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Title: Histoire des Musulmans d'Espagne, v. 4/4 - jusqu'a la conquête de l'Andalouisie par les Almoravides (711-110))
Author: Dozy, Reinhart Pieter Anne, 1820-1883
Language: French
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HISTOIRE

DES

MUSULMANS D’ESPAGNE



HISTOIRE

DES

MUSULMANS D’ESPAGNE

JUSQU’A LA CONQUÊTE DE L’ANDALOUSIE
PAR LES ALMORAVIDES
(711--1110)

PAR

R. DOZY

Commandeur de l’ordre de Charles III d’Espagne, membre correspondant
de l’académie d’histoire de Madrid, associé étranger de la Soc. asiat.
de Paris, professeur d’histoire à l’université de Leyde, etc.

TOME QUATRIÈME

LEYDE
E. J. BRILL
Imprimeur de l’Université

1861



LIVRE IV

LES PETITS SOUVERAINS



I.


Depuis plusieurs années, les provinces de l’Espagne musulmane se
trouvaient abandonnées à elles-mêmes sans qu’elles l’eussent voulu. Le
peuple en général s’en affligeait; il ne songeait qu’avec effroi à
l’avenir et regrettait le passé. Les capitaines étrangers furent les
seuls qui profitèrent de la décomposition totale de la Péninsule. Les
généraux berbers se partagèrent le Midi; les Slaves régnèrent dans
l’Est; le reste échut en partage, soit à des parvenus, soit au petit
nombre de familles nobles qui, par un hasard quelconque, avaient résisté
aux coups qu’Abdérame III et Almanzor avaient portés à l’aristocratie.
Enfin, les deux villes les plus considérables, Cordoue et Séville, se
constituèrent en républiques.

Les Hammoudites étaient, mais seulement de nom, les chefs du parti
berber. Ils prétendaient avoir des droits sur toute la partie arabe de
la Péninsule; en réalité ils n’y possédaient que la ville de Malaga et
son territoire. Les plus puissants parmi leurs vassaux étaient les
princes de Grenade, Zâwî, qui éleva Grenade au rang de capitale[1], et
son neveu Habbous qui lui succéda. Il y avait en outre des princes
berbers à Carmona, à Moron, à Ronda. Les Aftasides, qui régnaient à
Badajoz, appartenaient à la même nation; mais entièrement arabisés, ils
se donnaient une origine arabe, et occupaient une position assez isolée.

Dans le parti opposé, les hommes les plus marquants étaient Khairân, le
prince d’Almérie, Zohair, qui lui succéda en 1028, et Modjéhid, le
prince des Baléares et de Dénia. Ce dernier, le plus grand pirate de son
temps, se rendit fameux par les expéditions qu’il fit en Sardaigne et
sur la côte de l’Italie, et aussi par la protection qu’il accorda aux
hommes de lettres. D’autres Slaves régnèrent d’abord à Valence; mais
dans l’année 1021, Abdalazîz, un petit-fils du célèbre Almanzor[2], y
fut proclamé roi. A Saragosse une noble famille arabe, celle des
Beni-Houd, obtint le pouvoir après la mort de Mondhir, arrivée en 1039.

Enfin, sans compter un assez grand nombre de petits Etats, il y avait
encore le royaume de Tolède. Un certain Yaîch y régna jusqu’à l’année
1036; depuis lors les Beni-Dhî-'n-noun en prirent possession. C’était
une ancienne famille berbère qui avait pris part à la conquête de
l’Espagne au huitième siècle.

Quant à Cordoue, après que le califat y eut été aboli, les principaux
habitants se réunirent et résolurent de confier le pouvoir exécutif à
Ibn-Djahwar, dont la capacité était universellement reconnue. Il refusa
d’abord d’accepter la dignité qu’on lui offrait, et quand il céda enfin
aux instances de l’assemblée, il ne le fit qu’à condition qu’on lui
donnerait pour collègues deux membres du sénat qui appartenaient à sa
famille, à savoir Mohammed ibn-Abbâs et Abdalazîz ibn-Hasan. L’assemblée
y consentit, mais en stipulant que ces deux personnes auraient seulement
voix consultative.

Le premier consul gouverna la république d’une manière équitable et
sage. Grâce à lui, les Cordouans n’eurent plus à se plaindre de la
brutalité des Berbers. Son premier soin avait été de les congédier; il
avait seulement retenu les Beni-Iforen, sur l’obéissance desquels il
pouvait compter, et il avait remplacé les autres par une garde
nationale. En apparence, il laissa subsister les institutions
républicaines. Quand on lui demandait une faveur: «Ce n’est pas à moi de
l’accorder, répondait-il; cela regarde le sénat, et je ne suis que
l’exécuteur de ses ordres.» Quand il recevait une lettre officielle qui
était adressée à lui seul, il refusait d’en prendre connaissance en
disant qu’elle devait être adressée aux vizirs. Avant de prendre une
décision, il consultait toujours le sénat. Jamais il ne prenait des airs
de prince, et au lieu d’aller habiter le palais califal, il resta dans
la modeste demeure qu’il avait toujours occupée. En réalité, toutefois,
son pouvoir était illimité, car en aucune circonstance le sénat ne
s’avisait de le contredire. Sa probité était rigide et scrupuleuse; il
ne voulait pas que le trésor public se trouvât dans sa maison; il en
confia la garde aux hommes les plus respectables de la ville. Il aimait
l’argent, il est vrai, mais jamais l’intérêt ne lui faisait rien faire
de malhonnête. Econome et même parcimonieux, pour ne pas dire avare, il
doubla sa fortune, de sorte qu’il devint l’homme le plus riche de
Cordoue. Mais en même temps il faisait de louables efforts pour rétablir
la prospérité publique. Il s’efforçait d’entretenir des relations
amicales avec tous les Etats voisins, et il y réussit si bien, que le
commerce et l’industrie jouirent en peu de temps de la sécurité dont ils
avaient tant besoin. Aussi le prix des denrées baissa, et Cordoue reçut
dans son sein une foule de nouveaux habitants qui rebâtirent
quelques-uns des quartiers que les Berbers avaient démolis ou brûlés
lors du sac de la ville[3]. Mais quoi qu’il fît, l’ancienne capitale du
califat ne recouvra pas sa prépondérance politique. Le premier rôle
appartenait dorénavant à Séville, et c’est de l’histoire de cette cité
que nous aurons à nous occuper principalement.

Le sort de Séville avait été longtemps lié à celui de Cordoue. De même
que la capitale, elle avait obéi successivement à des souverains de la
famille d’Omaiya ou de celle de Hammoud; mais la révolution de Cordoue
en 1023 eut son contre-coup à Séville. Les Cordouans s’étant insurgés
contre Câsim le Hammoudite et l’ayant chassé de leur territoire, ce
prince résolut d’aller chercher un refuge à Séville, où se trouvaient
ses deux fils avec une garnison berbère, commandée par Mohammed
ibn-Zîrî, de la tribu d’Iforen. En conséquence, il envoya aux Sévillans
l’ordre d’évacuer mille maisons qui seraient occupées par ses troupes.
Cet ordre causa un mécontentement très-vif, d’autant plus que les
soldats de Câsim, les plus pauvres de leur race, avaient la triste
réputation d’être de grands pillards. Cordoue venait de montrer aux
Sévillans la possibilité de s’affranchir du joug, et ils étaient tentés
de suivre l’exemple que leur avait donné la capitale. La crainte de la
garnison berbère les retenait encore; mais le cadi de la ville,
Abou-'l-Câsim Mohammed, de la famille des Beni-Abbâd, réussit à gagner
le chef de cette garnison. Il lui dit qu’il lui serait facile de devenir
seigneur de Séville, et dès lors Mohammed ibn-Zîrî se déclara prêt à le
seconder. Le cadi conclut ensuite une alliance avec le commandant berber
de Carmona, et alors les Sévillans, secondés par la garnison, prirent
les armes contre les fils de Câsim, dont ils cernèrent le palais.

Arrivé devant les portes de Séville, qu’il trouva fermées, Câsim essaya
de gagner les habitants par des promesses; mais il n’y réussit pas, et
comme ses fils étaient exposés à un grand péril, il s’engagea enfin à
évacuer le territoire sévillan, pourvu qu’on lui rendît ses fils et ses
biens. Les Sévillans y consentirent, et Câsim s’étant retiré, ils
saisirent la première occasion qui s’offrit à eux pour chasser la
garnison berbère[4].

La ville ayant ainsi recouvré sa liberté, les patriciens se réunirent
pour se donner un gouvernement. Cependant ils n’étaient nullement
tranquilles sur les conséquences de leur révolte; ils craignaient de
voir revenir bientôt les Hammoudites irrités, qui, dans ce cas, ne
manqueraient pas de punir les coupables. Aussi nul n’osa prendre sur soi
la responsabilité de ce qui s’était passé; tous étaient d’accord pour la
faire peser uniquement sur le cadi, auquel on enviait ses richesses; on
prévoyait déjà, avec un secret plaisir, le moment où ces richesses
seraient confisquées[5]. On offrit donc au cadi l’autorité souveraine;
mais quelle que fût son ambition, il était trop sage pour l’accepter en
ce moment. Sa naissance n’était pas illustre. Il était très-riche, car
il possédait le tiers du territoire sévillan, et il jouissait d’une
haute considération à cause de ses talents et de son savoir; mais sa
famille n’appartenait que depuis peu à la haute noblesse, et il savait
qu’à moins qu’il n’eût des soldats à sa disposition--et il n’en avait
pas encore--la fière et exclusive aristocratie de Séville se soulèverait
bientôt contre un parvenu. Il n’était rien autre chose, en vérité. Il
est vrai que plus tard, lorsque les Abbâdides furent sur le point de
rétablir à leur profit le trône des califes, ils se prétendaient issus
des anciens rois lakhmides qui, avant Mahomet, avaient régné à Hira, et
que les poètes faméliques de leur cour saisissaient alors chaque
occasion pour célébrer une si illustre origine; mais rien ne justifie
une telle prétention; les Abbâdides et leurs flatteurs n’ont jamais pu
la prouver. Tout ce que cette famille avait de commun avec les anciens
rois de Hira, c’est qu’elle appartenait comme eux à la tribu yéménite de
Lakhm; mais la branche de cette tribu d’où sortaient les Abbâdides ne
semble jamais avoir habité Hira; elle demeurait à Arîch, sur les
frontières de l’Egypte et de la Syrie, dans le district d’Emèse[6], et
les Abbâdides, loin de pouvoir rattacher leur généalogie à celle des
rois de Hira, n’ont jamais pu la faire remonter au delà de Noaim, le
père d’Itâf. Cet Itâf, capitaine d’une division des troupes d’Emèse,
était arrivé en Espagne avec Baldj, et les soldats d’Emèse ayant reçu
des terres près de Séville, il s’était établi dans le hameau de Yaumîn,
qui se trouvait dans le district de Tocina et sur les bords du
Guadalquivir. Sept générations de gens probes, économes, laborieux,
firent sortir la famille, lentement et péniblement, de son obscurité.
Ismâîl, le père de notre cadi, fut le premier qui l’illustrât; ce fut
lui qui, pour ainsi dire, fit inscrire dans le _livre d’or_ de la
noblesse sévillane le nom des Beni-Abbâd ou Abbâdides[7]. A la fois
théologien, jurisconsulte et homme d’épée, il avait commandé un régiment
de la garde de Hichâm II; puis il avait été imâm de la grande mosquée à
Cordoue et cadi de Séville. Renommé par ses lumières, sa sagacité, la
prudence de ses conseils et la fermeté de son caractère, il ne l’était
pas moins par sa probité, car en dépit de la corruption générale, il
n’accepta jamais aucun don du sultan ou de ses ministres. Sa libéralité
était sans limites, et les Cordouans exilés avaient trouvé chez lui une
généreuse hospitalité. Toutes ces qualités lui valurent le titre du plus
noble homme de l’Ouest. Il était mort dans l’année 1019, peu de temps
avant l’époque dont nous nous occupons[8].

Son fils Abou-’l-Câsim Mohammed l’égala peut-être en savoir, mais non en
vertu. Egoïste et ambitieux, son premier acte avait été un acte
d’ingratitude. Lorsque son père fut mort et qu’il avait espéré de lui
succéder comme cadi, un autre lui avait été préféré. Il s’était adressé
alors à Câsim ibn-Hammoud, et grâce à l’entremise de ce prince, il avait
obtenu l’emploi qu’il désirait[9]. Nous avons déjà vu de quelle manière
il récompensa plus tard cette faveur.

Les patriciens de Séville lui offraient maintenant le pouvoir; mais,
devinant leurs motifs, il leur répondit qu’il ne pouvait accepter leur
offre, toute honorable qu’elle était, qu’à la condition qu’on lui
adjoindrait quelques personnes qu’il nommerait. Ces personnes,
ajouta-t-il, seraient ses vizirs, ses collègues, et il ne prendrait
aucune résolution sans les avoir consultées. Malgré qu’ils en eussent,
les Sévillans furent obligés d’accepter cette proposition, car le cadi
refusait fermement de gouverner seul. On le pria donc de nommer ses
collègues. Il désigna alors les chefs de quelques familles patriciennes
tels que Hauzanî et Ibn-Haddjâdj, et des personnes que l’on regardait
comme ses créatures ou du moins comme ses partisans, tels que Mohammed
ibn-Yarîm, de la tribu d’Alhân, et Abou-Becr Zobaidî, le célèbre
grammairien qui avait été le précepteur de Hichâm II[10]. Cela fait, son
premier soin fut de se procurer des troupes. Grâce à la haute paye qu’il
promettait, il attira sous son drapeau plusieurs soldats arabes, berbers
ou autres, et il acheta d’ailleurs beaucoup d’esclaves qu’il fit
instruire dans le métier des armes[11]. Une expédition qu’il fit dans le
Nord, probablement avec d’autres princes, lui fournit le moyen de
grossir ce noyau d’une armée. Il assiégea à cette occasion deux châteaux
au nord de Viseu, qui étaient bâtis, l’un vis-à-vis de l’autre, sur des
rochers séparés par un ravin, et qui portaient le nom d’_al-akha-wén_ ou
d’_al-akhowén_, _les deux frères_, nom qui s’est conservé dans la
dénomination actuelle _Alafoens_[12]. Ils étaient habités par des
Espagnols chrétiens, dont les ancêtres avaient conclu un traité avec
Mousâ ibn-Noçair, alors que ce général conquit Viseu[13], mais qui, à
l’époque dont nous parlons, ne semblent avoir été soumis ni au roi de
Léon ni à un prince musulman. Le cadi se rendit maître de ces deux
châteaux et força trois cents de leurs défenseurs à entrer à son
service[14], de sorte que dès lors il pouvait disposer de cinq cents
cavaliers. Il avait donc assez de soldats pour faire des razzias sur les
terres de ses voisins[15], mais il n’était pas encore en état de
défendre Séville contre une attaque sérieuse. C’est ce qu’il éprouva en
1027. Dans cette année le calife hammoudite Yahyâ ibn-Alî et le seigneur
berber de Carmona, Mohammed ibn-Abdallâh, vinrent assiéger Séville[16].
Trop faibles pour opposer une longue résistance, les Sévillans entrèrent
en pourparlers avec Yahyâ. Ils se déclarèrent prêts à reconnaître sa
souveraineté, à condition que les Berbers n’entreraient pas dans la
ville. Yahyâ y consentit; mais il exigea comme otages quelques jeunes
patriciens qui lui répondraient sur leur tête de la fidélité des
Sévillans. Cette demande répandit la consternation dans la ville; aucun
patricien ne voulait livrer son fils aux Berbers, qui pourraient le tuer
au moindre soupçon. Le cadi seul n’hésita pas; il offrit à Yahyâ son
fils Abbâd, et le calife, qui savait que le cadi jouissait d’une grande
influence, se contenta de ce seul otage. Grâce à cet acte de dévoûment,
le cadi vit sa popularité s’accroître, et n’ayant désormais plus rien à
craindre ni des nobles ni du calife, dont il reconnaissait la
souveraineté pour la forme, il crut le moment venu pour régner seul.
Ayant déjà écarté du conseil les patriciens tels qu’Ibn-Haddjâdj et
Hauzanî, il n’avait plus que deux collègues, Zobaidî et Ibn-Yarîm. Il
les congédia et Zobaidî fut même envoyé en exil[17]. Un plébéien des
environs de Séville, qui s’appelait Habîb, fut nommé premier ministre.
C’était un homme sans principes, mais intelligent, actif et entièrement
dévoué aux intérêts de son maître[18].

Le cadi voulut ensuite agrandir son territoire en s’emparant de Béja.
Dans les derniers temps cette ville, qui avait déjà beaucoup souffert au
neuvième siècle par la guerre entre les Arabes et les renégats, avait
été saccagée et en partie détruite par les Berbers qui avaient couru le
pays en pillant et brûlant tout ce qui se trouvait sur leur passage. Le
cadi avait l’intention de la rebâtir; mais informé de son projet,
Abdallâh ibn-al-Aftas, le prince de Badajoz, y envoya des troupes
commandées par son fils Mohammed (qui lui succéda plus tard sous le nom
de Modhaffar), et ces troupes avaient déjà pris possession de Béja au
moment où Ismâîl, le fils du cadi, se présenta devant les portes avec
l’armée de Séville et celle du seigneur de Carmona, l’allié de son père.
Il commença aussitôt le siége et fit piller par sa cavalerie les
villages qui se trouvaient entre Evora et la mer. Malgré le renfort
qu’il avait reçu du seigneur de Mertola, Ibn-Taifour, Mohammed
l’Aftaside fut très-malheureux: après avoir perdu ses meilleurs
guerriers, il tomba entre les mains des ennemis et fut envoyé à Carmona.

Enhardis par les succès qu’ils avaient remportés, le cadi et son allié
firent des incursions, non-seulement sur le territoire de Badajoz, mais
aussi sur celui de Cordoue, de sorte que le gouvernement de cette ville
dut prendre à son service des Berbers de la province de Sidona. Quelque
temps après, cependant, ils conclurent la paix, ou du moins un
armistice, avec l’Aftaside, et alors Mohammed fut délivré de sa prison
du consentement du cadi (mars 1030). En lui annonçant qu’il était libre,
le seigneur de Carmona lui recommanda de passer par Séville et de
remercier le cadi; mais Mohammed avait tant d’aversion pour ce dernier,
qu’il répondit au Berber: «J’aime mieux demeurer votre prisonnier que
d’avoir une obligation à cet homme. Si ce n’est pas à vous seul que je
suis redevable de ma délivrance, si j’en dois remercier aussi le cadi
de Séville, je resterai où je suis.» Le seigneur de Carmona respecta ses
sentiments, et sans insister davantage, il le fit reconduire à Badajoz
avec tous les honneurs dus à son rang.

Quatre ans plus tard, en 1034, Abdallâh l’Aftaside se vengea, mais d’une
manière peu honorable, des revers qu’il avait essuyés. Il avait accordé
au cadi le passage de son armée, qui allait faire, sous les ordres
d’Ismâîl, une razzia dans le royaume de Léon; mais quand Ismâîl fut
arrivé dans un défilé non loin de la frontière léonaise, il l’attaqua à
l’improviste. Beaucoup de soldats sévillans furent tués, d’autres furent
massacrés pendant leur fuite par les cavaliers léonais. Ismâîl lui-même
échappa au carnage avec une poignée de ses guerriers; mais tandis qu’il
se dirigeait sur Lisbonne, ville qui formait la frontière des Etats de
son père du côté du nord-ouest, lui et les siens eurent à endurer les
plus grandes privations.

Dès lors le cadi devint l’ennemi mortel du prince de Badajoz[19]; mais
nous ne possédons pas de détails sur les combats qu’ils se livrèrent
dans la suite, et sans doute cette guerre n’eut pas pour l’Espagne
musulmane des conséquences aussi importantes qu’un événement d’une
autre nature, dont nous avons à nous occuper à présent.

Le cadi, comme nous l’avons dit, avait reconnu la souveraineté du calife
hammoudite Yahyâ ibn-Alî. Ç’avait été longtemps un acte de nulle
conséquence; le cadi régnait sans contrôle à Séville, Yahyâ étant trop
faible pour y faire valoir ses droits. Peu à peu cet état de choses
changea. Yahyâ parvint à rallier successivement à sa cause presque tous
les chefs berbers; il devint donc en réalité ce qu’auparavant il n’avait
été que de nom, le chef de tout le parti africain, et comme il avait
établi son quartier général à Carmona, d’où il avait chassé Mohammed
ibn-Abdallâh[20], il menaçait à la fois Cordoue et Séville[21].

La gravité du péril inspira alors au cadi une pensée qui eût été grande
et patriotique, si elle n’eût été suggérée en partie par l’ambition.
Pour empêcher les Berbers, désormais unis, de reconquérir le terrain
qu’ils avaient perdu, l’union des Arabes et des Slaves sous un seul chef
était nécessaire; c’était le seul moyen pour préserver le pays du retour
des maux dont il avait souffert. Le cadi le sentait; il désirait qu’une
grande ligue se formât, dans laquelle entreraient tous les ennemis des
Africains, mais en même temps il voulait en devenir le chef. Il ne
s’aveuglait pas sur les obstacles qu’il aurait à vaincre; il savait que
les princes slaves, les seigneurs arabes et les sénateurs de Cordoue
seraient blessés dans leur ombrageuse fierté au cas où il tâcherait de
les dominer; mais il ne se laissa pas décourager par des considérations
de cette nature, et comme les circonstances lui prêtèrent un puissant
appui, il parvint, jusqu’à un certain point, à réaliser son projet. Nous
allons voir de quelle manière il s’y prit.

Nous avons dit plus haut que le malheureux calife Hichâm II s’était
évadé du palais sous le règne de Solaimân, et que, selon toute
apparence, il était mort en Asie, ignoré et inconnu. Cependant le
peuple, encore fort attaché à la dynastie omaiyade qui lui avait donné
la prospérité et la gloire, refusait de croire à la mort de ce monarque,
et accueillait avidement les bruits étranges qui couraient sur son
compte. Il se trouvait des gens qui se piquaient de pouvoir donner les
détails les plus précis sur son séjour en Asie. D’abord, disait-on, il
s’était rendu à la Mecque, muni d’une bourse remplie d’argent et de
pierres précieuses. Cette bourse lui ayant été arrachée par des nègres
de la garde de l’émir, il passa deux jours et deux nuits sans manger,
jusqu’à ce qu’un potier, touché de compassion, lui demandât s’il savait
pétrir de l’argile. A tout hasard Hichâm répondit que oui. «Eh bien! lui
dit alors le potier, si tu veux entrer à mon service, je te donnerai un
dirhem et un pain par jour.--J’accepte de grand cœur votre offre,
lui répondit Hichâm, mais donnez-moi tout de suite un pain, je vous en
supplie, car j’ai été deux jours sans manger.» Pendant quelque temps
Hichâm, quoiqu’il fût un ouvrier fort paresseux, gagna sa vie chez le
potier; mais enfin, dégoûté de sa besogne, il s’échappa et se joignit à
une caravane qui allait partir pour la Palestine. Il arriva à Jérusalem
dans le plus complet dénûment. Un jour qu’il se promenait sur le marché,
il s’arrêta devant la boutique d’un nattier qui travaillait. «Pourquoi
me regardes-tu avec tant d’attention? lui demanda cet homme; est-ce que
tu connaîtrais mon métier?--Non, lui répondit tristement Hichâm, et je
le regrette, car je n’ai aucun moyen de subsistance.--Eh bien, reste
auprès de moi, reprit le nattier; tu pourras m’être utile en allant me
chercher du jonc et je te payerai tes services.» Hichâm accepta avec
joie cette proposition, et peu à peu il apprit à faire des nattes.
Plusieurs années se passèrent ainsi, mais en 1033 il retourna en
Espagne[22]. Après s’être montré à Malaga[23], il se rendit à Almérie,
où il arriva dans l’année 1035; mais bientôt après, le prince Zohair
l’ayant expulsé de ses Etats, il alla se fixer à Calatrava[24].

Ce récit, que le peuple acceptait avec une aveugle crédulité, ne semble
mériter aucune confiance. Le fait est qu’à l’époque où Yahyâ menaçait
Séville et Cordoue, il y avait à Calatrava un nattier du nom de Khalaf,
qui avait une ressemblance frappante avec Hichâm; mais rien ne prouve
que cet homme ait été l’ex-calife, et les clients omaiyades tels que les
historiens Ibn-Haiyân et Ibn-Hazm, bien qu’il eût été de leur intérêt de
reconnaître le soi-disant Hichâm, ont toujours protesté de la manière la
plus énergique contre ce qu’ils appelaient une grossière imposture.
Khalaf, toutefois, avait de l’ambition. Ayant souvent entendu dire qu’il
ressemblait beaucoup à Hichâm II, il se donna pour ce monarque, et comme
il n’était pas né à Calatrava, ses concitoyens le crurent. Qui plus est,
ils le reconnurent pour leur souverain et se révoltèrent contre leur
seigneur Ismâîl ibn-Dhî-’n-noun, le prince de Tolède. Ce dernier vint
alors les assiéger, et leur résistance ne fut pas longue. Ayant fait
sortir le soi-disant Hichâm de leur ville, ils se soumirent de nouveau à
leur ancien seigneur[25].

Cependant le rôle de Khalaf n’était pas fini; il ne faisait que
commencer. Le cadi de Séville, quand il fut informé de la réapparition
de Hichâm II, comprit sans tarder le parti qu’il pouvait tirer de cet
homme s’il le faisait venir à Séville. Peu lui importait que ce fût
Hichâm ou un autre; l’essentiel pour lui, c’était que la ressemblance
fût assez grande pour qu’on pût prétendre, sans trop se compromettre,
que c’était Hichâm, et alors une ligue contre les Berbers pourrait
s’organiser en son nom, ligue dont le cadi, en sa qualité de premier
ministre du calife, serait le chef et l’âme. Il fit donc inviter le
prétendant de se rendre à Séville, et lui promit son appui pour le cas
où son identité serait constatée. Le nattier ne se fit pas prier; il
vint à Séville, où le cadi le montra à des femmes du sérail de Hichâm.
Sachant ce qu’elles avaient à dire, elles déclarèrent presque toutes que
cet homme était réellement l’ex-calife, et alors le cadi, s’appuyant sur
leurs témoignages, écrivit au sénat de Cordoue ainsi qu’aux seigneurs
arabes et slaves, pour leur annoncer que Hichâm II se trouvait auprès de
lui et les inviter à prendre les armes pour sa cause[26]. Cette démarche
fut couronnée d’un brillant succès. La souveraineté de Hichâm fut
reconnue par Mohammed ibn-Abdallâh, le prince détrôné de Carmona, qui
avait trouvé un refuge à Séville[27], par Abdalazîz, prince de Valence,
par Modjéhid, prince de Dénia et des îles Baléares, et par le seigneur
de Tortose[28]. A Cordoue le peuple apprit avec enthousiasme qu’il
vivait encore. Moins crédule et jaloux de conserver le pouvoir, le
président de la république, Abou-’l-Hazm ibn-Djahwar, ne fut pas dupe de
cette imposture; mais il savait qu’il lui serait impossible de résister
à la volonté du peuple. Il comprenait la nécessité de l’union des Arabes
et des Slaves sous un seul chef, et il craignait de voir Cordoue
attaquée par les Berbers. Il ne s’opposa donc pas aux désirs de ses
concitoyens, et il permit que l’on prêtât de nouveau serment à Hichâm II
(novembre 1035)[29].

Sur ces entrefaites et pendant que le parti arabe-slave s’armait partout
contre lui, Yahyâ assiégeait Séville ou en ravageait le territoire, bien
résolu à tirer une éclatante vengeance de l’astucieux cadi. Mais il
était entouré de traîtres. Les Berbers de Carmona qu’il avait contraints
à s’enrôler sous sa bannière, étaient fort attachés à leur ancien
seigneur; ils entretenaient des intelligences avec lui, et en octobre
1035, quelques-uns d’entre eux se rendirent secrètement à Séville. Quand
ils y furent arrivés, ils apprirent au cadi et à Mohammed ibn-Abdallâh
qu’il leur serait facile de surprendre Yahyâ, attendu que ce prince
était presque toujours ivre. Le cadi et son allié résolurent aussitôt
de profiter de cet avis. En conséquence, Ismâîl, le fils du cadi, se mit
en marche à la tête de l’armée sévillane et accompagné de Mohammed
ibn-Abdallâh. La nuit venue, il se tint en embuscade avec le gros de ses
forces, et envoya un escadron contre Carmona, dans l’espoir d’attirer
Yahyâ hors de la place. Son projet lui réussit. Yahyâ était occupé à
boire lorsqu’il fut informé de l’approche des Sévillans. Quittant
aussitôt son sofa: «Quel bonheur! s’écria-t-il; Ibn-Abbâd vient me
rendre visite! Qu’on s’arme sans perdre un instant! En selle!» Ses
ordres furent exécutés, et bientôt après il sortit de la ville,
accompagné de trois cents cavaliers. Echauffé par le vin, il se
précipita sur les ennemis, sans prendre le temps de ranger ses troupes
en bataille et quoique l’obscurité l’empêchât presque de distinguer les
objets. Un peu déconcertés d’abord par sa brusque attaque, les Sévillans
y répondirent cependant avec vigueur, et quand enfin ils eurent été
contraints à la retraite, ils rétrogradèrent vers l’endroit où se
trouvait Ismâîl. Dès lors Yahyâ était perdu. Ismâîl fondit sur les
ennemis à la tête de ses chrétiens d’Alafoens, et les mit en déroute.
Yahyâ lui-même fut tué, et peut-être la plupart de ses soldats
auraient-ils partagé son sort, si Mohammed ibn-Abdallâh ne l’eût pas
empêché. Il pria Ismâîl d’épargner ces malheureux. «Presque tous, lui
dit-il, sont des Berbers de Carmona, qui ont été obligés, bien contre
leur gré, à servir un usurpateur qu’ils haïssaient.» Ismâîl céda à ses
instances, et ordonna qu’on cessât la poursuite. Cet ordre à peine
donné, Mohammed galopa vers Carmona pour se remettre en possession de sa
principauté. Les nègres de Yahyâ, qui s’étaient rendus maîtres des
portes de la ville, voulaient lui en interdire l’entrée; mais Mohammed,
secondé par la population, y pénétra par une brèche; puis il se rendit
au palais de Yahyâ, livra les femmes de ce prince à ses fils, et
s’appropria tous ses trésors (novembre 1035).

La nouvelle de la mort de Yahyâ causa une joie indicible tant à Séville
qu’à Cordoue. Le cadi, quand il la reçut, tomba à genoux pour remercier
le ciel, et tous ceux qui l’entouraient suivirent son exemple[30]. Pour
le moment il n’avait plus rien à craindre des Hammoudites. Idrîs, un
frère de Yahyâ, fut bien proclamé calife à Malaga; mais il lui fallait
du temps pour gagner, à force de promesses et de concessions, les chefs
berbers à sa cause, et il fut même hors d’état de réduire à l’obéissance
Algéziras, où son cousin Mohammed avait été proclamé calife par les
nègres[31]. Voyant donc que les circonstances lui étaient propices, le
cadi voulut s’installer, avec le soi-disant Hichâm II, dans le palais
califal de Cordoue. Mais Ibn-Djahwar n’avait nulle envie d’abdiquer le
consulat. Il réussit à convaincre ses concitoyens que le prétendu calife
n’était qu’un imposteur; le nom de Hichâm II fut supprimé dans les
prières publiques, et lorsque le cadi arriva devant les portes de la
ville, il les trouva fermées. N’étant pas assez puissant pour réduire à
main armée une ville aussi considérable, force lui fut de retourner d’où
il était venu[32].

Il résolut alors de tourner ses armes contre le seul prince slave qui
avait refusé de reconnaître Hichâm II. C’était Zohair d’Almérie. Depuis
que le calife Câsim, qui voulait se concilier l’affection des Amirides,
lui avait donné plusieurs fiefs, Zohair avait fait ordinairement cause
commune avec les Hammoudites, et quand Idrîs eut été proclamé calife, il
s’était hâté de le reconnaître[33]. Menacé maintenant par le cadi, il
conclut une alliance avec Habbous de Grenade; puis, l’armée sévillane
s’étant mise en marche, il alla à sa rencontre avec ses propres troupes
et celles de son allié, et la contraignit à la retraite[34].

Il était évident que le cadi avait trop présumé de ses forces, et il
pouvait craindre que le moment ne vînt où les armées d’Almérie et de
Grenade, prenant l’offensive à leur tour, envahiraient le territoire de
Séville. Heureusement pour lui, le hasard, qui le servait presque
toujours à souhait, voulut que l’un de ses ennemis le débarrassât de
l’autre.



II.


A l’époque dont nous parlons, deux hommes également remarquables, mais
qui se portaient une haine mortelle, avaient la conduite des affaires à
Grenade et à Almérie. C’étaient l’Arabe Ibn-Abbâs et le juif Samuel.

Rabbi Samuel ha-Lévi, qu’on nommait ordinairement Ben-Naghdéla, était né
à Cordoue, où il avait étudié le Talmud sous Rabbi Hanokh, le chef
spirituel de la communauté juive. Il s’était appliqué aussi, avec
beaucoup de succès, à l’étude de la littérature arabe et de presque
toutes les sciences que l’on cultivait alors. Au reste, il n’avait été
longtemps rien autre chose qu’un simple marchand d’épicerie, d’abord à
Cordoue, puis à Malaga, où il s’était établi après la prise de la
capitale par les Berbers de Solaimân, lorsqu’un heureux hasard vint
l’arracher à son humble condition.

Sa boutique se trouvait près d’un château qui appartenait à
Abou-’l-Câsim ibn-al-Arîf, le vizir de Habbous, roi de Grenade. Or, les
gens de ce château avaient souvent à écrire à leur maître, mais comme
ils étaient illettrés, ils firent rédiger leurs lettres par Samuel. Ces
lettres excitèrent l’admiration du vizir, car elles étaient écrites avec
la plus grande élégance et artistement émaillées des plus belles fleurs
de la rhétorique arabe. Aussi s’empressa-t-il, quand il eut l’occasion
de venir à Malaga, de s’enquérir de la personne qui les avait composées.
Puis, ayant fait venir le juif: «Il n’est pas digne de toi, lui dit-il,
de rester dans une boutique. Tu mérites de briller à la cour, et si tu
le veux bien, tu seras mon secrétaire.» Samuel accompagna donc le vizir
alors que ce dernier retourna à Grenade, et l’estime qu’Ibn-al-Arîf
avait déjà conçue pour lui ne fit que s’accroître quand, dans leurs
entretiens sur des affaires d’Etat, il découvrit chez lui une rare
intelligence des hommes et des choses, et une sûreté de coup d’œil
vraiment merveilleuse. «Tous les conseils que donnait Samuel, dit un
historien juif, étaient comme si quelqu’un interrogeait la parole de
Dieu.» Aussi le vizir les suivait-il désormais, ce dont il n’eut qu’à se
louer. Puis, étant tombé malade et sentant sa fin approcher, il dit à
son roi qui était venu le visiter et qui ne savait comment remplacer le
fidèle serviteur qu’il allait perdre: «Dans ces derniers temps,
seigneur, je ne vous ai jamais conseillé d’après mon propre cœur,
mais par l’inspiration de mon secrétaire, le juif Samuel. Fixez vos yeux
sur lui, qu’il vous soit un père et un ministre; faites tout ce qu’il
vous conseillera, et Dieu vous sera en aide.» Le roi Habbous suivit ce
conseil. Il accueillit Samuel dans son palais, et ce juif devint son
secrétaire et son conseiller[35].

Dans aucun autre Etat musulman peut-être, un juif n’a gouverné
directement et publiquement sous le titre de vizir et de chancelier.
Souvent, il est vrai, des juifs ont joui d’une certaine considération
auprès des souverains musulmans, qui aimaient surtout à leur confier
l’administration des finances; mais d’ordinaire la tolérance musulmane
n’allait pas jusqu’à souffrir patiemment qu’un juif fût premier
ministre. Aussi la chose, si elle était possible quelque part, ne
l’était qu’à Grenade. Les juifs y étaient si nombreux, qu’on l’appelait
_la ville des juifs_[36], et comme ils étaient riches et puissants, ils
se mêlaient assez souvent des affaires de l’Etat. C’est là, en un mot,
qu’ils avaient trouvé, sinon la terre promise, au moins la manne au
désert et le rocher d’Horeb. L’élévation de Samuel s’explique encore
d’une autre manière. Il n’était pas facile pour le roi de Grenade de
trouver un premier ministre, car, à vrai dire, il ne pouvait confier ce
poste important ni à un Berber ni à un Arabe. Dans ce temps-là on
voulait qu’un ministre fût très-lettré, qu’il fût en état de composer
les lettres que l’on envoyait à d’autres princes et qui s’écrivaient en
prose rimée, dans un style extrêmement recherché. Le roi de Grenade
surtout tenait à des talents de cette nature. Il ressemblait à un
parvenu qui tâche de se donner les airs du grand monde: à demi barbare,
il prenait une peine infinie pour ne pas le paraître. Il se piquait
d’avoir de la littérature, et prétendait même que la nation dont il
était issu, celle de Cinhédja, n’était pas d’origine berbère, mais
d’origine arabe[37]. Il lui fallait donc à tout prix un ministre qui ne
le cédât en rien à ceux de ses voisins. Mais où le trouver? Ses Berbers
savaient fort bien se battre, prendre des villes, les saccager et les
brûler, mais ils étaient incapables d’écrire correctement une seule
ligne dans la langue du Coran. Et quant aux Arabes, qui ne subissaient
son joug qu’en frémissant de rage et de honte, il ne pouvait se fier à
eux. Ils auraient tenu à honneur de le tromper, de le trahir. Dans ces
circonstances un juif tel que Samuel, qui, selon le témoignage des
savants arabes eux-mêmes, avait approfondi toutes les finesses de leur
langue; qui, tout zélé qu’il était pour sa religion, ne se faisait
cependant point scrupule, quand il écrivait à des musulmans, d’employer
les formules religieuses qui leur étaient habituelles[38], devait être
pour lui un véritable trésor. Et il n’eut point à rougir de l’avoir
élevé au rang de premier ministre: son choix fut approuvé même par les
Arabes. Malgré leur intolérance et leurs préjugés contre les enfants
d’Israël, ils étaient forcés d’avouer que Samuel était un génie
supérieur. Et de fait, son savoir était varié et immense. Il était
mathématicien, logicien, astronome[39]; il ne savait pas moins de sept
langues[40]. Joignez-y qu’il était fort généreux envers les poètes et
les hommes de lettres en général. Aussi ceux qu’il avait comblés de ses
faveurs ne tarissaient pas sur son éloge, et le poète Monfatil lui
adressa même ces vers, que les écrivains musulmans ne citent qu’avec une
sainte horreur:

     O toi qui as réuni en ta personne toutes les belles qualités dont
     d’autres ne possèdent qu’une partie, toi qui as rendu la liberté à
     la Générosité captive, tu es supérieur aux hommes les plus libéraux
     de l’Orient et de l’Occident, de même que l’or est supérieur au
     cuivre. Ah! si les hommes pouvaient distinguer la vérité de
     l’erreur, ils n’appliqueraient leur bouche que sur tes doigts. Au
     lieu de chercher à plaire à l’Eternel en baisant la pierre noire à
     la Mecque, ils baiseraient tes mains, car ce sont elles qui
     disposent du bonheur. Grâce à toi, j’ai obtenu ici-bas ce que je
     désirais, et j’espère que, grâce à toi, j’obtiendrai aussi là-haut
     ce que je souhaite. Quand je me trouve auprès de toi et des tiens,
     je professe ouvertement la religion qui prescrit d’observer le
     sabbat, et quand je suis auprès de mon propre peuple, je la
     professe en secret[41].

Mais ce que les Arabes ne pouvaient estimer à sa juste valeur, c’étaient
les services que Samuel rendait à la littérature hébraïque. Et ils
étaient très-considérables. Il publia en hébreu une Introduction au
Talmud et vingt-deux ouvrages relatifs à la grammaire, parmi lesquels le
plus développé et le plus remarquable était le _Livre de richesse_,
qu’un juge fort compétent, un coreligionnaire de Samuel qui florissait
au douzième siècle, met au-dessus de tous les autres ouvrages qui
traitent de la grammaire. Il était aussi poète: il donna des imitations
des Psaumes, des Proverbes et de l’Ecclésiaste. Remplies d’allusions, de
proverbes arabes, de sentences empruntées aux philosophes, d’expressions
rares tirées des poètes sacrés, ces poésies étaient fort difficiles à
comprendre; les juifs, même les plus savants, n’en saisissaient le sens
qu’avec l’aide d’un commentaire[42]; mais comme l’affectation et la
recherche étaient alors aussi communes dans la littérature hébraïque que
dans la littérature arabe qui lui servait de modèle, l’obscurité
comptait plutôt pour un mérite que pour un vice. Il veillait,
d’ailleurs, avec une sollicitude paternelle sur les jeunes étudiants
juifs, et s’ils étaient pauvres, il pourvoyait généreusement à leurs
besoins. Il avait à son service des écrivains qui copiaient le Michnâ et
le Talmud, et il donnait ces copies en cadeau aux élèves qui n’avaient
pas les moyens d’en acheter. Ses bienfaits ne se bornaient pas à ses
coreligionnaires d’Espagne. En Afrique, en Sicile, à Jérusalem, à
Bagdad, partout enfin les juifs pouvaient compter sur son appui et ses
largesses[43]. Aussi les juifs de la principauté de Grenade, voulant lui
donner une preuve de leur estime et de leur reconnaissance, lui avaient
décerné, dès l’année 1027, le titre de _naghîd_, c’est-à-dire de chef ou
prince des juifs de Grenade.

Comme homme d’Etat, il joignait à un esprit vif et lucide un caractère
ferme et une prudence consommée. D’ordinaire--qualité précieuse pour un
diplomate--il parlait peu et pensait beaucoup. Il profitait de toutes
les circonstances avec un savoir-faire merveilleux; il connaissait le
caractère et les passions des hommes, et les moyens de les dominer par
leurs vices. De plus, il était homme du monde. Dans les magnifiques
salles de l’Alhambra il se montrait si parfaitement à son aise, qu’on
l’eût cru né au sein du luxe. Personne ne parlait avec autant
d’élégance ou d’adresse, ne maniait mieux la flatterie, ne savait avec
plus d’art être caressant ou familier dans le discours, entraînant par
sa verve ou persuasif par ses arguments. Et pourtant--chose rare chez
ceux qu’un tour de roue de la fortune élève à une subite opulence et à
une haute dignité--il n’avait rien de la hauteur d’un parvenu, rien de
l’insolente et sotte infatuation généralement familière aux enrichis.
Bienveillant et aimable pour tout le monde, il possédait cette dignité
vraie qui résulte du naturel, du manque absolu de prétentions. Loin de
rougir de son ancienne condition et de la vouloir cacher, il la
glorifiait de son mieux, et imposait par sa simplicité même à ses
détracteurs[44].

Le vizir de Zohair d’Almérie, Ibn-Abbâs, était aussi un homme fort
remarquable. On disait de lui qu’il n’avait point d’égal sous quatre
rapports: le style épistolaire, la richesse, l’avarice et la vanité. Sa
richesse était en effet presque fabuleuse. On évaluait sa fortune à plus
de cinq cent mille ducats[45]. Son palais était meublé avec une
magnificence princière et encombré de serviteurs; il y avait cinq cents
chanteuses, toutes d’une rare beauté; mais ce que l’on y admirait
surtout, c’était une immense bibliothèque, qui, sans compter
d’innombrables cahiers détachés, contenait quatre-cent mille volumes.
Rien ne semblait manquer au bonheur de ce favori de la fortune. Il était
beau et encore jeune, car il comptait à peine trente ans; sa naissance
était fort honorable, car il appartenait à l’ancienne tribu des
défenseurs de Mahomet; il nageait dans l’or, et d’ailleurs, comme il
était fort instruit, qu’il avait la repartie prompte et qu’il
s’exprimait avec beaucoup de correction et d’élégance, il jouissait
d’une haute réputation littéraire. Malheureusement une sorte de vertige
s’était emparé de lui: sa présomption ne connaissait pas de bornes et
elle lui avait fait des ennemis innombrables. Les Cordouans surtout
étaient furieux contre lui, car une fois qu’il était venu dans leur
ville avec Zohair, il avait traité avec le plus grand dédain les hommes
les plus distingués par leur naissance ou par leurs talents, et en
partant il avait dit: «Je n’ai vu ici que des _sâïl_ et des _djâhil_
(des mendiants et des ignorants).» Le fait est que sa présomption tenait
de près à la folie. «Tous les hommes fussent-ils mes esclaves, disait-il
dans ses vers, mon âme ne serait pas encore contente. Elle voudrait
monter à un endroit plus élevé que les plus hautes étoiles, et arrivée
là, elle voudrait monter encore.» Il avait aussi composé ce vers qu’il
répétait à tout propos, mais principalement quand il jouait aux échecs:

     Lorsqu’il s’agit de moi, le Malheur dort toujours,--et défense
     expresse lui a été faite de me frapper.

Cet insolent défi jeté à la destinée avait excité à Almérie
l’indignation de tout le monde, et un hardi poète se fit l’interprète de
l’opinion publique en substituant à la seconde moitié du vers ces mots
qui étaient un pronostic véritable:

     Mais le temps arrivera où la Destinée, qui ne dort jamais,
     l’éveillera (éveillera le Malheur).

Arabe pur sang, Ibn-Abbâs haïssait les Berbers et méprisait les juifs.
Peut-être ne voulait-il pas précisément que son maître se joignît à la
ligue arabe-slave, car dans ce cas Zohair aurait été jeté dans l’ombre
par le chef de cette ligue, le cadi de Séville; mais il s’indignait du
moins de le voir l’allié d’un Berber qui avait pour ministre un juif
qu’il détestait et dont il se savait haï. De concert avec
Ibn-Bacanna[46], le vizir des Hammoudites de Malaga, il avait tâché
d’abord de renverser Samuel. Pour y parvenir, il avait inventé
d’innombrables calomnies, mais sans atteindre son but. Alors il avait
essayé de brouiller son maître avec le roi de Grenade, en l’engageant à
prêter son appui à Mohammed de Carmona, l’ennemi de Habbous, et ce plan
lui avait réussi.

Peu de temps après, dans le mois de juin de l’année 1038[47], Habbous
vint à mourir. Il laissa deux fils, dont l’aîné s’appelait Bâdîs et le
cadet Bologguîn. Les Berbers et quelques juifs voulaient donner le trône
à ce dernier; d’autres juifs, Samuel entre autres, penchaient pour
Bâdîs, de même que les Arabes. Une guerre civile eût donc éclaté, si
Bologguîn n’eût renoncé spontanément à la couronne, et quand il eut
prêté serment à son frère, ses partisans, malgré qu’ils en eussent,
furent obligés de suivre son exemple[48].

Le nouveau prince fit tout ce qu’il put pour rétablir l’alliance avec le
seigneur d’Almérie, et celui-ci déclara enfin que tout serait réglé dans
une entrevue. Accompagné d’un nombreux et magnifique cortége, il se mit
donc en marche, et arriva inopinément devant les portes de Grenade, sans
avoir demandé la permission de franchir la frontière. Bâdîs fut
profondément blessé de cette démarche inconvenante; néanmoins il reçut
le prince d’Almérie avec beaucoup d’égards, régala somptueusement les
gens de sa suite, et les combla de dons. La négociation, toutefois,
n’aboutit pas; ni les princes, ni leurs ministres (Samuel avait
conservé son poste) ne purent s’entendre. Joignez-y que Zohair, qui se
laissait influencer par Ibn-Abbâs, prenait envers Bâdîs un ton de
supériorité fort offensant. Aussi le roi de Grenade songeait déjà à
punir le prince d’Almérie de son insolence, lorsqu’un de ses officiers,
qui s’appelait Bologguîn, se chargea de faire une dernière tentative
pour amener une réconciliation. La nuit venue, il se rendit donc auprès
d’Ibn-Abbâs. «Craignez le châtiment de Dieu, lui dit-il. C’est vous qui
faites obstacle à un raccommodement, car votre maître se laisse guider
par vous. Cependant vous savez aussi bien que nous, qu’à l’époque où
nous agissions de concert, nous étions heureux dans toutes nos
entreprises, de sorte que nous faisions envie à tout le monde. Eh bien,
rétablissons notre alliance! Le point sur lequel nous n’avons pu nous
entendre jusqu’ici, c’est l’appui que vous prêtez à Mohammed de Carmona.
Abandonnez ce prince à son sort, comme notre émir l’exige, et tout le
reste s’arrangera de soi-même.» Ibn-Abbâs lui répondit d’un ton moitié
protecteur, moitié dédaigneux, et quand le Berber essaya de toucher son
cœur en l’embrassant et en versant des larmes: «Epargne-toi ces
démonstrations et ces grands mots, lui dit-il, car ils n’ont aucun effet
sur moi. Ce que je te disais hier, je te le dis aujourd’hui: si toi et
les tiens, vous ne faites pas ce que nous voulons, je ferai en sorte que
vous vous en repentirez.» Exaspéré par ces paroles: «Est-ce là la
réponse que je dois rapporter au conseil?» demanda Bologguîn. «Sans
doute, lui répondit Ibn-Abbâs, et si tu veux me prêter des termes encore
plus forts que ceux dont je me suis servi, je te le permets volontiers.»

Pleurant d’indignation et de rage, Bologguîn retourna auprès de Bâdîs et
de son conseil. Puis, quand il eut rapporté l’entretien qu’il avait eu
avec le vizir: «Cinhédjites, s’écria-t-il, l’arrogance de cet homme est
insupportable. Levez-vous tous pour la rabattre, sinon vos demeures ne
vous appartiennent plus!» Les Grenadins partagèrent son courroux, et
l’autre Bologguîn, le frère de Bâdîs, se montra le plus indigné de tous.
Il somma son frère de prendre à l’instant même les mesures nécessaires
pour punir les Almériens, et Bâdîs le lui promit.

En retournant vers ses Etats, Zohair avait à passer plusieurs défilés et
un pont auquel un village voisin empruntait son nom d’Alpuente. Bâdîs
ordonna de couper ce pont et envoya des soldats qu’il chargea d’occuper
les défilés. Toutefois, comme il était moins exaspéré contre Zohair que
son frère, et qu’il ne désespérait pas encore tout à fait de ramener
l’ancien ami de son père à de meilleurs sentiments, il résolut de le
faire avertir secrètement du péril qui le menaçait. A cet effet il eut
recours à l’entremise d’un officier berber qui servait dans l’armée
almérienne. Cet officier alla trouver Zohair pendant la nuit, et lui
parla en ces termes: «Croyez-moi, seigneur, quand je vous assure que
vous aurez de la difficulté à passer demain les défilés qui se trouvent
sur votre route. Je vous conseille donc de partir à l’instant même; de
cette manière vous serez peut-être en état de traverser les défilés
avant que les Grenadins aient eu le temps de les occuper, et si alors
ils vous poursuivent, vous pourrez leur livrer bataille dans la plaine
ou vous mettre en sûreté dans une de vos forteresses.» Ce conseil parut
ne pas déplaire à Zohair; mais Ibn-Abbâs, qui assistait à cet entretien,
s’écria: «C’est la peur qui le fait parler ainsi.» «Quoi! dit alors
l’officier, c’est en parlant de moi que vous dites cela? De moi qui ai
pris part à vingt batailles, tandis que vous-même, vous n’en avez jamais
vu une seule? Eh bien! vous verrez que l’événement me donnera raison.»
Et il sortit indigné.

Les ennemis d’Ibn-Abbâs (et nous avons déjà dit qu’il en avait beaucoup)
ont prétendu qu’il avait repoussé le conseil de l’officier berber, non
parce qu’il le croyait mauvais, mais parce qu’il désirait que Zohair fût
tué. Ibn-Abbâs, disaient-ils, avait l’ambition de régner à Almérie; il
voulait donc que Zohair trouvât la mort en combattant contre les
Grenadins, et quant à lui-même, il espérait qu’il lui serait possible de
se sauver par la fuite et de se faire proclamer souverain à Almérie.
Peut-être y a-t-il quelque chose de vrai dans cette accusation; nous
verrons du moins que plus tard Ibn-Abbâs se vanta auprès de Bâdîs
d’avoir attiré Zohair dans un piége.

Quoi qu’il en soit, Zohair se vit cerné, le lendemain matin (5 août
1038), par les troupes de Grenade. Ses soldats en furent consternés;
mais lui-même ne perdit pas sa présence d’esprit. Il rangea aussitôt en
bataille ses fantassins noirs, qui étaient au nombre de cinq cents, et
ses Andalous; puis il ordonna à son lieutenant Hodhail de fondre sur les
ennemis à la tête de la cavalerie slave. Hodhail obéit; mais le combat à
peine engagé, il fut démonté, soit par un coup de lance, soit par un
faux pas de son cheval, et alors ses cavaliers prirent la fuite dans le
plus grand désordre. Au même instant Zohair fut trahi par ses nègres,
dans lesquels il avait cependant une grande confiance. Ces nègres
passèrent à l’ennemi, après s’être rendus maîtres du dépôt d’armes. Il
ne restait donc que les Andalous; mais ceux-ci, qui étaient en général
de fort mauvais soldats, n’eurent rien de plus pressé que de s’enfuir,
et bon gré, mal gré, Zohair dut en faire autant. Comme le pont
d’Alpuente était coupé et que les défilés étaient occupés par les
ennemis, les fuyards durent chercher un refuge sur les montagnes. La
plupart furent sabrés par les Grenadins qui ne donnaient point de
quartier; d’autres trouvèrent la mort dans d’effroyables précipices, et
de ce nombre fut Zohair lui-même.

Tous les fonctionnaires civils avaient été faits prisonniers, Bâdis
ayant ordonné d’épargner leur vie. Ibn-Abbâs se trouvait parmi eux. Il
croyait n’avoir rien à craindre et ne s’inquiétait que de ses livres.
«Mon Dieu, mon Dieu, criait-il, que deviendront mes paquets!» Et
s’adressant aux soldats qui le conduisaient vers Bâdîs: «Allez dire à
votre maître, leur dit-il, qu’il prenne bien soin de mes paquets; il ne
faut pas qu’il s’en déchire quelque chose, car ils contiennent des
livres d’une valeur inestimable.» Puis, quand il fut arrivé en présence
de Bâdîs: «Eh bien, lui dit-il en souriant, n’ai-je pas bien servi vos
intérêts, puisque je vous ai livré les chiens que voilà?» et il désigna
du doigt les prisonniers slaves. «Rendez-moi maintenant un service à
votre tour, continua-t-il; ordonnez qu’on respecte mes livres; rien ne
me tient tant au cœur.» Pendant qu’il parlait ainsi, les prisonniers
almériens lui jetaient des regards furieux, et l’un d’entre eux, le
capitaine Ibn-Chabîb, s’écria en s’adressant à Bâdîs: «Seigneur, je vous
en conjure par celui qui vous a donné la victoire, ne laissez pas
échapper cet infâme qui a perdu notre maître. Lui seul est coupable de
tout ce qui est arrivé, et si je puis être témoin de son supplice, je me
laisserai volontiers couper la tête l’instant d’après!» A ces paroles
Bâdîs sourit d’une manière bienveillante, et ordonna de rendre la
liberté au capitaine. Il fut le seul parmi les militaires qui eût la vie
sauve; tous les autres furent livrés successivement au bourreau.
Ibn-Abbâs, au contraire, fut le seul parmi les fonctionnaires civils qui
ne fût pas remis en liberté. L’orgueilleux vizir connut enfin le malheur
qu’il avait défié dans sa folle audace; il voyait s’accomplir la
prédiction du poète almérien. Il fut enfermé dans un cachot de
l’Alhambra, et les chaînes dont on le chargea ne pesaient pas moins de
quarante livres. Il savait que Bâdîs était fort irrité contre lui, et
que Samuel désirait sa mort. Toutefois il conservait encore quelque
espoir; Bâdîs, à qui il avait fait offrir trente mille ducats comme le
prix de sa délivrance, lui avait fait répondre qu’il prendrait sa
demande en considération, et il avait laissé passer presque deux mois
sans rien décider à son égard. Pendant ce temps des influences
contraires se combattaient à la cour de Grenade: d’une part,
l’ambassadeur cordouan sollicitait la liberté des prisonniers et
principalement d’Ibn-Abbâs; de l’autre, l’ambassadeur et le beau-frère
de l’Amiride Abdalazîz de Valence, Abou-’l-Ahwaç Man ibn-Çomâdih,
insistait auprès de Bâdîs pour qu’il mît à mort tous les prisonniers, et
Ibn-Abbâs en premier lieu. Abdalazîz s’était hâté de prendre possession
de la principauté d’Almérie, sous le prétexte qu’elle lui revenait par
droit de dévolution, Zohair ayant été un client de sa famille, et il
craignait que si Ibn-Abbâs et les autres prisonniers recouvraient la
liberté, ils ne lui disputassent le pouvoir. Bâdîs lui-même ne savait à
quel parti s’arrêter; la cupidité et le désir de la vengeance se
combattaient dans son cœur; mais un soir qu’il se promenait à cheval
avec son frère Bologguîn, il lui parla de la proposition d’Ibn-Abbâs et
lui demanda son avis. «Quand vous aurez accepté son argent, lui répondit
Bologguîn, et qu’il aura recouvré la liberté, il vous suscitera une
guerre qui vous coûtera le double de sa rançon. Je suis d’avis que vous
ferez bien de le mettre à mort sans retard.»

La promenade finie, Bâdîs se fit amener son prisonnier et lui reprocha
ses torts dans les paroles les plus dures. Ibn-Abbâs attendit avec
résignation la fin de cette longue invective; puis, quand le roi eut
cessé de parler: «Seigneur, s’écria-t-il, je vous en supplie, ayez pitié
de moi; délivrez-moi de mes peines!--Tu en seras délivré aujourd’hui
même,» lui répondit le prince; et comme il voyait briller une lueur
d’espérance sur la pâle et morne figure de son prisonnier, il se tut
quelques instants. Puis il reprit avec un sourire féroce: «Tu iras là où
tu souffriras bien davantage.» Ensuite il dit à Bologguîn quelques
paroles en berber, langue qu’Ibn-Abbâs ne comprenait pas; mais les
derniers mots que Bâdîs lui avait adressés, son terrible sourire, son
air menaçant et farouche, tout cela lui disait assez clairement que sa
dernière heure allait sonner. «Prince, prince, s’écria-t-il en tombant à
genoux, épargnez ma vie, je vous en conjure! Ayez pitié de mes femmes,
de mes jeunes enfants! Ce n’est pas trente mille ducats que je vous
offre, c’est soixante mille; mais au nom de Dieu, laissez-moi la vie!»

Bâdîs l’écouta sans mot dire; puis, brandissant son javelot, il le lui
plongea dans la poitrine. Son frère Bologguîn et son chambellan Alî
ibn-al-Carawî suivirent son exemple; mais Ibn-Abbâs, qui ne
discontinuait pas d’implorer la clémence de ses bourreaux, ne tomba par
terre qu’au dix-septième coup (24 septembre 1038)[49].

Grenade ne tarda pas à apprendre que le riche et orgueilleux Ibn-Abbâs
avait cessé de vivre. Les Africains s’en réjouirent, mais personne ne
reçut cette nouvelle avec autant de satisfaction que Samuel. Il ne lui
restait maintenant qu’un seul ennemi dangereux, Ibn-Bacanna, et un
pressentiment secret lui disait que celui-là aussi périrait bientôt. De
même que les Arabes, les juifs croyaient alors qu’on entendait parfois
dans son sommeil un esprit qui prédisait l’avenir en vers, et une nuit
qu’il dormait, Samuel entendit une voix qui lui récitait trois vers
hébreux, dont voici le sens:

     Déjà Ibn-Abbâs a péri, ainsi que ses amis et ses affidés; à Dieu
     louange et sanctification! Et l’autre ministre, celui qui
     complotait avec lui, sera promptement abattu et broyé comme la
     vesce. Que sont devenus tous leurs murmures, leur méchanceté et
     leur puissance?--Que le nom de Dieu soit sanctifié[50]!

Peu d’années plus tard, comme nous serons obligé de le raconter, Samuel
vit s’accomplir cette prédiction; tant il est vrai que les sentiments de
haine ou d’amour donnent parfois une singulière prescience de l’avenir.



III.


Bien malgré lui, Bâdîs avait rendu aux coalisés qui reconnaissaient le
soi-disant Hichâm pour calife, un éclatant service alors qu’il fit
assaillir et tuer Zohair. L’Amiride Abdalazîz de Valence, qui, comme
nous l’avons dit, avait pris possession de la principauté d’Almérie, ne
fut pas en état, il est vrai, de prêter du secours à son allié, le cadi
de Séville, car il fut bientôt obligé de se défendre contre Modjéhid de
Dénia, qui voyait de fort mauvais œil l’agrandissement des Etats de
son voisin[51]; mais au moins le cadi n’avait plus à craindre une guerre
contre Almérie, et parfaitement rassuré de ce côté-là, il ne songea
désormais qu’à prendre l’offensive contre les Berbers, en commençant par
Mohammed de Carmona, avec lequel il s’était brouillé. En même temps il
entretenait des intelligences avec une faction à Grenade, et tâchait d’y
faire éclater une révolution.

Bien des gens à Grenade étaient mécontents de Bâdîs. Au commencement de
son règne, ce prince avait donné quelques espérances[52]; mais dans la
suite il s’était montré de plus en plus cruel, perfide, sanguinaire et
adonné à la plus honteuse ivrognerie. D’abord on se plaignit, puis on
murmura, à la fin on conspira.

L’âme du complot était un aventurier qui s’appelait Abou-’l-Fotouh. Né à
une grande distance de l’Espagne, d’une famille arabe établie dans le
Djordjân, l’ancienne Hyrcanie, il avait étudié les belles-lettres, la
philosophie et l’astronomie sous les professeurs les plus renommés de
Bagdad. Mais il était encore autre chose qu’un savant: excellent
cavalier et guerrier intrépide, il appréciait un noble coursier ou une
épée bien trempée aussi bien qu’un beau poème ou un profond traité
scientifique. Arrivé en Espagne dans l’année 1015, probablement pour y
chercher fortune, il passa quelque temps à la cour de Modjéhid de Dénia.
Là il s’entretenait tantôt de littérature avec ce savant prince, ou
travaillait à son commentaire sur le traité grammatical qui porte le
titre de Djomal; tantôt il combattait aux côtés du prince en Sardaigne;
maintefois aussi il méditait sur les questions philosophiques les plus
abstraites, ou tâchait de deviner l’avenir en observant le cours des
astres. Ensuite, étant allé à Saragosse, la résidence de Mondhir, ce
prince le prit d’abord en amitié et lui confia l’éducation de son fils;
mais comme d’après l’observation fort juste, quoiqu’un peu rebattue, de
l’historien arabe que nous suivons ici, les temps changent et les hommes
avec eux, Mondhir lui fit un jour entendre qu’il n’avait plus besoin de
ses services, et que, par conséquent, il lui permettait de quitter
Saragosse. Abou-’l-Fotouh alla alors s’établir à Grenade, où il ouvrit
un cours sur les anciennes poésies, et notamment sur le recueil connu
sous le nom de _Hamâsa_[53]; mais il y fit encore autre chose: sachant
que Bâdîs avait beaucoup d’ennemis, il stimula l’ambition de Yazîr, un
cousin germain du roi, en l’assurant qu’il avait lu dans les étoiles que
Bâdîs perdrait le trône et que son cousin régnerait trente ans. Il
réussit ainsi à former une conspiration; mais Bâdîs ayant découvert le
complot avant le temps fixé pour son exécution, Abou-’l-Fotouh, Yazîr et
les autres conjurés eurent à peine le temps de se soustraire par la
fuite à sa vengeance. Ils allèrent chercher un refuge auprès du cadi de
Séville, sans doute leur complice, bien qu’il soit impossible de dire
jusqu’à quel point il l’était[54].

Sur ces entrefaites, le cadi avait attaqué Mohammed de Carmona, et son
armée, commandée comme à l’ordinaire par son fils Ismâîl, avait déjà
remporté de brillants avantages. Ossuna et Ecija avaient été forcées de
se rendre, Carmona elle-même était assiégée. Réduit à la dernière
extrémité, Mohammed demanda du secours à Idrîs de Malaga et à Bâdîs.
L’un et l’autre répondirent à son appel: Idrîs, qui était malade, lui
envoya des troupes sous les ordres de son ministre Ibn-Bacanna; Bâdîs
vint en personne avec les siennes. Ces deux armées s’étant réunies,
Ismâîl, plein de confiance dans le nombre et dans la bravoure de ses
soldats, leur offrit aussitôt la bataille; mais Bâdîs et Ibn-Bacanna,
voyant que l’ennemi avait la supériorité du nombre ou le croyant du
moins, n’osèrent l’accepter, et sans trop se mettre en peine du seigneur
de Carmona, ils l’abandonnèrent à son sort; l’un reprit la route de
Grenade, l’autre celle de Malaga. Ismâîl se mit aussitôt à la poursuite
des Grenadins. Heureusement pour Bâdîs, il y avait à peine une heure
qu’Ibn-Bacanna s’était séparé de lui; il lui envoya donc en toute hâte
un courrier, en le conjurant de venir à son secours, puisque, sans
cela, il allait être écrasé par les Sévillans. Ibn-Bacanna le rejoignit
sans retard, et les deux armées ayant opéré leur jonction dans le
voisinage d’Ecija, elles attendirent l’ennemi de pied ferme.

Les Sévillans, qui croyaient avoir affaire à une armée en retraite,
furent désagréablement surpris lorsqu’ils vinrent se heurter contre deux
armées parfaitement préparées à les recevoir. Démoralisés par cette
circonstance inattendue, le premier choc suffît pour jeter le désordre
dans leurs rangs. Vainement Ismâîl tâcha-t-il de les rallier et de les
ramener au combat: victime de sa bravoure, il fut tué le premier de
tous. Dès lors les Sévillans ne songèrent plus qu’à se sauver[55].

Demeuré maître du champ de bataille après une si facile victoire et
ayant établi son camp près des portes d’Ecija, Bâdîs fut fort étonné en
voyant venir Abou-’l-Fotouh se jeter à ses pieds. Ce qui l’amenait,
c’était l’amour de sa famille. Il avait été obligé de quitter Grenade
avec tant de précipitation, qu’il avait dû abandonner à leur sort sa
femme et ses enfants. Il savait que Bâdîs les avait fait arrêter par le
nègre Codâm, son grand prévôt, son Tristan-l’Ermite à lui, et que Codâm
les avait fait enfermer à Almuñecar. Or, il aimait passionnément sa
femme, une jeune et belle Andalouse, et sa tendresse pour ses enfants,
un fils et une fille, était extrême. Ne pouvant se résoudre à vivre sans
eux, et craignant surtout que Bâdîs ne se vengeât de son crime sur ces
têtes chéries, il venait maintenant implorer son pardon, et quoiqu’il
connût l’humeur implacable et sanguinaire du tyran, il espérait
néanmoins que cette fois il ne serait pas inflexible, attendu qu’il
avait déjà fait grâce à son oncle Abou-Rîch, qui avait également trempé
dans le complot.

S’agenouillant donc devant le prince:

--Seigneur, lui dit-il, ayez pitié de moi! Je vous assure que je suis
innocent.

--Quoi, s’écria Bâdîs le regard enflammé de colère, tu oses te présenter
devant moi? Tu as semé la discorde dans ma famille, et à présent tu
viens me dire que tu n’es pas coupable! Crois-tu donc qu’il soit si
facile de me tromper?

--Pour l’amour de Dieu, soyez clément, seigneur! Souvenez-vous qu’un
jour vous m’avez pris sous votre protection, et que, condamné à vivre
loin des lieux qui m’ont vu naître, je suis déjà assez malheureux. Ne
m’imputez pas le crime commis par votre cousin; je n’y ai participé
d’aucune manière. Il est vrai que je l’ai accompagné dans sa fuite; mais
je l’ai fait parce que, comme vous me saviez lié avec lui, je craignais
d’être puni comme son complice. Me voici devant vous: si vous le voulez
absolument, je suis prêt à m’avouer coupable d’un crime dont je suis
innocent, pourvu que de cette manière je puisse obtenir votre pardon.
Traitez-moi comme il sied à un grand roi, à un monarque qui est placé
trop haut pour avoir de la rancune contre un pauvre homme comme moi, et
rendez-moi ma famille.

--Certes, je te traiterai comme tu le mérites, s’il plaît à Dieu.
Retourne à Grenade; tu y retrouveras ta famille, et quand j’y serai
revenu, je règlerai tes affaires.

Rassuré par ces paroles, dont il ne remarqua pas d’abord l’ambiguïté,
Abou-’l-Fotouh prit le chemin de Grenade sous l’escorte de deux
cavaliers. Mais quand il fut arrivé dans le voisinage de la ville, Codâm
le nègre exécuta les ordres qu’il venait de recevoir de son maître. Il
fit donc arrêter Abou-’l-Fotouh par ses satellites, qui, après lui avoir
rasé la tête, le placèrent sur un chameau. Un nègre d’une force
herculéenne monta derrière lui, et se mit à le souffleter sans relâche.
De cette manière il fut promené par les rues, après quoi on le jeta dans
un cachot fort étroit, qu’il dut partager avec un de ses complices, un
soldat berber qui avait été fait prisonnier dans la bataille d’Ecija.

Plusieurs jours se passèrent. Bâdîs était déjà de retour et pourtant il
n’avait encore rien décidé à l’égard d’Abou-’l-Fotouh. Cette fois, au
rebours de ce qui s’était passé alors qu’il s’agissait d’Ibn-Abbâs,
c’était Bologguîn qui l’empêchait de prononcer l’arrêt fatal. Bologguîn
s’intéressait au docteur, on ne sait pourquoi; il tâchait de prouver son
innocence, et il le défendait avec tant de chaleur, que Bâdîs, craignant
de le mécontenter, hésitait à prendre une résolution. Mais un jour que
Bologguîn se grisait dans une orgie--ce qui lui arrivait fréquemment, de
même qu’à son frère--Bâdîs se fit amener Abou-’l-Fotouh ainsi que son
compagnon. Dès qu’il vit le docteur, il vomit contre lui un torrent
d’injures; après quoi il continua en ces termes: «Tes étoiles ne t’ont
servi de rien, menteur que tu es! N’avais-tu pas promis à ton émir, à ce
pauvre imbécile dont tu avais fait ta dupe, qu’il m’aurait bientôt en
son pouvoir et qu’il régnerait trente ans sur mes Etats? Pourquoi
n’as-tu pas plutôt dressé ton propre horoscope? Tu aurais pu te
préserver alors d’un grand malheur. Ta vie, misérable, est à présent
entre mes mains!»

Abou-’l-Fotouh ne lui répondit rien. Quand il espérait revoir une épouse
et des enfants qu’il adorait, il s’était abaissé à la prière et au
mensonge; mais à présent, pleinement convaincu que rien ne pourrait
fléchir ce perfide et farouche tyran, il retrouva toute sa fierté, toute
la force de son âme, toute l’énergie de son caractère. Les yeux fixés
sur le sol, un sourire méprisant sur les lèvres, il garda un silence
plein de dignité. Cette attitude noble et calme mit le comble à
l’irritation de Bâdîs. Ecumant de rage, il bondit de son siége, et
tirant son épée, il la plongea dans le cœur de sa victime.
Abou-’l-Fotouh reçut le coup fatal sans sourciller, sans qu’une plainte
s’échappât de sa poitrine, et son courage arracha à Bâdîs lui-même un
cri d’admiration involontaire. Puis, s’adressant à Barhoun, un de ses
esclaves: «Tu couperas la tête à ce cadavre, lui dit le roi, et tu la
feras attacher à un poteau. Quant au corps, tu l’enterreras à coté de
celui d’Ibn-Abbâs. Il faut que mes deux ennemis reposent l’un à côté de
l’autre jusqu’au jour du dernier jugement.... Et maintenant c’est ton
tour. Approche, soldat!»

Le Berber auquel s’adressaient ces paroles était en proie à une
indicible angoisse et tremblait de tous ses membres. Tombant à genoux,
il tâcha de s’excuser de son mieux et conjura le prince d’épargner sa
vie. «Misérable, lui dit alors Bâdîs, as-tu donc perdu toute honte? Le
docteur chez qui un peu de crainte eût été excusable, a subi la mort
avec un courage héroïque, comme tu as pu le voir; il n’a pas daigné
m’adresser une seule parole, et toi, vieux guerrier, toi qui te comptais
parmi les plus braves, tu montres tant de lâcheté? Que Dieu n’ait pas
pitié de toi, misérable!» Et il lui coupa la tête. (20 octobre 1039.)

Ainsi que Bâdîs l’avait ordonné, Abou-’l-Fotouh fut enseveli à côté
d’Ibn-Abbâs. Les regrets de la partie intelligente et lettrée de la
population de Grenade le suivirent dans la tombe, et maintefois, en
passant près de l’endroit qui renfermait sa dépouille mortelle, l’Arabe,
condamné à porter en silence le joug d’un étranger et d’un barbare,
murmurait tout bas: «Ah! quels savants incomparables étaient-ils, ceux
dont les ossements reposent ici!... Dieu seul est immortel; que son nom
soit glorifié et sanctifié!»[56]



IV.


Le sanguinaire tyran de Grenade devenait de plus en plus le chef de son
parti. Il est vrai qu’il reconnaissait encore la suzeraineté des
Hammoudites de Malaga, mais ce n’était que pour la forme. Ces princes
étaient très-faibles: ils se laissaient dominer par leurs ministres, ils
s’exterminaient les uns les autres par le fer ou par le poison, et loin
de pouvoir songer à contrôler leurs puissants vassaux, ils s’estimaient
heureux s’ils réussissaient à régner, avec quelque apparence de
tranquillité, sur Malaga, Tanger et Ceuta.

Il y avait, d’ailleurs, une profonde différence entre ces deux cours. A
celle de Grenade il n’y avait que des Berbers ou des hommes qui, comme
le juif Samuel, agissaient constamment dans l’intérêt berber. Il y
régnait, par conséquent, une remarquable unité de vues et de plans. A la
cour de Malaga, au contraire, il y avait aussi des Slaves, et tôt ou
tard les jalousies, les rivalités, les haines, qui avaient tant
contribué à renverser les Omaiyades, devaient s’y faire jour.

Le calife Idrîs Ier, déjà malade au moment où il envoya ses troupes
contre les Sévillans, rendit le dernier soupir deux jours après qu’il
eut reçu la tête d’Ismâîl, qui avait été tué dans la bataille d’Ecija.
Aussitôt la lutte s’engage entre Ibn-Bacanna, le ministre berber, et
Nadjâ, le ministre slave. Le premier veut donner le trône à Yahyâ, le
fils aîné d’Idrîs, pleinement convaincu que dans ce cas le pouvoir lui
appartiendra. Le Slave s’y oppose. Premier ministre dans les possessions
africaines, il y proclame calife Hasan ibn-Yahyâ, un cousin germain de
l’autre prétendant, et prépare tout pour passer le Détroit avec lui.
D’un caractère moins ferme, moins audacieux, le ministre berber se
laisse intimider par l’attitude menaçante du Slave. Ne sachant à quelle
résolution s’arrêter, il veut tantôt persister dans son projet, et
tantôt y renoncer. Dans son indécision, il néglige de prendre les
mesures nécessaires. Tout à coup il voit la flotte africaine mouiller
dans la rade de Malaga. Il s’enfuit en toute hâte, et se retire à
Comarès avec son prétendant. Hasan, maître de la capitale, lui fait dire
qu’il lui pardonne et qu’il lui permet de revenir. Le Berber se fie à sa
parole, mais on lui coupe la tête. La prédiction que le juif Samuel
avait cru entendre dans son rêve, s’était donc accomplie.

Bientôt après, le compétiteur de Hasan fut aussi mis à mort. Peut-être
Nadjâ fut-il seul coupable de ce crime, comme quelques historiens
donnent à l’entendre; mais Hasan dut en subir la punition. Il fut
empoisonné par sa femme, la sœur du malheureux Yahyâ.

Alors Nadjâ crut pouvoir se passer d’un prête-nom. D’un souverain il
voulait posséder non-seulement l’autorité, mais aussi le titre. Ayant
donc tué le fils de Hasan, qui était encore fort jeune, et jeté son
frère Idrîs en prison, il se proposa hardiment aux Berbers comme
souverain, et tâcha de les gagner par les promesses les plus brillantes.
Quoique profondément indignés de son incroyable audace, de son ambition
sacrilége--car ils avaient pour les descendants du Prophète une
vénération presque superstitieuse--les Berbers crurent toutefois devoir
attendre, pour le punir, un moment plus favorable. Ils répondirent donc
qu’ils lui obéiraient et lui prêtèrent serment.

Nadjâ annonça alors son intention d’aller enlever Algéziras au
Hammoudite Mohammed qui y régnait. On se mit en campagne; mais déjà dans
les premières rencontres avec l’ennemi, le Slave put remarquer que les
Berbers se battaient mollement et qu’il ne pouvait pas compter sur eux.
Il crut donc agir sagement en donnant l’ordre de la retraite. Il avait
formé le projet d’exiler les Berbers les plus suspects dès qu’il serait
de retour dans la capitale, de gagner les autres à force d’argent, et de
s’entourer d’autant de Slaves que cela lui serait possible. Mais ses
ennemis les plus acharnés furent informés de son plan ou le devinèrent,
et au moment où l’armée passait par un étroit défilé, ils fondirent sur
l’usurpateur et le tuèrent (5 février 1043[57]).

Pendant que la plus grande confusion régnait parmi les troupes, les
Berbers poussant des cris de joie et les Slaves prenant la fuite parce
qu’ils craignaient de partager le sort de leur chef, deux des meurtriers
galopèrent vers Malaga à bride abattue. En arrivant dans la ville:
«Bonne nouvelle, bonne nouvelle, crièrent-ils, l’usurpateur est mort!»
Puis, se précipitant sur le lieutenant de Nadjâ, ils l’assassinèrent.
Idrîs, le frère de Hasan, fut tiré de sa prison et proclamé calife.

Dès lors le rôle des Slaves était fini à Malaga; mais la tranquillité,
un moment rétablie, ne fut pas de longue durée.

Idrîs II n’était pas, à coup sûr, un grand esprit, mais il était bon,
charitable, presque exclusivement occupé de répandre des bienfaits. S’il
n’eût tenu qu’à lui, personne n’eût été malheureux. Il rappela tous les
exilés, de quelque parti qu’ils fussent, et leur rendit leurs biens;
jamais il ne voulait prêter l’oreille à un délateur; chaque jour il
faisait distribuer cinq cents ducats aux pauvres. Sa sympathie pour les
hommes du peuple, avec lesquels il aimait à s’entretenir, contrastait
singulièrement avec le faste, l’ostentation et la scrupuleuse étiquette
de sa cour. En leur qualité de descendants du gendre du Prophète, les
Hammoudites étaient, aux yeux de leurs sujets, presque des demi-dieux.
Pour entretenir une illusion si favorable à leur autorité, ils se
montraient rarement en public et s’entouraient d’une sorte de mystère.
Idrîs lui-même, malgré la simplicité de ses goûts, ne s’écarta pas du
cérémonial établi par ses prédécesseurs: un rideau le dérobait aux
regards de ceux qui lui parlaient; seulement, comme il était la bonhomie
en personne, il oubliait parfois son rôle. Un jour, par exemple, un
poète de Lisbonne lui récita une ode. Il vanta sa charité et glorifia
aussi sa noble origine. «Tandis que les autres mortels ont été créés
d’eau et de poussière, disait-il dans son langage bizarre, les
descendants du Prophète ont été créés de l’eau la plus pure, l’eau de la
justice et de la piété. Le don de la prophétie est descendu sur leur
aïeul, et l’ange Gabriel, invisible pour nous, plane sur leur tête. Le
visage d’Idrîs, le commandeur des croyants, ressemble au soleil levant,
qui éblouit par ses rayons les yeux de ceux qui le regardent, et
pourtant, prince, nous voudrions vous voir, afin de pouvoir profiter de
votre lumière, émanation de celle qui entoure le seigneur de
l’univers.» «Lève le rideau!» dit alors le calife à son chambellan, car
jamais il ne repoussait une prière. Plus heureux que cette pauvre amante
de Jupiter qui périt victime de sa fatale curiosité, le poète put alors
contempler à son aise la figure de son Jupiter à lui, laquelle, si elle
ne répandait pas une lumière foudroyante, portait au moins l’empreinte
de la bienveillance et de la bonté. Peut-être lui plut-elle mieux, telle
qu’elle était, que si elle eût été entourée de ces rayons éblouissants
dont il avait parlé dans ses vers. Il est certain du moins qu’ayant reçu
un beau cadeau, il se retira fort content.

Malheureusement pour la dignité et la sûreté de l’Etat, Idrîs joignait à
une grande bonté de cœur une extrême faiblesse de caractère. Il ne
savait ou n’osait rien refuser à qui que ce fût. Bâdîs ou un autre lui
demandait-il un château ou autre chose, il lui accordait toujours sa
demande. Un jour Bâdîs le somma de lui livrer son vizir, lequel avait eu
le malheur de lui déplaire. «Hélas, mon ami, dit alors Idrîs à son
ministre, voici une lettre du roi de Grenade dans laquelle il me demande
de vous mettre entre ses mains. J’en suis bien affligé, mais vraiment,
je n’ose lui répondre par un refus.--Faites donc ce qu’il veut, répondit
cet excellent homme, un vieux serviteur de la famille; Dieu me donnera
des forces, et vous verrez que je saurai supporter mon sort avec
résignation et avec courage.» Arrivé à Grenade, il eut la tête
coupée....

Tant de faiblesse irrita les Berbers, déjà blessés par la sympathie
qu’Idrîs montrait pour le peuple, par ses tendances socialistes comme on
dirait aujourd’hui; mais elle exaspéra surtout les nègres. Accoutumés au
régime du fouet, du sabre et de la potence, ils méprisaient un maître
qui ne prononçait jamais un arrêt de mort. Il y avait donc beaucoup de
mécontentement, lorsque le gouverneur du château d’Airos[58] donna le
signal de la révolte. Geôlier des deux cousins d’Idrîs, il les remit en
liberté, et proclama calife l’aîné, Mohammed. Alors les nègres qui
formaient la garnison du château de Malaga, se mirent en insurrection et
invitèrent Mohammed à se rendre au milieu d’eux. Le peuple de Malaga,
toutefois, rempli d’amour pour le prince qui avait été son bienfaiteur,
ne l’abandonna pas à l’heure du danger. Ces braves gens accoururent en
foule auprès de lui et demandèrent à grands cris des armes, en
l’assurant que, s’ils en avaient, les nègres ne tiendraient pas une
heure dans le château. Idrîs les remercia de leur dévoûment, mais il
refusa leur offre en disant: «Retournez dans vos demeures; je ne veux
pas qu’il périsse un seul homme pour ma querelle.» Mohammed put donc
faire son entrée dans la capitale, et Idrîs alla le remplacer dans la
prison d’Airos. Ils avaient échangé leurs rôles (1046-7).

Le nouveau calife ne ressemblait pas à son prédécesseur, mais à sa mère,
une vaillante amazone qui aimait à vivre dans les camps, à surveiller
les préparatifs d’une bataille ou les travaux d’un siége, à stimuler par
ses paroles ou par son or le courage des soldats. Il poussait la
bravoure jusqu’à la témérité; mais il était en même temps d’une sévérité
inexorable, et si Idrîs avait manqué d’énergie, Mohammed (tel, du moins,
fut bientôt l’avis des auteurs de la révolution) n’en avait que trop.
C’était la fable des grenouilles qui avaient demandé un roi à Jupiter. A
l’exemple de la «gent marécageuse,» comme dit le bon la Fontaine,
Berbers et nègres en vinrent bientôt à maudire la terrible grue et à
regretter le pacifique soliveau. Un complot se forma; les conjurés
entrèrent en négociations avec le gouverneur d’Airos qui se laissa
facilement gagner par eux, et qui rendit la liberté à Idrîs II, après
l’avoir reconnu pour calife. Cette fois Idrîs ne recula pas devant
l’idée d’une guerre civile; le monotone séjour dans un cachot avait
vaincu ses scrupules; mais Mohammed, soutenu par sa mère, combattit ses
adversaires avec tant de vigueur, qu’il les contraignit à mettre bas les
armes. Cependant ils ne lui livrèrent pas Idrîs; avant de faire leur
soumission, ils le firent passer en Afrique, où commandaient deux
affranchis berbers, à savoir Sacaute[59], qui était gouverneur de
Ceuta, et Rizc-allâh, qui l’était de Tanger. Sacaute et Rizc-allâh
l’accueillirent avec beaucoup d’égards et firent faire les prières
publiques en son nom; mais au reste ils ne lui concédèrent aucune
autorité réelle; jaloux de leur propre pouvoir, ils le gardèrent
étroitement, l’empêchèrent de se montrer en public, et ne permirent à
personne d’approcher de lui. Quelques seigneurs berbers, ennemis secrets
des deux gouverneurs, trouvèrent cependant le moyen de lui parler et lui
dirent: «Ces deux esclaves vous traitent comme un captif et vous
empêchent de gouverner par vous-même. Donnez-nous plein pouvoir et nous
saurons bien vous délivrer.» Mais Idrîs, toujours doux et débonnaire,
refusa leur offre; dans la candeur de son âme, il raconta même aux deux
gouverneurs tout ce qu’il venait d’entendre. Les seigneurs en question
furent frappés à l’instant même d’une sentence d’exil; mais comme il y
avait peut-être quelque raison de craindre qu’une autre fois Idrîs ne
prêtât l’oreille aux insinuations des mécontents, Sacaute et Rizc-allâh
le renvoyèrent en Espagne, sans cesser toutefois de le reconnaître comme
calife dans les prières publiques. Idrîs alla chercher un asile auprès
du chef berber de Ronda[60].

Sur ces entrefaites, les mécontents de Malaga avaient imploré le secours
de Bâdîs. Celui-ci déclara d’abord la guerre à Mohammed, mais bientôt
après, il se réconcilia avec lui. Alors on proclama le prince
d’Algéziras, qui portait aussi le nom de Mohammed et qui prit à son tour
le titre de calife. A cette époque il y en avait donc quatre depuis
Séville jusqu’à Ceuta: c’étaient le soi-disant Hichâm II à Séville,
Mohammed à Malaga, l’autre Mohammed à Algéziras, et enfin Idrîs II. Deux
d’entre eux n’avaient en réalité aucun pouvoir; les deux autres étaient
des princes d’une mince importance, des roitelets, et l’abus du titre de
calife était d’autant plus ridicule que, dans sa véritable acception, il
indiquait le souverain de tout le monde musulman.

Le prince d’Algéziras échoua dans sa tentative. Abandonné par ceux qui
l’avaient appelé, il retourna précipitamment dans son pays, et mourut,
peu de jours après, de honte et de douleur (1048-9).

Quatre ou cinq ans plus tard, Mohammed de Malaga rendit aussi le dernier
soupir. Un de ses neveux (Idrîs III) aspira au trône, mais sans succès;
cette fois, on rétablit le bon Idrîs II, et le destin ayant enfin cessé
de le persécuter, il régna paisiblement jusqu’à ce qu’il payât, lui
aussi, son tribut à la nature (1055). Un autre Hammoudite crut régner à
sa place, mais Bâdîs frustra ses espérances. Véritable chef du parti
berber, le roi de Grenade ne voulait plus d’un calife; il avait résolu
d’en finir avec les Hammoudites et d’incorporer la principauté de Malaga
dans ses Etats. Il exécuta son projet sans rencontrer de grands
obstacles. Les Arabes, il est vrai, ne se soumirent à lui qu’à
contre-cœur; mais ayant gagné les plus influents d’entre eux, tels
que le vizir-cadi Abou-Abdallâh Djodhâmî[61], il se soucia peu des
murmures des autres; et quant aux Berbers, comme ils étaient convaincus
de la faiblesse de leurs princes et de la nécessité de s’unir
étroitement à leurs frères de Grenade, s’ils voulaient se maintenir
contre le parti arabe qui gagnait chaque jour du terrain dans le
Sud-ouest, ils favorisèrent les projets de Bâdîs plutôt qu’ils ne les
contrarièrent. Le roi de Grenade devint donc maître de Malaga et tous
les Hammoudites furent exilés. Ils jouèrent encore un rôle en Afrique,
mais celui qu’ils avaient rempli en Espagne était terminé[62].



V.


Afin de ne pas interrompre notre rapide esquisse de l’histoire de la
principauté de Malaga, nous avons tant soit peu anticipé sur les
événements, et comme à présent nous allons jeter un coup d’œil sur
les progrès que le parti arabe avait faits dans cet intervalle, nous
devons nous reporter quelques années en arrière.

Le cadi de Séville, Abou-’l-Câsim Mohammed, étant mort à la fin de
janvier 1042, son fils Abbâd, qui comptait alors vingt-six ans, lui
avait succédé sous le titre de _hâdjib_, ou premier ministre du
soi-disant Hichâm II. Dans l’histoire il est connu sous le nom de
Motadhid, et bien qu’il ne prît ce titre que plus tard, nous
l’appellerons ainsi dès à présent, afin d’éviter la confusion qu’un
changement de nom pourrait faire naître.

Le nouveau chef du parti arabe dans le Sud-ouest réalisait en sa
personne une des physionomies les plus accentuées qu’ait jamais
produites la verte vieillesse d’une société. C’était en tout point le
digne rival de Bâdîs, le chef de la faction opposée. Soupçonneux,
vindicatif, perfide, tyrannique, cruel et sanguinaire comme lui, comme
lui adonné à l’ivrognerie, il le surpassait en luxure. Nature mobile et
voluptueuse s’il en fut, ses appétits étaient insatiables et incessants.
Aucun prince d’alors n’avait un sérail aussi nombreux que le sien: huit
cents jeunes filles, assure-t-on, y entrèrent successivement[63].

D’ailleurs, malgré la ressemblance générale, les deux princes n’avaient
pas tout à fait le même caractère; leurs goûts, leurs habitudes
différaient sur bien des points. Bâdîs était un barbare ou peu s’en
faut; il dédaignait les belles manières, la culture de l’esprit, la
civilisation. Point de poètes dans les salles de l’Alhambra; parlant
ordinairement le berber, Bâdîs aurait à peine compris leurs odes.
Motadhid, au contraire, avait reçu une éducation soignée; il ne pouvait
prétendre, à la vérité, au titre de savant; il n’avait pas fait de
vastes lectures; mais, comme il était doué d’un tact fin et pénétrant et
d’une excellente mémoire, il savait plus qu’un homme du monde ne sait
ordinairement. Les poèmes qu’il composa, et qui, indépendamment de leur
valeur littéraire, ne sont pas sans intérêt quand on veut connaître à
fond son caractère, lui valurent parmi ses contemporains la réputation
d’un bon poète[64]. Il était ami des lettres et des arts. Pour un peu
d’encens, il comblait les poètes de cadeaux. Il aimait à faire bâtir de
magnifiques palais[65]. Jusque dans la tyrannie il apportait une
certaine érudition; il avait pris pour modèle le calife de Bagdad dont
il avait adopté le titre, tandis que Bâdîs ignorait probablement à
quelle époque ce calife avait vécu. Buveurs tous les deux, Bâdîs se
grisait brutalement, grossièrement, sans honte ni vergogne, comme un
rustre ou comme un troupier. Motadhid, toujours homme du monde, toujours
grand seigneur, ne faisait rien sans grâce; il apportait un certain bon
goût, une certaine distinction, jusque dans ses orgies, et tout en
buvant d’une manière immodérée, lui-même et ses compagnons de débauche
improvisaient des chansons bachiques qui se distinguaient par un tact
merveilleux, par une grande délicatesse d’expression. Sa puissante
organisation se prêtait également au plaisir et au travail; viveur
effréné et travailleur prodigieux, il passait de la fièvre des passions
à celle des affaires. Il aimait à s’absorber tout entier dans ses
occupations de prince, mais après des efforts surhumains qu’il faisait
pour regagner le temps donné aux plaisirs, il lui fallait l’ivresse de
nouveaux désordres pour retremper ses forces[66]. Chose étrange! ce
tyran dont le terrible regard faisait trembler les nombreuses beautés de
son sérail, a composé pour quelques-unes d’entre elles des vers d’une
galanterie exquise, d’une suavité charmante.

Il y avait donc entre Bâdîs et Motadhid la distance qui sépare le
scélérat barbare du scélérat civilisé; mais, à tout prendre, le barbare
était le moins profondément dépravé des deux. Bâdîs apportait une
certaine franchise brutale jusque dans le crime; Motadhid était
impénétrable, même pour ses affidés. Tandis que son regard scrutateur
épiait sans cesse les pensées les plus secrètes des autres et les
devinait, personne ne surprenait jamais un mouvement de sa physionomie
ni un accent de sa parole[67]. Le prince de Grenade payait de sa
personne sur les champs de bataille; celui de Séville, quoiqu’il fût
presque constamment en guerre et qu’il ne manquât pas de courage, ne
commanda ses troupes qu’une ou deux fois dans toute sa vie; d’ordinaire
il traçait du fond de sa tanière, comme dit un historien arabe, les
plans de campagne à ses généraux[68]. Les ruses de Bâdîs étaient
grossières et il était facile de les déjouer; celles de Motadhid, bien
calculées et subtiles, échouaient rarement. C’était là son fort, et l’on
raconte à ce sujet une histoire qui mérite d’être rapportée.

En guerre contre Carmona, Motadhid entretenait une correspondance
secrète avec un habitant arabe de cette ville, qui l’informait des
mouvements et des desseins des Berbers. Afin que les lettres qu’ils
s’écrivaient ne fussent pas interceptées et que personne ne soupçonnât
leurs intrigues, il fallait naturellement une grande circonspection. Or,
Motadhid, d’après un plan qu’il avait concerté avec son espion, fit
venir un jour dans son palais un paysan des environs, homme simple et
sans malice s’il en fut, et lui dit: «Ote ta casaque qui ne vaut rien,
et revêts cette _djobba_. Elle est assez belle comme tu vois, et je t’en
fais cadeau à condition que tu feras ce que je vais te dire.» Rempli de
joie, le paysan revêtit la _djobba_ sans soupçonner que la doublure de
cet habit cachait une lettre que Motadhid voulait faire tenir à son
espion, et promit d’exécuter fidèlement les ordres que le prince
voudrait bien lui donner. «Fort bien, reprit alors Motadhid; voici ce
que tu as à faire: tu prendras le chemin de Carmona; quand tu seras
arrivé dans le voisinage de cette ville, tu ramasseras du bois et tu en
formeras un fagot. Cela fait, tu entreras dans la ville et tu iras le
mettre à l’endroit où les marchands de fagots se tiennent ordinairement;
mais tu ne vendras le tien qu’à celui qui t’en offrira cinq dirhems.»

Le paysan, quoiqu’il ne devinât nullement le motif de ces ordres
singuliers, s’empressa d’y obéir. Il partit donc de Séville, et arrivé
près de Carmona, il se mit à fagoter; mais comme il n’en avait pas
l’habitude et qu’il y a fagots et fagots selon le proverbe, il entra
dans la ville avec un faisceau de branchages bien maigre, bien chétif,
et alla se placer sur le marché.

--Combien coûte-t-il, ce fagot? lui demanda un passant.

--Cinq dirhems, sans en rien rabattre; c’est à prendre ou à laisser, lui
répondit le paysan.

L’autre lui rit au nez.

--Bon Dieu! dit-il, c’est donc sans doute de l’ébène que tu as là?

--Mais non, dit un autre, c’est du bambou.

Et chacun de lancer son petit bon-mot au paysan et de le railler.

Déjà le jour baissait, lorsqu’un homme qui n’était autre que l’espion de
Motadhid, s’approcha du paysan, et lui ayant demandé le prix de son
fagot, il l’acheta; après quoi il lui dit:

--Prends ce bois sur tes épaules et porte-le à ma demeure. Je vais te
montrer le chemin.

Quand ils furent arrivés à la maison, le paysan déposa sa charge, et
ayant reçu ses cinq dirhems, il voulut s’en aller.

--Où vas-tu à cette heure avancée? lui demanda le maître de la maison.

--Je vais sortir de la ville, car je ne suis pas d’ici, lui répondit le
paysan.

--Y songes-tu? Ignores-tu donc qu’il y a des brigands sur les routes?
Reste ici; je suis à même de t’offrir un souper et un gîte, et demain de
bonne heure tu pourras te remettre en voyage.

Le paysan accepta cette offre avec reconnaissance. Bientôt un bon souper
lui fit oublier les railleries auxquelles il avait été en butte, et
quand il eut mangé d’un excellent appétit:

--Apprends-moi maintenant d’où tu viens, lui dit son hôte.

--Des environs de Séville, où je demeure.

--Dans ce cas, mon frère, tu me parais bien courageux, bien hardi,
d’avoir osé venir ici, car tu dois connaître la cruauté, la férocité de
nos Berbers, tu dois savoir qu’ils vous tuent un homme en moins de rien.
C’est sans doute quelque grave motif qui t’amène?

--Nullement; mais il faut gagner sa vie, et puis, personne ne s’avisera
de maltraiter un pauvre paysan inoffensif comme moi.

On causa jusqu’à ce que le paysan se sentît gagner par le sommeil. Son
hôte le conduisit alors au gîte qu’il lui destinait. L’autre voulut se
coucher sans se déshabiller; mais l’homme de Carmona lui dit:

--Ote ta _djobba_; tu dormiras mieux alors et tu te réveilleras plus
rafraîchi, car la nuit est tiède.

Le paysan le fit et bientôt après il dormait profondément. Alors
l’espion prit la _djobba_, en décousit la doublure, trouva la lettre de
Motadhid, la lut, y répondit sur-le-champ, mit sa propre lettre à la
place de celle du prince, recousit la doublure sans qu’il y parût, et
remit la _djobba_ à l’endroit où le paysan l’avait mise. Ce dernier,
s’étant levé le lendemain de bonne heure, la revêtit, et après avoir
remercié l’habitant de Carmona de sa généreuse hospitalité, il reprit la
route de Séville.

Quand il y fut de retour, il se présenta devant Motadhid et lui raconta
ses aventures.

--Je suis content de toi, lui dit alors le prince d’un air bienveillant,
et tu mérites une récompense. Ote donc ta _djobba_ et laisse-la-moi;
voici un habillement complet dont je te fais cadeau.

Se sentant à peine de joie, le paysan prit les beaux habits que le
prince lui offrait, et alla raconter avec un certain orgueil à ses amis,
à ses voisins, à tous ceux qu’il connaissait, que le prince lui avait
donné des vêtements d’honneur, tout comme s’il eût été un homme
d’importance, un haut fonctionnaire ou une altesse. Qu’il avait servi de
courrier extraordinaire, de porteur de dépêches tellement importantes,
qu’elles lui eussent coûté la vie, si les Berbers les eussent trouvées
sur lui, c’est ce dont il n’eut pas le moindre soupçon[69].

Il était bien rusé, le prince de Séville, bien fertile en expédients,
en stratagèmes, en artifices de tout genre; il avait à son service tout
un arsenal d’embûches, et malheur à celui qui avait provoqué sa colère!
Un tel homme avait beau chercher un asile dans un autre pays: fût-il
allé se cacher au bout du monde, la vengeance du prince l’atteignait
infailliblement. Un aveugle, raconte-t-on, avait été privé par Motadhid
de la plus grande partie de ses biens; il en avait dépensé le reste, et,
complétement ruiné, il était allé comme pèlerin mendiant à la Mecque. Là
il maudissait sans cesse et en public le tyran qui l’avait réduit à la
mendicité. Motadhid l’apprit, et ayant fait venir un de ses sujets qui
allait faire le pèlerinage de la Mecque, il lui remit une cassette qui
contenait des pièces d’or enduites d’un poison mortel. «Quand tu seras
arrivé à la Mecque, lui dit-il, tu feras tenir cette cassette à notre
concitoyen aveugle. Tu lui diras que c’est un cadeau que je lui fais et
tu le salueras de ma part. Mais prends garde de ne pas ouvrir la
cassette.» L’autre promit d’exécuter ces ordres et se mit en route.
Arrivé à la Mecque et ayant rencontré l’aveugle:

--Voici une cassette que Motadhid t’envoie, lui dit-il.

--Bon Dieu! elle rend un son métallique, s’écria l’aveugle, il y a de
l’or là-dedans! Mais comment se peut-il qu’à Séville Motadhid me réduise
à la misère et qu’en Arabie il m’enrichisse?

--Les princes ont de singuliers caprices, répliqua l’autre. Peut-être
aussi que Motadhid, convaincu à cette heure de l’injustice qu’il t’a
faite, en éprouve des remords. Enfin, je n’en sais rien et cela ne me
regarde pas; j’ai fait ma commission, cela me suffit. Prends toujours ce
cadeau; c’est pour toi un bonheur inespéré.

--Je le crois bien, reprit l’aveugle; mille mercis pour ta peine et
assure le prince de ma gratitude.

Son trésor sous le bras, le pauvre homme courut à son misérable taudis
avec autant de vitesse que sa cécité le lui permettait, et après avoir
soigneusement fermé la porte, il s’empressa d’ouvrir sa cassette.

Il n’y a, dit-on, rien de plus enivrant pour un malheureux qui a lutté
longtemps contre la misère et que le hasard enrichit tout d’un coup, que
de couver des yeux son monceau d’or, de se laisser éblouir par l’éclat
de ces belles pièces luisantes. Aveugle, le Sévillan ne pouvait se
donner une telle jouissance; chez lui, le tact et l’ouïe devaient
remplacer la vue, et ravi, plongé dans une extase délicieuse, il tâtait,
palpait, maniait ses chères espèces, les faisait sonner, les comptait,
les plaçait dans sa bouche, les goûtait pour ainsi dire... Le poison
produisit son effet: avant la nuit venue le malheureux était un
cadavre[70].

Bâdîs et Motadhid étaient tous les deux cruels, mais avec des nuances
assez sensibles. Tandis que le premier, dans ses accès d’aveugle fureur,
massacrait souvent ses victimes de ses propres mains, Motadhid empiétait
rarement sur les attributions du bourreau; mais quoiqu’il n’aimât pas à
souiller de sang ses mains aristocratiques, la haine chez lui était plus
implacable, plus tenace, que chez son rival. Son ennemi mort, la
vengeance de Bâdîs était satisfaite, sa rage assouvie; il faisait
attacher la tête du cadavre à un poteau, la coutume le voulait ainsi,
mais il n’allait pas plus loin. Chez le prince de Séville, au contraire,
la haine ne se rassasiait jamais; il poursuivait ses victimes
jusqu’au-delà du trépas; il voulait que l’aspect de leurs restes mutilés
stimulât sans relâche ses passions féroces. A l’exemple du calife Mahdî,
il fit planter des fleurs dans les crânes de ses ennemis, et les plaça
dans la cour de son palais. Un morceau de papier, attaché à l’oreille de
chaque crâne, portait le nom de celui auquel ce crâne avait appartenu
jadis. Souvent il s’extasiait devant ce _jardin_, comme il disait. Et
cependant il ne contenait pas les têtes à ses yeux les plus précieuses,
celles des princes qu’il avait vaincus. Celles-là, il les gardait, avec
le plus grand soin, au fond de son palais, dans une cassette[71].

Ajoutons que ce monstre de cruauté était à ses propres yeux le meilleur
des princes, un Titus formé exprès pour le bonheur du genre humain. «Si
tu désires, mon Dieu, que les mortels soient heureux, disait-il dans ses
vers, fais-moi régner alors sur tous les Arabes et sur tous les
barbares; car jamais je n’ai dévié de la bonne route, jamais je n’ai
traité mes sujets autrement qu’il ne convient à un homme généreux et
magnanime. Toujours je les protége contre leurs agresseurs, toujours je
détourne les calamités de leur tête[72].»



VI.


Ayant d’abord mis à mort Habîb, le vizir et le confident de son
père[73], Motadhid tourna ses armes contre les Berbers et principalement
contre ceux de Carmona, ses voisins. Il avait un motif tout particulier
pour haïr les Berbers, car il croyait que, s’il n’y pourvoyait, ils
ôteraient le trône à lui ou à ses descendants, ses astrologues lui ayant
prédit que sa dynastie serait renversée par des hommes nés hors de la
Péninsule[74]. Il mit donc tout en œuvre pour les extirper. Cette
guerre fut de longue durée. Mohammed, le prince de Carmona, fut tué
après s’être laissé attirer dans une embuscade (1042-3)[75]; mais comme
son fils Ishâc lui succéda[76], les hostilités continuèrent.

En même temps Motadhid étendait ses limites du côté de l’ouest. En 1044
il enleva Mertola à Ibn-Taifour[77]. Puis il attaqua Ibn-Yahyâ, seigneur
de Niébla. Ce n’était pas un Berber, c’était un Arabe, mais quand il
s’agissait d’arrondir son territoire, Motadhid n’y regardait pas de si
près. Réduit à l’étroit, Ibn-Yahyâ se jeta dans les bras des Berbers.
Modhaffar de Badajoz vint à son secours, repoussa Motadhid, et se mit à
former contre lui une ligue formidable dans laquelle entrèrent Bâdîs,
Mohammed de Malaga et Mohammed d’Algéziras. Abou-’l-Walîd ibn-Djahwar,
qui, dans l’année 1043, avait succédé à son père comme président de la
république de Cordoue, fit tout ce qu’il pouvait pour réconcilier les
deux partis; mais ce fut en vain: personne ne prêta l’oreille à ses
ambassadeurs.

Les Berbers avaient formé le projet de marcher contre Séville aussitôt
qu’ils auraient réuni leurs troupes et opéré leur jonction. Motadhid les
prévint. Profitant de l’absence de Modhaffar qui n’avait pas
suffisamment pourvu à la défense de ses propres Etats, il fit d’abord
ravager le territoire de Badajoz; puis, se mettant en personne, contre
sa coutume, à la tête de son armée, il marcha contre Niébla, attaqua les
ennemis dans une espèce de défilé près des portes de la ville, et les
culbuta en partie dans le Tinto; mais Modhaffar réussit à rallier ses
soldats, les ramena à la charge, et força Motadhid à la retraite.

Modhaffar se réunit ensuite à ses alliés; mais pendant qu’il ravageait
avec eux le pays sévillan, Ibn-Yahyâ se détacha de son parti, Motadhid
l’ayant forcé de conclure une alliance avec lui. Modhaffar le punit en
s’appropriant l’argent qu’il lui avait confié, et en faisant piller la
campagne de Niébla[78]. Alors Ibn-Yahyâ implora le secours de Motadhid.
Celui-ci fit attaquer les troupes de Badajoz, les attira dans une
embuscade, et les mit en déroute. Non content de ce succès, il fit
ravager les environs d’Evora par son fils Ismâîl. Afin de repousser
cette attaque, le roi de Badajoz fit prendre les armes à tous ceux qui
étaient en état d’en porter, et, ayant reçu un renfort de son allié,
Ishâc de Carmona, il alla à la rencontre de l’ennemi. En vain les
Berbers de Carmona l’exhortaient à ne pas le faire. «Vous ignorez, lui
disaient-ils, que l’armée sévillane est fort nombreuse; nous au
contraire, nous le savons, car nous avons reçu des nouvelles de Séville,
et qui plus est, nous avons vu les troupes de Motadhid.» Le bouillant
Modhaffar ne voulut pas les croire. Son audace lui coûta cher. Il essuya
une terrible déroute et perdit au moins trois mille hommes. Parmi les
morts on comptait le fils du prince de Carmona, qui avait commandé les
troupes de son père. Sa tête fut apportée à Motadhid, qui la plaça dans
sa cassette, à côté de celle de l’aïeul du jeune prince.

Badajoz présenta longtemps un spectacle lugubre. Les boutiques y étaient
fermées, les marchés déserts, l’élite de la population ayant péri dans
cette bataille fatale[79]. Pour comble de misère, les Sévillans
continuaient à détruire les moissons, de sorte que la famine désolait le
royaume. Modhaffar n’y pouvait rien. Abandonné par ses alliés qu’il
appelait en vain à son secours, il était condamné à rester inactif et
immobile dans Badajoz, où il se dévorait les entrailles de colère.
Cependant son orgueil ne se laissait pas fléchir. Il ne voulait pas
entendre parler d’un accommodement, quoique son ennemi victorieux ne
refusât pas positivement la médiation d’Ibn-Djahwar. Il feignait de ne
pas se soucier de ses pertes, au point qu’il envoya quelqu’un acheter
des chanteuses à Cordoue. Elles y étaient rares alors, et ce fut à
grand’peine qu’on en trouva deux; encore étaient-elles d’un médiocre
talent. On s’étonna d’abord du caprice du roi de Badajoz. On le
connaissait pour un homme grave, studieux et qui à l’ordinaire ne
faisait nul cas de chanteuses. On ne comprenait pas qu’il eût choisi,
pour en faire acheter, le moment même où ses Etats présentaient le
spectacle d’une affreuse dévastation. Mais l’étonnement cessa quand on
découvrit le motif de sa conduite. Modhaffar avait appris qu’à la vente
des biens d’un vizir cordouan qui venait de mourir, Motadhid s’était
procuré une chanteuse renommée, et c’était pour montrer qu’il pouvait
s’occuper de chanteuses avec autant de liberté d’esprit que son
adversaire, qu’il en avait fait acheter à son tour.

Cependant Ibn-Djahwar continuait ses efforts pour amener une
réconciliation, et dans le mois de juillet 1051, ils furent enfin
couronnés du succès, car à cette époque et par son entremise, Modhaffar
et Motadhid conclurent la paix après une longue négociation[80].

Motadhid tourna alors toutes ses forces contre Ibn-Yahyâ de Niébla,
désormais réduit à ses propres ressources. Pour lui cette expédition ne
fut pas une campagne, ce ne fut qu’une promenade militaire. Convaincu de
sa faiblesse, Ibn-Yahyâ n’essaya pas même de se défendre. Il prit le
chemin de Cordoue avec l’intention d’aller passer dans cette ville le
reste de ses jours, et Motadhid eut la courtoisie de lui envoyer un
escadron en guise d’escorte[81].

Le prince qui régnait sur Huelva et la petite île de Saltès, Abdalazîz
le Becrite, comprit alors que son tour était venu. Cependant il espérait
encore pouvoir sauver quelque chose du naufrage. Il s’empressa donc
d’écrire à Motadhid, le félicita de sa nouvelle conquête, lui rappela
les relations amicales qui avaient toujours existé entre sa propre
famille et celle des Abbâdides, se déclara son vassal, et lui offrit
Huelva à condition qu’il lui laisserait Saltès. Motadhid accepta son
offre, et feignant de vouloir s’aboucher avec lui, il prit la route de
Huelva. Abdalazîz jugea prudent de ne pas l’attendre, et se rendit avec
ses trésors à Saltès. Ayant pris possession de Huelva, Motadhid retourna
à Séville; mais il laissa à Huelva un de ses capitaines, qui devait
empêcher qu’Abdalazîz ne quittât son île et que personne ne se rendît
auprès de lui. Informé de ces mesures, Abdalazîz prit le parti le plus
sage: il entra en pourparlers avec le capitaine de Motadhid, vendit au
prince de Séville ses vaisseaux et ses munitions de guerre au prix de
dix mille ducats, et obtint la permission de se rendre à Cordoue.
Pendant son voyage, le perfide Motadhid voulut l’attirer dans un piége
et s’emparer de ses richesses; mais Abdalazîz pénétra son dessein, et
grâce à une escorte qu’il demanda au prince de Carmona, il arriva sans
encombre à Cordoue[82].

Ensuite Motadhid attaqua la petite principauté de Silves, où régnaient
aussi des Arabes, les Beni-Mozain, dont les ancêtres, qui possédaient
déjà des propriétés étendues dans cette partie de la Péninsule, avaient
souvent rempli, du temps des Omaiyades, des postes importants[83].

Résolu à mourir plutôt que de se rendre, le prince de Silves se défendit
avec le courage du désespoir. Mais l’armée sévillane, dont Mohammed
(Motamid), un fils de Motadhid, était le général, mais seulement de nom,
car à cette époque il comptait à peine treize ans[84], poussa le siége
avec non moins de vigueur, et Silves fut enfin pris d’assaut. Ibn-Mozain
chercha en vain la mort au plus fort de la mêlée; on épargna sa vie, et
Motadhid se contenta de l’exiler[85]. Puis, ayant donné le gouvernement
de Silves à son fils Mohammed, il fit marcher son armée contre la ville
de Santa-Maria, située près du cap qui porte encore aujourd’hui ce nom.
Le calife Solaimân l’avait donnée en fief à un certain Saîd ibn-Hâroun,
de Mérida, dont on ne connaît pas la généalogie, et qui peut-être
n’était ni Arabe ni Berber, car les hommes dont l’origine était inconnue
aux chroniqueurs arabes, étaient ordinairement des Espagnols. Après la
mort de Solaimân, il s’était déclaré indépendant, et quand il eut rendu
le dernier soupir, son fils Mohammed lui avait succédé. Ce dernier,
attaqué par les Sévillans, n’opposa qu’une courte résistance. Motadhid
réunit le district de Santa-Maria à celui de Silves, et voulut que son
fils Mohammed les gouvernât conjointement (1052)[86].

Grâce à ces conquêtes rapides, la principauté de Séville s’était fort
étendue du côté de l’Ouest. Cependant elle n’avait encore que peu
d’extension vers le Sud, où régnaient des princes berbers. La plupart
d’entre eux étaient alors en paix avec Motadhid et avaient même reconnu
sa suzeraineté, ou plutôt celle du soi-disant Hichâm II. Motadhid,
toutefois, ne se contentait pas de si peu: son intention était de tuer
ces princes et de prendre possession de leurs Etats; mais, procédant
avec modération et prudence, il ne voulait s’aventurer à une tentative
aussi hardie que quand les manœuvres souterraines auraient rendu le
succès certain.

Après la conquête de Silves, il alla donc rendre visite, accompagné
seulement de deux serviteurs, à deux de ses vassaux, Ibn-Nouh, le
seigneur de Moron, et Ibn-abî-Corra, le seigneur de Ronda, sans les
avoir prévenus de son intention. Quand on songe à la haine que ces
Berbers lui portaient, on s’étonne avec raison qu’il eût l’imprudence
d’aller se mettre ainsi à leur merci; mais le fait est qu’il ne manquait
pas d’audace, et que, malgré sa perfidie envers tout le monde, il se
fiait à la bonne foi des autres. A Moron il fut accueilli de la manière
la plus honorable. Ibn-Nouh lui témoigna sa joie à cause de cette visite
inattendue, le festoya avec une hospitalité somptueuse, et l’assura de
nouveau qu’il serait toujours un vassal fidèle. Mais Motadhid n’était
pas venu pour écouter des compliments ou recevoir des témoignages
d’affection; son but était tout autre. Il voulait sonder le terrain, et
gagner, si cela était possible, quelques personnages influents. Il
s’aperçut facilement que la population arabe brûlait du désir de secouer
le joug berber, et que, dans l’occasion, il pourrait compter sur son
appui. Grâce aux pierres précieuses et à l’argent que portaient les deux
serviteurs qui l’accompagnaient, il corrompit même plusieurs officiers
berbers, sans qu’Ibn-Nouh eût le moindre soupçon de ces intrigues.

Fort content des résultats de sa visite, Motadhid continua son voyage en
prenant la route de Ronda. Il y fut reçu avec la même bienveillance, et
ses pratiques secrètes y réussirent aussi bien, mieux peut-être, car les
Arabes de Ronda étaient encore plus impatients que ceux de Moron de
s’affranchir de la domination berbère, les Beni-abî-Corra étant, à ce
qu’il paraît, des maîtres plus durs que les Beni-Nouh. Motadhid fut donc
à même d’ourdir une conspiration terrible qui éclaterait au premier
signal.

Peu s’en fallut, cependant, qu’il ne payât de sa vie son audacieuse
entreprise. Une fois, vers la fin d’un repas dans lequel le vin n’avait
pas été épargné, il se sentit gagner par le sommeil.

--Je me sens fatigué et j’ai envie de dormir, dit-il à son hôte; mais
n’interrompez pas pour cela vos conversations ni vos rasades; un petit
somme m’aura bientôt remis et je reviendrai alors reprendre ma place à
table.

--Faites comme vous voulez, seigneur, lui répondit Ibn-abî-Corra en le
conduisant à un sofa.

Au bout d’une demi-heure environ, lorsque Motadhid semblait dormir d’un
profond sommeil, un officier berber pria les autres de l’écouter un
moment, puisqu’il avait quelque chose d’important à leur dire. Ayant
obtenu le silence: «Il me semble, dit-il à voix basse, que nous avons là
un gras bélier qui est venu s’offrir spontanément au couteau. C’est pour
nous une bonne fortune à laquelle nous étions loin de nous attendre.
Eussions-nous donné, pour avoir cet homme ici, tout l’or de
l’Andalousie, cela ne nous eût servi de rien, et voilà qu’il vient de
lui-même.... Cet homme est le démon en personne, vous le savez tous, et
quand il aura cessé de vivre, personne ne nous disputera plus la
possession de ce pays»....

Tous gardèrent le silence; mais on se consulta du regard, et comme
l’idée d’assassiner celui qu’ils craignaient et haïssaient tous, dont
ils connaissaient tous les voies tortueuses, ne souriait que trop à ces
hommes endurcis dès leur enfance à toutes sortes de crimes, leurs
visages basanés n’exprimaient ni surprise ni répugnance. Un seul, plus
loyal que les autres, sentit son sang bouillir à l’idée d’une trahison
aussi infâme. C’était Moâdh ibn-abî-Corra, un parent du seigneur de
Ronda. Les yeux enflammés d’une généreuse indignation, il se leva, et,
prenant la parole: «Au nom du ciel, ne faisons pas cela! dit-il à
demi-voix, mais d’un ton ferme. Cet homme, en venant ici, a compté sur
notre loyauté; sa conduite prouve qu’il nous croit incapables de le
trahir, et notre honneur exige que nous justifions sa confiance. Que
diraient nos frères des autres tribus, s’ils apprenaient que nous avons
violé les droits sacrés de l’hospitalité, que nous avons assassiné notre
hôte? Que Dieu maudisse celui qui oserait commettre un tel crime!»

Les Berbers se sentirent touchés par ces nobles paroles. En leur
rappelant d’une manière aussi énergique les devoirs de l’hospitalité,
Moâdh avait fait vibrer dans leurs cœurs une corde que l’on touche
rarement en vain chez les peuples de l’Asie et de l’Afrique.

Cependant Motadhid, bien qu’il fît semblant de dormir, était
parfaitement éveillé. En proie à une indicible angoisse, il avait
entendu tout ce qui se disait. Rassuré maintenant par l’effet qu’avaient
produit les paroles de Moâdh, il feignit de s’éveiller et alla se
remettre à table. Tous les convives se levèrent aussitôt, l’embrassèrent
et lui baisèrent respectueusement le front. Ils mirent d’autant plus
d’effusion dans leurs caresses, que leur conscience n’était pas tout à
fait tranquille, et qu’ils se reprochaient en secret d’avoir eu un
instant l’idée d’envoyer leur hôte dans l’autre monde.

--Mes amis, leur dit alors le prince, il me faudra bientôt retourner à
Séville; mais à la veille de vous quitter, je ne puis assez vous dire
combien je suis content de votre accueil. Je voudrais vous donner
quelques faibles marques de ma reconnaissance; malheureusement la
provision de petits cadeaux que portaient mes serviteurs, est épuisée ou
à peu près. Mais donnez-moi de l’encre et du papier; que chacun de vous
me dicte son nom; qu’il dise ce qu’il désire le plus, des vêtements
d’honneur, de l’argent, des chevaux, des jeunes filles, des esclaves, ou
autre chose, et qu’il envoie dans ma capitale, quand j’y serai de
retour, un serviteur qui vienne prendre le présent que je lui destine.

Tous s’empressèrent d’obéir aux désirs du prince, et quand celui-ci fut
retourné à Séville, les serviteurs des Berbers y accoururent en foule
et rapportèrent à Ronda des présents magnifiques.

Les meilleures relations semblaient donc exister entre Motadhid et les
Berbers; les vieilles rancunes paraissaient oubliées pour faire place à
une liaison étroite, à une amitié intime et cordiale, lorsque, six mois
après la visite qu’il leur avait faite, Motadhid invita les seigneurs de
Ronda et de Moron à un grand festin, qu’il voulait leur offrir,
disait-il, pour leur témoigner sa reconnaissance de leur bon accueil. Il
envoya aussi une invitation au Berber Ibn-Khazroun, le seigneur d’Arcos
et de Xérès, et bientôt ils arrivèrent tous les trois à Séville (1053).
Motadhid leur fit une réception magnifique, et selon la coutume, il leur
offrit un bain, de même qu’aux principaux personnages de leur suite;
mais, sous un prétexte quelconque, il retint le jeune Moâdh auprès de sa
personne.

Environ soixante Berbers se rendirent à l’édifice que le prince leur
avait indiqué. Après s’être déshabillés dans la première salle, ils
entrèrent dans la seconde, la véritable salle de bain. Comme cela se
voit encore aujourd’hui dans les pays musulmans, elle était bâtie en
pierres, revêtue de marbre, et couronnée d’une coupole percée de trous
en étoiles fermés par des verres dépolis. De distance à distance il y
avait des cuves de marbre, et des tuyaux, disposés dans l’épaisseur des
murs et partant d’une chaudière, y maintenaient un degré de chaleur
très-élevé.

Savourant avec délices le bien-être que procure le bain, les Berbers
entendirent bien un bruit léger, comme si des maçons fussent à
l’œuvre, mais ils n’y firent pas grande attention d’abord. Au bout de
quelque temps, toutefois, la chaleur devenant de plus en plus
étouffante, ils voulurent ouvrir la porte. Qu’on se figure leur effroi!
La porte était murée, tous les ventilateurs étaient bouchés.... Ils
moururent tous suffoqués[87].

Cependant le jeune Moâdh, après avoir attendu longtemps le retour de ses
compagnons, finit par devenir fort inquiet et se hasarda à demander à
Motadhid pourquoi ils tardaient tant à rentrer. Le prince n’hésita pas à
le lui dire, et comme il voyait une terreur profonde se peindre sur son
visage:

--Quant à toi, lui dit-il, tu n’as rien à craindre. Tes parents et tes
amis méritaient de périr puisqu’ils ont eu un instant l’idée de
m’assassiner. Sache que je ne dormais pas au moment où cette proposition
fut faite; mais j’ai entendu aussi les nobles paroles que tu as
prononcées à cette occasion, et jamais je n’oublierai que, si je vis
encore, c’est à toi que j’en suis redevable. Tu peux choisir maintenant:
si tu consens à rester ici, je suis prêt à partager avec toi toutes mes
richesses; mais si tu préfères de retourner à Ronda, je t’y ferai
reconduire après t’avoir comblé de présents.

--Hélas! seigneur, lui répondit Moâdh d’un ton profondément triste,
comment pourrais-je retourner à Ronda, où tout me rappellerait le
souvenir de ceux que j’ai perdus?

--Eh bien, reste donc à Séville, reprit le prince; tu n’auras pas à te
plaindre de moi.

Puis, s’adressant à un de ses serviteurs:

--Prends soin, lui dit-il, qu’un beau palais soit mis en ordre
sur-le-champ, afin que Moâdh puisse venir l’habiter. Fais-y transporter
mille pièces d’or, dix chevaux, trente jeunes filles et dix
esclaves.--Je te donne d’ailleurs, continua-t-il en s’adressant de
nouveau à Moâdh, un traitement annuel de douze mille ducats.

Moâdh resta donc à Séville, où il vécut dans une opulence princière.
Chaque jour Motadhid lui envoyait des cadeaux d’un grand prix ou d’une
rare élégance; il lui confia un commandement dans son armée[88], et
aussi souvent qu’il consultait ses vizirs sur les affaires de l’Etat, il
réservait la place d’honneur pour celui qui avait sauvé sa vie.

Ayant déposé les têtes des seigneurs berbers dans cette affreuse
cassette dont il aimait tant à repaître ses regards, Motadhid envoya des
troupes prendre possession de Moron, d’Arcos, de Xérès, de Ronda et
d’autres places. Aidées par la population arabe et par des traîtres qui
s’étaient vendus à Motadhid, elles y réussirent sans trop de peine. La
prise de Ronda, où Abou-Naçr avait succédé à son père, semblait devoir
coûter le plus d’efforts, car, bâtie sur une montagne très-élevée, elle
était entourée de précipices et passait pour inexpugnable. Mais les
Arabes s’insurgèrent en masse contre les Berbers, et se mirent à les
massacrer avec une aveugle fureur. Abou-Naçr lui-même tâcha inutilement
de se sauver par la fuite: au moment où il essayait de grimper à la
muraille, son pied glissa, et son cadavre alla rouler dans le
précipice[89].

Ce fut surtout la prise de Ronda qui causa au prince de Séville une joie
indicible. Il se hâta de rendre cette ville plus forte encore qu’elle ne
l’était déjà; puis, les travaux de fortification achevés, il alla les
inspecter, et tressaillant d’aise, il composa ces vers:

     Mieux fortifiée que tu ne l’as jamais été, tu es maintenant le plus
     beau bijou de mon royaume, ô Ronda! Les lances et les épées
     tranchantes de mes braves guerriers m’ont procuré l’avantage de te
     posséder; à présent tes habitants m’appellent leur seigneur et ils
     seront pour moi le plus ferme appui. Ah! pourvu que ma vie soit
     assez longue, je saurai bien abréger celle de mes ennemis. Pour me
     tenir en haleine, je ne cesserai jamais de les combattre. J’ai
     passé au fil de l’épée bataillons sur bataillons, et les têtes de
     mes ennemis, enfilées comme des perles, servent de collier à la
     porte de mon palais[90]!



VII.


Pendant que Motadhid, enivré de ses succès, se livrait aux transports
d’une joie immodérée, Bâdîs était en proie à une anxiété toujours
croissante. Quand il reçut la nouvelle du terrible sort qui avait frappé
les seigneurs berbers, il déchira ses habits en hurlant de douleur et de
rage. Puis, quand il apprit que, par un élan d’indignation patriotique,
toute la population arabe de Ronda s’était levée comme un seul homme
pour massacrer ses oppresseurs, de noirs pressentiments vinrent obséder
et tourmenter son esprit soupçonneux. Qui lui répondait que ses propres
sujets arabes ne se fussent pas concertés, eux aussi, avec l’Abbâdide,
qu’ils ne conspirassent pas contre son trône et sa vie? Cette pensée le
poursuivait sans relâche le jour et la nuit: on eût dit qu’il avait des
accès de délire. Tantôt, transporté de fureur, il criait, jurait et
s’emportait contre tout le monde; tantôt, l’âme troublée de crainte et
remplie d’une noire mélancolie, il gardait un morne silence et
languissait comme un arbre frappé de la foudre. Chose étrange et de
sinistre présage: Bâdîs ne buvait plus....

Il laissait mûrir en secret un projet horrible. Tant qu’il y aurait des
Arabes dans ses Etats, il ne serait pas un moment en sûreté; la
prudence, pensait-il, lui commandait donc de les exterminer, et il le
ferait le vendredi prochain, lorsqu’ils seraient tous réunis dans la
mosquée. Cependant, comme il n’entreprenait rien sans consulter son
vizir, le juif Samuel, il l’informa de son plan, mais en ajoutant qu’il
était fermement décidé à l’exécuter, que le vizir l’approuvât ou non. Le
juif jugea le plan mauvais; il tâcha d’en détourner le prince, le pria
d’attendre, et de réfléchir mûrement aux conséquences d’une telle
action. «Supposons, lui dit-il, que tout se passe selon vos souhaits;
supposons que vous réussissiez à exterminer les Arabes, et ne comptons
pas le péril d’une telle entreprise; mais alors, croyez-vous que les
Arabes des autres Etats oublieront le malheur qui a frappé leurs
compatriotes? croyez-vous qu’ils resteront tranquillement dans leurs
demeures? Non pas, certainement; je les vois déjà accourir tout furieux,
je vois des ennemis innombrables comme les vagues de la mer fondre sur
vous, et brandir leurs cimeterres au-dessus de votre tête».... Si
sensées qu’elles fussent, ces paroles n’eurent cependant aucun effet sur
Bâdîs. Il fit promettre à Samuel de lui garder le secret, et donna les
ordres nécessaires afin que tout fût prêt pour le vendredi. Ce jour-là
les soldats devraient se réunir, armés de toutes pièces, sous le
prétexte d’une revue.

Samuel, toutefois, ne resta pas oisif: il envoya secrètement auprès des
principaux Arabes quelques femmes qui les connaissaient, et qui leur
conseillèrent de ne pas se rendre à la mosquée le vendredi prochain,
mais de se cacher au contraire. Ainsi avertis, les Arabes se tinrent sur
leurs gardes, et au jour fixé il n’y eut dans la mosquée que quelques
hommes du menu peuple. Furieux de voir son plan échouer, Bâdîs fit venir
Samuel et lui reprocha d’avoir ébruité le secret qu’il lui avait confié.
Le vizir le nia, après quoi il dit: «On s’explique aisément que les
Arabes ne soient pas allés à la mosquée. Voyant que vous aviez rassemblé
vos troupes sans raison apparente, car vous êtes en paix avec vos
voisins, ils ont soupçonné naturellement que c’était à eux que vous en
vouliez. Au lieu de vous fâcher, vous devriez plutôt rendre grâces à
Dieu: devinant votre intention, ils auraient pu se soulever contre vous,
et cependant ils n’ont pas bougé. Considérez l’affaire de sang-froid,
seigneur; le temps viendra où vous approuverez ma manière de voir.»
Peut-être Bâdîs aurait-il encore refusé, dans son aveuglement, de se
laisser persuader, mais un chaikh berber ayant approuvé les raisons que
donnait Samuel, il avoua enfin qu’il avait eu tort[91]. Il ne songea
donc plus à exterminer ses sujets arabes; mais, vivement sollicité par
les fugitifs de Moron, d’Arcos, de Xérès et de Ronda, qui étaient venus
chercher un asile à Grenade, il résolut de punir le perfide ennemi de sa
race, et envahit le territoire sévillan à la tête de ses propres troupes
et des émigrés[92]. Nous ne possédons pas de détails sur cette guerre,
mais tout porte à croire qu’elle fut sanglante; car d’une part les
Berbers étaient enflammés du désir de venger la mort de leurs
compatriotes, de l’autre, les Arabes haïssaient les Grenadins plus
encore qu’ils ne haïssaient les autres Berbers. Ils les regardaient
comme des infidèles, des mécréants, des ennemis de la religion
musulmane, parce qu’ils avaient un vizir juif. «Ton épée a sévi parmi un
peuple qui n’a jamais cru qu’au judaïsme, bien qu’il se donne le nom de
berber», disaient les poètes sévillans quand ils chantaient les
victoires de Motadhid[93]. Aux yeux des Sévillans une guerre contre les
Grenadins était donc une guerre sainte; aussi les combattirent-ils avec
tant de vigueur, qu’ils les forcèrent à se retirer. Les émigrés furent
bien à plaindre alors. Motadhid ne leur permettant pas de retourner à
leurs demeures et Bâdîs ne voulant pas qu’ils restassent à Grenade,
attendu qu’il aurait dû pourvoir à leur subsistance, ils furent obligés
de passer le Détroit. Ils débarquèrent dans le voisinage de Ceuta; mais
Sacaute, le seigneur de cette place, ne voulait pas non plus d’eux.
Repoussés ainsi par tout le monde, à une époque où la famine ravageait
l’Afrique, ils périrent presque tous de faim[94].

Ensuite Motadhid tourna ses armes contre le Hammoudite Câsim, le
seigneur d’Algéziras. C’était le plus faible parmi les princes berbers;
aussi fut-il bientôt forcé de demander grâce. Motadhid lui permit
d’aller vivre à Cordoue (1058)[95].

Cette nouvelle conquête achevée, Motadhid crut qu’il était temps de
finir la comédie qu’il avait jouée jusqu’alors à l’exemple de son père,
et de déclarer que le soi-disant Hichâm II était mort. Les raisons que
son père avait eues pour se couvrir du nom de ce monarque n’existaient
plus. Tout le monde était convaincu désormais que le retour au passé
était impossible, que le califat était tombé pour ne plus se relever; à
cet égard l’expérience avait dissipé toutes les illusions. Le nattier de
Calatrava était donc devenu un personnage parfaitement inutile. Il se
peut que cet homme, qui ne se montrait jamais ni au peuple ni aux
courtisans, fût mort depuis plusieurs années; il se peut aussi que
Motadhid, ennuyé de lui, l’ait fait tuer, comme quelques chroniqueurs
l’assurent. Nous n’oserions rien affirmer à ce sujet, car le prince de
Séville, quand il le voulait, savait envelopper ses actes d’un mystère
impénétrable. Toujours est-il que, dans l’année 1059, il réunit les
principaux habitants de sa capitale pour leur annoncer que le calife
Hichâm avait succombé, quelque temps auparavant, à une attaque de
paralysie. Tant qu’il avait eu des guerres à soutenir, ajouta-t-il, la
prudence lui avait défendu de donner de la publicité à cet événement,
mais maintenant qu’il était en paix avec tous ses voisins, il pouvait le
faire sans danger. Puis il fit ensevelir la dépouille mortelle du
nattier de Calatrava avec tous les honneurs dus à la royauté, et en sa
qualité de _hâdjib_ ou premier ministre, il accompagna le cortége à pied
et sans _tailesân_[96]. Il communiqua aussi la mort du calife à ses
alliés de l’Est, en les exhortant à faire un nouveau choix.
Naturellement personne n’y songea. Il prétendit alors, dit-on, que, dans
son testament, le calife l’avait nommé émir de toute l’Espagne[97]. Il
est certain, du moins, qu’il tâchait de le devenir; tous ses efforts
tendaient vers ce but, et il voulait s’emparer maintenant de l’ancienne
capitale de la monarchie. La destinée, toutefois, lui préparait un
désappointement terrible.

Déjà ses troupes avaient fait plusieurs razzias sur le territoire de
Cordoue, lorsque, dans l’année 1063[98], il donna à Ismâîl, son fils
aîné et le général de son armée, l’ordre d’aller prendre la ville à demi
ruinée de Zahrâ. Ismâîl fit des difficultés, des objections. Depuis
quelque temps déjà, il était mécontent de son père. Il se plaignait de
sa dureté, de son humeur tyrannique; il l’accusait de l’exposer souvent
à de graves périls, en refusant de lui donner assez de soldats alors
qu’il y avait un combat à livrer ou une place forte à assiéger. Un
aventurier ambitieux fomentait son mécontentement. C’était Abou-Abdallâh
Bizilyânî, qui avait émigré de Malaga lors de la prise de cette ville
par Bâdîs. Voulant à tout prix devenir premier ministre, n’importe de
qui, n’importe où, cet intrigant avait tâché de faire naître dans le
cœur d’Ismâîl la pensée de se révolter contre son père et de fonder
quelque part, à Algéziras par exemple, une principauté indépendante. Il
n’avait que trop bien réussi dans son projet: au moment où il reçut
l’ordre de marcher contre Zahrâ, l’irritation d’Ismâîl était telle qu’il
fallait peu de chose pour la porter au comble, et malheureusement son
père refusa de nouveau de lui donner autant de troupes qu’il en
demandait. En vain Ismâîl lui représenta qu’avec le peu de soldats qu’il
avait, il lui serait impossible d’attaquer un Etat tel que Cordoue, et
que, si Bâdîs venait au secours des Cordouans, comme il ne manquerait
pas de le faire puisqu’il était leur allié, il serait placé entre deux
feux. Motadhid ne voulut rien entendre; il s’emporta; dans son courroux
il appela son fils un lâche, il l’accabla de menaces, et peu s’en fallut
que des paroles il n’en vînt aux voies de fait. «Si tu tardes à m’obéir,
s’écria-t-il, je te fais couper la tête!»

Blessé dans sa fierté et le cœur rempli de colère, Ismâîl se met en
marche; mais il consulte Bizilyânî, et celui-ci lui persuade sans peine
que le moment est venu d’exécuter le projet souvent discuté entre eux. A
deux journées de Séville, Ismâîl annonce donc à ses officiers qu’il a
reçu de son père une lettre dans laquelle il lui enjoint de retourner
auprès de lui, attendu qu’il a encore quelque chose d’important à lui
dire. Puis, accompagné de Bizilyânî et d’une trentaine de ses gardes à
cheval, il retourne en toute hâte à Séville. Motadhid n’y était pas; il
résidait dans le château de Zâhir, de l’autre côté du fleuve, Ismâîl
trouve la citadelle de Séville faiblement gardée. Dans la nuit il s’en
rend maître, charge les trésors de son père sur des mulets, et afin que
personne ne puisse traverser le fleuve et porter à Zâhir la nouvelle de
ce qui venait d’arriver, il fait couler à fond les barques amarrées
devant la citadelle. Puis, emmenant sa mère et les autres femmes du
sérail, il prend la route d’Algéziras.

Cependant, malgré les soins qu’il avait pris pour empêcher que le bruit
de son entreprise ne parvînt aux oreilles de son père, celui-ci en fut
informé par un cavalier de la suite de son fils, qui, désapprouvant sa
coupable conduite, passa le Guadalquivir à la nage. A l’instant même,
Motadhid fit battre la campagne sur tous les points par des brigades de
cavalerie, et envoya des exprès aux gouverneurs de ses forteresses. Ils
arrivèrent à temps, et Ismâîl trouva fermées les portes de tous les
châteaux qui étaient sur sa route. Craignant alors de voir les
châtelains se réunir pour l’attaquer, il implora la protection de
Haççâdî qui était gouverneur d’un château posé sur la pointe d’une
colline aux confins du district de Sidona. Haççâdî lui accorda sa
demande, mais en stipulant qu’il resterait au pied de la colline. Puis,
accompagné de ses soldats, il se rendit auprès de lui, lui conseilla de
se réconcilier avec son père, et lui offrit sa médiation. Voyant que
son plan avait complètement échoué, Ismâîl consentit à tout ce qu’il lui
proposait. Haççâdî lui permit alors d’entrer dans le château, où il le
traita avec tous les égards dus à son rang, et s’empressa d’écrire à
Motadhid. Il disait dans sa lettre qu’Ismâîl se repentait de son
échauffourée, et il suppliait le prince de lui pardonner. La réponse de
Motadhid ne se fit pas attendre. Elle était rassurante; le prince
déclarait qu’il pardonnait à son fils.

Ismâîl retourna donc à Séville. Son père lui laissa tous ses biens, mais
en même temps il le fit étroitement garder, et ordonna que l’on coupât
la tête à Bizilyânî ainsi qu’à ses complices. Ismâîl l’apprit, et comme
il ne connaissait que trop bien la duplicité de son père, il ne vit plus
qu’un piége dans le pardon qu’il avait obtenu. Dès lors son parti était
pris. Ayant gagné, à force d’argent, ses gardes et quelques esclaves, il
les rassemble pendant la nuit, les arme, les fait boire pour leur donner
du courage, et escalade avec eux un endroit du palais qu’il croit facile
à surprendre. Il espère trouver son père endormi, et cette fois il est
bien résolu de lui ôter la vie. Mais tout à coup Motadhid se montre à la
tête de ses soldats. A sa vue, les conspirateurs prennent précipitamment
la fuite. Ismâîl réussit à franchir la muraille de la ville; mais des
soldats lancés à sa poursuite l’atteignent et le ramènent prisonnier.

Au comble de la fureur, son père le fit traîner au fond du palais, et,
ayant éloigné tous les témoins, il le tua de ses propres mains. Il sévit
aussi contre ses complices, ses amis, ses serviteurs, et même contre les
femmes de son sérail. Il y eut des mains, des nez, des pieds coupés, des
exécutions publiques et secrètes.

Sa colère apaisée, le tyran fut en proie à une sombre tristesse, à des
remords déchirants. Ce fils qui s’était révolté contre lui, qui avait
attenté à sa vie, qui lui avait enlevé ses trésors et jusqu’à ses
femmes, avait été bien coupable sans doute; mais il avait beau se le
dire, se le répéter à tout instant, il ne pouvait oublier qu’il l’avait
aimé, réellement aimé, car malgré la dureté de son âme, il avait une
tendre affection pour sa famille. Dans ce fils prudent et sage dans le
conseil, vaillant et intrépide sur le champ de bataille, il avait vu
l’appui de sa vieillesse prématurée et le continuateur de son œuvre.
Maintenant il avait détruit de ses propres mains ses espérances les plus
chères!

«Le troisième jour après cette sanglante catastrophe, raconte un vizir
sévillan, j’entrai avec mes collègues dans la salle du conseil. Le
visage de Motadhid était terrible à voir; nous tremblions de peur, et en
le saluant, nous pûmes à peine balbutier quelques paroles. Le prince
nous mesura, de son regard scrutateur, des pieds à la tête; puis,
rugissant comme un lion:--Misérables, s’écria-t-il, pourquoi ce
silence? Vous vous réjouissez en secret de mon malheur; sortez d’ici!»

Pour la première fois peut-être cette sauvage énergie, cette volonté de
fer, se trouva brisée; ce cœur en apparence invulnérable avait reçu
une blessure que le temps pourrait adoucir peu à peu, mais qui
laisserait toujours une profonde cicatrice. Pour le moment, laissant en
repos la république de Cordoue, joyeuse autant qu’étonnée de ce répit,
il ne songea plus à ses vastes projets[99]; mais insensiblement il y
revint, et ce fut Malaga qui réveilla son ambition.

Courbés depuis plusieurs années sous le joug de Bâdîs, les Arabes de
Malaga maudissaient chaque jour sa tyrannie, et c’était du prince de
Séville qu’ils attendaient leur délivrance. Ils savaient bien qu’il
était un tyran, lui aussi; mais tyran pour tyran, ils préféraient celui
qui appartenait à la même nation qu’eux. Ils s’entendirent donc, avec
Motadhid et tramèrent une conspiration. Bâdîs lui-même favorisa leurs
projets par sa nonchalance, car, plongé dans une ivresse presque
continuelle, il ne s’occupait des affaires qu’à de rares intervalles. Au
jour fixé, un soulèvement général et irrésistible éclata dans la
capitale et dans vingt-cinq forteresses; en même temps des troupes
sévillanes, commandées par Motamid, le fils de Motadhid, franchirent la
frontière pour venir au secours des insurgés. Pris au dépourvu, les
Berbers furent passés au fil de l’épée; ceux qui réussirent à se sauver
ne durent leur salut qu’à une prompte fuite, et en moins d’une semaine,
toute la principauté fut au pouvoir du prince de Séville. Le château de
Malaga, où il y avait une garnison de nègres, était le seul qui ne se
fût pas encore rendu. Bien fortifié et situé sur le sommet d’une
montagne, il pourrait tenir longtemps, et il était à craindre que Bâdîs
ne profitât de cet intervalle pour venir au secours des assiégés. Tel,
du moins, était l’avis des chefs de l’insurrection; ils conseillèrent
donc à Motamid de presser le siège du château, de se tenir sur ses
gardes, et de ne pas trop se fier aux Berbers qui servaient en assez
grand nombre dans son armée. C’étaient de sages conseils, mais Motamid
ne les écouta pas. Indolent de sa nature et nullement soupçonneux, il se
laissait fêter par la population qu’il avait charmée par ses manières
aimables, et ne prêtait que trop l’oreille à ses officiers berbers qui,
poussés par une secrète sympathie pour Bâdîs, le trahissaient et
l’assuraient que bientôt le château se rendrait spontanément. Quant à
ses autres soldats, croyant aussi qu’aucun péril ne les menaçait, ils
faisaient mauvaise garde et se livraient aux plaisirs.

Cette insouciance devint fatale à tout le monde. Les nègres du château
ayant trouvé le moyen d’informer Bâdîs qu’il lui serait facile de
surprendre l’armée sévillane, les troupes de Grenade se mirent en route.
Elles traversèrent les montagnes avec tant de vitesse et de précaution,
qu’elles entrèrent dans Malaga sans que Motamid, un instant auparavant,
eût eu le moindre soupçon de leur approche. Elles n’eurent donc pas de
combat à livrer; tout ce qu’elles avaient à faire, c’était d’égorger des
soldats désarmés et pour la plupart à demi ivres. Motamid leur échappa
en se retirant sur Ronda; mais toute la principauté fut forcée de se
soumettre de nouveau à la domination de Bâdîs.

Que l’on se figure la rage de Motadhid lorsqu’il apprit que, par suite
de la coupable négligence de son fils, il avait perdu une armée et une
superbe principauté! Il commença par ordonner que Motamid fût retenu
prisonnier à Ronda; puis, oubliant les remords que le meurtre de son
fils aîné lui avait causés, il voulut que le second payât de sa tête la
faute qu’il avait commise.

Ignorant encore jusqu’à quel point son père était irrité, Motamid lui
envoya des poèmes remplis de flatteries adroites. Il y faisait l’éloge
de sa générosité, de sa clémence; il tâchait de le consoler en lui
rappelant ses anciens succès. «Que de victoires brillantes n’avez-vous
pas remportées, disait-il, victoires dont on parlera toujours aux
siècles futurs; les caravanes en ont porté le bruit dans les contrées
les plus lointaines, et quand les Arabes du Désert s’assemblent au
clair de la lune pour se raconter les exploits des preux, ils ne parlent
que des vôtres.» Il cherchait à s’excuser en rejetant tout sur les
perfides Berbers; il peignait avec les plus vives couleurs la tristesse
que lui causait sa disgrâce. «Mon âme tremble, disait-il, ma voix et mes
yeux sont éteints. La couleur a disparu de mes joues, et pourtant je ne
suis pas malade; mes cheveux ont blanchi, et pourtant je suis jeune
encore. Rien ne me plaît dorénavant; la coupe et la guitare n’ont plus
d’attrait pour moi; les jeunes filles, qu’elles soient agaçantes ou
timides, ont perdu l’empire qu’elles avaient sur mon âme. Ce n’est pas
que je me sois jeté dans la dévotion, dans la cagoterie; non, je le
jure, je sens encore bouillir dans mes veines le sang fougueux de la
jeunesse; mais la seule chose qui me plairait aujourd’hui, ce serait
d’obtenir votre pardon et de passer ma lance à travers le corps de vos
ennemis.»

Peu à peu, Motadhid se laissa fléchir, en partie par les poèmes de son
fils, car il était fort sensible aux beaux vers, en partie par les
prières d’un pieux ermite de Ronda. Il permit donc à Motamid de
retourner à Séville et se réconcilia avec lui[100]. Mais la principauté
de Malaga était irrévocablement perdue; désormais Bâdîs se tint trop sur
ses gardes pour que Motadhid pût tenter pour la seconde fois un pareil
coup de main. Il est à présumer aussi que le roi de Grenade, toujours
inexorable dans sa vengeance et qui ne marchait qu’escorté de bourreaux,
aura châtié par le feu, par le fer, par la fosse, les malheureux qui
avaient eu l’insolence de se révolter contre lui, et que de cette
manière il aura ôté aux mécontents le désir de recommencer.

Au milieu de leurs maux, ils eurent cependant la consolation--et c’en
était une, car à leur haine de l’oppression se joignait tant soit peu de
fanatisme religieux--ils eurent la consolation, disons-nous, d’apprendre
que l’influence des juifs à la cour de Grenade avait atteint son terme.

Samuel avait cessé de vivre, mais son fils Joseph lui avait succédé.
C’était aussi un homme habile et instruit; seulement il ne savait pas,
comme son père, se faire pardonner à force de modestie la haute dignité
qu’il occupait. Il étalait le faste d’un prince, et quand il allait à
cheval à côté de Bâdîs, on n’apercevait aucune différence entre le
costume du monarque et celui du ministre. Et en vérité, il était plus
roi que le roi. Il dominait complétement Bâdîs, qui était plongé dans
une ivresse presque continuelle, et afin que ce prince ne tentât pas de
se soustraire à son empire, il l’avait entouré d’espions qui lui
rapportaient jusqu’à ses moindres paroles. Au reste il n’était juif que
de nom. On disait du moins qu’il ne croyait pas plus à la religion de
ses ancêtres qu’à une autre, et qu’il les méprisait toutes. Il ne semble
pas avoir attaqué ouvertement celle de Moïse, mais quant à celle de
Mahomet, il déclara en public que ses dogmes étaient absurdes, et il
tourna en ridicule plusieurs versets du Coran.

Par sa fierté, son orgueil, ses sentiments irréligieux et son peu de
respect pour la justice, Joseph avait blessé les Arabes, les Berbers, et
même les juifs. Plusieurs forfaits lui furent imputés, et il se fit une
foule d’ennemis parmi lesquels un faqui arabe, Abou-Ishâc d’Elvira,
tenait le premier rang. La jeunesse de cet homme avait été orageuse;
plus tard il avait essayé d’obtenir à la cour un rang auquel sa
naissance semblait lui donner des droits; mais il n’y avait pas réussi:
Joseph avait frustré ses espérances et l’avait envoyé en exil. Il
s’était jeté alors dans la dévotion; mais rempli de haine contre Joseph,
il composa contre lui et ses coreligionnaires le poème virulent qu’on va
lire:

     Va, mon messager, va rapporter à tous les Cinhédjites, les pleines
     lunes et les lions de notre temps, ces paroles d’un homme qui les
     aime, qui les plaint et qui croirait manquer à ses devoirs
     religieux s’il ne leur donnait des conseils salutaires:

     Votre maître a commis une faute dont les malveillants se
     réjouissent: pouvant choisir son secrétaire parmi les croyants, il
     l’a pris parmi les infidèles! Grâce à ce secrétaire, les juifs, de
     méprisés qu’ils étaient, sont devenus des grands seigneurs, et
     maintenant leur orgueil et leur arrogance ne connaissent plus de
     limites. Tout à coup et sans qu’ils s’en doutassent, ils ont obtenu
     tout ce qu’ils pouvaient désirer; ils sont parvenus au comble des
     honneurs, de sorte que le singe le plus vil parmi ces mécréants
     compte aujourd’hui parmi ses serviteurs une foule de pieux et
     dévots musulmans. Et tout cela, ce n’est pas à leurs propres
     efforts qu’ils le doivent; non, celui qui les a élevés si haut est
     un homme de notre religion!... Ah! pourquoi cet homme ne suit-il
     pas à leur égard l’exemple que lui ont donné les princes bons et
     dévots d’autrefois? Pourquoi ne les remet-il pas à leur place,
     pourquoi ne les rend-il pas les plus vils des mortels? Alors,
     marchant par troupes, ils mèneraient au milieu de nous une vie
     errante, en butte à notre dédain et à notre mépris; alors ils ne
     traiteraient pas nos nobles avec hauteur, nos saints avec
     arrogance; alors ils ne s’asseyeraient pas à nos côtés, ces hommes
     de race impure, et ils ne chevaucheraient pas côte à côte des
     grands seigneurs de la cour!

     O Bâdîs! Vous êtes un homme d’une grande sagacité et vos
     conjectures équivalent à la certitude: comment se fait-il donc que
     vous ne voyiez pas le mal que font ces diables dont les cornes se
     montrent partout dans vos domaines? Comment pouvez-vous avoir de
     l’affection pour ces bâtards qui vous ont rendu odieux au genre
     humain? De quel droit espérez-vous d’affermir votre pouvoir, quand
     ces gens-là détruisent ce que vous bâtissez? Comment pouvez-vous
     accorder une si aveugle confiance à un scélérat et en faire votre
     ami intime? Avez-vous donc oublié que le Tout-Puissant dit dans
     l’Ecriture qu’il ne faut pas se lier avec des scélérats? Ne prenez
     donc pas ces hommes pour vos ministres, mais abandonnez-les aux
     malédictions, car toute la terre crie contre eux; bientôt elle
     tremblera et alors nous périrons tous!... Portez vos regards sur
     d’autres pays et vous verrez que partout on traite les juifs comme
     des chiens et qu’on les tient à l’écart. Pourquoi vous seul en
     agiriez-vous autrement, vous qui êtes un prince chéri de vos
     peuples, vous qui êtes issu d’une illustre lignée de rois, vous qui
     primez vos contemporains, de même que vos ancêtres primaient les
     leurs?

     Arrivé à Grenade, j’ai vu que les juifs y régnaient. Ils avaient
     divisé entre eux la capitale et les provinces; partout commandait
     un de ces maudits. Ils percevaient les contributions, ils faisaient
     bonne chère, ils étaient magnifiquement vêtus, au lieu que vos
     hardes, ô musulmans, étaient vieilles et usées. Tous les secrets
     d’Etat leur étaient connus; quelle imprudence que de les confier à
     des traîtres! Les croyants faisaient un mauvais repas à un _dirhem_
     par tête; mais eux, ils dînaient somptueusement dans le palais. Ils
     vous ont supplantés dans la faveur de votre maître, ô musulmans, et
     vous ne les en empêchez pas, vous les laissez faire? Leurs prières
     résonnent tout comme les vôtres; ne l’entendez-vous pas, ne le
     voyez-vous pas? Ils tuent des bœufs et des moutons sur nos
     marchés, et vous mangez sans scrupule la chair des animaux tués par
     eux! Le chef de ces singes a enrichi son hôtel d’incrustations de
     marbre; il y a fait construire des fontaines d’où coule l’eau la
     plus pure, et pendant qu’il nous fait attendre à sa porte, il se
     moque de nous et de notre religion. Dieu, quel malheur! Si je
     disais qu’il est aussi riche que vous, ô mon roi, je dirais la
     vérité. Ah! hâtez-vous de l’égorger et de l’offrir en holocauste;
     sacrifiez-le, c’est un bélier gras! N’épargnez pas davantage ses
     parents et ses alliés; eux aussi ont amassé des trésors immenses.
     Prenez leur argent; vous y avez plus de droit qu’eux. Ne croyez pas
     que ce serait une perfidie que de les tuer; non, la vraie perfidie,
     ce serait de les laisser régner. Ils ont rompu le pacte qu’ils
     avaient conclu avec nous; qui donc oserait vous blâmer si vous
     punissez des parjures? Comment pourrions-nous aspirer à nous
     distinguer, quand nous vivons dans l’obscurité et que les juifs
     nous éblouissent par l’éclat des grandeurs? Comparés avec eux, nous
     sommes méprisés, et l’on dirait vraiment que nous sommes des
     scélérats et que ces hommes-là sont d’honnêtes gens! Ne souffrez
     plus qu’ils nous traitent comme ils l’ont fait jusqu’à présent, car
     vous nous répondrez de leur conduite. Rappelez-vous aussi qu’un
     jour vous devrez rendre compte à l’Eternel de la manière dont vous
     aurez traité le peuple qu’il a élu et qui jouira de la béatitude
     éternelle!

Ce poème eut peu d’effet sur Bâdîs, qui accordait à Joseph une confiance
illimitée, mais il produisit parmi les Berbers une sensation profonde.
Ils jurèrent la perte du juif, et les chefs du complot répandirent le
bruit que Joseph s’était vendu à Motacim, le roi d’Almérie, avec lequel
on était alors en guerre. Puis, comme les moins crédules et les moins
aveuglés par la passion leur demandaient quel intérêt Joseph pouvait
avoir à trahir un prince qu’il gouvernait complètement, ils répondaient
que, lorsque le juif aurait fait périr Bâdîs et qu’il aurait livré ses
Etats à Motacim, il ferait aussi mourir ce dernier et qu’alors il
s’assiérait sur le trône. Il est à peine besoin de dire que tout cela
n’était qu’une pure calomnie. Le fait est que les Berbers cherchaient un
prétexte pour faire tomber Joseph et pour piller les juifs auxquels ils
enviaient depuis longtemps leurs richesses. Croyant l’avoir trouvé
enfin, ils s’ameutèrent et assaillirent le palais royal où Joseph
s’était réfugié. Pour échapper à leur aveugle fureur, le juif se cacha
dans un charbonnier, où il se noircit la figure afin de se rendre
méconnaissable; mais il fut découvert, reconnu, tué et attaché sur une
croix. Puis les Grenadins s’étant mis à massacrer les autres juifs et à
piller leurs demeures, environ quatre mille personnes devinrent les
victimes de leur haine fanatique (30 décembre 1066)[101].



VIII


Le reste de l’Espagne musulmane n’était guère plus tranquille que le
Midi; partout on se disputait avec acharnement les débris du califat, et
cependant on voyait grossir dans le Nord un torrent dont le flot
menaçait d’engloutir tous les Etats musulmans de la Péninsule.

Pendant un demi-siècle les rois chrétiens avaient eu trop à faire chez
eux pour pouvoir se poser en conquérants; mais vers l’année 1055 les
choses changèrent de face. A cette époque Ferdinand Ier, roi de
Castille et de Léon, se trouva enfin à même de tourner toutes ses forces
contre les Sarrasins. Il était à prévoir que ces derniers ne seraient
pas en état de lui résister. Tous les avantages, en effet, étaient du
côté des chrétiens; ils avaient ce que leurs ennemis n’avaient plus,
l’esprit martial et l’enthousiasme religieux. Aussi les conquêtes de
Ferdinand furent rapides et brillantes. Il enleva à Modhaffar de Badajoz
Viseu et Lamego (1057), conquit sur le roi de Saragosse les forteresses
au sud du Duero, fit une terrible razzia dans les Etats de Mamoun de
Tolède, et s’avança jusqu’à Alcala de Hénarès. Les habitants de cette
ville firent dire à leur souverain que, s’il ne se hâtait de venir à
leur secours, ils seraient bientôt obligés de se rendre. Trop faible
pour repousser l’ennemi, Mamoun prit le parti le plus sage: étant venu
en personne offrir à Ferdinand une immense quantité d’or, d’argent et de
pierres précieuses, il se déclara son vassal et son tributaire, comme
les rois de Badajoz et de Saragosse l’avaient déjà fait[102].

Ce fut alors le tour de Motadhid. Dans l’année 1063, Ferdinand vint
brûler les villages du territoire de Séville, et la faiblesse des Etats
musulmans était telle que Motadhid, quoiqu’il fût sans contredit le
monarque le plus puissant de l’Andalousie, crut prudent de suivre
l’exemple que Mamoun lui avait donné. Il se rendit donc au camp
chrétien, offrit de beaux présents à Ferdinand, et le supplia d’épargner
son royaume. Ferdinand ne semble avoir connu ni la fourberie ni la
cruauté de cet homme, auquel des cheveux blancs et un front sillonné de
rides donnaient l’aspect imposant et vénérable d’un vieillard; car, bien
qu’il ne comptât encore que quarante-sept ans, les soucis de l’ambition,
le travail, les excès et peut-être le remords avaient vieilli ses traits
avant l’âge[103]. Il n’est donc pas étonnant que le roi de Castille se
laissât toucher par ses prières; mais croyant devoir consulter les
grands et les évêques de son royaume, il les convoqua pour leur demander
quelles conditions on imposerait à Motadhid. L’assemblée décida que le
roi de Séville serait tenu de payer un tribut annuel, et de remettre à
des ambassadeurs que Ferdinand lui enverrait, le corps de sainte Juste,
vierge et martyre du temps de la persécution romaine. Motadhid ayant
accepté ces conditions, Ferdinand ramena son armée, et quand il fut de
retour à Léon, il envoya à Séville Alvitus, évêque de la capitale, et
Ordoño, évêque d’Astorga.

Les deux prélats avaient une double tâche à remplir: ils devaient
rapporter à Léon le corps de la sainte et régler l’affaire du
tribut[104]. Malheureusement les recherches que l’on fit pour découvrir
les reliques de sainte Juste demeurèrent inutiles. «Vous le voyez, mes
frères, dit alors Alvitus à ses compagnons, à moins que la miséricorde
divine ne nous vienne en aide, nous retournerons trompés dans nos
espérances de ce pénible voyage. Il me semble donc nécessaire de
demander à Dieu, par trois jours de jeûnes et de prières, qu’il daigne
nous révéler le trésor caché que nous cherchons.» En conséquence, les
chrétiens passèrent trois jours dans les jeûnes et les prières, ce dont
la santé d’Alvitus, déjà altérée au moment où il arriva à Séville,
souffrit beaucoup. Dans la matinée du quatrième jour, cet évêque réunit
de nouveau ses compagnons et leur dit: «Nous devons, mes bien-aimés,
rendre grâce à Dieu de tout notre cœur, puisque, dans sa miséricorde,
il a daigné ne point frustrer notre voyage de sa récompense. Un ordre du
ciel nous défend, il est vrai, de tirer d’ici les membres de la
bienheureuse Juste; mais vous rapporterez dans votre patrie un don non
moins précieux, à savoir le corps du bienheureux Isidore, qui a porté
dans cette ville la mitre épiscopale, et qui, par ses œuvres et sa
parole, fut l’ornement de l’Espagne entière. J’aurais voulu, mes frères,
veiller et prier toute cette nuit, mais m’étant assis un instant accablé
de fatigue, j’ai été vaincu par le sommeil. Alors un vieillard revêtu de
l’habit épiscopal m’est apparu.--Je sais, m’a-t-il dit, dans quel
dessein toi et tes compagnons vous êtes venus ici; mais comme il n’entre
pas dans la volonté divine que cette ville soit attristée par le départ
de sainte Juste, et que Dieu, dans son inépuisable miséricorde, ne veut
pas non plus que tes compagnons partent les mains vides, il leur donne
mon corps.--Qui êtes-vous qui me donnez ces ordres? lui ai-je
demandé.--Je suis le docteur de toute l’Espagne, m’a-t-il répondu, et
autrefois j’ai été le chef des prêtres de cette ville; je suis
Isidore.--Ayant parlé ainsi, il disparut, et m’étant éveillé, je priai
Dieu pour que, si cette vision venait de lui, il daignât la renouveler
une deuxième et une troisième fois. Elle se renouvela en effet deux fois
encore; à chaque reprise le vieillard m’adressa les mêmes paroles, et la
troisième fois il ajouta, en me montrant l’endroit où son corps est
enterré et en le frappant trois fois d’une baguette qu’il tenait à la
main:--Ici, ici, ici, tu trouveras mon corps; et afin que tu ne
t’imagines pas que c’est un fantôme qui t’abuse, tu reconnaîtras que ce
que je dis est vrai à ce signe: aussitôt que mon corps aura été retiré
de la terre, une maladie incurable te saisira, et, quittant ce corps
mortel, tu viendras à nous avec la couronne des justes.--Cela dit, la
vision disparut.»

Alvitus se rendit ensuite avec ses compagnons au palais de Motadhid, lui
raconta sa vision, et lui demanda la permission d’emporter le corps
d’Isidore, en remplacement de celui de sainte Juste.

Le récit de l’évêque a dû produire sur Motadhid une impression
singulière. Sceptique et railleur, il enveloppait toutes les religions
dans un même dédain, et ne croyait qu’à deux choses, l’astrologie et le
vin[105]. Il écouta néanmoins l’évêque avec un sérieux imperturbable,
et quand celui-ci eut conclu sa longue harangue: «Hélas! s’écria-t-il
d’un ton de profonde tristesse, si je vous donne Isidore, que me
reste-t-il donc ici? Toutefois, que la volonté de Dieu soit faite! Vous
êtes un homme trop vénérable pour que je puisse vous refuser quelque
chose. Cherchez le corps d’Isidore et emportez-le, malgré que j’en aie.»
L’Arabe, en vrai renard qu’il était, comprenait le parti qu’il pouvait
tirer de la piété des chrétiens, piété dont il riait sous cape. Ayant un
tribut à payer, il calculait que s’il feignait d’attacher un grand prix
aux reliques, si, pour ainsi dire, il ne se les laissait arracher qu’à
son corps défendant, elles pourraient lui devenir fort utiles. Il
comptait faire comme le débiteur qui, pressé de payer sa dette, sait
faire entrer dans le compte quelque antiquaille, qu’il fait accepter à
son créancier comme un objet d’une antiquité, d’une rareté et d’un prix
tout à fait extraordinaires. Aussi joua-t-il son rôle jusqu’au bout, car
au moment où l’évêque d’Astorga (son collègue Alvitus venait de mourir)
s’apprêtait à quitter Séville avec les restes d’Isidore, il vint à la
rencontre du cortége, jeta sur le sarcophage une couverture de brocart
chargée d’arabesques d’un travail merveilleux, et, poussant de gros
soupirs: «Voilà que tu te retires d’ici, Isidore, homme vénérable!
s’écria-t-il; tu sais pourtant quelle étroite amitié nous unit[106]!»

L’année suivante (1064) fut extrêmement désastreuse pour les musulmans.
Coïmbre fut obligée de se rendre à Ferdinand après avoir soutenu un
siége de six mois. En vertu de la capitulation, plus de cinq mille des
défenseurs de la place furent livrés au vainqueur; les autres quittèrent
leurs demeures n’emportant avec eux que l’argent nécessaire à leur
voyage. Ce n’était pas tout encore: tous les musulmans qui demeuraient
entre le Duero et le Mondego reçurent l’ordre de quitter le pays[107].
Ferdinand tourna ensuite ses armes contre le royaume de Valence, où le
faible et indolent Abdalmélic-Modhaffar, qui avait succédé à son père
Abdalazîz en 1061, régnait alors. La capitale fut assiégée; mais voyant
qu’elle était difficile à prendre, les Castillans eurent recours à une
ruse pour la priver de ses défenseurs. Ils feignirent de se retirer et
alors les Valenciens sortirent pour les poursuivre revêtus de leurs
habits de fête, tant ils croyaient la victoire facile. Leur audace leur
coûta cher. Près de Paterna, à gauche de la route qui mène de Valence à
Murcie, ils furent assaillis à l’improviste par les Castillans. La
plupart furent massacrés et leur roi ne dut son salut qu’à la vitesse de
son cheval[108]. La prise de la forteresse de Barbastro, l’une des plus
importantes dans le Nord-est, fut aussi un affreux malheur. Elle tomba
au pouvoir d’une armée de Normands, commandée par Guillaume de
Montreuil, qui était alors général en chef des troupes du pape, et qui,
dans les romans de chevalerie, porte le nom de Guillaume au Court nez.
Le sort des vaincus fut terrible. Les soldats de la garnison s’étaient
rendus après avoir stipulé qu’ils auraient la vie sauve, mais étant
sortis de la ville, ils furent presque tous massacrés. Les habitants ne
furent pas mieux traités. Eux aussi avaient obtenu l’_amân_, et ils
s’apprêtaient à quitter la ville, lorsque Guillaume de Montreuil, à qui
leur grand nombre inspirait des inquiétudes, ordonna à ses soldats
d’éclaircir leurs rangs. La boucherie ne cessa qu’après que six mille
personnes eurent perdu la vie. Puis on enjoignit à tous ceux qui
possédaient une maison de rentrer dans la ville avec leurs femmes et
leurs enfants. Ils obéirent, et alors les Normands divisèrent tout entre
eux. «Chaque chevalier qui recevait une maison pour son partage, dit un
auteur arabe de ce temps, recevait en outre tout ce qu’il y avait
dedans, les femmes, les enfants, l’argent etc., et il pouvait faire du
maître de la maison tout ce qu’il voulait; aussi prenait-il tout ce que
le maître lui montrait, et il le forçait par des tortures de tout genre
à lui livrer ce qu’il prétendait lui cacher. Parfois le musulman rendait
l’âme au milieu de ces tortures, ce qui était réellement un bonheur pour
lui, car s’il y survivait, il avait à éprouver des douleurs encore plus
grandes, attendu que les mécréants, par un raffinement de cruauté,
prenaient plaisir à violer les femmes et les filles de leurs prisonniers
devant les yeux de ceux-ci. Chargés de fers, ces infortunés étaient
forcés d’assister à ces scènes horribles; ils versaient bien des larmes
et leur cœur se brisait.» Heureusement pour les musulmans, Guillaume
et ses compagnons ne tardèrent pas à quitter l’Espagne pour aller jouir
dans leur patrie des immenses richesses qu’ils avaient acquises. Il ne
resta donc à Barbastro qu’une garnison assez faible, et Moctadir de
Saragosse, qui avait reçu de Motadhid un renfort de cinq cents
cavaliers, profita de cette circonstance pour reprendre la ville dans le
printemps de l’année suivante (1065)[109].

Cependant Ferdinand continuait ses efforts pour s’emparer de Valence, et
quoique le roi de cette ville eût reçu des renforts de son beau-père,
Mamoun de Tolède, il se trouvait dans une position fort dangereuse,
lorsque Ferdinand tomba malade, ce qui le contraignit à retourner à
Léon. Abdalmélic, toutefois, n’eut guère lieu de s’en féliciter, car en
novembre il fut détrôné et enfermé dans la forteresse de Cuenca par son
beau-père, qui incorpora le royaume de Valence dans ses Etats[110].

Bientôt après, la mort vint délivrer les musulmans de leur plus terrible
adversaire. Par sa bravoure, sa piété et la pureté de ses mœurs,
Ferdinand avait été le modèle des rois: une mort belle et sainte
couronna dignement une vie belle et sainte aussi. Arrivé à Léon le
samedi 24 décembre, il s’empressa d’aller prier dans l’église qu’il
avait dédiée à saint Isidore, convaincu que le moment approchait où son
corps y reposerait pour toujours. Ensuite il prit quelques heures de
repos dans son palais, mais la nuit il retourna à l’église, où les
prêtres célébraient par des chants solennels la fête de la nativité du
Seigneur, et quand ils entonnèrent, selon la liturgie de Tolède encore
en usage alors, le dernier nocturne des matines, l’_Advenit nobis_, il
mêla sa voie affaiblie à la leur. Au lever de l’aube, il les pria de
dire la messe, et, ayant reçu l’eucharistie, il se fit reconduire à son
lit, marchant péniblement appuyé sur les serviteurs de sa maison. Le
lendemain dans la matinée, il se fit revêtir de ses habits royaux et
reporter à l’église, où il s’agenouilla devant l’autel, et, déposant le
manteau royal et la couronne, il dit d’une voix encore claire: «A toi
sont la puissance et le règne, Seigneur! Tu es le roi des rois; à toi
sont les royaumes du ciel et de la terre. Je te rends donc celui que tu
m’as donné et que j’ai gouverné tant qu’il a plu à ta divine volonté. Je
te prie seulement de recevoir dans ta miséricorde mon âme arrachée au
gouffre de ce monde.» Puis, prosterné sur les dalles, il implora en
pleurant le pardon de ses péchés, reçut l’extrême onction de la main
d’un évêque, et, le corps revêtu d’un cilice, la tête couverte de
cendre, il attendit la mort, le regard plein de foi et de résignation.
Le lendemain, mardi, à l’heure de sexte, il rendit son âme à Dieu, ou
plutôt il s’endormit, tant son visage était demeuré calme et
souriant[111].

Une autre mort, moins sainte à coup sûr, suivit d’assez près celle-là:
Motadhid de Séville expira le samedi 28 février de l’année 1069. Deux
ans auparavant il avait incorporé Carmona dans son royaume, et un peu
plus tard il s’était souillé d’un nouveau meurtre, en poignardant de sa
propre main un patricien de Séville, Abou-Hafç Hauzanî[112]. Au reste
son esprit, dans les dernières années de sa vie, était obsédé par de
noirs pressentiments. Il ne redoutait pas de voir succomber sous les
attaques des Castillans le trône qu’il avait fondé à force de ruses, de
trahisons, de perfidies; la prédiction de ses astrologues dont nous
avons déjà parlé et qui disait que sa dynastie serait renversée par des
hommes nés hors de la Péninsule, donnait à ses craintes une autre
direction. Longtemps il avait pensé que ces étrangers étaient les
Berbers qui demeuraient dans son voisinage; mais à présent qu’il les
avait exterminés et qu’il croyait déjà avoir vaincu l’arrêt des astres,
il commençait à soupçonner qu’il s’était trompé. De l’autre côté du
Détroit une nuée de barbares, qu’une espèce de prophète avait arrachés à
leurs déserts, marchaient à la conquête de l’Afrique avec la rapidité et
l’enthousiasme des premiers musulmans. Dans ces sectaires, qui se
donnaient le nom d’Almoravides, Motadhid voyait les conquérants futurs
de l’Espagne, et aucun raisonnement ne pouvait dissiper les craintes
qu’ils lui inspiraient. Un jour qu’il lisait et relisait une lettre
qu’il avait reçue de Sacaute, le prince de Ceuta, et qui portait que
l’avant-garde des Almoravides venait d’établir son camp dans la plaine
de Maroc, un de ses vizirs s’écria: «Comment se peut-il, seigneur, que
cette nouvelle vous cause des soucis? Ah, vraiment, c’est une belle
résidence que cette pauvre plaine de Maroc, surtout quand on la compare
à la belle, à la magnifique Séville! Qu’est-ce que cela vous fait que
ces barbares soient arrivés là? Entre eux et nous il y a des déserts, de
nombreuses armées et les ondes de l’océan.--Je suis convaincu qu’un jour
ils arriveront ici, lui répondit Motadhid d’une voix sombre; tu le
verras peut-être toi-même. Ecris sur-le-champ au gouverneur d’Algéziras,
ordonne-lui de fortifier Gibraltar encore davantage, dis-lui qu’il se
tienne sur ses gardes et qu’il épie avec la plus grande attention tout
ce qui se passe au delà du Détroit.» Puis, promenant ses regards sur ses
fils: «Puissé-je savoir, dit-il, qui de nous sera frappé par le malheur
qui nous menace! Sera-ce vous ou moi?--Que Dieu vous épargne à mes
dépens, mon père, s’écria alors Motamid, et qu’il m’envoie tous les
malheurs, quels qu’ils soient, qu’il vous destinait!»[113]

Cinq jours avant sa mort, éprouvant déjà un certain malaise, une
certaine pesanteur de corps et d’esprit, Motadhid fit venir un de ses
chanteurs, un Sicilien, et lui enjoignit de chanter n’importe quoi. Il
était résolu à regarder comme un présage les paroles de l’air que le
chanteur choisirait. Or, celui-ci se mit à chanter un de ces airs à la
fois suaves et tristes dont la littérature arabe est si riche, et qui
commençait ainsi:

     Jouissons de la vie, car nous savons qu’elle sera finie bientôt!
     Mêle donc le vin à l’eau des nuages, ô ma bien-aimée, et
     donne-le-nous!

Il chanta cinq vers de cette chanson, de sorte que par une coïncidence
singulière, mais qui paraît bien avérée, le nombre des vers répondait
justement à celui des jours que Motadhid vivrait encore.

Deux jours après, le jeudi 26 février, son amour paternel--car nous
avons déjà dit que, malgré sa cruauté, il avait réellement une profonde
affection pour ses enfants--reçut une atteinte extrêmement douloureuse
par la mort d’une fille qu’il adorait. Dans la soirée du vendredi, il
assista à ses funérailles, le cœur gonflé de tristesse; mais la
cérémonie achevée, il se plaignit d’un violent mal de tête. Son médecin
venu, il eut une hémorragie qui faillit le suffoquer. Le médecin voulut
le saigner; mais Motadhid, en patient peu soumis qu’il était, lui
ordonna d’attendre jusqu’au lendemain. C’est ce qui hâta sa mort, car le
lendemain, samedi, l’hémorragie recommença. Elle fut encore plus
violente que la première fois, et, ayant perdu l’usage de la parole,
Motadhid rendit le dernier soupir[114].

Son fils Motamid, que nous tâcherons de faire connaître, lui succéda.



IX.


Né en 1040, Motamid, âgé de onze ou douze ans seulement, avait été nommé
par son père au gouvernement de Huelva, et, peu de temps après, il avait
commandé l’armée sévillane qui assiégeait Silves. Ce fut à cette
occasion qu’il fit la connaissance d’un aventurier qui ne comptait que
neuf ans de plus que lui et qui était appelé à jouer un rôle
considérable dans sa destinée.

Il s’appelait Ibn-Ammâr. Né dans un hameau aux environs de Silves, de
parents arabes, mais pauvres et obscurs, il avait commencé par étudier
les belles lettres à Silves et à Cordoue; puis il s’était mis à
parcourir l’Espagne, afin de gagner le pain du jour en composant des
panégyriques pour tous ceux qui étaient en état de les payer; car,
tandis que les poètes en renom auraient cru déroger, s’ils eussent
composé des poèmes pour d’autres que pour des princes ou des vizirs, ce
pauvre jeune homme inconnu et mal habillé, qui excitait l’hilarité des
uns et la pitié des autres par sa longue pelisse et sa petite calotte,
s’estimait heureux si quelque parvenu enrichi daignait lui jeter les
miettes de sa table en échange de ses vers, qui pourtant avaient du
mérite. Un jour il arriva à Silves dans un moment de gêne excessive,
n’ayant que son mulet et ne sachant comment faire pour nourrir ce fidèle
compagnon de ses misères. Heureusement il se souvint d’un homme fort à
même de le seconder, s’il le voulait, d’un riche négociant de la ville,
qui, à défaut de connaissances littéraires, avait du moins assez de
vanité pour goûter une ode composée à sa louange. Le pauvre poète en
écrivit une, la lui envoya et lui fit connaître sa détresse. Flatté dans
son amour-propre, le négociant lui fit parvenir un sac d’orge. En
recevant ce présent assez chétif, Ibn-Ammâr se disait bien que le
marchand aurait pu lui envoyer tout aussi bien un sac de froment; mais
il n’en fut pas moins fort joyeux, et nous verrons que dans la suite il
sut se montrer reconnaissant envers son bienfaiteur.

Le talent poétique d’Ibn-Ammâr ne tarda pas à être connu et lui valut
l’honneur d’être présenté à Motamid. Il lui plut extrêmement, et comme
ils aimaient tous les deux les plaisirs, les aventures de toute sorte et
surtout les beaux vers, une amitié intime s’établit bientôt entre eux.
Aussi, dès que Silves eut été pris et que Motamid en eut été nommé
gouverneur, il s’empressa de créer un vizirat pour son ami et lui
abandonna le gouvernement de la province[115].

Les beaux jours passés à Silves, ce séjour enchanteur où tout le monde
était poète alors[116] et que l’on appelle encore aujourd’hui le paradis
du Portugal, ne s’effacèrent jamais du souvenir de Motamid. Son cœur
ne s’était pas encore ouvert à l’amour; quelques vives fantaisies
s’étaient bien emparées de son imagination, mais elles s’étaient
évanouies sans lui avoir apporté des jouissances durables[117]. Pour lui
c’était le temps de l’amitié enthousiaste, et il s’abandonnait à ce
sentiment sans arrière-pensée, avec toute la fougue de son âge. Quant à
Ibn-Ammâr, n’ayant pas été élevé comme le prince au sein de l’opulence,
du luxe et du bonheur; ayant connu au contraire, dès le matin de la vie,
les luttes, le découragement, les cruelles déceptions et l’indigence,
son imagination était moins fraîche, moins riante, moins jeune; il ne
pouvait se défendre d’une certaine ironie, il était déjà sceptique sur
bien des points.... Un jour de vendredi les deux amis se rendaient à la
mosquée, lorsque Motamid, entendant le moëzzin annoncer l’heure de la
prière, improvisa ce vers, en priant Ibn-Ammâr d’y ajouter un second sur
le même mètre et la même rime:

    --Voici le moëzzin qui annonce l’heure de la prière;

    --En le faisant, il espère que Dieu lui pardonnera ses nombreux
     péchés, répliqua Ibn-Ammâr.

    --Qu’il soit heureux, puisqu’il porte témoignage à la vérité,
     continua le prince;

    --Pourvu, toutefois, qu’il croie dans son cœur ce qu’il dit avec
     sa langue, répliqua en souriant le vizir[118].

Chose étrange, mais qu’on s’explique cependant quand on songe qu’il
avait appris de bonne heure à connaître les hommes et à se méfier d’eux:
Ibn-Ammâr doutait même de l’amitié, si tendre et si illimitée pourtant,
que lui portait le jeune prince; il avait beau faire, il ne pouvait
chasser les sombres pressentiments qui maintefois venaient obséder son
esprit, surtout pendant les festins, car il avait le vin triste. On
raconte à ce sujet une aventure singulière et bizarre à coup sûr, mais
qui néanmoins semble vraie, car ce récit repose sur les témoignages les
plus respectables en ce cas, ceux de Motamid et d’Ibn-Ammâr eux-mêmes.
Un soir, dit-on, Motamid avait invité Ibn-Ammâr à un souper. Il l’avait
choyé plus encore que de coutume, et quand les autres convives se
retirèrent, il le conjura de rester et de partager son lit. Le vizir
céda à ses instances; mais à peine endormi, il entendit une voix qui lui
dit: «Malheureux, il te tuera un jour!» Saisi de frayeur, Ibn-Ammâr
s’éveilla en sursaut; mais tâchant de chasser de son cerveau ces noires
idées qu’il attribuait aux fumées du vin, il parvint enfin à se
rendormir. Cependant il entendit ces sinistres paroles pour la seconde,
pour la troisième fois. N’y tenant plus alors, et convaincu que c’était
un avertissement surnaturel, il se leva sans faire de bruit, et, s’étant
enveloppé le corps d’une natte, il alla se blottir dans un coin du
portique, résolu à s’évader aussitôt que les portes du palais
s’ouvriraient, car il voulait gagner un port de mer et s’embarquer pour
l’Afrique.

Cependant Motamid, s’étant éveillé à son tour et ne trouvant pas son ami
à ses côtés, poussa un cri d’alarme qui fit accourir tous ses
serviteurs. On se mit à fouiller, à fureter le palais en tous sens.
Motamid lui-même dirigeait les recherches. Voulant examiner si la porte
avait été ouverte, il arriva dans le portique où Ibn-Ammâr se tenait
caché. Celui-ci se trahit par un mouvement involontaire, au moment même
où les regards du prince s’arrêtaient sur la natte dont il s’était
enveloppé. «Qu’est-ce qui remue donc sous cette natte?» s’écria Motamid,
et, les serviteurs y courant tous pour la fouiller, Ibn-Ammâr se montra
dans le plus piteux état du monde, n’ayant pour tout vêtement qu’un
caleçon, tremblant de tous ses membres, et rougissant de honte sans
qu’il osât lever les yeux. A sa vue, Motamid fondit en pleurs. «O
Abou-Becr, s’écria-t-il, qu’as-tu donc pour agir ainsi?» Puis, voyant
que son ami tremblait toujours, il l’entraîna doucement dans sa chambre,
où il tâcha de tirer de lui le secret de son étrange conduite. Il
demeura longtemps sans y réussir. En proie à un violent paroxysme
nerveux, partagé entre le ridicule de sa position et la peur, Ibn-Ammâr
pleurait et riait à la fois. S’étant calmé enfin, il avoua tout. Motamid
ne fit que rire de sa confession. «Cher ami, dit-il en lui serrant
affectueusement la main, les vapeurs du vin t’ont offusqué le cerveau et
tu as eu le cauchemar, voilà tout. Crois-tu donc que je serais jamais en
état de te tuer, toi, mon âme, toi, ma vie? Mais ce serait commettre un
suicide! Et maintenant, tâche d’oublier ces vilains rêves et n’en
parlons plus.»

«Ibn-Ammâr, dit un historien arabe, essaya en effet d’oublier cette
aventure et y réussit; mais à la fin, nombre de jours et de nuits
s’étant écoulés dans l’intervalle, il lui arriva ce que nous raconterons
plus tard[119].»

Quand les deux amis n’étaient pas à Silves, ils étaient à Séville, où
ils se livraient aux plaisirs de toute sorte qu’offrait cette brillante
et délicieuse capitale. Souvent ils allaient, sous un déguisement
quelconque, à la _Prairie d’argent_, sur les bords du Guadalquivir, où
le peuple, hommes et femmes, venait chercher ses divertissements. C’est
là que Motamid rencontra pour la première fois celle qui était destinée
à devenir la compagne de sa vie. Se promenant un soir avec son ami dans
la Prairie d’argent, il arriva que la brise effleura l’eau de la
rivière, et que Motamid improvisa ce vers, après avoir prié Ibn-Ammâr
d’y ajouter un second:

     La brise a converti l’eau en cuirasse....

Mais Ibn-Ammâr ne trouvant pas instantanément une réplique, une jeune
fille du peuple qui se trouvait dans leur voisinage, la donna ainsi:

     Cuirasse magnifique, en effet, un jour de combat, pourvu que l’eau
     se fût congelée.

Emerveillé d’entendre une jeune fille improviser plus promptement
qu’Ibn-Ammâr, fort renommé cependant pour ce talent, Motamid la regarda
avec attention. Il fut frappé de sa beauté, et appelant aussitôt un
eunuque qui le suivait à quelque distance, il lui ordonna de conduire
l’improvisatrice à son palais, vers lequel il se hâta de retourner.

Quand la jeune fille fut arrivée en sa présence, il lui demanda qui elle
était et quel était son état.

--Je me nomme Itimâd, répondit-elle; ordinairement on m’appelle
Romaiquia, car je suis esclave de Romaic, et quant à ma profession, je
suis muletière.

--Dites-moi, êtes-vous mariée?

--Non, mon prince.

--Tant mieux alors, car je vais vous acheter de votre maître et vous
épouser[120].

Pendant toute sa vie, Motamid aima Romaiquia d’un amour inaltérable.
Elle avait tout pour lui plaire. On la comparait parfois à Wallâda, de
Cordoue, la Sapho de ce temps-là. Cette comparaison, juste sous certains
rapports, ne l’était pas sous d’autres. N’ayant pas reçu une éducation
soignée, Romaiquia ne pouvait rivaliser avec Wallâda en savoir; mais
elle ne lui était pas inférieure pour la conversation spirituelle, les
bons mots, les heureuses et naïves saillies, les répliques vives et
ingénieuses, et la surpassait peut-être par ses grâces naturelles et
presque enfantines, son enjouement et son espièglerie[121]. Ses caprices
et ses fantaisies faisaient le bonheur et le désespoir de son époux,
obligé de les satisfaire à tout prix, car une fois qu’elle s’était mis
une idée dans la tête, rien ne pouvait l’y faire renoncer. Un jour, au
mois de février, elle regarda, de l’embrasure d’une fenêtre du palais à
Cordoue, tomber des flocons de neige, spectacle assez rare dans ce pays
où il n’y a presque pas d’hiver. Tout à coup elle se mit à pleurer.

--Qu’as-tu donc, ma chère amie? lui demanda son mari.

--Ce que j’ai? lui répondit-elle en sanglotant; j’ai que tu es un
barbare, un tyran, un monstre! Vois donc comme c’est joli la neige,
comme c’est beau, comme c’est magnifique, comme ces moelleux flocons
s’attachent gentiment aux branches des arbres; et toi, ingrat que tu es,
tu ne songes pas seulement à me procurer ce superbe spectacle chaque
hiver; jamais tu n’as eu l’idée de m’emmener dans quelque pays où il
tombe toujours de la neige!

--Ne te désespère pas ainsi, ma vie, mon bien, lui répondit le prince en
essuyant les larmes qui sillonnaient ses joues; tu auras ta neige chaque
hiver, et ici même, je t’en réponds.

Et il ordonna de planter des amandiers sur toute la Sierra de Cordoue,
afin que les blanches fleurs de ces beaux arbres qui fleurissent dès que
les gelées sont passées, remplaçassent pour Romaiquia les flocons de
neige qu’elle avait tant admirés[122].

Une autre fois elle vit des femmes du peuple qui pétrissaient de leurs
pieds nus le limon dont on voulait faire des briques, et se mit à
pleurer. Son mari lui ayant demandé la cause de son chagrin:

--Ah! je suis bien malheureuse, lui dit-elle, depuis le jour où
m’arrachant à la vie joyeuse et libre que je menais dans ma masure, tu
m’as enfermée dans ce triste palais et chargée des lourdes chaînes de
l’étiquette! Regarde donc ces femmes, là-bas, au bord de la rivière! Je
voudrais comme elles pétrir le limon de mes pieds nus, mais, hélas!
condamnée par toi à être riche et sultane, je ne le puis pas!

--Si fait, tu le pourras, lui répondit le prince en souriant.

Et à l’instant même il descendit dans la cour du palais et y fit
apporter une énorme quantité de sucre, de cannelle, de gingembre et de
parfumeries de toute espèce; puis, la cour étant entièrement couverte de
ces ingrédients précieux, il les fit mouiller d’eau rose et pétrir à
force de bras, si bien qu’ils formèrent une espèce de limon. Tout cela
fait:

--Veuille descendre dans la cour avec tes suivantes, dit le prince à
Romaiquia; le limon t’y attend.

La sultane y alla, et, s’étant déchaussée de même que ses suivantes,
toutes se mirent à plonger leurs pieds, avec une gaîté folâtre, dans ce
limon aromatique.

C’était là une fantaisie bien dispendieuse; aussi Motamid savait-il la
rappeler au besoin à sa capricieuse épouse dont les désirs ne
connaissaient pas de bornes. Un jour, ayant demandé une chose que le
prince ne pouvait lui accorder:

--Ah! je suis bien à plaindre, s’écria-t-elle. Décidément je suis la
plus malheureuse des femmes, car je prends Dieu à témoin que jamais tu
n’as fait la moindre chose pour me plaire.

--Pas même le jour du limon? lui demanda Motamid d’une voix douce et
tendre.

Romaiquia rougit et n’insista pas davantage[123].

Force nous est d’ajouter que les ministres de la religion ne
prononçaient jamais le nom de cette sémillante sultane qu’avec une
sainte horreur. Ils la considéraient comme le plus grand obstacle à la
conversion de son mari, sans cesse entraîné par elle, disaient-ils, dans
un tourbillon de plaisirs et de voluptés, et si les mosquées étaient
désertes le vendredi, ils en imputaient la faute à elle. Romaiquia
riait de leurs clameurs; insouciante et étourdie, elle ne soupçonnait
pas, la pauvrette, que ces hommes deviendraient redoutables un
jour![124]

Au reste, malgré son amour, Motamid continuait d’accorder à Ibn-Ammâr
une large place dans son cœur. Une fois, étant loin de Romaiquia avec
son ami, il lui écrivit une lettre dans laquelle il fit entrer ces six
vers acrostiches:

     =I=nvisible à mes yeux, tu es toujours présente à mon cœur.

     =T=on bonheur puisse-t-il être infini comme le sont mes soucis, mes
     larmes et mes insomnies!

     =I=mpatient du frein quand d’autres femmes veulent me l’imposer, je
     me soumets docilement à tes moindres souhaits.

     =M=on vœu de chaque instant, c’est d’être à tes côtés. Ah!
     puisse-t-il être exaucé bientôt!

     =A=mie de mon cœur, pense à moi et ne m’oublie pas, quelque longue
     que soit l’absence!

     =D=oux nom que le tien! Je viens de l’écrire, je viens de tracer ces
     lettres chéries: _Itimâd_[125].

Il termina sa lettre par ces mots: «Bientôt je viendrai te revoir,
pourvu, toutefois, qu’Allâh et Ibn-Ammâr le veuillent bien.»

Ayant reçu connaissance de cette phrase, Ibn-Ammâr adressa ces vers à
son ami:

     Ah! mon prince, je n’ai jamais d’autre désir, moi, que de faire ce
     que vous voulez; je me laisse conduire par vous comme le voyageur
     nocturne se laisse guider par les éclairs éblouissants. Voulez-vous
     retourner auprès de celle qui vous est chère, montez alors sur un
     fin voilier,--je vous suis;--ou bien, sautez en selle,--je vous
     suis encore. Ensuite, quand, grâce à la protection divine, nous
     serons arrivés dans la cour de votre palais, vous me laisserez
     retourner seul à ma demeure, et vous-même, sans vous donner le
     temps de déposer votre épée, vous irez vous jeter aux pieds de la
     belle à la ceinture d’or; puis, rattrapant le temps perdu, vous
     l’embrasserez, vous la presserez contre votre poitrine, tandis que
     votre bouche et la sienne murmureront de douces paroles, de même
     que les oiseaux se répondent par des chants mélodieux au lever de
     l’aurore[126].

Partageant son cœur entre l’amitié et l’amour, le jeune prince menait
une vie charmante; mais elle fut troublée tout à coup: son père frappa
Ibn-Ammâr d’une sentence d’exil. Ce fut pour les deux amis un coup de
foudre; mais qu’y faire? Motadhid était inébranlable dans ses
résolutions une fois prises. Ibn-Ammâr passa dans le Nord, et notamment
à Saragosse, les tristes années de son exil, jusqu’à ce que Motamid, qui
comptait alors vingt-neuf ans, succédât à son père[127]. Le prince
s’empressa de rappeler auprès de lui l’ami de son adolescence, et lui
laissa le choix entre les divers emplois du royaume. Ibn-Ammâr se
décida pour le gouvernement de la province où il était né. Bien qu’il le
vît à regret s’éloigner de sa personne, Motamid lui accorda néanmoins sa
demande[128]; mais au moment où son ami lui disait adieu, les charmants
souvenirs de son séjour à Silves et toutes ces premières émotions qui ne
laissent aucune amertume dans le cœur se ranimaient en lui, et il
improvisa ces vers:

     Salue à Silves les endroits chéris que tu sais, ô Abou-Becr, et
     demande-leur s’ils ont gardé mon souvenir. Salue surtout le
     Charâdjîb, ce superbe palais dont les salles sont remplies de lions
     et de blanches beautés, de sorte que l’on se croirait tantôt dans
     un antre, tantôt dans un sérail[129], et dis-lui qu’il y a ici un
     jeune chevalier qui en tout temps brûle du désir de le revoir. Que
     de nuits n’ai-je pas passées là, à côté d’une jeune beauté aux
     larges hanches, à la mince ceinture! Que de fois les jeunes filles
     blanches ou cuivrées m’y ont percé le cœur de leurs doux
     regards, comme si leurs yeux eussent été des épées ou des lances!
     Que de nuits n’ai-je pas passées aussi dans le vallon au bord de la
     rivière avec la belle chanteuse dont le bracelet ressemblait à la
     lune dans son croissant! Elle m’enivrait de toutes les manières,
     tantôt de ses regards, tantôt du vin qu’elle m’offrait, tantôt,
     enfin, de ses baisers. Puis, quand elle jouait sur sa guitare un
     air guerrier, je croyais entendre le cliquetis des épées et me
     sentais saisi d’une ardeur martiale. Délicieux moment surtout que
     celui où, ayant ôté sa robe, elle m’apparut svelte et flexible
     comme un rameau de saule! «La fleur, me disais-je alors, est sortie
     du bouton[130].»

Ibn-Ammâr fit son entrée dans Silves entouré d’un cortége superbe et
avec une pompe telle que Motamid lui-même, quand il était gouverneur de
la province, n’en avait jamais déployé une pareille; mais il se fit
pardonner cette bouffée d’orgueil par un noble acte de reconnaissance,
car, ayant appris que le négociant qui l’avait secouru dans sa détresse
alors qu’il n’était encore qu’un pauvre poète ambulant, vivait encore,
il lui envoya un sac rempli de pièces d’argent. Ce sac était celui-là
même que le négociant lui avait fait parvenir rempli d’orge; Ibn-Ammâr
l’avait soigneusement conservé. Pourtant il ne dissimula point à son
ancien bienfaiteur qu’il avait trouvé son présent un peu mesquin, car il
lui fit dire ces paroles: «Si autrefois vous nous eussiez envoyé ce sac
rempli de froment, nous vous l’aurions renvoyé rempli d’or[131].»

Il ne resta pas longtemps à Silves. Ne pouvant vivre sans lui, Motamid
le rappela à la cour, après l’avoir nommé premier ministre[132].



X.


Comme Motamid et son ministre aimaient avant tout la poésie, la cour de
Séville devint le rendez-vous des meilleurs poètes de l’époque. Les
rimailleurs n’avaient aucune chance d’y faire fortune, car Motamid était
un critique sévère qui examinait avec soin chaque poème qu’on lui
présentait et qui en pesait chaque expression, chaque syllabe[133]; mais
quand il s’agissait d’un poète de talent, sa générosité ne connaissait
pas de bornes. Un jour il entendit réciter ces deux vers:

     La fidélité à tenir ses promesses est à présent une chose bien
     rare. Vous ne trouverez personne qui pratique cette vertu, personne
     même qui y songe. C’est quelque chose de fabuleux comme le griffon,
     ou comme ce conte qui dit qu’un poète reçut un jour un présent de
     mille ducats.

--De qui sont ces vers? demanda-t-il.

--D’Abd-al-djalîl, lui répondit-on.

--Eh quoi! s’écria-t-il alors, un de mes serviteurs, un bon poète,
regarde un présent de mille ducats comme quelque chose de fabuleux?

Et à l’instant même il fit remettre mille ducats à Abd-al-djalîl[134].

Une autre fois il s’entretenait avec un des poètes siciliens qui étaient
venus à sa cour après que leur patrie eut été conquise par Roger le
Normand, lorsqu’on lui apporta des pièces d’or qui sortaient de l’hôtel
de la monnaie. Il en donna deux bourses au Sicilien; mais celui-ci, non
content de ce cadeau, tout magnifique qu’il était, regardait d’un œil
de convoitise une figurine en ambre, incrustée de perles, qui se
trouvait dans la salle et qui représentait un chameau. «Seigneur, dit-il
enfin, votre présent est superbe, mais il est lourd, et je crois qu’il
me faudrait un chameau pour le transporter à ma demeure.--Le chameau est
à toi,» lui répondit Motamid en souriant[135].

En général, pourvu qu’on eût de l’esprit, on était sur de plaire à
Motamid, fût-on poète ou autre chose, fût-on même voleur de grands
chemins, témoin l’histoire du _Faucon gris_. Le Faucon gris--on ne le
désignait que par ce sobriquet--avait été longtemps le plus grand voleur
de l’époque, l’effroi et le fléau des habitants des campagnes; mais
étant enfin tombé entre les mains de la justice, il fut condamné à être
crucifié sur la grande route, afin que les paysans pussent être témoins
de son supplice. Toutefois, comme il faisait une chaleur étouffante le
jour où cet arrêt fut exécuté, la route était peu fréquentée. Au pied de
la croix sur laquelle le voleur avait été cloué, se tenaient sa femme et
ses filles. Elles pleuraient à chaudes larmes. «Hélas! disaient-elles,
quand tu ne seras plus, nous devrons mourir de faim!» Or le Faucon gris
était un homme très-compatissant, un cœur d’or, et la pensée que sa
famille tomberait dans la misère lui fendait l’âme. Justement il vit
arriver un marchand forain qui chevauchait sur un mulet chargé de pièces
d’étoffe et d’autres marchandises qu’il allait vendre dans les villages
voisins.

--Hé, seigneur, lui cria-t-il, je me trouve ici dans une position assez
désagréable comme vous voyez, mais vous pourriez me rendre un grand
service duquel vous profiteriez beaucoup vous-même.

--Comment cela? demanda l’autre.

--Vous voyez ce puits là-bas?

--Oui, je le vois.

--Fort bien! Sachez donc qu’au moment où j’ai eu la bêtise de me laisser
prendre par ces maudits gendarmes, j’ai jeté cent ducats dans ce puits
qui est à sec. Peut-être voudriez-vous bien avoir la complaisance de
vous déranger pour les tirer de là; en ce cas je vous en laisserai la
moitié. Voici ma femme et mes filles qui tiendront votre mulet jusqu’à
ce que vous ayez fini.

Séduit par l’appât du gain, le marchand prit aussitôt une corde, en
attacha un bout au bord du puits, et se laissa glisser ainsi jusqu’au
fond.

--Alerte maintenant! dit alors le Faucon gris à sa femme; coupe la
corde, prends le mulet et fuis au plus vite avec ces enfants!

Tout cela fut fait en un clin d’œil. Le marchand criait comme un
forcené, mais comme la campagne était presque déserte, un temps assez
considérable s’écoula avant qu’un passant vînt à son secours, et ce
passant n’étant pas assez fort pour le tirer du puits, il fallut
attendre jusqu’à ce qu’un second vînt l’aider. Arraché enfin à sa prison
souterraine, le marchand dut répondre à ses libérateurs qui lui
demandaient ce qu’il était allé faire dans ce puits. Il leur raconta
donc sa mésaventure avec force imprécations contre le voleur qui l’avait
si indignement trompé. Bientôt elle fut connue de toute la ville; elle
parvint même aux oreilles de Motamid, qui ordonna de détacher le Faucon
gris de sa croix et de le lui amener. Quand il fut arrivé en sa
présence:

--Tu es bien certainement le plus grand fripon qui existe, lui dit-il,
puisque même la perspective de la mort ne suffit pas pour te faire
renoncer à tes mauvais tours.

--Ah! mon prince, lui répondit le voleur, si vous saviez comme moi quel
délice c’est que de voler, vous jetteriez votre manteau royal aux orties
et vous ne feriez que cela.

--Maudit coquin! s’écria le prince en riant aux éclats. Mais voyons,
parlons sérieusement! Supposons que je te donne la vie, que je le rende
la liberté, que je le mette en état de gagner ton pain d’une manière
honorable, et que je t’assigne un traitement qui suffise à tes besoins,
t’amenderas-tu alors, abandonneras-tu ton détestable métier?

--On fait beaucoup pour sauver sa vie, seigneur, même on s’amende.
Tenez, vous serez content de moi!

Le Faucon gris tint sa parole. Nommé brigadier de gendarmerie, il
inspira dorénavant autant d’effroi à ses anciens confrères, qu’il en
avait inspiré jadis aux paysans[136].

Au reste, Motamid menait joyeuse vie, sans trop s’occuper des affaires
de l’Etat. «A mon avis, disait-il dans un de ses poèmes, être sage,
c’est ne pas l’être[137].» Les festins absorbaient une partie de son
temps, et puisqu’il voulait se montrer galant chevalier, force lui était
d’en consacrer le reste aux jeunes beautés de son sérail. Ce n’est pas
qu’il eût cessé d’aimer Romaiquia; au contraire, il l’aimait toujours
avec passion; mais comme selon le code bizarre qui régit l’amour dans
les pays musulmans, on peut se passer quelques fantaisies sans devenir
infidèle pour cela, il adressait aussi de temps en temps ses hommages à
d’autres dames, sans que Romaiquia, sûre de régner en souveraine sur le
cœur de son époux, y trouvât à redire. La belle Aimée était
charmante, et quand il buvait à sa santé, le prince trouvait au vin plus
de bouquet qu’à l’ordinaire[138]. Luna lui tenait compagnie alors qu’il
étudiait les vers des anciens poètes ou qu’il écrivait les siens, et si
le soleil s’avisait de jeter un regard indiscret dans le cabinet
d’étude, elle était là pour l’intercepter; «car elle sait, disait le
prince, que la lune seule peut éclipser le soleil[139].» Plus prude,
plus revêche, La Perle avait parfois des caprices; alors elle se mettait
en colère, et il fallait que Motamid se donnât des peines infinies pour
l’apaiser. Une fois qu’il s’était attiré son courroux, il lui écrivit
pour lui présenter ses excuses. Elle lui répondit bien, mais sans placer
son propre nom en tête de sa lettre, comme la coutume le voulait.

     Hélas! elle ne m’a pas encore pardonné, dit alors le prince;
     autrement elle aurait mis son nom en tête de son billet. Elle sait
     que je l’adore, son nom, mais elle est si fâchée contre moi
     qu’elle ne veut pas l’écrire. «Quand il le verra, s’est-elle dit,
     il va le baiser. Eh bien, par Dieu! il ne le verra pas[140].»

Quelle gentille garde malade que La Fée! Le prince priait Allah de lui
accorder comme une faveur d’être constamment valétudinaire, pourvu qu’il
ne manquât pas de la voir constamment à son chevet, cette gracieuse
gazelle aux lèvres pourprées[141].

On se tromperait, cependant, si l’on s’imaginait que Motamid négligeât
entièrement de continuer l’œuvre de son père et de son aïeul.
Quoiqu’il n’eût pas autant d’ambition qu’eux, il fit néanmoins ce qu’ils
avaient essayé en vain de faire: dès la seconde année de son règne, il
réunit Cordoue à son royaume.

Son père, il est vrai, lui avait frayé la route, et les circonstances le
secondèrent admirablement. Six années auparavant, en 1064, le vieux
président de la république, Abou-’l-Walîd ibn-Djahwar, s’était démis de
ses fonctions en faveur de ses deux fils, Abdérame et Abdalmélic. Il
avait confié à l’aîné tout ce qui regardait les finances et
l’administration, et il avait donné au cadet, pour lequel il avait un
grand faible, le commandement militaire[142]. Le cadet éclipsa bientôt
son aîné; cependant tout alla bien tant que dura l’influence de
l’habile vizir Ibn-as-Saccâ. Cet homme d’Etat inspirait du respect à
tous les ennemis déclarés ou couverts de la république, et même à
Motadhid. Aussi ce dernier comprit que, pour arriver à ses fins, il
devait commencer par le faire tomber. Il tâcha donc de le rendre suspect
à Abdalmélic ibn-Djahwar, et il y réussit. Ibn-as-Saccâ fut mis à mort,
et cet événement eut pour la république les suites les plus fâcheuses.
Les officiers et les soldats, qui avaient été fort attachés au vizir,
donnèrent pour la plupart leur démission, tandis qu’Abdalmélic se
rendait odieux à ses concitoyens par sa dureté et sa nonchalance. En
outre, il semble avoir aboli peu à peu tout ce qui restait encore debout
des institutions républicaines.

Le pouvoir d’Abdalmélic chancelait donc déjà, lorsque Mamoun de Tolède
vint assiéger Cordoue dans l’automne de l’année 1070. N’ayant presque
plus d’armée (sa cavalerie était réduite à deux cents hommes, et encore
étaient-ils fort mal disposés), Abdalmélic demanda du secours à Motamid.
Il obtint ce qu’il désirait: Motamid lui envoya des renforts
très-considérables, et l’armée tolédane fut forcée de se retirer; mais
Abdalmélic n’y gagna rien; au contraire, les chefs de l’armée sévillane,
agissant d’après les ordres secrets de leur souverain, s’entendirent
avec les Cordouans pour ôter le pouvoir à Abdalmélic et pour le donner
au roi de Séville. Ce complot fut tramé dans le plus grand mystère, de
sorte qu’Abdalmélic ne se doutait de rien. Dans la matinée du septième
jour après le départ de Mamoun, il était sur le point de sortir pour
faire la reconduite aux Sévillans, qui avaient annoncé qu’ils s’en
retourneraient ce jour-là, lorsque des cris séditieux frappèrent son
oreille. Il regarde, il voit son palais entouré par ses soi-disant
auxiliaires et par le peuple. Presque au même instant on l’arrête, de
même que son père et tout le reste de sa famille.

Motamid fut proclamé seigneur de Cordoue, et les Beni-Djahwar furent
menés prisonniers à l’île de Saltès; mais le vieux Abou-’l-Walîd ne
survécut que quarante jours à son infortune[143].

Le roi poète parle de cette conquête comme s’il se fût agi de celle
d’une beauté un peu hautaine.

     J’ai obtenu d’emblée, disait-il, la main de la belle Cordoue, de
     cette fière amazone qui, le glaive et la lance à la main,
     repoussait tous ceux qui la recherchaient en mariage. A présent
     nous célébrons, elle et moi, nos noces dans son palais, tandis que
     les autres rois, mes rivaux rebutés, pleurent de rage et tremblent
     de crainte. Tremblez, et pour cause, vils ennemis! car bientôt le
     lion viendra fondre sur vous[144].

Cependant Mamoun ne se tenait pas pour battu; au contraire, il était
résolu à se rendre maître de Cordoue, quoi qu’il dût lui en coûter.
Accompagné de son allié, Alphonse VI, il vint ravager les environs de la
ville; mais il fut repoussé par le jeune gouverneur Abbâd, un fils de
Motamid et de Romaiquia[145]. Alors Ibn-Ocâcha s’engagea à le mettre en
possession de la ville qu’il convoitait. C’était un homme farouche et
sanguinaire, un ancien bandit de la montagne, mais qui ne manquait pas
de talents et qui connaissait bien Cordoue, où il avait déjà joué un
rôle. Nommé gouverneur d’une forteresse, il se mit à former des
intrigues et des complots à Cordoue, ce qui ne lui était pas difficile,
car beaucoup de citoyens étaient mécontents de la marche des affaires.
Le prince Abbâd donnait, il est vrai, de belles espérances, mais comme
il était encore trop jeune pour gouverner par lui-même, le pouvoir était
entre les mains du commandant de la garnison, Mohammed, fils de Martin,
un chrétien d’origine à ce qu’il paraît. Or, cet homme, assez bon soldat
du reste, était cruel, sanguinaire et débauché. Aussi les Cordouans le
détestaient, et plusieurs d’entre eux ne se firent pas scrupule
d’entrer en relations avec Ibn-Ocâcha. Cependant ce dernier ne réussit
pas à tenir ses menées tout à fait secrètes. Un officier s’aperçut que
l’ex-brigand venait souvent la nuit aux portes de la ville et qu’il
avait alors des entretiens fort suspects avec des soldats de la
garnison. C’est ce qu’il rapporta à Abbâd; mais ce prince ne fit pas
grande attention à cet avis, et renvoya celui qui le lui donnait à
Mohammed, fils de Martin. Celui-ci le renvoya, à son tour, à des
officiers subalternes. En un mot, l’un se déchargeait sur l’autre des
mesures à prendre, et personne ne fit son devoir.

Cependant Ibn-Ocâcha se tenait sans cesse aux aguets, et en janvier
1075, il profita, pour s’introduire avec ses hommes dans la ville, d’une
nuit orageuse et extrêmement obscure, après quoi il marcha droit au
palais d’Abbâd. Il n’y trouva pas de garde, et il était sur le point
d’en enfoncer la porte, lorsque le prince, réveillé par le portier, vint
lui barrer le passage avec une poignée d’esclaves et de soldats. Malgré
son extrême jeunesse, il se défendit comme un lion, et il avait déjà
forcé les assaillants à évacuer le vestibule, lorsque le pied lui
glissa. Un homme de la bande fondit aussitôt sur lui et le tua. On
laissa son cadavre dans la rue; il était presque nu, car, réveillé en
sursaut, Abbâd n’avait pas eu le temps de s’habiller.

Ensuite Ibn-Ocâcha conduisit ses hommes à la maison du commandant.
Celui-ci s’attendait si peu à être attaqué, qu’au moment même où l’on
faisait irruption dans sa demeure, il regardait danser des almées. Moins
brave qu’Abbâd, il se cacha lorsqu’il entendit le cliquetis des épées
dans la cour; mais sa retraite ayant été découverte, il fut arrêté, et,
dans la suite, tué.

Aux premiers rayons de l’aube, pendant qu’Ibn-Ocâcha courait de maison
en maison afin de persuader aux nobles de faire cause commune avec lui,
un imâm qui se rendait à la mosquée, vint à passer devant le palais
d’Abbâd. Ses regards tombèrent sur un corps qui gisait là, nu et sans
vie. Reconnaissant, non sans peine, dans ce cadavre souillé de boue
celui du jeune prince, il lui rendit un pieux, un dernier honneur, en le
couvrant de son manteau. A peine fut-il parti qu’Ibn-Ocâcha arriva au
même endroit, entouré de cette tourbe qui, dans les grandes villes,
pousse des cris d’allégresse à chaque révolution. Sur son ordre, la tête
d’Abbâd fut détachée du cadavre et promenée par les rues sur la pointe
d’une pique. A ce spectacle, les soldats de la garnison jetèrent leurs
armes, et tâchèrent de sauver leur vie par une fuite précipitée.
Ibn-Ocâcha rassembla alors les Cordouans dans la grande mosquée, et leur
enjoignit de prêter serment à Mamoun. Bien qu’il y en eût plusieurs qui
étaient sincèrement attachés à Motamid, la peur fut si grande et si
générale, que tout le monde s’empressa d’obéir. Peu de jours après,
Mamoun arriva en personne. En apparence, il fut très-reconnaissant
envers Ibn-Ocâcha; il le combla d’honneurs et l’on eût dit qu’il lui
accordait une confiance illimitée; mais en réalité, il haïssait et
craignait cet ancien bandit endurci au crime et qui était homme à
l’assassiner lui-même au besoin, avec autant de sang-froid qu’il avait
fait égorger le jeune Abbâd. Aussi cherchait-il avidement un prétexte,
une occasion, pour l’éloigner sans bruit, sans éclat, de son royaume. Ce
dessein, il ne le cachait pas toujours à ses courtisans, et un jour
qu’Ibn-Ocâcha venait de le quitter, il poussa un long soupir, et, le
regard enflammé de colère, il murmura quelques paroles de mauvais
augure; puis un ami d’Ibn-Ocâcha ayant osé dire quelque chose en sa
faveur: «Laisse-là ces vains propos! lui dit Mamoun; celui qui ne
respecte pas la vie des princes n’est pas fait pour les servir.»

Un mois plus tard (juin 1075), le sixième de son séjour à Cordoue,
Mamoun mourut empoisonné.... Un de ses courtisans fut accusé d’avoir
commis ce crime; mais Ibn-Ocâcha y aurait-il été étranger? On a peine à
le croire.

Que l’on se transporte maintenant à la cour de Séville et que l’on se
figure la douleur de Motamid, alors qu’il reçut la nouvelle doublement
fatale de la perte de Cordoue et de la mort de son fils, de son
premier-né qu’il chérissait jusqu’à l’idolâtrie! Et pourtant il y eut
dans ce noble cœur un sentiment qui parla plus haut que la douleur,
plus haut surtout que le désir de la vengeance: ce fut un sentiment de
profonde gratitude envers cet imâm qui avait eu la délicatesse de
couvrir de son manteau le cadavre d’Abbâd. Il regrettait de ne pouvoir
le récompenser, car il ne connaissait pas même son nom, et s’appropriant
un vers qu’un ancien poète avait composé dans une occasion semblable:
«Hélas! dit-il, j’ignore quel est celui qui a couvert mon fils de son
manteau, mais je sais que c’est un homme noble et généreux[146].»

Pendant trois ans, les efforts qu’il fit pour reconquérir Cordoue et
venger la mort de son fils sur Ibn-Ocâcha, demeurèrent inutiles, jusqu’à
ce qu’enfin il prît Cordoue d’assaut, le mardi 4 septembre 1078. Pendant
qu’il entrait dans la ville par une porte, Ibn-Ocâcha en sortait par une
autre; mais Motamid lança à sa poursuite des cavaliers qui réussirent à
l’atteindre. Sachant qu’il n’avait pas de pardon à attendre de la part
d’un père dont il avait fait égorger le fils, l’ancien brigand voulut au
moins vendre chèrement sa vie et se rua sur ses ennemis comme un buffle
en fureur; mais il succomba sous le nombre. Motamid fit clouer son
cadavre sur une croix, avec un chien à côté, et la conquête de Cordoue
fut suivie de celle de tout le pays tolédan qui s’étendait entre le
Guadalquivir et le Guadiana[147].

C’étaient de beaux succès, mais la médaille avait son revers. En
comparaison des autres rois andalous, Motamid était un prince puissant;
toutefois il n’était pas plus indépendant qu’eux; lui aussi était
tributaire. D’abord il l’avait été de Garcia, troisième fils de
Ferdinand et roi de Galice[148], et il l’était d’Alphonse VI, depuis que
celui-ci s’était emparé des royaumes de ses deux frères, Sancho et
Garcia. Or, Alphonse était un suzerain fort incommode: ne se contentant
pas d’un tribut annuel, il menaçait de temps en temps de s’approprier
les Etats de ses vassaux arabes. Une fois, entre autres, il vint
envahir, à la tête d’une nombreuse armée, le territoire de Séville. Une
consternation indicible régnait parmi les musulmans, trop faibles pour
se défendre. Seul le premier ministre, Ibn-Ammâr, ne désespérait pas.
Il ne comptait point sur l’armée sévillane; essayer de vaincre avec elle
les troupes chrétiennes, c’eût été une tentative chimérique; mais il
connaissait Alphonse, car souvent il avait été à sa cour[149]; il le
savait ambitieux, mais aussi à demi arabisé, c’est-à-dire facile à
gagner pourvu que l’on connût ses goûts, ses caprices, ses fantaisies.
C’était sur cela qu’il comptait, et, sans perdre de temps à organiser la
résistance à main armée, il fit fabriquer un échiquier tellement
magnifique qu’aucun roi n’en possédait un pareil. Les pièces en étaient
d’ébène et de bois de sandal; elles étaient incrustées d’or. Muni de cet
échiquier, il se rendit, sous un prétexte quelconque, au camp
d’Alphonse, lequel le reçut fort honorablement, car Ibn-Ammâr était du
petit nombre des musulmans qu’il estimait.

Un jour Ibn-Ammâr montra son échiquier à un noble castillan qui
jouissait auprès d’Alphonse d’une grande faveur. Ce noble en parla au
roi, et celui-ci dit à Ibn-Ammâr:

--De quelle force êtes-vous aux échecs?

--Mes amis sont d’opinion que je joue assez bien, lui répondit
Ibn-Ammâr.

--On m’a dit que vous possédez un échiquier superbe.

--C’est vrai, seigneur.

--Pourrais-je le voir?

--Sans doute, mais à une condition: nous jouerons ensemble; si je perds,
l’échiquier vous appartiendra; mais si je gagne, je pourrai exiger ce
que je veux.

--J’y consens.

On apporta l’échiquier, et Alphonse, stupéfait de la beauté et de la
finesse du travail, s’écria en faisant le signe de la croix:

--Bon Dieu! jamais je n’aurais cru que l’on pût parvenir à faire un
échiquier avec tant d’art!

Puis, quand il l’eut suffisamment admiré:

--Qu’est-ce que vous disiez donc, seigneur? reprit-il; quelles étaient
vos conditions?

Ibn-Ammâr les ayant répétées:

--Non, par Dieu! je ne joue pas quand l’enjeu m’est inconnu; vous
pourriez me demander une chose que je ne serais pas à même de vous
accorder.

--Comme vous voulez, seigneur, répondit froidement Ibn-Ammâr, et il
ordonna à ses serviteurs de reporter l’échiquier dans sa tente.

On se sépara; mais Ibn-Ammâr n’était pas homme à se laisser rebuter si
facilement. Sous le sceau du secret, il confia à quelques nobles
castillans ce qu’il exigerait d’Alphonse au cas où il gagnerait la
partie, et leur promit des sommes fort considérables s’ils voulaient le
seconder. Séduits par l’appât de l’or et suffisamment rassurés sur les
intentions de l’Arabe, ces nobles s’engagèrent à le servir; et quand
Alphonse qui, de son coté, brûlait du désir de posséder le superbe
échiquier, les consulta sur ce qu’il ferait, ils lui dirent: «Si vous
gagnez, seigneur, vous posséderez un échiquier que chaque roi vous
enviera, et dussiez-vous perdre, que pourrait-il vous demander, cet
Arabe? S’il fait une demande indiscrète, ne sommes-nous pas là, ne
saurons-nous pas le mettre à la raison?» Ils parlèrent si bien
qu’Alphonse se laissa vaincre. Il fit donc avertir Ibn-Ammâr qu’il
l’attendait avec son échiquier, et quand le vizir fut arrivé:

--J’accepte vos conditions, lui dit-il; jouons donc!

--Avec grand plaisir, lui répondit Ibn-Ammâr; mais faisons les choses
dans les règles; permettez qu’un tel et un tel--et il nomma plusieurs
nobles castillans--soient nos témoins.

Le roi y consentit, et dès que les nobles qu’Ibn-Ammâr avait nommés
furent arrivés, le jeu commença.

Alphonse perdit la partie.

--Puis-je maintenant demander ce que je veux, comme nous en sommes
convenus? demanda alors Ibn-Ammâr.

--Sans doute, répliqua le roi; voyons, qu’exigez-vous?

--Que vous retourniez dans vos Etats avec votre armée.

Alphonse pâlit. En proie à une excitation fiévreuse, il mesurait la
salle à grands pas, se rasseyait, puis se remettait à marcher.

--Me voilà pris, dit-il enfin à ses nobles, et c’est vous qui en êtes la
cause. Je craignais une demande de cette nature de la part de cet homme,
mais vous me rassuriez, vous me disiez que je pouvais être tranquille;
je cueille à présent le fruit de vos détestables conseils!

Puis, après quelques moments de silence:

--Que me fait sa condition après tout? s’écria-t-il; je ne m’en soucie
pas le moins du monde, et je vais continuer ma marche.

--Seigneur, lui dirent alors les Castillans, ce serait forfaire à
l’honneur, ce serait manquer à sa parole, et vous, le plus grand roi de
la chrétienté, vous êtes incapable de faire une telle chose.

A la fin, quand Alphonse se fut calmé un peu:

--Eh bien! reprit-il, je tiendrai ma parole; mais en compensation de
cette expédition manquée, il me faut au moins un double tribut cette
année.

--Vous l’aurez, seigneur, dit alors Ibn-Ammâr; et il s’empressa de faire
remettre à Alphonse l’argent qu’il demandait, de sorte que cette fois le
royaume de Séville, menacé d’une terrible invasion, en fut quitte pour
la peur, grâce à l’habileté du premier ministre[150].



XI.


Non content d’avoir sauvé le royaume de Séville, Ibn-Ammâr voulut aussi
en étendre les limites. C’était surtout la principauté de Murcie qui
tentait son ambition. Elle avait fait partie, d’abord des Etats de
Zohair, ensuite du royaume de Valence; mais à l’époque dont nous
parlons, elle était indépendante. Le prince qui y régnait, Abou-Abdérame
ibn-Tâhir, était un Arabe de la tribu de Cais. Immensément riche, car il
possédait la moitié du pays, il était en même temps un esprit
très-cultivé[151]; mais il avait peu de troupes, de sorte que sa
principauté était facile à conquérir. Ibn-Ammâr s’en aperçut, lorsque,
dans l’année 1078[152], il passa par Murcie pour se rendre, on ne sait
pour quel motif, auprès du comte de Barcelone, Raymond-Bérenger II,
surnommé Cap d’étoupe à cause de sa chevelure abondante, et il profita
de l’occasion pour lier amitié avec quelques nobles murciens qui étaient
mécontents d’Ibn-Tâhir, ou qui du moins étaient prêts à le trahir
moyennant finances. Ensuite, quand il fut arrivé auprès de Raymond, il
lui offrit dix mille ducats, s’il voulait l’aider à conquérir Murcie. Le
comte accepta cette proposition, et, pour la sûreté de l’exécution du
traité, il remit son neveu à Ibn-Ammâr. De son côté, le vizir lui promit
que, si l’argent n’était pas là au temps fixé, le fils de Motamid,
Rachîd, qui commanderait l’armée sévillane, servirait d’otage; mais
Motamid ignorait cette clause du traité, et comme Ibn-Ammâr se tenait
convaincu que l’argent arriverait à temps, il croyait qu’il n’y aurait
pas lieu de l’appliquer.

Les troupes de Séville se mirent en campagne réunies à celles de
Raymond, et l’on attaqua la principauté de Murcie; mais comme Motamid
laissa passer, avec sa nonchalance ordinaire, le terme stipulé, le comte
se crut trompé par Ibn-Ammâr, et dans sa colère il le fit arrêter de
même que Rachîd. Les soldats sévillans essayèrent bien de les délivrer,
mais ils furent battus et forcés à la retraite.

Motamid était à cette époque en route pour Murcie, emmenant à sa suite
le neveu du comte; mais comme il marchait lentement, il n’était encore
que sur les bords du Guadiana-menor, qu’il ne pouvait passer à cause de
la crue des eaux, lorsque des fuyards de son armée se montrèrent sur
l’autre rive. Parmi eux se trouvaient deux cavaliers auxquels Ibn-Ammâr
avait donné ses instructions. Ils poussèrent aussitôt leurs montures
dans le fleuve, et, l’ayant traversé, ils apprirent à Motamid les
événements déplorables qui avaient eu lieu. Ils ajoutèrent toutefois
qu’Ibn-Ammâr espérait recouvrer bientôt la liberté, et ils prièrent le
prince, en son nom, de rester où il était. Motamid ne le fit pas.
Consterné des nouvelles qu’il venait de recevoir et fort inquiet du sort
de son fils, il rétrograda jusqu’à Jaën, après avoir fait jeter dans les
fers le neveu du comte.

Dix jours après, Ibn-Ammâr, qui avait été élargi, arriva dans le
voisinage de Jaën; mais n’osant se présenter aux regards de Motamid,
dont il craignait la colère, il lui envoya ces vers:

     Croirai-je à mes propres pressentiments, ou bien prêterai-je
     l’oreille aux conseils de mes compagnons? Exécuterai-je mon
     dessein, ou bien resterai-je ici avec mon escorte? Quand j’obéis
     aux élans de mon cœur, je m’avance, sûr de trouver les bras de
     l’ami ouverts pour me recevoir; mais quand je raisonne, je retourne
     sur mes pas. L’amitié m’entraîne en avant; mais le souvenir de la
     faute que j’ai commise me repousse. Quelle chose étrange que les
     arrêts de la destinée! Qui m’eût prédit qu’un jour il me serait
     plus doux d’être loin de vous que près de vous? Je vous crains
     parce que vous avez le droit de m’ôter la vie;--j’espère en vous
     parce que je vous aime de tout mon cœur. Ayez pitié de celui
     dont vous connaissez l’attachement inébranlable, de celui qui n’a
     d’autre mérite que de vous aimer sincèrement. Je n’ai fait rien qui
     puisse fournir des armes contre moi aux envieux, rien qui prouve de
     ma part, soit négligence, soit présomption; mais vous-même, vous
     m’avez exposé à une terrible calamité, vous avez émoussé mon épée,
     vous l’avez brisée. Certes, si je ne me rappelais vos nombreux
     bienfaits, qui ont été pour moi ce que la pluie est pour les
     branches des arbres, je ne me laisserais pas consumer ainsi par
     d’affreux tourments, et je ne dirais pas que ce qui est arrivé, est
     arrivé par ma faute. J’implore à genoux votre clémence, je vous
     supplie de me pardonner; mais dussé-je éprouver auprès de vous le
     souffle de l’âpre vent du nord, je m’écrierais cependant: O brise
     douce à mon cœur!

Motamid, qui devait sentir qu’il était coupable lui-même, ne résista pas
à l’appel qu’Ibn-Ammâr faisait à son amitié, et lui répondit par ces
vers:

     Viens reprendre ta place à mes côtés! Viens sans rien craindre, car
     des bontés t’attendent, et non des reproches. Sois convaincu que je
     t’aime trop pour pouvoir t’affliger; rien, tu le sais, ne m’est
     plus agréable que de te voir content et joyeux. Quand tu viendras
     ici, tu me trouveras, comme tu m’as trouvé toujours, prêt à
     pardonner au pécheur, clément envers mes amis. Je te traiterai avec
     bienveillance comme par le passé, et je te pardonnerai ta faute, si
     faute il y a; car l’Eternel ne m’a pas donné un cœur dur, et je
     n’ai pas l’habitude d’oublier une amitié ancienne et sacrée.

Rassuré par cette réponse, Ibn-Ammâr vola aux pieds de son souverain.
Ils convinrent entre eux d’offrir au comte la liberté de son neveu et
les dix mille ducats auxquels il avait droit, pourvu qu’il élargît
Rachîd. Mais Raymond ne se contenta pas de la somme stipulée; au lieu de
dix mille ducats, il en exigea trente mille. Comme Motamid ne les avait
pas, il en fit frapper avec un alliage très-considérable. Heureusement
pour lui, le comte ne s’aperçut de cette fraude qu’après avoir rendu la
liberté à Rachîd[153].

Malgré le mauvais succès de sa première tentative, Ibn-Ammâr ne cessa de
convoiter Murcie. Il prétendit avoir reçu, de la part de quelques nobles
murciens, des lettres qui donnaient de grandes espérances, et il fit si
bien que Motamid lui permit enfin d’aller assiéger Murcie avec l’armée
sévillane.

Arrivé à Cordoue, il s’y arrêta vingt-quatre heures afin de réunir à ses
troupes la cavalerie qui se trouvait dans cette ville. Il passa la nuit
en compagnie du gouverneur Fath, un fils de Motamid, et il fut si
enchanté de sa conversation spirituelle et piquante, que, lorsqu’un
eunuque vint lui annoncer que l’aurore commençait à paraître, il
improvisa ce vers:

     Va-t-en, imbécile! toute cette nuit a été une aurore pour moi.
     Comment aurait-il pu en être autrement, puisque Fath me tenait
     compagnie?

Continuant sa marche, il arriva dans le voisinage d’un château qui
portait encore le nom de Baldj, le chef des Arabes syriens au huitième
siècle, et dont un Arabe qui appartenait à la tribu de Baldj, à savoir
celle de Cochair[154], était gouverneur. Cet Arabe, qui s’appelait
Ibn-Rachîc, vint à sa rencontre et le pria de se reposer dans le
château. Ibn-Ammâr accepta cette invitation. Le châtelain le traita
magnifiquement et ne négligea rien pour s’insinuer dans sa faveur. Il
n’y réussit que trop bien. Ibn-Ammâr ne tarda pas à lui accorder sa
confiance; mais jamais il ne l’avait placée si mal.

Accompagné de son nouvel ami, il alla mettre le siége devant Murcie. Peu
de temps après, Mula se rendit à lui. C’était pour les Murciens une
perte fort grave, car les vivres devaient leur arriver de ce côté-là;
aussi Ibn-Ammâr ne douta-t-il pas que la ville ne se rendît sous peu,
et, ayant confié Mula à la garde d’Ibn-Rachîc, auquel il laissa une
partie de sa cavalerie, il retourna à Séville avec le reste de son
armée. Quand il y fut arrivé, il reçut des lettres de son lieutenant.
Elles portaient que Murcie était ravagée par la famine, et que des
citoyens influents, auxquels on avait promis des postes lucratifs,
s’étaient engagés à seconder les assiégeants. «Demain ou après-demain,
dit alors Ibn-Ammâr, nous apprendrons que Murcie est prise.» Sa
prédiction s’accomplit. Des traîtres ouvrirent à Ibn-Rachîc les portes
de la ville; Ibn-Tâhir fut jeté en prison, et tous les habitants
prêtèrent serment à Motamid[155].

Aussitôt qu’Ibn-Ammâr, transporté de joie, eut reçu ces nouvelles, il
demanda à Motamid la permission de se rendre dans la ville conquise.
Motamid la lui accorda sans hésiter. Alors le vizir, qui voulait
récompenser noblement les Murciens, se fit donner quantité de chevaux et
de mulets qui appartenaient aux écuries royales; il en emprunta d’autres
à ses amis, et quand il en eut environ deux cents à sa disposition, il
les fit charger d’étoffes précieuses, après quoi il se mit en marche,
tambour battant et bannières déployées. Dans chaque ville qu’il
traversait, il se fit remettre les caisses de l’Etat. Son entrée dans
Murcie fut un véritable triomphe. Le lendemain il donna audience, mais
en tranchant du souverain, car il était coiffé d’un bonnet très-haut,
tel que son maître avait coutume d’en porter dans les occasions
solennelles, et quand on lui présentait des pétitions, il écrivait au
bas: «Qu’il en soit ainsi, s’il plaît à Dieu,» sans nommer Motamid.

Cette conduite présomptueuse ne ressemblait que trop à une révolte.
Motamid, du moins, en jugea ainsi. Cependant il ne se mit pas en colère:
un sentiment de tristesse et de découragement s’empara de lui; il
voyait s’évanouir tout à coup le rêve qu’il avait caressé pendant
vingt-cinq ans! L’instinct de son cœur l’avait donc abusé! L’amitié
d’Ibn-Ammâr, ses protestations de désintéressement, de dévoûment
inébranlable, tout cela n’avait donc été que mensonge et hypocrisie! Et
pourtant il était moins coupable peut-être qu’il ne le paraissait aux
yeux de son souverain. Il avait, il est vrai, une vanité excessive et
absurde; mais il n’est nullement certain qu’il ait eu la coupable pensée
de se révolter contre son bienfaiteur. D’un caractère moins ardent,
moins impressionnable, il n’avait peut-être jamais éprouvé pour Motamid
cette amitié enthousiaste et passionnée que Motamid avait éprouvée pour
lui; mais il avait néanmoins pour son roi une affection véritable,
témoin ces vers qu’il lui adressa en réponse aux reproches que Motamid
lui avait faits:

     Non, vous vous trompez quand vous dites que les vicissitudes de la
     fortune m’ont changé! L’amour que je porte à Chams, ma vieille
     mère, est moins fort que celui que je ressens pour vous. Cher ami!
     comment se fait-il que votre bienveillance ne m’éclaire pas de ses
     rayons, de même que la foudre éclaire les ténèbres de la nuit?
     Comment se fait-il qu’aucune tendre parole ne vienne me consoler
     comme une douce brise? Oh! je soupçonne que des hommes infâmes que
     je connais ont voulu détruire notre douce amitié! Me retirerez-vous
     donc ainsi votre main, après une amitié de vingt-cinq années,
     années de bonheur sans mélange et qui se sont envolées sans que
     vous ayez eu à vous plaindre de moi, sans que j’aie été coupable
     d’aucun trait méchant,--me retirerez-vous donc ainsi votre main et
     me laisserez-vous en proie aux griffes de la destinée? Suis-je
     autre chose que votre esclave obéissant et soumis? Réfléchissez
     encore; ne précipitez rien; souvent celui qui se presse trop tombe,
     tandis que celui qui marche avec circonspection arrive au but. Ah!
     vous vous souviendrez de moi quand les liens qui nous unissent
     seront rompus, et qu’il ne vous restera que des amis intéressés et
     faux. Vous me chercherez quand aucun de ceux qui vous entourent ne
     pourra vous donner un bon conseil, et que je ne serai plus là, moi
     qui savais aiguiser l’esprit des autres.

Qui sait si une heure d’entretien et d’épanchement n’eût pas dissipé les
préventions de Motamid et réconcilié ces deux âmes si bien faites pour
s’entendre? Mais, hélas! le prince et le vizir étaient loin l’un de
l’autre, et le dernier avait à Séville une foule d’envieux et d’ennemis
qui s’acharnaient à le calomnier, à le noircir aux yeux du monarque, à
interpréter malicieusement ses moindres actes, ses moindres paroles. Ils
s’étaient si bien emparés de l’esprit du prince, ces «hommes infâmes»
dont Ibn-Ammâr parle dans son poème et parmi lesquels on distinguait le
vizir Abou-Becr ibn-Zaidoun[156], alors l’homme le plus influent à la
cour, que Motamid avait déjà conçu des doutes sur la fidélité
d’Ibn-Ammâr au moment où celui-ci prenait congé de lui pour se rendre à
Murcie. Joignez-y qu’Ibn-Ammâr trouva un ennemi non moins dangereux dans
la personne d’Ibn-Abdalazîz, prince de Valence et ami d’Ibn-Tâhir.

En arrivant à Murcie, Ibn-Ammâr avait l’intention de traiter Ibn-Tâhir
d’une manière honorable. Aussi lui fit-il présenter plusieurs vêtements
d’honneur afin qu’il en choisît un qui fût à son gré; mais Ibn-Tâhir
dont l’humeur naturellement caustique s’était aigrie par la perte de sa
principauté, répondit au messager d’Ibn-Ammâr: «Va dire à ton maître que
je ne veux de lui rien autre chose qu’une longue pelisse et une petite
calotte.» Recevant cette réponse au milieu de ses courtisans, Ibn-Ammâr
se mordit les lèvres de dépit. «Je comprends le sens de ses paroles,
dit-il enfin; oui, c’était là le costume que je portais, alors que,
pauvre et obscur, je suis venu lui réciter mes vers[157].» Mais il ne
pardonna pas à Ibn-Tâhir ce rude coup porté à son orgueil. Changeant
d’intention à son égard, il le fit enfermer dans la forteresse de
Monteagudo[158]. Cédant aux instances d’Ibn-Abdalazîz, Motamid envoya à
son vizir l’ordre de rendre la liberté à Ibn-Tâhir. Ibn-Ammâr ne le fit
pas[159]. Cependant Ibn-Tâhir réussit à s’évader, grâce au secours que
lui prêta Ibn-Abdalazîz, et alla s’établir à Valence. Ibn-Ammâr en fut
furieux. Il composa à cette occasion un poème dans lequel il excitait
les Valenciens à se révolter contre leur prince. En voici quelques vers:

     Habitants de Valence, soulevez-vous tous contre les Beni-Abdalazîz,
     proclamez vos justes griefs, et choisissez-vous un autre roi, un
     roi qui sache vous défendre contre vos ennemis. Que ce soit
     Mohammed ou Ahmed[160], il vaudra toujours mieux que ce vizir qui a
     livré votre ville à l’opprobre, comme un époux éhonté qui prostitue
     sa propre femme. Il a offert un asile à celui qui a été abandonné
     par ses propres sujets. En le faisant, il vous a amené un oiseau de
     mauvais augure, il vous a donné pour concitoyen un homme vil et
     infâme. Ah! il me faut me laver le front, sur lequel une fille sans
     bracelet, une vile esclave, a appliqué un soufflet. Crois-tu donc
     échapper, ô Ibn-Abdalazîz, à la vengeance d’un homme qui marche
     toujours à la poursuite de son ennemi, qui continue sa route, lors
     même qu’aucune étoile ne l’éclaire? Par quelle ruse pourrait-on se
     soustraire aux mains vengeresses d’un brave guerrier des
     Beni-Ammâr, qui traîne une forêt de lances à sa suite?
     Attendez-vous à le voir arriver bientôt, entouré d’une armée
     innombrable! Valenciens, je vous donne un bon conseil: marchez
     comme un seul homme contre ce palais qui recèle tant d’infamies
     dans ses murs; emparez-vous des trésors que renferment ses caveaux;
     détruisez-le de fond en comble, en sorte que des ruines seules
     attestent ce qu’il a été un jour!

Quand Motamid reçut connaissance de cette pièce, il était déjà
tellement irrité contre Ibn-Ammâr, qu’il la parodia ainsi:

     _Par quelle ruse pourrait-on se soustraire aux mains vengeresses
     d’un brave guerrier des Beni-Ammâr_; de ces hommes qui se
     prosternaient naguère, avec une bassesse inouïe, aux pieds de
     chaque seigneur, de chaque prince, de chaque tête couronnée; qui
     s’estimaient heureux quand ils recevaient de leurs maîtres une
     portion un peu plus large que les autres domestiques; qui,
     bourreaux méprisés, tranchaient la tête aux criminels, et qui se
     sont élevés de la plus basse condition aux dignités les plus
     hautes.

Ces vers causèrent une joie indicible à Ibn-Abdalazîz. Quant à
Ibn-Ammâr, il étouffait de colère, et dans sa fureur il composa contre
Motamid, contre Romaiquia, contre les Abbâdides en général, une satire
bien plus sanglante encore. Lui, l’aventurier né sous le chaume, lui que
la bonté de Motamid avait tiré du néant, il osa reprocher aux Abbâdides
de n’être après tout que des cultivateurs obscurs du hameau de Jaumîn,
«cette capitale de l’univers,» comme il disait avec une amère ironie.
«Tu l’as choisie parmi les filles de la populace, poursuivait-il, cette
esclave que Romaic, son maître, eût échangée bien volontiers contre un
chameau d’un an. Elle a mis au monde des fils débauchés, de petits
hommes trapus qui sont sa honte. Motamid! je flétrirai ton honneur, je
déchirerai les voiles qui couvrent tes turpitudes, je les ferai tomber
en lambeaux. Oui, émule des anciens preux, oui, tu as défendu tes
villages, mais tu savais que tes femmes te trompaient et tu les laissais
faire»....

Par un reste de pudeur, Ibn-Ammâr ne montra ces vers, composés dans un
accès de rage atroce, qu’à ses amis intimes; mais parmi eux se trouvait
un riche juif d’Orient auquel il avait accordé sa confiance, sans
soupçonner que c’était un émissaire d’Ibn-Abdalazîz. Ce juif réussit
sans trop de peine à se procurer une copie de la satire, écrite de la
propre main d’Ibn-Ammâr, et la remit au prince de Valence. Celui-ci
écrivit aussitôt à Motamid, et, se servant d’un pigeon, il lui envoya sa
lettre et la satire sous le même pli.

Dès lors une réconciliation n’était plus possible. Ni Motamid, ni
Romaiquia, ni leurs fils ne pouvaient pardonner à Ibn-Ammâr ses ignobles
injures. Mais le roi de Séville n’eut pas besoin de punir son vizir:
d’autres se chargèrent de ce soin. S’abandonnant au plaisir avec une
insouciance complète, Ibn-Ammâr ne s’aperçut pas qu’Ibn-Rachîc, secondé
par le prince de Valence, le trahissait, et quand enfin il ouvrit les
yeux, il était trop tard: excités par Ibn-Rachîc, les soldats
demandèrent à grands cris leur solde arriérée, et comme Ibn-Ammâr ne
pouvait les satisfaire, ils menacèrent de le livrer à Motamid. Cette
menace le fit frémir, et il se sauva par une fuite précipitée.

C’est auprès d’Alphonse qu’il alla chercher un asile. Il se flattait de
l’espoir que ce monarque l’aiderait à reconquérir Murcie, mais il se
trompait: Alphonse s’était laissé gagner par les magnifiques présents
qu’Ibn-Rachîc lui avait faits, et il dit à Ibn-Ammâr: «Tout ceci est une
histoire de voleurs: le premier voleur[161] a été volé par un
autre[162], et celui-ci a été volé par un troisième[163].» Voyant donc
qu’il n’avait rien à espérer à Léon, Ibn-Ammâr alla à Saragosse, où il
entra au service de Moctadir. Mais cette cour, bien moins brillante que
celle de Séville, lui déplut souverainement. Il alla donc à Lérida, où
régnait Modhaffar, un frère de Moctadir. Il y trouva un excellent
accueil; mais comme Lérida lui semblait encore plus monotone que
Saragosse, il retourna à cette dernière ville, où Moutamin avait succédé
à son père Moctadir[164]. L’ennui, ce mal horrible, avait envahi sa
destinée et s’étendait comme un nuage noir sur son présent et son
avenir; il s’estima donc heureux lorsqu’il trouva l’occasion de sortir
de son oisiveté. Un châtelain qu’il connaissait s’était révolté. Il
donna parole à Moutamin de le réduire, et se mit en route avec une
faible escorte. Arrivé au pied de la montagne sur laquelle le château
était assis, il fit demander au rebelle la permission de venir lui
rendre visite, accompagné de deux hommes seulement. Le châtelain, qui ne
se méfiait pas de lui, n’hésita pas à lui accorder sa demande. «Quand
vous me verrez marcher à côté du gouverneur et lui serrer la main, dit
alors Ibn-Ammâr à ses deux serviteurs Djâbir et Hâdî, vous plongerez vos
épées dans sa poitrine.» Le châtelain fut tué, ses soldats demandèrent
et obtinrent leur pardon, et Moutamin fut fort content du service
qu’Ibn-Ammâr lui avait rendu. Bientôt après, ce dernier crut avoir
trouvé une nouvelle occasion pour satisfaire le besoin d’activité
fébrile qui le dévorait. Il voulait procurer à Moutamin la possession de
Segura. Perchée sur la dernière crête d’un pic presque inaccessible,
cette forteresse avait su conserver son indépendance alors que Moctadir
s’était emparé des Etats d’Alî, prince de Dénia, et un fils de ce
dernier, nommé Sirâdj-ad-daula, l’avait possédée quelque temps; mais
comme il venait de mourir, les Beni-Sohail, qui étaient les tuteurs de
ses enfants, voulaient vendre Segura à quelque prince voisin. Ibn-Ammâr
promit à Moutamin de la lui livrer de la même manière qu’il lui avait
livré l’autre château. Il partit donc avec quelques troupes, et fit
prier les Beni-Sohail de lui accorder un entretien. Ils y consentirent;
mais au lieu de les attirer dans ses filets, Ibn-Ammâr, qui les avait
offensés à l’époque où il régnait à Murcie, tomba lui-même dans un
piége. Les abords de la forteresse étaient défendus par une pente si
escarpée, que, pour y entrer, il fallait se laisser hisser à force de
bras. Arrivé à cet endroit dangereux avec Djâbir et Hâdî, ses compagnons
obligés dans chaque entreprise aventureuse, Ibn-Ammâr se fit tirer en
haut le premier; mais aussitôt qu’il eut touché le sol de ses pieds, les
soldats de la garnison s’emparèrent de lui et crièrent à ses deux
acolytes de se sauver au plus vite, s’ils ne voulaient pas être tués à
coups de flèches. Ils n’eurent garde de se faire répéter cet
avertissement, et descendant le rocher en courant, ils vinrent annoncer
aux soldats de Saragosse qu’Ibn-Ammâr avait été fait prisonnier.
Persuadés qu’une tentative pour le délivrer n’avait aucune chance de
succès, ces soldats retournèrent d’où ils étaient venus.

Après avoir jeté Ibn-Ammâr dans un cachot, les Beni-Sohail résolurent de
le vendre au plus offrant et dernier enchérisseur. Ce fut Motamid qui
l’acheta, de même que le château de Segura, et il chargea son fils Râdhî
de conduire le prisonnier à Cordoue. L’infortuné vizir entra dans cette
ville chargé de fers et monté sur un mulet de bagage, entre deux sacs de
paille. Motamid l’accabla de reproches et lui montra sa terrible satire
en lui demandant s’il reconnaissait son écriture. Le prisonnier, qui
avait de la peine à se tenir debout, tant ses chaînes étaient lourdes,
l’écouta en silence, les yeux fixés à terre; puis, quand le prince eut
terminé sa longue invective, il dit:

--Je ne nie rien, seigneur, de ce que vous venez de dire; et à quoi me
servirait-il de le nier, puisque, si je le faisais, même les choses
inanimées parleraient pour attester la vérité de vos paroles? J’ai
failli, je vous ai offensé grièvement, mais pardonnez-moi!

--Ce que tu as fait ne se pardonne pas, lui répondit Motamid.

Les dames qu’il avait outragées dans sa satire se vengèrent en
l’accablant de railleries mordantes. A Séville il eut de nouveau à
endurer les insultes de la foule. Cependant sa captivité se prolongeait,
et cette circonstance lui rendit quelque espoir. Il savait d’ailleurs
que plusieurs personnages haut placés, le prince Rachîd entre autres,
parlaient ou écrivaient en sa faveur. Aussi ne cessait-il de stimuler
leur zèle par ses vers; mais Motamid était fatigué des prières
multipliées qu’on lui adressait, et il avait déjà défendu de donner au
prisonnier ce qu’il faut pour écrire, lorsque ce dernier le fit supplier
de lui accorder une seule fois encore du papier, de l’encre et un
_calam_. Ayant obtenu sa demande, il adressa à Motamid un long poème,
que l’on remit au sultan dans la soirée, pendant un festin. Les convives
partis, Motamid le lut, se sentit touché, et fit venir Ibn-Ammâr dans sa
chambre, où il lui reprocha de nouveau son ingratitude. D’abord
Ibn-Ammâr, suffoqué par les larmes, ne put rien lui répondre; mais se
remettant peu à peu, il sut lui rappeler avec tant d’éloquence le
bonheur qu’ils avaient autrefois goûté ensemble, que Motamid, ému,
attendri, à demi vaincu peut-être, lui adressa quelques paroles
rassurantes, mais sans lui accorder un pardon formel.
Malheureusement--car le pire de tous les malheurs, c’est celui qui vient
à nous environné d’espérance--malheureusement Ibn-Ammâr se trompa
étrangement sur les sentiments de Motamid à son égard. Aux alternatives
de courroux et d’attendrissement, dont il avait été témoin, il donna un
sens qu’elles n’avaient point. Motamid avait bien conservé pour lui un
reste d’affection; mais de là au pardon il y avait encore un grand pas à
franchir. C’est ce qu’Ibn-Ammâr ne comprit pas. Rentré dans sa prison,
il crut à un prochain retour de fortune, et ne pouvant contenir la joie
dont son cœur débordait, il écrivit à Rachîd une lettre pour lui
annoncer l’heureuse issue de son entretien avec le monarque. Rachîd
était en compagnie quand cette lettre lui fut remise, et pendant qu’il
la lisait, son vizir Isâ y jeta un regard furtif et rapide, mais qui
suffisait pour l’apprendre de quoi il s’agissait. Soit bavarderie, soit
qu’il n’aimât pas Ibn-Ammâr, Isâ ébruita la chose, et bientôt elle
parvint aux oreilles d’Abou-Becr ibn-Zaidoun, grossie d’exagérations qui
nous sont restées inconnues, mais qui doivent avoir été bien infâmes,
car un historien arabe dit qu’il les a passées sous silence, parce
qu’il ne voulait pas en souiller son livre. Ibn-Zaidoun passa la nuit
dans une terrible angoisse: la réhabilitation d’Ibn-Ammâr était sa
disgrâce, peut-être son arrêt de mort. Le lendemain, ne sachant pas
encore à quoi s’en tenir, il resta chez lui à l’heure où il allait
ordinairement au palais. Motamid le fit chercher et le reçut aussi
amicalement que de coutume, de sorte qu’Ibn-Zaidoun acquit la certitude
que sa situation était moins dangereuse qu’il ne l’avait craint. Aussi,
quand le sultan lui demanda pourquoi il s’était fait attendre si
longtemps, il lui répondit qu’il croyait être tombé en disgrâce; il lui
apprit en même temps que son entretien avec Ibn-Ammâr était connu de
toute la cour; que l’on s’attendait à voir l’ex-vizir remonter au
pouvoir; que son ami et son compatriote Ibn-Salâm, le préfet de la
ville, tenait déjà prêts les plus beaux appartements de sa maison pour
l’y installer, en attendant que ses palais lui fussent rendus; et il va
sans dire qu’il ne manqua pas non plus de raconter les calomnies que
l’on débitait.

Motamid ne se sentait plus de rage. Lors même que ce qui s’était passé
entre lui et son prisonnier n’eût pas été dénaturé par la haine, il
aurait été indigné de la folle présomption d’Ibn-Ammâr qui, de quelques
paroles bienveillantes, avait aussitôt conclu à sa mise en liberté, à sa
rentrée au pouvoir. «Va demander à Ibn-Ammâr, dit-il en s’adressant à
un eunuque slave, comment il a su trouver le moyen d’ébruiter
l’entretien que j’ai eu avec lui hier au soir.»

L’eunuque revint bientôt.

--Ibn-Ammâr, dit-il, nie d’en avoir rien dit à personne.

--Mais il peut avoir écrit, reprit Motamid. Je lui ai fait donner deux
feuilles de papier: sur l’une il a écrit un poème qu’il m’a envoyé, mais
qu’a-t-il fait de l’autre? Va lui demander cela.

Quand l’eunuque fut de retour:

--Ibn-Ammâr prétend, dit-il, qu’il s’est servi de l’autre feuille pour
écrire le brouillon du poème qu’il vous a adressé.

--Dans ce cas, qu’il te donne ce brouillon, répliqua Motamid.

Alors Ibn-Ammâr ne put plus nier la vérité. «J’ai écrit à Rachîd, dit-il
tristement, pour lui communiquer ce que le prince m’avait promis.»

A cet aveu, le sang de son terrible père, de ce vautour toujours prêt à
tomber sur sa proie pour la déchirer et assouvir sa rage dans ses
entrailles, s’éveilla dans les veines de Motamid et les embrasa.
Saisissant la première arme que sa main rencontra--c’était une hache
superbe qu’il avait reçue d’Alphonse--il franchit en quelques bonds les
marches de l’escalier qui conduisait à la chambre où Ibn-Ammâr était
enfermé.

Rencontrant les regards foudroyants du monarque, Ibn-Ammâr frissonna.
Il pressentit que sa dernière heure allait sonner.... Traînant ses
chaînes, il alla se jeter aux pieds de Motamid, qu’il couvrit de baisers
et de larmes; mais le sultan, inaccessible à la pitié, leva sa hache et
l’en frappa à différentes reprises, jusqu’à ce qu’il fût mort, jusqu’à
ce que tout reste de chaleur eût quitté le cadavre....[165]

Telle fut la fin tragique d’Ibn-Ammâr. Elle excita dans l’Espagne arabe
une émotion très-vive, mais qui ne fut pas longue, car de graves
événements qui eurent lieu à Tolède et les progrès des armes castillanes
donnèrent bientôt aux idées une autre direction.



XII.


L’empereur Alphonse VI, roi de Léon, de Castille, de Galice et de
Navarre, avait l’intention bien arrêtée de conquérir toute la
Péninsule[166], et il était assez puissant pour accomplir son projet.
Cependant il ne voulait pas le faire tout de suite. Rien ne le pressait,
il avait le temps d’attendre. Avant tout, il amassait de l’argent, le
nerf de la guerre, le moyen le plus sûr pour parvenir au but que se
proposait son ambition. En conséquence, il mettait les princes musulmans
au pressoir, et, comme d’un pressoir coulent le cidre et le vin, de ces
roitelets écrasés coulait l’or.

Le plus faible parmi ses tributaires était peut-être Câdir, le roi de
Tolède. Elevé dans la mollesse du sérail, ce prince était le jouet de
ses eunuques et la risée de ses voisins, qui le dépouillaient l’un à
l’envi de l’autre. Alphonse seul semblait le protéger. Aussi
s’adressa-t-il à lui alors qu’il ne put plus contenir ses sujets
fatigués de sa tyrannie. Alphonse promit de lui envoyer des troupes,
mais en récompense de ce service il exigea une somme énorme. Câdir
demanda cet argent aux principaux citoyens qu’il avait appelés auprès de
lui. Ils refusèrent de le donner. «Je jure, s’écria-t-il alors, que si
vous ne me procurez cette somme à l’instant même, je remettrai vos fils
entre les mains d’Alphonse.--Nous te chasserons auparavant,» lui
répondit-on. En effet, les Tolédans se donnèrent à Motawakkil de
Badajoz, et Câdir fut forcé de s’évader pendant la nuit. Alors il
implora de nouveau le secours d’Alphonse. «Nous irons assiéger Tolède,
lui dit l’empereur, et tu seras rétabli sur ton trône. Mais il me faut
pour cela tout l’argent que tu as emporté de Tolède; il m’en faudra
encore davantage dans la suite, et tu me donneras quelques forteresses
en nantissement.» Câdir consentit à tout, et les hostilités contre
Tolède commencèrent (1080)[167].

Elles avaient déjà duré deux ans, lorsque l’empereur envoya, selon sa
coutume, une ambassade à Motamid pour lui demander le tribut annuel.
Cette ambassade se composait de plusieurs chevaliers; mais celui qui
était chargé de recevoir l’argent était un juif, nommé Ben-Châlîb[168],
car à cette époque les juifs servaient ordinairement d’intermédiaires
entre les musulmans et les chrétiens.

Les ambassadeurs ayant dressé leurs tentes en dehors de la ville,
Motamid leur fit porter l’argent qu’il avait à payer par quelques-uns de
ses grands, à la tête desquels se trouvait le premier ministre,
Abou-Becr ibn-Zaidoun. Une partie de cet argent était au-dessous du
titre, Motamid n’ayant pas été en état d’en réunir assez, quoiqu’il eût
imposé à ses sujets un impôt extraordinaire. Aussi le juif s’écria en le
voyant: «Me croyez-vous assez simple pour accepter cette fausse monnaie?
Je ne prends que de l’or pur, et l’année prochaine il me faudra des
villes.»

Quand ces paroles eurent été rapportées à Motamid, il entra dans une
grande colère. «Qu’on m’amène ce juif et ses compagnons!» cria-t-il à
ses soldats. Cet ordre fut exécuté, et quand les ambassadeurs furent
arrivés au palais:

--Que l’on jette ces chrétiens en prison, dit Motamid, et que l’on
crucifie ce juif maudit.

--Grâce, grâce, cria le juif qui, naguère si orgueilleux, tremblait
maintenant de tous ses membres; je vous donnerai le poids de mon corps
en or.

--Par Dieu! Lors même que tu pourrais m’offrir la Mauritanie et
l’Espagne pour ta rançon, je n’en voudrais pas!

Et le juif fut crucifié[169].

En apprenant ce qui s’était passé, Alphonse jura par la Trinité et par
tous les saints du paradis qu’il en tirerait une vengeance éclatante,
terrible. «J’irai, dit-il, ravager le royaume de ce mécréant avec des
guerriers innombrables comme les cheveux de ma tête, et je ne
m’arrêterai qu’au détroit de Gibraltar.» Cependant, ne pouvant
abandonner à leur sort les chevaliers castillans qui gémissaient dans
les cachots de Séville, il fit demander à Motamid à quelles conditions
il consentirait à les élargir. Le sultan exigea la restitution
d’Almodovar[170], et cette ville lui ayant été rendue, il remit les
chevaliers en liberté[171]; mais à peine furent-ils de retour dans leur
patrie, qu’Alphonse exécuta ses menaces. Il pilla et brûla les villages
de l’Axarafe, tua ou emmena en esclavage tous les musulmans qui
n’avaient pas eu le temps de se mettre en sûreté dans une place forte,
assiégea Séville pendant trois jours, ravagea la province de Sidona, et,
arrivé sur la grève près de Tarifa, il poussa son cheval dans les vagues
en s’écriant: «Ce sol, c’est la dernière limite de l’Espagne et je l’ai
touché!» Puis, son serment rempli et sa vanité satisfaite, il ramena son
armée dans le royaume de Tolède[172].

Là aussi ses armes furent victorieuses, et Motawakkil ayant été obligé
d’évacuer le pays, les habitants de la capitale ouvrirent leurs portes à
Câdir, malgré qu’ils en eussent (1084). Câdir leur extorqua des sommes
énormes qu’il offrit à Alphonse. «Cela ne suffit pas,» lui dit
froidement l’empereur. Alors Câdir lui offrit en outre les trésors de
son père et de son aïeul.

--Cela ne suffit pas encore, dit Alphonse.

--Je vous donnerai davantage, mais accordez-moi un délai.

--Je te l’accorde, pourvu que tu me donnes de nouveau des forteresses en
nantissement.

Câdir y consentit.... Son héritage s’en allait par lambeaux, toutes ses
ressources s’épuisaient, mais qu’y pouvait-il? Il savait que l’épée du
terrible Alphonse était suspendue sur sa tête, et qu’au moindre signe
de désobéissance, elle tomberait. Il donnait donc de l’or, et encore de
l’or; des forteresses, et encore des forteresses; pour contenter
l’empereur, il pressurait ses sujets et dépeuplait son royaume, car, n’y
tenant plus, les Tolédans émigrèrent en foule pour aller s’établir dans
les Etats du roi de Saragosse. Et cependant tout cela ne lui servait de
rien; plus il donnait, plus Alphonse devenait exigeant; et quand il
jurait qu’il n’avait plus rien à donner, l’empereur venait ravager les
environs de Tolède. Quelque temps encore il se cramponna à son trône
vermoulu, mais à la fin il dut lâcher prise. Il en vint donc où Alphonse
l’attendait: il se déclara prêt à lui céder Tolède. Toutefois il y mit
certaines conditions, dont celles-ci étaient les principales:

Alphonse prendrait sous sa sauvegarde la vie et les biens des Tolédans,
et chacun d’entre eux pourrait, à son choix, partir ou rester;

Il n’exigerait d’eux qu’une capitation fixée d’avance;

Il leur laisserait la grande mosquée;

Il s’engagerait à remettre Câdir en possession de Valence.

L’empereur accepta ces conditions, et le 25 mai 1085, il fit son entrée
dans l’ancienne capitale du royaume visigoth[173].

Dès lors rien n’égala son orgueil, si ce n’est la bassesse des princes
musulmans. Ils s’empressèrent presque tous de lui envoyer des
ambassadeurs pour le complimenter, ils lui firent offrir des présents,
ils lui déclarèrent qu’ils se considéraient comme ses receveurs
d’impôts. Alphonse, _le souverain des hommes des deux religions_, comme
il s’intitulait dans ses lettres, ne se donnait pas même la peine de
dissimuler le mépris qu’ils lui inspiraient. Hosâm-ad-daula, le seigneur
d’Albarrazin, était venu en personne pour lui offrir un superbe cadeau.
Justement un singe amusait l’empereur par ses gambades. «Prends cet
animal en retour de ton présent,» dit Alphonse avec un accent de suprême
dédain. Et le musulman, loin de ressentir l’injure, vit dans ce singe un
gage d’amitié, une preuve qu’Alphonse n’avait pas l’intention de lui
enlever ses Etats[174].

Après la prise de Tolède, ce fut le tour de Valence. Là les deux fils
d’Ibn-Abdalazîz se disputaient le pouvoir; un troisième parti voulait
donner Valence au roi de Saragosse, un quatrième à Câdir. Ce dernier
parti l’emporta. Câdir, en effet, avait les meilleurs titres à faire
valoir: il avait derrière lui une armée castillane, commandée par le
grand capitaine Alvar Fañez. Seulement les Valenciens auraient à
pourvoir à l’entretien de ces troupes: elles leur coûteraient six cents
pièces d’or par jour! Ils avaient beau dire à Câdir qu’il n’avait pas
besoin de cette armée, puisqu’ils le serviraient fidèlement, Câdir n’eut
pas la naïveté de croire à leurs promesses; sachant qu’on le détestait
et que d’ailleurs les anciens partis n’avaient pas abdiqué leurs
espérances, il retint les Castillans. Afin d’être en état de les payer,
il greva la ville et son territoire d’un impôt extraordinaire, et
extorqua aux nobles des sommes énormes. Mais malgré les actes du plus
terrible despotisme, Câdir, pressé par Alvar Fañez de lui payer
l’arriéré de sa solde, se trouva un jour à bout de ressources. Alors il
proposa aux Castillans de se fixer dans son royaume en leur offrant des
terres très-étendues. Ils y consentirent; mais tout en faisant cultiver
leurs vastes domaines par des serfs, ils continuaient à s’enrichir par
des razzias dans le pays d’alentour. Leur troupe s’était grossie de la
lie de la population arabe. Une foule d’esclaves, d’hommes tarés et de
repris de justice, dont plusieurs abjurèrent l’islamisme, s’étaient
enrôlés sous leurs drapeaux, et bientôt ces bandes acquirent, par leurs
cruautés inouïes, une triste célébrité. Elles massacraient les hommes,
violaient les femmes, et vendaient souvent un prisonnier musulman pour
un pain, pour un pot de vin, ou pour une livre de poisson. Quand un
prisonnier ne voulait ou ne pouvait payer rançon, elles lui coupaient la
langue, lui crevaient les yeux, et le faisaient déchirer par des
dogues[175].

Valence était donc en réalité au pouvoir d’Alphonse. Câdir y portait
encore le titre de roi, mais une grande partie du sol appartenait aux
Castillans, et, pour incorporer cette ville à ses Etats, Alphonse
n’avait qu’une parole à prononcer. Saragosse aussi semblait perdue.
L’empereur assiégeait cette ville, et il avait juré qu’il la
prendrait[176]. A l’autre bout de l’Espagne, un capitaine d’Alphonse,
Garcia Ximenez, qui s’était niché avec une troupe de chevaliers dans le
château d’Alédo, non loin de Lorca, faisait sans cesse des incursions
dans le royaume d’Almérie[177]. Celui de Grenade n’était pas épargné non
plus, à preuve que dans le printemps de l’année 1085, les Castillans
s’avancèrent jusqu’au village de Nibar, à une lieue E. de Grenade, et
qu’ils y livrèrent bataille aux musulmans[178]. Partout, enfin, le péril
était extrême, et le découragement l’était aussi. On n’osait plus se
mesurer avec les chrétiens, même dans la proportion de cinq contre un.
Dernièrement un corps de quatre cents Almériens (et c’était un corps
d’élite) avait pris la fuite devant quatre-vingts Castillans[179]. Il
était évident que si les Arabes d’Espagne restaient abandonnés à
eux-mêmes, ils devraient choisir entre deux partis: la soumission à
l’empereur ou l’émigration en masse. Plusieurs d’entre eux, en effet,
étaient d’opinion qu’il fallait quitter le pays. «Mettez-vous en route,
ô Andalous, chantait un poète, car rester ici serait une folie[180].»
L’émigration, toutefois, était un parti extrême, et l’on se résolvait
difficilement à le prendre. D’ailleurs, tout n’était pas encore perdu:
on pouvait recevoir du secours de l’Afrique. C’était de là, en effet,
que les moins découragés attendaient leur salut. La proposition avait
été faite de s’adresser aux Bédouins d’Ifrikia; mais on avait objecté
que ces gens-là s’étaient signalés par leur férocité autant que par leur
bravoure, et qu’il était à craindre qu’arrivés en Espagne, ils ne se
missent à piller les musulmans, au lieu de combattre les chrétiens[181].
On pensa donc aux Almoravides. C’étaient les Berbers du Sahara qui
jouaient pour la première fois un rôle sur la scène du monde. Convertis
récemment à l’islamisme par un missionnaire de Sidjilmésa, ils avaient
fait des conquêtes rapides, et à l’époque dont nous parlons, leur vaste
empire s’étendait depuis le Sénégal jusqu’à Alger. L’idée de les appeler
en Espagne souriait principalement aux ministres de la religion. Les
princes, au contraire, hésitèrent longtemps. Quelques-uns d’entre eux,
tels que Motamid et Motawakkil, entretenaient bien des relations avec
Yousof ibn-Téchoufîn, le roi des Almoravides, et ils l’avaient même prié
à différentes reprises de les aider contre les chrétiens; mais en
général, les princes andalous, sans en excepter Motamid et Motawakkil,
avaient peu de sympathie pour le chef des rudes et fanatiques guerriers
du Sahara; ils voyaient en lui un rival dangereux plutôt qu’un
auxiliaire. Cependant, comme le péril croissait de jour en jour, il
fallait bien saisir le seul moyen de salut qui restât. Motamid, du
moins, en jugea ainsi, et quand son fils aîné, Rachîd, lui représenta le
péril auquel il s’exposait, s’il amenait les Almoravides en Espagne:
«Tout cela est vrai, lui répondit-il; mais je ne veux pas que la
postérité puisse m’accuser d’avoir été la cause que l’Andalousie soit
devenue la proie des mécréants; je ne veux pas que mon nom soit maudit
sur toutes les chaires musulmanes, et s’il me faut choisir, j’aime
encore mieux être chamelier en Afrique que porcher en Castille[182].»

Son plan arrêté, il le communiqua à ses voisins, Motawakkil de Badajoz
et Abdallâh de Grenade[183], en les priant de s’y associer et d’envoyer
leurs cadis à Séville. Ils le firent; Motawakkil envoya à Séville le
cadi de Badajoz, Abou-Ishâc ibn-Mocânâ, et Abdallâh, le cadi de Grenade,
Abou-Djafar Colaiî. Le cadi de Cordoue, Ibn-Adham, se joignit à eux,
ainsi que le vizir Abou-Becr ibn-Zaidoun. Ces quatre personnages
s’embarquèrent à Algéziras, et se rendirent auprès de Yousof[184]. Ils
étaient chargés de l’inviter, au nom de leurs souverains, à venir en
Espagne avec une armée; mais ils devaient y mettre certaines conditions,
lesquelles, du reste, nous sont inconnues; nous savons seulement que
Yousof devait jurer de ne pas tenter d’enlever leurs Etats aux princes
andalous, et qu’il prêta ce serment[185]. Il fallait fixer alors
l’endroit où Yousof débarquerait. Ibn-Zaidoun proposa Gibraltar; mais
Yousof donna à entendre qu’il préférait Algéziras et que même cette
place devait lui être cédée. Le vizir de Motamid lui répondit qu’il
n’était pas autorisé à lui accorder cette demande. Dès lors Yousof
traita les ambassadeurs assez froidement, et ne leur donna que des
réponses évasives, ambiguës; aussi ignoraient-ils en le quittant à quel
parti il s’arrêterait; il n’avait pas promis de venir, mais aussi il
n’avait pas dit qu’il ne viendrait pas.

Les princes andalous étaient donc aussi dans l’incertitude. Ils en
furent tirés d’une manière assez désagréable et qui prouvait que leurs
soupçons n’avaient pas été sans fondement. Yousof, qui d’ordinaire
n’entreprenait rien sans avoir consulté ses faquis, leur avait demandé
ce qu’il fallait faire, et les faquis avaient déclaré, d’abord qu’il
était de son devoir d’aller combattre les Castillans, ensuite que, s’il
avait besoin d’Algéziras et qu’on ne voulût pas le lui céder, il avait
le droit de le prendre. Muni de ce fetfa, Yousof avait donné à plusieurs
corps l’ordre de s’embarquer à Ceuta sur une centaine de navires et de
faire voile vers Algéziras, de sorte que cette ville se trouva tout à
coup entourée d’une grande armée qui exigeait qu’on lui donnât des
vivres et la place elle-même. Râdhî, qui y commandait, se trouva dans
une grande perplexité, le cas qui se présentait n’ayant pas été prévu.
Il ne refusa pas de fournir des vivres aux Almoravides, mais en même
temps il se mit en mesure de repousser au besoin la force par la force.
En outre, il écrivit à son père pour lui demander des ordres, et ayant
attaché sa lettre à l’aile d’un pigeon, il le lâcha vers Séville. La
réponse de Motamid ne se fit pas attendre. Il s’était décidé vite, car,
quelque révoltante que lui parût la conduite de Yousof, il sentait qu’il
était allé trop loin pour reculer et qu’il lui fallait faire bonne mine
à mauvais jeu. Il enjoignit donc à son fils d’évacuer Algéziras et de
se retirer sur Ronda[186]. De nouvelles troupes s’embarquèrent alors
pour Algéziras, et enfin Yousof y arriva lui-même. Son premier soin fut
de mettre les fortifications de la ville en bon état, de la pourvoir de
munitions de guerre et de bouche, et d’y établir une garnison
suffisante. Ensuite il s’achemina vers Séville avec le gros de ses
forces. Motamid vint à sa rencontre, entouré des principaux dignitaires
de son royaume. Quand il fut arrivé en sa présence, il voulut lui baiser
la main; mais Yousof l’en empêcha en l’embrassant de la manière la plus
affectueuse. Les présents qui étaient d’usage ne furent pas oubliés:
Motamid en offrit une si grande quantité à l’Almoravide, que celui-ci
put donner quelque chose à chaque soldat de son armée, et qu’il conçut
une haute idée des richesses que possédait l’Espagne. Près de Séville on
s’arrêta, et c’est là que les deux petits-fils de Bâdîs, Abdallâh de
Grenade et Temîm de Malaga, vinrent se joindre aux Almoravides, le
premier avec trois cents cavaliers, le second avec deux cents. Motacim
d’Almérie envoya un régiment de cavalerie commandé par un de ses fils,
en exprimant ses regrets de ce que le voisinage menaçant des chrétiens
d’Alédo ne lui permettait pas de venir en personne. Huit jours après,
l’armée prit la route de Badajoz, où elle opéra sa jonction avec
Motawakkil et ses troupes. Puis on marcha vers Tolède[187]; mais on ne
s’était pas encore avancé bien loin qu’on rencontra l’ennemi.

Au moment où il apprit que les Almoravides avaient débarqué en Espagne,
Alphonse assiégeait encore Saragosse. Croyant que le roi de cette ville
ignorait l’arrivée des Africains, il lui fit dire que, s’il lui donnait
beaucoup d’argent, il lèverait le siége; mais Mostaîn, qui avait reçu la
grande nouvelle aussi bien que lui, lui fit répondre qu’il ne lui
donnerait pas un seul dirhem. Alphonse retourna alors à Tolède, après
avoir envoyé à Alvar Fañez, ainsi qu’à ses autres lieutenants, l’ordre
de venir le rejoindre avec leurs troupes. Quand son armée, dans laquelle
il y avait beaucoup de chevaliers français, fut rassemblée, il se mit en
marche, car il voulait transporter la guerre dans le pays ennemi. Il
rencontra les Almoravides et leurs alliés non loin de Badajoz, près d’un
endroit que les musulmans appelaient Zallâca et les chrétiens Sacralias,
et il n’avait pas encore fini de dresser ses tentes, qu’il reçut une
lettre de Yousof, dans laquelle ce monarque l’invitait à embrasser
l’islamisme ou à payer un tribut, en le menaçant de la guerre s’il ne
voulait faire ni l’un ni l’autre. Alphonse fut fort indigné de ce
message. Il chargea un de ses employés arabes d’y répondre que, les
musulmans ayant été ses tributaires pendant nombre d’années, il ne
s’attendait pas à des propositions aussi blessantes; que du reste il
avait une grande armée, et que, grâce à elle, il saurait bien punir
l’outrecuidance de ses ennemis. Cette lettre étant parvenue à la
chancellerie musulmane, un Andalous y répondit sur-le-champ; mais quand
il montra sa composition à Yousof, celui-ci la trouva trop longue, et,
se bornant à écrire sur le revers de la lettre de l’empereur ces simples
paroles: «Ce qui arrivera, tu le verras,» il la lui renvoya[188].

Il s’agissait alors de fixer le jour de la bataille; à cette époque la
coutume le voulait ainsi. C’était le jeudi 22 octobre 1086, et ce
jour-là Alphonse envoya ce message aux musulmans: «Demain, vendredi, est
votre jour de fête, et dimanche est le nôtre; je propose donc que la
bataille ait lieu après-demain, samedi[189].» Yousof agréa celle
proposition; mais Motamid y vit une ruse, et comme dans le cas d’une
attaque il aurait à soutenir le premier choc de l’ennemi (car les
troupes andalouses formaient l’avant-garde, tandis que les Almoravides
se tenaient en arrière cachés par les montagnes), il prit des
précautions afin de ne pas être attaqué à l’improviste, et fit observer
les mouvements de l’ennemi par des troupes légères. Son esprit n’était
nullement tranquille et il consultait sans cesse son astrologue. On
touchait, en effet, à un moment critique et décisif. Le sort de
l’Espagne dépendait de l’issue de la bataille qui allait se livrer, et
les Castillans avaient la supériorité du nombre. Leurs forces, les
musulmans le croyaient du moins, s’élevaient à cinquante ou soixante
mille hommes[190], tandis que leurs adversaires n’en avaient que vingt
mille[191].

Au lever de l’aurore, Motamid vit ses craintes se réaliser: il fut
averti par ses vedettes que l’armée chrétienne approchait. Sa position
étant donc devenue fort dangereuse, car il risquait d’être écrasé avant
que les Almoravides fussent rendus sur le champ de bataille, il fit dire
à Yousof de venir promptement à son secours avec toutes ses troupes, ou
de lui envoyer du moins un renfort considérable. Mais Yousof ne se hâta
pas de satisfaire à cette demande. Il avait formé un plan dont il ne
voulait pas s’écarter, et il s’inquiétait si peu du sort des Andalous,
qu’il s’écria: «Qu’est-ce que cela me fait que ces gens-là soient
massacrés? Ce sont tous des ennemis[192].» Ainsi abandonnés à leurs
propres forces, les Andalous prirent la fuite; seuls les Sévillans,
stimulés par l’exemple de leur roi, qui, quoique blessé au visage et à
la main, faisait preuve d’une brillante bravoure, résistèrent
vigoureusement au choc de l’ennemi, jusqu’à ce qu’enfin une division
almoravide arrivât à leur aide. Dès lors le combat fut moins inégal;
cependant les Sévillans furent fort étonnés quand ils virent les ennemis
battre tout à coup en retraite, car le renfort qu’ils avaient reçu
n’était pas assez considérable pour qu’ils pussent se flatter d’avoir
remporté la victoire. Aussi n’en était-il pas ainsi; mais voici ce qui
était arrivé. Voyant l’armée castillane engagée contre les Andalous,
Yousof avait formé le dessein de la prendre à revers. Il avait donc
envoyé à Motamid autant de renfort qu’il en fallait pour l’empêcher
d’être écrasé par les ennemis; puis, faisant un détour, il s’était porté
avec le gros de ses forces sur le camp d’Alphonse. Là il avait fait un
carnage effroyable des soldats chargés de le garder, et, l’ayant
incendié, il était allé tomber dans le dos des Castillans, en poussant
devant lui une foule de fuyards. Alphonse se trouvait donc entre deux
feux, et comme l’armée qui venait le prendre en queue était plus
nombreuse que celle qu’il avait en face, il fut obligé de tourner contre
elle sa force principale. Le combat fut extrêmement acharné. Le camp fut
tour à tour pris et repris, tandis que Yousof parcourait les rangs de
ses soldats en criant: «Courage, musulmans! Vous avez devant vous les
ennemis de Dieu! Le paradis attend ceux d’entre vous qui succomberont!»

Cependant les Andalous qui avaient pris la fuite étaient parvenus à se
rallier, et ils retournèrent sur le champ de bataille pour soutenir
Motamid. D’un autre côté, Yousof jeta sur les Castillans sa garde noire
qu’il tenait en réserve et qui fit des merveilles. Un nègre réussit même
à s’approcher d’Alphonse et à le blesser à la cuisse d’un coup de
poignard. A la nuit tombante, la victoire, chaudement disputée, se
déclara enfin pour les musulmans; la plupart des chrétiens gisaient
morts ou blessés sur le champ de bataille, d’autres avaient pris la
fuite, et Alphonse lui-même, entouré seulement de cinq cents chevaliers,
eut grand’peine à se sauver (23 octobre 1086).

Toutefois on ne recueillit pas de cette éclatante victoire tous les
fruits qu’on pouvait en attendre. Yousof avait bien l’intention de
pénétrer dans le pays ennemi, mais il y renonça quand il reçut la
nouvelle de la mort de son fils aîné, qu’il avait laissé malade à Ceuta.
Se contentant donc de mettre sous les ordres de Motamid une division de
trois mille hommes, il retourna en Afrique avec le reste de ses
troupes[193].



XIII.


Par suite de l’arrivée des Almoravides en Espagne, les Castillans
avaient été forcés d’évacuer le royaume de Valence et de lever le siége
de Saragosse. La déroute qu’ils avaient essuyée à Zallâca les avait
privés d’une foule de leurs meilleurs guerriers; ils avaient perdu à
cette occasion, disaient les musulmans, dix mille ou même vingt-quatre
mille hommes[194]. En outre, les princes andalous étaient affranchis de
la honteuse obligation de payer à Alphonse un tribut annuel, et l’Ouest,
où les forteresses étaient défendues désormais par les soldats que
Yousof avait laissés à Motamid, n’avait plus rien à craindre des
attaques de l’empereur. C’étaient à coup sûr de beaux résultats et dont
les Andalous avaient raison de se réjouir. Aussi tout le pays
retentissait-il de cris d’allégresse; le nom de Yousof était dans toutes
les bouches; on vantait sa piété, sa bravoure, ses talents militaires,
on saluait en lui le sauveur de l’Andalousie et de la religion
musulmane, on le proclamait le premier capitaine de son siècle. Le
clergé surtout ne tarissait pas sur son éloge. A ses yeux Yousof était
plus qu’un grand homme: il était l’homme béni par Dieu, l’élu du
Seigneur[195].

Cependant les succès obtenus, si grands et si glorieux qu’ils fussent,
n’étaient nullement décisifs. Les Castillans, du moins, en jugeaient
ainsi. Malgré les pertes qu’ils avaient éprouvées, ils ne désespéraient
pas de rétablir leurs affaires. Ils savaient fort bien qu’ils
risqueraient trop s’ils dirigeaient leurs attaques du côté de Badajoz et
de Séville, mais ils savaient aussi que l’Est de l’Andalousie leur
offrait encore mainte chance de succès et qu’il leur serait facile de le
ravager, peut-être même de le conquérir. Les petites principautés de
l’Est, Valence, Murcie, Lorca, Almérie, étaient en effet les plus
faibles de toutes celles qui existaient dans la Péninsule, et les
Castillans occupaient au milieu d’elles une position très-forte et qui
mettait le pays à leur merci. C’était la forteresse d’Alédo, dont les
ruines subsistent encore aujourd’hui, et qui se trouvait entre Murcie et
Lorca. Située sur une montagne très-escarpée et capable de contenir une
garnison de douze ou treize mille hommes, elle pouvait passer pour
inexpugnable. C’est de là que partaient les Castillans pour faire des
razzias dans le pays d’alentour. Ils assiégèrent même Almérie, Lorca,
Murcie[196], et tout semblait présager que, si l’on n’y pourvoyait, ces
villes finiraient par tomber entre leurs mains.

Motamid sentit la gravité du péril qui menaçait l’Andalousie de ce
côté-là, et d’ailleurs ses intérêts personnels étaient en jeu. Les deux
villes les plus exposées aux attaques de l’ennemi, Murcie et Lorca, lui
appartenaient, la première en droit, la seconde en fait, car le seigneur
de Lorca, Ibn-al-Yasa, qui se sentait trop faible pour résister aux
Castillans d’Alédo, l’avait reconnu pour son souverain, dans l’espoir
d’être aidé par lui[197]. Quant à Murcie, Ibn-Rachîc y régnait encore,
et Motamid brûlait du désir de punir ce rebelle. Ayant donc résolu de
faire une expédition dans l’Est avec la double intention de mettre un
terme aux invasions des chrétiens et de réduire Ibn-Rachîc à
l’obéissance, il réunit ses propres troupes à celles que Yousof lui
avait confiées, et prit le chemin de Lorca.

Arrivé dans cette ville, il fut informé qu’un escadron de trois cents
Castillans se trouvait dans le voisinage. En conséquence il ordonna à
son fils Râdhî d’aller l’attaquer avec trois mille cavaliers sévillans.
Râdhî, toutefois, qui aimait les lettres bien plus que la guerre,
s’excusa en prétextant une indisposition. Fort irrité de ce refus,
Motamid confia alors le commandement à un autre de ses fils, qui
s’appelait Motadd. Mais la supériorité des Castillans sur les Andalous
devait se montrer une fois de plus. Quoiqu’ils fussent dix contre un,
les Sévillans essuyèrent la plus honteuse déroute[198].

Les tentatives de Motamid pour réduire Murcie ne furent pas plus
heureuses. Ibn-Rachîc sut mettre dans ses intérêts les Almoravides qui
se trouvaient dans l’armée sévillane, et Motamid fut forcé de retourner
vers sa capitale sans qu’il eût rien gagné[199].

Il était donc devenu évident qu’après comme avant la bataille de
Zallâca, les Andalous n’étaient pas en état de se défendre, et qu’à
moins que Yousof ne vînt une seconde fois à leur secours, ils finiraient
par succomber. Aussi le palais de Yousof était-il assiégé par des faquis
et des notables de Valence, de Murcie, de Lorca, de Baza. Les Valenciens
se plaignaient de Rodrigue le Campéador (le Cid), qui s’était érigé en
protecteur de Câdir après l’avoir forcé à lui payer une redevance
mensuelle de dix mille ducats, et qui ravageait le royaume sous le
prétexte de faire rentrer les rebelles sous l’autorité du roi[200]; les
habitants des autres endroits ne tarissaient pas sur les vexations dont
les Castillans d’Alédo les accablaient, et tous étaient unanimes pour
déclarer que, si Yousof ne venait pas à leur aide, l’Andalousie
tomberait inévitablement au pouvoir des chrétiens[201]. Leurs
supplications, toutefois, semblaient produire peu d’effet sur l’esprit
du monarque. Yousof promettait bien, il est vrai, de passer le Détroit
dès que la saison le lui permettrait; mais il ne faisait pas des
préparatifs bien sérieux, et, s’il ne le disait pas, il laissait du
moins deviner qu’il s’attendait à une démarche directe de la part des
princes. Motamid se décida alors à la faire. Les soupçons qu’il avait
eus sur les intentions secrètes de Yousof s’étaient peu à peu dissipés
ou du moins affaiblis. Sauf l’occupation d’Algéziras, le monarque
africain n’avait fait rien qui pût blesser la susceptibilité des princes
andalous ou justifier leurs appréhensions; au contraire, il avait dit
maintefois qu’avant d’avoir vu l’Andalousie, il avait eu une grande idée
de la beauté et de la richesse de ce pays, mais que son attente avait
été trompée[202]. Motamid était donc à peu près rassuré, et comme le
péril qui menaçait sa patrie était réellement très-grand, il prit la
résolution de se rendre en personne auprès de Yousof.

L’Almoravide lui fit l’accueil le plus honorable et le plus cordial.
«Vous n’aviez pas besoin, lui dit-il, de venir en personne; vous auriez
pu m’écrire, et je me serais empressé de satisfaire à votre désir.--Je
suis venu, lui répondit Motamid, pour vous dire que nous nous voyons
dans un péril affreux. Alédo se trouve au cœur de notre pays; il nous
est impossible de l’enlever aux chrétiens, et si vous êtes à même de le
faire, vous rendrez à la religion un immense service. Une fois déjà vous
nous avez sauvés: sauvez-nous cette fois encore.--Je le tenterai du
moins,» lui répondit Yousof; et quand Motamid fut retourné à Séville, il
poussa ses armements avec une grande vigueur; puis, ses préparatifs
achevés, il passa le Détroit avec ses troupes, débarqua à Algéziras dans
le printemps de l’année 1090, et, ayant opéré sa jonction avec Motamid,
il invita les princes andalous à se réunir à lui pour assiéger Alédo.
Temîm de Malaga, Abdallâh de Grenade, Motacim d’Almérie, Ibn-Rachîc de
Murcie et quelques autres seigneurs d’une moindre importance répondirent
à son appel, et le siége commença. Les machines de guerre furent
construites par des charpentiers et des maçons de Murcie, et l’on
convint que les émirs attaqueraient la forteresse alternativement chacun
leur jour. Cependant on n’avançait pas beaucoup; les défenseurs
d’Alédo, qui étaient au nombre de treize mille, dont mille cavaliers,
repoussaient vigoureusement les assauts qu’on leur livrait, et la place
était si forte, que les musulmans, après avoir tenté en vain de s’en
emparer par la force, durent se résoudre à l’affamer[203].

Les assiégeants, du reste, s’occupaient moins du siége que de leurs
intérêts personnels. Leur camp était un foyer d’intrigues. De plusieurs
côtés on stimulait l’ambition de Yousof. En disant que l’Espagne n’avait
pas répondu à son attente, ce monarque n’avait pas été sincère. La
vérité est que ce pays lui avait plu on ne peut davantage, et que, soit
par amour de conquêtes, soit par des mobiles plus nobles (car les
intérêts de la religion lui tenaient fort au cœur), il désirait en
devenir le maître. Et ce désir n’était pas difficile à réaliser.
Beaucoup de gens en Andalousie étaient d’avis que leur pairie ne pouvait
être sauvée que par sa réunion à l’empire des Almoravides. Ce n’était
pas, il est vrai, l’idée des hautes classes de la société. Pour les gens
bien élevés Yousof, qui savait très-peu d’arabe, était un rustre, un
barbare, et il est vrai qu’il avait donné mainte preuve de son
ignorance, de son manque d’éducation. Ainsi, lorsque Motamid lui eut
demandé s’il comprenait les vers que les poètes de Séville venaient de
réciter: «Tout ce que j’en comprends, avait-il répondu, c’est qu’ils
demandent du pain.» Et quand, après son retour en Afrique, il eut reçu
de Motamid une lettre où se trouvaient ces deux vers empruntés à un
célèbre poème qu’Abou-’l-Walîd ibn-Zaidoun[204], le Tibulle de
l’Andalousie, avait adressé à son amante Wallâda:--«Depuis que tu es
loin de moi, le désir de te voir consume mon cœur et me fait répandre
des torrents de larmes. Mes jours sont noirs aujourd’hui, et naguère,
grâce à toi, mes nuits étaient blanches,»--il avait dit: «Il paraît
qu’il me demande des jeunes filles noires et blanches.» Puis, quand on
lui eut expliqué que, dans le langage poétique, _noir_ signifie
_obscur_, de même que _blanc_ signifie _serein_: «C’est très-beau,
avait-il dit; eh bien, qu’on lui réponde que j’ai mal à la tête depuis
que je ne le vois plus[205].» Dans un pays aussi lettré que l’était
l’Andalousie, de telles choses ne se pardonnaient pas. Joignez-y que les
hommes de lettres étaient fort contents de leur position et qu’ils ne
désiraient nullement de la voir changer. Les petites cours étaient
autant d’académies, et les littérateurs étaient les enfants gâtés des
princes qui leur accordaient des traitements magnifiques. Les
représentants de la libre pensée n’avaient non plus nulle raison de se
plaindre. Grâce à la protection que leur accordaient la plupart des
princes, ils pouvaient pour la première fois dire et écrire ce qu’ils
pensaient, sans avoir à craindre d’être brûlés ou lapidés[206]. Ils
désiraient donc moins que personne la domination des Almoravides, qui
ramènerait infailliblement celle du clergé.

Mais si Yousof comptait peu de partisans dans les classes supérieures et
éclairées, il en avait beaucoup parmi le peuple. En général le peuple
était fort mécontent et il avait raison de l’être. Presque chaque ville
tant soit peu considérable avait sa cour à elle, sa cour qu’il fallait
entretenir et qui coûtait beaucoup, car la plupart des princes étaient
d’une prodigalité folle. Et encore si, à force de payer, on eût pu
acheter la sûreté, la tranquillité! Mais il n’en était point ainsi; les
princes étaient ordinairement trop faibles pour protéger leurs sujets
contre leurs voisins musulmans et à plus forte raison contre les
chrétiens. On n’avait donc pas un moment de repos, personne n’était sûr
de sa vie ou de son avoir. C’était, il faut en convenir, une situation
insupportable, et il était bien naturel que les classes laborieuses
désirassent d’en voir le terme. Auparavant il n’y avait pas moyen d’en
sortir. Il y avait bien eu des velléités de révolte; on avait écouté
avec plaisir ces vers d’un poète de Grenade, Somaisir:

     Rois, qu’osez-vous faire? Vous livrez l’islamisme à ses ennemis,
     vous ne faites rien pour le sauver. Se révolter contre vous est un
     devoir, puisque vous faites cause commune avec les chrétiens. Se
     soustraire à votre sceptre n’est pas un crime, car vous-mêmes, vous
     vous êtes soustraits au sceptre du Prophète.

Mais comme une révolte n’aurait servi qu’à empirer la situation, il
avait fallu attendre et s’armer de patience, comme le même poète l’avait
dit dans ces vers:

     Nous espérions en vous, ô rois, mais vous avez frustré notre
     espoir; nous attendions de vous notre délivrance, mais notre
     attente a été déçue. Eh bien! nous prendrons patience; mais le
     temps amène de grands changements. A bon entendeur demi-mot[207]!

Maintenant, au contraire, une insurrection était possible, puisqu’il y
avait en Espagne un monarque juste, puissant, glorieux, qui avait déjà
remporté sur les chrétiens une victoire éclatante, qui sans doute en
remporterait d’autres encore, et qui semblait envoyé par la Providence
pour rendre à l’Andalousie sa grandeur et sa prospérité. Le mieux était
donc de se soumettre à sa domination, et si on le faisait, on se
débarrasserait en même temps d’une foule d’impôts vexatoires, car Yousof
avait aboli dans ses Etats tous ceux qui n’étaient pas prescrits par le
Coran, et l’on se tenait convaincu qu’il en agirait de même en Espagne.

C’est ainsi que raisonnait le peuple, et sous beaucoup de rapports il
raisonnait juste; il oubliait seulement qu’à la longue le gouvernement
ne pourrait se passer des impôts qu’il aurait abolis; que l’Andalousie,
en liant son sort à celui du Maroc, s’exposerait à ressentir le
contre-coup des révolutions qui pourraient éclater dans ce royaume; que
la domination almoravide serait une domination étrangère, la domination
d’un peuple sur un autre; qu’enfin les soldats de Yousof appartenaient à
une race que l’Espagne avait toujours détestée, et que, comme ils
étaient assez indisciplinés, ils pourraient devenir des hôtes
très-incommodes. Au reste, le désir d’un changement était bien plus vif
dans tel Etat que dans tel autre. A Grenade c’était le vœu unanime de
toute la population arabe et andalouse, qui n’avait pas cessé de maudire
ses tyrans berbers. Dans les Etats de Motamid il y avait aussi beaucoup
de mécontents[208]; mais il n’y en avait point à Almérie, car le prince
qui y régnait était fort populaire; il était pieux, juste, clément; il
traitait son peuple avec une bonté toute paternelle; il était, en un
mot, le modèle accompli des plus touchantes vertus.

Presque partout, cependant, Yousof avait pour lui les docteurs, les
faquis, les cadis, les ministres de la religion et de la loi. C’étaient
ses auxiliaires les plus dévoués et les plus remuants, car c’étaient eux
qui avaient le plus à perdre si les chrétiens triomphaient, et d’un
autre côté ils n’avaient guère à se louer des princes qui, occupés
d’études profanes ou plongés dans les plaisirs, écoutaient à peine leurs
sermons, n’en faisaient nul cas, et protégeaient ouvertement les
philosophes. Yousof au contraire, qui était un modèle de dévotion, qui
ne manquait jamais de consulter le clergé sur les affaires d’Etat et qui
suivait les conseils qu’il en recevait, avait toutes leurs sympathies,
tout leur amour. Ils savaient, ils devinaient du moins, qu’il avait une
grande tentation de détrôner les princes andalous à son profit, et dès
lors ils ne songeaient qu’à stimuler ses désirs et à lui faire croire
que la religion elle-même les sanctionnait.

L’un des plus actifs d’entre eux était le cadi de Grenade, Abou-Djafar
Colaiî. Cet homme était d’origine arabe, ce qui revient à dire qu’il
détestait les oppresseurs berbers de sa patrie. Il tâchait, il est vrai,
de dissimuler ses sentiments, mais il n’y réussissait pas. Par un
instinct secret, Bâdîs l’avait entrevu comme l’auteur probable de la
chute de sa dynastie, et maintefois il avait eu l’intention de le
mettre à mort; «mais Dieu, pour me servir de l’expression d’un historien
arabe, avait enchaîné la main du tyran, afin que l’arrêt du destin
s’accomplît.» Or, ce cadi se trouvait dans l’armée qui assiégeait Alédo,
et il eut plusieurs entretiens secrets avec Yousof, qu’il connaissait
déjà, car on se rappellera qu’il avait été l’un des ambassadeurs qui,
quatre ans auparavant, avaient été chargés d’inviter l’Almoravide au
secours des Andalous. Le but qu’il se proposait dans ces entrevues se
laisse aisément deviner: Yousof avait des scrupules de conscience, et le
cadi voulait les vaincre[209]. Il lui représenta donc que les faquis
andalous pourraient le délier de son serment; qu’il lui serait facile
d’obtenir d’eux un fetfa où l’on énumérerait toutes les fautes, tous les
forfaits des princes, et que l’on tirerait de là la conclusion qu’ils
avaient perdu leurs droits aux trônes qu’ils occupaient.

Les raisonnements de ce cadi, l’un des plus renommés par son savoir et
sa piété, firent une grande impression sur l’esprit de Yousof, et d’un
autre côté, les discours que lui tenait Motacim, le roi d’Almérie, lui
inspiraient une profonde aversion pour celui qui, parmi les princes
andalous, était le plus puissant.

Motacim, nous l’avons déjà dit, était un prince excellent; mais si bon
et si bienveillant qu’il fût à l’ordinaire, il haïssait cependant
quelqu’un, et ce quelqu’un, c’était Motamid. Cette haine semble avoir
pris sa source dans une mesquine jalousie plutôt que dans des griefs
réels et sérieux, mais elle était très-forte, et quoiqu’en apparence
Motacim se fût réconcilié avec le roi de Séville, il s’appliquait à le
perdre dans l’esprit du monarque africain, dont il avait gagné la faveur
par des moyens qui frisaient la bassesse. Motamid, cependant, ne se
doutait de rien; quand il se trouvait seul avec Motacim, il lui parlait
à cœur ouvert, et un jour que le prince d’Almérie lui exprima ses
craintes sur le séjour prolongé de Yousof en Andalousie: «Sans doute,
lui répondit-il d’un ton de forfanterie toute méridionale, sans doute,
cet homme reste bien longtemps dans notre pays; mais quand il
m’ennuyera, je n’aurai qu’à remuer les doigts, et le lendemain lui et
ses soldats seront partis. Vous semblez craindre qu’il ne nous joue
quelque mauvais tour; mais qu’est-il donc, ce prince pitoyable, que sont
ses soldats? Dans leur patrie, c’étaient des gueux qui mouraient de
faim; voulant faire une bonne œuvre, nous les avons appelés en
Espagne pour les faire manger leur soûl; mais quand ils seront
rassasiés, nous les renverrons d’où ils sont venus.» De tels discours
devinrent, dans les mains de Motacim, des armes terribles. Quand il les
eut rapportés à Yousof, celui-ci entra dans une violente colère, et ce
qui jusque-là n’avait été chez lui qu’un projet vague, devint une
résolution bien arrêtée, irrévocable. Motacim triomphait; mais il
n’avait pas prévu ce qui allait arriver; «il n’avait pas prévu, dit fort
à propos un historien arabe, qu’il tomberait, lui aussi, dans le puits
qu’il avait creusé pour celui qu’il haïssait, et qu’il serait frappé à
son tour par l’épée qu’il avait fait sortir du fourreau[210].»

Cette imprévoyance, du reste, était commune à tous les princes andalous.
Ils s’accusaient réciproquement auprès de Yousof, ils prenaient
l’Almoravide pour arbitre dans leurs querelles, et tandis que le prince
d’Almérie cherchait à perdre celui de Séville, ce dernier tâchait de
faire tomber le prince de Murcie, Ibn-Rachîc. Pour y parvenir, il ne
cessait de répéter à Yousof qu’Ibn-Rachîc avait été l’allié d’Alphonse;
qu’il avait rendu de grands services aux chrétiens d’Alédo, et que,
selon toute apparence, il leur en rendait encore. Puis, faisant valoir
ses droits à la possession de Murcie, il exigea que le traître qui lui
avait enlevé cette ville fût remis entre ses mains. Yousof chargea les
faquis d’examiner cette affaire, et quand ils eurent donné raison à
Motamid, il fit arrêter Ibn-Rachîc et le livra au roi de Séville, en lui
défendant toutefois de le mettre à mort. Cette arrestation eut des
suites très-fâcheuses, car les Murciens irrités quittèrent le camp et
refusèrent de fournir désormais à l’armée les ouvriers et les vivres
dont elle avait besoin.

La situation des assiégeants était donc devenue fort pénible, et elle
menaçait de le devenir encore davantage attendu qu’on était aux
approches de l’hiver, lorsqu’on apprit qu’Alphonse arrivait au secours
de la place avec une armée de dix-huit mille hommes. Yousof eut d’abord
l’intention de l’attendre dans la Sierra de Tirieza (à l’ouest de
Totana) et de lui livrer bataille; mais bientôt il renonça à ce projet
et se retira sur Lorca. Il craignait, disait-il, que les Andalous ne
prissent de nouveau la fuite, comme ils l’avaient fait à la bataille de
Zallâca, et d’ailleurs il se tenait convaincu qu’Alédo n’était plus en
état de défense, de sorte que les Castillans seraient forcés de
l’évacuer. Cette opinion était juste, comme l’événement le prouva.
Trouvant les fortifications presque toutes démolies et la garnison
réduite à une centaine d’hommes, Alphonse incendia la forteresse, et en
ramena les défenseurs en Castille[211].

Le but de la campagne avait donc été atteint, mais d’une manière à la
vérité bien peu éclatante, car Yousof avait assiégé Alédo durant quatre
mois sans réussir à s’en emparer, et sa retraite à l’approche d’Alphonse
ressemblait assez à une fuite. Cependant les faquis prirent soin que sa
popularité n’en souffrît pas. Ils disaient que, si cette fois
l’Almoravide n’avait pas obtenu d’aussi beaux succès que quatre années
auparavant, la faute en était aux princes andalous qui, par leurs
intrigues, leurs jalousies, leurs éternelles discordes, empêchaient le
grand monarque de faire tout le bien qu’il pourrait faire, si lui seul
était le maître. En général les faquis étaient plus actifs que jamais,
et ils devaient l’être, car, les princes s’étant aperçus de leurs
menées, ils commençaient à courir de grands périls. Le cadi de Grenade,
Abou-Djafar Colaiî, l’éprouva à ses dépens. Déjà dans le camp, son
souverain, dont la tente était tout près de la sienne, avait eu vent de
ses entretiens secrets avec Yousof, et il en avait deviné le but.
Cependant, comme la présence de Yousof l’intimidait, il n’avait pas osé
prendre contre le conspirateur des mesures rigoureuses; mais à peine de
retour à Grenade, il le fit venir, lui reprocha de l’avoir trahi,
d’avoir tramé sa perte, et dans sa colère il donna même l’ordre à ses
gardes de le frapper à mort. Heureusement pour Abou-Djafar, la mère
d’Abdallâh se jeta aux genoux de son fils en le conjurant d’épargner un
homme aussi pieux, et comme Abdallâh se laissait ordinairement dominer
par elle, il rétracta l’ordre qu’il avait donné et se contenta de mettre
le cadi aux arrêts dans une chambre du château. Dans cette chambre le
cadi, qui se savait entouré de personnes fort superstitieuses, se mit à
réciter des prières et des versets du Coran. Sa voix claire, sonore et
très-forte faisait résonner le palais d’un bout à l’autre. Tout le monde
prêtait l’oreille à ses pieuses éjaculations; on se taisait pour ne pas
le troubler, on craignait de faire du bruit, et en même temps on ne
cessait de répéter au prince que Dieu lui infligerait un châtiment
terrible, s’il ne se hâtait pas d’élargir ce modèle de piété et de
dévotion. La mère d’Abdallâh se montra encore plus zélée que les autres,
et moitié par prières, moitié par menaces, elle persuada enfin à son
fils de rendre la liberté au prisonnier. Mais après avoir reçu une telle
leçon, le cadi se garda bien de rester à Grenade. Il profita de
l’obscurité de la nuit pour gagner Alcala, et de là il se rendit à
Cordoue. Dorénavant il n’avait plus rien à craindre, mais il brûlait du
désir de se venger. Il écrivit donc à Yousof, lui peignit des plus vives
couleurs les mauvais traitements auxquels il avait été exposé, et le
conjura de ne pas différer plus longtemps l’exécution du projet si
souvent discuté entre eux[212]. En même temps il s’adressa aux autres
cadis et faquis andalous pour leur demander un fetfa contre les princes
en général, et contre les deux petits-fils de Bâdîs en particulier. Les
cadis et les faquis n’hésitèrent pas à décréter que les princes de
Grenade et de Malaga avaient perdu leurs droits par plusieurs forfaits,
et notamment par la manière brutale dont l’aîné d’entre eux avait traité
son cadi; mais n’osant pas encore déclarer que les autres princes
avaient aussi perdu les leurs, ils se contentèrent de présenter à Yousof
une supplique où ils disaient qu’il était de son devoir de sommer tous
les princes andalous de rentrer dans la légalité et de n’exiger d’autres
contributions que celles que le Coran avait établies[213].

En vertu de ces deux fetfas, Yousof enjoignit aux princes andalous
d’abolir les impôts, corvées etc. dont ils vexaient leurs sujets[214],
et marcha vers Grenade avec une division de son armée, après avoir
ordonné à trois autres divisions d’en faire autant. Cependant il ne
déclara pas la guerre à Abdallâh, de sorte que ce prince devinait ses
intentions plutôt qu’il ne les connaissait. Son effroi fut extrême. Il
ne ressemblait nullement à son aïeul, l’ignorant mais énergique Bâdîs.
Il avait quelque teinture des lettres, s’exprimait assez bien en arabe,
faisait même des vers, et avait une si belle main, qu’on a longtemps
conservé à Grenade un Coran de son écriture; mais c’était en même temps
un homme pusillanime, énervé, indolent, incapable, un de ces hommes pour
lesquels les femmes n’ont point d’attrait, qui tremblent à la vue d’une
épée, et qui, ne sachant jamais à quel parti s’arrêter, prennent avis de
tout le monde. Cette fois, ayant rassemblé son conseil, il demanda
d’abord l’opinion du vieux Moammil, qui avait rendu d’utiles services à
son aïeul. Moammil tâcha de le rassurer en lui disant que Yousof n’avait
pas d’intentions hostiles, et il lui conseilla de donner à ce monarque
une preuve de sa confiance en allant à sa rencontre. Puis, voyant
qu’Abdallâh ne goûtait pas ce conseil et qu’il songeait plutôt à se
mettre en état de défense, il s’efforça de lui prouver qu’il lui serait
impossible de résister aux Almoravides. En ce point il avait raison, car
Abdallâh avait très-peu de troupes, et comme il se défiait de son
meilleur général, le Berber Mocâtil el Royo (le rougeaud), il l’avait
éloigné[215]. Aussi tous les vieux conseillers de la cour se
rangèrent-ils à l’opinion de Moammil; mais Abdallâh avait des soupçons
sur la loyauté de cet homme; peu s’en fallait qu’il ne le considérât
comme le complice du perfide cadi Abou-Djafar, qu’il se reprochait
d’avoir laissé échapper. Ses soupçons, du reste, n’étaient pas tout à
fait sans fondement. Nous ignorons si Moammil s’était réellement engagé
à soutenir les intérêts de Yousof; mais il est certain que ce monarque,
dont il avait gagné la faveur et qui appréciait ses talents, comptait
sur son appui. Abdallâh ne vit donc qu’un piége dans les conseils de
Moammil, et comme ses jeunes favoris l’assuraient que Yousof avait bien
certainement de mauvais desseins, il annonça qu’il était décidé à
repousser la force par la force, après quoi il accabla Moammil et ses
amis de reproches et de menaces. C’était une imprudence, car de cette
manière il se les aliénait tout à fait et les forçait presque à se
déclarer pour Yousof. C’est ce qu’ils firent en effet. Ayant quitté
Grenade pendant la nuit, ils se rendirent vers Loxa, et, s’étant emparés
de cette ville, ils y proclamèrent la souveraineté du roi des
Almoravides. Des troupes qu’Abdallâh avait envoyées contre eux, les
forcèrent à se rendre et les traînèrent à Grenade, où ils furent
promenés par les rues comme de vils criminels. Grâce à l’intervention de
Yousof, ils recouvrèrent cependant la liberté. Le monarque africain
enjoignit péremptoirement au prince de Grenade de les élargir, et comme
ce dernier ne savait pas encore positivement quelles intentions Yousof
avait à son égard, il n’osa lui désobéir. Mais tandis qu’il tâchait
encore de prévenir une rupture ouverte, il se préparait activement à la
guerre. Il dépêcha courrier sur courrier à Alphonse, pour le prier de
venir à son secours, et, répandant l’or à pleines mains, il enrôla un
grand nombre de marchands, de tisserands, d’ouvriers de toute sorte.
Tout cela ne lui servit de rien. Alphonse ne répondit pas à son appel,
et les Grenadins étaient mal disposés pour lui: ils attendaient avec
impatience l’arrivée des Almoravides, et chaque jour une foule
considérable quittait la ville pour aller se joindre à eux. Dans cet
état de choses, la résistance était impossible. Abdallâh le sentit, et
le dimanche 10 novembre 1090, Yousof étant arrivé à deux parasanges de
Grenade, il réunit de nouveau son conseil pour lui demander ce qu’il y
avait à faire. Le conseil ayant déclaré qu’il ne fallait pas songer à se
défendre, la mère d’Abdallâh, qui assistait aux délibérations, et qui, à
ce qu’on assure, avait conçu le fol espoir que Yousof l’épouserait, prit
la parole et dit: «Mon fils, il ne te reste qu’un parti à prendre. Va
saluer l’Almoravide; il est ton cousin[216], il te traitera
honorablement.» Abdallâh se mit donc en route, accompagné de sa mère et
d’un magnifique cortége. La garde slave ouvrait la marche, et la garde
chrétienne entourait la personne du prince. Tous ces soldats portaient
des turbans de toile de coton très-fine, et ils étaient montés sur des
chevaux superbes et couverts de housses de brocart.

Arrivé en présence de Yousof, Abdallâh descendit de cheval et lui dit
que, s’il avait eu le malheur de lui déplaire, il le suppliait de lui
pardonner. Yousof l’assura fort gracieusement que, s’il avait eu des
griefs contre lui, il les avait oubliés, et le pria de se rendre à une
tente qu’il lui indiqua et où il serait traité avec tous les honneurs
dus à son rang. Abdallâh le fit; mais aussitôt qu’il eut mis le pied
dans la tente, il fut chargé de chaînes.

Peu de temps après, les principaux habitants de la ville arrivèrent au
camp. Yousof leur fit un excellent accueil, en les assurant qu’ils
n’avaient rien à craindre de lui et qu’ils ne pouvaient que gagner au
changement de dynastie qui allait avoir lieu. Et de fait, dès qu’il eut
reçu leurs serments, il publia un édit qui portait que tous les impôts
non prescrits par le Coran étaient abolis. Il fit ensuite son entrée
dans la ville aux bruyantes acclamations du peuple; et descendit au
palais afin de faire l’inspection des richesses qu’il renfermait et que
Bâdîs avait amassées. Elles étaient immenses, prodigieuses,
innombrables; les chambres étaient ornées de nattes, de tapis, de
rideaux d’une énorme valeur; partout des émeraudes, des rubis, des
diamants, des perles, des vases de cristal, d’argent ou d’or
éblouissaient la vue. Il y avait notamment un chapelet composé de
quatre cents perles dont chacune fut évaluée à cent ducats. L’Almoravide
fut émerveillé de tous ces trésors; avant d’entrer dans Grenade, il
avait déclaré qu’ils lui appartenaient, mais comme il avait plus
d’ambition que de cupidité, il voulut se montrer généreux et les
partagea entre ses officiers sans en garder rien pour lui-même.
Cependant on savait que ce qui était exposé aux regards n’était pas tout
encore, et que la mère d’Abdallâh avait enfoui bien des objets précieux.
On la força d’indiquer les endroits qui lui avaient servi de cachettes;
mais comme on soupçonnait qu’elle n’avait pas été sincère dans ses
aveux, Yousof enjoignit à Moammil, qu’il nomma intendant du palais et
des domaines de la couronne, de faire fouiller les fondements et les
égouts de l’édifice[217].

Après ce qui venait de se passer, les princes andalous auraient été bien
excusables, s’ils avaient rompu tout de suite avec Yousof. Cependant ils
ne le firent pas; au contraire, Motamid et Motawakkil se rendirent à
Grenade pour féliciter l’Almoravide, et Motacim y envoya à sa place son
fils Obaidallâh. Chose étrange! l’aveuglement de Motamid était tel
qu’il se flattait de l’espoir que Yousof voudrait céder Grenade à son
fils Râdhî en dédommagement d’Algéziras qu’il lui avait enlevé! Il
connaissait donc bien peu l’Africain, puisqu’il le supposait capable de
céder un royaume! Au reste, Yousof le tira bientôt de son erreur. Il fut
pour les émirs d’une froideur glaciale, ne répondit rien à l’insinuation
de Motamid à propos de Grenade, et fit jeter le fils de Motacim en
prison. Une telle conduite devait dessiller les yeux aux princes. Aussi
Motamid conçut-il des inquiétudes très-vives. «Nous avons commis une
faute bien grave en appelant cet homme dans notre pays, dit-il à
Motawakkil; il nous donnera à boire le calice qu’Abdallâh a été obligé
d’avaler.» Puis, prétextant d’avoir reçu l’avis que les Castillans
menaçaient de nouveau les frontières, les deux princes demandèrent à
Yousof la permission de le quitter, et l’ayant obtenue, ils se hâtèrent
de retourner dans leurs Etats; après quoi ils proposèrent aux autres
émirs qui régnaient en Espagne de prendre ensemble les mesures
nécessaires afin de pouvoir se défendre contre l’Almoravide dont les
projets n’étaient plus un secret pour personne. Cette démarche fut
couronnée de succès. Les émirs s’engagèrent l’un envers l’autre à ne
fournir aux Almoravides ni troupes ni approvisionnements, et ils
résolurent de conclure une alliance avec Alphonse[218].

De son côté, Yousof se rendit à Algéziras, car il avait l’intention de
se rembarquer et de laisser à ses généraux la tâche odieuse de détrôner
les princes andalous. Chemin faisant, il ôta la petite principauté de
Malaga à Temîm, le frère d’Abdallâh, prince tout à fait insignifiant, et
fit avertir les faquis que, le moment décisif étant venu, il attendait
d’eux un fetfa très-explicite. Ils s’empressèrent de répondre à son
désir. Ils déclarèrent donc que les princes andalous étaient des
libertins, des débauchés, des impies; que, par leur mauvais exemple, ils
avaient corrompu les peuples et les avaient rendus indifférents aux
choses sacrées, témoin le peu d’empressement que l’on mettait à assister
au service divin; qu’ils avaient levé des contributions illégales, et
que, bien que sommés par Yousof de les abolir, ils les avaient
maintenues; que, pour mettre le comble à leurs forfaits, ils venaient de
conclure une alliance avec le roi de Castille, c’est-à-dire avec
l’ennemi le plus implacable de la vraie religion; que, par conséquent,
ils s’étaient rendus indignes de régner plus longtemps sur des
musulmans; que Yousof était délié de tous les engagements qu’il pourrait
avoir pris envers eux, et qu’il était non-seulement de son droit, mais
de son devoir de les détrôner sans retard. «Nous prenons sur nous,
disaient-ils en terminant, de répondre devant Dieu de cet acte. Si nous
sommes dans l’erreur, nous consentons à porter dans la vie future la
peine de notre conduite, et nous déclarons que vous, émir des musulmans,
n’en êtes pas responsable; mais nous croyons fermement que les princes
andalous, si vous les laissez en paix, livreront notre pays aux
infidèles, et ce cas échéant, vous aurez à rendre compte à Dieu de votre
inaction.»

Tel était le sens général de ce mémorable fetfa, qui contenait en outre
des accusations dirigées contre certains princes en particulier. Il n’y
avait pas jusqu’à Romaiquia qui n’y eût sa place; on l’accusait d’avoir
entraîné son époux dans un tourbillon de plaisirs, et d’être la cause
principale de la décadence du culte.

Ce fetfa était précieux pour Yousof, mais voulant lui donner une
autorité encore plus grande, il le fit approuver par ses faquis
africains, et l’envoya ensuite aux plus célèbres docteurs de l’Egypte et
de l’Asie, afin qu’ils confirmassent l’opinion des docteurs de l’Ouest
par la leur. Il eût été naturel qu’ils se déclarassent incompétents,
puisqu’il s’agissait d’affaires qu’ils ne connaissaient pas; mais ils se
gardèrent bien d’en agir ainsi; l’idée qu’il y avait quelque part un
pays où des hommes de leur profession disposaient des trônes flattait
agréablement leur orgueil, et les plus renommés d’entre eux, le grand
Ghazzâlî en tête, n’hésitèrent pas à déclarer qu’ils approuvaient en
tout point le décret des faquis andalous. Ils adressèrent en outre à
Yousof des lettres de conseils et l’engagèrent de la manière la plus
pressante à gouverner avec justice et à ne jamais s’écarter de la bonne
voie, ce qui voulait dire qu’il devait constamment s’en tenir à
l’opinion du clergé[219].



XIV.


On pouvait prévoir quel serait le caractère de la guerre qui allait
commencer: ce serait une guerre de siéges et non de batailles. Aussi les
deux partis se préparèrent-ils, l’un à attaquer les places fortes,
l’autre à les défendre; et l’armée almoravide, dont Sîr ibn-abî-Becr, un
parent de Yousof, était le général en chef, se divisa en plusieurs
corps, dont un alla assiéger Almérie, tandis que les autres se portèrent
vers les forteresses de Motamid. Parmi ces dernières, Tarifa succomba
dès le mois de décembre 1090[220]. Peu de temps après, tant leurs
progrès furent rapides, les soldats de Yousof avaient déjà commencé le
siége de Cordoue, où commandait un fils de Motamid, à savoir Fath,
surnommé Mamoun. L’ancienne capitale du califat n’opposa pas une longue
résistance: ses propres habitants la livrèrent aux Almoravides. Fath
essaya encore de se frayer une route avec son épée au travers des
ennemis et des traîtres, mais il succomba sous le nombre. On lui trancha
la tête, que l’on mit au bout d’une pique et que l’on promena en
triomphe (26 mars 1091)[221]. Carmona fut prise le 10 mai[222], et alors
on put commencer le siége de Séville. Deux armées marchèrent contre
cette cité; l’une s’établit à l’est, l’autre à l’ouest. Le Guadalquivir
séparait cette dernière de la ville, qui, de ce côté-là, était défendue
par la flotte.

La position de Motamid était donc devenue fort critique. Cependant un
seul espoir lui restait: il comptait sur le secours d’Alphonse, auquel
il avait fait les promesses les plus brillantes pour le cas où il
voudrait l’aider. Alphonse s’était engagé à le faire, et il tint sa
parole: il envoya Alvar Fañez vers l’Andalousie avec une grande armée.
Malheureusement pour Motamid, Alvar Fañez fut battu près d’Almodovar par
des troupes que Sîr avait envoyées à sa rencontre[223]. La nouvelle de
ce désastre fut un coup de foudre pour le roi de Séville. Toutefois il
ne désespérait pas encore; ce qui le soutenait, ce qui lui donnait des
forces, c’étaient les prédictions, les rêves de son astrologue. Tant que
les pronostics étaient favorables, il croyait qu’il serait sauvé par je
ne sais quel miracle; mais quand ils devinrent mauvais, quand ils
parlèrent d’une fin qui approchait, d’un lion qui saisit sa proie, il
tomba dans un morne abattement et abandonna à son fils Rachîd le soin de
la défense.

Cependant les mécontents qui voulaient livrer la ville à l’ennemi,
s’agitaient, conspiraient et s’efforçaient de faire éclater une
sédition. Motamid les connaissait, et s’il l’avait voulu, il aurait pu
les mettre à mort, comme on le lui conseillait; mais répugnant à l’idée
de terminer son règne par un acte aussi rigoureux, il se contenta de les
faire observer. Il paraît cependant que la surveillance qu’on exerçait
sur eux n’était pas assez active, car ils trouvèrent le moyen de
communiquer avec les assiégeants, les aidèrent à faire une brèche, et le
mardi 2 septembre, quelques Almoravides pénétrèrent par cette brèche
dans la ville. A peine averti de ce qui se passait, Motamid saisit un
sabre; puis, sans se donner le temps de prendre un bouclier ou une
cuirasse, il se jette à cheval et se précipite sur les agresseurs,
entouré de quelques soldats dévoués. Un cavalier almoravide lui lance un
javelot. L’arme passe sous son bras et effleure sa tunique. Prenant
alors son sabre à deux mains, il fend le cavalier en deux morceaux,
repousse les autres ennemis et les force à chercher leur salut dans une
fuite précipitée. La brèche fut réparée sur-le-champ; mais le péril,
écarté pour un instant, ne tarda pas à renaître. Dans l’après-midi les
Almoravides réussirent à brûler la flotte, ce qui causa une grande
consternation parmi les assiégés, car ils savaient qu’après la
destruction des vaisseaux la ville n’était plus tenable, et ils
n’ignoraient pas non plus que, pour aller à l’assaut, les ennemis
n’attendaient que l’arrivée de Sîr, qui devait leur amener des renforts.
Aussi l’effroi fut tel que les habitants ne songèrent qu’à sauver leur
vie. Quelques-uns se jetèrent dans le fleuve en tâchant de le traverser
à la nage, d’autres se précipitèrent du haut des murailles; il y en eut
même qui se glissèrent par les cloaques. Sîr arriva sur ces entrefaites,
et le dimanche 7 septembre, il fit livrer l’assaut. Les soldats postés
sur les remparts se défendirent bravement, mais ils furent accablés par
le nombre, et alors les Almoravides pénétrèrent dans la ville, la
pillèrent et y commirent toutes sortes d’excès. Leur rapacité fut telle
qu’ils enlevèrent aux Sévillans jusqu’à leur dernier vêtement.

Motamid était encore dans le château. Ses femmes pleuraient, ses amis le
conjuraient de se rendre. Il ne le voulut point, car il entrevoyait avec
horreur, non pas la mort qu’il était trop habitué à braver pour la
craindre, mais un supplice infâme, et ce qu’il pensait à cette occasion,
il l’a exprimé dans ces vers:

     Quand mes pleurs cessèrent enfin de couler et qu’un peu de calme
     rentra dans mon cœur déchiré: «Rendez-vous, me dit-on, ce sera
     le parti le plus sage.» Ah! répondis-je, un poison me semblerait
     plus doux à avaler qu’une telle honte! Que les barbares m’enlèvent
     mon royaume et que mes soldats m’abandonnent: mon courage, ma
     fierté ne m’abandonnent pas. Le jour où je fondis sur les ennemis,
     je ne voulais pas d’une cuirasse; j’allai à leur rencontre sans
     autre vêtement qu’une tunique, et, espérant trouver la mort, je me
     jetai au plus fort de la mêlée; mais mon heure, hélas! n’était pas
     venue!

Résolu à chercher une fois encore la mort qui semblait le fuir, il
réunit ses soldats; puis il se jeta en désespéré sur un bataillon
almoravide qui avait pénétré dans la cour du château, le chassa et le
culbuta dans la rivière. Son fils Mâlic perdit la vie à cette occasion;
mais lui ne reçut pas même de blessure. Rentré dans le château, il eut
un instant l’idée de se donner la mort; mais croyant que ce serait
offenser Dieu, il renonça à ce projet et se décida enfin à se rendre. La
nuit venue, il envoya donc son fils Rachîd auprès de Sîr, car il
espérait encore obtenir des conditions. Cet espoir fut déçu. Rachîd
demanda en vain une audience, et on lui donna à entendre que son père
devait se rendre à discrétion. N’ayant plus le choix des partis,
Motamid se résigna à prendre le seul qui lui restât. Il dit donc adieu à
sa famille, à ses compagnons d’armes qui pleuraient et gémissaient, et
se remit avec Rachîd entre les mains des Almoravides. Le château fut
pillé comme la ville l’avait été, et l’on annonça à Motamid que lui et
sa famille n’auraient la vie sauve, qu’à la condition qu’il enverrait à
ses deux fils, Râdhî et Motadd, qui commandaient l’un à Ronda, l’autre à
Mertola, l’ordre de se rendre sans retard aux corps almoravides qui les
assiégeaient. Motamid consentit à le faire; mais comme il savait que ses
deux fils avaient l’âme aussi fière que lui, il les conjura dans les
termes les plus touchants d’obéir à ses volontés, la vie de leur mère,
de leurs frères, de leurs sœurs ne pouvant être sauvée qu’à ce prix.
Romaiquia joignit ses instances aux siennes; elle aussi craignait que
ses fils ne refusassent de se soumettre, et cette crainte était fondée.
Râdhî surtout, si touché qu’il fût du sort qui attendait sa famille au
cas où il continuerait à se défendre, eut bien de la peine à se résoudre
à obéir, car Ronda pouvait tenir très-longtemps encore. Le général
Guerour, qui avait été chargé de l’assiéger, se tenait à distance; il
n’osait approcher de ce nid d’aigle perché sur le sommet d’une montagne
escarpée, et il n’avait aucun espoir de s’en emparer par la force des
armes. A la fin, toutefois, le sentiment filial l’emporta dans le
cœur de Râdhî; il consentit à traiter, et, ayant obtenu une
capitulation honorable, il ouvrit aux Almoravides les portes de sa
forteresse. Mais Guerour eut l’infamie de manquer à sa parole, et pour
punir Râdhî d’avoir hésité si longtemps, il le fit assassiner. Motadd,
qui s’était décidé plus vite, eut un sort moins dur; cependant la
capitulation qu’il avait conclue fut violée aussi, car on lui enleva
tous ses biens, quoiqu’on se fût engagé à les lui laisser[224].

La prise de Séville hâta la reddition d’Almérie. Sur son lit de mort,
Motacim avait conseillé à son fils aîné, Izz-ad-daula, d’aller chercher
un refuge à la cour des seigneurs de Bougie, aussitôt qu’il aurait
appris que Séville avait dû se rendre. Cet événement ayant eu lieu,
Izz-ad-daula obéit aux dernières volontés de son père, et alors les
Almoravides entrèrent dans Almérie, tambour battant et enseignes
déployées[225]. Peu de temps après, ils prirent Murcie, Dénia,
Xativa[226]. Puis ils tournèrent leurs armes contre le royaume de
Badajoz. Lors du siége de Séville, Motawakkil avait cru échapper à sa
ruine en concluant une alliance avec les Almoravides, et il les avait
même aidés, dit-on, à s’emparer de la capitale de Motamid[227]; mais
plus tard, quand ses soi-disant alliés eurent commencé à ravager ses
frontières, il s’était jeté dans les bras d’Alphonse et avait acheté la
protection de ce monarque en lui cédant Lisbonne, Cintra et
Santarem[228]. Cette démarche avait mécontenté ses sujets, et ce furent
eux qui appelèrent les Almoravides. Par conséquent, Sîr, qui avait été
nommé gouverneur de Séville, envoya une armée contre Motawakkil au
commencement de l’année 1094, et cette armée conquit le pays, sans en
excepter la capitale, avec tant de facilité et de rapidité, qu’Alphonse
n’eut pas le temps de venir au secours de son allié. Motawakkil tomba au
pouvoir des ennemis, la citadelle de Badajoz, où il s’était retiré avec
sa famille, ayant été prise d’assaut. A force de tortures, Sîr le
contraignit à révéler les endroits où il avait caché ses trésors, après
quoi il lui annonça qu’il le ferait conduire à Séville de même que ses
deux fils, Fadhl et Abbâs. Telle, cependant, n’était pas son intention;
au contraire, il avait résolu d’en finir avec ces princes; seulement,
comme il craignait que leur exécution, si elle avait lieu dans la ville,
n’y produisît un mauvais effet, il avait ordonné au capitaine qui
commandait l’escorte, de les mettre à mort dès qu’on serait hors de vue.
A quelque distance de Badajoz, le capitaine annonça donc à Motawakkil
que lui et ses fils devaient se préparer à mourir. Le prince infortuné
ne tâcha pas de fléchir ses bourreaux, il savait que ce serait inutile;
il les pria seulement de commencer par ses fils, car, selon les idées
musulmanes, on peut racheter par les souffrances les péchés qu’on a
commis. Sa demande lui fut accordée, et quand il eut vu tomber les têtes
de ses deux enfants, il s’agenouilla pour faire une dernière prière. Les
soldats ne lui laissèrent pas le temps de l’achever: ils le tuèrent à
coups de lance[229].

En 1102, les Almoravides prirent possession de Valence, ville dont le
Cid s’était emparé huit ans auparavant. Tant qu’il vécut, les
Almoravides tâchèrent en vain de la lui enlever, et après sa mort
(1099), sa veuve Chimène s’y maintint encore pendant plus de deux
années; mais Alphonse, qu’elle avait appelé à son secours et qui croyait
Valence trop éloignée de ses Etats pour qu’il pût la disputer longtemps
aux Sarrasins, l’engagea à l’abandonner. C’est ce qui eut lieu; mais ne
voulant laisser aux Almoravides que des décombres, les Castillans
incendièrent la ville au moment de leur départ.

Il ne restait donc dans l’Espagne musulmane que deux Etats qui n’eussent
pas encore été incorporés à l’empire des Almoravides: c’étaient
Saragosse, où régnait Mostaîn, de la famille des Beni-Houd, et la Sahla,
qui appartenait aux Beni-Razîn. Ces derniers avaient reconnu la
souveraineté de Yousof; néanmoins ils furent déposés[230]. Plus heureux,
Mostaîn, qui avait su gagner la faveur des Almoravides par les riches
présents qu’il leur envoyait, conserva son trône tant qu’il vécut; mais
à sa mort, arrivée le 24 janvier 1110, les choses changèrent de face.
Son fils Imâd-ad-daula lui succéda; mais les habitants de Saragosse ne
voulurent le reconnaître qu’à condition qu’il s’engagerait à licencier
les soldats chrétiens qui servaient dans l’armée. C’était une condition
bien dure à remplir, car depuis un siècle les chrétiens étaient les
meilleures troupes de l’armée de Saragosse; ils étaient les plus sûrs
appuis du trône, et si Imâd-ad-daula les congédiait, il était évident
qu’il ne tarderait pas à succomber, attendu que ses sujets ne
demandaient pas mieux que de se donner aux Almoravides. Malgré qu’il en
eût, le prince consentit cependant à faire la promesse qu’on exigeait de
lui; mais quand il l’eut remplie, ses sujets se hâtèrent de se mettre
en rapport avec Alî, le fils de Yousof, qui régnait alors, son père
étant mort trois ans auparavant, et de lui dire que, les chrétiens ayant
été écartés, il lui serait facile de s’emparer du royaume. Informé de
leurs menées, Imâd-ad-daula enrôla de nouveau des chrétiens. Cette
mesure mit le comble au mécontentement de ses sujets. Ils informèrent
Alî de ce qui s’était passé, et le supplièrent de les secourir. Alî
demanda aux faquis de Maroc s’il avait le droit de céder à leur prière,
et en ayant reçu une réponse affirmative, il fit parvenir au gouverneur
de Valence l’ordre d’aller prendre possession de Saragosse. Cet ordre
s’exécuta sans obstacle, car Imâd-ad-daula, qui ne se croyait plus en
sûreté dans sa capitale, l’avait évacuée pour se jeter dans la
forteresse de Rueda. Avant son départ, il avait encore écrit à Alî une
lettre fort touchante, où il le conjurait, par l’amitié qui avait existé
entre leurs pères, de lui laisser ses Etats, puisqu’il n’avait fait rien
qui put motiver de la part d’Alî une démarche hostile. Cette lettre fit
de l’impression sur Alî, d’autant plus que son père lui avait
recommandé, sur son lit de mort, de vivre en paix avec les Beni-Houd;
aussi envoya-t-il un contre-ordre au gouverneur de Valence; mais ce
contre-ordre arriva trop lard; les Almoravides étaient déjà entrés dans
Saragosse[231].

Toute l’Espagne musulmane était donc réunie sous le sceptre du roi de
Maroc; ce que le peuple et les faquis avaient désiré s’était accompli,
et les faquis du moins n’eurent pas à se repentir d’avoir coopéré de la
manière la plus active au succès de la révolution. Il faudrait remonter
jusqu’au temps des Visigoths pour trouver un second exemple d’un clergé
aussi puissant que le clergé musulman l’était sous le règne des
Almoravides. Les trois princes de cette maison qui régnèrent
successivement sur l’Andalousie, Yousof, Alî (1106-1143) et Téchoufîn
(1143-1145), étaient tous extrêmement dévots; ils entouraient tous les
faquis de respects et d’hommages, ils ne faisaient rien sans avoir
obtenu leur approbation. Cependant, c’est à Alî qu’il faut décerner la
palme. Le hasard s’était trompé en faisant naître cet homme sur les
marches d’un trône; la nature l’avait destiné pour une vie de repos et
de pieuse méditation, pour le cloître, pour un ermitage dans le Désert.
Sa vie durant, il ne fit que prier et jeûner. Naturellement les faquis
n’eurent qu’à s’en applaudir: ils maniaient le monarque comme ils
voulaient, gouvernaient l’Etat, disposaient de tous les postes et de
toutes les faveurs, amassaient d’immenses richesses[232]; en un mot,
ils recueillaient les fruits qu’ils s’étaient promis de la domination
almoravide, et peut-être la moisson dépassait leurs espérances. Mais si
l’événement avait justifié leur attente, il avait aussi justifié les
craintes de ceux qui n’avaient voulu ni de la domination du clergé ni de
celle des barbares soldats du Sahara et du Maroc. Les hommes de lettres,
les poètes, les philosophes avaient de grands sujets de plainte. Il est
vrai que plusieurs littérateurs qui avaient servi dans les chancelleries
des princes andalous obtinrent des emplois dans celle du nouveau maître;
mais ils se trouvaient déplacés et mal à l’aise au milieu de prêtres
fanatiques et de rudes officiers; l’entourage des princes andalous avait
été tout autre. Même chez ceux qui, pour gagner le pain du jour,
flattaient les seigneurs almoravides et leur dédiaient des livres, on
remarque une certaine tristesse mêlée à une grande admiration pour les
princes lettrés qui avaient régné autrefois sur l’Andalousie. Il y en
eut aussi qui éprouvaient parfois le besoin impérieux de décharger leur
bile, comme ce secrétaire qui, lorsqu’il eut reçu l’ordre d’adresser, au
nom du monarque, quelques reproches à l’armée de Valence, laquelle
s’était laissé battre par le roi d’Aragon, céda à son antipathie jusqu’à
placer dans sa lettre des phrases telles que celles-ci: «Lâches,
infâmes, vous prenez donc tous la fuite à la vue d’un seul cavalier? Au
lieu de chevaux à monter, nous devrions vous donner des brebis à traire.
Il est temps que nous vous punissions sévèrement, que nous purgions de
vous la Péninsule et que nous vous renvoyions dans le Sahara.» Un tel
langage, il est à peine besoin de le dire, ne plut nullement au
monarque, et le secrétaire fut destitué[233]. Quant aux poètes, ne
trouvant plus de patrons, ils déploraient la décadence du goût et
maudissaient la barbarie qui avait envahi leur pays[234]. Quelques-uns
d’entre eux subsistaient péniblement en composant des odes en l’honneur
des faquis, car, si dévots qu’ils fussent, ceux-ci n’étaient pas exempts
de vanité, et leur chef Ibn-Hamdîn, le cadi de Cordoue, en avait même
beaucoup. Il prétendait appartenir à la noblesse arabe, il tranchait du
prince, et entre autres vers il se fit adresser ceux-ci: «Ne parle pas
de la splendeur de Bagdad, ni de la beauté de la Chine ou de la
Perse:--sur toute la terre il n’y a point de ville qui puisse se
comparer à Cordoue, point d’homme qui puisse se mesurer avec
Ibn-Hamdîn[235].» Mais les faquis, sans en excepter Ibn-Hamdîn, qui
était cependant l’homme le plus riche de Cordoue[236], payaient fort
mal[237], et d’ailleurs les poètes qui avaient le respect d’eux-mêmes et
de leur art n’aimaient pas à les chanter. La pauvreté fut donc leur
sort. Ibn-Bakî, un charmant poète, l’un des meilleurs que l’Andalousie
ait eus, errait comme un vagabond de ville en ville et manquait de
pain[238]. «Auprès de vous, mes compatriotes, disait-il dans un de ses
poèmes, je suis dans la pauvreté et la misère, et si je méritais le nom
d’homme libre et fier, je serais déjà parti. Votre jardin ne produit pas
de fruits, votre ciel ne donne pas une goutte de pluie. J’ai du mérite
cependant, et si l’Andalousie ne veut pas de moi, l’Irâc me recevra à
bras ouverts. Ici ce serait une folie que de vouloir subsister par ses
talents, car ici on ne trouve que de stupides et avares parvenus[239].»
Une seule consolation restait aux poètes: ils pouvaient persifler les
puissants du jour, écrire des satires pleines de fiel contre les faquis,
«ces hypocrites, ces loups qui rampent dans les ténèbres et qui dévorent
pieusement tous les biens d’ici-bas[240];» mais il était dangereux
d’exhaler sa colère de cette façon, car les faquis savaient punir les
audacieux qui se moquaient d’eux. La philosophie, il est à peine besoin
de le dire, était une science prohibée. Mâlic ibn-Wohaib, de Séville,
eut l’imprudence de s’en occuper; mais voyant qu’il risquait sa vie, il
y renonça pour se livrer entièrement à l’étude de la théologie et du
droit canon. Il n’eut pas à s’en repentir, car il devint l’ami et le
confident du monarque; cependant on ne lui pardonna jamais tout à fait
la faute qu’il avait commise dans sa jeunesse, et un de ses ennemis
composa contre lui ces vers: «La cour d’Alî, le petit-fils de Téchoufîn,
serait pure de toute souillure, si le démon n’avait trouvé le moyen d’y
faire admettre Mâlic ibn-Wohaib[241].» L’intolérance des faquis
dépassait toutes les bornes, et leurs vues étaient fort étroites. Peu
versés dans l’étude du Coran et des traditions relatives au Prophète,
ils ne connaissaient que les écrits des disciples de Mâlic, qu’ils
regardaient comme des autorités infaillibles et dont il n’était pas
permis de s’écarter. Leur théologie, à vrai dire, n’était autre chose
qu’une connaissance minutieuse du droit canon. En vain des théologiens
un peu plus éclairés s’élevaient contre leur goût exclusif pour des
questions et des livres, en réalité secondaires: on leur répondait par
la persécution, on les traitait d’hétérodoxes, de schismatiques,
d’impies. Le livre que le célèbre Ghazzâlî avait publié en Orient sous
le titre de _Vivification des sciences religieuses_, causa en Andalousie
un grand scandale. Ce n’était pas, cependant, un livre hétérodoxe.
Ghazzâli, qu’aucun système philosophique n’avait satisfait, avait
d’abord conclu au scepticisme; puis, le scepticisme n’ayant pu le
retenir, il s’était précipité dans l’ascèse, et dès lors il était devenu
l’ennemi juré de la philosophie[242]. Aussi affirme-t-il, dans sa
Vivification des sciences religieuses, que la métaphysique ne doit
servir qu’à défendre la religion révélée contre les novateurs et les
hérétiques; dans un temps de foi vraie et vive, déclare-t-il, elle
serait superflue; et quant à l’étude de la nature, il veut que l’on s’en
abstienne absolument, si l’on s’aperçoit qu’elle pourrait ébranler la
foi[243]. Mais il prêchait une religion intime, fervente, passionnée,
une religion du cœur, et il blâmait énergiquement les théologiens de
son temps, qui, s’arrêtant à l’écorce, ne s’occupaient que de questions
de droit, utiles seulement pour terminer les insignifiantes querelles de
la vile populace[244]. C’était attaquer les faquis andalous dans leur
faible; aussi se récrièrent-ils d’indignation. Le cadi de Cordoue,
Ibn-Hamdîn, déclara que tous ceux qui avaient lu le livre de Ghazzâlî
étaient des mécréants, des damnés, et il dressa un fetfa où il disait
que tous les exemplaires devaient en être livrés au feu. Ce fetfa, signé
par les faquis de Cordoue, fut présenté au roi Alî, qui l’approuva. Par
conséquent, le livre de Ghazzâlî fut brûlé à Cordoue et dans toutes les
autres villes de l’empire, et l’on défendit à tout le monde, sous peine
de mort et de confiscation des biens, d’en avoir un exemplaire[245].

On comprend que sous un tel régime le sort de ceux qui étaient en dehors
de la religion musulmane était intolérable. Voici, par exemple, ce qui
arriva aux juifs. Un faqui de Cordoue crut avoir trouvé un excellent
moyen pour les forcer à embrasser l’islamisme. Il prétendit avoir
rencontré parmi les papiers d’Ibn-Masarra une tradition qui disait que
les juifs s’étaient engagés envers Mahomet à se faire musulmans à la fin
du cinquième siècle de l’Hégire, si le Messie qu’ils attendaient n’avait
pas paru dans cet intervalle. Evidemment ce faqui n’était pas très-fort
sur l’histoire littéraire; s’il l’eût été, il se serait bien gardé de
dire qu’il avait trouvé cette tradition dans les papiers d’Ibn-Masarra,
car on sait que l’orthodoxie de ce savant était plus que suspecte[246].
Mais on n’y regarda pas de si près, et le roi Yousof, qui se trouvait
alors en Espagne, se rendit à Lucéna (la ville exclusivement juive, car
aucun musulman ne pouvait y habiter) afin de sommer les juifs d’exécuter
la promesse faite par leurs ancêtres. Grande consternation parmi les
juifs de Lucéna; heureusement pour eux, il leur restait un moyen pour se
tirer d’affaire. Au fond, ce n’était pas à leur conscience, à leur foi,
qu’on en voulait, mais à leur or; ils passaient pour les juifs les plus
riches du monde musulman, et le gouvernement comptait sur eux pour
combler le déficit créé dans le trésor par l’abolition des contributions
illégales. C’est ce qu’ils n’ignoraient pas; en conséquence, ils
s’adressèrent au cadi de Cordoue Ibn-Hamdîn, en le suppliant de vouloir
bien intercéder pour eux auprès du souverain. Le cadi ne se montra pas
inaccessible à leurs prières; il promit de parler en leur faveur, et il
le fit. Nous n’oserions affirmer qu’il leur ait rendu ce service pour
rien; mais en tout cas, il persuada au roi de se contenter d’une somme
d’argent. Cette somme, il est vrai, était énorme; mais dans les
circonstances données, les juifs durent s’estimer heureux d’en être
quittes pour un sacrifice pécuniaire[247].

Les chrétiens, les Mozarabes comme on les appelait, eurent à souffrir
bien davantage; la haine que les faquis et la populace nourrissaient
contre eux était plus forte et plus envenimée. Dans beaucoup d’endroits
ils ne formaient plus qu’une petite communauté; mais ils étaient encore
nombreux dans la province de Grenade, et tout près de la capitale de
cette province ils possédaient une belle église qui avait été bâtie,
vers l’an 600, par un seigneur goth nommé Gudila. Cette église
offusquait les faquis. Se fondant probablement sur l’autorité du calife
Omar II qui avait voulu qu’on ne laissât debout nulle part ni églises ni
chapelles, qu’elles fussent nouvelles ou anciennes[248], ils donnèrent
un fetfa qui ordonnait de la détruire; et ce fetfa ayant reçu
l’approbation de Yousof, l’édifice sacré fut démoli de fond en comble
(1099). Selon toute apparence, d’autres églises eurent le même sort; il
est certain du moins que les faquis abreuvèrent les Mozarabes de tant de
vexations, que ceux-ci supplièrent enfin le roi d’Aragon, Alphonse le
Batailleur, de venir les délivrer du joug intolérable qui pesait sur
eux. Alphonse céda à leurs prières. En septembre 1125, il se mit en
marche avec quatre mille chevaliers, lesquels étaient suivis de leurs
gens d’armes et qui tous avaient juré sur l’Evangile de ne pas
s’abandonner l’un l’autre. Son expédition, toutefois, n’eut pas le
résultat qu’il s’en était promis. Il est vrai qu’il ravagea l’Andalousie
pendant plus d’une année, qu’il poussa jusqu’aux portes de Cordoue et
qu’il remporta une grande victoire à Arnisol près de Lucéna; mais il
était venu pour prendre Grenade, et il n’y réussit pas. L’armée
aragonaise partie, les musulmans punirent les Mozarabes de la manière la
plus cruelle. Dix mille d’entre eux s’étaient déjà soustraits à leur
fureur; connaissant le sort qui les attendait, ils avaient obtenu
d’Alphonse la permission de s’établir dans ses Etats; mais il en restait
encore beaucoup, et ceux-ci furent privés de leurs biens, maltraités de
toutes les manières, jetés en prison ou mis à mort. La plupart,
cependant, furent transportés en Afrique en butte à d’insupportables
souffrances, et on les établit dans les environs de Salé et de Miquenès
(1126). Tout cela se fit en vertu d’un décret d’Alî, que le cadi
Ibn-Rochd (le grand-père du célèbre philosophe Averroès) avait
provoqué[249]. Onze ans plus tard eut lieu une seconde déportation de
Mozarabes[250], de sorte qu’en Andalousie il n’en resta que bien peu.

Pour beaucoup de gens ce gouvernement était donc bien dur, bien
tyrannique. Cependant les chrétiens, les juifs, les théologiens
musulmans de l’école libérale, les philosophes, les poètes, les hommes
de lettres ne formaient, même pris ensemble, qu’une minorité. C’était
sans contredit une minorité fort considérable et dont il était
impossible de ne pas tenir compte, car presque tous les hommes de talent
en faisaient partie; mais enfin, ce n’était pas la masse de la
population. Ce que celle-ci attendait du nouveau gouvernement pouvait se
formuler ainsi: l’ordre au dedans, la protection contre l’ennemi du
dehors, la diminution des impôts et l’accroissement de la prospérité
publique. Ces vœux furent-ils remplis? On peut dire qu’ils le furent
pendant le règne de Yousof et dans les premières années de celui de son
successeur. Dans ce temps-là l’ordre ne fut point troublé; les routes
étaient sûres[251]; les Castillans furent si bien tenus en respect,
qu’ils ne songèrent plus à venir ravager l’intérieur de
l’Andalousie[252], et dans l’origine du moins, le gouvernement ne leva
point de contributions illicites; c’étaient les juifs, comme nous
l’avons vu, qui devaient payer pour les musulmans quand le trésor se
trouvait à sec. Cependant nous n’oserions affirmer, comme le fait un
chroniqueur[253], qu’il n’y eut aucune contribution extraordinaire, car
il est certain qu’une fois, du moins, Yousof essaya de lever une
contribution de guerre, une _maouna_ (aide) comme on disait. Les
Almériens, qui n’avaient jamais montré une bien grande partialité pour
les Almoravides, refusèrent de la payer, et le cadi de cette ville,
Abou-Abdallâh ibn-al-Farrâ, répondit en ces termes aux réprimandes de
Yousof: «Vous me blâmez, seigneur, parce que je n’ai pas voulu
contraindre mes concitoyens à payer la _maouna_, et vous dites qu’elle
doit être payée, attendu que tous les cadis et faquis du Maroc et de
l’Andalousie l’ont décrété ainsi en se fondant sur l’exemple d’Omar, le
compagnon du Prophète, qui a été inhumé à côté de celui-ci et dont la
justice n’a jamais été révoquée en doute. Voici ma réponse, émir des
musulmans: vous n’êtes pas le compagnon du Prophète, vous ne serez pas
inhumé à ses côtés, je ne sache pas que votre justice n’ait jamais été
révoquée en doute, et si les cadis et les faquis vous mettent sur la
même ligne qu’Omar, ils auront à répondre devant Dieu de cette opinion
téméraire. Omar, d’ailleurs, n’a demandé la contribution dont il s’agit
qu’après avoir juré dans la mosquée qu’il ne restait pas un seul dirhem
dans le trésor; si vous pouvez en faire de même, vous aurez le droit de
demander une contribution extraordinaire; sinon, non. Salut[254]!» Ce
fier langage eut-il pour effet que Yousof renonça à son dessein, ou
bien y persista-t-il? Nous ne saurions le dire; mais nous serions porté
à croire que, sous le règne d’Alî, les contributions illégales furent
rétablies, du moins en partie, car en parlant des Roum (chrétiens)
auxquels ce prince donna des emplois, un chroniqueur[255] dit qu’ils
furent chargés aussi de percevoir les _maghram_, et ordinairement on
entend sous ce mot des impôts qui n’ont pas été prescrits par le Coran.
Toutefois, la population fut taxée moins haut que sous les princes
andalous, et il est naturel que, grâce à cette circonstance et au repos
dont on jouissait, la prospérité s’accrût. Elle fut en effet
très-grande; la preuve en est que le pain se vendait à bon marché et
qu’on pouvait se procurer des légumes presque pour rien[256].

En général, le peuple ne fut donc pas désappointé; seulement il s’était
trompé s’il avait cru que les Almoravides remporteraient sur les
chrétiens des victoires décisives et rendraient à l’Espagne musulmane la
grandeur et la puissance qu’elle avait eues du temps d’Abdérame III, de
Hacam II, d’Almanzor. Les circonstances étaient cependant favorables,
car après la mort d’Alphonse VI (1109), l’Espagne chrétienne fut
longtemps en proie à la discorde et à la guerre civile; mais les
Almoravides ne surent pas en profiter. Tous leurs efforts pour reprendre
Tolède demeurèrent inutiles; ils s’emparèrent, il est vrai, de quelques
villes moins importantes, mais les succès qu’ils obtinrent furent
contre-balancés par la perte de Saragosse (1118).

Le peuple, au reste, n’eut pas à se féliciter longtemps de la révolution
accomplie: gouvernement, généraux, soldats, tout se corrompit avec une
étonnante rapidité.

Les généraux de Yousof, quand ils arrivèrent en Espagne, étaient
illettrés, il est vrai, mais pieux, braves, probes, et accoutumés à la
vie simple et frugale du Désert[257]. Enrichis par les trésors des
princes andalous que Yousof leur avait prodigués, ils perdirent bien
vite leurs vertus, et désormais ils ne songeaient plus qu’à jouir
tranquillement des biens qu’ils avaient acquis[258]. La civilisation de
l’Andalousie fut pour eux un spectacle tout à fait nouveau; ayant honte
de leur barbarie, ils voulurent s’y initier et prirent pour modèles les
princes qu’ils avaient détrônés. Malheureusement ils avaient l’épiderme
trop dur pour pouvoir s’approprier la délicatesse, le tact, la finesse
des Andalous. Tout portait chez eux le cachet d’une imitation servile
et manquée. Ils se mirent à protéger les lettrés, à se faire réciter des
poèmes et dédier des livres; mais tout cela, ils le faisaient
gauchement, sans grâce et sans goût; quoi qu’ils fissent, ils restaient
à demi sauvages et ne prenaient de la civilisation andalouse que son
mauvais côté. Le beau-frère du roi Alî, Abou-Becr ibn-Ibrâhîm, qui fut
quelque temps gouverneur de Saragosse après l’avoir été de Grenade, fut,
pour ainsi dire, le type de ces généraux qui essayèrent, sans trop de
succès, de _s’andalousiser_, s’il est permis de s’exprimer ainsi. Né
dans le Sahara, il avait été élevé dans les principes rigides et
austères de sa nation; mais à Saragosse il les oublia et se modela en
tout sur l’exemple des Beni-Houd, les anciens rois du pays. Ceux-ci
ayant été des bons vivants, il voulut l’être aussi; en conséquence, il
s’entoura de viveurs, et quand il buvait avec eux, il portait une
couronne et un manteau royal; puis, comme les Beni-Houd avaient été les
patrons de la philosophie--deux d’entre eux, Moctadir et Moutamin,
avaient même écrit sur cette science--il voulut l’être à son tour, et
sans se demander ce que son beau-frère et les faquis en diraient, il
choisit pour son ami, son confident, son premier ministre, un homme dont
les fidèles ne prononçaient le nom qu’avec horreur, qui ne croyait pas
au Coran, qui niait toute révélation, le célèbre philosophe Avempace en
un mot[259]. Ses soldats en furent si indignés, qu’un grand nombre
d’entre eux l’abandonna[260]. Cependant les soldats, quoique plus
orthodoxes, ne valaient pas mieux que leurs chefs. Ce qui les
caractérisait, c’était l’insolence envers les Andalous et la lâcheté
devant l’ennemi. Leur lâcheté était en effet si grande, que le roi Alî
fut obligé de vaincre son aversion pour les chrétiens et d’enrôler ceux
que son amiral Ibn-Maimoun, qui faisait une véritable chasse aux hommes,
lui amenait des côtes de la Galice, de la Catalogne, de l’Italie, de
l’empire byzantin[261]; et quant à leur insolence, elle ne connaissait
pas de bornes. Ils traitaient l’Andalousie en pays conquis; ils y
prenaient tout ce qui leur plaisait, argent, biens, femmes. Le
gouvernement les laissait faire, il n’y pouvait rien. Sa faiblesse
faisait pitié à voir. Les faquis avaient dû céder le pouvoir aux femmes
ou du moins le partager avec elles. Le roi Alî se laissait dominer par
son épouse Camar; d’autres dames gouvernaient à leur gré les hauts
dignitaires, et pour peu que l’on contentât leur cupidité, l’on pouvait
se permettre tout ce que l’on voulait. Même les bandits avaient le droit
de compter sur l’impunité, s’ils avaient les moyens d’acheter la
protection de ces dames. C’étaient elles, d’ailleurs, qui donnaient les
postes, et d’ordinaire elles les accordaient à des hommes tout à fait
incapables. En un mot, le gouvernement devint méprisable et ridicule.
L’armée et le peuple se moquaient de lui, parce qu’il révoquait le
lendemain les ordres qu’il avait donnés la veille; les grands seigneurs
visaient au trône, et on les entendait dire qu’ils gouverneraient bien
mieux que le faible Alî, lequel ne savait que jeûner et prier[262].

Pour comble de malheur, une terrible révolte éclata en Afrique (1121).
Fanatisés par un prétendu réformateur, qui se donnait pour le Mahdî
annoncé par Mahomet, les sauvages habitants de la chaîne de l’Atlas
marocain, les Almohades (unitaires) comme ils s’appelaient, prirent les
armes contre les Almoravides. Pour une dynastie déjà si faible et si
chancelante, un tel coup devait être mortel. A l’exception des
chrétiens, les soldats dont elle disposait étaient si mauvais,
qu’ordinairement la vue seule de l’ennemi suffisait pour les mettre en
déroute. Aussi le gouvernement aux abois ne savait que faire; pour
prolonger de quelques instants sa triste existence, il dégarnissait
l’Andalousie et en relirait les soldats, les armes, les munitions, les
vivres[263]. Les chrétiens ne tardèrent pas à s’en apercevoir et à en
profiler. En 1125, quatre ans après le commencement de la révolte des
Almohades, Alphonse le Batailleur, roi d’Aragon, ravagea l’Andalousie,
comme nous l’avons vu, pendant plus d’une année. En 1133, Alphonse VII
de Castille, qui portait le titre d’empereur de même que son aïeul
Alphonse VI, mit à feu et à sang les environs de Cordoue, de Séville, de
Carmona, prit Xérès, qu’il pilla et brûla, et pénétra jusqu’à ce qu’on
appelait alors la tour de Cadix, c’est-à-dire jusqu’aux colonnes
d’Hercule[264]. Son aïeul n’avait pas fait pis du temps de Motamid. Cinq
ans plus tard, il revint pour ravager les alentours de Jaën, de Baëza,
d’Ubeda, d’Andujar. En 1143, ce fut de nouveau le tour de Cordoue, de
Séville, de Carmona. L’année suivante, toute l’Andalousie fut pillée et
brûlée depuis Calatrava jusqu’à Almérie[265].

Après avoir joui de quelques années prospères, le peuple andalous avait
donc gagné ceci à la révolution qu’il avait saluée avec tant
d’enthousiasme: un gouvernement impuissant et corrompu; une soldatesque
lâche, indisciplinée et brutale; une police pitoyable, car les villes
regorgeaient de voleurs et les campagnes étaient infestées par une foule
de brigands; la stagnation presque complète du commerce et de
l’industrie; la cherté des vivres, pour ne pas dire la disette; enfin,
des invasions plus fréquentes qu’elles ne l’avaient jamais été et qui
malheureusement tendaient encore à se multiplier[266]. Toutes les
espérances avaient été trompées, et l’on maudissait maintenant ces
Almoravides dans lesquels on avait vu naguère les sauveurs du pays et de
la religion. Dès l’année 1121, les Cordouans se soulevèrent contre la
soldatesque qui tenait garnison dans leur ville et qui se livrait à
toutes sortes d’excès, sans que le gouvernement l’en empêchât. Ces
barbares furent expulsés, leurs demeures pillées. Alors le roi Alî
arriva en Andalousie avec une nuée d’Africains; jamais encore une armée
aussi considérable n’était débarquée en Espagne. Mais les Cordouans,
poussés à bout, étaient déterminés à se défendre avec le courage que
donne le désespoir; ils fermèrent leurs portes et barricadèrent leurs
rues. Le combat, toutefois, eût été trop inégal, et les faquis
s’interposèrent pour prévenir l’effusion du sang. Cette fois, malgré
leur servilité habituelle, ils prirent parti pour leurs concitoyens et
contre le pouvoir. Ils déclarèrent dans un fetfa que la révolte des
Cordouans était juste et légitime, attendu qu’ils n’avaient pris les
armes que pour défendre leurs biens, leurs femmes, leur vie. Alî céda,
comme de coutume, aux faquis, et après quelques pourparlers, les
Cordouans s’engagèrent à payer une amende en dédommagement de ce qu’ils
avaient pillé et détruit[267]. Dans d’autres villes le mécontentement
croissait toujours, et quoique le passé n’eût pas été brillant, on le
regrettait et l’on voulait y revenir, tant le présent était sombre et
insupportable. On peut s’en convaincre en lisant le message que les
Sévillans envoyèrent en 1133 à Saif-ad-daula, le fils du dernier roi de
Saragosse, qui se trouvait dans l’armée d’Alphonse VII, alors que
celle-ci était devant les portes de leur ville. «Adressez-vous au roi
des chrétiens, lui firent-ils dire; concertez-vous avec lui et faites en
sorte que nous soyons délivrés du joug des Almoravides. Une fois libres,
nous payerons au roi de Castille un tribut plus considérable que celui
que nos pères payaient aux siens, et vous, vous régnerez sur nous, vous
et vos fils[268].» Onze ans après, la mesure étant comble et l’empire
croulant de toutes parts, on se disait dans les rues et dans les
mosquées: «Les Almoravides nous tirent jusqu’à la moelle des os; ils
nous enlèvent nos biens, notre argent, nos femmes, nos enfants;
soulevons-nous contre eux, chassons-les, tuons-les!» Et d’autres
disaient: «Nous devons d’abord faire alliance avec l’empereur de Léon;
nous lui payerons un tribut comme nos pères le faisaient.--Oui, oui,
criait-on de toutes parts, tous les moyens sont bons pourvu que nous
soyons délivrés des Almoravides.» Et l’on appelait la bénédiction du
ciel sur les projets qu’on avait formés[269]; toute l’Andalousie se
levait comme un seul homme pour massacrer ses oppresseurs, les cadis et
les faquis en tête, car le clergé, on le sait, a rarement compté la
reconnaissance au nombre de ses vertus.

Nous n’avons à raconter ni l’histoire de cette révolution, ni la
conquête de l’Espagne par les Almohades qui avaient renversé les
Almoravides dans le Maroc. La tâche que nous nous étions imposée était
de retracer l’histoire de l’Andalousie indépendante, et si, en jetant un
rapide coup d’œil sur la période où ce pays n’était plus qu’une
province d’un autre empire, nous avons passé les bornes de notre sujet,
nous l’avons fait parce que nous croyions de notre devoir de montrer
que l’Andalousie, quand elle se fut donnée aux Almoravides, fut loin
d’être heureuse, et qu’elle en vint même à regretter ses princes
indigènes, qu’elle avait tant calomniés, qu’elle avait abandonnés et
trahis à l’heure du danger.

Avant de terminer, un seul devoir nous reste à remplir: c’est de
raconter l’histoire de Motamid pendant sa captivité.



XV.


Quelles qu’aient été les vertus de Yousof--et les faquis affirmaient
qu’il en avait beaucoup--la magnanimité envers les vaincus n’en faisait
pas partie. Sa conduite à l’égard des princes andalous qu’il avait fait
prisonniers, fut cruelle et odieuse. Il est vrai que les deux
petits-fils de Bâdîs furent traités convenablement: ils recouvrèrent la
liberté à condition qu’ils ne quitteraient pas le Maroc, et reçurent un
traitement assez considérable, de sorte qu’Abdallâh put laisser une
belle fortune à ses enfants. C’est que Yousof avait pour ces deux
princes, qui étaient de sa nation, un certain faible; c’étaient en outre
des hommes incapables dont il n’avait rien à craindre et qui le
flattaient[270]. Quant aux autres princes, nous avons déjà vu quel fut
le sort de Râdhî, de Motawakkil, de Fadhl, d’Abbâs; et celui de
Motamid, quoiqu’on ne lui ôtât pas la vie, ne fut pas moins déplorable.

Après la prise de Séville, l’ordre avait été donné de le transporter à
Tanger. Au moment où il s’embarquait avec ses femmes et plusieurs de ses
enfants, une foule innombrable couvrait les rives du Guadalquivir pour
lui dire un dernier adieu. Dans une de ses élégies, le poète
Ibn-al-labbâna a décrit cette scène en ces termes:

     Vaincus après une vaillante résistance, les princes furent poussés
     vers le navire. La foule encombrait les rives du fleuve; les femmes
     étaient sans voile et elles se déchiraient le visage de douleur. Au
     moment des adieux, que de cris, que de larmes! Que nous reste-t-il
     à présent? Pars d’ici, ô étranger! rassemble tes bagages et fais
     tes provisions, car la demeure de la générosité est désormais
     déserte. Et toi qui avais l’intention, de t’établir dans cette
     vallée, sache que la famille que tu cherchais n’y est plus et que
     la sécheresse a détruit notre moisson. Et toi, chevalier au superbe
     cortége, dépose tes armes qui ne te serviraient à rien, car le lion
     a déjà ouvert sa gueule pour te dévorer[271].

Quand Motamid fut arrivé à Tanger, où il resta quelques jours, le poète
Hoçrî qui y habitait et qui avait passé quelque temps à la cour de
Séville, lui envoya des poèmes qu’il avait composés en son honneur.
Parmi ces pièces une seule était nouvelle, et dans celle-là Hoçrî
demandait un cadeau, quoiqu’il dût savoir que Motamid n’était plus en
état d’en faire. En effet, l’ex-roi de Séville n’avait conservé de
toutes ses richesses que trente-six ducats, qu’il avait cachés dans sa
bottine et que ses pieds avaient empreints de leur sang; mais telle
était sa générosité, qu’il n’hésita pas à sacrifier cette dernière
ressource: il enveloppa les ducats dans un morceau de papier, et y ayant
ajouté une pièce de vers dans laquelle il s’excusait de l’exiguïté de
son cadeau, il les envoya à Hoçrî. Ce mendiant éhonté n’eut pas même la
politesse de l’en remercier, et quand les autres rimeurs de Tanger et
des environs eurent appris que Motamid faisait encore des cadeaux, ils
survinrent en grand nombre pour lui présenter leurs vers. Hélas! il
n’avait plus rien à donner, et à cette occasion il dit:

     Les poètes de Tanger, de la Mauritanie entière, se sont évertués à
     faire des vers, et ils voudraient recevoir quelque chose du captif.
     Ce serait plutôt à lui de leur demander une aumône; quelle
     merveille, quelle merveille! Si la pudeur qui est au fond de son
     âme, si la fierté que lui ont léguée ses ancêtres ne l’en
     empêchaient pas, il rivaliserait avec eux, il mendierait, lui qui
     naguère, quand on faisait un appel à sa générosité, répandait l’or
     à pleines mains[272].

De Tanger on le conduisit à Miquenès. En route il rencontra une
procession qui allait implorer de la pluie, et à cette occasion il
composa ces vers:

     Voyant ces gens qui allaient implorer de la pluie: «Mes larmes,
     leur dis-je, vous en tiendront lieu.--Tu as raison, me
     répondirent-ils, tes larmes sont assez abondantes pour cela, mais
     elles sont mêlées de sang[273].»

A Miquenès il resta plusieurs mois[274], jusqu’à ce que Yousof ordonnât
de le transporter à la ville d’Aghmât, non loin de Maroc. Pendant qu’on
lui faisait faire ce trajet, son fils Rachîd, qu’il avait refusé de
voir, parce que, pour un motif que nous ignorons, il était fâché contre
lui, lui adressa ces vers pour l’apaiser:

     Emule de la pluie bienfaisante, seigneur de la générosité,
     protecteur des hommes! la plus grande faveur que vous pourriez
     m’accorder, ce serait de me permettre de contempler un instant ton
     noble visage, qui, gai et brillant, pourrait nous tenir lieu, la
     nuit de flambeaux, le jour du soleil.

Motamid lui répondit par ceux-ci:

     J’étais l’émule de la pluie bienfaisante, le seigneur de la
     générosité, le protecteur des hommes, alors que ma main droite
     prodiguait les dons le jour de la distribution des cadeaux, ou
     enlevait la vie aux ennemis le jour du combat, et que ma main
     gauche tenait la bride qui domptait le coursier effrayé par le
     bruit des lances. Mais à présent je suis au pouvoir de la captivité
     et de la misère; je ressemble à une chose sacrée qu’on a profanée,
     à un oiseau dont on a brisé les ailes. Je ne puis plus répondre à
     l’appel de l’opprimé ou du pauvre. La gaîté de mon visage, à
     laquelle tu étais accoutumé, s’est changée en une morne tristesse;
     les soucis ne me permettent plus de penser à la joie; aujourd’hui
     les regards se détournent de moi, au lieu qu’auparavant ils me
     cherchaient[275].

A Aghmât il mena dans la prison une existence triste et douloureuse. Le
gouvernement s’occupait de lui pour ordonner, tantôt qu’on lui mît des
chaînes, tantôt qu’on les lui ôtât, mais au reste il ne prenait pas même
soin de sa subsistance. Aussi vivait-il avec sa famille dans la dernière
détresse. Pour subvenir à leurs besoins, son épouse et ses filles furent
obligées de filer. C’est dans la poésie qu’il cherchait sa consolation.
Ainsi, quand il eut aperçu de l’étroite fenêtre de son cachot une volée
de ces oiseaux rapides auxquels les Arabes donnent le nom de _catâ_ et
qui sont une espèce de perdrix:

     Je pleurais, dit-il, en voyant passer auprès de moi une compagnie
     de _catâs_; ils étaient libres, ils ne connaissaient ni prison ni
     chaîne. Ce n’était pas par jalousie que je pleurais, mais parce que
     j’aurais voulu être comme eux, car alors je pourrais aller où je
     voudrais, mon bonheur ne se serait pas évanoui, mon cœur ne
     serait pas rempli de douleur, je ne pleurerais pas la perte de mes
     enfants. Ils sont heureux: ils ne sont pas séparés l’un de l’autre,
     aucun d’entre eux n’éprouve la douleur d’être loin de sa famille,
     ils ne passent pas comme moi la nuit dans d’affreuses angoisses,
     alors que j’entends grincer la porte de la prison sur ses verrous
     ou dans sa serrure. Ah! que Dieu leur conserve leurs petits; quant
     aux miens, ils manquent d’eau et d’ombrage[276]!

Puis c’étaient des vers sur sa grandeur passée, sur les magnifiques
palais qui naguère avaient été témoins de son bonheur, sur ses fils qui
avaient été massacrés, et à l’occasion de la fête de la rupture du
jeûne, il composa ceux-ci:

     Autrefois les fêtes te rendaient joyeux, mais la fête qui te trouve
     captif à Aghmât te rend triste. Tu vois tes filles couvertes de
     haillons et mourant de faim; elles filent pour ceux qui les paient,
     car elles ne possèdent plus rien au monde. Elles viennent vers toi
     pour t’embrasser, fatiguées, brisées par le travail et les yeux
     baissés. Elles marchent nu-pieds dans la boue des rues, comme si
     elles n’eussent pas marché jadis sur du musc et du camphre[277]!
     Leurs joues creuses attestent la misère et les larmes les ont
     sillonnées.... De même qu’à l’occasion de cette triste fête (Dieu
     veuille qu’elle ne revienne pas pour toi!) tu as rompu le jeûne, de
     même ton cœur a rompu le sien: ta douleur, longtemps contenue, a
     éclaté enfin. Jadis, quand tu commandais, tout le monde
     t’obéissait: à présent tu en es réduit à recevoir toi-même des
     ordres. Les rois qui se réjouissent de leur puissance se laissent
     abuser par un rêve[278]!

La malheureuse Romaiquia n’était pas faite pour une vie si dure: elle
tomba dangereusement malade. Motamid en fut fort attristé, d’autant plus
qu’il n’y avait à Aghmât personne à qui il osât confier le soin de la
guérir. Heureusement le célèbre Abou-’l-Alâ Avenzoar[279], qui, dans les
dernières années de son règne, avait été le médecin de sa cour, et
auquel il avait rendu les biens de son grand-père que Motadhid avait
confisqués[280], se trouvait alors à Maroc. Il lui écrivit pour le prier
de vouloir bien se charger du traitement de la maladie de Romaiquia.
Avenzoar lui promit de venir; mais comme dans sa lettre il avait
souhaité à Motamid une longue vie, celui-ci lui envoya ces vers en le
remerciant:

     Tu me souhaites une longue vie; mais comment un prisonnier
     pourrait-il la désirer? La mort n’est-elle pas préférable à une vie
     qui apporte sans cesse de nouveaux tourments? D’autres peuvent
     former un tel souhait, car ils ont l’espoir de rencontrer le
     bonheur; mais le seul souhait que je puisse former, c’est de
     rencontrer la mort. Voudrais-je vivre pour voir mes filles manquer
     de vêtements et de souliers? Elles sont à présent les servantes de
     la fille d’un homme dont l’emploi était d’annoncer ma venue quand
     je me montrais en public, d’écarter les gens qui se pressaient sur
     mon passage, de les contenir quand ils encombraient la cour de mon
     palais, de galoper à ma droite et à ma gauche quand je passais mes
     troupes en revue, et de prendre soin qu’aucun soldat ne sortît des
     rangs[281]. Toutefois la prière que tu as faite dans une intention
     bienveillante m’a fait du bien. Dieu te récompense, Abou-’l-Alâ, tu
     es un homme de cœur! J’ignore quand le vœu que je forme sera
     rempli, mais je me console par la pensée que dans ce monde tout a
     un terme[282].

Ce qui parfois lui apportait un soulagement momentané, c’étaient les
lettres et les visites des poètes que jadis il avait comblés de ses
bienfaits. Plusieurs d’entre eux firent le voyage d’Aghmât,
Abou-Mohammed Hidjârî entre autres, qui, pour un seul poème, avait reçu
de lui tant d’argent qu’il put ouvrir une maison de commerce et jouir
d’une honnête aisance tant qu’il vécut. Motamid lui avoua qu’il avait eu
tort d’appeler Yousof en Andalousie. «En le faisant, dit-il, j’ai creusé
ma propre fosse.» Quand le poète vint lui dire adieu pour retourner à
Almérie où il demeurait, Motamid voulut encore lui faire un cadeau,
malgré l’exiguïté de ses moyens; mais Hidjârî eut la délicatesse de le
refuser et improvisa ces deux vers:

     Je jure que je n’accepterai rien de vous, à présent que la destinée
     vous a frappé d’une manière si cruelle et si injuste. Ce que vous
     m’avez donné autrefois est bien suffisant, quoique vous-même vous
     l’ayez oublié[283].

Mais le plus fidèle et le plus assidu de ces amis, c’était
Ibn-al-labbâna, et une fois qu’il arriva à Aghmât, il apporta de bonnes
nouvelles d’Andalousie. Les esprits, disait-il, y étaient en émoi. Les
patriciens, qui n’avaient jamais voulu de la domination de Yousof,
s’agitaient et conspiraient pour replacer Motamid sur le trône[284]. Il
disait vrai; le mécontentement était très-grand dans les classes
éclairées, et le gouvernement ne tarda pas à en acquérir des preuves.
Aussi prit-il des mesures de précaution; il fit arrêter plusieurs
personnes suspectes, notamment à Malaga; mais les conjurés de cette
ville, dont Ibn-Khalaf, un patricien très-considéré, était le chef,
profitèrent de l’obscurité de la nuit pour s’échapper de prison, après
quoi ils se rendirent maîtres du château de Montemayor[285]. Bientôt
Abd-al-djabbâr, un fils de Motamid qui était resté en Andalousie avec
sa mère et que le peuple prenait pour Râdhî (celui qui avait été
assassiné à Ronda), se rendit auprès d’eux. Ils le nommèrent leur chef,
et tout semblait aller selon leurs souhaits. Un navire de guerre
marocain qui échoua dans le voisinage du château, leur fournit des
vivres, des munitions, des armes. Algéziras se déclara pour eux de même
qu’Arcos, et s’étant rendu dans cette dernière ville en 1095,
Abd-al-djabbâr se mil à faire des razzias jusqu’aux portes de l’ancienne
capitale du royaume de ses ancêtres[286].

La première nouvelle de la révolte de son fils causa à Motamid une
profonde douleur. La témérité de l’entreprise l’effrayait; il craignait
pour Abd-al-djabbâr un sort aussi dur que celui qui avait déjà frappé
plusieurs de ses fils. Mais ces sentiments firent bientôt place à
l’espérance; il entrevoyait la possibilité de retourner dans son pays,
de reconquérir son trône[287], et devant ses amis il ne s’en cachait
pas. Ecrivant, par exemple, au poète Ibn-Hamdîs, qui était retourné à
Mahdia après lui avoir rendu visite, il lui envoya un poème qui
commençait ainsi:

     La chaire dans la mosquée et le trône dans le palais pleurent le
     captif que le destin a jeté sur la plage africaine,

et dans lequel il disait:

     Oh! je voudrais savoir si je reverrai mon jardin et mon lac dans ce
     noble pays où croissent les oliviers, où roucoulent les colombes,
     où les oiseaux font entendre leur doux ramage[288].

Ibn-al-labbâna nourrissait ces espérances. A la veille de retourner en
Andalousie, il avait reçu de Motamid vingt ducats et deux pièces
d’étoffe: il lui renvoya ce cadeau et parmi les vers qu’il lui fit
parvenir à cette occasion se trouvaient ceux-ci:

     Un peu de patience encore! Bientôt tu me combleras de bonheur, car
     tu remonteras sur le trône. Le jour où tu rentreras dans ton
     palais, tu m’élèveras aux plus hautes dignités. Tu surpasseras
     alors le fils de Merwân en générosité, et moi, je surpasserai
     Djarîr en talent[289]. Prépare-toi à luire de nouveau: une éclipse
     de lune n’est pas de longue durée[290].

Chargé de chaînes--car Yousof avait ordonné de les lui remettre; «le
lionceau ayant rugi, dit un rhéteur de l’époque, on craignait un bond de
la part du lion»--Motamid vivait ainsi d’espérance, et cette espérance
n’était pas tout à fait sans fondement: le parti d’Abd-al-djabbâr était
nombreux et il inspirait au gouvernement de graves inquiétudes; il sut
se maintenir pendant plus de deux ans, et il n’était pas encore dompté
au moment où Motamid mourut après une longue maladie[291] (1095), à
l’âge de cinquante-cinq ans[292].

L’ex-roi de Séville fut inhumé dans le cimetière d’Aghmât. Quelque temps
après, à l’occasion de la fête de la rupture du jeune, le poète andalous
Ibn-Abd-aç-çamad fit sept fois le tour de son tombeau, à l’instar des
pèlerins qui font le tour de la Caba; puis il s’agenouilla, baisa la
terre qui couvrait les dépouilles mortelles de son bienfaiteur, et
récita une élégie. Touchée par l’exemple qu’il lui avait donné, la foule
fit aussi le tour du tombeau à la manière des pèlerins et en poussant de
longs gémissements[293].

       *       *       *       *       *

«Tout le monde aime Motamid, dit un historien du XIIIe siècle, tout
le monde a pitié de lui, et aujourd’hui encore on le pleure[294].» En
effet, il est devenu le plus populaire de tous les princes andalous. Sa
générosité, sa bravoure, son caractère chevaleresque le rendaient cher
aux hommes cultivés des générations suivantes; les âmes sensibles
étaient touchées de son immense infortune; le vulgaire s’intéressait à
ses aventures romanesques, et comme poète, il fut admiré même par les
Bédouins qui, en fait de langage et de poésie, passaient pour des juges
à la fois plus difficiles et plus compétents que les habitants des
villes. Voici, par exemple, ce que l’on raconte à ce sujet:

Dans une des premières années du XIIe siècle, un Sévillan, qui
voyageait dans le Désert, arriva à un campement de Bédouins Lakhmites.
S’étant approché d’une tente et ayant demandé l’hospitalité à celui qui
en était le maître, ce dernier, enchanté de pouvoir pratiquer une vertu
que sa nation apprécie infiniment, l’accueillit avec une grande
cordialité.

Le voyageur avait déjà passé deux ou trois jours auprès de son hôte,
lorsque, une nuit, après avoir cherché en vain le sommeil, il sortit de
la tente pour aller aspirer le souffle des zéphyrs.

Il faisait une nuit sereine et admirable, dont des brises douces et
caressantes tempéraient la tiédeur. Dans un ciel d’azur, semé d’étoiles,
la lune s’avançait, lente, majestueuse, éclairant de sa lumière le
Désert auguste qu’elle faisait resplendir comme un miroir et qui
présentait l’image la plus complète du silence et du repos. Ce spectacle
rappela au Sévillan un poème que son ancien souverain avait composé, et
il se mit à le réciter. Ce poème, c’était celui-ci:

     La nuit ayant étendu les ténèbres sur la terre en guise d’un voile
     immense, je buvais, à la lueur des flambeaux, le vin qui
     scintillait dans la coupe, lorsque soudain la lune se montra,
     accompagnée d’Orion. On eût dit une reine superbe et magnifique,
     voulant jouir des beautés de la nature, et se servant d’Orion comme
     d’un dais. Peu à peu d’autres étoiles étincelantes vinrent
     l’entourer, l’une à l’envi de l’autre; d’instant en instant la
     splendeur s’augmentait, et dans le cortège les Pléiades semblaient
     le drapeau de la reine.

     Ce qu’elle est là-haut, je le suis ici-bas, entouré de mes nobles
     chevaliers et des belles jeunes filles de mon sérail, dont la noire
     chevelure ressemble à l’obscurité de la nuit, tandis que ces coupes
     resplendissantes sont pour moi des étoiles. Buvons, mes amis,
     buvons le jus de la treille, pendant que ces belles, s’accompagnant
     de la guitare, vont nous chanter leurs airs mélodieux[295].

Puis le Sévillan récita encore un long poème, que Motamid avait composé
pour apaiser le courroux de son père, irrité du désastre qui avait
frappé son armée à Malaga par suite de la négligence de son fils qui la
commandait.

A peine eut-il fini, que la toile de la tente devant laquelle il se
trouvait par hasard, fut levée, et qu’un homme que l’on aurait reconnu
pour le chef de la tribu rien qu’à son aspect vénérable, se montra à
ses regards et lui dit avec cette élégance de diction et cette pureté
d’accent, pour lesquelles les Bédouins ont toujours été renommés et dont
ils sont excessivement fiers:

--Dites-moi donc, citadin que Dieu veuille bénir, de qui sont-ils, ces
poèmes, limpides comme un ruisseau, frais comme une pelouse nouvellement
arrosée par la pluie, tantôt tendres et suaves comme la voix d’une jeune
fille au collier d’or, tantôt vigoureux et sonores comme le cri d’un
jeune chameau?

--Ils sont d’un roi qui a régné en Andalousie et qui s’appelait
Ibn-Abbâd, répondit l’étranger.

--Je suppose, reprit le chef, que ce roi régnait sur un petit coin de
terre, et que, par conséquent, il pouvait consacrer tout son temps à la
poésie, car quand on a d’autres occupations, on n’a pas le loisir de
composer des vers comme ceux-là.

--Pardonnez-moi; ce roi régnait sur un grand pays.

--Et pourriez-vous me dire à quelle tribu il appartenait?

--Certainement; il était de la tribu de Lakhm.

--Que dites-vous? Il était de Lakhm? Mais il était de ma tribu alors!

Et ravi d’avoir trouvé une nouvelle illustration pour sa tribu, le chef,
dans un élan d’enthousiasme, se mit à crier d’une voix retentissante:

--Debout, debout, gens de ma tribu! Alerte, alerte!

En un clin d’œil tous furent sur pied et vinrent entourer leur chef.
Les voyant rassemblés:

--Ecoutez, leur dit-il, ce que je viens d’entendre, et retenez bien ce
que je viens de graver dans ma mémoire; car c’est un titre de gloire qui
s’offre à vous tous, un honneur dont vous avez tous le droit d’être
fiers. Citadin, récitez encore une fois, je vous en prie, les poèmes de
notre cousin.

Lorsque le Sévillan eut satisfait à ce désir et que tous les Bédouins
eurent admiré ces vers avec le même enthousiasme que l’avait fait leur
chef, celui-ci leur raconta ce qu’il avait entendu dire à l’étranger au
sujet de l’origine des Beni-Abbâd, leurs alliés, leurs parents,
puisqu’ils descendaient, eux aussi, d’une famille lakhmite qui
parcourait autrefois le Désert avec ses chameaux, et dressait ses tentes
là où les sables séparent l’Egypte de la Syrie; après quoi il leur parla
de Motamid, le poète tour à tour gracieux ou sublime, le preux
chevalier, le puissant monarque de Séville. Quand il eut fini, tous les
Bédouins, ivres de joie et d’orgueil, montèrent à cheval pour se livrer
à une brillante _fantasia_ qui dura jusqu’aux premiers rayons de
l’aurore. Puis le chef choisit vingt de ses meilleurs chameaux et en fit
présent à l’étranger. Tous suivirent cet exemple dans la mesure de leurs
moyens, et, avant que le soleil se fût levé tout à fait, le Sévillan se
vit en possession d’une centaine de chameaux. Après l’avoir caressé,
choyé, festoyé et honoré de toutes les manières, ces généreux fils du
Désert consentirent à peine à le laisser partir quand le moment de se
remettre en voyage fut arrivé pour lui, tant celui qui savait réciter
les vers du roi poète qu’ils appelaient leur cousin, était devenu cher à
leurs cœurs[296].

Environ deux siècles et demi plus tard, alors que l’Espagne musulmane,
autrefois si sceptique, s’était depuis longtemps jetée dans la dévotion,
un pèlerin, portant bourdon et rosaire, parcourait le royaume de Maroc,
afin de s’entretenir avec les pieux ermites et de visiter les lieux
saints. Ce pèlerin, c’était le célèbre Ibn-al-Khatîb, le premier
ministre du roi de Grenade. Arrivé dans la petite ville d’Aghmât, il
s’achemina vers le cimetière, où reposaient Motamid et son épouse sous
un tertre couvert de lotus. A l’aspect de ces deux tombeaux, délabrés
par la vétusté et le défaut de soin, le vizir grenadin ne put retenir
ses larmes et improvisa ces vers:

     Je suis venu à Aghmât pour y accomplir un pieux devoir, pour
     m’agenouiller sur ta tombe! Ah! pourquoi ne m’a-t-il pas été donné
     de te connaître vivant et de chanter ta gloire, toi qui surpassais
     tous les rois en générosité, toi qui brillais comme un flambeau
     dans l’obscurité de la nuit? Qu’au moins il me soit permis de
     saluer respectueusement ton tombeau! L’élévation du terrain le
     distingue de ceux du vulgaire: ayant primé les autres hommes
     pendant ta vie, tu primes aussi ceux qui à tes pieds dorment du
     sommeil éternel. O sultan parmi les vivants, et sultan parmi les
     morts! jamais dans les siècles passés on n’a vu ton égal, et
     jamais, j’en suis convaincu, on ne verra dans les siècles futurs un
     roi qui te ressemble[297].

Motamid, à coup sûr, ne fut pas un grand monarque. Régnant sur un peuple
énervé par le luxe et ne vivant que pour le plaisir, il le serait devenu
difficilement, lors même que son indolence naturelle et cet amour des
choses extérieures, qui est le bonheur et l’infirmité des artistes, ne
l’en eussent pas empêché. Mais nul autre n’avait dans l’âme tant de
sensibilité, tant de poésie. Chez lui le moindre événement dans sa vie,
la moindre joie ou le moindre chagrin, se revêtait aussitôt d’une forme
poétique, et l’on pourrait écrire sa biographie, sa vie intérieure du
moins, rien qu’avec ses vers, révélations intimes du cœur où se
reflètent ces joies et ces tristesses que le soleil ou les nuages de
chaque jour amènent ou remportent avec eux. Et puis, il eut la bonne
fortune d’être le dernier roi indigène qui représentât dignement,
brillamment, une nationalité et une culture intellectuelle, qui
succombèrent, ou peu s’en faut, sous la domination des barbares qui
avaient envahi le pays. Une sorte de prédilection s’attacha à lui, comme
au plus jeune, au dernier né de cette nombreuse famille de princes
poètes qui avaient régné sur l’Andalousie. On le regrettait plus que
tout autre, presque à l’exclusion de tout autre, de même que la dernière
rose de la saison, les derniers beaux jours de l’automne, les derniers
rayons du soleil qui se couche, inspirent les regrets les plus vifs.

FIN DU QUATRIÈME ET DERNIER VOLUME.



NOTES


Note A, p. 24.

Quelques auteurs font mourir Yahyâ dans l’année 427 de l’Hégire,
d’autres dans l’année 429. Le récit d’Ibn-Haiyân montre que la première
date est la véritable. Cet auteur rapporte les propres termes dont s’est
servi un soldat berber de Carmona, Abou-’l-Fotouh (ou Abou-’l-Fath)
Birzélî, qui se trouvait parmi ceux qui se rendirent à Séville au temps
de la fête des sacrifices de l’année 426 (c’est-à-dire, dans le dernier
mois de cette année), et qui, _dans le mois suivant, celui de Moharram
427_, prit part au combat que les cavaliers sévillans livrèrent à Yahyâ
près des portes de Carmona, combat qui se termina par la mort de Yahyâ.
Il n’y a donc aucun doute sur l’année et sur le mois de la mort de ce
prince; mais nous ne saurions indiquer le quantième du mois.
Abd-al-Wâhid dit: dimanche, sept jours après le commencement de Moharram
(c’est-à-dire le huitième jour de ce mois) de l’année 427; mais le
huitième Moharram de l’année 427 tombe un mercredi et non un dimanche.

Au reste, le récit d’Ibn-Haiyân montre encore qu’au lieu de dire que
Hichâm II fut de nouveau proclamé calife à Cordoue _dans le mois de
Moharram 429_, Ibn-al-Athîr (_Abbad._, t. II, p. 34, l. 9) aurait dû
dire: _dans le mois de Moharram 427_; car, puisqu’Ibn-Djahwar consentit
seulement à le faire parce qu’il craignait d’être attaqué par Yahyâ
(_Abbad._, t. I, p. 222, l. 28), il doit l’avoir fait nécessairement
avant la mort de ce prince.

Ibn-Khaldoun (_apud_ Hoogvliet, p. 28; j’ai corrigé le texte de ce
passage dans mes _Recherches_, t. I de la 1re édition, p. 215 dans la
note) s’est trompé gravement en parlant du rôle que Mohammed
ibn-Abdallâh joua à cette époque.


Note B, p. 86.

Ibn-Khâcân prétend qu’Ibn-Abd-al-barr a écrit cette lettre à Motadhid
sur l’ordre de Mowaffac Abou-’l-djaich, c’est-à-dire de Modjéhid, prince
de Dénia. Mais ce dernier étant mort en 436 de l’Hégire, et la prise de
Silves ayant eu lieu en 443 ou dans l’année suivante, il doit y avoir
une erreur dans cette assertion. La date de la prise de Silves ne
saurait être douteuse. Cette ville doit avoir été conquise après la
conquête de Niébla et de Huelva en 443 (voyez _Abbad._, t. I, p. 252, et
comparez t. II, p. 210) et avant celle de Santa-Maria en 444 (voyez
_Abbad._, t. II, p. 210, dern. ligne, et p. 123). D’ailleurs, Motamid,
qui n’était né que dans l’année 431, ne pouvait pas commander l’armée de
son père avant 436, époque de la mort de Modjéhid. Je crois donc
qu’Ibn-Khâcân aurait dû nommer Alî, le fils et successeur de Modjéhid,
ou peut-être quelque autre prince.


Note C, p. 95.

Les circonstances essentielles de ce récit se trouvent dans un passage
d’Ibn-Bassâm (_Abbad._, t. I, p. 250, 251), où il y a deux ou trois
fautes à corriger. Nowairî (_ibid._, t. II, p. 129, 130) donne aussi de
bons renseignements; seulement ce chroniqueur, sans parler
d’inexactitudes d’une moindre importance, a eu le tort de nommer Carmona
au lieu de Ronda. Les récits d’Ibn-Khaldoun (_ibid._, t. II, p. 210,
214, 215) me semblent confus et inexacts, surtout pour ce qui concerne
les noms propres et les dates.--Voyez aussi Ibn-Haiyân, dans mon
Introduction à la Chronique d’Ibn-Adhârî, p. 86.


Note D, p. 192.

En traitant cette période, je ne me suis pas servi du livre qui porte le
titre de _Raudh al-mitâr_ (_Abbad._, t. II, p. 236 et suiv.). Maccarî,
qui en a donné de longs extraits, semble y attacher de l’importance,
parce qu’il est d’un auteur espagnol; mais cet Espagnol n’est pas ancien
et il n’a fait que copier un écrivain asiatique. C’est ce qui résulte de
la comparaison de l’article sur Yousof ibn-Téchoufîn chez Ibn-Khallicân,
où l’on trouve de longs passages tirés d’une biographie de Yousof,
intitulée _al-Morib an sîrati meliki ’l-Maghrib_, et qui a été écrite à
Mosoul en 1183; car ces passages se retrouvent textuellement dans le
_Raudh al-mitâr_, de sorte qu’il est certain que l’auteur de ce dernier
ouvrage a copié l’anonyme de Mosoul. Or, quand il s’agit de l’histoire
d’Espagne, il faut presque toujours se défier des récits qui ont été
écrits en Asie. Ces récits, comme j’ai déjà eu l’occasion de l’observer
ailleurs[298], proviennent ordinairement de voyageurs, de marchands, de
colporteurs de bruits, et l’imagination n’y est pas étrangère, souvent
même elle y joue un grand rôle. Celui dont il s’agit ne fait pas
exception à la règle générale: écrit dans un langage extrêmement
sentencieux et qui trahit chez l’auteur la prétention de vouloir
rivaliser avec les anciens sages de l’Orient, il contient bien des
choses qui sont invraisemblables en elles-mêmes et dont les chroniqueurs
espagnols et africains ne savent rien.


Note E, p. 208.

Les chroniques latines, si l’on en excepte le _Chronicon Lusitanum_
(_Esp. sagr._, t. XIV, p. 418, 419), n’entrent dans aucun détail sur la
bataille de Zallâca, et parmi les chroniques arabes, qui en parlent fort
au long[299], il y en a peu qui méritent une confiance entière.
Quelques-unes se trompent même dans la date. La date véritable, vendredi
12 Redjeb 479, se trouve dans le _Holal_ (_Abbad._, t. II, p. 197) et
dans le _Cartâs_ (p. 98), où on lit que ce jour répond au 23 octobre
(1086), ce qui est vrai (comparez _Annales Complut._, p. 314, 315); mais
d’autres auteurs se trompent, non-seulement dans le mois (car ils
nomment Ramadhân au lieu de Redjeb), mais encore dans l’année.
Abd-al-wâhid (p. 93, 94), par exemple, nomme l’année 480, et
Ibn-al-Cardebous (_Abbad._, t. II, p. 23) l’année 481. C’est un
phénomène bien singulier, attendu qu’il s’agit d’une bataille
très-célèbre et qu’en Andalousie on disait l’année de Zallâca au lieu
dire l’année 479[300]; mais le fait est qu’aucune des chroniques qui
nous restent n’a été composée par un contemporain; elles sont du
XIVe, du XIIIe, ou tout au plus du XIIe siècle; elles méritent
donc peu de confiance. Joignez-y qu’à l’époque où elles s’écrivaient,
les rhéteurs s’amusaient à fabriquer des lettres qu’ils supposaient
écrites par des personnages historiques. Ce fait ne saurait être révoqué
en doute; il en existe des preuves frappantes. L’auteur du _Holal_, par
exemple, donne la lettre que Motamid écrivit à son fils Rachîd dans la
soirée après la bataille. Elle n’est que de deux lignes (voyez _Abbad._,
t. II, p. 199); mais l’auteur du _Raudh al-mitâr_ (_ibid._, t. II, p.
248) la donne aussi, et chez lui elle est différente. Une troisième,
enfin, se trouve chez Ibn-al-Khatîb (_ibid._, t. II, p. 176), et
celle-là n’a pas moins de quinze lignes. Or, il faut nécessairement que
deux de ces épîtres soient de fabrique moderne; peut-être le sont-elles
toutes les trois. La prudence commande donc de se tenir en garde contre
les pièces soi-disant officielles que présentent ces chroniques; aussi
dois-je avouer que je doute de l’authenticité de la plupart des lettres
que donne le _Holal_, et que le bulletin où Yousof raconte la bataille
de Zallâca et qui se trouve dans le _Cartâs_, me paraît fort suspect.


Note F, p. 210-236.

J’ai à justifier la chronologie que j’ai adoptée dans ce récit. A mon
sens, Yousof arriva pour la seconde fois en Espagne dans le printemps de
l’année 483 de l’Hégire, 1090 de notre ère, trois ans et demi après la
bataille de Zallâca, assiégea Alédo pendant l’été, et s’empara de
Grenade en novembre. Cependant Abou-’l-Haddjâdj Baiyâsî (cité par
Ibn-Khallicân dans son article sur Yousof), l’auteur du _Cartâs_ et
celui du _Holal_ donnent une autre chronologie; ils supposent que Yousof
arriva pour la seconde fois en Espagne dans l’année 481 (1088) et qu’il
assiégea Alédo[301] dans cette année-là; que dans l’automne il retourna
en Afrique; qu’il revint en Espagne pour la troisième fois l’année 483
(1090), et qu’alors il s’empara de Grenade[302].

Contre cette manière de voir je dois observer, d’abord que les auteurs
qui l’ont adoptée ne sont pas fort anciens (Abou-’l-Haddjâdj Baiyâsî
écrivait au XIIIe siècle, et le _Cartâs_ est du siècle suivant, de
même que le _Holal_); ensuite qu’ils sont loin d’être toujours
exacts[303], et enfin qu’ils ne sont pas d’accord entre eux quand il
s’agit de signaler les mois. Ainsi l’auteur du _Cartâs_ affirme que
Yousof arriva pour la seconde fois en Espagne dans le mois de Rebî
Ier 481 (juin 1088), tandis que Baiyâsî dit qu’il y arriva dans le
mois de Redjeb, c’est-à-dire en septembre ou en octobre.

D’un autre côté, les auteurs les plus anciens et les plus dignes de foi,
ceux du XIIe siècle, sont d’accord pour placer le siège d’Alédo et la
prise de Grenade dans la même année, c’est-à-dire dans l’année 483
(1090). Ibn-Câsim de Silves, par exemple, qui a écrit une histoire
très-estimée de Motamid[304], histoire dont Ibn-al-Abbâr nous a conservé
des fragments, dit formellement qu’Alédo fut assiégé par Yousof et les
princes andalous dans l’année 483[305]. Mohammed ibn-Ibrâhîm[306]
atteste que, lorsque Yousof fut arrivé en Espagne pour la seconde fois,
il assiégea Alédo et s’empara de Grenade. Ibn-al-Cardebous, dans son
_Kitâb al-ictifâ_[307], dit la même chose, et il ajoute[308] que,
lorsque Yousof vint pour la troisième fois en Espagne, on était dans
l’année 490 (1097). A ces témoignages, très-respectables à coup sûr,
nous pourrions ajouter celui d’Ibn-al-Athîr[309]; seulement cet
historien, qui écrivait à Mosoul, et qui, par conséquent, n’était pas
toujours bien informé de l’histoire d’Espagne, se trompe quand il dit
que le siége d’Alédo et la prise de Grenade eurent lieu un an après la
bataille de Zallâca, c’est-à-dire en 480 (1087).

Quant à la date précise de la prise de Grenade, l’historien
Ibn-aç-Çairafî, cité par Ibn-al-Khatîb[310], dit que cet événement eut
lieu le dimanche 14 Redjeb de l’année 483. Cette date soulève deux
objections: d’abord le 14 Redjeb (26 août) tombait, non un dimanche,
mais un jeudi; en second lieu, il est impossible que Yousof se soit
emparé de Grenade dès le mois d’août, car, arrivé en Espagne au
printemps, il assiégea Alédo pendant quatre mois[311] et jusqu’à
l’approche de l’hiver, comme l’assure l’auteur du _Cartâs_. A la place
de: dimanche 14 Redjeb, je crois donc devoir lire: dimanche 14 Ramadhân,
c’est-à-dire 10 novembre. Le 14 Ramadhân tombait réellement un dimanche
dans l’année 483, et ces deux mois se confondent assez souvent.
Plusieurs auteurs, par exemple, disent que la bataille de Zallâca eut
lieu dans le mois de Ramadhân 479, tandis qu’elle se livra dans le mois
de Redjeb. Il se pourrait que dans ce temps-là on se soit parfois servi
d’abbréviations pour indiquer les mois, et dans ce cas, les mois de
Redjeb et de Ramadhân, qui ont la même initiale, pouvaient aisément se
confondre. Rien, du reste, ne s’oppose au changement que j’ai proposé.
Baiyâsî et l’auteur du _Cartâs_ disent que Yousof se rembarqua avant la
fin de Ramadhân, c’est-à-dire avant le 26 novembre. Or, dans l’espace de
seize jours, il pouvait facilement recevoir la visite des princes
andalous et faire le voyage de Grenade à Algéziras.

FIN DES NOTES DU QUATRIÈME ET DERNIER VOLUME.



CHRONOLOGIE

DES

PRINCES MUSULMANS

DU XIe SIÈCLE.


SÉVILLE. LES BENI-ABBÂD.

Abou-’l-Câsim Mohammed ibn-Ismâîl (le cadi)                    1023-1042

Abou-Amr Abbâd ibn-Mohammed, _Motadhid_                        1042-1069

Abou-’l-Câsim Mohammed ibn-Abbâd, _Motamid_                    1069-1091


CORDOUE. LES BENI-DJAHWAR.

Abou-’l-Hazm Djahwar ibn-Mohammed ibn-Djahwar           1031 (déc.)-1043

Abou-’l-Walîd Mohammed ibn-Djahwar                             1043-1064

Abdalmélic                                                     1064-1070

Cordoue est annexée au royaume de Séville.


LES HAMMOUDITES DE MALAGA.

                     Hammoud
                        |
                  Ali le calife
                        |
          +-------------+------------+
          |                          |
   Yahyâ le calife             Idrîs Ier(1)
          |                          |
+---------+----------+      +--------+-----+-------------+-----------+
|                    |      |              |             |           |
Idrîs II(4 et 7)  Hasan(3)  Yahyâ(2)  Mohammed Ier(5)  Hasan  Mohammed II(8)
                     |         |
                   Yahyâ     Idrîs III(6)


1. Idrîs Ier                                                   1035-1039

2. Yahyâ, fils d’Idrîs Ier                                          1039

3. Hasan, fils du calife Yahyâ ibn-Alî                         1039-1041

   Le Slave Nadjâ                                              1041-1043

4. Idrîs II                                                    1043-1047

5. Mohammed Ier, second fils d’Idrîs Ier                       1047-1053

6. Idrîs III                                                        1053

7. Idrîs II, pour la seconde fois                              1053-1055

8. Mohammed II, 4e fils d’Idrîs Ier                            1055-1057

   Malaga est annexée au royaume de Grenade.


LES HAMMOUDITES D’ALGÉZIRAS.

Mohammed, fils du calife Câsim ibn-Hammoud                     1035-1048(9)

Câsim, son fils                                             1048(9)-1058

Algéziras est annexée au royaume de Séville.


GRENADE. LES BENI-ZÎRÎ.

Zâwî ibn-Zîrî                                               jusqu’à 1019

Habbous                                                        1019-1038

Bâdîs                                                          1038-1073

Abdallâh                                                       1073-1090


CARMONA. LES BENI-BIRZÉL.

D’après Ibn-Khaldoun (_Abbad._, t. II, p. 216), la liste de ces princes
serait:

Ishâc

Abdallâh, son fils

Mohammed ibn-Abdallâh                                       jusqu’à 1042(3)

Al-Azîz Mostadhhir                                          1042(3)-1067

D’après Ibn-Haiyân (_apud_ Ibn-Bassâm, t. I, fol. 78 r.),

Ibn-Abdallâh (c’est-à-dire, Mohammed ibn-Abdallâh)
gouvernait Carmona à l’époque où
Hichâm III régnait à Cordoue                                 (1029-1031)

et à en croire le même auteur (_ibid._, fol. 109 r.),
qui mérite bien plus de confiance qu’Ibn-Khaldoun,
Mohammed ibn-Abdallâh eut pour
successeur:

Ishâc, son fils, qui régnait en 1050

Il paraît qu’Ibn-al-Abbâr (dans mes _Recherches_,
t. I, p. 286 de la 1re éd.) se trompe quand
il dit que Mohammed ibn-Abdallâh vivait encore
en 1051.


RONDA.

Abou-Nour ibn-abî-Corra                                     1014(5)-1053

Abou-Naçr, son fils                                                 1053

Ronda est annexée au royaume de Séville.


MORON.

Nouh                                                        1013(4)-1041(2)

Abou-Menâd Mohammed, son fils                               1041(2)-1053

Moron est annexé au royaume de Séville.


ARCOS.

Ibn-Khazroun                                                jusqu’à 1053

Arcos est annexé au royaume de Séville.


HUELVA. LES BECRITES.

Abou-Zaid Mohammed ibn-Aiyoub                                depuis 1011(2)

Abou-’l-Moçab Abdalazîz                                     jusqu’à 1051

Huelva est annexée au royaume de Séville.

NIÉBLA. LES BENI-YAHYÂ.

Abou-’l-Abbâs Ahmed ibn-Yahyâ Yahçobî                          1023-1041(2)

Mohammed, son frère

Fath ibn-Khalaf ibn-Yahyâ, neveu des précédents             jusqu’à 1051

Niébla est annexée au royaume de Séville.

Ibn-al-Abbâr (dans mes _Recherches_, t. I, p. 287
de la 1re éd.) donne au dernier prince de
Niébla les noms de: Yahyâ ibn-Ahmed ibn-Yahyâ.
J’ai cru devoir suivre Ibn-Khaldoun
(_Abbad._, t. II, p. 211). Ibn-Haiyân (_apud_
Ibn-Bassâm, t. I, fol. 108 v.) l’appelle: Fath
ibn-Yahyâ.


SILVES. LES BENI-MOZAIN.

Abou-Becr Mohammed ibn-Saîd ibn-Mozain                         1028-1050

Abou-’l-Açbagh Isâ                                          jusqu’à 1051(2)

Silves est annexé au royaume de Séville.


SANTA-MARIA D’ALGARVE.

Abou-Othmân Saîd ibn-Hâroun                                    1016-1043

Mohammed, son fils                                             1043-1052

Santa-Maria est annexée au royaume de Séville.


MERTOLA.

Ibn-Taifour                                                 jusqu’à 1044

Mertola est annexée au royaume de Séville.


BADAJOZ.

Sâbour.

Ensuite LES AFTASIDES:

Abou-Mohammed Abdallâh ibn-Mohammed ibn-Maslama
  _Almanzor Ier_

Abou-Becr Mohammed _Modhaffar_                              jusqu’à 1068

Yahyâ _Almanzor II_

Omar _Motawakkil_                                           jusqu’à 1094


TOLÈDE.

Yaîch ibn-Mohammed ibn-Yaîch                                jusqu’à 1036

Ensuite LES BENI-DHÎ-’N-NOUN:

Ismâîl _Dhâfir_                                                1036-1088

Abou-’l-Hasan Yahyâ _Mamoun_                                   1038-1075

Yahyâ ibn-Ismâîl ibn-Yahyâ _Câdir_                             1075-1085


SARAGOSSE.

Mondhir ibn-Yahyâ le Todjîbite[312]                         jusqu’à 1039

Ensuite LES BENI-HOUD:

Abou-Aiyoub Solaimân ibn-Mohammed _Mostaîn Ier_                1089-1046(7)

Ahmed _Moctadir_                                            1046(7)-1081

Yousof _Moutamin_                                              1081-1085

Ahmed _Mostaîn II_                                             1085-1110

Abdalmélic Imâd-ad-daula                                            1110


LA SAHLA (capitale Albarracin). LES BENI-RAZÎN.

Abou-Mohammed Hodhail Ier ibn-Khalaf ibn-Lope ibn-Razîn      depuis 1011

Abou-Merwân Abdalmélic Ier ibn-Khalaf, son frère

Abou-Mohammed Hodhail II Izz-ad-daula, fils du précédent

Abou-Merwân Abdalmélic II Hosâm-ad-daula                    jusqu’à 1103

Yahyâ


ALPUENTE. LES BENI-CÂSIM.

Abdallâh Ier ibn-Câsim le Fihrite, Nidhâm-ad-daula          jusqu’à 1030

Mohammed Yomn-ad-daula

Ahmed Adhod-ad-daula                                        jusqu’à 1048(9)

Abdallâh II Djanâh-ad-daula, frère du précédent             1048(9)-1092


VALENCE.

Les Slaves Mobârac et Modhaffar

Le Slave Lebîb, seigneur de Tortose

Abdalazîz _Almanzor_                                           1021-1061

Abdalmélic _Modhaffar_                                         1061-1065

Réunion de Valence au royaume de Tolède

Mamoun (de Tolède)                                             1065-1075

Valence se sépare de Tolède

Abou-Becr ibn-Abdalazîz                                        1075-1085

Le cadi Othmân, son fils                                       1085

Câdir (l’ex-roi de Tolède)                                     1085-1092

Valence devient une république. Ibn-Djahhâf président          1092-1094


DÉNIA.

Abou-’l-djaich Modjéhid Mowaffac                             jusqu’à 1044(5)

Alî Icbâl-ad-daula                                           1044(5)-1076

Il est détrôné par Moctadir de Saragosse. Réunion
  de Dénia au royaume de Saragosse.

Moctadir (de Saragosse)                                        1076-1081

Moctadir partage ses Etats entre ses deux fils.

Celui qui s’appelait le _hâdjib_ Mondhir reçoit
  Lérida, Tortose et Dénia.

Le _hâdjib_ Mondhir                                            1081-1091

Son fils sous la tutelle des Beni-Betyr


MURCIE.

Khairân (d’Almérie)                                         1016(7)-1028

Zohair (d’Almérie)                                             1028-1038

Abdalazîz Almanzor (de Valence)                                1038-1061

Abdalmélic Modhaffar (de Valence)                              1061-1065

Sous ces trois princes Abou-Becr Ahmed _ibn-Tâhir_
  est gouverneur de Murcie. Il meurt en                             1063

Son fils, Abou-Abdérame Mohammed, lui succède                  1063-1078

Motamid (de Séville)

Ibn-Ammâr

Ibn-Rachîc                                                  jusqu’à 1090


ALMÉRIE.

Khairân                                                     jusqu’à 1028

Zohair                                                         1028-1038

Abdalazîz Almanzor (de Valence)                                1038-1041

Ensuite LES BENI-ÇOMADIH:

Abou-’l-Ahwaç Man                                              1041-1051

Mohammed Motacim                                               1051-1091

Izz-ad-daula                                                        1091

FIN DE LA CHRONOLOGIE.



LISTE

DES OUVRAGES IMPRIMÉS ET MANUSCRITS

DONT L’AUTEUR S’EST SERVI[313].


Abbad. Scriptorum Arabum loci de Abbadidis editi a R. Dozy. Leyde, 1846.

Abd-al-wâhid, The History of the Almohades etc., ed. by R. Dozy. Leyde,
1847.

Abou-Ismâîl al-Baçrî, Fotouh as-Châm, éd. Lees, Calcutta, 1854, dans la
Bibliotheca Indica.

Abou-’l-mahâsin, Annales, éd. Juynboll. Leyde, 1852 et suiv.

Aghânî. Alii Ispahanensis Liber Cantilenarum magnus, ed. Kosegarten.
Greifswalde, 1840.

Ahmed ibn-abî-Yacoub, Kitâb al-boldân, man. de M. Muchlinski à
Saint-Pétersbourg. M. Juynboll, fils, vient de donner une édition de cet
ouvrage.

Akhbâr madjmoua, man. de Paris, nº 706. Voyez mon Introduction à la
Chronique d’Ibn-Adhârî, p. 10-12. Je possède une copie de ce manuscrit.

Alvaro, Vita Eulogii, dans l’Esp. sagr., t. X; Epistolae, Indiculus
luminosus, dans le même ouvrage, t. XI.

Annales Complutenses, dans l’Esp. sagr., t. XXIII.

Annales Compostellani, dans l’Esp. sagr., t. XXIII.

Annales Toledanos, dans l’Esp. sagr., t. XXIII.

Arîb, Histoire de l’Afrique et de l’Espagne, intitulée al-Bayâno
’l-mogrib, par Ibn-Adhârî (de Maroc), et fragments de la Chronique
d’Arîb, publ. par R. Dozy. Leyde, 1848 et suiv.

Berganza, Antiguedades de Espana. Madrid, 1719.

Çâid de Tolède, Extrait de son Tabacât al-omam, man. de Leyde, nº 159.

Cartâs. Annales regum Mauritaniae ab Abu-l-Hasan Ali ben-Abdallâh
ibn-abi-Zer’ Fesano conscripti, ed. Tornberg. Upsal, 1846.

Cazwînî, Cosmographie, éd. Wüstenfeld. Gœttingue, 1848.

Chahrastânî, Histoire des sectes, éd. Cureton. Londres, 1842.

Chronicon Adefonsi Imperatoris, dans l’Esp. sagr., t. XXI.

Chronicon Albeldense, dans l’Esp. sagr., t. XIII.

Chronicon Burgense, dans l’Esp. sagr., t. XXIII.

Chronicon de Cardena, dans l’Esp. sagr., t. XXIII.

Chronicon Complutense, dans l’Esp. sagr., t. XXIII.

Chronicon Compostellanum, dans l’Esp. sagr., t. XXIII.

Chronicon Conimbricense, dans l’Esp. sagr., t. XXIII.

Chronicon Iriense, dans l’Esp. sagr., t. XX.

Chronicon Lusitanum, dans l’Esp. sagr., t. XIV.

Edrisi, Géographie, traduite par Jaubert.

Espana sagrada, por Florez, Risco etc. 2ª edicion. Madrid, 1754-1850. 47
vol.

Euloge. Ses œuvres se trouvent dans Schot, Hispania illustrata, t.
IV.

Fâkihî, Histoire de la Mecque, man. de Leyde nº 463. Voyez mon
Catalogue, t. II, p. 170.

Hamâsa. Hamasae Carmina ed. Freytag. Bonn, 1828.

Historia Compostellana, dans l’Esp. sagr., t. XX.

Holal. Histoire du Maroc, man. de Leyde nº 24. Comparez Abbad., t. II,
p. 182 et suiv.

Homaidî, Dictionnaire biographique, man. d’Oxford, Hunt 464.

Ibn-abî-Oçaibia, Histoire des médecins. J’ai fait copier le chapitre
relatif aux médecins arabes-espagnols sur le man. de Paris, nº 673
suppl. ar., et M. Wright a eu la bonté de noter sur la marge de cette
copie les variantes des deux man. d’Oxford, Hunt. 171 et Pocock. 356.

Ibn-Adhârî. Voyez Arîb.

Ibn-al-Abbâr, dans mes Notices sur quelques manuscrits arabes. Leyde,
1847-1851.

Ibn-al-Athîr, man. de Paris. M. Tornberg a eu la bonté de me prêter sa
copie.

Ibn-al-Coutîa, man. de Paris nº 706. Voyez mon Introduction à la
Chronique d’Ibn-Adhârî, p. 28--30. Je possède une copie de ce manuscrit.

Ibn-al-Khatîb, al-Ihâta fi tarîkhi Gharnâta, et l’abrégé de cet ouvrage:
Marcaz al-ihâta bi-odabâi Gharnâta. B. man. de Berlin; E. man. de
l’Escurial (plusieurs articles de ce man. ont été copiés pour moi par M.
Simonet); G. man. de M. de Gayangos; P. man. de Paris. Voyez Abbad., t.
II, p. 169--172, et mes Recherches, t. I, p. 293, 294.

Ibn-Badroun, Commentaire historique sur le poème d’Ibn-Abdoun, publ. par
R. Dozy. Leyde, 1846.

Ibn-Bassâm, Dhakhîra. T. Ier. M. Jules Mohl possède ce volume, et il
a eu la bonté de me le prêter. Ce man. appartient au même exemplaire que
le 3e volume qui se trouve à Gotha.--T. II, man. d’Oxford, nº 749 du
Catalogue d’Uri.--T. III, man. de Gotha, nº 266. M. de Gayangos possède
aussi un manuscrit de ce volume, sur lequel M. Wright a bien voulu
collationner pour moi les passages d’Ibn-Haiyân cités par
Ibn-Bassâm.--Voyez sur Ibn-Bassâm et sa Dhakhîra, Abbad., t. I, p. 189
et suiv., et le Journ. asiat., février-mars 1861.

Ibn-Batouta, Voyages, éd. Defrémery et Sanguinetti. Paris, 1853 et suiv.

Ibn-Cotaiba, éd. Wüstenfeld. Gœttingue, 1850.

Ibn-Habîb. Voyez Tarîkh.

Ibn-Haiyân, man. d’Oxford, Bodl. 509, Catal. de Nicoll, nº 137. La copie
que je possède de ce man. a été faite par moi sur celle de M. Wright.
Voyez aussi Ibn-Bassâm.

Ibn-Hazm, Traité sur les religions, man. de Leyde nº 480.--Traité sur
l’amour, man. de Leyde nº 927.

Ibn-Khâcân, Matmah, man. de Londres et de Saint-Pétersbourg.--Calâyid,
man. de Leyde, nos 306 et 35.

Ibn-Khaldoun, Prolégomènes, éd. Quatremère, dans les Notices et extraits
des manuscrits de la Bibliothèque impériale, t. XVI, XVII et
XVIII.--Tome II (Histoire des Omaiyades d’Orient), man. de Leyde nº
1350, t. II.--Tome IV (Histoire d’Espagne), man. de Paris nº 742/4
suppl. ar., et de Leyde nº 1350, t. IV.--Histoire des Berbers, éd. de
Slane; traduction française par le même.

Içtakhrî, Liber Climatum, ad similitudinem Cod. Gothani exprimendum
curavit Mœller. Gotha, 1839.

Idatii Chronicon, dans l’Esp. sagr., t. IV.

Isidore de Béja, dans l’Esp. sagr., t. VIII. Comparez mes Recherches, t.
I, p. 2 et suiv.

Isidore de Séville, Historia Gothorum, dans l’Esp, sagr., t. VI.

Khochanî, Histoire des cadis de Cordoue, man. d’Oxford, nº 127 du
Catalogue de Nicoll. Je possède une copie de ce manuscrit.

Llorente, Noticias de las tres Provincias Vascongadas. Madrid, 1806.

Lucas de Tuy, Chronicon mundi, dans Schot, Hispania illustrata, t. IV.

Maccarî. Analectes sur l’histoire et la littérature des Arabes
d’Espagne, par al-Makkari, publ. par MM. Dozy, Dugat, Krehl et Wright,
Leyde, 1855-61.

Manuscrit de Meyá, dans les Memorias de la Academia de la Historia, t.
IV.

Masoudî, Moroudj ad-dheheb, man. de Leyde nos 127 et 537 _d._

Mobarrad, Câmil, man. de Leyde nº 587. Voyez mon Catalogue, t. I, p.
204, 205.

Mon. Sil. Monachi Silensis Chronicon, dans l’Esp. sagr., t. XVII.

Nawawî, Dictionnaire biographique, éd. Wüstenfeld. Gœttingue,
1842-47.

Notices sur quelques manuscrits arabes, par R. Dozy. Leyde, 1847-51.

Nowairî, Histoire d’Espagne. Je cite les pages du man. de Leyde nº 2
_h_, mais j’ai soigneusement collationné le man. de Paris nº 645, qui
est beaucoup meilleur et qui comble plusieurs lacunes.

Paulus Emeritensis, De vita P. P. Emeritensium, dans l’Esp. sagr., t.
XIII.

Pélage d’Oviédo, dans l’Esp. sagr., t. XIV.

Raihân al-albâb, man. de Leyde nº 415. Voyez mon Catalogue, t. I, p.
268, 269.

Râzî, traduction espagnole. Cronica del Moro Rasis, dans les Memorias de
la Academia de la Historia, t. VIII. Comparez mon Introduction à la
Chronique d’Ibn-Adhârî, p. 24, 25.

Recherches sur l’histoire et la littérature de l’Espagne pendant le
moyen âge, par R. Dozy. 1re édition, Leyde, 1849, 2de édition,
Leyde, 1860.

Rodrigue de Tolède, De rebus Hispanicis, dans Schot, Hispania
illustrata, t. II. La meilleure édition de son Historia Arabum se trouve
dans Elmacini Historia Saracenica, ed. Erpenius.

Sampiro, Chronicon, dans l’Esp. sagr., t. XIV.

Samson, Apologeticus, dans l’Esp. sagr., t. XI.

Sébastien, Sebastiani Chronicon, dans l’Esp. sagr., t. XIII.

Sota, Chronica de los principes de Asturias y Cantabria. Madrid, 1681.

Tabarî, Annales, éd. Kosegarten.

Tarîkh Ibn-Habîb, man. d’Oxford, Catalogue de Nicoll nº 127. Comparez
mes Recherches, t. I, p. 32 et suiv.

Vita Beatae Virginis Argenteae, dans l’Esp. sagr., t. X.

Vita Johannis Gorziensis, dans Pertz, Monumenta Germaniae, t. IV des
Scriptores.

       *       *       *       *       *

FIN DE LA LISTE.



INDEX ALPHABÉTIQUE

des matières contenues dans les quatre volumes de l’_Histoire des
musulmans d’Espagne_.

Les chiffres romains indiquent les tomes, les chiffres arabes les pages.


A.

Abadsolomes (Léovigild), II. 167, 168.

Abân, fils de Moâwia, I, 297.

Abbâd, c’est-à-dire, Motadhid. Voyez ce nom.

Abbâd, fils de Motamid, IV, 157 et suiv.

Abbâdides (les), leur origine, IV, 9 et suiv.

Abbâs ibn-Ahnaf, III, 346.

Abbâs ibn-Firnâs, poète, II, 169.

Abbâs, fils de Motawakkil, IV, 244, 245.

Abda, fille de Hichâm, I, 297.

Abdalazîz, petit-fils d’Almanzor, roi de Valence, IV, 4, 21, 43, 47.

Abdalazîz ibn-Abdallâh ibn-Asîd, I, 193.

Abdalazîz le Becrite, IV, 85.

Abdalazîz ibn-Hasan, IV, 5.

Abdalazîz, fils de Merwân, I, 174, 183, 186, 197, note 1, 214.

Abdalazîz, fils de Mousâ ibn-Noçair, II, 40, note 1, 43.

Abd-al-djabbâr, fils de Motamid, IV, 278 et suiv.

Abd-al-djalîl, IV, 148.

Abd-al-ghâfir, frère de Djad, II, 252.

Abd-al-hamîd ibn-Basîl, II, 346.

Abdallâh, le sultan, II, 204 et suiv.

Abdallâh, roi de Grenade, IV, 199, 202, 214, 225 et suiv., 270.

Abdallâh, fils d’Abbâs, I, 63, 79.

Abdallâh ibn-Abdalmélic, gouverneur de Moron, I, 360, 361.

Abdallâh, fils d’Abdérame Ier, II, 126, 150, 151.

Abdallâh ibn-Achath le Coraichite, II, 250.

Abdallâh ibn-al-Aftas, IV, 14 et suiv.

Abdallâh, père d’Almanzor, III, 115.

Abdallâh, fils d’Almanzor, III, 209 et suiv.

Abdallâh ibn-Amr, I, 362.

Abdallâh ibn-Haddjâdj, II, 243, 244, 255.

Abdallâh, fils de Handhala, I, 90, 101, 103, 104.

Abdallâh, descendant de Hodhaifa, I, 177 et suiv.

Abdallâh ibn-Maimoun, III, 7 et suiv.

Abdallâh, fils de Mohammed. Voyez Chakyâ.

Abdallâh, fils de Mohammed ibn-Lope, II, 319.

Abdallâh ibn-Mokhâmis, III, 336.

Abdallâh, fils de Motî, I, 96, 101, 103.

Abdallâh ibn-Omaiya, II, 137, 160.

Abdallâh, fils du calife Omar, I, 80.

Abdallâh _Pierre Sèche_, III, 190, 210 et suiv.

Abdallâh, fils de Sad, fils d’Abou-Sarh, I, 47.

Abdallâh, fils de Zohair, I, 72, 74, 79 et suiv., 128 et suiv., 171 et suiv.

Abdalmélic, le conquérant de Carteya, II, 33; III, 114.

Abdalmélic ibn-abî-’l-Djawâd, II, 262.

Abdalmélic, fils d’Almanzor, III, 209, 218, 236, 240, 259, 260, 268.

Abdalmélic, fils de Catan, I, 252 et suiv.

Abdalmélic ibn-Habîb, I, 18.

Abdalmélic, fils de Merwân, I, 100, 163 et suiv.

Abdalmélic-Modhaffar, roi de Valence, IV, 124, 127.

Abdalmélic ibn-Mondhir, III, 172 et suiv.

Abdalmélic l’Omaiyade, gouverneur de Séville, I, 359 et suiv.

Abdalmélic ibn-Omaiya, II, 280.

Abd-al-wâhid Routî, II, 310.

Abdérame Ier, I, 298 et suiv., II, 49, 54.

Abdérame II, II, 65, 66, 87 et suiv.

Abdérame III, II, 319 et suiv.; III, 3 et suiv.

Abdérame IV Mortadhâ, IV, 323, 326 et suiv., 343, 344.

Abdérame V, III, 334 et suiv.

Abdérame ibn-Alcama, I, 263, 264.

Abdérame, fils d’Almanzor, III, 240, 268 et suiv.

Abdérame, fils d’Aslamî, II, 346.

Abdérame ibn-Fotais, III, 257.

Abdérame al-Ghâfikî, I, 221.

Abdérame ibn-Habîb le Fihrite, I, 246, 263, 268, 305 et suiv., 375 et suiv.

Abdérame, fils de Hacam II, III, 118, 122, 131, 132.

Abdérame, fils d’Ibrâhîm ibn-Haddjâdj, II, 302, 311 et suiv., 331.

Abdérame ibn-Motarrif le Todjîbide, III, 193, 209 et suiv.

Abdérame ibn-Noaim le Kelbite, I, 281, 354.

Abdérame ibn-Obaidallâh, petit-fils d’Abdérame III, III, 172 et suiv.

Abdérame, fils d’Omar ibn-Hafçoun, II, 340.

Abdérame, fils de Yousof le Fihrite, I, 327.

Ablî, poète, II, 213, 220, 230, 231.

Abou-’l-Abbâs, le calife, I, 298.

Abou-Abda (les), III, 260.

Abou-Abda (colline d’), II, 275.

Abou-Abdallâh, missionnaire ismaëlien, III, 13 et suiv.

Abou-Abdallâh Djodhâmî, IV, 67.

Abou-Abdallâh ibn-al-Farrâ, IV, 259.

Abou-’l-Ahwaç Man, III, 131, 193.
  -- (ibn-Çomâdih), IV, 43.

Abou-Alî Câlî, III, 110, 116, 249.

Abou-Amir ibn-Chohaid. Voyez Ibn-Chohaid.

Abou-Amir Mohammed ibn-al-Walîd, III, 115.

Abou-’l-Aswa, fils de Yousof le Fihrite, I, 357, 362, 375 et suiv.

Abou-Atâ, I, 279, 288, 293.

Abou-’l-Bassâm, II, 80 et suiv.

Abou-Becr, le calife, I, 31 et suiv., 41.

Abou-Becr ibn-Hilâl l’Abdite, I, 341.

Abou-Becr ibn-Ibrâhîm, beau-frère d’Alî l’Almoravide, IV, 262.

Abou-Becr ibn-Moâwia le Coraichite, III, 110, 116.

Abou-Çabbâh, I, 344, 345, 350, 354, 369 et suiv.

Abou-’l-Câsim ibn-al-Arîf, IV, 27 et suiv.

Abou-’l-Câsim Mohammed, le fondateur de la dynastie des Abbâdides, IV,
    7 et suiv., 68.

Abou-Djafar Colaiî, IV, 200, 220, 225 et suiv.

Abou-’l-Faradj Isfahânî, III, 108.

Abou-’l-Fotouh, IV, 48 et suiv.

Abou-’l-Fotouh (ou Abou-’l-Fath) Birzélî, IV, 289.

Abou-’l-Fotouh Yousof ibn-Zîrî, III, 124.

Abou-Ghâlib Tammâm. Voyez Tammâm.

Abou-Hafç Omar al-Balloutî, II, 76.

Abou-Harb, II, 264.

Abou-Ishâc d’Elvira, IV, 113, et suiv.

Abou-Ishâc ibn-Mocânâ, IV, 200.

Abou-’l-Khattâr, I, 222, 267 et suiv.

Abou-Merwân, fils de Yahyâ ibn-Yahyâ, II, 281.

Abou-’l-Mofrih, II, 151, 152.

Abou-’l-Moghîra ibn-Hazm, III, 254 et suiv.

Abou-Mohammed Hidjârî, IV, 277.

Abou-Mohammed Odbrî, II, 314.

Abou-Mousâ, I, 64.

Abou-Naçr, seigneur de Ronda, IV, 95.

Abou-Omar Othmân, II, 295.

Abou-Rîch, IV, 52.

Abou-Sofyân, I, 46.

Abou-Thaur, gouverneur d’Huesca, I, 379.

Abou-Wahb, I, 189.

Abou-Yézîd, III, 66 et suiv.

Abou-Zaid, fils de Yousof le Fihrite, I, 349, 355, 356, 357, 362.

Abou-Zora Tarîf, II, 32.

Abrach, secrétaire du calife Hichâm, I, 221, 223.

Acaba (le grand serment d’), I, 27.

Acaba al-bacar (bataille d’), III, 295, 296.

Açbagh ibn-Abdallâh ibn-Nabîl, évêque de Cordoue, III, 103.

Achath, I, 61, 63, 64.

Achdac, cousin d’Abdalmélic, I, 169, 390.

Achdja, tribu, I, 101.

Achtar, I, 62, 63, 64.

Acîlî, III, 176.

Adhhâ, II, 221.

Aftasides (les), IV, 4.

Ahmas de Tolède, III, 38.

Ahmed, fils d’Abdallâh ibn-Maimoun, III, 12.

Ahmed ibn-Bord, III, 335.

Ahmed ibn-Ishâc, II, 347; III, 54 et suiv.

Ahmed ibn-Maslama, II, 332.

Ahmed ibn-Moâwia, III, 27 et suiv.

Ahmed ibn-Yila, III, 65, 79, 87.

Ahnaf, noble de Baçra, I, 139.

Aïcha, veuve de Mahomet, I, 53, 55.

Aichoun, II, 202.

Aihala-le-Noir, I, 30, 34.

Aimée, IV, 153.

Airos, IV, 63.

Akhtal, poète, I, 165, 166.

Alâ ibn-Moghîth, I, 365 et suiv.

Alafoens, origine de ce nom, IV, 12.

Alanje, forteresse, II, 184.

Alcama, lieutenant de Monousa, III, 23.

Alédo, château, IV, 197, 210, 211.
  (Siége d’), IV, 214 et suiv.

Alexandrie, prise par les Andalous, II, 76.

Alhambra (l’), assiégé par les Andalous, II, 212, 218 et suiv.

Alhandega (bataille d’), III, 62.

Ali, le calife, I, 44, 51, 52 et suiv.

Ali, prince de Dénia, IV, 182.

Alî l’Almoravide, IV, 247, 248, 260, 263 et suiv.

Alî ibn-al-Carawî, IV, 45.

Alî ibn-Hammoud, III, 316 et suiv.

Al-Mançour, calife abbâside, I, 366, 367, 381, 382.

Al-Mançour, calife fatimide, III, 69.

Almanzor (Mohammed ibn-abî-Amir), III, 111 et suiv.

Almohades (les), IV, 264.

Almoravides (les), IV, 129, 198 et suiv.

Alphonse Ier, III, 24 et suiv.

Alphonse II, III, 229.

Alphonse III, II, 183, 184, 186, 197; III, 27 et suiv.

Alphonse IV, III, 47, 48, 50.

Alphonse V, III, 271.

Alphonse VI, IV, 157, 162 et suiv., 181, 189 et suiv., 230, 238.

Alphonse VII, IV, 265, 267.

Alphonse le Batailleur, IV, 256, 257, 265.

Alphonse, comte visigoth, II, 190.

Alvar Fanez, IV, 195, 196, 203, 238.

Alvaro, II, 107, 114, 165.

Alvitus, évêque de Léon, IV, 120 et suiv.

Amâlî (dictées), ouvrage d’Abou-Alî Câlî, III, 110.

Amir, favori du sultan Mohammed, III, 115.

Amir le Coraichite, I, 291, 292, 325.

Amir ibn-Fotouh, III, 317.

Ammâr, I, 59.

Amr, fils d’Acî, I, 60, 61.

Amr, fils de Thoâba, I, 283.

Amrolcais, I, 22.

Amrous, II, 63 et suiv.

Anbar, III, 298, 299, 302.

Anbasa, I, 227.

Ancar (al-), gouverneur de Saragosse, II, 259, 318.

Anulone, sœur d’Euloge, II, 113, 170, 171.

Apostoliques (les sept), II, 209.

Aqua-Portora (bataille d’), I, 264.

Arâba, I, 5, 6.

Arâbî (al-) le Kelbite, I, 375 et suiv.

Archidona, capitale de Regio, II, 181;
  prise par les musulmans, II, 35;
  prise par Mondhir, II, 202.

Ardabast, fils de Witiza, II, 49.

Argentea, fille d’Omar ibn-Hafçoun, II, 326, 343.

Arnisol (bataille d’), IV. 257.

Asadî, poète, II, 220, 221, 297.

Askelédja, III, 200 et suiv.

Aslamî, II, 346, 347.

Asmâ, III, 159 et suiv.

Assur Fernandez, III, 70.

Astorga prise et ravagée par les Visigoths, II, 14.

Athanagild, fils de Théodemir, III, 198.

Aurelio, martyr à Cordoue, II, 167 et suiv.

Aurore, III, 118, 119, 120, 131, 132, 147, 153, 155, 171, 221 et suiv.

Aus (les), tribu, I, 23 et suiv.

Ausone, ses vers sur Séville, II, 232, note 2.

Avempace, IV, 263.

Avenzoar (Abou-’l-Alâ), IV, 276.

Axarafe (l’), II, 234.

Azdites (les), c’est-à-dire les Yéménites dans le Khorâsân, I, 119.

Azrakites (les), secte, I, 149.


B.

Babba, I, 151.

Bâbec, III, 7.

Bacdoura ou Nafdoura (bataille de), I, 246 et suiv.

Bacrites (les), tribu, I, 34.

Badajoz. Ibn-Merwân s’y établit, II, 184.

Bâdîs, roi de Grenade, IV, 37 et suiv., 97 et suiv.,
    108 et suiv., 199, note 2, 220.

Badr, affranchi d’Abdérame Ier, I, 300, 302, 309 et suiv., 368, 384.

Badr, client d’Abdérame III, III, 139.

Badr, le Slave, II, 311, 317, 329, 332, 335, 336; III, 40.

Bagaudes (les), II, 9, 13.

Baladîs (les), I, 358.

Baldegotone, II, 115, 119.

Baldj, I, 244 et suiv.; II, 39.
  -- (château de), IV, 173.

Baldjâ, I, 147.

Banât-Cain (bataille de), I, 120.

Barbastro, pris par les Normands, IV, 125, 126.

Barcelone, prise par Almanzor, III, 199.

Barhoun, IV, 55.

Basile, chef des Bagaudes, II, 13.

Becr, prince d’Ocsonoba, II, 261, 262.

Béja (révolte des chrétiens de), II, 42.

Ben-Châlîb, IV, 191.

Ben-Naghdéla. Voyez Samuel ha-Lévi.

Benadalid, bourgade, origine de ce nom, I, 343, note 2.

Beni-Abî-Amir (les), III, 114 et suiv.

Beni-’l-Ahmar (les), I, 270.

Beni-Angelino (les), II, 233, 240.

Beni-Asad (les), I, 22.

Beni-Birzél (les), régiment africain, III, 138, 146.

Beni-Casî (les), II, 182, 346.

Beni-Câsim (les), I, 269.

Benicasim, village, I, 269.

Beni-Dhou-’n-noun (les), II, 260; IV, 5.

Beni-’l-Djad (les), I, 269.

Beni-Ferânic (les), II, 260.

Beni-Hâbil (les), II, 262.

Beni-Hâchim (les), III, 52.

Beni-Haddjâdj (les), II, 234, 235.

Beni-Hâritha (les), I, 103.

Beni-Hazm (les), I, 52, 94.

Beni-Houd (les), IV, 4.

Beni-Iforen (les), IV, 5.

Beni-Ishâc (les), III, 54.

Beni-Khaldoun (les), II, 234, 235.

Beni-al-Khalî (les), I, 343.

Beni-Matrouh (les), II, 202.

Beni-Mohallab (les), Berbers, II, 345.

Beni-Mozain (les), IV, 86.

Beni-Razîn (les), IV, 246.

Beni-Rostem (les), I, 308.

Beni-Sabarico (les), II, 233.

Beni-Sohail (les), IV, 182, 183.

Berbers (les), I, 228 et suiv.
  Révolte des Berbers d’Espagne, I, 255 et suiv.

Bermude II, III, 195, 196, 206 et suiv., 215, 227 et suiv.

Bichr, fils de Merwân, I, 175, 183, 186, 190, 196 et suiv.

Bichr le Kelbite, gouverneur de l’Afrique, I, 219, 220, 227.

Bizilyânî Abou-Abdallâh, IV, 103 et suiv.

Boabdil-al-Zagal, IV, 167, note 1.

Bobastro, II, 192, 195, 198 etc.
  Assiégé et pris par Abdérame III, II, 343.

Bohair, II, 126.

Bologguîn, vice-roi de l’Ifrîkia, III, 183, 200.

Bologguîn, officier berber, IV, 38, 39.

Bologguîn, fils de Habbous, IV, 37, 39, 44, 45, 54.

Boraiha, mère d’Almanzor, III, 115.

Borda, fils de Halhala, I, 182.

Borrel, III, 104, 105, 199.

Braga pillée par les Visigoths, II, 14.

Braulion, évêque de Saragosse, II, 20.

Brenes, village, origine de ce nom, I, 345.


C.

Câdir, roi de Tolède, IV, 189 et suiv., 193 et suiv., 212.

Câfour, esclave de Çâid, III, 250.

Çâid, poète d’Almanzor, III, 214, 247 et suiv., 284.

Cais, fils de Sad, I, 66, 67, 68, 69.

Caisân, I, 157.

Caisites (les), I, 114, 120, 225.

Calfât, poète, II, 315, 316.

Câlî. Voyez Abou-Alî Câlî.

Calife. Abdérame III prend ce titre, III, 48, 49.

Çâlih III, prince de Nécour, III, 39.

Camar, épouse d’Alî l’Almoravide, IV, 263.

Camar, chanteuse, II, 314, 315.

Cantich (bataille de), III, 292.

Capitation (la), II, 40, 41.

Caracuel, II, 185.

Carcaboulia, château, aujourd’hui Carabuey, II, 262.

Carmona, prise par les musulmans, II, 37.

Carrion (le comte de), III, 278 et suiv.

Cartagena (tour), II, 353.

Carteya, II, 32, 353.

Carteyana (tour), II, 353.

Câsim, prince d’Algéziras, IV, 101.

Câsim ibn-Hammoud, III, 316, 326 et suiv.; IV, 7, 8, 11.

Câsim, fils d’Ibn-Tomlos, III, 137.

Câsim le Kelbite, II, 304, 334.

Castro-Moros, c’est-à-dire, San Estevan (de Gormaz), III, 34.

Catan, fils d’Abdalmélic ibn-Catan, I, 262, 268.

Catholico, c’est-à-dire, évêque, III, 103, note 3.

Câyim, calife fatimide, III, 68.

Chakyâ, I, 372, 373, 375.

Chameau (Bataille du), I, 55.

Chamir, I, 77, 78, 277.

Charâdjîb (le), palais à Silves, IV, 146.

Charlemagne, I, 376 et suiv.

Charles-le-Chauve, II, 168, 182.

Charles Martel, I, 252.

Chauch (couvent de), III, 280.

Chiites (les), I, 156 et suiv.; III, 3 et suiv.

Chimène, IV, 245.

Chohaid (les), III, 260.

Cid (le). Voyez Rodrigue le Campéador.

Ciffîn (Bataille de), I, 59.

Clunia, ville, III, 42.

Codâm le nègre, IV, 51, 53.

Coïmbre (conduite des Suèves à), II, 15.

Colaiî. Voyez Abou-Djafar Colaiî.

Colomba, épouse d’Omar ibn-Hafçoun, II, 326.

Colombera, villa, I, 345.

Colthoum, I, 244 et suiv.

Çomail, I, 273, note 1, 274 et suiv.

Coraib ibn-Khaldoun, II, 235 et suiv., 243, 255, 257 et suiv., 299 et suiv.

Corbeau (église du), II, 261.

Cordoue, prise par les musulmans, II, 36.
  (Cathédrale de), II, 48, 49.
  (Université de), III, 110.
  (Population chrétienne de), II, 50, 101 et suiv.
  (Révolte des renégats de) contre Hacam Ier, II, 54 et suiv.

Cotaiba ibn-Moslim, I, 205, 211, 213, 216.

Covadonga (caverne de), III, 22.

Crète (la), II, 76.

Cutanda (bataille de), IV, 259, note 1.


D.

Daisam ibn-Ishâc, II, 263, 277.

Défenseurs (les), I, 27, 41, 52, 111.

Dhahhâc, I, 125, 126, 130, 131, 134.

Dhaloul, III, 39.

Dhou-’l-Kholosa, idole, I, 22.

Didyme, II, 10.

Djâbia (diète de), I, 130 et suiv.

Djâbir, IV, 182, 183.

Djâbir, fils d’Ibn-Chihâb, I, 340.

Djad, gouverneur d’Elvira, II, 215, 244 et suiv., 250 et suiv.
  -- (Bataille de), II, 216.

Djad, fils d’Abdallâh, I, 177 et suiv.

Djafar, nom que Hacam II avait donné à Aurore, III, 133, note 1.

Djafar, hâdjib de Hacam II, III, 102.

Djafar, fils d’Alî ibn-Hamdoun, III, 130, 184, 193, 194.

Djafar fils d’Omar ibn-Hafçoun, II, 340 et suiv.

Djafar le Véridique, III, 4.

Djafarî ou Djoaifirî. Pourquoi les affranchis d’Aurore portaient
    ce surnom, III, 133, note 1.

Djahwar (les), III, 260.

Djarancas, montagne, II, 349.

Djarîr, poète, IV, 280.

Djaudhar, III, 134 et suiv., 171 et suiv.

Djauwâs, I, 208, 392.

Djéhâne, II, 228.

Djidâr le Caisite, I, 342, 343.

Djonaid, II, 244, 255.

Dorrî, III, 145, 146.

Dulcidius, évêque de Salamanque, III, 44.

Duodécimains (les), secte, III, 12.


E.

Ecija, assiégée par le sultan Abdallâh, II, 287, 288.

Ecoles primaires dans l’Espagne musulmane, III, 109.

Egica, II, 27, 28.

Elisabeth, religieuse, II, 131.

Elvira. Histoire de cette province sous le règne d’Abdallâh, II,
    209 et suiv., 292 et suiv.

Elvire, régente de Léon, III, 106.

Empédocle, III, 19.

Enfant (l’) de l’enfer, c’est-à-dire, Walîd, frère utérin d’Othmân, I, 48.

Ermengaud d’Urgel, III, 295, 296.

Esmant, village, II, 168.

Eudes, duc d’Aquitaine, I, 256.

Euloge, II, 104, note 2, 105, 106, 112 et suiv.,
    135, 136, 142 et suiv., 165, 170 et suiv.


F.

Fadhl, I, 102, 103.

Fadhl, fils de Motawakkil, IV, 244, 245.

Fadhl ibn-Salama, II, 318.

Fadjîl ibn-abî-Moslim, II, 308 et suiv.

Fajardo (don Pedro), IV, 167, note 1.

Fath (ville d’al-), II, 349.

Fath, fils de Motamid, IV, 172, 237, 238.

Fath, seigneur d’Uclès, II, 260.

Faucon gris (le), IV, 149 et suiv.

Fâyic, III, 134 et suiv.

Fée (la), IV, 154.

Ferazdac, poète, I, 143.

Ferdinand Ier, IV, 118 et suiv.

Ferdinand Gonzalez, III, 51, 65, 70 et suiv., 81, 89, 96, 107.

Fez (fondation de), II, 76, 77.

Fezâra (les), tribu, I, 120.

Fihrites (les), I, 284.

Flora, II, 115 et suiv., 143 et suiv.

Fontîn (al-), I, 324.

Fortunio, page du sultan Abdallâh, II, 205.

Fosse (journée de la), II, 67.

Fotais (les), III, 260.

Frère. Les eunuques se donnaient ordinairement ce nom, III, 136, note 1.

Froïla II, III, 47.


G.

Galice. Ce mot désigne quelque-fois la province de Beira, III, 230, note 1.

Galindo, comte de la Cerdagne, I, 379, 381.

Garcia, roi de Navarre, III, 53, 95, 105, 243 et suiv.

Garcia Fernandez, comte de Castille, III, 191, 212 et suiv.

Garcia, fils d’Ordoño IV, III, 103.

Garcia Ximenez, IV, 197.

Gaton, comte du Bierzo, II, 163.

Georges, martyr à Cordoue, II, 167 et suiv.

Ghâlib, III, 77, 96, 97, 103, 105, 126 et suiv., 153 et suiv., 182 et suiv.

Gharbîb, poète, II, 63.

Gharcad, grande ronce épineuse, I, 98.

Ghazzâlî, IV, 235, 253, 254.

Gibraltar, Gebal-Târic, II, 32.

Gomez (les), comtes de Carrion, III, 215, 278.

Gomez, fils d’Antonien, II, 137 et suiv., 160.

Gonsalve, comte galicien, III, 106.

Gonsalve Gonzalez, III, 207.

Guadacelete (bataille du), II, 163, 164, 282.

Guadaira (bataille du), III, 297.

Guadalbollon (bataille du), II, 318.

Guadalete (bataille du), I, 280, 281.

Gudila, II, 210; IV, 256.

Guèbres (les), III, 5.

Guerour, IV, 242, 243.

Guillaume au Court nez, IV, 125.


H.

Habbous, III, 307; IV, 4, 25, 27 et suiv., 37.

Habentius, II, 133.

Habîb, lieutenant de Mohammed ibn-Haddjâdj à Carmona, II, 338.

Habîb, premier ministre d’Abou-’l-Câsim Mohammed, IV, 14, 80.

Habîb le Fihrite, I, 242, 243.

Habîb le Slave, III, 61.

Habîba, III, 338 et suiv.

Hacam Ier, II, 58 et suiv.

Hacam II, III, 75, 95 et suiv., 188.

Hacam, oncle du calife Othmân, I, 45.

Hacam (des Beni-Hâchim), III, 54.

Hacam ibn-Saîd, III, 361 et suiv.

Haççâdî, IV, 105, 106.

Hâchim, ministre de Mohammed Ier, II, 158,
    183, 185, 186, 187, 188, 196, 197, 198.

Hâchim le forgeron, II, 97, 98.

Hâchim, frère de Djad, II, 252.

Haddjâdj, I, 109, 170, 173, 174, 200 et suiv., 225.

Hâdî, IV, 182, 183.

Hafç ou Hafçoun, II, 190, 191, 192.

Hafç, fils d’Omar ibn-Hafçoun, II, 208, 340, 342, 343.

Hafç ibn-el-Moro, II, 225.

Haitham, gouverneur de l’Espagne, I, 220 et suiv.

Halhala, I, 183 et suiv.

Hamdouna, III, 56.

Hammâm, chef des Nomair, I, 135.

Hamza, oncle de Mahomet, I, 47.

Hanach Çanânî, II, 209.

Handhala le Kelbite, I, 267.

Hanokh (Rabbi), IV, 27.

Hâritha, noble de Baçra, I, 139, 140, 141, 152, 153, 154.

Hâroun ar-rachîd, II, 89 et suiv.; IV, 204, note 1.

Hâroun, client des Omaiyades, I, 245, 247, 248.

Harra, I, 100.
  (Bataille de), I, 101 et suiv.
  (Enfants de), I, 105.

Harrânî, médecin, II, 126, 127.

Hasan, fils d’Alî, I, 66 et suiv.

Hasan de Baçra, théologien, I, 143.

Hasan ibn-Kennoun, III, 124 et suiv, 200 et suiv.

Hasan ibn-Yahyâ, faqui, III, 271.

Hasan ibn-Yahyâ le Hammoudite, IV, 58, 59.

Hasdaï ibn-Chabrout, III, 75, 83 et suiv.

Hassân ibn-Mâlic ibn-Bahdal, I, 123, 124, 125, 130, 132.

Hassân ibn-Thâbit, poète, I, 52.

Hâtim, père de Çomail, I, 277.

Hauthara ibn-Abbâs, III, 56.

Hauzanî, IV, 11, 14.
  -- (Abou-Hafç), IV, 129.

Hayât ibn-Molâmis, I, 344.

Hazm, III, 341.

Hermogius, évêque de Tuy, III, 44.

Hichâm, le calife, I, 218 et suiv., 229 et suiv.

Hichâm Ier, II, 55 et suiv.

Hichâm II, III, 122, 131, 132, 143, 177 et suiv.
  -- (le pseudo-), IV, 18 et suiv., 101, 102.

Hichâm III, III, 360 et suiv.

Hichâm, oncle du sultan Abdallâh, II, 258, 298 et suiv.

Hichâm, petit-fils d’Abdérame III, III, 259, 271.

Hichâm ibn-Ozra, I, 366.

Hichâm-Moçhafî, III, 137, 163.

Hichâm, surnommé Rachîd, III, 286 et suiv.

Hiçn-Aute (Yznate), II, 190.

Hidjârî Abou-Mohammed, IV, 277.

Hilduin, II, 166.

Hind, mère de Moâwia, I, 46, 47.

Hobâb le Coraichite, I, 292, 325.

Hobâsa, III, 307.

Hoçain, général, I, 127, 128, 130, 131.

Hoçain, chef des Cab ibn-Amir, I, 326, 327, 341.

Hoçrî, poète, IV, 271, 272.

Hodair, II, 72, 73.

Hodhaifa ibn-Badr, I, 176.

Hodhail, lieutenant de Zohair, IV, 41.

Hodhail, fils de Çomail, I, 385.

Hodhail, fils de Zofar, I, 166.

Holal, mère de Hichâm Ier, I, 353.

Homaid ibn-Bahdal, I, 174, 175 et suiv.

Honaida, II, 214, note 1.

Honoriens (les), II, 11.

Horaith le Sauteur, I, 93.

Hosain, fils d’Alî, I, 72, 74 et suiv.

Hosain ibn-Yahyâ, I, 379, 381.

Hosâm-ad-daula, seigneur d’Albarrazin, IV, 195.

Hostegesis, évêque de Malaga, II, 47, 48.

Hotaia, poète, I, 49.

Hroswitha, III, 92.

Huebar, village, II, 238.

Hugues de Provence, roi d’Italie, III, 68.

Hyacinthe, page de Hacam Ier, II, 60, 71, 72.


I.

Ibn-Abbâs, vizir de Zohair, IV, 34 et suiv., 55, 56.

Ibn-Abdalazîz, prince de Valence, IV, 177 et suiv.
  Ses fils, IV, 195.

Ibn-Abd-aç-çamad, poète, IV, 281.

Ibn-Abd-rabbihi, poète, II, 285, 315.

Ibn-abî-Abda. Voyez Obaidallâh ibn-abî-Abda.

Ibn-abî-’l-Afia, III, 49.

Ibn-abî-Amir. Voyez Almanzor.

Ibn-abî-Corra, IV, 88 et suiv.

Ibn-abî-Wadâa, III, 306, 307, 308.

Ibn-Adham, IV, 200.

Ibn-Adhhâ Mohammed, II, 294 et suiv.

Ibn-Aflah. Voyez Mohammed ibn-Aflah et Ziyâd ibn-Aflah.

Ibn-Aghlab, II, 271, 290.

Ibn-Ammâr, IV, 133 et suiv., 163 et suiv.

Ibn-Amr, I, 135.

Ibn-Angelino. Voyez Mohammed ibn-Angelino.

Ibn-al-Arîf. Voyez Abou-’l-Câsim.

Ibn-Arous, III, 173.

Ibn-Ascalédja, III, 272.

Ibn-Attâf, seigneur de Mentesa, II, 259.

Ibn-Bacanna, IV, 36, 45, 50, 51, 58.

Ibn-Bâddja (Avempace), IV, 263, note 1.

Ibn-Bahdal. Voyez Hassân ibn-Mâlic et Saîd ibn-Bahdal.

Ibn-Bakî, poète, IV, 251.

Ibn-Bartâl, III, 115.

Ibn-Becr, III, 306.

Ibn-al-Binnî, poète, IV, 251, note 2.

Ibn-Bord, III, 269, 270, 335.

Ibn-Chabîb, IV, 42.

Ibn-as-Châlia, II, 262, 327, 330.

Ibn-Chammâs, II, 60, 61.

Ibn-Chibâb, I, 294, 326, 327.

Ibn-Chohaid Abou-Amir, III, 351, 356, 363, 364, 365.

Ibn-Colzom, II, 297, note 3.

Ibn-al-Coutia, III, 110, 116.

Ibn-Dhacwân, III, 176, 269, 270, 293.

Ibn-Dhî-’l-calâ, I, 164.

Ibn-Djâbir, III, 165, 166.

Ibn-Djahwar, vizir sous Hichâm II, III, 166.

Ibn-Djahwar (Abdalmélic), IV, 154 et suiv.

Ibn-Djahwar (Abdérame), IV, 154.

Ibn-Djahwar Abou-’l-Hazm, III, 324, 359 et suiv.; IV, 5 et suiv., 22, 25.

Ibn-Djahwar (Abou-’l-Walîd), IV, 81, 83, 84, 154, 156.

Ibn-al-Djaiyâr, III, 324, 363.

Ibn-Doraid, III, 248.

Ibn-al-Faradhî, III, 309.

Ibn-al-Farrâ Abou-Abdallâh, IV, 259.

Ibn-Fotais Abdérame, III, 257.

Ibn-Ghâlib. Voyez Mohammed ibn-Ghâlib.

Ibn-Ghânim, II, 197.

Ibn-Haddjâdj, collègue d’Abou-’l-Câsim Mohammed, IV, 11, 14.

Ibn-Haiyân, IV, 20.

Ibn-Hakîm, I, 198.

Ibn-Hamdîn, IV, 250, 251, 254, 255.

Ibn-Hamdîs, poète, IV, 279.

Ibn-Haucal, III, 17, 21, 181.

Ibn-Hauchab, III, 13.

Ibn-Hazm Abd-al-wahhâb, III, 351, 356.

Ibn-Hazm Abou-’l-Moghîra, III, 254 et suiv.

Ibn-Hazm Ahmed, III, 342, 348.

Ibn-Hazm Alî, III, 309, 341 et suiv., 356; IV, 20.

Ibn-Hodair, vizir de Hacam II, III, 122.

Ibn-Horaith, I, 283 et suiv.

Ibn-Idhâh, chef de la tribu des Acharites, I, 83 et suiv., 99, 103.

Ibn-Imrân, III, 353, 354.

Ibn-Iyâch, III, 166.

Ibn-Kennoun. Voyez Hasan ibn-Kennoun.

Ibn-al-Khadâ, secrétaire de Hacam Ier, II, 60.

Ibn-Khalaf (de Malaga), IV, 278.

Ibn-al-Khalî, II, 306, 318.

Ibn-Khâlid, client omaiyade, I, 310 et suiv., 370, 371.

Ibn-al-Khatîb, IV, 286.

Ibn-Khattâb, III, 197, 198.

Ibn-Khazroun, IV, 92 et suiv.

Ibn-al-labbâna, poète, IV, 271, 278, 280.

Ibn-al-Macwâ, III, 246.

Ibn-Maimoun, amiral, IV, 263.

Ibn-Man, I, 135.

Ibn-Masarra, III, 19, 20, 261; IV, 254.

Ibn-Mastana, II, 262, 265, 278, 286, 307, 311, 318, 326.
  Ses fils, II, 345.

Ibn-Merwân, II, 183 et suiv., 207, 238, 260.

Ibn-Mikhnaf, I, 198, 199.

Ibn-Mocânâ Abou-Ishâc, IV, 200.

Ibn-Mohâdjir, II, 99.

Ibn-Mozain, IV, 86.

Ibn-Nâdir, II, 73.

Ibn-Nouh, IV, 87 et suiv.

Ibn-Ocâcha, IV, 157 et suiv.

Ibn-Omar (château d’), II, 262.

Ibn-Rachîc, IV, 173, 174, 180, 211, 214, 223.

Ibn-Rochd, IV, 257.

Ibn-Sabarico, II, 247.

Ibn-as-Saccâ, IV, 155.

Ibn-Salâm, IV, 186.

Ibn-Salîm, seigneur de Medina-Beni-Salîm, II, 259.

Ibn-as-Salîm. Voyez Mohammed ibn-as-Salîm.

Ibn-as-Sonbosî, III, 246.

Ibn-Tâhir (Abou-Abdérame), IV, 168 et suiv., 177.

Ibn-Taifour, IV, 15, 81.

Ibn-Tâkît, II, 260.

Ibn-Tofail, I, 279.

Ibn-Tomlos, III, 98, 102, 125.

Ibn-Waddhâh, seigneur de Lorca, II, 259.

Ibn-Yahyâ, seigneur de Niébla, IV, 81 et suiv.

Ibn-al-Yasa, seigneur de Lorca, IV, 211.

Ibn-Zaidoun (Abou-Becr), IV, 176, 185, 186, 191, 200.

Ibn-Zaidoun (Abou-’l-Walîd), IV, 216.

Ibn-Zobair. Voyez Abdallâh ibn-Zobair.

Ibn-Zohr Abou-’l-Alâ, IV, 276.

Ibrâhîm, général de Mokhtâr, I, 160.

Ibrâhîm ibn-Câsim, II, 306.

Ibrâhîm ibn-Edrîs, III, 203.

Ibrâhîm ibn-Haddjâdj, II, 255, 257 et suiv., 298 et suiv., 321.

Ibrâhîm ibn-Khamîr, II, 265, 266.

Idrîs, II, 76.

Idrîs Ier, III, 331, 332; IV, 24, 50, 58.

Idrîs II, IV, 59 et suiv., 66.

Idrîs III, IV, 66.

Ildje, dans le sens de renégat, I, 338, note 1.

Imâd-ad-daula, roi de Saragosse, IV, 246, 247, 248 dans la note.

Isâ, vizir de Rachîd, IV, 185.

Isâ, client omaiyade, I, 333 et suiv.

Isâ ibn-Dînâr, II, 60, 61.

Isâ, fils de Moçab, I, 167.

Isaäc, moine, II, 130 et suiv.

Ishâc ibn-Ibrâhîm, II, 330.

Ishâc ibn-Mohammed, seigneur de Carmona, IV, 80, 82.

Ishâc Maucilî, II, 89 et suiv.

Isidore de Béja, II, 42.

Isidore (saint) de Péluse, II, 22.

Isidore (saint) de Séville, II, 22, 23; IV, 121 et suiv.

Ismaëliens (les), III, 4 et suiv.

Ismâîl, fils de Djafar le Véridique, III, 4.

Ismâîl, père d’Abou-’l-Câsim Mohammed l’Abbâdide, IV, 10.

Ismâîl, fils d’Abou-’l-Câsim Mohammed, IV, 15, 16, 23, 24, 50, 51.

Ismâîl, fils de Motadhid, IV, 82, 103 et suiv.

Ismâîl ibn-Dhî-’n-noun, IV, 20.

Ismâîl, fils d’Obaidallâh, I, 241.

Itâf, fils de Noaim, IV, 10.

Itimâd. Voyez Romaiquia.

Izz-ad-daula, fils de Motacim, IV, 243.


J.

Jean, marchand de Cordoue, II, 128 et suiv.

Jérémie, moine, II, 130, 131, 133.

José-Maria, II, 178, 179.

Joseph, fils de Samuel ha-Lévi, IV, 112 et suiv.

Joseph, frère d’Euloge, II, 113.

Juifs (persécutions des) par les Visigoths, II, 26 et suiv.

Jules (le fils de), II, 163.

Julien, gouverneur de Ceuta, II, 31, 32.


K.

Kelbites (les), I, 120.

Ketâmiens (les), III, 13 et suiv.

Khair ibn-Châkir, II, 262, 276, 277.

Khairân, III, 298, 299, 302, 315 et suiv., 322, 323,
    326 et suiv., 331, 343, 358, 359; IV, 4.

Khalaf. Voyez Hichâm II (le pseudo-).

Khalaf, trésorier d’Omar ibn-Hafçoun, II, 307.

Khalaf ibn-Becr, II, 347, 348.

Khâlid, I, 33.

Khâlid, secrétaire de Yousof le Fihrite, I, 330, 333 et suiv., 357.

Khâlid ibn-Abdallâh ibn-Asîd, I, 193 et suiv.

Khâlid ibn-Khaldoun, II, 298, 301, 303, 304.

Khâlid le Fihrite, I, 242, 243, 245.

Khâlid, fils de Yézîd Ier, I, 124, 132, 174.

Khalîl, II, 260.

Kharâdj (le), impôt sur les productions, II, 41.

Khazradj (les), tribu, I, 23 et suiv.

Khorramîa (les), secte, III, 7.


L.

Lacant, I, 358.

Lago de la Janda, II, 33.

Lât, idole, I, 28, 30.

Léocritia, II, 170, 171, 173.

Léon (royaume de), son origine et son histoire, III, 21 et suiv.

Léon III, pape, III, 229.

Léovigild, surnommé Abadsolomes, II, 167, 168.

Lope, fils de Mohammed ibn-Lope, II, 318, 319.

Lope, fils de Mousâ II, II, 182.

Lucéna (juifs de), IV, 255.

Lugo (meurtres commis à) par les Suèves, II, 15.

Luna, IV, 153.


M.

Maäddites (les), I, 23, 114 et suiv.

Mabramân ibn-Yézîd, III, 248.

Mahdî (le). Voyez Ahmed ibn-Moâwia.

Mahdî, cousin de Coraib ibn-Khaldoun, II, 243, 258.

Mahdî (Mohammed), III, 271 et suiv.; IV, 78.

Mahomet, I, 18 et suiv.
  Son opinion sur la noblesse, I, 39, 40.
  Opinions des chrétiens de Cordoue sur sa vie
    et sa doctrine, II, 106 et suiv.

Maisara, chef des non-conformistes, I, 241 et suiv.

Maisara, renégat, II, 99.

Maisour, III, 133.

Makil, fils de Sinân, I, 101, 105, 106.

Malego, au lieu de Lamego, III, 234, note 1.

Mâlic ibn-Anas, II, 56 et suiv.

Mâlic, fils de Bahdal, I, 120.

Mâlic, fils de Hobaira, I, 132.

Mâlic, fils de Motamid, IV, 241.

Mâlic ibn-Wohaib, IV, 252.

Mallâhî, II, 260.

Mamoun, II, 76.

Mamoun, roi de Tolède, IV, 119, 127, 155 et suiv.

Mancio, II, 168.

Mançour, musicien, II, 93.

Manzil-Hânî, III, 279.

Marguérite (la), forteresse, II, 262.

Marie, religieuse, II, 143 et suiv.

Marthad, roi du Yémen, I, 20.

Masarrîa (les), III, 261.

Maslama, fils d’Abdalmélic, I, 164.

Maslama, frère du calife Hichâm, I, 302, 303, 305.

Maslama, frère de Solaimân de Sidona, II, 299.

Masone, évêque de Mérida, II, 21, 44, note 1.

Matarî, I, 368, 369.

Meççâla, III, 38, 39, 49.

Medinaceli, rebâti, III, 72.

Medina Sidonia, prise par les musulmans, II, 37.

Mérida, prise par les musulmans, II, 37, 40.
  (Révolte de) contre Hacam Ier, II, 62, contre Abdérame II, II, 96.

Merwân Ier, I, 45, 51, 52, 94, 99, 107, 129 et suiv.

Merwân II, I, 297.

Merwân (des Beni-Hodair), III, 309.

Micdam ibn-Moâfâ, II, 296.

Migetius, II, 355.

Miron, III, 104, 105.

Moâdh ibn-abî-Corra, IV, 90 et suiv.

Moammil, IV, 228, 229, 232.

Moâwia, fils d’Abou-Sofyân, I, 46, 55 et suiv.

Moâwia II, I, 122, 123.

Moçab, I, 383.

Moçab, frère d’Abdallâh ibn-Zobair, I, 162, 163, 167.

Mocâtil el Royo, IV, 228.

Moçhafî, III, 118, 130 et suiv.

Moctadir, roi de Saragosse, IV, 126, 181, 182, 262.

Modhaffar. Voyez Abdalmélic, fils d’Almanzor.

Modhaffar, roi de Badajoz, IV, 15, 16, 81 et suiv.

Modhaffar, seigneur de Lérida, IV, 181.

Modharites (les), I, 114.

Modjéhid, III, 358, 359; IV, 4, 21, 47, 48.

Moghîra l’Omaiyade, I, 385.

Moghîra, frère de Hacam II, III, 136, 138 et suiv.

Moghîth, I, 215.

Moghîth, client des Omaiyades, I, 245, 247, 248.

Mohallab, I, 155, 162, 168, 193 et suiv.

Mohammed Ier, II, 126, 150, 152 et suiv.

Mohammed II, III, 352 et suiv.

Mohammed Ier, prince de Malaga, IV, 63 et suiv., 81.

Mohammed, le douzième imâm, III, 12.

Mohammed (de Tolède), III, 293.

Mohammed (Mahdî). Voyez Mahdî.

Mohammed ibn-Abbâd. Voyez Motamid.

Mohammed ibn-Abbâs, IV, 5.

Mohammed, fils du sultan Abdallâh, II, 242, 244, 246
    et suiv., 320, 328.

Mohammed ibn-Abdallâh, seigneur de Carmona, IV, 13, 15, 17, 21,
    22 et suiv., 37, 47, 50, 80.

Mohammed ibn-Adhhâ. Voyez Ibn-Adhhâ.

Mohammed ibn-Aflah, III, 119, 120.

Mohammed ibn-Angelino, II, 240 et suiv., 246 et suiv.

Mohammed ibn-Câsim, I, 211, 216.

Mohammed ibn-Ghâlib, II, 239 et suiv., 244, 245.

Mohammed ibn-Hâchim le Todjîbite, III, 52 et suiv., 63.

Mohammed le Hammoudite, prince d’Algéziras, IV, 24, 59, 66, 81.

Mohammed ibn-Hosain, III, 75.

Mohammed, fils d’Ibrâhîm ibn-Haddjâdj, II, 331 et suiv., 338.

Mohammed ibn-al-Irâkî, III, 334 et suiv.

Mohammed ibn-Ismâîl, secrétaire d’Ibn-abî-Amir, III, 169.

Mohammed ibn-Khazer, III, 49.

Mohammed, fils de Lope, II, 197, 318; III, 42.

Mohammed, fils de Martin, IV, 157 et suiv.

Mohammed ibn-Maslama, III, 169.

Mohammed-Moçhafî, III, 157.

Mohammed Modhaffar. Voyez ce dernier nom.

Mohammed ibn-Mousâ, II, 154 et suiv.

Mohammed, fils de Saîd ibn-Hâroun, IV, 87.

Mohammed ibn-as-Salîm, III, 114, 117, 118, 142, 172, note 1.

Mohammed ibn-Wasîm, II, 98.

Mohammed ibn-Yarîm, IV, 12, 14.

Mohammed ibn-Yilâ, III, 277.

Mohammed ibn-Zîrî, IV, 7, 8.

Moïzz, calife fatimide, III, 15, note 2, 76, 77, 124.

Mokhtâr, I, 158 et suiv., 277.

Mola, forteresse, III, 155.

Mondhir III, roi de Hîra, I, 21.

Mondhir (de Saragosse), III, 323, 326 et suiv.; IV, 4, 49.

Mondhir, fils de Mohammed Ier, II, 164, 185, 200, 201 et suiv.

Mondhir ibn-Saîd Bolloutî, III, 117, note 2.

Monfatil, poète, IV, 31.

Monteagudo, forteresse près de Murcie, IV, 177.

Monteagudo, forteresse près de Xerez, II, 300.

Montemayor, château, IV, 278.

Monte-sacro, II, 212, 215.

Monte-Salud, II, 185.

Montexicar, II, 212.

Moslim, fils d’Ocba, I, 97 et suiv., 126.

Monousa, I, 256; III, 23.

Mosailima, I, 33.

Mostaîn, roi de Saragosse, IV, 203, 246.

Motacim, roi d’Almérie, IV, 116, 202, 214, 219, 220, 221 et suiv.

Motadd, fils de Motamid, IV, 212, 242, 243.

Motadhid Abbâd, IV, 14, 68 et suiv., 128 et suiv.

Motamid, IV, 86, 87, 108 et suiv., 130, 133 et suiv.

Motanabbî, IV, 204, note 1.

Motarrif (des Beni-Hâchim), III, 54.

Motarrif, seigneur d’Huete, II, 260.

Motarrif, fils du sultan Abdallâh, II, 294, 299 et suiv., 320.

Motarrif, fils de Hichâm, II, 258.

Motawakkil, roi de Badajoz, IV, 190, 199, 203, 232 et suiv., 243 et suiv.

Mousâ II, II, 182.

Mousâ, de Tolède, II, 164.

Mousâ, des Beni-Dhou-’n-noun, II, 260.

Mousâ, fils de Djafar le Véridique, III, 4.

Mousâ ibn-Noçair, I, 196, 197, 211, 214, 216 et suiv.;
    II, 31 et suiv.; IV, 12.

Moutamin, roi de Saragosse, IV, 181, 182, 262.

Mowallad (les). Voyez Renégats.

Mozaina, tribu, I, 110.

Muets (les), II, 68.

Mulets. On s’en servait ordinairement au lieu de chevaux, même
    dans les batailles, I, 349.

Mutonia (bataille de), III, 40.


N.

Nâbil, II, 212.

Naçr, eunuque, II, 96, 122, 124, 126 et suiv.

Nadjâ, IV, 58 et suiv.

Nadjda le Slave, III, 62, 63.

Nafdoura ou Bacdoura (bataille de), I, 246 et suiv.

Nâfi, fils d’Azrac, I, 149, 151.

Nafza ou Nefza, tribu, I, 308; II, 260; III, 27, note 2.

Nécour, ville, III, 36.

Nedjrân (chrétiens de), I, 23.

Nicéphore, IV, 204, note 1.

Nibar (bataille de), IV, 197.

Nizârites (les), I, 114.

Nomân, fils de Bachîr, I, 76, 82, 83, 96, 97, 124.

Non-conformistes (les), I, 64, 142 et suiv.
  Influence de leurs doctrines en Afrique, I, 238 et suiv.,
  et en Espagne, I, 257.


O.

Obaid le Kilâbite, I, 293, 333 et suiv., 351.

Obaida le Caisite, I, 219, 220 et suiv.

Obaidallâh, calife fatimide, II, 324; III, 14 et suiv.

Obaidallâh, cousin germain de Hacam Ier, II, 73, 74.

Obaidallâh, client omaiyade, I, 310 et suiv., 349, 356, 357, 384.

Obaidallâh le Caisite, gouverneur de l’Afrique, I, 230 et suiv.

Obaidallâh ibn-Abî-Abda, II, 280, 281, 289, 308 et suiv.; III, 34, 35, 40.

Obaidallâh ibn-Câsim, métropolitain de Tolède, III, 98, 103.

Obaidallâh, fils de Mahdî, III, 302.

Obaidallâh, fils de Motacim, IV, 232, 233.

Obaidallâh, fils de Ziyâd, I, 76 et suiv., 141, 145, 147, 390, 391.

Obaidîs, poète, II, 262.

Ocba, père de Walîd, I, 48.

Ocba, fils de Haddjâdj, I, 231 et suiv., 242, 253.

Ocba ibn-Nâfi, I, 236.

Ocsonoba, II, 261.

Odilard, II, 166 et suiv.

Ohaimir (al-), II, 277.

Omaiya, III, 367 et suiv.

Omaiya, prince, II, 98.

Omaiya, frère de Djad, II, 245, 247 et suiv., 253, 255 et suiv.

Omaiya ibn-Abdallâh ibn-Asîd, I, 196.

Omaiya, fils d’Abdalmélic ibn-Catan, I, 262, 268.

Omaiya ibn-Ishâc, III, 56, 57.

Omair, général caisite, I, 162.

Omair le Lakhmite, II, 234, 235.

Omair, fils de Hobâb, I, 137.

Omar Ier, calife, I, 29, 32, 36, 41, 44; II, 50.

Omar II, calife, I, 37, 218, 237.

Omar, fils de Gomez, II, 161, note 1.

Omar ibn-Hafçoun, II, 191 et suiv., 224, 225, 227, 263 et suiv.

Omm-Othmân, épouse de Yousof le Fihrite, I, 329, 352.

Oppas, frère de Witiza, II, 36.

Orch, I, 333.

Ordoño Ier, II, 162.

Ordoño II, III, 33 et suiv., 64.

Ordoño III, III, 72, 73 et suiv.

Ordoño IV, III, 81, 88, 89, 96 et suiv.

Ordoño, évêque d’Astorga, IV, 120 et suiv.

Orose (Paul), II, 16, 17.

Orvigo (bataille de l’), II, 14.

Othmân, le calife, I, 40 et suiv.

Othmân, cousin germain de Yézîd Ier et gouverneur de Médine, I, 90, 92.

Othmân, général des troupes de Baçra, I, 152, 153.

Othmân-Moçhafî, III, 159, 168.

Otton Ier. Jugement d’Abdérame III sur sa politique, III, 58.

Oyaina, chef des Fazâra, I, 42.


P.

Palencia prise et ravagée par les Visigoths, II, 14.

Pampelune (campagne de), III, 47.

Pancorvo (bataille de), II, 197.

Paterna (bataille de), IV, 125.

Paul, martyr à Cordoue, II, 134.

Pélage, III, 22, 23.

Perfectus, prêtre, II, 120 et suiv.

Perle (la), IV, 153.

Philosophie (étude de la) dans l’Espagne musulmane, III, 18
    et suiv., 109, 261 et suiv.

_Pierre Sèche._ Voyez Abdallâh _Pierre Sèche_.

Pinna-Mellaria, cloître, II, 167.

Polei, forteresse, II, 269. (Bataille de), II, 279 et suiv.

Portilla de Arenas (bataille de), III, 195.


R.

Rachîd, fils de Motamid, I, 169, 172, 184, 185, 199, 239, 241, 242, 273.

Râdhî, fils de Motamid, IV, 183, 201, 211, 212, 233, 242, 243.

Rahîcî, II, 282.

Râhit (bataille de la prairie de), I, 134 et suiv., 347, 348, 391; II, 284.

Ramadhân, confondu avec Redjeb, IV, 296.

Ramâdî, poète, III, 172 et suiv.

Ramire II, III, 50 et suiv., 70 et suiv.

Ramire III, III, 106, 191, 195, 196.

Raudh al-mitâr. Jugement sur ce livre, IV, 291, 292.

Raymond de Barcelone, III, 295, 323.

Raymond-Bérenger II, IV, 168 et suiv.

Reccafred, II, 139, 142.

Reccared, II, 20.

Redjeb, confondu avec Ramadhân, IV, 296.

Réfugiés (les), I, 27, 41.

Regio (serrania de).
  Sa population, II, 176 et suiv.
  Révolte de cette province, II, 188 et suiv.

Rékeswinth, II, 20, 21, note 4.

Renégats (les), II, 50 et suiv.

Richard Ier, duc de Normandie, III, 107.

Rizc-allâh, IV, 65.

Rocadillo (torre del), II, 353.

Rocher des aigles, III, 126.

Roderic, II, 31 et suiv.

Rodrigue le Campéador (le Cid), I, 155; IV, 212, 245.

Rodrigue Velasquez, III, 105, 235, note 1.

Romaic, IV, 140.

Romaiquia, IV, 140 et suiv., 179, 235, 242, 276.

Roncevaux, I, 379, 380.

Rotland, I, 380.

Royol (el), II, 277.

Rueda (bataille de la), III, 191.


S.

Sabarico, II, 233, note 3.

Sâbic, I, 361, 362.

Sacralias (bataille de), IV, 203 et suiv.

Sacaute, IV, 65, 101, 129.

Sad, officier d’Almanzor, III, 212, 213.

Sad, fils de Djauwâs, I, 221, 273, 391.

Sad ibn-Obâda, I, 270, 271.

Sadoun, eunuque, II, 152 et suiv.

Sadoun, renégat, II, 184, 185.

Saîd, II, 260.

Saîd II, prince de Nécour, III, 37, 38.

Saîd l’Ismaëlien. Voyez Obaidallâh.

Saîd, de la tribu de Fazâra, I, 183, 187, 191.

Saîd ibn-Bahdal, I, 123.

Saîd ibn-Djoudî, II, 216, 222, 225, 226 et suiv., 293, 294, 295.

Saîd ibn-Hâroun, IV, 86.

Saîd ibn-Hodhail, II, 262, 330, 356.

Saîd ibn-Mondhir, II, 349; III, 309.

Saîd, fils de Mosaiyab, I, 105, 110.

Saif-ad-daula, seigneur de Rueda, IV, 248 dans la note, 267.

Saint-Jacques-de-Compostelle (campagne de), III, 228 et suiv.

Saint-Germain-des-Prés, II, 166, 168.

Saint-Vincent (église de) à Cordoue, I, 48.

Sâlim, affranchi, I, 302, 309.

Salvien de Marseille, II, 16, 18.

Samh, II, 39.

Samson, abbé, II, 268.

Samuel, évêque d’Elvira, II, 210.

Samuel ha-Lévi, IV, 27 et suiv., 45, 46, 98 et suiv., 112.

Samuel (II, 305). Voyez Omar ibn-Hafçoun.

Sancho, roi de Léon, III, 70, 73 et suiv., 78 et suiv., 95 et suiv.

Sancho-le-Grand, roi de Navarre, III, 30, 40, 42 et suiv.

Sancho, fils d’Ordoño II, III, 47, 48, 50.

Sancho, comte de Castille, III, 213, 214, 290 et suiv., 302, 303.

Sancho, martyr à Cordoue, II, 133.

Sanchol. Voyez Abdérame, fils d’Almanzor.

San Estevan, forteresse, II, 262.

Santa-Maria (d’Algarve), II, 261.

Sara, petite-fille de Witiza, II, 234.

Saül, évêque de Cordoue, II, 140, 143, 149, 167.

Sauwâr, II, 214 et suiv., 262.

Secunda (bataille de), I, 286 et suiv.

Sened (le), II, 243.

Servando, II, 267 et suiv.

Séville, prise par les musulmans, II, 37.
  Son histoire sous le règne d’Abdallâh, II, 232 et suiv., 298 et suiv.,
  dans la première moitié du onzième siècle, IV, 7 et suiv.

Sidoine Apollinaire, II, 17.

Sierra de Tirieza, IV, 224.

Siete Filla, château, II, 252.

Siete Torres, village, II, 239.

Simancas (bataille de), III, 62, 63.

Sindola, II, 161, 162.

Sîr ibn-abî-Becr, IV, 237, 240, 244.

Sirâdj-ad-daula, fils d’Alî de Dénia, IV, 182.

Sisenand, IV, 13, note 1.

Sisenand, martyr à Cordoue, II, 134.

Slave (le). Voyez Abdérame ibn-Habîb le Fihrite.

Slaves (les), III, 59 et suiv., 260, note 3.

Soair le Kelbite, I, 190, 191.

Socr, III, 146.

Solaimân, le calife, I, 213, 215 et suiv.

Solaimân Mostaîn, III, 288 et suiv.

Solaimân, seigneur de Lebrija, II, 243.

Solaimân, de Sidona, II, 298, 301.

Solaimân, fils d’Abdérame Ier, I, 299.

Solaimân, fils d’Abdérame III, III, 286, 287.

Solaimân, fils d’Abdérame IV, III, 334 et suiv.

Solaimân ibn-Houd, III, 328, 329.

Solaimân, fils d’Omar ibn-Hafçoun, II, 340, 342.

Somaisir, poète, IV, 218.

Sontebria, ville, I, 372.

Spera-in-Deo, II, 113.

Suèves (les), II, 12 et suiv.


T.

Tabanos, cloître, II, 130, 164.

Tâ-Corona, I, 343, note 2.

Talha, I, 40, 51, 53, 54, 55.

Taliares, défilé, III, 231.

Tâlib ibn-Mauloud, II, 300.

Tâlout, II, 79 et suiv.

Talyâta, village, II, 237.

Tamâchecca, II, 239, 252.

Tammâm Abou-Ghâlib, I, 323, 368.

Tarafa, poète, I, 22.

Târic ibn-Ziyâd, I, 215; II, 32 et suiv.

Tarîf (Abou-Zora), II, 32.

Taroub, II, 96, 126, 151.

Téchoufîn l’Almoravide, IV, 248.

Temîm, roi de Malaga, IV, 199, note 2, 202, 214, 234, 270.

Témîmites (les), c’est-à-dire les Maäddites dans le Khorâsân, I, 119.

Thakîf (les), tribu, I, 341;
  leur conversion à l’islamisme, I, 28 et suiv.

Thalaba, I, 244, 265 et suiv.

Thalaba le Djodhâmite, I, 354.

Théodemir, II, 40; III, 198.

Théodemir, martyr à Cordoue, II, 134.

Théodemir, évêque d’Iria, III, 228.

Thoâba, I, 279 et suiv.

Tirieza (Sierra de), IV, 224.

Todjîbî, trésorier du sultan Abdallâh, II, 312.

Tolaiha, I, 33.

Tolède, prise par les musulmans, II, 36.
  (Révolte de) contre Hacam Ier, II, 62 et suiv., 97,
  contre Abdérame II, II, 97, 98 et suiv.,
  contre Mohammed Ier, II, 161 et suiv., 181;
  assiégée et prise par Abdérame III, II, 348 et suiv.

Torreximeno, I, 344, note 1.

Torrox, château entre Iznajar et Loja, I, 324.

Torrox, château des Beni-Abî-Amir, III, 114.

Tota, reine de Navarre, III, 53, 57, 62, 73, 82 et suiv.


U.

Usuard, II, 166 et suiv.

Urraque, épouse de Ramire II, III, 73.

Urraque, fille de Ferdinand Gonzalez, III, 72, 82.


V.

Val de Junquera (bataille de), III, 43, 44, 45.

Valadares, district, III, 230, note 2.

Valentius, évêque de Cordoue, II, 268.

Verdun (manufacture d’eunuques à), III, 60.

Vérinien, II, 10.

Villanova des Bahrites, I, 345.

Ville (bataille de la), II, 222.

Vincent (saint), reliques de ce martyr, II, 166.

Visigoths (les), II, 14, 15.


W.

Wâdhih, III, 227, 235, 236, 282, 284, 290 et suiv.

Wâdî-Becca (bataille du), II, 34, 35.

Wâdî-Cais, I, 374, note 1.

Wâdî-Charanba (la Jarama), I, 327.

Wadjîh, I. 384.

Wahabites (les), I, 37, 38, 41.

Wahb, fils d’Amir le Coraichite, I, 325.

Walîd Ier, I, 211 et suiv.; II, 32.

Walîd II, I, 306, 307.
  Ses fils, _ibid._

Walîd, frère utérin d’Othmân, I, 48 et suiv.

Walîd, frère d’Abdérame Ier, I, 387.

Walîd, frère d’Abdérame II, II, 100.

Walîd, petit-fils d’Abou-Sofyân, I, 124.

Walîd ibn-Khaizorân, III, 98, 99, 103.

Wallâda, IV, 140, 216.

Wamba, II, 29.

Wânzemâr, III, 185, 186.

Wiliésind, II, 146.

Wistremir, II, 161, 165.

Witiza, II, 33.

Wittekind, I, 377, 379.


X.

Ximena, nom de ville, son origine, I, 344.


Y.

Yahyâ, prince d’Ocsonoba, II, 261.

Yahyâ le Kelbite, I, 227.

Yahyâ, frère d’Abdérame Ier, I, 298.

Yahyâ, fils d’Alî ibn-Hamdoun, III, 130.

Yahyâ ibn-Alî le Hammoudite, III, 326, 330 et suiv., 356, 358; IV, 13,
17, 22 et suiv., 289.

Yahyâ, fils d’Anatole, II, 305.

Yahyâ ibn-Çocâla, II, 212.

Yahyâ, fils d’Idrîs Ier, IV, 58.

Yahyâ, fils d’Isaäc le chrétien, III, 115.

Yahyâ ibn-Mohammed Todjîbî, III, 105, 128, 130, 131.

Yahyâ, fils de Mousâ, II, 260.

Yahyâ-Simédja, III, 211.

Yahyâ ibn-Yahyâ, II, 57 et suiv., 69, 79, 88, 89, 107.

Yaîch, roi de Tolède, IV, 4.

Yaumîn, hameau, IV, 10.

Yazîr, IV, 49.

Yéménites (les), I, 23, 114 et suiv., 225 et suiv.

Yézîd Ier, I, 72 et suiv.

Yézîd II, I, 216, 218.

Yézîd ibn-abî-Moslim, I, 216, 229.

Yézîd, fils de Mohallab, I, 211 et suiv., 216, 226.

Yousof le Fihrite, I, 284 et suiv.

Yousof ibn-Basîl, II, 154.

Yousof ibn-Bokht, I, 310.

Yousof ibn-Téchoufîn, IV, 199 et suiv.


Z.

Zabrâ, maîtresse d’Ahnaf, I, 139.

Zadulpho, II, 261.

Zâhir, château, IV, 105.

Zâhira, ville, bâtie par Almanzor, III, 179.

Zahrâ, III, 92.

Zaid, affranchi, I, 336.

Zalal ibn-Yaîch, III, 29.

Zallâca (bataille de), IV, 203 et suiv., 292 et suiv.

Zamora, rebâtie, III, 27.

Zarcâ (fils de), I, 190.

Zâwî, III, 285, 288 et suiv., 317, 318, 326 et suiv; IV, 4.

Zîrî, père de Zâwî, III, 318.

Zîrî ibn-Atîa, vice-roi de la Mauritanie, III, 222 et suiv., 236, 237.

Ziryâb, II, 89 et suiv.

Ziyâd, frère bâtard de Moâwia, I, 75.

Ziyâd ibn-Aflah, III, 137, 172 et suiv.

Zobaidî, III, 176, 177; IV, 12, 14.

Zobair, I, 40, 51, 53, 54, 55.

Zofar, I, 123, 133, 134, 137, 163 et suiv., 184.

Zohair, III, 329; IV, 4, 19, 25, 37 et suiv.


erreurs corrigées:

elle voudrait montrer encore=> elle voudrait monter encore {pg 35}

que j’ai blié=> que j’ai publié {pg 103 (note 98)}

homms de cœur=> homme de cœur {pg 227}

sous a domination des barbares=> sous la domination des barbares {pg
288}

       *       *       *       *       *


NOTES:

[1] Jusque-là Elvira avait été la capitale de cette province, mais cette
ville ayant eu fort à souffrir de la guerre civile, ses habitants
émigrèrent vers l’année 1010, et se transportèrent à Grenade.

[2] Son père était l’infortuné Abdérame-Sanchol.

[3] Ibn-Haiyân, _apud_ Ibn-Bassâm, t. I, fol. 157 r. et v.;
Abd-al-wâhid, p. 42, 43.

[4] Ibn-Haiyân, _apud_ Ibn-Bassâm, t. I, fol. 129 r.; _Abbad._, t. II,
p. 32, 208 etc.

[5] _Abbad._, t. I, p. 221.

[6] _Abbad._, t. I, p. 220. Cf. Caussin, t. III, p. 212, 422.

[7] Abbâd était le trisaïeul d’Ismâîl.

[8] _Abbad._, t. I, p. 220, 381 et suiv.; t. II, p. 173.

[9] _Abbad._, t. I, p. 221.

[10] Abd-al-wâhid, p. 65; _Abbad._, t. I, p. 221.

[11] _Abbad._, t. I, p. 221.

[12] Les Espagnols et les Portugais substituent ordinairement la lettre
_f_ à la gutturale arabe _kh_. Voyez mon Glossaire sur Ibn-Adhârî, p.
23.--Au reste, on se rappellera que sur la rive droite du Rhin, près de
Caub, il y a aussi deux châteaux, Liebenstein et Sternberg, que l’on
appelle _les frères_ (_die Brüder_).

[13] La conquête de Viseu par Mousâ est mentionnée par Maccarî, t. I, p.
174.

[14] Sisenand, dont parle le moine de Silos (c. 90) et qui, après avoir
quitté le service de Motadhid pour celui de Ferdinand Ier, devint
gouverneur de Coïmbre, était, selon toute apparence, un de ces chrétiens
d’Alafoens.

[15] _Abbad._, t. II, p. 7. L’auteur arabe raconte ceci en parlant de
Motadhid, le fils du cadi, mais en ce point il se trompe.

[16] _Abbad._, t. II, p. 216. L’auteur arabe (Ibn-Khaldoun), au lieu de
nommer le cadi, nomme ici par erreur son fils Motadhid.

[17] Il alla d’abord à Cairawân, puis à Almérie, où il devint cadi.
Voyez _Abbad._, t. I, p. 234, note 49.

[18] _Abbad._, t. I, p. 223.

[19] _Abbad._, t. I, p. 223--225. Ibn-Khaldoun (_Abbad._, t. II. p. 209,
216) dit aussi quelques mots de ces événements, mais au lieu de nommer
le cadi, il nomme son fils Motadhid.

[20] Ibn-Haiyân, _apud_ Ibn-Bassâm, t. I, fol. 81 r. et v., 82 r.

[21] Abd-al-wâhid, p. 37, 38; _Abbad._, t. I, p. 222, l. 22.

[22] _Abbad._, t. II, p. 127, 128.

[23] _Abbad._, t. II, p. 34.

[24] _Abbad._, t. I, p. 222; t. II, p. 34.

[25] _Abbad._, t. II, p. 34.

[26] _Abbad._, t. I, p. 222.

[27] Ibn-Haiyân, _apud_ Ibn-Bassâm, t. I, fol. 81 r. et v.

[28] _Abbad._, t. II, p. 34.

[29] _Abbad._, t. I, p. 222; t. II, p. 34. Sur la date, voyez la note A
à la fin de ce volume.

[30] Ibn-Haiyân, _apud_ Ibn-Bassâm, t. I, fol. 81 r.-82 r.;
Abd-al-wâhid, p. 38, 43; _Abbad._, t. II, p. 33. Comparez la note A à la
fin de ce volume.

[31] Abd-al-wâhid, p. 43, 45.

[32] Ibn-Khaldoun, fol. 25 v.

[33] Ibn-Khaldoun, fol. 22 v. Comparez la lettre que Zohair fit écrire
aux Cordouans par son ministre Ibn-Abbâs, _apud_ Ibn-Bassâm, t. I, fol.
170 r. et v.

[34] _Abbad._, t. II, p. 34.

[35] _Journal asiat._, IVe série, t. XVI, p. 203-205 (article de M.
Munk).

[36] _Cronica del Moro Rasis_, p. 37.

[37] Ibn-Haiyân, _apud_ Ibn-Bassâm, t. I, fol. 122 r.

[38] Voyez mon Introduction à la Chronique d’Ibn-Adhârî, p. 97.

[39] _Ibid._, p. 96, 97.

[40] _Journ. asiat._, p. 209, dans la note.

[41] Ibn-Bassâm, t. I, fol. 200 r.

[42] _Journ. asiat._, p. 222-224.

[43] _Journ. asiat._, p. 209.

[44] Voyez mon Introduction à la Chronique d’Ibn-Adhârî, p. 96, 97.

[45] Cinq millions de francs; au pouvoir actuel de l’argent, trente-cinq
millions.

[46] Moïse ben-Ezra (dans le _Journ. asiat._, p. 212, note) l’appelle
Ibn-abî-Mousâ. Tel est en effet le nom que Homaidî donne au vizir
Ibn-Bacanna, et c’est à tort que le copiste du man. d’Abd-al-wâhid
(voyez mon édition de cet auteur, p. 43) a biffé le mot _abî_, qu’il
avait écrit d’abord.

[47] _Abbad._, t. II, p. 34.

[48] _Journ. asiat._, p. 206-208.

[49] Ibn-Haiyân, _apud_ Ibn-Bassâm, t. I, fol. 171 r.-175 r.;
Ibn-al-Khatîb, man. G., fol. 134 v., 135 r. (article sur Zohair), 51
v.-52 v. (article sur Abou-Djafar Ahmed ibn-Abbâs al-Ançârî); Maccarî,
t. II, p. 359, 360; _Abbad._, t. II, p. 34.

[50] Voyez Moïse ben-Ezra, cité par M. Munk dans le _Journ. asiat._, p.
212. Dans ce passage il faut prononcer _onchida_, au passif, et non
_anchada_, à l’actif, comme l’a fait M. Munk.

[51] Voyez mes _Recherches_, t. I, p. 245.

[52] Voyez _Abbad._, t. I, p. 51.

[53] Voyez sur Abou-’l-Fotouh Thâbit ibn-Mohammed al-Djordjânî, outre
l’article d’Ibn-al-Khatîb, ceux que lui ont consacrés Soyoutî, dans son
Dictionnaire biographique des grammairiens, et Homaidî. Comparez aussi
l’article sur Modjéhid, dans Dhabbî (man. de la Société asiatique).

[54] Ibn-al-Khatîb, man. G., fol. 114 r. et v. (article sur
Abou-’l-Fotouh).

[55] Abd-al-wâhid, p. 44, 65; _Abbad._, t. II, p. 33, 34, 207, 217. Cf.
Ibn-al-Khatîb, fol. 114 v.

[56] Ibn-al-Khatîb, fol. 114 v.-115 v.

[57] Cette date se trouve chez Ibn-Bassâm, t. I, fol. 224 v.

[58] Cet endroit n’existe plus, à ce qu’il paraît.

[59] Abd-al-wâhid écrit ce nom _Sacât_, d’autres l’écrivent Sacout, ou,
d’après la prononciation des Arabes d’Espagne, _Sacôt_ (prononcez le
_t_). Je crois donc que la voyelle longue dans la seconde syllabe a un
son intermédiaire entre l’_â_ et l’_ô_. En français on peut rendre ce
son par la diphthongue _au_.

[60] D’après Ibn-Khaldoun, il alla à Comarès, mais j’ai cru devoir
suivre Homaidî.

[61] Voyez Ibn-al-Khatîb, man. G., fol. 107 v. (article sur Bologguîn,
fils de Bâdîs).

[62] Abd-al-wâhid, p. 45-49; Ibn-Khaldoun, fol. 22 v., 23 r.; Maccarî,
t. I, p. 132, 282-284.

[63] _Abbad._, t. II, p. 48; t. I, p. 245.

[64] _Abbad._, t. I, p. 245.

[65] _Abbad._, t. I, p. 243.

[66] Voyez _Abbad._, t. I, p. 243, et un poème de Motadhid, _ibid._, p.
53.

[67] _Abbad._, t. I, p. 244.

[68] _Abbad._, t. I, p. 243.

[69] Abd-al-wâhid, p. 68-70.

[70] Abd-al-wâhid, p. 67, 68.

[71] _Abbad._, t. I, p. 243, 244; Abd-al-wâhid, p. 67; Ibn-Bassâm, t. I,
fol. 109 r.

[72] _Abbad._, t. II, p. 52.

[73] _Abbad._, t. I, p. 242.

[74] _Abbad._, t. I, p. 251; t. II, p. 60.

[75] _Abbad._, t. II, p. 209, 216.

[76] Ibn-Haiyân, _apud_ Ibn-Bassâm, t. I, fol. 109 r. Ibn-Khaldoun
(_Abbad._, t. II, p. 216) donne à ce prince le nom d’al-Azîz. C’est une
erreur.

[77] _Abbad._, t. II, p. 211.

[78] _Abbad._, t. I, p. 247, 248.

[79] Ibn-Haiyân, apud Ibn-Bassâm, t. I, fol. 108 v., 109 r.; poème
d’Ibn-Zaidoun, _ibid._, fol. 99 v.

[80] _Abbad._, t. I, p. 248, 249.

[81] _Abbad._, t. I, p. 252.

[82] _Abbad._, t. I, p. 252, 253; Ibn-al-Abbâr, dans mes _Recherches_,
t. I, p. 286 de la 1re édition.

[83] Voyez Ibn-al-Abbâr, p. 50, 51.

[84] Voyez Ibn-Bassâm, t. II, dans l’article sur Ibn-Ammâr.

[85] Voyez une lettre sur la prise de Silves qui se trouve dans le
chapitre qu’Ibn-Khâcân, dans son _Calâyid_, a consacré à Abou-Mohammed
ibn-Abd-al-barr, et comparez la note B, à la fin de ce volume.

[86] _Abbad._, t. II, p. 123, 210, 211. La date que donne Ibn-Khaldoun
est erronée; j’ai indiqué celle qui se trouve chez Ibn-al-Abbâr.

[87] Un prince aghlabide avait fait mourir de la même manière plusieurs
de ses eunuques et de ses gardes dont il voulait se débarrasser. Voyez
Ibn-Adhârî, t. I, p. 127.

[88] Voyez _Abbad._, t. II, p. 14, l. 17.

[89] Voyez la note C, à la fin de ce volume.

[90] _Abbad._, t. I, p. 247.

[91] Ibn-Haiyân, dans mon Introduction à la Chronique d’Ibn-Adhârî, p.
86-88. A la page 86, l. 16, il faut lire: _wahadjara charâbaho alladhî
lâ çabra laho anho_.

[92] _Abbad._, t. II, p. 210.

[93] Abd-al-wâhid, p. 80; Ibn-Khâcân, _Calâyid_, t. I, p. 177 (article
sur Ibn-Ammâr).

[94] _Abbad._, t. II, p. 210.

[95] _Abbad._, t. I, p. 249; t. II, p. 207; Ibn-Khaldoun, fol. 23 r.

[96] C’est une sorte de voile qu’on porte sur la tête et sur les
épaules.

[97] _Abbad._, t. I, p. 250; t. II, p. 6; Abd-al-wâhid, p. 66 (cet
auteur se trompe dans la date).

[98] 455 de l’Hégire. C’est ainsi qu’il faut lire, avec le man. de M. de
Gayangos, dans le passage d’Ibn-Haiyân que j’ai publié _Abbad._, t. I,
p. 256.

[99] _Abbad._, t. I, p. 253-259.

[100] _Abbad._, t. I, p. 51-54, 301, 302; t. II, p. 60, 63-65.

[101] Voyez _Journ. asiat._, IVe série, t. XVI, p. 210, 217-220, mon
Introduction à la Chronique d’Ibn-Adhârî, p. 99-102, et mes
_Recherches_, t. I, p. 292-305. Quelques détails nouveaux m’ont été
fournis par Ibn-Bassâm, t. I, fol. 200 v.-201 v.

[102] Mon. Sil., c. 91-93; cf. _Chron. Compost._, p. 327.

[103] Le moine de Silos l’appelle _grandacous_.

[104] Comparez mes _Recherches_, t. I, p. 112.

[105] Dans un poème qu’il composa à l’heure où les croyants se rendaient
aux mosquées pour y assister à la prière du matin, il disait: «Il faut
boire au lever de l’aube, c’est un dogme religieux, et celui qui n’y
croit pas est un païen.» _Abbad._, t. I, p. 246.

[106] La relation de cette ambassade se trouve dans la chronique du
moine de Silos (c. 95-100), qui la tenait des compagnons mêmes
d’Alvitus.

[107] Mon. Sil., c. 87, 89, 90; _Chron. Compl._, p. 317, 318. Voyez sur
la date de la prise de Coïmbre, Ribeiro, _Dissertações chronologicas e
criticas_.

[108] Ibn-Bassâm, dernière feuille du man. de Gotha; Maccarî, t. I, p.
111, et t. II, p. 748, 749.

[109] Voyez mes _Recherches_, t. II, p. 355--374.

[110] Voyez les textes que j’ai publiés dans mes _Recherches_, t. II, p.
LI-LIV.

[111] Mon. Sil., c. 105, 106.

[112] _Abbad._, t. II, p. 216, 219, 220.

[113] _Abbad._, t. I, p. 251, 252; Abd-al-wâhid, p. 70.

[114] _Abbad._, t. II, p. 61, 62.

[115] Abd-al-wâhid, p. 79-81; _Abbad._, t. II, p. 88; Ibn-Bassâm, t. II,
fol. 98 v.

[116] Dans les campagnes de Silves, presque chaque paysan avait le
talent d’improviser; voyez Cazwînî, t. II, p. 364.

[117] Voyez le poème de Motamid sur Silves, que nous traduirons plus
loin.

[118] _Abbad._, t. I, p. 384.

[119] Abd-al-wâhid (p. 81, 82) raconte cette aventure avec les propres
paroles d’Ibn-Ammâr. Ibn-Bassâm (t. II, fol. 113 r. et v.) l’avait
entendu raconter à plusieurs vizirs de Séville, qui la tenaient de
Motamid. Voyez aussi _Abbad._, t. II, p. 120.

[120] _Abbad._, t. II, p. 151, 152; cf. p. 225, 226. Ce ne fut qu’après
son mariage que le jeune prince prit le titre de Motamid, formé de la
même racine que le mot Itimâd. Nous avons cru devoir le lui donner par
anticipation, mais auparavant il en portait d’autres; voyez _Abbad._, t.
II, p. 69, et comparez p. 61.

[121] Voyez _Abbad._, t. II, p. 234.

[122] El Conde Lucanor, c. 14.

[123] _Abbad._, t. II, p. 152, 153.

[124] _Abbad._, t. II, p. 151.

[125] _Abbad._, t. II, p. 68.

[126] _Abbad._, t. II, p. 88.

[127] Abd-al-wâhid, p. 77, 81. D’après une autre tradition (_Abbad._, t.
II, p. 105), Ibn-Ammâr serait revenu à la cour du vivant de Motadhid,
mais ce récit me paraît inexact.

[128] Abd-al-wâhid, p. 82.

[129] Il est à peine besoin de dire que le poète a ici en vue des
statues et des figures de lions.

[130] _Abbad._, t. I, p. 39, 84.

[131] Abd-al-wâhid, p. 80.

[132] Abd-al-wâhid, p. 82, 83.

[133] Voyez _Abbad._, t, II, p. 148.

[134] Abd-al-wâhid, p. 72; _Abbad._, t. II, p. 222.

[135] _Abbad._, t. II, p. 146.

[136] _Abbad._, t. Il, p. 224, 225.

[137] Abd-al-wâhid, p. 72.

[138] Voyez _Abbad._, t. I, p. 392.

[139] Abd-al-wâhid, p. 73; _Abbad._, t. II, p. 30.

[140] _Abbad._, t. I, p. 391.

[141] _Abbad._, t. I, p. 388.

[142] Ibn-Haiyân, _apud_ Ibn-Bassâm, t. I, fol. 158 v., 159 r.

[143] Ibn-Bassâm, t. I, fol. 159 r.-160 r.; Ibn-Haiyân, _ibid._, fol.
160 r. et v.; poème d’Ibn-al-Cacîra, _apud_ Ibn-al-Khatîb, man. P., fol.
51 r. et v.; Ibn-Khaldoun, fol. 25 v. Ce dernier auteur se trompe quand
il dit que la prise de Cordoue eut lieu en 461, car Ibn-Bassâm dit: vers
la fin de 462. C’est aussi à tort qu’il affirme qu’Abou-’l-Walîd était
déjà mort à cette époque; Abd-al-wâhid (p. 43) est tombé dans la même
erreur.

[144] _Abbad._, t. I, p. 46.

[145] _Abbad._, t, I, p. 322; Lucas de Tuy, p. 100.

[146] _Abbad._, t. I, p. 46-48, 322-324; t. II, p. 35, 122.

[147] _Abbad._, t. II, p. 16, 122 (cf. 68); Abd-al-wâhid, p. 90. D’après
Ibn-Khaldoun, dans son chapitre sur les Beni-Djahwar, Motamid aurait
repris Cordoue en 469 de l’Hégire; mais j’ai cru devoir suivre
Abd-al-wâhid, parce que cet auteur donne le jour du mois et de la
semaine.

[148] _Chron. Compost._, p. 327.

[149] Voyez _Abbad._, t. II, p. 89.

[150] Abd-al-wâhid, p. 83-85.--Vers l’an 1466, raconte Cascalès
(_Discursos históricos de Murcia_, fol. 118), Boabdil al-Zagal joua un
jour aux échecs avec don Pedro Fajardo, le gouverneur de Lorca. L’enjeu
de l’Espagnol était Lorca, et celui du Maure Almérie. Le dernier gagna
la partie, mais don Pedro Fajardo, moins loyal qu’Alphonse VI, lui fit
faux bond. Cascalès cite à ce sujet une ancienne romance.

[151] Voyez Ibn-al-Abbâr, p. 186-188.

[152] 471 de l’Hégire; _Abbad._, t. II, p. 93; Ibn-al-Abbâr, p. 186. La
date 474 (_Abbad._, t. II, p. 87) est erronée.

[153] _Abbad._, t. II, p. 86, 91--94.

[154] Voyez _Abbad._, t. II, p. 36.--Ce qu’on appelait alors le château
de Baldj, est peut-être Velez-Rubio.

[155] _Abbad._, t. II, p. 86, 87.

[156] C’était le fils du grand poète Abou-’l-Walîd ibn-Zaidoun.

[157] Ibn-al-Abbâr, p. 189.

[158] A une lieue de Murcie. Les ruines de l’ancien château existent
encore.

[159] Voyez _Abbad._, t. II, p. 87.

[160] Que ce soit Pierre ou Paul, dirions-nous.

[161] Motamid.

[162] Ibn-Ammâr.

[163] Ibn-Rachîc.

[164] En octobre 1081.

[165] _Abbad._, t. II, p. 103-119; Ibn-Bassâm, t. II, article sur
Ibn-Ammâr; Abd-al-wâhid, p. 85-90.

[166] Voyez _Abbad._, t. II, p. 20.

[167] _Abbad._, t. II, p. 17; chronique arabe-valencienne, traduite dans
la _Cronica general_, fol. 309, col. 3 et 4; _Cartâs_, p. 109; Rodrigue
de Tolède, VI, 23.

[168] Nowairî l’appelle Chalbîb, sans _Ben_.

[169] _Abbad._, t. II, p. 231, 187, 174. Ce récit repose sur un
témoignage fort respectable, celui d’Ibn-al-labbâna, un des poètes de la
cour de Motamid. Cet auteur donne aussi la date (1082), tandis que
d’autres historiens disent à tort que cet événement eut lieu après la
prise de Tolède par Alphonse. L’auteur du _Raudh al-mitâr_ (_Abbad._, t.
II, p. 238, 239) rapporte une version bien différente et assez bizarre;
mais consultez sur ce livre la note D à la fin de ce volume.

[170] Pélage d’Oviédo (c. 11) compte cette ville parmi celles
qu’Alphonse avait conquises.

[171] _Abbad._, t. II, p. 175, 231, 188.

[172] _Abbad._, t. II, p. 8, 193 (note 27); _Cartâs_, p. 92. La date est
1082, comme on lit dans le _Cartâs_; l’auteur du _Holal_ (_Abbad._, t.
II, p. 188) nomme à tort l’année 1084.

[173] _Abbad._, t. II, p. 18.

[174] _Abbad._, t. II, p. 19.

[175] Voyez mes _Recherches_, t. II, p. 126-130.

[176] _Abbad._, t. II, p. 21; _Cartâs_, p. 92; Ibn-Khaldoun, _Hist. des
Berbers_, t. II, p. 77 de la traduction.

[177] Comparez _Annal. Toled. I_, sous l’année 1086, avec mes
_Recherches_, t. I, p. 273, note 4.

[178] Ibn-al-Khatîb, man. E., article sur Mocâtil.

[179] _Abbad._, t. II. p. 20.

[180] Maccarî, t. II, p. 672.

[181] _Abbad._, t. II, p. 37.

[182] _Abbad._, t. II, p. 8, 189 etc.

[183] Bâdîs étant mort en 1073, ses Etats avaient été divisés entre ses
deux petits-fils, Abdallâh et Temîm. Le premier avait reçu Grenade, le
second Malaga.

[184] Les auteurs qui disent que Motamid lui-même se rendit auprès de
Yousof, me semblent avoir confondu la première expédition du monarque
africain avec la seconde.

[185] Voyez _Abbad._, t. II, p. 27.

[186] Ibn-al-Abbâr, dans mes _Recherches_, t. I, p. 173, 174 de la
1re édition. Voyez aussi _Abbad._, t. I, p. 169, 175 (vers de Râdhî),
t. II, p. 37, 191--193, 231.

[187] Ibn-al-Abbâr, _ubi supra_; _Abbad._, t. II, p. 22, 193;
Abd-al-wâhid, p. 91.

[188] Le calife Hâroun ar-Rachîd avait répondu à peu près de la même
manière à une lettre de l’empereur Nicéphore. Au reste, les auteurs qui
font citer à Yousof un vers de Motanabbî, ont pris une citation d’un
historien pour une partie de la réponse du monarque. Yousof était trop
illettré pour être en état de citer des vers de Motanabbî.

[189] _Abbad._, t. II, p. 22; Abou-’l-Haddjâdj Baiyâsî, _apud_
Ibn-Khal-licân, XII, 16. D’après d’autres auteurs, Alphonse aurait
proposé le lundi, le samedi étant la fête des juifs.

[190] _Abbad._, t. II, p. 23, 38.

[191] Abd-al-wâhid, p. 93.

[192] _Kitâb al-ictifâ_ (_Abbad._, t. II, p. 23), où il faut retenir la
leçon du manuscrit: _facollon_. Ce témoignage est remarquable, car
l’auteur du _Kitâb al-ictifâ_ est très-partial pour les Almoravides.

[193] Voyez la note E à la fin de ce volume.

[194] _Abbad._, t. II, p. 23, 199.

[195] Abd-al-wâhid, p. 94.

[196] _Abbad._, t. II, p. 25.

[197] _Abbad._, t. II, p. 120.

[198] _Abbad._, t. II, p. 25; il faut rectifier ce passage à l’aide
d’Ibn-Khâcân (_Abbad._, t. I, p. 172-175).

[199] _Abbad._, t. II, p. 121.

[200] _Recherches_, t. II, p. 136, 137.

[201] _Abbad._, t. II, p. 201.

[202] Abd-al-wâhid, p. 92.

[203] _Abbad._, t. II, p. 202, 203.

[204] C’était le père du vizir de Motamid.

[205] _Abbad._, t. II, p. 221.

[206] Çâid de Tolède, dans mes _Recherches_, t. I, p. 4 de la 1re
édition.

[207] Ibn-Bassâm, t. I, fol. 230 v.

[208] _Abbad._, t. II, p. 131, 132.

[209] Ibn-al-Khatîb, man. G., fol. 16 v., 17 r., article sur Abou-Djafar
Ahmed ibn-Khalaf ibn-Abdalmélic al-Ghassânî al-Colaiî.

[210] Abd-al-wâhid, p. 96, 97.

[211] _Abbad._, t. II, p. 39, 121, 203; Ibn-Khallicân, Fasc. XII, p. 25.
Dans le récit du _Cartâs_ (p. 99) et surtout dans celui d’Abd-al-wâhid
(p. 92), il y a plusieurs inexactitudes. Voyez aussi les _Gesta
Roderici_, et pour la chronologie comparez la note F à la fin de ce
volume.

[212] Ibn-al-Khatîb, article sur Abou-Djafar Colaiî.

[213] _Abbad._, t. II, p. 211.

[214] Ibn-Khaldoun, _Hist. des Berbers_, t. II, p. 79 de la traduction.

[215] Ibn-al-Khatîb, man. E., article sur Mocâtil.

[216] C’est-à-dire, il est de la même race que toi, il est Berber comme
toi.

[217] Ibn-al-Khatib, man. E., articles sur Abdallâh ibn-Bologguin et sur
Moammil; _Abbad._, t. II, p. 9, 26, 39, 179, 180, 203, 204; _Cartâs_, p.
99. Sur la date, comparez la note F à la fin de ce volume.

[218] _Abbad._, t. II, p. 180, 204; Ibn-Khallicân, Fasc. XII, p. 26;
Ibn-al-Abbâr, dans mes _Recherches_, t. I, Appendice, p. L;
Ibn-Khaldoun, _Hist. des Berbers_, t. II, p. 79 de la traduction.

[219] Ibn-Khaldoun, _Hist. des Berbers_, t. II, p. 79, 80, 82, _Abbad._,
t. II, p. 27, 151.

[220] Abd-al-wâhid, p. 98.

[221] _Abbad._, t. I, p. 54, 55. La date que je donne se trouve dans le
_Cartâs_ (p. 100) et dans Abd-al-wâhid (p. 98). D’après Ibn-al-Khatîb
(_Abbad._, t. II, p. 178), la prise de Cordoue aurait eu lieu dans le
mois d’août.

[222] _Cartâs_, p. 100.

[223] _Cartâs_, p. 100, 101; _Abbad._, t. II, p. 42, 232; _Anales
Toledanos II_, p. 404 (sous la fausse date 1092).

[224] Abd-al-wâhid, p. 98-101; _Abbad._, t. I, p. 55-59, 303, 304, 306;
t. II, p. 68, 178, 204, 205, 227, 228, 232.

[225] _Recherches_, t. I, p. 279, 281.

[226] _Cartâs_, p. 101.

[227] _Abbad._, t. II, p. 44.

[228] Comparez Ibn-al-Khatîb (dans mes _Recherches_, t. I, p. 179, l.
10-12 de la 1re édition, où il faut lire avec le man. de Berlin
_emîr_ au lieu de _asr_) avec le _Chron. Lusit._, p. 419, et les _Annal.
Complut._, p. 317.

[229] Ibn-al-Abbâr et Ibn-al-Khatîb (dans mes _Recherches_, t. I, p.
175, 179 et 180 de la 1re édition); Ibn-Khaldoun, _apud_ Hoogvliet,
p. 3 (j’ai corrigé le texte de ce passage dans mes _Recherches_, t. I,
p. 158, 159 de la 1re édition).

[230] Ibn-al-Abbâr, p. 182.

[231] _Holal_, fol. 30 v.-31 v., 34 r., 39 r. et v.; Ibn-al-Abbâr p. 225
(chez cet auteur le jour du mois ne concorde pas avec celui de la
semaine); _Cartâs_, p. 104.--Imâd-ad-daula resta en possession de Rueda
jusqu’en 1130, qu’il mourut. Dix ans plus tard, son fils et successeur
Saif-ad-daula céda la forteresse à Alphonse VII.

[232] Abd-al-wâhid, p. 122.

[233] Abd-al-wâhid, p. 127.

[234] Ibn-Khâcân, dans son chapitre sur Abou-Mohammed ibn-al-Djobair, a
copié une touchante épître que cet homme de lettres adressa sur ce sujet
à Ibn-Hamdîn.

[235] Maccarî, t. I, p. 299; comparez t. II, p. 360, 361, 472.

[236] _Chron. Adef. Imper._, c. 91.

[237] «Le monde touche à sa fin, disait le poète Ibn-al-Binnî,
puisqu’Ibn-Hamdîn nous promet des récompenses. Les étoiles sont encore
plus à notre portée que son argent.»--Abd-al-wâhid, p. 123.

[238] Voyez Ibn-Khâcân, _apud_ Maccarî, t. II, p. 590.

[239] Maccarî, t. II, p. 303.

[240] Maccarî, t. II, p. 303, 304; Abd-al-wâhid, p. 123.

[241] Ibn-abî-Oçaibia, article sur Avempace; Maccarî, t. II, p. 322,
323.

[242] Renan, _Averroès_, p. 97 de la 2de édition.

[243] Gosche, _Ueber Ghazzâlîs Leben und Werke_ (dans les Mém. de
l’Acad. de Berlin pour 1858), p. 258, 290.

[244] Article de M. Hitzig sur l’ouvrage de Ghazzâlî, dans le Journ.
asiat. allemand, t. VII, p. 173, 174.

[245] Abd-al-wâhid, p. 123, 124, 132; _Holal_, fol. 41 v.

[246] Voyez plus haut, t. III, p. 19, 20.

[247] _Holal_, fol. 33 r. et v. Comparez sur Lucéna et sa population
juive, Edrisi, t. II, p. 54.

[248] Voyez _Journ. asiat._, IVe série, t. XVIII, p. 513.

[249] Voyez mes _Recherches_, t. I, p. 343-360.

[250] _Chron. Adefonsi Imperatoris_, c. 64.

[251] _Cartâs_, p. 108.

[252] Abd-al-wâhid, p. 114; _Holal_, fol. 52 r.; _Chron. Lusit._, p.
326.

[253] Cité dans le _Cartâs_, p. 108.

[254] Maccarî, t. II, p. 262, 263; Ibn-Khallicân, Fasc. XII, p. 17,
18.--Ce cadi d’Almérie fut tué dans la bataille de Cutanda (près de
Daroca), livrée en 1120. Maccarî, t. II, p. 759.

[255] _Holal_, fol. 35 r.

[256] _Cartâs_, p. 108; _Holal_, fol. 33 v.

[257] _Holal_, fol. 34 r.

[258] Abd-al-wâhid, p. 148.

[259] Avempace est une corruption d’Ibn-Bâddja.

[260] Ibn-al-Khatîb, man. G., fol. 98 v.-100 r. (article sur Abou-Becr
ibn-Ibrâhîm); Ibn-Khâcân, _Calâgid_, article sur Avempace.

[261] Voyez sur ces Roum (qui, au fond, étaient ce qu’on appelait
autrefois des Slaves) _Chron. Adefonsi Imper._, c. 45, 46, 94, _Holal_,
fol. 35 r., 58 r., 62 v.

[262] Abd-al-wâhid, p. 128, 133, 148; _Holal_, fol. 58 v., 59 r.

[263] _Holal_, fol. 52 r.

[264] _Chron. Adefonsi Imper._, c. 13-16. Sur la tour de Cadix ou
colonnes d’Hercule, voyez mes _Recherches_, t. II, p. 328, et
l’Appendice, nº XXXV.

[265] _Chron. Adef. Imp._, c. 60, 82, 88.

[266] Comparez le _Holal_, fol. 52 r.

[267] _Holal_, fol. 35 v., 36 r.

[268] _Chron. Adefonsi Imper._, c. 16.

[269] _Chron. Adef. Imper._, c. 89.

[270] Voyez Ibn-al-Khatîb, man. E., article sur Abdallâh ibn-Bologguîn.

[271] _Abbad._, t. I, p. 59-61.

[272] _Abbad._, t. I, p. 313, 314; t. II, p. 71, 175, 232; Abd-al-wâhid,
p. 101, 102.

[273] _Abbad._, t. I, p. 383.

[274] Abd-al-wâhid, p. 102.

[275] _Abbad._, t. II, p. 73, 74.

[276] _Abbad._, t. I, p. 68.

[277] Allusion à l’aventure que j’ai racontée plus haut, p. 142, 143.

[278] _Abbad._, t. I, p. 63, 64.

[279] Ibn-Zohr en arabe.

[280] Voyez Maccarî, t. II, p. 293.

[281] Parmi les femmes qui avaient apporté du lin à filer aux filles de
Motamid, se trouvait la fille d’un _arîf_ ou huissier de l’ex-roi de
Séville.

[282] Abd-al-wâhid, p. 109.

[283] _Abbad._, t. II, p. 147-149.

[284] Voyez le poème d’Ibn-al-labbâna, _Abbad._, t. I, p. 319, 320, et
mon commentaire, _ibid._, p. 366 et suiv.

[285] Montemayor, près de Marbella, est aujourd’hui ce que les Espagnols
appellent un _despoblado_, un endroit inhabité.

[286] _Abbad._, t. II, p. 228, 229; t. I, p. 64.

[287] _Abbad._, t. I, p. 66.

[288] _Abbad._, t. I, p. 63.

[289] Djarîr était le poète favori du calife Abdalmélic, fils de Merwân.

[290] _Abbad._, t. I, p. 310, 311.

[291] _Abbad._, t. I, p. 306.

[292] La révolte d’Abd-al-djabbâr commença en 1093; deux ans après, ce
prince fit son entrée dans la ville d’Arcos. Il y fut assiégé par Sîr,
le gouverneur de Séville. Lui-même fut tué par une flèche, mais ses
partisans ne se rendirent que quelque temps après. Voyez _Abbad._, t.
II, p. 228, et t. I, p. 64, 65.

[293] _Abbad._, t. I, p. 71.

[294] Ibn-al-Abbâr, _Abbad._, t. II, p. 63.

[295] _Abbad._, t. I, p. 40.

[296] _Abbad._, t. II, p. 66, 67.

[297] _Abbad._, t. II, p. 222, 223.

[298] _Recherches_, t. I, p. 184 et suiv.

[299] _Abbad._, t. II, p. 8, 21-23, 36-39, 134-136, 196-201; _Cartâs_,
p. 94-98; Abd-al-wâhid, p. 93, 94; Abou-’l-Haddjâdj Baiyâsî, _apud_
Ibn-Khallicân, Fasc. XII, p. 16, 17.

[300] Ibn-Khallicân, Fasc. VII, p. 135.

[301] _Alaet_ chez Pélage d’Oviédo (c. 11) qui compte cette ville parmi
celles qu’Alphonse conquit; _Halahet_ dans les _Gesta Roderici_. Au lieu
de: «Fue la batalla de Dalaedon,» comme on trouve dans les _Annal.
Toled. I_ (p. 386), je crois devoir lire: «Fue la batalla de Alaedo,» ou
bien «de Halaedo.»

[302] L’auteur du _Cartâs_ parle d’un siége de Tolède à cette occasion;
c’est, je crois, une grave erreur.

[303] Ce reproche frappe surtout l’auteur du _Cartâs_.

[304] Voyez _Abbad._, t. II, p. 92.

[305] _Abbad._, t. II, p. 121 (cf. 122, l. 3).

[306] _Abbad._, t. II, p. 8, 9.

[307] _Abbad._, t. II, p. 26, l. 12. En publiant ce passage, j’ai eu
tort de changer la leçon du manuscrit; elle est bonne; sous _al-ghazwa_
il faut entendre l’expédition contre Alédo.

[308] Man., fol. 162 v.

[309] _Abbad._, t. II, p. 39.

[310] Dans ses articles sur Motamid (_Abbad._, t. II, p. 179) et sur
Abdallâh ibn-Bologguîn.

[311] _Cartâs_, p. 99. L’auteur du _Holal_ dit: pendant un mois; mais
comme on voulait affamer les assiégés, et que, jusqu’à un certain point,
on y réussit, le siége doit avoir duré plus longtemps.

[312] Un récit très-circonstancié d’Ibn-Haiyân (_apud_ Ibn-Bassâm, t. I,
fol. 47 r. et v.) démontre que j’ai eu raison de dire (voyez mes
_Recherches_, t. I, Appendice, nº XVII) qu’il n’y a eu à Saragosse qu’un
seul roi de cette famille, à savoir Mondhir, et que c’est ce prince, et
non pas son fils, qui a été assassiné en 1039.

[313] J’ai cru devoir donner cette liste parce que j’ai cité mes
documents d’une manière fort succincte et que plusieurs d’entre eux se
trouvent dans des collections. Je n’ai pas nommé ici les livres que je
n’ai cités qu’une ou deux fois, car dans le cours de l’ouvrage j’ai eu
soin d’en indiquer l’édition, ou le numéro quand il s’agissait d’un
manuscrit.





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