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Title: Les Divins Oracles de Zoroastre, ancien Philosophe Grec, Interpretez en Rime Françoise, par François Habert de Berry - Avec un Commentaire moral sur ledit Zoroastre, en Poesie - Françoise, et Latine.
Author: Habert, François
Language: French
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produced from images generously made available by the
Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at
http://gallica.bnf.fr)



Les Divins Oracles de Zoroastre, ancien Philosophe Grec, interpretez en
Rime Francoise, par Francois Habert de Berry, Avec un Commentaire moral
sur ledit Zoroastre, en Poesie Francoise, et Latine.

Plus, la Comedie du Monarque, et autres petis oeuvres.

  Ce que Terre produict, est subject à trespas,
  La vertu vient du Ciel, & mortelle n'est pas.

A Paris,

De l'imprimerie de Philippe Danfrie, et Richard Breton, Rue sainct
Jacques, à l'Escrevisse.

M. vc. lviij.

Avec Privilege du Roy.



Pierre Habert Escrivain à Paris, aux Lecteurs.


  Si tu requiers voir chose magnifique,
  Ou recevras grand consolation,
  Voy Zoroastre, Homme fort autentique,
  Qui fut remply de grand perfection.
  Icy verras mainte autre instruction
  Et bons propos, pour te donner plaisir.
  Outre cela tu verras à loisir
  (Dont recevras double contentement)
  Les traicts nouveaux d'une Francoise letre,
  Que cy devant Paris n'a sceu permettre
  Aux bons Esprits la voir aucunement.

  Vertu vault mieux que mondaine richesse.



A tresnoble & illustre personne Monseigneur Claude du Bourg, Seigneur de
Guerigné, Chevalier, Conseiller, et Thresorier de France, estably à
Rion, Francois Habert son treshumble et obeissant serviteur, desire
salut, et felicité perpetuelle.


  Celle qui peut toutes choses, Nature,
  (A scavoir Dieu) donne à sa creature
  Dons differens, aux uns hautain scavoir,
  Aux uns beauté, aux autres riche Avoir:
  Mais ce dont plus la personne bien née
  Est noblement en ce Monde exornee,
  C'est la beauté en l'Esprit permanente,
  Beauté qui est hautaine et eminente,
  Ceste beauté exquise, et de hault pris,
  (Qui nobles rend et heureux les esprits)
  Reluit en vous, voire de telle sorte
  (Noble seigneur) que la Palme ell'emporte
  Dessus plusieurs, en liberalité,
  Et jugement plein d'immortalité,
  Dont à bon droict convient que ma Minerve
  En ses escrits tel honeur vous reserve,
  Que l'oeil aigu de la posterité
  Juge combien vous avez merité,
  Qui ressemblez au Phenix seul et rare
  Par un destin du Ciel, qui vous separe
  Des ords desirs d'un avaricieux
  Qui l'or terrien trouve plus precieux,
  Que la vertu tant noble, rare, et saincte
  En vostre esprit divinement empraincte,
  En ensuivant voz Majeurs excellans,
  Qui ont esté en France vigilans,
  Au bien public, mesmes pour la couronne
  Qui de noz Roys le chef digne environne.
  Ce hault renom de la rare vertu,
  Dont vostre sens est noblement vestu,
  M'a incité de tirer hors du coffre
  De ma Pallas, l'oeuvre que je vous offre,
  C'est Zoroastre, un Philosophe grand,
  De hault Scavoir, les autres denigrant,
  Y fust Platon, le riant Democrite,
  Y fust aussi le plorant Heraclite,
  Voire tous ceux qui par l'antiquité
  Ont jusqu'icy los et auctorité.

  Outre verrez morale Comedie,
  Qu'à voz vertus et graces je dedie,
  Ou vous verrez mon introduction
  D'un fort grand Roy, plein d'imperfection
  Premierement, puis de grand excellence
  Pour avoir crainct de Mort la violence,
  Bien esperant qu'en tirerez plaisir
  En le lisant quelque fois à loisir,
  Combien qu'avec vostre honeur magnifique
  Vous abondiez de scavoir poetique,
  Et de scavoir encores plus exquis.
  Que vous avez divinement acquis.
  Sur ce je pry l'eternelle puissance
  De voz desirs vous donner jouissance,
  Puis qu'advenant vostre ordonné trespas
  Preniez au Ciel cest immortel repas,
  Qui est promis par l'Eternel à ceux
  Qui aux vertus n'ont esté paresseux,
  Ainsi que vous, plein de graces infuses
  Le Mecenas des lettres et des Muses.



A mondict Seigneur le Thresorier.

Sonnet.


  Tous les thresors du Monde ambicieux
  (Tant soient ilz grands) on voit deperissables:
  Mais les thresors à jamais perdurables,
  Sont en l'esprit, qui ha source des Cieux.

  De ces thresors saincts, rares, precieux,
  Vestus ne sont avares detestables
  Qui ayment moins les vertus souhaictables
  Que l'or caché des avaricieux.

  Mais la vertu d'inestimable pris,
  Qui noblement en vous son ply a pris,
  Donne tel los a vostre grand prudence,

  Que pres des Roys, par immortel renom
  Des vertueux, florira vostre nom,
  Et voz vertus mettra en evidence.



A luy encores,

Sonnet en vers alexandrins.


  Si vostre noble Esprit (qui à la Republique
  Aporte utilité, honeur, et ornement)
  Quelque fois reposer laisse tacitement
  Le secret des thresors, ou vostre estat s'applique,

  Je vous supply de voir cest oeuvre poetique,
  Lequel je vous consacre, & dedie humblement,
  Ou pourrez recevoir quelque soulagement,
  Pource qu'il est extraict d'un Philosophe antique.

  J'ay un certain espoir, O Seigneur honorable,
  Que dessous vostre nom il sera agreable,
  A tout oeil clair voyant de la posterité,

  Et mon cueur s'esjouist d'une telle esperance,
  Ou peuples successeurs auront la cognoissance
  Du grand merite deu à vostre auctorité.



Les Divins Oracles de Zoroastre, ancien Philosophe Grec.


  Il fault qu'a ce ton sens diligemment pourvoye
  De cognoistre & scavoir de ton ame la voye,
  Et entendre le lieu duquel elle provient,
  Aussi quelque action donner au corps convient.

  A l'ordre noble & sainct, d'ou tu es descendu,
  Soit par toy de rechef ton Esprit estendu,
  Et tousjours elevé, joignant à tel office
  Des mots saincts et sacrez le divin sacrifice.

  D'un si sage & meur sens ta vie soit pourveue,
  Que soubmise ne soit encontre bas ta veue:
  Car la cheute est en Terre, avec vice infini,
  Tirant du lieu qui est de sept conduicts muni,
  Soubs lequel, pour certain, le siege est limité
  D'une non variable, et grand necessité.

  Ton corps qui est mortel, et vaisseau faict de terre,
  Sera mangé de vers qui luy feront la guerre.

  Rien ne dois adjouster au Destin éternel,
  Qui t'à esté prescrit, car rien du Paternel
  Ordre et commencement, n'ha imperfection:
  Mais la saincte pensee ou gist perfection,
  (C'est à scavoir de Dieu la haute providence)
  Ne met les veux d'aucun en perfaicte evidence
  Jusqu'à ce que du corps son Esprit deslié
  Tout ce qui est charnel puisse avoir oublié,
  Et prononcé le mot, fichant en sa memoire
  Du Pere supernel la marque ou gist sa gloire.

  Tu dois soigneusement avancer ton grand heur
  Pour du Pere divin voir la grand resplendeur,
  D'ou ton ame est venue, estant environnee
  De mainte intelligence et de sens exornee.

  Mais miserable, helas, est la vie de ceux
  Qui sont trop negligens, trop froids, et paresseux
  A contempler de Dieu l'excellente lumiere,
  D'ou leur ame a receu origine premiere,
  Dont par mauvaise vie, et par temerité
  Grand reproche ilz auront de la posterité,
  L'ame pour fuyr vice, ha des raisons utiles,
  Qui sont par oubliance à deslier faciles.

  Au senestre costé du repos, la fontaine
  Repose de vertu excellente et hautaine,
  Toute infuse en l'esprit divinement repeu,
  Qui en sa fermeté n'est jamais corrompu.

  L'ame de l'homme est bien de telle qualité,
  Qu'elle retient en soy aucune deité,
  Jamais rien de mortel, certes, elle n'embrace,
  Doute enyvree elle est d'une divine grace,
  Recevant gloire, honeur, & liesse assouvie
  De se sentir conjoincte à un corps qui ha vie.
  Car veu que l'ame ainsi est le resplendissant
  Feu, lumiere, & splendeur du Pere toutpuissant,
  Elle demeure aussi constante et immortelle,
  Et de la vie ainsi dame & maistresse est elle,
  Contemplant plusieurs lieux quand elle est en ce Monde.

  Cherche le Paradis ou tout soulas abonde.
  Garde que ton Esprit tombe à corruption
  Par l'appetit du corps plein de pollution,
  Et veu que l'Esprit est chose unie & subtile,
  Ne le rend gros et lourd, pesant, & inutile.

  Mesmement pour le corps de vices préservé
  Au Paradis luisant un lieu est reservé,
  Et pourautant tu doibs avoir le soing du corps,
  Le gardant avec l'ame en paisibles accords,
  A celle fin que l'ame à la solution
  Du corps charnel, ne tombe en molestation.

  Quand ton Esprit luisant tousjours eleveras,
  Le corps foible & caduc ainsi conserveras.

  Comme l'homme excellant, Chiens qui de Terre sortent,
  Si noble naturel de la Terre n'apportent.

  Nature nous aprent estre purs les Espris,
  Et que rien de macule en iceux n'est compris,
  Et nous suade aussi matiere vicieuse
  Produire la senmence et bonne et fructueuse.

  Les peines des mortels, c'est la concupiscence
  Qui fort les tient liez oultre leur resistence.

  Que la grandeur de l'ame immortelle et divine
  Tousjours en toy du corps les appetits domine,

  En elevant tousjours envers le Ciel les yeux
  De ton Esprit rassis, divin, et precieux.

  O Creature humaine, O noble Creature?
  O artifice grand faict des mains de nature?
  En me nommant ainsi, verras sans contredict
  Que cela des long temps de l'homme fut predict,
  Car du hault Ciel vousté la grand architecture
  De l'oeil humain n'est veue en sa propre figure.

  Les Estoilles aussi qui par le Ciel s'espandent,
  Leur clairté naturelle à l'oeil humain ne rendent.
  La splendeur de la Lune à noz yeux n'apparoist
  Comme parmy les Cieux resplendissante elle est.

  De tous les Elémens la Terre plus pesante
  En sa pureté n'est à nous apparoissante.

  Ne t'estime donc voir de Nature l'image
  De voir le corps visible uni à l'ame sage,
  Ignorante de fraude, & qui divinement
  Du feu clair, qui est Dieu, ha son gouvernement.

  Lors que tu auras veu reluire en lieu divers
  Ce feu sainct sautellant par le Monde univers,
  Enten du feu la voix de puissance eternelle.

  De ce seul Toutpuissant la bonté paternelle
  Aux ames à enté une marque et Enseigne
  Qui de perfection le chemin leur enseigne.

  Il te convient scavoir la chose intelligible
  Hors de l'intelligible estre, & n'est pas possible
  De bien la concevoir sans les graces d'en hault,
  Ou élever tes yeux sans cesser il te fault.
  La chose intelligible est Dieu certainement
  Que lon doibt concevoir de pur entendement.

  De ce feu éternel qui le Monde illumine,
  Toutes choses ont pris leur estre & origine,
  Et ce pere divin (sans lequel rien n'est faict)
  A tout divinement accomply et perfaict,
  En faisant apparoir sa grand beneficence
  A tout homme, apres luy seconde intelligence,
  Lequel pere divin par un dict coustumier
  Humaines nations appellent le premier.

  Par le pere éternel les pensees conceues
  Sont à l'effaict aussi de concevoir receues.

  Espris, Recteurs de l'ame experts et entendus
  Tousjours saincts et constans sont au Monde espandus.

  Ce pere Toutpuissant, qui regne aux Cieux supresmes,
  De tous, comme plus grand, s'est exempté soymesmes.
  Et en tout autre Esprit, de moindre dignité,
  Il n'a mis la grandeur de sa Divinité,
  Et luy qui est benin avec puissance forte,
  Non à craincte, mais bien à espoir nous exhorte.

Fin des Oracles de Zoroastre.



Commentaire moral et sainct sur lesdicts Oracles de Zoroastre Philosophe
Grec.


  Certainement ceste Philosophie
  De Zoroastre, amplement edifie
  Les sens humains, pour cognoistre et scavoir
  Les biens de l'ame, et pour notice avoir
  Des dons de Dieu de puissance éternelle,
  Et Createur de nostre ame immortelle,
  Mise en ce corps, pour faire son office
  En exerceant le divin Sacrifice
  Qui est compris au Verbe du Seigneur
  Dieu tout puissant, de l'ame gouverneur,
  Ce que pouvons par Zoroastre aprendre,
  Et par ses dicts la dignité comprendre
  De nostre Esprit rarement precieux
  Que nous debvons tousjours lever aux Cieux,
  Et ne jetter contre bas nostre veue,
  A celle fin que nostre ame pourveue
  Ne soit de vice et de corruption,
  Souffrant le corps avoir pollution.
  Les appetis duquel dominera
  L'homme prudent, qui se gouvernera
  Selon l'Esprit, sachant que ce debile
  Corps, et vaisseau faict de Terre fragile,
  Comme mortel, doibt tomber à l'envers,
  Et sera faict nourriture des vers.

  Il ne convient que nostre ame adonnee
  Soit, à vouloir rompre sa Destinee,
  Car (comme dict Zoroastre) en effaict
  De l'Eternel pere rien imperfaict
  N'est provenu, ce que semblablement
  A recité sainct Jaques sainctement,
  Disant que tout du Pere de lumiere
  Perfaict descend, mais Dieu, qui est premiere
  Intelligence en souverain pouvoir,
  Ne permet pas à l'ame recevoir
  Felicité, jusqu'à ce qu'elle oublie
  Tout le charnel, et du corps se deslie,
  Pour contempler en toute pureté
  Son Createur de haulte Majesté.

  Ou nous debvons par le mesme conseil
  De Zoroastre, avec soing nompareil
  Tous aspirer, pour la splendeur divine
  Voir du Seigneur, qui nostre ame illumine,
  Et d'ou nostre ame experte et entendue
  Par le divin vouloir est descendue,
  Dont les malins de Dieu sont reprouvez
  Qui paresseux, & trop froids sont trouvez
  A contempler ceste lumiere grande
  Du Toutpuissant, qui aux hommes commande
  De reverer sa grandeur admirable.

  Ce hault Recteur, divin et venerable
  A mis en nous un Esprit, revestu
  D'une bien fort excellente vertu,
  Et (comme dict Aristote) combien
  Que d'appetis communs au corps terrien
  Il soit vexé, il garde sa nature
  Incessamment incorruptible et pure.

  L'ame de l'homme ha telle auctorité,
  Qu'elle ha en soy un peu de Deité,
  Car estant faicte à l'exquise semblance
  De Dieu vivant, elle ha bien cognoissance
  D'estre enyvree et pleine de l'odeur
  Des biens divins, et de la resplendeur
  De l'Eternel, duquel elle tesmoigne
  Les haults biensfaicts, & n'ha point de vergoigne
  D'ainsi se voir joincte à un corps mortel
  Qui prent vigueur par l'Esprit immortel,
  Voire bien fort elle se glorifie,
  Et humblement les biensfaicts gratifie
  De son autheur, dont la chose immortelle
  Est sainctement conjoincte à la mortelle.

  Voyla pourquoy Zoroastre est apris
  De mettre l'ame en grand honeur et pris,
  Nous enseignant qu'elle prent origine
  De la puissance eternelle et divine
  Du Createur et Pere Toutpuissant,
  Et que l'ame est un feu resplendissant,
  C'est à scavoir une divine Essence
  Ayant le don de saincte intelligence,
  Dont elle tend à immortalité,
  Pour ce qu'elle est d'une Divinité
  Participante, en Dieu toute ravie,
  Dont il la dict Maistresse de la vie,
  C'est à scavoir qu'aucun temps ne sera
  Qui la vigueur de l'ame effacera.
  Car ce qu'on peut nous oster et distraire,
  Aucunement n'est nostre, et au contraire
  Ce qu'on ne peut nous oster nullement,
  Nostre sera perpetuellement,
  C'est à scavoir ceste vie eternelle
  Que recevons par grace supernelle.

  Ce Zoroastre aussi divinement
  En ses Escrits nous donne enseignement,
  Nous exhortant à chercher Paradis.
  O excellens & salutaires Dicts?
  Certainement ce Philosophe antique
  Approche fort du sermon Prophetique,
  Ou nous lisons des Chrestiens l'esperance
  De faire un jour au Ciel leur demourance
  Dont il convient de Zoroastre suivre
  L'enseignement et conseil, pour bien vivre,
  Sans maculer nostre Esprit (comme il dict)
  D'iniquitez, et de crime maudict,
  Et sans gaster nostre ame incorruptible
  Des appetis du vaisseau corruptible,
  A scavoir est de ce terrestre corps,
  Qu'il fault unir en paisibles accords
  Avec l'Esprit, et que l'Esprit domine
  Tousjours au corps, et de soy extermine
  Les appetis, qui sont desordonnez,
  Par sens rassis et fort bien ordonnez,
  En ne laissant devenir inutile
  Nostre Esprit bon, qui est chose subtile.

  Au corps aussi de crimes preservé
  Un lieu au Ciel dict estre reservé
  Ce Philosophe ancien Zoroastre,
  Ce propos la ne sent son idolastre,
  Encores moins son Epicurien
  Enveloupé d'un sens Venerien,
  Et aux mondains plaisirs mettant sa cure,
  Pour ensuivir le conseil d'Epicure
  Qui à gasté un si grand nombre d'hommes
  De son erreur, voire au temps ou nous sommes,
  J'ay bien grand peur qu'en meschante union
  Plusieurs gens soyent de son opinion,
  En niant Dieu, et de sa providence
  Les saincts effaicts, qui sont en evidence.
  Par ce propos de Zoroastre expert
  En saincte et grand Philosophie, appert
  Des corps mortelz la resurrection,
  Disant qu'aux lieux de consolation,
  (Au Paradis ou l'Eternel demeure)
  Est preparee au corps une Demeure.
  N'est ce pas la croire certainement
  Que le corps doibt un jour divinement
  Resusciter? O divine sentence?
  Le Ciceron Chrestien, qui est Lactance,
  Refute assez ces Epicuriens
  Trop aveuglez en plaisirs terriens,
  Sainct Paul assez en verité persiste
  Quand il nous dict que le corps resuscite,
  Sainct Pierre assez nous à peu reciter
  Qu'en corps un jour debvons resusciter.
  Et pourautant si en nostre poictrine
  Voulons garder de Jesus la Doctrine,
  Ne tombons pas en ceste terreur damnable,
  Et jugement faux et abominable
  De nier Dieu, et croire que par Mort
  Avec le corps l'Esprit de l'homme est mort.
  Ce que nié mesmes ont les Etniques
  Qui n'avoyent veu les livres Prophetiques,
  En esperant que fuyans forfaicture,
  Et gouvernez par les Droicts de nature,
  Ilz auroyent lieu au Paradis tant beau,
  Le corps estant au funebre Tombeau.

  Doncques suyvant Zoroastre en son dire,
  Il fault veiller autant qu'il doibt suffire,
  A ne lascher la bride au corps charnel,
  Pour le gaster de vice criminel,
  Et en convient par toute diligence
  Avoir le soing, pour en convalescence
  Mieux le tenir, affin que les parties
  Du corps mortel, soyent mieux assubjecties
  Au vueil de l'ame, et à la dignité
  Qu'elle recoit de sa Divinité.

  Et si nostre ame est au Ciel élevee,
  Mieux en sera la santé conservee
  De nostre corps, de l'ame le vaisseau,
  Certes l'homme est ainsi qu'un arbrisseau
  Qui porte fruict, alors qu'il donne lieu
  A bonnes meurs, et des graces de Dieu
  N'est point ingrat, et combien que la Terre
  (Qui en son Sein tant de choses enserre)
  Produict les Chiens, et animaux qu'on nomme
  De divers noms, l'excellence de l'homme
  Les passe tous, qui peut lever les yeux
  Pour contempler la grand vouste des Cieux,
  En démonstrant par sa noble excellence
  Un naturel de plus haulte apparence
  Que tout cela que Terre produict:
  Qui doibt en fin par Mort estre destruict,
  Mais de nostre ame est la dignité telle,
  Qu'elle n'est point caduque ne mortelle.

  Quant aux Démons que Zoroastre dict
  Espris entiers, pour approuver son dict,
  Cela s'entend des Anges supernels,
  Qui sont divins, purs, saincts, et éternels,
  Et par lesquelz conducteurs salutaires
  L'ame penetre aux celestes misteres.

  Et des Mortels les peines recitees
  Par Zoroastre, et dont sont agitees
  Noz voulontez, c'est la concupiscence
  Des appetis charnels prenant naissance,
  Qui vient les cueurs estroictement lier,
  Mais les prudens s'en peuvent deslier,
  En prevoyant le conseil fort honeste
  Dont ce predict autheur nous admoneste,
  Alors qu'il dict de l'homme le grand heur
  De contempler de l'ame la grandeur,
  Et de lever les yeux et la pensee
  Envers le Ciel. O Personne insensee,
  Regarde un peu ceste admonition
  D'un Philosophe, ou gist saluation,
  Leve les yeux au Ciel, non contre bas,
  Ou lon ne voit qu'impudiques esbas.

  Considerons Nature presidente
  Avoir donné une forme excellente
  A l'homme noble, et qu'il ha la notice
  Que de nature il est sainct artifice,
  Scavoir de Dieu l'image et le pourtraict,
  Si son Esprit est de vices distraict.

  Mais ne pensons qu'en voyant la visible
  Forme de l'homme, on puisse l'invisible
  Image voir de ceste ame cachee,
  Qui n'est de dol et de fraudes tachee,
  Car si des Cieux la vraye architecture
  Par l'oeil charnel en sa propre figure
  Ne se peut voir, si de la Lune belle
  On ne peut voir la splendeur naturelle,
  Si l'oeil ne voit les Astres precieux
  Resplendissans ainsi qu'ils sont aux Cieux,
  Et si la Terre aussi, la plus pesante
  Des Elemens, n'est pas apparoissante
  En propre forme et vraye pureté,
  Nostre ame aussi (à qui la majesté
  Du Toutpuissant, à donné tant de bien)
  N'est apperceue à l'oeil qui est terrien,
  Ne la beauté divine, tant louee,
  Dont le Recteur souverain la douee.

  Et pourautant (Zoroastre le dict)
  Quand aurons eu ce pouvoir et credit
  De contempler ce feu luisant et monde,
  Clair et tressainct, sautellant par le Monde,
  Oyons la voix de ce feu supernel,
  Signifiant le nom de l'Eternel,
  Car comme on voit estre ardente la flame
  Qui promptement ce qu'elle attainct, enflame,
  Le Verbe sainct, qui de tout est vainqueur,
  Peut penetrer les hommes jusqu'au cueur,
  Pour contempler les graces et biensfaicts
  Que l'Eternel par son fils nous à faicts.

  Certainement ceste Essence premiere,
  Ce Pere, seul donateur de lumiere
  (Dict Zoroastre) aux ames à enté
  Certaine Marque, et certain seau planté,
  C'est à scavoir image intelligible
  Pour concevoir maint secret invisible,
  Et pour scavoir les essences des choses,
  Et les raisons en Deité encloses.

  Ce Philosophe, intelligible appelle
  Ce hault Recteur de puissance éternelle,
  Seul excellant, et de qui le pouvoir
  Nous ne pouvons nullement concevoir
  Fors par la part dedans nous la meilleure,
  La fleur du sens, qui en l'Esprit demeure,
  Ce que disoit Ovide heureusement,
  Quand de l'Esprit il parloit sainctement.
  Disant ainsi un Dieu dedans nous gist,
  Qui nous enflame et tous noz sens regist,
  Ce feu boillant en nous par vehemence
  Retient d'Esprit une saincte semence.
  Et comme mieux sainct Paul l'escrit pour tous:
  Incessament l'Esprit prie pour nous,
  Dedans le corps gemissant à toute heure
  Pour voir le Ciel sa promise demeure.

  Quand Zoroastre expert et entendu
  A dict que tout d'un feu est descendu,
  Cela s'entend d'une supresme essence,
  Et d'un seul Dieu d'invincible puissance,
  Qui à créé le Ciel, la Terre aussi,
  Ayant pour nous d'un paternel souci,
  Faict toute chose, et que les nations
  Nomment premier, ses operations
  Sainctes on voit, perfaictes, admirables,
  Ses faicts haultains, grands, et incomparables.

  Duquel avons formes intelligibles,
  Pour concevoir ses secrets indicibles,
  Et qui aussi noz pensees concoit,
  Et le dedans de noz cueurs appercoit,
  Et sans son sceu (Dieu nous le manifeste)
  Ne tombe un seul cheveu de nostre teste.

  Par les Recteurs remplis d'intelligence
  Qui sont compris en la docte sentence
  De Zoroastre, entendons les Esprits
  Bons, immortels, et qui n'ont point apris
  De varier, leur vertu éminente
  En pureté est tousjours permanente.

  Quand il escrit que ce Pere supresme
  S'est exempté, et divisé soymesme,
  Et qu'aux Espris de moindre dignité
  Il n'a enclos sa grand Divinité,
  Certes cela estoit bien raisonnable,
  Et à sa grand majesté convenable,
  Veu que sans fin il est commencement,
  Et un seul Dieu, qu'il est semblablement
  Autheur de tout, Createur du grand oeuvre
  Du Ciel vousté, qui toutes choses cueuvre,
  Et par lequel tout à esté perfaict,
  Et sans lequel il n'a rien esté faict,
  Et qui au Ciel est bien d'autre figure
  Que le mortel paintre ne le figure.

  Et veu qu'il est Pere, ayant surmonté,
  Tous les vivans, d'une saincte bonté,
  Et seul autheur de toute chose bonne,
  Espoir à l'homme et non craincte il ordonne.

  Voyla les poincts de ce Grec enseigneur
  Et Philosophe, ou de nostre Seigneur
  Nous pouvons voir la grandeur reveree,
  Et l'espoir bon de nostre ame asseuree,
  Qui tend au Ciel, pour voir son Createur,
  De bien et mal le remunerateur.
  Tirez du miel des Escrits fort louables
  De Zoroastre, O lecteurs amiables,
  Et bons Esprits, ou sur mes vers latins
  Mettez voz yeux, pour tant soirs que matins
  Louer de Dieu l'infinie puissance,
  Qui rien de nous ne veult qu'obeissance.



Idem commentarius, carmine heroico redditus ab eodem authore.


  Humanas sancte ista monent oracula mentes,
  Ut bona percipiant animae, summúmque Tonantem
  Cognoscant, qui cuncta potest, nostrámque creavit
  Immortalem animam, & terreno corpore clausit,
  Officio ut perfuncta suo, summum ore parentem
  Excoleret, sacra verba eius, mandatáque servans.
  Quámque sit insignis, quam clarus, lucidus, ingens
  Spiritus humanus, late haec oracula monstrant.
  Candida quem sit fas ad sidera tollere semper,
  Nec nostrum in Terrae demittere viscera vultum,
  Ne terrena animae noceat corruptio, néve
  Deliciis nostrum possit sordescere corpus.
  Corporis at sordes poterit frenare probatus
  Vir, pius, & prudens, quem ducit spiritus, et qui
  Hoc vas terrenum, fluxúmque & debile corpus
  Scit fore terrenis aliquando vermibus escam.

  Ne fatum liceat nobis augere, monemur,
  Nam quis decreto divino obsistere possit?
  Omnipoténsque pater nulla imperfecta reliquit.
  Sed numerris impleta suis cuncta ille creavit.
  Divus et hoc sancta est jacobus voce loquutus,
  A patre perfectum cum luminis omne profectum
  Donum, inquit, sed mens patris omnipotentis, id unquam
  Haud animae munus concessit, ut illa supernis
  Divitiis plene, et divina luce fruatur,
  Donec terreno seducta é corpore, quidquid
  Terrenum est, oblita, Dei, qui condidit illam,
  Synceram possit formam, vultúmque tueri,
  Adspirare omnes quo nos et tendere fas est
  Omnibus et nervis, et cunctis viribus, et nos
  Splendorem aeternum possimus cernere, cuius
  Semper erit, sempérque fuit suprema potestas.
  Quique suo splendore animam illustrare benignus
  Dignatur, simul unde anima haec illapsa videtur.
  Verum infoelici fateamur sidere natos
  Atque Deo invisos, qui non conamine toto
  Nituntur, tandem ut videant hoc nobile lumen
  Eximiúmque, ingens, tenebris delebile nullis,
  Splendorémque patris summi, qui nos iubet huius
  Excolere immensum, sanctum, ac venerabile Numen.
  Omnipotens Rex ille hominum, qui condidit orbem,
  Insevit nobis animam virtute potentem,
  Eximia, illa etenim quanvis agitata feratur
  Huc, illuc, vario affectu cum corpore mixto,
  Incorrupta manet virgo, divináque servat
  Munera naturae, quod sancto numine ductus
  Inquit Aristoteles anima hec tam clara refulget,
  Divina ut quadam & certa pietate nitescat.
  Nam quod ad effigiem summi genitoris, et altum
  Formata exemplar fuerit, cognoscere summum
  Rectorem illa potest, sanctorum & odore bonorum
  Ebria, testatur summi benefacta parentis,
  Aeternúmque Dei, qui condidit omnia, lumen.
  Nec turpi esse potest aliquo perfusa rubore,
  Quod fluxum corpus, quod vas sit nacta caducum,
  Cui se se herentem agnoscat, quod sentiat ipsum
  Ex immortali mortale haurire vigorem,
  Authorique suo grates agit undique dignas,
  Quod numeris compacta suis mortalia cernat
  Tam bene cum fixis ac immortalibus esse.

  Sic Zoroastrum non fallit opinio, qui tam
  Nostre anime faveat, tantúmque imponat honorem,
  Sancta quod illius, quod sit celestis origo,
  Quodque Deum artificem, authorem quoque sentiat illum
  Omnia cui parent, & quod sit lucidus ignis
  Spiritus ille hominum, seu mens divina, nec ullo
  Tempore mortalis, Deitas cui infusa coheret,
  Quam dominam vite ille vocat, quod nulla futura
  Est acte, possit quae anime delere vigorem.
  Nanquo adimi nobis aliquo que tempore possunt,
  Haud nostri hec iuris, nec nostra vocaveris, atque
  Tollere nemo postest, iuris sunt omnia nostri,
  Vt sunt dona anime, vita immortalis, ab illo
  Que Rectore datur, cui utrum est summa potestas.
  Querere sidereas Greco hoc authore monemur
  Et sedes, quas nemo subit, nisi pectore puro.
  Quàm sancto sophos antiquus sermone loquutus?
  Ille quidem sanctos imitatur voce Prophetas,
  In quorum scriptis spes hec immota videtur
  Qua sunt Christicole infusi, ut lucentia cernant
  Sidera, et aeternas possint invisere sedes.
  Iam Zoroastri moralia dicta sequamur,
  Sobria prestantes humane pabula vite,
  Ne maculis noster sordescat spiritus ullis,
  Expers sitque doli, fraudésque perosus iniquas,
  Quique incorruptus, corrupti corporis omnem
  Abiiciat labem, terrenáque crimina culpet,
  Imperioque regat vitiosum ac debile corpus,
  Cúmque anima, illius studeat frenare furores
  Illicitos, ut sit pax ipsis parta duobus,
  Nec sinito ut tenuis crassescat spiritus unquam
  Ex male directo asciscens sibi corpore labem.

  Quinetiam vitiis purgatum corpus, in alta
  Sede locum expectat, sic mortua membra resurgent.
  Ex Zoroastri facile est cognoscere verbis
  Non illum errores Epicuri, aut dicta sequutum,
  Qui tot mortales (O pectora caeca) nefandum
  Traxit in errorem, meritoque ad Tartara misit,
  Horror ubi assiduus, dirae quoque Mortis imago,
  Perpetuúsque animae cruciatus, fletus et ingens
  Nec res tuta satis quin nostro hoc tempore multos
  Lumine privatos, Epicuri de grege porcos
  Esse iuvet, Domini imperium, Christúmque negantes.
  Aut si voce illum fateantur, corde negabunt
  et factis, ut Paulus ait, quem lumine sancto
  Afflatum, iam Christicolas nescire scelestum est.
  Ex Zoroastri si verbis alta paratur
  Corporibus sedes, non posse resurgere carnem.
  Quis dicat? sancta illa quidem sententia sancti
  Manat ab ore viri, verum et lactantius ille
  (Quem constat suavi Ciceronis melle repletum)
  Hos hostes fidei sancto satis ore refellit.
  Divus & hoc Paulus manifestum reddit abunde,
  Idque potest Divi verbis notescere Petri,
  Qui sancto affati debere resurgere carnem
  Numine, dixerunt quis dicta refellere possit
  Illorum, quos omnipotens sacro ore probavit?
  Ergo si sanctam servare in pectore Christi
  Doctrinam cupimus, ne nos hic polluat error
  Spicula Crabronum superans, Hydréque venenum,
  Nec nos esse Deum, qui condidit omne, negemus,
  Nec cum anima corpus deleri Morte putemus,
  Quod nec Gentiles, privati luce, putarunt,
  Sperantes, ut si naturae iura tenerent,
  Perpetuas ipsi possent contingere sedes
  Cum tumulata forent illorum membra sepulchra
  Ut Zoroastri sacra ergo voce monemur,
  Ne sentire queat laxatas corpus habenas,
  Teutandus labor est, opus idque perutile nobis,
  Infandas corpus ne contrahat undique sordes,
  Incolume ut maneat, nam sano corpore, partes
  Corporeas animae melius parere videbis,
  Illius et titulo, quo se diuinitus effert,
  Et quo effecta fuit patris omnipotentis imago.

  Quod si animus noster constans, erectus in altum.
  Permaneat, vas hoc anime, delebile corpus,
  Incolume extiterit, divino munere certe
  Natus homo, est veluti cum fructu et frondibus arbor,
  Si mores servare pios, rectosque peroptat,
  Nec summi ingrato genitoris dona rependit
  Pectore, nam quanvis diversa animalia Tellus
  Proferat, hec hominis longe excellentia vincit.
  Omnia prona vident tellurem animantia, verum
  Os homini erectum est, quod clara ad sidera tollat,
  Et quo conspiciat curvum cum lumine Celum.
  Sic generosus homo, merito superare videtur
  Quidquid Terra parit, morte id delebile, verum
  Morte carens anima, ad celestia sidera migrat.

  Demonas integros quos hec oracula dicunt,
  Demonas esse reor, quorum ductricae caterva
  Spiritus humanus divina arcana recludit
  Ac penetrat, rebus preponens sacra prophanis.
  Demonas at plures nemo negat esse malignos,
  Qui fera bella movent anime, quos illa repellit
  Invicto fidei clypeo, precibúsque, piisque
  Moribus, et Christo fuerit si tuta patrono.
  Quas sophos iste vocat vinctrices carmine penas,
  Carnales crede affectus, mortalia quorum
  Pectora sunt nexu longos constricta per annos.
  Illorum at prudens poterit dissoluere nexum
  Si Zoroastri divina arcana sequutus,
  Perpendat virtutem anime, atque ad sidera vultus
  Erigat, o vanas hominum & sine lumine mentes?
  Saeve quid iis sanctis non vis mitescere dictis?
  Erige sursum oculos, longe tellure relicta,
  Luxus ubi immodicus regnat, scelerata libido,
  Tetra superstitio, et radix odiosa malorum.

  Id quoque (mortales) sit vestro in pectore fixum
  Quam fuerit natura opifex, quid muneris in nos
  Contulerit, quam formam homini donasse putetur,
  Egregiam certe formam, qua noscere possit
  Naturam artificem, qua se dicatque, putétque
  Effigiem aeterni (purgato crimine) Regis.

  At cum forma hominis carnali in pectore tantum
  Conspicitur, ne te iactes spectare latentem
  Formam animae, quae pulchra latet, quae nescia fraudis,
  Cerni pura nequit, nisi tandem carne soluta.
  Nam si celestis moles, coelique figura
  Curva nequit, qualis vere est effecta, videri,
  A nobis proprio si non splendore coruscans
  Luna potest cerni, si non lucere videntur
  Sidera, fulgore eximio hec ut in ethere lucent,
  Atque Elementa suo quae vincit pondere Tellus,
  Non aperit nobis qualem est sortita figuram,
  Sic animae forma illa nequit speciosa videri
  Corporeis oculis, huius nec splendor, honosque
  Quo pater omnipotens illam ditescere iussit.

  Subsilientem igitur sacrum si aspexeris ignem
  Undique, id est summum cui parent cuncta, Tonantem,
  Audi vocem eius, nempe insuperabile verbum,
  Nam velut ardescit, quae devorat omnia, flamma
  Quae semel attigerit, sic pectora nostra calescunt
  Caelesti verbo, sacro et sermone calentes
  Omnia luminibus benefacta reponimus acquis
  Quae genitor summus per Christum contulit in nos.

  Mens suprema quidem hec est Deus optimus, ingens,
  Donator lucis, summi dominator Olympi,
  (Si Zoroastri fas est applaudere dictis)
  Insevit nostris animabus symbola, multo
  Quae splendore micant, & certa insignia mentis
  Clara, quibus noster coelestia spiritus audet
  Concipere arcana, et Deitatis cernere numen.
  At numen summi Regis cui immensa potestas,
  Concipere haud possis, animi nisi flore potentis,
  Hoc est parte hominis meliore, et robore mentis.
  Spiritus ille hominum est, divine lucis amator,
  Qui (quod Paulus ait) terreno corpore clausus,
  Dissolui cupiens, gemitum et suspiria mittit,
  Pro nobisque orans, exoptat visere sedes
  Perpetuas, ubi pacta domus feliciter illi est.

  Cum Zoroaster mox omnia dicat ab uno
  Igne profecta, Deum, per purum intelligit ignem,
  Nam quod habet Celum, Tellus, Mare, Lucidus Aer,
  Id Domino rerum penitus manavit ab uno,
  Qui Celum et Terram fecit, stellasque micantes,
  Quidquid et hec adfert, et quidquid inheret in illo,
  Quem gentes primum vocitant, & cuius honorant
  Sancta opera, imperium cuius mirabile constat,
  Quique intellectum nobis, mentésque beatas
  Et que concipiant, et concipiantur ab illo,
  Insevit, cum corda hominum scrutetur et unus,
  Nec labi à nostro credamus posse capillum
  Vertice, quin summus previderit hoc quoque rector,
  Quod scriptura docet sacra, que non fallere possit.

  Quos Zoroaster Rectores nominat, illos
  Demonas integros, stabilésque intelligit, et qui
  Usque regant animam, quorúmque obnoxia Morti
  Est natura minus, verum immortalis habenda.

  Denique cum summum sese rapuisse parentem
  Zoroaster ait, sic purum concipe sensum:
  Cum Deus omnipotens expers sit finis, et ortus,
  At per sese extet, iustúmque piúmque videtur,
  Ut se à Demonibus diuiserit omnibus, et non
  Ullis ipse sue lumen Deitatis, et altum
  Splendorem, purum, primúmque incluserit ignem,
  Omnia qui fecit, summum testantia numen,
  Et cuius verbo debetur concava moles
  Celestis, cuius pictor depingere veram
  Formam nemo potest, que in Celo sancta refulget.
  Nam quis mortalis queat immortalia pictor
  Pingere? cumque alti pietas, clementia, virtus
  Sit reverenda patris, cunctorum cumque bonorum
  Vere syncerus nobis appareat author,
  Horrendum ille metum nobis non admovet unquam,
  At monet, ut nobis fiducia firma, tenaxque
  Permaneat, qua sidereas migremus in arces.

  Que Zoroaster divina arcana reliquit,
  Iam pie lector habes, nostris sat lucida Musis,
  Alta quibus possit maiestas usque videri
  Illius, qui cuncta regit, quibus et bona nostre
  Perspicias anime, que summi est Regis imago,
  Aethereas tandem cupiens invisere sedes,
  Authorem, quo fausta suum videátque, colátque.

  Vos ergo afflati mortales numine sancto,
  Ex Zoroastri dictis mel sumite sacrum,
  Aut mea syncero Legite hec moralia vultu
  Carmina, et eterni genitoris dicite laudes,
  Qui nihil à nobis quam purum expostulat usque
  Obsequium, sanctásque preces, atque intima cordis
  Vota pii, mente ergo pia veniamus ad illum.

Commentarii in Zoroastrum Finis.



A Monseigneur d'Aubigny, Lieutenant Particulier de Coignac en Angommois,
Sonnet, d'un Poete Francois, en la Recommandation du present oeuvre.


  L'opinion jadis de Pythagore
  Aux Escoliers servoit d'auctorité,
  Tulle facond et plein de gravité
  Par eloquence en renom vit encore,

  Du Mantouan Poete ores honore
  Tout Helicon, le los et dignité,
  Vostre Scavoir en tous Droicts limité
  Juge prudent, dira pour certain ore,

  Que cest Autheur faict aux doctes scavoir,
  Que l'oraison, en Poeticq' Scavoir
  (D'un don hautain) en cest oeuvre il assemble,

  En ses doux vers c'est le mesme Maron,
  En Réthorique un second Ciceron,
  C'il est parfaict, qui joinct les deux ensemble.



Divina Zoroastri, Greci Philosophi oracula, que F. Habertus in Gallicam
Poesim transtulit, et Commentariis illustravit.


  Perquire anime ductum, unde, quóve ordine
  Navata corpori opera.
  Ad ordinem unde manasti
  Rursus erigaris, opere verbis sacro sanctis adiuncto,
  Ne deorsum nuas, precipitium in Terra substernitur
  E loco trahens septem meatibus predito, infra quem gravis
  Necessitatis solium est.
  Tuum vas fere Terre habitabunt.
  Ne fatum auxeris,
  Neque enim à Paterno principio imperfectum quicquam versatur.
  At vero non admittit eius vota mens Paterna,
  Quoad dum exierit oblivionem, atque verbum prompserit,
  Memorie infigens sacram Patris tesseram.
  Adspirandum tibi, properandúmque ad lumen, et Patris splendores,
  Unde immissa tibi est anima, plurima mente circunscripta.
  Hos autem Terra deplorat ad usque posteros,
  Expulsores anime ac per quos respirare sit integrum, solutu sunt faciles.
  Levo in latere cubilis, virtutis fons
  Intus totus manet, virginitatem minime proiiciens.
  Anima hominum Deum quadam tenus in sese cogit,
  Mortale nihil complexa, tota divinitus inebriata est.
  In harmonia gloriatur sub qua corpus vitale sit
  Quoniam anima, cum sit ignis patris lucidus,
  Et immortalis permanet, et est vite domina.
  Eadem mundanorum quoque sinuum multos numeros possidet.
  Quere Paradison.
  Ne spurces spiritum, rem ve planam adaugeas,
  Est et idolo locus in regione splendida,
  Sed nec materiale corpus precipitio deseres.
  Ne exegeris, uti ne quid incommodi perpetiatur.
  Si mentem ignitam erexeris, fluxum alioqui corpus servabis.
  E finibus Terre prosiliunt minus verum
  Signum ostentantes mortali homini, canes.
  Natura suaserit Demonas esse integros,
  Ac vitiose materie germina frugi atque proba,
  Pene mortalium vinctrices.
  Primas in te vendicet immortalis anime altitudo
  Oculosque pariter
  Omnes sursum versum erige.
  O nature homo presidentis artificium
  Quod si mihi sepiuscule dixeris,
  Omnino dictum cernes.
  Nam neque celestis, eadémque curva moles visitur.
  Stelle nunquam collucent,
  Lune lumen conditum est.
  Terra non extitit.
  Ne nature imaginem nuncupaveris
  Exemplar visile.
  Undiquaque nescie doli anime
  Habenis ignis extentis.
  Cum spectaris citra formam ullam
  Sacrosanctum ignem
  Lucentem, huc et illuc subsilientem ad universi orbis altitudinem,
  Audi ignis vocem.
  Symbola mens paterna animabus insevit.
  Certo scito intelligibile extra mentem esse.
  Est intelligibile quod oporteat mentis flore perceptum.
  Omnia ab uno igne profecta sunt,
  Quippe cum omnia pater absolverit, mentique tradiderit secunde.
  Quem primum appellitant nationes hominum.
  Que à patre mentes concipiuntur, eedem & ipse concipiunt.
  Rectores intellectuales, simul et inflexiles Mundus obtinet
  Ipsum sese pater rapuit, ac ne in mente quidem entelligentie
  Compote ignem suum inclusit.
  Pater non metum sed suasionem admonet.



La Comedie du Monarque.


Les personnages.

  Le Monarque.
  Pasiphile flateur.
  Bon zele, precepteur du Monarque.
  Sappho, femme impudique.
  Bacchus.
  Verité.
  Atropos.

Virgilius.

  Ut Venus enervat vires, sic copia vini,
  Uno nanque modo vina, Venúsque nocent.

Le Prologue.

  Nobles Esprits, qui apprestez l'aureille
  Pour escouter, n'ayez ce jugement
  Que nostre voix à cela s'appareille
  Pour detracter et mesdire asprement.
  La Comedie orrez tant seulement
  Introduisant un Monarque honorable,
  Qui delaissant le vray enseignement,
  Premierement suyt volupté damnable.

  Puis ayant peur de la Mort redoubtable,
  Il se repant de son forfaict inique,
  Se chastiant de Bacchus détestable,
  Et des liens de l'amour impudique.
  Le tout est fainct par sens allegorique
  Ou vous prendrez plaisir (comme je croy)
  Donc faictes tous silence pacifique,
  Car commencer veult le Monarque et Roy.

Le Monarque commence.

  Graces je rends au divin Createur
  Qui tant d'honeurs me mect en evidence,
  Et qui me rend Prince dominateur,
  Ayant de biens copieuse abondance.
  Sur tout cela je prise la prudence
  De l'enseigneur dont j'ay fruition,
  Car c'est Bon zele, homme plein d'excellence
  Predestiné à mon instruction.

  O Pasiphile, à ma conception
  Soys ententif, appelle moy Bon zele
  Mon precepteur, plein de perfection
  Qui jour en jour sciences me revele.

Pasiphile.

  Roy souverain, vostre servant fidele
  Je fus, je suis, seray durablement,
  Puis qu'il vous plaist que Bon zele j'appelle,
  J'accompliray vostre commandement.

Bon zele.

  Je voy venir vers moy presentement
  Ce grand mocqueur, et flateur Pasiphile,
  O que mon Prince est veritablement
  Bien abusé de cest homme inutile?
  Voyla le cours de ce Monde labile,
  Flateurs tousjours sont aymez à la Court,
  Et sont prisez plus qu'un conseil utile,
  Que y feroit on? cest le Regne qui court.

Pasiphile.

  Je voy Bon zele, aller vers luy tout court
  Il me convient selon mon entreprise,
  Il ne me chaut déstre subtil ou lourd
  En mettant fin à ma charge entreprise.
  Seigneur Bon zele, en Scavoir que lon prise,
  Ce Prince grand dont estes precepteur,
  Veult que par vous ores peine soit prise
  D'aller vers luy, comme son instructeur.

Bon zele.

  Le Souverain, celeste Redempteur
  Vueille garder ce Prince debonnaire
  De tous ennuys de ce Monde menteur,
  Son servant suis, en tout luy veux complaire,
  Allons vers luy, voicy l'heure ordinaire
  Que j'ay apris de luy faire lecon.

Pasiphile.

  Il ne m'en chaut, mais que je puisse faire
  Un bon repas, oyant des plats le son.

Bon zele.

  Il te souvient tousjours de ta chanson,
  Du ventre plein tu fais ton Dieu et maistre,
  Garde tu n'as d'engendrer marrisson
  Quand trouveras bien à boire et repaistre.

Pasiphile.

  Allons, allons, je voudroys desja estre
  En la maison du Prince mon Seigneur,
  Si Dieu m'eust faict un Riche Prince naistre,
  J'aymeroys mieux le repas que l'honeur.

Le Monarque.

  Voicy mon bon et fidele enseigneur,
  Prester me fault l'aureille, pour l'entendre,
  Car je ne scay plus sage gouverneur,
  Pour la grandeur de ma noblesse aprendre.

Bon zele.

  Prince d'honeur, que je desire rendre
  De plus en plus exorné de Scavoir,
  Dieu vous maintienne en santé pour comprendre.
  Les grands vertus que doibt un Prince avoir.

Le Monarque.

  Foy de Monarque, aise suis de vous voir,
  Bon zele sage, honeste, et bien apris,
  Car jour en jour je desire scavoir
  Les biens, qui sont en grand vertu compris.

Bon zele.

  Escoutez donc O Prince de hault pris,
  Car à un Roy utile est la science.

Le Monarque.

  Or poursuivez, comme avez entrepris,
  Car des vertus me plaist l'experience.

Bon zele.

  Je vous ay mis tousjours en apparence
  Ceste excellente et divine vertu,
  Dont un Monarque et Prince d'excellence
  Doibt en tout temps avoir l'Esprit vestu,
  C'est à scavoir que vice combatu,
  Il se maintienne en droicture et justice,
  Honeurs mondains ne prisant un festu
  S'il n'ha en soy de vertu l'exercice.

  Car la vertu est le moyen propice
  Que les grands Roys augmentent leur pouvoir,
  La vertu est des Richesses tutrice
  Et des grands liens, qu'un Prince peut avoir.
  Vous debvez donc de vertu vous pourvoir,
  Qui le renom des Princes éternise,
  A celle fin qu'on puisse appercevoir
  Que le Seigneur du Ciel vous favorise.

  Tous voz majeurs lesquelz on loue et prise,
  Par les Escrits de sage antiquité,
  Suyvoient vertu par sapience aprise,
  Chassoyent le tort, ambrassoyent équité.
  Ilz ont vescu en magnanimité;
  Dont jusqu'icy en florist la memoire,
  Ne voulez vous en mesme dignité
  Aux successeurs espandre vostre gloire?

Le Monarque.

  Vostre raison est clairement notoire,
  Car mes majeurs sont en bruict florissant,
  Leur corps est mort en ce bas Territoire,
  Mais leur renom n'est pas déperissant.
  Donc à voz dicts veux estre obeissant,
  Pour ambrasser la vertu et l'ensuivre,
  Si le plaisir est tel du Toutpuissant,
  Avec vertu je veux mourir et vivre.

Bon zele.

  De tout ennuy mon cueur est à delivre
  Quand je vous voy en ceste voulonté,
  Mais gardez vous de Bacchus, qui enyvre
  Les sens humains, tant il est deshonté.
  Jadis il à maint grand Roy surmonté,
  En le rendant à tous vituperable.
  Gardez vous donc destre pris et dompté
  Par ce Bacchus seducteur execrable.

  Fuyez aussi de Vénus détestable
  Les fols attraicts, et soyez bien records
  Que Vénus est bien autant dommageable
  Que ce Bacchus, à la vigueur du corps.
  Fuyez les deux, car par unis accords
  Ils sont nuisans à toute creature,
  Mesme à un Roy, qui loing de tous discords
  Doibt estre chaste et sobre par droicture.

  Puis vous avez Espouse chaste et pure
  Pour enfans beaux et nobles d'elle avoir,
  Sans vostre lict contaminer d'ordure,
  Ne Concubine infame recevoir.
  D'un Prince grand voyla le vray debvoir
  Dieu à voulu que la cure je prinse
  De vous instruire, et faire concevoir
  Ce qui convient au magnanime Prince.

Le Monarque.

  Bien heureux suis d'avoir en ma Province,
  Un tel conseil, pour bien me gouverner,
  Veu que je suis d'auctorité non mince,
  Il me convient en prudence regner.
  Amy Bon zele il fault vous guerdonner
  Long temps y a qu'estes à mon service.
  Sur ceux le chef je vous veux ordonner
  Qui ont de moy charge, estat, et office.

Bon zele.

  Graces vous ren de ce vouloir propice
  Prince trescher, que j'honore humblement,
  Dieu m'a pourveu d'un fort grand benefice
  Que j'ay tousjours de peu contentement.
  Si vous vivez fort vertueusement
  En ensuivant mon conseil veritable,
  Je ne demande à Dieu tant seulement
  Que mon conseil vous soit bien proffitable.

Sappho.

  Au Monde est il chose plus delectable
  Que d'exercer le plaisir de Venus,
  Plaisir si grand, si doux, et amiable,
  Dont maints amants heureux sont devenus?
  Je croy que non, car si bien sont cognus
  Tous les plaisirs de la flame amoureuse,
  De moy Sappho propos seront tenus
  Comme de femme excellente et heureuse.

  Fy de beauté qui est trop langoureuse,
  En chasteté prenant tousjours son pli,
  Follastre amour est bien plus savoureuse,
  Quand doucement son oeuvre est accompli.
  Vous amoureux, voyez, je vous suppli,
  Ma grand beauté qui de graces abonde,
  Roy n'est vivant, de chasteté rempli,
  Qui me voyant, à m'aymer ne se fonde.

  Aymer je veux un Monarque en ce Monde,
  Pour m'enrichir de ses biens precieux,
  S'il m'appercoit tant belle, exquise et monde,
  En contemplant la grace de mes yeux,
  En admirant mon maintien gracieux,
  Mon doux parler, jestime sans doubtance,
  Qu'il n'aura rien plus cher dessoubs les Cieux
  Que de Sappho l'amoureuse acointance.

  Parquoy convient que vers luy je m'avance
  Pour l'aveugler de ma mondanité,
  Bien, qu'il soit sage et remply de constance,
  Bien qu'il ait maistre, ou gist maturité
  Pour estre instruict, voire si verité
  Vient en personne à luy monstrer sa voye,
  Il ne sera pour moy moins incité,
  Pourveu que tant gracieuse il me voye.

Bacchus.

  J'ay en mon cueur tousjours soulas et joye
  Quand pres de moy j'ay les frians morceaux,
  Il ne me chaut de pluye, mais que j'oye
  Que tousjours pleins de vin sont mes vaisseaux
  Boire d'autant, remplir Flaccons et Ceaux,
  Manger jambons, avaller chair sallee,
  Et m'engresser comme sont les Porceaux,
  Voyla comment ma vie est consolee,

  Si voyt on bien ma louange extollee
  Quand je produy l'excellente liqueur
  De ce Nectar, liqueur emmiellee,
  Liqueur de vin resjouissant le cueur.
  Si me croyez estre quelque mocqueur,
  Vous vous trompez, regardez moy en face,
  Je suis Bacchus, il n'ha au Monde qu'heur,
  Qui comme moy de boire ne se lasse.

  Je suis Bacchus, la tant antique race
  De Juppiter, je suis le gros Bacchus,
  Bons biberons me suivent à la trace,
  Je fay venir la guerre entre bas culs.
  On ne verroit, sans moy, tant de cocus
  Autres que ceux qui sont sur la Ramee,
  A bref parler, par moy furent vaincus
  Jadis maints Roys d'auctorité famee.

  Mais que me sert ma haulte Renommee,
  Si je ne mects à execution
  Ma grand puissance en tous lieux Renommee
  Sur quelque Roy de grand possession?
  Or j'en scay un par admiration
  Riche, excellant, de sublime pouvoir,
  D'aller vers luy c'est mon intention,
  Je luy feray ma puissance scavoir.

Sappho.

  Comme je puis assez appercevoir
  Je suis bien pres du Monarque honorable,
  Je m'y en voys, je commence à le voir,
  O combien m'est sa personne agreable?

Pasiphile.

  Sire, voicy quelque dame louable,
  Qui vient devers vostre magnificence,
  Sa beauté est grande et imcomparable,
  Je croy qu'elle est d'une noble naissance.

Sappho en saluant le Monarque.

  Vostre Renom est de telle puissance
  Prince d'honeur, que pour vous honorer,
  Je vien vers vous, car j'ay la cognoissance
  Qu'a tous Humains je vous doy preferer.
  Et n'ay desir sinon de demourer
  Avecques vous, de voz graces ravie,
  Car je vous veux de ce bien asseurer
  Que d'autre aymer je n'ay aucune envie.

  Vostre grandeur à cela me convie,
  Vous, de ma part aurez contentement,
  Vostre seray le surplus, de ma vie.
  Pour vous donner plaisir, esbatement,
  Pour vous donner le vray soulagement
  Que m'a apris la belle Cytheree,
  Qui ambrassoit Adonis doucement
  Quand avec luy elle estoit retiree.

Le Monarque.

  Je ne scay pas qui vous à attiree
  D'ainsi m'offrir vostre amitié honeste,
  Mais ma pensee est allieurs retiree,
  Vostre beauté toutefois m'admoneste.
  Ah je cognoys ceste amour deshoneste
  Estant l'Espoux de Royne de hault pris,
  Puis par Bon zele homme de vertu nette,
  Et selon Dieu j'en seroys fort repris.

Sappho.

  Excellent Prince avez vous entrepris
  D'obtemperer à instructeur moins sage
  Que vous, en qui grand pouvoir est compris
  Pour obtenir de voz plaisirs l'usage?
  Prince changez cest endurcy courage,
  Car vous pouvez vivre à vostre desir,
  Laissez aux sots des vertus le presage,
  Il n'est vertu que vivre à son plaisir.

  Quand vous, verrez mes graces à loisir,
  Et que seray entre voz bras couchee,
  Si vous aviez au cueur tout desplaisir,
  Plus ne sera vostre grandeur faschee,
  Quand vostre levre aux deux miennes fichee
  Prendra de moy un baiser savoureux,
  Et que par vous sera ma chair touchee,
  Sans fin de moy vous serez amoureux.

  Regardez donc, Monarque vigoureux
  A ne laisser telle resjouissance,
  Qui vous rendra des Roys le plus heureux
  Quand de Sappho vous aurez jouissance.

Le Monarque.

  Sappho, bien fort me plaist la cognoissance
  De vostre nom, je suis en grand esmoy,
  Que doy je faire? Amour ha grand puissance,
  Faictes sejour ce pendant avec moy.

  O Pasiphile, apertement je voy
  Que ton propos estoit fort veritable,
  Ceste dame est tant belle, que je croy
  Qu'il me faudra aymer sa grace aymable.

Pasiphile.

  Prince excellant, Monarque inestimable,
  Nul ne vous peut contredire en ce faict,
  Vous ne serez pour ce moins redoubtable
  Quand à voz veux vous aurez satisfaict.

Le Monarque.

  Son doux maintien en cent graces perfaict,
  Son entretien, sa tant douce parole,
  Son beau visage, exquis, et tant bien faict,
  Tout cela faict que mon cueur se console.
  De grand soulas, certes, le cueur me vole
  Quand je la voy tant pleine de beauté,
  Et ce qui plus encor mon cueur affolle,
  C'est sa naive et douce privauté.

  Vaincu je suis de sa speciauté,
  Deliberant l'aymer, et luy complaire,
  Et l'enrichir soubs ma grand Royauté,
  Bien que cela soit aux vertus contraire.

Bacchus.

  Je voy le lieu ou je me doy retraire,
  C'est vers ce Prince en Richesse excellant,
  Je m'y en voys pour tost à moy l'attraire,
  Il me fault estre en cela vigilant.

Pasiphile.

  Sire, je voy homme, qui en pas lent
  Vient saluer vostre Majesté haulte,
  Il ha le nez rouge et estincellant,
  O c'est Bacchus, il n'y à point de faulte,
  De grand soulas, certes, le cueur me saulte,
  Car je le voy garny de la Bouteille
  Et de Jambon, o la personne caute,
  C'est pour la soif qui souvent le resveille.

Bacchus en saluant le Monarque.

  Prince, duquel la grandeur m'esmerveille,
  A autre fin vers vous ne suis venu,
  Que pour compter la force nompareille
  Qui est en moy, quand bien m'aurez cognu.

Le Monarque.

  Hé, qui es tu? je te tien incognu,
  Je ne vy onc une si large face.
  Dy moy ton nom, et ou tu t'es tenu,
  Car ton regard n'est de mauvaise grace

Bacchus.

  Mon nom est grand, et de grand efficace,
  Je suis Bacchus en tous lieux Renommé,
  Aux plus crainctifs donnant force, et audace,
  Le Dieu Bacchus des anciens nommé
  Par tout je suis, par tout suis estimé:
  Par ma liqueur doucement violente,
  Car qui en boyt, soubdain est assommé,
  De doux sommeil qui à luy se presente.

Pasiphile.

  Voyla mon cas, voyla ma vraye attente,
  Je suis des tiens, o Bacchus mon amy,
  Car il n'y à rien qui plus me contente
  Que d'estre saoul, et puis bien endormy,
  Puis destre fort contre mon ennemy,
  Batre, frapper, (o plaisant exercice)
  Boire d'autant, et non point à demy,
  Vivre et mourir je veux soubs ton service.

Bacchus.

  Monarque enten, les Roys ont soubs ma lice
  Vescu jadis, ce grand Roy Alexandre
  De mon pouvoir à receu la notice
  Quand je l'ay faict à moy subject se rendre.
  De Loth aussi un chascun peut entendre
  Aux Escrits saincts, que ma main luy livra
  Ce doux Nectar ou vous debvez pretendre,
  Car ce bon Loth doucement s'enyvra.

  Bref à jamais mon hault renom vivra,
  Grands et petis ont de moy cognoissance,
  En tous endroicts un chascun me suivra,
  De ma liqueur cognoissant la puissance:
  Puis ta Sappho ayme mon alliance,
  Car sans Bacchus et Ceres, (comme on dict)
  Froyde est Vénus en sa resjouissance,
  Voyla comment j'ay vers elle credit.

Le Monarque.

  Ce tien bruvage (ainsi que m'as predict)
  Est il si doux, que Sommeil il procure?
  Sil est ainsi, je veux sans contredict
  En boyre un peu.

Bacchus.

  Cher Prince, je vous jure
  Qu'il est plus doux que miel, oultre mesure,
  Et pour cela esprouver promptement,
  Tenez, buvez, de ce je vous asseure
  Que dormirez en grand contentement.

Le Monarque bura plusieurs fois, puis dira en se couchant sur un lict.

  O doux bruvage, O doux allegement,
  Succre ne Miel ne semblent rien au pris,
  O doux Nectar, O doux soulagement?
  Douce liqueur donnant joye aux Espris?
  Certainement de sommeil suis espris,
  Vien Pasiphile, appareille ma Couche,
  Si que par moy soudain repos soit pris
  Faire ne puis que tost je ne me couche.

Bacchus.

  C'est faict, il n'est homme aucun si farouche
  Qui endormi ne soit de mon bruvage,
  Bruvage fort, qui jusques au cueur touche
  Et rend subject ce Roy, grand personnage.
  Jugez, mortels, si je porte dommage,
  Ou bien proffit, au corps de tous Humains,
  En voulez vous plus certain tesmoignage
  Que d'un Monarque endormi par mes mains?

  Je suis utile et nuisant en lieux maints,
  Utile à ceux qui selon suffisance
  De ma liqueur usent, aux inhumains,
  Nuisant je suis par leur intemperance,
  Ce Roy n'a sceu user de temperance,
  En prenant trop du bruvage ordonné,
  Voyla pourquoy il se sent à outrance
  De ma liqueur, qui l'a tout estonné.

Verité.

  Ce Redempteur de vierge mere né,
  Seul toutpuissant, celeste, veritable,
  Pour les Humains en croix passionné,
  Ayme celluy qui n'est point decevable,
  Et un chacun luy sera agreable,
  Qui sera plein de paix et charité,
  C'est luy qui est mon pere charitable,
  Sa fille suis, qu'on nomme Verité.

  Envers les bons j'ay grand auctorité,
  Le cueur desquelz en erreur ne se plonge,
  Mais les remplis d'erreur et vanité,
  Sont mes haineux, comme pleins de mensonge,
  Comme ambrassans idolastrie et songe,
  Comme suivans toute deception,
  Mais des parfaicts l'esprit à rien ne songe
  Qu'à honorer ma grand perfection.

  Aux vertueux j'ay ma dilection,
  Voire aux meschans (s'ils laissent leur fallace)
  Je porteray fidele affection,
  Les retenant en mon amour et grace.
  Et pourautant il me fault pourvoir à ce
  Que ce Monarque endormi par ses vices,
  Chasse Bacchus, et Sappho, dont la face
  Trop belle, l'a aveuglé de delices.

  Aller luy veux remonstrer ses malices
  Par saincts, divins, salutaires propos,
  Et luy donner enseignemens propices,
  Pour desormais le rendre plus dispos,
  Il dort, il prent un excessif repos
  Qui à son ame et corps fera nuisance
  Si corrigé par crainte d'Atropos,
  Il ne revient en sa force et puissance.

Bon zele.

  Voyci le temps ou fault que je m'avance
  Vers mon Seigneur le Prince, pour le voir,
  Et humblement luy faire reverance
  Pour luy monstrer quelque utile scavoir:
  Mais je crains fort que pour le decevoir,
  Par devers luy Bacchus sa voye applique,
  Ou bien qu'il vueille avec soy recevoir
  Quelque Lais, ou Sappho impudique.

  Je voy venir le flateur lunatique
  De mon Seigneur, Pasiphile, ou vas tu?

Pasiphile.

  Je vien vers vous, Docteur scientifique.

Bon zele.

  Que faict mon Prince amoureux de vertu?
  Est il tousjours de santé revestu?
  Dy moy comment sa majesté se porte.

Pasiphile.

  Bien mal, Bacchus l'a si fort abatu
  Que ne l'ay veu onc dormir de la sorte.

  Et ce qui plus encores le transporte,
  C'est que Venus le retient en ses laqs:
  Car chasteté dedans son cueur est morte
  Pour sa Sappho, qui est tout son soulas.

Bon zele.

  Ce que j'ay crainct, est advenu, helas
  Rien ne luy a servi ma remonstrance
  Il a esté bien soudainement las
  De se tenir en sobre temperance.

  Allons vers luy en prompte diligence,
  Pour luy monstrer combien il a forfaict,
  A celle fin que pure repentance
  Dedans son cueur obtienne quelque effaict.

Le Monarque en s'esveillant, et se regardant en un Miroir.

  O que je suis triste, palle et deffaict
  D'avoir dormi tant excessivement?
  O qu'à Bacchus j'ay par trop satisfaict
  De trop complaire à son enseignement.

  Pour plaisir court, je recoy long torment,
  Et grand douleur, car il fault que je die
  Que des le jour de mon couronnement
  Vexé ne fus de telle maladie.
  Je perds le sens, j'ay la teste estourdie,
  Je ne senti oncques telle douleur,
  Et ma poictrine est si fort réfroidie,
  Qu'en moy je n'ay naturelle chaleur.

Bon zele.

  Ah mon Seigneur, Prince de grand valeur,
  Je suis marri de vostre adversité,
  Bacchus vous a causé ce grand malheur,
  Venus aussi vous a debilité.
  Laissé avez vostre tranquillité,
  Et le moyen ou vous teniez mesure,
  Voila pourquoy fault par necessité
  Que vostre corps griefvement en endure.

  Et toutefois il fault que l'on procure
  Vostre vigueur, et premiere santé,
  Qui se fera, si de Sappho impure,
  Et de Bacchus voulez estre exempté.

Le Monarque.

  N'en parlez plus, je suis trop tormenté,
  Sappho me plaist, quant à Bacchus infame,
  Je n'en veux plus, qu'il soit tost absenté
  De ma maison, car trop il me diffame.

Pasiphile.

  Voila Bacchus dechassé, sur mon ame,
  Adieu Bacchus, o dur departement?
  Bacchus s'en va que par tout on reclame,
  Avec lequel je buvois largement,
  De gras jambons je perds l'allegement
  Pour carreller mon ventre, et bien repaistre,
  Il m'en desplaist, mais je voy clairement
  Qu'un chacun doit obeir à son maistre.

Bon zele.

  Prince d'honeur, puis qu'avez, peu cognoistre
  Combien Bacchus vous est pernicieux,
  Aussi debvez hors vostre maison mettre
  Ceste Sappho de cueur tant vicieux.

Le Monarque.

  N'en parlez plus, c'est mon bien precieux,
  Je ne la puis effacer d'oubliance,
  Tant que seray vivant dessous les Cieux,
  J'auray tousjours Sappho en souvenance.

Verité.

  Je voy la Court du Prince d'excellance
  Dont Sappho a sceu le cueur penetrer,
  Il me convient luy faire reverance,
  Puis doucement sa faute luy monstrer.

Bon zele.

  O combien j'ay d'heur à te rencontrer
  O Verité, de Dieu l'humble pucelle?
  Je te supply avecques moy entrer
  Chez mon Seigneur, que Monarque on appelle.

  A mon conseil il n'a esté rebelle
  D'avoir chassé Bacchus de sa maison:
  Mais sa Sappho impudiquement belle
  Chasser ne veult par aucune raison.
  O verité, il est heure et saison
  Que ton conseil luy oste l'amour folle,
  Qui son corps blesse, et sans comparaison
  Son noble esprit plus tormente et affolle.

Verité.

  Allons vers luy, veritable parole
  Aucunefois à l'homme est proffitable,
  Verité suis qui tout homme console
  Quand il requiert secours medicinable.

Bon zele en presentant Verité au Monarque.

  Puis que de moy, O Prince venerable,
  Ne vous a pleu le conseil d'equité,
  A tout le moins, comme Roy raisonnable,
  Prestez l'aureille à dame Verité.

Verité.

  Prince qui es en grand auctorité,
  Enten à moy, je suis du Ciel venue
  Par le vouloir de la benignité
  Du Toutpuissant, qui m'a chere tenue.

Le Monarque.

  Je suis troublé, que me sert ta venue,
  Fors d'augmenter mon ennuy et tourment?

Verité.

  O Roy, quand bien par toy seray cognue,
  Tu en auras un grand emolument.

Le Monarque.

  Je t'entendray, parle donc promptement,
  Mais que Sappho de moy point ne s'absente.
  J'obeiray à ton enseignement,
  Car par Sappho ma pensee est contente.

Verité.

  Las, je cognois qu'esprit malin te tente,
  O Prince enten ce que tu dois scavoir,
  Le cours n'est rien de la vie presente,
  On doibt plus hault son esperance avoir.
  Dieu t'a voulu d'un grand Regne pourvoir,
  Premierement pour exercer droicture,
  Puis pour tousjours chasteté recevoir
  Avec ta femme honeste, chaste, et pure.
  Ne scais tu pas que par sa forfaicture
  Le Roy David fut blasmé aigrement
  Par l'Ange sainct, et que pour telle ordure
  La peste occist son peuple abondamment?

  Prince aveuglé, croy moy certainement
  Qu'hommes tachez de soillure impudique,
  N'auront les Cieux, ou perdurablement
  Doibt vivre l'homme ayant esté pudique.
  Veux tu laisser ce thresor magnifique
  Des Cieux hautains, qui à ceux est promis
  Dont le desir à chasteté s'applique
  Dessoubs les piedz ayant tout vice mis?

  Change conseil, sois en vertu remis
  Suyvant les dicts de ton maistre Bon zele,
  Qui a esté pour t'instruire commis
  Pour aspirer à la vie eternelle.
  Si à cela qu'ores je te revele
  Tu es contraire et desobeissant,
  Tu souffriras punition cruelle
  Lors que ton corps sera deperissant.

Le Monarque.

  Tant que seray de santé jouissant,
  Sappho tousjours me sera acceptable,
  J'entretiendray son estat florissant
  Je la feray grand dame et honorable.
  C'est mon arrest et propos immuable,
  Deporte toy doncques o Verité,
  Ton conseil est sainctement equitable:
  Mais j'ay le cueur au contraire incité.

Verité.

  O des Humains la grand temerité,
  Ce Roy cognoist sa detestable offense,
  Et toutefois par grand austerité
  Il ne veult point venir à repentence.
  O qu'il y a maint homme qui offense
  En cest endroict, ses pechez cognoissant,
  Et toutefois il faict perseverance
  En ses pechez, et va Dieu offensant.

Bon zele.

  Prince d'honeur: d'auctorité puissant,
  Adjoustez foy à ceste vierge saincte,
  C'est Verité, d'elle rien n'est yssant
  Qui ne soit bon, de fraude elle n'est ceincte
  Toute malice en son cueur est estaincte,
  Gardez vous bien que pour ne consentir
  A son conseil, ou gist vertu non faincte,
  Vous ne veniez troz tard au repentir.

Le Monarque.

  Vous perdez temps, pour vous en advertir,
  Sappho me plaist, c'est ma resjouissannce,
  Mon cueur ne peut d'elle se departir,
  Elle sera avec moy demourance.

Verité.

  Puis que je voy sa rebelle ignorance
  Continuer en son premier propos,
  Il est besoing que mon chemin j'avance
  Vers la cruelle et hydeuse Atropos.

  Je m'y en voys, d'un courage dispos
  Pour la prier, (pource qu'elle est terrible)
  Venir troubler du Prince le repos
  Avec son chef serpentin, et horrible.
  Puis qu'il n'a creu à bon zele, paisible,
  N'a moy qui suis Verité de hault pris,
  Il recevra une craincte indicible
  Par Atropos qui faict peur aux Esprits.

Atropos ayant cheveux serpentins.

  Tant de fureur en mon cueur est compris
  Qu'a tous Humains je suis espouventable,
  Il n'y a Prince ou Roy si bien apris,
  Qui me voyant, ne soit foible, et peu stable,
  Atropos suis, Chimere detestable,
  Chacun me crainct, et non pas à grand tort,
  Car quand je veux, suis si peu pitoyable,
  Que du vivant je pourchasse la Mort.

  Aux uns soulas, aux uns suis desconfort,
  Soulas à ceux, qui ensuivent prudence,
  Et desconfort à ceux qui n'ont cueur fort
  Pour en vertu faire leur residence.
  Ainsi les uns craignent ma violence,
  Quand en leurs cueurs la vertu n'est emprainte,
  Les autres ont en Dieu tant de fiance,
  Que de la Mort ils n'ont aucune craincte.

  Aux uns je suis utilité non faincte
  Quand je les fay ayans la foy mourir,
  Car Dieu alors par sa clemence saincte
  Maugré mon vueil les faict aux Cieux florir.
  Aux autres suis nuisante, quand perir
  Je les contrains avecques leur ordure,
  Trop endurcis, ne voulans acquerir
  Contrition, ne vie saincte et pure.

  Ainsi aux bons je fay plaisir qui dure,
  Et aux mauvais, perpetuel tourment.
  Qui voudra donc ne me trouver trop dure,
  Au Monde bas doibt vivre sagement,
  Sans se fier à son seul jugement:
  Mais en croyant au conseil veritable
  Qui vivre faict l'Ame éternellement
  Aux lieux, ou Dieu recoit l'homme équitable.

Verité.

  J'approche fort d'Atropos l'execrable,
  Prier la fault de venir avec moy,
  Pour de propos severe, et raisonnable
  Espouventer ce miserable Roy.
  Il en aura craincte, comme je croy,
  Car Mort à tous donne craincte certaine,
  Or il est temps de parler, car je voy
  En son sejour la Chimere villaine.

Atropos.

  Je mesbahis dont verité hautaine
  Vient en ce lieu de Serpens tout rempli,
  De son vouloir je suis toute incertaine,
  Ne quel il est, ni ou il prent son pli.

Verité.

  O Atropos, parle je te suppli,
  Ne veux tu pas quelque plaisir me faire?
  S'il est par toy promptement accompli,
  Je m'emploiray à bien te satisfaire.

Atropos.

  Preste je suis pour en tout te complaire,
  Fille de Dieu, qui ne mens nullement,
  Descouvre moy la fin de ton affaire,
  J'obeiray à ton commandement.

Verité.

  Avecques moy il fault presentement
  Que viennes voir en ton horrible face
  Un Prince grand troublé recentement,
  Et que ta voix terrible peur luy face.

Atropos.

  Je le veux bien, pour acquerir ta grace,
  Marche devant, tu me passes d'honeur,
  Je te suivray lentement à la trace
  Jusqu'au Palais de ce riche Seigneur.

Verité.

  Le tout puissant, unique gouverneur
  Qui est aux siens piteux et debonnaire,
  Vueille donner au Prince si bon heur,
  Que de Sappho il se puisse deffaire.

Bon zele.

  O qu'il me doit bien griefvement desplaire
  De n'avoir sceu reduire aucunement
  Ce Prince grand, ne son desir distraire
  De folle amour, par mon enseignement?
  Que verité n'a peu semblablement
  Le convertir à juste penitence.
  Si ay je espoir en Dieu fidelement
  Qu'il perviendra au fruict de repentence.

  Car le Seigneur plein de haulte clemence
  Ha des pecheurs souventefois mercy,
  Je le supply que sa bonté immense
  En face autant de ce Monarque ici.
  Las, son erreur me mect en grand souci,
  O Toutpuissant par ta misericorde,
  Ren de ce Roy le cueur plus adouci,
  A celle fin qu'à ton vueil il accorde.

Atropos en parlant au Monarque.

  Pense Monarque à la conscience orde
  Qui tient ton ame en grand captivité,
  Regarde moy, et ores te recorde
  De ton forfaict conceu d'iniquité,
  Tu as suivi prudence et equité
  Bien longuement, mais la perseverance
  N'a ensuivi ce moyen limité,
  Car en erreur tu fais ta demourance.

  En bref mourras, recoy ceste asseurance
  Non en perdant le corps tant seulement,
  Mais l'ame aussi en extresme souffrance
  Qui durera perpetuellement.

Le Monarque.

  O Dieu que j'ay en moy grand tremblement
  De ceste voix, et vision mortelle?
  Approchez vous de moy soudainement
  Mon enseigneur et vray ami, Bon zele.

  Je ne receu onc une craincte telle,
  Las, c'est la Mort, O laide vision?
  O face horrible, execrable et cruelle?
  Mon cueur recoit humble contrition.
  Je recognois mon imperfection,
  Je recognois ma rebelle imprudence,
  O Toutpuissant plein de perfection
  Tu m'as produict ma coulpe en evidence.

  Plus avec moy ne fera residence
  Ceste Sappho, qui m'a faict tresbucher,
  Preferer veux honeste continence
  Aux fols souhaicts et plaisirs de la chair.
  Doncques mon Dieu, dont le nom je tien cher,
  Je te suppli par ta misericorde
  Me pardonner, et me faire approcher
  De chasteté, de paix, et de concorde.

  Quant à Sappho, à present je m'accorde
  Qu'on la dechasse ainsi qu'il est raison,
  Car je ne veux que soillure si orde
  Denigre plus ma Royalle maison.
  O Dieu qui m'as en idoyne saison
  Faict recognoistre et ma faulte et mon vice,
  Graces te ren, et par humble oraison
  Je te suppli d'oublier ma malice.

  Ren moy constant en ta saincte justice
  A l'entretien de paix et charité,
  Graces vous ren O Bon zele, propice,
  A vous aussi ma dame Verité.

Bon zele.

  Prince excellant en haute auctorité,
  Dieu soit loué de son sainct benefice,
  Dont vostre sens loing de temerité
  A recognu son charnel malefice.

  Du Tout puissant la saincte main tutrice
  En grand santé vous vueille maintenir,
  Tant que vivray, j'emploiray mon office
  Pour vostre honeur garder et soustenir.

Verité.

  Prince, pour donc vray salut obtenir,
  Chassez Sappho, comme chose damnable,
  Plus desormais ne fault la retenir,
  Car devant Dieu elle est abominable.

Le Monarque.

  Ainsi me plaist, Pasiphile amiable,
  Mets la dehors de mon Palais Royal,
  Vivre je veux au lien honorable
  De mariage, ainsi qu'Espoux loyal.

Pasiphile.

  Ca dame, ca, le vueil imperial
  M'a commandé hors ce Palais vous mettre,
  Sortez deshors, cherchez lict nuptial,
  Sans plus d'amour folle vous entremettre.

Sappho.

  O qui est cil qui t'a voulu permettre
  D'ainsi chasser une dame d'honeur?
  Plaindre m'en voys au Monarque ton maistre
  Qui de ses biens m'est liberal donneur.

Bon zele en poussant Sappho.

  Dehors, dehors, ce n'est que deshoneur
  De vostre faict, le Prince venerable
  Plus ne vous quiert, car ce n'est pas bon heur
  D'entretenir femme vituperable.

Sappho en s'en allant hors de la Court du Monarque.

  Las, que je suis dolente et miserable,
  J'ay bien perdu ma joye et mes esbas,
  O que tu es, fortune, variable
  De mettre ainsi tous mes honeurs au bas.
  Fortune aveugle à bon droict tu me bas,
  Car j'ay de moy eu trop de confidence
  Par ma beauté qui durable n'est pas,
  Mais s'en ira bien tost en decadence.

  Tout mon plaisir n'estoit qu'outrecuidance,
  En fardement, en diverse dorure,
  En vanitez d'excessive abondance,
  En jeux, en ris, en prodigue parure.
  De jour et nuict je n'avoys autre cure
  Qu'a me farder par quelque intention,
  Pour mieux complaire à mainte creature
  Qui à Vénus mect sa dévotion.

  Chaste ne fut onc mon affection,
  Tousjours m'a pleu folle concupiscence,
  Tousjours tendant à ma perdition.
  Sans d'un vray Dieu chercher la cognoissance,
  Dames d'honeur qui vivez en plaisance,
  Consyderez mon infelicité,
  De fols plaisirs laissez la jouissance,
  Peu durera vostre felicité.

  Felicité? c'est plus tost vanité,
  Prenez exemple au torment que j'endure,
  Je fus jadis en haulte dignité,
  Ores je suis en peine griefve et dure.
  Plaisir terrien c'est chose qui peu dure,
  Honeur mondain subit son cours à pris,
  Bref ce n'est rien du Monde qu'une ordure.
  Ou encor plus de malheur est compris.

  Doncques humains, soyez tant bien apris
  De délaisser volupté délectable,
  Suivez l'amour qui conjoinct deux Espris
  En une chair, à Dieu chose acceptable.
  Chastes soyez en ce joug venerable,
  Sans, comme moy, ensuivir amour folle,
  Lors vous aurez le soulas perdurable,
  Qui les Espris divinement console.

Pasiphile.

  De grand soulas ores le cueur me vole,
  Le Prince est sain tant d'Esprit que du corps
  Sappho s'en va, mais dont je me désolé,
  C'est de Bacchus, duquel je suis records,
  Car luy et moy faisions joyeux accords
  Buvans d'autant, o perte nompareille,
  Ce n'est qu'esmoy, ce ne sont que discords
  De perdre ainsi la sacree Bouteille.

Bon zele.

  Fault desormais que vostre Esprit s'esveille
  (Roy souverain) en magnanimité,
  Et à garder une amytié pareille
  A vostre Espouse ayant tant merité.
  Vous estes sain, dispos, plein d'equité,
  Perseverez en toute temperance,
  Et l'Eternel qui hayt iniquité,
  Tousjours fera en vous sa demourance.

Le Monarque.

  Bon zele, ayez de moy ceste asseurance
  Que par l'instinct du Seigneur toutpuissant
  Je me tiendray selon vostre esperance
  En vertu haulte et honeur florissant,
  Point ne seray (Dieu aydant) flechissant,
  Car je cognoys que pour au Ciel attaindre,
  Et de salut devenir jouissant,
  Il fault un Dieu aymer, servir, et craindre.

Verité en concluant.

  Conclusion, pour les vices estaindre,
  Et pour avoir l'heritage des Cieux,
  Craindre il convient l'Eternel, sans se faindre.
  Et Atropos mettre devant les yeux,
  Comme avez veu par un Roy vicieux
  Non amendé du conseil veritable,
  Mais seulement du regard furieux
  De ceste Mort à tous espoventable.

  O Peuple humain qui d'excessive table
  Fais ton seul Dieu, pour bien remplir ta pance,
  Et dont le cueur du Monde insatiable
  Trop enyvré, rien que tout mal ne pense,
  Voy que celluy qui bien et mal compense
  Te damnera, si desir ne te mord
  De demander pardon de ton offense
  A Christ, qui faict revivre l'homme mort.

Fin de la Comedie du Monarque.



Deploration sur le trespas de feu monseigneur Jean Bouchetel, Seigneur
de Sacy, Conseiller et Secretaire des commandemens du Roy.


  Si ma plume autrefois à chanté vers lyriques,
  Eglogue Pastorale, ou Sonnets heroiques,
  Si par mainte Elegie on m'à veu resjouir,
  Les aureilles de ceux qui m'ont voulu ouyr,
  Je ne veux à present ce Labeur entreprendre
  Pour d'un stile joyeux quelque liesse prendre.
  Tramper je veux ma plume au lac d'Aigre Douleur,
  Et qu'au lieu d'estre blanche, elle ait noire couleur
  Signifiant le dueil que mon triste cueur porte
  De voir soubs un Tombeau une personne morte,
  Ceste personne, Helas, dont le corps est destruict,
  Avoit assez remply la Gaule de son bruict,
  Sans qu'on deust reciter par expresse Escriture
  Les haults dons qu'il avoit, & graces de nature,
  Mais le triste regret du Peuple pour sa Mort
  Me contrainct de plorer un tant noble homme mort,
  Et croy, amy lecteur, qu'en lisant l'ortographe
  De son nom excellant mis sur son Epitaphe,
  Avec moy espandras plus de souspirs et pleurs
  Que Pomone n'avoit en son jardin de fleurs.
  Las, c'est Jean Bouchetel, ce Royal Secretaire
  Duquel les grands valeurs ma Muse ne peut taire,
  Car les haultes vertus dont florissoit son nom
  Doibvent éterniser son illustre renom.
  Bourges qui fut le lieu de sa noble naissance,
  Et qui de son Scavoir avoit la cognoissance,
  Ayant sceu le trespas d'un homme tant perfaict,
  Un si horrible cry et grand dueil en à faict,
  Que toutes les forests et prochaines vallees
  Se sont d'Arbres, de fleurs, et de fruict despoillees.
  Et les prochains ruisseaux ont augmenté leurs cours,
  Des pleurs de ses amys qui pleurent tous les jours
  Le trespas de celluy, qui en haulte apparence
  De grand Esprit, avoit servy deux Roys de France,
  Le Secretaire estant de leurs commandemens,
  En grand pris et honeur de tous entendemens.

  Aussi tost que la Mort, furieuse Chimere,
  Feit à ce Bouchetel sentir la poincte amere
  De son Dard venimeux, & que le Peuple oyant
  Si piteuse nouvelle, estoit tout larmoyant,
  Et mesloit à ses pleurs une triste complaincte,
  Des Pégasides Seurs la troupe docte & saincte
  Du mont Pernasse ouyt les regrets & douleurs
  Du Peuple Berruyer, qui fondoit tout en pleurs,
  Et pource que ces Seurs avoyent tousjours prisé,
  Ce noble Secretaire, et fort favorisé
  A ses doctes Escrits, à sa plume doree,
  Et à sa Poesie aux Gaules adoree,
  Apres avoir ouy la desolation
  Du Peuple regrettant telle perfection,
  Elles laissent leur mont plaisant et delectable
  Pour toutes assister au Tombeau lamentable
  De ce corps deslié d'un Esprit precieux,
  Qui desja place avoit au sainct repos des Cieux,
  Qui est aux bons Espris le promis heritage.
  Allons, mes Seurs, allons (dict Calliope sage)
  Voir le triste cercueil du noble Bouchetel,
  Qui pour vivre sans fin, laisse son corps mortel,
  Allons ouyr les cris de ce Peuple fidele
  Ou fut de nostre amy la Terre naturelle.
  Allons pour consoler ses amys et parens,
  Ses filles, et ses fils en honeur apparens.
  Car vous scavez, mes Seurs, qu'un tel Esprit cupide
  Fut à nous honorer, translatant d'Euripide
  De Grec en son Francois les beaux tragiques vers
  Qui au nom d'un grand Roy ont bruict par l'univers.
  Vous scavez, je le scay, que sa plume excellante
  Tousjours au bien public à esté vigilante,
  Vous scavez quel honeur par sa noble nature
  Il à tousjours porté à la litterature,
  Et de quelle faveur il à usé vers ceux
  Qui n'ont en Poesie onc esté paresseux.
  Donc si nous luy avons faict honeur en sa vie,
  N'ayons apres sa Mort moins favorable envie,
  Que dy je Mort, mes Seurs, ceux la ne meurent pas
  Qui ont los immortel à l'heure du trespas.

  Soubdain que Calliope accomplie en Scavoir
  Prononcea ces propos, elle feit émouvoir
  Ses amiables Seurs, de laisser en arriere
  Leur sainct Sejour, pour voir la ville Berruyere,
  Ou le Peuple faisoit un dueil triste & amer
  Pour cest homme excellant qu'on vouloit inhumer,
  Adonc ces belles Seurs sainctes, & immortelles,
  Pour tost y assister, se preparent des Esles,
  Comme jadis alors que le faux Pirenee
  Les esperoit forcer d'une amour effrenee.
  Ainsi elles voloyent aussi legerement
  Comme voloit jadis Mercure promptement
  Lors que pour accomplir le vueil de Juppiter,
  Le Berger à cent yeux il vint descapiter.
  Donc ces belles neuf Seurs en Scavoir excellantes
  S'en vont parmy les Cieux legerement volantes,
  Jusqu'a ce qu'elles voyent de Berry la Contree
  Ou de Bourges leur est la ville rencontree,
  Ville de grand valeur, ou les loix et les arts
  Florissantes on voyt, et ou l'un des Cesars
  Feit faire (comme on dict) ceste puissante Tour
  Qui de ses ennemys se défend alentour,
  Ville qui est bornee aussi de maintes villes,
  De chasteaux, & de bourgs, et de terres fertiles,
  De rivieres d'estangs, et de coulans ruisseaux
  Ou poissons delicats nagent dedans les eaux,
  De vignobles aussi de Bacchus non indignes
  Auquel tous sont debteurs les culteurs de noz vignes,
  Et sur tout d'ysouldun la liqueur excellente
  Des vins, est au pais doucement violente,
  Vins pour faire banquets, et grand festivité,
  Bien que ce soit le lieu de ma nativité.

  Grand admiration receurent ces neuf Muses
  De voir de ce pais les Richesses diffuses.
  Si tost qu'en ceste ville ou lon faisoit le dueil,
  Elle virent le Peuple espandant larmes d'oeil,
  Une griefve douleur va saisir leur Poictrine
  Pour le dueil qu'on faisoit du Pere de Doctrine,
  Et du bon Mecenas de Poésie aussi,
  Du noble Bouchetel, le Seigneur de Saci,
  Et n'eust esté que c'est le naturel des Dieux
  Des Déesses aussi, n'espandre l'armes d'yeux,
  On eust veu tant plorer les filles de Mémoire,
  Qu'on eust veu de leurs pleurs un lac grand, comme Loire,
  Toutefois pour monstrer leurs ennuys et douleurs,
  Elles feirent de grands souspirs au lieu de pleurs,
  Et d'un habit de dueil elles se sont parees,
  Pour à la sepulture estre mieux preparees.
  Le Peuple désolé en conduisant le corps
  Mesloit aux pleurs les cris, faisant tristes accords,
  D'autre costé la Mort espouventable et fiere
  Fort se glorifioit de voir en une Biere
  Le corps par elle occis, pource qu'il est charnel,
  Car son pouvoir n'ha rien sur l'Esprit éternel.
  Le Peuple Berruyer voyant en l'Er la Mort
  Tant se glorifier de ce noble corps mort,
  Ses pleurs change en vengence, et son dueil en grand ire
  Et tous ces mots piquans à la Mort il va dire.

  Je m'esbahis comment, o laid Monstre, inhumain,
  Monstre horrible, & cruel, repeu de sang humain,
  Tu es tant effrené, et plein de violence,
  De tousjours faire effort à la grand excellence.
  O Chimere insensee, enragee Atropos,
  Pourquoy troubles tu tant des humains le repos,
  Te monstrant la plus grand de toutes les meurtrieres
  De nous priver souvent des choses singulieres?
  Il ne te suffist pas de mettre fin amere
  Aux enfans nouveaux nez du ventre de leur mere,
  Qui (s'ils eussent vescu) de sublime vertu
  Eussent abondamment eu l'Esprit revestu,
  Mais à ceux qui font fruict à une République
  Tu fais sentir l'effort de ta mortelle Pique.
  Tu le m'as faict scavoir, quand par toy assailli
  Fut ce Jaques Thiboust, Seigneur de Quantilli,
  Conjoinct par amitié à la personne morte
  Qu'en ce triste Tombeau, pour l'inhumer on porte.
  Et croy qu'a ce Thiboust tu vins oster la vie
  Par l'aguillon poignant de malheureuse envie,
  Pource qu'il estoit fort liberal aux douceurs
  De l'Escrit agreable aux Pernassides Seurs.
  De cela non contente O Chimere execrable
  Tu rends pasture aux vers ce corps tant honorable
  Du scavant Bouchetel, secretaire des Roys,
  Dont reparer ce tort oncques tu ne pourroys.
  Bourges avoit esté fertile et plantureuse
  D'avoir produict ce fruict qui la rendoit heureuse,
  Mais par ton grand outrage elle à perdu ce bien
  Qui tant luy profitoit, et ne te sert de rien,
  Sinon pour le monstrer Chimere furieuse,
  D'espandre sang humain en tout temps curieuse,
  Et pour monstrer en toy plus grande Tyrannie
  Qu'aux Tigres affamez qui sont en Hyrcanie,
  Tu m'as ravy l'honeur du gracieux Scavoir
  Duquel l'homme meschant ne veult notice avoir.
  Tu m'as osté la fleur des neuf Seurs Pégasides,
  Et le vray ennemy des folles Pierides.
  Tu m'as privé du fruict lequel avoit produict
  Bourges, belle Cité, digne d'immortel bruict,
  Ainsi Moutons paissans en l'herbageuse Plaine
  Point ne portent pour eux dessus leur Doz la laine,
  Semblablement pour eux petis oiseaux paissans
  Ne bastissent leur nid, mais pour hommes passans.
  Ainsi pour eux aussi les Beufs que le Joug serre,
  Ne vont roulans l'Ereau sur la fertile Terre.
  Ainsi pour leur proffit Abeilles amoureuses
  Ne font de leur doux Miel les liqueurs savoureuses.
  Donc, o cruelle Mort, considere l'outrage
  Qu'a present tu me fais par tyrannique rage.
  Considere le tort tant grand que tu m'as faict
  De me priver ainsi d'un homme tant perfaict.
  Si j'estoys l'Orateur dont l'Arpine se vente,
  Ou le Grec Démosthene en parole eloquente,
  Tu entendroys de moy des mots qui valent pis,
  O Chimere passant le venin des Aspics.
  Mais si ma langue n'est assez prompte & active
  Pour me plaindre de toy de piquante invective,
  Les bons autheurs Francoys qui mes cris entendront,
  A ta grand cruauté par Escrit respondront,
  Parquoy tu recevras tel vitupere et honte
  Que tu ne serviras que de fable et de compte
  Au Peuple simple et bas, qui de toy escrira
  La grand iniquité, laquelle il publira.
  Oste toy de mes yeux, O Alecto villaine,
  Qui fais mourir les fleurs de ta puante alaine.
  Absente toy d'icy tant les soirs que matins
  O maudicte Atropos, aux cheveux serpentins.
  Tu m'as assez grevé de m'oster au meur age
  Ce secretaire exquis, tant noble personnage,
  Et qui tant de faveur aux vertueux portoit,
  Et les adversitez des pauvres supportoit,
  Se monstrant mieux aymer des vertus l'exercice
  Que les thresors acquis par mondaine avarice.
  Assez m'as offensé, o Royne des Chimeres
  De me faire sentir tant de douleurs ameres,
  Me privant de celluy par mortel desarroy
  Qui tant estoit utile à mon Gallique Roy,
  Mais avec ton effort, de son ame immortelle
  Tu ne triompheras, comme de la mortelle
  Et transitoire chair de caduque action
  Qui tombe en un moment à putrefaction,
  Et dont j'appaiseray mon dueil, comme j'espere,
  C'est que ce bon Seigneur en fortune prospere
  A laissé beaux enfans de si nobles Espris,
  Qu'ils ne mourront encor que tu les eusses pris,
  Et par eux mon honeur apparent, on verra
  Tant que des Bouchetelz le Tige durera,
  Desquelz le doux regard et gracieuse forme
  Aux divines vertus du Pere se conforme,
  En démonstrant les dons de leur perfection
  Aupres de l'oeil Royal, par admiration
  Ou de leur vertu haulte et grace bien aymee
  Immortelle sera la noble Renommee.
  Le Peuple Berruyer tous ces regrets faisoit
  Quand la cruelle Mort (qui adonc s'amusoit
  A escouter les cris de ce Peuple fidele)
  A faict sortir ces Dicts de sa bouche cruelle.

  Je ne mesbahis point si avec triste habit
  Qu'on porte par coustume au lamentable obit,
  O Peuple humain par trop endormy en tenebres
  Tu fais un si hault cry en tes Pompes funebres,
  C'est faulte d'approuver l'ordonnance de Dieu,
  Qui ceux qu'il ayme mieux, de ce terrestre lieu
  Tire tousjours à soy, pour monstrer que ce Monde
  Au pris de son Sejour, de vray plaisir n'abonde.
  Le plaisir terrien passe comme fumee,
  Ou comme seche Paille en cendres consumee,
  Mais le plaisir d'enhault dure éternellement,
  Que Dieu promect aux bons vivans fidelement.
  En ce divin Sejour sont plaisirs delectables
  Plus qu'on ne voyt au Ciel d'estoilles agreables,
  De ces plaisirs divins il convient estimer
  Le nombre estre plus grand, que des Sablons de Mer,
  Et qu'il n'y à d'Espis dedans les jaunes Blez
  Qui sont parmy les champs de Céres assemblez,
  Et qu'on ne voyt de pluye et de neige arriver,
  En la froyde saison du glacial Hyver.
  Dy moy (Peuple troublé de dueil melancholique)
  Dy tant que tu voudras que je te vexe & pique,
  Que je porte nuisance en mettant à l'envers
  Tant de corps, qui seront la nourriture aux vers.
  Tant que voudras, dy moy meschante & inutile,
  Monstre inhumain, armé de cruauté hostile,
  Si est ce que sans moy l'Esprit plus precieux
  Que n'est le corps mortel, ne s'en va voir les Cieux.
  Les Cieux estoient fermez par une forfaicture
  De cest homme premier, ouvrage de nature,
  Mais ce sainct Redempteur l'ouverture en à faicte
  Quand il fut mis en croix par une gent infaicte.
  Or devant le peché de l'homme transgresseur
  Je n'avoys aucun Dard qui peust estre agresseur
  Pour en faire mourir & succomber les hommes
  Au funebre tombeau, comme au temps ou nous sommes,
  Dont ce divin Sauveur de creature humaine
  (O peuple Berruyer) ne m'a dict inhumaine,
  Alors que sa bonté et grace tant valut
  De mourir en la croix, pour te donner salut,
  Sa divine bonté jamais ne m'a tancee
  Lors que de ses Esleus j'ay la fin avancee,
  En faisant mourir d'eux le corps tant seulement,
  Pour faire vivre l'Ame au Ciel durablement.
  Il est vray que mon dard porte double poincture,
  Scavoir douce et amere à mainte creature.
  Ceux qui sont endurcis en fraudes et malices,
  Et qui font tout leur Dieu de mondaines delices,
  Trouvent amer mon dard, à leur Mort cognoissans
  Qu'a Dieu ils ont esté trop desobeissans,
  Mais ceux qui ont suyvi le chemin d'equité,
  L'entretien de la paix, douceur, et charité,
  Ne trouvent de mon dard la poincture que doulce,
  Cognoissans que par moy leur ame au Ciel se poulse.
  Doncques, O peuple humain, à tort de moy te plainds
  Quand je fay succomber hommes de vertu pleins,
  Puis que par leur vertu qui à tous se descouvre,
  Le tout puissant Recteur son Paradis leur ouvre.
  Puis que tel as cognu celluy dont ton oeil pleure,
  Que ne t'asseures tu que son Esprit demeure
  En ce divin Sejour qui est promis à ceux
  Qui aux sainctes vertus n'ont esté paresseux?
  Et si j'ay renversé le corps, qui n'est que cendre,
  Tu n'en doibs contre moy en querele descendre.
  Celluy qui est sans fin, et le commencement,
  Ce Pere supernel, qui ayme doucement
  Les culteurs de son nom, avoit l'heure ordonnee
  A celluy que tu plainds, de sa fin terminee.
  Pourtant cesse tes pleurs, tes complainctes et cris,
  Ne me menace plus d'injurieux Escrits:
  Mais loue le Seigneur, et sa saincte ordonnance,
  Au veuil duquel ne fault user de repugnance.

  Quand la maigre Atropos eut prononcé ces Dicts,
  D'une voix veritable, et loing de contredicts
  Qui peussent meriter, pour prouver le contraire,
  Le peuple Berruyer commence à se distraire
  De courroux enflamé, et son dueil appaisant,
  Aux propos de la Mort n'est plus contredisant,
  Et ainsi appaisé, monstrant meilleur visaige,
  Suyt le corps au Tombeau du deffunct, qui tant sage
  Et tant prudent estoit, quand son Esprit lié
  Estoit au mortel corps, dont Dieu la deslié,
  Et lors non sans regret fut mis en sepulture
  Le corps, qui est subject aux vers et pourriture,
  Et son esprit ayant des Cieux fruition,
  Attend d'un plus beau corps la resurrection.

  Lors que mis au Tombeau fut le corps miserable,
  Des Pernassides Seurs la troupe venerable
  Feit graver au Tombeau du trespassé le nom,
  Avecques ses vertus de durable renom,
  Calliope, qui est des neuf Seurs la premiere,
  Sur le Marbrin Tombeau meit ces vers en lumiere:

L'epitaphe de Monseigneur Bouchetel, par la Muse Calliope.

  Celluy qui du Laurier pernassien fut digne,
  Et qui avoit l'amour de moy & de mes Seurs,
  Ce noble Bouchetel, le Mecenas insigne
  De tous ceux qui aymoient Poetiques douceurs,
  La memoire de soy delaisse aux successeurs
  Avecques son corps mis en ceste sepulture,
  Mais O vous viateurs, soyez certains et seurs
  Que son renon n'est pas subject à pourriture.

  Melpomené apres ce quatrain composa,
  Et dessus le Tombeau par ordre l'apposa.

L'epitaphe de mondict Seigneur Bouchetel par La Muse Melpomené.

  Soubs un petit cercueil est la chair inhumee
  D'un serviteur Royal, c'estoit Jean Bouchetel,
  Mais de ses grands vertus ne meurt la Renommee
  Qui à ses successeurs le rendent immortel.

  Ce quatrain fut escript, adoncques Terpsicore
  Decora le Tombeau de ces six vers encore.

L'epitaphe dudict Seigneur par la Muse Terpsicore.

  Celluy qui sans cesser de noz honeurs cupide,
  Espandoit nostre nom par ce grand univers,
  Et qui a triomphé sur le Grec Euripide
  Translatant en Francois ses beaux Tragiques vers,
  Delaisse un corps mortel au funebre tombeau,
  Pour au divin repos voir un Regne plus beau.

  Clio lors ensuivant en poetique Metre
  Ainsi de ce defunct les louanges va mettre.

Epitaphe dudict Seigneur par la Muse Clio.

  Par les mains de Pallas la plume fut taillee
  Pour en servir deux Roys de France heureusement,
  Et par elle à celluy Bouchetel fut baillee
  Qui par sa Mort au Ciel vit eternellement.

  Lors que Clio eut faict ainsi son Epitaphe,
  Thalie feit le sien, avec telle ortographe.

L'epitaphe dudict Seigneur par la Muse Thalie.

  Celluy qui par sa plume et par son grand Scavoir
  Feit service à deux Roys, dont la vie est mortelle,
  Heureusement au Ciel le Roy des Roys va voir
  Qui à tous ses esleus donne vie immortelle.

  Desque Thalie eut mis à son Escrit la fin,
  Erato meit ces vers dessus le Marbre fin.

L'epitaphe dudict Seigneur par la Muse Erato.

  O Viateur, veux tu scavoir qui gist ici?
  C'est le corps d'un qui eut tant de graces infuses,
  C'est le bon Bouchetel, le Seigneur de Saci,
  La fleur, le bruict, l'honeur des vertus et des Muses.

  Lors que par Erato le Tombeau fut orné,
  Son Epitaphe ainsi Euterpe a ordonné.

L'epitaphe dudict Seigneur par la Muse Euterpe.

  Celluy qui tant jadis vertu a faict florir,
  Laisse son corps mortel au Tombeau lamentable,
  Helas, c'est Bouchetel, mais son honeur mourir
  On ne verra jamais, car il est perdurable.

  Euterpe avoit ja mis ces vers portans l'honeur
  Du noble Bouchetel, de Saci le Seigneur,
  Alors que Polymnie en son honeur aussi
  Apposa au Tombeau ces quatre vers ici.

L'epitaphe dudict Seigneur, par la Muse Polymnie.

  Bourges, tu as esté ville bien fort heureuse
  D'avoir mis sur la Terre un homme si scavant,
  Qui ne meurt par la Mort, la gloire plantureuse
  De sa perfection, le rend aux Cieux Vivant.

  Quand ces vers eut escrit la Muse Polymnie,
  L'epitaphe dernier fut tel par uranie:

L'epitaphe dudict Seigneur par la Muse Euranie.

  Si vous voulez (Lecteurs) avoir perfection
  En ce Monde terrien, ou vanité abonde,
  A folles voluptez n'ayez affection,
  Mais tous cherchez au Ciel le thresor pur et monde,
  Comme ce Bouchetel, quand il vivoit au Monde,
  Qui par son bon Esprit acquit auctorité,
  Dont à present tiré hors de la Terre immonde,
  Il contemple à loisir les lieux d'Eternité.
  Quand ces belles neuf Seurs (dont l'honeur point ne tombe
  Dedans le lac d'oubly) sur la Marbrine Tombe
  Eurent gravé ces vers, avec un ordre tel
  Eternisant le nom du noble Bouchetel,
  Elles s'en vont voler sur leur mont de Pernasse
  Qui de sublimité les Nues outrepasse,
  Ou sans fin leur viendra de ce défunct memoire,
  Et de sa Progenie ou gist honeur et gloire.

Fin.



Les Epigrammes.


A Monseigneur Davanson, President du grand Conseil.

  J'ay des neuf Seurs eu quelque fois faveur
  (Noble Seigneur, prudent et honorable)
  Qu'ayez trouvé en mes Escrits saveur
  Qui sont sacrez à ce Roy venerable,
  Mais le Scavoir qui vous rend admirable,
  Meritoit bien stile plus doux coulant
  Que n'est le mien, pour d'oeuvre perdurable
  Magnifier vostre nom excellant.

  Si doy je bien me monstrer vigilant
  A honorer par humble obeissance
  Vostre Scavoir des vertus distillant,
  Dont noblement vous avez jouissance,
  Combien que j'aye entiere cognoissance
  Que vous ayez un fruict plus savoureux
  De l'Olivier plein de resjouissance,
  Duquel seroit Apollon amoureux.

  Quand toutefois de ce fruict bien heureux
  De l'Olivier, qui pres de vous fleuronne,
  Vous aurez pris le plaisir plantureux,
  En luy offrant du Laurier la Couronne,
  Qui dignement son front sainct environne,
  Je vous supply un peu baisser voz yeux
  Sur les Escritz qu'humblement je vous donne,
  Vous soubhétant toute faveur des Cieux.


A Monseigneur M. Jean Bertrand Lieutenant Criminel de Paris.

  La Prophetique Escriture
  Ordonne judicature
  D'hommes puissans, non pollus,
  Craignans Dieu, loing d'avarice,
  Pour administrer Justice,
  Comme estans de Dieu eslus.

  Ceste grand Divinité
  Qui est une en trinité,
  Pour l'heur de la Republique
  Juge à Paris vous debvoit,
  Ou droict aller on vous voyt
  Sans chercher la voye oblique.

  Et avec vostre prudence
  Joincte à la Jurisprudence
  Dont voz sens sont penetrez,
  Vostre grand perfection
  Conjoinct la dilection
  Des lettres, et des lettrez.

  Voyla pourquoy ma Minerve
  Un los Eternel reservé
  Aux excellentes vertus,
  Dont par un don admirable
  De Dieu aux bons favorable
  Vous avez les sens vestus.

  Pour la grand felicité
  De la plus noble Cité
  Dont nous ayons cognoissance,
  Ceux qui vivent sagement
  Desirent fort longuement
  Vous voir en convalescence.

  De ma part, sachant combien
  Merite d'honeur et bien
  Vostre constance immobile,
  Je pry ce divin Recteur
  Qu'il vous soit distributeur
  De l'age de la Sibylle.


A Monseigneur de Frelu General de Lyon.

  Sachant combien ce Thresorier illustre
  Du Bourg, cognoist vostre perfection
  D'hommes rassis au rang avoir grand lustre,
  Et cognoissant la grand dilection
  De vos deux cueurs par ferme affection,
  Ne doy je pas orner mon escriture
  Des dons exquis par admiration
  Qu'avez receus par graces de Nature?

  Certes ouy, car si l'architecture
  Des grands Palais Royaux est belle à voir,
  De vostre Esprit (O noble Creature)
  En plus grand pris fault la science avoir.
  Royaux Palais peuvent fin recevoir,
  Mais vostre Esprit est d'une vigueur telle,
  Que de la Mort l'audacieux pouvoir
  N'abolira vostre grace immortelle.


A Monseigneur Godefroy, Conseiller du Roy, au Chastellet de Paris.

Sonnet.

  Si quelque fois la grand maturité
  Des Loix & Droicts, ou vostre estat s'applique
  Pour l'entretien d'une grand Republique,
  Donne repos à vostre auctorité,

  Je vous supply par la benignité
  Qui tant vous rend humain et pacifique,
  De voir un peu mon oeuvre Poetique,
  C'est Zoroastre ou gist divinité.

  En le lisant, s'il vous plaist en gré prendre
  L'humilité, laquelle je doy rendre
  A voz vertus, d'un cueur obeissant,

  J'ay bon espoir que vous verrez autre oeuvre
  Par cy apres, qui publie et descueuvre
  Aux successeurs vostre nom florissant.


A Monseigneur Hector Maniquet, Secretaire de ma Dame la Duchesse de
sainct Paul.

  Minerve un jour visitoit les fontaines
  Que de ses piedz feit le cheval volant,
  Ou les neuf Seurs, doctes, sainctes, haultaines,
  Faisoient chapeaux de Laurier excellant.
  Pallas leur dict, O Troupeau vigilant
  Incessament à toute chose bonne,
  Je vous supply que vostre main ordonne
  A mon Hector le Chapeau de hault pris,
  Cela fut faict, du Laurier la Couronne
  Sur vostre front des lors son siege a pris.


A Monseigneur de Luce, Secretaire de Monseigneur le Prince de Ferrare.

  Résusciter il faudroict Apelles
  Pour paindre au vif vostre magnificence,
  Ou l'excellant graveur Praxiteles
  Pour à jamais graver vostre excellence
  En Marbre fin, car la supresme Essence
  Vous a donné telle perfection
  (Trescher Seigneur) que la mettre en silence,
  N'est au Scavoir porter dilection.


A Monseigneur Garnier Parisien, Receveur des Tailles.

  Comme les grains sont gardez au Grenier
  Pour des humains estre la nourriture,
  En vous ainsi (noble Seigneur Garnier)
  Sont conservez plusieurs dons de Nature.
  Telle saveur portez à l'Escriture
  En rejectant les thresors d'avarice,
  Que ceux qui ont des lettres l'exercice,
  Doibvent trop mieux graver qu'en Marbre fin
  Les dons divins, qui sont en vous sans vice,
  Et qui par Mort ne peuvent prendre fin.


A Monseigneur de Fontenay Secretaire du Roy de Navarre.

  Bien sainctement nous a faict à scavoir
  Celluy Caton qui l'Esprit endoctrine,
  Qu'en nous de Mort une image on peut voir,
  Si nostre Esprit demeure sans Doctrine.
  Celluy qui seul aveugles illumine,
  De hault Scavoir vous a tant exorné,
  Que vous estiez du tout predestiné
  A faict fruict d'escriture honorable
  En la maison de ce Roy tant bien né
  Des Navarroys, d'honeur incomparable.


A Monseigneur Lopin, Conseiller en la Court de Parlement.

Sonnet.

  Comme au matin la rubiconde Aurore
  Donne splendeur au Monde spacieux,
  Comme au Printemps le Soleil gracieux,
  De rayons d'Or cest univers decore,

  La grand douceur qui les prudens honore
  Vostre renom faict voler jusqu'aux Cieux,
  Et au Senat vous rend plus precieux
  Que l'Argent pur, ne que l'Or fin encore.

  Tels Senateurs que vous, ou grace abonde,
  Sont estimez une perle en ce Monde,
  Loing d'avarice, et pres de charité,

  Aussi celluy qui recompensera
  Le bien et mal, vostre ame poulsera
  Au sainct repos du lieu de Verité.


A Monseigneur Carles, Secretaire de Monseigneur le Prince de Condé.

Sonnet.

  Celluy qui peut toutes choses donner,
  Vous a pourveu d'une telle sagesse,
  D'un tel esprit, d'une telle largesse,
  De tant de dons qui me font m'estonner,

  Que je ne puis par escrit ordonner
  Si hault honeur, que meritez sans cesse,
  Representant tout acte de Noblesse,
  Qui faict par tout vostre nom résonner.

  Si l'Orateur dont l'Arpine se vente
  Vivoit encor, par sa bouche éloquente
  Il ne pourroit réciter voz valeurs,

  Parquoy bien plus on trouveroit estrange.
  Si je pouvois paindre vostre louange
  (Comme il convient) de bien vifves couleurs.


A Monseigneur, Francois Charpillet, Lyonnois.

  Comme l'amoureuse Abeille
  Du doux Miel qu'elle appareille
  Nous donne un goust savoureux,
  Et comme d'Atlas les Filles
  En leurs beaux jardins fertiles
  Recueillent l'Or plantureux,

  Ainsi de vostre clemence
  S'espand par tout la semence,
  Et de vostre Esprit gentil,
  Dont pour louer voz merites,
  Il me faudroit des Carites
  Avoir stile plus subtil.

  Si est ce que les neuf Seurs
  Qui ont tesmoignages seurs
  De vostre tant noble zele,
  Feront poetiques vers
  Deubs à voz honeurs divers
  Avec louange éternelle.


A monsieur M. Guillaume Oger, Procureur au Chastellet de Paris.

  Doy je effacer de silence
  De voz graces l'excellence,
  O sage et prudent Oger,
  Qui exerceant la pratique,
  Loing de dol et fraude inique
  Faictes les proces juger?

  Vostre nature n'est telle
  De chercher faulse cautelle,
  Et toute déception,
  Car selon jurisprudence
  Vous monstrez vostre prudence
  En vostre vocation.

  Oultre vous aymez les Muses
  Qui voz louanges diffuses,
  Et ce qu'avez merité
  Par mes vers annonceront,
  Et vostre nom laisseront
  Aux yeux de posterité.


A monseigneur l'Enfant, Secretaire de monseigneur le Cardinal de
Lorraine.

Sonnet.

  Esprit bien né, aux lettres florissant,
  Si autrefois vostre benigne grace,
  A pris en gré tous mes sermons d'Horace,
  Ovide aussi voué au Roy puissant,

  Je vous supply, de vostre obeissant
  Voir le labeur, qui ses autres efface,
  Bien humblement il s'offre à vostre face,
  C'est un labeur d'un Philosophe yssant.

  Long temps y à que debteur je me sens
  A vostre Esprit tant noble entre cinq cens,
  Et le Scavoir qui vous monstre honorable,

  Merite bien que je vous soys donneur
  De quelque escrit, qui rendra vostre honeur
  Aux successeurs dignement perdurable.


A monseigneur Bertrand Thresorier du Roy.

  On dict bien vray que l'oeuvre est couronné
  De bonne fin, pour la fin de mon livre
  J'ay ce petit Epigramme ordonné
  En vostre nom digne de tousjours vivre:
  Car l'Eternel qui ses graces vous livre,
  Au rang heureux des hommes non pollus,
  Le sainct Nectar qui mect l'ame à delivre,
  Ja vous prepare avec tous ses Eslus.


Aux Compaignons de l'imprimerie.

  Le boys tortu croissant parmy la vigne
  Duquel Bacchus a esté plantateur,
  Et dont on boyt aussi droict qu'une ligne,
  Faict parler l'homme ainsi qu'un Orateur.
  O mes amys, je suis vostre debteur,
  Pour le travail que prenez à ceste heure,
  Buvez à moy, soulageans le labeur,
  Si qu'une goutte en voz Pots ne demeure.


A monseigneur, Claude de Granval, maistre d'hostel de ma dame la
Duchesse d'Aumale.

  Que n'ay je du Grec Pindare
  L'eloquence Riche et rare
  Pour mieux chanter vostre nom,
  Cher Seigneur, duquel la grace
  Tant de merites ambrace
  Par un immortel renom?

  Que n'ay je la plume exquise
  De Ciceron tant requise
  Au facond stile latin,
  Pour, au desir qui me presse,
  Chanter de vostre maistresse
  La grandeur, soir et matin?

  Ou que ne suis je à Mauni
  Avec vous d'un cueur uni
  Dessoubs la fresche Ramee,
  Pour escrire la beauté,
  La douceur, la privauté
  De ceste Duchesse aymee?

  Je dy de ceste Duchesse
  Loise, dont la Richesse
  Fondee en toute vertu
  Monstre l'honeur admirable
  De la grace incomparable
  Dont son Esprit est vestu.

  Si ay je bien ceste envie
  Que quelque jour de ma vie
  A Mauni vous me voyez,
  Et que la sur la verdure
  Alors que le Printemps dure
  Mes joyeux Sonnetz oyez.

  Ce sont Sonnetz Poetiques,
  Et sentences heroiques,
  Pour tout courroux appaiser,
  Ou gist l'honeur de ma Dame,
  Dont le nom tourné, sans blasme
  Contient: Loy de se baiser.

  Ce ne sera sans escrire
  Quelque chose, pour bien rire,
  Avec tous voz alliez,
  De Boyssay tant estimable,
  Et des Houlles honorable
  N'y seront point oubliez.

  Tandis celluy qui domine
  Terre et Ciel, et illumine
  Les Espris des ignorans
  Permette à vostre noblesse
  Que vous passiez en liesse
  Du Facond Nestor les ans.



Ad illustrissimum virum dominum voscum Regium, supplicum libellorum
magistrum de viris huiusce tempestatis illustribus, doctissimisque
oratoribus, et clarissimis Philosophie professoribus, ac Poetis.


Epistola.

Nisi prudens illa ac optimis moribus instituta vetustas, virorum
illustrium memoriam doctissimis scriptis commendasset, vir ornatissime,
Platonis Philosophiam, Marci Tullii inimitabilem phrasim, Titi Livii
ubertatem, Demosthenis fulmen in dicendo, atque alios complures
gravissimos authores ignoraremus, quorum disciplina multum frugis,
multúmque ornamenti posteris reliquit, Neque Deus optimus maximus Gallos
adeo esse infelices concessit, ut illi clarissimis oratoribus, ac
eloquentissimis Philosophie professoribus carerent, Inter quos Guilelmus
Budeus à Francisco Galliarum Rege generosissimo educatus, perpetuum
nominis sui splendorem posteritati commendavit, adeo claris codicibus in
lucem emissis, ut eorum eruditionem nulla unquam etas deletura sit: Nunc
vero sub invictissimo Francorum Principe Henrico, tanti nominis
Rhetores, Poete ac Philosophi elucescunt, ut antiquioribus cedere nullo
modo debeant. Quo sit honore afficiendus illustrissimus ille Gallandius,
testatur magno cum applausu universa Lutetie civitas, Petrum Ramum,
Regium eloquentie ac Philosophie Professorem ad Coelum effert eadem
urbs, in qua supremus Regis Senatus constitutus est. Carpentarius,
gymnasiarcha Burgundianus, erudictissimus vetustissimum Collegium suum
ab omni Barbarie vindicat, ac admirabili eloquentia illustrissimum
reddit, Salligneus in Hebraica Lingua, Greca, Latináque perfectissimus,
quid sibi aliud nisi apud posteros immortale decus pollicetur? Omitto
brevitatis caussa, multos Senatores doctissimos, qui iurisprudentie
humaniores litteras maximo cum honore, coniunxerunt, Quod si de aulicis
scribero licet, cuius existimationis esse debet Danesius ille Episcopus,
Delphini Regis excellentissimus Preceptor, cuius orationes Ciceroniane
elocutioni non cedunt? Neque cuiquam postponendum arbitror eruditissimum
illum virum Hectorem, Lotharingi Principis Pedagogum, in quo non solum
eloquentie claritas, sed syncere pietatis studium relucet, unde
generosissimus Princeps optimum iudicium, maturúmque Consilium à teneris
annis haurire affatin possit. Sed cum ii omnes veteribus eloquentie
professoribus postponendi non sint, non video cur et Gallici Poete
antiquis cedere debeant. Perpetuum splendoris sui specimen posteris
reliquit Clemens Marotus, Sangelasius, Petrus Ronsardus, Ioachinus
Bellaius, Olivarius Magnius, Maronis gravitatem, Nasonis eloquentiam,
Petrarche inventionem redolent, Quod si divinum ingenium illorum, sacre
scripture argumentum sibi aliquando proponat, ex eorum scriptis fructus
Deo hominibúsque suavis, atque acceptissimus proditurus est, Te vero,
vir optime, quo encomio efferam qui cum iurisprudentia eloquentiam
coniunxisti? Nulla erit etas que virtutum tuarum splendorem delere
possit, Neque unquam tua erga me merita ingrato silentio sum
abrogaturus.

Bene vale.



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NOTES SUR LA TRANSCRIPTION

La transcription conserve à l'identique l'orthographe de l'original; on
a toutefois résolu les abréviations conventionnelles et introduit la
distinction entre les lettres i/j et u/v selon l'usage.

La mention des "traicts nouveaux d'une Francoise letre" fait allusion au
fait que l'original est l'un des premiers ouvrages imprimés en
caractères de civilité.





*** End of this LibraryBlog Digital Book "Les Divins Oracles de Zoroastre, ancien Philosophe Grec, Interpretez en Rime Françoise, par François Habert de Berry - Avec un Commentaire moral sur ledit Zoroastre, en Poesie - Françoise, et Latine." ***

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