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Title: L'Illustration, No. 3279, 30 Décembre 1905
Author: Various
Language: French
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L'ILLUSTRATION, NO. 3279, 30 DÉCEMBRE 1905 ***



L'Illustration, No. 3279, 30 Décembre 1905


LA REVUE COMIQUE, par Henriot.


Suppléments de ce numéro: 1º L'ILLUSTRATION THÊÂTRALE contenant le texte
complet de LA RAFALE; 2º Le 6e fascicule du roman de J.-H. Rosny: LA
TOISON D'OR.



L'ILLUSTRATION _Prix de ce Numéro: Un Franc._ SAMEDI 30 DÉCEMBRE 1905
_63e Année--Nº 3279._

[Illustration: VILLÉGIATURE D'HIVER EN AFRIQUE CENTRALE Sur les rives du
Nil Blanc: touriste anglaise et beautés du Soudan. _Voir l'article de M.
de Guerville, pages 438 et suivantes._]



NOS SUPPLÉMENTS

THÉÂTRE

Nos lecteurs trouveront encarté dans ce numéro le texte complet de:

LA RAFALE, de M. HENRY BERNSTEIN (Gymnase).

L' Illustration ne pouvait mieux terminer l'année 1905 qu'en publiant ce
grand succès de la saison théâtrale.

Un autre grand succès: LE REVEIL, de M. PAUL HERVIEU
(Comédie-Française), paraîtra dans un des premiers numéros de 1906.

Toutes les autres oeuvres dramatiques importantes de la saison, au
premier rang desquelles il faut placer encore _Jeunesse_, de M. ANDRÉ
PICARD (Odéon), et dont la liste est reproduite sur la couverture de
_L'Illustration théâtrale_, seront offertes successivement à nos
abonnés.

ROMANS

Après _LA TOISON D'OR, de_ J.-H. ROSNY, _L'Illustration_ publiera, en
février prochain: _LE BON TEMPS_, roman écrit spécialement pour
_L'Illustration_ par l'auteur du _Duel_ et du _Marquis de Priola_;

Puis: _la Mémoire du coeur_, par MICHEL CORDAY; _Robinson_, par ALFRED
CAPUS; _la Douceur de vivre_, par MARCELLE TINAYRE.

Tous les numéros de _L'Illustration_ contiennent un fascicule de roman,
illustré d'une gravure tirée sur chine.

GRAVURES

Alternant avec les pièces de théâtre, paraîtront en 1906 de nombreuses
et superbes gravures d'art, hors texte, imprimées en couleurs, ou des
estampes tirées en taille-douce ou en camaïeu, toutes dignes d'être
encadrées.

Dans un des prochains numéros nous donnerons: _LA LAITIÈRE_, par J.-B.
GREUZE. formant pendant à _La Cruche cassée_, parue dans le numéro du 16
décembre.

MUSIQUE

Notre prochain supplément musical contiendra notamment un fragment de
_la Coupe enchantée_, la comédie lyrique de M. GABRIEL PIERNÉ, qui vient
de remporter un si vif succès à l'Opéra-Comique.



COURRIER DE PARIS

JOURNAL D'UNE ÉTRANGÈRE

«Les agents sont de brav' gens», dit une chanson montmartroise; et la
chanson dit vrai. Ce sont de braves gens à qui bien injustement Paris
rend la vie dure quelquefois. Ils auront mal fini l'année. Pendant les
trois semaines que dura la grève de nos terrassiers, je les retrouvais à
chaque instant, groupés autour des chantiers déserts, les mains tendues
aux petites flammes des braseros. Des gardes républicains sans armes
(encore de braves gens!) se mêlaient à eux; et tous demeuraient là,
paisibles, dans la nuit et dans le froid, guettant la bagarre possible,
toujours prêts à courir--sans phrases--au-devant de quelque mauvais
coup. Les terrassiers sont redevenus sages et ce sont, à présent, les
garçons épiciers qui se fâchent. Le bon _sergot_, lui, subit sa destinée
sans colère. Des chantiers du Métro nous l'avons vu passer aux
devantures des marchands de comestibles et, depuis huit jours, y monter
la garde, impassible spectateur du tapage et des affolements qui parent
d'une si pittoresque physionomie cette dernière semaine de décembre.

Car c'est l'affolement. Cohue sur les trottoirs; bousculade et asphyxie
dans les magasins; les boulevards me font penser aux quais d'une gare où
vingt mille personnes auraient peur, en même temps, de manquer le train.
Y a-t-il, dans les rues, plus de voitures que la semaine dernière?
Assurément non; mais, au lieu de fiacres vides qui stationnent, il y a
des fiacres pleins qui courent, et cela donne aux yeux, dès que vient la
nuit et que s'allument les lanternes, une impression d'enfer joyeux...
La population des piétons aussi semble doublée, et l'on n'avance, entre
la Madeleine et la porte Saint-Denis, qu'en jouant des coudes. Pourquoi?
C'est que tout Paris est dans la rue. Tout Paris fait ses emplettes,
fiévreusement, dans une hâte folle. Et cependant voilà plus de quinze
jours que s'offraient à, nous les tentations des étalages de nouvel an.
On s'y arrêtait paresseusement; on pensait: «Je verrai demain.» Et voici
que l'heure presse et que, tout de même, il faut prendre un parti. Alors
on court, on se rue, on prend d'assaut le sac de bonbons, le livre
d'étrennes, le jouet, le bibelot, qui ne sont exactement ni le bibelot,
ni le jouet, ni le volume, ni le sac de bonbons qu'on souhaitait
d'acheter. Mais quoi? On est en retard. Tout le monde est en retard et
de ce désarroi universel résulte une prodigieuse agitation de fête.

                                      *
                                     * *

Est-on, au fond, si gai que cela? Non. C'est un vacarme qui ressemble à
de la gaieté; mais ce n'est pas de la gaieté. Je suis sûre que si l'on
pouvait interrompre un instant cette diabolique bousculade, arrêter au
passage ces gens qui courent, les mains pleines de paquets, et leur
demander: «Vous amusez-vous?» la plupart répondraient: «Mais non! Je
m'ennuie horriblement, et je n'ai pas vécu, depuis un an, une semaine
plus désagréable que celle-ci!»

Ils auraient sujet de se plaindre, en effet. Les étrennes sont devenues
un formidable impôt et qui entame douloureusement, au début de l'année,
certains budgets. Que d'appétits déchaînés, juste ciel! Je ne vois
autour de moi, depuis hier, que des yeux quêteurs et des mains tendues.
Mon concierge et mes domestiques m'enveloppent de sourires menaçants;
mon coiffeur m'épie; mon facteur, armé d'un almanach, m'a rendu visite,
et trois porteurs de journaux m'ont présenté, avec leurs souhaits, les
listes des périodiques déposés par eux, depuis janvier 1905, au
rez-de-chaussée de ma maison. Personne ne veut être oublié. J'ai dû
subir les compliments des délégués de diverses corporations attachées au
fonctionnement de mon ascenseur, à l'entretien de mon immeuble, au
nettoyage de ma rue... et de son sous-sol. Mes fournisseurs eux-mêmes me
font de petits présents; mais ces fournisseurs ont des enfants à qui je
devrai rendre la politesse... Il y a enfin les vrais cadeaux;--ceux qui
coûtent cher, ou dont le choix impose un effort à l'imagination. Je suis
entourée d'amis que cet effort rend très malheureux. Donneront-ils des
fleurs, ou des bonbons? Oui, des bonbons; mais lesquels? Mme X...
préfère les marrons glacés; Mlle Z..., le chocolat; à moins que ce ne
soit le contraire; ils n'ont pas noté la chose; ils ne savent plus. Ils
ignorent aussi si le petit Chose aime les livres, ou s'il ne préfère pas
un jouet; et, là encore, les choix sont embarrassants; tel jouet peut
déplaire et tel livre paraître absurdement grave ou d'une piteuse
frivolité. L'opinion de l'enfant importerait peu, à la rigueur; mais il
y a celle des parents qu'on ménage, et aux yeux de qui l'on ne voudrait
pas passer pour un monsieur sans discernement.

Les même; scrupules rendent très difficile aux hommes le choix des
étrennes féminines. Il est malaisé de deviner ce qu'une femme désire;
d'autant qu'elle-même ne le sait pas toujours très bien. On voudrait
découvrir pour elle, sans s'y ruiner tout à fait, le cadeau idéal:
l'objet imprévu, la spirituelle trouvaille qui amusera, touchera, et
devant quoi l'on aura le vaniteux plaisir de l'entendre s'écrier: «Où
dénichez-vous ces merveilles?»--ou bien: «J'en désirais un depuis des
années... comment le saviez-vous?» En attendant, on cherche, on hésite,
on s'énerve; on est de très mauvaise humeur...

                                       *
                                      * *

Ephémères soucis! Dans deux jours, l'année nouvelle s'ouvrira, et les
plus grincheux lui souriront. Ils subiront la contagion de l'universelle
joie qui emplit ce jour-là les âmes des enfants et des humbles,--de tous
ceux qui reçoivent des étrennes, au lieu d'en donner. Ils se sentiront
heureux de tous les petits bonheurs qu'ils ont, même en rechignant,
répandus autour d'eux;--et contents aussi d'entamer le calendrier neuf.
Ce calendrier neuf, c'est le commencement heureux d'on ne sait quoi;
c'est l'espérance ouverte sur des bonheurs possibles et qu'on a manques;
c'est la promesse des réparations, des revanches attendues; c'est les
trois cent soixante billets superposés d'une loterie qui recommence.

Y sera-t-on plus heureux cette année que l'autre? Avant quelques
semaines, on ne songera même plus à se poser la question. Les vieilles
habitudes seront reprises; les soucis d'hier nous auront ressaisis et il
nous semblera qu'il n'y a rien de changé dans l'histoire de chacun de
nous. Nous penserons simplement que nous avons un an de plus, et je
connais quelques femmes que cette pensée contristera.

Pour l'instant, elles ne songent point à s'en plaindre. Elles oublient
l'ennui de vieillir; elles se laissent aller, comme tout le monde, à la
bonne griserie du Jour de l'An, sourient à l'année qui vient, et ne
regrettent rien de celle qui s'en va.

Elle laissera en moi, cette année 1905, un souvenir très doux, très
reconnaissant; car elle m'a procuré une joie dont je ne soupçonnais pas,
avant de l'avoir éprouvée, l'infinie douceur et les amusantes surprises:
la joie de se confier de loin, par l'écriture, à des milliers d'êtres
qu'on ne voit pas, qu'on ne verra jamais. Qui sont-ils? Où va la
confidence, joyeuse ou triste, qu'on vient de livrer à la feuille du
journal? Ces petites pages, détachées du carnet où l'on a pris, jour à
jour, l'habitude d'annoter sa vie, qui les lira?

C'est d'abord une inquiétude... une inquiétude qui va jusqu'à
l'angoisse. On voudrait connaître ces étrangers mystérieux par qui on se
sent guettée; savoir l'opinion qu'ils ont de vous. «Suis-je une bavarde
dont on se moque, ou une ignorante dont on a pitié?» Et puis, un beau
jour, le courrier vous apporte une lettre; une autre la suit bientôt;
puis une autre... Et il y a de tout, dans ces lettres: des paroles qui
encouragent, des doléances, des remerciements, des critiques; et tantôt
une louange qui rend fière; et tantôt une petite semonce qui rend
modeste. N'importe! On n'est plus seule; on sent se former et, de
semaine en semaine, grossir autour de soi comme un cortège d'amis
invisibles; et désormais c'est _pour eux_ que l'on pense, et c'est pour
eux que l'on écrit.

J'ai goûté pendant une année cette joie très profonde; j'en remercie de
tout mon coeur, en prenant aujourd'hui congé d'eux, les lectrices et les
lecteurs de ce journal.

Lorsqu'en janvier dernier, le directeur de _L'Illustration_ voulut bien
m'inviter à détacher de mon carnet, pour les publier ici, quelques-unes
des «impressions» de ma deuxième année de Paris, il fut amicalement
convenu entre nous que la place que me cédait--pour douze mois--le très
spirituel écrivain qui l'occupait alors! lui serait rendue le jour même
où ce bail prendrait fin. Les douze mois sont passés.

Les lecteurs de _L'Illustration_ connaissent depuis longtemps M.
Nozière, qui, sous la signature d'André Fagel, leur livra pendant
plusieurs années les leçons de sa fine expérience des gens et des choses
de Paris. Ce sont, de nouveau, les chroniques de M. Nozière qu'ils
trouveront à cette place, à partir de la semaine prochaine.

Encore une fois, l'Etrangère à qui tant de bienveillance fut témoignée
leur dit merci; et, suivant la vieille formule qu'aucune formule
meilleure ne remplacera, elle leur souhaite, à toutes et à tous, une
bonne année.

SONIA.



[Illustration: Le convoi se rendant du village de Medwied à la gare
d'Utorgosch, éloignée de 15 verstes.]

LE RAPATRIEMENT DES PRISONNIERS DE GUERRE JAPONAIS

Tandis que les Japonais renvoient aux Russes leurs prisonniers, en
Russie on s'occupe aussi de rendre au Japon les prisonniers qu'on lui
avait faits. La tâche des Russes est infiniment moins compliquée, en ce
cas, que ne l'est celle de leurs anciens adversaires.

D'abord, comme on le sait, les Russes, continuellement malheureux dans
les combats et n'ayant guère remporté que des avantages partiels et
passagers, avaient fait très peu de prisonniers. Tandis qu'ils
confiaient les malades et les blessés aux soins des médecins militaires
des hôpitaux de Moscou, ils avaient interné les captifs valides dans le
village de Medwied, dans le gouvernement de Nijni-Novgorod. Nous avons
publié, le 9 septembre, des vues de ce village, et montré par des
photographies quel était le sort des prisonniers japonais. Toute la
liberté compatible avec les règlements militaires leur avait été
laissée, et ils n'ont pas plus eu à se plaindre du traitement qui leur
était accordé que les prisonniers russes n'ont eu lieu de récriminer
contre le sort qu'on leur faisait au Japon. Ils n'ont eu à souffrir
réellement que du mal du pays, que d'être si éloignés de la terre
natale.

Les Japonais, d'ailleurs, étaient des hôtes autrement dociles que leurs
anciens antagonistes, et c'est ce qui rend, aujourd'hui encore, leur
mise en liberté si peu compliquée.

Point de rébellions, ici, point de révoltes, nulle mutinerie parmi cette
poignée d'excellents soldats, bien disciplinés, tout heureux à la pensée
que leur exil est terminé et qu'ils vont retrouver bientôt leurs foyers,
les êtres chers qu'ils ont laissés en partant pour accomplir le plus
saint des devoirs.

On peut croire qu'ils ont quitté sans regret le petit village perdu, ses
prairies maigres, ses bois de bouleaux défeuillés et de noirs sapins.
Par la route déjà couverte de la couche légère des premières neiges, des
chariots rustiques les ont emmenés, frileux, bien emmitouflés contre la
bise déjà aigre, vers la gare prochaine; leurs bagages suivaient en un
long convoi qui dut rappeler à plus d'un des souvenirs de guerre, et des
défilés tout pareils sur les routes boueuses ou glacées de Mandchourie.
On les a acheminés vers Hambourg, d'où ils se sont embarqués pour
l'empire du Soleil-Levant.

[Illustration: Le rapatriement des prisonniers de guerre japonais
internés en Russie: sur la route de Medwied à Utorgosch.]



[Illustration: LA MUTINERIE DE SÉBASTOPOL.--Pendant la canonnade entre
les navires révoltés et la forteresse: la population à genoux chantant
des hymnes et priant.]

Les photographies que nous reproduisons ici complètent les documents que
nous avons donnés, dans notre numéro du 16 décembre, sur les troubles
qui se sont produits, à la fin de novembre, à Sébastopol. Ces troubles,
on se le rappelle, eurent pour point de départ la mutinerie d'un certain
nombre de marins de la flotte de la mer Noire, auxquels s'étaient joints
les soldats du régiment de Brest.

Dans le port, le croiseur _Otchakof_, quatre torpilleurs et même, un
moment, le _Panteleimon_ (ancien _Potemkine_) étaient aux mains des
insurgés. On n'hésita pas, pour réduire ceux-ci, à canonner
l'_Otchakof_, qui, de son côté, répondit, visant de préférence les
bâtiments de la marine. La lutte fut courte: en quelques instants,
l'_Otchakof_, ayant le feu à bord, son pont dévasté, hissait le pavillon
blanc. On voit que les artilleurs des batteries de terre n'y étaient pas
allés de main morte. Les projectiles de l'_Otchakof_ semblent avoir
causé moins de dégâts.

Dans la ville, cependant, les marins des dépôts, soutenus par les
fantassins du régiment de Brest, secondaient de leur mieux leurs
complices des bâtiments. Une partie de la population faisait cause
commune avec les factieux. L'autre se trouvait sans défense entre deux
menaces, redoutant l'émeute de terre et surtout la révolte en mer qui
pouvait devenir terrible si l'escadre entière s'y associait. Alors, ce
qui montre combien sont différentes, contradictoires, les émotions des
foules en pareil cas, on vit une masse de gens se porter sur le rivage,
au bord de la rade où étaient mouillés ces navires desquels on pouvait
tout craindre, et se mettre à prier, chantant à haute voix l'hymne de la
messe: _Gospodi posidoni_ (Seigneur, aie pitié de nous), et demandant au
ciel de retenir les marins dans le devoir, de leur inspirer la
résolution de demeurer fermes dans leurs sentiments de fidélité à
l'empereur.

[Illustration: La mutinerie de l'escadre à Sébastopol: vue du pont de
l'_Otchakof_ après la canonnade.]

[Illustration: Les bâtiments de la marine atteints par les obus de
l'_Otchakof_.]



UN TERRIBLE ÉPISODE DE LA CRISE RUSSE

[Illustration: M. Urbain Gohier.
La première audience du procès des antimilitaristes en Cour d'assises.]

[Illustration: M. Gustave Hervé. M. Amilcare Cipriani.]

LE PROCÈS DES ANTIMILITARISTES.--Le banc des prévenus.

LE PROCÈS DES ANTIMILITARISTES

Le procès des antimilitaristes s'est ouvert, mardi 26 décembre, devant
la Cour d'assises de la Seine. Il met en cause les signataires de
l'affiche rouge placardée, au commencement d'octobre dernier, la veille
du départ des conscrits de la classe 1904 pour le régiment, appel
séditieux destiné à détourner les jeunes soldats de leurs devoirs
militaires et même les provoquant au meurtre. Vingt-huit accusés,
défendus par dix-huit avocats, sont impliqués dans cette grave affaire
où ont été cités une soixantaine de témoins. Parmi les propagandistes
qu'il est convenu de qualifier d' «intellectuels», on remarque le
professeur Gustave Hervé et M. Urbain Gohier; à noter encore le vieil
agitateur italien Amilcare Cipriani. Dès la première audience, tous ces
contempteurs du patriotisme ont affecté de se féliciter de leur présence
dans le prétoire pour la nouvelle occasion que les débats publics leur
offraient de proclamer hautement leurs odieuses théories et de
développer leurs détestables sophismes; mais, sans attendre les
sanctions judiciaires, la saine opinion en avait déjà fait justice.



LA GRÈVE DE LA MAISON DUFAYEL

Cette fin d'année a été marquée, à Paris, par des grèves notables: grève
des terrassiers sur les chantiers du Métropolitain, grève des garçons
épiciers, grève des employés de la maison Dufayel. Ceux-ci, au nombre
d'environ deux mille, ont, pendant les fêtes de Noël et les jours
suivants, animé de leur mouvement le quartier Clignancourt où la grande
maison de crédit a son siège, son administration centrale et ses
magasins. Aucun incident grave ne s'est produit.

[Illustration: LA GRÈVE DE LA MAISON DUFAYEL.--Réunion des employés
grévistes, dans la salle de l'Elysée-Montmartre le 23 décembre]



LES CONFORTS DU XXe SIÈCLE
DANS L'AFRIQUE CENTRALE

Combien de personnes, en France, savent qu'il est aujourd'hui possible
de faire un voyage _jusqu'au centre de l'Afrique_, avec tous les
conforts du vingtième siècle; que des dames, des enfants même, peuvent
se rendre, sans difficultés et sans aucun danger, où, il y a six ans à
peine, les Stanley et les Marchand seuls pouvaient parvenir, et au prix
des efforts les plus grands, des dangers les plus terribles et de
difficultés presque insurmontables?

Combien de nos chasseurs, même parmi les plus enragés, savent qu'ils
peuvent aller en quelques jours--moins de deux semaines--_en bateaux à
vapeur et en trains de luxe_, jusqu'aux rivières peuplées d'hippopotames
et de crocodiles, jusqu'aux forêts habitées par les lions, les
éléphants, les buffles, les antilopes, etc., etc.?

Non seulement tout cela est possible, mais encore--et je vais
surprendre bien des gens--ces voyages et ces chasses sont à la portée de
ceux qui n'ont que des moyens relativement modestes. Pour _quatre mille
francs_ par personne, on peut se rendre de Paris au coeur même du Soudan
anglo-égyptien et faire un voyage qui' durera deux mois et donnera
l'occasion de voir Marseille, Naples, Alexandrie, le Caire, Luxor,
Assouan, Khartoum, le Nil Bleu et de remonter le Nil Blanc jusqu'à
Fachoda et plus loin encore.

[Illustration: Le train de luxe allant de Wadi Halfa à Khartoum, à
travers le désert de sable.]

[Illustration: La nouvelle Khartoum: le palais du gouverneur.]

Et il n'est pas besoin d'avoir grande expérience des voyages. Les
timides et les inexpérimentés peuvent se procurer à Paris même, à
l'Agence Cook, tous les billets de chemin de fer, de wagons-lits, de
bateaux à vapeur, tous les coupons d'hôtels dont ils auront besoin, au
moins jusqu a Khartoum. Partout ils trouveront des interprètes qui
s'occuperont de leur personne et de leurs bagages.

C'est si simple et si facile que c'est presque incroyable!

Examinons en détail dans quelles conditions de confort le voyage peut se
faire.

Avant tout, ayez suffisamment de vêtements et de linge; n'oubliez pas
d'emporter de la laine, car, en mer et dans la basse Égypte, il fait
souvent froid en hiver. Les nuits sur le Nil, entre le Caire et Assouan,
à la première cataracte, sont souvent glaciales. Un bon pardessus, de
bonnes couvertures et de fortes bottines sont également indispensables.

[Illustration: Le vapeur qui fait le service mensuel (durée: 28 jours;
prix: 1.800 francs par personne) entre Khartoum et Gondokoro (Ouganda).
De chaque côté, d'immenses barges pour les nègres, les animaux, les
marchandises,]

Mais comme, à mesure que vous avancerez, la température s'élèvera, il
faut également des vêtements de demi-saison et enfin, pour le Soudan, de
la flanelle légère.

De Paris à Marseille, c'est le grand luxe et la rapidité foudroyante,
rapidité qu'on ne retrouvera nulle part. Le fameux train _Côte d'Azur_,
qui fait le trajet en dix heures, est incontestablement ce qu'il y a de
mieux en Europe.

De Marseille à Alexandrie, le voyage est de cinq à six jours, et nous
n'avons que l'embarras du choix. Les _Messageries Maritimes de France_,
le _Peninsular and Oriental_ et autres grandes lignes anglaises ont des
services réguliers. Le _Lloyd_ de Brème a établi, l'hiver dernier, un
service bi-hebdomadaire de grand luxe, avec escale à Naples. Le prix des
cabines est élevé, mais il est impossible de rêver mieux.

Enfin, une ligne anglaise: _The Bibby Line_, qui a de superbes bateaux,
vend des billets aller et retour de Marseille, pour 550 francs. De très
grands personnages, tel le représentant de l'Angleterre en Égypte, lord
Cromer, ne dédaignent pas voyager sur ces paquebots.

A Alexandrie, le voyageur a sa première vision de l'Orient, d'un Orient
à moitié européen, où toutes les races semblent se coudoyer, où la
pauvreté, la misère et la saleté se retrouvent à côté des somptueux
palais où règne un luxe effréné. D'excellents express avec
wagons-restaurants de la _Compagnie Internationale_ font le trajet
d'Alexandrie au Caire en trois heures.

Nous appellerons la capitale de l'Égypte notre première grande étape, et
je calcule qu'on peut y parvenir, de Paris, pour la somme de 900 francs
aller et retour, en 1re classe, bien entendu. Mais nous pouvons diviser
notre lre classe en trois catégories, que nous appellerons le _grand
luxe_, le _luxe moyen_ et le _simple confortable_. C'est ce dernier qui
nous aura coûté 900 francs, en voyageant par la _Bibby Line_. Le second
reviendrait à 1.250 francs (en prenant les Messageries) et le premier à
2.000 francs par le _Lloyd_.

[Illustration: Le Nil Blanc à Ombdurman.]

Il y a tant de choses intéressantes à voir au Caire, c'est pour
l'étranger une vie si curieuse et si nouvelle, que le voyageur le plus
anxieux d'aller loin--le chasseur le plus pressé de tuer son premier
lion--voudra néanmoins s'y arrêter quelques jours: disons une semaine.

Le Caire est par excellence la ville des hôtels somptueux, des palaces
superbes. Notre «grand luxe» ira au _Savoy_, au _Ghesireh_ ou au
_Shepheards_ et y dépensera de 30 à 100 francs par jour; le «luxe moyen»
aura tous les conforts possibles au _Continental_ ou au _d'Angleterre_
pour la somme de 20 à 40 francs par jour, et enfin notre «confortable»
trouvera à l'hôtel du _Nil_ ou au _Victoria_ une excellente pension pour
15 ou 18 francs par jour. Avec les extras, je compte 30 francs par jour
pour les petites bourses. (1).

      Note 1: L'auteur de cet article voulant donner aux lecteurs des
      indications réellement pratiques, a tenu a fournir des
      renseignements précis sur les hôtels, les agences et leurs prix.
      Il est à peine besoin d'affirmer qu'il n'y a là aucune réclame
      payée.

Notre seconde étape nous conduira à Luxor, l'ancienne Thèbes, où sont
les merveilleuses ruines du temple de Karnac et les fameuses tombes
royales, puis de là à Assouan, située à la première cataracte, sur la
frontière de la Nubie et où se trouve l'immense réservoir qui contient
un milliard de mètres cubes des eaux du Nil, eaux qui, pendant les
périodes de sécheresse, donnent la vie à l'Égypte et à son agriculture.

Comment nous rendrons-nous du Caire à Luxor et à Assouan?

Le «confortable» ira simplement parle train. Une nuit seulement jusqu'à
Luxor, dans de superbes wagons-lits appartenant à la _Compagnie
Internationale_. C'est un des plus beaux et des plus luxueux trains que
je connaisse. Deux jours à Luxor dans l'un ou l'autre des excellents
hôtels (Grand ou Karnac), appartenant à un Français, M. Pagnon. Huit
heures de chemin de fer entre Luxor et Assouan. Dans cette dernière
ville, nos «luxes» trouveront deux admirables palaces hôtels, le
_Cataract_ et le Savoy, de 20 à 40 francs par jour.

Le moyen le plus agréable, mais aussi le plus dispendieux de se rendre à
Luxor et à Assouan, est par le Nil même sur l'un des magnifiques bateaux
_Touristes_. Il y a deux Compagnies: _Thos. Coolt and Son_, la plus
importante, et _The Anglo-American_. Ces bateaux sont d'un luxe vraiment
incroyable, et les cabines, la table, le service, sont parfaits. Partout
où il y a quelque chose d'intéressant à visiter, ils s'arrêtent le temps
nécessaire, et les voyageurs trouvent des guides, des ânes, des chaises
à porteurs qui les attendent. Tout cela est compris dans le prix du
billet qui est de 1.250 francs. Le voyage aller et retour dure vingt et
un jours, y compris trois jours à Luxor et trois jours à Assouan.

MM. Cook ont un autre service appelé _Bateaux-Express_, qui font le même
trajet avec presque les mêmes arrêts en vingt jours. Ils sont un peu
moins grands, un peu moins luxueux, mais le prix du billet est seulement
de 550 francs.

                                      *
                                     * *

D'Assouan, nous entreprenons notre troisième étape, de la première à la
deuxième cataracte, c'est-à-dire jusqu'à Wadi-Halfa. Le Nil, aussi large
que la Loire à Orléans, coule superbe et majestueux à travers le pays
des Barbarins et la Nubie. Nous entrons en pays noir. Trois lignes de
bateaux à vapeur, chacune offrant tous les conforts modernes, font le
service d'Assouan à Wadi-Halfa. Les bateaux du gouvernement du Soudan
accomplissent le trajet en moins de deux jours, avec arrêt de quelques
heures aux fameux temples d'Abou Simbel, que l'impératrice Eugénie vint
visiter en 1869 et, de nouveau, l'hiver dernier. Le prix du billet aller
et retour revient, avec la nourriture, à 350 francs. Les bateaux de la
_Compagnie Anglo-Américaine_ et de la _Compagnie Cook_ font de plus
nombreuses escales et mettent trois jours et demi pour se rendre à
Wadi-Halfa. Le prix des billets est plus élevé par ces lignes: 575
francs, aller et retour.

[Illustration: Le steamer de luxe _Abbas-Pacha_: une halte au bord du
fleuve.]

[Illustration: L'AFRIQUE CENTRALE ACCESSIBLE AUX TOURISTES.--Les
passagers de l'«Abbas-Pacha» visitant un village de Shilouks sur la
rivière Sobat, qui se jette dans le Nil Blanc près de Fachoda. _D'après
les photographies de M. de Guerville.--Voir son article à la page 442._]

Wadi-Halfa est la tête de ligne du fameux chemin de fer soudanais qui,
traversant les grands déserts de sable, nous conduit en vingt-sept
heures jusqu'à Khartoum.

Construite par lord Kitchener lors de la campagne contre les derviches
en 1898, cette ligne militaire a rendu d'incalculables services.

En dehors des express et des trains ordinaires, il y a, trois fois par
semaine, un «train de luxe limité», composé de wagons-lits et d'un
wagon-restaurant.

Les cabines sont d'une grandeur inconnue en Europe et contiennent, outre
deux lits, une grande table, une chaise et un grand fauteuil. Les repas
sont excellents et les menus écrits en français. Grand choix de vins et
de liqueurs; lumière électrique et, dans toutes les cabines, un grand
éventail électrique qui assure la fraîcheur de l'air. C'est une
sensation étrange que de se sentir entraîner à travers les déserts
soudanais tout en mangeant un repas aussi bien cuit et aussi bien servi
que dans un grand restaurant du boulevard.

Le train de luxe quitte Wadi-Halfa à 8 heures du soir et, le lendemain
matin, à 7 heures, il s'arrête à Abu Hamed. On peut imaginer la surprise
du voyageur quand on le réveille en lui disant de se dépêcher, _car son
bain l'attend_! S'enveloppant de son pardessus ou de sa robe de chambre,
il descend du train et se trouve dans un grand établissement de bains,
construit expressément pour les voyageurs. Il n'y a pas de ville, pas
d'hôtel, simplement l'établissement au milieu du désert et des pompes
puissantes qui y amènent l'eau du Nil. Des domestiques nègres vous
ouvrent les portes, et chaque personne se trouve dans une immense salle
de bains, avec une grande baignoire, un lavabo à l'anglaise, de grosses
serviettes éponges, eau bouillante et froide à volonté.

Le train s'arrête une heure afin de donner tout le temps nécessaire à
une toilette des plus complètes.

Pendant ce temps, le wagon-restaurant est nettoyé à fond; quand vous
sortez de votre salle de bains, vous allez vous asseoir aux tables
toutes préparées et le train repart.

                                      *
                                     * *

Nous voici enfin à Khartoum, la capitale du Soudan.--C'est ici que
Gordon fut massacré par les troupes du Madhi. Celui-ci, après sa
victoire, détruisit la ville de fond en comble et s'installa, en face,
sur l'autre rive du Nil Blanc, à Ombdurman, grande ville arabe et nègre
et l'un des plus importants marchés de l'Afrique.

Après la victoire de l'armée anglo-égyptienne et la défaite finale des
derviches, il y a six ans, Khartoum fut reconstruite sur les ruines de
l'ancienne. C'est aujourd'hui une fort jolie ville avec de belles
maisons, de gracieuses villas, de charmants jardins. Le palais du
gouverneur est superbe et les ministères spacieux. Il y a un Grand Hôtel
et enfin un collège très important, le «Gordon Collège».

Je n'essayerai pas de décrire toutes les attractions de Khartoum et son
merveilleux climat en hiver. L'espace me manque, mais je dirai qu'il n'y
fait, de décembre à février, ni chaud, ni froid, simplement bon, et
qu'il n'y tombe jamais une goutte de pluie en hiver.

Le gouverneur général, sir Reginald Wingate, et lady Wingate, ainsi que
la plupart des officiers du gouvernement et du palais, parlent
admirablement le français et reçoivent de la façon la plus gracieuse les
étrangers qui leur sont recommandés.

La tranquillité la plus parfaite règne aujourd'hui au Soudan et un
service mensuel de bateaux à vapeur sur le Nil Blanc relie Khartoum à
Gondokoro dans l'Ouganda. Il faut vingt-huit jours pour accomplir le
voyage aller et retour et les bateaux s'arrêtent à El-Duem, Melut,
Fachoda, Tanfikia et Lado (Congo belge). Ce voyage est fort intéressant;
les bateaux sont confortables; mais, les arrêts étant très courts, je ne
puis les recommander aux personnes qui désirent chasser. Le temps manque
absolument.

Au-dessus d'El-Duem, le Nil est rempli d'hippopotames et les berges sont
couvertes d'énormes crocodiles; il y en a des centaines et des milliers:
les premiers, seuls ou par groupe, s'ébattant dans l'eau, les autres se
chauffant paresseusement au soleil. C'est un spectacle inoubliable. Le
pays est boisé et jusqu'au confluent du Nil Blanc avec la rivière Sobat,
on y trouve en très grande abondance, des lions, des éléphants, des
buffles, des antilopes, des gazelles, etc. Le Nil lui-même est couvert
de millions de canards, d'oies sauvages, de pélicans et d'une variété
infinie d'immenses oiseaux.

[Danseuses soudanaises.]

C'est incontestablement le paradis du chasseur!

La question se pose: comment y parvenir de Khartoum? J'y répondrai en
indiquant d'abord la manière dont, avec six amis, parmi lesquels trois
dames, nous nous y prîmes. Nous louâmes au _Département des bateaux et
steamers du gouvernement du Soudan_, un magnifique steamer appelé
_Abbas-Pacha_. Celui-ci avait trois ponts. Sur le pont d'en bas, nous
avions à l'arrière une grande salle à manger; le milieu était occupé par
les machines; l'avant abritait nos cuisines, l'office, les magasins à
provision et une véritable étable où étaient installés des poulets,
pigeons, dindons, des moutons, et une vache afin d'avoir du lait frais.
A fond de cale, nous avions 300 kilos de glace, et différents bateaux
remontant le Nil nous en apportèrent. Nous n'en manquâmes qu'une
demi-journée pendant tout le voyage.

Sur le deuxième pont nous avions dix magnifiques cabines à deux
couchettes, deux salles de bains avec baignoires et douches froides et
chaudes, un salon et, au milieu du pont, dans toute sa largeur,
au-dessus des grandes roues, un endroit ouvert formant un grand «hall»,
meublé de tables, de fauteuils et de canapés.

Enfin, le troisième pont, tenant toute la longueur et toute la largeur
du bateau, était pour la promenade. Ponts, cabines et salons étaient
éclairés à l'électricité. Nous payâmes pour la location seule de ce
bateau 500 francs par jour au gouvernement. Nous nous entendîmes avec la
maison Angelo Capato, de Khartoum, qui nous fournit cuisiniers,
domestiques, provisions fraîches, conserves, vins, liqueurs, bières,
eaux minérales, glace, etc., etc. Une véritable cave et un magasin
d'épicerie et de conserves avaient été installés à bord et tout ce dont
nous ne nous servîmes pas fut repris.

Dans les différents villages, notre cuisinier acheta de la volaille, des
poissons, des oeufs, des légumes.

Pour sept personnes, les frais revinrent à environ 200 francs par jour,
qui, joints aux 500 francs de location du bateau, firent 100 francs par
jour et par personne. La dépense par tête serait naturellement plus
élevée pour moins de personnes, et moindre, au contraire, pour plus.
L'_Abbas-Pacha_ peut recevoir dix passagers en en mettant un seul par
cabine et vingt en occupant tous les lits. Le prix de location serait le
même pour cinq ou dix voyageurs.

On ne peut se figurer le charme d'un voyage sur le Nil Blanc dans ces
conditions de confort. Il serait impossible d'être mieux installés en
France que nous l'étions. On va naturellement où l'on veut et l'on
s'arrête oit pour chasser, soit pour visiter les villages des nègres
quand on le désire.

Nous remontâmes ainsi non seulement le Nil Blanc mais la Sobat (vers
l'Abyssinie), où nous visitâmes les villages des Shilouks, une race de
géants (les alliés du colonel Marchand), qui se vêtent simplement d'un
beau bracelet d'ivoire, d'un petit collier--et c'est tout!

Ce voyage est pour le «grand luxe». Le «luxe moyen» peut obtenir de MM.
Angelo Capato, à Khartoum, de grands bateaux plats à voiles sur lesquels
on installe une grande cabine et une cuisine. Les domestiques couchent à
fond de cale.

Le meilleur moyen est de prendre deux bateaux, l'un pour soi et trois ou
quatre domestiques, l'autre pour des chameaux, des ânes et des tentes.
On peut, de cette façon, s'arrêter et entreprendre des excursions de
chasse à l'intérieur. Pour _deux personnes_, le coût serait 1.000 francs
par semaine, _tout compris_. Les vents d'hiver permettent de remonter le
Nil très rapidement et sans aucun danger de panne. Redescendre est plus
long, les vents étant contraires, mais on peut se faire remorquer par
les bateaux du gouvernement faisant des services réguliers.

Enfin, notre «simple confortable» suivra l'exemple de deux Rouennais qui
vinrent à Khartoum l'hiver dernier et louèrent un seul bateau. MM.
Capato le leur fournirent avec un cuisinier, six domestiques ou
matelots, et la nourriture de tout ce monde, pour 500 francs par
semaine.

Un permis de chasse est nécessaire. Le gouvernement en vend deux--le
petit pour 50 francs, le grand pour 500 francs.--Le premier donne le
droit de tuer les lions, les crocodiles, les gazelles et quantité de
gibier à plumes et à poils, mais défend de toucher aux éléphants, aux
hippopotames, aux buffles et aux antilopes.

[Illustration: A Tanfikia, au confluent du Nil Blanc et de la Sobat: les
autruches se promènent dans les rues.]

                                   *
                                  * *

En résumé, le voyage reviendrait pour deux personnes à:

1° _Simple confortable:
                                                         Prix      Durée
                                                       en francs  en jour

Paris au Caire et retour, 1re classe, _Bibby line_       1.800      13
7 jours an Caire, à 30 francs (hôtels _Nil_ ou
   _Victoria_)                                             420       7
Caire à Assouan et retour (_train de luxe_).               450       2
2 jours à Luxor et 2 jours à Assouan; à 30 francs          210       4
Assouan à Wadi-Halfa et retour (_Bateaux du gouvernement_) 750       4
Wadi-Halfa à Khartoum et retour (_train de luxe_)        1.200       3
Khartoum, 4 jours (_Grand Hôtel et excursions_)            330       4
3 semaines partie de chasse à 500 francs par semaine     1.500      21
Petit permis de chasse                                     100

Total                                                    6.810      58

Soit 3.405 francs par personne. Il est évident qu'avec 4.000 francs par
personne, le voyage se ferait très confortablement et le voyageur
pourrait rapporter de nombreux et intéressants souvenirs.

2° _Luxe moyen_:

                                                          Prix     Durée
                                                      en francs  en jours

Paris-Caire et retour (_Messageries Maritimes_)           2.500     13
7 jours au Caire (_Continental ou Angleterre_), à 50 francs 700      7

Caire à Assouan (_bateaux express Cook_, y compris séjour
dans ces deux villes).                                    1.200     20
Assouan à Wadi-Halfa (_bateau anglo-américain_)           1.100      7
Wadi-Halfa à Khartoum (_train de luxe_)                   1.200      3
Khartoum, 6 jours à 50 francs                               600      0
3 semaines partie de chasse à 1.000 francs.               3.000     21
Grand permis de chasse                                    1.000

Total                                                    11.300     77

Soit 5.650 francs par personne.

3° _Grand luxe_:

                                                       Prix       Durée
                                                    en francs   en jours

Paris-Caire, retour avec escale à Naples
(_Lloyd_ de Brème)                                       2.500      13
15 jours au Caire, à 100 francs (_Savoy, Ghesireh_
ou _Shepheards_)                                         3.000      15
Caire-Luxor-Assouan (_bateaux Touristes_).               2.700      21
Assouan à Wadi-Halfa (_bateaux Cook_).                   1.500       7
Wadi-Halfa à Khartoum (_train de luxe_).                 1.200       3
8 jours à Khartoum et excursions.                        1.000       8
20 jours bateau à vapeur à 600 francs par jour          12.000      20
Grand permis de chasse                                   1.000

Total                                                   24.900      92

Soit 12.450 francs par personne pour un voyage de plus de trois mois. Il
est évident qu'en ce qui concerne le «grand luxe», le prix de revient du
bateau à vapeur étant presque le même pour deux ou pour dix personnes,
le coût du voyage serait beaucoup moindre pour plusieurs personnes. Il
ne serait que de 10.000 francs par tête pour cinq amis voyageant
ensemble, et de 8.000 francs seulement s'ils étaient dix.

A.-B. DE GUERVILLE.

[Illustration: Un beau coup de fusil: éléphant tué près du Nil Blanc.]



[Illustration: Le lâcher d'un cerf sur le terrain de chasse]

[Illustration: Alphonse XIII et le prince de Bavière courant le cerf.]

[Illustration: Alphonse XIII en habit rouge.]

[Illustration: Le prince Ferdinand de Bavière, futur beau-frère
d'Alphonse XIII.]

UNE CHASSE ROYALE, AU «COTO» DE LA VENTA DE LA RUBIA, PRÈS DE MADRID

UNE CHASSE ROYALE

Le roi d'Espagne, passionné, comme on sait, pour les sports, a pris
l'habitude d'aller chasser, une fois par semaine, sur le terrain de la
société dont le comte de Pena Ramiro est le président. Le mercredi, en
compagnie de quelques personnages de la cour, notamment de son futur
beau-frère, le prince Ferdinand de Bavière, qui va épouser dans peu de
jours l'infante Marie-Thérèse, il se rend au «coto» de la Venta de la
Rubia, situé près de Carabanchel, à 10 kilomètres de Madrid. Là, les
exploits cynégétiques du jeune souverain se partagent entre le lièvre et
le cerf. A la vérité, si ce terrain est fécond en lièvres, il ne possède
point de cerfs; mais on en fait venir tout exprès du domaine royal d'El
Pardo, où on les a pris au filet: transportés dans une sorte de fourgon,
ils sont lâchés au moment opportun, puis forcés suivant les règles.
Ainsi, chevauchant en costume classique, Alphonse XIII, sans s'éloigner
beaucoup de sa capitale, peut se procurer fréquemment le plaisir et les
émotions de la grande chasse à courre.



STATUES DE NEIGE

Ce n'est pas d'hier qu'on a constaté combien la neige agglomérée et
comprimée se laisse aisément façonner: quel écolier n'en a fait
l'expérience? Qui de nous n'a coopéré à la confection du traditionnel
«bonhomme»? Mais, d'une exécution généralement sommaire, cette grossière
image n'est rien auprès des résultats auxquels peut atteindre une
facture plus soignée et plus habile.

Tous les ans, dans une petite ville de l'Allemagne du Sud, à Duderstadt,
s'ouvre un concours de statues de neige; la plupart des habitants y
prennent part; un jury, composé des conseillers municipaux et des
notables, décerne des prix importants aux auteurs des oeuvres les plus
méritoires. Le concours de cette année a été particulièrement
remarquable, tant par la qualité que par la quantité, ainsi qu'en
témoignent les curieux spécimens reproduits ici, certains concurrents se
sont montrés artistes consommés en leur spécialité, ne craignant pas de
s'attaquer aux sujets les plus compliqués, les plus difficiles, modelant
de main de maître personnages, animaux, accessoires.

Est-il besoin de le dire? cette exposition unique, en pleine
rue--véritable Salon d'hiver--a le privilège d'attirer à Duderstadt une
foule de visiteurs empressés à contempler un genre de sculpture beaucoup
moins durable que le marbre, le bronze et même le plâtre.

[Illustration: Le loup et le petit chaperon rouge.]

[Illustration: La basse-cour.]

[Illustration: L'amour vainqueur.]

UN CONCOURS DE STATUES, DE NEIGE A DUDERSTADT (ALLEMAGNE)



LES SABOTS DE NOËL A L'OPÉRA

_Les bals masqués du carnaval ont été supprimée à l' Opéra. Mais notre
Académie nationale de musique a ouvert cependant ses portes dans la nuit
du 24 au 25 décembre, pour un bal dit des Sabots de Noël. Des sonneries
de carillon célèbres alternaient avec les danses. Une immense cheminée
était dressée au fond de la salle: au milieu de la fête, Mlle Zambelli
et les artistes du corps de ballet en sortirent pour danser la
«Sabotière» de_ la Korrigane _Mais d'autres surprises étaient réservées
aux spectatrices: elles étaient invitées à passer sous la cheminée et à
désigner, d'une baguette, un des innombrables sabots rangés sur des
étagères; on leur remettait aussitôt le sabot choisi qui contenait un
cadeau._



LES LIVRES ET LES ÉCRIVAINS

OUVRAGES ILLUSTRÉS

_Archéologie._

Deux de nos distingués collaborateurs du numéro de Noël, M. Georges
Cain, le conservateur du musée Carnavalet, et M. F. Hoffbauer, l'artiste
bien connu, viennent de publier, chacun, un intéressant livre d'art que
nous sommes heureux de signaler à nos lecteurs:

Les _Coins de Paris_ (Flammarion, 7 fr. 50), que nous présente M.
Georges Cain, sont, pour une grande part, la réédition d'un ouvrage,
_Croquis du Vieux Paris_, publié, en 1904, à un très petit nombre
d'exemplaires. Le travail primitif, remanié et augmenté, forme,
aujourd'hui, un luxueux volume, qu'accompagnent de multiples
reproductions de tableaux, de dessins, d'eaux-fortes, de lithographies,
empruntés à des collections particulières, à des musées, à des
bibliothèques privées. L'auteur, dans son introduction, se défend
d'avoir voulu refaire un «guide de l'étranger dans Paris». Point n'était
utile de nous rassurer là-dessus. Nous savions que M. Georges Cain,
négligeant de parti pris le trop décrit, le trop connu, se serait
attaché seulement au rare, sinon à l'inédit, et nous devinions, dès le
titre, qu'il avait désiré simplement nous associer à ses flâneries
d'artiste amoureux de la vieille cité: «Notre but, dit en effet M.
Georges Cain, serait de continuer, par des promenades dans ce qui nous
reste du précieux Paris d'autrefois, la série des documents dessinés ou
gravés que renferme le musée Carnavalet.» Tous les artistes voudront
suivre, par des itinéraires peu usités, le précieux cicerone dans tous
les endroits où l'on trouve encore d'anciennes maisons et de vieux
aspects. Ils verront ressusciter à leurs yeux le Paris de
Louis-Philippe, ce Paris qui était encore «la province» et dans lequel
M. Victorien Sardou, le spirituel préfacier de l'ouvrage, jouait au
cerceau autour de l'Eléphant de la Bastille.

M. Hoffbauer, lui, nous transporte à Borne et nous ramène à des âges
beaucoup plus reculés. Il vient, en effet, d'entreprendre la
reconstitution, par l'image, des aspects de la Ville Éternelle à travers
les siècles. L'idée est heureuse. Depuis les récentes découvertes de M.
Boni, on se méfiait des descriptions un peu conventionnelles, inspirées
par la reconnaissance aux bénéficiaires de la civilisation latine. Une
revision s'imposait et nul mieux que M. Hoffbauer n'était désigné pour
ce travail. La première partie de l'étude, consacrée au _Forum_ (Plon,
20 fr.), est ornée de 4 aquarelles, de 2 gravures hors texte et de 52
dessins dans le texte. Sur un récit sobre et nerveux de M. Thédenat, de
l'Institut, qui nous retrace les phases mouvementées de la vie politique
et religieuse de Borne, M. Hoffbauer a échelonné la série de ses
merveilleuses illustrations. Successivement les monuments de la Ville
Éternelle, fidèlement restitués d'après les documents authentiques, se
dressent à nos regards. Oh! la prestigieuse évocation! le rappel
impérieux de tous nos souvenirs classiques! Voici le temple de Janus, le
collège et les statues des Vestales, la Curia hostilia, le Comitium, la
prison, le Tullianum, les hideuses gémonies, le grand cloaque; puis,
sous la République, la Curie, le Senaeulum, les temples de Saturne et de
la Concorde, les tribunaux, les basiliques; puis encore, sous l'empire,
les arcs de triomphe, les statues et les temples des empereurs, la Voie
Sacrée...; enfin, après le christianisme, les premières églises... C'est
toute la vie romaine, sous ses formes successives, qui, de ces pierres,
de ces arcs et de ces colonnes, surgit exacte et saisissante.

Après les _Peintres modernes_, les _Pierres de Venise_ constituent
l'ouvrage le plus considérable de Buskin. Que fut Buskin? Un archéologue
ou un artiste? Ni l'un ni l'autre. Buskin fut un _sourcier_,
c'est-à-dire un de ceux qui découvrent, partout où elles se trouvent,
des sources de vie. Sous les pierres amoncelées par les foules et que
travaillèrent des milliers d'artistes, il a entendu murmurer des voix
que l'histoire officielle n'a pas su percevoir. Ainsi parlent--et mieux
que d'autres--les _Pierres de Venise_. L'ouvrage, traduit par Mlle
Mathilde P. Crémieux (H. Laurens, 12 fr.) et magnifiquement illustré,
est préfacé par M. Robert de la Sizeranne.

_Beaux-Arts._

Cinq volumes nouveaux viennent de paraître dans la collection des
_Grands Artistes_ (H. Laurens, 2 fr. 50 chaque vol., in-8°, avec 24
gravures hors texte): ce sont les monographies de _Gros_, par M. Henry
Lemonnier, professeur à la Sorbonne; de _Claude Lorrain_, par Baymond
Bouyer; de _Percier et Fontaine_, par Maurice Pouché; de _Ruysdaël_, par
Georges Biat; de Gainsborough, par Gabriel Mourey. Ces cinq études sont
documentées à souhait et si nous signalons particulièrement celle de M.
Maurice Fouché, c'est que Percier et Fontaine, architectes et
décorateurs, créateurs et maîtres incontestés du style empire,
collaborateurs inséparables, sont pour la première fois présentés au
grand public, qui ne les connaissait guère que de nom et de réputation.

Pierre-François-Léonard Fontaine, né à Pontoise en 1762, et Charles
Percier-Bassant, né à Paris en 1764, se rencontrèrent d'abord à l'école
de Peyre jeune, inspecteur des bâtiments du roi, puis se retrouvèrent à
Borne. C'est là qu'en 1788 un événement douloureux, la mort du peintre
Drouais, leur permit d'associer pour la première fois leurs talents déjà
formés: ils firent ensemble un projet de monument que le sculpteur
Michallon exécuta dans l'église de Santa-Maria in via Lata. Trois ans
plus tard, revenus à Paris, séparément, mais tous deux à pied, par
économie, ils exécutaient pour l'ébéniste Jacob, qui avait la fourniture
du mobilier de la Convention, des dessins dans lesquels ils s'étaient
hasardés à restaurer le style antique. Cette tentative réussit et leur
faveur commença. En 1793, ils étaient appelés à la «direction des
décorations» de l'Opéra. C'était la fortune et, tout en continuant à
créer des modèles de meubles, de bronzes d'ameublement, d'objets
d'orfèvrerie, qu'on ne cessa plus de leur commander de toutes parts, ils
purent désormais s'adonner à l'architecture. Ils établirent plus de
projets, à vrai dire, qu'ils ne construisirent de monuments: l'arc de
triomphe du Carrousel et le monument expiatoire de Louis XVI sont les
seules oeuvres complètes qui nous restent d'eux. Mais ils furent surtout
d'admirables restaurateurs, à la Malmaison d'abord, puis à Saint-Cloud,
enfin aux Tuileries et au Louvre, dont ils devinrent les architectes en
1805, à Compiègne, Fontainebleau et au palais Pitti, à Florence. Toutes
les décorations éphémères des fêtes du sacre, puis du deuxième mariage
de Napoléon furent leur ouvrage. Elles étaient imposantes et
majestueuses, comme nous pouvons en juger par les 54 planches du
magnifique volume in-folio publié en 1807: _Sacre et Couronnement de
Napoléon, empereur des Français et roi d'Italie_, et par les 13 planches
du: _Mariage de S. M. l'empereur Napoléon avec S. A. R. l'archiduchesse
Marie-Louise d'Autriche_. Louis XVIII et surtout Louis-Philippe
continuèrent à Fontaine (Percier préférait se consacrer désormais à
l'école qu'il avait fondée) la confiance que lui avait témoignée
Napoléon: c'est dans cette seconde période qu'il restaura Versailles et
le Palais-Royal, et construisit, de 1815 à 1826, le monument expiatoire
de la rue d'Anjou, qui, vu de l'extérieur est souvent jugé un peu lourd,
mais dont on apprécie le grand caractère et la belle ordonnance
lorsqu'on pénètre à l'intérieur.

Tous les volumes de la collection des _Grands Artistes_ sont illustrés
de 24 gravures, très convenablement imprimées, qui reproduisent les
oeuvres caractéristiques du peintre, du sculpteur ou de l'architecte
étudié dans le texte. Il y manque peut-être une vingt-cinquième image:
le portrait de l'artiste lui-même. Les traits de Gros, Ruysdaël, Claude
Lorrain, Gainsborough, et surtout de Percier et de Fontaine, ne nous
sont pas familiers: nous aimerions qu'on nous remette sous les yeux leur
physionomie en même temps qu'on nous rappelle les faits de leur
existence et les phases de leur talent.

De même, dans la collection parallèle des _Villes d'art célèbres_ (H.
Laurens, chaque vol., pet. in-4°, abondamment ill. 3 fr. 50 ou 4 fr.,
selon l'importance), il est permis de regretter l'absence d'un plan de
chacune des cités qui nous sont décrites. Assurément M. Émile Gebhart,
de l'Académie française, ne prétend pas nous guider dans _Florence_ de
la même façon que le Baedeker ou le Joanne, ni M. P.-J. Bié dans
_Nurenberg_, ni M. Pierre Gauthiez dans _Milan_. Mais un plan nous
aiderait cependant à nous orienter parmi les monuments au milieu
desquels on nous promène, à situer les palais, les églises qu'évoquent
pour nous de brillants écrivains dont le texte est semé de reproductions
de photographies.

M. Pierre Gauthiez, artiste érudit, a entrepris de réhabiliter Milan,
que l'on traverse trop souvent sans l'étudier, pour courir vers d'autres
villes d'une beauté plus illustre. Il est un enthousiaste du Dôme trop
souvent décrié: «... Je n'ignore pas, dit-il, qu'il est de bon goût, et
raffiné, d'affecter, au nom du gothique, un grand mépris pour la
cathédrale milanaise. Cette affectation de dédain, et les plaisanteries
faciles, empruntées à la pâtisserie le plus souvent ou à la lingerie,
sont simplement ineptes. Si la cathédrale de Chartres est la rude fleur
d'un pays morne, gris et pâle, quand la moisson ne le fait point roux;
si Notre-Dame de Paris, ou Laon, ou Reims, ou Bourges, expriment l'âpre
mysticisme de nos terres barbares, pourquoi ce pays doux et gras du
Milanais, dont l'allégresse accueille et dont le charme enivre, après la
traversée des Alpes, n'aurait-il pas reçu le droit d'exprimer la forme
de sa religion dans cette blanche église, immense, à mille clochetons,
immaculée comme les glaciers que l'on découvre de son toit, offerte au
soleil et aux molles pluies argentées comme les plaines qui lui font un
magnifique piédestal? Est-ce que la vigne lombarde est courte et bossue,
et revêche, comme nos ceps? Ne s'enlace-t-elle point aux mûriers pour
s'épanouir en guirlandes? Et l'air qui joue autour du Dôme a-t-il rien
de commun avec notre ciel dur et belliqueux? Ces gens avaient du marbre,
et non une pierre austère et rugueuse. Ils ont fait leur cathédrale en
marbre...»

A qui l'éditeur pouvait-il demander la monographie de Florence, sinon à
M. Émile Gebhart? On devine avec quelle faveur cet érudit académicien,
ce lettré exquis, analyse l'âme et la race florentines, répète ce que
racontent les vieilles pierres de Florence, inventorie ses trésors
d'art.

Trois plaquettes consacrées à _Rossini_ par Lionel Dauriac, à _Gounod_
par P.-L. Hillemacher, à _Liszt_, par M. D. Calvocoressi, inaugurent une
nouvelle série: celle des _Musiciens célèbres_ (H. Laurens, 2 fr. 50
chaque vol. petit in-8º). Ces études ne sont pas seulement intéressantes
et élégamment écrites; elles sont présentées avec une illustration
documentaire et anecdotique, aussi fidèle que variée: portraits,
fac-similés de pages autographes, reproductions de costumes, de décors,
de ballets, caricatures, etc.,--richesses iconographiques enfouies en
des musées, des bibliothèques, des conservatoires, et dont la plupart
sont utilisées pour la première fois.

M. Romain Rolland (célèbre depuis quelques semaines pour avoir obtenu le
prix de l'Académie féminine de _la Vie heureuse_, avec son roman
_Jean-Christophe_), vient de publier, dans la collection, des _Maîtres
de l'art_, une biographie de _Michel-Ange_ (Librairie ancienne et
moderne,3 fr. 50). En 160 pages, M. Romain Rolland a su être complet:
l'oeuvre gigantesque et la vie enfiévrée de Michel-Ange apparaissent
dans ce petit livre avec un relief saisissant. On trouve à la fin du
volume une table chronologique, un catalogue des principales peintures
et sculptures, enfin une bibliographie comprenant les écrits de
Michel-Ange et ceux qui lui ont été consacrés.

_Voyages._

L'Espagne est un pays charmant!... Certes oui, l'Espagne pittoresque,
vue, contée et crayonnée par un artiste! M. J. Worms a fait plusieurs
voyages au delà des Pyrénées à des époques où il y avait encore des
Pyrénées, des costumes nationaux, des traditions originales. Au gré des
étapes de sa vie ambulante de peintre, il a recueilli des impressions et
croqué des types qui ne sont plus ou presque plus. Du tout, enfin, il a
fait un beau livre, _Souvenirs d'Espagne_ (H. Floury, éd.), riche en
illustrations ingénieuses et piquantes.

On sait qu'en vingt-sept mois la mission du Bourg de Bozas traversa
l'Afrique, de la mer Rouge à l'Atlantique, en passant par la Somalie,
l'Éthiopie, les plateaux du haut Nil et le Congo. M. du Bourg de Bozas
mourut sur l'Ouellé, près du but. Ainsi se termine sur une page tragique
le récit de cette exploration. _De là mer Rouge à l'Atlantique_ (de
RUDEVAL, 30 fr.), dont nos lecteurs connaissent déjà au moins l'un des
épisodes, une curieuse chasse à l'éléphant qui fut relatée dans
_L'Illustration_. L'ouvrage, illustré d'après les photographies de la
mission, est présenté par une préface de M. R. de Saint-Arroman.



DOCUMENTS et INFORMATIONS

LES PLANTES LUMINEUSES.

Vers 1843, Heller signalait la luminescence des bois en putréfaction.
Cette lueur est produite par des champignons vivant à la surface de
divers végétaux et dont on connaît aujourd'hui une quinzaine de
variétés. Ainsi s'explique que, dans les forêts tropicales, on voie
souvent briller les feuilles de bambou et d'autres espèces; en Europe,
les feuilles mortes du chêne et du hêtre, en décomposition et un peu
humides, présentent parfois un phénomène identique. D'autre part,
certaines photo-bactéries vivent en grand nombre à la surface des
poissons de mer, devenant lumineuses vingt-quatre ou trente-six heures
après la mort de ces derniers, pour s'éteindre dès qu'apparaît la
putréfaction. Elles se développent également sur la viande de mammifère
que le professeur R. Dubois, de l'université de Lyon, utilisa le premier
pour les isoler et les cultiver à l'état de pureté. En les ensemençant
ensuite dans un ballon de verre garni de gélatine, il obtint la fameuse
lampe «à lumière froide».

[Illustration: Feuille d'arbre partiellement couverte de bactéries
lumineuses.]

[Illustration: Plantes en germination près d'un tube rempli de bactéries
lumineuses.]

On savait que cette lumière impressionne la plaque photographique dans
un temps assez long, mais on n'avait pas encore songé à constater sa
puissance phototropique. Une de nos gravures montre des plantes mises en
germination près d'un tube renfermant des bactéries photogènes: leurs
tiges poussent presque droit vers la source lumineuse.

LA NITRIFICATION INTENSIVE.

«Tenir sa poudre sèche» est chose d'actualité; mais, une bonne façon de
l'avoir sèche, c'est de ne pas en faire de trop grandes provisions
d'avance. D'ailleurs, étant donnée la quantité de munitions nécessaires
dans les guerres modernes, les approvisionnements ne sauraient durer
longtemps.

D'autre part, on ne pourrait assurément, pour faire de la poudre, se
contenter, comme dans les guerres de la Révolution, de gratter les
vieilles murailles des caves et des écuries pour se procurer du
salpêtre.

Mais on sait, depuis les travaux de Schlosing et Müntz, que la
nitrification n'est qu'une fermentation. Le ferment trouvé, il devenait
donc possible de produire des salpêtrières artificielles sur une vaste
échelle.

C'est ce qu'ont fait MM. Laine et Müntz, qui ont obtenu ce résultat en
faisant couler une solution de sel ammoniac sur un lit de noir animal
ensemencé d'organismes nitrificateurs.

Une salpêtrière ainsi formée, ayant un hectare de superficie, pourrait
donner 16.000 kilos de salpêtre par jour, soit plus de 6 millions de
kilos par an.

Voici des résultats rassurants: la poudre ne manquera pas.

LA HOUILLE BLANCHE SUR LA CÔTE D'IVOIRE.

Le fleuve Tano, qui arrose la Côte d'Ivoire anglaise, présente, aux
environs de Chitri, sur une longueur de 1.500 mètres, une différence
d'altitude de 23 mètres. Il pourrait fournir une force évaluée de 20.000
à 45.000 chevaux suffisant à l'exploitation de toutes les mines d'or de
la région. On se préoccupe, actuellement, d'utiliser cette houille
blanche pour les mines de Prestea et de Tarkwa, situées à 60 et 90
kilomètres des chutes, et dont le service n'absorberait que 5.000
chevaux.

Le temps n'est peut-être pas éloigné où l'électricité sera plus répandue
et moins chère à Tombouctou qu'à Paris.

COMMENT ENRAYER UN «RHUME DE CERVEAU» QUI COMMENCE.

Eviter un rhume n'est pas toujours chose facile: si l'on n'a pas une
constitution naturellement réfractaire à ce mal déplaisant, on est
souvent la victime de celui-ci, tant les occasions de s'enrhumer se
présentent souvent et naturellement. Mais si l'on ne peut guère éviter
le mal, on peut au moins essayer de le juguler, de l'empêcher de prendre
pied et de durer. De quelle façon s'y prendre? demandera-t-on. Voici le
conseil que donne la _Presse médicale_. Dès qu'on se sent
pris--c'est-à-dire dès que l'on se met à éternuer, à moucher et à sentir
lourde la région du front, il faut user d'inhalations. Trois ou quatre
fois par jour, il faut inhaler de la vapeur d'eau oxygénée chirurgicale,
suffisamment acide. C'est d'une inhalation de vapeur qu'il s'agit, non
d'une pulvérisation: on inhale par le nez la vapeur de l'eau oxygénée
bouillante. C'est très simple. Généralement, si l'on s'y met à temps, ce
traitement guérit du jour au lendemain. Au cas où la muqueuse nasale
serait déjà sensiblement engorgée, on ferait, dix minutes avant chaque
inhalation, un petit badigeonnage interne avec de l'adrénaline à 1 p.
1000. On le voit, la méthode est simple: elle serait aussi très
efficace.

LA NOUVELLE TENUE DE CAMPAGNE DES OFFICIERS JAPONAIS.

La tenue de campagne de l'armée japonaise vient d'être complètement
modifiée. Pour les officiers, le dolman, à brandebourgs et à galons, et
le pantalon à bande sont remplacés par un veston très simple et une
culotte en drap kaki avec bottes en cuir jaune. La casquette est du même
drap; la couleur de son bandeau et celle de l'écusson du col sont les
seuls signes distinctifs de chaque arme. Le grade est indiqué par des
étoiles ornant les pattes d'épaules. Le nouvel uniforme commence à être
porté par les officiers; les soldats n'en seront pourvus que dans quatre
mois.

POUR PRÉSERVER DE L'INCENDIE LA FORÊT DE L'ESTÉREL.

La forêt domaniale de l'Estérel, ancienne propriété des évêques de
Préjus, a été portée, par deux échanges réalisés en 1889 et 1890, à une
contenance de 5.754 hectares, dont 5.562 d'un seul tenant. Elle formait
naguère un maquis souvent impénétrable où le pin maritime et le
chêne-liège prospéraient au milieu de bruyères, d'arbousiers et autres
espèces buissonnantes. Aussi, les incendies étaient fréquents; il y en
eut quatre formidables au cours du dernier siècle, et les quelques
lambeaux de vieille futaie épargnés ne renferment point d'arbres âgés de
plus d'une centaine d'années. L'administration forestière a réussi à
transformer en forêt de rapport et de tourisme un maquis jadis presque
désert; elle vient de faire connaître l'ensemble des travaux effectués
et des résultats obtenus.

On compte aujourd'hui dans la forêt de l'Estérel: 56 kilomètres de
routes de 3m,50 de largeur; 141 kilomètres de chemins; 207 kilomètres de
sentiers muletiers dits sentiers garde-feu; 155 kilomètres de tranchées
de 10 à 30 mètres de largeur; 1.300 hectares ont été entièrement
débroussaillés. Dix maisons forestières, dont huit pourvues du
téléphone, un poste permanent de guetteurs au sommet du mont Vinaigre,
de nombreux postes volants occupés seulement les jours de mistral
complètent ces mesures de protection contre l'incendie qui représentent
une dépense annuelle de 19.000 francs et ont réduit l'importance des
sinistres dans les proportions suivantes:

Périodes.         Surfaces brûlées.        Moyenne annuelle.

1838-1857            7.003 hectares        350 hectares
1858-1877            1.727                  86
1878-1904               86                   3

D'autre part, le produit des écorces de liège exploitées en régie, qui
était d'environ 16.000 kilos pour la période 1865-1876, a atteint,
depuis 1901, 64.000 kilos. Mais, par suite de la substitution des
grandes usines à l'exploitation familiale et de la concurrence
algérienne, le prix des 100 kilos d'écorce est tombé de 65 francs, en
1886, à 38 francs. Or, c'est là le maximum, rarement atteint, du
rendement à l'hectare. Le bois du pin sylvestre, au contraire, qui doit
au climat et à la nature du sol des propriétés exceptionnelles, s'est
maintenu à 11 francs le mètre cube. Il suffit donc de 3 mètres cubes de
bois à l'hectare pour donner un revenu supérieur à celui du liège.
Aussi, tout en laissant une certaine place à la culture du chêne-liège,
l'administration forestière a renoncé à en faire la base principale de
son exploitation du domaine de l'Estérel.

[Illustration: Officiers japonais dans la nouvelle (au centre) et
l'ancienne tenue de campagne.]

[Illustration: La coiffure «Renault».]

[Illustration: La coiffure «Richard-Brasier».]

MODES SPORTIVES

MODES SPORTIVES.

Il y avait au Salon de l'automobile, une section réservée aux costumes
Là on pouvait faire son choix entre les dernières nouveautés mises au
jour par les grands couturiers, les modistes en vogue pour l'usage des
chauffeurs et des chauffeuses. Et voici ce qu'a imaginé un tailleur: la
coiffure automobile, reproduction, au choix de la belle cliente, de la
voiture qu'elle a coutume de monter; pour celle-ci, une
«Richard-Brasier», pour celle-là, une «Renault», en miniature, avec
leurs roues, leurs phares, dardés comme deux yeux. Cela sur la tête, un
bon masque ou une paire de besicles sur le nez, une bonne voiture sous
les pieds, et l'on peut aller loin si l'on ne craint pas trop le
ridicule!...

TRAVAIL DEBOUT ET TRAVAIL ASSIS.

Le travail manuel se fait-il mieux dans la station debout que dans la
position assise? Question aussi intéressante au point de vue individuel
qu'au point de vue social.

On sait que ceux qui pratiquent assis les métiers et les arts les plus
délicats se lèvent souvent pour considérer avec plus de précision leur
travail ou pour en parfaire les détails; et les physiologistes
admettent, d'autre part, que la station debout est l'attitude qui assure
le mieux la fixité contre les forces extérieures, et qui procure aussi
le meilleur point d'appui dans les activités diverses.

Toutefois, il n'était pas inutile de confirmer ces considérations un peu
théoriques par l'expérience. C'est ce qu'a fait M. Ch. Eéré, au moyen de
l'ergographe, instrument qui permet d'enregistrer le nombre de
soulèvements d'un poids donné par le doigt médius, et l'amplitude de
chaque mouvement de ce doigt.

Or il resulte de ces expériences que le travail debout est supérieur
d'environ un dixième au travail assis. Mais, si l'on compare ces travaux
à leur début et à leur terminaison, on remarque que le travail assis est
moins considérable au début et s'abaisse graduellement, tout en restant
assez intense à la fin; tandis que le travail dans la station debout est
plus intense au début, persiste longtemps très élevé, puis tombe
rapidement.

La station debout favorise donc le travail et l'attention pendant une
longue période: mais il est certain que cette exaltation est suivie
d'une fatigue plus rapide.

M. Eéré, par des expériences du même ordre, a constaté en outre qu'une
longue immobilité, précédant le travail, diminue la valeur de celui-ci;
tandis qu'une courte immobilité de cinq à quinze minutes est suivie
d'une exaltation du travail. Après une heure d'immobilité, le travail
est réduit à son minimum. Il semble que le sujet soit engourdi ou
endormi.

Conséquence pratique: les pauses de travail, dans la marche, comme entre
deux classes, ne devraient jamais dépasser quinze minutes.

LA PHOTOTÉGIE.

Par dérivation du mot grec qui signifie «teindre», on désigne sous le
nom de phototégie un nouveau procédé fort curieux de développement
photographique. On avait déjà essayé de dépouiller les clichés avec
l'eau oxygénée, mais les résultats obtenus étaient aussi lents
qu'irréguliers. La formule suivante active et régularise l'action
particulière à ce liquide, qui est d'enlever au négatif des épaisseurs
de gélatine proportionnelles à l'opacité des parties réduites,
c'est-à-dire attaquées par la lumière:

                   Eau.                      100 cc.
                   Acide chlorhydrique.       10 cc.
                   Bioxyde de baryum.          4 gr.

On doit exclure les développateurs trop astringents et employer de
préférence l'oxalate ferreux ou le diamidophénol. Après développement et
lavage, la glace est mise dans la solution d'eau oxygénée, au grand jour
si l'on veut. Les noirs se dépouillent en quelques minutes, et l'on
obtient directement un dispositif formé par des reliefs. L'image absorbe
naturellement des quantités de liquide colorant proportionnelles aux
épaisseurs de la gélatine. On peut donc, par un bain subséquent, donner
au cliché la teinte que l'on désire; on pourra encore en obtenir des
épreuves sur papier par simple contact. Enfin, en coloriant le cliché au
pinceau avec des teintes plates, le modelé dans les nuances s'obtiendra
de façon automatique.

LE PRIX D'ÉTABLISSEMENT DES CHEMINS DE FER DU MONDE ENTIER.

D'après le _Bulletin du Congrès des chemins de fer_ publié ces jours
derniers, voici, en milliers de francs, le prix d'établissement du
kilomètre de rails pour les chemins de fer du monde entier:

Angleterre et Irlande, 841; Belgique, 508; France, 396; Italie, 353;
Autriche, 350; Suisse, 332; Allemagne, 326; Espagne, 307; Roumanie, 281;
Pays-Bas, 269; Russie, 245; Serbie, 226; Hongrie, 205; Suède, 143;
Danemark, 134; Bulgarie, 130; Norvège, 123; Finlande, 102. Natal, 231;
États-Unis, 206; Canada, 196; Algérie et Tunisie, 188; Chili, 175;
Uruguay, 172; Java, 169; République Argentine, 163; Le Cap, 162; Inde
anglaise, 134; Japon, 129; Lagos, 110; Siam, 87.

ENFANCE ET SOMMEIL.

 Etant donné que beaucoup d'écoles pour l'enfance
sont, par leur constitution même, des endroits où celle-ci n'acquiert
pas seulement un certain savoir, mais accomplit une notable partie de sa
croissance, on ne peut être étonné si les médecins demandent à donner
leur avis sur l'organisation de la vie scolaire. C'est ce qu'ils
viennent de faire de l'autre côté de la Manche, et les propos qu'ils
tiennent sur l'organisation régnante ne sont pas précisément flatteurs.
Un gros vice de celle-ci consiste en ce que l'enfant ne se voit pas
allouer un nombre d'heures de sommeil suffisant. Sa nuit est trop
courte. Tous ceux qui se sont occupés de la question arrivent à la même
conclusion, que la durée du repos nocturne est insuffisante. Il faut le
prolonger et arriver à une nuit de neuf ou dix heures pour les enfants
ayant moins de seize ans. Ce chiffre est une moyenne: il ne serait pas
sage de s'y tenir en toute saison. En hiver, il faut laisser dormir
l'enfant plus longtemps qu'en été. Il a besoin de plus de sommeil à la
saison froide. Beaucoup d'enfants, chez nous aussi, sont certainement
soumis à un régime qui les fatigue et les rend impropres au travail. Il
conviendrait, après le travail, qu'on leur demande de jour, de leur
faire une nuit plus longue, pour leur permettre de reprendre des forces
et de se reposer véritablement.

[Illustration: L'aérostat dirigeable du comte Zeppelin sortant de son
aérodrome au bord du lac de Constance.]

LE DIRIGEABLE «ZEPPELIN»

Le général de cavalerie allemande comte Zeppelin vient de renouveler,
au-dessus du lac de Constance, les expériences de navigation aérienne
qu'il avait tentées en 1900 (voir _L'Illustration_ du 21 juillet 1900).
Son aérostat, qui se compose d'une enveloppe cylindrique en fils
d'aluminium abritant seize ballonnets d'hydrogène et à laquelle sont
suspendues deux nacelles, a été légèrement modifié dans ses détails. La
longueur est de 126 mètres, le diamètre de 11 mètres; les ballonnets
renferment 10.400 mètres cubes de gaz.

Un progrès considérable a été réalisé dans la construction du moteur:
les deux nouvelles machines, pesant ensemble 400 kilos, développent une
force de 170 chevaux; avec un poids moindre de 5 kilos seulement, les
anciennes en produisaient 30. La charge totale à enlever atteint 9.000
kilos, soit environ 1.000 kilos de moins que précédemment.

Les ascensions ont eu lieu les 17 et 21 octobre et 30 novembre derniers.
Le comte Zeppelin et l'ingénieur Durr avaient pris place à l'avant, avec
deux machinistes; quatre personnes, également, occupaient la nacelle
arrière. Les deux premières ascensions furent contrariées par des
accidents ne portant aucune atteinte au principe de l'appareil. La
dernière dura vingt-trois minutes, à la vitesse de 7m,50 par seconde,
qui n'avait jamais été atteinte dans les expériences antérieures. On
aurait môme, un instant, constaté la vitesse de 9 mètres. Après avoir
décrit plusieurs boucles, l'aérostat atterrit sans difficulté.

[Illustration: Le dirigeable _Zeppelin_ en expériences sur le lac de
Constance.]

Il y a encore loin de ces résultat; à ceux obtenus avec le _Lebaudy_
qui, des 1902 parcourait près de 100 kilomètres en moins de trois
heures. Mais nous ne devons pas oublier que le comte Zeppelin semble se
préoccuper surtout d'établir un appareil susceptible d'accomplir un
voyage de quinze à vingt heures.



LES THÉÂTRES

L'Opéra-Comique vient de faire entendre deux oeuvres nouvelles qui ont
beaucoup plu au public. L'une, _les Pêcheurs de Saint-Jean_, paroles de
M. Henri Cain, n'est rien moins qu'une très belle symphonie dramatique,
où le compositeur, M. Widor, affirme une fois de plus les hautes
qualités qu'on lui connaît. Musique savante et facilement
compréhensible, inspiration soutenue et d'une absolue sincérité, tels
sont les mérites divers qui expliquent et justifient le succès de ce bel
ouvrage. Mme Triché et un excellent ténor, M. Salignac, contribuent pour
une large part à sa réussite. La seconde nouveauté, _la Coupe
enchantée_, livret de M. Matrat, d'après La Fontaine, n'est pas moins
remarquable à d'autres points de vue. La partition de M. G. Pierné,
légère, d'une expression charmante, et développée suivant la poétique de
l'opéra-comique d'autrefois, se distingue des productions anciennes par
des délicatesses d'harmonie et d'orchestration que ne recherchaient pas
les maîtres du genre.

L'audition des envois de Rome, au Conservatoire, consacre la bonne
réputation de MM. Malherbe et Levadé parmi les musiciens. M. Malherbe
est un symphoniste très fort; nous lui voudrions moins de science et
plus de jeunesse. M. Levadé a charmé davantage les auditeurs, surtout
dans son très classique développement du psaume CXI qui contient de très
belles parties.

Au théâtre des Folies-Dramatiques, deux maîtres du vaudeville, MM.
Kéroul et Barré, viennent de remporter une nouvelle victoire avec trois
actes follement gais d'un bout à l'autre: _Une veine de..._

_Les 400 coups du Diable_, de MM. V. de Hottens et V. Darlay, au
Châtelet: des décors superbes, des danses, des chants, des cortèges à
n'en plus finir dans un éblouissement de lumière électrique; il n'y
manque qu'un peu de la grosse gaieté des féeries de jadis. Au demeurant,
un gros succès.



LE CHANTEUR CHALIAPINE

_Le chanteur Chaliapine._

On vient d'arrêter, à Moscou, un chanteur russe célèbre, Chaliapine,
basse chantante des théâtres impériaux, qui s'était fait connaître en
France, cette année même, de très brillante façon, en interprétant avec
un grand talent, à Monte-Carlo, le _Mefistofele_ de Boïto. Chaliapine
s'était jeté ardemment dans le parti révolutionnaire. On l'accuse
d'avoir entonné, ces jours derniers, dans une réunion politique, un
chant d'une violence inouïe. Ce fut la cause de son arrestation.

Chaliapine, ancien ouvrier, avait été lié, tout jeune homme, avec le
romancier Maxime Gorki, qui, alors, menait lui-même une existence tout à
fait précaire.



PROGRAMME COLLECTIVISTE, par Henriot.



Note du transcripteur: Les suppléments mentionnés en titre ne nous ont
pas été fournis.





*** End of this LibraryBlog Digital Book "L'Illustration, No. 3279, 30 Décembre 1905" ***

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