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Title: Lettres persanes, tome II
Author: Montesquieu, Charles de Secondat, baron de, 1689-1755
Language: French
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*** Start of this LibraryBlog Digital Book "Lettres persanes, tome II" ***


by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at
http://gallica.bnf.fr)



LETTRES PERSANES

PAR

MONTESQUIEU

AVEC

PRÉFACE, NOTES ET VARIANTES,

INDEX

PHILOSOPHIQUE, HISTORIQUE, LITTÉRAIRE,

PAR

ANDRÉ LEFÈVRE

TOME II

PARIS

ALPHONSE LEMERRE, ÉDITEUR

27, PASSAGE CHOISEUL, 29

M DCCC LXXIII

_Tous droits réservés_.

E. Picard.


IMP. EUGÈNE HEUTTE ET Ce, A SAINT-GERMAIN.



LETTRE LXXXIX.

USBEK A RHÉDI.

A Venise.


A Paris règne la liberté et l'égalité. La naissance, la vertu, le
mérite même de la guerre, quelque brillant qu'il soit, ne sauve pas
un homme de la foule dans laquelle il est confondu. La jalousie des
rangs y est inconnue. On dit que le premier de Paris est celui qui a
les meilleurs chevaux à son carrosse.

Un grand seigneur est un homme qui voit le roi, qui parle aux
ministres, qui a des ancêtres, des dettes et des pensions. S'il peut
avec cela cacher son oisiveté par un air empressé, ou par un feint
attachement pour les plaisirs, il croit être le plus heureux de tous
les hommes.

En Perse, il n'y a de grands que ceux à qui le monarque donne
quelque part au gouvernement. Ici, il y a des gens qui sont grands
par leur naissance; mais ils sont sans crédit. Les rois font comme
ces ouvriers habiles qui, pour exécuter leurs ouvrages, se servent
toujours des machines les plus simples.

La faveur est la grande divinité des François. Le ministre est le
grand prêtre, qui lui offre bien des victimes. Ceux qui l'entourent
ne sont point habillés de blanc: tantôt sacrificateurs, et tantôt
sacrifiés, ils se dévouent eux-mêmes à leur idole avec tout le
peuple.

    A Paris, le 9 de la lune de Gemmadi 2, 1715.



LETTRE XC.

USBEK A IBBEN.

A Smyrne.


Le désir de la gloire n'est point différent de cet instinct que
toutes les créatures ont pour leur conservation. Il semble que nous
augmentons notre être, lorsque nous pouvons le porter dans la
mémoire des autres: c'est une nouvelle vie que nous acquérons, et
qui nous devient aussi précieuse que celle que nous avons reçue du
ciel.

Mais comme tous les hommes ne sont pas également attachés à la vie,
ils ne sont pas aussi également sensibles à la gloire. Cette noble
passion est bien toujours gravée dans leur coeur; mais l'imagination
et l'éducation la modifient de mille manières.

Cette différence, qui se trouve d'homme à homme, se fait encore plus
sentir de peuple à peuple.

On peut poser pour maxime que, dans chaque État, le désir de la
gloire croît avec la liberté des sujets, et diminue avec elle: la
gloire n'est jamais compagne de la servitude.

Un homme de bon sens me disoit l'autre jour: On est en France, à
bien des égards, plus libre qu'en Perse; aussi y aime-t-on plus la
gloire. Cette heureuse fantaisie fait faire à un François, avec
plaisir et avec goût, ce que votre sultan n'obtient de ses sujets
qu'en leur mettant sans cesse devant les yeux les supplices et les
récompenses.

Aussi, parmi nous, le prince est-il jaloux de l'honneur du dernier
de ses sujets. Il y a pour le maintenir des tribunaux respectables:
c'est le trésor sacré de la nation, et le seul dont le souverain
n'est pas le maître, parce qu'il ne peut l'être sans choquer ses
intérêts. Ainsi, si un sujet se trouve blessé dans son honneur par
son prince, soit par quelque préférence, soit par la moindre marque
de mépris, il quitte sur-le-champ sa cour, son emploi, son service,
et se retire chez lui.

La différence qu'il y a des troupes françoises aux vôtres, c'est que
les unes, composées d'esclaves naturellement lâches, ne surmontent
la crainte de la mort que par celle du châtiment; ce qui produit
dans l'âme un nouveau genre de terreur qui la rend comme stupide: au
lieu que les autres se présentent aux coups avec délice, et
bannissent la crainte par une satisfaction qui lui est supérieure.

Mais le sanctuaire de l'honneur, de la réputation et de la vertu,
semble être établi dans les républiques, et dans les pays où l'on
peut prononcer le mot de patrie. A Rome, à Athènes, à Lacédémone,
l'honneur payoit seul les services les plus signalés. Une couronne
de chêne ou de laurier, une statue, un éloge, étoit une récompense
immense pour une bataille gagnée ou une ville prise.

Là, un homme qui avoit fait une belle action se trouvoit
suffisamment récompensé par cette action même. Il ne pouvoit voir un
de ses compatriotes qu'il ne ressentit le plaisir d'être son
bienfaiteur; il comptoit le nombre de ses services par celui de ses
concitoyens. Tout homme est capable de faire du bien à un homme:
mais c'est ressembler aux dieux que de contribuer au bonheur d'une
société entière.

Mais cette noble émulation ne doit-elle point être entièrement
éteinte dans le coeur de vos Persans, chez qui les emplois et les
dignités ne sont que des attributs de la fantaisie du souverain? La
réputation et la vertu y sont regardées comme imaginaires, si elles
ne sont accompagnées de la faveur du prince, avec laquelle elles
naissent et meurent de même. Un homme qui a pour lui l'estime
publique n'est jamais sûr de ne pas être déshonoré demain: le voilà
aujourd'hui général d'armée; peut-être que le prince le va faire son
cuisinier, et qu'il n'aura plus à espérer d'autre éloge que celui
d'avoir fait un bon ragoût.

    A Paris, le 15 de la lune de Gemmadi 2, 1715.



LETTRE XCI.

USBEK AU MÊME.

A Smyrne.


De cette passion générale que la nation françoise a pour la gloire,
il s'est formé dans l'esprit des particuliers un certain je ne sais
quoi qu'on appelle point d'honneur: c'est proprement le caractère de
chaque profession; mais il est plus marqué chez les gens de guerre,
et c'est le point d'honneur par excellence. Il me seroit bien
difficile de te faire sentir ce que c'est; car nous n'en avons point
précisément d'idée.

Autrefois les François, surtout les nobles, ne suivoient guère
d'autres lois que celles de ce point d'honneur: elles régloient
toute la conduite de leur vie; et elles étoient si sévères qu'on ne
pouvoit, sans une peine plus cruelle que la mort, je ne dis pas les
enfreindre, mais en éluder la plus petite disposition.

Quand il s'agissoit de régler les différends, elles ne prescrivoient
guère qu'une manière de décision, qui étoit le duel, qui tranchoit
toutes les difficultés; mais ce qu'il y avoit de mal, c'est que
souvent le jugement se rendoit entre d'autres parties que celles qui
y étoient intéressées.

Pour peu qu'un homme fût connu d'un autre, il falloit qu'il entrât
dans la dispute, et qu'il payât de sa personne, comme s'il avoit été
lui-même en colère. Il se sentoit toujours honoré d'un tel choix et
d'une préférence si flatteuse; et tel qui n'auroit pas voulu donner
quatre pistoles à un homme pour le sauver de la potence, lui et
toute sa famille, ne faisoit aucune difficulté d'aller risquer pour
lui mille fois sa vie.

Cette manière de décider étoit assez mal imaginée, car de ce qu'un
homme étoit plus adroit ou plus fort qu'un autre, il ne s'ensuivoit
pas qu'il eût de meilleures raisons.

Aussi les rois l'ont-ils défendue sous des peines très-sévères; mais
c'est en vain: l'honneur, qui veut toujours régner, se révolte, et
il ne reconnoît point de lois.

Ainsi les François sont dans un état bien violent: car les mêmes
lois de l'honneur obligent un honnête homme de se venger quand il a
été offensé; mais, d'un autre côté, la justice le punit des plus
cruelles peines lorsqu'il se venge. Si l'on suit les lois de
l'honneur, on périt sur un échafaud; si l'on suit celles de la
justice, on est banni pour jamais de la société des hommes: il n'y a
donc que cette cruelle alternative, ou de mourir, ou d'être indigne
de vivre.

    A Paris, le 18 de la lune de Gemmadi 2, 1715.



LETTRE XCII.

USBEK A RUSTAN.

A Ispahan.


Il paroît ici un personnage travesti en ambassadeur de Perse, qui se
joue insolemment des deux plus grands rois du monde. Il apporte au
monarque des François des présents que le nôtre ne sauroit donner à
un roi d'Irimette ou de Géorgie; et, par sa lâche avarice, il a
flétri la majesté des deux empires.

Il s'est rendu ridicule devant un peuple qui prétend être le plus
poli de l'Europe, et il a fait dire en Occident que le roi des rois
ne domine que sur des barbares.

Il a reçu des honneurs qu'il sembloit avoir voulu se faire refuser
lui-même; et, comme si la cour de France avoit eu plus à coeur la
grandeur persane que lui, elle l'a fait paroître avec dignité devant
un peuple dont il est le mépris.

Ne dis point ceci à Ispahan: épargne la tête d'un malheureux. Je ne
veux pas que nos ministres le punissent de leur propre imprudence,
et de l'indigne choix qu'ils ont fait.

    De Paris, le dernier de la lune de Gemmadi 2, 1715.



LETTRE XCIII.

USBEK A RHÉDI.

A Venise.


Le monarque qui a si longtemps régné n'est plus[A]. Il a bien fait
parler des gens pendant sa vie; tout le monde s'est tû à sa mort.
Ferme et courageux dans ce dernier moment, il a paru ne céder qu'au
destin. Ainsi mourut le grand Cha-Abas, après avoir rempli toute la
terre de son nom.

[Note A: Il mourut le 1er septembre 1715.]

Ne crois pas que ce grand événement n'ait fait faire ici que des
réflexions morales. Chacun a pensé à ses affaires, et à prendre ses
avantages dans ce changement. Le roi, arrière-petit-fils du monarque
défunt, n'ayant que cinq ans, un prince son oncle a été déclaré
régent du royaume.

Le feu roi avoit fait un testament qui bornoit l'autorité du régent.
Ce prince habile a été au parlement; et, y exposant tous les droits
de sa naissance, il a fait casser la disposition du monarque, qui,
voulant se survivre à lui-même, sembloit avoir prétendu régner
encore après sa mort.

Les parlements ressemblent à ces ruines que l'on foule aux pieds,
mais qui rappellent toujours l'idée de quelque temple fameux par
l'ancienne religion des peuples. Ils ne se mêlent guère plus que de
rendre la justice; et leur autorité est toujours languissante, à
moins que quelque conjoncture imprévue ne vienne lui rendre la force
et la vie. Ces grands corps ont suivi le destin des choses humaines:
ils ont cédé au temps, qui détruit tout; à la corruption des
moeurs, qui a tout affoibli; à l'autorité suprême, qui a tout
abattu.

Mais le régent, qui a voulu se rendre agréable au peuple, a paru
d'abord respecter cette image de la liberté publique; et, comme s'il
avoit pensé à relever de terre le temple et l'idole, il a voulu
qu'on les regardât comme l'appui de la monarchie et le fondement de
toute autorité légitime.

    A Paris, le 4 de la lune de Rhégeb, 1715.



LETTRE XCIV.

USBEK A SON FRÈRE, SANTON AU MONASTÈRE DE CASBIN.


Je m'humilie devant toi, sacré santon, et je me prosterne: je
regarde les vestiges de tes pieds comme la prunelle de mes yeux. Ta
sainteté est si grande, qu'il semble que tu aies le coeur de notre
saint prophète; tes austérités étonnent le ciel même; les anges
t'ont regardé du sommet de la gloire, et ont dit: Comment est-il
encore sur la terre, puisque son esprit est avec nous, et vole
autour du trône qui est soutenu par les nuées?

Et comment ne t'honorerois-je pas, moi qui ai appris de nos docteurs
que les dervis, même infidèles, ont toujours un caractère de
sainteté qui les rend respectables aux vrais croyants; et que Dieu
s'est choisi dans tous les coins de la terre des âmes plus pures que
les autres, qu'il a séparées du monde impie, afin que leurs
mortifications et leurs prières ferventes suspendissent sa colère
prête à tomber sur tant de peuples rebelles?

Les chrétiens disent des merveilles de leurs premiers santons, qui
se réfugièrent à milliers dans les déserts affreux de la Thébaïde,
et eurent pour chefs Paul, Antoine et Pacôme. Si ce qu'ils en disent
est vrai, leurs vies sont aussi pleines de prodiges que celles de
nos plus sacrés immaums. Ils passoient quelquefois dix ans entiers
sans voir un seul homme: mais ils habitoient la nuit et le jour avec
des démons; ils étoient sans cesse tourmentés par ces esprits
malins; ils les trouvoient au lit, ils les trouvoient à table;
jamais d'asile contre eux. Si tout ceci est vrai, santon vénérable,
il faudroit avouer que personne n'auroit jamais vécu en plus
mauvaise compagnie.

Les chrétiens sensés regardent toutes ces histoires comme une
allégorie bien naturelle, qui nous peut servir à nous faire sentir
le malheur de la condition humaine. En vain cherchons-nous dans le
désert un état tranquille; les tentations nous suivent toujours: nos
passions, figurées par les démons, ne nous quittent point encore;
ces monstres du coeur, ces illusions de l'esprit, ces vains
fantômes de l'erreur et du mensonge, se montrent toujours à nous
pour nous séduire, et nous attaquent jusque dans les jeûnes et les
cilices, c'est-à-dire jusque dans notre force même.

Pour moi, santon vénérable, je sais que l'envoyé de Dieu a enchaîné
Satan, et l'a précipité dans les abîmes: il a purifié la terre,
autrefois pleine de son empire, et l'a rendue digne du séjour des
anges et des prophètes.

    A Paris, le 9 de la lune de Chahban, 1715.



LETTRE XCV

USBEK A RHÉDI.

A Venise.


Je n'ai jamais ouï parler du droit public, qu'on n'ait commencé par
rechercher soigneusement quelle est l'origine des sociétés; ce qui
me paroît ridicule. Si les hommes n'en formoient point, s'ils se
quittoient et se fuyoient les uns les autres, il faudroit en
demander la raison, et chercher pourquoi ils se tiennent séparés:
mais ils naissent tous liés les uns aux autres; un fils est né
auprès de son père, et il s'y tient: voilà la société, et la cause
de la société.

Le droit public est plus connu en Europe qu'en Asie: cependant on
peut dire que les passions des princes, la patience des peuples, la
flatterie des écrivains, en ont corrompu tous les principes.

Ce droit, tel qu'il est aujourd'hui, est une science qui apprend aux
princes jusqu'à quel point ils peuvent violer la justice sans
choquer leurs intérêts. Quel dessein, Rhédi, de vouloir, pour
endurcir leur conscience, mettre l'iniquité en système, d'en donner
des règles, d'en former des principes, et d'en tirer des
conséquences!

La puissance illimitée de nos sublimes sultans, qui n'a d'autre
règle qu'elle-même, ne produit pas plus de monstres que cet art
indigne qui veut faire plier la justice, tout inflexible qu'elle
est.

On diroit, Rhédi, qu'il y a deux justices toutes différentes: l'une
qui règle les affaires des particuliers, qui règne dans le droit
civil; l'autre qui règle les différends qui surviennent de peuple à
peuple, qui tyrannise dans le droit public: comme si le droit public
n'étoit pas lui-même un droit civil, non pas à la vérité d'un pays
particulier, mais du monde.

Je t'expliquerai dans une autre lettre mes pensées là-dessus.

    A Paris, le 1er de la lune de Zilhagé, 1716.



LETTRE XCVI.

USBEK AU MÊME.


Les magistrats doivent rendre la justice de citoyen à citoyen:
chaque peuple la doit rendre lui-même de lui à un autre peuple. Dans
cette seconde distribution de justice, on ne peut employer d'autres
maximes que dans la première.

De peuple à peuple, il est rarement besoin de tiers pour juger,
parce que les sujets de disputes sont presque toujours clairs et
faciles à terminer. Les intérêts de deux nations sont ordinairement
si séparés, qu'il ne faut qu'aimer la justice pour la trouver: on ne
peut guère se prévenir dans sa propre cause.

Il n'en est pas de même des différends qui arrivent entre
particuliers. Comme ils vivent en société, leurs intérêts sont si
mêlés et si confondus, il y en a tant de sortes différentes, qu'il
est nécessaire qu'un tiers débrouille ce que la cupidité des parties
cherche à obscurcir.

Il n'y a que deux sortes de guerres justes: les unes qui se font
pour repousser un ennemi qui attaque; les autres pour secourir un
allié qui est attaqué.

Il n'y auroit point de justice de faire la guerre pour des querelles
particulières du prince, à moins que le cas ne fût si grave qu'il
méritât la mort du prince, ou du peuple qui l'a commis. Ainsi un
prince ne peut faire la guerre parce qu'on lui aura refusé un
honneur qui lui est dû, ou parce qu'on aura eu quelque procédé peu
convenable à l'égard de ses ambassadeurs, et autres choses
pareilles; non plus qu'un particulier ne peut tuer celui qui lui
refuse le pas. La raison en est que, comme la déclaration de guerre
doit être un acte de justice, dans lequel il faut toujours que la
peine soit proportionnée à la faute, il faut voir si celui à qui on
déclare la guerre mérite la mort. Car faire la guerre à quelqu'un,
c'est vouloir le punir de mort.

Dans le droit public, l'acte de justice le plus sévère c'est la
guerre: puisque son but est la destruction de la société.

Les représailles sont du second degré. C'est une loi que les
tribunaux n'ont pu s'empêcher d'observer, de mesurer la peine par le
crime.

Un troisième acte de justice est de priver un prince des avantages
qu'il peut tirer de nous, proportionnant toujours la peine à
l'offense.

Le quatrième acte de justice, qui doit être le plus fréquent, est la
renonciation à l'alliance du peuple dont on a à se plaindre. Cette
peine répond à celle du bannissement établie dans les tribunaux, qui
retranche les coupables de la société. Ainsi un prince à l'alliance
duquel nous renonçons est retranché par là de notre société, et
n'est plus un de nos membres.

On ne peut pas faire de plus grand affront à un prince que de
renoncer à son alliance, ni lui faire de plus grand honneur que de
la contracter. Il n'y a rien parmi les hommes qui leur soit plus
glorieux, et même plus utile, que d'en voir d'autres toujours
attentifs à leur conservation.

Mais pour que l'alliance nous lie, il faut qu'elle soit juste: ainsi
une alliance faite entre deux nations pour en opprimer une troisième
n'est pas légitime, et on peut la violer sans crime.

Il n'est pas même de l'honneur et de la dignité du prince de
s'allier avec un tyran. On dit qu'un monarque d'Égypte fit avertir
le roi de Samos de sa cruauté et de sa tyrannie, et le somma de s'en
corriger: comme il ne le fit pas, il lui envoya dire qu'il renonçoit
à son amitié et à son alliance.

La conquête ne donne point un droit par elle-même. Lorsque le peuple
subsiste, elle est un gage de la paix et de la réparation du tort;
et, si le peuple est détruit ou dispersé, elle est le monument d'une
tyrannie.

Les traités de paix sont si sacrés parmi les hommes, qu'il semble
qu'ils soient la voix de la nature, qui réclame ses droits. Ils sont
tous légitimes, lorsque les conditions en sont telles que les deux
peuples peuvent se conserver: sans quoi, celle des deux sociétés qui
doit périr, privée de sa défense naturelle par la paix, la peut
chercher dans la guerre.

Car la nature, qui a établi les différents degrés de force et de
foiblesse parmi les hommes, a encore souvent égalé la foiblesse à la
force par le désespoir.

    A Paris, le 4 de la lune de Zilhagé, 1716.



LETTRE XCVII.

LE PREMIER EUNUQUE A USBEK.

A Paris.


Il est arrivé ici beaucoup de femmes jaunes du royaume de Visapour:
j'en ai acheté une pour ton frère le gouverneur de Mazenderan, qui
m'envoya il y a un mois son commandement sublime et cent tomans.

Je me connois en femmes, d'autant mieux qu'elles ne me surprennent
pas, et qu'en moi les yeux ne sont point troublés par les mouvements
du coeur.

Je n'ai jamais vu de beauté si régulière et si parfaite: ses yeux
brillants portent la vie sur son visage, et relèvent l'éclat d'une
couleur qui pourroit effacer tous les charmes de la Circassie.

Le premier eunuque d'un négociant d'Ispahan la marchandoit avec moi;
mais elle se déroboit dédaigneusement à ses regards, et sembloit
chercher les miens, comme si elle avoit voulu me dire qu'un vil
marchand n'étoit pas digne d'elle, et qu'elle étoit destinée à un
plus illustre époux.

Je te l'avoue, je sens dans moi-même une joie secrète quand je pense
aux charmes de cette belle personne: il me semble que je la vois
entrer dans le sérail de ton frère; je me plais à prévoir
l'étonnement de toutes ses femmes; la douleur impérieuse des unes;
l'affliction muette, mais plus douloureuse, des autres; la
consolation maligne de celles qui n'espèrent plus rien, et
l'ambition irritée de celles qui espèrent encore.

Je vais d'un bout du royaume à l'autre faire changer tout un sérail
de face. Que de passions je vais émouvoir! Que de craintes et de
peines je prépare!

Cependant, dans le trouble du dedans, le dehors ne sera pas moins
tranquille: les grandes révolutions seront cachées dans le fond du
coeur; les chagrins seront dévorés, et les joies contenues;
l'obéissance ne sera pas moins exacte, et les règles moins
inflexibles; la douceur, toujours contrainte de paroître, sortira du
fond même du désespoir.

Nous remarquons que, plus nous avons de femmes sous nos yeux, moins
elles nous donnent d'embarras. Une plus grande nécessité de plaire,
moins de facilité de s'unir, plus d'exemples de soumission, tout
cela leur forme des chaînes. Les unes sont sans cesse attentives sur
les démarches des autres: il semble que, de concert avec nous, elles
travaillent à se rendre plus dépendantes; elles font presque la
moitié de notre office, et nous ouvrent les yeux quand nous les
fermons. Que dis-je? elles irritent sans cesse le maître contre
leurs rivales; et elles ne voient pas combien elles se trouvent près
de celles qu'on punit.

Mais tout cela, magnifique seigneur, tout cela n'est rien sans la
présence du maître. Que pouvons-nous faire avec ce vain fantôme
d'une autorité qui ne se communique jamais tout entière? Nous ne
représentons que foiblement la moitié de toi-même: nous ne pouvons
que leur montrer une odieuse sévérité. Toi, tu tempères la crainte
par les espérances: plus absolu quand tu caresses, que tu ne l'es
quand tu menaces.

Reviens donc, magnifique seigneur, reviens dans ces lieux porter
partout les marques de ton empire. Viens adoucir des passions
désespérées: viens ôter tout prétexte de faillir; viens apaiser
l'amour qui murmure, et rendre le devoir même aimable; viens enfin
soulager tes fidèles eunuques d'un fardeau qui s'appesantit chaque
jour.

    Du sérail d'Ispahan, le 8 de la lune de Zilhagé, 1716.



LETTRE XCVIII.

USBEK A HASSEIN, DERVIS DE LA MONTAGNE DE JARON.


O toi, sage dervis, dont l'esprit curieux brille de tant de
connoissances, écoute ce que je vais te dire.

Il y a ici des philosophes qui, à la vérité, n'ont point atteint
jusqu'au faîte de la sagesse orientale: ils n'ont point été ravis
jusqu'au trône lumineux; ils n'ont, ni entendu les paroles
ineffables dont les concerts des anges retentissent, ni senti les
formidables accès d'une fureur divine: mais, laissés à eux-mêmes,
privés des saintes merveilles, ils suivent dans le silence les
traces de la raison humaine.

Tu ne saurois croire jusqu'où ce guide les a conduits. Ils ont
débrouillé le chaos; et ont expliqué, par une mécanique simple,
l'ordre de l'architecture divine. L'auteur de la nature a donné du
mouvement à la matière: il n'en a pas fallu davantage pour produire
cette prodigieuse variété d'effets, que nous voyons dans l'univers.

Que les législateurs ordinaires nous proposent des lois pour régler
les sociétés des hommes; des lois aussi sujettes au changement que
l'esprit de ceux qui les proposent et des peuples qui les observent:
ceux-ci ne nous parlent que des lois générales, immuables,
éternelles, qui s'observent sans aucune exception, avec un ordre,
une régularité, et une promptitude infinie, dans l'immensité des
espaces.

Et que crois-tu, homme divin, que soient ces lois? Tu t'imagines
peut-être qu'entrant dans le conseil de l'Éternel, tu vas être
étonné par la sublimité des mystères: tu renonces par avance à
comprendre; tu ne te proposes que d'admirer.

Mais tu changeras bientôt de pensée: elles n'éblouissent point par
un faux respect; leur simplicité les a fait longtemps méconnoître,
et ce n'est qu'après bien des réflexions qu'on en a connu toute la
fécondité et toute l'étendue.

La première est que tout corps tend à décrire une ligne droite, à
moins qu'il ne rencontre quelque obstacle qui l'en détourne; et la
seconde, qui n'en est qu'une suite, c'est que tout corps qui tourne
autour d'un centre tend à s'en éloigner, parce que, plus il en est
loin, plus la ligne qu'il décrit approche de la ligne droite.

Voilà, sublime dervis, la clef de la nature: voilà des principes
féconds, dont on tire des conséquences à perte de vue, comme je te
le ferai voir dans une lettre particulière.

La connoissance de cinq ou six vérités a rendu leur philosophie
pleine de miracles, et leur a fait faire plus de prodiges et de
merveilles que tout ce qu'on nous raconte de nos saints prophètes.

Car enfin je suis persuadé qu'il n'y a aucun de nos docteurs qui
n'eût été embarrassé, si on lui eût dit de peser dans une balance
tout l'air qui est autour de la terre, ou de mesurer toute l'eau qui
tombe chaque année sur sa surface; et qui n'eût pensé plus de quatre
fois, avant de dire combien de lieues le son fait dans une heure;
quel temps un rayon de lumière emploie à venir du soleil à nous;
combien de toises il y a d'ici à Saturne; quelle est la courbe selon
laquelle un vaisseau doit être taillé, pour être le meilleur voilier
qu'il soit possible.

Peut-être que si quelque homme divin avoit orné les ouvrages de ces
philosophes de paroles hautes et sublimes; s'il y avoit mêlé des
figures hardies et des allégories mystérieuses, il auroit fait un
bel ouvrage qui n'auroit cédé qu'au saint Alcoran.

Cependant, s'il te faut dire ce que je pense, je ne m'accommode
guères du style figuré. Il y a dans notre Alcoran un grand nombre de
choses puériles, qui me paroissent toujours telles, quoiqu'elles
soient relevées par la force et la vie de l'expression. Il semble
d'abord que les livres inspirés ne sont que les idées divines
rendues en langage humain: au contraire, dans nos livres saints, on
trouve le langage de Dieu, et les idées des hommes; comme si, par un
admirable caprice, Dieu y avoit dicté les paroles, et que l'homme
eût fourni les pensées.

Tu diras peut-être que je parle trop librement de ce qu'il y a de
plus saint parmi nous; tu croiras que c'est le fruit de
l'indépendance où l'on vit dans ce pays. Non, grâces au ciel,
l'esprit n'a pas corrompu le coeur; et, tandis que je vivrai, Ali
sera mon prophète.

    A Paris, le 15 de la lune de Chahban, 1716.



LETTRE XCIX.

USBEK A IBBEN.

A Smyrne.


Il n'y a point de pays au monde où la fortune soit si inconstante
que dans celui-ci. Il arrive tous les dix ans des révolutions qui
précipitent le riche dans la misère, et enlèvent le pauvre avec des
ailes rapides au comble des richesses. Celui-ci est étonné de sa
pauvreté; celui-là l'est de son abondance. Le nouveau riche admire
la sagesse de la providence; le pauvre, l'aveugle fatalité du
destin.

Ceux qui lèvent les tributs nagent au milieu des trésors: parmi eux
il y a peu de Tantales. Ils commencent pourtant ce métier par la
dernière misère: ils sont méprisés comme de la boue pendant qu'ils
sont pauvres; quand ils sont riches, on les estime assez: aussi ne
négligent-ils rien pour acquérir de l'estime.

Ils sont à présent dans une situation bien terrible. On vient
d'établir une chambre qu'on appelle de justice, parce qu'elle va
leur ravir tout leur bien. Ils ne peuvent ni détourner ni cacher
leurs effets; car on les oblige de les déclarer au juste, sous peine
de la vie: ainsi on les fait passer par un défilé bien étroit, je
veux dire entre la vie et leur argent. Pour comble d'infortune, il y
a un ministre connu par son esprit, qui les honore de ses
plaisanteries, et badine sur toutes les délibérations du conseil. On
ne trouve pas tous les jours des ministres disposés à faire rire le
peuple; et l'on doit savoir bon gré à celui-ci de l'avoir entrepris.

Le corps des laquais est plus respectable en France qu'ailleurs:
c'est un séminaire de grands seigneurs; il remplit le vide des
autres états. Ceux qui le composent prennent la place des grands
malheureux, des magistrats ruinés, des gentilshommes tués dans les
fureurs de la guerre; et quand ils ne peuvent pas suppléer par
eux-mêmes, ils relèvent toutes les grandes maisons par le moyen de
leurs filles, qui sont comme une espèce de fumier qui engraisse les
terres montagneuses et arides.

Je trouve, Ibben, la providence admirable dans la manière dont elle
a distribué les richesses: si elle ne les avoit accordées qu'aux
gens de bien, on ne les auroit pas assez distinguées de la vertu, et
on n'en auroit plus senti tout le néant. Mais quand on examine qui
sont les gens qui en sont les plus chargés, à force de mépriser les
riches, on vient enfin à mépriser les richesses.

    A Paris, le 26 de la lune de Maharram, 1717.



LETTRE C.

RICA A RHÉDI.

A Venise.


Je trouve les caprices de la mode, chez les François, étonnants. Ils
ont oublié comment ils étoient habillés cet été; ils ignorent encore
plus comment ils le seront cet hiver: mais surtout on ne sauroit
croire combien il en coûte à un mari, pour mettre sa femme à la
mode.

Que me serviroit de te faire une description exacte de leur
habillement et de leurs parures? une mode nouvelle viendroit
détruire tout mon ouvrage, comme celui de leurs ouvriers; et, avant
que tu eusses reçu ma lettre, tout seroit changé.

Une femme qui quitte Paris pour aller passer six mois à la campagne
en revient aussi antique que si elle s'y étoit oubliée trente ans.
Le fils méconnoît le portrait de sa mère, tant l'habit avec lequel
elle est peinte lui paroît étranger; il s'imagine que c'est quelque
Américaine qui y est représentée; ou que le peintre a voulu exprimer
quelqu'une de ses fantaisies.

Quelquefois les coiffures montent insensiblement; et une révolution
les fait descendre tout à coup. Il a été un temps que leur hauteur
immense mettoit le visage d'une femme au milieu d'elle-même: dans un
autre, c'étoit les pieds qui occupoient cette place; les talons
faisoient un piédestal, qui les tenoit en l'air. Qui pourroit le
croire? les architectes ont été souvent obligés de hausser, de
baisser et d'élargir leurs portes, selon que les parures des femmes
exigeoient d'eux ce changement; et les règles de leur art ont été
asservies à ces fantaisies. On voit quelquefois sur un visage une
quantité prodigieuse de mouches, et elles disparoissent toutes le
lendemain. Autrefois les femmes avoient de la taille, et des dents;
aujourd'hui il n'en est pas question. Dans cette changeante nation,
quoi qu'en dise le critique, les filles se trouvent autrement faites
que leurs mères.

Il en est des manières et de la façon de vivre comme des modes: les
François changent de moeurs selon l'âge de leur roi. Le monarque
pourroit même parvenir à rendre la nation grave, s'il l'avoit
entrepris. Le prince imprime le caractère de son esprit à la cour,
la cour à la ville, la ville aux provinces. L'âme du souverain est
un moule qui donne la forme à toutes les autres.

    De Paris, le 8 de la lune de Saphar, 1717.



LETTRE CI.

RICA AU MÊME.


Je te parlois l'autre jour de l'inconstance prodigieuse des François
sur leurs modes. Cependant il est inconcevable à quel point ils en
sont entêtés: c'est la règle avec laquelle ils jugent de tout ce qui
se fait chez les autres nations; ils y rappellent tout; ce qui est
étranger leur paroît toujours ridicule. Je t'avoue que je ne saurois
guères ajuster cette fureur pour leurs costumes avec l'inconstance
avec laquelle ils en changent tous les jours.

Quand je te dis qu'ils méprisent tout ce qui est étranger, je ne te
parle que des bagatelles; car, sur les choses importantes, ils
semblent s'être méfiés d'eux-mêmes jusqu'à se dégrader. Ils avouent
de bon coeur que les autres peuples sont plus sages, pourvu qu'on
convienne qu'ils sont mieux vêtus: ils veulent bien s'assujettir aux
lois d'une nation rivale, pourvu que les perruquiers françois
décident en législateurs sur la forme des perruques étrangères. Rien
ne leur paroît si beau que de voir le goût de leurs cuisiniers
régner du septentrion au midi; et les ordonnances de leurs
coiffeuses portées dans toutes les toilettes de l'Europe.

Avec ces nobles avantages, que leur importe que le bon sens leur
vienne d'ailleurs, et qu'ils aient pris de leurs voisins tout ce qui
concerne le gouvernement politique et civil?

Qui peut penser qu'un royaume, le plus ancien et le plus puissant de
l'Europe, soit gouverné, depuis plus de dix siècles, par des lois
qui ne sont pas faites pour lui? Si les François avoient été
conquis, ceci ne seroit pas difficile à comprendre: mais ils sont
les conquérants.

Ils ont abandonné les lois anciennes, faites par leurs premiers rois
dans les assemblées générales de la nation; et ce qu'il y a de
singulier, c'est que les lois romaines, qu'ils ont prises à la
place, étoient en partie faites et en partie rédigées par des
empereurs contemporains de leurs législateurs.

Et afin que l'acquisition fût entière, et que tout le bon sens leur
vînt d'ailleurs, ils ont adopté toutes les constitutions des papes,
et en ont fait une nouvelle partie de leur droit: nouveau genre de
servitude.

Il est vrai que, dans les derniers temps, on a rédigé par écrit
quelques statuts des villes et des provinces: mais ils sont presque
tous pris du droit romain.

Cette abondance de lois adoptées, et pour ainsi dire naturalisées,
est si grande qu'elle accable également la justice et les juges.
Mais ces volumes de lois ne sont rien en comparaison de cette armée
effroyable de glossateurs, de commentateurs, de compilateurs; gens
aussi foibles par le peu de justesse de leur esprit qu'ils sont
forts par leur nombre prodigieux.

Ce n'est pas tout: ces lois étrangères ont introduit des formalités
qui sont la honte de la raison humaine. Il seroit assez difficile de
décider si la forme s'est rendue plus pernicieuse, lorsqu'elle est
entrée dans la jurisprudence, ou lorsqu'elle s'est logée dans la
médecine; si elle a fait plus de ravages sous la robe d'un
jurisconsulte que sous le large chapeau d'un médecin; et si dans
l'une elle a plus ruiné de gens qu'elle n'en a tué dans l'autre.

    De Paris, le 17 de la lune de Saphar, 1717.



LETTRE CII.

USBEK A ***.


On parle toujours ici de la constitution. J'entrai l'autre jour dans
une maison où je vis d'abord un gros homme avec un teint vermeil,
qui disoit d'une voix forte: J'ai donné mon mandement; je n'irai
point répondre à tout ce que vous dites; mais lisez-le, ce
mandement; et vous verrez que j'y ai résolu tous vos doutes. Il m'a
fallu bien suer pour le faire, dit-il en portant la main sur le
front; j'ai eu besoin de toute ma doctrine; et il m'a fallu lire
bien des auteurs latins. Je le crois, dit un homme qui se trouva là,
car c'est un bel ouvrage; et je défie ce jésuite qui vient si
souvent vous voir d'en faire un meilleur. Eh bien, lisez-le donc,
reprit-il, et vous serez plus instruit sur ces matières dans un
quart d'heure, que si je vous en avois parlé deux heures. Voilà
comme il évitoit d'entrer en conversation, et de commettre sa
suffisance. Mais, comme il se vit pressé, il fut obligé de sortir de
ses retranchements; et il commença à dire théologiquement force
sottises, soutenu d'un dervis qui les lui rendoit très-respectueusement.
Quand deux hommes qui étoient là lui nioient quelque principe, il disoit
d'abord: Cela est certain, nous l'avons jugé ainsi; et nous sommes des
juges infaillibles. Et comment, lui dis-je pour lors, êtes-vous des
juges infaillibles? Ne voyez-vous pas, reprit-il, que le Saint-Esprit
nous éclaire? Cela est heureux, lui répondis-je; car, de la manière dont
vous avez parlé tout aujourd'hui, je reconnois que vous avez grand
besoin d'être éclairé.

    De Paris, le 18 de la lune de Rebiab 1, 1717.



LETTRE CIII.

USBEK A IBBEN.

A Smyrne.


Les plus puissants États de l'Europe sont ceux de l'empereur, des
rois de France, d'Espagne et d'Angleterre. L'Italie et une grande
partie de l'Allemagne sont partagées en un nombre infini de petits
États, dont les princes sont, à proprement parler, les martyrs de la
souveraineté. Nos glorieux sultans ont plus de femmes que la plupart
de ces princes n'ont de sujets. Ceux d'Italie, qui ne sont pas si
unis, sont plus à plaindre: leurs États sont ouverts comme des
caravansérails, où ils sont obligés de loger les premiers qui
viennent: il faut donc qu'ils s'attachent aux grands princes, et
leur fassent part de leur frayeur, plutôt que de leur amitié.

La plupart des gouvernements d'Europe sont monarchiques, ou plutôt
sont ainsi appelés: car je ne sais pas s'il y en a jamais eu
véritablement de tels; au moins est-il impossible qu'ils aient
subsisté longtemps dans leur pureté. C'est un état violent, qui
dégénère toujours en despotisme, ou en république: la puissance ne
peut jamais être également partagée entre le peuple et le prince;
l'équilibre est trop difficile à garder: il faut que le pouvoir
diminue d'un côté pendant qu'il augmente de l'autre; mais l'avantage
est ordinairement du côté du prince, qui est à la tête des armées.

Aussi le pouvoir des rois d'Europe est-il bien grand, et on peut
dire qu'ils l'ont tel qu'ils le veulent: mais ils ne l'exercent
point avec tant d'étendue que nos sultans; premièrement, parce
qu'ils ne veulent point choquer les moeurs et la religion des
peuples; secondement, parce qu'il n'est pas de leur intérêt de le
porter si loin.

Rien ne rapproche plus les princes de la condition de leurs sujets,
que cet immense pouvoir qu'ils exercent sur eux; rien ne les soumet
plus aux revers, et aux caprices de la fortune.

L'usage où ils sont de faire mourir tous ceux qui leur déplaisent,
au moindre signe qu'ils font, renverse la proportion qui doit être
entre les fautes et les peines, qui est comme l'âme des États et
l'harmonie des empires; et cette proportion, scrupuleusement gardée
par les princes chrétiens, leur donne un avantage infini sur nos
sultans.

Un Persan qui, par imprudence ou par malheur, s'est attiré la
disgrâce du prince, est sûr de mourir: la moindre faute ou le
moindre caprice le met dans cette nécessité. Mais s'il avoit attenté
à la vie de son souverain, s'il avoit voulu livrer ses places aux
ennemis, il en seroit aussi quitte pour perdre la vie: il ne court
donc pas plus de risque dans ce dernier cas que dans le premier.

Aussi, dans la moindre disgrâce, voyant la mort certaine, et ne
voyant rien de pis, il se porte naturellement à troubler l'État, et
à conspirer contre le souverain; seule ressource qui lui reste.

Il n'en est pas de même des grands d'Europe, à qui la disgrâce n'ôte
rien que la bienveillance et la faveur. Ils se retirent de la cour,
et ne songent qu'à jouir d'une vie tranquille et des avantages de
leur naissance. Comme on ne les fait guères périr que pour le crime
de lèse-majesté, ils craignent d'y tomber, par la considération de
ce qu'ils ont à perdre, et du peu qu'ils ont à gagner: ce qui fait
qu'on voit peu de révoltes, et peu de princes morts d'une mort
violente.

Si, dans cette autorité illimitée qu'ont nos princes, ils
n'apportoient pas tant de précautions pour mettre leur vie en
sûreté, ils ne vivroient pas un jour; et s'ils n'avoient à leur
solde un nombre innombrable de troupes, pour tyranniser le reste de
leurs sujets, leur empire ne subsisteroit pas un mois.

Il n'y a que quatre ou cinq siècles qu'un roi de France prit des
gardes, contre l'usage de ces temps-là, pour se garantir des
assassins qu'un petit prince d'Asie avoit envoyés pour le faire
périr: jusque-là les rois avoient vécu tranquilles au milieu de
leurs sujets, comme des pères au milieu de leurs enfants.

Bien loin que les rois de France puissent de leur propre mouvement
ôter la vie à un de leurs sujets, comme nos sultans, ils portent au
contraire toujours avec eux la grâce de tous les criminels; il
suffit qu'un homme ait été assez heureux pour voir l'auguste visage
de son prince, pour qu'il cesse d'être indigne de vivre. Ces
monarques sont comme le soleil, qui porte partout la chaleur et la
vie.

    De Paris, le 8 de la lune de Rebiab 2, 1717.



LETTRE CIV.

USBEK AU MÊME.


Pour suivre l'idée de ma dernière lettre, voici à peu près ce que me
disoit l'autre jour un Européen assez sensé:

Le plus mauvais parti que les princes d'Asie aient pu prendre, c'est
de se cacher comme ils font. Ils veulent se rendre plus
respectables: mais ils font respecter la royauté, et non pas le roi;
et attachent l'esprit des sujets à un certain trône, et non pas à
une certaine personne.

Cette puissance invisible qui gouverne est toujours la même pour le
peuple. Quoique dix rois, qu'il ne connoît que de nom, se soient
égorgés l'un après l'autre, il ne sent aucune différence: c'est
comme s'il avoit été gouverné successivement par des esprits.

Si le détestable parricide de notre grand roi Henri IV avoit porté
ce coup sur un roi des Indes, maître du sceau royal et d'un trésor
immense, qui auroit semblé amassé pour lui, il auroit pris
tranquillement les rênes de l'empire, sans qu'un seul homme eût
pensé à réclamer son roi, sa famille et ses enfants.

On s'étonne de ce qu'il n'y a presque jamais de changement dans le
gouvernement des princes d'Orient; et d'où vient cela, si ce n'est
de ce qu'il est tyrannique et affreux?

Les changements ne peuvent être faits que par le prince, ou par le
peuple; mais là, les princes n'ont garde d'en faire, parce que, dans
un si haut degré de puissance, ils ont tout ce qu'ils peuvent avoir;
s'ils changeoient quelque chose, ce ne pourroit être qu'à leur
préjudice.

Quant aux sujets, si quelqu'un d'eux forme quelque résolution, il ne
sauroit l'exécuter sur l'État; il faudroit qu'il contre-balançât
tout à coup une puissance redoutable et toujours unique; le temps
lui manque comme les moyens: mais il n'a qu'à aller à la source de
ce pouvoir; et il ne lui faut qu'un bras et qu'un instant.

Le meurtrier monte sur le trône pendant que le monarque en descend,
tombe, et va expirer à ses pieds.

Un mécontent en Europe songe à entretenir quelque intelligence
secrète, à se jeter chez les ennemis, à se saisir de quelque place,
à exciter quelques vains murmures parmi les sujets. Un mécontent en
Asie va droit au prince, étonne, frappe, renverse: il en efface
jusqu'à l'idée; dans un instant l'esclave et le maître; dans un
instant usurpateur et légitime.

Malheureux le roi qui n'a qu'une tête! il semble ne réunir sur elle
toute sa puissance, que pour indiquer au premier ambitieux l'endroit
où il la trouvera tout entière.

    De Paris, le 17 de la lune de Rebiab 2, 1717.



LETTRE CV.

USBEK AU MÊME.


Tous les peuples d'Europe ne sont pas également soumis à leurs
princes: par exemple, l'humeur impatiente des Anglois ne laisse
guère à leur roi le temps d'appesantir son autorité; la soumission
et l'obéissance sont les vertus dont ils se piquent le moins. Ils
disent là-dessus des choses bien extraordinaires. Selon eux, il n'y
a qu'un lien qui puisse attacher les hommes, qui est celui de la
gratitude: un mari, une femme, un père et un fils, ne sont liés
entre eux que par l'amour qu'ils se portent, ou par les bienfaits
qu'ils se procurent; et ces motifs divers de reconnoissance sont
l'origine de tous les royaumes, et de toutes les sociétés.

Mais si un prince, bien loin de faire vivre ses sujets heureux, veut
les accabler et les détruire, le fondement de l'obéissance cesse;
rien ne les lie, rien ne les attache à lui; et ils rentrent dans
leur liberté naturelle. Ils soutiennent que tout pouvoir sans bornes
ne sauroit être légitime, parce qu'il n'a jamais pu avoir d'origine
légitime. Car nous ne pouvons pas, disent-ils, donner à un autre
plus de pouvoir sur nous que nous n'en avons nous-mêmes: or nous
n'avons pas sur nous-mêmes un pouvoir sans bornes; par exemple, nous
ne pouvons pas nous ôter la vie: personne n'a donc, concluent-ils,
sur la terre un tel pouvoir.

Le crime de lèse-majesté n'est autre chose, selon eux, que le crime
que le plus foible commet contre le plus fort, en lui désobéissant,
de quelque manière qu'il lui désobéisse. Aussi le peuple
d'Angleterre, qui se trouva le plus fort contre un de leurs rois,
déclara-t-il que c'était un crime de lèse-majesté à un prince de
faire la guerre à ses sujets. Ils ont donc grande raison, quand ils
disent que le précepte de leur Alcoran, qui ordonne de se soumettre
aux puissances, n'est pas bien difficile à suivre, puisqu'il leur
est impossible de ne le pas observer: d'autant que ce n'est pas au
plus vertueux qu'on les oblige de se soumettre, mais à celui qui est
le plus fort.

Les Anglois disent qu'un de leurs rois, qui avoit vaincu et pris
prisonnier un prince qui s'étoit révolté et lui disputoit la
couronne, ayant voulu lui reprocher son infidélité et sa perfidie:
Il n'y a qu'un moment, dit le prince infortuné, qu'il vient d'être
décidé lequel de nous deux est le traître.

Un usurpateur déclare rebelles tous ceux qui n'ont point opprimé la
patrie comme lui: et, croyant qu'il n'y a pas de loi là où il ne
voit point de juges, il fait révérer, comme des arrêts du ciel, les
caprices du hasard et de la fortune.

    De Paris, le 20 de la lune de Rebiab 2, 1717.



LETTRE CVI.

RHÉDI A USBEK.

A Paris.


Tu m'as beaucoup parlé, dans une de tes lettres, des sciences et des
arts cultivés en Occident. Tu me vas regarder comme un barbare; mais
je ne sais si l'utilité que l'on en retire dédommage les hommes du
mauvais usage que l'on en fait tous les jours.

J'ai ouï dire que la seule invention des bombes avoit ôté la liberté
à tous les peuples d'Europe. Les princes ne pouvant plus confier la
garde des places aux bourgeois, qui, à la première bombe, se
seroient rendus, ont eu un prétexte pour entretenir de gros corps de
troupes réglées, avec lesquelles ils ont dans la suite opprimé leurs
sujets.

Tu sais que, depuis l'invention de la poudre, il n'y a plus de
places imprenables; c'est-à-dire, Usbek, qu'il n'y a plus d'asile
sur la terre contre l'injustice et la violence.

Je tremble toujours qu'on ne parvienne à la fin à découvrir quelque
secret qui fournisse une voie plus abrégée pour faire périr les
hommes, détruire les peuples et les nations entières.

Tu as lu les historiens; fais-y bien attention: presque toutes les
monarchies n'ont été fondées que sur l'ignorance des arts, et n'ont
été détruites que parce qu'on les a trop cultivés. L'ancien empire
de Perse peut nous en fournir un exemple domestique.

Il n'y a pas longtemps que je suis en Europe; mais j'ai ouï parler à
des gens sensés des ravages de la chimie: il semble que ce soit un
quatrième fléau qui ruine les hommes et les détruit en détail, mais
continuellement; tandis que la guerre, la peste, la famine, les
détruisent en gros, mais par intervalles.

Que nous a servi l'invention de la boussole, et la découverte de
tant de peuples, qu'à nous communiquer leurs maladies plutôt que
leurs richesses? L'or et l'argent avoient été établis, par une
convention générale, pour être le prix de toutes les marchandises et
un gage de leur valeur, par la raison que ces métaux étoient rares,
et inutiles à tout autre usage: que nous importoit-il donc qu'ils
devinssent plus communs, et que, pour marquer la valeur d'une
denrée, nous eussions deux ou trois signes au lieu d'un? Cela n'en
étoit que plus incommode.

Mais, d'un autre côté, cette invention a été bien pernicieuse aux
pays qui ont été découverts. Les nations entières ont été détruites;
et les hommes qui ont échappé à la mort ont été réduits à une
servitude si rude, que le récit en a fait frémir les musulmans.

Heureuse l'ignorance des enfants de Mahomet! Aimable simplicité, si
chérie de notre saint prophète, vous me rappelez toujours la naïveté
des anciens temps, et la tranquillité qui régnoit dans le coeur de
nos premiers pères.

    De Venise, le 2 de la lune de Rhamazan, 1717.



LETTRE CVII.

USBEK A RHÉDI.

A Venise.


Ou tu ne penses pas ce que tu dis, ou bien tu fais mieux que tu ne
penses. Tu as quitté ta patrie pour t'instruire, et tu méprises
toute instruction: tu viens pour te former dans un pays où l'on
cultive les beaux-arts, et tu les regardes comme pernicieux. Te le
dirai-je, Rhédi? je suis plus d'accord avec toi que tu ne l'es avec
toi-même.

As-tu bien réfléchi à l'état barbare et malheureux où nous
entraîneroit la perte des arts? Il n'est pas nécessaire de se
l'imaginer, on peut le voir. Il y a encore des peuples sur la terre
chez lesquels un singe passablement instruit pourroit vivre avec
honneur; il s'y trouveroit à peu près à la portée des autres
habitants: on ne lui trouveroit point l'esprit singulier, ni le
caractère bizarre; il passeroit tout comme un autre, et seroit
distingué même par sa gentillesse.

Tu dis que les fondateurs des empires ont presque tous ignoré les
arts. Je ne te nie pas que des peuples barbares n'aient pu, comme
des torrents impétueux, se répandre sur la terre, et couvrir de
leurs armées féroces les royaumes les mieux policés. Mais, prends-y
garde, ils ont appris les arts ou les ont fait exercer aux peuples
vaincus; sans cela leur puissance auroit passé comme le bruit du
tonnerre et des tempêtes.

Tu crains, dis-tu, que l'on n'invente quelque manière de destruction
plus cruelle que celle qui est en usage. Non: si une fatale
invention venoit à se découvrir, elle seroit bientôt prohibée par le
droit des gens; et le consentement unanime des nations enseveliroit
cette découverte. Il n'est point de l'intérêt des princes de faire
des conquêtes par de pareilles voies: ils doivent chercher des
sujets, et non pas des terres.

Tu te plains de l'invention de la poudre et des bombes; tu trouves
étrange qu'il n'y ait plus de place imprenable: c'est-à-dire que tu
trouves étrange que les guerres soient aujourd'hui terminées plus
tôt qu'elles ne l'étoient autrefois.

Tu dois avoir remarqué, en lisant les histoires, que, depuis
l'invention de la poudre, les batailles sont beaucoup moins
sanglantes qu'elles ne l'étoient, parce qu'il n'y a presque plus de
mêlée.

Et quand il se seroit trouvé quelque cas particulier où un art
auroit été préjudiciable, doit-on pour cela le rejeter? Penses-tu,
Rhédi, que la religion que notre saint prophète a apportée du ciel
soit pernicieuse, parce qu'elle servira quelque jour à confondre les
perfides chrétiens?

Tu crois que les arts amollissent les peuples, et par là sont cause
de la chute des empires. Tu parles de la ruine de celui des anciens
Perses, qui fut l'effet de leur mollesse; mais il s'en faut bien que
cet exemple décide, puisque les Grecs, qui les subjuguèrent,
cultivoient les arts avec infiniment plus de soin qu'eux.

Quand on dit que les arts rendent les hommes efféminés, on ne parle
pas du moins des gens qui s'y appliquent, puisqu'ils ne sont jamais
dans l'oisiveté, qui, de tous les vices, est celui qui amollit le
plus le courage.

Il n'est donc question que de ceux qui en jouissent. Mais comme dans
un pays policé ceux qui jouissent des commodités d'un art sont
obligés d'en cultiver un autre, à moins que de se voir réduits à une
pauvreté honteuse, il s'ensuit que l'oisiveté et la mollesse sont
incompatibles avec les arts.

Paris est peut-être la ville du monde la plus sensuelle, et où l'on
raffine le plus sur les plaisirs; mais c'est peut-être celle où l'on
mène une vie plus dure. Pour qu'un homme vive délicieusement, il
faut que cent autres travaillent sans relâche. Une femme s'est mis
dans la tête qu'elle devoit paroître à une assemblée avec une
certaine parure; il faut que dès ce moment cinquante artisans ne
dorment plus, et n'aient plus le loisir de boire et de manger: elle
commande, et elle est obéie plus promptement que ne seroit notre
monarque; parce que l'intérêt est le plus grand monarque de la
terre.

Cette ardeur pour le travail, cette passion de s'enrichir, passe de
condition en condition, depuis les artisans jusqu'aux grands.
Personne n'aime à être plus pauvre que celui qu'il vient de voir
immédiatement au-dessous de lui. Vous voyez à Paris un homme qui a
de quoi vivre jusqu'au jour du jugement, qui travaille sans cesse,
et court risque d'accourcir ses jours pour amasser, dit-il, de quoi
vivre.

Le même esprit gagne la nation; on n'y voit que travail et
qu'industrie: où est donc ce peuple efféminé dont tu parles tant?

Je suppose, Rhédi, qu'on ne souffrît dans un royaume que les arts
absolument nécessaires à la culture des terres, qui sont pourtant en
grand nombre, et qu'on en bannît tous ceux qui ne servent qu'à la
volupté ou à la fantaisie, je le soutiens, cet État seroit le plus
misérable qu'il y eût au monde.

Quand les habitants auroient assez de courage pour se passer de tant
de choses qu'ils doivent à leurs besoins, le peuple dépériroit tous
les jours; et l'État deviendroit si foible, qu'il n'y auroit si
petite puissance qui ne fût en état de le conquérir.

Je pourrois entrer ici dans un long détail, et te faire voir que les
revenus des particuliers cesseroient presque absolument, et par
conséquent ceux du prince. Il n'y auroit presque plus de relation de
facultés entre les citoyens; cette circulation de richesses et cette
progression de revenus, qui vient de la dépendance où sont les arts
les uns des autres, cesseroient absolument; chacun ne tireroit de
revenu que de sa terre, et n'en tireroit précisément que ce qu'il
lui faut pour ne pas mourir de faim. Mais, comme ce n'est pas la
centième partie du revenu d'un royaume, il faudroit que le nombre
des habitants diminuât à proportion, et qu'il n'en restât que la
centième partie.

Fais bien attention jusqu'où vont les revenus de l'industrie. Un
fonds ne produit annuellement à son maître que la vingtième partie
de sa valeur; mais, avec une pistole de couleur, un peintre fera un
tableau qui lui en vaudra cinquante. On en peut dire de même des
orfèvres, des ouvriers en laine, en soie, et de toutes sortes
d'artisans.

De tout ceci il faut conclure, Rhédi, que pour qu'un prince soit
puissant, il faut que ses sujets vivent dans les délices; il faut
qu'il travaille à leur procurer toutes sortes de superfluités avec
autant d'attention que les nécessités de la vie.

    De Paris, le 14 de la lune de Chalval, 1717.



LETTRE CVIII.

RICA A IBBEN.

A Smyrne.


J'ai vu le jeune monarque: sa vie est bien précieuse à ses sujets;
elle ne l'est pas moins à toute l'Europe, par les grands troubles
que sa mort pourroit produire. Mais les rois sont comme les dieux;
et, pendant qu'ils vivent, on doit les croire immortels. Sa
physionomie est majestueuse, mais charmante: une belle éducation
semble concourir avec un heureux naturel, et promet déjà un grand
prince.

On dit que l'on ne peut jamais connoître le caractère des rois
d'Occident jusqu'à ce qu'ils aient passé par les deux grandes
épreuves, de leur maîtresse, et de leur confesseur. On verra bientôt
l'un et l'autre travailler à se saisir de l'esprit de celui-ci; et
il se livrera pour cela de grands combats. Car, sous un jeune
prince, ces deux puissances sont toujours rivales; mais elles se
concilient et se réunissent sous un vieux. Sous un jeune prince, le
dervis a un rôle bien difficile à soutenir: la force du roi fait sa
foiblesse; mais l'autre triomphe également de sa foiblesse et de sa
force.

Lorsque j'arrivai en France, je trouvai le feu roi absolument
gouverné par les femmes; et cependant, dans l'âge où il étoit, je
crois que c'étoit le monarque de la terre qui en avoit le moins de
besoin. J'entendis un jour une femme qui disoit: Il faut que l'on
fasse quelque chose pour ce jeune colonel, sa valeur m'est connue;
j'en parlerai au ministre. Une autre disoit: Il est surprenant que
ce jeune abbé ait été oublié; il faut qu'il soit évêque: il est
homme de naissance, et je pourrois répondre de ses moeurs. Il ne
faut pas pourtant que tu t'imagines que celles qui tenoient ces
discours fussent des favorites du prince; elles ne lui avoient
peut-être pas parlé deux fois en leur vie: chose pourtant
très-facile à faire chez les princes européens. Mais c'est qu'il n'y
a personne qui ait quelque emploi à la cour, dans Paris ou dans les
provinces, qui n'ait une femme par les mains de laquelle passent
toutes les grâces et quelquefois les injustices qu'il peut faire.
Ces femmes ont toutes des relations les unes avec les autres, et
forment une espèce de république, dont les membres toujours actifs
se secourent et se servent mutuellement: c'est comme un nouvel État
dans l'État; et celui qui est à la cour, à Paris, dans les
provinces, qui voit agir des ministres, des magistrats, des prélats,
s'il ne connoît les femmes qui les gouvernent, est comme un homme
qui voit bien une machine qui joue, mais qui n'en connoît point les
ressorts.

Crois-tu, Ibben, qu'une femme s'avise d'être la maîtresse d'un
ministre pour coucher avec lui? Quelle idée! c'est pour lui
présenter cinq ou six placets tous les matins; et la bonté de leur
naturel paroît dans l'empressement qu'elles ont de faire du bien à
une infinité de gens malheureux, qui leur procurent cent mille
livres de rente.

On se plaint en Perse de ce que le royaume est gouverné par deux ou
trois femmes: c'est bien pis en France, où les femmes en général
gouvernent, et prennent non-seulement en gros, mais même se
partagent en détail, toute l'autorité.

    De Paris, le dernier de la lune de Chalval, 1717.



LETTRE CIX.

USBEK A ***.


Il y a une espèce de livres que nous ne connoissons point en Perse,
et qui me paroissent ici fort à la mode: ce sont les journaux. La
paresse se sent flattée en les lisant: on est ravi de pouvoir
parcourir trente volumes en un quart d'heure.

Dans la plupart des livres, l'auteur n'a pas fait les compliments
ordinaires, que les lecteurs sont aux abois: il les fait entrer à
demi morts dans une matière noyée au milieu d'une mer de paroles.
Celui-ci veut s'immortaliser par un in-douze; celui-là, par un
in-quarto; un autre, qui a de plus belles inclinations, vise à
l'in-folio; il faut donc qu'il étende son sujet à proportion; ce
qu'il fait sans pitié, comptant pour rien la peine du pauvre
lecteur, qui se tue à réduire ce que l'auteur a pris tant de peine à
amplifier.

Je ne sais, ***, quel mérite il y a à faire de pareils ouvrages:
j'en ferois bien autant si je voulois ruiner ma santé et un
libraire.

Le grand tort qu'ont les journalistes, c'est qu'ils ne parlent que
des livres nouveaux: comme si la vérité étoit jamais nouvelle. Il me
semble que, jusqu'à ce qu'un homme ait lu tous les livres anciens,
il n'a aucune raison de leur préférer les nouveaux.

Mais lorsqu'ils s'imposent la loi de ne parler que des ouvrages
encore tout chauds de la forge, ils s'en imposent un autre, qui est
d'être très-ennuyeux. Ils n'ont garde de critiquer les livres dont
ils font les extraits, quelque raison qu'ils en aient; et, en effet,
quel est l'homme assez hardi pour vouloir se faire dix ou douze
ennemis tous les mois?

La plupart des auteurs ressemblent aux poëtes, qui souffriront une
volée de coups de bâton sans se plaindre; mais qui, peu jaloux de
leurs épaules, le sont si fort de leurs ouvrages, qu'ils ne
sauroient soutenir la moindre critique. Il faut donc bien se donner
de garde de les attaquer par un endroit si sensible; et les
journalistes le savent bien. Ils font donc tout le contraire; ils
commencent par louer la matière qui est traitée: première fadeur; de
là ils passent aux louanges de l'auteur; louanges forcées: car ils
ont affaire à des gens qui sont encore en haleine, tout prêts à se
faire faire raison, et à foudroyer à coups de plume un téméraire
journaliste.

    De Paris, le 5 de la lune de Zilcadé, 1718.



LETTRE CX.

RICA A ***.


L'université de Paris est la fille aînée des rois de France, et
très-aînée; car elle a plus de neuf cents ans: aussi rêve-t-elle
quelquefois.

On m'a conté qu'elle eut, il y a quelque temps, un grand démêlé avec
quelques docteurs à l'occasion de la lettre Q[B], qu'elle vouloit
que l'on prononçât comme un K. La dispute s'échauffa si fort, que
quelques-uns furent dépouillés de leurs biens: il fallut que le
parlement terminât le différend; et il accorda permission, par un
arrêt solennel, à tous les sujets du roi de France de prononcer
cette lettre à leur fantaisie. Il faisoit beau voir les deux corps
de l'Europe les plus respectables occupés à décider du sort d'une
lettre de l'alphabet.

[Note B: Il veut parler de la querelle de Ramus.]

Il semble, mon cher ***, que les têtes des plus grands hommes
s'étrécissent lorsqu'elles sont assemblées; et que, là où il y a
plus de sages, il y ait aussi moins de sagesse. Les grands corps
s'attachent toujours si fort aux minuties, aux formalités, aux vains
usages, que l'essentiel ne va jamais qu'après. J'ai ouï dire qu'un
roi d'Arragon[C] ayant assemblé les états d'Arragon et de Catalogne,
les premières séances s'employèrent à décider en quelle langue les
délibérations seroient conçues: la dispute étoit vive, et les états
se seroient rompus mille fois, si l'on n'avoit imaginé un expédient,
qui étoit que la demande seroit faite en langage catalan, et la
réponse en arragonois.

[Note C: C'était en 1610.]

    De Paris, le 25 de la lune de Zilhagé, 1718.



LETTRE CXI.

RICA A ***.


Le rôle d'une jolie femme est beaucoup plus grave que l'on ne pense.
Il n'y a rien de plus sérieux que ce qui se passe le matin à sa
toilette, au milieu de ses domestiques; un général d'armée n'emploie
pas plus d'attention à placer sa droite ou son corps de réserve,
qu'elle en met à poster une mouche qui peut manquer, mais dont elle
espère ou prévoit le succès.

Quelle gêne d'esprit, quelle attention, pour concilier sans cesse
les intérêts de deux rivaux, pour paroître neutre à tous les deux,
pendant qu'elle est livrée à l'un et à l'autre, et se rendre
médiatrice sur tous les sujets de plainte qu'elle leur donne!

Quelle occupation pour faire venir parties de plaisir sur parties,
les faire succéder et renaître sans cesse, et prévenir tous les
accidents qui pourroient les rompre!

Avec tout cela, la plus grande peine n'est pas de se divertir; c'est
de le paroître: ennuyez-les tant que vous voudrez, elles vous le
pardonneront, pourvu que l'on puisse croire qu'elles se sont bien
réjouies.

Je fus, il y a quelques jours, d'un souper que des femmes firent à
la campagne. Dans le chemin elles disoient sans cesse: Au moins, il
faudra bien rire et bien nous divertir.

Nous nous trouvâmes assez mal assortis, et par conséquent assez
sérieux. Il faut avouer, dit une de ces femmes, que nous nous
divertissons bien: il n'y a pas aujourd'hui dans Paris une partie
aussi gaie que la nôtre. Comme l'ennui me gagnoit, une femme me
secoua, et me dit: Eh bien! ne sommes-nous pas de bonne humeur? Oui,
lui répondis-je en bâillant; je crois que je crèverai à force de
rire. Cependant la tristesse triomphoit toujours des réflexions; et,
quant à moi, je me sentis conduit de bâillement en bâillement dans
un sommeil léthargique, qui finit tous mes plaisirs.

    De Paris, le 11 de la lune de Maharram, 1718.



LETTRE CXII.

USBEK A ***.


Le règne du feu roi a été si long, que la fin en avoit fait oublier
le commencement. C'est aujourd'hui la mode de ne s'occuper que des
événements arrivés dans sa minorité; et on ne lit plus que les
mémoires de ces temps-là.

Voici le discours qu'un des généraux de la ville de Paris prononça
dans un conseil de guerre: et j'avoue que je n'y comprends pas
grand'chose.

«Messieurs, quoique nos troupes aient été repoussées avec perte, je
crois qu'il nous sera facile de réparer cet échec. J'ai six couplets
de chanson tout prêts à mettre au jour, qui, je m'assure, remettront
toutes choses dans l'équilibre. J'ai fait choix de quelques voix
très-nettes, qui, sortant de la cavité de certaines poitrines
très-fortes, émouvront merveilleusement le peuple. Ils sont sur un
air qui a fait, jusqu'à présent, un effet tout particulier.

«Si cela ne suffit pas, nous ferons paroître une estampe qui fera
voir Mazarin pendu.

«Par bonheur pour nous, il ne parle pas bien françois; et il
l'écorche tellement, qu'il n'est pas possible que ses affaires ne
déclinent. Nous ne manquons pas de faire bien remarquer au peuple le
ton ridicule dont il prononce[D]. Nous relevâmes, il y a quelques
jours, une faute de grammaire si grossière, qu'on en fit des farces
par tous les carrefours.

[Note D: (Note de l'auteur, extraite de l'_édition_ 1721 2e,
Cologne, Pierre Marteau.)

Le cardinal Mazarin, voulant prononcer l'_arrêt d'Union_, dit devant
les députés du parlement: l'_Arrêt_ d'_Ognon_, de quoi le peuple fit
force plaisanteries.]

«J'espère qu'avant qu'il soit huit jours, le peuple fera du nom de
Mazarin un mot générique pour exprimer toutes les bêtes de somme, et
celles qui servent à tirer.

«Depuis notre défaite, notre musique l'a si furieusement vexé sur le
péché originel, que, pour ne pas voir ses partisans réduits à la
moitié, il a été obligé de renvoyer tous ses pages.

«Ranimez-vous donc; reprenez courage, et soyez sûrs que nous lui
ferons repasser les monts à coups de sifflets.»

    De Paris, le 4 de la lune de Chahban, 1718.



LETTRE CXIII.

RHÉDI A USBEK.

A Paris.


Pendant le séjour que je fais en Europe, je lis les historiens
anciens et modernes: je compare tous les temps; j'ai du plaisir à
les voir passer, pour ainsi dire, devant moi; et j'arrête surtout
mon esprit à ces grands changements qui ont rendu les âges si
différents des âges, et la terre si peu semblable à elle-même.

Tu n'as peut-être pas fait attention à une chose qui cause tous les
jours ma surprise. Comment le monde est-il si peu peuplé, en
comparaison de ce qu'il étoit autrefois? Comment la nature a-t-elle
pu perdre cette prodigieuse fécondité des premiers temps?
seroit-elle déjà dans sa vieillesse, et tomberoit-elle de langueur?

J'ai resté plus d'un an en Italie, où je n'ai vu que le débris de
cette ancienne Italie si fameuse autrefois. Quoique tout le monde
habite les villes, elles sont entièrement désertes et dépeuplées: il
semble qu'elles ne subsistent encore, que pour marquer le lieu où
étoient ces cités puissantes dont l'histoire a tant parlé.

Il y a des gens qui prétendent que la seule ville de Rome contenoit
autrefois plus de peuple que le plus grand royaume de l'Europe n'en
a aujourd'hui. Il y a eu tel citoyen romain, qui avoit dix, et même
vingt mille esclaves, sans compter ceux qui travailloient dans les
maisons de campagne; et, comme on y comptoit quatre ou cinq cent
mille citoyens, on ne peut fixer le nombre de ses habitants sans que
l'imagination ne se révolte.

Il y avoit autrefois dans la Sicile de puissants royaumes, et des
peuples nombreux, qui en ont disparu depuis: cette île n'a plus rien
de considérable que ses volcans.

La Grèce est si déserte, qu'elle ne contient pas la centième partie
de ses anciens habitants.

L'Espagne, autrefois si remplie, ne fait voir aujourd'hui que des
campagnes inhabitées; et la France n'est rien, en comparaison de
cette ancienne Gaule dont parle César.

Les pays du Nord sont fort dégarnis; et il s'en faut bien que les
peuples y soient, comme autrefois, obligés de se partager, et
d'envoyer dehors, comme des essaims, des colonies et des nations
entières chercher de nouvelles demeures.

La Pologne et la Turquie en Europe n'ont presque plus de peuples.

On ne sauroit trouver dans l'Amérique la deux-centième partie des
hommes qui y formoient de si grands empires.

L'Asie n'est guères en meilleur état. Cette Asie mineure, qui
contenoit tant de puissantes monarchies, et un nombre si prodigieux
de grandes villes, n'en a plus que deux ou trois. Quant à la grande
Asie, celle qui est soumise au Turc n'est pas plus pleine; et pour
celle qui est sous la domination de nos rois, si on la compare à
l'état florissant où elle étoit autrefois, on verra qu'elle n'a
qu'une très-petite partie des habitants qui y étoient sans nombre du
temps des Xerxès et des Darius.

Quant aux petits États qui sont autour de ces grands empires, ils
sont réellement déserts: tels sont les royaumes d'Irimette, de
Circassie et de Guriel. Tous ces princes, avec de vastes États,
comptent à peine cinquante mille sujets.

L'Égypte n'a pas moins manqué que les autres pays.

Enfin je parcours la terre, et je n'y trouve que délabrement: je
crois la voir sortir des ravages de la peste et de la famine.

L'Afrique a toujours été si inconnue, qu'on ne peut en parler si
précisément que des autres parties du monde: mais, à ne faire
attention qu'aux côtes de la Méditerranée connues de tout temps, on
voit qu'elle a extrêmement déchu de ce qu'elle étoit, lorsqu'elle
étoit province romaine. Aujourd'hui ses princes sont si foibles, que
ce sont les plus petites puissances du monde.

Après un calcul aussi exact qu'il peut l'être dans ces sortes de
choses, j'ai trouvé qu'il y a à peine sur la terre la cinquantième
partie des hommes qui y étoient du temps de César. Ce qu'il y a
d'étonnant, c'est qu'elle se dépeuple tous les jours; et si cela
continue, dans dix siècles, elle ne sera qu'un désert.

Voilà, mon cher Usbek, la plus terrible catastrophe qui soit jamais
arrivée dans le monde; mais à peine s'en est-on aperçu, parce
qu'elle est arrivée insensiblement, et dans le cours d'un grand
nombre de siècles; ce qui marque un vice intérieur, un venin secret
et caché, une maladie de langueur, qui afflige la nature humaine.

    De Venise, le 10 de la lune de Rhégeb, 1718.



LETTRE CXIV.

USBEK A RHÉDI.

A Venise.


Le monde, mon cher Rhédi, n'est point incorruptible; les cieux mêmes
ne le sont pas: les astronomes sont des témoins oculaires de tous
leurs changements, qui sont les effets bien naturels du mouvement
universel de la matière.

La terre est soumise, comme les autres planètes, aux mêmes lois des
mouvements; elle souffre au dedans d'elle un combat perpétuel de ses
principes: la mer et le continent semblent être dans une guerre
éternelle; chaque instant produit de nouvelles combinaisons.

Les hommes, dans une demeure si sujette aux changements, sont dans
un état aussi incertain: cent mille causes peuvent agir, dont la
plus petite peut les détruire, et à plus forte raison augmenter ou
diminuer leur nombre.

Je ne te parlerai pas de ces catastrophes particulières, si communes
chez les historiens, qui ont détruit des villes et des royaumes
entiers: il y en a de générales, qui ont mis bien des fois le genre
humain à deux doigts de sa perte.

Les histoires sont pleines de ces pestes universelles, qui ont tour
à tour désolé l'univers. Elles parlent d'une, entr'autres, qui fut
si violente qu'elle brûla jusqu'à la racine des plantes, et se fit
sentir dans tout le monde connu, jusqu'à l'empire du Catay: un degré
de plus de corruption auroit peut-être, dans un seul jour, détruit
toute la nature humaine.

Il n'y a pas deux siècles que la plus honteuse de toutes les
maladies se fit sentir en Europe, en Asie et en Afrique; elle fit
dans très-peu de temps des effets prodigieux: c'étoit fait des
hommes, si elle avoit continué ses progrès avec la même furie.
Accablés de maux dès leur naissance, incapables de soutenir le poids
des charges de la société, ils auroient péri misérablement.

Qu'auroit-ce été si le venin eût été un peu plus exalté? et il le
seroit devenu sans doute, si l'on n'avoit été assez heureux pour
trouver un remède aussi puissant que celui qu'on a découvert.
Peut-être que cette maladie, attaquant les parties de la génération,
auroit attaqué la génération même.

Mais pourquoi parler de la destruction qui auroit pu arriver au
genre humain? n'est-elle pas arrivée en effet, et le déluge ne le
réduisit-il pas à une seule famille?

Ceux qui connoissent la nature, et qui ont de Dieu une idée
raisonnable, peuvent-ils comprendre que la matière et les choses
créées n'aient que six mille ans? que Dieu ait différé pendant toute
l'éternité ses ouvrages, et n'ait usé que d'hier de sa puissance
créatrice? Seroit-ce parce qu'il ne l'auroit pas pu, ou parce qu'il
ne l'auroit pas voulu? Mais s'il ne l'a pas pu dans un temps, il ne
l'a pas pu dans l'autre. C'est donc parce qu'il ne l'a pas voulu.
Mais, comme il n'y a pas de succession dans Dieu, si l'on admet
qu'il ait voulu quelque chose une fois, il l'a voulu toujours, et
dès le commencement.

Il ne faut donc pas compter les années du monde; le nombre des
grains de sable de la mer ne leur est pas plus comparable qu'un
instant.

Cependant tous les historiens nous parlent d'un premier père: ils
nous font voir la nature humaine naissante. N'est-il pas naturel de
penser qu'Adam fut sauvé d'un malheur commun, comme Noé le fut du
déluge; et que ces grands événements ont été fréquents sur la terre,
depuis la création du monde?

Mais toutes les destructions ne sont pas violentes. Nous voyons
plusieurs parties de la terre se lasser de fournir à la subsistance
des hommes: que savons-nous si la terre entière n'a pas des causes
générales, lentes, et imperceptibles, de lassitude?

J'ai été bien aise de te donner ces idées générales, avant de
répondre plus particulièrement à ta lettre sur la diminution des
peuples, arrivée depuis dix-sept à dix-huit siècles. Je te ferai
voir dans une lettre suivante, qu'indépendamment des causes
physiques, il y en a de morales qui ont produit cet effet.

    De Paris, le 8 de la lune de Chahban, 1718.



LETTRE CXV.

USBEK AU MÊME.


Tu cherches la raison pourquoi la terre est moins peuplée qu'elle ne
l'étoit autrefois: et si tu y fais bien attention, tu verras que la
grande différence vient de celle qui est arrivée dans les moeurs.

Depuis que la religion chrétienne et la mahométane ont partagé le
monde romain, les choses sont bien changées: il s'en faut bien que
ces deux religions soient aussi favorables à la propagation de
l'espèce que celle de ces maîtres de l'univers.

Dans cette dernière, la polygamie étoit défendue: et en cela elle
avoit un très-grand avantage sur la religion mahométane; le divorce
y étoit permis: ce qui lui en donnoit un autre, non moins
considérable, sur la chrétienne.

Je ne trouve rien de si contradictoire que cette pluralité des
femmes permise par le saint Alcoran, et l'ordre de les satisfaire
ordonné par le même livre. Voyez vos femmes, dit le prophète, parce
que vous leur êtes nécessaire comme leurs vêtements, et qu'elles
vous sont nécessaires comme vos vêtements. Voilà un précepte qui
rend la vie d'un véritable musulman bien laborieuse. Celui qui a les
quatre femmes établies par la loi, et seulement autant de concubines
et d'esclaves, ne doit-il pas être accablé de tant de vêtements?

Vos femmes sont vos labourages, dit encore le prophète;
approchez-vous donc de vos labourages: faites du bien pour vos âmes;
et vous le trouverez un jour.

Je regarde un bon musulman comme un athlète, destiné à combattre
sans relâche; mais qui bientôt, foible et accablé de ses premières
fatigues, languit dans le champ même de la victoire; et se trouve,
pour ainsi dire, enseveli sous ses propres triomphes.

La nature agit toujours avec lenteur, et pour ainsi dire avec
épargne: ses opérations ne sont jamais violentes; jusque dans ses
productions elle veut de la tempérance; elle ne va jamais qu'avec
règle et mesure; si on la précipite, elle tombe bientôt dans la
langueur: elle emploie toute la force qui lui reste à se conserver,
perdant absolument sa vertu productrice et sa puissance générative.

C'est dans cet état de défaillance que nous met toujours ce grand
nombre de femmes, plus propres à nous épuiser qu'à nous satisfaire.
Il est très-ordinaire parmi nous de voir un homme dans un sérail
prodigieux avec un très-petit nombre d'enfants: ces enfants mêmes
sont la plupart du temps foibles et malsains, et se sentent de la
langueur de leur père.

Ce n'est pas tout: ces femmes, obligées à une continence forcée, ont
besoin d'avoir des gens pour les garder, qui ne peuvent être que des
eunuques: la religion, la jalousie, et la raison même, ne permettent
pas d'en laisser approcher d'autres; ces gardiens doivent être en
grand nombre, soit afin de maintenir la tranquillité au dedans parmi
les guerres que ces femmes se font sans cesse, soit enfin pour
empêcher les entreprises du dehors. Ainsi un homme qui a dix femmes
ou concubines n'a pas trop d'autant d'eunuques pour les garder. Mais
quelle perte pour la société que ce grand nombre d'hommes morts dès
leur naissance! quelle dépopulation ne doit-il pas s'ensuivre!

Les filles esclaves qui sont dans le sérail pour servir avec les
eunuques ce grand nombre de femmes, y vieillissent presque toujours
dans une affligeante virginité: elles ne peuvent pas se marier
pendant qu'elles y restent; et leurs maîtresses, une fois
accoutumées à elles, ne s'en défont presque jamais.

Voilà comme un seul homme occupe lui seul tant de sujets de l'un et
l'autre sexe à ses plaisirs, les fait mourir pour l'État, et les
rend inutiles à la propagation de l'espèce.

Constantinople et Ispahan sont les capitales des deux plus grands
empires du monde: c'est là que tout doit aboutir, et que les
peuples, attirés de mille manières, se rendent de toutes parts.
Cependant elles périssent d'elles-mêmes, et elles seroient bientôt
détruites, si les souverains n'y faisoient venir, presque à chaque
siècle, des nations entières pour les repeupler. J'épuiserai ce
sujet dans une autre lettre.

    De Paris, le 13 de la lune de Chahban, 1718.



LETTRE CXVI.

USBEK AU MÊME.


Les Romains n'avoient pas moins d'esclaves que nous; ils en avoient
même plus: mais ils en faisoient un meilleur usage.

Bien loin d'empêcher, par des voies forcées, la multiplication de
ces esclaves, ils la favorisoient au contraire de tout leur pouvoir;
ils les associoient le plus qu'ils pouvoient par des espèces de
mariages: par ce moyen, ils remplissoient leurs maisons de
domestiques de tous les sexes, de tous les âges, et l'État d'un
peuple innombrable.

Ces enfants, qui faisoient à la longue la richesse d'un maître,
naissoient sans nombre autour de lui: il étoit seul chargé de leur
nourriture et de leur éducation; les pères, libres de ce fardeau,
suivoient uniquement le penchant de la nature, et multiplioient sans
craindre une trop nombreuse famille.

Je t'ai dit que, parmi nous, tous les esclaves sont occupés à garder
nos femmes, et à rien de plus; qu'ils sont, à l'égard de l'État,
dans une perpétuelle léthargie: de manière qu'il faut restreindre à
quelques hommes libres, à quelques chefs de familles, la culture des
arts et des terres, lesquels même s'y donnent le moins qu'ils
peuvent.

Il n'en étoit pas de même chez les Romains: la république se servoit
avec un avantage infini de ce peuple d'esclaves. Chacun d'eux avoit
son pécule, qu'il possédoit aux conditions que son maître lui
imposoit; avec ce pécule il travailloit et se tournoit du côté où le
portoit son industrie. Celui-ci faisoit la banque; celui-là se
donnoit au commerce de la mer; l'un vendoit des marchandises en
détail; l'autre s'appliquoit à quelque art mécanique, ou bien
affermoit et faisoit valoir des terres: mais il n'y en avoit aucun
qui ne s'attachât de tout son pouvoir à faire profiter ce pécule,
qui lui procuroit en même temps l'aisance dans la servitude
présente, et l'espérance d'une liberté future: cela faisoit un
peuple laborieux, animoit les arts et l'industrie.

Ces esclaves, devenus riches par leurs soins et leur travail, se
faisoient affranchir, et devenoient citoyens. La république se
réparoit sans cesse, et recevoit dans son sein de nouvelles
familles, à mesure que les anciennes se détruisoient.

J'aurai peut-être, dans mes lettres suivantes, occasion de te
prouver que plus il y a d'hommes dans un État, plus le commerce y
fleurit; je prouverai aussi facilement que plus le commerce y
fleurit, plus le nombre des hommes y augmente: ces deux choses
s'entr'aident, et se favorisent nécessairement.

Si cela est, combien ce nombre prodigieux d'esclaves, toujours
laborieux, devoit-il s'accroître et s'augmenter! L'industrie et
l'abondance les faisoient naître; et eux, de leur côté, faisoient
naître l'abondance et l'industrie.

    De Paris, le 16 de la lune de Chahban, 1718.



LETTRE CXVII.

USBEK AU MÊME.


Nous avons jusqu'ici parlé des pays mahométans, et cherché la raison
pourquoi ils étoient moins peuplés que ceux qui étoient soumis à la
domination des Romains: examinons à présent ce qui a produit cet
effet chez les chrétiens.

Le divorce étoit permis dans la religion païenne, et il fut défendu
aux chrétiens. Ce changement, qui parut d'abord de si petite
conséquence, eut insensiblement des suites terribles, et telles
qu'on peut à peine les croire.

On ôta non-seulement toute la douceur du mariage, mais aussi l'on
donna atteinte à sa fin: en voulant resserrer ses noeuds, on les
relâcha; et au lieu d'unir les coeurs, comme on le prétendoit, on
les sépara pour jamais.

Dans une action si libre, et où le coeur doit avoir tant de part,
on mit la gêne, la nécessité, et la fatalité du destin même. On
compta pour rien les dégoûts, les caprices, et l'insociabilité des
humeurs; on voulut fixer le coeur, c'est-à-dire ce qu'il y a de
plus variable et de plus inconstant dans la nature: on attacha sans
retour et sans espérance des gens accablés l'un de l'autre, et
presque toujours mal assortis; et l'on fit comme ces tyrans qui
faisoient lier des hommes vivants à des corps morts.

Rien ne contribuoit plus à l'attachement mutuel que la faculté du
divorce: un mari et une femme étoient portés à soutenir patiemment
les peines domestiques, sachant qu'ils étoient maîtres de les faire
finir: et ils gardoient souvent ce pouvoir en main toute leur vie
sans en user, par cette seule considération qu'ils étoient libres de
le faire.

Il n'en est pas de même des chrétiens, que leurs peines présentes
désespèrent pour l'avenir: ils ne voient, dans les désagréments du
mariage, que leur durée et, pour ainsi dire, leur éternité: de là
viennent les dégoûts, les discordes, les mépris; et c'est autant de
perdu pour la postérité. A peine a-t-on trois ans de mariage, qu'on
en néglige l'essentiel; on passe ensemble trente ans de froideur: il
se forme des séparations intestines aussi fortes, et peut-être plus
pernicieuses, que si elles étoient publiques: chacun vit et reste de
son côté, et tout cela au préjudice des races futures. Bientôt un
homme dégoûté d'une femme éternelle, se livrera aux filles de joie:
commerce honteux et si contraire à la société; lequel, sans remplir
l'objet du mariage, n'en représente tout au plus que les plaisirs.

Si, de deux personnes ainsi liées, il y en a une qui n'est pas
propre au dessein de la nature et à la propagation de l'espèce, soit
par son tempérament, soit par son âge, elle ensevelit l'autre avec
elle, et la rend aussi inutile qu'elle l'est elle-même.

Il ne faut donc pas s'étonner si l'on voit chez les chrétiens tant
de mariages fournir un si petit nombre de citoyens. Le divorce est
aboli: les mariages mal assortis ne se raccommodent plus; les femmes
ne passent plus, comme chez les Romains, successivement dans les
mains de plusieurs maris, qui en tiroient, dans le chemin, le
meilleur parti qu'il étoit possible.

J'ose le dire: si, dans une république comme Lacédémone, où les
citoyens étoient sans cesse gênés par des lois singulières et
subtiles, et dans laquelle il n'y avoit qu'une famille, qui étoit la
république, il avoit été établi que les maris changeassent de femme
tous les ans, il en seroit né un peuple innombrable.

Il est assez difficile de faire bien comprendre la raison qui a
porté les chrétiens à abolir le divorce. Le mariage, chez toutes les
nations du monde, est un contrat susceptible de toutes les
conventions, et on n'en a dû bannir que celles qui auroient pu en
affoiblir l'objet; mais les chrétiens ne le regardent pas dans ce
point de vue: aussi ont-ils bien de la peine à dire ce que c'est.
Ils ne le font pas consister dans le plaisir des sens; au contraire,
comme je te l'ai déjà dit, il semble qu'ils veulent l'en bannir
autant qu'ils le peuvent: mais c'est une image, une figure, et
quelque chose de mystérieux, que je ne comprends point.

    De Paris, le 19 de la lune de Chahban, 1718.



LETTRE CXVIII.

USBEK AU MÊME.


La prohibition du divorce n'est pas la seule cause de la
dépopulation des pays chrétiens: le grand nombre d'eunuques qu'ils
ont parmi eux n'en est pas une moins considérable.

Je parle des prêtres et des dervis de l'un et de l'autre sexe, qui
se vouent à une continence éternelle: c'est chez les chrétiens la
vertu par excellence; en quoi je ne les comprends pas, ne sachant ce
que c'est qu'une vertu dont il ne résulte rien.

Je trouve que leurs docteurs se contredisent manifestement quand ils
disent que le mariage est saint, et que le célibat, qui lui est
opposé, l'est encore davantage, sans compter qu'en fait de préceptes
et de dogmes fondamentaux, le bien est toujours le mieux.

Le nombre de ces gens faisant profession de célibat est prodigieux.
Les pères y condamnoient autrefois les enfants dès le berceau;
aujourd'hui ils s'y vouent eux-mêmes dès l'âge de quatorze ans: ce
qui revient à peu près à la même chose.

Ce métier de continence a anéanti plus d'hommes que les pestes et
les guerres les plus sanglantes n'ont jamais fait. On voit dans
chaque maison religieuse une famille éternelle, où il ne naît
personne, et qui s'entretient aux dépens de toutes les autres. Ces
maisons sont toujours ouvertes, comme autant de gouffres où
s'ensevelissent les races futures.

Cette politique est bien différente de celle des Romains, qui
établissoient des lois pénales contre ceux qui se refusoient aux
lois du mariage, et vouloient jouir d'une liberté si contraire à
l'utilité publique.

Je ne te parle ici que des pays catholiques. Dans la religion
protestante, tout le monde est en droit de faire des enfants: elle
ne souffre ni prêtres ni dervis; et si, dans l'établissement de
cette religion qui ramenoit tout aux premiers temps, ses fondateurs
n'avoient été accusés sans cesse d'intempérance, il ne faut pas
douter qu'après avoir rendu la pratique du mariage universelle, ils
n'en eussent encore adouci le joug, et achevé d'ôter toute la
barrière qui sépare, en ce point, le Nazaréen et Mahomet.

Mais, quoi qu'il en soit, il est certain que la religion donne aux
protestants un avantage infini sur les catholiques.

J'ose le dire: dans l'état présent où est l'Europe, il n'est pas
possible que la religion catholique y subsiste cinq cents ans.

Avant l'abaissement de la puissance d'Espagne, les catholiques
étoient beaucoup plus forts que les protestants. Ces derniers sont
peu à peu parvenus à un équilibre, et aujourd'hui la balance
commence à l'emporter de leur côté. Cette supériorité augmentera
tous les jours: les protestants deviendront plus riches et plus
puissants, et les catholiques plus foibles.

Les pays protestants doivent être, et sont réellement, plus peuplés
que les catholiques: d'où il suit, premièrement, que les tributs y
sont plus considérables, parce qu'ils augmentent à proportion de
ceux qui les payent; secondement, que les terres y sont mieux
cultivées; enfin que le commerce y fleurit davantage, parce qu'il y
a plus de gens qui ont une fortune à faire, et qu'avec plus de
besoins on y a plus de ressources pour les remplir. Quand il n'y a
que le nombre de gens suffisants pour la culture des terres, il faut
que le commerce périsse; et lorsqu'il n'y a que celui qui est
nécessaire pour entretenir le commerce, il faut que la culture des
terres manque, c'est-à-dire il faut que tous les deux tombent en
même temps, parce que l'on ne s'attache jamais à l'un, que ce ne
soit aux dépens de l'autre.

Quant aux pays catholiques, non seulement la culture des terres y
est abandonnée, mais même l'industrie y est pernicieuse; elle ne
consiste qu'à apprendre cinq ou six mots d'une langue morte. Dès
qu'un homme a cette provision par devers lui, il ne doit plus
s'embarrasser de sa fortune: il trouve dans le cloître une vie
tranquille, qui dans le monde lui auroit coûté des sueurs et des
peines.

Ce n'est pas tout: les dervis ont en leurs mains presque toutes les
richesses de l'État; c'est une société de gens avares, qui prennent
toujours, et ne rendent jamais: ils accumulent sans cesse des
revenus pour acquérir des capitaux. Tant de richesses tombent, pour
ainsi dire, en paralysie; plus de circulation, plus de commerce,
plus d'arts, plus de manufactures.

Il n'y a point de prince protestant qui ne lève sur ses peuples dix
fois plus d'impôts que le pape n'en lève sur ses sujets; cependant
ces derniers sont misérables, pendant que les autres vivent dans
l'opulence. Le commerce ranime tout chez les uns, et le monachisme
porte la mort partout chez les autres.

    De Paris, le 26 de la lune de Chahban, 1718.



LETTRE CXIX.

USBEK AU MÊME.


Nous n'avons plus rien à dire de l'Asie et de l'Europe; passons à
l'Afrique. On ne peut guère parler que de ses côtes, parce qu'on
n'en connoît pas l'intérieur.

Celles de Barbarie, où la religion mahométane est établie, ne sont
plus si peuplées qu'elles étoient du temps des Romains, par les
raisons que nous avons déjà dites. Quant aux côtes de la Guinée,
elles doivent être furieusement dégarnies depuis deux cents ans que
les petits rois, ou chefs de villages, vendent leurs sujets aux
princes d'Europe, pour les porter dans leurs colonies en Amérique.

Ce qu'il y a de singulier, c'est que cette Amérique, qui reçoit tous
les ans tant de nouveaux habitants, est elle-même déserte, et ne
profite point des pertes continuelles de l'Afrique. Ces esclaves,
qu'on transporte dans un autre climat, y périssent par milliers; et
les travaux des mines, où l'on occupe sans cesse et les naturels du
pays et les étrangers, les exhalaisons malignes qui en sortent, le
vif-argent dont il faut faire un continuel usage, les détruisent
sans ressource.

Il n'y a rien de si extravagant que de faire périr un nombre
innombrable d'hommes pour tirer du fond de la terre l'or et
l'argent, ces métaux d'eux-mêmes absolument inutiles, et qui ne sont
des richesses que parce qu'on les a choisis pour en être les signes.

    De Paris, le dernier de la lune de Chahban, 1718.



LETTRE CXX.

USBEK AU MÊME.


La fécondité d'un peuple dépend quelquefois des plus petites
circonstances du monde: de manière qu'il ne faut souvent qu'un
nouveau tour dans son imagination pour le rendre beaucoup plus
nombreux qu'il n'étoit.

Les Juifs, toujours exterminés et toujours renaissants, ont réparé
leurs pertes et leurs destructions continuelles, par cette seule
espérance qu'ont parmi eux toutes les familles, d'y voir naître un
roi puissant qui sera le maître de la terre.

Les anciens rois de Perse n'avoient tant de milliers de sujets qu'à
cause de ce dogme de la religion des mages, que les actes les plus
agréables à Dieu que les hommes puissent faire, c'étoit de faire un
enfant, labourer un champ, et planter un arbre.

Si la Chine a dans son sein un peuple si prodigieux, cela ne vient
que d'une certaine manière de penser: car, comme les enfants
regardent leurs pères comme des dieux, qu'ils les respectent comme
tels dès cette vie, qu'ils les honorent après leur mort par des
sacrifices dans lesquels ils croient que leurs âmes, anéanties dans
le Tyen, reprennent une nouvelle vie, chacun est porté à augmenter
une famille si soumise dans cette vie, et si nécessaire dans
l'autre.

D'un autre côté, les pays des mahométans deviennent tous les jours
déserts, à cause d'une opinion qui, toute sainte qu'elle est, ne
laisse pas d'avoir des effets très-pernicieux lorsqu'elle est
enracinée dans les esprits. Nous nous regardons comme des voyageurs
qui ne doivent penser qu'à une autre patrie; les travaux utiles et
durables, les soins pour assurer la fortune de nos enfants, les
projets qui tendent au delà d'une vie courte et passagère, nous
paroissent quelque chose d'extravagant. Tranquilles pour le présent,
sans inquiétude pour l'avenir, nous ne prenons la peine ni de
réparer les édifices publics, ni de défricher les terres incultes,
ni de cultiver celles qui sont en état de recevoir nos soins: nous
vivons dans une insensibilité générale, et nous laissons tout faire
à la providence.

C'est un esprit de vanité qui a établi chez les Européens l'injuste
droit d'aînesse, si défavorable à la propagation, en ce qu'il porte
l'attention d'un père sur un seul de ses enfants, et détourne ses
yeux de tous les autres; en ce qu'il l'oblige, pour rendre solide la
fortune d'un seul, de s'opposer à l'établissement de plusieurs;
enfin en ce qu'il détruit l'égalité des citoyens, qui en fait toute
l'opulence.

    De Paris, le 4 de la lune de Rhamazan, 1718.



LETTRE CXXI.

USBEK AU MÊME.


Les pays habités par les sauvages sont ordinairement peu peuplés,
par l'éloignement qu'ils ont presque tous pour le travail et la
culture de la terre. Cette malheureuse aversion est si forte que,
lorsqu'ils font quelque imprécation contre quelqu'un de leurs
ennemis, ils ne lui souhaitent autre chose que d'être réduit à
labourer un champ, croyant qu'il n'y a que la chasse et la pêche qui
soit un exercice noble et digne d'eux.

Mais, comme il y a souvent des années où la chasse et la pêche
rendent très-peu, ils sont désolés par des famines fréquentes; sans
compter qu'il n'y a pas de pays si abondant en gibier et en poisson
qui puisse donner la subsistance à un grand peuple, parce que les
animaux fuient toujours les endroits trop habités.

D'ailleurs, les bourgades de sauvages, au nombre de deux ou trois
cents habitants, isolées les unes des autres, ayant des intérêts
aussi séparés que ceux de deux empires, ne peuvent pas se soutenir,
parce qu'elles n'ont pas la ressource des grands États, dont toutes
les parties se répondent et se secourent mutuellement.

Il y a chez les sauvages une autre coutume qui n'est pas moins
pernicieuse que la première: c'est la cruelle habitude où sont les
femmes de se faire avorter, afin que leur grossesse ne les rende pas
désagréables à leurs maris.

Il y a ici des lois terribles contre ce désordre; elles vont jusqu'à
la fureur. Toute fille qui n'a point été déclarer sa grossesse au
magistrat est punie de mort si son fruit périt: la pudeur et la
honte, les accidents même, ne l'excusent jamais.

    De Paris, le 9 de la lune de Rhamazan, 1718.



LETTRE CXXII.

USBEK AU MÊME.


L'effet ordinaire des colonies est d'affoiblir les pays d'où on les
tire, sans peupler ceux où on les envoie.

Il faut que les hommes restent où ils sont: il y a des maladies qui
viennent de ce qu'on change un bon air contre un mauvais; d'autres
qui viennent précisément de ce qu'on en change.

L'air se charge, comme les plantes, des particules de la terre de
chaque pays. Il agit tellement sur nous, que notre tempérament en
est fixé. Lorsque nous sommes transportés dans un autre pays, nous
devenons malades. Les liquides étant accoutumés à une certaine
consistance, les solides à une certaine disposition, tous les deux,
à un certain degré de mouvement, n'en peuvent plus souffrir
d'autres, et ils résistent à un nouveau pli.

Quand un pays est désert, c'est un préjugé de quelque vice
particulier de la nature du climat: ainsi, quand on ôte les hommes
d'un ciel heureux pour les envoyer dans un tel pays, on fait
précisément le contraire de ce qu'on se propose.

Les Romains savoient cela par expérience; ils reléguoient tous les
criminels en Sardaigne, et ils y faisoient passer des Juifs. Il
fallut se consoler de leur perte; chose que le mépris qu'ils avoient
pour ces misérables rendoit très-facile.

Le grand Cha-Abas, voulant ôter aux Turcs, le moyen d'entretenir de
grosses armées sur les frontières, transporta presque tous les
Arméniens hors de leur pays, et en envoya plus de vingt mille
familles dans la province de Guilan, qui périrent presque toutes en
très-peu de temps.

Tous les transports de peuples faits à Constantinople n'ont jamais
réussi.

Ce nombre prodigieux de nègres dont nous avons parlé n'a point
rempli l'Amérique.

Depuis la destruction des Juifs sous Adrien, la Palestine est sans
habitants.

Il faut donc avouer que les grandes destructions sont presque
irréparables, parce qu'un peuple qui manque à un certain point reste
dans le même état; et si, par hasard il se rétablit, il faut des
siècles pour cela.

Que si, dans un état de défaillance, la moindre des circonstances
dont nous avons parlé vient à concourir, non-seulement il ne se
répare pas, mais il dépérit tous les jours, et tend à son
anéantissement.

L'expulsion des Maures d'Espagne se fait encore sentir comme le
premier jour: bien loin que ce vide se remplisse, il devient tous
les jours plus grand.

Depuis la dévastation de l'Amérique, les Espagnols, qui ont pris la
place de ses anciens habitants, n'ont pu la repeupler; au contraire,
par une fatalité que je ferois mieux de nommer une justice divine,
les destructeurs se détruisent eux-mêmes, et se consument tous les
jours.

Les princes ne doivent donc point songer à peupler de grands pays
par des colonies. Je ne dis pas qu'elles ne réussissent quelquefois;
il y a des climats si heureux, que l'espèce s'y multiplie toujours:
témoin ces îles[E] qui ont été peuplées par des malades que quelques
vaisseaux y avoient abandonnés, et qui y recouvroient aussitôt la
santé.

[Note E: L'auteur parle peut-être de l'île de Bourbon.]

Mais quand ces colonies réussiroient, au lieu d'augmenter la
puissance, elles ne feroient que la partager, à moins qu'elles
n'eussent très-peu d'étendue, comme sont celles que l'on envoie pour
occuper quelque place pour le commerce.

Les Carthaginois avoient, comme les Espagnols, découvert l'Amérique,
ou au moins de grandes îles dans lesquelles ils faisoient un
commerce prodigieux: mais quand ils virent le nombre de leurs
habitants diminuer, cette sage république défendit à ses sujets ce
commerce et cette navigation.

J'ose le dire: au lieu de faire passer les Espagnols dans les Indes,
il faudroit faire repasser les Indiens et les métifs en Espagne; il
faudroit rendre à cette monarchie tous ses peuples dispersés; et, si
la moitié seulement de ces grandes colonies se conservoit, l'Espagne
deviendroit la puissance de l'Europe la plus redoutable.

On peut comparer les empires à un arbre dont les branches trop
étendues ôtent tout le suc du tronc, et ne servent qu'à faire de
l'ombrage.

Rien ne devrait corriger les princes de la fureur des conquêtes
lointaines que l'exemple des Portugais et des Espagnols.

Ces deux nations ayant conquis, avec une rapidité inconcevable, des
royaumes immenses, plus étonnées de leurs victoires que les peuples
vaincus de leur défaite, songèrent aux moyens de les conserver, et
prirent chacune pour cela une voie différente.

Les Espagnols, désespérant de retenir les nations vaincues dans la
fidélité, prirent le parti de les exterminer, et d'y envoyer
d'Espagne des peuples fidèles: jamais dessein horrible ne fut plus
ponctuellement exécuté. On vit un peuple, aussi nombreux que tous
ceux de l'Europe ensemble, disparoître de la terre à l'arrivée de
ces barbares, qui semblèrent, en découvrant les Indes, avoir voulu
en même temps découvrir aux hommes quel étoit le dernier période de
la cruauté.

Par cette barbarie, ils conservèrent ce pays sous leur domination.
Juge par là combien les conquêtes sont funestes, puisque les effets
en sont tels: car enfin ce remède affreux étoit unique. Comment
auroient-ils pu retenir tant de millions d'hommes dans l'obéissance?
Comment soutenir une guerre civile de si loin? Que seroient-ils
devenus, s'ils avoient donné le temps à ces peuples de revenir de
l'admiration où ils étoient de l'arrivée de ces nouveaux dieux et de
la crainte de leurs foudres?

Quant aux Portugais, ils prirent une voie tout opposée; ils
n'employèrent pas les cruautés: aussi furent-ils bientôt chassés de
tous les pays qu'ils avoient découverts. Les Hollandois favorisèrent
la rébellion de ces peuples, et en profitèrent.

Quel prince envieroit le sort de ces conquérants? Qui voudroit de
ces conquêtes à ces conditions? Les uns en furent aussitôt chassés;
les autres en firent des déserts, et rendirent de même leur propre
pays.

C'est le destin des héros de se ruiner à conquérir des pays qu'ils
perdent soudain, ou à soumettre des nations qu'ils sont obligés
eux-mêmes de détruire; comme cet insensé qui se consumoit à acheter
des statues qu'il jetoit dans la mer, et des glaces qu'il brisoit
aussitôt.

    De Paris, le 18 de la lune de Rhamazan, 1718.



LETTRE CXXIII.

USBEK AU MÊME.


La douceur du gouvernement contribue merveilleusement à la
propagation de l'espèce. Toutes les républiques en sont une preuve
constante; et, plus que toutes, la Suisse et la Hollande, qui sont
les deux plus mauvais pays de l'Europe, si l'on considère la nature
du terrain, et qui cependant sont les plus peuplés.

Rien n'attire plus les étrangers que la liberté, et l'opulence qui
la suit toujours: l'une se fait rechercher par elle-même, et les
besoins attirent dans les pays où l'on trouve l'autre.

L'espèce se multiplie dans un pays où l'abondance fournit aux
enfants, sans rien diminuer de la subsistance des pères.

L'égalité même des citoyens, qui produit ordinairement de l'égalité
dans les fortunes, porte l'abondance et la vie dans toutes les
parties du corps politique, et la répand partout.

Il n'en est pas de même des pays soumis au pouvoir arbitraire: le
prince, les courtisans, et quelques particuliers, possèdent toutes
les richesses, pendant que tous les autres gémissent dans une
pauvreté extrême.

Si un homme est mal à son aise, et qu'il sente qu'il fera des
enfants plus pauvres que lui, il ne se mariera pas; ou s'il se
marie, il craindra d'avoir un trop grand nombre d'enfants, qui
pourroient achever de déranger sa fortune, et qui descendroient de
la condition de leur père.

J'avoue que le rustique ou paysan, étant une fois marié, peuplera
indifféremment, soit qu'il soit riche, soit qu'il soit pauvre; cette
considération ne le touche pas: il a toujours un héritage sûr à
laisser à ses enfants, qui est son hoyau; et rien ne l'empêche
jamais de suivre aveuglément l'instinct de la nature.

Mais à quoi sert dans un État ce nombre d'enfants qui languissent
dans la misère? Ils périssent presque tous à mesure qu'ils naissent;
ils ne prospèrent jamais: foibles et débiles, ils meurent en détail
de mille manières, tandis qu'ils sont emportés en gros par les
fréquentes maladies populaires, que la misère et la mauvaise
nourriture produisent toujours; ceux qui en échappent atteignent
l'âge viril sans en avoir la force, et languissent tout le reste de
leur vie.

Les hommes sont comme les plantes, qui ne croissent jamais
heureusement si elles ne sont bien cultivées: chez les peuples
misérables, l'espèce perd, et même quelquefois dégénère.

La France peut fournir un grand exemple de tout ceci. Dans les
guerres passées, la crainte où étoient tous les enfants de famille
qu'on ne les enrôlât dans la milice les obligeoit de se marier, et
cela dans un âge trop tendre, et dans le sein de la pauvreté. De
tant de mariages il naissoit bien des enfants, que l'on cherche
encore en France, et que la misère, la famine et les maladies en ont
fait disparoître.

Que si, dans un ciel aussi heureux, dans un royaume aussi policé que
la France, on fait de pareilles remarques, que sera-ce dans les
autres États?

    De Paris, le 23 de la lune de Rhamazan, 1718.



LETTRE CXXIV.

USBEK AU MOLLAK MÉHÉMET ALI,

Gardien des trois tombeaux

A Com.


Que nous servent les jeûnes des immaums et les cilices des mollaks?
La main de Dieu s'est deux fois appesantie sur les enfants de la
loi, le soleil s'obscurcit, et semble n'éclairer plus que leurs
défaites; leurs armées s'assemblent, et elles sont dissipées comme
la poussière.

L'empire des Osmanlins est ébranlé par les deux plus grands échecs
qu'il ait jamais reçus: un moufti chrétien ne le soutient qu'avec
peine; le grand vizir d'Allemagne est le fléau de Dieu, envoyé pour
châtier les sectateurs d'Omar; il porte partout la colère du ciel,
irrité contre leur rébellion et leur perfidie.

Esprit sacré des immaums, tu pleures nuit et jour sur les enfants du
prophète que le détestable Omar a dévoyés; tes entrailles s'émeuvent
à la vue de leurs malheurs; tu désires leur conversion, et non pas
leur perte; tu voudrois les voir réunis sous l'étendard d'Ali, par
les larmes des saints; et non pas dispersés dans les montagnes et
dans les déserts par la terreur des infidèles.

    De Paris, le 1er de la lune de Chalval, 1718.



LETTRE CXXV.

USBEK A RHÉDI.

A Venise.


Quel peut être le motif de ces libéralités immenses que les princes
versent sur leurs courtisans? veulent-ils se les attacher? ils leur
sont déjà acquis autant qu'ils peuvent l'être. Et d'ailleurs, s'ils
acquièrent quelques-uns de leurs sujets en les achetant, il faut
bien, par la même raison, qu'ils en perdent une infinité d'autres en
les appauvrissant.

Quand je pense à la situation des princes, toujours entourés
d'hommes avides et insatiables, je ne puis que les plaindre: et je
les plains encore davantage lorsqu'ils n'ont pas la force de
résister à des demandes toujours onéreuses à ceux qui ne demandent
rien.

Je n'entends jamais parler de leurs libéralités, des grâces et des
pensions qu'ils accordent, que je ne me livre à mille réflexions:
une foule d'idées se présente à mon esprit; il me semble que
j'entends publier cette ordonnance:

«Le courage infatigable de quelques-uns de nos sujets à nous
demander des pensions ayant exercé sans relâche notre magnificence
royale, nous avons enfin cédé à la multitude des requêtes qu'ils
nous ont présentées, lesquelles ont fait jusqu'ici la plus grande
sollicitude du trône. Ils nous ont représenté qu'ils n'ont point
manqué, depuis notre avènement à la couronne, de se trouver à notre
lever; que nous les avons toujours vus sur notre passage immobiles
comme des bornes; et qu'ils se sont extrêmement élevés pour
regarder, sur les épaules les plus hautes, notre sérénité. Nous
avons même reçu plusieurs requêtes de la part de quelques personnes
du beau sexe, qui nous ont supplié de faire attention qu'il étoit
notoire qu'elles sont d'un entretien très-difficile; quelques-unes
même très-surannées nous ont prié, branlant la tête, de faire
attention qu'elles ont fait l'ornement de la cour des rois nos
prédécesseurs; et que, si les généraux de leurs armées ont rendu
l'État redoutable par leurs faits militaires, elles n'ont point
rendu la cour moins célèbre par leurs intrigues. Ainsi, désirant
traiter les suppliants avec bonté, et leur accorder toutes leurs
prières, nous avons ordonné ce qui suit:

«Que tout laboureur ayant cinq enfants retranchera journellement la
cinquième partie du pain qu'il leur donne. Enjoignons aux pères de
famille de faire la diminution, sur chacun d'eux, aussi juste que
faire se pourra.

«Défendons expressément à tous ceux qui s'appliquent à la culture de
leurs héritages, ou qui les ont donnés à titre de ferme, d'y faire
aucune réparation, de quelque espèce qu'elle soit.

«Ordonnons que toutes personnes qui s'exercent à des travaux vils et
mécaniques, lesquelles n'ont jamais été au lever de notre majesté,
n'achètent désormais d'habits, à eux, à leurs femmes et à leurs
enfants, que de quatre ans en quatre ans; leur interdisons en outre
très-étroitement ces petites réjouissances qu'ils avoient coutume de
faire, dans leurs familles, les principales fêtes de l'année.

«Et, d'autant que nous demeurons averti que la plupart des bourgeois
de nos bonnes villes sont entièrement occupés à pourvoir à
l'établissement de leurs filles, lesquelles ne se sont rendues
recommandables, dans notre État, que par une triste et ennuyeuse
modestie, nous ordonnons qu'ils attendront à les marier, jusqu'à ce
qu'ayant atteint l'âge limité par les ordonnances, elles viennent à
les y contraindre. Défendons à nos magistrats de pourvoir à
l'éducation de leurs enfants.»

    De Paris, le 1er de la lune de Chalval, 1718.



LETTRE CXXVI.

RICA A ***.


On est bien embarrassé dans toutes les religions, quand il s'agit de
donner une idée des plaisirs qui sont destinés à ceux qui ont bien
vécu. On épouvante facilement les méchants par une longue suite de
peines, dont on les menace: mais, pour les gens vertueux, on ne sait
que leur promettre. Il semble que la nature des plaisirs soit d'être
d'une courte durée; l'imagination a peine à en représenter d'autres.

J'ai vu des descriptions du paradis, capables d'y faire renoncer
tous les gens de bon sens: les uns font jouer sans cesse de la flûte
ces ombres heureuses; d'autres les condamnent au supplice de se
promener éternellement; d'autres enfin, qui les font rêver là-haut
aux maîtresses d'ici-bas, n'ont pas cru que cent millions d'années
fussent un terme assez long pour leur ôter le goût de ces
inquiétudes amoureuses.

Je me souviens à ce propos d'une histoire que j'ai ouï raconter à un
homme qui avoit été dans le pays du Mogol; elle fait voir que les
prêtres indiens ne sont pas moins stériles que les autres dans les
idées qu'ils ont des plaisirs du paradis.

Une femme qui venoit de perdre son mari vint en cérémonie chez le
gouverneur de la ville lui demander permission de se brûler: mais,
comme, dans les pays soumis aux mahométans, on abolit tant qu'on
peut cette cruelle coutume, il la refusa absolument.

Lorsqu'elle vit ses prières impuissantes, elle se jeta dans un
furieux emportement. Voyez, disoit-elle, comme on est gêné! Il ne
sera seulement pas permis à une pauvre femme de se brûler quand elle
en a envie! A-t-on jamais vu rien de pareil? Ma mère, ma tante, mes
soeurs, se sont bien brûlées? Et, quand je vais demander
permission à ce maudit gouverneur, il se fâche, et se met à crier
comme un enragé.

Il se trouva là, par hasard, un jeune bonze: Homme infidèle, lui dit
le gouverneur, est-ce toi qui a mis dans l'esprit de cette femme
cette fureur? Non, dit-il, je ne lui ai jamais parlé: mais, si elle
m'en croit, elle consommera son sacrifice; elle fera une action
agréable au dieu Brama: aussi en sera-t-elle bien récompensée; car
elle retrouvera dans l'autre monde son mari, et elle recommencera
avec lui un second mariage. Que dites-vous? dit la femme surprise.
Je retrouverai mon mari? Ah! je ne me brûle pas. Il étoit jaloux,
chagrin, et d'ailleurs si vieux, que, si le dieu Brama n'a point
fait sur lui quelque réforme, sûrement il n'a pas besoin de moi. Me
brûler pour lui!... pas seulement le bout du doigt pour le retirer
du fond des enfers. Deux vieux bonzes, qui me séduisoient, et qui
savoient de quelle manière je vivois avec lui, n'avoient garde de me
tout dire: mais si le Dieu Brama n'a que ce présent à me faire, je
renonce à cette béatitude. Monsieur le gouverneur, je me fais
mahométane. Et pour vous, dit-elle en regardant le bonze, vous
pouvez, si vous voulez, aller dire à mon mari que je me porte fort
bien.

    De Paris, le 2 de la lune de Chalval, 1718.



LETTRE CXXVII.

RICA A USBEK.

A ***.


Je t'attends ici demain: cependant je t'envoie tes lettres
d'Ispahan. Les miennes portent que l'ambassadeur du Grand Mogol a
reçu ordre de sortir du royaume. On ajoute qu'on a fait arrêter le
prince, oncle du roi, qui est chargé de son éducation; qu'on l'a
fait conduire dans un château, où il est très-étroitement gardé, et
qu'on l'a privé de tous ses honneurs. Je suis touché du sort de ce
prince, et je le plains.

Je te l'avoue, Usbek, je n'ai jamais vu couler les larmes de
personne sans en être attendri: je sens de l'humanité pour les
malheureux, comme s'il n'y avoit qu'eux qui fussent hommes; et les
grands même, pour lesquels je trouve dans mon coeur de la dureté
quand ils sont élevés, je les aime sitôt qu'ils tombent.

En effet, qu'ont-ils à faire, dans la prospérité, d'une inutile
tendresse? elle approche trop de l'égalité: ils aiment bien mieux du
respect, qui ne demande point de retour. Mais, sitôt qu'ils sont
déchus de leur grandeur, il n'y a que nos plaintes qui puissent leur
en rappeler l'idée.

Je trouve quelque chose de bien naïf, et même de bien grand, dans
les paroles d'un prince qui, près de tomber entre les mains de ses
ennemis, voyant ses courtisans autour de lui qui pleuroient: Je
sens, leur dit-il, à vos larmes que je suis encore votre roi.

    De Paris, le 3 de la lune de Chalval, 1718.



LETTRE CXXVIII.

RICA A IBBEN.

A Smyrne.


Tu as ouï parler mille fois du fameux roi de Suède: il assiégeoit
une place dans un royaume qu'on nomme la Norwége; comme il visitoit
la tranchée, seul avec un ingénieur, il a reçu un coup dans la tête,
dont il est mort. On a fait sur-le-champ arrêter son premier
ministre: les états se sont assemblés, et l'ont condamné à perdre la
tête.

Il étoit accusé d'un grand crime: c'étoit d'avoir calomnié la
nation, et de lui avoir fait perdre la confiance de son roi: forfait
qui, selon moi, mérite mille morts.

Car enfin, si c'est une mauvaise action de noircir dans l'esprit du
prince le dernier de ses sujets, qu'est-ce, lorsque l'on noircit la
nation entière, et qu'on lui ôte la bienveillance de celui que la
providence a établi pour faire son bonheur?


Je voudrois que les hommes parlassent aux rois comme les anges
parlent à notre saint prophète.

Tu sais que, dans les banquets sacrés où le seigneur des seigneurs
descend du plus sublime trône du monde pour se communiquer à ses
esclaves, je me suis fait une loi sévère de captiver une langue
indocile; on ne m'a jamais vu abandonner une seule parole qui pût
être amère au dernier de ses sujets. Quand il m'a fallu cesser
d'être sobre, je n'ai point cessé d'être honnête homme; et, dans
cette épreuve de notre fidélité, j'ai risqué ma vie, et jamais ma
vertu.

Je ne sais comment il arrive qu'il n'y a presque jamais de prince si
méchant, que son ministre ne le soit encore davantage; s'il fait
quelque action mauvaise, elle a presque toujours été suggérée; de
manière que l'ambition des princes n'est jamais si dangereuse que la
bassesse d'âme de ses conseillers. Mais comprends-tu qu'un homme,
qui n'est que d'hier dans le ministère, qui peut-être n'y sera pas
demain, puisse devenir dans un moment l'ennemi de lui-même, de sa
famille, de sa patrie, et du peuple qui naîtra à jamais de celui
qu'il va faire opprimer?

Un prince a des passions; le ministre les remue: c'est de ce côté-là
qu'il dirige son ministère; il n'a point d'autre but, ni n'en veut
connoître. Les courtisans le séduisent par leurs louanges; et lui le
flatte plus dangereusement par ses conseils, par les desseins qu'il
lui inspire, et par les maximes qu'il lui propose.

    De Paris, le 25 de la lune de Saphar, 1719.



LETTRE CXXIX.

RICA A USBEK.

A ***.


Je passois l'autre jour sur le Pont-Neuf avec un de mes amis: il
rencontra un homme de sa connoissance, qu'il me dit être un
géomètre; et il n'y avoit rien qui n'y parût, car il étoit d'une
rêverie profonde; il fallut que mon ami le tirât longtemps par la
manche, et le secouât pour le faire descendre jusqu'à lui; tant il
étoit occupé d'une courbe qui le tourmentoit peut-être depuis plus
de huit jours. Ils se firent tous deux beaucoup d'honnêtetés, et
s'apprirent réciproquement quelques nouvelles littéraires. Ces
discours les menèrent jusque sur la porte d'un caffé où j'entrai
avec eux.

Je remarquai que notre géomètre y fut reçu de tout le monde avec
empressement, et que les garçons du caffé en faisoient beaucoup plus
de cas que de deux mousquetaires qui étoient dans un coin. Pour lui,
il parut qu'il se trouvoit dans un lieu agréable: car il dérida un
peu son visage, et se mit à rire comme s'il n'avoit pas eu la
moindre teinture de géométrie.

Cependant son esprit régulier toisoit tout ce qui se disoit dans la
conversation. Il ressembloit à celui qui, dans un jardin, coupoit
avec son épée la tête des fleurs qui s'élevoient au-dessus des
autres: martyr de sa justesse, il étoit offensé d'une saillie, comme
une vue délicate est offensée par une lumière trop vive. Rien pour
lui n'étoit indifférent, pourvu qu'il fût vrai: aussi sa
conversation étoit-elle singulière. Il étoit arrivé ce jour-là de la
campagne avec un homme qui avoit vu un château superbe et des
jardins magnifiques; et il n'avoit vu, lui, qu'un bâtiment de
soixante pieds de long sur trente-cinq de large, et un bosquet
barlong de dix arpents: il auroit fort souhaité que les règles de la
perspective eussent été tellement observées, que les allées des
avenues eussent paru partout de même largeur; et il auroit donné
pour cela une méthode infaillible. Il parut fort satisfait d'un
cadran qu'il y avoit démêlé, d'une structure fort singulière; et il
s'échauffa fort contre un savant qui étoit auprès de moi, qui lui
demanda si ce cadran marquoit les heures babyloniennes. Un
nouvelliste parla du bombardement du château de Fontarabie; et il
nous donna soudain les propriétés de la ligne que les bombes avoient
décrite en l'air; et, charmé de savoir cela, il voulut en ignorer
entièrement le succès. Un homme se plaignoit d'avoir été ruiné
l'hiver d'auparavant par une inondation. Ce que vous me dites là
m'est fort agréable, dit alors le géomètre: je vois que je ne me
suis pas trompé dans l'observation que j'ai faite, et qu'il est au
moins tombé sur la terre deux pouces d'eau plus que l'année passée.

Un moment après il sortit, et nous le suivîmes. Comme il alloit
assez vite, et qu'il négligeoit de regarder devant lui, il fut
rencontré directement par un autre homme: ils se choquèrent
rudement; et de ce coup ils rejaillirent, chacun de son côté, en
raison réciproque de leur vitesse et de leurs masses. Quand ils
furent un peu revenus de leur étourdissement, cet homme, portant la
main sur le front, dit au géomètre: Je suis bien aise que vous
m'ayez heurté; car j'ai une grande nouvelle à vous apprendre: je
viens de donner mon Horace au public. Comment! dit le géomètre, il y
a deux mille ans qu'il y est. Vous ne m'entendez pas, reprit
l'autre: c'est une traduction de cet ancien auteur, que je viens de
mettre au jour; il y a vingt ans que je m'occupe à faire des
traductions.

Quoi! monsieur, dit le géomètre, il y a vingt ans que vous ne pensez
pas! Vous parlez pour les autres, et ils pensent pour vous!
Monsieur, dit le savant, croyez-vous que je n'aie pas rendu un grand
service au public, de lui rendre la lecture des bons auteurs
familière? Je ne dis pas tout à fait cela: j'estime autant qu'un
autre les sublimes génies que vous travestissez; mais vous ne leur
ressemblerez point; car si vous traduisez toujours, on ne vous
traduira jamais.

Les traductions sont comme ces monnoies de cuivre qui ont bien la
même valeur qu'une pièce d'or, et même sont d'un plus grand usage
pour le peuple; mais elles sont toujours foibles et d'un mauvais
aloi.

Vous voulez, dites-vous, faire renaître parmi nous ces illustres
morts; et j'avoue que vous leur donnez bien un corps: mais vous ne
leur rendez pas la vie; il y manque toujours un esprit pour les
animer.

Que ne vous appliquez-vous plutôt à la recherche de tant de belles
vérités qu'un calcul facile nous fait découvrir tous les jours?
Après ce petit conseil, ils se séparèrent, je crois, très-mécontents
l'un de l'autre,

    De Paris, le dernier de la lune de Rebiab 2, 1719.



LETTRE CXXX.

RICA A ***.


Je te parlerai dans cette lettre d'une certaine nation qu'on appelle
les nouvellistes, qui s'assemblent dans un jardin magnifique, où
leur oisiveté est toujours occupée. Ils sont très-inutiles à l'État,
et leurs discours de cinquante ans n'ont pas un effet différent de
celui qu'auroit pu produire un silence aussi long: cependant ils se
croient considérables, parce qu'ils s'entretiennent de projets
magnifiques, et traitent de grands intérêts.

La base de leurs conversations est une curiosité frivole et
ridicule: il n'y a point de cabinet si mystérieux qu'ils ne
prétendent pénétrer; ils ne sauroient consentir à ignorer quelque
chose; ils savent combien notre auguste sultan a de femmes, combien
il fait d'enfants toutes les années; et quoiqu'ils ne fassent aucune
dépense en espions, ils sont instruits des mesures qu'il prend pour
humilier l'empereur des Turcs et celui des Mogols.

A peine ont-ils épuisé le présent, qu'ils se précipitent dans
l'avenir; et, marchant au-devant de la providence, la préviennent
sur toutes les démarches des hommes. Ils conduisent un général par
la main; et, après l'avoir loué de mille sottises qu'il n'a pas
faites, ils lui en préparent mille autres qu'il ne fera pas.

Ils font voler les armées comme les grues, et tomber les murailles
comme des cartons; ils ont des ponts sur toutes les rivières, des
routes secrètes dans toutes les montagnes, des magasins immenses
dans les sables brûlants: il ne leur manque que le bon sens.

Il y a un homme avec qui je loge, qui reçut cette lettre d'un
nouvelliste; comme elle m'a paru singulière, je la gardai; la voici:


    «Monsieur,

«Je me trompe rarement dans mes conjectures sur les affaires du
temps. Le 1er janvier 1711, je prédis que l'empereur Joseph mourroit
dans le cours de l'année: il est vrai que, comme il se portoit fort
bien, je crus que je me ferois moquer de moi si je m'expliquois
d'une manière bien claire; ce qui fit que je me servis de termes un
peu énigmatiques; mais les gens qui savent raisonner m'entendirent
bien. Le 17 avril de la même année, il mourut de la petite vérole.

«Dès que la guerre fut déclarée entre l'empereur et les Turcs,
j'allai chercher nos messieurs dans tous les coins des Tuileries; je
les assemblai près du bassin, et leur prédis qu'on feroit le siége
de Belgrade, et qu'il seroit pris. J'ai été assez heureux pour que
ma prédiction ait été accomplie. Il est vrai que, vers le milieu du
siége, je pariai cent pistoles qu'il seroit pris le 18 août[F]; il
ne fut pris que le lendemain: peut-on perdre à si beau jeu?

[Note F: 1717.]

«Lorsque je vis que la flotte d'Espagne débarquoit en Sardaigne, je
jugeai qu'elle en ferait la conquête: je le dis, et cela se trouva
vrai. Enflé de ce succès, j'ajoutai que cette flotte victorieuse
iroit débarquer à Final pour faire la conquête du Milanès. Comme je
trouvai de la résistance à faire recevoir cette idée, je voulus la
soutenir glorieusement: je pariai cinquante pistoles, et je les
perdis encore; car ce diable d'Alberoni, malgré la foi des traités,
envoya sa flotte en Sicile, et trompa tout à la fois deux grands
politiques, le duc de Savoie et moi.

«Tout cela, monsieur, me déroute si fort, que j'ai résolu de prédire
toujours et de ne parier jamais. Autrefois nous ne connoissions
point aux Tuileries l'usage des paris, et feu M. le comte de L. ne
les souffrait guère; mais, depuis qu'une troupe de petits-maîtres
s'est mêlée parmi nous, nous ne savons plus où nous en sommes. A
peine ouvrons-nous la bouche pour dire une nouvelle, qu'un de ces
jeunes gens propose de parier contre.

«L'autre jour, comme j'ouvrois mon manuscrit, et accommodois mes
lunettes sur mon nez, un de ces fanfarons, saisissant justement
l'intervalle du premier mot au second, me dit: Je parie cent
pistoles que non. Je fis semblant de n'avoir pas fait d'attention à
cette extravagance; et, reprenant la parole d'une voix plus forte,
je dis: M. le maréchal de *** ayant appris... Cela est faux, me
dit-il, vous avez toujours des nouvelles extravagantes; il n'y a pas
le sens commun à tout cela. Je vous prie, monsieur, de me faire le
plaisir de me prêter trente pistoles; car je vous avoue que ces
paris m'ont fort dérangé. Je vous envoie la copie de deux lettres
que j'ai écrites au ministre. Je suis, etc.»


LETTRE D'UN NOUVELLISTE AU MINISTRE.

    «Monseigneur,

«Je suis le sujet le plus zélé que le roi ait jamais eu: c'est moi
qui obligeai un de mes amis d'exécuter le projet que j'avois formé
d'un livre pour démontrer que Louis le Grand étoit le plus grand de
tous les princes qui ont mérité le nom de Grand. Je travaille depuis
longtemps à un autre ouvrage qui fera encore plus d'honneur à notre
nation, si Votre Grandeur veut m'accorder un privilége: mon dessein
est de prouver que, depuis le commencement de la monarchie, les
François n'ont jamais été battus, et que ce que les historiens ont
dit jusqu'ici de nos désavantages sont de véritables impostures. Je
suis obligé de les redresser en bien des occasions; et j'ose me
flatter que je brille surtout dans la critique. Je suis,
monseigneur, etc.»

    «Monseigneur,

«Depuis la perte que nous avons faite de M. le comte de L., nous
vous supplions d'avoir la bonté de nous permettre d'élire un
président. Le désordre se met dans nos conférences, et les affaires
d'État n'y sont pas traitées avec la même discussion que par le
passé; nos jeunes gens vivent absolument sans égard pour les
anciens, et entre eux sans discipline: c'est le véritable conseil de
Roboam, où les jeunes imposent aux vieillards. Nous avons beau leur
représenter que nous étions paisibles possesseurs des Tuileries
vingt ans avant qu'ils fussent au monde; je crois qu'ils nous en
chasseront à la fin, et qu'obligés de quitter ces lieux où nous
avons tant de fois évoqué les ombres de nos héros françois, il
faudra que nous allions tenir nos conférences au Jardin du Roi ou
dans quelque lieu plus écarté. Je suis...»

    De Paris, le 7 de la lune de Gemmadi 2, 1719.



LETTRE CXXXI.

RHÉDI A RICA.

A Paris.


Une des choses qui a le plus exercé ma curiosité en arrivant en
Europe, c'est l'histoire et l'origine des républiques. Tu sais que
la plupart des Asiatiques n'ont pas seulement d'idée de cette sorte
de gouvernement, et que l'imagination ne les a pas servis jusqu'à
leur faire comprendre qu'il puisse y en avoir sur la terre d'autre
que le despotique.

Les premiers gouvernements du monde furent monarchiques: ce ne fut
que par hasard et par la succession des siècles que les républiques
se formèrent.

La Grèce ayant été abîmée par un déluge, de nouveaux habitants
vinrent la peupler: elle tira presque toutes ses colonies d'Égypte
et des contrées de l'Asie les plus voisines; et, comme ces pays
étoient gouvernés par des rois, les peuples qui en sortirent furent
gouvernés de même. Mais la tyrannie de ces princes devenant trop
pesante, on secoua le joug; et du débris de tant de royaumes
s'élevèrent ces républiques qui firent si fort fleurir la Grèce,
seule polie au milieu des barbares.

L'amour de la liberté, la haine des rois, conserva longtemps la
Grèce dans l'indépendance, et étendit au loin le gouvernement
républicain. Les villes grecques trouvèrent des alliées dans l'Asie
mineure: elles y envoyèrent des colonies aussi libres qu'elles, qui
leur servirent de remparts contre les entreprises des rois de Perse.
Ce n'est pas tout: la Grèce peupla l'Italie; l'Italie, l'Espagne, et
peut-être les Gaules. On sait que cette grande Hespérie, si fameuse
chez les anciens, étoit au commencement la Grèce, que ses voisins
regardoient comme un séjour de félicité: les Grecs qui ne trouvoient
point chez eux ce pays heureux, l'allèrent chercher en Italie; ceux
de l'Italie, en Espagne; ceux d'Espagne, dans la Bétique ou le
Portugal: de manière que toutes ces régions portèrent ce nom chez
les anciens. Ces colonies grecques apportèrent avec elles un esprit
de liberté qu'elles avoient pris dans ce doux pays. Ainsi, on ne
voit guère, dans ces temps reculés, de monarchies dans l'Italie,
l'Espagne, les Gaules. On verra bientôt que les peuples du Nord et
d'Allemagne n'étoient pas moins libres: et, si l'on trouve des
vestiges de quelque royauté parmi eux, c'est qu'on a pris pour des
rois les chefs des armées ou des républiques.

Tout ceci se passoit en Europe: car, pour l'Asie et l'Afrique, elles
ont toujours été accablées sous le despotisme, si vous en exceptez
quelques villes de l'Asie mineure dont nous avons parlé, et la
république de Carthage en Afrique.

Le monde fut partagé entre deux puissantes républiques: celle de
Rome et celle de Carthage. Il n'y a rien de si connu que les
commencements de la république romaine, et rien qui le soit si peu
que l'origine de celle de Carthage. On ignore absolument la suite
des princes africains depuis Didon, et comment ils perdirent leurs
puissance. C'eût été un grand bonheur pour le monde que
l'agrandissement prodigieux de la république romaine, s'il n'y avoit
pas eu cette différence injuste entre les citoyens romains et les
peuples vaincus; si l'on avoit donné au gouverneur des provinces une
autorité moins grande; si les lois si saintes pour empêcher leur
tyrannie avoient été observées, et s'ils ne s'étoient pas servis,
pour les faire taire, des mêmes trésors que leur injustice avoit
amassés.

Il semble que la liberté soit faite pour le génie des peuples
d'Europe, et la servitude pour celui des peuples d'Asie. C'est en
vain que les Romains offrirent aux Cappadociens ce précieux trésor:
cette nation lâche le refusa, et elle courut à la servitude avec le
même empressement que les autres peuples couroient à la liberté.

César opprima la république romaine, et la soumit à un pouvoir
arbitraire.

L'Europe gémit longtemps sous un gouvernement militaire et violent,
et la douceur romaine fut changée en une cruelle oppression.

Cependant une infinité de nations inconnues sortirent du Nord, se
répandirent comme des torrents dans les provinces romaines; et,
trouvant autant de facilité à faire des conquêtes qu'à exercer leurs
pirateries, les démembrèrent et en firent des royaumes. Ces peuples
étoient libres et ils bornoient si fort l'autorité de leurs rois,
qu'ils n'étoient proprement que des chefs ou des généraux. Ainsi ces
royaumes, quoique fondés par la force, ne sentirent point le joug du
vainqueur. Lorsque les peuples d'Asie, comme les Turcs et les
Tartares, firent des conquêtes, soumis à la volonté d'un seul, ils
ne songèrent qu'à lui donner de nouveaux sujets, et à établir par
les armes son autorité violente: mais les peuples du Nord, libres
dans leur pays, s'emparant des provinces romaines, ne donnèrent
point à leurs chefs une grande autorité. Quelques-uns même de ces
peuples, comme les Vandales en Afrique, les Goths en Espagne,
déposoient leurs rois dès qu'ils n'en étoient pas satisfaits; et,
chez les autres, l'autorité du prince étoit bornée de mille manières
différentes: un grand nombre de seigneurs la partageoient avec lui;
les guerres n'étoient entreprises que de leur consentement; les
dépouilles étoient partagées entre le chef et les soldats; aucun
impôt en faveur du prince; les lois étoient faites dans les
assemblées de la nation. Voilà le principe fondamental de tous ces
États, qui se formèrent des débris de l'empire romain.

    De Venise, le 20 de la lune de Rhégeb, 1719.



LETTRE CXXXII.

RICA A ***.


Je fus, il y a cinq ou six mois, dans un caffé; j'y remarquai un
gentilhomme assez bien mis qui se faisoit écouter: il parloit du
plaisir qu'il y avoit de vivre à Paris; il déploroit sa situation
d'être obligé de vivre dans la province. J'ai, dit-il, quinze mille
livres de rente en fonds de terre, et je me croirois plus heureux si
j'avois le quart de ce bien-là en argent et en effets portables
partout. J'ai beau presser mes fermiers, et les accabler de frais de
justice, je ne fais que les rendre plus insolvables: je n'ai jamais
pu voir cent pistoles à la fois. Si je devois dix mille francs, on
me feroit saisir toutes mes terres, et je serois à l'hôpital.

Je sortis sans avoir fait grande attention à tout ce discours; mais,
me trouvant hier dans ce quartier, j'entrai dans la même maison, et
j'y vis un homme grave, d'un visage pâle et allongé, qui, au milieu
de cinq ou six discoureurs, paroissoit morne et pensif, jusques à ce
que, prenant brusquement la parole: Oui, messieurs, dit-il en
haussant la voix, je suis ruiné; je n'ai plus de quoi vivre; car
j'ai actuellement chez moi deux cent mille livres en billets de
banque, et cent mille écus d'argent: je me trouve dans une situation
affreuse; je me suis cru riche, et me voilà à l'hôpital: au moins si
j'avois seulement une petite terre où je pusse me retirer, je serois
sûr d'avoir de quoi vivre; mais je n'ai pas grand comme ce chapeau
en fonds de terre.

Je tournai par hasard la tête d'un autre côté, et je vis un autre
homme qui faisoit des grimaces de possédé. A qui se fier désormais?
s'écrioit-il. Il y a un traître que je croyois si fort de mes amis
que je lui avois prêté mon argent: et il me l'a rendu! quelle
perfidie horrible! Il a beau faire; dans mon esprit il sera toujours
déshonoré.

Tout près de là étoit un homme très-mal vêtu, qui, élevant les yeux
au ciel, disoit: Dieu bénisse les projets de nos ministres!
puissé-je voir les actions à deux mille, et tous les laquais de
Paris plus riches que leurs maîtres! J'eus la curiosité de demander
son nom. C'est un homme extrêmement pauvre, me dit-on; aussi a-t-il
un pauvre métier: il est généalogiste, et il espère que son art
rendra, si les fortunes continuent; et que tous ces nouveaux riches
auront besoin de lui pour réformer leur nom, décrasser leurs
ancêtres, et orner leurs carrosses; il s'imagine qu'il va faire
autant de gens de qualité qu'il voudra; il tressaille de joie de
voir multiplier ses pratiques.

Enfin, je vis entrer un vieillard pâle et sec, que je reconnus pour
nouvelliste avant qu'il se fût assis; il n'étoit pas du nombre de
ceux qui ont une assurance victorieuse contre tous les revers, et
présagent toujours les victoires et les trophées: c'étoit au
contraire un de ces trembleurs qui n'ont que des nouvelles tristes.
Les affaires vont bien mal du côté d'Espagne, dit-il: nous n'avons
point de cavalerie sur la frontière, et il est à craindre que le
prince Pio, qui en a un gros corps, ne fasse contribuer tout le
Languedoc. Il y avoit vis-à-vis de moi un philosophe assez mal en
ordre qui prenoit le nouvelliste en pitié, et haussoit les épaules à
mesure que l'autre haussoit la voix; je m'approchai de lui, et il me
dit à l'oreille: Vous voyez que ce fat nous entretient, il y a une
heure, de sa frayeur pour le Languedoc; et moi, j'aperçus hier au
soir une tache dans le soleil, qui, si elle augmentoit, pourroit
faire tomber toute la nature en engourdissement; et je n'ai pas dit
un seul mot.

    De Paris, le 17 de la lune de Rhamazan, 1719.



LETTRE CXXXIII.

RICA A ***.


J'allai l'autre jour voir une grande bibliothèque dans un couvent de
dervis, qui en sont comme les dépositaires, mais qui sont obligés
d'y laisser entrer tout le monde à certaines heures.

En entrant, je vis un homme grave qui se promenoit au milieu d'un
nombre innombrable de volumes qui l'entouroient. J'allai à lui, et
le priai de me dire quels étoient quelques-uns de ces livres que je
voyois mieux reliés que les autres. Monsieur, me dit-il, j'habite
ici une terre étrangère: je n'y connois personne: bien des gens me
font de pareilles questions; mais vous voyez bien que je n'irai pas
lire tous ces livres pour les satisfaire; mais j'ai mon
bibliothécaire qui vous donnera satisfaction, car il s'occupe nuit
et jour à déchiffrer tout ce que vous voyez là; c'est un homme qui
n'est bon à rien, et qui nous est très à charge, parce qu'il ne
travaille point pour le couvent. Mais j'entends l'heure du
réfectoire qui sonne. Ceux qui comme moi sont à la tête d'une
communauté doivent être les premiers à tous les exercices. En disant
cela, le moine me poussa dehors, ferma la porte, et, comme s'il eût
volé, disparut à mes yeux.

    De Paris, le 21 de la lune de Rhamazan, 1719.



LETTRE CXXXIV.

RICA AU MÊME.


Je retournai le lendemain à cette bibliothèque, où je trouvai tout
un autre homme que celui que j'avois vu la première fois: son air
étoit simple, sa physionomie spirituelle, et son abord très-affable.
Dès que je lui eus fait connoître ma curiosité, il se mit en devoir
de la satisfaire, et même en qualité d'étranger, de m'instruire.

Mon père, lui dis-je, quels sont ces gros volumes qui tiennent tout
ce côté de bibliothèque? Ce sont, me dit-il, les interprètes de
l'Écriture. Il y en a un grand nombre! lui repartis-je; il faut que
l'Écriture fût bien obscure autrefois, et bien claire à présent;
reste-t-il encore quelques doutes? peut-il y avoir des points
contestés? S'il y en a, bon Dieu! s'il y en a! me répondit-il; il y
en a presque autant que de lignes. Oui, lui dis-je! Et qu'ont donc
fait tous ces auteurs! Ces auteurs, me repartit-il, n'ont point
cherché dans l'Écriture ce qu'il faut croire, mais ce qu'ils croient
eux-mêmes; ils ne l'ont point regardée comme un livre où étoient
contenus les dogmes qu'ils devoient recevoir, mais comme un ouvrage
qui pourroit donner de l'autorité à leurs propres idées: c'est pour
cela qu'ils en ont corrompu tous les sens, et ont donné la torture à
tous les passages. C'est un pays où les hommes de toutes les sectes
font des descentes, et vont comme au pillage; c'est un champ de
bataille où les nations ennemies qui se rencontrent livrent bien des
combats, où l'on s'attaque, où l'on s'escarmouche de bien des
manières.

Tout près de là vous voyez les livres ascétiques ou de dévotion;
ensuite les livres de morale, bien plus utiles; ceux de théologie,
doublement inintelligibles, et par la matière qui y est traitée, et
par la manière de la traiter; les ouvrages des mystiques,
c'est-à-dire des dévots qui ont le coeur tendre. Ah! mon père, lui
dis-je, un moment; n'allez pas si vite; parlez-moi de ces mystiques.
Monsieur, dit-il, la dévotion échauffe un coeur disposé à la
tendresse, et lui fait envoyer des esprits au cerveau qui
l'échauffent de même, d'où naissent les extases et les ravissements.
Cet état est le délire de la dévotion; souvent il se perfectionne,
ou plutôt dégénère en quiétisme: vous savez qu'un quiétiste n'est
autre chose qu'un homme fou, dévot et libertin.

Voyez les casuistes, qui mettent au jour les secrets de la nuit; qui
forment dans leur imagination tous les monstres que le démon d'amour
peut produire, les rassemblent, les comparent, et en font l'objet
éternel de leurs pensées: heureux si leur coeur ne se met pas de
la partie, et ne devient pas lui-même complice de tant d'égarements
si naïvement décrits et si nuement peints!

Vous voyez, monsieur, que je pense librement, et que je vous dis
tout ce que je pense. Je suis naturellement naïf, et plus encore
avec vous, qui êtes un étranger, qui voulez savoir les choses, et
les savoir telles qu'elles sont. Si je voulois, je ne vous parlerois
de tout ceci qu'avec admiration; je vous dirois sans cesse: Cela est
divin, cela est respectable; il y a du merveilleux. Et il en
arriveroit de deux choses l'une, ou que je vous tromperois, ou que
je me déshonorerois dans votre esprit.

Nous en restâmes là; une affaire qui survint au dervis rompit notre
conversation jusqu'au lendemain.

    De Paris, le 23 de la lune de Rhamazan, 1719.



LETTRE CXXXV.

RICA AU MÊME.


Je revins à l'heure marquée, et mon homme me mena précisément dans
l'endroit où nous nous étions quittés. Voici, me dit-il, les
grammairiens, les glossateurs, et les commentateurs. Mon père, lui
dis-je, tous ces gens-là ne peuvent-ils pas se dispenser d'avoir du
bon sens? Oui, dit-il, ils le peuvent; et même il n'y paroît pas,
leurs ouvrages n'en sont pas plus mauvais; ce qui est très-commode
pour eux. Cela est vrai, lui dis-je; et je connois bien des
philosophes qui feroient bien de s'appliquer à ces sortes de
sciences-là.

Voilà, poursuivit-il, les orateurs, qui ont le talent de persuader
indépendamment des raisons; et les géomètres, qui obligent un homme
malgré lui d'être persuadé, et le convainquent avec tyrannie.

Voici les livres de métaphysique, qui traitent de si grands
intérêts, et dans lesquels l'infini se rencontre partout; les livres
de physique, qui ne trouvent pas plus de merveilleux dans l'économie
du vaste univers que dans la machine la plus simple de nos artisans;
les livres de médecine, ces monuments de la fragilité de la nature
et de la puissance de l'art; qui font trembler quand ils traitent
des maladies même les plus légères, tant ils nous rendent la mort
présente; mais qui nous mettent dans une sécurité entière quand ils
parlent de la vertu des remèdes, comme si nous étions devenus
immortels.

Tout près de là sont les livres d'anatomie, qui contiennent bien
moins la description des parties du corps humain que les noms
barbares qu'on leur a donnés: chose qui ne guérit ni le malade de
son mal, ni le médecin de son ignorance.

Voici la chimie, qui habite tantôt l'hôpital et tantôt les
petites-maisons, comme des demeures qui lui sont également propres.

Voici les livres de science, ou plutôt d'ignorance occulte: tels
sont ceux qui contiennent quelque espèce de diablerie; exécrables
selon la plupart des gens; pitoyables selon moi. Tels sont encore
les livres d'astrologie judiciaire. Que dites-vous, mon père? Les
livres d'astrologie judiciaire, repartis-je avec feu! Et ce sont
ceux dont nous faisons plus de cas en Perse: ils règlent toutes les
actions de notre vie, et nous déterminent dans toutes nos
entreprises; les astrologues sont proprement nos directeurs; ils
font plus, ils entrent dans le gouvernement de l'État. Si cela est,
me dit-il, vous vivez sous un joug bien plus dur que celui de la
raison: voilà ce qui s'appelle le plus étrange de tous les empires;
je plains bien une famille, et encore plus une nation, qui se laisse
si fort dominer par les planètes. Nous nous servons, lui
repartis-je, de l'astrologie, comme vous vous servez de l'algèbre.
Chaque nation a sa science, selon laquelle elle règle sa politique:
tous les astrologues ensemble n'ont jamais fait tant de sottises en
notre Perse qu'un seul de vos algébristes en a fait ici. Croyez-vous
que le concours fortuit des astres ne soit pas une règle aussi sûre
que les beaux raisonnements de votre faiseur de système? Si l'on
comptoit les voix là-dessus en France et en Perse, ce seroit un beau
sujet de triomphe pour l'astrologie; vous verriez les mathématiciens
bien humiliés: quel accablant corollaire en pourroit-on tirer contre
eux!

Notre dispute fut interrompue, et il fallut nous quitter.

    De Paris, le 26 de la lune de Rhamazan, 1719.



LETTRE CXXXVI.

RICA AU MÊME.


Dans l'entrevue suivante, mon savant me mena dans un cabinet
particulier. Voici les livres d'histoire moderne, me dit-il. Voyez
premièrement les historiens de l'Église et des papes; livres que je
lis pour m'édifier, et qui font souvent en moi un effet tout
contraire.

Là, ce sont ceux qui ont écrit de la décadence du formidable empire
romain, qui s'étoit formé du débris de tant de monarchies, et sur la
chute duquel il s'en forma tant de nouvelles. Un nombre infini de
peuples barbares, aussi inconnus que les pays qu'ils habitoient,
parurent tout à coup, l'inondèrent, le ravagèrent, le dépecèrent, et
fondèrent tous les royaumes que vous voyez à présent en Europe. Ces
peuples n'étoient point proprement barbares, puisqu'ils étoient
libres: mais ils le sont devenus depuis que, soumis pour la plupart
à une puissance absolue, ils ont perdu cette douce liberté si
conforme à la raison, à l'humanité, et à la nature.

Vous voyez ici les historiens de l'Allemagne, laquelle n'est qu'une
ombre du premier empire, mais qui est, je crois, la seule puissance
qui soit sur la terre, que la division n'a point affoiblie; la
seule, je crois encore, qui se fortifie à mesure de ses pertes; et
qui, lente à profiter des succès, devient indomptable par ses
défaites.

Voici les historiens de France, où l'on voit d'abord la puissance
des rois se former, mourir deux fois, renaître de même, languir
ensuite pendant plusieurs siècles; mais, prenant insensiblement des
forces, accrue de toutes parts, monter à son dernier période:
semblable à ces fleuves qui dans leur course perdent leurs eaux, ou
se cachent sous terre; puis reparoissant de nouveau, grossis par les
rivières qui s'y jettent, entraînent avec rapidité tout ce qui
s'oppose à leur passage.

Là, vous voyez la nation espagnole sortir de quelques montagnes: les
princes mahométans subjugués aussi insensiblement qu'ils avoient
rapidement conquis; tant de royaumes réunis dans une vaste
monarchie, qui devint presque la seule; jusqu'à ce qu'accablée de sa
fausse opulence, elle perdit sa force et sa réputation même, et ne
conserva que l'orgueil de sa première puissance.

Ce sont ici les historiens d'Angleterre, où l'on voit la liberté
sortir sans cesse des feux de la discorde et de la sédition; le
prince toujours chancelant sur un trône inébranlable; une nation
impatiente, sage dans sa fureur même; et qui, maîtresse de la mer
(chose inouïe jusqu'alors), mêle le commerce avec l'empire.

Tout près de là sont les historiens de cette autre reine de la mer,
la république de Hollande, si respectée en Europe, et si formidable
en Asie, où ses négociants voient tant de rois prosternés devant
eux.

Les historiens d'Italie vous représentent une nation autrefois
maîtresse du monde, aujourd'hui esclave de toutes les autres; ses
princes divisés et foibles, et sans autre attribut de souveraineté
qu'une vaine politique.

Voilà les historiens des républiques: de la Suisse, qui est l'image
de sa liberté; de Venise, qui n'a de ressources qu'en son économie;
et de Gênes, qui n'est superbe que par ses bâtiments.

Voici ceux du nord, et entre autres de la Pologne, qui use si mal de
sa liberté et du droit qu'elle a d'élire ses rois, qu'il semble
qu'elle veuille consoler par là les peuples ses voisins, qui ont
perdu l'un et l'autre.

Là-dessus, nous nous séparâmes jusqu'au lendemain.

    De Paris, le 2 de la lune de Chalval, 1719.



LETTRE CXXXVII.

RICA AU MÊME.


Le lendemain, il me mena dans un autre cabinet. Ce sont ici les
poëtes, me dit-il; c'est-à-dire ces auteurs dont le métier est de
mettre des entraves au bon sens, et d'accabler la raison sous les
agréments comme on ensevelissoit autrefois les femmes sous leurs
parures et leurs ornements. Vous les connoissez; ils ne sont pas
rares chez les Orientaux, où le soleil, plus ardent, semble
échauffer les imaginations mêmes.

Voilà les poëmes épiques. Hé! qu'est-ce que les poëmes épiques? En
vérité, me dit-il, je n'en sais rien; les connoisseurs disent qu'on
n'en a jamais fait que deux, et que les autres qu'on donne sous ce
nom ne le sont point: c'est aussi ce que je ne sais pas. Ils disent
de plus qu'il est impossible d'en faire de nouveaux; et cela est
encore plus surprenant.

Voici les poëtes dramatiques, qui, selon moi, sont les poëtes par
excellence, et les maîtres des passions. Il y en a de deux sortes:
les comiques, qui nous remuent si doucement; et les tragiques, qui
nous troublent et nous agitent avec tant de violence.

Voici les lyriques, que je méprise autant que je fais cas des
autres, et qui font de leur art une harmonieuse extravagance.

On voit ensuite les auteurs des idylles et des églogues, qui
plaisent même aux gens de cour, par l'idée qu'ils leur donnent d'une
certaine tranquillité qu'ils n'ont pas, et qu'ils leur montrent dans
la condition des bergers.

De tous les auteurs que nous avons vus, voici les plus dangereux: ce
sont ceux qui aiguisent les épigrammes, qui sont de petites flèches
déliées qui font une plaie profonde et inaccessible aux remèdes.

Vous voyez ici les romans, qui sont des espèces de poëtes, et qui
outrent également le langage de l'esprit et celui du coeur; qui
passent leur vie à chercher la nature, et la manquent toujours; et
qui font des héros, qui y sont aussi étrangers que les dragons ailés
et les hippocentaures.

J'ai vu, lui dis-je, quelques-uns de vos romans: et, si vous voyiez
les nôtres, vous en seriez encore plus choqué. Il sont aussi peu
naturels, et d'ailleurs extrêmement gênés par nos moeurs: il faut
dix années de passion avant qu'un amant ait pu voir seulement le
visage de sa maîtresse. Cependant les auteurs sont forcés de faire
passer les lecteurs dans ces ennuyeux préliminaires. Or, il est
impossible que les incidents soient variés: on a recours à un
artifice pire que le mal même qu'on veut guérir; c'est aux prodiges.
Je suis sûr que vous ne trouverez pas bon qu'une magicienne fasse
sortir une armée de dessous terre; qu'un héros lui seul en détruise
une de cent mille hommes. Cependant voilà nos romans: ces aventures
froides et souvent répétées nous font languir, et ces prodiges
extravagants nous révoltent.

    De Paris, le 6 de la lune de Chalval, 1719.



LETTRE CXXXVIII.

RICA A IBBEN.

A Smyrne.


Les ministres se succèdent et se détruisent ici comme les saisons:
depuis trois ans j'ai vu changer quatre fois de système sur les
finances. On lève aujourd'hui, en Perse et en Turquie, les subsides
de la même manière que les fondateurs de ces monarchies les
levoient: il s'en faut bien qu'il en soit ici de même. Il est vrai
que nous n'y mettons pas tant d'esprit que les Occidentaux: nous
croyons qu'il n'y a pas plus de différence entre l'administration
des revenus du prince et de ceux d'un particulier qu'il y en a entre
compter cent mille tomans ou en compter cent. Mais il y a ici bien
plus de finesse et de mystère. Il faut que de grands génies
travaillent nuit et jour; qu'ils enfantent sans cesse, et avec
douleur, de nouveaux projets; qu'ils écoutent les avis d'une
infinité de gens qui travaillent pour eux sans en être priés; qu'ils
se retirent et vivent dans le fond d'un cabinet impénétrable aux
grands et sacré aux petits; qu'ils aient toujours la tête remplie de
secrets importants, de desseins miraculeux, de systèmes nouveaux; et
qu'absorbés dans les méditations, ils soient privés non-seulement de
l'usage de la parole, mais même quelquefois de la politesse.

Dès que le feu roi eut fermé les yeux, on pensa à établir une
nouvelle administration. On sentoit qu'on étoit mal, mais ne savoit
comment faire pour être mieux. On s'étoit mal trouvé de l'autorité
sans bornes des ministres précédents: on la voulut partager. On créa
pour cet effet six ou sept conseils; et ce ministère est peut-être
celui de tous qui a gouverné la France avec plus de sens: la durée
en fut courte, aussi bien que celle du bien qu'il produisit.

La France, à la mort du feu roi, étoit un corps accablé de mille
maux: N*** prit le fer à la main, retrancha les chairs inutiles, et
appliqua quelques remèdes topiques; mais il restoit toujours un vice
intérieur à guérir. Un étranger est venu, qui a entrepris cette
cure. Après bien des remèdes violents, il a cru lui avoir rendu son
embonpoint; et il l'a seulement rendue bouffie.

Tous ceux qui étoient riches il y a six mois sont à présent dans la
pauvreté, et ceux qui n'avoient pas de pain regorgent de richesses.
Jamais ces deux extrémités ne se sont touchées de si près.
L'étranger a tourné l'État comme un fripier tourne un habit: il fait
paroître dessus ce qui étoit dessous; et ce qui étoit dessus, il le
met à l'envers. Quelles fortunes inespérées, incroyables même à ceux
qui les ont faites! Dieu ne tire pas plus rapidement les hommes du
néant. Que de valets servis par leurs camarades, et peut-être demain
par leurs maîtres!

Tout ceci produit souvent des choses bizarres. Les laquais qui
avoient fait fortune sous le règne passé vantent aujourd'hui leur
naissance: ils rendent à ceux qui viennent de quitter leur livrée
dans une certaine rue tout le mépris qu'on avoit pour eux il y a six
mois; ils crient de toute leur force: La noblesse est ruinée, quel
désordre dans l'État! quelle confusion dans les rangs! On ne voit
que des inconnus faire fortune! Je te promets que ceux-ci prendront
bien leur revanche sur ceux qui viendront après eux; et que, dans
trente ans, ces gens de qualité feront bien du bruit.

    De Paris, le 1er de la lune de Zilcadé, 1720.



LETTRE CXXXIX.

RICA AU MÊME.


Voici un grand exemple de la tendresse conjugale, non-seulement dans
une femme, mais dans une reine. La reine de Suède, voulant à toute
force associer le prince son époux à la couronne, pour aplanir
toutes les difficultés, a envoyé aux états une déclaration par
laquelle elle se désiste de la régence, en cas qu'il soit élu.

Il y a soixante et quelques années qu'une autre reine, nommée
Christine, abdiqua la couronne pour se donner tout entière à la
philosophie. Je ne sais lequel de ces deux exemples nous devons
admirer davantage.

Quoique j'approuve assez que chacun se tienne ferme dans le poste où
la nature l'a mis; et que je ne puisse louer la foiblesse de ceux
qui, se trouvant au-dessous de leur état, le quittent comme par une
espèce de désertion; je suis cependant frappé de la grandeur d'âme
de ces deux princesses, et de voir l'esprit de l'une et le coeur
de l'autre supérieurs à leur fortune. Christine a songé à connoître
dans le temps que les autres ne songent qu'à jouir; et l'autre ne
veut jouir que pour mettre tout son bonheur entre les mains de son
auguste époux.

    De Paris, le 27 de la lune de Maharram, 1720.



LETTRE CXL.

RICA A USBEK.

A ***.


Le parlement de Paris vient d'être relégué dans une petite ville
qu'on appelle Pontoise. Le conseil lui a envoyé enregistrer ou
approuver une déclaration qui le déshonore; et il l'a enregistrée
d'une manière qui déshonore le conseil.

On menace d'un pareil traitement quelques parlements du royaume.

Ces compagnies sont toujours odieuses: elles n'approchent des rois
que pour leur dire de tristes vérités; et pendant qu'une foule de
courtisans leur représentent sans cesse un peuple heureux sous leur
gouvernement, elles viennent démentir la flatterie, et apporter au
pied du trône les gémissements et les larmes dont elles sont
dépositaires.

C'est un pesant fardeau, mon cher Usbek, que celui de la vérité,
lorsqu'il faut la porter jusqu'aux princes: ils doivent bien penser
que ceux qui le font y sont contraints, et qu'ils ne se résoudroient
jamais à faire des démarches si tristes et si affligeantes pour ceux
qui les font, s'ils n'y étoient forcés par leur devoir, leur
respect, et même leur amour.

    De Paris, le 21 de la lune de Gemmadi 1, 1720.



LETTRE CXLI.

RICA AU MÊME.

A ***.


J'irai te voir sur la fin de la semaine: que les jours couleront
agréablement avec toi!

Je fus présenté, il y a quelques jours, à une dame de la cour, qui
avoit quelque envie de voir ma figure étrangère. Je la trouvai
belle, digne des regards de notre monarque, et d'un rang auguste
dans le lieu sacré où son coeur repose.

Elle me fit mille questions sur les moeurs des Persans, et sur la
manière de vivre des Persanes: il me parut que la vie du sérail
n'étoit pas de son goût, et qu'elle trouvoit de la répugnance à voir
un homme partagé entre dix ou douze femmes. Elle ne put voir sans
envie le bonheur de l'un, et sans pitié la condition des autres.
Comme elle aime la lecture, surtout celle des poëtes et des romans,
elle souhaita que je lui parlasse des nôtres: ce que je lui en dis
redoubla sa curiosité; elle me pria de lui faire traduire un
fragment de quelques-uns de ceux que j'ai apportés. Je le fis, et je
lui envoyai, quelques jours après, un conte persan: peut-être
seras-tu, bien aise de le voir travesti.

       *       *       *       *       *

Du temps de Cheik-Ali-Can, il y avoit en Perse une femme nommée
Zuléma: elle savoit par coeur tout le saint Alcoran; il n'y avoit
point de dervis qui entendît mieux qu'elle les traditions des saints
prophètes; les docteurs arabes n'avoient rien dit de si mystérieux
qu'elle n'en comprît tous les sens; et elle joignoit à tant de
connoissances un certain caractère d'esprit enjoué, qui laissoit à
peine deviner si elle vouloit amuser ceux à qui elle parloit, ou les
instruire.

Un jour qu'elle étoit avec ses compagnes dans une des salles du
sérail, une d'elles lui demanda ce qu'elle pensoit de l'autre vie,
et si elle ajoutoit foi à cette ancienne tradition de nos docteurs,
que le paradis n'est fait que pour les hommes.

C'est le sentiment commun, leur dit-elle; il n'y a rien que l'on
n'ait fait pour dégrader notre sexe. Il y a même une nation répandue
par toute la Perse, qu'on appelle la nation juive, qui soutient, par
l'autorité de ses livres sacrés, que nous n'avons point d'âme.

Ces opinions si injurieuses n'ont d'autre origine que l'orgueil des
hommes, qui veulent porter leur supériorité au delà même de leur
vie; et ne pensent pas que, dans le grand jour, toutes les créatures
paroîtront devant Dieu comme le néant, sans qu'il y ait entre elles
de prérogatives que celles que la vertu y aura mises.

Dieu ne se bornera point dans ses récompenses: et comme les hommes
qui auront bien vécu, et bien usé de l'empire qu'ils ont ici-bas sur
nous, seront dans un paradis plein de beautés célestes et
ravissantes, et telles que, si un mortel les avoit vues, il se
donneroit aussitôt la mort, dans l'impatience d'en jouir; aussi les
femmes vertueuses iront dans un lieu de délices, où elles seront
enivrées d'un torrent de voluptés, avec des hommes divins qui leur
seront soumis: chacune d'elles aura un sérail, dans lequel ils
seront enfermés; et des eunuques, encore plus fidèles que les
nôtres, pour les garder.

J'ai lu, ajouta-t-elle, dans un livre arabe, qu'un homme, nommé
Ibrahim, étoit d'une jalousie insupportable. Il avoit douze femmes
extrêmement belles, qu'il traitoit d'une manière très-dure: il ne se
fioit plus à ses eunuques, ni aux murs de son sérail; il les tenoit
presque toujours sous la clef, enfermées dans leur chambre, sans
qu'elles pussent se voir ni se parler; car il étoit même jaloux
d'une amitié innocente: toutes ses actions prenoient la teinture de
sa brutalité naturelle; jamais une douce parole ne sortit de sa
bouche; et jamais il ne fit un moindre signe qui n'ajoutât quelque
chose à la rigueur de leur esclavage.

Un jour qu'il les avoit toutes assemblées dans une salle de son
sérail, une d'entre elles, plus hardie que les autres, lui reprocha
son mauvais naturel. Quand on cherche si fort les moyens de se faire
craindre, lui dit-elle, on trouve toujours auparavant ceux de se
faire haïr. Nous sommes si malheureuses, que nous ne pouvons nous
empêcher de désirer un changement: d'autres, à ma place,
souhaiteroient votre mort; je ne souhaite que la mienne: et, ne
pouvant espérer d'être séparée de vous que par là, il me sera encore
bien doux d'en être séparée. Ce discours, qui auroit dû le toucher,
le fit entrer dans une furieuse colère; il tira son poignard, et le
lui plongea dans le sein. Mes chères compagnes, dit-elle d'une voix
mourante, si le ciel a pitié de ma vertu, vous serez vengées. A ces
mots, elle quitta cette vie infortunée, pour aller dans le séjour
des délices, où les femmes qui ont bien vécu jouissent d'un bonheur
qui se renouvelle toujours.

D'abord elle vit une prairie riante, dont la verdure étoit relevée
par les peintures des fleurs les plus vives: un ruisseau, dont les
eaux étoient plus pures que le cristal, y faisoit un nombre infini
de détours. Elle entra ensuite dans des bocages charmants, dont le
silence n'étoit interrompu que par le doux chant des oiseaux; de
magnifiques jardins se présentèrent ensuite; la nature les avoit
ornés avec sa simplicité, et toute sa magnificence. Elle trouva
enfin un palais superbe préparé pour elle, et rempli d'hommes
célestes destinés à ses plaisirs.

Deux d'entre eux se présentèrent aussitôt pour la déshabiller;
d'autres la mirent dans le bain, et la parfumèrent des plus
délicieuses essences; on lui donna ensuite des habits infiniment
plus riches que les siens; après quoi on la mena dans une grande
salle, où elle trouva un feu fait avec des bois odoriférants, et une
table couverte des mets les plus exquis. Tout sembloit concourir au
ravissement de ses sens: elle entendoit d'un côté une musique
d'autant plus divine qu'elle étoit plus tendre; de l'autre, elle ne
voyoit que des danses de ces hommes divins, uniquement occupés à lui
plaire. Cependant tant de plaisirs ne devoient servir qu'à la
conduire insensiblement à des plaisirs plus grands. On la mena dans
sa chambre; et, après l'avoir encore une fois déshabillée, on la
porta dans un lit superbe, où deux hommes d'une beauté charmante la
reçurent dans leurs bras. C'est pour lors qu'elle fut enivrée, et
que ses ravissements passèrent même ses désirs. Je suis toute hors
de moi, leur disoit-elle; je croirois mourir, si je n'étois sûre de
mon immortalité. C'en est trop, laissez-moi; je succombe sous la
violence des plaisirs. Oui, vous rendez un peu le calme à mes sens;
je commence à respirer et à revenir à moi-même. D'où vient que l'on
a ôté les flambeaux? Que ne puis-je à présent considérer votre
beauté divine? Que ne puis-je voir... Mais pourquoi voir? Vous me
faites rentrer dans mes premiers transports. O dieux! que ces
ténèbres sont aimables! Quoi! je serai immortelle, et immortelle
avec vous! je serai... Non, je vous demande grâce, car je vois bien
que vous êtes gens à n'en demander jamais.

Après plusieurs commandements réitérés, elle fut obéie: mais elle ne
le fut que lorsqu'elle voulut l'être bien sérieusement. Elle se
reposa languissamment, et s'endormit dans leurs bras. Deux moments
de sommeil réparèrent sa lassitude: elle reçut deux baisers qui
l'enflammèrent soudain, et lui firent ouvrir les yeux. Je suis
inquiète, dit-elle; je crains que vous ne m'aimiez plus. C'étoit un
doute dans lequel elle ne vouloit pas rester longtemps: aussi
eut-elle avec eux tous les éclaircissements qu'elle pouvoit désirer.
Je suis désabusée, s'écria-t-elle; pardon, pardon; je suis sûre de
vous. Vous ne me dites rien, mais vous prouvez mieux que tout ce que
vous me pourriez dire: oui, oui, je vous le confesse, on n'a jamais
tant aimé. Mais quoi! vous vous disputez tous deux l'honneur de me
persuader! Ah! si vous vous disputez, si vous joignez l'ambition au
plaisir de ma défaite, je suis perdue; vous serez tous deux
vainqueurs, il n'y aura que moi de vaincue; mais je vous vendrai
bien cher la victoire.

Tout ceci ne fut interrompu que par le jour. Ses fidèles et aimables
domestiques entrèrent dans sa chambre, et firent lever ces deux
jeunes hommes, que deux vieillards ramenèrent dans les lieux où ils
étoient gardés pour ses plaisirs. Elle se leva ensuite, et parut
d'abord à cette cour idolâtre dans les charmes d'un déshabillé
simple, et ensuite couverte des plus somptueux ornements. Cette nuit
l'avoit embellie; elle avoit donné de la vie à son teint, et de
l'expression à ses grâces. Ce ne fut pendant tout le jour que
danses, que concerts, que festins, que jeux, que promenades; et l'on
remarquoit qu'Anaïs se déroboit de temps en temps, et voloit vers
ses deux jeunes héros; après quelques précieux instants d'entrevue,
elle revenoit vers la troupe qu'elle avoit quittée, toujours avec un
visage plus serein. Enfin, sur le soir, on la perdit tout à fait:
elle alla s'enfermer dans le sérail, où elle vouloit, disoit-elle,
faire connoissance avec ces captifs immortels qui devoient à jamais
vivre avec elle. Elle visita donc les appartements de ces lieux les
plus reculés et les plus charmants où elle compta cinquante esclaves
d'une beauté miraculeuse: elle erra toute la nuit de chambre en
chambre, recevant partout des hommages toujours différents, et
toujours les mêmes.

Voilà comment l'immortelle Anaïs passoit sa vie, tantôt dans des
plaisirs éclatants, tantôt dans des plaisirs solitaires; admirée
d'une troupe brillante, ou bien aimée d'un amant éperdu: souvent
elle quittoit un palais enchanté pour aller dans une grotte
champêtre; les fleurs sembloient naître sous ses pas, et les jeux se
présentoient en foule au-devant d'elle.

Il y avoit plus de huit jours qu'elle étoit dans cette demeure
heureuse, que, toujours hors d'elle-même, elle n'avoit pas fait une
seule réflexion: elle avoit joui de son bonheur sans le connoître,
et sans avoir eu un seul de ces moments tranquilles, où l'âme se
rend, pour ainsi dire, compte à elle-même, et s'écoute dans le
silence des passions.

Les bienheureux ont des plaisirs si vifs, qu'ils peuvent rarement
jouir de cette liberté d'esprit: c'est pour cela qu'attachés
invinciblement aux objets présents, ils perdent entièrement la
mémoire des choses passées, et n'ont plus aucun souci de ce qu'ils
ont connu ou aimé dans l'autre vie.

Mais Anaïs, dont l'esprit étoit vraiment philosophe, avoit passé
presque toute sa vie à méditer: elle avoit poussé ses réflexions
beaucoup plus loin qu'on n'auroit dû l'attendre d'une femme laissée
à elle-même. La retraite austère que son mari lui avoit fait garder
ne lui avoit laissé que cet avantage. C'est cette force d'esprit qui
lui avoit fait mépriser la crainte dont ses compagnes étoient
frappées, et la mort, qui devoit être la fin de ses peines et le
commencement de sa félicité.

Ainsi elle sortit peu à peu de l'ivresse des plaisirs, et s'enferma
seule dans un appartement de son palais. Elle se laissa aller à des
réflexions bien douces sur sa condition passée, et sur sa félicité
présente; elle ne put s'empêcher de s'attendrir sur le malheur de
ses compagnes: on est sensible à des tourments que l'on a partagés.
Anaïs ne se tint pas dans les simples bornes de la compassion: plus
tendre envers ces infortunées, elle se sentit portée à les secourir.

Elle donna ordre à un de ces jeunes hommes qui étoient auprès d'elle
de prendre la figure de son mari; d'aller dans son sérail de s'en
rendre maître: de l'en chasser, et d'y rester à sa place jusqu'à ce
qu'elle le rappelât.

L'exécution fut prompte: il fendit les airs, arriva à la porte du
sérail d'Ibrahim, qui n'y étoit pas. Il frappe, tout lui est ouvert;
les eunuques tombent à ses pieds: il vole vers les appartements où
les femmes d'Ibrahim étoient enfermées. Il avoit, en passant, pris
les clefs dans la poche de ce jaloux, à qui il s'étoit rendu
invisible. Il entre, et les surprend d'abord par son air doux et
affable; et, bientôt après, il les surprend davantage par ses
empressements et par la rapidité de ses entreprises. Toutes eurent
leur part de l'étonnement; et elles l'auroient pris pour un songe,
s'il y eût eu moins de réalité.

Pendant que ces nouvelles scènes se jouent dans le sérail, Ibrahim
heurte, se nomme, tempête, et crie. Après avoir essuyé bien des
difficultés, il entre, et jette les eunuques dans un désordre
extrême. Il marche à grands pas; mais il recule en arrière, et tombe
comme des nues, quand il voit le faux Ibrahim, sa véritable image,
dans toutes les libertés d'un maître. Il crie au secours; il veut
que les eunuques lui aident à tuer cet imposteur; mais il n'est pas
obéi. Il n'a plus qu'une foible ressource, c'est de s'en rapporter
au jugement de ses femmes. Dans une heure le faux Ibrahim avoit
séduit tous ses juges. Il est chassé et traîné indignement hors du
sérail, et il auroit reçu la mort mille fois, si son rival n'avoit
ordonné qu'on lui sauvât la vie. Enfin, le nouvel Ibrahim, resté
maître du champ de bataille, se montra de plus en plus digne d'un
tel choix, et se signala par des miracles jusqu'alors inconnus. Vous
ne ressemblez pas à Ibrahim, disoient ces femmes. Dites, dites
plutôt que cet imposteur ne me ressemble pas, disoit le triomphant
Ibrahim: comment faut-il faire pour être votre époux, si ce que je
fais ne suffit pas?

Ah! nous n'avons garde de douter, dirent les femmes. Si vous n'êtes
pas Ibrahim, il nous suffit que vous ayez si bien mérité de l'être:
vous êtes plus Ibrahim en un jour qu'il ne l'a été dans le cours de
dix années. Vous me promettez donc, reprit-il, que vous vous
déclarerez en ma faveur contre cet imposteur? N'en doutez pas,
dirent-elles d'une commune voix; nous vous jurons une fidélité
éternelle: nous n'avons été que trop longtemps abusées: le traître
ne soupçonnoit point notre vertu, il ne soupçonnoit que sa
foiblesse; nous voyons bien que les hommes ne sont point faits comme
lui; c'est à vous sans doute qu'ils ressemblent: si vous saviez
combien vous nous le faites haïr! Ah! je vous donnerai souvent de
nouveaux sujets de haine, reprit le faux Ibrahim: vous ne connoissez
point encore tout le tort qu'il vous a fait. Nous jugeons de son
injustice par la grandeur de votre vengeance, reprirent-elles. Oui,
vous avez raison, dit l'homme divin; j'ai mesuré l'expiation au
crime: je suis bien aise que vous soyez contentes de ma manière de
punir. Mais, dirent ces femmes, si cet imposteur revient, que
ferons-nous? Il lui seroit, je crois, difficile de vous tromper,
répondit-il: dans la place que j'occupe auprès de vous, on ne se
soutient guère par la ruse; et d'ailleurs je l'enverrai si loin, que
vous n'entendrez plus parler de lui, pour lors je prendrai sur moi
le soin de votre bonheur. Je ne serai point jaloux; je saurai
m'assurer de vous, sans vous gêner; j'ai assez bonne opinion de mon
mérite pour croire que vous me serez fidèles: si vous n'étiez pas
vertueuses avec moi, avec qui le seriez-vous? Cette conversation
dura longtemps entre lui et ces femmes, qui, plus frappées de la
différence des deux Ibrahims que de leur ressemblance, ne songeoient
pas même à se faire éclaircir de tant de merveilles. Enfin le mari
désespéré revint encore les troubler; il trouva toute sa maison dans
la joie, et les femmes plus incrédules que jamais. La place n'étoit
pas tenable pour un jaloux; il sortit furieux; et un instant après
le faux Ibrahim le suivit, le prit, le transporta dans les airs, et
le laissa à quatre cents lieues de là.

O dieux! dans quelle désolation se trouvèrent ces femmes dans
l'absence de leur cher Ibrahim! Déjà leurs eunuques avoient repris
leur sévérité naturelle; toute la maison étoit en larmes; elles
s'imaginoient quelquefois que tout ce qu'il leur étoit, arrivé
n'étoit qu'un songe; elles se regardoient toutes les unes les
autres, et se rappeloient les moindres circonstances de ces étranges
aventures. Enfin, Ibrahim revint, toujours plus aimable; il leur
parut que son voyage n'avoit pas été pénible. Le nouveau maître prit
une conduite si opposée à celle de l'autre qu'elle surprit tous les
voisins. Il congédia tous les eunuques, rendit sa maison accessible
à tout le monde: il ne voulut pas même souffrir que ses femmes se
voilassent. C'étoit une chose singulière de les voir dans les
festins, parmi des hommes, aussi libres qu'eux. Ibrahim crut avec
raison que les coutumes du pays n'étoient pas faites pour des
citoyens comme lui. Cependant il ne se refusoit aucune dépense: il
dissipa avec une immense profusion les biens du jaloux, qui, de
retour trois ans après des pays lointains où il avoit été
transporté, ne trouva plus que ses femmes et trente-six enfants.

    De Paris, le 26 de la lune de Gemmadi 1, 1720.



LETTRE CXLII.

RICA A USBEK.

A ***.


Voici une lettre que je reçus hier d'un savant: elle te paroîtra
singulière.

    «Monsieur,

«Il y a six mois que j'ai recueilli la succession d'un oncle
très-riche, qui m'a laissé cinq ou six cent mille livres, et une
maison superbement meublée. Il y a plaisir d'avoir du bien lorsqu'on
en sait faire un bon usage. Je n'ai point d'ambition ni de goût pour
les plaisirs: je suis presque toujours enfermé dans un cabinet, où
je mène la vie d'un savant. C'est dans ce lieu que l'on trouve un
curieux amateur de la vénérable antiquité.

«Lorsque mon oncle eut fermé les yeux, j'aurois fort souhaité de le
faire enterrer avec les cérémonies observées par les anciens Grecs
et Romains: mais je n'avois pour lors ni lacrymatoires, ni urnes, ni
lampes antiques.

«Mais depuis je me suis bien pourvu de ces précieuses raretés. Il y
a quelques jours que je vendis ma vaisselle d'argent pour acheter
une lampe de terre qui avoit servi à un philosophe stoïcien. Je me
suis défait de toutes les glaces dont mon oncle avoit couvert
presque tous les murs de ses appartements, pour avoir un petit
miroir un peu fêlé, qui fut autrefois à l'usage de Virgile: je suis
charmé d'y voir ma figure représentée, au lieu de celle du cygne de
Mantoue. Ce n'est pas tout: j'ai acheté cent louis d'or cinq ou six
pièces de monnoie de cuivre qui avoit cours il y a deux mille ans.
Je ne sache pas avoir à présent dans ma maison un seul meuble qui
n'ait été fait avant la décadence de l'empire. J'ai un petit cabinet
de manuscrits fort précieux et fort chers: quoique je me tue la vue
à les lire, j'aime beaucoup mieux m'en servir que des exemplaires
imprimés, qui ne sont pas si corrects, et que tout le monde a entre
les mains. Quoique je ne sorte presque jamais, je ne laisse pas
d'avoir une passion démesurée de connoître tous les anciens chemins
qui étoient du temps des Romains. Il y en a un qui est près de chez
moi, qu'un proconsul des Gaules fit faire il y a environ douze cents
ans: lorsque je vais à ma maison de campagne, je ne manque jamais
d'y passer, quoiqu'il soit très incommode, et qu'il m'allonge de
plus d'une lieue; mais ce qui me fait enrager, c'est qu'on y a mis
des poteaux de bois de distance en distance, pour marquer
l'éloignement des villes voisines; je suis désespéré de voir ces
misérables indices, au lieu des colonnes milliaires qui y étoient
autrefois: je ne doute pas que je ne les fasse rétablir par mes
héritiers, et que je ne les engage à cette dépense par mon
testament. Si vous avez, monsieur, quelque manuscrit persan, vous me
ferez plaisir de m'en accommoder: je vous le payerai tout ce que
vous voudrez; et je vous donnerai par-dessus le marché quelques
ouvrages de ma façon, par lesquels vous verrez que je ne suis point
un membre inutile de la république des lettres. Vous y remarquerez
entre autres une dissertation, où je prouve que la couronne dont on
se servoit autrefois dans les triomphes étoit de chêne, et non pas
de laurier: vous en admirerez une autre, où je prouve, par de doctes
conjectures tirées des plus graves auteurs grecs, que Cambyses fut
blessé à la jambe gauche, et non pas à la droite; une autre, où je
prouve qu'un petit front étoit une beauté recherchée par les
Romains. Je vous enverrai encore un volume in-quarto, en forme
d'explication d'un vers du sixième livre de l'Enéide de Virgile.
Vous ne recevrez tout ceci que dans quelques jours; et quant à
présent, je me contente de vous envoyer ce fragment d'un ancien
mythologiste grec, qui n'avoit point paru jusques ici, et que j'ai
découvert dans la poussière d'une bibliothèque. Je vous quitte pour
une affaire importante que j'ai sur les bras: il s'agit de restituer
un beau passage de Pline le naturaliste, que les copistes du
cinquième siècle ont étrangement défiguré. Je suis, etc.»


FRAGMENT D'UN ANCIEN MYTHOLOGISTE.


«Dans une île près des Orcades, il naquit un enfant qui avoit pour
père Éole, dieu des vents, et pour mère une nymphe de Calédonie. On
dit de lui qu'il apprit tout seul à compter avec ses doigts; et que,
dès l'âge de quatre ans, il distinguoit si parfaitement les métaux,
que sa mère ayant voulu lui donner une bague de laiton au lieu d'une
d'or, il reconnut la tromperie, et la jeta par terre.

«Dès qu'il fut grand, son père lui apprit le secret d'enfermer les
vents dans une outre, qu'il vendoit ensuite à tous les voyageurs;
mais comme la marchandise n'étoit pas fort prisée dans son pays, il
le quitta, et se mit à courir le monde en compagnie de l'aveugle
dieu du hasard.

«Il apprit dans ses voyages que dans la Bétique l'or reluisoit de
toutes parts: cela fit qu'il y précipita ses pas. Il y fut fort mal
reçu de Saturne, qui régnoit pour lors; mais ce dieu ayant quitté la
terre, il s'avisa d'aller dans tous les carrefours, où il crioit
sans cesse d'une voix rauque: Peuples de Bétique, vous croyez être
riches parce que vous avez de l'or et de l'argent; votre erreur me
fait pitié: croyez-moi, quittez le pays des vils métaux; venez dans
l'empire de l'imagination; et je vous promets des richesses qui vous
étonneront vous-mêmes. Aussitôt il ouvrit une grande partie des
outres qu'il avoit apportées, et il distribua de sa marchandise à
qui en voulut.

«Le lendemain il revint dans les mêmes carrefours, et il s'écria:
Peuples de Bétique, voulez-vous être riches? Imaginez-vous que je le
suis beaucoup, et que vous l'êtes beaucoup aussi; mettez-vous tous
les matins dans l'esprit que votre fortune a doublé pendant la nuit;
levez-vous ensuite; et, si vous avez des créanciers, allez les payer
de ce que vous aurez imaginé; et dites-leur d'imaginer à leur tour.

«Il reparut quelques jours après, et il parla ainsi: Peuples de
Bétique, je vois bien que votre imagination n'est pas si vive que
les premiers jours; laissez-vous conduire à la mienne; je mettrai
tous les matins devant vos yeux un écriteau qui sera pour vous la
source des richesses: vous n'y verrez que quatre paroles; mais elles
seront bien significatives, car elles régleront la dot de vos
femmes, la légitime de vos enfants, le nombre de vos domestiques. Et
quant à vous, dit-il à ceux de la troupe qui étoient le plus près de
lui; quant à vous, mes chers enfants (je puis vous appeler de ce
nom, car vous avez reçu de moi une seconde naissance), mon écriteau
décidera de la magnificence de vos équipages, de la somptuosité de
vos festins, du nombre et de la pension de vos maîtresses.

«A quelques jours de là il arriva dans le carrefour, tout essoufflé;
et, transporté de colère, il s'écria: Peuples de Bétique, je vous
avois conseillé d'imaginer, et je vois que vous ne le faites pas: eh
bien! à présent je vous l'ordonne. Là-dessus, il les quitta
brusquement; mais la réflexion le rappela sur ses pas. J'apprends
que quelques-uns de vous sont assez détestables pour conserver leur
or et leur argent. Encore passe pour l'argent; mais pour de l'or....
pour de l'or... Ah! cela me met dans une indignation... Je jure par
mes outres sacrées que, s'ils ne viennent me l'apporter, je les
punirai sévèrement. Puis il ajouta d'un air tout à fait persuasif:
Croyez-vous que ce soit pour garder ces misérables métaux que je
vous les demande? Une marque de ma candeur, c'est que, lorsque vous
me les apportâtes il y a quelques jours, je vous en rendis
sur-le-champ la moitié.

«Le lendemain on l'aperçut de loin, et on le vit s'insinuer avec une
voix douce et flatteuse: Peuples de Bétique, j'apprends que vous
avez une partie de vos trésors dans les pays étrangers; je vous
prie, faites-les-moi venir; vous me ferez plaisir, et je vous en
aurai une reconnoissance éternelle.

«Le fils d'Éole parloit à des gens qui n'avoient pas grande envie de
rire; ils ne purent pourtant s'en empêcher: ce qui fit qu'il s'en
retourna bien confus. Mais, reprenant courage, il hasarda encore une
petite prière: je sais que vous avez des pierres précieuses; au nom
de Jupiter, défaites-vous-en: rien ne vous appauvrit comme ces
sortes de choses; défaites-vous-en, vous dis-je: si vous ne le
pouvez pas par vous-mêmes, je vous donnerai des hommes d'affaires
excellents. Que de richesses vont couler chez vous, si vous faites
ce que je vous conseille! Oui, je vous promets tout ce qu'il y aura
de plus pur dans mes outres.

«Enfin il monta sur un tréteau, et, prenant une voix plus assurée,
il dit: Peuples de Bétique, j'ai comparé l'heureux état dans lequel
vous êtes, avec celui où je vous trouvai lorsque j'arrivai ici; je
vous vois le plus riche peuple de la terre: mais, pour achever votre
fortune, souffrez que je vous ôte la moitié de vos biens. A ces
mots, d'une aile légère le fils d'Eole disparut, et laissa ses
auditeurs dans une consternation inexprimable; ce qui fit qu'il
revint le lendemain, et parla ainsi: Je m'aperçus hier que mon
discours vous déplut extrêmement. Eh bien! prenez que je ne vous aie
rien dit. Il n'y a qu'à prendre d'autres expédients pour arriver au
but que je me suis proposé. Assemblons nos richesses dans un même
endroit; nous le pouvons facilement, car elles ne tiennent pas un
gros volume. Aussitôt il en disparut les trois quarts.»

    De Paris, le 9 de la lune de Chahban, 1720.



LETTRE CXLIII.

RICA A NATHANAEL LÉVI, MÉDECIN JUIF.

A Livourne.


Tu me demandes ce que je pense de la vertu des amulettes, et de la
puissance des talismans. Pourquoi t'adresses-tu à moi? tu es Juif,
et je suis mahométan: c'est-à-dire que nous sommes tous deux bien
crédules.

Je porte toujours sur moi plus de deux mille passages du saint
Alcoran; j'attache à mes bras un petit paquet, où sont écrits les
noms de plus de deux cents dervis: ceux d'Ali, de Fatmé, et de tous
les Purs, sont cachés en plus de vingt endroits de mes habits.

Cependant je ne désapprouve point ceux qui rejettent cette vertu que
l'on attribue à de certaines paroles: il nous est bien plus
difficile de répondre à leurs raisonnements, qu'à eux de répondre à
nos expériences.

Je porte tous ces chiffons sacrés par une longue habitude, pour me
conformera une pratique universelle: je crois que, s'ils n'ont pas
plus de vertu que les bagues et les autres ornements dont on se
pare, ils n'en ont pas moins. Mais toi, tu mets toute ta confiance
sur quelques lettres mystérieuses, et, sans cette sauvegarde, tu
serois dans un effroi continuel.

Les hommes sont bien malheureux! ils flottent sans cesse entre de
fausses espérances et des craintes ridicules: et, au lieu de
s'appuyer sur la raison, ils se font des monstres qui les
intimident, ou des fantômes qui les séduisent.

Quel effet veux-tu que produise l'arrangement de certaines lettres?
Quel effet veux-tu que leur dérangement puisse troubler? quelle
relation ont-elles avec les vents, pour apaiser les tempêtes; avec
la poudre à canon, pour en vaincre l'effort; avec ce que les
médecins appellent l'humeur peccante et la cause morbifique des
maladies, pour les guérir?

Ce qu'il y a d'extraordinaire, c'est que ceux qui fatiguent leur
raison pour lui faire rapporter de certains événements à des vertus
occultes, n'ont pas un moindre effort à faire pour s'empêcher d'en
voir la véritable cause.

Tu me diras que de certains prestiges ont fait gagner une bataille:
et moi je te dirai qu'il faut que tu t'aveugles, pour ne pas trouver
dans la situation du terrain, dans le nombre ou dans le courage des
soldats, dans l'expérience des capitaines, des causes suffisantes
pour produire cet effet dont tu veux ignorer la cause.

Je te passe pour un moment qu'il y ait des prestiges: passe-moi à
mon tour, pour un moment, qu'il n'y en ait point; car cela n'est pas
impossible. Cette concession que tu me fais n'empêche pas que deux
armées ne puissent se battre: veux-tu que, dans ce cas-là, aucune
des deux ne puisse remporter la victoire?

Crois-tu que leur sort restera incertain jusqu'à ce que quelque
puissance invisible vienne le déterminer? que tous les coups seront
perdus, toute la prudence vaine, et tout le courage inutile?

Penses-tu que la mort, dans ces occasions, rendue présente de mille
manières, ne puisse pas produire dans les esprits ces terreurs
paniques que tu as tant de peine à expliquer? Veux-tu que, dans une
armée de cent mille hommes, il ne puisse pas y avoir un seul homme
timide? Crois-tu que le découragement de celui-ci ne puisse pas
produire le découragement d'un autre? que le second, qui quitte un
troisième, ne lui fasse pas bientôt abandonner un quatrième? Il n'en
faut pas davantage pour que le désespoir de vaincre saisisse soudain
toute une armée, et la saisisse d'autant plus facilement qu'elle se
trouve plus nombreuse.

Tout le monde sait, et tout le monde sent, que les hommes, comme
toutes les créatures qui tendent à conserver leur être, aiment
passionnément la vie; on sait cela en général: et on cherche
pourquoi, dans une certaine occasion particulière, ils ont craint de
la perdre?

Quoique les livres sacrés de toutes les nations soient remplis de
ces terreurs paniques ou surnaturelles, je n'imagine rien de si
frivole, parce que, pour s'assurer qu'un effet qui peut être produit
par cent mille causes naturelles est surnaturel, il faut avoir
auparavant examiné si aucune de ces causes n'a agi; ce qui est
impossible.

Je ne t'en dirai pas davantage, Nathanaël: il me semble que la
matière ne mérite pas d'être si sérieusement traitée.

    De Paris, le 20 de la lune de Chahban, 1720.

_P. S._ Comme je finissois, j'ai entendu crier dans la rue une
lettre d'un médecin de province à un médecin de Paris (car ici
toutes les bagatelles s'impriment, se publient, et s'achètent): j'ai
cru que je ferois bien de te l'envoyer, parce qu'elle a du rapport à
notre sujet. Il y a bien des choses que je n'entends pas: mais toi,
qui es médecin, tu dois entendre le langage de tes confrères.


LETTRE D'UN MÉDECIN DE PROVINCE A UN MÉDECIN DE PARIS.

Il y avoit dans notre ville un malade qui ne dormoit point depuis
trente-cinq jours: son médecin lui ordonna l'opium; mais il ne
pouvoit se résoudre à le prendre; et il avoit la coupe à la main;
qu'il étoit plus indéterminé que jamais. Enfin il dit à son médecin:
Monsieur, je vous demande quartier seulement jusqu'à demain: je
connois un homme qui n'exerce pas la médecine, mais qui a chez lui
un nombre innombrable de remèdes contre l'insomnie; souffrez que je
l'envoie quérir: et, si je ne dors pas cette nuit, je vous promets
que je reviendrai à vous. Le médecin congédié, le malade fit fermer
les rideaux, et dit à un petit laquais: Tiens, va-t'en chez M. Anis,
et dis-lui qu'il vienne me parler. M. Anis arrive. Mon cher monsieur
Anis, je me meurs, je ne puis dormir: n'auriez-vous point, dans
votre boutique, la C. du G., ou bien quelque livre de dévotion
composé par un révérend père jésuite, que vous n'ayez pas pu vendre?
car souvent les remèdes les plus gardés sont les meilleurs.
Monsieur, dit le libraire, j'ai chez moi la Cour sainte du P.
Caussin, en six volumes, à votre service: je vais vous l'envoyer; je
souhaite que vous vous en trouviez bien. Si vous voulez les
oeuvres du révérend père Rodriguez, jésuite espagnol, ne vous en
faites faute. Mais, croyez-moi, tenons-nous-en au père Caussin;
j'espère, avec l'aide de Dieu, qu'une période du père Caussin vous
fera autant d'effet qu'un feuillet tout entier de la C. du G.
Là-dessus M. Anis sortit, et courut chercher le remède à sa
boutique. La Cour sainte arrive: on en secoue la poudre; le fils du
malade, jeune écolier, commence à la lire: il en sentit le premier
l'effet, à la seconde page il ne prononçoit plus que d'une voix mal
articulée, et déjà toute la compagnie se sentoit affoiblie: un
instant après tout ronfla, excepté le malade, qui après avoir été
longtemps éprouvé, s'assoupit à la fin.

Le médecin arrive de grand matin. Hé bien! a-t-on pris mon opium? On
ne lui répond rien: la femme, la fille, le petit garçon, tous
transportés de joie, lui montrent le père Caussin. Il demande ce que
c'est; on lui dit: Vive le père Caussin! il faut l'envoyer relier.
Qui l'eût dit? qui l'eût cru? c'est un miracle! Tenez, monsieur,
voyez donc le père Caussin: c'est ce volume-là qui a fait dormir mon
père. Et là-dessus on lui expliqua la chose, comme elle s'étoit
passée.

Le médecin étoit un homme subtil, rempli des mystères de la cabale,
et de la puissance des paroles et des esprits: cela le frappa; et,
après plusieurs réflexions, il résolut de changer absolument sa
pratique. Voilà un fait bien singulier, disoit-il. Je tiens une
expérience; il faut la pousser plus loin. Hé pourquoi un esprit ne
pourroit-il pas transmettre à son ouvrage les mêmes qualités qu'il a
lui-même? ne le voyons-nous pas tous les jours? Au moins cela
vaut-il bien la peine de l'essayer. Je suis las des apothicaires;
leurs sirops, leurs juleps, et toutes les drogues galéniques ruinent
les malades et leur santé: changeons de méthode; éprouvons la vertu
des esprits. Sur cette idée il dressa une nouvelle pharmacie, comme
vous allez voir par la description que je vous vais faire des
principaux remèdes qu'il mit en pratique.


_Tisane purgative._

Prenez trois feuilles de la logique d'Aristote en grec; deux
feuilles d'un traité de théologie scholastique le plus aigu, comme,
par exemple, du subtil Scot; quatre de Paracelse; une d'Avicenne;
six d'Averroès; trois de Porphyre; autant de Plotin; autant de
Jamblique: faites infuser le tout pendant vingt-quatre heures, et
prenez-en quatre prises par jour.


_Purgatif plus violent._

Prenez dix A*** du C*** concernant la B*** et la C*** des I***;
faites-les distiller au bain-marie; mortifiez une goutte de l'humeur
âcre et piquante qui en viendra, dans un verre d'eau commune: avalez
le tout avec confiance.


_Vomitif._

Prenez six harangues; une douzaine d'oraisons funèbres
indifféremment, prenant garde pourtant de ne point se servir de
celles de M. de N.; un recueil de nouveaux opéras; cinquante romans;
trente mémoires nouveaux: mettez le tout dans un matras; laissez-le
en digestion pendant deux jours; puis faites-le distiller au feu de
sable. Et si tout cela ne suffit pas,


_Autre plus puissant._

Prenez une feuille de papier marbré, qui ait servi à couvrir un
recueil des pièces des J. F.; faites-la infuser l'espace de trois
minutes; faites chauffer une cuillerée de cette infusion; et avalez.


_Remède très-simple pour guérir de l'asthme._

Lisez tous les ouvrages du révérend père Maimbourg, ci-devant
jésuite, prenant garde de ne vous arrêter qu'à la fin de chaque
période: et vous sentirez la faculté de respirer vous revenir peu à
peu, sans qu'il soit besoin de réitérer le remède.


_Pour préserver de la gale, gratelle, teigne, farcin des chevaux._

Prenez trois catégories d'Aristote, deux degrés métaphysiques, une
distinction, six vers de Chapelain, une phrase tirée des lettres de
M. l'abbé de Saint-Cyran: écrivez le tout sur un morceau de papier,
que vous plierez, attacherez à un ruban, et porterez au col.


_Miraculum chymicum, de violenta fermentatione cum fumo, igne et
flammâ._

Misce Quesnellianam infusionem, cum infusione Lallemaniana; fiat
fermentatio cum magna vi, impetu et tonitru, acidis pugnantibus, et
invicem penetrantibus alcalinos sales: fiet evaporatio ardentium
spirituum. Pone liquorem fermentatum in alembico: nihil inde
extrahes, et nihil invenies, nisi caput mortuum.


_Lenitivum._

Recipe Molinæ anodyni chartas duas; Escobaris relaxativi paginas
sex; Vasquii emollientis folium unum: infunde in aquæ communis
libras iiij. Ad consumptionem dimidiæ partis colentur et
exprimantur; et in expressione dissolve Bauni detersivi et Tamburini
abluentis folia iij.

Fiat clyster.


_In chlorosim, quam vulgus pallidos-colores, aut febrim-amatoriam,
appellat._

Recipe Aretini figuras quatuor; R. Thomæ Sanchii de matrimonio folia
ij. Infundantur in aquæ communis libras quinque.

Fiat ptisana aperiens.

       *       *       *       *       *

Voilà les drogues que notre médecin mit en pratique, avec un succès
imaginable. Il ne vouloit pas, disoit-il, pour ne pas ruiner ses
malades, employer des remèdes rares, et qui ne se trouvent presque
point: comme, par exemple, une épître dédicatoire qui n'ait fait
bâiller personne; une préface trop courte; un mandement fait par un
évêque; et l'ouvrage d'un janséniste méprisé par un janséniste, ou
bien admiré par un jésuite. Il disoit que ces sortes de remèdes ne
sont propres qu'à entretenir la charlatanerie, contre laquelle il
avoit une antipathie insurmontable.



LETTRE CXLIV.

USBEK A RICA.


Je trouvai, il y a quelques jours, dans une maison de campagne où
j'étois allé, deux savants qui ont ici une grande célébrité. Leur
caractère me parut admirable. La conversation du premier, bien
appréciée, se réduisoit à ceci: Ce que j'ai dit est vrai, parce que
je l'ai dit. La conversation du second portoit sur autre chose: Ce
que je n'ai pas dit n'est pas vrai, parce que je ne l'ai pas dit.

J'aimois assez le premier: car qu'un homme soit opiniâtre, cela ne
me fait absolument rien; mais qu'il soit impertinent, cela me fait
beaucoup. Le premier défend ses opinions; c'est son bien; le second
attaque les opinions des autres; et c'est le bien de tout le monde.

Oh, mon cher Usbek, que la vanité sert mal ceux qui en ont une dose
plus forte que celle qui est nécessaire pour la conservation de la
nature! Ces gens-là veulent être admirés à force de déplaire. Ils
cherchent à être supérieurs; et ils ne sont pas seulement égaux.

Hommes modestes, venez, que je vous embrasse. Vous faites la douceur
et le charme de la vie. Vous croyez que vous n'avez rien; et moi je
vous dis que vous avez tout. Vous pensez que vous n'humiliez
personne; et vous humiliez tout le monde. Et, quand je vous compare
dans mon idée avec ces hommes absolus que je vois partout, je les
précipite de leur tribunal, et je les mets à vos pieds.

    De Paris, le 22 de la lune de Chahban, 1720.



LETTRE CXLV.

USBEK A ***.


Un homme d'esprit est ordinairement difficile dans les sociétés. Il
choisit peu de personnes; il s'ennuie avec tout ce grand nombre de
gens qu'il lui plaît appeler mauvaise compagnie; il est impossible
qu'il ne fasse un peu sentir son dégoût: autant d'ennemis.

Sûr de plaire quand il voudra, il néglige très-souvent de le faire.

Il est porté à la critique, parce qu'il voit plus de choses qu'un
autre, et les sent mieux.

Il ruine presque toujours sa fortune, parce que son esprit lui
fournit pour cela un plus grand nombre de moyens.

Il échoue dans ses entreprises, parce qu'il hasarde beaucoup. Sa
vue, qui se porte toujours loin, lui fait voir des objets qui sont à
de trop grandes distances. Sans compter que, dans la naissance d'un
projet, il est moins frappé des difficultés qui viennent de la
chose, que des remèdes qui sont de lui, et qu'il tire de son propre
fonds.

Il néglige les menus détails, dont dépend cependant la réussite de
presque toutes les grandes affaires.

L'homme médiocre, au contraire, cherche à tirer parti de tout: il
sent bien qu'il n'a rien à perdre en négligences.

L'approbation universelle est plus ordinairement pour l'homme
médiocre. On est charmé de donner à celui-ci, on est enchanté d'ôter
à celui-là. Pendant que l'envie fond sur l'un, et qu'on ne lui
pardonne rien, on supplée tout en faveur de l'autre: la vanité se
déclare pour lui.

Mais, si un homme d'esprit a tant de désavantages, que dirons-nous
de la dure condition des savants?

Je n'y pense jamais que je ne me rappelle une lettre d'un d'eux à un
de ses amis. La voici.

    «Monsieur,

«Je suis un homme qui m'occupe, toutes les nuits, à regarder, avec
des lunettes de trente pieds, ces grands corps qui roulent sur nos
têtes; et quand je veux me délasser, je prends mes petits
microscopes, et j'observe un ciron ou une mite.

«Je ne suis point riche, et je n'ai qu'une seule chambre: je n'ose
même y faire du feu, parce que j'y tiens mon thermomètre, et que la
chaleur étrangère le feroit hausser. L'hiver dernier, je pensai
mourir de froid; et quoique mon thermomètre, qui étoit au plus bas
degré, m'avertît que mes mains alloient se geler, je ne me dérangeai
point; et j'ai la consolation d'être instruit exactement des
changements de temps les plus insensibles de toute l'année passée.

«Je me communique fort peu: et, de tous les gens que je vois, je
n'en connois aucun. Mais il y a un homme à Stockholm, un autre à
Leipsick, un autre à Londres, que je n'ai jamais vus, et que je ne
verrai sans doute jamais, avec lesquels j'entretiens une
correspondance si exacte, que je ne laisse pas passer un courrier
sans leur écrire.

«Mais, quoique je ne connoisse personne dans mon quartier, je suis
dans une si mauvaise réputation, que je serai, à la fin, obligé de
le quitter. Il y a cinq ans que je fus rudement insulté par une de
mes voisines, pour avoir fait la dissection d'un chien qu'elle
prétendoit lui appartenir. La femme d'un boucher, qui se trouva là,
se mit de la partie; et, pendant que celle-là m'accabloit d'injures,
celle-ci m'assommoit à coups de pierres, conjointement avec le
docteur ***, qui étoit avec moi, et qui reçut un coup terrible sur
l'os frontal et occipital, dont le siége de sa raison fut
très-ébranlé.

«Depuis ce temps-là, dès qu'il s'écarte quelque chien au bout de la
rue, il est aussitôt décidé qu'il a passé par mes mains. Une bonne
bourgeoise qui en avoit perdu un petit, qu'elle aimoit, disoit-elle,
plus que ses enfants, vint l'autre jour s'évanouir dans ma chambre;
et, ne le trouvant pas, elle me cita devant le magistrat. Je crois
que je ne serai jamais délivré de la malice importune de ces femmes
qui, avec leurs voix glapissantes, m'étourdissent sans cesse de
l'oraison funèbre de tous les automates qui sont morts depuis dix
ans.

«Je suis, etc.»

Tous les savants étoient autrefois accusés de magie. Je n'en suis
point étonné. Chacun disoit en lui-même: j'ai porté les talents
naturels aussi loin qu'ils peuvent aller; cependant un certain
savant a des avantages sur moi: il faut bien qu'il y ait là quelque
diablerie.

A présent que ces sortes d'accusations sont tombées dans le décri,
on a pris un autre tour; et un savant ne sauroit guère éviter le
reproche d'irréligion ou d'hérésie. Il a beau être absous par le
peuple: la plaie est faite; elle ne se fermera jamais bien. C'est
toujours pour lui un endroit malade. Un adversaire viendra, trente
ans après, lui dire modestement: A Dieu ne plaise que je dise que ce
dont on vous accuse soit vrai! mais vous avez été obligé de vous
défendre. C'est ainsi qu'on tourne contre lui sa justification même.

S'il écrit quelque histoire, et qu'il ait de la noblesse dans
l'esprit, et quelque droiture dans le coeur, on lui suscite mille
persécutions. On ira contre lui soulever le magistrat sur un fait
qui s'est passé il y a mille ans. Et on voudra que sa plume soit
captive, si elle n'est pas vénale.

Plus heureux cependant que ces hommes lâches, qui abandonnent leur
foi pour une médiocre pension; qui, à prendre toutes leurs
impostures en détail, ne les vendent pas seulement une obole; qui
renversent la constitution de l'empire, diminuent les droits d'une
puissance, augmentent ceux d'une autre, donnent aux princes, ôtent
aux peuples, font revivre des droits surannés, flattent les passions
qui sont en crédit de leur temps, et les vices qui sont sur le
trône, imposant à la postérité, d'autant plus indignement qu'elle a
moins de moyens de détruire leur témoignage.

Mais ce n'est point assez, pour un auteur, d'avoir essuyé toutes ces
insultes; ce n'est point assez pour lui d'avoir été dans une
inquiétude continuelle sur le succès de son ouvrage. Il voit le jour
enfin, cet ouvrage qui lui a tant coûté. Il lui attire des querelles
de toutes parts. Et comment les éviter? Il avoit un sentiment; il
l'a soutenu par ses écrits: il ne savoit pas qu'un homme, à deux
cents lieues de lui, avoit dit tout le contraire. Voilà cependant la
guerre qui se déclare.

Encore s'il pouvoit espérer d'obtenir quelque considération! Non. Il
n'est tout au plus estimé que de ceux qui se sont appliqués au même
genre de science que lui. Un philosophe a un mépris souverain pour
un homme qui a la tête chargée de faits; et il est, à son tour,
regardé comme un visionnaire par celui qui a une bonne mémoire.

Quant à ceux qui font profession d'une orgueilleuse ignorance, ils
voudroient que tout le genre humain fût enseveli dans l'oubli où ils
seront eux-mêmes.

Un homme à qui il manque un talent se dédommage en le méprisant: il
ôte cet obstacle qu'il rencontroit entre le mérite et lui; et, par
là, se trouve au niveau de celui dont il redoute les travaux.

Enfin, il faut joindre, à une réputation équivoque, la privation des
plaisirs et la perte de la santé.

    De Paris, le 20 de la lune de Chahban 1720.



LETTRE CXLVI.

USBEK A RHÉDI.

A Venise.


Il y a longtemps que l'on a dit que la bonne foi étoit l'âme d'un
grand ministre.

Un particulier peut jouir de l'obscurité où il se trouve; il ne se
décrédite que devant quelques gens; il se tient couvert devant les
autres: mais un ministre qui manque à la probité a autant de
témoins, autant de juges, qu'il y a de gens qu'il gouverne.

Oserai-je le dire? le plus grand mal que fait un ministre sans
probité n'est pas de desservir son prince et de ruiner son peuple:
il y en a un autre, à mon avis, mille fois plus dangereux; c'est le
mauvais exemple qu'il donne.

Tu sais que j'ai longtemps voyagé dans les Indes. J'y ai vu une
nation, naturellement généreuse, pervertie en un instant, depuis le
dernier des sujets jusqu'aux plus grands, par le mauvais exemple
d'un ministre: j'y ai vu tout un peuple, chez qui la générosité, la
probité, la candeur et la bonne foi ont passé de tout temps pour les
qualités naturelles, devenir tout à coup le dernier des peuples; le
mal se communiquer, et n'épargner pas même les membres les plus
sains; les hommes les plus vertueux faire des choses indignes; et
violer, dans toutes les occasions de leur vie, les premiers
principes de la justice, sur ce vain prétexte qu'on la leur avoit
violée.

Ils appeloient des lois odieuses en garantie des actions les plus
lâches; et nommoient nécessité l'injustice et la perfidie.

J'ai vu la foi des contrats bannie, les plus saintes conventions
anéanties, toutes les lois des familles renversées. J'ai vu des
débiteurs avares, fiers d'une insolente pauvreté, instruments
indignes de la fureur des lois et de la rigueur des temps, feindre
un payement au lieu de le faire, et porter le couteau dans le sein
de leurs bienfaiteurs.

J'en ai vu d'autres, plus indignes encore, acheter presque pour
rien, ou plutôt ramasser de terre des feuilles de chêne, pour les
mettre à la place de la substance des veuves et des orphelins.

J'ai vu naître soudain, dans tous les coeurs, une soif insatiable
des richesses. J'ai vu se former en un moment une détestable
conjuration de s'enrichir, non par un honnête travail et une
généreuse industrie, mais par la ruine du prince, de l'État et des
concitoyens.

J'ai vu un honnête citoyen, dans ces temps malheureux, ne se coucher
qu'en disant: J'ai ruiné une famille aujourd'hui; j'en ruinerai une
autre demain.

Je vais, disoit un autre, avec un homme noir qui porte une écritoire
à la main et un fer pointu à l'oreille, assassiner tous ceux à qui
j'ai de l'obligation.

Un autre disoit: Je vois que j'accommode mes affaires: il est vrai
que, lorsque j'allai, il y a trois jours, faire un certain payement,
je laissai toute une famille en larmes, que je dissipai la dot de
deux honnêtes filles, que j'ôtai l'éducation à un petit garçon; le
père en mourra de douleur, la mère périt de tristesse: mais je n'ai
fait que ce qui est permis par la loi.

Quel plus grand crime que celui que commet un ministre, lorsqu'il
corrompt les moeurs de toute une nation, dégrade les âmes les plus
généreuses, ternit l'éclat des dignités, obscurcit la vertu même, et
confond la plus haute naissance dans le mépris universel?

Que dira la postérité, lorsqu'il lui faudra rougir de la honte de
ses pères? Que dira le peuple naissant, lorsqu'il comparera le fer
de ses aïeux avec l'or de ceux à qui il doit immédiatement le jour?
Je ne doute pas que les nobles ne retranchent de leurs quartiers un
indigne degré de noblesse qui les déshonore, et ne laissent la
génération présente dans l'affreux néant où elle s'est mise.

    De Paris, le 11 de la lune de Rhamazan, 1720.



LETTRE CXLVII.

LE GRAND EUNUQUE A USBEK.

A Paris.


Les choses sont venues à un état qui ne se peut plus soutenir: tes
femmes se sont imaginé que ton départ leur laissoit une impunité
entière; il se passe ici des choses horribles: je tremble moi-même
au cruel récit que je vais te faire.

Zélis, allant il y a quelques jours à la mosquée, laissa tomber son
voile, et parut presque à visage découvert devant tout le peuple.

J'ai trouvé Zachi couchée avec une de ses esclaves; chose si
défendue par les lois du sérail.

J'ai surpris, par le plus grand hasard du monde, une lettre que je
t'envoie: je n'ai jamais pu découvrir à qui elle étoit adressée.

Hier au soir, un jeune garçon fut trouvé dans le jardin du sérail,
et il se sauva par-dessus les murailles.

Ajoute à cela ce qui n'est pas parvenu à ma connoissance; car
sûrement tu es trahi. J'attends tes ordres: et, jusqu'à l'heureux
moment que je les recevrai, je vais être dans une situation
mortelle. Mais, si tu ne mets toutes ces femmes à ma discrétion, je
ne te réponds d'aucune d'elles, et j'aurai tous les jours des
nouvelles aussi tristes à te mander.

    Du sérail d'Ispahan, le 1er de la lune de Rhégeb, 1717.



LETTRE CXLVIII.

USBEK AU PREMIER EUNUQUE.

Au sérail d'Ispahan.


Recevez par cette lettre un pouvoir sans bornes sur tout le sérail:
commandez avec autant d'autorité que moi-même; que la crainte et la
terreur marchent avec vous; courez d'appartements en appartements
porter les punitions et les châtiments; que tout vive dans la
consternation, que tout fonde en larmes devant vous; interrogez tout
le sérail; commencez par les esclaves; n'épargnez pas mon amour; que
tout subisse votre tribunal redoutable; mettez au jour les secrets
les plus cachés; purifiez ce lieu infâme; et faites-y rentrer la
vertu bannie. Car, dès ce moment, je mets sur votre tête les
moindres fautes qui se commettront. Je soupçonne Zélis d'être celle
à qui la lettre que vous avez surprise s'adressoit: examinez cela
avec des yeux de lynx.

    De ***, le 11 de la lune de Zilhagé, 1718.



LETTRE CXLIX.

NARSIT A USBEK.

A Paris.


Le grand eunuque vient de mourir, magnifique seigneur: comme je suis
le plus vieux de tes esclaves, j'ai pris sa place, jusques à ce que
tu aies fait connoître sur qui tu veux jeter les yeux.

Deux jours après sa mort, on m'apporta une de tes lettres qui lui
étoit adressée: je me suis bien gardé de l'ouvrir; je l'ai
enveloppée avec respect, et l'ai serrée, jusques à ce que tu m'aies
fait connoître tes sacrées volontés.

Hier, un esclave vint, au milieu de la nuit, me dire qu'il avoit
trouvé un jeune homme dans le sérail: je me levai, j'examinai la
chose, et je trouvai que c'étoit une vision.

Je te baise les pieds, sublime seigneur; et je te prie de compter
sur mon zèle, mon expérience et ma vieillesse.

    Du sérail d'Ispahan, le 5 de la lune de Gemmadi 1, 1718.



LETTRE CL.

USBEK A NARSIT.

Au sérail d'Ispahan.


Malheureux que vous êtes, vous avez dans vos mains des lettres qui
contiennent des ordres prompts et violents; le moindre retardement
peut me désespérer: et vous demeurez tranquille sous un vain
prétexte!

Il se passe des choses horribles: j'ai peut-être la moitié de mes
esclaves qui méritent la mort. Je vous envoie la lettre que le
premier eunuque m'écrivit là-dessus avant de mourir. Si vous aviez
ouvert le paquet qui lui est adressé, vous y auriez trouvé des
ordres sanglants. Lisez-les donc ces ordres: et vous périrez, si
vous ne les exécutez pas.

    De ***, le 25 de la lune de Chalval, 1718.



LETTRE CLI.

SOLIM A USBEK.

A Paris.


Si je gardois plus longtemps le silence, je serois aussi coupable
que tous ces criminels que tu as dans le sérail.

J'étois le confident du grand eunuque, le plus fidèle de tes
esclaves. Lorsqu'il se vit près de sa fin, il me fit appeler, et me
dit ces paroles: Je me meurs; mais le seul chagrin que j'aie en
quittant la vie, c'est que mes derniers regards aient trouvé les
femmes de mon maître criminelles. Le ciel puisse le garantir de tous
les malheurs que je prévois! puisse, après ma mort, mon ombre
menaçante venir avertir ces perfides de leur devoir, et les
intimider encore! Voilà les clefs de ces redoutables lieux; va les
porter au plus vieux des noirs. Mais si, après ma mort, il manque de
vigilance, songe à en avertir ton maître. En achevant ces mots, il
expira dans mes bras.

Je sais ce qu'il t'écrivit, quelque temps avant sa mort, sur la
conduite de tes femmes: il y a dans le sérail une lettre qui auroit
porté la terreur avec elle, si elle avoit été ouverte; celle que tu
as écrite depuis a été surprise à trois lieues d'ici: je ne sais ce
que c'est, tout se tourne malheureusement.

Cependant tes femmes ne gardent plus aucune retenue: depuis la mort
du grand eunuque, il semble que tout leur soit permis; la seule
Roxane est restée dans le devoir, et conserve de la modestie. On
voit les moeurs se corrompre tous les jours. On ne trouve plus sur
le visage de tes femmes cette vertu mâle et sévère qui y régnoit
autrefois: une joie nouvelle, répandue dans ces lieux, est un
témoignage infaillible, selon moi, de quelque satisfaction nouvelle;
dans les plus petites choses, je remarque des libertés jusqu'alors
inconnues. Il règne, même parmi tes esclaves, une certaine indolence
pour leur devoir et pour l'observation des règles, qui me surprend;
ils n'ont plus ce zèle ardent pour ton service, qui sembloit animer
tout le sérail.

Tes femmes ont été huit jours à la campagne, à une de tes maisons
les plus abandonnées. On dit que l'esclave qui en a soin a été
gagné; et qu'un jour avant qu'elles arrivassent, il avoit fait
cacher deux hommes dans un réduit de pierre qui est dans la muraille
de la principale chambre, d'où ils sortoient le soir lorsque nous
étions retirés. Le vieux eunuque, qui est à présent à notre tête,
est un imbécile, à qui l'on fait croire tout ce qu'on veut.

Je suis agité d'une colère vengeresse contre tant de perfidies: et
si le ciel vouloit, pour le bien de ton service, que tu me jugeasses
capable de gouverner, je te promets que, si tes femmes n'étoient pas
vertueuses, au moins elles seroient fidèles.

    Du sérail d'Ispahan, le 6 de la lune de Rebiab 1, 1719.



LETTRE CLII.

NARSIT A USBEK.

A Paris.


Roxane et Zélis ont souhaité d'aller à la campagne; je n'ai pas cru
devoir le leur refuser. Heureux Usbek! tu as des femmes fidèles et
des esclaves vigilants: je commande en des lieux où la vertu semble
s'être choisi un asile. Compte qu'il ne s'y passera rien que tes
yeux ne puissent soutenir.

Il est arrivé un malheur qui me met en grande peine. Quelques
marchands arméniens, nouvellement arrivés à Ispahan, avoient apporté
une de tes lettres pour moi; j'ai envoyé un esclave pour la
chercher; il a été volé à son retour, de manière que la lettre est
perdue. Écris-moi donc promptement; car je m'imagine que, dans ce
changement, tu dois avoir des choses de conséquence à me mander.

    Du sérail de Fatmé, le 6 de la lune de Rebiab 1, 1719.



LETTRE CLIII.

USBEK A SOLIM.

Au sérail d'Ispahan.


Je te mets le fer à la main. Je te confie ce que j'ai à présent dans
le monde de plus cher, qui est ma vengeance. Entre dans ce nouvel
emploi: mais n'y porte ni coeur ni pitié. J'écris à mes femmes de
t'obéir aveuglément: dans la confusion de tant de crimes, elles
tomberont devant tes regards. Il faut que je te doive mon bonheur et
mon repos: rends-moi mon sérail comme je l'ai laissé. Mais commence
par l'expier; extermine les coupables, et fais trembler ceux qui se
proposoient de le devenir. Que ne peux-tu pas espérer de ton maître
pour des services si signalés? Il ne tiendra qu'à toi de te mettre
au-dessus de ta condition même, et de toutes les récompenses que tu
as jamais désirées.

    De Paris, le 4 de la lune de Chahban, 1719.



LETTRE CLIV.

USBEK A SES FEMMES.

Au sérail d'Ispahan.


Puisse cette lettre être comme la foudre qui tombe au milieu des
éclairs et des tempêtes! Solim est votre premier eunuque, non pas
pour vous garder, mais pour vous punir. Que tout le sérail s'abaisse
devant lui. Il doit juger vos actions passées: et, pour l'avenir, il
vous fera vivre sous un joug si rigoureux, que vous regretterez
votre liberté, si vous ne regrettez pas votre vertu.

    De Paris, le 4 de la lune de Chahban, 1719.



LETTRE CLV.

USBEK A NESSIR.

A Ispahan.


Heureux celui qui, connoissant tout le prix d'une vie douce et
tranquille, repose son coeur au milieu de sa famille, et ne
connoît d'autre terre que celle qui lui a donné le jour.

Je vis dans un climat barbare, présent à tout ce qui m'importune,
absent de tout ce qui m'intéresse. Une tristesse sombre me saisit;
je tombe dans un accablement affreux: il me semble que je
m'anéantis; et je ne me retrouve moi-même que lorsqu'une sombre
jalousie vient s'allumer, et enfanter dans mon âme la crainte, les
soupçons, la haine et les regrets.

Tu me connois, Nessir; tu as toujours vu dans mon coeur comme dans
le tien: je te ferois pitié, si tu savois mon état déplorable.
J'attends quelquefois six mois entiers des nouvelles du sérail; je
compte tous les instants qui s'écoulent; mon impatience me les
allonge toujours; et lorsque celui qui a été tant attendu est près
d'arriver, il se fait dans mon coeur une révolution soudaine; ma
main tremble d'ouvrir une lettre fatale; cette inquiétude qui me
désespéroit, je la trouve l'état le plus heureux où je puisse être,
et je crains d'en sortir par un coup plus cruel pour moi que mille
morts.

Mais, quelque raison que j'aie eue de sortir de ma patrie, quoique
je doive ma vie à ma retraite, je ne puis plus, Nessir, rester dans
cet affreux exil. Et ne mourrois-je pas tout de même en proie à mes
chagrins? J'ai pressé mille fois Rica de quitter cette terre
étrangère; mais il s'oppose à toutes mes résolutions; il m'attache
ici par mille prétextes: il semble qu'il ait oublié sa patrie; ou
plutôt il semble qu'il m'ait oublié moi-même, tant il est insensible
à mes déplaisirs.

Malheureux que je suis! je souhaite de revoir ma patrie, peut-être
pour devenir plus malheureux encore! Eh! qu'y ferai-je? Je vais
rapporter ma tête à mes ennemis. Ce n'est pas tout: j'entrerai dans
le sérail; il faut que j'y demande compte du temps funeste de mon
absence: et si j'y trouve des coupables, que deviendrai-je? Et si la
seule idée m'accable de si loin, que sera-ce, lorsque ma présence la
rendra plus vive? que sera-ce, s'il faut que je voie, s'il faut que
j'entende ce que je n'ose imaginer sans frémir? que sera-ce enfin,
s'il faut que des châtiments que je prononcerai moi-même soient des
marques éternelles de ma confusion et de mon désespoir?

J'irai m'enfermer dans des murs plus terribles pour moi que pour les
femmes qui y sont gardées; j'y porterai tous mes soupçons; leurs
empressements ne m'en déroberont rien; dans mon lit, dans leurs
bras, je ne jouirai que de mes inquiétudes; dans un temps si peu
propre aux réflexions, ma jalousie trouvera à en faire. Rebut
indigne de la nature humaine, esclaves vils dont le coeur a été
fermé pour jamais à tous les sentiments de l'amour, vous ne gémiriez
plus sur votre condition, si vous connoissiez le malheur de la
mienne.

    De Paris, le 4 de la lune de Chahban, 1719.



LETTRE CLVI.

ROXANE A USBEK.

A Paris.


L'horreur, la nuit et l'épouvante règnent dans le sérail; un deuil
affreux l'environne: un tigre y exerce à chaque instant toute sa
rage; il a mis dans les supplices deux eunuques blancs, qui n'ont
avoué que leur innocence; il a vendu une partie de nos esclaves, et
nous a obligées de changer entre nous celles qui nous restoient.
Zachi et Zélis ont reçu dans leur chambre, dans l'obscurité de la
nuit un traitement indigne; le sacrilége n'a pas craint de porter
sur elles ses viles mains. Il nous tient enfermées chacune dans
notre appartement; et, quoique nous y soyons seules, il nous y fait
vivre sous le voile: il ne nous est plus permis de nous parler; ce
seroit un crime de nous écrire: nous n'avons plus rien de libre que
les pleurs.

Une troupe de nouveaux eunuques est entrée dans le sérail, où ils
nous assiégent nuit et jour: notre sommeil est sans cesse interrompu
par leurs méfiances feintes ou véritables. Ce qui me console, c'est
que tout ceci ne durera pas longtemps, et que ces peines finiront
avec ma vie: elle ne sera pas longue, cruel Usbek! je ne te donnerai
pas le temps de faire cesser tous ces outrages.

    Du sérail d'Ispahan, le 2 de la lune de Maharram, 1720.



LETTRE CLVII.

ZACHI A USBEK.

A Paris.


O ciel! un barbare m'a outragée jusque dans la manière de me punir!
Il m'a infligé ce châtiment qui commence par alarmer la pudeur; ce
châtiment qui met dans l'humiliation extrême; ce châtiment qui
ramène, pour ainsi dire, à l'enfance.

Mon âme, d'abord anéantie sous la honte, reprenoit le sentiment
d'elle-même, et commençoit à s'indigner, lorsque mes cris firent
retentir les voûtes de mes appartements. On m'entendit demander
grâce au plus vil de tous les humains, et tenter sa pitié, à mesure
qu'il étoit plus inexorable.

Depuis ce temps, son âme insolente et servile s'est élevée sur la
mienne. Sa présence, ses regards, ses paroles, tous les malheurs
viennent m'accabler. Quand je suis seule, j'ai du moins la
consolation de verser des larmes; mais lorsqu'il s'offre à ma vue,
la fureur me saisit; je la trouve impuissante; et je tombe dans le
désespoir.

Le tigre ose me dire que tu es l'auteur de toutes ces barbaries. Il
voudrait m'ôter mon amour, et profaner jusques aux sentiments de mon
coeur. Quand il me prononce le nom de celui que j'aime, je ne sais
plus me plaindre: je ne puis plus que mourir.

J'ai soutenu ton absence, et j'ai conservé mon amour, par la force
de mon amour. Les nuits, les jours, les moments, tout a été pour
toi. J'étois superbe de mon amour même; et le tien me faisoit
respecter ici. Mais à présent... Non, je ne puis plus soutenir
l'humiliation où je suis descendue. Si je suis innocente, reviens
pour m'aimer; reviens, si je suis coupable, pour que j'expire à tes
pieds.

    Du sérail d'Ispahan, le 2 de la lune de Maharram, 1720.



LETTRE CLVIII.

ZÉLIS A USBEK.

A Paris.


A mille lieues de moi, vous me jugez coupable: à mille lieues de
moi, vous me punissez.

Qu'un eunuque barbare porte sur moi ses viles mains, il agit par
votre ordre: c'est le tyran qui m'outrage, et non pas celui qui
exerce la tyrannie.

Vous pouvez, à votre fantaisie, redoubler vos mauvais traitements.
Mon coeur est tranquille, depuis qu'il ne peut plus vous aimer.
Votre âme se dégrade, et vous devenez cruel. Soyez sûr que vous
n'êtes point heureux. Adieu.

    Du sérail d'Ispahan, le 2 de la lune de Maharram, 1720.



LETTRE CLIX.

SOLIM A USBEK.

A Paris.


Je me plains, magnifique seigneur, et je te plains: jamais serviteur
fidèle n'est descendu dans l'affreux désespoir où je suis. Voici tes
malheurs et les miens; je ne t'en écris qu'en tremblant.

Je jure, par tous les prophètes du ciel, que, depuis que tu m'as
confié tes femmes, j'ai veillé nuit et jour sur elles; que je n'ai
jamais suspendu un moment le cours de mes inquiétudes. J'ai commencé
mon ministère par les châtiments; et je les ai suspendus, sans
sortir de mon austérité naturelle.

Mais que dis-je? pourquoi te vanter ici une fidélité qui t'a été
inutile? Oublie tous mes services passés; regarde-moi comme un
traître; et punis-moi de tous les crimes que je n'ai pu empêcher.

Roxane, la superbe Roxane, ô ciel! à qui se fier désormais? Tu
soupçonnois Zachi, et tu avois pour Roxane une sécurité entière;
mais sa vertu farouche étoit une cruelle imposture; c'étoit le voile
de sa perfidie. Je l'ai surprise dans les bras d'un jeune homme,
qui, dès qu'il s'est vu découvert, est venu sur moi; il m'a donné
deux coups de poignard; les eunuques, accourus au bruit, l'ont
entouré: il s'est défendu longtemps, en a blessé plusieurs; il
vouloit même rentrer dans la chambre, pour mourir, disoit-il, aux
yeux de Roxane. Mais enfin il a cédé au nombre, et il est tombé à
nos pieds.

Je ne sais si j'attendrai, sublime seigneur, tes ordres sévères: tu
as mis ta vengeance en mes mains; je ne dois pas la faire languir.

    Du sérail d'Ispahan, le 8 de la lune de Rebiab 1, 1730,



LETTRE CLX.

SOLIM A USBEK.

A Paris.


J'ai pris mon parti: tes malheurs vont disparoître; je vais punir.

Je sens déjà une joie secrète; mon âme et la tienne vont s'apaiser:
nous allons exterminer le crime, et l'innocence va pâlir.

O vous, qui semblez n'être faites que pour ignorer tous vos sens et
être indignées de vos désirs mêmes; éternelles victimes de la honte
et de la pudeur, que ne puis-je vous faire entrer à grands flots
dans ce sérail malheureux, pour vous voir étonnées de tout le sang
que j'y vais répandre!

    Du sérail d'Ispahan, le 8 de la lune de Rebiab 1, 1720.



LETTRE CLXI.

ROXANE A USBEK.

A Paris.


Oui, je t'ai trompé; j'ai séduit tes eunuques; je me suis jouée de
ta jalousie; et j'ai su de ton affreux sérail faire un lieu de
délices et de plaisirs.

Je vais mourir; le poison va couler dans mes veines: car que
ferois-je ici, puisque le seul homme qui me retenoit à la vie n'est
plus? Je meurs; mais mon ombre s'envole bien accompagnée: je viens
d'envoyer devant moi ces gardiens sacriléges, qui ont répandu le
plus beau sang du monde.

Comment as-tu pensé que je fusse assez crédule, pour m'imaginer que
je ne fusse dans le monde que pour adorer tes caprices? que, pendant
que tu te permets tout, tu eusses le droit d'affliger tous mes
désirs? Non: j'ai pu vivre dans la servitude; mais j'ai toujours été
libre: j'ai réformé tes lois sur celles de la nature; et mon esprit
s'est toujours tenu dans l'indépendance.

Tu devrois me rendre grâces encore du sacrifice que je t'ai fait; de
ce que je me suis abaissée jusqu'à te paroître fidèle; de ce que
j'ai lâchement gardé dans mon coeur ce que j'aurois dû faire
paroître à toute la terre; enfin de ce que j'ai profané la vertu en
souffrant qu'on appelât de ce nom ma soumission à tes fantaisies.

Tu étois étonné de ne point trouver en moi les transports de
l'amour: si tu m'avois bien connue, tu y aurois trouvé toute la
violence de la haine.

Mais tu as eu longtemps l'avantage de croire qu'un coeur comme le
mien t'étoit soumis. Nous étions tous deux heureux; tu me croyois
trompée, et je te trompois.

Ce langage, sans doute, te paroît nouveau. Seroit-il possible
qu'après t'avoir accablé de douleurs, je te forçasse encore
d'admirer mon courage? Mais c'en est fait, le poison me consume, ma
force m'abandonne; la plume me tombe des mains; je sens affoiblir
jusqu'à ma haine; je me meurs.

    Du sérail d'Ispahan, le 8 de la lune de Rebiab 1, 1720.

FIN DU TOME SECOND.



NOTES ET VARIANTES.


(Voir l'_Index_, pour l'histoire, la religion, la philosophie, le
droit public et privé, les moeurs orientales et européennes.)


Lettre LXXXIX (LXXXVI de 1721-1754).


Lettre XCII (quatrième du Supplément de 1754).


Lettre XCIII (LXXXIX de 1721-1754).


Lettre XCVI (XCII de 1721-1754).

«L'acte de justice la plus sévère, c'est la guerre; _puisque son but
est la destruction de la société_.» C'est la leçon de 1721 et de
1754.

Le passage est atténué ainsi dans quelques éditions subséquentes:
«_puisqu'elle peut avoir l'effet de détruire la société_».

Un éditeur moderne (Didot) a cru bien faire en accolant les deux
leçons bout à bout: «puisqu'elle peut avoir l'effet etc..., puisque
son but est la destruction de la société.

«Cette peine répond à celle du bannissement _établie dans les
tribunaux, qui retranche_ les coupables de la société. Ainsi un
prince, à l'alliance duquel nous renonçons, est retranché _par là_
de notre société et n'est plus un de nos membres.»

Ceci est la leçon originale de 1721 et 1754.

Dans les éditions postérieures, notamment 1785 (édition complète),
et Lefèvre 1820, d'après l'édition de Londres 1757, et peut-être sur
des indications manuscrites de Montesquieu conservées par son fils
et son secrétaire, ce passage est corrigé ainsi:

«Cette peine répond à celle du bannissement, _que les tribunaux ont
établi pour retrancher_ les coupables de la société. Ainsi un
prince, à l'alliance duquel nous renonçons, est retranché de notre
société, et n'est plus _un des membres qui la composent_.»

Les trois derniers alinéas, pour lesquels nous suivons la correction
du Supplément de 1754, sont ainsi rédigés dans le texte primitif:

«Le droit de conquête n'est point un droit. Une société ne peut être
fondée que sur la volonté des associés: si elle est détruite par la
conquête, le peuple redevient libre; il n'y a plus de nouvelle
société: et si le vainqueur en veut former, c'est une tyrannie.

«A l'égard des traités de paix, ils ne sont jamais légitimes,
lorsqu'ils ordonnent une cession ou dédommagement plus considérable
que le dommage causé: autrement, c'est une pure violence, contre
laquelle on peut toujours revenir; à moins que, pour ravoir ce qu'on
a perdu, on ne soit obligé de se servir de moyens si violents, qu'il
en arrive un mal plus grand que le bien que l'on en doit retirer.

«Voilà, cher Rhédi, ce que j'appelle le droit public; voilà le droit
des gens, ou plutôt celui de la raison.»

En tête de la correction indiquée par le Supplément, et qui, sous
beaucoup de rapports, est inférieure au texte primitif, se lit cet
avertissement: «A la place des trois derniers alinéas, mettez
ceux-ci.»

Cependant quelques éditions ont maintenu, et avec raison, à la suite
du nouveau texte, la conclusion si ferme: «Voilà cher Rhédi...»


Lettre XCVIII (XCIV de 1721-1754.)

«Écoute ce que _je vais te_ dire...».

1721 1re: «Ce que je _te_ vais dire...»

Leçon préférable eu égard à l'habitude constante de Montesquieu.

«Ce n'est qu'après bien des réflexions, qu'on en a _connu_ toute la
fécondité.»

Éditions postérieures à 1754: «qu'on en a _vu_...»

Cette lettre (LXXXIV de la 2e Marteau) est vivement incriminée dans
la brochure de l'abbé Gaultier: _Lettres persannes convaincues
d'impiété_.


Lettre CIII (XCIX de 1721-1754).

«Au moins il est impossible qu'ils aient subsisté longtemps _dans
leur pureté_.»

Les mots en italiques manquent dans 1721-54, et appartiennent aux
éditions postérieures qui procèdent de 1757 (voir la _Bibliographie_.)

«Caravansérails». 1721, 1re donne: _Caravansérais_, qui avec un ï
serait peut-être la meilleure transcription de ce terme oriental; et
1754: _Caravanseras_.

«Il n'y a que quatre ou cinq siècles qu'un roi de France prit des
gardes.»

Ce roi est Philippe Auguste menacé par les _Assassins_ du Vieux de
la Montagne.


Lettre CXI (CVII 1721-1754).

«Un général d'armée n'emploie pas plus d'attention _à placer_ sa
droite... qu'elle en met _à poster_ une mouche qui peut manquer...»

C'est la leçon de 1754, et certainement la meilleure.

1721 1re donne: «_porter_ une mouche. (C'est une coquille.)

1721 2e donne: _poster_ sa droite,... _placer_ une mouche.

Les éditions subséquentes «_poser_ une mouche» (qui ne vaut pas
_poster_).


Lettre CXII (Cinquième du Supplément de 1754).

Elle se trouve déjà en grande partie dans la 2e Marteau (LVIII),
avec une adresse et une date différentes.

En voici le début et les variantes, ainsi qu'une note, qui ne figure
plus au Supplément:

    Rica à ***

«Le peuple est un animal qui voit et qui entend; mais qui ne pense
jamais. Il est dans une léthargie ou dans une fougue surprenante; et
il va et vient sans cesse d'un de ces états à l'autre, sans savoir
jamais d'où il est parti.

«J'ai ouï parler en France d'un certain gouverneur de Normandie,
qui, voulant se rendre plus considérable à la cour, excitoit lui
même de temps en temps quelques séditions, qu'il apaisoit aussitôt.

«Il avoua depuis que la plus forte sédition ne lui coûta, tout
compte fait, qu'un demi toman. Il faisoit assembler quelques
canailles dans un cabaret qui donnoit le ton à toute la ville, et
ensuite à toute la province.

«Ceci me fait ressouvenir d'une lettre qu'écrivit dans les derniers
troubles de Paris un des généraux de cette ville à un de ses amis.

«Je fis sortir, il y a trois jours, les troupes de la ville; mais
elles furent repoussées avec perte. Je compte pourtant que je
réparerai facilement cet échec; j'ai six couplets...

«Si cela ne suffit pas, il a été résolu au conseil de faire paroître
une estampe, qui fera voir Mazarin pendu; et pour peu que la
conjoncture des affaires le demande, nous aurons la ressource
d'ordonner au graveur de le rouer...

«Jugez après cela si le peuple à tort de s'animer, et de faire du
nom de Mazarin un mot...

«Notre musique l'a si furieusement vexé sur le péché originel que,
pour ne pas voir ses partisans réduits à la moitié, il a été obligé
de renvoyer tous ses pages. Je suis, etc...

    De Paris, le 9 de la lune de Zilcadé 1715.

En note aux mots: «le ton ridicule dont il prononce.»

«Le cardinal Mazarin, voulant prononcer _l'arrêt d'Union_, dit
devant les députés du parlement _l'arrêt d'Ognon_; sur quoi le
peuple fit force plaisanteries.»

Le _péché originel_ dont il est question plus haut est ce vice
contre nature qu'on nomme parfois _italien_, et qui serait mieux
nommé _clérical_.


Lettre CXIII (CVIII de 1721-1754).


Lettre CXIV (CIX de 1721-1754, XCIX de 1721 2e Marteau).

Elle est incriminée dans la brochure: _Lettres persannes convaincues
d'impiété._

«Il ne faut donc pas compter les années du monde...»

Cet alinéa ne manque ni dans 1721 1re, ni dans 1721 2e Marteau, ni
dans 1754. C'est à tort qu'il a été supprimé dans 1758 et dans
beaucoup d'éditions postérieures.

«Cependant tous les historiens _nous parlent d'un premier père;
ils_...»

Les mots en _italiques_ manquent dans la première édition. Ils sont
déjà rétablis dans 1721 2e Marteau.

L'avant dernier paragraphe: «mais toutes les destructions ne sont
pas violentes...» appartient au Supplément de 1754.


Lettre CXVII (CXII de 1721 1re, CII de la 2e Marteau).

Incriminée dans les _Lettres persannes convaincues d'impiété_.


Lettre CXVIII (CXII 1re, CIII 2e Marteau).

Également incriminée.


Lettre CXX.

_Tyen_, ciel des chinois.

1721 1re: _Tyien_.


Lettre CXXII

«L'air se charge, comme les plantes...» Alinéa ajouté par le
Supplément de 1754.


Lettre CXXV (Sixième du Supplément de 1754).

Elle se trouve déjà dans 1721 2e Marteau (LX, Usbek à ***, Paris, 11
Zilcadé 1715), avec les variantes suivantes:

_Troisième alinéa._

«A mon esprit; il me semble...»

1721 2e: _et_ il me semble...

_Quatrième alinéa._

«De quelques uns de nos sujets...»

1721 2e: de nos _plus riches_ sujets...

«Nous avons enfin cédé à la multitude des requêtes...»

1721 2e: à la multitude _innombrable_...

«Faire attention qu'il _étoit_ notoire...

1721 2e: qu'il _est_ notoire...

«Nous ont prié, branlant la tête...»

1721 2e: _en_ branlant la tête...

«_Ainsi_, désirant traiter les suppliants...»

1721 2e: _A ces causes_, désirant...

_Septième alinéa._

«A leurs femmes _et_ à leurs enfants...»

1721 2e: A leurs femmes, à leurs enfants...

«Dans leurs familles, les principales fêtes de l'année...»

1721 2e: dans leurs familles, _avec leurs amis_, etc...

_Huitième alinéa._

«_Elles_ viennent à les y contraindre...»

1721 2e: _Ils_ viennent...

«Défendons à nos magistrats...»

1721 2e: à _tous_ nos magistrats...


Lettre CXXVI (CXX de 1721 1re, CX de 1721 2e Marteau).

Incriminée dans les _Lettres persannes convaincues d'impiété_.


Lettre CXXXVII (CXXXI de 1721 1re).

«semble échauffer les imaginations _mêmes_.» _Mêmes_ manque, et avec
raison, dans 1721 1re. «Romans» pris dans le sens de _romanciers_.


Lettre CXXXVIII (CXXXII de 1721 1re).

«_N._ prit le fer à la main...» _N._ est le duc de Noailles.

«Un étranger»; Law, Écossais. (Voir l'_Index_).


Lettre CXLI (CXXXV de 1721 1re).

«_Romans_» dans le sens de _romanciers_.

«Zuléma». 1721 1re: Zumela.

«Gemmadi 1, 1720»

1 manque dans 1754.


Lettre CXLIII (CXXXVII 1721-1754).

La piquante _Lettre d'un médecin de province_ figure tout entière
dans les deux éditions qui servent de base à notre travail. 1721 1re
donne même _Révérend père jésuite_, là où 1754 n'a que les initiales
R. P. J.

Ce n'est qu'après la mort de Montesquieu que des éditeurs timorés
ont supprimé ou mis en note l'énumération des médicaments: la lettre
s'arrête à «on lui expliqua la chose, comme elle s'étoit passée.»

Déjà la fin du paragraphe intitulé P. S. avait disparu «Il y a bien
des choses que je n'entends pas, etc...»

Les éditeurs ont fictivement attribué à Montesquieu lui-même ces
mutilations qu'on ne s'explique guère:

«L'auteur, disent-ils, dans le manuscrit qu'il avoit confié _de son
vivant_» (ce qui est faux) «aux libraires, a jugé à propos de faire
des retranchements. On n'a pas cru devoir en priver le lecteur qui
les trouvera ici en notes.»

«Prenez dix A*** du C*** concernant la B*** et la C*** des J***.»

Dix Arrêts du Conseil concernant la Bulle et la Constitution des
Jésuites. (Selon d'autres: concernant la Banque, ou la Bourse, et la
Compagnie des Indes.)

«M. de N.» Fléchier évêque de Nîmes. Montesquieu est ici bien
aimable d'excepter les Oraisons funèbres de Fléchier.

«Teigne», 1721: _tigne_.

«_Miraculum chymicum, de violenta_, etc...»

Miracle chimique, par violente fermentation, avec fumée, feu et
flamme.

Mélangez une infusion de Quesnel avec une infusion de Lallemand; que
la fermentation ait lieu, avec grande violence, bouillonnement et
tonnerre, les acides se combattant, et pénétrant à l'envi les sels
alcalins: il se fera une évaporation d'esprits brûlants. Mettez la
liqueur fermentée dans l'alambic; vous n'en tirerez rien, et n'y
trouverez rien sinon un _caput mortuum_ (une drogue inutile et
impuissante.)

«_Lenitivum_.»

Prenez deux feuillets de l'anodin Molina; six pages du laxatif
Escobar; une feuille de l'émollient Vasquez: faites infuser dans
quatre livres d'eau ordinaire, faites réduire, par la cuisson, à
moitié; pressez; et dans l'extrait faites dissoudre trois feuilles
du détersif Bauni et du diluant Tamburini.

Faites du tout un lavement.

«_Clyster_.» 1721-1754: _clister_.

«_In chlorosim_, etc...»

Contre la chlorose, que le vulgaire appelle pâles-couleurs ou
fièvre-amoureuse.

Prenez quatre figures de l'Arétin; deux feuilles du révérend Thomas
Sanchez _De matrimonio_ (Du mariage). Faites infuser dans cinq
livres d'eau ordinaire.

Faites du tout une tisane apéritive.


Lettre CXLIV (Septième du Supplément de 1754).


Lettre CXLV (Huitième du supplément de 1754).

Cette lettre se retrouve tout entière dans 1721 2e Marteau (LIX).

«Sa vue qui _se_ porte toujours loin...»

1721 2e: qui porte...

«On est charmé de donner à celui-ci, on est enchanté d'ôter à
celui-là.»

1721 2e: On aime à donner..., on est charmé d'ôter...

«Une mite.»

1721 2e: _Mitte_...

«L'hiver _dernier_, je pensai mourir...»

1721 2e: L'hiver _passé_,...

«On lui suscite...»

1721 2e: On lui suscite_ra_...

«La constitution _de_ l'empire...

1721 2e: _des empires_...

«Mais ce n'est _point_ assez...

1721 2e: _pas_

«De Paris, le 20 de la lune de Chahban, 1720.»

1721 2e: De Paris, le 10 de la lune Zilcadé, 1715.


Lettre CXLVII (CXXXIX de 1721-1754).

«Tes femmes se sont imaginé...»

1721, 1754: se sont imagi_nées_...

La date de cette lettre et des huit suivantes semblerait devoir les
placer entre CVI et CXXVIII. L'auteur aura voulu, en les
rassemblant, donner plus de corps à la conclusion de son _roman_ et
finir comme il avait commencé.


Lettre CLI (CXLIII de 1721-1754).

«Je sais ce qu'il t'écrivit...»

1721 1re, 2e et 1754 portent: je _ne_ sais (qui répond moins bien au
sens général).

«Avant qu'elles arrivassent...

1721 1re, 2e: qu'elles _n_'arrivassent...


Lettre CLVII (Neuvième du Supplément de 1754).


Lettre CLVIII (Dixième du Supplément de 1754).


Lettre CLX (Onzième du Supplément de 1754).


Lettre CLXI et dernière (CL de 1721-1752, CXL de 1721 2e Marteau, et
1730, 3e édition, Amsterdam, Jacques Desbordes).



INDEX PHILOSOPHIQUE, HISTORIQUE ET LITTÉRAIRE.


A

=Abbé=. Jeune abbé séduisant une actrice. XXVIII.

=Abdias Ibesalon=, juif, interroge Mahomet sur les animaux impurs.
XVIII.

=Académie Française=. «établissement singulier et bizarre» inconnu en
Perse. Babil éternel, manie du panégyrique. Quarante têtes pleines
de figures, de métaphores et d'antithèses. LXXIII.

=Actrices=. Elles ne sont point cruelles. Lettre d'une actrice à
laquelle un abbé a ravi son innocence. XXVIII.

=Adam=. «Dieu met Adam dans le paradis terrestre, à condition qu'il ne
mangera pas d'un certain fruit: précepte absurde dans un être qui
connoîtrait les déterminations futures des âmes; car enfin un tel
être peut-il mettre des conditions à ses grâces, sans les rendre
dérisoires?» LXIX.

(Voir Dieu. Prescience.)

Adam a peut-être été sauvé d'une catastrophe générale, comme Noé le
fut du déluge. CXIV.

=Affranchissement=, comblait sans cesse les vides de la population
romaine. CXVI.

=Afrique=, toujours très-inconnue; ses côtes ne sont plus ce qu'elles
étaient sous les Carthaginois et les Romains. CXIII, CXIX.

=Agriculture=, ses progrès intimement liés à ceux du commerce et de
l'industrie, et réciproquement. CXVIII.

Ses revenus inférieurs à ceux de l'industrie et de l'art. Un fonds
ne produit annuellement que le vingtième de sa valeur. CVII.

=Agiotage=, ses effets désastreux. CXXXII, CXLVI.

(Par arrêt du conseil du 25 juillet 1719, le papier-monnaie, déclaré
immuable, fait tomber l'or; un créancier, rue Quincampoix, tire
l'épée contre un débiteur qui l'avait remboursé. Allusion à ce fait,
CXLVI.)

=Ainesse=. Le droit d'aînesse, invention de la vanité, détruit
l'égalité des citoyens; il fait obstacle à la propagation. CXX.

=Alchimistes=. Ils vous offrent «pour un peu d'argent le secret de
faire de l'or.» LVIII.

=Alcoran=, ses défauts: langage de Dieu, idées des hommes. XCVIII.

Il ordonne de se soumettre aux puissances (allusion à l'Evangile).
CV.

Il autorise la pluralité des femmes. CXV.

Plaidoyer d'une femme contre l'Alcoran. CXLI.

Passages de l'Alcoran cousus dans les vêtements, comme amulette.
CXLIII.

=Alexandre= comparé à Gengiskhan. LXXXII.

=Algébristes= comparés aux astrologues. CXXXV.

_Ibid._ Algébriste faiseur de _système_; allusion à Law.

=Ali=, gendre du prophète.

(Dans un certain nombre d'éditions du temps _Hali_; déjà en 1721, on
imprime _Aly_.

Prophète des Chiites (Persans).

Son nom est un talisman. CXLIII.

Il est «le plus beau de tous les hommes;» expressions d'un Psaume
appliquées au messie. XXXV.

=Allemagne=, partagée en un nombre infini de petits États. CIII.

Les peuples de l'Allemagne antique, avant la chute de l'empire
romain, étaient libres; leurs rois n'étaient que des chefs à pouvoir
limité. CXXXI.

L'empire d'Allemagne «se fortifie à mesure de ses pertes.» CXXXVI.

Grand vizir d'Allemagne; le prince Eugène vainqueur à Peterwaradin.
CXXIX.

=Alliances=. Alliances honorables, alliances injustes; alliances
déshonorantes (celle d'un tyran).

Il est juste et légitime de secourir un allié. XCVI.

=Ambassadeur=. Faux ambassadeur de Perse à la cour de France XCII.

Nargum, ambassadeur de Perse en Russie. LI, LXXXII.

Ambassadeur du grand Mogol (d'Espagne) expulsé du royaume. CXXVII.

=Ambroise=, sa conduite à l'égard de Théodose. LXI.

(Comparez Spinoza, _Tractatus theologico-politicus_, cap. 19.)

=Ame=, entièrement liée au corps et soumise aux influences physiques,
XXXIII.

«Ouvrière de sa détermination» l'âme, devant la prescience divine,
ne serait pas plus libre qu'une boule de billard. LXIX.

Gens qui croient à l'immortalité de l'âme par semestre. LXXV.

Les livres juifs enseignent que la femme n'a pas d'âme. CXLI.

=Amérique=, avait été découverte par les Carthaginois; très-dépeuplée,
CXIII, par la barbarie des conquérants espagnols. CXXII.

Vainement y introduit-on des esclaves; elle ne profite point des
pertes de l'Afrique. CXIX.

Indigènes et nègres y périssent par milliers dans les mines. _Ibid._

=Amitié=. presque inconnue aux Asiatiques. XXXIV.

=Amour=. «Dans le nombreux sérail où j'ai vécu, j'ai prévenu l'amour
et l'ai détruit par lui-même.» La polygamie éteint l'amour. VI. LVI.

L'amour, chez les musulmans, est amorti par la pluralité des femmes.
LVI.

L'amour chez les Espagnols. LXXVIII.

L'amour dans le paradis des femmes. CXLI.

=Amulettes=, passages de l'Alcoran, noms sacrés cousus dans les
vêtements des fidèles musulmans. CXLIII.

=Anais=, ses aventures dans le paradis des femmes, et la vengeance
qu'elle exerce sur son mari, qui l'a tuée. CXLI.

=Anatomie=. Noms barbares qu'elle donne aux parties du corps. CXXXV.

=Anatomiste=. soupçonné, dans son quartier, du meurtre de tous les
chiens qui disparaissaient. CXLV.

=Anciens et Modernes=. Querelles sur le mérite d'Homère. XXXVI.

=Anges=. Ils demandent à élever Mahomet enfant. XXXIX.

Chrétiens et musulmans rendent un culte aux bons anges et se méfient
des mauvais. XXXV.

=Anglais=. Ils limitent l'autorité de leurs rois. Leur humeur et leurs
raisonnements sur le pouvoir. CV.

=Angleterre=. Son histoire pleine de discordes d'où sort la liberté.

Ses rois toujours chancelants sur un trône inébranlable.

Nation qui, maîtresse de la mer, mêle le commerce avec l'empire.
CXXXVI.

=Antiquaire=. Lettre et manies innocentes d'un antiquaire malin.
CXLII.

=Aphéridon=, Guèbre qui épouse sa soeur: ses aventures. LXVII.

(Féridun, Zend _Thaethraona_, sanscrit _Tritâna_, de _Trita_, l'une
des plus anciennes divinités solaires des peuples aryens).

=Aragon=. Les états d'Aragon et de Catalogne, en 1610, discutent
quelle sera la langue employée dans les délibérations. CX.

=Arche=. Légendes sur l'arche de Noé. XVIII.

=Argent= (vif), employé contre les exhalaisons malignes. CXIX.

=Arétin=, ses figures recommandées contre les pâles couleurs. CXLIII.

=Aristote=. Le médecin de province fait entrer sa logique dans un
purgatif, ses catégories dans un remède contre la gale. CXLIII.

=Armées=. Différence des armées d'Orient et des troupes européennes.
XC.

L'avantage est du côté du prince qui est à la tête des armées. CIII.

Les armées, instrument nécessaire de la tyrannie, surtout en Orient.
_Ibid._

=Arméniens=. Leurs caravanes qui partent «tous les jours» de Smyrne
pour Ispahan, transportent en Perse les lettres venues de Marseille.
XXVII.

Marchands d'esclaves. LXXX.

Quelques ministres de Cha-Soliman voulaient les expulser de Perse,
s'ils ne se faisaient mahométans. (Allusion à l'édit de Nantes.)
LXXXVI.

Transportés par Cha-Abbas dans la province de Guilan, ils y périrent
par milliers. CXXII.

=Arrêt= qui permet de prononcer la lettre Q au gré de chacun. CX.

A. du C. (Arrêts du conseil.) concernant la B. et la C. des I. ou J.
(Ordinairement traduit: concernant la Bulle et la Constitution des
Jésuites: Barbier préfère: concernant la Bourse et la Compagnie des
Indes.) Purgatif violent. CXLIII.

=Arts=. Mauvais usage des arts. CVI.

Où nous entraînerait la perte des arts? Les barbares ont appris les
arts des vaincus. CVII.

Nécessité des arts. L'oisiveté et la mollesse incompatibles avec les
arts. Les arts à Paris. _Ibid._

=Ascétiques=. Inutilité des livres de cette espèce. CXXXIV.

=Asie=, dépeuplée, CXIII; toujours livrée au despotisme. CXXXI.

=Asie-Mineure=, singulièrement déchue de son antique prospérité.
CXIII.

=Astarté=, Guèbre qui épousa son frère: ses aventures. LXVII.

=Asthmè=. Pour le guérir, lisez les périodes du père Maimbourg.
CXLIII.

=Astrologie judiciaire=, est tenue en honneur chez les Persans et les
Orientaux. Rica croit fermement au concours des astres. CXXXV.

=Auteurs=. Vanité des auteurs, leur impatience de la critique.

Plus jaloux de leurs ouvrages que de leurs épaules. CIX.

=Automates=, les animaux; allusion au système de Descartes. CXLV.

=Autorité=. «Quand une fois l'autorité violente est méprisée, il n'en
reste plus assez à personne pour la faire revenir.» LXXXI.

=Averroes=. Purgatif. CXLIII.

=Aveugles=. La vie aux Quinze-Vingts.

Habileté des aveugles à se conduire dans Paris. XXXII.

=Avicenne=. Purgatif. CXLIII.

=Avocats=. «Livres vivants,» ils travaillent pour les juges et se
chargent de les instruire, parfois aussi de les tromper. LXVIII.

=Avortement=. Crime sévèrement puni par les lois européennes.

Abus qu'en font les femmes sauvages. CXXI.


B

=Babyloniens=. Autorité de la femme établie chez eux par une loi en
l'honneur de Sémiramis. XXXVIII.

=Bachas=. Ils achètent leurs emplois et, ruinés, ruinent les
provinces. XIX.

=Badinage= «naturellement fait pour les toilettes... semble être venu
à former le caractère général de la nation.» LXIII.

=Balk= (Bactres), ville sainte où les Guèbres honoraient le soleil.
LXVII.

=Banque=. Ses actions. Projets financiers du ministère en 1719. CXXXI.

=Baptême=, comparé aux ablutions musulmanes. XXXV.

=Barbares=. Ils ont appris les arts ou les ont fait exercer aux
vaincus. CVII.

=Barbarie=. Ses côtes, florissantes sous les Carthaginois et les
Romains, ont été dépeuplées et stérilisées par le mahométisme.
CXIII, CXIX.

=Barbe=. Pierre Ier et la barbe de ses sujets. LI.

=Bataille=. La terreur panique d'un seul soldat en décide quelquefois.
CXLIII.

=Bâtiments=. Magnificence de Louis XIV dans ses constructions. XXXVII.

=Batuecas=. Tribu des montagnes d'Espagne, mal connue des Espagnols
eux-mêmes. LXXVIII.

=Béatitude Éternelle=. Croyance défavorable à la propagation de
l'espèce. CXX.

=Beauté=. Beauté des Persanes. XXXIV.

Beauté d'une esclave de Circassie, achetée à des Arméniens. LXXX.

Beauté d'une femme jaune de Visapour. XCVII.

Empire naturel et universel de la beauté. XXXVIII.

=Beaux esprits=. Ils s'amusent aux choses puériles. XXXVI.

=Beiram=. Appartement des femmes. Sérail du roi (de Perse). Toute
esclave qui y entre devient mahométane. LXVII.

=Bénéfices=. «Qui voudroit nombrer tous les gens de loi qui
poursuivent le revenu de quelque mosquée...» LVIII.

=Ben Josué=, juif, prosélyte musulman. XXXIX.

=Bibliothécaire=. Portrait d'un moine bibliothécaire. Ses
conversations avec Rica. CXXXIV-CXXXVII.

=Bibliothèques=. Comment elles sont administrées par les dervis.
CXXXIII.

Voyage dans une grande bibliothèque à Paris. CXXXIII-CXXXVII.

=Bienfait=. Tout homme est capable de faire du bien à un homme: mais
c'est ressembler aux dieux que de contribuer au bonheur d'une
société tout entière. XC.

=Boissons=. Celles qui abrutissent.

Celles qui égayent et consolent, permises aux musulmans. XXXIII.

=Boîtes= où l'on enferme les femmes de la Perse au passage des
rivières. III.

=Bombés=. Leur invention a ôté la liberté à tous les peuples de
l'Europe. CVI.

Défense des bombes. CVII.

=Bonheur=. Réside-t-il dans les satisfactions des sens ou dans la
pratique de la vertu? X.

=Bonne foi=. Doit être l'âme d'un grand ministre. CXLVI.

=Bons mots= préparés d'avance et lancés à l'aide d'un compère. LIV.

=Bonzes=, confondus avec les brahmanes. CXXVI.

=Bourgeois=. Ont perdu la garde de leurs villes. CVI.

Sous quel prétexte les princes la leur ont retirée. _Ibid._

=Boussole=. Que nous a servi l'invention de la boussole? CVI.

=Brahma= récompense le suicide des veuves. CXXVI.

=Brahmane=. Croit à la métempsychose, mais admet qu'on mange un animal
quand on ne l'a pas tué soi-même. XLVI.

=Bulles=, purgatif violent. CXLIII.


C

=Cabale=. Panthéisme mystique des Juifs.

Pratiquée par un médecin de province. CXLIII.

=Café= (=et cafés=.) Très en usage à Paris, donne de l'esprit à ceux
qui le prennent dans certains établissements. On y joue aux échecs.
XXXVI.

Conversations que l'on y entend. CXXIX, CXXX, CXXXII.

=Cambyse= a établi en Perse le mariage de la soeur et du frère.
LXVII.

A quelle jambe a-t-il été blessé? CXLII.

=Cappadociens=. Ils refusèrent la liberté que leur offraient les
Romains. CXXXI.

=Capucins=. Conversation de Rica et d'un provincial de capucins. XLIX.

=Carthage=. République dont on ignore les origines; rivale de Rome.
CXXXI.

=Carthaginois=, avaient découvert l'Amérique. CXXII.

=Casbin=. Ville et monastère en Perse. XCIV.

=Casuistes=. Leur habileté à faire passer les péchés du mortel au
véniel. «Il y a un tour à donner à tout.» LVII.

Ils mettent au jour les secrets de la nuit. Ingéniosité voluptueuse,
crudité et danger de leurs ouvrages. CXXXIV.

=Castro= (Jean de), «fameux général portugais.» XXXVIII.

=Catalogne=. États d'Aragon et de Catalogne, 1610. Discussion
préalable sur la langue à employer dans les délibérations. CX.

=Catholicisme=. Son infériorité sociale devant le protestantisme.

Dans l'État de l'Europe, il n'est pas possible qu'il y subsiste cinq
cents ans. CXVIII.

=Catholiques=. Les pays catholiques moins riches, moins actifs, moins
peuplés que les pays protestants. CXVIII.

=Caussin= (le P.), jésuite, né à Troyes en 1543, confesseur de Louis
XIII, exilé par Richelieu.

Sa _Cour sainte_, livre de piété en 4 volumes in-4, est recommandée
comme somnifère à un homme qui ne dormait pas depuis trente-cinq
jours. CXLIII.

=Célibat=. Les filles esclaves condamnées à la virginité dans le
sérail. CXV.

Les Romains établissaient des peines sévères contre le célibat.

Les chrétiens le proclament supérieur au mariage. CXVII.

Nombre prodigieux de catholiques faisant profession de célibat.

Le célibat ecclésiastique est plus nuisible à la propagation que la
castration même.

Habitude des familles de vouer un de leur membre au célibat
religieux. _Ibid._

=Cellamare= (conspiration de), allusions, CXXVII.

=Cérémonies=. Leur importance secondaire en religion. XLVI.

=César=, opprima la république romaine et la soumit à un pouvoir
arbitraire. Suites de son crime. CXXXI.

=Cha-Abbas=, se serait fait couper les deux bras plutôt que de signer
l'édit de Nantes et «d'envoyer au Mogol et aux autres rois des Indes
ses sujets les plus industrieux.» LXXXVI.

Voulant priver les Turcs de soldats sur leurs frontières, il
transporta vingt milles familles arméniennes dans la province de
Guilan. CXXII.

=Chahban=, mois ardent. XVIII.

=Chansons=. Influence des chansons sur les frondeurs. CXI.

=Chapelain=, bon contre la gale, la teigne, etc. CXLIII.

=Chapelet=. «Heureux celui qui a toujours prié Dieu avec de petits
grains de bois à la main!» XXIX.

=Chardin=, célèbre voyageur en Perse. LXXII.

=Charles XII=, tué devant une place assiégée en Norwége
(Frédéricshall). CXXXVII. (_Esprit des lois_.) X, 13.

=Chartreux=. Espèce de dervis taciturnes. LXXXIII.

=Cha-Soliman=. Quelques ministres de ce prince avaient voulu expulser
de Perse tous les Arméniens (allusion à l'édit de Nantes). LXXXVI.

=Chat=, sorti du nez du lion. XVIII.

=Châtiments=. Les châtiments dans le sérail. LXIV, CXLVIII-CLXI. (Voir
Peines.)

=Chaussures=. Les hauts talons. C.

=Chauvinisme=. «Depuis le commencement de la monarchie, les Français
n'ont jamais été battus.» (Lettre d'un nouvelliste.) CXXX.

=Chimie= (alchimie?), quatrième fléau qui ruine les hommes et les
détruit en détail (?). CVI.

Elle habite tantôt l'hôpital, tantôt les Petites-Maisons. CXXXV.

=Chine=. Deux fois conquise par les Tartares. LXXXII.

Les Chinois pensent que leurs pères, anéantis dans le Tyen, revivent
en eux sur la terre. De là, propagation de l'espèce. CXX.

Ils honorent leurs parents comme des dieux. _Ibid._

Un conquérant de la Chine obligea ses sujets à se rogner les cheveux
ou les ongles. LXI.

=Chlorose=, doit céder à un tonique où entreront des figures d'Arétin
et des passages de Sanchez. CXLIII.

=Chrétiens= (vieux). Ce que c'est que les «vieux chrétiens» en Espagne
et Portugal. Leur orgueil. LXXVIII.

Les chrétiens cultivent les terres en Turquie et sont persécutés par
les Pachas. XIX.

=Christ=. Pas de royaume où il y ait eu tant de guerres civiles que
dans celui du Christ. XXIX.

=Christianisme=. Il rend tous les hommes égaux, mais n'empêche pas les
rois chrétiens d'autoriser la traite des nègres. LXXV.

Il est peu favorable à la propagation de l'espèce humaine. CXV.

Ses rapports avec le mahométisme au point de vue des croyances.
XXXV.

Ses vices sociaux: interdiction du divorce; création d'eunuques des
deux sexes; exaltation du célibat. CXV, CXVII, CXVIII.

=Christine= (de Suède), abdique la couronne pour se donner à la
philosophie. CXXXIX.

=Circassie=, pays des belles esclaves. LXXX, XCVII.

Royaume grand et dépeuplé. CXIII.

=Circoncision=. Ablation d'un «petit morceau de chair.» XLVI.

Mesure sanitaire qui délivre l'homme de l'impureté. XXXIX.

Mahomet est né circoncis. XXXIX.

=Climats=. Ils fixent les tempéraments.

On n'en sort pas impunément. CXXII.

=Cloître=. Cinq ou six mots d'une langue morte y assurent une vie
tranquille. CXVIII.

=Clyster= (composition d'un). CXLIII.

=Coiffeuses=. Supériorité des coiffeuses françaises. CI.

=Coiffures=. Variations des coiffures françaises. C.

=Colonies=. Elles affaiblissent la mère-patrie sans peupler le pays où
on les établit. CXXII.

Les colonies grecques apportèrent avec elles un esprit de liberté.
CXXXI.

=Colonisation=. L'auteur y est peu favorable et n'y voit, sauf
exception, qu'une cause de dépopulation intérieure et extérieure.
CXXII.

Il voudrait la borner à l'occupation de places pour le commerce.
_Ibid._

=Com=. (Ville de).

C'est là qu'est le «tombeau de la Vierge qui a mis au monde douze
prophètes.» Lettres I, XVII.

=Commentateurs=. Armée effroyable des glossateurs, de commentateurs,
jurisconsultes. CI.

Ils peuvent se dispenser d'avoir du bon sens. CXXXV.

=Commerce=. Plus il y a d'hommes, plus il fleurit; plus il fleurit,
plus il y a d'hommes. CXVI.

=Communisme=. Montesquieu semble avoir attribué quelques avantages à
l'indivision: «Le peuple Troglodyte se regardoit comme une seule
famille: les troupeaux étoient presque toujours confondus; la seule
peine qu'on s'épargnoit ordinairement, c'étoit de les partager.»
Lettre XII.

=Compères=. Le rôle des compères dans les conversations du monde. LIV.

=Compilateurs=. Contre leurs plagiats stériles. LXVI.

Les compilateurs de lois et d'ordonnances. CI.

=Conception=. Mahomet ne veut pas que la femme conçoive dans l'état
d'impureté. XXXIX.

=Confesseur=, son rôle près d'un vieux et d'un jeune roi. CVIII.

=Congrès=. «Épreuve aussi flétrissante pour la femme qui la soutient
que pour le mari qui y succombe.» LXXXVII.

=Conquête=. «La conquête ne donne point un droit par elle-même.» XCVI.

Funestes nécessités de la conquête lorsqu'elle est lointaine:
extermination des vaincus et épuisement des vainqueurs. CXXII.

Les conquêtes des Espagnols marquées par la ruine des campagnes.
LXXVIII.

=Conscience=. Inhumanité de ceux qui affligent la conscience des
autres. LXXXVI.

=Conseils=. Six ou sept conseils remplaçant les ministres ont pu
sagement administrer la France. CXXXVIII.

=Consolations=. Vanité de celles qu'on tire «de la nécessité du mal,
de l'inutilité des remèdes, de la fatalité du destin, de l'ordre de
la providence.» XXXIII.

=Conspirations= fréquentes en Orient. Pourquoi? CIII.

=Constantinople= menacée de dépopulation par la polygamie. CXV.

Les transports de peuples qu'on y a faits n'ont jamais réussi.
CXXII.

=Constitution= (Bulle de 1710) mal accueillie par les Français,
surtout par les femmes. Louis XIV l'accepte. XXIV.

Les constitutions des papes, adoptées par la jurisprudence
française. CI.

Influence de la constitution du corps sur les croyances religieuses.
LXXV.

=Conte persan=. Anaïs dans le paradis. CXLI.

=Continence=. Chez les chrétiens, c'est la vertu par excellence (bien
que le mariage soit saint: contradiction); elle a anéanti plus
d'hommes que les pestes et les guerres les plus sanglantes. CXVIII.

=Conversation=. Influence qu'ont dans les conversations les choses
inanimées, bruit du carrosse et du marteau, habit brodé, perruque
blonde, tabatière, canne, gants. LXXXIII.

=Coquetterie=. «Un peu de coquetterie est un sel qui pique et prévient
la corruption.» XXXVIII.

=Corps=. Les grands corps s'attachent aux minuties, aux vains usages.
CX.

=Corruption= remarquée dans les Indes (en France), oeuvre du système
de Law. Peinture énergique des hontes de l'agiotage. CXLVI.

=Cosrou=, eunuque blanc amoureux de Zélide. LIII.

=Cour=. La vertu et la sincérité y sont périlleuses. Lettre VIII.

=Courbe= selon laquelle un vaisseau doit être taillé. XCVIII.

=Courouc=. Ordre qui, en Perse, écarte les hommes du passage des
femmes de qualité. XLVII.

=Courtisans=. Par quels services ils gagnent des libéralités des
princes, CXXV, et leurs faveurs, notamment celles de Louis XIV.
XXXVIII.

=Coutumes=. Multiplicité des coutumes des provinces en France. La
plupart rédigées d'après le droit romain. CI.

=Couvent=. Famille éternelle où il ne naît personne; gouffre où
s'ensevelissent les races futures. CXVIII.

=Création=. Peut-on croire qu'elle n'ait eu lieu qu'il y a 6,000 ans?
Plus tôt, Dieu n'a-t-il pas voulu? n'a-t-il pas pu? CXIV.

=Cuisiniers=. Le goût des cuisiniers français règne du septentrion au
midi. CI.

=Czar=, son autorité despotique. LI.


D

=Débiteurs= avares qui ruinent leurs créanciers par des payements
fictifs. CXLVI.

=Décadence romaine=. Passage qui contient en germe un des
chefs-d'oeuvre de Montesquieu. CXXXVI.

=Décisionnaire=. Homme content de lui qui tranche sur tout, morale,
science, histoire, nouvelles. LXXII.

=Défense=. Elle rend la guerre légitime. Quand un traité a privé une
société de «sa défense naturelle,» elle peut la reconquérir par la
guerre. XCVI.

=Déluge=. Hypothèses de plusieurs déluges. CXIV.

=Dépopulation=. Catastrophe insensible.

Elle croît depuis les temps les plus reculés, dans tous les pays du
monde connu. CXIII.

Ses causes physiques, CXIV, et morales, CXV, dans les pays
musulmans, CXVI, et chrétiens, CXVII, CXVIII; en Afrique et en
Amérique, CXIX; chez les sauvages, CXXI; dans les colonies, CXXIII.

=Dervis= (Lisez prêtres ou moines.) LVII;

Dervis taciturnes: Chartreux LXXXIII.

On souhaiterait que les dervis «_se retranchassent_ tout ce que leur
profession leur rend inutiles.» _Ibid._

Société de gens avares qui prennent tout et ne rendent rien. Les
dervis catholiques accaparent les richesses de l'État, paralysent la
circulation, le commerce et les arts. CXVIII.

Comment ils administrent leurs bibliothèques. CXXXIII.

=Déserts=. Pays déserts par vice de nature ou destruction de peuples.
CXXII.

=Désespoir=. Il égale la faiblesse à la force. XCVI.

=Désirs=. Malheur d'une femme qui a des désirs violents lorsqu'elle
est privée de celui qui peut seul les satisfaire. VII.

=Despote=, =despotisme=. Le despote menacé par l'excès même de son
autorité. LXXXII, CIII.

Le despotisme tue l'émulation, XC; conduit au régicide impuni. CIV.

=Devins=. Ils vous diront toute votre vie, «pourvu qu'ils aient eu un
quart d'heure de conversation avec vos domestiques.» LVIII.

=Dévot=. Dévot ou incrédule par accès, caractère du chrétien. LXXV.

«Si dévots qu'ils sont à peine chrétiens» (les Espagnols). LXXVIII.

Le dévot adore tout ce qu'il vénère, attribue à de petites pratiques
monacales la même efficacité qu'aux sacrements. _Ibid._

=Dictionnaire=. Le dictionnaire de Furetière et celui de l'Académie.
LXXIII.

=Didon=. On ignore la suite des princes africains depuis Didon. CXXXI.

=Dieu=. Les hommes le font à leur image. Dieux nègres, Vénus
hottentote; «si les triangles faisoient un dieu, ils lui donneroient
trois côtés.» LIX.

«Ils ont fait une énumération de toutes les perfections différentes
que l'homme est capable d'avoir et d'imaginer, et en ont chargé
l'idée de la divinité.»

Quoique tout-puissant, Dieu «ne peut pas violer ses promesses, ni
tromper les hommes.»

Comment pourrait-il prévoir ce qui n'est pas encore?

La prescience divine est discutée et discutable. Peut-être
n'est-elle qu'intermittente, quand Dieu veut qu'une chose arrive. En
tout cas elle est contradictoire et supprime la liberté, le mérite
et le démérite, tels que les métaphysiciens les définissent. LXIX.

«Dieu est si haut que nous n'apercevons pas même ses nuages.» LXIX.

Dieu défend-il le suicide? LXXVI.

S'il y a un Dieu, il faut qu'il soit juste... Il serait le plus
méchant de tous les êtres puisqu'il le serait sans intérêt.

Docteurs qui représentent Dieu tantôt comme un être mauvais, tantôt
comme un être qui hait le mal. LXXXIV.

Comment comprendre que Dieu ait différé, durant toute l'éternité, la
création du monde?--Il n'y a point en lui de succession. CXIV.

=Directeur=. Portrait du directeur de consciences. XLVIII.

=Discours= prononcé par un général de la Fronde. CXII.

=Disgrâce=. Pour un Persan, la disgrâce du prince, c'est la mort.
Aussi les révoltes coûtent-elles peu aux Orientaux.

Pour les grands d'Europe, la disgrâce n'est que défaveur, exil.
CIII.

=Dissimulation=. Art nécessaire et pratiqué chez les Asiatiques.
LXIII.

=Distinction=. Procédé jésuitique, raillé. XXIX.

Les distinctions des avocats ou des scolastiques. XXXVI.

Une «distinction» sur un morceau de papier, remède contre la gale,
la gratelle, etc. CXLIII.

=Divorce=. Autorisé par le paganisme. CXV.

Il contribuait à l'attachement mutuel CXVII.

Son interdiction peu judicieuse relâche les liens que le
christianisme prétend resserrer, et porte atteinte à la fin du
mariage. _Ibid._

Elle engendre la froideur dans le ménage, livre aux filles de joie
l'homme dégoûté d'une épouse éternelle et nuit à la propagation de
l'espèce. _Ibid._

=Docteurs= qui représentent Dieu comme un être qui fait un exercice
tyrannique de sa puissance, etc. LXXXIV.

=Don Quichotte=. Le seul des livres espagnols «qui soit bon est celui
qui a fait voir le ridicule de tous les autres.» LXXVIII.

=Droit barbare=. Lois franques, etc., abandonnées pour le droit
romain. CI.

=Droit canon=. Constitutions des papes (Décrétales), adoptées par les
Français. _Ibid._

=Droit civil=. Il règle les affaires des particuliers.

Identité rationnelle du droit civil et du droit public. XCV.

=Droit coutumier= presque toujours modifié selon le droit romain. CI.

=Droit des gens= (voyez Droit public), doit prohiber les inventions
meurtrières. CVI.

=Droit public= faussé par les passions des princes, la patience des
peuples, la flatterie des écrivains; science qui apprend aux princes
jusqu'à quel point ils peuvent violer la justice. XCV.

Le droit public devrait être considéré comme un droit civil étendu
au monde entier. _Ibid._

Il est plus connu en Europe qu'en Asie. _Ibid._

Sanctions du droit public: la guerre; les représailles; la
suppression des avantages mutuels; la renonciation aux alliances.
XCVI.

Les principes du droit public sont ceux du droit privé. _Ibid._

=Droit romain=. Fond du droit français, rédigé en partie par les
Byzantins. CI.

=Droits= surannés rétablis au détriment du peuple par les fauteurs
d'intrigues princières. CXLV.

=Duel=. Edit de Louis XIV contre les duels, loué par un homme qui
«reçut cent coups de bâton pour ne le pas violer.» LIX.

Contradiction entre les lois de la nation et les lois de l'honneur.

Inutilité et injustice des lois sur le duel. XCI.

Sottise du duel, qui met le droit à la merci de la force ou de
l'adresse corporelle.

Injustice du duel par champions.

Rôle des seconds.

Le duel survit à toutes les interdictions et à toutes les peines.
_Ibid._ XCI.


E

=Eau= froide pour les ablutions du matin. XLVI.

Manque à Venise pour les purifications musulmanes.

(Voir Venise.)

=Ecclésiastiques=. On leur demande de prouver ce qu'on est résolu de
ne pas croire. LXI, LXXV.

=Ecriture sainte=. Tortures que lui infligent les glossateurs
ecclésiastiques. CXXXIV.

Diversité des interprétations. _Ibid._

=Edit de Nantes=. «En proscrivant les Arméniens (les protestants), on
pensa détruire en un seul jour tous les négociants et presque tous
les artisans du royaume.»

Coup porté à l'industrie par la dévotion. LXXXVI.

=Education=. Tristes résultats de celle que les enfants, en Orient,
reçoivent des esclaves. XXXIV.

=Education des femmes=. Entre les hommes et les femmes, «les forces
seroient égales si l'éducation l'étoit aussi.» XXXVIII.

=Egalité=. L'égalité civique, amenant l'égalité des fortunes porte
l'abondance et la vie dans toutes les parties du corps politique.
CXXIII.

Chez les Guèbres la femme était l'égale de son mari. LXVII.

=Eglise=. L'histoire de l'Église et des Papes, faite pour édifier,
produit l'effet contraire. CXXXVI.

=Egypte= dépeuplée. CXIII.

=Egyptiens=. Autorité de la femme établie chez eux par une loi en
l'honneur d'Isis. XXXVIII.

=Eléphant=. Ses ordures font pencher l'arche et engendrent le
pourceau. XVIII.

=Emollients=. Molina, Escobar, Vasquez, etc., en clystère. CXLIII.

=Empire romain=. Gouvernement militaire et violent sous lequel gémit
l'Europe. CXXXI.

Démembré par les barbares. _Ibid._

=Empire d'Allemagne= (voyez Allemagne).

=Empires= comparés à un arbre dont les branches trop étendues ôtent le
suc du tronc. CXXII.

=Enfants=. Les enfants nés dans la misère, ou issus de mariages
précoces, meurent en bas-âge ou forment des générations étiolées.
CXXIII.

Tout enfant né dans le mariage est censé être au mari. LXXXVII.

=Enrhumé=. «Tout Espagnol qui n'est pas enrhumé ne saurait passer pour
galant.» LXXVIII.

=Eole=. Fils qu'il eut d'une nymphe de la Calédonie (Law), et auquel
il apprit l'art d'enfermer du vent dans des outres.

Voyages de ce fils en compagnie du dieu du hasard; son séjour en
Bétique (France); ses discours; il escamote la fortune des crédules
auditeurs. CXLII.

=Epée= (gens d'), méprisent les gens de robe, qui le leur rendent.
XLIV.

=Epigrammes=. Petites flèches déliées qui font une plaie profonde.
CXXXVII.

=Episodes intercalés=. Les Troglodytes. XI-XIV.

Aphéridon et Astarté. LXVII.

L'immortelle Anaïs. CXLI.

Fragments d'un mythologiste. CXLII.

=Epitaphe= d'un Français mort de lassitude en la soixantième année de
son âge. LXXXVIII.

=Epopées=. Les connaisseurs disent qu'il n'y en a que deux et qu'on
n'en peut plus faire. CXXXVII.

=Equité=. «Libres que nous serions du joug de la religion, nous ne
devrions pas l'être de celui de l'équité.» LXXXIV.

=Erivan=, ville où s'achètent les esclaves géorgiennes et
circassiennes. LXXX.

=Erzeron= (Erzeroum), ville de Turquie d'Asie. Lettres IV, V, VI, XVI.

=Esclavage= aboli par les rois dans leurs États, rétabli dans leurs
conquêtes. Pour quelles raisons? LXXVI.

=Esclaves=. Leur dégradation morale; danger de leur fréquentation.
XXXIV.

=Esclaves romains=. Leur multiplication favorisée; leur pécule, leurs
industries; aisance dans la servitude, espoir de liberté;
affranchissement et libération. CXVI.

=Escobar=. Casuiste espagnol (XVIe-XVIIe siècles). Emollient. CXLIII.

=Espagne=, =espagnols=. Espagnols et Portugais, deux peuples qui
«méprisant tous les autres, font aux seuls François l'honneur de les
haïr.» Orgueilleux, ennemis de tout travail, amoureux, dévots
jusqu'à enfermer leurs femmes avec un novice ou un franciscain;
jaloux; leurs politesses bizarres; leur ignorance. Extravagance de
leurs livres. LXXVIII.

L'abaissement de l'Espagne correspond aux progrès du protestantisme.
CXVIII.

L'inquisition en Espagne. XXIX, LXXVIII.

Dépopulation. CXIII.

L'expulsion des maures. CXXII.

Les Espagnols ont été logiquement conduits à massacrer les indigènes
de leurs colonies.

Ils n'ont pu repeupler l'Amérique dévastée par eux. Au lieu de
passer aux Indes, ils feraient mieux de rappeler en Espagne tous les
métis et tous les indiens. CXXII.

Dans l'Espagne, ou Hespérie, au temps des colonies grecques, on ne
voit guère de monarchies. CXXXI.

Résumé de l'histoire d'Espagne. Expulsion des princes mahométans.
Eclat momentané, fausse opulence. La nation vit sur l'orgueil de son
passé. CXXXVI.

=Esprit= (homme d'). Portrait de l'homme d'esprit, ses défauts, ses
ennuis. CXLV.

=Estomac=, son influence sur l'intensité des croyances religieuses.
LXXV.

=États=. Il y a en France trois états: église, épée, robe, qui se
méprisent mutuellement. XLIV.

=États=. Les plus puissants États de l'Europe sont l'Empire, la
France, l'Espagne et l'Angleterre. CIII.

=Eunuques=. Leurs fonctions, devoirs; situation dans le sérail. II,
XV.

Plaintes contre leur autorité. IV, VII, IX, CLVI-CLIX.

Leur état détruit l'effet des passions sans en éteindre la cause,
IX; leur jalouse impuissance, leurs souffrances. _Ibid._

Confiance et mépris de leurs maîtres. XXI.

Leur position entre les deux sexes. XXII.

Leurs mariages. LII, LXVII.

Ils n'ont pas sur leurs femmes la même autorité que les autres
maris. LXVII.

Leur multitude en Asie est une cause de dépopulation. CXV.

Voir encore CXLVII-CLXI.

=Eunuques= (blancs). L'eunuque blanc n'a pas d'accès près des femmes;
Nadir, eunuque blanc, trouvé seul avec Zachi, est menacé de mort par
Usbek. XXI.

Le chef des eunuques blancs sévèrement blâmé. XXII.

Passion de Cosrou, eunuque blanc, pour Zélide. Sorte de volupté que
les eunuques goûtent, dit-on, dans le mariage. LIII.

=Eunuques= (noirs), chargés spécialement de la direction des femmes
dans le sérail, de l'examen et de l'achat des esclaves, des
corrections, même manuelles. _Passim._

Histoire du grand eunuque noir, racontée par lui-même. IX, LXIV.

Ce qui lui arrive en mettant une femme au bain. IX.

Tours que lui jouent les femmes.

Châtiment obtenu contre lui par une femme, dans un de ces moments où
le mari ne refuse rien.

Il veut mutiler un esclave noir qui résiste, XLI, XLII.

Achète une Circassienne. LXXX.

Une femme jaune de Visapour. XCVII.

Sa mort; désordres qui la suivent. CXLIX.

=Eunuques chrétiens=. Prêtres et dervis de l'un et l'autre sexe.
CXVIII.

Agents de dépopulation. _Ibid._

=Europe=. Sa capitale, Paris. XXIII.

Ses plus puissants États, la plupart monarchiques. CIII.

=Européens=. Ils font tout le commerce des Turcs, XIX; aussi punis par
une peine légère que les Asiatiques par la perte d'un membre. LXXXI.

=Evêques=, gens de loi subordonnés au pape; unis au pape ils font des
articles de foi; en particulier, ils dispensent d'accomplir la loi.
XXIX.

Evêque vantant son mandement. CII.

=Extravagance humaine=. A propos des pompes funèbres. XL.


F

=Famille=. Puissance paternelle chez les Romains. LXXIX.

Chez les Français, les familles se gouvernent toutes seules.
LXXXVII.

Leurs différends portés devant les tribunaux. _Ibid._.

Les membres de la famille ne sont liés que par l'amour et la
gratitude. CV.

Infériorité de la famille polygamique. VII, CXV, XXXIV.

=Fat=. Son portrait. L.

=Fatalisme musulman=. Cause de dépopulation. CXX.

=Fatmé= rappelle à Usbek sa beauté, lui raconte ses désirs amoureux et
les soins qu'elle prend de sa personne. VII.

=Faveur=. C'est la grande divinité des Français. LXXXIX.

=Félicitations=. Tout pour les Français est matière à félicitations et
compliments. LXXXVIII.

=Femme jaune= de Visapour, achetée cent tomans. Sa beauté supérieure à
«tous les charmes de la Circassie.» XCVII.

=Femmes=. Liberté des femmes européennes. XXIII, XXVI.

Indignation des Françaises contre la _Constitution_ (bulle de 1710)
qui leur interdit la lecture de la Bible. XXIV.

Coquetterie des Françaises de tout âge. LII.

Leur légèreté, leurs infidélités qui ne choquent personne. LV.

«Ce n'est pas qu'il n'y ait des dames vertueuses... mais si laides
qu'il faut être un saint pour ne pas haïr la vertu.» _Ibid._

Les femmes, surtout lorsqu'elles vieillissent, s'adonnent au jeu
avec passion. LVI.

Comment elles ruinent leurs maris. _Ibid._

Vieilles femmes qui ont travaillé tout le matin à se rajeunir et
passent le soir à louer le temps de leur jeunesse. LIX.

Leur situation en Espagne; elles laissent souvent aux hommes «un
long et fâcheux souvenir d'une passion éteinte.» LXXVIII.

Les femmes adorent ceux qui savent parler sans rien dire. LXXXIII.

La loi naturelle soumet-elle les femmes aux hommes?

Chez les peuples les plus polis, les femmes ont de l'autorité sur
leurs maris.

Les hommes, dit Mahomet, ont un degré sur elles. XXXVIII.

En France, les femmes gouvernent, distribuent les faveurs et les
places. CVIII.

Elles forment une sorte de république (nous dirions
franc-maçonnerie). _Ibid._

Gravité du rôle d'une jolie femme. CXI.

=Femmes= (musulmanes). (Voir _sérail_). La femme, selon Mahomet, est
d'une «création inférieure;» elle n'entrera pas dans le paradis.
XXIV.

«Les femmes sont vos labourages, elles vous sont nécessaires comme
vos vêtements, et vous à elles,» dit le prophète. CXV.

Quatre femmes, permises par la loi, et autant de concubines qu'un
homme en peut entretenir et satisfaire. _Ibid._

=Fermier général=. Portrait du fermier général suffisant. XLVIII.

Ceux qui lèvent les tributs nagent au milieu des trésors. XCIX.

Leur situation terrible devant la chambre de justice. _Ibid._

=Fermiers=. En vain les accable-t-on de frais; ils payent leurs loyers
toujours en retard. CXXXII.

=Fidélité=. La fidélité n'empêche point le dégoût qui suit les
passions satisfaites. XXXVIII.

=Filles=. Fille modeste avouant devant les juges les tourments d'une
trop longue virginité. LXXXVII.

Filles ravies ou séduites; elles font les hommes beaucoup plus
mauvais qu'il ne sont. _Ibid._

Les filles des laquais enrichissent les seigneurs ruinés. XCIX.

En Europe, on sait à la minute le moment où elles cessent de l'être.
En Orient, quoique mariées, elles se défendent longtemps. LV.

=Filles de joie=. Il y en a à Paris autant que de dervis. LVII.

L'interdiction du divorce leur livre les maris désespérés. CXVII.

=Filles musulmanes= confiées aux eunuques noirs dès leur septième
année; quelquefois on attend leur dixième. LXII.

=Finances=. En trois ans quatre systèmes. Bouleversées par Law.
CXXXVIII.

=Financiers=. Leurs bureaux, leurs inventions, leur impertinence
CXXXVIII.

=Flamel= (Nicolas), a découvert la pierre philosophale. XLV. (La
légende paraît avoir fait sans raison un alchimiste de Flamel, riche
écrivain--juré de l'Université de Paris, mort en 1418.)

=Fléchier= (M. de N.). Ses oraisons funèbres ne peuvent entrer dans le
_vomitif_ indiqué par le médecin de province. CXLIII.

=Flegme= des grands seigneurs. LXXIV.

Des Espagnols et Portugais. LXXVIII.

=Formalités=. pernicieuses dans la jurisprudence et dans la médecine.
CI.

=Fortune=. Instabilité des fortunes en France. (Allusion à Law.) XCIX.

=Fouet=. Châtiment qu'on inflige aux femmes persanes. CLVII.

=Fous=. Les Français «enferment quelques fous dans une maison, pour
prouver que les autres ne le sont pas.» LXXVIII.

=Fragment= d'un ancien mythologiste, sur le fils d'Eole, Law. CXLII.

=Français=. Leur activité: «ils courent, ils volent.» XXIV.

Leur vanité, exploitée par Louis XIV, _Ibid._

Le roi les fait penser comme il veut. _Ibid._

Leurs perpétuelles accolades. XXVIII.

Leur gaieté, leur liberté d'esprit inconnues aux Persans et aux
Turcs. XXXIV.

Ils parlent beaucoup. LXXXIII.

Leur badinage. LXIII.

Leurs modes. C.

Leur prééminence en toilette, cuisine, coiffures. CI.

Leur amour de la gloire. XC.

Ils ont pris de leurs voisins tout ce qui concerne le gouvernement
politique et civil. CI.

Leur droit écrit, coutumier et canonique. _Ibid._

=France=. Sa population n'est rien en comparaison de celle de
l'ancienne Gaule. CXIII.

Un des plus puissants États d'Europe. CIII.

Allusion à la guerre avec l'Espagne, sous la Régence. CXXXII.


G

=Gaité=. Gaieté des Français, inconnue des Persans, surtout des Turcs.
XXXIV.

=Gale=. Remède recommandé contre la gale, gratelle, teigne, etc.
CXLIII.

=Galice=, province d'Espagne, lieu de pèlerinage. XXIX.

=Gardes=. En quelle occasion les rois de France se donnèrent des
gardes. CIII.

=Gaules=. Colonies grecques dans les Gaules.

Dans les temps les plus reculés, on ne voit guère de monarchies chez
les Gaulois. CXXXI.

=Gemchid= (nom du fondateur légendaire de la royauté Perse), dervis du
brillant monastère de Tauris. Usbek lui énumère les conformités du
christianisme et de l'islamisme, et lui demande si les chrétiens
iront en enfer. XXXV.

=Généalogiste=. Pauvre métier. Espérances que fonde un généalogiste
sur les enrichissements subits dûs au système de Law. CXXXII.

=Gênes=, république, qui n'est remarquable que par ses bâtiments.
CXXXVI.

=Gengiskan=, ses conquêtes mises au-dessus de celles d'Alexandre.
LXXXII.

=Géomètre=. Esprit exclusif d'un géomètre, sa rencontre avec un
traducteur d'Horace. CXXIX.

Les géomètres obligent un homme malgré lui d'être persuadé. CXXXV.

=Géorgie=, royaume jadis vassal de la Perse. XCII.

=Gloire=. C'est une nouvelle vie qu'on acquiert.

Le désir de la gloire croît avec la liberté; la gloire n'est jamais
compagne de la servitude.

Amour des Français pour la gloire. XC.

=Glossateurs=, peuvent se dispenser d'avoir du bon sens. CXXXV.

=Goa=. Les habitants de Goa prêtent vingt mille pistoles sur une des
moustaches de Jean de Castro. LXXVIII.

=Gortz= (baron de), ministre suédois condamné à mort. CXXVIII.

=Goths=, déposaient leurs rois dès qu'ils n'en étaient pas satisfaits.
CXXXI.

=Gouvernements=, monarchiques en Europe, avec tempéraments; absolus en
Orient. CIII.

Diversité des gouvernements en Europe. Le plus parfait est celui qui
va à son but à moins de frais et qui conduit les hommes selon leur
inclination.

Supériorité rationnelle d'un gouvernement doux. LXXXI.

La douceur du gouvernement, les républiques, Suisse et Hollande, en
sont une preuve constante, contribue à la propagation de l'espèce.
CXXIII.

=Grâce=. Le droit de grâce, attribut des rois en Europe. CIII.

=Grammairiens=, peuvent se dispenser d'avoir du bon sens. CXXXV.

=Grands=. En Perse, il n'y a de grands que ceux à qui le monarque
donne quelque part au gouvernement. LXXXIX.

=Gravitation=, la clef de la nature. XCVIII.

=Gravité=. Causes de la gravité des Asiatiques. XXXIV.

La gravité est le caractère saillant des Espagnols et des Portugais.
LXXVIII.

=Grèce=, aujourd'hui réduite à la centième partie de ses habitants.
CXIII.

Tira ses colonies d'Egypte et d'Asie, renversa ses tyrans, se divisa
en républiques qui tinrent en échec la Perse, répandirent les arts,
peuplèrent l'Italie, colonisèrent la Gaule, et l'Espagne. CXXXI.

=Guèbres=. Antiquité de leur religion; mariage de la soeur avec le
frère, «usage introduit par Cambyse» (?) LXVII (_Aphéridon et
Astarté_).

La persécution a privé la Perse de «cette nation si appliquée au
labourage» (allusion à l'édit de Nantes). LXXXVI.

=Guerre=. Deux sortes de guerres justes: pour défendre le sol, pour
secourir un allié.

La guerre, c'est la peine de mort transportée dans le droit public.

La déclaration de guerre est régie par les mêmes principes que
l'accusation en droit privé. XCVI.

Il n'y a jamais eu autant de guerres civiles que dans l'empire du
Christ. XXIX.

Les guerres de religion ne sont pas dues à la multiplicité des
religions, mais à l'intolérance. LXXXVI.

=Guerrier=. Vanité et babil du vieux guerrier. Les officiers médiocres
languissent dans les emplois obscurs. XLVIII.

=Guilan=, province où Cha-Abbas déporta les Arméniens. CXXII.

=Guinée=. Vanité d'un roi de Guinée dont tous les ornements
consistaient en sa peau noire et luisante et quelques bagues. XLIV.

Ses côtes dépeuplées par la traite des nègres;

Ses rois vendent leurs sujets. CXIX.

=Guitare=. Abus qu'en font les Espagnols. LXXVIII.

=Guriel=, petit État d'Asie, peu peuplé. CXIII.

=Gustape= (Hystaspe), nom d'un héros perse, quatrième roi de l'antique
dynastie Kaïanienne, sous lequel vivait Zoroastre. LXVII.

Les Tartares se sont assis sur le trône de Cyrus et Gustape. LXXXII.


H

=Habillement=, son influence sur la curiosité publique en France. XXX.

=Hagi=, qui a fait le pèlerinage de la Mecque. XXXIX.

=Hassein=, dervis de la montagne de Jaron. Usbek lui adresse la lettre
sur les philosophes rationalistes. XCVIII.

=Hérésie=. Les savants en sont naturellement accusés. CXLV.

=Hérétiques=. Ceux qui mettent au jour quelque proposition nouvelle
sans avoir présenté au moins une distinction. XXIX.

Brûlés par les dervis en Espagne et Portugal. LIX, LXXVIII.

Allusion à l'édit de Nantes. LIX.

=Héros=, se ruinent à conquérir des pays qu'ils perdent soudain.
CXXII.

Les héros de roman français et orientaux. CXXXVII.

=Hibernois= (?), chassés de leur pays, viennent utiliser en France
leur talent pour la dispute. XXXVI.

(Note de l'édition Lefèvre. 1820.)

=Historiens= de l'Église, de la décadence romaine, de l'empire
d'Allemagne, de France, d'Espagne, d'Angleterre, de Hollande,
d'Italie, de Suisse, de Venise, de Gênes, du Nord, de la Pologne.

Caractère et destinée des différents peuples. CXXXVI.

=Hohoraspe= (le cheval de l'asoura ou le cheval-être), divinité
persique (?), nom donné à un fabuleux Cambyse, père de Gustape et
troisième roi de la dynastie Kaïanienne. LXVII.

=Hollande=, république citée avec éloge. LXXII.

Seconde reine de la mer, respectée en Europe, formidable en Asie.
CXXXVI.

Les Hollandais poussèrent les colonies portugaises à la révolte pour
s'en emparer. CXXII.

=Homère=. Dispute sur les poëmes et le mérite d'Homère. XXXVI.

=Hommes= (en général) nés pour être vertueux; la justice leur est
aussi propre que l'existence. X.

Ils rapportent tout à leurs idées, XLIV; à leurs souvenirs, LIX;
s'exagèrent leur place dans l'univers, LXXVI; cèdent trop volontiers
aux passions et à l'intérêt immédiat qui leur voilent les avantages
de la justice, si nécessaire à leur sécurité et à leur bonheur.
LXXXIV.

La fausseté de leurs espérances et de leurs craintes les rend
malheureux. CXLIII.

Il semble que le fait d'être assemblés en grand nombre rétrécisse
leur esprit. CX.

Ils n'ont sur les femmes qu'un pouvoir tyrannique. Ils sont les plus
forts. XXXVIII.

Les soupçons et la jalousie les mettent dans la dépendance des
femmes. LXII.

Hommes lâches qui abandonnent leur foi pour une médiocre pension.
CXLV.

=Hommes a bonnes fortunes=, leur fatuité, leur indignité sociale.
XLVIII.

=Honneur=. Le sanctuaire de l'honneur, de la réputation et de la
vertu, semble être établi dans les républiques.

Un sujet blessé dans son honneur par son prince quitte sur-le-champ
sa cour, son emploi, son service. XC.

=Huguenots=. La persécution qui les a jetés en exil n'a point profité
à la France. LX.

=Humanité=. Les devoirs de l'humanité priment les règles de la
religion. A ce point que toutes les religions les ont inscrits en
tête de leurs préceptes. XLVI.


I

=Ibben=, un des correspondants ordinaires d'Usbek et de Rica,
négociant à Smyrne, oncle de Rhédi. XXIII, XXIV, XXV, XXIX, XXX,
XXXIV, XXXVII, XXXVIII, XL, LV, LVI, LX, LXVIII, LXXVI, LXXVII,
LXXXIII, XC, CXIX, CIII-CV, CVIII, CXXVIII, CXXXVIII.

=Ibbi=, esclave qui a suivi Usbek, correspondant du grand eunuque
noir. IX.

=Ibbi= (hagi), écrit à Ben Josué sur la naissance merveilleuse de
Mahomet. XXXIX.

=Ignorance=. Les monarchies n'ont été fondées que sur l'ignorance et
ne subsistent que par elle, témoins les royautés d'Orient. CVI.

Heureuse ignorance des musulmans. _Ibid._

=Ignorants=. Un ignorant se dédommage en méprisant le mérite. CXLV.

=Iles= peuplées par des malades que quelques vaisseaux y avaient
abandonnés. (L'île de France et la Réunion.) CXXII.

=Immaums= (Imans), saints et prophètes musulmans. Il y en a douze (les
douze premiers successeurs de Mahomet). Treizième iman est un
compliment comme dixième muse. Les imans sont des prêtres chargés de
faire la prière publique, de prêcher le vendredi; ils assistent à la
circoncision, aux mariages, aux enterrement XVI, XCIV.

=Immeubles=. Deux appréciations de ce genre de biens. CXXXII.

=Immortalité= (de l'âme). On y croit par semestre. LXXV,

Pour «mourir du côté de l'espérance.» _Ibid._

=Impie=. Impie ou dévot, selon le tempérament, la digestion, la santé.
LXXV.

=Impôts=. Ils pèsent sur l'agriculture, l'industrie, CXXV,

Et la nourriture du peuple. _Ibid._

Le vin, très-imposé, est cher à Paris. XXXIII.

=Impureté=, viandes immondes, impureté des cadavres.

«Les choses ne sont en elles-mêmes ni pures, ni impures... La boue
ne nous paroît sale que parce qu'elle blesse notre vue ou quelque
autre de nos sens.» XVII.

Légende musulmane sur l'impureté du cochon et du rat. XIX.

=Inde=. Les «hommes de chair blanche» dans l'Inde. Leur orgueil.
LXXVIII.

=Industrie=. Les revenus industriels supérieurs à ceux de
l'agriculture.

Avec une pistole de couleurs le peintre en gagne cinquante, etc.,
etc. CVII.

=Infaillibilité= de ceux que l'Esprit-Saint éclaire--et qui ont grand
besoin d'être éclairés. CII.

=Injustice=. Les hommes peuvent faire des injustices, parce qu'ils ont
intérêt de les commettre; nul n'est mauvais gratuitement. LXXXIII.

=Inquisition=. Elle sévit en Espagne et en Portugal. Sa cruauté et son
hypocrisie. XXIX.

Elle ne fait jamais brûler un juif «sans lui faire des excuses.»
LXXVIII.

Elle présume l'accusé coupable. XXIX.

=Instabilité= des honneurs et des fortunes en Orient. Aujourd'hui
général, cuisinier demain. XC.

=Intercesseur=. Chrétiens et mahométans croient à la nécessité d'un
intercesseur auprès de Dieu. XXXV.

=Intérêt=. «L'intérêt particulier se trouve dans l'intérêt commun.»
XII.

La raison de l'injustice est toujours «une raison d'intérêt.»
LXXXIV.

Leur intérêt est toujours ce qu'ils (les hommes) voient le mieux.
_Ibid._

«L'intérêt est le plus grand monarque de la terre.» CVII.

=Interprètes=, ont cherché dans l'Ecriture la confirmation de leurs
idées particulières. CXXXIV.

=Intolérance=, ses résultats funestes, son iniquité. LXXXVI.

=Intrigants=, souffleurs, magiciens, devins, femmes fardées, gens de
loi, maîtres de langues et d'arts, boutiquiers, etc. LVIII.

=Invalides=. Éloge des Invalides. LXXXV.

=Irimette=, petit royaume voisin de la Perse. CXIII.

Fort dépeuplé. _Ibid._

=Irréligion=. Les savants en sont nécessairement accusés. CXLV.

=Isben-Aben=, historien arabe. XXXIX.

=Isis=, divinité égyptienne, symbolisant l'autorité de la femme.
XXXVIII.

=Ispahan= (ville des chevaux, ou du soleil considéré comme le coursier
céleste), capitale de la Perse, dépérit et serait changée en désert
par la polygamie, si les rois n'y transportaient sans cesse des
nations entières. CXV.

=Italie=, partagée en un nombre infini de petits États ouverts comme
des caravansérails. CIII.

Au temps des premières colonies grecques, il n'y avait guère de
monarchies en Italie. CXXXI.

Jadis maîtresse du monde, aujourd'hui esclave des autres nations.
CXXXVI.


J

=Jalousie=. Jalousie musulmane. VI.

Jalousie française. LV.

Jalousie espagnole. LXXVIII.

La jalousie des hommes prouve leur dépendance. LXII.

Jalousie mutuelle des sectes religieuses; elle descend jusqu'aux
particuliers. LXXXVI.

=Jaloux=. Ridicules en France. LV.

=Jamblique=, purgatif. CXLIII.

=Jansénistes=, désignés. XXIV.

=Japhet= raconte, par ordre de Mahomet, les légendes de l'arche de
Noé. XVIII.

=Jaron=, eunuque noir en correspondance avec le grand eunuque. XV,
XXII.

=Jésuites=. Constitution des Jésuites, purgatif violent;

Pièces des Jésuites français, vomitif puissant. CXLIII.

=Jeu=. «Très en usage en Europe: c'est un état que d'être joueur.»
LVI.

Les jeux de hasard interdits par Mahomet. _Ibid._

=Jeunes=. Les chrétiens en ont comme les musulmans. XXXV.

=Joueuses=, leur portrait. LVI.

=Journalistes=. Ils ne parlent que des livres nouveaux et flattent les
auteurs. CIX.

=Journaux=. Livres par fragments. Leurs avantages et leurs défauts.

Ils flattent la paresse. CIX.

=Judaïsme=, «vieux tronc qui a produit deux branches qui ont couvert
toute la terre.» LX.

=Juges=. Ils ne s'enflent point d'une vaine science. Les avocats
travaillent pour eux. LXVIII.

Ils présument qu'un accusé est innocent. XXIX.

=Juifs=. Ils font en France ce qu'ils font en Perse. Leur obstination
invincible pour leur religion. LX.

«Ils n'ont jamais eu dans l'Europe un calme pareil à celui dont ils
jouissent... On s'est mal trouvé en Espagne de les avoir chassés.»
_Ibid._

Les Juifs lèvent les impôts en Turquie; persécutés par les pachas.
XIX.

Ils achètent les enfants. LXVII.

Les Juifs se maintiennent et multiplient, par l'espoir d'engendrer
un Messie. CXX.

Transportés en Sardaigne par les Romains. CXXII.

=Justesse=, «Martyr de sa justesse» un esprit trop régulier, trop
géométrique, ressemble à Tarquin, à Thrasybule ou à Périandre
coupant avec leur épée «la tête des fleurs qui s'élevaient au-dessus
des autres.» CXXIX.

=Justice=. Les hommes sont «nés pour être vertueux; la justice est une
qualité qui leur est aussi propre que l'existence.» X.

La justice est inséparable de la solidarité, de la garantie mutuelle
du droit.

«L'intérêt des particuliers se trouve dans l'intérêt commun.» XII.

La justice est un rapport de convenance qui se trouve réellement
entre deux choses.

Dès qu'on suppose que Dieu voit la justice, il faut nécessairement
qu'il la suive.

Quand il n'y aurait pas de Dieu, nous devrions toujours aimer la
justice.

La justice est éternelle. Si elle ne l'était pas, ce serait une
vérité terrible qu'il faudrait se dérober à soi-même.

Plaisir d'être juste. LXXXIV.

La justice est violée par le droit public faussé. XCV.

En France elle se mêle de tous les différends de famille; elle est
toujours contre le mari jaloux, le père chagrin, le maître
incommode. LXXXVII.

=Justice divine=, incompatible avec la prescience. LXIX.


L

=Lacédémone=. Les récompenses à Lacédémone. XC.

Si Lycurgue avait établi que les maris changeassent de femmes tous
les ans, il en serait né un peuple innombrable. CXVII.

=Lapin=, immonde pour le juif. Discussion du Juif, du Turc, de
l'Arménien, du brachmane à propos d'un lapin. XLVI.

=Laquais=. En France, le corps des laquais est un séminaire de grands
seigneurs. XCVIII.

Leurs enrichissements subits par la spéculation.

Leur vanité. CXXXVIII.

=Law=. Un étranger est venu... qui a tourné l'État comme un fripier
tourne un habit, etc. CXXXVIII.

Son portrait allégorique en tant que fils d'Eole. CXLII.

Corruption qui résulte du système et de l'agiotage effréné. CXLVI.

=Légendes mahométanes= sur les viandes et les animaux immondes, XVIII.

Sur la naissance de Mahomet. XXXIX.

=Législateurs=, leurs défauts ordinaires et leurs ridicules:
étroitesse, puérilité, subtilité, emploi d'une langue morte, etc.
LXXIX.

=Lèse-majesté=, seul crime politique qui entraîne la mort pour les
grands d'Europe. CIII.

Selon les Anglais, c'est le crime que le plus faible commet contre
le plus fort, aussi bien s'il est roi que s'il est peuple. CV.

=Lettres=, avantages du roman par lettres: «l'on rend compte soi-même
de sa situation actuelle; ce qui fait plus sentir les passions, que
tous les récits qu'on en pourrait faire.»

(_Quelques réflexions sur les_ Lettres Persanes.)

Lettres intercalées dans d'autres:

D'une comédienne perdue par un jeune abbé. XXVIII.

D'une jeune russe qui veut être battue. LI.

D'un Français voyageant en Espagne. LXXVIII.

D'un savant. CXLV.

Trois de nouvellistes. CXXX.

D'un antiquaire. CXLII.

D'un médecin de province. CXLIII.

=Lever=. La présence assidue au lever du roi est un titre aux
libéralités et aux faveurs. XXXVII, CXXV.

=Libéralités=. Grâces et pensions accordées par les princes aux
courtisans, aux dépens de l'agriculture et de l'industrie. CXXIV.

=Liberté= supprimée par la prescience divine. Liberté d'indifférence.
LXIX.

La liberté existe surtout dans les républiques; favorable à la
propagation de l'espèce et aux progrès de l'opulence. Elle attire
les étrangers. CXXIII.

La liberté semble faite pour le génie des peuples d'Europe. CXXXI.

La liberté chez les ancêtres des peuples du Nord. _Ibid._

=Libre arbitre=, incompatible avec la prescience. LXIX.

=Lionne= (M. de L.) président des nouvellistes. CXXX.

=Livourne=, ville nouvelle, témoignage du génie des ducs de Toscane.
XXIII.

=Livres=. Contre les faiseurs de livres inutiles.

Respect qu'on doit aux ouvrages originaux. LXVI.

Absence de bon sens dans les livres espagnols, romans ou
scolastiques. Exception en faveur de Don Quichotte. LXXVIII.

Le sujet est délayé selon le format des livres. CIX.

Jusqu'à ce qu'un homme ait lu tous les livres anciens, il n'a aucune
raison de leur préférer les nouveaux. _Ibid._

Les diverses espèces de livres. CXXXIII-CXXXVII.

=Lois=. Lois variables des législateurs.

Lois éternelles, immuables, de la nature. XCVIII.

Lois anciennes établies par les rois Francs, oubliées pour des lois
romaines en partie rédigées par les Byzantins.

Ajoutez les constitutions des papes et quelques coutumes de villes
et provinces, récemment rédigées; plus les commentaires, les
formalités et la jurisprudence.

«Cette abondance de lois, en France, accable également la justice et
les juges.» CI, LXXIX.

Il ne faut toucher aux lois que d'une main tremblante. LXXIX.

Les lois contre les suicidés sont injustes parce qu'elles sont sans
objet. Elles ne lient pas les morts. LXXVI.

Chez les barbares germaniques, les lois étaient faites dans les
assemblées de la nation. CXXXI.

=Louis= XIV, son portrait, sa dévotion, sa puissance, sa maîtresse,
ses ministres, sa vieillesse. XXIV, XXXVII.

Trop peu modéré envers les ennemis. XXIV.

Son goût pour les femmes. CVIII.

Sa mort et son testament. XCIII.

Son amour pour la politique orientale, c'est-à-dire le despotisme.
XXXVII.

=Louis= XV, son enfance. XCIII.

Son portrait. Les espérances qu'il donne. CVIII.

=Lucifer= jeté au fond de la mer, lors de la naissance de Mahomet,
nage quarante jours. XXXIX.

=Lumière=, son trajet du soleil à la terre. XCVIII.

=Lunettes=, insignes de la gravité espagnole et portugaise, symbole de
science. LXXVIII.

=Luxe=, nécessaire à la prospérité des nations. CVII.


M

=Mages=, prêtres du magisme ou mazdéisme. LXVII.

Adorateurs du soleil, des étoiles, du feu et des éléments;

Mais leur religion, calomniée par les musulmans, est, selon
Montesquieu, un pur monothéisme. _Ibid._

(Le mazdéisme est une polythéisme dualiste où la lumière et les
ténèbres (le bien et le mal) luttent dans le temps et l'espace sans
bornes.)

Les mages enseignaient que les actes les plus méritoires sont: faire
un enfant, labourer un champ, planter un arbre. CXX.

=Magiciens=. Ils promettent «de vous faire coucher avec les esprits
aériens, pourvu que vous soyez seulement trente ans sans voir de
femmes.» LVIII.

=Magie=. Les savants en sont accusés. CXLV.

=Magistrats=. Ils doivent rendre la justice de citoyen à citoyen.
XCVI.

=Mahomet=, sa naissance merveilleuse. XXXIX.

Il naît circoncis. _Ibid._

Ses prescriptions relatives aux viandes immondes. XVIII.

Il a enchaîné Satan et l'a précipité dans les abîmes;

Il a purifié la terre. XCIV.

=Mahométans=. Plus persuadés de leur religion que les chrétiens. LXXV.

Croient à la vertu des amulettes et talismans. CXLIII.

=Mahométisme=. Peu favorable à la propagation de l'espèce humaine.
CXV.

Issu du judaïsme, LX.

Comparé au christianisme, XXXV.

Ferme la vie future aux femmes. LXVII.

Etabli par conquête et non par persuasion. _Ibid._

=Maimbourg=, bon contre l'asthme. CXLIII.

(Louis Maimbourg, né à Nangis en 1610, exclu de la compagnie de
Jésus par Innocent XI, pour avoir écrit contre Rome, en faveur du
clergé de France (1682); mort en 1686.)

=Maine= (duc du). Arrestation du duc du Maine, oncle naturel du roi
mineur. CXXVII.

=Maîtres de sciences=, =arts=, etc., enseignent souvent ce qu'ils
ignorent. LVIII.

=Maîtresse=. Maîtresse et confesseur, les deux grandes épreuves d'un
roi. CVIII.

Une femme est la maîtresse d'un ministre, non pour coucher avec lui,
mais pour lui présenter cinq ou six placets tous les matins. _Ibid._

Louis XIV a une maîtresse de quatre-vingts ans. XXXVII.

=Malheurs=. Pour un vrai musulman, les malheurs sont moins des
châtiments que des menaces. LXXVII.

=Malte= (chevaliers de), bravent l'empire ottoman. XIX.

=Mandement=. Evêque qui a «bien sué» pour le faire. CII.

=Marchandes=. A Paris «une jeune marchande cajole un homme une heure
entière, pour lui faire acheter un paquet de curedents.» LVIII.

Nombre infini de jeunes marchandes aux abords du palais. LXXXVII.

=Mariages=. Il y a «des mariages heureux et des femmes dont la vertu
est un gardien sévère.» XLVII.

Mariages d'eunuques: Cosrou et Zélide. LIII; Astarté, soeur
d'Aphéridon. LXVII.

Mariages entre frère et soeur. _Ibid._

Avanie faite par Suphis à sa jeune femme. LXX.

Charges du mariage chez les musulmans. CXV.

Chez les chrétiens, l'interdiction du divorce porte atteinte à la
fin même du mariage. CXVII.

Le mariage chrétien est une image, une figure, un mystère
incompréhensible. _Ibid._

En fait, il est stérilisé par l'impuissance de le rompre. _Ibid._

Mariages précoces causés par la crainte d'un enrôlement forcé. De
là, dépopulation. CXXIII.

=Maris=. Facilité des maris français.

Les jaloux sont haïs et ridicules. LV.

Les maris eunuques «n'ont pas sur leurs femmes la même autorité que
les autres.» LXVII.

Une veuve indienne renonce au bûcher dès qu'elle sait que son mari
l'attend au ciel. CXXVI.

=Matière=, son mouvement universel. CXIV.

Quelques-uns ne peuvent comprendre qu'elle n'ait que six mille ans.
_Ibid._

=Maures=. Vide irréparable causé en Espagne par l'expulsion des
Maures. CXXII.

=Mazarin=. Pataquès qu'on lui prête, chanson qu'on fait sur lui.
Allusion à ses pages. CXII.

=Mécontents=. Vieux guerrier. XLVIII.

Vieilles femmes, goutteux, vieux seigneurs, ecclésiastiques, etc.
LIX.

=Mecque= (la). Les musulmans croient s'y purifier des souillures
contractées parmi les chrétiens. XV.

=Médecine=. Ravages de la _forme_ en médecine. CI.

Les livres de médecine font trembler, même quand ils traitent des
maladies les plus légères. CXXXV.

=Médecins=. Toujours trop estimés ou trop méprisés. Les héritiers s'en
accommodent mieux que des confesseurs. LVII.

Lettre d'un médecin de province. CXLIII.

«Il y a dans tous les coins de Paris des gens qui ont des remèdes
infaillibles contre toutes les maladies imaginables.» LVIII.

=Médiocrité= (d'esprit). L'homme médiocre est en général préféré à
l'homme d'esprit. CXLV.

=Méditerranée=. Décadence de ses côtes. CXIII.

=Méhémet-Ali=, mollak, gardien des trois tombeaux, à Com,
correspondant d'Usbek. XVI, XVII, XVIII, CXXIV.

=Mercure= (vif-argent), son usage continuel et forcé fait périr par
milliers les indigènes de l'Amérique espagnole. CXIX.

=Messianiques=, croyances juives. Point de famille juive qui n'espère
engendrer le messie. CXX.

=Mesure= des fluides et des liquides, des esprits interplanétaires.
XCVIII.

=Métaphysique=. L'infini s'y rencontre partout. CXXXV.

=Métempsycose= alléguée par un brachmane contre un mangeur de lapin.
XLVI.

=Meurtre=. Les curieux qui regardent les Persane de trop près sont
tués impunément par les eunuques, même dans une rivière et hors du
sérail. XLVII.

=Mexique=. Orgueil et paresse des conquérants espagnols au Mexique.
LXXVIII.

=Mines=. Sont, en Amérique, le tombeau des indigènes et des nègres.
CXIX.

Le roi d'Espagne possède des mines d'or. XXIV.

=Ministres=. Enclins à calomnier la nation; toujours plus méchants que
le prince dont ils attisent les haines. Le premier ministre de
Charles XII, condamné à mort. CXXVIII.

Louis XIV a un ministre de dix-huit ans. XXXVII.

Les ministères se succèdent comme les saisons. CXXXVIII.

Danger de l'autorité sans bornes des ministres de Louis XIV. _Ibid._

Le mauvais exemple donné par un ministre est un crime. CXLVI.

=Minorité=. On ne lit plus que des mémoires sur la minorité de Louis
XIV. CXII.

=Miracle chimique= manifesté dans une mixture d'infusion Quesnel et
d'infusion Lallemand. CXLIII.

=Miracles=. «Pour s'assurer qu'un effet qui peut être produit par cent
mille causes naturelles est surnaturel, il faut avoir examiné si
aucune de ces causes n'a agi; ce qui est impossible.» CXLIII.

=Mirza=, ami et correspondant d'Usbek. XI, XII, XIII, XIV, LXXXVI.

Mirza (de _Mard_=_mort_-alis. = [Grec: mbrot-os], homme) est un
titre honorifique persan que les gens de lettres mettent avant leur
nom et les princes après.

=Misère=. Chez les peuples misérables, l'espèce perd et même dégénère.
CXXIII.

Le pauvre évitera de faire des enfants plus pauvres que lui. _Ibid._

=Mode=. Ses caprices étonnants chez les Français. C.

C'est d'après elle qu'ils jugent «tout ce qui se fait chez les
autres nations.» CI.

=Modestie=. Vertu nécessaire au talent. L.

Eloge des hommes modestes. CXLIV.

=Moeurs.= Les Français changent de moeurs selon l'âge de leur roi.
C.

=Mogol=. Le grand Mogol se fait peser tous les ans. XL.

Les Tartares dominent sur les vastes pays qui forment l'empire du
Mogol. LXXXII.

Expulsion d'un ambassadeur mogol. CXXVII. (Allusion à la
conspiration de Cellamare.)

=Moines=. Voy. Dervis.

=Moise= n'enseigne pas le dogme de la prescience absolue. LXX.

=Molina=. Emollient. CXLIII. (Casuiste espagnol, XVIe siècle.)

=Mollaks= (ou mollahs), prêtres musulmans, qui «me désespèrent avec
leurs passages de l'alcoran.» Lettre X.

(En Perse, les mollahs sont des prêtres; en Turquie des juges.)

=Monachisme=, porte partout la mort. CXVIII.

=Monarchie=. État où la vertu n'est plus qu'obéissance au caprice d'un
seul. XIV.

Très-inférieure moralement au régime républicain, elle abaisse le
niveau des moeurs en substituant à la loi et à la vertu l'autorité
et l'arbitraire. _Ibid._

La monarchie pure, état violent qui dégénère toujours en despotisme
ou en république. CIII.

=Monde=. N'a-t-il que six mille ans? Il ne faut pas compter ses
années. CXIV.

Dépopulation croissante du monde. Ses causes. CXIII et suivantes.

=Monde= (nouveau). Découvertes immenses et dévastatrices des Portugais
et des Espagnols. LXXVIII.

=Monde romain=, mieux organisé pour la propagation de l'espèce que les
mondes chrétien et musulman. CXV.

=Monnaies=. Le décri des monnaies est un artifice financier proche du
faux-monnayage et pratiqué par Louis XIV. XXIV.

=Montesquieu= paraît se peindre dans Usbek. XLVIII, Ibben, LXXVII,
Rica, CXXVII.

Semble annoncer la _Décadence des Romains_. CXXXVI.

=Morale=. Les livres de morale, plus utiles que les ouvrages de
dévotion. CXXXIV.

=Mortifications=. Chrétiens et musulmans en usent pour fléchir la
miséricorde divine. XXXV, XCIV.

=Moscovie=. Les Tartares «ont soumis la Moscovie.» LXXXII.

=Mouches=. Leur abus. C.

=Moustache=, importance de la moustache en Espagne et en Portugal.

La moustache de Jean de Castro. LXXVIII.

=Mouvement=. Ses lois constituent le système du monde. XCVIII.

La nature y est soumise, sans exception, _Ibid._

Et la terre n'y peut échapper. CXIV.

=Mustapha= proclamé, à la place d'Osman, empereur des Turcs. LXXXI.

=Musulman=. Sa vie est laborieuse. La polygamie l'épuise. CXV.

=Mystiques=, dévots qui ont le coeur tendre. Leurs extases, délire
de la dévotion. Leurs livres. CXXXIV.

=Mythologiste=. Fragment d'un ancien mythologiste (portrait
allégorique de Law). CXLII.


N

=Nadir=. Eunuque blanc, trouvé seul avec Zachi. XX, XXI.

=Naissance=. Il y a en Europe des sens qui sont grands par leur
naissance. LXXXIX.

=Nargum=, ambassadeur Persan à Moscou. LI, LXXXII.

=Narsit=, eunuque peu clairvoyant. CXLIX, CL, CLII.

=Nathanael Lévi=, médecin juif à Livourne, croit aux talismans CXLIII.

=Nations=. Leurs rapports, d'où résulte la notion du droit public.
Deux peuples ne peuvent s'allier pour l'oppression d'un troisième.
XCVI.

=Nature=. Elle a perdu sa fécondité des premiers temps CXIII.

Elle agit avec lenteur et épargne. Si on la surmène, elle tombe dans
la langueur et perd sa force génératrice. CXV.

=Nègres=. Leurs dieux sont noirs et leur diable blanc. LIX.

Leurs rois les vendent comme esclaves. CXIX.

Et les princes chrétiens autorisent la traite. LXXV.

Les noirs d'Afrique meurent par milliers dans les mines américaines.
CXIX, CXXII.

=Nessir=, ami et correspondant d'Usbek. VI, XXVII, CLV.

=Noailles= (N***), ministre hardi qui prit le fer à la main, etc.
CXXXVIII.

Connu par son esprit, il honore de ses plaisanteries les traitants
livrés à la chambre de justice. XCIX.

=Noblesse=. «En Espagne, c'est sur des chaises que la noblesse
s'acquiert.» LXXVIII.

Les laquais enrichis voudront se faire nobles. Espoir d'un
généalogiste. CXXXII.

=Nord=. Autrefois plein d'hommes; est fort dégarni. CXXIII.

C'est du Nord qu'une foule de nations inconnues fondirent sur
l'empire romain;

Ces peuples étaient libres, et leurs rois n'étaient que des
généraux. CXXXI.

Ils n'étaient point barbares puisqu'ils étaient libres; ils le sont
devenus. CXXXV.

=Notre-Dame=. Superbe édifice. LXI.

=Nouvellistes=. Inventeurs de nouvelles. Leurs ridicules, leurs
prédictions, leurs paris. Lettres plaisantes de nouvellistes à des
particuliers et à des ministres. Leurs lieux de réunions. Leur
président, le comte de Lionne. CXXX.

Nouvelliste trembleur. CXXXII.


O

=Obéissance=; n'est pas une vertu anglaise. Les Anglais la fondent sur
la gratitude. CV.

=Occultes=. Livres de science, ou mieux d'ignorance occulte, plus
pitoyables qu'exécrables. CXXXV.

=Opéra=. Lettre de la plus vertueuse actrice de l'Opéra. XXVIII.

=Opéras nouveaux=. Vomitif. CXLIII.

=Opulence= toujours compagne de la liberté des peuples. CXXIII.

=Omar=, troisième successeur de Mahomet, au mépris des droits d'Ali.
Les persans, Chiites, c'est-à-dire sectateurs d'Ali, disent qu'Omar,
Apôtre des Sonnites «a dévoyé» les enfants du prophète. CXXIV.

=Or=. Le roi de France n'a pas de mines d'or comme le roi d'Espagne.
XXIV.

L'or et l'argent, prix de toutes marchandises, gage de leur valeur.
Pernicieux effets de leur diffusion. CVI.

Nombre innombrable d'hommes sacrifiés pour extraire l'or et l'argent
du fond de la terre. CXIX.

=Oraisons funèbres=. Leur fausseté. XI.

Entrent dans le vomitif du docteur de province, sauf celles de
Fléchier. CXXXV.

=Orateurs=. Leur talent de persuader indépendamment des raisons.
CXXXV.

=Ordonnance=, concernant les services des courtisans et
l'établissement des impôts nécessaires aux libéralités des princes.
CXXV.

=Orgueil=. Orgueil de l'homme, qui veut «être compté dans l'univers.»
LXXXVII.

Orgueil de religion et de race chez les Portugais et les Espagnols.
LXXVIII.

Les _vieux chrétiens_ en Espagne;

Les _blancs_ en Amérique. _Ibid._

=Orientales=. moins gaies que les Européennes. XLVIII. (Voir
_Femmes_.)

=Orientaux=. Le sérail tue leurs désirs sans éteindre leur jalousie.
VI.

Leur gravité, la froideur de leurs relations. XXXIV.

Leurs poésies, leurs romans. CXXXVII.

Le despotisme de leurs princes et la rigueur des châtiments les
portent à la révolte et aux derniers excès. LXXXI, CIII.

=Osman=, sultan déposé par des suppliants. LXXXI.

=Osmanlins=. Voir Turcs.


P

=Paganisme=, favorable à la propagation de l'espèce humaine. CXV.

Supérieur au mahométisme par l'interdiction de la polygamie, au
christianisme par la permission du divorce. _Ibid._ et CXVII.

=Palais=. Lieu où se rend la justice, ses abords. Aspect lugubre des
salles et des magistrats. LXXXVII.

=Palestine=. Déserte depuis la destruction des Juifs par Adrien.
CXXII.

=Pape=. «Magicien» plus fort que le roi, dont il dirige l'esprit, lui
faisant croire «que trois ne sont qu'un; que le pain qu'on mange
n'est pas du pain, ou que le vin qu'on boit n'est pas du vin.» XXIV.

Chef des chrétiens, «vieille idole qu'on encense par habitude»; il
déposait les rois; il se dit successeur d'un des premiers chrétiens,
qu'on appelle saint Pierre; il donne des dispenses. XXIX.

Effet de l'histoire des papes sur l'esprit du lecteur. CXXXVI.

=Papier d'état=. Louis XIV en abuse. XXIV.

(Décri des monnaies). _Ibid._

=Paracelse=. Purgatif. CXLIII.

=Paradis=. Lieu de délices pour les chrétiens comme pour les
musulmans. XXXV.

Les femmes en sont exclues par Mahomet. XXIV.

Embarras des religions pour donner une idée des plaisirs assurés aux
élus: musique, circulation éternelle de par le monde, souvenir des
amours terrestres. Toutes inventions ridicules. CXXVI.

Le paradis des femmes, conte persan. Les plaisirs et les vengeances
de l'immortelle Anaïs. CXLI.

=Parfumeuses= qui réparent «par la force de leur art toutes les
injures du temps.» LVIII.

=Paris=. «Siége de l'empire d'Europe.» XXIII.

«Aussi grand qu'Ispahan;»

Ville «bâtie en l'air;» extrêmement peuplée; embarras des rues;
XXIV.

Extravagante curiosité des Parisiens pour tout ce qui sort de
l'usage reçu. XXX.

Cherté du vin à Paris. XXXIII.

Usage du café à Paris; les cafés. XXXVI.

Paris, rendez-vous de tous les exploiteurs: alchimistes, magiciens,
devins, entremetteuses, chercheurs de bénéfices, maîtres de langues,
d'arts et de sciences, enseignant «ce qu'ils ne savent pas,»
médecins, empiriques, marchands et marchandes accortes, tous ces
gens-là cherchent à vivre dans une ville «qui est la mère de
l'invention.» L'étranger sort de Paris «plus précautionné qu'il n'y
est entré.» LVIII.

=Paris= jugé par un Espagnol. LXXVIII.

A Paris, règnent la liberté et l'égalité. Rien ne sauve un homme de
la foule. LXXXIX.

=Paris= foyer de plaisir, donc d'art, de travail et d'industrie. CVII.

=Parlements=. Grands corps, affaiblis par les moeurs, abattus par la
royauté; ruines qui rappellent un temple vénéré, image de la liberté
publique. Ils sont réduits aux fonctions judiciaires, et ne
retrouvent d'importance politique que dans quelques conjonctures
imprévues.

Le régent a recours au parlement. XCIII.

Le parlement de Paris relégué à Pontoise, pour s'être opposé aux
mesures exigées par Law. CXL.

Ces compagnies facilement odieuses aux rois. _Ibid._

=Parties=. Parties de campagne où l'on veut s'amuser et où l'on
bâille. CXI.

=Parure=. La parure d'une femme occupe cinquante artisans. CVII.

=Paternité=. L'enfant né dans le mariage est censé être au mari.
LXXXVII.

=Patrie=. «Je voudrais voir les noms de ceux qui meurent pour la
patrie écrits dans des registres qui fussent comme la source de la
gloire et de la noblesse.» LXXXV.

=Paysan=. Riche ou pauvre, le rustique ou paysan peuple
indifféremment. CXIII.

Les impôts pèsent principalement sur la nourriture et la famille du
paysan. CXXV.

=Pécule=, propriété, mise de fonds et rançon de l'esclave antique.
CXVI.

=Peines=. «Les peines plus ou moins cruelles ne font pas que l'on
obéisse plus aux lois.» Témoin l'état moral de l'Asie.

Ce qui importe, c'est la gradation dans le châtiment. LXXXI.

=Pèlerinages= de la Mecque. XV.

De saint Jacques en Galice. XXIX.

=Perruquiers=. Les perruquiers français décident en législateurs sur
la forme des perruques étrangères. CI.

=Persans=. Les plus tolérants de tous les mahométans. XXIX.

Leur haine contre les Turcs. VII.

Intempérance des monarques persans. XXXIII.

=Persanes=. (Voir _Femmes_ et _Sérail_.)

=Perse=. Les Tartares, «maîtres de la Perse.» LXXXII.

Fort déchue de ce qu'elle était du temps des Xerxès et des Darius.
CXIII.

La Perse antique était peuplée parce que les mages enseignaient un
dogme favorable à la propagation. CXX.

=Peste=. Multitude de pestes mentionnées par l'histoire. Une, entre
autres, brûla jusqu'à la racine des plantes. CXIV.

=Petits-maitres= au spectacle. XXVIII.

Dans les conversations, parlent sans rien dire ou font parler leur
tabatière. Goûtés des femmes. LXXXIII.

=Peuple=. L'abolition de l'esclavage retirait le bas peuple de la
puissance des seigneurs. LXXV.

Caractère et destinée des différents peuples. CXXXVI.

La puissance ne peut jamais être également partagée entre le peuple
et le prince.

Le peuple en Europe et en Orient;

Le peuple anglais devant la royauté. CIII-CV.

=Pharan= ne veut pas être fait eunuque. XLI, XLII, XLIII.

=Pharmacie nouvelle= extraite des ouvrages des philosophes, orateurs,
romanciers, poëtes, théologiens et casuistes. CXLIII.

=Philosophes=; «laissés à eux-mêmes, privés des saintes merveilles,
ils suivent dans le silence les traces de la raison humaine.»
XCVIII.

Leur supériorité sur les docteurs des religions diverses. _Ibid._

Plaisanteries contre Aristote, et surtout les scolastiques, dans la
lettre du médecin de province. CXLIII.

Les philosophes (métaphysiciens) ont un mépris souverain pour
l'homme qui a la tête chargée de faits. CXLV.

=Philosophie=, ne s'accorde pas avec la théologie. LXVI, CXL.

=Physique=, bannit le merveilleux de l'univers. CXXXV.

=Pierre le Grand=. Ses réformes, son humeur sévère. LI.

=Plaisir=. La nature des plaisirs est d'être de courte durée. De là
l'embarras des religions et le ridicule des plaisirs éternels
qu'elles imaginent pour leurs paradis. CXXVI.

=Plotin=. Purgatif. CXLIII.

=Poëtes=. Singulière opinion sur les poëtes. XLVIII.

Ils accablent la raison sous les agréments.

Ils ne sont pas rares chez les orientaux. CXXXVII.

Bucoliques, plaisent aux gens de cour;

Dramatiques, poëtes par excellence, maîtres des passions;

Epiques, sévèrement jugés; de là la froideur de Voltaire pour
Montesquieu.

Lyriques, qui font de leur art une harmonieuse extravagance.
CXXXVII.

=Point d'honneur=, tient à la passion de la gloire; caractère de
chaque profession; plus marqué chez les gens de guerre, a réglé
jadis la conduite des Français surtout des nobles; n'admet qu'une
solution, le duel. (V. _Duel_.) XCI.

=Politesse=. En Espagne «un capitaine ne bat jamais son soldat sans
lui en demander permission, et l'inquisition ne fait jamais brûler
un juif sans lui faire ses excuses.» LXXVIII.

=Politique=. En Asie, les règles de la politique sont partout les
mêmes. LXXXI.

=Pologne=. N'a presque plus de peuples. CXIII.

A mal usé de sa liberté et du droit d'élire ses rois. CXXXVI.

=Polygamie=. _La polygamie triomphante_, livre où il est prouvé que la
polygamie est ordonnée aux chrétiens. XXXV.

La polygamie, défendue par le paganisme romain. CXV.

Elle engendre la langueur des hommes, l'étiolement des enfants, les
querelles des femmes condamnées à une continence forcée, la
fabrication des eunuques, le célibat des filles esclaves. C'est un
agent de dépopulation. _Ibid._

=Pompes funèbres=. Leur inutilité. XL.

=Porphyre=. Purgatif. CXLIII.

=Portes=, haussées, baissées ou élargies selon les parures des femmes.
C.

=Portugais=. Voyez Espagne. LXXVIII.

Leur douceur relative dans le gouvernement de leurs colonies. Ils
furent bientôt chassés de tous les pays qu'ils avaient découverts.
CXXII.

=Poudre=. Depuis la poudre, plus d'asile contre l'injustice et la
violence. CVI.

Mais depuis la poudre, batailles moins sanglantes. CVII.

=Pourceau=. Pourquoi immonde? XVIII.

=Pouvoir=. Il ne peut jamais être également partagé entre le peuple et
le prince.

Le pouvoir des rois d'Europe est très-grand, modéré par leur
intérêt. CIII.

Le pouvoir arbitraire, négation de la liberté et de l'égalité,
assurant aux princes toutes les richesses, enraye la propagation de
l'espèce. CXXIII.

=Prescience divine=, ni absolue, ni infinie, sous peine de
contradiction et d'injustice.

Si elle est intermittente, elle n'est plus que caprice et fantaisie.

«L'alcoran et le livre des Juifs s'élèvent sans cesse contre le
dogme de la prescience absolue.» LXIX.

Voir Dieu, Adam, liberté, âme.

=Prestiges= qui font gagner des batailles: le terrain, le nombre, le
courage. CXLIII.

=Prêtres=. Rôle difficile du prêtre dans le monde; sa neutralité
forcée. LVI.

«L'envie d'attirer les autres dans son opinion est, pour ainsi dire,
attachée à sa profession.» _Ibid._

=Prière=. Postures exigées par les diverses religions. XLVI.

Prêtres chrétiens et musulmans prient sept fois par jour. XXXV.

=Prince=. Les querelles particulières du prince, le mécontentement des
ambassadeurs du prince, ne peuvent légitimer une guerre. XCVI.

Il n'est pas de son honneur de s'allier avec un tyran. _Ibid._

Autorité illimitée des princes en Orient. CIII.

En Europe, peu d'attentats contre la vie des princes.

En Orient, sans précautions infinies, les princes ne vivraient pas
un jour. _Ibid._

En se cachant, les princes d'Orient font respecter la royauté et non
le roi. CIV.

C'est un crime de lèse-majesté à un prince de faire la guerre à ses
sujets. CV.

=Procédure=. «Formalités dont l'excès est la honte de la raison
humaine.» CI.

=Propagation=. Conditions favorables à la propagation de l'espèce.

=Divorce=; suppression du célibat religieux. CXV, CXVII.

Accord du tempérament et du climat. CXXI.

Liberté, égalité des droits et des fortunes.

Gouvernement doux et républicain. CXXIII.

=Proportion=. La proportion entre les fautes et les peines est comme
l'âme des États; gardée par les princes d'Europe, elle est sans
cesse renversée, à leurs dépens, par les rois d'Orient. CIII.

=Propreté=. «La propreté, qui est l'image de la netteté de l'âme.» II.

=Propriété=. L'incertitude de la propriété des terres ralentit
«l'ardeur de les faire valoir.» XX.

=Prosélytisme=. Transmis des Egyptiens aux Juifs, des Juifs aux
mahométans et aux chrétiens; maladie épidémique; esprit de vertige;
éclipse entière de la raison humaine. LXXXVI.

=Protestantisme=. Avantage du protestantisme sur le catholicisme,
suppression du célibat et des couvents. CXVIII.

=Protestants=. Ils multiplient nécessairement plus que les
catholiques. De là accroissement de population, d'impôts, d'activité
agricole, industrielle, de travail et de richesses. CXVIII.

=Providence=. Ce qui est pour le riche sagesse de la providence est
pour le pauvre aveugle fatalité du destin. XCVIII.

Les musulmans laissent tout faire à la providence. CXX.

L'homme ne trouble pas l'ordre de la providence lorsqu'il change les
modifications de la matière. LXXVI.

=Puissance paternelle=. La plus sacrée de toutes les magistratures,
fortement établie par le droit romain;

Montesquieu semble blâmer les Français de l'avoir restreinte. LXXIX.

=Puissance royale=, ses progrès en France. CXXXVI.

=Purgatifs=. 1º Mélange de philosophie scolastique;

2º Extraits d'arrêts du Conseil et de Bulles et Constitutions de
jésuites. CXLIII.


Q

Q. Quelques docteurs voulaient qu'on prononçât cette lettre comme un
K. (Querelle de Ramus.) CX.

=Quiétisme=, sorte de mysticisme exalté.

Un quiétiste n'est autre chose qu'un homme fou, dévot et libertin.
CXXXIV.


R

=Rat=. Pourquoi immonde? XVIII.

=Raymond Lulle= a cherché vainement le secret de la transmutation des
métaux. XLV.

=Récompenses=. A Rome, Athènes, Lacédémone, l'honneur payait seul les
services les plus signalés. L'auteur d'une belle action y trouvait
sa récompense. XC.

=Régence=, ses commencements. Désarroi où la mort de Louis XIV laisse
la France. CXXXVIII.

=Régent= (le), son habileté. XCIII.

Il fait casser par le Parlement le testament de Louis XIV.

Il relègue le Parlement à Pontoise. CXL.

=Régicide=. En Orient, le régicide monte sur le trône sans opposition.
Pourquoi? CIV.

=Reine=. Exemple de tendresse conjugale donné par une reine de Suède.
CXXXIX.

=Religion=. Distinction entre la foi et la vie laïque, fortement
établie. X.

«Je ne leur parle pas (aux Mollaks) comme vrai croyant, mais comme
homme, comme citoyen, comme père de famille.»

Chez les chrétiens elle est plus un sujet à disputes qu'un moyen de
sanctification. LXXV.

La religion gagne les malades par ses promesses. LXXV.

=Religions=. «Les plus proches sont les plus grandes ennemies.» LX.

Avantages de la multiplicité des religions dans un État;

Les guerres de religion suscitées par l'esprit d'intolérance.
LXXXVI.

Il n'y a pas de religion qui ne prescrive l'obéissance et la
soumission. _Ibid._

Leur grand nombre embarrasse ceux qui cherchent la vraie. XLVI.

Béatitudes qu'elles promettent aux élus. CXXVI.

Dieu condamne-t-il ceux qui ne pratiquent pas celle qu'ils ne
peuvent connaître? XXXV.

=Religions= (tolérées). Ceux qui vivent dans ces religions, plus
utiles que ceux qui suivent la religion dominante. Eloignés des
honneurs, ils n'en sont que plus portés à s'enrichir par le travail.
LXXXVI.

=Remèdes= composés par un médecin rempli des mystères de la cabale.
CXLIII.

Remèdes rares, tels que préface trop courte, mandement fait par un
évêque, etc. _Ibid._

=Représailles=. Leur office dans le droit public international. XCVI.

=Représenter=, c'est-à-dire «faire sentir à tous les instants la
supériorité qu'on a.» LXXIV.

=République=. Conclusion de l'histoire des Troglodytes. XIV.

Semble être le sanctuaire de l'honneur, de la réputation et de la
vertu. X.

La douceur du gouvernement républicain, la liberté, l'égalité,
source d'opulence, favorisent la propagation de l'espèce. CXXIII.

=République romaine=, son extension eût été un bonheur pour le monde,
sans le pouvoir abusif des proconsuls et la différence que le droit
de cité maintenait entre les vainqueurs et les vaincus. CXXXI.

Républiques=, contraires au génie oriental.

Leurs origines. Elles sont postérieures aux monarchies.

La Grèce, l'Asie-Mineure, Carthage, Rome.

Le Nord et l'Allemagne (on a pris pour des rois les chefs des
armées). CXXXI.

=Résurrection de la chair=. Croyance commune au christianisme et au
mahométisme. XXXV.

=Revenus=. A Paris, les revenus des citoyens «ne consistent qu'en
esprit et en industrie; chacun a la sienne qu'il fait valoir de son
mieux.» LVIII.

Revenus fonciers difficiles à percevoir.

Revenus mobiliers. Embarras d'un homme à qui son débiteur rend une
somme prêtée. CXXXII.

=Révolution=. En Orient «le moindre accident produit une grande
révolution.» LXXXI.

=Rhédi= neveu d'Ibben. XXV, écrit de Venise à Usbek, XXXI. (Voir la
table des _Lettres_.)

=Rica=, compagnon de voyage d'Usbek, son caractère enjoué, XXV. (Voir
la table des _Lettres_.)

=Richesse=. Si la Providence n'avait accordé les richesses qu'aux gens
de bien, on ne les aurait pas assez distinguées de la vertu. XCIX.

=Robe=. Un des trois états qui se méprisent mutuellement. XLIV.

=Rodriguez= (le P. Alphonse), jésuite espagnol, né à Valladolid, mort
à Séville en 1616, auteur d'un _Traité de la perfection chrétienne_,
traduit par Régnier des Marets. Ses oeuvres sont rangées parmi les
purgatifs. CXLIII.

=Rois=. Les rois sont comme les dieux: pendant qu'ils vivent, on doit
les croire immortels. CVIII.

Les rois des tribus germaniques n'étaient que des chefs ou généraux
à pouvoir limité par celui des seigneurs et l'égalité des
dépouilles. CXXXI.

Rois déposés par les Vandales et les Goths. _Ibid._

=Roman=. Le roman qui sert de canevas aux Lettres persanes est tout
entier dans la jalousie d'Usbek absent et les désordres de son
sérail. Si l'on y joint l'histoire d'Aphéridon et d'Astarté et celle
d'Anaïs (LXVII, CXLI), il remplit environ soixante lettres, et un
peu moins du tiers de l'ouvrage qu'il varie, et auquel il est
souvent rattaché avec un art discret.

(Voir _Eunuques_, _Fatmé_, _Roxane_, _Zachi_, _Zélis_, _Zélide_,
_Zéphis_ et _Sérail_, _Usbek_ et _Solim_, etc.).

=Romanciers=. Espèces de poëtes qui outrent le langage de l'esprit et
du coeur. CXXXVII.

=Romans=. Leurs héros sont à côté de la nature; un seul détruit une
armée.

Extravagance des romans orientaux. CXXXVII.

Romans, vomitif. CXLIII.

=Rome=. Combien déchue depuis les temps anciens. CXIII.

=Royauté=. Progrès de la royauté française. CXXXVI.

=Roxane=, femme préférée d'Usbek, qui vante sa vertu. XX.

Son opiniâtreté à repousser les assiduités de son mari dans les
premiers mois de son mariage. XXVI.

Sa feinte sagesse trompe les eunuques. CLI;

Elle s'indigne des châtiments subis par les autres femmes du sérail.
CLVI.

Surprise avec un jeune homme. CLIX.

S'empoisonne: sa lettre. CLXI.

=Russe=. Lettre d'une jeune mariée russe qui se plaint de n'être pas
battue par son mari. LI.

=Russie=. Le czar, allié naturel de la Perse contre les Turcs.

Réformes de Pierre le Grand. LI.

=Rustan=, ami et correspondant d'Usbek. V.

(Voir la table des _Lettres_.)


S

=Saint-Cyran= (abbé de), ses lettres bonnes contre la gale, la
gratelle, etc. CXLIII.

=Samos=. Roi de Samos sommé par un roi d'Egypte de renoncer à la
cruauté et à la tyrannie. XCVI.

=Sanchez=. Son _de matrimonio_, fort tonique contre la chlorose.
CXLIII.

=Santon=, saint musulman. XCIV.

Santons chrétiens (moines de la Thébaïde). _Ibid._

=Sardaigne=, terre insalubre, destinée par les Romains aux criminels
et aux Juifs. CXXII.

=Sauromates=, véritablement dans la servitude du sexe. XXXVIII.

=Sauvages=. Leur aversion pour le travail et l'agriculture. Leur vie
précaire; famine. Avortements. Isolement des tribus.

Dépopulation. CXXI.

=Savants=. Deux savants pleins de vanité. CXLIV.

Tribulations d'un savant, astronome, physicien et anatomiste. CXLV.

Jadis accusé de magie, le savant aujourd'hui l'est d'irréligion ou
d'hérésie.

Dédain des savants pour ceux qui s'occupent d'une autre science que
la leur. CXLV.

=Scapulaire=, morceau de drap attaché à deux rubans. XXIX.

=Sciences=. Mauvais usage des sciences. CVI.

=Scolastique=. Allusion aux disputes et aux subtilités scolastiques.
XXXVI.

=Scot=, subtil scolastique; purgatif. CXLIII.

=Secte=. Une secte nouvelle introduite dans un État est le moyen le
plus sûr pour corriger les abus de l'ancienne. LXXXVI.

=Seigneur=. Les grands seigneurs qui représentent.

Leur morgue. LXXIV.

L'abolition de l'esclavage par les rois abaissait les seigneurs.
LXXV.

Un grand seigneur est un homme qui voit le roi, parle aux ministres,
a des ancêtres, des dettes et des pensions. LXXXIX.

=Sémiramis=, reine et divinité des Babyloniens. XXXVIII.

=Sénèque=. Dans le malheur, un Européen n'a «d'autre ressource que la
lecture d'un philosophe qu'on appelle Sénèque: mais les Asiatiques,
plus sensés et meilleurs physiciens en cela, prennent des breuvages
capables de rendre l'homme gai, etc.» XXXIII.

=Séparation=. Une femme effrontée expose les outrages qu'elle a faits
à son époux comme une raison d'en être séparée. LXXXVII.

=Sérail=. Gouverné par les eunuques noirs. II, VII, LXIV, IX.

Gardé par les eunuques blancs qui ne peuvent pénétrer dans
l'appartement des femmes. XX, XXI.

Les hommes qui en approchent sont massacrés. LXVII, CLIX.

Condition et malheur des femmes qui y sont enfermées. VII, XX, XXI,
XXVI, XXVII.

A quel âge elles y entrent. LXII.

On leur fait croire que leur réclusion est une garantie de chasteté,
de santé et de beauté. XX, XXXIV, XLVII, LXII, LXIII.

Plus il y a de femmes dans un sérail, moins elles y donnent
d'embarras. XCVII.

Leurs dissensions, leurs réconciliations, leurs voyages ou
promenades dans des boîtes. LXIV, III, XLVII.

Leurs privautés avec les filles esclaves, IV, CXLVII, qui ne se
marient presque jamais sinon avec des eunuques, LXVII, CXV, LIII;
leur goût pour les eunuques blancs. XX.

Le sérail tue l'amour chez le mari sans supprimer la jalousie. VI.

Désordres dans le sérail d'Usbek. XX, LXIV, LXV, CXLVII-CLXI.

Châtiments terribles, le fouet, la torture. CLVI-CLVIII.

=Servitude=. La servitude est dans le tempérament asiatique. CXXXI.

=Sibérie=. Lieu d'exil pour les seigneurs russes disgraciés. LI.

=Sicile=. Contenait jadis de puissants royaumes. CXIII.

=Sincérité=. Celle d'Usbek lui a fait des ennemis à la cour de Perse.
C'est la cause de son voyage. VIII.

=Singe=. Il y a encore des peuples chez lesquels un singe passablement
instruit pourrait vivre avec honneur. CVII.

=Smyrne=. Seule ville «riche et puissante» de l'Asie turque: «Ce sont
les Européens qui la rendent telle.» XX.

=Sociabilité=. L'homme, animal sociable; un Français est donc l'homme
par excellence. LXXXVIII.

=Société=. Elle est fondée sur un avantage mutuel. LXXVI.

Origine des sociétés: «un fils est né auprès de son père et il s'y
tient: voilà la société et la cause de la société.» XCV.

=Soleil=. Les Espagnols disent «que le soleil se lève et se couche
dans leur pays.» LXXVIII.

«Ouvrage et manifestation de la divinité,» dieu des Guèbres,
longtemps «honoré» d'un «culte religieux mais inférieur... dans la
ville sainte de Balk.» LXVII.

=Solidarité=. Sa nécessité sociale, prouvée dans l'épisode des
Troglodytes. Lettres XI. XII, XIII.

=Solim=, eunuque, dénonce les désordres du sérail, CLI.

Est chargé des vengeances d'Usbek. CLIII, CLVI-CLX.

=Soliman=, affront qu'il reçoit. LXX.

=Solliciteuses=. Leur agitation perpétuelle; elles ne reculent devant
rien pour distribuer les places et les honneurs. CVIII.

=Somnifères=. La _Cour sainte_ du P. Caussin procure un doux sommeil à
un malade affligé d'insomnie, et à toute sa famille. CXLIII.

=Somptuaires= (lois) finement raillées. CXXV.

=Son=. Combien de lieues il fait dans une heure. XCVIII.

=Sottises=. Dire théologiquement force sottises. CII.

=Soumission=. Elle se mesure à la gratitude. CV.

=Souverains=. Doivent chercher des sujets et non des terres. CVII.

=Statues=. Il y en a autant dans les jardins de Louis XIV que de
citoyens dans une grande ville. XXXVII.

=Statuts= de villes et de provinces. Presque toujours rédigés par
écrit sous Louis XIV. CI.

=Style figuré=. L'auteur le condamne. XCVIII.

=Suède=. Mort de Charles XII. CXXVIII.

Mention de deux reines de Suède. CXXXIX.

=Suicide=. Injustice des lois portées contre ceux qui se tuent
eux-mêmes.

Le suicide ne trouble pas l'ordre de la nature.

Il n'est que l'usage d'un droit; la renonciation à un contrat devenu
onéreux. LXXVI.

Faibles arguments en faveur de la loi religieuse et de la loi civile
contre le suicide. LXXVII.

=Suisse=. République. CXXIII.

Elle est l'image de la liberté. CXXXVI.

=Sultans=. Ils ont plus de femmes que certains princes italiens ou
allemands n'ont de sujets. CIII.

=Superfluités=. Elles sont socialement aussi nécessaires que les
nécessités de la vie. CVII.

=Sûreté=. Précautions des princes orientaux pour mettre leur vie en
sûreté. CIII.

=Suphis=. Jeune étourdi. Le traitement qu'il fait subir à sa jeune
femme. LXX.

=Syphilis=, son introduction dans l'ancien monde; ses effets
prodigieux; remède puissant qui lui est opposé. CXIV.

=Système= (de Law). Allusion aux troubles qu'il apporte dans les
fortunes. CXXXII.

Ses affirmations ne sont pas plus sûres que les présages de
l'astrologie judiciaire. CXXXV.

Il pervertit la moralité publique. CXLVI.

=Système du monde=, expliqué par quelques lois générales découvertes
par des philosophes qui n'ont point été ravis jusqu'au trône
lumineux (comme saint Paul), etc. XCVIII.


T

=Talents= (petits), tels que: parler pour ne rien dire, écouter,
sourire à propos, entendre finesse à tout, etc.

«Un homme de bon sens ne brille guère devant eux.» LXXXIII.

=Talismans=. Effet que peut produire l'arrangement de certaines
lettres. CXLIII.

=Tartares=. Leurs conquêtes et leur puissance. Il ne leur a manqué que
des historiens. LXXXII.

Pourquoi leurs conquêtes seraient dévastatrices. CXXXI.

=Tartarie=. «Quand le kan de Tartarie a dîné, un héraut crie que tous
les princes de la terre peuvent aller dîner.» XLIV.

=Tauris=. Lettres I, II, III.

=Tavernier=, célèbre voyageur en Perse. LXXII.

=Tempéraments= fixés par le climat, ils souffrent du changement
brusque du pays d'origine. CXXII.

=Tentations= des santons de la Thébaïde. Elles nous suivent jusque
dans la vie la plus austère. XCIV.

=Terre=. Soumise comme les autres planètes, aux lois du mouvement;
elle souffre au dedans d'elle un combat perpétuel de ses principes.
CXIV.

Elle se dépeuple et dans dix siècles ne sera plus qu'un désert.
CXIII.

=Testament=. Le testament de Louis XIV cassé par le parlement. XCIII.

=Théâtre=. Description de la salle et de la scène. XXVIII.

=Thébaïde=. Saints ou santons chrétiens de la Thébaïde. Leur vie,
leurs tentations.

Les chrétiens sensés regardent leur histoire comme une allégorie
bien naturelle des passions qui nous suivent jusque dans le désert.
XCIV.

=Théologie=. Les livres de théologie, doublement inintelligibles par
la matière et la manière. CXXXIV.

=Tisane= purgative et autres, d'après la nouvelle pharmacie
spirituelle. CXLIII.

=Titres=. La vente des titres d'honneur est une des principales
ressources de Louis XIV. XXIV.

=Tolérance=. Elle commence à s'établir en France; mais non en Asie.
LX. (Voir =Intolérance=.)

=Traducteurs=. Dialogue d'un traducteur d'Horace et d'un géomètre.

Services que rendent les traducteurs et danger de leur métier.
CXXIX.

=Traductions=; rendent le corps, mais non la vie. _Ibid._

=Traitants=. Chambre, qu'on appelle de justice, parce qu'elle va leur
ravir tout leur bien. XCIX.

=Traite= autorisée par les rois chrétiens. LXXV.

=Traités de paix=, légitimes lorsque les conditions en sont telles que
les deux peuples peuvent se conserver. XCVI.

=Travail=. Les Espagnols «invincibles ennemis du travail.» LXXVIII.

Le travail et l'industrie à Paris: sans eux, plus de revenus, plus
de circulation des richesses. Chacun, retiré dans sa terre, ne
travaillerait qu'à sa faim. Dépopulation. CVII.

=Tribunal= où l'on prend les voix à la majeure; on a reconnu qu'il
vaudrait mieux les recueillir à la mineure. LXXXVII.

=Troglodytes=, perdus par l'égoïsme et l'anarchie, relevés par la
solidarité des droits et des devoirs, par la pratique de la vertu et
de la liberté civile. Vont de nouveau périr par la monarchie et
l'égalité dans la servitude. XI-XIV.

=Turcs=. Sous le nom de Turcs, les Tartares ont fait des conquêtes
immenses dans l'Europe, l'Asie et l'Afrique; et ils dominent sur
trois parties de l'univers. LXXXII.

Les Turcs défaits par les Impériaux. CXXIV.

Caractère de leurs conquêtes. CXXXI.

=Turquie=. Faiblesse de l'empire des Osmanlis: «Ce corps malade ne se
soutient pas par un régime doux et tempéré, mais par des remèdes
violents qui l'épuisent et le minent sans cesse.»

Ni commerce, ni art, ni «expérience sur la mer,» villes désertes,
campagnes désolées;

«Juste idée de cet empire qui, avant deux siècles, sera le théâtre
des triomphes de quelque conquérant.» XX.

La Turquie est également dépeuplée en Europe et en Asie. CXIII.

=Tyen=. Ciel des chinois. Les âmes des ancêtres y sont anéanties, mais
revivent sur terre dans les enfants. CXX.


U

=Ubiquité=. Question pour les philosophes, réalité pour les Français.
LXXXVIII.

=Ulrique-Eléonore=, reine de Suède. Sa tendresse conjugale. CXXXIX.

=Université= (de Paris), fille très-aînée des rois de France. Elle
rêve quelquefois. CX.

=Usbek=. (_Ouzbeyg_, nom d'une des principales tribus tartares ou
turcomanes qui ont envahi l'Asie Mineure vers le temps des
croisades.) Seigneur persan disgracié. VIII.

Vient en Europe se perfectionner dans les sciences, qu'il a toujours
aimées.

Il passe par Com, Tauris, Erzeron, Tocat, Smyrne, Livourne et
s'arrête à Paris «siége de l'empire d'Europe.»

C'est là qu'il étudie les moeurs des Français, qu'il ne cesse de
sonder les matières religieuses, philosophiques, politiques, qu'il
acquiert des notions de droit public et d'histoire générale, plus
tard développées dans l'_Esprit des lois_.

Le regret de son sérail, la jalousie, troublent seules la sérénité
de son esprit. Il renvoie à Ispahan les eunuques qu'il avait
emmenés, ne cesse d'écrire à Zachi, Zélis, Zéphis, Fatmé, et surtout
à Roxane, sa favorite, qui le trompe avec toutes les apparences de
la vertu. Son désespoir, les ordres cruels qu'il donne contre les
infidèles remplissent la fin des _Lettres persanes_.

Voir à la table les numéros des lettres nombreuses qu'il envoie et
qu'il reçoit.

=Usurpateur=. Un usurpateur déclare rebelles tous ceux qui n'ont point
opprimé la patrie comme lui. CV.


V

=Vanité= de deux savants qui veulent être admirés à force de déplaire.
CXLIV.

Portrait du vaniteux. L.

=Vandales=, déposaient volontiers leurs rois. CXXXI.

=Venise=. Epargnée par les mahométans parce que l'eau y manque pour
les purifications. XXXI.

République qui n'a de ressources qu'en son économie. CXXXVI.

=Vérité=. «Vérité dans un temps, erreur dans un autre.» LXXV.

=Vérités=. La connaissance de cinq ou six vérités a rendu la
philosophie pleine de miracles. XCVIII.

=Vertu=. C'est la pratique de la justice, de la réciprocité sociale.
XII, XIII, _passim._

Quand elle est naturelle, la vertu est modeste et ne se fait pas
sentir. L.

=Veuve indienne=. Pourquoi elle veut se brûler et pourquoi elle y
renonce. CXXVI.

=Viandes=. Le Turc ne veut point qu'elles soient étouffées. XLVI.

=Vieillesse=. Elle juge tout d'après le souvenir et le regret de la
jeunesse perdue. LIX.

=Vierge= qui a mis au monde douze prophètes. Son tombeau est à Com. I.

=Villes= d'Italie, désertes et dépeuplées. CXIII.

Les voyageurs recherchent les grandes villes, espèce de patrie
commune à tous les étrangers. XXIII.

Depuis quand les bourgeois ont perdu la garde de leurs villes. CVI.

=Vin=, causes de sa cherté à Paris. Ses funestes effets chez les
musulmans, malgré les prohibitions du Coran. XXIII, LVI.

=Virginité=. Des femmes adroites font de la virginité une fleur qui
périt et renaît tous les jours, «et se cueille la centième fois plus
douloureusement que la première.» LVIII.

Incertitude des preuves de la virginité. LXXI.

=Visapour=. Les femmes jaunes de ce pays peuplent les sérails de
Perse. XCVII.

=Visites=. Pour nombre de Français, il est de la bienséance de visiter
chaque jour le public en gros et en détail. LXXXVIII.

=Vizir=. Le grand vizir d'Allemagne est le fléau de Dieu, envoyé pour
châtier les sectateurs d'Omar. CXXIV.

=Voeux=. «Les dervis font trois voeux, d'obéissance, de pauvreté
et de chasteté. On dit que le premier est le mieux observé de tous;
quant au second, je te réponds qu'il ne l'est point: je te laisse à
juger du troisième.» LVII.

=Volonté=. «Dieu ne peut lire dans une volonté qui n'est point
encore.» LXIX.

=Vomitifs=. 1º Harangues, oraisons funèbres, opéras nouveaux, romans,
mémoires, le tout distillé;

2º Infusion de papier ayant couvert un recueil des pièces des
Jésuites français» (J. F.); ou mieux, selon Barbier, des jeux
floraux. CXLIII.

=Voyages=. Combien plus embarrassants pour les femmes que pour les
hommes. XLIII.


Z

=Zachi= rappelle à Usbek qu'il l'a préférée à ses autres femmes. III.

Trouvée seule avec Nadir, eunuque blanc. XX.

Ses privautés avec la jeune Zélide. _Ibid._

Sa réconciliation avec Zéphis. XLVII.

Couchée avec une de ses esclaves. CXLVII.

Elle reçoit le fouet et se plaint passionnément à Usbek. CLVII.

=Zélide=, esclave de Zéphis, de Zachi et de Zélis, soupçonnée de
certaines complaisances intimes pour ses maîtresses. IV, XX, CXLVII.

Elle consent à épouser Cosrou, eunuque blanc. (V. ce mot.) XLVII.

=Zélis= marie son esclave Zélide à Cosrou, eunuque blanc. Ses idées
sur les plaisirs conjugaux des hommes de cette espèce. LIII.

Confie sa fille, âgée de sept ans, aux soins des eunuques noirs.
LXII.

A laissé tomber son voile en allant à la mosquée. CXLVII.

Soupçonnée d'avoir reçu une lettre. CXLVIII.

Reçoit le fouet et se plaint vertement au «tyran» Usbek. CLVIII.

=Zéphis=. Accusée de certaines relations illicites avec son esclave
Zélide, IV, se plaint du grand eunuque noir.

Sa réconciliation avec Zachi. XLVII.

=Zend=, ancien bactrien, langue sacrée des Guèbres. LXVII.

=Zeuxis= assemble les plus beaux modèles pour figurer la déesse de la
beauté.

Ainsi les métaphysiciens construisent l'idée de Dieu avec les
perfections imaginées par les hommes. LXIX.

=Zoroastre=. Législateur des Guèbres et auteur de leurs livres sacrés.
LXVII.

=Zufagar=, nom de l'épée d'Ali, «qui avoit deux pointes.» XVI.

(_Zoulfékar_, sabre à deux lames donné par Mahomet, conservé dans la
maison des Kalifes, brisé à la chasse par un descendant d'Abdoullah
IV, il figure sur les pavillons ottomans.)

=Zuléma= raconte à ses compagnes du sérail l'histoire du farouche
Ibrahim et de l'immortelle Anaïs. CXLI.



BIBLIOGRAPHIE.


I.--ÉDITIONS PUBLIÉES DU VIVANT DE L'AUTEUR.

1721. =Lettres persanes=, à Amsterdam, chez Pierre Brunel, sur le Dam.
2 vol. grand in-12 (150 lettres).

-- =Lettres persanes=, Cologne, Pierre Marteau. 2 vol. in-12. (Édition
semblable à la précédente.)

-- =Lettres persanes=. =Seconde édition=, _revuë, corrigée, diminuée
et augmentée par l'auteur_. 2 vol. pet. in-12, (140 lettres).
Bibliothèque de l'Arsenal, 19030 B.

Manquent les lettres I, V, XV (XVI de notre édition), XXIII (XXV),
XXX (XXXII), XXXIX (XLI), XL (XLII), XLI (XLIII), XLV (XLVII), LXIII
(LXV), LXVIII (LXX), LXIX (LXXI); les lettres X et XI sont fondues
en une seule.

Sont ajoutées: CXI, CXXIV, CXLV, qui portent dans cette _2e Marteau_
les nos LVIII, LIX, LX. Reproduites avec quelques variantes dans le
_Supplément_ de 1754.

Sont modifiées: VII, IX, X et XI, XVIII, XXIV, XXXIX.

La lettre LXXIII (sur l'Académie française); qui figure en tête du
tome second de la première édition, termine le tome premier de la
seconde, avec le nº LXI.

Les suppressions et changements ne portent que sur le tome Ier.

(Pour la nature des suppressions, voir la _préface_ de notre
édition. Pour les variantes et la collation des nos, voir nos _notes
et variantes_, tomes I et II.)

_N. B._ Quérard compte quatre éditions de 1721; et il semble bien
qu'il en ait paru deux à _Amsterdam, chez Pierre Brunel, sur le
Dam_. L'une porte sous le titre une sphère armillaire, l'autre un
polygone régulier à neuf pans, dans lequel sont inscrits trois
triangles équilatéraux.

Les deux tomes (1721 Brunel) de la Bibliothèque nationale
appartiennent à deux éditions différentes: le tome I a la sphère, le
tome II a le polygone; or nous avons sous les yeux:

Un tome II (1721 Brunel) avec la sphère en vignette. Sur le tome I
de la Bibliothèque nationale, en regard du feuillet de garde, se
trouve la note manuscrite suivante: _édition différente_. Au reste,
les deux éditions Brunel et l'une des éditions Marteau sont des
réimpressions d'un même texte.


1730. =Lettres persanes, troisième édition= à Amsterdam, chez Jacques
Desbordes. 2 vol. in-18 (140 lettres) Arsenal, 19030 _bis_ B.

Cette édition, que nous n'avions pas eu occasion de compulser au
moment où fut rédigée notre préface, est une _réimpression_ de la 2e
Marteau. Elle commence également par la lettre d'_Usbek à son ami
Nessir_, la Ve du texte complet. Le premier tome finit par la lettre
sur l'Académie.

-- Autre édition, mais conforme à la 1re: à Cologne, chez Pierre
Marteau. 2 vol. in-12.


1731. =Lettres persanes=: à Amsterdam, chez P. Mortier, 2 vol in-12
(150 lettres). Quérard dit: Amsterdam (Paris).


1737, 1739. Deux éditions, in-18 et in-12, 2 tomes. Cologne, Pierre
Marteau.


1740 Amsterdam, Jacques Desbordes. 2 vol. in-18.


1744. A Cologne, chez Pierre Marteau, imprimeur-libraire, près le
collége des Jésuites. In-8o, 2 tomes en un volume, 150 lettres.
(Arsenal, 19031 B.)

-- La même édition, augmentée des _Lettres turques_ (par
Saint-Foix), 2 tomes en un volume.

Réimpression de la 1re 1721, avec quelques variantes insignifiantes.


1751. Ici se place la curieuse brochure de l'abbé Gauthier (voir la
préface) _les Lettres persannes convaincues d'impiété_, qui vise la
1re Marteau 1721, et la 2e Desbordes 1730.


1753. Réimpression du texte primitif. Cologne, Pierre Marteau.


1754. Dernière édition publiée du vivant et sous les yeux de
Montesquieu. C'est celle dont nous reproduisons le texte.

=Lettres persanes=, à Cologne, chez Pierre Marteau (2 tomes in-12, 150
lettres, avec un _Supplément_).

Bibliothèque de l'Arsenal 19031 bis B. A la fin du premier volume
sont intercalées les _Lettres turques_.

Le _Supplément_, à la fin du second volume, contient _quelques
réflexions sur les Lettres persanes_, onze lettres, dont trois
empruntées, avec variantes, à la 2e Marteau, 3e Desbordes, et un
certain nombre de passages nouveaux à ajouter ou à substituer dans
le texte. La plupart des éditions postérieures ont scrupuleusement
observé les indications du _Supplément_ pour le placement des
lettres et passages nouveaux.

Nous avons sous les yeux un exemplaire de cette édition reliée en un
volume; les _Lettres turques_ y sont insérées après le Supplément.


II.--ÉDITIONS PUBLIÉES APRÈS LA MORT DE L'AUTEUR.

(Nous ne voulions indiquer ici que les éditions séparées des
_Lettres persanes_: mais diverses considérations nous ont amené à
signaler plusieurs éditions des OEuvres complètes, en n'y tenant
compte que de ce qui concerne les _Lettres_.)


1755. Réimpression pure et simple, sans _Supplément_, du texte de
1721. A Cologne, chez Pierre Marteau (2 vol. grand in-12).
L'exemplaire de la bibliothèque nationale est relié en un volume.


1757. =OEuvres de M. de Montesquieu=, Londres (4 vol. in-12). La
première édition des oeuvres complètes, publiée par Richer sous
les yeux de M. de Secondat, fils de Montesquieu, avec le concours de
Moreau, ancien secrétaire de l'auteur, et imprimeur célèbre qui,
suivant Quérard et Brunet, la rendit le modèle des éditions
suivantes.


1758. =OEuvres complètes de M. de Montesquieu=, nouvelle édition,
revue, corrigée et considérablement augmentée _par l'auteur_,
Amsterdam et Leipsick, Arkstée et Merkus (3 vol. in-4o). Toutes les
additions du _Supplément_ sont intercalées à leur place.

Au verso du feuillet de garde (exemplaire de l'Arsenal), note
manuscrite indiquant deux collaborateurs pour les _Lettres_. Les
_Lettres_ sont au tome III. Dans l'avertissement, Richer réfute les
remarques d'un anonyme (Élias Luzac). Selon Brunet, cette édition,
très-belle en effet, est plus correcte et moins chère que la
précédente. Toutes deux sont d'ailleurs l'oeuvre de Richer et de
Moreau. Elles renferment un assez grand nombre de _corrections_
d'après les changements trouvés dans les papiers de l'auteur, et que
beaucoup d'éditions subséquentes ont admises. Nous les signalons
dans nos _Notes_, sans les accepter; M. de Secondat a seul été à
même de les voir et de les certifier, et nous nous défions fort de
cette manie d'arrangement et d'atténuations, à laquelle se
laissaient aller volontiers les éditeurs des derniers siècles. Au
reste, ces variantes sont véritablement insignifiantes.

Réimprimée plusieurs fois à Londres (Paris) et Amsterdam.


1759, 1762. =OEuvres=. Nouvelle édition, très-augmentée, avec des
_remarques philosophiques et politiques d'un anonyme_ (Élias Luzac),
Amsterdam et Lausanne, Grasset. (Réimprimées en 1761, 62, 64, 73.)
(6 volumes in-12.

Elle était sans doute commencée antérieurement, puisque Richer
réfute en 1758 les _Remarques_ d'Élias Luzac.


1760. Traduction anglaise de la précédente, signalée dans la note
manuscrite mentionnée à l'article 1758.


1761. =Lettres persanes=, Amsterdam et Paris, Belin. Nouvelle édition,
augmentée de douze lettres qui ne se trouvent pas dans les
précédentes, et d'une table analytique des sujets traités; un vol.
in-8o de 527 pages. Réimprimée en 1786.

Le chiffre de _douze lettres_ contient sans doute _Quelques
Réflexions sur les Lettres persanes_. En fait, le _Supplément_ de
1754 n'ajoute que _onze_ lettres.

Cette édition est la première complète des _Lettres persanes_.


1767. =Lettres persanes=, Cologne, Marteau. 2 vol. in-12.


1772. =OEuvres=. Londres, Nourse, 3 vol. in-8o, l'une des plus
mauvaises.


1776. =Lettres persanes=, Amsterdam, Arkstée et Merkus, 1 vol. in-12,
161 lettres, table de 30 pages. (Bibl. de Provins.)


1784. Autre (Bibliothèque nationale). 2 Vol. in-18.


1786. Autre, Amsterdam, 2 tomes en 1 volume, in-12.


1788. =OEuvres=. Paris, Bastien, 5 vol in-8o. D'après Quérard,
médiocre et chère.

=OEuvres=, édition revue, corrigée et augmentée de plusieurs pièces
qui n'avaient pas paru jusque-là, Amsterdam (sans nom d'éditeur ni
d'imprimeur). Généralement conforme à l'in-4o de 1758. 6 vol. in-8o.


1790. =OEuvres=, Bâle 8 vol. in-8o (réimprimées en 1799), avec des
notes d'Helvétius, longtemps la plus complète, mais entièrement
effacée par celle d'Auger 1816.


1795. Les mêmes, Paris, Didot l'aîné, 12 vol. in-8o; avec notes
d'Helvétius, etc. Jolie édition stéréotype, mais texte médiocre.
(Publiée par de Laroche.)


1796. Les mêmes, Paris, Langlois, an IV.

Les mêmes, avec des pièces inédites publiées d'après les manuscrits
(?), par Bernard, libraire à Paris. Imprimerie Plassan. 5 vol. grand
in-4o.

Cette édition, qui s'écarte quelquefois du texte de 1758, laisse à
désirer comme livre de luxe.


1803. =Lettres=. Stéréotypie Didot. Paris, Didot aîné, 2 vol. in-18.
Avec les clichés de cette édition peu correcte a été faite celle de
Lecointe, Paris, 1809 (Nouvelle Collection des classiques français).
Autre tirage, 1811.


1814 et 1820. =OEuvres=, Paris, Didot aîné, 8 vol. in-8o.


1815. =Lettres=, Avignon, Joly, 2 vol. in-24 (seule de ce format).


1816, 1818, 1820. =OEuvres=, précédées de la vie de l'auteur par
Auger, Paris, Lefèvre, 6 volumes in-8o, imprimerie Crapelet. (Table
analytique bien faite.)

La seconde est plus complète.

Toutes deux sont fort estimées. Nous avons noté dans le texte des
lettres, des variantes de 1758, qui sont contestables.


1817. =OEuvres=, Paris, Belin, avec notice par Depping, 2 volumes
in-8o.


1818. =Lettres=, Nîmes, in-8o (id. 1820), traduction espagnole de
Marchena.


1819. =OEuvres=. Nouvelle édition contenant les _Éloges de
Montesquieu_ par d'Alembert et par M. Villemain (très-remarquable),
les notes d'Helvétius, de Condorcet, et le commentaire de Voltaire
sur l'_Esprit des lois_. Paris, de l'imprimerie de Pierre Didot
aîné. Lequien 1819. Portrait. (Bonne réimpression d'une édition de
1798.) En tête du premier volume, 15 éditions sont passées en revue.
Estimée.


1820. =Lettres=, suivies des oeuvres diverses, Paris, Didot aîné, 3
vol. in-8o, formant les volumes 52-54 de la _Collection des
meilleurs ouvrages français_.


1820. =Lettres=. Paris, Ménard et Desenne, 2 vol. in-18, faisant
partie de la _Bibliothèque française_.


1821. =Lettres=. Paris, L. Debure, 2 vol. in-32, portrait. (Collection
des _Classiques français_.)

=Lettres= (traduction espagnole), Toulouse, Bellegarrigue, in-12.

=Lettres=, Paris, Touquet, in-12.


1822. =OEuvres=, Paris. Dalibon, imprimerie Collot. 8 vol. in-8o.
Portrait. Avec les =Éloges= par d'Alembert et Villemain, suivie du
_Commentaire sur l'Esprit des lois_ par Destutt de Tracy. Édition
faite sur 1819-Lequien. Estimée.


1823. =Lettres=. Nouvelle édition accompagnée de notes et d'une table
alphabétique. Paris, Dondey-Dupré, in-18.

Remarques historiques de Collin de Plancy. Notes sur les noms
orientaux par Isidore Gautier. Réimprimée par les frères Garnier.

=Lettres=, Dauthereau, imprimerie de Firmin Didot, 3 vol. in-32.


Il y a peu à dire sur les éditions, tant des =OEuvres= que des
=Lettres=, parues en 1825, 26, 27, 28, 29, 1830, 31, 32, 34, et de nos
jours. Ce sont des réimpressions tantôt de 1754, tantôt de 1758.



TABLE DES MATIÈRES DU TOME SECOND.

Lettre LXXXIX. Usbek à Rhédi.

Notes sur Paris ou règnent la _liberté et l'égalité_;
portrait du grand seigneur en France; la faveur,
grande divinité des Français.                                      1

Lettre XC. Usbek à Ibben.

Le désir de la gloire assimilé à l'instinct de la conservation.
Amour des Français pour la gloire. Éloge
du régime républicain.                                             2

Lettre XCI. Usbek au même.

Tyrannie du point d'honneur; manie illusoire du
duel, plus forte que la raison et que la loi.                      4

Lettre XCII. Usbek à Rustan.

Équipée d'un faux ambassadeur de Perse.                            6

Lettre XCIII. Usbek à Rhédi.

Mort de Louis XIV. Son testament cassé par le parlement.
Rôle des parlements. Habileté du régent.                           7


Lettre XCIV. Usbek à son frère santon au monastère de
Casbin.

A l'adresse des santons, dervis, moines et solitaires.
Tentations des ascètes de la Thébaïde.                             8

Lettre XCV. Usbek à Rhédi.

Le droit public altéré par les princes et les puissants.
Le droit public ramené aux principes de justice
qui régissent le droit privé.                                     10

Lettre XCVI. Usbek au même.

Développements à l'appui de la thèse ci-dessus. Sanctions
du droit public. De la guerre et du prétendu
droit de conquête qui «n'est pas un droit.» (Voir
les _Notes et variantes_.)                                        11

Lettre XCVII. Le premier eunuque à Usbek. (_Roman_.)

Achat d'une femme jaune de Visapour. Agréments de
la polygamie. Nécessite de la présence du maître
dans le sérail.                                                   14

Lettre XCVIII. Usbek à Hassein, dervis de la montagne
de Jaron.

Supériorité des lois physiques découvertes par les
philosophes sur les élucubrations mystiques des
livres saints et des prophéties.                                  16

Lettre XCIX. Usbek à Ibben.

Inconstance des fortunes et désordre des finances en
France. Chambre ardente contre les traitants.
Étrange distribution des richesses. Éloge des laquais.            19

Lettre C. Rica à Rhédi.

Les caprices et l'empire de la mode en France.                    21

Lettre CI. Rica au même.

Frivolité du caractère français. Incohérence de leur
législation empruntée au droit romain et aux constitutions
des Papes.                                                        23

Lettre CII. Usbek à ***.

Sur un évêque qui vantait son mandement.                          25

Lettre CIII. Usbek à Ibben.

Considérations sur le gouvernement monarchique en
Europe et sur le despotisme oriental.                             26

Lettre CIV. Usbek au même.

Pourquoi les princes d'Orient ont si souvent leurs
assassins pour successeurs.                                       29

Lettre CV. Usbek au même.

Limitation de l'autorité royale par les Anglais.                  31

Lettre CVI. Rhédi à Usbek.

Paradoxe contre les progrès de l'industrie et des arts,
incompatibles avec la solidité des monarchies.                    33

Lettre CVII. Usbek à Rhédi.

Réfutation aisée de la thèse précédente. Tableau de
l'activité et de l'industrie parisiennes. Éloge du
luxe.                                                             35

Lettre CVIII. Rica à Ibben.

Influence de la maîtresse et du confesseur sur le caractère
des rois. Louis XIV entièrement gouverné
par les femmes.                                                   39

Lettre CIX. Usbek à ***.

Les journaux et la critique au commencement du
XVIIIe siècle.                                                    41

Lettre CX. Rica à ***.

Querelles scolastiques sur la lettre Q.                           43

Lettre CXI. Rica à ***.

Rôle et occupation d'une jolie femme.                             44

Lettre CXII. Usbek à ***.

Discours d'un général de la Fronde.                               45

Lettre CXIII. Rhédi à Usbek.

Dépopulation croissante de la terre.                              47

Lettre CXIV. Usbek à Rhédi.

Causes de dépopulation. Fréquence des catastrophes
générales. Le monde terrestre a bien plus de six
mille ans.                                                        50

Lettre CXV. Usbek au même.

Causes de dépopulation: la polygamie, la castration.              53

Lettre CXVI. Usbek au même.

Rôle des esclaves et des affranchis dans le monde
romain.                                                           56

Lettre CXVII. Usbek au même.

Causes de la dépopulation: l'interdiction du divorce.
(Vues incohérentes de l'Église sur le mariage.).                  58

Lettre CXVIII. Usbek au même.

Causes de la dépopulation: le célibat des prêtres et
le monachisme. Supériorité des pays protestants
sur les pays catholiques.                                         60

Lettre CXIX. Usbek au même.

Causes de la dépopulation en Afrique, en Amérique:
la traite et le travail esclave.                                  64

Lettre CXX. Usbek au même.

Causes de la dépopulation: le mépris de la terre et
de la vie, prêché par le christianisme et le mahométisme,
«l'injuste droit d'aînesse». Causes de la
fécondité de la Perse ancienne et des races juive
et chinoise.                                                      65

Lettre CXXI. Usbek au même.

Causes de la dépopulation chez les sauvages: leur
ignorance de l'agriculture; la pratique de l'avortement.          67

Lettre CXXII. Usbek au même.

Causes de la dépopulation des colonies: les influences
climatériques, les cruautés des conquérants.                      68

Lettre CXXIII. Usbek au même.

Causes de dépopulation: le despotisme et le pouvoir
arbitraire, l'inégalité des citoyens, les mariages
précoces.                                                         72

Lettre CXXIV. Usbek au mollak Méhémet Ali, gardien
des trois tombeaux.

En dépit des jeûnes et des cilices des mollaks, la
victoire abandonne les Osmanlis.                                  74

Lettre CXXV. Usbek à Rhédi.

Qui paye les libéralités des princes envers leurs
courtisans?.                                                      75

Lettre CXXVI. Rica à ***.

Difficulté de concevoir des récompenses éternelles.
Les paradis sont rendus inhabitables par leurs
inventeurs. Plaisante histoire d'une veuve indienne.              78

Lettre CXXVII. Rica à Usbek.

Allusion à la conspiration de Cellamare.                          80

Lettre CXXVIII. Rica à Ibben.

A propos de la mort de Charles XII. Grave responsabilité
des ministres.                                                    81

Lettre CXXIX. Rica à Usbek.

Entretien d'un géomètre et d'un traducteur d'Horace.              83

Lettre CXXX. Rica à ***.

Bavardage et suffisance des nouvellistes. Trois lettres
d'un nouvelliste.                                                 86

Lettre CXXXI. Rhédi à Rica.

Origines des républiques. Éloge du gouvernement
républicain. La liberté faite pour le génie des peuples
de l'Europe; la servitude pour celui des
orientaux.                                                        90

Lettre CXXXII. Rica à ***.

Un café à la mode à l'époque de Law.                              94

Lettre CXXXIII. Rica à ***.

Visite à une grande bibliothèque dans un couvent de
dervis.                                                           96

Lettre CXXXIV. Rica au même.

Seconde visite à la bibliothèque. Appréciation satirique
de divers genres littéraires. La théologie,
l'ascétisme, la casuistique.                                      97

Lettre CXXXV. Rica au même.

Troisième visite: les grammairiens, glossateurs
et commentateurs; les orateurs; les métaphysiciens,
les médecins, anatomistes, chimistes, adeptes
des sciences occultes.                                            99

Lettre CXXXVI. Rica au même.

Vues historiques sur l'église, la décadence romaine,
les barbares, l'Allemagne, la France, l'Espagne,
l'Angleterre, la Hollande, l'Italie, la Pologne, et
les républiques de Suisse, de Venise et de Gênes.                101

Lettre CXXXVII. Rica au même.

Les poëtes épiques, dramatiques, lyriques, bucoliques,
épigrammatiques; les romanciers.                                 104

Lettre CXXXVIII. Rica à Ibben.

Désastreuses conséquences du système de Law.                     106

Lettre CXXXIX. Rica au même.

Abdication de deux reines de Suède, Ulrique-Éléonore
et Christine.                                                    108

Lettre CXL. Rica à Usbek.

Le Parlement de Paris relégué à Pontoise. Graves
et difficiles attributions politiques des parlements.            109

Lettre CXLI. Rica au même.

Traduction supposée d'un conte persan. Aventures
de l'immortelle Anaïs dans le paradis des femmes.
Vengeance qu'elle tire de son mari.                              110

Lettre CXLII. Rica à Usbek.

«Lettre d'un archéologue» et «Fragment d'un ancien
mythologiste.» (Portrait allégorique de Law,
fils d'Éole).                                                    120

Lettre CXLIII. Rica à Nathanaël Lévi, médecin juif.

Sur les amulettes, talismans et prestiges.                       126

Lettre d'un médecin de province à un médecin de
Paris.

Vertu dormitive de la _Cour sainte_ du père Caussin.
Pharmacie nouvelle extraite des oeuvres des philosophes
et des théologiens.                                              129

Lettre CXLIV. Usbek à Rica.

Le savant opiniâtre et le savant outrecuidant. Éloge
de la modestie.                                                  134

Lettre CXLV. Usbek à ***.

Tribulations des gens d'esprit et des savants. Lettre
d'un anatomiste.                                                 135

Lettre CXLVI. Usbek à Rhédi.

Perversion des moeurs publiques sous l'influence de
Law. Odieux résultats de l'agiotage érigé en institution
publique.                                                        140

Lettre CXLVII. Le grand eunuque à Usbek. (_Roman._)

Désordres dans le sérail d'Usbek.                                143

Lettre CXLVIII. Usbek au grand eunuque. (_Roman._)

Ordres de répression.                                            144

Lettre CXLIX. Narsit à Usbek. (_Roman._)

Mort du grand eunuque.                                           144

Lettre CL. Usbek à Narsit. (_Roman._)

Ordres réitérés de répression.                                   145

Lettre CLI. Solim à Usbek. (_Roman._)

Dénonciations contre les femmes d'Usbek.                         146

Lettre CLII. Narsit à Usbek. (_Roman._)

Inexécution des ordres d'Usbek, dont la lettre s'est
égarée.                                                          148

Lettre CLIII. Usbek à Solim. (_Roman._)

Fureurs de l'époux outragé.                                      149

Lettre CLIV. Usbek à ses femmes. (_Roman._)

Reproches et menaces.                                            149

Lettre CLV. Usbek à Nessir. (_Roman._)

Douloureuses confidences.                                        150

Lettre CLVI. Roxane à Usbek. (_Roman._)

Protestation contre les violences de Solim.                      152

Lettre CLVII. Zachi à Usbek. (_Roman._)

Zachi s'indigne d'avoir été fouettée.                            153

Lettre CLVIII. Zélis à Usbek. (_Roman._)

Même châtiment, même colère.                                     154

Lettre CLIX. Solim à Usbek. (_Roman._)

Trahison imprévue de Roxane, meurtre de son amant.               155

Lettre CLX. Solim à Usbek. (_Roman._)

Solim va punir.                                                  156

Lettre CLXI. Roxane à Usbek. (_Roman._)

Roxane s'empoisonne et brave en mourant l'homme
qui l'a épousée malgré elle.                                     157

Notes et variantes.                                              159

Index philosophique, historique et littéraire.                   169

Bibliographie.                                                   211

FIN DE LA TABLE DU TOME SECOND ET DERNIER.



OUVRAGES DE M. ANDRÉ LEFÈVRE.


Les Finances de Champagne aux XIIIe et XIVe siècles.

La Flute de Pan, 2e édition.                               Hetzel.

La Lyre intime.                                           _Ibid._

Virgile et Kalidasa.                                      _Ibid._

L'Épopée terrestre.                                       Marpon.

La Vallée du Nil (avec M. H. Cammas).                     Hachette.

Les Merveilles de l'Architecture, 3e édit.                _Ibid._

Les Parcs et les Jardins, 2e édition.                     _Ibid._

La Pensée nouvelle, en collaboration avec MM. Louis
Asseline, A. Coudereau, Ch. Letourneau, P. Lacombe,
etc. 2 vol. gr. in-8o.

Napoléon Ier (in-32). Bureaux de l_'Éclipse_.

Les Finances particulières de Napoléon III. J. Rouquette.

Imprimerie Eugène Heutte et Ce, à Saint-Germain.





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