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Title: Les Explorateurs du Centre de l'Afrique Author: Durand, l'Abbé (Durand, Édouard-Joseph), 1832-1881 Language: French As this book started as an ASCII text book there are no pictures available. *** Start of this LibraryBlog Digital Book "Les Explorateurs du Centre de l'Afrique" *** (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr) Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées. L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée. ASSOCIATION FRANÇAISE POUR L'AVANCEMENT DES SCIENCES CONGRÈS DE LILLE 1874 [Illustration] PARIS AU SECRÉTARIAT DE L'ASSOCIATION 76, rue de Rennes. ASSOCIATION FRANÇAISE POUR L'AVANCEMENT DES SCIENCES --CONGRÈS DE LILLE--1874-- M. l'Abbé DURAND Vicaire de l'église métropolitaine de Paris, Archiviste-Bibliothécaire de la Société de géographie. LES EXPLORATEURS DU CENTRE DE L'AFRIQUE --Séances des 24 et 26 août 1874.-- L'Afrique centrale a certainement été connue des anciens Égyptiens. L'Égypte seule avec sa vallée du Nil, ses déserts de Nubie et de Libye n'est pas une base suffisante pour expliquer la puissance des pharaons, des Sésostris et des Ptolémée. L'Égypte de cette époque était vraisemblablement un grand empire africain dans lequel ces souverains trouvèrent les soldats nécessaires aux armées avec lesquelles ils s'avancèrent jusqu'à l'Inde. Plus tard, l'empire d'Éthiopie se forma des débris de celui-ci. Il possédait encore au VIe siècle de notre ère une partie de l'Arabie, sa puissance devait donc renfermer une partie de l'Afrique. Au XVe siècle, les Portugais s'emparèrent de tout le littoral africain depuis le Maroc jusqu'en Abyssinie; ils y échelonnèrent un grand nombre de colonies florissantes qui passèrent successivement entre les mains des Hollandais et des Anglais, ou retombèrent sous le pouvoir des musulmans. Certainement les Portugais connaissaient les grandes routes de l'intérieur de ce continent. Leurs missionnaires, leurs commerçants et leurs voyageurs allaient du Congo au Mozambique, et de la côte de Guinée au Zanzibar, à Monbaça et à Sofala. Après la ruine de leur puissance, les Anglais préoccupés par des guerres incessantes avec la France ou la Hollande, n'occupèrent que les points du littoral utiles à leurs intérêts les plus pressants, mais ils négligèrent le centre de l'Afrique. Alors les routes intérieures furent oubliées, et le commerce de ces contrées retomba entre les mains des Arabes qui en ont conservé le secret jusqu'à nos jours. Le centre de l'Afrique n'est pas aussi désert qu'on le croit ordinairement. C'est un vaste bassin au fond duquel s'étendent des lacs immenses aux bords ombragés de magnifiques forêts semblables à celles de la vallée de l'Amazone, et peuplées de troupeaux immenses d'éléphants, de rhinocéros, de gazelles, de girafes, de zèbres et autres animaux auxquels le lion fait une guerre perpétuelle. Ces lacs sont au nombre de sept principaux; ils sont alimentés par les eaux torrentielles de la zone équatoriale. Ce sont: le Tanganika, le Bangweolo, le Moero, le Moura, le lac Sans Nom, le Victoria et l'Albert Nyanza. Ils forment les réservoirs des grands fleuves qui arrosent le continent africain, tels que le Congo ou Zaïre, l'Ogovai, le Niger sur la côte occidentale, le Zambèse et autres sur la côte orientale, et enfin le Nil dont les sources multiples semblent se cacher à plaisir aux investigations des explorateurs. On dirait le lit d'une mer ancienne dont les eaux se retirant insensiblement se sont réduites aux bassins de ces lacs qui témoignent de son existence. Ces contrées riches et fertiles sont habitées par des peuples noirs très-nombreux et très-féconds. Depuis des siècles elles sont le réservoir principal de la traite des esclaves qui ont été introduits dans presque toutes les parties du monde. Les maladies, les guerres incessantes de tribu à tribu devraient y avoir fait le désert depuis des siècles. Il n'en est pas ainsi; les voyageurs modernes ont été d'étonnement en étonnement à mesure qu'ils avançaient vers les régions du centre, et l'Europe, habituée à regarder l'Afrique comme un Sahara interminable, crut rêver en entendant la révélation des magnificences et du nombre des populations de l'intérieur de ce continent. Le centre de l'Afrique a été exploré par les Portugais et évangélisé par les missionnaires jésuites et dominicains de cette nation. Ceux-ci connaissaient la région des grands lacs, ainsi que le prouve la carte chinoise d'Afrique construite par le père Verbiest, jésuite, directeur du tribunal des mathématiques de Pékin, sous le règne de Kang-Hi. Cette carte est exposée dans le vestibule de la maison des jésuites de Paris, rue de Sèvres. En 1662, l'un d'eux traversa l'Afrique d'Angola à Mozambique en suivant les vallées du Congo et du Zambèse. En 1797, les Portugais essayèrent de retrouver les routes suivies par leurs aïeux. Un marchand d'esclaves de cette nation établi à Tête, sur le Zambèse, noua de nouvelles relations avec l'empereur du Monomotapa. En conséquence, la cour de Lisbonne y envoya le docteur Lacerda, astronome distingué, chef de la commission des limites entre le Brésil et le Pérou, avec une expédition chargée d'explorer le centre Afrique. Le 12 mars 1797, il entrait dans le Zambèse, remontait ce fleuve jusqu'à Tête, atteignait le Tchambèze et venait mourir à Loucenda, capitale de Lounda. Quelques années après, de 1802 à 1814, deux _pombeiros_ d'Angola, ou esclaves marchands, firent plusieurs fois le voyage d'Angola à Tête. Ils traversèrent les rivières Louapoula et Loufiré. Leurs itinéraires donnèrent lieu à des travaux importants de la part des géographes. A partir de cette époque jusqu'en 1831, le silence règne complètement pour l'Europe sur le centre de l'Afrique. Du reste, il faut dire que les Portugais ont trop caché leurs découvertes et en ont gardé précieusement le secret. En 1831, le major Monteiro et le capitaine Gamitto reprenaient le même itinéraire, exploraient les monts Montchinga ou Movisa (1,200 à 2,100 mètres d'altitude), visités par Livingstone dans ces dernières années, et confirmaient les travaux de leurs devanciers. Après ces expéditions dont les dernières ont été inspirées par les Anglais, ceux-ci prenant pour base les explorations portugaises, envoyèrent le docteur Livingstone, membre de la Société royale britannique de géographie reconnaître l'Afrique centrale. Cet illustre voyageur commença ses voyages en 1846 et succomba sous le poids de ses fatigues en 1873, à Lobisa. Il attaqua d'abord l'Afrique par le cap de Bonne-Espérance, et, de 1849 à 1851, il fit, en compagnie de sa femme et de ses enfants, deux voyages au pays des Betchuanas au N. du cap de Bonne-Espérance. Dans une première excursion, au delà du désert de Kalahari, il découvrait le petit lac Lgami; puis, à sa seconde excursion, il entrait dans une contrée fertile arrosée par un grand fleuve, le Zambèse. De retour à la ville du Cap, il renvoya sa famille en Angleterre, et se consacra totalement aux explorations géographiques, à l'aide des anciens itinéraires portugais. D'abord, il remonta le Zambèse, et escorté d'une troupe de Malakolos, habitants du cours inférieur de ce fleuve, traversa en six mois le continent africain jusqu'à Saint-Paul de Loanda (1854) et revint à son point de départ. C'est un voyage de 800 à 900 lieues. A son deuxième voyage (1858-1864), il reconnut les contrées situées au nord de ce fleuve et découvrit le lac Nyassa ou Maravi, qui mesure environ 80 lieues de longueur et communique avec lui par le Chiré, un de ses affluents (1859). Voulant ensuite éclaircir la question des sources du Nil, dans un troisième voyage (1865), il partit de la côte de Zanguebar et s'engagea par le fleuve Rovuma, déversoir du Maravi, dans l'intérieur du continent (1866). Il atteignit successivement Bemba (1867) par 10° 10' de lat. australe, localité située entre le Nyassa et le Tanganika, et Loucenda, capitale du Lounda ou Cazembé, située par 8° 30' de lat. N. et 26° de long. E. C'est dans cette expédition qu'il découvrit les lacs Bangweolo par 8° 30' de lat. S. et 26° de long. E. de Paris (1860) et _Moero_ au S.-O. du Tanganika, signalé en 1856 par le Portugais Graça et en 1851 par le Hongrois Ladilas Magyar, ainsi que le système hydrographique du Tchambèse, du Louapoula et du Loualaba. Pendant cette période, il releva également une partie des bords des lacs Tanganika et Liemba. C'était toute la région inconnue des Manyouemas (1871) comprise entre les troisième et sixième degrés de lat. S. Les correspondances de Livingstone ayant été interceptées par les Arabes négriers, on resta trois ans sans recevoir de ses nouvelles; on le crut mort, on organisa des expéditions. C'est à Oudjidji, petit port de la rive occidentale du Tanganika, que le reporter américain Stanley le retrouva pendant qu'une caravane anglaise s'organisait lentement à Zanzibar pour aller à sa recherche. Pendant quatre mois, du 10 novembre 1870 au 14 mars 1872, ces deux voyageurs explorèrent ensemble la partie septentrionale du Tanganika et constatèrent que, très-probablement, ce lac avec son annexe le Liemba forme un bassin fermé, complètement indépendant de ceux du Nil et de tous les autres fleuves de l'Afrique. Après cette expédition, M. Stanley quitta Livingstone à Tabora, capitale de l'Unyanyembé, et reprit le chemin de l'Amérique (1872). Livingstone continua ses travaux autour du Tanganika et vint mourir des suites de la dyssenterie, à Lobisa, dans le bassin du Tchambéze, vers le 15 août 1873. Son corps, salé et séché au soleil, a été rapporté par les noirs à Bagamoyo et envoyé en Angleterre, où il repose dans l'abbaye de Westminster. Pendant que Livingstone explorait l'Afrique australe, d'autres expéditions anglaises partaient de la côte du Zanguebar et s'avançaient dans l'intérieur du continent. Déjà les missionnaires protestants allemands de l'île de Mombaz avaient découvert les montagnes de Kenia et du Kilima-Njaro, gravies par le savant voyageur allemand, baron de Decken, et signalé d'après les récits des noirs l'existence de grands lacs à l'O. de celles-ci. Sur ces indications, le capitaine Burton et le lieutenant Specke vinrent ouvrir une nouvelle voie entre le Zanguebar et la région des lacs. Ils partaient de Bagamoyo en juin 1857 et arrivaient le 7 novembre suivant à Tabora ou Caseh, localité fondée par les traitants arabes, à 250 lieues environ de la côte. Or, le 13 février 1858, Burton, franchissant le sommet d'une colline, voyait se dérouler tout à coup, à 7 ou 800 mètres sous ses pieds, une immense nappe d'eau encadrée de hautes montagnes vers l'O. C'était le Tanganika. Fatigués et dénués de ressources, les deux voyageurs revinrent à Tabora, d'où Specke, plus valide, mais atteint d'une ophthalmie, s'avança au N. à la recherche d'un autre lac signalé par les traitants arabes. A 60 lieues dans cette direction, il reconnut en effet les bords méridionaux d'un lac plus vaste que le précédent, appelé Keréoné par les noirs, et lui donna le nom de Victoria. Dès lors, il eut la conviction que ce lac était l'un des principaux réservoirs du Nil. Les deux voyageurs retournèrent en Angleterre, mais Specke, commissionné par la Société de géographie britannique, revint avec le lieutenant Grant continuer les explorations ébauchées de ce côté. Arrivés à Tabora le 24 janvier 1861, les deux explorateurs ne purent atteindre qu'à la fin de l'année le mont Karagoué, qui limite au S. O. et au S. E. le bassin du Victoria. Specke constata l'existence d'une ligne de partage au N.-O., entre ce lac et le Tanganika et lui donna le nom de Montagnes de la Lune, que la tradition place aux sources du Nil. Il suivit ensuite un cours d'eau qui s'échappe du lac par une cataracte de 200 mètres de hauteur et acquit la conviction par les récits des indigènes qu'il traversait la partie septentrionale d'un autre lac moins grand, le Loutan-Nzigé, situé à l'ouest du premier. Il le retrouva dans le pays des Baris, non loin de Gondokoro. Il avait découvert le véritable Nil. Ainsi se trouvait confirmée la tradition de l'antiquité consignée dans les cartes de Ptolémée. Il y a seize siècles, ce géographe faisait sortir le Nil de deux mers intérieures. Quelques jours après, Specke et Grant arrivaient à Gondokoro, où ils rencontraient sir Baker marchant à leur rencontre, mais qui les croyait encore très-éloignés de cette localité. Les tentatives d'exploration du centre Afrique par la voie du Nil datent de très-loin. Sans nul doute, l'antiquité a connu et pratiqué toute la vallée de ce fleuve. Il eût été bien étonnant que des peuples entreprenants comme l'histoire nous en montre, n'eussent pas été tentés de demander au cours du Nil les secrets des contrées où il prend naissance. Aussi, les Romains tentèrent-ils d'en remonter le cours. Sous Néron, une expédition parvenue jusqu'au lac _Nou_, à 800 lieues de son embouchure, revint épouvantée par le spectacle de ces solitudes marécageuses peuplées d'éléphants, de crocodiles et d'hippopotames. Au IIe siècle de notre ère, Ptolémée n'affirmait-il pas que le Nil sortait de deux grands lacs? Les Arabes et les Portugais ensuite parcoururent une partie des contrées de l'Afrique centrale. Plus tard, en 1770, l'Écossais Jacques Bruce prit le fleuve Bleu pour le vrai Nil. Dès lors, toutes les indications des Portugais furent oubliées et les lacs de l'intérieur rayés des cartes jusque vers 1825. A cette époque, les Français Caillaud et Letorrec, lieutenants de marine, attachés à l'expédition envoyée par Mehemet dans le pays arrosé par cette rivière, reconnaissent que le fleuve Blanc est le vrai Nil et coule durant toute l'année à pleins bords, tandis que le lit du fleuve Bleu est desséché pendant une saison entière. Plus tard, les Français Arnaud et Sabatier, les Allemands Werné, Ruppel, Russeyger pénètrent jusqu'au lac Nou, à 200 lieues au delà de Khartoum; ils reconnaissent le Saubat, le Djour et le Bahr-el-Gazal, affluents du Nil. Ils franchissent successivement le lac, et plusieurs d'entre eux paient de leur vie la témérité qui les a poussés à s'aventurer au milieu de marécages pestilentiels et de tribus féroces surexcitées contre les étrangers par les négriers arabes. De 1855 à 1861, l'Italien Bolognesi et le Français Lejean pénètrent plus loin. Ce dernier atteint Gondokoro, situé à 4,000 kilomètres de l'embouchure du fleuve. C'étaient les Anglais Specke, Burton et l'israélite Samuel Baker qui devaient avoir l'honneur de dévoiler l'énigme du Nil posée à l'Europe par le sphinx égyptien. Après avoir rejoint les deux premiers voyageurs, Baker compléta leurs découvertes. Il sut déjouer et éluder toutes les trames ourdies sur son passage par les marchands d'esclaves. Le 14 mars 1864, il arrivait au lac Loutan-Nzigé, qu'il baptisait du nom du prince Albert, suivait le Nil jusqu'au Victoria, d'où ce fleuve sort par une autre cataracte de 200 mètres environ d'élévation qui fait la différence du niveau des deux lacs. Tel fut le résultat de sa première exploration. En 1871, Baker fit une expédition militaire pour le compte du khédive avec le titre de bey (colonel). M. le comte Bisemont, lieutenant de vaisseau français, y fut attaché. Baker établit quelques postes entre Gondokoro et les lacs, puis revint après avoir échappé à une tentative d'empoisonnement de la part de Romanika, roi du Nyoro. Aussi plaça-t-il Riouga, le beau-frère de celui-ci, à la tête de ce royaume. Cette expédition tua le commerce de Khartoum et la plupart des négociants européens abandonnèrent cette ville pour se concentrer à El-Obeïd. Quant à la question des sources du Nil, elle n'apporta d'autres renseignements que ceux fournis par les noirs. D'après leurs récits, le lac Albert communiquerait au sud avec le nord du Tanganika par une série de lacs ou rivières navigables (Rouzizi) coulant à travers la région qui s'étend entre l'Albert et le Victoria à l'ouest des monts Karagoués. S'il en est ainsi, il faudrait donc encore reculer les sources du Nil jusque vers le 10° de latitude sud. Pendant que Baker marchait vers le S., un explorateur russe, le docteur Schweinfurth, se jetait à l'ouest du fleuve Blanc. Il remontait le Bahr-el-Gazal, pénétrait chez les Niam-Niams, atteignait le pays des Mombouttous et des Mitous, peuplades noires anthropophages. Il revint en Europe, en 1871, après trois ans et demi d'absence. Des explorations analogues eurent lieu également depuis le commencement de ce siècle sur les autres points de l'Afrique. Du côté du nord, nous voyons Mungo-Park se diriger à travers le Sahara jusqu'à Timboktou dans l'espérance de rencontrer le Niger. Il succomba à son second voyage (1805). Le major Peddie eut le même sort (1816), et le capitaine Lyon ne put dépasser la frontière méridionale du Fezzan (1819). Une autre expédition fut organisée à Tripoli; elle était composée du major Denham, du lieutenant Clappeston et du docteur Oudney. Dans les premiers jours d'avril 1822, ils arrivaient à Mourzouk, capitale du Fezzan, et le 17 février, ils entraient à Kouka, résidence du sultan du Bornou. Le lac Tchad fut reconnu dans son pourtour, les villes de Kano et de Sakkatou visitées. Le docteur Oudney mourut dans cette dernière excursion. Après les succès de cette première expédition, Denham revint mourir à Sakkatou sans avoir pu toucher le bas Niger (1826). Pendant la même année, le major anglais Laing était assassiné à Timboktou, ville dans laquelle notre compatriote Caillé réussissait à séjourner quelque temps. En 1849, le gouvernement anglais charge Richardson de reprendre et de continuer les explorations de Denham dans le Soudan occidental. Richardson s'adjoint les deux Allemands Overweg et Henri Barth. L'année suivante, ces voyageurs quittent Tripoli, traversent le Fezzan et, dans leur course à travers le Sahara, ils découvrent la belle oasis montagneuse d'Air, ancien pays d'Agisymba, regardé comme le point le plus avancé de l'Afrique sur lequel s'arrêtèrent les aigles romaines. A peine sont-ils entrés dans le Soudan que Richardson meurt emporté par une maladie rapide. Les deux compagnons explorent les pays au S. et au S.-O. du lac Tchad et, en 1852, Overweg succombe également. Barth, resté seul, s'enfonce dans le Sakkatou pendant deux ans et reparaît au Bornou, en 1854, après avoir séjourné à Timboktou de septembre 1853 à mai 1854. Il y trouva l'Allemand Edouard Vogel, le compagnon que la Société de géographie de Londres lui envoyait. Celui-ci détermina à 276 mètres au-dessus de l'Océan le niveau du lac Tchad. Barth fatigué revint en Angleterre en 1855. Vogel voulant explorer le Soudan oriental; il se dirigea vers le Ouadaï, où il fut assassiné à Kouka (1856). Cependant, en 1860, une expédition nationale allemande s'organisait pour aller à la recherche de Vogel. Elle devait partir par la mer Rouge et prendre Khartoum pour base d'opération, pendant qu'un voyageur, M. de Beurman, se porterait à sa rencontre par le Fezzan, le Bornou et le Ouadaï. Des circonstances imprévues l'obligèrent de se dissoudre en arrivant à Khartoum (1862) et M. de Beurman fut également assassiné dans le Ouadaï. En ce moment (1874), M. le docteur Nachtigal a pu pénétrer dans le Ouadaï; il revient par le Darfour, et M. Gérard Rohlf vient de terminer ses explorations dans le désert libyque. Pendant que l'Afrique était attaquée du côté du nord, la partie occidentale n'était pas négligée. L'Angleterre envoyait, en 1816, le capitaine Tuckey remonter le Congo ou Zaïre; il fut arrêté par les rapides de ce fleuve à Enimbo, par 4° 40" de lat. S., à 290 kil. de l'Océan, soit 210 à vol d'oiseau. Il mourut des fièvres avec tout son équipage. Jusqu'en 1872, rien ne fut tenté dans cette voie. Or les missionnaires portugais des XVIe et XVIIe siècles avaient des résidences à 60 kil. plus haut dans les missions de Conconbella, et sur le Kouango, à Candi (Canga ou Penibo de Ocanga Tukouango). En ce moment, une expédition anglaise explore le cours de ce fleuve. Après l'insuccès du Tuckey, l'Angleterre s'attacha au cours du Niger, dont d'autres explorateurs cherchaient les sources au Soudan. En 1830, John Lander reconnut les embouchures de ce fleuve, ainsi qu'une partie de son cours inférieur. Laird, Oldfield, Allen (1832) et le capitaine Trotter (1841) revoient son itinéraire et cherchent à ouvrir, avec le Soudan, par cette grande artère fluviale, une voie commerciale plus courte et moins dangereuse que le désert. Cet honneur était réservé au docteur Baikie, commandant de l'expédition de _la Pléiade_ (1854). Il trouva cette route dans le Benoué, grand affluent du Niger qui descend des parties S.-O. de Bornou et prend ses sources à peu de distance du Chary. Au commencement de l'année courante, MM. Marche et Compiègne, voyageurs français, remontent l'Ogovai, dont le cours inférieur a été relevé par l'amiral Fleuriot de Langle. D'un autre côté, M. Bastian est arrivé avec une expédition allemande sur les bords du Loango et s'apprête à pénétrer dans le continent africain entre les 5° et 8° de lat. S., région explorée en partie par notre compatriote Duchaillu. La partie occidentale de l'Afrique n'a pu être explorée comme les régions septentrionales et orientales. Un désert aride et des tribus féroces semblent former une zone infranchissable à vingt lieues de la côte. Mais la côte orientale, ouverte par les Arabes négriers et marchands d'ivoire, vient d'être à nouveau franchie par le lieutenant Cameron, parti de Zanzibar, pour compléter les découvertes de Livingstone. Quant à l'Afrique australe comprise entre le Zambèse et le cap de Bonne-Espérance, elle vient d'être reconnue par MM. Mauch et Erskine. Le premier a exploré les pays qui s'étendent entre le Zambèse et le fleuve Orange. Le second s'est élevé au nord de la baie de Lagoa et a exploré le bassin du Limpopo et la zone du littoral comprise entre ce fleuve et le Zambèse, où il a découvert les ruines et les placers de Zimbaoê, l'Ophir biblique, peut-être! Si de là nous portons nos regards vers l'ancienne Éthiopie ou Abyssinie, nous apercevons pendant notre siècle, suivant les traces de Robert Bruce dans les sentiers rocailleux et desséchés de ce pays, un certain nombre de voyageurs intrépides. La France y envoie Rochet d'Héricourt, Théophile Lefebvre, Perret et Galinier, MM. Antoine et Arnault d'Abbadie; Specke, Harris, Ruppel, le docteur Blanc, y représentent l'Angleterre, dont l'expédition contre Théodoros a donné lieu à des travaux importants. Tel est le résumé de l'histoire des explorations africaines. Nous pensons que le lecteur nous saura gré de lui donner un tableau succinct de ces grands voyages qui reculent les horizons de la civilisation chrétienne. D'après ce que nous venons de dire, nous pouvons nous faire une idée de la configuration de l'intérieur de l'Afrique. A quelque distance de la mer, une série de chaînes ou bourrelets continus de montagnes entourent l'Afrique. Au N., ce bourrelet s'appelle l'Atlas, jusqu'au S.-O. du Maroc. Il reparaît au Sénégal, sous le nom de chaîne des Kong, et se prolonge jusqu'au cap de Bonne-Espérance. De là il suit la mer des Indes, forme le Kilima-Njaro (7,000 m.) le Kenia ou Mont-Blanc (6,000 m.), et se rattache aux chaînes méridionales du pays des Gallas. Les monts de la Lune, qui se détachent de celles-ci, ne courent pas de l'O. à l'E., comme on l'a cru pendant longtemps, mais elles descendent du N. au S. L'intérieur de l'Afrique forme donc un immense bassin dont les bords ne seraient interrompus d'une part que par les brèches d'où les grands fleuves africains s'échappent en cataractes écumantes vers les mers, et, d'autre part, dans la partie occidentale, par le Sahara qui vient confondre ses sables avec ceux de l'Océan entre le Maroc et le Sénégal. L'intérieur de ce bassin serait divisé par quelques plateaux en plusieurs régions que l'on regarde encore comme indépendantes l'une de l'autre, bien qu'elles puissent être réunies entre elles par des cours d'eau, ainsi que certains géographes le prétendent. C'est ce que de nouvelles explorations prouveront. La première au S. est celle du lac Nyassa, du Chironé et du Zambèse. Elle est séparée de la deuxième entre le 10e et le 12e degré de lat. S. par le plateau de Moviza ou Motchinga, qui a 1,100 kil. environ d'étendue et une altitude moyenne de 1,200 m., mais quelques points en atteignent 1,500, 1,800 et 2,100. Son versant nord donne naissance à un nombre si considérable de rivières, dit Livingstone, qu'il faudrait la vie d'un homme pour les compter. La seconde contient cinq lacs qui sont, en commençant par le plus méridional: le Bangweolo, qui s'étend de l'E. à l'O., entre 11° et 12° de lat. australe sur un développement de 240 kil. par 1,219 m. d'altitude. Il est couvert d'îles habitées et reçoit le Tchambezi, rivière qui prend ses sources vers 10° de lat. S., au N. du lac Nyassa. De sa partie septentrionale sort le Louapoula; ce cours d'eau va se jeter dans le lac Moero. De celui-ci s'échappe le Loualaba oriental. Cette rivière a de 1,800 à 5,400 m. de largeur et s'ouvre dans le lac Kamolondo, ou bien Oulendje. Ce lac recevrait également sur sa rive occidentale le Loufira, ou Loualaba central, qui descendrait de la région Ouest inexplorée du Moviza et des monts Koné. De ce même point coulerait également au N.-O. le Loualaba occidental, ou Louloua, lequel se réunit au Kasabi, traverse le lac Lincoln ou Moula et va sous le nom de Loeki, ou Lomamé, se joindre au Loualaba central. Tous ces Loualabas qui, dans la langue des indigènes signifient des lacs rivières (bassins lacustres), ne forment qu'un seul cours d'eau qui entre dans le lac Sans-Nom par 4° de lat. australe et 22° 40' de long. orientale et coule au milieu de ses archipels pour en sortir au N. sous le nom de Nyali, Bancaor ou Bakara, incliner entre 1° et 2° de lat. S. vers l'O., et se jeter dans l'Océan sous le nom de Zaïre ou Congo. Ce bassin serait donc celui de ce grand fleuve sur lequel l'un des rois chrétiens du Congo fit lancer deux brigantins afin d'en explorer le cours jusqu'aux lacs où il prend ses sources. C'est ce que nous avons trouvé dans la correspondance de ce prince. Les habitants du Congo et des États voisins connaissaient donc la région des lacs de l'Afrique centrale. C'est par eux que les Portugais en eurent connaissance et pratiquèrent les routes qui les conduisaient de leurs établissements de la Guinée méridionale à ceux de la côte orientale d'Afrique. Du reste, les noms de Moero et de Moura (Maure), dont le premier est la corruption du second, sont Portugais. Ils révèlent donc le passage des voyageurs de cette nation qui les leur ont imposés. Après les avoir retrouvés, Livingstone leur a donné des noms anglais. Sur le versant S. du Movitza naissent également deux cours d'eau, le Liambaï ou Zambèse (Palmerston) et le Kafoué, affluent de ce fleuve. A l'époque des pluies, le fond de ces différentes vallées est tellement inondé que les rivières et les lacs ne forment plus qu'une immense nappe d'eau comme dans la zone parallèle de l'Amérique méridionale. A l'E. de ce bassin s'étend celui du Tanganika, qui est regardé comme complètement indépendant des autres. Cependant, d'après les dernières explorations de Baker, il communiquerait avec le Victoria par le Bouzizi, dont les eaux couleraient vers le N. ou le S., selon l'époque différente des pluies ou des crues dans chacun des deux bassins. D'après cette hypothèse, c'est dans le Tanganika qu'il faudrait voir les sources du Nil. Le bassin le plus septentrional se compose du M'Woutan ou Albert N'yanza (829 m. d'altitude) et du Victoria N'yanza (1,100 m. d'altitude moyenne), d'où sort le Nil Blanc (Bahr-el-Abiad). A l'O. de ce dernier se trouve le lac Baringo. Le cinquième bassin, celui du lac Tchad, se développe dans le Soudan oriental. Il y a pour affluent le Chari au S. et le Fédé, autre Bahr-el-Gazal (fleuve des Gazelles), distinct de l'affluent du fleuve Blanc. Ce cours d'eau sort du lac, coule pendant 500 kilomètres vers le N.-E. jusqu'au 16° de lat. N. par 17° de long. E. dans le canton des Kreddas. Là, ses eaux disparaissent dans les dunes de sable du Soudan. Cette rivière est donc un exutoire du Tchad, et non un de ses tributaires, comme on l'a cru jusqu'aux explorations du docteur allemand Nachtigal. Le niveau est à 39 m. au-dessous de celui des mers. 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