By Author | [ A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z | Other Symbols ] |
By Title | [ A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z | Other Symbols ] |
By Language |
Download this book: [ ASCII | HTML | PDF ] Look for this book on Amazon Tweet |
Title: Formules pour l'esprit Author: Smarandache, Florentin, 1954- Language: French As this book started as an ASCII text book there are no pictures available. *** Start of this LibraryBlog Digital Book "Formules pour l'esprit" *** Europe at http://dp.rastko.net. FLORENTIN SMARANDACHE FORMULES POUR L'ESPRIT Traduit du roumain par Chantal Signoret de l'Université de Provence 1983 Editions Express FES, MAROC Titre original: FORMULE PENTRU SPIRIT "État-de-moi." Les poèmes d'Ovidiu Florentin[1], de sa plaquette. "Formules pour l'esprit" (editura Litera, Bucuresti, 1981), "bleus comme l'heure et tendres comme la timidité, assaillis de quiétude et vaincus d'appels" --ainsi qu'il le déclare dans une ars poetica d'ouverture: "Avant le propos"--, ayant quelques "vers herbeux, grandis dans le duvet ouaté d'un songe", "au corps vert comme la vie, aux yeux bleus comme l'espérance", "plus pure que la santé"--tel qu'il nous le confie, dans la conclusion: "Au-delà du propos", avec des symboles heureusement choisis auprès d'une onde distinctive du novecentisme montal--ungarettienne, non assimilée intégralement, nous donnent, toutefois, la certitude d'une voix lyrique, se trouvant, évidemment, en un permanent _"état-de-moi"_--comme il nous le dit dans un titre qui se veut une lyro-définition de l'esprit ("L'esprit est un état-de-moi")--voix dont nous entendrons parler dans les saisons futures de la poésie roumaine contemporaine, en aucun cas dans le registre des clameurs, de mode passagère, mais, plutôt, psalmodiale. L'arc voltaïque des existences d'Ovidiu Florentin se déploie entre _infini et poème_--_l'infini et le poème_ illustrant la dichotomie optative: "Je vis en de nombreux lieux, en plusieurs/lieux à la fois--et dans chaque / vers je laisse seulement l'une de mes vies, rien / qu'une vie. // L'éloignement sera mon tombeau, / et mon cercueil: l'infini!" (Avant le propos); "Le temps se suspend à mon cou / telle une meule de pierre / ...// Mais je vis, je vis jusque dans la rue / jusque dans la ville / jusque dans la chambre où je travaille". (L'esprit est un état-de-moi). Remarquable est chez ce poète l'acuité de la perception, bien entendu, transmise au récepteur par une suite de métaphores révélatrices, par des syntagmes d'une véritable force poétique: "Parmi l'herbe le temps joue / nu-pieds / ...// et les questions déambulent, leurs langues tirées / comme vipères, prêtes à mordre." (_Le rouge du sang s'écoule toujours en moi_); "Les maïs / allument des fanals / sous leurs ailes."; "Soutenues par leurs béquilles / les illusions cheminent, / à travers la boue de la nuit / les étoiles marchent / en bottes." (_La lumière pèse lourdement en veilleuse_); "Hélas, l'esprit / heurte le corps." (_Parc sans amoureux_); "Air aux yeux de bronze"; "Guêpiers chtoniques / de corydales ..."; "Je lis les rivières et les écris / avec des pierres"; "Il pleut si longuement que croissent mousses et lichens /juste sur le coeur." (_La vie, la pauvre, perd son temps_) etc. La lecture fidèle des poèmes d'Ovidiu Florentin nous convainc que le poète il atteint "de son front le chant du rossignol". 15 août 1982. ION PACHIA TATOMIRESCU [1] Nom de plume de Florentin Smarandache AVANT LE PROPOS Sur les cordes de la Langue de feu nous nous consumons pareils à une guitare. Des lettres sonores dans les livres d'heures fleurissent, et nous glissons vivants entre les hautes pages ... Comme une armée, les chimères viennent à nous, domestique blessure en notre âme fluide. Le sommeil se brise en doux éclats de rêve, semblables aux bois sur la braise. Nous dilatons le poème en symboles (et le resserrons), mais la métaphore ouvre une fenêtre envahie de soleil. L'écriture couche sa vie sur le papier; idées qui la tètent comme on tète une mère, images verticales--au bord éclairées telles les firmes électriques, vers bleus comme l'heure et tendres comme la timidité, assaillis de quiétude et vaincus d'appels, avec de blancs murmures de sources ou de suie nocturne. Comment rétablir mon origine, par de menues choses (souvent grandes) à foison, quand tout ce que j'énonce me semble avoir été déjà dit par d'autres? Je vis en de nombreux lieux, en plusieurs lieux à la fois--et dans chaque vers je laisse seulement l'une de mes vies, rien qu'une vie. L'éloignement sera mon tombeau, et mon cercueil: l'infini! Comme l'oiseau en vol tondons l'arc docile de la poésie! Et libérons sa flèche vers la cible mouvante de l'Eternité! CES NOIRS DÉPARTS DE MES PUPILLES Avec des fruits aux rameaux dénuement -- arbres en cadence, pieds nus. Le moulin trait de son eau la source, et dans le pâturage: délire-de-roses. Coulent les humbles larmes de ciel. La tranquillité mesure mes éloignements -- ces noirs départs de mes pupilles. * * * Tombent les feuilles. Les arbres demeurent les mains vides. Les allées serpentent longuement entre les tombeaux. Tombent les feuilles. Les arbres demeurent les mains vides. J'erre nu-pieds sur les mots. Les objets alentours, je les atteins de ma quiétude. Tard vers le soir je pose mon oreille sur le ciel comme sur un oiseau mort. Tombent les feuilles. Les arbres demeurent les mains vides. J'erre nu-pieds sur les mots. L'ESPRIT EST UN ÉTAT-DE-MOI La nuit s'abandonne comme un asile de vieillards. La neige écoute aux portes et le vent décapite les arbres. La nuit s'abandonne comme un asile de vieillards. Près des poêles, les enfants retournent en leurs mères. Le temps se suspend à mon cou tel une meule de pierre, le vent décapite les arbres. Mais je vis, je vis jusque dans la rue jusque dans la ville jusque dans la chambre où je travaille. La nuit s'abandonne comme un asile de vieillards et l'esprit, l'esprit est un état-de-moi. DES CONTOURS D'ENVOL SE BRISENT Une grande roue de crépuscule est crucifiée sur une crête. Des arbres livides vagabondent tête découverte, roi dans les rues -- le vent du nord aux poches vides. Des contours d'envol se brisent -- et vous, ceux qui ne pensez pas, ô, vous, objets, vous nous donnez, à nous, vos blessures. COUCHER DE SOLEIL La mélancolie d'un coucher de soleil m'enveloppe en ondes pâles, les sens glissent paisibles d'En-Haut -- comme anges d'or. Gracile s'élève la fumée de la jeunesse au temps passé. Demain va mourir à la nuit. LE ROUGE DU SANG S'ÉCOULE TOUJOURS EN MOI Parmi l'herbe le temps joue nu-pieds. La lampe palpite en larmes de soir. Toujours en moi s'écoule le rouge du sang, et les questions déambulent, leurs langues tirées comme vipères, prêtes à mordre. Le ciel dort tel un matou son museau posé sur ses pattes. La lampe palpite en larmes de soir. Toujours en moi s'écoule le rouge du sang. Et les questions déambulent, leurs langues tirées comme vipères, prêtes à mordre. LES HAUTEURS EN AIGLES CROISSENT Fragiles perce-neige de sous la glace attirent le printemps, éclatent les sources-de-l'univers, et dans un petit zéphyr sourires aux lèvres moi je me tatoue. Les douces grues cendrées apportent sur leurs ailes la chaleur, les hauteurs en aigles croissent, et les monts de leurs cimes déchirent, l'azur. VIGNOBLE CUEILLI PAR LE SOLEIL Vignoble cueilli par le soleil et écrasé de lumières. Comme une nacelle fendant l'espace la lune s'humilie dans les eaux.... Les maïs allument des fanals sous leurs ailes. On entrevoit des paysans dans le long et grand chariot du firmament. LA MORT RESTERA VIVANTE Une marche funèbre conduit la bruine tardivement. Ce sont les feuilles tachées de mélancolie. Le temps aussi grandit sur les tombes. Les yeux se ferment dans les orbites comme au fond des cercueils, mais les rêves passent encore déchaussés dans les ruelles. La mort restera vivante! LE SILENCE COMME UNE BARQUE En toutes choses il se fait tard: aulnes -- la tête lourde de sommeil penchée vers le sol, acacias -- fatigués d'une longue station debout. Le soir éteint le ciel. Passent encore les vents en une barque d'air. Dans la rue, une lanterne allumée irradie la haie de sa lumière. LA MUSIQUE EST UN SONGE AUX YEUX OUVERTS La Troisième Symphonie de Beethoven. Les violons traversent de leurs cordes nos oreilles. Les spectateurs sont assis et observent les sons. La Troisième Symphonie de Beethoven. Les archets se meuvent uniformément comme une armée au pas cadencé. Les spectateurs sont assis et observent les sons. La Troisième Symphonie de Beethoven. Quelques personnes jettent sur scène des larmes. La musique, la musique est un songe aux yeux ouverts. Les spectateurs ont abandonné leurs corps sur les chaises -- comme des bagages en surplus -- et rêvent, rêvent autant qu'il se peut et leurs songes filent entre les étoiles. La Troisième Symphonie de Beethoven. La Troisième Symphonie La Symphonie et au final, au final chacun s'éveille de lui-même et part de lui-même.... Le rideau tombe comme une nuit de décembre. JEUNE COMME UN MATIN Ainsi qu'un commencement tendre je suis sous le carillon vivant de l'orient, et mon heure érige sa tour. Tel un ciel ingénu qu'élève cependant le crépuscule -- je m'incline tremblant vers Demain. LA LUMIÈRE PÈSE LOURDEMENT EN VEILLEUSE Souffle le vent souffle, et les arbres les arbres me tournent le dos. La lumière pèse lourdement en veilleuse. A la fenêtre -- les grilles de ténèbres. Soutenues par leurs béquilles les illusions cheminent, à travers la boue de la nuit les étoiles marchent en bottes. Souffle le vent souffle, et les arbres les arbres me tournent le dos. S. O. S. Hier ainsi, aujourd'hui beaucoup plus le navire sur la tempête reçoit fortement, plus fortement des coups dans sa proue. La mer injurie et fuit, les chiens des vagues nous aboient. L'eau se dresse sur deux pattes, des deux autres elle s'appuie sur le pont. Le mât tombe à genoux et prie. Surviennent en glapissant des meutes de vagues, et de toutes parts. Prostituée de la mer -- la voile. L'équipage s'accroche de ses ongles, de ses dents, de ses pieds à tout ce qui demeure encore, à une planche, et plus réellement: à une espérance -- mais chacun se noie en lui-même; nos esprits flottent encore grelottants dans des canots de sauvetage. "Sauvez nos âmes", sauvez-les, vous les sauvez! LES SOUCIS COMMENCENT A FOURMILLER LE LONG DES RUES Une fontaine de ciel révèle l'orient. Les saules reflètent en un enfant-de-ruisseau le regard sensuel du corps. Le long des rues commencent à fourmiller les soucis, des hommes plein la bouche. A la périphérie les peupliers portent sur leurs épaules des sentiers. LARMES DE FER De quelles souffrances se compose la vérité? (questions maculées de sang sur le visage). Les soldats versent des larmes de fer (c'est un passage par les choses de la douleur). Un oeil penche sa main au dehors: l'on voit nos traces sur le temps. SEUL PARMI LES ÉTOILES Comme une jeune fille alanguie, le soir tombe à genoux auprès du carreau. Ciel aux yeux noirs. Dans les tympans la tranquillité fait son lit pour dormir. Les choses, toutes, sont devenues égales à elles-mêmes... Une libellule se débat encore vigoureusement en une clepsydre... -- S'il vous plaît, ne m'attendez point, je m'attarderai un peu parmi les étoiles. DE LA LUMIÈRE NOUS RECUEILLERONS TOUT LE MIEL Mai en fleur suspendu à un rameau. Une usine de sentiments commence son travail, décharné et ardent l'oeillet brise sa tête contre soleil, au visage doucement suinte notre rêve matinal. De la lumière nous recueillerons tout le miel -- sans gaspillage! MON SANG EST UN VOYAGEUR Place propos sur propos pour la montée, ou pour les non-propos. La pente n'est qu'un chemin dans le Chemin initial. Mon sang est un voyageur, qui t'attire sur le rivage. EN CET OISEAU SE TROUVE UN ENVOL Explosion du champ en perce-neige (l'oeil de verre regarde au dehors). De symboliques graines en marche forcée de la vase extraient la lumière. Sur un rameau incliné, en cet oiseau se trouve un envol. LE DOUX CORPS DE LA POÉSIE Avant la rivière le tumulte -- emmitouflé par les hommes. Entre les flocons-de-soleil le sourire édenté d'un enfant. Tout à côté de moi, galopant parmi les mots, le doux corps de la poésie -- au Front voûté de firmament. PARC SANS AMOUREUX ... châtaigniers vigoureux revêtus de haillons. Sur un banc près du lac un baiser -- et nulle part des amoureux. ... roses agitées de pensées. Et la nuit sublime se dresse à quatre pattes sur la lune. L'eau respire, respire dans les roseaux. Hélas, l'esprit heurte le corps. DE LA COULEUR DES PLEURS ... midi attristé comme une conserve de poisson abîmé ... Il y a des rues pleines de creux. Et la vie est trépas. Moi je suis le maître de tout ce qui n'existe pas. Je vis en mon dehors. Le vent tire l'herbe par la chevelure. A la poubelle la pluie est chat. Je donne au lavage quelques vers sordides. Ce temps est mon non-temps. LECTURE A L'ESPRIT Je suis allongé, la main sous la tête ... Le titre d'un livre serpente comme un cri au-dessus. Du désir d'être lustré par l'absolu, je commence à lire accroché de mots par les hameçons des yeux: les lettres bondissent de leur place, elles me tirent par la main, apportent l'étranger sous mes sens, font tapage et tumulte et me piaillent aux oreilles à la vitesse du siècle. Se heurtant au tympan certaines boitent encore déposant leur cendre en couches sur le cerveau (moi, je loge dans une seconde inclinée légèrement vers le parfait). Entre les lignes, une voix me jette des fleurs (sa chaleur traverse mon esprit). Quelques personnages, chacun classé par séries d'après leur nom ou leur aspect s'éveillent devant moi m'invitant à la discussion, puis sortent en hâte de la page. Comme un enfant le temps saute sur les degrés des ans de feuille en feuille, en avant et en arrière de guerre lasse les jaunissant. Finalement je me réveille en lisant la même page depuis deux fois. ÉCOUTE LA TEMPÊTE QUE CHANTE LA DÉMENTE En putrides gémissements la mer par le rivage ceinte. Neptune y promène sa peine. Ecoute, écoute la tempête que chante la démente!... mais la mer brûle ses entrailles. La ville est dans les fureurs de vent, les yeux oints de pleurs. AIR AUX YEUX DE BRONZE Serpents de lumière ... Dans le ciel d'un nid public nombreux: des oiseaux miroitants élargissent la nue. Guêpiers chtoniques de corydales ... Des parfums diaphanes par les vallées quêtent leur fleur. Air aux yeux de bronze ... HISTOIRE DE LA LANGUE ROUMAINE On a découvert dans le sol de grands débris de mots du temps des Thraco-Gètes. (Ces mots que, pour engendrer la chaleur, nous brisons et livrons au feu près de la tempe). Ils chuchotent des étoiles, des plantes, des animaux, pleurent la rosée et sourient aux bourgeons. Ils taisent le silence, chantent le merle et font germer l'herbe et souffler la brise des régions orientales du coeur. FORMULES POUR L'ESPRIT L'effigie hideuse du temps sur le front. Fébrilement je cherche des formules (qui n'existent pas) pour l'esprit. Le cerveau transpire sur les tempes. A subsisté le reflet -- temple où je me rencontre avec moi-même. L'AMOUR AUX LONGS CHEVEUX Je lis aussi les rivières, les arbres, l'air, la mer. Je lis les rivières et les écris avec des pierres, je lis les arbres et les écris avec des feuilles, je lis l'air et l'écris avec des nuages, je lis la mer et l'écris avec des méduses. J'écris aussi avec des pierres, des feuilles, des nuages, des méduses. Je lis l'amour aux longs cheveux -- et pour écrire je trempe ma plume dans les larmes, dans les larmes. DE SA MÉLODIE JAILLISSENT DES SOURCES Sur la colline les bouleaux s'éclaircissent d'argent. Les acacias éclatent en rires de bourgeons, les lumières s'assemblent en orangers. Vois-tu cet oiseau-là? Ses ailes s'appuient sur l'azur. De sa mélodie jaillissent des sources. LEITMOTIVE Il pleut à plus infini.... Ma présence parmi les hommes est absente. Les gouttes tombent sur l'asphalte telles des grenades, l'herbe est si lâche qu'elle penche à tout vent. Eh, que ne prendrais-je le temps par les cornes comme un taureau et ne le terrasserais-je au sol! Les gouttes tombent sur l'asphalte telles des grenades il pleut à plus infini. DE L'ÉTENDARD FLOTTE LA MÉTAPHORE L'automne peint sans éclat le cri des fleurs endormies. Sur les vieilles collines rumeur de bétail aux pis souples en ondes-de-raisins. Semblable à un arc-en-ciel de l'étendard flotte la métaphore. ICÔNE Les beaux seins me piquent comme deux petites cornes d'agneau. Tes jeunes années m'étreignent. Sur les épaules la chevelure mouillée dans la nuit glisse en longs murmures. Tes lèvres, de verre, cinglent mes joues, et ton coeur dissout mon être comme les vagues dispersant les sables sur le rivage. Ô si loin est l'azur de tes yeux que la symphonie de l'amour a seulement une ouverture. LA BELLE SE LAMENTE TELLE UN POMMIER "Objet égoïste le miroir -- toi seule te révèle solitude!" (Et la belle se lamente, se lamente telle un pommier devant son miroir comme en face de sa propre conscience -- et quelque part, au loin, on entend chuter les vaines illusions). VOUS ME SURPRENDREZ MENDIANT UN UNIVERS Pleurent les heures entre les années, heures demeurées blanches statues dans la lave sombre du temps. L'horizon (rempli-de-honte) se courbe devant moi, à travers les bois le vent en corde pend. Là, au bord de l'espace, vous me surprendrez mendiant un Univers. LA VIE, LA PAUVRE, PERD SON TEMPS Les nuages pendent comme des lustres immondes. Il pleut si longuement que croissent mousses et lichens juste sur le coeur. La vie, la pauvre, vois comme elle perd son temps. L'aquilon par d'insolents ondoiements me donne des gifles légères sur le visage. Il pleut si longuement que croissent mousses et lichens juste sur le coeur, et la vie, la pauvre, vois comme elle perd son temps! L'INTÉRIEUR MEUBLÉ D'UNE POÉSIE Poèmes galants cravate au cou étalés sur la scène. Les danseurs passent bras dessus, bras dessous, avec quelque mélodie. Un papillon sur chaque parole. Et dans l'intérieur meublé d'une poésie le poète tient encore entre ses dents le verbe ultime. LES PAYSANS DÉFILAIENT ... Les paysans défilaient salis par la suie de la nuit dans le lourd char grinçant du Temps, attelant les boeufs à l'essieu du monde. Visages ciselés dans la tristesse de pierre au sommeil étendu entre les gênes et les rêves brisés dans la tête, ils passaient comme de longues cataractes qui tombent sans trêve et ne rencontrent plus la terre. Ils passaient dans les sabots souillés de la pauvreté, sur les chemins cariés de boue, à l'ombre des peupliers qui avaient bu le ciel, sous la fournaise qui avait signé en noir sur leurs lèvres rassasiées de faim. Ils passaient, leurs pantalons tachés de déprime et leur blouse pleurée par la sueur laissant des glèbes dans la révolte de charrue. Entre les blessures sacrées, des vents réunis en conversation déchaînaient des flûtes emplies de doïnas Les paysans défilaient dans le lourd char grinçant de l'Histoire, tirant derrière eux l'essieu du monde. LA FOURNAISE SE RÉVÈLE TOUTE NUE Les âges de l'eau mis en cercles vers l'infini.... L'accordéon de la mer respire exténué. Sur un coussin d'air un albatros. La fournaise se révèle toute nue. Dans les parcs en attente des bancs. Torpide sous la coupole céleste le soleil a gelé. Et regarde fixement. La fournaise se révèle -- nue. SOUS SES AILES L'AIGLE IMPÉRIAL ÉTREINT LA NUE Dans l'air ludique une noce évanescente de hérons. Le zéphyr nous emporte doucement sur des cornes acérées. Un cerf -- se mourant de jeunesse -- agite son enfance entre les herbes légères. Sous ses ailes l'aigle impérial étreint la nue -- plumage déployé. ATTEINS DE TON FRONT LE CHANT DU ROSSIGNOL "De son fourreau, poète, tire ton propos pour atteindre de ton front le chant du rossignol!" Et nous raccommoderons les heures entre elles d'un fil blanc de lumière. DÉBUT Le vent timide qui souffle léger le doux tourment du début assassine mes paroles avant de les écrire. Entre les saules barbus, parmi les chimères ensanglantées s'accroît le pouls de l'herbe, se rassemblent les heures affamées. Comme l'eau aux sources soupire de tristesse à la naissance, comme les rejets fendent l'écorce par passion de la croissance, ce début pèse lourdement sur ma tempe: Il me caresse, il me blesse. Ai-je surgi au couchant? AU-DELÀ DU PROPOS Nous respirons quotidiennement / l'air chargé de vers / remplis d'épithètes / comme les arbres à fruits, / avec des éclats métalliques / telle une femme violemment fardée sur les lèvres; / nous franchissons les marches bondissantes / des mots syncopés, / et les symboles nous ouvrent / la porte d'un tunnel souterrain. / Vers herbeux, / grandis / dans le duvet ouaté / d'un songe, / déposés par le fleuve courant / d'un style / en chaudes alluvions. Dévorés par la Nature, incendiés par l'Amour, leur montée--descente dans la réalité nous l'étayons sur les charpentes solides des métaphores. Caressants comme le souffle léger d'un vent / aussi élevés que le rêve, / au corps / vert comme la vie, / aux yeux / bleus comme l'espérance / et noirs comme la tristesse, / à l'écriture / aussi douce que l'amour / et amère comme la souffrance / que ces Poèmes / portent la belle pensée / plus pure que la santé! FORMULES POUR L'ESPRIT "ETAT-DE-MOI", chronique par Ion Pachia Tatomirescu 3 Avant le propos 5 Ces noirs départs de mes pupilles 7 * * * 8 L'esprit est un état-de-moi 9 Des contours d'envol se brisent 10 Coucher de soleil 11 Le rouge du sang s'écoule toujours en moi 12 Les hauteurs en aigles croissent 13 Vignoble cueilli par le soleil 14 La mort restera vivante 15 Le silence comme une barque 16 La musique est un songe aux yeux ouverts 17 Jeune comme un matin 19 La lumière pèse lourdement en veilleuse 20 S. O. S. 21 Les soucis commencent à fourmiller le long des rues 23 Larmes de fer 24 Seul parmi les étoiles 25 De la lumière nous recueillerons tout le miel 26 Mon sang est un voyageur 27 En cet oiseau se trouve un envol 28 Le doux corps de la poésie 29 Parc sans amoureux 30 De la couleur des pleurs 31 Lecture à l'esprit 32 Écoute la tempête que chante la démente 34 Air aux yeux de bronze 35 Histoire de la langue roumaine 36 Formules pour l'esprit 37 L'amour aux longs cheveux 38 De sa mélodie jaillissent des sources 39 Leitmotive 40 De l'étendard flotte la métaphore 41 Icône 42 La belle se lamente telle un pommier 43 Vous me surprendrez mendiant un univers 44 La vie, la pauvre, perd son temps 45 L'intérieur meublé d'une poésie 46 Les paysans défilaient ... 47 La fournaise se révèle toute nue 49 Sous ses ailes l'aigle impérial étreint la nue 50 Atteins de ton front le chant du rossignol 51 Début 52 Au-delà du propos 53 *** End of this LibraryBlog Digital Book "Formules pour l'esprit" *** Copyright 2023 LibraryBlog. All rights reserved.