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Title: Le Livre 010101, Tome 1 (1993-1998) Author: Lebert, Marie Language: French As this book started as an ASCII text book there are no pictures available. *** Start of this LibraryBlog Digital Book "Le Livre 010101, Tome 1 (1993-1998)" *** LE LIVRE 010101, TOME 1 (1993-1998) MARIE LEBERT NEF, University of Toronto, 2003 Copyright © 2003 Marie Lebert LE LIVRE 010101 - daté de septembre 2003 - est une synthèse sur tous les acteurs de l'édition numérique et l'apport des technologies numériques dans le monde du livre. L'internet et les technologies numériques sont en train de bouleverser le monde du livre. Imprimé sous de multiples formes depuis plus de cinq siècles, le livre se convertit. Si le livre imprimé a toujours sa place, et pour longtemps encore, d'autres supports se développent, et les habitudes de travail changent. Quelles sont les implications pour tous les professionnels du livre? Quelles sont les perspectives pour les prochaines années? TOME 1. 1993-1998. Entre 1993 et 1998, les changements affectant le monde du livre sont essentiellement la mise en ligne de très nombreux sites web, la large diffusion de textes électroniques, la création de librairies en ligne, l'apparition d'éditeurs électroniques, la numérisation à grande échelle de documents imprimés, la constitution de bibliothèques numériques et enfin le développement de catalogues en ligne. La version originale est disponible sur le NEF: http://www.etudes-francaises.net/entretiens/010101/ TABLE # Sommaire # Introduction 1. Les débuts de l’internet 2. L’internet dans la Francophonie 3. Des livres à vendre sur le web 4. Les éditeurs sur le réseau 5. La presse se met en ligne 6. Les bibliothèques et l'aventure internet 7. La bibliothèque numérique démarre 8. Une société de l’information? # Conclusion # Personnes citées # Sites et pages web # SOMMAIRE L’internet et les technologies numériques sont en train de bouleverser le monde du livre. Imprimé sous de multiples formes depuis plus de cinq siècles, le livre se convertit. Si le livre imprimé a toujours sa place, et pour longtemps encore, d’autres supports se développent, et les habitudes de travail changent. Entre 1993 et 1998, ces changements sont essentiellement la mise en ligne de très nombreux sites web, la large diffusion de textes électroniques, la création de librairies en ligne, l’apparition d’éditeurs électroniques, la numérisation à grande échelle de documents imprimés, la constitution de bibliothèques numériques et enfin le développement de catalogues en ligne. Quelles sont les implications pour tous les professionnels du livre (écrivains, journalistes, éditeurs, libraires, bibliothécaires-documentalistes, professeurs, chercheurs, traducteurs, etc.)? Quelles sont les perspectives pour les prochaines années? Basé sur le suivi de l’actualité et sur de nombreux entretiens, Le Livre 010101 (1993-1998) tente de faire le tour de la question. Il est complété par un glossaire, une sélection de sites web et une série de signets. = L’auteure Adepte de l’internet, du télétravail et du zéro papier, Marie Lebert est traductrice-éditrice auprès d’une agence des Nations Unies, pour gagner sa vie. A titre personnel, elle est également chercheuse, écrivain et journaliste. Elle s’intéresse entre autres aux bouleversements apportés dans le monde du livre par l’internet et les technologies numériques. Elle prône aussi la diffusion libre du savoir et la création de nouvelles structures éditoriales s’affranchissant des modèles traditionnels. = L'éditeur Le Livre 010101 (1993-1998) est publié en ligne sur le Net des études françaises (NEF). Créé en mai 2000 par Russon Wooldridge, professeur au département d’études françaises de l’Université de Toronto, le NEF se veut d’une part "un filet trouvé qui ne capte que des morceaux choisis du monde des études françaises, tout en tissant des liens entre eux", d’autre part un réseau dont les "auteurs sont des personnes oeuvrant dans le champ des études françaises et partageant librement leur savoir et leurs produits avec autrui", deux belles définitions qui s’appliquent aussi au Livre 010101. Un deuxième volume, Le Livre 010101 (1998-2003), couvre la période suivante. = Remerciements Le Livre 010101 (1993-1998) doit beaucoup aux professionnels du livre et de la presse qui ont accepté de répondre par courriel à mes questions en juin et juillet 1998. Qu’ils en soient ici chaleureusement remerciés. Ces entretiens se sont poursuivis ensuite, entre 1999 et 2003. La quasi-totalité des entretiens est publiée en ligne sur le Net des études françaises (NEF). [Voir le livre: Entretiens (1998-2001).] # INTRODUCTION L’internet et les technologies numériques sont en train de bouleverser le monde du livre. Imprimé sous de multiples formes depuis plus de cinq siècles, le livre se convertit. Si le livre imprimé a toujours sa place, et pour longtemps encore, d’autres supports se développent, et les habitudes de travail changent. Comment le monde de l’imprimé accepte-t-il ce nouvel outil d’information qu’est l’internet? De quelle manière l’internet intègre-t-il les différents secteurs de l’imprimé? Quelles sont les implications pour tous les professionnels du livre (écrivains, journalistes, éditeurs, libraires, bibliothécaires-documentalistes, professeurs, chercheurs, traducteurs, etc.)? Quelles sont les perspectives pour les prochaines années? En 1998, si l’imprimé a déjà plus de cinq siècles, l’internet entame seulement sa cinquième année. Les véritables débuts de l’internet à l’échelle mondiale datent du milieu des années 1990, avec une restructuration en profondeur des communications à l’échelon personnel et professionnel, et une restructuration des méthodes de travail à tous les niveaux. En effet, si l’internet existe depuis 1974, et si l’invention du World Wide Web, beaucoup plus récente, date de 1990, l’internet ne débute vraiment sa progression qu’à partir de novembre 1993, suite à la création de Mosaic, le premier logiciel de navigation et l’ancêtre de Netscape. Le monde de l’imprimé et celui de l’internet sont-ils antagonistes ou complémentaires? Quelle est leur influence l’un sur l’autre? Comment le monde de l’imprimé accepte-t-il ce nouvel outil qu’est l’internet? De quelle manière l’internet prend-il en compte cet outil pluricentenaire qu’est l’imprimé? Travaillent-ils de concert? Se font-ils concurrence? Quel est leur avenir commun? Le monde de l’internet va-t-il complètement avaler l’univers de l’imprimé, ou l’imprimé va-t-il au contraire domestiquer l’internet en tant qu’outil supplémentaire? Comment les professionnels du livre voient-ils la déferlante qui s’abat sur leur vie professionnelle, relativement stable jusque-là? Sans compter toutes les interconnexions et transformations dont nous n’avons pas encore idée, puisqu’on nous assure régulièrement que l’internet est en train de révolutionner le monde au même titre que l’écriture et l’imprimerie en d’autres temps. En 1998, de plus en plus d’oeuvres du domaine public sont disponibles en version électronique sur le web. On a toujours loisir d’acheter ensuite la version imprimée si on préfère lire cinq cents pages dans son lit plutôt que sur son ordinateur. Certains textes ne sont désormais disponibles qu’en version électronique, et les livres numériques / électroniques sont pour bientôt. De plus en plus de libraires et d’éditeurs créent un site web. Certains libraires et éditeurs en ligne naissent directement sur le web. De plus en plus de journaux et magazines ont eux aussi un site web, sur lequel on trouve le texte intégral ou des extraits du dernier numéro, les archives des numéros précédents, des dossiers, etc. En bref, l’internet devient indispensable pour se documenter, avoir accès aux documents et élargir ses connaissances. L’internet amène aussi son lot de questions à résoudre. Qu’en est-il par exemple du droit du cyberespace et du respect de la propriété intellectuelle? Qu’en est-il du chômage, des contrats précaires et du stress entraînés par la convergence multimédia? Ce livre ne prend malheureusement pas en compte - ou si peu - les vastes domaines que sont les manuels d’enseignement et les livres pour enfants. Ses quelque 150 pages n’y suffiraient pas, et chaque domaine mériterait des mois de recherche et une étude à part. Le monde de l’internet se développe et se transforme à une telle vitesse que certaines des informations présentes dans ces pages risquent d'être rapidement obsolètes. Tant pis, ou plutôt tant mieux. Le monde de l’internet est rapide. Ceci n’empêche pas un point de la situation à un moment donné, même si ce point devient très rapidement historique et passe dans les archives. Une première version de ce livre est publiée en 1999 par les éditions 00h00, sous le titre De l’imprimé à internet (disponible entre avril 1999 et décembre 2002 au format PDF et en version imprimée). En 2003, ce livre est entièrement remanié et devient Le Livre 010101 (1993-1998). Pourquoi ce titre Le Livre 010101? Pour regrouper sous une expression commune tous les changements apportés par l’internet et les technologies numériques dans le monde du livre. Entre 1993 et 1998, ces changements sont essentiellement la mise en ligne de très nombreux sites web, la large diffusion de textes électroniques, la création de librairies en ligne, l’apparition d’éditeurs électroniques, la numérisation à grande échelle de documents imprimés, la constitution de bibliothèques numériques et enfin le développement de catalogues en ligne. Ces changements se poursuivent les années suivantes et sont recensés dans un deuxième ouvrage, Le Livre 010101 (1998-2003). Pourquoi le nombre 010101 plutôt qu’un autre? Parce que, en numération binaire, 010101 donne 21, un nombre qui, s’il est symbolique, n’est pas très élevé, et montre qu’il reste beaucoup à faire. 1. LES DEBUTS DE L'INTERNET [1.1. Chiffres et éléments techniques / 1.2. Un outil de diffusion / 1.3. Info-riches et info-pauvres] En 1998, l’internet fait désormais partie de notre vie quotidienne, grâce au développement rapide du web suite à l’apparition du premier logiciel de navigation en novembre 1993. D’après le Computer Industry Almanach, document de référence sur l'évolution du cyberespace, le nombre d’usagers se chiffre à 100 millions à la fin de 1997, avec un million de nouveaux utilisateurs chaque mois. Ce nombre devrait rapidement être multiplié par trois, pour atteindre 300 millions d’internautes en l'an 2000. 1.1. Chiffres et éléments techniques = L’internet Apparu en 1974 et en fort développement depuis 1983, l’internet est défini comme un ensemble de réseaux commerciaux, réseaux publics, réseaux privés, réseaux d’enseignement, réseaux de services, etc., qui opèrent à l’échelle planétaire. Outre le World Wide Web, plus communément appelé web, l’internet inclut de nombreux services: courrier électronique, forums de discussion, IRC (internet relay chat), visioconférence, etc. L’internet offre des ressources sans précédent dans les domaines de l’information, de la communication et de la diffusion, et ces ressources augmentent de manière spectaculaire d'une année sur l'autre. Après avoir été un phénomène expérimental enthousiasmant quelques branchés, l’internet envahit le monde au milieu des années 1990. Les signes cabalistiques des adresses web fleurissent peu à peu sur les livres, les magazines, les affiches et les publicités, sans parler de tous les produits qu’on achète au supermarché. En 1999, on nous promet pour bientôt l’internet dans tous les foyers. On parle de mariage de l’ordinateur et de la télévision avec écrans interchangeables ou intégrés, et d'accès à l’internet par le même biais que la télévision câblée. Une autre preuve tangible de l’invasion de l’internet dans notre vie quotidienne est que sa majuscule d’origine tend peu à peu à s’estomper. Internet - qui était encore une planète à part voici peu de temps - est peu à peu remplacé par l’internet, avec un "i" minuscule. De nom propre il devient nom commun, au même titre que l’ordinateur, le téléphone ou le fax. La même remarque vaut pour le World Wide Web, qui devient tout simplement le web. Les paragraphes qui suivent ne se veulent en aucune manière une présentation complète de l’internet. Les ouvrages abondent dans ce domaine. On en trouvera une sélection dans la liste de documents imprimés située à la fin de ce livre. Le but de ces quelques pages de présentation est seulement de situer l’internet pour une meilleure compréhension du sujet, à savoir les changements apportés par ce nouveau médium dans le monde du livre. De même, on utilise les termes techniques uniquement quand c’est indispensable, et ceux-ci sont systématiquement expliqués dans le corps du texte et dans le glossaire. Etant assez critique à l’égard des informaticiens employant un langage hermétique compris d’eux seuls alors qu’ils sont censés se faire comprendre du grand public, on a tenté d’éviter de tomber dans les mêmes travers. En ce qui concerne le vocabulaire de l’internet, on a choisi autant que possible l’équivalent français d’un terme anglais quand celui-ci existe. Mais - que les défenseurs inconditionnels de la langue française nous pardonnent - on utilise aussi quelques termes résolument anglophones parce que tout simplement intraduisibles si on veut que le texte reste compréhensible. On a également tenté d’éviter le ridicule. Par exemple, CD-Rom reste CD-Rom - orthographe utilisée entre autres par Libération et Le Monde - et non cédérom, comme le préconise l’Académie française. CD-Rom étant l’acronyme de: compact disc – read only memory, il n’y a aucune raison de le franciser. = Le web C’est le World Wide Web qui rend l’internet très populaire et qui permet sa progression rapide. Plus communément appelé web, ou encore WWW ou W3, le World Wide Web est conçu par Tim Berners-Lee en 1989 au CERN (Laboratoire européen pour la physique des particules) à Genève. Mis au point en 1990, le web devient opérationnel en 1991. Il révolutionne la consultation de l’internet en permettant la publication de documents utilisant le système hypertexte, à savoir un ensemble de liens hypertextes reliant les documents textuels et visuels entre eux au moyen d’un simple clic de souris. Désormais interactive, l’information devient beaucoup plus attractive. Le web est très postérieur à l’internet, réseau informatique global créé en 1974 et connectant gouvernements, sociétés, universités, etc., depuis 1983. Même si, improprement, on les considère souvent comme synonymes, le web n’est qu’un des secteurs de l’internet, qui englobe de nombreux autres services: courrier électronique, forums de discussion, visioconférence, FTP (file transfer protocol), IRC (internet relay chat), Telnet (terminal network protocol), etc. Le web bénéficie logiquement de l’infrastructure de l’internet, en commençant par les Etats-Unis. C’est la raison pour laquelle ce pays a quelques longueurs d’avance sur le reste du monde. On se plaint souvent de l’hégémonie américaine alors qu’il s’agit surtout d’une avance technique. Comme on le verra plus loin, malgré tous les efforts des dinosaures politiques et commerciaux, il est difficile à quelque organisme que ce soit de mettre la main sur le web. C’est ce qui fait sa force. Un site web est souvent constitué d’un ensemble de pages se déroulant à l’écran et reliées entre elles par des liens hypertextes, en général soulignés et d’une couleur différente de celle du texte. Grâce à un simple clic, l’utilisateur est renvoyé soit à une autre partie de la page web, soit à une autre page du même site, soit à un autre site. Cette interactivité s’accroît encore grâce à la possibilité de liens hypermédias permettant de relier des textes et des images avec des graphiques, des vidéos ou des bandes sonores. A la question de Pierre Ruetschi, journaliste à la Tribune de Genève: "Sept ans plus tard, êtes-vous satisfait de la façon dont le web a évolué?", Tim Berners-Lee, son créateur, répond en décembre 1997 que, s’il est heureux de la richesse et de la variété de l’information disponible, le web n’a pas encore la puissance prévue dans sa conception d’origine. Il aimerait "que le web soit plus interactif, que les gens puissent créer de l’information ensemble", et pas seulement consommer celle qui leur est proposée. Le web doit devenir un véritable "média de collaboration, un monde de connaissance que nous partageons". Si le web doit devenir plus créatif, la solidarité entre internautes est déjà effective. Christiane Jadelot, ingénieure d'études à l'INaLF-Nancy (INaLF: Institut national de la langue française), relate en juin 1998: "J'ai commencé à utiliser vraiment l'internet en 1994, je crois, avec un logiciel qui s'appelait Mosaic. J'ai alors découvert un outil précieux pour progresser dans ses connaissances en informatique et linguistique, littérature... Tous les domaines sont couverts. Il y a le pire et le meilleur, mais en consommateur averti, il faut faire le tri de ce que l'on trouve. J'ai surtout apprécié les logiciels de courrier, de transfert de fichiers, de connexion à distance. J'avais à cette époque des problèmes avec un logiciel qui s'appelait Paradox et des polices de caractères inadaptées à ce que je voulais faire. J'ai tenté ma chance et posé la question dans un groupe de News approprié. J'ai reçu des réponses du monde entier, comme si chacun était soucieux de trouver une solution à mon problème!" = Les navigateurs Si le web est opérationnel dès 1991, il ne se popularise vraiment qu’à partir de novembre 1993, suite à l’apparition du premier navigateur, Mosaic, développé par une équipe du National Center for Supercomputing Applications (NSCA, Etats-Unis) et distribué gratuitement sur le réseau. Début 1994, une partie de l’équipe de Mosaic crée la Netscape Communications Corporation pour commercialiser un nouveau logiciel sous le nom de Netscape Navigator. Il est suivi en 1995 d'un deuxième navigateur, l’Internet Explorer de Microsoft. Lancé en 1996, un troisième logiciel de navigation, Opera, combine les avantages des deux grands navigateurs du marché tout en étant beaucoup plus léger, stable et rapide. De par leur complexité, les adresses web sont souvent difficiles à retenir. Les navigateurs intègrent donc une fonction permettant la gestion de favoris, également appelés signets. Ces favoris permettent à chacun de constituer son propre répertoire de sites web sans devoir relancer une recherche ou bien retaper entièrement l’adresse pour chaque consultation. = Annuaires et moteurs de recherche Le web se développant rapidement, un système de classement devient vite indispensable. On assiste à l’apparition d’annuaires, avec classement des sites par le cerveau humain, et de moteurs de recherche, avec gestion totalement informatisée. L’annuaire le plus utilisé est Yahoo!, acronyme de: Yet Another Hierarchical Officious Oracle! Créé en 1994 par deux étudiants de l’Université de Stanford (Californie) pour recenser les sites web et les classer par thèmes, Yahoo! devient rapidement une institution. Divisé en 63 grandes catégories, il comprend notamment des secteurs sur les bibliothèques, les bibliothèques numériques, les textes électroniques, etc. Consultable en anglais, allemand, coréen, français, japonais, norvégien et suédois, Yahoo! travaille de concert avec le moteur de recherche AltaVista. Quand une recherche ne donne pas de résultat sur l’un, elle est automatiquement aiguillée sur l’autre. De plus, depuis la fin 1998, l’utilisateur peut personnaliser sa page d’accueil en utilisant Mon Yahoo! Les moteurs de recherche permettent de lancer une requête dans de gigantesques bases de données entièrement automatisées. Le moteur de recherche le plus utilisé, AltaVista, est disponible dans quatorze langues, dont le français. La recherche par sujets est possible dans AltaVista Subject Search, une fonction qui sera plus tard intégrée dans la page d’accueil. = La connexion au réseau En 1998, le seul véritable point faible du web, ce sont les délais d’attente imprévisibles nécessaires pour se connecter à son fournisseur d’accès à l’internet (FAI). Ces délais mettent les nerfs de l’internaute pressé à rude épreuve et devraient être résolus à plus ou moins long terme. Après avoir été un véritable périple initiatique, se connecter pour la première fois au réseau devient plus facile que par le passé (avec l’iMac par exemple), les constructeurs prenant enfin en considération le fait que les usagers ne sont pas tous des professionnels de l’informatique. Une fois qu’on est connecté, naviguer sur le web demande également de la patience, le chargement rapide des pages web étant encore du domaine de l’avenir, surtout pour les sites comportant des images. L’usager peut toutefois être confiant, puisque ces quelques problèmes devraient disparaître dans les prochaines années. "Il a fallu inventer la hache de pierre avant de construire la Tour Eiffel", écrit à juste titre Jean-Paul, internaute convaincu, en juin 1998. Pour le moment, le plus souvent, un particulier se connecte à l’internet par le biais d’un modem branché sur sa ligne de téléphone. Ce modem permet de transformer les données numériques de l’ordinateur en données analogiques pouvant être transmises par les fils de cuivre de la ligne téléphonique, et inversement. La ligne de téléphone constitue une bande passante étroite, le débit ne dépassant pas 33,6 puis 56 Kbps (kilobits par seconde). A la bande passante étroite succéderont la bande passante moyenne (comme le RNIS) puis la bande passante large (comme l’ADSL), qui éviteront les délais de connexion et permettront un chargement rapide des images. D’ores et déjà, la carte RNIS (réseau numérique à intégration de services) autorise une transmission rapide des données par le câble du téléphone, parallèlement à la transmission de la voix et du fax. Le procédé ADSL (asymmetric digital subscriber line) utilise également le câble du téléphone, avec une technologie différente et un débit de transmission supérieur au RNIS. Aux traditionnels câbles métalliques succèdent les câbles en fibres optiques, qui permettent la transmission des données à très haut débit. Ces câbles utilisent la technologie ATM (asynchronous tranfer mode), un protocole pouvant transmettre tout type d’information, y compris la voix et la vidéo, par l’acheminement indépendant de cette information fragmentée en de multiples paquets et reconstituée à l’arrivée pour recomposer l’information initiale, le tout dans un délai infime. Dans leur livre Cyberplanète: notre vie en temps virtuel (paru en 1998 aux éditions Autrement), Philip Wade et Didier Falkand indiquent que les Etats-Unis installent 6.000 kilomètres de câbles en fibres optiques par jour. La tâche est telle que, à ce rythme, il leur faudra 890 ans et 700 milliards de dollars d'investissement pour remplacer toutes les lignes de téléphone classiques. Pour une opération similaire, le Japon aura besoin de quinze ans et 500 milliards de dollars. Pour permettre des échanges de données rapides sans câblage, on envisage d’installer des satellites en orbite basse d’ici 2005. Situés à moins de 2.000 km d'altitude, ces satellites auront un temps de réponse de vingt millisecondes, correspondant à celui d’un câble en fibres optiques. En 1998, plusieurs programmes de recherche sont en cours, dont le programme européen Skybridge et les programmes américains Celestru et Teledesic. Techniquement parlant, on s’interroge souvent sur le retard de l’Europe par rapport aux Etats-Unis. Qu’en pense Tim Berners-Lee, le créateur du web? Interviewé en décembre 1997 par Pierre Ruetschi, journaliste à la Tribune de Genève, il répond en expliquant l’avance des Etats-Unis par les gros investissements faits par le gouvernement. Il insiste aussi sur l’avance technologique de l’Europe dans d’autres domaines connexes, par exemple le minitel, les cartes à puce et les téléphones cellulaires. 1.2. Un outil de diffusion = Le développement de l’internet Sur le site de l’Internet Society (ISOC), organisme professionnel international coordonnant le développement du réseau, le document A Brief History of the Internet propose de l’internet une triple définition. L’internet est: a) un instrument de diffusion internationale, b) un mécanisme de diffusion de l’information, c) un moyen de collaboration et d’interaction entre les individus et les ordinateurs, indépendamment de leur situation géographique. Selon ce document, bien plus que toute autre invention (télégraphe, téléphone, radio ou ordinateur), l’internet révolutionne de fond en comble le monde des communications. Il représente un des exemples les plus réussis d’interaction entre un investissement soutenu dans la recherche et le développement d’une infrastructure de l’information, tous deux l’objet d’un réel partenariat entre les gouvernements, les industries et les universités. Sur le site du World Wide Web Consortium (W3C), Bruce Sterling décrit pour sa part le développement spectaculaire de l’internet dans Short History of the Internet. L’internet se développe plus vite que les téléphones cellulaires ou les télécopieurs. En 1996, sa croissance est de 20% par mois. Le nombre des machines ayant une connexion directe TCP/IP (transmission control protocol / internet protocol) a doublé depuis 1988. D’abord présent dans l’armée et dans les instituts de recherche, l’internet déferle dans les écoles, les universités et les bibliothèques, et il est également pris d’assaut par le secteur commercial. Bruce Sterling s’intéresse aussi aux raisons pour lesquelles on se connecte à l’internet. Une des raisons essentielles lui semble être la liberté. L’internet est un exemple d’"anarchie réelle, moderne et fonctionnelle". Il n’y a pas de société régissant l’internet. Il n’y a pas non plus de censeurs officiels, de patrons, de comités de direction ou d’actionnaires. Toute personne peut parler d’égale à égale avec une autre, du moment qu’elle se conforme aux protocoles TCP/IP, des protocoles qui ne sont pas sociaux ou politiques mais strictement techniques. L’internet est aussi une bonne affaire commerciale. Contrairement à la téléphonie traditionnelle, il n’existe pas de frais longue distance. Et, contrairement aux réseaux informatiques commerciaux, il n’existe pas de frais d’accès, excepté l’abonnement pour se connecter. En fait, l’internet, qui n’existe même pas officiellement en tant qu’entité, n’a pas de facturation propre. Chaque fournisseur d’accès internet (FAI) est responsable de ses propres machines et de ses propres connexions. Les internautes constituent toutefois une véritable communauté représentée par plusieurs organismes internationaux, par exemple l’Electronic Frontier Foundation (EFF), l’Internet Society (ISOC) et le World Wide Web Consortium (W3C). Fondée en 1990, l’Electronic Frontier Foundation (EFF) est un organisme de défense des libertés civiles qui oeuvre dans l'intérêt public pour protéger le respect de la vie privée, la liberté d’expression, l’accès en ligne de l’information publique et la responsabilité civile dans les nouveaux médias. Fondée en 1992, l’Internet Society (ISOC) est un organisme professionnel international non gouvernemental qui rassemble divers groupes d'intérêt afin de coordonner et promouvoir le développement du réseau. L’ISOC est dirigée par Vinton Cerf, souvent appelé le père de l’internet parce qu’il est l’inventeur du protocole TCP/IP, à la base de tout échange de données. Fondé en 1994, le World Wide Web Consortium (W3C) est un consortium industriel international qui développe les protocoles communs nécessaires à la croissance du web. Dirigé par Tim Berners-Lee, l’inventeur du World Wide Web, il réunit les entreprises qui comptent dans le monde de l’internet. = L’internet et les autres médias L’internet est-il un concurrent direct de la télévision et de la lecture? Au Québec, un sondage réalisé en mars 1998 par l’institut Som pour le compte du magazine Branchez-vous! 30,7% de la population est connectée à l’internet. 28,8% des Québécois connectés regardent moins la télévision qu’avant. Par contre, seuls 12,1% lisent moins, ce qui, d'après le cybermag Multimédium, est "plutôt encourageant pour le ministère de la Culture et des Communications qui a la double tâche de favoriser l'essor de l'inforoute et celui... de la lecture!" Lors d'un entretien en janvier 1998 avec Annick Rivoire, journaliste à Libération, Pierre Lévy, philosophe, explique que l’internet va contribuer à la fin des monopoles: "Le réseau désenclave, donne plus de chance aux petits. On crie "ah! le monopole de Microsoft", mais on oublie de dire que l'internet sonne la fin du monopole de la presse, de la radio et de la télévision et de tous les intermédiaires." Fondateur de l'Internet Society (ISOC), Vinton Cerf insiste régulièrement sur le fait que l’internet relie moins des ordinateurs que des personnes et des idées. Il explique aussi: "Le réseau fait deux choses (...): comme les livres, il permet d'accumuler de la connaissance. Mais, surtout, il la présente sous une forme qui la met en relation avec d'autres informations. Alors que, dans un livre, l'information est maintenue isolée." C’est ce que Pierre Lévy définit comme l’intelligence collective: "Les réseaux permettent de mettre en commun nos mémoires, nos compétences, nos imaginations, nos projets, nos idées, et de faire en sorte que toutes les différences, les singularités se relancent les unes les autres, entrent en complémentarité, en synergie." D'après Timothy Leary, autre philosophe adepte du cyberespace, le 21e siècle verra l’émergence d’un nouvel humanisme, dont les idées-force seront la contestation de l’autorité, la liberté de pensée et la créativité personnelle, le tout soutenu et encouragé par la vulgarisation de l’ordinateur et des technologies de la communication. Dans son livre Chaos et cyberculture (publié en 1997 aux éditions du Lézard), il écrit: "Jamais l’individu n’a eu à sa portée un tel pouvoir. Mais, à l’âge de l’information, il faut saisir les signaux. Populariser signifie 'rendre accessible au peuple'. Aujourd’hui, le rôle du philosophe est de personnaliser, de populariser et d’humaniser les concepts informatiques, de façon à ce que personne ne se sente exclu." Lors d'une entrevue accordée en automne 1997 à François Lemelin, rédacteur en chef de L'Album (qui est la publication officielle du Club Macintosh de Québec), Jean-Pierre Cloutier, auteur des Chroniques de Cybérie, explique: "Je crois que le médium (l’internet, ndlr) va continuer de s'imposer, puis donner lieu à des services originaux, précis, spécifiques, quand on aura trouvé un modèle économique de viabilité. (...) Quand un nouveau médium arrive, il se fait une place, les autres s'ajustent, il y a une période de transition, puis une 'convergence'. Ce qui est différent, avec internet, c'est la dimension interactive du médium et son impact possible. C'est la donnée sur laquelle on réfléchit encore, on observe. Aussi, comme médium, le net fait émerger de nouveaux concepts sur le plan de la communication, et sur le plan humain, et ce même pour les non branchés. Je me souviens (...) quand McLuhan est arrivé, fin des années soixante, avec son concept de 'village global' en se basant sur la télévision, le téléphone, et qu'il prévoyait les échanges de données entre ordinateurs. Eh bien il y a eu des gens, en Afrique, sans télévision et sans téléphone, qui ont lu et qui ont compris McLuhan. Et McLuhan a changé des choses dans leur conception de voir le monde. Internet a ce même effet. Il provoque une réflexion sur la communication, la vie privée, la liberté d'expression, les valeurs auxquelles on tient, celles dont on est prêt à se débarrasser, et c'est ça qui en fait un médium si puissant, si important." = Un réseau qui devient multilingue A tort ou à raison, on se plaint souvent de l'hégémonie de l'anglais sur l'internet. Celle-ci était inévitable au début, puisque le réseau se développe d'abord en Amérique du Nord. En 1998, si l’internet est encore anglophone à 80%, de nombreuses autres langues y sont présentes. Il reste aux différentes communautés linguistiques à poursuivre le travail entrepris. Initiative peu courante en 1997, la société de traduction Logos décide de mettre tous ses outils professionnels en accès libre sur le web. Logos est créé en 1979 à Modène (Italie) par Rodrigo Vergara, un réfugié politique chilien. Etudiant en agronomie, celui-ci vient d’émigrer en Italie pour échapper à la dictature du général Pinochet. En 1997, à 45 ans, il dirige une entreprise de traduction offrant des services dans plus de 35 langues, avec un réseau de 300 traducteurs dans le monde et un chiffre d'affaires de 60 millions de FF (9,2 millions d’euros). Dans un entretien accordé en décembre 1997 à Annie Kahn, journaliste au Monde, il relate: "Nous voulions que nos traducteurs aient tous accès aux mêmes outils de traduction. Nous les avons donc mis à leur disposition sur internet, et tant qu'à faire nous avons ouvert le site au public. Cela nous a rendus très populaires, nous a fait beaucoup de publicité. L'opération a drainé vers nous de nombreux clients, mais aussi nous a permis d'étoffer notre réseau de traducteurs grâce aux contacts établis à la suite de cette initiative." Ces outils de traduction comprennent un dictionnaire multilingue de 7,5 millions d’entrées (Logos Dictionary), une base de données de 553 glossaires (Linguistic Resources), des tables de conjugaison en 17 langues (Conjugation of Verbs), et enfin la Wordtheque, une base de données multilingue de 328 millions de termes issus de nombreux textes traduits, essentiellement des romans et des documents techniques. La recherche dans la Wordtheque est possible par langue, par mot, par auteur et par titre. Une fonction complémentaire permet l’accès au texte intégral des oeuvres littéraires du domaine public disponibles sur le web. Le multilinguisme est l’affaire de tous, témoin cet Appel du Comité européen pour le respect des cultures et des langues en Europe (CERCLE). Publié sur le web en 1997 et traduit dans les onze langues officielles de l'Union européenne, il défend "une Europe humaniste, plurilingue et riche de sa diversité culturelle". Il propose aux réviseurs du Traité de l’Union européenne douze amendements prenant en compte le respect des cultures et des langues. "La diversité et le pluralisme linguistiques ne sont pas un obstacle à la circulation des hommes, des idées et des marchandises ou services, comme veulent le faire croire certains, alliés objectifs, conscients ou non, de la culture et de la langue dominantes (sous-entendu l’anglais, ndlr). C'est l'uniformisation et l'hégémonie qui sont un obstacle au libre épanouissement des individus, des sociétés et de l'économie de l'immatériel, source principale des emplois de demain. Le respect des langues, à l'inverse, est la dernière chance pour l'Europe de se rapprocher des citoyens, objectif toujours affiché, presque jamais mis en pratique. L'Union doit donc renoncer à privilégier la langue d'un seul groupe." Il n’empêche que, même si on prône le multilinguisme, il est vraiment désagréable de se heurter à des pages web dont le contenu nous intéresse mais dont on ne comprend pas la langue. En décembre 1997, le moteur de recherche AltaVista lance Babel Fish Translation, un logiciel de traduction automatique de l’anglais vers cinq autres langues (allemand, espagnol, français, italien et portugais), et vice versa. Alimenté par un dictionnaire multilingue de 2,5 millions de mots, ce service, gratuit et instantané, est l’œuvre de Systran, société pionnière en traitement automatique des langues. Le texte à traduire doit être de trois pages maximum. La page originale et la traduction apparaissent en vis-à-vis sur l’écran. La traduction étant entièrement automatisée, elle est évidemment approximative. Si cet outil a ses limites, il a le mérite d’exister et il préfigure ceux de demain (qui seront développés entre autres par Systran, Alis Technologies, Globalink et Lernout & Hauspie). 1.3. Info-riches et info-pauvres = Les pays développés Les enjeux économiques de la société de l’information sont considérables. D’après Philip Wade et Didier Falkand, auteurs du livre Cyberplanète: notre vie en temps virtuel (paru en 1998 aux éditions Autrement), cette industrie de l’information représente "un chiffre très supérieur aux exportations mondiales de produits agricoles, et une croissance la plus rapide de toutes les industries avec un taux moyen de 15% par an depuis 1990 pour l’informatique et de 10% pour les télécommunications. Leur contribution au PIB (produit intérieur brut) mondial devrait dépasser 10% d’ici à l’an 2000 et poursuivre son expansion au-delà." Il existe évidemment une corrélation directe entre le développement de la société de l’information et l’accès aux télécommunications. L’accès aux technologies de la communication progresse beaucoup plus rapidement dans les nations situées au nord de la planète que dans celles situées au sud, et on trouve beaucoup plus de serveurs web en Amérique du Nord et en Europe que sur les autres continents. Deux tiers des internautes habitent les Etats-Unis, pays dans lequel 40% des foyers sont équipés d’un ordinateur, pourcentage que l’on retrouve aussi au Danemark, en Suisse et aux Pays-Bas. Le pourcentage est de 30% en Allemagne, 25% au Royaume-Uni et 20% dans la plupart des autres pays industrialisés. Disponibles dans le Computer Industry Almanach, document de référence sur l’évolution du cyberespace, les statistiques du 19 mars 1998 sur le pourcentage des connexions par nombre d’habitants montrent que la Finlande est le pays le plus branché avec 25% d’usagers, suivi par la Norvège (23%) et l’Islande (22,7%). Les Etats-Unis se trouvent au quatrième rang avec 20% d’utilisateurs. Onze pays ont une proportion d’internautes dépassant les 10%. La Suisse est le onzième pays avec 10,7%. En ce qui concerne la répartition des usagers à l’échelon mondial, les Etats-Unis sont largement en tête avec 54,68% des internautes, suivis par le Japon (7,97%), la Grande-Bretagne (5,83%) et le Canada (4,33%). Les chiffres montrent aussi que la place des Etats-Unis ne cesse de diminuer: 80% en 1991, moins de 65% en 1994, moins de 50% courant 1998 et une prévision de moins de 40% en l'an 2000. La France (1,18%) et la Suisse (0,77%) font partie des quinze pays les plus branchés. Après avoir été anglophone à pratiquement 100%, l’internet est encore anglophone à plus de 80% en 1998, un pourcentage qui s'explique par trois facteurs : a) les premières années voient la création d’un grand nombre de sites web émanant des Etats-Unis, du Canada ou du Royaume-Uni; b) la proportion des usagers est encore particulièrement forte en Amérique du Nord par rapport au reste du monde; c) l’anglais est la principale langue d’échange internationale. A la suite des Etats-Unis et du Canada, le Royaume-Uni débute un important programme d’investissement sur cinq ans (1998-2002) dans le secteur des technologies de l’information. En dévoilant ce programme, Tony Blair, premier ministre, déclare le 16 avril 1998: "Nous sommes au coeur de la révolution de l’information. Il est vital que la Grande-Bretagne ouvre la voie afin que nous soyons les pionniers de l’Europe dans ce qu’on appelle l’âge de l’information." La moitié du budget de 600 millions de livres (920 millions d’euros) est consacrée à l’achat de matériel, et l’autre moitié à la formation. Le budget attribué à l’achat de matériel doit permettre le câblage des écoles britanniques, l’achat de 10.000 ordinateurs portables pour les professeurs, la mise en ligne des bibliothèques et la connexion à l'internet de tous les établissements de santé. Le budget attribué à la formation doit permettre de financer 40.000 équipements dans des établissements d’enseignement, et financer aussi des cours d’informatique pour les étudiants, les professeurs, les bibliothécaires et 200.000 salariés. = Les pays en développement A l’échelon mondial, l’accès universel aux autoroutes de l’information est loin d’être assuré. La télédensité varie de plus de 60 lignes téléphoniques pour 100 habitants dans les pays riches (par exemple 68 en Suède, 63 aux Etats-Unis, 61 en Suisse et au Danemark) à moins d’une ligne téléphonique pour 100 habitants dans les pays pauvres. L’Amérique du Nord et l’Europe de l’Ouest disposent de la moitié des lignes téléphoniques dans le monde, alors que la moitié de la population mondiale n’a jamais utilisé un téléphone. Lors d’un discours prononcé en octobre 1995 lors du septième Forum international des télécommunications à Genève, Nelson Mandela, président de l’Afrique du Sud, déclare que "les technologies de communication ne doivent pas être considérées comme un luxe, intervenant après le développement général du pays, mais comme l’une des convictions qui déterminent les capacités des pays en développement à engager la modernisation de leur économie et de leur société". Dans les pays en développement, il est fort peu probable que les connexions à l’internet se fassent par le biais de lignes téléphoniques traditionnelles (à fils de cuivre) alors qu’il existera d’autres solutions technologiques dans quelques années, par exemple la radiotéléphonie cellulaire et la connexion par satellite. Les pays en développement possèdent un taux d’équipement en lignes numériques comparable à celui des pays industrialisés. La même remarque vaut pour le taux d’équipement en téléviseurs et en téléphones portables. Selon Philip Wade et Didier Falkland, le taux d’équipement en micro-ordinateurs pourrait suivre le même chemin si la fiscalité et les droits de douane ne sont pas trop élevés. De l’avis de certains organismes, les nouveaux réseaux peuvent contribuer au développement économique des pays en développement. Plusieurs programmes sont lancés dans ce but, par exemple les programmes WorldTel et infoDev (abrégé de: The Information for Development Program) de la Banque mondiale. D’autres programmes concernent spécifiquement l’Afrique, par exemple @frinet (programme du Canada), AfriWeb (programme du Québec) ou encore un programme mis sur pied par les Etats-Unis au sein de l’USAID (U.S. Agency for International Development). La démarcation entre info-riches et info-pauvres ne suit cependant pas systématiquement la démarcation entre pays développés et pays en développement. Quelques pays en développement, par exemple la Malaisie ou les pays d’Amérique latine, ont une politique très dynamique en matière de télécommunications. Un document préparatoire (Issues in Telecommunication Development) de la deuxième Conférence sur le développement des télécommunications dans le monde (Malte, 23 mars – 1er avril 1998) montre que plusieurs pays en développement, par exemple le Botswana, la Chine, le Chili, la Thaïlande, la Hongrie, le Ghana et l'Ile Maurice, réussissent à étendre la densité et la qualité de leurs services téléphoniques entre 1994 et 1997. Président d’un groupement kenyan d’éditeurs et d’imprimeurs (Nation Printers and Publishers, devenu Nation Media Group en juillet 1998), Wilfred Kiboro déclare lors d'un colloque sur la convergence multimédia organisé par le Bureau international du travail (BIT, Genève, 27-29 janvier 1997): "Le coût de la technologie de l’information doit être ramené à un niveau abordable. Je rêve du jour où les villageois africains pourront accéder à internet depuis leur village, aujourd’hui privé d’eau et d’électricité." Il rappelle aussi que, dans de nombreux pays africains, le tirage des journaux est extrêmement faible comparé au chiffre de la population. Chaque exemplaire est lu par une vingtaine de personnes au moins. Les coûts de distribution pourraient fortement baisser avec la mise en service d’un système d’impression par satellite qui éviterait le transport des journaux par camion dans tout le pays. Par ailleurs, en ce qui concerne les médias, les moyens d’impression et de radiotélédiffusion sont dans les mains de quelques grands groupes occidentaux. Les problèmes économiques sont doublés de problèmes culturels. Paradoxalement, les informations concernant l’Afrique à destination des Africains ne viennent pas du continent lui-même. Elles sont diffusées par des Occidentaux qui transmettent leur propre vision de l’Afrique, souvent sans réelle perception des véritables problèmes politiques, économiques et sociaux. S’il est relativement facile pour la radio et la télévision, le contrôle de l’information risque d’être nettement plus difficile pour l’internet, même si des pays comme la Chine bloquent pour le moment l’accès à certains serveurs jugés politiquement ou moralement incorrects. La Chine dispose d’un internet national, le China Wide Web, dont le nombre d’abonnés passe de 100.000 en 1996 à 600.000 en 1997. Mis en place par la China Internet Corporation (CIC), société établie à Hong Kong, ce réseau d’affaires et d’informations est filtré et surveillé par les autorités chinoises. Comme l’écrit le cybermag Multimédium le 27 mars 1998, "tout cela respire la langue de bois, le totalitarisme et l'opportunisme à plein poumons, bien sûr. Mais qui sait si la logique libertaire du médium ne finira effectivement pas, un jour, par l'emporter sur l'idéologie? Ce fameux jour où la Chine se branchera..." = L’internet comme passerelle Le goufre entre info-riches et info-pauvres n’est pas seulement celui qui sépare les pays développés des pays en développement. C’est aussi, dans n’importe quel pays, celui qui sépare les riches des pauvres, ceux qui ont du travail et ceux qui n’en ont pas, ceux qui ont leur place dans la société et ceux qui en sont exclus. Outil de communication, l’internet peut être une passerelle au-dessus du goufre, comme le montre un encart de la revue Psychologies de mai 1998: "Aux Etats-Unis, un mouvement voit le jour: la confiance en soi... par internet! Des milliers de sans-abri ont recours au réseau pour retrouver une place dans la société. Non seulement le net fournit une adresse à qui n’en a pas et ôte les inhibitions de qui redoute d’être jugé sur son apparence, mais c’est aussi une source d’informations et de contacts incomparable. Bibliothèques et associations d’aide au quart-monde l’ont bien compris: des salles informatiques, avec accès à internet, animées par des formateurs, sont ouvertes un peu partout et les mairies en publient la liste. A travers le e-mail (courrier électronique), les homeless (sans-abri) obtiennent les adresses des lieux d’accueil, des banques alimentaires et des centres de soins gratuits, ainsi qu’une pléthore de sites pour trouver un emploi. A 50 ans, Matthew B. a passé le quart de sa vie dans la rue et survit, depuis trois ans, d’une maigre subvention. Il hante la bibliothèque de San Francisco, les yeux rivés sur l’écran des ordinateurs. "C’est la première fois, dit-il, que j’ai le sentiment d’appartenir à une communauté. Il est moins intimidant d’être sur internet que de rencontrer les gens face à face." 2. L’INTERNET DANS LA FRANCOPHONIE [2.1. Le développement du web francophone / 2.2. Un exemple: la toile littéraire francophone] En décembre 1997, Tim Berners-Lee, inventeur du World Wide Web, déclare à Pierre Ruetschi dans la Tribune de Genève: "Pourquoi les francophones ne mettent-ils pas davantage d’informations sur le web? Est-ce qu’ils pensent que personne ne veut la lire, que la culture française n’a rien à offrir? C’est de la folie, l’offre est évidemment énorme." C’est chose faite l'année suivante. De nombreux sites français, belges et suisses viennent se juxtaposer aux sites québécois déjà présents. 2.1. Le développement du web francophone = Le Québec est pionnier Les Québécois sont présents sur le web dès ses débuts, contrairement aux Français, qui tardent à se manifester. En 1998, les Québécois attendent de pied ferme l’arrivée en masse de sites français, surtout dans le domaine du commerce électronique. Le 10 février 1998, lors d’une entrevue accordée au cybermag Multimédium, Louise Beaudouin, ministre de la Culture et des Communications au Québec, déclare: "J'attendais depuis deux ans que la France se réveille. Aujourd'hui, je ne m'en plaindrai pas." A cette date, le Québec (6 millions d’habitants) propose plus de sites web que la France (60 millions d’habitants). La ministre attribue le retard de la France à deux facteurs: d’une part les tarifs élevés du téléphone et du minitel, d’autre part les transactions commerciales possibles depuis plusieurs années sur le minitel, ce qui freine les débuts du commerce électronique sur l’internet. = Le minitel français Poncif maintes fois répété, les débuts de l’internet en France sont freinés par le minitel, réalisation pilote en son temps, avec utilisation intensive par un quart de la population. Lancé par France Télécom en 1982, le minitel est un terminal permettant la consultation de serveurs à domicile moyennant rétribution, grâce à un accès par Télétel, le réseau vidéotex français. Cette consultation est fortement encouragée par l’Etat français, qui distribue gratuitement des millions de terminaux. L’opération minitel est un succès, contrairement à des opérations similaires menées dans d’autres pays (Prestel en Angleterre, BX en Allemagne et Alex au Canada) qui, elles, ne remportent pas le succès escompté. Même s’il est technologiquement limité, le minitel est "tout ce qu’internet doit encore devenir", explique Bruno Guissani dans le quotidien Libération du 5 décembre 1997. "Le coût de l'équipement est proche de zéro. Le système permet des transactions sûres et légalement fiables. Il garantit un bon degré de protection personnelle (privacy). Il est simple à utiliser. Et il génère des revenus tant pour ses opérateurs que pour les marchands qui s'y aventurent." En 1998, de plus en plus de serveurs disponibles sur minitel le sont également sur le web, avec les avantages qu’offrent une consultation meilleur marché (le prix d’une communication téléphonique locale), une plus grande facilité de navigation et l’ajout de fonctions multimédias. La société Alcatel, qui fut l’une des bénéficiaires du succès du minitel, compte mettre son successeur sur le marché courant 1999. Muni d’un téléphone et d’un écran couleur, cet appareil permettrait de naviguer en direct sur le web en utilisant le langage Java. Il serait équipé d’un modem de 33,6 Kbps (kilobits par seconde), d’une carte RNIS (réseau numérique à intégration de services) et d’un lecteur de carte bancaire permettant les paiements sécurisés. Cet équipement coûterait environ 3.000 FF (457 euros). = La France rattrape son retard La France est raccordée à l’internet très exactement le 28 juillet 1988. Dix ans après, en 1998, le nombre d’usagers est estimé à 3 millions, avec une prévision de 12,6 millions d’internautes pour la fin 2000. La grande majorité des usagers se connecte par le biais de la ligne de téléphone au moyen d’un modem 33,6 ou 56 Kbps (bits par seconde). Certains utilisent déjà une ligne RNIS (réseau numérique à intégration de services) ou ADSL (asymmetric digital subscriber line), procédés permettant d’augmenter considérablement la vitesse de transmission des données par la ligne de téléphone tout en préservant la circulation de la voix et du fax. En octobre 1997, France Télécom et Alcatel lancent le service ADSL Turbo Wanadoo, avec une première plate-forme expérimentale à Noisy-le-Grand (région parisienne), suivie d’une deuxième plate-forme à Rennes (Bretagne) au printemps 1998. L’abonnement est de 422 FF (64 euros) par mois. En janvier 1998, pour un abonnement de 260 FF (40 euros) par mois tout compris, les Parisiens peuvent également accéder au réseau internet par le câble dans certains arrondissements. Plusieurs villes de province (Annecy, Nice, Strasbourg, etc.) disposent des mêmes facilités depuis 1997. En janvier 1998, La Poste lance le projet Cyberposte en choisissant la région du Vercors, l’inauguration ayant lieu dans le bureau de poste d’Autrans (Isère). Cette inauguration marque la première étape d'un projet national visant à proposer une connexion internet dans 1.000 bureaux de poste d’ici la fin 1998. Dans tous les bureaux de poste du Vercors, l’internet est désormais à la disposition du public au moyen d’une carte à puce à glisser dans une borne informatique - la carte coûtant 90 FF (14 euros) pour trois heures de connexion - et d’une adresse électronique gratuite pour tous. Le projet Cyberposte a pour but de familiariser le public avec les nouvelles technologies et, à long terme, de lui permettre d’effectuer des téléprocédures. En février 1998, France Télécom annonce à son tour un plan national d’ouverture d’espaces multimédias ouverts à tous, avec priorité pour les étudiants et les enseignants. En partenariat avec les collectivités locales, l’ouverture d’une centaine d’espaces multimédias est prévue sur trois ans, avec une vingtaine d’espaces opérationnels dès la fin 1998. En avril 1998, le gouvernement lance trois appels à projets multimédias pour faciliter l'acquisition de matériel multimédia par les PME (petites et moyennes entreprises) des régions rurales et des zones en reconversion industrielle et par les bibliothèques, ainsi que par les établissements scolaires des petites communes. Un budget de 22 millions de FF (3,4 millions d’euros) est destiné aux initiatives sélectionnées, avec la répartition suivante: 5 millions de FF (76.000 euros) pour les PME, 5 millions de FF (76.000 euros) pour les bibliothèques et 12 millions de FF (1,8 millions d’euros) pour les écoles. Le projet incite notamment les bibliothèques des villes de moins de 5.000 habitants à s’équiper en ordinateurs et en connexions internet. Les villes intéressées doivent déposer leurs dossiers avant le 30 juin 1998. Une centaine d’espaces culture multimédia est prévue dans les bibliothèques et centres culturels d’ici la fin 1998. L’objectif de ce programme est un souci d’équité territoriale pour faire face aux inégalités géographiques. Le but est que tout citoyen puisse accéder à l’internet quel que soit son lieu de résidence. A cette occasion, Catherine Trautman, ministre de la Culture, annonce que, "après le monde universitaire, le monde des entreprises, c'est le monde de la culture qui s'empare de l'internet". 1998 est "l’année de lancement de l’internet culturel". La ministre précise aussi que "cette politique ne vise pas seulement à améliorer notre position dans la compétition économique, mais aussi, fondamentalement, à garantir une nouvelle liberté d'expression et de communication pour nos concitoyens." Toutefois, un certain nombre d'entreprises hésitent encore à connecter les postes de travail de leurs salariés à l’internet, par crainte que ceux-ci ne se ruent sur des sites n’ayant rien à voir avec leur activité professionnelle. On trouve heureusement plus souvent la tendance inverse. Ingénieure d'études à l'INaLF-Nancy (INaLF: Institut national de la langue française), Christiane Jadelot écrit en juin 1998: "Je pense qu'il faut équiper de plus en plus les laboratoires avec du matériel de pointe, qui permette d'utiliser tous ces médias. Nous avons des projets en direction des lycées et des chercheurs. Le ministère de l'Education nationale a promis de câbler tous les établissements, c'est plus qu'une nécessité nationale. J'ai vu à la télévision une petite école dans un village faisant l'expérience de l'internet. Les élèves correspondaient avec des écoles de tous les pays, ceci ne peut être qu'une expérience enrichissante." = Des organismes actifs Le premier annuaire internet français est lancé par l’UREC (Unité réseaux du CNRS - Centre national de la recherche scientifique). Créé dès janvier 1994, cet annuaire recense d’abord les sites académiques, puis son contenu devient plus généraliste. Il permet aux usagers francophones de se familiariser avec le web sans se noyer dans la masse d’informations mondiale. Il permet aussi de faire connaître les sites web qui fleurissent petit à petit en France et ailleurs. Trois ans après, la gestion de l’annuaire devient difficile du fait de l’accroissement constant du nombre de sites web, notamment de sites commerciaux. De plus, d’autres annuaires ont vu le jour, dont certains débutés avec l’aide de l’UREC. En juillet 1997, considérant que sa mission est accomplie, l’UREC arrête la mise à jour de cet annuaire généraliste. Après une pause de quelques mois, l’annuaire retourne à sa vocation première, à savoir un annuaire spécialisé consacré à l'enseignement supérieur et à la recherche. La Délégation générale à la langue française (DGLF) se donne plusieurs missions: veiller à la promotion de la langue française, favoriser l’utilisation du français comme langue de communication internationale et développer le plurilinguisme, garant de la diversité culturelle. Sur son site web, la rubrique "France langue" propose trois listes de diffusion consacrées à la langue française (France langue, France langue assistance et France langue technologies). Ouvertes à toute question d'ordre linguistique (grammaire, orthographe, usage, etc.), ces trois listes de diffusion se veulent "un lieu convivial d'échanges d'informations et d'idées (manifestations, colloques, publications, etc.), ainsi qu'un lieu de discussion sur les thèmes liés à la langue française, à la diversité linguistique, à la dynamique des langues et à la politique linguistique". La DGLF mène aussi d’autres actions pour renforcer la place du français sur le réseau, notamment l’édition de guides techniques relatifs à la conception de logiciels en français (avec prise en compte des accents), en liaison avec l’AFNOR (Association française de normalisation), ou alors la traduction de logiciels étrangers commercialisés en France. En Belgique, la Maison de la Francité agit pour la défense et la promotion de la langue française à Bruxelles, seconde capitale internationale de langue française après Paris, et dans la Communauté française Wallonie-Bruxelles. Au Québec, le dynamique Office de la langue française (OLF) (devenu ensuite l’Office québécois de la langue française - OQLF) est un organisme gouvernemental chargé d’assurer la promotion de la langue française. Il définit et conduit la politique québécoise en matière de linguistique et de terminologie. Il veille aussi à l'implantation et au maintien du français dans les milieux de travail et des affaires et dans les services administratifs. = La Francophonie Parlé dans près de cinquante pays, le français est le ciment d'une communauté linguistique vivante, comme en témoigne l’activité de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), une institution fondée sur le partage d'une langue et de valeurs communes, avec 47 états membres en 1997. Une des tâches des instances politiques est de favoriser l’accès aux autoroutes de l’information. En application de la Résolution sur la société de l'information adoptée par les chefs d'Etat et de gouvernement à Cotonou (Bénin) en décembre 1995, une Conférence des ministres francophones chargés des inforoutes se déroule à Montréal (Québec) du 19 au 21 mai 1997. Datée du 21 mai 1997, la Déclaration de Montréal propose de "développer une aire francophone d'éducation, de formation et de recherche"; soutenir la création et la circulation de contenus francophones et contribuer à la sauvegarde et à la valorisation des patrimoines"; encourager la promotion de l'aire francophone de développement économique; mettre en place une vigie francophone (veille active); sensibiliser prioritairement la jeunesse ainsi que les utilisateurs, les producteurs et les décideurs; assurer la présence et la concertation des francophones dans les instances spécialisées." S’il est le ciment de la communauté francophone, le français est aussi la deuxième langue officielle utilisée dans les organisations internationales, la première étant l'anglais. Malgré la pression anglophone, réelle ou supposée selon les cas, des francophones veillent à ce que le français ait sa place en Europe et dans le monde, au même titre que les autres grandes langues de communication que sont l’anglais, l’espagnol, l’arabe et le chinois. Là aussi, l’optique est aussi bien la défense d’une langue que le respect du multilinguisme et de la diversité des peuples. 2.2. Un exemple: la toile littéraire francophone Même s’il reste beaucoup à faire, le web francophone se porte déjà fort bien en 1998, comme le montre la toile littéraire francophone, tissée d’un pays à l’autre et d’un continent à l’autre. Les amoureux de littérature peuvent désormais passer des journées entières à aller d’une oeuvre à l’autre et d’un site à l’autre, soit pour contribuer eux-mêmes au tissage de cette toile, soit pour en savourer les richesses par-delà les frontières. Frantext et l’ARTFL Lancée par l’INaLF (Institut national de la langue française, France) en 1995, la base Frantext, en accès payant, comprend 180 millions de mots-occurrences émanant de 3.500 oeuvres des 16e-20e siècles dans le domaine des arts, des sciences et des techniques. Responsable du développement des bases textuelles à l’INaLF, Arlette Attali relate sa démarche en juin 1998: "J'ai été amenée à explorer les sites du web qui proposaient des textes électroniques et à les 'tester'. Je me suis donc transformée en 'touriste textuelle' avec les bons et mauvais côtés de la chose. La tendance au zapping et au survol étant un danger permanent, il faut bien cibler ce que l'on cherche si l'on ne veut pas perdre son temps. La pratique du web a totalement changé ma façon de travailler: mes recherches ne sont plus seulement livresques et donc d'accès limité, mais elles s'enrichissent de l'apport des textes électroniques accessibles sur internet. A l'avenir, je pense contribuer à développer des outils linguistiques associés à la base Frantext et à les faire connaître auprès des enseignants, des chercheurs, des étudiants et aussi des lycéens." L’ARTFL Project (ARTFL: American and French Research on the Treasury of the French Language) est un projet commun du CNRS (Centre national de la recherche scientifique, France) et de l’Université de Chicago (Illinois, Etats-Unis). L’ARTFL prépare une version en ligne exhaustive de la première édition (1751-1772) de l’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des métiers et des arts de Diderot et d’Alembert. 72.000 articles écrits par plus de 140 collaborateurs (dont Voltaire, Rousseau, Marmontel, d’Holbach, Turgot, etc.) font de cette encyclopédie un monumental ouvrage de référence, avec 17 volumes de texte, 11 volumes de planches, 18.000 pages imprimées et 20.736.912 mots. Destinée à rassembler puis divulguer les connaissances de l’époque, elle porte la marque des courants intellectuels et sociaux du 18e siècle. C’est grâce à elle que se propagent les idées du Siècle des Lumières. En 1998, la base de données correspondant au premier volume est accessible sur le web en démonstration libre, à titre expérimental. La recherche peut être effectuée par mot, portion de texte, auteur ou catégorie, ou par la combinaison de ces critères entre eux. On dispose de renvois d’un article à l’autre, et de liens qui permettent d’aller d’une planche au texte, ou du texte au fac-similé des pages originales. Il reste encore à corriger les erreurs typographiques et les erreurs d’identification dues à l’automatisation complète des procédures de saisie. Il reste aussi à compléter la recherche textuelle par la recherche d’images par mot, portion de texte ou catégorie. A la même date, l’ARTFL travaille aussi à d’autres projets du même ordre pour le Dictionnaire de l’Académie française (1694-1935), l’édition illustrée du Dictionnaire historique et critique (1740) de Philippe Bayle, le Thresor de la langue française de Jean Nicot (1606), un projet multilingue sur la Bible débutant par La Bible française de Louis Segond (1910), etc. Chronologie littéraire et signets Professeur de français et d'informatique dans des universités japonaises, Patrick Rebollar, basé à Tokyo, utilise l’ordinateur dès 1987 pour ses activités d'enseignement et de recherche. En 1994, il voit apparaître l’internet "dans le champ culturel et linguistique francophone". En 1996, il débute un site web de recherches et d’activités littéraires. Son site inclut une Chronologie littéraire 1848-1914, organisée par année. Une série de liens mène au texte intégral des oeuvres publiées cette année-là, avec des notes historiques, politiques et sociales, des informations scientifiques, techniques et médicales, et des renseignements sur le monde littéraire de l’époque. Patrick Rebollar relate en juillet 1998: "Pour la Chronologie littéraire, cela a commencé dans les premières semaines de 1997, en préparant un cours sur le roman fin de siècle (19e). Je rassemblai alors de la documentation et m'aperçus d'une part que les diverses chronologies trouvées apportaient des informations complémentaires les unes des autres, et d'autre part que les quelques documents littéraires alors présents sur le web n'étaient pas présentés de façon chronologique, mais toujours alphabétique. Je fis donc un document unique qui contenait toutes les années de 1848 à 1914, et l'augmentais progressivement. Jusqu'à une taille gênante pour le chargement, et je décidai alors, fin 1997, de le scinder en faisant un document pour chaque année. Dès le début, je l'ai utilisé avec mes étudiants, sur papier ou sur écran. Je sais qu'ils continuent de s'en servir, bien qu'ils ne suivent plus mon cours. J'ai reçu pas mal de courrier pour saluer mon entreprise, plus de courrier que pour les autres activités web que j'ai développées." Une autre activité web de Patrick Rebollar est la gestion de ses Signets, un répertoire très complet des sites francophones littéraires: littérature et recherche (normes et règles, bibliothèques et éditeurs, bibliographies), revues littéraires, linguistique, dictionnaires, lexiques, recherche littéraire, documents littéraires par thème et par auteur (Malraux, Sarraute, Camus, Gracq, Robbe-Grillet, etc.), oeuvres littéraires, poésie, bandes dessinées, etc. "Animant des formations d'enseignants à l'Institut franco-japonais de Tokyo, je voyais d'un mauvais oeil d'imprimer régulièrement des adresses pour demander aux gens de les recopier, écrit-il à la même date. J'ai donc commencé par des petits documents rassemblant les quelques adresses web à utiliser dans chaque cours (avec Word), puis me suis dit que cela simplifierait tout si je mettais en ligne mes propres signets, vers la fin 1996. Quelques mois plus tard, je décidai de créer les sections finales de nouveaux signets afin de visualiser des adresses qui sinon étaient fondues dans les catégories. Cahin-caha, je renouvelle chaque mois." = Des sites de poésie Les poètes sont très actifs sur le web. Sur son site Poésie d’hier et d’aujourd’hui, Silvaine Arabo propose de nombreux poèmes, y compris les siens. En juin 1998, elle raconte: "Je suis poète, peintre et professeure de lettres (13 recueils de poèmes publiés, ainsi que deux recueils d'aphorismes et un essai sur le thème: poésie et transcendance ; quant à la peinture, j'ai exposé mes toiles à Paris - deux fois - et en province). (...) Pour ce qui est d'internet, je suis 'autodidacte' (je n'ai reçu aucune formation informatique quelle qu'elle soit); j'ai eu l'an passé l'idée de construire un site littéraire centré sur la poésie: internet me semble un moyen privilégié pour faire circuler des idées, pour communiquer ses passions aussi. Je me suis donc mise au travail, très empiriquement, et ai finalement abouti à ce site (...) sur lequel j'essaye de mettre en valeur des poètes contemporains de talent, sans oublier la nécessaire prise de recul (rubrique: Réflexions sur la poésie) sur l'objet considéré. Ma vie professionnelle n'en a pas été bouleversée puisqu'elle est indépendante de cette création sur internet. Disons que très récemment, dans le cadre de mon activité professionnelle, j'ai fait avec mes élèves quelques ateliers de poésie et que, devant la pertinence de leurs productions, j'ai décidé de leur consacrer une page sur mon site (rubrique 'Le jardin des jeunes poètes'). Je fais également un 'appel du pied' aux professeurs de lettres francophones pour qu'ils m'adressent des poèmes - qu'ils estiment réussis - de leurs élèves. Disons que ce site pourrait servir, entre autres, de motivation - donc de moteur - à la créativité des jeunes enfants ou des adolescents." Le Club des poètes est un site de poésie francophone qui souhaite la "bienvenue en territoire de poésie de la France au Chili, de Villon jusqu'à de jeunes poètes contemporains, en passant par toutes les grandes voix de la poésie de tous les temps et de tous les pays". Son webmestre, Blaise Rosnay, relate les débuts du site en juin 1998: "Le site du Club des Poètes a été créé en 1996, il s'est enrichi de nombreuses rubriques au cours des années et il est mis à jour deux fois par semaine. L'internet nous permet de communiquer rapidement avec les poètes du monde entier, de nous transmettre des articles et poèmes pour notre revue, ainsi que de garder un contact constant avec les adhérents de notre association. Par ailleurs, nous avons organisé des travaux en commun, en particulier dans le domaine de la traduction. Nos projets pour notre site sont d’y mettre encore et toujours plus de poésie. Ajouter encore des enregistrements sonores de poésie dite, ainsi que des vidéos de spectacles." Poésie française propose pour sa part un choix de poèmes allant de la Renaissance au début du 20e siècle. Claire Le Parco, de la société Webnet, raconte à la même date: "Nous avons créé ce site lors de la création de notre société, spécialisée dans la réalisation de sites internet et intranet. Nous sommes des informaticiens qui aimons la poésie, et nous avions envie de montrer que poésie et internet pouvaient faire bon ménage!" = Une Autre Terre Une Autre Terre, site de science-fiction, est mis en ligne en novembre 1996. Fabrice Lhomme, son créateur, retrace les débuts du site en juin 1998: "J'ai commencé en présentant quelques bibliographies très incomplètes à l'époque et quelques critiques. Rapidement, j'ai mis en place les forums à l'aide d'un logiciel 'maison' qui sert également sur d'autres actuellement. (...) Ensuite, le phénomène le plus marquant que je puisse noter, c'est la participation de plusieurs personnes au développement du serveur alors que jusque-là j'avais tout fait par moi-même. Le graphisme a été refait par un généreux contributeur et je reçois régulièrement des critiques réalisées par d'autres personnes. Pour ce qui est des nouvelles, la rubrique a eu du mal à démarrer mais une fois qu'il y en a eu un certain nombre, j'ai commencé à en recevoir régulièrement (effet d'entraînement). Actuellement, j'ai toutes les raisons d'être satisfait car mon site reçoit plus de 2.000 visiteurs différents chaque mois et toutes les rubriques ont une bonne audience. Le forum des visiteurs est très actif, ce qui me ravit. Concernant les perspectives d'avenir, j'envisage pour très bientôt d'ouvrir une nouvelle rubrique proposant des livres d'occasion à vendre avec l'ambition de proposer un gros catalogue. Eventuellement, j'ouvrirai aussi une rubrique présentant des biographies car je reçois pas mal de demandes des visiteurs en ce sens. (...) Si l'activité de vente de livres d'occasion se montre prometteuse, il est possible que j'en fasse une activité professionnelle sous la forme d'une micro-entreprise." = Le roman interactif On assiste aussi à l’apparition de la littérature interactive, à savoir des oeuvres de fiction auxquelles participent les internautes. La première est "lancée par le grand écrivain américain John Updike, qui, l'an dernier, balança sur le web le premier chapitre d'un roman que les internautes étaient censés poursuivre", raconte Emmanuèle Peyret, journaliste, dans le quotidien Libération du 27 février 1998. Cette première expérience de littérature interactive est réalisée à l'initiative de la grande librairie en ligne Amazon.com. En France, lors de la fête de l’internet des 20 et 21 mars 1998, ATOS et France Loisirs lancent à leur tour le premier roman interactif francophone. Le thème est le suivant: "Une femme, condamnée à mort aux Etats-Unis, bénéficie d'un sursis de trente jours accordé par le gouverneur, avant son exécution. Que va-t-elle faire de ce répit? A quoi pense-t-elle et quel message va-t-elle laisser aux partisans et aux opposants de la peine de mort?" Signé par le romancier Yann Queffélec, le premier chapitre est disponible sur le site de France Loisirs le 20 mars 1998, premier jour de la fête de l’internet. Les internautes disposent de deux semaines pour proposer un deuxième chapitre. Le jury du club sélectionne le meilleur chapitre, qui devient la suite officielle du roman, et ainsi de suite jusqu’au 27 juillet. Yann Queffélec prend à nouveau la plume pour rédiger le huitième et dernier chapitre. France Loisirs publie le roman en septembre 1998. = Zazieweb Depuis 1996, toute l’actualité littéraire est présentée avec punch et humour par Zazieweb. Revue en ligne conçue et réalisée par Isabelle Aveline, avec un graphisme d’Oliver Cornu, Zazieweb comprend un édito, une rubrique d’actualité, un agenda, une revue de presse, un annuaire des sites et un self-service multimédia. En juin 1998, Isabelle Aveline écrit: "Zazieweb est né il y a deux ans environ: juin 1996. C'était à l'époque un projet personnel qui entrait dans le cadre d'un master multimédia et que j'ai essayé de 'vendre' aux éditeurs. (...) Découvrir internet m'a ouvert d'autres possibilités et surtout maintenant je ne conçois pas de ne pas travailler 'on the web'!" Sur le site, elle explique: "Zazieweb est un site World Wide Web professionnel et grand public indépendant, spécifiquement dédié aux libraires, éditeurs... et grand public de culture 'livre'. Conçu comme une librairie virtuelle, un espace de documentation, d'orientation et de ressources pour un public de culture 'papier' s'intéressant à internet, il se situe aux frontières de l'écrit et de l'édition électronique. L'originalité du traitement des rubriques par rapport à un média papier étant évidemment de 'mailler' l'information avec un site sur internet. C'est donc un site 'passerelle' vers internet pour un public curieux et désorienté, avide de connaître ce qui se passe 'de l'autre côté de l'écran'." 3. DES LIVRES A VENDRE SUR LE WEB [3.1. Librairies traditionnelles / 3.2. Premières librairies en ligne / 3.3. L’avenir des librairies en ligne] De nombreuses librairies "en dur" - avec locaux, vitrine sur la rue, rayonnages et piles de livres – créent un site web pour disposer d’une deuxième vitrine sur le monde. D’autres librairies n’ont ni murs, ni vitrine, ni enseigne sur la rue. Leur vitrine est leur site web, et toutes leurs transactions s’effectuent sur le réseau. L’internaute peut consulter le catalogue à l’écran, lire le résumé ou des extraits des livres sur le web et passer sa commande en ligne. 3.1. Librairies traditionnelles = Chaînes de librairies Les chaînes de librairies traditionnelles s’installent rapidement sur l’internet. C’est le cas par exemple de la Fnac, du Furet du Nord et de Decitre. Le site de la Fnac ouvre sur le logo "fnac" blanc et ocre bien connu. Présente en France, en Belgique et en Espagne, la Fnac, qui se veut à la fois défricheur, agitateur culturel et commerçant, se définit elle-même par "une politique commerciale fondée sur l’alliance avec le consommateur, sa vocation culturelle et sa volonté de découvrir les nouvelles technologies". La Fnac crée un magazine littéraire en ligne et ouvre un secteur "commerce électronique" permettant de commander livres, disques, vidéos et CD-Rom. La commande est passée par internet, minitel ou téléphone. La livraison est possible en France comme à l’étranger. Les modes de paiement sont la carte de crédit ou le chèque à la commande. Le Furet du Nord est une chaîne de librairies implantée dans le Nord de la France et dont le siège est à Lille. Son site permet de consulter une base de données de 250.000 livres et de les commander en ligne. Il propose aussi un suivi permanent de l'actualité littéraire. La vente à distance représente 15 à 20% du chiffre d’affaires total de l'entreprise. Les meilleurs clients sont les écoles, les universités, les comités d’entreprise et les ambassades. La chaîne de librairies Decitre officie dans la région Rhône-Alpes. Ses neuf librairies sont particulièrement dynamiques dans le domaine de l’informatique, du multimédia et de l’internet. Elles proposent régulièrement des démonstrations de CD-Rom et des initiations à l’internet. Créé en 1996, le site est remanié en décembre 1997. "Notre site est pour l'instant juste un moyen de communication de plus (par le biais du mail) avec nos clients des magasins et nos clients bibliothèques et centres de documentation", explique en juin 1998 Muriel Goiran, libraire. "Nous avons découvert son importance en organisant DocForum, le premier forum de la documentation et de l'édition spécialisée, qui s'est tenu à Lyon en novembre 1997 (avec une prochaine édition fixée en novembre 1999). Il nous est apparu clairement qu'en tant que libraires, nous devions avoir un pied dans le net. Internet est très important pour notre avenir. Nous allons mettre en ligne notre base de 400.000 livres français à partir de fin juillet 1998, et elle sera en accès gratuit pour des recherches bibliographiques. Ce ne sera pas une n-ième édition de la base de Planète Livre, mais notre propre base de gestion, que nous mettons sur internet." = Librairies spécialisées Située au coeur de Paris, dans la rue Saint-Honoré, la librairie Itinéraires est spécialisée dans les voyages. Elle propose guides, cartes, manuels de conversation, reportages, récits de voyage, livres de cuisine, livres d’art et de photographie, ouvrages d'histoire, de civilisation, d'ethnographie, de religion et de littérature étrangère, et cela pour 160 pays et 250 destinations. "Le monde en mémoire", tel est le sous-titre de son site bilingue français-anglais. Dès 1985, date de sa création, la librairie crée une base de données avec classement des livres par pays et par thèmes. Hélène Larroche, sa fondatrice, explique en juin 1998: "Il y a un peu plus de trois ans, nous avons rendu la consultation de notre base de données possible sur minitel et effectuons aujourd'hui près de 10% de notre chiffre d'affaires avec la vente à distance. Passer du minitel à internet nous semblait intéressant pour atteindre la clientèle de l'étranger, les expatriés désireux de garder par les livres un contact avec la France et à la recherche d'une librairie qui 'livre à domicile' et bien sûr les 'surfeurs sur le net', non minitélistes. La vente à distance est encore trop peu utilisée sur internet pour avoir modifié notre chiffre d'affaires de façon significative. Internet a cependant eu une incidence sur le catalogue de notre librairie, avec la création d'une rubrique sur le web, spécialement destinée aux expatriés, dans laquelle nous mettons des livres, tous sujets confondus, qui font partie des meilleures ventes du moment ou/et pour lesquels la critique s'emballe. Nous avons toutefois décidé de limiter cette rubrique à 60 titres quand notre base en compte 13.000. Un changement non négligeable, c'est le temps qu'il faut dégager ne serait-ce que pour répondre au courrier que génèrent les consultations du site. (...) Outre le bénéfice pour l'image de la librairie qu'internet peut apporter (et dont nous ressentons déjà les effets), nous espérons pouvoir capter une nouvelle clientèle dans notre spécialité - la connaissance des pays étrangers -, atteindre et intéresser les expatriés... et augmenter nos ventes à l'étranger." De nombreuses librairies spécialisées sont présentes sur le web, par exemple Le Monde en Tique, avec un catalogue de 37.000 titres sur l’informatique, les nouvelles technologies, le multimédia et l’internet, ou encore la librairie Interférences, spécialisée dans les ouvrages scientifiques, qui serait la première librairie française à avoir créé un site web, dès 1995. Les sites de librairies spécialisées sont recensés dans Livre.net (devenu ensuite Lalibrairie.com). = Librairies de livres anciens L'internet est aussi un formidable vecteur pour les libraires d'ancien, qui peuvent ainsi considérablement agir leur champ d’action. En novembre 1995, Pascal Chartier, gérant de la Librairie du Bât d’Argent (Lyon), crée Livre-rare-book, un site quadrilingue en français, anglais, italien et allemand. Un catalogue en ligne regroupe les catalogues de plusieurs librairies de la région (situées à Lyon, Moulins, Dijon et Naples). Il est complété par un annuaire international des librairies d’occasion. Pascal Chartier considère le web comme "une vaste porte", à la fois pour lui et pour ses clients. L’internet est "peut-être la pire et la meilleure des choses. La pire parce qu’il peut générer un travail constant sans limite et la dépendance totale. La meilleure parce qu’il peut s’élargir encore et permettre surtout un travail intelligent!", écrit-il en juin 1998. Basé à Amboise (Loire), France Antiques est un site bilingue français-anglais qui se veut celui de tous les professionnels du marché de l'art ancien français : antiquaires, libraires, éditeurs d'art, etc. Le site propose douze catalogues de librairies d'ancien, un annuaire de libraires, une liste de librairies complétée par un classement géographique, et un index par spécialités (autographes, manuscrits; beaux-arts, architecture, arts décoratifs; bibliographie, histoire du livre; etc.). 3.2. Premières librairies en ligne Avec l’essor du web apparaissent des librairies d’un genre nouveau, qui vendent des livres uniquement sur l’internet. Ces librairies n’ont ni murs, ni vitrine, ni enseigne sur la rue. Leur vitrine est leur site web, et toutes leurs transactions s’effectuent sur le réseau. En France Fondée en 1996 par Patrice Magnard, la librairie en ligne Alapage vend tous les livres, disques et vidéos disponibles sur le marché français, soit 400.000 articles, avec paiement sécurisé. Sur le site bilingue français-anglais, la recherche est possible par auteur, titre et éditeur. Le même service est disponible sur minitel (3615 Alapage). Alapage travaille en partenariat avec la librairie en ligne Novalis (intégrée plus tard à Alapage), qui assure elle aussi la vente par correspondance de produits culturels: disques, livres, vidéos et multimédia. En octobre 1997, les deux librairies décident de créer le premier prix littéraire francophone sur l’internet, non pas pour créer un prix littéraire de plus, mais pour constituer une "première". Comme indiqué à la même date sur le site, "1) c’est la première fois que l'on utilise le support internet pour organiser un vote autour d'un prix littéraire. 2) C’est la première fois qu'est constitué un jury littéraire composé d'un potentiel aussi important et diversifié de votants, fidèle reflet de la diffusion de la culture française. Ce vote est en effet ouvert à nos visiteurs de tous horizons, disséminés sur les cinq continents, qui pourront émettre leur avis sur l'ensemble des ouvrages concourant aux principaux prix littéraires de fin d'année. 3) C'est la première fois qu'est imaginé un instrument de mesure de la satisfaction du lecteur et du bonheur de la lecture, qui ne soit pas seulement un outil de mesure des ventes de livres, aussi fiable soit-il." Un vote est organisé entre le 20 octobre et le 9 novembre 1997 auprès de l'ensemble des internautes. Afin d’éviter les votes multiples, chaque voix n’est validée que si la fiche de vote est scrupuleusement remplie. Toute fiche double est annulée. Ce premier prix littéraire des internautes est remporté par Marc Trillard pour son roman Coup de lame, paru aux éditions Phébus. A Alapage et Novalis vient se joindre une troisième librairie en ligne, Chapitre.com, créée en 1997 par Juan Pirlot de Corbion. Son catalogue de 350.000 titres est complété par une bouquinerie, un choix d’éditeurs, des liens avec 1.000 sites littéraires et culturels, et une revue des littératures intitulée Tête de chapitre. = Au Royaume-Uni Basée au Royaume-Uni, The Internet Bookshop (iBS) est la plus grande librairie européenne, avec 1,4 million de titres. Initiative originale (et reprise ensuite par Amazon.com), la librairie développe un nouveau système de partenariat sur le web. Tout possesseur d’un site web peut devenir partenaire de The Internet Bookshop en sélectionnant sur son propre site un certain nombre de titres présents dans le catalogue de la librairie. Celle-ci prend en charge toute la partie commerciale, à savoir les commandes, les envois et les factures. L’internaute partenaire reçoit 10% du prix des ventes. C’est la première fois qu’une librairie en ligne propose une part aux bénéfices par le biais du web, entraînant à terme la nécessité d’une nouvelle réglementation dans ce domaine. Autre initiative originale, en octobre 1997 The Internet Bookshop débute une politique de grosses remises, chose inconnue jusque-là. La librairie propose des remises allant jusqu’à 45%, prenant le risque d’une guerre des prix et des droits avec les libraires et les éditeurs traditionnels. Parallèlement, la librairie attend la réaction de ces derniers à sa décision de vendre des livres provenant des Etats-Unis, une vente débutée un mois auparavant, en septembre 1997. La librairie en ligne Waterstone’s (rachetée ensuite par Amazon.com) songe elle aussi à introduire des titres américains dans son catalogue, à partir de janvier 1998. The Publishers Association, organisme représentant les éditeurs du Royaume-Uni, a fort à faire pour étudier leurs doléances, jointes à celles des libraires traditionnels, qui souhaiteraient non seulement faire interdire la vente de titres américains par des librairies en ligne britanniques, mais aussi faire interdire l’activité des librairies en ligne américaines au Royaume-Uni (sous-entendu: qu’elles ne puissent pas vendre des livres à des clients britanniques). Sur le site web, en 1997 et 1998, la rubrique iBS News (iBS: Internet Bookshop) permet de suivre pas à pas le combat engagé par les libraires en ligne contre les associations d’éditeurs et de libraires traditionnels, afin d’obtenir la suppression totale des frontières pour la vente des livres. = Aux Etats-Unis Aux Etats-Unis, la librairie en ligne Amazon.com est fondée en juillet 1995 par Jeff Bezos. Trois ans après, elle est la plus grande librairie au monde avec ses 3 millions de livres, CD, DVD, jeux informatiques, etc., à savoir un stock quatorze fois supérieur à celui des plus grands hypermarchés. Le catalogue en ligne permet de rechercher les livres par titre, auteur, sujet ou rubrique. Très attractif, le contenu éditorial du site change quotidiennement et forme un véritable magazine littéraire avec des extraits de livres, des entretiens avec des auteurs et des conseils de lecture. Sur les traces de The Internet Bookshop, Amazon.com offre une part des bénéfices à ses associés en ligne. Depuis le printemps 1997, tous les possesseurs d’un site web peuvent vendre des livres appartenant au catalogue de la librairie et toucher un pourcentage de 15% sur les ventes. Ces associés effectuent une sélection dans les titres du catalogue et rédigent leurs propres résumés. Amazon.com reçoit les commandes par leur intermédiaire, expédie les livres et rédige les factures. Les associés reçoivent un rapport hebdomadaire d’activité. Au printemps 1998, le libraire en ligne compte plus de 30.000 sites affiliés. "Introduit à la bourse de New York en mai 1997, Amazon.com a attiré 54 millions de dollars en ne cédant que 13% de son capital, une véritable performance pour une société dont le chiffre d’affaires était alors de 32 millions de dollars", relatent Philip Wade et Didier Falkand dans Cyberplanète: notre vie en temps virtuel (paru en 1998 aux éditions Autrement). Avec 1,5 million de clients dans 160 pays et une très bonne image de marque, Amazon.com est régulièrement cité comme un symbole de réussite dans le cybercommerce. Si la librairie en ligne est toujours déficitaire après deux ans d’existence, sa cotation boursière est excellente. Satisfait, Jeff Bezos, son fondateur et principal actionnaire, précise: "Nous générons des revenus de plus de 300.000 dollars par an et par employé. Une librairie traditionnelle ne fait que 95.000 dollars par employé." Une autre grande librairie en ligne est Buybooks.com, avec un catalogue de 1,4 million de titres américains, 500.000 titres allemands, 500.000 titres français, 200.000 titres anglais, 100.000 titres suédois, 80.000 films en vidéo et sur DVD, et 10.000 jeux informatiques pour console ou sur CD-Rom. Principale chaîne de librairies traditionnelles avec 480 librairies réparties dans tout le pays, Barnes & Noble décide de se lancer dans la vente sur l'internet en créant en mai 1997 son site barnesandnoble.com. Il devient rapidement le principal concurrent d’Amazon.com et déclenche ainsi une guerre des prix - puisque le prix du livre est libre aux Etats-Unis - à la grande satisfaction des internautes, qui, sur l’un ou l’autre site, se voient parfois offrir des réductions allant jusqu’à 50% pour certains titres. 3.3. L’avenir des librairies en ligne A la suite des pionniers que sont Amazon.com, The Internet Bookshop et quelques autres, l’avenir de la librairie en ligne est très prometteur. Chapters, grand libraire traditionnel canadien, et The Globe and Mail, quotidien de Toronto, unissent leurs forces pour créer la librairie en ligne Chaptersglobe.com, ouverte à l’automne 1998 (et remplacée ensuite par chapters.indigo.ca). Le site comprend des critiques et recensions fournies par le journal, ses archives sur vingt ans, une liste de best-sellers et des forums de discussion. Le groupe allemand Bertelsmann acquiert au printemps 1998 le grand éditeur américain Random House. Bertelsmann compte aussi ouvrir une librairie en ligne proposant plusieurs millions de titres dans toutes les langues, avec livraison rapide dans le monde entier. (En effet, quelques mois plus tard est créé BOL.com, BOL signifiant: Bertelsmann on line.) En France, la loi sur le prix unique du livre laisse peu de latitude sur les prix, contrairement à la souplesse qu’offre le prix libre du livre au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis. En revanche, les libraires français sont optimistes sur les perspectives d’un marché francophone international. Dès 1997, un nombre significatif de commandes provient de l'étranger, par exemple 10% des commandes pour la Fnac. Ces clients sont des "Français et membres de la diaspora francophone, étrangers francophiles, universités ou écoles lointaines... soucieux de se procurer les derniers titres de l'édition parisienne ou simplement les livres qu'ils ne peuvent trouver à Kansas City ou à Kyoto", précise Pierre Briançon, journaliste, dans le quotidien Libération du 14 novembre 1997. Le développement des librairies en ligne doit également être replacé dans le contexte plus général du cybercommerce. En mars 1998, le magazine Stratégies internet mène une étude "auprès des 60 sites marchands les plus actifs en France, dressant ainsi l'état des lieux et donnant des pistes de réflexion aux entreprises françaises tentées par l'aventure du cybercommerce". A cette date, la commande en ligne n’est possible qu’auprès d’une centaine de sites seulement. Le cybercommerce représente 40 millions de FF (6,1 millions d’euros) en 1997, avec une estimation de 160 millions de FF (24,4 millions d’euros) pour la fin 1998. Le nombre d’acheteurs sur l’internet est de 50.000 en mars 1998, avec une estimation de 400.000 acheteurs pour mars 1999. L’étude indique que 25% des sites considèrent leur activité comme rentable dès 1997, alors que les autres envisagent plutôt une rentabilité à moyen terme. Même si la création d’une nouvelle législation s’avère difficile parce que freinée par les libraires et les éditeurs traditionnels, l’abolition des frontières dans le marché du livre est inévitable, puisqu’elle est liée à fois à la structure même de l’internet et à la mondialisation de l’économie. Les libraires en ligne ne tardent pas à suivre l’exemple de The Internet Bookshop, première librairie britannique à vendre sur son site des livres publiés aux Etats-Unis. Concernant la fiscalité, un accord-cadre entre les Etats-Unis et l’Union européenne est conclu en décembre 1997. L’internet est considéré comme une zone de libre-échange, c’est-à-dire sans droits de douane, pour les logiciels, les films et les livres achetés sur le réseau. Les biens matériels et autres services sont soumis au régime existant dans les pays concernés, avec perception de la TVA (taxe sur la valeur ajoutée) sans frais de douane supplémentaires. Cet accord-cadre devrait être suivi d’une convention internationale. Les libraires en ligne vendront-ils bientôt le texte intégral des livres en version numérique? Dans ce cas, l’inévitable délai dû à l’envoi postal disparaîtra, puisque les fichiers électroniques pourront parvenir au lecteur en un temps infime via l'internet. Si nombre de nos contemporains sont nés à l’ère du papier et préfèrent lire un roman de trois cents pages en version imprimée, ceci ne sera peut-être plus le cas pour les générations qui auront commencé à utiliser l’ordinateur dès l’âge de trois ans. 4. LES EDITEURS SUR LE RESEAU [4.1. Editeurs traditionnels / 4.2. L’édition électronique / 4.3. Les auteurs ont-ils encore besoin des éditeurs?] Tout comme les libraires, les éditeurs sont en train d’investir l’internet. Certains créent un site web et l’utilisent comme une vitrine pour faire connaître leur activité. D’autres sont des éditeurs électroniques dont toute l’activité s’effectue sur le réseau: découverte des oeuvres, publication, promotion et diffusion. Encore balbutiante, l’édition électronique offre de réelles perspectives. Elle permettrait entre autres de résoudre la crise affectant l’édition universitaire et spécialisée. 4.1. Editeurs traditionnels = Un exemple: Le Choucas Spécialisées dans les romans policiers, les éditions du Choucas sont fondées en 1992 par Nicolas et Suzanne Pewny, libraires à Glapigny, en Haute-Savoie. En juin 1998, Nicolas Pewny raconte: "Le site des éditions du Choucas a été créé fin novembre 1996. Lorsque je me suis rendu compte des possibilités qu’internet pouvait nous offrir, je me suis juré que nous aurions un site le plus vite possible. Un petit problème: nous n’avions pas de budget pour le faire réaliser. Alors, au prix d’un grand nombre de nuits sans sommeil, j’ai créé ce site moi-même et l’ai fait référencer (ce n’est pas le plus mince travail). Le site a alors évolué en même temps que mes connaissances (encore relativement modestes) en la matière et s’est agrandi, et a commencé à être un peu connu même hors France et Europe. Le changement qu’internet a apporté dans notre vie professionnelle est considérable. Nous sommes une petite maison d’édition installée en province. Internet nous a fait connaître rapidement sur une échelle que je ne soupçonnais pas. Même les médias 'classiques' nous ont ouvert un peu leur portes grâce à notre site. Les manuscrits affluent par le courrier électronique. Ainsi nous avons édité deux auteurs québécois (Fernand Héroux et Liz Morency, Affaire de coeurs, publié en septembre 1997, ndlr). Beaucoup de livres se réalisent (corrections, illustrations, envoi des documents à l’imprimeur) par ce moyen (par exemple la couverture d’Affaire de cœurs, réalisée par Joane Michaud, infographiste et affichiste québécoise, ndlr). Dès le début du site nous avons reçu des demandes de pays où nous ne sommes pas (encore) représentés: Etats-Unis, Japon, Amérique latine, Mexique, malgré notre volonté de ne pas devenir un site 'commercial' mais d’information et à 'connotation culturelle'. (Nous n’avons pas de système de paiement sécurisé, nous avons juste référencé sur une page les libraires qui vendent en ligne)." En ce qui concerne l’avenir, "j’aurais tendance à répondre par deux questions: Pouvez vous me dire comment va évoluer internet? Comment vont évoluer les utilisateurs? Nous voudrions bien rester aussi peu 'commercial' que possible et augmenter l’interactivité et le contact avec les visiteurs du site. Y réussirons-nous? Nous avons déjà reçu des propositions qui vont dans un sens opposé. Nous les avons mis 'en veille'. Mais si l’évolution va dans ce sens, pourrons-nous résister, ou trouver une 'voie moyenne'? Honnêtement, je n’en sais rien." = Un autre exemple: Le Cerf Les éditions du Cerf se présentent comme la bibliothèque francophone des sciences humaines et religieuses. En juin 1998, Hervé Ponsot, leur webmestre, précise: "Pour les éditions du Cerf dont je m'occupe sur le plan internet, en effet, le site existe en lien avec les éditions, mais marginalement quand même: le serveur se trouve en dehors du Cerf, et il est géré par une personne extérieure au Cerf, moi-même. Bref, il s'agit plutôt d'un service rendu, dont on ne peut dire qu'il ait bouleversé la maison Cerf. Il reste que, par la grâce de Dieu, de plus en plus de consultants arrivent sur ce site, et que des commandes me sont adressées de plus en plus régulièrement, sans que nous les ayons cherchées, puisque le site a été créé en priorité pour rendre service aux chercheurs, et secondairement pour faire de la publicité pour la maison et renouveler son image... Mais j'ai constaté, et beaucoup de personnes m'ont confirmé, que les sites de service pouvaient se révéler rentables, parfois plus facilement et plus rapidement que les sites commerciaux: l'exemple le plus connu est fourni par les sites de recherche sur internet. La suite envisagée pour le site Cerf ne devrait pas fondamentalement changer par rapport à ce qui se passe aujourd'hui: rendre service aux chercheurs, faire connaître la maison en lui donnant une image dynamique. Nous pensons certes un jour faire du site, ou d'un site voisin, un site commercial: mais la maison ne peut se permettre, compte tenu de sa faible surface financière, d'être leader en ce domaine; les pas seront donc comptés et très prudents." = Editeurs sur le web De plus en plus d’éditeurs sont présents sur le web, par exemple Gallimard, La Documentation française, Marabout ou les éditions Odile Jacob. Le site des Presses universitaires de France (PUF) présente le fonds éditorial des PUF, ainsi que la collection encyclopédique Que sais-je?, avec un historique de la collection, la liste des nouveautés des trois derniers mois, un descriptif détaillé des dernières parutions, une recherche par numéro et un classement thématique. Les répertoires d'éditeurs ne manquent pas, par exemple Edilib, Livre.net et Publishers’ Catalogues. Edilib répertorie les éditeurs, libraires et diffuseurs francophones. La gestion de cette liste est assurée par Benoît Thiriou, de la bibliothèque médicale du CHU (centre hospitalier universitaire) de Rouen (Normandie). L’indexation est réalisée par Dominique Benoist, de la Bibliothèque universitaire de la Faculté de médecine de Rouen, selon la classification RAMEAU (répertoire d’autorités matières encyclopédique et alphabétique unifié). La recherche est possible par ordre alphabétique ou par sujet. Le site signale aussi d’autres répertoires de l’édition française et internationale. Livre.net (devenu ensuite Lalibrairie.com) met à la disposition des adhérents cinq annuaires professionnels (bibliothèques, diffuseurs, distributeurs, éditeurs et librairies). Le 1er décembre 1998, Livre.net comprend 5.037 notices d’éditeurs, 2.137 notices de libraires, 435 notices de diffuseurs, 390 notices de distributeurs et 3.120 notices de bibliothèques, avec divers critères de recherche (titre, auteur, éditeur, date de parution, ISBN, etc.). Plusieurs rubriques sont en accès libre: conseils pour écrire et publier, revues littéraires, concours littéraires, etc. Proposé par Northern Lights Internet Solutions, une société située à Saskatoon, dans le Saskatchewan (Canada), le répertoire Publishers’ Catalogues est géré par Peter Scott. A titre anecdotique, voici la liste alphabétique des éditeurs français répertoriés en décembre 1998: "Actes Sud, Anako, Arnette Blackwell, Casterman, Cepadues, Culture d'Oc, CyLibris éditions, Dunod, éditions Complicités, éditions Dalloz-Sirey, éditions du Choucas, éditions du Juris Classeur, éditions Eyrolles, éditions et librairie Oberlin, éditions Hermès, éditions Jakin, éditions littéraires et linguistiques de Grenoble, éditions Marshall Cavendish, éditions Massin, éditions Michel Lafon, éditions Milan Presse, éditions Odile Jacob, éditions Phi, EDP Sciences, Fata Morgana, Gallimard, Gauthier-Villars, Fabrice Gueho, Masson, Presses universitaires de France et Telesma Publishing." = La National Academy Press "A première vue, cela paraît illogique", écrit Beth Berselli, journaliste au Washington Post, dans un article paru dans le Courrier international de novembre 1997. "Un éditeur de Washington, la National Academy Press (NAP), qui a publié sur internet 700 titres de son catalogue actuel, permettant ainsi à tout un chacun de lire gratuitement ses livres, a vu ses ventes augmenter de 17% l’année suivante. Qui a dit que personne n’achèterait la vache si on pouvait avoir le lait gratuitement?" Une politique à la fois atypique et dynamique porte donc ses fruits. Editeur universitaire américain, la National Academy Press (NAP) (devenue ensuite: National Academies Press) publie environ 200 livres par an, essentiellement des livres scientifiques et techniques et des ouvrages médicaux. Dès 1994, l'éditeur choisit de mettre en accès libre sur le web le texte intégral de plusieurs centaines de livres, afin que les lecteurs puissent les "feuilleter" à l’écran, comme ils l’auraient fait dans une librairie, avant de les acheter ensuite s’ils le souhaitent. La NAP est le premier éditeur à se lancer dans un tel pari, une initiative saluée par les autres maisons d’édition, qui hésitent cependant à tenter l’aventure, ce pour trois raisons: le coût excessif qu’entraîne la mise en ligne de milliers de pages, les problèmes liés au droit d’auteur, et enfin une concurrence qu’ils estiment nuisible à la vente. En ce qui concerne le copyright, ce sont les auteurs de la NAP eux-mêmes qui, pour des raisons publicitaires, demandent à ce que leur livre soit mis en ligne sur le site. Pour l'éditeur, le web est un nouvel outil de marketing face aux 50.000 ouvrages publiés chaque année aux Etats-Unis. Une réduction de 20% est accordée pour toute commande effectuée en ligne. La présence de ces livres sur le web entraîne une augmentation des ventes par téléphone. Le mouvement va en s’amplifiant puisque, en 1998, le site de la NAP propose le texte intégral d’un millier de titres. La solution choisie par la NAP est également adoptée par la MIT Press (MIT: Massachusetts Institute of Technology), qui voit rapidement ses ventes doubler pour les livres en version intégrale sur le web. 4.2. L’édition électronique = Deux pionniers, CyLibris et 00h00 Fondé en août 1996 à Paris par Olivier Gainon, CyLibris (de Cy, cyber et Libris, livre) est le pionnier francophone de l’édition électronique commerciale. CyLibris est en effet la première maison d’édition à utiliser l’internet et le numérique pour publier de nouveaux auteurs littéraires. Vendus uniquement sur le web, les livres sont imprimés à la commande et envoyés directement au client, ce qui permet d’éviter le stock et les intermédiaires. Pendant son premier trimestre d’activité, l’éditeur signe des contrats avec treize auteurs. Le site propose en téléchargement libre des extraits de livres au format texte. Il donne aussi des informations pratiques aux auteurs en herbe: comment envoyer un manuscrit à un éditeur, ce que doit comporter un contrat d’édition, comment protéger son manuscrit, comment tenter sa chance dans des revues ou concours littéraires, etc. En bref, le site de CyLibris se propose d'être le carrefour de la petite édition. Pionnier de l’édition en ligne commerciale, les éditions 00h00 (prononcer: zéro heure) font leur apparition sur le réseau en mai 1998. Elles sont co-fondées par Jean-Pierre Arbon, ancien directeur général de Flammarion, et Bruno de Sa Moreira, ancien directeur de Flammarion Multimédia, qui explique en juillet 1998: "Aujourd'hui mon activité professionnelle est 100% basée sur internet. Le changement ne s'est pas fait radicalement, lui, mais progressivement (audiovisuel puis multimédia puis internet). (...) La gestation du projet a duré un an: brainstorming, faisabilité, création de la société et montage financier, développement technique du site et informatique éditoriale, mise au point et production des textes et préparation du catalogue à l'ouverture. (...) Nous faisons un pari, mais l’internet me semble un média capable d'une très large popularisation, sans doute grâce à des terminaux plus faciles d'accès que le seul micro-ordinateur." La création de 00h00 marque la véritable naissance de l'édition en ligne, lit-on sur le site. "C'est en effet la première fois au monde que la publication sur internet de textes au format numérique est envisagée dans le contexte d'un site commercial, et qu'une entreprise propose aux acteurs traditionnels de l'édition (auteurs et éditeurs) d'ouvrir avec elle sur le réseau une nouvelle fenêtre d'exploitation des droits. Les textes offerts par 00h00.com sont soit des inédits, soit des textes du domaine public, soit des textes sous copyright dont les droits en ligne ont fait l'objet d'un accord avec leurs ayants droit. (...) Avec l'édition en ligne émerge probablement une première vision de l'édition au 21e siècle. C'est cette idée d'origine, de nouveau départ qui s'exprime dans le nom de marque, 00h00. (...) Internet est un lieu sans passé, où ce que l'on fait ne s'évalue pas par rapport à une tradition. Il y faut inventer de nouvelles manières de faire les choses. (...) Le succès de l'édition en ligne ne dépendra pas seulement des choix éditoriaux: il dépendra aussi de la capacité à structurer des approches neuves, fondées sur les lecteurs autant que sur les textes, sur les lectures autant que sur l'écriture, et à rendre immédiatement perceptible qu'une aventure nouvelle a commencé." Tous les titres sont disponibles sous la forme d’un exemplaire numérique (au format PDF) et d’un exemplaire papier. Les collections sont très diverses: inédits, théâtre classique français, contes et récits fantastiques, contes et récits philosophiques, souvenirs et mémoires, philosophie classique, réalisme et naturalisme, cyberculture, romans d’enfance, romans d’amour, nouvelles et romans d’aventure. Le recherche est possible par auteur, par titre et par genre. Pour chaque livre, on a un descriptif court, un descriptif détaillé, la table des matières et une courte présentation de l’auteur. S’ajoutent ensuite les commentaires des lecteurs. Le paiement est effectué en ligne grâce à un système sécurisé mis en place par la Banque populaire. Ceux que le paiement en ligne rebute peuvent régler leur commande par fax, par courrier, par carte bancaire ou par chèque. Pas de stock, pas de contrainte physique de distribution, mais un lien direct avec le lecteur et entre les lecteurs. Sur le site, les internautes/lecteurs qui le souhaitent peuvent créer leur espace personnel pour y rédiger leurs commentaires, participer à des forums ou recommander des liens vers d’autres sites. Ils peuvent encore s’abonner à la lettre d’information pour être tenus au courant des nouveautés. = La diffusion en ligne Pour les livres et périodiques scientifiques et techniques, dans lesquels l’information la plus récente est primordiale, la numérisation conduit à repenser complètement la signification même de publication, et à s'orienter vers une diffusion en ligne qui rend beaucoup plus facile les actualisations régulières. Les tirages papier restent toujours possibles à titre ponctuel. Des universités diffusent désormais des manuels "sur mesure" composés d’un choix de chapitres et d'articles sélectionnés dans une base de données, auxquels s'ajoutent les commentaires des professeurs. Pour un séminaire, un très petit tirage peut être effectué à la demande à partir de documents transmis par voie électronique à un imprimeur. Pour la lecture de loisir, il reste toujours pratique d’avoir un livre ou un magazine imprimé pour lire sur son divan, dans son lit, au café, dans une salle d’attente, dans un train ou dans un avion. Mais, à terme, l’édition électronique se développera peut-être aussi dans ce domaine, en complément, à cause d’atouts spécifiques comme sa rapidité d’accès et son coût. 4.3. Les auteurs ont-ils encore besoin des éditeurs? De l’avis général, l’internet renforce considérablement les relations entre les auteurs et les lecteurs. Grâce au web, les auteurs peuvent faire connaître directement leurs oeuvres, et le courrier électronique leur permet de discuter avec leurs lecteurs. En définitive, les auteurs ont-ils encore besoin des éditeurs? Professeure de lettres, poète et peintre, Silvaine Arabo crée en mai 1997 le site Poésie d’hier et d’aujourd’hui. En juin 1998, elle relate: "Internet m'a mise en contact avec d'autres poètes, dont certains fort intéressants... Cela rompt le cercle de la solitude et permet d'échanger des idées. On se lance des défis aussi... Internet peut donc pousser à la créativité et relancer les motivations des poètes puisqu'ils savent qu'ils seront lus et pourront même, dans le meilleur des cas, correspondre avec leurs lecteurs et avoir les points de vue de ceux-ci sur leurs textes. Je ne vois personnellement que des aspects positifs à la promotion de la poésie par internet, tant pour le lecteur que pour le créateur." Son site devient rapidement une cyber-revue. Ceci est tout aussi vrai pour les romans. Le quotidien Libération du 27 février 1998 donne l'exemple de Barry Beckham, romancier américain qui lance une formule originale pour diffuser son nouveau roman You Have a Friend: The Rise and Fall and Rise of the Chase Manhattan Bank. Ce roman a pour décor la grande banque Chase Manhattan, et ceci sur deux siècles, entre 1793 et 1995. Le sujet est inspiré par la vie professionnelle de l’auteur, qui est rédacteur dans le service des relations publiques de cette banque. Moyennant un abonnement de 9,95 dollars, le lecteur reçoit un épisode par courrier électronique tous les quinze jours pendant six mois. Barry Beckham inaugure ainsi la formule du roman-feuilleton sur le web, dans la lignée de Dostoïevski, Dumas et Dickens en d’autres temps. Sur son site (disparu depuis), Barry Beckham dit s’être inspiré de la démarche des feuilletonnistes du 19e siècle "pour atteindre des lecteurs à une époque où l'édition littéraire est dominée par des conglomérats obsédés par des titres ayant un fort potentiel commercial mais peu de substance intellectuelle". Pour les auteurs de documentaires également, l’apport de l’internet est réel, comme en témoigne l’expérience d’Esther Dyson. Présidente d'EDventure Holdings, société spécialisée dans l’étude des technologies de l’information, elle fait partie du comité directeur de l’ Electronic Frontier Foundation (EFF). Depuis 1982, elle publie Release 1.0, lettre d’information mensuelle très prisée des spécialistes et souvent appelée la lettre intellectuelle du monde informatique. En 1997, elle publie aussi un livre: Release 2.0: A Design for Living in the Digital Age. Parallèlement à la publication simultanée de son livre par plusieurs éditeurs dans le monde (notamment Viking à Londres), Esther Dyson ouvre le site Release 2.0 (disparu depuis) pour dialoguer avec ses lecteurs et tirer parti de tous ces échanges dans une nouvelle édition de son livre. Dans ce cas précis, le site web se trouve être une étape intermédiaire entre deux publications imprimées. Si un livre a de plus en plus fréquemment un correspondant numérique sur le web, le cas contraire ne l’est pas, comme l’explique Christian Aubry, rédacteur en chef du cybermag Multimédium, lorsqu’il présente L'état du cybercommerce 1998-1996, copublié par Fortune 1000 et Communications Vianet, qui paraît le 25 février 1998 lors du Forum québécois sur l’internet. "Il est devenu assez banal de numériser un livre afin de le rendre accessible sur le réseau mondial. Mais le contraire - un site internet transposé dans un livre - est un phénomène suffisamment inusité pour attirer notre attention. Que peut gagner le web, ce médium virtuel, universel, interactif et instantané, à revenir ainsi en arrière et à se figer dans un simple objet de papier?" Signé par deux journalistes, Vallier Lapierre et Yves Leclerc, le livre est un recueil de textes tirés du site CLÉS du commerce électronique. Il recense les tendances et stratégies récentes en matière de commerce électronique et de cyber-économie. Les éditeurs auront-ils encore raison d'être dans quelques années? Oui, vraisemblablement. Jean-Paul, écrivain et musicien, écrit en juin 1998: "L'internet va me permettre de me passer des intermédiaires: compagnies de disques, éditeurs, distributeurs... Il va surtout me permettre de formaliser ce que j'ai dans la tête (et ailleurs) et dont l'imprimé (la micro-édition, en fait) ne me permettait de donner qu'une approximation. Puis les intermédiaires prendront tout le pouvoir. Il faudra alors chercher ailleurs, là où l'herbe est plus verte..." 5. LA PRESSE SE MET EN LIGNE [5.1. La presse traditionnelle / 5.2. Les débuts de la presse électronique / 5.3. Le développement de la presse en ligne] Même si cette étude est essentiellement consacrée au livre, ce chapitre fait un rapide survol du sujet connexe qu'est la presse en ligne. Nombreux sont les journaux et magazines imprimés qui ouvrent un site web avec articles, dossiers et archives en ligne. D’autres journaux et magazines sont purement électroniques. L’avenir de la presse en ligne est également lié à un débat de fond sur le métier de journaliste. 5.1. La presse traditionnelle = Les débuts Mis en ligne en février 1995, le site web du mensuel Le Monde diplomatique est le premier site d’un périodique imprimé français. Monté dans le cadre d’un projet expérimental avec l’Institut national de l’audiovisuel (INA), ce site est inauguré lors du forum des images Imagina. Il donne accès à l’ensemble des articles depuis janvier 1994, par date, par sujet et par pays. L’intégralité du mensuel en cours est consultable gratuitement pendant les deux semaines suivant sa parution. Un forum de discussion permet au journal de discuter avec ses lecteurs. En juin 1998, Philippe Rivière, responsable du site, précise que, trois ans après sa mise en ligne, le site a "bien grandi, autour des mêmes services de base: archives et annonce de sommaire". Grâce à l’internet, "le travail journalistique s'enrichit de sources faciles d'accès, aisément disponibles. Le travail éditorial est facilité par l'échange de courriers électroniques; par contre, une charge de travail supplémentaire due aux messages reçus commence à peser fortement." Fin 1995, le quotidien Libération met en ligne son site web, peu après le lancement du Cahier Multimédia, un cahier imprimé hebdomadaire inclus dans l'édition du jeudi. Le site propose la Une du quotidien, la rubrique Multimédia, qui regroupe les articles du Cahier Multimédia et les archives des cahiers précédents, le Cahier Livres complété par Chapitre Un (les premiers chapitres des nouveautés), et bien d'autres rubriques. (La rubrique Multimédia est ensuite rebaptisée Numériques.) Sur le site du Monde, lancé en 1996, on trouve des dossiers en ligne, la Une en version graphique à partir de 13 h, l’intégralité du journal avant 17 h, l’actualité en liaison avec l’AFP (Agence France-Presse), et des rubriques sur la bourse, les livres, le multimédia et les sports. En 1998, le journal complet en ligne coûte 5 FF (0,76 euros) alors que l’édition papier coûte 7,50 FF (1,15 euros). S'ils concernent le multimédia, les articles du supplément imprimé hebdomadaire Télévision-Radio-Multimédia sont disponibles gratuitement en ligne dans la rubrique Multimédia (rebaptisée ensuite Nouvelles technologies). L’Humanité est le premier quotidien français à proposer la version intégrale du journal en accès libre sur le web. Classés par rubriques, les articles sont disponibles entre 10 h et 11 h du matin, à l’exception de L’Humanité du samedi, disponible en ligne le lundi suivant. Tous les articles sont archivés sur le site. En juillet 1998, Jacques Coubard, responsable du site, explique: "Le site de L’Humanité a été lancé en septembre 1996 à l'occasion de la Fête annuelle du journal. Nous y avons ajouté depuis un forum, un site consacré à la récente Coupe du monde de football (avec d’autres partenaires), et des données sur la Fête et sur le meeting d'athlétisme, parrainé par L'Humanité. Nous espérons pouvoir développer ce site à l'occasion du lancement d'une nouvelle formule du quotidien qui devrait intervenir à la fin de l'année ou au début de l'an prochain. Nous espérons également mettre sur le web L'Humanité Hebdo, dans les mêmes délais. Jusqu'à présent on ne peut pas dire que l'arrivée d'internet ait bouleversé la vie des journalistes, faute de moyens et de formation (ce qui va ensemble). Les rubriques sont peu à peu équipées avec des postes dédiés, mais une minorité de journalistes exploitent ce gisement de données. Certains s'en servent pour transmettre leurs articles, leurs reportages. Il y a sans doute encore une 'peur' culturelle à plonger dans l'univers du net. Normal, en face de l'inconnu. L'avenir devrait donc permettre par une formation (peu compliquée) de combler ce handicap. On peut rêver à un enrichissement par une sorte d'édition électronique, mais nous sommes sévèrement bridés par le manque de moyens financiers." = La presse régionale La presse régionale est elle aussi rapidement présente sur le web, par exemple les Dernières nouvelles d’Alsace et Ouest-France. Lancé en septembre 1995, le site des Dernières nouvelles d’Alsace propose l’intégrale de l’édition du jour et des informations pratiques (cours de la bourse, calcul des impôts, etc.). Il offre aussi une édition abrégée en allemand. Michel Landaret, responsable du site, précise en juin 1998 que celui-ci "compte actuellement 5.500 lecteurs par jour". Le quotidien Ouest-France est mis en ligne en juillet 1996. D’abord appelé France-Ouest, le site est ensuite renommé Ouest-France, du nom du journal. En juin 1998, Bernard Boudic, son responsable éditorial, explique: "A l’origine, l’objectif était de présenter et relater les grands événements de l'Ouest en invitant les internautes à une promenade dans un grand nombre de pages consacrées à nos régions (tourisme, industrie, recherche, culture). Très vite, nous nous sommes aperçus que cela ne suffisait pas. Nous nous sommes tournés vers la mise en ligne de dossiers d'actualité, puis d'actualités tout court. Aujourd'hui nous avons quatre niveaux d'infos: quotidien, hebdo (tendant de plus en plus vers un rythme plus rapide), événements et dossiers. Et nous offrons des services (petites annonces, guide des spectacles, presse-école, boutique, etc.). Nous travaillons sur un projet de journal électronique total: mise en ligne automatique chaque nuit de nos quarante éditions (450 pages différentes, 1.500 photos) dans un format respectant typographie et hiérarchie de l'information et autorisant la constitution par chacun de son journal personnalisé (critères géographiques croisés avec des critères thématiques)." Quels sont les retombées de l'internet pour les journalistes? "Elles sont encore minces. Nous commençons seulement à offrir un accès internet à chacun (rédaction d’Ouest-France: 370 journalistes répartis dans soixante rédactions, sur douze départements... pas simple). Certains utilisent internet pour la messagerie électronique (courrier interne ou externe, réception de textes de correspondants à l'étranger, envoi de fichiers divers) et comme source d'informations. Mais cette pratique demande encore à s'étendre et à se généraliser. Bien sûr, nous réfléchissons aussi à tout ce qui touche à l'écriture multimédia et à sa rétro-action sur l'écriture imprimée, aux changements d'habitudes de nos lecteurs, etc. (...) Internet est à la fois une menace et une chance. Menace sur l'imprimé, très certainement (captation de la pub et des petites annonces, changement de réflexes des lecteurs, perte du goût de l'imprimé, concurrence d'un média gratuit, que chacun peut utiliser pour diffuser sa propre info, etc.). Mais c'est aussi l'occasion de relever tous ces défis, de rajeunir la presse imprimée." = La presse anglophone Dans le monde anglophone, au début des années 1990, les premières éditions électroniques de journaux sont disponibles par le biais de services commerciaux tels que America Online ou CompuServe. Les organes de presse créent ensuite leurs propres sites web. Au Royaume-Uni, le Times et le Sunday Times font web commun sur un site dénommé Times Online, avec possibilité de créer une édition personnalisée. Aux Etats-Unis, la version en ligne du Wall Street Journal est payante, avec 100.000 abonnés en 1998. Celle du New York Times est disponible sur abonnement gratuit. Le Washington Post propose l’actualité quotidienne en ligne et de nombreux articles archivés, le tout avec images, sons et vidéos. Pathfinder (rebaptisé ensuite Time) est le site web du groupe Time-Warner, éditeur de Time Magazine, Sports illustrated, Fortune, People, Southern Living, Money, Sunset, etc. On peut y lire la presse en ligne et rechercher des articles par date ou par sujet. La presse informatique est également présente sur le web, à commencer par le mensuel Wired, créé en 1992 en Californie. Premier magazine consacré à la culture cyber, Wired, devenu une revue culte, se présente en 1998 comme le journal du futur à l’avant-garde du 21e siècle. 5.2. Les débuts de la presse électronique = L'E-zine-list Les premiers titres purement électroniques sont répertoriés dans l’E-zine-list, créée en été 1993 par John Labovitz. Abrégé de fanzine ou magazine, un e-zine est généralement l’oeuvre d’une personne ou d’un petit groupe. Il est uniquement diffusé par courriel ou sur un site web. Le plus souvent, il ne contient pas de publicité, ne vise pas un profit commercial et n’est pas dirigé vers une audience de masse. Comment l’E-zine-list débute-t-elle? Sur le site, John Labovitz relate qu’à l’origine son intention est de faire connaître Crash, un zine imprimé pour lequel il souhaite créer une version électronique. A la recherche de répertoires, il ne trouve que le groupe de discussion Alt.zines, et des archives comme le The Well et The Etext Archives. Lui vient alors l’idée d’un répertoire organisé. Il commence avec douze titres classés manuellement dans un traitement de texte. Puis il écrit sa propre base de données. En quatre ans, de 1993 à 1997, les quelques dizaines de e-zines deviennent plusieurs centaines. Pendant la même période, la signification même de e-zine s’élargit pour recouvrir tout type de publication publiée par voie électronique, même s’"il subsiste toujours un groupe original et indépendant désormais minoritaire qui continue de publier suivant son cœur ou de repousser les frontières de ce que nous appelons un e-zine". En été 1998, l’E-zine-list comprend 3.000 titres. (Elle sera poursuivie jusqu’en novembre 2001.) = La presse électronique francophone La presse électronique francophone débute en novembre 1994 avec Les Chroniques de Cybérie, suivies par LMB Actu (Le Micro Bulletin Actu) en février 1996 et Multimédium en avril 1996. Jean-Pierre Cloutier, journaliste québécois, lance en novembre 1994 Les Chroniques de Cybérie, une chronique hebdomadaire des actualités du réseau, en collaboration avec Mychelle Tremblay. Cette chronique est d'abord une lettre envoyée par courriel. En avril 1995, elle est également présente sur le web. Au fil des ans, elle devient une référence dans la communauté francophone, y compris dans le domaine du livre. Comment les Chroniques ont-elles débuté? En 1994, après avoir été journaliste pendant de nombreuses années, Jean-Pierre Cloutier est à la tête d’une petite société de traduction. "J'ai mis de côté mes activités de traduction pour devenir chroniqueur, relate-t-il en juin 1998. Au début, je le faisais à temps partiel, mais c'est rapidement devenu mon activité principale. C'était pour moi un retour au journalisme, mais de manière manifestement très différente. Au début, les Chroniques traitaient principalement des nouveautés (nouveaux sites, nouveaux logiciels). Mais graduellement on a davantage traité des questions de fond du réseau, puis débordé sur certains points d'actualité nationale et internationale dans le social, le politique et l'économique. Dans le premier cas, celui des questions de fond, c'est relativement simple car toutes les ressources (documents officiels, dépêches, commentaires, analyses) sont en ligne. On peut donc y mettre son grain de sel, citer, étendre l'analyse, pousser des recherches. Pour ce qui est de l'actualité, la sélection des sujets est tributaire des ressources disponibles, ce qui n'est pas toujours facile à dénicher. On se retrouve alors dans la même situation que la radio ou la télé, c'est-à-dire que s'il n'y a pas de clip audio ou d'images, une nouvelle même importante devient du coup moins attrayante sur le plan du médium." A la consternation des lecteurs, les Chroniques cessent provisoirement leur parution en octobre 1997, pour des raisons budgétaires. "Au Québec, (...) les annonceurs des secteurs public et privé et les commanditaires ne sont pas au rendez-vous, du moins pour l'instant, pour assurer la viabilité du modèle économique d'une prétendue industrie québécoise du contenu sur les inforoutes", expliquent à la même date Jean-Pierre Cloutier et Mychelle Tremblay. Six mois plus tard, en avril 1998, les Chroniques sont de retour grâce à leur alliance avec le Webdo de Lausanne (Suisse) qui, pendant deux semaines, en détient l'exclusivité sur le site créé à cet effet. Elles sont ensuite archivées sur le site québécois initial, avec moteur de recherche. Lancé à Paris en février 1996, LMB Actu (Le Micro Bulletin Actu) se présente comme "l’hebdomadaire internet immatériel et francophone", et se veut la référence française pour les technologies de l'information. Sous l’égide de François Vadrot, directeur des systèmes d’information du CNRS (Centre national de la recherche scientifique), LMB Actu complète Le Micro Bulletin, revue imprimée destinée aux universitaires et aux chercheurs. Diffusé gratuitement par courriel tous les jeudis matin, LMB Actu est ensuite archivé sur le web. (Il est remplacé par Internet Actu en septembre 1999.) Mis en ligne en avril 1996, le cybermag québécois Multimédium se présente comme le "quotidien des nouvelles technologies de l'information". L'actualité québécoise, francophone et internationale est présentée sous forme d'articles courts renvoyant aux sources (dépêches, sites web, etc.). La rubrique Infos Technos est une sélection de revues informatiques disponibles en ligne. 5.3. Le développement de la presse en ligne = De plus en plus de titres sur le web Selon Henri Pigeat, président de l’Institut international des communications, "l’édition électronique représente un axe majeur de développement pour la presse". D'après lui, le web a trois fonctions essentielles: a) il est un outil de promotion pour le journal parce qu’il attire de nouveaux lecteurs, souvent plus jeunes; b) il offre plus de précisions et une vision plus exhaustive qu’un support papier limité par la place; c) il "permet d’occuper le terrain, notamment face à la concurrence de services en ligne nouveaux ou de la télévision". La vitesse de croisière va-t-elle remplacer la folle expansion observée entre 1994 et 1998? C’est l’avis d'Eric K. Meyer, journaliste indépendant qui publie un article très documenté sur le site de l'AJR/NewsLink (AJR: American Journalism Review). En décembre 1997, le nombre de journaux présents sur le web est de 3.622, un chiffre correspondant à peu près à la prévision de 4.000 titres donnée par le même site en 1994. 471 titres sont mis en ligne entre juin et décembre 1996, 594 titres entre décembre 1996 et mai 1997 et 1.702 titres entre juin et décembre 1997. Sur les 3.622 titres recensés en décembre 1997, on en compte 1.563 basés hors des Etats-Unis, soit un pourcentage de 43%, alors que ce pourcentage était seulement de 29% en décembre 1996. Cette forte augmentation correspond à la mise en ligne de nombreux titres au Canada, au Royaume-Uni, en Norvège, au Brésil et en Allemagne. Fait peu surprenant, les trois pays les plus représentés sont les Etats-Unis (2.099 journaux), le Royaume-Uni (294 journaux) et le Canada (230 journaux). Quelques mois plus tard, en septembre 1998, le nombre de journaux présents sur le web est de 4.925, soit 1.300 de plus que fin 1997. Fait qui mérite d’être signalé, aux Etats-Unis, de grands groupes de presse traditionnellement concurrents tentent de travailler ensemble. Lancé en février 1997 par le News Century Network, NewsWorks est un site rédactionnel commun à neuf groupes de presse (Advance Publications, Cox Newspapers, The Gannett Company, The Hearst Corporation, Knight-Ridder, The New York Times Company, Times Mirror, The Tribune Company et The Washington Post Company), soit 140 titres. Ce site commun dure 13 mois. La mésentente et le manque de cohésion entre les partenaires ont raison de cette alliance en mars 1998. Même si le partenariat semble difficile, il existe désormais un précédent pouvant ouvrir la voie vers d’autres serveurs d’information nationaux et internationaux. = L’information exclusive en ligne Dans le quotidien Libération du 21 mars 1997, Laurent Mauriac, journaliste, insiste sur l’importance de la date du 28 février 1997 dans l’histoire de la presse, du journalisme et de l’internet. A 15 h 15, le Dallas Morning News, l’un des dix grands quotidiens américains, livre en ligne une information exclusive: la reconnaissance de sa culpabilité par Timothy McVeigh, le principal suspect de l'attentat d'Oklahoma City (perpétré le 19 avril 1995 et ayant tué 168 personnes). Pour la première fois, une information exclusive n’est pas livrée par une édition imprimée mais par une édition en ligne. Elle renverse les rapports d’un journal avec son site web. Jusque-là, l’édition en ligne se contentait d’être une copie de l’édition papier. Moins d’un an après, le mécanisme est au point. Pierre Briançon, lui aussi journaliste à Libération, explique le 30 janvier 1998 que le scandale provoqué par les relations sexuelles de Bill Clinton, président des Etats-Unis, avec Monika Lewinski, stagiaire à la Maison Blanche, est "le premier grand événement politique dont tous les détails sont instantanément reproduits sur le web". Tous les grands médias d'information ont une page web spéciale consacrée au scandale. "Pour la première fois, le web apparaît ainsi comme un concurrent direct et brutal, non seulement des journaux - handicapés par leur périodicité - mais des radios ou télévisions." L’affaire Clinton-Lewinsky provoque aussi quelques dérapages. Dans un entretien publié en mars 1998 par le magazine allemand Com!, Hermann Meyn, président du Deutscher Journalisten Verband (DJV) (Fédération des journalistes allemands), propose d'établir un code de déontologie professionnelle à l’intention des journalistes de la presse en ligne, afin d'éviter de tels dérapages à l'avenir. Le flux d'informations étant beaucoup plus rapide sur l’internet que dans les médias classiques, les rumeurs et fausses nouvelles sont légion. Un tel code paraît donc indispensable, plutôt que des lois nationales qui s'avéreraient sans doute inefficaces, l'internet étant un réseau à vocation mondiale. = Presse et convergence multimédia Dans la Tribune de Genève du 28 février - 1er mars 1998, Antoine Maurice, journaliste, consacre un article aux mutations technologiques affectant le monde de la presse. Suite à la généralisation de l’impression offset et de la photocomposition, la fin des années 1980 voit "des rédactions complètement informatisées et dépourvues de papier - le tout écran -, complètement en réseau et en flux immatériel de production, complètement détachées et détachables des lieux d’impression". Nombre de métiers ont disparu. Les journalistes doivent maintenant compter avec des secrétaires de rédaction qui saisissent les textes puis montent les pages à l’écran, et avec des ingénieurs qui réglementent les modalités du travail. Les techniciens de l’information et ceux qui l’écrivent sont tous deux "journalistes de plein droit, puisque des metteurs en page sur ordinateur sont autant responsables du contenu du journal que des rédacteurs". Les journalistes doivent aussi compter avec la concurrence de l’internet qui « court-circuite en partie le pouvoir d’informer, privilège jusque-là d’un milieu médiatique qui se serait bien passé de cette concurrence". Lors du Colloque sur la convergence multimédia organisé les 27-29 janvier 1997 à Genève par le Bureau international du travail (OIT), plusieurs interventions sont particulièrement intéressantes. Bernie Lunzer, secrétaire trésorier de la Newspaper Guild (Etats-Unis), est l’intervenant le plus pessimiste sur la rentabilité de la presse en ligne. D'après lui, les espoirs de rentabilité, fondés à l’origine sur les placards publicitaires, se sont ensuite reportés sur les petites annonces, sans garantie de succès jusque-là. L’instauration de l’abonnement payant semble lui aussi voué à l’échec, parce qu’il prive le site d’une grande partie de son trafic. Bernie Lunzer insiste également sur les batailles juridiques relatives au respect de la propriété intellectuelle sur l’internet. Le but est notamment de contrer l’attitude des directeurs de publication, qui amènent les journalistes indépendants à signer des contrats particulièrement choquants, avec cession de leurs droits d’auteur au journal en échange d’une contrepartie financière ridicule. De l’avis de Heinz-Uwe Rübenach, du Bundesverband Deutscher Zeitungsverleger (Association des directeurs de journaux, Allemagne), les services de presse en ligne ne devraient pas sonner le glas des journaux imprimés, au moins dans un proche avenir. Par contre, la presse en ligne concurrence déjà la presse traditionnelle pour les annonces immobilières, les offres d’emploi et l’achat de billets pour des manifestations sportives ou des spectacles. Heinz-Uwe Rübenach insiste aussi sur la nécessité pour les entreprises de presse de gérer et de contrôler l’utilisation sur le web des articles de leurs journalistes. Plusieurs syndicalistes font part du danger représenté par la pression constante exercée sur les journalistes des salles de rédaction. Alors que leurs articles devaient auparavant être livrés une fois par jour, ils sont maintenant sollicités plusieurs fois par jour. Ces tensions à répétition sont encore aggravées par une journée de travail à l’écran pendant huit à dix heures d’affilée. Le rythme de travail et l’utilisation intensive de l’ordinateur entraînent de préoccupants problèmes de sécurité au travail. Après quelques années à ce régime, des journalistes craquent à l’âge de 35 ou 40 ans. Président de la Federação nacional dos jornalistas (FENAJ) (Fédération nationale des journalistes, Brésil), Carlos Alberto de Almeida dénonce l’exploitation des journalistes dans son pays. En théorie, les nouvelles technologies devaient leur donner la possibilité de rationaliser leur travail et d’en réduire la durée afin d’avoir plus de temps libre à consacrer à leur culture personnelle et leurs loisirs. En pratique, ils sont obligés d’effectuer un nombre d’heures de travail de plus en plus élevé. La journée légale de 5 heures est en fait une journée de 10 à 12 heures. Les heures supplémentaires ne sont pas payées, comme ne sont pas payées non plus celles effectuées le week-end. Si elle accélère le processus de production, l’automatisation des méthodes de travail entraîne une diminution de l’intervention humaine et donc un accroissement du chômage. Alors que, par le passé, le personnel de production devait retaper les textes du personnel de rédaction, la mise en page automatique entraîne la combinaison des deux tâches de rédaction et de composition. Dans les services publicitaires aussi, la conception graphique et les tâches commerciales sont maintenant intégrées. Par contre, l’informatique permet à certains professionnels de s’installer à leur compte, une solution choisie par 30% des salariés ayant perdu leur emploi. = L’internet au secours de la liberté d’expression Le web permet de lire en ligne des titres difficiles ou impossibles à trouver en kiosque. Un article du Monde daté du 23 mars 1998 donne l'exemple du quotidien algérien El Watan, en ligne depuis octobre 1997. Redha Belkhat, son rédacteur en chef, explique: "Pour la diaspora algérienne, trouver dans un kiosque à Londres, New York ou Ottawa un numéro d’El Watan daté de moins d'une semaine relève de l'exploit. Maintenant, le journal tombe ici à 6 heures du matin, et à midi il est sur internet." L’internet permet aussi aux journaux interdits d’être publiés malgré tout. C’est le cas de l’hebdomadaire algérien La Nation qui, parce qu'il dénonce les violations des droits de l'homme en Algérie, est contraint de cesser ses activités en décembre 1996. Un an après sa disparition, un numéro spécial de La Nation est disponible sur le site de Reporters sans frontières (RSF). "En mettant La Nation en ligne, notre but était de dire: cela n'a plus de sens de censurer les journaux en Algérie, parce que grâce à internet les gens peuvent récupérer les articles, les imprimer, et les distribuer autour d'eux", indique Malti Djallan, à l'origine de cette initiative. Consacré lui aussi à l’Algérie, le journal électronique Nouvelles du bled est lancé en décembre 1997 à Paris par Mohamed Zaoui, journaliste algérien en exil, et Christian Debraisne, français, responsable de la mise en page. L’équipe rassemble une douzaine de personnes qui se retrouvent le jeudi soir dans un café du 11e arrondissement. La revue de presse est effectuée à partir des journaux d’Alger. Dans Le Monde du 23 mars 1998, Mohamed Zaoui explique: "La rédaction d'El Watan, par exemple, nous envoie des papiers qu'elle ne peut pas publier là-bas. C'est une façon de déjouer la censure. J'avais envie d'être utile et j'ai pensé que mon rôle en tant que journaliste était de saisir l'opportunité d'internet pour faire entendre une autre voix entre le gouvernement algérien et les intégristes." Christian Debraisne ajoute: "Avec internet, nous avons trouvé un espace de libre expression et, en prime, pas de problème d'imprimerie ni de distribution. Je récupère tous les papiers et je les mets en ligne la nuit à partir de chez moi." Nouvelles du bled paraît jusqu’en octobre 1998. = Un médium à part entière Selon une enquête menée en février 1998 aux Etats-Unis par Market Facts (devenu ensuite Synovate) pour le compte de MSNBC (Microsoft Network Broadcasting Corporation), l’internet supplante désormais les médias classiques en tant que diffuseur de nouvelles. Avec une moyenne d'utilisation de 3,5 heures par semaine, l’internet supplante les magazines (2,4 heures) et il est pratiquement à égalité avec les journaux (3,6 heures). Il tend à se rapprocher de la radio (4,5 heures), de la télévision par câble (5 heures) et de la télévision classique (5,7 heures). L’internet l'emporte largement sur l’imprimé pour la consultation des nouvelles au bureau, particulièrement les nouvelles économiques et financières. Signe des temps, en France, l’Ecole supérieure de journalisme de Lille propose une formation au journalisme multimédia, cette formation durant neuf mois, dont trois mois de stage en entreprise. "En associant sur un même support l'écrit, l'image, le son, les ressources documentaires et l'interactivité, le multimédia modifie substantiellement les pratiques des éditeurs et des professionnels", indique l'Ecole sur son site. Terminée en juin 1998, la première session comprend huit diplômés. Une deuxième session débute en septembre 1998. Dans un article du cybermag Multimédium daté du 17 avril 1998, Bruno Guglieminetti, réalisateur aux projets spéciaux numériques de Radio Canada, explique: "Le journalisme en ligne fait appel à une toute autre philosophie, à un tout autre système de production que le journalisme 'traditionnel'. Avec la création de cette filière, Lille se plante vraiment à l’avant-garde du journalisme européen, ce qui n’empêchera pas les journalistes traditionnels d’y recevoir leur formation et d’y trouver leur compte." Par ailleurs, le Syndicat national des journalistes (SNJ) œuvre pour que soit respectée la protection du droit d’auteur sur l’internet. En mars 1998, le SNJ entame sa troisième poursuite contre un organe de presse écrite pour l’obliger à rétribuer les journalistes dont les articles sont repris sur le web. Après avoir poursuivi les Dernières nouvelles d’Alsace puis le Groupe Havas, le SNJ s’attaque au Figaro pour "contrefaçon et exploitation ligitieuse" des articles de la rédaction mis en ligne sur son site web. Selon le cybermag Multimédium, qui consacre un article à ce sujet, "la poursuite s'appuie sur l'article 9 de la convention collective qui stipule que 'si un journaliste est appelé par son employeur à collaborer à un autre titre que celui ou ceux auxquels il est attaché, ou à exécuter son contrat de travail selon un mode d'expression différent, cette modification doit faire l'objet d'un accord dans les conditions prévues à l'article 20, c'est à dire qu'un échange de lettres sera nécessaire chaque fois qu'interviendra une modification du contrat de travail'. L'employeur ayant décidé de mettre en ligne les articles sans l'accord des journalistes, et ceux-ci estimant que la publication en ligne n'est pas la même que l'imprimée à laquelle ils sont liés, le syndicat estime que la convention collective n'est pas respectée." = L’avenir de la presse en ligne L’internet permet une information en profondeur qu’aucun organe de presse ne pouvait donner jusqu’ici. Derrière l’information du jour se trouve toute une encyclopédie qui aide à la comprendre. Le réseau offre des avantages sans précédent: rapidité de propagation des informations, accès immédiat à de nombreux sites d’information, liens vers des articles et sources connexes, énormes capacités documentaires allant du général au spécialisé et réciproquement (cartes géographiques, notices biographiques, textes officiels, informations d’ordre politique, économique, social, culturel, etc.), grande variété d’illustrations suite à la création de banques d’images et de photos, possibilité d'archivage des articles, avec moteur de recherche permettant de les retrouver rapidement, etc. L’internet est devenu lui-même un médium d’information à part entière. La presse en ligne reste toutefois essentielle, comme le rappelle en juin 1998 Jean-Pierre Cloutier, journaliste et auteur des Chroniques de Cybérie: "Quel que soit le degré de convergence, je crois qu'il y aura toujours place pour l'écrit, et aussi pour les analyses en profondeur sur les grandes questions." Selon lui, la presse en ligne a tout autant besoin des journalistes que la presse écrite, la radio et la télévision. Dans un article de WebdoMag daté de juillet 1998, il explique: "L'esprit de découverte et le goût de l'exploration et du bricolage technique de ceux et celles qui ont été précoces à adopter l'internet (...) ne sont pas partagés par la deuxième vague d'utilisateurs qui constituent maintenant la partie la plus importante de cette 'masse critique'. Et voilà le défi de la presse spécialisée, c'est-à-dire accompagner le grand public dans sa découverte du nouveau médium et dans son appropriation de l'espace cyber, l'aider à analyser, faciliter sa compréhension, ajouter une valeur à l'information brute." 6. LES BIBLIOTHEQUES ET L'AVENTURE INTERNET [6.1. Sites web et répertoires / 6.2. L’internet dans les bibliothèques / 6.3. Les professionnels de l’information / 6.4. Les catalogues en ligne] Ce chapitre est consacré aux bibliothèques traditionnelles, caractérisées par des bâtiments en dur, des imprimés alignés sur les rayonnages, des tables et des sièges pour les lecteurs, des jours et heures d’ouverture, et des bibliothécaires en chair et en os renseignant les lecteurs. Les bibliothèques numériques, qui regroupent des textes électroniques disponibles sur le web, seront abordées au chapitre suivant. 6.1. Sites web et répertoires La première bibliothèque présente sur le web est la Bibliothèque municipale d’Helsinki (Finlande), qui inaugure son site en février 1994. = En France Le site très coloré de la Bibliothèque publique d’information (BPI) est un modèle du genre. Incluse dans le Centre national d’art et de culture Georges Pompidou, au cœur de l’ancien quartier des Halles, la BPI est la grande bibliothèque parisienne multimédia en libre accès. En travaux pour restructuration après vingt ans de fonctionnement (1977-1997), elle déménage provisoirement en novembre 1997 dans d’autres locaux situés dans le même quartier, en attendant la réouverture des locaux initiaux en l’an 2000. Entre autres services, le site web de la BPI propose l’Oriente-Express, un répertoire d’adresses de bibliothèques et de centres de documentation publics et privés situés à Paris ou en région parisienne, choisis soit parce qu’ils sont ouverts à un large public, soit parce qu’ils font référence dans leur domaine. Tous les organismes sont présentés dans un cadre identique avec description des collections et des domaines couverts, ainsi qu’un lien hypertexte vers leur site web. Le site bilingue français-anglais de la Bibliothèque nationale de France (BnF) est à la fois solidement ancré dans le passé et résolument ouvert sur l’avenir, comme en témoigne le menu principal de la page d’accueil avec ses neuf rubriques: nouveau (à savoir les nouvelles manifestations culturelles), connaître la BnF, les actualités culturelles, les expositions virtuelles (quatre expositions en septembre 1998: les splendeurs persanes, le roi Charles V et son temps, naissance de la culture française, tous les savoirs du monde), des informations pratiques, l’accès aux catalogues de la BnF, l’information professionnelle (conservation, dépôt légal, produits bibliographiques, etc.), la bibliothèque en réseau (francophonie, coopération nationale, coopération internationale, etc.), et les autres serveurs (bibliothèques nationales, bibliothèques françaises, universités, etc.). Enfin, bien en vue sur la page d’accueil, un logo permet d’accéder à Gallica, sa bibliothèque numérique, sur laquelle on reviendra dans le chapitre suivant. Les sites web de bibliothèques francophones étant de plus en plus nombreux, plusieurs répertoires sont créés pour en faciliter l’accès: le répertoire des catalogues des bibliothèques francophones de l’ENSSIB (Ecole nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques), le répertoire des bibliothèques présentes sur l’internet de l’Association des bibliothécaires français (ABF), le répertoire des sites web de bibliothèques de Biblio On Line, etc. Ces répertoires sont également accessibles par le biais de Sitebib, un site web permettant une gestion partagée des liens entre divers organismes spécialisés. Situé sur le serveur de la Bibliothèque nationale de France (BnF), le Catalogue collectif de France (CCFR) permet de "trouver des informations détaillées sur les bibliothèques françaises, leurs collections et leurs fonds (anciens, locaux ou spécifiques), connaître précisément les services qu'elles rendent et interroger leur catalogue en ligne". = En Europe Il existe nombre de répertoires nationaux, par exemple Bibliotheken, situé sur le site du Fachbereich Informatik (devenu ensuite: Fargebiet Wissensbasierte System) de la Technische Universität (TU) de Berlin, qui donne la liste des bibliothèques nationales, universitaires et publiques d’Allemagne, d’Autriche et de Suisse, ou encore BIBSYS,qui est le site des bibliothèques de Norvège. Géré par la bibliothèque de l’Université d’Exeter, Library and Related Resources est le répertoire des bibliothèques, musées et centres de recherche du Royaume-Uni. Site trilingue (anglais, français, allemand), Gabriel est l’acronyme de: Gateway and Bridge to Europe’s National Libraries. Comme son nom l’indique, il s’agit du serveur des bibliothèques nationales européennes, créé afin d’offrir un point d’accès unique à leurs services et collections. Le choix de ce nom "rappelle également les travaux de Gabriel Naudé, dont l’Advis pour dresser une bibliothèque (Paris, 1627) est le premier travail théorique en Europe sur les bibliothèques et qui constitue ainsi un point de départ sur les bibliothèques de recherche modernes. Le nom Gabriel est aussi employé dans de nombreuses langues européennes et vient de l'Ancien Testament, Gabriel étant l'un des archanges, ou messager céleste. Il est également présent dans le Nouveau Testament et dans le Coran." Le site propose des liens hypertextes vers les services en ligne des bibliothèques nationales européennes. Il couvre les pays suivants: Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Italie, Lettonie, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Macédoine, Malte, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République slovaque, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, San Marino, Suède, Suisse, Turquie et Vatican. Une rubrique informe des projets communs à plusieurs pays. La recherche sur Gabriel est possible par pays ou par type de services: OPAC (online public access catalogues), bibliographies nationales, catalogues collectifs nationaux, index de périodiques, serveurs web, gophers (systèmes d’information à base de menus textuels à plusieurs niveaux), et liste complète des services en ligne par bibliothèque. Comment Gabriel voit-il le jour? L’idée d’un site web commun aux bibliothèques nationales européennes naît en 1994 à Oslo (Norvège) lors de la réunion de la Conference of European National Libraries (CENL). En mars 1995, une nouvelle réunion rassemble les représentants de la Koninklijke Bibliotheek (Pays-Bas), de la British Library (Royaume-Uni) et de l’Helsinki University Library (Finlande). Après s'être mises d’accord sur un projet pilote, ces trois bibliothèques sont rejointes par trois autres bibliothèques nationales: Die Deusche Bibliothek (Allemagne), la Bibliothèque nationale de France et la Biblioteka Narodowa (Pologne). Le projet Gabriel est approuvé en septembre 1995 lors de la réunion annuelle de la CENL à Berne (Suisse). Un serveur pilote est lancé sur l’internet par la British Library, qui s’occupe ensuite de sa maintenance éditoriale avec la collaboration des bibliothèques nationales de Finlande et des Pays-Bas. La seconde étape se déroule entre octobre 1995 et septembre 1996. Les bibliothèques nationales n’ayant pas participé à la phase pilote sont invitées à se joindre au projet, ce qui permet son développement rapide. Entre-temps, de nombreuses bibliothèques débutent leur propre site web. Lors de sa réunion à Lisbonne (Portugal) en septembre 1996, la CENL décide le lancement de Gabriel, son site officiel, à compter du 1er janvier 1997. Sa maintenance éditoriale est désormais assurée par la Koninklijke Bibliotheek (Pays-Bas). Quelle est la situation dans les bibliothèques publiques? Internet and the Library Sphere, document de l’Union européenne, évalue à 1.000 environ le nombre de bibliothèques publiques ayant un site web en novembre 1998. Ces bibliothèques sont réparties dans une trentaine de pays. Les pays les plus représentés sont la Finlande (247 bibliothèques), la Suède (132 bibliothèques), le Royaume-Uni (112 bibliothèques), le Danemark (107 bibliothèques), l'Allemagne (102 bibliothèques), les Pays-Bas (72 bibliothèques), la Lituanie (51 bibliothèques), l'Espagne (56 bibliothèques) et la Norvège (45 bibliothèques). La Russie est présente avec 26 bibliothèques. Les pays nouvellement représentés sont la République tchèque (29 bibliothèques) et le Portugal (3 bibliothèques). Les sites sont très hétérogènes. Certains mentionnent seulement l’adresse postale de la bibliothèque et ses heures d’ouverture, tandis que d’autres proposent toute une gamme de services, avec accès direct à leur catalogue en ligne (OPAC). = Dans le monde Les deux grandes bibliothèques anglophones présentes sur le web sont la British Library (Royaume-Uni) et la Library of Congress (Etats-Unis). Leurs sites web sont d’autant plus intéressants qu’ils incluent toute une réflexion sur la place de l’internet et des technologies numériques dans la profession. Dans sa section Library and Information Science Resources, la Library of Congress donne une liste des bibliothèques publiques universitaires aux Etats-Unis, avec accès à leurs sites web et à leurs catalogues. Plusieurs rubriques concernent la recherche et la référence, les services techniques, les collections particulières, les bibliothèques numériques, les organisations professionnelles, les écoles en bibliothéconomie et sciences de l’information, les journaux professionnels et les fournisseurs de bibliothèques. Un outil pratique à l'échelle mondiale est le répertoire Libweb: Library Servers via WWW, tenu à jour par Thomas Dowling au sein de la Digital Berkeley Library, la bibliothèque numérique de l’Université de Berkeley (Californie). Libweb recense la totalité des sites web de bibliothèques dans le monde, soit, à l’automne 1998, 2.500 sites web dans 70 pays. Une centaine de bibliothèques européennes est répertoriée. La mise à jour est quotidienne, tous les jours à minuit heure locale. 6.2. L’internet dans les bibliothèques "Cyberespace. Une hallucination consensuelle expérimentée quotidiennement par des milliards d’opérateurs réguliers, dans chaque nation, par des enfants à qui on enseigne des concepts mathématiques... Une représentation graphique des données extraites des banques de tous les ordinateurs dans le système humain. Complexité incroyable. Des lignes de lumière alignées dans le non-espace de l’esprit, des agglomérats et des constellations de données. Et qui s’estompent peu à peu, comme les lumières de la ville..." En attendant le cyberespace à l’échelle mondiale décrit par William Gibson dans Neuromancien, roman de science-fiction paru en 1984, nombreux sont les bibliothécaires qui mettent sur pied des cyberespaces entre quatre murs à destination de leurs lecteurs. = L’internet en milieu rural Lancé en 1996, le site web de l’ARPALS a pour sous-titre: "Internet et multimédia aux champs, ou comment amener la culture en milieu rural". L’ARPALS (Amicale du regroupement pédagogique Armillac Labretonie Saint-Barthélémy) regroupe les 950 habitants de quatre villages (Armillac, Labretonie, Laperche et Saint-Barthélémy) situés dans le département du Lot-et-Garonne, dans le sud-ouest de la France. Le regroupement pédagogique intercommunal (RPI) permet aux quatre villages de faire école commune afin d’éviter la fermeture de classes malheureusement fréquente dans le monde rural. L’association met sur pied d’une part des animations (repas, kermesse, bal masqué), d’autre part une bibliothèque intercommunale de 1.300 livres en partenariat avec la Bibliothèque départementale de prêt (BDP) de Villeneuve-sur-Lot. Le site web présente une sélection de livres avec un résumé pour chacun d’eux. L’association crée aussi une médiathèque ouverte 22 heures par semaine pour un public allant de 3 à 76 ans. Quatre ordinateurs multimédia (complétés par deux imprimantes couleur et un scanner à plat) permettent la consultation de CD-Rom, le libre accès à l’internet et l’utilisation de logiciels bureautiques tels que Works, Dbase for Windows, Corel Draw, Publisher, PhotoPaint, etc. En juin 1998, Jean-Baptiste Rey, webmestre de l’ARPALS, précise: "Le but de notre site internet est de faire connaître l'existence de la médiathèque intercommunale de St-Barthélémy et ce que nous y faisons. C'est un moyen pour nous de démontrer l'utilité et l'intérêt de ce type de structure et la simplicité de l'usage des nouvelles technologies dans le cadre d'une bibliothèque." C’est aussi un moyen de "pallier la faiblesse de notre fonds documentaire. Internet et le multimédia nous permettent d'offrir beaucoup plus de ressources et d'informations à nos usagers". = Le cyberespace des Nations unies à Genève L’internet peut aussi relancer les bibliothèques traditionnelles. C’est le cas de la Bibliothèque de l’Organisation des Nations unies à Genève (ONUG), sise dans l’imposant Palais des nations, entre le Lac Léman et le quartier des organisations internationales. En juillet 1997, à l’initiative de Pierre Pelou, son directeur, la bibliothèque ouvre un cyberespace de 24 postes informatiques en libre accès avec plusieurs dizaines de CD-Rom en réseau et connexion à l’internet. Très rapidement, de l’avis du personnel, "la consultation électronique induit une plus grande consultation imprimée et un renforcement de toutes les formes de recherche". Dépassant les prévisions les plus optimistes, ce cyberespace joue le rôle de catalyseur, amenant un nouveau public, jeune, varié et enthousiaste, à consulter les collections de la bibliothèque et à utiliser ses autres services. Aménagé au premier étage de la bibliothèque par Antonio Bustamante, architecte au Palais des nations, ce cyberespace est mis gratuitement à la disposition des représentants des missions permanentes, délégués de conférences, fonctionnaires internationaux, chercheurs, étudiants, journalistes, membres des professions libérales, ingénieurs et techniciens, sans sélection par le rang, chose assez rare dans ce milieu. Le premier arrivé est le premier servi. A l’ouverture en 1997, les 24 stations comprennent chacune un ordinateur multimédia, un lecteur de CD-Rom et un casque individuel. Chaque groupe de trois ordinateurs est relié à une imprimante laser. Suite au succès du premier cyberespace, un deuxième cyberespace ouvre en avril 1998, deux étages plus haut, avec six postes informatiques et une vue imprenable sur le lac Léman et la chaîne des Alpes. Chaque station permet de consulter l’internet, d’avoir accès à sa messagerie électronique et d’utiliser le traitement de texte WordPerfect. Sont disponibles aussi les services suivants: a) le système optique des Nations unies, b) un serveur regroupant une cinquantaine de CD-Rom en réseau, c) la banque de données UNBIS (United Nations Bibliographic Information System), coproduite par les deux bibliothèques des Nations unies à New York et à Genève, d) le catalogue de la Bibliothèque de l’Office des Nations unies à Genève, e) Profound, un ensemble de banques de données économiques et commerciales, f) RERO, le catalogue du Réseau romand des bibliothèques suisses (qui comprend le catalogue de la Bibliothèque des Nations unies de Genève à titre de bibliothèque associée), g) plusieurs CD-Rom multimédia (Encarta 97, L’Etat du monde, Elysée 2, Nuklear, etc.), h) des vidéocassettes multistandards et des DVD présentant des programmes, films et documentaires sur l’action internationale et l’action humanitaire. = L’Union européenne L’Union européenne dispose quant à elle d’un Programme des bibliothèques dont l’objectif est double: aider au développement des ressources internet et faciliter les connexions des bibliothèques, ainsi que l’interconnexion des bibliothèques entre elles. Géré par la Commission européenne, le portail I*M Europe (scindé ensuite en plusieurs portails) présente l’actualité du marché européen du multimédia et de l’information électronique. Le site web est en anglais, avec des documents dans les onze langues européennes officielles. Emanant de CoBRA (Computerised Bibliographic Record Action), forum de l’Union européenne consacré à l’édition électronique, le projet BIBLINK est lancé en avril 1996 pour établir des liens entre les agences bibliographiques nationales et les éditeurs de documents électroniques, afin de contribuer à la création d’un service bibliographique qui fasse autorité. L’objectif est la mise en service d’un système permettant aux éditeurs de documents électroniques de transmettre aux services bibliographiques nationaux des notices de base comportant un nombre minimal d’informations sur ces documents. Ces services bibliographiques seront ensuite autorisés à compléter les notices de base, notamment par le contrôle d’autorités sur les noms propres et l’ajout de mots-clés correspondant aux sujets traités, et à retransmettre ensuite les notices complétées aux éditeurs. (Une fois réalisé, ce projet prend fin en février 2000.) = Dans le monde Deux associations professionnelles sont particulièrement actives en Amérique du Nord. L’American Society for Information Science (ASIS) (devenue ensuite l’ASIS&T – American Society for Information Science & Technology) est une association de recherche regroupant 4.000 professionnels de l’information. L’Association for Research Libraries (ARL) est une organisation à but non lucratif regroupant les bibliothèques des institutions de recherche nord-américaines. Elle se veut à la fois un forum pour les échanges d’idées et un agent pour l’action collective, cette action consistant à développer la communication dans le domaine de la recherche. A la fois sobre et superbe, IFLANET, le site de l’International Federation of Library Associations and Institutions (IFLA), offre une mine d’informations, y compris pour l’internet et les technologies numériques. Organisme international indépendant, l’IFLA représente les bibliothécaires à l’échelon international et promeut la coopération internationale, la recherche et la formation continue. Une réflexion particulièrement intéressante est celle menée par l’Internet Public Library (IPL), qui se définit comme la première bibliothèque publique de l’internet sur l’internet. En tant que bibliothèque expérimentale, l’IPL s’efforce de découvrir et promouvoir les projets les plus intéressants relatifs à l’utilisation de l’internet par les bibliothécaires. A cet effet, elle gère une section intitulée IPL Services For Librarians (intégrée plus tard à: Subject Collections), qui explicite les avantages de l’internet dans les bibliothèques, donne de nombreux exemples de réalisations et indique les possibilités de formation professionnelle dans ce domaine. 6.3. Les professionnels de l’information = L’internet, un outil d’échange Les avantages de l’internet pour les bibliothécaires? D'après Olivier Bogros, directeur de la Bibliothèque municipale de Lisieux (Normandie), interviewé en juin 1998, l’internet est "un outil formidable d'échange entre professionnels (tout ce qui passe par le courrier électronique, les listes de diffusion et les forums), mais aussi un consommateur de temps très dangereux. (...) C'est pour les bibliothèques la possibilité d'élargir leur public en direction de toute la francophonie. Cela passe par la mise en ligne d'un contenu qui n'est pas seulement la mise en ligne du catalogue, mais aussi et surtout la constitution de véritables bibliothèques virtuelles. Les professionnels des bibliothèques sont les acteurs d'un enjeu important concernant la place de la langue française sur le réseau." L’internet est en effet un outil de communication sans précédent. D’abord le courrier électronique. Ceux qui en bénéficient sont enthousiasmés par les avantages qu'il procure. Voici enfin un outil de communication simple et rapide permettant d’être en contact avec les collègues de sa ville, de sa région, de son pays et du monde entier. Plus besoin d’attendre que la ligne de téléphone de son correspondant soit libre. Pas d’enveloppe, pas de timbre, pas de fax engorgé. Le message attend le correspondant dans sa boîte aux lettres électronique, et le correspondant lit et répond à ses messages au moment choisi par lui. Ensuite les forums de discussion. Ceux-ci permettent de suivre et de participer à des débats, de demander des avis et des conseils. Pour un bibliothécaire ou un documentaliste travaillant seul, c’est un grand bol d’air sur l’extérieur. Pour celui qui est entouré de collègues, le forum de discussion lui permet de fréquenter des personnes venant d’autres horizons. Enfin les listes de diffusion. Celles-ci permettent de communiquer le même message à de très nombreux inscrits. La plus connue est Biblio-fr, créée en 1993 par Hervé Le Crosnier, professeur à l'Université de Caen (Normandie). Ouvert aux bibliothécaires et documentalistes francophones et à toute personne intéressée par la diffusion électronique de l'information documentaire, Biblio-fr compte 3.329 abonnés le 20 décembre 1998. La liste se veut le regard francophone des documentalistes sur les questions soulevées par le développement de l’internet: diffusion de la connaissance, organisation de collections de documents électroniques, maintenance et archivage de l'écrit électronique. Son but est également d’assurer la présence de la langue française sur un réseau multilingue qui accorde leur place à toutes les cultures. Des portails sont créés pour les bibliothèques, par exemple Biblio On Line, géré par Quick Soft Ingénierie, société informatique parisienne. En juin 1998, Jean-Baptiste Rey, rédacteur et webmestre de Biblio On Line, relate: "Le site dans sa première version a été lancé en juin 1996. Une nouvelle version (l'actuelle) a été mise en place à partir du mois de septembre 1997. Le but de ce site est d'aider les bibliothèques à intégrer internet dans leur fonctionnement et dans les services qu'elles offrent à leur public. Le service est décomposé en deux parties: a) une partie 'professionnelle' où les bibliothécaires peuvent retrouver des informations professionnelles et des liens vers les organismes, les institutions, et les projets et réalisations ayant trait à leur activité; b) une partie comprenant annuaire, mode d'emploi de l'internet, villes et provinces, etc... permet au public des bibliothèques d'utiliser le service Biblio On Line comme un point d'entrée vers internet." Connue pour son dynamisme, l’ENSSIB (Ecole nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques) propose sur son site web une section Référence qui comprend notamment des dossiers thématiques (histoire du livre, enseignement à distance, bibliothèques électroniques, cours en sciences de l'information, économie du document, normes et normalisation, droit de l'information) et une liste de revues en sciences de l'information. Le site de l’ENSSIB héberge la version électronique du Bulletin des bibliothèques de France (BBF), une revue professionnelle bimensuelle dans laquelle "professionnels et spécialistes de l'information discutent de toutes les questions concernant la politique et le développement des bibliothèques et des centres de documentation: évolution par secteur, grands projets, informatisation, technologies de l'information, écrits électroniques, réseaux, coopération, formation, gestion, patrimoine, usagers et publics, livre et lecture..." En juillet 1998, Annie Le Saux, rédactrice de la revue, relate: "C'est en 1996 que le BBF a commencé à paraître sur internet (les numéros de 1995). (...) Nous nous servons beaucoup du courrier électronique pour prendre contact avec nos auteurs et pour recevoir leurs articles. Cela diminue grandement les délais. Nous avons aussi recours au web pour prendre connaissance des sites mentionnés lors de colloques, vérifier les adresses, retrouver des indications bibliographiques dans les catalogues des bibliothèques..." Les associations de bibliothécaires sont également présentes sur le web. Avec ses 3.500 adhérents, l'Association des bibliothécaires français (ABF) est la principale association de bibliothécaires en France. L’Association des professionnels de l'information et de la documentation (ADBS) propose pour sa part un site bilingue français-anglais articulé autour de trois grandes rubriques: vie associative, vie professionnelle, produits et services. Elle gère aussi une liste de diffusion dénommée ADBS-info. = Le rôle du bibliothécaire Avec cette manne documentaire qu’offre désormais l’internet, que vont devenir les bibliothécaires-documentalistes? Vont-ils devenir des cyberthécaires, ou bien vont-ils progressivement disparaître parce que les usagers n’auront tout simplement plus besoin d’eux? Dans son livre Digital Literacy (paru en 1997 chez Wiley à New York), Paul Gilster assure que ce sont les bibliothécaires et non les programmeurs qui seront la clé du développement de l’internet, notamment par le biais des bibliothèques numériques. Surpris par le pessimisme qui saisit les bibliothécaires devant les changements affectant leur profession, il pense que celui-ci est sans fondement. D’après lui, l’internet n’est pas plus une menace pour les livres que l’avion n’était une menace pour la voiture. Le livre imprimé gardera son utilité pendant que l’internet se développera, et ces deux vecteurs de connaissance seront en quelque sorte des voies parallèles ayant des fonctions complémentaires. Cependant, au moins pour les bibliothèques spécialisées, on ne voit plus guère l’utilité d’aligner des documents sur les rayons, alors qu’il est tellement plus pratique de les scanner pour pouvoir les stocker sur un disque dur, les communiquer par voie électronique et les imprimer seulement à la demande. Ces bibliothèques sont en pleine période de transition. Par contre, les bibliothèques nationales et autres grandes bibliothèques de conservation auront toujours à préserver le patrimoine pluricentenaire constitué par les manuscrits, les incunables, les livres imprimés, les collections de journaux, les partitions musicales, les gravures, les images, les affiches, les photos et les films qui se sont accumulés au fil des siècles par le biais du dépôt légal. L’avenir des bibliothèques publiques est plus mitigé. Pour le moment, personne n’est prêt à lire à l’écran un roman de Zola ou de Proust. Question de génération peut-être. Les enfants qui jouent avec l’ordinateur familial dès l’âge de trois ans ne verront peut-être aucun problème à lire les classiques à l’écran. Les ordinateurs portables deviennent de plus en plus compacts et légers, et la qualité des écrans s’améliore chaque année. De plus, on nous annonce pour bientôt des livres électroniques, petits ordinateurs de la taille d'un livre, qui permettront de lire et stocker une dizaine d'oeuvres dans un premier temps, et bien davantage ensuite. (En effet, le Rocket eBook et le Softbook Reader, premiers modèles de livres électroniques, sont lancés début 1999 en Amérique du Nord, et d’autres modèles suivent.) Le métier de bibliothécaire, qui s’est beaucoup transformé avec l’apparition de l’informatique, continue de se transformer avec le développement de l’internet. L’informatique a permis au bibliothécaire de remplacer ses milliers de fiches sur bristol par des catalogues informatiques consultables à l’écran, avec un classement alphabétique ou systématique effectué non plus par lui-même mais par la machine. Elle a permis aussi le prêt informatisé et la gestion informatisée des commandes, faisant disparaître l’impressionnant stock de fiches et bordereaux nécessaires lors des opérations manuelles. L’informatique en réseau a permis la naissance de catalogues collectifs permettant de regrouper dans une même base de données les catalogues des bibliothèques de la même région, du même pays ou de la même spécialité, entraînant du même coup des services très facilités pour le prêt inter-bibliothèques et le regroupement des commandes auprès des fournisseurs. Dans les années 1980, des bibliothèques ouvrent un serveur minitel pour la consultation de leur catalogue, désormais disponible au domicile du lecteur. A partir de 1995, ces catalogues sont progressivement transférés sur l’internet, avec une consultation plus souple et plus attractive que sur minitel. Parallèlement, la mise en ligne de sites web permet d'offrir un ensemble de documents numérisés ou encore un choix de liens hypertextes vers d’autres sites, évitant ainsi aux usagers de se perdre sur la toile. Nombre de bibliothécaires se spécialisent dans la sélection de ressources internet à destination des lecteurs. Peter Raggett, sous-directeur de la Bibliothèque centrale de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques, Paris), relate en juin 1998: "Je dois filtrer l’information pour les usagers de la bibliothèque, ce qui signifie que je dois bien connaître les sites et les liens qu’ils proposent. J’ai sélectionné plusieurs centaines de sites pour en favoriser l’accès à partir de l’intranet de l’OCDE. Cette sélection fait partie du bureau de référence virtuel proposé par la bibliothèque à l’ensemble du personnel. Outre les liens, ce bureau de référence contient des pages de référence recensant les articles, monographies et sites web correspondant aux différents projets de recherche en cours à l’OCDE, l’accès en réseau aux CD-Rom et une liste mensuelle des nouveaux titres." Comment voit-il l’avenir de la profession? "L’internet offre aux chercheurs un stock d’informations considérable. Le problème pour eux est de trouver ce qu’ils cherchent. Jamais auparavant on n’avait senti une telle surcharge d’informations, comme on la sent maintenant quand on tente de trouver un renseignement sur un sujet précis en utilisant les moteurs de recherche disponibles sur le web. A mon avis, les bibliothécaires auront un rôle important à jouer pour améliorer la recherche et l’organisation de l’information sur le réseau. Je prévois aussi une forte expansion de l’internet pour l’enseignement et la recherche. Les bibliothèques seront amenées à créer des bibliothèques numériques permettant à un étudiant de suivre un cours proposé par une institution à l’autre bout du monde. La tâche du bibliothécaire sera de filtrer les informations pour le public. Personnellement, je me vois devenir de plus en plus un bibliothécaire virtuel. Je n’aurai pas l’occasion de rencontrer les usagers, ils me contacteront plutôt par courriel, par téléphone ou par fax, j’effectuerai la recherche et je leur enverrai les résultats par voie électronique." 6.4. Les catalogues en ligne = Le catalogue, un outil essentiel Pourquoi toute une section sur les catalogues? Parce que, dans le domaine du livre, le catalogue correspond au cerveau chez l’être humain. Par le passé, on a pu reprocher aux catalogues d’être austères, peu conviviaux, et surtout de donner les références du document mais en aucun cas l’accès à son contenu. Depuis qu’ils sont disponibles sur l’internet, les catalogues sont moins austères et plus conviviaux. Et surtout - rêve de tous qui commence à devenir réalité - ils pourront permettre l’accès aux documents eux-mêmes: textes et images dans un premier temps, extraits sonores et vidéos dans un deuxième temps. Ceci est déjà vrai à titre expérimental pour les 2.500 oeuvres de l’Universal Library, accessibles par le biais de l’Experimental Search System (ESS) de la Library of Congress. (Ce système expérimental est ensuite intégré au catalogue en ligne de la Library of Congress.) De plus en plus de catalogues sont accessibles directement sur le web, moyennant une interface spécifique. L’usager a souvent le choix entre deux types de recherche, simple et avancée, et il peut sélectionner plusieurs critères complémentaires tels que le nombre de notices souhaitées ou bien le mode de classement. A réception du résultat, il peut dérouler plusieurs pages de notices abrégées ou complètes. Les notices sélectionnées peuvent être copiées, imprimées, sauvegardées ou bien envoyées par courriel. Des liens hypertextes permettent de passer facilement d’une requête à l'autre. Ces catalogues utilisent la norme Z39.50, un protocole standard de communication permettant la recherche d'informations bibliographiques dans des bases de données en ligne. L’utilisateur d’un système peut rechercher des informations chez les utilisateurs d’autres systèmes sans devoir connaître la syntaxe de recherche utilisée par ces derniers. Déjà largement utilisée aux Etats-Unis, cette norme est promue par l’Union européenne pour favoriser son utilisation dans les pays membres. Deux catalogues, celui de la British Library et celui de la Library of Congress, constituent d’excellents outils bibliographiques à l’échelon mondial. En mai 1997, la British Library lance son OPAC 97 (OPAC: online public access catalogue), un catalogue en ligne permettant l’accès libre aux catalogues de ses principales collections à Londres et à Boston Spa, soit 150 millions de documents rassemblés depuis 250 ans. (Catalogue expérimental, l’OPAC 97 est ensuite remplacé par sa version définitive, le BLPC - British Library Public Catalogue.) Quant au catalogue de la Library of Congress, il s'agit du plus grand catalogue en ligne au monde. Sa consultation est gratuite, avec menus en anglais et en espagnol. On y trouve les notices de documents dans de très nombreuses langues, y compris en français. = Les catalogues collectifs L’informatique en réseau permet le développement de catalogues collectifs visant à faire connaître les ressources disponibles à l’échelon régional, national et international. Avantage significatif, le catalogue collectif évite au professionnel de cataloguer à nouveau un document déjà catalogué par une bibliothèque partenaire. Situé sur le serveur de la Bibliothèque nationale de France (BnF), le Catalogue collectif de France (CCFR) permet de "trouver des informations détaillées sur les bibliothèques françaises, leurs collections et leurs fonds (anciens, locaux ou spécifiques), connaître précisément les services qu'elles rendent et interroger leur catalogue en ligne". A terme, il permettra aussi de "localiser des ouvrages (documents imprimés, audio, vidéo, multimédia) dans les principales bibliothèques et demander le prêt ou la reproduction" de documents qui seront remis à l'usager dans la bibliothèque de son choix. (C’est chose faite en novembre 2002.) L’internet rend également possible la gestion de catalogues à l’échelon international. Si le catalogueur trouve la notice du livre qu’il doit cataloguer, il la copie pour l’inclure dans le catalogue de sa propre bibliothèque. S’il ne trouve pas la notice, il la crée, et cette notice est aussitôt disponible pour les catalogueurs suivants. La même règle vaut pour les catalogueurs de Paris (France), Tokyo (Japon) ou Canberra (Australie). Ce pari osé est tenté par deux associations américaines, OCLC (Online Computer Library Center) et RLG (Research Libraries Group), qui gèrent de gigantesques bases de données bibliographiques alimentées et utilisées par leurs adhérents, permettant ainsi aux bibliothécaires d’unir leurs forces par-delà les frontières. OCLC gère l’OCLC Online Union Catalog, débuté en 1971 pour desservir les bibliothèques universitaires de l’Etat de l’Ohio (Etats-Unis), et qui s’étend ensuite à tout le pays, puis au monde entier. Désormais appelé WorldCat, ce catalogue collectif mondial comprend en 1998 38 millions de notices en 370 langues (avec translittération pour les caractères non romains) et 25.000 bibliothèques adhérentes. L'accroissement annuel est de 2 millions de notices. WorldCat utilise huit formats bibliographiques correspondant aux catégories suivantes: livres, périodiques, documents visuels, cartes et plans, documents mixtes, enregistrements sonores, partitions, documents informatiques. En 1980, le Research Libraries Group (RLG) débute RLIN (Research Libraries Information Network), un catalogue collectif différent de celui d'OCLC puisqu’il accepte plusieurs notices pour un même document. RLIN comprend 82 millions de notices en 1998. Des centaines de dépôts d’archives, bibliothèques de musées, bibliothèques universitaires, bibliothèques publiques, bibliothèques de droit, bibliothèques techniques, bibliothèques d’entreprise et bibliothèques d’art utilisent RLIN pour le catalogage, le prêt inter-bibliothèques et le contrôle des archives et des manuscrits. 365 langues y sont représentées, avec des notices translittérées pour les documents publiés dans les langues JACKPHY (japonais, arabe, chinois, coréen, persan, hébreu et yiddish) et en cyrillique. Une des spécialités de RLIN est l’histoire de l’art. Alimentée par 65 bibliothèques spécialisées, une section spécifique comprend 100.000 notices de catalogues d’expositions et 168.500 notices de documents iconographiques (photographies, diapositives, dessins, estampes ou affiches). Cette section inclut aussi les 110.000 notices de la base bibliographique Scipio, consacrée aux catalogues de ventes. (Le successeur de RLIN, le RLG Union Catalog, devrait être en accès libre et gratuit sur le web en 2004.) = La nécessité d’une norme commune L’avenir des catalogues en réseau tient à l’harmonisation du format MARC (machine-readable cataloguing), qui est la norme utilisée pour le stockage et l’échange de notices bibliographiques. Cette norme définit un ensemble de codes correspondant à chaque partie de la notice (auteur, titre, éditeur, etc.) pour permettre son traitement informatique. Au début des années 1970, une vingtaine de versions MARC voit le jour: INTERMARC en France, UKMARC au Royaume-Uni, USMARC aux Etats-Unis, CAN/MARC au Canada, etc., correspondant chacune aux pratiques nationales de catalogage. Toutes ces versions posent de nombreux problèmes pour les échanges de données, si bien que l’IFLA (International Federation of Library Associations and Institutions) crée en 1977 l’UNIMARC pour disposer d’un format intermédiaire international. Les notices dans le format MARC d’origine sont d’abord converties en UNIMARC avant d’être converties à nouveau dans le format MARC de destination. Dans le monde anglophone, la British Library (qui utilise UKMARC), la Library of Congress (qui utilise USMARC) et la Bibliothèque nationale du Canada (qui utilise CAN/MARC) décident d’harmoniser leurs formats MARC nationaux. Un programme de trois ans (décembre 1995 - décembre 1998) permet de mettre au point un format MARC commun aux trois bibliothèques. Parallèlement, en 1996, dans le cadre de son Programme des bibliothèques, l’Union européenne promeut l’utilisation du format UNIMARC comme format commun d’échange entre tous les formats MARC utilisés par les bibliothèques des pays membres. Le groupe de travail correspondant étudie aussi les problèmes posés par les différentes polices de caractères, ainsi que la manière d’harmoniser le format bibliographique et le format du document pour les documents disponibles en ligne. = Les catalogues de demain Gérées par des sociétés privées, des bases commerciales telles que Dialog, LexisNexis ou UnCover (intégré ensuite à Ingenta) préfigurent ce que pourraient être les catalogues de demain, en attendant que les organismes publics prennent le relais. Ces bases disposent de moteurs de recherche très performants permettant l’accès aux catalogues et aux documents en ligne. Les avantages de cette recherche automatisée sont énormes si on pense aux centaines de tables des matières ou d’index qu’il faudrait parcourir pour arriver au même résultat. Le seul défaut, et de taille, est le coût de cette recherche, qui devient vite prohibitif pour un particulier ou une bibliothèque peu fortunée. Un compteur permet toutefois de consulter en continu la somme facturée pour éviter les mauvaises surprises. Sous l’égide de Knight-Ridder, grand groupe de presse américain, la Dialog Corporation comprend plusieurs bases documentaires faisant autorité. La plus connue, Dialog, regroupe elle-même 450 bases de données dans les domaines suivants: affaires, industrie, actualité, droits et brevets, chimie, environnement, sciences et techniques, outils de référence. Une recherche par mots-clés permet d’opérer une sélection dans les dizaines de milliers de documents disponibles. Le serveur fournit une liste bibliographique de tous les documents correspondant à la requête lancée. Cette liste permet de sélectionner quelques documents et de demander leur expédition par voie électronique. Sous l’égide de Reed Elsevier, grosse société d’édition britannique, LexisNexis est un fournisseur international de services d’information et d’outils de gestion (en ligne, sur l’internet, sur CD-Rom et sur papier) à l’intention de clients répartis dans plus de 60 pays, essentiellement des professionnels du droit, de l’information et des affaires. Sous l’égide de la CARL Corporation, UnCover (intégré ensuite à Ingenta) permet de se procurer des articles provenant de 17.000 périodiques couvrant tous les domaines depuis 1988. Si l’envoi d’articles est payant, la recherche dans la base de données est gratuite, tout comme la recherche dans les tables des matières des périodiques et dans l’index des mots-clés. Dans Digital Literacy (paru en 1997 chez Wiley à New York), Paul Gilster se demande si les moteurs de recherche du web seront les catalogues de demain. Ceci ne semble guère possible dans un avenir proche. Contrairement au système commun d’indexation propre aux bibliothèques américaines, chaque moteur de recherche a sa propre méthode d’indexation, et l’usager doit se familiariser avec elle pour en tirer le meilleur parti. Les bibliothèques elles-mêmes auraient un gigantesque effort à fournir pour harmoniser leurs thésaurus ou leurs listes de mots-matière à l’échelon international. Etape intermédiaire, un thésaurus multilingue serait indispensable en Europe, puisque chacun indexe ses publications dans sa propre langue. Le travail est titanesque. On peut également rêver à des catalogues communs aux bibliothèques, aux librairies et aux éditeurs. Du fait de la rigueur et du professionnalisme qu’il implique, le catalogage est devenu un métier à part entière. La notice minimale (auteur, titre, éditeur) fait maintenant place à une notice plus complexe régie par des normes internationales permettant un meilleur échange de données. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la réputation d’une bibliothèque s’appuie en partie sur la qualité de son catalogue. Il est sa colonne vertébrale, et le sera de plus en plus avec le développement des bibliothèques numériques. 7. LA BIBLIOTHEQUE NUMERIQUE DEMARRE [7.1. Genèse de la bibliothèque numérique / 7.2. Bibliothèques numériques francophones / 7.3. Autres expériences pilotes] Appelée aussi bibliothèque électronique ou bibliothèque virtuelle, la bibliothèque numérique est sans doute à ce jour le principal apport de l’internet au monde du livre, et réciproquement. Voilà pourquoi un chapitre entier lui est consacré. Grâce à l’internet, des milliers d’œuvres du domaine public, documents littéraires et scientifiques, articles, travaux universitaires et de recherche, images et bandes sonores sont désormais disponibles à l’écran, et le mouvement va en s’amplifiant avec la poursuite de la numérisation des fonds à la vitesse grand V. Trois exemples parmi tant d'autres. 7.1. Genèse de la bibliothèque numérique = Bibliothèque traditionnelle et bibliothèque numérique Si certaines bibliothèques numériques sont nées directement sur le web, la majorité d’entre elles émane de bibliothèques traditionnelles. La Bibliothèque nationale de France (BnF) crée Gallica qui, dans un premier temps, propose des images et textes du 19e siècle francophone. Une sélection de 3.000 livres est complétée par un échantillon de la future iconothèque numérique. La Bibliothèque municipale de Lisieux (Normandie) gère la Bibliothèque électronique de Lisieux, qui regroupe les versions intégrales d’oeuvres littéraires choisies dans les collections municipales. La Bibliothèque municipale de Lyon met les enluminures de 200 manuscrits et incunables à la disposition de tous sur son site web. Les bibliothèques numériques permettent à un large public d’avoir accès à des documents jusque-là pratiquement impossibles à consulter parce qu’appartenant à des fonds anciens, des fonds locaux et régionaux, ou des fonds spécialisés. Ces fonds sont souvent difficilement accessibles pour des raisons diverses: souci de conservation des documents rares et fragiles, heures d’ouverture réduites, nombreux formulaires à remplir, longs délais de communication, pénurie de personnel, qui sont autant de barrières à franchir et qui demandent souvent au lecteur une patience à toute épreuve et une détermination hors du commun pour arriver jusqu’au document. Grâce à la bibliothèque numérique, la bibliothèque traditionnelle peut enfin rendre compatibles deux objectifs qui jusque-là ne l’étaient guère, à savoir la conservation des documents et la communication de ceux-ci. D’une part le document ne quitte son rayonnage qu’une seule fois pour être scanné, d’autre part le grand public y a enfin accès. Si le lecteur veut ensuite consulter le document original, il pourra se lancer dans l’aventure évoquée plus haut, mais en connaissance de cause, grâce au "feuilletage" préalable à l’écran. = Collection numérique et bibliothèque numérique La bibliothèque numérique peut être définie comme une entité résultant de l’utilisation des technologies numériques pour acquérir, stocker, préserver et diffuser des documents. Ces documents sont soit publiés directement sous forme numérique, soit numérisés à partir d’un document imprimé, audiovisuel ou autre. Une collection numérique devient une bibliothèque numérique quand elle répond aux quatre facteurs suivants: 1) elle peut être créée et produite dans un certain nombre d’endroits différents, mais elle est accessible en tant qu’entité unique; 2) elle doit être organisée et indexée pour un accès aussi facile que possible à partir du lieu de base où elle est produite; 3) elle doit être stockée et gérée de manière à avoir une existence assez longue après sa création; 4) elle doit trouver un équilibre entre le respect du droit d’auteur et les exigences universitaires. Dans Information Systems Strategy, un document disponible sur le site de la British Library en 1997, Brian Lang, directeur de projet, explique que la future bibliothèque numérique de la British Library n’est pas envisagée comme un secteur à part, mais qu’elle fera partie intégrante d’une vision globale de la bibliothèque. Si certaines bibliothèques pensent que les documents numériques prédomineront dans les bibliothèques du futur, la British Library n’envisage pas une bibliothèque exclusivement numérique. Elle considère comme fondamentale la communication physique des imprimés, manuscrits, partitions musicales, bandes sonores, etc., tout en ayant conscience de la nécessité du développement parallèle de collections numériques. "On ne peut pas, on ne pourra pas tout numériser. A terme, une bibliothèque virtuelle ne sera jamais qu’un élément de l’ensemble bibliothèque", souligne aussi Jean-Pierre Angremy, président de la Bibliothèque nationale de France (BnF), dans un article du Figaro du 3 juin 1998. Hébergée par l'Université Carnegie Mellon (Pittsburgh, Pennsylvanie, Etats-Unis) et reliée au catalogue expérimental (Experimental Search System - ESS) de la Library of Congress, l’Universal Library insiste sur les trois avantages de la bibliothèque numérique: 1) elle occupe moins de place qu’une bibliothèque traditionnelle et son contenu peut être copié ou sauvegardé électroniquement; 2) elle est immédiatement accessible à quiconque sur l’internet; 3) comme toute recherche sur son contenu est automatisée, elle permet une réduction des coûts importante et une plus grande accessibilité des documents. = Numérisation en mode image et en mode texte Qui dit bibliothèque numérique dit numérisation, c’est-à-dire conversion des textes et des images en langage informatique, le plus souvent binaire (0 ou 1). Pour pouvoir être consulté à l’écran, un livre doit être numérisé soit en mode image soit en mode texte. La numérisation en mode image correspond à la photographie du livre page après page. C’est la méthode employée pour les numérisations à grande échelle, par exemple pour le programme de numérisation de la Bibliothèque nationale de France (BnF). Outre un coût peu élevé, l’avantage qu’y voient les bibliothèques est la conservation de la notion de livre, puisque la version informatique est le fac-similé de la version imprimée. La numérisation en mode texte implique la saisie d’un texte. Les documents sont patiemment scannés ou saisis page après page. C’est le cas des collections d’ABU: la bibliothèque universelle ou du Projet Gutenberg. Contrairement à la numérisation en mode image, la version informatique ne conserve pas la présentation originale du livre ou de la page. Le livre devient texte, à savoir un ensemble de caractères apparaissant en continu à l’écran. A cause du temps passé au traitement de chaque livre, ce mode de numérisation est assez long, et donc nettement plus coûteux que la numérisation en mode image. Dans de nombreux cas, il est toutefois très préférable, puisqu’il permet l’indexation, la recherche et l’analyse textuelles, une étude comparative entre plusieurs textes ou entre plusieurs versions du même texte, etc. Même si, pour des raisons de coût, le texte est numérisé en mode image, la numérisation en mode texte est souvent utilisée pour les tables des matières, les sommaires et les corpus de documents iconographiques. C'est la solution choisie par Gallica, bibliothèque numérique de la BnF (Bibliothèque nationale de France). = Le Projet Gutenberg Projet pionnier à tous égards, le Projet Gutenberg a inspiré bien d’autres bibliothèques numériques depuis. Fondé dès 1971 par Michael Hart, alors étudiant à l’Université de l’Illinois (Etats-Unis), le Projet Gutenberg se donne pour mission de mettre gratuitement le plus grand nombre possible de textes électroniques à la disposition du plus grand nombre possible de lecteurs. A l’automne 1998, le rythme de publication est de 45 nouveaux titres par mois, avec l’aide de nombreux volontaires. Comme expliqué par son créateur dans History and Philosophy of Project Gutenberg, le projet débute en 1971 quand le centre informatique (Materials Research Lab) de son université lui attribue un compte de 100 millions de dollars de "temps machine". Michael Hart décide de consacrer cet impressionnant crédit au stockage d’oeuvres littéraires du domaine public. Il décide aussi de stocker les textes électroniques de la manière la plus simple possible, en utilisant le format ASCII (American standard code for information interchange), afin que ces textes puissent être lus quels que soient la machine et le logiciel utilisés. Un texte au format ASCII apparaît en continu, sans paramétrage, avec des lettres capitales pour les titres et pour les termes en italique, gras et soulignés de la version d’origine. Cinquante heures environ sont nécessaires pour sélectionner, scanner, dactylographier, corriger et mettre en page une œuvre électronique. Un ouvrage de taille moyenne (par exemple un roman de Stendhal ou de Jules Verne) représente deux fichiers ASCII. Le Projet Gutenberg propose trois grands secteurs: la littérature de divertissement (Light Literature), comme Alice au pays des merveilles, Peter Pan ou les Fables d’Esope, la littérature "sérieuse" (Heavy Literature) comme La Bible, les oeuvres de Shakespeare ou Moby Dick, et enfin la littérature de référence (Reference Literature), qui regroupe les encyclopédies et les dictionnaires, par exemple le Thesaurus de Roget. La vocation du Projet Gutenberg est universelle. Son but est de mettre la littérature à la disposition de tout le monde, et pas seulement des étudiants, professeurs et chercheurs. Le secteur consacré à la littérature de divertissement est destiné à amener devant l’écran aussi bien un enfant d’âge pré-scolaire qu’une personne du troisième âge. Des enfants ou des grand-parents recherchent le texte électronique de Peter Pan après avoir vu le film Hook au cinéma, ou bien ils lisent Alice au pays des merveilles après avoir regardé le film à la télévision. Pratiquement tous les épisodes de Star Trek mentionnent des sources existant dans les collections du Projet Gutenberg. L’objectif est que tous les publics, qu’ils soient familiers ou non avec le livre imprimé, puissent facilement retrouver des citations entendues dans des conversations, des films, des musiques, d’autres livres, etc. En juillet 1997, le Projet Gutenberg fête son 26e anniversaire avec la mise en ligne des Merry Adventures of Robin Hood de Howard Pyle. En septembre 1997, il fête son millième texte électronique avec la version anglaise de la Divine Comédie de Dante. Dans sa lettre d’information d’octobre 1997, Michael Hart annonce son intention de compléter la collection d’Oscar Wilde, de séparer les fichiers des oeuvres complètes de Shakespeare en fichiers individuels pour chaque oeuvre, et de mettre en ligne davantage de livres non anglophones. Le catalogue comporte déjà quelques titres non anglophones (allemand, espagnol, français, italien et latin), mais ils ne sont pas légion. A titre anecdotique, une recherche lancée en janvier 1998 pour trouver des livres en français donne neuf titres: six romans de Stendhal (L’Abbesse de Castro, La Chartreuse de Parme, La Duchesse de Palliano, Le Rouge et le Noir, Les Cenci, Vittoria Accorambani), deux romans de Jules Verne (De la terre à la lune et Le tour du monde en 80 jours) et French Cave Paintings (titre anglais et texte français), un ouvrage sur les peintures préhistoriques. A part ce dernier titre, mis en ligne en 1995, tous ces livres sont intégrés à la bibliothèque début 1997. Si aucun titre de Stendhal n'est disponible en anglais, il existe trois oeuvres de Jules Verne en langue anglaise : From the Earth to the Moon (mis en ligne en septembre 1993), Around the World in 80 Days (mis en ligne en janvier 1994) et 20,000 Leagues Under the Sea (mis en ligne en septembre 1994). En septembre 1998, la même requête donne deux titres supplémentaires, Cyrano de Bergerac, d’Edmond Rostand (mis en ligne en mars 1998), et La Révolution française, de Thomas Carlyle (mis en ligne en mai 1998). Interviewé en août 1998, Michael Hart précise: "Nous considérons le texte électronique comme un nouveau médium, sans véritable relation avec le papier. Le seul point commun est que nous diffusons les mêmes oeuvres, mais je ne vois pas comment le papier peut concurrencer le texte électronique une fois que les gens y sont habitués, particulièrement dans les établissements d’enseignement. (...) Mon projet est de mettre 10.000 textes électroniques sur l'internet. Si je pouvais avoir des subventions importantes, j’aimerais aller jusqu’à un million et étendre aussi le nombre de nos usagers potentiels de 1,x% à 10% de la population mondiale, ce qui représenterait la diffusion de 1.000 fois un milliard de textes électroniques au lieu d'un milliard seulement." Michael Hart se définit lui-même comme un fou de travail dédiant toute sa vie à son projet, qu’il voit comme étant à l’origine d’une révolution néo-industrielle. (En avril 2002, le Projet Gutenberg fête son 5.000e texte. En octobre 2003, le catalogue comprend 10.000 oeuvres dans plusieurs langues. Michael Hart espère franchir la barre du million de livres d'ici 2015.) 7.2. Bibliothèques numériques francophones = ABU: la bibliothèque universelle Fondée en avril 1993 par l’Association des bibliophiles universels (ABU) dans la lignée du Projet Gutenberg, l’ABU: la bibliothèque universelle est hébergée par le Centre d’études et de recherche informatique (CEDRIC) du Conservatoire des arts et métiers (CNAM) de Paris. Elle est la première bibliothèque numérique francophone du réseau. Fin 1998, ses collections comprennent 223 textes et 76 auteurs. Ce nom "ABU" est aussi une référence à Aboulafia, petit ordinateur présent dans Le pendule de Foucault, un roman d’Umberto Ecco dans lequel "s’entremêlent savoirs anciens et high tech", et dont l’intrigue se situe justement au CNAM. Quant au nom de l’association, "au départ, il s'agissait de biblioFiles universels, et non de biblioPHiles, mais la préfecture de Paris n'a pas semblé saisir tout le sel de ce néologisme", explique l'ABU sur son site. Dans sa foire aux questions, l’association donne les neuf conseils suivants aux volontaires souhaitant scanner ou saisir des textes: 1) pas de mise en page, mais un texte en continu avec des lignes d’environ 70 caractères et des sauts de ligne; 2) des sauts de ligne avant chaque paragraphe, y compris pour les dialogues; 3) la transcription du tiret long accompagnant les dialogues par deux petits tirets; 4) des majuscules pour les titres, noms de chapitres et sections, avec un soulignement fait de petits tirets; 5) la transcription des mots en italique par des blancs soulignés; 6) pas de tabulation, mais des blancs; 7) les notes de l’auteur mises entre crochets dans le corps du texte; 8) la pagination de l’édition originale entre crochets (facultatif); 9) l’encodage final en ISO-Latin-1, à savoir en code ASCII (American standard code for information interchange) étendu. = Athena Créée en 1994 et hébergée sur le site de l’Université de Genève (Suisse), Athena est l’oeuvre de Pierre Perroud, qui y consacre trente heures par semaine, en plus de son activité de professeur au collège Voltaire (Genève). Pierre-Louis Chantre, journaliste, raconte dans L’Hebdo n°7 du 13 février 1997: "Il numérise des livres, met en page des textes que des correspondants inconnus lui envoient, crée des liens électroniques avec des livres disponibles ailleurs, tout en essayant de répondre le mieux possible aux centaines de lettres électroniques qu'il reçoit (mille personnes consultent Athena chaque jour). Un travail artisanal qu'il accomplit seul, sans grande rémunération. Malgré des demandes répétées, le Département de l'instruction publique de Genève ne lui paie que deux heures par semaine." En 1997, le site, bilingue français-anglais, donne accès à 3.500 textes électroniques dans des domaines aussi variés que la philosophie, les sciences, la période classique, la littérature, l’histoire, l’économie, etc. En décembre 1998, ces collections se montent à 8.000 textes. Un des objectifs d’Athena est de mettre en ligne des textes français. Une section spécifique regroupe les auteurs et textes suisses (Swiss authors and texts). Athena propose aussi un choix de liens vers d'autres bibliothèques numériques (Athena literature resources), ainsi qu’une table de minéralogie qui est l’oeuvre de Pierre Perroud et qui est consultée dans le monde entier. Dans un article publié en février 1997 dans la revue Informatique-Informations, Pierre Perroud insiste sur la complémentarité du texte électronique et du livre imprimé. A son avis, "les textes électroniques représentent un encouragement à la lecture et une participation conviviale à la diffusion de la culture", notamment pour l’étude et la recherche textuelles. Ces textes "sont un bon complément du livre imprimé - celui-ci restant irremplaçable lorsqu'il s'agit de lire". S’il est persuadé de l’utilité du texte électronique, le livre imprimé reste "un compagnon mystérieusement sacré vers lequel convergent de profonds symboles: on le serre dans la main, on le porte contre soi, on le regarde avec admiration; sa petitesse nous rassure autant que son contenu nous impressionne; sa fragilité renferme une densité qui nous fascine; comme l'homme il craint l'eau et le feu, mais il a le pouvoir de mettre la pensée de celui-là à l'abri du Temps." = Gallica Secteur numérique de la Bibliothèque nationale de France (BnF), Gallica est inauguré en 1997 avec des images et textes du 19e siècle francophone, "siècle de l'édition et de la presse moderne, siècle du roman mais aussi des grandes synthèses historiques et philosophiques, siècle scientifique et technique". Ce serveur expérimental comprend 2.500 livres numérisés en mode image complétés par les 250 volumes saisis en mode texte de la base Frantext de l’INaLF (Institut national de la langue française). Classées par discipline, ces ressources sont complétées par une chronologie du 19e siècle et des synthèses sur les grands courants en histoire, sciences politiques, droit, économie, littérature, philosophie, sciences et histoire des sciences. Le site propose aussi un échantillon de la future iconothèque numérique, à savoir le fonds du photographe Eugène Atget, une sélection de documents sur l’écrivain Pierre Loti, une collection d’images de l'Ecole nationale des ponts et chaussées (sur les grands travaux ayant accompagné la révolution industrielle en France), et enfin un choix de livres illustrés de la bibliothèque du Musée de l'homme. Fin 1997, Gallica se considère moins comme une banque de données numérisées que comme un "laboratoire dont l'objet est d'évaluer les conditions d'accès et de consultation à distance des documents numériques". Le but est d’expérimenter la navigation dans ces collections, pour que celle-ci permette à la fois le libre parcours du chercheur ou du curieux et des recherches textuelles très pointues. Début 1998, Gallica annonce 100.000 volumes et 300.000 images disponibles à la fin de 1999, avec accroissement rapide des collections ensuite. Ces collections numériques pourront également être consultées sur place au moyen de 3.000 postes multimédias (dont quelques centaines fonctionnent déjà à cette date). Sur les 100.000 volumes prévus, qui représentent 30 millions de pages numérisées, plus du tiers concerne le 19e siècle. Quant aux 300.000 images fixes, la moitié appartient aux départements spécialisés de la BnF (Estampes et photographie, Manuscrits, Arts du spectacle, Monnaies et médailles, etc.). L'autre moitié provient de collections d'établissements publics (musées et bibliothèques, la Documentation française, l'Ecole nationale des ponts et chaussées, l'Institut Pasteur, l'Observatoire de Paris, etc.) ou privés (agences de presse dont Magnum, l'Agence France-Presse, Sygma, Rapho, associations, etc.). En mai 1998, la Bibliothèque nationale de France modifie quelque peu ses orientations premières. Jérôme Strazzulla, journaliste, écrit dans Le Figaro du 3 juin 1998 que la BnF est "passée d'une espérance universaliste, encyclopédique, à la nécessité de choix éditoriaux pointus". Interviewé à cette occasion, Jean-Pierre Angremy, président de la BnF, rapporte la décision du comité éditorial de Gallica: "Nous avons décidé d’abandonner l’idée d’un vaste corpus encyclopédique de cent mille livres, auquel on pourrait sans cesse reprocher des trous. Nous nous orientons aujourd’hui vers des corpus thématiques, aussi complets que possibles, mais plus restreints. (...) Nous cherchons à répondre, en priorité, aux demandes des chercheurs et des lecteurs." Le premier corpus aura trait aux voyages en France, avec une mise en ligne prévue en 2000. Il rassemblera des textes, estampes et photographies du 16e siècle à 1920. Les corpus envisagés ensuite sont: Paris, les voyages en Afrique des origines à 1920, les utopies, et les mémoires des Académies des sciences de province. (En 2003, Gallica propose tous les documents libres de droits du fonds numérisé de la BnF, à savoir 70.000 ouvrages et 80.000 images du Moyen-Age au début du 20e siècle.) = La Bibliothèque électronique de Lisieux Créée en juin 1996 par Olivier Bogros, directeur de la Bibliothèque municipale de Lisieux (Normandie), la Bibliothèque électronique de Lisieux suscite un réel intérêt dans le monde francophone parce qu’elle montre ce qui est faisable avec beaucoup de détermination et des moyens limités. Le site propose chaque mois la version intégrale d’une oeuvre littéraire du domaine public. S'y ajoutent les archives des mois précédents, une sélection d’œuvres courtes du 19e siècle, une sélection du fonds documentaire de la bibliothèque (opuscules, brochures, tirés à part), une sélection de son fonds normand (brochures et bibliographies), et enfin un choix de sites normands et de sites littéraires francophones. La sélection mensuelle de janvier 1998 est: Les Déliquescences, poèmes décadents d'Adoré Floupette (1885), une oeuvre d’Henri Beauclair et Gabriel Vicaire. Les mois précédents voient passer des oeuvres de Théophile Gautier, Vivant Denon, Jean Lorrain, Charles Nodier, Ernest Lavisse, Jean Revel, Charles Rabou, Claire de Duras, Xavier Forneret, Ernest Renan, Joris-Karl Huysmans, Philarète Chasles, Emile Gaboriau, Georges Eekhoud, Prosper Mérimée, Stendhal, Denis Diderot, Gaston Leroux, Marc de Montifaud, etc. Le rayon littéraire présente une collection de pages consacrées principalement aux auteurs du 19e siècle: des nouvelles de Jean Lorrain, Guy de Maupassant, Alphonse Allais, Octave Mirbeau, Rémy de Gourmont, Jules Barbey d'Aurevilly, Isabelle Eberhardt, Charles Asselineau, Marcel Schwob, Jean Richepin, Eugène Mouton, Jean de La Ville de Mirmont, Léon Bloy, des lettres de Gustave Flaubert, ainsi que des bibliographies et des travaux du lycée Marcel Gambier de Lisieux. En juin 1998, deux ans après sa mise en ligne, Olivier Bogros relate les débuts de la bibliothèque électronique: "Le site a été ouvert en juin 1996. Hébergé sur les pages personnelles, limitées à 5 Mo (méga-octets), de mon compte CompuServe, il est depuis quelques jours installé sur un nouveau serveur où il dispose d'un espace disque plus important (15 Mo) et surtout d'un nom de domaine. Les frais inhérents à l'entretien du site sont à ma charge, la ville finance de manière indirecte le site en acceptant que tous les textes soient choisis, saisis et relus par du personnel municipal sur le temps de travail (ma secrétaire pour la saisie et une collègue pour la relecture). Ce statut étrange et original fait de la Bibliothèque électronique de Lisieux le site presque officiel de la Bibliothèque municipale, tout en restant sous mon entière responsabilité, sans contrôle ni contrainte. J'ai déjà rapporté dans un article paru dans le Bulletin des bibliothèques de France (1997, n° 3, ndlr) ainsi que dans le Bulletin de l'ABF (Association des bibliothécaires français) (n° 174, 1997, ndlr), comment l'envie de créer une bibliothèque virtuelle avait rapidement fait son chemin depuis ma découverte de l'informatique en 1994: création d'un bulletin électronique d'informations bibliographiques locales (Les Affiches de Lisieux) en 1994 dont la diffusion locale ne rencontre qu'un très faible écho, puis en 1995 début de la numérisation de nos collections de cartes postales en vue de constituer une photothèque numérique, saisie de nouvelles d'auteurs d'origine normande courant 1995 en imitation (modeste) du projet de l'ABU (Association des bibliophiles universels) avec diffusion sur un BBS (bulletin board service) spécialisé. L'idée du site internet vient d'Hervé Le Crosnier, enseignant à l'Université de Caen et modérateur de la liste de diffusion Biblio-fr, qui monta sur le serveur de l'université la maquette d'un site possible pour la Bibliothèque municipale de Lisieux, afin que je puisse en faire la démonstration à mes élus. La suite logique en a été le vote au budget primitif de 1996 d'un crédit pour l'ouverture d'une petite salle multimédia avec accès public au réseau pour les Lexoviens (habitants de Lisieux, ndlr). Depuis cette date un crédit d'entretien pour la mise à niveau des matériels informatiques est alloué au budget de la bibliothèque qui permettra cette année la montée en puissance des machines, l'achat d'un graveur de cédéroms et la mise à disposition d'une machine bureautique pour les lecteurs de l'établissement.... ainsi que la création en ce début d'année d'un emploi jeune pour le développement des nouvelles technologies." = La Bibliothèque municipale de Lyon Une bibliothèque numérique peut être aussi une bibliothèque d’images numérisées. La Bibliothèque municipale de Lyon par exemple décide de mettre sa collection d’enluminures sur le réseau. En 1998, cette collection numérique comprend 3.000 images. A terme, elle devrait comprendre plus de 10.000 images émanant de 200 manuscrits et incunables s’échelonnant du 5e siècle à la Renaissance. Le système utilisé est le SGBI (Système de gestion de banques d'images) créé par la Maison de l'Orient à Lyon, sous l’égide du CNRS (Centre national de la recherche scientifique) et de l’Université Lyon 2. "Chaque document, signalé par son auteur, son titre et son siècle de réalisation, représente une entité, est-il expliqué sur le site web. Par un double clic sur l'entité choisie, on accède à un écran qui permet de feuilleter les images du document. Chaque écran peut comporter neuf imagettes, correspondant à des objets-images. Lorsque le document comporte davantage d'objets-images, des flèches permettent d'accéder aux objets-images suivants. Chaque objet-image peut comprendre plusieurs images, leur nombre étant indiqué sous chaque objet-image. Un double-clic sur une imagette permet de voir l'image agrandie. Dans une seconde étape, une interrogation multicritères sera possible." Plus généralement, dans les bibliothèques d’images, le problème majeur reste le temps nécessaire au téléchargement de chaque image. Après avoir d’abord proposé des images en pleine page très agréables à l’oeil mais excessivement longues à apparaître à l’écran, de nombreux sites optent en 1998 pour des images de format réduit, avec possibilité de cliquer ou non sur ces images pour obtenir un format supérieur. Ce problème devrait être résolu à l’avenir avec l’internet à débit rapide, très attendu des iconographes, photographes et amateurs d’images. 7.3. Autres expériences pilotes Dans le monde anglophone, une bibliothèque particulièrement dynamique est la Bibliothèque de l'UC Berkeley (UC: University of California), qui joint la théorie à la pratique dans son site SunSITE (financé en partie par Sun Microsystems), sur lequel elle monte ses collections et services numériques tout en procurant informations et conseils dans ce domaine. Une autre expérience intéressante est celle de l’Internet Public Library (IPL), qui se définit comme la première bibliothèque publique de l’internet sur l’internet, à savoir une bibliothèque sélectionnant, organisant et cataloguant les ressources disponibles sur le réseau, et dont toute l’activité s’effectue sur le web. Créée en mars 1995 par l’Université du Michigan (Etats-Unis) dans le cadre de la School of Information and Library Studies (devenue ensuite: School of Information), cette bibliothèque publique d’un genre nouveau comprend en septembre 1998 un total de 20.166 documents catalogués et résumés. Elle recense la quasi-totalité des oeuvres du domaine public (en langue anglaise) librement disponibles en ligne, ainsi que les journaux et magazines. A titre historique (déjà...), le site Library 2000 donne un condensé des recherches menées entre octobre 1995 et octobre 1997 par le MIT Laboratory for Computer Science (MIT signifiant: Massachusetts Institute of Technology). Pragmatique, le projet Library 2000 étudie pendant deux ans les problèmes posés par le stockage en ligne d’une très grande quantité de documents. Il développe un prototype utilisant la technologie et les configurations de systèmes économiquement viables en l’an 2000, grâce auquel plusieurs grandes bibliothèques numériques sont mises en ligne à compter de l’automne 1997. Chose logique, en 1998, les bibliothèques numériques anglophones sont encore très largement majoritaires sur le réseau, puisque l’internet a d’abord débuté en Amérique du Nord avant de s’étendre à toute la planète. Les bibliothèques non anglophones progressent toutefois rapidement. Voici trois exemples parmi tant d'autres. Créé dans la lignée du Projet Gutenberg, le Projekt Gutenberg-DE comprend quelque 200 titres de littérature allemande et de littérature étrangère en allemand. Fondé en 1992 par Lysator, un club informatique d’étudiants, en collaboration avec la Linköping University Library (Suède), le Projet Runeberg regroupe 200 oeuvres appartenant à la littérature nordique. Quant à Liber Liber, bibliothèque numérique italienne, elle débute sa page d'accueil par cette maxime éloquente: "Nullus amicus magis liber quam liber." La numérisation en cours de l'ensemble du patrimoine littéraire et scientifique offre d’immenses perspectives dans les différentes communautés linguistiques. Les perspectives sont tout aussi prometteuses pour les bibliothèques d’images, que celles-ci soient des enluminures, des gravures, des affiches, des cartes postales, des photos, des vidéos ou des films. "Qu’il me suffise, pour le moment, de redire la sentence classique: 'La bibliothèque est une sphère dont le centre véritable est un hexagone quelconque, et dont la circonférence est inaccessible.'" Cette citation de Jorge Luis Borges convient aussi à la bibliothèque numérique. 8. UNE SOCIETE DE L'INFORMATION? [8.1. Numérisation et convergence multimédia / 8.2. Le droit du cyberespace / 8.3. La propriété intellectuelle / 8.4. Document imprimé et/ou électronique] Si la société de l’information nous est régulièrement annoncée depuis les années 1960, il semble que nous en vivions en fait les premières années. En quoi consiste la convergence multimédia, et comment affecte-t-elle l’industrie du livre? Faut-il légiférer ou non le cyberespace? Qu’en est-il de la propriété intellectuelle à l’heure de l’internet? Le document imprimé et le document électronique sont-ils complémentaires ou concurrents? Voici un point sur ces quelques questions. 8.1. Numérisation et convergence multimédia = Le processus de production Depuis trente ans, la chaîne traditionnelle de l’édition est soumise à de nombreux bouleversements. Dans les années 1970, l’imprimerie traditionnelle est d’abord ébranlée par l’apparition des machines de photocomposition. Le coût de l’impression continue ensuite de baisser avec les procédés d’impression assistée par ordinateur, les photocopieurs, les photocopieurs couleur et le matériel d’impression numérique. Dans les années 1990, l’impression est le plus souvent assurée à bas prix par des ateliers de PAO (publication assistée par ordinateur). Toutes les informations doivent être numérisées pour permettre leur transfert par voie électronique. La numérisation permet de créer, d’enregistrer, de combiner, de stocker, de rechercher et de transmettre des textes, des sons et des images par des moyens simples et rapides. Des procédés similaires permettent le traitement de l’écriture, de la musique et du cinéma alors que, par le passé, ce traitement était assuré par des procédés différents sur des supports différents (papier pour l’écriture, bande magnétique pour la musique, celluloïd pour le cinéma). De plus, des secteurs distincts comme l’édition (qui produit des livres) et l’industrie musicale (qui produit des disques) travaillent de concert pour produire des CD-Rom. La numérisation accélère considérablement le processus matériel de production. Dans la presse, alors qu'auparavant le personnel de production devait dactylographier les textes du personnel de rédaction, les journalistes et les rédacteurs envoient maintenant directement leurs textes pour mise en page. Dans l’édition, le rédacteur, le concepteur artistique et le personnel chargé de la mise en page travaillent souvent simultanément sur le même ouvrage. On assiste progressivement à l’unification de tous les secteurs liés à l’information: imprimerie, publication, conception graphique, presse, enregistrement sonore, réalisation de films, radiodiffusion, etc. C’est ce qu’on appelle la convergence multimédia. = Convergence multimédia et emploi La convergence multimédia amène-t-elle des emplois nouveaux, comme l’assurent les employeurs, ou bien est-elle source de chômage, comme l’affirment les syndicats? Le Colloque sur la convergence multimédia organisé en janvier 1997 à Genève par l’Organisation internationale du travail (OIT) comprend des contributions particulièrement intéressantes à cet égard. Peter Leisink, professeur associé d’études sociales à l’Université d’Utrecht (Pays-Bas), précise que les fonctions de correction d’épreuves et de rédaction s’effectuent désormais à domicile, le plus souvent par des travailleurs ayant pris le statut d’indépendants à la suite de licenciements, délocalisations ou fusions d’entreprises. "Or cette forme d’emploi tient plus du travail précaire que du travail indépendant, car ces personnes n’ont que peu d’autonomie et sont généralement tributaires d’une seule maison d’édition." A part quelques cas particuliers mis en avant par les organisations d’employeurs, la convergence multimédia entraîne des suppressions massives d’emplois, comme pratiquement tous les changements liés à l’introduction des nouvelles technologies. Selon Michel Muller, secrétaire général de la FILPAC (Fédération des industries du livre, du papier et de la communication), les industries graphiques françaises ont perdu 20.000 emplois en dix ans (1987-1996). Les effectifs sont passés de 110.000 personnes à 90.000. Les entreprises doivent mettre sur pied des plans sociaux très coûteux pour favoriser le reclassement des personnes licenciées, en créant des emplois souvent artificiels, alors qu’il aurait été très préférable de financer des études fiables sur la manière d’équilibrer créations et suppressions d’emplois, quand il était encore temps. Partout dans le monde, de nombreux postes à faible qualification technique sont remplacés par des postes exigeant des qualifications techniques élevées. Les personnes peu qualifiées sont licenciées. D’autres suivent une formation professionnelle complémentaire, parfois auto-financée et prise sur leur temps libre, et cette formation professionnelle ne garantit pas pour autant le réemploi. Lors du même colloque, Walter Durling, directeur des AT&T Global Information Solutions (Etats-Unis), insiste sur le fait que les nouvelles technologies ne changeront pas fondamentalement la situation des salariés au sein de leur entreprise. L’invention du film n’a pas tué le théâtre, et celle de la télévision n’a pas fait disparaître le cinéma. Les entreprises devraient créer des emplois liés aux nouvelles technologies et les proposer à ceux qui sont obligés de quitter d’autres postes devenus obsolètes. Des arguments bien théoriques alors que le problème est plutôt celui du pourcentage. Combien de créations de postes pour combien de licenciements? De leur côté, les syndicats préconisent la création d’emplois par l’investissement, l’innovation, la formation professionnelle aux nouvelles technologies, la reconversion des travailleurs dont les emplois sont supprimés, des conditions équitables pour les contrats et les conventions collectives, la défense du droit d’auteur, une meilleure protection des travailleurs dans le secteur artistique, et la défense des télétravailleurs en tant que travailleurs à part entière. D’après les prévisions de la Commission européenne, l’Europe devrait compter 10 millions de télétravailleurs en l’an 2000, soit un cinquième du nombre de télétravailleurs dans le monde. Malgré tous les efforts des syndicats, la situation deviendra-elle aussi dramatique que celle décrite dans une note du rapport de ce colloque, demandant si "les individus seront forcés de lutter pour survivre dans une jungle électronique avec les mécanismes de survie qui ont été mis au point au cours des précédentes décennies?" Dans leur livre Cyberplanète: notre vie en temps virtuel (paru en 1998 aux éditions Autrement), Philip Wade et Didier Falkand indiquent que les Etats-Unis, le Canada et le Japon, pays qui investissent le plus dans les nouvelles technologies, sont aussi ceux qui créent le plus d’emplois. D’après une étude réalisée en février 1997 par le cabinet Booz, Allen & Hamilton pour les ministres européens de l’Industrie, le retard de l’Europe lui aurait coûté un million d’emplois en 1995 et 1996. Ce retard correspond à une croissance technologique faible, qui s’élève à 2,4% seulement, alors qu’elle est de 9,3% aux Etats-Unis. Selon une autre étude réalisée en janvier 1997 par la société conseil BIPE pour le compte de la Commission européenne, 1,3 million d’emplois pourraient être maintenus ou créés dans l’Union européenne d’ici l’an 2005. Les 300.000 suppressions d’emplois prévues chez les opérateurs traditionnels seraient compensées par 93.000 emplois créés par leur concurrents, auxquels s'ajouteraient 1,2 million d’emplois créés dans les secteurs suivants: télécommunications, construction électrique et électronique, équipement et distribution de produits de communication. = Les professionnels du livre La distinction traditionnelle entre maison d’édition, éditeur de presse, librairie, bibliothèque, etc., sera-t-elle encore de mise dans quelques années? Le développement récent de l’édition électronique amène déjà des changements substantiels dans les relations entre les auteurs, les éditeurs et les lecteurs. Les catégories professionnelles forgées au fil des siècles: éditeurs, journalistes, bibliothécaires, etc., résisteront-elles à la convergence multimédia tout en s’adaptant au cyberespace, comme c’est le cas avec les premiers cyberthécaires, cyberéditeurs, cyberjournalistes, cyberlibraires, etc., ou bien toutes ces activités seront-elles progressivement restructurées pour donner naissance à de nouveaux métiers? L’internet offre de réels avantages en matière d'emploi, notamment la possibilité de chercher du travail en ligne et de recruter du personnel par le même biais. Changer d’emploi devient plus facile et le télétravail ouvre de nouveaux horizons pour ceux qui préfèrent travailler chez eux. Isabelle Aveline, rédactrice du site littéraire Zazieweb, déclare en juin 1998: "Grâce à internet les choses sont plus souples, on peut très facilement passer d'une société à une autre (la concurrence!), le télétravail pointe le bout de son nez (en France c'est encore un peu tabou...), il n'y a plus forcément de grande séparation entre espace pro et personnel." Claire Le Parco, de la société Webnet (qui gère le site Poésie française), précise à la même date: "En matière de recrutement, internet a changé radicalement notre façon de travailler, puisque nous passons maintenant toutes nos offres d'emploi (gratuitement) dans le newsgroup 'emploi'. Nous utilisons un intranet pour échanger nombre d'informations internes à l'entreprise: formulaires de gestion courante, archivage des documents émis, suivi des déplacements, etc. La demande des entreprises est très forte, et je crois que nous avons de beaux jours devant nous!" Rédacteur et webmestre du Biblio On Line, un portail destiné aux bibliothèques, Jean-Baptiste Rey relate en juin 1998: "Personnellement internet a complètement modifié ma vie professionnelle puisque je suis devenu webmestre de site internet et responsable du secteur nouvelles technologies d'une entreprise informatique parisienne (Quick Soft Ingénierie, ndlr). Il semble que l'essor d'internet en France commence (enfin) et que les demandes tant en matière d'informations, de formations que de réalisations soient en grande augmentation." Fabrice Lhomme, webmestre d’Une Autre Terre, site consacré à la science-fiction, raconte à la même date: "Une Autre Terre est un serveur personnel hébergé gratuitement par la société dans laquelle je travaille. Je l'ai créé uniquement par passion pour la SF et non dans un but professionnel même si son audience peut laisser envisager des débouchés dans ce sens. Par contre internet a bel et bien changé ma vie professionnelle. Après une expérience de responsable de service informatique, j'ai connu le chômage et j'ai eu plusieurs expériences dans le commercial. Le poste le plus proche de mon domaine d'activité que j'ai pu trouver était vendeur en micro-informatique en grande surface. Je dois préciser quand même que je suis attaché à ma région (la Bretagne, ndlr) et que je refusais de 'm’expatrier'. Jusqu'au jour donc où j'ai trouvé le poste que j'occupe depuis deux ans. S'il n'y avait pas eu internet, je travaillerais peut-être encore en grande surface. Actuellement, l’essentiel de mon activité tourne autour d'internet (réalisation de serveurs web, intranet/extranet,...) mais ne se limite pas à cela. Je suis technicien informatique au sens large du terme puisque je m'occupe aussi de maintenance, d'installation de matériel, de réseaux, d'audits, de formations, de programmation... (...) J'ai trouvé dans internet un domaine de travail très attrayant et j'espère fortement continuer dans ce segment de marché. La société dans laquelle je travaille est une petite société en cours de développement. Pour l'instant je suis seul à la technique (ce qui explique mes nombreuses casquettes) mais nous devrions à moyen terme embaucher d'autres personnes qui seront sous ma responsabilité." Par ailleurs, plusieurs professionnels du livre décident de rejoindre des sociétés informatiques, ou alors de se spécialiser au sein de la structure dans laquelle ils travaillent, en devenant par exemple les webmestres de leur librairie, de leur maison d’édition ou de leur bibliothèque. Malgré cela, les perspectives d’emploi restent assez inquiétantes. De nombreuses tâches deviennent obsolètes avec l’introduction des nouvelles technologies. Les professionnels du livre pourront-ils tous se recycler grâce à des formations professionnelles adaptées, ou bien seront-ils frappés de plein fouet par le chômage? 8.2. Le droit du cyberespace = La responsabilité de l’internaute Lié à la fois au droit informatique en place et à quelques législations balbutiantes, le droit du cyberespace est en train d’émerger - non sans mal - d’un réseau en ébullition. On tente de redéfinir des domaines existants tels que la propriété intellectuelle ou la censure. On tente aussi d’en définir de nouveaux, comme la responsabilité ou non des fournisseurs d’accès internet vis-à-vis de l’information circulant par leur intermédiaire. Créées en été 1992 par Paul Southworth à l’Université du Michigan (Etats-Unis), les ETEXT Archives se donnent pour but de rassembler des textes électroniques de toutes sortes: textes politiques, textes personnels, textes sacrés, textes profanes, etc. Elles hébergent aussi gratuitement des périodiques, oeuvres de fiction, oeuvres politiques, poétiques, religieuses, etc., à la demande d’auteurs ou d’organismes souhaitant les faire connaître. Les volontaires qui composent l’équipe s’engagent à ne pas juger le contenu de ces textes, mais refusent les oeuvres à caractère pornographique. Mygale, site communautaire francophone, offre aux particuliers et aux associations à but non lucratif une messagerie électronique gratuite et un hébergement gratuit de leur site web (10 Mo (méga-octets) puis 20 Mo au bout d’un an), avec aide en ligne et divers services à l’appui, ce qui contribue grandement au développement du web francophone. Dans sa charte à destination de ses membres, Mygale précise: "Vous êtes responsable des informations diffusées sur vos pages. En cas de non respect des lois en vigueur, ces informations sont susceptibles d'engager votre responsabilité civile et/ou pénale. Notamment, vos pages ne doivent pas être à caractère pornographique, raciste, diffamatoire." Mygale est ensuite remplacé par MultiMania, basé sur le même principe. Les internautes sont censés respecter la nétiquette, à savoir un ensemble de règles de savoir-vivre régissant entre autres le courrier électronique, les forums de discussion et les sites web. Toutefois l’augmentation inquiétante de sites pornographiques, pédophiles et nazis entraîne l'apparition de logiciels pouvant être paramétrés par les parents et les éducateurs en fonction de l’âge des enfants et du degré de contrôle souhaité (par exemple Cyber Patrol, CyberSitter, Net Nanny, SafeSurf et SurfWatch). Une réglementation est mise en place pour lutter contre les spams, ces messages électroniques non sollicités à caractère souvent commercial qui prolifèrent dans les boîtes aux lettres électroniques. En avril 1998, l’Etat de Washington crée un précédent avec une loi anti-spamming prévoyant de "condamner toute personne morale ou physique qui envoie des messages intempestifs en masse en cachant son identité et en trompant les destinataires par des titres de messages fallacieux". Effective début août, cette loi est le "premier pas vers un cadre législatif qui pourrait faire école", lit-on dans Le Micro Bulletin Actu du 2 avril 1998. Dans le quotidien Libération du 9 janvier 1998, Esther Dyson, présidente d’EDventure Holdings, précise que l’internet commercial devrait être réglementé moins par un gouvernement central qui en définirait les règles que par plusieurs organismes mis en concurrence dans l'intérêt du consommateur. Patrick Rebollar, créateur d'un site web de recherches et d’activités littéraires, voit l’avenir du réseau assez trouble. Il écrit en juillet 1998: "Entre ceux qui cherchent à gagner de l'argent à tout prix, et ceux qui en font une banque d'images pornographiques, ceux qui cherchent des amis pour pallier un manque et ceux qui cherchent du travail. Ceux qui... et ceux qui... le réseau devient progressivement une projection du monde lui-même, plus précise et exacte chaque jour." = L’activité de la CNIL Autorité administrative indépendante, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) est un organisme public français chargé de veiller à l’application de la loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, communément appelée loi "informatique et libertés" (loi n° 78-17 du 6 janvier 1978). Son article premier rappelle que "l’informatique doit être au service de chaque citoyen. Son développement doit s’opérer dans le cadre de la coopération internationale. Elle ne doit porter atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles et publiques." La CNIL veille donc entre autres à ce que la gestion des fichiers informatiques tienne compte du respect de la vie privée du citoyen. La CNIL est en train d’adapter son activité à l’internet, la courte existence de celui-ci ayant déjà démontré que tout internaute est facilement repérable sur le réseau. L’annuaire Dejanews, par exemple, donne la possibilité à un employeur de connaître les forums de discussion auxquels participe un salarié. Utilisés à l’origine pour des raisons commerciales, pour repérer les sites consultés par un usager et connaître ainsi ses centres d’intérêt, les outils de filature (cookie, applet Java, etc.) peuvent très bien servir aussi à d’autres fins mettant en péril la liberté individuelle et la vie privée. "Sur internet, il n'y a pas d'anonymat, prévient la CNIL sur son site. Ce qui impose à chacun d'être vigilant." Le site donne nombre d’indications pratiques sur la manière de neutraliser ces outils de filature. La délibération de la CNIL du 8 juillet 1997 sur les annuaires des abonnés au téléphone traite des projets de basculement de ces annuaires sur l’internet et de l’absence de dispositifs de sécurité permettant d’éviter leur téléchargement. Des informations personnelles pourraient être massivement téléchargées depuis un pays non soumis à des règles de protection des données, afin d’être cédées, vendues, stockées, traitées et exploitées sans garantie ni contrôle. Pour contrer tout téléchargement de ce type, il est demandé à chaque Etat membre de transposer d’ici la fin 1998 dans sa propre législation la directive de l’Union européenne du 24 octobre 1995. Les transferts internationaux de données ne doivent être autorisés que si le pays destinataire peut assurer une protection adéquate conforme aux normes européennes. En ce qui concerne le transfert de l’annuaire des abonnés au téléphone sur le web, la CNIL recommande que la décision soit prise par les utilisateurs eux-mêmes, comme c’est déjà le cas pour l’inscription sur la liste rouge ou la liste orange. S’inscrit sur la liste rouge toute personne ne souhaitant pas figurer sur l’annuaire. 5,6 millions d’abonnés y sont inscrits, soit le quart des abonnés de France Télécom. L’inscription à cette liste est payante malgré les recommandations de la CNIL qui prône sa gratuité, comme c’est le cas dans d’autres pays européens. La liste orange, elle, regroupe l’ensemble des personnes qui, quoique souhaitant figurer dans l’annuaire, s’opposent à l’utilisation commerciale de leurs coordonnées. Contrairement à la liste rouge, l’inscription à la liste orange est gratuite. = Technoréalisme et web indépendant Pour contrer à la fois ceux qui mettent la technologie sur un piédestal et ceux qui y sont systématiquement hostiles, un mouvement appelé Technorealism est lancé en mars 1998 aux Etats-Unis. Les idées exposées dans Technorealism Overview sont reprises au Québec dans le Manifeste pour un technoréalisme qui, comme l'explique la cyber-revue Mémento, veut faire le point entre "ces prophètes nouveau genre qui nous promettent un monde meilleur grâce à la technologie, et les nostalgiques qui veulent faire marche arrière et revenir au poêle à bois, au crayon de plomb et aux chevaux de trait". Ce Manifeste s’appuie sur les huit principes suivants: 1) la technologie n’est pas neutre; 2) l’internet est un médium révolutionnaire, pas une utopie; 3) le gouvernement a un rôle important à jouer dans le cyberespace; 4) l’information n’est pas un gage de connaissance; 5) brancher les écoles n’assurera pas une éducation de meilleure qualité; 6) la qualité de l’information doit être protégée; 7) les ondes sont du domaine public et c’est le public qui devrait en tirer les bénéfices; 8) une bonne compréhension de la technologie devrait constituer un des fondements de la citoyenneté. Ce Manifeste fait notamment le point sur les relations entre cyberespace et société: "Plus le cyberespace devient populaire, plus il ressemble à la société réelle dans toute sa complexité. Chacun des côtés positifs ou habilitants de la vie en ligne est accompagné de dimensions malicieuses, perverses. (...) Contrairement à ce que certains prétendent, le cyberespace n'est pas un lieu distinct qui serait régi par des règles distinctes de celles de la société civile. Les gouvernements doivent respecter les règles et coutumes nées avec le cyberespace, mais cela ne veut pas dire pour autant que le public n'a aucun droit sur un citoyen qui déraille ou une entreprise qui commet une fraude. En tant que représentant du peuple et gardien des valeurs démocratiques, l'État a le droit et la responsabilité d'aider à intégrer le cyberespace à la société civile." Disponible en plusieurs langues (allemand, anglais, espagnol, français, occitan et portugais), le Manifeste du web indépendant insiste pour sa part sur la nécessité d’un web respectueux de la liberté individuelle et de la diversité culturelle face à la main-mise croissante des dinosaures politiques et commerciaux. "Le web indépendant, ce sont ces milliers de sites offrant quelques millions de pages faites de passion, d'opinion, d'information, mises en place par des utilisateurs conscients de leur rôle de citoyens. Le web indépendant, c'est un lien nouveau entre les individus, une bourse du savoir gratuite, offerte, ouverte; sans prétention. Face aux sites commerciaux aux messages publicitaires agressifs, destinés à ficher et cibler les utilisateurs, le web indépendant propose une vision respectueuse des individus et de leurs libertés, il invite à la réflexion et au dialogue. Quand les sites d'entreprises se transforment en magazines d'information et de divertissement, quand les mastodontes de l'info-spectacle, des télécommunications, de l'informatique et de l'armement investissent le réseau, le web indépendant propose une vision libre du monde, permet de contourner la censure économique de l'information, sa confusion avec. (...) Nous invitons donc les utilisateurs à prendre conscience de leur rôle primordial sur l'internet: lorsqu'ils montent leur propre site, lorsqu'ils envoient des commentaires, critiques et encouragements aux webmestres, lorsqu'ils s'entraident dans les forums et par courrier électronique, ils offrent une information libre et gratuite que d'autres voudraient vendre et contrôler. La pédagogie, l'information, la culture et le débat d'opinion sont le seul fait des utilisateurs, des webmestres indépendants et des initiatives universitaires et associatives." 8.3. La propriété intellectuelle = La protection du droit d’auteur La loi n° 92-597 du 1er juillet 1992, qui régit le droit d’auteur français, précise que "l’auteur jouit sa vie durant du droit exclusif d’exploiter son oeuvre sous quelque forme que ce soit et d’en tirer un profit pécuniaire. Au décès de l’auteur, ce droit persiste au bénéfice de ses ayants droit, pendant l’année civile en cours et les cinquante années qui suivent." Les sites web sont eux aussi régis par le droit d’auteur. Sur le site de sa bibliothèque numérique Gallica, inaugurée en 1997, la Bibliothèque nationale de France (BnF) donne les précisions suivantes: "En application de la loi française 92-597 du 1er juillet 1992, portant code de la propriété intellectuelle, la Bibliothèque nationale de France est titulaire des droits d'auteur sur le site dénommé 'Gallica' et la base de données ainsi constituée. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de la Bibliothèque nationale de France est illicite, et constitue une contrefaçon sanctionnée pénalement." Dans nombre de législations nationales, la règle générale est un délai de protection qui débute à la date de création de l'oeuvre et qui expire 50 à 70 ans après la mort de l'auteur, quand ce n’est pas davantage. Il existe des exceptions pour certaines catégories d'oeuvres (par exemple les photos et les oeuvres audiovisuelles) ou pour certains usages (par exemple la traduction). Passé le délai mentionné dans la législation nationale, l’oeuvre tombe dans le domaine public et peut être librement reproduite. A l’échelon international, la protection du droit d’auteur est légiférée par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), qui est l’une des seize institutions spécialisées du système des Nations unies. L’OMPI est chargée de promouvoir la protection de la propriété intellectuelle dans le monde, grâce à la coopération des États, et d'assurer l'administration de divers traités multilatéraux touchant aux aspects juridiques et administratifs de la propriété intellectuelle. En 1998, sur son site web, l’OMPI définit la protection du droit d’auteur de la manière suivante: "La protection du droit d'auteur signifie en général que certaines utilisations de l'oeuvre ne sont licites que si elles sont autorisées par le titulaire du droit d'auteur. Les plus typiques sont: le droit de copier ou de reproduire n'importe quel genre d'oeuvre; le droit de diffuser des exemplaires dans le public; le droit de louer des exemplaires, du moins pour certaines catégories d'oeuvres (telles que les programmes d'ordinateur et les oeuvres audiovisuelles); le droit de faire des enregistrements sonores de représentations ou d'exécutions d'oeuvres littéraires ou musicales; le droit de représenter ou d'exécuter en public, spécialement des oeuvres musicales, dramatiques ou audiovisuelles; le droit de communiquer au public, par câble ou autrement, les représentations ou exécutions de ces oeuvres et, en particulier, de transmettre par radio, télévision ou par d'autres moyens sans fil toutes sortes d'oeuvres; le droit de traduire des oeuvres littéraires; le droit de louer, notamment, des oeuvres audiovisuelles, des œuvres matérialisées dans des phonogrammes et des programmes d'ordinateur; le droit d'adapter toutes sortes d'oeuvres et en particulier le droit d'en faire des oeuvres audiovisuelles." = Les oeuvres du domaine public Qu’est-ce exactement qu’un texte du domaine public? L’Association des bibliophiles universels (ABU), qui gère la bibliothèque numérique ABU: la bibliothèque universelle, répond à cette question sur son site web. En France, un texte tombe dans le domaine public 50 ans après la mort de son auteur. Les années de guerre (1914-1919 et 1938-1948) comptent double. Quand un texte appartient au domaine public, il peut être diffusé et reproduit, mais non mutilé ou déformé puisque le droit moral de l’auteur (paternité et respect de l’oeuvre) est intemporel. Même si une oeuvre est du domaine public, une édition donnée de cette oeuvre n’est pas pour autant libre de reproduction si elle est récente. La traduction, l’appareil critique (notes, préface, etc.) et l’appareil éditorial (tables, index, pagination, etc.) sont soumis au droit d’auteur. Michael Hart, fondateur du Projet Gutenberg, pionnier des bibliothèques numériques, explique aux volontaires désireux de scanner de nouvelles oeuvres quelles sont les règles à suivre pour déterminer si un titre en langue anglaise appartient ou non au domaine public. Au Royaume-Uni, comme dans nombre de pays, l’oeuvre est sujette au droit d’auteur pendant 70 ans après le décès de l’auteur. Aux Etats-Unis, une oeuvre publiée avant 1923 est soumise au droit d’auteur pendant 75 ans après sa date de publication. Une oeuvre publiée entre 1923 et 1977 est soumise au droit d’auteur pendant 95 ans après sa date de publication. Une oeuvre publiée en 1998 ou les années suivantes est soumise au droit d’auteur 70 ans après la date du décès de l’auteur s’il s’agit d’un auteur personnel, et 95 ans après la date de publication ou 120 ans après la date de création s’il s’agit d’un auteur collectif. La législation s’est ensuite nettement durcie après l’acceptation par le Congrès de la loi du 27 octobre 1998. "Le copyright a été augmenté de 20 ans, explique Michael Hart en juillet 1999. Auparavant on devait attendre 75 ans, on est maintenant passé à 95 ans. Bien avant, le copyright durait 28 ans (plus une extension de 28 ans si on la demandait avant l’expiration du délai) et il avait lui-même remplacé un copyright de 14 ans (plus une extension de 14 ans si on la demandait avant l’expiration du délai). Comme vous le voyez, on assiste à une dégradation régulière et constante du domaine public." Des réalisations d’intérêt public comme le Projet Gutenberg - utiliser l’internet pour mettre des livres à la disposition du plus grand nombre - n’ont malheureusement guère de poids vis-à-vis des majors de l’édition, comme l’écrit Michael Hart à la même date: "J’ai été le principal opposant aux extensions du copyright, mais Hollywood et les grands éditeurs ont fait en sorte que le Congrès ne mentionne pas mon action en public. (...) Les débats actuels sont totalement irréalistes. Ils sont menés par 'l’aristocratie terrienne de l’âge de l’information' et servent uniquement ses intérêts. Un âge de l’information? Et pour qui?" Très juste. Plus les gouvernements parlent d’âge de l’information, plus ils durcissent les lois relatives à la libre mise à disposition des écrits. La contradiction n’est-elle pas flagrante? = Droit d’auteur et édition électronique L’arrivée en force des textes électroniques rend le problème du droit d’auteur encore plus complexe qu’il n’était. En 1998, nombre d’auteurs, d’éditeurs, de journalistes, etc., étudient fébrilement comment venir à bout de la complexité du problème. Les journalistes voient souvent leurs articles réutilisés sans en avoir donné l’autorisation, y compris par les organes de presse pour lesquels ils travaillent. Par ailleurs, la preuve tangible de la propriété intellectuelle est beaucoup moins évidente. Jusqu’à une époque récente, la page dactylographiée ou imprimée constituait la preuve physique de l’information protégée par le droit d’auteur. Depuis quelques années, cette sécurité légale s’effondre, ce qui ajoute à la complexité du débat sur le contrôle des droits électroniques. Le débat est rendu plus difficile encore par la présence de liens hypertextes permettant d’aller d’un document à l’autre. Lier deux documents entre eux doit-il faire l’objet d’une réglementation? Ceci serait contraire à la nature même du web. Le respect du droit d’auteur est à la fois un problème crucial et une des clés de l’édition électronique. En décembre 1996, sous l’égide de l’OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle), une conférence internationale réunit à Genève des experts de 160 pays différents. Les débats aboutissent au vote de plusieurs textes, notamment l’adaptation de la Convention de Berne de 1889 sur les droits littéraires et artistiques, convention dont le dernier amendement date de 1971. La convention prend désormais en compte la protection des "transmissions et distributions numérisées". Le stockage d’une oeuvre sous forme numérique constitue une reproduction. En cas de diffusion sur l’internet, l’émetteur est tenu au respect du droit d’auteur. Par contre, les délégués ne réussissent pas à se mettre d’accord sur l’extension du droit d’auteur aux copies électroniques temporaires stockées dans la mémoire vive de l’ordinateur quand l’internaute consulte une page web. Alors que l’OMPI aurait souhaité que ces reproductions relèvent aussi du droit d’auteur, les fournisseurs d’accès internet menacent de paralyser le réseau si une telle mesure est adoptée. A juste titre, ils estiment ne pouvoir être tenus pour responsables de la protection d’un contenu original qu’ils n’ont aucun moyen de vérifier. A la même date, en décembre 1996, la Commission européenne publie un Livre vert sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information. Ces droits recouvrent les oeuvres imprimées, les films, les oeuvres d’art graphiques et plastiques, les logiciels, les émissions retransmises par câble ou satellite, les disques, les représentations théâtrales et musicales, les expositions et ventes aux enchères, les revues d’art, les oeuvres électroniques, les services à la demande et les prestations électroniques à distance, toutes ces activités représentant 5 à 7% du produit national brut des quinze pays membres. Les législations nationales étant toutes différentes, une harmonisation de la protection du droit d’auteur à l’échelle européenne serait nécessaire. Il appartiendrait ensuite aux Etats d’appliquer ces dispositions, avec adaptation du cadre juridique dans lequel les œuvres seront créées et protégées. Dans un article de l’AJR NewsLink (AJR: American Journalism Review) consacré à la propriété intellectuelle sur le web, Penny Pagano, journaliste indépendante, tente de cerner les problèmes légaux auxquels se heurtent journalistes, écrivains et éditeurs pour la protection du droit d’auteur sur les documents électroniques qu’ils produisent ou distribuent. Elle relate la création par la National Writers Union (Etats-Unis) d'une nouvelle agence dénommée la Publication Rights Clearinghouse (PRC). Pour la somme de 20 dollars, les auteurs indépendants qui le souhaitent peuvent s’inscrire à la PRC. Leurs articles sont alors inclus dans les fichiers de l’agence, qui surveille leur réutilisation. Tout comme l’ASCAP (American Society of Composers, Authors and Publishers), qui gère les droits de l’industrie musicale, la PRC recense les transactions individuelles et paie des royalties aux auteurs dont les articles sont réutilisés (droit d’auteur secondaire). L’agence est également ouverte aux collectivités. Plusieurs sociétés se sont inscrites, notamment UnCover, le grand fournisseur mondial d’articles de journaux et magazines (intégré ensuite à Ingenta). = Des solutions logicielles Dans son livre Digital Literacy (paru en 1997 chez Wiley à New York), Paul Gilster précise que, suite à l’extension du droit d’auteur à des supports électroniques à usage international, la protection du droit d'auteur pour de tels supports relève de la Convention universelle sur le droit d’auteur (adoptée en septembre 1952 et révisée en juillet 1971). Adoptée par 70 pays, cette convention vise à protéger le droit d’auteur aussi bien pour les oeuvres d’un pays concerné que pour les oeuvres étrangères à ce pays. Parallèlement, plusieurs organismes travaillent à des solutions logicielles permettant d’établir une connexion entre les tenants de la propriété intellectuelle d'une part et les usagers d'autre part, et de localiser et conserver la trace de toute copie d’un texte donné, en utilisant par exemple des moteurs de recherche pour localiser ces copies. Le logiciel déciderait d’une taxe qui serait divisée entre l’auteur, l’éditeur et le service de protection. Paul Gilster donne l’exemple du système mis au point par Digimarc Corporation. Un code transparent est attribué à une image numérique, un document audio ou un document vidéo. L’utilisation du document entraîne l’activation de ce code pour le calcul et le paiement du droit d’auteur. Pour les textes électroniques, la solution proposée par Paul Gilster est une taxe par page ou par unité d’information. Le paiement basé sur le principe de l’abonnement serait remplacé par ce que l'auteur appelle le système de la microtransaction. Situés dans de multiples bibliothèques ou librairies numériques, les documents, qu’ils soient payants ou gratuits, seraient tous accessibles sans abonnement. Dans le cas de documents payants, qui sont ceux soumis au droit d’auteur, le fait de cliquer sur l’un d’eux générerait un système de paiement qui taxerait l’usager uniquement pour les pages lues, et ainsi de suite pour tout document du même type. La carte de crédit de l’usager serait automatiquement débitée de la somme correspondante. Cette somme devant être distribuée entre différents partenaires, à commencer par l’auteur et l’éditeur, elle serait divisée d’emblée en microtransactions permettant de favoriser cette distribution. Dans le même ordre d’idées, plusieurs éditeurs décident de développer un nouveau système d’identification pouvant être utilisé pour tout contenu numérique, le Digital Object Identifier System (DOI System). L’origine du DOI System est la suivante: l’internet représentant un nouvel environnement pour l’industrie du livre, il est nécessaire de développer une technologie adaptée protégeant à la fois le consommateur et l’éditeur, et donc un système pouvant authentifier un contenu afin de certifier que l’information fournie au consommateur est bien l’information demandée, et pouvant assurer en parallèle le calcul et le paiement du droit d’auteur. Le DOI System procurerait non seulement une identification unique pour ce contenu, mais aussi un lien entre les utilisateurs et les gestionnaires des droits du dit contenu, ceci afin de faciliter le commerce électronique dans ce domaine. Développé et testé en 1996, le DOI System est d’abord utilisé par une dizaine d’éditeurs américains et européens (Academic Press, Authors’ Licensing and Collecting Society, Copyright Clearance Center, Elsevier, Houghton Mifflin Company, International Publishers Association (IPA), John Wiley & Sons, Shepard’s, Springer-Verlag) dans le cadre d’un programme pilote mis en place entre juillet et octobre 1997. Lors de la Foire du livre de Francfort d'octobre 1997, la participation à la deuxième phase du programme est étendue à tous les éditeurs désireux d’y participer. Une fois passé le stade expérimental, la gestion du DOI System est confiée à l’International DOI Foundation, fondée en 1998, avec un siège aux Etats-Unis et un autre en Suisse. 8.4. Document imprimé et/ou électronique = Deux versions au lieu d’une En 1998, pratiquement tous les documents imprimés sont issus d’une version électronique sur traitement de texte, sur tableur ou sur base de données. Il est désormais fréquent qu’un même document fasse l’objet de deux versions, numérique et imprimée. A l'inverse, pour des raisons pratiques, de plus en plus de documents imprimés sont numérisés. Ce mouvement s’accentuera encore dans les prochaines années, à tel point qu’il deviendra probablement ridicule d’établir une distinction entre document électronique et document imprimé. Pour des raisons budgétaires, de plus en plus de publications n'existent qu’en version électronique. Outre sa facilité d’accès et son faible coût, le grand mérite du document électronique est de pouvoir être régulièrement actualisé. Point n’est besoin d’attendre une nouvelle édition imprimée soumise aux contraintes commerciales ou aux exigences de l’éditeur. Ceci s’avère particulièrement utile pour les ouvrages et périodiques scientifiques et techniques, dans lesquels l’information la plus récente est primordiale. L’édition électronique apparaît comme une solution à étudier de près pour les presses universitaires et les éditeurs spécialisés. Document électronique? Document numérique? Livre numérique? Livre électronique? Un vocabulaire adapté reste à définir. Comme l’explique Jean-Gabriel Ganascia, directeur du Groupement d’intérêt scientifique (GIS) Sciences de la cognition, dans son rapport de synthèse Le livre électronique: réflexion de prospective, le terme "livre électronique", souvent utilisé en français, est "à la fois restrictif et inopportun". Ce terme est restrictif parce que le livre désigne "un support particulier de l'écrit qui est advenu à un moment donné dans l'histoire" alors que le document électronique comporte à la fois de l’écrit, de l’image et du son. Ce terme est également inopportun parce qu’on ne peut guère juxtaposer au terme "livre" le terme "électronique", "un nouvel objet immatériel défini par un ensemble de procédures d'accès et une structuration logique". De plus, qu’il s’agisse de sa forme exacte ou de sa fonction exacte, le statut même de ce qu’on appelle "livre électronique" reste encore à déterminer. Ceci dit, ce rapport ne propose pas de meilleur terme. En 1998, les livres électroniques (appareils de lecture) sont pour bientôt. Un petit ordinateur ayant le format d'un livre permettra de lire plusieurs dizaines de livres numérisés qui pourront être achetés directement auprès des éditeurs ou distributeurs. Quatre modèles de livres électroniques sont prévus pour fin 1998 ou début 1999: le Rocket eBook (créé par la société NuvoMedia en partenariat avec la chaîne de librairies Barnes & Noble et le géant des médias Bertelsmann), le SoftBook (créé par la société SoftBook Press en partenariat avec les grands éditeurs Random House et Simon & Schuster), l'Everybook (créé par la société du même nom) et le Millennium EBook (créé par la société Librius.com). = Une information non plus stable mais fluide L’utilisation de l’internet entraîne des changements considérables dans la manière d’enseigner. En juillet 1998, Patrick Rebollar, professeur de français et d’informatique dans des universités japonaises, analyse l’impact de l’internet sur sa vie professionnelle: "Mon travail de recherche est différent, mon travail d'enseignant est différent, mon image en tant qu'enseignant-chercheur de langue et de littérature est totalement liée à l'ordinateur, ce qui a ses bons et ses mauvais côtés (surtout vers le haut de la hiérarchie universitaire, plutôt constituée de gens âgés et technologiquement récalcitrants). J'ai cessé de m'intéresser à certains collègues proches géographiquement mais qui n'ont rien de commun avec mes idées, pour entrer en contact avec des personnes inconnues et réparties dans différents pays (et que je rencontre parfois, à Paris ou à Tokyo, selon les vacances ou les colloques des uns ou des autres). La différence est d'abord un gain de temps, pour tout, puis un changement de méthode de documentation, puis de méthode d'enseignement privilégiant l'acquisition des méthodes de recherche par mes étudiants, au détriment des contenus (mais cela dépend des cours). Progressivement, le paradigme réticulaire l'emporte sur le paradigme hiérarchique - et je sais que certains enseignants m'en veulent à mort d'enseigner ça, et de le dire d'une façon aussi crue. Cependant ils sont obligés de s'y mettre..." Dans sa communication (Creativity and the Computer Education Industry) donnée en septembre 1996 lors de la conférence mondiale de l’IFIP (International Federation of Information Processing), Dale Spender, professeure à l’Université de Queensland (Australie), tente elle aussi d’analyser les changements fondamentaux apportés par l’internet dans l’enseignement. Voici son argumentation résumée dans les deux paragraphes qui suivent. Depuis plus de cinq siècles, l’enseignement est essentiellement basé sur l’information procurée par les livres. Or les habitudes liées à l’imprimé ne peuvent être transférées dans l’univers numérique. L’enseignement en ligne offre des possibilités tellement nouvelles qu’il n’est guère possible d’effectuer les distinctions traditionnelles entre enseignant et enseigné. Le passage de la culture imprimée à la culture numérique exige donc d’entièrement repenser le processus d’acquisition du savoir, puisque nous avons maintenant l’opportunité sans précédent de pouvoir influer sur le type d’enseignement que nous souhaitons recevoir. Dans la culture imprimée, l’information contenue dans les livres reste la même un certain temps, ce qui nous encourage à penser que l’information est stable. La nature même de l’imprimé est liée à la notion de vérité, stable elle aussi. Cette stabilité et l’ordre qu’elle engendre sont un des fondements de l’âge industriel et de l’ère des sciences et techniques. Les notions de vérité, de loi, d’objectivité et de preuve constituent le fondement de nos croyances et de nos cultures. Mais l’avènement du numérique change tout ceci. Soudain l’information en ligne supplante l’information imprimée pour devenir la plus fiable et la plus utile, et l’usager est prêt à la payer en conséquence. Cette transformation radicale de la nature même de l’information doit être au coeur du débat relatif aux nouvelles méthodes d’enseignement. = Un processus d’écriture en mutation Cette transformation affecte aussi le processus de l’écriture, comme le constate Jean-Paul, webmestre des Cotres furtifs, un site hypermédia collectif. En juin 1998, il relate: "Une navigation sur la toile se fait en rayon (j'ai un centre d'intérêt et je clique méthodiquement sur tous les liens que contient sa base, sa page d’accueil) ou en louvoiements (de clic en clic, à mesure qu'ils apparaissent). Bien sûr, c'est possible avec l'imprimé. Mais la différence saute aux yeux. L'internet n'a donc pas changé ma vie, mais mon écriture. On n'écrit pas de la même manière pour un site que pour un scénario, une pièce de théâtre, etc..." Chose qu’on oublie trop souvent, il rappelle que toutes les fonctionnalités de l’internet étaient déjà en gestation dans le Macintosh (couramment appelé Mac), lancé en 1984 par Apple. Premier ordinateur personnel à disposer d’une interface graphique intuitive facilement utilisable par le non spécialiste, le Mac remporte un succès colossal parce qu’il révolutionne le rapport entre l’utilisateur et l’information. "Ce n'est pas internet qui a modifié ma manière d’écrire, c'est le premier Mac, que j'ai découvert à travers l'auto-apprentissage d'Hypercard, écrit Jean-Paul. Je me souviens encore de la stupeur dans laquelle j'ai été plongé, durant le mois qu'a duré mon apprentissage des notions de boutons, liens, navigation par analogies, par objets, par images. L'idée qu'un simple clic sur une zone de l'écran permettait d'ouvrir un éventail de piles de cartes dont chacune pouvait offrir de nouveaux boutons dont chacun ouvrait un nouvel éventail dont... bref l'apprentissage de tout ce qui aujourd'hui sur la toile est d'une banalité de base, cela m'a fait l'effet d'un coup de foudre (il paraît que Steve Jobs et son équipe eurent le même choc lorsqu’ils découvrirent l’ancêtre du Mac dans les laboratoires de Rank Xerox). Depuis, j’écris directement à l’écran: l'imprimé ne me sert plus que pour fixer de temps en temps l'état d'un texte, pour en donner, à quelqu’un d’allergique à l’écran, une sorte de photo, d’instantané, une approximation. Une simple approximation parce que l'imprimé nous oblige à une relation linéaire: le texte s'y déroule page à page (la plupart du temps). Alors que la technique des liens permet une autre relation au temps et à l’espace de l’imaginaire. Et, pour moi, c’est surtout l’occasion de pratiquer l’écriture/lecture 'en sphère', dont l'action de feuilleter un livre ne donne qu'une idée, vague parce que le livre n'est pas concu pour ça." Tout comme Jean-Paul, en 1998, plusieurs écrivains se lancent dans l’exploration des possibilités offertes par l’hyperlien dans la création littéraire, reprenant à leur compte ce commentaire de Tim Berners-Lee, inventeur du Word Wide Web en 1990, qui explique dans A short history of web development: "L’universalité du web est essentielle, à savoir le fait qu’un lien hypertexte puisse pointer sur quoi que ce soit, quelque chose de personnel, de local ou de global, aussi bien une ébauche qu’une réalisation hautement sophistiquée." # CONCLUSION Le numérique ne supprimera sans doute pas plus l’imprimé que la télévision n’a supprimé le livre, ou que le livre de poche n’a supprimé le beau livre. "Toute ma vie, j’ai eu une histoire d’amour avec les livres et la lecture. Elle continue sans être affectée par l’automatisation, les ordinateurs, et tous les gadgets du 20e siècle", s’exclame Robert Downs, bibliothécaire, dans son livre Books in My Life (publié en 1985 par la Library of Congress). Une bonne façon de rappeler que les nouvelles technologies ne sont pas une fin en soi. En 1998, si certains professionnels restent méfiants, d’autres, précurseurs enthousiastes, se sont déjà lancés dans l’aventure, en se connectant à l’internet puis en créant un site web. Comme on vient de le voir tout au long de ces pages, l’internet ouvre de nombreuses perspectives - avec son lot de problèmes à résoudre - dans tous les secteurs du livre. Relativement stable jusque-là, le monde du livre amorce un virage sans précédent, que d’aucuns comparent à l’avènement de l’écriture ou de l’imprimerie en d’autres temps. Un nouvel outil (relativement) économique abolit les frontières. Que l’internaute consulte un site web situé à Paris, à San Francisco ou à Hong-Kong, le tarif de connexion est celui d’une communication téléphonique locale. Une encyclopédie multilingue s’offre à lui, à un prix défiant toute concurrence, une fois l’ordinateur payé. Les professionnels ont désormais la possibilité d'échanger avec autant de correspondants qu’ils le souhaitent grâce au courrier électronique et aux forums de discussion. La messagerie électronique permet de communiquer avec ses interlocuteurs en quelques secondes dans le monde entier. Les forums de discussion autorisent des échanges fréquents sur de nombreux sujets. Tout auteur peut désormais faire connaître ses oeuvres en créant un site web, sans attendre de trouver un éditeur pour être publié, et il peut facilement échanger avec ses lecteurs grâce au courrier électronique. Nombreux sont les professionnels du livre (écrivains, journalistes, bibliothécaires, enseignants, etc.) qui participent à la création d’une toile artistique, scientifique et littéraire francophone abolissant les barrières de la distance et du temps. Les libraires en ligne peuvent vendre des livres étrangers ou bien vendre à l’étranger des livres publiés dans leur pays. Il leur faut encore convaincre les associations d’éditeurs ou de libraires traditionnels pour faire véritablement disparaître les frontières dans la vente des livres. Les lecteurs ont à leur disposition des extraits ou parfois même le texte intégral des nouveautés, qu’ils peuvent "feuilleter" tout à loisir à l’écran. Plusieurs libraires en ligne offrent aussi un véritable magazine littéraire avec un contenu éditorial chaque jour différent. Tout comme les libraires, les éditeurs investissent progressivement le réseau. Nombre de maisons d’édition traditionnelles créent un site web et l’utilisent comme une vitrine pour faire connaître leur activité. On voit également apparaître des éditeurs électroniques, dont toute l’activité s’effectue sur l'internet: découverte des oeuvres, publication, promotion et diffusion. Par ailleurs, des éditeurs universitaires et spécialisés expérimentent la publication électronique comme une solution possible pour sortir de la crise éditoriale. De nombreux journaux et magazines sont désormais en ligne, avec des extraits ou l'intégrale de leur dernier numéro, ainsi que des dossiers sur les sujets d’actualité et les archives des numéros précédents. On assiste aux balbutiements d’une presse en ligne qui se voudrait différente de la presse imprimée. Les bibliothèques traditionnelles ont un nouvel outil à leur disposition pour faire connaître leurs collections. L’utilisation de l’internet leur permet de disposer de la plus grande encyclopédie qui soit pour leur personnel et leurs lecteurs. Les bibliothèques numériques se développent rapidement. Grâce à elles, l’internaute dispose du texte intégral de milliers d'oeuvres du domaine public. Outre ce changement radical dans la relation information-utilisateur, on assiste à une transformation radicale de la nature même de l’information. L’information contenue dans les livres restait la même, au moins pendant une période donnée, ce qui encourageait à penser que l’information était stable. Mais l’internet et les technologies numériques changent tout ceci. Soudain ce n’est plus l’information statique qui est la plus fiable, mais l’information la plus récente qui, elle, est en constante mutation. Le futur sera-t-il le cyberespace décrit par Timothy Leary, philosophe, dans Chaos et cyberculture (publié en 1997 à Paris par les éditions du Lézard)? "Toute l’information du monde est à l’intérieur (de gigantesques bases de données, ndlr). Et grâce au cyberespace, tout le monde peut y avoir accès. Tous les signaux humains contenus jusque-là dans les livres ont été numérisés. Ils sont enregistrés et disponibles dans ces banques de données, sans compter tous les tableaux, tous les films, toutes les émissions de télé, tout, absolument tout." On n’en est pas encore là. Mais, en cinq ans à peine (1993-1998), on ne court plus désespérément après l’information dont on a besoin, parce que l’information dont on a besoin est enfin à notre portée. Reste maintenant à poursuivre le travail entrepris, tout en gardant à l’esprit cette phrase du Manifeste pour un technoréalisme: "Peu importe la puissance de nos ordinateurs, nous ne devrions jamais nous en servir pour pallier la lucidité, le raisonnement et le jugement." Note au lecteur Les échanges épistolaires avec les professionnels du livre et de la presse cités dans ces pages se poursuivent ensuite pendant plusieurs années. D’autres professionnels viennent se joindre à eux, pour atteindre quelque 120 correspondants en 2003. Se poursuivent aussi les enquêtes et les analyses. Suite à ce livre, qui couvre la période 1993-1998, un deuxième livre voit le jour en 2003, Le Livre 010101 (1998-2003). La totalité des entretiens, études, enquêtes et analyses est disponible en ligne sur le Net des études françaises (NEF), à l’adresse suivante: http://www.etudes-francaises.net/entretiens/ # PERSONNES CITEES (*) Un astérisque signale les personnes ayant répondu à mes questions durant l'été 1998. Carlos Alberto de Almeida (Federación Nacional de Periodistas - FENAJ) Jean-Pierre Angremy (Bibliothèque nationale de France) *Silvaine Arabo (Poésie d’hier et d’aujourd’hui) *Arlette Attali (Institut national de la langue française - INaLF) Christian Aubry (Multimédium) *Isabelle Aveline (Zazieweb) Louise Beaudouin (ministère de la Culture, Québec) Barry Beckham (romancier) Redha Belkhat (El Watan) Tim Berners-Lee (World Wide Web Consortium – W3C) Beth Berselli (Washington Post) Tony Blair (premier ministre, Royaume-Uni) *Olivier Bogros (Bibliothèque électronique de Lisieux) Jose Luis Borges (écrivain) *Bernard Boudic (Ouest-France) Pierre Briançon (Libération) Vinton Cerf (Internet Society - ISOC) Pierre-Louis Chantre (L’Hebdo) *Pascal Chartier (Livre-rare-book) *Jean-Pierre Cloutier (Chroniques de Cybérie) *Jacques Coubard (L’Humanité) Christian Debraisne (Nouvelles du bled) Malti Djallan (Reporters sans frontières) Robert Downs (écrivain) Walter Durling (AT&T Global Information Solutions) Esther Dyson (Electronic Frontier Foundation - EFF) Didier Falkand (écrivain) Jean-Gabriel Ganascia (GIS Sciences de la cognition) William Gibson (romancier) Paul Gilster (écrivain) *Muriel Goiran (Librairie Decitre) Claude Gross (Unité Réseaux du CNRS - UREC) Bruno Guglieminetti (Radio Canada) Bruno Guissani (Libération) *Michael Hart (LibraryBlog) Christian Huitema (Internet Activities Board - IAB) *Christiane Jadelot (Institut national de la langue française - INaLF) *Jean-Paul (écrivain) Annie Kahn (Le Monde) Wilfred Kiboro (Nation Printers and Publishers) John Labovitz (E-Zine-List) *Michel Landaret (Dernières nouvelles d’Alsace) Brian Lang (British Library) *Hélène Larroche (Librairie Itinéraires) Laurent Latrive (Libération) Timothy Leary (philosophe) Peter Leisink (Université d’Utrecht) *Claire Le Parco (Poésie française) *Annie Le Saux (Bulletin des bibliothèques de France - BBF) Pierre Lévy (philosophe) *Fabrice Lhomme (Une Autre Terre) Bernie Lunzer (Newspaper Guild) Nelson Mandela (président, Afrique du Sud) Laurent Mauriac (Libération) Antoine Maurice (Tribune de Genève) Eric K. Meyer (AJR/NewsLink) Hermann Meyn (Deutscher Journalisten Verband - DJV) Michel Muller (Fédération des industries du livre, du papier et de la communication) Phil O’Reilly (Newspaper Publishers’ Association) Penny Pagano (AJR/NewsLink) Pierre Perroud (Athena) *Nicolas Pewny (éditions du Choucas) Emmanuelle Peyret (Libération) Henri Pigeat (Institut international des communications) *Hervé Ponsot (Cerf) *Peter Raggett (Organisation de coopération et de développement économiques - OCDE) *Patrick Rebollar (professeur de lettres et d’informatique) Etienne Reichel (Visual Communication - VISCOM) *Jean-Baptiste Rey (Biblio On Line) *Philippe Rivière (Le Monde diplomatique) *Blaise Rosnay (Club des poètes) Heinz-Uwe Rübenach (Bundesverband Deutscher Zeitungsverleger) Thierry Samain (Ecole nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques - ENSSIB) *Bruno de Sa Moreira (éditions 00h00.com) Dale Spender (Université de Queensland) Bruce Sterling (World Wide Web Consortium – W3C) Jérôme Strazzulla (Le Figaro) Guy Teasdale (Université de Montréal) Catherine Trautman (ministère de la Culture, France) Rodrigo Vergara (Logos) Philip Wade (écrivain) Mohammed Zaoui (Nouvelles du bled) # SITES ET PAGES WEB Ces 330 sites et pages web sont classés par ordre alphabétique. Toutes les adresses web ont été vérifiées en 2003, et si besoin actualisées ou supprimées. ABU: la bibliothèque universelle: http://abu.cnam.fr/ ACM Digital Library: http://www.acm.org/dl/ AcqWeb’s Directory of Publishers and Vendors: http://www.library.vanderbilt.edu/law/acqs/pubr.html AFNOR (Association française de normalisation): http://www.afnor.fr/ AJR (American Journalism Review): http://ajr.org/ AJR/Newslink: site scindé en deux, AJR et Newslink Alapage: http://www.alapage.com/ Alcatel France: http://www.alcatel.fr/ Alice.it: http://www.alice.it/ Alis Technologies: http://www.alis.com/ AltaVista: http://www.altavista.com/ AltaVista’s Babel Fish Translation: http://babel.altavista.com/ Amazon.com: http://www.amazon.com/ America On Line: http://www.aol.com/ American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL): http://humanities.uchicago.edu/ARTFL/ARTFL.html American Journalism Review (AJR): http://ajr.org/ American Society for Information Science (ASIS): http://www.asis.org/ American Society of Composers, Authors and Publishers (ASCAP): http://www.ascap.com/ Annuaire de l’UREC: http://www.urec.cnrs.fr/annuaire/ Apple: http://www.apple.com/ Apple .Mac: http://www.mac.com/ ARPALS (Amicale du regroupement pédagogique Armillac Labretonie Saint-Barthélémy): http://www.bol.ocd.fr/biblio/arpals/arpals.htm ARTFL (American and French Research on the Treasury of the French Language): http://humanities.uchicago.edu/ARTFL/ARTFL.html ARTFL – Encyclopédie de Diderot: http://www.lib.uchicago.edu/efts/ARTFL/projects/encyc/ ARTFL – Encyclopédie de Diderot – Prototype of Volume 1: http://humanities.uchicago.edu/ARTFL/projects/encyc/demo.page.html Association des bibliophiles universels (ABU): http://abu.cnam.fr/ Association des bibliothécaires français (ABF): http://www.abf.asso.fr/ Association des professionnels de l’information et de la documentation (ADBS): http://www.adbs.fr/ Association for Research Libraries (ARL): http://www.arl.org/ Association of American Publishers (AAP): http://www.publishers.org/ Athena: http://un2sg4.unige.ch/athena/ Athena - Literature resources: http://un2sg4.unige.ch/athena/html/booksite.html Athena - Mineralogy: http://un2sg4.unige.ch/athena/mineral/mineral.html Athena - Swiss authors and texts: http://un2sg4.unige.ch/athena/html/swis_txt.html Athena – Textes français: http://un2sg4.unige.ch/athena/html/francaut.html AT&T: http://www.att.com/ Autre Terre (Une): http://www.une-autre-terre.net/ Babel Fish Translation: http://babel.altavista.com/ Barnes & Noble.com: http://www.barnesandnoble.com/ BD Paradisio: http://www.bdparadisio.com/ Berkeley Digital Library SunSITE: http://sunsite.berkeley.edu/ Berkeley Libraries: http://www.lib.berkeley.edu/ Bertelsmann: http://www.bertelsmann.de/ Bibelec: http://www.bibelec.com/ BIBLINK: http://hosted.ukoln.ac.uk/biblink/ Biblio-fr: http://listes.cru.fr/wws/info/biblio-fr Biblio On Line: http://www.biblionline.com/ Biblio On Line – Editeurs: http://www.biblionline.com/html/annuaire/Editeur.htm Biblioteka Narodowa (Pologne): http://www.bn.org.pl/ Bibliotheca universalis: http://www.culture.fr/g7/index.html Bibliothèque de l’Office des Nations unies à Genève: http://www.unog.ch/library/french/startfr.htm Bibliothèque électronique de Lisieux (La): http://www.bmlisieux.com/ Bibliothèque municipale de Lyon: http://www.bm-lyon.fr/ Bibliothèque nationale de France (BnF): http://www.bnf.fr/ Bibliothèque nationale de France (BnF) – Gallica: http://gallica.bnf.fr/ Bibliothèque nationale du Canada: http://www.nlc-bnc.ca/ Bibliothèque publique d’information (BPI): http://www.bpi.fr/ Bibliothèque publique d’information (BPI) – Oriente-Express (L’): http://www.bpi.fr/4/orient/ BIBSYS: http://www.bibsys.no/ BIPE: http://www.bipe.fr/ Blackwell’s: http://www.blackwell.com/ BookPage: http://www.bookpage.com/ Booz, Allen & Hamilton: http://www.bah.com/ Branchez-Vous!: http://branchez-vous.com/ British Library: http://portico.bl.uk/ British Library Public Catalogue (BLPC): http://blpc.bl.uk/ Buchhandel.de: 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