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Title: L'Amérique sous le nom de Fou-Sang
Author: Paravey, Charles Hippolyte de, 1787-1871
Language: French
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*** Start of this LibraryBlog Digital Book "L'Amérique sous le nom de Fou-Sang" ***


NOTES DU TRANSCRIPTEUR:

La ponctuation a été normalisée. Les notes en bas de page sont
renumerotées et placées à la fin de chaque section. L'orthographe de
l'imprimeur a été conservée dans l'ensemble. Une liste de corrections se
trouve à la fin du texte.

Marquage: _italiques_
          =gras=



L'AMÉRIQUE

SOUS LE NOM DE PAYS DE FOU-SANG,

A-T-ELLE ÉTÉ

=CONNUE EN ASIE DÈS LE 5e SIÈCLE DE NOTRE ÈRE=.



IMP. DE HAUQUELIN ET BAUTRUCHE, RUE DE LA HARPE, 90.



L'AMÉRIQUE

SOUS LE NOM DE PAYS DE FOU-SANG,

EST-ELLE CITÉE, DÈS LE 5e SIÈCLE DE NOTRE ÈRE, DANS LES GRANDES ANNALES
DE LA CHINE, ET, DÈS LORS, LES SAMANÉENS DE L'ASIE-CENTRALE ET DU
CABOUL, Y ONT-ILS PORTÉ LE BOUDDHISME, CE QU'A CRU VOIR LE CÉLÈBRE M. DE
GUIGNES, ET CE QU'ONT NIÉ GAUBIL, KLAPROTH ET M. DE HUMBOLDT?

DISCUSSION OU DISSERTATION ABRÉGÉE,

OU L'AFFIRMATIVE EST PROUVÉE,

PAR M. DE PARAVEY,

DU CORPS ROYAL DU GÉNIE.

[Greek: O Solon, Solon, Ellenes aei paides este.]

O Solon, Solon, vous autres Grecs, vous n'êtes que des enfans.

PLATON, Timée.

(Extrait du No de février 1844 des _Annales de philosophie
chrétienne_.)

PARIS,

=CHEZ TREUTTEL ET WURTZ=,

Rue de Bourbon, no 17.

ET AU BUREAU DES ANNALES DE PHILOSOPHIE CHRÉTIENNE,

Rue Saint-Guillaume (Fbg-S.-G.), no 24.

1844



L'AMÉRIQUE

SOUS LE NOM DE PAYS DE FOU-SANG,

A-T-ELLE ÉTÉ

CONNUE EN ASIE DÈS LE 5e SIÈCLE DE NOTRE ÈRE[1].


Les savans de l'Islande et du Danemarck viennent de démontrer que les
Scandinaves, longtems avant Colomb, visitaient les parties nord-est de
l'Amérique, y trouvaient des vignes sauvages et du raisin, et même
avaient pénétré plus au sud, jusque dans le Brésil actuel.

Avant ces recherches toutes modernes, l'illustre Buffon, dans son
_Discours sur les variétés de l'espèce humaine_, avait reconnu, comme M.
de Humboldt l'a vu aussi postérieurement, que les peuplades du
nord-ouest de l'Amérique, et même du Mexique, avaient dû y venir de la
Tartarie et de l'Asie centrale; et, s'appuyant sur les nouvelles
découvertes des Russes, il traçait la route suivie par ces Asiatiques,
les faisant arriver au nord-ouest de la Californie, à travers le
Kamtchatka et la chaîne des îles Aléoutes.

De son côté, M. de Guignes, compulsant les annales de la Chine, et par
elles éclaircissant toutes nos origines européennes, y trouvait un fort
curieux mémoire sur le pays de FOU SANG, ou pays de l'_Orient extrême_.
Il s'aidait des lumières jetées par les Russes et les géographes les
plus modernes sur les contrées extrêmes du nord-est de l'Asie; et, dans
un savant travail inséré au T. XXVIII des _Mémoires de l'Académie des
Inscriptions et des Belles-Lettres_, il prouvait, autant qu'on le
pouvait faire alors, que ce pays de _Fou-sang_, connu dès l'an 458 de
J.-C., riche en or, en argent et en cuivre, mais où _manquait le fer_,
ne pouvait être autre que l'_Amérique_.

Toutes les Cartes grossières et altérées à dessein, quant à la grandeur
des contrées étrangères, que nous avons pu recueillir dans les livres ou
les recueils rapportés de Chine, et antérieures aux cartes exactes du
Céleste Empire, dressées ensuite par les missionnaires de Pékin,
offrent, en effet, à l'est et au nord-est de la Chine, outre le Japon,
marqué sous un de ses noms _Gi_ _Pen_ (Source du soleil), un amas confus
de pays, dessinés comme de petites îles, sans doute parce qu'on pouvait
y aborder par mer; et, parmi ces pays, _dont l'étendue est diminuée à
dessein_, est marqué le célèbre pays de _Fou-sang_, pays sur lequel on a
débité, en Chine, bien des fables; mais qui, dans la Relation traduite
par M. de Guignes, se présente sous un jour tout à fait naturel, et ne
peut s'appliquer qu'à une des contrées de l'Amérique, si ce n'est même,
comme nous le verrons, à l'Amérique entière.

Nous n'avons connu ces anciennes cartes Chinoises, dressées de manière à
présenter l'Europe elle-même, et toute l'Asie autre que la Chine, comme
de très petits pays, que dans le voyage fait par nous à Oxford, dès
1830: nous les avons calquées à la _Bibliothèque Bodléienne_, et plus
tard, notre savant ami, sir _Georges Staunton_, nous a donné une de ces
cartes imparfaites.

De retour à Londres, nous y avons cherché et trouvé le texte chinois de
la Relation traduite par M. de Guignes; car les ouvrages où elle se
trouve étaient accaparés, à Paris, par certains sinologues. Nous avons
copié ce texte; nous l'avons montré à M. _Huttman_, alors secrétaire de
la Société asiatique anglaise. Il y reconnut, comme nous, une
description de l'Amérique ou d'une de ses parties; et, dans la surprise
qu'il en éprouva, il fit part probablement de nos recherches à M.
Klaproth; car nous étions encore à Londres, quand ce savant prussien fit
paraître, dans _les Nouvelles Annales des Voyages_, année 1831, une
prétendue réfutation du _Mémoire_ de M. de Guignes, réfutation qu'il
nous adressa, en même tems qu'une lettre assez longue, que nous
publierons peut-être un jour[2].

Ni cette lettre, ni cette réfutation imprimée ne changèrent nos
convictions sur la justesse des aperçus du docte M. de Guignes. Nous le
déclarâmes à M. Klaproth; et, comme il sentait sans doute lui-même la
faiblesse des raisonnemens par lesquels il avait essayé de montrer que
cette Relation du _Fou-sang_ devait s'entendre du _Japon_, ce fut lui,
nous le supposons, qui, postérieurement, voulant amener M. de Humboldt à
ses fausses idées, fit insérer dans le T. X du _Nouveau Journal
asiatique de Paris_, des Lettres du feu P. Gaubil, où ce savant
missionnaire, sans nier cette Relation, discute les idées de M. de
Guignes, et ne connaissant pas alors les Cartes dont nous parlons,
semble ne pas admettre que l'Amérique, sous le nom de _Fou-sang_ ou sous
d'autres noms, ait été réellement connue des Bouddhistes ou Samanéens de
la Haute-Asie, dès l'an 458 de Jésus-Christ.

Dès lors, cependant, nous eussions pu démontrer, par le calcul exact des
distances en _lys_, données dans cette Relation traduite des Grandes
Annales de la Chine, sur ce pays du _Fou-sang_, et en discutant la route
suivie pour s'y rendre, que ce pays, même d'après les aveux de M.
Klaproth et du P. Gaubil, sur les noms chinois donnés à la contrée si
reculée du _Kamtchatka_, ne pouvait exister qu'en Amérique.

Suivant le samanéen ou le moine bouddhiste, qui fit connaître le
_Fou-sang_ aux Chinois, en 499 de notre ère, ce pays était à la fois à
l'est de la Chine, et également à l'est d'une contrée demi-sauvage
connue, dans les livres chinois, sous le nom de pays de _Ta_ _han_ ou
des grands _Hans_, nom appliqué déjà auparavant à la dynastie chinoise
des _Hans_, établie en 206 avant notre ère après celle des _Tsin_.

Mais, d'après les relations chinoises, sur ce pays de _Ta-han_, où l'on
pouvait aller, soit par mer, en partant du Japon et se dirigeant au
_nord-est_; soit par terre, en partant du coude très prononcé vers le
nord, que fait le grand fleuve _Hoang-ho_, dans le pays des Mongols, et
passant au sud du lac _Baïkal_, et se dirigeant ensuite également au
nord-est, ce pays, très éloigné de la Chine, ne peut être que le
_Kamtchatka_, aussi nommé pays de _Lieou-kouey_, ou Lieu d'exil
(_lieou_) des hommes pervers (_kouey_ ), dans d'autres Géographies
chinoises.

Le père Gaubil, dans ces lettres mêmes publiées par M. Klaproth, l'admet
pour le pays _Lieou-kouey_; car on dit ce pays entouré de trois côtés
par la mer, comme l'est le Kamtchatka; et la distance où on le met, dans
la géographie de la dynastie des _Tangs_, publiée aussi par ce savant
missionnaire, ne peut convenir qu'à cette pointe extrême de l'Asie
nord-est.

D'une autre part, discutant la position du pays de _Ta-han_, M. Klaproth
lui-même, dans le mémoire que nous réfutons, p. 12me, déclare que ce
pays de _Ta-han_ a aussi été nommé pays de _Lieou-kouey_; et puisque ce
lieu est le _Kamtchatka_, d'après le P. Gaubil, le pays de _Ta-han_
répond donc aussi au _Kamtchatka_ du sud, et non pas à la grande île
_Saghalien_ ou _Taraïkaï_, qui existe à l'est de la Tartarie et à
l'embouchure du fleuve Amour, île où le veut mettre M. Klaproth, dans
ses Recherches sur le _Fou-sang_.

C'était aussi dans le _Kamtchatka_ que le célèbre M. de Guignes plaçait
le pays de _Ta-han_, où les livres de la Chine, tels que le
_Pian-y-tien_, vaste _Géographie des peuples étrangers_, précieux
ouvrage que possède la bibliothèque du roi à Paris, figurent des hommes
sauvages fort grands et à cheveux très longs et en désordre.

Et, quand le samanéen _Hoeï-chin_, venu du pays de Fou-sang, en Chine,
et débarqué à _King-tcheou_, dans le _Hou-pe_, sur la rive gauche du
grand fleuve _Kiang_, dit: _que le Fou-sang est à la fois à l'orient de
la Chine et à l'est du pays de Ta-han_, ou du Kamtchatka, il est évident
qu'il donne, _du sud au nord_, une très vaste étendue à ce pays de
_Fou-sang_, puisque le Kamtchatka, même dans sa partie la plus australe,
est très loin, au nord-est, de la Chine, en ne la prenant même que dans
le nord, et encore plus loin du fleuve _Kiang_: il parle donc ici, non
pas d'une île, même aussi grande que le Japon, mais d'un continent très
étendu, tel que l'Amérique du Nord.

Aussi, quand nous avons communiqué le Mémoire de M. de Guignes et la
prétendue Réfutation de M. Klaproth, au célèbre navigateur M.
Dumont-d'Urville, dont la science déplore encore la perte fatale, ce
savant qui, avant son dernier voyage, avait commencé par nos conseils
l'étude des livres de géographie conservés en Chine, n'a-t-il pu
s'empêcher de sourire de pitié en voyant que, par un véritable tour de
force, de ce vaste continent M. Klaproth avait essayé de faire une
simple contrée du Japon, pays qui, sous son nom véritable, est lui-même
indiqué dans un autre passage des _Grandes Annales_ cité par M. de
Guignes, et où l'on décrit la route qui, de la Corée, menait par mer au
pays de _Ta-han_. On touchait pour y aller au pays de _Ouo_ ou du Japon
qui, dès lors, était déjà connu des Chinois dans toutes ses parties; on
abordait au nord le pays de _Wen-tchin_ (île Saghalien); puis, cinglant
à l'est, on arrivait au _Ta-han_ ou au _Kamtchatka_, ailleurs nommé
_Lieou-kouei_.

Un pays assez vaste pour être _à la fois_ à l'orient de la Chine
centrale et du Kamtchatka, ne peut évidemment être que l'Amérique du
Nord; ce que n'avait pas dit M. de Guignes, mais ce qu'il devait sentir,
et la distance même à laquelle on place le _Fou-sang_ du pays de
_Ta-han_ ou du Kamtchatka, dans la Relation du samanéen, achève de le
démontrer.

Il évalue, en effet, à 20 mille _lys_ cette distance _vers l'est_ du
_Ta-han_ au _Fou-sang_; et, comme les _lys_ ont souvent varié en Chine,
M. Klaproth essaie, en les supposant fort petits, de n'arriver ainsi
qu'au Japon!! Mais comme la direction à l'est le gêne encore et le
ferait tomber dans l'Océan, en admettant, comme il le fait, que le
_Ta-han_ n'est autre que l'île de Saghalien, il change, sans plus de
façon, cette direction, et la porte vers le sud; de sorte que, de
supposition en supposition, il arrive à conclure que la partie sud-est
du Japon était cette contrée du _Fou-sang_, alors nouvelle encore,
suppose-t-il, pour les Chinois.

Mais le P. Gaubil, qu'il invoquait ailleurs, pouvait même le détromper à
cet égard et lui donner la valeur réelle de ces _lys_.

Dans son _Histoire de la dynastie des Tang_, qui a régné peu de tems
après l'époque où les _Grandes Annales_ ont transcrit ces Relations du
_Ta-han_ et du _Fou-sang_, il dit: «que l'on compte 15,000 lys entre la
Perse et la ville de _Sy-ngan-fou_[3],» alors capitale de la Chine; la
Perse étant en ces livres désignée sous le nom de royaume de _Po-sse_,
et sa capitale devant être vers _Passa-garde_ et Schiras ou Persépolis.

Or, vers le nord-est, les géographes de la dynastie Tang, comptent aussi
15,000 _lys_, pour la distance de Sy-ngan-fou, au pays de
_Lieou-kouey_[4] (le même que le pays de _Ta-han_ selon M. Klaproth),
pays entouré par la mer de trois côtés, et qui est reconnu par le P.
Gaubil, avons-nous dit, pour correspondre au _Kamtchatka_.

Si donc, sur un globe terrestre, on prend une ouverture de compas, entre
la capitale Sy-ngan-fou, celle de la Chine alors, et Schiras ou
Persépolis, capitale du _Po-sse_ ou de la Perse, et qu'on reporte, à
partir de Sy-ngan-fou, cette distance vers le nord-est, on doit
atteindre la partie sud du pays de Kamtchatka, et c'est ce qui a lieu,
en effet, avec une grande exactitude.

La valeur des _lys_ est donc fixée, en grand, pour cette époque; de
sorte que le tiers de cette ouverture représentera 5,000 lys, et qu'en
les joignant aux 15,000 lys qui forment l'ouverture entière, on
obtiendra d'une manière exacte, la distance de 20,000 lys, que la
relation du Samanéen affirme exister à l'est, entre le pays de _Ta-han_
et celui de _Fou-sang_, d'où il venait d'arriver.

A partir de la pointe sud du Kamtchatka, qui répond à ce pays de
_Lieou-kouey_ ou de _Ta-han_, portant alors _vers l'est_, sur le globe
en question, l'ouverture de compas de 20,000 _lys_, on devra donc, si le
_Fou-sang_ est l'Amérique, atteindre au moins la côte ouest de ce
nouveau continent, côte qui dès longtems abordée par les Asiatiques, a
été, par une sorte de fatalité, la dernière explorée par les Européens.
Or, c'est ce qui arrivera, en effet, et ce qui confirme, à la fois, les
conjectures de Buffon, et les assertions, appuyées de cartes encore peu
exactes, qu'avait émises M. de Guignes; car on parviendra ainsi au nord
des Bouches de la Colombia, et non loin de la _Californie_.

Ce savant ne pouvait alors, parvenir à la même précision que nous;
puisque, nous le répétons, les positions exactes des côtes nord-ouest de
l'Amérique vers les îles Aléoutes, et même celles du pays du Kamtchatka,
n'étaient pas encore bien rigoureusement établies; mais il n'en a eu que
plus de mérite à reconnaître le premier, la valeur des _lys_ pour cette
époque, et à retrouver ainsi, dans les Géographies trop peu consultées
de la Chine, des pays aussi nouveaux pour nous, que l'étaient alors le
Kamtchatka et ce vaste continent d'Amérique, connu de tout tems par les
peuples explorateurs de l'Asie Centrale, mais qui ne nous a été révélé
que bien tard par le génie admirable et persévérant d'un illustre
génois.

A l'aide de ces mêmes livres conservés en Chine, et qu'il est honteux
pour les Européens, de ne pas avoir traduits encore, depuis plus d'un
siècle qu'ils les possèdent, nous pourrions montrer que la _Méropide
d'Elien_[5] n'était elle-même aussi, que l'_Amérique du Nord_; car
l'invasion chez les _Hyperboréens_, dont parle cet auteur, ne peut avoir
eu lieu, que du nord de l'Amérique, au Kamtchatka et aux rives du grand
fleuve Amour, contrées où les anciens livres de la Chine font vivre une
foule de peuples, dont les noms, en Europe, sont à peine connus en ce
jour, bien que très curieux et tous significatifs.

Dès les tems les plus reculés, ayant reçu sans doute, des colonies de la
Grèce et de la Syrie, ces heureux Hyperboréens, envoyaient au temple
d'Apollon, à Délos, des gerbes du blé récolté par eux.

Hérodote et Pausanias nous nomment les peuples qui, de main en main,
faisaient parvenir ces offrandes en Grèce; et, quand on combine ce
qu'ils en disent, avec les notions sur ces mêmes peuples, qu'offrent les
livres chinois, on acquiert facilement la conviction que le véritable
pays des _Hyperboréens_, c'est-à-dire, des peuples du nord-est, ne
pouvait être situé ailleurs que sur le fleuve Amour et vers la Corée,
contrées à alphabet, très anciennement civilisées ou colonisées.

Par ces Hyperboréens, en rapport avec les nations féroces de l'Amérique
du nord, nations que décrit Elien sous le nom de _Machimos_ ou de
guerriers, les Grecs des tems anciens, qui avaient porté la culture des
céréales sur les rives de l'Amour, devaient donc avoir des notions sur
ce _Fou-sang_ ou monde oriental, vaste continent, qui, du côté de
l'ouest, exploré par les Phéniciens de l'Égypte, et ensuite, par les
Carthaginois, avait reçu le nom d'_Atlantide_.

L'imagination fleurie des Asiatiques avait pu broder bien des fables sur
ces relations d'un monde si éloigné, et où l'on n'abordait pas sans
courir de très grands dangers; mais les monumens si curieux de
_Palenqué_ dans le Guatimala, et ceux non moins importants qu'a dessinés
M. de Waldeck, dans le Yucatan, démontrent positivement ces rapports
antiques de l'Asie Centrale, des Indes et de l'Égypte à l'Amérique ou à
la _Méropide_, véritable pays de _Fou-sang_.

Le _Chan-hai-king_, antique géographie mythologique de la Chine, le
_Li-sao_ et d'autres livres chinois débitent aussi des fables sur la
vallée de _Tang-kou_ ou des _Eaux chaudes_, d'où le soleil paraît
sortir, se levant ensuite dans le pays de _Fou-sang_, où croissent des
mûriers d'une hauteur prodigieuse; ils disent que les peuples du
_Fou-sang_ mangent les fruits de ces mûriers pour devenir immortels et
pouvoir voler dans les airs, et que les vers à soie de ces arbres,
énormes aussi, se renferment dans des cocons monstrueux de grosseur.

Toutes ces fables sont fondées sur le nom _Sang_ du mûrier qui entre
dans le nom chinois de l'Amérique ou du _Fou-sang_; et on se les
explique quand on examine les monumens Mythriaques, sculptures de l'Asie
occidentale, où l'on remarque toujours, sur la droite, le soleil se
levant derrière un arbre, tel qu'un mûrier; ce qui n'est que la peinture
même du caractère hiéroglyphique conservé en chinois, pour exprimer
l'_Orient_, caractère qui se prononce _Tong_ et qui se forme en
dessinant le symbole du soleil _gi_, derrière celui de l'_arbre_ _mo_,
le soleil à son lever, montrant en effet son disque derrière les arbres.

Tacite, dans sa _Germanie_, débite aussi des fables sur les pays où le
soleil se couche, en faisant entendre, dit-il, des pétillemens lorsque
ses feux pénètrent dans l'Océan, et cet admirable ouvrage n'en est pas
moins lu et consulté tous les jours; et ces récits merveilleux n'ont
point fait nier l'existence des pays dont il parle.

Mais la Relation du Samanéen _Hoeï-chin_, sur le _Fou-sang_, n'offre
aucune de ces fables, et si elle place un arbre de ce nom en Amérique,
elle le décrit comme un végétal à fruit rouge en forme de poire, arbuste
dont les jeunes rejetons se mangent et dont l'écorce se prépare comme du
chanvre, et donne des toiles, des habits et même du papier; car les
habitans de ce pays avaient déjà une écriture, dit cette Relation, et
l'on a retrouvé, en effet en Amérique, des livres et une écriture au
Mexique, et ailleurs.

Dans les livres chinois de botanique, ce nom de _Fou-sang_, qu'on peut
traduire par celui de _mûrier secourable_, _utile_, sens de _Fou_, est
donné maintenant à la _Ketmie_, ou _Hibiscus rosa sinensis_, plante
venue de Perse en Chine, nous apprend le P. Cibot, et _qui y a été
greffée sur le mûrier_.

Mais M. Klaproth serait porté à y voir, par quelque méprise, le _mûrier
à papier_, dont on fait aussi, en effet, des étoffes et des habits,
tandis que d'autres pourraient y trouver le _Metl_ ou _Maguey_ du
Mexique, mais mal décrit; car cette plante donnait également des étoffes
et un papier; elle procurait une sorte de vin et des alimens, et était
éminemment utile.

Au vrai, ce nom _Fou-sang_ exprime seulement le nom de l'_Orient
extrême_; car dans l'antique géographie hiéroglyphique, le Royaume
central se nommait, ainsi qu'on le fait encore en Chine, _Tchong-hoa_,
ou _Fleur du centre_, _du milieu_; et les quatre contrées cardinales
avaient le nom de _Sse-fou_, ou des _quatre pays auxiliaires_, comparés
aux quatre pétales principales du Nelumbo, fleur mystique, fleur du
milieu, Lotus sacré, type de l'antique Égypte[6] et de la terre par
excellence.

L'Inde nous offre encore cette géographie symbolique; et les anciennes
cartes chinoises nomment _Fou-yu_ les contrées du nord; _Fou-nan_,
celles du sud; _Fou-lin_, celles de l'ouest, c'est-à-dire, le _Ta-tsin_,
empire romain; et enfin, _Fou-sang_, celles de l'est; or, à l'est de la
Chine, n'existe que l'Amérique, comme pays étendu, et si le Japon a eu
aussi ce nom de _Fou-sang_, c'est qu'il est à l'est de la Chine; mais il
n'est pas le vrai pays de _Fou-sang_, dit l'Encyclopédie japonaise,
qu'aurait dû consulter M. Klaproth, s'appuyant à tort sur ce nom reconnu
faux pour ce pays.

Le Bananier, arbre _Pis-sang_ des Malais, aurait pu aussi être encore un
de ces arbres _Fou-sang_, types de l'orient, aussi bien que la fleur du
_Nelumbo_, ou lotus rose d'Égypte, d'où l'on voit sortir le jeune Horus,
c'est-à-dire, où naît le soleil; tout cela, nous le répétons, n'est
qu'une suite naturelle des symboles employés, dans la géographie antique
et hiéroglyphique, encore trop peu étudiée.

La Relation traduite par M. de Guignes, met aussi beaucoup de _Pou-tao_,
c'est-à-dire de _raisins_ dans le pays de _Fou-sang_; M. de Guignes
avait traduit ces deux caractères séparément, et y avait vu des glayeuls
_Pou_ et des pêches _Tao_. M. Klaproth le rectifie avec raison; mais,
par une singulière distraction, il oublie que les forêts de l'Amérique
du Nord abondaient en Vignes sauvages de plusieurs espèces, et que les
Scandinaves y avaient placé, dans le nord-est, le pays de _Vin-land_, ou
du vin. Il va donc jusqu'à nier l'existence de la Vigne en Amérique; et,
s'appuyant surtout sur ce passage, il veut que le _Fou-sang_ soit le
Japon, où la vigne, dit-il, existait depuis longtems, bien qu'en Chine
elle n'ait été apportée de l'Asie occidentale qu'en l'an 126 avant notre
ère. On voit donc, encore ainsi, combien sa réfutation de M. de Guignes,
même lorsque ce dernier se trompe, était faible, et tout son Mémoire
n'offre que des argumens de la même force.

Quand le Samanéen dit que le fer manque au _Fou-sang_, mais qu'on y
trouve du cuivre, et que l'or et l'argent n'y sont pas estimés, vu leur
abondance sans doute, il ne fait que nous apprendre ce que Platon avait
dit déjà de l'Atlantique, et ce que répètent toutes les relations de
l'Amérique; une rivière célèbre du nord de ce continent, porte encore le
nom de Rivière mine de cuivre, et le cuivre est aussi très abondant dans
le Pérou.

Il nous apprend, en outre, que les habitans du _Fou-sang nourrissent
des troupeaux de cerfs et font du fromage du lait des biches_; et, dans
les Encyclopédies chinoises et japonaises, comme aussi dans le
_Pian-y-tien_, si l'on donne la figure d'un habitant du _Fou-sang_, on
le dessine, en effet, occupé à traire une biche, à petites taches
rondes; c'est même là, dans les deux encyclopédies, ce qui forme la
caractéristique de cette contrée du _Fou-sang_. Déjà Philostrate, dans
la _Vie d'Apollonius_, avait cité, dans l'Inde, des peuples nourrissant
des biches pour leur lait, et la chose n'est pas assez commune pour ne
pas être remarquée; mais ces troupeaux de biches ont aussi été retrouvés
en Amérique de nos jours; car Valmont de Bomare, article _Cerf_, dit:
«Les Américains ont des troupeaux de cerfs et de biches, errans le jour
dans les bois et le soir rentrant dans leurs étables. Plusieurs peuples
d'Amérique, n'ayant point d'autre lait, ajoute-t-il, que celui qu'ils
tirent de leurs biches, et dont ils font aussi du fromage.»

Il semble donc, qu'il traduit par ces mots, ce que disait en 499 de
notre ère, _Hoeï-chin_, sur les peuples du _Fou-sang_. Et si nous avons
signalé aussi cet usage dans l'Inde antique, nous ne l'avons pas fait
sans dessein, car ce même Samanéen affirme que la religion de Bouddha,
religion indienne, avait, dès l'an 458 de notre ère, été portée dans le
pays de _Fou-sang_, par cinq religieux du _Ky-pin_, ou de la Cophéne,
contrée indienne; il dit que les peuples convertis dès lors par eux,
n'avaient ni armes ni troupes, et (à l'instar des Argippéens, dont parle
Hérodote) qu'ils ne faisaient point la guerre; il ajoute enfin qu'ils
avaient une écriture, et le culte des images, c'est-à-dire qu'ils
étaient de vrais Bouddhistes.

Ce qu'il dit des boeufs à longues cornes, portant de lourds fardeaux sur
la tête, de chars attelés de boeufs, de chevaux et de cerfs, offre
seulement, ce semble, quelque difficulté; mais les boeufs à crinières et
à têtes énormes, de l'Amérique du nord, ont pu donner lieu à ce rapport
inexact, et l'on a pu, bien qu'à tort, mais pour éviter de les décrire,
donner le nom chinois _Ma_, qui s'applique aux chevaux, aux ânes, aux
chameaux, et qui forme la clef des quadrupèdes utiles de cette nature,
aux _Llama_ et _Alpacas_ déjà domptés peut-être dans l'Amérique du Sud,
comprise aussi dans le _Fou-sang_.

Il serait possible, d'ailleurs, que des chevaux, à cette époque, eussent
été introduits déjà dans l'Amérique du nord-ouest, à peine connue de nos
jours, et où l'on cite des peuplades qui s'en servent; et l'on a pu
aussi y voir des attelages de rennes du Kamtchatka.

Il est vrai qu'on suppose que ces chevaux sont issus de ceux amenés au
Mexique par les Espagnols; mais la chose n'est pas démontrée; et en
supposant ceux-ci d'origine européenne, une épidémie, une guerre
destructive auraient pu, depuis le 5e siècle, détruire les chevaux
domestiques, amenés au _Fou-sang_, par les Tartares et les bouddhistes
de l'Asie.

Ce peuple du _Fou-sang_ n'avait encore alors, que des cabanes en
planches, et des villages, comme on en a trouvé vers la Colombia, et au
nord-ouest de la Californie; et pour obtenir une épouse, les jeunes gens
du pays devaient servir leur fiancée, pendant une année entière. Or
(dans la _Collection de Thévenot_) c'est précisément ce que dit
_Palafox_ de son _indien_ de l'Amérique, indien dont il décrit les
moeurs; et c'est ce qui existe aussi dans les contrées extrêmes du
nord-est de l'Asie, contrées d'où on passait en Amérique, avons-nous
dit.

D'autres détails de moeurs semblent empruntés à la civilisation
chinoise, et spécialement le Cycle de 10 années, ou peut-être même de 60
ans[7], cycle portant les noms chinois des 10 _kans_, et servant à
marquer les couleurs successives des habits du roi, couleur qu'on devait
changer tous les 2 ans, ainsi que le prescrit pour l'empereur, en Chine,
le chap. _yue-ling_ du _Ly-ky_, ou livre sacré des Rites.

Mais ces cycles prétendus chinois, et qui ont donné les alphabets des
peuples les plus anciens en Syrie, en Phénicie et dans l'Inde, comme
dans la Grèce, ainsi que nous l'avons démontré ailleurs[8], ont pu être
apportés au _Fou-sang_, aussi bien de l'Asie centrale ou de l'Inde que
de la Chine, et ils n'ont jamais été inconnus aux bouddhistes ou
samanéens.

Nous pourrions aussi discuter le son des noms donnés au roi et aux
grands du pays de _Fou-sang_[9]; mais ces discussions nous
entraîneraient trop loin. Nous nous bornons donc à discuter la fin de
cette relation du _Fou-sang_.

«Autrefois, dit _Hoeï-chin_, la religion de Bouddha n'existait pas dans
ce pays; mais sous les _Song_ (en 458 de J.-C., date précisée ici), cinq
_Pi-kieou_, ou religieux du pays de _Ky-pin_ (pays où le P. Gaubil voit
Samarcande, où M. de Rémusat voit l'antique Cophène vers l'Indus),
allèrent au _Fou-sang_, apportèrent avec eux les livres et les images
saintes, le rituel, et instituèrent les habitudes monastiques; ce qui
fit changer les moeurs de ses habitans.»

Aussi, venant en Chine en 499, c'est-à-dire 48 ans après cette
conversion du _Fou-sang_, _Hoeï-chin_, samanéen lui-même, déclare-t-il,
qu'alors les peuples de cette contrée vénéraient les images des esprits,
le matin et le soir, et ne faisaient pas la guerre.

On sait que le prosélytisme est un des devoirs qu'ont à remplir les
religieux Bouddhistes; il n'est donc pas étonnant de les voir partir de
l'Asie centrale, franchir les mers et les pays les plus dangereux, pour
aller convertir les peuples encore sauvages de l'Amérique, pays déjà
bien connu d'eux, et des Arabes et Perses de Samarcande.

C'est ce qu'on ne peut plus révoquer en doute, depuis que M. de Waldeck
a dessiné, dans le _Yucatan_, un temple ou monastère antique, vaste
enceinte carrée, accompagnée de pyramides analogues à celles des
Bouddhistes du Pégu, d'Ava, de Siam et de l'archipel indien, et qu'on
peut étudier dans tous leurs détails.

Une multitude de niches, où figure le Dieu célèbre, _Bouddha_, assis les
jambes croisées, existe à Java, tout autour de l'ancien temple de
_Bourou Bouddha_, et si l'on examine le temple du Yucatan, dont M. de
Waldeck a publié les beaux dessins, on y reconnaît ces mêmes niches où
est assis le même Dieu _Bouddha_, ainsi que d'autres figures d'_origine
indienne_, telles que la tête affreuse de _Siva_, tête aplatie et
déformée, qui surmonte chacune de ces niches.

Nous ne pourrions affirmer cependant que ces temples du Yucatan fussent
aussi anciens que cette relation du _Fou-sang_, pays où l'on ne nous
montre encore que des cabanes en bois; mais, persécutés par les Brahmes
dans l'Inde et le Sind, les Bouddhistes ont dû, à plusieurs reprises,
chercher un asile dans le _Fou-sang_ ou l'Amérique, et peut-être même
fuir à Bogota et jusqu'au Pérou, où les moeurs ont été trouvées si
douces et si analogues à leurs moeurs.

De la même manière, ils adoucissaient les peuples encore sauvages des
îles de l'archipel indien, et des pays compris entre l'Inde et la Chine,
et ils y élevaient ces temples, ces pyramides qu'on y retrouve en
débris, comme à Java, ou encore debout et vénérées, comme dans le Pégu
et Siam.

La Chine avait reçu leur culte peu de tems après notre ère, sous
_Ming-ty_, des _Hans_; la Corée, dès l'an 372 de Jésus-Christ; le
_Fou-sang_, avons-nous dit, en l'an 458; et le Japon, enfin, seulement
en 552, le recevant aussi de la Corée et du royaume de _Pe-tsy_, pays
situé dans cette même contrée de l'Amour et de la Corée, ancien centre
de civilisation.

C'était de la Corée, disent les livres chinois, qu'on allait par _mer_
au pays de _Ta-han_, pour de là cingler à l'est, et arriver en Amérique,
c'est-à-dire au _Fou-sang_. Dans ce voyage on relâchait au Japon, et
sans doute on le contournait pour atteindre, au nord, l'île _Saghalien_,
puis se diriger, à l'est, vers le Kamtchatka ou le _Ta-Han_.

Mais dans la curieuse _Histoire des Chichimèques_, publiée dans la
collection de M. Ternaux, l'auteur, américain d'origine,
_Ixtlilxochitl_, fait venir les Toltèques, par mer, du Japon en
Amérique, abordant par les côtes nord-ouest, et dans des pays à terre
Rouge, tels que le _Rio del gila_, où l'on cite encore un ancien
monument, appellé la maison de Motecuzuma.

Il avait vu, à Mexico, des Japonais envoyés à Rome par les
missionnaires; et dans ces Japonais modernes, il reconnaissait les
traits et le costume des Toltèques dont il parlait; or, il fixait leur
migration au 5e siècle de notre ère. Il se trouve donc parfaitement
d'accord avec les Relations chinoises sur les divers voyages en
Amérique; car on passait par le Japon, nous venons de le dire, quand de
Corée on allait par mer au pays de _Ta-han_, pointe sud du Kamtchatka,
latitude élevée où se rencontrent, on le sait, les vents d'ouest et du
nord-ouest, vents qui poussent tout naturellement vers le _Fou-sang_, ou
l'Amérique du nord, contrée située à l'est.

Monumens bouddhiques au Yucatan; histoires conservées par les Toltèques
du Japon venus en Amérique; relations chinoises du pays de _Ta-han_ et
du _vaste pays de Fou-sang_, et qui nous sont données par les
Bouddhistes, partis de ce pays d'Amérique, et qui _par le Japon_,
venaient en Chine: tout est donc parfaitement d'accord; ce passage, _par
le Japon_, expliquant d'ailleurs comment nous avons pu montrer, dès
1835, que les noms de Nombre et beaucoup de Mots de la langue des
Muyscas sur le plateau de Bogota se retrouvent encore dans la langue
actuelle des Japonnais[10].

De même que les Scandinaves avaient pu, à une époque plus récente,
descendre de la côte nord-est du Nouveau-Monde, et du _Vinland_ fondé
par eux, jusqu'au Brésil dans l'Amérique du sud, où se sont retrouvés de
leurs monumens; de même, mille ans avant les Espagnols, mais débarqués
sur la côte nord-ouest, les Bouddhistes de l'Inde, alors persécutés par
les Brahmes, les peuplades du Japon, et celles des rives de l'Amour,
pays des anciens Hyperboréens, ont pu pénétrer au Mexique, au Yucatan,
au pays de Guatimala et de Palanqué, au royaume de _Cundinamarca_, et
enfin jusqu'au riche et pacifique royaume du Pérou. Le célèbre M. de
Humboldt a très-bien indiqué les rapports de race et de civilisation, de
cycles, moeurs, usages, qui unissaient les peuples de ces dernières
contrées à ceux de la Tartarie et de l'Asie; mais en niant, d'après le
P. Gaubil auquel l'Amérique était peu connue, et d'après M. Klaproth,
l'identité de l'Amérique et du _Fou-sang_, il se privait de ses
meilleurs argumens, et ne pouvait fixer aucune date précise pour ces
migrations.

Nous espérons, s'il lit ce court Mémoire, qu'il rendra plus de justice à
la vérité des aperçus du célèbre M. de Guignes, sinologue profond, dans
les travaux duquel M. Klaproth avait puisé une grande partie de sa
science, et que, _pour cela même_, celui ci n'aurait pas dû tant
décrier!!

Nous avons voulu, dans ce succinct extrait de nos vastes travaux sur
l'Amérique, rendre justice à ce docte et modeste auteur de l'_Histoire
des Huns_. Comme lui aussi, de méprisables coteries nous oppriment; mais
nous espérons qu'un jour, peut-être, on rendra plus de justice à des
recherches qui ont consumé nos plus belles années.

Le cher de PARAVEY.

Août 1843.

NOTES EN BAS DE PAGE:

[1] En lisant cette curieuse dissertation de M. le cher de Paravey, nos
lecteurs ne doivent pas oublier que sa principale importance, pour nous,
est qu'elle fournit les moyens d'expliquer comment quelque connaissance
du Christianisme a pu arriver dans le Nouveau-Monde, beaucoup avant le
voyage des Espagnols; et comment, par conséquent, on a pu trouver des
souvenirs de la Bible au Mexique, des _croix_ et autres symboles
chrétiens sur les monumens découverts à _Palenqué_ et ailleurs. C'est
donc une bonne fortune pour nous que le nouveau travail de M. de
Paravey, et nous l'insérons avec plaisir. (_Note du Directeur des
Annales de philosophie chrétienne_).

[2] Voir à la fin de la présente dissertation cette relation du
_Fou-sang_, extraite de cette réfutation de M. Klaproth.

[3] _Mémoires concernant les Chinois_, t. XV, p. 450.

[4] _Ib._, t. XV, p. 453.

[5] _Hist._, l. III, 18.

[6] Voir sur le Lotus _sacré_ type de l'Egypte, Gramm. _égypt_. de
Champol, et les _Annales de philosophie chrétienne_, t. VII, p. 343, 3e
série.

[7] M. de Humboldt, en effet, a signalé chez les Muyscas du Plateau de
Bogota en Amérique, l'usage du cycle de 60 ans et des institutions
analogues à celles du Bouddhisme du Japon.

[8] Voir notre essai sur l'origine unique et hiéroglyphique des chiffres
et des lettres. Paris, 1826, chez Treuttel et Wurtz, et dans les
_Annales_, t. x, p. 8, l'article _Origine japonaise des Muyscas_, où se
trouvent les figures de ces cycles, p. 109.

[9] Le titre du roi était _I-ky_, son qui rappelle le nom des _Hic-sos_,
venus d'Asie, rois pasteurs d'Égypte; et la finale _Ric_, des noms des
rois goths, aussi venus du nord de l'Asie; et peut-être encore celui de
_Cacique_, des chefs des îles d'Amérique, comme celui des _Arikis_, ou
rois des îles de l'Océanie.

[10] C'est la _Dissertation sur les Muyscas_, insérée dans les
_Annales_, et citée plus haut. Elle a été aussi publiée à part sous le
titre de _Mémoire sur l'origine japonaise des peuples du plateau de
Bogota_. Chez Treuttel, à Paris.



APPENDICE.

RELATION DU PAYS DE FOU-SANG,

Faite par un prêtre Bouddhique nommé _Hoeï-chin_ au 5e siècle de notre
ère, et extraite des grandes Annales de la Chine.

(Avertissement de M. Klaproth).


Le célèbre de Guignes, ayant trouvé dans les livres chinois la
description d'un pays situé à une grande distance à l'orient de la
Chine, à ce qu'il lui sembla, crut que cette contrée, nommée _Fou-sang_,
pouvait bien être une partie de l'Amérique. Il a exposé cette opinion
dans un mémoire lu à l'académie des inscriptions et belles-lettres, et
intitulé _Recherches sur les navigations des Chinois du côté de
l'Amérique, et sur plusieurs peuples situés à l'extrémité orientale de
l'Asie_[11].

Il faut d'abord observer que ce titre est inexact. Il ne s'agit
nullement dans l'original chinois que de Guignes a eu devant les yeux
d'une navigation entreprise par les Chinois au _Fou-sang_; mais, comme
on verra plus bas, il est simplement question d'une notice de ce pays
donnée par un religieux qui en était originaire et qui était venu en
Chine. Cette notice se trouve dans la partie des grandes Annales de la
Chine[12] intitulée _Nan-szu_, ou _Histoire du midi_. Après la
destruction de la dynastie de _Tsin_, en 420 de J.-C., la Chine fut
pleine de troubles, dont il résulta l'établissement de deux empires,
l'un dans les provinces septentrionales, l'autre dans celles du midi.
Ce dernier a été successivement gouverné, de 420 jusqu'en 589, par les
quatre dynasties des _Soung_, des _Thsi_, des _Liang_ et des _Tchhin_.
L'histoire de ces deux empires a été rédigée par _Li-yan-tcheou_, qui
vivait vers le commencement du 7e siècle. Voici ce qu'il dit du
_Fou-sang_[13].

«Dans la première des années _young-yuan_, du règne de _Fi-ti_ de la
dynastie de _Thsi_, un _cha-men_ (ou prêtre bouddhique), nommé
_Hoeï-chin_, arriva du pays de _Fou-sang_ à _King-tcheou_[14]; il
raconte ce qui suit:

»Le _Fou-sang_ est à 20,000 li à l'est du pays de _Ta-han_, et également
à l'orient de la Chine. Dans cette contrée, il croît beaucoup d'arbres
appelés _Fou-sang_[15], dont les feuilles ressemblent à celles du
_Thoung_ (_Bignonia tomentosa_), et les premiers rejetons à ceux du
bambou. Les gens du pays les mangent. Le fruit est rouge et a la forme
d'une poire. On prépare l'écorce de cet arbre comme du chanvre, et on en
fait des toiles et des habits. On en fabrique aussi des étoffes à
fleurs. Les planches du bois servent à la construction des maisons, car
dans ce pays il n'y a ni villes, ni habitations murées. Les habitans ont
une écriture et fabriquent du papier avec l'écorce du _Fou-sang_. Ils
n'ont ni armes ni troupes, et ne font pas la guerre. D'après les lois du
royaume, il y a une prison méridionale et une septentrionale. Ceux qui
ont commis des fautes peu graves sont envoyés dans la méridionale, mais
les grands criminels sont relégués dans la septentrionale. Ceux qui
peuvent recevoir leur grâce sont envoyés à la première, ceux au
contraire auxquels on ne veut pas l'accorder sont détenus dans la prison
du nord[16]. Les hommes et les femmes qui se trouvent dans celle-ci
peuvent se marier ensemble. Les enfans mâles qui naissent de ces
réunions sont vendus comme esclaves à l'âge de 8 ans, les filles à l'âge
de 9 ans. Jamais les criminels qui y sont enfermés n'en sortent vivans.
Quand un homme d'un rang supérieur commet un crime, le peuple se
rassemble en grand nombre, s'assied vis-à-vis du criminel placé dans une
fosse, se régale d'un banquet, et prend congé de lui comme d'un
mourant[17]. Puis on l'entoure de cendres. Pour un délit peu grave, le
criminel est puni seul; mais, pour un grand crime, le coupable, ses fils
et les petits-fils sont punis; enfin, pour les plus grands méfaits, ses
descendans, jusqu'à la 7e génération, sont enveloppés dans son
châtiment[18].

»Le nom du roi du pays est _Y-khi_ (ou _Yit-khi_)[19]; les grands de la
première classe sont appelés _Toui-lou_, ceux de la seconde les _petits
Toui-lou_, et ceux de la troisième _Na-tu-cha_. Quand le roi sort, il
est accompagné de tambours et de cors. Il change la couleur de ses
habits à différentes époques; dans les années du cycle _kia_ et
_y_[20], ils sont bleus; dans les années _ping_ et _ting_[21], rouges;
dans les années _ou_ et _ki_[22], jaunes; dans les années _keng_ et
_sin_[23], blancs; enfin dans celles qui ont les caractères _jin_ et
_kouei_[24], ils sont noirs[25].

»Les boeufs ont de longues cornes, sur lesquelles on charge des fardeaux
qui pèsent jusqu'à 20 _ho_ (à 120 livres chinoises). On se sert dans ce
pays de chars attelés de boeufs, de chevaux et de cerfs[26]. On y
nourrit les cerfs comme on élève les boeufs en Chine; on fait du fromage
avec le lait des femelles[27]. On y trouve une espèce de poire rouge qui
se conserve pendant toute l'année. Il y a aussi beaucoup de vignes[28];
le fer manque, mais on y rencontre du cuivre; l'or et l'argent ne sont
pas estimés. Le commerce est libre et l'on ne marchande pas.

»Voici ce qui se pratique aux mariages. Celui qui désire épouser une
fille établit sa cabane devant la porte de celle-ci; il y arrose et
nettoie la terre tous les matins et tous les soirs. Quand il a pratiqué
cette formalité pendant un an, si la fille ne donne pas son
consentement, il la quitte; mais si elle est d'accord avec lui, il
l'épouse. Les cérémonies de mariage sont presque les mêmes qu'en Chine.
A la mort du père ou de la mère, on s'abstient de manger pendant sept
jours. A celle du grand-père ou de la grand'mère, on se prive de
nourriture pendant cinq jours, et seulement pendant trois à la mort des
frères, soeurs, oncles, tantes et autres parens. Les images des esprits
sont placées sur une espèce de piédestal, et on leur adresse des prières
le matin et le soir[29]. On ne porte pas d'habits de deuil.

»Le roi ne s'occupe pas des affaires du gouvernement pendant les trois
années qui suivent son avénement au trône[30].

»Autrefois, la religion de Bouddha n'existait pas dans cette contrée.
Ce fut dans la 4e des années _Ta-ming_, du règne de _Hiao-wou-ti_ des
Soung (458 de J.-C.) que cinq _Pi-khieou_ ou religieux du pays de
_Ki-pin_ (Cophène) allèrent au _Fou-sang_ et y répandirent la loi de
Bouddha; ils apportèrent avec eux les livres et les images saintes, le
rituel et instituèrent les habitudes monastiques[31], ce qui fit changer
les moeurs des habitans[32].»

                               KLAPROTH.

A l'appui de ses idées, M. De Guignes a aussi traduit un autre passage
du _Nan-szu_, qui donne la route, par mer, de la _Corée_ au pays de
_Ta-han_. M. Klaproth traduit également ce passage, et il dit, en le
rectifiant sur quelques points: «On partait alors de _Ping-yang_,
ancienne capitale des Coréens, sur la côte ouest de ce royaume; on
cotoyait cette presqu'île, et après une navigation de 12,000 lys, on
arrivait au Japon. De là, une route de 7,000 lys vers le nord amenait au
pays de _Wen-chin_, ou des hommes peints, tatoués; et enfin, après une
navigation de 5,000 lys vers l'Orient, on atteignait le pays de
_Ta-han_,» pays où M. Klaproth, à tort avons-nous dit, voit seulement la
grande île _Saghalien_.

Mais en appliquant à ce routier par mer la même échelle de lys que lui a
donnée la distance de Persépolis à Sy-ngan-fou, M. de Paravey trouve en
effet 5,000 lys au nord-est, entre les _Bouches de l'Amour_, ou la fin
de l'île _Saghalien_, pays de _Wen-chin_ de ce routier, et la pointe sud
du Kamtchatka, ou du _Ta-han_; et il trouve également 7,000 lys au nord
entre _Iedo_, capitale du Japon, et ces mêmes _Bouches de l'Amour_.

Le routier est donc exact entre ces deux parties; et s'il compte d'abord
12,000 lys par mer entre le Japon et la capitale de la côte ouest de la
Corée (ce qui est évidemment une trop grande distance), c'est qu'en
allant au Japon on allait d'abord toucher aux îles _Lieou-kieou_, qui
sont en effet situées à 5,000 lys du Japon, et 7,000 de la Corée; on
faisait ce détour ou bien on comptait ici de très petits lys; mais le
_Ta-han_, n'en est pas moins le Kamtchatka. Et, dans toutes les
hypothèses, le _Japon_, ici indiqué par son nom, pays parfaitement
connu, n'a pu renfermer le _Fou-sang_ comme le veut M. Klaproth[33].

7 mars 1844.
                 Cher de PARAVEY.


NOTES EN BAS DE PAGE:

[11] Voyez _Mémoires de l'Académie royale des inscriptions et
belles-lettres_, vol. XXVIII, p. 505 à 525.

[12] Ce sont les _Nian-eul-szu_, ou les 22 historiens, dont les ouvrages
forment une collection de plus de 600 volumes chinois, et qu'il ne faut
pas confondre avec les Annales intitulées _Thoung-kian-kang-mou_, qu'on
connaît en Europe par le maigre extrait que le P. Mailla en a donné en
12 volumes in-4o.

[13] Le célèbre _Ma-touan-lin_, si estimé par M. Rémusat, a aussi donné
cette relation dans son _Wen-hien-tong-kao_ avec de légères variantes,
et c'est là que M. De Guignes l'a traduite; elle se trouve également
répétée, dans la célèbre encyclopédie chinoise, intitulée
_Youen-kien-touy-han_, où nous l'avons trouvée à Londres en 1830; et
dans le _Pian-y-tien_, ou géographie des peuples étrangers; et tous ces
ouvrages, fort estimés, existent à Paris.

(_Note de M. de Paravey_).

[14] _King-tcheou_ est une ville du premier ordre, située sur la gauche
du grand _Kiang_ dans la province actuelle de _Hou-pe_. Cette date
répond d'ailleurs à l'an 499 de J.-C.

[15] _Fou-sang_, en chinois et selon la prononciation japonaise,
_Fouts-sôk_, est l'arbrisseau que nous nommons _Hibiscus rosa
chinensis_.--Voir ces Caractères dans la Dissert de M. de Paravey,
ci-dessus, p. 102.

M. de Paravey, à leur égard, fait observer encore, que le P.
_Gonçalvès_, dans son _Dict. portugais-chinois_, fort estimé, traduit ce
nom _Fou-sang_ par _Papoula cornuda_, ou aussi _Argémone_ du _Mexique_.
Ce savant missionnaire y voyait donc une plante ou un arbuste
d'Amérique; et cette seule observation pourrait prouver que le
_Fou-sang_ propre répondait à quelque partie du _Mexique_.

[16] De Guignes a assez mal rendu ce passage de cette manière: «Les plus
coupables sont mis dans la prison du nord, et transférés ensuite dans
celle du midi, s'ils obtiennent leur grâce; autrement ils sont condamnés
à rester pendant toute leur vie dans la première.»

[17] De Guignes traduit ces derniers mots par «on le juge ensuite.»

[18] Ces lois pénales sont celles que l'on a suivies de tout tems en
Chine et dans les pays de l'Asie qui ont dépendu de la Chine. (_De
Par._)

[19] De Guignes a mal lu _Y-chi_.

[20] Les années 1, 11, 21, 31, 41 et 51 du cycle de 60 ans portent le
caractère _kia_; les années 2, 12, 22, 32, 42 et 52 ont le caractère
_y_.

[21] _Ping_, 3, 13, 23, 33, 43 et 53; _ting_, 4, 14, 24, 34, 44 et 54.

[22] _Ou_, 5, 15, 25, 35, 45 et 55; _ki_, 6, 16, 26, 36, 46 et 56.

[23] _Keng_, 7, 17, 27, 37, 47 et 57; _sin_, 8, 18, 28, 38, 48 et 58.

[24] _Jin_, 9, 19, 29, 39, 49 et 59; _kouei_, 10, 20, 30, 40, 50 et 60.

[25] M. Klaproth reconnaît donc ici l'existence au _Fou-sang_, du cycle
de 60 ans des Chinois; mais le recueil du P. _Souciet_ montre qu'il
existe aussi aux Indes; et dans le _Journal asiatique_ de Paris, M. de
Paravey a montré qu'il commençait dans l'Inde et en Chine précisément en
la même année. Les Bouddhistes de l'Inde ou du nord de l'Asie-Centrale
avaient donc pu le porter dès lors au pays de _Fou-sang_, en Amérique et
au Mexique. (_De Par._)

[26] Dans l'Inde, on le sait, ce sont surtout les _boeufs_ qu'on attelle
aux chars, et, au Kamtchatka, ce sont les rennes, espèce de cerfs, qui
tirent les _traineaux_.  (_De Par._)

[27] De Guignes traduit: «Les habitans élèvent des biches comme en
Chine, et ils en tirent du beurre.»

[28] Il y a dans l'original _To-Phou-thao_. De Guignes ayant décomposé
le mot _Phou-thao_, traduit: «On y trouve une grande quantité de
glayeuls et de pêches.» Cependant le mot _Phou_ seul ne signifie jamais
_glayeul_, c'est le nom des joncs et autres espèces de roseaux de
marais, dont on se sert pour faire des nattes. _Thao_ est en effet le
nom de la pêche, mais le mot composé _Phou-tao_ signifie en chinois la
vigne. A présent il s'écrit avec d'autres caractères, mais ceux employés
ici sont l'ancienne orthographe du tems des _Han_, qui a prévalu
jusqu'au 10e siècle de notre ère. La vigne n'est pas une plante
originaire de la Chine, les grains en ont été importés par le célèbre
général _Tchang-kian_, envoyé en 126 avant notre ère dans les pays
occidentaux. Il parcourut l'Afghanistan de nos jours et la partie
nord-ouest de l'Inde, et revint en Chine après 13 ans d'absence. Le
terme _Phou-thao_ n'est pas originaire de la Chine, de même que l'objet
qu'il désigne, il n'est vraisemblablement que la transcription
imparfaite du mot grec [Greek: botrys]. Les Japonais le prononcent
_Bou-dô_; ils donnent ordinairement à la vigne le nom de
_Yebi-kadzoura_, composé de _yebi_, écrevisse de mer, et de _kadzoura_,
nom général des plantes grimpantes qui s'attachent aux arbres voisins.

Dans le texte, M. Klaproth, malgré tout ce qu'il dit dans cette note,
devait traduire, comme nous l'avons fait dans notre mémoire, les mots
_Pou-tao_, qu'il prononce _Phou-thao_, par _raisins_, et non pas par le
mot _vignes_, qui chez nous, entraîne l'idée de _culture_. Les bois de
l'Amérique du nord et du nord-ouest abondent en raisins sauvages, comme
le dit le Samanéen; mais on n'a pas trouvé en Amérique des vignes
cultivées, et ce texte, en effet, n'en parle pas. (_De Par._)

[29] De Guignes traduit: «Pendant leurs prières ils exposent l'image du
défunt.» Le texte parle du _chin_ ou génies, et non pas des âmes des
défunts.

[30] C'était aussi l'antique usage en Chine et dans l'Indo-Chine. (_De
Par._)

[31] Dans l'original _tchu-kia_, c'est-à-dire «quitter sa maison ou sa
famille» ou «embrasser la vie monastique.»--De Guignes n'a traduit que
le commencement de ce paragraphe.

[32] Extrait du no de juillet-août 1831 des _Nouvelles annales des
voyages_, 2e série, tome XXI, p. 53.

[33] Un mot seul, quand il est bien choisi, vaut parfois une
démonstration. Dans le dictionnaire de la langue du Mexique, par le P.
_Molina_, dictionnaire conservé au _British museum_ à Londres, nous
avons trouvé que le mot _Lama_, ou _Llama_, exprimait le nom des
médecins chez les Mexicains; et personne n'ignore qu'au Thibet et en
Tartarie les _Lamas_, ou prêtres bouddhistes, sont en même tems les
_médecins_ de ces contrées si peu connues, par où l'on devait, des
Indes, se rendre au _Fou-sang_.  (_De Par._)



Planche 50.

[Illustration: ROYAUME

_DU_

FOU-SANG.

  FOU.
  SANG.
  KOUE.

Homme du Royaume du Fou-Sang, qui trait une Biche tachetée comme on en a
trouvé en Amérique.

Extrait du Pian-y-hen t. V. liv. 41.

Figure d'un des 8 Bouddhas sous une tête d'Homme lyphonien ou de Siva,
trouvé à Uxmal au Yucatan.]

Annal. de Phi. chrét. IIIe Série. Nº. 90. t. XV. p. 449.

Lith. Desportes à l'Ins. des S. M.



NOUVELLES PREUVES

QUE LE PAYS DU FOU-SANG

MENTIONNÉ DANS LES LIVRES CHINOIS

EST L'AMÉRIQUE.

_A monsieur le directeur propriétaire des Annales de philosophie
chrétienne._


Monsieur,

En attendant qu'il se trouve en France un ministère qui sente la haute
importance de la Perse, de l'Inde et de la Chine, et qui veuille
organiser convenablement cette _Société asiatique_, dont j'ai été, avec
MM. de Sacy et de Chézy, un des fondateurs; en attendant qu'on alloue
des fonds convenables à cette Société, qu'on lui donne un local spécial
et un bibliothécaire; qu'on la dote pour président d'un homme, qui,
comme lord Aukland, directeur de la Société asiatique de Londres,
puisse, par sa richesse et son influence, grouper et utiliser tous les
orientalistes instruits, _mais divisés entre eux_, qui existent à Paris
et en France, je me plais à donner à votre _Journal_, parce qu'il n'est
soumis à aucune commission, à aucune coterie, qu'il a fait déjà beaucoup
de bien, depuis 17 ans qu'il existe, et qu'il en fera encore, _mes
Essais divers_, fort imparfaits, je le sens, mais dont la réunion
formera un jour une masse de faits aussi nouveaux que positifs.

Avec votre esprit judicieux, vous avez senti la force de mes _Tableaux
de l'origine des lettres_, dont jamais le _Journal asiatique_ de Paris
n'a voulu dire un seul mot; qu'avait approuvés cependant le célèbre
docteur Young, et dont s'est servi M. Princeps.

En 1844 vous avez donné ma _Dissertation sur l'Amérique_, ou _le
Fou-sang_[34]. Vous publiez avec raison, les analyses d'ailleurs utiles
et bien faites des travaux sur l'_Orient_ que donne tous les ans M.
_Mohl_, dans le _Journal asiatique_, et je vous remercie d'avoir rappelé
en note, sur celle de 1845, que moi aussi, j'avais traité la question
délicate et importante de ce lieu célèbre du _Fou-sang_[35].

M. _Walcknaër_ m'a dit que M. _Rémusat_ avait traduit pour lui, les
textes chinois sur le _Fou-sang_; j'ignore si M. _Walcknaër_, ce
géographe érudit, a exprimé une opinion à cet égard; j'ignore aussi ce
que pense à ce sujet le savant vicomte de _Santarem_, mais ce que je
sais, ce que je vous prie de publier, c'est que M. _Newman_, cité par M.
Mohl, n'a publié, en 1845, sa _Dissertation à Munich_, qu'après m'avoir
vu, _à Londres_ en 1830-1831, à son retour de la Chine, et après avoir
su par M. _Huttman_, alors secrétaire de la Société asiatique de
Londres, que je m'occupais d'un travail étendu sur cette relation du
_Fou-sang_, dont j'avais retrouvé en Angleterre le texte chinois,
accaparé à Paris par M. Klaproth.

Il en est de même de M. d'_Eichthal_, cité par M. Mohl. A la _Société
asiatique_, (septembre 1840) et à la _Société de géographie_ aussi, M.
d'Eichthal a pu, en 1840, entendre une _note_ que j'ai lue sur ce pays,
et voici les calques que j'y ai présentés des figures de _Bouddha_ et de
_Siva_, reconnues par moi, le premier, au _Yucatan_, dans le bel ouvrage
de M. de Waldeck, sur les ruines d'Uxmal[36]. Vous avez vous-même alors,
vu ces divers calques et ces dessins, et M. Burnouf fils y a reconnu
comme moi, et d'après moi, les figures de _Bouddha_ et de _Siva_.

Comment se fait-il que M. Mohl ait ignoré ces faits très publics à cette
époque? comment se fait-il qu'il les ait attribués à M. d'_Eichthal_,
sans me nommer? J'ignore tout-à-fait pourquoi[37].

Je ne connais encore ni le _Mémoire de M. d'Eichthal_, ni la
_Dissertation de M. Newman_, qui date seulement de 1845, la mienne étant
de 1843 et 1844 dans votre journal, et je suis le premier à vous prier,
monsieur, de les faire traduire ou analyser; car le sujet est fort
important, je le répète.

Déjà Bernardin de Saint-Pierre, dans ses _Harmonies de la nature_, avait
indiqué ces migrations _vers l'est_, des peuples de l'Inde et de
l'Océanie, arrivant ainsi vers l'Amérique du nord et le Pérou, et M.
l'amiral de Rossel, navigateur célèbre, savant aimable et loyal, avait
cité les _îles Sandwich_, comme point de relâche antique, entre les
Indes, la Chine et l'Amérique, ainsi que cela se renouvelle en ce jour.

M. de Saint-Pierre[38], avait parlé aussi de nombreux rapports trouvés
par un auteur déjà ancien, entre le _Malais_ et le _Péruvien_. Et mes
nombreux extraits du _Dictionnaire de la langue Qquichua_ du Pérou,
dictionnaire conservé à la Bibliothèque du roi à Paris, ont confirmé ces
rapports avec le Malais parlé à _Java_. M. d'_Eichthal_ est donc entré
dans une bonne voie; mais j'avais la priorité, et M. d'_Avezac_, à qui
j'ai souvent parlé de ces matières, a pu l'en entretenir aussi et lui
signaler mes lectures.

Vous parlant ici de ma _Dissertation sur le Fou-Sang_ qui, avant d'être
imprimée, avait motivé en 1831, celle de M. _Klaproth_[39], comme je
l'ai exposé dans mon mémoire; permettez-moi, monsieur, de la corriger
par quelques notes nouvelles et fort importantes. J'avais dit que les
navires du _Kamtchatka_, construits en ce lieu par les Bouddhistes venus
là du _Caboul_, devaient les porter en Amérique, vers les bouches de la
_Colombia_: mais, écrivant loin de mes livres, et sans globe terrestre,
j'avais remonté, en 1844, le point de leur arrivée un peu trop haut vers
le nord.

Le bel ouvrage de M. Duflot de Mofras, sur l'_Orégon_[40], ouvrage que
je viens de lire et d'analyser, m'a conduit au port excellent de
_San-Francesco_, au sud de la Colombie, pour ce point d'arrivée des
Indiens bouddhistes, _du Caboul_.

D'après l'échelle de 1,500 lys, comptés par les Chinois entre la Perse
et la ville de _Sy-ngan-fou_, comme aussi évalués entre cette ville, et
la pointe sud du _Kamtchatka_, ou du _Ta-han_, la distance de 20,000 lys
entre le _Kamtchatka_ et le _Fou-sang_, mesurée sur un globe terrestre,
arrive précisément en ce point, et M. de Mofras[41] dit que les vents du
_nord-ouest_ régnent une grande partie de l'année à _San-francesco_ et y
amènent facilement quand on vient de la côte nord-est d'_Asie_.

Là, les navires entraient sans périls, au lieu que la barre de la bouche
de la _Colombia_, est très difficile à franchir, du moins pour de grands
navires; mais cependant aussi, cette entrée naturelle du beau pays de
l'_Orégon_ a dû être connue des anciens.

En effet, dans la figure, des Américains à demi-vétus, à demi-policés du
_Fou-sang_, que donne le _Pian-y tien_, et aussi l'_Encyclopédie
chinoise_, et que nous reproduisons ici avec une explication (voir
ci-après notre _planche_ 50 et l'_appendice_ C), on voit cet indigène,
_traire une jeune biche à mouchetures blanches_, et son faon est
également moucheté. J'avais en vain cherché cette nature de _biches
mouchetées_ en Amérique, mais en relisant M. de Humboldt, j'ai vu que le
_Cervus mexicanus_ de Linnée était aussi _moucheté_, comme nos
chevreuils d'Europe, et surtout était ainsi dans sa _jeunesse_: et cette
espèce de cerfs se trouve en Amérique et au Mexique, en troupeaux
immenses, dit M. de _Humboldt_[42], aussi bien qu'un grand cerf, pareil
aux nôtres, et souvent entièrement blanc, cerf qui se voit dans les
_Andes_, où il vit en troupes également.

Ce dernier rappelle donc les biches blanches et privées, dont les
Indiens de l'_Himalaya_ tiraient leur lait, nous dit _Philostrate_, dans
sa _Vie d'Apollonius de Tyane_; car, ces individus étant bouddhistes,
ils devaient se priver de _viandes_ et vivre de fruits et de laitages.

La relation du _Fou-Sang_, parle aussi de boeufs aux cornes fort
longues, et domptés par les naturels de cette contrée; or, M. de
Humboldt dit[43] que les bisons du _Canada_ peuvent se soumettre au
joug, et produisent avec nos _boeufs d'Europe_.

Ces bisons pèsent jusqu'à 2,000 livres et plus, mais leurs cornes sont
petites; tandis qu'on a trouvé, dit-il, vers _Cuernavaca_, au
_sud-ouest_ de Mexico, dans des monumens en ruine, _des cornes de boeuf
monstrueuses_.

Il rapporte ces cornes à celles du _boeuf musqué_, du nord extrême de
l'Amérique; mais M. de Castelnau, vers l'Amazône et le Paraguay, dans sa
courageuse exploration, vient de retrouver ces boeufs _aux cornes fort
longues_, outre une autre espèce aux _petites cornes_, qui erre avec
elle et dans les mêmes steppes.

La _relation du Fou-sang_ est donc justifiée encore en ce point, et il y
a eu certainement quelque faute dans le texte, quand on y dit, que _sur
ces longues cornes_, _ces boeufs_ portent des _poids de_ 20 HO _poids_
de 120 livres chaque, c'est-à dire un poids total de 2,400 _de nos
livres_!!! On devait dire qu'ils pesaient _par tête_, au moins 2,400
livres, et non pas que cette charge énorme était posée sur leurs cornes;
ce qui serait impossible.

Les chevaux que cite cette relation semblent seulement avoir manqué en
Amérique; mais les _Patagons_, vrais Tartares, sont toujours à cheval,
et rien ne prouve qu'ils n'aient sauvé chez eux quelques-uns des chevaux
que virent les bonzes indiens au _Fou-sang_, et que les navires du
Kamtchatka y avaient peut-être apportés de Tartarie.

Je vous donnerai quelque jour, un mémoire sur les peuples du nord
extrême de l'Asie, _à grands navires et à nuits presque nulles_ en été.

Plus savant cent fois que M. Klaproth, M. de Guignes le père a déjà
indiqué par quelques mots, dans son _mémoire_ sur le _Fou-sang_, ce
peuple aux _grands navires_, et dont le nom _Ku-tou-moey_, c'est-à-dire
_à nuits très-courtes en été_, indique la position vers le cercle
arctique.

Il en est question dans l'ouvrage intitulé: _Wen-hien-tong-kao_ du
docteur _Ma-tuon-lin_; j'en ai extrait ce qu'il en dit.

J'ai montré ailleurs que le passage d'Europe vers l'Amérique, au nord de
la Sibérie, avait dû être alors praticable, cette mer se comblant par
les détritus des grands fleuves qui y tombent, et par cela même se
glaçant de plus en plus chaque jour; car, on le sait, les mers profondes
ne gèlent pas. Tout ceci offre des questions nouvelles et importantes,
et votre Journal, utile et grave, fera bien de les traiter
successivement.

Agréez, etc.

Saint-Germain, ce 24 avril 1847,

  Cher de PARAVEY,
  Du corps royal du génie et l'un des fondateurs
  de la Société royale asiatique.

NOTES EN BAS DE PAGE:

[34] Voir t. IX, p. 101 (3e série) des _Annales_.

[35] Voir notre n° 87, ci-dessus, p. 219.

[36] Voir une figure de ce _Bouddha_ dans notre planche.

[37] Voyez à ce sujet notre lettre à l'Académie, ci-après appendice A,
et l'appendice B.

[38] _Études de la nature_, étude XI et note 49, édition 1836, 1er
volume.

[39] Cette dissertation de M. Klaproth a été aussi insérée dans les
_Annales_ à la suite de celle de M. de Paravey, t. IX, p. 116, année
1844.

[40] Paris, 1844.

[41] Note 28, t. I, p. 171, _Tableaux de la nature_, traduction
d'_Éyriés_.

[42] Tome I, note 28.

[43] Voir _Tableaux de la nature_, p. 90 et 157, note 5.



APPENDICE A.

RELATIF AU MÉMOIRE DE M. D'EICHTHAL CITÉ PAR M. MOLH.


2.--Preuve donnée dès 1840 de l'introduction du culte de Bouddha en
Amérique, par le moyen des Indiens du Caboul.

A Monsieur le président de l'Académie des sciences,

En l'an 458 de notre ère, des Bonzes indiens, partant du centre de
l'Asie, ont-ils été en Amérique par le _Kamtchatka_ et le nord-ouest du
nouveau-monde, pour y convertir les peuples qui y existaient, et dont
ils connaissaient dès lors l'existence?

C'est ce qu'à affirmé le docte M. _de Guignes_ le père[44], dans les
_Mémoires de l'Académie des Inscriptions_, où il a donné la traduction
du voyage de ces Bonzes indiens, tiré des grandes _Annales_ de la Chine.

C'est ce que M. Klaproth et M. de Humboldt ont nié postérieurement,
s'appuyant sur quelques doutes du savant père Gaubil, qui n'avait pas
assez étudié cette question. C'est ce que je viens affirmer; ce dont je
n'ai jamais douté, m'étant entretenu à ce sujet avec le savant amiral M.
de Rossel, et ayant étudié à fond le _mémoire_ de M. _de Guignes_, sur
ce voyage et les navigations des Chinois vers le célèbre pays oriental
qu'ils nomment le pays du _Fou-sang_ (et qu'ils mettent à 2,000 lieues à
l'est des côtes de leur empire et de la Tartarie). Mais comme mes
simples assertions ni celles des autres ne seraient pas plus admises que
ne l'a été le beau travail de M. de Guignes le père; comme à l'Académie
des sciences on veut des faits et non des phrases; j'apporte ici des
monumens d'une partie de l'Amérique centrale, encore à peu près
inconnue, au moins sous le rapport des antiquités, monumens que j'ai
montrés à la _Société asiatique_ de Paris, à M. Burnouf fils et à M. le
chevalier Jaubert, et qu'ils ont reconnus avec moi purement bouddhiques.

Chez M. le baron Van der Cappellen, près Utrecht, en Hollande, j'ai vu,
rapportés des Indes par lui, des dessins en grand du temple de
_Bourou-Bouddhou_, à Java: temple antique, circulaire, orné de milliers
de petites niches élégantes, où figure le célèbre dieu indien _Bouddha_,
assis avec les jambes croisées et surmonté, dans le haut de chaque
niche, de la tête monstrueuse et déformée de _Siva_.

Je pourrais montrer les mêmes idoles dans l'antique Égypte et à Axum, en
Abyssinie; mais, en parcourant le bel ouvrage du peintre habile, M.
Waldeck, élève distingué de David, envoyé au _Yucatan_, par le généreux
et malheureux lord _Kingsborough_, j'ai été frappé de voir, sur la
façade du sud du vaste palais quarré des ruines d'_Uxmal_, ruines que M.
Waldeck a dessinées près de _Mérida_, huit niches du _Bouddha indien_,
figuré assis comme à _Java_ dans les Indes, et avec le front décoré de
grossiers rayons, et de voir en outre, une tête humaine monstrueuse et
applatie, qui surmonte la niche quarrée et la cabane ou maison où est
assis ce Bouddha indien. On peut voir cette figure dans le dessin que je
donne ici. La ressemblance de ces _Bouddha_ du _Yucatan_ avec la figure
des _Bouddha de Java_, publiée dans Crawfurd, _Archipel indien_ (t. II,
p. 206), est telle, que M. Burnouf a cru d'abord mes calques du palais
antique d'_Uxmal_, au _Yucatan_, calques faits d'après la pl. XVII de M.
_Waldeck_, d'origine purement Indienne et Siamoise, et non Américaine.

M. Burnouf sait que le culte du monstrueux _Siva_ accompagne, même à
_Siam_, et dans le _Népaul_, le culte plus doux de _Bouddha_; et que
souvent leurs images sont accouplées, comme au temple de
_Bourou-Bouddhou_ de l'antique Java, archipel indien: et comme dans
l'Égypte antique, on accouple partout _Typhon_ et le _jeune Horus_.

Retrouver, _au centre de l'Amérique_, ces deux figures accouplées aussi,
copiées exactement, et ornant au nombre de huit la façade sud d'un
temple orienté, démontre ce me semble entièrement la vérité du voyage au
_Fou-sang_ (en 458 de Jésus-Christ), traduit du chinois par M. de
Guignes, et attribué à cinq bouddhistes partis du _Ky-pin_ ou de la
_Cophène_, c'est-à-dire du pays de _Caboul_ dans les Indes.

Dans les _Annales de philosophie chrétienne_, t. XII, p. 441, où l'on
donne une analyse des _Antiquités du Mexique_, par Dupaix; on cite les
recherches qu'il fit à _Zachilla_, capitale de l'ancien royaume des
_Zapotèques_, et qui lui offrirent, sur un rocher, l'empreinte d'un
_pied gigantesque_, empreinte où M. de Paravey voit une imitation de
celle que l'on va vénérer sur le _pic d'Adam_, à Ceylan, et dont les
peuples d'Ava et du Pégu, au culte bouddhique, ont aussi des imitations
analogues; en outre, le colonel Dupaix trouva en ce lieu, une idole
_assise_, les mains croisées sur la poitrine, et qui ne pouvait être
qu'une des figures de _Sakia_ ou _Bouddha_, comme celle que l'on donne
ici.

Là, suivant le _Voyage des Samanéens_, traduit depuis, par M. Rémusat,
fut le centre du _bouddhisme_, et des monstrueuses idolatries de l'Inde,
altérations déplorables du culte pur, fondé dans l'Indo-Perse, par
_Sem_, où nous voyons le célèbre _Heou-tsy_ des chinois[45].

Là, on faisait deux planètes imaginaires de _Ragou_ et _Cetou_, tête et
queue du dragon, noeuds de la lune, cause des éclipses et lieu des
conjonctions; _et ces dragons sont figurés en grand, sur la façade ouest
du palais d'Uxmal au Yucatan_, étant _entrelacés_ et formant des noeuds,
et ayant des plumes au lieu d'écailles, c'est-à-dire étant _aériens_.
Tout ceci tient à une ancienne astronomie hiéroglyphique, où les
spirales du soleil, dans sa marche apparente d'un tropique à l'autre,
étaient rendues par un dragon ou par un vaste boa, chose toute naturelle
comme _image_.

Ainsi, on écrivait en Chinois, ancien Babylonien, _Soleil mangé par le
dragon_ ou le serpent, _pour éclipse du soleil_; _Lune mangée par le
dragon_, pour _éclipse de lune_.[46] Mais on savait calculer les
éclipses, et le peuple grossier, croyait seul, _en faisant du bruit_,
faire fuir ce dragon imaginaire, ce boa à plumes, c'est-à-dire aérien.

Retrouver la peinture en grand de ces superstitions chinoises et
indiennes à _Uxmal_, dans _l'Yucatan_; y voir retracé avec toute
évidence le _Bouddha de Java_, île qui offre aussi, à _Suku_, un
téocalli ou temple antique et pyramidal, pareil à celui d'_Uxmal_ en
Amérique, dessiné par M. Waldeck (_voyage au Yucatan_), m'ont paru des
faits importants et décisifs, qui, signalés par l'Académie dans son
_Compte-rendu_, avertiront les Américains instruits et leur montreront
que leur pays et leurs ruines, sont dignes de recherches plus complètes,
et veulent d'autres _explorations_ que celles faites jusqu'à ce jour, et
qui sont presque nulles.

Justifier le docte auteur de l'_Histoire des Huns_, appuyé ici du savant
géographe _Buache_, contre les objections mal fondées de M. _Klaproth_,
m'a aussi paru fort important, et je ne crois pas que l'on puisse nier
maintenant les navigations des _Indo-Tartares_ vers l'Amérique, et cela,
près de 1000 ans avant Colomb.

Je joins ici un de mes calques, et je pourrais à _Uxmal_, à _Palenqué_
et à _Tulha_, montrer encore d'autres rapports avec l'Inde, si j'avais
plus d'espace pour les indiquer.

Paris, 20 juillet 1840.

  Cher de PARAVEY.

NOTES EN BAS DE PAGE:

[44] T. XXVIII, p. 513.

[45] Voyez nos _documens hiéroglyphiques, emportés d'Assyrie et
conservés en Chine_, p. 25. Paris, 1838, chez Treuttel et Wurtz, et au
bureau des _Annales_, (no 6, rue Babylone) qui ont d'abord publié ce
_Mémoire_ dans le t. XVI, 1838, p. 123 et p. 124, note.

[46] En chinois, voir ici Jy, chy, _Eclipse de Soleil_, et youe chy,
_Eclipse de Lune_, ou astres _engloutis peu à peu_, sena de _chy_
(_dict. chin._ n° 9505), caractère mis sous la clef _tchong_, celle du
_serpent_, qui combinée avec _chy_ signifie: manger peu à peu, comme
avalent les boas.



APPENDICE B.

A NOTRE LETTRE A L'ACADÉMIE.

     Nouvelles preuves de l'introduction du culte du Bouddha en
     Amérique, ou dans le pays du _Fou-sang_.--Quel fut le premier pays
     converti à ce culte dans le nouveau monde?


Une des contrées de l'Amérique qui fut convertie la première par les
Samanéens du _Caboul_, arrivant par la pointe sud du _Kamtchatka_, au
port excellent du _San-Francisco_, en Californie, au nord de Monterey, a
dû évidemment être le _pays du Rio-Colorado_, vaste fleuve qui, dans ces
régions même, coule du nord au sud, et vient tomber dans la pointe nord
de la mer _Vermeille_.

Or, précisément dans les traductions utiles des auteurs espagnols de M.
Ternaux Compans, on voit Castanéda placer vers le _Rio-Colorado_, dans
une petite île, un sanctuaire du _lamaïsme_ ou du _bouddhisme_.

Il y mentionne, dans un lac sur cette île, un personnage divin nommé,
dit-il, _Quatu-zaca_, et qui, habitant une petite maison, était censé ne
_manger jamais_.

On lui offrait du maïs, des mantes de cuir de cerf, des tissus de plumes
en très-grande quantité; et dans ce lieu même se fabriquaient aussi (ce
qui prouve une colonisation) beaucoup de sonnettes ou de grelots en
cuivre.

Le nom même de ce _Lama_ déifié ou de cette idole _Quatu-zaca_, offre le
nom tartare et indien _Xaca_, ou _Che-kia_ en Chinois, _Sacya_ en
sanscrit, nom du célèbre dieu _Bouddha_; remarque que nous faisons le
premier; et _Quatu_ a pu indiquer son origine du _Catay_.

_Castanéda_ ajoute que les peuples de ces contrées étaient fort doux, ne
faisaient jamais la guerre, et (s'abstenant de chair) vivaient seulement
de trois à quatre sortes de fruits très-bons.

Il est donc impossible de ne pas voir ici une antique colonie de
_Bouddhistes_ ou de _Lamas_: colonie qui, ensuite, poussa des rameaux au
Mexique, dans le Yucatan, à Bogota et même au Pérou, pays de moeurs fort
douces.

Les Mexicains, affreusement cruels dans leurs idolatries récentes, sont,
on le sait, une migration du _nord-est_ de l'Asie et du nord-ouest de
l'Amérique, mais beaucoup plus moderne; et, avant leur arrivée dans ces
belles contrées, il est à croire, comme le dit la _relation du
Fou-sang_, que le culte doux et fraternel des _Bouddhistes_, débris de
la race de _Sem_, y régnait exclusivement.

Le nom même des _Samanéens_ qui y étaient venus en 458, étant tiré du
samscrit _saman_, qui signifie _pacifique_, nous dit M. _Pauthier[47]_,
et ce nom se retrouvant plus tard au Mexique, où M. Ternaux[48], donne
_Amanam_ pour le nom des prêtres et des devins, mot qui évidemment a pu
se prononcer d'abord _Chamanani_, _Samanani_, _Samanéens_.

Saint-Germain, 26 avril 1847.

   CH. DE PARAVEY.

NOTES EN BAS DE PAGE:

[47] _Description du Thian-chou_, ou _de l'Inde._

[48] _Vocabulaire mexicain_, dans sa traduction des anciens auteurs
espagnols.



APPENDICE C.

RELATIF A LA FIGURE PUBLIÉE ICI POUR LA PREMIÈRE FOIS D'UN NATUREL DU
FOU-SANG.

     À quel pays de l'_Amérique_ a pu appartenir cet homme presque nu
     que les livres chinois offrent comme habitant du pays du
     _Fou-sang_?


Comme on le voit dans la _gravure_ que nous donnons ici, les Chinois
supposent que les hommes qui habitaient le pays du _Fou-sang_ étaient
presque nus; or, dit-on, les habitans de l'Amérique du nord étaient
revêtus d'habits. Cela est vrai pour la plupart de ces pays; mais dans
le _Voyage à l'embouchure de la Colombia_ de MM. Clarke et Léwis[49], à
46° 18' nord, ces voyageurs rencontrent les Indiens _Chin-ooks_, et,
dans un village de l'_île des Daims_, ils trouvent des femmes qui, au
lieu de courtes jupes, avaient une simple trousse autour des reins, ou
aussi une bande de peau étroite, serrant leur corps en cette partie.

Ils disent (p. 286) que les Indiens de la _Colombia_, vu la douceur du
climat, ont toujours les jambes et les pieds nus, même en hiver; et ne
portent que des petites robes lors du froid, ou des _tabliers_ de peau
et une sorte de pélerine sur les épaules (p. 310). Les _mocassins_, pour
les pieds et les jambes, n'étant usités que dans le Canada et vers la
baye d'Hudson, où le climat est beaucoup plus _froid_.

Ainsi l'homme du _Fou-sang_, presque nu dans le dessin antique du
_Pian-y-tien_ et de l'_Encyclopédie chinoise_ que nous reproduisons
ici, devait habiter vers la _Colombia_ ou vers la _Californie_, riches
et belles contrées d'un climat fort doux et tempéré, pays de cet
_Orégon_ que se disputent en ce jour les Espagnols, les Anglais et les
États-Unis.

En outre, si l'on ouvre[50] l'_Exploration de l'Orégon et de la
Californie_ en 1844, par M. Duflot de Mofras, on voit en effet, ces
Indiens y figurer avec les reins ou le milieu du corps seulement
_couverts_, et cela exactement, comme dans la planche ci-contre du
naturel du _Fou-sang_, planche reproduite dès l'an 499 de notre ère,
dans toutes les géographies étrangères publiées en Chine et au Japon.

Tout justifie donc mes conjectures. Quant à la _biche mouchetée et à son
faon_, nous avons cité M. de Humboldt, sur le _cervus mexicanus_ de
Linnée; et nous indiquons également ici, pour montrer que les naturels
savaient en former des troupeaux et les priver, le _Voyage en Amérique_
de M. de Chateaubriand, in 8o, t. Ier, p. 130, où il parle des biches du
Canada, charmante sorte de rennes sans bois, et que l'on y apprivoise,
nous dit-il.

  Cher de PARAVEY.

(Extrait du no 90 (juin 1847) des _Annales de Philosophie chrétienne_).


Imp. de EDOUARD BAUTRUCKE, rue de la Harpe, 90.

NOTES EN BAS DE PAGE:

[49] P. 302 et aussi p. 507.

[50] P. 250 t. II.

       *       *       *       *       *

LISTE DES CORRECTIONS:
  Notes en bas de page:

  No 3: Hisbiscus remplacé par Hibiscus
  No 9: Egypte remplacé par Égypte
  No 26: Kamchatka remplacé par Kamtchatka
  l. 604: Hyperboreens remplacé par Hyperboréens
  l. 814: 12,00  remplacé par 12,000
  l. 1476: chretienne remplacé par chrétienne





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