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Title: Lettre relative à l'organisation des postes et relais Author: Dugas, Ch. Language: French As this book started as an ASCII text book there are no pictures available. *** Start of this LibraryBlog Digital Book "Lettre relative à l'organisation des postes et relais" *** Philatelic Digital Library Project at http://www.tpdlp.net generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr) LETTRE RELATIVE À L'ORGANISATION DES POSTES ET RELAIS, ADRESSÉE AU CIT. ROGER-MARTIN, MEMBRE DU CONSEIL DES CINQ-CENTS. À PARIS, Se trouve chez DESENNE, libraire, galeries du Palais-Égalité. AN CINQUIÈME DE LA RÉPUBLIQUE. LETTRE RELATIVE À L'ORGANISATION DES POSTES ET RELAIS. CITOYEN REPRÉSENTANT, Les postes, relais et messageries viennent d'être dans le sein du conseil des cinq-cents, l'objet d'une discussion intéressante. Vous savez l'étude particulière que j'ai faite depuis long-temps de ces différens établissemens, et me demandez en conséquence des renseignemens sur leur situation actuelle, et mon opinion sur la meilleure organisation qui pourroit leur convenir. Je vais, par l'impartialité la plus désintéressée, chercher à justifier une confiance que mon zèle pour le public a pu seul vous inspirer. Ces trois parties sont régies par une administration générale qui se partage en trois sections, pour exercer sur chacune d'elles une surveillance particulière, et les diriger séparément. Les postes et les messageries étoient, il y a peu d'années, l'un des canaux qui alimentoient le trésor public; elles sont aujourd'hui dans un délabrement affligeant. Les postes aux lettres, qui ont produit net en 1790, les dépenses défalquées, 10,485,507 livres, ne peuvent, dans l'état actuel, que donner de quoi subvenir à leurs dépenses courantes. Le tarif du 6 messidor dernier, en déterminant que le port des lettres au-dessous d'un franc, seroit payé en numéraire, et celles au-dessus en valeur représentative du prix du bled, a apporté une grande amélioration dans la recette, puisqu'il lui a donné une réalité qu'elle n'avoit pas auparavant; de sorte qu'on peut l'évaluer dans ce moment à 9 ou 10 millions; mais, comme d'un autre côté, la dépense totale, qui n'alloit pas autrefois au-delà de 5 millions[1], est aujourd'hui plus forte de moitié, il en résulte que la recette et la dépense se balancent à peu de chose près. Il est donc instant d'opérer des améliorations qui tendront à augmenter les produits de cette partie. Les postes aux chevaux qui par-tout, il y a peu d'années, marchoient sans effort et sans exiger de l'état que des sacrifices très-légers, viennent d'être remontées par le soin de l'administration, mais elles se trouvent encore languissantes sur un grand nombre de points de la République. Les titulaires des relais ont pour la plupart été presque ruinés, parce que les foibles indemnités qu'ils ont reçues du gouvernement, n'ont pu les dédommager des pertes immenses que le règne du papier leur a occasionné. Les messageries, établissement intéressant sous plusieurs points de vue, mais qui ne furent jamais que d'un produit médiocre pour l'état, se trouvent aujourd'hui comme un beau corps sans mouvement. Les chevaux manquent, et il leur en faut d'une espèce particulière. Leurs relais sont désorganisés; les maîtres de postes sont hors d'état de faire leur service, et leurs dépenses égalent à-peu-près leurs produits. Je vais d'abord, citoyen représentant, vous entretenir des postes. Tout homme impartial reconnoîtra la cause de leur situation actuelle, et des dépenses qu'elles viennent de coûter au gouvernement, dans l'avilissement du papier-monnoie, la rareté des chevaux, les circonstances d'où nous sortons. L'envie et la mauvaise foi l'attribueront à des déprédations, à la forme de régie qui a administré cette partie. Dans des temps plus heureux, la philosophie aura à décider si les postes aux lettres, si utiles à la propagation, et par conséquent à l'agrandissement des connoissances humaines, aux progrès des sciences, à l'instruction publique, ne devront pas présenter aux Français un moyen presque gratuit de communication des pensées; mais aujourd'hui les besoins du gouvernement demandent impérieusement qu'elles soient une branche d'imposition. Il n'y a point de doute sur ce point. Quels sont donc les moyens de rendre les postes productives? Les avis semblent partagés sur la question de savoir si elles doivent être affermées, ou si elles doivent être mises en régie intéressée. Les partisans de la ferme donnent pour raison de leur opinion: 1º. que sous les régisseurs actuels, les postes ont coûté à la République pour leur soutien, des sommes considérables; 2º. qu'elles ont prospéré sous des fermiers. Ils demandent en conséquence qu'elles soient données à l'entreprise, et que le Directoire nomme un commissaire pour en surveiller les opérations. C'est principalement ces propositions que je vais m'attacher à combattre, persuadé qu'elles sont dangereuses pour la sûreté d'une branche du revenu national, et pour celle d'un service auquel sont liées l'action du gouvernement, l'activité du commerce et la correspondance des citoyens. Ce projet a dû trouver beaucoup d'approbateurs, 1º. parce qu'il tend à enrichir des hommes aux dépens de la République, et qu'un grand nombre espère en profiter; 2º. parce qu'il tend à récréer la place d'intendant-général des postes, emploi important auquel on aspire; 3º. parce qu'il retire des anciennes institutions de l'oubli, et qu'encore, pour beaucoup de Français, tout est mauvais, si c'est nouveau; rien n'est bon que ce qui est calqué sur les formes de l'ancien régime; 4º. enfin parce qu'il flatte la haine et l'envie qui voient dans son exécution des hommes à renverser, des fonctionnaires à calomnier. Les postes aux lettres viennent d'être onéreuses à l'état. La dépense générale a été portée jusqu'au moment où le nouveau tarif du 6 messidor a été suivi, à la somme de 21 millions mandats ou environ. Comment s'en étonnera-t-on, lorsque l'on veut se rappeler que, d'un côté, cette dépense augmentoit chaque jour, par le discrédit des assignats, par la cherté des denrées, par la rareté des chevaux, par des créations nombreuses d'employés que nécessitoient la guerre, des travaux différens, ou de fréquentes organisations de l'administration tantôt divisée en agences, tantôt réunie sous une forme nouvelle; et que, d'un autre côté, la recette diminuoit chaque jour par le même discrédit des assignats, par un abus extraordinaire des contre-seings et franchises dont jouissoient, pour eux et pour les personnes de leur connoissance, les membres de la convention, les bureaux des comités, douze commissions exécutives et les milliers d'agences qui en dépendoient, et les corps administratifs, etc. Si les perceptions se faisoient en assignats valeur nominale, et si les frais de régie se payoient en papier au cours, et enfin s'il étoit impossible d'élever le tarif des lettres et le prix des courses des chevaux des postes assez haut pour égaler la recette à la dépense, n'a-t-il pas fallu nécessairement que le gouvernement fit des sacrifices pour que le service fut maintenu? Comment peut-on les blâmer? Croit-on que des fermiers, dans les momens difficiles d'où nous sortons, eussent pu soutenir les postes, et n'eussent pas été contraints d'avoir recours à la générosité et aux secours du gouvernement? Loin donc de se plaindre des dépenses extraordinaires que les circonstances seules ont occasionné, on doit se féliciter de ce que les postes existent encore. Et quand bien même, je le suppose, la forme de régie simple sous laquelle elles ont été administrées eut contribué à aggraver ces dépenses, il en résulteroit seulement qu'elles ne doivent plus être soumises à ce régime, mais cela ne prouveroit pas plus en faveur du système de la ferme, que contre celui de la régie intéressée. Les postes, dit-on, étoient florissantes sous des fermiers. On entend sans doute que le service se faisoit avec facilité, et que les produits étoient clairs et considérables; mais à quelle époque? Dans un temps où les relais étoient bien montés, les chevaux moins rares, le travail des postes aux lettres moins compliqué; dans un temps où les directeurs des postes et les maîtres des relais jouissoient d'exemptions et priviléges qui favorisoient leur industrie; dans un temps où le numéraire sembloit rouler de lui-même dans toute la France: aujourd'hui le contraire existe. Qu'on cesse donc de parler de l'ancien état des choses, et de vouloir comparer le présent au passé. Je demande aux partisans de la ferme d'après quelles bases pourroit partir le Directoire pour fixer, dans ce moment, le prix d'un bail des postes. Seroit-ce d'après la recette actuelle? Non, la dépense l'égale. Seroit-ce d'après les produits anciens; celui par exemple de 1790, où elles ont donné net plus de 10 millions? Mais cette règle ne seroit pas juste. Si on l'adopte (après avoir préalablement réformé le tarif, les contre-seings et franchises), et si la guerre continue, on verra la nouvelle compagnie fermière ne pouvoir pas tenir ses promesses, et de quelque clause renonciative qu'elle soit liée, soutenir qu'à l'impossible nul n'est tenu, réclamer indemnité sur indemnité, ou bien se ruiner et compromettre le service. Si la paix se fait, la compagnie s'enrichira au détriment d'une branche importante d'imposition; car d'abord elle aura profité des circonstances épineuses où nous sommes pour obtenir aux meilleures conditions et son bail, qui est le point le plus intéressant, et le mobilier énorme qui est nécessaire à l'exploitation, et ensuite elle jouira, pendant tout le cours de son engagement, des bienfaits inappréciables de la paix par la diminution du prix des denrées, des chevaux, de la main-d'oeuvre, par la réduction du nombre des employés, et par les profits incalculables qu'occasionnera la vivification générale du commerce. L'on se doute de ce qui arriveroit alors. Le gouvernement casseroit le bail. Mais voilà une atteinte portée à la foi publique; voilà les traités faits avec le gouvernement moins solides que les transactions passées entre particuliers. Cette règle ne seroit pas juste, parce qu'en 1790 le territoire français étoit borné à nos anciennes limites, et qu'il a été depuis beaucoup agrandi par la réunion des pays conquis. Enfin toute autre base moyenne seroit également sujette à conduire à des erreurs et à des faux résultats, dans un moment où les mesures nouvelles qui seront prises sur les contre-seings, les franchises et le tarif, doivent produire des effets qui ne peuvent encore être bien déterminés. Je ne conçois pas d'ailleurs comment le gouvernement pourroit donner à l'entreprise une partie dont il lui sera difficile de garantir aux entrepreneurs la jouissance exclusive. Je m'explique: les produits des postes consistent dans les transports des lettres, d'argent, des ouvrages périodiques. Il s'est élevé depuis quelque temps plusieurs établissemens qui se chargent pour Lyon, Amiens, Calais, Lille, Rouen, Metz, etc., outre le transport de voyageurs, de celui de lettres, argent, journaux et brochures: il peut s'en former de nouveaux, en vertu de la loi du 25 vendémiaire, an troisième, qui les autorise[2]. Que pourroit faire le gouvernement, lorsque les fermiers des postes viendroient se plaindre que cette concurrence les ruine et les met hors d'état de remplir les clauses de leur bail? J'ajoute qu'on ne pourroit pas dans ce moment fixer, par un traité d'une manière sûre et constante, le nombre de malles que les fermiers seroient tenus de faire partir régulièrement des divers points de la République. Ce nombre peut être sujet à beaucoup de variations; et si, après l'avoir fixé, il devenoit intéressant de l'augmenter, les fermiers ne seroient-ils pas libres de s'y refuser? Vous devez croire en conséquence, citoyen représentant, que l'intérêt de la République et peut-être même celui des entrepreneurs, doivent faire rejetter tout systême de ferme des postes, jusqu'à ce qu'après une réforme du tarif, une amélioration dans les produits, et sur-tout un ordre constant des choses qui naîtra de la jouissance de la paix, aient pu donner une juste évaluation du prix d'un bail. Peut-être même les postes ne devront-elles pas à l'avenir devenir la proie d'une compagnie fermière. Ce porteur actif des ordres extraordinaires du gouvernement, de la correspondance des ministres, de celle des citoyens, n'y aura-t-il point de danger à l'abandonner en des mains nouvelles et presqu'étrangères? Du moment où il ne sera considéré que par rapport au fisc et à ses produits, ne fera-t-on pas moins attention aux moyens de succès que des factions pourroient y trouver? Le Directoire, répond-on, nommeroit un commissaire. C'est justement ce commissaire que je craindrois, qui seroit en quelque sorte souverain dans cette partie, devant lequel les fermiers n'auroient aucune autorité relativement à l'inviolabilité des lettres et à la sûreté du service des relais, et qui pourroit produire les plus grands maux, s'il venoit jamais à entrer dans une conjuration contre la constitution. Qui violoit le secret des lettres avant la révolution? qui étoit le maître de modérer, d'activer, de suspendre le service des postes aux chevaux? Ce n'étoient pas les fermiers, mais bien uniquement le commissaire du roi; et c'est un nouvel intendant-général des postes qu'on ne rougit pas de demander sous un gouvernement libre! On ne doit pas oublier que si l'imprimerie a répandu par-tout les lumières de la philosophie, ses succès n'ont été rendus si rapides que par le secours des postes. Une vérité non moins réelle, c'est que si, d'un côté, la liberté de la presse est le _palladium_ de la République; de l'autre, la liberté des postes peut seule maintenir et assurer les effets de la liberté de la presse. Anéantissez ou entravez les moyens de communication, que deviendroient les avis des plus courageux républicains, si la liberté menacée les conjuroit de répandre l'alarme? Je desirerois savoir ce que, dans le systême de la ferme, on compte faire des postes aux chevaux. Les titulaires des relais sont des propriétaires uniquement assujétis au tarif déterminé par la loi et à quelques réglemens de police. Ils ne pourroient être soumis aux ordres des entrepreneurs qui dépendroient d'eux, quant au service des malles, et qui auroient continuellement avec eux des relations d'intérêt. On me dit que les postes aux chevaux seront confiées au commissaire du Directoire. Quoi! un seul homme seroit directeur suprême d'un établissement aussi important! Si l'on me répond qu'autrefois il en étoit ainsi, je n'ai plus rien à répliquer. Des vues d'économie suffisent seules pour faire rejeter le projet de création d'un commissaire. En effet, elle entraîneroit celle de ses bureaux à Paris, et de ses agens dans les départemens, qui exigeroient des dépenses inutiles, et qui n'aboutiroient peut-être qu'à contrarier les opérations de l'administration. Je ne prétends point, citoyen représentant, que l'on doive adopter pour les postes un régime purement et simplement administratif au compte de la République. Peut-être la ferme, malgré tous ses inconvéniens, devroit-elle lui être préférée; mais il a été proposé une meilleure organisation, un moyen mixte qui tient à-la-fois à la ferme et à la régie, qui présente les avantages de la première, et n'est point sujet aux abus de la seconde, je veux dire une direction d'administrateurs intéressés dans les produits. Vous avez présenté, il y a six mois, au Directoire et au ministre des finances, un plan conforme à cette opinion. Vous n'avez vu encore, citoyen, aucune objection solide contre le systême d'une régie intéressée, et je pense que l'on n'en pouvoit point faire. En effet l'on convient que l'activité que des fermiers pourroient apporter, et les améliorations qu'ils produiroient ne naîtroient que de l'énergie de l'intérêt personnel; croit-on qu'en excitant celui d'une régie, l'on ne sera pas fondé à attendre autant de son zèle que de celui d'une compagnie fermière? Celle-ci pourra-t-elle augmenter à son gré la recette plutôt qu'une régie? Aura-t-elle plus de desir ou de moyens de réduire les dépenses[3]? Les postes, dans l'état actuel, ne peuvent être d'aucun produit. Le Corps Législatif va s'occuper de corriger le tarif dans toutes ses parties, principalement dans l'autorisation du mode de paiement, partie numéraire, partie mandats, et de celui en assignats valeur nominale des lettres adressées aux militaires, ainsi que de limiter les droits de contre-seing et franchises, qui sont prodigués d'une manière intolérable. On ne doit pas croire que ces réformes, sur-tout dans le principe, puissent procurer annuellement plus de 4 ou 5 millions, à moins que les administrateurs, par leur persévérance et leurs lumières, ne parviennent à détruire radicalement, au moyen des réductions sévères, des changemens économiques, et la surveillance exacte qu'ils opéreront, jusqu'au dernier des abus que leur expérience leur fera reconnoître. Pour exciter les régisseurs à apporter dans les améliorations toute l'activité dont ils seroient susceptibles, il seroit donc nécessaire, non qu'il leur fût accordé un traitement, ainsi qu'il a été proposé, ni qu'on fixât le _maximum_ de la somme qu'ils obtiendroient sur la recette générale; (limiter le degré d'encouragement qui leur seroit accordé, ne seroit-ce pas limiter leur économie, et désigner le terme des efforts que la République a le droit d'attendre de leur zèle?) mais que sur la recette nette qu'ils verseroient à la trésorerie nationale, ils fussent autorisés à retenir entre leurs mains, pour être partagée également entr'eux une prime de _trois deniers pour livre_, à quelque taux que les produits pussent s'élever. Par ce moyen, les régisseurs auroient à se distribuer la somme de 12,500 livres pour chaque million qu'ils déposeroient annuellement au trésor public; et en supposant l'administration composée de cinq membres, ce seroit 2,500 livres que chacun d'eux toucheroit par chaque million de recette. Un intérêt moindre ou plus considérable présenteroit également des abus[4]. Ces régisseurs dirigeront en même-temps les postes aux chevaux et les postes aux lettres, qu'il convient de réunir plus étroitement en les établissant dans le même local[5]. Surveillant à-la-fois les deux parties, ils en saisiront mieux l'ensemble et soutiendront l'une par l'autre; c'est-à-dire, les postes aux lettres par la restauration et une bonne organisation des postes aux chevaux, et celles-ci par une modique portion des produits des postes aux lettres. Que d'avantages présenteroit une semblable administration? Sous cette régie, si la chose produit au bout de l'année des bénéfices imprévus, l'état seul en profite; sous des fermiers, la compagnie seule s'en gratifie, ou s'arrange pour n'en céder qu'une part légère au gouvernement. Sous cette régie, composée d'anciens et honnêtes employés, la sûreté du service n'est point en danger, comme elle le seroit, s'il étoit livré à des étrangers qui ne font des offres brillantes que parce qu'ils espèrent qu'une fois entrées dans cette utile administration, s'il ne résultoit pas pour eux des profits des bouleversemens qu'ils opéreroient, le gouvernement ne voudroit pas exiger à la rigueur l'exécution des clauses de leur bail, ni profiter de leurs pertes, et qu'il accourroit à leur secours, pour prévenir la chûte entière des postes. Cette régie évite les dépenses et les abus nombreux qu'occasionneroit la création d'un commissaire du Directoire, de ses bureaux, de ses inspecteurs; dépense qui seroit plus considérable qu'on ne l'imagine, abus dont on ne peut prévoir les dangers. Cette régie a l'avantage inappréciable d'exciter, parmi les employés, une émulation que le systême de l'entreprise ne peut que détruire: en effet, les connoissances de beaucoup d'entr'eux peuvent les appeler à diriger une administration qui n'exige point de mise de fonds; mais il en est peu qui, par leur fortune, puissent prétendre à faire partie d'une compagnie financière; et qu'on ne pense pas que l'émulation, parmi les préposés, soit une chose à dédaigner. Je crois, citoyen représentant, en avoir dit assez pour vous prouver qu'il est nécessaire de confier les postes à un petit nombre d'hommes instruits dans cette partie, plutôt qu'à des personnes neuves pour les détails de ce service[6]; et que des régisseurs ayant, ainsi que des fermiers, un intérêt dans les produits, et de plus des lumières et de l'expérience, doivent promettre plus sûrement de sages et utiles améliorations[7]. Je ne pourrois trop répéter que, dans cette administration, l'expérience est peut-être le premier mérite qui soit nécessaire; en effet, pour pouvoir parvenir à simplifier les ressorts compliqués de cette machine sans arrêter sa marche, il faut les bien connoître. Pour pouvoir opérer une juste réduction du nombre des agens, il faut avoir une idée nette et précise de la force et de la nature du travail intérieur de chacun des bureaux de Paris et des départemens, de leur correspondance entre eux, de leur situation respective et de leur organisation particulière. Si des fautes ou des infidélités excitent les plaintes du public, il faut souvent en deviner la cause, ou en avoir étudié le principe. Il faut enfin avoir eu le temps de connoître la moralité et la capacité des préposés, afin de mettre chacun à la place à laquelle il convient. Aussi-tôt que la loi aura prononcé sur la réforme du tarif et des abus des contre-seings et franchises, les postes deviendront productives. Si ensuite le Corps Législatif, sans égard pour les intérêts particuliers des solliciteurs de grands changemens, veut se convaincre qu'il n'est pas possible, dans ce moment, de livrer les postes à des entrepreneurs, ni de fixer, soit le prix d'un bail, soit le service constant qu'ils seroient tenus de faire; qu'il seroit dangereux de mettre les postes hors de la main ou trop dans la main du gouvernement, en les soumettant aux ordres d'un seul homme, qu'un commissaire et les frais qu'il occasionneroit seront inutiles du moment où il existera une administration intéressée, qui n'aura besoin d'être assujétie qu'à la surveillance du ministre des finances; qu'il ne faut pas discontinuer de faire diriger cet établissement par d'anciens employés, et qu'il faut craindre d'anéantir, parmi les préposés, une juste émulation; s'il reconnoît la nécessité de réunir les postes aux chevaux aux postes aux lettres; s'il veut enfin exciter l'activité des administrateurs, en leur accordant une remise de _trois deniers pour livre_, sur les sommes qu'ils verseront de net à la trésorerie nationale, je suis persuadé, citoyen représentant, que les postes ne tarderont pas ensuite à devenir aussi florissantes qu'elles l'étoient autrefois, tant par rapport à leurs produits, que relativement à la force d'action qui rendra à toutes les parties du service leurs ancien mouvement et leur sûreté. Telles sont, citoyen représentant, mes vues sur le service général des postes. Vous étant exposées avec précipitation, elles méritent et demandent votre indulgence. Il me reste à parler des messageries. Si cette lettre obtient votre approbation, je ne tarderai pas à vous en adresser une seconde qui traitera de cette dernière partie. CH. DUGAS. Paris, 10 Brumaire, an cinquième. NOTES Note 1: La dépense de 1790 n'a été que de 4,654,961 liv. Si elle est plus forte aujourd'hui, il faut considérer que les circonstances et la guerre exigent un plus grand nombre d'employés et de couriers, que le prix des courses des chevaux est plus considérable qu'autrefois, et que celui de tous les objets nécessaires à l'exploitation a beaucoup augmenté. Des réformes nombreuses viennent d'être faites dans les sections des postes et relais. Note 2: Il est impossible de mettre des entraves à cette concurrence que permet la constitution et que demande la liberté de l'industrie. Pourroit-on empêcher un journaliste, ou autre citoyen, de confier ses journaux ou son argent à tout autre établissement que celui de la poste? Note 3: Certaines personnes, assimilant les postes à un domaine, s'imaginent que parce qu'un propriétaire trouve souvent plus d'avantages à affermer sa terre qu'à la faire régir, il convient pour la même raison d'affermer les postes. D'abord, les postes ne doivent pas, comme une terre, être estimées seulement relativement à leurs produits: elles présentent pour l'état, le commerce, et chaque citoyen en particulier, un intérêt et une utilité indépendans du fisc; ensuite je ne dis point qu'elles doivent être confiées à de simples régisseurs plutôt qu'à des fermiers, mais que le gouvernement devroit être autorisé à faire à leur égard comme beaucoup de propriétaires qui font exploiter leurs terres par des métayers qu'ils surveillent, auxquels ils fournissent tous les objets nécessaires à la culture et à qui ils accordent une portion déterminée dans les récoltes. Note 4: Je ne partage pas l'opinion de ceux qui pensent qu'il seroit utile d'accorder aux directeurs un intérêt dans leur recette particulière. Il suffit qu'il soit attribué aux administrateurs pour espérer toutes les bonifications possibles. Les directeurs et employés des départemens trouvent un encouragement dans la fixation de leurs appointemens, qui sont en général basés sur les produits annuels de leurs bureaux. Note 5: Les principes voudraient que les postes aux chevaux, établissement qui ne produit rien au trésor public, fussent distraites du ministère des finances pour former une attribution du ministère de l'intérieur; mais le bien du service et des vues d'économie doivent, au moins dans ce moment, faire rejetter tout projet qui tiendroit à les séparer des postes aux lettres. Note 6: Cette vérité, je le dis avec franchise, a été oubliée par la Convention nationale et ensuite par le Directoire qui ont donné aux régisseurs actuels des collègues très-estimables à plusieurs égards, mais qui n'avoient aucune notion sur le service. Sur les cinq administrateurs des postes aux lettres, deux sont absolument étrangers à la chose, de sorte que si, en cas de vacance de l'une des places des trois autres régisseurs, le Directoire nommoit encore un étranger, cette partie pourroit se trouver dirigée par une majorité qui ne la connoîtroit pas. Il suffiroit sans doute de présenter cette observation au gouvernement pour espérer de lui voir accueillir le principe qui l'a dictée. Note 7: Cette administration, obligée de réduire le nombre des préposés de Paris et des départemens, saura y parvenir doucement et sans secousses, soit par les suppressions les plus légitimes, celles sur-tout des plus nouveaux, soit en s'abstenant pendant quelque temps de nommer aux emplois vacans. Elle voudra tendre sans douter à remettre les postes, autant que possible, sur le pied où elles étoient en 1790, sauf à laisser subsister le surcroît d'employés dont la guerre et les circonstances ont depuis nécessité la création. Elle examinera si elle doit balancer le droit de vétérance des anciens préposés qui, pendant les troubles révolutionnaires, ont été écartés des principaux emplois, les ont quittés pour des motifs de sûreté personnelle et ont été privés d'avancement, avec le droit de possession de nouveaux qui pendant le même temps ont été nommés à des places importantes. Elle déterminera si, sur le nombre conservé des inspecteurs et visiteurs généraux, il seroit utile que quelques-uns d'entre eux se trouvassent toujours et alternativement à Paris pour être présens à ses délibérations et former près d'elle une espèce de conseil. Elle jugera si elle peut honorer les emplois des contrôleurs dans les départemens, en les chargeant d'inspecter chaque année les petits bureaux qui sont à leur portée dans les routes détournées, ce qui réduiroit le travail et par conséquent le nombre des inspecteurs qui n'auroient besoin alors de se transporter que sur les routes de première, deuxième et troisième classes. Elle décidera s'il ne seroit pas nécessaire, au moins pendant quelque temps, que les couriers payassent à chaque course le prix du service des malles, et enfin, que l'un des membres de l'administration fût souvent en tournée avec des pouvoirs suffisans, pour se porter dans les départemens sans y être attendu. *** End of this LibraryBlog Digital Book "Lettre relative à l'organisation des postes et relais" *** Copyright 2023 LibraryBlog. All rights reserved.