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Title: L'Illustration, No. 3241, 8 Avril 1905
Author: Various
Language: French
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L'Illustration, No. 3241, 8 Avril 1905


LA REVUE COMIQUE, par Henriot.


_Ce numéro contient une gravure en couleurs:_ LE COCHE D'EAU EN
HOLLANDE.

L'ILLUSTRATION
_Prix du Numéro: 75 Centimes._
SAMEDI 8 AVRIL 1905
_63e Année.--N° 3241_



[Illustration: LA REINE D'ANGLETERRE EN FRANCE
Sur le pont du yacht «Victoria-and-Albert»--_D'après une photographie
prise à bord._]



_Le numéro de la semaine prochaine, portant la date du 15 avril,
contiendra:_

SCARRON _la grande comédie tragique en cinq actes, en vers, de_ M.
CATULLE MENDÈS, _que M. Coquelin vient de représenter avec tant d'éclat
au théâtre de la Gaîté. Le numéro du 22 avril contiendra:_

L'AGE D'AIMER _la délicieuse et fine comédie de_ M. PIERRE WOLFF, _dans
laquelle Mme Réjane vient de faire sa rentrée au théâtre du Gymnase avec
un si vif succès.

Paraîtront ensuite:_

_L'ARMATURE, par_ M. BRIEUX, _d'après le célèbre roman de_ M. PAUL
HERVIEU, _de l'Académie française (Vaudeville);_

_MONSIEUR PIÉGOIS, par_ M. ALFRED CAPUS _(Renaissance);_

_LE DUEL, par_ M. HENRI LAVEDAN _(Comédie-Française);_

_LE RÉVEIL, par_M. PAUL HERVIEU _(Comédie-Française);_

_LE GOUT DU VICE, par_ M. HENRI LAVEDAN _(Gymnase);_

_Les prochaines pièces de_ MM. BRIEUX, MAURICE DONNAY, JULES LEMAÎTRE
_et de tous les principaux auteurs dramatiques contemporains._



COURRIER DE PARIS

JOURNAL D'UNE ÉTRANGÈRE

Le matin, au Concours hippique. Un joli soleil dore, à travers les
hautes coupoles de verre où les moineaux volettent et piaillent, le
sable jaune de la piste, fait briller les ors des tentures et les
feuilles des petits orangers bien alignés, en bouquets tout neufs,
autour des «obstacles». On époussette, on range, on apporte des fleurs
fraîches, tandis qu'au bout de l'immense manège désert, à l'écart,--sur
une petite piste improvisée dans la grande,--un peloton de cavaliers
silencieusement galope. C'est l'examen d'équitation des jeunes gens: une
séance que l'élégante clientèle des après-midi dédaigne et qu'elle a
tort de dédaigner. Leurs chevaux ne sont point jolis. Ce sont d'honnêtes
rosses empruntées aux manèges que ces écoliers fréquentent, mais ils
sont, eux, si gentils... les uns, sanglés dans la tunique du potache,
que déborde un faux col trop haut, et coiffés du képi souple, à la mode
de Saumur; les autres, costumés militairement, la taille raide sous le
dolman bleu de «l'Escadron de Saint-Georges»; ou simples _sportsmen_.
mais qu'on sent déjà passés maîtres en l'art de s'habiller: jambières de
cuir fauve, culotte anglaise, jaquette d'impeccable coupe, gants blancs,
le melon noir posé un peu en arrière et de côté, comme il convient...
Ils marchent, trottent, évoluent sous l'oeil du jury sévère; ceux-là,
graves et sans coquetterie, soucieux surtout d'être bien notés; ceux-ci,
plutôt préoccupés d'intéresser notre petit groupe de spectatrices (nous
ne sommes pas vingt femmes en tout!) parmi lesquelles j'aperçois des
mamans attentives et des jeunes filles (grandes soeurs? petites
cousines?) qui rient tout bas, en se chuchotant des choses à l'oreille.

Ce sont des enfants, ces cavaliers, mais en qui déjà s'ébauchent
plaisamment les hommes qu'ils seront demain, et je crois que je saurais
deviner, au passage, à quoi rêve chacun d'eux, dans le bercement de
cette chevauchée matinale; voici le piocheur, et voici le paresseux;
voici l'ambitieux, et voici le dilettante; celui que séduiront les
aventures difficiles, et celui que sa jument, très soignée, n'emmènera
jamais très loin du Bois... Il y a des façons, à seize ans, d'être
adroit ou gauche; de sourire, de saluer, de boutonner ses gants, de
«surveiller» sa silhouette, qui ne trompent pas l'oeil d'une femme.

Onze heures et demie. Les petits cavaliers se sont dispersés au trot de
leurs maigres montures; le long des Champs-Élysées, des attelages légers
passent, des automobiles se croisent, dans un vertige de vitesse; les
deux palais, le pont Alexandre-III, déploient dans la lumière de ce
radieux matin de printemps la splendeur de leurs pierres neuves... C'est
une Exposition universelle qui nous a légué ce décor. Alors, pourquoi
donc est-ce la mode, à Paris, de parler aujourd'hui des Expositions
universelles avec tant de dédain? Un député proposait, ces jours-ci,
qu'on en organisât une en 1911; à l'unanimité, cette proposition fut
rejetée. On ne consent à promettre une Exposition universelle aux
Parisiens que pour 1920, s'ils sont bien sages.

Pourquoi si tard? Les Français se reprochent mutuellement de ne point
aimer les voyages lointains, d'ignorer les choses de l'étranger. Ces
Expositions ne leur étaient-elles pas de très commodes occasions de
s'instruire sans se déranger et d'attirer vers eux, d'installer à côté
d'eux des sympathies que leur paresse hésitait à aller conquérir sur
place?

Je ne pense pas que ces rapides rapprochements de peuple à peuple
laissent aux hommes le temps de se pénétrer très à fond; mais ils leur
offrent un moyen agréable de se côtoyer, de s'effleurer profitablement,
de se renseigner sur mille choses qu'on ignorait ou qu'on savait mal.
Une Exposition internationale, c'est, en même temps qu'une vaste leçon
de choses, une école de diplomatie et de politesse. A distance, on se
méfiait les uns des autres; on se détestait même, à tout hasard; et il a
suffi d'édifier sur un terrain vague quelques vitrines et de mettre
diverses choses dedans, pour que tout de suite, autour de ces étalages
éphémères, des gens de tous pays se rencontrassent avec le désir de se
mieux connaître et l'illusion de s'aimer un peu...

J'ai même constaté que cette illusion devient une réalité quelquefois.
C'est surtout par l'éloignement, par les préjugés et la mauvaise foi des
écrivains que sont entretenues les méfiances bêtes, les animosités qui
divisent, de pays à pays, les pauvres hommes. Poussez l'un vers l'autre
deux êtres qui croyaient s'abhorrer; faites-les se coudoyer,
s'entretenir de leurs affaires autour d'une table bien servie, dans la
fumée des cigarettes; et voilà une amitié conclue. Je ne sais quel
philosophe a écrit que le grand tort des hommes qui n'ont point les
mêmes patries est de ne pas dîner ensemble assez souvent. C'est vrai.
Rien ne vaut le _contact_. Il y a huit jours, cette visite à Tanger de
l'empereur allemand nous apparaissait comme quelque chose de menaçant;
je suis sûre pourtant que si l'on interrogeait sur la signification de
cet événement le jeune diplomate et l'officier français avec qui l'on
vit, dans cet instant-là, bavarder familièrement Guillaume II, tous deux
protesteraient que ce monarque est un homme à qui nous prêtons bien
imprudemment des intentions vilaines qu'il n'a pas. Ils l'ont vu; il a
serré leurs mains: les voilà conquis... Laissons venir à nous les
étrangers; promenons de l'Opéra-Comique à Trianon les «reines» de la
Mi-Carême italienne; en bien montrant Paris aux étudiants de Gottingue
et de Francfort qui le visitent depuis une semaine, apprenons-leur à
l'aimer. Le «contact»... en vérité, même entre gens d'un même pays, il
n'y a que cela qui importe.

«Savez-vous, madame, me disait un jour un ingénieur des Postes, pourquoi
les abonnés du téléphone malmènent si rudement, parfois, nos employées?
C'est _qu'ils ne les voient pas_. La distance donne une sécurité qui
rend lâche, supprime chez les gens les mieux élevés le sentiment de
certains égards nécessaires.»

J'ai deux amis (l'un député modéré, l'autre conseiller municipal
d'extrême gauche) qui sont friands de cuisine russe. Ils se détestaient
sans se connaître. Je les réunis à ma table de temps en temps pour leur
faire manger de la pintade aux groseilles et du cochon de lait à la
crème de raifort. Et ainsi, petit à petit, ces deux hommes sont arrivés
à se mettre à peu près d'accord sur une certaine façon de séparer, sans
trop de dégâts pour personne, les Eglises de l'État.

Mieux que cela: je connais un explorateur qui, à force de fréquenter les
nègres de l'Oubangui, s'est mis à les aimer. Il parle d'eux avec une
émotion gentille; et presque toujours, en principe, il est «pour le
noir» contre le blanc. Je l'ai rencontré avant-hier, dans un salon de
coloniaux où l'on s'entretenait du départ de Brazza pour le Congo. Une
dame demandait:

--Il y a des anthropophages, de ce côté-là?

--Beaucoup.

--Quelle horreur!

L'explorateur sourit:

--Comme on a vite fait, dit-il, de penser du mal des gens qu'on ne
connaît pas! Savez-vous, madame, ce que c'est, au juste, qu'un
anthropophage?

C'est un pauvre noir, ignorant de tout, dénué de tout, obligé de
subsister tant bien que mal en un pays sans culture où le gibier est
introuvable, et qui, n'ayant parfois d'autre nourriture à se mettre sous
la dent que le corps d'un ennemi tué à la guerre, prend le parti de le
manger.

Mais je vous assure que cela n'exclut pas une certaine aménité de
moeurs. J'ai régné naguère, comme chef de poste, sur des tribus
d'anthropophages qui étaient d'aimables gens et s'étonnaient fort de me
voir me fâcher quand, d'une expédition faite à mon insu (ces noirs ne
cessent de guerroyer entre eux) ils me rapportaient une jambe, une
épaule d'ennemi pour que j'en garnisse mon pot-au-feu. Brazza, qui a
vécu sans escorte et sans armes au milieu de ces hommes-là et qui
s'était fait aimer d'eux, vous dira que l'anthropophage ne se sent pas
plus cruel, en employant à son alimentation les «morceaux» de l'ennemi
qu'il a tué, que nous ne nous sentons cruels nous-mêmes, quand nous
menons un veau à l'abattoir.

»Car aucun sentiment de haine, aucun besoin de vengeance, n'est-ce pas,
ne nous incite au massacre des bêtes... Même (et cela est très bouffon)
nous les avons «aimées» vivantes, le plus sincèrement du monde, avant de
les aimer mortes. Mme Deshoulières composait des églogues sur les
«petits moutons» en attendant d'en manger les côtelettes; et la vue d'un
mignon poussin, d'un caneton vivant dont les parents nous seront servis
tout à l'heure en fricassée ou en chaufroid, remue doucement nos âmes.

»Car nous sommes des gens sensibles... Mais nous sommes cyniques aussi.
Nous parons de fleurs, au lendemain des concours agricoles, les
quartiers de nos animaux gras; nous aménageons nos boucheries en coquets
salons de chair fraîche. Nous faisons même de l'esprit: j'ai vu l'autre
jour, dans une gare du Métro, une affiche où figurait un boeuf rêvant
devant un pot de Liebig, avec cette légende: «Pressentiment douloureux»!

»Les anthropophages ont plus de dignité, madame. Ils mangent leurs
vaincus; mais ils ne les blaguent pas.»

SONIA.



LE VOYAGE DE LA REINE D'ANGLETERRE

A GIBRALTAR ET A MARSEILLE

Précédant de quelques jours l'empereur d'Allemagne, et se rendant comme
lui dans la Méditerranée par le même itinéraire, la reine Alexandra
quittait Lisbonne, à bord du yacht _Victoria-and-Albert_, au moment où
Guillaume II allait y arriver. Le 28 mars, trois jours avant la
sensationnelle visite du souverain allemand à Tanger, le yacht royal
entrait en rade de Gibraltar, et les croiseurs français _Linois_ et
_Du-Chayla_ venaient y saluer la reine, portant à leur bord le
représentant de la Grande-Bretagne en même temps que celui de la France.
Cette manifestation, simplement courtoise en temps ordinaire, a paru
emprunter aux circonstances une signification que le choix du port de
Marseille, pour le rendez-vous de la reine Alexandra et du roi Edouard
VII, a précisée et accentuée.


[Illustation: La "Victoria-and-Albert". LE VOYAGE DE LA REINE
D'ANGLETERRE.--Le yacht "Victoria-and-Albert" ayant à bord la reine
Alexandra, est salué, à son arrivée à Gibraltar, par les canons des
forts et des croiseurs français "Linois" et "Du-Chayla", ayant à bord
les représentants de la France et de la Grande-Bretagne.]

[Illustation: Chambre du roi Edouard VII.]

[Illustation: La cloche d'argent du bord. _Phot. S. Cribb._]

[Illustation: Chambre de la reine Alexandra.]

[Illustation: La salle à manger.]

[Illustation: Le salon.]

_Photographies Russell and Sons._

LE RENDEZ-VOUS DU ROI ET DE LA REINE D'ANGLETERRE A
MARSEILLE.--Appartements des souverains à bord du yacht royal
"Victoria-and-Albert".



[Illustration: Les souverains allemand et portugais en carrosse.]

[Illustration: Guillaume II descend du carrosse royal.]

LE VOYAGE DE GUILLAUME II

Nous avons, la semaine dernière, annoncé la nouvelle de la
sensationnelle visite qu'allait faire à Tanger, entre une escale à
Lisbonne et une autre aux Baléares, l'empereur Guillaume IL Cette visite
a pris les proportions d'un incident diplomatique.

Elle n'a pourtant pas été longue, ayant duré tout juste une heure et
demie. Mais elle a présenté un caractère assez solennel, comme nos
lecteurs peuvent en juger par les photographies que _l'Illustration_
--qui était représentée là comme elle l'est partout--a reçues de ses
correspondants particuliers, et qu'un véritable tour de force nous
permet de publier dès cette semaine.

Nous n'avons que peu de mots à ajouter aux légendes explicatives
imprimées sous chaque gravure.

On sait que le débarquement de l'empereur, annoncé pour neuf heures du
matin, n'eut lieu qu'à onze heures et demie. Entre temps, des officiers
de l'état-major impérial étaient descendus à terre, avaient pu s'assurer
de l'état des esprits et avaient occupé leurs loisirs à essayer les
chevaux offerts par le sultan à son impérial visiteur.

Guillaume II, débarqué en retard, tint cependant à repartir à l'heure
convenue. Le programme fut donc écourté. Il n'y eut pas de fantasia, pas
de visite au Grand-Sokko et à la Kasbah: il n'y eut que des réceptions,
de brefs discours, de rapides entretiens de l'empereur avec l'oncle du
sultan, Abd el Malek, et le caïd anglo-marocain Mac-Lean, venus tout
exprès de Fez, avec les commerçants allemands de Tanger, avec le
capitaine français Fournié, avec le comte de Chérisey, notre chargé
d'affaires en l'absence de M. Saint-René-Taillandier. Pour tous,
Guillaume II eut, paraît-il, de bonnes paroles. Mais on n'en connaît pas
encore la teneur exacte, et ce doute permet aux commentaires d'aller
leur train: il y a désormais un incident
franco-anglo-hispano-allemand-marocain.

[Illustration: Guillaume II. Carlos Ier.

GUILLAUME II A LISBONNE.--L'empereur d'Allemagne visite la caserne du 4e
régiment de cavalerie portugais, dont il est colonel
honoraire.--_Photographies de notre correspondant, M. Benoliel._]

[Illustration: ARRIVÉE A TANGER DU «HAMBURG», AMENANT L'EMPEREUR
GUILLAUME II..--Des barcasses marocaines se dirigent vers le navire
allemand, portant à l'empereur la «mouna» traditionnelle: l'une est
pleine d'oeufs, l'autre de boeufs, une troisième de volailles, etc.]

[Illustration: Arrivée d'Abd el Malek, oncle et représentant du sultan.]

[Illustration: La rue de la Mosquée, pavoisée en l'honneur de
l'empereur.]

[Illustration: La légation d'Allemagne à Tanger et l'arc de triomphe
élevé par les commerçants allemands.]

[Illustration: Les autorités marocaines, le corps diplomatique et les
représentants de la colonie allemande attendant l'empereur.]



LA VISITE DE GUILLAUME II A TANGER

_Photographies de nos correspondants, MM. Du Taillis et
Vaffier-Pollet.--Voir la suite des gravures, pages 220 et 221._

[Illustration: Mlle Ferro-Pia, reine de Turin, sur la tour Eiffel,
regardant le Sacré-Coeur.--_Phot. Raffaele._]

[Illustration: Mlle Maria Nulli, reine de Milan, et ses deux pages, en
haut de la tour Eiffel.--_Phot. Raffaele._]



LES «REINES» ITALIENNES A PARIS

Cette année, la fête de la Mi-Carême, à Paris, a été particulièrement
brillante, grâce à la présence de deux «souveraines» venues tout exprès
d'au delà des Alpes pour y participer. Les «reines» des marchés de Milan
et de Turin, Mlle Maria Nulli et Mlle Rosina Ferro-Pia avaient, en
effet, saisi l'occasion la plus opportune de rendre leur récente visite
aux «reines» des marchés parisiens, Mlle Toyet et Mlle Jeanne Troupel.
Le jeudi 30, vêtues de somptueux atours, entourées de leurs demoiselles
d'honneur, de leurs pages aux superbes costumes archaïques, elles
partagèrent avec leurs soeurs françaises le triomphe du cortège
traditionnel et les acclamations de la foule. Elles eurent également
l'insigne faveur d'arrêter un instant les regards du président de la
République et de Mme Loubet, installés à une fenêtre de l'Élysée. Ce ne
furent, d'ailleurs, pendant leur séjour d'une semaine, que galas,
banquets, promenades, organisés à leur intention. Le dimanche, précédant
leur départ, Leurs Majestés italiennes voulurent accomplir l'ascension
de la tour Eiffel, afin de contempler de haut ce Paris qui les avait
fêtées et enchantées, et aussi peut-être de prouver qu'elles étaient
capables de fréquenter les sommets sans crainte du vertige.

[Illustration: Le chevalier Piccini. Mlle Ferro-Pia, M. Brézillon. Mlle
Troupel, M, Gondolfi. Mlle Nulli, M. Leroy. Mlle Toyet, M. Leray. Mlle
Mullier, reine de Turin. Reine de la rive droite. Reine de Milan. Reine
de la rive gauche. Reine des marchés découverts. LES REINES DES MARCHÉS
DE MILAN, DE TURIN ET DE PARIS, DANS LA COUR D'HONNEUR DU PALAIS DE
L'ELYSÉE]



[Illustration: INCENDIE D'UN TRAIN DE VOYAGEURS DÉRAILLÉ A ARCUEIL,
ENTRE PARIS ET LIMOURS.--Phot. de M. Flinoise.]

_Le 30 mars dernier, à sept heures du matin, le train de Paris à Limours
déraillait, en pleine voie et en pleine vitesse, entre Arcueil-Cachan et
Bourg-la-Reine. Un retour de flamme du foyer de la locomotive incendiait
le fourgon qui venait de s'écraser sur le tender et, de là, le feu se
communiquait au train entier. Le mécanicien, le chauffeur et un voyageur
ont été carbonisés; neuf autres voyageurs ont été blessés._



[Illustration: Le théâtre de la guerre au commencement d'avril. Les
ambitions japonaises.

LA GUERRE RUSSO-JAPONAISE.--La situation après quatorze mois de guerre.]

L'armée russe, désorganisée par sa défaite de Moukden, réduite à une
infériorité de 120.000 à 150.000 hommes par rapport à son adversaire,
poursuit lentement vers le nord sa pénible retraite.

Les premiers jours qui ont suivi la bataille, les escarmouches
d'arrière-garde ont été incessantes. On pouvait, à tout moment, redouter
un nouveau désastre; mais les Japonais, aussi exténués que les Russes,
n'ont pas pu poursuivre avec énergie. Leur seul effort sérieux a été
tenté sur le Fan-Ho, au sud de Tié-Ling, le 14 mars; il n'a pu empêcher
les Russes de s'arrêter quatre jours en ce point, de s'y reformer, puis
de continuer leur marche vers le nord, en détruisant derrière eux tous
les ponts des nombreuses rivières et en particulier ceux du Houn-Ho, au
sud de Moukden et du Tchai-Ho, au nord de Tié Ling. Cette précaution
ralentit considérablement la marche des Japonais qui ne peuvent songer à
pousser en avant des forces importantes avant d'avoir rétabli les ponts
et la voie ferrée.

Aussi la retraite des Russes est-elle, depuis quelque temps, arrêtée. Le
gros de leurs armées paraît réuni auprès de Kouan Tcheng-Tsé et de
Goutchouline. Cette ville, grand entrepôt, centre des formations de la
Croix-Rouge, est protégée par des travaux récents de fortification: un
grand camp permet d'y abriter plusieurs corps d'armée.

Plus au nord, le chemin de fer traverse la rivière Soungari, colossal
affluent de l'Amour, dont le cours, impétueux à cette époque de la fonte
des neiges et d'une largeur de 900 à 1.500 mètres, l'absence de tout
pont en dehors de celui du Transmandchourien, enfin les collines
dominantes de la rive droite font un obstacle de premier ordre.

Une partie importante des troupes de Liniévitch s'est rassemblée vers
Kirin, seconde capitale de la Mandchourie, située au débouché de la
montagne, centre d'une contrée spécialement riche et fertile. Cette
séparation de l'armée russe en deux masses est de nature à inquiéter un
peu, car chacune d'elle est assez faible pour pouvoir être écrasée par
une attaque en forces. Mais elle est rendue inévitable par la situation
stratégique. Les Russes, en effet, ont à protéger deux directions
particulièrement menacées: d'une part, celle de Kharbin, leur centre
vital, et de Tsi-Tsi-Kar, où les Japonais pourraient, s'ils y
parvenaient, les couper de la Russie; d'autre part, celle de
Vladivostok, que les Nippons ne cachent pas leur intention d'aller
assiéger prochainement. Or, de Moukden, une seule route conduit de ce
côté, celle de Kirin et Ningouta.

Chaque jour, Liniévitch reçoit des renforts: le 4e corps vient
d'arriver, ainsi que deux brigades de chasseurs et plusieurs escadrons;
des postes de garde de la voie ferrée ont été ramassés pendant la
retraite. C'est un appoint de 60.000 à 70.000 hommes qui s'ajoute aux
140.000 hommes auxquels ont été réduits les débris des trois armées au
lendemain de Moukden.

Mais ces 200.000 hommes sont bien insuffisants pour permettre, avant
longtemps, de lutter avec quelque chance de succès contre les 300.000 à
350.000 dont dispose Oyama. Le Transsibérien amène à Liniévitch environ
1.000 hommes par jour. Mais le Japon a montré qu'il était capable, lui
aussi, de préparer et d'envoyer des renforts dans la même proportion.

En outre, la région dans laquelle s'opère la retraite sur Kharbin
constitue, de Tié-Ling au Soungari, sur plus de 300 kilomètres, une
sorte de couloir, large et peuplé, mais ruiné depuis longtemps par la
présence des armées. Il est limité, à l'est, par la montagne, couverte
seulement d'interminables forêts presque vierges; à l'ouest, par une
immense plaine désertique, sans eau, sans arbres, sans habitants, où, à
perte de vue, ne pousse qu'une inutilisable herbe sauvage. Les
géographes l'ont baptisée: «désert de Gobi oriental», et les Mandchous:
«Terre des herbes».

L'armée a donc le plus grand besoin de conserver Kirin pour pouvoir
vivre sans être obligée de recourir au Transsibérien, ce qui diminuerait
les transports de troupes.

Le gros de l'armée japonaise est resté jusqu'ici autour de Tié-Ling,
Moukden et Facoumen, avec de fortes avant-gardes à hauteur de
Tchan-Tou-Fou, sur les routes principales. Fidèle à la tactique des
doubles mouvements enveloppants qui lui a jusqu'ici si bien réussi, et
que permet son énorme supériorité, Oyama semble pousser peu à peu vers
le nord, par Facoumen, une forte colonne dont nous avons déjà signalé
l'existence sur notre croquis du 18 mars. D'autre part, des mouvements,
entourés d'un grand mystère, s'effectuent dans la haute montagne. Les
Japonais veulent-ils attaquer en force à Kirin en débouchant de
plusieurs directions, ou ont-ils, comme certains le supposent, détaché
un corps important qui, évitant Kirin, se glisserait sur Ningouta pour
couper la voie ferrée et courir ensuite à l'attaque de Vladivostok? On
ne saurait pour le moment le préciser. On a même été jusqu'à parler
d'une nouvelle armée qui, rassemblée secrètement au nord de la Corée,
serait prête à marcher, sous les ordres de Kawamoura, vers le Toumen et
le grand port russe.

En tout cas, il est certain qu'Oyama ne restera pas inactif et qu'il ne
tardera pas à chercher à profiter de l'énorme supériorité qu'il a sur
son adversaire.

L. DE SAINT-FÉGOR.



NOTES ET IMPRESSIONS

Une loi primordiale et absolue régit la création: la loi du progrès.
Tout s'élève dans l'infini; les fautes sont des chutes. CAMILLE
FLAMMARION.

                                 *
                                * *

Riches et pauvres: mauvaise classification. Dépendants et indépendants,
voilà la véritable.
EMILE AUGIER.

                                 *
                                * *

Quelle ironie! Des guerres de religion dans un pays qui n'a pas de
religion! ERNEST LEGOUVÉ.

                                 *
                                * *

En dépit des travers du chauvinisme ou des écarts de la superstition, le
patriotisme ne cesse d'être une vertu et la religion une force.

                                 *
                                * *

On ne décrète pas le bonheur universel, on le rêve: le vouloir
obligatoire est la source des pires persécutions. G.-M: VALTOUR.



[Illustration: Guillaume II, à peine débarqué, s'entretient avec Abd el
Malek, oncle du sultan.]

[Illustration: Guillaume II débarque à Tanger à onze heures et demie:
il est reçu, sur le wharf, par Abd el Malek et les autorités marocaines.]

[Illustration: Avant le débarquement de l'empereur: les officiers
allemand essayent les chevaux offerts à Guillaume II par le sultan.]

[Illustration: Précédés par la délégation marocaine, l'empereur
Guillaume II et son état-major se mettent en route pour la légation
d'Allemagne.]

[Illustration: Le départ.]

L'INCIDENT MAROCAIN: VISITE DE GUILLAUME II A TANGER, LE 31 MARS
_Photographies des correspondants de_ L'Illustration, _MM. Du Taillis et
Vaffier-Pollet._

[Illustration: A l'arrivée: au bout du wharf, Guillaume II serre la main
du caïd Mac-Lean.]

[Illustration: A deux heures, l'empereur et son cortège reviennent pour
le départ au débarcadère, à l'extrémité duquel attendent les canots du
"Hamburg".]



[Illustration: La navigation sur la Meuse, entre Dordrecht et
Rotterdam.]

LES ROUTES D'EAU DE HOLLANDE

«Dieu a créé la mer, dit un vieil adage latin qui a cours encore aux
Pays-Bas. Le Hollandais a créé la terre.» Et il faut reconnaître que le
Hollandais, patient et tenace, a réalisé là une oeuvre de Titan, jamais
achevée, d'ailleurs, depuis des siècles qu'elle continue de s'accomplir,
toujours précaire, et devant laquelle, involontairement, on songe aux
travaux expiatoires imposés à certains héros de la mythologie, à quelque
tonneau des Danaïdes à rebours, que tout un peuple serait condamné non
plus à remplir, mais à épuiser, sans espoir d'en jamais découvrir le
fond.

La Hollande est menacée par les eaux de tous côtés: du nord par l'Océan
et ses marées; du midi par les fleuves qui, à la merci d'une embâcle de
glaces, à la fin de l'hiver, d'une période exceptionnelle de pluies,
pourraient inonder tout à coup de leurs eaux bourbeuses des lieues de
territoire, ruinant le pays, engloutissant les habitants. A chaque pas,
dans son histoire, on rencontre le récit de catastrophes pareilles.

Au moment où, en 1810, Napoléon étendait sa serre vers la Néerlande, il
la définissait: «Une terre d'alluvion formée par le Rhin, la Meuse et
l'Escaut.» Il lui semblait ainsi justifier sa conquête. Maître des trois
fleuves, il estimait de son droit de posséder encore les vases et les
sables qu'ils avaient déposés à leurs embouchures. Mais quels
collaborateurs a eus ici la nature! Sans le génie de ses habitants,
toute cette contrée ne serait qu'un incertain marécage. Un peuple qui a
conquis dans de telles conditions le sol qu'il habite est, mieux
qu'aucun autre, fondé à en revendiquer la libre jouissance; il a doubles
titres à l'indépendance.

La Hollande est habitable seulement grâce à la lutte continuelle des
hommes contre l'envahissement des eaux, grâce à un effort sans trêve.
Non seulement le Hollandais a, comme l'affirme le dicton, «créé la
terre», mais, cette création, il la poursuit au jour le jour. Il semble
perpétuer, sans se reposer un moment, l'acte divin et du limon fait
surgir les champs, les prés, les bois.

Cette lutte dure depuis des temps immémoriaux. Dès le onzième siècle,
les chroniques mentionnent l'existence de digues nombreuses opposées aux
flots. Il y a, comme dans toute guerre, des alternatives de victoires et
de défaites. Tantôt on conquiert sur l'ennemi, tantôt il prend
d'éclatantes revanches. De 1500 à 1860, on a perdu sur la mer 1.589.000
hectares. On en a reconquis 360.000 seulement. Mais on ne désespère pas
de regagner l'avantage, et l'on s'occupe maintenant de dessécher, dans
le Zuyderzée, 200.000 hectares d'un coup.

Un menu détail de la langue administrative apparaît comme très
caractéristique de la situation, de la structure du pays. Le service des
ponts et chaussées s'appelle, là-bas, le Waterstaat, le département de
l'eau. C'est, pour la Hollande, plus sûrement que ses deux ministères de
la guerre et de la marine, le vrai ministère de la défense nationale.

Pour soutenir les assauts furieux des vagues ou des inondations, il a
construit, il construit, répare, entretient des barrages plus résistants
que des murailles de forteresses: il en a maintenant plus de 2.500
kilomètres à surveiller.

On peut dire que c'est à lui, autant qu'à la nature, que le paysage
hollandais doit son aspect particulier, puisque c'est lui qui a créé les
digues et les canaux, ces deux ouvrages qui donnent à la Hollande son
allure, en même temps qu'ils sont nécessaires à son existence même; lui
qui a aménagé les _polders_, ces terres sorties à peine des eaux
génératrices, les a entourés de barrages étanches, puis découpés par des
canaux, des fossés, des rigoles, et, enfin, à l'aide de pompes, les a
desséchés, rendus cultivables et habitables.

C'est lui qui a dessiné ces damiers plus ou moins réguliers, où les
tapis verts et drus de rives plates margent les longues bandes d'eau
calme, immobile, des canaux, de loin en loin troublés, un moment, par le
passage de quelque barque chargée de scintillants bidons, qui conduit au
pâturage, à l'heure de la traite, garçons et filles de ferme, ou encore,
dans d'autres contrées, par la lente promenade du coche d'eau, remorqué
à la cordelle sur le chemin de halage dallé de briques, par des
bateliers en vestes courtes, en larges culottes. Car, ici, pas de
routes: un large canal est le grand chemin, accessible aux grosses
barques; le chemin vicinal est un simple fossé; le sentier
d'exploitation rurale, une étroite rigole d'assèchement.

Le _Waterstaat_ toujours a construit ces ports avenants, animés d'une
vie si placide, même au fort du travail, avec leurs quais parfois
ombragés de fraîches verdures, au pied desquels se pressent les barques
pansues, leurs dérives relevées sur leurs flancs lourds comme les
élytres repliés d'un coléoptère.

[Illustration: Bord de canal à Middlebourg, dans l'île de Walcheren
(Zélande).]

Et même les moulins, ces pittoresques moulins alignés souvent par
centaines dans les prairies et dans les cultures, au bord des canaux, et
agitant leurs bras grêles «comme des marins qui échangeraient des signes
de détresse sur un navire qui fait eau», sont encore des créations, des
auxiliaires du _Waterstaat_. Pour la plupart ce sont de faux moulins,
des moulins qui ne moulent rien, mais qui actionnent seulement des
pompes d'épuisement.

Peut-être n'ont-ils plus long temps à remplir ce rôle utile. Déjà,
l'administration emploie beaucoup les turbines à vapeur, et près de six
cents de ces engins perfectionnés, développant plus de 20.000 chevaux de
force, sont en service dans l'étendue du pays. Quoiqu'il en soit, si
nombre des moulins, des si jolis moulins hollandais, disparaissent, ce
sera toujours au _Waiersimal_ qu'il faudra s'en prendre.

Et en tout, partout, le _Waterstaat_, le département de l'eau, apparaît
comme une manière d'auxiliaire, de collaborateur actif, jamais las, de
la Providence, qui avait fait à ce pays des conditions d'existence si
ingrates et si rudes; comme un génie bienveillant, compatissant,
secourable, qui répare, dans la mesure de sa puissance, les torts
primitifs du destin.

[Illustrations: 1. Dans le port de Dordrecht.--2. Quai d'Amsterdam--3.
La Meuse à Dordrecht.--4. Les moulins près de Rotterdam.]



[Illustration: Reproduction exacte de la chapelle et de la grotte de
Lourdes, édifiée dans les jardins du Vatican.]

[Illustration: S. S. le pape Pie X prononce une allocution en réponse à
celle de Mgr Schoepfer, évêque de Tarbes.

INAUGURATION D'UNE REPRODUCTION DU SANCTUAIRE DE LOURDES DANS LES
JARDINS DU VATICAN

_Photographies G. Felici.--Voir l'article, page 232._]



[Illustration: Mgr Favier, évêque de Péking, dans son salon du Peï-Tang
_(Dernière photographie, prise par M. Bouillard.)_]

MONSEIGNEUR FAVIER

Mgr Favier, vicaire apostolique français du Pé-Tchi-Li, vient de mourir,
à Péking, sa résidence, à l'âge de soixante-sept ans.

Né à Marsannay (Côte-d'Or), d'une famille d'humble condition, il
entrait, à sa sortie du séminaire de Dijon, dans la congrégation des
lazaristes et s'embarquait presque aussitôt pour la Chine, où il devait
passer les quarante-trois années de son apostolat. Dès le début de sa
longue carrière de missionnaire, il s'était signalé non seulement par
son zèle de propagandiste, mais encore par son souci de s'initier le
plus complètement possible à la langue et aux coutumes du Céleste
Empire; aussi, bien avant son élévation à l'épiscopat en 1897. son
ardeur militante, son infatigable activité, son influence exercée au
profit des intérêts de la France, en avaient fait un personnage de haute
importance.

Vénéré de la colonie européenne, sans distinction de nationalité ni de
culte, il jouissait, d'autre part, d'un grand crédit auprès de
l'impératrice de Chine, qui lui avait conféré le mandarinat de 1re
classe.

Elle était singulièrement originale, la physionomie de ce prélat
mandarin, portant tour à tour le vêtement ecclésiastique et le costume
de tao-taï, le plus souvent coiffé d'une toque de loutre, et nul cadre
ne pouvait mieux s'adapter à une telle figure que la demeure où Mgr
Favier s'était entouré d'une inestimable collection d'objets d'art
chinois dont la plupart ont été reproduits dans son bel ouvrage sur
Péking.

On n'a pas oublié son rôle héroïque en 1900, dans la cathédrale du
Peï-Tang assiégée par les boxers. Les épreuves subies à cette époque
avaient ébranlé sa santé, et, il y a un an, une attaque de paralysie
réduisait à l'immobilité le vaillant homme d'action qui vient de
s'éteindre.

[Illustration: Mgr Favier dans sa voiture de paralytique.]



[Illustration: "Mineur au repos", par Constantin Meunier. _Phot. E. F._]

CONSTANTIN MEUNIER

Le sculpteur Constantin Meunier est mort, le 4 avril, à Bruxelles, où il
était né le 12 avril 1831.

Quelques jours seulement avant ce dénouement d'une carrière
exceptionnellement féconde, un de ses intimes, M. Paul Matout, prenait
de lui, dans son atelier, la photographie que nous avons la bonne
fortune de publier et qui le représente au milieu de ses oeuvres, devant
l'une de ses toiles rapportées du «Pays Noir»,--l'expression est de
lui,--et l'un de ses bustes si puissamment expressifs.

Constantin Meunier avait longtemps et opiniâtrement cherché sa voie.

Fils d'un petit fonctionnaire, entraîné par son frère aîné, le graveur
J.-B Meunier, à l'atelier des moulages, il avait travaillé la sculpture
avec Fraikin, un statuaire belge très académique. Puis la peinture, à
son tour, l'avait séduit. Il reste, de cette période de sa carrière
d'artiste, des études et des tableaux sur la _Vie des Trappistes_, sur
la _Guerre des Paysans_, sur l'Espagne où l'avait conduit une mission
officielle.

Mais, dans la mémoire des générations, il demeurera surtout comme le
plus compatissant et le plus admirable des sculpteurs de l'ouvrier.

L'écrivain Camille Lemonnier, qui lui a consacré un fort beau livre, lui
avait demandé sa collaboration pour l'illustration d'un ouvrage qu'il
préparait sur la _Belgique_. Constantin Meunier, que son instinct
poussait déjà vers le naturalisme, vers la traduction des scènes de
l'existence courante, s'en était allé vers le Borinage, la contrée
sombre des charbonnages et des usines. Il y entrevit sa terre promise.
Peu après, il acceptait, heureux à la pensée des oeuvres possibles, de
s'exiler, comme professeur de dessin, à Louvain. Il allait vivre là au
milieu des mineurs, des herscheurs, les premiers héros de cette sorte de
_Divine Comédie_ des prolétaires qu'il a coulée dans le bronze. Pour les
immortaliser, il reprit l'ébauchoir et la glaise. Sa sympathie,
d'ailleurs, ne s'arrêta pas à eux seuls. Tous les humbles aux prises
avec les rudes tâches, pêcheurs en lutte avec le vent et les marées,
paysans acharnés contre la glèbe, cyclopes du four ou de la forge, il
les a tous pétris tour à tour en des bronzes d'une étonnante ampleur de
facture, d'une intensité d'expression vraiment prodigieuse.

L'apparition, au Salon de 1886, du _Marteleur_ qui lui valut une
médaille d'honneur, le révéla à Paris, lui donna d'un coup la gloire. Il
avait vécu, depuis lors, environné de l'admiration, du respect de
quiconque, au monde, s'intéressait aux choses de l'art.

[Illustration: Constantin Meunier dans son atelier. _Photographie prise
huit jours avant sa mort par M. P. Matout._]


_Documents et Informations_



[Illustration: Le paquebot "Cairo" naufragé à l'entrée d'Alexandrie.
Phot. communiquée par le major W. T. Holland.]

[Illustration: Les débris du trois-mâts "Khyber", broyé par une tempête
sur les côtes de Cornouailles.]

LE NAUFRAGE DU «CAIRO».

L'un des paquebots de la Compagnie italienne de navigation, le _Cairo_,
vient de se perdre, au moment de toucher au port, à l'entrée
d'Alexandrie. Le naufrage s'est produit dans la soirée du 5 mars et
c'est le lendemain matin seulement qu'on a pu venir au secours des
malheureux passagers, qui, bloqués sur ce bateau à demi submergé,
étaient demeurés toute la nuit dans les transes les plus vives.

Un détail intéressera nos; lecteurs et amis: c'est le _Cairo_ qui
emportait, vers l'Égypte, le numéro de l'_Illustration_ du 25 février,
si bien que nos abonnés égyptiens n'ont reçu qu'après un long retard ce
numéro, consacré, en partie, à l'assassinat du grand-duc Serge, à
Moscou, et, en partie, au retour du général Stoessel.


A LA CONQUÊTE DE L'OR.

De singuliers appareils ont été récemment imaginés, en Amérique, qui
sont déjà employés dans les vallées de la côte du Pacifique et qui
serviront bientôt en Chine aussi. Ce sont des sortes de navires pour
l'extraction de l'or: des extracteurs d'or flottants. Ces navires
tiennent de l'arche et de la drague. Ils sont faits pour exploiter la
terre et les sables du fond et des rivages des rivières. Munis de
baquets, portés par une chaîne sans fin, qui vont se remplir de sable et
de terre au fond de l'eau ou sur ses bords, munis aussi d'appareils qui
brisent la roche et ameublissent le sol, ces navires sont
essentiellement des laboratoires très perfectionnés pour l'extraction
des parcelles d'or. La terre rapportée du fond de la rivière est
abondamment lavée: le métal précieux est retenu par des tamis fins ou
absorbé par du mercure On estime que le navire extracteur ne perd pas un
dixième d'un pour cent de l'or que renferment les terres traitées par
lui. Il peut «retravailler» avec profit les amas de terre des anciens
_placer_. La dépense pour la manipulation des terres ne dépasse pas 20
ou 25 centimes par tonne. Mais les frais de première installation sont
élevés: un navire laveur d'or coûte de 250.000 à 300.000 francs. Il y a
actuellement déjà une centaine de laveurs d'or de ce genre qui, se
promenant le long des berges des rivières des côtes du Pacifique,
«travaillent» 40 ou 45 hectares de terre par mois, c'est-à-dire
convertissent de la terre ferme en boue, après en avoir extrait l'or.


LA CAUSE DU TEMPÉRAMENT BILIEUX.

Des personnes irritables, brusques, on dit volontiers qu'elles ont le
tempérament bilieux: mais c'est là une définition qui n'a pas de
prétention scientifique; et rien, jusqu'à présent, n'aurait pu autoriser
à soutenir que la bile était bien la cause du tempérament en question.

Eh bien, s'il faut en croire des expériences faites par quelques
médecins, ce serait, en effet, la présence anormale d'une certaine
quantité de bile dans le sang qui donnerait au système nerveux du
bilieux les réactions qui caractérisent son tempérament propre.

Injectée à petites doses dans le sang, la bile agirait comme un excitant
de la contractilité musculaire et de l'irritabilité nerveuse
physiologique; les nerfs moteurs comme les nerfs sensitifs, sous son
influence, présenteraient une hyperexcitabilité très nette. Mais, si
l'hyperactivité mentale et l'hyperexcitabilité nerveuse se produisent
avec de petites doses de bile, avec de hautes doses c'est la dépression,
le malaise intellectuel et moral que l'on obtient, avec lassitude,
tendance à la mélancolie, tristesse.

Ainsi seraient réalisées expérimentalement les deux formes du
tempérament bilieux: la forme légère, plutôt favorable, et la forme
accentuée, pénible pour soi et pour les autres et qui rend insociable.

Et voici un exemple curieux d'une vieille locution médicale, tombée
depuis longtemps dans le langage vulgaire, et qui correspondrait à une
réalité très précise d'un phénomène physiologique.


UNE ÎLE PROBLÉMATIQUE.

Une île fait beaucoup parler d'elle, en ce moment, dans le monde
maritime du Pacifique.

Mais il est difficile d'en dire grand'chose: elle ne porte point de nom
et, par surcroît, on ne sait même pas au juste si elle existe. Elle se
trouverait entre les côtes du Mexique et l'archipel des Hawaï. Si l'on
demande comment il se fait qu'on ait de telles incertitudes à l'égard de
son existence, il n'est pas difficile de répondre: il suffit de faire
observer que les parages où elle se trouverait sont de ceux que la
navigation connaît et fréquente le moins. On ne passe pour ainsi dire
jamais dans la région dont il s'agit. C'est dans les observations de
baleiniers, dans les débuts du dix-neuvième siècle, qu'on a trouvé des
raisons de croire à l'existence de cette île; mais les expéditions
envoyées en 1827 et 1837 pour vérifier cette existence n'ont donné
aucune confirmation du bruit qui courait. En 1837 encore, on n'a rien
trouvé et, en 1899, une croisière de l'_Albatros_ est également restée
infructueuse, ne révélant dans les parages supposés de l'île que des
sondages de 2.000 et 3.000 brasses. En 1902, toutefois, l'existence de
l'île a paru moins invraisemblable: on a trouvé un haut-fond suspect.
L'an dernier on a continué les recherches, mais elles n'ont encore rien
donné: il s'agit d'explorer une région de 30.000 milles carrés et
l'opération demande du temps. L'île cessera peut-être, un jour prochain,
d'être problématique: pour le moment, toutefois, elle le demeure.


LA PROTECTION DU GROS GIBIER EN AFRIQUE ORIENTALE.

M. Palluaud, de retour d'une mission dans l'Afrique orientale anglaise et
allemande, faisait connaître tout récemment à la Société de Géographie
comment les Anglais et les Allemands ont limité la destruction des
grands animaux qui pullulent dans la région du lac Victoria-Nyanza.

En premier lieu, la chasse est interdite sur certains territoires; puis,
les permis de chasse, au moins sur territoire anglais, coûtent 1.200
francs et ne donnent que le droit de tuer deux bêtes de chaque espèce.

Il est même défendu de tirer la girafe, qui se fait de plus en plus
rare.

Seule la chasse au lion est libre; mais il est vraisemblable qu'on n'en
abuse pas.

Contrairement à ce qu'on croit généralement, le lion, cependant,
n'attaque pas volontiers l'homme. Il lui préfère les antilopes et les
ânes; et, en réalité, il est moins dangereux pour l'homme que
l'hippopotame, le rhinocéros ou le buffle qui charge en troupe.


UN NAVIRE BROYÉ.

Le 14 mars, le trois-mâts barque _Khyber_, allant de
Melbourne à Falmouth avec un chargement de grains, après une traversée
excellente jusque-là, était pris par la tempête en vue des côtes de
Cornouailles. En un clin d'oeil, les voiles furent arrachées et le
navire fut poussé dans la baie du Mont, près de Posthgwarra. Il y
mouilla l'ancre. Mais la tempête ne se calmait pas et, le 15, au matin,
le bateau fut jeté à la côte avant même qu'on eût pu mettre à l'eau les
embarcations. Tout l'équipage--vingt-trois hommes--périt. Et quelques
minutes suffirent aux vagues furieuses pour faire de ce navire de 3.000
tonnes le tas informe de débris que montre notre photographie et où l'on
ne reconnaît, de toute la coque et du gréement, que trois tronçons de
mâts couchés parallèlement sur la grève, à peu près dans les positions
respectives qu'ils occupaient à bord.


LA BALLE HUMANITAIRE.

Un de nos collaborateurs scientifiques, actuellement au Japon, où il a
pu avoir accès dans les hôpitaux où sont soignés les blessés de
Mandchourie, nous envoie les intéressants renseignements qui suivent:

Mince, longue, légère, coquette, revêtue de son résistant manteau
d'acier ou de maillechort poli, la balle moderne, faite pour la
vitesse, doit, semble-t-il, traverser les tissus, telle une grosse
aiguille, sans laisser pour ainsi dire traces de son passage.

C'est ainsi qu'on se représente habituellement ce projectile dont le
calibre a sans cesse, depuis quelque quinze ans, été diminué. Il ne
dépasse pas 6 millimètres dans le fusil Arisaka, dont se servent
aujourd'hui les Japonais en Mandchourie.

Cependant cette balle, animée, au sortir du canon, d'une vitesse de 600
à 700 mètres, s'arrête encore assez facilement dans les tissus, soit
qu'elle vienne de trop loin, soit qu'elle ait ricoché sur le sol, soit
enfin qu'elle ait rencontré sur sa route, en pleins tissus humains, un
tendon, une aponévrose, une crête osseuse qui, la déviant de sa
trajectoire, sur laquelle elle est assez instable, l'ait fait basculer,
rouler sur elle-même. Elle agit alors à la façon d'un projectile
volumineux et irrégulier, tout de suite arrêté dans sa course par la
résistance que lui opposent les éléments anatomiques qui le retiennent
prisonnier et supportent très bien, sans réagir, la présence de cet hôte
un peu brutal.

Fait singulier et paradoxal en apparence, cette balle blindée, revêtue
d'un manteau d'acier ou de maillechort, éclate souvent, au contact de
corps moins durs, tel un rebord tendineux, une crête osseuse, et ces
éclats deviennent, à leur tour, de très mauvais projectiles qui
déchirent les tissus et sont parfois d'une extraction difficile.

Le but de la guerre n'est, paraît-il, pas de tuer, mais de mettre hors
de combat le plus grand nombre d'ennemis possible, sans les exposer à
d'horribles mutilations et à de cruelles infirmités.

Le projectile actuel réalise, en partie, ce desideratum: la mortalité
par coup de feu diminue--et diminuera à mesure que la portée des armes
augmentera--; le taux des infirmités consécutives aux blessures
s'abaisse.

Les lésions qu'il produit sont, d'une façon générale, beaucoup plus
bénignes que celles des balles de plomb du fusil Gras ou Mauser, par
exemple. Celles-ci faisaient de «gros trous» d'entrée et surtout de
sortie, dilacéraient les tissus, qu'elles infectaient avec les nombreux
germes logés dans les aspérités de leur surface. La suppuration était la
règle. La petite balle a de microscopiques orifices d'entrée et de
sortie, bien nets. Son trajet dans les tissus est souvent aseptique et
la suppuration est l'exception... surtout si le chirurgien se garde
d'explorer les plaies.

Dans les tissus mous, les muscles de la cuisse, par exemple, elle passe
«comme une lettre à la poste»: il suffit de mettre sur les deux orifices
d'entrée et de sortie un pansement bien propre et de ne rien faire. En
quelques jours, le blessé peut reprendre son fusil.

Les os se laissent, eux aussi, traverser sans trop de difficulté et les
lésions n'ont pas beaucoup de gravité--ou dans tous les cas guérissent
bien--quand le projectile est tiré à une certaine distance. Un os troué
est en outre fêlé; il éclate sur plusieurs points; les fragments sont
projetés dans les tissus avoisinants, ou précèdent la balle, dans son
trajet de sortie. La suppuration est assez fréquente, mais n'est pas un
obstacle à la guérison. Autrefois, ces plaies osseuses nécessitaient la
plupart du temps l'amputation. Aujourd'hui, on est conservateur, et les
procédés radicaux de l'ancienne chirurgie sont devenus exceptionnels.

Mais, quand une balle animée d'une grande vitesse, c'est-à-dire tirée de
200 à 300 mètres, atteint perpendiculairement à sa surface l'humérus, le
fémur, un os de l'avant-bras, alors les effets sont terribles. L'orifice
d'entrée du projectile a 5 à 6 millimètres. Celui de sortie est une
plaie en forme de cratère, longue de 7 à 8 centimètres, large de 5 à 6.
Les tissus sont horriblement dilacérés, les muscles réduits en bouillie.
Le projectile a fait éclater l'os et de volumineux fragments chassés au
devant de la balle qui leur communique sa propre vitesse, cherchent une
voie au travers des tissus qui éclatent littéralement sous cette poussée
interne, éruptive.

La balle à petit calibre traverse facilement le poumon et ses plaies
guérissent avec une remarquable facilité, ce qui n'arrivait pas avec la
grosse balle de plomb. En revanche, les plaies de l'abdomen sont très
graves et la mortalité considérable.

Les effets les plus intéressants et aussi les plus effrayants de ce
petit projectile sont ceux qu'il produit sur le crâne, en traversant le
cerveau. Une balle tirée de loin peut parfaitement traverser la masse
cérébrale et le blessé n'en est pas autrement incommodé si aucune «zone»
importante n'a été lésée. Mais, quand la balle animée de toute sa
vitesse, tirée à 150 ou 200 mètres, atteint le crâne, alors tout éclate.
Ce sont les effets _hydrodynamiques_, qu'on ne s'explique pas encore
très bien. La peau cède, des fragments d'os larges comme la main sont
projetés à 10 mètres et des morceaux de cervelle, gros comme le poing,
volent dans les airs. Dans d'autres cas, si le projectile passe bien au
centre de la masse cérébrale, l'action hydrodynamique se répartit sur
toute la surface intérieure de la boîte crânienne, qui se fragmente en
mille morceaux; la peau résiste souvent. Et, quand le médecin tient
entre ses mains la tête du cadavre, tout crépite sous ses doigts; les
fragments d'os jouent les uns sur les autres: on dirait qu'on palpe, au
travers d'une serviette, une soupière ou un saladier réduit en miettes.

Mais, en dehors de ces cas exceptionnels, mortalité moindre, guérison
plus rapide des blessures, infirmités consécutives moins considérables,
telles sont les trois raisons qui nous permettent de donner au
projectile de petit calibre le qualificatif, un peu étrange, de _balle
humanitaire_.


LES PROPRIÉTÉS ANTISEPTIQUES DE CERTAINES FUMÉES.

Il n'est pas contestable que certaines fumées ont des propriétés
antiseptiques; la conservation des viandes fumées en est, en effet, une
preuve manifeste.

Mais on ignorait jusqu'à présent quelle était, dans les fumées, la
substance active à laquelle elles devaient cette précieuse propriété.
Des recherches récentes de M. A. Trillat ont établi que cette substance
était l'aldéhyde formique.

Comme conséquence de cette découverte, le même auteur vient de montrer
que, dans l'atmosphère des grandes villes, il existe une quantité
notable d'aldéhyde formique, provenant des fumées des combustibles et
dont la présence peut être considérée comme un principe d'assainissement
de cet air urbain dont on dit tant de mal.

Parmi les corps dont la combustion dégage le plus de formaldéhyde se
placent au premier rang les matières sucrées et les résines.

Or, chose curieuse, ce sont précisément ces substances dont la
combustion a été recommandée dès la plus haute antiquité comme procédé
d'assainissement; car la coutume de brûler des baies de genièvre et des
résines, en temps d'épidémie, remonte à Hippocrate. «Brûler du sucre»
est encore de nos jours une expression qui signifie désinfecter.

On sait que, pour nos ancêtres, la notion de la désinfection était
intimement liée avec celle de la désodorisation: détruire les mauvaises
odeurs était le principal. Or, la formaldéhyde possède précisément la
propriété de former des composés inodores avec l'hydrogène sulfuré et
ses dérivés, et, ainsi guidés par l'observation fondée sur la
disparition de la mauvaise odeur, les anciens s'étaient adressés aux
substances qui dégagent le plus d'aldéhyde formique, lequel est un
puissant antiseptique. Et il s'est ainsi trouvé que les propriétés
antiseptiques de la formaldéhyde ont été utilisées, en hygiène, bien
avant que l'on ait isolé et étudié ce corps.


UNE DÉCOUVERTE ARCHÉOLOGIQUE.

Un propriétaire de Lambessa, M. Bac, en poursuivant des fouilles qu'il a
entreprises sur ses terres, dont une partie recouvre l'emplacement des
casernements qu'occupait la troisième légion romaine, vient de découvrir
une oeuvre d'art très intéressante. C'est une statuette en bronze, d'un
gracieux caractère, qui représente un enfant pressant contre lui un
aiglon. Cette statuette mesure 66 centimètres de hauteur, avec le socle,
et pèse 19 kilogrammes. La tête est rattachée au corps par un tenon qui
s'emboîte entre les épaules, et à la place des yeux se creuse, comme
dans nombre de statues romaines, un vide qui devait être, autrefois,
rempli d'un émail imitant, au naturel, le globe oculaire avec sa
prunelle. C'est un des rares bronzes qu'on ait exhumés du sol africain,
et cette circonstance augmente encore l'intérêt de cette découverte
archéologique.

[Illustration: Statuette romaine en bronze, découverte à
Lambessa.--_Phot. Bernguer._]

QUELQUES CHIFFRES RELATIFS AU DIVORCE. Durant l'année 1902, la dernière
au sujet de laquelle la statistique municipale nous donne des
renseignements, il a été prononcé à Paris 1.536 divorces. Dans la grande
majorité des cas, le divorce a été accordé pour cause d'excès, sévices
et injures graves--du moins nominalement: près de 1.300 divorces sont
dus aux causes que nous venons de nommer.

Sur ces 3.072 personnes, 57 avaient déjà pratiqué le divorce: 27 hommes
et 30 femmes. Dans 842 cas, le ménage était sans enfants; dans 320 cas,
il avait un seul enfant. De façon générale, l'appoint fourni par les
professions libérales au divorce est faible: c'est surtout dans
l'industrie et le commerce, puis parmi les ouvriers et journaliers que
le divorce sévit, et c'est le plus souvent au profit de la femme qu'il a
été prononcé (814 femmes pour 630 hommes). L'âge des divorcés varie: il
y a eu une divorcée de moins de vingt ans, et 17 de plus de soixante
ans; mais c'est surtout durant l'âge moyen que l'on divorce, entre
trente et trente-neuf ans. Quant à la proportion des divorcés qui se
remarient, elle est relativement faible. En 1902, il s'est remarié 631
divorcés et 617 divorcées: 168 de celles-ci avaient un an de divorce;
mais il y a des cas de remariage de personnes ayant dix et vingt ans de
divorce. En 1902, parmi les remariés, il y en avait 14 qui avaient
divorcé depuis dix-neuf ans--en 1884, année où le divorce a été rétabli
en France;--parmi les remariées, 14 aussi, dont le divorce datait de
1884. Nous saurons avec le temps jusqu'à quel âge et après quelle durée
de divorce le Parisien et la Parisienne arrivent à se remarier.



_Mouvement littéraire._

_Le Serpent noir_, par Paul Adam (Ollendorff, 3 fr. 50).--_Les Obsédés_,
par Léon Frapié (Calmann-Lévy, 3 fr. 50).--_La Petite Mademoiselle_, par
Henri Bordeaux (Fontemoing. 3 fr. 50).--_La Fille de Circé_, par Lise
Pascal (Taillandier, 3 fr. 50).


Le Serpent noir.

Le roman philosophique de M. Paul Adam a été
diversement jugé. Peut-être ne faut-il pas ici se laisser aller à la
première impression ni au bruit des conversations premières. Aussi, me
suis-je réservé, pour mieux voir et pour mieux critiquer, un recul de
quinze jours. Ce que l'on cherche ordinairement dans un roman, c'est une
heure de distraction et d'amusement. Or nous avons, dans le _Serpent
noir_, de pures idées et des personnages qui représentent des
abstractions.

Le docteur Goulven a inventé un sérum contre le typhus. Mais comment
exploitera-t-il et mettra-t-il en lumière sa découverte? Les capitaux
lui manquent et il ne possède aucun moyen de s'en procurer. Un agent
d'une société pour l'exploitation des produits pharmaceutiques passe
quelque temps, en Bretagne, avec le médecin-inventeur, lequel est
accompagné de sa femme et d'une cousine de celle-ci, une veuve décorée
du gracieux nom d'Hélène. Sa femme est pauvre et d'une beauté médiocre;
la cousine au contraire est d'une grande fortune et d'une extrême
beauté. Les grâces d'Hélène enchantent le docteur Goulven. Tout imbu des
théories de Nietzsche, l'agent Gaillardot catéchise et Mme Goulven et
son mari. L'homme ne doit pas avoir d'autre objet que la satisfaction de
ses instincts et son développement égoïste. La vertu qui le retient et
l'empêche d'atteindre le but, c'est-à-dire de se dépasser, est une
faiblesse, dont il se faut défaire. Les individus, comme les nations,
sont tenus à pratiquer le principe de l'impérialisme: toujours plus
grand, le plus grand. A force de répéter cette philosophie
nietzschéenne, Gaillardot arrive à persuader à M. et à Mme Goulven de
divorcer, ce qui permettra le mariage du docteur avec la belle et riche
Hélène. Ce sera l'exaltation du médecin-inventeur. Voilà donc la
séparation décidée. Mais, au dernier moment, le docteur se reprend; il
n'a pas la force d'arracher les idées traditionnelles, les sentiments
vertueux et scrupuleux de la race, le serpent noir qui le tient à la
gorge. Voilà bien, semble-t il, malgré une certaine brume de la fin, le
roman de M. Paul Adam. L'oeuvre, en somme, marque un beau talent
d'écrivain et de penseur.

Les Obsédés.

La _Maternelle_ a valu, il y a quelques mois, à M. Léon Frapié, le prix
Goncourt. Aujourd'hui, l'auteur nous présente une oeuvre nouvelle: les
_Obsédés_. Est-ce un roman? On ne distingue, dans ces pages, aucun
récit, aucune peinture de moeurs, aucune passion. M. Léon Frapié semble
dédaigner cette monnaie ordinaire. J'aperçois, d'une façon nette, deux
personnages principaux et presque uniques, en proie, en effet, à la plus
terrible des obsessions. Ferdinand, employé d'administration, est uni
avec une femme charmante.

«Madame la directrice», chargée de conduire une maison de filles
hospitalisées.

Subordonnée à son mari, à genoux devant lui, Marthe--c'est le nom de la
jeune directrice--n'a qu'un souci, en dehors de sa profession, et même
parfois dans l'exercice de sa profession: recueillir des documents pour
le livre que prépare Ferdinand. _Fervet opus;_ le travail est ardent; on
a pris pour type premier du roman une fille-mère, assez distinguée.
Catherine Bise, qu'on visite, qu'on cajole, comme un sujet de choix. De
temps à autre quelques chapitres de l'oeuvre future sont lus à des
réunions d'amis. C'est à peine si les deux époux mangent et dorment; ils
n'ont qu'une pensée: attraper des renseignements et les coucher sur le
papier. Enfin, le travail terminé, on cherche un éditeur; on espère le
succès; on en fera profiter l'héroïne, Catherine Bise. Quelle obsession,
en effet, que celle-là 1 Le véritable tour de force de M. Léon Frapié,
et ce en quoi il montre tout son talent, c'est d'avoir pu, avec un tel
sujet, composer un livre, fournir des pages savoureuses comme l'Académie
Goncourt en a récompensé dans la _Maternelle._

La Petite Mademoiselle.

Dans cet article sur les livres qui ont pris l'étiquette de roman
sera-t-il dit que nous ne rencontrerons aucun roman proprement dit? M.
Paul Adam a surtout écrit une oeuvre philosophique; M. Léon Frapié, des
pages où l'on sent l'autobiographie.

M. Bordeaux, dans la _Petite Mademoiselle_, nous donne une gracieuse
fantaisie, pleine de vivacité et d'esprit. Pierre Savernay s'éprend
d'une charmante jeune fille, de libre allure, de moeurs austères, qu'il
a failli écraser avec son automobile. Il la demande en mariage et tombe
au milieu des préparatifs d'un bal costumé. Le père de la Petite
Mademoiselle, ainsi nommée en souvenir de la Grande qui aima Lauzun,
essaye une robe solennelle et s'habille en Mathieu Molé. La maison est
en mouvement et de l'aspect le plus étrange. Renvoyé pour sa requête à
la Petite Mademoiselle elle-même, Pierre en reçoit cette interrogation:
«Avez-vous été en prison?» En effet, elle s'est fait condamner, lors de
l'expulsion de religieuses, à quelques jours de prison et ne veut qu'un
mari ayant goûté comme elle de l'internement forcé. Ni dans les
manifestations catholiques, ni dans les manifestations anarchistes où il
acquiert la connaissance des hommes et des magistrats, Pierre n'atteint
ce résultat. En une circonstance même, son futur beau-père, juge
démissionnaire ou révoqué, a plaidé pour lui et gagné sa cause. Fort
heureusement les fiançailles lui sont accordées. Enfin, je ne sais
comment, par le plus grand des hasards et le plus comique, il aboutit
presque, sans le vouloir, à ce qu'il désirait. On l'avait épargné pour
des méfaits: on lui octroie trois jours de prison pour avoir séparé deux
ivrognes furieux. Tout cela est narré avec grâce, avec une verve
spirituelle et fine et semé d'allusions à la politique contemporaine.

La Fille de Circé.

Mme Lise Pascal mérite d'être ajoutée au nombre déjà
notable des romancières de talent. Peut-être eût-elle dû davantage
établir d'avance son plan Son oeuvre parfois semble manquer d'unité et
se disperser. Mais ce qui sauve tout, et ce qui sauverait n'importe
quelle oeuvre, c'est le don du style, c'est la poésie. Fille du comte
Oriowski, Morgane ressemblera-t elle à sa mère? Aimera-t-elle à séduire
et à semer autour d'elle l'amour? On lui découvre tout le charme
attirant de celle qui fut une véritable Circé. Mais la vie se charge de
la corriger et de lui mettre l'âme en deuil. Son père, un incroyant,
s'endort un jour volontairement du sommeil sans fin, laissant sa fille à
la garde de Tolsky, un ami, un sage, soutenu et purifié par sa foi.
Faible, la jeune Morgane voudrait épouser Tolsky et s'appuyer sur son
âme ferme et croyante. Il est touché par tant d'affection et d'estime.
Mais, ensorceleuse comme sa mère, la fille de Circé, chaste malgré tout,
est outragée par un abominable peintre. Dans sa fureur, Tolsky provoque
en duel le scélérat. Au moment fatal, sur le terrain, il se rappelle ses
principes et celui-ci en particulier: «Tu ne tueras point». Aussi,
malgré sa force à l'épée et bien qu'il ait son adversaire à sa merci,
préfère t-il se laisser transpercer plutôt que d'être infidèle à
lui-même. Au-dessus du cadavre de Tolsky, l'insensible nature continue
sa ronde joyeuse; «... Tout exultait dans la forêt en fête. Les guêpes
ivres croisaient dans l'air leur vol fou. Dans les cépées, on voyait des
coccinelles rouges comme des baies de sorbier...»

E. LEDRAIN.



Ont paru:

_Le Millionnaire_, roman par J.-H. Rosny. 1 vol., Joanin et Cie 3 fr.
50.--_Bonne Fortune_. roman par Gustave Guiches. 1 vol., Fasquelle, 3
fr. 50.--_Roma amor_ (Ames romaines), roman par F. de Navenne. 1 vol.,
Fasquelle, 3 fr. 50.--_Le Passé vivant_, roman par Henri de Régnier. 1
vol., Mercure de France, 3 fr. 50. --_Scarron_, comédie tragique par
Catulle Mendès. 1 vol., Fasquelle, 3 fr. 50.--_L'Ile de Lutèce_, par A.
Robida. 1 vol. in 8º, Daragon. 5 fr.--_Stratégie et Tactique
cavalières_, par le général de Beauchesne. 1 vol., Lavauzelle, 3
fr.--_Psychologie de deux messies positivistes: Saint-Simon et Auguste
Comte_, par Georges Dumas. 1 vol., Alcan, 5 fr.



LES THÉÂTRES

S'il suffisait, pour réussir au théâtre, d'appliquer un grand talent
littéraire et une science consommée à la reconstitution d'une époque, de
ses moeurs, de son langage et de ses dehors, M. Maurice Maindron eût
amplement réussi. Dans le _Meilleur Parti_, joué au théâtre Antoine, les
misères de la guerre, à l'époque de la Ligue, sont exposées avec une
verve caustique qui eût ravi Callot: la mise en scène est admirable, les
acteurs tiennent bien leur rôle, rien ne manque si ce n'est un bon sujet
de pièce, une action intéressante.

Au théâtre Trianon, M. Maurice Landay expose, dans la _Loi de pardon_,
pièce en quatre actes, le cas d'un caissier qui s'est fait voleur par
devoir, j'entends pour accomplir un acte de solidarité humaine et qui
expie cruellement sa faute, le malheureux; les moeurs sont plus fortes
que les théories humanitaires du président Magnaud, inspiratrices de
cette oeuvre. La très réelle valeur dramatique de M. Landay et le talent
d'interprétation de M. Barrai et de Mme Leriche vont assurer la faveur
du public à la _Loi de pardon._

Nous allons publier Scarron, de M. Catulle Mendès, l'_Age d'aimer_, de
M. Pierre Wolff, _Monsieur Piégois_, de M. Alfred Capus. Quelques mots
seulement de l'interprétation de ces trois pièces: elle est de premier
ordre aussi bien à la Gaîté qu'au Gymnase et qu'à la Renaissance. A la
Gaîté, c'est Coquelin, qui a fait de Scarron une inoubliable création;
au Gymnase, c'est Mme Réjane entourée de MM. Huguenet, Dumény, Magnier,
Calmettes; à la Renaissance, c'est l'incomparable duo que forment Mlle
Marthe Brandès et M. Lucien Guitry.



LE SANCTUAIRE DE LOURDES AU VATICAN

La semaine dernière, au milieu d'une affluence énorme, l'inauguration
solennelle d'un fac-similé réduit, mais exact, du sanctuaire de Lourdes,
a eu lieu dans les jardins du Vatican. En face de l'édifice, une estrade
avait été dressée pour le pape Pie X et les cardinaux. A trois heures et
demie, le pape est arrivé en voiture, escorté par huit gardes-nobles. Il
est monté d'abord au perron qui surmonte la grotte, et, là, il a lu la
formule de la bénédiction pontificale. Puis, conduit par l'évêque de
Tarbes et l'architecte Sneider, il a visité le monument. Ayant ensuite
pris place sur l'estrade, Pie X a écouté le discours prononcé par Mgr
Schoepfer au nom des donateurs français, et il lui a répondu: c'est au
moment de l'allocution pontificale qu'a été prise la belle photographie
que nous reproduisons page 228.



M. DENYS PUECH

L'Académie des beaux-arts vient de désigner, pour remplacer M. Barrias,
le sculpteur Denys Puech.

[Illustration: M. Denys Puech.--_Phot. Braun._]

M. Denys Puech a aujourd'hui cinquante et un ans, étant né à Gavernac,
dans l'Aveyron, en 1854.

Petit pâtre, comme Lantara, c'est au milieu des sites graves du pays
natal qu'il sentit s'éveiller sa vocation. Grand prix de Rome en 1884,
avec un remarquable _Mézence blessé_, il s'est révélé au grand public
par une série d'oeuvres aimables et pleines de grâce: la _Muse d'André
Chénier, l'Enfant au poisson_, la _Sirène, le Sommeil de l'Étoile, la
Seine_, l'une des plus célèbres, et la curieuse _Pensée_, en marbre
polychrome.

Il a produit aussi toute une série de monuments qui décorent les jardins
et promenades de Paris: le _Francis Garnier_ de l'Observatoire, le
_Jules Simon_ de la Madeleine, le monument de _Leconte de Lisle_ au
Luxembourg, le monument de _Gavarni_, à la place Saint Georges, la
dernière en date de ses oeuvres.



LA FETE DES «ANNALES»

Samedi dernier, les _Annales politiques et littéraires_, notre brillant
confrère dont l'hôtel voisine, rue Saint-Georges, avec celui de
l'_Illustration_, fêtaient, dans les salons de l'Hôtel Continental, leur
cent millième abonné. Pour dire le succès de cette fête, qu'il nous
suffise de mentionner que cinq ministres y assistaient MM. Chaumié,
Delcassé, Dubief, Merlou, Dujardin-Beaumetz; quant aux littérateurs,
musiciens, peintres, sculpteurs, qui s'étaient mêlés au parterre des
notabilités mondaines--un parterre d'environ 3.000 personnes--il nous
serait difficile de les nommer: ils y étaient tous, pour assister au
programme de comédie, de musique, de chant et de danse que M. et Mme
Adolphe Brisson avaient, composé avec un goût ingénieux et délicat. Les
cent mille abonnés n'y étaient naturellement pas tous, mais ils étaient
largement représentés. On a chaleureusement applaudi, entre autres, des
artistes du Théâtre Français: Mlles Leconte et Delvair, M. Mounet-Sully,
dans la partie dramatique, et M. Georges Courteline interprétant
lui-même une de ses meilleures comédies; on a associé, dans des
acclamations enthousiastes, le talent délicieux et le timbre d'or de Mme
Marguerite Carré, que tous connaissaient, et qu'accompagnait M.
Massenet, et la voix merveilleuse d'une cantatrice qu'on n'avait pas
encore entendue à Paris, Mlle Farrar.

[Illustration: Mlle Géraldine Farrar.--_Phot. Paul Boyer._]

Mlle Géraldine Farrar, d'origine américaine, possédée toute jeune de la
vocation du chant, vint, il y a six ans--elle en avait alors dix-sept---
étudier à Paris pendant deux ans, et alla se perfectionner à Berlin, où
elle eut tout de suite un long engagement à l'Opéra impérial. Cette
année, profitant d'un bref congé, elle vient de créer _A mica_, de
Mascagni, à Monte-Carlo. Mlle Farrar, qui parle--et chante--également en
anglais, en allemand, en italien et en français, était venue pour
vingt-quatre heures à Paris, afin de prêter son concours à la fête des
_Annales_. Elle est aussitôt repartie pour Berlin. Mais elle projette,
dit-on, de se perfectionner encore dans notre langue et de ne plus
chanter qu'en français.



[Illustration: M Camille Blanc. Prince de Monaco, Prince de Bulgarie.
Inauguration de l'Exposition des canots automobiles de Monaco.]

L'EXPOSITION DE CANOTS AUTOMOBILES

L'Exposition des canots automobiles «racers» et «cruisers» qui vont
participer aux épreuves de vitesse en rade de Monte-Carlo et à la grande
course Alger-Toulon a été inaugurée, le 2 avril, par S. A. le prince de
Monaco, accompagné d'un autre visiteur de marque, S. A. le prince de
Bulgarie, l'un des souverains de l'Europe qui portent le plus d'intérêt
à l'industrie automobile. M. Camille Blanc, le distingué président du
comité, a fait les honneurs de l'inauguration aux deux Altesses qui,
suivies d'un nombreux cortège, ont longuement visité l'Exposition dans
tous ses détails.



LE GÉNÉRAL LAPLACE

Le général Laplace commandant le 1er corps d'armée, vient de mourir à
Lille, emporté par une broncho-pneumonie contractée au cours d'une revue
qu'il était allé passer à Arras.

[Illustration.]

Né à Thionville, en 1847, ancien élève de Saint-Cyr et de l'École
d'état-major, il se distingua pendant la campagne de 1870, qu'il fit
comme stagiaire dans la cavalerie et fut décoré en 1871. Colonel en
1894, général de brigade en 1898, promu à la troisième étoile en 1902,
il était à la tête de la 31e division d'infanterie, à Montpellier,
lorsque, en 1904, il fut appelé au commandement du 1er corps, en
remplacement du général Jeannerod.

La mort prématurée de cet officier de haute valeur a causé une
douloureuse surprise et de vifs regrets. A ses obsèques, célébrées à
Lille mercredi dernier, le lieutenant Laplace, son fils, actuellement à
l'École supérieure de guerre, conduisait le deuil; le ministre de la
guerre s'était fait représenter par le commandant Gossart, de son
état-major particulier.


L'OS, par Henriot.


_NOUVELLES INVENTIONS_

_(Tous les articles publiés sous cette rubrique sont entièrement
gratuits.)_


NOUVEAU FILTRE LE «PRINCEPS»

La compagnie du Filtre Chamberland vient de construire un nouveau type
de bougie filtrante qui présente sur les précédentes des avantages
appréciables: elle peut se placer partout, sans canalisation d'eau et se
monter instantanément, ce qui la rend éminemment propre aux déplacements
pour la campagne, les villes d'eaux ou les voyages. La sécurité qu'elle
présente est absolue, car, de par sa disposition, il ne peut y avoir de
mélange entre l'eau filtrée et l'eau impure. Son emploi ne comporte pas
de tubes de caoutchouc, circonstance précieuse dans les pays chauds où
le caoutchouc s'altère facilement et lorsqu'on veut filtrer du vin ou
différents liquides. Ajoutons enfin que son volume est minime et son bon
marché remarquable.

Ce filtre se compose d'un récipient en porcelaine A, contenant une
bougie Chamberland système Pasteur de forme spéciale B (fig. 1 et 2).
Cette bougie est terminée, à sa partie supérieure, par une embase
surmontée d'une tête cylindrique C percée de deux orifices
diamétralement opposés, et sur laquelle s'applique une vis de pression
portée par un étrier pour effectuer à la fois le montage et le serrage
de l'appareil. Dans les deux orifices ci-dessus indiqués s'engage un
tube T percé de trous, fileté à l'une de ses extrémités, soit pour être
fixé à l'aide d'une molette sur la tête de la bougie, soit pour se
raccorder avec un collecteur, lorsqu'on veut réunir plusieurs éléments
destinés à former une batterie. L'autre extrémité porte l'ajutage de
déversement d'eau filtrée. L'arrivée de l'eau impure s'opère à l'aide
d'un tube V, analogue au premier, et sur lequel on vient visser un tuyau
flexible en étain mis en communication avec un réservoir supérieur
contenant l'eau à filtrer.

La filtration s'opère comme dans tous les filtres Chamberland, de
l'extérieur à l'intérieur des bougies. En outre, le déversement de l'eau
filtrée par la partie supérieure de celles-ci prévient tout danger de
mélange d'eau impure avec l'eau filtrée, les gouttes d'eau impure
retombant à l'extérieur du vase A dans le cas où il se produirait une
fuite.

[Illustration.]

Le nettoyage s'effectue de la manière la plus simple en rabattant
l'étrier supérieur et en retirant la bougie pour la brosser dans l'eau
tiède avec une brosse dure en crin. Cette opération n'a besoin d'être
faite que tous les huit à dix jours. Il est bon, également, de rincer en
même temps à grande eau le vase A, pour le débarrasser du dépôt de
matière limoneuse qui s'y accumule pendant le fonctionnement.

[Illustration: Appareil monté en batterie.]

Cet appareil simple et pratique peut se prêter aisément aux usages
suivants: filtre domestique installé à demeure dans une cuisine ou
office, et filtre de voyage. Dans les deux cas, il est facile à
alimenter par syphonage en recourbant l'extrémité du tuyau flexible qui
sert à l'arrivée du liquide, et en la faisant plonger dans un récipient
supérieur. Il peut ainsi produire, par vingt quatre heures, quatre à
cinq litres. Ces chiffres s'entendent d'un appareil à bougie unique,
fonctionnant sous une pression de 1m, 50 à 2 mètres et doivent être
multipliés par le nombre de bougies, lorsque les appareils sont mis en
batterie. Le débit journalier augmente également lorsque l'appareil
fonctionne sous des pressions plus fortes.

Pour tous renseignements sur ces bougies, s'adresser à la _Compagnie du
Filtre Chamberland, 58, rue Notre-Dame-de-Lorette, Paris._



[Note du numérisateur: Les pages 223-226 manquent à ma copie de cette
Livraison.]

[Note du transcripteur: Le supplément "gravure en couleurs: LE COCHE
D'EAU EN HOLLANDE." ne nous a pas été fourni.]





*** End of this LibraryBlog Digital Book "L'Illustration, No. 3241, 8 Avril 1905" ***

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