiennent pas seullement en maulx faire ains eulx mesmes quierent & pourchassent les voyes de tirer & faire mettre maistres & mesmement maistresses aucunesfois en plusieurs vices & laiz pechés & telz gens ne sont pas loyaulx servans ains sont faulx & maulvais / mais ceux qui les treuvent quant ilz les scevent telz sont eulx mesmes si aveuglez qu'ilz ne s'en donnent de garde. Et pource dist trop bien ung saint docteur que le flateur par sa parolle fait tout ainsi que se il fichoit ung clou en l'oeil de son maistre ou maistresse c'est a dire qu'il l'aveugle par ses blandices. Mais a descendre a nostre propos on pourroit icy faire une telle question sçavoir mon se une dame ou damoiselle sert une princesse ou aultre dame quelle que elle soit & il advient que sa maistresse vueille mettre son cueur en folle amour vers quelque homme si la servante est tenue par la loyaulté que elle luy doit de la soustenir & porter en son fait / car peut estre que aulcuns ne cuyderoyent mye mesprendre en pensant j'ay pluscher a garder l'honneur de ma maistresse & celer son faict mesmement veu que je n'ay mye bastie la chose / mais elle la veult faire & si en moy elle ne se fioyt en quelque autre se fieroit qui par adventure ne la celeroit mye si bien que je feroye. La vraye responce a ceste question est que elle feroit mal quelque cas qui y peust advenir & mal faire n'a point d'excusation si ne peux porter ne soustenir ta maistresse en peché faisant que toy mesmes ne peches ne soye participant du mal. Et avecques ce posons que tu dies que pour garder son honneur le faces si tu espeluches bien ta conscience tu trouveras que aultre cause te y encline plus c'est assavoir pour avoir mieulx sa grace & en prouffiter en chevance. Mais quelque cause qui t'y maine tu fais mal & en ce faisant resembles l'aveugle qui maine ung autre aveugle & tous deux trebuchent en la fosse. Mais vecy que tu feras si tu veulx user de sens & de bonne conscience se ta maistresse se fie de tant en toy qu'elle te die son secret en tel cas tu luy feras si faicte ou semblable responce / ma dame je vous mercye dont tel fiance avez en moy que tant me dictes de vostre tresprivé secret & si vous n'aviés fiance en moy ne le me diriés si n'ayez jour de vostre vie quelconque doubte qui ne soit bien celé. Car je vous prometz loyaulment que tant que je vivray ne sera par moy sceu / mais vrayement il me poise de tout mon cueur de ce que vostre entente avez mise ou voulez mettre en tel chose. Car il ne vous en peut venir fors dampnement a l'ame & grant peril & deshonneur au corps & se par nulle voye estoit en ma puissance de vous oster de celle voulenté & pensee il n'est riens que je n'en feisse. Mais quant est de moy & me pardonnés je aymeroye mieulx le bien de mon ame & de ma consciece qui en seroit chargee que je ne fais vostre service et m'en deussiés vous haÿr & bouter hors. Car je doy avoir pluscher vostre hayne pour bien faire que vostre grace pour consentir mal si ne m'en mesleroye nullement mieulx vouldroye mourir / je sçay bien que je suis a vous & que obeyr je vous doy mais en tel cas je pecheroye laquelle chose je ne suis tenu de faire pour personne vivant. Telle responce doit faire la bonne servante en tel cas a sa maistresse / mais s'elle est sage & vraye se gardera bien pourtant de l'aler disant ça & la pour soy aloser comme assez en est par adventure qui pour faire les bonnes y soyent disant elle m'a requise de tel chose / mais je l'ay bien & bel escondite je aymeroye mieulx que elle fust arse & telz choses dont mieulx leur vauldroit taire ainsi se doit gouverner la bonne & discrete dame ou damoyselle ou autre vers sa maistresse. mais non pourtant affin que nous n'oublions riens a dire que bon soit a ce propos n'est mye a entendre cest admonnestement que s'il advenoit aucun inconvenient a la maistresse par quelque cas que la bonne servante ne la doye garder en tous perilz & deffendre comme elle feroit son enfant sicomme il est dit d'une dame qui fut gardee d'estre sourprise en cas dont elle eust perdu son honneur par sa damoiselle laquelle quant elle sceut l'adventure ala tantost comme bien advisee bouter le feu a la granche affin que tout courussent la & que sa maistresse en ce tandis se peust descouvrir. Et comme une autre qui trouva sa maistresse qui se vouloit desesperer & occire ellemesmes de honte que elle avoit de ce qu'elle estoit grosse sans estre mariee si la reconforta & l'osta de ce maulvais vouloir & ellemesmes affin que quant l'enfant viendroit qu'elle peust dire que il fust sien fist entendant qu'elle estoit grosse & par celle voye la saulva de mort & garda de deshonneur & telz choses faire puis que la chose est faicte & le conseil en est prins pour garder autruy de desesperance ou de prendre mauvaise voye mais que au fait de peché on ne soit consentant n'est pas mal. mais est tresgrant charité & doit chascun avoir pitié du pecheur. Car dieu ne veult pas sa mort. mais que il se convertise & vive. Et tel est cheu en peché que aprés se relieve & maine juste vie & non mye seullement en cas d'amours ne doibt estre consentant la servante de la maistresse: mais aussi en tous autres ou il pourroit avoir peché & vice. car nul n'est tenu d'obeyr a aultruy pour desobeyr a dieu. ¶ Cy devise du .ii. point qui est bon a tenir aux femmes de court qui est comment elles doibvent eschever trop d'acointances. Chapitre .xxix. Le .ii. point & enseignement si que nous avons dit est que femmes de court de quelque estat qu'elles soyent se doivent garder de trop avoir d'acointances a divers hommes nous convient dire les raisons qui nous meuvent Car maintes par aventure pourroyent suposer & cuider que plus leur loysist & apartenist est acointables que autres femmes: mais celles qui le penseroyent se deceveroient & nous le te monstrerons par deux principaulx raisons / l'une est pource que sur toutes autres les femmes de court ont a garder honneur / l'autre raison te dirons aprés. Quant a ceste pourquoy disons nous que plus que autres ont a garder honneur pource que leur honneur ou deshonneur refiert & redonde en leur maistresse. car se ilz sont ou bien ou mal ordonnees elle en aura le los ou le blasme si que ja est touché en la premiere partie de ce livre. Or il est ainsi que il n'est autre dame a qui tant d'honneur soit deue comme a princesse si seroit a son empirement si aucune tache avoit en femmes. Car on diroit selon seigneur meisgnie duite. Et pource je conclus que plus que autres se doivent garder. Si n'est point de doubte a venir a nostre propos que femmes qui que elles soyent qui se delictent avoir plusieurs acointances a hommes & suppose qu'elles n'y pensent a nul mal ne mais pour rire & esbatre a peine le pourront continuer qu'il n'en soit senestrement parlé & non mye seullement des estrangiers envyeulx qui sans cesser avisent comment pourront aultruy mordre / mais certes de plusieurs de ceulx mesmes a qui elles feront bonne chiere. Car ne pensent point le contraire femmes ne si aveuglent que ja hommes plusieurs ne les frequentent longuement que aucuns ou le plus d'iceulx ne pensent a elles atraire si pevent & quant ils voyent que plusieurs hantent ou lieu ou chascun voulsist estre seul receu ilz en parlent mal & contreuvent l'ung sur l'autre & en derriere s'en rigollent quelque chere que aux dames & damoiselles facent en devant ne quoy que ils se monstrent bien gracieulx & c'est chose vraye lesquelz rigolages & parolles sont raportees en ville de bouche en bouche par les tavernes & ailleurs & chascun y adjouste & met du sien Et par telle voye sans cause & sans raison quant a pechié / mais seullement par la simplesse des femmes qui n'y pensent sont souvent plusieurs a tort blasmés mesmes de ceulx a qui elles font bonne chiere et qui ne le croit si en enquiere. Car pleust a nostre seigneur que dames & damoiselles de court / voire toutes femmes d'ailleurs sceussent bien que telz acomtes dient d'elles cause auroient d'elles retraire de si faictes bonnes chiere. & mieulx leur vauldroit moins d'esbatement que de tant de parolles & par ce que ilz leur rient en devant & promettent corps & service a peine le pourroyent croyre. mais tu nous pourroyes demander comment ne vault il pas mieulx mesmes a honneur garder faire bonne chiere a chascun & que autant en emporte l'un que l'autre seullement que le faire a ung ou a deux & aussi que les autres puissent dire il ne hante en tel lieu que telz ou telz ilz sont en grace autres n'y sont congnuz. Nous te respondons que sans faille de ces deux maulx il n'y a nul qui face a tenir / car mal est / c'est assavoir contre honneur si plusieurs en hantent si que dit est & mal seroit ou est si on n'y voit frequenter seullement ung deux ou trois en maniere que on y peust avoir souspecion. Si n'est l'une maniere ne l'autre bonne. Mais tu nous diras comment seront doncques femmes par especial de court si subgetz que elles ne oseront ame veoir ne elle esbatre sans mal penser a compaignie ou il y ait gentilz hommes. Si te respons a ce que la subgection est bonne quoy que elle desplaise quant elle garde de plus grant inconvenient tout ainsi que la bride ennuye & desplaist au cheval mais non pourtant elle le garde aucunesfois de trebucher ou fossé. Et quant est que elles ne facent bonne chiere ou il appartient & en temps & en lieu s'esbatent convenablement en compaignie d'honneur n'est pas nostre entente de les vouloir a ce restraindre. Et ne disons pas que s'il advient a quelque court que ce soit en france ou autre part que le prince ou princesse reçoyve estrangiers ou princes ou autres vaillans chevaliers ou escuyers que il n'apartiengne bien qu'ilz soient festoyés & entre dames & damoiselles bien venus / car ce seroit contre honneur qui ne le feroit / mais entendons seullement de ceulx qui par droictes bauldes acoustumeement frequenteroyent sans autre achoison y avoir fors de jouer & esbatre es chambres de l'estat des dames & damoiselles. Et ces choses que nous disons ne doyvent ennuyer a nulle soit jeune ou joyeuse ou autre si elle ayme honneur ne que il doit desplaire a celuy qui sa santé a chiere quant le medecin luy dit vous userés de tel remede contre telle maladie & suffise quant a la premiere raison. Mais a venir a l'autre laquelle peut aussi bien toucher aux autres femmes d'onneur comme a celles de court est telle. Chascun qui tant est une chose plus digne plus noble & de greigneur value plus doit estre tenue en grant chierté & moins commune. Or est il ainsi que toute femme honnorable bonne et saige doit este reputee comme ung beau tresor & une notable & singuliere chose digne d'onneur & de reverence. doncques puis que elle est telle et y veult estre tenue il n'appartient point que trop grant marché ne largesse face de ses tresgrans tresors c'est assavoir de l'acointance de sa treshonnorable personne. Car de tant que elle la tiendra en plus grant charté vers tous hommes non mye par orgueil / mais par une grandeur bien seant a femme de tant sera elle tenue en plus grant reverence & en fera l'en plus grant compte / car chose n'est tant voulentiers veue ne desiree que celle que on voit a dangier quant elle est bonne & belle. pource disons que non estre trop accointable a femme bien siet & que largesse de langaige & d'atrais accueillans luy messieent. ¶ Cy dit du .iii. point qui est le premier des deux qui sont a eschever parlant de l'envye qui regne en court & dequoy elle vient. cha. xxx. Or viendrons aux autres deux dessusditz poins lesquelz a femmes de court principallement & aprés a toutes femmes d'onneur sont a eschever. lesquelz quoy qu'ilz soyent assés communs par tout regnans par especial treshabondeement a toutes cours plus que autre part. ce sont deux vices mauvais & dampnables merveilleusement & en attrayent infinis d'aultres. L'un & le principal des deux mortelz vices est le trespiteable & de dieu hay pechié d'envye / & l'autre est le vice de mesdire. Et du premier dirons & de l'autre aprés Et pource que nous tendons a bien de vous toutes nous plaist vous admonnester les remedes que nous enseignons a toute personne qui user veult de justice & de bonne conscience. Et tout premierement pour mieulx congnoistre la qualité ou nature de ceste faulce envye est a adviser de quelle chose & a quel cause elle naist si disons sans faille qu'elle sourt & vient purement d'orgueil qui l'engendre es creatures qui ne sont sur leurs gardes d'avoir tousjours devant leurs yeulx leur povre fragilité & leur venue de neant ains s'oultrecuident par une arrogance fole que orgueilleux met en teste si qu'ilz oublient leurs miseres & leurs vices & reputent & cuident estre dignes de grans honneurs et de grans biens mesmes sans l'avoir desservy. Et pource que le plus communement toute creature est en soy mesmes ainsi deceue / advient que chascun tend a suppediter son prochain & le surmonter / non mye en vertus / mais en grandeur d'estat de honneur ou d'avoir / mais quant il advient qu'il y fault & qu'il y voit autre plus avancé de luy ou qu'il cuyde ou qu'il a paour qu'il adviengne aussi hault. la est l'envye toute formee. En pourtant que a la court des princes & des princesses les honneurs et les estatz mondains sont distribués plus generallement que une aultre part disons nous / & il est vray que la regne principallement envye pource que chascun qui y frequente vouldroit avoir d'iceulx biens et honneurs la plus grant part. Mais a descendre a nostre propos en parlant a toute femme de court de quelque estat qu'elle soit qui soit la demourant pour estat ou pour service de princesse que se elle veult user de bon conseil pourvoyera si bien son couraige de saige & de bon advis que elle n'aura en soy le mortel ver de celle faulce envye qui destruyt l'ame a qui la porte & ronge & desfait l'intention. ¶ Cy dit encores de ce mesmes enseignement aux femmes comment se garderont entre elles d'avoir le vice d'envye. chap. xxxi Que fera doncques pour eschever ce faulx arcison d'envye & qu'il ne soit nullement en son couraige la saige & bonne dame ou autre demourant en court elle estrivera par bon remede contre les choses qui s'ensuyvent lesquelles sont les causes dont sourt envye a court de princesse en couraige / c'est assavoir que quelque grande qu'elle soit s'il advient qu'elle voye ou apperçoyve ou qu'il luy soit advis que sa maistresse ait plus en grace quelque autre que elle ou souvent l'appelle en ses conselz & vueille le plus sache de son secret & soit plus entour elle ja pource le cueur ne luy vouldra / ne le vice d'envye ne la surmontera. nonobstant que les aguillons & poinctures en couraige de celle faulce envye en tel cas soyent telz. Et pourquoy peut ce estre que ma dame a plus en grace ceste icy ou ceste la que toy & plus la veult & plus l'appelle en ses secretz & environ soy / n'es tu de son lignaige ou plus noble que celle n'est si en fust mieulx paree / ou tu es plus sage ou plus preudefemme ou mieulx taillee de y estre. Et appartient il aussi que telle & telle qui est venue de neant / ou qui ne scet ou qui ne vault ne peut de se mettre si avant ne qu'elle prengne tel peine d'estre en grace devant les autres / ne aussi que ma dame la doyve tant avancer ne faire telle chiere qu'elle luy faict ne tel harnois / & luy baille tel estat. Ja est plus avancee en ce pou de temps qu'elle y a demouré que toy qui y es de ton enfance / pourquoy peut ce estre quelque cause y a. mais je y mettray barres se je puis & la desavanceray Je sçay bien comment telles choses & telles sçay sur elle / & si je ne le sçay si le controuveray ou mettray du sel plus que je ne sçay avant que je ne la desavance. elle se veult trop mallement mettre avant et ja fait la maistresse & veult supediter les autres & mettre arriere mais je y mettray barres se je sçay quoy que advenir en doye. ne quelque peine que je y doye mettre. Je n'en pourroye plus souffrir en mon renc mesme se veult elle ja mettre / et ma dame luy souffre & la porte & veult qu'elle voise devant les autres mais ainsi n'ira mye. Telz ou semblans sont les admonnestemens de envye. mais tantost par bon advis & juste conscience les boutera arriere la saige dame ou damoiselle de court qui se reviendra a soy Ha folle musarde & dequoy t'es tu advisee mais pour dieu que te chault il de toutes ces faulsetés si tu fais ce que tu peulx loyaulment en toutes choses & tu n'en as si grans guerdons en ce monde comme ung autre dieu qui seul est juste & vray juge & qui congnoist tous couraiges. & a qui riens ne peut estre celé le scet bien si le te rendra & n'y fauldra point. & en luy seul dois avoir ton esperance. Car celluy est mauldit qui a son esperance & la fiance es princes ne es hommes. Et pourtant se ung autre a bien en ce monde qui n'est que ung trespas comme ung pelerinaige des biens de fortune plus que a toy ce te semble. que t'en apartient il a murmurer ne en avoir dueil. veulx tu garder les princes & les princesses & les puissans personnes qu'ilz ne facent du leur a leur voulenté: Si ta maistresse ou dame donne du sien a ung autre plus que a toy quel tort te faict elle. certes nul. Et de ce donna bien exemple nostreseigneur en la parolle dont l'evangille parle des ouvriers qui furent mis en la vigne / dont les aucuns vindrent a soleil levant. les autres a midy & les autres a vespres. Et quant vint a faire le payement de leur journee le seigneur de la vigne partit & donna tout autant a ceulx qui estoyent venus a vespres comme a ceulx du point du jour de laquelle chose les premiers murmuroyent / & le seigneur leur respondist. Mes amys quel tort vous fais je. Je vous paye de vostre journee bien & bel ce que avez esté louez. & s'il me plaist de donner a ceulx icy autant ou plus comme a vous ce n'est riens du vostre si n'avez cause d'en parler. Tout ainsi & semblablement n'as tu nulle cause de groucier si ta maistresse donne le sien ou il luy plaist quand ce n'est rien du tien. Et aultre si peut advenir que toymesmes ne congnois pas tes propres deffaulx par ce que tu es envers toy trop favorable & ta dame les congnoist bien qui voit ung autre plus saige plus abille & mieulx condicionnee & plus parfaicte de toy quoy qu'il te semble que tu vaille mieulx s'il a plus chere environ soy. Et aussi si tu veulx bien regarder au vray de ta conscience & lire en tes faitz tu trouveras ce peut estre que tu le peves bien avoir desservy pour telle chose et telle que tu fais. & telles parolles que tu dis luy furent rapportees / dont elle se courrouça qui ne fut bien fait ne dit a toy / & elle ne t'en ayme mye mieulx. assez d'autres t'eussent mise hors si est par ta coulpe. pource tu n'as cause de tant t'en courroucer tu estoyes trop ayse & trop orgueilleuse. & te sembloit que riens ne te povoit nuyre / or en prens ce que tu en as & ne te en plains que a toy. Et avec ce que scés tu: quel bien & quel service vers dieu peut avoir fait ceste creature qui tant est en grace quoy qu'il te semble qu'elle n'en soye mye digne. Parquoy il la veult par ceste voye en ce monde guerredonner. car tu as ouÿ dire comment sont couvers les secretz de dieu / si n'appartient a personne de en juger pour chose qu'il voye tant luy apere merveilleuse Et pour ce ne te dois empescher d'estat d'autruy / mais pense de ton ame & de te gouverner sagement & faire tousjours bien ton devoir / si le congnoistra bien dieu & tel maistre fait il bon servir qui est tout saige tout bon & tout puissant & tout autre service n'est que vent & empeschement. Et gardes bien sur quanques vers luy tu peulx meffaire que ne muses a autruy par faulse envie en faict en dit ne en quelconques pourchas / car tu te dampneroyes. posons que on le te eust desservy. Car dieu ne veult pas que l'on se venge de tant que en as pensé crie en mercy a nostreseigneur. & ne te chaille qui va devant ne qui va derriere. qui soit en grace ne qui non. car de chose qui faicte en soit tu n'en vauldras de riens pis. Et avec ce ceulx & celles qui te verront ainsi gracieusement suporter l'orgueil & oultrecuydance d'autruy sans en faire parolles ne semblans t'en priseront & aymeront mieulx. Et si tu veulx garder ton reng entre les autres que il te appartient sans vouloir supediter autruy si le gardes gracieusement. Mais prens toy bien garde que ta conscience ne soit point blessee pour telz fatras / ne que tu donnes cause a autruy de troublemens ne de empeschemens car le peché en descenderoit sur toy. Telz & semblables sont les remedes que la saige dame de court bien pourveue si peut mettre contre les pointures & aguillons d'envie. Et de cestuy mauvais peché pour demonstrer comment toute personne le doit fuyr dict ung saige: Je ne sçay fait il comment toute creature raisonnable deboute de soy sur tous autres vices le peché d'envie / car a adviser la qualité de tous les autres peches il n'y a celluy qui en l'exerçant ou faisant n'ayt aucun delit comme en vaine gloire ou orgueil ou a delit d'honneurs en gloutonnie plaisir ou menger en charnalité delit de corps & ainsi aux autres / lesquelz plaisirs pevent attraire la creature a les aymer quoy qu'ilz soyent l'ame deffendus. Mais celluy dyabolicque peché d'envie il ne fait ne donne a la personne qui plus en est souprinse nul plaisir ne mais dueil de pensee & deffrichement de couraige triste et desguise de visaige tourment qui perce l'ame & tous maulx & tous desplaisirs. Et a brief dire encline a tous maulx & a toutes felonnies. ne autre bien ne rend a son maistre cestuy infernal vice. Et que les envieux facent a haïr dit contre eulx de rechief ung autre saige pleust a dieu que l'envieux eust si grans yeulx qu'il peust veoir toute la prosperité & la joye qui est esparse par tout le monde. & plusieurs gens a celle fin qu'il eust cause d'estre plus tourmentés. ¶ Cy dit du quatriesme point qui est le deuxiesme des deux qui sont a eschever. Et parle comment femmes de court se doibvent bien garder de mesdire / et de quelle chose vient mesdit ne a quelle cause ne occasion. Chap. .xxxii. Nous venons au deuxiesme point qui est l'autre vice duquel la dame ou damoiselle & femme de court & toute autre se doibt garder. c'est assavoir du peché de mesdire. Et tout premierement pource que mesdit ne peut estre excusé par nulle bonne raison / & aussi pour mieulx venir a noz termes toucherons trois causes / dont communement il vient & sourt & qui toutes sont communes a court & aucunesfois de toutes troys ensemble. L'une des causes si est par hayne. la .ii. pour cause d'oppinion. & l'autre pour pure envye. Si sont ces trois causes maulvaises / mais non pourtant celle qui vient d'envie faict le moins a excuser. Et pource que tous trois sont a eschever et que en nul cas mesdire ne est loisible / ains est peché mortel tresdeffendu Car c'est contre des deux des commandemens de dieu l'ung qui dit. Ne fais a aultruy ne que tu vouldrois qu'il te fist. Et l'autre / ayme ton prochain comme toymesmes: nous en dirons & enseignerons aux dessusdictes dames les remedes de s'en garder. Et premierement toucherons sur la premiere cause qui est hayne & sur ce formerons quattre principalles a demonstrer pourquoy par hayne on ne doit mesdire d'autruy quelque injure que on ayt receue. On ne hait point de fformee hayne communement si ce n'est a cause d'aucune injure receue d'aultruy ou que on la se repute avoir receue soit a tort ou a droit en la personne qui est ou qui se tient injuriee. Adonc est tresencline par la haine & mal talent qu'elle porte de mesdire dont elle se repute estre blessee comme quoy & a nostre propos qui est chose qui souvent advient a court une dame ou autre femme de court sçaura que aucunes gens ou certaine personne luy nuyra & la tiendra a la faire mal de sa maistresse ou du seigneur ou des amys d'elle ou de la faire bouter hors & par adventure viendra a son entente parquoy ladicte dame ou damoyselle en perdra son service son bien & son estat / & par adventure son honneur par les choses qui luy seront mises sus / peut estre sans cause / & posons que a cause fust: si herra elle la personne qui ce luy aura pourchassé: si mesdira n'est pas doubte a part et en publicque si la personne n'est si grant qu'elle n'ose. Mais trop fort fera si aulcunement n'en murmure / car le cueur luy deuldra trop & n'est merveille en disant de ladicte personne mal & villennie & ce qu'elle sçaura & ce qu'elle ne sçaura mye. Ceste cause de mesdire c'est assavoir par hayne par quelque meffaict sembleroit a aucunes gens qu'elle peut estre juste. mais sans faille non est. Et voicy nostre premiere raison qui le demonstre. Dieu veult et commande expressement qu'on ayme son ennemy & qu'on luy rende bien pour mal. & qui fait contre le commandement de dieu se dampne & si ne gaigne riens: pourquoy seroit mieulx son prouffit se taire. Item avec ce ung autre inconvenient luy en vient / & est nostre .ii. raison c'est qu'il fait ou elle fait contre son honneur / & voicy la raison. une personne de grant couraige jamais ne mesdiroit de son ennemy / pource que elle scet bien qu'il pourroit sembler aux gens que vengier se vouldroit de parolles laquelle chose est la vengeance des gens de pou de puissance & de foible de cueur et de quoy pou de saiges gens usent. Item la .iii. raison est que ceulx qui orront mesdire aux hayneulx de son adversaire ou ennemy ne la croyront mye / car ilz diront qu'i le dist par hayne si ne doibt estre creu. Et la quarte raison est que la personne qui ja luy a nuy ou peu nuyre sera de tant plus indignee contre luy quant dire orra qu'elle en mesdit / si purra engreger l'injure & luy faire encores pis si seroit moins mal recevoir ung desplaisir que deux. Et pource en concluant fut trop bien comparé par exemple a mesdit ce qui est escript d'un qui vouloit prendre guerre au ciel / & tiroit d'ung arc contre les nues et les fleches retournoyent sur son chief & le navroyent. Tout ainsi le mesdit que le haineux fait de son adversaire retourne sur luy & navre son ame & son honneur / sicomme par les dessusdictes quatre raisons est demonstré. ¶ De mesmes comment femmes de court se doyvent bien garder de dire mal de leur maistresse. Chap. xxxiii La deuxiesme cause dont vient & sourt mesdit est de oppinion en telle maniere ou semblable une personne aura oppinion que une autre soit mauvaise ou deffaillant en aucunes choses ou en toutes / ou que elle ne se gouverne pas bien en tous cas ou en aucuns & pour ceste cause sans sçavoir la verité de la chose laquelle est par adventure toute autre qu'elle ne la pense en mesjurera & mesdira abondamment et plainement a petite consideration pour bien pou d'achoison. Et tel cas advient communement par tout. Car sans faille a cause de oppinion et sans sçavoir de certaine science mesdient plus ceulx qui ont la tache de mesdire. Si n'est mye communement court de prince & de princesse sans telz mesdisans / lesquelz a tel cause / c'est assavoir d'oppinion sans plus n'espargnent ame / et mesmes ne maistre ne maistresse. Et pource en parlant de ce vice chiet a dire du grant mal que fait toute personne qui diffame & dit mal d'autruy & par especial de qui le paist & nourrist dont il a son estat & son vivre / mais nonpourtant il advient a mainte court que se les servans ou servantes ou ceulx ou celles qui y demeurent voyent ou leur semble veoir en maistre ou maistresse tant soit petit signe de quelque vice tantost a cause d'oppinion les chargeront de grant langaige disant que la chose est faicte que ilz ont pensee. Et a nostre propos parlant aux femmes quoy qu'il peut aussi bien aux hommes toucher. Assés de femmes de court en mains pays est il de tous estatz que si elles voyent leur dame ou maistresse sans plus parler bas a une personne une fois ou deux ou quelque signe de priveté ou d'amitié ou quelque ris ou quelque joyeuseté faicte par adventure par jeunesse ou ygnorance & sans mal penser se ladicte maistresse se est tant soit petit joyeuse ou en ses habillemens gente & propre qui sont choses qui a mainte personne viennent de droicte condicion plus aux unes que aux autres tantost ilz seront prestz d'en mesjuger. & non mye seullement en cestuy cas mais aussi bien en tous autres dequoy par petite achoison aucunesfois prendront quelque maulvaise oppinion de leur dicte maistresse mais du mesjugement c'est du moins ilz feront pis / car pourtant se elle est leur dame et qu'ilz soyent nourris repeuz & a beaulx gaiges de ses biens que ilz facent ou qu'elles facent bien les obeissans les genoulx a terre a grant reverence & assez de flateries si ne s'en tairont ilz mye / ains diront leur advis l'une a l'autre & s'acointeront a conseil & a brief dire seront tout ainsi que la maulvaise brebis qui est rongneuse donne & depart de sa rongne aux autres / mais toutefvoyes bien se garderont que leur maistresse ne l'apperçoyve ne oye & leur suffira mais que a elle seulle soit celé & mesmement de ce que eulx ou elles luy accorderont & soustendront disant que sera bien faict d'ainsi faire s'en mocqueront & en parleront en derriere & y adjousteront plus qu'il n'y a & qu'il n'y scevent assez de servans & de servantes le font aussi. mais a nostre propos les dames damoiselles femmes de court qui ainsi le font trop grandement mesprennent & font trop plus grant peché que se d'autres ou d'entre elles mesdisoyent pour cinq principaulx raisons. La premiere pource que de tant qu'elle est plus grant maistresse son honneur ou deshonneur est plus renommé par tout pays que d'une autre simple femme pource fait pis que la diffame car celluy diffame peut voller en maintes contrees. La deuxiesme pource qu'elles font trahyson a qui ilz monstrent bel semblant & obeissent. Tiercement ilz font contre leur serment qui fut tel elles garderoyent son bien & son honneur. Quartement qu'elles rendent mal pour bien a celles de qui & par qui sont soustenus & nourries & ont leur estat. Et quintement que elles jugent autruy qui est contre le commandement de dieu qui dit ne juges si tu ne veulx estre juge. Et posons ores qu'elles sceussent tout clerement seur leur maistresse sicomme ja est dit devant / & qu'elle fust une tresmauvaise & perverse creature si ne la doibvent ilz diffamer ne entre elles ne aultre part. car parolles ne sçauront ja estre dictes si celeement que raportees ne soyent & elles sont tenues de garder son honneur & couvrir sa honte & que se autres en oyent mal dire de abaisser les parolles & l'excuser. Et en verité celles qui font le contraire font leur grant deshonneur et les en doibt on mains priser ne excuser ne s'en pevent. Car se tu nous dis je voy de quoy j'ay cause de parler & mesdire le service n'est ne bel ne bon nous te respondons si t'en va s'il ne te plaist. Et s'il te est besoing de servir parquoy ne t'en puisses aller que trop grant prudence n'y eusses si tentais a tout le moins & fay semblant que tu n'y voyes goute & que riens n'y apperçoys puis qu'il n'est en toy d'y mettre remede ne quel ne te appartient fay bien et loyaulment ce qu'il te appartient & de plus ne te mesle prie dieu qu'il la vueille amender & luy doint congnoissance se tu y vois mal & se a autre en oys parler abesse les parolles se tu peulz ou sinon t'en tays & de ce seras tu mieulx prisee / mais ce que ja devant est dit certes il va tout autrement Car dieu scet que maintes parlent de leur maistresse qui le font plus par despit de ce que elles ne sont appellees au secret et par l'envye que autres femmes en scevent plus que pour autre precieuté ne cause. Mais toutesfois voicy ce que la bonne & loyalle dame damoyselle ou autre de court fera qui vouldra user de bonne conscience & aymera le bien & honneur de sa maistresse que elle verra dechoir de son honneur & en peril de grant inconvenient si ne luy oseroit dire ne le admonnester / elle s'en yra au confesseur de sa maistresse & non a autre si luy dira secrettement & en confession ce que on dit d'elle & le peril ou elle se met & le mal qui luy en pourroit venir luy priera pour dieu qu'il luy monstre / & ne l'accuse mye. ¶ Cy dit comment il n'appartient a femmes de diffamer l'une l'autre ne dire mal. Chapitre .xxxiiii. Avecques ce que les femmes de court doyvent garder semblablement que dit est de blasmer ne diffamer l'une l'autre pour le peché & autres causes ja assignees / comme aussi que qui diffame autruy de secret que luy mesmes soit diffamé. Car n'est pas doubte que la personne qui sçaura que on le diffame diffamera aussi celuy ou ceulx qui le diffameront & le deust controuver ne nul ne nulle n'est si juste qui doye dire je ne crains ame que pourroit on dire sur moy je me sens net ou nette pource puis parler des autres hardiement / mais c'est follement penser a ceulx et celles qui ainsi le cuident / car par tout a a redire & quelque maniere & ce tesmoigne l'escripture qui dit il n'est homme sans crime c'estadire sans peché & ce tu n'as ung vice tu en as ung autre par adventure pire ou deux ou trois & si tu ne lisoyes bien en ta conscience tu y trouveroyes assés a redire. car pourtant si ton pechié est secret au monde n'est il pas a dieu mucé & luy seul scet qui est bon pelerin. Et avec ces choses c'est trop grant honneur que aval la ville ou autre part on puisse dire les dames & femmes de court mesdient trop bien l'une de l'autre j'ay ouÿ dire a telle dame ou damoiselle tel chose et telle de tel autre. Car court de princesse en tel cas doit estre ainsi que une abbaye bien ordonnee dont les moynes ont serment que aux seculiers ne dehors ne diront riens de chose qui adviengne entre eulx ne de leurs secretz tout ainsi se doivent aymer & porter l'une l'autre comme seurs dames & femmes de court non mye tencer ensemble es chambres des dames ne de traire en derriere comme feroyent harengieres. Car telles choses sont trop mal seans a court de princesse & ne les devroit on souffrir. Nous avons cy devant que la troiziesme cause qui fait mesdire est envye & que c'est celle qui fait le moins a excuser. C'est assavoir est la plus mauvaise & la plus loing de droit & de toute raison & il est vray car se le haineux mesdit de celluy qui luy a meffait c'est chose naturelle que chascun dueille de sa blessure & si dieu ne le deffendoit par la raison susdicte selon droit sensuel te seroit chose juste aussi qui mesdit par oppinion se peut aucunement fonder sur aucune apparence ou couleur qui luy appert comme il luy semble de ce qu'il dit / mais qui mesdit par envye il n'a autre cause ne mais pure mauvaistie qui est & habonde en son courage & pource est le plus dampnable a celle ou celluy qui le dit & le plus perilleux a celluy ou celle de qui il dit que quelzconques autres mesdit. Car oncques morsure de serpent coup d'espee ou autre pointure ne fut venimeuse ne si perilleuse comme langue de personne envieuse / car elle frape & tue souvent soy & autre & aucuneffois en ame & corps. Car se nous y voulons regarder beau sire dieu quans royaulmes quantes contrees & quantes bonnes personnes ont esté destruyctes par maulvais rapors dont le fondement venoit & sourdoit d'envie a merveilles nous en trouvons plusieurs exemples lesquelz je laisse pour briefveté. Et que il est vray que le mesdit de l'envieux viengne par pure mauvaistie sans autre achoison il y pert. Car dequoy a deservy celuy ou celle qui est bonne personne ou qui a plusieurs des biens de grace de nature & de fortune que on die mal de luy ou que il luy pourchasse encombrier pourtant se ces choses luy viennent bien ou se il est eureux & bien fortuné cestuy mesdit ne vient de nul droit pource concluons ce que dit est devant c'est assavoir de pure mauvaistie il vient / & pourtant est le plus dampnable & de ceste envye pource que cy devant en est assez parlé au quatriesme & cinquiesme chapitre de ceste deuxiesme partie n'en dirons plus & suffise a tant quant a parler des dames damoiselles & femmes de court. Cy parle de dames baronesses la maniere du sçavoir qu'il leur appartient. chap. .xxxv. Or advient a parler aux dames et damoiselles qui demeurent en chasteaulx ou en autres manoirs sur leurs terres ou en villes fermees ou bours / si nous fault adviser que nous pourrons dire qui leur soit propice. Et pource que leurs estatz & puissances soyent differens nous convient parler en aucunes choses differentement c'est assavoir de l'estat ordre & maniere de leurs vivre / mais quant aux meurs et biensfaitz vers dieu tout leur affiert ce que dit est devant aussi bien que aux princesses & dames de la court. C'est a entendre ensuyvir les vertus & fuyr les vices si le pourront la veoir si leur plaist. & pource que en diverses seigneuries sont demourans plusieurs puissans dames. Sicomme baronesses & grans terriennes qui pourtant ne sont pas appellees princesses lequel nom de prince n'affiert estre dit ne mais des emperis des roynes & des duchesses se ce n'est aux femmes de ceulx a qui a cause de leurs terres sont appellees princesses par le droit nom du lieu sicomme il en a en ytalie & ailleurs & quoy que les contesses ne soyent mye en tous pays nommees princesses / mais pource que suyvent assés le renc des duchesses selon la dignité des terres entendons d'elles ou nombre dessusdit des princesses parlerons icy premierement ausdictes baronnesses dont assés y a en france en bretaigne & autre part qui passeroient en honneur & puissance moult de contesses est il quoy que le nom de baron ne soit si hault que de conte / mais moult est la puissance grant d'aulcuns barons a cause de leurs terres & seigneuries & la noblesse qui y est dont leurs femmes tiennent moult grant estat & a dire d'icelles ce que a leur gouvernement appartient est assavoir qu'il affiert trespeciallement a baronnesses qu'elles soyent saiges & prudentes & plus communement que les autres femmes. Si nous convient deviser comment s'estendra son sçavoir / ce que elle se sache entendre de toutes choses / car dit le philozophe que celluy n'est pas saige qui ne congnoist aucune chose de chascune part. Et aussi luy appartient a avoir sicomme couraige d'homme. Si n'est mye a dire que elle doye estre nourrie trop en chambre ne soubz grans & feminines mignotes. Or est a parler des causes [qui nous meuvent. Il n'est pas doubte que il apertient a tout baron, se il veult estre honnourez en son degré, que le moins du temps demoure sus ses manoirs et en son propre lieu, car suivre armes, la court de son prince, et voyagier sont ses offices. Or demeure la dame, sa compaigne, laquelle doit representer son lieu: quoy que il ait assez baillis, prevosts, receveurs et gouverneurs, il affiert que souveraine soit sur tous. Et pour ce convient ce faire: veult selon son droit que elle se gouverne par tel savoir que craintte soit et aussi amee. Car c'est la meilleur craintte qui soit que celle qui vient d'amour, si que dit est devant, et que ses hommes puissent recourir a elle pour tous reffuges aprés le seigneur, et en cas que on leur feroit aucun tort: et pour ce est droit que elle sache de toutes choses, afin que en chascun cas puist donner response convenable. Soit toute enseignee et aprise des usages, drois et coustumes du lieu, et quelz choses y apertiennent; bien enlangagee, haultaine, se besoing est, par bonne discrecion contre ceulx qui la vouldroient mespriser ou qui aucunement seroient rebarbatis et rebelles, et doulce, humble, et charitable vers les gens obeissans; si doit ouvrer par les gens du conseil de son seigneur en tous ses fais, et oïr les opinions des anciens sages afin que elle ne soit reprise de chose que elle face ne que on ne die que elle vueille ouvrer de sa teste. Nous avons dit aussi que elle doit avoir cuer d'omme, c'est qu'elle doit savoir des drois d'armes et toutes choses qui y affierent afin que elle soit preste d'ordonner ses hommes se besoings est, et le sache faire pour assaillir et pour deffendre se le cas s'y adonne; prendre garde que ses forteresses soient bien garnies; se elle est en aucun doubte ou avis que elle entrepregne aucun fait, essaie ses gens et sache de leurs courages et voulentez ains que trop s'y fie, regarde quelle puissance elle a de gens et quel secours puet avoir se besoing en a; et que elle en soit certaine, non mie se attendre en vain ne en foibles promesses, prengne garde comment pourra fournir ains que son seigneur viegne, et quel finance elle a et puet avoir pour ce faire; se garde le plus que elle pourra de grever ses hommes, car c'est chose de quoy on acquiert trop leur haine; parle hardiement et constamment a ses gens de ce qui sera deliberé par son conseil a faire, non pas die hui une raison et demain une autre; donne par ses bonnes et belles paroles courage aux gens] d'armes & a ses hommes d'estre bons & loyaulx et de bien faire ainsi & par tel voye sont ces manieres convenables a tenir a la saige baronnesse son mary estant dehors se il luy en a donne la charge & la commission se il advient que aucun autre baron ou puissant homme luy vueille faire quelque chalenge d'aucune chose. et avecques ce luy sont expedians & propices les manieres que avons ja devisees cy devant ou chap. des princesses vefves lesquelles choses par une autre raison luy sont prouffitables a aprendre & que elle sache tout le fait de son gouvernement si que dit est / des le vivant de son mary / c'est assavoir que se vefve demouroit qu'elle ne fust pas trouvee ignorante de sçavoir son estre si que chascun la voulsist fouler et emporter sa piece. ¶ Cy devise la maniere comment il appartient que les dames & damoiselles qui demeurent sur leurs manoirs se gouvernent ou fait de mesnage. chap. .xxxvi. Que autre maniere d'estat & de vivre appartient aux simples dames et damoiselles demourans es fors ou sur leurs terres dehors les bonnes villes que aux baronnesses mais nonpourtant pource que semblablement que les barons et encores plus communement les chevaliers escuyers & gentilz hommes voyagent & suyvent guerres est convenable a leurs femmes qu'elles soyent sages de grant gouvernement & voyent cler en leurs faitz pource le plus de temps elles demeurent a leurs mesnaiges sans leurs marys qui a court sont ou en divers pays. si convient qu'elles ayent tout le soing de gouvernement & faire valoir leurs revenues et leurs meubles. Si appartient a chascune dame de tel estat s'elle veult user de sens qu'elle sache combien monte par an & vault la revenue de sa terre. Et doit tant faire s'elle peut ceste saige dame vers son mary par doulces parolles & bons admonnestemens que ilz advisent ensemble & disposent de tenir tel estat comme leurdicte revenue pourra fournir / & non mye si grant par dessus que au bout de l'an se treuvent en debtes vers leurs maisgnies ou autres crediteurs Car sans faille ce n'est point honte de tenir estat selon sa terre ou rente soit ores petit. Mais c'est honte de le tenir si grant que les debteurs viennent tous les jours crier & braire a l'ostel & lever les basteaux telle fois ou qu'il conviengne par necessité qu'on griefve ses hommes ou ses hostes ou qu'on face quelques autres extorcions il appartient a telle dame ou damoiselle / qu'elle soit toute aprinse es droitz des fiefz d'arriere fiefz de censives & droictures de champars de prises de plusieurs mains / et de toutes telles choses qui sont en droit de seigneurie selon les coustumes des pays / affin qu'elle n'y puisse estre deceue. Et pource qu'il est tout plain de gouverneurs de terres & de jurisdicions de seigneurs qui voulentiers trompent doit estre de tout ce advisee & bien s'en prendra garde & ne luy sera point de deshonneur s'elle se congnoist en comptes & que souvant les oye & vueille sçavoir comment iceulx se gouvernent vers ces choses ou hommes qu'ilz ne les trompent ne griefvent oultre raison. Car ce seroit a la charge de l'ame de son mary & d'elle ou fait des amendes aux povres gens doit estre pour l'amour de dieu plus piteuse que rigoureuse. Avecques ces choses luy affiert a estre tresbonne mesnagiere. & qu'elle se congnoisse en labour & en quel temps et en quelle saison on doit donner aux terres & aux labourages les façons / de quelle maniere est le meilleur que les talons aillent selon l'assiete du gueret s'il est en païs sec ou moiste & de la profondeur et qu'ilz soyent droitz & vivement fais semés a point de telz grains que les terres desirent et pareillement se congnoistre au labour des vignes se c'est pays ou il y ait vignoble se doit garder qu'elle ait bons laboureux & maistres en tel office / & ne prengne pas gens qui changent maistre de terme en terme / car c'est mauvais signe ne trop vieulx / car ilz seroyent paresseux & foibles / ne trop jeunes. car trop seroient en jeux / si soit soigneuse de les faire lever matin / ne s'en attendre a nul s'elle est droite mesnagere / ains elle mesme se lieve et affuble une houppelande / voise a sa fenestre & huche tant qu'elle les voye saillir dehors. car de ce sont ilz le plus volentiers paresseux / se voise souvent esbatre aux champs veoir comment ilz labourent. Car assés en est il qui voulentiers se passeroient de grater sans plus la terre par dessus pour eulx en delivrer s'ilz cuidoient qu'on n'y prenist garde et qui bien se scevent dormir aux champs soubz l'ombre d'ung arbre et laisser leurs chevaulx du labour ou les beufz entandis paistre en ung pré et ne leur chault / mais qu'ilz puissent dire au soir qu'ilz ont fait leur journee. Et pource la saige mesnagiere s'en prendra garde. Avec quant les bledz seront sur leur meurir des le mois de may n'attendra pas la cherté / mais baillera son aoust a soyer a compaignons bons fors & diligens / a eulx marchandera & composera a argent ou a bled Et quant viendra au temps qui seront en telle office se prendra garde qu'ilz ne laissent riens derriere eulx ou qu'ilz ne facent assez d'autres faulcetés que telz gens scevent bien faire qui n'est dessus & semblablement es autres labours se lievent voulentiers matin car en l'hostel ou la dame gist communement grande matinee a peine ira bien le mesnage / voise aval l'hostel assez trouvera commander. car peu chault a mesgnie communement comment voise qui n'est dessus / face mettre les bestes hors a heure. prengne garde au bergier comment il les gouverne. & s'il en est maistre / & qu'il ne soit despiteux / car il les font nourrir quant ilz veullent en despit de la maistresse ou du maistre / & quelles soyent nettement tenues gardees de trop ardant soleil & de pluye garies de la rongne / elle yra s'elle est saige souvent au toyt avecques une de ses femmes veoir comment on les ordonne. & ainsi sera le bergier plus songneux qu'il n'y ayt que redire. en fera bien penser au temps qu'elles devront agneler. & prendre grant soing des aigneaulx car souvent se meurent par faulte d'en penser. sera songneuse de lever des nourritures / soit present au tondre & que ce soit en saison. En ces hostelz qui seront en pays ou il aura grans praries & herbaiges tiendra grant foison bestes a cornes. & se foison a avaines qui pou se vendent tiengne des beufz en creche dont fera grant argent quant seront gras / s'elle a bocaiges la tiendra haras qui est prouffitable chose a qui bien s'en scet chevir advisera en yver que les gens sont a bon marché adonc leur fera coper ses saussoyes ou couldroyes & faire des eschaillas pour vendre en la saison aussi embesongnera les varletz a coper bois pour le chauffage de l'hostel ou deffricher quelque champ & s'il fait trop fort temps les fera batre en granche / & ainsi jamais ne les lerra oyseux. Car il n'est chose plus gaste en ung hostel que mesgnie oyseuse. Et semblablement embesongnera ses femmes les chamberieres de penser du bestial de faire a menger aux laboureux & des letaiges sarcler les courtilz aller a l'herbe & estre crotees jusques aux genoulx / elle ses filles & damoiselles s'embesongnera de draper de trier celle laine & sortir. mettre les coletz & la fine a part pour faire fins draps pour son mary & pour elle & pour vendre se mestier est. des gros pour les petis enfans & pour ses femmes et maignie fera des couvertures de gros bourions de la laine. & des fumiers fera cultiver des chanvres que toilleront & filleront au soir en yver ses chamberies pour faire des grosses toilles Et toutes telz choses & autres semblables qui trop long seroit a dire en plat pays ont mestier a mesnage / & celle qui plus en est diligente quelque grande qu'elle soit fait le plus que saige & en doit estre treslouee / & ceste voye tenir a saige mesnagiere rend aucunesfois plus de prouffit que la droicte revenue de la terre / sicomme le sçavoit bien faire la saige mesnagiere contesse de Eu mere du bon jeune conte qui mourut en voyage de hongrie qui n'avoit point de honte de se employer en tout honneste labeur de mesnaige tant que plus valoit par an le prouffit qui yssoit que toute la revenue de sa terre. Et de telle femme se peut bien dire la louenge que recite l'espitre de salomon de la saige femme. ¶ Cy devise de celles qui sont oultrageuses en leurs habitz atours & habillemens. Chap. .xxxvii. ET pource que nous avons touché au chap. sidevant que les dames & damoiselles demourans dehors sur leurs manoirs & heritages doivent adviser & conseiller leurs maris de leur estat. C'est assavoir: que plus grans ne seront tenus que leurs revenues peut fournir. Nous semble bon admonnester a celles qui saigement veullent vivre & ensuyvre nostre doctrine qu'elles se veullent garder des superfluités & oultrages que aucunes font par especial en deux choses venues a cause de grant orgueil qui court entre plusieurs d'elles quoy que ailleurs soyent assez communs / mais pource que nostre present propos chiet en la matiere & que iceulx vices & deffaulx pevent tourner a grant prejudice de leurs ames et ne sont bons ne beaulx mesmes au corps en parlerons / l'ung est des tresoultrageux atours & habitz qu'ilz prennent / & l'autre des harnois qu'ilz font d'aller l'une devant l'autre ensemble sont. Et premierement de ce qui touche aux habitz a declarer que celles qui tant se delictent mesprennent n'est pas doubte que par les belles anciennes coustumes les habitz des roynes n'osassent prendre les duchesses / ne ceulx des duchesses les contesses. ne ceulx des contesses les simples dames / ne ceulx des dames les damoiselles / mais a present que tout est desordonné y pert comment tout va. car il n'y a es habitz ne es atours rigle tenu / car qui plus en peut faire de quelque estat que ce soit soyent femmes ou hommes leur semble qu'ilz besongnent le mieulx & tout ainsi que les brebis suyvent l'une l'autre / s'il y a aucun homme ou femme qui voye faire a autre quelque oultrage ou desordonnance en habit tantost les autres le suyvent & dient qu'il fault faire comme les autres / mais ilz dient voir il fault que ung autre oultrageux suyve ung autre oultrageux. mais se la plus grant partie des gens estoient bien amoderés & de bon sçavoir on ne suyvroit point l'un l'autre en faisant de riens oultraige / ains celluy qui l'auroit commencee en seroit moins prise & demouroit seul en la follie. Je ne sçay quelle plaisance ce peut estre & n'est que faulte de sens qui ainsi abuse les creatures / car par telz oultraiges d'estat d'abitz on n'en est de riens mieulx prisé / mais moins de ceulx & celles qui ont sens car il n'est plus grant mocquerie que de veoir a personne qui quelque soit grant & oultrageux estat & on scet bien qu'il ne luy appartient ou qu'il n'y a dequoy le maintenir et le temps est ores venu que on ne voit autre chose. Et se telz gens ont de la povreté par decoste que mal leur en prengne on ne les doibt pas plaindre car plusieurs en desertent et mettent a povreté par telz oultraiges qui fussent bien ayses se amoderement voulsissent vivre. & plus grant honte y a a plusieurs des debtes que souvent sont a cousturiers peletiers drapiers & orfevres desquelz sont a la fois executés & fault qu'ilz baillent une robe en gaige pour avoir l'autre. Et dieu scet se on leur salle bien ce qu'ilz prennent a creance & la denree leur couste au double. Et ces choses nous disons pour ceulx & celles qui le font en cuidant par celle voye surmonter leurs voisins. mais ce fait tout l'abondance du grant orgueil qui regne au jourd'huy sans faille plus que oncques mais / car a nul ne suffit son estat ains vouldroyent chascun sembler ung roy / & sera force que tel orgueil dieu punisse quelque fois lourdement. car il ne le peut souffrir. Et n'est ce pas grant oultraige voirement & chose superflue ce que comptoit l'autre jour ung taillandier de robes de paris qu'il avoit fait pour une dame simple qui demeure en gastinois une cotte hardie ou il a mis cinq aulnes a la mesure de paris de drap de brouxelles de la grant moison / et traine bien par terre trois quartiers de queue & aux manches a bonbardes qui vont jusques aux pedz / mais dieu scet se selon cest habit comment large atour & haultes cornes qui est en verité ung tres layt habillement & qui messiet n'est pas doubte a qui cler y voit / le moyen est le plus doulx & le plus plaisant: Et cecy est quant aux dames de france / car es autres pays se tiennent plus longuement communement les coustumes que ont tant hommes que femmes en leurs habillemens non mye changant de an en an comme icy qui va tousjours en croissans oultraiges. Mais encores comme il nous semble sont plus a priser les habillemens de ytalie par especial & d'aucuns aultres lieux voire quant a la coustange car quoy qu'ilz soyent de plus grant veue couvers de perles d'or & de pierrerie si ne coustent ilz point tant car c'est chose qui dure et se peut mettre de robe a autre. Mais telz oultraiges de draps & de pennes trainans se usent & fault tantost des autres. Et semblablement des atours des testes sont plus beaulx les leurs. Car il n'est au monde plus gracieulx atour a femmes que beaulx cheveulx blons. Et ce mesmes tesmoigne assez saint paul qui dit que cheveulx est le parement des femmes. ¶ Ce parle contre l'orgueil d'aucunes. Chap. .xxxviii. Mais l'orgueil de ces habitz dessusditz suyt ung aultre oultraige. certes moult desplaisant a qui droit y vise / c'est le harnoys que plusieurs font quant es compaignies a nopces & assemblees de femmes d'aller l'une devant l'autre / dieu scet les envies qui pour ceste cause sourdent / & les mautalens / & mesmement en laissent plusieurs y a a acointer l'une a l'autre & faire amytiés ensemble pensant. se je acointoye celle la qui se tient grande il conviendroit que je allasse au dessoubz d'elle & que devant moy fust mise / si ne le pourroit mon cueur souffrir. pource n'iray je point en sa compaignie. Et ainsi pour celle cause font plusieurs femmes tant estranges l'une de l'autre qu'elles se entreregardent es compaignies par dessus l'espaulle comme s'elles voulsissent / dire. celle la ne me vault mye. Et ce tour scevent bien faire mesmes a paris assez en est il dont qu'elles soient venues mais que leurs marys soyent ung pou montés par quelque office de roy. mais qui pir est encores a parler d'icelles dames & damoiselles ou autres de ce qu'elle en font en l'eglise de dieu auquel lieu par especiaulté doit estre eschevé tout peche qui plus est grief & grant quant il est fait ou pensé la que autre part / car c'est la place d'oraison au service de dieu le createur. sicomme luymesmes tesmoigne en la saincte evangille. Le harnois qu'elles font de aller a l'offrande l'une devant l'autre qui est tel & si oultrageux. Et plus est encores ceste coustume maintenue en picardie & bretaigne que en ceste france. Car on a veu mainte fois d'aucunes tant oultrecuydees que pour celle cause se prenoyent aux mains en l'eglise mesmes & s'entrefaisoient & disoyent de grans oultrages. Et semblablement de prendre le paix. Mais pis y a que les maleureux maris voire de telz y a la nourrissent & introduisent en celle folie & le veullent / ou autremens se ainsi ne le faisoient ilz se courrousseroyent a elles pensant. Je suis plus gentilhomme que tel / si doit ma femme aller devant la sienne. Et l'autre repensera. Mais moy suis plus riche ou plus grant en office ou pareil. si ne souffriray point que sa femme prengne l'honneur devant la mienne. Et par ainsi aucuneffois que pour ceste cause mesmes les folz hommes s'en entrebatent. Ha dieu quelz oultrages & quelle faulte de sens & sans faillir on ne deveroit point souffrir entre crestiens telz oultraiges. Et les curés & prestres ou les evesques mesmement qui plus ont puissance se les simples prestres n'osent deveroyent deffendre en leurs jurisdicions telles injures faire par especial en l'eglise. Car en verité mieulx vauldroit que telles femmes fussent en leurs maisons que de mener la faitz si oultrageux. Et les prestres qui a telz boubans les voyent venir a l'autel par semblant d'offrir a dieu a elles offrent au prince d'enfer qui est pere d'orgueil se deveroient tourner a n'attendre leur offrende & semblablement de la paix on leur deveroit attacher a ung clou & l'alast baiser qui vouldroit. Et sans faille celles dont nous parlons baisent bien l'oustil que on dit paix / mais pourtant ne la prennent mye ains prennent guerre puis que leur cueur en est en rancune par l'eslevance de grant orgueil Et c'est certes une mauvaise & laide coustume d'ainsi s'entreenvoyer la paix a la messe comme on fait & ung grant destourbier & empeschement de devotion car tel l'envoye a ung autre qui auroit grant despit s'il la prenoit Et que vallent donc telz serimonies. Car puis que elle signifie la communion de paix qui doit estre entre crestiens aussi bien appartient elle aux petis comme aux grans. Et les choses qui sont de dieu toute personne a qui elles viennent ne les doit refuser pour envoyer a ung autre. Et vrayement a tout dire telz coustumes sont a reprouver entre crestiens. mais pource qu'il ne souffist mye dire de sa maladie qui ne touche & parle du remede a la curer qui sans faille pour oster l'enfleure de tel orgueil acoustume a maintenir en ceste maniere / laquelle chose grant charité et bien seroit pour le prouffit des dames de plusieurs* si que ja avons touché cy devant que les evesques se penassent d'oster ces laides coustumes en telle maniere que ilz excommuniassent aprés la deffence tous ceulx & celles qui maintenir le vouldront & grant bien seroit. et a parler des creatures qui se veullent par arrogance eslever en si fais boubans certes grans folye les y conduyt. Car homme se tu veulx bien adviser la misere de ton commencement / ou tu es / ou tu yras tu n'auras cause de toy orgueillir. Et se tu veulx dire que ce fait gentillesse qui te conduyt & maine a desirer telz honneurs nous te faisons assavoir que il n'est noble si n'a aultre gentillesse ne mais des vertus & des bonnes meurs & se tu ne les suis et as en toy qui que tu soyes ne n'est point gentil ne gentillesse. Et se tu le cuides estre folle opinion te deçoit. Et ce mesmes tesmoignent tous les sains docteurs qui a ce propos ont parlé en disant que celuy n'est pas le plus grant qui plus est eslevé en estat. mais celuy qui est le plus vertueux. Et saint augustin au livre des parolles de nostreseigneur nommeement parlant a vous. C'est assavoir a ceulx qui cuident estre nobles seulement pour le sang & ne font force des vertus. O fait il gent deceue par cuider / vous vous delictes en haultesse & estre reputés grans & trenchiés a y monter / mais vous n'en sçavés pas bien le chemin ains vous y forvoyés / car vous cuidés attaindre & monter hault & vous descendés par ce que le premier degré ou voulés asseoir vostre pié est orgueil qui est tresbasse & vile fosse / mais je vous adresseray mieulx au degré par ou on monte se croyre me voulés. C'est le degré d'humilité qui est le premier & puis les autres vertus ensuyvant & ce par la montés vous serés tresnobles & yrés tant hault que vous vouldrés sans que nulle mauvaise fortune vous puist nuyre. Aprés ces choses reste a parler des dames & damoiselles qui demeurent aux bonnes villes & es cités fermees affin qu'en difference de toutes pensions dire quelque chose qui a l'acroissement de leur bien & honneur puist estre. Si est assavoir qu'il advient aulcunesfois & souvent que les gentilz hommes marient de leurs filles a de riches hommes demourans es cités & bonnes villes. dont les ungs sont chevaliers ou officiers du roy. les autres bourgois ou grans marchans. Et celles ne sont pas tousjours le pis mariees s'elles le veullent prendre en gré & se oppinion ne les deçoit / mais il advient aucunesfois a d'aucunes par faulte de sens et habondance d'orgueil que elles ne s'en tiennent par pour contentes / par ce qu'elles reputent leurs maris villains envers elles qui est grant folie si que ja est prouvé si devant / car nul n'est villain s'il ne fait vilenie ne gentil s'il n'est vertueulx / & pource se elles sont nobles & gentilz femmes le doivent monstrer par bonnes meurs & oeuvres vertueuses. Car si que il est contenu ou livre de ecclesiaste Se tu es grant & tu te humilies de tant croistra plus ta grandeur & ton honneur. Car de tant seras tu mieulx prisé. A propos icelles gentilz femmes de tant que plus se humilieront devant leurs marys en obeissance & reverence & la foy que mariaige requiert de tant plus croistra leur honneur. Car quoy qu'il appartiengne a toutes femmes la faire encores icelles plus que les autres en seront prisees. Et se es compaignies des autres femmes sont trouvees courtoises humbles & humaines & a leur maisgnie non trop maistriseuses ne trop curieuses de grant service entour elles & a toutes gens amiables & benignes de honorable port maintien & habit sans oultrage elles seront de bon exemple aux autres femmes & dira l'en d'elles ce qui est dit au proverbe commun Qui des bons est souef flaire. ¶ Cy devise des manieres qui appartiennent a dames de religion. chap. .xxxix. Pource que nous avons parlé a la doctrine des dames & damoiselles / auquel estat noble les dames de religion de qui qu'elles soyent nees pour reverence de dieu a qui elles sont donnees & mariees pevent bien aller ou renc voire devant toutes a droit juger quant a honneur / pour reverence de leur espoux & d'ordre de religion qui est entre les estatz selon dieu de moult grant hautesse. Et affin que nostre doctrine soit generalle en tous les estatz des femmes parlerons a elles en ramentevant la forme de leur vivre. Laquelle nous disons il est vray / doit estre fondee sur sept principalles vertus desquelles vertus parlerons selon les ditz de jhesucrist & le tesmoignage des saintz docteurs. Et est a entendre que par la louenge des vertus sont les vices blasmes. Car se bien faire est bien il s'ensuyt que mal faire soit mal. Et pource que c'est plaisant chose d'oïr parler du bien et du mal. Nous plaist pour la reverence du sainct ordre tenir ceste forme en cestuy procés. Si disons ainsi a vous dames de religion combien que les leçons de vos status et rigles de tenir et ensuyvir les institucions establies par voz premiers fondateurs le vous notent & enseignent assez ne vous soit grief oÿr de rechief recorder par nous vos aymes si vous plaist les principalles vertus qui vous conviennent & sont necessaires / lesquelles sont sept especialles. C'est assavoir la premiere obedience sur laquelle est fondee toute ordre. La .ii. humilité. La .iii. sobresse. La quarte pacience. La .v. sollicitude. La .vi. chasteté. La .vii. concorde & benivolence. Et d'icelles nonobstant que nostre parolle s'adresse a entre vous religieuses doit estre entendu que semblablement y pevent tendre l'oreille toutes femmes & prendre ce qui peut toucher a leur proffit. Et aussi se aucune gouste ou miette en peut cheoir sur les hommes ne la vueillent pas despris escourre ne gecter la aval. Car bonne doctrine se peut comparer au bon & loyal amy. Lequel quant il ne peut ayder aumoins ne nuyst il point de ceste vertu d'obedience surquoy religion est fondee ne povons dire plusgrant louenge que ce que la saincte escripture mesmes en dit de nostreseigneur que il mesmes l'approuvant en sa personne qu'il fut trouvé obedient jusques a la mort. Si est a entendre obedience en trois choses principalles. C'est assavoir obeir a dieu en tenant ses commandemens car devant elle ne doit aller quelconque autre puis aux loys establies & aprés a son souverain. Si est doncques ainsi que la religieuse doit souverainement garder les commandemens de dieu. Aprés tenir la loy establye de son ordre qui est a entendre les pointz & rigles. Et tiercement obeir a son abbeesse ou prieure. Quant est du premier chascun scet assés quiconques trespasse commandemens de dieu il peche mortellement. Mais pource que ordre de religion est plus digne que autre estat & plus grant degré peche plus mortellement religieux ou religieuse si chiet en pechié que autre ne fait & y a plusieurs causes dont l'une est ja dicte. C'est assavoir pource que ilz sont en plus saint estat tout ainsi que pis seroit le chambellan du roy s'il commettoit quelque crime contre la magesté que ne feroit celuy qui au roy n'auroit foy ne fiance ne aucun office. Aprés qu'elles feroient contre leurs veulx qui tous touchent que dieu serviront singulierement de toute leur force & qui peche ne le sert pas / ains fait tout le contraire Si devés bien garder entre vous dames que vous ne trepassés nulz des pointz de vostre ordre. Car durement pecheriés & tel chose a vous seroit pechié qui aux seculiers ne le seroit mye pource que ce seroit contre vos institucions a qui desoberiés. Avecques ce les commandemens de vostre soubz prieure ne vous doibvent estre griefz pensant la grant merite que en obeissant humblement acquerés La deuxiesme vertu est humilité sans laquelle se toutes autres aviés ne pourriés a dieu plaire. Et que ceste vertu soit aggreable a dieu tesmoigne la saincte escripture que l'humilité de la vierge marie plus agrea a nostre seigneur que mesmes sa virginité Et comme elle luy fut agreable le tesmoigne elle mesmes en sa chançon de magnificat ou elle dit il regarde l'umilité de son ancelle. Et certes qui vouldroit bien espeluchier & cuillir les louenges de ceste vertu d'umilité ce que la saincte escripture en dit seroit si comme une droicte abisme. La tierce vertu est sobrieté en laquelle est contenue abstine. Et a demonstrer qu'elle vous soit convenable le certifierons par les parolles de saint augustin ou livre aux sainctes vierges ou il dit que sobresse est la garde & tutelle de la pensee du sens & de tout le corps. C'est la custode de chasteté / c'est la voisine de vergongne la compaigne de paix & d'amistié & l'ensevelissement de tous vices. Item oregenes de ce mesmes dit que tout ainsi que yvresse est la naissance de tous vices / aussi sobrieté est la mere de toutes vertus. Pacience en la quarte qui pourroit tous racompter les grans biens de ceste vertu. Mais pour tout dire ainsi comme il appert par la vie de nostreseigneur qui en voult estre le droit acteur si pevent appeller les paciens drois filz de dieu. Et pource les appelle l'evangille beneurés. Car pour eulx proprement est le royaulme des cieulx. La quinte vertu qui a religieuse convient est solicitude ou diligence. Et pour mieulx declarer que elle luy soit convenable sans que nous querons aultres preuves de ceste vertu dit saint hierosme sur le psaultier qu'elle vint ce qu'il dit & suppedite nature par vertueuse diligence affin que les haulx biens ne te soyent empeschés c'est que tu faces tant que tu maistries mesmes le sommeil corporel & tous tes sens lesquelles choses tu peulz faire par diligence. Car mesmes nature peult estre maistrisee et domptee par celle vertu / c'est a dire par grant cure de vouloir attaindre a gouverner selon l'esperit son propre corps / lesquelles choses sont necessaires a bonne religieuse. La sixiesme vertu est chasteté a laquelle se conforme toute honnesteté tant d'abit & atour comme de parolles et de maintien. Si vous deffend ceste vertu se a droit la voulés tenir tout vestement & atour ou il ait tant soit petit de mondanité ne curiosité. ains soit tres simple et honneste chascune selon son ordre et est contre aucunes qui veullent estre jolies en leurs vestemens & atours estraintes espinglees / laquelle chose est treslaide & lubre a dame de religion ne plus deshonneste chose a veoir ne nulle autre que femme de religion en habit desordonnee. Mais encores croist trop plus le mechief quant aucunes veullent dancer baler ou jouer a jeux balufres & entre hommes certes se me semble ennemys ainsi transfigurés ne riens n'est plus lait ne plus abhominable que vos parolles se elles se desrivent de la rigle de pureté & d'onnesteté & celles qui se tiennent en tel estat ne pensent pas le contraire que l'ennemy d'enfer ne soit entre elles / Si sont ces choses contre chasteté. Lesquelles pour dieu treschieres amyes ne veullés avoir en vous. Car vous mesleries poison angoisseuse avec miel pour vostre dampnement / mais vous delictes en celle vertu de chasteté de laquelle dit sainct ambroise ou livre de virginité en la louant. Chateté dit il fait d'homme aignel. Car qui la garde il est aignel / et qui la pert il est dyable quil la garde il est citoyen & bourgois de paradis de ceste dit saint bernard que tout ainsi que la baulme a proprieté de garder char de pourriture chasteté garde l'ame sans corruption et tient en netteté & conferme la renommee ou bonne odeur. Et pource fut dit de la bonne dame judith louee de tout le peuple tu es la gloire de jherusalem tu es la lyesse d'israel tu es l'honneur de nostre peuple a qui dieu a donné force d'homme de laquelle tu as ouvré pource que tu as aymé chasteté. La septiesme est concorde ou benivolence laquelle est necessaire entre vous et que vous la doyés aymer et tenir chiere en vos couvens comme le droit lien de paix entendés que saint ambroise ou premier livre des offices dit. Benivolence fait il est ainsi que la commune mere de tous / car elle couple & ajoint tellement gens ensemble que ilz sont comme freres loyaulx aymans le bien l'ung de l'autre & tristes du contraire. Et qui osteroit benivolence d'une assemblee de gens autant vauldroit que on leur ostast le soleil. Et puis dist il benivolence est ainsi comme une fontaine qui rassasie ceulx qui ont soif. Benivolence est une lumiere qui luist a soy & a autruy. benivolence engendre paix brise le glaive de courroux elle fait tout ung de plusieurs & a tout dire elle est de si grant puissance qu'elle peut par sus nature. Par ces choses povés entendre trescheres dames qu'en vraye loyalle amour devés entendre & vivre ensemble comme seurs en union de paix. Et a tant souffise la deuxiesme partie de ce livre. Cy fine la seconde partie. ¶ Le premier chapitre parle comment tout ce qui est dit devant peut toucher aussi bien les unes comme les autres des femmes et de la maniere et gouvernement que femme d'estat doit tenir ou fait de son mesnage. chap. .xl. Au commencement de ceste .iii. partie suyvant la route des princesses qui devant vont & puis les dames & damoiselles de court & dehors nous convient si que nous promismes parler aux femmes d'estat des cités. C'est assavoir a celles qui sont mariees aux clercz gens de conseil de roys ou de princes ou gardans justice ou en divers offices & aussi a celles qui sont mariees au bourgois des cités & bonnes villes qui en aucuns pays sont appellees nobles quant ilz sont de lignages anciens. Et aprés dirons aux autres estatz des femmes / affin que toutes se sentent de nostre doctrine. Et si que ja avons touché plusieurs fois cy devant c'est nostre entente que tout ce que recordé avons aux autres dames tant es vertus comme au gouvernement de vivre en ce qui peult a chascune femme appartenir de quelque estat qu'elle soit / soit aussi bien dit pour les unes que pour les autres si peut chascune prendre telle piece qu'elle voit qui luy appartient. et ne vueille mye faire comme aulcune folz ou folles qui sont trop aises quant ilz sont au sermon & le prescheur parle sur la charge d'aucun estat qui ne leur touche & trop bien le notent & dient qu'il dit vray & que c'est bien dit. mais quant vient a ce qui leur peut appartenir ilz baissent la teste & cloent les oreilles / & leur semble qu'on leur fait grant tort de en parler & ne prennent point garde a leurs faictz / mais ouy bien aux autres. Et pource le saige prescheur doit trop bien adviser quelz estatz de gens a a son sermon & s'il parle bien aux ungz doit si bien toucher les autres que l'ung ne se puisse mocquer de l'autre ne murmurer. Si dirons doncques ainsi de rechief nous troys vertus comme dessus disons a vous femmes d'estat & bourgoises de cités & bonnes villes que l'oreille vueillés tendre sur les enseignemens qui vous pevent appartenir principallement sur .iiii. quoy qu'ilz soyent ailleurs touchés aprés ce que nous supposons que ja vers dieu soyés bonnes & devotes / mais a ce qui touche prudence mondaine l'un des quatre. Et le premier est a ce qui appartient a l'amour & foy que devés avoir a vos maris / et comment vers eulx vous vous devés porter. Le second point au fait du gouvernement de vostre mesnaige. Et le tiers touche vos vestures & habillemens. Le quart comment vous garderés de blasme et de cheoir en diffame Et quant au premier qui est de l'amour & foy que debvés a vos parties / et comment vers eulx vous appartient a gouverner soyent vos maris vielz ou jeunes bons ou mauvais paisibles ou rioteux de petite loyaulté vers vous ou preudhommes affin que ne redisions ce que devant est ja dit / mais vous envoyrons cercher au tresiesme chapitre de la premiere partie de cestuy livre ou la en est assés a plain desclairé. Mais avec ce affin que plus vous embellisse a tenir vers eulx les manieres qui vous pevent touchier qui la sont devisees vous reduirons a memoire trois biens qui de vous gouverner bien et saigement vers eulx qui qu'ilz soyent et leur garder la foy et loyaulté promise tenir en bonne paix et en toutes choses faire vos devoirs vous peut venir. L'ung est grant merite a l'ame que acquerés faisant vos devoirs L'autre est grant honneur au monde. Et le tiers est que on a veu maintes fois et voit on souvent que quoy que plusieurs riches hommes de plusieurs et divers estatz ayent esté / et soyent merveilleux a leurs femmes en tous temps / que quant vient a la mort que conscience les reprent et advisent le bien de leurs femmes qui si bonnement les ont supportez et le tort qu'ilz ont eu vers elles que ilz les laissent dames et maistresses de tout quant qu'ilz ont vaillant. Le second point de nostre enseignement et doctrine que avons dit qu'il vous convient qui touche au faict de mesnage / c'est que vous devés mettre grant cure et diligence de distribuer saigement et mettre au prouffit les biens et la chevance que vos maris par leur labour office ou rente amainent ou pourchassent a l'ostel. Et est l'office de l'homme d'acquerre & faire venir en la maison les provisions / et les femmes les doivent ordonner et dispenser par bonne discrection & ordre convenable sans trop grant escharceté. Et aussi bien se doit garder de folle largesse Car c'est ce qui vuide et desemplit la bource et met la personne a povreté Bien adviser en toutes choses que degast ne excés n'en puisse estre faict ne s'en attendre mye du tout a la mesgnie. Ainçois elle mesmes estre dessus & s'en prendre souvent garde & de ses choses vouloir avoir le compte. Ceste saige dame ou mesnagiere se doit congnoistre en toutes choses de mesmement en appareiller a menger affin qu'elle le sache ordonner & commander a ses servans ou servantes parquoy elle puist tousjours garder la paix de son mary s'il semons gens d'honneur en son hostel / si doibt ellemesmes se besoing est aller en la cuysine & ordonner comment ilz seront servis / doit bien garder que son hostel & sa maison soit tenue nettement & toutes choses en leur place & par ordre. ses enfans bien enseignés & endoctrinés ne quoy que qu'ilz soyent petis que on ne les oye point mignoter ne aussi mener grant noise. soyent nettement tenus & riglement gouvernez ne que drappeaulx a nourrices ne riens qui leur appartienne ne traine point aval l'hostel / doit estre songneuse que son mary soit nettement tenu en robes & aultres choses. car le nect adornement du mary est l'honneur de la femme qui soit bien servy & sa paix gardee / & quant il vient a l'hostel pour prendre son repas que tout soit prest & ordonné tables & dressoir selon l'estat / & s'elle veult user de prudence & avoir les loz du monde & de son mary s'il est homme de bien luy soit a toutes heures faire bonne chiere affin que s'il advient qu'il soit aulcunement troublé en couraige sicomme en diverses choses que les hommes ont affaire livrent aucunesfois mains desplaisirs qu'elle luy puisse par son gracieux accueil faire aulcunement entreoublier. Car n'est point de doubte que c'est grant recreation a homme de bien quant il vient en son hostel & s'il a quelque ennuy en pensee & treuve sa femme qui saigement & gratieusement l'acueille & c'est bien raison que ainsi soit faict. Car celluy qui pourchasse le vivre & l'estat. & qui en a la peine & le soussy ne peut au moins que d'estre bien acueilly en son hostel ne doit point ceste femme tencier / rechigner ne rioter sa maisgnie a table. mais s'il y a aulcune chose qu'ilz ayent faict mal a point les doit reprendre en briefves parolles sans tençons. Car a refection laquelle doit estre prinse joyeusement est trop dure chose a oÿr celle note: Et se son mary est mauvais ou rioteux le doit appaiser a son povoir par belles parolles ne luy enquerre point de ses besongnes ne autres choses aucunement secrettes a tables ne devant mesgnie. mais a part et en sa chambre. Ceste saige mesnagiere avec ce que dit est sera songneuse de lever matin. Et quant elle aura ouÿ messe & dictes ses devotions & retournee a son hostel commandera a ses gens de ce que besoing sera puis se prendra a faire aucune bonne oeuvre ou a filler ou a couldre quelque autre chose. Et quant ces chamberieres auront fait leur mesnaige vouldra que semblablement facent / ne filles ne femmes ne ellemesmes ne vouldra veoir ne souffrir nulles heures oyseuses / elle achetera du lin a bon marché aux foires / fera filler en ville aux povres femmes mais se garde bien que leur peine elle ne retiengne par quelque engignement ou par sa maistrise. car elle se damneroit ne ja a son proffit n'iroit. Si fera faire toilles grosses & deliees nappes & touailles & autres linges & de ce sera tressoigneuse. car c'est le plaisir naturel aux femmes qui n'est lait ne villain mais honneste & licite si fera tant que elle aura de tres beau linge delié large a parer & bien ouvrer. Si le tiendra blanc & souef flairant bien ployé en coffre & de ce sera tressoigneuse si en seront servis les gens d'honneur que son mary amenera dont elle sera prisee & louee. Ceste saige femme prendra bien garde que riens ne pourrisse aval son hostel / & ne voise a gast dequoy povres se peussent aucunement ayder / ne que relief n'y endurcisse robbes ne soyent mengees de vers si les fera donnera aux povres. Mais s'elle ayme le bien de son ame & la vertu de charité ne fera pas seullement de ce ses aulmosnes mais du vin de sa propre boisson & de la viande de sa table aux povres acouchees a malades ou a ses povres voisins souventesfoys & ce fera elle de bon cueur s'elle est saige & a dequoy. Car c'est tout le tresor qu'elle emportera ne ja plus povre n'en sera / mais toutesvoyes elle doibt bien regarder a qui & que par discretion soit faict avecques ces choses ceste femme sera saige gracieuse c'est adire de plaisant chere honneste a couvert langaige accueildra & recevra les amys & acointes de son mary / elle parlera beau a toutes gens. se fera aymer de ses voisins leur fera compaignie & amytié se besoing en ont / ne fera refus de prester petites chosettes ne a ses maisgnies ne sera male mauldisant ne disant villennie ne tout le jour rioter pour ung beau neant: mais les reprendra voirement quant ilz mesprendront / & menacera de les mettre hors s'ilz ne s'amendent mais ce sera sans tonner ne mener grant harou si que on ne l'oye de loing. Sicomme aulcunes folles font a qui il semble que parestre bien malles & tencer fort a leurs maris & a leur mesgnie de neant que on les tiendra a sages & bonnes mesnagieres & a faire bien les embesongnees de pou de chose & trouver par tout a redire & toute jour caqueter / mais ce mesnaige la nest point de nostre doctrine. Car nous voulons que nos disciples soyent en tous leurs faitz saiges / & nul sens ne pourroit estre sans attrempance laquelle ne demande malice ne felonnie ne trop de langaige qui est chose qui moult messiet a femme. ¶ Cy devise comment femmes de estat doivent estre ordonnees en leur habit / et comment se garderont de ceulx qui tachent a les decevoir. chap. .xli. Le tiers point que voulons notifier a entre vous femmes d'estat de bonnes villes & aux bourgoises / lequel touche vos vestures & habillemens est qu'en iceulx ne vueillés point estre oultrageuses tant es coustumes comme es façons. & y a .v. especialles raisons qui vous doivent mouvoir a vous en garder. L'une que c'est pechié & chose qui desplaist a dieu d'estre tant curieux ou curieuse de son corps La .ii. que de faire oultrage on n'en est ja plus prisié / mais mains / ains que ailleurs est ja dit. La .iii. que c'est gastement d'argent apovrissement & vuidenge de bource. La quatriesme que on donne mauvais exemple a autruy / c'est assavoir cause de ainsi faire ou plus. Car il semblera a une dame qui verra a une damoiselle prendre si grant estat ou a une bourgoise que de tant qu'elle est plus grande devera encores plus croistre son estat / & c'est ce qui fait tous les jours multiplier & croistre les estatz & les boubans par ce que chascun tend tousjours a surmonter l'autre / dont maintes gens sont grevés & apovris en france & autre part. La cinquiesme que on donne par desordonné & oultrageux habit occasion a aultruy de pechier ou en murmuration ou en couvoitise desordonnee / qui est chose qui trop desplaist a dieu. Et pource chieres aymees veu que ce ne vous peut riens valoir & beaucoup nuire ne vous vueillés en telles faulcetés trop delicter / non pourtant c'est bien droit que chascune porte tel habit & estat que appartient a son mary & a elle / mais s'elle est bourgoise qu'elle se porte telle comme une damoiselle et la damoiselle comme une dame / et ainsi de degré en degré monstant sans faire c'est chose hors ordre de bonne police en laquelle s'elle est bien ordonné en quelque pays que ce soit toutes choses doivent estre limitees. Or vient a parler du quatriesme point qui est comme vous vous garderés de blasme & de cheoir en diffame. Auquel point se peult encores touchier le faict de voz habillemens tant en l'oultraige du trop grant coust comme en la maniere des façons en ceste maniere il est assavoir que posons que une femme soit de tresbonne voulenté & sans mauvais fait ne pensee de son corps si ne le croyra pas le monde puis que desordonnee en habit on la verra & seront fais sur elle mains mauvais jugemens quelque bonne qu'elle soit Si appartient doncques a toute femme qui veult garder la bonne renommee qu'elle soit honneste & sans desguisure en son habit & habillement non trop estraincte ne trop grans colletz ne autres façons malhonnestes ne grant trouveresse de choses nouvelles par especial constances & non honnestes Et avec ce la maniere & contenance y fait moult. Car si que ja est touchié cy devant il n'est riens plus desseant a femmes que laide maniere & mal rassise / aussi ne chose plus plaisant que belle contenance & coy maintien quoy qu'elle soit jeune doibt estre en ses jeux & ris attrempee & sans desordonnance a les sçavoir prendre par appoint si qu'ilz soyent bien seans & le parler sans mignotise mais soit propre & doulx ordonné & attrait en regard simple tardif & non vague & joyeuse par apoint. Mais ensuyvant la matiere de dessus est assavoir que avec le mauvais langaige & blasme qui peult sourdre a femme par habit desordonné & par maniere mal honneste y a ung autre plus perilleux inconvenient c'est l'amusement des folz hommes qui pevent penser qu'elle le face pour estre couvoitee & desiree par folle amour. Et elle par adventure n'y pensera / ains le fera seullement pour la plaisance de soymesmes & par sa propre condition qui luy enclinera. Si y a des hommes de mains estatz qui tacheront par grant diligence a les attraire en les poursuyvant par divers semblans & moult s'en peneront. Mais que doit faire la saige femme qui cheoir ne veult en blasme & qui bien est advisee que de tel amour ne peut venir que tout mal prejudice & deshonneur parquoy nulle voulente n'a d'entendre a telz musars & ne veult mye faire comme aucunes musardes a qui trop bien plaist que on les poursuyve par grans semblans & leur semble belle chose de dire si suis aymee de plusieurs c'est signe que je suis belle & qu'il y a en moy assez de bien. Je n'aymeray nul pourtant / mais a tous feray bonne chere / & autant y aura l'ung que l'autre et tous les tiendray en parolles. ceste voye n'est mye de garder l'honneur ains est impossible que longuement soit maintenue par femme qui qu'elle soit que n'en chee en blasme. Et pource la sage dessusdicte si tost qu'elle aperçoit par aucun signe ou semblance que quelque homme a devers elle pensee elle luy doit donner toutes occasions de s'en retraire en manieres parolles et semblans & tant faire qu'il apperçoive qu'elle n'y a courage ne n'y veult avoir. Et s'il advient qu'il luy die elle luy doit respondre & dire sur ceste forme et maniere. Sire se vous avés a moy pensee vueillés vous en retraire / car je vous prometz & jure ma foy que en tel amour n'ay mon intencion ne n'auray jour de ma vie de ce puys je bien jurer / car de ce suis je bien affermee en tel voulenté qu'il n'est homme ne chose nulle qui oster m'en peust & toute ma vie demoureray en ce point de ce soyés vous certain si perdriez vostre peine tant plus vous y museriés / & vous prie tant comme je puis que ne me faciés plus telz semblans ne disiés ces parolles que en bonne foy je y prendroye grant desplaisir & me garderoye a mon povoir d'aller ou vous seriés. Si le vous dy une fois pour toutes et croyés fermement que jamais en autre propos ne me trouverez & a dieu vous dy. Ainsi en brief & sans longuement escouter doit respondre la bonne & saige jeune femme qui ayme son honneur a tout homme qu'il la prie & avec ce que aussi soyent les semblans pareilz aux parolles. C'est assavoir que de regard ne de maintien ne face aucun semblant parquoy y puisse nullement penser que jamais y puist advenir. Et s'il y envoye dons quelz qu'ils soyent que elle garde bien que nulz n'en prengne Car qui don prent se vent Et s'il advient que aucune personne luy en face quelque messaige que elle die expressement & a rechinié visaige que jamais plus ne luy en parle. Et se chamberiere ou varlet qu'elle ait s'en hardist a luy dire qu'elle ne le tiengne point en son hostel. Car tel maisgnie n'est pas seure si treuve voye par bonne maniere de le mettre hors pour quelque aultre achoison sans noise & sans tençon / mais garde bien comment qu'il soit que a son mary ne le dye. Car quelque bonne voulenté qu'elle ait le pourroit mettre en tel frenaisie que ne l'en osteroit pas quant elle vouldroit & est trop grant peril et aussi n'en est nul besoing s'en garde sagement et s'en taise Car n'en sera ja homme si en grant que s'elle veult au long aller par tenir saiges manieres qu'il ne s'en retraye ne aussi dire ne le doit a voisin ne a voisine ne autre / car parolles sont raportees par quoy il advient aucunesfois que hommes contreuvent mauvaisties sur les femmes par despit de ce qu'ilz sont refusés & que ilz scevent qu'elles en parlent ou ont parlé. Si ne griefve riens taire la chose dequoy on ne peut de riens mieulx valoir la dire. Et n'est point belle vantance a femme. Avec ce femmes qui se veulent garder de blasme se doibvent garder d'aler en compaignies qui ne soyent bonnes & honnestes ne en assemblees faictes en jardins ou en autres lieux par prelatz ou par seigneurs ou autres faictes soubz quelque umbre ou couverture de festoier gens & que ce soit pour autre machination de quelque broullerie ou par elles ou par autres. Et posons que une femme saiche bien que pour elle ne soit faicte telle assemblee / si se doit elle bien garder qu'elle ne face umbre a autre. Car cause seroit du mal & du peché si n'y doit aller se elle le scet ou aucun souppeçon y a / & ains qu'elle voise nulle part si elle est saige doit bien adviser ou avecques comment et que doit estre ou elle va ne de trouver ses pelerinages hors la ville a faire pour aller quelque part jouer / ou mener la galle en quelque compaignie joyeuse n'est fors peché & mal a qui le fait. Car c'est faire de dieu umbre & chape a pluye ne sont point bons ne aussi tant aller trotant par ville a jeunes femmes au lundy a saincte avoye / au jeudy je ne sçay ou. au vendredy a saincte katherine & ainsi es autres jours si aucunes le font n'en est ja grant besoing non pas que nous vueillons empescher le bien a faire. Mais sans faille veu le peril de jeunesse la legiereté et la grant couvoitise que hommes ont communement a attraire femmes et les parolles qui tost en sont levees & a pou d'achoison est le plus seur mesmes pour le prouffit des ames & l'honneur du corps estre coustumieres de tant troter ça & la. Car dieu est par tout qui exaulce les oraisons des devotz deprians ou qu'ilz soyent & qui veult que toutes choses soyent faictes par discretion & non mye du tout a voulenté. Aussi de baigneries d'estuves et de commerages trop hanter a femmes & telz compaignies sans necessité ou bonne cause ne sont que despens superflus sans quelque bien que en peust venir. Et pource de toutes telles choses & d'autres semblables: femme si elle est saige qui aime honneur et eschever veult blasme se doit garder. ¶ Cy devise des femmes des marchans. Chapitre. xlii. Desormais or viendrons a parler des marchans C'est assavoir de femmes aux hommes qui se meslent de marchandises dont a paris & ailleurs a de moult riches et desquelz les femmes portent grant & cousteux estat & plus hault en aucunes autres contrees & villes que a paris sicomme a venise a jennes a florence a lucques avignon & autre part Mais iceulx lieux nonobstant que nulle part ne soit oultrage mieulx soit a excuser ce que elles ne sont que en ces parties de france ne seroit pource qu'il n'y a pas tant de differences des haulx estatz comme a paris & ceste part / c'est assavoir roynes et duchesses contesses & autres dames & damoiselles parquoy les estatz sont plus differenciés Et pource en france qui est le plus noble royaulme du monde et ou toutes choses doivent estre les plus ordonnees selon qui est contenu des anciens usaiges de france n'appartient point quoy qu'elles facent ailleurs si que ja est plusieursfois touché devant que la femme d'ung laboureur de plat païs porte tel estat que la femme d'un homme d'honneste mestier de paris ne celle d'ung homme commun de mestier comme une bourgoise / ne une bourgoise comme une damoiselle ne la damoiselle comme la dame ne la dame comme une contesse ou duchesse / ne la contesse comme la royne / ains se doit chascune tenir en son propre estat & ainsi qu'il y a difference & maniere de vivre des gens doit avoir es estas / mais ces rigles ne sont mye bien gardees aujourd'uy ne maintes autres bonnes qui y souloyent estre. Et pource y pert a l'effect qui ensuyt. Car sans faille oncques les orgueilz ne les estatz n'y furent en toutes manieres de gens depuis les grans jusques aux moindres si oultraigeulx que ores sont & ce peut on veoir par les croniques & anciennes histoires. Et pource que nous avons dit qu'en ytalie encore les femmes portent plus grant estat quoy qu'il soit vray ne sont ilz point de si grans frais qui si endroit sont a tout regarder veu les compaignies & boubans en maintes manieres & choses que elles font esquelles aussi bien que es robes / chascune s'efforce de surmonter l'une l'autre. Car puis que nous sommes a parler des marchandes ne fut ce pas voirement grant oultraige a celle femme de marchant de vivre voire comme marchant n'est mye comme ceulx de venise ou de jennes qui vont oultre mer & par tout païs ont leurs facteurs achetent en gros & font grant faitz. Et puis semblablement envoyent leurs marchandises en toutes terres a grans fardeaux / et ainsi gaignent grans richesses & telz sont appellés nobles marchans mais celles dont nous disons achatte en gros & vent a detail pour quatre soubz de denrees se besoing est ou pour plus ou pour moins quoy qu'elle soit riche et portant grant estat & assés de telles y a que elle fist a une gesine d'ung enfant que elle eut n'a pas longtemps Car ains que on entrast en sa chambre on passoit par deux aultres chambres moult belles ou il avoit en chascune ung grant lit de parement bien & richement encourtiné. Et en la deuxiesme ung grant dressoir couvert comme ung autel tout chargié de vaisselle d'argent blanche. Et puis de celle on entroit en la chambre de la gisant laquelle estoit grande et belle toute encourtinee de tapisserie faicte a la devise d'elle / ouvree tresrichement de fin or de chippre le lit grant & bel encourtiné tout d'ung parement / et les tappis d'entour le lit mis par terre sur quoy on marchoit tous parelz a or ouvrés les grans draps de parement qui passoient plus d'ung espan par soubz la couverture de si fine toille de rains que ilz estoient prisez a trois cens frans & tout par dessus ledit couvertouer a or tissu avoit ung autre grant drap de lin aussi delyé que soye tout d'une piece et sans cousture / qui est une chose nouvellement trouvee a faire et de moult grant coust que on prisoit deux cens frans et plus qui estoit si grant et si large que il crouvroit de tous lez le grant lit de parement / et passoit le bort dudit couvertouer qui traisnoit de tous les costés. Et en celle chambre avoit ung grant dressouer tout paré couvert de vaisselle doree. En ce lit estoit la gisant vestue de drap de soye taint en cramoisi appuyee de grans oreillees de pareille soye a gros boutons de perles / atournee comme une damoiselle et dieu scet les autres superflus despens de festes / baigneries de diverses assemblees / selon les usaiges & coustumes de paris a acouchees / les une plus que les autres qui la furent faictes en celle gesine / et pource que cest oultraige passe les autres quoy que on en face plusieurs grans est digne d'estre mis en livre. Si fut ceste chose raportee en la chambre de la royne dont aulcuns dirent que les gens de paris avoient trop de sang dont l'abondance aucunesfois engendroit plusieurs maladies. C'estoit a dire que la grant abondance des richesses les pourroit bien faire desvoyer. Et pource seroit leur mieulx que le roy les chargast d'aulcun aide emprunt ou taille parquoy leurs femmes ne se allassent pas comparer a la roine de france gueres plus n'en feroit. Si sont telz choses desordonnees & viennent de presumption & non de sens / car ceulx & celles qui les font en acquierent non mye pris / mais despris / car quoy qui prennent les estatz des haultes dames ou des princesses si ne le sont elles pas ne on ne les y appelle pas. ains ne perdent point le non de marchandes ou femmes de marchans voire telz que on les appelleroit en lombardie non mye marchans / mais revendeurs / puis qu'ilz vendent a detail. Si est trop grant folie de revestir d'aultruy habit quant chascun scet bien a qui il est c'est a entendre de prendre estat qui appartient a aultre non mye a soy / mais se ceulx et celles qui telz oultrages font soit en habit ou estat laissoient leur marchandise & prensissent du tout les grans chevaulx & les estatz des seigneurs leur estre s'ensuyvroit mais c'est trop sotte chose de n'avoir pas honte de vendre ses denrees & faire sa marchandise & avoir honte de porter l'abit. Voire qui est bel grant & honneste qui a droit si maintient & est l'estat de marchant bel & honnorable en france & en tous païs. Si se pevent telz gens appeller gens desguisés & ne disons mye pour les amenuisés d'honneur / car ainsi que dit est estat de marchant est bel & bon qui a droit le maintient ains le disons en bonne entente affin de donner conseil & advis aux femmes a qui nous parlons d'elles garder de telz superfluités qui bonnes ne sont a corps ne ame & pevent estre cause que leurs maris soient chargés d'aucun nouvel subside. Si est leur meilleur & leur plus grant sens que leurs habitz propres chascune selon soy qui sont beaulx riches & honnestes portent sans prendre autres posons que riches soient. Ha dieu que pevent telz gens faire de bien certes se ilz theraurisoient au ciel selon l'admonnestement de l'euvangille ilz seroient bien conseillés / car ceste vie est tresbriefve & celle est a tousjours si que ja est dit devant si seroit pour eulx bonne espargne pour le temps advenir que de leurs tresgrans richesses departissent aux povres par vraye charité & si font les plusieurs n'est pas doubte il est bien besoing car par celle bonne noble vertu de charité que a tant aggreable dieu / pevent achater le champ dont l'evangille parle en parolle ou est le grant tresor mucié c'est la joye de paradis: Et ung noble mot d'icelle saincte vertu dit leon pape au sermon de l'apparicion ou il dit tant tresgrande est la vertu de charitable misericorde que sans elle les autres vertus ne pevent proffiter / car combien que aucune creature soit abstinent se garde de peché soit devot & ayt toutes autres vertus sans icelle qui faict les autres valoir tout est neant / car au derrain jour du jugement elle sera portant la baniere devant toutes vertus pour ceulx qui en ce monde l'auront exercee & aymee qui les conduyra en paradis & confondra ceulx nostre seigneur en qui elle n'aura esté trouvee donnant sa diffinitive semence ce nous tesmoigne le texte de l'evangille. Si vous povez par celle voye saulver entre vous riches femmes voire en vous gardant de fraudes & de baratz en voz marchandises contre voz prouchains. ¶ Cy devise des femmes veufves vieilles & jeunes. Chap. .xliii. Pour entendre nostre oeuvre plus acomplie au proffit de tous les estatz des femmes parlerons aux vefves des communs estatz quoy que dessus ayons dit en l'estat des princesses dirons en telle maniere. Cheres amys nous mues par pitié de vous cheues en l'estat de vefveté par mort qui despoullés vous a de voz maris qui qu'ilz soient ou fussent auquel piteux estat sont livrees communement maintes angoisses & assez d'enuieux affaires: mais c'est en diverses manieres. Car a celles qui sont riches d'une guise & a celles qui mye ne le sont en une autre. Si est livré meschief aux riches par ce que on bee communement a leur oster & aux povres ou a celles qui ne sont mye riches par ce que en leurs affaire ne treuvent pitié sicomme en nulluy. Si y a avec la douleur que avez d'avoir perdu voz parties qui assez deust souffrir trois principaulx maulx qui moult generaulment soient povres ou riches vous convient sus. L'ung qui est ja touchié est que vous trouvés communement durté pou de pris & de pitié en toute personne & telz vous souloyent honnorer ou temps de voz maris qui officiers ou de grant estat estoyent qui ores en font pou de compte & pou les trouvés amys. Le deuxiesme mal dequoy estes assaillies est de divers plais & demandes de plusieurs gens en faitz de debtes ou de chalenges de terres ou de rentes. Et le tiers est le maulvais langaige des gens que de commun cours est enclin a vous courroseure si que a peines sçaurés si bien faire que on n'y trouve a redire. Et pource que vous avez besoing d'estre armees de bon sens contre ces pestilences & de toutes autres qui advenir vous pevent nous plaist vous admonnester de ce qui vous peut estre vaillable combien que peult estre que en avons ailleurs parlé mais pource qu'il eschiet a propos de rechief le ramentrons. Quant a la durté que vous trouvés en toute gent communement qui est le premier des trois dessusditz maulx y a aussi trois remedes: L'ung que tout premierement vous tourniés vers dieu qui tant veult souffrir pour creature humaine. & se bien y pensez ce vous apprendra a estre patientes qui est chose qui bien vous a besoing / & vous conduyre en point se bien y mettés le cueur que pou tiendrés de compte du pris & de l'honneur du monde. Car ores a primes pourrés apprendre comment les choses du monde sont tournables. Le deuxiesme remede est que il convient que vous disposez vostre cueur a estre doulces & benignes en parolles & en reverence a toute gent si que par celle voix vous matiez & flechissiés les couraiges des felons et par doulces prieres & humbles requestes. Item le troiziesme remede est que non obstant les dessusdictes choses & que en parolles habitz & contenance soyent doulces humbles que vous advisiés par bonne prudence & saige gouvernement comment vous vous deffendrés & garderés de ceulx qui trop vous vouldront fouller. C'est assavoir que vous escheviez leurs compaignies n'avoir que faire avecques eulx se vous povez vous tenir closement en voz hostelz ne prendre debat a voisin ne a ung ne a autre ne mesmes a varlet ne chamberiere / tousjours parler bel et garder vostre droit / & par ainsi faire & par pou vous mesler avecques diverses gens se besoing ne vous en est / escheverés que vous ne soyez foullees ne suppeditees par autruy. Au fait des plais ceulx qui vous assauldront qui est le deuxiesme mal debvés sçavoir que eschever debvez plait et procés le plus que vous povez. car c'est chose qui trop peut grever femme vefve pour plusieurs raisons. L'une qu'elle ne se congnoit & est simple en telz choses. L'autre qu'il convient qu'elle se mette en dangier d'aultruy pour faire solliciter ses besongnes & gens sont communement mal dilligens des besongnes aux femmes & voulentiers les trompent & mettent en despens huyt solz pour six. Et l'autre qu'elle n'y peut a toutes heures aller comme feroit ung homme. Et pource est le meilleur conseil qu'elle laisse avant aller aucune partie de son droit mais que ce ne soit a trop grant oultraige que elle si fiche & se doit metre en tous ses devoirs offrir raisonnables offres par bon conseil de ce qu'on luy demande ou s'il fault qu'elle soit demanderesse qu'elle pourchasse avant le sien courtoisement & regarder se par aultre voye ou moyen le pourra traire. Se on l'assault par debtes regarder quelle action & quelle cause les demandeurs ont. Et posons toutesfois qu'il n'y ayt lettre ou tesmoingtz se sa conscience sent que quelque chose soit deue garde soy bien qu'elle ne retienne le droit d'autruy car elle chargeroit l'ame de son mary & la sienne & dieu luy sçauroit bien envoyer tant de pertes au feur l'emplaige d'autre costé que la perte doubleroit. Mais se saigement se scet garder des cauteleux qui demandent sans cause elle fait ce qu'elle doit Mais se a toutes fins convient qu'elle entre en procés doit sçavoir que troys choses principalles sont necessaires a toute personne qui plaide. L'une est ouvrer par conseil des saiges coustumiers & clercz bien aprins es sciences de droit & de loys / l'autre est grant soing & grant dilligence de soliciter la cause / & l'autre est avoir argent assez pour ce faire. car sans doubte se l'une de ces trois choses faillent quelque bonne cause que la personne ayt en peril sera de la perdre. Si est mestier a la femme vefve en ce party qu'elle se tire vers les anciens coustumiers les plus usaigiers de diverses causes & non mye devers les plus jeunes leur monstrer sa raison ses lettres & tiltres entendre bien ce qu'ilz diront ne leur cele riens de ce qui peut appartenir a la cause / soit pour elle ou contre elle. Car conseiller ne la pevent fors par ce qu'elle leur dit & se leur conseil plaide ou accorde aux parties par leur advis / mais se en procés entreface diligence & paye bien / si en sera meilleure sa cause. Si luy conviendra bien pour ces choses faire et pour resister a tous les aultres ennemys se a chief en veult venir qu'elle prengne cueur de homme / c'est assavoir constant fort & saige pour adviser & pour poursuyvre ce qui luy est bon a faire non mye comme simple femme s'acrouppir en plours & en larmes sans autre deffence. comme ung povre chien qui s'aculle en ung coingnet & tous les autres luy courent sus. Car par ainsi faire entre vous femmes trouveriés assez de gens sans pitié qui le pain vous osteroyent de la main et vous reputeroit on ygnarans & simples / ne ja pource plus de pitié ne trouveriés en ame / si ne devés pourtant ouvrer de vostre teste ne en vostre sens vous fiez. Mais tout par bon conseil par especial es grans choses que vous ne sçavez. Et ainsi par telle voye vous devez gouverner entre vous vefves en voz affaires c'est a entendre celles qui sont ja d'aage & qui plus nourir ne se veullent. car quant des jeunes il appartient qu'elles soyent gouvernees par leurs parens & amys tant que remariees soyent se tiennent doulcement & simplement avec eulx & en tel guyse que maulvaise renommee n'en puisse saillir car ce seroit l'achoison de faire perdre leur bien & avancement. Le tiers remede contre les trois maulx dessusditz aux femmes vefves qui sont au dangier du mauvais langaige des gens est qu'elles se doivent garder en toutes manieres de non donner occasion de mal parler sus elles en contenances maintiens & habitz qui doibvent estre simples & honnestes coyes doubteuses du fait de leur corps qu'on ne puisse en mal murmurer. ne soyent trop acointables ne privees a hommes que on voye frequenter souvent en leur maison s'ilz ne sont leurs parens. & encores que ce soit fait discretement ne beau pere prestres ne freres pou ou neant quelque devote qu'elle soit: Pource que le monde est tant enclin a dire mal & se garder de tenir mesgnie ou l'en puist avoir aucune suspecion ne moult grant priveté ne familiarité quelque bons qu'elle les saiche / ne quoy que a nul mal n'y pensast ne leur face ne au fait de sa despence affin qu'on n'en puist parler & aussi pour mieulx garder le sien ne tiengne trop grant estat ne en gens ne en robes ne en viandes car c'est droit estat de femme vefve estre sobre & sans superfluités de quelque chose. Et pource que en l'estat de veufveté a tant de durté pour les femmes sicomme nous disons & il est vray pourroit sembler a aulcunes gens que doncques seroit leur meilleur que toutes se remariassent. Si pourroit a ceste question estre respondu que s'il estoit ainsi que en la vie de mariage eust tout repos & paix vrayement seroit sens a femme de s'i rebouter mais parce qu'on voit tout le contraire le doit moult eslongner toute femme quoy que aux jeunes soit chose comme de necessité ou tresconvenable. Mais a celles qui ja ont passé jeune aage. Et qui assez ont du leur ne povreté ne les y contraint c'est toute follie quoy que aucunes qui le veullent faire dient ce n'est riens d'une femme seulle & si pou se fient en leur sens qu'elles se excusent que gouverner ne sçauroient. mais le comble des follies & la grant mocquerie est quant une vieille prent ung jeune homme. dont petit voit on longuement bonne chanson chanter. mais tant y a que de leur malle meschance on ne les plaint point a bon droit. ¶ Cy parle a l'enseignement des jeunes filles & vieilles estans en l'estat de virginité. Chap. .xliiii. Ce n'est mye droit que au procés de noz lecons soyent oubliees les femmes ou filles qui sont en l'estat de virginité dont on peut parler d'elles en deux differences d'estas. c'est assavoir de celles qui ont propos de garder leur virginité tout le temps de leur vie pour l'amour de nostreseigneur & de celles qui attendent le temps de mariage par l'ordonnance de voulenté de leurs parens. Et ainsi comme il y a difference en leur propos doit semblablement avoir en leur habitz conversation & maniere de vivre mesmement au monde. Car a celles qui du tout se sont disposees de jamais ne l'enfraindre appartient vie tresdevote & sollitaire & quoy qu'elle soit a toutes bien seant / neantmoins a cestes affiert plus que a autres. Et si leur est necessaire faire aulcun ouvraige pour avoir leur vie ou qu'elles servent en aucun lieu elles doivent regarder que toute leur occupation soit aprés ce que leur labour necessaire ont faict au service de dieu en devotes oraisons et aussi en jeunes & abstinences faictes par discretion non mye aprés qu'elles ne le puissent porter ne continuer ne que leur serueil en puisse estre trouble Car riens de trop grant aspreté ne doibt estre prins sans bon conseil. Si se doibvent garder de tous pechez singulierement en fait & en pensee affin que le bien qu'elles font de une part ne perdent pas de l'autre car petit vauldroit estre vierge ou chaste faire abstinences & devotions & que avec ce on fust ung tresgrant pecheur ou pecheresse / si doibt toute personne qui se met a bien faire garder qu'elle offre a dieu offrande nette / car qui presenteroit au roy une tresbelle & bonne viande toute entremeslee de ordure & punaisie on ne luy feroit nul plaisir. & si la reffuseroit & a bon droit. Si doibvent estre leurs parolles bonnes simples devotes & sans trop de languaige. leur habit honneste & sans nulle cointerie maintien simple & courtois & treshumble chere les yeulx bessez & la parolle basse / si doit estre leur joye ouÿr la parolle de dieu & frequenter l'eglise & celles qui ceste vie ont esleue sont de bonne heure nees. car elles ont prinse la meilleur partie Les autres pucelles qui attendent l'estat de mariage autressi doibvent estre en contenances maintiens & belles parolles attrempees & honnestes & par especial en l'eglise coyes regardans sur leurs livres ou leurs yeulx abaissiés en rues & par voye simples & rassises / & a l'hostel non oyseuses / mais soient tousjours occupees en quelque oeuvre de leur mesnaige leurs habis & vestures bien faictz jointz & pollis mais que deshonnesteté n'y ayt & nettement tenus leurs cheveulx bien ordonnés & non mye trainans par les joues ne sailles / le parler amyable & courtois a toutes gens humble maniere non trop emparlees. & se a festes sont a dances ou a assemblees la / doivent bien estre sur leur garde que bien soyent de belle maniere & de beau maintien / pource que plus de gens ont les yeulx sur elles. et dancent simplement / chantent bassement ne soit leur regard vague ne traceant ça ne la qui trop ne s'enpressent entre hommes / mais tousjours se tirent vers leurs meres ou les autres femmes Cestes pucelles se doivent garder de prendre debat ne tençon a quelque personne ne a varlet ne a chamberiere. C'est trop layde chose a pucelle estre tenceresse & renponneuse & en pourroit perdre son bien par les maulvais & mensongeux rapors que mesgnies font souventesfois a pou d'achoison. Pucelle ne soit nullement saillant effrayee ne ribaulde par especial a hommes qui qu'ilz soyent ne a clercz de l'ostel ne varletz ne autres mesgnies & si ne seuffre en nulle guise homme la touche ne se joue a elle des mains ne de trop rigollages. Car ce seroit trop grant empirement de l'honnesteté que avoir doit & de son bon loz. Si affiert aussi a pucelle estre devote par especial vers nostre dame vers saincte Katherine & toutes vierges / & s'elle scet lire en lise voulentiers les vies / jeune aucuns jours & soit sobre sur toutes riens en boire & en menger & contente d'assez pou de viande & de foibles vins car gloutonnie a pucelle sur vin & sur viande sur toutes choses est layde tache. Pource doit bien garder qu'on ne la voye nulle fois changee par vin prendre trop largement / car se telle tache avoit on n'y esperoit quelconque autre bien si doit de droicte coustume toute pucelle mettre largement de l'eaue en son vin / & acoustumer a petit boire aussi avecques les bonnes taches & manieres qui luy affierent appartient estre a toute pucelle humble et obeissant a pere & a mere & les servir diligemment de tout son povoir. s'attendre de son mariage du tout a eulx & non mye que de elle mesmes le face & sans leur consentement / ne quelconques parolles n'en doibt tenir ne escouter personne. Et sont pucelles par ceste maniere aprinses & endoctrinees sont a desirer aux hommes qui marier se veullent. ¶ Cy devise comment anciennes femmes se doivent maintenir vers les jeunes et des meurs que avoir doibvent. Chap. .xlv. Pource que assez communement a debat & discord tant en oppinions comme en parolles entre vieilles gens & les jeunes si que a peine se pevent entresouffrir comme s'ilz fussent de deux especes laquelle chose fait l'aage qui tout ainsi qu'il est differencié met difference en leurs meurs & condicions nous semble bon pour mettre paix de celle guerre entre les femmes de divers aages qui nostre doctrine pourront ouÿr que nous ramentevions aucunes choses qui bonnes y pevent estre. Mais dirons premierement aux anciennes les meurs qui leur advisent. Il appartient a toute femme d'aage qu'elle soit sage en fait en habit contenance & parolle. en fait doibt estre saige / par ce que advis doibt avoir & memoire des choses que veues a advenir en son temps. Et pource avant aucune chose qui veult faire ou entreprendre doit ouvrer par l'exemple d'icelles. car s'elle a veu mal ou bien advenir a elle / ou a autre par tenir aulcunes manieres penser peult que ainsy luy adviendra par semblablement faire. Et pource dit on que vieilles gens sont communement plus saiges que les jeunes. Et est vray pour deux raisons. L'une pource que leur entendement est plus parfait & a plus grant consideration. Et l'autre qu'ilz ont plus grant experience des choses passees: pource qu'ilz ont plus veu. Si leur appartient doncques estre plus saiges / & s'ilz ne le sont plus sont a reprendre. Et sans faille quant vieilles gens sont sans sens ou nices ou qu'ilz facent les follies que jeunesse admonneste aux jeunes & dont mesmes on les reprent il n'est si grant mocquerie. Et pource l'ancienne femme doibt bien estre pourveue qu'elle ne face chose dont on y puist noter follie ne luy appartient dancer baller ne rire follement mais s'elle est joyeuse de sa condicion doit toutesfoys regarder qu'elle prengne ses joyeusetés par apoint non mye de la maniere des jeunes gens: mais plus rassisement die ses parolles a trait & gracieusement face ses esbatemens / & sans nul effroy / car quoy que nous disons que saige doibt estre & rassise n'entendons par pourtant que rechignee soit malle ramponneuse ne maulgratieuse pour donner a croire que c'est tout sens. Car ainçois se doit garder de telles passions si viennent communement a vieilles gens. C'est assavoir d'estre ireulx maugracieux & rechinés pource la saige ancienne quant elle sentira que son couraige sera enclin a tencer ou se courroucer elle la moderera par telle sage distrecion disant a soy mesmes dieu & que as tu que demandes tu est ce fait de saige femme d'ainsi se demener ou troubler se ces choses te semblent maufaictes / il n'est mye en toy de tout amender soies plus en paix ne parle pas si maugracieusement se tu te voies comment ta chere est maugracieuse quant tu es en tel despit grant orreur en auroies soies plus conversable & plus debonnaire a tes gens et ceulx que tu dois chastier reprens les plus courtoisement et te garde de tel ire / car c'est chose qui desplaist a dieu & en vault pis ton corps & moins en es aymee. Il appartient a avoir pacience. Telles choses & semblables doit dire a soy mesmes la saige femme ancienne quant les mouvemens d'ire luy viennent avec ce sens doit estre l'ancienne femme vestue large et d'abillement honneste. Car a ce propos dit ung vray mot machault vieille coincte et jolie est matiere de mocquerie / sa contenance de beau port & honnorable. Car en verité quoy que nul die c'est beau parement et chose de grant honneur et reverence en une place & qui bien y tient son lieu souventesfois que une ancienne personne soit homme ou femme quant elle est saige ou de honnorable maniere en toutes choses la parolle de ceste saige femme ancienne doit estre toute meue par discretion se garde bien que de sa bouche n'isse folles parolles deshonnestes / car chose de plus grant derision n'est que sotte parolle & mal honneste en vieille gens / pource les doit dire toutes de bon exemple Et a venir a ce que nous avons dit devant. C'est assavoir a parler du contens et mal accord qui est communement entre vieilles gens & jeunes gens la saige ancienne femme doit estre sur ce advisee en telle maniere que quant aucun mouvement luy viendra en pensee ou en parolle contre jeunes gens pour leurs jeunesses que elles ne puissent pas bien soufrir pensee en soy mesmes. Beau sire dieu tu as esté jeune advise bien quelles choses tu faisoies en ce temps eusses tu voulu qu'on parlast ainsi de toy pourquoy leurs cours tu tant seur advise comment sont grans les aguillons de jeunesse tu en dois avoir pitié Car tu es passee par ces pas on doit jeunes gens reprendre & tencer voirement de leurs follie. Mais non mye pourtant les haïr ne diffamer / car ilz ne scevent qu'ilz font & ne congnoissent pource les supporteras benignement & chastieras par bonne maniere ceulx & celles qui te touchent & se les autres le blasment ou diffament tu les excuseras par pitié advisant l'ignorance de jeunesse qui leur toust a avoir plus grant congnoissance. Ha dieu advises en toy mesmes que se tu n'as a present en toy les mouvemens que jeunesse a ne plus ne te delictes en telz folies par vieille qui t'a meuree & refroide tu n'es mye pourtant sans pechié ains en as par adventure de plus grans et de plus gros que tu n'avoyes de tel aage ou que assés de jeunes gens n'ont & se ces vices la t'ont delaisee d'autres plus mauvais t'ont acueillie comme envie couvoitise ire impacience gloutonnie par especial de vins en quoy tu fais souvent de grans deffaultes. Et toy qui dois estre saige n'a pas puissance de y resister par ce que l'inclination de vieillesse tire tempte & admonneste & tu veulx que iceulx jeunes soient plus saiges que toy / c'est assavoir que ilz resistent aux temptations que jeunesse leur met en couraige et facent ce que tu ne peus faire si laisses en paix jeunes gens & plus ne murmures contre eulx. Car se bien te regardes assés as affaire de toy mesmes. & se les vices de jeunesse t'ont laissee ce n'est mye par ta vertu / mais par ce que nature plus ne s'i encline et pour ce te semblent ilz si abhominables. ¶ Cy devise comment jeunes femmes se doivent maintenir vers les anciennes. chap. .xlvi Si viendrons aux enseignemens qui pevent garder les jeunes gens de contendre arguer mesaymer ne despriser les anciens / mais les avoir en toute reverence. & leur dirons ainsi. O enfans & entre vous jeunes gens qui estes abilles a retenir & aprendre entendés la leçon qui vous peut introduire prouffitablement en meurs & coustumes qui a tenir vous affierent vers les treshonnorables estatz des anciens. Laquelle leçon vous peut introduire en cinq principaulx pointz. dont le premier point appartient a la reverence que porter leur devés. Le deuxiesme a l'obeissance. Le troisiesme a la crainte Le quatriesme en l'aide & reconfort. Et le cinquiesme a adviser le bien qu'ilz vous font & que par eulx. dont quant au premier point qui est de la reverence que par droicte ordonnance leur devés est escript que il fut ung roy en grece que on nommoit figurgus / qui maintes belles lois trouva & entre les autres en establit une telle que les jeunes gens portassent tresgrant honneur & reverence aux anciens. Si advint une fois que celluy roy ou autre sien successeur avoit envoyé ses ambassadeurs en une autre contree avec lesquelz estoient alés pour les garder servir & acompaigner de nobles gens du païs Advint que quant temps fut de faire leur legation la presse estoit moult grande ou lieu ou assis estoient / car la fut assemblee la gent pour ouÿr ce que dire vouloyent si estoient les places toutes prinses. Si y vint ung ancien homme pour ouÿr comme les aucies & ala traçant tout a l'environ pour trouver a se seoir & nul de sa nation trouva si courtois qui point de lieu luy presentast mais quant il vint a l'endroit ou seoient les jeunes estrangiers dessusditz tantost selon les lois de leur païs se leverent & firent reverence & place au vieillart. laquelle chose fut tresgrandement notee & prisee de tous. Et ceste mesmes maniere tenoient semblablement les rommains au temps qui se gouvernoyent par souveraines ordonnances. Et pourtant entre vous enfans & jeunes gens cest exemple par enseignement vous soit doctrine / car sachiés que droit & raison veult que honneur leur soit portee & mesmes la saincte escripture le tesmoigne & soyés certains que en ce faisant vostre tresgrant los y sera. Car l'honneur n'est mye a celluy a qui on le fait. Et s'il est ainsi que honneur leur devés il s'ensuyt que souverainement vous devés garder de les mocquer ne dire ou faire derisions injures oultrages ne vilennies quelconques desplaisir ne arguer a ceulx sicomme font aucuns mauvais enfans qui trop en sont a reprendre / qui les appellent vieillars ou vieilles / mais c'est ung bel reproche a qui bien le gouverne. Le deuxiesme point qui est comment leur devés obeir touche comment devés croire certainement que ilz sont plus saiges que vous si appartient que vous vous tenés a leurs oppinions plus que aux vostres / c'est a entendre des anciens saiges que usiés de leur conseil & de vos plus grans fais ordonnés & riglés par eulx et par ainsi ne pourrés estre aprins. Le quatreiesme point est que tous ne soient ilz pas fors de corps pour vous batre / et que ja n'ayés celle doubte si les devés vous craindre sicomme s'ilz fussent tous vos peres & vos meres. La raison est pource qu'ilz ont avecques eulx en leurs sens Et sçavoir le baston de correction qui vous appartient pource vous affiert redoubter leur presence / c'est assavoir vous garder de mesprendre la ou ilz sont: car tost l'apercevroient Le quatriesme est que vous leurs devez ayder & reconforter de la force de vostre corps & aussi de voz biens piteusement en leurs maladies & foiblesses a ceulx qui besoing en ont par humaine compassion pensant que semblablement devendrés impotens & foibles se vous tant vivés si vouldriés bien adonc que on vous reconfortast & aussi pour la tresgrande charité & aulmosne que c'est envers dieu / car plus grant enfermeté n'est que vieillesse. Item le cinquiesme point qui est du bien que par eulx recevés lequel plus vous doit esmouvoir a les suporter & avoir compassion d'eulx est que ce sont mesmement les loys par ce estes enseignés & riglés en ordre de droit si ne pourriés jamais rendre ces grans benefices & qui aussi soustiennent tous les jours en toutes terres païs & royaulmes les belles rigles & ordonnances du monde. car non obstant la grant force des jeunes se ne fussent les saiges anciens le monde yroit a confusion / & ce mesme tesmoigne la saincte escripture qui dit mal pour la terre dont le roy ou seigneur est enfant c'est a dire jeune de meurs et aussi & par ces rigles entre vous jeunes vous devez ordonner & maintenir vers les anciens affin que le bien de vous & de vostre renommee mesme en croisse. Car moult est grant auctorité la bonne renommee qui est recitee par la bouche de saige ancienne personne de la relation d'autruy & y adjouste l'en grant foy parquoy se les jeunes qui la desirent estoyent bien advisés ilz devroyent mettre trop grant peine d'estre en leur grace par bonnes meurs affin que d'eulx ilz fussent loués. Si touche cest admonnestement que dit avons en ce pas tant les jeunes hommes comme les jeunes femmes. Mais pour descendre a nostre propos a l'enseignement des femmes pource que les sens et les biens dessusdictz sont es anciennes / c'est assavoir en ceulx & celles qui sont honnorables & saiges car nostre entente n'est mye d'aucuns maleureux vieillars ou vieilles endurcis en leurs pechés & vices ou n'a quelconques sens ne bonté & ceulx sont a fuyr plus que chose nee / mais de bonnes & honnestes se doibt voulentiers accointer toute jeune femme qui desire honneur aller a festes ou a quelconque lieu que ce soit voulentiers en leur compaignie plus que avec les jeunes / car plus en sera louee & plus seurement yra & se aulcune chose venoit en l'assemblee mal apoint ja le diffame ou blasme ne sera sur telle qui en honnorable compaignie d'ancienne femme bien nommee sera. Si doibt si que dit est la jeune femme servir & honnorer & porter grant reverence a l'ancienne & suporter d'elle posons qu'elle feust aucunement male ou dangereuse recevoir en gré sa correction ne luy respondre point maulgracieusement mais se taire ou parler courtoisement l'apaisier par bel se elle peut & se garder de faire les choses qu'elle scet qui la peut mouvoir a ire & de ce faire sera tres louee. Et par ces voyes tenir de vieilles gens aux jeunes gens & de jeunes aux vieulx pourra estre gardee & maintenue[**u/n entre eulx qui souventesfois sont en grans desaccors. ¶ Cy devise des femmes des mestiers comment gouverner se doivent. Chap. .xlvii. Or nous convient parler de l'ordre de vivre des femmes mariees aux hommes des mestiers qui demeurent es cités & bonnes villes sicomme a la ville de paris & autre part non obstant que tout le bien que devant est dit pevent prendre en leur usaige se il leur plaist. mais non pourtant que les mestriers soyent plus honnestes les ungs que les aultres sicomme orfevre brodeur armurier tapissier & autres plusieurs que ne sont maçons cordonniers & telz semblables a toutes appartient que elles soyent tressoigneuses & dilligentes se chevances veullent avoir par honneur de solliciter leurs maris ou leurs ouvriers de eulx prendre matin a la besongne & tard laisser / car sans faille il n'est nul si bon mestier que qui n'y met dilligences a peines peut on aller de pain a autre. Et avec ce que tel femme doibt solliciter les aultres a ellemesmes appartient mettre les mains a la paste tant faire que elle se congnoisse en l'ouvrage affin que elle saiche deviser a ses ouvriés se le mary n'y est reprendre s'ilz ne font pas bien doibt estre dessus pour les garder d'oiseuseté car par ouvriers mausongneux est aucunesfois desert le maistre & quant marchés viennent a son mary de faire aucun ouvraige aucunement dangereux & non acoustumé elle le doibt admonnester par bel que il garde bien que il n'en prengne marché ou il puist perdre & luy conseille que le moins qu'il puisse face de creances s'il ne scet bien ou & a qui / car par ce plusieurs viennent a povreté quoy que aucunesfois la couvoitise de plus gaigner ou de la grant offre que on leur fait / leur face faire. Avec ce doibt tenir son mary en amour le plus qu'elle peut a celle fin que plus voulentiers se treuve a l'hostel & que il n'ayt cause de suyvre les sottes compaignies d'aultres jeunes hommes en tavernes & autres superflus & oultrageuses despenses si que assez de gens de mestier & par especial a paris font desquelles par doulcement traicter le doibt garder le plus que elle peut. Car on dit que trois choses chassent l'homme de son hostel femme rioteuse cheminee qui tient fumee & maison ou il pleut. Avec ce elle se doit tenir voulentiers a l'hostel non mye allant tous les jours trotant ça & la voisinant pour sçavoir que chascun fait ne visitant souvent commeres / car c'est faict de maulvaises mesnagieres si ne luy sont bien seans tant de compaignies faire par ville ne troter a pelerinages trouvés sans besoing qui ne sont toutes fors despences sans necessité. Avec ce doit admonnester son mary que ilz vivent si sobrement que la despence ne passe la gaigne si que au bout de l'an se treuvent en debtes se elle a enfans leur face aprendre premierement a l'escolle affin qu'ilz puissent & sachent mieulx servir dieu aprés soyent mis a aulcun mestier par quoy leur vie puissent avoir. Car grant avoir donne a son enfant qui luy donne science marchandise ou mestier & les garder de mignotises & de friandises sur toutes riens. car en verité c'est une chose qui moult honnist les enfans de bonnes villes qui est grant peché a peres & a meres lesquelz doibvent estre cause du bien & des bonnes meurs de leurs enfans & ilz sont aucunesfois achoison par les friandises en quoy ilz les nourrissent & les grans mignotises que ilz leur font de leur mal & perdicion. ¶ Cy devise des femmes servantes & chamberieres. chap. .xlviii. Affin que tout se sente de nostre admonnestement en bien vivre parlerons mesmement aux femmes servantes & chamberieres de paris & d'aultre part & pource que en plusieurs lieux la necessité de gaigner leur vie & assez en est il par ce que elles ont esté mises bien jeunes a servir l'occupation du service mondain leur a par adventure empeschié de sçavoir si largement des choses qui appartiennent a sauvement comme autres font & aussi a servir dieu en oyant messes sermons et disans patenostres & oraisons dont peut estre desplaisir a auculnes bonnes mais besoing de servir ne leur seuffre nous semble bon parler ung petit de la maniere en fait oeuvre ou pensee qui pour leur sauvement a tenir leur est prouffitable & aussi de ce qu'elles doibvent eschever. Si doit sçavoir toute femme servante qu'elle faict a excuser de toutes choses mesmement vers dieu se elle ne les fait que sa maistresse ou autre femme aisee n'en sera pas excusee / c'est assavoir que se elle est en service par necessité de son vivre & il convient que pour son service mieulx acomplir tire grant peine lieve matin & couche tard disne & souppe aprés les autres & mal a son loysir / mais aille mengeant ça & la tousjours en servant & par adventure non mye bien largement aura sa substentation / mais assez escharcement & ric a ric se telle femme ne jeusnes mesmes tous les jours commandés de l'eglise elle en faict vers dieu a excuser voire se elle sent que sans grever son corps lequel par adventure deffauldroit si qu'elle ne pourroit gaigner sa vie ne le peut faire non mye que elle brise son jeune par gloutonnie & par folle presumption disant je suis servante je ne doy mye jeusner. Et pource discretion & bonne conscience doivent faire la difference & en estre juges Car il est des chamberieres plus aises de toutes choses que assez de mesnagiers est il qui jeusnent ou font abstinences pour l'amour de dieu si ne le disons mye pour icelles. Et semblablement disons d'aller en l'eglise & estre en oraisons. que doit faire la bonne servante qui veult deservir estre sauvee certainement elle doit avoir que dieu qui tant congnoist voit ne demande que le bon cueur vers luy ne fauldra a bien ouvrer et pour celle qui tel aura & se sauvera en tel maniere que elle se gardera de tous lais & mauvais pechés portera loyaulté en faict & en dict a maistre & a maistresse et songneusement les servira et mesmes en faisant la la besongne pourra dire ses patenostres & ses devotions & se elle peut estre de fait au moustier le cueur y sera par bonne voulenté & toutesfoys n'est mye a croyre que nulle ou pou soit occupee que s'elle veult prendre la peine de lever matin qu'elle ne puisse bien avoir espace d'oÿr une messe le plus des jours se recommander a dieu puis s'en retourner faire sa besongne & telle voye tenir avec les autres biens que bonne servante peut faire sans faille les conduyront a sauvement. Mais tenir la maniere que aucunes gouliardes & mauvaises font est chemin dampnable. Et pour les reprendre de leurs mauvaisties & follies en dirons il est aucunes faulces gloutes chamberieres que par ce qu'elles scevent assez du bas vouler et bien servir pour mieulx flater es grans hostelz des bourgois & riches gens on leur baille grant gouvernement pource qu'elles scevent bien faire les bonnes mesnagieres si ont office d'acheter la viande et aller a la chair ou trop bien batent le cabas qui est mot communement dit qui est a entendre faire acroire que la chose couste plus que elle ne fait & retenir l'argent / si font entendant que le quartier de mouton leur couste quatre soulz que elles ont pour dix blans ou moins & ainsi des autres choses si pevent par celle voye faire aval l'annee grant dommaiges / et plus font telz jours est / car elles apportent a part ung morcellet de friandise si font faire ung pasté et sur la taille de leur maistre le content au four. Et puis quant leur maistre est au palais ou en la ville & leur maistresse a l'eglise a la grant messe la desjeunerie est faicte en la cuisine a bon gaudeamus et n'est pas sans bien boire et du meilleur et la viennent les autres chamberieres de la rue qui sont du flot des chamberieres et autres commeres & dieu scet comme la se fourrent et aucune porte le pasté en la chambre que elle a en la ville. et la vient le gentil gallant et ainsi se rigollent / s'il y a femmes qui repairent en l'ostel qui aident a faire les lessives & a escurer les potz celles sont de la cordelle de la chamberiere / car elles font la besongne de l'hostel tandis que icelle va jouer affin que le maistre & la maistresse treuvent tout prest quant ilz vendront si les envoye bien a heure / mais dieu scet comment boudees de vin & de viandes si leur servent d'ung autre office. car aucunesfois quant on fait la lessive a l'hostel & la maistresse qui en sera bien embesongnee cuidera que sa chamberiere soit a la riviere pour laver la lessive & elle est aux estuves paix & aise / et a ses femmes qui luy font sa besongne / mais ne les paye pas du sien / si a ses cousins & ses comperes qui la viennent demander a l'hostel & veoir aucunesfois & dieu scet que les cousinages & les chalandises de maintes commeres qu'elles a en la ville coustent a l'ostel maintes bouteillees de vin / mais s'il advient quel tel femme serve en lieu ou il y ait jeune maistresse nouvelle mariee / et ung pou nicette elle est bien arrivee. Car bien se sçaura pener de flater le maistre & de parler a luy bien en preude femme & dire fy de flatars / affin que se fie bien a elle de sa femme & de tout / mais ne fault pas a luy tirer bien les vers du nés / car d'autre coste raflatera la jeune fille / si que par celle maniere les tendra tous deux qu'ilz ne croiront a autre dieu & adonc vin & viande chandelle pain lart sel & toute despence d'ostel sera bien gouverné & se le maistre dit aucunesfois que les garnisons y faillent trop tost incontinent aura sa responce preste disant que c'est pource qui faict de grans disners & semont tant les gens de boire / mais s'il advient que aucun galant luy promette ou donne chapperon ou robe pour faire ung message a sa maistresse se elle ne le fait de bonne maniere que elle soit arse de telles gloutes chambrieres est il aucunesfois si est moult grant peril en ung hostel. Car par le beau service que elles scevent faire leurs flateries bien appareiller & beau respondre aveuglent tellement les gens que on ne se prent garde de leurs mauvaisties / car elle se meslent de devotion parmy pour mieulx tout couvrir & vont au monstier a tout patenostres & la est le peril. Si vous en prenés garde entre vous qui estes servis que ne soyés deceus. Et a vous qui servés le disons affin que abhomination aiés de telz choses faire. Car sans faille celles qui le font se damnent & desservent mort d'ame & de corps / car de telles sont arses ou vives enfouyes qui tant ne l'ont desservy. ¶ Cy parle a l'enseignement des femmes de folle vie. Chapitre .xlix. Tout ainsi comme le soleil luyst sur les bons & sur les mauvais n'aurons point de honte d'espandre nostre doctrine mesmes sur les femmes qui sont folles legeres & desordonnees vie quoy qu'il ne soit riens plus abhominable & ce ne devons mye avoir pensant que la digne personne de jesucrist n'eut pas orreur de leur tenir resne en les convertissant donques pour charité & intention de bien & affin que aucunes d'elles puist se l'aventure si a donné que elle l'oye recueillir & retenir de noz enseignemens quelque chose qui puisse estre cause de la retraire de vie folle. Car plus grant aumosne ne peut estre faicte que de retraire le pecheur de mal & de peché dirons ainsi ouvrés les yeulx de congnoissance entre vous miserables femmes donnees a peché tant deshonnestement retrahés vous tandis que la lumiere du jour avés & ains que la nue vous surprengne / c'est a dire tandis que vie au corps vous dure que mort ne vous assaille & prengne em peché qui vous conduise en enfer. Car nul ne scet l'eure de la fin avisés la grant ordure de vostre maniere de vivre tant abhominable que avec ce que vous estes en l'ire de dieu le monde vous desprise que toute personne honneste vous fuyt comme chose excommuniee & en rue destourne sa veue que ne vous voye. Et pourquoy dure en vous tant ville couraige que on parle de telle abhominacion vous tenez plungiees comment peut estre ramenee a tel vice femme qui de sa nature & condition est honneste simple & honteuse qu'elle puisse endurer tant de deshonnesteté vivre boire & menger entre hommes plus vilz que pourceaulx ne d'autre gens n'avez congnissance qui vous batent traisnent & menassent & desquelz estes tous les jours en peril d'estre occises. Helas pourquoy est simplesse & honnesteté de femme ramenee en vous a telle paillardise. A pour dieu femmes qui portés le nom de crestienté & qui le convertisés en si vil office levez sus vous sourdés de la boue tant abhominable & ne vueillés plus souffrir voz povres ames chargees des ordures commises par les villains corps. Car dieu tout piteux est apareillé vous recevoir a mercy se repentir vous voulez & criés mercy par grant contriction. Si prenez exemple a la benoiste marie egiptienne qui de folle vie se repentit & a dieu se convertit qui est glorieuse saincte en paradis. Semblablement la benoiste saincte affre qui offrit son corps dequoy elle avoit pechié a martirer pour honneur de nostre seigneur & autres pareillement qui ont esté sauvees Et se aucunes de vous se vouloit excuser disant que ce feroit elle volentiers / mais trois raisons l'en destournent. L'une pource que les deshonnestes hommes qui la hantent ne luy souffreroyent. L'autre que le monde qui l'a en abhomination la debouteroit & chasseroit de tous lez & pource puis qu'elle est tant a honte jamais ne se oseroit veoir entre gens. La tierce que elle n'airoit dequoy vivre car elle ne scet nul mestier Si dirons que ces raisons riens ne vallent Car remede peut avoir en toutes Le premier est tel savoir doivent qu'il n'est point de doubte que femme n'est tant commune ne acointe de plusieurs que se elle veult bien a certes se disposer a retraire de pechié quoy que advenir luy en doye crier mercys a dieu par repentance & se tirer devers luy par ferme propos de jamais n'y renchoir il la gardera bien de tous ceulx qui l'en vouldroient destourber / mais que elles mesmes s'en vueille garder en fait & maintien laisse tantost son tresdehonneste habit & se veste & affuble de robe large & honneste & fuye les repaires que hanter souloit se traye vers le monstier & l'eglise en devotes oraisons suyve les sermons devottement & en grant repentance & contricion se confesse a saige confesseur. Et a tous ceulx qui l'admonnesteront de pechié respondre plainement que plus tost offreroit son corps a martire que elle le souffrist. Car dieu luy a donné grace de soy repentir & retraire si ne luy adviendra jour de sa vie pour mourir. Et par celle voye tenir n'est point de doubte apellant dieu a son aide qu'i n'y aura si grant goliard donc elle bien ne se delivre & se ores aucun trouvoit si mauvais qu'elle ne peust resister tantost contast son fait a justice qui pitié en auroit & y seroit pourveu. A l'autre raison qui est que le monde la despiteroit ne doit avoir telle oppinion ne pource laisser. Car le vray est tout au contraire & ne face nulle doubte que toutes les creatures qui la verront ainsi convertie & honteuse de son peché & folle vie en auroient tresgrant pitié l'appelleroient vers eulx luy diroient bonnes parolles & luy donroient occasion de perseverer & bien faire & pourroit estre veue & si bonne & si honneste vie tant devote doulce & humble que la ou elle souloit estre deboutee de chascun seroit apellee de toutes bonnes gens & cher tenue & ainsi par bien faire & la grace de dieu auroit recouvré honneur pour honte. Et pour quoy ne seroit. Car quant dieu luy auroit pardonné & prinse en grace ne seroit pas raison que le monde la boutast Helas sans faille toute femme ainsi donnee a honte & peschié deveroit bien desirer estre remise en cestuy estat laquelle chose seroit se disposer se vouloit / la tierce raison qui est qu'elle n'auroit dequoy vivre ne vault. Car se elle a corps fort & puissant pour mal faire & pour souffrir maintes batures & assez de mescheances elle l'auroit bien a gaigner sa vie / mais que ainsi fust disposee comme nous disons / car chascun la prendroit voulentiers a aider a faire les lessives en ces grans hostelz si en auroient pitié & voulentiers luy donneroient a gaigner / mais que bien gardast que on ne veist en elle ordure ne mauvaistie en nul endroit filleroit garderoit des accouchees & des malades demoureroit en une petite chambre en bonne rue & entre bonnes gens la vivroit simplement & sobrement si que on la veist nulle fois yvre ne malle ne tenceresse ne grande quaqueteresse & gardast bien que de sa bouche n'issist quelconques parolles de lubreté ne de deshonnesteté / mais tousjours courtoise humble & doulce & de bon service a toutes bonnes gens & bien se gardast que homme n'attraist. Car elle perdroit tout Et par ceste voye pourroit servir dieu & gaigner sa vie si luy feroit plus de bien ung denier que cent receus en pechié. ¶ Cy parle en louant les femmes honnestes & chastes. Chap. .l. Tout ainsi comme le blanc du noir se differe et que contre l'ung l'autre mieulx est apperceue la difference nous plaist pour donner plus grant veue aux femmes chastes & honnestes parler a elles en les louant non mye pour les orgueillir / mais affin que perseverance de bien faire leur soit plaisir et que toutes femmes desirent estre de ce renc si en dirons aprés ce que nous avons parlé aux povres pecheresses. car tout ainsi comme a icelles deffaillans se pevent par grace de dieu relever convertir les bonnes par temptation d'ennemy & fragilité pervertir & estre peries & dampnees. Car point n'est congneue la constance du bon pelerin jusques a ce qu'il ayt acomply le terme de son voyage. Et pource considere la povre fragilité humaine tost encline a trebuscher nul ne doit presumer de soy que il soit plus fort que fut saint pierre ne que david salomon & aultres de grant sçavoir qui trebucherent en peché. Si dirons ainsi a vous femmes honnestes de chaste vie. Salut par dilection amys cheres le plaisir que nous prenons a la lueur de chasteté nous desduit a vous escripre tant les proprietés d'icelle noble fleur comme les louenges qui luy sont donnees a celle fin que tout ainsi que quant on loue le bon ouvrier par le bon ouvraige de plus en plus il se delicte a bien ouvrer faciés semblablement. Et quoy que assez suffise descripre toutes ses proprietés seroit fort neantmoins aulcunes belles & bonnes voulons en brief ramentevoir. Chasteté a telle proprieté qu'elle rend la personne en qui elle est & demeure agreable devant dieu sans laquelle nul n'y pourroit plaire. Et il y pert par ce que recite sainct ambroise quant il dit que de creature humaine fait devenir ange. Et celle mesmes sentence accorde saint bernard ainsi disant que plus belle chose fait il peut estre que chasteté qui de creature humaine conceue d'orde matiere & semence & en peché peut faire ung tresnet & plaisant habitacle a dieu. Chasteté dit il est la seulle vertu qui mesmes en ce monde mortel represente l'immortalité de lassus / c'est assavoir que les creatures qui l'ont en eulx se pevent comparer aux saintz esperitz du ciel si sont infinies les proprietés & louenges que la saincte escripture recorde de ceste vertu celeste. Et avec ce que elle est tant tesmoignee estre haulte devant dieu l'experience nous demonstre semblablement au monde & a la louenge exaulcee / car il ne sçaura estre creature remplye de tant de defaulx que s'il est renom que elle soit chaste que on ne l'ait en reverence & se elle est renommee du contraire d'aucune personne quelque bien qu'elle face que on ne s'en mocque en derriere & que moins n'en soit prisee. Si vous y vueillés doncques delicter de plus en plus entre vous preudes femmes / non mye par faintise montrer par signes & parolles que le soyés & que couvertement ait en vous le contraire. Car dieu a qui riens n'est mucé le sçauroit bien qui vous en pugniroit / mais en realle verité soit telle vostre conscience par droit effect. Et ne faictes comme aucunes folles qui cuident par parler des aultres mucier leurs follies ou faire acroire que moult sont preudes femmes & que tel fait ont en abhomination / mais telle maniere fait a despriser. car quelque bonne que une femme soit de tant comme elle est bonne luy appartient plus se taire en tel cas pource que elle doit penser que les autres pareillement le sont. Car n'est point signe que elle soit quant tant treuve sur les autres a dire. Car en ce cas luy affiert prendre son cueur a autruy. Si ne vous devés doncques orgueillir pour vostre chasteté suppeditant ne mocquant les autres posons que sceussiés de vray leurs vices n'en parler en mal pour vous aloser & monstrer que mieulx vaillés pour deux principaulx raisons. L'une car vous ne sçavés qui vous est a advenir ne comment temptees serés Car dit le proverbe commun. quant la brebis est vieille si l'emporte aucunesfois le loup L'autre que si vous n'avez celuy peché vous en avés peut estre d'autres pires envers dieu si que en ce livre est aucunesfois touché / quoy qu'ilz ne soyent mye par adventure si deshonnestes au monde. Si devez avoir pitié des deffaillantes prier pour elles leur donner occasion d'elles retraire & louer dieu de ce que de tel mal vous a gardés luy prier qu'il vous doint perseverance / fuir les occasions qui vous pourroient faire encliner a pechié vous tenir humbles vers dieu & ne vous fier en vous mesmes / mais tousjours estre craintives & ainsi & par ceste voye tenir pourrés conduyre vostre charroy jusques a fin & terme de gloire / laquelle dieu vous ottroit. ¶ Cy dit des femmes des laboureux. chap. li. Or nous convient tirer vers la fin de nostre procés dont il est temps desormais parlant aux simples femmes de labour es villages auquelles n'est mestier deffendre les grans paremens ne oultrageux habitz. Car de ce sont bien gardees & non pourtant quoy que elles soyent nourries communement de pain bis de lart de potage & de eaue abuvrees & que assés de peine trayent est leur vie plus seure & en plusgrant souffisance que de telles sont bien hault assises. Et pource que toute creature de quelque estat qu'elle soit a mestier d'introduction & bien vivre nous plaist que elles soyent participans en nos leçons si leur dirons ainsi entendés simplettes femmes qui demourés es villaiges es platz païs ou es montaignes qui ne povez mye souvent ouÿr ce que l'eglise admoneste a toute creature pour son sauvement si n'est par vos curés ou chapelains au dimenche au prosne en brief sicomme dire le scevent retenés nostre leçon a vous adrecee s'il est ainsi que aller puisse jusques a vos oreilles affin que ignorance qui vous peut decevoir par faulte de plus sçavoir ne vous destourner de sauvement. Si devés sçavoir tout premierement qu'il est ung seul dieu tout puissant tout bon tout juste & tout saige a qui nulles choses sont celees qui rend guerdon a toute personne ou de bien ou de mal selon ce qu'il a deservy celuy seul doit estre parfaictement aimé & servy. mais pource qu'il est tant bon qu'il a aggreable tout service que bon cueur luy presente & tant saige qu'il scet la possibilite des gens luy suffit que chascun face vers luy selon sa possibilité & souffist mais que le cueur y soit. Et pource entre vous de qui il est necessité que le monde soit secouru au labour qui est pour la sustentacion vie & nourrissement de toute creature humaine parquoy ne povés tant vacquer ne entendre a le servir en faisant jeusnes disans oraisons ne aller a l'eglise comme autres femmes de bonnes villes & toutesvoyes avés aussi bien besoing de sauvement que autres ont comment doncques qui les servés par autre voye sicomme nous vous dirons / c'est assavoir en cueur & en voulenté en faitz en dis et en pensee. C'est assavoir en tant que vous l'aimez de tout vostre cueur vous garderés de faire a vos voisines ou autres gens ne que vouldriés qu'ilz vous feissent & que de ce admonnestés bien vos marys / c'est assavoir quant ilz labourent terres pour autruy qu'ilz le facent bien & loyaulment comme pour eulx feroient & se c'est a moisson payent leur maistre du froment qui aura creu en la terre si tel est le marchié & non mye mesler seigle avec & faire entendant que autre n'a rendu / ne mucent pas les bonnes brebis ne les meilleurs moutons ches les voisins ou autre part pour payer le maistre quant vient au partaige des pires ne face acroire que mortes sont par luy / luy monstrer les peaux d'autres bestes ne le payent des pires toisons des laines / ne mauvais compte ne luy rendent de ses voitures ne de ses choses ou de sa volaille. & ne voisent coupper en aultruy bois sans congié pour lever leurs maisons / & quant vignes prennent a faire soyent diligent de les faire de toutes façons & en bonne saison. Et quant ilz seront commis pour leurs maistres de prendre des autres ouvriers s'ilz les louent six blans le jour ne face mye acroire que sept coustent et ainsi de toutes telles choses les bonnes femmes doivent adviser leurs marys qu'ilz s'en gardent / car ilz se damneroyent & par bien faire & loyaulment leur labeur prennent en gré leur vie sans faille ilz se sauvent & est vie bonne & aggreable a dieu & elles mesmes leur doivent aider en ce que elles pevent & bien garder qu'elles ne voisent ne seuffrent aller leurs enfans rompant hayes pour en autruy courtilz embler les raisins par nuyt ou par jour / ne autruy fruitaiges / ne quelconques courtillaiges ne autres choses / ne leurs bestes ne mettent paistre en gaignages ne au prés de leurs voisins ne quelconques chose ne tollent autruy ne qu'elles vouldroient que on leur tollist. voisent a l'eglise le plus qu'elles pourront & payent a dieu loyaulment leurs dismes & non mye des pires choses & dient des patenostres paisibles soient avec les voisins sans leur faire dommage en plait pour pou de chose. Si que assés de villages font que ja ne seront aises se ilz ne plaident croyent bien en dieu & ayent pitié de ceulx a qui verront mal avoir & par ces voyes tenir si pourront les bonnes gens sauver tant hommes comme femmes. ¶ Cy parle a l'estat des povres. chap. .lii. Si que nous commençasmes aux riches & aprés ce que parlé avons a tous les communs estas des femmes nous convient terminer nostre euvre aux estas de dieu aymés & du monde haïs / des povres tant de hommes comme de femmes en les ennortant de pacience par l'esperance de la couronne qui leur est promise en disant. O beneurez povres par la sentence de dieu recordee en l'evangille attendans la possession du ciel par le merite de povreté paciemment portee resjoyssés vous en ceste haulte promesse de la joye qui toutes passe & a qui autre n'est comparee & n'est pas promise aux Roys ne aux princes ne aux riches s'ilz ne sont de vostre regne en esperit c'est povre de voulenté si que ilz desprisent les richesses & boubans du monde ne point ne les assavourent. amys treschiers de dieu aymés plaise vous a retenir nostre admonition se jusques a vostre congnossance peult aller par quoy elle vous ramentoive ce qui vous peut aider contre les aguillons d'impacience quant ilz vous poignent de divers & tresgrans laises que vous portés. C'est assavoir souventesfois fain & soif froit maulvais logis impotence vieillesse sans amys maladie sans resconfort & avec ce le despris villennie & deboutemens du monde sicomme a peu si vous estiés une autre espece de gent & non mye crestiens. Adonc quant la pointure d'icelle impacience vous assault affin que par elle ne perdés pas lesditz tresgrans tresors qui promis vous sont vienne dame esperance aymee de patience atout l'escu de foy qui fort se combatent contre elle si qu'elle la desconfisse & que la victoire en soit vostre & l'envaïse fort par telz cinq dars Le premier qu'elle luy gettera sera tel O povre pecheur ou pecheresse que as tu qui te complains povreté est il homme au monde qui ne se tenist pour bien payé d'estre vestu des robbes du roy & de sa livree. He mon createur tout puissant roy sur tous roys / & moy ta povre creature qui suis vestue de tes robes en ame & en corps n'ay pas souffisance en ame entant que tu l'as faicte a ton ymage / en corps que j'ay chair humaine si que tu veulx avoir & vestu de povreté laquelle robbe tu veulx avoir toute la vie. Et bien monstras que tu auctorisoyes l'estat de ceste prophecion de povreté plus que nul aultre quant pour toymesmes l'esleuz or pert il bien que tes jugemens ne sont pas pareilz a ceulx des hommes. Car qui fut oncques en ce monde plus povre que toy quant il te pleut naistre en une povre estable comme en lieu destourné entre bestes mues en temps d'yver enveloppé en povres drapelletz & toute ta vie user en telle povreté que oncques n'euz riens propre fortz ce qu'on te donnoit pour aulmosne souffris maintesfoys fain soif & toutes mesaises vous mourir tourmenter tout nud & si povre que tu n'avois pas ung povre oreiller a reposer ton digne chief / helas moy miserable creature me dois je plaindre d'estre de ton convent. Beau sire dieu je te rens graces quant tant me daignes honnorer que j'en soye Car tu veulx que par la fain transitoire que a present je seuffre & endure je soye rassise la sus a ta saincte table a tousjours s'il me plaist & le vueil tresdoulx sire que ta saincte voulenté soit faicte. Le deuxiesme dard que elle gettera sera tel. Et si tu es ores malade & pou reconfortee dieu le veult / affin que par la pacience que tu y peulx prendre ton merite soit de tant plus grant. Le troiziesme dard est / se tu es vieil & n'as nulz amys que te chault / iceulx amys que te feroyent ilz. Certes ta vieillesse ne te osteroient ilz pas / ne ilz ne te accroisteroyent pas ton merite / & de tant que tu es plus vieil c'est mieulx pour toy. Car tant es tu plus pres d'aller au terme de ton voyage & vers ton dieu qui par sa saincte misericorde se tu es patient te remettra en force & en jeunesse de toute gloire & felicité. Le quatriesme dard est / se tu gis maintenant sur ung pou de fiens qui ung petit de temps t'a a durer ou en ung pouvre & mesaise logis ou tu n'as dequoy te aysier / quel mechief est ce pour toy advisant le benoist logis de paradis sur tous beau & dectable ou tu ne peulx faillir se a toy ne tient. Le cinquiesme dard est. se le monde te desprise ou deboute tu es bien blecé mais pour dieu or advises que vallent aux roys aux grans & aux riches trespassés les honneurs que en leurs vies on leur faisoit au siecle. Helas n'est pas doubte que cause ont esté de dampner mainte a qui mieulx vaulsist avoir esté de ton estat. Ainsi & par ces dartz entre vous povres & indigens vous povez vaincre & mater les assaulx de impacience qui ne sont pas petis quant ilz viennent par grant oppression de necessité par prendre en gré vostre povreté avoir fiance en dieu ne couvoiter autre chose fors ce qui luy plaist. Et par ceste voye povez acquerir plus noble possession / & plus de richesses que cent mille mondes ne pourroient contenir & a tousjours durer. Si avez cause a tout regarder si bien ne voulez user de louer dieu de l'estat ou il vous a appellés quoy qu'il soit dur a porter. Et entre vous bonnes & povres femmes qui voz povres maris avez les devez par ces poins reconforter & eulx aussi vous servir l'ung l'autre le mieulx que vous pourrés. Les povres veufves aussi se reconforter en dieu en attendant la joye qui n'a fin laquelle dieu vous octroye. Et a celluy mesmes te recommandons christine amye chiere. Et de nostre oeuvre ainsi nous departons ¶ La fin & conclusion d'icelluy livre. ¶ Cy dit des femmes des laboureux. Chap. .liii. A tant se teurent les trois dames qui a coup s'evanoyrent & je christine demouray presque lassee par longue escripture. mais tresrejouye regardant la tresbelle oeuvre de leurs dignes leçons lesquelles de moy racapitulees veues & reveues me apparoient estre de mieulx en mieulx tresproffitables au bien & augmentation des meurs & vertueux en accroissement d'honneur aux dames & a toute l'université des femmes presens & advenir la ou se pourroit ceste dicte oeuvre estendre & estre veue Et pource se moy leur servante ja ne soye suffisante pour tousjours selon mon usaige m'employer au service du bien d'elles si que continuellement je le desire me pensay que ceste noble oeuvre multipliroye par le monde en plusieurs coppies quelque en fust le coust seroit presentee en divers lieux. A roynes princesses & haultes dames affin que plus fust honnoree & essaucee si qu'elle en est digne & que par elle peusse estre semee entre les autres femmes laquelle dicte pensee & desir mys a effect si que ja est entreprins sera espandue et publié en tous pays tant soit elle en langue françoise / mais par ce que ladicte langue est plus commune par l'universel monde que quelconques autre ne demoura pourtant vague & non utille nostre dicte oeuvre qui durera au siecle sans decheement par diverses copies. si la verront & orront vaillans dames & femmes d'auctorité au temps present & en celluy advenir qui prieront dieu pour leur servante christine desirans que de leur temps fust sa vie au siecle ou que veoir la puissent ausquelles toutes plaise que tant que au monde sera vivant la vueillent avoir en grace & memoire par amyables salus prians a dieu que par sa pitié soit favorable de mieulx en mieulx a son entendement si que telle lumiere de science & vraye sapience luy ottroye que employer le puisse tant que ça jus aura duree au noble labeur d'estude & l'essaucement & elevation de vertus en bons exemples a toute humaine creature. Et aprés ce que l'ame du corps sera partie en merite & guerdon de son service leur laisse offrir a dieu pour elle patenostres oblacions & devotions pour l'alegement des peines par ses deffaultes deservies si qu'elle soit presentee devant dieu au siecle sans fin lequel vous octroit. Amen. ¶ Cy finist le tresor de la cité des dames selon dame christine Imprimé a Paris par Michel le noir libraire demourant sur le pont saint Michel a l'ymage saint Jehan l'evangeliste. Le .iiii. jour de decembre. L'an mil cinq cens & trois. [Marque d'imprimeur: .Michel. .Lenoir.] -------------------------- NOTES SUR LA TRANSCRIPTION L'orthographe et la ponctuation sont conformes à l'original. Néanmoins pour faciliter la lecture, on a distingué les lettres i/j, u/v, et introduit cédilles, apostrophes et accents. Les symboles d'abréviation conventionnels ont été remplacés par les lettres correspondantes (exemple: Comme au lieu de Cõme). Les coquilles les plus manifestes ont été corrigées: interversion de lettres (p. ex. sinacte pour saincte), substitution entre lettres semblables (tn pour tu), ou lettres ou mots en double (didire pour dire), etc. Le passage allant de "qui nous meuvent. Il n'est pas doubte" à "courage aux gens" a été tiré d'une autre édition, la page correspondante du document d'origine n'étant pas disponible sur Gallica. *** End of this LibraryBlog Digital Book "Le trésor de la cité des dames de degré en degré et de tous estatz" *** Copyright 2023 LibraryBlog. All rights reserved.