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Title: Le Livre 010101, Tome 2 (1998-2003) Author: Lebert, Marie Language: French As this book started as an ASCII text book there are no pictures available. *** Start of this LibraryBlog Digital Book "Le Livre 010101, Tome 2 (1998-2003)" *** LE LIVRE 010101, TOME 2 (1998-2003) MARIE LEBERT NEF, University of Toronto, 2003 Copyright © 2003 Marie Lebert LE LIVRE 010101 - daté de septembre 2003 - est une synthèse sur tous les acteurs de l'édition numérique et l'apport des technologies numériques dans le monde du livre. L'internet et les technologies numériques sont en train de bouleverser le monde du livre. Imprimé sous de multiples formes depuis plus de cinq siècles, le livre se convertit. Si le livre imprimé a toujours sa place, et pour longtemps encore, d'autres supports se développent, et les habitudes de travail changent. Quelles sont les implications pour tous les professionnels du livre? Quelles sont les perspectives pour les prochaines années? TOME 2. 1998-2003. Les années 1998-2003 voient l'apparition de dictionnaires en ligne, de bases textuelles sur le web, d'oeuvres hypermédias, de livres en version numérique, de livres numériques braille et audio, de logiciels de traduction, de logiciels de lecture pour ordinateur et assistant personnel (PDA), d'appareils de lecture de la taille d'un livre, etc. Si la progression du livre numérique est lente, elle est constante. On attend maintenant la connexion à l'internet sans fil et le papier électronique. La version originale est disponible sur le NEF: http://www.etudes-francaises.net/entretiens/010101/ TABLE # Sommaire # Introduction 1. Chronologie des faits 2. Les auteurs à l’heure de l’internet 3. L’édition devient électronique 4. La librairie web se diversifie 5. Le réseau des bibliothèques numériques 6. Une vaste encyclopédie 7. Des livres en version numérisée 8. Des appareils de lecture 9. Bientôt des livres multilingues? # Conclusion # [Annexe] Répertoires # [Annexe] Perspectives # [Annexe] Commentaires # Sites et pages web # SOMMAIRE L’internet et les technologies numériques sont en train de bouleverser le monde du livre. Imprimé sous de multiples formes depuis plus de cinq siècles, le livre se convertit. Si le livre imprimé a toujours sa place, et pour longtemps encore, d’autres supports se développent, et les habitudes de travail changent. Le mouvement amorcé entre 1993 et 1998 s’accentue, avec de plus en plus de textes électroniques, de sites web liés au livre, d'éditeurs électroniques, de librairies en ligne et de bibliothèques numériques. Les années 1998-2003 voient l’apparition de dictionnaires en ligne, de bases textuelles sur le web, d’oeuvres hypermédias, de livres en version numérique, de livres numériques braille et audio, de logiciels de traduction, de logiciels de lecture pour ordinateur et assistant personnel (PDA), d’appareils de lecture de la taille d’un livre, etc., en attendant la connexion à l'internet sans fil et le papier électronique. Basé sur le suivi de l’actualité et sur de nombreux entretiens, Le Livre 010101 (1998-2003) tente de faire le tour de la question. Il est complété par une liste de répertoires et une série de signets. = L’auteure Adepte de l’internet, du télétravail et du zéro papier, Marie Lebert est traductrice-éditrice auprès d’une agence des Nations Unies, pour gagner sa vie. A titre personnel, elle est également chercheuse, écrivain et journaliste. Elle s’intéresse entre autres aux bouleversements apportés dans le monde du livre par l’internet et les technologies numériques. Elle prône aussi la diffusion libre du savoir et la création de nouvelles structures éditoriales s’affranchissant des modèles traditionnels. = L'éditeur Le Livre 010101 (1998-2003) est publié en ligne sur le Net des études françaises (NEF), créé en mai 2000 par Russon Wooldridge, professeur au département d’études françaises de l’Université de Toronto. Le NEF se veut d’une part "un filet trouvé qui ne capte que des morceaux choisis du monde des études françaises, tout en tissant des liens entre eux", d’autre part un réseau dont les "auteurs sont des personnes oeuvrant dans le champ des études françaises et partageant librement leur savoir et leurs produits avec autrui", deux belles définitions qui s’appliquent aussi au Livre 010101. Un autre volume, Le Livre 010101 (1993-1998), couvre la période précédente. = Remerciements Le Livre 010101 (1998-2003) doit beaucoup à tous les professionnels du livre (et apparentés) qui ont accepté de répondre par courriel à mes questions, dont certains à plusieurs reprises depuis 1998. Qu’ils en soient ici chaleureusement remerciés. La quasi-totalité des entretiens est publiée en ligne sur le Net des études françaises (NEF). [Voir le livre: Entretiens (1998-2001).] # INTRODUCTION L’internet et les technologies numériques sont en train de bouleverser le monde du livre. Imprimé sous de multiples formes depuis plus de cinq siècles, le livre se convertit. Si, en 2003, le livre imprimé a toujours sa place, et pour longtemps encore, d’autres supports se développent, et les habitudes de travail changent. Le mouvement amorcé entre 1993 et 1998 s’accentue, avec de plus en plus de textes électroniques, de sites web liés au livre, d'éditeurs électroniques, de librairies en ligne et de bibliothèques numériques. Les années 1998-2003 voient l’apparition de dictionnaires en ligne, de bases textuelles sur le web, d’oeuvres hypermédias, de livres en version numérique, de livres numériques braille et audio, de logiciels de traduction, de logiciels de lecture pour ordinateur et assistant personnel (PDA), d’appareils de lecture de la taille d’un livre, etc. On attend maintenant la connexion à l'internet dans fil et le papier électronique. Le grand vecteur du livre numérique est le web qui, s’il subit l’emprise des multinationales, est également devenu en quelques années une gigantesque encyclopédie, une énorme bibliothèque, une immense librairie et un organe de presse des plus complets. Le web est relayé par d’autres secteurs de l’internet, à commencer par le courrier électronique, les listes de diffusion et les forums de discussion. A cela s’ajoutent des services spécifiques au livre, comme la numérisation des oeuvres imprimées, la conception des logiciels de lecture, la fabrication des livres numériques et la mise au point des appareils de lecture. Converties en textes électroniques, les oeuvres du domaine public peuvent désormais être diffusées librement, y compris auprès des aveugles et malvoyants. A côté du livre imprimé apparaît le livre numérique, qu’on peut lire sur son ordinateur, sur son assistant personnel (PDA) ou sur un appareil dédié qu’on appelle livre électronique. Par ailleurs, des écrivains explorent les possibilités offertes par l’hyperlien ou le courriel pour créer des oeuvres d’un genre nouveau. Le numérique secoue durement le monde de l’imprimé, réputé jusque-là pour sa stabilité. Contrairement aux pronostics un peu rapides de quelques spécialistes enthousiastes, le livre imprimé n’est pas menacé pour autant, loin s’en faut, et point n’est besoin de pleurer la mort du papier. On a désormais deux supports - papier et numérique - au lieu d’un seul. Si les professionnels du livre sont maintenant nombreux à utiliser les ressources offertes par le numérique, peu d’entre eux cependant sont devenus des adeptes du zéro papier, et beaucoup restent amoureux du livre imprimé, à la fois pour son côté pratique et pour le plaisir de l’objet. Le livre imprimé a cinq siècles et demi. Le livre numérique est plus difficile à dater. Si on le considère comme un texte électronique, il aurait trente ans et serait né avec le Projet Gutenberg, créé dès juillet 1971 par Michael Hart pour distribuer gratuitement les oeuvres du domaine public par voie électronique. Il faut toutefois attendre le développement du web au milieu des années 1990 pour que débute une véritable diffusion des textes à l’échelle de la planète. Si on le réduit à son aspect commercial, le livre numérique serait né en mai 1998 avec la mise en vente des premiers titres numériques par les éditions 00h00. Mais, là aussi, le livre numérique commercial ne prend vraiment son essor que deux ans et demi plus tard, à compter du deuxième semestre 2000. Signe des temps, en novembre 2000, la British Library met en ligne la version numérique de la Bible de Gutenberg (1454-1455), premier livre à avoir jamais été imprimé. Le Livre 010101 (1998-2003) expose les changements apportés par l’utilisation extensive de l’internet, la diffusion à grande échelle des textes électroniques et la commercialisation des livres numériques (versions numérisées d’un livre), et ce dans toutes les catégories professionnelles liées au livre: chez les auteurs, les éditeurs et les libraires bien sûr, mais aussi chez les bibliothécaires-documentalistes, les professeurs, les chercheurs, les traducteurs, les linguistes, les créateurs de sites littéraires, les concepteurs de nouveaux supports de lecture, etc. Ce livre se base à la fois sur le suivi de l’actualité pendant plusieurs années et sur des entretiens menés par courriel auprès de nombreux professionnels du livre (et apparentés). Il ne prendmalheureusement pas en compte - ou si peu - les vastes domaines que sont les manuels d’enseignement et les livres pour enfants. Ses quelque 150 pages n’y suffiraient pas, et chaque domaine mériterait des mois de recherche et une étude à part. Dans les pages qui suivent, "livre numérique" (version numérisée d’un livre) et "livre électronique" (appareil de lecture) sont utilisés faute de mieux, en attendant peut-être une terminologie plus adaptée. En anglais, le terme "ebook" recouvre les deux notions, ce qui n’est pas non plus sans prêter à confusion. Le livre étant à l’origine un assemblage de feuilles imprimées formant un volume, utiliser le terme "livre" en le couplant avec les adjectifs "numérique" et "électronique" relève bien sûr de l’hérésie si on s’en tient au livre en tant que support. Mais ces expressions sont tout de même acceptables si on considère le livre dans sa dimension éditoriale. Ce problème terminologique est soulevé par Pierre Schweitzer, concepteur du baladeur de textes @folio. "J’ai toujours trouvé l’expression 'livre électronique' très trompeuse, piégeuse même, écrit-il en juillet 2002. Car quand on dit 'livre', on voit un objet trivial en papier, tellement courant qu’il est devenu anodin et invisible... alors qu’il s’agit en fait d’un summum technologique à l’échelle d’une civilisation. Donc le terme 'livre' renvoie sans s’en rendre compte à la dimension éditoriale - le contenu -, puisque 'l’objet technique', génial, n’est pas vraiment vu, réalisé... Et de ce point de vue, cette dimension-là du livre, comme objet technique permettant la mise en page, le feuilletage, la conservation, la distribution, la commercialisation, la diffusion, l’échange, etc., des œuvres et des savoirs, est absolument indépassable. Quand on lui colle 'électronique' ou 'numérique' derrière, cela renvoie à tout autre chose: il ne s’agit pas de la dimension indépassable du codex, mais de l’exploit inouï du flux qui permet de transmettre à distance, de recharger une mémoire, etc., et tout ça n’a rien à voir avec le génie originel du codex! C’est autre chose, autour d’internet, de l’histoire du télégraphe, du téléphone, des réseaux..." C’est pour tenter de contrer ce flou terminologique que ce livre a pour titre Le Livre 010101. Le livre 010101, c’est à la fois le livre numérique, le livre électronique, le texte électronique, la base de donnée numérique et l’oeuvre numérisée. De plus, 010101 en numération binaire donne 21, un nombre qui, s’il est symbolique, n’est pas très élevé, et montre qu’il reste beaucoup à faire. Comme si cela n’était pas suffisant, Le Livre 010101 est en lui-même une aventure éditoriale, avec un premier livre couvrant les années 1993-1998, un deuxième livre d’enquête publié en ligne en juillet 2001, un troisième livre plus analytique distribué au format PDF en septembre 2002, un quatrième livre publié en ligne en mars 2003 et enfin une ultime version datant de septembre 2003 (celle que vous êtes en train de lire). La totalité des entretiens, études, enquêtes et analyses est disponible en ligne sur le Net des études françaises (NEF), à l’adresse suivante: http://www.etudes-francaises.net/entretiens/ 1. CHRONOLOGIE DES FAITS [Dans cette chronologie:] [1.1. Quelques balises / 1.2. Chronologie détaillée] 1.1. Quelques balises Dans le monde du livre, le développement du numérique débute véritablement en 1993-1994, parallèlement à celui du web, avec une accélération sensible à partir de l’année 2000. Ces quelques balises précèdent une chronologie détaillée. Juillet 1971 = Genèse du Projet Gutenberg, première bibliothèque numérique au monde Janvier 1991 = Création de l’Unicode Consortium pour développer un système d’encodage informatique permettant de traiter toutes les langues de la planète Avril 1993 = Création d’ABU: la bibliothèque universelle (ABU: Association des bibliophiles universels), première bibliothèque numérique francophone Juin 1993 = Lancement par Adobe du premier logiciel de lecture, l’Acrobat Reader, qui permet de lire des documents au format PDF (portable document format) Novembre 1994 = Naissance des Chroniques de Cybérie, chronique hebdomadaire des actualités de l’internet et première lettre d’information électronique francophone Février 1995 = Mise en ligne du site web du Monde diplomatique, premier site d’un périodique imprimé français Avril 1995 = Création d’Editel, pionnier de l’édition littéraire francophone en ligne Juillet 1995 = Création de la librairie en ligne Amazon.com, futur géant du commerce électronique Février 1996 = Naissance de la lettre d’information électronique LMB Actu (Le Micro Bulletin Actu), qui devient Internet Actu en septembre 1999 Mai 1996 = Création du DAISY Consortium (DAISY: Digital Audio Information System), consortium international chargé de définir un standard de livre audionumérique Août 1996 = Création de CyLibris, pionnier francophone de l’édition électronique commerciale, qui se spécialise dans la publication de nouveaux auteurs littéraires Octobre 1996 = Genèse d’@folio, défini comme un baladeur de texte ou un support de lecture nomade Avril 1997 = Création de la société E Ink par des chercheurs du Media Lab du MIT (Massachusetts Institute of Technology) pour développer un modèle de papier électronique Octobre 1997 = Mise en ligne de Gallica, le secteur numérique de la Bibliothèque nationale de France Mai 1998 = Mise en ligne des éditions 00h00, premier éditeur au monde à vendre des livres numériques Septembre 1999 = Création de l’Open eBook (OeB), un format standard de livre numérique Décembre 1999 = Mise en ligne de WebEncyclo, première encyclopédie francophone en accès libre Décembre 1999 = Mise en ligne de l’Encyclopaedia Britannica, première encyclopédie anglophone en accès libre Mars 2000 = Création de Mobipocket, société spécialisée dans la lecture et la distribution sécurisée de livres numériques sur assistant personnel (PDA) Mai 2000 = Création du Net des études françaises (NEF), un réseau dont les auteurs partagent librement leur savoir et leurs produits avec autrui Juillet 2000 = Auto-publication sur l’internet de The Plant de Stephen King, premier auteur de best-sellers à se lancer dans un tel pari Août 2000 = Diffusion du Microsoft Reader, logiciel permettant de lire des livres numériques sur toute plate-forme Windows Septembre 2000 = Rachat des éditions 00h00 par Gemstar-TV Guide International, société américaine spécialisée dans les produits et services numériques pour les médias Septembre 2000 = Mise en ligne gratuite du Grand dictionnaire terminologique (GDT), la base terminologique bilingue français-anglais de l’Office québécois de la langue française (OQLF) Septembre 2000 = Mise en ligne de Numilog, première librairie à vendre exclusivement des livres numériques Septembre 2000 = Fondation de la Public Library of Science (PLoS) dans le but de créer des archives en accès libre d’articles scientifiques et médicaux Octobre 2000 = Lancement des deux premiers modèles de Gemstar eBook, livres électroniques faisant suite aux précurseurs Rocket eBook et Softbook Reader Novembre 2000 = Mise en ligne de la version numérisée de la Bible de Gutenberg sur le site de la British Library Décembre 2000 = Création de la société Gyricon Media pour développer le SmartPaper, un modèle de papier électronique Janvier 2001 = Lancement par la société Cytale du Cybook, premier livre électronique européen Janvier 2001 = Lancement par Adobe de l’Acrobat eBook Reader, logiciel de lecture pour les livres numériques soumis au copyright, avec gestion des droits par l’Adobe Content Server Mars 2001 = Lancement par Palm du Palm Reader, logiciel de lecture de l’assistant personnel (PDA) Palm Pilot Octobre 2001 = Lancement par Microsoft du système d'exploitation Pocket PC 2002, qui permet la lecture de livres numériques soumis au copyright Février 2002 = Mise en ligne de Bookshare.org, une grande bibliothèque numérique à l’intention des aveugles et malvoyants résidant aux Etats-Unis Septembre 2002 = Mise en ligne de la version pilote du MIT OpenCourseWare, qui offre en accès libre le matériel d’enseignement de 32 cours dispensés par le MIT (Massachusetts Institute of Technology) Décembre 2002 = Début des activités d’édition non commerciale de la Public Library of Science (PLoS) pour le lancement de périodiques scientifiques et médicaux de haut niveau avec diffusion en ligne gratuite Février 2003 = Ouverture du portail Handicapzéro, qui met l’information et le texte à la disposition de tous les francophones ayant un problème visuel 1.2. Chronologie détaillée = Juillet 1971 Fondé par Michael Hart en juillet 1971 alors qu’il était étudiant à l’Université de l’Illinois (Etats-Unis), le Projet Gutenberg a pour but de diffuser gratuitement par voie électronique le plus grand nombre possible d’œuvres du domaine public. Il est le premier site d’information sur un internet encore embryonnaire, qui débute véritablement en 1974 et prend son essor en 1983. Vient ensuite le web (sous-ensemble de l’internet), opérationnel en 1991, puis le premier navigateur, qui apparaît en novembre 1993. Lorsque l’utilisation du web se généralise, le LibraryBlog trouve un second souffle et un rayonnement international. Au fil des ans, des centaines d’œuvres sont patiemment numérisées en mode texte par des volontaires de nombreux pays. D’abord essentiellement anglophones, les collections deviennent peu à peu multilingues. La plus ancienne bibliothèque numérique sur l’internet franchit la barre des 5.000 titres en avril 2002, puis des 10.000 titres en octobre 2003, avec plus d'un millier de volontaires. = Janvier 1991 Créé en janvier 1991, l’Unicode Consortium a pour tâche de développer l’Unicode, un système d’encodage informatique sur 16 bits spécifiant un nombre unique pour chaque caractère. Ce nombre est lisible quels que soient la plate-forme, le logiciel et la langue utilisés. L’Unicode (qui, en 2003, en est à sa 4e version) peut traiter 65.000 caractères uniques, et donc prendre en compte tous les systèmes d’écriture de la planète. A la grande satisfaction des linguistes, il remplace progressivement l’ASCII (American standard code for information interchange), un système d’encodage sur 7 bits qui ne peut traiter que 128 caractères, et donc uniquement l’anglais, puis quelques alphabets européens avec les 256 caractères de l’ASCII étendu sur 8 bits. = Avril 1993 Créée en avril 1993, ABU: la bibliothèque universelle (ABU: Association des bibliophiles universels) est la première bibliothèque numérique francophone à voir le jour, à l’initiative de l’association du même nom, basée à Paris. Ses membres, bénévoles, scannent ou dactylographient eux-mêmes des oeuvres francophones du domaine public. En 2002, les collections approchent les 300 textes. = Juin 1993 En juin 1993, la société Adobe lance le premier logiciel de lecture, l’Acrobat Reader, qui permet de lire des documents au format PDF (portable document format). L’attrait de ce format est de conserver la présentation, les polices, les couleurs et les images du document source, quelle que soit la plate-forme utilisée pour le créer (au moyen du logiciel Adobe Acrobat) et pour le lire. Le format PDF devient progressivement la norme internationale de diffusion des documents électroniques. L’Acrobat Reader pour ordinateur est disponible en plusieurs langues et pour diverses plates-formes (Windows, Macintosh, Linux, Unix). En 2001, Adobe lance un Acrobat Reader pour assistant personnel (PDA), utilisable sur le Palm Pilot (en mai 2001) puis sur le Pocket PC (en décembre 2001). En 2003, le logiciel Adobe Acrobat en est à sa version 6. = Novembre 1994 En novembre 1994, Jean-Pierre Cloutier, journaliste québécois, crée Les Chroniques de Cybérie, une chronique hebdomadaire des actualités de l’internet, sous la forme d’une lettre envoyée par courrier électronique. A partir d’avril 1995, sa chronique est également présente sur le web. Au fil des ans, elle devient une référence dans la communauté francophone, y compris dans le domaine du livre. En 2002, les Chroniques comptent 5.600 abonnés. = Février 1995 En février 1995 est mis en ligne le site web du mensuel Le Monde diplomatique, premier site d’un périodique imprimé français. Monté dans le cadre d’un projet expérimental avec l’Institut national de l’audiovisuel (INA), ce site est inauguré lors du forum des images Imagina. Quelques mois après, plusieurs quotidiens imprimés mettent en ligne un site web: Libération à la fin de 1995, Le Monde et L’Humanité en 1996, etc. = Avril 1995 En avril 1995, Pierre François Gagnon, poète et essayiste québécois, crée Editel, site pionnier de l’édition littéraire francophone. Après avoir été le premier site web d’auto-édition collective de langue française, Editel devient un site de cyberédition non commerciale en partenariat avec quelques auteurs maison, ainsi qu’un webzine littéraire. = Juillet 1995 En juillet 1995 naît aux Etats-Unis la librairie en ligne Amazon.com, futur géant du commerce électronique. Jeff Bezos fonde la librairie suite à une étude de marché démontrant que les livres sont les meilleurs produits à vendre sur l’internet. Amazon.com débute avec dix salariés et trois millions d’articles. Cinq ans plus tard, en novembre 2000, la société compte 7.500 salariés, 28 millions d’articles, 23 millions de clients et quatre filiales (Royaume-Uni, Allemagne, Franceet Japon), auxquelles s’ajoute en juin 2002 une cinquième filiale au Canada. Admiré par certains, son modèle économique est contesté par d’autres, notamment en matière de gestion du personnel. = Février 1996 En février 1996, François Vadrot, directeur des systèmes d’information du CNRS (Centre national de la recherche scientifique, France), crée LMB Actu (Le Micro Bulletin Actu), une lettre d’information hebdomadaire consacrée à l’actualité de l’internet et des nouvelles technologies. En août 1999, il fonde la société de cyberpresse FTPress (French Touch Press), basée à Paris. En septembre 1999, il lance Internet Actu, qui remplace LMB Actu. D’autres publications suivent, ainsi que des réalisations multimédias et des émissions de télévision, dont certaines suivent de près l’actualité du livre. En avril 2002, Internet Actu est racheté par INIST Diffusion (INIST: Institut de l’information scientifique et technique). FTPress cesse ses activités en mai 2003. = Mai 1996 Fondé en mai 1996, le DAISY Consortium (DAISY: Digital Audio Information System) est un consortium international chargé d’assurer la transition entre le livre audio analogique (sur bande magnétique ou sur cassette) et le livre audionumérique. Sa tâche est de définir une norme internationale, déterminer les conditions de production, d’échange et d’utilisation du livre audionumérique, et enfin organiser la numérisation du matériel audio à l’échelle mondiale. La norme DAISY se base sur le format DTB (digital talking book), qui permet l’indexation du livre audio et l’ajout de signets pour une navigation facile au niveau du paragraphe, de la page ou du chapitre. En août 2003, près de 41.000 livres audionumériques répondent à cette norme. = Août 1996 Fondé en août 1996 à Paris par Olivier Gainon, CyLibris (de Cy, cyber et Libris, livre) est le pionnier francophone de l’édition électronique commerciale. CyLibris est en effet la première maison d’édition à utiliser l’internet et le numérique pour publier de nouveaux auteurs littéraires. Vendus uniquement sur le web, les livres sont imprimés à la commande et envoyés directement au client, ce qui permet d’éviter le stock et les intermédiaires. Au printemps 2000, CyLibris devient membre du Syndicat national de l’édition (SNE). En 2001, certains titres sont également distribués par un réseau de librairies traditionnelles et numériques. En 2003, le catalogue de CyLibris comprend une cinquantaine de titres. = Octobre 1996 Architecte designer, Pierre Schweitzer crée en octobre 1996 le concept d’@folio (qui se prononce: a-folio) dans le cadre d’un projet de design déposé à l’Ecole d’architecture de Strasbourg. Défini comme un baladeur de textes ou un support nomade, @folio permet de lire des textes glanés sur l’internet. De petite taille, il cherche à mimer, sous forme électronique, le dispositif technique du livre, afin d’offrir une mémoire de fac-similés reliés en hypertexte pour faciliter le feuilletage. Sa commercialisation devrait débuter en 2004. = Avril 1997 En avril 1997, des chercheurs du Media Lab du MIT (Massachusetts Institute of Technology) créent la société E Ink afin de développer et commercialiser une technologie d’encre électronique. Prises entre deux feuilles de plastique souple, des millions de microcapsules contiennent chacune des particules noires et blanches (ou une autre combinaison de couleurs) en suspension dans un fluide clair. Un champ électrique positif ou négatif permet de faire apparaître le groupe de particules souhaité à la surface du support, afin d’afficher, de modifier ou d’effacer des données. En juillet 2002, E Ink présente le prototype du premier écran couleur utilisant cette technologie. Développé en partenariat avec les sociétés Toppan et Philips, cet écran devrait être commercialisé en 2004. = Octobre 1997 En octobre 1997, la Bibliothèque nationale de France (BnF) met en ligne sa bibliothèque numérique Gallica. En accès libre, Gallica devient rapidement l’une des plus importantes bibliothèques numériques du réseau. On y trouve les documents libres de droits du fonds numérisé de la BnF, à savoir, en 2003, 70.000 ouvrages et 80.000 images allant du Moyen-Age au début du 20e siècle. Pour des raisons de coût, les documents sont essentiellement numérisés en mode image. = Mai 1998 En mai 1998 sont lancées à Paris les éditions 00h00 (qui se prononce: zéro heure), premier éditeur au monde à vendre des livres numériques. Les deux fondateurs de 00h00, Jean-Pierre Arbon et Bruno de Sa Moreira, choisissent ce nom à dessein pour évoquer "cette idée d’origine, de nouveau départ", en faisant le pari de concilier édition électronique et commerce. Pas de stock, pas de contrainte physique de distribution, mais un très beau site, sur lequel on lit: "Internet est un lieu sans passé, où ce que l’on fait ne s’évalue pas par rapport à une tradition. Il y faut inventer de nouvelles manières de faire les choses." En 2000, le catalogue comprend 600 titres, une centaine d’oeuvres originales et des rééditions électroniques d’ouvrages publiés par d’autres éditeurs. Les versions numériques représentent 85% des ventes, les 15% restants étant des versions imprimées à la demande du client. = Septembre 1999 En septembre 1999 est créé l’Open eBook (OeB), un format standard de livre numérique basé sur le langage XML (extensible markup language) et défini par l’OeBPS (open ebook publication structure). Le format OeB est développé par l’Open eBook Forum (OeBF), un consortium industriel international fondé en janvier 2000 pour regrouper constructeurs, concepteurs de logiciels, éditeurs, libraires et spécialistes du numérique (85 participants en 2002). L’OeBPS en est à sa version 1.2, datée d’août 2002. = Décembre 1999 En décembre 1999, les éditions Atlas mettent en ligne WebEncyclo, première grande encyclopédie francophone en accès libre sur le web. La recherche est possible par mots-clés, thèmes, médias (cartes, liens internet, photos, illustrations) et idées. La section "ebEncyclo contributif" regroupe les articles régulièrement envoyés par des spécialistes. En 2002, l’accès est soumis à une inscription gratuite au préalable. = Décembre 1999 En décembre 1999, Britannica.com propose l’équivalent numérique des 32 volumes de la 15e édition imprimée de l’Encyclopaedia Britannica, qui devient ainsi la première grande encyclopédie anglophone en accès libre sur le web. L’encyclopédie en ligne est complétée par un choix d’articles (provenant de 70 titres de presse), un guide des meilleurs sites web, une sélection de livres, etc., le tout étant accessible à partir d’un moteur de recherche unique. En septembre 2000, Britannica.com fait partie des cent sites les plus visités au monde. En juillet 2001, la consultation devient payante sur la base d’un abonnement mensuel ou annuel. = Mars 2000 Créée en mars 2000 par Thierry Brethes et Nathalie Ting, la société Mobipocket, basée à Paris, est spécialisée dans la lecture et la distribution sécurisée de livres numériques sur assistant personnel (PDA). Son logiciel de lecture, le Mobipocket Reader, est "universel", c’est-à-dire utilisable sur tout PDA. En avril 2002, la société lance aussi un Mobipocket Reader pour ordinateur. Au printemps 2003, le Mobipocket Reader équipe les gammes Palm Pilot, Pocket PC, eBookMan et Psion, et les smartphones de Nokia et Sony Ericsson. A la même date, le nombre de livres lisibles sur le Mobipocket Reader est de 6.000 titres dans plusieurs langues (français, anglais, allemand, espagnol), distribués soit sur le site de Mobipocket soit dans des librairies partenaires. = Mai 2000 En mai 2000, Russon Wooldridge, professeur au département d’études françaises de l’Université de Toronto, crée le Net des études françaises (NEF), suite au colloque qu’il organise pour réunir un groupe de francophones (Colloque international sur les études françaises favorisées par les nouvelles technologies d’information et de communication, Toronto, mai 2000). Le NEF se veut à la fois un site d’édition non commerciale et un réseau dont les auteurs partagent librement leur savoir et leurs produits avec autrui. Le NEF organise ensuite un deuxième colloque en mai 2002 à Lisieux (Normandie). = Juillet 2000 En juillet 2000 débute l’auto-publication électronique de The Plant, roman épistolaire de Stephen King. Premier auteur de best-sellers à se lancer dans un tel pari, Stephen King commence d’abord par distribuer en mars 2000 sa nouvelle Riding The Bullet uniquement en version numérique. 400.000 exemplaires sont téléchargés dans les premières 24 heures. Suite à ce succès à la fois médiatique et financier, il crée un site web spécifique pour auto-publier The Plant en épisodes. Les chapitres paraissent à intervalles réguliers et sont téléchargeables dans plusieurs formats (PDF, OeB, HTML, texte, etc.). En décembre 2000, après la parution du sixième chapitre, l'auteur décide d’interrompre cette expérience, le nombre de téléchargements et de paiements ayant régulièrement baissé au fil des chapitres. = Août 2000 En août 2000, Microsoft aborde le marché naissant du livre numérique en diffusant très largement son logiciel de lecture, le Microsoft Reader. Celui-ci est disponible pour toute plate-forme Windows, après avoir d’abord équipé uniquement le Pocket PC, l’assistant personnel (PDA) lancé en avril 2000 pour concurrencer le Palm Pilot. Microsoft passe aussi des partenariats avec Barnes & Noble.com (en janvier 2000) et Amazon.com (en août 2000) pour débuter la vente de livres numériques lisibles sur le Microsoft Reader. Barnes & Noble.com ouvre son secteur numérique en août 2000, suivi par Amazon.com en novembre 2000. = Septembre 2000 En septembre 2000, les éditions 00h00 sont rachetées par Gemstar-TV Guide International, société américaine spécialisée dans les produits et services numériques pour les médias. Auparavant, en janvier 2000, Gemstar rachète NuvoMedia et Softbook Press, les deux sociétés californiennes à l’origine des premiers modèles de livres électroniques (appareils de lecture). Le rachat de 00h00 permet à Gemstar d’étendre ses activités à l’Europe et d’accéder à l’édition numérique francophone, dont 00h00 est devenu depuis son lancement le site de référence avec 600 titres, une centaine d’oeuvres originales et des rééditions électroniques d’ouvrages publiés par d’autres éditeurs. Le livre numérique au format propriétaire se voyant condamné au profit du livre numérique disponible dans des formats "universels", 00h00 cesse ses activités en juin 2003, tout comme la branche eBook de Gemstar. = Septembre 2000 Mis en ligne en septembre 2000 avec accès libre, le Grand dictionnaire terminologique (GDT) est un gigantesque dictionnaire bilingue français-anglais de 3 millions de termes du vocabulaire industriel, scientifique et commercial. Il équivaut à 3.000 ouvrages de référence imprimés. Cette mise en ligne est le résultat d’un partenariat entre l’Office québécois de la langue française (OQLF), auteur du dictionnaire, et de la société Semantix, spécialisée dans les solutions logicielles linguistiques. Dès le premier mois, le dictionnaire est consulté par 1,3 millions de personnes, avec des pointes de 60.000 requêtes quotidiennes. En février 2003, les requêtes sont au nombre de 3,5 millions par mois. En mars 2003, une nouvelle version du GDT est mise en ligne avec gestion par l’OQLF lui-même, et non plus par une société prestataire. = Septembre 2000 Lancée en septembre 2000, la librairie numérique Numilog est la première librairie à vendre exclusivement des livres numériques, par téléchargement et dans plusieurs formats. Fondée à Paris en avril 2000 par Denis Zwirn, Hervé Zwirn et Patrick Armand, la société Numilog est à la fois une librairie en ligne, un studio de fabrication et un diffuseur de livres numériques. En 2003, le catalogue comprend 3.500 ebooks (livres et périodiques) en français et en anglais, aux formats PDF (pour lecture sur l’Acrobat Reader et l’Acrobat eBook Reader), LIT (pour lecture sur le Microsoft Reader) et PRC (pour lecture sur le Mobipocket Reader), grâce à un partenariat avec une quarantaine d’éditeurs. = Septembre 2000 Fondée en septembre 2000 par un groupe de chercheurs des universités de Stanford et de Berkeley (Californie) pour contrer les pratiques des éditeurs spécialisés, la Public Library of Science (PLoS) propose de regrouper tous les articles scientifiques et médicaux au sein d’archives en ligne en accès libre. Au lieu d’une information disséminée dans des millions de rapports et des milliers de périodiques en ligne ayant chacun des conditions d’accès différentes, un point d’accès unique permettrait de lire le contenu intégral de ces articles avec moteur de recherche multicritères et système d’hyperliens entre les articles. La réponse de la communauté scientifique internationale est remarquable. Au cours des deux années suivantes, la lettre ouverte diffusée par la Public Library of Science est signée par plus de 30.000 chercheurs de 180 pays différents. = Octobre 2000 En octobre 2000 sont lancés à New York les deux premiers modèles de Gemstar eBook, successeurs du Rocket eBook (créé par NuvoMedia) et du Softbook Reader (créé par Softbook Press), suite au rachat des deux sociétés par Gemstar-TV Guide International en janvier 2000. Commercialisés en novembre 2000 aux Etats-Unis, ces deux modèles - le REB 1100 (écran noir et blanc, successeur du Rocket eBook) et le REB 1200 (écran couleur, successeur du Softbook Reader) - sont construits sous le label RCA (appartenant à Thomson Multimedia). Courant 2002, ces deux modèles sont remplacés par le GEB 1150 et le GEB 2150, construits sous le label Gemstar. En Europe, le GEB 2200 (proche du REB 1200) est lancé en octobre 2001 en commençant par l'Allemagne. La vente de ces appareils de lecture cesse en juin 2003. = Novembre 2000 En novembre 2000, la version numérique de la Bible de Gutenberg est mise en ligne sur le site de la British Library. Cette Bible est le premier ouvrage que Gutenberg ait imprimé, en 1454-1455, dans son atelier de Mayence (Allemagne). Il l'aurait imprimé en 180 exemplaires. 48 exemplaires, dont certains incomplets, existeraient toujours. La British Library en possède deux versions complètes, et une partielle. La numérisation est l’oeuvre de chercheurs et experts techniques de l’Université Keio de Tokyo et de NTT (Nippon Telegraph and Telephone Communications), venus travailler sur place à l’aide de matériels hautement sophistiqués. = Décembre 2000 En décembre 2000, des chercheurs du centre Xerox de la Silicon Valley, le Palo Alto Research Center (PARC), créent la société Gyricon Media dans le but de commercialiser le SmartPaper, un modèle de papier électronique basé sur une technique d’affichage dénommée gyricon (développée elle-même depuis 1997). Prises entre deux feuilles de plastique souple, des millions de micro-alvéoles contiennent des microbilles bicolores en suspension dans un liquide clair. Chaque bille est pourvue d’une charge électrique. Une impulsion électrique extérieure permet la rotation des billes, et donc le changement de couleur, afin d’afficher, de modifier ou d’effacer des données. Le marché pressenti est d’abord celui de l’affichage commercial. La vente d’affichettes fonctionnant sur piles devrait débuter en 2004. Viendront ensuite les panneaux de signalisation, puis le papier électronique et enfin le journal électronique. = Janvier 2001 Janvier 2001 est la date de commercialisation du premier livre électronique européen, le Cybook. Le Cybook est conçu par la société française Cytale, dirigée par Olivier Pujol. Le téléchargement des livres et journaux numériques s’effectue à partir d'une librairie en ligne propre à Cytale. La société développe aussi le Cybook Pro, à destination des gros consommateurs de documents, et le Cybook Vision, à destination des malvoyants. Les ventes des trois modèles étant très inférieures aux pronostics, Cytale, mis en liquidation judiciaire, se voit contraint de cesser ses activités en juillet 2002. = Janvier 2001 En janvier 2001, Adobe lance deux nouveaux produits en complément de l’Acrobat Reader (qui permet de lire des documents au format PDF) et de l’Adobe Acrobat (qui permet de les créer). Gratuit, l’Acrobat eBook Reader est un logiciel de lecture pour les livres numériques soumis au copyright, avec gestion des droits par l’Adobe Content Server. Payant, l’Adobe Content Server est un système de DRM (digital rights management) destiné aux éditeurs et distributeurs pour gérer le conditionnement, la protection, la distribution et la vente sécurisée de livres numériques au format PDF. En mai 2003, l'Acrobat eBook Reader fusionne avec l'Acrobat Reader pour devenir l'Adobe Reader. = Mars 2001 En mars 2001, la société Palm fait l’acquisition de Peanutpress.com, éditeur et distributeur de livres numériques pour assistant personnel (PDA), qui appartenait jusque-là à la société netLibrary. Le Peanut Reader devient le Palm Reader, utilisable aussi bien sur le Palm Pilot que sur le Pocket PC, et les 2.000 titres de Peanutpress.com sont transférés dans la librairie numérique Palm Digital Media. En juillet 2002, le Palm Reader est utilisable aussi sur ordinateur. A la même date, Palm Digital Media distribue 5.500 titres dans plusieurs langues. En 2003, le catalogue approche les 10.000 titres. = Octobre 2001 En octobre 2001, le Pocket PC, assistant personnel (PDA) de Microsoft, troque le système d'exploitation Windows CE pour le Pocket PC 2002, qui permet la lecture de livres numériques soumis au copyright. Commercialisé par Microsoft en avril 2000 pour concurrencer le Palm Pilot, le Pocket PC permet d’emblée la lecture de livres numériques sur le Microsoft Reader, logiciel de lecture lancé à la même date dans ce but. En 2002, le Pocket PC accepte trois logiciels de lecture: le Microsoft Reader, le Mobipocket Reader et le Palm Reader. = Février 2002 En février 2002 est mis en ligne Bookshare.org, une grande bibliothèque numérique à l’intention des aveugles et malvoyants résidant aux Etats-Unis. Bookshare.org est créé et financé par Benetech, une société de la Silicon Valley ayant pour objectif de mettre la technologie au service de tous les êtres humains, et pas seulement de quelques-uns. Scannés par une centaine de volontaires, 7.620 titres sont disponibles au format BRF (braille format) et au format DAISY (digital audio information system). Le format BRF est destiné à une lecture sur plage braille ou une impression sur imprimante braille. Le format DAISY permet l’écoute du texte sur synthèse vocale. Le nombre de livres et de volontaires augmente rapidement. En février 2003, soit un an après l'ouverture, Bookshare.org compte 11.500 titres et 200 volontaires. En août 2003, le catalogue approche les 14.000 titres. = Septembre 2002 Mise en ligne en septembre 2002, la version pilote du MIT OpenCourseWare offre en accès libre le matériel d’enseignement de 32 cours représentatifs des cinq départements du MIT (Massachusetts Institute of Technology). Les cours (textes, vidéos, travaux pratiques en laboratoire, simulations, etc.) sont régulièrement actualisés. La totalité des 2.000 cours dispensés par le MIT devrait être disponible en septembre 2007. Le MIT espère que cette expérience de publication électronique - la première du genre - permettra de définir un standard et une méthode de publication, et qu’elle incitera d’autres universités à créer des sites semblables pour la mise à disposition gratuite de leurs propres cours. = Décembre 2002 En décembre 2002, la Public Library of Science (PLoS) devient un éditeur non commercial de périodiques scientifiques et médicaux en ligne, grâce à une subvention de 9 millions de dollars attribuée par la Gordon and Betty Moore Foundation. La PLoS poursuit ainsi ses activités débutées en septembre 2000 pour contrer les pratiques des éditeurs commerciaux et créer des archives d'articles en ligne en accès libre. Une équipe éditoriale de haut niveau est constituée début 2003 pour lancer des périodiques de qualité (PLoS Biology en octobre 2003 puis PLoS Medicine en 2004) selon un nouveau modèle d’édition en ligne basé sur la diffusion libre du savoir. Ces périodiques seront également disponibles en version imprimée. = Février 2003 Mis en ligne en février 2003 par l’association du même nom, Handicapzéro est un portail offrant un accès adapté à l’information (actualités, programmes de télévision, météo, moteur de recherche, services divers pour la santé, l'emploi, la consommation, les loisirs, les sports, la téléphonie, etc.) pour tous les francophones ayant un problème visuel, à savoir plus de 10% de la population. Les aveugles peuvent accéder au site au moyen d’une plage braille ou d’une synthèse vocale. Les malvoyants peuvent paramétrer sur la page d’accueil la taille et la police des caractères ainsi que la couleur du fond d’écran pour une navigation confortable. Les voyants peuvent correspondre en braille avec des aveugles par le biais du site, Handicapzéro assurant gratuitement la transcription et l’impression braille des courriers ainsi que leur expédition par voie postale. L’association démontre ainsi "que, sous réserve du respect de certaines règles élémentaires, l’internet peut devenir enfin un espace de liberté pour tous." 2. LES AUTEURS A L'HEURE DE L'INTERNET [2.1. Des échanges accrus / 2.2. De nouveaux genres littéraires / 2.3. Best-sellers en numérique] Pourquoi parler des auteurs avant de parler des éditeurs, des libraires, des formats numériques et des machines de lecture? Afin d’accorder aux auteurs la place qui leur revient, à savoir la première. On oublie trop souvent qu’il n’y aurait pas de livre, numérique ou non, sans auteur, et que les auteurs ne sont pas seulement les écrivains faisant partie de notre patrimoine, mais aussi tous les passionnés du verbe, le plus souvent inconnus, qui écrivent tout en gagnant leur vie par ailleurs. Depuis 1998, nombre d’entre eux s’accordent à reconnaître les bienfaits du web et du courrier électronique, que ce soit pour la recherche d’information, la diffusion de leurs oeuvres, les échanges avec les lecteurs ou la collaboration avec d’autres créateurs. On assiste aussi aux débuts de la littérature numérique. Certains écrivains férus de nouvelles technologies explorent les possibilités offertes par l’hyperlien, tandis que d’autres se lancent dans le mail-roman, diffusé par courrier électronique. 2.1. Des échanges accrus Silvaine Arabo est poète et plasticienne. Elle vit en France, dans la région Poitou-Charentes. En mai 1997, elle crée le site Poésie d’hier et d’aujourd’hui, un des premiers sites francophones consacrés à la poésie. "Pour ce qui est d’internet, je suis autodidacte (je n’ai reçu aucune formation informatique quelle qu’elle soit), relate-t-elle en juin 1998. J’ai eu l’idée de construire un site littéraire centré sur la poésie: internet me semble un moyen privilégié pour faire circuler des idées, pour communiquer ses passions aussi. Je me suis donc mise au travail, très empiriquement, et ai finalement abouti à ce site sur lequel j’essaye de mettre en valeur des poètes contemporains de talent, sans oublier la nécessaire prise de recul (rubrique 'Réflexions sur la poésie') sur l’objet considéré. (...) Par ailleurs, internet m’a mis en contact avec d’autres poètes, dont certains fort intéressants. Cela rompt le cercle de la solitude et permet d’échanger des idées. On se lance des défis aussi. Internet peut donc pousser à la créativité et relancer les motivations des poètes puisqu’ils savent qu’ils seront lus et pourront même, dans le meilleur des cas, correspondre avec leurs lecteurs et avoir les points de vue de ceux-ci sur leurs textes. Je ne vois personnellement que des aspects positifs à la promotion de la poésie par internet, tant pour le lecteur que pour le créateur." Très vite, Poésie d’hier et d’aujourd’hui prend la forme d’une cyber-revue. Quatre ans plus tard, en mars 2001, Silvaine Arabo crée une deuxième revue, Saraswati: revue de poésie, d’art et de réflexion, cette fois sur papier. Les deux revues "se complètent et sont vraiment à placer en regard l’une de l’autre". Anne-Bénédicte Joly est romancière et essayiste. Elle habite en région parisienne. En avril 2000, elle décide d’auto-publier ses oeuvres en utilisant l’internet pour les faire connaître. "Mon site a plusieurs objectifs, raconte-t-elle en juin 2000. Présenter mes livres (essais, nouvelles et romans auto-édités) à travers des fiches signalétiques (dont le format est identique à celui que l’on trouve dans la base de données Electre) et des extraits choisis, présenter mon parcours (de professeure de lettres et d’écrivain), permettre de commander mes ouvrages, offrir la possibilité de laisser des impressions sur un livre d’or, guider le lecteur à travers des liens vers des sites littéraires. (...) Créer un site internet me permet d’élargir le cercle de mes lecteurs en incitant les internautes à découvrir mes écrits. Internet est également un moyen pour élargir la diffusion de mes ouvrages. Enfin, par une politique de liens, j’espère susciter des contacts de plus en plus nombreux." Poète et romancier, Nicolas Ancion vit à Madrid. Lui aussi utilise l’internet comme outil de diffusion. En avril 2001, il relate: "Je publie des textes en ligne, soit de manière exclusive (j’ai publié un polar uniquement en ligne et je publie depuis février 2001 deux romans-feuilletons écrits spécialement pour ce support), soit de manière complémentaire (mes textes de poésie sont publiés sur papier et en ligne). Je dialogue avec les lecteurs et les enseignants à travers mon site web." Nicolas Ancion est aussi le responsable éditorial de Luc Pire électronique, le secteur numérique créé en février 2001 par l’éditeur belge Luc Pire. Michel Benoît habite Montréal. Auteur de nouvelles policières, de récits noirs et d’histoires fantastiques, il utilise l’internet pour élargir ses horizons et pour abolir le temps et la distance. Il écrit en juin 2000: "L’internet s’est imposé à moi comme outil de recherche et de communication, essentiellement. Non, pas essentiellement. Ouverture sur le monde aussi. Si l’on pense: recherche, on pense: information. Voyez-vous, si l’on pense: écriture, réflexion, on pense: connaissance, recherche. Donc on va sur la toile pour tout, pour une idée, une image, une explication. Un discours prononcé il y a vingt ans, une peinture exposée dans un musée à l’autre bout du monde. On peut donner une idée à quelqu’un qu’on n’a jamais vu, et en recevoir de même. La toile, c’est le monde au clic de la souris. On pourrait penser que c’est un beau cliché. Peut-être bien, à moins de prendre conscience de toutes les implications de la chose. L’instantanéité, l’information tout de suite, maintenant. Plus besoin de fouiller, de se taper des heures de recherche. On est en train de faire, de produire. On a besoin d’une information. On va la chercher, immédiatement. De plus, on a accès aux plus grandes bibliothèques, aux plus importants journaux, aux musées les plus prestigieux. (...) Mon avenir professionnel en inter-relation avec le net, je le vois exploser. Plus rapide, plus complet, plus productif. Je me vois faire en une semaine ce qui m’aurait pris des mois. Plus beau, plus esthétique. Je me vois réussir des travaux plus raffinés, d’une facture plus professionnelle, même et surtout dans des domaines connexes à mon travail, comme la typographie, où je n’ai aucune compétence. La présentation, le transport de textes, par exemple. Le travail simultané de plusieurs personnes qui seront sur des continents différents. Arriver à un consensus en quelques heures sur un projet, alors qu’avant le net, il aurait fallu plusieurs semaines, parlons de mois entre les francophones. Plus le net ira se complexifiant, plus l’utilisation du net deviendra profitable, nécessaire, essentielle." Murray Suid vit à Palo Alto, dans la Silicon Valley, en Californie. Il est l’auteur de livres pédagogiques, de livres pour enfants, d’oeuvres multimédias et de scénarios. Dès septembre 1998, il préconise une solution choisie depuis par de nombreux auteurs: "Un livre peut avoir un prolongement sur le web – et donc vivre en partie dans le cyberespace. L’auteur peut ainsi aisément l’actualiser et le corriger, alors qu’auparavant il devait attendre longtemps, jusqu’à l’édition suivante, quand il y en avait une. (...) Je ne sais pas si je publierai des livres sur le web, au lieu de les publier en version imprimée. J’utiliserai peut-être ce nouveau support si les livres deviennent multimédias. Pour le moment, je participe au développement de matériel pédagogique multimédia. C’est un nouveau type de matériel qui me plaît beaucoup et qui permet l’interactivité entre des textes, des films, des bandes sonores et des graphiques qui sont tous reliés les uns aux autres." Un an après, en août 1999, il ajoute: "En plus des livres complétés par un site web, je suis en train d’adopter la même formule pour mes œuvres multimédias – qui sont sur CD-Rom – afin de les actualiser et d’enrichir leur contenu." Quelques mois plus tard, l’intégralité de ses œuvres multimédias est sur le réseau. Le matériel pédagogique auquel il contribue est conçu non plus pour diffusion sur CD-Rom, mais pour diffusion directement sur le web. D’entreprise multimédia, la société de logiciels éducatifs qui l’emploie devient une entreprise internet. 2.2. De nouveaux genres littéraires Principe de base du web, le lien hypertexte permet de relier entre eux des documents textuels et des images. Quant au lien hypermédia, il permet l’accès à des graphiques, des images animées, des bandes sonores et des vidéos. Certains écrivains ne tardent pas à en explorer les possibilités, dans des sites d’écriture hypermédia ou des oeuvres d’hyperfiction. D’autres utilisent les outils que sont le courrier électronique et la liste de diffusion pour se lancer dans le mail-roman. = Sites d’écriture hypermédia Webmestre des Cotres furtifs, un site hypermédia collectif qui raconte des histoires en 3D, Jean-Paul relate en juin 2000: "La navigation par hyperliens se fait en rayon (j’ai un centre d’intérêt et je clique méthodiquement sur tous les liens qui s’y rapportent) ou en louvoiements (de clic en clic, à mesure qu’ils apparaissent, au risque de perdre de vue mon sujet). Bien sûr, les deux sont possibles avec l’imprimé. Mais la différence saute aux yeux: feuilleter n’est pas cliquer. L’internet n’a donc pas changé ma vie, mais mon rapport à l’écriture. On n’écrit pas de la même manière pour un site que pour un scénario, une pièce de théâtre, etc. (...) Depuis, j’écris (compose, mets en page, en scène) directement à l’écran. L’état 'imprimé' de mon travail n’est pas le stade final, le but; mais une forme parmi d’autres, qui privilégie la linéarité et l’image, et qui exclut le son et les images animées. (...) C’est finalement dans la publication en ligne (l’entoilage?) que j’ai trouvé la mobilité, la fluidité que je cherchais. Le maître mot y est 'chantier en cours', sans palissades. Accouchement permanent, à vue, comme le monde sous nos yeux. Provisoire, comme la vie qui tâtonne, se cherche, se déprend, se reprend. Avec évidemment le risque souligné par les gutenbergs, les orphelins de la civilisation du livre: plus rien n’est sûr. Il n’y a plus de source fiable, elles sont trop nombreuses, et il devient difficile de distinguer un clerc d’un gourou. Mais c’est un problème qui concerne le contrôle de l’information. Pas la transmission des émotions." Mis en ligne en juin 1997, oVosite est un espace d’écriture conçu par un collectif de six auteurs issus du département hypermédias de l’Université Paris 8: Chantal Beaslay, Laure Carlon, Luc Dall’Armellina (qui est aussi webmestre), Philippe Meuriot, Anika Mignotte et Claude Rouah. "oVosite est un site web conçu et réalisé (...) autour d’un symbole primordial et spirituel, celui de l’oeuf, explique Luc Dall’Armellina en juin 2000. Le site s’est constitué selon un principe de cellules autonomes qui visent à exposer et intégrer des sources hétérogènes (littérature, photo, peinture, vidéo, synthèse) au sein d’une interface unifiante." Les possibilités offertes par l’hypertexte ont-elles changé son mode d’écriture? Sa réponse est à la fois négative et positive. Négative d’abord: "Non - parce qu’écrire est de toute façon une affaire très intime, un mode de relation qu’on entretient avec son monde, ses proches et son lointain, ses mythes et fantasmes, son quotidien et enfin, appendus à l’espace du langage, celui de sa langue d’origine. Pour toutes ces raisons, je ne pense pas que l’hypertexte change fondamentalement sa manière d’écrire, qu’on procède par touches, par impressions, associations, quel que soit le support d’inscription, je crois que l’essentiel se passe un peu à notre insu." Positive ensuite: "Oui - parce que l’hypertexte permet sans doute de commencer l’acte d’écriture plus tôt: devançant l’activité de lecture (associations, bifurcations, sauts de paragraphes) jusque dans l’acte d’écrire. L’écriture (ceci est significatif avec des logiciels comme StorySpace) devient peut-être plus modulaire. On ne vise plus tant la longue horizontalité du récit, mais la mise en espace de ses fragments, autonomes. Et le travail devient celui d’un tissage des unités entre elles. L’autre aspect lié à la modularité est la possibilité d’écritures croisées, à plusieurs auteurs. Peut-être s’agit-il d’ailleurs d’une méta-écriture, qui met en relation les unités de sens (paragraphes ou phrases) entre elles." = Hyper-romans Lucie de Boutiny est l’auteure de Non, roman multimédia publié en feuilleton par Synesthésie, une revue en ligne d’art contemporain. "NON est un roman comique qui fait la satire de la vie quotidienne d’un couple de jeunes cadres supposés dynamiques, raconte-t-elle en juin 2000. Bien qu’appartenant à l’élite high-tech d’une industrie florissante, Monsieur et Madame sont les jouets de la dite révolution numérique. (...) Non prolonge les expériences du roman post-moderne (récits tout en digression, polysémie avec jeux sur les registres - naturaliste, mélo, comique… - et les niveaux de langues, etc.). Cette hyperstylisation permet à la narration des développements inattendus et offre au lecteur l’attrait d’une navigation dans des récits multiples et multimédias, car l’écrit à l’écran s’apparente à un jeu et non seulement se lit mais aussi se regarde." Les romans précédents de Lucie de Boutiny ont été publiés sous forme imprimée. Un roman numérique requiert-il une démarche différente? "D’une manière générale, mon humble expérience d’apprentie auteure m’a révélé qu’il n’y a pas de différence entre écrire de la fiction pour le papier ou le pixel: cela demande une concentration maximale, un isolement à la limite désespéré, une patience obsessionnelle dans le travail millimétrique avec la phrase, et bien entendu, en plus de la volonté de faire, il faut avoir quelque chose à dire! Mais avec le multimédia, le texte est ensuite mis en scène comme s’il n’était qu’un scénario. Et si, à la base, il n’y a pas un vrai travail sur le langage des mots, tout le graphisme et les astuces interactives qu’on peut y mettre fera gadget. Par ailleurs, le support modifie l’appréhension du texte, et même, il faut le souligner, change l’œuvre originale." Autre roman numérique, Apparitions inquiétantes (devenu ensuite La malédiction du parasol) est né sous la plume d’Anne-Cécile Brandenbourger. Il s’agit d’"une longue histoire à lire dans tous les sens, un labyrinthe de crimes, de mauvaises pensées et de plaisirs ambigus". Pendant deux ans, la version originale est construite peu à peu sous forme de feuilleton sur le site d’Anacoluthe, en collaboration avec Olivier Lefèvre. En février 2000, l’histoire est publiée en version numérique (format PDF) et en version imprimée aux éditions 00h00, en tant que premier titre de la Collection 2003, consacrée aux écritures numériques. 00h00 présente le livre comme "un cyber-polar fait de récits hypertextuels imbriqués en gigogne. Entre personnages de feuilleton américain et intrigue policière, le lecteur est – hypertextuellement - mené par le bout du nez dans cette saga aux allures borgésiennes. (...) C’est une histoire de meurtre et une enquête policière; des textes écrits court et montés serrés; une balade dans l’imaginaire des séries télé; une destructuration (organisée) du récit dans une transposition littéraire du zapping; et par conséquent, des sensations de lecture radicalement neuves." Suite au succès du livre, les éditions Florent Massot publient en août 2000 une deuxième version imprimée (la première étant celle de 00h00, imprimée uniquement à la demande), avec une couverture en 3D, un nouveau titre - La malédiction du parasol - et une maquette d’Olivier Lefèvre restituant le rythme de la version originale. Anne-Cécile Brandenbourger écrit en juin 2000: "Les possibilités offertes par l’hypertexte m’ont permis de développer et de donner libre cours à des tendances que j’avais déjà auparavant. J’ai toujours adoré écrire et lire des textes éclatés et inclassables (comme par exemple La vie mode d’emploi de Perec ou Si par une nuit d’hiver un voyageur de Calvino) et l’hypermédia m’a donné l’occasion de me plonger dans ces formes narratives en toute liberté. Car, pour créer des histoires non linéaires et des réseaux de textes qui s’imbriquent les uns dans les autres, l’hypertexte est évidemment plus approprié que le papier. Je crois qu’au fil des jours, mon travail hypertextuel a rendu mon écriture de plus en plus intuitive. Plus 'intérieure' aussi peut-être, plus proche des associations d’idées et des mouvements désordonnés qui caractérisent la pensée lorsqu’elle se laisse aller à la rêverie. Cela s’explique par la nature de la navigation hypertextuelle, le fait que presque chaque mot qu’on écrit peut être un lien, une porte qui s’ouvre sur une histoire." = Mail-romans Dernier-né de la cyber-littérature, le mail-roman utilise le canal du courriel. Le premier mail-roman francophone est lancé en été 2001 par Jean-Pierre Balpe, directeur du département hypermédias de l’Université Paris 8. Pendant très exactement cent jours, il diffuse quotidiennement un chapitre de Rien n’est sans dire auprès de cinq cents personnes – sa famille, ses amis, ses collègues, les amis de ses collègues, etc. - en y intégrant les réponses et les réactions des lecteurs. Racontée par un narrateur, l’histoire est celle de Stanislas et de Zita, qui vivent une passion tragique déchirée par une sombre histoire politique. "Cette idée d’un mail-roman m’est venue tout naturellement, raconte l’auteur en février 2002. D’une part en me demandant depuis quelque temps déjà ce qu’internet peut apporter sur le plan de la forme à la littérature (...) et d’autre part en lisant de la littérature 'épistolaire' du 18e siècle, ces fameux 'romans par lettres'. Il suffit alors de transposer: que peut être le 'roman par lettres' aujourd’hui?" En tant que théoricien de la littérature informatique, Jean-Pierre Balpe tire plusieurs conclusions de cette expérience: "D’abord c’est un 'genre': depuis, plusieurs personnes m’ont dit lancer aussi un mail-roman. Ensuite j’ai aperçu quantité de possibilités que je n’ai pas exploitées et que je me réserve pour un éventuel travail ultérieur. La contrainte du temps est ainsi très intéressante à exploiter: le temps de l’écriture bien sûr, mais aussi celui de la lecture: ce n’est pas rien de mettre quelqu’un devant la nécessité de lire, chaque jour, une page de roman. Ce 'pacte' a quelque chose de diabolique. Et enfin le renforcement de ma conviction que les technologies numériques sont une chance extraordinaire du renouvellement du littéraire." = La littérature numérique Les technologies numériques ont en effet donné naissance à plusieurs genres: site d’écriture hypermédia, roman multimédia, hyper-roman, nouvelle hypertexte, feuilleton hypermédia, mail-roman, etc. En 2003, on peut désormais parler d’une véritable littérature numérique, qui bouscule la littérature traditionnelle en lui apportant un souffle nouveau, et qui s’intègre sans problème à d’autres formes artistiques puisque le support numérique favorise la fusion de l’écrit avec l’image et le son. Jean-Paul, webmestre des Cotres furtifs, écrit dès août 1999: "L’avenir de la cyber-littérature, techno-littérature ou comme on voudra l’appeler, est tracé par sa technologie même. Il est maintenant impossible à un(e) auteur(e) seul(e) de manier à la fois les mots, leur apparence mouvante et leur sonorité. Maîtriser aussi bien Director, Photoshop et Cubase, pour ne citer que les plus connus, c’était possible il y a dix ans, avec les versions 1. Ça ne l’est plus. Dès demain (matin), il faudra savoir déléguer les compétences, trouver des partenaires financiers aux reins autrement plus solides que Gallimard, voir du côté d’Hachette-Matra, Warner, Pentagone, Hollywood. Au mieux, le statut de... l’écrivaste? du multimédiaste? sera celui du vidéaste, du metteur en scène, du directeur de produit: c’est lui qui écope des palmes d’or à Cannes, mais il n’aurait jamais pu les décrocher seul. Sœur jumelle (et non pas clone) du cinématographe, la cyber-littérature (= la vidéo + le lien) sera une industrie, avec quelques artisans isolés dans la périphérie off-off (aux droits d’auteur négatifs, donc)." Lucie de Boutiny, romancière "papier et pixel", raconte pour sa part en juin 2000: "Mes 'conseillers littéraires', des amis qui n’ont pas ressenti le vent de liberté qui souffle sur le web, aimeraient que j’y reste, engluée dans la pâte à papier. Appliquant le principe de demi-désobéissance, je fais des allers-retours papier-pixel. L’avenir nous dira si j’ai perdu mon temps ou si un nouveau genre littéraire hypermédia va naître. (...) Si les écrivains français classiques en sont encore à se demander s’ils ne préfèrent pas le petit carnet Clairefontaine, le Bic ou le Mont-Blanc fétiche, et un usage modéré du traitement de texte, plutôt que l’ordinateur connecté, voire l’installation, c’est que l’HTX (hypertext literature) nécessite un travail d’accouchement visuel qui n’est pas la vocation originaire de l’écrivain papier. En plus des préoccupations du langage (syntaxe, registre, ton, style, histoire…), le techno-écrivain - collons-lui ce label pour le différencier - doit aussi maîtriser la syntaxe informatique et participer à l’invention de codes graphiques car lire sur un écran est aussi regarder." Luc Dall’Armellina, co-auteur et webmestre d’oVosite, espace d’écritures hypermédias, écrit à la même date: "La couverture du réseau autour de la surface du globe resserre les liens entre les individus distants et inconnus. Ce qui n’est pas simple puisque nous sommes placés devant des situations nouvelles: ni vraiment spectateurs, ni vraiment auteurs, ni vraiment lecteurs, ni vraiment interacteurs. Ces situations créent des nouvelles postures de rencontre, des postures de 'spectacture' ou de 'lectacture' (Jean-Louis Weissberg). Les notions de lieu, d’espace, de temps, d’actualité sont requestionnées à travers ce médium qui n’offre plus guère de distance à l’événement mais se situe comme aucun autre dans le présent en train de se faire. L’écart peut être mince entre l’envoi et la réponse, parfois immédiat (cas de la génération de textes). Mais ce qui frappe et se trouve repérable ne doit pas masquer les aspects encore mal définis tels que les changements radicaux qui s’opèrent sur le plan symbolique, représentationnel, imaginaire et plus simplement sur notre mode de relation aux autres. 'Plus de proximité' ne crée pas plus d’engagement dans la relation, de même 'plus de liens' ne créent pas plus de liaisons, ou encore 'plus de tuyaux' ne créent pas plus de partage. Je rêve d’un internet où nous pourrions écrire à plusieurs sur le même dispositif, une sorte de lieu d’atelier d’écritures permanent et qui autoriserait l’écriture personnelle (c’est en voie d’exister), son partage avec d’autres auteurs, leur mise en relation dans un tissage d’hypertextes et un espace commun de notes et de commentaires sur le travail qui se crée." 2.3. Best-sellers en numérique En 2000, lorsque le livre numérique commence à se généraliser mais que la partie est loin d’être gagnée, trois auteurs de best-sellers se lancent dans l’aventure, malgré les risques commerciaux encourus. Aux Etats-Unis, Stephen King distribue une nouvelle puis publie un roman épistolaire indépendamment de son éditeur. Au Royaume-Uni, Frederick Forsyth publie un recueil de nouvelles chez l’éditeur électronique Online Originals. En Espagne, en partenariat avec son éditeur habituel, Arturo Pérez-Reverte diffuse son nouveau roman sous forme numérique en exclusivité pendant un mois, avant la sortie de la version imprimée. = "The Plant", de Stephen King En mars 2000, Stephen King, maître du suspense, commence d’abord par distribuer uniquement sur l’internet sa nouvelle Riding the Bullet, assez volumineuse puisqu’elle fait 66 pages. Il se trouve être le premier auteur à succès à tenter un pari considéré par beaucoup comme perdu d’avance. Mais la notoriété de l’auteur et la couverture médiatique de ce scoop font que la "sortie" de cette nouvelle sur le web provoque un véritable raz-de-marée. 400.000 exemplaires sont téléchargés en 24 heures dans les librairies en ligne qui la vendent (au prix de 2,5 dollars). En juillet 2000, fort de cette expérience prometteuse, Stephen King décide de se passer des services de Simon & Schuster, son éditeur habituel. Il crée un site web spécifique pour débuter l’auto-publication en épisodes de The Plant, un roman épistolaire inédit qui raconte l’histoire d’une plante carnivore s’emparant d’une maison d’édition en lui promettant le succès commercial en échange de sacrifices humains. Le premier chapitre est téléchargeable en plusieurs formats – PDF (portable document format), OeB (open ebook), HTML (hypertext markup language), TXT (texte) - pour la somme de un dollar, avec paiement différé ou paiement immédiat sur le site d’Amazon.com. Dans une lettre aux lecteurs mise en ligne à la même date, l’auteur raconte que la création, le design et la publicité de son site web lui ont coûté la somme de 124.150 dollars, sans compter sa prestation en tant qu’écrivain et la rémunération de son assistante. Il précise aussi que la publication des chapitres suivants est liée au paiement du premier chapitre par au moins 75% des internautes. "Mes amis, vous avez l’occasion de devenir le pire cauchemar des éditeurs, déclare-t-il. Comme vous le voyez, c’est simple. Pas de cryptage assommant! Vous voulez imprimer l’histoire et en faire profiter un(e) ami(e)? Allez-y. Une seule condition: tout repose sur la confiance, tout simplement. C’est la seule solution. Je compte sur deux facteurs. Le premier est l’honnêteté. Prenez ce que bon vous semble et payez pour cela, dit le proverbe. Le second est que vous aimerez suffisamment l’histoire pour vouloir en lire davantage. Si vous le souhaitez vraiment, vous devez payer. Rappelez-vous: payez, et l’histoire continue; volez, et l’histoire s’arrête." Une semaine après la mise en ligne du premier chapitre, on compte 152.132 téléchargements avec paiement par 76% des lecteurs. Certains paient davantage que le dollar demandé, allant parfois jusqu’à 10 ou 20 dollars pour compenser le manque à gagner de ceux qui ne paieraient pas, et éviter ainsi que la série ne s’arrête. La barre des 75% est dépassée de peu, au grand soulagement des fans, si bien que le deuxième chapitre suit un mois après. En août 2000, dans une nouvelle lettre aux lecteurs, Stephen King annonce un nombre de téléchargements légèrement inférieur à celui du premier chapitre. Il en attribue la cause à une publicité moindre et à des problèmes de téléchargement. Si le nombre de téléchargements n’a que légèrement décru, le nombre de paiements est en nette diminution, les internautes ne réglant leur dû qu’une fois pour plusieurs téléchargements. L’auteur s’engage cependant à publier le troisième chapitre comme prévu, fin septembre, et à prendre une décision ensuite sur la poursuite ou non de l’expérience, en fonction du nombre de paiements. Ses prévisions sont de onze ou douze chapitres en tout, avec un nombre total de 1,7 million de téléchargements. Le ou les derniers chapitres seraient gratuits. Plus volumineux (10.000 signes environ au lieu de 5.000), les chapitres 4 et 5 passent à 2 dollars. Mais le nombre de téléchargements et de paiements ne cesse de décliner: 40.000 téléchargements seulement pour le cinquième chapitre, alors que le premier chapitre avait été téléchargé 120.000 fois, et paiement pour 46% des téléchargements seulement. Fin novembre, Stephen King annonce l’interruption de la publication pendant une période indéterminée, après la parution du sixième chapitre, téléchargeable gratuitement à la mi-décembre. "The Plant va retourner en hibernation afin que je puisse continuer à travailler, précise-t-il sur son site. Mes agents insistent sur la nécessité d’observer une pause afin que la traduction et la publication à l’étranger puissent rattraper la publication en anglais." Mais cette décision semble d’abord liée à l’échec commercial de l’expérience. Cet arrêt suscite de vives critiques. On oublie de reconnaître à l’auteur au moins un mérite, celui d’avoir été le premier à se lancer dans l’aventure, avec les risques qu’elle comporte. Entre juillet et décembre 2000, pendant les six mois qu’elle aura duré, nombreux sont ceux qui suivent les tribulations de The Plant, à commencer par les éditeurs, quelque peu inquiets face à un médium qui pourrait un jour concurrencer le circuit traditionnel. Quand Stephen King décide d’arrêter l’expérience, plusieurs journalistes et critiques littéraires affirment qu’il se ridiculise aux yeux du monde entier. N’est-ce pas un peu exagéré? L’auteur avait d’emblée annoncé la couleur puisqu’il avait lié la poursuite de la publication à un pourcentage de paiements satisfaisant. Qu’est-il advenu ensuite des expériences numériques de Stephen King? L’auteur reste toujours très présent dans ce domaine, mais par le biais de son éditeur. En mars 2001, son roman Dreamcatcher est le premier roman à être lancé simultanément en version imprimée, par Simon & Schuster, et en version numérique, par Palm Digital Media, pour lecture sur Palm Pilot ou Pocket PC. En mars 2002, son recueil de nouvelles Everything’s Eventual est lui aussi publié simultanément en deux versions: en version imprimée par Scribner, subdivision de Simon & Schuster, et en version numérique par Palm Digital Media, qui en propose un extrait en téléchargement libre. = "Quintet", de Frederick Forsyth En novembre 2000, deux Européens, l’anglais Frederick Forsyth et l’espagnol Arturo Pérez-Reverte, décident eux aussi de tenter l'aventure numérique. Mais, forts de l’expérience d’auto-publication de Stephen King peut-être, ni l’un ni l’autre n’ont l’intention de se passer d’éditeur. Frederick Forsyth, le maître britannique du thriller, aborde la publication numérique avec l’appui de l’éditeur électronique londonien Online Originals. En novembre 2000, Online Originals publie The Veteran, histoire d’un crime violent commis à Londres et premier volet de Quintet, une série de cinq nouvelles électroniques (The Veteran, The Miracle, The Citizen, The Art of the Matter et Draco). Disponible en trois formats (PDF, Microsoft Reader et Glassbook Reader), la nouvelle est vendue au prix de 3,99 pounds (6,60 euros) sur le site de l’éditeur et dans plusieurs librairies en ligne au Royaume-Uni (Alphabetstreet, BOL.com, WHSmith) et aux Etats-Unis (Barnes & Noble, Contentville, Glassbook). "La publication en ligne sera essentielle à l’avenir, déclare Frederick Forsyth sur le site d’Online Originals. Elle crée un lien simple et surtout rapide et direct entre le producteur original (l’auteur) et le consommateur final (le lecteur), avec très peu d’intermédiaires. Il est passionnant de participer à cette expérience. Je ne suis absolument pas un spécialiste des nouvelles technologies. Je n’ai jamais vu de livre numérique. Mais je n’ai jamais vu non plus de moteur de Formule 1, ce qui ne m’empêche pas de constater combien ces voitures de course sont rapides." = "El Oro del Rey", d’Arturo Pérez-Reverte La première expérience numérique d'Arturo Pérez-Reverte est un peu différente. La série best-seller du romancier espagnol relate les aventures du Capitan Alatriste au 17e siècle. Le nouveau titre à paraître s’intitule El Oro del Rey. En novembre 2000, en collaboration avec son éditeur Alfaguara, l'auteur décide de diffuser El Oro del Rey en version numérique sur un site spécifique du portail Inicia, en exclusivité pendant un mois, avant sa sortie en librairie. Le roman est disponible au format PDF pour 2,90 euros, un prix très inférieur aux 15,10 euros annoncés pour le livre imprimé. Résultat de l’expérience, le nombre de téléchargements est très satisfaisant, mais pas celui des paiements. Un mois après la mise en ligne du roman, on compte 332.000 téléchargements, avec paiement par 12.000 lecteurs seulement. A la même date, Marilo Ruiz de Elvira, directrice de contenus du portail Inicia, explique dans un communiqué: "Pour tout acheteur du livre numérique, il y avait une clé pour le télécharger en 48 heures sur le site internet et, surtout au début, beaucoup d’internautes se sont échangés ce code d’accès dans les forums de dialogue en direct (chats) et ont téléchargé leur exemplaire sans payer. On a voulu tester et cela faisait partie du jeu. Arturo Pérez-Reverte voulait surtout qu’on le lise." = Des centaines de titres Trois ans après ces premières tentatives, si les expériences purement numériques sont provisoirement abandonnées, les livres numériques ont une place significative à côté de leurs correspondants imprimés. En 2003, des centaines de best-sellers sont vendus en version numérique sur Amazon.com, Barnes & Noble.com, Yahoo! eBook Store ou sur des sites d’éditeurs (Random House, PerfectBound, etc.), pour lecture sur ordinateur ou sur assistant personnel (PDA). Mobipocket distribue 6.000 titres numériques dans plusieurs langues, soit sur son site soit dans des librairies partenaires. Le catalogue de Palm Digital Media approche les 10.000 titres, lisibles sur les gammes Palm et Pocket PC, avec 15 à 20 nouveaux titres par jour et 1.000 nouveaux clients par semaine. Signe des temps, en mars 2003, Paulo Coelho, écrivain brésilien devenu mondialement célèbre avec L’Alchimiste, son titre phare, distribue plusieurs de ses livres gratuitement au format PDF. Traduits en 56 langues, ses livres imprimés atteignent 53 millions d'exemplaires vendus dans 155 pays, dont 6,5 millions d’exemplaires dans les pays francophones. L’écrivain décide de mettre en ligne sur son site l’édition intégrale de plusieurs de ses romans, en diverses langues, avec l’accord de ses éditeurs respectifs (dont Anne Carrière, son éditrice en France). Trois de ses romans sont disponibles en français: Manuel du guerrier de la lumière, La cinquième montagne et Veronika décide de mourir. Pourquoi une telle décision? "Comme le français est présent, à plus ou moins grande échelle, dans le monde entier, je recevais sans cesse des courriers électroniques d'universités et de personnes habitant loin de la France, qui ne trouvaient pas mes oeuvres", déclare Paulo Coelho par le biais de son éditrice. A la question classique sur le préjudice que pourraient porter ces quelques titres gratuits sur les ventes futures, il répond: "Seule une minorité de gens a accès à l’internet, et le livre au format ebook ne remplacera jamais le livre papier." Une remarque très juste, au moins pour le court terme. 3. L’EDITION DEVIENT ELECTRONIQUE [3.1. Editeurs commerciaux / 3.2. Editeurs non commerciaux / 3.3. L’auto-édition / 3.4. Vers une nouvelle structure éditoriale] Au début des années 2000, l’édition électronique creuse son sillon à côté de l’édition traditionnelle, du fait des avantages qu’elle procure: stockage plus simple, accès plus rapide, diffusion plus facile, coût moins élevé, etc. Elle amène aussi un souffle nouveau dans le monde de l’édition, et même une certaine zizanie. On voit des éditeurs vendre directement leurs titres en ligne, des éditeurs électroniques commercialiser les versions numérisées de livres publiés par des éditeurs traditionnels, des librairies numériques vendre les versions numérisées de livres publiés par des éditeurs partenaires, des auteurs s’auto-éditer ou promouvoir eux-mêmes leurs oeuvres publiées, des sites littéraires se charger de faire connaître de nouveaux auteurs pour pallier les carences de l’édition traditionnelle, etc. Le numérique pourra-il à terme ébranler ou même faire imploser la structure éditoriale en place, considérée par de nombreux écrivains comme passablement sclérosée? 3.1. Editeurs commerciaux Dans le monde francophone, le premier éditeur électronique commercial est CyLibris, fondé en août 1996. CyLibris est suivi en mai 1998 par 00h00, premier éditeur en ligne à commercialiser des livres numériques. Des éditeurs traditionnels mettent eux aussi en place un secteur spécifique, par exemple l’éditeur Luc Pire, qui crée Luc Pire électronique en février 2001. = CyLibris Fondées en août 1996 à Paris par Olivier Gainon, les éditions CyLibris (de Cy, cyber et Libris, livre) décident d’utiliser l’internet et le numérique pour publier des oeuvres littéraires dans divers genres (littérature générale, policier, science-fiction, théâtre et poésie). Vendus uniquement sur le web, avec des extraits en téléchargement libre au format texte, les livres sont imprimés à la commande et envoyés directement au client, ce qui permet d’éviter le stock et les intermédiaires. En 2001, certains titres sont également vendus en version imprimée par un réseau de librairies partenaires, notamment la Fnac, et en version numérique par Mobipocket et Numilog, pour lecture sur ordinateur et sur assistant personnel (PDA). En 2003, le catalogue de CyLibris comprend une cinquantaine de titres. "CyLibris a été créé d’abord comme une maison d’édition spécialisée sur un créneau particulier de l’édition et mal couvert à notre sens par les autres éditeurs: la publication de premières oeuvres, donc d’auteurs débutants, explique Olivier Gainon en décembre 2000. Nous nous intéressons finalement à la littérature qui ne peut trouver sa place dans le circuit traditionnel: non seulement les premières oeuvres, mais les textes atypiques, inclassables ou en décalage avec la mouvance et les modes littéraires dominantes. Ce qui est rassurant, c’est que nous avons déjà eu quelques succès éditoriaux: le grand prix de la SGDL (Société des gens de lettres) en 1999 pour La Toile de Jean-Pierre Balpe, le prix de la litote pour Willer ou la trahison de Jérôme Olinon en 2000, etc. Ce positionnement de 'défricheur' est en soi original dans le monde de l’édition, mais c’est surtout son mode de fonctionnement qui fait de CyLibris un éditeur atypique. Créé dès 1996 autour de l’internet, CyLibris a voulu contourner les contraintes de l’édition traditionnelle grâce à deux innovations: la vente directe par l’intermédiaire d’un site de commerce sur internet, et le couplage de cette vente avec une impression numérique en 'flux tendu'. Cela permettait de contourner les deux barrières traditionnelles dans l’édition: les coûts d’impression (et de stockage), et les contraintes de distribution. Notre système gérait donc des flux physiques: commande reçue par internet, impression du livre commandé, envoi par la poste. Je précise que nous sous-traitons l’impression à des imprimeurs numériques, ce qui nous permet de vendre des livres de qualité équivalente à celle de l’offset, et à un prix comparable. Notre système n’est ni plus cher, ni de moindre qualité, il obéit à une économie différente, qui, à notre sens, devrait se généraliser à terme." En quoi consiste l’activité d’un éditeur électronique? "Je décrirais mon activité comme double, explique Olivier Gainon. D’une part celle d’un éditeur traditionnel dans la sélection des manuscrits et leur retravail (je m’occupe irectement de la collection science-fiction), mais également le choix des maquettes, les relations avec les prestataires, etc. D’autre part, une activité internet très forte qui vise à optimiser le site de CyLibris et mettre en oeuvre une stratégie de partenariat permettant à CyLibris d’obtenir la visibilité qui lui fait parfois défaut. Enfin, je représente CyLibris au sein du SNE (le Syndicat national de l’édition, dont CyLibris fait partie depuis le printemps 2000, ndlr). CyLibris est aujourd’hui une petite structure. Elle a trouvé sa place dans l’édition, mais est encore d’une économie fragile sur internet. Notre objectif est de la rendre pérenne et rentable et nous nous y employons." Le site web procure des informations pratiques aux auteurs en herbe: comment envoyer un manuscrit à un éditeur, ce que doit comporter un contrat d’édition, comment protéger ses manuscrits, etc. Par ailleurs, l’équipe de CyLibris lance en mai 1999 CyLibris Infos, une lettre d’information électronique gratuite dont l’objectif n’est pas tant de promouvoir les livres de l’éditeur que de présenter l’actualité de l’édition francophone. Volontairement décalée et souvent humoristique sinon décapante, la lettre, d’abord mensuelle, paraît deux fois par mois à compter de février 2000. Elle change de nom en février 2001 pour devenir Edition Actu. Elle compte 1.500 abonnés et environ 5.000 lecteurs en 2003. = 00h00 Un peu moins de deux ans après la création de CyLibris a lieu la mise en ligne de 00h00 (qui se prononce: zéro heure), éditeur pionnier lui aussi, mais dans un domaine différent: il est le premier éditeur à se lancer dans la commercialisation de livres numériques. Fondées à Paris par Jean-Pierre Arbon, ancien directeur de Flammarion, et Bruno de Sa Moreira, ancien directeur de Flammarion Multimédia, les éditions 00h00 débutent leur activité en mai 1998. "La création de 00h00 marque la véritable naissance de l’édition en ligne, lit-on sur le site web. C’est en effet la première fois au monde que la publication sur internet de textes au format numérique est envisagée dans le contexte d’un site commercial, et qu’une entreprise propose aux acteurs traditionnels de l’édition (auteurs et éditeurs) d’ouvrir avec elle sur le réseau une nouvelle fenêtre d’exploitation des droits. Les textes offerts par 00h00 sont soit des inédits, soit des textes du domaine public, soit des textes sous copyright dont les droits en ligne ont fait l’objet d’un accord avec leurs ayants droit. (...) Le succès de l’édition en ligne ne dépendra pas seulement des choix éditoriaux: il dépendra aussi de la capacité à structurer des approches neuves, fondées sur les lecteurs autant que sur les textes, sur les lectures autant que sur l’écriture, et à rendre immédiatement perceptible qu’une aventure nouvelle a commencé." En 2000, le catalogue comprend 600 titres, une centaine d’oeuvres originales et des rééditions électroniques d’ouvrages publiés par d’autres éditeurs. Les versions numériques représentent 85% des ventes, les 15% restants étant des versions imprimées à la demande du client. Les œuvres originales sont réparties en plusieurs collections: nouvelles écritures interactives et hypertextuelles, premiers romans, documents d’actualité, études sur les NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication), co-éditions avec des éditeurs traditionnels ou de grandes institutions. Pas de stock, pas de contrainte physique de distribution, mais un lien direct avec le lecteur et entre les lecteurs. Sur le site, ceux-ci peuvent créer leur espace personnel afin d’y rédiger leurs commentaires, recommander des liens vers d’autres sites, participer à des forums, etc. En septembre 2000, les éditions 00h00 sont rachetées par Gemstar-TV Guide International, grosse société américaine spécialisée dans les produits et services numériques pour les médias. Quelques mois auparavant, en janvier 2000, Gemstar rachète les deux sociétés californiennes à l’origine des premiers modèles de livres électroniques (appareils de lecture), NuvoMedia, créatrice du Rocket eBook, et Softbook Press, créatrice du Softbook Reader. En rachetant 00h00, Gemstar accède au marché européen. Selon un communiqué de Henry Yuen, président de Gemstar, "les compétences éditoriales dont dispose 00h00 et les capacités d’innovation et de créativité dont elle a fait preuve sont les atouts nécessaires pour faire de Gemstar un acteur majeur du nouvel âge de l’édition numérique qui s’ouvre en Europe." La communauté francophone ne voit pas ce rachat d’un très bon oeil, la mondialisation de l’édition semblant justement peu compatible avec l’innovation et la créativité. Moins de trois ans plus tard, en juin 2003, 00h00 décide de cesser ses activités, tout comme la branche eBook de Gemstar, le livre numérique au format propriétaire étant désormais condamné au profit du livre numérique diffusé dans des formats "universels". = Luc Pire électronique En Belgique, le premier éditeur à s’intéresser au numérique est Luc Pire, maison d’édition créée en automne 1994, avec un siège à Bruxelles et un autre à Liège. Lancé en février 2001, Luc Pire électronique propose d’une part des versions numériques de titres déjà publiés chez Luc Pire, d’autre part de nouveaux titres, soit en version numérique seulement, soit en deux versions, numérique et imprimée. Nicolas Ancion, responsable éditorial de Luc Pire électronique, explique en avril 2001: "Ma fonction est d’une double nature: d’une part, imaginer des contenus pour l’édition numérique de demain et, d’autre part, trouver des sources de financement pour les développer. (...) Je supervise le contenu du site de la maison d’édition et je conçois les prochaines générations de textes publiés numériquement (mais pas exclusivement sur internet)." Comment voit-il l’avenir? "L’édition électronique n’en est encore qu’à ses balbutiements. Nous sommes en pleine phase de recherche. Mais l’essentiel est déjà acquis: de nouveaux supports sont en train de voir le jour et cette apparition entraîne une redéfinition du métier d’éditeur. Auparavant, un éditeur pouvait se contenter d’imprimer des livres et de les distribuer. Même s’il s’en défendait parfois, il fabriquait avant tout des objets matériels (des livres). Désormais, le rôle de l’éditeur consiste à imaginer et mettre en forme des contenus, en collaboration avec des auteurs. Il ne fabrique plus des objets matériels, mais des contenus dématérialisés. Ces contenus sont ensuite 'matérialisés' sous différentes formes: livres papier, livres numériques, sites web, bases de données, brochures, CD-Rom, bornes interactives. Le département de 'production' d’un éditeur deviendrait plutôt un département d’'exploitation' des ressources. Le métier d’éditeur se révèle ainsi beaucoup plus riche et plus large. Il peut amener le livre et son contenu vers de nouveaux lieux, de nouveaux publics. C’est un véritable défi qui demande avant tout de l’imagination et de la souplesse." 3.2. Editeurs non commerciaux De par la nature même du web, moyen de diffusion sans précédent, une place importante est désormais occupée par les éditeurs en ligne non commerciaux. Le pionnier Editel, qui voit le jour en avril 1995, est suivi de Diamedit en 1997, puis de La Grenouille Bleue en septembre 1999 (remplacé par Gloupsy.com en janvier 2001), et de quelques autres depuis. A ceux qui se demandent s’ils sont de véritables éditeurs, on rétorquera qu’ils le sont tout autant, sinon davantage, que nombre d’éditeurs commerciaux. Le but premier d’un éditeur n’est-il pas de découvrir et diffuser des auteurs? C’est ce qu’ils font. Fait qui mérite d’être signalé, de petits éditeurs commerciaux comme Le Choucas ont aussi des coups de coeur non commerciaux visant à faire connaître une œuvre sans souci de rentabilité commerciale. L’édition non commerciale est également très active dans le domaine universitaire, comme en témoigne le Net des études françaises. = Editel Dès avril 1995, Pierre François Gagnon, poète et essayiste québécois, décide d’utiliser le numérique pour la réception des textes, leur stockage et leur diffusion. Il crée Editel, site pionnier de l’édition littéraire francophone et premier site web d’auto-édition collective de langue française. Interviewé en juillet 2000, il raconte: "En fait, tout le monde et son père savent ou devraient savoir que le premier site d’édition en ligne commercial fut CyLibris (créé en août 1996 par Olivier Gainon, ndlr), précédé de loin lui-même, au printemps de 1995, par nul autre qu’Editel, le pionnier d’entre les pionniers du domaine, bien que nous fûmes confinés à l’action symbolique collective, faute d’avoir les moyens de déboucher jusqu’ici sur une formule de commerce en ligne vraiment viable et abordable (...). Nous sommes actuellement trois mousquetaires (Pierre François Gagnon, Jacques Massacrier et Mostafa Benhamza, ndlr) à développer le contenu original et inédit du webzine littéraire qui continuera de servir de façade d’animation gratuite, offerte personnellement par les auteurs maison à leur lectorat, à d’éventuelles activités d’édition en ligne payantes, dès que possible au point de vue technico-financier. Est-il encore réaliste de rêver à la démocratie économique?" = Diamedit En 1997, deux ans après la mise en ligne d'Editel, Jacky Minier crée Diamedit, site français de promotion d’inédits artistiques et littéraires. "J’ai imaginé ce site d’édition virtuelle il y a maintenant plusieurs années, à l’aube de l’ère internautique francophone, relate-t-il en octobre 2000. A l’époque, il n’y avait aucun site de ce genre sur la toile à l’exception du site québécois Editel de Pierre François Gagnon. J’avais alors écrit un roman et quelques nouvelles que j’aurais aimé publier mais, le système français d’édition classique papier étant ce qu’il est, frileux et à la remorque de l’Audimat, il est devenu de plus en plus difficile de faire connaître son travail lorsqu’on n’est pas déjà connu médiatiquement. J’ai donc imaginé d’utiliser le web pour faire la promotion d’auteurs inconnus qui, comme moi, avaient envie d’être lus. Diamedit est fait pour les inédits. Rien que des inédits. Pour encourager avant tout la création. Je suis, comme beaucoup de pionniers du net sans doute, autodidacte et multiforme. A la fois informaticien, écrivain, auteur de contenus, webmestre, graphiste au besoin, lecteur, correcteur pour les tapuscrits des autres, et commercial, tout à la fois. Mon activité est donc un mélange de ces diverses facettes." Comment Jacky Minier voit-il l’avenir de l’édition en ligne non commerciale? "Souriant. Je le vois très souriant. Je crois que le plus dur est fait et que le savoir-faire cumulé depuis les années de débroussaillage verra bientôt la valorisation de ces efforts. Le nombre des branchés francophones augmente très vite maintenant et, même si, en France, on a encore beaucoup de retard sur les Amériques, on a aussi quelques atouts spécifiques. En matière de créativité notamment. C’est pile poil le créneau de Diamedit. De plus, je me sens moins seul maintenant qu’en 1998. Des confrères sérieux ont fait leur apparition dans le domaine de la publication d’inédits. Tant mieux! Plus on sera et plus l’expression artistique et créatrice prendra son envol. En la matière, la concurrence n’est à craindre que si on ne maintient pas le niveau d’excellence. Il ne faut pas publier n’importe quoi si on veut que les visiteurs comme les auteurs s’y retrouvent." = Gloupsy.com Une des consoeurs de Jacky Minier est Marie-Aude Bourson, lyonnaise férue de littérature et d’écriture qui, en septembre 1999, ouvre le site littéraire La Grenouille Bleue. "L’objectif est de faire connaître de jeunes auteurs francophones, pour la plupart amateurs, raconte-t-elle en décembre 2000. Chaque semaine, une nouvelle complète est envoyée par e-mail aux abonnés de la lettre. Les lecteurs ont ensuite la possibilité de donner leurs impressions sur un forum dédié. Egalement, des jeux d’écriture ainsi qu’un atelier permettent aux auteurs de 's’entraîner' ou découvrir l’écriture. Un annuaire recense les sites littéraires. Un agenda permet de connaître les différentes manifestations littéraires." En décembre 2000, elle doit malheureusement fermer le site pour un problème de marque. Dès janvier 2001, elle ouvre un deuxième site, Gloupsy.com, qui fonctionne selon le même principe, "mais avec plus de 'services' pour les jeunes auteurs, le but étant de mettre en place une véritable plate-forme pour 'lancer' les auteurs" et fonder peut-être ensuite "une véritable maison d’édition avec impression papier des auteurs découverts". Suite à une gestion du site devenue trop lourde, Marie-Aude Bourson décide toutefois de cesser cette belle aventure en mars 2003, date de la fin du contrat d’hébergement du site. = Le Choucas A l’aube du 21e siècle, Raymond Godefroy, écrivain-paysan normand, désespérait de trouver un éditeur pour son recueil de fables, intitulé Fables pour l’an 2000. Ce jusqu’à sa rencontre virtuelle avec Nicolas Pewny, fondateur des éditions du Choucas, basées en Haute-Savoie. Bien qu’étant d’abord un éditeur à vocation commerciale, Nicolas Pewny tient aussi à avoir des activités non commerciales, afin de faire connaître des auteurs pour lesquels il a un coup de coeur. Il crée donc un beau design web pour ces Fables, qu’il publie en ligne en décembre 1999. "Internet représente pour moi un formidable outil de communication qui nous affranchit des intermédiaires, des barrages doctrinaires et des intérêts des médias en place, écrit Raymond Godefroy à la même date. Soumis aux mêmes lois cosmiques, les hommes, pouvant mieux se connaître, acquerront peu à peu cette conscience du collectif, d’appartenir à un même monde fragile pour y vivre en harmonie sans le détruire. Internet est absolument comme la langue d’Esope, la meilleure et la pire des choses, selon l’usage qu’on en fait, et j’espère qu’il me permettra de m’affranchir en partie de l’édition et de la distribution traditionnelle qui, refermée sur elle-même, souffre d’une crise d’intolérance pour entrer à reculons dans le prochain millénaire." Très certainement autobiographique, la fable Le poète et l’éditeur (sixième fable de la troisième partie) relate on ne peut mieux les affres du poète à la recherche d’un éditeur. Raymond Godefroy restant très attaché au papier, il auto-publie la version imprimée de ses fables en juin 2001, un an et demi après la parution de la version web. Le titre, Fables pour les années 2000, est légèrement différent, puisque le cap du 21e siècle est désormais franchi. Quant aux éditions du Choucas, elles cessent malheureusement leur activité en mars 2001, une disparition de plus à déplorer chez les éditeurs indépendants. Devenu consultant en édition électronique, Nicolas Pewny met désormais ses compétences éditoriales et numériques au service d’autres organismes. = Le Net des études françaises L’édition non commerciale est fondamentale dans le domaine universitaire. Professeur au département d’études françaises de l’Université de Toronto, Russon Wooldridge est un ardent défenseur de la diffusion libre du savoir. Interviewé en février 2001, il explique: "Je mets toutes les données de mes recherches des vingt dernières années sur le web (réédition de livres, articles, textes intégraux de dictionnaires anciens en bases de données interactives, de traités du 16e siècle, etc.). Je publie des actes de colloques, j’édite un journal, je collabore avec des collègues français, mettant en ligne à Toronto ce qu’ils ne peuvent pas publier en ligne chez eux. (...) Il est crucial que ceux qui croient à la libre diffusion des connaissances veillent à ce que le savoir ne soit pas bouffé, pour être vendu, par les intérêts commerciaux. Ce qui se passe dans l’édition du livre en France, où on n’offre guère plus en librairie que des manuels scolaires ou pour concours (c’est ce qui s’est passé en linguistique, par exemple), doit être évité sur le web. Ce n’est pas vers les Amazon.com qu’on se tourne pour trouver la science désintéressée." En mai 2000, Russon Wooldridge rassemble quelques collègues francophones à Toronto lors d’un colloque intitulé "Colloque international sur les études françaises favorisées par les nouvelles technologies d’information et de communication". A la suite de ce colloque, il crée le Net des études françaises (NEF), qui se veut d’une part "un filet trouvé qui ne capte que des morceaux choisis du monde des études françaises, tout en tissant des liens entre eux", d’autre part un réseau dont les "auteurs sont des personnes œuvrant dans le champ des études françaises et partageant librement leur savoir et leurs produits avec autrui". Le NEF s’étend ensuite à l’Europe grâce au site miroir Translatio, créé dans le même esprit en septembre 2001. Emilie Devriendt, sa responsable, explique en février 2003: "Translatio est le site miroir de trois sites académiques dédiés à la diffusion de ressources documentaires dans le domaine des études françaises, et plus particulièrement de l'histoire de la langue française. Il s'agit du site du professeur Russon Wooldridge, du site Net des études françaises (créé et maintenu par ce dernier), et du site Langue du 19e siècle, du professeur Jacques-Philippe Saint-Gérand, déjà miroirisé à Clermont-Ferrand. Plus qu'une simple copie, Translatio est avant toute chose le fruit de collaborations actives, en réseau, entre enseignants, chercheurs et documentalistes issus de différentes institutions: à Toronto (University of Toronto), à Clermont-Ferrand (Université Blaise Pascal), Lisieux (Bibliothèque électronique), Paris (École normale supérieure). Fidèle à l'architecture initiale des trois sites originaux, Translatio en conserve aussi les objectifs: diffuser de la connaissance (sources primaires et secondaires) sous forme de bases linguistiques, philologiques, culturelles - interactives ou non. Autrement dit, proposer gratuitement outils de recherche et ressources en ligne offrant toutes les garanties d’une nécessaire rigueur scientifique." = Une activité essentielle Avantage significatif de l’édition non commerciale, au lieu de vendre quelques dizaines ou quelques centaines de livres et de toucher des droits d’auteur souvent insignifiants, l’auteur a un vaste lectorat et touche… zéro euros de droits d’auteur, tout en échappant aux contraintes souvent inacceptables des éditeurs commerciaux. A chacun de choisir s’il veut céder les droits de ses travaux, gagner quelques euros et n’être lu par (presque) personne, ou s’il préfère garder le copyright de ses écrits, être largement diffusé et ne rien gagner, sous-entendu ne pas gagner d’argent, parce qu’en fait il gagne le plus important, à savoir le fait d’être lu et de partager un savoir. Grâce au réseau, l’édition non commerciale a le vent en poupe, et il était grand temps. Des éditeurs de fiction découvrent de nouveaux auteurs et les promeuvent au mieux avec les maigres moyens dont ils disposent. Des organismes deviennent éditeurs dans le vrai sens du terme. Des auteurs sont heureux à juste titre de voir leurs textes publiés. Des lecteurs avides, enthousiastes et exigeants ne choisissent pas leurs lectures en fonction de la dernière liste de best-sellers, mais les choisissent dans une profusion de fictions, de documentaires, d’études généralistes et d’articles scientifiques, avec en prime la diffusion libre du savoir. Et, pour finir, de plus en plus d’auteurs ne se soucient même plus du fait que leurs textes auraient pu être acceptés par un éditeur traditionnel, dont ils jugent le modèle complètement dépassé. 3.3. L’auto-édition Si les éditeurs peuvent difficilement vivre sans les auteurs, les auteurs peuvent enfin vivre sans les éditeurs. La création d’un site web leur permet de faire connaître leurs oeuvres en évitant les intermédiaires. Jean-Paul, auteur hypermédia, écrit dès juillet 1998: "L’internet va me permettre de me passer des intermédiaires: éditeurs et distributeurs. Il va surtout me permettre de formaliser ce que j’ai dans la tête et dont l’imprimé (la micro-édition, en fait) ne me permettait de donner qu’une approximation. Puis les intermédiaires prendront tout le pouvoir. Il faudra alors chercher ailleurs, là où l’herbe est plus verte..." L’auto-édition est la solution choisie par Anne-Bénédicte Joly, romancière, qui décide de créer son propre site web pour diffuser ses oeuvres. En juin 2000, deux mois après la mise en ligne de son site, elle raconte: "Après avoir rencontré de nombreuses fins de non-recevoir auprès des maisons d’édition et ne souhaitant pas opter pour des éditions à compte d’auteur, j’ai choisi, parce que l’on écrit avant tout pour être lu (!), d’avoir recours à l’auto-édition. Je suis donc un écrivain-éditeur et j’assume l’intégralité des étapes de la chaîne littéraire, depuis l’écriture jusqu’à la commercialisation, en passant par la saisie, la mise en page, l’impression, le dépôt légal et la diffusion de mes livres. Mes livres sont en règle générale édités à 250 exemplaires et je parviens systématiquement à couvrir mes frais fixes. Je pense qu’internet est avant tout un média plus rapide et plus universel que d’autres, mais je suis convaincue que le livre 'papier' a encore, pour des lecteurs amoureux de l’objet livre, de beaux jours devant lui. Je pense que la problématique réside davantage dans la qualité de certains éditeurs, pour ne pas dire la frilosité, devant les coûts liés à la fabrication d’un livre, qui préfèrent éditer des livres 'vendeurs' plutôt que de décider de prendre le risque avec certains écrits ou certains auteurs moins connus ou inconnus (...). Si l’internet et le livre électronique ne remplaceront pas le support livre, je reste convaincue que disposer d’un tel réseau de communication est un avantage pour des auteurs moins (ou pas) connus." Il est possible que l’auto-édition ait un bel avenir, comme l’explique en août 2000 Jean-Pierre Cloutier, auteur des Chroniques de Cybérie, une chronique hebdomadaire des actualités de l’internet: "J’ai une théorie des forces qui animent et modifient la société, et qui se résume à classer les phénomènes en tendances fortes, courants porteurs et signaux faibles. Le livre électronique (appelé ici livre numérique, ndlr) ne répond pas encore aux critères de tendance forte. On perçoit des signaux faibles qui pourraient annoncer un courant porteur, mais on n’y est pas encore. Cependant, si et quand on y sera, ce sera un atout important pour les personnes qui souhaiteront s’auto-éditer, et le phénomène pourrait bouleverser le monde de l’édition traditionnelle." 3.4. Vers une nouvelle structure éditoriale Parallèlement à la littérature imprimée se développe la littérature numérique, sous diverses formes: site d’écriture hypermédia, roman multimédia, hyper-roman, nouvelle hypertexte, feuilleton hypermédia, mail-roman, etc. Cette littérature est le plus souvent auto-éditée, en attendant une ou plusieurs maisons d’édition spécialisées. De l’avis de Lucie de Boutiny, romancière, interviewée en juin 2000, la littérature hypertextuelle, "qui passe par le savoir-faire technologique, rapproche donc le techno-écrivain du scénariste, du dessinateur BD, du plasticien, du réalisateur de cinéma. Quelles en sont les conséquences au niveau éditorial? Faut-il prévoir un budget de production en amont? Qui est l’auteur multimédia? Qu’en est-il des droits d’auteur? Va-t-on conserver le copyright à la française? L’HTX (HyperText Literature) sera publiée par des éditeurs papier ayant un département multimédia? De nouveaux éditeurs vont émerger et ils feront un métier proche de la production? Est-ce que nous n’allons pas assister à un nouveau type d’oeuvre collective? Bientôt le sampling littéraire protégé par le copyleft?" Pour les documentaires également, on commence à utiliser les nouvelles formes d’écriture et de lecture devenues courantes dans le domaine de l’hyperfiction. Le documentaire hypertexte exploite lui aussi les possibilités offertes par l’hyperlien en permettant divers cheminements au lecteur. C’est la démarche tentée dans la version web de ce livre, qui donne directement accès aux entretiens cités et permet une lecture aussi bien linéaire que non linéaire. Le livre d'enquête publié en 2001 permet une recherche textuelle et une lecture séquentielle par sujets grâce à la base interactive créée par Russon Wooldridge. Outre plusieurs possibilités de lecture, linéaire, non linéaire, par thèmes, etc., le documentaire hypertexte offre de nombreux avantages par rapport au documentaire imprimé. Il permet l’accès immédiat au texte intégral des documents cités. Les erreurs peuvent aussitôt être corrigées. Le livre peut être régulièrement actualisé, en y incluant par exemple les développements les plus récents sur tel sujet et les derniers chiffres ou statistiques. Ces horripilants index en fin d’ouvrage - mais combien pratiques, au moins quand ils existent - sont désormais remplacés par un moteur de recherche ou une base interactive. Tout comme pour l’hyperfiction, il reste à inventer un nouveau type de maison d’édition proposant ce genre de documentaire, avec une infrastructure permettant leur actualisation immédiate par FTP (file transfer protocol). Si ceci vaut pour tous les sujets, cela paraît d’autant plus indispensable pour des sujets tels que les nouvelles technologies, l’internet et le web. La place des livres traitant du web n’est-elle pas sur le web? L’auteur pourrait choisir de mettre son livre en consultation payante ou gratuite. La question du droit d’auteur serait également entièrement à revoir. Copyright ou copyleft? Paiement à la source ou paiement à la consultation? Et comment l’éditeur serait-il rémunéré? A l’heure de l’internet, pour les documentaires comme pour la fiction, il semble important de créer de toutes pièces une structure éditoriale entièrement numérique se démarquant des schémas traditionnels. De nombreux auteurs seraient certainement heureux d’expérimenter un nouveau système, au lieu de se plier à un système traditionnel très contraignant, qui n’est peut-être plus de mise maintenant qu’on dispose d’un moyen de diffusion à moindres frais échappant aux frontières. Cette nouvelle structure éviterait de reproduire les carences du système traditionnel, caractérisé entre autres par de très longs délais de réponse suite à l’envoi du manuscrit (quand réponse il y a...), par des critères de sélection manquant de transparence, par une attente de plusieurs semaines sinon plusieurs mois pour la publication, par des droits d’auteur au pourcentage ridicule (7 à 10%, y compris pour les versions numériques), et par la difficulté d’envisager de nouvelles versions sous prétexte de rentabilité. A l’heure actuelle, les expressions "politique éditoriale", "procédure éditoriale" et "suivi éditorial" plongent souvent les auteurs dans des abîmes de perplexité. Quant à l’engagement de l’éditeur de promouvoir et diffuser l’oeuvre par tous les moyens, une clause qui apparaît systématiquement dans tout contrat d´édition, il est de notoriété publique que cet engagement est rarement tenu lorsque l’auteur n’est pas connu. Des professionnels du livre – et pas des plus contestataires – ayant eux-mêmes vécu les affres de l’auteur en quête d’éditeur parlent de chaîne éditoriale à bout de souffle, quand ils n’emploient pas des qualificatifs nettement plus péjoratifs. Ces nouveaux éditeurs seraient différents des éditeurs en ligne, électroniques et numériques apparus ces dernières années, qui sont souvent issus de l’édition traditionnelle et la copient encore. Il s’agirait d’éditeurs qui, à l’heure des technologies numériques et de l’internet, repenseraient la chaîne éditoriale de fond en comble tout en faisant un véritable travail d’éditeur (découverte, sélection, promotion et diffusion). Pour l’édition scientifique et technique, il serait également plus qu’utile de ne plus uniquement limiter son accès aux membres des canaux dirigistes que sont l’Université, le CNRS (Centre national de la recherche scientifique) et quelques autres, et d’ouvrir largement les vannes à d’autres spécialistes qui, s’ils n’ont pas les mêmes diplômes, ont des connaissances tout aussi approfondies, des expériences tout aussi riches et des qualités d’écrivain au moins équivalentes. Ces nouveaux éditeurs pourraient utiliser à plein l’internet en adoptant des méthodes originales spécifiques au réseau: envoi des manuscrits sous forme électronique, délais de réponse courts, critères de sélection (ou non) transmis par courrier électronique, publication rapide, droits d’auteur plus élevés avec montant disponible en ligne, vente simultanée de la version imprimée (avec impression à la demande) et de la version numérique en plusieurs formats, véritable promotion et véritable diffusion de l’oeuvre selon des méthodes qui restent à mettre au point, et pas seulement par le biais d’un extrait en téléchargement libre et d’un descriptif des nouveautés adressé à une liste de diffusion, versions revues et corrigées facilement envisageables sinon encouragées dans le domaine des sciences et techniques, etc. 4. LA LIBRAIRIE SE DIVERSIFIE [4.1. Librairies traditionnelles / 4.2. Librairies en ligne / 4.3. Librairies numériques] Trois sortes de librairies cohabitent sur le web: les librairies établies en complément d’une librairie traditionnelle ou d’une chaîne de librairies, les librairies en ligne créées directement sur le réseau et dont la totalité des transactions s’effectue via l’internet, et enfin, apparues courant 2000, les librairies numériques, qui vendent uniquement des livres en version numérisée, le plus souvent par téléchargement. 4.1. Librairies traditionnelles A la fin des années 1990, les chaînes de librairies ont toutes une librairie en ligne à côté de leur réseau de librairies "en dur". C’est le cas notamment de la Fnac, Virgin, France Loisirs, ou encore Le Furet du Nord (qui dessert le Nord de la France) et Decitre (qui dessert la région Rhône-Alpes). Mais la vente à distance n’est pas l’apanage des grandes librairies, comme le montrent les deux exemples pris ici, les librairies de voyage et les librairies d’ancien. = Librairies de voyage Fondée en 1985 par Hélène Larroche, Itinéraires est une librairie de voyages située au cœur de Paris, dans l’ancien quartier des Halles. Dès les débuts de la librairie, le personnel crée une base de données informatique avec classement des livres par pays et par sujets. Dix ans après, en 1995, la consultation du catalogue est possible sur minitel. Trois ans plus tard, la librairie est présente sur le web. En juin 1998, Hélène Larroche relate: "Nous effectuons près de 10% de notre chiffre d’affaires avec la vente à distance. Passer du minitel à internet nous semblait intéressant pour atteindre la clientèle de l’étranger, les expatriés désireux de garder par les livres un contact avec la France et à la recherche d’une librairie qui 'livre à domicile' et bien sûr les 'surfeurs sur le net', non minitélistes. La vente à distance est encore trop peu utilisée sur internet pour avoir modifié notre chiffre d’affaires de façon significative. Internet a cependant eu une incidence sur le catalogue de notre librairie, avec la création d’une rubrique sur le web, spécialement destinée aux expatriés, dans laquelle nous mettons des livres, tous sujets confondus, qui font partie des meilleures ventes du moment ou/et pour lesquels la critique s’emballe. Nous avons toutefois décidé de limiter cette rubrique à 60 titres quand notre base en compte 13.000. Un changement non négligeable, c’est le temps qu’il faut dégager ne serait-ce que pour répondre au courrier que génèrent les consultations du site. Outre le bénéfice pour l’image de la librairie qu’internet peut apporter (et dont nous ressentons déjà les effets), nous espérons pouvoir capter une nouvelle clientèle dans notre spécialité (la connaissance des pays étrangers), atteindre et intéresser les expatriés et augmenter nos ventes à l’étranger." Un an et demi après, en janvier 2000, Hélène Larroche ajoute: "Un net regain de personnes viennent à notre librairie après nous avoir découvert sur le web. C’est plutôt une clientèle parisienne ou une clientèle venue de province pour pouvoir feuilleter sur place ce que l’on a découvert sur le web. Mais l’expérience est très intéressante et nous conduit à poursuivre." D’autres librairies se débrouillent au mieux avec des moyens limités, comme la librairie Ulysse, sise à Paris dans l’île Saint-Louis. Fondée en 1971 par Catherine Domain, Ulysse est à l’époque la première librairie au monde uniquement consacrée au voyage. Ses 20.000 livres, cartes et revues neufs et d’occasion recèlent des documents souvent introuvables ailleurs. A la fois libraire et grande voyageuse, Catherine Domain est membre du SLAM (Syndicat national de la librairie ancienne et moderne), du Club des explorateurs et du Club international des grands voyageurs. En 1999, elle décide de se lancer dans un voyage virtuel autrement plus ingrat, à savoir la réalisation d’un site web en autodidacte. "Mon site est embryonnaire et en construction, raconte-t-elle en novembre 2000. Il se veut à l’image de ma librairie, un lieu de rencontre avant d’être un lieu commercial. Il sera toujours en perpétuel devenir! Internet me prend la tête, me bouffe mon temps et ne me rapporte presque rien, mais cela ne m’ennuie pas..." Elle est toutefois assez pessimiste sur l’avenir des librairies comme la sienne. "Internet tue les librairies spécialisées. En attendant d’être dévorée, je l’utilise comme un moyen d’attirer les clients chez moi, et aussi de trouver des livres pour ceux qui n’ont pas encore internet chez eux! Mais j’ai peu d’espoir..." = Librairies d’ancien Les librairies d’ancien sont parmi les premières à utiliser l’internet pour étendre leur champ d’activité. Dans un domaine où la vente par correspondance à partir d’un catalogue a toujours été primordiale, l’internet vient à point nommé pour faciliter les transactions. Courrier électronique, listes de diffusion, bases de données sur le web et commerce électronique prennent le relais des méthodes traditionnelles. Dès novembre 1995, Pascal Chartier, gérant de la librairie du Bât d’Argent (Lyon), crée Livre-rare-book, un site professionnel de livres d’occasion, anciens et modernes. En juin 1998, il définit l’internet comme "peut-être la pire et la meilleure des choses. La pire parce qu’il peut générer un travail constant sans limite et la dépendance totale. La meilleure parce qu’il peut s’élargir encore et permettre surtout un travail intelligent!" En août 2003, Livre-rare-book propose un catalogue de plus d’un million de livres émanant de quelque 320 librairies, et un annuaire électronique international recensant près de 4.000 librairies. Autre réalisation, celle du Syndicat national de la librairie ancienne et moderne (SLAM), un syndicat professionnel regroupant 220 librairies françaises. Le SLAM met en ligne un premier site web en 1997, puis le remplace en juillet 1999 par un deuxième site d’une conception plus dynamique. Alain Marchiset, président du SLAM, explique en juillet 2000: "Ce site intègre une architecture de type 'base de données', et donc un véritable moteur de recherche, qui permet de faire des recherches spécifiques (auteur, titre, éditeur, et bientôt sujet) dans les catalogues en ligne des différents libraires. Le site contient l’annuaire des libraires avec leurs spécialités, des catalogues en ligne de livres anciens avec illustrations, un petit guide du livre ancien avec des conseils et les termes techniques employés par les professionnels, et aussi un service de recherche de livres rares. De plus, l’association organise chaque année en novembre une foire virtuelle du livre ancien sur le site, et en mai une véritable foire internationale du livre ancien qui a lieu à Paris et dont le catalogue officiel est visible aussi sur le site. (...) Les libraires membres proposent sur le site du SLAM des livres anciens que l’on peut commander directement par courrier électronique et régler par carte de crédit. Les livres sont expédiés dans le monde entier. Les libraires de livres anciens vendaient déjà par correspondance depuis très longtemps au moyen de catalogues imprimés adressés régulièrement à leurs clients. Ce nouveau moyen de vente n’a donc pas été pour nous vraiment révolutionnaire, étant donné que le principe de la vente par correspondance était déjà maîtrisé par ces libraires. C’est simplement une adaptation dans la forme de présentation des catalogues de vente qui a été ainsi réalisée. Dans l’ensemble, la profession envisage assez sereinement ce nouveau moyen de vente." Résolument optimiste en 1999 et 2000, la profession revoit ensuite ses espérances à la baisse. En juin 2001, Alain Marchiset écrit: "Après une expérience de près de cinq années sur le net, je pense que la révolution électronique annoncée est moins évidente que prévue, et sans doute plus 'virtuelle' que réelle pour le moment. Les nouvelles technologies n’ont pas actuellement révolutionné le commerce du livre ancien. Nous assistons surtout à une série de faillites, de rachats et de concentrations de sociétés de services (principalement américaines) autour du commerce en ligne du livre, chacun essayant d’avoir le monopole, ce qui bien entendu est dangereux à la fois pour les libraires et pour les clients qui risquent à la longue de ne plus avoir de choix concurrentiel possible. Les associations professionnelles de libraires des 29 pays fédérées autour de la Ligue internationale de la librairie ancienne (LILA) ont décidé de réagir et de se regrouper autour d’un gigantesque moteur de recherche mondial sous l’égide de la LILA. Cette fédération représente un potentiel de 2.000 libraires indépendants dans le monde, mais offrant des garanties de sécurité et de respect de règles commerciales strictes. Ce nouveau moteur de recherche de la LILA (en anglais ILAB) en pleine expansion est déjà référencé par AddALL et BookFinder.com." 4.2. Librairies en ligne Apparues au milieu des années 1990, les librairies en ligne ont pour vitrine un site web, et toutes leurs transactions s’effectuent sur le réseau. Le site web permet de consulter le catalogue et de passer commande. Il permet aussi de lire des résumés, des extraits et des critiques de livres. En 2003, les principales librairies en ligne francophones ont pour nom Alapage, Chapitre.com et Amazon.fr. Fondée en 1996 par Patrice Magnard, Alapage rejoint le groupe France Télécom en septembre 1999 puis devient en juillet 2000 une filiale à part entière de Wanadoo (le fournisseur d'accès internet de France Télécom). Librairie indépendante créée en 1997 par Juan Pirlot de Corbion, Chapitre.com comprend plusieurs secteurs: livres neufs, livres neufs à prix réduit, livres anciens, revues anciennes ou épuisées, gravures et affiches. Amazon.fr est la filiale que le grand libraire américain ouvre en août 2000 dans l’hexagone. Amazon.com est le pionnier des librairies en ligne. Son histoire est donc intéressante à ce titre. Fondé par Jeff Bezos, Amazon voit le jour en juillet 1995 à Seattle, sur la côte ouest des Etats-Unis. Quinze mois auparavant, au printemps 1994, Jeff Bezos fait une étude de marché pour décider du meilleur produit de consommation à vendre sur l’internet. Dans sa liste de vingt produits marchands, qui comprennent entre autres les vêtements et les instruments de jardinage, les cinq premiers du classement se trouvent être les livres, les CD, les vidéos, les logiciels et le matériel informatique. "J’ai utilisé tout un ensemble de critères pour évaluer le potentiel de chaque produit, relate Jeff Bezos dans le kit de presse d’Amazon. Le premier critère a été la taille des marchés existants. J’ai vu que la vente des livres représentait un marché mondial de 82 milliards de dollars. Le deuxième critère a été la question du prix. Je voulais un produit bon marché. Mon raisonnement était le suivant: puisque c’était le premier achat que les gens allaient faire en ligne, il fallait que la somme à payer soit modique. Le troisième critère a été la variété dans le choix: il y avait trois millions de titres de livres alors qu’il n’y avait que 300.000 titres pour les CD, par exemple." La vente de livres en ligne débute en juillet 1995, avec dix salariés et trois millions d’articles. Amazon devient vite une référence dans le commerce électronique, et son évolution rapide est suivie de près par des analystes de tous bords. En novembre 2000, la société compte 7.500 salariés, 28 millions d’articles, 23 millions de clients et quatre filiales (Royaume-Uni, Allemagne, France et Japon), auxquelles s’ajoute en juin 2002 une cinquième filiale au Canada. La maison mère diversifie progressivement ses activités. Elle vend non seulement des livres, des vidéos, des CD et des logiciels, mais aussi des produits de santé, des jouets, des appareils électroniques, des ustensiles de cuisine, des outils de jardinage, etc. En novembre 2001, la vente des livres, disques et vidéos ne représente plus que 58% du chiffre d’affaires. Admiré par certains, le modèle économique d'Amazon est violemment contesté par d’autres, notamment en matière de gestion du personnel. La présence européenne d’Amazon débute en 1998. Les deux premières filiales sont implantées en Allemagne et au Royaume-Uni. En août 2000, avec 1,8 million de clients en Grande-Bretagne, 1,2 million de clients en Allemagne et quelques centaines de milliers de clients en France, la librairie réalise 23% de ses ventes hors des Etats-Unis. A la même date, elle ouvre sa filiale française. A son ouverture, Amazon.fr compte quatre rivaux de taille: Fnac.com, librairie en ligne de la Fnac, Alapage, BOL.fr (fermé depuis), succursale de BOL.com, et Chapitre.com, librairie en ligne indépendante. Un mois après son lancement, Amazon.fr est à la seconde place des sites de biens culturels français, après Fnac.com. La société de mesure d’audience Media Metrix Europe donne les chiffres suivants pour septembre 2000: 401.000 requêtes individuelles pour Fnac.com, 217.000 requêtes pour Amazon.fr, 209.000 requêtes pour Alapage et 74.000 requêtes pour BOL.fr. Contrairement à leurs homologues anglophones, les libraires en ligne français sont soumis à la loi sur le prix unique du livre. Ils ne peuvent se permettre les réductions substantielles proposées par leurs collègues situés aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, pays dans lesquels le prix du livre est libre. En revanche, les libraires en ligne français sont optimistes sur le développement d’un marché francophone international. Le nombre de librairies en ligne s’avère toutefois trop élevé par rapport au marché existant. En juillet 2001, BOL.com (BOL: Bertelsmann on line) annonce la fermeture de BOL.fr, succursale créée deux ans auparavant par les deux géants des médias Bertelsmann et Vivendi. A la même date, les difficultés rencontrées par d’autres libraires en ligne montrent la nécessité de revoir à la baisse des prévisions quelque peu optimistes, afin de laisser à la clientèle le temps de s’habituer à ce nouveau mode d’achat. 4.3. Librairies numériques Dernière-née sur le web, la librairie numérique apparaît courant 2000, lorsque la vente de livres numériques commence à se généraliser. Comme son nom l'indique, la librairie numérique est une librairie vendant uniquement des livres numériques, le plus souvent par téléchargement, ou alors envoyés en pièce jointe à un courrier électronique. Les livres numériques sont diffusés dans plusieurs formats, les principaux formats étant le format PDF (lu par l’Acrobat Reader et l’Acrobat eBook Reader), le format LIT (lu par le Microsoft Reader), le format PRC (lu par le Mobipocket Reader) et le format PDB (lu par le Palm Reader). Les grandes librairies en ligne Amazon.com et Barnes & Noble.com ouvrent toutes deux un secteur numérique à quelques mois d’intervalle. Barnes & Noble.com ouvre son secteur eBooks en août 2000, suite à un accord passé avec Microsoft en janvier 2000 pour la vente de livres lisibles sur le Microsoft Reader. Amazon.com suit son concurrent de peu. Après avoir conclu une alliance avec Microsoft en août 2000, Amazon ouvre son service eBooks en novembre 2000, avec 1.000 titres disponibles au départ. En septembre 2001, Yahoo! leur emboîte le pas en créant son eBook Store, suite à des accords passés avec plusieurs éditeurs (Penguin Putnam, Simon & Schuster, Random House et HarperCollins). Mais les librairies numériques ne sont pas l’apanage des mastodontes du métier, comme en témoigne l’activité de Numilog, librairie numérique française qui ouvre ses portes en septembre 2000. En février 2001, Denis Zwirn, PDG de Numilog, relate: "Dès 1995, j’avais imaginé et dessiné des modèles de lecteurs électroniques permettant d’emporter sa bibliothèque avec soi et pesant comme un livre de poche. Début 1999, j’ai repris ce projet avec un ami spécialiste de la création de sites internet, en réalisant la formidable synergie possible entre des appareils de lecture électronique mobiles et le développement d’internet, qui permet d’acheminer les livres dématérialisés en quelques minutes dans tous les coins du monde. (...) Nous avons créé une base de livres accessible par un moteur de recherche. Chaque livre fait l’objet d’une fiche avec un résumé et un extrait. En quelques clics, il peut être acheté en ligne par carte bancaire, puis reçu par e-mail ou téléchargement." Quelques semaines plus tard, le site offre "des fonctionnalités nouvelles, comme l’intégration d’une 'authentique vente au chapitre' (les chapitres vendus isolément sont traités comme des éléments inclus dans la fiche-livre, et non comme d’autres livres) et la gestion très ergonomique des formats de lecture multiples". Fondée en avril 2000 par Denis Zwirn, Hervé Zwirn et Patrick Armand, la société Numilog a une triple activité. Elle est à la fois une librairie en ligne, un studio de fabrication et un diffuseur. "Numilog est d’abord une librairie en ligne de livres numériques, explique Denis Zwirn. Notre site internet est dédié à la vente en ligne de ces livres, qui sont envoyés par courrier électronique ou téléchargés après paiement par carte bancaire. Il permet aussi de vendre des livres par chapitres. Numilog est également un studio de fabrication de livres numériques: aujourd’hui, les livres numériques n’existent pas chez les éditeurs, il faut donc d’abord les fabriquer avant de pouvoir les vendre, dans le cadre de contrats négociés avec les éditeurs détenteurs des droits. Ce qui signifie les convertir à des formats convenant aux différents 'readers' du marché. (...) Enfin Numilog devient aussi progressivement un diffuseur. Car, sur internet, il est important d’être présent en de très nombreux points du réseau pour faire connaître son offre. Pour les livres en particulier, il faut les proposer aux différents sites thématiques ou de communautés, dont les centres d’intérêt correspondent à leur sujet (sites de fans d’histoire, de management, de science-fiction...). Numilog facilitera ainsi la mise en oeuvre de multiples 'boutiques de livres numériques' thématiques." Répartis en trois grandes catégories - savoir, guides pratiques et littérature - les livres sont disponibles dans plusieurs formats: format PDF (portable document format) avec lecture en pleine page sans défilement et sans zoom, format PDF avec mise en page reproduisant celle du livre imprimé, format LIT (abrégé du terme anglais: literature) pour le Microsoft Reader et format PRC (Palm resource) pour le Mobipocket Reader. Seront ajoutés progressivement les nouveaux formats utiles sur le marché. En 2003, le catalogue comprend 3.500 ebooks (livres et périodiques) en français et en anglais, grâce à un partenariat avec une quarantaine d’éditeurs. Le but à long terme étant de "permettre à un public d’internautes de plus en plus large d’avoir progressivement accès à des bases de livres numériques aussi importantes que celles des livres papier, mais avec plus de modularité, de richesse d’utilisation et à moindre prix". 5. LE RESEAU DES BIBIOTHEQUES NUMERIQUES [5.1. Numérisation: mode texte et mode image / 5.2. Bibliothèques pionnières / 5.3. Du bibliothécaire au cyberthécaire / 5.4. De la conservation à la communication] Appelée aussi bibliothèque électronique ou bibliothèque virtuelle, la bibliothèque numérique semble être le principal apport de l’internet au monde du livre, et réciproquement. Au fil des ans sont mis en ligne des centaines puis des milliers d’oeuvres du domaine public, documents littéraires et scientifiques, articles, travaux universitaires et de recherche, images et bandes sonores sont disponibles à l’écran. Nombre d'entre eux sont en accès libre. 5.1. Numérisation: mode texte et mode image Les bibliothèques numériques sont souvent constituées à partir de collections imprimées. La première étape est donc la numérisation de ces dernières. Cette numérisation peut être effectuée soit en mode texte, soit en mode image. Comme son nom l’indique, la numérisation en mode texte implique la saisie d’un texte. Elle consiste à scanner le livre, puis à contrôler le résultat à l’écran en relisant intégralement le texte scanné et en le corrigeant si nécessaire. Quand les documents originaux manquent de clarté, pour les livres anciens par exemple, ils sont saisis ligne après ligne, de la première page à la dernière. Suite au scannage ou à la saisie, le texte numérisé apparaît en continu à l’écran, et la présentation de la page originale n’est pas conservée. A cause du temps passé au traitement de chaque livre, ce mode de numérisation est assez long, et donc nettement plus coûteux que la numérisation en mode image. Dans de nombreux cas, il est toutefois très préférable, puisqu’il permet l’indexation, la recherche et l’analyse textuelles, une étude comparative entre plusieurs textes ou plusieurs versions du même texte, etc. C’est la méthode utilisée par exemple par le Projet Gutenberg, fondé dès 1971, ou encore la Bibliothèque électronique de Lisieux, créée en 1996. La numérisation en mode image correspond à la photographie du livre. La version informatique est le fac-similé numérique de la version imprimée. La présentation originale étant conservée, on peut feuilleter le texte page après page à l’écran. C’est la méthode employée pour les numérisations à grande échelle, par exemple pour la constitution de Gallica, le secteur numérique de la Bibliothèque nationale de France (BnF). Ne sont numérisés en mode texte que les tables des matières, les sommaires et les légendes des corpus iconographiques, ce afin de faciliter la recherche textuelle. Pourquoi ne pas tout numériser en mode texte? La BnF répond sur le site de Gallica: "Le mode image conserve l’aspect initial de l’original y compris ses éléments non textuels. Si le mode texte autorise des recherches riches et précises dans un document et permet une réduction significative du volume des fichiers manipulés, sa réalisation, soit par saisie soit par OCR (optical character recognition), implique des coûts de traitement environ dix fois supérieurs à la simple numérisation. Ces techniques, parfaitement envisageables pour des volumes limités, ne pouvaient ici être économiquement justifiables au vu des 50.000 documents (représentant presque 15 millions de pages) mis en ligne." En 2003, Gallica donne accès à tous les documents libres de droit du fonds numérisé de la BnF, à savoir 70.000 ouvrages et 80.000 images allant du Moyen-Age au début du 20e siècle. Concepteur de Mot@mot, un logiciel de remise en page de fac-similés numériques, Pierre Schweitzer insiste sur l’utilité des deux modes de numérisation. "Le mode image permet d’avancer vite et à très faible coût, explique-t-il en janvier 2001. C’est important car la tâche de numérisation du domaine public est immense. Il faut tenir compte aussi des différentes éditions: la numérisation du patrimoine a pour but de faciliter l’accès aux oeuvres, il serait paradoxal qu’elle aboutisse à se focaliser sur une édition et à abandonner l’accès aux autres. Chacun des deux modes de numérisation s’applique de préférence à un type de document, ancien et fragile ou plus récent, libre de droit ou non (pour l’auteur ou pour l’édition), abondamment illustré ou pas. Les deux modes ont aussi des statuts assez différents: en mode texte ça peut être une nouvelle édition d’une oeuvre, en mode image c’est une sorte d’'édition d’édition', grâce à un de ses exemplaires (qui fonctionne alors comme une fonte d’imprimerie pour du papier). En pratique, le choix dépend bien sûr de la nature du fonds à numériser, des moyens et des buts à atteindre. Difficile de se passer d’une des deux façons de faire." Si une bibliothèque numérique est d’abord une bibliothèque d’oeuvres numérisées, ce terme s’applique aussi par extension à une collection organisée de liens vers des oeuvres numérisées disponibles sur le web. C’est le cas de The Online Books Page, un répertoire d’œuvres anglophones en accès libre créé en 1993 par John Mark Ockerbloom. C’est également le cas de The Internet Public Library (IPL), qui se définit comme la première bibliothèque publique de l’internet sur l’internet, à savoir une bibliothèque sélectionnant, organisant et cataloguant les ressources disponibles sur le réseau, et n’existant elle-même que sur celui-ci. Créée en mars 1995, cette bibliothèque publique d’un genre nouveau devient vite une référence. D’autres bibliothèques numériques proposent à la fois des textes numérisés par l’équipe en place et un ensemble de liens vers des oeuvres disponibles ailleurs. C’est le cas d’Athena, bibliothèque numérique fondée en 1994 par Pierre Perroud et hébergée sur le site de l’Université de Genève. 5.2. Bibliothèques pionnières Objectif poursuivi par des générations de bibliothécaires, la diffusion d’oeuvres du domaine public devient enfin possible à très vaste échelle, d’une part grâce à la numérisation des livres en mode texte, dans un format simple qui puisse être lu sur toutes les machines et par tous les systèmes, d’autre part grâce au fait que, via l’internet, ces fichiers puissent être téléchargés librement par tout lecteur potentiel. = Le Projet Gutenberg Le Projet Gutenberg naît en juillet 1971 lorsque Michael Hart, alors étudiant à l’Université de l’Illinois (Etats-Unis), décide de convertir des oeuvres du domaine public au format électronique pour les mettre gratuitement à la disposition de tous. Le Projet Gutenberg est le premier site d’information sur un internet encore embryonnaire, qui débute véritablement en 1974 et prend son essor en 1983. Vient ensuite le web (sous-ensemble de l’internet), opérationnel en 1991, puis le premier navigateur, qui apparaît en novembre 1993. Lorsque l’utilisation du web se généralise, le Projet Gutenberg trouve un second souffle et un rayonnement international. Au fil des ans, des centaines d’oeuvres sont patiemment numérisées en mode texte par des volontaires de nombreux pays. D’abord essentiellement anglophones, les collections deviennent peu à peu multilingues. Qu’ils aient été numérisés il y a vingt ans ou qu’ils soient numérisés maintenant, tous les textes électroniques sont au format ASCII (American standard code for information interchange), avec des lettres capitales pour les termes en italique, gras ou soulignés, afin que ces textes puissent être lus sans problème quels que soient le système d’exploitation et le logiciel utilisés. Libre à d’autres organismes de les convertir dans des formats différents s’ils le souhaitent. Cinquante heures environ sont nécessaires pour scanner un livre, le corriger et le mettre en page. Un ouvrage de taille moyenne - par exemple un roman de Stendhal ou de Jules Verne - est en général composé de deux fichiers ASCII. Si certains livres anciens sont parfois saisis ligne après ligne, à cause du manque de clarté du texte original, les livres sont en général scannés en utilisant un logiciel OCR (optical character recognition), qui permet de convertir en fichier texte un fichier d’abord numérisé en mode image, afin de pouvoir corriger son contenu si nécessaire. Les livres numérisés sont ensuite relus et corrigés à deux reprises, parfois par deux personnes différentes. "Nous considérons le texte électronique comme un nouveau médium, sans véritable relation avec le papier, explique Michael Hart en août 1998. Le seul point commun est que nous diffusons les mêmes oeuvres, mais je ne vois pas comment le papier peut concurrencer le texte électronique une fois que les gens y sont habitués, particulièrement dans les établissements d’enseignement. (...) Mon projet est de mettre 10.000 textes électroniques sur l’internet. Si je pouvais avoir des subventions importantes, j’aimerais aller jusqu’à un million et étendre aussi le nombre de nos usagers potentiels de 1,x% à 10% de la population mondiale, ce qui représenterait la diffusion de 1.000 fois un milliard de textes électroniques au lieu d’un milliard seulement. (...) J’introduis une nouvelle langue par mois maintenant, et je vais poursuivre cette politique aussi longtemps que possible." Michael Hart se définit lui-même comme un fou de travail dédiant toute sa vie à son projet, qu’il voit comme étant à l’origine d’une révolution néo-industrielle. Comment cette vaste entreprise a-t-elle débuté? Michael Hart numérise son premier texte le 4 juillet 1971. Le 4 juillet étant le jour de la fête nationale, il saisit le texte de la Déclaration de l’Indépendance des Etats-Unis (signée le 4 juillet 1776) sur le clavier de son ordinateur, et il envoie le fichier électronique correspondant à quelques collègues et amis. Entre 1971 et 1979, il scanne un volume par an d’une série qu'il intitule History of Western Democracy. Entre 1980 et 1990, il poursuit ce travail avec quelques volontaires. Son équipe et lui scannent la Bible dans son entier et plusieurs oeuvres de Shakespeare. En 1990, dix textes sont prêts. Le dixième texte est The King James Bible. La moyenne mensuelle des textes scannés progresse ensuite régulièrement: un texte par mois en 1991, deux textes par mois en 1992, quatre textes par mois en 1993 et huit textes par mois en 1994. Fin 1994, les collections comprennent 100 textes. Le centième texte est l’oeuvre complète de Shakespeare, désormais scannée dans son entier. Lorsque l’utilisation du web se généralise, il devient beaucoup plus facile de faire circuler les oeuvres et de recruter de nouveaux volontaires. La production augmente donc en proportion, avec 16 textes par mois en 1995, puis 32 textes par mois en 1996 et 1997. Fin 1997, les collections comprennent 1.000 textes. Le millième texte est La Divine Comédie de Dante, en italien. La production passe à 36 textes par mois en 1998 et 1999. Fin 1999, les collections se chiffrent à 2.000 textes. Le 2.000e texte est Don Quichotte de Cervantes, en espagnol. Le nombre de textes scannés est toujours de 36 textes par mois en 2000. Il passe à 40 textes par mois pendant le premier semestre 2001, puis 50 textes par mois pendant le deuxième semestre. Le 3.000e texte, disponible courant 2000, est le troisième volume de A l’ombre des jeunes filles en fleurs, de Proust, en français. Le 4.000e texte, disponible courant 2001, est The French Immortals, version anglaise de la série publiée en 1905 par la Maison Mazarin pour rassembler des fictions d’écrivains couronnés par l’Académie française (Emile Souvestre, Pierre Loti, Hector Malot, Charles de Bernard, Alphonse Daudet, etc.). Le 5.000e texte, disponible en avril 2002, est la version anglaise des Carnets de Léonard de Vinci. En 2002, les collections s’accroissent en moyenne de 100 titres par mois. Au printemps 2002, elles représentent le quart des oeuvres du domaine public disponibles sur le web, recensées de manière pratiquement exhaustive par The Internet Public Library (IPL). Un beau résultat pour trente ans de travail acharné basé en grande partie sur le volontariat, avec plus d'un millier de volontaires dans plusieurs pays. En octobre 2003, le catalogue comprend 10.000 titres dans plusieurs langues. Michael Hart espère franchir la barre du million de titres d'ici 2015. = The Online Book Page En 1993, un deuxième projet pionnier se développe parallèlement au Projet Gutenberg, à l’instigation de John Mark Ockerbloom, doctorant à l’Université Carnegie Mellon (Pittsburgh, Pennsylvanie, Etats-Unis). Il s’agit de The Online Books Page, dont le but n’est pas de numériser des oeuvres mais, tout aussi utile, de répertorier celles qui sont en accès libre sur le web, en offrant au lecteur un point d’entrée commun. John Mark Ockerbloom retrace les débuts de son répertoire lors d'un entretien datant de septembre 1998: "J’étais webmestre ici pour la section informatique de la CMU (Carnegie Mellon University), et j’ai débuté notre site local en 1993. Il comprenait des pages avec des liens vers des ressources disponibles localement, et à l’origine The Online Books Page était une de ces pages, avec des liens vers des livres mis en ligne par des collègues de notre département (par exemple Robert Stockton, qui a fait des versions web de certains textes du Projet Gutenberg). Ensuite les gens ont commencé à demander des liens vers des livres disponibles sur d’autres sites. J’ai remarqué que de nombreux sites (et pas seulement le Projet Gutenberg ou Wiretap) proposaient des livres en ligne, et qu’il serait utile d’en avoir une liste complète qui permette de télécharger ou de lire des livres où qu’ils soient sur l’internet. C’est ainsi que mon index a débuté. J’ai quitté mes fonctions de webmestre en 1996, mais j’ai gardé la gestion de The Online Books Page, parce qu’entre temps je m’étais passionné pour l’énorme potentiel qu’a l’internet de rendre la littérature accessible au plus grand nombre. Maintenant il y a tant de livres mis en ligne que j’ai du mal à rester à jour. Je pense pourtant poursuivre cette activité d’une manière ou d’une autre. Je suis très intéressé par le développement de l’internet en tant que médium de communication de masse dans les prochaines années. J’aimerais aussi rester impliqué dans la mise à disposition gratuite pour tous de livres sur l’internet, que ceci fasse partie intégrante de mon activité professionnelle, ou que ceci soit une activité bénévole menée sur mon temps libre." Fin 1998, John Mark Ockerbloom obtient son doctorat en informatique. En 1999, il rejoint l’Université de Pennsylvanie, où il travaille à la R&D (recherche et développement) de la bibliothèque numérique. A la même époque, il y transfère The Online Books Page, tout en gardant la même présentation, très sobre, et il poursuit son travail d’inventaire dans le même esprit. En 2003, ce répertoire fête ses dix ans et recense plus de 20.000 textes électroniques. = La Bibliothèque électronique de Lisieux Le milieu des années 1990 marque les débuts du web francophone, d’abord au Québec et ensuite en Europe. En juin 1996 apparaît la Bibliothèque électronique de Lisieux, une des premières bibliothèques francophones du réseau, créée à l’initiative d’Olivier Bogros, directeur de la médiathèque municipale de Lisieux (Normandie). Dès ses débuts, cette réalisation suscite l’intérêt de la communauté francophone parce qu’elle montre ce qui est faisable sur le réseau avec beaucoup de détermination et des moyens limités. Pendant deux ans, de 1996 à 1998, Olivier Bogros héberge le site web sur les pages de son compte personnel CompuServe. En juin 1998, il enregistre un nom de domaine (bmlisieux.com) et déménage l’ensemble sur un serveur offrant une capacité de stockage de 30 Mo (méga-octets). En juillet 1999, 370 oeuvres sont disponibles en ligne. Elles comprennent des oeuvres littéraires, des brochures et opuscules documentaires, des manuscrits, livres et brochures sur la Normandie, et enfin des conférences et exposés transcrits par des élèves du lycée de Lisieux. A la même date, Olivier Bogros explique: "Les oeuvres à diffuser sont choisies à partir d’exemplaires conservés à la bibliothèque municipale de Lisieux ou dans des collections particulières mises à disposition. Les textes sont saisis au clavier et relus par du personnel de la bibliothèque, puis mis en ligne après encodage. La mise à jour est mensuelle (3 à 6 textes nouveaux). Par goût, mais aussi contraints par le mode de production, nous sélectionnons plutôt des textes courts (nouvelles, brochures, tirés à part de revues, articles de journaux...). De même nous laissons à d’autres (bibliothèques ou éditeurs) le soin de mettre en ligne les grands classiques de la littérature française, préférant consacrer le peu de temps et de moyens dont nous disposons à mettre en ligne des textes excentriques et improbables. (...) Nous réfléchissons aussi, dans le domaine patrimonial, à un prolongement du site actuel vers les arts du livre - illustration, typographie... - toujours à partir de notre fonds. Sinon, pour ce qui est des textes, nous allons vers un élargissement de la part réservée au fonds normand." En 2003, la bibliothèque électronique approche les 600 textes. L’année 2000 marque le début du partenariat de la bibliothèque électronique avec l’Université de Toronto. Lancé officiellement en août 2000, LexoTor est une base de données fonctionnant avec le logiciel TACTweb et permettant l’interrogation en ligne des œuvres de la bibliothèque, ainsi que des analyses et des comparaisons textuelles. Le projet est issu de la rencontre d’Olivier Bogros avec Russon Wooldridge, professeur au département d’études françaises de l’Université de Toronto, lors du premier colloque international sur les études françaises valorisées par les nouvelles technologies d’information et de communication, organisé par ce dernier en mai 2000 à Toronto. Deux ans après, en mai 2002, un deuxième colloque international sur le même sujet est organisé cette fois par Olivier Bogros à Lisieux. 5.3. Du bibliothécaire au cyberthécaire Piloter les usagers sur l'internet, filtrer et organiser l’information à leur intention, créer et gérer un site web, rechercher des documents dans des bases de données spécialisées, telles sont désormais les tâches de nombreux bibliothécaires. Le bibliothécaire devient progressivement un cyberthécaire, comme en témoignent diverses expériences relatées au fil des ans, par Peter Raggett en 1998, par Bruno Didier en 1999, par Bakayoko Bourahima et Emmanuel Barthe en 2000, et par Anissa Rachef en 2001. = En 1998 En 1998, Peter Raggett est sous-directeur du centre de documentation et d’information (CDI) de l’OCDE. Située à Paris, l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) est une organisation internationale regroupant trente pays membres. Au noyau d’origine, constitué des pays d’Europe de l’Ouest et d’Amérique du Nord, sont venus s’ajouter le Japon, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Finlande, le Mexique, la République tchèque, la Hongrie, la Pologne et la Corée. Réservé aux fonctionnaires de l’organisation, le centre de documentation permet la consultation de quelque 60.000 monographies et 2.500 périodiques imprimés. En ligne depuis 1996, les pages intranet du CDI sont devenues une des principales sources d’information du personnel. "Je dois filtrer l’information pour les usagers de la bibliothèque, ce qui signifie que je dois bien connaître les sites et les liens qu’ils proposent, explique Peter Raggett en juin 1998. J’ai sélectionné plusieurs centaines de sites pour en favoriser l’accès à partir de l’intranet de l’OCDE. Cette sélection fait partie du bureau de référence virtuel proposé par la bibliothèque à l’ensemble du personnel. Outre de nombreux liens, ce bureau de référence contient des pages recensant les articles, monographies et sites web correspondant aux différents projets de recherche en cours à l’OCDE, l’accès en réseau aux CD-Rom et une liste mensuelle des nouveaux titres." Comment voit-il l’avenir de la profession? "L’internet offre aux chercheurs un stock d’informations considérable. Le problème pour eux est de trouver ce qu’ils cherchent. Jamais auparavant on n’avait senti une telle surcharge d’informations, comme on la sent maintenant quand on tente de trouver un renseignement sur un sujet précis en utilisant les moteurs de recherche disponibles sur l’internet. A mon avis, les bibliothécaires auront un rôle important à jouer pour améliorer la recherche et l’organisation de l’information sur le réseau. Je prévois aussi une forte expansion de l’internet pour l’enseignement et la recherche. Les bibliothèques seront amenées à créer des bibliothèques numériques permettant à un étudiant de suivre un cours proposé par une institution à l’autre bout du monde. La tâche du bibliothécaire sera de filtrer les informations pour le public. Personnellement, je me vois de plus en plus devenir un bibliothécaire virtuel. Je n’aurai pas l’occasion de rencontrer les usagers, ils me contacteront plutôt par courriel, par téléphone ou par fax, j’effectuerai la recherche et je leur enverrai les résultats par voie électronique." = En 1999 En 1999, Bruno Didier est bibliothécaire à l’Institut Pasteur (Paris), une fondation privée dont le but est la prévention et le traitement des maladies infectieuses par la recherche, l’enseignement et des actions de santé publique. Séduit par les perspectives qu’offre le réseau pour la recherche documentaire, Bruno Didier crée le site web de la bibliothèque en 1996 et devient son webmestre. "Le site web de la bibliothèque a pour vocation principale de servir la communauté pasteurienne, explique-t-il en août 1999. Il est le support d’applications devenues indispensables à la fonction documentaire dans un organisme de cette taille: bases de données bibliographiques, catalogue, commande de documents et bien entendu accès à des périodiques en ligne. C’est également une vitrine pour nos différents services, en interne mais aussi dans toute la France et à l’étranger. Il tient notamment une place importante dans la coopération documentaire avec les instituts du réseau Pasteur à travers le monde. Enfin j’essaie d’en faire une passerelle adaptée à nos besoins pour la découverte et l’utilisation d’internet. (...) Je développe et maintiens les pages du serveur, ce qui s’accompagne d’une activité de veille régulière. Par ailleurs je suis responsable de la formation des usagers, ce qui se ressent dans mes pages. Le web est un excellent support pour la formation, et la plupart des réflexions actuelles sur la formation des usagers intègrent cet outil." Son activité professionnelle a changé de manière radicale, tout comme celle de ses collègues. "C’est à la fois dans nos rapports avec l’information et avec les usagers que les changements ont eu lieu. Nous devenons de plus en plus des médiateurs, et peut-être un peu moins des conservateurs. Mon activité actuelle est typique de cette nouvelle situation: d’une part dégager des chemins d’accès rapides à l’information et mettre en place des moyens de communication efficaces, d’autre part former les utilisateurs à ces nouveaux outils. Je crois que l’avenir de notre métier passe par la coopération et l’exploitation des ressources communes. C’est un vieux projet certainement, mais finalement c’est la première fois qu’on dispose enfin des moyens de le mettre en place." = En 2000 En 2000, Bakayoko Bourahima est responsable de la bibliothèque de l’ENSEA (Ecole nationale supérieure de statistique et d’économie appliquée) d’Abidjan, un établissement qui assure la formation de statisticiens pour les pays africains d’expression française. Le site web de l’ENSEA est mis en ligne en avril 1999, dans le cadre du réseau REFER. Ce réseau est mis sur pied par l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) pour desservir la communauté scientifique et technique en Europe de l’Est, en Asie et en Afrique (24 pays participants en 2002). Bakayoko Bourahima s’occupe de la gestion de l’information scientifique et technique et de la diffusion des travaux publiés par l’Ecole. En ce qui concerne l’internet, "mon service a eu récemment des séances de travail avec l’équipe informatique pour discuter de l’implication de la bibliothèque dans l’animation du site, relate-t-il en juillet 2000. Le service de la bibliothèque travaille aussi à deux projets d’intégration du web pour améliorer ses prestations. (...) J’espère bientôt pouvoir mettre à la disposition de mes usagers un accès internet pour l’interrogation de bases de données. Par ailleurs, j’ai en projet de réaliser et de mettre sur l’intranet et sur le web un certain nombre de services documentaires (base de données thématique, informations bibliographiques, service de références bibliographiques, bulletin analytique des meilleurs travaux d’étudiants...). Il s’agit donc pour la bibliothèque, si j’obtiens les financements nécessaires pour ces projets, d’utiliser pleinement l’internet pour donner à notre école un plus grand rayonnement et de renforcer sa plate-forme de communication avec tous les partenaires possibles. En intégrant cet outil au plan de développement de la bibliothèque, j’espère améliorer la qualité et élargir la gamme de l’information scientifique et technique mise à la disposition des étudiants, des enseignants et des chercheurs, tout en étendant considérablement l’offre des services de la bibliothèque." Autre expérience, celle d’Emmanuel Barthe. En 2000, il est documentaliste juridique et responsable informatique de Coutrelis & Associés, un cabinet d’avocats parisien. "Les principaux domaines de travail du cabinet sont le droit communautaire, le droit de l’alimentation, le droit de la concurrence et le droit douanier, écrit-il en octobre 2000. Je fais de la saisie indexation, et je conçois et gère les bases de données internes. Pour des recherches documentaires difficiles, je les fais moi-même ou bien je conseille le juriste. Je suis aussi responsable informatique et télécoms du cabinet: conseils pour les achats, assistance et formation des utilisateurs. De plus, j’assure la veille, la sélection et le catalogage de sites web juridiques: titre, auteur et bref descriptif. Je suis également formateur internet juridique aussi bien à l’intérieur de mon entreprise qu’à l’extérieur lors de stages de formation." A la même époque, Emmanuel Barthe est aussi le modérateur de Juriconnexion, une liste de discussion créée par l’association du même nom. "L’association Juriconnexion a pour but la promotion de l’électronique juridique, c’est-à-dire la documentation juridique sur support électronique et la diffusion des données publiques juridiques. Elle organise des rencontres entre les utilisateurs et les éditeurs juridiques (et de bases de données), ainsi qu’une journée annuelle sur un thème. Vis-à-vis des autorités publiques, Juriconnexion a un rôle de médiateur et de lobbying à la fois. L’association, notamment, est favorable à la diffusion gratuite sur internet des données juridiques produites par le Journal officiel et les tribunaux. Les bibliothécaires-documentalistes juridiques représentent la majorité des membres de l’association, suivis par certains représentants des éditeurs et des juristes." = En 2001 En 2001, Anissa Rachef est bibliothécaire et professeure à l’Institut français de Londres. Présents dans de nombreux pays, les instituts français sont des organismes officiels proposant des cours et des manifestations culturelles. A Londres, 5.000 étudiants environ s’inscrivent chaque année aux cours. Inaugurée en mai 1996, la médiathèque utilise l’internet dès sa création. "L’objectif de la médiathèque est double, explique Anissa Rachef en avril 2001. Servir un public s’intéressant à la culture et la langue françaises et 'recruter' un public allophone en mettant à disposition des produits d’appel tels que vidéos documentaires, livres audio, CD-Rom. La mise en place récente d’un espace multimédia sert aussi à fidéliser les usagers. L’installation d’un service d’information rapide a pour fonction de répondre dans un temps minimum à toutes sortes de questions posées via le courrier électronique, ou par fax. Ce service exploite les nouvelles technologies pour des recherches très spécialisées. Nous élaborons également des dossiers de presse destinés aux étudiants et professeurs préparant des examens de niveau secondaire. Je m’occupe essentiellement de catalogage, d’indexation et de cotation. (...) J’utilise internet pour des besoins de base. Recherches bibliographiques, commande de livres, courrier professionnel, prêt inter-bibliothèques. C’est grâce à internet que la consultation de catalogues collectifs, tels SUDOC (Système universitaire de documentation) et OCLC (OCLC Online Union Catalog), a été possible. C’est ainsi que j’ai pu mettre en place un service de fourniture de documents extérieurs à la médiathèque. Des ouvrages peuvent désormais être acheminés vers la médiathèque pour des usagers ou bien à destination des bibliothèques anglaises." 5.4. De la conservation à la communication Face à un web encyclopédique et des bibliothèques numériques de plus en plus nombreuses, les jours des bibliothèques traditionnelles sont-ils comptés? La bibliothèque numérique rend enfin compatibles deux objectifs qui ne l’étaient guère, à savoir la conservation des documents et leur communication. Dorénavant le document ne quitte son rayonnage qu’une seule fois pour être scanné, et le grand public y a facilement accès. En 2003, toute bibliothèque traditionnelle quelque peu dynamique a ses collections numériques, soit à usage interne, soit en accès libre sur le web, ce qui rend obsolètes les problèmes du passé: consultation freinée sinon empêchée par le souci de conservation, heures d’ouverture réduites, nombreux formulaires à remplir, longs délais de communication, pénurie de personnel. Autant de barrières à franchir qui demandaient souvent au lecteur une patience et une détermination hors du commun pour arriver jusqu’au document. A présent, si on tient absolument à consulter l’original, on le fait en connaissance de cause, après avoir feuilleté son fac-similé sur le web. Voici un exemple parmi d’autres. En décembre 2000, le site web de la Bibliothèque municipale de Lyon donne accès à la plus importante collection française d’enluminures médiévales, soit 12.000 images scannées à partir des ouvrages précieux de la bibliothèque. Les 457 ouvrages sélectionnés sont des manuscrits s’échelonnant entre le 5e et le 16e siècles, des incunables et des livres de la Renaissance. Certains sont à dominante religieuse: bibles, missels, bréviaires, pontificaux, livres d’heures, droit canon. D’autres, à dominante profane, traitent de philosophie, d’histoire, de littérature, de sciences, etc. Les images qui ont été numérisées sont les peintures en pleine page et les miniatures, ainsi que les initiales ornées et les décors des marges. La bibliothèque poursuit ensuite la numérisation de ses collections. Début 2003, plusieurs fonds spécialisés sont en accès libre sur le web: manuscrits, livres imprimés anciens, manuscrits autographes, collections locales (Lyon) et régionales (Rhône-Alpes), ésotérisme et franc-maçonnerie, fonds de la première guerre mondiale (1914-1918), estampes, affiches, livres d’artistes, photographies, fonds Lacassagne (père de l’école lyonnaise d’anthropologie criminelle), fonds chinois, arts du spectacle, et enfin collection jésuite des Fontaines. Un deuxième exemple particulièrement significatif est la mise en ligne en novembre 2000 de la version numérique de la Bible de Gutenberg, premier ouvrage à avoir jamais été imprimé. Datant de 1454-1455, cette Bible aurait été imprimée par Gutenberg en 180 exemplaires dans son atelier de Mayence (Allemagne). 48 exemplaires, dont certains incomplets, existeraient toujours. La British Library en possède deux versions complètes, et une partielle. En mars 2000, dix chercheurs et experts techniques de l’Université Keio de Tokyo et de NTT (Nippon Telegraph and Telephone Communications) viennent travailler sur place pendant deux semaines pour numériser ces deux Bibles, légèrement différentes, à l’aide de matériels hautement sophistiqués. La bibliothèque numérique menace-t-elle l’existence de la bibliothèque traditionnelle? En 1997 et 1998, sur leur site web, plusieurs grandes bibliothèques expliquent que, à côté d’un secteur numérique en pleine expansion, la communication physique des documents reste essentielle. Ces commentaires ont depuis disparu. La raison d’être des bibliothèques nationales et autres grandes bibliothèques de conservation est de préserver un patrimoine accumulé au fil des siècles: manuscrits, incunables, livres imprimés, journaux, périodiques, gravures, partitions musicales, photos, films, etc. Ceci n’est pas près de changer. Si le fait de disposer de supports numériques favorise la communication, il faut bien un endroit pour stocker les documents physiques originaux, à commencer par les Bibles de Gutenberg. Les bibliothèques nationales archivent d'ailleurs aussi les documents électroniques et les pages web. A la Bibliothèque nationale de France (BnF) par exemple, il a été décidé d’archiver entre autres les sites dont le nom de domaine se termine en ".fr", ou encore les sites de la campagne électorale pour les présidentielles de 2002. Les bibliothèques publiques ne semblent pas près de disparaître non plus. A l’heure actuelle, malgré la curiosité suscitée par le livre numérique, les lecteurs assurent qu’ils ne sont pas prêts à lire Zola ou Proust à l’écran. Mais ceci risque de changer dans quelques années, quand les enfants ayant appris à lire directement à l’écran seront arrivés à l’âge adulte. Si les bibliothèques nationales et les bibliothèques publiques sont toujours utiles en 2003, la situation est différente pour les bibliothèques spécialisées. Dans nombre de domaines où l’information la plus récente est primordiale, on s’interroge maintenant sur la nécessité d’aligner des documents imprimés sur des rayonnages, alors qu’il est tellement plus pratique de rassembler, stocker, archiver, organiser, cataloguer et diffuser des documents électroniques, et de les imprimer seulement à la demande. 6. UNE VASTE ENCYCLOPEDIE [6.1. Dictionnaires en ligne / 6.2. Bases textuelles sur le web] Moyen de connaissance et de diffusion sans précédent, le web propose de nombreux outils de référence en ligne, en accès libre ou bien sur abonnement gratuit ou payant: dictionnaires et encyclopédies de renom, dictionnaires de langues, bases terminologiques, bases textuelles, archives d’articles scientifiques et médicaux, etc. Si certains organismes facturent l’utilisation de leurs bases de données, d’autres tiennent à ce que les leurs soient en accès libre, l’internet rendant enfin possible à très large échelle la diffusion libre du savoir. 6.1. Dictionnaires en ligne = Ouvrages de référence Un des premiers dictionnaires en accès libre est le Dictionnaire universel francophone en ligne, qui répertorie 45.000 mots et 116.000 définitions en présentant "sur un pied d’égalité, le français dit 'standard' et les mots et expressions en français tel qu’on le parle sur les cinq continents". Issu de la collaboration entre Hachette et l’AUPELF-UREF (devenu depuis l’AUF - Agence universitaire de la francophonie), il correspond à la partie "noms communs" du dictionnaire imprimé du même nom. L’équivalent pour la langue anglaise est le site Merriam-Webster OnLine, qui donne librement accès au Collegiate Dictionary et au Collegiate Thesaurus. Fin 1999 apparaissent sur le web plusieurs encyclopédies de renom, parallèlement à leurs versions papier et CD-Rom. En décembre 1999, la première encyclopédie francophone en accès libre est WebEncyclo, publiée par les éditions Atlas. La recherche est possible par mots-clés, thèmes, médias (cartes, liens internet, photos, illustrations) et idées. Un appel à contribution incite les spécialistes d’un sujet donné à envoyer des articles, qui sont regroupés dans la section "WebEncyclo contributif". Après avoir été libre, l’accès est ensuite soumis à une inscription gratuite au préalable. Mis en ligne à la même date, Britannica.com propose en accès libre l’équivalent numérique des 32 volumes de la 15e édition de l’Encyclopaedia Britannica, parallèlement à la version imprimée et à la version sur CD-Rom, toutes deux payantes. Le site web offre une sélection d’articles issus de 70 magazines, un guide des meilleurs sites, un choix de livres, etc., le tout étant accessible à partir d’un moteur de recherche unique. En septembre 2000, le site fait partie des cent sites les plus visités au monde. En juillet 2001, la consultation devient payante sur la base d’un abonnement mensuel ou annuel. Décembre 1999 est aussi la date de mise en ligne de l’Encyclopaedia Universalis, soit un ensemble de 28.000 articles signés par 4.000 auteurs. Si la consultation est payante sur la base d’un abonnement annuel, de nombreux articles sont en accès libre. La mise en ligne d’encyclopédies de renom se poursuit en 2000 et 2001. En mars 2000, les 20 volumes de l’Oxford English Dictionary sont mis en ligne par l’Oxford University Press (OUP), grande maison d’édition universitaire avec un siège à l’Université d’Oxford (Royaume-Uni) et un autre à New York. La consultation du site est payante. Le dictionnaire bénéficie d’une mise à jour trimestrielle d’environ 1.000 entrées nouvelles ou révisées. Deux ans après cette première expérience, en mars 2002, l’OUP met en ligne l’Oxford Reference Online, une vaste encyclopédie conçue directement pour le web et consultable elle aussi sur abonnement payant. Elle représente l’équivalent d’une centaine d’ouvrages de référence, soit 60.000 pages et un million d’entrées. Toujours en 2000, le Quid, encyclopédie en un volume actualisée une fois par an depuis 1963, décide de mettre une partie de son contenu en accès libre sur le web. En septembre 2000, après avoir été payante, la consultation de l’encyclopédie Encarta de Microsoft devient libre. = Dictionnaires de langues Des dictionnaires de langues sont en accès libre dès les débuts du web. Ils sont répertoriés dans Travlang, un site consacré aux voyages et aux langues créé en 1994 par Michael M. Martin. Mais ces dictionnaires sont le plus souvent sommaires et de qualité inégale. Fin 1997, la société de traduction Logos décide de mettre en ligne les outils destinés à ses traducteurs. Tous sont en accès libre. Le Logos Dictionary est un dictionnaire multilingue de 8 millions d’entrées. Constituée à partir de milliers de traductions, notamment des romans et des documents techniques, la Wordtheque est une base de données multilingue regroupant 710 millions de mots. Linguistic Resources offre un point d’accès unique à plus de 1.000 glossaires. L’Universal Conjugator propose des tableaux de conjugaison dans 36 langues différentes. De très bons dictionnaires bilingues et multilingues sont progressivement mis en ligne par des organismes réputés, par exemple Eurodicautom par la Commission européenne, ou encore Le Signet et le Grand dictionnaire terminologique (GDT) par l’Office québécois de la langue française (OQLF). Géré par le service de traduction de la Commission européenne, Eurodicautom est un dictionnaire multilingue de termes économiques, scientifiques, techniques et juridiques, avec une moyenne de 120.000 consultations quotidiennes. En accès libre, il permet de combiner entre elles les onze langues officielles de l’Union européenne (allemand, anglais, danois, espagnol, finnois, français, grec, hollandais, italien, portugais et suédois), ainsi que le latin. Fin 2003, Eurodicautom devrait être intégré dans une base terminologique plus vaste regroupant les bases de plusieurs institutions de l’Union européenne. Cette nouvelle base traiterait non plus douze langues, mais une vingtaine, puisque l’Union européenne passe de 15 à 25 Etats membres. Reste à savoir si l’accès à la future base sera gratuit ou payant. Géré par l’Office québécois de la langue française (OQLF), Le Signet propose 10.000 fiches bilingues français-anglais dans le secteur des technologies de l’information. Le Signet est également intégré au Grand dictionnaire terminologique (GDT), mis en ligne en septembre 2000. En accès libre, le GDT est un gigantesque dictionnaire bilingue français-anglais de 3 millions de termes du vocabulaire industriel, scientifique et commercial. Il représente l’équivalent de 3.000 ouvrages de référence imprimés. Sa mise en ligne est le résultat d’un partenariat entre l’Office québécois de la langue française (OQLF), auteur du dictionnaire, et Semantix, société spécialisée dans les solutions logicielles linguistiques. Evénement célébré par de très nombreux linguistes, cette mise en ligne est un succès sans précédent. Dès le premier mois, ce dictionnaire est consulté par 1,3 millions de personnes, avec des pointes de 60.000 requêtes quotidiennes. La gestion de la base est ensuite assurée par Convera Canada. En février 2003, les requêtes sont au nombre de 3,5 millions par mois. Une nouvelle version du GDT est mise en ligne en mars 2003. Sa gestion est désormais assurée par l’OQLF lui-même, et non plus par une société prestataire. Par ailleurs, des moteurs spécifiques permettent la recherche simultanée dans plusieurs centaines de dictionnaires. Pour ne prendre qu’un exemple, le site OneLook, créé par Robert Ware, puise dans plus de 5 millions de mots émanant de 950 dictionnaires dans plusieurs langues, aussi bien généralistes que spécialisés. Des équipes de linguistes gèrent aussi des répertoires de dictionnaires, par exemple Dictionnaires électroniques et yourDictionary.com. Géré par la section française des services linguistiques centraux de l’Administration fédérale suisse, Dictionnaires électroniques est un excellent répertoire de dictionnaires monolingues (français, allemand, italien, anglais, espagnol), bilingues et multilingues en accès libre sur le web. Ce répertoire est complété par des listes d’abréviations et acronymes et des répertoires géographiques, essentiellement des atlas. Responsable de la section française des services linguistiques, Marcel Grangier précise en janvier 2000: "Les Dictionnaires électroniques ne sont qu’une partie de l’ensemble, et d’autres secteurs documentaires ont trait à l’administration, au droit, à la langue française, etc., sans parler des informations générales. (...) Conçu d’abord comme un service intranet, notre site web se veut en premier lieu au service des traducteurs opérant en Suisse, qui souvent travaillent sur la même matière que les traducteurs de l’Administration fédérale, mais également, par certaines rubriques, au service de n’importe quel autre traducteur où qu’il se trouve. (...) Travailler sans internet est devenu tout simplement impossible. Au-delà de tous les outils et commodités utilisés (messagerie électronique, consultation de la presse électronique, activités de services au profit de la profession des traducteurs), internet reste pour nous une source indispensable et inépuisable d’informations dans ce que j’appellerais le 'secteur non structuré' de la toile. Pour illustrer le propos, lorsqu’aucun site comportant de l’information organisée ne fournit de réponse à un problème de traduction, les moteurs de recherche permettent dans la plupart des cas de retrouver le chaînon manquant quelque part sur le réseau." Réputé lui aussi pour sa qualité, yourDictionary.com est co-fondé par Robert Beard en 1999, dans le prolongement de son ancien site, A Web of Online Dictionaries, créé dès 1995. Ce portail de référence répertorie plus de 1.800 dictionnaires dans 250 langues différentes, ainsi que de nombreux outils linguistiques: vocabulaires, grammaires, glossaires, méthodes de langues, etc. Soucieux de servir toutes les langues sans exception, yourDictionary.com gère aussi l’Endangered Language Repository, une section importante consacrée aux langues menacées d’extinction. Publiée par SIL International (SIL: Summer Institute of Linguistics), l’encyclopédie Ethnologue: Languages of the World existe à la fois en version web (gratuite), sur CD-Rom et sur papier (tous deux payants). Barbara Grimes, sa directrice de publication entre 1971 et 2000 (8e-14e éditions), relate en janvier 2000: "Il s’agit d’un catalogue des langues dans le monde, avec des informations sur les endroits où elles sont parlées, une estimation du nombre de personnes qui les parlent, la famille linguistique à laquelle elles appartiennent, les autres termes utilisés pour ces langues, les noms de dialectes, d’autres informations socio-linguistiques et démographiques, les dates des Bibles publiées, un index des noms de langues, un index des familles linguistiques et des cartes géographiques relatives aux langues." Cette encyclopédie répertorie 6.800 langues selon plusieurs critères (pays, nom de la langue, code de la langue attribué par le SIL, famille de langues), avec un moteur de recherche unique. 6.2. Bases textuelles sur le web = Bases textuelles payantes Des programmes de recherche sur la langue française - principalement son vocabulaire – sont développés par l’INaLF (Institut national de la langue française), puis par l’ATILF (Analyse et traitement informatique de la langue française), qui lui succède en janvier 2001. Traitées par des systèmes informatiques spécifiques, les données lexicales et textuelles portent sur divers registres du français: langue littéraire du 14e au 20e siècle, langue courante écrite et parlée, langue scientifique et technique (terminologies) et régionalismes. L’ATILF gère plusieurs bases textuelles payantes, par exemple Frantext, un corpus à dominante littéraire de textes français allant du 16e au 19e siècle, ou encore l’Encyclopédie de Diderot, réalisée en collaboration avec le programme ARTFL (American and French Research on the Treasury of the French Language) de l’Université de Chicago. En accès libre, Dictionnaires est une collection de dictionnaires informatisés comprenant les dictionnaires de Robert Estienne (1552), Jean Nicot (1606) et Pierre Bayle (1740), plusieurs éditions des dictionnaires de l’Académie française (1694, 1798, 1835, 1932-35, 1992) et enfin le TLFi (Trésor de la langue française informatisé, 1971-1994). Autre exemple, dû à une initiative individuelle, le site Rubriques à Bac. Créé en 1998 par Gérard Fourestier, diplômé en science politique et professeur de français à Nice, le site regroupe des bases de données à l'intention des lycéens et des étudiants. ELLIT (Eléments de littérature) propose des centaines d’articles sur la littérature française du 12e siècle à nos jours, ainsi qu’un répertoire d’auteurs. RELINTER (Relations internationales) recense 2.000 liens sur le monde contemporain depuis 1945. Ces deux bases de données sont accessibles par souscription, avec version de démonstration en accès libre. Lancé en juin 2001 dans le prolongement d’ELLIT, la base de données Bac-L (baccalauréat section lettres) est en accès libre. Interviewé en octobre 2000, Gérard Fourestier relate: "Rubriques à Bac a été créé pour répondre au besoin de trouver sur le net, en un lieu unique, l’essentiel, suffisamment détaillé et abordable par le grand public, dans le but: a) de se forger avant tout une culture tout en préparant à des examens probatoires à des études de lettres - c’est la raison d’ELLIT (Eléments de littérature), base de données en littérature française; b) de comprendre le monde dans lequel nous vivons en en connaissant les tenants et les aboutissants, d’où RELINTER (Relations internationales). J’ai développé ces deux matières car elles correspondent à des études que j’ai, entre autres, faites en leur temps, et parce qu’il se trouve que, depuis une dizaine d’années, j’exerce des fonctions de professeur dans l’enseignement public (18 établissements de la 6e aux terminales de toutes sections et de tous types d’établissements). (...) Mon activité liée à internet consiste tout d’abord à en sélectionner les outils, puis à savoir les manier pour la mise en ligne de mes travaux et, comme tout a un coût et doit avoir une certaine rentabilité, organiser le commercial ui permette de dégager les recettes indispensables; sans parler du butinage indispensable pour la recherche d’informations qui seront ensuite traitées. (...) Mon initiative à propos d’internet n’est pas directement liée à mes fonctions de professeur. J’ai simplement voulu répondre à un besoin plus général et non pas étroitement scolaire, voire universitaire. Débarrassé des contraintes du programme, puisque j’agis en mon nom et pour mon compte et non 'es-qualité', mais tout en donnant la matière grise qui me paraît indispensable pour mieux faire une tête qu’à la bien remplir, je laisse à d’autres le soin de ne préparer qu’à l’examen." Les recettes générées par Rubriques à Bac sont consacrées à la réalisation de projets éducatifs en Afrique. Par la suite, Gérard Fourestier aimerait développer des bases de données dans d’autres domaines, par exemple l’analyse sociétale, l’analyse sémantique ou l’écologie. = Bases textuelles gratuites Emilie Devriendt, élève professeure à l’Ecole normale supérieure (ENS) de Paris, écrit en juin 2001: "L’avenir me semble prometteur en matière de publications de ressources en ligne, même si, en France tout au moins, bon nombre de résistances, inhérentes aux systèmes universitaire et éditorial, ne risquent pas de céder du jour au lendemain (dans dix, vingt ans, peut-être?). Ce qui me donne confiance, malgré tout, c’est la conviction de la nécessité pratique d’internet. J’ai du mal à croire qu’à terme, un chercheur puisse se passer de cette gigantesque bibliothèque, de ce formidable outil. Ce qui ne veut pas dire que les nouvelles pratiques de recherche liées à internet ne doivent pas être réfléchies, mesurées à l’aune de méthodologies plus traditionnelles, bien au contraire. Il y a une histoire de l’'outillage', du travail intellectuel, où internet devrait avoir sa place." Bases de données payantes à destination des organismes et des particuliers qui en ont les moyens, ou bases de données gratuites à la disposition de tous? Les outils dont on dispose maintenant pour créer et gérer des bases textuelles à moindres frais permettent de pencher vers la deuxième solution, tout au moins quand il existe une véritable volonté dans ce sens. Professeur au département d’études françaises de l’Université de Toronto, Russon Wooldridge est le créateur de ressources littéraires librement accessibles en ligne. En 2001, sa tâche se trouve grandement facilitée par TACTweb, un logiciel gratuit pouvant être paramétré pour gérer une base de données sur le web. En mai 2001, il explique: "La dernière version de TACTweb permet dorénavant de construire des bases interactives importantes comme les dictionnaires de la Renaissance (Estienne et Nicot ; base RenDico), les deux principales éditions du Dictionnaire de l’Académie française (1694 et 1835), les collections de la Bibliothèque électronique de Lisieux (base LexoTor), les oeuvres complètes de Maupassant, ou encore les théâtres complets de Corneille, Molière, Racine, Marivaux et Beaumarchais (base théâtre 17e-18e). À la différence de grosses bases comme Frantext ou ARTFL (American and French Research on the Treasury of the French Language) nécessitant l’intervention d’informaticiens professionnels, d’équipes de gestion et de logiciels coûteux, TACTweb, qui est un gratuiciel que l’on peut décharger en ligne et installer soi-même, peut être géré par le chercheur individuel créateur de ressources textuelles en ligne." Autre exemple, pris cette fois dans les sciences humaines, le projet HyperNietzsche est lancé en 2000 sous la direction de Paolo d’Iorio, chargé de recherches à l’Institut des textes et manuscrits modernes (ITEM) du CNRS (Centre national de la recherche scientifique). Ce projet expérimental "vise à créer une infrastructure de travail collectif en réseau, lit-on sur le site web. Cette infrastructure sera d’abord appliquée et testée sur l’oeuvre de Nietzsche, pour être ensuite généralisable à d’autres auteurs, à l’étude d’une période historique ou d’un fonds d’archive, ou à l’analyse d’un problème philosophique. Il ne s’agit donc pas seulement d’un projet de numérisation et de mise en réseau d’un ensemble de textes et d’études sur Nietzsche, ni d’une édition électronique conçue comme un produit confectionné et offert à la consultation, mais plutôt d’un instrument de travail permettant à une communauté savante délocalisée de travailler de façon coopérative et cumulative et de publier les résultats de son travail en réseau, à l’échelle de la planète. Il ne s’agit pas seulement d’une bibliothèque de textes électroniques en ligne, plus ou moins bien indexée, accompagnée d’un moteur de recherche par mots-clés ou en texte intégral. C’est un véritable système hypertextuel qui permet tout d’abord de disposer les textes et les manuscrits de Nietzsche selon des ordonnancements chronologiques, génétiques ou thématiques, et surtout d’activer un ensemble de liens hypertextuels qui relient les sources primaires aux essais critiques produits par les chercheurs." Chose peu courante chez les éditeurs français, le texte intégral du: Que sais-je? consacré à la présentation du projet est disponible pendant deux ans en accès libre sur le site des PUF (Presses universitaires de France). Son équivalent imprimé est publié en octobre 2000 dans la série: Ecritures électroniques. = L’accès libre au savoir Problème crucial qui suscite de nombreux débats, l’accès au savoir doit-il être gratuit ou payant? Eduard Hovy, directeur du Natural Language Group de l’USC/ISI (University of Southern California / Information Sciences Institute), donne son sentiment à ce sujet en septembre 2000: "En tant qu’universitaire, je suis bien sûr un des parasites de notre société (remarque à prendre au deuxième degré, ndlr), et donc tout à fait en faveur de l’accès libre à la totalité de l’information. En tant que co-propriétaire d’une petite start-up, je suis conscient du coût représenté par la collecte et le traitement de l’information, et de la nécessité de faire payer ce service d’une manière ou d’une autre. Pour équilibrer ces deux tendances, je pense que l’information à l’état brut et certaines ressources à l’état brut (langages de programmation ou moyens d’accès à l’information de base comme les navigateurs web) doivent être disponibles gratuitement. Ceci crée un marché et permet aux gens de les utiliser. Par contre l’information traitée doit être payante, tout comme les systèmes permettant d’obtenir et de structurer très exactement ce dont on a besoin. Cela permet de financer ceux qui développent ces nouvelles technologies." En ce qui concerne l’édition spécialisée, à l’heure de l’internet, il paraît assez scandaleux que le résultat des travaux de recherche – travaux originaux et demandant de longues années d’efforts – soit détourné au profit d’éditeurs s’appropriant ce travail et monnayant la diffusion de l’information, sans même une compensation financière pour les auteurs qu’ils publient, ou alors avec une compensation financière ridicule (entre 1 et 3% de droits d’auteur dans certains domaines en France). L'activité des chercheurs est souvent financée par les deniers publics, et de manière substantielle en Amérique du Nord. Il semblerait donc normal que la communauté scientifique et le grand public puissent bénéficier librement du résultat de ces recherches. C’est ce que pense la Public Library of Science (PLoS), fondée en septembre 2000 par un groupe de chercheurs des universités de Stanford et de Berkeley (Californie) pour contrer les pratiques de l’édition spécialisée. L’association propose de regrouper tous les articles scientifiques et médicaux au sein d’archives en ligne en accès libre. Au lieu d’une information disséminée dans des millions de rapports et des milliers de périodiques en ligne ayant chacun des conditions d’accès différentes, un point d’accès unique permettrait de lire le contenu intégral de ces articles avec moteur de recherche multicritères et système d’hyperliens entre les articles. Dès sa création, la Public Library of Science fait circuler une lettre ouverte demandant que les articles publiés par les éditeurs spécialisés soient distribués librement dans des services d’archives en ligne, et incitant les signataires de cette lettre à promouvoir les éditeurs prêts à soutenir ce projet. La réponse de la communauté scientifique internationale est remarquable. Au cours des deux années suivantes, la lettre ouverte est signée par plus de 30.000 chercheurs de 180 pays différents. Bien que la réponse des éditeurs soit nettement moins enthousiaste, plusieurs éditeurs donnent également leur accord pour une distribution immédiate des articles publiés par leurs soins, ou alors une distribution dans un délai de six mois. Un des objectifs de la Public Library of Science est de devenir elle-même éditeur. L’association fonde une maison d’édition scientifique non commerciale qui reçoit en décembre 2002 une subvention de 9 millions de dollars de la part de la Gordon and Betty Moore Foundation. Une équipe éditoriale de haut niveau est constituée début 2003 pour lancer des périodiques de qualité selon un nouveau modèle d’édition en ligne basé sur la diffusion libre du savoir. Les deux premiers titres, PLoS Biology (lancement en octobre 2003) et PLoS Medicine (lancement en 2004) seront suivis d’autres titres couvrant la chimie, l’informatique, la génétique et l’oncologie. Ces périodiques seront également disponibles en version imprimée, cette dernière étant vendue par abonnement au prix coûtant (couvrant les frais de fabrication et de distribution). La diffusion libre du savoir passe aussi par l’accès aux cours dispensés par les universités et les grands établissements d’enseignement. Interviewé en mai 2001, Christian Vandendorpe, professeur à l’Université d’Ottawa, salue "la décision du MIT (Masachusetts Institute of Technology) de placer tout le contenu de ses cours sur le web d’ici dix ans, en le mettant gratuitement à la disposition de tous. Entre les tendances à la privatisation du savoir et celles du partage et de l’ouverture à tous, je crois en fin de compte que c’est cette dernière qui va l’emporter." Mise en ligne en septembre 2002, la version pilote du MIT OpenCourseWare offre en accès libre le matériel d’enseignement de 32 cours représentatifs des cinq départements du MIT. Les cours (textes, vidéos, travaux pratiques en laboratoire, simulations, etc.) sont régulièrement actualisés. Le lancement officiel du site a lieu en septembre 2003, avec accès à plusieurs centaines de cours. La totalité des 2.000 cours dispensés par le MIT devrait être disponible en septembre 2007. Le MIT espère que cette expérience de publication électronique - la première du genre – permettra de définir un standard et une méthode de publication, et qu’elle incitera d’autres universités à créer des sites semblables pour la mise à disposition gratuite de leurs propres cours. 7. DES LIVRES EN VERSION NUMERISEE [7.1. Plusieurs logiciels de lecture / 7.2. Une diffusion par divers canaux / 7.3. Une progression régulière / 7.4. Livres numériques braille et audio] L’internet couplé avec les technologies numériques permet d’abord de largement diffuser les oeuvres du domaine public par voie électronique puis, dans un deuxième temps, de commercialiser les premiers livres numériques. Si le livre numérique naît dès mai 1998, il ne se développe vraiment qu’à compter du deuxième semestre 2000. De plus en plus de titres sont disponibles à la fois en version imprimée et en version numérique, sous plusieurs formats, y compris au format numérique braille et au format audionumérique. Conçus à partir de 2001 pour contrôler l’accès aux livres numériques soumis au copyright, des systèmes de DRM (digital rights management) permettent la gestion des droits numériques en fonction des consignes données par l’éditeur. 7.1. Plusieurs logiciels de lecture Un logiciel de lecture permet de lire à l’écran un livre numérique tout en bénéficiant des fonctionnalités suivantes: navigation hypertexte au sein du livre ou vers le web, changement de la taille et de la police des caractères, surlignage de certains passages, recherche de mots dans l’ensemble du texte, ajout de signets ou de notes personnelles, choix de l’affichage en mode paysage ou portrait, agrandissement des figures et graphiques, sommaire affiché en permanence, et enfin formatage automatique du livre et de sa pagination en fonction de la taille de l’écran (reflowing). Téléchargeables gratuitement, les logiciels de lecture les plus utilisés en 2003 sont l’Acrobat Reader et l’Acrobat eBook Reader, le Microsoft Reader, le Mobipocket Reader et le Palm Reader. A l’exception du format PDF (portable document format), apparu dès 1993, les formats utilisés sont basés sur l’OeB (open ebook), devenu en 1999 le format standard de production des livres numériques. = L’Acrobat Reader Créé en juin 1993 par la société Adobe et diffusé gratuitement, le premier logiciel de lecture est l’Acrobat Reader, qui permet de lire des documents au format PDF (portable document format). Ce format conserve la présentation, les polices, les couleurs et les images du document source, quelle que soit la plate-forme utilisée pour le créer et pour le lire. Vendu parallèlement par Adobe, le logiciel Adobe Acrobat (qui, en 2003, en est à sa version 6) permet de convertir n’importe quel document au format PDF. Compacts, les fichiers PDF peuvent être imprimés en conservant leur aspect d’origine. Au fil des ans, le format PDF devient la norme internationale de diffusion des documents électroniques. Des millions de documents PDF sont présents sur le web pour lecture ou téléchargement, ou bien transitent par courriel. L’Acrobat Reader pour ordinateur est disponible dans plusieurs langues et pour diverses plates-formes (Windows, Mac, Linux, Unix). En 2001, Adobe lance également un Acrobat Reader pour assistant personnel (PDA), utilisable sur le Palm Pilot (en mai 2001) puis sur le Pocket PC (en décembre 2001). = L’Open eBook (OeB) Les années 1998-2000 sont marquées par la prolifération des formats, dans le cadre d’un marché naissant promis à une expansion rapide. Aux formats classiques - texte, Word, HTML (hypertext markup language), XML (extensible markup language) et PDF (portable document format) - s’ajoutent des formats propriétaires créés par plusieurs sociétés commerciales, pour lecture sur leurs propres logiciels: Glassbook Reader, Rocket eBook Reader, Peanut Reader, Franklin Reader, Microsoft Reader, logiciel de lecture Cytale, Gemstar eBook Reader, Palm Reader, etc. Inquiets pour l’avenir du livre numérique qui, à peine né, propose presque autant de formats que de titres, certains insistent sur l’intérêt, sinon la nécessité, d’un format unique. A l’instigation du National Institute of Standards and Technology (NIST, Etats-Unis) naît en juin 1998 l’Open eBook Initiative, qui constitue un groupe de travail de 25 personnes, l’Open eBook Authoring Group. Ce groupe élabore l’OeB (open ebook), un format basé sur le langage XML (extensible markup language) pour normaliser le contenu, la structure et la présentation des livres numériques. Le format OeB est défini par l’OeBPS (open ebook publication structure), dont la version 1.0 est disponible en septembre 1999. Créé en janvier 2000 à la suite de l’Open eBook Initiative, l’Open eBook Forum (OeBF) est un consortium industriel international regroupant 85 participants (constructeurs, concepteurs de logiciels, éditeurs, libraires et spécialistes du numérique) pour développer et promouvoir le format OeB. Téléchargeable gratuitement, l’OeB est un format ouvert appartenant au domaine public. Le format original est toutefois utilisé uniquement par les professionnels de la publication. Il doit être associé à une technologie normalisée de gestion des droits numériques, et donc à un système de DRM (digital rights management), qui permet de contrôler l’accès aux livres numériques soumis au copyright. En 2003, l'OeBPS en est à sa version 1.2 (datée d'août 2002). = Le Microsoft Reader En avril 2000, Microsoft lance le Pocket PC, un assistant personnel (PDA) qui, entre autres fonctionnalités, permet de lire des livres numériques sur le Microsoft Reader. Le format de fichier utilisé est le format LIT (abrégé du terme anglais: literature), lui-même basé sur l’OeB (open ebook). En août 2000, le Microsoft Reader est utilisable sur toute plate-forme Windows, et donc aussi bien sur ordinateur que sur assistant personnel. Ses caractéristiques sont un affichage utilisant la technologie ClearType, la possibilité de choisir la taille des caractères, l’accès d’un clic au Merriam-Webster Dictionary, et la mémorisation des mots-clés pour des recherches ultérieures. Ce logiciel étant téléchargeable gratuitement, Microsoft facture les éditeurs et distributeurs pour l’utilisation de sa technologie de gestion des droits numériques, et touche une commission sur la vente de chaque titre. La gestion des droits numériques s’effectue au moyen du Microsoft DAS Server (DAS: digital asset server), qui permet de contrôler l’accès aux livres numériques soumis au copyright. Microsoft passe aussi des partenariats avec les grandes librairies en ligne - Barnes & Noble.com en janvier 2000 puis Amazon.com en août 2000 – pour lancer la vente de livres numériques lisibles sur le Microsoft Reader. Barnes & Noble.com ouvre son secteur numérique en août 2000, suivi par Amazon.com en novembre 2000. En novembre 2002, le Microsoft Reader est disponible pour tablette PC, dès la commercialisation de cette nouvelle machine par 14 fabricants. = L’Acrobat eBook Reader Face à la concurrence représentée par le Microsoft Reader, Adobe annonce en août 2000 l’acquisition de la société Glassbook, spécialisée dans les logiciels de distribution de livres numériques à destination des éditeurs, des libraires, des distributeurs et des bibliothèques. Adobe passe également un partenariat avec Amazon.com et Barnes & Noble.com afin de proposer des titres lisibles sur l’Acrobat Reader et le Glassbook Reader. En janvier 2001, Adobe met sur le marché deux nouveaux logiciels. Le premier, gratuit, est l’Acrobat eBook Reader. Il permet de lire les fichiers PDF (portable document format) de livres numériques soumis au copyright, avec gestion des droits par l’Adobe Content Server. Il permet aussi d’ajouter des notes et des signets, de choisir l’orientation de lecture des livres (paysage ou portrait), ou encore de visualiser leur couverture dans une bibliothèque personnelle. Il bénéficie de la technique d’affichage CoolType et comporte un dictionnaire intégré. Le deuxième logiciel, payant, est l’Adobe Content Server, destiné aux éditeurs et distributeurs. Il s’agit d’un logiciel serveur de contenu assurant le conditionnement, la protection, la distribution et la vente sécurisée de livres numériques au format PDF. Ce système de DRM (digital rights management) permet de contrôler l’accès aux livres numériques soumis au copyright, et donc de gérer les droits d’un livre selon les consignes données par le gestionnaire des droits, par exemple en autorisant ou non l’impression ou le prêt. En avril 2001, Adobe conclut un partenariat avec Amazon.com, qui met en vente 2.000 livres numériques lisibles sur l’Acrobat eBook Reader : titres de grands éditeurs, guides de voyages, livres pour enfants, etc. En mai 2003, l’Acrobat eBook Reader (qui en est à sa 2e version) fusionne avec l’Acrobat Reader (qui en est à sa 5e version) pour devenir l’Adobe Reader version 6. = Le Mobipocket Reader Face à Adobe et à Microsoft, un nouvel acteur s’impose rapidement sur le marché, sur un créneau bien spécifique, la lecture sur assistant personnel (PDA). Créée à Paris en mars 2000 par Thierry Brethes et Nathalie Ting, la société Mobipocket est financée en partie par Viventures, branche de la multinationale Vivendi. Le logiciel de lecture Mobipocket Reader permet la lecture de fichiers au format PRC (Palm resource). Gratuit et disponible dans plusieurs langues (français, anglais, allemand, espagnol, italien), il est "universel", c’est-à-dire utilisable sur tout assistant personnel. En octobre 2001, le Mobipocket Reader est récompensé par l’eBook Technology Award de la Foire internationale de Francfort. A la même date, Mobipocket passe un partenariat avec Franklin pour l’installation du Mobipocket Reader sur l’eBookMan, l’assistant personnel (PDA) multimédia de Franklin, au lieu du partenariat prévu à l’origine entre Franklin et Microsoft pour l’installation du Microsoft Reader. Si le Mobipocket Reader est gratuit, d’autres logiciels Mobipocket sont payants. Le Mobipocket Web Companion est un logiciel d’extraction automatique de contenu auprès des sites de presse partenaires de la société. Le Mobipocket Publisher permet aux particuliers (version privée gratuite ou version standard payante) et aux éditeurs (version professionnelle payante) de créer des livres numériques sécurisés utilisant la technologie Mobipocket DRM (digital rights management), afin de contrôler l’accès aux livres numériques soumis au copyright. Dans un souci d’ouverture aux autres formats, le Mobipocket Publisher permet de créer des livres numériques non seulement au format PRC (Palm resource), lu par le Mobipocket Reader, mais aussi au format LIT (abrégé du terme anglais: literature), lu par le Microsoft Reader. Au printemps 2002, la société lance une version du Mobipocket Reader pour ordinateur personnel. Au printemps 2003, le Mobipocket Reader équipe tous les assistants personnels du marché, à savoir les gammes Palm Pilot, Pocket PC, eBookMan et Psion, et les smartphones de Nokia et Sony Ericsson. A la même date, le nombre de livres lisibles sur le Mobipocket Reader se chiffre à 6.000 titres dans plusieurs langues (français, anglais, allemand, espagnol), distribués soit sur le site de Mobipocket soit dans des librairies partenaires. = Le Palm Reader Lancé dès mars 1996 par la société Palm, le Palm Pilot est le premier assistant personnel (PDA) du marché. Sept ans plus tard, malgré la concurrence de la gamme Pocket PC de Microsoft (lancé en avril 2000) et des modèles de Hewlett-Packard, Sony, Handspring, Toshiba et Casio, il reste l’assistant personnel le plus utilisé au monde, avec 23 millions de machines vendues entre 1996 et 2002. En mars 2001, Palm aborde le marché du livre numérique en faisant l’acquisition de Peanutpress.com, éditeur et distributeur de livres numériques pour assistant personnel, qui appartenait jusque-là à la société netLibrary. Le Peanut Reader devient le Palm Reader, et le format correspondant le format PDB (Palm database). Le Palm Reader est utilisable aussi bien sur le Palm Pilot que sur le Pocket PC, puis, dans un deuxième temps, en juillet 2002, sur ordinateur personnel. Lors du rachat de Peanutpress.com par Palm en mars 2001, les 2.000 titres numériques de Peanutpress.com – des best-sellers et des titres de grands éditeurs - sont transférés dans la librairie numérique Palm Digital Media. A la même date, le roman Dreamcatcher de Stephen King, dont on connaît l’intérêt pour le numérique, sort simultanément en version imprimée chez Simon & Schuster et en version numérique chez Palm Digital Media. Sont disponibles aussi en version numérique chez Palm les best-sellers de Michael Connelly, Michael Crichton, Anne Rice et Scott Turow, ainsi que le Wall Street Journal et plusieurs magazines. En mars 2002, le nouveau recueil de nouvelles de Stephen King, Everything’s Eventual, est lancé simultanément par Scribner, une subdivision de Simon & Schuster, et Palm Digital Media, qui en propose un extrait en téléchargement libre. En juillet 2002, les collections de Palm Digital Media se chiffrent à 5.500 titres dans plusieurs langues. En 2003, le catalogue approche les 10.000 titres. = Des logiciels de lecture polyvalents Conséquence d’un marché en pleine expansion, après avoir été conçus pour une machine spécifique (soit un ordinateur, soit un assistant personnel), les principaux logiciels de lecture deviennent polyvalents. Si l’Acrobat Reader est uniquement disponible sur ordinateur jusqu’en 2001, Adobe lance un Acrobat Reader pour Palm Pilot en mai 2001, puis pour Pocket PC en décembre 2001. Si, à l’origine, le Mobipocket Reader est destiné à la lecture sur assistant personnel, Mobipocket lance également une version pour ordinateur en avril 2002. La même remarque vaut pour le Palm Reader qui, après avoir équipé le Palm Pilot et le Pocket PC, s’étend aux ordinateurs en juillet 2002. Chose peu courante chez les concepteurs de logiciels, Mobipocket propose d’emblée un logiciel de lecture "universel", utilisable sur tout assistant personnel, et manifeste très tôt un réel souci d’ouverture aux autres formats. Le Mobipocket Publisher permet de créer des livres numériques non seulement au format PRC (lisible sur le Mobipocket Reader) mais aussi au format LIT (lisible sur le Microsoft Reader). Après avoir fait cavalier seul en promouvant leur propre logiciel de lecture, les constructeurs y mettent aussi du leur. Le Palm Pilot permet de lire des livres numériques aussi bien sur le Palm Reader que sur le Mobipocket Reader. Son principal concurrent, le Pocket PC de Microsoft, permet de lire des livres sur le Microsoft Reader, le Mobipocket Reader et le Palm Reader. Vétéran des logiciels de lecture avec dix ans d’existence en juin 2003, l’Acrobat Reader s’adapte régulièrement aux besoins du marché. Pour ne prendre qu’un exemple, les utilisateurs d’autres logiciels disent apprécier particulièrement le reflowing, une technique leur permettant de reformater automatiquement un livre et sa pagination en fonction de la taille de l’écran. Le reflowing est autorisé par les formats basés sur l’OeB (open ebook). Alors que ceci n’était pas possible avec les versions précédentes de l’Acrobat Reader, le format PDF n’étant pas basé sur l’OeB, les versions 5 et suivantes d’ Adobe Acrobat permettent de créer des documents PDF autorisant le reflowing, même si la numérotation des pages du document initial reste figée. = L’ION Systems eMonocle Fait qui mérite d’être signalé, la société ION Systems lance en août 2001 l’ION eMonocle Reader, un logiciel de lecture qui, tout en étant un logiciel standard, s’attache à résoudre les problèmes de lecture des malvoyants. Ce logiciel permet un ajustement de la taille du texte et des images, avec un affichage allant de 4 à 144 points. Il peut paramétrer une impression en gros caractères. Il permet l’ouverture de n’importe quel livre numérique basé sur le format OeB (open ebook). Les graphiques et figures peuvent être élargis et présentés dans un sens différent de l’original – par exemple une rotation à 90 degrés - en utilisant la totalité de l’écran, et en zoomant ensuite sur une partie du document. 7.2. Une diffusion par divers canaux Contrairement au livre imprimé, vendu dans les librairies, le livre numérique est d’abord vendu par les éditeurs avant d’être vendu par les libraires, pour la raison bien simple qu’il faut laisser le temps à ces derniers de créer une structure qui n’existe pas. En 2003, cette structure existe, si bien que l’éditeur peut soit vendre directement sur son propre site ses titres numériques, soit passer un partenariat avec une librairie numérique, soit adopter simultanément les deux formules. Publiés en mai 1998 par les éditions 00h00, les premiers livres numériques commerciaux sont des classiques de la littérature française - Le Tour du monde en 80 jours, de Jules Verne, Colomba, de Prosper Mérimée, Poil de carotte, de Jules Renard, etc. - ainsi que deux inédits: Sur le bout de la langue, de Rouja Lazarova, et La Coupe est pleine, de Pierre Marmiesse. 00h00 passe aussi des accords avec d’autres éditeurs pour publier en version numérique certains de leurs titres imprimés. Autre événement d’importance, en mars 2000, Stephen King, maître du suspense, décide de distribuer sa nouvelle Riding The Bullet uniquement par voie électronique, avec vente dans des librairies en ligne. Suite à cette expérience qui s’avère un succès à la fois médiatique et financier, l’auteur décide de se passer des services de Simon & Schuster, son éditeur habituel. En juillet 2000, il crée un site web spécifique pour débuter la publication en épisodes d’un roman épistolaire, The Plant. Cette deuxième expérience s’avère beaucoup moins concluante que la première, le nombre de téléchargements et de paiements baissant régulièrement au fil des chapitres. En décembre 2000, après la parution du sixième chapitre, gratuit, l’auteur décide de mettre The Plant en hibernation pendant une période indéterminée. Le suivi médiatique de cette expérience pendant les six mois qu’elle aura duré contribue largement à faire connaître le livre numérique, aussi bien chez les professionnels du livre que dans le grand public. D’autres auteurs de best-sellers prennent ensuite le relais, comme Frederick Forsyth au Royaume-Uni et Arturo Pérez-Reverte en Espagne, mais cette fois en partenariat avec leurs éditeurs. Durant l’été 2000, Simon & Schuster, l’éditeur habituel de Stephen King, profite de la vague médiatique entourant l’auto-publication d’un de ses auteurs-phare pour se lancer dans l’aventure en créant SimonSays.com. Il décide aussi de publier en version numérique seulement, sans correspondant imprimé, certains titres de Star Trek, la série de science-fiction la plus vendue au monde avec six titres vendus par minute et quarante nouveaux titres publiés par an (en incluant les histoires et récits basés sur les séries télévisées et les films). Le premier titre numérique, The Belly of the Beast, de Dean Wesley Smith, est disponible en août 2000 pour 5 dollars. D’autres éditeurs emboîtent le pas à Simon & Schuster et commencent à vendre certains de leurs titres en version numérique, par exemple le géant Random House et, quelques mois plus tard, St. Martin’s Press, puis HarperCollins par le biais de son service électronique PerfectBound. En octobre 2000, les Presses universitaires de France (PUF) annoncent la parution de quatre titres simultanément en version numérique et en version imprimée. Ces quatre titres ont trait à l’internet: La presse sur internet, de Charles de Laubier, La science et son information à l’heure d’internet, de Gilbert Varet, Internet et nos fondamentaux, par un collectif d’auteurs, et enfin HyperNietzsche, publié sous la direction de Paolo d’Iorio. Chose peu courante chez les éditeurs français, pendant deux ans, le texte intégral d’HyperNietzsche est en accès libre sur le site des PUF. En novembre 2000, pour convertir les auteurs qu’il publie à ce nouveau format, Random House annonce que ceux-ci recevront 50% des bénéfices nets réalisés sur la vente de leurs livres numériques, au lieu des 15% habituels. Si ce fort pourcentage était déjà proposé par certains éditeurs électroniques comme le londonien Online Originals, c’est la première fois qu’une maison d’édition traditionnelle de réputation internationale fait un tel effort. En janvier 2001, Barnes & Noble, autre géant du livre, se lance dans l’aventure en créant Barnes & Noble Digital. Barnes & Noble est non seulement une chaîne de librairies traditionnelles doublée d’une librairie en ligne, en partenariat avec Bertelsmann pour cette dernière, mais aussi un éditeur de livres classiques et illustrés. Pour attirer les auteurs, l’éditeur leur propose de leur verser 35% du prix de vente des livres numériques vendus sur le site et les sites affiliés. Un pourcentage moindre que celui offert par Random House, mais nettement supérieur à celui versé par les autres éditeurs en ligne: ces droits, après avoir été de 15% à l’origine, seraient début 2001 de 25% en moyenne. L’opération vise bien sûr à convaincre les auteurs de best-sellers de l’intérêt d’une version numérique à côté de la version imprimée. Parallèlement, Barnes & Noble Digital débute la publication numérique de titres tombés dans le domaine public. 7.3. Une progression régulière Comme on vient de le voir, si elle existe dès mai 1998 avec la commercialisation des premiers titres numériques par les éditions 00h00, la vente de livres numériques ne commence vraiment à se généraliser qu’à l’automne 2000. Elle est effectuée soit directement par les éditeurs, soit par le biais des libraires, avec impression à la demande grâce aux nouvelles technologies d’impression numérique développées notamment par les sociétés Xerox, Océ et IBM. On voit apparaître aussi les premières librairies numériques, à savoir des librairies vendant exclusivement des livres numériques, le plus souvent par téléchargement, et dans plusieurs formats. L’étape suivante sera la vente de livres "en pièces détachées", à savoir un chapitre seul, ou une partie de livre, ou un article à l’unité, ou encore une carte ou un tableau statistique. En 2002, ce type de vente est déjà chose possible à titre expérimental, par exemple dans la librairie numérique Numilog, ou encore dans la librairie en ligne de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Le prix du livre numérique est en général inférieur de 30% à celui du livre imprimé. Sa commande et sa livraison sont quasi immédiates via l’internet. Quant à sa taille et son poids, ils sont nuls, bien qu’en pareil cas il faille bien sûr prendre en compte la taille et le poids de la machine nécessaire pour le lire. Un assistant personnel (PDA) de type Pocket PC ou Palm Pilot pesant environ 200 g permet d’emporter avec soi une quinzaine de romans de 200 pages, en plus des autres fonctionnalités présentes dans la machine. Un ordinateur ultra-portable disposant d’un disque dur de 6 Go (giga-octets), pesant moins de 1,5 kg et équipé des logiciels de bureautique standard permet de stocker environ 5.000 livres. Quelle est la taille d’un livre numérique, et son temps de téléchargement? Quelques exemples sont donnés à titre indicatif dans la FAQ (foire aux questions) de la librairie numérique Numilog. Une nouvelle de 50 pages représente un fichier de 150 Ko (kilo-octets). Le temps nécessaire à son téléchargement est de 37 secondes avec un modem 56 Kbps (56 kilobits par seconde) et de 3 à 6 secondes avec une connexion à haut débit (câble ou DSL – digital subscriber line). Un roman de 300 pages représente un fichier de 1 Mo (méga-octet). Son temps de téléchargement est de 4 minutes avec un modem 56 Kbps et de 20 à 40 secondes avec une connexion à haut débit. Un guide pratique de 200 pages incluant des tableaux représente un fichier de 1,5 Mo. Son temps de téléchargement est de 6 minutes avec un modem 56 Kbps et de 30 à 60 secondes avec une connexion à haut débit. Un livre illustré avec des photos représente un fichier de 10 Mo. Son temps de téléchargement est de 41 minutes avec un modem de 56 Kbps et de 3 à 6 minutes avec une connexion à haut débit. Outre le fait qu’il faille une machine pour le lire – mais après tout c’est ce qui le caractérise, en attendant le papier électronique de demain - l’obstacle majeur à la diffusion du livre numérique reste le faible nombre de titres. "Le volume de titres disponibles en format de lecture à l’écran est ridicule par rapport aux quelque 600.000 titres existant en français", indique en février 2001 Denis Zwirn, PDG de Numilog. Nombre d’éditeurs sont maintenant en train de numériser - ou faire numériser - leurs fonds, à la perspective d’un marché naissant qui devrait connaître une forte expansion dans les prochaines années. Editeurs en ligne et libraires numériques négocient patiemment les droits auprès des éditeurs traditionnels, et ce non sans mal puisque, à tort ou à raison, la profession est encore très inquiète des risques de piratage. Selon Zina Tucsnak, ingénieure d’études en informatique à l’ATILF (Analyse et traitement informatique de la langue française), interviewée en novembre 2000, "l’ebook offre une combinaison d’opportunités: la digitalisation et l’internet. Les éditeurs apportent leurs titres à tous les lecteurs du monde. C’est une nouvelle ère de la publication." Mais le livre numérique est encore dans l’enfance. Comme l’explique en janvier 2001 Bakayoko Bourahima, documentaliste à l’ENSEA (Ecole nationale supérieure de statistique et d’économie appliquée) d’Abidjan, "il faut voir par la suite comment il se développera et quelles en seront surtout les incidences sur la production, la diffusion et la consommation du livre. A coup sûr cela va entraîner de profonds bouleversements dans l’industrie du livre, dans les métiers liés au livre, dans l’écriture, dans la lecture, etc." Chez les adeptes du livre numérique, l’enthousiasme des années 2000 et 2001 fait place à plus de mesure en 2002 et 2003. On ne parle plus du tout numérique pour le proche avenir, mais plutôt de la publication simultanée d’un même titre en deux versions, numérique et imprimée. Pour mettre en place ce nouveau mode de distribution, la tâche est rude. Il faut constituer les collections, améliorer les logiciels de lecture, rendre le prix des appareils de lecture abordable et, plus difficile encore, habituer le grand public à lire un livre à l’écran. Alors que, en octobre 2000, l’ebook est l’une des vedettes de la Foire internationale du livre de Francfort, il se fait beaucoup plus modeste les années suivantes. La même remarque vaut pour le Salon du livre de Paris qui, après avoir proposé un Village eBook en mars 2000, puis le premier sommet européen de l’édition numérique (eBook Europe 2001) en mars 2001, n’organise pas de grande manifestation spécifique les deux années suivantes. Cependant, malgré le pessimisme relatif ayant succédé aux déclarations enthousiastes, le livre numérique poursuit patiemment son chemin. En 2001, le grand éditeur Random House vend deux fois plus de livres numériques qu’en 2000. Tous éditeurs confondus, les ventes de 2001 se chiffrent par milliers pour le New World College Dictionary de Webster, les ouvrages de fiction de Stephen King et Lisa Scottolini, les livres d’économie et les manuels pratiques. En mars 2002, Palm Digital Media, qui vend des titres pour Palm Pilot et Pocket PC, annonce la vente de 180.000 livres numériques pour l’année 2001, soit une augmentation de 40% par rapport à l’année précédente. 7.4. Livres numériques braille et audio La généralisation des livres numériques représente un tournant important pour l’accès des personnes handicapées visuelles au livre. Le document numérique permettant de dissocier contenu et présentation, le lecteur malvoyant peut désormais influer sur cette dernière en changeant la taille et la police des caractères, en inversant les contrastes, en supprimant la couleur ou en la modifiant. Quant au contenu, on dispose maintenant des technologies permettant de le convertir automatiquement dans un autre système de codage ou dans une autre langue, y compris en braille et en synthèse vocale. = Le livre numérique braille Alphabet tactile inventé en 1829 par le français Louis Braille, le braille est le seul système d’écriture accessible aux aveugles. Il s’agit d’un système de six points composé de deux colonnes de trois points. La combinaison de ces six points permet de former toutes les lettres de l’alphabet, les signes de ponctuation et les symboles. Le braille est d’abord embossé sur papier au moyen d’une tablette et d’un poinçon. A partir de la fin des années 1970, il est produit à l’aide d’un afficheur braille piézo-électrique permettant un affichage dynamique. A cet afficheur succède la machine Perkins avec son clavier de six touches. Puis apparaît le matériel informatique, par exemple le bloc-notes braille, qui sert à la fois de machine à écrire le braille et (quand il est connecté à un ordinateur) d’écran tactile permettant de lire l’écran standard. Le braille informatique peut s’afficher sur huit points, ce qui permet d’augmenter par quatre le nombre de combinaisons possibles. Dans de nombreux pays, malgré l’existence d’un matériel informatique adapté, l’édition braille reste encore confidentielle sinon clandestine, le problème des droits d’auteur sur les transcriptions n’étant pas résolu. L’édition braille française serait de 400 titres par an, dont 200 livres scolaires. Les livres en gros caractères ou sur cassettes sont eux aussi peu nombreux par rapport aux milliers de titres paraissant chaque année, malgré tous les efforts dispensés par des éditeurs spécialisés et des organismes bénévoles. Interviewé en janvier 2001, Patrice Cailleaud, directeur de la communication de Handicapzéro, explique que, si le livre numérique est "une nouvelle solution complémentaire aux problèmes des personnes aveugles et malvoyantes, (...) les droits et autorisations d’auteurs demeurent des freins pour l’adaptation en braille ou caractères agrandis d’ouvrage. Les démarches sont saupoudrées, longues et n’aboutissent que trop rarement." D’où la nécessité impérieuse de lois nationales et d’une loi internationale du droit d’auteur pour les personnes atteintes de déficience visuelle. La transcription en braille peut pourtant être rapide quand existent à la fois la motivation et les moyens. Aux Etats-Unis, Harry Potter and the Goblet of Fire (en français Harry Potter et le gobelet de feu), best-seller de Joanne K. Rowling, est publié par la National Braille Press (NBP) fin juillet 2000, vingt jours seulement après sa sortie en librairie, avec un premier tirage de 500 exemplaires. Si les 734 pages du livre imprimé par Scholastic donnent 1.184 pages en braille, le prix du livre braille n’est pas plus élevé. Ce très court délai est dû à deux facteurs. D’une part, Scholastic a fourni le fichier électronique, une initiative dont feraient bien de s’inspirer d’autres éditeurs. D’autre part, les 31 membres de l’équipe de la National Braille Press ont travaillé sans relâche pendant quinze jours. Comme pour les autres titres de la NBP, le livre est également disponible au format PortaBook, à savoir un fichier en braille informatique abrégé stocké sur disquette et lisible au moyen d’un lecteur braille portable ou d’un logiciel braille sur micro-ordinateur. = Des collections numériques braille Dans le monde francophone, fait qui reste encore trop rare, un éditeur et une association se mobilisent dans ce domaine. En décembre 1999, lors du Salon du livre de la jeunesse de Montreuil, les éditions 00h00 et l’association BrailleNet lancent l’opération "2.000 livres jeunesse sur internet pour les aveugles et malvoyants en l’an 2000". Cette opération correspond à la création d’un service internet permettant de commander en ligne des livres pour enfants en différents formats. Ces ouvrages sont soit des versions imprimées en gros caractères ou en braille, soit des versions numériques consultables sur micro-ordinateur, sur plage braille ou sur synthèse vocale. Pour répondre au problème soulevé par le manque d’ouvrages adaptés, BrailleNet crée aussi la base de données Hélène. En partenariat avec plusieurs organismes (associations, éditeurs, établissements d’enseignement), Hélène propose en accès restreint des livres numériques permettant des impressions en braille ou en gros caractères. Ces livres sont des oeuvres littéraires récentes, des documentations techniques, des ouvrages scientifiques, des manuels scolaires et des supports de cours adaptés. La bibliothèque virtuelle est développée en partenariat avec l’INRIA Rhône-Alpes (INRIA: Institut national de recherche en informatique et en automatique). Malgré ces efforts, il reste beaucoup à faire pour proposer dans les pays francophones un véritable service public du type de celui offert depuis août 1999 aux Etats-Unis par un département de la Library of Congress, le NLS/BPH (National Library Service for the Blind and Physically Handicapped). Un serveur permet aux personnes handicapées visuelles de télécharger des livres, soit au format braille pour une lecture sur plage braille, soit au format NISO/DAISY (National Information Standards Organization / Digital Audio Information System) pour une écoute sur synthèse vocale. A l’ouverture du service, 3.000 livres en braille abrégé sont disponibles par téléchargement ou consultables en ligne. Les sources sont codées pour une impression sur imprimante braille ou pour une lecture en ligne effectuée en braille abrégé (à l’aide d’une plage braille ou de toute autre interface d’accès braille). Ce service fournit aussi un synthétiseur de parole, qui est un logiciel permettant de désagréger le texte pour lecture sur synthèse vocale. = Bookshare.org Une autre réalisation particulièrement intéressante est celle de Benetech, une société de la Silicon Valley qui se donne pour objectif de mettre la technologie au service de tous les êtres humains, et pas seulement de quelques-uns. Benetech décide de créer et financer Bookshare.org, une grande bibliothèque numérique à l’intention des aveugles et malvoyants résidant aux Etats-Unis. Bookshare.org est mis en ligne en février 2002. Après avoir soumis la preuve écrite de leur handicap et s’être acquittés de la somme de 25 dollars pour l’inscription, les adhérents ont accès à la bibliothèque moyennant un abonnement annuel de 50 dollars. Scannés par une centaine de volontaires, les 7.620 titres de départ sont disponibles en deux formats, le format BRF et le format DAISY. Le format BRF (braille format) est destiné à une lecture sur plage braille ou une impression sur imprimante braille. Le format DAISY (digital audio information system) permet l’écoute du texte sur synthèse vocale. Bookshare.org n’aurait pu voir le jour sans le travail d’une centaine de volontaires scannant les livres imprimés, et sans la volonté bien ancrée de l’équipe de faire appliquer un amendement de la loi de 1997 sur le copyright (United States Code, titre 17, section 121). Cet amendement autorise la distribution d’oeuvres littéraires dans des formats adaptés, et ce auprès des personnes handicapées visuelles, des personnes souffrant d’un handicap de lecture (par exemple la dyslexie) et des personnes à la motricité réduite (par exemple celles qui ne peuvent tenir un livre dans les mains ou bien tourner les pages). Toute version numérique doit obligatoirement inclure la mention du copyright, avec le nom de l’éditeur détenteur des droits et la date originale de publication. L’initiative de Bookshare.org constitue une avancée considérable. L’objectif de l’association est assez différent de celui du département spécialisé de la Library of Congress. Ce dernier offre un nombre de titres très inférieur et les textes sont numérisés avec le plus grand soin. Dans le cas de Bookshare.org, il s’agit au contraire de proposer le plus grand nombre possible de livres numérisés à moindre coût. Si, jusque-là, moins de 5% des titres publiés aux Etats-Unis sont disponibles en version braille ou en version audio, la seule limite devient désormais celle du nombre de volontaires scannant les livres. Sur son site, l’association fait appel aux bonnes volontés pour grossir les rangs de l’équipe actuelle, afin de proposer à terme plusieurs dizaines de milliers de livres, y compris toutes les nouveautés. Le nombre de livres et de volontaires augmente rapidement. En un an, de février 2002 à février 2003, le catalogue passe de 7.620 titres à 12.000 titres, et le nombre de volontaires de 100 à 200 personnes. En août 2003, le catalogue approche les 14.000 titres. Bookshare.org propose aussi des oeuvres du domaine public en téléchargement libre. Accessibles à tous, abonnés ou non, ces oeuvres sont disponibles dans quatre formats différents: HTML (hypertext markup language), TXT (text), BRF (digital braille) et DAISY (digital audio information system). Toujours en tête de file lorsqu’il s’agit de lecture pour tous, le Projet Gutenberg met à la disposition de l’association l’ensemble de ses collections, soit, en 2003, les textes électroniques de 8.000 oeuvres du domaine public. = Le livre audionumérique Dans le service spécialisé de la Library of Congress comme dans Bookshare.org, les titres sont disponibles non seulement en version numérique braille mais aussi en version audionumérique. Quelle est l’origine du livre audionumérique? Depuis vingt ans sinon plus, les personnes handicapées visuelles écoutent des livres sur bande magnétique ou sur cassettes, enregistrés au fil des ans par des centaines de bénévoles. Depuis une dizaine d’années, elles peuvent aussi se procurer en librairie des livres audio sur cassettes et sur CD-Rom. Fait récent, les technologies numériques permettent désormais de convertir automatiquement un document numérique en "voix" grâce à la synthèse vocale. Un logiciel de synthèse vocale devrait d’ailleurs être intégré aux outils informatiques standard de demain, tout comme un logiciel de traduction automatique. Si les techniques de synthèse vocale s’améliorent, de l’avis de certains, rien ne remplace une vraie voix, c’est-à-dire une voix humaine, moins parfaite peut-être, mais vivante, avec des nuances, des intonations, des inflexions, etc. Or de nombreux organismes disposent d’enregistrements réalisés en analogique (sur bande magnétique et sur cassette) par des bénévoles. La numérisation de tous ces enregistrements permettrait de les utiliser non seulement dans la communauté desservie mais partout ailleurs. D’une part chaque organisme pourrait accroître ses collections de manière exponentielle, d’autre part de nouvelles bibliothèques audio pourraient être créées à moindre coût, notamment dans les pays en développement. De nombreux spécialistes décident d’unir leurs forces pour oeuvrer en commun. Ils fondent en mai 1996 le DAISY Consortium (DAISY: Digital Audio Information System), un consortium international chargé d’assurer la transition entre le livre audio analogique et le livre audionumérique. Sa tâche est immense: définir une norme internationale, déterminer les conditions de production, d’échange et d’utilisation du livre audionumérique, organiser la numérisation du matériel audio à l’échelle mondiale. Les activités du consortium comprennent entre autres la définition de normes de spécification de fichiers à partir de celles du World Wide Web Consortium (W3C), la conception de logiciels de conversion des bandes son analogiques en bandes son numériques, la gestion d’ensemble de la production, l’échange de livres audionumériques entre bibliothèques, la définition d’une loi internationale du droit d’auteur pour les personnes atteintes de déficience visuelle, la protection des documents soumis au droit d’auteur, et enfin la promotion de la norme DAISY à l’échelle mondiale. La norme DAISY se base sur le format DTB (digital talking book), qui permet l’indexation du livre audio et l’ajout de signets pour une navigation facile au niveau du paragraphe, de la page ou du chapitre. Une fois téléchargé dans l’ordinateur de l’usager, le texte électronique stocké dans le fichier DAISY peut être lu sur synthèse vocale. Au printemps 2003, il existe près de 41.000 livres audionumériques répondant à cette norme. = L’écoute et la lecture Même si les documents audio ont une importance qu’il ne faut pas négliger, une enquête menée en 2000 et 2001 sur l’accessibilité du web aux aveugles et malvoyants montre la nécessité d’une véritable sensibilisation des voyants au fait que les personnes handicapées visuelles ont elles aussi droit à deux modes de connaissance - la lecture et l’écoute - tout comme les voyants (pour lire l’ensemble des réponses, lancer la requête "aveugles" dans la base interactive des Entretiens). Si les professionnels du livre interrogés suggèrent presque tous la généralisation des documents audio, beaucoup ne savent pas qu’il est désormais possible de convertir un texte électronique en braille numérique. Pourquoi les aveugles devraient-ils se limiter à l’écoute, alors que le développement du numérique leur ouvre enfin largement accès à la lecture? Ce dernier point est souligné par Richard Chotin, professeur à l’Ecole supérieure des affaires (ESA) de Lille, qui se réjouit des progrès réalisés dans ce domaine. "Ma fille vient d’obtenir la deuxième place à l’agrégation de lettres modernes, écrit-il en mai 2001. Un de ses amis a obtenu la maîtrise de conférence en droit et un autre a soutenu sa thèse de doctorat en droit également. Outre l’aspect performance, cela prouve au moins que, si les aveugles étaient réellement aidés (tous les aveugles n’ont évidemment pas la chance d’avoir un père qui peut passer du temps et consacrer de l’argent) par des méthodes plus actives dans la lecture des documents (obligation d’obtenir en braille ce qui existe en "voyant" notamment), le handicap pourrait presque disparaître." Datée de mai 2001, la directive 2001/29/CE de la Commission européenne sur "l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information" insiste dans son article 43 sur la nécessité pour les Etats membres d’adopter "toutes les mesures qui conviennent pour favoriser l’accès aux oeuvres pour les personnes souffrant d’un handicap qui les empêche d’utiliser les oeuvres elles-mêmes, en tenant plus particulièrement compte des formats accessibles" Il reste à appliquer cet article à large échelle. Il faut signaler aussi dans ce domaine le travail inlassable de l’association Handicapzéro, dont le but est d’améliorer l’autonomie des personnes handicapées visuelles, à savoir plus de 10% de la population francophone. En France par exemple, une personne sur mille est aveugle, une personne sur cent est malvoyante, et une personne sur deux a des problèmes de vue. Mis en ligne en septembre 2000, le site web de l’association devient rapidement le site adapté le plus visité de France, avec 10.000 requêtes mensuelles. En février 2003, l'association lance un portail offrant en accès libre l’information nationale et internationale en temps réel (en partenariat avec l’Agence France-Presse), l’actualité sportive (avec L’Equipe), les programmes de télévision (avec Télérama), la météo (avec Météo France) et un moteur de recherche (avec Google). Le portail propose aussi toute une gamme de services dans les domaines de la santé, de l’emploi, de la consommation, des loisirs, des sports et de la téléphonie. Les aveugles peuvent accéder au site au moyen d’une plage braille ou d’une synthèse vocale. Les malvoyants peuvent paramétrer sur la page d’accueil la taille et la police des caractères ainsi que la couleur du fond d’écran pour une navigation confortable, en créant puis modifiant leur profil selon leur potentiel visuel. Ce profil est utilisable aussi pour la lecture de n’importe quel texte situé sur le web, en faisant un copier-coller dans la fenêtre prévue à cet effet. Les voyants peuvent correspondre en braille avec des aveugles par le biais du site, Handicapzéro assurant gratuitement la transcription et l’impression braille des courriers ainsi que leur expédition par voie postale. L’association entend ainsi démontrer "que, sous réserve du respect de certaines règles élémentaires, l’internet peut devenir enfin un espace de liberté pour tous". 8. DES APPAREILS DE LECTURE [8.1. Les livres électroniques / 8.2. Les assistants personnels (PDA) / 8.3. L'avenir des machines de lecture / 8.4. Le papier électronique] Les livres numériques sont d’abord lisibles sur l’écran de notre ordinateur: ordinateur du domicile ou du bureau, ordinateur portable et ordinateur ultra-portable. Pour plus de mobilité, certains constructeurs conçoivent aussi des appareils de lecture appelés livres électroniques, alors que d’autres intègrent des logiciels de lecture dans leurs assistants personnels (PDA). Plus tard viendra le papier électronique, qui devrait permettre de concilier les avantages du numérique et le confort d’un matériau souple proche du papier. 8.1. Les livres électroniques Pour le distinguer du livre numérique, qui est un livre en version numérisée, l’appareil exclusivement dédié à la lecture de livres numériques est appelé ici livre électronique, en attendant peut-être une terminologie plus adaptée. Le livre électronique étant monotâche, les premiers modèles des années 1999-2001 résistent mal à la concurrence des assistants personnels (PDA), qui permettent eux aussi de lire des livres numériques tout en offrant d’autres fonctionnalités (agenda, dictaphone, lecteur de MP3, etc.). Les ventes des appareils pionniers que sont le Rocket eBook, le Softbook Reader, le Cybook et les modèles de Gemstar eBook sont très inférieures aux pronostics. La vente du Cybook cesse en juillet 2002, et celle des Gemstar eBook en juin 2003. Si le concept de livre électronique reste intéressant pour les gros lecteurs, il doit être entièrement repensé à la lumière de ces premières expériences. = Les premiers modèles Mis sur le marché en 1999, les premiers livres électroniques sont conçus et développés en 1998 dans la Silicon Valley, en Californie. Le modèle le plus connu, le Rocket eBook, est créé par la société NuvoMedia, en partenariat avec la chaîne de librairies Barnes & Noble et le géant des médias Bertelsmann. Un deuxième modèle, le Softbook Reader, est développé par la société Softbook Press, en partenariat avec les deux grandes maisons d'édition Random House et Simon & Schuster. Plusieurs autres modèles ont une durée de vie assez courte, par exemple l’Everybook, appareil à double écran créé par la société du même nom, ou encore le Millennium eBook, créé par Librius.com. A cette époque, qui n’est pas si lointaine, toutes ces tablettes électroniques pèsent entre 700 g et 2 kg et peuvent stocker une dizaine de livres. = Les modèles de Gemstar eBook Lancés en octobre 2000 à New York, les deux premiers modèles de Gemstar eBook sont les successeurs du Rocket eBook (conçu par la société NuvoMedia) et du Softbook Reader (conçu par la société Softbook Press), suite au rachat de NuvoMedia et de Softbook Press par Gemstar-TV Guide International en janvier 2000. Commercialisés en novembre 2000 aux Etats-Unis, ces deux modèles - le REB 1100 (écran noir et blanc, successeur du Rocket eBook) et le REB 1200 (écran couleur, successeur du Softbook Reader) - sont construits et vendus sous le label RCA (appartenant à Thomson Multimedia). Le système d’exploitation, le navigateur et le logiciel de lecture sont spécifiques au produit, tout comme le format de lecture, basé sur le format OeB (open ebook). Le REB 1100 (18 cm x 13,5 cm) a une taille comparable à celle d’un (très) gros livre broché. Son poids est de 510 grammes. Son autonomie est de 15 heures. Il dispose d’un modem de 36,6 Kbps (kilobits par seconde). Sa mémoire compact flash de 8 Mo (méga-octets) permet de stocker 20 romans, soit 8.000 pages de texte. La mémoire peut être étendue à 72 Mo pour permettre un stockage de 150 livres, soit 60.000 pages de texte. L’écran tactile noir et blanc rétro-éclairé a une résolution de 320 x 480 pixels. Le REB 1100 est vendu par la chaîne de magasins SkyMall au prix de 300 dollars. Un peu plus volumineux, le REB 1200 (23 cm x 19 cm) a la taille d’un grand livre cartonné. Son poids est de 750 grammes. Son autonomie est de 6 à 12 heures. Il dispose d’un modem de 56 Kbps et d’une connexion Ethernet permettant l’accès à l’internet par câble et DSL (digital subscriber line). Sa mémoire compact flash de 8 Mo permet de stocker 5.000 pages. La mémoire peut être étendue à 128 Mo pour permettre un stockage de 80.000 pages. L’écran tactile couleur rétro-éclairé a une résolution de 480 x 640 pixels. Le REB 1200 est vendu par la chaîne de magasins SkyMall au prix de 699 dollars. La commercialisation du modèle européen, le GEB 2200, débute en octobre 2001 en commençant par l’Allemagne. Le GEB 2200 a les mêmes caractéristiques que le REB 1200. Son poids est un peu supérieur (970 grammes) parce qu’il inclut une couverture en cuir protégeant l’écran. Son prix est de 649 euros. Ce prix inclut deux abonnements - un abonnement de six semaines à la version électronique de Der Spiegel et un abonnement de quatre semaines à la version électronique du Financial Times Deutschland - ainsi que deux best-sellers et quinze oeuvres classiques en version numérique. Aux Etats-Unis, les ventes sont très inférieures aux pronostics. En avril 2002, un article du New York Times annonce l’arrêt de la fabrication de ces appareils par RCA. A l’automne 2002, leurs successeurs, le GEB 1150 et le GEB 2150, sont produits sous le label Gemstar et vendus par SkyMall à un prix beaucoup plus compétitif, avec ou sans abonnement annuel ou bisannuel à la librairie numérique de Gemstar eBook. Le GEB 1150 coûte 199 dollars sans abonnement, et 99 dollars si on prend un abonnement annuel (de 20 dollars par mois). Le GEB 2150 coûte 349 dollars sans abonnement, et 199 dollars si on prend un abonnement bisannuel (de 20 dollars par mois). Les deux modèles GEB 1150 et GEB 2150 sont livrés non seulement avec un dictionnaire intégré, le Webster’s Pocket American Dictionary (publié par Random House), mais aussi avec la version anglaise du Tour du monde en 80 jours, de Jules Verne (publiée par eBooks Classics), best-seller universel qui poursuit ainsi sa carrière en version numérique. En Allemagne, on parle du remplacement du GEB 2200 par le GEB 1150 courant 2003. Mais le livre numérique au format propriétaire semble désormais condamné au profit du livre numérique distribué dans des formats "universels". Gemstar met fin à ses activités eBook en cessant la vente de ses appareils de lecture en juin 2003 et celle de ses livres numériques le mois suivant. = Le Cybook de Cytale Premier livre électronique européen, le Cybook (21 cm x 16 cm) est conçu et développé par la société française Cytale, et commercialisé en janvier 2001. Son poids est de 1 kg. Sa mémoire - 32 Mo (méga-octets) de mémoire SDRAM (synchronous dynamic random access memory) et 16 Mo de mémoire flash - permet de stocker 15.000 pages de texte, soit 30 livres de 500 pages. Son autonomie est de 5 h. Il est équipé d’un modem 56 Kbps (kilobits par seconde), d’un haut-parleur, d’une sortie stéréo avec prise casque et de plusieurs ports pour périphériques. L’écran tactile couleur rétro-éclairé a une résolution de 600 x 800 pixels. L’affichage est possible en mode portrait ou paysage. Le Cybook utilise le système d’exploitation Windows CE de Microsoft, le navigateur Internet Explorer et un logiciel de lecture spécifique basé sur le format OeB (open ebook). Il intègre un dictionnaire Hachette de 35.000 mots. En mars 2002, il coûte 883 euros sans abonnement, et 456 euros pour ceux qui prennent un abonnement minimal d’un an au prix mensuel de 20 euros. Le téléchargement des livres s’effectue à partir du site web de Cytale, suite à des partenariats avec plusieurs éditeurs et sociétés de presse. "J’ai croisé il y a deux ans le chemin balbutiant d’un projet extraordinaire, le livre électronique, écrit en décembre 2000 Olivier Pujol, PDG de Cytale. Depuis ce jour, je suis devenu le promoteur impénitent de ce nouveau mode d’accès à l’écrit, à la lecture, et au bonheur de lire. La lecture numérique se développe enfin, grâce à cet objet merveilleux: bibliothèque, librairie nomade, livre 'adaptable', et aussi moyen d’accès à tous les sites littéraires (ou non), et à toutes les nouvelles formes de la littérature, car c’est également une fenêtre sur le web." Cytale développe aussi le Cybook Pro, une version du Cybook à destination des entreprises, des universités et des collectivités pour la gestion de leurs documents numérisés (dossiers clients, normes techniques, procédures, catalogues, cartes, etc.). Par ailleurs, en collaboration avec l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale), Cytale adapte son logiciel de lecture pour permettre la lecture de livres numériques sur plage braille ou sur synthèse vocale. La société développe le Cybook Vision, un livre électronique adapté aux besoins des malvoyants et distribué par un réseau d’opticiens. "Toutes les opérations de navigation, en mode autonome, ont été élaborées sur les conseils d’orthoptistes et à partir des suggestions de malvoyants, lit-on sur le site web. Réduites à l’essentiel, elles autorisent la création de stratégies de lecture personnalisées. L’appareil, qui fonctionne comme un enregistreur, est doté d’une capacité de mémoire qui autorise une contenance d’environ trente livres. Chaque ouvrage est lisible dans deux polices et six tailles de caractères. La catégorie la plus grande correspond à un corps de texte 28 ou à la taille P. 20 selon les normes des orthoptistes. La résolution d’écran 'Super VGA' (super video graphics adapter) de 100 DPI (dots per inch) offre une excellente netteté des caractères. Le rétro-éclairage de cet écran autorise la lecture dans une ambiance peu lumineuse. Le contraste et la luminosité peuvent être réglés séparément et sont activés par un bouton. Une icône autorise le changement de couleur de fond, qui passe du blanc au jaune pour répondre à certains problèmes de photosensibilité. Les textes peuvent être lus en corps noir sur blanc ou blanc sur noir, jaune sur noir ou noir sur jaune." Pour les trois modèles, les ventes sont très inférieures aux pronostics. Ces ventes insuffisantes forcent la société à se déclarer en cessation de paiement, l’administrateur ne parvenant pas à trouver un repreneur après le redressement judiciaire prononcé en avril 2002. Cytale est mis en liquidation judiciaire en juillet 2002 et cesse ses activités. = Le baladeur de textes @folio Si le concept de livre électronique séduit les professionnels du livre, les premiers modèles sont loin de susciter l’enthousiasme. "S’il doit s’agir d’un ordinateur portable légèrement 'relooké', mais présentant moins de fonctionnalités que ce dernier, je n’en vois pas l’intérêt, explique en juin 2001 Emilie Devriendt, élève professeure à l’Ecole normale supérieure (ENS) de Paris. Tel qu’il existe, l’ebook est relativement lourd, l’écran peu confortable à mes yeux, et il consomme trop d’énergie pour fonctionner véritablement en autonomie. A cela s’ajoute le prix scandaleusement élevé, à la fois de l’objet même et des contenus téléchargeables; sans parler de l’incompatibilité des formats constructeur, et des 'formats' maison d’édition. J’ai pourtant eu l’occasion de voir un concept particulièrement astucieux, vraiment pratique et peu coûteux, qui me semble être pour l’heure le support de lecture électronique le plus intéressant: celui du 'baladeur de textes' ou @folio, en cours de développement à l’Ecole nationale supérieure des arts et industries de Strasbourg. Bien évidemment, les préoccupations de ses concepteurs sont à l’opposé de celles des 'gros' concurrents qu’on connaît, en France ou ailleurs: aucune visée éditoriale monopolistique chez eux, puisque c’est le contenu du web (dans l’idéal gratuit) que l’on télécharge." Conçu dès octobre 1996 par Pierre Schweitzer, architecte designer à Strasbourg, @folio (qui se prononce: a-folio) est considéré par son créateur moins comme un livre électronique que comme un support de lecture nomade permettant de lire des textes glanés sur l’internet. @folio cherche à mimer, sous forme électronique, le dispositif technique du livre, afin de proposer une mémoire de fac-similés reliés en hypertexte pour faciliter le feuilletage. "J’hésite à parler de livre électronique, écrit Pierre Schweitzer en janvier 2001, car le mot "livre" désigne aussi bien le contenu éditorial (quand on dit qu’untel a écrit un livre) que l’objet en papier, génial, qui permet sa diffusion. La lecture est une activité intime et itinérante par nature. @folio est un baladeur de textes, simple, léger, autonome, que le lecteur remplit selon ses désirs à partir du web, pour aller lire n’importe où. Il peut aussi y imprimer des documents personnels ou professionnels provenant d’un CD-Rom. Les textes sont mémorisés en faisant: "imprimer", mais c’est beaucoup plus rapide qu’une imprimante, ça ne consomme ni encre ni papier. Les liens hypertextes sont maintenus au niveau d’une reliure tactile. (...) Le projet est né à l’atelier Design de l’Ecole d’architecture de Strasbourg où j’étais étudiant. Il est développé à l’Ecole nationale supérieure des arts et industries de Strasbourg avec le soutien de l’Anvar-Alsace. Aujourd’hui, je participe avec d’autres à sa formalisation, les prototypes, design, logiciels, industrialisation, environnement technique et culturel, etc., pour transformer ce concept en un objet grand public pertinent." La commercialisation d’@folio devrait débuter en 2004. 8.2. Les assistants personnels (PDA) Le principal concurrent du livre électronique se trouve être l’assistant numérique personnel, appelé plus généralement assistant personnel ou encore PDA (personal digital assistant). Lorsque le livre numérique (livre en version numérisée) commence à se généraliser en 2000, les fabricants de PDA décident d’intégrer un logiciel de lecture dans leur machine, en plus des fonctionnalités habituelles (agenda, dictaphone, lecteur de MP3, etc.). Parallèlement, à partir de la production imprimée existante, ils négocient les droits de diffusion numérique de centaines de titres. Si certains professionnels du livre s’inquiètent de la petitesse de l’écran, les adeptes de la lecture sur PDA assurent que la taille de l’écran n’est pas un problème. = Les modèles de Psion Marie-Joseph Pierre, enseignante-chercheuse à l’Ecole pratique des hautes études (EPHE, section Sciences religieuses, Paris-Sorbonne), utilise un Psion depuis plusieurs années pour lire et étudier dans le train lors de ses fréquents déplacements entre Argentan, sa ville de résidence, et Paris. Elle achète son premier Psion en 1997, un Série 3, remplacé ensuite par un Série 5, remplacé lui-même par un Psion 5mx en juin 2001. En février 2002, elle raconte: "J’ai chargé tout un tas de trucs littéraires – dont mes propres travaux et dont la Bible entière – sur mon Psion 5mx (16 + 16 Mo), que je consulte surtout dans le train ou pour mes cours, quand je ne peux pas emporter toute une bibliothèque. J’ai mis les éléments de programme qui permettent de lire page par page comme sur un véritable ebook. Ce qui est pratique, c’est de pouvoir charger une énorme masse documentaire sur un support minuscule. Mais ce n’est pas le même usage qu’un livre, surtout un livre de poche qu’on peut feuilleter, tordre, sentir..., et qui s’ouvre automatiquement à la page qu’on a aimée. C’est beaucoup moins agréable à utiliser, d’autant que sur PDA, la page est petite: on n’a pas de vue d’ensemble. Mais une qualité appréciable: on peut travailler sur le texte enregistré, en rechercher le vocabulaire, réutiliser des citations, faire tout ce que permet le traitement informatique du document, et cela m’a pas mal servi pour mon travail, ou pour mes activités associatives. Je fais par exemple partie d’une petite société poétique locale, et nous faisons prochainement un récital poétique. J’ai voulu rechercher des textes de Victor Hugo, que j’ai maintenant pu lire et même charger à partir du site de la Bibliothèque nationale de France: c’est vraiment extra." Psion, société britannique, lance dès 1984 le Psion Organiser, qui se trouve donc être le vétéran des agendas électroniques. Au fil des ans, la gamme des appareils s’étend et la société se développe à l’international. En 2000, les différents modèles (série 7, série 5mx, Revo, Revo Plus) sont fortement concurrencés par le Palm Pilot et le Pocket PC. Suite à une baisse des ventes, la société décide de diversifier ses activités. Fondé en septembre 2000 suite au rachat de Teklogix, Psion Teklogix développe des systèmes informatiques mobiles sans fil à destination des entreprises. Créé en 2001, Psion Software développe les logiciels de la prochaine génération d’appareils mobiles utilisant la plate-forme Symbian OS, par exemple ceux du smartphone Nokia 9210, modèle précurseur commercialisé la même année. = L’eBookMan de Franklin Basée dans le New Jersey (Etats-Unis), la société Franklin commercialise dès 1986 le premier dictionnaire consultable sur une machine de poche. Quinze ans après, Franklin distribue 200 ouvrages de référence sur des machines de poche: dictionnaires unilingues et bilingues, encyclopédies, bibles, manuels d’enseignement, ouvrages médicaux et livres de loisirs. En octobre 2000, Franklin lance l’eBookMan, un assistant personnel multimédia qui, entre autres fonctionnalités (agenda, dictaphone, etc.), permet la lecture de livres numériques sur le logiciel de lecture Franklin Reader. A la même date, l’eBookMan est récompensé par l’eBook Technology Award de la Foire internationale du livre de Francfort. Trois modèles (EBM-900, EBM-901 et EBM-911) sont disponibles début 2001. Leurs prix respectifs sont de 130, 180 et 230 dollars. Le prix est fonction de la taille de la mémoire vive (8 ou 16 méga-octets) et de la qualité de l’écran à cristaux liquides, rétro-éclairé ou non selon les modèles. Nettement plus grand que celui de ses concurrents, l’écran n’existe toutefois qu’en noir et blanc, contrairement à la gamme Pocket PC ou à certains modèles Palm avec écran couleur. L’eBookMan permet aussi l’écoute de livres audio et de fichiers musicaux au format MP3. En octobre 2001, Franklin décide de ne pas intégrer le Microsoft Reader à l’eBookMan, mais de lui préférer le Mobipocket Reader, logiciel de lecture jugé plus performant (et primé à la même date par l’eBook Technology Award de la Foire de Francfort). Parallèlement, le logiciel de lecture Franklin Reader devient progressivement disponible pour les gammes Psion, Palm, Pocket PC et Nokia. Franklin développe aussi une librairie numérique sur son site en passant des partenariats avec plusieurs éditeurs, notamment avec Audible.com, ce qui lui permet d’accéder à une collection de 4.500 livres audionumériques. = Le Palm Pilot et le Pocket PC Les usagers intéressés par la lecture de livres numériques se tournent bientôt vers deux autres gammes de PDA, les Palm Pilot et les Pocket PC. La société Palm lance le premier Palm Pilot en mars 1996 et vend 23 millions de machines entre 1996 et 2002. Le Palm Pilot utilise un système d’exploitation éponyme, le Palm OS, et le logiciel de lecture Palm Reader. En mars 2001, les modèles Palm permettent aussi la lecture de livres numériques sur le Mobipocket Reader. Commercialisé par Microsoft en avril 2000 pour concurrencer le Palm Pilot, le Pocket PC utilise un système d’exploitation spécifique, Windows CE. Il intègre le logiciel de lecture Microsoft Reader, lancé à la même date dans ce but. En octobre 2001, le Pocket PC troque Windows CE pour le système d’exploitation Pocket PC 2002, qui permet entre autres de lire des livres numériques sous copyright. Ces livres sont protégés par un système de gestion des droits numériques intitulé Microsoft DAS Server (DAS: digital asset server). En 2002, le Pocket PC permet la lecture sur trois logiciels: le Microsoft Reader bien sûr, le Mobipocket Reader et le Palm Reader. 8.3. L'avenir des machines de lecture = L’avis des professionnels du livre A l’exception de quelques spécialistes enthousiastes, les professionnels du livre restent assez sceptiques sur le confort de lecture procuré par une machine. Tous attendent une amélioration des appareils de lecture. "Je pense qu’on est loin des formats et des techniques définitifs, déclare en novembre 2000 Nicolas Pewny, fondateur des éditions du Choucas. Beaucoup de recherches sont en cours, et un format et un support idéal verront certainement le jour sous peu." Anne-Bénédicte Joly, écrivain qui auto-édite ses livres, écrit à la même date: "Le livre électronique est avant tout un moyen pratique d’atteindre différemment une certaine catégorie de lecteurs composée pour partie de curieux aventuriers des techniques modernes et pour partie de victimes du mode résolument technologique. (...) Je suis assez dubitative sur le "plaisir" que l’on peut retirer d’une lecture sur un écran d’un roman de Proust. Découvrir la vie des personnages à coups de souris à molette ou de descente d’ascenseur ne me tente guère. Ce support, s’il possède à l’évidence comme avantage la disponibilité de toute oeuvre à tout moment, possède néanmoins des inconvénients encore trop importants. Ceci étant, sans nous cantonner à une position durablement ancrée dans un mode passéiste, laissons à ce support le temps nécessaire pour acquérir ses lettres de noblesse." Cet avis est partagé par Jacky Minier, créateur de Diamedit, site de promotion d’inédits artistiques et littéraires. Interviewé en octobre 2000, il explique: "L’ebook est sans aucun doute un support extraordinaire. Il aura son rôle à jouer dans la diffusion des oeuvres ou des journaux électroniques, mais il ne remplacera jamais le véritable bouquin papier de papa. Il le complétera. (...) Voyez la monnaie électronique: on ne paie pas encore son boulanger ou ses cigarettes avec sa carte de crédit et on a toujours besoin d’un peu de monnaie dans sa poche, en plus de sa carte Visa. L’achat d’un livre n’est pas un acte purement intellectuel, c’est aussi un acte de sensualité que ne comblera jamais un ebook. Naturellement, l’édition classique devra en tenir compte sur le plan marketing pour se différencier davantage, mais je crois que l’utilisation des deux types de supports sera bien distincte. Le téléphone n’a pas tué le courrier, la radio n’a pas tué la presse, la télévision n’a pas tué la radio ni le cinéma... Il y a de la place pour tout, simplement, ça oblige à chaque fois à une adaptation et à un regain de créativité. Et c’est tant mieux!" Jean-Pierre Balpe, directeur du département hypermédias de l’Université Paris 8, écrit pour sa part en janvier 2001: "J’attends de voir concrètement comment ils fonctionnent et si les éditeurs sont capables de proposer des produits spécifiques à ce support car, si c’est pour reproduire uniquement des livres imprimés, je suis assez sceptique. L’histoire des techniques montre qu’une technique n’est adoptée que si - et seulement si... - elle apporte des avantages concrets et conséquents par rapport aux techniques auxquelles elle prétend se substituer." Ce scepticisme est partagé par Olivier Bogros, directeur de la médiathèque municipale de Lisieux (Normandie), qui s’exclame en août 2000: "De quoi parle-t-on? Des machines monotâches encombrantes et coûteuses, avec format propriétaire et offre éditoriale limitée? Les Palm, Psion et autres hand et pocket computers permettent déjà de lire ou de créer des livres électroniques (appelés ici livres numériques, ndlr), et en plus servent à autre chose. Ceci dit, la notion de livre électronique m’intéresse en tant que bibliothécaire et lecteur. Va-t-il permettre de s’affranchir d’un modèle économique à bout de souffle (la chaîne éditoriale n’est pas le must en la matière)? Les machines à lire n’ont de mon point de vue de chance d’être viables que si leur utilisateur peut créer ses propres livres électroniques avec (cf. cassettes vidéo)." Patrick Rebollar, professeur de français et d’informatique dans des universités japonaises, écrit en décembre 2000: "Je trouve enthousiasmant le principe de stockage et d’affichage mais j’ai des craintes quant à la commercialisation des textes sous des formats payants. Les chercheurs pourront-ils y mettre leurs propres corpus et les retravailler? L’outil sera-t-il vraiment souple et léger, ou faut-il attendre le développement de l’encre électronique? Je crois également que l’on prépare un cartable électronique pour les élèves des écoles, ce qui pourrait être bon pour leur dos..." Olivier Gainon, fondateur de CyLibris, maison d’édition littéraire en ligne, manifeste lui aussi un certain scepticisme à l’égard des modèles actuels. Il explique à la même date: "Je ne crois pas trop à un objet qui a des inconvénients clairs par rapport à un livre papier (prix / fragilité / aspect / confort visuel / etc.), et des avantages qui me semblent minimes (taille des caractères évolutifs / plusieurs livres dans un même appareil / rétro-éclairage de l’écran / etc.). De même, je vois mal le positionnement d’un appareil exclusivement dédié à la lecture, alors que nous avons les ordinateurs portables d’un côté, les téléphones mobiles de l’autre et les assistants personnels (dont les Pocket PC) sur le troisième front. Bref, autant je crois qu’à terme la lecture sur écran sera généralisée, autant je ne suis pas certain que cela se fera par l’intermédiaire de ces objets." Nicolas Ancion, écrivain et responsable éditorial de Luc Pire électronique, partage le même sentiment. "Ces appareils ne me paraissent pas porteurs d’avenir dans le grand public tant qu’ils restent monotâches (ou presque), écrit-il en avril 2001. Un médecin ou un avocat pourront adopter ces plates-formes pour remplacer une bibliothèque entière, je suis prêt à le croire. Mais pour convaincre le grand public de lire sur un écran, il faut que cet écran soit celui du téléphone mobile, du PDA ou de la télévision. D’autre part, je crois qu’en cherchant à limiter les fournisseurs de contenus pour leurs appareils (plusieurs types d’ebooks ne lisent que les fichiers fournis par la bibliothèque du fabricant), les constructeurs tuent leur machine. L’avenir de ces appareils, comme de tous les autres appareils technologiques, c’est leur ouverture et leur souplesse. S’ils n’ont qu’une fonction et qu’un seul fournisseur, ils n’intéresseront personne. Par contre, si, à l’achat de son téléphone portable, on reçoit une bibliothèque de vingt bouquins gratuits à lire sur le téléphone et la possibilité d’en charger d’autres, alors on risque de convaincre beaucoup de monde." = Les atouts de l’assistant personnel D’après Seybold Reports.com, en avril 2001, à l’échelle de la planète, on compte 100.000 livres électroniques pour 17 millions d’assistants personnels (PDA). Deux ans plus tard, en juin 2003, plus aucun livre électronique n'est commercialisé. De nouveaux modèles pourront-ils réussir à s’imposer face à l’assistant personnel (PDA), qui offre aussi d’autres fonctionnalités? Existera-t-il une clientèle spécifique pour les deux machines, la lecture sur assistant personnel étant destinée au grand public, et la lecture sur livre électronique étant réservée aux gros consommateurs de documents que sont les lycéens, les étudiants, les professeurs, les chercheurs ou les juristes? Au début des années 2000, le choix des gros lecteurs semble se porter vers l’ordinateur ultra-portable, du fait de ses fonctions multi-tâches. Outre le stockage d’un millier de livres sinon plus, celui-ci permet l’utilisation d'outils de bureautique standard et de l’internet, l’écoute de fichiers MP3 et le visionnement de vidéos ou de films. Certains gros lecteurs sont tentés par le webpad, un ordinateur-écran sans disque dur disposant d’une connexion sans fil à l’internet, apparu en 2001, ou la tablette PC, une tablette informatique équipée d’un écran tactile, apparue fin 2002. Parallèlement, le marché des assistants personnels poursuit sa croissance. 13,2 millions de PDA sont vendus dans le monde en 2001, et 12,1 millions en 2002. En 2002, Palm est toujours le leader du marché (36,8% des machines vendues), suivi par la gamme Pocket PC de Microsoft et les modèles de Hewlett-Packard, Sony, Handspring, Toshiba et Casio. Les systèmes d’exploitation utilisés sont essentiellement le Palm OS (pour 55% des machines) et le Pocket PC (pour 25,7% des machines). Si le marché se tasse un peu en 2002 et 2003, une reprise est annoncée pour les prochaines années, grâce à l’amélioration des produits, une plus grande diversité des modèles et la baisse des prix chez tous les fabricants. = Les futurs appareils de lecture Les PDA seront eux-mêmes concurrencés par les smartphones, une nouvelle génération de téléphones portables intégrant les fonctions de l’assistant personnel. Le premier smartphone est le Nokia 9210, modèle précurseur mis sur le marché en 2001 par la société finlandaise Nokia, premier fabricant mondial de téléphones portables. Le Nokia 9210 est suivi de la gamme Nokia Series 60 et du Sony Ericsson P800. Ces différents modèles permettent de lire des livres numériques sur le Mobipocket Reader. Si les livres numériques ont une longue vie devant eux, ceci est beaucoup moins probable pour les appareils de lecture, qui risquent de muer régulièrement. En février 2003, Denis Zwirn, PDG de la librairie numérique Numilog, résume bien la situation. "L’équipement des individus et des entreprises en matériel pouvant être utilisé pour la lecture numérique dans une situation de mobilité va continuer de progresser très fortement dans les dix prochaines années sous la forme de machines de plus en plus performantes (en terme d’affichage, de mémoire, de fonctionnalités, de légèreté…) et de moins en moins chères. Cela prend dès aujourd’hui la forme de PDA (Pocket PC et Palm Pilot), de tablettes PC et de smartphones, ou de smart displays (écrans tactiles sans fil). Trois tendances devraient être observées: la convergence des usages (téléphone / PDA), la diversification des types et tailles d'appareils (de la montre-PDA-téléphone à la tablette PC waterproof), la démocratisation de l’accès aux machines mobiles (des PDA pour enfants à 15 euros). Si les éditeurs et les libraires numériques savent en saisir l’opportunité, cette évolution représente un environnement technologique et culturel au sein duquel les livres numériques, sous des formes variées, peuvent devenir un mode naturel d’accès à la lecture pour toute une génération." 8.4. Le papier électronique Considéré par beaucoup comme transitoire, l’appareil de lecture ne serait qu’une étape vers le papier électronique. De l’avis d’Alex Andrachmes, explorateur d’hypertexte, interviewé en décembre 2000, "c’est l’arrivée du fameux 'papier électrique' qui changera la donne. Ce projet du MIT (Massachusetts Institute of Technology) qui consiste à charger électriquement une fine couche de 'papier' - dont je ne connais pas la formule - permettra de charger la (les) feuille(s) de nouveaux textes, par modification de cette charge électrique. Un ebook sur papier, en somme, c’est ce que le monde de l’édition peut attendre de mieux." Lucie de Boutiny, romancière multimédia, écrit en juin 2000: "Et voici le changement que j’attends: arrêter de considérer les livres électroniques comme le stade ultime post-Gutenberg. L’ebook rétro-éclairé a pour l’instant la mémoire courte: il peut accueillir par exemple dix livres contenant essentiellement du texte mais pas une seule oeuvre multimédia riche en son et images, etc. Donc ce que l’on attend pour commencer: l’écran souple comme une feuille de papier légère, transportable, pliable, autonome, rechargeable, accueillant tout ce que le web propose (du savoir, de l’information, des créations…) et cela dans un format universel avec une résolution sonore et d’image acceptable." Pierre-Noël Favennec, expert à la direction scientifique de France Télécom R&D, explique en février 2001: "Si l’invention du livre-papier avait été faite après celle de l’ebook, nous l’aurions tous trouvé géniale, Mais un ebook a un avenir prometteur si on peut télécharger suffisamment d’ouvrages, si la lecture est aussi agréable que sur le papier, s’il est léger (comme un livre), s’il est pliable (comme un journal), s’il n’est pas cher (comme un livre de poche)... En d’autres mots, l’ebook a un avenir s’il est un livre, si le hard fait croire que l’on a du papier imprimé... Techniquement, c’est possible, aussi j’y crois. Au niveau technologique, cela exigera encore quelques efforts (chimie, électronique, physique…)." Les recherches sur le papier électronique sont en cours. Il s’agira d’un support souple d’une densité comparable au papier plastifié ou au transparent. Ce support pourra être utilisé indéfiniment et le texte changé à volonté au moyen d’une connexion sans fil. Si le concept est révolutionnaire, le produit lui-même est le résultat d’une fusion entre trois sciences, la chimie, la physique et l’électronique. Plusieurs équipes travaillent à des projets différents. Les deux projets les plus avancés émanent des sociétés E Ink et Gyricon Media. Philips travaille quant à lui sur un projet de papier électronique couleur qui serait disponible dans une dizaine d’années. Fondée en avril 1997 par des chercheurs du Media Lab du MIT (Massachusetts Institute of Technology), la société E Ink met au point un support utilisant l’encre électronique. Prises entre deux feuilles de plastique souple, des millions de microcapsules contiennent chacune des particules noires et blanches (ou une autre combinaison de couleurs) en suspension dans un fluide clair. Un champ électrique positif ou négatif permet de faire apparaître le groupe de particules souhaité à la surface du support, afin d’afficher, de modifier ou d’effacer des données. En juillet 2002, E Ink présente le prototype du premier écran couleur utilisant cette technologie, un écran de haute résolution à matrice active développé en partenariat avec les sociétés Toppan et Philips. La commercialisation de cet écran est prévue en 2004, pour équiper des assistants personnels (PDA), des appareils de communication mobile et des livres électroniques (appareils de lecture). Dans un deuxième temps seront envisagés des livres et journaux électroniques sur support souple. Parallèlement, des chercheurs de PARC (Palo Alto Research Center), le centre Xerox de la Silicon Valley, travaillent depuis 1997 à la mise au point d’une technique d’affichage dénommée gyricon. Le procédé est un peu différent de celui d’E Ink. Prises entre deux feuilles de plastique souple, des millions de micro-alvéoles contiennent des microbilles bicolores en suspension dans un liquide clair. Chaque bille est pourvue d’une charge électrique. Cette fois, c’est une impulsion électrique extérieure qui permet la rotation des billes, et donc le changement de couleur, permettant ainsi d'afficher, de modifier ou d'effacer les données. Intitulé SmartPaper, le matériau correspondant sera produit en rouleaux, tout comme le papier traditionnel. Sa commercialisation sera assurée par la société Gyricon Media, créée en décembre 2000 dans ce but. Le marché pressenti est d’abord celui de l’affichage commercial, qui utilise le système SmartSign, développé par Gyricon Media en complément du SmartPaper. La vente d’affichettes fonctionnant sur piles devrait débuter en 2004. Viendront ensuite les panneaux de signalisation, puis le papier électronique et le journal électronique. Christian Vandendorpe, professeur à l’Université d’Ottawa et spécialiste des théories de la lecture, résume les développements probables de ces dix prochaines années. "Le livre électronique va accélérer cette mutation du papier vers le numérique, surtout pour les ouvrages techniques, écrit-il en mai 2001. Mais les développements les plus importants sont encore à venir. Lorsque le procédé de l’encre électronique sera commercialisé sous la forme d’un codex numérique plastifié offrant une parfaite lisibilité en lumière réfléchie, comparable à celle du papier - ce qui devrait être courant vers 2010 ou 2015 -, il ne fait guère de doute que la part du papier dans nos activités de lecture quotidienne descendra à une fraction de ce qu’elle était hier. En effet, ce nouveau support portera à un sommet l’idéal de portabilité qui est à la base même du concept de livre. Tout comme le codex avait déplacé le rouleau de papyrus, qui avait lui-même déplacé la tablette d’argile, le codex numérique déplacera le codex papier, même si ce dernier continuera à survivre pendant quelques décennies, grâce notamment au procédé d’impression sur demande qui sera bientôt accessible dans des librairies spécialisées. Avec sa matrice de quelques douzaines de pages susceptibles de permettre l’affichage de millions de livres, de journaux ou de revues, le codex numérique offrira en effet au lecteur un accès permanent à la bibliothèque universelle. En plus de cette ubiquité et de cette instantanéité, qui répondent à un rêve très ancien, le lecteur ne pourra plus se passer de l’indexabilité totale du texte électronique, qui permet de faire des recherches plein texte et de trouver immédiatement le passage qui l’intéresse. Enfin, le codex numérique permettra la fusion des notes personnelles et de la bibliothèque et accélérera la mutation d’une culture de la réception vers une culture de l’expression personnelle et de l’interaction." 9. BIENTOT DES LIVRES MULTILINGUES? [9.1. Les systèmes de codage / 9.2. Des communautés linguistiques / 9.3. L’importance de la traduction] En 1998 et 1999, la nécessité d’un web multilingue occupe tous les esprits. Au début des années 2000, le web, devenu multilingue, permet une très large diffusion des textes électroniques sans contrainte de frontières, mais la barrière de la langue est loin d’avoir disparu. En 2003, la priorité semble être la création de passerelles entre les communautés linguistiques pour favoriser la circulation des écrits dans d’autres langues, en augmentant fortement les activités de traduction. Les technologies numériques facilitant grandement le passage d’une langue à l’autre, il reste à créer ou renforcer la volonté culturelle et politique dans ce sens. 9.1. Les systèmes de codage Le premier système de codage informatique est l’ASCII (American standard code for information interchange), créé en 1963 par l’American National Standards Institute (ANSI). L’ASCII est un code standard de 128 caractères traduits en langage binaire sur sept bits (A=1000001, B=1000010, etc.). Les 128 caractères comprennent 26 lettres sans accent, les chiffres, les signes de ponctuation et les symboles. L’ASCII permet donc uniquement la lecture de l’anglais. Il ne permet pas de prendre en compte les lettres accentuées présentes dans bon nombre de langues européennes, et à plus forte raison les systèmes non alphabétiques (chinois, japonais, coréen, etc.). Ceci ne pose pas de problème majeur les premières années, tant que l’échange de fichiers électroniques se limite essentiellement à l’Amérique du Nord. Mais le multilinguisme devient bientôt une nécessité vitale. Solution provisoire, les alphabets européens sont traduits par des versions étendues de l’ASCII codées sur huit bits, afin de pouvoir traiter un total de 256 caractères, dont les lettres avec accents. L’extension pour le français est définie par la norme ISO-Latin-1 (ISO-8859-1:1998). Mais le passage de l’ASCII à l’ASCII étendu devient vite un véritable casse-tête, y compris au sein de l’Union européenne, les problèmes étant entre autres la multiplication des systèmes d’encodage, la corruption des données dans les étapes transitoires, ou encore l’incompatibilité des systèmes entre eux, les pages ne pouvant être affichées que dans une seule langue à la fois. Avec le développement du web, l’échange des données s’internationalise de plus en plus, et ne peut donc plus se limiter à l’utilisation de l’anglais et de quelques langues européennes, traduites par un système d’encodage datant des années 1960. Fondé en janvier 1991, l’Unicode Consortium regroupe des sociétés informatiques, des sociétés commercialisant des bases de données, des concepteurs de logiciels, des organismes de recherche et différents groupes d’usagers. Il a pour tâche de développer l’Unicode, un système d’encodage sur 16 bits spécifiant un nombre unique pour chaque caractère, et de donner toutes les explications techniques nécessaires aux usagers potentiels. Les usagers non anglophones étant de plus en plus nombreux, l’Unicode répond partiellement à leurs problèmes, puisqu’il est lisible quels que soient la plate-forme, le logiciel et la langue utilisés. Il peut traiter 65.000 caractères uniques, et donc prendre en compte tous les systèmes d’écriture de la planète. L’Unicode (qui, en 2003, en est à sa 4e version) remplace progressivement l’ASCII. Les versions récentes du système d’exploitation Windows de Microsoft (Windows 2000, Windows XP, Windows NT, Windows Server 2003) utilisent l’Unicode pour les fichiers texte, alors que les versions précédentes utilisaient l’ASCII. Mais l’Unicode ne peut résoudre tous les problèmes, comme le souligne en juin 2000 Luc Dall’Armellina, co-auteur et webmestre d’oVosite, un espace d’écritures multimédias: "Les systèmes d’exploitation se dotent peu à peu des kits de langues et bientôt peut-être de polices de caractères Unicode à même de représenter toutes les langues du monde; reste que chaque application, du traitement de texte au navigateur web, emboîte ce pas. Les difficultés sont immenses: notre clavier avec ses ± 250 touches avoue ses manques dès lors qu’il faille saisir des Katakana ou Hiragana japonais, pire encore avec la langue chinoise. La grande variété des systèmes d’écritures de par le monde et le nombre de leurs signes font barrage. Mais les écueils culturels ne sont pas moins importants, liés aux codes et modalités de représentation propres à chaque culture ou ethnie." Que préconise Olivier Gainon, créateur de CyLibris et pionnier de l’édition littéraire en ligne? "Première étape: le respect des particularismes au niveau technique, explique-t-il en décembre 2000. Il faut que le réseau respecte les lettres accentuées, les lettres spécifiques, etc. Je crois très important que les futurs protocoles permettent une transmission parfaite de ces aspects - ce qui n’est pas forcément simple (dans les futures évolutions de l’HTML, ou des protocoles IP, etc.). Donc, il faut que chacun puisse se sentir à l’aise avec l’internet et que ce ne soit pas simplement réservé à des (plus ou moins) anglophones. Il est anormal aujourd’hui que la transmission d’accents puisse poser problème dans les courriers électroniques. La première démarche me semble donc une démarche technique. Si on arrive à faire cela, le reste en découle: la représentation des langues se fera en fonction du nombre de connectés, et il faudra envisager à terme des moteurs de recherche multilingues." En été 2000, les usagers non anglophones dépassent la barre des 50%. Ce pourcentage continue ensuite de progresser, comme le montrent les statistiques de la société Global Reach, mises à jour à intervalles réguliers. Le nombre d’usagers non anglophones est de 52,5% en été 2001, 57% en décembre 2001, 59,8% en avril 2002 et 63,5% en été 2003 (dont 35,5% d’Européens non anglophones et 28,3% d’Asiatiques). 9.2. Des communautés linguistiques "Comme l’internet n’a pas de frontières nationales, les internautes s’organisent selon d’autres critères propres au médium", écrit en septembre 1998 Randy Hobler, consultant en marketing internet de produits et services de traduction. "En termes de multilinguisme, vous avez des communautés virtuelles, par exemple ce que j’appelle les 'nations des langues', tous ces internautes qu’on peut regrouper selon leur langue maternelle quel que soit leur lieu géographique. Ainsi la nation de la langue espagnole inclut non seulement les internautes d’Espagne et d’Amérique latine, mais aussi tous les hispanophones vivant aux Etats-Unis, ou encore ceux qui parlent espagnol au Maroc." = L’anglais reste prépondérant Principale langue d’échange internationale, l’anglais reste prépondérant et ceci n’est pas près de disparaître. Comme l’indique en janvier 1999 Marcel Grangier, responsable de la section française des services linguistiques centraux de l’Administration fédérale suisse, "cette suprématie n’est pas un mal en soi, dans la mesure où elle résulte de réalités essentiellement statistiques (plus de PC par habitant, plus de locuteurs de cette langue, etc.). La riposte n’est pas de 'lutter contre l’anglais' et encore moins de s’en tenir à des jérémiades, mais de multiplier les sites en d’autres langues. Notons qu’en qualité de service de traduction, nous préconisons également le multilinguisme des sites eux-mêmes. La multiplication des langues présentes sur internet est inévitable, et ne peut que bénéficier aux échanges multiculturels." Dès décembre 1998, Henri Slettenhaar, professeur en technologies des communications à la Webster University de Genève, insiste sur la nécessité de sites bilingues, dans la langue originale et en anglais. "Les communautés locales présentes sur le web devraient en tout premier lieu utiliser leur langue pour diffuser des informations. Si elles veulent également présenter ces informations à la communauté mondiale, celles-ci doivent être aussi disponibles en anglais. Je pense qu'il existe un réel besoin de sites bilingues. (...) Mais je suis enchanté qu'il existe maintenant tant de documents disponibles dans leur langue originale. Je préfère de beaucoup lire l'original avec difficulté plutôt qu'une traduction médiocre." En août 1999, il ajoute: "A mon avis, il existe deux types de recherches sur le web. La première est la recherche globale dans le domaine des affaires et de l’information. Pour cela, la langue est d’abord l’anglais, avec des versions locales si nécessaire. La seconde, ce sont les informations locales de tous ordres dans les endroits les plus reculés. Si l’information est à destination d'une ethnie ou d'un groupe linguistique, elle doit d'abord être dans la langue de l’ethnie ou du groupe, avec peut-être un résumé en anglais." Philippe Loubière, traducteur littéraire et dramatique, dénonce pour sa part la main-mise anglophone sur le réseau. "Tout ce qui peut contribuer à la diversité linguistique, sur internet comme ailleurs, est indispensable à la survie de la liberté de penser, explique-t-il en mars 2001. Je n’exagère absolument pas: l’homme moderne joue là sa survie. Cela dit, je suis très pessimiste devant cette évolution. Les Anglo-saxons vous écrivent en anglais sans vergogne. L’immense majorité des Français constate avec une indifférence totale le remplacement progressif de leur langue par le mauvais anglais des marchands et des publicitaires, et le reste du monde a parfaitement admis l’hégémonie linguistique des Anglo-saxons parce qu’ils n’ont pas d’autres horizons que de servir ces riches et puissants maîtres. La seule solution consisterait à recourir à des législations internationales assez contraignantes pour obliger les gouvernements nationaux à respecter et à faire respecter la langue nationale dans leur propre pays (le français en France, le roumain en Roumanie, etc.), cela dans tous les domaines et pas seulement sur internet. Mais ne rêvons pas..." Tôt ou tard, le pourcentage des langues sur le réseau correspondra-t-il à leur répartition sur la planète? Rien n’est moins sûr à l’heure de la fracture numérique entre riches et pauvres, entre zones rurales et zones urbaines, entre régions favorisées et régions défavorisées, entre l’hémisphère nord et l’hémisphère sud, entre pays développés et pays en développement. Selon Zina Tucsnak, ingénieure d’études à l’ATILF (Analyse et traitement informatique de la langue française), interviewée en octobre 2000, "le meilleur moyen serait l’application d’une loi par laquelle on va attribuer un 'quota' à chaque langue. Mais n’est-ce pas une utopie de demander l’application d’une telle loi dans une société de consommation comme la nôtre?" Interviewé à la même date, Emmanuel Barthe, documentaliste juridique, exprime un avis contraire: "Des signes récents laissent penser qu’il suffit de laisser les langues telles qu’elles sont actuellement sur le web. En effet, les langues autres que l’anglais se développent avec l’accroissement du nombre de sites web nationaux s’adressant spécifiquement aux publics nationaux, afin de les attirer vers internet. Il suffit de regarder l’accroissement du nombre de langues disponibles dans les interfaces des moteurs de recherche généralistes." = Le français sur le réseau Dès le milieu des années 1990, quelques pionniers œuvrent pour le développement du français sur le réseau, par exemple Jean-Pierre Cloutier ou Olivier Bogros. En novembre 1994, Jean-Pierre Cloutier, journaliste québécois, décide de passer en revue le web francophone dans une chronique hebdomadaire qu’il intitule Les Chroniques de Cybérie. "Au début, les Chroniques traitaient principalement des nouveautés (nouveaux sites, nouveaux logiciels), relate-t-il en juin 1998. Mais graduellement on a davantage traité des questions de fond du réseau, puis débordé sur certains points d'actualité nationale et internationale dans le social, le politique et l'économique." En juin 1996, Olivier Bogros, bibliothécaire français, crée la Bibliothèque électronique de Lisieux, l’une des premières bibliothèques numériques francophones. "Les bibliothèques ont la possibilité d’élargir leur public en direction de toute la francophonie, explique-t-il en juin 1998. Cela passe par la mise en ligne d’un contenu qui n’est pas seulement la mise en ligne du catalogue, mais aussi et surtout la constitution de véritables bibliothèques virtuelles." Deux exemples parmi d’autres puisque les initiatives individuelles et collectives ont fleuri, d’abord au Québec, ensuite en Europe et maintenant en Afrique. Bakayoko Bourahima, bibliothécaire à l’ENSEA (Ecole nationale supérieure de statistique et d’économie appliquée) d’Abidjan, écrit en juillet 2000: "Pour nous les Africains francophones, le diktat de l’anglais sur la toile représente pour la masse un double handicap d’accès aux ressources du réseau. Il y a d’abord le problème de l’alphabétisation qui est loin d’être résolu et que l’internet va poser avec beaucoup plus d’acuité, ensuite se pose le problème de la maîtrise d’une seconde langue étrangère et son adéquation à l’environnement culturel. En somme, à défaut de multilinguisme, l’internet va nous imposer une seconde colonisation linguistique avec toutes les contraintes que cela suppose. Ce qui n’est pas rien quand on sait que nos systèmes éducatifs ont déjà beaucoup de mal à optimiser leurs performances, en raison, selon certains spécialistes, des contraintes de l’utilisation du français comme langue de formation de base. Il est donc de plus en plus question de recourir aux langues vernaculaires pour les formations de base, pour 'désenclaver' l’école en Afrique et l’impliquer au mieux dans la valorisation des ressources humaines. Comment faire? Je pense qu’il n’y a pas de chance pour nous de faire prévaloir une quelconque exception culturelle sur la toile, ce qui serait de nature tout à fait grégaire. Il faut donc que les différents blocs linguistiques s’investissent beaucoup plus dans la promotion de leur accès à la toile, sans oublier leurs différentes spécificités internes." Richard Chotin, professeur à l’Ecole supérieure des affaires (ESA) de Lille, rappelle à juste titre que la suprématie de l’anglais a succédé à celle du français. "Le problème est politique et idéologique: c’est celui de l’'impérialisme' de la langue anglaise découlant de l’impérialisme américain, explique-t-il en septembre 2000. Il suffit d’ailleurs de se souvenir de l’'impérialisme' du français aux 18e et 19e siècles pour comprendre la déficience en langues des étudiants français: quand on n’a pas besoin de faire des efforts pour se faire comprendre, on n’en fait pas, ce sont les autres qui les font." = Les langues "minoritaires" De plus, cet impérialisme linguistique, politique et idéologique n’est-il pas universel, malheureusement? La France elle aussi n’est pas sans exercer pression pour imposer la suprématie de la langue française sur d’autres langues, comme en témoigne Guy Antoine, créateur du site Windows on Haiti, qui écrit en juin 2001:"J’ai fait de la promotion du kreyòl (créole haïtien) une cause personnelle, puisque cette langue est le principal lien unissant tous les Haïtiens, malgré l’attitude dédaigneuse d’une petite élite haïtienne - à l’influence disproportionnée - vis-à-vis de l’adoption de normes pour l’écriture du kreyòl et le soutien de la publication de livres et d’informations officielles dans cette langue. A titre d’exemple, il y avait récemment dans la capitale d’Haïti un salon du livre de deux semaines, à qui on avait donné le nom de 'Livres en folie'. Sur les 500 livres d’auteurs haïtiens qui étaient présentés lors du salon, il y en avait une vingtaine en kreyòl, ceci dans le cadre de la campagne insistante que mène la France pour célébrer la francophonie dans ses anciennes colonies. A Haïti cela se passe relativement bien, mais au détriment direct de la créolophonie. En réponse à l’attitude de cette minorité haïtienne, j’ai créé sur mon site web Windows on Haiti deux forums de discussion exclusivement en kreyòl. Le premier forum regroupe des discussions générales sur toutes sortes de sujets, mais en fait ces discussions concernent principalement les problèmes socio-politiques qui agitent Haïti. Le deuxième forum est uniquement réservé aux débats sur les normes d’écriture du kreyòl. Ces débats sont assez animés, et un certain nombre d’experts linguistiques y participent. Le caractère exceptionnel de ces forums est qu’ils ne sont pas académiques. Je n’ai trouvé nulle part ailleurs sur l’internet un échange aussi spontané et aussi libre entre des experts et le grand public pour débattre dans une langue donnée des attributs et des normes de la même langue." En septembre 2000, Guy Antoine a pour projet de rejoindre l’équipe dirigeante de Mason Integrated Technologies, dont l’objectif est de créer des outils permettant l’accessibilité des documents créés dans des langues dites minoritaires. "Etant donné l’expérience de l’équipe en la matière, nous travaillons d’abord sur le créole haïtien (kreyòl), qui est la seule langue nationale d’Haïti, et l’une des deux langues officielles, l’autre étant le français. Cette langue ne peut guère être considérée comme une langue minoritaire dans les Caraïbes puisqu’elle est parlée par huit à dix millions de personnes." Autre expérience, celle de Caoimhín Ó Donnaíle, professeur d’informatique à l’Institut Sabhal Mór Ostaig, situé sur l’île de Skye, en Ecosse. Il dispense ses cours en gaélique écossais. Il est aussi le webmestre du site de l’institut, bilingue anglais-gaélique, qui se trouve être la principale source d’information mondiale sur le gaélique écossais. Sur ce site, il tient à jour European Minority Languages, une liste de langues minoritaires elle aussi bilingue, avec classement par ordre alphabétique de langues et par famille linguistique. Interviewé en mai 2001, il raconte: "Nos étudiants utilisent un correcteur d’orthographe en gaélique et une base terminologique en ligne en gaélique. (...) Il est maintenant possible d’écouter la radio en gaélique (écossais et irlandais) en continu sur l’internet partout dans le monde. Une réalisation particulièrement importante a été la traduction en gaélique du logiciel de navigation Opera. C’est la première fois qu’un logiciel de cette taille est disponible en gaélique." Plus généralement, "en ce qui concerne l’avenir des langues menacées, l’internet accélère les choses dans les deux sens. Si les gens ne se soucient pas de préserver les langues, l’internet et la mondialisation qui l’accompagne accéléreront considérablement la disparition de ces langues. Si les gens se soucient vraiment de les préserver, l’internet constituera une aide irremplaçable." En 1999, Robert Beard co-fonde yourDictionary.com, portail de référence pour toutes les langues sans exception, avec une section importante consacrée aux langues menacées (Endangered Language Repository). "Les langues menacées sont essentiellement des langues non écrites, écrit-il en janvier 2000. Un tiers seulement des quelque 6.000 langues existant dans le monde sont à la fois écrites et parlées. Je ne pense pourtant pas que le web va contribuer à la perte de l’identité des langues et j’ai même le sentiment que, à long terme, il va renforcer cette identité. Par exemple, de plus en plus d’Indiens d’Amérique contactent des linguistes pour leur demander d’écrire la grammaire de leur langue et de les aider à élaborer des dictionnaires. Pour eux, le web est un instrument à la fois accessible et très précieux d’expression culturelle." 9.3. L’importance de la traduction = Un nombre de traductions insuffisant L’internet étant une source d’information à vocation mondiale, il semble indispensable d’augmenter fortement les activités de traduction. Auteur des Chroniques de Cybérie, chronique hebdomadaire des actualités du réseau, Jean-Pierre Cloutier déplore en août 1999 "qu’il se fasse très peu de traductions des textes et essais importants qui sont publiés sur le web, tant de l’anglais vers d’autres langues que l’inverse. (...) La nouveauté d’internet dans les régions où il se déploie présentement y suscite des réflexions qu’il nous serait utile de lire. À quand la traduction des penseurs hispanophones et autres de la communication?" Professeure d’espagnol en entreprise et traductrice, Maria Victoria Marinetti écrit à la même date: "Il est très important de pouvoir communiquer en différentes langues. Je dirais même que c’est obligatoire, car l’information donnée sur le net est à destination du monde entier, alors pourquoi ne l’aurions-nous pas dans notre propre langue ou dans la langue que nous souhaitons lire? Information mondiale, mais pas de vaste choix dans les langues, ce serait contradictoire, pas vrai?" Si toutes les langues sont désormais représentées, on oublie trop souvent que de nombreux usagers sont unilingues. C'est le cas de Miriam Mellman, qui travaille dans le service de télévente du San Francisco Chronicle, un quotidien à fort tirage. "Ce serait formidable que des gens paresseux comme moi puissent disposer de programmes de traduction instantanée, raconte-t-elle en juin 2000. Même si je décide d’apprendre une autre langue que l’anglais, il en existe bien d’autres, et ceci rendrait la communication plus facile." Ce souhait est également partagé par ceux qui parlent plusieurs langues, comme Gérard Fourestier, créateur du site Rubriques à Bac, ensemble de bases de données pour les lycéens et les étudiants. "Je suis de langue française, écrit-il en octobre 2000. J’ai appris l’allemand, l’anglais, l’arabe, mais je suisencore loin du compte quand je surfe dans tous les coins de la planète. Il serait dommage que les plus nombreux ou les plus puissants soient les seuls qui 's’affichent' et, pour ce qui est des logiciels de traduction, il y a encore largement à faire." Il importe en effet d’avoir à l’esprit l’ensemble des langues et pas seulement les langues dominantes, comme le souligne en février 2001 Pierre-Noël Favennec, expert à la direction scientifique de France Télécom R&D: "Les recherches sur la traduction automatique devraient permettre une traduction automatique dans les langues souhaitées, mais avec des applications pour toutes les langues et non les seules dominantes (ex.: diffusion de documents en japonais, si l’émetteur est de langue japonaise, et lecture en breton, si le récepteur est de langue bretonne...). Il y a donc beaucoup de travaux à faire dans le domaine de la traduction automatique et écrite de toutes les langues." = La traduction automatique Il va sans dire que la traduction automatique n’offre pas la qualité de travail des professionnels de la traduction, et qu’il est très préférable de faire appel à ces derniers quand on a le temps et l’argent nécessaires. Les logiciels de traduction sont toutefois très pratiques pour fournir un résultat immédiat et à moindres frais, sinon gratuit. Des logiciels en accès libre sur l’internet permettent de traduire en quelques secondes une page web ou un texte court, avec plusieurs combinaisons de langues possibles. Le but d’un logiciel de traduction automatique est d’analyser le texte dans la langue source (texte à traduire) et de générer automatiquement le texte correspondant dans la langue cible (texte traduit), en utilisant des règles précises pour le transfert de la structure grammaticale. Comme l’explique l’EAMT (European Association for Machine Translation) sur son site, "il existe aujourd’hui un certain nombre de systèmes produisant un résultat qui, s’il n’est pas parfait, est de qualité suffisante pour être utile dans certaines applications spécifiques, en général dans le domaine de la documentation technique. De plus, les logiciels de traduction, qui sont essentiellement destinés à aider le traducteur humain à produire des traductions, jouissent d’une popularité croissante auprès des organismes professionnels de traduction." En 1998, un historique de la traduction automatique était présent sur le site de Globalink, société spécialisée dans les produits et services de traduction. Le site a depuis disparu, Globalink ayant été racheté en 1999 par Lernout & Hauspie (lui-même racheté en 2002 par ScanSoft). Voici cet historique résumé dans les deux paragraphes qui suivent. La traduction automatique et le traitement de la langue naturelle font leur apparition à la fin des années 1930, et progressent ensuite de pair avec l’évolution de l’informatique quantitative. Pendant la deuxième guerre mondiale, le développement des premiers ordinateurs programmables bénéficie des progrès de la cryptographie et des efforts faits pour tenter de fissurer les codes secrets allemands et autres codes de guerre. Suite à la guerre, dans le secteur émergent des technologies de l’information, on continue de s’intéresser de près à la traduction et à l’analyse du texte en langue naturelle. Dans les années 1950, la recherche porte sur la traduction littérale, à savoir la traduction mot à mot sans prise en compte des règles linguistiques. Le projet russe débuté en 1950 à l’Université de Georgetown représente la première tentative systématique visant à créer un système de traduction automatique utilisable. Tout au long des années 1950 et au début des années 1960, des recherches sont également menées en Europe et aux Etats-Unis. En 1965, les progrès rapides en linguistique théorique culminent avec la publication d’Aspects de la théorie syntaxique, de Noam Chomsky, qui propose de nouvelles définitions de la phonologie, la morphologie, la syntaxe et la sémantique du langage humain. Toutefois, en 1966, un rapport officiel américain donne une estimation prématurément négative des systèmes de traduction automatique, mettant fin au financement et à l’expérimentation dans ce domaine pour la décennie suivante. Il faut attendre la fin des années 1970 pour que des expériences sérieuses soient à nouveau entreprises, parallèlement aux progrès de l’informatique et des technologies des langues. Cette période voit aussi le développement de systèmes de transfert d’une langue à l’autre et le lancement des premières tentatives commerciales. Des sociétés comme Systran et Metal sont persuadées de la viabilité et de l’utilité d’un tel marché. Elles mettent sur pied des produits et services de traduction automatique reliés à un serveur central. Mais les problèmes restent nombreux: des coûts élevés de développement, un énorme travail lexicographique, la difficulté de proposer de nouvelles combinaisons de langues, l’inaccessibilité de tels systèmes pour l’utilisateur moyen, et enfin la difficulté de passer à de nouveaux stades de développement. En 1999 et 2000, la généralisation de l’internet et les débuts du commerce électronique provoquent la naissance d’un véritable marché. Trois sociétés – Systran, Softissimo et Lernout & Hauspie – lancent des produits à destination du grand public, des professionnels et des industriels. Systran développe un logiciel de traduction utilisé notamment par le moteur de recherche AltaVista. Softissimo commercialise la série de logiciels de traduction Reverso, à côté de produits d’écriture multilingue, de dictionnaires électroniques et de méthodes de langues. Reverso équipe par exemple Voilà, le moteur de recherche de France Télécom. Lernout & Hauspie (racheté depuis par ScanSoft) propose des produits et services en dictée, traduction, compression vocale, synthèse vocale et documentation industrielle. En mars 2001, IBM se lance à son tour dans un marché en pleine expansion. Il commercialise un produit professionnel haut de gamme, le WebSphere Translation Server. Ce logiciel traduit instantanément en plusieurs langues (allemand, anglais, chinois, coréen, espagnol, français, italien, japonais) des pages web, des courriers électroniques et des dialogues en direct (chats). Il interprète 500 mots à la seconde et permet l’ajout de vocabulaires spécifiques. En juin 2001, les sociétés Logos et Y.A. Champollion s’associent pour créer Champollion Wordfast, une société de services d’ingénierie en traduction et localisation et en gestion de contenu multilingue. Wordfast est un logiciel de traduction automatique avec terminologie disponible en temps réel, contrôle typographique et compatibilité avec le WebSphere Translation Server d'IBM, les logiciels de TMX et ceux de Trados. Une version simplifiée de Wordfast est téléchargeable gratuitement, tout comme le manuel d’utilisation, disponible en 16 langues différentes. De nombreux organismes publics participent eux aussi à la R&D (recherche et développement) en traduction automatique. Voici trois exemples parmi d’autres, l’un dans la communauté anglophone, l’autre dans la communauté francophone, le troisième dans la communauté internationale. Rattaché à l’USC/ISI (University of Southern California / Information Sciences Institute), le Natural Language Group traite de plusieurs aspects du traitement de la langue naturelle: traduction automatique, résumé automatique de texte, gestion multilingue des verbes, développement de taxinomies de concepts (ontologies), génération de texte, élaboration de gros lexiques multilingues et communication multimédia. Au sein du laboratoire CLIPS (Communication langagière et interaction personne-système) de l’Institut d’informatique et mathématiques appliquées (IMAG) de Grenoble, le GETA (Groupe d’étude pour la traduction automatique) est une équipe pluridisciplinaire formée d’informaticiens et de linguistes. Ses thèmes de recherche concernent tous les aspects théoriques, méthodologiques et pratiques de la traduction assistée par ordinateur (TAO), et plus généralement de l’informatique multilingue. Le GETA participe entre autres à l’élaboration de l’UNL (universal networking language), un métalangage numérique destiné à l’encodage, au stockage, à la recherche et à la communication d’informations multilingues indépendamment d’une langue source donnée. Ce métalangage est développé par l’UNL Program, un programme international impliquant de nombreux partenaires dans toutes les communautés linguistiques. Créé dans le cadre de l’UNU/IAS (United Nations University / Institute of Advanced Studies), ce programme se poursuit désormais sous l’égide de l’UNDL Foundation (UNDL: Universal Networking Digital Language). CONCLUSION Si le ralentissement de la nouvelle économie observé depuis la fin 2000 affecte l’industrie du livre, le développement du livre numérique ne semble pas subir de contre-coup majeur. Le tout est de ne pas le limiter à son aspect commercial, et de cesser de l’opposer au livre imprimé pour le considérer plutôt comme un mode de diffusion complémentaire. Le livre numérique est encore dans l’enfance, et de nombreuses questions restent posées quant à sa présentation, sa distribution et ses supports de lecture. = Le rôle de l’internet L’internet est devenu le principal véhicule de l’information, que celle-ci transite par le courrier électronique, les listes de diffusion, les forums de discussion, la presse électronique, les sites web, etc. Sous-ensemble de l’internet, le web doit rester cet outil de communication et de diffusion créé en 1990 pour favoriser les échanges au niveau personnel, local et global, en dépit des pressions exercées par les multinationales et autres canaux dirigistes pour contrôler cette information. Lucie de Boutiny, romancière multimédia, écrit en juin 2000: "Des stratégies utopistes avaient été mises en place mais je crains qu’internet ne soit plus aux mains d’internautes comme c’était le cas. L’intelligence collective virtuelle pourtant se défend bien dans divers forums ou listes de discussions, et ça, à défaut d’être souvent efficace, c’est beau. Dans l’utopie originelle, on aurait aimé profiter de ce nouveau média, notamment de communication, pour sortir de cette tarte à la crème qu’on se reçoit chaque jour, merci à la société du spectacle, et ne pas répéter les erreurs de la télévision qui n’est, du point de vue de l’art, jamais devenue un média de création ambitieux." Xavier Malbreil, auteur hypermédia, est plus optimiste. "Concernant l’avenir de l’internet, je le crois illimité, explique-t-il en mars 2001. Il ne faut pas confondre les gamelles que se prennent certaines start-up trop gourmandes, ou dont l’objectif était mal défini, et la réalité du net. Mettre des gens éloignés en contact, leur permettre d’interagir, et que chacun, s’il le désire, devienne son propre fournisseur de contenu, c’est une révolution dont nous n’avons pas encore pris toute la mesure." Cet optimisme est partagé par Christian Vandendorpe, professeur à l’Université d’Ottawa, interviewé à la même date: "Cet outil fabuleux qu’est le web peut accélérer les échanges entre les êtres, permettant des collaborations à distance et un épanouissement culturel sans précédent. Mais cet espace est encore fragile. (...) Il existe cependant des signes encourageants, notamment dans le développement des liaisons de personne à personne et surtout dans l’immense effort accompli par des millions d’internautes partout au monde pour en faire une zone riche et vivante." = La convergence multimédia L’industrie du livre subit le contrecoup de ce qu’on appelle la convergence multimédia. Celle-ci peut être définie comme la convergence des secteurs de l’informatique, du téléphone, de la radio et de la télévision dans une industrie de la communication et de la distribution utilisant les mêmes autoroutes de l’information. Cette convergence entraîne l’unification progressive des secteurs liés à l’information (imprimerie, édition, presse, conception graphique, enregistrements sonores, films, etc.). Ces secteurs utilisent désormais les mêmes techniques de numérisation pour le traitement du texte, du son et de l’image alors que, par le passé, ce traitement était assuré par divers procédés sur des supports différents (papier pour l’écriture, bande magnétique pour la musique, celluloïd pour le cinéma). La numérisation permettant désormais de créer, enregistrer, stocker, combiner, rechercher et transmettre des données de manière simple et rapide, le processus matériel de production s’en trouve considérablement accéléré. Si, dans certains secteurs, ce nouveau type de production entraîne de nouveaux emplois, par exemple ceux liés à la production audio-visuelle, d’autres secteurs sont soumis à d’inquiétantes restructurations. La convergence multimédia a aussi d’autres revers, à savoir des contrats occasionnels et précaires pour les salariés, l’absence de syndicats pour les télétravailleurs, le droit d’auteur souvent mis à mal pour les auteurs, etc. Et, à l’exception du droit d’auteur, étant donné l’enjeu financier qu’il représente, il est rare que ces problèmes fassent la Une des journaux. Si les débats relatifs au droit d’auteur sur l’internet ont été vifs ces dernières années, Philippe Loubière, traducteur littéraire et dramatique, ramène ce débat aux vrais problèmes. "Le débat sur le droit d’auteur sur le web me semble assez proche sur le fond de ce qu’il est dans les autres domaines où le droit d’auteur s’exerce, ou devrait s’exercer, écrit-il en mars 2001. Le producteur est en position de force par rapport à l’auteur dans pratiquement tous les cas de figure. Les pirates, voire la simple diffusion libre, ne menacent vraiment directement que les producteurs. Les auteurs ne sont menacés que par ricochet. Il est possible que l’on puisse légiférer sur la question, au moins en France où les corporations se revendiquant de l’exception culturelle sont actives et résistent encore un peu aux Américains, mais le mal est plus profond. En effet, en France comme ailleurs, les auteurs étaient toujours les derniers et les plus mal payés avant l’apparition d’internet, on constate qu’ils continuent d’être les derniers et les plus mal payés depuis. Il me semble nécessaire que l’on règle d’abord la question du respect des droits d’auteur en amont d’internet. Déjà dans le cadre général de l’édition ou du spectacle vivant, les sociétés d’auteurs - SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques), SGDL (Société des gens de lettres), SACEM (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique), etc. - faillissent dès lors que l’on sort de la routine ou du vedettariat, ou dès que les producteurs abusent de leur position de force, ou tout simplement ne payent pas les auteurs, ce qui est très fréquent." Par ailleurs, de nombreux auteurs et créateurs sont soucieux de respecter la vocation première du web, créé pour être un réseau de communication et de diffusion à l’échelon mondial. De ce fait les adeptes du copyleft sont donc de plus en plus nombreux. Conçu à l’origine pour les logiciels, formalisé par la GNU General Public License (GPL) et étendu ensuite à toute œuvre de création, le copyleft contient la déclaration normale du copyright affirmant la propriété et l’identification de l’auteur. Son originalité est de donner au lecteur le droit de librement redistribuer le document et de le modifier. Le lecteur s’engage toutefois à ne revendiquer ni le travail original, ni les changements effectués par d’autres. De plus, tous les travaux dérivés de l’oeuvre originale sont eux-mêmes soumis au copyleft. = La nouvelle économie Facteur inquiétant lié à la nouvelle économie, les conditions de travail laissent parfois fort à désirer. Pour ne prendre que l’exemple le plus connu, en 2000, la librairie en ligne Amazon.com ne fait plus seulement la Une pour son modèle économique, mais aussi pour les conditions de travail de son personnel. Malgré la discrétion d’Amazon.com sur le sujet et les courriers internes adressés aux salariés sur l’inutilité des syndicats au sein de l’entreprise, les problèmes commencent à filtrer. Ils attirent l’attention de l’organisation internationale Prewitt Organizing Fund et du syndicat français SUD PTT Loire Atlantique (SUD signifiant: solidaires unitaires démocratiques, et PTT signifiant à l’origine: poste, télégraphe et téléphone, et couvrant maintenant la Poste et France Télécom). En novembre 2000, les deux organismes débutent une action de sensibilisation commune auprès du personnel d’Amazon France pour les inciter à demander de meilleures conditions de travail et des salaires plus élevés. Des représentants des deux organisations rencontrent une cinquantaine de salariés du centre de distribution de Boigny-sur-Bionne, situé dans la banlieue d’Orléans (au sud de Paris). Dans le communiqué qui suit cette rencontre, SUD PTT dénonce chez Amazon France "des conditions de travail dégradées, la flexibilité des horaires, le recours aux contrats précaires dans les périodes de flux, des salaires au rabais, et des garanties sociales minimales". Le Prewitt Organizing Fund mène ensuite une action similaire dans les filiales d’Amazon en Allemagne et en Grande-Bretagne. Les problèmes auxquels la nouvelle économie est confrontée depuis la fin 2000 n’arrangent rien. On assiste à l’effondrement des valeurs internet en bourse. De plus, alors qu’elles représentent souvent la principale source de revenus des sociétés internet, les recettes publicitaires sont moins importantes que prévu. Dans tous les secteurs, y compris l’industrie du livre, le ralentissement de l’économie entraîne la fermeture d’entreprises ou bien le licenciement d’une partie de leur personnel. C’est le cas par exemple de Britannica.com en 2000, d’Amazon.com et BOL.fr en 2001, de Cytale, Vivendi et Bertelsmann en 2002, et de Gemstar en 2003. En novembre 2000, la société Britannica.com, qui gère la version web de l’Encyclopaedia Britannica, annonce sa restructuration dans l’optique d’une meilleure rentabilité. 75 personnes sont licenciées, soit 25% du personnel. L’équipe qui travaille à la version imprimée n’est pas affectée. En janvier 2001, la librairie Amazon.com, qui emploie 1.800 personnes en Europe, annonce une réduction de 15% de ses effectifs et la restructuration du service clientèle européen, qui était basé à La Haye (Pays-Bas). Les 240 personnes qu’emploie ce service sont transférées dans les centres de Slough (Royaume-Uni) et Regensberg (Allemagne). Aux Etats-Unis, dans la maison-mère, suite à un quatrième trimestre 2000 déficitaire, les effectifs sont eux aussi réduits de 15%, ce qui entraîne 1.300 licenciements. En juillet 2001, après deux ans d’activité, la librairie en ligne française BOL.fr ferme définitivement ses portes. Créée par deux géants des médias, l’allemand Bertelsmann et le français Vivendi, BOL.fr faisait partie du réseau de librairies BOL.com (BOL: Bertelsmann on line). En avril 2002, la société française Cytale, qui avait lancé en janvier 2001 le Cybook, premier livre électronique européen, doit se déclarer en cessation de paiement, le nombre d’appareils vendu étant très inférieur aux pronostics. L’administrateur ne parvenant pas à trouver un repreneur, Cytale est mis en liquidation judiciaire en juillet 2002 et cesse ses activités. En juillet 2002, la démission forcée de Jean-Marie Messier, président-directeur général de Vivendi Universal, multinationale basée à Paris et à New York, marque l’arrêt des activités fortement déficitaires de Vivendi liées à l’internet et au multimédia, et la restructuration de la société vers des activités plus traditionnelles. En août 2002, la multinationale allemande Bertelsmann décide de mettre un frein à ses activités internet et multimédias afin de réduire son endettement. Bertelsmann se recentre lui aussi sur le développement de ses activités traditionnelles, notamment sa maison d’édition Random House et l’opérateur européen de télévision RTL. En juin 2003, Gemstar, société américaine spécialisée dans les produits et services numériques pour les médias, décide de cesser son activité eBook. L’arrêt de la vente des appareils de lecture, les Gemstar eBook, est suivi de l’arrêt de la vente de livres numériques en juillet 2003. Cette cessation d'activité sonne également le glas des éditions 00h00, pionnier français de l’édition numérique, créé en mai 1998 et racheté par Gemstar en septembre 2000. Francfort et Paris sont eux aussi atteints par le pessimisme ambiant. Si, en octobre 2000, le livre électronique est l'une des vedettes de la Foire internationale du livre de Francfort, il se fait beaucoup plus modeste lors de la Foire de 2001. La même remarque vaut pour le Salon du livre de Paris, qui en mars 2000 a son Village eBook, en mars 2001 héberge le premier sommet européen de l’édition numérique (eBook Europe 2001), et en 2002 et 2003 n’a pas de manifestation ebook particulière. Toutefois, pendant la même période, les ventes d’assistants personnels (PDA) sont en forte progression, tout comme le nombre de titres lisibles au moyen de logiciels de lecture conçus pour PDA. Un beau démenti au scepticisme de certains professionnels du livre qui jugent leur écran beaucoup trop petit et voient mal l’activité noble qu’est la lecture voisiner avec l’utilisation d’un agenda, d’un dictaphone ou d’un lecteur de MP3. = La progression du livre numérique Après avoir sonné un peu vite le glas du papier, on ne parle plus du "tout numérique" pour le proche avenir, mais plutôt de la juxtaposition papier et pixel, et de la publication simultanée d’un livre en deux versions. Il reste au livre numérique à faire ses preuves face au livre imprimé, un modèle économique qui a plus de cinq cents ans et qui est donc parfaitement rôdé. Le travail est gigantesque et comprend entre autres la constitution des collections, la mise en place d’un réseau de distribution, l’amélioration des supports de lecture et la baisse de leur prix. Plus important encore, les lecteurs doivent s’habituer à lire des livres à l’écran. Si elle offre des avantages certains (recherche textuelle, sommaire affiché en permanence, etc.), l’utilisation d’une machine (ordinateur, assistant personnel ou livre électronique) est pour le moment loin d’égaler le confort procuré par le livre imprimé. Cependant, malgré les difficultés rencontrées, les adeptes de la lecture numérique sont de plus en plus nombreux. Ils attendent patiemment des appareils de lecture plus satisfaisants, puis des livres et journaux électroniques sur support souple. Contrairement aux déclarations pessimistes ayant suivi l’enthousiasme des débuts, si la progression du livre numérique est lente, elle est constante, comme en témoigne le marché du livre numérique sur assistant personnel (PDA). Tous éditeurs confondus, les ventes de 2001 se chiffrent par milliers pour le New World College Dictionary de Webster, les romans de Stephen King et de Lisa Scottolini, les livres d’économie et les manuels pratiques. La librairie numérique Palm Digital Media annonce 180.000 titres vendus en 2001, lisibles sur le Palm Reader et le Microsoft Reader, soit 40% de plus qu’en 2000. PerfectBound, le service électronique de l’éditeur HarperCollins, propose 10% du catalogue imprimé sous forme numérique. Le nombre de titres vendus pendant le premier semestre 2002 dépasse largement celui des ventes de 2001. Chez le grand éditeur Random House, le nombre de livres numériques vendus en 2001 double par rapport à celui de 2000. En 2002, Random House décide d’assurer simultanément pour le même titre la fabrication du livre imprimé et celle du livre numérique. = Livre numérique et livre imprimé Nous vivons une période transitoire quelque peu inconfortable, marquée par la généralisation des documents numériques et la numérisation à grande échelle des documents imprimés, mais qui reste fidèle au papier. Une enquête menée en 2000 et 2001 montre que, pour des raisons aussi bien pratiques que sentimentales, pratiquement personne ne peut se passer du livre imprimé et de ce matériau qu’est le papier, dont certains nous prédisaient la mort prochaine mais dont la longévité risque de nous surprendre (pour lire l’ensemble des réponses, lancer les requêtes "papier" ou "imprimé" dans la base interactive des Entretiens). Contrairement aux idées reçues, il ne semble pas opportun d’opposer livre numérique et livre imprimé, comme le rappelle Olivier Pujol, promoteur du Cybook, premier livre électronique européen. Interviewé en décembre 2000, il écrit: "Le livre électronique, permettant la lecture numérique, ne concurrence pas le papier. C’est un complément de lecture, qui ouvre de nouvelles perspectives pour la diffusion de l’écrit et des oeuvres mêlant le mot et d’autres médias (image, son, image animée...). Les projections montrent une stabilité de l’usage du papier pour la lecture, mais une croissance de l’industrie de l’édition, tirée par la lecture numérique, et le livre électronique. De la même façon que la musique numérique a permis aux mélomanes d’accéder plus facilement à la musique, la lecture numérique supprime, pour les jeunes générations comme pour les autres, beaucoup de freins à l’accès à l’écrit." Certains s’inquiètent cependant de la multiplication des formats, logiciels et machines de lecture. "Il a fallu inventer la hache de pierre avant de construire la Tour Eiffel, écrit à la même date Jean-Paul, explorateur d’hypertexte. Le but des dinosaures industriels qui s’entretuent pour imposer leur format de livre électronique est de détourner vers eux la partie rentable du contenu des bibliothèques (rebaptisé "information"). Ils travaillent aussi pour nous, en contribuant à banaliser l’usage de l’hyperlien." Ces appareils de lecture ne sont probablement qu’une étape transitoire. Après être passé du papier au numérique entre 2000 et 2005, avec lecture par le biais d’une machine, il est probable que le livre retourne au papier entre 2005 et 2010. Ce papier serait cette fois électronique, à savoir un support permettant de concilier les avantages du numérique et le plaisir d’un matériau souple s’apparentant au papier. = La littérature numérique De l’avis de Jean-Pierre Balpe, directeur du département hypermédias de l’Université Paris 8, interviewé en février 2002, "les technologies numériques sont une chance extraordinaire du renouvellement du littéraire". Depuis 1998, de nombreux genres ont vu le jour: sites d’écriture hypermédia, oeuvres de fiction hypertexte, romans multimédias, hyper-romans, mail-romans, etc. On peut désormais parler d’une véritable littérature numérique, qui est elle-même un sous-ensemble de l’art numérique puisque, de plus en plus, le texte fusionne avec l’image et le son en intégrant dessins, graphiques, photos, chansons, musique ou vidéo. Lucie Boutiny, qui participe à ce vaste mouvement, relate en juin 2000: "Depuis l’archaïque minitel si décevant en matière de création télématique, c’est bien la première fois que, via le web, dans une civilisation de l’image, l’on voit de l’écrit partout présent 24 h / 24, 7 jours / 7. Je suis d’avis que si l’on réconcilie le texte avec l’image, l’écrit avec l’écran, le verbe se fera plus éloquent, le goût pour la langue plus raffiné et communément partagé." Un beau pari pour les écrivains des années 2000. Cet avis est partagé par Nicolas Pewny, consultant en édition électronique, qui écrit en février 2003: "Je vois le livre numérique du futur comme un 'ouvrage total' réunissant textes, sons, images, vidéo, interactivité: une nouvelle manière de concevoir et d’écrire et de lire, peut-être sur un livre unique, sans cesse renouvelable, qui contiendrait tout ce que l’on a lu, unique et multiple compagnon." = L’édition électronique De même que la littérature numérique contribue au renouvellement du littéraire, l’édition électronique contribue au renouvellement de l’édition. De nombreux auteurs mettent leurs espoirs dans l’édition électronique, commerciale ou non, pour bousculer une édition traditionnelle qui aurait fort besoin d’une cure de rajeunissement et d’une redéfinition de ses objectifs. Quelque peu oubliée, semble-t-il, la tâche d’un éditeur n’est-elle pas d’abord de découvrir des auteurs et de promouvoir leurs oeuvres? Anne-Bénédicte Joly, écrivain auto-éditant ses oeuvres, se réjouit du mouvement qui se dessine dans ce sens. En mai 2001, elle écrit: "Certains éditeurs on line tendent à se comporter comme de véritables éditeurs en intégrant des risques éditoriaux comme le faisaient au début du siècle dernier certains éditeurs classiques. Il est à ma connaissance absolument inimaginable de demander à des éditeurs traditionnels d’éditer un livre en cinquante exemplaires. L’édition numérique offre cette possibilité, avec en plus réédition à la demande, presque à l’unité. (...) Je suis ravie que des techniques (internet, édition numérique, ebook...) offrent à des auteurs des moyens de communication leur permettant d’avoir accès à de plus en plus de lecteurs." De plus, l’existence de livres numériques braille et audio permet pour la première fois aux personnes handicapées visuelles d’accéder à l’ensemble du patrimoine scientifique et littéraire. Toutefois, dans de nombreux pays, l’édition spécialisée est toujours confidentielle sinon clandestine, le problème du droit d’auteur sur les transcriptions n’étant toujours pas résolu. = La diffusion libre du savoir Fait qui vaut aussi pour les voyants, certains préfèrent la rentabilité économique à la diffusion gratuite du savoir, y compris pour les oeuvres tombées dans le domaine public. On a d’un côté des éditeurs électroniques qui vendent notre patrimoine littéraire en version numérique, de l’autre des bibliothèques numériques qui le scannent en mode texte pour le diffuser gratuitement à l’échelle de la planète. De même, on a d’une part des organismes publics et privés qui monnaient leurs bases de données au prix fort, d’autre part des éditeurs et des universités qui mettent leurs publications et leurs cours en accès libre sur le web. Reste à savoir si, pour les premiers, les profits dégagés en valent vraiment la peine. Dans de nombreux cas, il semblerait que la somme nécessaire à la gestion interne soit au moins équivalente aux gains réalisés. Est-il vraiment utile de mettre un pareil frein à la diffusion de l’information pour un profit finalement nul? Comme l’explique en février 2001 Russon Wooldridge, professeur au département d’études françaises de l’Université de Toronto, "il est crucial que ceux qui croient à la libre diffusion des connaissances veillent à ce que le savoir ne soit pas bouffé, pour être vendu, par les intérêts commerciaux." La diffusion gratuite du savoir n’est toutefois possible que parce qu’il existe en amont des organismes financeurs, par exemple des universités ou des laboratoires de recherche. Ou alors parce qu’une petite équipe en place (rémunérée) est relayée par un vaste réseau de volontaires (bénévoles) gagnant leur vie par ailleurs et décidant de consacrer une partie de leur temps à une activité qu’ils estiment importante pour le bien de la collectivité. C’est le cas du Projet Gutenberg, pionnier des bibliothèques numériques, ou encore de Bookshare.org, bibliothèque numérique à destination des aveugles et malvoyants résidant aux Etats-Unis. = De nombreuses questions "L’internet pose une foule de questions et il faudra des années pour organiser des réponses, imaginer des solutions, écrit en janvier 2001 Pierre Schweitzer, concepteur du baladeur de textes @folio. L’état d’excitation et les soubresauts autour de la dite 'nouvelle' économie sont sans importance, c’est l’époque qui est passionnante." En effet, nombreuses sont les zones vierges à explorer, et nombreux sont les modèles - économiques ou non - à créer. Des choix politiques et culturels s’imposent puisque, aussi sophistiquées soient-elles, les technologies numériques ne sont jamais que des moyens permettant de véhiculer un contenu. On dispose maintenant des techniques permettant une très large diffusion des livres par-delà les frontières, les langues et les handicaps, et ceci à moindres frais. Reste à créer ou renforcer la volonté politique et culturelle dans ce sens, à tous les échelons. Il importe aussi de ne pas oublier la formation des professionnels du livre, comme le précise Emilie Devriendt, élève professeure à l'Ecole nationale supérieure (ENS) de Paris et responsable du site Translatio. "Tous les cursus 'littéraires' sont loin de comprendre une formation obligatoire aux nouvelles technologies (qu'il s'agisse d'ailleurs de bureautique, de recherche documentaire ou d'analyse textuelle), explique-t-elle en février 2003. Or sans un apprentissage sérieux de ce type risque paradoxalement de se constituer une nouvelle forme d'analphabétisme au sein même d'une population intellectuelle, les étudiants, les enseignants, les chercheurs; ou, à tout le moins, une informatisation 'à deux vitesses' de cette population." De plus, pour les oeuvres contemporaines, comment concilier respect du droit d’auteur et diffusion auprès d’un large public? L’activité des auteurs numériques et des éditeurs électroniques, commerciaux ou non, leur permettra-t-elle un jour de gagner leur vie? Ou devront-ils continuer d’être informaticiens, enseignants, traducteurs, etc., et exercer cette activité sur leur temps libre? Il semblerait aussi que le système en place oublie trop souvent que ce sont les auteurs qui font les livres. Nombre d’entre eux se plaignent à juste titre d’être les parents pauvres de l’édition, ce qui est tout de même un comble. Il serait donc grand temps que les auteurs prennent leur destin en main, sans plus se laisser impressionner par tous ceux pour lesquels le livre ne sera jamais qu’un produit dégageant un profit, l’auteur étant le dernier servi. L’internet et les technologies numériques offrent de nouveaux outils, et des possibilités de diffusion sans précédent. Reste à créer de nouvelles structures pour l’édition et la distribution, en évitant de copier les anciennes. # [ANNEXE] REPERTOIRES [Répertoires généralistes / Répertoires de bibliothèques / Répertoires de bibliothèques numériques / Répertoires d'éditeurs / Répertoires de librairies / Répertoires de presse / Répertoires en sciences de l'information] Sur la gigantesque encyclopédie qu'est le web, tous les secteurs du livre sont représentés. On y trouve les auteurs, les libraires, les éditeurs, les bibliothèques, la presse (secteur connexe du livre), sans parler des dizaines de milliers de livres du domaine public en accès libre. Voici vingt-cinq répertoires de qualité, francophones, anglophones et multilingues. #Répertoires généralistes = Bibliothèque nationale de France (BnF) - Signets (Les) Une sélection commentée de 2.000 sites et pages web choisis par les bibliothécaires de la BnF. = Ministère de la Culture (France) - L'internet culturel Un annuaire qui comporte entre autres des rubriques sur les langues, le livre et la lecture, les médias, le multimédia, les régions de France et les sciences humaines et sociales. = Zazieweb - Annuaire des sites Plus de 5.000 sites littéraires sont recensés dans l'annuaire de Zazieweb. Créé en juin 1996 par Isabelle Aveline, Zazieweb est un espace de documentation, d'orientation et de ressources internet suivant de près l'actualité du livre et du réseau. = Librarians - Index to the Internet Créé en 1990 par Carole Leita, bibliothécaire de référence à la Berkeley Public Library (Californie), ce répertoire rejoint en mars 1997 le site de la Berkeley Digital Library. Poursuivi en octobre 2001 par Karen Schneider (qui remplace Carole Leita, partie à la retraite), il recense 10.000 ressources internet sélectionnées par plus de cent bibliothécaires. = WWW Virtual Library (VL) La WWW Virtual Library est le plus ancien annuaire du web. Ce catalogue par sujets est débuté par Tim Berners-Lee comme outil d'analyse du développement du World Wide Web (WWW) qu'il venait de créer en 1990. Le travail est ensuite poursuivi pendant plusieurs années par Arthur Secret, avant que chaque section ne soit prise en main par des spécialistes d'un sujet donné. Réputée pour sa qualité, la WWW Virtual Library est désormais un annuaire coopératif constitué de très nombreux répertoires situés sur des centaines de serveurs. Les pages centrales sont gérées par Gerard Manning. #Répertoires de bibliothèques = Catalogue collectif de France (CCFr) Le CCFr répertorie 4.000 bibliothèques et 1.200 fonds documentaires. Il offre aussi une interface unique à trois grands catalogues: le catalogue des fonds des bibliothèques municipales rétroconvertis (BMR), le catalogue des imprimés de la Bibliothèque nationale de France (BN-Opale Plus) et le catalogue des bibliothèques universitaires (SUDOC: Système universitaire de documentation), le tout représentant près de 15 millions de notices. En novembre 2002, le CCFr débute la gestion via l'internet d'un service de prêt entre bibliothèques. = Oriente-Express (L') Géré par la Bibliothèque du Centre Pompidou (Paris), l'Oriente-Express est un répertoire de bibliothèques et centres de documentation privés ou publics, situés à Paris ou en région parisienne, ouverts à un large public ou faisant référence dans leur domaine. = Gabriel (Gateway to Europe's National Libraries) Trilingue (français, anglais, allemand), Gabriel est le serveur web de 41 bibliothèques nationales européennes. Il permet d'offrir un point d'accès unique à leurs services, leurs collections et leurs catalogues. = Libweb: Library Servers via WWW Géré par Thomas Dowling dans le cadre de la Digital Berkeley Library (Californie), ce répertoire recense les sites web de 6.600 bibliothèques dans 115 pays différents, avec mise à jour quotidienne. = UNESCO Libraries Portal Géré par l'UNESCO (Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture), un portail à vocation internationale pour les bibliothèques et leurs usagers. Plusieurs rubriques: bibliothèques, associations et réseaux, accès et conservation, bibliothéconomie, formation, ressources en ligne, conférences et réunions. #Répertoires de bibliothèques numériques = Athena Literature Resources Un répertoire mondial des ressources littéraires en ligne. Ce répertoire fait partie d'Athena, une bibliothèque numérique fondée par Pierre Perroud et hébergée sur le site de l'Université de Genève. = The Online Books Page - Archives Un autre répertoire mondial de ressources littéraires en ligne. Ce répertoire fait partie de The Online Books Page, géré par John Mark Ockerbloom pour recenser les textes électroniques anglophones librement disponibles en ligne. http://onlinebooks.library.upenn.edu/archives.html #Répertoires d'éditeurs = BIEF - Editeurs adhérents Le répertoire des quelque 250 éditeurs membres du Bureau international de l'édition française (BIEF), organisme de promotion de l'édition française à l'étranger. = Publishers' Catalogues Géré par Northern Lights Internet Solutions, société basée à Saskatoon, dans la province de Saskatchewan (Canada), un répertoire international de 7.700 éditeurs, avec recherche possible par titre, ville, état/province, pays, sujet et type de publication (livres, magazines, ebooks, etc.). = WWW Virtual Library (The) - Publishers Un répertoire d'éditeurs tenu à jour par Jonathan Bowen dans le cadre du Museophile Archive de la South Bank University (Londres). http://archive.museophile.sbu.ac.uk/publishers/ #Répertoires de librairies = Lalibrairie.com Lalibrairie.com est le portail de 460 librairies françaises indépendantes, avec classement par département. Le portail donne accès à leur catalogue, avec possibilité d'achat en ligne. Il est complété par un agenda des événements littéraires et par un espace emploi pour les professionnels du livre. = Numilog Lancée en septembre 2000 par Denis Zwirn, cette librairie numérique propose 3.500 ebooks (livres et périodiques) en français et en anglais, grâce à un partenariat avec une quarantaine d'éditeurs. Les livres numériques sont disponibles par téléchargement et dans plusieurs formats, pour lecture sur ordinateur ou sur assistant personnel (PDA). = Livre-rare-book Créé en novembre 1995 par Pascal Chartier, gérant de la librairie du Bât d'Argent (Lyon), ce site professionnel propose en août 2003 un catalogue de plus d'un million de livres émanant de quelque 320 librairies, et un annuaire électronique international recensant près de 4.000 librairies. = Syndicat national de la librairie ancienne et moderne (SLAM) Le site du SLAM (France) regroupe des catalogues en ligne, un service de recherche de livres rares ou épuisés, un annuaire des librairies avec plusieurs critères de recherche (nom de la librairie, nom du libraire, lieu, spécialités), un guide du livre ancien avec lexique et liste d'abréviations, etc. #Répertoires de presse = AFP - Liens / Médias francophones Le répertoire de l'Agence France-Presse pour la France et les pays francophones. Donne accès à d'autres répertoires pour les médias germanophones, anglophones, hispanophones et lusophones. = Webdopresse Proposé par Webdo, site créé en 1995 par l'hebdomadaire genevois L'Hebdo, Webdopresse est un annuaire international recensant 16.000 médias. Trois grandes catégories: a) presse généraliste, b) presse spécialisée (classée en rubriques), c) radio / TV. = Internet Public Library (IPL) - Newspapers & Magazines L'Internet Public Library (IPL) sélectionne, organise et catalogue les ressources disponibles sur le réseau. Elle gère entre autres deux répertoires de presse. L'un est une liste de journaux en ligne avec classement géographique et alphabétique. L'autre est une liste de magazines en ligne répertoriés par sujets. = Ingenta Lancé en mai 1998, Ingenta est une base documentaire de 15 millions d'articles issus de 28.000 périodiques imprimés (rassemblés depuis l'automne 1988) et 5.400 périodiques en ligne. Payant, l'envoi des documents est possible par courrier électronique, fax ou Ariel (service de transmission électronique). La recherche dans les différentes bases de données est gratuite. #Répertoires en sciences de l'information = ENSSIB Une mine d'informations procurée par l'Ecole nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques, située à Villeurbanne, près de Lyon. = IFLANET Le site de l'IFLA (International Federation of Library Associations and Institutions), organisme indépendant à destination des bibliothécaires du monde entier. L'IFLA se veut un carrefour pour l'échange d'idées et la promotion de la coopération internationale et de la recherche. = Lex Mercatoria: Intellectual Property La section de la Lex Mercatoria consacrée à la propriété intellectuelle. Créé en octobre 1993 par Ralph Ammisah, l'International Trade Law Monitor (devenu ensuite: Lex Mercatoria) est à l'époque le premier site juridique consacré au droit commercial international et au commerce électronique. Hébergé par l'Université d'Oslo (Norvège), et propriété du grand éditeur britannique Cameron May depuis octobre 2000, ce site de référence est poursuivi par son créateur et, selon son voeu, toujours en accès libre. # [ANNEXE] PERSPECTIVES [Jean-Pierre Balpe, professeur, chercheur et écrivain / Olivier Bogros, créateur de La bibliothèque électronique de Lisieux / Emilie Devriendt, responsable du site Translatio / Gérard Fourestier, créateur de Rubriques à Bac / Pierre François Gagnon, créateur d'Editel / Jean-Paul, explorateur d'hypermédia / Anne-Bénédicte Joly, écrivain auto-éditeur / Nicolas Pewny, consultant en édition électronique / Marie-Joseph Pierre, enseignante-chercheuse à La Sorbonne / Philippe Renaut, gérant des éditions du Presse-Temps / François Vadrot, PDG de FTPress / Russon Wooldridge, créateur du Net des études françaises / Denis Zwirn, PDG de Numilog] En février et mars 2003, comment les professionnels du livre voient-ils l'avenir du livre numérique (au sens large, et pas seulement commercial), dans le cadre de leur activité professionnelle et/ou en général? Voici leurs réponses. = Jean-Pierre Balpe, professeur, chercheur et écrivain Directeur du département hypermédias de l'Université Paris 8, écrivain, chercheur et théoricien de la littérature informatique, Jean-Pierre Balpe nous envoie ses réponses le 10 février 2003. En ce qui concerne son activité: "Prenant ma retraite l'an prochain, mes 'activités' se réduisent mais je compte toujours utiliser les capacités du numérique pour faire du livre hors du livre: projets de spectacles, installations, etc. (...) Ce qui m'intéresse est d'explorer cette voie-là, du moins tant que j'aurai envie d'écrire ou de faire écrire." En ce qui concerne l'avenir du livre numérique en général: "L'avenir est déjà assuré par la numérisation des livres et tout ce qu'elle permet. Cela ne peut que se développer. Si votre question porte sur l'e-book, je n'y crois pas dans les configurations techniques actuelles. Pour qu'il ait un réel avenir il faudrait un support souple aussi pratique que le papier et aussi bon marché. Ça viendra, mais je crains que nous en soyons loin. En plus le livre n'existe pas, il y a des quantités de types de livres, romans, encyclopédies, poèmes, livres scolaires, livres techniques, manuels, etc., et chaque type a un avenir différent dans le numérique: le manuel scolaire numérique est appelé à remplacer le livre dès que les élèves seront suffisamment équipés. Je crois qu'il faut raisonner en secteurs et voir quels sont les besoins particuliers de ces secteurs auxquels la 'numérisation du livre' peut répondre et sous quelle forme." = Olivier Bogros, créateur de La bibliothèque électronique de Lisieux Directeur de la médiathèque municipale de Lisieux (Normandie), Olivier Bogros crée en juin 1996 La bibliothèque électronique de Lisieux, une des premières bibliothèques francophones du réseau. Début 2003, la bibliothèque électronique comprend 540 textes, numérisés en mode texte à partir des collections de la médiathèque. A titre personnel, Olivier Bogros est aussi l'auteur du site Miscellanées, un mélange de textes choisis par ses soins. Le 8 mars 2003, Olivier Bogros écrit: "L'avenir du livre numérique, j'y crois beaucoup, même si sa forme matérielle définitive reste encore à venir. Les fichiers de livres numériques existent sur de nombreux sites et sous de nombreux formats. Et puis il y a le web et les pages html qui s'affichent librement sur les écrans de nos machines. Je pense bien sûr et d'abord dans mon domaine de compétence aux textes patrimoniaux ou du domaine public qu'encore trop peu de bibliothèques françaises mettent en ligne ou alors sous des formats image trop lourds et contraignants. Des initiatives particulièrement innovantes sont aussi à l'oeuvre: Grisemine (bibliothèques de l'Université de Lille 1, ndlr), @rchiveSic, les étonnantes collections de la BIUM (Bibliothèque interuniversitaire de médecine) de Paris, ColiSciences, ... qui s'ajoutent à des réalisations plus anciennes mais toujours dynamiques. De plus en plus d'internautes font du réseau, à tort ou à raison, le lieu unique de leur recherche documentaire; les institutions publiques ont l'obligation de répondre à cette demande." = Emilie Devriendt, responsable du site miroir Translatio Emilie Devriendt est élève professeure à l'Ecole normale supérieure (ENS) de Paris et doctorante à l'Université de Paris 4-Sorbonne. Elle est aussi la responsable du site Translatio, créé en septembre 2001. Translatio est le site miroir de trois sites académiques dédiés à la diffusion de ressources documentaires dans le domaine des études françaises, et plus particulièrement de l'histoire de la langue française. Le 9 février 2003, Emilie Devriendt écrit: "Je ne parlerai pas du livre numérique à strictement parler, concept qui semble aujourd'hui s'être révélé un échec total pour les entreprises qui ont tenté de le commercialiser. Je constate d'ailleurs que des projets datant d'il y a quelques années, projets selon moi plus astucieux, plus ergonomiques, et à l'évidence moins coûteux comme celui du 'baladeur de texte' (@folio), n'ont toujours pas 'percé'. Loin d'être au fait de tous les aspects qui ont contribué et contribuent à cet état de fait, je ne me risquerai pas à prédire quoi que ce soit dans ce domaine très circonscrit. Si l'on envisage l'avenir non plus du 'livre', mais du 'texte' électronique, celui-ci n'apparaît pas plus prévisible ou prédictible, mais il est quelques points que l'on peut souligner, et quelques évolutions que l'on pourrait à tout le moins appeler de ses voeux. Dans ce domaine que l'on appelle parfois l'informatique littéraire, deux aspects du texte électronique m'intéressent plus particulièrement, dans une perspective d'enseignement ou de recherche: la publication de ressources textuelles, par exemple littéraires, sur le Web au format texte ou au format image (exemple: Gallica ou la Bibliothèque électronique de Lisieux); la publication de bases de données textuelles interactives, c'est à dire d'outils de recherche et d'analyse linguistique appliqués à des textes électroniques donnés (exemple: la Nefbase du Net des Etudes Françaises ou, si l'on veut citer une banque de données payante, Frantext). Aujourd'hui ce type de ressources est relativement bien développé (même si aucune 'explosion' ne semble avoir eu lieu si l'on compare la situation actuelle à celle d'il y a deux ou trois ans). En revanche, on ne peut véritablement mesurer les usages qui en sont faits. La situation au sein de l'Université française, telle qu'elle m'apparaît, ne conduit pas spontanément à l'optimisme de ce point de vue. Tous les cursus 'littéraires' sont loin de comprendre une formation obligatoire aux nouvelles technologies (qu'il s'agisse d'ailleurs de bureautique, de recherche documentaire ou d'analyse textuelle). Or sans un apprentissage sérieux de ce type risque paradoxalement de se constituer une nouvelle forme d'analphabétisme au sein même d'une population intellectuelle, les étudiants, les enseignants, les chercheurs ; ou, à tout le moins, une informatisation 'à deux vitesses' de cette population. Ici, l'idéal de l'accessibilité (formats libres, gratuité) des ressources textuelles publiées en ligne prend véritablement tout son sens." = Gérard Fourestier, créateur de Rubriques à Bac Diplômé en science politique et professeur de français à Nice, Gérard Fourestier crée en 1998 le site Rubriques à Bac, un ensemble de bases de données à destination des lycéens et étudiants. ELLIT (Eléments de littérature) regroupe des centaines d'articles sur la littérature française du 12e siècle à nos jours, ainsi qu'un répertoire d'auteurs. RELINTER (Relations internationales) recense 2.000 liens sur le monde contemporain de 1945 à nos jours. Ces deux bases de données sont accessibles par souscription, avec version de démonstration en accès libre. Lancée en juin 2001 dans le prolongement d'ELLIT, la base de données Bac-L (baccalauréat section lettres) est en accès libre. Le 8 février 2003, Gérard Fourestier écrit: "Bien que ça et là, on assiste à des avancées pédagogiques par l'intégration des nouvelles technologies, l'institution de l'Education nationale est par trop timorée quant à un projet global qui aurait enfin fait entrer l'école dans le siècle du numérique. Espérons qu'avec les nouvelles générations de profs qui vont débouler au fur et à mesure des retraites de leurs aînées, se fera sentir par la base la nécessité d'une autre approche de la lecture au travers d'un produit que le 'ludique' n'a pas hésité à s'approprier à grande échelle. L'ère Gûtemberg a vécu, du moins dans son monopole, faute d'un mieux technologique et pratique jusqu'à une époque récente, mais les décideurs d'encore aujourd'hui sont toujours ceux d'hier. Pourtant, et à l'évidence, les avantages du numérique sont nombreux: gain de poids dans les cartables, accroissement du volume d'information, diminution des contingence de stockage; possibilités offertes aux mal-voyants, sans parler de l'aspect création qui rend plus attrayant un outil plus performant, etc. Bref, le numérique, c'est déjà le présent et c'est incontournable, sauf que les formats sont encore trop nombreux, et que c'est aussi sûrement un frein à un essor plus rapide. J'ai bien pensé mettre mes sites en ligne sur des supports 'e-book' mais un 'livre' de ce type serait comme une goutte d'eau dans l'océan s'il ne bénéficie pas d'une structure qui en fait la promotion. Tant que je n'aurai pas l'assurance de cette promotion et parce qu'il faut des moyens que je n'ai pas, je différerai cette nouvelle aventure et je le regrette vivement." Pierre François Gagnon, créateur d'Editel Dès avril 1995, Pierre François Gagnon, poète et essayiste québécois, décide d'utiliser le numérique pour la réception des textes, leur stockage et leur diffusion. Il crée Editel, site pionnier de l'édition littéraire francophone et premier site web d'auto-édition collective de langue française. Editel devient ensuite un site de cyberédition non commerciale en partenariat avec quelques auteurs maison (notamment Jacques Massacrier et Mostafa Benhamza), ainsi qu'un webzine littéraire. Le 11 février 2003, Pierre François Gagnon nous envoie ce texte, intitulé: Eloge du Livre unique. "Le 'Livre unique' aux multiples pensées tous azimuts, est appelé à constituer, grâce à l'objet-support ultime que sera le papier électronique, la plate-forme de lancement globale de la Civilisation numérique, laquelle n'est encore exprimée qu'à l'état d'ébauche farouche et sauvage sur le Web d'aujourd'hui. Il nous manque de toute urgence cette épée de feu, de justice divine érigée entre les mains de tous et chacun dans la lutte contre la pauvreté et l'ignorance dans lesquelles les élites de pouvoir et d'argent croient avoir tout intérêt à maintenir leurs peuples respectifs. Et, n'en déplaise aux gourous de la pop-philo qui nous prêchent le statu quo techno-culturel du haut de leur notoriété, il ne s'agit pas seulement d'une nouvelle utopie néoromantique qui serait issue de la postmodernité prétendument antihumaniste. Il s'agit bien plus prosaïquement des conditions d'émergence spirituelle d'une classe moyenne supérieure qui soit également prospère et unie dans le monde entier. Nous sommes rien de moins, à l'époque de ces Nouvelles Lumières, que face à une révolution démocratique et altermondialiste, virtuellement libre de tout droit ultralibéral, enfin affranchissable à l'échelle planétaire de l'économie de marché facho-totalitaire sous l'empire états-unien. Voilà donc ce qui fait si peur aux classes possédantes du savoir-faire de ce temps de transition que je qualifierais presque de transhistorique, tant il m'apparaît nécessaire et évident: que tout cela leur échappe de justesse, elles qui contrôlent pourtant les moyens de conception et de production de la science et des technologies! C'est dire ainsi combien la Société - et non pas tant l'Amour - est désormais à réinventer bien au-delà de la droite et de la gauche, au risque sinon, de nous engluer dans les prolongements dévastateurs du 20e siècle, guerres, famines et maladies endémiques. Ça n'a malheureusement rien à voir avec autant de prophéties de malheur. Au contraire, c'est exactement, au début de l'an 2003, ce qui est en train de se produire sous nos yeux ahuris, ne serait-ce qu'à commencer par les projets d'un bombardement nucléaire soi-disant 'limité' que les Pentagone nourrissent pour les États voyous tels que l'Irak. Plus l'essentiel des connaissances de toute nature demeurera gratuitement accessible à tous et à toutes, sans conditions matérielles particulières, plus le niveau moyen de l'intelligence collective sous toutes ses formes tendra à s'élever pour le meilleur, et espérons-le, sans le pire. Dès lors, les exigences sociales et culturelles se raffermiront toujours davantage, désamorçant volontairement l'économie prédatrice. La nature du travail, définitivement transformée, la démocratie, profondément rénovée, la communauté pourra redevenir aussi vivante et créative qu'au temps jadis. Il ne sera plus jamais ridicule et absurde de parler tout simplement de bonheur domestique. Je fais maintenant l'éloge du développement durable de la pensée universelle, libre et sans contraintes, ubiquitaire et fraternelle, à travers le réseautage polyglotte de toutes les cultures. Le Livre unique comme pierre philosophale remplacera tous les objets de culte de la communication et de l'information tout en sacrifiant les pyramides aliénantes. Imaginez tous les cerveaux supérieurement intelligents, interconnectés en permanence, dans l'élaboration transcendant les divers Âges de l'Humanité, d'un tout nouveau projet de civilisation conçu et réalisé sur une base numérique, qui soit finalement assez fluide pour évoluer sans trop de heurts vers la paix et la prospérité perpétuelles. Voilà la seule anti-utopie que je connaisse d'avance, réaliste et réalisable, car elle est d'ores et déjà indispensable à notre survie commune. La déesse Gaïa est notre jardin intérieur. La révolution industrielle a été son viol collectif. Tout autour de soi, pour qui a pu accéder à ce tragique niveau de conscience cosmique, il n'y a plus que ruines et désolation. La légalité immorale, cruelle et violente, étend sa domination pratiquement absolue dans tous les domaines, en particulier dans l'édition. La sagesse du livre fut pétrifiée vivante et enfermée à perpétuité, sous bonne garde capitaliste, par l'imprimerie de papier, laquelle n'aura été qu'une technique de conservation et de diffusion des idées plutôt rustique et rudimentaire. Et inefficace à part peut-être le papier d'amiante à l'épreuve de tout - à titre par exemple de double système de sécurité quant à l'archivage total et quasi définitif! Il nous faut finir d'abattre les bastilles qui menacent de s'écrouler avec nous dans l'oubli et la poussière d'étoiles, faute d'assurer la libre circulation immédiate des oeuvres! Numérisons et libérons la Culture tout entière avant que les vendeurs du Temple ne s'en emparent au nom de l'État sous leur propre gouverne néolibérale ou gauchisante de travers! On ne peut pas voler ni dilapider le domaine public; pis encore, il se trouve trop longtemps restreint aux ayant droits de l'auteur à sa mort: 70 ans, quelle folie! Cet héritage collectif devrait être imposable sans aucun délai: diffusé, distribué inconditionnellement, un point c'est tout! À les en croire, le patrimoine culturel (ou même génétique) serait marchandisable. Le pillage corporatif de toute façon institutionnalisé à mort, la commercialisation des classiques fait rouler depuis belle lurette la planche à billets des éditeurs. Les États se refusent aujourd'hui à débloquer des budgets conséquents pour la numérisation systématique et exhaustive du fonds public de leurs bibliothèques nationales, tandis que le dépôt légal électronique et sécurisé tarde à devenir obligatoire. Quel espoir subsiste-t-il en ce moment même pour l'avenir du livre numérique, sauf dans le néant constellé d'effroi du sempiternel Marché-Dieu?" = Jean-Paul, explorateur d'hypermédia Aussi discret que présent dans le monde de l'hyperfiction francophone, Jean-Paul, écrivain, est explorateur d'hypermédia. Il est le webmestre des Cotres furtifs, un site hypermédia collectif racontant des histoires en 3D. "Les membres des cotres, 'ensemble flou à géométrie variable', aiment jouer avec les mots en y associant images et sons, non pas comme de simples illustrations, mais comme partie intégrante du récit et de ses architectures. Ils s'intéressent donc plus à l'hypermédia qu'à l'hypertexte au sens strict. On ne les trouve que sur le net parce que c'est le dernier espace, instable, fluide et non-fermé, dont tous les passages ne sont pas encore contrôlés." Le 4 février 2003, Jean-Paul écrit: "L'avenir, 3 ans après le 5 août 1999... Vaticinons donc. L'avenir, s'il doit être, est à la révolution, ( n. f. Didac. Mouvement d'un mobile (partic. d'un astre) accomplissant une courbe fermée; durée de ce mouvement. La révolution de la Terre autour du Soleil.) qui est retour à la case départ. Rappel historique: Aux débuts de l'hyperlien, la technique était rude & les tuyaux étroits: ce fut le règne de l'écriture nue, sans images, sans son. Une poignée de pingoins sans boussole se creusaient la cervelle et lançaient avec les moyens du bord des écrits labyrinthiques dont le public n'existait pas. L'intérêt fut vif (il y eut des articles, et des soirées de bars animées), mais restreint. Quel public aurait pu lire ces écrits, sur quel support? Pas de public, pas d'argent. Hyperauteurs en quête de sponseurs, d'institutions, 'résidences', détournements & autres hold-ups légaux. Un jour, que certains crurent de gloire ('enfin, ça démarre!'), déboulèrent de Jurrassik-Land & Fiscal Paradise des jumbos monstrueux, vracquiers gros-porteurs. Leurs soudures craquaient de trop d'or, qui dormait, mal (ce n'est pas bon pour le fric, de dormir). Leurs radars venaient de signaler une mine, aux veines épaisses comme des pipe-line; un off-shore abstrait, virtuel, aussi abstrait, aussi virtuel que des lignes de cotation boursières: la Toile, où s'ébattaient nos pingoins bénévoles & croqueurs de grains non-décaféïnés. Ce fut la ruée, on vit un Vivendi payer un simple nom de portail au prix de la tanzanite, la pierre dure la + précieuse, aussi dure qu'un mental de gagneur, mais précieuse. Quelques billets $£€ voletèrent jusqu'aux chercheurs, inventeurs, petites mains tricoteuses du html & autres entoileurs de 'Projet En Cours'. La technique suivait, élargissant les tuyaux étroits pour en faire du haut-débit. L'hypertexte put muer, passer hypermedia. Et... ce fut l'implosion, qui emporta les gros-porteurs 'partenaires financiers' (tant mieux) mais aussi (hélas) des projets passionnants, vrais hypermedia où l'image et le son faisaient enfin jeu égal avec les mots, au lieu d'être cantonnés à leur second rôle ancien de faire-valoir. Les survivants se retrouvent avec des carte-bleues flasques. Gueule de bois & ventre creux, mais la volonté farouche d'avancer. Retour à la case départ, donc. (fin du rappel) Mais la case a changé, le temps est passé sur elle, et sur nous. Durant ces courtes années excitantes, nous avons appris à jouer sur notre tas de sable avec des armes qui ne nous étaient pas destinées (n'oublions jamais que tout cela vient d'Arpanet, de nécessité militaire. Du sérieux, pas des rêveurs). On s'en est mis plein les yeux. Les scores (provisoires) du mundial des e-sumos & autres JM6 nous ont aussi montré que la question du support est secondaire & se résoudra toute seule: il y aura finalement (prenez des notes, capital-risqueurs) 3 formats: écran téléphone, écran livre, écran album-BD/jeu-video. Or, ces armes, il faut bien qu'elles servent. Et puisque leur rime est: larmes, notre but du jour sera: faire pleurer Nikita, de rire et d'autre. La toucher plein coeur, qu'elle soit prête à payer pour connaître la fin d'un roman hypermedia, en PDF, en CDRom ou même en imprimé. Bref, l'avenir? Il se présente à nous sous le soleil d'Icare & des horribles travailleurs. Sauf que, dans notre domaine DNS, l'avenir n'existe pas, ni le passé (où vont les liens morts?): l'hyperlien, c'est l'immobilité absolue, le déplacement sans la durée. Pas de ligne du temps, pas d'horaire d'embarquement... No past, no future: présents." = Anne-Bénédicte Joly, écrivain auto-éditeur Anne-Bénédicte Joly, romancière et essayiste, habite en région parisienne. En avril 2000, elle décide d'auto-publier ses oeuvres en utilisant l'internet pour les faire connaître. "Mon site a plusieurs objectifs, raconte-t-elle en juin 2000, deux mois après son ouverture. Présenter mes livres (essais, nouvelles et romans auto-édités) à travers des fiches signalétiques (dont le format est identique à celui que l'on trouve dans la base de données Electre) et des extraits choisis, présenter mon parcours (de professeur de lettres et d'écrivain), permettre de commander mes ouvrages, offrir la possibilité de laisser des impressions sur un livre d'or, guider le lecteur à travers des liens vers des sites littéraires." Le 13 février 2003, Anne-Bénédicte Joly écrit: "Le livre numérique ne sera un progrès pour tous que s'il permet un réel accès universel à la culture, que s'il renforce la libre expression de la pensée et le plaisir de créer, que s'il propose une alternative aux solutions d'édition existantes et enfin, que s'il offre un moyen d'expression universelle. C'est dire que, dans le cadre de mes activités d'auteur auto-éditant ses oeuvres, je suis en droit de fonder de grands espoirs sur le livre numérique. Internet est avant tout un merveilleux vecteur de diffusion et de promotion. Je tente de m'inscrire dans cette logique en proposant sur mon site non seulement une présentation synthétique de mes travaux mais aussi des extraits de mes écrits afin que les lecteurs-internautes puissent découvrir mon univers littéraire. Ne disposant pas de l'appui d'une maison d'édition, ni encore moins de son réseau de communication et de diffusion, la question de la présentation de mon livre au public se pose. Le livre numérique me permettrait, en affinant une politique de prix (les internautes lecteurs semblent disposés à payer un e-book à 50% de sa valeur en version papier), de proposer mes écrits à un plus grand nombre de lecteurs. Puisque le net est un promoteur de l'accès à des livres moins connus (ou absents des réseaux admis de diffusion), je réfléchis actuellement à l'idée de pousser la logique jusqu'à offrir l'accès au livre lui-même. La question de la diffusion serait donc réglée. Par ailleurs, se pose aussi la question de la quantité de tirage d'un livre. J'édite en moyenne un ouvrage à 300 voire 400 exemplaires. Dommage(s), mon dernier roman paru en janvier 2003, a été édité à 300 exemplaires. Cette limitation étant directement liée au coût de fabrication du livre, à l'investissement global et à la détermination du point mort (combien faut-il que je vende de livres pour rentrer dans mes frais?). Prenons le cas de deux de mes précédents livres (Le meublé livres et Deux par d'eux) qui sont aujourd'hui épuisés. J'ai eu, depuis mon site et directement par certains lecteurs, quelques demandes concernant ces livres. Malheureusement, à chaque fois ma réponse est la même. 'Je suis navrée, le livre est épuisé. Vous ne le rééditerez pas? A priori non.' Je ne peux pas, en effet, financer la réédition (et dans quelles quantités?) de ces livres. Le livre numérique constitue, pour autant que les lecteurs souhaitent lire mes écrits sous ce format, une alternative possible. Bien entendu, comme tout créateur, je suis très attentive (et parfois même inquiète) à l'utilisation illicite de mes écrits. La question de la protection de mes oeuvres occupe une place centrale dans ma réflexion. Il existe aujourd'hui des techniques interdisant les copies illicites et infinies des oeuvres, les impressions totales ou partielles des textes... Bref la réponse technologique existe. Enfin, je réfléchis également sur la perception des droits d'auteur induits par la diffusion d'une oeuvre sur le net. Dans une récente étude (réalisée en 1999 par Médiangles pour le compte de la SGDL - Société des gens de lettres), 82% des 2.372 personnes interrogées considèrent que les auteurs devraient toucher des droits pour la diffusion de leurs oeuvres sur le net. Je partage évidemment cette position même si elle reste difficile à mettre en oeuvre tant du point de vue pratique, que du point de vue du mode de perception des droits. En conclusion, et parce que je me situe déjà en dehors des rouages classiques de la diffusion d'un livre, je considère que le e-book constitue à n'en pas douter une nouvelle voie de développement pour accroître la diffusion de mes livres et me permettre de rencontrer un public encore plus large. En règle générale, le livre numérique offre des avantages significatifs. Il peut être acheté 24h/24 et 7j/7 depuis n'importe quelle partie du monde et être téléchargé facilement. Le prix est toujours inférieur à la version papier, alors que la qualité (graphisme, mise en page...) n'est en rien diminuée. Les fonctionnalités multimédia sont accessibles et le support 'livre' devient un outil interactif: navigation hypertexte, signets, notes, commentaires... Le livre numérique est moins gourmand en terme de stockage (bibliothèque) et il est, de fait, plus aisément transportable. Il s'abîme moins. Il n'est jamais épuisé. Bref, du point de vue des 'fabricants' et des 'producteurs' les avantages sont certains. Côté lecteur, hormis les capacités techniques répondant à des besoins réels pour les lecteurs malvoyants de modifier à dessein la taille des caractères, je ne sais pas si le plaisir lié à l'objet livre sera identique... Ouvrir un livre, sentir sa couverture craquer légèrement, respirer l'odeur des feuilles, de l'encre, toucher le papier, manipuler le livre. Bref tout ce qui nous permet de considérer le livre comme un objet vivant, comme objet à vivre. De même, comment s'émerveiller numériquement devant une édition originale, ou encore la finesse de gravures sur bois dans un ouvrage? Enfin, au-delà de la littérature, les avantages sont incontestablement très nombreux dans des domaines aussi variés que l'éducation (remplacer les livres scolaires par des e-books), les milieux professionnels devant se référer à de véritables annuaires ou ayant recours à des 'bibles' techniques ou commerciales, ou encore offrir un produit de substitution aux quotidiens, aux magazines et autres revues en facilitant un accès simple, rapide et direct à l'information. En conclusion, je pense que le livre numérique offre une foultitude d'avantages en sacrifiant peut-être, pour la littérature, les livres d'art et la poésie, la notion de plaisir de lire. Or les écrivains n'écrivent-ils pas avant tout pour être lus avec plaisir? En tout cas, je suis avec un grand intérêt l'évolution des mentalités en la matière." = Nicolas Pewny, consultant en édition électronique Nicolas Pewny est le fondateur du Choucas, petite maison d'édition basée en Haute-Savoie et spécialisée dans les polars, la littérature, les livres de photos et les livres d'art. Nicolas Pewny tient aussi à avoir des activités non commerciales, afin de faire connaître des livres pour lesquels il a un coup de coeur, par exemple les Fables pour l'an 2000 de l'écrivain-paysan normand Raymond Godefroy. Les éditions du Choucas cessent malheureusement leur activité en mars 2001, une disparition de plus à déplorer chez les petits éditeurs indépendants. Nicolas Pewny met désormais ses compétences éditoriales et numériques au service d'autres organismes. Le 9 février 2003, Nicolas Pewny écrit: "Quel chemin parcouru depuis le temps du papyrus ou du parchemin! Le 15e siècle a vu naître le livre imprimé et le 19e siècle a démultiplié cette révolution. Au 20e l'informatique et le numérique ont encore tout bouleversé... A l'aube du 21e il est facile de constater que l'Internet a évolué, et l'importance du 'contenu' s'est accrue, il est devenu un élément primordial. L'accès à ce 'contenu' devient peu à peu payant. Et le public concerné - en forte augmentation - est prêt à payer pour un contenu riche et ciblé. La presse s'en est rendue compte la première, et des journaux tels que Le Monde ont mis en place une version numérique, souvent interactive, d'où le nom de l'édition, incluant des 'services' comme l'accès aux archives, la possibilité de stocker les informations en ligne, etc. Des éditeurs (Campus Press, Eyrolles, Eni, par exemple) s'en sont rendus compte aussi, et produisent des ouvrages numériques pour des sujets tels que l'informatique, l'Internet, les nouvelles technologies, sciences & techniques, etc. Plus pratiques à utiliser et bien moins chers que la version 'papier'! Personnellement je me suis tellement habitué à trouver toute information en ligne ou dans des ouvrages sous forme numérique que je serais désemparé si j'étais privé de ces moyens de recherche. L'informatique évolue rapidement. Les ordinateurs se libèrent des fils de connexion, deviennent plus rapides et maniables, les écrans plus confortables, les techniques du 'numérique' vont évoluer également, évoluent déjà. Je vois le livre numérique du futur comme un 'ouvrage total' réunissant textes, sons, images, vidéo, interactivité: une nouvelle manière de concevoir et d'écrire et de lire, peut-être sur un livre unique, sans cesse renouvelable, qui contiendrait tout ce que l'on a lu, unique et multiple compagnon. Utopique? Invraisemblable? Peut-être pas tant que cela!" = Marie-Joseph Pierre, enseignante-chercheuse à La Sorbonne Marie-Joseph Pierre, enseignante-chercheuse à l'Ecole pratique des hautes études (EPHE, section Sciences religieuses, Paris-Sorbonne), est depuis toujours férue de nouvelles technologies, bien avant que cela ne devienne dans l'air du temps. Elle fait partie de ces professeurs et chercheurs toujours prêts à mettre leur savoir à la disposition d'autrui, aussi bien ses collègues et étudiants que les habitants d'Argentan (Normandie), dont elle est l'une des maires-adjoints. Le 8 février 2003, Marie-Joseph Pierre écrit: "Il me paraît évident que la publication des articles et ouvrages au moins scientifiques se fera de plus en plus sous forme numérique, ce qui permettra aux chercheurs d'avoir accès à d'énormes banques de données, constamment et immédiatement évolutives, permettant en outre le contact direct et le dialogue entre les auteurs. Nos organismes de tutelle, comme le CNRS (Centre national de la recherche scientifique) par exemple, ont déjà commencé à contraindre les chercheurs à publier sous ce mode, et incitent fortement les laboratoires à diffuser ainsi leurs recherches pour qu'elles soient rapidement disponibles. Nos rapports d'activité à deux et à quatre ans - ces énormes dossiers peineux résumant nos labeurs - devraient prochainement se faire sous cette forme. Le papier ne disparaîtra pas pour autant, et je crois même que la consommation ne diminuera pas... Car lorsque l'on veut travailler sur un texte, le livre est beaucoup plus maniable. Je m'aperçois dans mon domaine que les revues qui ont commencé récemment sous forme numérique commencent à être aussi imprimées et diffusées sur papier dignement relié. Le passage de l'un à l'autre peut permettre des révisions et du recul, et cela me paraît très intéressant." = Philippe Renaut, gérant des éditions du Presse-Temps Philippe Renaut est gérant des éditions du Presse-Temps. Fondé en 2002 par cinq associés passionnés de littérature, Le Presse-Temps est une maison d'édition littéraire qui mise avant tout sur la qualité et le suivi de chaque livre, avec un tirage prévu de 2.000 exemplaires par titre et un rythme de publication d'une dizaine de livres par an, loin des considérations du "toujours plus, toujours plus vite" du marché actuel. Philippe Renaut est aussi le rédacteur en chef d'Edition-actu, une lettre électronique bimensuelle (deux fois par mois) décalée, informative et humoristique sur le monde de l'édition. Edition-actu est publié par l'éditeur CyLibris, qui fut en son temps un pionnier de l'édition électronique. Le 21 février 2003, Philippe Renaut écrit: "Commençons tout d'abord par établir un sens clair au terme Livre numérique. Car le Livre numérique est bien un Livre et pas un sous-produit dérivé de l'informatique. En effet, si on tente de décrire le livre en fonction de son support physique (objet relié, avec des pages etc.), on arrive vite à une impasse, car dès lors faut-il bannir le livre de poche sous prétexte que sa qualité est inférieure et que l'on y retrouve pas 'le plaisir de l'objet livre'? Non, car le livre de poche est un instrument essentiel de diffusion de la culture, vers le grand public et en ce sens est un livre à part entière. Aussi, plutôt que de s'attacher au support attachons-nous au contenu. Même si le livre numérique possède par essence un contenu plus volatile, téléchargeable, effaçable, etc, il est avant tout vecteur de transmission d'un contenu culturel, et d'un contenu culturel fruit d'un travail éditorial. C'est plutôt par la conjonction de ces deux éléments essentiels - vecteur de communication d'un contenu travaillé éditorialement - que l'on peut définir le livre par opposition à la mise en ligne ou mise à disposition massive de texte sans un regard ou une labellisation professionnels. En effet sans pouvoir assurer que magiquement l'oeil d'un éditeur permet de déceler le mauvais du bon, il reste néanmoins l'instrument par lequel un lecteur peut tenter de trier dans la production désormais pléthorique de livres. Parfois des ouvrages de qualité se retrouveront malheureusement auto-édités pour n'avoir su être décelés, et d'autres médiocres se retrouveront édités envers et contre tout, mais cela ne change rien au processus de base qui veut que le tamis éditorial joue son rôle et aide le public dans ses choix (il suffit de considérer le niveau moyen des manuscrits reçus par une maison d'édition pour s'en convaincre!). De la même manière, un surfeur sur le Web va utiliser ses annuaires préférés pour identifier les sites qui lui sembleront les plus adaptés, seuls outils permettant encore un tri dans la masse désordonnée et titanesque d'informations qui lui est accessible. Dans ce cadre le Livre numérique à toute sa place puisqu'il reste un Livre et que le support numérique lui offre des possibilités nouvelles. Encore une fois, de même que le poche n'est pas venu supplanter le livre, mais est venu compléter le marché du livre en permettant à de nouveaux acheteurs d'accéder à la culture, le livre numérique n'est pas là en remplacement du livre mais en accompagnement. A l'heure d'aujourd'hui il est encore bien difficile de discerner quelles seront les utilisations les plus fréquentes du livre numérique et c'est ce flou qui rend fragiles les entreprises qui tentent depuis quelques années déjà de s'emparer du marché. Car pour vendre il faut cibler et pour cibler il faut anticiper, hors en ce domaine l'anticipation est ardue. Les premières tentatives ont tenté de créer une demande qui n'existait pas et ce fut un échec. La nouvelle vague saura sûrement mieux pressentir dans un marché plus mûr les désirs et les manques du lectorat. Documentation technique, grands voyageurs, personnes handicapées visuelles, base encyclopédique, et nouveaux romans interactifs, sont autant de portes entrouvertes qui méritent un nouveau coup de boutoir. A quelques années près, le Livre numérique, quelque soit son support propriétaire, PDA, ou autre devrait percer dans très peu de temps." = François Vadrot, PDG de FTPress En août 1999, François Vadrot fonde la société de cyberpresse FTPress (French Touch Press), basée à Paris. En septembre 1999, il lance Internet Actu, qui remplace LMB Actu (Le Micro Bulletin Actu). D'autres publications suivent, ainsi que des réalisations multimédias et des émissions de télévision, dont certaines suivent de près l'actualité du livre. Le 9 février 2003, François Vadrot écrit: "De façon générale, pour ma part je reste à lire les livres sur papier. Quant aux oeuvres en général, sur internet, elles prennent et prendront des formes que le livre imprimé ne permet pas, notamment par l'insertion de créations multimédia, insérées à l'intérieur, à l'instar des illustrations et photos dans les livres papier. Concernant FTPress, pour l'instant nous ne sommes pas sur cette voie de l'édition, mais plus sur celle de la communication multimédia pour les entreprises ou administrations. Cela commence à bouger dans ce sens." = Russon Wooldridge, créateur du Net des études françaises Russon Wooldridge est professeur au département d'études françaises de l'Université de Toronto et créateur de ressources littéraires librement accessibles en ligne. En mai 2000, il fonde le Net des études françaises (NEF), suite au colloque qu'il organise pour un groupe de francophones (Colloque international sur les études françaises favorisées par les nouvelles technologies d'information et de communication, Toronto, mai 2000). Le Net des études françaises se veut d'une part "un filet trouvé qui ne capte que des morceaux choisis du monde des études françaises, tout en tissant des liens entre eux", d'autre part un réseau dont les "auteurs sont des personnes oeuvrant dans le champ des études françaises et partageant librement leur savoir et leurs produits avec autrui". Le 9 mars 2003, Russon Wooldridge écrit: "D'abord, qu'est-ce que le livre? C'est toujours, dans l'esprit des gens comme dans l'usage de la langue, un objet plus ou moins portable fait d'un ensemble de feuillets de papier reliés. Du point de vue historique c'est le codex de papyrus, de parchemin ou de papier connu depuis deux millénaires. Le livre contient un texte dont la lecture se fait linéairement de manière suivie et dont la maîtrise peut s'aider d'une lecture linéaire ponctuelle ou d'une lecture verticale permises par l'éventuelle structuration donnée par une table des matières ou un index. (Voir à ce sujet Alberto Manguel, A History of Reading, 1996.) Le livre numérique serait une version électronique du contenu du codex sans son contenant. On doit distinguer deux types de livres numériques: ceux qui retiennent l'image du codex - il s'agit des livres en 'portable document format' (pdf), par exemple - et ceux qui profitent du médium informatique pour en permettre lectures linéaires et verticales - il s'agit alors, pour ce qui est du World Wide Web, des formats 'hypertext markup language' (html) ou 'text only' (txt). Comment se prononcer sur l'avenir du livre numérique? Faisons une première constatation sur le degré d'acceptation des nouvelles technologies. Si l'expression un téléphone portable s'est très vite abrégée en un portable, c'est que cet appareil permet à son usager de téléphoner à tout moment et en tout lieu. Jusqu'ici l'expression un livre numérique ne s'est pas, du moins pas encore, abrégée en *un numérique. Le substantif numérique n'a toujours que le sens 'ce qui relève du domaine numérique' et ne s'emploie qu'avec l'article défini: le numérique. Quand je voyage dans le métro, dans un tramway, un autobus, un train ou un avion, je vois autour de moi des gens qui dorment, qui sont plongés dans leurs pensées, qui conversent ou qui lisent. Certains lisent un journal ou un magazine, beaucoup lisent un livre en papier. Aucun ne lit un livre numérique. Bien que le monde du livre ait été modifié par les forces du marché et les effets des développements technologiques, les grandes librairies du type Indigo ou Chapters attirent un grand nombre de personnes de tout âge et de tous les goûts, que l'on y voit lisant un livre papier confortablement installés dans des fauteuils ou assis dans la section café à discuter littérature, cuisine ou jardinage. Le prix de £16.99 (27 euros/dollars, ndlr) et les 768 pages du dernier Harry Potter, qui doit sortir en librairie le 21 juin 2003, n'ont pas nui aux précommandes et on a prévu un premier tirage de plusieurs millions d'exemplaires. Autrement dit, l'écran n'a pas réussi à concurrencer le papier dans la lecture personnelle, qui est le mode usuel d'utilisation ou d'appropriation du livre. Quelle est donc la place du livre numérique et, si celui-ci a une place, quel en est l'avenir? Disons tout de suite qu'il a une place certaine, cruciale, celle de rendre accessibles des textes difficilement trouvables en librairie ou en bibliothèque. Le patrimoine livresque d'une culture se trouve ainsi protégé et diffusé par des programmes tels que Gallica, de la Bibliothèque nationale de France, ou le LibraryBlog. Dans quelle mesure cependant ce patrimoine est-il vraiment protégé? L'encre posée sur le papier est toujours lisible plusieurs siècles après; le livre numérique sera-t-il encore lisible dans cent ans? Il y aurait lieu, je crois, d'évoquer Le chêne et le roseau de La Fontaine. Il y a des livres numériques lourds et fragiles, d'autres légers et résistants. La lourdeur se mesure en termes de complexité du langage de stockage et d'affichage, la fragilité en termes d'utilisabilité du support. La plupart des logiciels de gestion de bases de données tels que ceux utilisés par les projets Frantext ou ARTFL, par exemple, sont complexes et dépendants de systèmes d'opération particuliers. Il n'est pas certain que les fichiers pdf ou les CD-ROMs et DVD-ROMs soient utilisables à long terme. En revanche, les textes en format html ou txt sont légers (simples) et pourront être lus pendant longtemps, quels que soient les plate-formes ou systèmes d'opération. À ce titre, les éditeurs de livres numériques les plus importants seraient ceux de programmes collaboratifs comme le LibraryBlog, dont les textes sont librement accessibles en ligne sur des sites comme The Online Books Page, The Internet Public Library, Eldritch Press ou ClassicReader.com; ou des entreprises individuelles comme Athena, Maupassant par les textes ou la Bibliothèque électronique de Lisieux. Ma propre contribution personnelle à cet effort est quelques textes de la Renaissance française accessibles en ligne en mode lecture (html), plus quelques dictionnaires de la même période (voir RenDico) stockés en format ASCII-DOS sur un ordinateur à Toronto et un serveur à Paris." = Denis Zwirn, PDG de Numilog Denis Zwirn fonde en avril 2000 la société Numilog, avec Hervé Zwirn et Patrick Armand. Mise en ligne en septembre 2000, la librairie numérique Numilog est la première librairie à vendre exclusivement des livres numériques, par téléchargement et dans plusieurs formats. Quant à la société Numilog, elle est à la fois une librairie en ligne, un studio de fabrication et un diffuseur de livres numériques. Début 2003, le catalogue comprend plus de 3.000 ebooks (livres et numéros de revues) en français et en anglais, aux formats PDF (Acrobat Reader), LIT (Microsoft Reader) ou PRC (Mobipocket Reader), grâce à un partenariat avec une quarantaine d'éditeurs. Le 3 février 2003, Denis Zwirn écrit: "Nul n'est prophète en son pays, et je suis donc probablement mal placé, en tant que libraire numérique, pour faire de la prospective pertinente sur les livres numériques. On peut d'ailleurs se demander si quiconque est à même d'en faire, si tant est qu'en matière de technologie et de société, la prévision - ou la prophétie - est une discipline peu scientifique (on peut lire à ce sujet la critique faite par Karl Popper dans Misère de l'Historicisme). On peut en outre constater le tort que cause actuellement au développement serein du secteur des livres numériques les prophéties exubérantes faites au début de l'année 2000 par certains et reprises abondamment par la presse, qui s'acharne aujourd'hui et sans plus de nuances qu'hier à démolir ce qu'elle a adoré quelques mois. En tant qu'acteur de la distribution de livres numériques, je me dois toutefois bien sûr d'avoir une stratégie, fondée sur des anticipations, c'est-à-dire sur des 'paris raisonnables' compte tenu de notre information du moment. Mais encore une fois, ces anticipations ne sont pas des prévisions: elles ont à la fois un caractère probabiliste (incertain) et conditionnel (elles décrivent des conditions d'évolution du marché). Ces précautions épistémologiques étant faites, voici quelques anticipations sur lesquelles se fonde la stratégie actuelle de Numilog (le 3 février 2003): 1. L'équipement des individus et des entreprises en matériel pouvant être utilisé pour la lecture numérique dans une situation de mobilité va continuer de progresser très fortement dans les dix prochaines années sous la forme de machines de plus en plus performantes (en terme d'affichage, de mémoire, de fonctionnalités, de légèreté...) et de moins en moins chères. Cela prend dès aujourd'hui la forme de PDA (Pocket PC et Palm Pilot), de Tablettes PC et de Smart phones, ou de Smart displays (écrans tactiles sans fil). Trois tendances devraient être observées: la convergence des usages (téléphone / PDA), la diversification des types et tailles d'appareils (de la montre-PDA-téléphone à la Tablette PC waterproof), la démocratisation de l'accès aux machines mobiles (des PDA pour enfants à 15 euros). Si les éditeurs et les libraires numériques savent en saisir l'opportunité, cette évolution représente un environnement technologique et culturel au sein duquel les livres numériques, sous des formes variées, peuvent devenir un mode naturel d'accès à la lecture pour toute une génération. 2. En dehors du contexte de la mobilité, la mise à disposition de publications numériques (livres, revues, thèses...) a des applications évidentes pour tous ceux qui travaillent avec des documents: enseignants, chercheurs, étudiants, journalistes, consultants... Trois avantages sont particulièrement significatifs dans ce domaine: l'accès instantané à distance, la modularité (accès limité aux chapitres, articles ou pages pertinents), les fonctionnalités informatiques de recherche dans une base. Le support de lecture privilégié est alors simplement l'ordinateur, qui permet notamment d'imprimer des pages de ces documents (mais les frontières ordinateurs / tablettes mobiles vont devenir floues). Plusieurs modèles de distribution émergeront probablement pour ces publications: l'accès sur abonnement à des vastes banques de textes numérisés, le prêt de documents numériques. 3. Dans l'univers numérique comme dans l'univers traditionnel, la distribution est en général mieux assurée par des professionnels de la distribution offrant un large catalogue de produits de marques différentes. Même si Internet est un formidable media permettant la distribution directe des livres par les auteurs (menaçant les éditeurs?) et par les éditeurs (menaçant les distributeurs?), une part extrêmement majoritaire des ventes de livres numériques sera effectuée par des distributeurs offrant des catalogues 'multi-auteurs' et 'multi-éditeurs', plus riche à consulter par les lecteurs. Ces distributeurs ne se limiteront pas nécessairement aux seules librairies en ligne actuelles (du type www.amazon.fr): il peut également s'agir de portails, ayant un accès à un grand nombre de visiteurs (du type www.yahoo.fr) ou de portails spécialisés sur des thèmes (du type www.laportedudroit.com). C'est une des manières dont le numérique peut changer le processus de distribution actuel. Ce modèle permet également de penser qu'il y a un rôle à jouer pour des 'diffuseurs numériques', offrant à ces différents points de distribution des catalogues clés en main (droits, fichiers, technologies de gestion des droits numériques). Numilog, au-delà de sa librairie www.numilog.com, a l'ambition de devenir un de ces diffuseurs. 4. Enfin, l'avenir du marché des livres numériques dépend de la possibilité de trouver un compromis entre trois éléments: le très légitime souci des auteurs et des éditeurs ne pas voir leurs oeuvres piratées et diffusées librement sur des sites Peer to Peer (du type Kazaa), la demande des lecteurs de ne pas être pénalisés en terme de droits d'usage sur les livres par une protection excessive et enfin le prix des livres numériques. Les controverses actuelles en France sur la notion d' 'exception de copie privée' dans le cadre de la transposition de la directive européenne sur la protection des droits d'auteur numériques en sont une excellente illustration, bien qu'elles se focalisent pour le moment plutôt sur la musique. On peut faire le pari que les compromis qui seront dégagés seront de nature multiples, selon le type de livres, le type de supports, le type de public et qu'aucun modèle uniforme ne s'imposera. A ce titre, les modèles cités plus haut d'accès sur abonnement à des banques de textes numériques et de sites de prêt de livres numériques sont de bonnes pistes. En ce qui concerne les livres vendus en 'pay-per-view', le prix des livres numériques s'ajustera probablement à la baisse sur les droits d'usage qui sont attachés à ces livres, une baisse de prix significative étant par ailleurs un des meilleurs moyens de limiter la tentation du piratage et de susciter la création d'un vaste marché. Enfin, de nombreux sites, y compris des sites commerciaux, proposeront des textes gratuits liés à différents usages: échange de textes au sein de communautés de recherche ou de débat, inédits testés par le public avant de passer dans le circuit commercial, textes du domaine public sans travail d'édition, extraits promotionnels de livres, livres publicitaires?... Cet espace d'accès libre à des ressources gratuites, qui se développera et représente un des bénéfices attendus d'Internet, est tout à fait compatible avec des espaces commerciaux d'accès payant et devrait même en être conçu comme complémentaire dans le cadre des multiples opportunités de synergies entre différentes formes de distribution qu'offrent les publications numériques." # [ANNEXE] COMMENTAIRES Ce travail de recherche a vu le jour dès 1995. Il s’est d’abord intitulé De l’imprimé à Internet, avec une première synthèse publiée en 1999 par les éditions 00h00 (version PDF et version imprimée) puis en 2001 par le Net des études françaises (version web). Il s’est poursuivi au fil des ans avec deux nouveaux titres: Entretiens (1998-2001), qui regroupe une centaine d’entretiens avec des professionnels du livre et apparentés, et Le Livre 010101 (1993-2003), un ouvrage de synthèse en deux volumes (voir plus haut). L'ensemble est publié en ligne sur le Net des études françaises (NEF), basé à l’Université de Toronto (Canada), tout comme nombre d’enquêtes et d’articles connexes. A la demande des adeptes du format PDF, Le Livre 010101 est également distribué gratuitement par la librairie numérique Numilog. Voici les commentaires de plusieurs participants, rassemblés pour la plupart au cours de l'année 2005. Anne-Bénédicte Joly, écrivain-éditeur, qui auto-édite ses oeuvres et les promeut sur son site web: "J’ai collaboré à trois reprises avec Marie Lebert dans le cadre de ses travaux de recherche. Non seulement l’expérience s’est parfaitement déroulée grâce au très grand professionnalisme dont Marie Lebert a su faire preuve tout au long de nos travaux (tant durant la phase analyse que durant la phase restitution avant validation), mais aussi elle a accompagné ces démarches d’un soutien et d’une communication de tous les instants. Une fois les travaux effectués et les données rassemblées dans un ouvrage, dont la qualité et la pertinence font aujourd’hui référence (dans le monde de l’édition numérique), Marie Lebert a attaché une grande importance au retour d’information auprès des personnes interviewées. Participer dans ces conditions à de tels travaux d’analyse et collaborer de cette manière ont été des étapes particulièrement intéressantes à de nombreux égards." (février 2005) Olivier Bogros, directeur de la Médiathèque de Lisieux et créateur de la Bibliothèque électronique de Lisieux: "Notre première collaboration avec Marie Lebert remonte à juin 1998, époque à laquelle elle s’était lancée dans sa série d’entretiens en ligne consacrés aux acteurs de l’internet littéraire, encore pionniers. La simplicité apparente de sa méthode faisait apparaître par la confrontation des opinions la richesse du sujet et du projet. Les mises à jour des entretiens permettent de suivre au fil des ans les modifications importantes des sites littéraires liées au développement de l’internet grand public." (mars 2005) Pierre Schweitzer, architecte designer, inventeur du projet @folio, une tablette numérique de lecture nomade: "J’ai participé en janvier 2001 aux Entretiens de Marie Lebert et découvert sa prodigieuse enquête sur le texte, le livre, l’imprimé et leurs mutations à l’heure des nouvelles technologies de l’information et d’internet. L’enquête réalisée par Marie est à ma connaissance une des plus approfondies et des mieux fouillées sur le sujet. Sortant des sentiers battus, son enquête agrège une somme impressionnante d’interviews, tout à fait remarquable par la diversité des éclairages offerts et par la variété des points de vue recueillis. Les Entretiens de Marie furent pour moi-même une source d’information passionnante et un document de référence vers lequel j’ai pris l’habitude de renvoyer mes interlocuteurs ou certains amateurs éclairés. Car son travail est aussi agréable et efficace dans sa forme: l’écriture hypertexte est investie avec passion, goût et malice: la mise en ligne et les traductions offertes en facilitent grandement l’accès. Voici en quelques mots succincts ma perception du travail patient et généreux de Marie, qui fait d’elle, à mes yeux, une des spécialistes les mieux avisés et les plus constants d’un domaine qui, malgré les soubresauts et certaines désillusions, n’a pas encore fini de nous dire ses derniers mots..." (avril 2005) Nicolas Pewny, fondateur des éditions du Choucas, puis consultant publishing et internet: "J’ai eu le plaisir de suivre les recherches de Marie Lebert. Elle s’est intéressée à l’internet et au télétravail à une époque où ils n’étaient connus que de quelques initiés. Elle a su voir très tôt les conséquences des bouleversements apportés dans le monde du livre par l’internet et les technologies numériques. Marie Lebert a fait un gigantesque travail de recherche, véritable travail de précurseur, pour en faire l’historique et la synthèse, dans ses ouvrages Le Livre 010101. Ces ouvrages sont et resteront des documents incontournables pour qui veut comprendre les mutations profondes que l’internet engendre." (février 2005) Peter Raggett, directeur du Centre de documentation et d’information (CDI) de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques): "J’ai participé aux Entretiens de Marie Lebert dans le cadre de son projet de recherche Le Livre 010101 et j’ai été impressionné par ses connaissances des derniers développements dans le domaine de l’édition électronique et par l’étude approfondie qu’elle a rédigée. Cette étude est l’une des oeuvres les plus importantes sur l’utilisation des nouvelles technologies dans l’édition." (avril 2005) Philippe Renaut, rédacteur en chef d’Edition-actu, lettre d’information de CyLibris, et gérant des éditions du Presse-Temps: "J’ai eu l’occasion de collaborer avec Marie Lebert dans le cadre de ses recherches en ligne. Marie fait preuve d’un professionnalisme et d’une honnêteté intellectuelle sans faille qui apporte à tous ses travaux une crédibilité et une dynamique exceptionnelles. Sa recherche sur l’édition en ligne, fouillée et argumentée, a été diffusée logiquement sur le web par moyens numériques, apportant ainsi une preuve supplémentaire de la conviction de Marie pour l’avènement d’une ère numérique dans la lecture et la diffusion de la culture." (avril 2005) Jean-Paul, webmestre du site hypermédia cotres.net: "C'était la dernière décennie de notre 2e millénaire. L'Histoire frappe à la porte, puis la fracasse: l'Internet (il porte encore une majuscule) fait irruption. C'est l'ère, l'erre et l'aire des pionniers de la Toile, des chemineaux de ce continent incertain que des banquiers terrorisés tentent de coloniser avant leurs concurrents, que des mohicans éblouis explorent dans le ravissement. Marie en est. Elle arpente le net (c'est encore possible pour un/e solitaire), va de l'un à l'autre, interviewe, noue des liens, suscite les rencontres, les échanges. Fidèle à l'esprit du temps, cela se fait dans la transparence, d'égal à égal, à la terrasse ouverte des cafés pas toujours virtuels. D'année en année, les mises à jour se font quasiment en direct, on peut suivre l'évolution (ultra-rapide) du bouleversement qu'opère l'impérialisme du réseau des réseaux sur toutes sortes d'activités humaines, tout particulièrement dans le royaume d'élection de Marie: l'écriture, et tout ce qui s'y rattache, de la plume (d'acier) à la presse (de plomb). Le Livre 010101 sera la somme de cette expérience: une mine d'infos et d'adresses indispensables à quiconque cherchait quelques amers dans le vaste océan du net." (décembre 2005) Marc Autret, journaliste et infographiste: "C’est tout naturellement chez Numilog que la journaliste Marie Lebert a mis en circulation sa remarquable enquête: Le Livre 010101 (version 2002, 158 pp., 1 Mo, ndlr). En quelque 158 pages, elle présente d’innombrables acteurs de l’édition numérique, leur démarche, leurs problèmes, leurs espoirs. Une somme d’entretiens et d’analyses qui, par sa densité et sa qualité, tient de la prouesse. A découvrir." (Ecrire & Editer, nº 41, décembre-janvier 2003) Denis Zwirn, président de Numilog, grande librairie de livres numériques et prestataire de services: "Marie Lebert est entrée en contact avec la société Numilog en février 2001 à l’occasion de la rédaction de son livre d’entretiens avec des spécialistes du livre électronique Le Livre 010101. Cet ouvrage, qui porte sur deux périodes (1993-1998 et 1998-2003), fait un point extrêmement complet sur l’historique et les développements actuels des livres numériques dans le monde. Il recense, compare et classifie de manière très instructive les points de vue et expériences de la plupart des pionniers de l’édition numérique, en particulier francophone. Le travail d’interviews effectué par Marie Lebert témoigne d’une grande connaissance des enjeux et problématiques de ce secteur. Il invite les spécialistes de ces nouvelles manières d’écrire, d’éditer et de distribuer des livres à engager avec Marie Lebert une discussion constructive afin d’éclaircir leur propre contribution et leur propre analyse de ce secteur. L’édition numérique représente une innovation forte et profonde de la filière livre, qui comporte des aspects multidisciplinaires et concerne des acteurs de types très différents: auteurs, éditeurs, universitaires, entreprises de commerce électronique. Marie Lebert a accompli à cet égard à travers cet ouvrage un important travail de pionnier pour en effectuer la toute première synthèse francophone existant au monde et pour la communiquer à tous les publics intéressés par ces innovations, par l’unité qu’elles peuvent receler, les paris sur lesquels elles reposent et les interrogations qu’elles soulèvent quant à son avenir. Marie Lebert est devenue de ce fait une des meilleures spécialistes mondiales du sujet. Son travail lui a par ailleurs permis de créer un réseau de communication unique entre les spécialistes du livre électronique, utile à toute la filière dans la mesure où par son intermédiaire de nombreux et utiles échanges ont pu se nouer entre différents professionnels et donner naissance à des projets concrets de coopération. Marie Lebert accomplit avec une grande rigueur un travail indispensable et qui restera une référence pour l’étude de ce nouveau secteur, porteur d’une révolution potentiellement majeure pour l’édition et au-delà pour la diffusion de la connaissance et pour l’éducation. Elle le fait avec un grand sérieux dans l’analyse, dans l’utilisation des concepts, tant théoriques que techniques ou économiques, si tant est que tous ces plans d’analyse sont nécessaires pour comprendre de manière complémentaire et en profondeur les enjeux de l’édition numérique. Son approche très objective et complète des enjeux du secteur permet par ailleurs de présenter à la fois les modèles non commerciaux d’édition numérique, liés aux approches d’écrivains inventant de nouvelles formes de création et de diffusion littéraire ou aux tenants de l’internet libre et gratuit, et les modèles commerciaux, liés aux entreprises d’édition ou aux professionnels du commerce électronique. Elle invite à réfléchir sur les contradictions et/ou les complémentarités entre ces deux types de modèles, une question essentielle qui traverse aujourd’hui toute l’économie d’internet et des biens numériques culturels. Compte tenu de sa valeur, la librairie Numilog a choisi de diffuser le travail de Marie Lebert sur son site afin que ses visiteurs puissent librement le télécharger, le consulter et mieux s’informer sur les livres numériques qui représentent notre activité principale." (février 2005) [Quelques années après, Le Livre 010101 est suivi d'un nouveau livre de synthèse, Les mutations du livre, publié en septembre 2007.] SITES ET PAGES WEB Plutôt que la bibliographie d’usage, voici une liste de sites et pages web, nettement plus facile à utiliser étant donné le sujet. Cette liste est classée par ordre alphabétique. ABU: la bibliothèque universelle: http://abu.cnam.fr/ AcqWeb’s Directory of Publishers and Vendors: http://acqweb.library.vanderbilt.edu/acqweb/pubr.html Acrobat eBook Reader: http://www.adobe.com/products/ebookreader/ Acrobat Reader: http://www.adobe.com/products/acrobat/ Acrobat Reader (France): http://www.adobe.fr/products/acrobat/ ADBS-info: http://www.adbs.fr/wws/info/adbs-info AddALL: http://www.addall.com/ Administration fédérale suisse - Dictionnaires électroniques: http://www.admin.ch/ch/f/bk/sp/dicos/dicos.html Adobe Acrobat: http://www.adobe.com/products/acrobat/ Adobe Content Server: http://www.adobe.com/products/contentserver/ Adobe eBooks Central: http://www.adobe.com/epaper/ebooks/ Adobe Reader: http://www.adobe.com/products/acrobat/readermain.html Adobe Systems: http://www.adobe.com/ Adobe Systems France: http://www.adobe.fr/ @folio: http://atfolio.u-strasbg.fr/ Agence France-Presse (AFP) - Médias: http://www.afp.com/francais/links/?cat=links Agence intergouvernementale de la francophonie (AIF): http://agence.francophonie.org/ Agence universitaire de la francophonie (AUF): http://www.auf.org/ @graph: http://www.agraph.org/ Alapage: http://www.alapage.com/ Alis Technologies: http://www.alis.com/ Amazon.com: http://www.amazon.com/ Amazon.com eBooks: http://www.amazon.com/ebooks/ Amazon.fr: http://www.amazon.fr/ American National Standards Institute (ANSI): http://www.ansi.org/ American Society for Information Science and Technology (ASIST): http://www.asis.org/ Anacoluthe: http://www.anacoluthe.com/ Analyse et traitement informatique de la langue française (ATILF): http://www.atilf.fr/ Ancion, Nicolas (site): http://ibelgique.ifrance.com/ancion/ Andrachmes, Alex (site): http://www.webserial.be.tf/ APELSE (Association pour la promotion de l’écriture et de la lecture sur support électronique): http://www.apelse.asso.fr/ APELSE - 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