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Title: Le Tour du Monde; Les Yakoutes - Journal des voyages et des voyageurs; 2. sem. 1860
Author: Various
Language: French
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*** Start of this LibraryBlog Digital Book "Le Tour du Monde; Les Yakoutes - Journal des voyages et des voyageurs; 2. sem. 1860" ***


(This file was produced from images generously made
available by the Bibliothèque nationale de France
(BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr)



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Journal des voyages et des voyageurs" (2ème semestre 1860).

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différentes zones géographiques, ce fichier contient les articles sur
les Yakoutes.

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articles sont originaires.

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incertain.]



                    LE TOUR DU MONDE



            IMPRIMERIE GÉNÉRALE DE CH. LAHURE
               Rue de Fleurus, 9, à Paris



                    LE TOUR DU MONDE

               NOUVEAU JOURNAL DES VOYAGES

                PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION

                 DE M. ÉDOUARD CHARTON

        ET ILLUSTRÉ PAR NOS PLUS CÉLÈBRES ARTISTES



                         1860
                   DEUXIÈME SEMESTRE

            LIBRAIRIE DE L. HACHETTE ET Cie
         PARIS, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, No 77
          LONDRES, KING WILLIAM STREET, STRAND
              LEIPZIG, 15, POST-STRASSE

                         1860



TABLE DES MATIÈRES.


UN MOIS EN SICILE (1843.--Inédit.), par M. Félix BOURQUELOT.

  Arrivée en Sicile. -- Palerme et ses habitants. -- Les monuments
    de Palerme. -- La cathédrale de Monreale. -- De Palerme à
    Trapani. -- Partenico. -- Alcamo. -- Calatafimi. -- Ruines de
    Ségeste. -- Trapani. -- La sépulture du couvent des capucins. --
    Le mont Éryx. -- De Trapani à Girgenti. -- La Lettica. --
    Castelvetrano. -- Ruines de Sélinonte. -- Sciacca. -- Girgenti
    (Agrigente). -- De Girgenti à Castrogiovanni. -- Caltanizzetta.
    -- Castrogiovanni. -- Le lac Pergusa et l'enlèvement de
    Proserpine. -- De Castrogiovanni à Syracuse. -- Calatagirone. --
    Vezzini. -- Syracuse. -- De Syracuse à Catane. -- Lentini. --
    Catane. -- Ascension de l'Etna. -- Taormine. -- Messine. --
    Retour à Naples.                                                 1


VOYAGE EN PERSE, fragments par M. le comte A. de GOBINEAU (1855-1858),
dessins inédits de M. Jules LAURENS.

  Arrivée à Ispahan. -- Le gouverneur. -- Aspect de la ville. -- Le
    Tchéhar-Bâgh. -- Le collége de la Mère du roi. -- La mosquée du
    roi. -- Les quarante colonnes. -- Présentations. -- Le pont du
    Zend-è-Roub. -- Un dîner à Ispahan. -- La danse et la comédie. --
    Les habitants d'Ispahan. -- D'Ispahan à Kaschan. -- Kaschan. --
    Ses fabriques. -- Son imprimerie lithographique. -- Ses
    scorpions. -- Une légende. -- Les bazars. -- Le collége. -- De
    Kaschan à la plaine de Téhéran. -- Koum. -- Feux d'artifice. --
    Le pont du Barbier. -- Le désert de Khavèr. -- Houzé-Sultan. --
    La plaine de Téhéran. -- Téhéran. -- Notre entrée dans la ville.
    -- Notre habitation.                                            16

  Une audience du roi de Perse. -- Nouvelles constructions à
    Téhéran. -- Température. -- Longévité. -- Les nomades. -- Deux
    pèlerins. -- Le culte du feu. -- La police. -- Les ponts. -- Le
    laisser aller administratif. -- Les amusements d'un bazar persan.
    -- Les fiançailles. -- Le divorce. -- La journée d'une Persane.
    -- La journée d'un Persan. -- Les visites. -- Formules de
    politesses. -- La peinture et la calligraphie persanes. -- Les
    chansons royales. -- Les conteurs d'histoires. -- Les spectacles:
    drames historiques. -- Épilogue. -- Le Démavend. -- L'enfant qui
    cherche un trésor.                                              34


VOYAGES AUX INDES OCCIDENTALES, par M. Anthony TROLLOPE
(1858-1859); dessins inédits de M. A. de BÉRARD.

  L'île Saint-Thomas. -- La Jamaïque: Kingston; Spanish-Town; les
    _réserves_; la végétation. -- Les planteurs et les nègres. --
    Plaintes d'une Ariane noire. -- La toilette des négresses. --
    Avenir des mulâtres. -- Les petites Antilles. -- La Martinique.
    -- La Guadeloupe. -- Grenada. -- La Guyane anglaise. -- Une
    sucrerie. -- Barbados. -- La Trinidad. -- La Nouvelle-Grenade. --
    Sainte-Marthe. -- Carthagène. -- Le chemin de fer de Panama. --
    Costa Rica: San José; le Mont-Blanco. -- Le Serapiqui. --
    Greytown.                                                       49


VOYAGE DANS LES ÉTATS SCANDINAVES, par M. Paul RIANT. (Le
Télémark et l'évêché de Bergen.) (1858.--Inédit.)

  LE TÉLÉMARK. -- Christiania. -- Départ pour le Télémark. -- Mode
    de voyager. -- Paysage. -- La vallée et la ville de Drammen. --
    De Drammen à Kongsberg. -- Le cheval norvégien. -- Kongsberg et
    ses gisements métallifères. -- Les montagnes du Télémark. --
    Leurs habitants. -- Hospitalité des _gaards_ et des _sæters_. --
    Une sorcière. -- Les lacs Tinn et Mjös. -- Le Westfjord. -- La
    chute du Rjukan. -- Légende de la belle Marie. -- Dal. -- Le
    livre des étrangers. -- L'église d'Hitterdal. -- L'ivresse en
    Norvége. -- Le châtelain aubergiste. -- Les lacs Sillegjord et
    Bandak. -- Le ravin des Corbeaux.                               65

  --_Le Saint-Olaf_ et ses pareils. -- Navigation intérieure. --
    Retour à Christiania par Skien.                                 82

  L'ÉVÊCHÉ DE BERGEN. -- La presqu'île de Bergen. -- Lærdal. -- Le
    Sognefjord. -- Vosse-Vangen. -- Le Vöringfoss. -- Le
    Hardangerfjord. -- De Vikoër à Sammanger et à Bergen.           85


VOYAGE DE M. GUILLAUME LEJEAN DANS L'AFRIQUE ORIENTALE
(1860.--Texte et dessins inédits.)--Lettre au Directeur du _Tour
du monde_ (Khartoum, 10 mai 1860).

  D'ALEXANDRIE À SOUAKIN. -- L'Égypte. -- Le désert. -- Le simoun.
    -- Suez. -- Un danger. -- Le mirage. -- Tor. -- Qosséir. --
    Djambo. -- Djeddah.                                             97


VOYAGE AU MONT ATHOS, par M. A. PROUST (1858.--Inédit.)

  Salonique. -- Juifs, Grecs et Bulgares. -- Les mosquées. --
    L'Albanais Rabottas. -- Préparatifs de départ. -- Vasilika. --
    Galatz. -- Nedgesalar. -- L'Athos. -- Saint-Nicolas. -- Le P.
    Gédéon. -- Le couvent russe. -- La messe chez les Grecs. --
    Kariès et la république de l'Athos. -- Le voïvode turc. -- Le
    peintre Anthimès et le pappas Manuel. -- M. de Sévastiannoff.  103

  Ermites indépendants. -- Le monastère de Koutloumousis. -- Les
    bibliothèques. -- La peinture. -- Manuel Panselinos et les
    peintres modernes. -- Le monastère d'Iveron. -- Les carêmes. --
    Peintres et peintures. -- Stavronikitas. -- Miracles. -- Un
    Vroukolakas. -- Les bibliothèques. -- Les mulets. -- Philotheos.
    -- Les moines et la guerre de l'Indépendance. -- Karacallos. --
    L'union des deux Églises. -- Les pénitences et les fautes.     114

  La légende d'Arcadius. -- Le pappas de Smyrne. -- Esphigmenou. --
    Théodose le Jeune. -- L'ex-patriarche Anthymos et l'Église
    grecque. -- L'isthme de l'Athos et Xerxès. -- Les monastères
    bulgares: Kiliandari et Zographos. -- La légende du peintre. --
    Beauté du paysage. -- Castamoniti. -- Une femme au mont Athos. --
    Dokiarios. -- La secte des Palamites. -- Saint-Xénophon. -- La
    pêche aux éponges. -- Retour à Kariès. -- Xiropotamos, le couvent
    du Fleuve Sec. -- Départ de Daphné. -- Marino le chanteur.     130


VOYAGE D'UN NATURALISTE (Charles DARWIN).--L'archipel Galapagos
et les attoles ou îles de coraux.--(1838).

  L'ARCHIPEL GALAPAGOS. -- Groupe volcanique. -- Innombrables
    cratères. -- Aspect bizarre de la végétation. -- L'île Chatam. --
    Colonie de l'île Charles. -- L'île James. -- Lac salé dans un
    cratère. -- Histoire naturelle de ce groupe d'îles. --
    Mammifères; souris indigène. -- Ornithologie; familiarité des
    oiseaux; terreur de l'homme; instinct acquis. -- Reptiles;
    tortues de terre; leurs habitudes.                             139

  Encore les tortues de terre; lézard aquatique se nourrissant de
    plantes marines; lézard terrestre herbivore, se creusant un
    terrier. -- Importance des reptiles dans cet archipel où ils
    remplacent les mammifères. -- Différences entre les espèces qui
    habitent les diverses îles. -- Aspect général américain.       146

  LES ATTOLES OU ÎLES DE CORAUX. -- Île Keeling. -- Aspect
    merveilleux. -- Flore exiguë. -- Voyage des graines. -- Oiseaux.
    -- Insectes. -- Sources à flux et reflux. -- Chasse aux tortues.
    -- Champs de coraux morts. -- Pierres transportées par les
    racines des arbres. -- Grand crabe. -- Corail piquant. --
    Poissons se nourrissant de coraux. -- Formation des attoles. --
    Profondeur à laquelle le corail peut vivre. -- Vastes espaces
    parsemés d'îles de corail. -- Abaissement de leurs fondations. --
    Barrières. -- Franges de récifs. -- Changement des franges en
    barrières et des barrières en attoles.                         151


BIOGRAPHIE.--Brun-Rollet.                                          159


VOYAGE AU PAYS DES YAKOUTES (Russie asiatique), par OUVAROVSKI
(1830-1839).

  Djigansk. -- Mes premiers souvenirs. -- Brigandages. -- Le
    paysage de Djigansk. -- Les habitants. -- La pêche. -- Si les
    poissons morts sont bons à manger. -- La sorcière Agrippine. --
    Mon premier voyage. -- Killæm et ses environs. -- Malheurs. --
    Les Yakoutes. -- La chasse et la pêche. -- Yakoutsk. -- Mon
    premier emploi. -- J'avance. -- Dernières recommandations de ma
    mère. -- Irkoutsk. -- Voyage. -- Oudskoï. -- Mes bagages. --
    Campement. -- Le froid. -- La rivière Outchour. -- L'Aldan. --
    Voyage dans la neige et dans la glace. -- L'Ægnæ. -- Un Tongouse
    qui pleure son chien. -- Obstacles et fatigues. -- Les guides. --
    Ascension du Diougdjour. -- Stratagème pour prendre un oiseau. --
    La ville d'Oudskoï. -- La pêche à l'embouchure du fleuve Ut. --
    Navigation pénible. -- Boroukan. -- Une halte dans la neige. --
    Les rennes. -- Le mont Byraya. -- Retour à Oudskoï et à
    Yakoutsk.                                                      161

  Viliouisk. -- Sel tricolore. -- Bois pétrifié. -- Le Sountar. --
    Nouveau voyage. -- Description du pays des Yakoutes. -- Climat.
    -- Population. -- Caractères. -- Aptitudes. -- Les femmes
    yakoutes.                                                      177


DE SYDNEY À ADÉLAÏDE (Australie du Sud), notes extraites d'une
correspondance particulière (1860).

  Les Alpes australiennes. -- Le bassin du Murray. -- Ce qui reste
    des anciens maîtres du sol. -- Navigation sur le Murray. --
    Frontières de l'Australie du Sud. -- Le lac Alexandrina. -- Le
    Kanguroo rouge. -- La colonie de l'Australie du Sud. -- Adélaïde.
    -- Culture et mines.                                           182


VOYAGES ET DÉCOUVERTES AU CENTRE DE L'AFRIQUE, journal du docteur
BARTH (1849-1855).

  Henry Barth. -- But de l'expédition de Richardson. -- Départ. --
    Le Fezzan. -- Mourzouk. -- Le désert. -- Le palais des démons. --
    Barth s'égare; torture et agonie. -- Oasis. -- Les Touaregs. --
    Dunes. -- Afalesselez. -- Bubales et moufflons. -- Ouragan. --
    Frontières de l'Asben. -- Extorsions. -- Déluge à une latitude où
    il ne doit pas pleuvoir. -- La Suisse du désert. -- Sombre vallée
    de Taghist. -- Riante vallée d'Auderas. -- Agadez. -- Sa
    décadence. -- Entrevue de Barth et du sultan. -- Pouvoir
    despotique. -- Coup d'oeil sur les moeurs. -- Habitat de la
    girafe. -- Le Soudan; le Damergou. -- Architecture. -- Katchéna;
    Barth est prisonnier. -- Pénurie d'argent. -- Kano. -- Son
    aspect, son industrie, sa population. -- De Kano à Kouka. -- Mort
    de Richardson. -- Arrivée à Kouka. -- Difficultés croissantes. --
    L'énergie du voyageur en triomphe. -- Ses visiteurs. -- Un vieux
    courtisan. -- Le vizir et ses quatre cents femmes. -- Description
    de la ville, son marché, ses habitants. -- Le Dendal. --
    Excursion. -- Angornou. -- Le lac Tchad.                       193

  Départ. -- Aspect désolé du pays. -- Les Ghouas. -- Mabani. -- Le
    mont Délabéda. -- Forgeron en plein vent. -- Dévastation. --
    Orage. -- Baobab. -- Le Mendif. -- Les Marghis. -- L'Adamaoua. --
    Mboutoudi. -- Proposition de mariage. -- Installation de vive
    force chez le fils du gouverneur de Soulleri. -- Le Bénoué. --
    Yola. -- Mauvais accueil. -- Renvoi subit. -- Les Ouélad-Sliman.
    -- Situation politique du Bornou. -- La ville de Yo. -- Ngégimi
    ou Ingégimi. -- Chute dans un bourbier. -- Territoire ennemi. --
    Razzia. -- Nouvelle expédition. -- Troisième départ de Kouka. --
    Le chef de la police. -- Aspect de l'armée. -- Dikoua. -- Marche
    de l'armée. -- Le Mosgou. -- Adishen et son escorte. -- Beauté du
    pays. -- Chasse à l'homme. -- Erreur des Européens sur le centre
    de l'Afrique. -- Incendies. -- Baga. -- Partage du butin. --
    Entrée dans le Baghirmi. -- Refus de passage. -- Traversée du
    Chari. -- À travers champs. -- Défense d'aller plus loin. --
    Hospitalité de Bou-Bakr-Sadik. -- Barth est arrêté. -- On lui met
    les fers aux pieds. -- Délivré par Sadik. -- Maséna. -- Un
    savant. -- Les femmes de Baghirmi. -- Combat avec des fourmis. --
    Cortége du sultan. -- Dépêches de Londres.                     209

  De Katchéna au Niger. -- Le district de Mouniyo. -- Lacs
    remarquables. -- Aspect curieux de Zinder. -- Route périlleuse.
    -- Activité des fourmis. -- Le Ghaladina de Sokoto. -- Marche
    forcée de trente heures. -- L'émir Aliyou. -- Vourno. --
    Situation du pays. -- Cortége nuptial. -- Sokoto. -- Caprice
    d'une boîte à musique. -- Gando. -- Khalilou. -- Un chevalier
    d'industrie. -- Exactions. -- Pluie. -- Désolation et fécondité.
    -- Zogirma. -- La vallée de Foga. -- Le Niger. -- La ville de
    Say. -- Région mystérieuse. -- Orage. -- Passage de la Sirba. --
    Fin du rhamadan à Sebba. -- Bijoux en cuivre. -- De l'eau
    partout. -- Barth déguisé en schérif. -- Horreur des chiens. --
    Montagnes du Hombori. -- Protection des Touaregs. -- Bambara. --
    Prières pour la pluie. -- Sur l'eau. -- Kabara. -- Visites
    importunes. -- Dangereux passage. -- Tinboctoue, Tomboctou ou
    Tembouctou. -- El Bakay. -- Menaces. -- Le camp du cheik. --
    Irritation croissante. -- Sus au chrétien! -- Les Foullanes
    veulent assiéger la ville. -- Départ. -- Un preux chez les
    Touaregs. -- Zone rocheuse. -- Lenteurs désespérantes. -- Gogo.
    -- Gando. -- Kano. -- Retour.                                  226


VOYAGES ET AVENTURES DU BARON DE WOGAN EN CALIFORNIE
(1850-1852.--Inédit).

  Arrivée à San-Francisco. -- Description de cette ville. -- Départ
    pour les placers. -- Le claim. -- Première déception. -- La
    solitude. -- Mineur et chasseur. -- Départ pour l'intérieur. --
    L'ours gris. -- Reconnaissance des sauvages. -- Captivité. --
    Jugement. -- Le poteau de la guerre. -- L'Anglais chef de tribu.
    -- Délivrance.                                                 242


VOYAGE DANS LE ROYAUME D'AVA (empire des Birmans), par le
capitaine Henri YULE, du corps du génie bengalais (1855).

  Départ de Rangoun. -- Frontières anglaises et birmanes. -- Aspect
    du fleuve et de ses bords. -- La ville de Magwé. -- Musique,
    concert et drames birmans. -- Sources de naphte; leur
    exploitation. -- Un monastère et ses habitants. -- La ville de
    Pagán. -- Myeen-Kyan. -- Amarapoura. -- Paysage. -- Arrivée à
    Amarapoura.                                                    258

  Amarapoura; ses palais, ses temples. -- L'éléphant blanc. --
    Population de la ville. -- Recensement suspect. -- Audience du
    roi. -- Présents offerts et reçus. -- Le prince héritier
    présomptif et la princesse royale. -- Incident diplomatique. --
    Religion bouddhique. -- Visites aux grands fonctionnaires. -- Les
    dames birmanes.                                                273

  Comment on dompte les éléphants en Birmanie. -- Excursions autour
    d'Amarapoura. -- Géologie de la vallée de l'Irawady. -- Les
    poissons familiers. -- Le serpent hamadryade. -- Les Shans et
    autres peuples indigènes du royaume d'Ava. -- Les femmes chez les
    Birmans et chez les Karens. -- Fêtes birmanes. -- Audience de
    congé. -- Refus de signer un traité. -- Lettre royale. -- Départ
    d'Amarapoura et retour à Rangoun. -- Coup d'oeil rétrospectif sur
    la Birmanie.                                                   280


VOYAGE AUX GRANDS LACS DE L'AFRIQUE ORIENTALE, par le capitaine
BURTON (1857-1859).

  But de l'expédition. -- Le capitaine Burton. -- Zanzibar. --
    Aspect de la côte. -- Un village. -- Les Béloutchis. -- Ouamrima.
    -- Fertilité du sol. -- Dégoût inspiré par le pantalon. -- Vallée
    de la mort. -- Supplice de M. Maizan. -- Hallucination de
    l'assassin. -- Horreur du paysage. -- Humidité. -- Zoungoméro. --
    Effets de la traite. -- Personnel de la caravane. -- Métis
    arabes, Hindous, jeunes gens mis en gage par leurs familles. --
    Ânes de selle et de bât. -- Chaîne de l'Ousagara. --
    Transformation du climat. -- Nouvelles plaines insalubres. --
    Contraste. -- Ruine d'un village. -- Fourmis noires. -- Troisième
    rampe de l'Ousagara. -- La Passe terrible. -- L'Ougogo. --
    L'Ougogi. -- Épines. -- Le Zihoua. -- Caravanes. -- Curiosité des
    indigènes. -- Faune. -- Un despote. -- La plaine embrasée. --
    Coup d'oeil sur la vallée d'Ougogo. -- Aridité. -- Kraals. --
    Absence de combustible. -- Géologie. -- Climat. -- Printemps. --
    Indigènes. -- District de Toula. -- Le chef Maoula. -- Forêt
    dangereuse.                                                    305

  Arrivée à Kazeh. -- Accueil hospitalier. -- Snay ben Amir. --
    Établissements des Arabes. -- Leur manière de vivre. -- Le Tembé.
    -- Chemins de l'Afrique orientale. -- Caravanes. -- Porteurs. --
    Une journée de marche. -- Costume du guide. -- Le Mganga. --
    Coiffures. -- Halte. -- Danse. -- Séjour à Kazeh. -- Avidité des
    Béloutchis. -- Saison pluvieuse. -- Yombo. -- Coucher du soleil.
    -- Jolies fumeuses. -- Le Mséné. -- Orgies. -- Kajjanjéri. --
    Maladie. -- Passage du Malagarazi. -- Tradition. -- Beauté de la
    Terre de la Lune. -- Soirée de printemps. -- Orage. -- Faune. --
    Cynocéphales, chiens sauvages, oiseaux d'eau. -- Ouakimbou. --
    Ouanyamouézi. -- Toilette. -- Naissances. -- Éducation. --
    Funérailles. -- Mobilier. -- Lieu public. -- Gouvernement. --
    Ordalie. -- Région insalubre et féconde. -- Aspect du Tanganyika.
    -- Ravissements. -- Kaouélé.                                   321

    Tatouage. -- Cosmétiques. -- Manière originale de priser. --
    Caractère des Ouajiji; leur cérémonial. -- Autres riverains du
    lac. -- Ouatata, vie nomade, conquêtes, manière de se battre,
    hospitalité. -- Installation à Kaouélé. -- Visite de Kannéna. --
    Tribulations. -- Maladies. -- Sur le lac. -- Bourgades de
    pêcheurs. -- Ouafanya. -- Le chef Kanoni. -- Côte inhospitalière.
    -- L'île d'Oubouari. -- Anthropophages. -- Accueil flatteur des
    Ouavira. -- Pas d'issue au Tanganyika. -- Tempête. -- Retour.  337


FRAGMENT D'UN VOYAGE AU SAUBAT (affluent du Nil Blanc), par M.
Andrea DEBONO (1855)                                               348


VOYAGE À L'ÎLE DE CUBA, par M. Richard DANA (1859).

  Départ de New-York. -- Une nuit en mer. -- Première vue de Cuba.
    -- Le Morro. -- Aspect de la Havane. -- Les rues. -- La volante.
    -- La place d'Armes. -- La promenade d'Isabelle II. -- L'hôtel Le
    Grand. -- Bains dans les rochers. -- Coolies chinois. -- Quartier
    pauvre à la Havane. -- La promenade de Tacon. -- Les surnoms à la
    Havane. -- Matanzas. -- La Plaza. -- Limossar. -- L'intérieur de
    l'île. -- La végétation. -- Les champs de canne à sucre. -- Une
    plantation. -- Le café. -- La vie dans une plantation de sucre.
    -- Le Cumbre. -- Le passage. -- Retour à la Havane. -- La
    population de Cuba. -- Les noirs libres. -- Les mystères de
    l'esclavage. -- Les productions naturelles. -- Le climat.      353


EXCURSIONS DANS LE DAUPHINÉ, par M. Adolphe JOANNE (1850-1860).

  Le pic de Belledon. -- Le Dauphiné. -- Les Goulets.              369

  Les gorges d'Omblèze. -- Die. -- La vallée de Roumeyer. -- La
    forêt de Saou. -- Le col de la Cochette.                       385


EXCURSIONS DANS LE DAUPHINÉ, par M. Élisée RECLUS (1850-1860).

  La Grave. -- L'Aiguille du midi. -- Le clapier de
    Saint-Christophe. -- Le pont du Diable. -- La Bérarde. -- Le col
    de la Tempe. -- La Vallouise. -- Le Pertuis-Rostan. -- Le village
    des Claux. -- Le mont Pelvoux. -- La Balme-Chapelu. -- Moeurs des
    habitants.                                                     402


LISTE DES GRAVURES.                                                417

LISTE DES CARTES.                                                  422

ERRATA.                                                            427



[Illustration: Voyageurs yakoutes.--Dessin de Victor Adam d'après le
comte de Rechberg.]



VOYAGE AU PAYS DES YAKOUTES (RUSSIE ASIATIQUE),

PAR OUVAROVSKI[1].

                   [Note 1: Le livre curieux dont nous donnons ici
                   la traduction est à la fois une biographie et une
                   relation de voyage. Son titre est littéralement:
                   _Uvariskai akhtyta_, etc.: _Souvenirs
                   d'Ouvarovski_, écrits par lui-même en yakoute, et
                   publiés par Otto Boehtlingk, avec les Voyages du Dr
                   A. T. von Middendorf dans l'extrême Nord et la
                   Sibérie orientale (_Reise in den æussersten Norden
                   und Osten Sibiriens_). Saint-Pétersbourg, in-4, t.
                   I, part. I.

                   Le récit d'Ouvarovski est précédé d'une dédicace
                   dont voici le début et la fin: «_Au gracieux Otto
                   Nicolaïevitch_ [_Boehtlingk_].--T'occupant
                   d'étudier les langues de divers peuples, tu vins me
                   trouver au mois de mars (1847), et après m'avoir
                   informé que tu te proposais d'écrire sur l'idiome
                   des Yakoutes, tu me demandas mon concours pour ce
                   travail...; tu me demandas aussi des mémoires en
                   yakoute sur mon origine, ma naissance et ma vie. Ta
                   bienveillance à mon égard me faisait un devoir
                   d'accomplir ton désir. J'ai composé dans cette vue
                   les souvenirs que tu recevras avec cette lettre.

                   «Je suis convaincu de l'inutilité de cet écrit; tu
                   le liras bien pour donner un exemple, mais personne
                   ne t'imitera. Ce travail n'en était pas moins
                   difficile: car auparavant aucun livre n'avait été
                   composé en yakoute; il n'existait en cette langue
                   qu'un traité religieux, appelé catéchisme, encore
                   n'était-ce qu'une mauvaise traduction du russe. Je
                   me félicite d'être le premier qui ait écrit dans la
                   langue de mes chers Yakoutes.»

                   Le voyage d'Ouvarovski doit avoir eu lieu de 1830 à
                   1839, ainsi qu'il ressort du rapprochement de
                   diverses dates disséminées à travers sa relation.
                   Il écrivait en 1847, et il y avait huit ans qu'il
                   habitait Saint-Pétersbourg; c'était donc en 1839
                   qu'il avait quitté la Sibérie, au retour de sa
                   seconde mission dans les districts d'Oudskoï. Ses
                   voyages avaient duré neuf ans; c'est ce qu'il
                   appelle ses neuf années d'épreuves et de malheur.
                   Il avait parcouru tout le pays des Yakoutes et des
                   Tongouses. Ceux qui ont visité cette contrée, avant
                   ou après lui, ont mis tout au plus quelques mois à
                   la traverser, courant en poste sur les routes ou
                   remontant les fleuves. Ouvarovski, au contraire, a
                   été forcé, en qualité de collecteur d'impôts, de
                   parcourir divers districts dans tous les sens;
                   d'aller chercher les nomades au fond des déserts,
                   et d'étudier leur industrie.]

1830-1839.

  Le bonheur et le malheur marchent de front avec l'homme.
  Le blé se change en farine lorsqu'on le moud.


     Djigansk. -- Mes premiers souvenirs. -- Brigandages. -- Le
     paysage de Djigansk. -- Les habitants. -- La pêche. -- Si
     les poissons morts sont bons à manger. -- La sorcière
     Agrippine.

Sur la rive gauche du grand fleuve la Léna, à cent _koes_[2] de la
ville de Yakoutsk[3], près de la mer de glace, se trouve Djigansk[4].
C'est là que résidait mon père, en qualité de chef du cercle; c'est là
que je suis né.

                   [Note 2: Le _koes_ ordinaire correspond à peu
                   près au myriamètre; il vaut dix verstes,
                   c'est-à-dire dix fois mille soixante-six mètres. Le
                   koes d'un piéton est de sept à huit verstes, et le
                   koes d'un cheval au trot est de treize à quatorze
                   verstes. (_Note du traducteur._)]

                   [Note 3: En yakoute _Djokouskaï_.]

                   [Note 4: Ou Shigansk, en yakoute _Ædjigæn_.]

Lorsque Djigansk perdit son titre de cité, mon père dut retourner à
Yakoutsk; je n'avais alors que quatre ou cinq ans. À cet âge la
mémoire d'un enfant est peu développée: il me reste toutefois quelques
souvenirs de ce temps éloigné. Mon père était obligé par son emploi de
faire annuellement de longs et pénibles voyages qui duraient jusqu'à
neuf mois: pendant son absence je pleurais avec ma mère d'impatience
et d'ennui.

Deux fois je faillis perdre la vie: la première fois, je voulus
traverser une rivière sur un arbre et je fis une culbute dans l'eau;
la seconde, je tombai dans une marmite où cuisaient des aliments pour
les chiens.

Un matin d'été, m'étant levé de bonne heure, je fus mortellement
effrayé à la vue d'un brigand à mine farouche, qui se tenait sur la
porte de la maison, l'arme au bras. J'appris qu'il montait la garde
pour empêcher que ses compagnons ne missent par mégarde nos biens au
pillage.

C'était une bande de quatorze à quinze voleurs qui s'étaient évadés
d'Okhotsk[5], où ils étaient condamnés à faire bouillir du sel. Sur
leur chemin, ils avaient volé les bagages de plusieurs marchands. Ils
avaient descendu l'Aldan jusqu'à la Léna, et étaient venus à Djigansk
sur des embarcations. Arrivés de nuit, ils avaient surpris dans le
sommeil les soldats et les cosaques, leur avaient lié les pieds et les
mains, et les avaient enivrés de façon à leur faire perdre
connaissance. Après les avoir enfermés dans la prison, ils s'étaient
partagés en plusieurs bandes et s'étaient mis à piller la ville.

                   [Note 5: En yakoute _Lami_. Okhotsk, chef-lieu du
                   district de ce nom (voy. p. 165), dans le
                   gouvernement russe de l'océan Pacifique, est une
                   ville de trois mille habitants. Située
                   originairement à l'embouchure de l'Okhota, sur le
                   bord de la mer d'Okhotsk, elle a été transportée,
                   en 1815, sur la rive droite du Koukthoui. La
                   plupart des maisons sont bâties en bois. Elle a une
                   école de navigation, des chantiers où l'on
                   construit des bâtiments marchands, un port
                   militaire, qui fait aussi un grand commerce avec le
                   Kamtschatka et l'Amérique, enfin une rade vaste et
                   commode.]

Le même jour, vers l'heure où l'on trait les vaches (entre neuf et dix
heures), ils s'étaient rassemblés tous dans notre maison, après avoir
fait leur coup de main.

Ces hommes féroces et terribles étaient privés de nez et portaient des
marques bleues sur le visage[6]. Leur teint sanguin paraissait encore
plus noir à la chaleur du brasier. Mais à l'arrivée de mon père et de
ma mère, ils changèrent subitement de mine et quittèrent leurs
manières farouches pour prendre un air bienveillant, quoique le sang
d'une de leurs victimes fumât encore. Ils remercièrent mes parents
avec effusion de ce qu'ils assistaient de leur bien les pauvres gens.

                   [Note 6: Ils avaient été stigmatisés avec un fer
                   chaud.]

Il n'était jamais rien arrivé de pareil dans le pays des Yakoutes[7].
Le chef des brigands, Géorgien de naissance, ne semblait pas être ému
le moins du monde de ce qui s'était passé. C'était un homme de haute
stature. Il avait suspendu à sa ceinture toute sorte d'armes, et était
vêtu d'un pantalon rouge, dont les coutures étaient couvertes de
galons d'argent. Il m'avait pris dans ses bras et me régalait de toute
sorte de friandises, tandis que je pleurais.

                   [Note 7: Ce peuple s'appelle dans sa propre langue
                   _Sakha_ selon Ouvarovski, et _Socha_ selon Sauer.
                   Le pluriel est _Sakhalar_.]

Mes parents ne pouvaient qu'être reconnaissants d'avoir été épargnés
dans ce jour qui avait vu tant d'infortunes; leur ruine n'aurait pas
été douteuse, si les voleurs avaient voulu piller notre maison. Après
avoir pris un copieux déjeuner, ils partirent vers le midi, et se
rembarquèrent sur la Léna, emportant un riche butin.

Il est impossible de décrire les pleurs et la désolation de toutes les
autres familles de la ville, qui étaient au nombre de plus de trente.
Le soir, à leur retour de la forêt où elles s'étaient enfuies, elles
trouvèrent leurs demeures dépouillées du bas en haut.

Le même été (je ne me rappelle pas au juste combien de mois plus
tard), les brigands furent atteints à soixante-dix koes de Djigansk
par des soldats envoyés de Yakoutsk. On ne retrouva qu'une minime
partie du bien volé; le reste s'était gâté ou avait été gaspillé de
côté et d'autre.

Pour le simple spectateur, les environs de Djigansk manquent de toute
espèce d'agrément et de variété. On rencontre presque partout une
prairie resserrée entre deux collines et bordée d'épais fourrés, où un
chien ne trouverait pas à passer le museau. On ne peut faire dix pas
dans les bois sans enfoncer jusqu'au genou dans un terrain mobile et
fangeux. En fait de baies, on n'y trouve que l'airelle rouge, la
camarine noire (_empetrum nigrum_), la groseille rouge, le raisin
d'ours et le fruit de l'églantier.

L'hiver dure huit mois, pendant lesquels on ne peut quitter les
vêtements chauds; si l'on ajoute deux mois pour le printemps et
l'automne, il en reste à peine deux autres pour le triste été.

La neige forme une masse plus haute que les maisons; le vent souffle
avec une telle violence que l'on ne peut se tenir sur ses jambes; le
froid vous coupe la respiration, et le soleil ne se montre presque pas
durant deux mois d'hiver. Pour être sincère, si l'on m'avait donné le
choix, ce n'est pas Djigansk que j'aurais choisi comme lieu de
naissance.

Les habitants de Djigansk sont Tongouses et au nombre de quatre ou
cinq cents hommes[8]. Ils vivent de chasse et parcourent une mer de
neige de plus de deux cents myriamètres de circuit. Ils recueillent
les précieuses cornes d'animaux dont on fait des peignes (les dents de
mammouth), et tuent des rennes, des alezans moreaux, des zibelines,
des renards à gorge foncée, des renards rouges, des renards des
glaces, des écureuils, des hermines, des ours noirs, des ours blancs.

                   [Note 8: Selon Sauer, secrétaire de l'expédition de
                   Billings, _Djigansk_, qu'il appelle _Gigansk_,
                   avait encore le titre de cité en 1789; elle avait
                   deux églises, deux maisons appartenant au
                   gouverneur, sept maisons de particuliers et quinze
                   huttes. Elle était le siège d'un tribunal de
                   district (_zemikoï-soud_). Le district de Gigansk,
                   étendu de six mille verstes des bords de l'Iana à
                   ceux de l'Anabara, était habité par 1449 Yakoutes
                   hommes, 489 Tongouses hommes, en tout 1938
                   tributaires, taxés pour cette année à 56 peaux de
                   marte zibeline, 262 peaux de renard et 1169 roubles
                   d'argent (4676 fr.). En 1784, les tributaires
                   étaient au nombre de 4834. En 1788, il y avait dans
                   ce district et celui de Zakhisvesk 750 Russes
                   hommes y compris les exilés.]

Quel que puisse être un pays, il est rare qu'il manque de tout
agrément. Durant deux mois d'été, les habitants de Djigansk voient
presque toujours le soleil à l'horizon. Ceux qui n'y sont pas habitués
trouvent à peine le temps de dormir.

Les eaux des environs de Djigansk sont sans égales tant pour la
quantité que pour la qualité des poissons qu'elles nourrissent; on y
prend des _salmo nelma_, des ablettes, des esturgeons, des sterlets,
des _tscher_, des _muksun_, des _omul_, des _salmo lavoretus_.

On gaspille sans profit ces poissons excellents, et cela pour deux
causes, d'abord parce que l'on manque de sel et ensuite parce que
c'est l'habitude. Les Tongouses creusent, près du lieu où ils pèchent,
une fosse profonde d'une brasse environ, dont ils revêtent d'écorce le
fond et les parois. Les poissons y sont encaqués après qu'on leur a
ôté les intestins et les arêtes. On les laisse consumer jusqu'à ce
qu'ils deviennent bleus et tombent en bouillie. Dans cet état, ils
sont un des mets favoris des Tongouses. J'avoue que dans mon enfance
j'en mangeais très-volontiers en public et en privé, et que j'en
mangerais encore si l'occasion s'en présentait.

De grands médecins écrivent que l'usage des poissons morts depuis un
jour cause un violent malaise. Mais comment pourrais-je croire que
cette opinion soit vraie, moi qui sais que des milliers de personnes
se nourrissent de ces poissons pourris et atteignent néanmoins un âge
avancé. Quoique j'en aie moi-même passablement mangé, je ne m'aperçois
pas que je m'en sois trouvé plus mal. Que l'on dise au Tongouse: «Ne
mange pas de poisson pourri, c'est un aliment malsain;» il rira et
répondra: «Et le poisson que tu viens de tuer pour le manger ne se
consume-t-il pas également dans ton estomac?»

Au milieu du siècle dernier vivait à Djigansk une Russe[9], nommée
Agrippine (Ogröpönö), que ma grand'mère connaissait de vue. Elle
passait pour sorcière: on estimait heureux ceux qu'elle aimait; ceux,
au contraire, à qui elle en voulait se tenaient pour infortunés. Ses
paroles étaient respectées, comme si elles fussent venues du ciel.
S'étant ainsi acquis la confiance des hommes, elle se bâtit, entre les
rochers, à quatre koes en amont de Djigansk, une hutte où elle se
retira dans sa vieillesse. Personne ne passait près de là sans lui
aller demander sa bénédiction et lui porter un présent. Malheur à qui
manquait à ce devoir! elle ne tardait pas à l'en punir. Se
métamorphosant en corbeau noir, elle soulevait contre lui de violents
tourbillons de vent, faisait tomber ses bagages dans l'eau, et le
privait de la raison. Maintenant même qu'elle est morte, les voyageurs
continuent à suspendre des dons dans les lieux où elle vécut. Son nom
est encore connu non-seulement des habitants de Djigansk, mais aussi
de tous les Yakoutes des environs d'Yakoutsk. On dit d'une femme folle
qu'elle a été frappée par Agrippine de Djigansk. La tradition rapporte
que cette sorcière atteignit l'âge de quatre-vingts ans; qu'elle était
grosse, mais de taille peu élevée; que son visage était marqué de la
petite vérole; que ses yeux étaient brillants comme l'étoile du matin,
et que sa voix avait un son clair, comme la glace que l'on frappe. Le
souvenir d'Agrippine n'est pas effacé dans les contrées
septentrionales.

                   [Note 9: _Nutcha_ en yakoute.]


     Mon premier voyage. -- Killæm et ses environs. -- Malheurs.
     Les Yakoutes. -- La chasse et la pêche.

Ainsi que je l'ai déjà dit, j'étais encore bien jeune lorsque notre
famille quitta Djigansk pour aller s'établir à Yakoutsk. J'emportai
suivant l'usage, dans une bouteille, de la terre de mon lieu de
naissance, pour la délayer dans de l'eau et la boire quand je
souffrirais du mal du pays; mais n'ayant jamais regretté Djigansk, je
n'ai pas eu l'occasion de me remplir l'estomac de terre noire. Depuis
je n'ai jamais revu cette ville, et Dieu sait si j'y retournerai
jamais!

À deux koes et demi au nord d'Yakoutsk est une contrée appelée Killæm,
où mon père et ma mère avaient bâti à la russe une jolie maison qu'ils
habitaient avant de s'établir à Djigansk. Tout près de là s'élevait la
maison de mes aïeuls maternels, qui étaient fort avancés en âge.

Ni à Djigansk, ni dans le trajet, je n'avais vu de campagne ouverte,
ou de plaine liquide qui se prolongeât à perte de vue, ou de chaîne de
montagnes et de collines qui s'étendît le long d'un fleuve, et fût du
haut en bas couverte d'un fourré impénétrable. Mon oreille n'avait
jamais été charmée par les chants de l'alouette, ou les mélodies des
oiseaux musiciens; je n'avais entendu que le croassement du corbeau et
de la corneille, ou la voix de la pivoine. En fait de plantes, je ne
connaissais que le roseau sans parfum.

D'après cela, jugez de mon étonnement lorsque j'arrivai à Killæm. À
mes yeux se déployait une immense prairie d'un koes de large et de
plusieurs koes de long, couverte d'un tapis de verdure que l'air
agitait, et aussi unie que la surface d'un lac. Les innombrables
fleurs dont elle était parsemée lui donnaient l'aspect d'un tissu vert
et jaune. On voyait ça et là des bosquets de mélèze et de bouleau
disposés comme par une main d'artiste. Au milieu de cette prairie
serpentaient les eaux claires d'un fleuve rapide, qui coulait sur le
sable pur entre des rives noires et escarpées. Sur la rive opposée
croissait du foin touffu et nourrissant, où couraient une centaine de
faux, dont les lames brillaient comme de l'argent aux rayons du
soleil. Dans cette plaine pâturaient un grand nombre de bêtes à cornes
et de chevaux, qui prenaient leurs ébats en toute sécurité et erraient
à leur gré. De distance en distance étaient réunies, par groupes de
cinq ou de dix, les maisons des Yakoutes, enduites de terre grasse, ou
leurs yourtes d'été, coniques et blanches, qui avaient l'air d'être
peintes. Les croisées, en verre ou en pierre spéculaire, reluisaient
comme des pierres précieuses. Au fond de ce paysage s'élevait, comme
une haute colline, notre maison bâtie sur une éminence.

La beauté de ce tableau, jointe à son immensité, ravissait mon esprit
d'enfant qui ne s'était jamais rien représenté de semblable. Je me
figurais que cette contrée n'avait pas de limites, et la joie que
j'éprouvais à ces pensées était si grande qu'il est impossible de
l'exprimer par des paroles.

À peine étions-nous dans le pays, que le malheur visita notre maison.
Un jour, en sortant de table, mon père, qui jusqu'à l'âge de
soixante-douze ans n'avait jamais été malade, s'affaissa sans
connaissance sur le banc fixé au mur, et au bout de quelques instants
rendit son âme à Dieu.

Cette perte inopinée causa à ma mère un extrême chagrin. Après les
funérailles, elle se trouva dans une situation tout à fait précaire;
mon père laissait des dettes pour huit ou neuf cents roubles[10], ce
qui passait alors pour une grosse somme. Après avoir vécu neuf ans à
Djigansk, mes parents n'avaient retrouvé à Killæm qu'une minime partie
de leur bétail; tout le reste était passé de différentes façons dans
des mains étrangères. Notre maison avait été dévastée jusqu'à la
désolation.

                   [Note 10: Le rouble vaut quatre francs.]

Lorsque sa douleur se fut un peu calmée, ma mère songea à mettre de
l'ordre dans nos affaires, et par ses soins notre bétail s'améliora
beaucoup pendant les cinq années de notre séjour à Killæm.

La vie que nous y menions manquait de toute espèce d'agrément: la
rigueur du froid ne permettait pas que l'on sortît dans la campagne
désolée; nous étions cinq mois sans quitter la maison.

[Illustration: Une sorcière tongouse.--Dessin de Victor Adam d'après
le comte de Rechberg.]

Pendant que nous vivions ainsi, je fis connaissance avec un grand
nombre de Yakoutes, qui m'aimaient comme leur enfant, et je leur
rendais bien leur affection. J'appris à fond leur langue, et je me
familiarisai avec leur manière de vivre et de penser. J'écoutais avec
plaisir leurs contes, leurs chansons, leurs vieilles traditions;
j'aimais à prendre part à leurs solennités, à leurs festins, et aux
jeux qu'ils célèbrent en été. Je me conciliai ainsi l'affection
non-seulement des Yakoutes, mais aussi de leurs femmes, de leurs
filles et de leurs enfants. Ils avaient tant de confiance en moi, que
je n'aurais pu agir à l'encontre de leur manière de voir, quand même
je l'aurais voulu.

Les divertissements ne me manquaient pas. Les lacs de la contrée
sont remplis en été de diverses espèces de canards; et les bois, de
lièvres, de coqs de bruyère, de lagopèdes et de perdrix. Au printemps,
après la débâcle des glaces, et en automne, lorsque les nouvelles
couvées sont en état de voler et partent pour les pays chauds, on est
troublé dans son sommeil par les cris des oies, des canards, des
cygnes, des grues, des cigognes et d'une foule de petits oiseaux.
Pendant bien des années j'ai fait une si rude guerre aux bêtes fauves,
que peu d'hommes en ont tué plus que moi. Lorsque j'avais envie de
chasser, les distances n'étaient rien pour moi; je ne m'effrayais pas
de passer trois jours sans dormir, je ne connaissais pas la fatigue.
En automne, je me couchais sur le flanc, sans autre oreiller qu'un
tronc d'arbre, et n'ayant pas même une fourrure ou une couverture pour
me garantir de la neige ou de la pluie. Lorsque je pêchais, je
pataugeais toute la nuit dans l'eau froide, où les filets étaient
tendus. L'habitude que j'avais contractée dès mon enfance de supporter
les plus rudes fatigues, me fut très-utile dans la suite.

[Illustration: Port d'Okhotsk (voy. la note 1. p. 162).--Dessin de
Victor Adam d'après l'atlas du Voyage dans la Russie asiatique
commandé par le commodeur Billings.]


     Yakoutsk. -- Mon premier emploi. -- J'avance. -- Dernières
     recommandations de ma mère.

Lorsque nous fûmes forcés d'habiter Yakoutsk, ma mère fit transporter
dans cette ville chacune des pièces de notre maison de Killæm et la
fit reconstruire dans un bon emplacement qu'elle avait choisi;
j'entrai au service de l'empereur, en qualité de copiste au tribunal
supérieur de Yakoutsk. Nous avions pour supérieur un M. N..., homme de
petite naissance et médiocre écrivain, mais qui passait pour
indispensable. Se trouvant dans une belle position, il n'appréciait
pas la peine de ses subordonnés. Nous étions occupés chaque jour à
écrire sans interruption, depuis le grand matin jusqu'à la nuit, en
tout dix-sept heures, et nos appointements s'élevaient à deux roubles
de cuivre[11] par mois. Après avoir ainsi travaillé durant deux ans,
je devins chef de mon bureau, et trois ou quatre ans plus tard j'eus
la direction de sept bureaux. Peu après je fus nommé chancelier privé
du gouverneur et l'on mit sous mes ordres dix personnes pour m'aider
dans mes pénibles fonctions. Mais comme la moitié de mes subordonnés
étaient des ivrognes accomplis et le reste de petits enfants que
j'avais à instruire, toute la besogne me restait sur les bras. Je
travaillais vingt heures par jour, et je ne gagnais que cinq roubles
de cuivre par mois. Mais l'affection de mes supérieurs, la
considération publique, et surtout la satisfaction de ma mère, me
donnaient des forces, et j'avais en outre la conscience d'être utile.

                   [Note 11: Le rouble de cuivre ou d'assignation vaut
                   1 fr. 14 c.]

Ayant perdu son mari et ses douze enfants, à l'exception d'un seul, ma
mère ne vivait plus que pour moi. Mais voilà qu'au temps où elle
aurait pu jouir du repos, elle fut atteinte d'une maladie mortelle,
qui s'aggrava de jour en jour. Je restai près d'elle, sans sortir et
sans dormir, les neuf jours et les neuf nuits qui précédèrent sa mort.
Les dernières paroles d'adieu qu'elle m'adressa furent nombreuses,
très-nombreuses. La veille de son trépas elle me dit:

«Ne reste pas à Yakoutsk; cette ville est remplie de Russes qui te
portent envie. Les indigènes te conserveront sans doute leur
affection; mais c'est précisément ce qui excitera la jalousie de tes
ennemis. Tu ne pourras t'éviter de répondre à leurs provocations, tu
perdras ta liberté et tu tomberas dans l'infortune. Vends ta maison et
tes biens, et pars pour la Russie. Là tu verras l'empereur; ce sera
ton bonheur. Je vais te laisser seul sur la terre; mais tu connais mes
principes, ne les abandonne pas, ils feront ta consolation dans
l'adversité. Ne manque pas d'assister ton prochain de tes biens, de
tes conseils, de ton travail. C'est le devoir de tout homme. Je
mourrai demain; au lever du soleil envoie chercher le prêtre, et fais
appeler tous nos parents et toutes mes connaissances.»

C'était un jour d'automne; l'ecclésiastique étant arrivé dès l'aurore,
ma mère confessa ses péchés, reçut l'eucharistie, et fit ses adieux à
toutes les personnes qui s'étaient rendues à son appel. Ensuite elle
m'embrassa; je sentis sur mes épaules le froid de son haleine, et peu
après tous les assistants s'écrièrent: «Elle est morte!» Ma mère
venait de rendre subitement le dernier soupir.

Avec elle, je perdis tout ce qui faisait mon bonheur sur terre.
N'ayant plus ni frère ni soeur, et n'ayant jamais été marié, je n'ai
eu personne pour me consoler dans mes jours d'abattement, ou pour se
réjouir avec moi dans mes moments d'expansion. Je suis pour tout le
monde un étranger; quelque part que j'aille, je ne suis qu'un hôte!

La contrée de Yakoutsk n'avait plus de charmes à mes yeux; ce qui
m'avait paru beau ne réveillait en moi que des idées tristes. Et puis
la prospérité des Yakoutes décroissait d'année en année, par suite de
la faiblesse des administrateurs. Toutes ces circonstances réunies
m'affermirent dans la résolution de quitter ce pays. Mais je fus
quelque temps retenu par le gouverneur, dont je dirigeais la
chancellerie et qui m'aimait comme un fils.


     Irkoutsk. -- Voyage. -- Oudskoï. -- Mes bagages. -- Campement.

Dès que le chancelier fut mort, je vendis ma maison et mes biens, je
payai mes dettes et je me rendis à Irkoutsk[12], où je fus placé dans
la chancellerie du gouverneur, avec quatre-vingts roubles
d'appointements par mois. J'y passai tranquillement un an et demi,
n'ayant d'autres soucis que de remplir mon facile emploi.

                   [Note 12: En yakoute _Ourkouskai_.]

Je me proposais de partir pour la Russie, lorsque arriva un M. X...,
qui avait été nommé gouverneur de Yakoutsk. Ayant appris que j'étais
versé dans la langue des Yakoutes et familiarisé avec leurs moeurs, il
me proposa de m'emmener avec lui. Je n'avais guère envie d'accepter;
pourtant comme ce personnage était un homme de tête, je me décidai à
l'accompagner, dans l'intérêt des Yakoutes plutôt que dans le mien;
car je présumais bien que mes nouvelles fonctions me donneraient plus
de peines que de profits; et la suite montra que je ne m'étais pas
trompé dans ces prévisions.

Dès que le gouverneur fut arrivé au lieu de sa résidence, il remarqua
une foule d'abus, et donna congé à plusieurs employés qu'il remplaça
par d'autres. Lui-même il donna l'exemple, et pendant les cinq à six
années qu'il passa dans ce pays, il n'épargna aucun effort et alla
jusqu'à s'épuiser, pour préparer un avenir aux Yakoutes. Son
administration fut un bienfait pour ce peuple. Il y a déjà quinze ans
qu'il a cédé sa place à d'autres; cependant son nom est toujours cher
à ses anciens subordonnés. Heureuse la ville qui a un tel gouverneur!

Au sud-ouest de Yakoutsk, à une distance de plus de cent koes, est
situé le district d'Oudskoï, qui a environ cinq cents koes de circuit,
et est renommé pour l'abondance de son gibier. Il touche à la mer
d'Okhotsk, à l'empire de Chine, et aux districts de Nertchinsk[13],
d'Olkminsk et de Khangangy.

                   [Note 13: Nertchinsk, chef-lieu du district de ce
                   nom dans le territoire transbaïkalien, est une
                   ville de deux mille âmes, située sur la rive gauche
                   de la Schilka, au confluent de la Nertcha, d'où
                   dérive son nom. Érigée en ville en 1781, elle a
                   deux églises, un observatoire et une école des
                   mines. La contrée est fameuse par ses mines de
                   plomb; qui rendent annuellement sept cent mille
                   kilogrammes de plomb argentifère, dont on extrait
                   quatre mille kilogrammes d'argent; elle a aussi des
                   mines d'or, de mercure, d'étain, qui sont également
                   exploitées, au compte du gouvernement, par les
                   déportés et les forçats.

                   Le sort de ces condamnés, dit le voyageur M. A.
                   Castrén, est plus supportable qu'on ne le croit
                   généralement. Le gouvernement alloue aux simples
                   convicts deux pounds (quarante kilogrammes) de
                   farine et huit francs par mois; ceux qui ont un
                   métier, comme les menuisiers, forgerons, scieurs de
                   long, tailleurs de pierre, reçoivent, outre la
                   provision ordinaire de farine, quinze kopecks
                   (soixante centimes) de salaire par jour de travail.
                   Les ouvriers sont tenus de pourvoir eux-mêmes à
                   leur entretien et à leur logement; la subvention de
                   l'État est naturellement insuffisante, mais les
                   hommes laborieux et rangés trouvent presque
                   toujours à faire de petits profits accessoires. Les
                   mieux partagés sous ce rapport sont les mineurs,
                   qui, d'après les règlements, peuvent disposer à
                   leur gré d'une semaine sur quatre. Quant aux
                   artisans, ils ont chaque jour à faire une certaine
                   tâche, après quoi ils font tel usage que bon leur
                   semble du temps qu'ils ont de reste. Dès leur
                   arrivée à Nertchinsk, les forçats sont délivrés de
                   leurs chaînes et mis en liberté: ils ne sont plus
                   qu'esclaves de leur besogne. Ceux qui ont mené une
                   vie honnête pendant vingt ans sont exemptés de
                   travail et jouissent des privilèges des déportés,
                   entre autres du droit de cultiver la terre sans
                   payer d'impôt; mais les condamnés, qui se rendent
                   coupables d'un nouveau crime ou d'un grave délit,
                   sont astreints à travailler un certain temps dans
                   les fers.

                   (_Nordiska resor och forskningar_, Voyages au Nord
                   et études septentrionales, t. II, Helsingfors,
                   1855, p. 415, 416.)]

Comparativement à l'immense territoire de Yakoutsk, ce n'est qu'un
coin de désert. Ce désert ne renferme dans toute son étendue que
quatre à cinq cents Tongouses nomades; il n'est pourtant pas sans
importance, vu ses ressources et sa situation particulière.

[Illustration: Partie du Gouvernement d'Yakoutsk

  d'après la carte générale de la Russie d'Asie
  en 2 feuilles St. Pétersbourg 1825
  & l'Atlas géographique de l'empire de Russie
  en 80 feuilles
  par Piadischeff 1820-26.

Gravé chez Erhard R. Bonaparte 42.]

Un grand nombre de Russes et de Yakoutes y vont acheter à vil prix le
produit de la chasse des indigènes, à qui ils donnent en échange des
denrées surfaites. De là, toute sorte de vexations et de fraudes, qui
causaient la ruine des habitants du cercle d'Oudskoï. Ces
circonstances, ainsi que diverses autres affaires compliquées,
nécessitèrent l'envoi d'un commissaire à Oudskoï: ce fut moi que l'on
choisit pour cette mission.

Deux mois avant mon départ, je fus chargé de beaucoup d'écritures;
cette besogne et les préparatifs de mon voyage furent le commencement
des fatigues infinies que j'eus à supporter pendant un an et demi dans
le cours de ma lointaine expédition.

Mes bagages se composaient de trois costumes d'hiver, de quatre
costumes d'été, de sucre, de thé, de biscuits russes, de viandes, de
poudre, de plomb, d'armes, d'un peu de rhum, d'eau-de-vie, de beurre
russe et yakoute: le tout emballé dans des sacs de cuir du poids de
cent livres, ou dans des caisses de bois et d'écorce de bouleau.
Lorsque les ballots furent enveloppés de telle façon que l'eau n'y pût
pénétrer, on en attacha plusieurs ensemble avec de fortes courroies de
cuir, de manière pourtant que la charge d'un cheval n'excédât pas deux
cents livres.

On était déjà en février, et le froid n'en était pas moins rigoureux.
Le liquide avec lequel les Russes mesurent la température[14] était
au-dessous du chiffre trente lorsque je quittai Yakoutsk avec les deux
cosaques qu'on avait mis sous mes ordres. Monté dans un traîneau
attelé de deux chevaux, j'allai jusqu'à Amga, qui est éloigné de vingt
koes. Là, après avoir chargé nos bagages sur le dos de sept bêtes de
somme, qui étaient toutes prêtes, nous montâmes à cheval et nous
continuâmes notre route sous la conduite de deux guides.

                   [Note 14: Le thermomètre de Réaumur.]

Comme les chevaux étaient trop gras et impatients du joug, ils se
débarrassaient sans cesse de leur fardeau. Pour ce motif, nous
jugeâmes à propos de les ménager le premier jour, et après avoir
parcouru trois koes, nous fîmes halte dans un lieu où nous voulions
passer la nuit.

[Illustration: Bazar de Nertchinsk.--Dessin de Victor Adam d'après le
comte de Rechberg.]

Les conducteurs commencèrent par décharger les bêtes de somme, puis
ils détournèrent avec des pelles la neige qui couvrait le sol, et
ramassèrent du bois sec pour allumer du feu. Ensuite ils remplirent de
neige la bouilloire à thé et une grosse marmite, et les mirent
bouillir devant le brasier.

[Illustration: Colonie ou village yakoute.--Dessin de Victor Adam
d'après Gabriel Sarytchew.]

Lorsque la chaleur du thé nous eut réchauffé le sang, les guides
s'occupèrent de préparer nos lits; ils amassèrent de petites branches
d'arbre qu'ils mirent en tas, sur lesquels ils étendirent d'abord les
housses de nos montures, ensuite des peaux d'ours. Pendant ce temps,
nous prenions le repas du soir, et dès que nous eûmes fini, nous nous
dépouillâmes en toute hâte de nos vêtements et nous nous mîmes au lit.
Nos bottes, nos bas, nos gants étaient moites de sueur; nos guides les
enfoncèrent dans la neige afin qu'elle en absorbât l'humidité; de
cette façon ils séchèrent beaucoup mieux que s'ils eussent été étendus
dans un appartement, près du feu. Nous nous endormîmes aussitôt que
nous eûmes échauffé nos couches et nos couvertures. Le lendemain matin
nous nous habillâmes en toute hâte, après nous être frottés de neige,
en grelottant; puis on prit du thé et on se remit en route. Nous
voyageâmes de la sorte jusqu'à ce que la neige fondit.


     Le froid. -- La rivière Outchour. -- L'Aldan. -- Voyage dans
     la neige et dans la glace.

Je dois remarquer ici qu'une des plus grandes incommodités d'un voyage
d'hiver, c'est de se déshabiller par un froid pénétrant pour se
coucher; mais ce qui est encore beaucoup plus pénible, c'est de se
lever le matin, de se laver avec de la neige, et de remettre ses
nombreux vêtements. Il faut avoir un rude tempérament, un corps de
glace, pour endurer ces souffrances sans devenir malade.

Je ne bois d'aucune liqueur enivrante, et par conséquent j'ignore de
quelle utilité elles peuvent être; mais je suis convaincu que sans thé
l'on ne pourrait résister à ces fatigues. Je ne parle pas ici des
Yakoutes ni des Tongouses, parce que ces peuples nés et élevés dans
les frimas peuvent voyager trois jours sans rien manger.

Après trois ou quatre journées de marche, nous atteignîmes la rive
gauche du grand fleuve Aldan, vis-à-vis l'endroit où il reçoit la
rivière Outchour. Nous fîmes halte dans une _yourte_ (hutte) de
Tongouse, où nous apprîmes qu'il se trouvait sur notre chemin un
espace de dix koes couvert de six empans de neige, et qu'il était
impossible de franchir cette étendue et de continuer le voyage. Cette
nouvelle nous jeta dans une grande perplexité; nos instructions ne
nous permettaient pas de retourner sur nos pas, et pour éviter la
neige, il aurait fallu faire un détour de vingt koes, et faute de
fourrage, remplacer nos chevaux par des rennes. Mais ces derniers
n'auraient pu traîner que de légers fardeaux, et nous n'avions pas de
magasins pour serrer le surplus de nos effets. En conséquence, nous
résolûmes de remonter l'Outchour. Pendant les deux jours que nous
passâmes dans la yourte, nous fîmes des raquettes ou patins à neige,
et nous laissâmes sans fourrage les deux chevaux qui n'étaient pas
chargés. Le troisième jour nous franchîmes l'Aldan, et à peine
étions-nous dans le lit de la rivière gelée, que la profondeur de la
neige ralentit la marche des chevaux.

Un des guides, qui avait mis ses patins, tirait par la bride les deux
chevaux sans bagages. Ceux-ci se cabraient sur les pieds de derrière
et en retombant brisaient la dure croûte de la neige. Nous suivions
leur trace, avec toutes les autres montures attachées l'une derrière
l'autre.

Nous fîmes à peine un demi-koes en marchant depuis le matin jusqu'au
soir, et il ne nous fallut pas moins de dix jours pour traverser
l'étendue de neige qui se trouvait sur notre chemin; nous ne fîmes à
cheval qu'une petite partie de cette route, car on avait peine à se
tenir en selle, à cause des violentes secousses que l'on recevait, et
l'on éprouvait une fatigue insupportable. Baignés de sueur, comme nous
étions, nous préférions chausser nos patins et glisser sur la neige.

La rivière Outchour coule entre des rochers à pic, au pied desquels se
trouve ça et là une étroite lisière qui borde l'abîme. Il est
impossible qu'un cheval chargé gravisse cette pente escarpée. Aussi,
quand nous avions choisi notre station de nuit, étions-nous obligés de
décharger nos bagages dans le lit du fleuve, et de tirer les chevaux
hors du précipice, pour qu'ils pussent chercher en liberté l'herbe
sous la neige; ils ne pouvaient arriver jusqu'au gazon, et étaient
réduits à brouter des rameaux de bouleau ou de saule.

À peine avions-nous passé les neiges, qu'un autre obstacle se
présenta: resserrées dans leur lit de rocher par la glace épaisse de
douze à treize empans, les eaux de l'Outchour l'avaient brisée et
s'étaient répandues sur sa surface, jusqu'à la hauteur du genou d'un
cheval; dans d'autres endroits, elles s'étaient gelées et avaient
formé un verglas sur lequel glissaient les chevaux non ferrés, et où
les rennes même n'avaient pas le pied ferme. Pour que le chemin fût
moins glissant, deux de nos hommes y faisaient des entailles avec des
coignées et des couteaux, ou bien y répandaient de la terre sèche ou
du sable dont ils avaient fait provision. Dans un endroit où l'on
avait négligé de prendre ces précautions, nos seize chevaux
s'abattirent, et dans leur chute les ballots se détachèrent et se
défirent. Il fallut perdre la plus grande partie de la journée à les
remettre en ordre.

Dans le cours de notre voyage, nous passâmes près de quelques
montagnes qui présentaient un coup d'oeil merveilleux. L'eau, qui
s'était amassée à leur sommet, avait rompu l'enveloppe de glace qui la
pressait et s'était congelée en coulant le long de la pente. Lorsque
le clair soleil du printemps était sur son déclin, ses rayons
tombaient en plein sur cette surface polie, qui prenait les couleurs
de l'arc-en-ciel, ou resplendissait, comme si elle eût été couverte de
pierres précieuses. Au pied de ces montagnes, le fleuve était toujours
si rapide, qu'il ne gelait jamais.


     L'Ægnæ. -- Un Tongouse qui pleure son chien. -- Obstacles et
     fatigues. -- Les guides.

Au mois d'avril nous commençâmes à suivre la rive droite de l'Ægnæ,
affluent de gauche de l'Outchour. Un jour, nous aperçûmes au loin un
objet noir qui restait immobile sur le bord de la rivière. Nous le
prîmes d'abord pour un animal; mais en approchant, nous reconnûmes que
c'était un Tongouse, qui était assis et pleurait; il se leva et nous
salua à sa manière; lorsque nous lui eûmes demandé le sujet de sa
douleur, il nous fit le récit suivant:

«Hier, en me rendant au bois, je rencontrai quelque part des vestiges
de renne sauvage. Ravi de cette découverte, je retournai chez moi pour
préparer mes armes et mes munitions. Après m'être reposé, je sortis
avec mon chien, vers le milieu de la nuit, quand la neige qui était
tombée pendant la journée fut devenue ferme. Arrivé à l'endroit où
j'avais découvert les traces de renne, j'attendis deux heures en
fumant du tabac, et à la pointe du jour, dès que l'on put distinguer
une piste, je lâchai mon chien et je le suivis sur mes patins. Je
parcourus ainsi l'espace de plus d'un koes, franchissant fleuves et
montagnes. Les rennes, meurtris aux pattes, commençaient à laisser des
traînées de sang sur la glace; leur fuite se ralentissait
sensiblement; les sauts de mon chien étaient moins espacés, et je
finis par entendre ses aboiements; il était clair que j'approchais du
gibier. Mais tout d'un coup le limier poussa un cri d'agonie; je
frémis, comme si mon coeur se fût entr'ouvert, je redoublai de
vitesse, et à la distance d'environ deux portées de fusil, je vis par
terre deux lambeaux de chair, noirs et sanglants. Au moment où le
chien avait atteint le troupeau de rennes, il les avait poussés dans
un ruisseau et s'était mis à courir tout autour pour les empêcher
d'échapper. Mais pendant qu'il était ainsi occupé, des loups affamés
étaient descendus de la montagne, l'avaient saisi par la tête et la
queue et l'avaient mis en pièces. Sur ces entrefaites les rennes
s'étaient dispersés de côté et d'autres. Mon chien était vieux de sept
neiges; dès l'âge de six mois il allait à la chasse et pendant six ans
il ne m'a pas laissé un seul jour souffrir la faim. L'élan, le renne
sauvage, la zibeline et beaucoup d'autres animaux tombaient
infailliblement sous mes coups, quand il avait une fois découvert leur
piste. On me le rendrait au prix de cinq rennes de trait, que je ne le
céderais pas pour dix. J'étais riche quand je l'avais, maintenant je
suis le plus pauvre des hommes. Je ne sais si j'oserai reparaître
devant ma famille; ma femme et mes enfants l'attendent pour le
caresser; leurs lamentations me déchireront le coeur comme un couteau
émoussé.»

Il n'était pas en ma faculté d'assister ce Tongouse; je poussai donc
plus loin, après l'avoir consolé, en lui représentant que le passé ne
revient plus, et que rien n'est plus sûr que de mettre son espoir en
Dieu.

En quittant les bords de l'Ægnæ, nous avions à gravir une montagne
haute et escarpée pour regagner les rives de l'Outchour. Lorsque nous
eûmes fait deux petits koes, nous rencontrâmes une grande troupe de
voyageurs; ils nous informèrent que la neige était épaisse de treize
empans sur la montagne et qu'en conséquence il était impossible d'en
faire l'ascension. Arrivés à l'endroit difficile, nos gens, ayant
chaussé leurs patins, prirent parmi les chevaux et les rennes de tous
les voyageurs, dix bêtes de chaque espèce que l'on débarrassa de leur
fardeau et que l'on conduisit sur la montagne pour s'y frayer un
passage; le lendemain matin nous exécutâmes notre pénible ascension,
et nous arrivâmes le premier mai à la foire d'Outchour. J'y levai le
_yassak_ (tribut, en yakoute _oelbugæ_) et je remplis quelques autres
missions dont j'avais été chargé par le gouvernement. Dès que nos
chevaux, fatigués jusqu'à l'épuisement, eurent recouvré leurs forces,
nous nous remîmes en route pour Oudskoï, le premier juin, emmenant
avec nous dix rennes que nous avions achetés.

Le lieu de réunion, sur les rives de l'Outchour, est éloigné d'Oudskoï
de cinquante koes environ, qui en valent bien soixante-dix, vu la
difficulté du trajet. Le voyageur ne fait que traverser des cours
d'eau et gravir des montagnes. Quand il pleuvait, nous chassions nos
bêtes dans les rivières pour les forcer à passer à la nage; d'autres
fois nous les traversions sur un radeau construit par nous. La contrée
offre tantôt des champs de pierres aiguës, tantôt des marécages sans
fond, qui ne sèchent jamais.

Quand un cheval s'abat dans cette bourbe, il ne peut plus se relever;
nos dix-sept chevaux étant tombés tous à la fois, les guides entrèrent
dans la vase jusqu'à la ceinture, traînèrent les bagages à quelque
distance, et les déposèrent l'un sur l'autre dans un lieu sec. Ensuite
ils refirent les ballots qui s'étaient défaits en tombant, et
rechargèrent les bêtes de somme. À peine celles-ci eurent-elles fait
vingt pas, qu'elles firent une nouvelle chute, et qu'il fallut
recommencer. Une fois je me mis moi-même dans la fange, et je soulevai
au-dessus de l'eau les têtes de trois chevaux qui s'étaient abattus.
Au même instant, un quatrième cheval qui était près de moi s'embourba
tellement qu'il ne put se relever et fut suffoqué après avoir plongé
deux ou trois fois sous l'eau. Nos fatigues furent encore accrues par
l'ardeur du soleil, qui nous brûlait de ses rayons, et par les nuées
de moucherons qui nous empêchaient de respirer. Il fallait boire et
manger en compagnie de ces hôtes incommodes; on n'avait pas plutôt
servi quelque mets ou versé quelque liquide dans un vase, qu'ils s'y
précipitaient et le remplissaient avant qu'on eût pu le porter à la
bouche.

On doit dire à la louange des guides yakoutes qu'ils supportent, sans
montrer la moindre mauvaise humeur, les peines qui les attendent à
chaque pas, et cela pour un salaire très-faible, qui ne monte pas à la
moitié de ce qu'il devrait être.

À cette occasion je dois faire une autre remarque. À la fin d'une de
ces journées où il a souffert de la boue, de l'eau, de la chaleur, des
cousins, des guêpes, des taons, et exécuté à la sueur de son front des
travaux qui demandent une grande exertion de force, le guide veille au
campement jusqu'à minuit, et, pendant que les chevaux se
rafraîchissent, il s'occupe à réparer les harnais qui se sont brisés
pendant la journée ou à raccommoder ses vêtements. Ensuite il
_empige_[15] les chevaux et les laisse pâturer à leur gré, les
surveillant de demi-heure en demi-heure, de peur qu'ils ne
s'accrochent à un arbre et ne deviennent la proie des bêtes
carnassières. Il ne lui reste guère que deux heures pour dormir. C'est
une vie de souffrances continuelles.

                   [Note 15: Terme de palefrenier, qui signifie mettre
                   des entraves aux pieds des chevaux.]


     Ascension du Djougdjour. -- Stratagème pour prendre un
     oiseau. -- La ville d'Oudskoï. -- La pêche à l'embouchure du
     fleuve Ut. -- Navigation pénible.

À plus de dix koes des rives de l'Outchour, nous rencontrâmes la
chaîne du _Djougdjour_ (la grosse montagne; les monts Yablonnoï ou
Stanovoï des Russes), que l'on considère comme la ceinture ou l'épine
dorsale de la Sibérie. Ne s'affaissant nulle part et s'élevant
jusqu'aux nues, elle s'étend sans interruption, sur une longueur de
plusieurs milliers de koes, jusqu'à la mer Glaciale, où elle s'abaisse
et se termine. Il était midi passé lorsque nous arrivâmes au pied de
cette chaîne; nous fîmes halte pour y passer la nuit et faire reposer
nos montures. Le lendemain matin, avant que le soleil fût levé et que
la chaleur se fît sentir, nous nous mîmes à monter à pied; nos chevaux
s'avançaient un à un, sans charge et sans être attachés l'un à la
suite de l'autre; aucun d'eux ne s'accrocha à une branche du fourré,
ne tomba dans une crevasse de rocher, ou ne culbuta dans les ravins
creusés par les eaux; au moindre faux pas qu'ils eussent fait, ils
auraient été précipités dans un abîme sans fond et auraient été perdus
sans retour. Après avoir ainsi grimpé quatorze heures, nous
atteignîmes le sommet du Djougdjour, qui est incomparablement la
montagne la plus élevée du pays.

[Illustration: Traîneau en Sibérie.--Dessin de Victor Adam d'après
Gabriel Sarytchew.]

Il y faisait extrêmement froid, et il ne s'y trouvait ni cousin ni
guêpe. Nous fûmes transis pendant les deux heures que nous nous y
arrêtâmes pour faire souffler nos bêtes. De cette hauteur, les autres
montagnes, qui nous avaient paru si élevées, ressemblaient à
d'insignifiantes collines. Les nombreux fleuves, qui descendaient des
deux versants du Djougdjour, luisaient comme de menus fils d'argent.
Les nuages, chassés comme des brouillards, se déchiraient en
effleurant la cime de la montagne, et restaient flottants le long du
faîte.

Nous mîmes beaucoup moins de temps à descendre qu'à monter; le
voyage, qui avait duré seize heures environ, avait tellement épuisé
nos forces et celles des chevaux et des rennes, que nous ne pouvions
plus nous remuer. Nous fîmes halte dès que nous eûmes trouvé un lieu
de campement au pied de la montagne. Nous venions de décharger nos
bêtes, d'allumer des bouzes pour éloigner les moucherons, et de
prendre une tasse de thé, lorsque mon chien, que j'avais laissé en
liberté, revint du milieu du bois, et par ses aboiements nous fit
comprendre qu'un animal se trouvait dans les environs. Je ne sais ce
que devint la fatigue dont j'étais accablé, la sueur dont j'étais
baigné, la faim et la soif que je ressentais; mais sans réfléchir que
l'animal dépisté pouvait être un ours ou quelque autre bête féroce, je
m'élançai à sa poursuite avec le plus jeune de mes cosaques et un des
guides. Armés d'un couteau et d'un fusil, dont nous examinâmes la
charge et l'amorce, nous suivîmes la trace du chien jusqu'au sommet du
Djougdjour. Là nous découvrîmes un mouton sauvage[16] sur la saillie
d'un rocher à pic, saillie qui n'était pas plus large qu'un lit. Ayant
trouvé une anfractuosité boisée, nous nous glissâmes d'arbre en arbre
jusqu'à une centaine de pas de l'animal, et nous fîmes feu tous à la
fois. Nous l'avions tué. S'il eût été possible, nous aurions suspendu
l'un de nous à un long câble et nous l'aurions descendu vers le
gibier, après lui avoir mis une corde en main: il aurait attaché l'une
des extrémités aux cornes du mouton et aurait pris l'autre entre ses
dents, après quoi nous l'aurions hissé en haut. Mais l'animal, en
expirant, tomba sur le côté, glissa de dessus la pierre et roula dans
un abîme incommensurable. Le bruit occasionné par le choc de ses
cornes contre les parois du rocher fut bruyamment répété par l'écho.
Laissant à chaque angle de pierre un lambeau de sa chair, il fut
anéanti avant d'arriver au fond du précipice. Ce fut un bonheur pour
nous que la chasse finît de cette façon; car si le gibier fût resté
sur place, l'un de nous eût peut-être fait une semblable chute en
l'allant chercher.

                   [Note 16: L'argali ou mouton sauvage (_ovis fera
                   Siberica_ de Pallas) est à peu près de la taille du
                   daim; son corps est partout couvert d'un poil
                   court, qui, gris fauve en hiver, devient roussâtre
                   en été. Il a sur le dos une raie jaune roussâtre
                   qui ne change pas de couleur, comme le reste du
                   pelage. Les cornes du mâle sont grosses, longues et
                   recourbées. «C'était tout ce que je pouvais faire
                   que d'en soulever une paire d'une seule main,» dit
                   le frère Rubruquis, qui, le premier des voyageurs
                   européens, a mentionné cet animal qu'il appelle
                   _artak_. Les cornes de la femelle sont minces, à
                   peu près droites, et assez semblables à celles de
                   nos chèvres domestiques.

                   À la différence du renne, l'argali habite en hiver
                   les régions montagneuses et en été les plaines et
                   les vallées; cette singularité s'explique par ce
                   fait, que le vent balaye la neige sur les sommets
                   élevés et la pousse dans les basses régions qui en
                   sont entièrement couvertes. Doué d'une grande
                   agilité, il saute de rocher en rocher pour brouter
                   les lichens, le gazon peu abondant, et les feuilles
                   ou les jeunes pousses des arbustes. La femelle
                   porte deux fois l'an, au printemps et en automne,
                   et souvent elle donne naissance à deux petits à la
                   fois; quand elle a mis bas, elle reste seule avec
                   ses agneaux. La chair et surtout la graisse de
                   l'argali sont très-recherchées des chasseurs
                   sibériens. C'est à Gmelin et à Pallas que l'on doit
                   presque tout ce que l'on sait de cet animal.]

À notre retour, je fus spectateur d'une chasse dont je n'avais pas
idée. Nos limiers, qui étaient en avant, poursuivirent des oiseaux qui
allèrent se percher sur les branches d'un bouleau peu élevé. Aussitôt
j'armai mon fusil et j'allais faire feu, lorsque mon guide m'arrêta en
me disant qu'il était inutile de perdre la poudre et le plomb, que
nous prendrions bien ces oiseaux avec la main. Ayant coupé une longue
baguette qu'il dépouilla de ses scions, il attacha a l'une de ses
extrémités un lacet de cheveux qu'il présenta avec précaution à
l'oiseau perché sur la branche la plus basse, et lorsque le sot animal
tendit la tête pour examiner l'objet de plus près, notre homme le prit
dans le noeud coulant et le tira à lui. Après lui avoir tordu le cou,
il prit successivement tous les autres de la même façon. Cet oiseau,
que les Yakoutes appellent _karaky_ et les Russes _dikouta_, est plus
gros que la poule de coudrier et plus petit que la gelinotte de bois
bariolée à laquelle il ressemble pour le plumage et pour le goût de sa
chair. Il est passablement épais et il a le cou assez court. Je n'ai
jamais trouvé d'oiseaux de ce genre que sur la route d'Oudskoï, encore
ne l'y voit-on que rarement. Il est vraisemblable que les oiseaux et
les quadrupèdes, connaissant sa stupidité, lui font la chasse et
détruisent l'espèce.

[Illustration: Argali, mouton sauvage[16].--Dessin de Victor Adam
d'après Pallas.]

Depuis le jour que nous avions quitté le Djougdjour jusqu'à celui de
notre arrivée à Oudskoï, nous prîmes chaque soir nos quartiers de nuit
près d'un coude de la rivière où nous tendions trois filets que nous
portions avec nous. Le lendemain matin nous trouvions deux ou trois
poissons de l'espèce _charioub_ (_salmo thymallus_), qui venaient bien
à point; car sans cela nous n'aurions eu pour toute nourriture que du
gruau et du beurre rance.

La ville d'Oudskoï (_Ut_ en yakoute), où nous arrivâmes au milieu de
l'été, est située sur la rive gauche du fleuve Ut, dans une contrée où
la haute montagne s'abaisse et forme une vallée passablement large.
Elle est à neuf koes de la mer d'Okhotsk. Sa population se compose
d'un ecclésiastique, d'un marguillier, d'un capitaine de cosaques qui
est gouverneur et a sous ses ordres plus de cinquante hommes; d'une
dizaine de paysans, de six à sept cosaques, de trois à quatre
Yakoutes, enfin de trois à quatre cents Tongouses, qui n'ont pas de
demeure fixe, mais qui errent l'hiver et l'été, et se transportent de
lieu en lieu pour chasser. Ayant mission d'étudier les moeurs et
l'industrie de ce peuple, je fus forcé de parcourir toute la contrée;
après avoir pris un peu de repos, je m'embarquai donc avec deux
cosaques et deux guides, et je descendis le fleuve Ut qui se jette
dans la mer.

À son embouchure stationnent deux ou trois Tongouses, qui prennent une
immense quantité de _kætæ_ (espèce de truite), de chiens de mer, et
font des provisions d'huile de baleine. Chaque année les flots
poussent à l'entrée du fleuve une ou deux baleines longues de six à
sept brasses. On tue à coups de fusil les gros chiens de mer et à
coups de bâton leurs petits, qui restent à sec lors de la basse marée.
On taille en courroies une partie de leur peau, et on met le reste
sécher à la fumée, pour en faire des semelles de souliers. Il n'est
guère d'animaux qui donnent d'aussi bon cuir. On trouve aussi dans ces
parages beaucoup d'oies, de canards, et surtout une innombrable
quantité de bécasses de mer de diverses espèces. Lors du reflux, ces
bécasses descendent vers la mer et se posent sur les petits îlots;
mais, ne trouvant pas suffisamment de place, elles s'entassent les
unes sur les autres. J'en ai tué jusqu'à cinquante-cinq d'un seul coup
de fusil quand elles prenaient leur volée.

Après avoir passé quatre jours en ce lieu, je retournai vers la
place-frontière d'Oudskoï, accompagné de six hommes, portés par deux
nacelles en peuplier creusé. Le premier jour, nous ne pûmes avancer
qu'à coups de gaffes ferrées, vu la force du courant; le soir et toute
la nuit il tomba de la pluie, et le lendemain matin l'eau atteignait
l'épais fourré qui couvre les rives. Dans cette saison il pleut quinze
jours sans discontinuer. De peur d'être arrêtés trop longtemps, si
nous faisions halte, et d'être bientôt à bout de provisions et de
forces, nous résolûmes de n'épargner aucun effort pour remonter le
fleuve. Pendant cinq jours nous nous avançâmes d'arbre en arbre le
long de ses bords; nous étions exténués, nous n'avions plus de vivres,
et nous étions encore éloignés d'Oudskoï de trois koes par eau, d'un
et demi à travers le bois. Nos guides affirmant que les trois
ruisseaux qui serpentaient dans la forêt ne nous empêcheraient pas de
passer, je m'armai d'un fusil et d'une hache, et au soleil levant je
partis à pied avec un cosaque et un guide. Nous voulions parcourir le
bois et rentrer le soir avec du gibier pour ceux des nôtres qui
restaient dans les embarcations. Mais nous ne pûmes exécuter ce
projet; à peine avions-nous fait un quart de koes que nous
rencontrâmes un ruisseau débordé. Nous perdîmes la moitié de la
journée à remonter vers la source, que nous traversâmes ayant de l'eau
jusqu'à la ceinture. Le soir au coucher du soleil, trouvant un autre
cours d'eau, qui avait plusieurs koes de long et qu'il était
impossible de tourner, nous passâmes la nuit sur la rive, exposés à la
pluie et n'ayant aucune couverture. On alluma à grand'peine un feu de
bois humide, qui brûlait mal et donnait beaucoup de fumée, mais peu de
chaleur. Nous fûmes toute la nuit à grelotter; le lendemain à la
pointe du jour, nous fîmes un radeau avec quatre ou cinq baliveaux,
afin que deux d'entre nous pussent passer à la fois sur la rive
opposée. Nous n'eûmes fini qu'à midi; mais comme le bois dont nous
nous étions servis était imprégné d'eau, le radeau ne pouvait porter
qu'une personne; le guide seul y monta afin de se rendre à Oudskoï,
pour envoyer une nacelle à notre rencontre. Mais lorsque l'embarcation
fut au milieu de la rivière, elle se sépara en deux et le guide tomba
à l'eau, poussant des cris de détresse qui nous perçaient le coeur;
car, bien que nous fussions tout au plus à dix brasses de lui, nous
n'avions ni la force ni les moyens de lui porter secours. Heureusement
il savait nager, et, à notre grande joie, il revint à la surface de
l'eau. Le courant l'ayant porté sur un bas-fond, il se remit debout,
et après s'être reposé, étant dans l'eau jusqu'au cou, il repartit
pour Oudskoï. Resté seul avec mon cosaque, j'allumai du feu en
plusieurs endroits pour écarter les ours. Au lever du soleil nous
eûmes la joie de voir arriver deux hommes dans une barque. Ils nous
transportèrent sur l'autre rive, et vers minuit nous rentrâmes à
Oudskoï, n'ayant pas un seul fil sec dans nos vêtements, et n'ayant
rien mangé depuis deux jours. Nous avions voyagé sept jours de suite
avec des habits mouillés; aucun de nous pourtant ne fut malade.

Notre seconde excursion fut encore plus pénible. C'était en
septembre; les nuits devenaient froides, et les eaux, moins profondes,
commençaient à se couvrir de glace. Je m'embarquai de nouveau avec mes
deux cosaques et trois guides pour aller trouver à dix koes une
assemblée de Tongouses. Lorsque je revins à Oudskoï, il neigea dans le
premier lieu où je m'arrêtai; les guides, en se levant la nuit, ne
retrouvèrent pas un seul de nos dix rennes, qui avaient été dispersés
par un loup. Ils se mirent tous trois à leur recherche, et je restai
seul avec mes cosaques; ils furent absents trois jours pendant une
pluie continuelle mêlée de neige. Les vivres, dont nous nous étions
pourvus pour six à sept jours, étaient entièrement épuisés; la place,
que nous occupions, s'était changée en mare, et nous étions dans une
triste position. Le quatrième jour nos guides ramenèrent six rennes,
qu'ils avaient eu bien de la peine à trouver; quant aux autres, ils en
avaient perdu la trace. Nous partîmes le même jour, après avoir eu
toutes les peines du monde à faire dégeler notre tente, qui était
couverte de neige et d'un verglas épais de trois doigts.

Le mois de septembre est, comme je l'ai fait remarquer, peu propice
aux voyages. Une mince couche de glace, recouverte de neige, s'étendit
sur les rivières remplies d'herbes, sur les fleuves qui sortent des
lacs et sur les eaux fangeuses; n'étant pas assez forte pour supporter
une lourde charge, elle rompt dès que l'on y pose le pied; parfois les
rennes disparaissent et le voyageur tombe à l'eau, s'il ne prend de
grandes précautions.

À peine avions-nous quitté le lieu du campement, que j'enfonçai dans
l'eau; trempé jusqu'aux os, je voyageai depuis midi jusqu'à la nuit
noire et pendant six à sept heures je ne fus qu'un glaçon: mes bras et
mes pieds étaient tellement transis que je ne les sentais plus; je
m'attendais à être atteint d'une grave maladie; mais un grand brasier,
du thé et de chaudes couvertures me remirent parfaitement. Le
surlendemain nous arrivâmes à la place-frontière (_Oudskoï_); j'y
passai environ dix jours à faire mes préparatifs, après quoi
j'entrepris mon grand voyage, avec mes deux cosaques, deux guides et
trente rennes. C'était à la fin de septembre où toutes les eaux sont
gelées et où la neige tombe en grande abondance.


     Boroukan. -- Une halte dans la neige. -- Les rennes. -- Le
     mont Byraya. -- Retour à Oudskoï et à Yakoutsk.

Nous nous rendîmes à Boroukan, qui est à cinquante koes au sud-est
d'Oudskoï, et à trois ou quatre jours de voyage de l'embouchure du
fleuve Amour, qui se décharge dans la mer. Il y a cinquante koes de
Boroukan à la source du Byraya, et trente koes du Byraya au fleuve
Silimdji, qui est à soixante koes d'Oudskoï.

Le premier jour de notre voyage, nous fîmes halte après n'avoir
parcouru que deux koes. Aussitôt on déchargea les rennes et on les mit
en liberté, après leur avoir suspendu au cou un billot long d'une
brassé et gros comme le bras, disposé de manière à leur frapper les
genoux et à les empêcher de courir s'ils s'enfuyaient quand on
voudrait les reprendre. Ensuite un guide sonda la neige avec une
longue perche pour chercher un sol ferme. Tandis que mes deux cosaques
et moi nous détournions avec des pelles la neige épaisse, un des
guides fendait du bois en petits morceaux pour allumer le feu; l'autre
coupait une trentaine de perches, les dépouillait de leurs branches et
les apportait dans l'emplacement que nous avions mis à découvert.
Après avoir dressé trois perches liées ensemble par l'un des bouts, on
disposa les autres tout autour et on les recouvrit de larges peaux de
rennes, tannées et cousues l'une avec l'autre. On ménagea en haut une
petite ouverture pour laisser passer la fumée, et on entoura de neige
cette tente conique, ne laissant qu'un étroit passage, par où l'on
pouvait à peine entrer en rampant. Ensuite on joncha le sol dune
multitude de petites branches, sur lesquelles on étendit une couche de
fourrures. Au milieu de la tente, on alluma du feu avec les éclats de
bois fendu et l'on fit fondre de la neige dans la marmite et la
théière. Les préparatifs de notre souper nous prirent beaucoup de
temps; il était minuit lorsque nous nous mîmes au lit. Le feu jetait
une fumée si épaisse et si irritante pour les yeux, que l'on ne
pouvait rien voir dans la yourte.

En nous levant le matin, avant l'aurore, nous tirâmes nos vêtements de
dessous la neige où nous les avions mis pour qu'elle absorbât
l'humidité, et nous prîmes du thé dès que nous fûmes habillés. Quand
il fut jour, les guides se munirent de leur _lazo_ pour aller arrêter
les rennes. Voici la manière dont ils s'y prennent: ils s'enroulent
autour de la main droite une corde mince, longue de plus de vingt
brasses, de telle façon que le peloton ne soit pas plus gros qu'une
soucoupe à thé. À une distance de plus de dix brasses, ils lancent aux
cornes de l'animal le lazo dont ils tiennent les deux extrémités dans
la main gauche. La corde part avec la rapidité d'une flèche, siffle et
atteint toujours son but. Quand le renne se sent pris, il reste
immobile et se laisse attacher par la tête. En hiver les Tongouses se
gèlent souvent les doigts pendant cette opération, quoiqu'ils soient
habitués à toutes les rigueurs de la température.

Lorsque les guides eurent ramené les rennes, ils les chargèrent, et
nous partîmes au lever du soleil, après avoir enroulé les peaux,
emballé les vases et les gibecières. C'est de cette façon que je
voyageai tout l'hiver, pendant sept mois, sans coucher une seule nuit
sous un toit. Ce n'est que dans trois lieux de réunion, où je fis une
halte de deux jours, que je trouvai environ dix yourtes tongouses.

La surface de cette immense contrée, qui a plus de deux cents koes
d'étendue, est couverte d'épaisses forêts, de montagnes rocheuses et
de cours d'eau; nulle part on ne trouve de chemin. Les guides
tongouses connaissent le nom de chaque fleuve, de chaque rivière et
découvrent facilement, sans s'égarer, le but où ils se rendent. Dans
beaucoup d'endroits, où la neige est profonde d'une brasse, ils
chaussent leurs patins et partent en avant, avec des rennes non
chargés, pour frayer le chemin. On traverse à pied trois ou quatre
verstes de broussailles impénétrables, en s'ouvrant passage avec une
serpe. Dans ces régions impraticables, on ne fait guère qu'un koes par
jour.

C'est au milieu de l'hiver que je franchis le Byraya, montagne
extrêmement élevée, au pied de laquelle j'avais passé la nuit. Je n'en
atteignis le sommet que vers le crépuscule du soir. Cette ascension
fut des plus pénibles: sur notre route nous eûmes à détourner avec des
pelles la neige profonde d'une brasse et recouverte d'une croûte dure.
Nous rencontrâmes un bloc de pierre vertical, haut d'une brasse; l'un
de nous l'escalada avec la plus grande peine, et tira en haut l'un des
guides au moyen d'une corde. Il fallut décharger les rennes et les
hisser en l'air, un à un, en déployant la plus grande somme possible
de forces. Quand toutes les bêtes furent en haut, nous montâmes
nous-mêmes l'un après l'autre le long d'un câble. On n'oublie jamais
les fatigues d'une telle journée. Nos provisions de bouche étaient à
peine suffisantes; malgré le froid, nous étions tout en nage dans nos
vêtements de peau; le vent était si violent que l'on ne pouvait se
tenir debout. Je ressemblais à un Tongouse qui a longtemps souffert;
le vent et le grand air pendant le jour, la fumée et l'ardeur d'un
brasier pendant la nuit, m'avaient donné un teint de Giliak. On ne me
reconnaissait pour Russe qu'à la couleur des cheveux et à la forme du
nez.

Je transpirai beaucoup en montant; ne pouvant m'empêcher d'avaler de
la neige en place d'eau, je fus saisi d'un refroidissement et je me
sentis pris d'une grande fièvre en arrivant au campement. Le sang me
monta à la tête, j'avais le visage en feu, et j'éprouvais des
frissons. Dépourvu de médicaments et privé de toute espèce de secours,
je me trouvai dans une triste position, ainsi exposé à un vent froid
et sifflant sur une haute montagne, au milieu de l'hiver. Je voyais
déjà l'ombre de la mort, mais je n'étais pas effrayé, n'ayant ni
famille ni parent à laisser dans la misère. Je regrettais seulement
que mes peines et celles de mes compagnons dussent avoir si peu
d'utilité; je mourrais avant d'avoir pu communiquer à mes supérieurs
le résultat des mes explorations, et presque au moment d'achever mon
grand voyage et de m'en retourner.

Je ne raconterai pas la lutte que je soutins toute la nuit contre la
mort; mes deux cosaques et les deux guides veillèrent près de moi,
plaignant sincèrement mon sort, et prenant garde que je ne me
découvrisse; car si je m'étais refroidi, c'en eût été fait de moi. Le
matin, je m'endormis, et à mon réveil j'étais baigné de sueur, comme
si je fusse sorti de l'eau. Le soir, je n'éprouvais plus qu'un mal de
tête, et le lendemain je me remis en route. Je décrirai, quand je
trouverai un moment de loisir, ce que je vis et entendis durant cette
fièvre.

[Illustration: Campement de Tongouses.--Dessin de Victor Adam d'après
Gabriel Sarytchew.]

Au bout de six mois, j'avais rempli ma mission et je retournais à
Oudskoï.

La contrée que j'eus à traverser est difficile à explorer, à cause de
ses chemins impraticables, des ses bois impénétrables, de ses
montagnes inaccessibles et de ses nombreux cours d'eau; mais elle est
riche en animaux de toute espèce, dont voici les noms: panthère, ours,
loup, glouton, lynx, renard noir, renard charbonnier, zibeline,
écureuil, lièvre, loutre, élan, renne sauvage, chevreuil, daim, mouton
sauvage, musc, sanglier, écureuil volant, chauve-souris, souris de
toute sorte, hermine; et parmi les oiseaux: cigogne blanche, cygne,
canard, plongeon, oie, grue, gelinotte de bruyère, poule de coudrier,
perdrix blanche, canard noir, karaky, bécasse.

Il me fallut encore quinze jours pour terminer mes affaires, puis je
repartis pour Yakoutsk au mois d'avril.

Dans cette saison le voyage est difficile et périlleux; l'ours sort de
son repaire, et lorsqu'il est affamé, se jette sur le premier être
vivant qu'il rencontre. Lorsqu'il est le plus fort, il n'y a pas moyen
d'échapper; il lui faut de la chair et du sang; celui qui n'en a pas à
lui jeter doit voyager avec la plus grande circonspection, s'il ne
veut payer de sa propre personne.

                                   Traduit par E. BEAUVOIS.

(_La fin à la prochaine livraison._)



[Illustration: Chamans yakoutes.--Dessin de Victor Adam d'après le
comte de Rechberg.]



VOYAGE AU PAYS DES YAKOUTES (RUSSIE ASIATIQUE),

PAR OUVAROVSKI[17].

                   [Note 17: Suite et fin.--Voy. p. 161.]

1830-1839.


     Viliouisk. -- Sel tricolore. -- Bois pétrifié. -- Le
     Sountar. -- Nouveau voyage.

Il est d'autres dangers qui tiennent à la nature du chemin; en avril
la glace nage sur tous les fleuves; les eaux qui descendent des
montagnes gonflent non-seulement les grandes rivières, mais encore les
ruisseaux qui débordent en bouillonnant dans les fourrés épais.
Lorsque l'on passe à travers un de ces courants, l'eau jaillit jusque
par-dessus la selle, même quand elle ne baigne d'abord que les pieds
de l'animal. Un jour mon renne glissa en posant le pied sur une grosse
pierre ronde qui était sous l'eau, et s'abattit: l'eau rapide me
couvrit les épaules, et si je ne m'étais appuyé sur un bâton et
accroché à la selle du renne, j'aurais perdu l'équilibre et été
entraîné en un clin d'oeil; ni la présence d'esprit, ni la force, ni
l'agilité n'auraient pu me sauver.

En d'autres endroits, les rennes sautent tous à la fois dans la
rivière, et il faut que le voyageur se laisse glisser adroitement, de
manière à tomber à califourchon sur l'un des quadrupèdes. On répète
jusqu'à dix fois par jour ces pénibles manoeuvres; et quand vient le
soir, on ne trouve pas même un lieu sec pour s'y reposer; le sol,
détrempé par l'eau qui descend de la montagne, n'est qu'une boue
épaisse où l'on enfonce jusqu'aux genoux. Il ne faut pas songer à y
dresser une tente ou à y faire du feu. Aussi ne se donne-t-on pas même
la peine de chercher un lieu de campement; on coupe deux gros arbres
que l'on étend par terre; puis on place en travers de jeunes mélèzes,
sur lesquels on se fait un lit et où l'on dépose les ballots. Préparer
son repas est alors un tour d'adresse dont le mérite revient tout
entier à la nécessité.

En repassant au lieu de réunion, près de l'Outchour, je m'y arrêtai
quatorze à quinze jours, et j'arrivai à Yakoutsk au milieu de l'été,
après avoir lutté dix-sept mois contre des difficultés inouïes.

Un mois après l'on m'envoya à Olekminsk (en yakoute Aïannach), qui est
à une distance de soixante koes. À peine de retour, je partis au
milieu de l'hiver pour Viliouisk (en yakoute Bulu), d'où je revins par
Sountar et Olekminsk, après avoir fait un trajet de deux cent trente
koes. Je dois dire en passant quelques mots de la ville de Viliouisk.

Elle est située à soixante koes à l'ouest d'Yakoutsk, sur un fleuve
appelé Vilioui. Entre ces deux villes se trouve un désert de près de
quarante koes. Les environs de Viliouisk, peuplés de trente mille
hommes, sont très-abondants en eaux, en bois, en pâturages, en gibier,
en poisson, en quadrupèdes, en oiseaux des forêts. Aussi n'est-il pas
de contrée où les habitants jouissent de plus d'aisance; on n'y
connaît ni la disette, ni la faim, et on peut dire sans exagération
que ce pays est plein des bénédictions de Dieu. Je le savais déjà;
car, cinq ans auparavant, j'avais visité ce district, en compagnie du
gouverneur.

Viliouisk est en outre remarquable par trois phénomènes naturels.

Sur les bords de la rivière Kæmpændæi[18], on voit s'élever en hiver
une énorme masse de sel de trois couleurs; blanc, clair et
transparent; jaune rouge, et bleu d'azur. Il est deux fois plus salé
que les autres sels. Il n'y a que les habitants de Viliouisk, qui en
fassent usage; on n'en transporte ni à Yakoutsk ni ailleurs, parce
qu'il passe pour trop cher, je ne sais pourquoi. Cet excellent sel
fond rapidement par les pluies de printemps et d'été, mais il en
reparaît d'autre l'hiver suivant.

                   [Note 18: Kaptindeï. Voyez _De Gmelin_, t. I, p.
                   341, des _Voyages_ traduits par Keralio. Ce
                   voyageur dit que le sel s'élève en un endroit à
                   quatre pieds au-dessus de la surface de l'eau; et
                   qu'à sept lieues à l'est, sur la rive droite, du
                   Kaptindeï il y a une colline de sel haute de trente
                   toises, longue de cent vingt pieds.]

Les rives des fleuves et des rivières sont jonchées de précieuses
pierres transparentes, qui n'ont pas de nom en yakoute; si quelque
connaisseur visitait ces lieux, il y pourrait faire une précieuse
collection.

La troisième curiosité consiste en une quantité considérable de bois
pétrifié. On rapporte que des arbres entiers, avec leurs racines et
leurs branches, sont tombés dans le fleuve, sur les bords duquel ils
étaient suspendus, et ont été changés en pierres; j'en ai vu de mes
propres yeux et j'ai même acheté un tronçon de bouleau, qui, avec les
bulbes madrées de sa racine, est tellement pétrifié, que l'on en peut
faire jaillir des étincelles.

Dans la contrée de Sountar, à cent koes au sud-ouest de Djokouskaï, le
blé croît extraordinairement bien. Les ecclésiastiques du pays
n'achètent jamais de farine pour leur consommation. C'est par routine
que les Yakoutes négligent de cultiver le blé, qui serait une richesse
pour leur pays.

Ces voyages perpétuels détérioraient insensiblement ma santé; le froid
excessif de l'hiver et les chaleurs de l'été me causaient des maladies
dont je n'avais jamais souffert. Comme j'étais sur le point de
demander ma retraite, il vint de Russie une commission chargée
d'imposer un nouveau tribut aux Yakoutes; elle devait faire des
excursions dans tous les lieux habités par ce peuple et par les
Tongouses; ses instructions portaient aussi qu'elle visiterait le pays
d'Oudskoï. Mais comme il lui aurait fallu beaucoup de temps pour faire
ce long et pénible voyage, et que les frais de transport de plus de
dix personnes, y compris l'interprète, le secrétaire et les cosaques,
se seraient élevés à plus de mille roubles (4000 fr.), il fut décidé
que je partirais seul pour Oudskoï.

J'étais parfaitement au fait des fatigues sans fin qui m'attendaient
dans ce voyage. Comme il n'y avait que quelques mois que j'étais de
retour, je n'avais pas oublié et je n'oublierai jamais ce que j'y
avais souffert. De plus, j'étais si faible qu'il était bien douteux
que je fusse en état de supporter ces nouvelles épreuves. J'avais le
coeur rempli de sombres pressentiments en songeant que je n'étais pas
encore libre de quitter Yakoutsk, et que j'avais sans doute encore
longtemps à y rester. Cependant je ne pus, vu l'importance de la
mission qui m'était confiée, refuser de la remplir. Comme je m'étais
fait une loi de ne jamais me soustraire à un ordre impérial ni à ma
destinée, je domptai mon esprit et mon corps, et je partis une seconde
fois pour Oudskoï, accompagné d'un cosaque.

Ce voyage dura sept mois, pendant lesquels j'eus beaucoup à souffrir;
le jour, je supportais les mêmes fatigues que j'ai déjà décrites; la
nuit, je rédigeais sans interruption les renseignements que l'on
m'avait ordonné de recueillir. D'après mes instructions, j'avais à
décrire la manière de vivre de tous ceux qui portent le nom de
Tongouses, et à supputer la quantité de gibier tué par eux dans les
dix années précédentes. Il fallait donc dresser la liste de tout ce
qu'ils abattent dans leurs chasses, depuis l'hermine jusqu'à l'ours,
depuis le coq de bruyères jusqu'à la cigogne blanche. La nature du
gibier formait la base du nouveau tribut. Après avoir rempli cette
mission et réglé beaucoup d'autres affaires, je revins, et je donnai
ma démission aussitôt après mon retour.

Voilà le tableau de ma vie: on n'y trouvera ni grande action, ni
découverte; ce n'était pas dans ma destinée! Je ne parlerai donc plus
de moi; mais il me reste à dire quelques mots sur le pays et la nation
des Yakoutes.


     Description du pays des Yakoutes. -- Climat. -- Population.
     Caractère. -- Aptitudes. -- Les femmes yakoutes.

La contrée présente deux aspects différents: à l'est et au sud de
Yakoutsk, elle est couverte de hautes montagnes rocheuses; à l'ouest
et au nord, c'est une plaine où il croît des arbres épais et touffus;
le sol, étant composé de terreau, possède une force de végétation sans
égale. Au premier mai la pointe du gazon est à peine visible sous la
neige, mais à la fin du même mois, tout ce qui porte le nom d'arbres a
développé ses feuilles larges ou aciculaires, et la campagne est
couverte de verdure. Dans les îles du fleuve, le foin s'élève, dans
l'espace d'un mois, jusqu'à la hauteur d'un homme à cheval. La chaleur
du soleil ne dégèle la surface de la terre qu'à trois ou quatre empans
de profondeur. Au-dessous tout est gelé jusqu'à cinquante brasses
larges. On n'a pu descendre plus bas.

On rencontre une innombrable quantité de cours d'eau, dont l'étendue
et la profondeur sont considérables. Les rivières seraient
parfaitement appropriées à la navigation, si leurs rives étaient
habitées. Mais il n'y a pas de villes, et les eaux n'ont à porter que
des barques faites de sept planches, ou des canots de bois ou
d'écorce, qui peuvent tenir deux ou trois personnes. Les lacs
très-nombreux nourrissent toutes sortes de poissons. Les gens
laborieux peuvent toujours vivre de la pêche. À cette occasion, je
dois mentionner, en passant, un phénomène curieux: entre Yakoutsk et
Viliouisk, il y a un lac de sept koes de large; les Yakoutes qui
habitent sur ses rives m'ont raconté qu'ils se souvenaient d'avoir vu
en sa place un terrain sec; un jour l'incendie d'un pré ou la foudre
mirent le feu aux arbres du bois, qui brûlèrent avec leurs racines et
le gazon jusqu'à la profondeur de trois ou quatre empans. En deux ou
trois ans, les neiges et les pluies formèrent dans la place consumée
un amas d'eaux qui, à force d'être remuées par les vents, se
creusèrent un lit de deux ou trois brasses. Les habitants ne pouvaient
concevoir comment il était venu des poissons dans ce lac, qui ne
communiquait avec aucun autre. Voici l'explication que je crus pouvoir
leur donner, et ils s'en montrèrent satisfaits. Les mouettes elles
hirondelles de mer, qui fréquentent ce lac, ont avalé ailleurs des
oeufs de poissons; ces oiseaux ayant le gésier chargé de plus
d'aliments qu'il n'en peut porter, les évacuent avant de les avoir
digérés; le frai éclôt quand il se trouve de nouveau mis en contact
avec l'eau, et voilà d'où viennent les poissons.

L'intensité du froid est très-grande dans ce pays, plus grande, je
crois, que dans toute autre contrée de la Sibérie. L'instrument[19]
avec lequel les Russes mesurent la température varie, pendant quatre
mois de l'hiver, de quarante à quarante-neuf degrés. Malgré la rigueur
du froid, l'homme n'éprouve d'autre incommodité que la toux et le
rhume, et les indigènes ne cessent pas de sortir et même de voyager.
Dans les endroits que frappent les rayons du soleil, la chaleur n'est
pas moins excessive en été que le froid en hiver; alors on ne peut
plus se remuer; il est impossible de marcher nu-pieds sur le terrain
sablonneux. Aussi les Yakoutes se passent-ils de chaussures plutôt en
hiver qu'en été. Le chaud est beaucoup plus préjudiciable que le froid
à la santé de l'homme; il cause des diarrhées de sang qui emportaient
beaucoup de Yakoutes dans le temps que ceux-ci vivaient de lait en
été. Il est à regretter que les médecins russes ne connaissent aucun
remède pour guérir cette maladie.

                   [Note 19: Le thermomètre de Réaumur.]

Le pays des Yakoutes est tellement étendu, que la température est loin
d'être la même partout; à Olekminsk, par exemple, le blé réussit
très-bien, parce que la gelée blanche y arrive plus tard; à Djigansk,
au contraire, la terre ne dégèle qu'à deux empans de profondeur; la
neige y tombe dès le mois d'août.

La population yakoute s'élève à cent mille hommes, et au double si
l'on compte les femmes. Ils sont tous baptisés selon le rite russe, à
l'exception de deux ou trois cents peut-être; ils pratiquent les
commandements de l'Église; ils se confessent annuellement, mais peu
d'entre eux reçoivent la communion, parce qu'ils n'ont pas coutume de
jeûner. Ils ne sortent pas le matin avant d'avoir prié Dieu, et ne se
couchent pas le soir sans avoir fait leurs dévotions. Lorsque la
fortune leur est favorable, ils louent le Seigneur; quand il leur
arrive du malheur, ils pensent que c'est une punition que Dieu leur
inflige en punition de leurs péchés, et sans se laisser abattre, ils
attendent patiemment un meilleur sort. Malgré ces louables sentiments,
ils conservent encore quelques croyances superstitieuses et notamment
la coutume de se prosterner devant le diable; lorsque surviennent les
longues maladies et les épizooties, ils font faire des conjurations
par leurs chamans et offrent en sacrifice une pièce de bétail d'un
pelage particulier.

Les Yakoutes sont de moyenne stature, mais on peut les regarder comme
des hommes robustes; leur visage est un peu plat, leur nez de grosseur
proportionnée, leurs yeux sont bruns ou noirs, leurs cheveux noirs,
lisses et épais; ils n'ont jamais de barbe; leur teint n'est ni blanc
ni noir; la couleur de leur peau change trois ou quatre fois par an:
au printemps par l'effet de l'air, en été par celui du soleil, en
hiver par celui du froid et de la flamme du feu. En automne ou à la
fin de l'été, le travail de la fauchaison ou la disette les fait
maigrir; en été, avant la fenaison, ou à l'a fin de l'automne,
l'abondance du lait, de la crème, des kymys et des viandes leur donne
de l'embonpoint.

Ne faisant jamais la guerre, par suite de leur caractère pacifique,
ils ne peuvent passer pour des héros; mais on doit les tenir pour
issus de bonne race, vu l'agilité et la vivacité de leurs mouvements,
l'affabilité de leurs paroles et leur sociabilité.

Ajoutons qu'ils sont très-intelligents. Il leur suffit de s'entretenir
une heure ou deux avec quelqu'un pour connaître ses sentiments, son
caractère, son esprit. Ils comprennent sans difficulté le sens d'un
discours élevé, et devinent, dès le commencement, ce qui va suivre. Il
y a peu de Russes, même des plus artificieux, qui soient capables de
tromper un Yakoute des bois.

[Illustration: Femme yakoute.--Dessin de Victor Adam d'après Hempel et
Geissler.]

Le peuple yakoute est le seul qui donne à boire et à manger pour rien
aux voyageurs; et c'est en quoi la bonté des Yakoutes se manifeste
clairement. Entrez dans la tente de l'un d'eux, il vous offrira tout
ce qu'il a de provisions; restez-y une semaine, restez-y même un mois,
il vous rassasiera toujours, ainsi que votre cheval. Il tient
non-seulement pour une honte, mais aussi pour un péché, de recevoir
aucun payement en retour de l'hospitalité qu'il vous donne. «C'est
Dieu, dit-il, qui donne le boire et le manger, afin que tous les
hommes en puissent profiter; je suis pourvu de vivres, mon voisin ne
l'est pas, je dois partager avec lui ce qui vient du Créateur.» Si
vous tombez malade dans sa tente, tous les membres de la famille se
relayeront pour vous veiller et pourvoir à vos besoins dans la mesure
de leurs moyens.

Ils honorent leurs vieillards, suivent leurs conseils et professent
que c'est une injustice ou un péché de les offenser et de les irriter.
Quand un père a plusieurs enfants, il les marie successivement, leur
bâtit une maison à côté de la sienne et partage avec eux ce qu'il
possède en bétail et en biens. Même séparés de leurs parents, les
enfants ne leur désobéissent en rien. Quand un père n'a qu'un fils, il
le garde avec lui et ne s'en sépare que dans le cas où il perd sa
femme et se remarie avec une autre qui lui donne des enfants.

Le Yakoute estime sa richesse en proportion du bétail qu'il possède;
l'amélioration de ses troupeaux est sa première pensée, son premier
désir; ce n'est qu'après y avoir réussi, qu'il songe à amasser de
l'argent et d'autres biens.

[Illustration: Poteaux des frontières du pays des Yakoutes et de la
Chine[20].--Dessin de Victor Adam d'après Folk.]

                   [Note 20: Les limites de la Chine et de la Russie
                   d'Asie sont marquées par de hauts poteaux de bois,
                   érigés sur un piédestal en pierre, et portant d'un
                   côté une inscription chinoise, de l'autre une
                   inscription russe.]

Il est grand amateur de brandevin et de tabac: qu'on lui donne de l'un
et de l'autre, il ne demandera pas à manger. Quand vous voyagez,
entrez avec autant de vin que vous voudrez dans la tente d'un Yakoute,
vos vases seront vides quand vous en sortirez. Il n'y a qu'un artifice
qui puisse sauver votre provision. Aussitôt que vous arrivez chez un
riche Yakoute, donnez-lui un oesmunæ (deux bouteilles de brandevin);
avec cette liqueur, il s'enivrera parfaitement, lui, sa famille et dix
camarades, et se tiendra satisfait; si vous ne lui en donnez qu'un
verre, adieu votre brandevin. Le lendemain, en voyant vos bouteilles
vides, vous vous rappellerez trop tard ce dicton: il a tout avalé.

Le Yakoute n'a pas d'égal pour la patience à supporter le besoin; ce
n'est rien pour lui que de travailler trois ou quatre jours sans rien
manger. Pendant trois mois, il ne vit que d'eau et d'écorce de pin, et
pense qu'il en doit être ainsi. Les pauvres gens passent pour des
gloutons aux yeux des Russes, parce qu'ils mangent beaucoup quand ils
ont une bonne nourriture. Mais, à mon avis, quand on s'expose à
supporter la faim comme eux, pendant plusieurs jours ou même plusieurs
mois, on peut bien montrer quelque avidité pour peu que l'on se trouve
à une bonne table.

Tous les peuples sont sujets à la colère; elle n'est pas étrangère aux
Yakoutes, mais ils oublient facilement les griefs qu'ils ont contre
quelqu'un, pourvu que celui-ci reconnaisse ses torts et s'avoue
coupable.

Les Yakoutes ont d'autres défauts, qu'il ne faut pas attribuer à des
dispositions innées; quelques-uns d'entre eux vivent de bétail volé;
il est vrai que ce ne sont que des malheureux; quand ils ont pris, sur
la chair d'une bête volée, de quoi manger deux ou trois fois, ils
abandonnent le reste; cela montre que leur seul mobile est la faim,
dont ils ont souffert pendant des mois et des années. De plus, quand
on découvre le voleur, les princes (kinæs, du russe kniaz) le font
frapper de verges, selon l'ancienne coutume, au milieu de l'assemblée.
Celui qui a subi une telle punition en conserve la flétrissure jusqu'à
sa mort; il ne peu plus être témoin, et ses paroles ne sont d'aucune
valeur dans les réunions où délibère le peuple; on ne le choisit ni
pour prince, ni pour _starsyna_ (du russe _starchina_, ancien). Ces
usages prouvent que le vol n'est pas devenu une profession chez les
Yakoutes; le voleur est non-seulement puni, mais il ne recouvre jamais
le nom d'honnête homme.

Le Yakoute est processif; un parent ou un étranger achète à crédit par
exemple une vache qu'il ne paye pas, sous prétexte qu'il use du
bénéfice de la compensation. Le vendeur le poursuit devant le chef et
le prince; l'affaire passe ensuite par tous les degrés de juridiction,
jusqu'à ce que les frais aient absorbé la valeur de vingt vaches et
quelquefois tous les biens des plaideurs. Mais ce n'est pas toujours
de leur propre mouvement qu'ils se jettent dans la voie ruineuse des
procès; ils y sont souvent poussés par des gens malintentionnés, qui
trouvent profit à faire des écritures.

Il suffit qu'un Yakoute veuille devenir maître dans quelque art pour
qu'il y parvienne; il est tout à la fois orfèvre, chaudronnier,
maréchal, charpentier; il sait démonter un fusil, sculpter des os, et
avec un peu d'exercice, il est capable d'imiter tout objet d'art qu'il
a examiné. Il est à regretter qu'ils n'aient pas de maîtres pour les
initier à des arts plus élevés; car ils seraient en état d'exécuter
des travaux extraordinaires.

Ils excellent à manier le fusil; ni le froid, ni la pluie, ni la faim,
ni la fatigue ne les arrêtent dans la poursuite d'un oiseau ou d'un
quadrupède. Ils chasseront un renard ou un lièvre deux jours entiers,
sans avoir égard à la fatigue ou à l'épuisement de leur cheval.

Ils ont beaucoup de goût et d'aptitude pour le commerce, et savent si
bien faire valoir la forme et la couleur de la moindre peau de renard
ou de zibeline, qu'ils en tirent un prix élevé.

Les crosses de fusil qu'ils fabriquent, les peignes qu'ils taillent et
ornent, sont des ouvrages achevés. On doit aussi remarquer que leurs
outres de peau de boeuf ne se corrompraient jamais, quand elles
resteraient dix ans pleines d'aliments liquides.

Parmi les femmes yakoutes, il y en a beaucoup qui ont de jolis
visages; elles sont plus propres que les hommes; comme tout leur sexe,
elles aiment les parures et les beaux atours. La nature ne les a pas
dépourvues de charmes. Elles dissimulent leur inclination pour tout
autre que leur mari, et elles ont à coeur de conserver leur réputation
intacte. On ne doit donc pas les compter au nombre des femmes
mauvaises, immorales et légères. Elles honorent à l'égal de Dieu, le
père, la mère et les parents âgés de leur mari. Elles ne se laissent
jamais voir tête et pieds nus. Elles ne passent pas devant le côté
droit de la cheminée et n'appellent jamais par leurs noms yakoutes les
parents de leur mari. La femme qui ne répond pas à ce portrait est
regardée comme une bête sauvage, et son mari passe pour fort mal loti.

                                   Traduit par E. BEAUVOIS.



GRAVURES.

                                                      Dessinateurs.
  Chapelle de Sainte-Rosalie (près Palerme)              Rouargue      1
  Types et costumes siciliens                            Rouargue      4
  Ruines à Girgenti (Agrigente)                          Rouargue      5
  Vue de Syracuse                                        Rouargue      8
  Taormine et l'Etna                                     Rouargue      9
  La Marine à Messine                                    Rouargue     12
  Rocher de Scylla                                       Rouargue     13
  Stromboli                                              Rouargue     16
  Pigeonnier près d'Ispahan                         Jules Laurens     17
  Pont d'Allah-Verdi-Khan sur le Zend-è-Roud,
    à Ispahan                                       Jules Laurens     21
  Collége de la Mère du roi, à Ispahan              Jules Laurens     24
  Une peinture indienne dans le palais des
    Quarante-Colonnes, à Ispahan                    Jules Laurens     25
  Entrée de Kaschan                                 Jules Laurens     28
  Une caravane persane au repos                     Jules Laurens     29
  Types persans                                     Jules Laurens     32
  Faubourg de Téhéran                               Jules Laurens     33
  La porte de Schah-Abdoulazim                      Jules Laurens     36
  Dans une cour, à Téhéran                          Jules Laurens     37
  Types et portraits persans                        Jules Laurens     40
  Groupe de Persans                                 Jules Laurens     41
  Dans l'Enderoun (appartement intérieur
    -- Costumes d'intérieur et de sortie)           Jules Laurens     44
  Choix d'armes, d'instruments et objets divers
    persans                                         Jules Laurens     45
  Le Démavend                                       Jules Laurens     48
  Vue de l'île Saint-Thomas                             de Bérard     49
  Saint-Pierre, à la Martinique                         de Bérard     52
  Cataracte de Weinachts (Guyane anglaise)              de Bérard     53
  Une sucrerie à la Guadeloupe                          de Bérard     56
  La Pointe-à-Pître, à la Guadeloupe                    de Bérard     57
  Le port d'Espagne, à la Trinidad                      de Bérard     60
  La baie de Panama                                     de Bérard     61
  Vue des Bermudes                                      de Bérard     64
  Costumes norvégiens d'Hitterdal                          Pelcoq     65
  La vallée de Bolkesjö                                      Doré     68
  Costumes du Télémark                                     Pelcoq     69
  La vallée de Vestfjordal                                   Doré     72
  Intérieur d'auberge à Bolkesjö                         Lancelot     73
  Église d'Hitterdal                                      Wormser     75
  Le Rjukandfoss                                             Doré     76
  Un chalet à Bamble                                     Lancelot     77
  Vue du lac Bandak                                          Doré     80
  Le lac Flatdal                                             Doré     81
  Fjord de Gudvangen                                         Doré     84
  Église de Bakke                                            Doré     85
  Route de Stalheim                                          Doré     88
  Le Vöringfoss                                              Doré     89
  Vallée de l'Heimdal                                        Doré     92
  Femme du Sogn                                            Pelcoq     93
  Une noce en Norvége                                      Pelcoq     96
  Le marché aux grains (Suez)                       Karl Girardet     97
  Port de Suez                                      Karl Girardet    100
  Cimetière européen à Suez                         Karl Girardet    100
  Qosséir                                           Karl Girardet    101
  Djeddah                                           Karl Girardet    101
  Port de Souakin                                   Karl Girardet    101
  Mosquée de Salonique                              Karl Girardet    104
  Femmes albanaises, près d'un arabas,
    à Vasilika                                       Villevieille    105
  Un Juif de Salonique                                       Bida    108
  Une Juive de Salonique                                     Bida    109
  Sceau du monastère de Kariès                                       111
  Vue générale de mont Athos                         Villevieille    112
  Le Conseil des Épistates au mont Athos                Boulanger    113
  Saint Georges (fresque de Panselinos dans le
    Catholicon de Kariès)                                  Pelcoq    116
  Monastère d'Iveron                                Karl Girardet    117
  L'higoumène d'Iveron                                     Pelcoq    120
  La Phiale ou le Baptistère du couvent de Lavra         Lancelot    121
  Croix sculptée en bois dans le trésor de Kariès         Thérond    124
  Coffret dans le trésor de Kariès                        Thérond    125
  Peinture de la trapeza de Lavra: les trois patriarches  Thérond    128
  La confession                                              Bida    129
  Bas-relief du couvent de Vatopédi                     A. Proust    130
  Albanais, soldat de la garde des Épistates         Villevieille    132
  Vue du couvent d'Esphigmenou                      Karl Girardet    133
  Intérieur de la cour principale du couvent slave
    de Kiliandari                                        Lancelot    136
  La récolte des noisettes au mont Athos             Villevieille    137
  L'île Chatam, dans l'archipel Galapagos            E. de Bérard    140
  Baie de la Poste, dans l'île Floriana
    (archipel Galapagos)                             E. de Bérard    140
  L'île Charles, dans l'archipel Galapagos           E. de Bérard    141
  Aiguade de l'île Charles (archipel Galapagos)      E. de Bérard    144
  Oiseaux et reptile (archipel Galapagos)                  Rouyer    145
  Côtes de l'île Albermale, dans l'archipel
    Galapagos                                        E. de Bérard    148
  Oeno, dans l'archipel Pomotou (îles à coraux)      E. de Bérard    149
  Village de Vanou, dans l'île de Vanikoro
    (îles à coraux)                                  E. de Bérard    149
  Baie de Manevai, dans l'île de Vanikoro
    (îles à coraux)                                  E. de Bérard    152
  Récifs et piton de l'île de Borabora
    (îles à coraux)                                  E. de Bérard    153
  Rade et pic de l'île de Borabora (îles à coraux)   E. de Bérard    156
  Île de Whitsunday, dans l'archipel Pomotou
    (îles à coraux)                                  E. de Bérard    157
  Brun-Rollet                                                Fath    160
  Traîneau yakoute                                    Victor Adam    161
  Une sorcière tongouse                               Victor Adam    164
  Port d'Okhotsk                                      Victor Adam    165
  Bazar de Nertchinsk                                 Victor Adam    168
  Colonie ou village yakoute                          Victor Adam    169
  Voyageur russe en Sibérie                           Victor Adam    172
  Argali (mouton sauvage)                             Victor Adam    173
  Campement de Tongouses                              Victor Adam    176
  Chamans yakoutes                                    Victor Adam    177
  Femme yakoute                                       Victor Adam    180
  Poteaux des frontières du pays des Yakoutes et
    de la Chine                                       Victor Adam    181
  Types indigènes (Australie du Sud)                      G. Fath    184
  Sépultures australiennes dans les bois                 Lancelot    185
  Sépulture australienne au désert                           Doré    189
  Restes d'un voyageur retrouvés par ses compagnons
    dans les déserts du lac Torrens                          Doré    192
  Oasis d'Éderi (Fezzan)                                 Rouargue    193
  Mourzouk (capitale du Fezzan)                          Rouargue    196
  Gorge d'Agueri                                         Lancelot    197
  Vallée d'Auderaz                                       Rouargue    200
  Vue d'Agadez                                           Lancelot    201
  Vue de Kano (entrepôt du Soudan central)               Lancelot    204
  Dendal ou boulevard de Kouka (capitale du Bornou)      Lancelot    205
  Vue du lac Tchad                                       Rouargue    208
  Village marghi                                         Rouargue    209
  Halte dans une forêt du Marghi                         Rouargue    212
  Village mosgou                                         Rouargue    213
  Chef mosgovien                                         Rouargue    216
  Intérieur d'une habitation mosgovienne                 Rouargue    217
  Chef kanembou                                          Rouargue    220
  Entrée du sultan de Baghirmi dans Maséna
    (sa capitale)                                        Rouargue    221
  Une razzia à Barea (Mosgou)                            Rouargue    224
  Vue du marché de Sokoto                                Hadamard    225
  Bac sur le Niger, à Say                                Rouargue    228
  Vue des monts Homboris                                 Lancelot    229
  Village sonray                                         Lancelot    232
  Vue de Kabra (port de Tembouctou)                      Rouargue    233
  Camp touareg                                           Lancelot    236
  Arrivée à Tembouctou                                   Lancelot    237
  Vue générale de Tembouctou                             Lancelot    240
  Portrait en pied du baron de Wogan en costume
    de voyage                                           J. Pelcoq    241
  Grass-Valley                                          J. Pelcoq    244
  Un claim ou atelier de mineur                         J. Pelcoq    245
  Forêt de _taxodium giganteum_ ou pins géants           Lancelot    248
  Un cañon ou passage de la Sierra-Wah                   Lancelot    249
  La case du jugement                                   J. Pelcoq    252
  Le poteau de la guerre                                J. Pelcoq    253
  Types d'Indiennes du Rio-Colorado                     J. Pelcoq    256
  Grande pagode de Rangoun                               Français    257
  Bateau à voile sur l'Irawady                     Cliché anglais    258
  Canot de parade                                  Cliché anglais    259
  Bateau de commerce                               Cliché anglais    259
  Birmans dans une forêt                                J. Pelcoq    261
  Pattshaing ou tambour-harmonica                  Cliché anglais    262
  Pattshaing à baguettes                           Cliché anglais    262
  Harpe birmane                                    Cliché anglais    263
  Harmonica birman                                 Cliché anglais    263
  Pagode à Pagán                                   Cliché anglais    264
  Représentation théâtrale dans le royaume d'Ava         Hadamard    265
  Dagobah ou pagode en forme de cloche             Cliché anglais    266
  Intérieur d'une pagode                           Cliché anglais    267
  Maison de l'ambassade à Amarapoura               Cliché anglais    268
  Vallée des puits de bitume                        Karl Girardet    269
  Types de grands seigneurs et hauts fonctionnaires
    birmans                                                 Morin    272
  Le palais du roi et l'éléphant blanc                     Navlet    273
  Sculptures comiques dans le monastère royal à
    Amarapoura                                           Lancelot    276
  Vue du Maha-Toolut-Boungyo (monastère royal à
    Amarapoura)                                          Lancelot    277
  Détails intérieurs du Maha-comiye-peima à Amarapoura     Navlet    281
  Une porte à Amarapoura                           Cliché anglais    284
  Canon birman                                     Cliché anglais    284
  Danse des éléphants                              Cliché anglais    284
  Canal d'irrigation dans le royaume d'Ava         Cliché anglais    285
  Jeunes dames birmanes                                     Morin    288
  Le temple du Dragon                                    Lancelot    289
  Rives de l'Irawady (près des mines de rubis)     Cliché anglais    292
  Petite pagode à Mengoun                          Cliché anglais    292
  Grand temple de Mengoun (depuis le tremblement
    de terre de 1839)                               Karl Girardet    293
  Vallée de l'Irawady au confluent du Myit-Nge          Paul Huet    297
  Temple ruiné à Pagán                                   Lancelot    300
  Salces ou volcans de boue à Membo                Cliché anglais    301
  Cônes volcaniques dans la plaine de Membo        Cliché anglais    301
  Paysans birmans en voyage                        Cliché anglais    302
  Statue gigantesque de Bouddha à Amarapoura             Lancelot    304
  Zanzibar vue de la mer                             E. de Bérard    305
  Portrait de feu l'iman de Zanzibar                 E. de Bérard    308
  Pont de la ville de Zanzibar                       E. de Bérard    309
  Un village de la Mrima                                Lavieille    312
  Jihoué la Mkoa ou la roche ronde                 Cliché anglais    313
  La fontaine qui bout (source thermale dans le
    Khoutou)                                       Cliché anglais    313
  Sycomore africain                                Cliché anglais    314
  L'Ougogo                                         Cliché anglais    315
  Burton et ses compagnons en marche                    Lavieille    316
  Chaîne côtière de l'Afrique occidentale               Lavieille    317
  Passe dans l'Ousagara                                 Lavieille    320
  Paysage dans l'Ounyamouézi                            Lavieille    321
  Noirs de l'Ousumboua                               G. Boulanger    324
  Huttes à Mséné                                        Lavieille    325
  Nègres porteurs                                    G. Boulanger    328
  Noir de l'Ouganda                                  G. Boulanger    329
  Habitation de Snay ben Amir à Kazeh                   Lavieille    332
  Jeunes dames à Kazeh                               G. Boulanger    333
  Coiffures des indigènes de l'Ounyanyembé         Cliché anglais    334
  Coiffures des indigènes de l'Oujiji              Cliché anglais    335
  Maison des étrangers à Kaouélé                        Lavieille    336
  Navigation sur le lac Tanganyika                      Lavieille    337
  Le capitaine Burton sur le lac Tanganyika             Lavieille    339
  Habitation au bord du lac Tanganyika                  Lavieille    340
  Le bassin du Maroro                                   Lavieille    341
  Instruments et ustensiles des Ouajiji            Cliché anglais    342
  Riverains du Tanganyika (côté ouest)             Cliché anglais    343
  Riverains du Tanganyika (côté sud)               Cliché anglais    343
  Le bassin du Kisanga                                  Lavieille    344
  Végétation de l'Ougogi                                Lavieille    345
  Passe de l'Ouzagara                              Cliché anglais    346
  Rocher de l'Éléphant près du cap Gardafui        Cliché anglais    347
  Dernier établissement égyptien dans le Fazogl          Lancelot    348
  Contrée des Shelouks sur le Saubat                     Lancelot    349
  Bélénia (village bari sur le fleuve Blanc)             Lancelot    352
  Habitants de la Havane                                    Potin    353
  Coolies chinois à Cuba                                   Pelcoq    356
  Vue générale de la Havane (capitale de Cuba)           Lancelot    357
  Avenue de palmiers devant une habitation de Cuba   E. de Bérard    360
  Cathédrale de la Havane                                  Navlet    361
  La volante (voiture de la Havane)                   Victor Adam    363
  Vue de Matanzas                                        Lancelot    364
  Paysage dans l'île de Cuba: Loma (coteau)
    de Candela                                          Paul Huet    365
  Paysage dans l'île de Cuba (Loma de la Givora)        Paul Huet    368
  Grenoble et les Alpes dauphinoises                Karl Girardet    369
  Les Grands Goulets                                Karl Girardet    372
  Pont-en-Royans                                             Doré    373
  Sainte-Croix et les ruines du château de Quint    Karl Girardet    376
  Die et la vallée de Roumeyer (vue prise des
    hauteurs de Saint-Justin)                            Français    377
  Le Mont-Aiguille (vu de Clelles)                       Daubigny    380
  Pontaix                                           Karl Girardet    381
  Roumeyer et le mont Glandaz                            Français    384
  Entrée de la vallée de Roumeyer                   Karl Girardet    385
  La vallée de Léoncel                              Karl Girardet    388
  La vallée de la Véoure et de la plaine du Rhône
    (vue prise des hauteurs de la Vacherie)         Karl Girardet    389
  Beaufort                                               Français    392
  La forêt de Saou                                       Sabatier    394
  Poët-Cellard                                      Karl Girardet    395
  Bourdeaux                                         Karl Girardet    396
  Le Velan et Plan-de-Baix (vue des sources
    du Ruïdoux)                                     Karl Girardet    397
  Cascade de la Druïse                              Karl Girardet    398
  La gorge de Trente-Pas                            Karl Girardet    400
  Le mont Viso                                           Sabatier    401
  Le pont du Diable                                      Sabatier    405
  Le lac de l'Échauda                                    Sabatier    408
  Le Pelvoux                                             Sabatier    409
  Le mont Aurouze                                        Français    412
  Les montagnes du Devoluy                          Karl Girardet    413
  Ruines de la Chartreuse de Durbon                 Karl Girardet    416



CARTES ET PLANS.


  Carte de la Sicile, par M. A. Vuillemin.                             3
  Carte de la Perse, par M. A. Vuillemin.                             19
  Carte des grandes et petites Antilles, par M. A. Vuillemin.         51
  Carte du haut Télémark (Norvége méridionale), d'après
    M. Paul Riant.                                                    67
  Carte de la presqu'île de Bergen, d'après M. Paul Riant.            83
  Carte de la Chalcidique, par M. A. Vuillemin.                      115
  Partie du gouvernement d'Yakoutsk, par Piadischeff.                167
  Carte de l'Australie, par M. A. Vuillemin.                         187
  Carte des voyages du docteur Henri Barth en Afrique (partie
    orientale) d'après M. de Lanoye.                                 195
  Voyage du docteur Barth (Itinéraire de Sokoto à Tembouctou),
    par M. A. Vuillemin.                                             234
  Carte du cours inférieur de l'Irawady comprenant les possessions
    britanniques et la partie sud du royaume d'Ava, d'après le
    capitaine H. Yule.                                               260
  Plan d'Amarapoura et de sa banlieue, d'après les relevés du
    major Grant Allan.                                               280
  Carte du cours supérieur de l'Irawady et partie nord du royaume
    d'Ava, d'après le cap. Yule.                                     296
  Carte du voyage de Burton et Speke aux grands lacs de l'Afrique
    orientale (Itinéraire de Zanzibar à Kazeh).                      307
  Carte du voyage de Burton et Speke aux grands lacs de l'Afrique
    orientale (2e partie).                                           338
  Carte de l'île de Cuba, par M. A. Vuillemin.                       355
  Carte du Dauphiné (partie occidentale: Isère et Drôme),
    par M. A. Vuillemin.                                             371
  Carte du Dauphiné (partie orientale: Isère et Hautes-Alpes),
    par M. A. Vuillemin.                                             404



ERRATA.


I. Sous le titre _Voyage d'un naturaliste_, pages 139 et 146, on
a imprimé: (1858.--INÉDIT).--Cette date et cette qualification ne
peuvent s'appliquer qu'à la traduction.

La note qui commence la page 139 donne la date du voyage (1838)
et avertit les lecteurs que le texte a été publié en anglais.


II. Dans un certain nombre d'exemplaires, le voyage du capitaine
Burton AUX GRANDS LACS DE L'AFRIQUE ORIENTALE, 1re partie,
46e livraison, le mot ORIENTALE se trouve remplacé par celui
d'OCCIDENTALE.


III. On a omis, sous les titres de _Juif_ et _Juive de
Salonique_, dessins de Bida, pages 108 et 109, la mention
suivante: d'après M. A. Proust.


IV. On a également omis de donner, à la page 146, la description
des oiseaux et du reptile de l'archipel des Galapagos représentés
sur la page 145. Nous réparons cette omission:

1º _Tanagra Darwinii_, variété du genre des
_Tanagras_ très-nombreux en Amérique. Ces oiseaux ne diffèrent de
nos moineaux, dont ils ont à peu près les habitudes, que par la
brillante diversité des couleurs et par les échancrures de la
mandibule supérieure de leur bec.

2º _Cactornis assimilis:_ Darwin le nomme _Tisseim des
Galapagos_, où l'on peut le voir souvent grimper autour des
fleurs du grand cactus. Il appartient particulièrement à l'île
Saint-Charles. Des treize espèces du genre _pinson_, que le
naturaliste trouva dans cet archipel, chacune semble affectée à
une île en particulier.

3º _Pyrocephalus nanus_, très-joli petit oiseau du
sous-genre _muscicapa_, gobe-mouches, tyrans ou moucherolles. Le
mâle de cette variété a une tête de feu. Il hante à la fois les
bois humides des plus hautes parties des îles _Galapagos_ et les
districts arides et rocailleux.

4º _Sylvicola aureola._ Ce charmant oiseau, d'un jaune
d'or, appartient aux îles Galapagos.

5º Le _Leiocephalus grayii_ est l'une des nombreuses
nouveautés rapportées par les navigateurs du _Beagle_. Dans le
pays on le nomme _holotropis_, et moins curieux peut-être que
l'_amblyrhinchus_, il est cependant remarquable en ce que c'est
un des plus beaux sauriens, sinon le plus beau saurien qui
existe.

Le saurien _amblyrhinchus cristatus_, que nous reproduisons ici,
est décrit dans le texte, page 147.

[Illustration: _Amblyrhinchus cristatus_, iguane des îles Galapagos.]

       *       *       *       *       *

IMPRIMERIE GÉNÉRALE DE CH. LAHURE
Rue de Fleurus, 9, à Paris.

       *       *       *       *       *





*** End of this LibraryBlog Digital Book "Le Tour du Monde; Les Yakoutes - Journal des voyages et des voyageurs; 2. sem. 1860" ***

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