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Title: Le Tour du Monde; De Tolède à Grenade - Journal des voyages et des voyageurs; 2e Sem. 1905
Author: Various
Language: French
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*** Start of this LibraryBlog Digital Book "Le Tour du Monde; De Tolède à Grenade - Journal des voyages et des voyageurs; 2e Sem. 1905" ***


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(BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr)



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Journal des voyages et des voyageurs" (2e semestre 1905).

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aux différentes zones géographiques, ce fichier contient les articles
sur Tolède.

Chaque fichier contient l'index complet du recueil dont ces
articles sont originaires.

La liste des illustrations étant très longue, elle a été déplacée et
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                    LE TOUR DU MONDE



                         PARIS
                IMPRIMERIE FERNAND SCHMIDT
                  20, rue du Dragon, 20



                NOUVELLE SÉRIE--11e ANNÉE
                       2e SEMESTRE



                    LE TOUR DU MONDE

                         JOURNAL
              DES VOYAGES ET DES VOYAGEURS



                     Le Tour du Monde
             a été fondé par Édouard Charton
                         en 1860



                         PARIS
              LIBRAIRIE DE HACHETTE ET Cie
             79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79
         LONDRES, 18, KING WILLIAM STREET, STRAND
                          1905

Droits de traduction et de reproduction réservés.



TABLE DES MATIÈRES


L'ÉTÉ AU KACHMIR

Par _Mme F. MICHEL_

  I. De Paris à Srînagar. -- Un guide pratique. -- De Bombay à
     Lahore. -- Premiers préparatifs. -- En _tonga_ de
     Rawal-Pindi à Srînagar. -- Les Kachmiris et les maîtres du
     Kachmir. -- Retour à la vie nomade.                             1

  II. La «Vallée heureuse» en _dounga_. -- Bateliers et
     batelières. -- De Baramoula à Srînagar. -- La capitale du
     Kachmir. -- Un peu d'économie politique. -- En amont de
     Srînagar.                                                      13

  III. Sous la tente. -- Les petites vallées du Sud-Est. --
     Histoires de voleurs et contes de fées. -- Les ruines de
     Martand. -- De Brahmanes en Moullas.                           25

     IV. Le pèlerinage d'Amarnâth. -- La vallée du Lidar. -- Les
     pèlerins de l'Inde. -- Vers les cimes. -- La grotte sacrée.
     -- En _dholi_. -- Les Goudjars, pasteurs de buffles.           37

  V. Le pèlerinage de l'Haramouk. -- Alpinisme funèbre et
     hydrothérapie religieuse. -- Les temples de Vangâth. --
     Frissons d'automne. -- Les adieux à Srînagar.                  49


SOUVENIRS DE LA COTE D'IVOIRE

Par _le docteur LAMY_

_Médecin-major des troupes coloniales_.

  I. Voyage dans la brousse. -- En file indienne. -- Motéso.
     -- La route dans un ruisseau. -- Denguéra. -- Kodioso. --
     Villes et villages abandonnés. -- Où est donc Bettié? --
     Arrivée à Dioubasso.                                           61

  II. Dans le territoire de Mopé. -- Coutumes du pays. -- La
     mort d'un prince héritier. -- L'épreuve du poison. -- De
     Mopé à Bettié. -- Bénie, roi de Bettié, et sa capitale. --
     Retour à Petit-Alépé.                                          73

  III. Rapports et résultats de la mission. -- Valeur
     économique de la côte d'Ivoire. -- Richesse de la flore. --
     Supériorité de la faune.                                       85

  IV. La fièvre jaune à Grand-Bassam. -- Deuils nombreux. --
     Retour en France.                                              90


L'ÎLE D'ELBE

Par _M. PAUL GRUYER_

  I. L'île d'Elbe et le «canal» de Piombino. -- Deux mots
     d'histoire. -- Débarquement à Porto-Ferraio. -- Une ville
     d'opéra. -- La «teste di Napoleone» et le Palais impérial.
     -- La bannière de l'ancien roi de l'île d'Elbe. -- Offre à
     Napoléon III, après Sedan. -- La bibliothèque de l'Empereur.
     -- Souvenir de Victor Hugo. Le premier mot du poète. -- Un
     enterrement aux flambeaux. Cagoules noires et cagoules
     blanches. Dans la paix des limbes. -- Les différentes routes
     de l'île.                                                      97

  II. Le golfe de Procchio et la montagne de Jupiter. -- Soir
     tempétueux et morne tristesse. -- L'ascension du Monte
     Giove. -- Un village dans les nuées. -- L'Ermitage de la
     Madone et la «Sedia di Napoleone». -- Le vieux gardien de
     l'infini. «Bastia, Signor!». Vision sublime. -- La côte
     orientale de l'île. Capoliveri et Porto-Longone. -- La gorge
     de Monserrat. -- Rio 1 Marina et le monde du fer.             109

  III. Napoléon, roi de l'île d'Elbe. -- Installation aux
     Mulini. -- L'Empereur à la gorge de Monserrat. -- San
     Martino Saint-Cloud. La salle des Pyramides et le plafond
     aux deux colombes. Le lit de Bertrand. La salle de bain et
     le miroir de la Vérité. -- L'Empereur transporte ses pénates
     sur le Monte Giove. -- Elbe perdue pour la France. --
     L'ancien Musée de San Martino. Essai de reconstitution par
     le propriétaire actuel. Le lit de Madame Mère. -- Où il faut
     chercher à Elbe les vraies reliques impériales. «Apollon
     gardant ses troupeaux.» Éventail et bijoux de la princesse
     Pauline. Les clefs de Porto-Ferraio. Autographes. La robe de
     la signorina Squarci. -- L'église de l'archiconfrérie du
     Très-Saint-Sacrement. La «Pieta» de l'Empereur. Les
     broderies de soie des Mulini. -- Le vieil aveugle de
     Porto-Ferraio.                                                121


D'ALEXANDRETTE AU COUDE DE L'EUPHRATE

Par _M. VICTOR CHAPOT_

_membre de l'École française d'Athènes._

  I. -- Alexandrette et la montée de Beïlan. -- Antioche et
     l'Oronte; excursions à Daphné et à Soueidieh. -- La route
     d'Alep par le Kasr-el-Benat et Dana. -- Premier aperçu
     d'Alep.                                                       133

  II. -- Ma caravane. -- Village d'Yazides. -- Nisib. --
     Première rencontre avec l'Euphrate. -- Biredjik. --
     Souvenirs des Hétéens. -- Excursion à Resapha. -- Comment
     atteindre Ras-el-Aïn? Comment le quitter? -- Enfin à Orfa!    145

  III. -- Séjour à Orfa. -- Samosate. -- Vallée accidentée de
     l'Euphrate. -- Roum-Kaleh et Aïntab. -- Court repos à Alep.
     -- Saint-Syméon et l'Alma-Dagh. -- Huit jours trappiste! --
     Conclusion pessimiste.                                        157


LA FRANCE AUX NOUVELLES-HÉBRIDES

Par _M. RAYMOND BEL_

     À qui les Nouvelles-Hébrides: France, Angleterre ou
     Australie? Le condominium anglo-français de 1887. --
     L'oeuvre de M. Higginson. -- Situation actuelle des îles. --
     L'influence anglo-australienne. -- Les ressources des
     Nouvelles-Hébrides. -- Leur avenir.                           169


LA RUSSIE, RACE COLONISATRICE

Par _M. ALBERT THOMAS_

  I. -- Moscou. -- Une déception. -- Le Kreml, acropole
     sacrée. -- Les églises, les palais: deux époques.             182

  II. -- Moscou, la ville et les faubourgs. -- La bourgeoisie
     moscovite. -- Changement de paysage; Nijni-Novgorod: le
     Kreml et la ville.                                            193

  III. -- La foire de Nijni: marchandises et marchands. --
     L'oeuvre du commerce. -- Sur la Volga. -- À bord du
     _Sviatoslav_. -- Une visite à Kazan. -- La «sainte mère
     Volga».                                                       205

  IV. -- De Samara à Tomsk. -- La vie du train. -- Les
     passagers et l'équipage: les soirées. -- Dans le steppe:
     l'effort des hommes. -- Les émigrants.                        217

  V. -- Tomsk. -- La mêlée des races. -- Anciens et nouveaux
     fonctionnaires. -- L'Université de Tomsk. -- Le rôle de
     l'État dans l'oeuvre de colonisation.                         229

  VI. -- Heures de retour. -- Dans l'Oural. -- La
     Grande-Russie. -- Conclusion.                                 241


LUGANO, LA VILLE DES FRESQUES

Par _M. GERSPACH_

     La petite ville de Lugano; ses charmes; son lac. -- Un peu
     d'histoire et de géographie. -- La cathédrale de
     Saint-Laurent. -- L'église Sainte-Marie-des-Anges. --
     Lugano, la ville des fresques. -- L'oeuvre du Luini. --
     Procédés employés pour le transfert des fresques.             253


SHANGHAÏ, LA MÉTROPOLE CHINOISE

Par _M. ÉMILE DESCHAMPS_

  I. -- Woo-Sung. -- Au débarcadère. -- La Concession
     française. -- La Cité chinoise. -- Retour à notre
     concession. -- La police municipale et la prison. -- La
     cangue et le bambou. -- Les exécutions. -- Le corps de
     volontaires. -- Émeutes. -- Les conseils municipaux.          265

  II. -- L'établissement des jésuites de Zi-ka-oueï. --
     Pharmacie chinoise. -- Le camp de Kou-ka-za. -- La fumerie
     d'opium. -- Le charnier des enfants trouvés. -- Le
     fournisseur des ombres. -- La concession internationale. --
     Jardin chinois. -- Le Bund. -- La pagode de Long-hoa. --
     Fou-tchéou-road. -- Statistique.                              277


L'ÉDUCATION DES NÈGRES AUX ÉTATS-UNIS

Par _M. BARGY_

     Le problème de la civilisation des nègres. -- L'Institut
     Hampton, en Virginie. -- La vie de Booker T. Washington. --
     L'école professionnelle de Tuskegee, en Alabama. --
     Conciliateurs et agitateurs. -- Le vote des nègres et la
     casuistique de la Constitution.                               289


À TRAVERS LA PERSE ORIENTALE

Par _le Major PERCY MOLESWORTH SYKES_

_Consul général de S. M. Britannique au Khorassan_.

  I. -- Arrivée à Astrabad. -- Ancienne importance de la
     ville. -- Le pays des Turkomans: à travers le steppe et les
     Collines Noires. -- Le Khorassan. -- Mechhed: sa mosquée;
     son commerce. -- Le désert de Lout. -- Sur la route de
     Kirman.                                                       301

  II. -- La province de Kirman. -- Géographie: la flore, la
     faune; l'administration, l'armée. -- Histoire: invasions et
     dévastations. -- La ville de Kirman, capitale de la
     province. -- Une saison sur le plateau de Sardou.             313

  III. -- En Baloutchistan. -- Le Makran: la côte du golfe
     Arabique. -- Histoire et géographie du Makran. -- Le Sarhad.  325

  IV. -- Délimitation à la frontière perso-baloutche. -- De
     Kirman à la ville-frontière de Kouak. -- La Commission de
     délimitation. -- Question de préséance. -- L'oeuvre de la
     Commission. -- De Kouak à Kélat.                              337

  V. -- Le Seistan: son histoire. -- Le delta du Helmand. --
     Comparaison du Seistan et de l'Égypte. -- Excursions dans le
     Helmand. -- Retour par Yezd à Kirman.                         349


AUX RUINES D'ANGKOR

Par _M. le Vicomte DE MIRAMON-FARGUES_

     De Saïgon à Pnôm-penh et à Compong-Chuang. -- À la rame sur
     le Grand-Lac. -- Les charrettes cambodgiennes. -- Siem-Réap.
     -- Le temple d'Angkor. -- Angkor-Tom -- Décadence de la
     civilisation khmer. -- Rencontre du second roi du Cambodge.
     -- Oudong-la-Superbe, capitale du père de Norodom. -- Le
     palais de Norodom à Pnôm-penh. -- Pourquoi la France ne
     devrait pas abandonner au Siam le territoire d'Angkor.        361


EN ROUMANIE

Par _M. Th. HEBBELYNCK_

  I. -- De Budapest à Petrozeny. -- Un mot d'histoire. -- La
     vallée du Jiul. -- Les Boyards et les Tziganes. -- Le marché
     de Targu Jiul. -- Le monastère de Tismana.                    373

  II. -- Le monastère d'Horezu. -- Excursion à Bistritza. --
     Romnicu et le défilé de la Tour-Rouge. -- De Curtea de Arges
     à Campolung. -- Défilé de Dimboviciora.                       385

  III. -- Bucarest, aspect de la ville. -- Les mines de sel de
     Slanic. -- Les sources de pétrole de Doftana. -- Sinaïa,
     promenade dans la forêt. -- Busteni et le domaine de la
     Couronne.                                                     397


CROQUIS HOLLANDAIS

Par _M. Lud. GEORGES HAMÖN_

_Photographies de l'auteur._

  I. -- Une ville hollandaise. -- Middelburg. -- Les nuages.
     -- Les _boerin_. -- La maison. -- L'éclusier. -- Le marché.
     -- Le village hollandais. -- Zoutelande. -- Les bons
     aubergistes. -- Une soirée locale. -- Les sabots des petits
     enfants. -- La kermesse. -- La piété du Hollandais.           410

  II. -- Rencontre sur la route. -- Le beau cavalier. -- Un
     déjeuner décevant. -- Le père Kick.                           421

  III. -- La terre hollandaise. -- L'eau. -- Les moulins. --
     La culture. -- Les polders. -- Les digues. -- Origine de la
     Hollande. -- Une nuit à Veere. -- Wemeldingen. -- Les cinq
     jeunes filles. -- Flirt muet. -- Le pochard. -- La vie sur
     l'eau.                                                        423

  IV. -- Le pêcheur hollandais. -- Volendam. -- La lessive. --
     Les marmots. -- Les canards. -- La pêche au hareng. -- Le
     fils du pêcheur. -- Une île singulière: Marken. -- Au milieu
     des eaux. -- Les maisons. -- Les moeurs. -- Les jeunes
     filles. -- Perspective. -- La tourbe et les tourbières. --
     Produit national. -- Les tourbières hautes et basses. --
     Houille locale.                                               433


ABYDOS

dans les temps anciens et dans les temps modernes

Par _M. E. AMELINEAU_

     Légende d'Osiris. -- Histoire d'Abydos à travers les
     dynasties, à l'époque chrétienne. -- Ses monuments et leur
     spoliation. -- Ses habitants actuels et leurs moeurs.         445


VOYAGE DU PRINCE SCIPION BORGHÈSE AUX MONTS CÉLESTES

Par _M. JULES BROCHEREL_

  I. -- De Tachkent à Prjevalsk. -- La ville de Tachkent. --
     En tarentass. -- Tchimkent. -- Aoulié-Ata. -- Tokmak. -- Les
     gorges de Bouam. -- Le lac Issik-Koul. -- Prjevalsk. -- Un
     chef kirghize.                                                457

  II. -- La vallée de Tomghent. -- Un aoul kirghize. -- La
     traversée du col de Tomghent. -- Chevaux alpinistes. -- Une
     vallée déserte. -- Le Kizil-tao. -- Le Saridjass. --
     Troupeaux de chevaux. -- La vallée de Kachkateur. -- En vue
     du Khan-Tengri.                                               469

  III. -- Sur le col de Tuz. -- Rencontre d'antilopes. -- La
     vallée d'Inghiltchik. -- Le «tchiou mouz». -- Un chef
     kirghize. -- Les gorges d'Attiaïlo. -- L'aoul d'Oustchiar.
     -- Arrêtés par les rochers.                                   481

  IV. -- Vers l'aiguille d'Oustchiar. -- L'aoul de Kaende. --
     En vue du Khan-Tengri. -- Le glacier de Kaende. -- Bloqués
     par la neige. -- Nous songeons au retour. -- Dans la vallée
     de l'Irtach. -- Chez le kaltchè. -- Cuisine de Kirghize. --
     Fin des travaux topographiques. -- Un enterrement kirghize.   493

  V. -- L'heure du retour. -- La vallée d'Irtach. -- Nous
     retrouvons la douane. -- Arrivée à Prjevalsk. -- La
     dispersion.                                                   505

  VI. -- Les Khirghizes. -- L'origine de la race. -- Kazaks et
     Khirghizes. -- Le classement des Bourouts. -- Le costume
     khirghize. -- La yourte. -- Moeurs et coutumes khirghizes.
     -- Mariages khirghizes. -- Conclusion.                        507


L'ARCHIPEL DES FEROÉ

Par _Mlle ANNA SEE_

     Première escale: Trangisvaag. -- Thorshavn, capitale de
     l'Archipel; le port, la ville. -- Un peu d'histoire. -- La
     vie végétative des Feroïens. -- La pêche aux dauphins. -- La
     pêche aux baleines. -- Excursions diverses à travers
     l'Archipel.                                                   517


PONDICHÉRY

chef-lieu de l'Inde française

Par _M. G. VERSCHUUR_

     Accès difficile de Pondichéry par mer. -- Ville blanche et
     ville indienne. -- Le palais du Gouvernement. -- Les hôtels
     de nos colonies. -- Enclaves anglaises. -- La population;
     les enfants. -- Architecture et religion. -- Commerce. --
     L'avenir de Pondichéry. -- Le marché. -- Les écoles. -- La
     fièvre de la politique.                                       529


UNE PEUPLADE MALGACHE LES TANALA DE L'IKONGO

Par _M. le Lieutenant ARDANT DU PICQ_

  I. -- Géographie et histoire de l'Ikongo. -- Les Tanala. --
     Organisation sociale. Tribu, clan, famille. -- Les lois.      541

  II. -- Religion et superstitions. -- Culte des morts. --
     Devins et sorciers. -- Le Sikidy. -- La science. --
     Astrologie. -- L'écriture. -- L'art. -- Le vêtement et la
     parure. -- L'habitation. -- La danse. -- La musique. -- La
     poésie.                                                       553


LA RÉGION DU BOU HEDMA

(sud tunisien)

Par _M. Ch. MAUMENÉ_

     Le chemin de fer Sfax-Gafsa. -- Maharess. -- Lella Mazouna.
     -- La forêt de gommiers. -- La source des Trois Palmiers. --
     Le Bou Hedma. -- Un groupe mégalithique. -- Renseignements
     indigènes. -- L'oued Hadedj et ses sources chaudes. -- La
     plaine des Ouled bou Saad et Sidi haoua el oued. -- Bir
     Saad. -- Manoubia. -- Khrangat Touninn. -- Sakket. -- Sened.
     -- Ogla Zagoufta. -- La plaine et le village de Mech. --
     Sidi Abd el-Aziz.                                             565


DE TOLÈDE À GRENADE

Par _Mme JANE DIEULAFOY_

  I. -- L'aspect de la Castille. -- Les troupeaux en
     _transhumance_. -- La Mesta. -- Le Tage et ses poètes. -- La
     Cuesta del Carmel. -- Le Cristo de la Luz. -- La machine
     hydraulique de Jualino Turriano. -- Le Zocodover. -- Vieux
     palais et anciennes synagogues. -- Les Juifs de Tolède. --
     Un souvenir de l'inondation du Tage.                          577

  II. -- Le Taller del Moro et le Salon de la Casa de Mesa. --
     Les pupilles de l'évêque Siliceo. -- Santo Tomé et l'oeuvre
     du Greco. -- La mosquée de Tolède et la reine Constance. --
     Juan Guaz, premier architecte de la Cathédrale. -- Ses
     transformations et adjonctions. -- Souvenirs de las Navas.
     -- Le tombeau du cardinal de Mendoza. Isabelle la Catholique
     est son exécutrice testamentaire. -- Ximénès. -- Le rite
     mozarabe. -- Alvaro de Luda. -- Le porte-bannière d'Isabelle
     à la bataille de Toro.                                        589

  III. -- Entrée d'Isabelle et de Ferdinand, d'après les
     chroniques. -- San Juan de los Reyes. -- L'hôpital de Santa
     Cruz. -- Les Soeurs de Saint-Vincent de Paul. -- Les
     portraits fameux de l'Université. -- L'ange et la peste. --
     Sainte-Léocadie. -- El Cristo de la Vega. -- Le soleil
     couchant sur les pinacles de San Juan de los Reyes.           601

  IV. -- Les «cigarrales». -- Le pont San Martino et son
     architecte. -- Dévouement conjugal. -- L'inscription de
     l'Hôtel de Ville. -- Cordoue, l'Athènes de l'Occident. -- Sa
     mosquée. -- Ses fils les plus illustres. -- Gonzalve de
     Cordoue. -- Les comptes du _Gran Capitan_. -- Juan de Mena.
     -- Doña Maria de Parèdes. -- L'industrie des cuirs repoussés
     et dorés.                                                     613



  TOME XI, NOUVELLE SÉRIE--49e LIV.          Nº 49.--9 Décembre 1905.


[Illustration: Après avoir croisé des boeufs superbes ... (page
581).--D'après une photographie.]



DE TOLÈDE À GRENADE

PAR Mme JANE DIEULAFOY.

     I. -- L'aspect de la Castille. -- Les troupeaux en
     _transhumance_. -- La Mesta. -- Le Tage et ses poètes. -- La
     Cuesta del Carmel. -- Le Cristo de la Luz. -- La machine
     hydraulique de Juanilo Turriano. -- Le Zocodover. -- Vieux palais
     et anciennes synagogues. -- Les Juifs de Tolède. -- Un souvenir
     de l'inondation du Tage.


[Illustration: Femme castillane.--D'après une photographie.]

«De Madrid à Tolède, écrit un auteur espagnol du XVIIIe siècle, le
chemin est tout plat, sauf les côtes.»

Ceci reconnu exact, comme elle est triste et monotone, la route qui se
déroule entre la capitale de l'Espagne moderne et la vieille capitale
de l'Empire wisigoth! À peine a-t-on perdu de vue les maisons de
Madrid, disposées en amphithéâtre au-dessous de l'hémicycle bleu formé
par la chaîne du Guadarrama, que l'on entre dans une région déserte à
frémir. En haut, le ciel d'un bleu implacable; en bas, une lande d'un
gris uniforme, semée d'herbes revêches, et, par endroits, les cendres
des chaumes brûlés dès la fin de la moisson. Les villages, fort rares,
bâtis avec des matériaux de terre ou des pierres couleur du sol, se
confondent avec lui. Ils n'attireraient point le regard si quelques
arbres n'élevaient un maigre bouquet de verdure autour de ces pauvres
demeures. En traversant cette plaine dénudée, on se prend à penser
qu'ils furent bien mal obéis, ces ordres du Conseil de Castille, qui
enjoignaient à chaque villageois de planter au moins cinq arbres par
an.

L'origine de cette antique ordonnance remonterait sans doute à une
période bien reculée. Ne serait-elle point un souvenir très lointain
de ces lois religieuses, qui, en pays mazdéen, mettaient la plantation
des arbres, le défrichement des terres incultes et l'élevage des
bestiaux au nombre des oeuvres pies commandées et bénies par Ormazd,
le Dieu bon de la Perse antique? Les Arabes s'étaient trop mêlés dans
leurs migrations à tous les peuples qu'ils avaient conquis, et les
Perses par leur savoir, leur intelligence, leur sens artistique les
avaient trop vivement impressionnés pour qu'ils aient échappé à leur
influence. Faut-il s'étonner s'ils leur empruntèrent des lois et en
reçurent des traditions qu'ils importèrent en Espagne et que les
chrétiens, après l'expulsion de l'ennemi héréditaire, eurent la
sagesse de conserver? Plût à Dieu qu'ils eussent gardé intactes celles
qui réglaient la culture des terres: la moitié de l'Espagne ne serait
pas stérile comme elle l'est aujourd'hui.

Quoi qu'il en soit, il ne faut pas s'évertuer à chercher des arbres
entre Madrid et Tolède. L'on y perdrait ses yeux et son latin, à
supposer que l'on soit encore approvisionné d'une langue que ses longs
contacts avec l'Église ont fait bien mal noter.

Certes, le Castillan aime l'ombre, qui tempère l'ardeur d'un soleil de
feu; mais il lui préfère les grains de blé que consommeraient les
oiseaux nichés dans le feuillage. Qu'importé au laboureur le ramage de
l'oiseau, _ce petit bouquet de plumes_, comme l'appelle si joliment
Calderon, quand il songe à la récolte semée, sarclée et moissonnée au
prix d'un dur labeur! Seuls le rossignol et l'hirondelle trouvent
grâce à ses yeux, mais seulement parce qu'ils se nourrissent
d'insectes, et que l'insecte aussi est redoutable. Le Castillan est
pauvre, il n'a de choix qu'entre les maux!

En revanche, la Castille est riche de souvenirs légendaires ou
historiques.

À Esquivias on ne manquera pas de rappeler le mariage et le long
séjour de Cervantès; plus loin, on évoquera l'ombre du Chevalier de la
Triste Figure, de Sancho Pança, et même de Dulcinée dont la naissance
a illustré le Toboso tout voisin. Il n'est pas jusqu'à Rossinante,
jusqu'à la monture de Sancho, jusqu'aux troupeaux qu'attaquait le
Chevalier, qui n'aient laissé dans le pays une nombreuse postérité de
chevaux étiques, d'ânes têtus et de mérinos à la longue laine. Qui
l'oserait mettre en doute? Pour punir ce fanfaron d'incrédulité il ne
suffirait pas de rétablir l'Inquisition.

[Illustration: On chemine à travers l'inextricable réseau des ruelles
silencieuses (page 584).--D'après une photographie.]

Ce n'est pas la première fois que je rencontre ces troupeaux en
_transhumance_ qui, depuis les temps antiques, vont de pâturage en
pâturage, d'une extrémité à l'autre de l'Espagne, à mesure que les
saisons changent. Ce n'est pas d'aujourd'hui que leurs colonies
errantes conduites par des bergers à cheval et gardées par des chiens
à demi sauvages stérilisent le sol qu'elles foulent sous leurs pas.

Possédés par une sorte de confrérie connue sous le nom de _Mesta_
(juridiction) et qui comptait parmi ses membres les plus grands
seigneurs et les abbés des plus riches monastères, des millions de
moutons s'abattaient au printemps et à l'automne sur certaines régions
dont leurs dents courtes avaient bientôt rasé l'herbe coupée au
collet; d'étranges privilèges favorisaient leurs migrations, et la
_Mesta_ devint même si puissante et si autoritaire, qu'elle osa
interdire de cultiver les terres fertiles, afin d'y réserver des
pâturages abondants. En même temps que les bergers ainsi protégés
s'enhardissaient, le laboureur opprimé perdait courage, car rien ne le
préservait des incursions de l'ennemi. Il eût fait beau voir qu'il
osât se plaindre des dégâts commis par les troupeaux des chevaliers de
Santiago, de Calatrava, ou se défendre contre les quarante mille
bergers condamnés au célibat par les exigences de la vie nomade, et
souvent plus sauvages et plus redoutables que leurs chiens! Sans
espoir en aucun recours, le laboureur abandonna la charrue, quitta le
toit paternel. Mieux valait émigrer, partir pour le Nouveau Monde,
gagner ces contrées féeriques où l'on remuait l'or à la pelle, où l'on
échappait à l'oppression des grands feudataires, à la corvée imposée
par les Ordres monastiques, et surtout au mouton! Au Moyen âge, le
doux animal fut une plaie plus redoutable que la sauterelle d'Égypte;
l'Espagne moderne en subit encore les conséquences. Le paysan ne
revient jamais à la terre qu'il a aimée, lorsque son coeur et ses bras
s'en sont détachés une fois. Chez lui, de pareilles décisions sont
irrévocables.

Aussi bien, tandis que les rives du Guadiana étaient autrefois semées
de villes et de gros bourgs florissants, on n'y voit plus aujourd'hui
que des ruines ou des villages chétifs groupés autour d'une église
immense, trois fois trop grande pour contenir une population appauvrie
et paresseuse. De siècle en siècle les forts et les vaillants de
chaque génération sont allés peupler l'Amérique du Sud ou les
Philippines, et les qualités natives de la nation s'en sont
ressenties.

[Illustration: La rue du commerce, à Tolède (page 584).--D'après une
photographie.]

Depuis 1835 les privilèges de la _Mesta_ ont été abolis, et les
troupeaux en _transhumance_ ne peuvent cheminer que sur une largeur de
quatre-vingts mètres; mais ce n'est pas en un jour qu'un remède si
tardif peut guérir un mal invétéré, et des siècles s'écouleront avant
que le Castillan ait repris le goût de la terre. Grave, majestueux,
sombre, indifférent, longtemps encore il abandonnera le soin de
cultiver son champ à des Galiciens, à des Baléares ou à des Basques
qui vivent à ses dépens, et préférera souffrir la faim dans toutes les
formes voulues par l'étiquette, plutôt que de déroger en accomplissant
un labeur servile indigne d'un hidalgo.

Telle est l'oeuvre de Robin Mouton; on ne peut nier que cette bête
féroce n'ait commencé! Sa laine lui fait beaucoup pardonner; mais ses
côtelettes! Il suffit de traverser l'Espagne pour leur garder rancune.

Voici le Tage; un ruban de sombre verdure en signale soudain le cours
sinueux. «Il coule entre les peupliers verts, tellement endormi que ni
l'arbre ne l'entend, ni le sable ne le sent passer. Dans son silence
et dans son repos, les joyeux rossignols l'avertissent tout haut que
le soleil se lève, et qu'il doit s'éveiller aussi. Entre les joncs de
ses bords, son cours tranquille ne dit pas qu'il se réveille, mais
témoigne qu'il se meut.»

À l'envi les poètes l'ont chanté: Garcilaso de la Vega évoque les
nymphes capricieuses qui se jouent sur ses rives:

  De quatra ninfas que, del Tago amado
  Salieron juntas, a cantar me offresco.

  (Les quatre nymphes qui, du Tage aimé
  Sortirent ensemble, je promets de chanter.)

C'est à elles que Cervantès fait allusion quand il parle des beautés
qui ont choisi pour demeure le cristal de ses eaux et s'asseyent sur
la verte prairie pour tisser de leurs doigts légers les étoffes
précieuses où se mêlent la soie, les perles et l'or. À son tour,
Moratin subit le charme de ses ondes et le célébra dans des idylles
que ne désavoueraient ni Théocrite, ni Virgile; mais nul n'a mieux
glorifié le fleuve majestueux arrivé au terme de sa course, que
l'immortel auteur des _Lusiades_. Le Tage n'est pas seulement pour
lui le fleuve clair qu'aiment les pasteurs de ses églogues: il est le
fleuve épique, il est le fleuve sacré, il est une sorte de divinité
inspiratrice:

«Muses du Tage qui, dès la plus tendre enfance, m'avez inspiré un
souffle si brûlant, si j'ai toujours dans mes chants rustiques célébré
la beauté de votre fleuve, daignez cette fois m'accorder le style
sublime, le ton élevé et majestueux ... Prêtez-moi des accents dont la
grandeur égale, s'il est possible, les exploits de votre belliqueuse
nation.»

Le Tage, blasé depuis longtemps sur les hommages hyperboliques des
poètes, continue sa marche paresseuse de Fleuve vieilli, tandis que la
voie ferrée s'en éloigne et coupe droit vers Tolède. Par bonheur, elle
ne s'approche point des remparts de la vieille cité. En construisant
la gare, l'ingénieur a reculé devant un sacrilège. Le voyage s'achève
dans un carrosse hors d'âge ou dans un char à bancs mal suspendu,
suivant que les voyageurs sont plus ou moins nombreux ou qu'ils
inspirent plus ou moins de respect. Les fouets claquent, les mules
ruent, les cochers les injurient, et l'ascension de la ville aux sept
collines commence au milieu d'un tourbillon de poussière qu'eussent
envié les dieux de l'Olympe quand ils descendaient sur la terre.
Hélas! que viendraient-ils faire aujourd'hui qu'ils ont tant de raison
de nous bouder!

Quelques tours de roues grinçantes et, à gauche, sur des rochers où ne
végète même pas une mousse chétive, la plus décorative des forteresses
ruinées, la mieux faite pour tenter le burin des aquafortistes, le
vieux château de San Cervantès dresse ses murailles pesantes,
rébarbatives, brûlées par d'innombrables soleils.

[Illustration: Un représentant de la foule innombrable des mendiants
de Tolède (page 584).--D'après une photographie.]

Il domine encore le cours du Tage; il le défendait autrefois. C'est
tout un appareil de guerre et de force, qui s'est rompu avec le temps.

San Cervantès lui aussi fut chanté par les poètes:

«Toi qui t'élèves à côté de Tolède, le roi Alfonse te fonda sur les
eaux du Tage. On dit que tu as été de fer aux machines de bois des
ennemis ... Et maintenant, méprisé, te voilà sur cet âpre rocher comme
en décembre la pique vermoulue du gardien des vignes; tes créneaux,
autrefois ta couronne, servent de perchoir aux corbeaux, et sont comme
ces dents isolées qui disent l'âge des vieillards.

«Écoute-moi, vaillant château, et accomplis ce que j'implore de toi,
bien que deux douzaines de vers ne méritent pas une récompense. Si
quelquefois ma maîtresse, terrible comme l'enfer, belle comme le ciel,
ou, pour mieux dire hautaine comme la ville de Tolède, sort pour jouir
des amandiers aux fleurs verdoyantes, prémisses de l'année et le plus
doux des aliments, si elle fait des eaux du Tage un miroir à sa
beauté, donne tes ruines pour exemple à son orgueil, et dis-lui, sans
parler, mille choses que tu sais bien....»

La vieille forteresse n'est pas seulement célébrée par les poètes; ses
légendes et ses histoires de guerre et d'amour chevaleresque sont
consacrées dans le Romancero.

Le roi Alfonse s'était éloigné à la tête d'une vaillante armée,
laissant le commandement de Tolède à Bérengère, noble par le sang,
reine par le mariage, souveraine par la beauté.

Le Maure, informé que la ville était dépourvue de ses défenseurs,
accourut. Mais, avant de franchir le Tage, il fallait prendre le
château qui défendait l'entrée du pont.

La reine monta sur une tour de l'Alcazar, et ses yeux courroucés
virent le péril que courait la poignée de braves enfermés dans la
forteresse, et qui, bientôt, périrait sous l'étreinte de l'Infidèle.

Et voici qu'il se présente au Maure, le héraut de la reine Bérangère.
Elle a dit sur un ton de reproche:

[Illustration: Dans des rues tortueuses s'ouvrent les entrées
monumentales d'anciens palais, tel que celui de la Sainte Hermandad
(page 584).--Photographie Lacoste, à Madrid.]

«N'est-ce point lâcheté à toi de t'en prendre à de si faibles ennemis!
Si tu es aussi vaillant que tu veux le faire croire, va, et attaque le
roi Alfonse, mon époux, et ses chrétiens, sous les murs de Carélie!»

Le Maure est humilié de cette remontrance, et il sait que la reine est
très belle.

«Que du haut du plus proche rempart Doña Bérangère consente à nous
montrer son visage dévoilé, et je lèverai le siège.»

Comme le soleil s'abaissait, la reine apparut, debout sur la muraille,
le visage découvert, entourée de ses demoiselles somptueusement
parées, plus belle que la lune naissante au milieu des premières
étoiles qui scintillent.

Le Maure la regarda longuement, et la salua avec les marques du plus
profond respect.

À l'aube, lui et les siens levèrent le siège du château, et prirent le
chemin de Carélie.

Au temps de Lope de Vega, la vieille forteresse, devenue inutile,
était si abandonnée que les gens de qualité se donnaient rendez-vous
sous ses murailles lorsque le point d'honneur les obligeait à
s'entre-couper la gorge. Dans la jolie comédie intitulée: _Aimer sans
savoir qui_, à laquelle Corneille a emprunté la _Suite du Menteur_, le
héros de la pièce vient y servir de témoin dans un de ces duels si
fréquents à cette époque. Si la mode n'en était passée, on y pourrait
encore aujourd'hui vider, sans crainte d'être dérangé, d'aussi
tragiques différends.

Après avoir croisé un troupeau de boeufs aux formes superbes, à la
robe noire comme la figure du diable, à condition que le diable soit
très noir, mon carrosse s'engage sur le pont d'Alcantara (le pont du
pont) que ferment à ses extrémités deux portes fortifiées, aux armes
de la maison d'Autriche.

Vu de ce point, le Tage prend un aspect terrible, en harmonie avec son
nom, et du fond de la gorge profonde où il coule, il semble enserrer
Tolède pour l'étouffer, plutôt que pour lui faire de ses bras d'amant
une amoureuse ceinture. Sans doute, quelque Durandal céleste a ouvert
son lit à travers la montagne, et taillé à pic les falaises qui
surplombent ses eaux limoneuses. Je lève les yeux et là-haut, sur la
crête des rochers, se dresse, tel un joyau serti dans une monture de
fer, la ville des conciles gothiques, la vieille capitale de la
Nouvelle-Castille, la cité mudejar qui dort sous les lambeaux de ses
vêtements asiatiques, sombre et claustrale comme au Moyen âge, à deux
heures de Madrid vivant et joyeux. Ce voyage si prompt à travers
quatorze siècles surprend l'esprit; un long séjour est nécessaire pour
en faire oublier les secousses.

La seconde porte franchie, sous les yeux vigilants des employés de
l'octroi, on s'engage sur un chemin en pente fort raide qui porte le
nom de: «Cuesta del Carmel». Il est le fils dégénéré d'une voie plus
abrupte qui passait non loin de l'église du Cristo de la Luz, un
monument très ancien et toujours vénéré.

Il y a sept siècles environ, comme Alfonse le Brave entrait dans
Tolède, qu'il venait de délivrer du joug des Infidèles, et s'élevait
le long de cet escarpement, ayant à ses côtés le Cid Campeador, les
regards des deux héros furent soudain attirés par une douce lumière.
Les murailles de l'antique sanctuaire se sont ouvertes, une musique
céleste se fait entendre, et la lampe de la chapelle chrétienne, qui
ne s'est point éteinte depuis trois cent soixante-neuf ans, sans que
personne ait pris soin de l'entretenir, brille aux yeux ravis des
guerriers victorieux.

Alfonse et le Cid mettent pied à terre, s'agenouillent et ordonnent de
célébrer, dans le sanctuaire rendu au culte, le saint sacrifice de la
Messe.

Rêve charmant des âmes pieuses. C'est à lui que le petit édifice doit
son nom: El Cristo de la Luz.

Les architectes locaux ont beaucoup discuté sur la date à laquelle on
doit faire remonter la construction de la partie la plus antique du
sanctuaire. Certains d'entre eux ont voulu y voir une manifestation
d'un art arabe très primitif, contemporain des premières années de la
conquête sarrazine. Ils voudraient y trouver aussi un prototype de la
célèbre mosquée de Cordoue. Son plan carré, ses nefs accotées avec
leurs arcs en fer à cheval et leurs colonnes d'un style fort grossier,
les coupoles de briques qui le couvrent viennent à l'appui de leur
thèse sans donner une certitude.

Des peintures à fresque, représentant les saints martyrs de Tolède, et
qui doivent remonter au XIIe siècle, ont été découvertes seulement en
1871, à la suite de la chute d'un fragment de l'enduit qui les
recouvrait. Elles dateraient de la période où les chevaliers de
Saint-Jean installèrent en ce lieu, signalé par un miracle, une
commanderie de leur Ordre. À peine faut-il parler, pour mémoire, de la
seconde chapelle construite en 1482 par le cardinal de Mendoza, et
dont la suppression rendrait au vieil édifice son véritable caractère.

Un peu au delà du Cristo de la Luz, fière et isolée comme un arc de
triomphe, s'élève la merveilleuse Puerta del Sol. Ses briques, dorées
par le soleil dont elles absorbent depuis si longtemps les rayons,
semblent sourire au regard. Qui ne l'a louée en prose, chantée en
vers, célébrée sous tous ses aspects? Le Tage lui-même aurait sujet
d'en être jaloux.

[Illustration: Porte du vieux palais de Tolède.--D'après une
photographie.]

Il me souvient d'être passée jadis sous son arc. Aujourd'hui, la route
carrossable est établie en contrebas, sans doute pour permettre de la
mieux admirer, et peut-être aussi pour améliorer la pente d'une route
fréquentée par un charroi très actif. La vie est, en effet, très
intense sur la _Cuesta del Carmel_, et parfois l'on a peine à se
frayer un passage à travers les convois d'ânes qui vont chercher de
l'eau au fleuve, car Tolède, bâti sur le roc, paraît presque aussi
altéré que le Manzanares lui-même.

Ce n'est pas d'hier qu'on a rêvé d'élever jusqu'aux lèvres de ses
habitants les eaux si douces de son Tage chéri. Charles Quint, ce
Charlemagne de l'Espagne, y réussit. Très épris de mécanique--chacun
sait le souci que lui causait le désaccord d'un certain nombre
d'horloges qu'il ne pouvait faire sonner en même temps,--il chargea un
ingénieur de Crémone, nommé Juanilo Turriano, de résoudre le problème.
L'Italien construisit un appareil hydraulique, que les contemporains
décrivent avec plus d'emphase que de précision. Alvarez de Colmenar,
qui vivait au siècle dernier, n'en parle que par ouï-dire, car il
n'existait plus de son temps. Il semble qu'il s'agit d'une noria.

«La machine de Juanilo était composée de grandes caisses de fer
attachées les unes aux autres et formant un chapelet qui descendait du
château dans le Tage; l'eau entrait dans la première, était poussée
dans la seconde, au moyen de certains rouages, et, de celle-là,
successivement dans les autres, jusqu'au château, où elle tombait dans
un réservoir, et se répandait dans toute la ville par un canal, ce qui
était d'une grande commodité.»

Juanilo quitta ce monde en 1585. Sa machine, retouchée par un
mécanicien israélite, fonctionna encore vingt-quatre ans. Puis,
celui-ci étant mort à son tour, elle s'arrêta pour jamais.

[Illustration: Fière et isolée comme un arc de triomphe, s'élève la
merveilleuse Puerta del Sol (page 582).--Photographie Lacoste, à
Madrid.]

À part quelques arceaux de la maçonnerie qui la soutenaient, il ne
reste rien de l'oeuvre de l'ingénieur italien, mais son auteur garde
encore dans la ville la réputation d'un nécromancien, capable
d'asservir à ses volontés la nature et le monde surnaturel lui-même.

Juanilo, entretenu aux frais du Chapitre de la cathédrale, avait
construit un automate qui, chaque jour, sortait de sa maison à heure
fixe, se dirigeait, imperturbable, vers la cuisine des chanoines,
recevait dans un panier le repas de son maître, saluait
respectueusement le cuisinier, pivotait sur les talons, et, sans
commettre la moindre indiscrétion ou la moindre gourmandise, rentrait
aussitôt au logis. La rue qu'il suivait porte encore aujourd'hui le
nom de: «Rue de l'homme de bois».

L'ascension s'achève, et mon char fait son entrée solennelle sur la
place du Zocodover. Le Zocodover! Quel nom sonore et superbe, bien
qu'il signifie simplement «le marché aux chevaux», et comme il semble
bien en harmonie avec les souvenirs héroïques de la cité Impériale!
Sur ce plateau fut la place d'armes où s'assemblaient les guerriers
prêts à entrer en campagne, ici joutèrent les chevaliers lors de
l'entrée solennelle des Rois Catholiques, ici se réunissaient les
_Comuneros_, qu'électrisait la grande Maria de Padilla, ici se
dressait le tribunal du Saint-Office dont l'archevêque de Tolède,
primat d'Espagne, était de droit le Grand Inquisiteur. Tous les
souverains de l'Espagne, tous ses hommes célèbres, devraient avoir
leur effigie sur le Zocodover, car presque tous en ont foulé le sol.

À sa vue, adieu les évocations merveilleuses ou tragiques! Le
Zocodover n'est plus qu'une place banale irrégulière, dont les maisons
pauvres et sans caractère ont pour soutien de grossières colonnes.
Sous les portiques ainsi formés, d'humbles marchands vendent des
melons, des sandales et des journaux.

Sur un banc circulaire bâti en briques, dorment d'un oeil ou fument en
silence des mendiants d'une malpropreté grandiose, triomphants dans
leurs guenilles. Tous guettent l'apparition d'un étranger sur la place
ou à l'entrée de la rue du Commerce qui conduit à la cathédrale. Cette
belle habitude ne date pas d'hier.

Dans l'une de ses nouvelles, Cervantès parle de la troupe innombrable
de mendiants, de faux perclus et de coupeurs de bourse qui occupaient
ce poste de choix. Il la pouvait peindre d'après nature de sa maison
toute voisine. Rien ne change sous le beau soleil de l'Espagne, qui
incline le corps à la paresse, et l'esprit à la torpeur.

[Illustration: Détail de sculpture Mudejar dans le Transito (page
587).--D'après une photographie.]

Pour peu que l'on stationne quelques jours à Tolède, un problème se
pose: Faut-il donner ou refuser l'aumône si ardemment sollicitée?
Montrez-vous quelque bonne volonté? vous serez tout de suite connu et
vous ne pourrez sortir sans que cinquante mains, aux doigts indiscrets
et sales, s'accrochent à vos vêtements, explorent toute votre
personne, s'enfoncent dans vos poches, en sortent le contenu et y
laissent ... des souvenirs piquants. Faites-vous la sourde oreille?
vous serez tout aussi pressé, foulé, fouillé, et accablé d'injures
par-dessus le marché, sous l'oeil paterne d'un agent de police, de qui
les mendiants savent attendrir le coeur. Le problème est donc
insoluble. Quand on a fait à ses dépens cette expérience, on se résout
à voler les voleurs, en cheminant à travers l'inextricable réseau de
rues, ou plutôt de ruelles silencieuses qui coupent et recoupent la
ville. Parfois, sur ces voies, si étroites qu'un mulet chargé touche
les deux murailles, on se trouve en péril d'être écrasé, et il faut
remonter jusqu'à l'ébrasement d'une porte hospitalière, pour s'en
préserver; mais quels dangers ne braverait-on pas pour éviter l'entrée
de la rue du Commerce?

Il arrive même que l'on rencontre d'antiques carrosses dans ces rues
tortueuses où s'ouvrent les entrées monumentales d'anciens palais,
tels que ceux de la grande famille des Tolède ou de la confrérie de la
Sainte-Hermandad. La chose tourne au tragique lorsque deux voitures,
sans se voir, s'engagent en même temps aux deux extrémités de la même
voie. L'unique ressource est de dételer et de reculer à bras d'homme.

Mais qui détellera? qui reculera? Grave question, dans un pays où le
point d'honneur a un culte, et où l'amour-propre, mieux encore que la
foi, soulèverait des montagnes.

[Illustration: Ancienne synagogue connue sous le nom de Santa Maria la
Blanca (page 586).--Photographie Lacoste, à Madrid.]

Il y a ... pas mal d'années, eut lieu une rencontre fameuse entre le
carrosse de la femme du Président du Conseil de Castille et l'épouse
du Président du Conseil des Indes. Par l'intermédiaire des valets, ces
dames avaient parlementé sans pouvoir s'entendre. Aucune des deux ne
voulait reculer. Depuis plus de trois heures, les chevaux étaient nez
à nez, et les cochers s'invectivaient. Faute de Salomon, mort depuis
quelques années, et des arbitres de la Haye retenus encore dans les
limbes, une bonne âme, émue de la gravité du cas, proposa de le
soumettre au Cardinal et de s'en rapporter à sa décision.

«La question ne se pose même pas, fit le prélat ferré sur l'étiquette.
La plus jeune de ces dames doit céder le pas à l'autre.»

À peine cette décision fut-elle communiquée aux parties que, des deux
carrosses, sortit en même temps un ordre formel:

«Dételez, et reculez; je cède le pas à la Présidente du Conseil de
Castille. Comme le dit si doctement Son Éminence, l'âge lui mérite cet
honneur.»

«Reculez au plus vite, je cède le pas à la Présidente du Conseil des
Indes. Comme l'a jugé si sagement Son Éminence, l'âge lui vaut cette
déférence.»

Pareille mésaventure m'a été évitée, car je suis descendue dans une
_fonda_ bien espagnole, dont la porte, splendidement armoriée, s'ouvre
sur la large voie qui, du Zocodover, monte à l'Alcazar. C'est un
palais qui dut avoir fort belle allure avant qu'un ciel ouvert ne
couvrît le _patio_ à la hauteur du premier étage, pour en faire une
vaste salle à manger.

Des portes magnifiques, massives et pesantes comme celles d'une
cathédrale, munies de clés longues d'une coudée, donnent accès dans
les chambres. La mienne est double, c'est-à-dire pourvue d'une alcôve
immense, soigneusement close, et contient non seulement deux énormes
lits, mais les meubles de toilette. Ni le bruit n'y parviendrait, ni
la lumière ni la chaleur n'y pénétreraient, quand même cent personnes
s'agiteraient dans le _patio_, ou que le soleil au zénith darderait
sur la terre ses rayons embrasés. Ici encore, mon esprit enfourche son
cheval favori et m'emporte, rapide, vers Chiraz ou Kachan. N'est-ce
pas ainsi, que dans les riches maisons persanes, toute chambre se
compose de trois annexes de plus en plus retirées, fraîches et
mystérieuses, que l'on habite ou que l'on abandonne suivant la saison
ou même selon l'heure du jour?

J'étais venue il y a quelque vingt ans à Tolède, et, depuis cette
époque, je gardais le regret de l'avoir vue en touriste. Il
s'agissait, maintenant, d'effacer mes remords.

Mais comment s'orienter avec méthode dans cette cité héroïque qui
connut toutes les civilisations de l'Espagne, où chacune a laissé des
merveilles? Diviser Tolède par quartiers, n'est-ce point tout mêler et
confondre? Bâtie sur un plateau restreint, la ville n'a pu ni se
déplacer ni s'étendre beaucoup, de telle sorte que c'est au nord comme
au sud, à l'est comme à l'ouest, que ses maîtres ont construit leurs
palais ou leurs temples. Ne vaut-il pas mieux suivre, étape par étape,
à travers les siècles, sa vie morale, religieuse et artistique, que de
passer sans transition à l'étude de monuments dont l'âge varie de cinq
ou six siècles?

Je me suis arrêtée à ce dernier parti, conseillée en ceci par mon
savant ami, le Professeur Ventura Prosper y Reyes, que tout Tolède
respecte pour son talent et chérit pour son exquise bonté. Pas une
porte ne reste close devant lui quand il y frappe et prononce ce salut
magique qui ne saurait sortir d'une bouche impie: «_Ave Maria
purissima_», auquel on répond par un «_sin pécado concebida_» et un
gracieux sourire.

[Illustration: Madrilène.--D'après une photographie.]

Après la visite de la chapelle du Cristo de la Luz et des restes,
transformés en boutique, de la vieille mosquée de la Torneria, celles
des anciennes synagogues connues sous le nom de Santa Maria la Blanca
et du Transito s'imposait. Si l'on en croit les familles israélites,
que la persécution a depuis cinq siècles rejetées de l'autre côté du
détroit, les Hébreux seraient venus en Espagne après la destruction de
Jérusalem par Titus. Tous ceux qui purent échapper à la captivité,
suivirent les rivages de la Méditerranée, et n'hésitèrent pas à
franchir la mer, pour se fixer dans la fertile Andalousie. L'on n'est
pas forcé d'accepter comme article de foi cette tradition. La première
mention qui soit faite des juifs espagnols, remonte au IVe siècle. Il
en est question dans un conseil ilibéritain. Doués d'un esprit
d'initiative très vif, et d'une activité physique particulière, ils se
multiplièrent et acquirent une richesse que les Wisigoths, insouciants
et paresseux, ne cherchèrent pas à leur disputer. Mais aussitôt que
leurs maîtres ariens eurent accepté la foi orthodoxe, la persécution
s'abattit sur eux. Une loi terrible condamna la race entière à
l'esclavage. Montesquieu a pu remarquer sans beaucoup d'exagération
que le code gothique contenait en esprit tous les prétextes dont
s'inspira l'Inquisition et les monarques du XIVe siècle dans leur
guerre contre les Israélites.

La conquête musulmane fut un bienfait pour les Juifs. Ils brillèrent
dans les arts et les sciences; ils monopolisèrent la banque, et furent
à peu près les seuls à exercer la médecine et la pharmacie. Les écoles
de Cordoue, de Tolède et de Barcelone étaient remplies de leurs
élèves. Ils atteignirent même à des situations si importantes,
qu'après l'expulsion des Maures ils n'en furent pas dépossédés.

On rencontre une foule de noms juifs, parmi ceux des savants et des
hommes de finance attachés aux cours d'Alphonse X, d'Alphonse XI, de
Pierre le Cruel, d'Enrique IV et de beaucoup d'autres princes
chrétiens. Alphonse le Sage les employa à régler ses célèbres tables
astronomiques, James Ier d'Aragon eut un Hébreu pour précepteur; Jean
II, père d'Isabelle la Catholique, chargea l'un d'eux de réunir les
poèmes qui composent le _Cancionero nacional_.

Ce fut durant cette période que les Juifs Tolédans élevèrent les deux
synagogues qui témoignent de leur richesse et de leur goût. L'église
qui porte le nom de Santa Maria la Bianca est le plus ancien de ces
sanctuaires. Elle avait gardé jusqu'en 1405 sa destination première.
Mais à cette époque Vicente Ferrer, dont l'apostolat violent avait
converti de gré ou de force tant d'Israélites au christianisme, vint
évangéliser Tolède. Il prêchait plusieurs fois par jour à Santiago de
Arabal, une église voisine de la porte de Visagra, où l'on montre
encore sa chaire, une merveille de ferronnerie. Mais les Juifs de
Tolède venaient au sermon, et s'en retournaient incrédules. Habitué à
la mollesse et à la douceur des Andalous, Vicente Ferrer s'irritait de
son insuccès. Un soir que l'auditoire chrétien était nombreux et
enthousiasme, le moine, grisé de ses propres paroles, descend de sa
chaire, saisit une croix, sort en courant, entraîne toute l'assistance
dont la foule se grossit à mesure qu'elle traverse la ville, entre de
force dans la synagogue, expulse les rabbins, et consacre l'édifice au
culte chrétien, sous le vocable de Santa Maria la Blanca, en souvenir
d'un miracle célèbre et survenu à Rome en 352, sous le pontificat de
saint Libérius.

[Illustration: La porte de Visagra, construction massive remontant à
l'époque de Charles Quint (page 588).--Photographie Lacoste, à
Madrid.]

Depuis sa transformation, la vieille synagogue a subi bien des
vicissitudes. En 1550, le cardinal-archevêque D. Juan Siliceo
l'agrandit, y adjoignit quelques constructions, et en fit une sorte de
béguinage consacré aux filles repenties, sous le vocable de Refuge de
la Pénitence ou de Notre-Dame de la Pitié. Mais, soit que les
Tolédanes fussent toutes vertueuses, ou plutôt, comme l'assure un
auteur sceptique, qu'elles fussent rarement touchées de repentir, le
béguinage ne fut jamais prospère et finit par se fermer faute de
béguines. Santa Maria la Blanca, inutile et abandonnée, eût été
démolie si l'on n'eût décidé d'y loger des troupes, puis de la
convertir en magasin militaire.

Il n'y a guère plus de trente ans que cette petite merveille a été
réclamée par la Commission des Monuments historiques. Depuis cette
époque, grâce à une subvention annuelle du Gouvernement, et aux
revenus que donnent les entrées des étrangers, on a pu entreprendre
une importante restauration. À l'extérieur, rien ne signale le charme
et la grâce de son architecture; mais, à peine la porte est-elle
ouverte, que le regard embrasse dans leur ensemble cinq nefs, divisées
par trois rangées de piliers octogones, sur lesquels s'appuyent des
arcs outrepassés. Les chapiteaux, ornés de stucs ciselés avec une
délicatesse infinie, rappellent, par le dessin ornemental, leurs
prototypes encore conservés dans certaines mosquées persanes. Au
milieu des tympans, s'étendent de gracieuses rosaces, tandis que le
long de l'astragale, formée d'une torsade, règnent des feuillages
enroulés en forme de volute et mêlés à ces pommes de pin que l'on
retrouve dans les constructions de l'Alhambra remontant à l'époque du
Khalifat. Un riche plafond de bois, incrusté de nacre et d'ivoire,
couvre la nef centrale et donne à cette partie de l'édifice une
élégance suprême.

Les Juifs n'avaient pu protester contre la spoliation dont ils avaient
été victimes. Ils se résignèrent, et se réunirent plus tard dans une
synagogue plus grande et plus belle, bâtie par Samuel Lévy, le célèbre
trésorier de Pierre le Cruel, sur les plans du rabbin Don Meir Abdeli,
et terminée en 1336. Ils y célébrèrent leur culte jusqu'en 1492, cette
année à la fois glorieuse et terrible, où Isabelle prit Grenade,
décida la conquête du Nouveau Monde, et signa d'une main abusée
l'arrêt qui priva l'Espagne de cent vingt mille Juifs, industrieux,
intelligents et actifs.

La synagogue de Samuel Lévy subit à son tour le sort de son aînée, et
devint chrétienne sous le nom de _Transito de Nuestra Señora_.
L'édifice est construit avec un luxe en harmonie avec la richesse de
son fondateur, et présente un des plus beaux spécimens de l'art arabe
andalou. Il est constitué par une nef unique, couverte, à 14 mètres de
haut, par une admirable charpente de mélèze incrusté d'ivoire et de
nacre, comme celle de Santa Maria la Blanca. Sur les murs s'étendent
des ornements stucqués si délicats, si légers, si élégants, qu'on les
prendrait au premier abord pour une vieille guipure de Venise, oubliée
depuis des siècles sur la paroi. Dans la partie supérieure où
s'ouvrent d'élégantes fenêtres, se déroule, à travers des rinceaux et
des fleurs, une magnifique inscription en caractères hébraïques. Elle
chante la louange du fondateur de la synagogue, Samuel Lévy, et de D.
Pedro, roi régnant. Quand le digne trésorier fut condamné à mort par
un maître cupide et jaloux, il dut au fond du coeur regretter l'argent
qu'il avait consacré à louer son bourreau. L'inscription n'en a pas
moins échappé aux atteintes du temps, et doit à sa position élevée
d'avoir défié les chrétiens, au moment où ils consacrèrent la
synagogue, après l'avoir transformée en église.

Aujourd'hui, un échafaudage énorme, des planchers successifs auxquels
on accède par des escaliers, coupent la nef en plusieurs étages, et
empêchent d'apprécier la beauté de son ensemble. Il est cependant
possible d'admirer de magnifiques fragments, de reconstituer les
grandes lignes du temple et de reconnaître que si, au train dont on la
mène, la restauration entreprise risque de durer un demi-siècle, elle
est du moins exécutée avec une véritable science, une habileté et une
souplesse de main incomparables.

Autour du Transito qu'avoisinait le palais de Samuel Lévy, autour de
Santa Maria la Blanca, le sol nu est celui de l'ancien quartier juif.
Hélas! sur les escarpements du Tage, sur les hauteurs où les fils de
ceux qui avaient mesuré du regard l'abîme du Cédron avaient trouvé un
asile qu'ils espéraient éternel, il ne reste que décombres et
poussières. Quel terrible exode que celui de la nation infortunée,
contrainte de quitter la terre où elle vivait depuis des siècles, de
réaliser en quelques mois tous ses biens, sans qu'il lui fût permis
d'emporter le peu d'or qui en était le prix dérisoire!

Au-dessous des deux synagogues le sol s'abaisse assez brusquement
jusqu'à une plaine que borde le Tage et qu'il couvre de ses eaux
lorsqu'il sort de son lit. Les habitations y sont clairsemées;
pourtant, une maison plus haute que ses voisines et de meilleure
apparence attire mes regards. En travers de la façade et à plus de
huit mètres de hauteur une large pierre incrustée, portant une
inscription gravée et peinte en noir, m'apprend que le Tage
l'atteignit durant une crue restée célèbre.

Étonnée, j'avise une brave femme qui ... peigne sa petite fille sur le
pas de la porte.

«Eh quoi! les eaux du fleuve montent parfois jusqu'à cette hauteur?

--Oh non!... Les crues les plus fortes ne se sont jamais élevées à
plus d'un mètre ou deux au-dessus du sol, et c'est déjà beaucoup!...
Seulement, comme les enfants risquaient d'abîmer l'inscription en
jouant à la balle, l'Alcalde nous a commandé de la placer hors de leur
portée.»

C'est en réfléchissant à la prudence et à la sagesse de cet
administrateur d'élite, que je me suis laissé entraîner jusqu'à la
nouvelle porte de Visagra (porte des champs), une construction massive
remontant à l'époque de Charles Quint, et dont la vue ferait la joie
de tous les polyorcètes si elle n'était maudite par les muletiers qui
s'engagent sous sa voûte étranglée.

Il y a bel âge qu'un maire d'Avignon eût fait disparaître cet
obstacle; mais à Tolède on a le respect du passé, comme le montrent
les précautions prises pour sauvegarder le souvenir des inondations.

  (_À suivre._)                         JANE DIEULAFOY.

[Illustration: Tympan Mudejar.--D'après une photographie.]

Droits de traduction et de reproduction réservés.



  TOME IX, NOUVELLE SÉRIE.--50e LIV.         Nº 50.--16 Décembre 1905.


[Illustration: Des familles d'ouvriers ont établi leurs demeures près
de murailles solides.--D'après une photographie.]



DE TOLÈDE À GRENADE[1]

         [Note 1: _Suite. Voyez page 577._]

PAR Mme JANE DIEULAFOY.

     II. -- Le Taller del Moro et le Salon de la Casa de Mesa. -- Les
     pupilles de l'évêque Siliceo. -- Santo Tomé et l'oeuvre du Greco.
     -- La mosquée de Tolède et la reine Constance. -- Juan Guaz,
     premier architecte de la Cathédrale. -- Ses transformations et
     adjonctions. -- Souvenir de la bataille de las Navas. -- Le
     tombeau du cardinal de Mendoza. Isabelle la Catholique est son
     exécutrice testamentaire. -- Ximénès. -- Le rite mozarabe. --
     Alvaro de Luna. -- Le porte-bannière d'Isabelle à la bataille de
     Toro.


[Illustration: Castillane et Sévillane.--D'après une photographie.]

«J'ai vu beaucoup de maisons, beaucoup d'oisifs et, dans les rues
riches ou pauvres, des ordures à boisseau. J'ai aperçu le ciel à
travers des fenêtres petites comme des barbacanes, et l'on m'a raconté
qu'une figure avenante est souvent le masque des méchants, que les
aubergines mûrissent en été et qu'il y a des moustiques à l'automne.»

Cette description de Tolède que faisait, au milieu du XVIIe siècle, le
gracioso de Garcia de la Châtaigneraie, dans le célèbre drame de
Francisco de Rojas, est encore exacte, et si aux ordures on ajoutait
les décombres, on n'aurait pas une virgule à y retrancher ou à y
mettre.

Les monuments élevés au cours des trois premiers siècles qui suivirent
la reconquête, construits dans ce style _mudejar_ que j'ai étudié à
Saragosse, ont particulièrement souffert, soit que la mode malfaisante
en ait ainsi décidé, soit que la décoration ait été fragile et peu
durable.

Tel est le cas du magnifique palais qui longe la _Calle del Moro_. On
franchit une porte quelconque, et l'on entre dans un jardin à peu près
inculte, autour duquel habitent plusieurs familles d'ouvriers. Ils ont
appuyé leurs masures à des murs solides encore, et démoli la richesse
pour, bâtir la pauvreté. De cette vaste demeure, il ne reste qu'une
salle de belles proportions, couverte d'une magnifique charpente
analogue à celle du Transito. La partie supérieure des murailles, que
n'ont pu atteindre ni le marteau des ouvriers ni la balle des enfants,
est ornée de stucs infiniment délicats. Ce beau vaisseau que
prolongent, à ses extrémités, deux pièces plus petites, a servi
longtemps de dépôt aux pierres nécessaires à l'entretien de la
cathédrale, et a conservé, de cette destination, le nom de _Taller del
Moro_ (atelier du Maure). Durant ces dernières années on l'a
transformé en une humble remise.

Et pourtant ce palais fut habité par Charles Quint. On raconte que ses
jardins se confondaient avec ceux qui entouraient la demeure du comte
de Fuensalide, où mourut l'unique femme du grand empereur, cette
triste Isabelle de Portugal, cette mère de Philippe II, dont une
admirable peinture du Titien nous a conservé les traits délicats sous
l'or des cheveux soyeux et fins.

Un autre spécimen de cette architecture mudejar née du mariage des
arts de l'Occident et de l'Orient, celui-ci en parfaite conservation,
mais de proportions restreintes, est le salon de la _Casa de Mesa_.

Les stucs employés dans les revêtements ont beaucoup d'analogie avec
les ornements du Transito érigé en 1366, mais ils ressemblent encore
davantage à ceux du palais d'Ayala, daté de 1440. Il est donc permis
de supposer que l'édifice fut bâti au XVe siècle.

En 1551 l'archevêque D. Juan Martinez Siliceo y installa une maison
d'éducation sous le nom de «Collegio de las doncellas virgineas». Ces
jeunes filles, au nombre de cent, n'y entraient qu'après avoir fait
preuve, non de quartiers de noblesse comme on l'a dit par erreur, mais
d'une parfaite pureté de sang, ce qui est bien différent. Pour avoir
un sang pur ou du sang de vieux chrétien, il ne fallait compter parmi
ses aïeux les plus reculés ni un juif, ni un Maure, ni un condamné de
l'Inquisition, du côté paternel comme du côté maternel. Cervantès
ajoute même, et c'est logique, qu'il fallait une filiation légitime
ininterrompue et prouvée. Évidemment, on ne devait pas être aussi
exigeant sur ce dernier chapitre que sur le premier.

Les pupilles de l'archevêque Siliceo étaient admises dans son collège
entre sept et dix ans. Six places étaient réservées aux enfants de la
famille du fondateur. Des rentes importantes leur étaient attribuées
durant leur vie, si elles restaient dans l'établissement. En cas de
mariage, elles recevaient une dot de 5 535 réaux; mais aucune faveur
ne leur était accordée si elles le quittaient pour entrer dans un
monastère; l'objet principal du fondateur étant d'élever de vaillantes
et bonnes mères de famille, expertes aux soins domestiques et capables
de bien tenir une maison.

[Illustration: Isabelle de Portugal, par le Titien (musée du
Prado).--Photographie Lacoste, à Madrid.]

En 1810, la Casa de Mesa passa aux mains des Carmélites qui firent
leur chapelle du grand salon. C'est à leur présence qu'il faut
attribuer son parfait état de conservation. Elle appartient
aujourd'hui à un homme jaloux de préserver cette merveille contre
toute atteinte.

À part les palais connus et classés, il existe un grand nombre de
pauvres demeures où l'on retrouve d'intéressants fragments de
décoration mudejar. Pour les voir il ne faut pas s'en rapporter aux
guides patentés et quasi officiels: il faut suivre un amoureux des
ruines tolédanes, et pénétrer avec lui dans les patios et les écuries,
dont les habitants ont succédé à Pierre le Cruel et aux grands
seigneurs de sa cour.

Tandis que les maçons et les architectes mudejar élevaient dans les
divers quartiers de Tolède des palais destinés à la noblesse, le
clergé leur commandait de construire des églises. La plupart ont été
détruites par le zèle des curés épris avant l'heure d'un art nouveau.
San Justo, San Juan de la Penitencia, San Roman, San Pedro Martyr, San
Miguel, Santa Leocadia, le couvent de la Concepcion et Santo Tomé
conservent, ceux-ci une tour en forme de minaret qui s'élève pour
protester contre la transformation des nefs placées jadis sous leur
garde, ceux-là une frise ou un plafond dans lesquels se décèlent
l'habileté technique et la science des constructeurs. Toutes ces
églises sont intéressantes à visiter, mais Santo Tomé renferme deux
chefs-d'oeuvre qui lui assignent une place hors de pair: la statue
polychrome du prophète Élie, dont les draperies ont malheureusement
été restaurées, et l'enterrement du comte d'Orgaz, la plus admirable
composition qui soit due au pinceau du réaliste Greco.

La beauté olympienne de la tête d'Élie, le modelé vigoureux des mains
et des pieds qui dépassent la robe de bure font immédiatement penser
aux élèves espagnols de Michel-Ange. Et comme l'on ne saurait songer à
Berruguete, on doit l'attribuer soit à Tordésillas, soit plutôt à
Bercera.

[Illustration: Le palais de Pierre le Cruel.--D'après une
photographie.]

Domenico Greco ou Theotocopuli, pour lui rendre son véritable nom, est
un de ces artistes longtemps méconnus qui suffiraient à glorifier les
villes qui les ont accueillis. La couleur sévère et puissante, la
composition harmonieuse, le dessin magistral et l'expression des
visages sont saisissants au même degré et au même titre. Ce noble
descendant des grands artistes de la Hellade, était né en Grèce, comme
son nom et son surnom l'indiquent; puis, après avoir traversé l'Italie
où il avait été l'élève du Titien, il était venu en Espagne et s'était
fixé à Tolède. En outre de l'Enterrement du Comte d'Orgaz, daté de
1584, la ville possède quelques superbes portraits de ce grand maître,
peints dans une gamme grise qui rappelle la manière de Franz Hals.

Entre les manifestations du zèle pieux de Tolède, c'est sur la
cathédrale que se concentre aujourd'hui l'attention générale. De
toutes parts on l'aperçoit. Tantôt elle apparaît au-dessus des
maisons, tantôt elle remplit des échappées de ciel ménagées dans les
rues très étroites qui convergent vers elle. Elle se dresse flanquée
de puissants contreforts, enveloppée de pinacles, couronnée de
galeries ajourées, dominée par des tours et des tourelles aiguës, et
par le clocher qui s'enfonce dans l'azur du ciel. À ses pieds, se
pressent des maisons, des palais; mais on ne peut les regarder tant la
cathédrale absorbe l'esprit et retient le regard. Dans l'espace il n'y
a qu'elle, et si, pareils à des soulèvements géologiques successifs,
les annexes, les sacristies, les chapelles de tout âge se font jour à
travers le monument primitif, les choses qui se sont caressées si
longtemps harmonisent si bien leurs formes que les siècles s'y
coudoient sans se distinguer ni se heurter. Elle est le Saint-Pierre
de cette autre Rome, de cette ville aux sept collines; mais un
Saint-Pierre très mystique, très pieux, qui éveille des idées sévères
et non le souvenir de la pompe orgueilleuse des Césars. J'en veux à
Mariana de l'avoir appelée _la Riche_, alors que d'âge en âge Jupiter,
Jésus, Allah et encore Jésus furent pieusement adorés sur
l'emplacement qu'elle occupe. Le site où tant d'êtres humains
élevèrent leur coeur vers un monde idéal méritait un autre
qualificatif.

L'histoire de la cathédrale n'est pas seulement celle de Tolède, elle
est celle de l'Espagne même. La première église chrétienne qui succéda
aux temples païens dut être édifiée au IVe siècle. C'est sans doute à
cet édifice primitif que fut substituée l'église fondée par Récarède,
ce roi goth qui abjura l'arianisme et la consacra, sous le vocable de
la Vierge Marie, le 12 avril 587. Encore cet édifice ne dut-il pas
être somptueux; mais, dans ses murs, pontifièrent les saints évêques
de Tolède: les Eugène, les Eladio, les Ildefonse, les Julian; sous ses
voûtes s'assemblèrent les conciles où la monarchie gothique légiférait
et se perdait dans des subtilités théologiques, tandis que l'Arabe, au
galop de son coursier rapide, s'avançait vers la terre d'Occident.

Le Croissant s'implanta sur la terre que Viriathe avait si longtemps
disputée aux Romains. L'église fut renversée et remplacée par une
mosquée resplendissante, revêtue de marbres précieux. Et lorsque,
après trois siècles, la ville fut reconquise par les chrétiens, elle
était si belle que les Maures se la réservèrent par un article spécial
de la capitulation, et obtinrent du vainqueur la promesse qu'ils
conserveraient l'exercice exclusif de leur religion. Le roi Alfonse
promit sous serment de tenir à jamais cet engagement solennel.

Les Maures avaient compté avec le roi, mais sans la reine Constance.
D'accord avec l'évêque Bernard, elle profite de l'absence du monarque
qui guerroie au loin, pour décider ce qu'elle considère comme la plus
précieuse des conquêtes. Une nuit, trois mille chrétiens bien armés se
rassemblent sous ses ordres, et, conduits par l'évêque, ils se ruent
vers la mosquée. La porte tombe sous leurs coups, et les gardiens
surpris ne peuvent opposer aucune résistance. San Vicente Ferrer
devait suivre cet exemple deux siècles plus tard.

Le lendemain la mosquée était consacrée au culte chrétien, et rétablie
dans les droits canoniques de l'église qu'elle avait remplacée, en
dépit des protestations d'Abou Valid qui réclamait avec indignation
l'exécution du traité de capitulation.

Aussitôt les Maures dépêchèrent au roi un émissaire chargé de lui
porter leurs doléances et de réclamer, avec l'accomplissement de la
promesse royale, la punition de la reine et de l'évêque.

Alfonse, enflammé de colère, promit de châtier les coupables, et
reprit en toute hâte le chemin de Tolède.

[Illustration: Statue polychrome du prophète Élie, dans l'église de
Santo Tomé (auteur inconnu) (page 590).--D'après une photographie.]

Quand ils apprirent le soudain retour du roi, la reine et l'évêque,
saisis de crainte, tombèrent dans une profonde consternation. Par
bonheur, il se trouva parmi les Maures un psychologue prudent et sage.

«Qu'allez-vous faire? dit-il à ses coreligionnaires. Le roi Alfonse
est loyal, il tiendra sa promesse et punira comme ils le méritent la
reine qu'il aime et l'évêque qui a toute sa confiance. Vous aurez un
moment raison, mais soyez sûrs que, justice faite, le justicier vous
gardera rancune. Afin de conserver une mosquée désormais trop vaste,
ne vous aliénez pas la bonne volonté de notre souverain. Craignez
qu'il ne nous fasse repentir de la sévérité que nous exigerions de
lui.»

L'alfaqui (docteur de la loi) sut convaincre ses auditeurs, et le soir
même, délégué par eux, il courait au-devant du roi pour solliciter sa
clémence en faveur des coupables.

Alfonse témoigna le plus vif mécontentement à la reine et à l'évêque;
mais, heureux au fond du coeur d'être dispensé de sévir quand
l'honneur l'y obligeait, il montra désormais aux Arabes demeurés à
Tolède un bon vouloir qui n'était que la juste rançon de la violence
commise en son absence.

La ville conserva la mosquée comme cathédrale pendant plus d'un siècle
et demi, et ce fut seulement sous le règne de Ferdinand III, le saint
conquérant de Séville, qu'on la démolit. La première pierre de
l'église actuelle fut posée par ce monarque assisté de l'évêque Dom
Jimenez de Rada, le 4 août 1227. Sa construction s'est poursuivie
jusqu'à la fin du XVIe siècle. La chapelle Mozarabe, celles des Rois
Nouveaux, du Sagrario, de l'Ochavo, la Sacristie, la Maison du
Trésorier, la Salle capitulaire, les portes des Lions et de la
Présentation, les boiseries du choeur et une multitude d'annexes
appartiennent même à une période plus récente.

Le nom du premier architecte nous a été conservé. Il s'appelait Pedro
Ferez, ainsi qu'en témoigne son épitaphe trouvée dans la chapelle de
Santa Maria démolie lors de la construction du Sagrario. Il mourut
fort âgé, en 1285. Parmi ses nombreux successeurs, n'oublions pas le
fameux Juan Guaz à qui les Rois-Catholiques confièrent la construction
du monastère de San Juan de los Reyes.

[Illustration: Porte du palais de Pierre le Cruel.--D'après une
photographie.]

Il serait fastidieux d'énumérer le nombre de piliers qui soutiennent
la nef de la cathédrale de Tolède, des fenêtres qui l'éclairent, des
mètres carrés de voûtes qui la couvrent, de ses chapelles, de ses
verrières, de ses portes, de ses cours. Les chanoines eux-mêmes ne
sauraient donner un inventaire complet des trésors de tout genre
qu'elle renferme. Je m'attacherai donc à considérer ses parties
essentielles, et à rappeler les trois grandes figures qui se détachent
sur la masse des rois, des ministres, des guerriers, des évêques qui
ont trouvé le dernier repos dans la cathédrale, ou lui ont donné
quelque chose de leur gloire: je veux parler d'Alvaro de Luna, le
célèbre et infortuné ministre de Juan II, du grand cardinal de
Mendoza, ministre d'Isabelle la Catholique, et du non moins grand
Ximénès de Cisneros qui, investi du pouvoir souverain à la fin de la
vie de cette sublime reine, le conserva durant les premières années du
règne de sa fille, Jeanne la Folle.

Comme dans presque toutes les églises gothiques d'Espagne, la beauté
de la nef centrale est bien amoindrie par la masse encombrante de
l'inévitable choeur réservé aux chanoines. Pourtant, sa magnificence
doit lui faire beaucoup pardonner. Après avoir considéré la superbe
grille de cuivre doré et de fer argenté où se mêlent les ornements
caractéristiques du style plateresque, après avoir reconnu sur le
couronnement très orné, les armes du cardinal Siliceo, primat
d'Espagne à l'époque où le célèbre maître en ferronnerie Domingo
Cespedes acheva ce chef-d'oeuvre (1548); après avoir déchiffré
l'inscription indiquant que cette merveille fut exécutée sous le règne
de Charles V et sous le pontificat de Paul III, on commence à oublier
des griefs que la visite attentive du vaisseau ne tarde pas à effacer.

Le long des murailles qui s'élèvent jusqu'à mi-hauteur des piliers, se
dressent deux étages de stalles, en noyer richement sculpté, mais de
styles différents. L'étage inférieur n'est pas le plus beau; du moins
il est le plus ancien et le plus intéressant. Chaque bas-relief
représente un incident de la conquête du royaume de Grenade par les
Rois Catholiques, et la prise successive des nombreuses places fortes
qui pendant dix ans en marquèrent les étapes. Ces stalles, achevées en
1495, datent du pontificat du cardinal de Mendoza, et sont l'oeuvre du
maître-sculpteur Rodriguez. De style gothique fleuri, elles abondent
en détails curieux et charmants sur les fortifications, les costumes,
les armes, les habitudes des chrétiens et des Maures à l'époque de la
conquête.

Les stalles de l'étage supérieur datent du XVIe siècle, et sont tout
imprégnées de l'esprit de la Renaissance. La mosaïque de marbre, de
jaspe, d'albâtre s'y mêle au bois de noyer d'une belle teinte chaude,
et fournit les éléments de la décoration.

Philippe Vigarni, dit de Bourgogne, a composé les stalles de gauche,
tandis que Berruguete entreprenait celles de droite. Les personnages
représentés presque de grandeur naturelle au-dessus des dossiers, sont
empruntés à l'Ancien et au Nouveau Testament. La stalle de
l'Archevêque, si particulièrement belle, avait été réservée à
Berruguete. La mort vint, et son collaborateur eut la gloire de la
tailler. Elle porte l'écu du cardinal Siliceo sous le pontificat
duquel elle fut exécutée, au lieu de celui de l'archevêque Talavera
qu'on retrouve sur les autres stalles. Les colonnes de bronze qui
soutiennent la petite coupole dont elle est surmontée sont ciselées à
miracle. Au dossier, un bas-relief d'albâtre, dû au ciseau de Grégorio
Vigarni, frère de Philippe de Bourgogne, représente la Vierge posant
la chasuble sur les épaules de saint Ildefonse. La grâce et la beauté
mystique de la sainte n'ont d'égale que l'expression extatique et
ravie de celui qui la contemple. Un groupe important se dresse
au-dessus de la coupole, il représente la Transfiguration de Jésus
entre Élie et Moïse. Berruguete eut le temps de l'exécuter et même
d'avoir des difficultés avec le Chapitre pour le paiement de cette
oeuvre. Le maître-architecte de l'Alhambra, Pedro Machuca, fut choisi
comme expert et fixa le prix du travail à 82 628 réaux, somme très
importante pour l'époque puisqu'elle répond à 26 000 francs, toutes
proportion et relation gardées.

Au-dessus des stalles s'élèvent à droite et à gauche des orgues que la
beauté des registres et l'excellence du mécanisme rendent justement
célèbres. L'un date de 1756, l'autre de 1796, et toutes deux sont dues
à des constructeurs fameux. Leur boiserie toute dorée est de style
chirruguresque. Ceci dispense d'en parler plus longtemps. Le mobilier
du choeur rivalise avec les stalles. Au milieu, un aigle aux ailes
éployées, aux griffes reposant sur une base gothique d'un style plus
ancien, porte les énormes et pesants livres liturgiques. Ce bel oiseau
est sans doute venu d'Allemagne à la Renaissance. Deux autres pupitres
en bronze doré de forme différente, sont disposés un peu plus bas et
parallèlement aux stalles. De très beaux bas-reliefs représentant le
Passage de la Mer Rouge et David dansant devant l'Arche ornent les
parties planes de ces pupitres. Ils ont été si solidement dorés qu'ils
ne portent pas trace d'usure, bien qu'ils soient datés de 1570. S'il
aimait les arts, le Chapitre chérissait aussi l'économie, car il eut
encore des difficultés avec leur auteur, Nicolas de Vergara le Vieux.
Il y eut dispute, querelle; enfin l'on réussissait à s'entendre.

[Illustration: Portrait d'homme, par le Greco.--Photographie Hauser Y
Menet, à Madrid.]

Entre le choeur et la Capilla Mayor actuelle que ferme une grille
surmontée d'un admirable Christ en croix, s'étend un assez grand
espace. Il fut occupé jusqu'au XVe siècle par la Capilla Mayor
antique, tandis qu'en arrière s'élevait la chapelle dite des Rois
Vieux, fondée par le roi D. Sanche le Brave, pour servir de sépulture
à sa famille. Devenu cardinal et primat d'Espagne, Ximénès de Cisneros
obtint des Rois Catholiques l'autorisation de transporter ailleurs les
restes de leurs prédécesseurs et, des deux chapelles, de n'en faire
qu'une de proportions plus vastes et mieux en harmonie avec
l'importance de l'édifice. Un remaniement si important a laissé sa
trace. La Capilla Mayor, après avoir hérité des statues et des
ornements des deux sanctuaires, apparaît surchargée, encombrée,
disparate. Parmi les effigies des rois et des reines, se sont glissées
celles d'un vilain et d'un mécréant.

La fameuse bataille de las Navas était engagée, et l'armée chrétienne,
cernée par l'Infidèle, allait être écrasée, quand un pâtre se présenta
au roi Alfonse VIII, et lui offrit de le conduire par une voie
inconnue, mais sûre, hors du défilé où ses troupes risquaient de
périr. Quand il eut tenu sa parole, le pâtre disparut sans attendre un
remerciement, ni solliciter une récompense. Le bruit courut aussitôt
que le sauveur de l'armée chrétienne était un envoyé du ciel. En
témoignage de reconnaissance, Alfonse VIII ordonna d'élever une statue
représentant le guide céleste, et le dépeignit à l'artiste tel qu'il
lui était apparu.

Vis à vis du _Pastor de las Navas_ figure le digne alfaqui Abou Valid,
qui, par sa prudence, sauva la reine Constance du châtiment qu'elle
avait bien un peu mérité. Au delà des statues royales et en se
rapprochant de l'autel, se superposent une série de tombeaux où
dorment les membres des familles royales que l'on n'a point
transportés dans la chapelle des _Rois Nouveaux_. Là encore, à une
place toute royale, s'est introduit un personnage que sa naissance ne
destinait pas à un tel honneur. Il ne s'agit de rien moins que du
célèbre D. Pedro Gonzalès de Mendoza, cardinal, primat d'Espagne et
premier ministre des Rois Catholiques.

[Illustration: La cathédrale de Tolède (page 593).]

Ce n'est pas sans peine que ses restes reposent dans un tombeau qui
est plutôt une chapelle, car elle renferme un autel où, suivant les
dernières volontés du prélat, on devrait dire trois messes par jour.
Quand le cardinal fut mort, les chanoines, qui l'avaient peut-être
trouvé encombrant durant sa vie, s'empressèrent de protester contre
les clauses de son testament. L'emplacement que le défunt désignait
pour y construire sa sépulture, dirent-ils d'abord, ne pouvait être
attribué qu'à un monarque ou à un prince de sang royal. Puis il
fallait renverser une partie de la muraille qui soutenait la voûte,
pour établir une communication directe entre l'emplacement choisi et
la chapelle; et l'on objectait le danger qu'il y aurait à ouvrir cette
baie. Informée de cette résistance, Isabelle, que Mendoza avait eu
l'habileté de déclarer son exécutrice testamentaire, envoya au
Chapitre l'ordre de se conformer aux dernières volontés du cardinal.
Comme il ne se pressait pas d'obéir, elle se souvint de la reine
Constance. Accompagnée de maçons, et profitant de la nuit, elle se
rend à la cathédrale et commande aux ouvriers d'en attaquer sous ses
yeux l'épaisse muraille. Quand les chanoines arrivèrent au matin, ils
trouvèrent le percement à peu près achevé. La voûte n'étant pas
tombée, il ne servait à rien de protester plus longtemps.

La chapelle, le tombeau et la belle statue qui est placée sur le
sarcophage, sont dus au maître Alonso de Covarrubias. Vingt-sept
sculpteurs l'aidèrent dans ce travail. Quatre ans suffirent à terminer
l'oeuvre, qui fut inaugurée en 1504, après la mort d'Isabelle.

[Illustration: Enterrement du comte d'Orgaz, par le Greco (église
Santo Tomé) (page 591).--D'après une photographie.]

En admettant les restes de Mendoza parmi ceux des rois et des princes
de Castille, la reine avait voulu récompenser le serviteur loyal, le
guerrier valeureux, le grand politique qui, à la bataille de Toro,
avait contribué à lui conquérir le trône, et qui, devant Grenade, aida
si puissamment à lui donner un royaume. C'est lui qui, s'élevant
au-dessus des préjugés de son temps et de son ordre, prêta l'oreille
aux prières de Colomb, embrassa ses vues et lui acquit le bon vouloir
encore timide d'Isabelle. Sans Mendoza, elle n'eût, peut-être, jamais
été la souveraine d'un monde nouveau. Généreuse et reconnaissante,
elle ne lui garda pas rancune d'avoir été surnommé, de son vivant, «le
troisième roi d'Espagne», et après sa mort elle remplit avec scrupule
ses dernières volontés. Le collège de Santa-Cruz à Valladolid, et
l'hôpital du même nom, dont elle posa la première pierre à Tolède,
n'ont pas d'autre origine.

Le grand cardinal était tel qu'on pouvait concevoir de son temps les
princes de l'Église. Pourtant, un ecclésiastique qui prêchait un jour
en sa présence, profita de l'occasion pour tonner contre le
relâchement du siècle et le fit en des termes tels, qu'il était
impossible de se méprendre sur ses intentions. La suite du prélat
bouillait d'impatience, et se promettait de châtier l'audacieux. Mais,
loin de trahir aucun ressentiment, Mendoza commanda de porter au
prédicateur un plat de gibier qu'on devait lui servir ce jour-là, et
fit accompagner le présent d'une bourse garnie de doublons d'or, en
guise d'épices.

À l'excuse de Mendoza, il est juste d'ajouter que le non-célibat des
prêtres était toléré et que les anciens fueros d'Aragon permettaient
même aux descendants des ecclésiastiques d'hériter de leurs parents
décédés intestats. Ce sont là des usages mudejar, qui ont, avec les
moeurs occidentales, les mêmes rapports et aussi les mêmes différences
que celles qui existent entre l'architecture des palais tolédans,
bâtis pour des chrétiens, et celles des édifices élevés en France à la
même époque.

[Illustration: Le couvent de Santo Tomé conserve une tour en forme de
minaret (page 590).--D'après une photographie.]

Dans une de ses dernières visites à son ministre mourant, Isabelle le
pria de lui désigner son successeur, choix d'autant plus important,
que l'archevêque de Tolède était de plein droit président du Conseil
de Castille. Pressé de donner le nom de l'homme le plus digne de
remplir cette double charge, Mendoza lui recommanda le frère Francisco
Ximénès de Cisneros, de l'ordre des Franciscains, qui déjà la
confessait, bien à contre-coeur du reste. Jamais, peut-être, Mendoza
ne rendit un plus grand service à sa patrie, car il confiait l'État à
des mains plus pures que les siennes, et en remettait en même temps la
direction à un esprit de haute envergure, capable de continuer et de
mener à bien l'unification de l'Espagne.

Ximénès ne repose pas, comme son prédécesseur, dans la cathédrale de
Tolède. Il avait choisi, pour dormir son dernier sommeil, la retraite
plus modeste de l'Université d'Alcala qu'il avait fait construire;
mais son souvenir vit quand même dans son église primatiale, et
surtout dans la chapelle Mozarabe où se conservent des traditions
séculaires.

Qu'est-ce donc au juste que le rite mozarabe?

Lorsque les musulmans eurent pris Tolède, ils y exercèrent une
domination si douce, que les chrétiens furent autorisés à y pratiquer
leur culte. Trois siècles plus tard, Alfonse VI, en reconquérant la
ville, y trouvait une population chrétienne qui avait gardé toutes les
formes du vieux culte gothique, alors qu'elles s'étaient transformées
dans les pays restés chrétiens. Le rite tolédan fut donc conservé dans
les six églises où il s'était perpétué pendant la domination
étrangère; mais, peu à peu, le nombre des mozarabes décrut, et le rite
se fût perdu sans retour, si Ximénès ne lui eût consacré une chapelle
mise en communication directe avec la cathédrale. La messe qu'on y
célèbre en pompe chaque jour, diffère de la messe dite suivant le rite
romain. Bien qu'il ne s'agisse que de pures questions de formes,
telles que le fractionnement de l'hostie en neuf parties, l'ordre des
prières--le _Credo_ se dit après l'élévation,--la suppression du
dernier évangile, etc., de graves dissentiments s'élevèrent jadis
entre les partisans des deux rites. On livra pour eux des combats
singuliers, l'un et l'autre eurent leurs chevaliers qui les
défendirent en champ clos. Le succès étant demeuré incertain, on s'en
remit au feu pour affirmer la volonté du Ciel. Un bûcher fut allumé,
et en présence d'une assistance anxieuse les livres tolédans et latins
y furent jetés en même temps. Les premiers demeurèrent intacts,
pendant que les autres étaient consumés. La voix du Ciel avait parlé,
le rite tolédan ou de Saint-Isidore fut conservé. Aujourd'hui la messe
mozarabe est un peu considérée comme une curiosité, et rentre dans le
domaine de l'archéologie chrétienne. Si les étrangers y viennent en
nombre, on n'en saurait dire autant des gens de la ville que, seules,
les cérémonies des grandes fêtes ont le pouvoir d'y attirer. Le nombre
toujours décroissant des Mozarabes n'a rien de surprenant, étant donné
que, dans les unions mixtes, l'époux de rite latin bénéficie de
certains privilèges refusés à l'époux de rite tolédan. C'est ainsi
que, dans le premier cas, la femme est forcée de rentrer dans le giron
de l'Église latine, tandis que dans le second elle ne devient pas
mozarabe.

Il est assez difficile de comprendre à quel sentiment obéit un
réformateur tel que Ximénès, en assurant par la construction d'une
chapelle particulière, la perpétuité du culte qui mourait. Quoi qu'il
en soit, l'édifice, commencé en 1504 sur les plans de Enriquez de
Egas, et bâti par des maçons musulmans, nommés Faranx et Mahomet, n'a
rien de bien remarquable. En revanche, sur le mur qui fait face à
l'entrée, s'étend une belle fresque de Jean de Bourgogne, datée de
1514. Elle représente, en trois tableaux admirablement conservés, les
épisodes du débarquement de l'armée espagnole commandée par le grand
cardinal, devant la ville d'Oran, en 1509. La prise de la ville, le
soir même du débarquement, fut le grand triomphe de la vie de Ximénès.
À sa prière, le Ciel, au dire des combattants, avait renouvelé le
miracle de Josué, et arrêté le soleil jusqu'à ce que les chrétiens
eussent forcé les murs de la citadelle musulmane.

Il n'est pas surprenant que le cardinal, en dépit de sa ferveur et de
son humilité bien connues, ait succombé à la tentation de conserver à
la postérité le souvenir du grand service qu'il rendit à son pays,
service qui lui attira la jalousie de Ferdinand, et lui valut, pour
plusieurs années, une sorte d'exil dans son Université d'Alcala.

La chapelle mozarabe n'a pas seule le privilège de garder le portrait
fidèle du grand cardinal. On retrouve son visage d'ascète parmi les
portraits des primats d'Espagne qui se déroulent sur les murs de la
salle capitulaire, et aussi dans une fresque située au-dessus de la
porte de cette salle. Cette peinture représente le Jugement et les
fins dernières de l'homme. Comme l'artiste prétendait installer le
cardinal parmi les élus, dans la gloire du Ciel:

[Illustration: Les évêques Mendoza et Ximénés.--d'après une
photographie.]

«C'est trop d'orgueil! fit le prélat.

--Faut-il placer Votre Éminence en enfer?

--C'est trop d'humiliation!»

On prit un terme moyen, et le Cardinal fut mis en purgatoire, mais
tout prêt à en sortir et allégé de ses habits, afin de s'élever plus
vite au séjour des Bienheureux.

Une autre grande figure, mais celle-ci ensanglantée et tragique, avait
précédé Mendoza sous les voûtes du vieil édifice. Je veux parler
d'Alvaro de Luna, le favori et le ministre de Juan II, père d'Isabelle
la Catholique, dont le tronc et la tête reposent dans la chapelle de
Santiago, qu'il avait construite de son vivant, et qui est restée
l'une des plus belles de la cathédrale. Jamais destinée plus étrange
que celle de cet homme parti de bas, élevé au pouvoir par la faveur de
son maître, régnant pendant trente-deux ans sur l'Espagne, mourant sur
un échafaud, et trouvant dans la cathédrale de Tolède une sépulture
quasi royale, après avoir longtemps reposé dans le cimetière des
suppliciés. Seul, le sort du cardinal Wolseley peut être comparé au
sien.

Vers 1437, alors qu'il était au faîte de la puissance, Alvaro de Luna
avait acheté la chapelle de Santo Tomé, fondée en 1177 par le comte D.
Muno de Lara, y avait adjoint des terrains voisins, et avait fait
construire la superbe chapelle dédiée à saint Jacques en souvenir de
l'Ordre dont il avait été nommé Grand-Maître. À la place qu'il
réservait pour sa sépulture, il avait installé un automate de bronze
émaillé et doré, modelé à sa ressemblance, qui se levait et
s'agenouillait au moment de la consécration.

D'après certaines chroniques, l'automate fut détruit du vivant même du
Grand-Maître, par D. Enrique d'Aragon, durant la guerre que ce prince
soutint contre la Castille en 1440. L'une d'elles fait dire à D.
Alvaro, s'adressant à D. Enrique:

«Pourquoi n'as-tu pas bravé ma statue, et pourquoi l'as-tu détruite,
toi qui sur le champ de bataille as fui devant moi?»

[Illustration: Salon de la prieure, au couvent de San Juan de la
Penitencia.--D'après une photographie.]

Selon d'autres auteurs, la statue fut enlevée par ordre d'Isabelle la
Catholique, choquée des distractions que ses évolutions donnaient aux
fidèles. Il est probable que la première version est la bonne, car la
statue du Connétable ne dut pas survivre à sa disgrâce, et attendre
jusqu'au règne d'Isabelle pour descendre de son piédestal. Quoi qu'il
en soit, le bronze de l'automate ne fut pas perdu, et on croit en
retrouver les restes dans les deux chaires ciselées qui sont à droite
et à gauche de la Capilla Mayor.

Sur les deux sarcophages placés au centre de la chapelle, gisent les
statues tombales d'Alvaro de Luna, vêtu de l'armure et du manteau des
Grands-Maîtres de l'Ordre de Santiago, et de sa femme, Doña Juana de
Pimentel. Une inscription donne seulement la date de la mort du
Connétable, survenue en juillet 1453. Les traits du célèbre favori de
Juan II rappellent ceux du petit portrait peint sur le retable qui
surmonte l'autel, portrait copié sans doute sur un original, car le
retable fut donné et placé en ce lieu dès 1498 sur les ordres de Doña
Maria de Luna, fille du Connétable. Les sarcophages, tous deux très
beaux, sont l'oeuvre de Pedro Ortiz.

Non loin de la chapelle de Santiago, et signalée par les statues
polychromes des hérauts d'armes de Léon et de Castille, s'ouvre la
porte de la chapelle des _Rois Nouveaux_, construite par Alonzo
Covarrubias, sur l'ordre de Charles Quint. Elle est de style
plateresque, et du plus élégant qu'il soit. En dépit de la nouveauté
relative de la construction, et surtout des autels qui remontent à la
fin du XVIIIe siècle, on y vit encore parmi d'antiques souvenirs. Sous
des ornements gracieux de la Renaissance, sont étendues, sévères et un
peu hiératiques, les statues tombales des fondateurs de la première
chapelle élevée en ce lieu: D. Enrique de Castille et sa femme, Doña
Juana, morts le premier en 1378 et la seconde en 1381. Plus loin,
celles de Enrique III et de sa femme, Doña Catalina, morte en 1418.

Dans l'angle de la chapelle, se trouve une très intéressante et très
vivante statue peinte de D. Juan II, le maître trop faible et puis
trop sévère de l'infortuné Alvaro de Luna. Elle est l'oeuvre de Juan
de Bourgogne.

L'artiste a dû s'inspirer de quelque portrait fidèle, car, dans ces
yeux bleus, ce teint frais, ces joues et cette tête ronde, se
retrouvent tous les caractères que l'on remarque dans les portraits
les plus authentiques d'Isabelle la Catholique. Le regard de la fille
est seulement plus profond et plus ferme que ne l'est celui du père.

À la voûte très haute du vestibule qui précède la chapelle, sont
suspendus deux trophées fameux, qu'Isabelle avait fait placer
elle-même au-dessus du tombeau de ses ancêtres et qui furent
transportés dans la nouvelle chapelle bâtie par son petit-fils,
Charles Quint. L'un est un drapeau portugais, pris à la bataille de
Toro, livrée en 1476 par les Rois Catholiques, et à la suite de
laquelle Isabelle resta maîtresse incontestée de la couronne de
Castille; l'autre est l'armure complète de l'alferez D. Duarte de
Almaïda, qui, blessé grièvement au bras durant la même bataille,
continua de porter l'étendard royal, entre les dents, jusqu'à la fin
du combat.

L'histoire suivra l'exemple des Rois Catholiques et immortalisera le
porte-étendard de Toro en lui donnant une place à côté du soldat de
Salamine, qui, après avoir perdu les deux mains, tenta d'arrêter une
galère perse en s'y accrochant avec les dents.

Quand on a visité la grande nef de la cathédrale de Tolède et les
innombrables chapelles greffées sur les collatéraux, l'on ne connaît
qu'une partie du monument. Il reste à parcourir les sacristies et les
magasins, les archives et la bibliothèque, où, depuis des siècles,
l'on range, l'on amasse et l'on entasse les dons des rois, des princes
et des primats d'Espagne. Le contenant est digne du contenu. Les
lambris, les portes, les armoires sont, pour la plupart, des
chefs-d'oeuvre de menuiserie et de sculpture décorative. Le plafond de
la grande sacristie, avec ses caissons étoilés et cruciformes, rouges
ou bleus, damassés d'or, est une merveille d'ornementation mudejar.
Les bronzes, répandus à profusion, peuvent lutter de beauté avec le
revêtement et le marbre de la porte des Lions.

Plusieurs volumes suffiraient à grand'peine à la description des
joyaux, des tapisseries, des bannières, des ornements, des meubles,
des souvenirs historiques entre lesquels on signalerait la tente de
drap d'or qu'Isabelle la Catholique planta fièrement devant Grenade.
Puis ce sont des sculptures et des tableaux: le portrait du cardinal
Borgia peint par Vélasquez, que connaissent, seuls, quelques rares
initiés, et le Saint Antoine d'Alonso Cano, une statuette célèbre qui
est, en réalité, de Pedro de Mena, l'un des élèves favoris du maître
grenadin.

Et que dire du fonds magnifique de la bibliothèque et des archives, à
peu près inexploré encore? Quelle joie n'éprouverait-on pas à
retrouver dans la section musicale les oeuvres, pour la plupart
inédites, des célèbres maîtres de chapelle du XVe et du XVIe siècle:
les Francisco Penalosa, les Bernardino Ribera, les Andres Torrentes,
les Moralès, les Escovedo, les Pedro Fernandez, les Antonio Bernal,
les Navarro! En lisant les pages admirables laissées par certains de
ces maîtres, n'éprouverait-on pas quelque surprise à constater
qu'elles sont écrites en chiffres, et à retrouver dans leur notation
les principes de la méthode de Galin-Paris-Chevé, qui eut tant de
vogue il y a quelque trente ans.

Mais pénétrer dans les mystérieuses retraites de l'antique cathédrale
et bien connaître sa vie intime, n'est pas donné aux mortels. Trois
mille clés sont, paraît-il, nécessaires pour fermer toutes ses portes;
je crois qu'il en faut encore bien davantage pour les ouvrir. Saint
Pierre lui-même n'y parviendrait pas. Le sage est celui qui sait
modérer ses désirs. C'est en méditant sur cette vieille maxime, que
j'ai pris congé de mes guides, et que je suis sortie de la cathédrale.

  (_À suivre._)                         JANE DIEULAFOY.

[Illustration: Prise de Melilla (cathédrale de Tolède).--D'après une
photographie.]

Droits de traduction et de reproduction réservés.



  TOME XI, NOUVELLE SÉRIE.--51e LIV.     Nº 51.--23 Décembre 1905.


[Illustration: C'est dans cette pauvre demeure que vécut Cervantès
pendant son séjour à Tolède (page 606).--D'après une photographie.]



DE TOLÈDE À GRENADE[2]

         [Note 2: _Suite. Voyez pages 577 et 589._]

PAR Mme JANE DIEULAFOY.

     III. -- Entrée d'Isabelle et de Ferdinand, d'après les
     chroniques. -- San Juan de los Reyes. -- L'hôpital de Santa Cruz.
     -- Les Soeurs de Saint -- Vincent de Paul. -- Les portraits
     fameux de l'Université. -- L'ange et la Peste. -- Sainte --
     Léocadie. -- El Cristo de la Vega. -- Le soleil couchant sur les
     pinacles de San Juan de los Reyes.


[Illustration: Saint François d'Assise, par Alonzo Cano, cathédrale de
Tolède.]

Le grand nom d'Isabelle la Catholique a retenti bien des fois dans la
cathédrale de Tolède, et, au cours de mes nombreuses visites, je l'ai
entendu répéter par tous les échos. C'est dans ce beau sanctuaire,
pieux joyau de la couronne de Castille, que l'admirable reine vint
rendre grâce à Dieu dès que la victoire de Toro l'eut mise en
possession du sceptre qu'elle devait porter avec tant de gloire. Les
récits du temps nous ont conservé le souvenir fidèle de cette entrée
fameuse. Elle eut lieu le 31 janvier 1476.

Les rues, le Zocodover s'étaient, dès l'aurore, remplis d'une foule
bruyante, très émue. Les jurats, les échevins étaient sortis de leurs
demeures, ceux-ci parés de costumes de couleur éclatante; ceux-là, de
longues et magnifiques robes de brocart. Aux portes et aux rares
ouvertures extérieures des maisons, l'on avait suspendu des
tapisseries, des tapis d'Orient, des étoffes soyeuses venues de Venise
ou tissées par les habiles artisans de la cité. Peu à peu, le vide
s'était fait dans la ville, et la foule, suivant les chefs des grandes
familles, s'était répandue en flots pressés du côté de l'ermitage de
Saint-Eugène, où l'on avait déjà réuni des jongleurs, des chanteurs,
des poètes, des musiciens et des danseuses, tous richement vêtus.

Bientôt, annoncé par des fanfares et salué par des chants qui
célébraient l'union de la Castille et de l'Aragon, le cortège royal
apparut; les têtes s'élevèrent, et les cous se tendirent pour mieux
voir les souverains de qui la victoire assurait la paix aux deux
royaumes, et de qui la renommée était sur toutes les lèvres.
Ferdinand, tout jeune, bien pris de sa personne, les cheveux et les
yeux noirs, la figure intelligente et gracieuse, montait, en écuyer
consommé, un superbe genet. La reine parut à son tour, assise sur une
mule richement caparaçonnée, que conduisaient deux pages choisis dans
les plus nobles familles du royaume. Elle était de petite taille, mais
en elle rayonnait une majesté sereine. Ses cheveux, d'un blond ardent,
que cachaient presque les voiles qui entouraient sa tête, sa peau très
blanche, ses yeux gris-bleu rappelaient que, par son aïeule
paternelle, elle descendait de la maison de Lancastre. Une grâce
exquise, un sourire angélique corrigeaient la sévérité du front et la
fermeté du regard. Isabelle avait vingt-six ans--deux ans de plus que
son époux,--et déjà elle avait soumis un royaume que lui avaient
disputé l'étranger et les factieux.

Après avoir juré de respecter les privilèges de la ville et franchi
les remparts, les Rois se dirigèrent vers la cathédrale. Ils y
pénétrèrent par la porte du Pardon, tandis que de jeunes enfants,
figurant des anges, leur souhaitaient en musique la bienvenue. Et
agenouillés au pied de l'autel, ils remercièrent l'Éternel qui leur
avait permis d'expulser l'Étranger de la Castille, et l'avait
contraint de repasser la frontière de Portugal. Peut-être
l'incomparable souveraine planta-t-elle, ce jour-là, dans le jardin du
cloître, le buis plusieurs fois centenaire dont tout voyageur
privilégié reçoit quelques feuilles à titre de souvenir.

Sous le règne de Juan II, père de la reine, le célèbre favori Alvaro
de Luna avait fait disposer à l'usage de son maître quelques pièces
dans l'Alcazar. Les Rois s'y rendirent. On y avait préparé une petite
collation, car ils jeûnaient ce jour-là; mais, en dépit de la pénurie
du trésor, les pauvres ne furent pas oubliés.

Le 2 février, dans une pompe plus grande encore, les Rois revinrent à
la cathédrale.

[Illustration: Porte des lions.--Photographie Lacoste, à Madrid.]

Isabelle rayonnait d'une beauté suprême; ou ne voyait qu'elle, tout
s'éclipsait auprès du _lis de la royauté_. Sur sa robe de brocart
blanc s'enlevaient en frisure d'or les châteaux et les lions
symboliques de ses royaumes héréditaires, un long manteau d'hermine
tombait de ses épaules et formait une ample traîne, que soutenaient
deux jeunes pages. Sur sa tête, entourée de voiles légers, étincelait
une couronne d'or constellée de pierreries; autour de son cou,
s'enroulait un admirable collier de rubis balais. La pierre qui
tombait sur sa poitrine attirait tous les regards, non seulement à
cause de sa grosseur et de son incomparable éclat, mais parce qu'elle
avait, disait-on, appartenu à Salomon. On en voyait la preuve dans
l'inscription hébraïque gravée sur son pourtour.

Devant les Rois flottaient, hauts et fiers, les étendards de Léon, de
Castille et d'Aragon, tandis que l'on portait renversés et humiliés
les drapeaux lusitaniens, abandonnés par l'ennemi dans la déroute qui
avait suivi la victoire de Toro. Les triomphateurs rentrant dans la
cité de Romulus, après une guerre heureuse, ne présentaient pas avec
plus d'orgueil les dépouilles des vaincus au peuple romain. Après
avoir entendu la messe, et fait suspendre au-dessus du tombeau de ses
pères, si souvent effrayés par les Portugais, les témoignages de son
triomphe, Isabelle en voulut laisser à Tolède un souvenir plus
durable. À cette pensée est due l'érection du célèbre monastère de San
Juan de los Reyes.

L'édifice, situé à l'extrémité du plateau qui domine la vallée
verdoyante du Tage lorsqu'il s'éloigne de la cité, est bâti sur le
plan d'une croix latine, en un calcaire blanc dont le grain très fin
et très dur s'est prêté, docile, aux fantaisies les plus capricieuses
des sculpteurs. À l'intersection des branches s'élève, à une grande
hauteur, une large et belle coupole. La retombée des arcs s'appuie sur
deux tribunes élégantes, réservées aux Rois, tandis qu'autour des nefs
une frise, sculptée en pleine pierre, porte une magnifique inscription
en caractères gothiques, qui célèbre les noms glorieux des fondateurs.
De charmants détails amusent de tous côtés le regard, sans amoindrir
l'impression grandiose et sévère que laisse l'ensemble. Ici des
fleurs, des guirlandes, des oiseaux; là un singe, vêtu en moine, la
tête couverte d'un capuchon, fait dans un profond recueillement la
lecture du bréviaire. Auprès de lui, l'artiste n'a pas craint de
modeler un vase ... Sa destination ne peut faire doute pour personne.
Singulière irrévérence, permise dans ces temps de piété fervente!

[Illustration: Le cloître de San Juan de los Reyes apparaît comme la
manifestation la plus précieuse et la plus fleurie de l'architecture
gothique espagnole (page 604).--Photographie Lacoste, à Madrid.]

En donnant aux Franciscains le monastère et l'église de San Juan de
los Reyes, où elle pensait dormir son dernier sommeil, Isabelle les
dota de sept mille maravedis de rente, à prendre sur le trésor royal,
sans détriment des revenus et des dîmes en nature, à prélever sur le
pays. Elle les enrichit en outre d'oeuvres d'art, de miniatures, de
joyaux et de manuscrits précieux achetés en Allemagne et en Italie.
C'est qu'en effet la grande reine de Castille prétendait que ses
largesses profitassent à son peuple. Dans ce but, elle obligea la
communauté à créer deux chaires de théologie pour les étudiants et les
enfants de la province; elle exigea que l'on y exposât la doctrine
chrétienne, de manière à la faire comprendre et aimer. Or, nul ordre
religieux n'était plus digne de la confiance d'Isabelle que celui des
Franciscains; nul ne méritait mieux, pour ses talents et ses vertus,
d'être l'objet de ses prédilections.

Après la conquête du royaume de Grenade, les idées d'Isabelle se
modifièrent, et, par son testament, un chef-d'oeuvre de prudence et de
sagesse, elle ordonna de porter sa dépouille mortuaire dans la ville
conquise au prix de tant d'efforts.

La faveur du monastère tolédan ne décrut pas durant les règnes
suivants: Charles Quint compléta l'oeuvre de son aïeule; Philippe II
le gratifia de donations nouvelles et lui fit le suprême honneur de le
désigner pour tenir le Chapitre général de tous les grands Ordres
militaires d'Espagne. Enfin, Philippe III couvrit ses murailles de
peintures, y logea de préférence à l'Alcazar lors de l'élection du
Général des Franciscains, et à cette occasion y donna des fêtes et des
banquets splendides.

Lorsqu'elle visita l'Espagne, Mme d'Aulnoy fut très frappée de la
magnificence de l'église: «Elle est belle et grande, écrit-elle, et
toute pleine d'orangers, de grenadiers, de jasmins et de myrtes fort
hauts, qui forment des allées dans des caisses, jusqu'au grand autel
dont les ornements sont extrêmement riches. De sorte qu'au travers de
toutes ces branches vertes et de toutes ces fleurs de couleurs
différentes, en voyant briller l'or, l'argent, les broderies et les
cierges allumés dont l'autel est paré, il semble que ce soient les
rayons du soleil qui vous frappent les yeux. Il y a aussi des cages
peintes et dorées remplies de rossignols, de serins et d'autres
oiseaux, qui font un concert charmant.»

L'église et surtout le couvent ont terriblement souffert de la guerre
et de l'incendie qui, en 1809, détruisirent le retable, les verrières,
les oeuvres d'art, la bibliothèque et la moitié du cloître. En 1835,
lors de la révolution et de l'abolition des Ordres religieux,
l'édifice fut transformé en magasin à poudre. Il eût achevé de périr
si, en 1844, la Commission des monuments historiques ne l'eût préservé
en y transportant la paroisse de San Martino. Rendue au culte, et
fermée aux mendiants et aux pillards, l'église a échappé aux
démolisseurs qui la guettaient. Quant au cloître, il a subi depuis
1858 une restauration aussi habile que lente, et apparaît aujourd'hui
comme la manifestation la plus précieuse et la plus fleurie de
l'architecture gothique de l'Espagne. Ses arcs, qui occupent une
longueur de 26 mètres environ sur chacun de ses quatre côtés, sont
ornés d'une multitude de statues, d'ornements, d'oiseaux, de fruits et
de fleurs, traités avec un art exquis. Sur le mur intérieur, qu'ornent
également des statues, supportées par d'élégants culs-de-lampe et
surmontées de pinacles délicats, court une longue inscription en
langue castillane. Les beaux caractères gothiques qui la composent
sont analogues à ceux employés à l'intérieur de l'église, quoique
d'une dimension moindre. Ferdinand et surtout Isabelle y sont loués
avec reconnaissance et justice.

«Ce cloître, la haute et la basse église et tout ce monastère furent
édifiés par ordre des Catholiques et Très Excellents Rois Ferdinand et
Doña Isabel, rois de Castille, d'Aragon et de Jérusalem, à partir des
premiers fondements, en l'honneur et à la gloire du Roi du Ciel et de
sa glorieuse Mère et des Bienheureux saint Jean l'Évangéliste et du
très saint François, leurs fervents intercesseurs. Et après
l'édification de cette demeure, ils conquirent le royaume de Grenade,
détruisirent l'hérésie et chassèrent tous les Infidèles, et gagnèrent
tous les royaumes des Espagnes et des Indes, et réformèrent les
églises et les communautés des moines et des religieuses, qui, dans
tous leurs royaumes, avaient besoin de réformes; et, après de si
grandes et de si excellentes oeuvres, le Roi des rois rappela la reine
du naufrage de ce pèlerinage, pour lui donner le prix et la récompense
mérités par les si grands et les si éclatants services que, de son
vivant, elle rendit en cette ville à la religion; et elle mourut à
Médina del Campo, vêtue de l'habit de Saint-François, le 5 novembre de
l'an 1503.»

[Illustration: Ornements d'église, à Tolède.--Photographie Lévy.]

Comme l'église et le monastère, le cloître fut bâti sur les plans de
l'un des plus célèbres architectes de la cathédrale, Juan Guaz, un
Flamand, croit-on, et de qui une fresque très réaliste conservée à San
Justo y Pastor nous a gardé les traits. Pour établir entre les deux
étages du cloître une communication digne de l'édifice, Charles Quint
ordonna plus tard à Covarrubias de construire le bel escalier,
recouvert d'une coupole en forme de coquille, où l'écusson du grand
empereur figure auprès de ceux de ses ancêtres. S'ouvrant sur la
galerie supérieure, l'on montre avec respect la cellule de Ximénès, le
premier novice qui prit à San Juan l'habit des Franciscains.

Encore en ces dernières années, San Juan de los Reyes a été l'objet
d'une nouvelle injure. Après la prise de Malaga, Isabelle avait envoyé
comme trophées les chaînes des captifs chrétiens libérés de sa main,
et avait ordonné de les suspendre aux murailles extérieures de
l'église. Depuis quatre siècles, leurs sombres anneaux traçaient des
courbes sur les parements de pierre blanche, quand un alcade, de sens
pratique, les fit décrocher, et ordonna de les battre pour en forger
des bancs et une clôture destinée au jardin public. Par bonheur, on
eut le temps d'arrêter la consommation totale d'un tel sacrilège, et
une partie des chaînes reprit la place si longtemps occupée.

[Illustration: Porte due au ciseau de Berruguete, dans le cloître de
la cathédrale de Tolède (page 603).--Photographie Lacoste, à Madrid.]

Dans une des salles basses du monastère, peut-être quelque vaste
sacristie, on a réuni une foule d'objets hétéroclites, rappelant des
souvenirs plus ou moins tristes ou curieux, tels que: tableaux, bois
et pierres sculptés, émaux et ferrailles vénérables. L'ensemble
constitue ce que l'on appelle pompeusement le Musée provincial. On le
visite, si le concierge a le loisir de répondre au coup de sonnette
des visiteurs. Quand ses occupations le retiennent dans ses
appartements, on éprouve l'ennui de patienter à la porte; mais, si
l'on n'entre pas, on ne doit pas en concevoir un dépit trop amer: les
objets qui paraissaient mériter quelque intérêt ayant tous pris le
chemin de Madrid.

Enfin, sur l'emplacement de la partie du monastère que son état de
ruine n'a pas permis de conserver, on a bâti des écoles où le style
ogival, mort depuis tant de siècles, essaye de fleurir une dernière
fois.

Isabelle ne s'en tint pas à ces largesses envers la vieille capitale
de la Castille. Dans les dernières années de sa vie, elle la dota
encore de l'hôpital de Santa Cruz destiné aux enfants trouvés. En
ordonnant la construction de ce bel édifice, elle agit en qualité
d'exécutrice testamentaire de son fidèle ministre, le cardinal de
Mendoza, celui-là même à qui elle avait par violence assuré le dernier
repos dans la capilla mayor de la Cathédrale. Le cardinal était mort
en 1495, avant que la première pierre eût été posée. La reine
intervint aussitôt, leva les difficultés qui s'élevèrent à propos de
l'acquisition de terrains possédés par des ordres monastiques, et
quand elle mourut à son tour, en 1503, toutes les dispositions avaient
été si bien prises que l'architecte, Enrique de Egas, ne rencontra
plus aucun obstacle. Dix années plus tard l'hôpital était achevé. Il
est bâti en forme de croix grecque ou de Jérusalem. L'église se
trouvait jadis à l'intersection des branches de la croix; la
désaffectation de l'édifice et sa transformation en école de cadets a
contraint de reporter l'autel à l'extrémité de l'une des branches.
Bien que construit très peu d'années après San Juan de los Reyes,
l'hospice de Santa Cruz n'offre avec lui aucune analogie de style. Les
contacts multiples avec l'Italie avaient révélé à l'Espagne des
formules nouvelles. Aussitôt elle s'en était éprise, oublieuse de son
propre passé et des traditions importées de la Bourgogne et des
Flandres aux siècles précédents. Seules, les magnifiques charpentes
ornées de mosaïques de bois qui couvrent encore les quatre nefs sont
de cet art mudejar dont on retrouve à Tolède tant de modèles parfaits.

À droite de la nef servant aujourd'hui d'entrée, s'élève un cloître
porté sur des colonnes d'ordre classique. On accède à l'étage
supérieur par un escalier d'un dessin très élégant. Il s'ouvre sous un
portique formé par trois arcs aux sculptures infiniment délicates. De
grandes marches d'un seul morceau, prises dans un marbre fin et blanc,
conduisent à des galeries que les mendiants et les pillards ont
dépouillées de leur plancher, de telle sorte que, pour les parcourir,
il faut sauter de solive en solive, au risque de tomber dans les
intervalles, et de crever le léger caissonnage de marqueterie à
travers les fissures duquel on aperçoit le dallage du cloître
inférieur.

Cette cour communique avec un autre cloître plus petit, aux colonnes
et aux chapiteaux fort lourds empruntés à l'antique chapelle de
Sainte-Léocadie. Des rares fenêtres qui éclairent quelques cellules
ménagées le long de ces cloîtres, on découvre la sévère brisure au
fond de laquelle coule le Tage, le pont d'Alcantara et le château de
San Cervantès, cette belle et rébarbative entrée de Tolède. On
s'explique très bien les traditions qui placent sur les terrains
occupés par l'hospice, l'ancien Alcazar, celui qui se rendit en 1085
au roi Alfonse VI, à la suite d'une famine provoquée par un terrible
blocus. Nulle part on ne pouvait être mieux placé pour défendre le
fleuve. Que reste-il de cette forteresse? Rien, sinon un hospice
ruiné, délabré, percé comme s'il avait subi les ravages d'un long
siège, et cette immense mélancolie des forces devenues sans emploi.

En remontant de l'hôpital de Santa Cruz vers le Zocodover, et avant
d'atteindre l'arc mauresque de la Sangre, on laisse sur la gauche une
maison bien modeste, une sorte de posada où les gens qui viennent au
marché réunissent leurs bêtes et leurs charrettes. Elle évoque, elle
aussi, bien des tristesses. C'est dans cette pauvre demeure que vécut
Cervantès pendant son séjour à Tolède. Hélas! qu'il était vrai ce cri
de déchirante détresse échappé un jour au découragement du vieux
soldat de Lépante: «Malédiction sur notre siècle où il semble que la
pauvreté soit la compagne inséparable de la noblesse!»

L'oeuvre de Charles Quint n'est pas seulement représentée par la porte
de Visagra. Tolède lui doit encore la belle cour de l'Alcazar, car
l'édifice brûlé et rebâti à plusieurs reprises est, sans lui faire
injure, un véritable couteau de Janot. Puis on doit encore rattacher à
son règne un monument grandiose qui s'étend hors de la ville:
l'hôpital de San Juan _a Fuera_, bâti par le cardinal archevêque D.
Juan Tavera. Commencée en 1541, l'oeuvre ne fut achevée qu'en 1624. Sa
construction avait duré 64 ans. La façade imposante, sinon d'un goût
délicat, s'étend sur une longueur de 100 mètres environ. Deux cloîtres
jumeaux ménagés de chaque côté d'une colonnade qui aboutit à la porte
de l'église, se superposent sur deux étages, l'un de style dorique,
l'autre de style ionique.

La porte de l'église, due au ciseau de Berruguete, s'ouvre, et des
Filles de Saint-Vincent de Paul, à la blanche cornette, apparaissent,
expliquant par leur présence le bon ordre et la propreté dont on est
frappé dès qu'on a franchi le seuil de l'hôpital.

[Illustration: Une torera.--D'après une photographie.]

Quel étonnement et quelle satisfaction de voir des dallages sans
souillures, des coins sans ordures, des vieillards lavés et peignés,
des gardiens qui ne mendient pas avec la menace dans le regard. On
sent que les bons anges de France ont volé par-dessus les montagnes,
et que pour leur charité le Monde ne sera jamais assez grand.

À la croisée de la nef et des branches du transept, une immense et
haute coupole abrite le tombeau du fondateur de l'hôpital. Elle est la
dernière oeuvre d'Alonso Berruguete. Peut-être même fut-elle achevée
par son fils en 1561. Les années avaient calmé la fougue de l'artiste,
car il n'a jamais mieux rendu la douceur et la béatitude de la mort du
juste. Les ornements du sarcophage sont d'une époque postérieure à la
figure, et quoique d'un bon style italien, ne la valent pas. Ils sont
l'oeuvre d'un artiste indigène; mais, à cette époque, et quand ils
s'attaquaient au marbre, les sculpteurs espagnols s'étaient si bien
approprié la manière italienne, qu'il est difficile de distinguer
leurs oeuvres de celles qui sortaient des ateliers de Gênes ou de
Florence.

Les Tolédans se plaisent à comparer leur ville à la capitale de la
chrétienté. Ce parallèle est tout à leur avantage. Jugez-en:

Tolède et Rome ont sept collines, Tolède et Rome ont une roche
tarpéïenne, Tolède et Rome ont des églises uniques au monde, Tolède et
Rome sont remplies de couvents, Tolède et Rome ont donné naissance à
d'illustres prélats; mais la Rome d'Italie a commis des fautes graves
et des sottises que la Rome d'Espagne s'est évertuée à corriger. Enfin
Tolède écrase sa rivale sous l'universelle renommée de ses massepains
aux amandes, qui lui ont valu le titre glorieux de la _Roma del
Mazapan_. Sur ce terrain, la lutte n'est plus possible.

[Illustration: Vue intérieure de l'église de San Juan de los Reyes
(page 604).--Photographie Lacoste, à Madrid.]

Il est encore un autre avantage que l'on a concédé, de temps
immémorial, à Tolède sur la Ville Éternelle, et cet avantage elle le
doit à ses armuriers. Polybe, Cicéron, Tite-Live, Diodore, Martial
parlent de la trempe des courtes épées d'Ibérie; Ovide assure que
l'eau du Tage et le sable que charrie son lit sont pourvus de
propriétés particulières. Au Moyen Âge le fer des mines de Mondragon,
situées dans les provinces basques, était aussi connu que le nom des
armuriers tolédans: Juan el Moro qui après la conquête eut pour
parrain Ferdinand le Catholique, Nicolas Ortimo, Juan Martinez,
Antonio Ruiz, Johannes de la Horta, Tomas de Ayala, Sahagun et ses
descendants, Dionisio, Corrientes, Miguel Castaro, Toma Gaya,
Sebastien Hernandez qui ajoutait à son nom celui de _Toledano_ et dont
la signature se retrouve sur de belles épées conservées à l'Armeria
Real, tous ont été célèbres dans le monde entier. Les chevaliers
français appréciaient à leur valeur le _fer d'Espaigne_, et en
Angleterre Jonson, Butler et Shakespeare ont rendu témoignage de
l'estime en laquelle on tenait les armes tolédanes.

Les armuriers tolédans formaient bien une corporation jouissant
d'importants privilèges, tels que l'exemption des impôts et des droits
sur le fer et sur la vente des épées, mais chacun poursuivait son
oeuvre dans le mystère de sa forge, et gardait avec un soin jaloux le
secret de ses procédés. Aussi bien sortait-il de leurs mains des armes
si différentes, que Mahomet Ben Ali il Erani a pu composer tout un
livre sur ce sujet.

À la Renaissance, l'usage des armes de combat était si général en
Espagne, que les valets comme les maîtres portaient la rapière au
côté, ou le poignard à la ceinture. Les enfants eux-mêmes, n'avaient
pas d'autres jouets.

Durant son voyage de Valence à Madrid, François Ier fut frappé de ce
fait:

«Ô bienheureuse Espagne, s'écria-t-il, bienheureuse Espagne qui
enfantez et élevez des hommes tout armés!»

[Illustration: Une rue de Tolède.--D'après une photographie.]

La littérature porte la trace de ce goût de l'Espagnol pour le
vaillant et fin acier. Dans les romans et les drames du moyen âge
écrits vers le milieu du XVIIe siècle, il n'est pas un gentilhomme qui
ne brandisse une bonne lame de Tolède et ne la mette au service de sa
dame ou du roi. Plus tard la réputation des poignards trempés au bord
du Tage balança même celle des belles Andalouses, en corset noir, qui,
le soir venu, passaient sur le pont de Tolède. Il est vrai de dire que
les Andalouses de Tolède furent de tout temps aussi rares que les
Castillanes de Séville, ou les Aragonaises de Grenade.

La prospérité du commerce des armes touchait d'ailleurs à sa fin.
Pendant les grandes guerres de Charles Quint et sous le règne de
Philippe II, elle avait déjà souffert des progrès de l'arquebuserie. À
l'avènement de Philippe V, l'adoption du costume français fit
abandonner l'usage de la rapière en faveur de l'épée de parade.

Aujourd'hui, la manufacture, construite en 1777 par Charles III,
fournit des canons et des fusils, tandis que quelques artistes
indépendants cisèlent ou incrustent l'or et l'argent dans le fer, et
préparent, ô douleur! des pommes d'ombrelle, des manches de parapluie,
des nécessaires de fumeurs et des boutons de manchettes. Où sont les
héroïques épées d'antan?

La corporation des armuriers n'est pas la seule qui ait déchu: celle
des tapissiers pour estrades, et des vendeurs de bois pour bûchers
sont également dans le marasme. C'est précisément dans le voisinage de
la fabrique d'armes que s'élevait jadis le _quemadero_ de
l'Inquisition, où l'on brûlait les infortunés que le terrible tribunal
condamnait aux flammes. Cet horrible supplice n'avait pas lieu, comme
on le croit généralement, en présence du roi et de la noblesse.
L'_auto de fe_ ou acte de foi, qui se célébrait sur la place du
Zocodover, consistait en une comparution des accusés, en un sermon, en
une lecture des pièces du procès suivies du jugement, et en une amende
honorable des _réconciliés_. Puis la procession funèbre se formait,
et les condamnés étaient conduits jusqu'au lieu où s'élevaient les
bûchers, dressés généralement hors des murailles.

[Illustration: Porte de l'hôpital de Santa Cruz (page
605).--Photographie Lacoste, à Madrid.]

Un tableau très curieux, représentant le roi Charles II et sa femme,
Marie-Louise de Bourbon, nièce de Louis XIV, montre les dispositions
de la loge royale et des estrades réservées aux assistants et aux
héros de la cérémonie religieuse. Le spectacle devait en être
suffisamment lugubre, sans y ajouter encore la vue de la torture
physique qui complétait l'acte de foi.

Je crois qu'aucun étranger n'a mieux vu Tolède que je ne l'ai fait
sous le patronage de mon excellent ami le savant professeur Ventura
Prosper y Reyes. Il n'est pas un fragment de l'ancienne cité qu'il
n'ait étudié avec un talent qui n'a d'égal que sa simplicité.
Aujourd'hui dimanche, le lycée provincial étant désert, le Docteur
m'avait invitée à le visiter avant d'entreprendre une promenade hors
ville:

«Nous y conservons, m'avait-il dit avec quelque mystère, deux
portraits de femmes qui vous intéresseront beaucoup.

--De quelle époque?

--Du temps de Philippe IV.

--Un Vélasquez? Un Greco?

--Qui sait?»

J'arrivai toute palpitante. Peut-on se vanter de connaître toutes les
richesses de cette Espagne, encore si mystérieuse et si discrète?
L'émotion me serre le coeur en pénétrant dans la bibliothèque. Au fond
de la salle et dans une sorte de retraite ménagée derrière la chaire
du professeur, deux toiles d'assez grandes dimensions se font
vis-à-vis. Je m'approche en toute hâte, mes yeux percent l'ombre avec
anxiété, et je me trouve en présence d'une ... superbe femme à barbe
entourée de son mari et de ses nombreux enfants. Une toison rouge
couvre tout le visage, tandis que la poitrine opulente, couleur de lis
et de rose, déborde au-dessus du corsage largement décolleté.

Il est bien entendu que Vélasquez n'a rien à voir avec ce portrait.

«Qu'en dites-vous? me demande en riant mon guide.

--C'est la réclame d'un marchand de pommade pour faire repousser les
cheveux.

--Vous vous trompez: c'est l'image authentique d'une fille de la
blonde Germanie. Née en Allemagne en 1620, elle vint en Espagne en
1664, et autant par sa barbe que par son talent d'organiste elle
excita l'enthousiasme. Ce portrait et la longue inscription qu'il
porte en sont les irrécusables témoignages. Et maintenant ...
retournez-vous.»

C'est une gageure! Me voilà en présence d'une seconde femme à barbe!

«Croyez-vous donc que l'Espagne ait voulu être en reste avec
l'Allemagne?»

La première femme était rousse et devait être plutôt gaie; la seconde
a la barbe blanche et l'aspect très austère. Il ne s'agit plus de
corsage ouvert dévoilant des appas nacrés; une guimpe très haute et
une collerette raide et dure enserrent la poitrine et encadrent un
visage qui siérait à un vieux missionnaire retour de Chine. Sous cette
image je cherche en vain une inscription, je ne trouve qu'un chiffre.
Celle contemporaine de Philippe IV avait cinquante-cinq ans lorsqu'on
reproduisit son image engageante.

Ah! les jeunes élèves du lycée provincial ne seront pas troublés avant
l'heure par les spectacles offerts à leurs yeux innocents!

Mais quelle faute a fait commettre à ces filles d'Ève l'impatience de
montrer sitôt au monde la richesse de leur barbe! L'exploitation
méthodique et lucrative des phénomènes n'était pas encore entrée dans
les moeurs ... Quelques siècles plus tard, Barnum eût fait leur
fortune, et augmenté la sienne.

La journée commencée sous d'aussi heureux auspices fut comme une
revanche des études sévères de la semaine. Depuis mon arrivée, j'avais
vécu dans l'ombre mystérieuse des églises, sous les voûtes des
cloîtres, autour des tombeaux, dans des palais en ruine; n'avais-je
pas mérité de voir aussi la campagne?

Dès que j'eus dépassé l'enceinte, ce fut comme un rayonnement de
lumière et de joie, tous les sourires d'un radieux soleil d'automne.
Je me retournai cependant pour considérer la porte fortifiée que je
venais de franchir. Un ange debout, l'épée à la main, se dresse,
sévère, maussade, entre les deux tours robustes qui la flanquent. Et
les Tolédans, jeunes et vieux, se sont demandé pourquoi l'envoyé de
Dieu leur montrait un si sombre visage. Il fallait une explication:
une légende est née.

L'ange du Seigneur veille sur Tolède et en défend l'approche aux maux
qui, trop souvent, accablent la pauvre humanité.

Un jour, la Peste hideuse, épouvantable, se présente et demande à
entrer.

«Que viens-tu faire ici? s'écrie l'ange en courroux.

--Je suis une envoyée de Dieu, tu n'as pas le droit de me chasser.

--Mon peuple est pieux; si Dieu, dans sa colère, veut châtier quelques
pécheurs, qu'il tienne au moins compte à Tolède de sa dévotion à la
Vierge. Promets-moi que tu te borneras à frapper vingt victimes.

--Ce n'est pas assez, dit la Peste; à moins de deux cents, je ne serai
pas satisfaite.»

[Illustration: Sur les bords du Tage.--Photographie Lacoste, à
Madrid.]

L'ange pria, supplia, la Peste fut intraitable, et il fallut lui
accorder le tribut qu'elle réclamait. Elle passa, exerça pendant trois
mois de terribles ravages, et détruisit les Tolédans par milliers.

«Misérable, menteuse, parjure! s'écria l'ange, quand elle se décida
enfin à sortir. Contre toi, je porterai plainte au Ciel!

--Et pourquoi cette colère? Tu m'avais accordé les vies de deux cents
Tolédans. Je les ai prises. Les autres sont morts de peur. Je n'y suis
pour rien!»

De la plate-forme sur laquelle on débouche après avoir dépassé
l'enceinte, les regards s'arrêtent d'abord sur les statues plus que
médiocres et fort moussues de quelques rois d'Espagne; puis, en
descendant dans la vallée, ils se reposent sur les ruines d'un cirque
romain dont la démolition systématique remonte à l'époque où Abd
el-Rhaman, gouverneur de la Tolestane, tenta de se rendre indépendant.
Et tout doucement, en admirant la belle plaine du Tage, on suit le
chemin qui, par des pentes très raides, conduit au sanctuaire du
Cristo de la Vega. Ici, la légende et l'histoire se mêlent d'une
manière si étroite, qu'il est bien difficile d'en faire le départ.

L'édifice actuel s'élève, après bien d'autres sanctuaires, sur
l'emplacement où sainte Léocadie souffrit le martyre.

[Illustration: Escalier de l'hôpital de Santa Cruz (page
604).--D'après une photographie.]

Léocadie était belle, Léocadie était jeune, Léocadie était aimée.
Quand on lui demanda de renier la foi chrétienne, elle eut peur de
faiblir, elle craignit d'être vaincue par la souffrance, elle trembla
de trahir son Dieu. Alors elle l'implore, elle l'appelle à son aide,
elle le supplie de la rappeler à lui afin de lui éviter une honteuse
apostasie. Et, tandis que de sa main virginale elle trace une croix
sur le sol et la baise pieusement, elle expire en murmurant le nom du
Jésus qu'elle adore.

Des siècles s'écoulent. À peine converti au christianisme, le roi
Sisebuth a fait élever un temple somptueux sur l'emplacement où la
martyre a succombé; auprès de sa tombe vénérée, se sont assemblés des
conciles. Des monarques, des évêques, ont voulu reposer auprès d'elle;
et voici qu'un miracle nouveau vient accroître la dévotion du peuple
et des rois.

C'était le 9 décembre 666. L'évêque Ildefonse célébrait, dans le pieux
sanctuaire, l'anniversaire de la mort de la sainte. Soudain, la dalle
du tombeau disparaît sous la lueur grandissante d'une lumineuse
apparition. Une créature séraphique, enveloppée de voiles blancs, se
révèle sans mystère aux regards des assistants. Léocadie vit, elle
palpite, elle sourit, elle parle, elle loue Ildefonse d'avoir défendu
au concile la virginité de la mère de Dieu. L'évêque est tombé à
genoux, il écoute, il tremble, il doute. Non, il n'est pas le jouet
d'une illusion extatique: le ravissement peint sur tous les visages le
rassure. Il frémit de joie, il tend les bras vers l'apparition
radieuse; encouragé par le roi, il va la saisir. Mais Léocadie n'est
plus de ce monde de douleurs, elle ne subira pas l'étreinte d'un être
humain. Elle s'estompe, elle disparaît, fugitive et rapide comme une
ombre, sous la dalle qui s'est refermée. Pourtant, sa disparition n'a
point été assez prompte. Un pan de son voile léger est resté engagé
entre la pierre et son encadrement. Le prince s'est précipité pour le
saisir, mais, retenu par le sentiment de son indignité, il passe son
poignard à l'évêque, et celui-ci coupe le lin précieux qui témoigne du
miracle.

«Vierge et martyre, s'écrie l'évêque, vous qui êtes digne de
contempler le Rédempteur dans sa gloire céleste, vous qui avez offert
votre vie pour mériter son amour, regardez favorablement la ville où
Dieu a voulu que vous naquîtes, protégez-la et intercédez pour le
monarque qui célèbre solennellement votre fête.»

Encore aujourd'hui, on conserve à la cathédrale l'unique relique de la
patronne de Tolède.

Une statue de sainte Léocadie, sans grande valeur artistique, orne la
chapelle, mais elle n'excite pas la dévotion que provoque un christ
très singulier, à qui le sanctuaire doit son nom, et qui est la copie
très moderne d'un crucifix consumé dans un incendie durant la guerre
de l'Indépendance.

L'artiste, respectueux de la tradition, a détaché de la croix un des
bras du divin supplicié et l'a modelé tombant le long du corps.
Zorilla, dans son poème intitulé: «À bon juge, meilleur témoin», a
donné une forme exquise à la légende inspirée par le Christ de la
Vega.

Les Tolédans ont l'aspect sombre et le visage sévère, mais chez eux la
nature ne perd pas ses droits, et l'on s'aime ici comme dans la
joyeuse et bruyante Séville, peut-être même avec une ardeur d'autant
plus grande qu'elle est plus concentrée. Deux jeunes gens
s'adoraient; ils se le dirent, et comme les circonstances les
obligeaient à se séparer pour longtemps, ils se fiancèrent sous le
regard du Christ de la Vega.

«Ô doux Jésus! sois témoin de nos promesses, et garde-les sous ta
protection divine», dirent-ils en se signant.

Des années se passèrent. Un soir, le jeune homme reparut au Zocodover.
Durant son séjour aux colonies, il avait échangé contre une petite
fortune ses doux souvenirs, car il reconnut à peine celle qui, chaque
matin, avait supplié le Christ de veiller sur l'absent et de le
ramener fidèle et toujours pieux. Sommé de tenir sa promesse,
l'inconstant la nia. Citation fut faite devant le juge.

«Où sont vos témoins? demanda-t-il à la délaissée.

--Je n'en ai d'autre que le Christ de la Vega. Lui seul; mais il
suffira.

--Qu'il parle donc en votre faveur.»

Et les juges et les parties de se diriger vers la chapelle, et la
jeune fille de s'agenouiller.

«Ô toi qui reçus nos serments, témoigne de la vérité. Mes lèvres, qui
t'ont si souvent imploré, n'ont prononcé aucune parole mensongère, et
chaque jour, tu le sais, je t'ai supplié de ramener auprès de moi
l'ingrat qui me repousse et m'accuse.»

Elle achevait à peine sa prière, qu'un des bras du Christ fixés à la
croix, s'en détachait, s'étendait comme pour prêter serment, et
retombait inerte le long du corps; jamais il ne s'est relevé.

Je n'avais pas encore franchi le Tage. Le pont Saint-Martin était
voisin. Désireuse d'apercevoir Tolède de la rive opposée, je m'y
engageai comme le jour commençait à décroître. À mesure que je
gravissais la côte du Palau, le soleil se penchait davantage vers
l'horizon.

Je me retournai, et, au ras de l'horizon tranquille, des maisons
bordaient le sommet du ravin, enveloppées dans une lumière qui les
frappait de face, et semblait rebondir. Voici que l'ombre monte du
ravin; déjà, l'on distingue à peine, mêlées aux rochers, les tours en
ruines et les courtines démantelées; mais elle s'élève le long des
pentes escarpées, elle met un gris violacé très fin sur la blancheur
des murailles; seuls, les pinacles de San Juan de los Reyes
s'illuminent de rose. C'est le dernier adieu du soleil, le dernier
baiser que recevra Tolède avant de s'endormir.

Comme je descendais, j'entendis un rire de femme au-dessous de moi. Un
soldat au masque pâle, à la peau mate, aux reins cambrés, serrés dans
sa courte veste de cavalier, aux jambes nerveuses, qu'emprisonnaient
la culotte d'ordonnance, enlaçait une taille souple qui s'abandonnait.
Il parlait bas, elle riait haut; elle riait d'être belle, d'être
jeune, de se sentir aimée. Ils ne me virent pas.

Les oeillets rouges qui naissaient sur les lèvres de l'enfant,
éteignaient par leur éclat le rose délicat des pinacles de San Juan;
et il me souvint du refrain tolédan:

  La terre engendre tout,
  Le soleil dore tout,
  L'argent achète tout,
  Sauf l'amour qui vainc tout.

  (_À suivre._)                         JANE DIEULAFOY.

[Illustration: Détail du plafond de la sacristie de la
cathédrale.--D'après une photographie.]

Droits de traduction et de reproduction réservés.



  TOME IX, NOUVELLE SÉRIE.--52e LIV.         Nº 52.--30 Décembre 1905.


[Illustration: Pont San Martino, à Tolède.--D'après une photographie.]



DE TOLÈDE À GRENADE[3]

         [Note 3: _Suite. Voyez pages 577, 589 et 601._]

PAR Mme JANE DIEULAFOY.

     IV. -- Les «cigarrales». -- Le pont San Martino et son
     architecte. -- Dévouement conjugal. -- L'inscription de l'hôtel
     de ville. -- Cordoue, l'Athènes de l'Occident. -- Sa mosquée. --
     Ses fils les plus illustres. -- Gonzalve de Cordoue. -- Les
     comptes du _Gran Capitan_. -- Juan de Mena. -- Doña Maria de
     Parèdes. -- L'industrie des cuirs repoussés et dorés.


[Illustration: Guitariste castillane.--D'après une photographie.]

Tolède garde-t-elle de l'étreinte séculaire de l'Inquisition l'air de
tristesse qu'on y respire et qui semble étouffer ses habitants?
Ceux-ci, brisés d'âge en âge par une si dure pression, lui doivent-ils
leur goût pour la vie languissante, sans activité, sans énergie, sans
espérance ni chanson? Peut-être le souvenir d'horribles et lamentables
spectacles, dont furent témoins leurs aïeux, arrêta pour jamais, dans
leur gorge, les trilles et les coplas, et pour jamais ils désapprirent
l'art d'accorder les lyres aux doux accents.--Veulent-ils célébrer une
fête, un mariage? Au lieu de la gaîté, la mélancolie en est la reine:

  Bien que tu me voies chanter,
  Je ne chante pas.
  La langue chante,
  Le coeur pleure...

Il semble que, pour sourire, les Tolédans soient contraints de
franchir l'enceinte de leur cité.

Sur la rive du Tage qui s'étend le long des antiques remparts,
dévalent ces fameux jardins connus sous le nom de _cigarrales_,
uniquement arrosés par le ciel, et où les habitants de la ville
viennent se divertir sous les figuiers, les amandiers et les
abricotiers aux fruits renommés à l'égal des pêches d'Aragon ou des
oranges de Valence. Chaque maison de quelque importance a son
_cigarral_, et ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on y bavarde à tort et à
travers, car Tirso de Molina y fait conter plusieurs de ses jolies
Nouvelles. Il est certain qu'on y jouit d'un laisser-aller qu'on
n'oserait prendre entre les murs de la sévère cité. Les caquetages y
poussent aussi drus que les mauvaises herbes, et font concurrence aux
chants de ces cigales à qui ces modestes vergers pourraient devoir
leur nom.

Bien que les Primats d'Espagne aient vu disparaître leur énorme
fortune, et s'émietter leurs revenus princiers, ils ont conservé ce
dernier luxe des grandes maisons appauvries. Il y a quelques
années--on ne m'a point dit la date exacte, ni fait connaître le nom
du prélat,--Son Éminence se reposait un soir d'été sous une épaisse
tonnelle, quand un de ses grands vicaires s'avance le visage
bouleversé:

«Qu'y a-t-il?... Le feu est-il à l'Archevêché?

--Un grand malheur ... un grand scandale!

--Ah! je respire!.. Pourquoi tant de précautions?

--Une religieuse du couvent de ... est accouchée d'un garçon!

--Par ma vertu! à voir votre tête effarée, on dirait que cet accident
est arrivé à un moine!»

Quand on considère les hautes et aveugles murailles qui entourent les
couvents de femmes, et qui contribuent pour une si grande part à
donner à Tolède son aspect sombre et rébarbatif, on s'étonne qu'une
pareille nouvelle ait causé si peu d'émotion au digne prélat. Il faut
vraiment que le Diable passe par le trou des serrures.

Pour moi, lorsqu'il m'a été donné de franchir la porte d'un couvent de
femmes, j'ai été frappée de l'austérité des visages émaciés, et
vraiment émue par les preuves d'une misère trop évidente. Et quand on
s'approche du tour de certains monastères condamnés par la Règle à
donner après chaque repas les restes de la table, on voit distribuer
des aliments que repousserait le dernier de nos mendiants. Le pois
chiche, la pomme de terre cuite à l'eau, les rogatons de pain noir en
constituent l'élément le plus raffiné. Les pauvres nonnes mourraient
littéralement de faim, si elles ne fabriquaient avec un art
incomparable des confitures exquises et, à l'occasion de certaines
fêtes, les fameux massepains dont j'ai parlé tantôt. Elles envoient
ces douceurs à des familles amies, et reçoivent en échange les maigres
approvisionnements qui les font vivre. Les traditions, une sorte de
respect humain amènent encore dans ces tristes demeures des jeunes
filles de bonne famille, condamnées au célibat par la pauvreté; et
quand l'extrême misère du cloître a produit la désillusion, elles y
demeurent quand même, car la religion n'est pas seule à charger de ses
malédictions la nonne en rupture de voeux. Le monde est d'accord avec
l'Église:

«Garde-toi du courant d'air, de l'eau fraîche du matin et de la nonne
ou du moine défroqués.»

[Illustration: La «Casa Consistorial», hôtel de ville (page
615).--D'après une photographie.]

Depuis longtemps déjà les moines de certains Ordres ont pris des
licences que n'admettraient sous aucun prétexte les supérieures des
couvents de femmes, et la plus fréquente est de s'inviter à des tables
amies afin d'éviter le pain noir et les pois chiches à perpétuité.

«Voyez-vous, mes enfants, disait un bon _fraile_ désireux d'instruire,
au dessert, les enfants d'un hôte chez lequel il se présentait tous
les jours à l'heure des repas, le Ciel est si loin de nous, que si
Dieu lançait une fourmi sur la terre, elle mettrait des siècles avant
d'y arriver.

--Eh bien, reprit le père de famille, sachez aussi, mes enfants, que
si un _fraile_ était lancé du Ciel à la dernière minute de la onzième
heure, il tomberait tout juste au coup de midi pour manger ma soupe.»

Si l'indiscrétion des _frailes_ est légendaire, la sottise de certains
curés de village leur fait bien concurrence. C'est un sujet
inépuisable.

«Ah! mes soeurs, disait un brave desservant aux jeunes filles de la
Congrégation, prenez modèle sur Marie. La Vierge était silencieuse, et
vous êtes bavardes; la Vierge était humble, et vous êtes bouffies
d'orgueil; la Vierge était chaste, et vous êtes indiscrètes. Si l'ange
Gabriel vous fût apparu, avant midi tout le village en eût été
informé!»

[Illustration: Le «Patio» des Templiers.--D'après une photographie.]

Et un autre jour, s'adressant à des mères de famille:

«Ce n'est pas sainte Anne qui eût laissé son enfant barboter dans les
ruisseaux jusqu'à ce qu'il soit assez grand pour jouer à la paume.
Sainte Anne avait le sentiment de ses devoirs. Chaque matin, quand
elle habillait la Vierge, elle lui apprenait à faire le signe de la
croix et à dire l'_Ave Maria_. Voilà comment on donne des principes
chrétiens à sa famille, et comment on lui apprend à respecter les
parents devenus vieux!»

Et le jour de l'Ascension:

«Peut-être, mes frères, allez-vous douter de ma parole, quand je vous
affirmerai que le Christ est ressuscité d'entre les morts et qu'il est
monté au Ciel. Quels furent les témoins de ce miracle? me direz-vous;
devant qui portèrent-ils témoignage d'un fait si extraordinaire? Vous
le savez, mes frères, ces témoins étaient des soldats romains, soumis
à une discipline sévère. Que fit le Gouvernement pour les empêcher de
parler? Il les envoya dans nos lointaines possessions d'Ultra Mar,
dans nos colonies, afin que jamais ils ne pussent revenir et rendre
témoignage de la miraculeuse ascension qui avait ébloui leurs yeux.
Aux Philippines et à la Havane, il n'est pas un enfant à la mamelle
qui ne le sache aussi bien que moi.

En s'éloignant des _cigarrales_, et en suivant les rives du Tage, on
aperçoit le pont Saint-Martin, sur lequel je passais il y a quelques
jours. Sans avoir la réputation et la beauté du pont d'Alcantara, il
est pourtant une belle oeuvre d'art. Il a sa légende, lui aussi: une
légende d'audace et d'amour conjugal.

L'architecte à qui l'on en avait confié la construction venait de
l'achever quand il s'aperçut que ses calculs étaient faux, et que
l'une des arches devait fatalement s'écrouler quand tomberait le
cintre sur lequel elle pesait. Une nuit, comme il s'agitait tourmenté
par un secret qu'il n'avait confié à personne, sa femme lui demanda
quelle était la cause de son insomnie:

«Je suis un homme perdu de réputation, je n'ai plus qu'à mourir,
dit-il désespéré. Dès que j'aurai sorti le cintre, l'arche tombera
dans la rivière; mais je m'arrangerai pour me faire écraser dessous.»

Stupéfaite, la femme ne répondit rien; la nuit suivante, comme le mari
accablé de fatigue avait succombé au sommeil, elle sortit, se dirigea
vers le pont, grimpa d'échelle en échelle jusqu'au cintre et mit le
feu en vingt endroits. Une heure après l'arche tombait dans la
rivière, tandis que son auteur ronflait paisiblement. L'incendie fut
rendu responsable du désastre; et, quand il fallut rebâtir l'arche
nouvelle, l'architecte ne se trompa plus dans ses calculs.

En rentrant à Tolède, j'ai traversé des quartiers populeux riches en
tableaux d'une délicieuse intimité, et je suis arrivée au centre de la
cité, devant un monument où de tout temps battit un coeur dont les
pulsations se sentent à peine aujourd'hui. Je veux parler de la _Casa
consistorial_ ou hôtel de ville, bâti sur les plans de Georges
Théotokopuli. Commencé au XVe siècle, l'édifice s'est embelli et
agrandi jusqu'au règne de Philippe III, qui en 1612 et 1618 fit élever
les tours d'angle et orna les balcons de statues médiocres.

Dans la cage d'escalier, se trouve une inscription composée au temps
des Rois Catholiques, et placée par les ordres du premier Corregidor
de Tolède. On devrait la traduire dans toutes les langues, et la
graver sur la porte des monuments où siègent les administrations
municipales.

«Nobles et hommes sages qui gouvernez Tolède, sur ces degrés laissez
toutes les affections, la cupidité, la crainte et la peur. Oubliez,
pour l'avantage de tous, vos intérêts personnels, et puisque Dieu a
fait de vous les piliers de tant de riches maisons, soyez fermes et
droits.»

L'hôtel de ville ne témoigne pas seul des beaux sentiments dont l'âme
espagnole est imbue. Même quand un édifice a disparu, son emplacement,
resté désert, garde encore son éloquence.

Ici s'élevait le palais du comte de Benavente. Invité par le roi à y
recevoir le connétable de Bourbon, traître à la France, il y mit le
feu une heure après le départ de son hôte, et attisa de sa main
l'incendie qui, à son gré, n'accomplissait pas assez vite son oeuvre
de purification.

Sur cette place irrégulière, où poussent quelques arbres chétifs, se
dressait un autre palais, celui du fameux chef des _Comuneros_, Don
Juan de Padilla. Il fut rasé sur l'ordre de Charles Quint, après la
défaite de Villalar et le supplice de l'infortuné défenseur des
libertés castillanes. L'histoire de cette insurrection est l'une des
plus dramatiques qui se puissent lire dans les annales de Tolède.

Une année ne suffirait point si l'on voulait bien connaître la vieille
capitale de la Castile, vénérer les reliques innombrables de son passé
glorieux, goûter le charme triste mais captivant de ses rues sinueuses
assombries par des murailles hautes et sévères comme des falaises. Ce
sont des années qu'il faudrait pour recueillir les vieilles
traditions, les légendes, les histoires innombrables, le récit des
amours du roi Alfonse et de la Juive Hermosa, ou de la belle Infante
Galiana aimée par Ali ben Zaid, Charles Martel, Roland, Olivier,
Charlemagne, et qu'ont tour à tour chantée Lope de Vega, Moratin et
tant d'autres poètes.

«Galiana de Tolède est une merveille de beauté, la Mauresque la plus
vantée de tout le pays maure.

«Bouche éclatante comme l'oeillet, sein qui palpite et s'élève, front
d'ivoire où étincelle l'or de Tibur.»

[Illustration: Jeune femme de Cordoue avec la mantille en chenille
légère (page 617).--D'après une photographie.]

Hélas! la Rome de l'Espagne, la Cité Impériale, la Mère des Villes, la
Couronne du Royaume, la Lumière du Monde, la capitale des Récarède,
des Sisebuth, des Rois Catholiques vainqueurs des Maures, se berce des
souvenirs de son passé glorieux, et s'endort dans le linceul de ses
ruines. Et pourtant chacune de ses poussières vit, palpite et
tressaille. Nulle part l'étranger ne comprend mieux l'âme
chevaleresque de la Castille, nulle part on ne saisit mieux le sens de
l'héroïque et sauvage Romancero. Entre toutes les cités de la vieille
Ibérie, Tolède est noble et belle! Elle a gardé un parfum précieux
dont ses adorateurs ont seuls le privilège de jouir.

       *       *       *       *       *

À mesure qu'en venant de Tolède on s'avance vers Cordoue, on se
croirait transporté sous un autre climat. Des fraîches nuits de la
Castille on ne peut plus se souvenir, sinon pour les regretter quand
souffle à travers la Campina le Solano brûlant, qui semble porter dans
son haleine toutes les ardeurs du soleil d'Afrique. Les deux capitales
sont aussi différentes que les deux pays. Tandis que la vieille cité
gothique, ce nid d'aigle abandonné, regarde d'un oeil sévère les
hautes falaises qui lui font face et que baigne le Tage, tandis
qu'elle dresse encore orgueilleuse ses tours démantelées, ses palais
en ruines et les hautes murailles aveugles de ses sombres monastères,
la cité d'Abd el-Rhaman épouse les rives du Guadalquivir, dont les
eaux capricieuses se promènent à travers la plaine fertile. Et dès
qu'on a pénétré dans la ville où les maisons très basses, peintes en
blanc, un peu banales dans leurs habits propres et neufs sourient par
toutes les portes de leurs patios fleuris ou par les fenêtres
éclatantes de géraniums et d'oeillets aux violentes couleurs, on se
demande à quelle fantaisie obéit Victor Hugo, quand il écrit le
premier de ces deux vers:

                        Cordoue aux maisons vieilles,
  À la mosquée où l'oeil se perd dans des merveilles.

[Illustration: Un angle de la mosquée de Cordoue (page
620).--Photographie Lacoste, à Madrid.]

Lui qui maîtrisa toujours si habilement la rime, se serait-il plié une
fois à ses exigences? En tout cas, je me plais à reconnaître, avec le
poète, que la moderne Cordoue porte fièrement les lambeaux de sa toge,
les pans de son haïc musulman et les anneaux de sa cotte de mailles
chrétienne. À la parcourir, on la reconstitue à travers les siècles,
grâce à ses statues romaines martelées et transformées en bornes,
grâce à ses inscriptions latines employées comme matériaux de
construction dans des bâtisses modernes, grâce à ses arcs outrepassés
que des Maures ont peut-être construits, grâce aux ogives qui de-ci
de-là s'inscrivent dans des murailles de briques, grâce aux vieux écus
héraldiques placés au-dessus des portes de quelques rares demeures
anciennes, et que l'on repeint chaque printemps, comme pour les faire
participer à la renaissance de la nature.

Tolède est encore l'Occident monastique et féodal, Cordoue est
l'Orient substitué à Rome.

Le palais tolédan est une forteresse, sa grandeur meurtrière semble
être entrée dans le domaine de la légende ou de l'épopée, tandis qu'à
Cordoue la maison à un seul étage, bâtie d'hier ou d'avant-hier, se
dresse autour d'une cour, et rappelle par sa distribution les maisons
que l'on découvre sous les cendres d'Herculanum ou de Pompéi.

Il n'est pas jusqu'au type, jusqu'au costume de la population, jusqu'à
la mantille qui ne diffèrent quand on passe de Castille en Andalousie.
L'oeil s'assombrit, la lèvre devient plus rouge, le teint plus brun,
la taille se cambre. Sur les cheveux noirs, très noirs de l'Andalouse
s'épanouit toujours quelque fleur que la Castillane plante parfois
près de l'oreille; on guise de mantille, un tissu de chenille légère
remplace la dentelle portée dans les provinces du centre ou du nord.
Enfin, au lieu du châle jeté on pointe dans le dos et ramené sur la
poitrine, les crêpes de Chine souples, drapés près du corps, serrés
aux épaules, à la taille et aux hanches dont elles précisent les
contours, rappellent le _chitôn_ grec et semblent un héritage de
l'antiquité classique.

Les modifications du type et du costume apparaissent plus nettes au
touriste qui ne voit d'une ville que les façades plus ou moins
quelconques bâties le long des rues; mais quand on s'est familiarisé
avec Cordoue, on retrouve, en dépit de l'épais manteau jeté par
l'Islam et la Renaissance chrétienne sur les ruines antiques, des
reliefs assez prononcés pour reconstituer la ville disparue. Les
historiens aident encore à sa résurrection morale.

C'est Silius Italicus qui la chante dans son poème sur la Seconde
Guerre Punique et la signale parmi les villes qui aidèrent Hannibal;
c'est Strabon qui honore sa science, et assure que ses lois très
belles et très antiques sont formulées en vers; c'est Claudius
Marcellus qui, entre toutes les villes de la Péninsule, lui accorde le
titre de colonie romaine et les privilèges qui y sont attachés; ce
sont les deux Sénèques, c'est Lucain qui voient le jour dans ses murs.
Des siècles passent, et les Wisigoths font d'elle la ville sainte où
ils tiennent des conciles, la ville savante dont l'on vante les
écoles, les rhéteurs et les élèves à l'extraordinaire faconde. La
conquête arabe lui est profitable, et sa grandeur, sa puissance, son
renom atteignent à leur apogée sous Abd el-Rhaman qui fait d'elle la
capitale du Khalifat d'Occident. Sa population s'élève à un _million_
d'hommes, ses palais, ses bains, ses écoles, ses fontaines se comptent
par centaines; elle rivalise avec Bagdad et Damas; l'hyperbole ne
suffit plus pour louer «l'Athènes de l'Occident, la nourrice des
sciences, le berceau des capitaines, la mère du trône des sultans, le
minaret de piété et de dévotion, le refuge de la tradition, le séjour
de la magnificence et de l'élégance».

Forte et puissante, Cordoue était tolérante et généreuse. Quand ils la
conquirent, les Maures montrèrent envers elle les mêmes vertus,
partagèrent par moitié leurs temples avec les chrétiens, et,
lorsqu'ils songèrent à élever l'admirable mosquée qui est aujourd'hui
le grand attrait de la vieille cité, ils ne s'emparèrent pas de force
du terrain sur lequel ils la voulaient élever, ils n'expulsèrent point
les vaincus, mais leur achetèrent le sol et leur facilitèrent
l'édification d'autres sanctuaires, comme ils avaient autorisé les
Juifs à bâtir des synagogues. Et c'est peut-être parce que la vieille
mosquée ne fut pas fondée sur l'iniquité, que, depuis des siècles,
elle est restée debout, comme un témoignage d'un passé de justice et
de piété. Il n'y eut jamais de haine contre ses murailles.

[Illustration: Chapelle de San Fernando, de style Mudajar, élevée au
centre de la mosquée de Cordoue (page 620).--D'après une
photographie.]

On était en 770, et sous le khalifat du brillant Abd el-Rhaman quand
on la commença. Cinquante ans de domination avaient suffi aux Maures
pour s'établir solidement dans un pays où ils avaient apporté avec la
science, dont ils étaient les détenteurs à cette époque, l'agriculture
qui enrichit les pays fertiles, et les arts qui parent et embellissent
les cités. Le vieux sanctuaire qui avait succédé à un temple de Janus
fut abattu, et bientôt arrivèrent, transportés d'Afrique et de toute
l'Espagne romaine, les innombrables colonnes arrachées à des édifices
antiques, qui devaient supporter les soffites de cèdre sculpté. De
Byzance, l'empereur Léon fit également un envoi de marbre précieux,
et, aussitôt, l'on se mit à l'oeuvre. Le plan de la mosquée était
simple, comme l'est tout ce qui est grand et beau. Au delà d'une vaste
cour, plantée d'orangers et entourée de portiques, s'ouvraient
dix-neuf galeries hypostyles orientées vers la Mecque, ce pôle
religieux du monde musulman. Celle du centre, plus ornée conduisait au
Mihrab. Ces galeries étaient coupées en équerre par vingt autres
galeries dont les colonnes égalisées, et durement amputées dans ce
but, formaient comme les arbres d'un jardin planté en quinconce. La
construction primitive fut élevée avec une fiévreuse rapidité. C'était
à qui aiderait à l'édification du temple, par ses dons ou même par son
effort personnel. Abd el-Rhaman avait prêché d'exemple, en
s'assujettissant à travailler une heure par jour à l'oeuvre
laborieuse. Peu d'années plus tard, Cordoue possédait une des plus
belles, une des plus vastes, une des plus nobles mosquées de l'Islam.
Son mirhab ne fut sans doute pas achevé tout de suite, car les
admirables mosaïques dont il est orné ne purent être exécutées
rapidement; mais les musulmans purent se flatter d'avoir doté le monde
d'une nouvelle merveille. Alors ils l'ornèrent d'objets précieux, de
lampes où brûlaient des huiles parfumées, de portes de bronze, de
marbres et d'agates; ils la parèrent, ils l'embellirent sans jamais se
lasser. Elle était unique quand Ferdinand III s'empara de Cordoue en
1239. Ce fut le signal de la décadence de la vieille cité. Dépouillée
de son titre de capitale, devenue vassale de souveraine qu'elle était,
elle ne fit plus que dépérir, décroître en population, en richesse, en
crédit.

[Illustration: La mosquée qui fait la gloire de Cordoue, avec ses
dix-neuf galeries hypostyles, orientées vers la Mecque (page
618).--Photographie Lacoste, à Madrid.]

Pourtant la belle mosquée d'Abd el-Rhaman fut respectée. On se
contenta d'élever au centre une chapelle de style mudejar dédiée à
saint Ferdinand, le patron du conquérant, tandis que le magnifique
mihrab que recouvrait une immense dalle de marbre blanc taillée en
forme de coquille, et dont les mosaïques d'or rivalisent avec celles
de Saint-Marc de Venise, était caché derrière une construction bâtarde
qui empêcha les fidèles de le voir et le préserva peut-être d'une
destruction sauvage. Près de trois siècles s'étaient écoulés ainsi
quand, en l'année 1523, l'évêque Alonzo Manrique fut pris d'une belle
ambition: celle de construire une grande, haute et robuste cathédrale
à la mode du jour. S'il eût choisi un emplacement vide, Cordoue
bénirait sans doute sa mémoire, au lieu de la détester. Mais c'était
au beau milieu de la mosquée, près de la chapelle de San Fernando,
qu'il prétendait élever l'église qui porterait son nom à la postérité,
et le choeur qui lui vaudrait les bénédictions des chanoines craintifs
des courants d'air. Ce beau projet n'eut pourtant pas l'assentiment
général. L'Ayuntamiento s'indigna, et déclara qu'il punirait de mort
quiconque oserait toucher à l'édifice. L'évêque en appela sans hésiter
à Charles Quint, et finit par lui arracher une autorisation contre
laquelle personne n'osa plus protester. On enleva les toitures de
cèdre peint et sculpté, on emporta les colonnes qui les soutenaient,
et la lourde, la malencontreuse construction qui coupe aujourd'hui les
perspectives, qui au dehors écrase à ses pieds les galeries de la
mosquée, s'éleva triomphante, à la grande satisfaction du prélat, et à
la colère des Cordouans.

[Illustration: Détail de la chapelle de San Fernando.--D'après une
photographie.]

Trois ans après, Charles Quint, de retour de Flandre, visita le nouvel
édifice. Quand il vit la grandeur du crime commis contre l'art et le
goût, il ne put réprimer son vif mécontentement.

«Pourquoi ai-je ignoré la beauté de cet édifice! s'écria-t-il. Je
n'aurais jamais permis qu'on le touchât!»

Et s'adressant aux chanoines consternés:

«Vous avez élevé un monument que vous pouviez construire autre part,
et vous avez détruit ce qui était unique au monde!»

Aujourd'hui Cordoue est plus que jamais éprise de la belle mosquée,
qui, seule, attire chez elle les étrangers. Les masques qui couvraient
le mirhab ont été enlevés, les toitures de cèdre qui se cachaient
derrière un berceau de plâtre ont revu le jour, les crépis extérieurs
ont été grattés et les murailles anciennes remises à jour; les
charpentes démolies qui n'ont point été utilisées à faire des
guitares, servent à la réparation des parties dégradées; bref, une
restauration très lente, comme tout ce qui se fait en Espagne, mais
conduite avec méthode et discrétion, effacera les traces de l'attentat
partout où il est possible de le faire. La grande verrue de l'évêque
Manrique disparaîtra-t-elle un jour? Je ne le pense pas. La vieille
mosquée est admirée, mais elle n'excite point la piété; les petits
autels des chapelles ménagées le long des murs sont pauvres et à
peine entretenus. On s'amuse, on cause dans la demeure d'Allah, tandis
qu'on se signe et que l'on se tait en entrant dans l'église. Et
pourtant, pas plus dans l'une que dans l'autre, le pied ne foule ces
dalles armoriées, sous lesquelles les grands personnages aimaient à
dormir le sommeil éternel. On y retrouve seulement les souvenirs
funèbres de quelques évêques, des chanoines et de cette merveilleuse
Doña Maria de Guzman de Parèdes qui conquit si brillamment ses grades
à l'Université d'Alcala, sous le règne de Philippe III. Le poète
Gongora, dont le style ampoulé a fait école au XVIIe siècle, et n'a
d'analogie que le style chiriguresque en architecture, repose aussi
dans une chapelle en harmonie avec son talent. Enfin le choeur abrite
les restes de Pedro Cornyo, un sculpteur du XVIIIe siècle, qui remplit
l'Espagne de sa renommée, bien qu'il fût, lui aussi, un artiste de la
décadence.

[Illustration: Vue extérieure de la mosquée de Cordoue (page
620).--D'après une photographie.]

Du minaret, sans doute analogue à la Giralda de Séville et que
surmontaient trois globes d'or et d'argent, il ne reste que l'étage
inférieur. Contre l'habitude, la main de l'homme n'est pas coupable de
sa destruction; il fut renversé au XVIe siècle par un tremblement de
terre. Herman Ruiz, l'architecte du choeur, en commença la
reconstruction vers 1593, et Gaspar de la Pena la termina en 1653. De
l'étage supérieur, la vue s'étend magnifique jusqu'aux contreforts de
la sierra Morena.

Enfin, au XVIe siècle remonte encore la belle porte de bronze
décorée d'hexagones réguliers, et le magnifique heurtoir en fer à
cheval, orné d'une inscription en caractères arabes: «Béni soit le nom
de Dieu». Elle est un des plus précieux spécimens de cet art mudejar
qui persista si longtemps en Espagne, et dont j'ai donné les origines
et la définition dans mon étude sur Saragosse.

L'on ne s'attardera guère devant le monument du _Triomphe_, tout
voisin de la mosquée, où le mauvais goût le dispute à la mauvaise
exécution.

Un peu plus bas débouche le grand pont qui réunit les rives du
Guadalquivir, et que ferme la forteresse de Calahora. La construction
en est attribuée à Octave Auguste. En vérité, il fut reconstruit par
les Maures en 815. Il mérite d'ailleurs, sa réputation. Quand les eaux
sont hautes, quand les flots torrentueux remplacent dans le lit du
fleuve le linge à sécher qui forme sa parure estivale, ses piles
massives paraissent à peine assez puissantes pour résister à la
violence des courants.

Cordoue est connue dans l'univers par l'admirable mosquée qui fait sa
gloire; elle doit aussi une part de sa célébrité au souvenir de son
fils de prédilection, Gonzalve dit de Cordoue, bien que le héros ait
vu le jour à Montilla, un bourg tout voisin de la cité. À peine a-t-on
quitté la gare, qu'on s'engage dans une largo voie nouvelle qui porte
le nom du Grand Capitan. Sa personnalité emplit la ville, et il semble
que sa mort soit d'hier, tant sa mémoire est encore vivante. Narrer
ses exploits, ses conquêtes, la noblesse de son caractère, sa
remarquable intelligence, son faste sans égal, serait faire l'histoire
de l'Espagne pendant un quart de siècle, à l'époque la plus glorieuse.
L'ingratitude ne devait pas plus l'épargner que Christophe Colomb.
Comme celui-ci fut persécuté pour avoir donné le Nouveau Monde à
l'Espagne, Gonzalve fut humilié pour lui avoir conquis l'Italie.
Isabelle n'était plus là pour réparer les fautes de son égoïste époux.
Ferdinand en vint à réclamer l'état des dépenses durant les dures
campagnes où Gonzalve avait payé de son patrimoine ses conquêtes et le
train de roi qu'il avait mené. La réponse fut fière, et telle qu'on la
devait attendre d'un Espagnol.

«Le roi me demande mes comptes; je présenterai les siens et les miens,
et l'on verra qui, de lui ou de moi, est le débiteur.»

Et quelques mois plus tard, il envoyait la belle page où se résume
toute une vie de dévouement, de sacrifice et d'honneur.

«_Les comptes de Gonzalve de Cordoue._--200 736 ducats et neuf réaux
payés aux moines, aux religieuses et aux pauvres qui ont prié Dieu
d'accorder la victoire aux armées espagnoles.

[Illustration: Statue de Gonzalve de Cordoue.--D'après une
photographie.]

«Cent millions en piques, en boulets et en piques de tranchée; cent
mille ducats en poudre et en boulets de canon; dix mille ducats en
gants parfumés, pour préserver les troupes de la mauvaise odeur que
répandaient les cadavres ennemis étendus sur les champs de bataille.
Cent soixante mille ducats pour réparer et renouveler les cloches
usées à force de sonner tous les jours à coups redoublés, en l'honneur
des nouvelles victoires obtenues sur nos ennemis. Cinquante mille
ducats en eau-de-vie pour les troupes, un jour de combat. Un million
et demi pour garder les prisonniers et les blessés.

«Un million pour messes d'actions de grâce et _Te Deum_ en l'honneur
du Tout-Puissant. 700 494 en espions, etc....

«Et cent millions pour la patience avec laquelle j'ai écouté hier le
roi, quand il demandait des comptes à celui qui lui a fait présent
d'un royaume.»

Ferdinand lut sans émotion «Las cuentas del Gran Capitan», mais,
jaloux de tous ceux que la reine avait élevés auprès de lui, il laissa
mourir le héros de découragement et de tristesse.

Ce ne fut qu'au jour de la mort, ce terrible jour des louanges, qu'il
rendit justice à celui dont la grandeur ne pouvait plus lui porter
ombrage, et ordonna de lui faire un service funèbre dans la chapelle
royale de Grenade.

Près d'un siècle auparavant, la ville, «fleur de la science et de la
chevalerie», avait enfanté un grand poète, Juan de Mena, l'un des
brillants satellites qui gravitèrent à la cour de Juan II, roi de
Castille, et père de la grande Isabelle. Quoique né dans une condition
assez humble, Mena s'était épris des lettres avec passion, avait suivi
les cours de Salamanque, était parti pour Rome où l'étude des maîtres
immortels qui venaient de révéler au monde la puissance des langues
modernes avait développé son goût et donné une direction à son génie.
À son retour, son mérite littéraire lui valut l'admiration générale et
le patronage bientôt amical du marquis de Santillane. Admis dans le
cercle privé du monarque qui, si l'on en croit les bavardages de son
médecin, avait aussi souvent à son chevet les vers de Mena que son
livre de prières, le poète paya sa dette de gratitude en offrant à son
royal admirateur les _rymes_ mielleuses pour lesquelles il montrait un
goût passionné. Il lui resta fidèle parmi toutes les fluctuations des
guerres civiles et ne lui survécut que de deux ans (1456).

[Illustration: Statue de Doña Maria Manrique, femme de Gonzalve de
Cordoue.--D'après une photographie.]

De Juan de Mena date une ère nouvelle pour la poésie castillane. Son
grand ouvrage, «Le Labyrinthe», peut dans une certaine mesure se
comparer à cette partie de la _Divine Comédie_ où l'aède florentin se
place lui-même sous la protection de Béatrice. Accompagné d'une femme
jeune et belle personnifiant la Providence, le poète assiste à
l'apparition des grandes figures de la Fable et de l'Histoire, et se
complaît à dessiner leurs traits. Parfois le style s'alourdit et
devient pédant, parfois aussi les touches du pinceau ont une
simplicité et une vigueur vraiment dantesque. Avant Juan de Mena,
jamais la muse castillane n'avait pris un essor aussi hardi; et malgré
les défauts du plan général, malgré une phraséologie d'un goût
médiocre, malgré la mesure dans laquelle il est composé, «le
Labyrinthe» abonde en conceptions et en épisodes où l'énergie mêlée à
la beauté révèle un génie de premier ordre. Dans quelques morceaux
d'une importance moindre le style est d'une souplesse gracieuse qui
manque peut-être aux oeuvres de grande envergure.

Encore naquit à Cordoue ce digne père Sanchez qui parla si savamment
sur le mariage, qu'il fit dire à l'un de ses contemporains: «_Del
matrimonio sabe mas que el Demonio_».

La splendeur de sa mosquée, la gloire de ses écoles, les exploits et
les oeuvres de ses fils illustres avaient fait connaître Cordoue de
toute l'Europe intellectuelle; une de ses industries porta également
son nom dans l'univers. Je veux parler des cuirs estampés et peints
très en usage au XVIe et au XVIIe siècle. Les procédés de fabrication
sont-ils indigènes ou furent-ils apportés en Espagne par les
musulmans? On a beaucoup discuté sur cette question sans l'élucider.
Le nom de _guadamacil_ donné très anciennement aux cuirs dorés connus
plus tard sous le nom de _brocados y cueros_ est de forme arabe. Ne
dériverait-il pas du nom de _Ghadamès_, cette ville d'Afrique dont les
cuirs, comme ceux de Tunis et du Maroc, étaient célèbres au Xe siècle
sous le nom de maroquins du Levant? Ce qu'il y a de certain, c'est que
les Espagnols, soit à cause de la nature des peaux, soit à cause du
climat de leur pays, excellèrent de bonne heure dans le travail des
cuirs. Un vieil auteur, Ambroise de Moralès, s'exprime ainsi à ce
sujet:

«Le commerce des cuirs est important, beaucoup s'y sont enrichis, et
le talent est plus grand à Cordoue que dans toutes les autres villes
de l'Espagne pour bien dresser ces cuirs, qu'ils soient de chèvre ou
de mouton, et qu'ils viennent de telle ou telle province.»

Des ordonnances sévères rendues sous le règne des Rois Catholiques,
ces grands organisateurs de l'État, assurèrent d'ailleurs à
l'industrie des cuirs un avenir fondé sur le mérite et la probité. Un
apprenti ne pouvait tenir boutique avant d'avoir accompli un stage de
trois ans, la surveillance de la corporation était confiée à des
maîtres assermentés, aucun ouvrier n'y était admis sans avoir fait ses
preuves, enfin il était interdit sous peine d'amende d'employer les
peaux d'animaux morts de maladie. Grâce à ces sages mesures, la
quantité des _cordouans_ que l'on exportait jusqu'en Amérique devint
telle qu'en 1552 les Espagnols se plaignirent de leur enchérissement
et demandèrent que leur sortie fût prohibée comme l'était celle des
draps et des soies. C'était une singulière manière de faire prospérer
l'industrie. On fit droit cependant à leur réclamation, et les cuirs
de Cordoue ne traversèrent plus l'Océan que sous la forme de cartes à
jouer destinées aux conquérants de la Floride.

Les rues où l'on fabriquait les cuirs ne fleuraient ni la rose ni même
l'oranger; en revanche, elles offraient de jolies perspectives, car
les cuirs peints et dorés séchaient d'habitude sur le pas des portes,
et jetaient devant chaque maison de merveilleux faisceaux de couleurs
et des diaprures infiniment riches et variées.

Séville, Ciudad Rodrigo, Valladolid disputèrent bientôt à Cordoue la
suprématie dans l'art de travailler les cuirs, et Ciudad Rodrigo
s'appliqua tout spécialement à la fabrication des gants parfumés à
l'ambre, ces «guantes de ambar», fendus sur le haut de la main, qui
eurent tant de succès au XVIIe siècle dans toutes les cours d'Europe.
Le roi d'Espagne en approvisionnait les princes étrangers, et, à
l'occasion du mariage de Louis XIV, Philippe IV qui connaissait les
goûts de la reine-mère n'oublia pas de lui envoyer des gants dignes de
ses mains souveraines:

«Ordonnons envoyer à la reine-mère trois malles d'une _varra_ de
large, avec coins, serrures, gonds et verrous formés par un joug d'or;
deux émaillées de vert et l'autre de blanc avec des ornements de
filigrane, pleines de _cordobans_ et de gants d'ambre. Une autre malle
au duc d'Anjou, frère du roi.»

Les marchés que les Espagnols s'étaient fermés à plaisir s'ouvrirent à
leurs concurrents. Les Vénitiens en particulier se distinguèrent dans
l'industrie des cuirs peints et dorés; mais ils ne furent pas les
seuls et, dans l'Europe entière, on les copia ou on les imita. En
France, ils furent connus dès le XVIe siècle sous le nom de cuir d'or
basané, de cuir d'or, ou encore de cuir argenté et figuré. On lit dans
un document daté de 1530 l'ordonnance suivante:

«Il y avait dans la ville de Paris grande abondance de cordoban
d'Espagne, qui est le meilleur de tous les cuirs, et ordonnons que ne
se vendent cordobans de Flandre parce que ceux-ci sont pour la plupart
arrangés au tanin.»

D'ailleurs, on ne tarda pas à créer à Paris, près de la porte
Saint-Antoine, des ateliers où l'on fabriqua des cuirs repoussés,
peints et dorés, traités avec ce bon goût qui caractérisa toujours les
oeuvres des ouvriers français. Des peintres de talent ne se
contentèrent pas de concourir à leur beauté en les enluminant de
motifs ornementaux tels que des chevaux marins, des amours, des fleurs
et des fruits, ils tracèrent et peignirent de véritables tableaux
devenus aujourd'hui fort rares, et partant fort précieux. On suivit
les mêmes procédés qu'en Espagne et, en dépit de la différence du
climat, on s'astreignit à travailler et à sécher les cuirs à l'air
libre, afin de leur donner une souplesse nécessaire à leur
conservation. Depuis longtemps déjà Cordoue a vu mourir l'industrie
qui lui avait assuré quelques siècles de prospérité; du moins ses
palais conservaient leurs revêtements dorés où se jouaient en dessins
charmants les arabesques, les fleurs et les oiseaux. Durant le siège
de 1808-1809, la majeure partie des demeures seigneuriales furent
incendiées, et les plus beaux cordobans périrent; puis la noblesse vit
tarir peu à peu les sources de sa fortune, et elle offrit aux
brocanteurs les derniers vestiges de son ancienne opulence et de sa
splendeur évanouie. Maintenant, ces impassibles témoins de la vie
sévère des héros espagnols, prisés au poids de l'or, courent les
ventes publiques, de capitale en capitale, et finissent dans un
vagabondage dégradant.

                                        JANE DIEULAFOY.

[Illustration: Détail d'une porte de la mosquée de Cordoue.--D'après
une photographie.]

Droits de traduction et de reproduction réservés.


       *       *       *       *       *


TABLE DES GRAVURES ET CARTES


L'ÉTÉ AU KACHMIR

Par _Mme F. MICHEL_


  En «rickshaw» sur la route du mont Abou.
    (D'après une photographie.)                                      1

  L'éléphant du touriste à Djaïpour.                                 1

  Petit sanctuaire latéral dans l'un des temples djaïns du mont Abou.
    (D'après une photographie.)                                      2

  Pont de cordes sur le Djhilam, près de Garhi. (Dessin de Massias,
    d'après une photographie.)                                       3

  Les «Karévas» ou plateaux alluviaux formés par les érosions du
    Djhilam. (D'après une photographie.)                             4

  «Ekkas» et «Tongas» sur la route du Kachmir: vue prise au relais
    de Rampour. (D'après une photographie Jadu Kissen, à Delhi.)     5

  Le vieux fort Sikh et les gorges du Djhilam à Ouri. (D'après une
    photographie.)                                                   6

  Shèr-Garhi ou la «Maison du Lion», palais du Mahârâdja à Srînagar.
    (Photographie Bourne et Sheperd, à Calcutta.)                    7

  L'entrée du Tchinar-Bâgh, ou Bois des Platanes, au-dessus de
    Srînagar; au premier plan une «dounga», au fond le sommet du
    Takht-i-Souleiman. (Photographie Jadu Kissen, à Delhi.)          7

  Ruines du temple de Brankoutri. (D'après une photographie.)        8

  Types de Pandis ou Brahmanes Kachmirs. (Photographie Jadu Kissen,
    à Delhi.)                                                        9

  Le quai de la Résidence; au fond, le sommet du Takht-i-Souleiman.
    (Photographie Jadu Kissen, à Delhi.)                            10

  La porte du Kachmir et la sortie du Djhilam à Baramoula.
    (Photographie Jadu Kissen, à Delhi.)                            11

  Nos tentes à Lahore. (D'après une photographie.)                  12

  «Dounga» ou bateau de passagers au Kachmir. (Photographie Bourne
    et Shepherd, à Calcutta.)                                       13

  Vichnou porté par Garouda, idole vénérée près du temple de
    Vidja-Broer (hauteur 1m 40.)                                    13

  Enfants de bateliers jouant à cache-cache dans le creux d'un
    vieux platane. (D'après une photographie.)                      14

  Batelières du Kachmir décortiquant du riz, près d'une rangée de
    peupliers. (Photographie Bourne et Shepherd, à Calcutta.)       15

  Campement près de Palhallan: tentes et doungas. (D'après une
    photographie.)                                                  16

  Troisième pont de Srînagar et mosquée de Shah Hamadan; au fond,
    le fort de Hari-Paryat. (Photographie Jadu Kissen, à Delhi.)    17

  Le temple inondé de Pandrethan. (D'après une photographie.)       18

  Femme musulmane du Kachmir. (Photographie Jadu Kissen, à Delhi.)  19

  Pandit Narayan assis sur le seuil du temple de Narasthân.
    (D'après une photographie.)                                     20

  Pont et bourg de Vidjabroer. (Photographie Jadu Kissen, à
    Delhi.)                                                         21

  Ziarat de Cheik Nasr-oud-Din, à Vidjabroer. (D'après une
    photographie.)                                                  22

  Le temple de Panyech: à gauche, un brahmane; à droite, un
    musulman. (Photographie Jadu Kissen, à Delhi.)                  23

  Temple hindou moderne à Vidjabroer. (D'après une photographie.)   24

  Brahmanes en visite au Naga ou source sacrée de Valtongou.
    (D'après une photographie.)                                     25

  Gargouille ancienne, de style hindou, dans le mur d'une mosquée,
    à Houtamourou, près de Bhavan.                                  25

  Temple ruiné, à Khotair. (D'après une photographie.)              26

  Naga ou source sacrée de Kothair. (D'après une photographie.)     27

  Ver-Nâg: le bungalow au-dessus de la source. (D'après une
    photographie.)                                                  28

  Temple rustique de Voutanâr. (D'après une photographie.)          29

  Autel du temple de Voutanâr et accessoires du culte. (D'après une
    photographie.)                                                  30

  Noce musulmane, à Rozlou: les musiciens et le fiancé. (D'après
    une photographie.)                                              31

  Sacrifice bhramanique, à Bhavan. (D'après une photographie.)      31

  Intérieur de temple de Martand: le repos des coolies employés au
    déblaiement. (D'après une photographie.)                        32

  Ruines de Martand: façade postérieure et vue latérale du temple.
    (D'après des photographies.)                                    33

  Place du campement sous les platanes, à Bhavan. (D'après une
    photographie.)                                                  34

  La Ziarat de Zaïn-oud-Din, à Eichmakam. (Photographie Bourne et
    Shepherd, à Calcutta.)                                          35

  Naga ou source sacrée de Brar, entre Bhavan et Eichmakar.
    (D'après une photographie.)                                     36

  Maisons de bois, à Palgâm. (Photographie Bourne et Shepherd, à
    Calcutta.)                                                      37

  Palanquin et porteurs.                                            37

  Ganech-Bal sur le Lidar: le village hindou et la roche
    miraculeuse. (D'après une photographie.)                        38

  Le massif du Kolahoi et la bifurcation de la vallée du Lidar
    au-dessus de Palgâm, vue prise de Ganeth-Bal. (Photographie
    Jadu Kissen, à Delhi.)                                          39

  Vallée d'Amarnâth: vue prise de la grotte. (D'après une
    photographie.)                                                  40

  Pondjtarni et le camp des pèlerins: au fond, la passe du
    Mahâgounas. (Photographie Jadu Kissen, à Delhi.)                41

  Cascade sortant de dessous un pont de neige entre Tannin et
    Zodji-Pâl. (D'après une photographie.)                          42

  Le Koh-i-Nour et les glaciers au-dessus du lac Çecra-Nag.
    (Photographie Jadu Kissen, à Delhi.)                            43

  Grotte d'Amarnâth. (Photographie Jadu Kissen, à Delhi.)           43

  Astan-Marg: la prairie et les bouleaux. (D'après une
    photographie.)                                                  44

  Campement de Goudjars à Astan-Marg. (D'après une photographie.)   45

  Le bain des pèlerins à Amarnath. (D'après une photographie.)      46

  Pèlerins d'Amarnâth: le Sâdhou de Patiala; par derrière, des
    brahmanes, et à droite, des musulmans du Kachmir. (D'après une
    photographie.)                                                  47

  Mosquée de village au Kachmir. (D'après une photographie.)        48

  Brodeurs Kachmiris sur toile. (Photographie Bourne et Shepherd,
    à Calcutta.)                                                    49

  Mendiant musulman. (D'après une photographie.)                    49

  Le Brahma Sâr et le camp des pèlerins au pied de l'Haramouk.
    (D'après une photographie.)                                     50

  Lac Gangâbal au pied du massif de l'Haramouk. (Photographie Jadu
    Kissen, à Delhi.)                                               51

  Le Noun-Kôl, au pied de l'Haramouk, et le bain des pèlerins.
    (D'après une photographie.)                                     52

  Femmes musulmanes du Kachmir avec leurs «houkas» (pipes) et leur
    «hangri» (chaufferette). (Photographie Jadu Kissen, à Delhi.)   53

  Temples ruinés à Vangâth. (D'après une photographie.)             54

  «Mêla» ou foire religieuse à Hazarat-Bal. (En haut, photographie
    par l'auteur; en bas, photographie Jadu Kissen, à Delhi.)       55

  La villa de Cheik Safai-Bagh, au sud du lac de Srînagar. (D'après
    une photographie.)                                              56

  Nishat-Bâgh et le bord oriental du lac de Srînagar. (Photographie
    Jadu Kissen, à Delhi.)                                          57

  Le canal de Mar à Sridagar. (Photographie Jadu Kissen, à Delhi.)  58

  La mosquée de Shah Hamadan à Srînagar (rive droite). (Photographie
    Jadu Kissen, à Delhi.)                                          59

  Spécimens de l'art du Kachmir. (D'après une photographie.)        60


SOUVENIRS DE LA COTE D'IVOIRE

Par _le docteur LAMY_

_Médecin-major des troupes coloniales_.


  La barre de Grand-Bassam nécessite un grand déploiement de force
    pour la mise à l'eau d'une pirogue. (D'après une photographie.) 61

  Le féminisme à Adokoï: un médecin concurrent de l'auteur.
    (D'après une photographie.)                                     61

  «Travail et Maternité» ou «Comment vivent les femmes de
    Petit-Alépé». (D'après une photographie.)                       62

  À Motéso: soins maternels. (D'après une photographie.)            63

  Installation de notre campement dans une clairière débroussaillée.
    (D'après une photographie.)                                     64

  Environs de Grand-Alépé: des hangars dans une palmeraie, et une
    douzaine de grands mortiers destinés à la préparation de l'huile
    de palme. (D'après une photographie.)                           65

  Dans le sentier étroit, montant, il faut marcher en file indienne.
    (D'après une photographie.)                                     66

  Nous utilisons le fût renversé d'un arbre pour traverser la Mé.
    (D'après une photographie.)                                     67

  La popote dans un admirable champ de bananiers. (D'après une
    photographie.)                                                  68

  Indigènes coupant un acajou. (D'après une photographie.)          69

  La côte d'Ivoire.--Le pays Attié.                                 70

  Ce fut un sauve-qui-peut général quand je braquai sur les
    indigènes mon appareil photographique. (Dessin de J. Lavée,
    d'après une photographie.)                                      71

  La rue principale de Grand-Alépé. (D'après une photographie.)     72

  Les Trois Graces de Mopé (pays Attié). (D'après une
    photographie.)                                                  73

  Femme du pays Attié portant son enfant en groupe. (D'après une
    photographie.)                                                  73

  Une clairière près de Mopé. (D'après une photographie.)           74

  La garnison de Mopé se porte à notre rencontre. (D'après une
    photographie.)                                                  75

  Femme de Mopé fabriquant son savon à base d'huile de palme et de
    cendres de peaux de bananes. (D'après une photographie.)        76

  Danse exécutée aux funérailles du prince héritier de Mopé.
    (D'après une photographie.)                                     77

  Toilette et embaumement du défunt. (D'après une photographie.)    78

  Jeune femme et jeune fille de Mopé. (D'après une photographie.)   79

  Route, dans la forêt tropicale, de Malamalasso à Daboissué.
    (D'après une photographie.)                                     80

  Benié Coamé, roi de Bettié et autres lieux, entouré de ses femmes
    et de ses hauts dignitaires. (D'après une photographie.)        81

  Chute du Mala-Mala, affluent du Comoé, à Malamalasso. (D'après
    une photographie.)                                              82

  La vallée du Comoé à Malamalasso. (D'après une photographie.)     83

  Tam-tam de guerre à Mopé. (D'après une photographie.)             84

  Piroguiers de la côte d'Ivoire pagayant. (D'après une
    photographie.)                                                  85

  Allou, le boy du docteur Lamy. (D'après une photographie.)        85

  La forêt tropicale à la côte d'Ivoire. (D'après une
    photographie.)                                                  86

  Le débitage des arbres. (D'après une photographie.)               87

  Les lianes sur la rive du Comoé. (D'après une photographie.)      88

  Les occupations les plus fréquentes au village: discussions et
    farniente Attié. (D'après une photographie.)                    89

  Un incendie à Grand-Bassam. (D'après une photographie.)           90

  La danse indigène est caractérisée par des poses et des gestes
    qui rappellent une pantomime. (D'après une photographie.)       91

  Une inondation à Grand-Bassam. (D'après une photographie.)        92

  Un campement sanitaire à Abidjean. (D'après une photographie.)    93

  Une rue de Jackville, sur le golfe de Guinée. (D'après une
    photographie.)                                                  94

  Grand-Bassam: cases détruites après une épidémie de fièvre jaune.
    (D'après une photographie.)                                     95

  Grand-Bassam: le boulevard Treich-Laplène. (D'après une
    photographie.)                                                  96


L'ÎLE D'ELBE

Par _M. PAUL GRUYER_


  L'île d'Elbe se découpe sur l'horizon, abrupte, montagneuse et
    violâtre.                                                       97

  Une jeune fille elboise, au regard énergique, à la peau d'une
    blancheur de lait et aux beaux cheveux noirs.                   97

  Les rues de Porto-Ferraio sont toutes un escalier (page 100).     98

  Porto-Ferraio: à l'entrée du port, une vieille tour génoise,
    trapue, bizarre de forme, se mire dans les flots.               99

  Porto-Ferraio: la porte de terre, par laquelle sortait Napoléon
    pour se rendre à sa maison de campagne de San Martino.         100

  Porto-Ferraio: la porte de mer, où aborda Napoléon.              101

  La «teste» de Napoléon (page 100).                               102

  Porto-Ferraio s'échelonne avec ses toits plats et ses façades
    scintillantes de clarté (page 99).                             103

  Porto-Ferraio: les remparts découpent sur le ciel d'un bleu
    sombre leur profil anguleux (page 99).                         103

  La façade extérieure du «Palais» des Mulini où habitait Napoléon
    à Porto-Ferraio (page 101).                                    104

  Le jardin impérial et la terrasse de la maison des Mulini
    (page 102).                                                    105

  La Via Napoleone, qui monte au «Palais» des Mulini.              106

  La salle du conseil à Porto-Ferraio, avec le portrait de la
    dernière grande-duchesse de Toscane et celui de Napoléon,
    d'après le tableau de Gérard.                                  107

  La grande salle des Mulini aujourd'hui abandonnée, avec ses
    volets clos et les peintures décoratives qu'y fit faire
    l'empereur (page 101).                                         107

  Une paysanne elboise avec son vaste chapeau qui la protège du
    soleil.                                                        108

  Les mille mètres du Monte Capanna et de son voisin, le Monte
    Giove, dévalent dans les flots de toute leur hauteur.          109

  Un enfant elbois.                                                109

  Marciana Alta et ses ruelles étroites.                           110

  Marciana Marina avec ses maisons rangées autour du rivage et
    ses embarcations tirées sur la grève.                          111

  Les châtaigniers dans le brouillard, sur le faite du Monte
    Giove.                                                         112

  ... Et voici au-dessus de moi Marciana Alta surgir des nuées
    (page 111).                                                    113

  La «Seda di Napoleone» sur le Monte Giove où l'empereur
    s'asseyait pour découvrir la Corse.                            114

  La blanche chapelle de Monserrat au centre d'un amphithéâtre de
    rochers est entourée de sveltes cyprès (page 117).             115

  Voici Rio Montagne dont les maisons régulières et cubiques ont
    l'air de dominos empilés... (page 118).                        115

  J'aperçois Poggio, un autre village perdu aussi dans les nuées.  116

  Une des trois chambres de l'ermitage.                            117

  L'ermitage du Marciana où l'empereur reçut la visite de la
    comtesse Walewska, le 3 Septembre 1814.                        117

  Le petit port de Porto-Longone dominé par la vieille citadelle
    espagnole (page 117).                                          118

  La maison de Madame Mère à Marciana Alta.--«Bastia, signor!»--La
    chapelle de la Madone sur le Monte Giove.                      119

  Le coucher du soleil sur le Monte Giove.                         120

  Porto-Ferraio et son golfe vus des jardins de San Martino.       121

  L'arrivée de Napoléon à l'île d'Elbe. (D'après une caricature du
    temps.)                                                        121

  Le drapeau de Napoléon roi de l'île d'Elbe: fond blanc, bande
    orangé-rouge et trois abeilles jadis dorées.                   122

  La salle de bains de San Martino a conservé sa baignoire de
    pierre.                                                        123

  La chambre de Napoléon à San Martino.                            123

  La cour de Napoléon à l'île d'Elbe. (D'après une caricature du
    temps.)                                                        124

  Une femme du village de Marciana Alta.                           125

  Le plafond de San Martino et les deux colombes symboliques
    représentant Napoléon et Marie-Louise.                         126

  San Martino rappelle par son aspect une de ces maisonnettes à
    la Jean-Jacques Rousseau, agrestes et paisibles (page 123).    126

  Rideau du théâtre de Porto-Ferraio représentant Napoléon sous la
    figure d'Apollon gardant ses troupeaux chez Admète.            127

  La salle égyptienne de San Martino est demeurée intacte avec ses
    peintures murales et son bassin à sec.                         127

  Broderies de soie du couvre-lit et du baldaquin du lit de Napoléon
    aux Mulini, dont on a fait le trône épiscopal de l'évêque
    d'Ajaccio.                                                     128

  La signorina Squarci dans la robe de satin blanc que son aïeule
    portait à la cour des Mulini.                                  129

  Éventail de Pauline Borghèse, en ivoire sculpté, envoyé en
    souvenir d'elle à la signora Traditi, femme du maire de
    Porto-Ferraio.                                                 130

  Le lit de Madame Mère, qu'elle s'était fait envoyer de Paris à
    l'île d'Elbe.                                                  130

  Le vieil aveugle Soldani, fils d'un soldat de Waterloo,
    chauffait, à un petit brasero de terre jaune, ses mains
    osseuses.                                                      131

  L'entrée du goulet de Porto-Ferraio par où sortit la flottille
    impériale, le 26 février 1815.                                 132


D'ALEXANDRETTE AU COUDE DE L'EUPHRATE

Par _M. VICTOR CHAPOT_

_membre de l'École française d'Athènes_.


  Dans une sorte de cirque se dressent les pans de muraille du
    Ksar-el-Benat (page 142). (D'après une photographie.)          133

  Le canal de Séleucie est, par endroits, un tunnel (page 140).    133

  Vers le coude de l'Euphrate: la pensée de relever les traces de
    vie antique a dicté l'itinéraire.                              134

  L'Antioche moderne: de l'ancienne Antioche il ne reste que
    l'enceinte, aux flancs du Silpios (page 137).                  135

  Les rues d'Antioche sont étroites et tortueuses; parfois, au
    milieu, se creuse en fossé. (D'après une photographie.)        136

  Le tout-Antioche inonde les promenades. (D'après une
    photographie.)                                                 137

  Les crêtes des collines sont couronnées de chapelles ruinées
    (page 142).                                                    138

  Alep est une ville militaire. (D'après une photographie.)        139

  La citadelle d'Alep se détache des quartiers qui l'avoisinent
    (page 143). (D'après une photographie.)                        139

  Les parois du canal de Séleucie s'élèvent jusqu'à 40 mètres.
    (D'après une photographie.)                                    140

  Les tombeaux de Séleucie s'étageaient sur le Kasios. (D'après
    une photographie.)                                             141

  À Alep une seule mosquée peut presque passer pour une oeuvre
    d'art. (D'après une photographie.)                             142

  Tout alentour d'Alep la campagne est déserte. (D'après une
    photographie.)                                                 143

  Le Kasr-el-Benat, ancien couvent fortifié.                       144

  Balkis éveille, de loin et de haut, l'idée d'une taupinière
    (page 147). (D'après une photographie.)                        145

  Stèle Hittite. L'artiste n'a exécuté qu'un premier ravalement
    (page 148).                                                    145

  Église arménienne de Nisib; le plan en est masqué au dehors.
    (D'après une photographie.)                                    146

  Tell-Erfat est peuplé d'Yazides; on le reconnaît à la forme des
    habitations. (D'après une photographie.)                       147

  La rive droite de l'Euphrate était couverte de stations romaines
    et byzantines. (D'après une photographie.)                     148

  Biredjik vu de la citadelle: la plaine s'allonge indéfiniment
    (page 148). (D'après une photographie.)                        149

  Sérésat: village mixte d'Yazides et de Bédouins (page 146).
    (D'après une photographie.)                                    150

  Les Tcherkesses diffèrent des autres musulmans; sur leur personne,
    pas de haillons (page 152). (D'après une photographie.)        151

  Ras-el-Aïn. Deux jours se passent, mélancoliques, en négociations
    (page 155). (D'après une photographie.)                        152

  J'ai laissé ma tente hors les murs devant Orfa. (D'après une
    photographie.)                                                 153

  Environs d'Orfa: les vignes, basses, courent sur le sol. (D'après
    une photographie.)                                             154

  Vue générale d'Orfa. (D'après une photographie.)                 155

  Porte arabe à Rakka (page 152). (D'après une photographie.)      156

  Passage de l'Euphrate: les chevaux apeurés sont portés dans le
    bac à force de bras (page 159). (D'après une photographie.)    157

  Bédouin. (D'après une photographie.)                             157

  Citadelle d'Orfa: deux puissantes colonnes sont restées debout.
    (D'après une photographie.)                                    158

  Orfa: mosquée Ibrahim-Djami; les promeneurs flânent dans la cour
    et devant la piscine (page 157). (D'après une photographie.)   159

  Pont byzantin et arabe (page 159). (D'après une photographie.)   160

  Mausolée d'Alif, orné d'une frise de têtes sculptées (page 160).
    (D'après une photographie.)                                    161

  Mausolée de Théodoret, selon la légende, près de Cyrrhus.
    (D'après une photographie.)                                    162

  Kara-Moughara: au sommet se voit une grotte taillée (page 165).
    (D'après une photographie.)                                    163

  L'Euphrate en amont de Roum-Kaleh; sur la falaise campait un petit
    corps de légionnaires romains (page 160). (D'après une
    photographie.)                                                 163

  Trappe de Checkhlé: un grand édifice en pierres a remplacé les
    premières habitations (page 166).                              164

  Trappe de Checkhlé: la chapelle (page 166). (D'après une
    photographie.)                                                 165

  Père Maronite (page 168). (D'après une photographie.)            166

  Acbès est situé au fond d'un grand cirque montagneux (page 166).
    (D'après une photographie.)                                    167

  Trappe de Checkhlé: premières habitations des trappistes
    (page 166). (D'après une photographie.)                        168


LA FRANCE AUX NOUVELLES-HÉBRIDES

Par _M. RAYMOND BEL_


  Indigènes hébridais de l'île de Spiritu-Santo. (D'après une
    photographie.)                                                 169

  Le petit personnel d'un colon de Malli-Colo. (D'après une
    photographie.)                                                 169

  Le quai de Franceville ou Port-Vila, dans l'île Vaté. (D'après
    une photographie.)                                             170

  Une case de l'île de Spiritu-Santo et ses habitants. (D'après
    une photographie.)                                             171

  Le port de Franceville ou Port-Vila, dans l'île Vaté, présente
    une rade magnifique. (D'après une photographie.)               172

  C'est à Port-Vila ou Franceville, dans l'île Vaté, que la France
    a un résident. (D'après une photographie.)                     173

  Dieux indigènes ou Tabous. (D'après une photographie.)           174

  Les indigènes hébridais de l'île Mallicolo ont un costume et
    une physionomie moins sauvages que ceux de l'île Pentecôte.
    (D'après des photographies.)                                   175

  Pirogues de l'île Vao. (D'après une photographie.)               176

  Indigènes employés au service d'un bateau. (D'après une
    photographie.)                                                 177

  Un sous-bois dans l'île de Spiritu-Santo. (D'après une
    photographie.)                                                 178

  Un banquet de Français à Port-Vila (Franceville). (D'après
    une photographie.)                                             179

  La colonie française de Port-Vila (Franceville). (D'après
    une photographie.)                                             179

  La rivière de Luganville. (D'après une photographie.)            180


LA RUSSIE, RACE COLONISATRICE

Par _M. ALBERT THOMAS_


  Les enfants russes, aux grosses joues pales, devant l'isba
    (page 182). (D'après une photographie de M. J. Cahen.)         181

  La reine des cloches «Tsar Kolokol» (page 180). (D'après une
    photographie de M. Thiébeaux.)                                 181

  Les chariots de transport que l'on rencontre en longues files
    dans les rues de Moscou (page 183).                            182

  Les paysannes en pèlerinage arrivées enfin à Moscou, la cité
    sainte (page 182). (D'après une photographie de M. J. Cahen.)  183

  Une chapelle où les passants entrent adorer les icônes
    (page 183). (D'après une photographie de M. J. Cahen.)         184

  La porte du Sauveur que nul ne peut franchir sans se découvrir
    (page 185). (D'après une photographie de M. Thiébeaux.)        185

  Une porte du Kreml (page 185). (D'après une photographie de M.
    Thiébeaux.)                                                    186

  Les moines du couvent de Saint-Serge, un des couvents qui
    entourent la cité sainte (page 185). (D'après une photographie
    de M. J. Cahen.)                                               187

  Deux villes dans le Kreml: celle du XVe siècle, celle d'Ivan,
    et la ville moderne, que symbolise ici le petit palais
    (page 190).                                                    188

  Le mur d'enceinte du Kreml, avec ses créneaux, ses tours aux
    toits aigus (page 183). (D'après une photographie de M.
    Thiébeaux.)                                                    189

  Tout près de l'Assomption, les deux églises-soeurs se dressent:
    les Saints-Archanges et l'Annonciation (page 186). (D'après une
    photographie de M. Thiébeaux.)                                 189

  À l'extrémité de la place Rouge, Saint-Basile dresse le fouillis
    de ses clochers (page 184). (D'après une photographie de M.
    Thiébeaux.)                                                    190

  Du haut de l'Ivan Véliki, la ville immense se découvre (page 190).
    (D'après une photographie de M. Thiébeaux.)                    191

  Un des isvotchiks qui nous mènent grand train à travers les rues
    de Moscou (page 182).                                          192

  Il fait bon errer parmi la foule pittoresque des marchés moscovites,
    entre les petits marchands, artisans ou paysans qui apportent là
    leurs produits (page 195). (D'après une photographie de M. J.
    Cahen.)                                                        193

  L'isvotchik a revêtu son long manteau bleu (page 194). (D'après
    une photographie de M. J. Cahen.)                              193

  Itinéraire de Moscou à Tomsk.                                    194

  À côté d'une épicerie, une des petites boutiques où l'on vend le
    kvass, le cidre russe (page 195). (D'après une photographie de
    M. J. Cahen.)                                                  195

  Et des Tatars offraient des étoffes étalées sur leurs bras
    (page 195). (D'après une photographie de M. J. Cahen.)         196

  Patients, résignés, les cochers attendent sous le soleil de midi
    (page 194). (D'après une photographie de M. J. Cahen.)         197

  Une cour du quartier ouvrier, avec l'icône protectrice (page 196).
    (D'après une photographie de M. J. Cahen.)                     198

  Sur le flanc de la colline de Nijni, au pied de la route qui
    relie la vieille ville à la nouvelle, la citadelle au marché
    (page 204). (D'après une photographie de M. J. Cahen.)         199

  Le marché étincelait dans son fouillis (page 195). (D'après une
    photographie de M. J. Cahen.)                                  200

  Déjà la grande industrie pénètre: on rencontre à Moscou des
    ouvriers modernes (page 195). (D'après une photographie.)      201

  Sur l'Oka, un large pont de bois barrait les eaux (page 204).
    (D'après une photographie de M. Thiébeaux.)                    202

  Dans le quartier ouvrier, les familles s'entassent, à tous les
    étages, autour de grandes cours (page 196). (D'après une
    photographie de M. J. Cahen.)                                  203

  Le char funèbre était blanc et doré (page 194). (D'après une
    photographie.)                                                 204

  À Nijni, toutes les races se rencontrent, Grands-Russiens, Tatars,
    Tcherkesses (page 208). (D'après une photographie de M. J.
    Cahen.)                                                        205

  Une femme tatare de Kazan dans l'enveloppement de son grand châle
    (page 214). (D'après une photographie de M. Thiébeaux.)        205

  Nous avons traversé le grand pont qui mène à la foire (page 205).
    (D'après une photographie de M. Thiébeaux.)                    206

  Au dehors, la vie de chaque jour s'étalait, pêle-mêle, à
    l'orientale (page 207). (D'après une photographie de M. J.
    Cahen.)                                                        207

  Les galeries couvertes, devant les boutiques de Nijni (page 206).
    (D'après une photographie de M. Thiébeaux.)                    208

  Dans les rues, les petits marchands étaient innombrables
    (page 207). (D'après une photographie de M. J. Cahen.)         209

  Dans une rue, c'étaient des coffres de toutes dimensions, peints
    de couleurs vives (page 206). (D'après une photographie de M.
    J. Cahen.)                                                     210

  Près de l'asile, nous sommes allés au marché aux cloches
   (page 208). (D'après une photographie de M. J. Cahen.)          211

  Plus loin, sous un abri, des balances gigantesques étaient pendues
    (page 206). (D'après une photographie de M. J. Cahen.)         211

  Dans une autre rue, les charrons avaient accumulé leurs roues
    (page 206). (D'après une photographie de M. J. Cahen.)         212

  Paysannes russes, de celles qu'on rencontre aux petits marchés
    des débarcadères ou des stations (page 215). (D'après une
    photographie de M. J. Cahen.)                                  213

  Le Kreml de Kazan. C'est là que sont les églises et les
    administrations (page 214). (D'après une photographie de M.
    Thiébeaux.)                                                    214

  Sur la berge, des tarantass étaient rangées (page 216). (D'après
    une photographie de M. Thiébeaux.)                             215

  Partout sur la Volga d'immenses paquebots et des remorqueurs
    (page 213). (D'après une photographie de M. Thiébeaux.)        216

  À presque toutes les gares il se forme spontanément un petit
    marché (page 222). (D'après une photographie de M. J. Cahen.)  217

  Dans la plaine (page 221). (D'après une photographie de M.
    Thiébeaux.)                                                    217

  Un petit fumoir, vitré de tous côtés, termine le train
    (page 218). (D'après une photographie de M. Thiébeaux.)        218

  Les émigrants étaient là, pêle-mêle, parmi leurs misérables
    bagages (page 226). (D'après une photographie de M. J.
    Cahen.)                                                        219

  Les petits garçons du wagon-restaurant s'approvisionnent
    (page 218). (D'après une photographie de M. Thiébeaux.)        220

  Émigrants prenant leur maigre repas pendant l'arrêt de leur train
    (page 228). (Photographie de M. A. N. de Koulomzine)           221

  L'ameublement du wagon-restaurant était simple, avec un bel air
    d'aisance (page 218). (Photographie de M. A. N. de Koulomzine) 222

  Les gendarmes qui assurent la police des gares du Transsibérien.
    (Photographie de M. Thiébeaux.)                                223

  L'église, près de la gare de Tchéliabinsk, ne diffère des isbas
    neuves que par son clocheton (page 225). (Photographie extraite
    du «Guide du Transsibérien».)                                  224

  Un train de constructeurs était remisé là, avec son wagon-chapelle
    (page 225). (Photographie de M. A. N. de Koulomzine.)          225

  Vue De Stretensk: la gare est sur la rive gauche, la ville sur
    la rive droite. (Photographie de M. A. N. de Koulomzine.)      226

  Un point d'émigration (page 228). (Photographie de M. A. N. de
    Koulomzine.)                                                   227

  Enfants d'émigrants (page 228). (D'après une photographie de M.
    Thiébeaux.)                                                    228

  Un petit marché dans une gare du Transsibérien. (Photographie de
    M. Legras.)                                                    229

  La cloche luisait, immobile, sous un petit toit isolé (page 230).
    (D'après une photographie de M. Thiébeaux.)                    229

  Nous sommes passés près d'une église à clochetons verts (page 230).
    (Photographie de M. Thiébeaux.)                                230

  Tomsk a groupé dans la vallée ses maisons grises et ses toits
    verts (page 230). (Photographie de M. Brocherel.)              231

  Après la débâcle de la Tome, près de Tomsk (page 230). (D'après
    une photographie de M. Legras.)                                232

  Le chef de police demande quelques explications sur les passeports
    (page 232). (D'après une photographie de M. Thiébeaux.)        233

  La cathédrale de la Trinité à Tomsk (page 238). (Photographie
    extraite du «Guide du Transsibérien».)                         234

  Tomsk: en revenant de l'église (page 234). (D'après une
    photographie de M. Thiébeaux.)                                 235

  Tomsk n'était encore qu'un campement, sur la route de l'émigration
    (page 231). (D'après une photographie.)                        236

  Une rue de Tomsk, définie seulement par les maisons qui la bordent
    (page 231). (Photographie de M. Brocherel.)                    237

  Les cliniques de l'Université de Tomsk (page 238). (Photographie
    extraite du «Guide du Transsibérien».)                         238

  Les longs bâtiments blancs où s'abrite l'Université (page 237).
    (Photographie extraite du «Guide du Transsibérien».)           239

  La voiture de l'icône stationnait parfois (page 230). (D'après une
    photographie de M. Thiébeaux.)                                 240

  Flâneurs à la gare de Petropavlosk (page 242). (D'après une
    photographie de M. Legras.)                                    241

  Dans les vallées de l'Oural, habitent encore des Bachkirs
    (page 245). (D'après une photographie de M. Thiébeaux.)        241

  Un taillis de bouleaux entourait une petite mare. (D'après une
    photographie.)                                                 242

  Les rivières roulaient une eau claire (page 244). (D'après une
    photographie.)                                                 243

  La ligne suit la vallée des rivières (page 243). (D'après une
    photographie de M. Thiébeaux.)                                 244

  Comme toute l'activité commerciale semble frêle en face des eaux
    puissantes de la Volga! (page 248.) (D'après une photographie
    de M. G. Cahen.)                                               245

  Bachkirs sculpteurs. (D'après une photographie de M. Paul
    Labbé.)                                                        246

  À la gare de Tchéliabinsk, toujours des émigrants (page 242).
    (D'après une photographie de M. J. Legras.)                    247

  Une bonne d'enfants, avec son costume traditionnel (page 251).
    (D'après une photographie de M. G. Cahen.)                     248

  Joie naïve de vivre, et mélancolie.--un petit marché du sud
    (page 250). (D'après une photographie de M. G. Cahen.)         249

  Un russe dans son vêtement d'hiver (page 249). (D'après une
    photographie de M. G. Cahen.)                                  250

  Dans tous les villages russes, une activité humble, pauvre de
    moyens.--Marchands de poteries (page 248). (D'après une
    photographie de M. G. Cahen.)                                  251

  Là, au passage, un Kirghize sur son petit cheval (page 242).
    (D'après une photographie de M. Thiébeaux.)         252


LUGANO, LA VILLE DES FRESQUES

Par _M. GERSPACH_


  Lugano: les quais offrent aux touristes une merveilleuse
    promenade. (Photographie Alinari.)                             253

  Porte de la cathédrale Saint-Laurent de Lugano (page 256).
    (Photographie Alinari.)                                        253

  Le lac de Lugano dont les deux bras enserrent le promontoire de
    San Salvatore. (D'après une photographie.)                     254

  La ville de Lugano descend en amphithéâtre jusqu'aux rives de son
    lac. (Photographie Alinari.)                                   255

  Lugano: faubourg de Castagnola. (D'après une photographie.)      256

  La cathédrale de Saint-Laurent: sa façade est décorée de figures
    de prophètes et de médaillons d'apôtres (page 256).
    (Photographie Alinari.)                                        257

  Saint-Roch: détail de la fresque de Luini à Sainte-Marie-des-Anges
    (Photographie Alinari.)                                        258

  La passion: fresque de Luini à l'église Sainte-Marie-des-Anges
    (page 260). (Photographie Alinari)                             259

  Saint Sébastien: détail de la grande fresque de Luini à
    Sainte-Marie-des-Anges. (Photographie Alinari.)                260

  La madone, l'enfant Jésus et Saint Jean, par Luini, église
    Sainte-Marie-des-Anges (page 260). (Photographie Alinari.)     261

  La Scène: fresque de Luini à l'église Sainte-Marie-des-Anges
    (page 260).                                                    262

  Lugano: le quai et le faubourg Paradiso.
    (Photographie Alinari.)                                        263

  Lac de Lugano: viaduc du chemin de fer du Saint-Gothard.
    (D'après une photographie.)                                    264


SHANGHAÏ, LA MÉTROPOLE CHINOISE

Par _M. ÉMILE DESCHAMPS_


  Les quais sont animés par la population grouillante des Chinois
    (page 266). (D'après une photographie.)                        265

  Acteurs du théâtre chinois. (D'après une photographie.)          265

  Plan de Shanghaï.                                                266

  Shanghaï est sillonnée de canaux qui, à marée basse, montrent
    une boue noire et mal odorante. (Photographie de Mlle Hélène
    de Harven.)                                                    267

  Panorama de Shanghaï. (D'après une photographie.)                268

  Dans la ville chinoise, les «camelots» sont nombreux, qui débitent
    en plein vent des marchandises ou des légendes extraordinaires.
    (D'après une photographie.)                                    269

  Le poste de l'Ouest, un des quatre postes où s'abrite la milice
    de la Concession française (page 272). (D'après une
    photographie.)                                                 270

  La population ordinaire qui grouille dans les rues de la ville
    chinoise de Shanghaï (page 268).                               271

  Les coolies conducteurs de brouettes attendent nonchalamment
    l'arrivée du client (page 266). (Photographies de Mlle H. de
    Harven.)                                                       271

  Une maison de thé dans la cité chinoise. (D'après une
    photographie.)                                                 272

  Les brouettes, qui transportent marchandises ou indigènes, ne
    peuvent circuler que dans les larges avenues des concessions
    (page 270). (D'après une photographie.)                        273

  La prison de Shanghaï se présente sous l'aspect d'une grande cage,
    à forts barreaux de fer. (D'après une photographie.)           274

  Le parvis des temples dans la cité est toujours un lieu de
    réunion très fréquenté. (D'après une photographie.)            275

  Les murs de la cité chinoise, du côté de la Concession française.
    (D'après une photographie.)                                    276

  La navigation des sampans sur le Ouang-Pô. (D'après une
    photographie.)                                                 277

  Aiguille de la pagode de Long-Hoa. (D'après une photographie.)   277

  Rickshaws et brouettes sillonnent les ponts du Yang King-Pang.
    (D'après une photographie.)                                    278

  Dans Broadway, les boutiques alternent avec des magasins de belle
    apparence (page 282).                                          279

  Les jeunes Chinois flânent au soleil dans leur Cité.
    (Photographies de Mlle H. de Harven.)                          279

  Sur les quais du Yang-King-Pang s'élèvent des bâtiments, banques
    ou clubs, qui n'ont rien de chinois. (D'après une
    photographie.)                                                 280

  Le quai de la Concession française présente, à toute heure du
    jour, la plus grande animation. (D'après une photographie.)    281

  Hong-Hoa: pavillon qui surmonte l'entrée de la pagode. (D'après
    une photographie.)                                             282

  «L'omnibus du pauvre» (wheel-barrow ou brouette) fait du deux à
    l'heure et coûte quelques centimes seulement. (D'après une
    photographie.)                                                 283

  Une station de brouettes sur le Yang-King-Pang. (D'après une
    photographie.)                                                 284

  Les barques s'entre-croisent et se choquent devant le quai
    chinois de Tou-Ka-Dou. (D'après une photographie.)             285

  Chinoises de Shanghaï. (D'après une photographie.)               286

  Village chinois aux environs de Shanghaï. (D'après une
    photographie.)                                                 287

  Le charnier des enfants trouvés (page 280). (D'après une
    photographie.)                                                 288


L'ÉDUCATION DES NÈGRES AUX ÉTATS-UNIS

Par _M. BARGY_


  L'école maternelle de Hampton accueille et occupe les négrillons
    des deux sexes. (D'après une photographie.)                    289

  Institut Hampton: cours de travail manuel. (D'après une
    photographie.)                                                 289

  Booker T. Washington, le leader de l'éducation des nègres aux
    États-Unis, fondateur de l'école de Tuskegee, en costume
    universitaire. (D'après une photographie.)                     290

  Institut Hampton: le cours de maçonnerie. (D'après une
    photographie.)                                                 291

  Institut Hampton: le cours de laiterie. (D'après une
    photographie.)                                                 292

  Institut Hampton: le cours d'électricité. (D'après une
    photographie.)                                                 293

  Institut Hampton: le cours de menuiserie. (D'après une
    photographie.)                                                 294

  Le salut au drapeau exécuté par les négrillons de l'Institut
    Hampton. (D'après une photographie.)                           295

  Institut Hampton: le cours de chimie. (D'après une
    photographie.)                                                 296

  Le basket ball dans les jardins de l'Institut Hampton. (D'après
    une photographie.)                                             297

  Institut Hampton: le cours de cosmographie. (D'après une
    photographie.)                                                 298

  Institut Hampton: le cours de botanique. (D'après une
    photographie.)                                                 299

  Institut Hampton: le cours de mécanique. (D'après une
    photographie.)                                                 300


À TRAVERS LA PERSE ORIENTALE

Par _le Major PERCY MOLESWORTH SYKES_

_Consul général de S. M. Britannique au Khorassan._


  Une foule curieuse nous attendait sur les places de Mechhed.
    (D'après une photographie.)                                    301

  Un poney persan et sa charge ordinaire. (D'après une
    photographie.)                                                 301

  Le plateau de l'Iran. Carte pour suivre le voyage de l'auteur,
    d'Astrabad à Kirman.                                           302

  Les femmes persanes s'enveloppent la tête et le corps d'amples
    étoffes. (D'après une photographie.)                           303

  Paysage du Khorassan: un sol rocailleux et ravagé, une rivière
    presque à sec; au fond, des constructions à l'aspect de fortins.
    (D'après une photographie.)                                    304

  Le sanctuaire de Mechhed est parmi les plus riches et les plus
    visités de l'Asie. (D'après une photographie.)                 305

  La cour principale du sanctuaire de Mechhed. (D'après une
    photographie.)                                                 306

  Enfants nomades de la Perse orientale. (D'après une
    photographie.)                                                 307

  Jeunes filles kurdes des bords de la mer Caspienne. (D'après une
    photographie.)                                                 308

  Les préparatifs d'un campement dans le désert de Lout. (D'après
    une photographie.)                                             309

  Le désert de Lout n'est surpassé, en aridité, par aucun autre de
    l'Asie. (D'après une photographie.)                            310

  Avant d'arriver à Kirman, nous avions à traverser la chaîne de
    Kouhpaia. (D'après une photographie.)                          311

  Rien n'égale la désolation du désert de Lout. (D'après une
    photographie.)                                                 312

  La communauté Zoroastrienne de Kirman vint, en chemin, nous
    souhaiter la bienvenue. (D'après une photographie.)            313

  Un marchand de Kirman. (D'après une photographie.)               313

  Le «dôme de Djabalia», ruine des environs de Kirman, ancien
    sanctuaire ou ancien tombeau. (D'après une photographie.)      314

  À Kirman: le jardin qui est loué par le Consulat, se trouve à un
    mille au delà des remparts. (D'après une photographie.)        315

  Une avenue dans la partie ouest de Kirman. (D'après une
    photographie.)                                                 316

  Les gardes indigènes du Consulat anglais de Kirman. (D'après une
    photographie.)                                                 317

  La plus ancienne mosquée de Kirman est celle dite Masdjid-i-Malik.
   (D'après une photographie.)                                     318

  Membres des cheikhis, secte qui en compte 7 000 dans la province
    de Kirman. (D'après une photographie.)                         319

  La Masdjid Djami, construite en 1349, une des quatre-vingt-dix
    mosquées de Kirman. (D'après une photographie.)                320

  Dans la partie ouest de Kirman se trouve le Bagh-i-Zirisf,
    terrain de plaisance occupé par des jardins. (D'après une
    photographie.)                                                 321

  Les environs de Kirman comptent quelques maisons de thé. (D'après
    une photographie.)                                             322

  Une «tour de la mort», où les Zoroastriens exposent les cadavres.
    (D'après une photographie.)                                    323

  Le fort dit Kala-i-Dukhtar ou fort de la Vierge, aux portes de
    Kirman. (D'après une photographie.)                            324

  Le «Farma Farma». (D'après une photographie.)                    325

  Indigènes du bourg d'Aptar, Baloutchistan. (D'après une
    photographie.)                                                 325

  Carte du Makran.                                                 326

  Baloutches de Pip, village de deux cents maisons groupées autour
    d'un fort. (D'après une photographie.)                         327

  Des forts abandonnés rappellent l'ancienne puissance du
    Baloutchistan. (D'après une photographie.)                     328

  Chameliers brahmanes du Baloutchistan. (D'après une
    photographie.)                                                 329

  La passe de Fanoch, faisant communiquer la vallée du même nom et
    la vallée de Lachar. (D'après une photographie.)               330

  Musiciens ambulants du Baloutchistan. (D'après une
    photographie.)                                                 331

  Une halte dans les montagnes du Makran. (D'après une
    photographie.)                                                 332

  Baloutches du district de Sarhad. (D'après une photographie.)    333

  Un fortin sur les frontières du Baloutchistan. (D'après une
    photographie.)                                                 334

  Dans les montagnes du Makran: À des collines d'argile succèdent
    de rugueuses chaînes calcaires. (D'après une photographie.)    335

  Bureau du télégraphe sur la côte du Makran. (D'après une
    photographie.)                                                 336

  L'oasis de Djalsk, qui s'étend sur 10 kilomètres carrés, est
    remplie de palmiers-dattiers, et compte huit villages.
    (D'après une photographie.)                                    337

  Femme Parsi du Baloutchistan. (D'après une photographie.)        337

  Carte pour suivre les délimitations de la frontière
    perso-baloutche.                                               338

  Nous campâmes à Fahradj, sur la route de Kouak, dans une
    palmeraie. (D'après une photographie.)                         339

  C'est à Kouak que les commissaires anglais et persans s'étaient
    donné rendez-vous. (D'après une photographie.)                 340

  Le sanctuaire de Mahoun, notre première étape sur la route de
    Kouak. (D'après une photographie.)                             341

  Cour intérieure du sanctuaire de Mahoun. (D'après une
    photographie.)                                                 342

  Le khan de Kélat et sa cour. (D'après une photographie.)         343

  Jardins du sanctuaire de Mahoun. (D'après une photographie.)     344

  Dans la vallée de Kalagan, près de l'oasis de Djalsk. (D'après
    une photographie.)                                             345

  Oasis de Djalsk: Des édifices en briques abritent les tombes
    d'une race de chefs disparue. (D'après une photographie.)      346

  Indigènes de l'oasis de Pandjgour, à l'est de Kouak. (D'après
    une photographie.)                                             347

  Camp de la commission de délimitation sur la frontière
    perso-baloutche. (D'après une photographie.)                   348

  Campement de la commission des frontières perso-baloutches.
    (D'après une photographie.)                                    349

  Parsi de Yezd. (D'après une photographie.)                       349

  Une séance d'arpentage dans le Seistan. (D'après une
    photographie.)                                                 350

  Les commissaires persans de la délimitation des frontières
    perso-baloutches. (D'après une photographie.)                  351

  Le delta du Helmand.                                             352

  Sculptures sassanides de Persépolis. (D'après une photographie.) 352

  Un gouverneur persan et son état-major. (D'après une
    photographie.)                                                 353

  La passe de Buzi. (D'après une photographie.)                    354

  Le Gypsies du sud-est persan.                                    355

  Sur la lagune du Helmand. (D'après une photographie.)            356

  Couple baloutche. (D'après une photographie.)                    357

  Vue de Yezd, par où nous passâmes pour rentrer à Kirman. (D'après
    une photographie.)                                             358

  La colonne de Nadir s'élève comme un phare dans le désert.
    (D'après une photographie.)                                    359

  Mosquée de Yezd. (D'après une photographie.)                     360


AUX RUINES D'ANGKOR

Par _M. le Vicomte De MIRAMON-FARGUES_


  Entre le sanctuaire et la seconde enceinte qui abrite sous ses
    voûtes un peuple de divinités de pierre.... (D'après une
    photographie.)                                                 361

  Emblème décoratif (art khmer). (D'après une photographie.)       361

  Porte d'entrée de la cité royale d'Angkor-Tom, dans la forêt.
    (D'après une photographie.)                                    362

  Ce grand village, c'est Siem-Réap, capitale de la province.
    (D'après une photographie)                                     363

  Une chaussée de pierre s'avance au milieu des étangs. (D'après
    une photographie.)                                             364

  Par des escaliers invraisemblablement raides, on gravit la
    montagne sacrée. (D'après une photographie.)                   365

  Colonnades et galeries couvertes de bas-reliefs. (D'après une
    photographie.)                                                 366

  La plus grande des deux enceintes mesure 2 kilomètres de tour;
    c'est un long cloître. (D'après une photographie.)             367

  Trois dômes hérissent superbement la masse formidable du temple
    d'Angkor-Wat. (D'après une photographie.)                      367

  Bas-relief du temple d'Angkor. (D'après une photographie.)       368

  La forêt a envahi le second étage d'un palais khmer. (D'après
    une photographie.)                                             369

  Le gouverneur réquisitionne pour nous des charrettes à boeufs.
    (D'après une photographie.)                                    370

  La jonque du deuxième roi, qui a, l'an dernier, succédé à Norodom.
    (D'après une photographie.)                                    371

  Le palais du roi, à Oudong-la-Superbe. (D'après une
    photographie.)                                                 371

  Sculptures de l'art khmer. (D'après une photographie.)           372


EN ROUMANIE

Par _M. Th. HEBBELYNCK_


  La petite ville de Petrozeny n'est guère originale; elle a, de
    plus, un aspect malpropre. (D'après une photographie.)         373

  Paysan des environs de Petrozeny et son fils. (D'après une
    photographie.)                                                 373

  Carte de Roumanie pour suivre l'itinéraire de l'auteur.          374

  Vendeuses au marché de Targu-Jiul. (D'après une photographie.)   375

  La nouvelle route de Valachie traverse les Carpathes et aboutit
    à Targu-Jiul. (D'après une photographie.)                      376

  C'est aux environs d'Arad que pour la première fois nous voyons
    des buffles domestiques. (D'après une photographie.)           377

  Montagnard roumain endimanché. (Cliché Anerlich.)                378

  Derrière une haie de bois blanc s'élève l'habitation modeste.
    (D'après une photographie.)                                    379

  Nous croisons des paysans roumains. (D'après une photographie.)  379

  Costume national de gala, roumain. (Cliché Cavallar.)            380

  Dans les vicissitudes de leur triste existence, les tziganes ont
    conservé leur type et leurs moeurs. (Photographie Anerlich.)   381

  Un rencontre près de Padavag d'immenses troupeaux de boeufs.
    (D'après une photographie.)                                    382

  Les femmes de Targu-Jiul ont des traits rudes et sévères, sous
    le linge blanc. (D'après une photographie.)                    383

  En Roumanie, on ne voyage qu'en victoria. (D'après une
    photographie.)                                                 384

  Dans la vallée de l'Olt, les «castrinza» des femmes sont
    décorées de paillettes multicolores.                           385

  Dans le village de Slanic. (D'après une photographie.)           385

  Roumaine du défilé de la Tour-Rouge. (D'après une photographie.) 386

  La petite ville d'Horezu est charmante et animée. (D'après une
    photographie.)                                                 387

  La perle de Curtea, c'est cette superbe église blanche,
    scintillante sous ses coupoles dorées. (D'après une
    photographie.)                                                 388

  Une ferme près du monastère de Bistritza. (D'après une
    photographie.)                                                 389

  Entrée de l'église de Curtea. (D'après une photographie.)        390

  Les religieuses du monastère d'Horezu portent le même costume
    que les moines. (D'après une photographie.)                    391

  Devant l'entrée de l'église se dresse le baptistère de Curtea.
    (D'après une photographie.)                                    392

  Au marché de Campolung. (D'après une photographie.)              393

  L'excursion du défilé de Dimboviciora est le complément obligé
    d'un séjour à Campolung. (D'après une photographie.)           394

  Dans le défilé de Dimboviciora. (D'après des photographies.)     395

  Dans les jardins du monastère de Curtea.                         396

  Sinaïa: le château royal, Castel Pelés, sur la montagne du même
    nom. (D'après une photographie.)                               397

  Un enfant des Carpathes. (D'après une photographie.)             397

  Une fabrique de ciment groupe autour d'elle le village de Campina.
    (D'après une photographie.)                                    398

  Vue intérieure des mines de sel de Slanic. (D'après une
    photographie.)                                                 399

  Entre Campina et Sinaïa la route de voiture est des plus
    poétiques. (D'après une photographie.)                         400

  Un coin de Campina. (D'après une photographie.)                  401

  Les villas de Sinaïa. (D'après une photographie.)                402

  Vues de Bucarest: le boulevard Coltei. -- L'église du Spiritou
    Nou. -- Les constructions nouvelles du boulevard Coltei. --
    L'église métropolitaine.--L'Université.--Le palais Stourdza.
    -- Un vieux couvent. -- (D'après des photographies.)           403

  Le monastère de Sinaïa se dresse derrière les villas et les
    hôtels de la ville. (D'après une photographie.)                404

  Une des deux cours intérieures du monastère de Sinaïa. (D'après
    une photographie.)                                             405

  Une demeure princière de Sinaïa. (D'après une photographie.)     406

  Busteni (les villas, l'église), but d'excursion pour les habitants
    de Sinaïa. (D'après une photographie.)                         407

  Slanic: un wagon de sel. (D'après une photographie.)             408


CROQUIS HOLLANDAIS

Par _M. Lud. GEORGES HAMÖN_

_Photographies de l'auteur._


  À la kermesse.                                                   409

  Ces anciens, pour la plupart, ont une maigreur de bon aloi.      409

  Des «boerin» bien prises en leurs justins marchent en roulant,
    un joug sur les épaules.                                       410

  Par intervalles une femme sort avec des seaux; elle lave sa
    demeure de haut en bas.                                        410

  Emplettes familiales.                                            411

  Les ménagères sont là, également calmes, lentes, avec leurs
    grosses jupes.                                                 411

  Jeune métayère de Middelburg.                                    412

  Middelburg: le faubourg qui prend le chemin du marché conduit
    à un pont.                                                     412

  Une mère, songeuse, promenait son petit garçon.                  413

  Une famille hollandaise au marché de Middelburg.                 414

  Le marché de Middelburg: considérations sur la grosseur des
    betteraves.                                                    415

  Des groupes d'anciens en culottes courtes, chapeaux marmites.    416

  Un septuagénaire appuyé sur son petit-fils me sourit
    bonassement.                                                   417

  Roux en le décor roux, l'éclusier fumait sa pipe.                417

  Le village de Zoutelande.                                        418

  Les grandes voitures en forme de nacelle, recouvertes de bâches
    blanches.                                                      419

  Aussi comme on l'aime, ce home.                                  420

  Les filles de l'hôtelier de Wemeldingen.                         421

  Il se campe près de son cheval.                                  421

  Je rencontre à l'orée du village un couple minuscule.            422

  La campagne hollandaise.                                         423

  Environs de Westkapelle: deux femmes reviennent du «molen».      423

  Par tous les sentiers, des marmots se juchèrent.                 424

  Le père Kick symbolisait les générations des Néerlandais
    défunts.                                                       425

  Wemeldingen: un moulin colossal domine les digues.               426

  L'une entonna une chanson.                                       427

  Les moutons broutent avec ardeur le long des canaux.             428

  Famille hollandaise en voyage.                                   429

  Ah! les moulins; leur nombre déroute l'esprit.                   429

  Les chariots enfoncés dans les champs marécageux sont enlevés
    par de forts chevaux.                                          430

  La digue de Westkapelle.                                         431

  Les écluses ouvertes.                                            432

  Les petits garçons rôdent par bandes, à grand bruit de sabots
    sonores....                                                    433

  Jeune mère à Marken.                                             433

  Volendam, sur les bords du Zuiderzee, est le rendez-vous des
    peintres de tous les pays.                                     434

  Avec leurs figures rondes, épanouies de contentement, les petites
    filles de Volendam font plaisir à voir.                        435

  Aux jours de lessive, les linges multicolores flottent partout.  436

  Les jeunes filles de Volendam sont coiffées du casque en dentelle,
    à forme de «salade» renversée.                                 437

  Deux pêcheurs accroupis au soleil, à Volendam.                   438

  Une lessive consciencieuse.                                      439

  Il y a des couples d'enfants ravissants, d'un type expressif.    440

  Les femmes de Volendam sont moins claquemurées en leur logis.    441

  Vêtu d'un pantalon démesuré, le pêcheur de Volendam a une allure
    personnelle.                                                   442

  Un commencement d'idylle à Marken.                               443

  Les petites filles sont charmantes.                              444


ABYDOS

dans les temps anciens et dans les temps modernes

Par _M. E. AMELINEAU_


  Le lac sacré d'Osiris, situé au sud-est de son temple, qui a été
    détruit. (D'après une photographie.)                           445

  Séti Ier présentant des offrandes de pain, légumes, etc. (D'après
    une photographie.)                                             445

  Une rue d'Abydos. (D'après une photographie.)                    446

  Maison d'Abydos habitée par l'auteur, pendant les trois premières
    années. (D'après une photographie.)                            447

  Le prêtre-roi rendant hommage à Séti Ier (chambre annexe de la
    deuxième salle d'Osiris). (D'après une photographie.)          448

  Thot présentant le signe de la vie aux narines du roi Séti Ier
    (chambre annexe de la deuxième salle d'Osiris). (D'après une
    photographie.)                                                 449

  Le dieu Thot purifiant le roi Séti Ier (chambre annexe de la
    deuxième salle d'Osiris, mur sud). (D'après une photographie.) 450

  Vue intérieure du temple de Ramsès II. (D'après une
    photographie.)                                                 451

  Perspective de la seconde salle hypostyle du temple de Séti Ier.
    (D'après une photographie.)                                    451

  Temple de Séti Ier, mur est, pris du mur nord. Salle due à
    Ramsès II. (D'après une photographie.)                         452

  Temple de Séti Ier, mur est, montrant des scènes diverses du
    culte. (D'après une photographie.)                             453

  Table des rois Séti Ier et Ramsès II, faisant des offrandes aux
    rois leurs prédécesseurs. (D'après une photographie.)          454

  Vue générale du temple de Séti Ier, prise de l'entrée. (D'après
    une photographie.)                                             455

  Procession des victimes amenées au sacrifice (temple de
    Ramsès II). (D'après une photographie.)                        456


VOYAGE DU PRINCE SCIPION BORGHÈSE AUX MONTS CÉLESTES

Par _M. JULES BROCHEREL_


  Le bazar de Tackhent s'étale dans un quartier vieux et fétide.
    (D'après une photographie.)                                    457

  Un Kozaque de Djarghess. (D'après une photographie.)             457

  Itinéraire de Tachkent à Prjevalsk.                              458

  Les marchands de pain de Prjevalsk. (D'après une photographie.)  459

  Un des trente-deux quartiers du bazar de Tachkent. (D'après une
    photographie.)                                                 460

  Un contrefort montagneux borde la rive droite du «tchou».
    (D'après une photographie.)                                    461

  Le bazar de Prjevalsk, principale étape des caravaniers de
    Viernyi et de Kachgar. (D'après une photographie.)             462

  Couple russe de Prjevalsk. (D'après une photographie.)           463

  Arrivée d'une caravane à Prjevalsk. (D'après une photographie.)  464

  Le chef des Kirghizes et sa petite famille. (D'après une
    photographie.)                                                 465

  Notre djighite, sorte de garde et de policier. (D'après une
    photographie.)                                                 466

  Le monument de Prjevalsky, à Prjevalsk. (D'après une
    photographie.)                                                 467

  Des têtes humaines, grossièrement sculptées, monuments funéraires
    des Nestoriens... (D'après une photographie.)                  467

  Enfants kozaques sur des boeufs. (D'après une photographie.)     468

  Un de nos campements dans la montagne. (D'après une
    photographie.)                                                 469

  Montée du col de Tomghent. (D'après une photographie.)           469

  Dans la vallée de Kizil-Tao. (D'après une photographie.)         470

  Itinéraire du voyage aux Monts Célestes.                         470

  La carabine de Zurbriggen intriguait fort les indigènes. (D'après
    une photographie.)                                             471

  Au sud du col s'élevait une blanche pyramide de glace. (D'après
    une photographie.)                                             472

  La vallée de Kizil-Tao. (D'après une photographie.)              473

  Le col de Karaguer, vallée de Tomghent. (D'après une
    photographie.)                                                 474

  Sur le col de Tomghent. (D'après une photographie.)              475

  J'étais enchanté des aptitudes alpinistes de nos coursiers.
    (D'après une photographie.)                                    475

  Le plateau de Saridjass, peu tourmenté, est pourvu d'une herbe
    suffisante pour les chevaux. (D'après une photographie.)       476

  Nous passons à gué le Kizil-Sou. (D'après des photographies.)    477

  Panorama du massif du Khan-Tengri. (D'après une photographie.)   478

  Entrée de la vallée de Kachkateur. (D'après une photographie.)   479

  Nous baptisâmes Kachkateur-Tao, la pointe de 4 250 mètres que
    nous avions escaladée. (D'après une photographie.)             479

  La vallée de Tomghent. (D'après une photographie.)               480

  Des Kirghizes d'Oustchiar étaient venus à notre rencontre.
    (D'après une photographie.)                                    481

  Kirghize joueur de flûte. (D'après une photographie.)            481

  Le massif du Kizil-Tao. (D'après une photographie.)              482

  Région des Monts Célestes.                                       482

  Les Kirghizes mènent au village une vie peu occupée. (D'après
    une photographie.)                                             483

  Notre petite troupe s'aventure audacieusement sur la pente
    glacée. (D'après une photographie.)                            484

  Vallée supérieure d'Inghiltchik. (D'après une photographie.)     485

  Vallée de Kaende: l'eau d'un lac s'écoulait au milieu d'une
    prairie émaillée de fleurs. (D'après une photographie.)        486

  Les femmes kirghizes d'Oustchiar se rangèrent, avec leurs
    enfants, sur notre passage. (D'après une photographie.)        487

  Le chirtaï de Kaende. (D'après une photographie.)                488

  Nous saluâmes la vallée de Kaende comme un coin de la terre des
    Alpes. (D'après une photographie.)                             489

  Femmes mariées de la vallée de Kaende, avec leur progéniture.
    (D'après une photographie.)                                    490

  L'élément mâle de la colonie vint tout l'après-midi voisiner
    dans notre campement. (D'après une photographie.)              491

  Un «aoul» kirghize.                                              492

  Yeux bridés, pommettes saillantes, nez épaté, les femmes de
    Kaende sont de vilaines Kirghizes. (D'après une photographie.) 493

  Enfant kirghize. (D'après une photographie.)                     493

  Kirghize dressant un aigle. (D'après une photographie.)          494

  Itinéraire du voyage aux Monts Célestes.                         494

  Nous rencontrâmes sur la route d'Oustchiar un berger et son
    troupeau. (D'après une photographie.)                          495

  Je photographiai les Kirghizes de Kaende, qui s'étaient, pour
    nous recevoir, assemblés sur une éminence. (D'après une
    photographie.)                                                 496

  Le glacier de Kaende. (D'après une photographie.)                497

  L'aiguille d'Oustchiar vue de Kaende.                            498

  Notre cabane au pied de l'aiguille d'Oustchiar. (D'après des
    photographies.)                                                498

  Kirghizes de Kaende. (D'après une photographie.)                 499

  Le pic de Kaende s'élève à 6 000 mètres. (D'après une
    photographie.)                                                 500

  La fille du chirtaï (chef) de Kaende, fiancée au kaltchè de la
    vallée d'Irtach. (D'après une photographie.)                   501

  Le kaltchè (chef) de la vallée d'Irtach, l'heureux fiancé de
    la fille du chirtaï de Kaende. (D'après une photographie.)     502

  Le glacier de Kaende.                                            503

  Cheval kirghize au repos sur les flancs du Kaende. (D'après
    des photographies.)                                            503

  Retour des champs. (D'après une photographie.)                   504

  Femmes kirghizes de la vallée d'Irtach. (D'après une
    photographie.)                                                 505

  Un chef de district dans la vallée d'Irtach. (D'après une
    photographie.)                                                 505

  Le pic du Kara-tach, vu d'Irtach, prend vaguement l'aspect d'une
    pyramide. (D'après une photographie.)                          506

  Les caravaniers passent leur vie dans les Monts Célestes,
    emmenant leur famille avec leurs marchandises. (D'après une
    photographie.)                                                 507

  La vallée de Zououka, par où transitent les caravaniers de Viernyi
    à Kachgar. (D'après une photographie.)                         508

  Le massif du Djoukoutchiak; au pied, le dangereux col du même nom,
    fréquenté par les nomades qui se rendent à Prjevalsk. (D'après
    une photographie.)                                             509

  Le chaos des pics dans le Kara-Tao. (D'après une photographie.)  510

  Étalon kirghize de la vallée d'Irtach et son cavalier. (D'après
    une photographie.)                                             511

  Véhicule kirghize employé dans la vallée d'Irtach. (D'après une
    photographie.)                                                 511

  Les roches plissées des environs de Slifkina, sur la route de
    Prjevalsk. (D'après une photographie.)                         512

  Campement kirghize, près de Slifkina. (D'après une
    photographie.)                                                 513

  Femme kirghize tannant une peau. (D'après une photographie.)     514

  Les glaciers du Djoukoutchiak-Tao. (D'après une photographie.)   515

  Tombeau kirghize. (D'après une photographie.)                    516


L'ARCHIPEL DES FEROÉ

Par _Mlle ANNA SEE_


  «L'espoir des Feroé» se rendant à l'école. (D'après une
    photographie.)                                                 517

  Les enfants transportent la tourbe dans des hottes en bois.
    (D'après une photographie.)                                    517

  Thorshavn apparut, construite en amphithéâtre au fond d'un petit
    golfe.                                                         518

  Les fermiers de Kirkeboe en habits de fête. (D'après une
    photographie.)                                                 519

  Les poneys feroïens et leurs caisses à transporter la tourbe.
    (D'après une photographie.)                                    520

  Les dénicheurs d'oiseaux se suspendent à des cordes armées d'un
    crampon. (D'après une photographie.)                           521

  Des îlots isolés, des falaises de basalte ruinées par le heurt
    des vagues. (D'après des photographies.)                       522

  On pousse vers la plage les cadavres des dauphins, qui ont
    environ 6 mètres. (D'après une photographie.)                  523

  Les femmes feroïennes préparent la laine.... (D'après une
    photographie.)                                                 524

  On sale les morues. (D'après une photographie.)                  525

  Feroïen en costume de travail. (D'après une photographie.)       526

  Les femmes portent une robe en flanelle tissée avec la laine
    qu'elles ont cardée et filée. (D'après une photographie.)      527

  Déjà mélancolique!... (D'après une photographie.)                528


PONDICHÉRY

chef-lieu de l'Inde française

Par _M. G. VERSCHUUR_


  Groupe de Brahmanes électeurs français. (D'après une
    photographie.)                                                 529

  Musicien indien de Pondichéry. (D'après une photographie.)       529

  Les enfants ont une bonne petite figure et un costume peu
    compliqué. (D'après une photographie.)                         530

  La visite du marché est toujours une distraction utile pour le
    voyageur. (D'après une photographie.)                          531

  Indienne en costume de fête. (D'après une photographie.)         532

  Groupe de Brahmanes français. (D'après une photographie.)        533

  La pagode de Villenour, à quelques kilomètres de Pondichéry.
    (D'après une photographie.)                                    534

  Intérieur de la pagode de Villenour. (D'après une photographie.) 535

  La Fontaine aux Bayadères. (D'après une photographie.)           536

  Plusieurs rues de Pondichéry sont larges et bien bâties.
    (D'après une photographie.)                                    537

  Étang de la pagode de Villenour. (D'après une photographie.)     538

  Brahmanes français attendant la clientèle dans un bazar.
    (D'après une photographie.)                                    539

  La statue de Dupleix à Pondichéry. (D'après une photographie.)   540


UNE PEUPLADE MALGACHE

LES TANALA DE L'IKONGO

Par _M. le Lieutenant ARDANT DU PICQ_


  Les populations souhaitent la bienvenue à l'étranger. (D'après
    une photographie.)                                             541

  Femme d'Ankarimbelo. (D'après une photographie.)                 541

  Carte du pays des Tanala.                                        542

  Les femmes tanala sont sveltes, élancées. (D'après une
    photographie.)                                                 543

  Panorama de Fort-Carnot. (D'après une photographie.)             544

  Groupe de Tanala dans la campagne de Milakisihy. (D'après une
    photographie.)                                                 545

  Un partisan tanala tirant à la cible à Fort-Carnot. (D'après
    une photographie.)                                             546

  Enfants tanala. (D'après une photographie.)                      547

  Les hommes, tous armés de la hache. (D'après une photographie.)  548

  Les cercueils sont faits d'un tronc d'arbre creusé, et recouverts
    d'un drap. (D'après une photographie.)                         549

  Le battage du riz. (D'après une photographie.)                   550

  Une halte de partisans dans la forêt. (D'après une
    photographie.)                                                 551

  Femmes des environs de Fort-Carnot. (D'après une photographie.)  552

  Les Tanala au repos perdent toute leur élégance naturelle.
    (D'après une photographie.)                                    553

  Une jeune beauté tanala. (D'après une photographie.)             553

  Le Tanala, maniant une sagaie, a le geste élégant et souple.
    (D'après une photographie.)                                    554

  Le chant du «e manenina», à Iaborano. (D'après une
    photographie.)                                                 555

  La rue principale à Sahasinaka. (D'après une photographie.)      556

  La danse est exécutée par des hommes, quelquefois par des femmes.
    (D'après une photographie.)                                    557

  Un danseur botomaro. (D'après une photographie.)                 558

  La danse, chez les Tanala, est expressive au plus haut degré.
    (D'après des photographies.)                                   559

  Tapant à coups redoublés sur un long bambou, les Tanala en tirent
    une musique étrange. (D'après une photographie.)               560

  Femmes tanala tissant un lamba. (D'après une photographie.)      561

  Le village et le fort de Sahasinaka s'élèvent sur les hauteurs
    qui bordent le Faraony. (D'après une photographie.)            562

  Un détachement d'infanterie coloniale traverse le Rienana.
    (D'après une photographie.)                                    563

  Profil et face de femmes tanala. (D'après une photographie.)     564


LA RÉGION DU BOU HEDMA

(sud tunisien)

Par _M. Ch. MAUMENÉ_


  Les murailles de Sfax, véritable décor d'opéra.... (D'après une
    photographie.)                                                 565

  Salem, le domestique arabe de l'auteur. (D'après une
    photographie.)                                                 565

  Carte de la région du Bou Hedma (sud tunisien).                  566

  Les sources chaudes de l'oued Hadedj sont sulfureuses. (D'après
    une photographie.)                                             567

  L'oued Hadedj, d'aspect si charmant, est un bourbier qui sue la
    fièvre. (D'après une photographie.)                            568

  Le cirque du Bou Hedma. (D'après une photographie.)              569

  L'oued Hadedj sort d'une étroite crevasse de la montagne.
    (D'après une photographie.)                                    570

  Manoubia est une petite paysanne d'une douzaine d'années.
    (D'après une photographie.)                                    571

  Un puits dans le défilé de Touninn. (D'après une photographie.)  571

  Le ksar de Sakket abrite les Ouled bou Saad Sédentaires, qui
    cultivent oliviers et figuiers. (D'après une photographie.)    572

  De temps en temps la forêt de gommiers se révèle par un arbre.
    (D'après une photographie.)                                    573

  Le village de Mech; dans l'arrière-plan, le Bou Hedma. (D'après
    une photographie.)                                             574

  Le Khrangat Touninn (défile de Touninn), que traverse le chemin
    de Bir Saad à Sakket. (D'après une photographie.)              575

  Le puits de Bordj Saad. (D'après une photographie.)              576


DE TOLÈDE À GRENADE

Par _Mme JANE DIEULAFOY_


  Après avoir croisé des boeufs superbes.... (D'après une
    photographie.)                                                 577

  Femme castillane. (D'après une photographie.)                    577

  On chemine à travers l'inextricable réseau des ruelles
    silencieuses. (D après une photographie.)                      578

  La rue du Commerce, à Tolède. (D'après une photographie.)        579

  Un représentant de la foule innombrable des mendiants de Tolède.
    (D'après une photographie.)                                    580

  Dans des rues tortueuses s'ouvrent les entrées monumentales
    d'anciens palais, tel que celui de la Sainte Hermandad.
    (Photographie Lacoste, à Madrid.)                              581

  Porte du vieux palais de Tolède. (D'après une photographie.)     582

  Fière et isolée comme un arc de triomphe, s'élève la merveilleuse
    Puerta del Sol. (Photographie Lacoste, à Madrid.)              583

  Détail de sculpture mudejar dans le Transito. (D'après une
    photographie.)                                                 584

  Ancienne sinagogue connue sous le nom de Santa Maria la Blanca.
    (Photographie Lacoste, à Madrid.)                              585

  Madrilène. (D'après une photographie.)                           586

  La porte de Visagra, construction massive remontant à l'époque
    de Charles Quint. (Photographie Lacoste, à Madrid.)            587

  Tympan mudejar. (D'après une photographie.)                      588

  Des familles d'ouvriers ont établi leurs demeures près de
    murailles solides. (D'après une photographie.)                 589

  Castillane et Sévillane. (D'après une photographie.)             589

  Isabelle de Portugal, par le Titien (Musée du Prado).
    (Photographie Lacoste, à Madrid.)                              590

  Le palais de Pierre le Cruel. (D'après une photographie.)        591

  Statue polychrome du prophète Élie, dans l'église de Santo Tomé
    (auteur inconnu). (D'après une photographie.)                  592

  Porte du palais de Pierre le Cruel. (D'après une photographie.)  593

  Portrait d'homme, par le Greco. (Photographie Hauser y Menet,
    à Madrid.)                                                     594

  La cathédrale de Tolède.                                         595

  Enterrement du comte d'Orgaz, par le Greco (église Santo Tomé).
    (D'après une photographie.)                                    596

  Le couvent de Santo Tomé conserve une tour en forme de minaret.
    (D'après une photographie.)                                    597

  Les évêques Mendoza et Ximénès. (D'après une photographie.)      598

  Salon de la prieure, au couvent de San Juan de la Penitencia.
    (D'après une photographie.)                                    599

  Prise de Melilla (cathédrale de Tolède). (D'après une
    photographie.)                                                 600

  C'est dans cette pauvre demeure que vécut Cervantès pendant son
    séjour à Tolède. (D'après une photographie.)                   601

  Saint François d'Assise, par Alonzo Cano, cathédrale de Tolède.  601

  Porte des Lions. (Photographie Lacoste, à Madrid.)               602

  Le cloître de San Juan de los Reyes apparaît comme le morceau le
    plus précieux et le plus fleuri de l'architecture gothique
    espagnole. (Photographie Lacoste, à Madrid.)                   603

  Ornements d'église, à Madrid. (D'après une photographie.)        604

  Porte due au ciseau de Berruguete, dans le cloître de la
    cathédrale de Tolède. (Photographie Lacoste, à Madrid.)        605

  Une torea. (D'après une photographie.)                           606

  Vue intérieure de l'église de San Juan de Los Reyes.
    (Photographie Lacoste, à Madrid.)                              607

  Une rue de Tolède. (D'après une photographie.)                   608

  Porte de l'hôpital de Santa Cruz. (Photographie Lacoste,
    à Madrid.)                                                     609

  Sur les bords du Tage. (Photographie Lacoste, à Madrid.)         610

  Escalier de l'hôpital de Santa Cruz. (D'après une photographie.) 611

  Détail du plafond de la cathédrale. (D'après une photographie)   612

  Pont Saint-Martin à Tolède. (D'après une photographie.)          613

  Guitariste castillane. (D'après une photographie.)               613

  La «Casa consistorial», hôtel de ville. (D'après une
    photographie.)                                                 614

  Le «patio» des Templiers. (D'après une photographie.)            615

  Jeune femme de Cordoue avec la mantille en chenille légère.
    (D'après une photographie.)                                    616

  Un coin de la Mosquée de Cordoue. (Photographie Lacoste,
    à Madrid.)                                                     617

  Chapelle de San Fernando, de style mudejar, élevée au
    centre de la Mosquée de Cordoue. (D'après une photographie.)   618

  La mosquée qui fait la célébrité de Cordoue, avec ses dix-neuf
    galeries hypostyles, orientées vers la Mecque. (Photographie
    Lacoste, à Madrid.)                                            619

  Détail de la chapelle de San Fernando. (D'après une
    photographie.)                                                 620

  Vue extérieure de la Mosquée de Cordoue, avec l'église
    catholique élevée en 1523, malgré les protestations des
    Cordouans. (D'après une photographie.)                         621

  Statue de Gonzalve de Cordoue. (D'après une photographie.)       622

  Statue de doña Maria Manrique, femme de Gonzalve de Cordoue.
    (D'après une photographie.)                                    623

  Détail d'une porte de la mosquée. (D'après une photographie.)    624





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