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Title: Essais d'un dictionnaire universel - contenant généralement tous les mots François tant vieux - que modernes, & les termes de toutes les Sciences & des Arts Author: Furetière, Antoine Language: French As this book started as an ASCII text book there are no pictures available. *** Start of this LibraryBlog Digital Book "Essais d'un dictionnaire universel - contenant généralement tous les mots François tant vieux - que modernes, & les termes de toutes les Sciences & des Arts" *** project.) Au lecteur. Ce livre électronique reproduit intégralement le texte original, et l'orthographe d'origine a été conservée. Seules les erreurs clairement introduites par le typographe ont été tacitement corrigées, et la ponctuation a été corrigée par endroits. Le signe s long (ſ) a été remplacé par le s actuel. La typographie d'origine peut être appréciée dans le document numérisé, à l'URL http://books.google.com.uy/books?id=CtlDAAAAcAAJ. On remarquera des renvois auxquels ne correspond aucun article du dictionnaire. Il faut se souvenir qu'il s'agit ici d'un «essai», un échantillon du dictionnaire que l'auteur se proposait de publier. ESSAIS D'UN DICTIONAIRE UNIVERSEL, Contenant généralement tous les mots François tant vieux que modernes, & les termes de toutes les Sciences & des Arts, specifiez dans la page suivante. _Le tout extrait des plus excellens Auteurs anciens & modernes._ RECUEILLI ET COMPILÉ Par Messire ANTOINE FURETIERE, Abbé de Chalivoy, de l'Academie Françoise. [Illustration] A AMSTERDAM, Chez HENRI DESBORDES, dans la Kalver-Straat, prés le Dam. M. DC. LXXXV. La Philosophie, Logique & Phisique; La Medecine ou Anatomie; Pathologie; Terapeutique, Chirurgie, Pharmacopée, Chymie, Botanique; ou l'Histoire naturelle des Plantes, & celle des Animaux, Minéraux, Métaux & Pierreries, & les noms des Drogues artificielles. La Jurisprudence Civile & Canonique, Feodale & Municipale, & sur tout celle des Ordonnances; Les Mathematiques, la Geometrie, l'Arithmetique, & l'Algebre; La Trigonometrie, Geodesie; ou l'Arpentage, & les Sections coniques; L'Astronomie, l'Astrologie, la Gnomonique, la Geographie; La Musique, tant en theorie qu'en pratique, les Instrumens à vent & à cordes; L'Optique, Catoptrique, Dioptrique, & Perspective; L'Architecture civile & militaire, la Pyrotechnie, Tactique, & Statique; Les Arts, la Rhetorique, la Poësie, la Grammaire, la Peinture, Sculpture, &c. La Marine, le Manége, l'Art de faire des armes, le Blason, la Venerie, Fauconnerie, Pêche, l'Agriculture, ou Maison Rustique, & la plûpart des Arts méchaniques; Plusieurs termes de Relations d'Orient & d'Occident, la qualité des Poids, mesures & monnoyes; Les Etimologies des mots, l'Invention des choses, & l'Origine de plusieurs Proverbes, & leur relation à ceux des autres Langues; Et enfin les noms des Auteurs qui ont traité des matiéres qui regardent les mots, expliquez avec quelques Histoires, Curiositez naturelles, & Sentences morales, qui seront rapportées pour donner des exemples de phrases & de constructions. [Illustration] AU ROY. _Sire_, _Le plus humble de vos Sujets se prosterne aux pieds de VOTRE MAJESTÉ, & lui demande justice & protection pour ce petit Ouvrage qu'il luy presente. C'est la priére ordinaire que font les Auteurs aux grands Princes dans leurs dédicaces: Mais elle n'a jamais été faite en une plus pressante nécessité. Ce n'est ici qu'un leger essay d'un prodigieux travail qui contient plusieurs gros Volumes. J'ai entrepris une Encyclopedie de la Langue Françoise pour la faire connoître aux Etrangers, & la transmettre dans toute son étenduë à la posterité. Comme son abondance consiste en l'explication des Arts & des Sciences; c'est à quoi je me suis particuliérement attaché, & je les ai compris en un même corps, ce qui n'a point encore été fait en pas une Langue. On peut dire, que jamais ce travail ne pouvoit venir plus à propos, puis que jamais les Arts & les Sciences n'ont été portées à un plus haut point de perfection, que sous le Régne heureux de VOTRE MAJESTÉ. Ses Conquêtes par terre & par mer ont rendu si célébres l'Art de la guerre & de la marine: La magnificence de ses bâtimens a rassemblé tout ce qu'il y a de plus exquis dans les beaux Arts: Ses liberalitez ont établi des Academies florissantes et pour l'avancement des Sciences: Il est donc nécessaire de mettre au jour un Ouvrage qui en puisse expliquer les termes, & en publier les merveilles. Tant de belles Ordonnances qu'a fait VOTRE MAJESTÉ pour le réglement de la Justice, des Finances, de la Marine, de la Guerre, des Eaux & Forêts & du commerce; contiennent des termes inconnus à plusieurs de vos Sujets: & elles pourroient avoir quelque jour le sort des Loix des 12. Tables qui n'étoient plus entenduës à Rome du temps de Jules Cesar. Cependant, SIRE, comme l'envie traverse tous les bons desseins; l'intérêt particulier d'un Libraire, qui a imprimé une petite partie du Dictionaire de l'Academie Françoise, s'oppose à l'impression de celui-ci, quoi qu'il soit entiérement different. Il a gagné quelques-uns de cet illustre Corps que je respecte. Je sçai qu'il a l'honneur d'être sous vôtre protection; Mais je sçai aussi que VOTRE MAJESTÉ ne donne protection à personne que dans la justice, & en connoissance de cause. Je sçai qu'elle a prononcé Elle-même contre ses propres intérêts quand il s'agissoit de plusieurs millions, & que cette action heroïque qui encherit sur celle des Césars, est le sujet du prix de Poësie qui doit être donné cet année. Je n'ay point besoin de combattre cette Compagnie; mais seulement quelques-uns qui veulent prendre avantage d'une clause extraordinaire qu'on a glissée dans un Privilege surpris de M. d'Aligre sur la fin de ses jours. Cette clause porte défenses à toutes personnes de faire aucun Dictionaire François pendant vingt ans, à compter du jour que celui de l'Academie sera imprimé. Elle en a fait à peine la moitié depuis cinquante ans, c'est à dire, que cette défense s'étendra à une grande partie du Siecle futur. D'ailleurs je suis trés-certain que jamais l'intention de VOTRE MAJESTÉ n'a été d'accorder une grace de cette nature, & qu'on ne lui en a jamais fait de remercimens: ce qui montre que ce n'est pas le Corps entier de l'Academie qui l'a demandée, puis qu'elle a fait des députations nombreuses à des personnes fort subalternes pour les remercier de moindres faveurs. On connoît la protection générale que VOTRE MAJESTÉ donne aux Sçavans, & on ne pourra pas croire qu'elle ait voulu ôter à la litterature cette honnête liberté dont elle a joüi dans tous les Siecles & chez toutes les Nations, ni donner une exclusion, qui s'accorde seulement pour des intérêts pecuniaires de Manufactures. L'accroissement des Lettres n'est venu que par l'émulation & la critique des Auteurs, dont le different genie ayant traité les mêmes sujets en differentes maniéres, les ont enfin épuisez. Cela doit avoir lieu particuliérement en matiére de Dictionaires, parce qu'ils ne peuvent jamais contenir assez de mots pour expliquer toutes les choses dont l'étenduë est infinie, de sorte que le moindre peut servir de supplément au meilleur. Enfin, SIRE, toutes les Muses auront grande obligation à VOTRE MAJESTÉ du champ libre qu'elle leur laissera pour s'exercer. Elles reconnoîtront cette faveur par une infinité de Poëmes & de Panegiriques qu'elles feront à sa gloire; moi-même je m'efforcerai de réveiller cette ardeur avec laquelle j'ai chanté autrefois vos victoires de la Franche-Comté, & quoi qu'avec un genie que les ans ont affoibli, je publierai chez tous les Peuples où parviendra nôtre Langue la grandeur de vos exploits, de vos bontez, & de vôtre justice, comme étant,_ _SIRE_, DE VOTRE MAJESTÉ, Les trés-humble, le trés-affectionné & le trés-obéïssant serviteur & sujet, FURETIERE. AVERTISSEMENT. Je vous prie de croire, MON CHER LECTEUR, que quand j'ay conçû le dessein de ce grand Ouvrage dont voici un petit essay, ce n'a point été pour entreprendre sur le travail de l'Academie Françoise; je la respecte autant qu'il est possible, & j'ay crû seulement contribuer de ma part au dessein qu'elle a de rendre service au Public. Deux considérations m'y ont obligé, l'une qu'elle n'a pas compris dans son Ouvrage les mots des Arts & des Sciences; ainsi j'ay crû qu'elle ne trouveroit point mauvais que quelqu'un en fît le Supplément. L'autre, que pour satisfaire l'impatience de plusieurs personnes, il étoit nécessaire de leur donner un Dictionaire qui n'est pour ainsi dire que provisionel, & le précurseur de celui qui viendra en Souverain dans une entiére pureté juger tous les mots vieux & nouveaux, & interposer son autorité pour les faire valoir; je lui laisse sa jurisdiction toute entiére, & ne prétens rien décider sur la Langue. Je lui offre cet Ouvrage comme de simples mémoires qui lui pourront servir pour achever la derniére partie de son travail, & pour remplir les omissions de la premiére. Cependant j'ay appris que quelques-uns prétendent revendiquer quelques phrases communes, figurées & proverbiales qui ne sont ici employées que par nécessité pour servir de passage & de liaison, ou pour arrondir le globe de cette Encyclopedie de la langue que je me suis proposée. Je ne les employe que comme on fait le ciment pour lier les pierres d'un grand édifice, & je prétens n'avoir rien emprunté du Dictionaire de l'Academie, ni de ce qui lui peut appartenir en propre. Le seul moyen de faire connoître cette verité, c'est la conference de ces deux Dictionaires, ou du moins d'un semblable Essay. Le Public en sera le juge, du moins on ne peut pas me reprocher d'en avoir rien pris depuis les lettres O & P qui ne sont pas encore faites. L'uniformité qui est en tout mon Ouvrage fera voir clairement que je n'ay pas eu besoin du Dictionaire de l'Academie pour faire les premiéres lettres, puisque sans son secours j'ay bien fait les derniéres; celles-ci pourront donner un beau champ pour exercer un droit de represailles, s'il y avoit lieu, puisqu'on y trouvera bien plus à prendre que ce qu'on pourroit prétendre que j'aurois pris. J'espere néanmoins que la seule vûë de ces deux Dictionaires fera paroître tant de difference entre l'un & l'autre, que ceux qui se donneront la peine d'en faire la conference trouveront que celui-ci n'a aucun rapport avec celui de l'Academie. ESSAIS D'UN DICTIONNAIRE UNIVERSEL, CONTENANT GENERALEMENT tous les mots François tant vieux que modernes, & les termes de toutes les Sciences & des Arts. A. A. Premiere lettre de l'Alphabet François, & de toutes les autres Langues. Chez les Occidentaux cette lettre prend son nom de l'expression du son qu'elle fait. Chez les Grecs on la nomme _Alpha_: chez les Hebreux _Aleph_: chez les Pheniciens _Alioz_; & chez les Indiens _Alepha_. C'est aussi le premier son articulé que la Nature pousse, & celuy qui forme le premier cri & le bégayement des enfans. D'où vient que Jeremie répondant à Dieu qui le destinoit pour son Prophete, luy dit: A, A, A, Seigneur je ne sçay pas parler, parce que je suis un enfant. _Hierem. cap. 1._ C'est aussi ce qui exprime presque tous les mouvemens de nôtre ame, & pour rendre l'expression plus forte, on y ajoûte une _h_ devant ou aprés, comme dans l'admiration: Ha le beau tableau! Dans la joye: Ha quel plaisir! Dans la colere: Ha méchant! Dans la douleur: Ha la tête! Dans la pâmoison: Ha je me meurs! Dans le mouvement: Ha lévrier! Et generalement ce mot exprime toutes les palpitations de cœur, comme il paroît en ceux qui ont la courte haleine. Ciceron appelle l'_A_ lettre salutaire, parce que c'étoit la marque d'absolution. Cette lettre forme souvent un mot entier, & est quelquefois article du Datif pour décliner les noms & les pronoms: Ce livre est à Pierre, à Agnés. Quand il sert à décliner des noms ordinaires, s'ils commencent par des consones, on dit _au_, comme, Au soleil: si c'est par une voyelle, on y ajoûte une _l_ au masculin, ou _la_ au feminin: A l'homme, A la femme; Et au plurier on dit en tous cas, _aux_, comme: Aux Alexandres, Aux Muses, Aux Animaux. _A_ est quelquefois preposition. Il est à la ville, aux champs: Cela est à la mode. _A_ est le plus souvent adverbe, non seulement de temps & de lieu, comme, Cela vient à tard, Cela est à terre: mais encore il se joint à presque tous les mots de la Langue pour faire des phrases adverbiales, qui tiennent de leurs significations & de leurs maniéres: Venir à chef, Etre à couvert, à discretion, &c. _A_ se joint aussi aux infinitifs des verbes pour faire des phrases adverbiales: Donner à boire & à manger: Un maître à écrire: On fait à sçavoir: Au pis aller. _A_ se dit aussi dans les temps du verbe auxiliaire Avoir: Il a gagné cent écus: Il a fait: Il a dit: Il a le temps & l'argent. _A_ est souvent une particule indéclinable qui sert à la composition de plusieurs mots, & qui augmente, diminuë, ou change leur signification. Quand elle s'y joint, elle fait doubler ordinairement la consone qu'ils ont à la tête, comme Accorder, Addonner, Affaire, Assujettir, Attrouper, &c. Cette lettre _A_ étoit aussi chez les Anciens une lettre numerale qui signifioit 500. comme on voit dans Valerius Probus. Il y a des vers anciens rapportez par Baronius, qui marquent les lettres significatives des nombres, dont le premier est tel: _Possidet_ A _numeros quingentos ordine recto._ Quand on mettoit un titre, ou une ligne droite au dessus de l'_A_, il signifioit cinq mille. ABBÉ. _s. m._ ABBESSE. _s. f._ Superieur ou Superieure d'une Abbaye d'hommes ou de filles. Il y a trois sortes d'Abbez: Régulier, Séculier, Commendataire. Ce mot vient de ce que les premiers Moines appellerent leur Superieur _Ab-bot_, qui en Langue Syriaque signifie Pere. Ainsi ces mots de _Abba Pater_, qu'on trouve dans les Epitres aux Romains & aux Galates, & ailleurs, qui semblent dire la même chose, ne font pas pourtant un pleonasme, comme dit S. Augustin, veu que l'un est un nom de nature, & l'autre de dignité. D'autres disent qu'il vient du mot Hebreu _Aba_, qui signifie aimer, vouloir du bien. _Covarruvias._ Chez les Ecrivains Grecs & Latins on appelloit _Abbez_, ceux que nous appellons maintenant _Peres_, qui étoient vénérables par leur âge & par leur sainteté. On a aussi compris sous ce nom généralement tous les Moines. Ainsi il est dit dans la Régle de S. Colomban, qu'il y avoit mille _Abbez_ sous un Chef; & S. Epiphane fait mention d'un monastere, où il y avoit mille _Abbez_ & mille cellules. On a appellé aussi _Abbé_ second, le Prieur d'un monastere, qui est le Lieutenant de l'_Abbé_. On a appellé aussi en Sicile des Evêques _Abbez_ & trés-souvent les Curez primitifs de France. On a appellé aussi _Abbé_ du Palais le Maître de la Chapelle du Roy. Voyez du Cange. Les Abbez mitrez sont ceux qui ont droit de porter les ornemens Episcopaux, comme la mitre, les sandales, les gands, l'anneau & la crosse; ce qui leur a été accordé par privilege des Papes: & pour les distinguer des Evêques. Clement IV. ordonna que les _Abbez_ Exempts porteroient des mitres brodées, mais sans pierreries & sans lames d'or & d'argent; & les non-Exempts, des mitres blanches & toutes unies. ABBÉ s'est dit aussi de quelques Magistrats ou personnes laïques & séculiéres. Chez les Gennois il y avoit un principal Magistrat qu'on appelloit _Abbé_ du Peuple. En France il y a eu plusieurs Seigneurs, sur tout du temps de Charlemagne, à qui on donnoit le soin & la garde des Abbayes, qu'on appelloit _Abbacomites_. Dans les anciens titres on trouve que les Ducs & les Comtes ont été appellez _Abbez_, & les Duchez & Comtez _Abbayes_; & plusieurs Seigneurs & Gentils-hommes qui n'étoient aucunement Religieux, ont aussi pris ce nom, comme remarque Ménage, aprés Fauchet & autres. On appelle aussi _Abbé_ celuy qu'on élit en certaines Confrairies & Communautez, particuliérement entre les Ecoliers & les Garçons Chirurgiens, pour commander aux autres pendant un certain temps: & c'est de là apparemment qu'est venu le jeu de l'_Abbé_, dont la régle est, que quand le premier a fait quelque chose, il faut que tous ceux qui le suivent, fassent le semblable. ABBÉ se dit proverbialement en ces phrases: On vous attendra comme les Moines font l'Abbé; c'est à dire, en travaillant toûjours, en commençant toûjours à dîner. On dit encore: Pour un Moine on ne laisse pas de faire un _Abbé_; pour dire que l'opposition d'un particulier n'empêche pas la déliberation d'une Compagnie, ou la conclusion d'une affaire. On dit en proverbe Espagnol: _Como canta el_ ABAD _responde al monazillo_; pour dire que les inferieurs tiennent le même langage, ou sont de même avis que les Superieurs. On appelle aussi _Abbez_ de sainte Esperance, ceux qui prennent la qualité d'_Abbez_, sans avoir d'Abbaye, & quelquefois même de Benefice. ABINTESTAT. Terme de Jurisprudence, qui se dit de celuy qui herite d'un homme qui n'a point fait de testament: Ce fils est heritier de son pere _abintestat_. Il y a eu un temps où on privoit de sepulture ceux qui étoient décédez _abintestat_: ce qui donna lieu à un Arrest du 19. Mars 1409. portant défenses à l'Evêque d'Amiens d'empêcher, comme il faisoit, la sepulture des décédez _abintestat_. ABYSME. _s. m._ gouffre profond où on se perd, dont on ne peut sortir: Il y a de profonds abysmes dans ces montagnes, dans ces rochers, dans ces mers, dans ces rivieres: Cette ville est fonduë en _abysme_. Ce mot vient du Grec _batos_, qui signifie la mer profonde, d'où est venu aussi le mot de _bas_ & _abaisser_. Borel. ABYSME se dit figurément en Morale des choses où la connoissance humaine se perd, quand elle raisonne: La Physique est un _abysme_, on ne peut pénétrer dans les secrets de la Nature: Les Jugemens de Dieu, les mystéres sont des _abysmes_ dont on ne peut sonder la profondeur. ABYSME se dit absolument des Enfers: La rebellion des Anges les fit précipiter dans l'_abysme_. Qui pourra mesurer la profondeur de l'_abysme_? On dit aussi: C'est un _abysme_ de maux, de souffrances, de malheurs. ABYSME se dit aussi de ces dépenses excessives, dont on ne peut juger avec certitude: On ne peut certainement régler la dépense de la Marine, c'est un _abysme_: La dépense de cette maison est excessive, c'est un _abysme_. On dit en proverbe qu'un _abysme_ attire l'autre, quand d'un mal on tombe en un plus grand. ABYSME, terme de Blason, est le cœur ou le milieu de l'Ecu. Il faut que la piéce qu'on y met, ne touche & ne charge aucune autre piéce, telle qu'elle soit. Ainsi on dit d'un petit Ecu qui est au milieu d'un grand, qu'il est mis en _abysme_: Il porte trois besans d'or avec une fleur de lys en abysme. Et tout autant de fois qu'on commence à blasonner par toute autre figure que par celle du milieu, on dit que celle qui est au milieu, est en _abysme_, comme si on vouloit dire que les autres grandes piéces étant élevées, celle-là paroît petite, comme cachée & abysmée. ABYSME est aussi un vaisseau fait en prisme triangulaire renversé, qui sert aux chandeliers à fondre leur suif & à faire leur chandelle, en y trempant plusieurs fois leur mesche. ABYSMER. _v. act._ Jetter dans un _abysme_, y tomber, se perdre, se noyer: Les Ouragans _abysment_ les vaisseaux: Ce terrain s'est _abysmé_, il y avoit dessous une carriere. ABYSMER se dit figurément en Morale: Les gros interêts ont _abysmé_ ce marchand: Ce chicaneur a _abysmé_ sa partie, il l'a ruinée de fonds en comble: Il a _abysmé_ cet homme-là. Il se dit plus ordinairement avec le pronom personnel, & plus au figuré qu'au propre: Il est _abysmé_ dans la douleur: Cet homme a si mal fait ses affaires, qu'il s'est _abysmé_: Cette famille est _abysmée_, elle ne se relevera jamais: C'est un contemplatif qui _s'abysme_ dans ses pensées, qui extravague. AGATE. _s. f._ Pierre précieuse, en partie transparente, & en partie opaque. Il y en a de plusieurs couleurs; ce qui lui a fait donner divers noms chez Pline & les autres Auteurs. Il y en a qui imitent la couleur de la cornaline; d'autres qui ont des veines fort rouges & fort blanches. On en a vû qui ont representé sept arbres tout entiers. Les _Agates Sardoines_ sont de trois couleurs: les vrayes sont entiérement rouges qu'on fait passer pour la Carneole, comme ayant une petite teinture de couleur de chair mêlée de brun: il y en a d'autres moindres, qui sont en partie mêlées de rougeur, comme celle de _sang_; & les derniéres le sont d'un rouge tirant sur le jaune. L'_Agate_ Sardonix est composée de la sardoine & de l'onix, & a une couleur sanguine & distinguée de cercles ou zones, qui semblent y avoir été peints par artifice, & quelquefois mêlée d'une blancheur surprenante. Pline, Strabon & Ciceron disent que la bague de Polycrate étoit de _Sardonix_; ce qui ne s'accorde pas avec ce qu'on dit de Mithridate, qui avoit quatre mille vases de cette même pierre: car ou cette bague n'auroit pas été de grand prix, ou ces vases d'un prix excessif. Les _Agates Onix_ sont toutes opaques, de couleur blancheâtre & noire, tellement distinctes, qu'on croiroit qu'elles y ont été appliquées par art. Les _Agates Onix Sardonix_ sont celles où il se rencontre trois couleurs differentes, & néanmoins unies ensemble. On en a ruiné les mines; & celles qui se trouvent à present grandes & parfaites, n'ont point de prix. La couche du milieu est propre pour exprimer la carnation du visage; celle de dessus qui est _Sardoine_ ou couleur de pourpre, donne la couleur aux vêtemens; & le dessous est d'une autre couleur propre pour faire le fonds, qui détache les deux premieres, & fait un ouvrage merveilleux suivant la science du Graveur. Pyrrhus avoit une _Agate_ où étoient representées les neuf Muses & Apollon. L'_Agate Calcedoine_ est à demy opaque, & à demy transparente, & le plus souvent de couleur de rose remplie de certain nuage. Il y en a d'entiérement blanches, qui sont les plus rares. Les _Agates d'Egypte_ sont dures, rouges, & entremêlées de bleu & de blanc. Quand elles sont dans leur perfection, elles ont des couleurs semblables à l'Iris, & sont les plus estimées d'entre les _Agates_. L'_Agate Romaine_ ne tient rien de celle d'Orient, & il y en a de plusieurs couleurs differentes qui les ont fait nommer differemment. On en faisoit autrefois ces vases Myrrhins si fameux dans l'Antiquité, qui avoient diverses couleurs, & qui representoient diverses figures. Il se trouve aussi des _Agates_ en Allemagne, en Pologne & en Dannemark, dont quelques-unes ont disputé le prix aux Orientales. Les Anciens parlent aussi d'une _Agate_ rouge comme du corail, mouchetée de points d'or, qu'on trouve en Candie, qu'on a nommée _Sacrée_, parce qu'elle préserve du venin des scorpions & des araignées. On a fait de tout temps des cachets d'_Agate_, parce que cette pierre ne retient point du tout la cire. Les Tireurs d'or brunissent l'or avec une _Agate_. Pline dit que les premieres _Agates_ furent trouvées en Sicile le long du fleuve _Achates_, qu'on nomme aujourd'huy le _Canthera_; ce qui leur a donné le nom d'_Agates_. AILE. _s. f._ La partie de l'oiseau qui l'éleve ou qui le soûtient en l'air, quand elle est étenduë: L'aigle est un oiseau qui vole à tire d'_aile_: Les faucons se tiennent long-temps sur _aile_: Ils ont l'_aile_ vîte, trenchante, l'_aile_ forte, l'_aile_ entiére. On dit aussi: Faire voir en _aile_ l'oiseau: Le mettre en _aile_: Voler de belles _ailes_: La chauve-souri n'a point de plumes à ses _ailes_: Les poussins sont encore sous l'_aile_ de la mere. En ce sens il vient du Latin _Ala_. AILE se dit aussi de cette partie charnuë qui s'étend de l'estomach à la cuisse dans les volailles qu'on mange: Une _aile_ de chapon, de perdrix: Il y en a qui préférent la cuisse à l'_aile_. AILE en termes d'Anatomie se dit de plusieurs parties du corps, & premiérement les lobes du foye s'appellent souvent _ailes_ ou _ailerons_. On appelle _ailes_ & _ailerons_ des chairs molles & spongieuses, qui sortent de la partie naturelle des femmes, que quelques-uns appellent _Nymphes_ ou _Dames des eaux_, parce qu'elles servent aux conduits de l'urine. On appelle aussi _ailes_ ou _ailerons_ les deux cartilages qui sont aux côtez du nez, & qui forment les narines; pareillement on appelle _aile_ ou _aileron_ le haut de l'oreille. L'AILE en terme de Blason, quand elle est seule, s'appelle un _demy vol_; & lorsqu'il y en a deux, s'appelle un _vol_: ce qui se dit de quelque oiseau que ce soit. On appelle au Manége _ailes_, ces piéces de bois qu'on met aux côtez de la lance pour la charger vers la poignée. AILE en termes de Botanique se dit des branches ou des feuïlles, qui poussent à côté l'une de l'autre sur les tiges des arbres ou des plantes: d'où est venu le nom d'_Alaternus_. AILE se dit aussi d'un moulin à vent: ce sont ces grands chassis couverts de toile où le vent s'engouffre pour les faire tourner, qu'on appelle autrement _volants_. Les Ouvriers nomment aussi les _ailes_ d'une fiche ou couplet, ces deux petits morceaux de fer mobiles par le moyen de leurs charnieres, qui servent à soûtenir & à faire mouvoir des portes ou des fenêtres, ou des volets brisez. Ils appellent _ailes_ de lucarne les deux côtez qui posent sur les chévrons, & qu'on appelle autrement _Joüées_ de la lucarne. Les vitriers appellent encore _ailes_ ou _ailerons_ ces petites extrêmitez du plomb, qui sert à engager les losanges de verre dans les panneaux des vitres, & à les y tenir fermes. AILE se dit figurément en choses morales & spirituelles, & signifie protection, tutelle: C'est une fille d'honneur qui a toûjours été élevée sous l'_aile_ de la mere; & sur tout en Poësie: _Cache-la sous ton aile au jour épouventable_, dit Desportes en parlant à Dieu en faveur de l'ame pécheresse. Malherbe a dit aussi: _Et son ame étendant ses ailes fut toute prête à s'envoler_. On dit aussi: La peur luy a mis des _ailes_ aux talons; pour dire, l'a fait fuir en diligence: On peint Mercure avec des _ailes_ aux talons: L'amour luy prêtera ses _ailes_: On en donne aussi au Cheval Pegase, aux vents & autres choses semblables, &c. On dit encore poëtiquement: Son nom volera sur les _ailes_ de la Renommée: Sur l'_aile_ des beaux vers; pour dire que sa réputation ira bien loin. On dit aussi: Sur l'_aile_ des zephirs. On donne aussi figurément des _ailes_ aux Cherubins & aux Anges: Les Cherubins devant Dieu se couvrent la face de leurs _ailes_: Ils couvroient l'Arche de leurs _ailes_. On appelle les _ailes_ d'un bâtiment, ce qu'on bâtit à droit & à gauche, pour accompagner le principal corps de logis, & faire les deux côtez de la cour: Ce bâtiment est imparfait, il n'y a qu'une _aile_ de bâtie. On appelle aussi ces _ailes_, _bras ou potences_. On appelle aussi _ailes_ dans les Eglises ce qui est à droit & à gauche de la croisée, & quelquefois tout le tour des bas côtez, ou des petites voutes qui sont à côté de la grande: Le portail de l'_aile_ droite plus beau que celuy de la gauche: On n'a bâti que le Chœur, on va bien-tôt travailler aux _ailes_. AILE se dit en termes de guerre des deux extrêmitez d'une armée rangée en bataille: L'_Aile_ droite fut la premiere rompuë: La Cavalerie se met sur les _ailes_. En ce sens ce mot vient de _alauda_ selon Bochart, qui signifioit une Legion Gauloise, ainsi nommée à cause de la figure des casques que portoient les soldats qui étoient crêtez comme des allouëttes. On dit que Pan, l'un des Capitaines de Bacchus, a été le premier inventeur de cette maniére de ranger une armée en bataille: d'où vient que les Anciens l'ont peint avec des cornes à la tête, parce qu'ils appelloient cornes ce que nous appellons les _ailes_. AILE se dit aussi des deux côtez de chaque bataillon ou escadron; des derniéres filles: Les picquiers sont rangez au milieu, & les mousquetaires sur les _ailes_: On a commencé à défiler par l'_aile_ droite. Les manches d'un bataillon sont aussi ses _ailes_. AILE se dit aussi dans le discours ordinaire, de ceux qui marchent à côté; & un peu à l'écart, pour donner secours au besoin: Il sembloit que ce Prevost marchât seul, mais il y avoit plusieurs Archers sur les _ailes_ pour l'assister. AILE se dit aussi en termes de fortification du flanc d'un bastion, & plus ordinairement des longs côtez d'un ouvrage à corne ou à couronne, qui sont flanquez par quelque endroit de la place, par quelque dehors ou travail particulier. AILE se dit proverbialement en ces phrases: Cet homme ne bat plus que d'une _aile_; pour dire que son crédit, sa fortune, son esprit, sont diminuez, & qu'il n'en peut plus: On luy a tiré une plume de son _aile_; pour dire qu'on luy a arraché quelque chose de son bien: qu'On en tirera pied ou _aile_; pour dire qu'on tirera quelque chose d'une affaire, & qu'on ne perdra pas tout: On luy a rogné les _ailes_; pour dire qu'on a retranché de son autorité, de ses richesses. On dit d'un téméraire, qu'Il a voulu voler avant que d'avoir des _ailes_, qu'Il n'a pas encore l'_aile_ assez forte; pour dire qu'il a commencé trop tost quelque entreprise au dessus de ses forces. On dit d'un homme malheureux, qu'Il en a dans l'_aile_, pour dire qu'il luy est arrivé quelque accident fâcheux, ou bien qu'il a passé les 50. ans qu'on marque avec une L. AILÉ, ée. _adj._ qui a des _ailes_: Pegase est un cheval _ailé_. Les Poëtes appellent les oiseaux, les peuples _ailez_: Les papillons, les cigales sont des insectes _ailez_: Il y a des poissons _ailez_ qui sont fréquens sur l'Ocean Athlantique. En termes de Blason on appelle un oiseau _ailé_, quand ses ailes sont d'une autre émail que son corps. On appelle aussi _ailé_ tout ce qui est peint avec des _ailes_, quoy que contre sa nature, comme un cerf _ailé_, un cœur _ailé_, des dragons, des serpens _ailez_, une main _ailée_, une tête de leopard _ailée_, une bande _ailée_, &c. ALGEBRE. _s. f._ science qui sert à éclaircir, à étendre & à perfectionner l'Arithmetique, la Geometrie & toutes les sciences mathematiques. Quelques-uns l'ont définie, l'Arithmetique des nombres figurez, comme a fait Salignac de Bordeaux, qui en a fait un sçavant Traité. Elle considere les grandeurs, & s'applique aux nombres, aux lignes, aux figures, aux poids & aux vîtesses des mouvemens, tant en general qu'en particulier, en faisant abstraction de toutes matiéres: de sorte qu'on la pourroit appeller une _Geometrie metaphysique_. L'idée en a été prise sur la Régle qu'on appelle de fausse position en Arithmetique: car en operant sur une supposition incertaine, ou même fausse, elle fait connoître des veritez infaillibles & démontrées. Il y a deux especes d'_Algebre_: la premiere est la supputation des chiffres & des nombres avec des especes ou des lettres; la seconde est l'Analyse ou l'art de résoudre les questions, & de découvrir les veritez generales des Mathematiques. Ménage dérive ce mot de l'Arabe _Algebra_, qui signifie le rétablissement d'un os rompu, de la racine _Giabarra_, supposant que la principale partie de l'_Algebre_, est la consideration des nombres rompus: il y a apparence qu'il se trompe, & qu'il a pris l'origine d'un autre mot Espagnol _Algebrista_, qui signifie un Renoüeur de membres disloquez, que nous appellons en France un _Balleüil_: car la fraction n'a rien de commun avec l'_Algebre_, qui ne considere pas plus les nombres rompus que les entiers, & qui même exprime ses puissances par des lettres, qui ne sont pas susceptibles de fractions. Il est vray que le mot _Algebre_ est un mot Arabe, mais il est primitif de la langue, & il luy a été donné par son auteur qui étoit Arabe. Cardan dit qu'il se nommoit Mahomet fils de Moïse, & il le met au 9. rang des 12. plus excellens hommes, qu'il a choisis dans l'Antiquité pour la subtilité de leur esprit. Mais Scriverius en attribuë l'invention à Diophante Auteur Grec, dont Regiomontanus a recueilli 13. livres, qui ont été commentez par Gaspard Bachet, sieur de Meziriac, de l'Academie Françoise. Les notes de l'Algebre sont telles: + signifie plus: ainsi 9 + 3 veut dire 9 plus 3. - signifie moins: ainsi 14 - 2 veut dire 14. moins 2. = est la note de l'égalité: ainsi 9 + 3 = 14 - 2 veut dire, neuf plus trois est égal à 14. moins deux. :: Les quatre points entre deux termes devant & deux termes aprés, marquent que les quatre termes sont en proportion géometrique: ainsi 6. 2 :: 12. 4. veut dire, comme 6 est à deux, ainsi 12 est à quatre. ÷÷ est la note d'une proportion continuë. ÷÷ 3. 9. 27. veut dire que trois est autant de fois dans neuf, comme neuf dans 27. : Ces deux points au milieu marquent la proportion arithmetique entre ces nombres. 7. 3: 13. 9. veut dire, 7. surpasse 3. comme 13. surpasse 9. ÷ Cette note marque la proportion arithmetique continuë: ainsi ÷ 3. 7. 11. veut dire, 3 est surpassé de 7. autant que 7. par 11. Deux lettres ensemble marquent une multiplication de deux nombres ou grandeurs: ainsi _b d_ est le produit de deux nombres, comme 2. & 4. dont le premier s'appelle _b_, & l'autre _d_. _V_ signifie racine, ainsi _V_4, c'est à dire, la racine de 4, qui est 2, lequel multiplié par lui-même fait 4. On dit proverbialement quand quelqu'un n'entend rien à quelque chose qu'il lit, ou qu'il écoute, que C'est de l'_Algebre_ pour luy. ALKALI. _s. m._ terme de Chymie & de Physique. C'est un sel vuide & poreux disposé à se joindre facilement à tous les acides. C'est par son moyen que les Chymistes rendent facilement la raison de la composition de tous les corps naturels, & la font voir par des experiences sensibles. Ils comparent ce sel à une terre vuide qui auroit été aux trois premiers jours du monde, avant qu'elle fut allumée par les rayons du soleil, qui s'étant incorporez dans cet _Alkali_, ont fait ensemble tous les corps sublunaires. L'acide donne les deux qualitez mâles, le chaud & le sec; & l'_Alkali_ les feminines, le froid & l'humide: ce qui a donné lieu à plusieurs beaux Traitez des Philosophes modernes, entre autres d'_Otho Takenius_, qui dans son _Hippocrates Chymicus_ en a écrit des premiers fort sçavamment; de _Bernard Swalue_ Medecin, dans le Combat de l'Art & de la Nature; & aux Entretiens de François André Medecin de Caën, sur l'Acide & l'_Alkali_. Ce mot est Arabe, & vient de _al_, qui signifie sel, & de _kali_ qui est une herbe que nous appellons _soude_. Et parce que son sel a la propriété d'absorber & de mortifier les acides, & de s'en impreigner plus facilement que les autres, on a appellé tous les sels de cette nature, sels _Alkali_, quelques-uns l'appellent autrement, _alun Catin_. Le tartre est le plus fort de tous les sels _Alkali_, & quand il est mêlé avec l'esprit de vitriol qui est un fort Acide, ils font une soudaine ébullition & coagulation, qui de liquides qu'ils étoient, font un corps solide. Les Philosophes proposent cette union comme un exemple general de la composition de tous les corps, qui se fait par les acides & les _Alkali_, à cause de la grande alteration qui arrive à la saveur & aux autres qualitez de ces sels unis. Il faut remarquer que leur effervescence & leur action cesse, lorsqu'ils se sont réciproquement pénétrez & rassasiez les uns des autres, car elle n'arrive plus par quelque addition qu'on puisse faire de l'un ou de l'autre, lors qu'ils sont proportionnellement unis. Ordinairement on appelle sels _Alkali_, tous les sels lexiviaux & artificiels qui se tirent des plantes. ANTIMOINE. _s. m._ C'est un corps mineral qui approche de la nature des métaux, & que quelques-uns croyent en contenir tous les principes, parce qu'il se trouve prés des mines des uns & des autres, & sur tout dans celles d'argent & de plomb, & souvent il a sa mine propre. On l'appelle aussi Marchasite de plomb, & les Chymistes le nomment le _Loup_ ou le _Saturne des Philosophes_, parce qu'il devore les autres métaux, quand on les fond ensemble, & qu'il les consume tous à la réserve de l'or. On l'appelle aussi _Prothée_, à cause de la diversité des couleurs qu'il prend par le moyen du feu. On le tient composé d'un double soulfre mineral, l'un métallique approchant de la pureté & de la couleur de celui de l'or, & l'autre terrestre & combustible semblable presque au soulfre commun; d'un mercure fuligineux & mal digeré, participant de la nature du plomb & d'un peu de sel terrestre. Il ressemble à de l'écume d'argent, & il a une couleur claire & luisante, il se dissout difficilement au feu, & plus facilement dans l'eau. Il est fragile comme le verre, & tient le milieu entre les métaux & les pierres, parce qu'il se fond comme le métail; mais il n'est pas ductile non plus que les pierres. Il y en a un mâle qui est plus sablonneux, & un autre femelle qui est plus pesant, plus brillant & plus friable. On le mêle avec d'autres métaux pour faire des miroirs, parce qu'il les rend capables d'un plus beau poli. On le mêle aussi pour faire des cloches, parce qu'il rend leurs sons plus clairs; on le mêle à l'étaim pour le rendre plus dur, plus blanc & plus sonnant: & enfin au plomb dans les fontes des caracteres d'Imprimerie, pour les rendre plus durs & plus unis. Il aide generalement à la fusion des autres métaux, & sur tout à celle des boulets de canon. On a crû qu'il pouvoit servir à une medecine universelle: car c'est en effet celui qui fournit le plus de remédes, & pour un plus grand nombre de maladies. Sa principale qualité est de provoquer le vomissement, & de purger par haut & par bas: ce qui en fait faire diverses préparations, que les Medecins appellent _Emetiques_. Ils donnent aussi ce nom au vin blanc, dans lequel il est infusé, parce qu'il fait vomir. Les Latins l'appellent _stibium_, & les Grecs _stimmi_. L'_Antimoine crud_ est celui qu'on broye sur le porphyre, tel qu'il vient de la mine. L'_Antimoine préparé_ est celui qui a passé par les mains des Artistes, pour le purger de ses mauvaises qualitez, & faire diverses operations. Le _Verre d'Antimoine_ est de l'antimoine broyé, cuit & calciné par un feu violent dans un pot de terre, jusqu'à ce qu'il ne jette plus de fumée: ce qui est une marque que tout son soulfre est évaporé. On le réduit en verre dans le fourneau à vent, & alors il est fort diaphane, rouge & brillant & de couleur d'hyacinthe. Le _Regule d'Antimoine_ est le culot, ou ce qu'on trouve au fond & au dessous dans le creuset, où il y a de l'_Antimoine_, aprés qu'il a été fondu avec des matiéres capables de séparer ses parties pures d'avec les impures. On en fait des balles purgatives qui servent toûjours, & des gobelets, ou laissant reposer quelque temps des liqueurs, elles deviennent aussi purgatives. Les _Fleurs d'Antimoine_ sont de l'_Antimoine_ en poudre sublimé dans un aludel, dont les parties volatiles s'attachent à ses pots, en projettant peu à peu la poudre. Le _Beurre d'Antimoine_ est une liqueur blanche & gommeuse, qu'on nomme autrement _Liqueur glaciale d'Antimoine_, qui se fait avec du _Regule d'Antimoine_ & du sublimé corrosif. Cette liqueur se coagule en forme de glace dans le récipient, & est fort caustique, de sorte qu'on ne l'employe qu'à l'exterieur, pour arrêter la cangrene, guérir la carie des os, des cancers, des fistules, &c. Le _Safran d'Antimoine_ se fait d'_Antimoine_ & de nitre mis en poudre & au feu, lequel aprés la détonation & la fusion, fait descendre au fond du vaisseau les parties les plus pures de l'_Antimoine_. Elles ont la figure d'un foye, qui font qu'on lui donne aussi le nom de _Foye d'Antimoine_, ou de _Safran des métaux_. On le nomme aussi _Magnesie Opaline_, à cause qu'il a la figure de Marchasite, & la couleur de l'Opale: on en fait les poudres & le vin Emetiques. L'_Antimoine Diaphoretique_ est celui qui est mêlé & préparé avec du nitre, qui change ses qualitez vomitives & purgatives en diaphoretiques. L'_Huile d'Antimoine_ est de l'_Antimoine_ pilé & mêlé, mis en digestion dans un vase plein de fort vinaigre sous du fumier pendant plusieurs jours, & aprés cette operation plusieurs fois réïterée, le vinaigre qu'on distile, donne une liqueur sanguine, qu'on appelle _Huile d'Antimoine_, & qui colore l'argent en or. La _Chaux d'Antimoine_ s'appelle quelquefois _Ceruse_ à cause de son extrême blancheur. La fortune de l'_Antimoine_ a souvent changé dans l'Ecole de Medecine. Elle fit donner un Arrest du Parlement en l'année 1566. qui fit défenses d'employer l'_Antimoine_ en médicamens, parce qu'elle prétendit qu'il avoit une qualité veneneuse, qui ne se peut corriger par quelque préparation que ce soit. Mais depuis, la même Faculté le fit mettre au rang des médicamens purgatifs dans l'Antidotaire, qui fut imprimé par son ordre en 1637. Et enfin elle a fait donner un Arrest du 29. Mars 1668. qui a donné permission aux Docteurs de Medecine de s'en servir, avec défenses aux autres personnes de l'employer que par leur avis. Ce mot d'_Antimoine_ vient selon quelques-uns de ce qu'un Moine Allemand qui cherchoit la Pierre Philosophale, ayant jetté aux pourceaux de l'_Antimoine_, dont il se servoit pour avancer la fonte des métaux, reconnut que les pourceaux qui en avoient mangé, aprés avoir été purgez trés-violemment, en étoient devenus bien plus gras: ce qui lui fit penser qu'en purgeant de la même sorte ses confreres, ils s'en porteroient beaucoup mieux. Mais cet essai lui réüssit si mal, qu'ils en moururent tous: ce qui fut cause qu'on appella ce mineral _Antimoine_, comme qui diroit _contraire aux Moines_. Cette étymologie vient d'un vieux manuscrit d'Allemagne, qui est dans la Bibliotheque de M. Moreau Medecin du Roi, cité par M. Perrault dans son livre du Rabat-joye de l'_Antimoine_. B. BAN. _s. m._ publication à haute voix au son du tambour, ou de la trompette, ou des tymbales, de l'ordre d'un Superieur, ou de la part du Roi & de la Justice: On a fait un _ban_ portant défenses de sortir du camp, d'aller à la petite guerre: On a fait un _ban_ dans les carrefours, qui défend les passements d'or & d'argent. On trouve ces phrases dans les Coûtumes, Crier au _ban_, Cas de _ban_, A peine de _ban_, Proceder à _ban_, &c. On appelle aussi _ban_ la publication & le cri que fait faire le Seigneur feodal pour se faire rendre les hommages, ou lui payer les redevances, & le venir reconnoître. On dit aussi, _ban_ de vendanges, ouverture de _ban_, &c. pour dire, la publication de la permission des vendanges. Ménage dérive ce mot de l'Allemand _ban_, qui signifie proprement _publication_, & en suite _proscription_, parce qu'elle se faisoit à son de trompe, d'où sont venus les mots de _Bannir_, _Ban_, _Bannissement_, de _Bandi_, de _Ban_ & _arriére-Ban_, _Banlieuë_, _Banniére_, _Bannal_, _abandonner_, &c. Nicod le dérive d'un autre mot Allemand _Ban_, qui signifie champ & territoire, dautant que c'est en vertu de ce qu'on tient des fiefs, champs & heritages, qu'on est obligé au _ban_ & _arriére-ban_, & que le four à _ban_ est le four du territoire de la Seigneurie. Borel le dérive du Grec _pan_, qui signifie tout, parce que la convocation est generale. BAN se dit aussi des publications qui se font aux Prônes des Paroisses, des noms de ceux qui veulent se marier, ou prendre les Ordres. Le Concile de Trente a ordonné la publication de trois _Bans_, pour empêcher les mariages clandestins. Ces publications ne sont pas de l'essence du mariage, on obtient aisément dispense des _Bans_, on achete les deux derniers _Bans_, quand le premier a été publié. BAN se dit aussi de la publication qui se fait pour convoquer tous les Nobles d'une Province pour servir le Roi dans ses armées, suivant qu'ils y sont obligez par la Loy des Fiefs. On a publié le _Ban_ & l'_Arriere-ban_. BAN est aussi l'Assemblée de ces Nobles en corps d'armée. Le _Ban_ & l'_Arriereban_ est long-temps à se mettre en campagne. BAN se dit aussi des assignations qui se font à cri public aux vassaux pour comparoir devant leur Souverain en certaines occasions, & pour rendre compte de leurs actions. Les Princes d'Allemagne sont souvent assignez, sont mis au _Ban_ de l'Empire, & on confisque leurs Fiefs faute d'y rendre l'hommage, & le service dont ils sont tenus. BAN signifie aussi bannissement, & on dit en termes de Palais: Il lui est enjoint de garder son _Ban_ à peine de la hart: Il a obtenu un Rappel de _Ban_. BAN signifie encore un droit & un lieu public qu'ont les Seigneurs des grands Fiefs, pour obliger les Habitans d'une Seigneurie de venir cuire au four du Seigneur, moudre à son moulin, ou d'apporter leur vendange à son pressoir. Ainsi on dit, un four à _Ban_, un moulin à _Ban_, un pressoir à _Ban_; & on appelle sujets _banniers_ & droit de _bannée_, ceux qui sont obligez à ce droit. En quelques Coûtumes on appelle four _bandier_, moulin _banquier_, ce qu'on appelle ailleurs _Bannal_. BANQUE. _s. f._ Trafic d'argent qu'on fait remettre de place en place, d'une Ville à une autre, par des lettres de change & par correspondance. Il est permis à toutes sortes de personnes de faire la _Banque_ sans être Marchand. Ce Marchand a quitté le négoce, il ne fait plus que la _Banque_. Ce mot vient de l'Italien _banca_, qui a été fait de _banco_. C'étoit un siége où les Banquiers s'asseoient dans les places de commerce, d'où on a fait aussi _banqueroute_. Ménage. BANQUE se dit aussi du lieu public où s'exerce ce trafic, où les Banquiers s'assemblent, & où ils avoient autrefois un Banc. On l'appelle aussi d'autres noms; à Londres, c'est la _Bourse_; à Lyon, le _Change_; à Paris, la place du _Change_. On met son argent à la _Banque_, on y prête, & on y fait valoir son argent à gros interest, même en quelques lieux à fonds perdu. BANQUE se dit aussi des Sociétez, Villes ou Communautez qui se chargent de l'argent des Particuliers, pour le leur faire valoir à gros interest: la _Banque_ de Venise, de Hollande: la Ville de Lyon a établi une _Banque_ pour prendre de l'argent à fonds perdu au denier huit & un tiers. BANQUE se dit aussi en plusieurs Jeux, comme à l'Occa, à la Bassette; du fond de celui qui est maître du Jeu, qui se charge de payer ceux qui gagneront. BANQUEROUTE. _s. f._ Faillite, fuite, abandonnement de biens que font des Banquiers, ou négocians publics à leurs créanciers avec fraude & malice. Beaucoup de Marchands s'enrichissent par des banqueroutes frauduleuses, en mettant leurs biens à couvert. La _Banqueroute_ est differente de la faillite, parce que la _Banqueroute_ est volontaire & frauduleuse, quand le _Banqueroutier_ s'enfuit & emporte le plus liquide de ses biens; la _faillite_ est contrainte & necessaire, & est causée par quelque fortune, ou accident. Et on tient qu'un homme a fait _faillite_ dés qu'il a manqué à acquitter des lettres de change, ou qu'il y a quelque desordre dans son négoce. BANQUEROUTE se dit aussi de l'insolvabilité des Bourgeois, ou autres personnes, qui doivent plus qu'ils n'ont vaillant, & qui ne payent pas leurs dettes. BANQUEROUTE se dit figurément en choses spirituelles: Il a fait _Banqueroute_ à l'honneur, au bon sens, à Dieu; & on le dit encore de ceux qui manquent à executer leurs promesses, à se trouver aux rendez-vous qu'ils ont donnez, ou de ceux qui se retirent secrettement d'une compagnie sans dire adieu. Ce mot vient de l'Italien _banca Rotta_, banque rompuë. BANQUEROUTIER. iere. _s. m. & f._ Marchand ou Banquier qui fait Banqueroute: On n'est pas assez sévére pour condamner les _Banqueroutiers_ frauduleux, on ne les met qu'au pilori, & souvent ils méritent la corde, quoi que l'Ordonnance d'Henry IV. de l'an 1609. & celle de l'an 1673. ordonnent qu'ils soient poursuivis extraordinairement & punis de mort, ce qui a eu peu souvent son execution. On appelle proprement _banqueroutiers_ frauduleux ceux qui divertissent leurs effets, ou qui les mettent à couvert sous des noms interposez par de fausses ventes ou des transports simulez, ou qui font paroître de faux créanciers. On les condamne en quelques lieux à porter le bonnet verd, & à Luques à porter un bonnet orangé. BANQUET. _s. m._ Festin, grand repas qu'on fait à ses amis: Assuerus fit un fameux _Banquet_ à toute sa Cour, dont il est parlé au Livre d'Esther. Plutarque a écrit du _Banquet_ des sept Sages. Ce mot vieillit & vient de l'Allemand _pancket_, dont les Italiens ont fait _banquetto_, & les Espagnols _banquette_. BANQUET se dit aussi en matiére spirituelle: Tous les Chrêtiens doivent participer au sacré _Banquet_ celeste. BANQUET en termes de manége, est la petite partie de la branche de la bride qui est au dessous de l'œüil, qui assemble les extrêmitez de l'embouchure avec la branche, & qui est cachée sous le chaperon ou fonceau. BANQUETER. _v. act._ faire un festin, faire grande chere avec ses amis. Ce mot vieillit. BANQUETTE. _s. f._ Terme de fortification. C'est un degré ou deux qui régnent tout le long des parapets, afin qu'on puisse tirer par dessus: La _Banquette_ doit avoir un pied & demi de haut & trois pieds de large. BANQUETTE se dit aussi d'une petite élevation au dessus du niveau de la ruë, pour servir de chemin commode aux gens de pied; comme il y en a à Paris au Pont-Neuf & au Pont-Marie. BANQUIER. _s. m._ Negociant en argent, qui donne des lettres de change pour faire tenir de l'argent de place en place. BANQUIER Expeditionaire en Cour de Rome, est un Officier de nouvelle création, qui se charge de faire venir toutes les bulles, dispenses & autres expeditions qui se font en la Cour Romaine, & en la Legation d'Avignon, soit de la Chancellerie, soit de la Penitencerie. L'origine de ces Banquiers vient de ce que les Guelphes du temps des guerres civiles d'Italie se réfugierent en Avignon & dans les Païs d'obédience; & comme ils étoient favorisez des Papes, dont ils avoient soûtenu le parti, ils se mêlerent de faire obtenir les graces & expeditions de Cour de Rome, & s'appellerent _mercatores_ & _scambiatores Domini Papæ_, comme témoigne Matthieu Paris: mais comme ils se rendirent odieux alors par de grosses usures, on les appella _Carsins_, ou _Caorsins_, du nom de _Caors_ Ville de Querci, dont le Pape Jean XXII. qui siégeoit alors étoit natif, à cause que de son temps ces usuriers étoient en leur plus haute élevation, comme témoigne Adam Theveneau en ses Commentaires sur les Ordonnances, au titre des Usures. Les Italiens en firent aussi pour eux le mot _scarsi_, qui signifie _avares_; & ils eurent tant de haine pour cette Ville, que le Poëte Dante dans son Enfer, met au même rang Sodome & Cahors, & y place tous les scelerats & les usuriers. Les marques de cette haine ont duré long-temps en France, & on a appellé en Chancellerie les _Lettres Lombardes_ les Lettres qui s'expedioient en faveur des Lombards & Italiens, qui vouloient trafiquer ou tenir _Banque_ en France, qui se taxoient au double des autres, en haine de ce qu'on appelloit alors tous les Changeurs, _Banquiers_, Revendeurs, & Usuriers d'Allemagne, & de Flandres même, Lombards, de quelque nation qu'ils fussent, & on les appelle encore ainsi en plusieurs lieux. La place du Change & la Fripperie d'Amsterdam s'appellent _Places Lombardes_. BANQUIER se dit aussi en certains Jeux, comme l'Occa, la Bassette, de celui qui tient le Jeu & l'argent, & qui a le fonds devant lui, pour payer ceux qui gagnent. BEFFROY. _s. m._ lieu élevé où il y a une cloche dans une place frontiére, où on fait le guet, & d'où on sonne l'allarme, quand les ennemis paroissent. Nicod dérive ce mot de _bée_ & de _effroy_, parce qu'il est fait pour beer & regarder, & en suite donner l'effroy. BEFFROY est aussi la charpenterie qui soûtient les cloches dans un clocher. On appelle aussi _Beffroy_, ces tours ou machines de charpente qu'on faisoit autrefois en assiégeant les places, auparavant l'invention de l'Artillerie. BEFFROY se dit aussi de certaines cloches qui sont dans des lieux publics, qu'on ne sonne qu'en certaines occasions, comme de réjouïssances, d'allarmes ou d'incendie: Il y a trois Beffrois à Paris, celui de l'Hôtel de Ville, du Palais, & de la Samaritaine: quand il naît un Fils de France, on donne ordre de tinter le _Beffroy_ pendant 24. heures. BEFFROY en termes de Blason, est un nom que les Rois d'armes & Herauts ont donné à un Ecu vairé, ou composé de trois titres de vair, parce qu'il est fait en forme de cloches qui servent à sonner à l'effroy: & quand on dit simplement _Beffroy_, on doit entendre qu'il est composé d'argent & d'azur. BILAN. _s. m._ terme de Banque. C'est un petit livre que les Marchands, ou Banquiers portent sur eux, où d'un côté ils écrivent leurs dettes actives, & de l'autre leurs dettes passives. Ce mot vient du Latin _Bilanx_, parce que ce Livre leur sert à _balancer_ leurs gains & leurs pertes. Il leur sert aussi au virement des parties. Les Marchands de Lyon appelloient ci-devant _Bilan des acceptations_; un petit livre qu'ils portoient sur la place, où ils écrivoient toutes les Lettres de change tirées sur eux; & leur acceptation n'étoit autre chose que de mettre à côté de la Lettre qu'ils avoient enregistrée dans leur _Bilan_, une croix qui signifioit _acceptée_: s'ils vouloient déliberer sur l'acceptation, ils mettoient un V, qui signifioit _vûë_; & s'ils ne la vouloient point accepter, ils mettoient S. P. qui signifioit _sous protest_. Mais depuis l'Ordonnance de 1677. il ne se fait plus d'acceptation que par écrit. On appelle l'entrée & l'ouverture du _Bilan_, le sixiéme jour du mois des payemens, jusqu'à la fin duquel on fait le virement des parties, où les Marchands écrivent chacun de leur côté les parties virées. On appelle aussi _Bilan_, ou _Balance_ l'arrêté ou la clôture de l'inventaire d'un Marchand, où on a écrit vis à vis tout ce qu'il doit, & tout ce qui lui est dû: Un Marchand aprés sa faillite, pour s'accommoder avec ses créanciers leur doit presenter un _Bilan_, qui contienne l'état au vrai de ses affaires: Si un Négociant qui a accoûtumé de porter _Bilan_ sur la place, ou autre pour lui, ne s'y rencontre pendant le temps du payement, il est réputé avoir fait faillite. BILBOQUET. _s. m._ Jeu d'enfans fait d'un bâton creusé en rond par les deux bouts, au milieu duquel est une corde, où une balle de plomb est attachée, ils la jettent en l'air, & la reçoivent alternativement dans ces deux concavitez. On appelle ironiquement un nombril, un _Bilboquet_. BOIS. _s. m._ substance qui forme le corps des arbres, & qui prend son accroissement du suc de la terre. Il y a des _Bois_ durs, comme le cormier, le poirier; des _bois_ legers, comme le liége, &c. On a peint ce lambris en couleur de _bois_. Monsieur Grew dans son Anatomie des plantes a découvert que la partie qu'on appelle proprement le _Bois_ dans un vegetable, n'est autre chose qu'une infinité de canaux fort petits, ou de fibres creuses, dont les unes s'élevent en haut, & se rangent en forme d'un cercle parfait, & les autres qu'il appelle insertions, vont de la circonference au centre, elles se croisent mutuellement comme les lignes de longitude & de latitude sur un globe, ou les fils des tisserans étendus en long & en large, & entrelassez ensemble. Nicod dérive ce mot du Grec _boscon_, qui signifie _lignum_; Ménage de _boscium_, qu'on a fait de _boscum_ ou _boscus_, qui signifie forest. Il vient plûtôt de l'Allemand _busch_, d'où les Italiens ont fait _Bosco_, & les Espagnols _Bosqué_. En vieux François on disoit _bos_; du diminutif _Boskettus_ on a fait _bosquet_ & _bouquet_, & de _boscium_ on a fait pareillement _buisson_, de _bosca_, _busche_, & de _boscagium_, _bocage_. On appelle chez les Chrêtiens par excellence, le sacré _Bois_ de la Croix, le _bois_ de la vraye Croix, celui où fut attaché nôtre Sauveur. BOIS se distingue en plusieurs sortes, tant par sa nature, ses vertus & ses qualitez, que par ses defauts, ses façons, ses voitures, ses mesures, & ses emplois. BOIS consideré selon ses diverses qualitez, utiles, curieuses, & medicinales, est premiérement le _bois_ de charpente ou à bâtir, tels que sont les chênes, le châtagnier, le sapin, qu'on scie & qu'on équarrit, &c. qui sert à bâtir les maisons, à faire les planchers & les toits, les moulins, les machines, &c. Les _Bois_ estimez par curiosité sont les _Bois_ de citron, de cédre, d'ébene, de Calemba ou Calembouc, de bouïs, à cause de leur odeur & de leur dureté, & parce qu'ils reçoivent un beau poli dont on fait des tables, des buffets, des chapelets, des peignes. Les _bois_ des teintures sont _bois_ d'Inde, _bois_ de Bresil, _bois_ de campêche, _bois_ jaune, &c. Les _Bois_ medicinaux sont le Gayac, que les Espagnols appellent _Ligno santo_, l'Aloës ou _agallochum_, le Kinquinna, le _bois_ d'aigle ou Pao d'aquila, & autres qui seront expliquez à leur ordre. BOIS en termes d'eaux & forêts, consideré suivant son état, s'appelle _bois en étant_ lorsqu'il est debout & sur pied, vivant & prenant son accroissement sur la terre. Cette expression vient de ce que ce mot, _étant_, étoit autrefois un nom substantif, & on disoit qu'un homme étoit en son _étant_, pour dire qu'il étoit debout sur ses pieds, comme on dit encore qu'il est en son _séant_, pour dire qu'il est à demi couché. _Bois_ vif, est celui qui prend nourriture, ou qui porte du fruit, qui pousse des branches & des feüilles. _Bois d'entrée_ est celui que est entre verd, & sec, dont les arbres ont les houppiers, ou quelques branches séches, & d'autres vertes, la couppe en est défenduë aux Usagers. _Bois gisant_, celui qui est couppé ou abattu & couché sur terre. _Bois mort_, celui qui est seché sur pied, qui n'a plus de seve. _Mort-bois_, est celui qui est expliqué & désigné dans la charte Normande accordée par Louïs X. en 1313. il y en a neuf especes, saux, marsaux, épines, puisnes, aulnes, le seur ou sureau, genest, geniévre, & ronces. Dans l'Ordonnance de François I. sur le fait des Chasses art. 55. le Roi déclare que pour ôter toute difficulté sur ce qu'on doit appeller _bois mort_, & _mort bois_, il veut qu'on suive l'interpretation & la restriction qui est contenuë en la charte aux Normands, du Roi Louïs X. Les Ordonnances postérieures y sont conformes. Ce mot s'est dit selon quelques-uns par corruption, pour _maubois_ ou mauvais _bois_, qui ont voulu y comprendre tout le bois en étant qui n'avoit ni fruit, ni graine. Cependant il y a bien d'autres arbres qui ont vie, & qui ne portent point de fruit, qui ne sont pas renfermez dans le petit nombre d'espéces que l'Ordonnance met sous ce nom de _mort bois_, qui n'est en usage que suivant les restrictions qui y sont comprises. Le _mort-bois_ n'est point sujet au tiers & danger. _Bois blanc_, est le peuplier, le bouleau, le tremble, & autre _bois_ leger & peu solide. Il n'y doit avoir que le tiers au plus de _bois blanc_ dans la voye de bois de corde ou à brûler, suivant l'Ordonnance. _Bois en grume_, est tout le bois qu'on améne sans être équarri, qui est avec son écorce, & tel qu'il est sur pied, comme sont les pilotis & plusieurs _bois_ de charronage, & d'ouvrages. Il y a des Régles pour réduire le _bois en grume_ au quarré, c'est à dire, pour sçavoir combien un arbre sur pied de tant de pourtour donnera de pieds de _bois_ équarri. _Bois chablis_ sont _bois_ abattus, ou rompus par les vents, soit par le pied, soit ailleurs, au corps, ou aux branches, ou déracinez; on l'appelle aussi _caable_ ou _bois_ versé: tous les arbres de condamnation pour forfaiture, ou délit y sont aussi compris. _Bois encroüé_, est un arbre qui en l'abattant est tombé sur un autre, & dont les branches sont engagées les unes dans les autres. L'Ordonnance défend d'abattre les bois sur lesquels d'autres sont _encroüez_. Le BOIS consideré selon ses defauts, est premiérement le _bois roulé_, c'est du _bois_ où les cruës de chaque année n'ont point fait corps ensemble, mais sont demeurées de leur épaisseur sans aucune liaison. Ce _bois_ ne peut être debité ni en fente, ni en autre marchandise. _Bois trenché_, est celui qui a le fil de travers, qui au lieu de suivre le long de l'arbre, le traverse d'un côté à l'autre de l'écorce: il ne peut être employé à la fente, & il se casse aisément. _Bois charmez_, sont des _bois_ auxquels on a fait quelque chose pour les faire mourir, ou tomber. _Bois arsins_, sont des bois où a été le feu, soit qu'on l'y ait mis par malice, soit qu'il y ait pris par accident. On appelle _louppes de bois_ des bosses ou gros nœuds qui s'élevent sur l'écorce. _Bois Rabougris_ ou _Abougris_, _Broutez_ ou _Avortez_ sont les _bois_ tortus & malfaits, qui ne croissent qu'à la maniére des pommiers, qui ne sont pas de belle venuë, & qui doivent être récépez. _Bois Rustique_ & _Noailleux_, est celui qui a crû sur le gravier, & est exposé au soleil de midi, qui ne se peut fendre, si ce n'est un peu vers le tronc. On le dit aussi des racines d'olivier, de noyer, & d'autres _bois_ veinez, qui servent aux Ebenistes pour des ouvrages de placage, on l'appelle aussi _bois madré_. _Bois mouliné_ ou _bois carié_, est du _bois_ corrompu, pourri, & où il y a des vers & des malandres. _Bois bombé_, est celui qui est naturellement un peu courbe, & qu'on pose sur son fort, quand on met par dessus sa partie la plus élevée, & qui fait sa bosse. Le BOIS se considere aussi, selon sa taille & ses façons. _Bois d'équarrissage_, ou _Bois quarré_, est tout le _bois_ équarri destiné à bâtir, qui est au dessus de six pouces, & selon qu'il est debité, chaque grosseur porte son nom particulier. _Bois flacheux_, est celui qui n'est pas bien équarri, & a vive arrête. Un cent de _bois_ chez les Charpentiers c'est cent fois 72. pouces de _bois_ en longueur, ou une piéce qui a 12. pieds de long sur six pouces d'épaisseur & de largeur: de sorte qu'une seule poutre est souvent comptée pour 15. ou 20. piéces de _bois_. Tout le _bois_ de charpente se réduit à cette mesure, soit pour la vente, soit pour la voiture, soit pour le toisé des ouvrages. Il est taillé en longueur depuis six jusqu'à 30. pieds, en augmentant les piéces toûjours de trois pieds en trois pieds. Celles de menuiserie ne vont guéres qu'à 15. pieds avec la même gradation. Ainsi on dit en ce sens, qu'un Navire de 1100. tonneaux, comme le Victorieux, qui a 120. pieds de quille portant sur gréve, est composé de 17465. piéces de _bois_ réduites selon l'usage de Paris; & sa mâture de 4000. qui font bien 1800. charretées de _bois_, tant que deux chevaux en peuvent tirer, sans les affûts de canon & les piéces de rechange. Le Caron Arpenteur a fait deux petits volumes de la qualité & du toisé des _bois_ fort utiles pour les Marchands, ou Bourgeois qui veulent acheter du _bois_ à bâtir. _Bois de charronnage_, est celui qui sert à faire des Rouës, des charriots & charrettes, comme l'orme & le chêne. _Bois de sciage_, est le _bois_ couppé en planches, & en solives qui sert pour les menuisiers: comme aussi tout le _bois_ quarré dont l'épaisseur est moindre de six pouces, s'appelle _bois de sciage_. _Bois d'ouvrage_, est celui qu'on travaille dans les forêts, dont on fait des sabots, des pelles, des seaux, des lattes, des cercles, des éclisses, &c. On appelle aussi en général du _bois ouvré_, ou non _ouvré_, celui qui est façonné par les mains des Ouvriers, ou celui qui est en état de l'être. _Bois merrein_, c'est du bois fendu en petits ais, dont on fait les douves des tonneaux, des cuves. On l'appelle aussi _bois à Barils_, _bois d'enfonçures_, _bois à douvin_, _bois à pipes_. Les Menuisiers en font aussi des panneaux, mais il ne sert point à bâtir, quoi qu'abusivement quelques-uns l'étendent à tout le _bois_ de charpente, & plusieurs aux perches, échalats, &c. Les Menuisiers appellent aussi du _bois refait_, du _bois_ équarri & dressé sur toutes ses faces. Ils appellent courroyer le _bois_, quand ils lui donnent cette façon; ils disent aussi que des _bois_ sont bien poussez & bien rabbotez, quand ils sont bien unis. Les Charpentiers appellent aussi _bois affoiblis_, les _bois_ qu'on a taillez en cintre, qu'on a rendus courbes. Les _bois_ affoiblis exprés sont toisez de la grandeur de leur bossage, & les courbes de la grandeur de leur plein cintre; c'est à dire, qu'il faut comprendre le plus grand vuide de la courbe avec sa largeur. _Bois à brûler_, est celui qu'on destine à faire du feu, qui se divise en plusieurs espéces. _Bois flotté_, est celui qu'on améne en trains, & lié avec des perches & des rouëttes, sur des riviéres. _Bois perdu_, est celui qu'on jette dans les petites Riviéres qui n'ont pas assez d'eau pour porter des trains, ni des bâteaux, & qu'on va recueillir & mettre en trains aux lieux où elles commencent à porter. Il est permis aux Marchands de jetter leurs _bois à bois perdu_, en avertissant les Seigneurs dix jours auparavant: comme aussi de faire des canaux, & de prendre les eaux des étangs pour les faire flotter, en dédommageant. _Bois volants_, sont les bois qui viennent par le flot droit au port, où on les recueille. _Bois échappez_, ceux qui par les innondations, s'échappent dans les prez & dans les terres. _Bois canars_, ceux qui demeurent au fond de l'eau, ou qui s'arrêtent sur les bords des ruisseaux, où on a jetté un flot de _bois à bois perdu_. Les Marchands ont 40. jours aprés que le flot est passé, pour faire pêcher leurs _bois canars_ sans rien payer. _Bois neuf_, est le bois qui vient dans des bateaux sans tremper dans l'eau. _Bois pelard_ est du bois menu & rond, dont on a ôté l'écorce pour faire du tan. _Bois de moulle_ ou de quartier, est du _bois_ qui est mesuré, il doit avoir au moins 18. pouces de grosseur. Les Marchands Ventiers doivent fournir aux Bûcherons des chaînes & mesures de ces longueurs. _Bois de corde_, est du _bois_ fait ordinairement de branchages ou de taillis, on l'appelle ainsi quand il est au dessous de 17. pouces de grosseur. Il doit être au moins de six, & se vend à la membrure, qui a quatre pieds de haut sur quatre pieds de large. Il est ainsi appellé à cause qu'on le mesuroit n'aguéres à Paris avec des cordes, comme on le fait encore sur les lieux. Tout _bois_ à brûler en général doit avoir trois pieds & demi de long, y compris la taille. La corde de bois vaut deux voyes de Paris. La mesure de la corde de _bois_ selon l'Ordonnance est de 8. pieds de long & de 4. de haut. Du _bois_ en chantier, c'est du _bois_ en pile & en magasin. _Bois de compte_, est celui dont les 62. bûches au plus se trouveront remplir les trois anneaux qui composent la voye de _bois_ par les Ordonnances de la Ville, & ceux qui sont au dessous de 18. pouces de grosseur doivent être rejettez & renvoyez parmi le _bois_ de corde. Mouleur de _bois_ est un Officier de Ville établi sur les Ports, pour faire mesurer le _bois_ dans les moulles ou membrures. On appelle à Paris _bois de gravier_, un _bois_ demi flotté, qui vient de la forest de Montargis, & qui est plus cher que le bois ordinaire. On appelle du _bois d'Andelle_, un _bois_ de deux pieds & demi au plus, qui vient par bateaux par la Riviére d'Andelle; il est ordinairement de hestre. Brin de _bois_, est un morceau de _bois_ de belle venuë, droit & long qui n'est point scié, si ce n'est pour l'équarrissage, & qui est de toute la grosseur de l'arbre: il est excellent pour faire des planchers. On appelle aussi un Brin de _bois_, un _bois_ de pique, un _bois_ de lance, ou les _bois_ de ces armes avant qu'ils soient ferrez. Les anciens Chevaliers appelloient _bois_ leurs lances: leurs _bois_ volerent en éclats; & on disoit qu'ils portoient bien leurs _bois_, lors qu'ils couroient en lice de bonne grace. C'est de là que figurément on dit qu'une femme porte bien son _bois_, pour dire qu'elle a bonne mine à marcher. On dit en termes de guerre, quand on fait faire alte à l'Infanterie, haut le _bois_, à cause qu'on leve alors les piques; & dans sa marche, faire long _bois_, quand on veut augmenter l'intervale qui est entre les rangs. On appelle en Menuiserie des meubles de _bois_, des tables, des siéges, des _bois_ de lit, quand ils n'ont point de garniture d'étoffe ni de tapisserie. En termes de venerie, on dit un _bois_ de cerf, ce qu'on appelle autrement _corne de cerf_; & l'on dit qu'un cerf a touché au _bois_, quand il a dépoüillé la peau de sa tête, en frottant contre des arbres. On dit figurément en ce sens qu'une femme fait porter du _bois_ à son mari, pour dire qu'elle lui fait porter les cornes, qu'elle lui est infidéle. En Agriculture _bois_ se dit des menuës branches, sions, ou rejettons que les arbres poussent chaque année: ainsi on dit qu'un arbre nain pousse trop de _bois_, qu'une vigne est trop chargée de _bois_, pour dire qu'il la faut tailler, & qu'il faut émonder ou élaguer les arbres. On appelle aussi la vigne, le _bois_ tortu. _Bois gentil_ est une plante medicinale qui jette plusieurs surgeons, qui a ses branches hautes d'un palme; ses feüilles sont semblables à celles de l'olivier, quoi que plus menuës & plus améres. Elles ont un goût si piquant, qu'elles écorchent la langue & le gosier, on l'appelle en Latin _chamelœa_, & est de grand usage en Medecine. BOIS est aussi un nom collectif, qui signifie les arbres qui sont plantez fort épais & en grand nombre, soit dans un jardin, soit à la campagne: un _bois_ épais: un _bois_ dégradé. _Bois de haute fûtaye_, c'est le _bois_ qui est parvenu à sa plus grande hauteur, qui est réputé immeuble, & qui ne peut être abattu par un usufruitier. On appelle _bois de haut revenu_, celui qui est de demie fûtaye de 40. ou de 60. ans. _Bois sur le retour_, est un _bois_ trop vieux, qui commence à diminuer de prix, & à se corrompre, qui a plus de 200. ans à l'égard des chênes: il est different du _bois_ taillis qui renaît sur les vieilles souches de la haute fûtaye, coupées, & qu'on peut couper tous les neuf, douze, ou quinze ans, qui tourne au profit de l'usufruitier. _Bois taillis_, est le _bois_ qu'on met en coupes ordinaires tous les dix ans, & qui est au dessous de 40. ans, car au delà c'est une _fûtaye sur taillis_, c'est dont on fait le charbon & le _bois_ à brûler. _Bois à faucillon_, est un petit taillis, qu'on peut couper avec un petit ferrement. _Bois en pueil_, c'est un _bois_ nouvellement coupé, & qui n'a pas encore trois ans. Ce mot se trouve en plusieurs Coûtumes, & entr'autres en celle d'Auvergne. On appelle un _Bois en défens_, quand on a défendu de couper un _bois_, qu'on a reconnu de belle venuë dans quelque triage, pour le conserver & le laisser croître jusqu'à ce qu'on en ait besoin; & on dit qu'un _bois_ est jugé _défensable_, quand le Juge a donné permission d'y faire entrer les bestiaux en panage. _Bois marmenteaux_ ou _bois de touche_, sont des _bois_ au tour d'une maison ou d'un parterre, pour leur servir d'ornement, ausquels on ne touche point. Les usufruitiers ne peuvent faire couper les _bois marmenteaux_ & _bois de touche_, ni en haute fûtaye, ni en taillis, quand ils servent à la décoration d'une maison ou d'un Château. Une coupe de _bois_ réglée est une division qui se fait d'un grand _bois_ en certaines portions, afin qu'on en coupe chaque année une certaine quantité sans dégrader le _bois_, ni en diminuer le revenu. On appelle l'âge du _bois_, ou l'essence du _bois_, le temps écoulé depuis sa derniére coupe. L'usance du _bois_ se dit de son exploitation. _Garde Bois_, est l'Officier préposé pour empêcher les dégradations des _bois_, & conserver le gibier. En Poësie on appelle les Divinitez des _bois_ les Driades, Hamadriades, les Faunes, les Satyres, &c. En termes de Marine on dit faire du _bois_, pour dire descendre en terre pour aller couper des _bois_ nécessaires à l'équipage. On dit aussi qu'un vaisseau a reçû des coups en _bois_, pour dire dans les bas, dans les œuvres vives. HAUT BOIS. _s. m._ Est une flûte qui est de differente grandeur selon les quatre parties, qui servent à en faire un concert. Il est devenu depuis peu un instrument militaire, le Roi en ayant mis dans les Compagnies des Mousquetaires. On dit figurément qu'un homme jouë du _haut bois_, quand il fait abattre, &c. C. CACAO. _s. m._ Fruit dont on fait le chocolate avec quelques autres ingrédiens; il croît en abondance dans la nouvelle Espagne à un arbre qui se nomme la _cucuhua-guahuilt_; il est de la même grandeur que l'oranger; il a les mêmes feüilles, mais un peu plus grandes. Ce fruit est de la figure d'un concombre, ou melon, qui est rayé, cannelé & roux, plein de plusieurs noix qui sont proprement appellées _cacao_, plus petites qu'une amende: il est d'une moyenne saveur, entre le doux & l'amer; d'un temperament froid & humide. Il y a dix ou douze _cacao_ enfermez dans une même coque; cet arbre est si delicat qu'il le faut planter auprés d'un grand arbre nommé _atlinan_ afin qu'il le couvre de sa grande ombre, autrement le Soleil le brûle. On en tire aussi du beurre, dont les femmes se font un fard pour le visage. Le _cacao_ sert aussi de menuë monnoye dans la Province; _Laët_, _Acosta_, _Clusius_ en ont écrit. CALANDRE. _s. f._ Terme de Manufactures. C'est une machine propre pour presser les draps, les toiles, & autres étoffes, & pour les rendre polies, unies & lissées: elle sert aussi pour y faire ces ondes qui sont sur le tabis & les moheres: Elle est composée de deux gros rouleaux de bois, autour desquels on roule les piéces d'étoffe; on les met entre deux gros madriers de bois dur, large, épais & poli; celui de dessous sert de base, celui de dessus est mobile, par le moyen d'une rouë telle que celle des gruës. Un cable est attaché à un tour qui compose son axe; cette partie du dessus est d'un poids prodigieux, par fois de cinquante ou soixante milliers; c'est cette pesanteur qui fait les ondes sur les étoffes qui sont autour de ces rouleaux par le moyen d'une legere gravûre qu'ils contiennent: on met & on ôte ces rouleaux en inclinant un peu la machine. Ce mot vient du Latin _cylindrus_, parce que tout l'effet de la machine vient d'un cylindre. Borel dit que ce nom lui vient d'un petit oiseau de même nom, parce que les marques qu'elle imprime sont semblables à ses plumes. CALANDRE, petit oiseau du genre des alloüettes, qui n'a point de crête: En Latin _corydalos minima_. CALANDRE, petit ver qui se fourre dans le bled & le mange, qu'on appelle aussi _charançon_, ou _patepeluë_: en Latin _curculio_. CALANDRER. _v. act._ Mettre une étoffe sous la _calandre_ pour la presser ou tabiser. CALANDRÉ éé. part. CALCINATION. _s. f._ Action par laquelle on réduit en chaux, ou en poudre trés-subtile les métaux & les minéraux, avec un feu violent. La _calcination_ actuelle se fait seulement par le feu, la potencielle se fait par le moyen d'un esprit corrosif, qui les pénétre & les dissout, comme l'argent & l'or par les eaux fortes & l'eau régale, & cette _calcination_ est appellée _immersive_. CALCINER. _v. act._ Terme de Chimie. Réduire les métaux ou les minéraux en chaux, ou poudre trés-subtile par le moyen du feu. L'or se calcine au feu de Reverbere avec le mercure & le sel armoniac. L'argent avec le sel commun & le sel alkali: le cuivre avec le sel & le soulfre: le fer avec le sel armoniac & le vinaigre: l'étain avec l'antimoine, le plomb & le soulfre: le mercure avec l'eau forte, il se calcine aussi tout seul par le feu. Tous les autres minéraux se calcinent au feu, sans addition d'aucune drogue. CAMPHRE. _s. m._ C'est la gomme d'un arbre qui croît aux Indes dans les montagnes maritimes, lequel est de telle hauteur & largeur, qu'un escadron de cent hommes pourroit demeurer dessous à l'ombre. On dit qu'elle sort en plus grande abondance durant la tempête & les tremblemens de terre. Il y en a de plusieurs sortes, car on en trouve une entre les veines du bois, & une autre qui sort par l'écorce rompuë, comme une résine, & demeure attachée à l'arbre: elle est rouge d'abord, & devient blanche, ou par la chaleur du Soleil, ou à force de feu. Il y en a une brune & obscure qui est moins estimée. Il y a aussi un _camphre_ en rose, qui n'a point passé par le feu, & un autre qui a été purifié & blanchi, & fait par sublimation. Le _camphre_ est si subtil que souvent de lui-même il se resout en fumée. Il est si odorant, que sur les lieux on s'en sert en guise d'encens; pour être bon il doit être blanc, pur, reluisant, transparent, de forte odeur, & il faut qu'il devienne moüillé quand on le met sur un pain chaud. Quelques-uns, comme Fuchsius, croyent que c'est un Bitume des Indes. On l'appelle en Latin _camphora_, qui vient du mot Hebreu _copher_. On fait du _camphre_ artificiel avec de la sandaraque, qu'on appelle autrement gomme de genévre, vernis blanc, ou mastic bien pulvérisé, du vinaigre blanc bien distilé, qu'on met vingt jours dans le fumier de cheval, & qu'on laisse aprés au Soleil pendant un mois pour secher, & on trouve le _camphre_ fait comme une croûte de pain blanc. La chymie ne travaille point sur le _camphre_, puisqu'il surmonte en pureté, en subtilité, en volatilité & en pénétration tout ce qu'on en pourroit tirer par la distillation: Elle ne peut enchérir sur sa perfection: sa diaphanéïté est grande, sa blancheur égale à celle de la neige; son goût acre, son odeur forte témoignent sa volatilité; son inflammabilité dans l'eau, & sa totale consomption sans laisser aucune trace au vaisseau dans lequel on l'allume, montrent sa pureté & la subtilité de ses parties. On a fait ce proverbe sur le _camphre_. _Camphora per nares castrat odore mares._ La principale qualité du _camphre_ est de retenir & de conserver un feu inextinguible qui brûle dans l'eau, sur la glace, & dans la neige, à cause qu'il est d'une nature fort tenuë & grasse, jusques-là que si on en jette dans un bassin sur de l'eau de vie, & qu'on les fasse boüillir jusqu'à leur entiére évaporation dans quelque lieu étroit & bien fermé, & que par aprés on y entre avec un flambeau allumé, tout cet air renfermé conçoit en un moment le feu qui paroît comme un éclair sans incommoder le bâtiment, ni les spectateurs. CHARTEPARTIE. _s. f._ Terme de marine, c'est l'acte d'affretement sur l'Ocean, ou de nolissement sur la Mediterranée; c'est un écrit contenant la convention pour le loüage d'un Vaisseau, ou la Lettre de facture & le Contract de cargaison du Vaisseau: elle doit être rédigée par écrit, & passée entre les Marchands & le Maître, ou le propriétaire du Bâtiment: Elle doit contenir le nom & le port du Vaisseau, celui du Maître & de l'Affreteur, le prix du fret, & les autres conditions dont les parties seront convenuës, comme il est porté au Livre troisiéme de l'Ordonnance de la marine: dans cet acte les Capitaines & Officiers confessent avoir reçû un tel Navire bien & dûment calfeutré, étanché, victuaillé, munitionné, & agréé pour un tel voyage. La _chartepartie_ est distinguée d'avec le connoissement, parce que celle-la se fait pour l'entier affrettement du Navire, & pour l'aller & pour le retour; au lieu que le connoissement n'est fait que pour une partie de la charge, & se fait par une promesse particuliére, pour l'aller ou pour le retour seulement. Le Président Boyer dit que ce mot vient de ce que _per medium carta incidebatur & sic fiebat carta partita_; parce qu'au temps que les Notaires étoient moins communs, on n'expédioit qu'un acte de la convention qui servoit aux deux parties, on le coupoit en deux pour en donner à chacune sa portion; elles les rassembloient au retour pour connoître si elles avoient satisfait à leurs obligations; ce qu'il atteste avoir vû encore pratiquer de son temps, de même qu'en usoient les Romains dans leurs stipulation, au rapport d'Isidore, qui rompoient un bâton dont chacun gardoit un morceau pour en conserver la marque. CHIEN. _s. m._ Chienne. _s. f._ Animal domestique, qui aboye, qui sert à garder la maison, & à la chasse. Le _chien_ est le simbole de la fidélité. Les _chiens_ sont en telle abomination aux Maldives, que si un _chien_ avoit touché quelqu'un du païs, il s'iroit incontinent baigner pour se purifier. Peirard. Au contraire chez les Gaures ils sont en si grande vénération, que les Prêtres se servent des _chiens_ pour purifier leurs penitens. Tavernier. Il y a plusieurs sortes de _chiens_ differens, tant pour la taille que pour le naturel, ou le service qu'ils rendent aux hommes. Les premiers sont les _chiens_ de chasse dont les plus nobles sont les _chiens_ courans, ou _allans_, qui chassent par la force de l'odorat. Entre les _chiens_ François, quelques-uns sont appellez de _race Royale_, qui courent à force les cerfs, chevreüils, loups, & sangliers. Les _chiens_ courans appellent les Veneurs, & pour cela dit qu'ils chassent de gueule. Il y en a d'autres de race commune, qui chassent seulement le chevreüil, le loup & le sanglier; d'autres de race mêlée, ou petite racine, qui chassent les liévres tant dans les bois que dans la plaine. Il y a aussi des _chiens_ Anglois de trois sortes, ceux de la race Royale servent à chasser cerfs, daims, & chevreüils. Les chiens _Baubis_ sont pour les liévres, renards & sangliers, on leur couppe presque à tous la queuë; ils sont plus bas de terre & plus longs que les autres, de gorge effroyable, qui heurlent sur la voye, & qui ont le nez dur, & sont barbets à demi poil. Les _Bigles_ sont pour les liévres & lapins; il y en a de grands & de petits, & sont excellens pour courir le liévre dans les plaines. Les levriers sont _chiens_ à hautes jambes, qui chassent de vîtesse. Voyez Levrier. Limiers sont des _chiens_ muets, qui servent à quêter & à détourner le cerf, _chien_ quêtant & requerant. Chiens _Baux_, qu'on surnomme _Greffiers_, sont des _chiens_ blancs, dont la race vient de Barbarie, ils sont bons chasseurs requerans & forcenans; ils chassent de haut nez, gardent bien le change; ils sont de bonne creance, & tiennent mieux dans les chaleurs; ce sont les meilleurs pour courir le cerf. Les _chiens gris_ sçavent faire tous métiers, & courent toutes sortes de bêtes. Les _chiens noirs_, qu'on appelle _de saint Huber_, sont bons pour les bêtes puantes; on en conserve sa race en mémoire de ce Saint, en l'Abbaye qui porte son nom dans les Ardennes. Les _chiens_ fauves ou rouges sont _chiens_ de grand cœur, fort hardis & _chiens_ d'entreprise. On appelle _chiens_ tout d'une piéce ceux qui sont tout d'une couleur, tout blancs, ou tout noirs, &c. Les _chiens_ couchans sont _chiens_ de l'arquebuse, qui chassent de haut nez, & arrêtent tout: les meilleurs viennent d'Espagne, ils servent à faire lever les perdrix & les cailles, & ces _chiens_ sont au poil & à la plume; & on dit que des _chiens_ piquent la sonnette, pour dire qu'ils courent trop vigoureusement aprés l'oiseau. Braques sont des _chiens_ de même allure, aussi bien que les turquets & metis. Epagneuls, ou espagnols sont des _chiens_ qui chassent de gueule, & forcent les lapins dans les brossailles, ils rident ou suivent la piste de la bête sans crier, ils sont bons aussi pour les oiseaux, & chassent le nez bas. Griffon, se dit aussi d'une espece de _chiens_ qui chassent le nez haut, & qui arrêtent tout; ils viennent d'Italie & de Piedmont. Bassets, qu'on appelle autrement _chiens de terre_, sont des _chiens_ qui entrent dans les taniéres des renards & taissons; ils viennent de Flandres & d'Artois; ils attaquent tout ce qui se terre, comme blereaux, renards, chats harets, foüines, putois; ils quêtent bien & servent aussi à l'arquebuse; ils sont noirs à demi poil, avec la queuë en trompe: il y en a qui ont double rang de dents comme les loups, & qui sont sujets à mordre, qui ont les pattes de devant tortuës. On parle aux bassets en leur criant, _coule, coule Bassets_. Barbets, sont _chiens_ frisez qui chassent le nez bas quand le gibier fuit, & le nez haut quand il demeure; Ils l'arrêtent sur terre & dans l'eau: leur principale nature est de rapporter, & ce sont les plus fideles _chiens_ du monde, qui ne veulent connoître qu'un maître, & ne le perdre jamais de vûë: on les appelle aussi _chiens à gros poil_. Dogues, sont _chiens_ de combat, qui servent à assaillir les grosses bêtes, comme des taureaux, des lions, &c. Les Espagnols doivent une partie des conquêtes de l'Amerique à des _Dogues_ d'Angleterre, comme on voit dans Herrera. Mâtins, sont _chiens_ de garde qu'on laisse dans les bassecours pour aboyer. Il y a aussi des _Mâtins_ dans le vautrait, pour chasser au sanglier. Chiens _allans_ ou _gentils_ sont de gros _chiens_, qui en allant détournent le gibier: On le dit aussi des _chiens_ de Bouchers qui servent à conduire leurs troupeaux. On appelle _chiens_ trouveurs, des _chiens_ qui vont requerir un Renard, quand il y auroit vingt-quatre heures qu'il seroit passé. CHIEN _barreur_ est le meilleur _chien_ pour le chevreüil. On appelle un _chien_ secret, un limier qui pousse la voye sans appeller; on l'appelle aussi muet, & on dit qu'il ride. Un _chien_ babillard, ou qui caquette, est celui qui crie hors la voye, & le plus souvent d'ardeur, ou qui crie des matinées entiéres. Un _chien_ menteur est un _chien_ qui cele la voye pour gagner le devant. Un _chien_ vicieux, celui qui chasse tout ce qu'il rencontre, & qui s'écarte toûjours de la meute. Un _chien_ de bonne créance, de bonne affaire, celui qui est docile & obéïssant: un _chien_ qui chasse de forlonge, qui sent de loin le gibier; un _chien_ qui ne se rompt point au bruit. Un _chien_ sage, qui chasse bien, qui tourne juste, _chien_ de tête & un _chien_ d'entreprise, qui est hardi & vigoureux. On dit qu'un _chien_ a le nez dur, lors qu'il rentre mal-aisément dans la voye, & qu'il reprend lentement; qu'il est de haut nez lors qu'il va requerir sur le haut du jour; & qu'il a le nez fin lors qu'il chasse bien dans les chaleurs, & dans la poussiére. On appelle _chien d'aiguail_, celui qui chasse bien le matin lors que la rosée est sur la terre, & qui ne vaut rien au haut du jour; & au contraire un _chien_ du haut du jour, qui ne vaut rien dans l'aiguail. On appelle _chien étruffé_ celui qui a une cuisse qui ne prend point de nourriture, & qui est boiteux; _chien butté_ celui à qui la jointure des jambes de devant grossit; _chien épointé_, celui qui a des os des cuisses rompus; _chien allongé_, celui qui a les doigts du pied étendus par quelque blessure qui a touché les nerfs; & _chiens courtauts_ ceux à qui on a coupé la queuë. On dit qu'un _chien_ a belle gorge lors qu'il crie bien, & qu'il a la voix grosse & forte, qu'un _chien_ aboye quand il sent le gibier; ou quelque chose d'étrange; qu'un _chien_ jappe lors qu'il crie sans sujet, ou au moindre bruit de nuit ou de jour; & qui hurle lors qu'il sent des loups, ou une _chienne_ chaude qu'il ne peut joindre. On dit que le _chien_ sonne, pour dire qu'il appelle au bon chemin ayant trouvé la trace. On appelle _chien armé_, quand il est couvert pour attaquer un sanglier. C'est une bonne qualité de _chien_ d'avoir le jarret droit & bien herbé. A la chasse on dit parler aux _chiens_, pour dire les réjouïr comme on fait à la chasse du cerf; ou les exciter ou les menacer, comme on fait à celle du sanglier avec des cris rudes & furieux, & avec la trompe. On appelle titre de _chiens_ le lieu où on pose les _chiens_, afin que quand la bête passera ils la courent bien à propos. Ces _chiens_ sont mis en bon titre, pour dire sont postez en un bon relais. Trait de _chiens_ se dit des laisses de crin, & des colliers qui servent à coupler les _chiens_; ainsi on dit qu'un cerf, ou une autre bête, a senti le vent du trait, pour dire des _chiens_. Rompre les _chiens_ se dit de la faute d'un Piqueur & Chasseur, lors qu'ils passent à travers des _chiens_, pendant qu'ils courent, & ainsi rompent leur course. Il faut quelquefois rompre les _chiens_, les menacer, les recoupler, & frapper à route, afin de suivre & relancer le cerf, qui leur a donné le change & les a fait tomber en defaut. On dit figurément en ce sens rompre les _chiens_, quand on interrompt quelqu'un dans son discours, pour empêcher qu'il ne dise quelque chose desavantageuse, ou qu'il n'entreprenne quelque affaire. Le droit des _chiens_ est ce qu'on leur donne à la curée, comme la langue, le muffle, les oreilles d'un cerf. Il y a enfin des _chiens_ de chambre pour le divertissement des Dames, qu'on nourrit pour leur petitesse, & leur beauté, & qu'on appelle _chiens_ de manchon, comme les _chiens_ de Boulogne, d'Artois, épagneuls, bichons, barbets, levrons, _chiens_ ras ou de Barbarie, &c. CHIEN, se dit aussi par injure, & pour reprocher à quelqu'un ses defauts. Les Turcs nous appellent _chiens_, nous traitent comme des _chiens_. On appelle un _chien_ de valet, un _chien_ de Procureur, un _chien_ de frippon. On appelle une femme paillarde une _chienne_, une carogne, une _chienne_ chaude, _chienne_ de voirie: ce qui se dit aussi des choses: voilà des beaux _chiens_ de vers; voilà un beau logement de _chien_, un beau present de _chien_. On appelle Cerbere le _chien_ à trois têtes, que les Poëtes ont feint être commis à la garde des Enfers. Le _chien_ céleste est une constellation; il y en a deux; le grand _chien_, qu'on nomme autrement _Sirius_, est une constellation composée de 18 étoiles selon Ptolomée, de la nature de Jupiter & de Venus, dont la principale est tenuë plus grande que tous les autres Astres, même que le Soleil. La petite _chienne_, qu'on appelle autrement la _canicule_, on _Procyon_, n'a que deux étoiles, dont l'une est de la premiére grandeur, & de la nature de Mars, c'est celle qui cause les plus grandes chaleurs de l'Eté. CHIEN de mer ou marin, est un poisson long & à museau pointu, qui a des dents, en Latin _galeus_. Le grand _chien_ de mer qu'on appelle _canis carcharias_, a quatre ou cinq rangs de dents à chaque mâchoire, dont quelques-unes ont un pouce de long, & sont extrêmement rudes, tranchantes & pointuës, qui ne leur servent pourtant point à manger leur proye, parce qu'on a trouvé des hommes tout entiers dans leur ventre. CHIEN de pistolet, est une piéce de fer mobile appliquée sur la platine d'un pistolet, d'un fusil, d'une arquebuse; elle tient la pierre & fait le feu, quand elle est lâchée. Il courut le pistolet bandé, la carabine à la main, avec le _chien_ abattu, &c. CHIEN se dit proverbialement en ces phrases; on dit de deux amis qui ne vont point l'un sans l'autre, que c'est saint Roch & son _chien_. On dit, qui aime Bertrand aime son _chien_, pour dire qu'il faut prendre les passions, les intérêts, & les sentimens de son ami. On dit d'un traître, d'un hypocrite, d'un flatteur, qu'il fait bien le _chien_ couchant. On dit de deux ennemis, que leurs _chiens_ ne chassent pas ensemble. On dit d'un homme odieux qui entre en quelque lieu, qu'il y est bien venu comme un _chien_ dans un jeu de quilles. On dit des gens qui se haïssent, qu'ils s'accordent comme _chiens_ & chats. On dit encore de celui dont on souhaite la mort, & qui échappe de quelque péril, qu'il mourroit plûtôt un bon _chien_ de Berger. On dit qu'il vaut autant être mordu d'un _chien_ que d'une _chienne_, pour dire que de quelque côté que vienne le mal, il est également sensible. On dit qu'il ne se faut pas moquer des _chiens_ qu'on ne soit hors du village, pour dire qu'il ne faut pas choquer un homme tant qu'on est en un lieu, où il est le plus fort, où il nous peut nuire. On dit à un glorieux qui se fâche, qu'on le regarde trop fixement, un _chien_ regarde bien un Evêque. On dit encore, il ne faut pas tant de _chiens_ aprés un os, pour dire qu'il est fâcheux de partager un profit avec beaucoup de personnes, ou d'être plusieurs à avoir les mêmes prétentions. On dit aussi, jamais à un bon _chien_ il ne vient un bon os, pour dire que ceux qui ont bonne envie de travailler, n'en trouvent pas les occasions. On dit jetter un os à la gueule d'un _chien_ pour le faire taire, ce qui a lieu au figuré, pour dire faire un present à quelqu'un pour l'empêcher de crier & de venir troubler quelque affaire importante. On dit qu'il n'est telle chasse que de vieux _chiens_, & qu'un bon _chien_ chasse de race, pour dire que la naissance & l'experience donnent de grands avantages sur les autres. On dit d'un homme peu consideré, qu'il a du crédit comme un _chien_ à la boucherie. On dit cela n'est pas tant _chien_, pour dire cela n'est pas mauvais. On dit qu'un homme n'est pas bon à jetter aux _chiens_, quand il a fait quelque lâcheté, quelque indignité. On dit, de celui qui a des prétentions à quelque chose, quoi que fort éloignées, qu'il n'en jette pas sa part aux _chiens_. On dit aussi, petit _chien_ belle queuë. On dit à ceux qui ont une méchante cause, si vous n'avez pas d'autre filet vôtre _chien_ est perdu. On dit d'un homme peu complaisant, qui ne fait rien de ce qu'on desire, que c'est un _chien_ de Jean de Nivelle qui s'enfuit quand on l'appelle. Voyez l'origine de ce proverbe au mot de _Jean_. On dit d'un envieux qu'il est comme le _chien_ du Jardinier, il ne mange point de choux, & ne veut pas que les autres en mangent. On dit de ceux qui entreprennent quelque chose au delà de leurs forces, qu'ils font comme les grands _chiens_, qu'ils veulent pisser contre les murailles. On dit des pécheurs qu'ils font comme les _chiens_, qu'ils retournent à leur vomissement. On dit de ceux qui font quantité de cris & d'imprécations inutiles, que ce sont des _chiens_ qui aboyent à la Lune. On dit aussi de ceux qui font des menaces vaines, _chien_ qui aboye ne mord pas. On dit aux gens quéreleux, que les _chiens_ hargneux ont toûjours les oreilles déchirées. On dit des gens timides, entrez il n'y a point de danger, nos _chiens_ sont liez: On dit aussi pour reprocher ou plaindre la misere de quelqu'un, on l'abandonne comme un pauvre _chien_, il mene une vie de _chien_; il n'a ni foy ni loy, il vit comme un _chien_; il est comme un _chien_ à l'attache, il est las comme un _chien_, on l'a battu, on l'a étrillé comme un _chien_ courtaut. Les coups de bâton sont pour les _chiens_. On dit d'un miserable qu'on abandonne, qu'on ne lui demande pas, és-tu _chien_, és-tu loup. On dit aussi quand on veut noyer son _chien_, on l'accuse de la rage. On dit d'un jeune étourdi, qu'il est foû comme un jeune _chien_, qu'il court comme un _chien_ foû. On dit d'une chose tortuë, d'une jambe mal faite, qu'elle est droite comme la jambe d'un _chien_. On appelle figurément un _chien_ au grand collier celui qui meine les autres, qui est principal dans une maison, dans une assemblée. On dit d'un homme accoûtumé à la fatigue, il y est accoûtumé comme un _chien_ à aller nud tête, d'aller à pied. On dit encore tandis que le _chien_ pisse le loup s'enfuit, pour dire que tous les momens sont précieux en certaines occasions. Un bon _chien_ n'abboye point à faux, ce qui se dit au figuré d'un habile homme qui fait toûjours bien réüssir ses entreprises, parce qu'il sçait bien prendre son temps, & ménager les occasions. On dit battre le _chien_ devant le lion, pour dire châtier un petit devant un plus puissant, qui a commis la même faute. On dit encore entre _chien_ & loup, pour signifier le crepuscule, ou le temps sombre qui est entre le jour & la nuit, & où on ne peut discerner le _chien_ d'avec le loup. COCAGNE. _s. f._ C'est le nom qu'on donne en Languedoc à un petit pain de pastel avant qu'il soit réduit en poudre, & vendu aux Teinturiers: on en fait grand trafic en ce païs-là; & parce qu'il ne vient que dans des terres fort fertiles, & qu'il apporte un trés-grand revenu à ses maîtres, vû qu'on en fait jusqu'à cinq ou six récoltes par an; quelques-uns ont nommé le haut Languedoc un païs de _cocagne_. Et c'est là-dessus qu'est fondée la fable du Royaume de _Cocagne_, des païs imaginaires, où les habitans vivent fort heureux sans rien faire. COCATRIX. _s. m._ Espece de basilic qui s'engendre dans les cavernes & les puits, en Latin _Basiliscus_, _regulus_. Il y a en la Cité de Paris un fief qui s'appelle _Cocatrix_, dans une ruë du même nom. COHUE. _s. f._ Vieux mot qui signifioit autrefois l'assemblée des Officiers de Justice, que se faisoit en certain lieu pour juger les procés, comme on voit dans les Ordonnances de l'Echiquier de Normandie de l'an 1383. On s'en est servi depuis pour signifier le lieu destiné à tenir la Justice dans les Villages par des Juges pedanées, ainsi appellez _à coëunte multitudine_. Ménage témoigne que _coüa_ a été dit autrefois pour halle; or c'est dans les halles que se tiennent la plûpart des petites Justices. On appelle encore la halle & _cohuë_ de Quintin en Bretagne, le lieu où se font les publications de justice. COHÜE, se dit figurément des assemblées tumultuaires où il n'y a point d'ordre, où chacun parle en confusion. On tenoit autrefois de belles conferences chez un tel, mais il y est venu tant d'impertinens, que cela est dégéneré en _cohuë_. COULEUR. _s. f._ lumiére refléchie & modifiée selon la disposition des corps, qui les fait paroître bleus, jaunes, rouges, &c. & qui les rend objets de la vûë. Les experiences modernes ont prouvé clairement que les Anciens se sont fort trompez, en distinguant les _couleurs_ en vrayes & en apparentes. Virgile a eu raison de dire que la nuit ôtoit la _couleur_ à toutes choses. Il y a des _couleurs_ simples, comme sont les cinq _couleurs matrices_ des Teinturiers, dont toutes les autres dérivent; il y en a de composées, sçavoir le bleu, le rouge, le jaune, le fauve, ou _couleur_ de racine, & le noir. A l'égard du verd il n'y a point dans la nature de drogue qui serve à teindre en cette _couleur_, mais on teint les étoffes deux fois, d'abord en bleu, & puis en jaune, & elles deviennent verdes. Du mêlange des premiéres _couleurs_ il s'en fait un grand nombre, comme le violet, le gris de lin, incarnat, &c. expliquées à leur ordre. Le mercure est le fondement des _couleurs_, comme le sel des saveurs, & le soulfre des odeurs. On appelle aussi _couleurs_ simples, celles qui servent aux Enlumineurs & aux Peintres, qui viennent des vegetaux, & qui ne peuvent pas souffrir le feu, comme le jaune fait de safran ou de graine d'Avignon, la laque, & autres teintures extraites des fleurs. Les autres sont minerales, qui se tirent des métaux, & qui souffrent le feu; ce sont les seules propres à faire l'émail: ainsi on tire de l'or & du fer le rouge, de l'argent le bleu, du cuivre le verd, du plomb le blanc ou la ceruse, quand il est dissous avec le seul vinaigre; mais quand la ceruse a été cuite dans le fourneau, elle donne du massicot, & du minium quand elle est poussée davantage au feu. Les Peintres distinguent aussi les _couleurs_ en legéres & en pesantes; sous le blanc on comprend toutes les _couleurs_ légéres. L'outremer est mis au rang des _couleurs_ légéres. Sous le noir on comprend toutes les _couleurs_ pesantes & terrestres. Le brun-rouge, la terre d'ombre: le verd-brun & le bistre sont les _couleurs_ les plus pesantes & les plus terrestres aprés le noir. Les Peintres appellent aussi _couleurs_ rompuës, les _couleurs_ trop vives qu'ils affoiblissent par le mêlange d'autres plus sombres. On dit que l'azur d'outremer est rompu de laque & d'ocre jaune, pour dire qu'il y entre un peu de ces _couleurs_. Les _couleurs_ rompuës servent à l'union & à l'accord des _couleurs_, soit dans les tournans des corps, soit dans leurs ombres. On appelle _couleurs_ noyées, celles qui s'affoiblissent insensiblement, comme sont celles que forment les nuances. Et on appelle un ton de _couleur_, un degré de _couleur_, par rapport au clair obscur. Les _couleurs_ changeantes sont celles qui dépendent de la situation des objets à l'égard de la lumiére, comme celle des taffetas changeans, de la gorge des pigeons, &c. néanmoins quand on regarde attentivement avec un bon microscope les plumes de la gorge d'un pigeon, on voit que chaque petit fil de ses plumes est composé de plusieurs petits carrez alternativement rouges & verds, & ainsi ce sont des _couleurs_ fixes. Le Pere Kircher dit que les _couleurs_ changeantes qu'on void sur les plumes des pigeons & des paons viennent de ce que ces plumes sont diaphanes, & d'une figure semblable à celle des triangles de cristal, ou primes de verre, qui étant opposez à la lumiére font voir des iris. Les _couleurs_ fixes & permanentes ne se font point par des réflexions comme les changeantes, mais par le passage de la lumiére à travers certains corps, soit en les traversant entiérement, soit en se reflêchissant sur quelques-unes de leurs parties internes, ou aprés avoir un peu pénétré leurs superficies. Il y a deux ordres differens dans les _couleurs_, pour passer du blanc au noir; l'un est le blanc, le jaune, le rouge, & le noir; l'autre est le blanc, le bleu, le violet & le noir; c'est la doctrine du Sieur Mariotte dans l'excellent Livre qu'il a fait des _couleurs_. Il y a des _couleurs_ ou teintures fixes, comme la teinture jaune de l'or, ou la bleuë du _lapis lazuli_, que le feu ne diminuë point, & il est trés-difficile de les tirer par les dissolvans ordinaires. COULEUR, se dit encore des corps solides, des drogues qui servent aux Peintres & aux Teinturiers pour faire paroître ces _couleurs_. Un Peintre prépare ses _couleurs_ sur sa palette. On appelle de mauvais Peintres des broyeurs de _couleurs_; & quand on dit que l'air mange les _couleurs_, on entend que son intemperie détache de petits corps des sujets, sur lesquels elles avoient été attachées, lors de leur teinture. COULEUR, est quelquefois opposée au noir, parce qu'en effet le noir n'est pas une _couleur_, à cause qu'il imbibe toute la lumiére, & qu'il n'en refléchit aucune partie. En ce sens on dit que les gens de guerre, & les Courtisans portent des habits de _couleur_, & que les gens de robbe, ou d'Eglise en portent de noirs. En approchant de ce sens on appelle _couleur_ haute, _couleur_ rude, _couleur_ forte, gaye, _couleur_ éclatante, _couleur_ claire, celle qui refléchit à nos yeux plus de rayons de lumiére, comme la _couleur_ de cerise, la _couleur_ de feu, l'incarnat; & au contraire on appelle _couleur_ douce, sombre, morne, triste, modeste, celle qui en refléchit le moins, comme le gris de lin, feüille-morte, _couleur_ d'olive, _couleur_ de pensée, &c. COULEUR d'eau, c'est un certain brillant violet qu'acquiert le fer bien poli, quand il a passé au feu dans un certain degré de chaleur. On dit qu'on met une chose en _couleur_, quand on rafraîchit les peintures, quand on les décrasse, quand on y met du vernis, & autres drogues qui en font revivre, ou paroître les _couleurs_ à demi effacées. Nuance de _couleurs_, est une certaine disposition de la même _couleur_, mêlangée & montant par degrez depuis le plus clair jusqu'au plus obscur: leurs noms seront expliquez à leur ordre. COULEUR se dit aussi de la disposition du teint, du visage, & des chairs. Les gens qui se portent bien ont la _couleur_ vermeille, sont hauts en _couleur_. Les Espagnols ont la _couleur_ olivastre. Les filles qui ont leurs ordinaires ont la _couleur_ plombée; celles qui sont trop amoureuses ont les pâles _couleurs_. Quand la cangrene paroît, elle rend la chair de _couleur_ livide. On le dit aussi des alterations qui se font au visage par les mouvemens interieurs de l'Ame. Un reproche veritable fait à un homme, le fait changer de _couleur_, il rougit de honte, & pâlit de colere. La _couleur_ lui a monté au visage, pour dire il a rougi. COULEUR, se dit encore des changemens qui arrivent aux corps par la differente cuisson & application du feu, & sur tout en Chymie. Ce pain, ce rost est cuit, mais il n'a pas encore assez de _couleur_. Les Chymistes admirent les changemens de _couleurs_ qui se font dans les métaux, & cherchent sur tout le beau rouge, le beau citrin, qui sont les _couleurs_ de la Benoiste. COULEUR, en termes de Fleuriste, se dit d'une tulippe qui n'est que d'une _couleur_, dont la plus fantasque est la plus estimée: On a mis les panachées dans ces carreaux, & les _couleurs_ sont dans les costieres. COULEUR, en termes de blason, est une des principales désignations des piéces de l'Ecu: On n'en admet que cinq, gueule c'est le rouge, azur le bleu, sinople le verd, le sable le noir, le pourpre est mêlangé de gueules & d'azur: leurs significations seront expliquées à leur ordre, c'est une maxime qu'il ne faut point mettre _couleur_ sur _couleur_, ni métail sur métail. COUPELLE. _s. f._ Petit vaisseau plat préparé pour essayer les métaux; il est fait de cendres de bois leger, comme aubier de chêne, & de cendres d'os sans moëlle, comme de pieds de mouton. Dans ce vaisseau on fait fondre l'or, ou l'argent qu'on veut éprouver, ou purger, sur un feu ardent de charbon, & on y mêle un peu de plomb, lequel s'imbibe dans ce creuset, ou s'évapore; & il emporte avec lui toute l'impureté du métail. On dit figurément qu'un homme a passé par la _coupelle_, quand il a subi un trés-severe examen, quand il a été bien seigné, & bien purgé, aprés une grande maladie, comme on examine & on purge les métaux par la _coupelle_. D. DEGRÉ _s. m._ Terme d'Architecture, escalier, montée qui sert à monter & descendre du haut en bas d'un Bâtiment. Il y a un beau _degré_ en rampe à la Chambre des Comptes. Un petit _degré_ est fort commode pour dégager les appartemens. _Degré._ Est aussi chaque marche d'un escalier: Il lui a fait sauter les _degrez_ quatre à quatre. _Degré._ Se dit figurément des choses qui servent de moyens pour parvenir à une plus haute, ainsi Corneille a dit d'Auguste dans le Cinna: _Que de ses propres mains mon pere massacré Du Trône où je le voi fait le premier_ degré. En Morale on dit qu'il faut aller de _degré_ en _degré_, venir au dernier _degré_ de perfection, au plus haut _degré_ d'honneur, de gloire, de vertu: Venir d'Avocat Conseiller, Maître des Requêtes, Président; de Soldat, Enseigne, Lieutenant, Capitaine, c'est monter par _degrez_: On le dit aussi en mauvaise part. Il est méchant, avare, orgueilleux au dernier, au souverain _degré_. _Degré._ Se dit aussi des marques, ou divisions de plusieurs choses, qui reçoivent du plus ou du moins, qui vont en descendant, ou successivement les unes aprés les autres: ainsi on dit en Théologie il y a plusieurs _degrez_ de gloire dans le Paradis, plusieurs _degrez_ de peine dans l'Enfer: les vertus Chrêtiennes sont autant de _degrez_ pour monter au Ciel. On appelle aussi _degrez_ de Jurisdiction, les Tribunaux qui reçoivent l'appel des Justices inferieures. On a vû jusqu'à cinq _degrez_ de Jurisdiction de Justices ordinaires: L'Ordonnance les a réduits à quatre. _Degré._ Se dit aussi dans les Universitez, des Lettres qu'on donne à quelqu'un pour lui permettre d'enseigner, après qu'il en a été jugé capable par un long examen. Le _degré_ de Maître és Arts, de Bachelier, de Licencié, de Docteur; ces trois derniers se donnent en Théologie, en Droit Civil, & Canon, & en Medecine: Il a obtenu un Benefice en vertu de ses _degrez_. _Degré._ En terme de Jurisprudence se dit des générations, suivant lesquelles on compte la proximité où l'éloignemcnt des parentez & alliances. L'Ordonnance a permis les récusations & les évocations jusqu'au quatriéme _degré_ de parenté & d'alliance, c'est à dire, jusqu'au cousin issu de germain, & en matière criminelle jusqu'au cinquiéme _degré_: Un pere & son fils sont parens au premier _degré_. Le Droit Civil compte les _degrez_ de parenté autrement que le Droit Canon, il n'en faut qu'un de celui-là pour en faire deux de ceux-ci. On dit absolument au Palais, il a des parens au _degré_, pour dire, il ne peut être juge. _Degré._ En termes de Fauconnerie se dit de l'endroit où l'oiseau durant sa montée ou élevation en l'air tourne la tête, & prend une nouvelle carriere qu'on appelle second ou troisiéme _degré_, jusqu'à ce qu'il se perde de vûë au quatriéme. _Degré._ En termes de Medecine, est une certaine extention des qualitez Elementaires, on ne les divise qu'en quatre, le poivre est chaud en un tel _degré_. En termes de Phisique ancienne les mêmes qualitez sont divisées en huit: Le dernier ou souverain _degré_ d'intention s'appelle dans l'Ecole _ut octo_: Le feu est chaud au huitiéme _degré_ & sec au quatriéme. En termes de Chymie on appelle donner le feu par _degrez_, lors qu'on ouvre ou qu'on ferme les regîtres ou trous, qu'on fait exprés dans les fourneaux, pour augmenter ou diminuer la violence du feu. _Degré._ Se dit aussi des divisions des lignes qui se font sur plusieurs instrumens de Mathematique, comme sur l'Arbalête ou Bâton de Jacob. Il sert aussi sur les Thermometres, ou Barometres, à marquer par les divisions qui sont sur la table qui les supporte, les _degrez_ de chaleur & de pesanteur des corps liquides, par le moyen desquels la Physique moderne a beaucoup encheri sur l'ancienne, pour la subdivision de ces qualitez. _Degré._ En termes de Géometrie & d'Astronomie, c'est la division qu'on fait sur les cercles pour servir de mesure: tout cercle se divise en 360. _degrez_: Cet Astre est élevé de tant de _degrez_ sur l'Horison, il décline de l'Equateur de tant de _degrez_ de longitude & de latitude: Un angle droit est de 90. _degrez_. Ptolomée a observé qu'un _degré_ sur la terre valoit 68. milles & deux tiers, mais les Arabes n'ont trouvé que 56. milles, quand ils l'ont observé exactement dans les plaines de Seniar par l'ordre d'Almamoum. Ptolomée contoit sur le pied de 500. stades pour _degré_. Le mille Arabique étoit égal à sept stades & demie. Mais voici des observations plus modernes & plus certaines, Fernel a observé qu'un _degré_ d'un grand cercle de la terre contenoit 68096. pas Géometriques, qui valent 56746. toises, quatre pieds de Paris. Snellius a observé que ce _degré_ étoit de 28500. perches du Rhin, qui font 55021. toises de Paris. Riccioli a fait le _degré_ de 64363. pas de Boulogne qui font 62900. de nos toises; mais M. Picard de l'Academie des Sciences, l'ayant mesuré par ordre du Roi avec toute l'exactitude possible, a trouvé qu'il étoit de 57060. toises suivant l'étalon de Paris, lesquelles étant réduites à la mesure universelle ou invariable, qu'il établit sur la pendule qui a sa proportion avec la toise de Paris, comme de 881. à 864. le _degré_ se trouve de 55959. toises de la mesure universelle. En voici la réduction juste à diverses mesures. _Chaque degré du grand cercle contient_ Toises du Chatelet de Paris 57060. Pas de Boulogne 58481. Verges de Rhin de 12. pieds 29556. Lieuës Parisiennes de 2000. toises 28. 1/4 Lieuës communes de France de 2280 toises 25. Lieuës de Marine de 2853. toises 20. Milles d'Angleterre de 5000. pieds 73. 7/200 Milles de Florence de 3000. brasses 63. 7/10 La minute d'un degré de la terre est de 951. toises & la seconde de 16. toises. DEVISE. _s. f._ Terme de Blason, ce mot se dit en général des chiffres, des caractéres, des rebus, des sentences de peu de mots & des proverbes, qui par figure ou par allusion avec les noms des personnes ou des familles, en font connoître la Noblesse ou les qualitez. _La Devise_ en ce sens est d'un usage plus ancien que le Blason, & c'est d'elle que les armoiries ont pris leur origine; ainsi l'Aigle a été appellée la devise de l'Empire, & S. P. Q. R. étoit la devise du Peuple Romain, qui est encore aujourd'hui ce qui compose l'Ecu de la Ville de Rome. Les _devises_ ont été de simples Lettres semées sur les bords des cottes d'armes, sur les haussures & dans les Banniéres; ainsi le K. a été la _devise_ de nos Rois nommez Charles, depuis Charles V. jusqu'à Charles IX. Il y a eu aussi des devises par rebus, équivoques, ou allusions tant aux noms qu'aux armes, Messieurs de Guise ont pris des A. dans des O. pour signifier _chacun A son tour_, la Maison de Seneçay, _in virtute & honore Senesce_. Morlaix, _s'il te mord, mord-le_. Ceux qui ont eu des tours dans leurs armoiries, _turris mea Deus_, _&c._ Il y en a d'autres énigmatiques ou à demi mot, comme celle de la Toison d'or, _Autre n'aurai_, pour dire que Philippes le Bon qui institua cet Ordre, renonçoit à toute autre femme qu'à Isabelle de Portugal, qu'il épousoit alors. Les _Devises_ contiennent quelquefois des proverbes entiers & sentences, comme celle de Cesar Borgia, _aut Cæsar, aut nihil_. On met les _Devises_ des armes dans des rouleaux ou listons tout au tour des armoiries, ou bien en cimier, & quelquefois aux côtez & au dessous, & celles des Ordres sur leurs colliers. _Devise._ En termes de Blason se dit de la division de quelques piéces honorables de l'Ecu. Quand une fasce n'a que la troisiéme partie de sa largeur ordinaire; elle s'appelle fasce en _Devise_, ou _Devise_ seulement, & il n'y en doit avoir qu'une en écu. On le dit aussi du chef lors qu'on le pose en sa partie basse, & qu'il n'a que le tiers de sa largeur ordinaire, & alors on l'appelle chef du second surmonté ou chargé de tant d'étoiles, de molettes, ou autres meubles semblables. Ce mot de _Devise_ s'est dit, parce qu'elle servoit à _diviser_, à separer, & à remarquer les gens & les partis, ce qui se faisoit par les habits, les livrées, les écharpes, & enfin par les paroles ou sentences particuliéres que les Chevaliers prenoient pour se faire remarquer. On les a en suite posées sur les Ecus, d'où sont venuës insensiblement les armoiries. On disoit en vieux François faire sa _Devise_, pour dire faire son testament ou la division de ses biens, comme on voir dans Villehardoüin. On a appellé aussi autrefois _Devise_, les robes de deux couleurs, comme sont celles des Maires & Echevins, & des Huissiers & Bedaux des Villes, des Paroisses, & des Communautez de Marchands: Et cela par la même raison qu'elles étoient divisées en deux couleurs. _Devise_ se prend maintenant en un sens plus étroit, & signifie une embleme qui consiste en la representation de quelque corps naturel, & en quelque mot qui l'applique en un sens figuré à l'avantage de quelqu'un; le tableau s'appelle le corps, & le mot l'ame de la _devise_. On met des _Devises_ sur les monnoyes, sur les jetons, sur les écus des Cavaliers, dans les ornemens des Arcs de triomphe, de feux d'artifice, & autres solemnitez. Les _Devises_ sont des espéces d'images qui representent les entreprises de guerre, d'amour, de pieté, d'étude, d'intrigue, de fortune, &c. Les François sont les premiers qui ont fait des _Devises_, & les Italiens les premiers qui en ont donné des régles. Les Peres Menétrier & le Moine Jesuïtes ont écrit de l'art des _Devises_. DRAGON. _s. m._ Serpent monstrueux qui est parvenu avec l'âge à une prodigieuse grandeur. Les anciens Naturalistes se sont égayez à décrire ce monstre en diverses maniéres, ils lui ont donné des aîles, des crêtes, des pieds & des têtes de differentes figures, jusques-là qu'Aldroandus fait mention d'un _Dragon_ né de l'accouplement d'une aigle avec une louve, qui avoit de grandes aîles, une queuë de serpent & des pieds de loup: mais il est le premier à dire avec les modernes, que c'est un Animal chimerique, si on le prétend faire differer d'un vieux serpent. Quelques-uns mêmes ont dit qu'il y a en Afrique des _Dragons_ volans, qui peuvent emporter un homme & un cheval, & qu'ils emportent souvent des vaches. Albert le Grand fait mention d'un _Dragon_ de mer, semblable à un serpent qui a les aîles courtes & le mouvement trés-prompt, & si venimeux qu'il fait mourir par sa morsure. On appelle aussi la _Vive_, _Dragon_ de mer, ou _araignée_ de mer. Les Poëtes qui ont feint que le jardin des Hesperides étoit gardé par un _Dragon_, ont entendu la mer Oceane, qui fermoit l'entrée aux Iles fortunées ou à l'Amerique, d'où venoient de beaux fruits & où se trouvoient les mines d'or. On peint un _Dragon_ auprés de sainte Marguerite, on appelle _Dragon_ la gargoüille de Roüen. Voyez fierte. _Dragon._ En termes de l'Ecriture se dit figurément du serpent infernal, de Satan. Ainsi quand il est dit dans l'Apocalypse, ch. 12. que le _Dragon_ & ses Anges combattoient contre Saint Michel, il est expliqué aussi-tôt que c'étoit le Diable, & Satan. Et de même au ch. 13. quand il est dit, que le _Dragon_ a été adoré, & pareillement quand il est dit dans les propheties d'Isaïe & de Daniel, que le _Dragon_ a été blessé, a été mis à mort, cela s'entend du mystére de la Rédemption, qui a détruit l'Empire de Satan. _Dragon._ Se dit hyperboliquement de ceux qui font les méchans & les difficiles à contenir dans le devoir: on le dit même des femmes & des enfans. Cette femme crie toûjours son mari, c'est un vrai _Dragon_. Cet enfant est un vrai _Dragon_, il est incorrigible & mutin. _Dragon._ En termes de guerre est une sorte de Cavalier sans bottes, qui marche à cheval & qui combat à pied. On a beaucoup multiplié en France le corps de _Dragons_. Les _Dragons_ sont postez à la tête du Camp, & vont les premiers à la charge comme les enfans perdus: ils sont réputez du corps de l'Infanterie, & en cette qualité ils ont des Colonels & des Sergens, mais ils ont des Cornettes comme la Cavalerie. Ménage dérive ce mot du Latin _Draconarÿ_, qu'on trouve dans Vegece dans la signification de Soldats, mais il y a plus d'apparence qu'il vient de l'Allemagne _tragen_, ou _draghen_, qui signifie Infanterie portée. _Dragon_ volant, est aussi un nom qu'on a donné à une ancienne coulevrine extraordinaire qui a 39. calibres de long, & qui tire 32. livres de balle, selon Hanzelet. _Dragon_ est aussi une maladie qui vient aux yeux des chevaux. Ce cheval a diminué de prix depuis qu'il lui est venu dans l'œil un _dragon_. _Dragons_ en termes de marine, ce sont de gros tourbillons d'eau qu'on trouve souvent sous la ligne, qui briseroient ou couleroient à fonds les Navires s'ils passoient pardessus, & les Mariniers ont la superstition de croire qu'ils les détournent à côté en battant leurs épées nuës en croix du côté d'où vient l'orage, comme dit François Peyrard. _Dragon_ est aussi une constellation celeste vers le Pole Arctique, ayant 31. Etoiles selon Ptolomée, 32. selon Kepler, & 33. selon Bayer, qui sont de la nature de Saturne & de Jupiter. En terme d'Astronomie on appelle la tête & la queuë du _Dragon_, les points des intersections de l'Eclyptique par l'orbite des autres Planettes, & particuliérement par celle de la Lune. Le ventre du _Dragon_ est l'endroit de ces cercles où se trouve leur plus grande latitude & éloignement; comme ces cercles marquent une plus grande enflûre au milieu qu'aux extrêmitez, cela a fait croire qu'ils avoient la figure d'un _Dragon_, ce qui les a fait nommer ainsi, & c'est dans ces seuls points d'intersection que se font toutes les éclipses; on les marque dans les horoscopes avec ces signes Ω tête de _Dragon_, ℧ queuë de _Dragon_: mais il n'y a rien de plus vain que les prédictions que font là-dessus les Astrologues, car en effet ces points n'ont aucune vertu, ni influence. _Dragon_ est aussi un méteore qui se forme de quelques nuées enflammées, qui jettent quelques étincelles qui ont divers plis, & qui imitent la figure d'un _Dragon_. _Dragon_ en termes de Blason, quand on le dit simplement, s'entend du _terrestre_, qui doit avoir deux pieds, & la queuë en pointe. Il y en a d'autres qu'on appelle _monstrueux_, qui ont des aîles; & qu'on appelle _Dragonnez_, les autres animaux qui sont peints avec des queuës de _Dragons_, ou de Serpens. Sang de _Dragon_, Terme de Pharmacie. Les Anciens ont crû que le _Dragon_ combattoit contre l'Elephant, qu'il lui suçoit tout son sang par les yeux & les oreilles, que l'Elephant tombant mort écrasoit le _Dragon_, & que de ce sang mêlé tombant sur la terre on en recueilloit ce qu'ils appelloient sang de _Dragon_, dont ils faisoient grand état; c'est ainsi qu'en parlent _Solin_, _Pline_, _Isidore_, & plusieurs autres aprés eux: mais ce combat est une fable inventée par les Marchands. On appelle aussi le _Cinnabre_ sang de _Dragon_, selon _Avicenne_ & _Serapion_. Mais le vrai naturel sang de _Dragon_ est un suc, ou gomme d'un arbre nommé _anchuse_ qui vient d'Afrique, & il s'en fait d'artificiel avec du santal, ou de la gomme de cerisier ou amandier dissoute & cuite dans la teinture du bois de Bresil. Cardan dit qu'il vient d'un autre arbre de l'Ile _Zocotora_. Il y a un vray sang de _Dragon_ dont François Cauche fait mention en son voyage de Madagascar. Il dit qu'on lui fit present de six morceaux de sang de _Dragon_, chacun long de trois pouces, ressemblans à des morceaux de boudin, marbrez comme le savon d'Alican, de rouge, de noir & de blanc, ce que les Habitans appellent onguent pour étancher le sang. Ils sont faits de feüilles pilées d'un arbre fort branchu & gros comme un poirier, qui a les feüilles longues & plus étroites que celles du laurier, ayant une odeur de violette, les fleurs sont blanches & odoriferantes, venant en bouquet, rondes & n'ayant que cinq feüilles bien ordonnées, elles se ferment la nuit & ne sont pas plus larges qu'un double; il sort du milieu un filet rougeâtre, qui se recoquille en telle sorte qu'il fait la figure d'un _Dragon_. Amatus Lusitanus, Mathiole & Bisciola, rapportent quelque chose de semblable, & disent qu'il y a de grands arbres à Madere, à Porto santo, aux Canaries & en Afrique, appellez _Dragons_ & _Draconaries_, qui jettent en larmes des gouttes ou gommes rouges & luisantes, desquelles si on touche quelque chose, il y paroît une rougeur noirâtre, & qu'on nomme cette goutte le sang de _Dragon_. Ils produisent un fruit semblable à une cerise, qui a au dessous de la peau qui la couvre la figure d'un _Dragon_, aussi bien representé, que s'il avoit été taillé par un Sculpteur, avec la gueule ouverte, un long col & une longue queuë, ce qui a donné à l'arbre le nom de _Dragon_, & la couleur rouge de la gomme lui a donné le nom de sang. _Dragonné_, _adj._ terme de Blason, qui se dit du lyon, ou autre animal qui est representé avec une queuë de Dragon. _Dragonneau_, _s. m._ C'est selon quelques Medecins, un animal semblable à un ver long & large, qui se meut entre cuir & chair & qui vient aux jambes, & quelquefois aux muscles du bras. Il est ainsi nommé, parce qu'il a la figure & la tortuosité d'un petit serpent. Il paroît sur tout sous la peau des Côtes, & les Habitans des Païs chauds y sont fort sujets. _Drague_, _s. f._ Outil qui sert à tirer du sable des riviéres, à curer les puits, & à tirer les immondices de quelque endroit. C'est une espéce de pelle de fer ayant une perche, ou un long manche de bois, qui a des rebords de trois côtez, & est platte par le devant pour enlever ce sable & ces ordures. _Drague_ est aussi un outil de Vitriers, ou pinceau qui leur sert à signer, ou à marquer leur verre. _Drague_, _s. m._ terme de Marine, est un gros cordage dont on se sert sur les Vaisseaux, pour arrêter le recul des Canons quand ils tirent. DROIT. oite. _adj._ & _subst._ Terme de Géometrie. Ce qui ne décline ni d'un côté, ni d'autre. Une ligne _droite_ est la plus courte entre deux points. Le plus _droit_ chemin, de _droit_ fil. Ce mot vient de _directus_. Nicod. _Droit._ Signifie aussi perpendiculaire, qui est à plomb. Un angle _droit_ est un angle de 90. degrez, qui se fait quand une ligne tombe à plomb sur une autre. Ce mur n'est pas _droit_, il menace ruïne. Cette femme danse mal, elle ne se tient pas _droite_. En termes d'Architecture on appelle _pied droit_, le rang de pierres, qui fait chacun des côtez d'une porte cochere. On le dit aussi des côtez, ou tableaux des fenêtres. En termes d'Astronomie on appelle la Sphere _droite_, celle où l'Equateur coupe l'horison à angles _droits_, ou perpendiculairement, en laquelle les jours sont toûjours égaux aux nuits. L'ascension _droite_ & oblique, _voyez_ à leur ordre. En termes de chasse on appelle le _droit_, lors qu'on est au vray chemin que la bête tient, & qu'on a redressé le change. Quand on a connoissance du _droit_, on sonne deux mots pour appeller les piqueurs. Les bons chiens connoissent le _droit_, courent bien le _droit_. _Droit._ En termes de Medecine, c'est le dernier des boyaux ou intestins, parce qu'il s'étend tout _droit_ depuis l'os sacré jusqu'au siége ou à l'anus, sans faire aucuns tours ni replis; sa partie inferieure, est serrée & fermée par des muscles qu'on nomme _Sphincteres_, c'est à dire, _fermeurs_ ou tirans. Les Medecins appellent aussi _Rectum_. On dit en généalogie, il descend en ligne _droite_ ou en ligne collaterale d'un tel Prince. _Droit._ Signifie aussi le côté où la main est ordinairement la plus forte, & de laquelle on se sert naturellement pour faire quelque ouvrage qu'on fait d'une seule main, en ce sens il est opposé à _gauche_. Le côté droit est le plus honorable. On donne la _droite_ à ceux qu'on respecte. La main gauche, la main _droite_. On dit l'aîle _droite_, l'aîle gauche d'une Armée, d'un bâtiment. _Droit._ En termes de manége se dit d'un cheval qui ne boite point, & qu'on garantit _droit_, chaud & froid, c'est à dire, qu'il ne boite point ni lors qu'il est échauffé, ni lors qu'il est refroidi. On dit aussi qu'un cheval est _droit_ sur ses jambes, quand le devant du boulet tombe à plomb sur la couronne, en sorte que le canon & le paturon sont en ligne _droite_. On dit aussi promener un cheval par le _droit_, le guider _droit_, le faire partir & reculer _droit_, quand il va sur une ligne _droite_ sans se traverser, ni se jetter de côté. _Droit._ Se dit figurément en choses spirituelles. Cet homme a l'ame _droite_, a l'intention _droite_, pour dire il est bon & équitable, il a l'esprit _droit_, pour dire qu'il a l'esprit juste, qu'il ne s'égare d'un côté ni d'autre. On dit aussi figurément d'un homme à l'égard d'un autre, que c'est son bras _droit_, pour dire que c'est son principal appui, celui qui luy sert dans ses principales actions. _Droit._ _s. m._ Terme de Jurisprudence. Ce qui est juste, raisonnable, qui est établi par les Loix, qui rend à chacun ce qui lui appartient. Il y a trois sortes de _droits_, le _droit_ de nature qui nous est connu par la seule lumiére de la raison, & qui est general à tous les hommes; le _droit_ des gens qui s'observe dans presque toutes le Nations, comme de ne point violer les Ambassadeurs; & le _droit_ de chaque Nation particuliére, qui a ses maximes & son gouvernement differens. _Droit divin_, est celui qui a été ordonné & établi de Dieu, lequel nous a revelé sa volonté par ses Prophetes. _Droit humain_ ou _positif_, celui qui a été établi par la police des hommes. _Droit Civil_ est proprement le _Droit Romain_ contenu dans le Digeste, le Code & les Instituts, où sont les Loix Romaines compilées par l'ordre de Justinien. On l'appelle autrement _droit écrit_, & il y a plusieurs Provinces en France qui se gouvernent par le _droit écrit_, le Lyonnois, le Languedoc, &c. Le _Droit écrit_ qui est établi dans la Gascogne, vient de ce que les Visigots ayant vécu sous les Coûtumes anciennes du païs d'Aquitaine jusqu'à la vingt-deuxiéme année du Régne d'Alaric II. il ordonna que le Code Théodosien, réformé par Aman l'un de ses principaux Conseillers, fût observé par tout le païs de son obéïssance. _Pasquier._ _Droit Canon_, est le _droit_ Ecclesiastique qui est reçû en France, à l'exception de quelques cas contraires aux libertez de l'Eglise Gallicane. Le _Droit Canon_ consiste premiérement au decret, qui a été compilé par Gratien Boulonnois du temps de Louïs VII. qu'il divisa en deux parties, l'une de distinctions & l'autre de questions. Il est composé de plusieurs Canons des Conciles, des décisions & autoritez des Peres, dont la premiére compilation a été faite du temps de Clovis par Isidore Evêque de Seville, selon l'ordre des dattes; la seconde du temps du Roi Robert par Burchard, sous le nom de decret, qu'il divisa en vingt Livres; la troisiéme sous Philippes premier, par Yves Evêque de Chartres, qu'il fit en dix-sept Livres, où il mêla plusieurs Loix du Code Theodosien & des Capitulaires; & enfin celle de Gratien ci-dessus. La seconde partie contient les Decretales de Gregoire en cinq Livres, & la troisiéme partie le Sexte de Boniface VIII. les Clementines du Pape Clement V. qui furent mises en lumiére par Jean XXII. son successeur; & en fin les Extravagantes du même Jean XXII. _Droit._ Signifie aussi la Jurisprudence, les Ecoles de _droit_, les régles du _droit_, une question de _droit_, une présomption de _droit_, cela est de _droit_. On appelle _droit étroit_, la rigueur de _droit_, ce qui ne reçoit point d'extension. Cela est fondé en _droit_ & raison, est jugé selon _droit_ & raison. On appelle un sifleur de _droit_, celui qui le montre en chambre; un Professeur de _droit_, celui qui l'enseigne publiquement. _Droit Coûtumier_, est celui de plusieurs Provinces qui ont conservé leurs Coûtumes particuliéres, lesquelles ont été rédigées par écrit, & réformées de temps en temps. Paris, la Normandie, la Bretagne, sont des païs de _droit coûtumier_. _Droit commun_, est le _droit_ ordinaire & fondé sur les maximes générales, qui est opposé aux privileges qui en font exception. _Droit_ signifie encore autorité, puissance. Les Anciens avoient _droit_ de vie & de mort sur leurs Esclaves. Il n'y a en France que le Roi qui ait ce _droit_-là sur ses Sujets. _Droit_ signifie aussi une puissance qu'on a de donner ou de faire quelque chose. Le Pape a conferé ce Benefice de plein _droit_, ou par _droit_ qui lui a été dévolu. Un Prélat n'a pas _droit_ de faire les Ordres hors de son Diocese, sans permission. _Droit._ Signifie aussi action qu'un homme peut poursuivre en Justice, pour demander un bien qui lui appartient. Chacun est reçû à poursuivre ses _droits_ en Justice. Un cessionaire de _droits_ litigieux. Une fille majeure usante & joüissante de ses _droits_. Je suis en _droit_, en possession de passer sur cette terre. C'est un _droit_ acquis, un _droit_ hereditaire. Il a épousé cette fille avec ses _droits_. Il est subrogé en tous ses _droits_, noms, raisons, & actions. Il exerce les _droits_ de son debiteur, il les poursuit au lieu de lui. Il a été pourvû de cette Charge avec tous ses _droits_, profits & émolumens. Un _droit_ de bannalité, de pressoir, de four, de moulin. Un _droit_ d'aubeine, de désherence. _Droit._ Signifie aussi titre qu'on a pour posseder quelque chose, ou y prétendre. Il y a plusieurs prétendans _droit_ à ce Benefice, l'un comme résignataire, l'autre comme indultaire. Il a accumulé _droits_ sur _droits_. Il a dit cela par surabondance de _droit_. Cela lui appartient de _droit_. Il a le _droit_ d'ancienneté. Les Princes ont le _droit_ de bien-seance, de represailles, &c. _Droit._ Signifie aussi redevance, chose qu'on possede avec un titre. René Chopin a écrit des _droits_ du Roi, des _droits_ Domaniaux. Les _droits_ de cens, surcens, dixmes, champarts, de lods & ventes, de rachapt &c. sont _droits_ Seigneuriaux. Le Seigneur saisit le fief, faute de _droits_ & devoirs non faits & non payez. _Droits_ honorifiques & de patronage, sont ceux qui sont dûs aux Fondateurs des Eglises, aux Seigneurs hauts Justiciers. Le _droit_ de Régale est un _droit_ du Roi de pourvoir aux Benefices, le Siége Episcopal vacant. _Droit._ Se dit aussi de toutes sortes d'impositions établies pour soûtenir les charges de l'Etat. On a établi un _droit_ sur le vin, sur le bois, sur telle marchandise. L'ancien & le nouveau _droit_ du pied fourché. Il ne faut pas frauder les _droits_ du Roi. _Droit._ Signifie aussi salaire qu'on taxe, ou qui est ordonné à quelqu'un, pour ses peines & vacations. Le _droit_ du Greffe, du Controlle, de la signature d'un Arrêt. _Droit_ de consultation, de revision dû aux Procureurs. On appelle _droit_ d'avis la paraguante qu'on est obligé de donner à celui qui a été cause qu'une affaire a réüssi, qui en a donné le premier avis. _Droit._ Signifie aussi un privilege accordé par le Roi ou par la Loi, qui donne prérogative à quelqu'un, pour excepter du _droit_ commun de la Régle générale. _Droit_ de Committimus. _Droit_ de franc salé. _Droit_ d'entrer aux Etats. _Droit_ de Bourgeoisie. _Droit_ d'aînesse. En terme de pratique on dit être à _droit_, pour dire comparoître en jugement pour y être interrogé. Appointement en _droit_, c'est un réglement qu'on donne aux parties pour écrire & produire sur quelque question de _droit_, ou en premiére instance. Appointement à ouïr _droit_, est le réglement qu'on donne en matiére criminelle, aprés la confrontation pour ouïr le jugement. On dit aussi qu'on a fait _droit_ sur le tout, pour dire qu'on a prononcé sur toutes les demandes. On dit aussi, sans garder ordre de _droit_, ni forme de justice. On dit aussi, prendre _droit_ par les charges, pour dire s'en rapporter aux témoins, sans préjudice du _droit_ des parties au principal. Le Roi finit ainsi ses Lettres Patentes, sauf en autre chose nôtre _droit_, & l'autrui en toutes. On dit aussi deffendre ses _droits_, user de son _droit_, renoncer à son _droit_. C'est un passe-_droit_, une grace, une faveur. _Droit._ En termes de chasse signifie la part de la bête défaite qui appartient aux veneurs, ou aux chiens. Le pied _droit_ du Cerf est celui qu'on offre au Roi, ou au maître de la chasse. Le _droit_ des chiens est ce dont on leur fait curée. On dit aussi en Fauconnerie le _droit_ de l'oiseau, lors qu'on le paît de ce qu'il a volé, comme la tête, la cuisse, le cœur, le foye de la perdrix, l'aîle de la corneille, &c. _Droit_ adverbial, d'une maniére _droite_. Cet homme va _droit_ au but. Il lui a tiré _droit_ dans la tête. Il faut marcher _droit_, aller _droit_ avec lui. Il va _droit_ en besogne. Il a mis tout _droit_ la main dessus, il veut avoir cela à tort, ou à _droit_. On dit aussi à bon _droit_, pour dire avec raison, avec juste cause. On dit aussi à _droit_, à gauche, pour dire qu'il faut tourner de ce côté-là. On dit proverbialement que, où il n'y a pas de quoi, le Roi perd son _droit_, pour dire qu'il est inutile de plaider contre des insolvables; que bon _droit_ a besoin d'aide, pour dire qu'il ne faut pas négliger la sollicitation des meilleurs procés. On dit aussi, c'est le _droit_ du jeu, pour dire on a accoûtumé d'en user ainsi. On dit encore qu'un homme est _droit_ comme un jonc, comme un échalas, comme un cierge, comme un sapin, pour dire qu'il se tient bien _droit_. On dit ironiquement, cela est _droit_ comme la jambe d'un chien. DUEL. _s. m._ Combat de particuliers assigné à certain lieu & heure, en suite d'un appel ou d'un défi. Les _Duels_ étoient autrefois permis pour défendre, ou accuser en Justice dans les cas dont on ne pouvoit avoir de preuve: Le _Duel_ étoit un moïen si ordinaire pour vuider les differens des Nobles, qu'on n'en dispensoit pas même les Ecclesiastiques, & afin qu'ils ne se soüillassent pas de sang, on les obligeoit seulement de donner des gens, &c. E. EAU. _s. f._ C'est le troisiéme des quatre anciens Elemens, qui est froid & humide par sa nature: ce nom se donne à tous les corps clairs & liquides qui coulent sur la terre, comme _eau_ de mer, de riviére, de fontaine, d'étangs, de sources, de cîternes, de puits. Cela est clair comme _eau_ de roche. Thalés soûtenoit que l'_eau_ étoit le principe de tous les corps, & cette opinion a été renouvellée en nos jours par _Robert Flud_, qui en a fait un sistême compris en plusieurs volumes. Ce mot est dérivé du Latin _aqua_, d'où on a fait premiérement _aiguë_, témoin _aiguës mortes_, _aiguë perse_, _aiguë belette_; en suite on a dit _ayve_ & _ayau_, qu'on dit encore en quelques lieux, dont enfin on a fait _eau_. Borel dit que ce mot vient du vieux gaulois _aven_ ou _avon_, qui signifioit autrefois riviere, d'où sont venus les noms des Villes _Gandavum_, _Genabum_, & autres. On dit en général aller par _eau_, pour dire naviger, voyager sur la mer, sur les lacs, & sur les rivieres. Passer l'_eau_, c'est à dire, de l'autre côté de la riviere. Les _eaux_ sont débordées, sont cruës. On dit qu'une chose ne sent que l'_eau_, quand elle n'a ni sel, ni saveur. Jeûner au pain & à l'_eau_. On a observé que l'_eau_ d'une fontaine est d'un autre poids à sa source qu'à quelque distance de là, & qu'aprés son dégel elle est d'un autre poids qu'elle n'étoit auparavant. Une pinte d'_eau_ du Gange est plus legere d'une once, que quelque autre _eau_ que ce soit: le Mogol n'en boit point d'autre, en quelque lieu qu'il se trouve. EAU en particulier se dit de la pluye. Ce nuage épais nous menace d'_eau_; il tombe de l'_eau_; une ondée d'_eau_. L'Ecriture distingue les _eaux_ qui sont au dessus du Firmament, & celles qui sont au dessous; ici le Firmament est pris pour l'air. L'Esprit de Dieu étoit porté sur les _eaux_. EAU, en termes de Théologie, se dit premiérement de celle avec laquelle on baptise. Le pécheur est régénéré par les _eaux_ du Baptême, par les _eaux_ de la grace. EAU benîte, est une _eau_ qui se fait dans l'Eglise avec certaines priéres, exorcismes, & cérémonies; on la prend à l'entrée & au sortir de l'Eglise. L'_eau_ benîte de Pâques est celle qu'on préparoit autrefois, seulement pour baptiser les enfans. Celle de la Pentecôte & celle qu'on fait tous les Dimanches sert pour la dévotion, pour effacer les péchez veniels, chasser les démons, préserver du tonnerre, &c. On appelle aussi _eau_ benîte, cette cérémonie & ces priéres qui se font les Dimanches avant la grande Messe pour benir l'_eau_, comme voilà l'_eau_ benîte qui sonne. Dans le Livre des Nombres il est fait mention d'une _eau_, qui servoit à éprouver si une femme étoit adultere. Chez nos Anciens on faisoit la preuve des crimes par l'immersion du corps, ou du bras dans de l'_eau_ chaude, ou dans de l'_eau_ froide avec plusieurs cérémonies Ecclesiastiques; ce qui a encore lieu chez plusieurs Nations. Voyez Preuve. En dévotion il y a de l'_eau_ de S. Clair qui guérit du mal des yeux, de l'_eau_ de sainte Geneviefve qui guérit la fiévre. Chez les Payens on appelloit l'_eau_ lustrale, une _eau_ qu'ils préparoient avec plusieurs cérémonies à leur mode. EAU en termes de Physique, se dit aussi des humiditez qui sortent des corps, comme de l'urine & de la sueur. Il est allé faire de l'_eau_, lâcher de l'_eau_, un filet d'_eau_; il ne peut tenir son _eau_. Cette course, cet accés de fiévre l'a mis tout en _eau_. On le dit aussi de l'_eau_ qui est enfermée dans quelque bube ou vessie, ou entre cuir & chair qui forme l'hydropisie. Il a vuidé quantité d'_eaux_. Il lui est tombé des _eaux_ sur les jambes; ce qui se dit plus ordinairement des chevaux, quand il leur tombe de mauvaises humeurs sur le boulet & le paturon. On dit fondre en _eau_, pour dire pleurer abondamment. En termes de Marine on dit faire de l'_eau_, pour dire faire aiguade, faire ses provisions d'_eau_ douce au milieu d'un voyage de long cours. Ce Navire fait _eau_, c'est à dire, que l'_eau_ entre dans le Navire par quelque ouverture, ou voye d'_eau_. Ce Vaisseau tire tant d'_eau_, pour dire enfonce dans l'_eau_ de tant de pieds. Il faut attendre le vif de l'_eau_, ou la haute _eau_, pour dire la pleine marée: on dit au contraire basse _eau_, ou _eau_ morte dans le reflus, lors que la marée est basse, & que la mer refoule. Les _eaux_ vives régnent trois jours devant & trois jours après la nouvelle ou pleine Lune. Les _eaux_ mortes viennent aprés les six jours qu'ont occupé les _eaux_ vives. Ce Vaisseau alloit à fleur d'_eau_, c'est à dire, n'avoit guéres de bord hors de l'_eau_. Ce Navire étoit percé à l'_eau_, c'est à dire, dans les œuvres vives, ou qui plongent dans l'_eau_. On dit aussi qu'un Navire est sur l'_eau_ d'un autre, pour dire qu'il suit son cours, son sillage. On dit aussi mettre un Navire à l'_eau_, le pousser à l'_eau_, quand du chantier où il étoit pour le bâtir ou le radouber on le pousse dans la mer. Des courans d'_eau_, ce sont des mouvemens d'_eau_ impetueux, qui se trouvent le long des côtes ou détroits, & qui naissent de leurs sinuositez. Le courant de l'_eau_, ou le fil de l'_eau_ se dit seulement de l'endroit des riviéres où l'_eau_ est la plus forte. On appelle aussi chef d'_eau_ la haute marée, & dans la bonasse on dit que l'_eau_ est platte & courtoise. On dit en termes d'hydrauliques conduire les _eaux_, pour dire les enfoncer dans des tuyaux ou canaux & élever les _eaux_ par des machines, comme par des pompes qui l'élevent par aspiration jusqu'à trente-deux pieds, ou par compression en pressant l'_eau_ pour l'élever si haut qu'on veut, parce que l'_eau_ ne se condense jamais. Faire un jet d'_eau_, c'est élever l'_eau_ & la faire jaillir en l'air. Un boüillon d'_eau_, est celui qui ne s'éleve guéres au dessus du tuyau. Une chute d'_eau_ ou cascade. Une nappe d'_eau_ se dit, quand l'_eau_ s'étend comme une nappe sur une pierre d'où elle tombe. Un Soleil d'_eau_, quand les jets se distribuent en rayons. Une verge d'_eau_, quand il y a grand nombre de tuyaux prés l'un de l'autre qui jettent de l'_eau_ ensemble. Un berceau d'_eau_, quand il y a des jets d'_eau_ à droit & à gauche qui se courbent en arc par dessus la tête. Un rond d'_eau_, un réservoir d'_eau_, ou un regard, un pouce d'_eau_. _Bernard Palissi_, _Jacques Buffon_, _Serlio_ & _le théatre d'Agriculture_, ont écrit de l'art de conduire les _eaux_, de trouver des sources & des fontaines. En Medecine on appelle _eaux_ cordiales, certains remédes qui confortent le cœur. _Eaux_ minerales, celles qui servent de reméde, & qui ont contracté quelque vertu en passant à travers des mineraux, comme alun, vitriol, soulfre. Les _eaux_ de Bourbon, de Forges, de Spa, de Pougues; & on dit absolument il est allé aux _eaux_, on lui a donné les _eaux_. _Eau_ panée, _eau_ battuë, est celle où on a mis tremper du pain, ou qu'on a battuë, pour lui ôter sa crudité. _Eau_ ferrée, celle où on a atteint une bille d'acier rougie au feu. On dit aussi saigner le pied en l'_eau_. Les Apothicaires font aussi des _eaux_ cephaliques, ophthalmiques, thoraciques, stomachiques, hepatiques, spleniques, nephretiques, hysteriques, arthritiques, & autres contre plusieurs maladies, que l'on peut voir dans la Framboisiere & les dispensaires. En termes de chymie on appelle aussi _eaux_, les sucs qui se tirent par la distillation ou avec la force du feu, comme _eau_ de senteur, de rose, de fleur d'orange, de naphte. _Eau_ d'ange, _eau_ de plantin. EAU forte, ou _eau_ ardente ou caustique, c'est de l'_eau_ qui se fait par la distillation du vitriol seul, ou avec alun & salpêtre, qui est la base ordinaire des _eaux_ fortes, ou avec d'autres sels mêlez ensemble, elle sert à graver & dissout tous les métaux: à la réserve de l'or, on l'appelle en Latin _aqua stygia_. EAU _philosophique_, ou _des deux champions_, est celle qui se fait avec du salpêtre & du sel armoniac. EAU _seconde_, est l'_eau_ forte qui a déja servi à la dissolution de quelques métaux, qui par ce moyen a perdu une partie de sa force. EAU _régale_ ou de _départ_, c'est de l'_eau_ forte dans laquelle on a ajoûté en la faisant du sel commun, du sel gemme, ou du sel armoniac, laquelle en ce cas dissout l'or sans toucher aux autres métaux; toutes ces _eaux_ s'appellent aussi _menstruës_ ou _dissolvantes_. EAU _de la Reine de Hongrie_, est une distillation qui se fait au bain de sable, des fleurs de romarin, mondées de leur calices sans aucune partie de l'herbe, dans de l'esprit de vin bien rectifié; on l'appelle ainsi à cause du merveilleux effet, qu'en ressentit une Reine de Hongrie à l'âge de 72. ans. EAU _imperiale_, c'est de l'_eau_ distillée de noix muscade, écorce de citron, cloux de girofle, feüilles de laurier, d'hyssope, de thim, de marjolaine, de sauge, de romarin, de lavende, des fleurs d'orange, &c. EAU _stiptique_, est celle qui est faite avec une dissolution de vitriol. EAU de _vie_, c'est du vin qu'on fait distiller dans un matras au bain marie, ou à petit feu de flamme, & qu'on réduit environ à la sixiéme partie, le reste est une flegme insipide: on fait passer le col du matras en serpentant dans un tonneau d'_eau_ froide, pour le refroidir plûtôt; quand cette _eau_ de vie est distillée encore une fois & réduite à la septiéme partie, on a de l'esprit de vin, lequel étant derechef distillé, donne de l'esprit de vin rectifié. EAU _gommée_, c'est celle qui se fait en y laissant tremper de la gomme arabique enfermée dans un morceau de linge: les femmes en font aussi pour gommer leurs cheveux, en y laissant tremper des pepins de coin. EAU de _blanc d'œuf_, c'est de l'_eau_ qui se fait en foüettant bien le blanc d'œuf, ou bien en le faisant abreuver par une éponge plusieurs fois, & l'épreignant aussi-tôt, puis la faisant couler par le papier gris, c'est une _eau_ jaunâtre qui est la plus fine de toutes les colles. Les Limonadiers font aussi des _eaux_, pour chatoüiller le goût, des _eaux_ de cerise, de groseille, de frangipane, qui sont des _eaux_ succrées & parfumées où on a mis des groseilles, des cerises, des parfums. EAU, se dit aussi du suc de quelque fruit que ce soit: cette poire est de bonne _eau_. En termes de Joüailliers on appelle _eau_ l'éclat des perles & des diamans, qu'on suppose être faits d'_eau_. Cette perle est de belle _eau_: l'_eau_ de ce diamant est trouble. Donner l'_eau_ à un drap, c'est le lustrer, le calandrer. On dit aussi des cuirs quand ils sont à la tannerie, qu'on leur donne plusieurs _eaux_ pour les préparer. En Astronomie on appelle un signe celeste, le verseur d'_eau_ qui est l'onziéme à compter d'Aries. EAUX, se dit au plurier en ces phrases: le grand Maître des _eaux_ & forêts prend la qualité d'Enquêteur & de Réformateur des _eaux_ & forêts. Les maîtrises particuliéres des _eaux_ & forêts, la réformation générale des _eaux_ & forêts, ce sont des Officiers, ou des Jurisdictions qui jugent des causes concernant les _eaux_ & les forêts. Intendant des _eaux_, celui qui a soin de faire aller les _eaux_ des Maisons Royales. EAU, se dit proverbialement en ces phrases. Un Medecin d'_eau_ douce, c'est à dire un mal-habile Medecin qui n'a pour reméde que de l'_eau_ douce. On dit qu'un homme a mis de l'_eau_ dans son vin, pour dire qu'il est revenu de son emportement. Ses desseins vont à vau l'_eau_, pour dire ne réüssissent pas. L'_eau_ lui en vient à la bouche, pour dire cela lui donne l'envie d'en tâter. On dit d'un homme qui fait beaucoup de complimens ou de promesses, sur lesquelles il ne faut pas faire grand fondement, que c'est de l'_eau_ benîte de Cour, parce qu'on n'est point chiche de belles promesses à la Cour, non plus que d'_eau benîte_ à l'Eglise. On dit d'un homme dont le mérite n'est point connu, qu'il faut qu'il fasse voir de son _eau_, pour dire qu'il fasse voir ce qu'il sçait faire. On appelle des gens de delà l'_eau_, des gens grossiers & mal instruits des nouvelles & des affaires du temps. Les _eaux_ sont basses, pour dire qu'on n'a point de fonds, point d'argent en bourse. Suer sang & _eau_, pour dire faire un effort, ou un travail extraordinaire pour parvenir à quelque chose. On appelle un beuveur d'_eau_, un homme froid & incapable de grandes affaires. On dit faire venir l'_eau_ au moulin, pour dire faire venir du profit, de l'argent à la maison. Nager en grande _eau_, pour dire être en fortune, dans les grands emplois: il est heureux comme le poisson dans l'_eau_, pour dire il est en son élevement où il se plaît, ou il est bien. Revenir sur l'_eau_, se dit d'un homme qu'on croyoit abîmé, & qui rétablit ses affaires, & r'entre dans le négoce. On dit aussi rompre l'_eau_ à quelqu'un, pour dire apporter quelque obstacle à sa fortune, à ses affaires, ce qui se dit au propre des chevaux, qu'on oblige à boire à plusieurs reprises. On dit qu'un valet est allé à la bonne _eau_, pour dire qu'il est trop long-temps à revenir d'un message. Laisser courir l'_eau_, pour dire ne se pas soucier comment vont les affaires. Battre l'_eau_, pour dire travailler inutilement. On dit encore, tant va la cruche à l'_eau_ qu'enfin elle se brise, pour dire qu'à la fin on périt dans les dangers, où on s'expose trop souvent. Nager entre deux _eaux_, c'est à dire, être incertain quel parti ou opinion on doit suivre. Pêcher en _eau_ trouble, c'est à dire, profiter du desordre du temps, du mauvais état d'une famille. On dit encore d'un homme malheureux, qu'il se noyeroit dans un verre d'_eau_, d'un avare, qu'il ne donneroit pas un verre d'_eau_, qu'il ne donne rien du tout; d'un mélancolique & méchant, que c'est une _eau_ dormante, qu'il n'y a point d'_eau_ pire que celle qui dort; d'un homme inutile, qu'il ne gagne pas l'_eau_ qu'il boit. Porter de l'_eau_ à la mer, c'est à dire, donner à quelqu'un des choses dont il n'a déja que trop. C'est une goute d'_eau_ dans une mer, c'est à dire, que ce qu'on met dans quelque chose ne la fait pas paroître davantage. Il n'y fera que de l'_eau_ toute claire, pour dire qu'il ne réüssira pas en telle affaire. On dit de deux gemeaux, qu'ils se ressemblent comme deux goutes d'_eau_; de deux personnes qui se haïssent, que c'est le feu & l'_eau_; d'une affaire qui n'a point réüssi, tout s'en est allé en _eau_ de boudin, ou à vau l'_eau_; d'un homme niais & innocent, qu'il ne sçait pas l'_eau_ troubler. Tenir le bec en l'_eau_, c'est à dire, amuser long-temps une personne sans lui tenir ce qu'on lui fait esperer. On dit aussi d'un homme officieux, qu'il se mettroit dans l'_eau_ jusqu'au cou pour servir ses amis; d'un homme qui se noye, que l'_eau_ est entrée dans ses souliers par le collet de son pourpoint. On dit des enfans, qu'il les faut garder de feu & d'_eau_, jusqu'à sept ans. On dit encore ce crime est si grand, que toute l'_eau_ de la mer ne suffiroit pas pour le laver; & au contraire il fait aussi peu de scrupule de cela, que de boire un verre d'_eau_. On dit aussi si on l'envoyoit à la riviere il ne trouveroit point d'_eau_, pour dire qu'il ne pourroit pas trouver les choses les plus communes. On dit aussi il passera bien de l'_eau_ sous les ponts entre ci & là, pour dire cela n'arrivera de long-temps. On dit aussi gare l'_eau_ là bas, quand on veut jetter par les fenêtres quoi que ce soit. EAU benîtier, termes d'Orfévres, ils nomment ainsi les vaisseaux d'argent qu'ils préparent pour mettre de l'_eau benîte_: ils doivent être contre-marquez au corps, au collet de pied & goupillon; à l'égard de la gorge, creux ou panache, quarré de pied ou anse, ils sont seulement marquez du poinçon du maître. EBE. _s. f._ terme de Marine, c'est le reflus de la mer, la basse marée ou l'eau morte, lors que la mer refoule & s'en retourne. Il est opposé au flot & au montant; on l'appelle autrement _jussant_. ELECTUAIRE. _s. m._ terme de Pharmacie, c'est un médicament composé de poudres, ou d'autres drogues incorporées avec du miel & du sucre; il est ainsi nommé à cause que les parties qui le composent doivent être curieusement choisies, il est de consistance moyenne entre les opiates, les lenitifs & les confections; il y en a deux sortes, les mols sont en consistance d'opiate, & se font de trois onces de poudre sur une livre de miel écumé; les solides se font en forme de tablettes, où on met trois onces de poudre sur une livre de sucre clarifié, dissous en quelque liqueur & cuit en suite en perfection: sous les especes d'_électuaires_ on met le mithridate, la theriaque, la confection Hamec, celle d'Akermes, le catolicon, le diaprunum, diaphœnicum, diacartami, diatragagant, &c. qui sont expliquez à leur ordre. _L'hiere_ picre de Galien, est mise aussi au rang des _électuaires_; il y a un _électuaire_ de citron qu'on nomme de _Guy de Cauliac_, fameux Chirurgien, qui l'a mis le premier en vogue, la benedicte de Nicolas, & autres. ELIXIR. _s. m._ terme de Medecine, c'est une liqueur spiritueuse destinée à des usages internes, contenant la plus pure substance des mixtes choisis, qu'on lui a communiquée par infusion & maceration. Les esprits tirez des vegetaux, ou leurs eaux spiritueuses sont d'ordinaire la base des _elixirs_, & les menstruës dont on se sert pour dissoudre & retenir la vraye essence des médicamens, qui entrent dans leur composition. L'esprit de vin est l'_elixir_, le menstruë, le plus commode de tous. L'_elixir_ approche beaucoup de la nature des teintures. ELIXIR de _propriété_, est un reméde inventé par Paracelse, composé d'esprits de soulfre, d'aloës, de myrrhe, de safran, &c. dissous par un puissant dissolvant nommé _alkaest_. Crollius veut que cet _elixir_ soit le baume des Anciens, & contienne toutes les vertus du baume naturel. ELIXIR, terme de chymie, c'est la substance la plus subtile interne & specifique de chaque corps, qui en est comme l'essence. Les charlatans abusent beaucoup de ce nom, & le donnent à plusieurs simples extraits pour vendre plus cher leurs drogues: on l'appelle autrement _quinte-essence_. Ménage tient que ce mot vient de l'Arabe _elexir_, qui signifie proprement fraction, à cause que l'_elixir_ a la force de rompre les maladies, & de rompre les métaux en les dissolvant: d'autres le dérivent avec plus d'apparence de l'Arabe _alechstro_, qui signifie une extraction artificielle de quelque essence: d'autres veulent qu'il vienne du Grec _elayon_, & _syro_, comme une extraction d'huiles, qui est la partie essencielle des mixtes: d'autres enfin du verbe Grec _alexeo_, à cause du grand secours qu'on reçoit des _elixirs_. D'autres appellent _elicsir_, une prétenduë poudre qui convertit les métaux en or, qu'on appelle poudre de projection. EOLIPILE. _s. f._ Terme des Hydraulyques. C'est une petite boule de fer ou de cuivre, ayant une queuë où il y a un fort petit trou pour la charger: on la chauffe pour rarefier l'air qui est dedans, & puis on la jette dans l'eau. Il y en entre autant qu'il faut pour remplir le vuide que laisse l'air condensé par la froideur de l'eau; & quand cette boule est derechef mise au feu, il en sort du vent, avec une impetuosité & une durée qui surprennent. On la nomme autrement poire à feu. C'est par la comparaison de ces _éolipiles_, que Descartes explique admirablement bien la cause naturelle des vents. EPACTE. _s. f._ Terme de comput Ecclesiastique, c'est la difference de l'année Lunaire, qui n'est que de 354. jours d'avec l'année Solaire, qui est de 365. jours. Cette difference fait que les nouvelles Lunes reculent tous les ans d'onze jours. On trouve l'âge de la Lune en ajoûtant l'_épacte_ de l'année au nombre des jours du mois où on est, & au nombre des mois écoulez depuis celui de Mars. En observant aussi de retrancher trente jours quand ces trois sommes ajoûtées vont au-delà. Le cicle des _Epactes_ est de dix-neuf ans, répondant au nombre d'or, ou cicle Lunaire, aprés lequel toutes les Lunations reviennent au même jour. EPARER. _v. n._ Terme de manége, qui se dit d'un cheval qui détache des ruades, & qui nouë l'aiguillette; un cheval doit s'_éparer_ de toute force à l'air des cabrioles. EPANORTHOSE. _s. f._ Terme de Réthorique, c'est une figure, par laquelle on corrige, ou on révoque ingenieusement ce qu'on avoit auparavant allegué. EPHEMERE _adj._ Terme de Medecine, qui ne dure qu'un jour, il se dit en cette phrase, fiévre _Ephemere_. La fiévre _Ephemere_ des Anglois est une espéce de peste. EPHEMERE. En termes de Botanique, est une flambe sauvage, ses feüilles sont semblables à celles du lis, quoi que plus menuës, sa tige pareillement. Sa fleur est blanche & amére, sa graine est tendre, sa racine est grosse d'un doigt, longue, astringeante & odorante. Mathiole dit que l'_Ephemeron_ de Dioscoride est le _colchicum_, qui est un poison croissant au païs de Colchos, il est si dangereux qu'il fait mourir en moins d'un jour ceux qui en mangent, ce qui lui a donné ce nom d'_Ephemere_, & il ajoûte que ce n'est autre chose qu'un oignon blanc, que les Apothicaires appellent _hermodactylus_. EPHEMERE, est aussi un petit animal qui ne vit que cinq heures, pendant lesquelles il naît, il étend ses membres, il paroît jeune, il change deux fois sa peau, il fait des œufs, jette des semences, vieillit & meurt. Aristote en a fait la description, & l'a ainsi nommé, parce qu'il ne dure qu'un jour. Il paroît vers la Saint Jean, c'est un insecte volant, qui naît à six heures aprés midi, & meurt à onze heures. Il est vrai toutefois qu'avant que d'avoir pris cette figure, il a vécu trois ans sous celle d'un verd au bord de l'eau, dans la vase, ou dans des trous qu'il y a creusé lui-même; il s'en trouve de deux ou trois pouces. Les pescheurs s'en servent pour appâter leurs hameçons. On a observé dans quelques-uns de ces insectes jusqu'à 7000. yeux semez par tout le corps, ils ne s'accouplent point, la femelle jette ses œufs, & le mâle les rend feconds en les couvrant de sa semence. Il ne prend aucun aliment depuis qu'il est changé, & il ne change que pour se multiplier. Aldrovandus, Jonston, & Clusius en ont écrit, mais bien plus incertainement que Swammerdam, qui en a fait les dissections & les observations avec le microscope. Il en est aussi parlé dans le recueil de Thevenot. EPHEMERIDES. _s. f. plur._ Terme d'Astronomie, ce sont des Tables calculées par des Astronomes, qui marquent l'état du Ciel tous les jours à midi, c'est à dire, le lieu où à midi se trouvent toutes les Planettes, & ce sont des Tables qui servent à dresser les horoscopes, ou themes celestes. Les _Ephemerides_ d'Origan, de Kepler, d'Argolus, de Joannes Heckerus, &c. Jean Dominique Cassini a fait des _Ephemerides_ des Astres de Medicis, ou des satellites de Jupiter, qui servent à la découverte des longitudes. Ephialtes. _Voyez_ Incube. EQUATION. _s. f._ Terme d'Astronomie, qui se dit de la maniére de réduire le temps ou les mouvemens inégaux du Soleil, à un temps ou à un mouvement égal & moyen. Le jour astronomique se compte depuis le départ du soleil d'un Méridien jusqu'à ce qu'il y retourne le jour suivant, c'est ce qu'on appelle le jour & le mouvement égal; mais parce que cependant le Soleil avance dans l'Eccliptique tantôt plus, tantôt moins à nôtre égard, selon qu'il est apogée, & perigée, & parce que les arcs de l'Ecliptique sont aussi inégaux à nôtre égard, à cause de l'obliquité de la sphere; c'est ce qui rend les jours inégaux. Il a donc fallu que les Astronomes, qui ont besoin d'un jour égal pour faire leurs supputations, trouvassent ce mouvement, ou temps moyen, & c'est ce qu'on appelle _équation_, par laquelle on trouve 59. minutes & huit secondes qu'il faut ajoûter au vrai jour égal, pour faire ce moyen mouvement journalier. Jean Baptiste Morin a fait un beau traité des _équations_ en son Livre des longitudes. Monsieur Huggens a donné une Table exacte de l'_équation_ des jours, pour régler les mouvemens des horloges à pendules, où on void combien ces horloges doivent avancer ou reculer en chaque jour de l'année, à cause de l'irrégularité du mouvement du Soleil & de l'obliquité de l'Eccliptique. EQUATION, en termes d'Algebre est la réduction de deux nombres heterogenes, ou de diverse nature à une même nature en valeur, pour les rendre égaux. L'_équation_ se dit aussi de la connoissance juste de la partie qu'il faut ajoûter à deux nombres differens, pour les mettre dans l'égalité. La science des _équations_ est la principale partie de l'algebre. L'_équation_ se marque ainsi. ECHELLE. _s. f._ Instrument qui sert à monter; il est composé de deux perches ou piéces de bois longues & legéres, traversées de pied en pied de menus bâtons qu'on nomme _échelons_, sur lesquels on met les pieds l'un aprés l'autre pour monter. Jacob vit une _échelle_ par où les Anges descendoient & montoient du Ciel en terre. Les soldats, les voleurs se servent d'_échelles_ pour surprendre les Villes, pour entrer dans les maisons par les fenêtres, par dessus les murs. Les Maçons se servent d'_échelles_ pour monter sur les échaffauts. On fait aussi des _échelles_ de corde, de soye, qui se plient & qui sont portatives; on en fait aussi de brisées. Il y en a aussi de doubles, qui sont étenduës par le pied, qui servent aux Peintres. Il y en a d'autres pour la guerre qu'on transporte sur des rouës, & qui sont de diverses constructions, dont on void les figures dans la pyrotecnie de Hanselet. ECHELLE, se dit aussi d'un méchant escalier qui est tout droit. Les escaliers de la Halle sont des échelles, sont droits comme des _échelles_. ECHELLE, se prend quelquefois pour le gibet, à cause qu'on monte avec une _échelle_ ceux qu'on pend à une potence; ainsi on dit celui-là a été condamné à assister à l'execution, à avoir le foüet au pied de l'_échelle_: il a été long-temps sur l'_échelle_ avant que d'être jetté. On coupe souvent des bourses au pied de l'_échelle_. ECHELLE, se dit aussi d'un rang de nœuds de Ruban, que les femmes mettent par ornement le long de leur busque, à cause que cela ressemble à une _échelle_. Cette Dame avoit une _échelle_ de rubans de satin bleu. ECHELLE. En termes d'Architecture & de Géographie, se dit d'une ligne divisée en parties égales, qui sert de mesure commune à toutes les parties d'un bâtiment, à la description des cartes topographiques. Pour sçavoir combien cet étage a de haut, il en faut prendre avec un compas la mesure sur l'_échelle_. On en use de même pour sçavoir combien il y a de lieuës, entre deux Villes marquées sur une carte. ECHELLE, ou bâton de Jacob, en termes de Marine est un instrument en croix divisé en semblables parties égales, qui a été décrit ci-devant au mot d'_Arbalête_. ECHELLE, est aussi un nom qu'on donne sur la Méditerranée, ou mer du Levant aux Villes de commerce. La France a ses Consuls, ses Magasins, ses Bureaux en toutes les _échelles_ du Levant, aussi bien que la plûpart des autres Nations, à Smirne, à Said, à Alep, au Caire, &c. On appelle aussi ces places des Ports & Etapes. Ce mot vient d'_escale_, vieux terme de marine, qui signifie _port de mer_; qu'on trouve sur sa route, où on entre par occasion pour acheter quelques vivres, pour éviter la tempête ou les ennemis. ECHELLE _campanale_, est une régle qu'ont les fondeurs pour proportionner la longueur, largeur, & épaisseur d'une cloche à son poids, & pareillement celle de son batail pour lui faire rendre un certain son, ils ont fait cette _échelle_ par une longue experience, plûtôt que par une voye géometrique; elle est cependant curieuse, & on la trouve au sixiéme Livre de la Pyrotecnie de Biringuccio, & dans le Pere Mersenne; on l'appelle aussi _Brochette_, _Bâton_, _Régle_, & _Diapason_. ECHELLE, est aussi un instrument de musique assez grossier, composé de douze bâtons enfilez ensemble & separez l'un de l'autre par des grains de chapelet; ils vont toûjours en diminuant depuis le grand qui a dix pouces jusqu'au plus petit qui en a trois, leur figure peut être ronde ou quarrée, ou en forme de prisme, ou de parallellepipede; on en jouë avec un petit bâton, dont une des extrêmitez est tournée en boule; quand cet instrument est bien touché, il rend une symphonie assez agréable. On dit proverbialement qu'il faut tirer l'_échelle_ aprés quelqu'un, pour dire qu'il n'y a rien à faire aprés lui, qu'il a épuisé la matiére, qu'il a appris tout ce qu'on en pouvoit sçavoir. On dit aussi qu'on punit comme voleurs, ceux qui tiennent le pied de l'_échelle_. ECHELER, _v. act._ Vieux mot, au lieu duquel on dit à present _escalader_. ECHELETTE. _s. f._ espéce de petite _échelle_ qu'on attache sur le bast d'une bête de somme pour y accrocher de la viande, du foin, de la paille, &c. ECHELIER. _s. m._ Est une piéce de bois traversée de longues & grosses chevilles, qui sert à monter au haut des gruës, des engins, & des estrapades, on l'appelle aussi _Rancher_. ECHELON, _s. m._ petite piéce de bois qui traverse l'_échelle_: cette _échelle_ avoit trente échelons. ECHELON, se dit figurément en choses morales. La qualité d'Avocat est un _échelon_ pour monter à celle de Conseiller, de Maître des Requêtes. Il est monté d'un _échelon_, d'un degré, il est avancé d'autant. ECROU. _s. m._ piéce de bois, ou de fer, ou d'autre métail qui a un trou, relatif à la grosseur d'une vis, & qui sert à la serrer, ou à la retenir quand on la fait entrer dedans. Il faut que les vis de ce lit ayent été changées, elles ne peuvent entrer dans leurs _écrous_. En Mathematique on appelle le clou de l'alhidade l'_écrou_, ou le chevalet. ECROU. Est aussi l'acte d'emprisonnement d'une personne écrit sur le Registre de la geole. Il faut attacher son _écrou_ à la Requête d'élargissement, quand on est recommandé pour plusieurs affaires, ce sont autant d'_écrous_, quand on déclare un emprisonnement injurieux, tortionaire & déraisonnable, on ordonne que l'_écrou_ sera rayé & biffé. On disoit autrefois _écrouë_. ECROÜE. _s. f._ chez le Roi se dit des rolles ou états de la dépense de sa maison, qui se mettent dans des peaux de parchemin qu'on coud & qu'on attache les unes aux autres, dont on fait de gros rouleaux qui sont signez & arrêtez au Bureau par les Maîtres & Controlleurs de la maison du Roi. On le dit aussi des rolles que les Receveurs des tailles, ou des amendes baillent aux Sergens pour en faire le recouvrement, qui sont appellez _écrouës_ dans plusieurs Edits. On void dans la Chambre des Comptes une _écrouë_ du Parlement tenu sous Louïs Hutin, qui contient la liste des Conseillers du Conseil étroit, des Maîtres des Requêtes, & autres Officiers. ECROÜE, en plusieurs Coûtumes se dit de la déclaration, dénombrement & aveu d'heritages cottiers que le sujet donne à son Seigneur. En l'Edit de l'établissement de l'Echiquier de Normandie, on appelle _écrouës_ les écritures qui contiennent les faits & raisons des parties; où il est dit aussi que les Sergens doivent bailler leurs exploits par _écrouës_, c'est à dire, par écrit. Borel estime que ce mot vient d'_écrit_, ou _écrire_, parce qu'on a appellé aussi _écrouë_ une quittance en faveur de celui qui a manié les finances; & on dit bailler _écrouë_ à un Receveur de sa recepte, pour dire souder son compte. ECROÜER. _v. act._ Charger un Geolier de la personne d'un prisonnier, en écrivant sur son registre par l'Officier qui l'arrête la cause pour laquelle il est emprisonné, & par quelle autorité, ou Ordonnance; il est défendu sévérement aux Geoliers de détenir qui que ce soit sans être _écroüé_. Cujas estime que ce mot vient du Grec _Encrouo_, c'est à dire, _injicio_: & Ragueau au contraire de _Eccrouein_ qui signifie _extendere_, _liberare_; _missum facere_. ECROÜÉ, ée. _part. pass. & adj._ ECROÜELLES. _s. f. pl._ Terme de Medecine, ce sont des tumeurs sanguines faites aux parties glanduleuses, comme aux mammelles, aux aisselles & aux aînes. Elles sont presque toûjours enveloppées dans une membrane propre, engendrées de pituite gypsée, grosse & visqueuse. Lors qu'il s'y mêle de l'humeur mélancolique, elles s'échauffent & deviennent malignes, & font un ulcére corrosif & chancreux, qui ronge la substance des glandes; & quand cette humeur court par le corps, elle altére & pourrit les os où elle s'assied, alors c'est une maladie incurable par Art. Les Latins l'appellent _scrophulæ_ du mot _scropha_, qui signifie une truye, & les Grecs _choirades_ du mot Grec _choiros_ qui signifie un pourceau, parce que les pourceaux sont sujets à avoir ces tumeurs sous la gorge, & ceux qui mangent de leur chair y ont aussi plus de disposition. Le Roi de France a le don de guerir des _écroüelles_, en touchant les malades. ECROÜI. _adj._ Est un terme de monnoye qui se dit des piéces durcies à la sortie du moulin, & qu'il faut faire recuire. ECROULEMENT, _s. m._ Eboulement de terres, d'édifices qui ne sont pas soûtenus. ECROULER, _v. n._ Vieux mot qui signifie s'ébouler. Aprés une vingtaine de volées de canon, tout le bastion s'écroula. ECROUTER. _v. act._ Oter la croûte du pain, le couper mal proprement. On dégoûte les gens quand on écroute le pain. ECROUTÉ. ée. _part. & adj._ ECRÜE. _adj._ c'est une épithete qu'on donne aux soyes & aux toiles qui n'ont jamais été moüillées. Il est défendu aux tapissiers de doubler les tapisseries de toiles _écrües_, parce qu'elles se retirent. Les belles étoffes se font de soye cuitte, & les petites de soye _cruë_ ou _écruë_. Il est sévérement défendu de mêler la soye cuitte avec la soye _écruë_. On dit aussi du fil _écru_. F. FANON _s. m._ le devant d'un bœuf, d'un taureau. Rampale dans ses Idiles a dit, _la peau d'un gras fanon lui bat sur les genoux_. Les Latins l'appellent _Paleare_. FANON en termes de manége se dit d'un gros toupet de poil ou de crin, qui vient au derriére du Boulet de plusieurs chevaux. Les chevaux de carrosse ont souvent de gros _fanons_. FANON, se dit aussi des barbes de Baleine, qui pendent des deux côtez de la gueule de ce monstre: le cent pesant de _fanons_ de Baleine a été réglé par Arrêt du Conseil à 67l. 10. sols: c'est ce qui sert à mettre dans le corps de juppe des femmes & à plusieurs sortes d'ouvrages, où on a besoin d'une matiére pliante & qui fasse ressort. FANON en termes de marine est un racourcissement du point d'une voile & particuliérement de celle d'Artimon, lors qu'on la trousse & ramasse avec des garcettes, pour prendre moins de vent. Ces _fanons_ sont des bouts de corde divisez en plusieurs articles ou marticles attachez aux grandes voiles, qui les embrassent & serrent quand il est de besoin. FANON en termes d'Eglises signifie un manipule ou ornement sacerdotal, que les Prêtres, les Diacres & soûdiacres mettent au bras gauche en officiant: il est fait en forme de petite étole. Voyez manipule où on a fait voir que c'étoit autrefois une espéce de mouchoir blanc, comme témoigne Durandus: son primitif est _Pannus_, dont les Allemans ont fait _fanus_, parce qu'ils changent ordinairement le p. en f. FANON se dit aussi des deux pendants, qui sont au derriére de la Mître d'un Evêque, & aussi du bonnet ou de la Couronne de l'Empereur. FANON, en termes de blason est un large brasselet fait à la maniére du _fanon_ de Prêtre pendant du bras droit, au lieu que celui du Prêtre pend du bras gauche: c'étoit autrefois une manche pendante qu'on portoit prés du poignet sur tout en Allemagne d'où ce nom nous est venu, parce que les Allemans appellent _fanen_ une piéce de linge ou d'étoffe, & quelquefois une banniére, on l'appelle autrement _Dextrochere_. FANON se prend aussi quelquefois pour _gonfanon_, voyez gonfanon; & en ce sens Borel le dérive du grec _phaino_, _appareo_, parce qu'on le void de loin étant au bout d'une pique. FAUCON _s. m._ Oiseau de leurre, qui a le plus beau vol & qui est le plus noble & le plus estimé entre les oiseaux de proye, c'est pourquoi il donne le nom à la _fauconnerie_, il a les pieds jaunes, la tête noire, & est semé sur le dos de plusieurs taches. Le bon _faucon_ a la tête ronde, le bec court & gros, le col long, les épaules larges, les pennes des aîles subtiles & déliées, les cuisses longues, les jambes courtes, les pieds, ou mains longs, larges & grands: il y a des _faucons_ riviereux, d'autres champêtres propres à voler sur les riviéres ou les campagnes, en Latin _falco_, _triorches_, _buteo_, & en général _accipiter_, qui est le nom de la meilleure espéce, qui l'a donné aux autres. FAUCON _pelerin_, est celui qui vient des païs lointains, dont on ne trouve point l'aire, qui est pris depuis le mois d'Octobre jusqu'en Janvier. FAUCON _gentil_, de passage, qui vient des païs circonvoisins, le plus aisé à dresser, qui est pris en Août ou en Septembre; ce mot vient de _Gentilis_. FAUCON _niais_, qui n'a jamais été à soi qui est pris au nid, ou dans le roc quand il est fort petit, on l'appelle aussi _faucon_ Royal, parce qu'on l'éleve facilement. FAUCON _sor_, c'est un faucon qui a encore son premier plumage, les pennes du premier an. FAUCON _hagard_, c'est à dire, _fier_ & _bisarre_ celui qui n'est plus sor quand on le prend, qui a mué ou changé de plumes, on l'appelle aussi _faucon de repaire_. FAUCON _antanaire_ ou _antenaire_, qui est pris au printemps avant la muë. FAUCON _mué_ en main d'homme se dit simplement du _faucon mué_; quand il est mué des champs & puis pris au passage il se dit _ardoisé_, _madré_ ou _fleuri_, hors de connoissance, & vieil _faucon_. FAUCON _tagarot_, c'est un oiseau fort long & flouet, d'une espéce particuliére, on l'apporte du côté d'Egypte. FAUCON _Tartaret_, qui vient de Tartarie, c'est un grand oiseau dit de _haute maille_, appellé des Turcs _faucon sahin_. FAUCONS _Balarins_, qui viennent de Hongrie sont des _faucons_ communs petits, de pennage brun avec la tête noire. FAUCON _familleux_, c'est un faucon famelic, ou sujet à la faim. Le _Faucon montanier_ est brun & hardi, & se doit entretenir entre gras & maigre. Le Faucon _Thunisien_, qui vient de Thunis, nommé autrement _alphanet_ de _alpha_, parce que les Grecs le mettent au premier rang des faucons. Il y a des _faucons_ qu'on appelle du Perou, & autrement _neblies_, qui volent plus haut que les autres, qui ont des serres fortes & une couleur tirant sur le noir. Le gerfaut, le sacre, le lanier sont des espéces de _faucons_. FAUCON. Terme d'artillerie espéce de Canon qui a trois pouces de diamêtre & qui porte une livre & demie de balle. FAUCONNEAU _s. m._ piéce d'artillerie, qui tient le sixiéme rang entre les Canons, qui a six à sept pieds de long, & deux pouces de diamêtre, dont la balle pese environ une livre & demie, mais selon Hanzelet c'est une huitiéme de coulevrine qui a 35. calibres de long, qui tire deux livres & demie de fer avec deux livres de poudre, & le bâtard à 30. calibres, tire trois livres de fer avec autant de poudre. FAUCONNEAU chez les maçons, est la piéce de bois la plus haute d'un engin à élever des fardeaux, elle porte les deux poulies par où passent les cables. FAUCONNERIE _s. f._ l'art de dresser, d'affaiter, de gouverner, d'apprivoiser & d'assûrer les oiseaux de proye, Desparon a bien écrit de la _fauconnerie_. FAUCONNERIE se dit aussi de l'équipage de la chasse, qui se fait avec les oiseaux. Ce Prince aime la _fauconnerie_, il a beaucoup d'Officiers de _fauconnerie_. La _fauconnerie_ du Roi est en tel endroit. FAUCONNIER _s. m._ affaiteur, ou apprivoiseur d'oiseaux, celui qui dresse & qui gouverne, ou qui a le soin des oiseaux de proye, des gants de _fauconnier_. Le grand Seigneur entretient ordinairement six mille _fauconniers_ & le moins qu'il en ait eu c'est trois mille. On appelle chez le Roi le grand _fauconnier_, l'officier qui a soin de toute sa fauconnerie. On dit en termes de manége, monter à cheval en _fauconnier_, pour dire monter du pied droit. FAUCONNIERE _s. f._ poche ou bourse de fauconnier. On appelle aussi _fauconniére_ une espéce de Bissac de cuir ou double gibeciére qu'on porte à cheval & qu'on met des deux côtez de l'arçon de la selle, où on serre les menuës hardes nécessaires pour un voyage. FEU. _s. m._ Element chaud & sec, qui entre en la composition de tous les corps naturels, & sur tout de ceux qui sont animez. Les anciens ont crû qu'il y avoit un _feu_ élementaire dans le concave de la Lune, ce qui est une pure vision établie sans fondement. Le _feu_ n'est autre chose qu'une matiére fort subtile & violemment agitée. Le _feu_ est le plus violent de tous les acides. Dans les forges on n'employe que du _feu_ de Charbon, dans les Verreries que du _feu_ de bois sec; dans les Chambres on allume du _feu_ clair, du _feu_ de fagot quand on veut prendre l'air du _feu_, une poignée de _feu_. Les pauvres font du _feu_ de tourbes & de mottes. Les volcans sont de grands gouffres de _feu_, des feux soûterrains qui sortent de temps en temps. On fait du _feu_ avec des pierres, avec un fuzil. Aux Indes Orientales on en fait en frottant deux morceaux de bois de Candou l'un contre l'autre. Aux Occidentales avec un autre bois qu'on appelle _Ticaca_, qui ressemble à la canelle & qui sert de fuzil. Mathiole dit que les Anciens avant l'invention de l'Acier, tiroient le feu d'un bois dur, frotté avec un bois tendre & spongieux, tel que le bois de la vigne sauvage. FEU, en termes de Chymie, se dit des degrez de la chaleur, qui servent à en faire les operations. Ainsi les Chymistes appellent _feu_ de digestion, le fumier qu'ils nomment autrement ventre de Cheval, dont la chaleur est telle qu'on ne sçauroit tenir la main dans le milieu d'un grand tas de fumier échauffé, ni souffrir dans la main une verge de fer qu'on y aura introduite & tenuë quelques momens. Le second _feu_ est celui du bain vaporeux, du Bain marie, du Bain de cendre, du Bain de sable, du Bain de limaille & autres qui sont expliquez à Bain. Le troisiéme est le _feu_ ordinaire qu'on applique sous le Vaisseau. Le quatriéme _feu_ est le _feu_ de Lampe qui est moderé & égal, qu'on peut augmenter par la grosseur & le nombre des méches qu'on allume, c'est celui qui sert aux Emailleurs. Le cinquiéme est le _feu_ de Roüe qu'on allume en rond autour d'un Creuset, qu'on approche peu à peu autour du vaisseau également & pour l'échauffer. Le sixiéme _feu_ est nommé de suppression, qui se donne lorsque non seulement on environne le vaisseau, mais aussi lors qu'on le couvre tout à fait de charbons allumez, dont on augmente la force suivant le besoin. Le septiéme _feu_, est celui de Reverbere clos, qui se fait dans un fourneau, où non seulement il frappe le vaisseau, mais encore il le refléchit & le refrappe par dessus & tout autour: il y a encore _feu_ de Reverbere ouvert, qui se fait dans un fourneau qui n'a point de couverture. Le huitiéme _feu_ est le feu de flame ou de fusion, qui se fait pour la fusion & calcination des Métaux & Mineraux, on l'appelle aussi feu d'atteinte. Le neuviéme _feu_ est celui des grandes Verreries, qui sert à vitrifier les Cendres des plantes, les sables & les caillous, qui est plus violent que tous les autres. ON dit mesurer le _feu_, donner le _feu_ par degrez, pour dire le donner plus ou moins violent, en ouvrant ou fermant les registres ou trous du fourneau, & on l'appelle alors un _feu_ gradué. ON croit aussi en Chymie qu'il y a un _feu_ central qui cuit & produit les métaux & les mineraux qu'on nomme l'_Archée_. On dit aussi qu'on éprouve les métaux par le _feu_, qu'il faut qu'ils souffrent le _feu_, pour dire la coupelle: en d'autres occasions on dit qu'il faut qu'ils passent par le _feu_, sur le _feu_, pour les purger du mauvais air. ON a vû ces derniéres années quelques Charlatans à Paris qui ont mangé du _feu_, qui ont marché sur le _feu_, qui ont lavé leurs mains de plomb fondu; ce qui n'est pas un secret nouveau, puis qu'Ambroise Paré dit avoir éprouvé lui-même, qu'aprés avoir lavé ses mains de son urine, ou bien avec de l'_unguentum aureum_, on les peut laver seurement de plomb fondu. Il dit aussi qu'il fit distiller du lard fondu avec une pelle rouge sur ses mains, aprés les avoir lavées avec du _jus d'oignon_. FEU, signifie aussi incendie, embrasement. Le _feu_ a pris à la maison, à la cheminée. On sonne le tocsin, on crie au _feu_ quand le _feu_ est quelque part. Une petite bluette, une étincelle de _feu_ cause souvent une grande incendie. Il a fallu abattre ce corps de logis à cause que le _feu_ gagnoit. FEUX d'artifice ou _feux_ de joïe, sont des _feux_ faits artistement avec de la poudre à Canon, qu'on tire dans les réjouïssances publiques, ou dans les régals magnifiques. Ils sont composez de fusées volantes, saucissons, petards, lances à feu, pots à feu, girandoles, &c. Et accompagnez pour l'ornement de plusieurs figures & devises. On fait à la gréve un _feu_ de joïe la veille de la Saint Jean, on en fait aux naissances, entrées & mariages des Rois, dont les compositions se trouvent dans les pyrotecnies de _Hanzelet_, _Vanoccio_, _Malthus_, & sur tout de _Casimir simieirowies Polonnois_, qui en a fait un excellent Livre in folio. On dit aussi au figuré qu'un homme fait des _feux_ de joïe dans son cœur, quand il se réjouït secrettement dans son ame de quelque chose qui est arrivée. FEU, se dit souvent en termes de guerre. On voyoit les _feux_ de l'Armée, c'est à dire, les _feux_ qu'on allume la nuit dans un Camp. Les Armes à _feu_ sont celles qu'on charge de poudre, comme pistolets, mousquets, fusils, carabines, canons, grenades, bombes & carcasses, on les appelle quelquefois bâtons à _feu_. On dit des Villes prises d'assaut, qu'on y a mis tout à _feu & à sang_. Le _feu_ de la place, c'est le flanc, ou la partie de la courtine où aboutit la ligne de défense, d'où on a fait _feu_ pour défendre la face du Bastion opposé: la meilleure façon de fortifier est celle qui donne plus de _feu_, en cet Assaut la courtine étoit toute en _feu_, il falut soûtenir, essuyer le feu de cette demi-lune. Cette trenchée étoit en filée, exposée au _feu_ de la place. ON appelle _feu gregeois_ un _feu_ d'artifice qui brûle dans l'eau, qu'on dit avoir été inventé par Callinicus, vers l'an de grace 660. comme remarque le P. Petault fondé sur l'autorité de Nicetas & de Zonare: ce fut par son moyen que l'Empereur Constantin Pogonat ou Barbu défit les Agarennes ou Sarrasins qui le tenoient assiégé à Constantinople. Il est inextinguible, si ce n'est avec du sable, du vinaigre, ou des cuirs verds. Mais d'autres soûtiennent qu'il est plus ancien, & qu'il fut inventé par Marcus Gracchus: en effet il y a quelques Auteurs qui font mention que les Grecs & les Romains s'en sont servis dans leurs guerres, pour attaquer & défendre les Places & les Vaisseaux. On dit d'un homme brave & intrépide qu'il ne craint point le _feu_, qu'il va au _feu_ comme à la nopce. FEU, signifie quelquefois simplement la lumiére d'une bougie, d'une chandelle, d'un flambeau. Dans les Villes policées il est défendu de marcher la nuit sans _feu_, sans flambeau & sans lanterne. On demande du _feu_ pour cacheter une lettre. Les fermes du Roi s'adjugent au premier _feu_, au second _feu_, c'est à dire, à l'extinction de la premiére ou seconde bougie qu'on allume pendant les Enchéres. Il est défendu de pêcher, de chasser au _feu_, c'est à dire, la nuit avec de la lumiére. FEU, en termes de Marine signifie le fanal ou lanterne, qui est sur la pouppe des Vaisseaux pour servir de guide la nuit. L'Amiral porte quatre _feux_, fanal de quatre _feux_. Le Vice-Amiral, le Contre-Amiral, & chef d'Escadre en portent chacun _trois_, les autres Vaisseaux n'en portent qu'un; le _feu_ sert aussi de signal pour régler la route, la voilure & la manœuvre: on le met en divers endroits & aux haubans de divers mats, suivant qu'il a été concerté entre les Officiers. On dit des grands vaisseaux qu'ils ne craignent que la terre & le _feu_, un Corsaire qui craint la corde s'il est pris, met le _feu_ aux poudres & fait sauter le Vaisseau. On appelle aussi _feux_, ces fanaux qui sont allumez sur le haut d'une tour, sur la côte ou à l'entrée des Ports & des Riviéres pour éclairer & guider pendant la nuit les vaisseaux dans leur route. FEU, signifie quelquefois la cheminée. Il y a tant de _feux_ en cette maison, c'est à dire, tant de chambres à _feu_ ou à cheminées, quelquefois il se dit du _feu_ actuel qu'on entretient dans un âtre. Il me faut 20. voïes de bois par an, car j'ai toûjours deux _feux_ jour & nuit; quelquefois il se dit des utenciles qui servent à attiser, détiser, entretenir & souffler le _feu_, comme grille, pelle, pincettes, tenailles, soufflet. Un _feu_ garni d'argent. FEU. Se dit quelquefois aussi d'un ménage, de toute une famille, il y a tant de _feux_ en cette Paroisse. Le beaupere & son gendre ne font qu'un _feu_, c'est à dire, vivent ensemble, ne font qu'un ménage: ce mot vient du latin _focus_. FEU. En termes de Théologie, se dit des _feux_ immateriels dont Dieu se sert pour punir les méchans. Les _feux_ d'Enfer, & du Purgatoire sont des _feux_ inextinguibles qui brûlent les malheureux sans les consumer. Le monde doit périr par un deluge de _feu_. Sodome & Gomorre furent punis par le _feu_ du Ciel: ils avoient fait des crimes qui méritoient le _feu_. Dieu apparut à Moïse sous la figure d'un _feu_ ardent en un buisson, le S. Esprit descendit sur les Apôtres en langue de _feu_. Le Camp des Israëlites étoit guidé par une colonne de _feu_. Les Hebreux conservoient un _feu_ sacré dans le Temple. Les Payens ont adoré le _feu_. Les Vestales gardoient le _feu_ sacré des Romains. Les Perses ont encore des _feux_ qui brûlent depuis plus de mille ans sur des montagnes. FEU. Se dit aussi des Astres & des Méteores. Les Poëtes appellent tous les Astres les _feux_ du firmament, les _feux_ de la nuit, des globes de _feu_. La Lune est un des moindres _feux_ du Ciel, les _feux_ follets ou ardens sont des exhalaisons qui s'enflamment. On dit que le Ciel est tout en _feu_, pour dire qu'il tonne & éclaire beaucoup. On appelle sur la mer le _feu_ saint Elme, certains _feux_ volans autour des mâts & des manœuvres, & de la cage, causez apparemment par quelques exhalaisons qui restent aprés une tempête & qui en présagent la fin. Les Mariniers les appellent saint Nicolas, sainte Claire, sainte Helene. Les Italiens _hermo_, les Castillans _san Elmo_, les Anciens _Castor_ & _Pollux_: quand il n'en paroît qu'un on l'appelle _furolle_ ou _helene_, ce qu'on tient de mauvais présage, quand il en paroît deux les Mariniers s'en réjouïssent & les saluent avec leurs sifflets. FEU. Se dit aussi en Médecine & en Chirurgie. Le _feu_ saint Antoine étoit autrefois une maladie fort dangereuse. Le _feu_ volage est une espece de dartre qui s'enflamme & qui vient sur tout au visage. On ôte le vin aux malades de crainte de mettre le _feu_ dans une playe, d'augmenter le _feu_ de la fiévre. L'Arsenic met le _feu_ dans la bouche, dans les entrailles. Il y a des playes qui ne se guérissent qu'avec le _feu_. Le _feu_ actuel est un bouton de _feu_, un fer chaud. Un _feu_ potentiel est celui qui est enfermé dans les remédes caustiques comme les cauteres, & en quelques minéraux ou plantes corrosives. On dit aussi donner le _feu_ à un Cheval, quand on lui applique un bouton ou un couteau de _feu_ pour le guérir du farcin ou de quelques autres maladies. FEU. Se dit en termes de Lapidaires, de l'éclat, de la vivacité de quelque corps, de la lumiére qu'il jette ou qu'il refléchit. Un Diamant fin jette bien du _feu_, de l'éclat. L'Escarboucle est une pierre imaginaire qu'on dit jetter assez de _feu_ pour éclairer une chambre. Des yeux vifs & brillans jettent du _feu_. Les vers luisans, la pierre de Boulogne, le phosphore la nuit jettent du _feu_. On appelle couleur de _feu_ un rouge vif & foncé qui a l'éclat du _feu_. FEU. Se dit aussi de certains poils roux qui viennent autour des yeux des petits Chiens, qui les font beaucoup estimer par ceux qui en sont curieux. FEU. Se dit figurément en choses spirituelles & morales de la vivacité de l'esprit, de l'ardeur des passions. Cet Avocat a bien du _feu_, c'est un esprit tout de _feu_. Ce Poëte n'a point de genie, il n'eut jamais de _feu_. Le _feu_ brille par tout dans ses écrits. Il a l'ame échauffée d'un beau _feu_, d'un noble _feu_. On dit d'un homme en colere qu'il a les yeux tout en _feu_, que le _feu_ lui a monté au visage, qu'il jette _feu & flammes_, qu'il lui faut laisser jetter son _feu_. On dit aussi d'un homme amoureux qu'il brûle d'un beau _feu_, qu'il nourrit un _feu_ discret, un _feu_ caché sous la cendre, un _feu_ qui le devore. La bonne morale veut qu'on éteigne le _feu_ de la concupiscence. On dit aussi brûler d'un _feu_ divin, d'un _feu_ celeste, d'un amour divin. On dit en ce sens qu'il faut laisser passer le _feu_ de la jeunesse, ses emportemens. Le _feu_ se dit aussi du courage. On a du mal à soûtenir le premier _feu_, la premiére impetuosité des François. FEU. Se dit aussi des troubles, des séditions. Pendant les Guerres des Huguenots tout le Royaume étoit en _feu_. Des Prédicateurs séditieux mettoient le _feu_ par tout, le Roi a éteint enfin le _feu_ de la sédition. Quand on use en ces occasions de remédes violens, on dit qu'il y faut appliquer le fer & le _feu_. On dit au lansquenet que le premier Roi qui viendra fera _feu_, pour dire qu'il fera gagner ou perdre quelque coup notable. FEU. Se dit proverbialement en ces phrases. Un _feu_ à rôtir un bœuf, c'est un grand _feu_ de reculée. On dit aussi il n'est _feu_ que de gros bois. On dit des débauchez qu'ils font grande chere & bon _feu_. On dit aussi qu'un homme a mis le _feu_ à la cheminée, pour dire qu'il a mangé des viandes trop salées & trop épicées, & qu'il s'est mis le gosier, le palais en _feu_. On dit aussi c'est un _feu_ de paille, d'une émotion qui ne dure pas long-temps, d'une entreprise qu'on n'achevera point. On dit aussi faire du _feu_ violet pour dire faire quelque chose avec vigueur, ou éclat, à cause que le _feu_ de bois vert qui est le plus violent tire sur le violet. On dit encore le bois tortu fait le _feu_ droit. On dit d'un homme qui s'enfuit fort vîte, qu'il court comme s'il avoit le _feu_ au cul. On dit de deux personnes ennemies qui ne se sçauroient souffrir, que c'est le _feu_ & l'eau. On dit aussi dites-lui cela & vous allez chauffer au coin de son _feu_, pour dire allez lui reprocher cela en face. On dit d'une maison qu'on trouve en desordre, qu'il n'y a ni pot au _feu_, ni écuelles lavées. On dit d'un homme fort pauvre qu'il n'a ni _feu_ ni lieu, quand il n'a aucune retraite, aucune demeure assurée. On dit de celui qui n'a point voyagé, ni n'a point vû le grand monde, qu'il n'a jamais bougé du coin de son _feu_. On dit faire mourir quelqu'un à petit _feu_, pour dire le faire languir dans une longue attente d'une chose dont il a besoin. On dit que le _feu_ ne va point sans fumée, pour dire qu'il paroît toujours quelque signe au dehors d'une violente passion qu'on a dans l'ame, & qu'il y a toûjours quelque chose de vrai de ce qu'on dit publiquement. On dit encore mettre les fers au _feu_, en parlant d'une affaire, pour dire commencer à la remuer, ou s'y appliquer vigoureusement. On dit aussi, que le _feu_ est à une marchandise, pour dire, qu'il y a presse à l'acheter qu'on y court comme au _feu_. On dit mettre le _feu_ aux étouppes, mettre le _feu_ aux poudres, jetter de l'huile sur le _feu_, mettre le _feu_ sous le ventre à quelqu'un: pour dire l'exciter, l'encourager à faire quelque action, à laquelle il étoit déja porté d'ailleurs, animer sa colére, sa passion. On dit, qu'un homme se mettroit au _feu_ pour son ami, pour dire qu'il est prêt de le servir dans les choses les plus difficiles; & qu'il mettroit sa main au feu, son doigt au feu, quand il propose quelque chose dont il est trés-assuré: ce proverbe se dit par allusion à une coûtume qu'on avoit autrefois, de se purger d'une accusation par l'attouchement du fer chaud. Cunegonde femme de l'Empereur Henri de Baviére se purgea du soupçon que son mari avoit contre elle, en marchant les pieds nuds sur 12 socs de charruë ardens. FEU. Feuë. Subst. terme indéclinable dont on se sert en parlant des défunts, dont la mémoire est encore assez récente. Le _feu_ Roi se dit du Roi dernier mort; la feuë Reine. _Feu_ mon pere, mon oncle. Les Notaires de quelques Provinces disent encore au plurier _furent_ en parlant de deux personnes conjointes & décedées, ce qui marque que ce mot vient de _fuit_ & de _fuerunt_, néanmoins, Ménage prétend avec quelque apparence qu'il vient de _functus_, au lieu de _fato functus_. _S'il se trouve quelque conformité en cet endroit avec le Dictionnaire de l'Academie, le Lecteur n'en doit pas être surpris, puisque c'est le même Auteur qui en a fait le canevas, dont la minute qui est écrite de sa main peut faire foi. Ce mot qui apparemment se fera distinguer des autres, doit suffire pour faire cesser le reproche qui lui est fait de n'avoir pas voulu communiquer ses lumiéres à la compagnie, puis qu'il n'en a pas été chiche toutes les fois qu'on les a voulu recevoir._ FIEF _s. m._ Terre, Seigneurie, ou droits qu'un Seigneur dominant donne à un vassal à la charge de foi & hommage avec quelques redevances. Les fiefs n'étoient point connus dans le droit Romain, mais ils sont établis dans toutes les Coûtumes de France, & plusieurs tiennent qu'ils sont venus des Lombards. Pasquier soûtient le contraire & prouve par un passage d'Aimoin qu'ils étoient en usage en France dés le temps de Clovis. On possede en _fief_ non seulement des heritages, mais des droits incorporels, comme dîmes, champarts & autres redevances & même des Offices & dignitez. Ce mot est dérivé selon quelques-uns de _fœdus_ comme venant d'un traité & d'une Alliance faite avec le Seigneur; les autres de _fides_, à cause de la foi qu'on est obligé de porter & de garder à celui dont on releve; Bodin tient que le mot _fedum_ latin vient par la contraction de ces lettres initiales, _fidelis ero domino vero meo_, qui est une ancienne formule de la foi & hommage; Nicod tient qu'il vient de _felo_ Allemand signifiant la même chose; d'autres de _foden_ qui signifie _nourrir_, ou du saxon _feod_ qui signifie _stipendium_, le _fief_ étant une espéce de prébende pour vivre; on a commencé de se servir de ce mot sous Charles le Gros. Fief _dominant_ est celui à qui on doit foi & hommage; _fief_ servant, celui qui releve d'un autre _fief_, ou qui n'a sous soi que des rotures. Un _fief en nuesse_ ou de _Hautbert_, est celui qui reléve de la Couronne nuëment & immédiatement, ce qu'on appelle aussi de _nud à nud_, qui tient du Roi sa Seigneurie en plein _fief_, ce qu'on appelle aussi fief _chevel_. Fief _noble_, est celui qui est tenu en plein hommage, ou en pairie, ou en plein lige, où il y a Justice, Maison ou Château notable, motte, fossez ou autres signes de noblesse & d'ancienneté, on appelle les autres _fiefs_ ruraux & non nobles qu'on appelle quelquefois _fiefs restraints_ ou _abregez_. On a appelé aussi _fiefs roturiers_, des mairies, & _fiefs boursiers_ ou _boursaux_, des _fiefs_ acquis de bourse roturiére qu'on appelle en plusieurs lieux _coûtumiére_; les portions de _fief_ qui appartiennent aux aînez s'appellent aussi _Bourseaux_ en la Coûtume du grand perche. Franc fief, cette épithete est donnée aux _fiefs_, parce qu'ils ne doivent être tenus que par des personnes franches & nobles de race ou annoblies, qui sont franches libres & exemptes de tailles, aides & subsides, & on appelle _francs fiefs & nouveaux acquets_, la taxe qu'on fait tous les 30 ou 40 ans sur les roturiers, les Eglises, les Communautez & gens de main morte pour les _fiefs_ qu'ils tiennent, ou qu'ils ont acquis de nouveau, qui ne sont point amortis, afin qu'ils ne soient point obligez d'en vuider leurs mains; cette taxe se fait sur le pied du revenu de six années à l'égard des _fiefs_ qui sont tenus du Roi nuëment, & de trois ans à l'égard de ceux qui n'en relevent qu'en _arriére fief_. _Pied de fief_ est un fief dépecé & démembré dont il est fait souvent mention en la Coûtume de Tours. Fief de _danger_ est celui dont on ne peut prendre possession qu'aprés avoir fait la foi & hommage, & qu'on ne peut aliener sans le congé du Seigneur, autrement il est confisqué. Il y a des _fiefs_ à vie, d'autres qu'on appelle _fiefs morts_ qui sont des heritages tenus à rente seche, qui ne portent point de profit de cens, ni de rente fonciére. On dit, qu'un Seigneur de son domaine fait son _fief_ quand de son plein _fief_ il en donne une partie à un vassal pour en faire un _arriére fief_, & au contraire, que de son _fief_ il fait son domaine, quand il y réünit un _arriére fief_, ou quand il le retire par puissance de _fief_. Il y a aussi des _fiefs_ en régale, ou des fiefs de dignité comme étoit autrefois la charge de Connêtable que le Roi donnoit en _fief_, & dont on lui faisoit foi & hommage. Fief _en l'air_, c'est un _fief_ qui n'a point de Château ou principal manoir où les tenanciers soient obligez de venir faire les devoirs & payer les droits. Profit de _fief_, se dit des droits Seigneuriaux, comme quints & requints, rachats, laods & ventes qui se payent à chaque mutation des heritages ou _fiefs_ servans quand le _fief_ est ouvert ou vacant. On dit aussi qu'un Seigneur peut se joüer de son _fief_, pour dire le démembrer. Puissance de _fief_, est un droit Seigneurial qui donne pouvoir à un Seigneur de retirer & de prendre un heritage dépendant de lui, pour le même prix qu'il est vendu à un étranger, & non lignager de celui qui vend, ou du vassal. Commise de _fief_, c'est la dénégation que fait un vassal de tenir un _fief_ de son Seigneur, ce qui en emporte confiscation, d'où est venu ce proverbe qui _fief_ nie, ou _fief_ rogne, perd son fief. Arriére _fief_, est un _fief_ relevant d'un autre _fief_, lequel en a encore un autre au-dessus de lui. Fieffer. _v. act._ donner en _fief_ une terre, un droit à la charge de foi & hommage, & de quelque redevance. Fieffé, ée. _part._ un Officier, un Sergent _fieffé_, sont ceux qui dépendent d'un _fief_. Il y a quantité d'Offices _fieffez_ & hereditaires. On a appellé Tailleur _fieffé_, celui qui tenoit en foi & hommage du Roi le pouvoir de tailler les monnoyes de France. On dit aussi par injure & exaggeration, un coquin _fieffé_, une coquette _fieffée_, de ceux qui font profession d'être malhonnêtes gens ou qui sont galantes de profession. FOYER _s. m._ l'âtre de la cheminée d'une chambre où on fait le feu. Les Penates des anciens étoient appellez les Dieux des _foyers_. Ce mot vient du latin _foculare_. Ménage. Foyer se prend quelquefois pour la maison. Ce Gentilhomme a envoyé ses enfans à la guerre, & il est demeuré pour garder son _foyer_; cela se dit aussi des faineans ou poltrons qui ne veulent point s'éloigner du coin de leur feu. Foyer, en termes de Marine se dit des feux allumez au haut d'une Tour éminente pour donner la nuit par leur lumiére l'adresse aux vaisseaux, comme la Tour de Cordoüan sur la riviére de Bourdeaux, les lanternes de la Rochelle, de Boulogne, de l'Ecluse, le Phare d'Alexandrie, &c. On le dit aussi des feux, que ceux qui font le guet sur la côte doivent avoir pour faire des signaux. On appelle aussi _foyer_ dans les vaisseaux l'endroit où on fait le feu. Foyer en termes de Géometrie se dit des centres des ellipses, des paraboles & des hyperboles où aboutissent les réflexions des rayons qui tombent sur leurs surfaces, & d'où on tire des lignes qui ont de particuliéres proprietez amplement démontrées par Appollonius Pergeus dans ses sections coniques. Les Ellipses ont deux _foyers_ ou centres sur lesquels la figure est décrite, d'où les lignes qui sont tirées à quelque endroit que ce soit de la circonference égalent étant prises ensemble le grand Diametre. On appelle aussi _foyer_ dans les miroirs ardens, le point brûlant où se rassemblent les rayons soit par la réflexion, soit par réfraction à travers un verre de lunette quand il est taillé en sorte que les rayons soient convergens. Le foyer solaire est un rond ou cone de brillante clarté & fort vive qui se forme des rayons de lumiére brisez dans un verre sphérique & convergents qui aboutissent à un point brûlant. C'est une erreur de croire que ce _foyer_ soit justement au centre du verre qui a causé la réfraction, il ne va que jusqu'au tiers ou au quart du rayon. Il faut que la retine soit au _foyer_ du cristalin afin que la vision soit parfaite. En termes de Médecine on appelle _foyer_ le lieu où on croit qu'est le principe & le levain de la fiévre. Les fiévres tierces & quartes viennent de ce que la corruption des humeurs est faite en deux ou trois _foyers_ differents. FUGUE, _s. f._ Terme de musique, est une suite de consonances qui se chantent à deux parties, dont la premiere s'appelle _guide_ qui précede & montre le chemin à la seconde qu'on appelle _consequente_ ou _imitation_, _replique_, _redite_, _écho_, c'est à dire, qu'elle montre par quels degrez ou intervalles elle doit aller. La seconde commence à chanter par une notte qui est à la quinte ou à la quarte de la premiere notte. Lorsque la premiere notte de la consequente est à la quarte de la premiere de la _guide_, on l'appelle _fugue en diatessaron_, & quand elle est à la quinte _fugue en diapente_, & ainsi des autres. La _fugue grave_ se jouë dans la grande orgue sur le bourdon, prestant, trompette & clairon. La _contrefugue_ se fait lors que l'une des parties monte, & que l'autre descend par mêmes intervalles, comme quand la guide fait la, sol, fa, & la consequente fa, sol, la, &c. G. GALEASSE. _s. f._ c'est un Bâtiment de bas bord, le plus grand de tous les Vaisseaux à Rames. Elle a ses Rameurs sous couverte, & elle peut porter 20. canons avec une pouppe capable de loger un grand nombre de Mousquetaires: elle va à Rames & à voiles, & à trois Masts, Maestre, Misaine & Artimon qu'elle ne desarbore point: elle a 32. bancs & six ou sept Forçats à chacun, elle a trois batteries à proüe l'une sur l'autre de deux canons chacune, de 36, de 24. & de dix livres de boulet; elle en a deux à pouppe chacune de trois canons de 18. livres. Les seuls Venitiens ont eu jusqu'ici des Vaisseaux de cette espece. Guillaume de Tyr fait mention de Galeasses qui ont 100. bancs de Rames. GALEBANS. _s. m._ Terme de marine, ce sont deux cordages qui tiennent les masts de hune dans leur assiéte & qui secondent les aubans, on les appelle aussi _Galaubans_ & _Galans_. GALEE, en termes d'Imprimerie, est la planche qui sert à poser les lettres à mesure qu'elles sont arrangées par le Compositeur avant que de les imposer pour en faire les formes. GALIMATHIAS. _s. m._ Discours obscur & embroüillé où on ne comprend rien. On le dit aussi des affaires fort embarassées & des maisons qui sont en trouble & en desordre; le mari plaide contre sa femme, le fils contre le pere, c'est un Galimathias où on ne comprend rien. Ce mot vient de _Polimathie_ qui signifie diversité de sciences; à cause que ceux qui ont la mémoire chargée de plusieurs sortes de sciences, sont d'ordinaire confus & s'expliquent mal. GARDE. _s. f._ Terme de Guerre, de Chasse, &c. Défense ou conservation de quelque chose; Le Roi a commis la _garde_ de ce Château à un tel Capitaine: Cette Ville est de grande _garde_; Une fille à marier, de petits enfans, sont de difficile _garde_. On le dit aussi des gens qui sont préposez pour aider à cette _garde_; Il faut bien deux mille hommes pour la _garde_ de cette Ville. Les Academiciens sont exempts de guet & de _garde_. Garde, est aussi la faction ou la vigilance qu'on a dans le service pour la défense d'une Place; ainsi on dit, un tel Régiment est aujourd'hui de _garde_, entre en _garde_, monte, descend, réleve la _garde_, un Officier, un Sergent de _garde_. Un corps de _garde_ est un poste où on met plusieurs Soldats qui se relevent de temps en temps, & qui relevent aussi les sentinelles: il se dit non seulement du lieu, mais aussi des Soldats qui y sont postez pour s'y défendre, soit au Camp, soit dans la Ville. On dit chez les Grands, que des Officiers, des Pages, des Laquais sont de _garde_, pour dire qu'ils sont de jour, & obligez à être assidus au service de leur Maître, tandis que les autres se reposent. Grande _garde_, en termes de Guerre est un corps de Cavalerie composé de plusieurs Escadrons détachez à la tête d'un Camp pour résister quelque temps à l'ennemi, jusqu'à ce que l'Armée ait loisir de se mettre en ordre pour combattre. On dit aussi _garde avancée_ ou _garde folle_, celle d'un corps de 15 ou 20 Maîtres qui est au delà de la grande _garde_ pour avertir des approches de l'ennemi. On dit en termes de Palais, mettre à la _garde_ de quelqu'un, pour dire charger quelqu'un de la conservation du quelque chose: On a mis ce Prisonnier à la _garde_ d'un Huissier, pour dire qu'il sera tenu de répondre de sa personne. On a laissé tous les meubles saisis de cette maison, à la _garde_ d'un voisin qu'on en a chargé, qui a pris tout en sa _garde_. On a mis cette fille à la _garde_ d'une telle Dame. On dit aussi payer la _garde_ de quelque chose, pour dire le salaire qu'on donne à celui qui a eu le soin de la garder & conserver. On lui a taxé tant pour ses frais de _garde_. On appelle aussi lettres de _garde-gardienne_, des Lettres de privilége que le Roi donne à quelques personnes & Communautez, par lesquelles, il déclare qu'il les prend en sa _garde_ particuliére, & pour cet effet il leur assigne de certains Juges, par devant lesquels toutes leurs causes sont commises; anciennement c'étoit le Prévôt de Paris, & maintenant ce sont les Requêtes du Palais & de l'Hôtel. L'Université de Paris, l'Abbaïe de S. Victor ont des Lettres de _garde-gardienne_ attributives de Jurisdiction au Prévôt de Paris. Garde-_noble_, Terme de Coûtumes, est un droit que les peres & les meres nobles ont de joüir du bien de leurs enfans mineurs jusqu'à un certain âge, qui est de 20. ans pour les mâles & de 15. ans pour les filles en la Coûtume de Paris, sans être tenus d'en rendre compte: à la charge de les entretenir selon leur qualité, de tenir les bâtimens en bon état, & de païer toutes leurs dettes mobiliaires. En Normandie le Seigneur Feodal à la _garde-noble_ des orfelins de ses vaisseaux & de leurs Fiefs tenus de lui en hommage. Garde _Bourgeoise_ ou _roturiere_, est un droit ou privilége accordé aux Bourgeois de Paris par la Coûtume, qui est le même à l'égard des peres ou meres bourgeois, que celui de _garde-noble_ à l'égard des Gentilshommes. Garde, en termes des Eaux & Forêts, est une étenduë de païs, dans laquelle certains _gardes_ & Officiers sont commis pour l'a conservation des bois: Les grands Maîtres sont obligez par l'Ordonnance de faire leurs visites de _garde_ en _garde_. Garde, signifie quelquefois protection: Ainsi le Roi finit les Lettres qu'il écrit à ses sujets, priant Dieu qu'il vous ait en sa sainte _garde_: On dit aussi à ceux qu'on éconduit, allez vous-en à la _garde_ de Dieu. Garde, signifie aussi précaution, & on dit absolument prenez _garde_, ou prenez _garde_ à vous, à vôtre conduite: Il faut bien se tenir sur ses _gardes_ quand on a à faire à des méchans: Il faut se donner de _garde_ des surprises des chicaneurs: Il faut être toujours en _garde_ contre les tentations de l'Esprit malin: Je n'ay _garde_ de manquer au respect que je vous dois: On dit aussi, il n'a _garde_ d'être aussi brave que son aîné, pour dire il s'en manque beaucoup. Garde, signifie aussi considération. Vous ne prenez pas _garde_ que ce que vous dites fait contre vous: Quand on contracte il faut bien prendre _garde_ à ce qu'on dit, & à ce qu'on fait: Quand on juge, quand on fait des experiences, il faut prendre _garde_ jusqu'aux moindres circonstances, jusqu'aux moindres minuties: on dit aussi il faut toûjours être en _garde_ avec cet homme-là, pour dire qu'il est accoûtumé à tromper, à surprendre les gens: Cet avare prend _garde_ jusqu'à la moindre obole, il est exact à ne rien relâcher: Il ne faut pas prendre _garde_ à ce que dit un foû, un yvrogne, pour dire, s'en fâcher, y ajoûter foi, &c. Garde, en termes de négoce, signifie conservation, durée, en même état: Le vin est verd cette année, il sera de _garde_. Les fruits d'Eté ne sont pas de _garde_, il les faut confire pour être de _garde_: La mode de ces étoffes se passe; la _garde_ n'en vaut rien. On appelle chez les Joüeurs de Piquet une _garde_, certaine petite carte de même point que le Roi qu'ils ont en main & dont ils n'ont pas l'AS: On perd souvent une belle partie de Piquet pour avoir écarté sa _garde_: Une double _garde_, ce sont deux cartes de ce même point. Garde, est aussi une femme qui est attachée au service d'un malade, ou d'une femme en couche: Les pareins & mareines font un présent à la sage femme & à la garde. Garde, est aussi un terme d'escrime, & on dit être en _garde_ & se mettre en _garde_, pour dire se mettre en posture pour se défendre de son ennemi les armes à la main. Il y a quatre _gardes_ générales de l'Epée, que pour bien concevoir, il faut se représenter un cercle décrit sur un mur à plomb & divisé en ses quatre points cardinaux, de haut en bas & de droit à gauche: quand on porte la pointe de son Epée au point inferieur du cercle, avec le fort opposé au point superieur du même cercle, & le corps fort penché en avant, c'est ce qu'on appelle la _prime_ ou la _premiere garde_; la _seconde garde_ que plusieurs nomment _tierce_, mais improprement, se fait en portant la pointe de l'Epée au deuxiéme point du même cercle distant d'un quart du premier point, & montant à gauche, le fort de l'Epée tourné à droit en dehors, & le corps relevé à proportion: La _tierce_ ou la _troisiéme garde_ se fait en posant la pointe de l'Epée au point superieur du même cercle, qui est diametralement opposé à l'inferieur de la _prime_, & alors le corps, le bras, & l'Epée sont dans leur naturelle disposition, & dans le milieu des extrêmitez de leurs mouvemens: La _quarte_ se fait en portant la pointe de l'Epée au quatriéme point du même cercle, directement opposé à celui de la seconde, en descendant à droit à un quart de la tierce, le côté exterieur du bras & le plat de l'Epée étant tournez vers la terre, le corps étant hors la ligne à droit, & le fort de l'Epée vers la ligne à gauche: Il y a une _quinte_ & cinquiéme _garde_ qui n'est que le retour de la pointe de l'Epée à droit aprés la révolution de ce cercle, au point inferieur de la _prime_ d'où elle étoit partie & néanmoins avec une autre disposition du corps, du bras, & de l'Epée. Toutes ces _gardes_ s'appellent aussi _figures_ & _postures_; le centre de ces mouvemens doit être à l'épaule: En toutes ces sortes de _gardes_ il y en a de _hautes_ avancées, hautes retirées, hautes moyennes, quand elles sont posées devant la plus haute partie du corps, aiant le bras tout étendu, fort retiré, ou entre l'une & l'autre extrêmité: Les _gardes_ moyennes avancées, ou simplement moyennes sont celles où l'Epée est posée devant la partie moyenne du corps: Les _gardes-basses_ avancées, retirées, ou basses-moyennes sont celles où le bras & l'Epée sont avancez, retirez, ou entre les deux extrêmitez, & sont situez devant la partie basse du corps. Quelques-uns croyent que la principale _garde_ est celle de _prime_; les autres la _quinte_; d'autres avec plus de raison croyent que c'est la _tierce_, parce qu'elle est composée de lignes droites, qui sont plus aisées à défendre que les obliques comme sont du côté droit la prime & la seconde, & du côté gauche la quarte & la quinte. GARDE. Se dit aussi de la défense qui est auprés de la poignée d'une épée pour empêcher que la main ne soit offensée par l'ennemi. Une _Garde_ d'argent, une _Garde_ damasquinée. Il lui a enfoncé son épée jusqu'à la _Garde_. Il lui en a donné jusqu'aux _Gardes_. Il y a des _Gardes_ à branches & des _Gardes_ à ponte. Gardes. En termes de Venerie se dit des ergots du sanglier, ou des os de derriere les jambes proche les pieds, en Latin _apri calcaria_. En termes de Marchands on appelle _garde_ forte & _garde_ foible dans la Balance Romaine, des broches de fer qui passent à travers de la branche, où est attaché l'anneau qui soûtient la Balance. La foible est la plus éloignée, & la forte la plus proche du centre de la balance: celle-ci soûtient un plus grand poids que l'autre. Garde de peson sont des boucles qui sont attachées aux broches du peson. Gardes. En termes de Marine, ce sont les deux Etoiles les plus voisines du Pole Arctique, qui sont les dernieres du chariot de la petite Ourse, sur lesquelles si on éleve un triangle équilateral, sa pointe tombera justement sur le point du Pole; car c'est abusivement qu'on dit l'Etoile Polaire, parce qu'il n'y en a point précisément sur le Pole. Quelques-uns mettent trois _gardes_ au lieu de deux. Gardes. En termes de Serrurier sont de petites pointes ou lames de fer, qui sont tellement disposées pour entrer dans les dents ou les fentes du paneton de la clef, que pour peu qu'il y ait de changement la clef ne tourne plus: & quand on dit changer les gardes, c'est changer ces petites piéces de fer. Garde, _s. m._ Archer ou soldat détaché d'une Compagnie pour protéger quelqu'un, ou pour l'arrêter, ou pour veiller à ses actions. Les Maréchaux de France ont envoyé un _Garde_ à chacun de ces Gentilshommes qui se vouloient battre. On le dit aussi de tout le corps des Compagnies, des Régimens d'Archers ou de Cavaliers: & en ce sens on dit Capitaine des _Gardes_, de ceux qui commandent les Compagnies des _Gardes_ du Corps du Roi, & Capitaine aux _Gardes_, des Capitaines du Régiment des _Gardes_ Suisses ou Françoises. Un cadet aux _Gardes_. Les _Gardes_ de la Manche, les Chevaux legers de la _Garde_. On dit aussi les _Gardes_ d'un Prince, d'un Général, d'un Gouverneur. Les _Gardes_ de la Prévôté de l'Hôtel, du Prévôt de Paris. Les _Gardes_ du Sel, des Aides. Les _Gardes_ des Ports. _Gardes_ des pertuis, des riviéres, &c. Il est fait mention aussi dans les Coûtumes des _Gardes liges_, qui sont des vassaux qui sont obligez à garder le corps de leur Seigneur avec armes suffisantes. Les _Gardes_ de la Marine sont des Gentilshommes destinez à servir sur les vaisseaux, pour être auprés de l'Amiral, ou pour aider aux Officiers dans leurs fonctions. On appelle aussi _Garde_ celui qui a le soin de quelque chose. Le _Garde_ de la Bibliotheque du Roi. Le _Garde_ des Chartres. Le _Garde_ des Livres de la Chambre des Comptes. On appelle aussi dans les six Corps des Marchands les Maîtres & _Gardes_, ceux qui sont élûs de ces Corps pour être Jurez, & faire observer par les autres les Statuts & Réglemens de chacune de ces Communautez. Dans les Corps des Artisans il n'y a que des Jurez. Il y a aussi des _Gardes_ & _Contre-gardes_ des marais, îles & salines. Gardes. En termes des Monnoyes, ce sont des Officiers considerables & les premiers Juges des Monnoyes, dont les appellations ressortissent à la Cour; Il y en a deux établis dans chaque Hôtel, où on les fabrique. Leur institution est ancienne & auparavant l'an 689. comme il résulte d'un titre rapporté par Dargentré. Leur fonction est de veiller sur tout le travail de la Monnoye, à ce qu'il soit fait selon l'Ordonnance, de peser, rebuter & faire refondre les espéces trop foibles de poids & de loi, d'en tenir Registre & d'en faire des Procés verbaux, & de les envoyer à la Cour, avec les boëtes dans lesquelles ils enferment les piéces & échantillons pour être jugées. Garde _bois_. _s. m._ Sergent ou Archer commis à la garde des Forêts. Garde-_chasse_. _s. m._ Sergent ou Archer que le Roi ou les Seigneurs commettent à la _garde_ de leurs chasses. Garde _côte_. _s. m._ Vaisseau armé en guerre qui croise la mer le long des côtes pour la préserver de la pillerie des pirates, & escorter les vaisseaux Marchands. Il y a aussi sur terre des Capitaines _Garde côtes_ distribuez le long des côtes de la mer pour veiller à la conservation de la côte, & empêcher les descentes dans une certaine étenduë de Païs dépendante de leur Capitainerie. Les Capitaines _Garde côtes_ sont exempts de l'arriere-ban, comme il est porté dans la Nouvelle Ordonnance de la Marine. _Garde marteau._ Officier des Eaux & Forêts qui garde le marteau avec lequel on marque le bois qu'on doit couper dans les Forêts du Roi quand on fait des ventes. Le _Garde marteau_ assiste au jugement des procés, & y a voix déliberative, même y tient le Siege en l'absence du Maître & du Lieutenant. Garde. Se dit aussi de plusieurs Officiers de Justice, Monsieur le Garde des Sceaux est un grand Officier à qui le Roi commet la _garde_ de son Scel Royal quand il n'y a point de Chancelier, ou lors qu'il ne luy est plus agréable. Il y a aussi des _Gardes_ du petit Scel dans les Jurisdictions Royales, du nom desquels sont intitulez les Contrats qui se passent dans leur ressort. On appelle le Prévôt de Paris simplement _Garde_ de la Prévôté, à cause que c'est le Roi qui est le premier Juge & Prévôt, & pour cela il y a un dais au dessus du Siége du Prévôt de Paris, ou de son Lieutenant Civil; ce qui n'est pas même dans les Parlemens, sinon quand le Roi y va tenir son Lit de Justice. On l'appelle aussi _Garde_ & Conservateur des Priviléges de l'Université, des Foires, &c. _Garde rôle._ Est un Officier de Chancellerie qui garde les rôles des oppositions qui se font au Sceau à la résignation des Offices de ceux qui ont des créanciers. Il y en a aussi d'établis pour les rentes de l'Hôtel de Ville, qu'on appelle Conservateurs des hypotheques. Les _Garde rôles_ rapportent à Monsieur le Chancelier des Provisions des Offices, & les Conservateurs, des Lettres de ratification de la vente des rentes sur la Ville. _Gardenotte._ _s. m._ C'est la qualité que prennent les Notaires, qui se disent Notaires & _Gardenottes_ du Roi; c'est à dire, qu'ils gardent les minutes des contrats que les particuliers passent devant eux; qui originairement s'appelloient _Nottes_. _Garde-sacs._ Est un Greffier dépositaire & chargé des sacs & productions des parties; & particuliérement au Conseil, & dans les Parlemens. _Garde vaisselle._ Est un Officier chez le Roi qui a soin de la vaisselle d'or & d'argent. _Garde meuble._ Officier qui garde les meubles du Roi, dont on ne se sert pas actuellement: on le dit aussi du lieu où ces meubles sont conservez. Le _Garde meuble_ du Roi est la chose la plus magnifique qui soit au monde. _Garde-magazin._ Est un Officier d'un Arsenal; qui tient registre des poudres, canons, armes, provisions, & toute autre chose qu'on lui laisse en garde. _Garde._ Se dit aussi d'autres lieux & de ce qui sert à la conservation des autres choses. _Garde manger._ Lieu où on serre la viande & autres choses bonnes à manger, il se dit tant d'une petite chambre qui est à côté de la cuisine, que d'une armoire, ou même d'un grand bassin. _Garde robbe._ _s. f._ Petite chambre voisine de celle où on couche qui sert à serrer les habits & les hardes d'une personne, ou à coucher les valets qu'on veut avoir prés de soi la nuit. Dans les logis Bourgeois on appelle _garde robbe_ toute petite chambre qui accompagne une grande. _Garde robbe._ Chez le Roi & les Princes est un appartement où on met les habits du Roi & des Princes, & tout ce qui sert à leur personne, & où se retirent les Officiers qui y servent. On appelle aussi la _Garde robbe_ tous les Officiers qui y sont en fonction. La _garde robbe_ du Roi suit toûjours sa Personne. Le grand Maître de la _Garde robbe_. Les valets de la _Garde robbe_. Le premier valet de la _Garde robbe_. On le dit aussi des hardes & habits de la _Garde robbe_. A la mort de ce Prince, sa _Garde robbe_ fut estimée dix mil écus; Il donna sa _Garde robbe_ à ses Officiers. On appelle aussi _garde robbe_ un aisement, un privé. Aller à la _garde robbe_ c'est aller décharger son ventre. Ces pilules font aller deux ou trois fois à la _garde robbe_. Garde robbe. _s. m._ Tablier de toile que mettent les femmes de basse condition pour conserver leurs habits. Garde bonnet. C'est une coiffe de toile qu'on met sur le bonnet des enfans pour empêcher qu'ils ne le salissent. On appelle aussi _garde manches_, les fausses manches qui servent à même effet. Garde-infant. _s. m._ Grand vertugadin que portent les femmes Espagnoles sur les reins, & qu'on portoit il y a quelque temps en France, qui sert à empêcher qu'elles ne soient incommodées dans la presse; c'est une espéce de ceinture rembourée ou soûtenuë par de gros fils de fer, qui est fort utile aux femmes grosses. Gardes corps. En termes de Marine, sont de gros tissus fort épais faits de nattes ou de cordages tressez, qu'on étend avec les pavois sur le bord du vaisseau pour couvrir le soldat dans les combats de mer. Garde-feux. En terme de Marine, ce sont les boëttes où on met les gargouches. Gardefou. _s. m._ Petit parapet ou barriére que l'on met aux bords des lieux ou passages élevez pour empêcher qu'une personne tombe, comme sur les ponts, quais, chaussées & terrasses des tours ou des bâtimens. Garde feu. _s. m._ Grilles, ou barres de fer qu'on met à une cheminée, pour empêcher que les enfans ne tombent dans le feu. Garde boutique. Se dit chez les Marchands, de la marchandise frippée & hors de mode, qu'il est difficile de vendre & qui demeure long-temps dans la boutique. Avant-garde. Arriére-garde. Contregarde. Sauve-garde. Mégarde, seront à leur ordre. GAUDE. _s. f._ Drogue de Teinturier qui teint en jaune, c'est une plante qu'on seme dans des terres legéres en Mars ou en Septembre. La Gaude la plus menuë & roussette est la meilleure. _Gauder._ _v. act._ Teindre une étoffe avec de la Gaude. Les bleus teints en indigo doivent être gaudez, & deviennent verds. GENETTES. _s. f._ Ce sont des animaux qui ressemblent en grandeur aux chats d'Espagne, ou à des fouïnes, qui ont un nez long & menu, le col & le corps grêles & souples, dont les peaux échauffées sentent comme des Civettes ou du Musc. Quelques-uns les appellent _Chats d'Espagne_; d'autres croyent que c'est la petite _Panthére_ d'Oppian. Cet animal est plus petit qu'un Renard, quelquefois il est roux & a des taches noires. Voyez sa figure dans Jonston, chap. 12. liv. 3. tom. 2. On en trouva quantité de peaux dans le camp d'Abderama, lors de la grande victoire que Charles Martel obtint contre lui, en mémoire de laquelle fut établi le premier Ordre de Chevalerie qu'on ait vû en France, qu'on appella du _Genet_. Cette peau est extrêmement noire, luisante comme un satin & marquetée de rouge. GIRON. _s. m._ Espace qui est depuis la ceinture jusques aux genoux, il se dit particuliérement des femmes & du tablier qu'elles portent, & sur tout quand elles sont assises. Elle a toûjours un enfant, un petit chien sur son giron. Cette païsane a apporté des champignons plein son _giron_, pour dire plein son tablier. Ce mot vient de ce que les habits longs s'élargissans par en bas, & se retrecissant par en haut, forment vers la ceinture une espéce de _giron_ d'Armoiries, ou de triangle, à l'endroit que les Latins appelloient _gremium_; les Italiens appellent encore _gheroni_, les _girons_ des habits: & c'est un proverbe parmi eux, que ce qui ne va pas aux manches, va au _giron_, pour dire que ce qui ne sert pas à un usage, peut servir à un autre. _Giron._ Se dit figurément de l'Eglise, & on dit qu'un huguenot, un apostat est revenu au _giron_ de l'Eglise: pour dire s'est converti & a reconnu sa faute. _Giron._ En Architecture est la largeur de la marche d'un escalier, ou le lieu où on pose le pied; Il se dit particuliérement des marches d'une vis d'escalier qui vont en tournant & qui sont plus larges par un bout que par l'autre. _Giron_ ou _guiron_. Terme de Blason, c'est une figure triangulaire qui a une pointe longue faite comme une marche d'escalier à vis, & qui finit au cœur de l'Ecu. On voit des Ecus qui ont six, huit, dix, douze & jusqu'à seize _girons_ qui se joignent par leurs pointes à l'abysme de l'Ecu; ils sont alternativement de métail & de couleur. _Gironné. ée._ Terme de Blason qui se dit d'un Ecu divisé en plusieurs _girons_; quand il est gironné de huit on l'appelle absolument _gironé_; D'autres l'appellent parti, coupé, trenché & taillé, parce qu'il est fait par ces divisions de l'Ecu; y ayant quatre girons qui forment un sautoir, & les quatre autres une croix; Quand il y a plus ou moins de girons, il en faut exprimer le nombre. GNOMON, _s. m._ Est le style qu'on met sur les Cadrans pour marquer les heures. _Gnomon._ Signifie aussi cette petite aiguille de cuivre qu'on met au centre d'un petit cercle polaire sur le méridien d'un globe, & qui a le même mouvement que l'axe. _Gnomonique._ _s. f._ Science qui fait partie des Mathématiques; Elle enseigne à faire toutes sortes de Cadrans au Soleil & à la Lune pour connoître les heures par le moïen des ombres, & d'un _gnomon_ ou style qui les marque: on y décrit tous les autres cercles de la Sphére si on veut. Clavius a fait un Livre in folio de la _Gnomonique_, qui comprend tout ce qu'on peut sçavoir sur les Cadrans. Sebastien Munster a fait un traité fort joly de la _Gnomonique_. On a aussi écrit de la _Gnomonique_ speculaire. Elle enseigne l'art de faire des Cadrans qui marquent l'heure par la réflexion de la lumiére sur toutes sortes de surfaces. GONFANON. _s. m._ Terme de Blason; quelques-uns disent _confaron_, ou _gonferon_, ou _gonfalon_: c'est une forme de Banniére d'Eglise à trois ou quatre _fanons_, ou piéces pendantes & aboutissantes non pas en quarrez comme les Banniéres, mais en pointes mousses & à demi rondes, dont les plus usitées sont à trois pendans, & quelques-unes bordées & frangées d'un émail different. Ce _Gonfanon_ étoit la Banniére de l'Armée Chrêtienne prise par Baudoüin Comte de Boulogne & d'Auvergne, frere de Geoffroy ou Godefroy de Boüillon, auquel elle avoit été envoyée par le Pape, comme au vray défenseur de l'Eglise contre les infidéles. Le _Gonfanon_ de l'Eglise de S. Pierre est de gueules à deux clefs d'argent passées en sautoir. Le Pape & d'autres Prélats ont donné des _Gonfanons_ à des Séculiers, en leur donnant le titre d'avoüez & de défenseurs des Eglises & des Abbayes. L'Eglise de Lyon a un _gonfanon_ rouge chargé d'un lyon d'argent qu'elle fait porter aux Processions. Le _Gonfanon_ est la marque des Eglises Patriarchales, qui le font porter devant elles quand elles marchent en Procession. Ce mot vient de ce que le _Gonfanon_ est composé de plusieurs piéces pendantes, dont chacune se nomme _Fanon_ de l'Allemand _Fanen_, qui signifie une piéce de linge ou d'étoffe & une banniére. On appelle aussi _Gonfanons_ d'Eglise des Baniéres qui se font pour certaines solemnitez & cérémonies, comme en celle de la Canonisation des Saints, que l'on charge des Armoiries des Papes, des Cardinaux Patrons, des Légats, des Evêques, & des Saints canonisez: Comme aussi des Ordres, Communautez ou Confrairies dont ils ont été membres, des Princes dont ils étoient sujets, ou qui ont fait le plus d'instance pour les faire canoniser. GONFANONIER ou _Gonfalonier_, _s. m._ qui porte l'Etandart de l'Eglise. Il vient du mot de _Gunt Fanonarius_, qui se trouve dans les Capitulaires de Charles le Chauve. _Ménage._ On a appellé aussi _Gonfanoniers_ les protecteurs que les Papes établirent dans les principales Villes du patrimoine de saint Pierre, depuis que les Empereurs s'éleverent contre l'Eglise, & perdirent la qualité de ses protecteurs. On a appellé aussi _Gonfanoniers_ de l'Eglise de saint Martin de Tours les Comtes d'Anjou, depuis que par leur soin le corps de saint Martin fut rapporté d'Auxerre en son Eglise. On appelloit aussi les anciens Comtes du Vexin _Gonfanoniers_ de l'Eglise de saint Denis en France, parce qu'ils portoient la Banniére, qui s'appelloit l'Oriflame. Les Ducs de Modéne, d'Urbin & de Parme, se glorifient de ce que ceux de leur famille ont possedé la charge de _Gonfanoniers_ de l'Eglise, & ils en portent le _Gonfanon_ dans leurs écus. Chez les Florentins il y a eu un Magistrat qu'on appelloit le _Gonfalonier_ de la Justice. A Lucques le chef de la République s'appelle aussi _Gonfalonier_. GRAIRIE. _s. f._ Terme des Eaux & Forêts, Partie d'un Bois qui est possedée en commun. Il en est fait mention en la plûpart des articles de la nouvelle Ordonnance des Eaux & Forêts. GRAIRIE. Est aussi un droit que le Roi prend sur les bois qui sont sur le trés-fonds d'autrui, à cause de la justice qu'il fait exercer par ses Officiers des Eaux & Forêts pour leur conservation, comme à Orleans on paye deux sols parisis d'une part, & dix-huit deniers d'autre pour ce droit, comme dit Chauffour. Ce droit est different selon les lieux. GROUPPE. _s. m._ Terme que les Peintres & Sculpteurs ont emprunté des Italiens, qui se dit d'une piéce de sculpture ou d'un endroit de tableau où il y a plusieurs figures assemblées qui ont quelque rapport ensemble d'hommes, d'animaux, ou de fruits. Il y a dans les Tuilleries un beau Grouppe de marbre. On dit aussi telle & telle chose font grouppe avec telle ou telle autre, quoi que ce soient des corps de differente nature. Il faut que dans un tableau toutes les figures soient divisées en deux ou trois grouppes, ou bandes. Il vient de l'Italien Groppo. GRIOTTE. _s. f._ grosse cérise à courte queuë plus douce que les autres & qui tire sur le noir; il y en a aussi quelques-unes qui sont aigres. On dit que ce mot vient du Grec _agrioti_, qui marque l'acidité de ce fruit. _Griottier._ _s. m._ Arbre qui porte les griottes. _Grip._ _s. m._ vieux terme de marine qui signifioit un petit bâtiment pour aller en course, comme aujourd'hui le Brigantin. Les Corsaires qui partent pour courir les mers, disent encore qu'ils vont au Cap de _Grip_. GUESDE. _s. f._ ou pastel, qui est la même chose. C'est une herbe semblable au Plantin, excepté qu'elle a ses feüilles un peu plus grosses & plus noires, & qu'elle a la tige de deux pieds de haut. Voyez Pastel. Elle est de grand usage chez les Teinturiers. Les anciens Bretons s'en peignoient le visage pour être plus terribles en guerre, comme témoigne Cesar; & Pline dit que les femmes en usoient de même en certains sacrifices. Ce mot vient du Latin _Guastum_, ou _Guasdum_, qui signifie la même chose, & qui est un vieux mot Gaulois, comme on infere du passage de Pline. On appelle encore _Vouede_ en Normandie le petit _Pastel_, ou _Guesde_. Il y a plus d'apparence que l'un de ces mots vient de la corruption de l'autre. On l'appelle aussi _Isatis_. Saumaise soûtient qu'il faut dire _guastum_, & non pas _glastum_, comme il est écrit communément dans les Livres. GUEUSE. _s. f._ Terme de Fondeur, est une grosse piéce de fer qui dans sa premiére fonte coule dans des Canaux triangulaires, & se forme en gros lingots du poids de trois, cinq, & jusqu'à six mil livres. On porte de là les gueuses à la Forge, ou à la Fonderie, où on les forge, & on les fend avec l'aide des moulins qui remuent un puissant marteau. En Latin on l'appelle _Sporca triangularis_. H. HAMAC. _s. m._ Terme de Relations. C'est un lit de cotton dont on fait grand trafic en toutes les Indes Occidentales. Pour s'en servir on le suspend à deux Arbres, & il garantit ainsi des Animaux farouches & des insectes. Les Caraybes sont si superstitieux qu'ils les travaillent avec grande cérémonie, ils mettent au bout du Métier des Pacquets de cendre, faute de quoi ils croyent que leur _Hamac_ ne dureroit pas: s'ils avoient mangé des figues quand ils ont un _Hamac_ neuf ils croyent que cela le feroit pourrir, & ils n'osent manger d'un poisson qui a de bonnes dents croyant que cela seroit cause que leur _Hamac_ seroit bien-tôt percé. On en a apporté plusieurs en France, où quelques-uns s'en servent. HAMADE, ou _Hamaide_, ou _Hameïde_, Terme de Blason. C'est une fasce de trois piéces alaisées qui ne touchent point les bords de l'Ecu: ces trois fasces paralelles ne font qu'une piéce de Blason qu'on appelle _Hamaïde_, de même que les Jumelles sont de deux piéces. On croit que ce nom vient de la Maison d'_Hamaide_ en Angleterre qui porta des Armes de cette sorte, qui sont selon Upton une étoffe découppée en trois piéces en forme de fasce, qui laisse voir par ses ouvertures une étoffe d'une autre couleur mise au dessous; d'autres croyent que c'est une clôture ou barriére quarrée & à jour de trois piéces, qui sert à fermer les chemins des hameaux pour empêcher le bêtail d'y entrer, ou d'en sortir, comme on en trouve quantité en Allemagne; d'autres que ce sont des barriéres de manége qu'on nomme en Turc _Atmeidan_; d'autres enfin disent que les _Hameides_ representent des chantiers qui supportent les Vaisseaux à mettre du vin, qu'en Flamand on appelle _Hames_, qui ont emprunté ce mot de _Hama_ ou _Hamula_, qu'on a dit dans la Basse latinité pour signifier vase & bouteille. HAMADRIADE. _s. f._ Divinité fabuleuse des Payens qu'ils croyoient présider aux Forêts, & être enfermée sous des écorces de chênes, comme témoigne le mot _drys_ qui signifie _quercus_, _chêne_. HANOUARDS. Vieux mot qui signifie des Porteurs de Sel. Il en est fait mention dans la grande Ordonnance du Roi Jean du 30. Janvier 1350. c'étoient alors des Officiers dépendans de la Ville au temps que la Gabelle n'étoit pas encore établie en France. Il y a encore maintenant des Jurez Hanoüards qu'on nomme simplement _Porteurs de Sel_ établis pour le porter du bateau au Grenier, & du Grenier aux maisons des Bourgeois. HANSIERE. _s. f._ Terme de Marine. Est un gros cordage que l'on jette aux chalouppes & aux bâtimens qui veulent venir à bord d'un autre Vaisseau: Elle sert aussi pour remorguer les vaisseaux & les tirer sur la terre aprés y avoir fait porter un ancre. Elle signifie aussi le cable du plus petit ancre & celui dont on amarre l'esquif. On appelle collier de hansiere une corde ou sangle pendante en écharpe du col de ceux qui halent ou qui tirent. HARO. _s. m._ Terme de la Coûtume de Normandie. C'est un cri qu'on fait en Normandie lors qu'on trouve sa partie & qu'on la veut mener devant le Juge; car alors elle est obligée de suivre celui qui a crié _Haro_ sur elle, & l'un & l'autre demeurent en prison, ou en la maison du Juge, jusqu'à ce qu'il ait prononcé sur leur different du moins par provision. _Haro_ sur toi & sur ta bête. Les Lettres de Chancellerie portent ordinairement, nonobstant _clameur_ de _Haro_, Chartre Normande & autres privileges à ce contraires. Le _Haro_. Est interjetté non seulement pour crime, mais aussi pour l'introduction de tous les procés, même en matiére beneficiale tant pour meuble que pour héritage; & les parties sont tenuës de donner respectivement caution, l'une de poursuivre, l'autre de défendre le _Haro_, aprés quoi la chose est sequestrée, & le jugement emporte l'amende, comme il est porté dans la Coûtume de Normandie. Ce mot vient de _Ha_ & _Raoul_, comme étant une invocation du secours du Prince pour défendre le foible contre le puissant, à cause que _Raoul_ étoit un grand Justicier qu'on regrettoit & qu'on reclamoit aprés sa mort quand on souffroit quelque oppression. D'autres disent que dés son vivant on crioit _à Raoul_, pour dire je t'assigne à comparoir devant _Raoul_; parce qu'il jugeoit lui-même les affaires de ses Sujets. D'autres croyent que ce mot vient de _Harouenna_ vieux mot François qui signifioit le lieu où se tenoit la Justice. Borel dit que d'autres dérivent ce mot de _Harola_ Roi de Dannemarck, qui l'an 826. fut fait à Mayence le grand Conservateur de la Justice. D'autres d'un mot Danois _aa rau_, qui signifie aide moi, depuis qu'un Roi de Dannemarck se fit Duc de Normandie. HARPAIL. _s. m._ Terme de Chasse, troupes de bêtes fauves, voyez Harde. HAUTBERT. _s. m._ Terme de Jurisprudence feodale. C'est un plein fief avec justice, mouvant immédiatement de la Couronne ou d'un Prince jouïssant des droits de Souveraineté, ou qui en releve de nud à nud, & sans moyen; on l'appelloit aussi fief chevel ou regalien selon Ragueau. Ce mot vient de _Halberk_ Saxon, qui signifie cotte de mailles, parce que le feudataire étoit obligé d'en porter une, lors qu'il alloit en guerre servir le Prince dont il relevoit, comme disent Spelman, Vossius, Mattinius & du Cange, qui disent aussi que les anciens l'écrivoient avec un K. ou un G; quelques-uns distinguent le Fief de _Hautbert_ qui étoit tenu immédiatement du Roi avec justice, de celui de _Hautbert_, qui étoit un Fief du moyen genre non Royal, qui n'avoit pas la haute Justice unie au Fief avec le droit & jouïssance des Armes; de sorte qu'il faut ajoûter au premier la qualité de plein Fief, ou de plein _Hautbert_. HAUTBERT. Est aussi un vieux mot François qui signifioit _haut Baron_; car _Bers_ signifioit Gentilhomme, & quand on disoit _haut Bers_, c'étoit à dire, haut & puissant Seigneur, comme on voit dans Villehardoüin, & quelques-uns prétendent que c'est de là qu'est venu le nom du Fief de _Hautbert_; En effet ces Barons possedoient les pleins Fiefs de _Hautbert_ mouvans de la Couronne, & il falloit quatre Fiefs de _Hautbert_, ou du moyen genre pour faire une haute Baronnie. HAUTBERGIER. _s. m._ Celui qui tient un Fief de _Hautbert_, qui est obligé d'accompagner son Seigneur à la guerre en cette qualité. Les Vassaux servoient autrefois leurs Seigneurs en qualité d'Ecuyers, de _Hautbergiers_, de Lanciers, d'Arbalestiers, &c. HAUTBERT. Est aussi une cotte de mailles à manches & gorgerin que portoient sur leurs Armes les Seigneurs de _Hautbert_, qui tenoit lieu de Haussecol, Brassars & Cuissarts. HAUTBERGEON. _s. m._ Signifie aussi bien que _Haubert_ une cotte de mailles. C'étoit une ancienne arme défensive en forme de cotte, qui venoit jusqu'à mi-jambes, dont les François furent inventeurs, comme témoigne Varron. Il est fait de plusieurs petits anneaux de fer, comme hameçons accrochez ensemble. Spelman dit qu'il vient d'un vieux mot François _hame_, _haim_, ou _hameçon_ & _crohet_, & de _Berg_ qui étoit une armure de chaînettes de fer entrelacées & l'une harpant l'autre. On l'a nommée aussi _halecret_ & _brigantine_ ou _brigandine_, parce que les voleurs s'en servoient; Nicod l'appelle aussi _Ecaille_, parce qu'elle étoit composée de certains ronds comme une Ecaille; & enfin on l'a appellée _Jaquedemaille_ qui est un _Haubert_ de coton. Ménage dit que _Hauberg_ arme vient de _alle_ qui signifie _tout_ en Allemand & de _Bergen_ qui signifie couvrir. Ce mot ne se dit plus qu'en cette phrase proverbiale, maille à maille se fait le _haubergeon_, pour dire qu'il faut faire les choses à loisir & les unes aprés les autres: ou bien qu'en faisant plusieurs petites épargnes on peut amasser beaucoup de bien. HELICE. _adj. & subst. f._ Terme de Géometrie & d'Architecture. C'est une ligne tracée avec inclination & en forme de vis autour d'un cylindre qui est toûjours également distante de son Axe. Un Escalier en _hélice_ est composé de marches gironnées qui sont attachées les unes sur les autres autour d'une piéce de bois ou de pierre Cylindrique qui sert de noyau. Cette ligne differe de la spirale en ce que la spirale est une ligne décrite en forme de vis autour d'un cone qui s'approche continuellement de son Axe. La vis d'Archimede n'est autre chose qu'un tuyau posé sur un cylindre en forme d'_Helice_. HELICE. En termes de Médecine se dit de tout le circuit de l'oreille de l'homme, comme qui diroit tour ou tortis. HELICE. Est aussi un nom qu'on donne à une constellation du Ciel qui est la grande Ourse, à cause qu'on la voit toujours tourner autour du pole dans un petit cercle, elle a 35. étoiles selon Ptolomée, dont il y en a 27. qui composent sa figure & 8. qui sont au dehors. Bajerus n'en compte que 32. mais Quepler dit y en avoir observé 56. Il y en a sept principales de la seconde grandeur en forme de chariot, ce qui l'a fait appeller de ce nom par le peuple. HOURDER. _v. act._ maçonner grossiérement. On dit qu'un mur est seulement hourdé, lors qu'il n'y a point encore d'enduit, qu'il est encore rude & inégal. On dit proverbialement qu'un homme est crotté & _hourdé_ quand il revient de ville salle & crotté comme un messager, ou _hourdé_ comme s'il avoit travaillé à la maçonnerie à _hourder_ un mur. HOURDI, ou lisse de Hourdi. Terme de Marine. C'est le dernier des baus vers la pouppe. HOURET. _s. m._ mauvais chien de chasse. Moliere raille en ses fâcheux un Chasseur qui chasse avec quelques _hourets_ galeux. HOURQUE, ou Houcre. _s. m._ Terme de marine. C'est un Vaisseau leger & plat de varengue dont se servent les Hollandois, qui est rond de bordage comme les flûtes ou fustes & masté comme un heu, ayant quelquefois un beaupré. Il est du port depuis 50. jusqu'à 200. ou 300. tonneaux. Il est facile à conduire & propre à louvoyer. On tient qu'il fut inventé par Erasme pour aller sur les canaux de Hollande; car il va à vent contraire en faisant plusieurs petites bordées sur des canaux étroits qui n'ont que quatre ou cinq longueurs du bâtiment. Ce mot vient de l'Espagnol _urca_, qui signifie la même chose. HYDROGRAPHIE. _s. f._ Ce mot par son Etimologie signifie seulement la description des eaux; mais dans l'usage ordinaire on entend la science qui apprend l'art de naviger, de faire les cartes marines, de conduire les vaisseaux & de connoître dans les voyages de long cours le lieu précis où on est; c'est de toutes les sciences celle qui approche le plus de la perfection, & il ne lui manque guéres que la connoissance des longitudes. Le Pere Fournier a amplement écrit de l'_Hydrographie_, & aprés lui le Pere _Deschales_. L'Ordonnance de la marine au titre huit, parle des Professeurs d'_Hydrographie_, qu'elle veut être établis dans tous les ports. HYDROGRAPHIQUE. _adj._ qui appartient à l'_Hydrographie_; des cartes _Hydrographiques_, c'est à dire, marines, ou dressées exprés pour les Pilotes. On y marque les rums des vents, les méridiens y sont paralelles les uns aux autres; on y marque aussi les basses, les rochers, & les bancs. Christophle Colomb étoit un homme qui gagnoit sa vie à faire des Cartes _Hydrographiques_, il se trouva héritier des mémoires d'un fameux Pilote nommé Alonso Sanchez de Huelva, Capitaine de Vaisseau, lequel par hazard avoit été poussé par une tempête en l'Isle de S. Dominique, & qui mourut chez lui au retour de son voyage; cela lui fit entreprendre la découverte des Indes Occidentales, qui lui réüssit. Cesar d'Arcons a enseigné la maniére de faire un vase qu'il appelle _Hydrographique_, par lequel il explique le flus & le reflus de la mer, & on y voit produire les mêmes mouvemens & régularitez qu'on a remarquez par toutes les mers suivant le sisteme qu'il en a donné dans son Livre du flus & du reflus de la mer. HYDROMANTIE. _s. f._ Divination qui se fait par le moyen de l'eau. Varron dit que l'_Hydromantie_ a été inventée par les Perses, & que Numa Pompilius & Pithagore s'en sont fort servis. HYDROMEL. _s. m._ Breuvage qui se fait avec de l'eau & du miel. L'_Hydromel_ vineux se fait avec de l'eau de pluye & du miel de Narbonne qu'on fait cuire & écumer jusqu'à ce qu'un œuf y surnage, & aprés que la liqueur qu'on en tire a été exposée au Soleil pendant 40. jours pour la faire bien fermenter, on y mêle du vin d'Espagne, & si on ne s'en sert que deux ou trois mois aprés, il aura alors un goût approchant de la malvoisie. On fait aussi de l'_Hydromel_ vineux sans y mettre du vin & en le laissant boüillir au Soleil: Les Polonois & les Moscovites en font leur boisson ordinaire. L'_Hydromel_ s'appelle en Grec _melicratum_, & en Latin _aqua mulsa_; il est appellé simple quand il n'y entre rien que de l'eau & du miel; & quand il y a beaucoup d'eau & peu de miel on le nomme _aqueux_, lequel se peut faire en tout temps; quand on y mêle quelques autres drogues on l'appelle _composé_, & on l'appelle _vineux_, quand sa force égale celle du vin, laquelle il acquiert non seulement par la grande quantité de miel qu'il reçoit; mais aussi par sa grande coction & insolation, & il ne se fait bien que durant les grandes chaleurs de l'Eté. HYDROPHOBIE. _s. f._ Terme de Medecine qui signifie crainte de l'eau. C'est un Symptome qui arrive aux malades mordus de bêtes enragées; de sorte qu'on appelle aussi la maladie de la rage _Hydrophobie_. HYPOCONDRE. _s. m._ Terme d'Anatomie, qui se dit proprement de chaque côté de la region Epigastrique ou superieure du bas ventre. Ce mot est Grec, & signifie sous les cartilages des fausses côtes. En l'_Hypocondre_ droit est situé presque tout le foye, au gauche la rate & la plus grande portion du ventricule ou de l'estomac: quelquefois Hyprocrate a appellé _Hypocondre_ tout le ventre inferieur. HYPOCONDRIAQUE. _adj. m. & f. & subst._ qui est travaillé des vapeurs & fumées qui s'élevent des _Hypocondres_ qui troublent le cerveau, d'où vient qu'on appelle visionaire, un foû mélancolique un _Hypocondriaque_, un foû par intervalles. HUCHE. _s. f._ grand coffre de bois dans lequel les Bourgeois & les Païsans paîtrissent le pain. HUCHE. Se dit aussi d'un coffre qui est dans la dépense où on serre le pain & autres choses qui servent sur la table. HUCHE de Moulin est un coffre de bois, dans lequel tombe la farine mouluë en sortant de dessous la meule. En quelques lieux on le dit aussi de la tremie où se met le grain pour le faire tomber sur la meule petit à petit. HUCHE. Terme de Marine. On appelle un navire en _Huche_ celui qui a la pouppe trés-haute. HUCHER. _v. act._ vieux mot qui signifioit autrefois _appeller_, il n'est plus en usage que dans les Provinces. Nicod dérive ce mot du Latin _heus_; mais Ménage prétend qu'il vient par corruption du mot de _vocare_ qui signifie _appeller_, ou de _levare huescum_ qui signifie _acclamare_. I. IADE _s. m._ Pierre verdâtre tirant sur la couleur d'olive, qui est estimée à cause de sa dureté étant beaucoup plus dure que le Porphire, que l'Agathe, & que le Jaspe. Il est fort en estime chez les Turcs & les Polonois qui en ornent toutes sortes d'ouvrages, & sur tout les manches de leurs Sabres, qu'ils font graver & remplir d'or fin; on en fait même des vases, il y en a de deux ou trois verds differents: les Cabinets des curieux sont pleins de Cimeterres, de couteaux emmanchez de _Iade_. On tient que le _Iade_ appliqué sur les reins préserve de la colique nephretique. JALAP. _s. m._ Terme de Pharmacie, est une plante qui croît dans la nouvelle Espagne, & est une Racine moindre en grosseur que le Méchoacan, de couleur plus obscure en dehors, & de substance plus pesante, plus compacte & plus résineuse, on l'apporte en roüelles seches. JAQUEMAR. _s. m._ Terme d'Horloger, est un homme de fer qu'on met sur les Horloges avec un marteau à la main pour frapper les heures: on l'a ainsi appellé du nom de l'ouvrier qui en a été inventeur, qui s'appelloit _Jacques-Marc_. Quand on dit armé comme un Jacquemar, cela vient de Jacques-Marc de Bourbon, Troisiéme fils de Jacques de Bourbon Connêtable de France sous le Régne du Roy Jean: c'étoit un Seigneur fort brave & vaillant qui se trouva en toutes les occasions les plus dangereuses de Guerre & de Tournois; mais qui pour donner bon exemple & se moquer des fanfarons, étoit toûjours armé à l'avantage, disant que les armes n'étoient faites que pour cela, & dés-lors on appella Jaquemars tous ceux qu'on voyoit armez de pied en cap. JAVART, _s. m._ Terme de Manége, maladie de Cheval, c'est une petite tumeur qui se résout en apostume ou bourbillon qui se forme au paturon sous le boulet & quelquefois sous la corne. Un _Javart_ nerveux est celui qui vient sur le nerf, & Javart encorné est celui qui vient sous la corne. Il faut dessoler le plus souvent un Cheval, quand il a un _Javart encorné_. JAVEAU, _s. m._ Terme d'Eaux & Forêts. Isle faite nouvellement au milieu d'une Riviére par alluvion, ou amas de limon & de sable. L'Ordonnance parle souvent des atterrissemens & _Javeaux_. ICNOGRAPHIE, _s. f._ Terme de Géometrie; C'est le plan ou la description d'une Forteresse, d'un Bâtiment ou d'une autre construction. Cette délineation est telle que le Bâtiment paroîtroit au rés-de chaussée, si on l'avoit rasé, on l'appelle autrement _section horisontale_. Cette description marque seulement les longueurs & les inclinations de leurs lignes ou de leurs angles & les épaisseurs des ouvrages, les élévations ne sont connuës que par le profil ou l'Orthographie. ILIAQUE, _adj. f._ Terme de Medecine, maladie qu'on appelle autrement _la colique de miserere_: les Medecins l'appellent _Voluulus_, c'est une obstruction des intestins grêles, qui ferme tellement le passage des excremens, qu'on les rend par la bouche en vomissant: Elle est ainsi nommée de l'intestin _Ileon_; quelques-uns l'appellent _entortillé_. En la passion _Iliaque_ la viande ne descend point en bas, & les clistéres ne montent point en haut. ILIAQUE, est aussi un nom qu'on donne à une veine ou vaisseau qui est un des rameaux du tronc descendant de la veine cave qui arrose les flancs, & qui se divise en autres souches & rameaux. La veine _Iliaque_ ou des flancs, a de part & d'autre cinq rameaux ou surgeons, l'adipeux, le Renal, le spermatique, le Lombaire & le Musculeux. IMPRIMERIE, _s. f._ l'art d'Imprimer, de tirer l'empreinte des caractéres qui servent de moule: L'Imprimerie est un art ancien dans la Chine, mais elle est bien differente de la nôtre: On est en doute de celui qui a inventé l'Imprimerie en Europe. Mantel Medecin de Paris, dans une Lettre écrite à Monsieur Naudé, prouve que ce fut Jean Mantel Bourgeois de Strasbourg qui l'inventa en 1442. du temps de Federic III. Empereur, & que Jean Guttemberg un de ses compagnons la transporta à Mayence où il s'associa avec Fauste & Scœffer, ausquels quelques-uns en ont faussement attribué l'invention; comme Munster, Polidore Virgile, Vignier & Pasquier aprés eux. L'Empereur Federic III. en l'an 1466. en faveur de cette invention donna à Jean Mantel pour Armes un Champ de gueules au Lyon couronné d'or, accollé d'un Rouleau Voltigeant d'Azur. Les premiers Livres imprimez qu'on ait vûs en Europe sont un _Durandus de Ritibus Ecclesiæ_ de l'année 1461. & une Bible de l'an 1462. la Cité de Dieu de Saint Augustin, & les Offices de Ciceron. Imprimerie est aussi tout l'attirail, les outils & instrumens qui servent à imprimer, comme les Presses, les Casses, le Plomb, les Chassis, &c. un tel Imprimeur est mort, son Imprimerie est à vendre. Imprimerie, est aussi le lieu où on imprime: Il est allé à l'Imprimerie du Louvre; On a mis bas en telle Imprimerie faute d'ouvrage: On dit aussi que l'Imprimerie ne va plus, pour dire que le trafic des Livres diminuë. On appelle Correcteur d'Imprimerie, celui qui est gagé pour revoir les Epreuves. INCESTE, _s. m._ crime qui se commet quand on a la compagnie charnelle de personnes qui sont parentes jusqu'à un certain degré prohibé par l'Eglise. Le second Concile de Latran, Session 51. a réduit au quatriéme degré de parenté la prohibition de contracter mariage, qui étoit autrefois étenduë jusqu'au huitiéme, à cause que le corps est composé des quatre Elemens, & de quatre humeurs: Toutes les Nations ont eu de l'horreur pour _l'Inceste_, Régnier a dit pourtant, _Charnellement se joindre avec sa Parenté; En France c'est_ Inceste, _en Perse charité_. Quelques-uns dérivent ce mot de Grec _Ceston_ qui étoit une Ceinture brodée que les maris détachoient quand ils vouloient consommer le mariage, disant qu'il a signifié d'abord toute conjonction illicite. _Inceste_ spirituel est un crime qui se commet de la même maniére entre des personnes qui ont une alliance spirituelle par le Sacrement de Baptême & de Confirmation. _Inceste_ spirituel se dit aussi en parlant du Beneficier, qui possede la mere & la fille; c'est à dire, deux Benefices, dont l'un dépend de la collation de l'autre, comme l'Abbaye de Cluni, & le Prieuré de la Charité; Un Inceste spirituel rend l'un & l'autre des Benefices vacans & impétrables. INCOMMENSURABLE, _adj._ Terme de Géometrie; Il se dit de deux lignes comparées l'une à l'autre, qui n'ont point de mesure commune quelque petite qu'elle soit; de sorte qu'aprés plusieurs repetitions & soustractions de parties égales, il en reste toûjours quelque partie, par laquelle l'une est plus grande que l'autre; Le côté d'un quarré est _incommensurable_ avec sa diagonale, comme démontre Euclide livre 10. Pappus liv. 4. Probl. 17. parle aussi des angles _incommensurables_, & pour les surfaces qui ne se peuvent pas mesurer par une surface commune, on les appelle _incommensurables_ en puissance. INDULT, _s. m._ Grace accordée par Bulles du Pape à quelque Corps ou Communauté, ou à quelque personne par un privilege particulier pour faire ou obtenir quelque chose contre la disposition du droit commun. L'_Indult_ des Rois est le pouvoir qui leur est donné de nommer aux Benefices consistoriaux, soit par un traité ou concordat, soit par une grace ou un privilege particulier. L'_Indult_ des Cardinaux est un privilege de pouvoir tenir des Benefices réguliers, aussi-bien que des séculiers, de pouvoir conferer en commende, ou la continuer; de ne pouvoir être prévenus dans les six mois, pour la collation des Benefices qui dépendent d'eux. Quelques autres collateurs ont aussi un Indult pour continuer la commende, pour conferer de Commende en Commende. _Indult_ plus communément se dit d'un droit ou privilege accordé par le Pape aux Conseillers du Parlement de Paris & Maîtres des Requêtes, de pouvoir obtenir le premier Benefice vacant à la nomination de chaque Collateur; Un Collateur ne doit être chargé de son vivant que d'un seul _Indult_. Un Chapitre ou autre corps, que d'un seul _Indult_ durant chaque Régne. Il faut avoir des Lettres de Chancellerie, pour placer son _Indult_, & se faire nommer sur un tel collateur. Le Pape Benoît XIII. envoya une forme d'_Indult_ à l'Université de Paris en l'an 1396. par lequel il lui permettoit de se nommer sur les Benefices des Diocesains, mais elle en negligea l'execution. _Indult_ se dit aussi de la permission qu'on donne à quelqu'un d'exercer la Médecine, sans donner lieu à la vacance des Benefices, il se dit aussi de plusieurs graces semblables. Les Marchands appellent aussi _Indult_ & bon passage, les droits & péages qu'ils payent au Roi d'Espagne. INCUBE, _s. m._ Démon qu'on s'imagine venir coucher avec les femmes & en abuser: Les Philosophes ont fait plusieurs dissertations sur la nature des _Incubes_, & s'il y en avoit effectivement. INCUBE, est aussi une maladie qui est causée d'une oppression d'estomac si grande qu'on ne peut respirer ni parler; elle se fait de nuit ordinairement: En cette maladie les sens ne sont point perdus, mais étonnez, endormis & hebetez, aussi bien que l'entendement & l'imagination, ce qui fait croire au patient que quelque ennemi se vient ruer sur lui ou le sollicite à luxure. Les enfans sont sujets à l'_Incube_ aussi bien que les personnes grasses & les gens de Lettres, dont l'estomac a de la peine à faire la digestion, l'_Incube_ est cousin germain de l'Epilepsie & de l'Apoplexie; car s'il dure long-temps il dégénére en l'une ou l'autre de ces maladies: Ce mot vient du Latin _Incubare_, qui signifie se mettre sur quelque chose & la presser; les Grecs l'ont nommée Ephialtes, c'est à dire, le sauteur ou celui qui se ruë sur quelqu'un, le vulgaire l'appelle _Cauchemar_. INFEODER, _v. act._ donner en Fief, à foi & hommage; infeoder des heritages, c'est les unir à son Fief. INFEODÉ, _ée_. _adj._ donné en Fief, ou uni au Fief. Dîmes inféodées. Jean du Luc en son Recueil d'Arrêts attribuë la premiére invention des Dîmes _inféodées_ à Philippes Auguste, mais Pasquier prouve qu'il s'abuse, parce que deux ans auparavant qu'il régnât, elles avoient été condamnées comme usurpations au Concile de Latran: Elles furent introduites lors qu'on entreprit le premier voyage d'outre-mer, car alors les Curez firent present à leurs Seigneurs de partie de leurs Dîmes pour leur aider à faire ce voyage; Elles n'étoient d'abord que viageres, mais depuis les Seigneurs se les appropriérent tout à fait. INSOLATION, _s. f._ Terme de Pharmacie. C'est une préparation de Remédes, ou de fruits qui se fait en les exposant aux rayons les plus ardens du Soleil, soit pour les secher, soit pour les cuire, soit pour les aigrir, comme on fait le vinaigre rosat, les figues, les pruneaux, &c. IRIS, _s. f._ Les Philosophes le font masculin: Arc en Ciel qui se fait par la réflexion de la lumiére dans une nuée pluvieuse: L'_Iris_ se fait par réflexion des rayons du Soleil avec deux réfractions de suite dans une même goutte de pluye, ce qui a été remarqué par Jean Fleischer de Breslaw, dés l'année 1571. & par A. de Dominis Italien en 1611. en quoi ils ont prévenu M. Descartes qui a expliqué l'Arc en Ciel interieur par deux réfractions & une réflexion, & l'exterieur par deux réfractions & deux réflexions sur une même goutte d'eau: On peut voir deux ou trois _Iris_, quand il y a des nuées de differente élevation: Deux personnes qui sont éloignées l'une de l'autre, ne voyent pas la même _Iris_, parce qu'elle change selon la situation de l'œil qui la regarde, selon les angles par lesquels la lumiére est reflêchie. L'_Iris_ fut montrée à Noé en signe de paix aprés le Déluge. Il se fait aussi des _Iris_ dans des prismes ou verres triangulaires, dans des phioles pleines d'eau, dans des jets de Fontaines: On voit même des _Iris_ renversées, dont les causes sont fort bien expliquées dans la Dioptrique & les Méteores de Descartes. IRIS, En termes de Medecine se dit d'un cercle qui est autour de la prunelle de l'œil qui est de differentes couleurs, tantôt noir, tantôt bleu, tantôt verd, &c. qui est sur une peau ou tunique de l'œil qu'on appelle _Rhagoide_, ou _vuée_. IRIS, Est aussi une divinité fabuleuse des anciens que les Poëtes ont feint être la Messagere de Junon: Virgile dit qu'elle fut envoyée pour couper quelques cheveux à Didon pour faire un Sacrifice à Proserpine, afin qu'elle mourût plus facilement. IRIS, Est aussi une fleur marécageuse qui imite en quelque façon les couleurs de l'_Iris_, bleuë, blanche & jaune, on l'appelle vulgairement flambe: Il y a des _Iris_ d'Angleterre, de Florence, de Portugal, de Suse, &c. Sa racine est odoriferante, & quand elle est broyée on la mêle avec de la poudre qu'on appelle poudre d'_Iris_. Si on en fait tremper dans du vin tandis qu'il bout, cela lui donne un goût & une odeur agréable. IRIS de Perse, est une fleur précoce qui fleurit sur la fin de Février: sa racine est insipide & bulbeuse en forme d'une petite poire: Sa tige est d'un verd blaffard, blanche par le bas, d'un bleu lavé par le haut: Sa fleur est blanche avec quelque teinte de bleu, rayée & tachée d'orangé & de violet fort enfoncé. Elle a neuf feüilles, six grandes & trois petites: Sa fleur laisse à l'entour d'elle un limbe blanc, & du reste est semblable aux autres _Iris_. On trouve sa figure dans les mémoires de l'Academie des sciences. IRIS, Est aussi une pierre qu'on met au rang des précieuses & des opales, quoy qu'elle ne soit pas d'extrême valeur, laquelle étant exposée au Soleil renvoye un lustre & une lumiére de diverses couleurs. Boëce la met au rang du cristal, à cause qu'elle naît comme lui avec six faces, on la tient pourtant pour Orientale, & Pline dit qu'elle vient de la mer rouge: Sa couleur est un gris-de-lin fort transparent dans lequel il paroît du rouge. ISCHION, _s. m._ Terme de Medecine, c'est un nom qu'on donne à la derniére partie de l'os anonyme qui est au bas de l'épine du dos, dans lequel il y a une profonde cavité qu'on nomme _Cotyle_, _Acetabule_, ou _Emboëture_, pour recevoir la tête de l'os de la cuisse: il a une apophyse de cartilage qui comprend cette tête & on la nomme _Sourcil_, cet os avec ses autres parties & l'os sacré, font le bassin qui contient la vessie, la matrice & les intestins. ISCHURIE, _s. f._ Terme de Medecine, c'est une maladie où il arrive une entiére suppression d'urine causée d'astriction, ou d'obstruction de la vessie, ou des deux ureteres: ce mot est Grec & composé du verbe _Ischo_, id est _Sisto_, & de _Ouron_, urina. ISOSCELE, _adj._ Terme de Géometrie: Triangle qui a deux côtez égaux, & par consequent ses deux angles sur sa baze, sont égaux: Triangle, Rectangle Isoscele. JUMART, _s. m._ Bête de somme engendrée d'un Taureau & d'une Cavale, qui porte la charge d'un Mulet, & qui marche lentement. JUSSANT, _s. m._ Terme de Marine. C'est le reflus ou descendant de la marée quand la mer refoule: On l'appelle aussi Ebe. L. LABORATOIRE. _s. m._ terme de Chymie. C'est le lieu où les Chymistes font leurs operations, où sont leurs fourneaux, leurs drogues, leurs vaisseaux. Le Roy a deux beaux _Laboratoires_, l'un à sa Bibliotheque, l'autre à son Jardin des Plantes; on y enseigne la Chymie. LAIE. _s. f._ terme de Chasse, la femelle d'un sanglier, ainsi nommée, parce que les Chasseurs la laissent pour faire des petits, ou de ce qu'on la laisse parmi des arbrisseaux qu'on appelle _lais_. On les distingue selon leurs âges, en jeunes, grandes & vieilles. LAIE en termes de Forêtier, est une route coupée dans une forest. Il est permis aux Arpenteurs de faire des _laies_ de trois pieds pour porter leur chaîne, quand ils en ont besoin pour arpenter ou marquer les coupes. L'Ordonnance défend aux Gardes d'enlever le bois qui a été abattu pour faire des _laies_. LAIE en termes de Maçonnerie, est un marteau de Tailleur de pierre, brettelé & dentelé, qui laisse sur les pierres taillées des rayes ou brettures, qui s'appellent aussi _laies_. LAIER. _v. act._ faire des routes dans une forest. LAIER signifie aussi, marquer les Lais, ou bois à réserver dans la coupe des taillis. LAIER signifie aussi, tailler une pierre avec une laie. LAIS. _s. m._ jeune bailliveau de l'âge du bois, qu'on laisse quand on coupe le taillis, afin qu'il revienne en haute fûtaye. Toutes les Ordonnances sur le fait des Eaux & Forêts enjoignent de laisser par chacun arpent 16. bailliveaux de l'âge du bois, qu'on nomme des lais, outre les autres bailliveaux anciens & modernes. LAMANEUR. _s. m._ Terme de Marine, pilote ou marinier qui fait le _lamanage_: c'est un homme qui réside dans un port, qui en connoit les entrées & les issuës, & qui conduit les vaisseaux étrangers dans les rades ou dans les ports, lorsque les parages sont dangereux & sont inconnus à ceux qui y abordent. On les appelle aussi _locmans_, ou _lormans_, ou _lomens_. Le titre 3. du 4. Livre des nouvelles Ordonnances de la Marine contient les réglemens faits pour les pilotes _lamaneurs_, ou _locmans_. Ils doivent avoir 25. ans pour être reçûs, aprés un rude examen en la Justice de l'Amirauté, où on leur taxe leur salaire; & si le vaisseau qu'ils conduisent, échouë par leur ignorance, ils sont condamnez au foüet, si c'est par malice, ils sont pendus à un mast. Les _lamaneurs_ sont aussi des pilotes de riviéres vers leurs emboucheures, qu'on louë pour éviter les bancs, secques, syrtes & autres dangers, parce que l'Ocean & les eaux d'amont les font changer de place presque tous les ans, & sur tout vers Roüen, où il y a des _lamaneurs_ jurez de deux lieuës en deux lieuës. Luitprandus dit que ce mot vient de _lomen_, ou _guide_; d'autres disent que _lamaneur_ est dit _quasi laborans manu_, à cause qu'il se sert souvent de cordes, crocs, harpins & avirons pour mettre un vaisseau en rade ou en furin. LANTERNE. _s. f._ vaisseau fait de matiére transparente servant à conserver la lumiére qu'on transporte, ou qui est exposée au vent & à la pluye. _Lanterne_ de verre, de corne, de papier, de talc, de toile. On taxe pour les _lanternes_ qu'on met la nuit dans les ruës. La _lanterne_ d'Epictete fut venduë autrefois 3000. dragmes. La _lanterne_ de Diogene étoit une piéce curieuse chez les Anciens. La _lanterne_ de Judas se garde au Tresor de Saint Denys comme une piéce curieuse & antique. On fait commandement aux Bourgeois de mettre des _lanternes_ aux fenêtres dans les réjouïssances publiques. _Lanterne_ sourde est une _lanterne_ de fer blanc ou noirci, qui n'a qu'une ouverture, qu'on ferme quand on veut cacher la lumiére, & qu'on presente au nez de ceux qu'on veut voir, sans qu'on en puisse être apperçû. On appelle soufflets à _lanternes_ ceux qui representent une _lanterne_ de papier dont l'ais superieur quand on le leve, demeure paralelle à l'inferieur. LANTERNE en termes de Guerre, c'est un instrument pour prendre la poudre, & en charger le canon: elle est faite en forme d'une longue cuillier ronde, & est attachée au bout d'un bâton. LANTERNE en termes d'Orfévres, est la partie d'une crosse d'Evêque ou d'un bâton de Chantre, qui est grosse & à jour, qui en quelque façon represente une _lanterne_. Les crosses & bâtons d'argent doivent être contremarquez aux vases, fonds de _lanterne_, dômes, douïlles & croisillons, suivant les Statuts des Orfévres. LANTERNE est aussi une construction de charpente qui se met au plus haut des dômes & des pavillons, où il y a d'ordinaire quelques fenêtres pour leur donner plus de jour. LANTERNE est aussi un petit cabinet de menuiserie qu'on éleve dans quelques auditoires, pour placer quelques personnes qui veulent écouter sans être vûës. Il s'étoit glissé dans la _lanterne_ de la Grand'Chambre, quand on rapportoit son procés. LANTERNE de _moulin_ est un certain pignon à jour fait en forme de _lanterne_, qui est composé de deux tourtes, ou piéces de bois rondes, au bord desquelles sont dix fuseaux où s'engrenent les dents de la rouë interieure du moulin qui fait tourner les meules. LANTERNE _magique_ est une petite machine d'Optique, qui fait voir dans l'obscurité sur une muraille blanche plusieurs spectres & monstres si affreux, que celui qui n'en sçait pas le secret, croit que cela se fait par magie. Elle est composée d'un miroir parabolique qui refléchit la lumiére d'une bougie, dont la lumiére sort par le petit trou d'un tuyau, au bout duquel il y a un verre de lunette, & entre-deux on y coule successivement plusieurs petits verres peints de diverses figures extraordinaires & affreuses, lesquelles se representent sur la muraille opposée en plus grand volume. Le premier qui a enseigné la construction de la _lanterne magique_ est _Swenterus_ en son Livre _Deliciæ Mathematicæ_. Les Peres Kirker & _Kestlerus_ Jesuites en ont aussi écrit, & avant tous Roger Bacon Anglois en avoit donné quelque idée. LANTERNES au plurier se dit des discours, des choses de néant. Tout ce que vous me dites, ce sont des _lanternes_, je n'y aurai point d'égard. On dit proverbialement en parlant d'un sot & d'un crédule, qu'on lui feroit croire que des vessies sont _lanternes_, & que les nuées sont poëles d'airain. LATITUDE. _s. f._ terme de Géographie. C'est la distance de l'Equateur au Zenit ou point vertical de quelque Ville ou autre endroit de la terre, qu'on compte sur les degrez du Meridien: on la nomme autrement l'élevation du Pole sur l'Horizon. Les paralelles de l'Equateur sont appellez Cercles de _latitude_, à cause qu'ils la marquent par leur intersection avec le Meridien. Paris a 48. degrez 50. minutes de _latitude Boreale_, ou Septentrionale, ou d'élevation de Pole. Quand on a passé l'Equateur, on l'appelle _latitude Australe_. On dit sur la mer, Bande du Nord, ou Bande du Sud, pour dire, deçà, ou delà la Ligne. LATITUDE en termes d'Astronomie, est l'éloignement d'un astre de l'Ecliptique, ou de l'orbite du Soleil vers un des Poles du Zodiaque; & elle differe en ce point de la déclinaison, laquelle est un éloignement de l'Equateur vers un des Poles du monde: ainsi le Soleil n'a jamais de _latitude_; & on dit que les Planettes ont quelque _latitude_, quand elles s'éloignent de l'Ecliptique: & c'est pour cela que dans la sphere ordinaire on donne au Zodiaque quelque largeur. Les Anciens ne la faisoient que de six degrez de chaque côté de l'Ecliptique. Les Modernes l'ont étenduë jusqu'à neuf: car par les observations de Tycobrahé Venus a de _latitude Boreale_ 9. degrez 2. minutes; Mercure trois degrez 33. minutes; la Lune dans son quadrat avec le Soleil cinq degrez 17. minutes, & en son opposition & conjonction quatre degrez 58. minutes; Saturne 2. degrez 48. minutes; Jupiter 1. degré 38. minutes; Mars 4. degrez 31. minutes. Cette _latitude_ est quelquefois plus grande du côté du Midi. Quand les Planettes sont dans leurs plus grandes _latitudes_, on dit qu'elles sont dans le ventre de leur Dragon; quand elles n'ont aucune _latitude_, on dit qu'elles sont dans les nœuds de l'Ecliptique, ou dans l'intersection de leur orbite avec celle du Soleil qu'on appelle la tête & la queuë du Dragon: & c'est alors qu'elles causent ou souffrent l'éclipse. A l'égard des étoiles fixes, leur _latitude_ peut aller jusqu'à 90. degrez, selon qu'elles sont éloignées de l'Ecliptique vers les Poles du Zodiaque. La _latitude_ ortive d'un astre ou d'un degré de l'Ecliptique, est l'arc de l'Horizon compris entre le point du lever ou du coucher de l'Equateur, & le point du lever ou du coucher de cet astre; c'est ce qui fait connoître l'étenduë de l'arc diurne ou nocturne, ou la durée du jour & de la nuit, en telle sorte que plus cette _latitude_ est grande, & plus il y a de difference entre les deux arcs, ou entre le jour & la nuit. Quand elle est Boreale, le jour est plus grand; quand elle est Australe, il est plus petit. On l'appelle autrement _amplitude ortive_. LIGE. _adj. m. & f._ Vassal qui tient une certaine sorte de Fief qui le lie envers son Seigneur dominant d'une obligation plus étroite que les autres. Ce mot vient d'une cérémonie qu'on faisoit en rendant la foy & hommage, de lier le pouce au vassal, ou de lui serrer les mains dans celles du Seigneur, pour montrer qu'il étoit lié par son serment de fidélité. Il étoit obligé à servir son Seigneur tant en Guerre qu'en Jugement, c'est à dire, à servir d'Assesseur pour juger les causes. Par l'hommage _lige_ le vassal étoit obligé de servir son Seigneur envers tous & contre tous, excepté contre son pere. Ce mot est opposé à l'hommage simple, qui obligeoit simplement à payer les droits & devoirs ordinaires, & non point au service contre l'Empereur, le Duc ou autre Seigneur superieur, en sorte que l'homme _lige_ étoit comme donné & dévoüé au Seigneur, & étoit entiérement sous sa puissance. Le Seigneur _lige_ est le Seigneur prochain & immédiat dont on releve nuëment, _ligement_ & _à ligence_, c'est à dire, sans moyen. Tels étoient les hommages que le Roy d'Angleterre a rendus au Roy de France à cause du Duché de Guyenne, & les Comtes de Flandre & d'Artois pour leurs Seigneuries. Homme _lige_, hommage, _lige_, Fief _lige_, garde _lige_, se dit en parlant de l'obligation qu'a le vassal à garder le Château ou la personne du Seigneur. LIGE est aussi un droit de relief qui se paye au Seigneur en cas de mutation de Fief. Il est fixé en quelques lieux à dix livres pour plein _lige_; en d'autres, à la moitié ou au quart de cette somme; & on le nomme alors demy _lige_ ou quart de _lige_. LIGEMENT. _adv._ d'une maniére _lige_. Il tient cette Terre _ligement_, avec la condition des Fiefs _liges_. LIGNE. _s. f._ Terme de Géometrie. C'est une quantité étenduë en long. Euclide la définit, longueur sans largeur; Candale son Commentateur, l'écoulement d'un point. _Ligne_ droite est celle qui est la plus courte entre deux points. Les _lignes_ courbes réguliéres sont la circulaire, ecliptique, parabolique, hyperbolique, cycloïde, conchile, helice, spirale, asymptote. On dit aussi _ligne_ paralelle, incommensurable, infinie, tangente, secante, qui sont définies à leur ordre. L'inclination de deux _lignes_ fait un angle. On n'a pû trouver encore deux _lignes_ moyennes & continuellement proportionelles. Les Ouvriers parlant des lignes & des traits, quand elles sont paralelles, les nomment _jaugées_; & quand elles sont irréguliéres, ils les nomment _tastées_ ou corrompuës. LIGNE signifie encore la premiére & la plus petite des longueurs, c'est la douziéme partie d'un pouce, & la cent quarante-quatriéme partie d'un pied de Roi: on l'appelle autrement _grain d'orge_. Cet ais a six _lignes_ d'épaisseur. LIGNE _de foi_ est un cheveu ou un petit fil d'argent le plus délié qu'on peut trouver, qu'on applique sur le verre d'une lunette, posée sur une alhidade ou un niveau pour faire de plus justes observations, soit au Ciel, soit sur la terre. LIGNE signifie aussi un trait de plume ou de pinceau fort délié, quoi qu'il ne contienne aucun caractére. LIGNE en termes d'Ecrivains & Imprimeurs, est une rangée ou suite de caractéres couchez sur du papier, du parchemin ou autre matiére propre, à côté les uns des autres, qu'on lit de gauche à droit. Les grosses des écritures d'Avocats doivent avoir vingt & une _lignes_ à la page suivant l'Ordonnance. Il n'y a pas assez d'espace entre vos _lignes_. Ces _lignes_ ne sont pas droites. Ce mot vient du Latin _Linea_. LIGNES se dit au plurier d'un écrit, d'une lettre. Je vous écris ces _lignes_ pour vous donner avis que, &c. c'est à dire, je vous écris une lettre. Je vous demande deux _lignes_ de vôtre main sur une telle difficulté. On dit en ce sens, lors qu'on écrit en cérémonie: Il ne lui a pas laissé la _ligne_. Il lui a donné la _ligne_, lors qu'on remplit ou qu'on laisse en blanc la premiére _ligne_ aprés le mot de _Monsieur_. C'est une cérémonie que font les Grands, quand ils veulent faire distinction de la qualité des gens à qui ils écrivent. On dit absolument _à la ligne_; lors qu'on veut marquer un nouvel article, pour dire qu'il faut recommencer une nouvelle _ligne_, & laisser la précédente imparfaite. LIGNE en termes d'Astronomie & de Géographie se dit par excellence de la _ligne_ Equinoctiale ou de l'Equateur. Les Matelots baptizent les passagers la premiére fois qu'ils passent la _Ligne_. Cette Isle est sous la _Ligne_, à deux degrez de la _Ligne_: c'est là que commencent les latitudes Australes & Septentrionales. En termes de Gnomonique on appelle la _ligne_ de Midi, ou la _ligne_ Meridienne, celle qui tend d'un Pole à l'autre, qui représente le cercle Meridien. Dans les cadrans verticaux la _ligne_ de Midi est toûjours perpendiculaire à l'Horizon; Dans les horizontaux le stile ne fait point d'ombre vers l'Orient, ni vers l'Occident, quand il est sur la _ligne_ de Midi. En termes d'Escrime on appelle la _ligne_, celle qui est droitement opposée à l'ennemi, dans laquelle doivent être les épaules, le bras droit & l'épée, & sur laquelle sont aussi posez les pieds à la distance de 18. pouces l'un de l'autre; & ainsi on dit, être dans la _ligne_, sortir de la _ligne_. En termes de Statique ou de Méchanique, la _ligne_ de direction est celle qui passe par le centre de gravité du corps grave jusqu'au centre de la terre, laquelle doit passer aussi par le soûtien du corps pesant, autrement il est de nécessité qu'il tombe. En termes de Pesche, on appelle aussi une _ligne_ un hameçon attaché à une ficelle penduë au bout d'un bâton, qui sert à pescher de médiocre poisson. _Ligne_ dormante est celle qu'on attache à un arbre pour pescher en secret. Elle est défenduë par l'Ordonnance. Ménage croit que ce mot de _ligne_ a été dit à _lino_, à cause que les pescheurs faisoient leurs _lignes_ de lin. En termes d'Optique ou de Perspective, on appelle la _ligne_ visuelle, la _ligne_ ou le rayon qu'on s'imagine s'étendre depuis l'œil jusqu'à l'objet. La _ligne_ de terre, est celle où l'on met le plan géometral qu'on veut tirer en perspective. En termes de Chiromance, on appelle _lignes_ les traits ou incisures qui sont marquez dans la main, dont les observations servent de fondement à cette vaine science. On en décrit ordinairement 14. dont il y en a trois principales. La premiére qui est au dessous du pouce, se nomme _ligne de vie_, ou la _ligne_ du cœur, & la _ligne de l'âge_; la seconde s'appelle _hepotique_ ou la _ligne du foye_, & naturelle, qui passe par le milieu de la paulme de la main, & qui la coupe en travers, & va jusqu'au mont de la Lune; la troisiéme qui va dans le même sens, & qui lui est paralelle, prend depuis l'indice jusqu'à l'autre bout de la main, & s'appelle _mensale_, _thorale_, ou la _ligne de Venus_. En termes d'Architecture, d'Arpentage & de Jardinage on appelle _ligne_, le cordeau avec lequel on trace sur terre les desseins des bâtimens, on mesure les longueurs, on dresse les allées. Ces ruës sont tirées à la _ligne_. Voilà des arbres plantez à la _ligne_, en droite _ligne_. En termes de Manége on appelle _ligne_ du banquet, celle que les éperonniers s'imaginent en forgeant un mors pour déterminer la force ou la foiblesse qu'ils veulent donner à la branche, pour la rendre hardie ou flaque. LIGNE en termes de Guerre se dit de la disposition d'une armée rangée en bataille. L'avant-garde est placée en droite _ligne_, & se divise en plusieurs Bataillons & Escadrons postez sur le devant, & c'est la premiére _ligne_. Le corps de Bataille forme la seconde _ligne_, où est le poste du Général; & la troisiéme _ligne_ est le corps de réserve ou l'arriére-garde. Il faut laisser 150. pas de terrain pour se rallier, entre la premiére & la seconde _ligne_, & deux fois autant entre la seconde & la troisiéme. Dans cette Bataille Navale tous les Vaisseaux étoient rangez sur une même _ligne_. LIGNE en termes de Fortification, est un travail fait de terres remuées, un fossé, un parapet, ou une couverture faite de rangées de fascines, gabions ou sacs à terre, pour défendre un camp, une place d'armes. _Lignes de circonvallation_ sont des fossez couverts de parapets, qui se font autour d'une place à la portée du Canon, pour se défendre du secours qu'on pourroit craindre; & parce que d'espace en espace elles sont fortifiées de forts & de redoutes, elles sont appellées de _communication_ d'un quartier à l'autre. _Lignes de contrevallation_ sont de semblables _lignes_ par lesquelles on se fortifie contre les assiégez, quand la garnison est trop forte. On les appelle aussi _contrelignes_. _Ligne de défense rasante_ ou _flanquante_ est la _ligne_ qui étant tirée le long de la face du bastion aboutit à quelque point de la courtine. La _ligne_ de défense doit être de 120. toises ou environ. _La ligne de défense fichante_, est celle qui est tirée de l'angle, de la courtine, & du flanc, ou de quelque autre partie du flanc qui fait un angle avec la face, d'où les coups tirez peuvent entrer & se ficher dans la face du bastion opposé. On appelle aussi _lignes d'attaques_, _lignes d'approches_, les tranchées, & semblables travaux qui sont faits pour s'approcher de la place & l'attaquer. On appelle la _ligne fondamentale_, la premiére _ligne_, qu'on décrit quand on veut tracer le plan d'une place, & qui en figure toute l'enceinte. _La ligne capitale_ est celle qui va du centre du bastion à sa pointe. En termes de Marine, on appelle _lignes_ plusieurs cordes qui servent à amarer, lier ou arrêter les manœuvres, comme les rabans, rides & garcettes. On appelle aussi _ligne_ d'eau, la _ligne_ que marque sur le bordage la surface de l'eau, quand le vaisseau est à flot. On appelle aussi la _ligne_ de la seconde, le cordeau où est attachée la seconde. LIGNE _blanche_ en termes de Médecine, est la termination des muscles de l'Epigastre continuée depuis le cartilage scutiforme jusqu'à l'os pubis. Elle est appellée _blanche_ tant à cause de sa couleur, que parce qu'il n'y a point de parties charneuses, ni au dessus, ni au dessous d'elle. En termes de Finance on appelle _ligne de compte_, les articles qu'on couche dans un compte; & on dit qu'une somme est tirée hors _ligne_, quand elle est mise en chiffre à la marge droite du compte, pour en faciliter le calcul. En ce sens on dit au figuré, mettre en _ligne_ de compte les graces qu'on reçoit de ses amis, les services qu'on leur rend, suivant qu'on en fait plus ou moins d'état. Cette faveur est trop legére, ne la mettez pas en _ligne_ de compte. LIGNE en termes de Généalogie, est une suite de Parens en divers degrez descendans d'une même souche ou pere commun. La _ligne_ directe est celle qui va de pere en fils, la collaterale est celle où sont placez les oncles, tantes, cousins, neveux. La _ligne ascendante_, la _ligne descendante_. Un lignager est celui qui est de l'estoc & _ligne_ de quelqu'un. La _ligne_ masculine a fini à un tel. LITARGE. _s. f._ est la fumée du plomb évaporé dans l'affinement de l'or & de l'argent; c'est comme une suye qui s'attache à la cheminée du fourneau: celle d'or est jaune, & celle d'argent est blanche. C'est aussi l'écume du plomb brûlé, hors qu'il est fondu avec de l'argent: car cette écume étant ôtée, elle est de la couleur d'argent; mais si elle est poussée davantage au feu, elle devient de couleur d'or: de sorte qu'il n'y a que la difference de la cuisson, qui distingue la _litarge_ d'or ou d'argent. Dioscoride en parlant des _litarges_ d'argent qu'il appelle _spuma argenti_, dit qu'il y en a une faite de sablon plombin; l'autre d'argent & de plomb. La meilleure est de couleur d'or, qu'il nomme _chrysitis_. Celle de Sicile s'appelle _argentine_ à cause de sa couleur; mais celle qui est faite d'argent, s'appelle Calabroise. Mathiole la définit plomb mêlé de vapeurs de bronze & d'argent; il dit aussi que la _litarge_ est un poison. LUNETTE. _s. f._ terme d'Optique, Instrument qui sert à grossir les objets, à conserver, à faciliter l'action de la vûë. Les Auteurs qui ont écrit des _lunettes_, & sur tout du Telescope, ont été entr'autres Kepler dés l'année 1611. _Johannes Hevelius_, _Scheinerus_, Emanuel Magnan, Galilée, Descartes, _Sirturus_, _Maurolicus_, _Antonius de Dominis_, _Malapertius_, _Aquilonius_, _Vitellio_, _Tardeus_, _Fontana_, le Pere Schot Jesuïte, le Pere de Rheita Capucin, & Pierre _Borelli_, dans divers Traitez d'Optique, de Perspective & d'Astronomie. Les Ouvriers fameux ont été _Torricelli_, _Fontana_, Ferrier, Chorez, _Campani_, _Divini_, & maintenant le Sieur _Borelli_ Chymiste, qui est de l'Academie Royale des Sciences, qui a fait les verres de _lunettes_ de l'Observatoire. Le Telescope est une _lunette_ à longue vûë, qui approche les espéces des corps éloignez, & qui les grossit. On l'appelle aussi une _lunette_ d'Hollande, de Galilée. Il y a de ces lunettes simples à deux verres, qui sont l'objectif & l'oculaire, & d'autres à quatre verres. La _lunette_ de l'Observatoire de Paris a septante six pieds de tuyau. Messieurs Descartes & Hook n'ont pas desesperé de pouvoir découvrir quelque jour des animaux dans la Lune par le moyen des grandes _lunettes_; mais Monsieur Auzout a prétendu qu'on n'en peut faire de plus longues que de trois cens pieds, & qu'en ce cas on ne pourroit voir la Lune que comme on la verroit de soixante lieuës loin sans _lunettes_, à laquelle distance on ne pourroit pas découvrir des animaux sur la Terre. Voyez TELESCOPE. Le Microscope est une autre _lunette_ courte, qui sert à découvrir les plus petites parties des objets qu'elle grossit extraordinairement. Il s'en fait aussi à plusieurs verres. Il y a d'autres Microscopes si petits, qu'ils sont faits d'un verre qui n'est gros que comme la tête d'une épingle, & ils font des effets merveilleux. Gassendi dit avoir vû émeutir un ciron avec le Microscope. Il y en a aussi pour le Peuple qu'on appelle _lunettes_ à puces, qui ne sont autre chose qu'une petite bouteille, dans laquelle on regarde par un fort petit trou. _Lunette_ Poliedre ou à Facette, est ce que le Peuple appelle _lunette_ d'Avaricieux, qui se fait avec un verre taillé, qui multiplie autant de fois l'objet qu'il a de faces. Il se fait de belles perspectives de piéces rapportées avec des _lunettes_ à Facettes, dont l'art est décrit par le Pere Niceron dans sa Perspective, & par le Pere Kircher en son Livre de la Magie, de la Lumiére, & de l'Ombre. LUNETTES au plurier, ce sont deux verres enchassez dans de la corne ou autre matiére qu'on applique sur le nez, & devant les yeux, pour aider aux vieillards & à ceux qui ont la vûë courte, à lire & à écrire, ou à découvrir mieux les objets. On les appelle aussi _Besicles_. Il y en a qui servent à grossir les objets, les autres à conserver seulement la vûë, qu'on appelle _Conserves_. On a fait aussi des _lunettes_ à longue vûë, pour appliquer aux deux yeux qu'on appelle _Binocles_, dont a écrit le Pere Cherubin Capucin, & avant lui le Pere Rheita du même Ordre, en son Livre intitulé _Oculus Enoch & Eliæ_, lequel avoit trouvé aussi l'invention des _lunettes_ à trois ou à quatre verres. Voyez BINOCLE. Pour achever la perfection des lunettes, on a trouvé le moyen d'appliquer un treillis ou grille de filets trés-déliez sur le verre oculaire convexe, ce qui rend l'observation plus juste. On en voit la figure dans le Journal des Sçavans de l'année 1667. Les _lunettes_ ont certainement été inconnuës aux Anciens, mais aussi elles ne sont pas si modernes que le Telescope. Un Frere Alexandre Despina de l'Ordre des Freres Prêcheurs de Sainte Catherine de Pise, qui mourut dés l'an 1311. en communiqua l'invention, qu'il trouva de lui-même, aprés qu'il eut appris qu'un autre en avoit trouvé le secret, lequel il ne vouloit pas communiquer. Cela est écrit dans la Chronique de ce Convent; & il est fait mention de ces _lunettes_ dans le Dictionaire _de la Crusca_ au mot _occhiale_. Il en est fait aussi mention dans le Livre de Guy de Chauliac Professeur de Medecine à Montpellier, intitulé la Grande Chirurgie, composé dés l'année 1363. Il y a aussi un Arrest du 12. Novembre 1416, rapporté par Ménage en son livre _Amœnitates Juris_, qui fait mention de ces _lunettes_, & d'autres témoignages anciens citez par le sieur Comiers en son Traité des _Lunettes_. On appelle aussi en Architecture des voutes à _lunettes_, lorsque dans les deux côtez du berceau d'une voute on y fait de petites arcades pour y pratiquer quelques jours ou veuës. LUNETTES se dit aussi par antiphrase en matiére de bâtimens, de ce qui bouche ou qui ôte la veuë. Cette maison avoit veuë sur plusieurs jardins; mais le voisin a élevé son mur, & il lui a donné des _lunettes_. LUNETTE se dit aussi d'une petite ouverture qui se fait dans le toit d'une maison. LUNETTE en termes de Menuiserie, est une planche de bois percée, qui sert de siége à un privé. On a commandé à ce menuisier une _lunette_ pour un privé. On appelle aussi une _lunette_, cette ouverture qui est au derriere des soufflets, par où entre le vent, & qui se ferme en dedans par la souspape. LUNETTES en termes de fortifications, sont des enveloppes qui se font au devant de la courtine. Elles sont composées de deux faces qui font un angle rentrant, & se construisent ordinairement dans des fossez pleins d'eau, pour y faire l'effet d'une fausse braye. Elles ont cinq toises de large dont le parapet en a trois. LUNETTES en termes de Manége, sont deux petites piéces de feûtre relevées en bosse, qu'on applique sur les yeux d'un cheval vicieux, ou qui ne veut point se laisser ferrer ni monter. On dit aussi ferrer un cheval à _lunettes_, ou à demi fer, c'est à dire, avec un fer dont on a retranché la partie des branches, qui est vers le quartier du pied, ce qu'on appelle les éponges. On appelle aussi _lunette_ le cercle de métail qui enferme & soûtient le crystal d'une montre. LUNETTE chez les Tourneurs, est cette piéce de bois troüée qu'ils appliquent sur leur tour, pour faire diverses sortes d'ouvrages qui se tournent en l'air. LUNETTE de volaille, est la partie du chappon qui est entre le col & l'estomac, qui est soûtenuë par deux petits os qui forment un angle aigu. On tient que la _lunette_ est la partie la plus excellente du chappon. On dit proverbialement à celui qui s'est trompé en regardant quelque chose: Prenez vos _lunettes_, chaussez vos _lunettes_. On dit aussi en se mocquant d'un grand nez: Voilà un beau nez à porter _lunettes_. LUNETTIER. _s. m._ Ouvrier qui fait & qui vend des _lunettes_. Les Miroitiers & les _Lunettiers_ ne font qu'un Corps & une même Maîtrise. LUT. _s. m._ En termes de Chymie, se dit de toute sorte de ciment ou d'enduit qui sert tant pour le bâtiment des fourneaux, que pour mettre autour des vaisseaux de verre & de terre qui doivent résister à un feu violent. On le fait de terre grasse, de sable de riviére, de fiente de cheval, de la poudre des pots de beurre cassez, de la tête morte du vitriol, du machefer, du verre pillé & de la bourre ou laine courte des Tondeurs, mêlez avec de l'eau salée ou sang de bœuf. Il y a aussi un _Lut_ qui sert à luter les chappes avec les cucurbites ou recipiens, ou pour réparer les fentes des vaisseaux, qui se fait avec de l'amidon cuit, ou de la colle de poisson dissoute dans l'esprit de vin & des fleurs de soulfre, du mastic & de la chaux éteinte dans du petit lait. On appelle aussi _lut de sapience_ le sceau hermetique qui se fait en fondant le bout d'un matras de verre au feu de lampe, & en le tortillant avec la pincette. Ce mot vient de _lutum_. LUTH. _s. m._ Instrument de musique monté de cordes de boyau, qui n'avoit autrefois que six rangs de cordes; mais avec le temps on y a ajoûté quatre, cinq, ou six autres rangs plus bas. Le _luth_ est composé de quatre parties, de la table de sapin ou de cedre, du corps composé de neuf ou dix éclisses, qu'on appelle aussi le _ventre_ ou _la donte_; du manche qui a neuf touches ou divisions marquées avec des cordes de boyau; & de la tête ou de la crosse où sont les chevilles. Il y a aussi une rose au milieu de la table par où sort le son; un chevalet où sont attachées les cordes, & un fillet ou mourceau d'ivoire qui est entre le manche & la tête, sur lequel les cordes portent par l'autre extrêmité. On pince les cordes de la main droite, & de la gauche on appuye sur les touches. On appelle le _temperament du luth_, l'alteration convenable que l'on est obligé de faire des intervalles tant à l'égard des consonances, que des dissonances, pour les rendre plus justes sur l'instrument. Les _luths_ de Boulogne sont les plus estimez par la qualité du bois, qui est cause qu'on en tire un plus beau son. On est plus long-temps à accorder un _luth_ qu'à en jouër. Les concerts se font avec des dessus & des basses de _luths_. On dit qu'un _luth_ est bien monté quand on y a mis de bonnes cordes, qui sont bien d'accord & au ton convenable. Un Auteur digne de foy dit qu'on a vû à Paris un _luth_ d'or, qui revenoit à trente-deux mille écus. Ce mot vient de _laud_ Espagnol, qui est venu de _allaud_ des Maures, qui signifie la même chose, comme témoigne Scaliger. Quand on le veut nommer en Latin, on l'appelle _testudo_, _cythara_, _chelys_. LUTHÉE. _s. f._ Est une épithete qu'on donne à la Mandore, lors qu'elle a plus de quatre rangs de cordes, & qu'elle approche plus prés du _luth_. M. MAGDALLON. _s. m._ C'est ainsi qu'on appelle un rouleau ou petit cylindre de soulfre, d'onguent, &c. tels qu'on les vend chez les Epiciers & Apotiquaires: ce mot vient de Magdalis Latin, tiré du Grec Magdalis, signifiant la même chose. MAGISTERE. _s. m._ Terme de Chymie & de Pharmacie: c'est la préparation d'un corps mixte par art de Chymie, par laquelle toutes ses parties homogenes sont exaltées en un degré de qualité ou substance plus noble qu'auparavant, en rejettant seulement ses impuretez externes sans faire aucune extraction. Le _magistere_ differe de l'extrait, en ce que dans le _magistere_ toutes les parties du mixte y demeurent, quoi qu'elles soient changées en des qualitez ou consistances plus exquises, & dans l'extrait on ne prend que la plus noble partie de la substance, qui est tout à fait séparée d'avec la plus grossiere & élementaire. On fait des _magisteres_ de tartre, de perles, de coraux. Des _magisteres_ de lait, cremeur, ou beurre de soulfre. Des _magisteres_ d'agaric, de turbit, d'hermodax, &c. L'effervescence de l'esprit de vitriol mêlé avec l'huile de tartre, leur a fait donner par quelques-uns le nom de _magistere_. MAGNESIE. _s. f._ Est une pierre minerale, fossile, noire, opâque, tirant de la couleur de fer au pourpre, qui ne contient aucun métal; mais un soulfre fixe & un peu inflammable. Elle entre en la composition du verre, le purifie & le blanchit, si elle est en petite quantité. Autrement elle le rend bleu ou de couleur de pourpre; elle la donne aussi aux pots de terre si avant leur cuitte on les peint de cette magnesie dissoûte. C'est la même chose que le saffre; on l'appelle aussi _manganese_, & chez les artisans, _perigueux_. MALACHITE. _s. f._ Est une pierre précieuse qui est d'une nature mitoyenne entre le jaspe & la turquoise, & qui est tout à fait opaque: Elle a des veines blanches mêlées de taches noires & de plusieurs autres couleurs qui en font faire plusieurs distinctions. La plus estimée est celle qui approche le plus de la turquoise, & qui a le plus de bleu. MALTHE. _s. f._ Ciment dont on se servoit autrefois, qui étoit un mêlange de poix, de cire, de plâtre & de graisse. Dans le Pontificial il est parlé de ce ciment, dont on avoit besoin quand on faisoit la Dédicace des Eglises, en Latin _malta_; d'où quelques-uns prétendent qu'on a fait les mots de _Smaltire_, d'où viennent émailler, & émeutir. MANDRIN. _s. m._ Est le principal outil d'un tourneur; l'arbre qui tourne dans la lunette, au bout duquel on monte ou on attache les piéces que l'on veut tourner en l'air & hors les pointes. MANDRIN, se dit aussi de plusieurs poinçons qui servent aux artisans à percer le fer ou les métaux sur lesquels ils travaillent. MANICORDION. _s. m._ Instrument de Musique, fait en forme d'Epinette, qui a 49 ou 50 touches ou marches, & 70 cordes, qui portent sur cinq chevalets, dont le premier est le plus haut, les autres vont en diminuant. Il y a quelques rangs de cordes à l'unisson, parce qu'il y en a plus que de touches, chaque chevalet en contient divers rangs: Il a plusieurs petites mortaises pour faire passer les sautereaux armez de petits crampons d'airain qui touchent & haussent les cordes, au lieu de la plume de corbeau qu'ont ceux des clavessins & des épinettes; ce qu'il a de particulier: c'est qu'il a plusieurs morceaux d'écarlate ou de drap, qui couvrent les cordes depuis le clavier jusqu'aux mortaises, qui rendent le son plus doux, & l'étouffent tellement qu'on ne le peut entendre de loin; d'où vient que quelques-uns le nomment _Epinette sourde_ ou _muette_; aussi est-il particuliérement en usage chez les Religieuses qui apprennent à en jouër, & qui craignent de troubler le silence du dortoir. Cet instrument est plus ancien que le clavessin & l'Epinette, comme témoigne Scaliger, qui ne lui donne que trente-cinq cordes. On dit proverbialement & burlesquement qu'une fille a joüé du _manicordion_ quand elle a eu quelque amourette, qui a duré long-temps sans faire bruit. MANIPULE. _s. m._ Ornement Ecclesiastique que les officians Prêtre, Diacre & Soûdiacre portent au bras gauche: il est fait en forme de petite étolle, & de la même étoffe que les chasubles, & tuniques. Il signifie & represente un mouchoir que les Prêtres de la primitive Eglise portoient au bras pour essuyer les larmes qu'ils versoient continuellement pour les péchez du peuple, dont il reste encore une marque dans l'oraison que disent ceux qui s'en revêtent. _Merear, Domine, portare manipulum fletus & doloris._ En beaucoup d'endroits on l'appelle le _fanon_. MANIPULE, en termes de Medecine est une mesure d'herbes, qui s'entend de ce que la main peut serrer, les Medecins le désignent dans leurs Ordonnances par M. MANIPULE, signifioit encore chez les Romains une petite troupe ou compagnie de soldats, parce que chez eux le _manipule_ signifioit au propre une poignée de foin qu'ils attachoient au bout d'une perche pour se reconnoître avant qu'ils eussent pris les aigles pour enseignes; de là vient que nous disons encore en ce sens une poignée de gens. MANIPULE pyrotecnique, se dit à la guerre d'une certaine quantité de petards de fer ou de cuivre qu'on peut jetter à la main sur les ennemis, la maniére de les faire est enseignée par Casimir dans son Livre de l'Artillerie. MANŒUVRE. _s. m._ Homme de peine qu'on prend à la journée dans les âteliers pour servir les Massons, & faire autres fonctions qui n'ont besoin d'aucun art ou apprentissage. Ce mot vient de _manopera_, ouvrage de main. Ménage. On appelle proverbialement & ironiquement un homme fin & adroit, un _rusé manœuvre_. MANŒUVRES, en terme de marine, ce sont les cordes qui servent à manier les voiles en diverses façons, comme les _Issas_ ou _Drisses_ qui sont le long des masts servent à les hausser. Les _valencines_ servent à faire pancher les antennes d'un côté ou d'autre. Les _bras_ tirent le bout des antennes vers la pouppe. Les _escoutes_, ou _contre-escoutes_ tiennent le bout des voiles: les _breuils_ ou _martinets_ servent à embroüiller promptement les voiles, & les _garcettes_, à les ferler, les _ralingues_ à les fortifier, les _boulines_ ou _boulinettes_ servent à ouvrir les bords des voiles pour recevoir le vent qui vient de biais: cela fait dix ou onze cordes qui sont le plus souvent doubles, & étant multipliées par les dix voiles, font plus de deux cens cordes, ou manœuvres. L'_Itacle_ est la plus grosse des manœuvres, elle soûtient & éleve l'antenne passant à une poulie qui est sous la hune, & aboutit à un moufle de poulies où sont les Issas. Il y a des _manœuvres dormantes_ qui sont fixes, ausquelles on touche rarement, & _d'autre coulantes_ qui sont presque en mouvement continuel, comme celles qui servent à manier les voiles. MANŒUVRE, signifie aussi l'usage & le service de ce cordage, & le service des Matelots qui les font mouvoir. Les _manœuvres_ sont en desordre pendant la tempête. Ce matelot entend bien la _manœuvre_, il execute soudain les commandemens. MANNE. _s. f._ Terme de pharmacie, drogue médicinale, c'est un suc ou une liqueur blanche, douce, qui découle d'elle-même, par incision des branches & des feüilles même des frênes tant ordinaires que sauvages pendant la canicule, & un peu auparavant. On ne la trouve que sur ces arbres, encore n'est-ce pas sur tous, mais principalement en Calabre & aux environs de Briançon; c'est pourquoi ceux là se trompent lourdement, qui disent que c'est un miel de l'air, ou une espéce de rosée, qui vient d'une vapeur élevée de la terre & digerée dans l'air, condensée par le froid qu'on recuëille dans les païs chauds avant le lever du Soleil, tant sur les plantes & les arbres que sur les rochers & la terre même, qui disparoît lorsque la chaleur survient; car au contraire on l'amasse en plein Soleil, lequel la seche & la condense, de sorte qu'on la doit mettre au rang des gommes qui s'épaississent par la chaleur, & se résolvent dans l'humidité. Les Italiens en connoissent de trois sortes, _manna di corpo_, qui sort d'elle-même des branches de l'arbre dés le mois de Juillet; la seconde _manna forzata_, ou _forzatella_, qui ne se recueille au mois d'Août qu'aprés l'incision de l'arbre, & lorsque la premiére a cessé de couler. La troisiéme _manna di fronda_, qui sort d'elle-même en forme de petites gouttes d'eau comme un espéce de sueur, de la partie nerveuse des feüilles du frêne, qui sont de la grosseur des grains de froment, & qui s'endurcissent au Soleil au mois d'Août; on voit quelquefois ces feüilles si chargées de ces grains qu'il semble qu'elles soient couvertes de neige. La _manne_ est une medecine qui purge fort doucement, & qu'on prend dans les boüillons. Altomatus Medecin de Naples en a fait un traité exprés; & Joseph Donzellus confirme ce qu'il en a dit. La _manne_ purge la bile, quoi qu'on la tienne une espéce de miel, & au contraire le miel ordinaire l'augmente. Fuchsius dit que les païsans du Mont-Liban mangent ordinairement la _manne_, comme ailleurs on fait le miel. A Mexique ils ont de la _manne_ que l'on mange comme on fait le fromage en Europe. MANNE en termes de l'Ecriture, est une viande miraculeuse que Dieu fit tomber du Ciel pour nourrir son peuple Hebreu dans le desert pendant quarante ans. La _manne_ étoit en façon de coriandre. Les Israëlites murmurerent contre la _manne_, & en eurent du dégoût. La _manne_ est une des figures de l'Eucharistie. MANNE, se dit figurément de toutes sortes de viandes & de fruits, principalement quand ils sont de garde, quand ils peuvent nourrir, & faire subsister une maison. C'est une bonne _manne_ dans un logis qu'une provision de pois, de féves, de ris pour le Carême. MANNE est aussi un grand panier d'osier fait en quarré long, qui sert quelquefois de berceau pour coucher un enfant à la mammelle, quelquefois elle est plus petite, & elle sert à transporter les habits d'un ballet, ou le linge & la vaisselle pour mettre le couvert, &c. On appelle aussi _mannes_ sur la mer des paniers à rebords faits comme un chapeau. MANNEQUIN. _s. m._ Panier d'osier haut & assez étroit, plus large par en haut que par en bas, qui sert à differens usages. On a mis ces plantes dans un _mannequin_ pour les transporter. Les marchands de fruits les transportent dans des _mannequins_: ce mot est diminutif de manne quand il signifie panier. MANNEQUIN, chez les Peintres se dit d'une certaine figure de bois qui a des charniéres en la plûpart de ses membres, par le moyen de quoi elle est mobile, & on la met en toute sorte de postures ou d'attitudes, elle leur sert pour disposer leurs drapperies en la revêtant d'habits tels qu'ils desirent. Borel dérive ce mot en ce sens de _man_, qui en Allemand & en vieux François signifioit un _homme_, dont il est diminutif, comme qui diroit _petit homme_. MARESCHAL. _s. m._ Officier de la Couronne qui commande les Armées; on l'appelle par excellence _Mareschal_ de France. Chez quelques étrangers il fait la même fonction. Le grand _Mareschal_ de Pologne, de Lithuanie. L'Electeur de Saxe est grand _Mareschal_ de l'Empire. On dit qu'on a donné à un homme le Bâton de _Mareschal_, ou simplement le Bâton, pour dire qu'on l'a fait _Mareschal_ de France; c'est un Bâton fleurdelisé qui marque la dignité, & qu'il met en sautoir sous l'écu de ses armes. Ce sont les _Mareschaux_ de France qui sont Juges du point d'honneur entre les Gentilshommes, qui accordent leurs querelles. Les Prévôts des _Mareschaux_ sont des Officiers Royaux & Juges d'épée établis pour la seureté de la campagne, pour prendre & juger les voleurs, vagabonds & gens non domiciliez; on leur a aussi attribué la connoissance des cas Royaux par prévention: ils sont reçûs à la Connestablie, & y ont attribution de Jurisdiction, & sont réputez du corps de la gendarmerie. MARESCHAL de Camp, est le second Officier de l'Armée, le premier Officier aprés le Lieutenant général, c'est celuy qui ordonne du campement & du logement de l'Armée, & qui prend les devans pour la faire marcher en seureté, & reconnoître le terrain. MARESCHAL de Bataille, étoit autrefois un Officier qui rangeoit les troupes en bataille, qui avoit soin de leur marche & de leur ordre; ce sont aujourd'hui les _Mareschaux_ de camp, & les Majors généraux qui en font la charge. MARESCHAL des Logis, est un Officier de guerre, qui a soin du logement des soldats. Il y a un _Mareschal_ des Logis de l'Armée. Il y en a un dans chaque Régiment d'infanterie, & en chaque compagnie de cavalerie, deux en chaque compagnie de gend'armes & de chevaux legers, & six en chacune des compagnies des Mousquetaires. Il y a aussi un grand _Mareschal_ des Logis chez le Roi, qui marque les logemens de la suite de la Cour quand le Roi fait voyage; Il y en a aussi chez la Reine & chez les Fils de France. MARESCHAL ferrant, ou simplement _Maréchal_, est un artisan qui ferre les chevaux, & qui les pense quand ils sont malades. En Espagne ce sont deux métiers separez, les premiers s'appellent _herradores_, & les autres _alveytares_. Ce mot vient selon Nicod de _Polemarchus_, comme qui diroit Maire de camp; en vieux Gaulois & encore en Breton _Mark_ signifioit cheval, comme on recueille de Pausanias, qui dit que ce mot étoit en usage chez les Celtes, mais c'est plûtôt un mot Allemand dont il est fait mention dans la loi salique, & dont on a fait _marchal_, pour dire celui qui commandoit la cavalerie. Ménage le dérive de _Mareschalcus_, qui se trouve dans les loix des Allemands, composé de _Marck_ cheval, & de _schalk_ signifiant serviteur; ce qui a donné ce nom à celuy qui pense les chevaux, & par succession de temps à celuy qui les commande. Borel dit qu'originairement _Mareschal_ signifioit gouverneur de jumens, & que _mark_ signifie jument, dont les anciens se servoient d'ordinaire pour épargner le fourrage, parce que les jumens gâtent moins de litiere, à cause qu'elles jettent en arriére leur urine. Il dit aussi que ce mot de _mark_, qui en vieux Gaulois & en ancien Allemand signifioit _cheval_, vient de l'Hebreu _Ramak_, où il veut dire une _jument_. Quelques-uns ont dit que le mot de _mareschal_ étoit un abregé de _mire cheval_, car _mire_ signifie Medecin, & les Rois en avoient autrefois pour leurs chevaux, comme témoigne Nicod. Pasquier fait distinction pour l'origine de _Mareschal_ des logis, & _Mareschal_ de camp, d'avec ceux de _Mareschal_ de France, & _Mareschal_ ferrant; A l'égard des premiers, il dit que ce mot vient de _marche_, ou _marchir_, qui signifioit _marquer_, _limiter_, & il prétend qu'il faut dire _marchal_, & non pas _Mareschal_. A l'égard des derniers, il dit que le mot est composé de _maire_, qui signifioit _maître_, & de _chal_ qui signifioit _cheval_. Lecteur choisissez. MARESCHAUSSÉE. _s. f._ Jurisdiction des Prévôts des _Mareschaux_; il y a dans l'enclos du Palais la Connestablie & _Mareschaussée_ de France, où sont des Juges de Robbe qui prennent connoissance de la réception des Officiers des autres _Mareschaussées_, & de leurs differens. Il y a d'ailleurs 180 _Mareschaussées_ en France, qui sont des siéges de Juges d'épée, qui instruisent les procés des voleurs & des vagabonds, & autres cas dont ils sont competens; qui les jugent souverainement avec sept Officiers du plus prochain Présidial. Le Prévôt qui tient à Paris cette _Mareschaussée_ s'appelle le Prévôt de l'Ile. On dit aussi que la _Mareschaussée_ se tient chez un tel Doyen des _Mareschaux_ de France, quand quelques Exempts & Gardes se trouvent chez luy pour executer les ordres qu'il aura à donner dans les occasions pour les querelles de la Noblesse. MARESCHAUSSÉE a signifié aussi en Lorraine, un grand lieu ou enclos, où on enferme le bêtail, d'où le Bon Medecin de ce païs-là trouve occasion de dériver le mot de _Mareschaussée_, parce que, dit-il, il y avoit plusieurs lieux marécageux qui obligeoient à faire des places relevées pour mettre à sec le bêtail, lesquelles on appelloit _chaussées_ comme tout autre chemin levé & pavé; & parce que dans ces lieux on faisoit souvent des vols de bestiaux, on y établit un Juge qui jugeoit dans l'étenduë de la _Mareschaussée_, ou village; ce qu'on a depuis étendu à d'autres Officiers. Dans plusieurs Coûtumes on appelle _mareschaussée_, les matériaux assemblez pour bâtir, comme en celles de Montreüil, Arthois, Bapaume, &c. MARFIL. _s. m._ est un nom que les marchands en gros donnent à l'yvoire, ils l'ont pris de l'Espagnol, où il signifie la même chose. MARIN. ine. adj. qui vient de la mer, qui appartient à la mer. Les Anciens appelloient les Tritons des Dieux _marins_. Ce fut un monstre _marin_ qui fit périr Hypolite. On peignoit le char de Neptune attelé de chevaux _marins_. Il y a des veaux _marins_; des chiens & des loups _marins_. Le sel _marin_ est celui qui se fait de l'eau de la mer, qui est de figure cubique, & le plus fort de tous les sels. La carte _marine_, ou _hydrographique_, est celle qui sert pour la conduite des vaisseaux, où sont marquez les rumbs des vents, les côtes, les rades, & les bancs de sable. On dit qu'un homme a le pied _marin_, quand il est accoûtumé à l'air & à la fatigue de la mer, quand il a été long-temps sur les vaisseaux. La trompette _marine_, est un instrument qui n'a qu'une grosse & longue corde de boyau, tenduë sur un chevalet, & qu'on touche avec un archet; elle a le corps triangulaire, & elle imite fort bien le son des trompettes ordinaires. Voyez trompette. LA MARINE. _s. f._ est la science de la navigation, ou l'art de naviger dont les Anciens n'ont rien laissé par écrit avant l'invention de la boussole. On tient que la _marine_ est la science qui approche le plus de la perfection. Pierre Nonius est un célébre Mathématicien Portugais, qui le premier en a écrit deux livres en l'année 1530. à l'occasion de quelques doutes que lui proposa Martin Alphonse Sosa: en suite Pierre Medina Espagnol; & en 1606. André Garcia Cespedes fit imprimer _Regimiento de la navigation_: en 1608. Simon Stevin Mathématicien du Prince d'Orange. En 1620. Willebrordus Snellius a fait imprimer son Typhys Batavus. En 1631. Adrianus Metius a écrit de l'art de naviger par le globe. En 1640. le Pere Fournier Jesuite a écrit de l'hydrographie. En 1661. le Pere Riccioli & le Pere Gaspard Schotus Jesuites en ont donné quelques traitez dans leurs Œuvres; & en 1666. le Sieur Denis Hydrographe & Professeur à Dieppe, Rodericus Zamoranus, Pierre Appian, Rodericus Crescentius, Augustinus Cæsareus, Robert Dutlé, Jacques Colomb, Jean Janson, & le Pere Mersene Minime en ont fait quelques traitez; le dernier qui en a écrit est le Pere Deschales Jesuite, des œuvres duquel ceci est tiré en faveur de ceux qui s'adonnent à la navigation, que maintenant on cultive heureusement en France. Les Livres ordinaires de _marine_ qu'ont les pilotes sont les Routiers de Pierre de Medine, de Manuel Figueirido, le miroir, le tresor, la colomne de la mer, le flambeau de la navigation dressé par Guillaume Jeanszoon. On appelle des marchandises _marinées_, lorsqu'elles sont imbuës & soüillées de l'eau de la mer. MARINÉ. En termes de blason, se dit des animaux dépeints sur les écus, qui ont la moitié du corps de poisson. Il portoit de gueules au cerf estropié (ou qui n'a point de pieds) _mariné_ d'or. MARINETTE. _s. f._ Vieux mot qui signifioit autrefois la pierre d'aimant, & même la boussole qui en est touchée, parce qu'elle servoit principalement à la _marine_. Voyez Boussole. MASCARET. _s. f._ terme de navigation: C'est un reflus violent de la mer qui remonte impetueusement dans la riviére de Dordogne, qui fait le même effet sur cette riviére que celui qu'on appelle la _Barre_ sur la Seine. Les Naturalistes ont de la peine à expliquer cette sorte de reflus, qui est particulier à ces deux riviéres. MASCARADE. _s. f._ Troupe de personnes masquées qui vont danser & se divertir, sur tout en la saison du Carnaval. Cette compagnie a fait une jolie _mascarade_, a dansé une espece de ballet. Ce mot vient de l'Italien _mascarata_, dérivé de l'Arabe _Mascara_, qui signifie raillerie, bouffonnerie. Ménage. MASCARADE est aussi un titre que quelques Poëtes ont donné à des vers qu'ils ont fait pour les personnages de ces petites danses ou ballets. MASCARADE, se dit aussi d'une personne mal mise, ou mal proprement ajustée, comme si elle vouloit se déguiser, & aller en masque. Cette femme affecte des ornemens, des parures extravagantes, & hors de mode; c'est une vraye _mascarade_. Les chevaux l'ont tellement éclaboussée qu'elle avoit le visage comme une vraye _mascarade_. MASCARADE, se dit aussi d'une vaine pompe & cérémonie, d'un appareil éclatant qui ébloüit le sot peuple, et dont les sages ne sont point touchez. Démocrite traitoit tout le genre humain de _mascarade_, se mocquoit de ses vanitez & _mascarades_. On le dit aussi de ceux qui trompent sous apparence d'honnêteté, qui déguisent leurs sentimens. Les hypocrites sont des continuelles _mascarades_. MASSORE. _s. f._ Terme de Théologie. C'est un travail fait sur la Bible par quelques sçavans Rabbins pour en empêcher l'alteration. Buxtorfe la définie une Critique d'un texte Hebreu, que les anciens Docteurs Juifs ont inventée, par le moyen de laquelle on a compté les versets, les mots, & les lettres de texte, & l'on en a marqué toutes les diversitez; car le texte des Livres sacrez étoit autrefois écrit tout d'une suite, sans aucune distinction de Chapitres, ni de versets, ni même de mots; de maniére que tout un Livre n'étoit qu'un mot continu à la maniére des Anciens, dont on voit encore plusieurs manuscrits Grecs & Latins, écrits de cette sorte. Ce mot ne signifie que _tradition_, comme si cette critique n'étoit autre chose qu'une tradition que les Juifs avoient reçûë de leurs peres. On tient que ce sont les Juifs d'une école fameuse qu'ils avoient à Tiberiade qui ont fait, ou du moins commencé cette _Massore_, comme dit Elias Levita. Aben Esra les fait Auteurs des Points & des accens qui sont dans le texte Hebreu qu'on a aujourd'hui, qui servent de voyelles. Les Arabes ont fait aussi la même chose sur leur Alcoran, que les _Massoretes_ sur la Bible. Il y a une grande & une petite _Massore_ imprimées à Venise & à Bâle avec le texte Hebreu en different caractére. Voyez là-dessus le P. Morin & le P. Simon, Buxtorfe dans le Commentaire _Massoretique_ qu'il a intitulé Tiberias. On appelle _Massoretes_ ces Auteurs qui ont travaillé à la _Massore_, & l'exemplaire _Massoretigue_ est le texte Hebreu dont on se sert aujourd'hui. MAST. _s. m._ grand arbre posé dans les Vaisseaux, où on attache les vergues & les voiles pour recevoir le vent nécessaire à la navigation. Il y en a quatre dans les grands Vaisseaux, quelquefois on y en ajoûte un cinquiéme qui est un double artimon. Le grand _mast_, ou le _mast_ de maître est le principal _mast_ du Vaisseau; le second s'appelle de _misaine_, _mast de bourset_, ou _mast d'avant_, qui est entre le grand _mast_ & la prouë; le troisiéme l'_artimon_, qui est entre le grand _mast_ & la pouppe; & le quatriéme _beaupré_, qui est couché sur l'esperon à la prouë. Le _mast_ de _contremisaine_, ou petit artimon est sur l'arriére dans les galions, Naos, ou grands Vaisseaux. Le grand _mast_ jusqu'à la premiére hune est ordinairement égal à la quille du Vaisseau. On appelle aussi _mâts_ les brisures ou divisions des _mâts_ qui sont posez les uns sur les autres: le grand _mast_ & celui de _misaine_ en ont chacun trois, le grand _mast_, le _mast de hune_, qui est au dessus & tout d'une piéce, & le _mast_ de perroquet qui est sur celui de hune; & au dessus encore est le bâton du pavillon, ce qui fait quelquefois plus de trente-quatre toises. L'artimon qu'on appelle aussi _mast de foule_, & le beaupré n'ont qu'une brisure chacun, on l'appelle de _perroquet_, & non de _hune_. Le grand _mast_ est posé au milieu du premier pont ou franc tillac, & descend au fond de cale, sur la contrequille; il n'est pas tout à fait perpendiculaire, mais il panche du côté de la pouppe à proportion de sa hauteur depuis deux jusqu'à six pieds. Sa plus grande grosseur est au franc tillac, & il va en diminuant par haut & par bas du tiers de sa grosseur. Le _mast_ de misaine passe à travers le château d'avant au dessus de l'estrave, à l'extrêmité de l'escarlingue. Le _mast_ de beaupré est enchassé par le bout d'embas sur le premier pont dans le _mast_ de misaine. Le mot de _mast_ en est François, en Allemand, en Flamand & en Anglois la même chose; l'Italien dit _masto_, & l'Espagnol _mastel_. MAST _gemellé_ ou _jumellé_, est celui qui est fortifié par plusieurs piéces de bois qui y sont étroitement jointes, qu'on appelle _jumelles_ ou _gaburons_, ou _costons_. On l'appelle aussi _mast reclampé_, _renforcé_, ou _surlié_, & s'il est enté par le haut, on le nomme _mast affusté_, _ajusté_. On dit aller à _mâts_ & à cordes, ou se _mettre à sec_, quand on a abaissé toutes les voiles & les vergues pour éviter la furie du vent. Les bateaux navigeans sur les riviéres ont aussi un _mast_ par où passe le cable, qui sert à les tirer avec des chevaux. MAST, se prend quelquefois pour un Vaisseau. Il y avoit cent _mâts_ dans cette armée, c'est à dire, cent vaisseaux. On voit une forest de _mâts_ dans le port d'Amsterdam. On appelle aussi _mâts_ dans un camp les piéces de bois qui servent à soûtenir les tentes. En termes de blason on appelle un _mast_ desarmé, quand il est peint sans voiles. MEDIASTIN. _s. m._ terme d'anatomie; c'est une continuation de la membrane qui s'appelle _pleure_, laquelle est tenduë sous toutes les côtes & enferme la région moyenne ou vitale, autrement nommée le _thorax_. Quand cette membrane est arrivée au milieu de la poitrine, elle se double de part & d'autre, & va de l'épine du dos au brechet séparant le côté droit d'avec le gauche, & c'est ce qu'on appelle vulgairement le _mediastin_, qui s'étend en longueur depuis les clavicules jusqu'au diaphragme, & en hauteur depuis l'os de la poitrine jusqu'au corps des vertebres, il soûtient les visceres, de peur qu'ils ne tombent d'un côté ni d'autre. MEDIN, terme de relations, c'est une monnoye de Turquie, d'argent fin qui vaut dix-huit deniers monnoye de France, ou deux aspres de Turquie. Il y a aussi des _Medins_ de Barbarie, qui est une monnoye Africaine dont Bodin fait mention. MENEAU. _s. m._ terme d'architecture; c'est la séparation des ouvertures des fenêtres ou grandes croisées. Autrefois on faisoit de gros _meneaux_ & croisillons de pierre au milieu des croisées qui défiguroient tout un bâtiment. Les _meneaux_ ou croisillons doivent avoir quatre ou cinq pouces d'épaisseur. MESOLABE. _s. m._ instrument de Mathematique inventé par les Anciens pour trouver méchaniquement deux moyennes proportionnelles, lesquelles on n'a pû faire encore géometriquement; il est composé de trois parallelogrames qu'on fait mouvoir dans une coulisse jusqu'à certaines intersections. Sa figure est décrite dans Eutocius en ses Comm. sur Archimede. MESPLAT. _adj._ Terme d'artisan, qui se dit des piéces des ouvrages qui ont plus d'épaisseur d'un côté que d'autre, & particuliérement des piéces de bois de sciage. METACARPE. _s. m._ Terme d'anatomie. C'est une partie du squelet qui contient quatre os de la paume de la main, situez entre ceux du poignet & ceux des doigts: on l'appelle aussi avant-poignet, & c'est ce qui forme la paume de la main: les Latins l'appellent _post brachiale_. METAPHYSIQUE. _s. f._ Derniére partie de la Philosophie dans laquelle l'esprit s'éleve au dessus des êtres créez & corporels, s'attache à la contemplation de Dieu, des Anges & des choses spirituelles, & juge des principes de toutes connoissances par abstraction & détachement des choses materielles. Aristote a écrit plusieurs Livres de _Métaphysique_. Descartes a laissé plusieurs méditations _métaphysiques_ incomparables. On l'appelle aussi Théologie naturelle, & c'est comme le tronc ou la racine de toutes les sciences; son objet est l'être en général en tant qu'il est séparé de toute matiére, soit réellement, soit par la pensée. M. Duhamel prétend que ce nom a été forgé par les sectateurs d'Aristote, & qu'il lui a été tout à fait inconnu. METAPHYSIQUEMENT. _adv._ D'une maniére _métaphysique_ élevée au dessus de la matiére & des êtres sensibles. Il y a des choses qu'on ne peut concevoir que _métaphysiquement_. METATARSE. _s. m._ Terme de Medecine. C'est une partie du squelet de l'homme, qui compose la partie mitoyenne du petit pied, & qui contient cinq os entre le talon & les arteils. METOPE. _s. m._ Terme d'Architecture. C'est l'intervalle ou quarré qu'on laisse entre les trigliphes de la frise de l'ordre dorique, il represente l'endroit où aboutissent les solives ou poutrelles d'un bâtiment: ces quarrez sont quelquefois emplis d'ornement, comme de têtes de bœuf, & autres choses qui servoient aux sacrifices des Payens. METOPION. _s. m._ Est un arbre qui naît en Afrique vers l'Ethiopie, d'où, selon Pline, distile sur le sable la gomme de l'ammoniac; mais Pline se trompe, & l'ammoniac est un sel & non une gomme. Dioscoride dit que _Metopion_ est une plante de Syrie, d'où distile le galbanum. METOPOSCOPIE. _s. f._ Art qui enseigne à connoître le temperament & les mœurs des personnes par la seule inspection des traits du visage. Ce n'est qu'une partie de la physionomie, parce que celle-ci fonde ses conjectures sur toutes les parties du corps. L'une & l'autre sont fort incertaines. Le mot est Grec & signifie inspection du visage. MEZZANIN. _s. m._ terme de Marine. C'est un arbre ou troisiéme mast qu'on met quelquefois sur la Mediterranée, dans les Galeres entre l'arbre de mestre & la pouppe, qui est garni de sa voile. MEZZANINE. _s. f._ Est un terme qui se trouve employé par quelques Architectes, pour signifier une _entre-solle_. MEZELINE. _s. f._ Est une sorte d'étoffe mêlée de soye & de laine. MEZEAU. _s. m._ Vieux mot qui signifioit autrefois _ladre_, d'où on a fait _mezelerie_, qui a signifié ladrerie; il vient de l'Italien _mezzo_, qui veut dire _pourri_, _gâté_, _corrompu_, Ménage: d'autres le dérivent de _miser_ & _miseria_, & de _misellus_. MEZARAIQUE. _adj._ Terme de Medecine, qui se dit des veines du mesentere qui succent le chyle des intestins pour le porter au foye: on les appelle aussi _mesenteriques_. MEZAIL. _s. m._ Terme de Blason, qui se dit du devant, ou plûtôt du milieu du devant du heaume qui s'avance à l'endroit du nez, & comprend le nazal & le ventail; de là vient que les Princes & grands Seigneurs portent leurs timbres ayant le _mezail_ tarré ou tourné de front, c'est à dire, le _mezail_ paroissant également éloigné des oreilles. Ce mot vient du Grec _messon_. Borel. MEZEREON. _s. m._ terme de Pharmacie: c'est une plante medicinale qu'on appelle _thimælea_, qui porte le granum gnidium, que plusieurs confondent avec la laureole, dont les Apoticaires font des pilules qui sont si violentes & dangereuses dans les purgations, que les Arabes l'appellent _lyon de la terre_, ou herbe qui fait les femmes veuves: les Païsans appellent son fruit _poivre de montagne_, à cause qu'étant seche il ressemble au poivre, & qu'il est si piquant au goût qu'on ne le sçauroit souffrir tout seul. MICROSCOPE _s. m._ Terme d'Optique. C'est une lunette qui sert à découvrir les moindres parties des plus petits corps de la nature, parce qu'elle grossit les objets extraordinairement. Il s'en fait de plusieurs façons, les uns avec quatre verres qui ont un tuyau long d'un pied; d'autres avec une petite lentille grosse comme une tête d'épingle qui font un fort bel effet. L'Inventeur du _Microscope_ est le même que celui qui a inventé le Telescope, appellé Zacharias Jansen ou Joanides; on attribuë à M. Hugenes l'invention de celui qui est fait avec une petite lentille, & néanmoins on trouve que le Pere Maignan Minime en a parlé long-temps auparavant dans le 4. tome de son Cours Philosophique, &c. N. NAVIRE. _s. m._ Terme de Marine, Vaisseau de haut bord pour aller sur la Mer avec des voiles; on le dit en général de toutes sortes de grands Vaisseaux, à la réserve des Galéres, on l'appelle aussi simplement _Bord_, ou _Vaisseau_, & ce mot est le plus en usage. Ce Port est capable de tant de _Navires_. Les _Navires_ sont à l'ancre en une telle Rade. _Navire_ de guerre, _Navire_ marchand. On dit armer, équipper, fretter un _Navire_. La grandeur d'un _Navire_ s'estime par son port, qui est de tant de tonneaux, dont chacun pese deux milliers. On distingue aussi les _Navires_ du premier, du second, du troisiéme, du quatriéme & du cinquiéme rang selon la grandeur de leur quille, leur port ou capacité, le nombre de leurs ponts, ou des canons dont ils sont montez. Les _Navires_ sont réputez meubles par le titre dix du Livre second de l'Ordonnance de la Marine; ils peuvent être néanmoins vendus par decret, si leur port est au dessus de dix tonneaux, suivant les formalitez du tître quatorziéme du même Livre; ils ne laissent pas d'être réputez immeubles à l'égard des hypotecques seulement; mais ils ne doivent point de lods & ventes, & ils ne sont point sujets au retrait lignager, ni à la licitation à l'égard des combourgeois. Les affiches des criées s'appliquent au grand mast du _Vaisseau_, & au parquet de l'Admirauté. Tout _Navire_ allant en guerre ou en long cours doit être consideré en ces trois parties, la _Bourgeoisie_ à qui appartient le _Vaisseau_, qu'elle doit fournir avec bons apparaux, armes & artillerie; l'_Equipage_ qui consiste aux gens de guerre & Mariniers, pages, garçons & gourmettes; le _Victuailleur_ qui fournit les victuailles, les poudres, boulets, cloüages, chaînes, carreaux, grenades, & tout ce qu'on nomme _armement_, & chez les Levantins _sartie_. Le _Navire_ est composé de plusieurs parties qui seront expliquées à leur ordre; ce mot vient du Latin _Navis_. Plusieurs croient que Janus a été l'inventeur des _Navires_, à cause qu'il y en avoit de marquées sur le revers des plus anciennes monnoyes de Gréce, de Sicile & d'Italie, suivant le témoignage d'Athenée. On dit au feminin la _Navire_ d'Argo, en parlant de ce fameux Vaisseau qui le premier traversa la mer de la Gréce pour aller à la conquête de la Toison d'or sous la conduite de Jason, & de cinquante-quatre Argonautes. Le plus fameux _Navire_ de l'Antiquité est celui de Ptolomée Philopator, qui étoit long de 280. coudées, large de 38. haut de 48. & qui du haut de la pouppe jusqu'à la mer en avoit 54. Il portoit 400. rameurs, 400. matelots, & 3000. soldats; celui qu'il fit pour naviger sur le Nil étoit long d'une demi stade, & large de 30. coudées, mais ce n'est rien en comparaison du _Navire_ d'Hieron construit sous la conduite d'Archimede, de la fabrique duquel Moschion, au rapport de Snellius, a écrit un Livre entier; on y employa le bois destiné à faire 60. Galéres, & 300. Ouvriers sans les manœuvres; le dedans étoit si bien distribué, qu'il y avoit une loge particuliére pour chacun des rameurs, des matelots, des soldats & passagers: il y avoit aussi plusieurs salles à manger, chambres, promenoirs, galeries, jardins, viviers, fours, écuries, moulins, un Temple de Venus, des bains, des salles de conference, &c. Outre cela il y avoit un rempart de fer, huit tours, deux en prouë, deux en pouppe, les autres sur les côtez, avec des murs & bastions, sur lesquels il y avoit plusieurs machines de guerre, dont une entr'autres jettoit une pierre du poids de trois cens livres, ou une fléche de douze coudées, à la portée de six cens pas, avec plusieurs autres merveilles admirables dont Athenée fait mention. En termes de blason on appelle un _Navire équippé_, & _habillé_ d'argent ou de gueules, & de sable, quand les agreils sont de ces émaux. NAZAL. _s. m._ Terme de Blason, qui s'est dit de la partie supérieure de l'ouverture d'un casque ou heaume qui tomboit sur le nez du Chevalier quand il l'abaissoit; il est opposé à _ventaille_, qui est la partie inferieure. NAZARD. _s. m._ C'est un des jeux de l'orgue dont les tuyaux sont de plomb, & d'environ cinq ou six pieds; ce jeu est bouché, & ses tuyaux sont à cheminée accordez à la douziéme de la montre. Il y a aussi un second _nazard_ qui est à l'octave du précédent, & une quarte du _nazard_. NAZARD, ou _nazillard_, se dit d'une personne qui parle du nez, & sur le ton du jeu d'orgue qu'on appelle _nazard_. NAZARDE. _s. f._ Chiquenaude que l'on donne sur le bout du nez. On dit d'un homme ridicule & timide, qu'il a un nez à camouflets & à _nazardes_. NAZARDER. _v. act._ donner des _nazardes_. Les pages, les écoliers se _nazardent_ les uns les autres. NAZEAUX. _s. m._ Ouvertures du nez des animaux, particuliérement des chevaux, qui leur servent à la respiration. On ouvre les _nazeaux_ aux chevaux qui ont de la peine à respirer. Ovide dit, que les chevaux du Soleil soufloient le feu par les _nazeaux_. On appelle proverbialement un fanfaron, un fendeur de _nazeaux_. NAZILLER. _v. n._ parler du nez, d'où vient le mot de nazillard, qui ne parle pas distinctement. Il y a des Ordres de Religieux qui affectent de _naziller_ en chantant, qui croyent que cela est plus devot. On dit en termes de chasse, que le sanglier se foüille, ventroüille & _nazille_ dans la bouë. NEPHRETIQUE. _adj. & subst._ Maladie causée ordinairement par quelque pierre ou gravier qui se forme dans les reins. La colique _nephretique_ est une douleur qui provient de cette cause; on la sent dans les reins & sur les boyaux; & elle est plus cruelle que toutes les autres coliques: ce mot est dérivé du Grec _nephros_, qui signifie le Rein. NEPHRETIQUE, est aussi une pierre précieuse, ou espéce de jaspe, qui ordinairement est mêlée de blanc, de jaune, de bleu, & de noir, & en cela elle differe de l'heliotrope, parce qu'on y découvre ces couleurs quand on la veut polir; ce qui n'arrive pas à l'heliotrope. Il y a aussi un bois qu'on appelle _nephretique_, qui vient des Indes, qui étant rappé ou fendu en petits morceaux, & infusé dans l'eau, la teint en sorte qu'elle paroît d'or à travers le jour, & d'un bleu foncé à contre jour. La pierre _girasole_ fait le même effet. NICOTIANE. _s. f._ Tabac, Petun, herbe à la Reine. Ce sont les noms qu'on donne à une herbe qui vient de l'Amerique, qui desseiche le cerveau, & fait éternuer, à qui on donne diverses préparations pour la prendre en poudre par le nez, ou en machicatoire par la bouche, ou en fumée avec une pipe. Nicod l'envoya en France pendant qu'il étoit Ambassadeur en Portugal en 1560. & il lui a donné son nom, comme il témoigne lui-même dans son Dictionaire. Il dit qu'elle a une merveilleuse vertu contre toutes les playes, dartres, ulceres, & _Noli me tangere_. Catherine de Medicis la voulut faire appeller _Medicée_, de son nom; de là vient qu'on l'appelle encore en plusieurs lieux herbe à la Reine. Elle étoit venuë originairement de la Floride, où quelques-uns disent qu'on l'appelloit _Petun_. NIL. _s. m._ Fleuve qui traverse une grande partie de l'Afrique, il s'employe dans la langue en cette phrase proverbiale; c'est un homme obscur qui cache son logis, il est aussi inconnu que la source du _Nil_, parce que cette source a été inconnuë jusqu'à ce dernier siécle; elle est dans un territoire que les Habitans appellent _abavi_, ou _sacahala_, c'est à dire, le pere des eaux; ce Fleuve sort de deux fontaines éloignées de trente pas, chacune de la grandeur d'un de nos puits. Les Habitans qui sont Payens adorent la plus grande, & lui offrent plusieurs sacrifices de vaches, dont ils mangent la chair comme sainte, & ils laissent les os dans un endroit destiné pour cela, qui font maintenant une montagne assez considerable; ces Habitans s'appellent _Agaus_ dans le Royaume de Goyam à douze degrez de latitude Septentrionale, & 55. de longitude; c'est dans une plaine d'environ trois quarts de lieuë, enfermée de montagnes; au sortir de là il entre en un petit lac, puis il se perd sous terre par l'espace d'une portée de mousquet, & à trois journées de sa source: il est assez large & profond pour porter des Vaisseaux, mais à cent pas plus loin il passe à travers des rochers, en sorte qu'on le passe aisément sans se moüiller le pied; on y navige avec des bateaux de natte bien serrées: il reçoit trois riviéres assez grandes nommées Gema, Linquetil & Brantil; & quand il est sorti du lac de Dambea, qui a cinquante lieuës de large, il reçoit de trés-grands fleuves, comme le Gamara, Abea, Baixo & Aquers; & enfin prés de l'Egypte le Tacase. Il y a deux principales cataractes ou saults; à la deuxième il tombe dans un profond abîme, le bruit s'en entend à trois lieuës de là. L'eau est poussée avec tant de violence qu'elle fait une arcade, sous laquelle elle laisse un grand chemin; où on peut passer sans être moüillé, & où il y a des siéges taillez dans le roc pour reposer les voyageurs. La premiére catadoupe ou cataracte du _Nil_ est d'environ cinquante pieds; la seconde est trois fois plus haute. On dit qu'Albuquerque eut dessein de faire un traité avec les Abissins pour détourner le _Nil_, & le faire jetter dans la mer Rouge, afin de rendre les campagnes d'Egypte stériles, & que pour empêcher cela le Turc paye tribut au grand Negus; mais c'est une fable, & la chose est entiérement impossible. Alexandre consulta l'Oracle de Jupiter Ammon pour apprendre où étoit cette source, Sesostris, Ptolemée, la firent chercher inutilement. Cambises, à ce que dit Strabon, employa une armée pour la chercher. Lucain témoigne que Cesar disoit qu'il eût quitté la guerre Civile s'il eût été assuré de la trouver. Saint Augustin & Théodoret ont cru que c'étoit le Fleuve appellé _Geon_, qui arrousoit le Paradis terrestre, & qui alloit par dessous la mer Rouge renaître en Afrique. Ce que dessus est extrait de l'histoire écrite en Portugais par le Reverend Pere Balthasar Tellés Jesuïte. Isaac Vossius a écrit de l'Origine du _Nil_, & des autres Fleuves, & en attribuë la source & le débordement aux pluyes abondantes en ce païs là en Eté. Monsieur de la Chambre attribuë la cause de sa cruë au nitre dont le lit de ce Fleuve est plein, qu'il dit être cause d'une vehemente fermentation, mais il se trompe. NILLE, ou _Nigle_, ou _Nelle_, terme de blason, qui se dit d'une espéce de croix ancrée, beaucoup plus étroite & plus menuë qu'à l'ordinaire. Il y en a qui confondent _Nille_ & _Anille_. Voyez croix _Nillée_. _NOLI me tangere_, terme Latin. C'est un nom que donnent les Médecins à un ulcére malin qui vient au visage. NOLIS & _Nolissement_. _s. m._ Termes de Marine, ils signifient sur la Méditerranée la même chose que fret & affrettement sur l'Ocean. On dit aussi sur l'Ocean _naulage_, pour dire le _fret_ des Navires qu'on louë pour aller en guerre, ou pour courir le bon bord; & on dit _noliger_ & _nauliser_, pour dire loüer & fretter. Tout ces mots viennent du Latin _naulum_. NOMBRE. _s. m._ quantité discrete, assemblage de plusieurs corps separez, considerez comme s'ils occupoient une certaine étenduë. Euclide le définit une multitude composée de plusieurs unitez. La quantité continuë est l'objet de la géometrie, la quantité discrette, celui de l'Arithmetique, ou de la science des _nombres_: ce mot vient du Latin _numerus_. Dieu a tout fait en _nombre_, poids & mesure. 2. DIOPHANTE a bien écrit des _nombres_. Il a été commenté par Gaspard Bachet de Meziriac, qui a fait aussi des problêmes pour deviner les _nombres_ qu'un autre a pensé. Les mystéres des _nombres_ de Pithagore avoient plus de vanité que de solidité, aussi bien que toutes les allégories que plusieurs Docteurs en ont voulu tirer. Voyez le traité des _nombres_ du Sieur Freniel inseré dans les mémoires de l'Academie des sciences, où il en fait voir plusieurs belles propriétez. NOMBRE, signifie particuliérement le premier caractére d'une suite de chifres, qui ne contient que des unitez; c'est un _nombre_ simple. On commence à compter par _nombre_, dixaine, centaine, mille, &c. Le _nombre_ binaire, ternaire, centenaire, se dit des caractéres qui marquent ces quantitez. NOMBRE _pair_ est celui qui se peut diviser en deux parties égales. Tout _nombre_ pair multiplié par un _nombre_ pair fait un _nombre_ pair. NOMBRE _impair_ qui ne se peut diviser également sans fraction, qui est plus grand d'une unité que le pair. La somme de deux _nombres_ impairs fait un _nombre_ pair. NOMBRE _Pairement pair_, est celui qu'un _nombre_ pair mesure par un _nombre_ pair, comme deux fois quatre c'est huit, ce huit est un _nombre pairement pair_. 7. NOMBRE _pairement impair_, celui qu'un _nombre_ pair mesure par un _nombre_ impair; quatre multiplié par cinq fait vingt, _nombre pairement impair_. NOMBRE _premier_, ou _primitif_, est celui qui ne peut être mesuré que par la seule unité: comme 19. 29. dans la division desquels en quelque partie qu'on les divise, il reste toûjours une unité. NOMBRE _composé_, est celui qui se peut diviser en plusieurs parties égales, qui peut être mesuré par d'autres _nombres_. NOMBRE _parfait_, est celui qui est égal aux parties qui le composent, si on les ajoûte ensemble, comme 6. est parfait, parce qu'il égale la somme de 1. 2. 3. qui sont ses parties. NOMBRE _sourd_, ou _irrationnel_, est un _nombre_ qui n'a pas de proportion avec un autre. NOMBRES _cosiques_. Terme d'Algebre: ce sont les diverses puissances d'un _nombre_ multiplié plusieurs fois par lui-même. Racine, quarré, cubique quarré de quarré, cubo cubique, &c. sont des _nombres cosiques_. NOMBRE _entier_, est celui qui n'est point divisé, qui est sans fraction. NOMBRE _rompu_, c'est un _nombre_ divisé en plusieurs parties, ou fractions, qu'on écrit avec deux rangs de chifres, divisez par une barre, dont celui de dessus est le numerateur, celui de dessous le dénominateur. NOMBRE _poligone_, en termes d'algebre signifie un _nombre_ à plusieurs angles qui se forme par des _nombres_ en progression Arithmetique ou égale; en telle sorte que s'ils étoient arrangez & marquez en points, ils feroient une figure à plusieurs angles. Par exemple, si on marque un point en haut, & deux en bas, cela fera un triangle, & le _nombre_ de trois fera un trigone: Si on marque deux en haut & deux en bas, cela fera un quadrangle, ou _nombre quarré_, qui fera quatre. Ce qui arrive quand la progression va seulement par un ou deux: mais si la difference des _nombres_ est de trois, elle fera un pentagone, si elle est de quatre un exagone; si elle est de cinq un eptagone, & ainsi du reste. Voyez l'Algebre du P. Malebranche, où les propriétez de ces _nombres_ sont bien expliquées. NOMBRE, en termes de Palais, & en plusieurs Arts, se dit aussi d'une quantité incertaine, indéterminée. Quand on dit j'ai été mille fois chez lui, on prend un _nombre_ certain pour un incertain; un _nombre_ rond c'est cent ou mille, &c. Nous n'étions pas _nombre_, c'est à dire, nous n'étions pas assez pour juger, pour tenir Chapitre, & déliberer: il faut ceder au _nombre_, à la force, à la pluralité. Dans les grands Corps, la plûpart ne servent que de _nombre_. Il a _nombre_ d'envieux: il a un _nombre_ innombrable d'écus. On dit mettre au _nombre_, ou du _nombre_, pour dire dans le rang, dans la liste, dans le Catalogue; on l'a mis au _nombre_ des Saints. Il est du _nombre_ des exilez. Il s'est mis du _nombre_, pour dire il s'est mis dans la troupe. On dit aussi dans le blazon, des étoilles, des fleurs de lys sans _nombre_, quand l'écu en est chargé sans qu'il y ait de _nombre_ prescrit. NOMBRE en Musique, en Poësie, en Rhetorique, se dit de certaines mesures, proportions, ou cadences qui rendent agréable à l'oreille un air, un vers, une période. Il y a un certain _nombre_ qui rend les périodes harmonieuses: les vers sont composez d'un certain _nombre_ de pieds ou de syllabes. Toute musique a un certain _nombre_ de notes. NOMBRE en termes de Grammaire, se dit du singulier & du plurier, & du duel chez les Grecs & les Hebreux. Il faut que le substantif & l'adjectif s'accordent en genre, en cas, & en nombre. NOMBRE _d'or_, est un terme du comput Ecclésiastique, qui est une période de dix-neuf ans, inventée par Methon Athenien, au bout de laquelle on void arriver les mêmes lunations, & la même Epacte, quoi que cette période ne soit pas tout à fait juste. Et on dit figurément en ce sens, qu'un homme entend le _nombre d'or_, quand il a trouvé l'art d'amasser beaucoup de bien. En Théologie on appelle le Livre des _Nombres_ un des Livres du Pentateuque, qui contient les cérémonies de la Loi de Moïse. En agriculture on appelle un _nombre_ de gerbes, douze gerbes: Il faut trois _nombres_ de bled pour faire un septier de grain. On a fourni trente _nombres_ de gluis pour recouvrir cette bergerie. NOMBRER. _v. act._ Compter sçavoir le nombre. Il y avoit une quantité de peuple si prodigieuse qu'on ne la pouvoit _nombrer_. On met dans tous les Contracts, cette somme a été comptée & nombrée en presence des Notaires. NOMBREUX. euse. _adj._ en grand nombre. La France est habitée par un peuple fort _nombreux_; l'assemblée étoit fort _nombreuse_. NOMBREUX, signifie aussi agréable à l'oreille, harmonieux. Cette période est fort _nombreuse_, ces vers sont fort _nombreux_. NOMBREUSEMENT. _adv._ en grand nombre. Le peuple vint _nombreusement_ & en foule faire ses plaintes au Roi, &c. NOMBRIL _s. m._ C'est une partie du corps de l'animal composée de quatre vaisseaux umbilicaux, sçavoir une veine, deux artéres, & l'ouraque qui s'unissent ensemble, & sont renfermez comme dans un canal long, nerveux, tortillé; qu'on appelle _cordon_, _lacet_, ou _petit intestin_; c'est par où le fœtus prend sa nourriture dans le ventre de la mere, & quand l'enfant est né, ces quatre vaisseaux ayant fait leur fonction, dégénérent en un ligament qui fait comme un nœud au milieu du ventre, qu'on appelle le _nombril_. La veine du _nombril_ est le lien du foye, quand elle est coupée il tombe & tire quand & soi le diaphragme. Ce mot vient de _umbilicus_ Latin, & celui-ci de _umbo_, qui signifie _bouton_, ou _bosse_ qui est au milieu d'un bouclier. NOMBRIL de _Venus_, est une plante que les Grecs appellent _cotyledon_, les Latins _umbilicus Veneris_, _myrepsus_, _cymbalium_; d'autres _cymbalaria_, & d'autres _scatuucellus_. En Botanique on appelle le _nombril_, ou _l'œil_, dans les poires, les pommes, & autres fruits semblables l'endroit où sont enfermez les pepins. En termes de Blason, on appelle le _nombril_ de l'écu un point qui est au milieu du dessous de la fasce, & qui la separe de la pointe. Il portoit d'or à un écusson de gueules mis au _nombril_. NORD. _s. m._ Terme de Marine dont on se sert sur la mer Oceane pour signifier le pole arctique, ou Septentrional, qui est élevé sur nôtre horison. L'étoile du _Nord_ est la derniére de la queuë de la petite ourse, qui est à deux degrez du pole. On a fait virer le cap au _Nord_. La boussole est ce qui marque le _Nord_. Depuis le _Nord_ jusqu'au Sud. Le vent est tourné au _Nord_. Le Soleil revient en Eté vers le _Nord_. _Nord_, signifie aussi la partie du monde qui est Septentrionale, à l'égard de quelque autre païs. L'Angleterre est au _Nord_ de la France. Les Princes du _Nord_ sont la Suéde, le Danemark, la Lapponie, &c. Les peuples du _Nord_ aiment bien à boire. Les Navires Hollandois qui n'osent entrer dans la Manche sont contraints de prendre leur route par le _Nord_ d'Ecosse. NORD, est aussi le nom qu'on donne à un des quatre vents cardinaux, qui vient du côté du Septentrion, qu'on appelle autrement la _bise_, & sur la Mediterranée _tramontane_. Le _Nord_ qui souffloit avec violence nous empêcha d'aborder; le _Nord_ est un vent froid & sec. Ces mots de _nord_, _sud_, _est_, & _oüest_ sont de vieux mots François dont on se servoit du temps de Charlemagne, qu'on dit être celui qui leur a donné ces noms; qui passent aujourd'hui pour Allemans. NORDEST, est un quart de vent entre l'Orient & le Septentrion, que sur la Mediterranée on appelle galerne: _Nordoüest_, est un quart de vent entre le Septentrion & l'Occident, sur la Mediterranée on l'appelle _maëstral_. NORT _nordest_, _nordnord quart au nordest_, sont des subdivisions de vent entre l'Orient & le Septentrion; on fait la même subdivision à l'égard du _Nordoüest_. NORDESTER. _v. n._ Terme de Marine qui se dit de l'aiguille aimantée, lors qu'elle décline du _Nord_ vers _l'Est_, ou l'Orient; & _Nordoüester_ se dit quand elle décline du même point vers _l'Oüest_, ou l'Occident. NOTA. _s. m._ Terme Latin dont on use au Palais & dans l'Ecole, pour signifier une marque qu'on met en quelque endroit d'un livre ou d'un écrit, quand il y a quelque chose de remarquable, & dont on veut se souvenir. NOTA, se dit aussi d'une explication, d'une restriction, ou d'une observation que font les Auteurs d'un Livre, ou ceux qui en font faire l'édition, soit dans le texte, soit dans la glose, pour empêcher que le Lecteur ne se trompe: ou pour l'avertir de quelque chose. Cet article de compte est alloüé, mais il y a un _nota_ qui montre qu'il en faut faire la reprise. NOTA, se dit dans le discours ordinaire pour tenir lieu de parenthese. Cet importun me vouloit encore conter son procés, _nota_ qu'il étoit deux heures, & que j'étois à jeun. NOTABLES. _adj. m. & f. & s._ qui est excellent, rare, singulier, remarquable, considerable; on le dit premiérement des personnes. L'élection des Echevins se fait par les _notables_ Bourgeois qu'on mande à la Ville pour cet effet. On a fait autrefois une Assemblée des _notables_ à Roüen, des personnes considerables de l'Etat. On le dit aussi des choses. Nous avons eu un avantage _notable_ sur les ennemis. Ce Marchand a fait une perte _notable_ dans ce naufrage. Il est engagé pour une somme _notable_ dans cette banqueroute. Plutarque a fait un traité des Dits _notables_ des Lacedemoniens. Les Arrêts _notables_ ont été recueillis par les Arrestographes. NOTABLEMENT. _adv._ d'une maniére considerable. On a interessé _notablement_ ce Favori en une telle affaire, pour la faire réüssir. Cet homme a été _notablement_ blessé dans une telle mêlée. NOTAIRE. _s. m._ Officier dépositaire de la foi publique, qui garde les nottes & minutes des Contracts que les parties ont passé par devant lui, & qui en delivre des expeditions qui sont authentiques & obligatoires, & portent hypotéques. Les _Notaires_ du Châtelet ont maintenant la qualité de Conseillers du Roy & Gardenottes. Les Secretaires du Roy s'appellent Conseillers, _Notaires_ & Secretaires du Roy. Il y a quatre _Notaires_ & Secretaires du Parlement. Ragueau fait une distinction entre les _Notaires_ & _Tabellions_, & dit qu'en plusieurs Villes les _Notaires_ reçoivent & passent seulement les minutes & nottes des Contracts, & les peuvent délivrer aux parties en Brevet; mais qu'ils sont tenus de les porter aux Tabellions pour les garder & delivrer en grosse aux parties si elles le requérent pour avoir une execution parée; & il se fonde sur des Edits de François Premier dés années 1542. & 1543. mais ces Tabellions ont été supprimez par le Roy Charles IX. en l'Ordonnance d'Orleans; & maintenant on appelle _Notaires_ tous les Officiers Royaux qui reçoivent, & qui delivrent des grosses de toutes sortes de Contracts & conventions, & _Tabellions_ ceux qui font la même chose dans les Seigneuries & Justices subalternes. On appelle maintenant l'étude des _Notaires_. On disoit autrefois boutique, & on le dit encore en plusieurs Provinces. Les _Notaires_ ont été ainsi appellez, parce qu'anciennement ils écrivoient par nottes ou écritures abregées, une lettre signifiant un mot entier; cela a donné occasion à Valerius Probus de travailler à l'explication des nottes des Anciens, comme il a fait trés-utilement. Magnon fit un traité des abbreviations du Droit dés le temps de Charles le Chauve; & Pierre Diacre en fit un plus ample au temps de l'Empereur Conrad; & Goltzius en a fait un pour l'intelligence des legendes des médailles. Notaire Apostolique, est un _Notaire_ qui reçoit & expedie des actes en matiére spirituelle & beneficiale, comme les résignations de Benefices, concordats de permutation, &c. Il a une commission du Pape confirmée & approuvée par l'Evêque diocesain, & il est opposé à _Notaire_ Royal. On dit proverbialement quand un homme est en réputation de garder sa parole, c'est autant que si tous les _Notaires_ y avoient passé. On dit aussi Dieu nous garde d'un &c. de _Notaires_, parce qu'ils font quelquefois six rolles pour expliquer ces trois mots de leurs minutes, promettant, &c. obligeant, &c. renonçant, &c. NOTAMMENT. _adverb._ particuliérement: On a donné ordre à ce Sergent de contraindre tous les cottisez, & _notamment_ tels & tels. NOTARIAT. _s. m._ Qualité, charge, fonction de Notaire. On ne doit admettre au _Notariat_ que des gens d'une vertu integre, d'une fidélité inviolable. NOTTE. _s. f._ terme de pratique, minute d'un Acte qu'on passe chez un Notaire; il n'est plus en usage que dans le composé en cette phrase, les Notaires sont créez _Gardenottes_ du Roy. NOTTE, marque qu'on fait à quelque feüillet ou passage d'un livre pour le retrouver au besoin. J'ai lû ce livre, & j'ai fait des _Nottes_ avec un crayon, avec des coups d'ongle. On met un, _hic_, ou une _Notte_ à la marge d'un Contract pour en remarquer la clause décisive, ou importante. NOTTE. Est aussi une remarque ou explication qu'on met à la marge, ou au bas de la page d'un livre, d'un écrit, pour en faciliter l'intelligence. Le textuaire de Droit avec les _nottes_ de Godefroy est estimé. Les _nottes_ de Dumoulin sur la Coûtume de Paris. Les _nottes_ de Cujas, &c. Cette Bible est imprimée avec des _nottes_ marginales. NOTTE, se dit aussi de ce qui marque quelque défaut, ou imperfection. Dans un Dictionnaire on doit mettre une _notte_ à un mot quand il est vieux ou particulier à quelque art ou science; quand il est dans l'usage commun il n'y faut point de _notte_. Cette fille a épousé un honnête homme, mais il est bâtard, c'est une grande _notte_. Quand quelqu'un est pendu, c'est une _notte_ pour toute sa famille. On appelle aussi _notte_ d'infamie, celle dont une personne est marquée par sa profession, ou par quelque jugement. Le métier de Comedien porte avec soi une _notte_ d'infamie. Toute condamnation à peine afflictive emporte _notte_ d'infamie. NOTTES. Sont aussi des caractéres ou abreviations qu'on fait, soit pour écrire promptement, soit pour signifier quelque chose. Herigone a fait cinq tomes d'un cours de Mathematique en _nottes_, qu'il prétend être une langue universelle, & pouvoir être entenduës de tout le monde. Les Jurisconsultes ont des _nottes_, comme §. _paragrapho_, ff. _digestis_. E. _extra_. _Scto. senatus consulto._ Les Romains avoient des _nottes_ pour leurs inscriptions, _S. P. Q. R. Senatus, populusque Romanus_, _p. p. pater patriæ_. Ce sont ces _nottes_ anciennes qu'a expliqué Valerius Probus. Les Chimistes ont leurs nottes _a, a, a_, Amalgamer, _s, s, s_, _stratum super stratum_. L'Algebre a aussi ses _nottes_ expliquées à Algebre. Les Medecins, Chirurgiens & Apoticaires se servent de _nottes_ ou caracteres, pour marquer le poids & les doses de leurs Ordonnances. NOTTE, en termes de Musique se dit des caracteres qui marquent les tons, les élevations ou les abaissemens de la voix, & ses mouvemens vîtes ou lents; enfin toutes les variations qui y doivent faire de l'harmonie. La _notte_ maxime est figurée par un quarré long avec une queuë, elle vaut 8 mesures, quoi que le Pere Mersenne la fasse de 12. La longue est un quarré avec une queuë qui en vaut la moitié, ou quatre mesures: la bréve est un quarré sans queuë, qui vaut deux mesures; la semi-bréve est un quarré sans queuë, qui est posé sur ses angles, ou en losange, qui vaut une mesure, ou le lever & le baisser de la main; la minime est une losange avec une queuë, qui vaut la moitié d'une mesure; la noire a la même figure; mais elle est pochée & vaut un quart de mesure; la crochuë est la même figure avec un croc par en bas, qui vaut un huitiéme de mesure, & la double crochuë un seiziéme. Il y a aussi des _nottes_ ou caracteres pour signifier les pauses, les repos ou silences qui marquent qu'il faut se taire aussi long-temps qu'on est à chanter la _notte_ qui précéde; elles se font avec des points ou des lignes qui traversent d'un réglet à l'autre. Les Grecs faisoient leurs _nottes_ de musique avec des lettres simples ou doublées, droites ou renversées, comme on prouve par les Livres de Bacchius, d'Alipius, de Porphire & de Boëce. On dit en ce sens qu'un homme chante sur la _notte_, pour dire à livre ouvert sur un Livre _notté_, ou qu'il fait des accords sur la _notte_, sans avoir étudié ce qu'il chante. NOTE, se dit aussi pour signifier le ton. Il y a sept _notes_ en Musique qu'on appelle _ut_, _re_, _mi_, _fa_, _sol_, _la_, _si_; les six premiéres ont été inventées en l'an 1024. par Guy Aretin Moine Benedictin, qui les trouva à Pompose dans le Duché de Ferrare, sous le Pape Jean XX. lequel les reçût avec si grand applaudissement, qu'il commanda de mettre cette maniére de chanter en usage; aussi est-elle si facile, qu'on apprend plus de Musique en un jour avec cette méthode, qu'on ne faisoit autrefois en un an avec celle des Grecs, dont on s'étoit servi jusques alors. Il intitula _Micrologue_ le livre où il publia cette invention. Aretin a pris les _nottes_ _ut_, _re_, _mi_, _fa_, _sol_, _la_, de l'Hymne des Vêpres de S. Jean Baptiste, _Ut queant laxis, &c._ La septiéme _notte_ a été inventée de nos jours par le Maire, qui est un, _si_, qui differe d'un demi ton du, _la_; il sert à éviter la difficulté des muances qui étoient restées dans la gamme de Guy Aretin; cette syllabe est plus haute d'un demi ton que le, _la_, & quand on voudra avoir un ton entier, on mettra une diése au dessous. On peut faire 720 variétez des six _nottes_ de Musique sans repeter la même deux fois; & on peut faire 40820 airs differens des _nottes_ de chaque octave. Il y a des Organistes qui font 32 _nottes_ dans la mesure binaire, qui dure seulement une seconde de minute. NOTTE, se dit proverbialement en ces phrases: on dit d'un Menêtrier qu'il ne sçait qu'une _notte_, qu'il n'aura qu'un double, pour dire qu'il ne sçait qu'une chanson. On dit aussi qu'un homme change de _notte_, quand il parle d'une autre maniére qu'il n'avoit fait, quand il supplie au lieu de menacer. On dit aussi de celuy qui ne sçait rien de la matiére dont on l'interroge, qu'il n'en sçait _notte_, qu'il n'en a pas retenu une _notte_. NYMPHE. _s. f._ Fausse divinité que les Payens croyoient présider aux eaux, fleuves & fontaines. Quelques-uns en ont étendu la signification, & les ont prises pour Déesses des montagnes, des forêts, & des arbres, qu'on appelle particuliérement, _Oreades_, _Dryades_, _Hamadryades_ & _Napées_, la _Nymphe_ de la Seine, de la Loire. NYMPHE. Dans les Romans se dit des Dames de condition qu'on introduit, à qui on donne un rang au dessus des Bergeres, comme dans l'Astrée la _Nymphe Galathée_. NYMPHE se dit en ce sens des Maîtresses, que chacun se fait, en une compagnie, ou qu'on meine en une promenade. En cette partie de divertissement chacun avoit sa _Nymphe_, chacun fit danser sa _Nymphe_ à ce Bal. NYMPHES, en termes de Medecine sont de petits aîlerons, ou parties molles & spongieuses qui sortent & avancent hors les lévres de la matrice; elles servent à guider l'urine, & à la conduire comme entre deux parois, ce qui leur a donné le nom de _Nymphes_, comme qui diroit Dames des eaux, ou du conduit d'où l'urine coule comme d'une source. On les appelle aussi aîles. Les Naturalistes appellent _Nymphe_ la petite coque des vers à soye qui reste aprés qu'on en a devidé le cocon; c'est une pellicule jaune dans laquelle sont enfermez leurs œufs; ils l'appellent en Latin _nympha aurea_, autrement _chrysalis_. Tous les insectes volans, comme papillons, mouches & chenilles ont de semblables _nymphes_, mais qui ne sont pas si sensibles. Voyez Swammerdam, qui en a fait un excellent volume. O. OBLAT. _s. m._ Est un Moine lay que le Roi mettoit cy-devant en chaque Abbaye ou Prieuré dépendant de sa nomination, auquel les Religieux étoient obligez de donner une portion monachale, à la charge qu'il sonneroit les cloches, qu'il balayeroit l'Eglise & la court. Ces places étoient destinées à des soldats estropiez & invalides. Cette prestation s'est convertie en argent, qui étoit taxée à vingt écus, puis à 100 livres, & enfin on l'a augmentée jusqu'à 150 livres. Depuis on a transferé tous ces oblats avec leurs pensions, à l'Hôtel des Invalides à Paris. Pasquier dit que les oblats commencerent à avoir lieu du temps des _Capets_, & que le Roi se départant du droit qu'il avoit d'assister à l'élection des Abbez, se réserva le privilege d'aumôner une place de Religieux à un pauvre soldat impotent; & alors il donna de ces Oblats dans les Monasteres électifs seulement. OBTUS, _s. m._ Terme de Geometrie. Angle qui a plus de 90 degrez ou d'un quart de cercle. Un triangle _obtus_ est celuy qui a un de ses angles obtus. OBTUS se dit figurément d'un esprit qui n'est point subtil ni pointu, qui est émoussé. C'est un homme qui a l'esprit _obtus_. OBTURATEURS. _adj._ Terme de Medecine qui se dit de deux muscles de la cuisse, parce qu'ils bouchent le trou qui est entre l'os pubis & celuy de la hanche. OGIVE. _s. f._ Terme d'Architecture. C'est le trait d'une voute qui au lieu d'être en berceau ou en plein ceintre, trace une diagonale en forme d'arrête. Les deux _ogives_ diagonales en se croisant forment la clef de la voute. Les arcs en berceau d'où les _ogives_ sortent, s'appellent _arcs doubleaux_; & ce qui est entre les _ogives_ & les arcs doubleaux, s'appelle le _pendentif_ de la voute. Les parties des _ogives_ qui sont en saillie, s'appellent les _nerfs_. OGOESSES. Terme de Blason qui se dit des tourteaux de sable pour les distinguer des autres qui se nomment _Gulpes_, quand ils sont de pourpre; quand ils sont de geules, _guses_; quand ils sont d'azur, _heurtes_; & quand ils sont de sinople, _pommes_ ou _volets_, quoy qu'ils retiennent tous en général le nom de _tourteaux_. OIGNEMENT. _s. m._ Action par laquelle on oint, on parfume. Le lavement & l'oignement des pieds étoit une honnêteté que les juifs faisoient à leurs hôtes, à ceux qu'ils vouloient honorer, comme celuy que fit la Madelaine au Sauveur. OISEAU. _s. m._ Animal qui s'éleve en l'air, qui le traverse, qui s'y tient suspendu par le secours de ses plumes & de ses aîles. Le Phenix, s'il y en a, passe pour le Roi des _oiseaux_. C'est une erreur de croire que les _oiseaux_ de paradis volent toûjours, ils ont des pieds avec lesquels ils s'attachent aux branches pour dormir. Les Romains observoient avec soin le vol des _oiseaux_. A l'arrivée des Européans dans les Isles de l'Amerique, tous les _oiseaux_, à ce qu'on dit, étoient privez parce qu'on ne leur faisoit point la guerre. Ce mot vient d'_Avicellus_, ou _Aucellus_, dont les Italiens ont fait aussi _Augello_. Ménage & Du Cange. On appelle en termes de Fauconnerie, _oiseaux_ de proye, les gros _oiseaux_ qui vivent de grip, de rapt & de rapine, qu'on dresse & qu'on apprivoise. On appelle _oiseaux_ niais ceux qui sont pris au nid. _Oiseau_ branchier celuy qui n'a encore que la force de voler de branche en branche. Un _oiseau_ sor, celuy qui n'a point encore mué, il ne se dit que des oiseaux de passage, & non du niais & du branchier. Un _oiseau_ hagard, celuy qui a été à soi, qui est plus farouche. Un _oiseau_ de bonne ou de mauvaise affaire, celuy qui est docile ou farouche. On appelle parement de l'_oiseau_, la maille qui luy couvre le devant du col; manteau d'_oiseau_, le plumage des épaules, du dos & du dessus des aîles. Serres d'_oiseau_, ce sont leurs griffes. Mains d'_oiseau_, ce sont leurs pieds. La couronne de l'_oiseau_, c'est le duvet qui couronne, qui joint le bec à la tête. On appelle train de l'_oiseau_, son derriére, ou son vol. On appelle _oiseau_ de poing, celuy qui étant reclamé, fond sur le poing sans entremise de leurre, comme l'autour & l'éprevier; _oiseau_ de leurre, celuy qui fond sur le leurre, quand on le luy jette, & delà sur le poing. On en compte dix ordinaires, faucon, gerfaut, sacre, lanier, aigle, tagarot, émerillon & hobereau, le faucon & le sacre bâtards, _oiseau_ de montée, est celuy qui s'éleve fort haut, comme le milan, le heron, &c. Il y a des _oiseaux_ pour la haute & pour la basse volerie. _Oiseau_ pillard celui qui pille & détrousse un autre; _oiseau_ chariard, qui dérobe sa perdrix; _oiseau_ bas & tenu par le Bec, c'est à dire, en faim. L'_oiseau_ Bâtard est, par exemple, un faucon né d'un tiercelet de faucon & du lanier; ou un sacre né du sacret & du lanier. On appelle _oiseaux_ vilains, poltrons & tripiers ceux qui ne suivent le gibier que pour la Cuisine, qu'on ne peut affaiter ni dresser, comme les milans & les corbeaux, qui ne combattent que les poulets, lesquels n'ont ni vol ni défense. Un _oiseau_ dépiteux, qui ne veut pas revenir, quand il a perdu sa proye. Un _oiseau_ attrempé est celuy qui n'est ni gras ni maigre. Un _oiseau_ âpre à la proye, bien armé de bec & d'ongles. Un _oiseau_ fort à Delivre, qui n'a point de corsage qui est quasi sans chair, comme le heron. On appelle _oiseau_ allongé, celuy dont les pennes sont bien entieres, qui ont toute la longueur qu'elles doivent avoir; un _oiseau_ trop en corps, celuy qui est trop gras. On dit aussi un _oiseau_ de bonne aire, un _oiseau_ de grand travail & de bon guet, un _oiseau_ de bonne compagnie, un _oiseau_ pantois ou asthmé, un _oiseau_ égalé, quinteux, escartable, rebuté, un _oiseau_ d'échappe. Un _oiseau_ bon chaperonier. Il y a aussi des _oiseaux_ de nuit, de mauvais augure, de voirie, des _oiseaux_ de jour, _oiseaux_ de parade, de babil, & cageolleurs, _oiseaux_ sauvages, passagers, de combat, de volerie, de marais, de marine, qui rasent les étangs, & sont bons poissonniers, &c. Les _oiseaux_ de leurre doivent avoir les mahutes hautes, les reins larges, bien croisez, bas assis, cour-jointez, les mains longues. On dit aussi apoltronir un _oiseau_, l'acharner, l'abecher, l'abattre, l'abaisser, l'entraver, l'essimer, & plusieurs autres phrases qui sont expliquées à leur ordre. On appelle _oiseaux_ de riviére, les canards, sarcelles & autres aquatiques qui aiment les eaux. _Oiseaux_ de bois, les gelinottes, les faisans. _Oiseaux_ passagers, les beccasses, les cailles, les guignards. _Oiseaux_ domestiques, les poulles, les canes, oyes. On appelle _oiseaux_ de voliére, ceux qu'on garde en cage pour leur chant, leur ramage, leur gazoüillement, comme rossignols, serains, linottes, chardonnerets, &c. Il y a des _oiseaux_ qui ne sont bon qu'à mettre à l'engrais, comme les coqs qu'on chaponne, qui perdent leur chant. Il y a des _oiseaux_ qui ne volent jamais, comme l'Autruche & le casuel. Kircher dit qu'il y a un _oiseau_ en la Chine qu'on appelle _hoang cio yu_, qui change de nature deux fois l'an; il est _oiseau_ tout l'Eté & se transforme en poisson durant l'hiver. Ce nom veut dire poisson jaune. On appelle tirer à l'_oiseau_, quand on dispute le prix en s'exerçant à tirer de l'arc ou du fusil sur un _oiseau_ de bois qu'on nomme le papegay. Les _oiseaux_ de leurre en terme de Blason témoignent la noblesse, parce qu'ils sont des marques d'hommage & de redevance; ce qui a fait que dans les sceaux anciens on a representé les Chevaliers avec une épée nuë à la main droite & un _oiseau_ de leurre à la gauche. Les Poëtes ont appellé l'Aigle l'_oiseau_ de Jupiter, le paon l'_oiseau_ de Junon, le hibou l'_oiseau_ de Pallas, le pigeon l'_oiseau_ de Venus, & le peuple appelle maintenant un bœuf _oiseau_ de S. Luc. OISEAU de Limosin est une espece de vaisseau qui sert à porter le mortier dans les ateliers: il est composé de deux ais joints d'un côté en équerre & arrondis par l'autre extrêmité, il se porte sur les épaules. OISEAU se dit proverbialement en ces phrases: Petit à petit l'oiseau fait son nid, en parlant des choses qui se font lentement & peu à peu. On dit que la belle plume fait le bel _oiseau_. On dit aussi: Ce n'est pas viande pour vos _oiseaux_, pour dire, Cela ne vous est pas destiné, c'est pour des gens d'une plus grande qualité. On dit qu'un homme a battu les buissons, & qu'un autre a pris les _oiseaux_, pour dire qu'il a travaillé, & que les autres en ont profité. On dit qu'un homme est comme l'_oiseau_ sur la branche, quand il n'a point de logement d'employ, de fortune assurée. On dit aussi qu'un homme est battu de l'_oiseau_, quand il lui est arrivé plusieurs malheurs, plusieurs pertes qui lui ont abattu le courage. On dit aussi d'un prisonnier qu'on a manqué, ou qui a brisé les prisons, que l'_oiseau_ s'en est envolé. On dit aussi: Voilà une grande cage pour un petit _oiseau_, quand un homme de peu de considération est logé dans un logis magnifique. On dit qu'un _oiseau_ en a dans l'aîle, quand il a reçû un coup qui l'empêche de voler; on le dit figurément des hommes, dont la santé ou la fortune sont ruinées. On dit aussi ironiquement qu'un homme est un bel _oiseau_, pour témoigner un grand mépris de sa personne. OISELER. _v. act._ terme de Fauconnerie qui signifie dresser un _oiseau_; oiseler un faucon pour le faire Bon gruyer, bon heronnier, l'affaiter, le leurrer & assurer, commencer à le mettre dedans & l'employer à voler. On dit aussi mettre l'_oiseau_ à poil, pour dire le dresser à voler gibier à poil. OISELERIE _s. f._ métier de prendre, d'élever & de vendre des _oiseaux_. OISELET ou OISILLON _s. m._ petit oiseau. OISELEUR. _s. m._ celui qui prend des oiseaux. On le dit particuliérement de ceux qui prennent des _oiseaux_ de chasse au passage. Ménage a fait une belle Eglogue intitulée l'_Oiseleur_. OISELIER. _s. m._ celui qui vend des _oiseaux_ de voliére, qui les éleve en cage. OMBELLE. _s. f._ Terme de Blason qui se dit d'une espece de parassol que le Doge de Venise met sur ses Armes par une concession d'Alexandre III. quand il se réfugia à Venise en fuyant la persecution de Federic. Elle est quelquefois sur les Armes de la République. OMBELLE en termes de Botanique est une partie de la plante, dont le bout de la tige se divise en plusieurs autres moindres tiges, lesquelles portent des bouquets ou graines; comme le fenoüil & l'anet sont des plantes à _ombelle_. Ce mot vient de ce que ces petites tiges s'ouvrent & sont disposées de la même maniére que les bâtons qui supportent un parassol, ou _ombelle_. OREILLE. _s. f._ partie double de la tête des Animaux qui leur sert à ouïr, à entendre les sons qui la frappent. Pour la perfection de l'ouïe la Nature nous a donné une oreille exterieure & une interieure: l'exterieure est d'une substance membraneuse, & cartilagineuse, c'est à dire, mitoyenne entre l'os & la chair. Sa figure est presque en demi cercle, & creuse par dedans, comme une petite caverne; le haut de l'_oreille_ s'appelle l'aîle ou l'aîleron; l'extrêmité de son tour enfoncé du devant au dedans s'appelle gibbeuse, le trou & le creux de dedans s'appelle _la petite coquille_, ou _conque_, parce qu'elle ressemble à l'entrée de la coquille d'un limaçon; la cavité qui est auprés du conduit de l'_oreille_, en laquelle s'amassent ses ordures, s'appelle _Ruche_; & cette glu ou ordure qu'on en tire avec un cure-oreille, s'appelle le _suif_, & par quelques-uns la _cire_; le bout ou tendon qui est plus gras & charnu, s'appelle _lobe_, ce bout-là rougit d'ordinaire, quand on a de la honte; & tout le circuit de l'_oreille_ se nomme _helix_, c'est à dire, _tour_ ou _tortis_. Le conduit de l'_oreille_ est formé de parties cartilagineuses & osseuses. Les animaux couverts de plumes ou d'écailles n'ont point d'_oreilles_ exterieures, mais ils ont un trou ouvert pour ouïr. L'_oreille interne_ est située en l'os pierreux derriére l'apophyse mamillaire, dans la partie écailleuse de l'os des temples, & est separée de l'organe externe de l'ouïe par la membrane du tambour: Elle est composée de quatre conduits; le premier qui est tourné vers le dehors, & toûjours ouvert, est celui qui donne passage au son, il est tortueux, biaisant, long & étroit, au bout duquel il y a cette membrane qu'on nomme tambour, qui est mince & seche, déliée & qui a le sentiment extrêmement vif. Ceux qui l'ont trop dense & épaisse dés leur naissance sont des sourds incurables. Derriére cette membrane on trouve une seconde cavité, que quelques-uns appellent la _quaisse_ du tambour, & d'autres le _bassin_, dans laquelle est contenu un certain air naturel & interne, que les anciens Medecins ont appellé implanté, qui selon eux, reçoit aisément l'impression de celui de dehors, & ils tiennent qu'il sert à l'ouïe, comme le crystalin à la vûë. Là on découvre trois petits os à qui on a donné le nom de leur figure; le premier est fait comme un petit _marteau_, le second comme une _enclume_, & le troisiéme qu'on nomme _étrier_, est triangulaire, comme étoient les étriers antiques. M. du Vernay en a découvert un quatriéme sur la tête de l'étrier; & ce qui est à remarquer, c'est qu'ils sont aussi gros & aussi grands aux enfans qu'aux hommes d'âge. Ils sont placez dans la cavité de la quaisse. Il y a une corde fort deliée qui passe derriére la peau du tambour, de même que le tymbre qui fait resonner un tambour de guerre. On doute si c'est une veine, un nerf ou une artere, tant elle est petite. Du Vernay dit que c'est un nerf. Il y a aussi des muscles dans cette cavité, dont deux servent au mouvement du marteau, & l'autre à celui de l'étrier. Ils sont si déliez qu'à peine les peut-on voir. Ils servent au flux & au reflux, ou au double mouvement du marteau: il y a aussi deux petites fenêtres, dont la plus haute s'appelle _ovale_, à cause de sa figure. La seconde est sans nom; & il y a un conduit qui va jusques dans le palais. La troisiéme cavité qui est creusée dans l'os pierreux, s'appelle le _labyrinthe_, pour ce qu'il y a plusieurs trous & chambrettes cachées. Elle est faite comme une coquille d'escargot. Sa premiére partie s'appelle le _Vestibule_, qui a 9. ouvertures, & la derniére le _limaçon_ ou _trou aveugle_, parce qu'il est sans bout & issuë. Il est composé d'une lame spirale montante, qui separe en deux un canal demi ovallaire, qui fait deux tours & demi au tour du noyau du limaçon toûjours en diminuant, & forme comme deux rampes d'escalier. C'est dans cette partie que du Vernay met l'organe immédiat de l'ouïe. Enfin on trouve le nerf de l'ouïe qu'on nomme le _nerf auditif_, qui prend son origine de la cinquiéme conjugaison suivant les Anciens, & la septiéme suivant les Modernes. Il y en a aussi un rameau de la seconde paire vertebrale, qui porte les images de tous les sons au sens commun. Enfin il y a un petit conduit cartilagineux, qui va de l'ovale dans le palais de la bouche, qu'on nomme _aqueduc_, & qui est fermé par une petite valvule, ou sous pape: de là vient que les sourds entendent un peu par la bouche, & qu'en leur faisant prendre le manche d'un luth avec les dents, ils en entendent l'harmonie. Dessous & derriére les oreilles il y a des glandules qu'on appelle _parotides_, qui sont des émonctoires par où le cerveau se décharge, & quand elles sont trop humectées, il s'y fait des tumeurs que le peuple appelle _orillons_ ou _oripeaux_. Ce mot d'_oreille_ vient du Latin _auris_, que Dulaurens dérive de _haurire_, qui signifie tirer ou puiser, parce que les oreilles tirent & reçoivent la voix & les sons dans leurs cavitez. Quelques Medecins ont crû que quand les _oreilles_ étoient coupées, les hommes devenoient stériles, & que de là est venuë la coûtume de couper les _oreilles_ aux larrons de peur qu'ils n'engendrassent de petits larronneaux. Les _oreilles_ des Animaux sont faites diversement. Le Veau marin & toutes les especes de lezards & de serpens n'ont point du tout d'_oreilles_ externes; le singe & le porc-épic les ont applaties contre la tête comme les hommes; il y a une espece de Baleine qui a l'ouverture de l'_oreille_ sur les épaules. Les taupes ont le conduit de l'_oreille_ fermée par une petite peau qui s'ouvre comme une paupiére. La tortuë, le cameleon aussi bien que la plûpart des poissons, ont le conduit de l'_oreille_ tout à fait bouché. Les bruits, les tintoins, les bourdonnemens sont des maladies des _oreilles_. Quand on dit qu'un homme a l'oreille dure, c'est à dire, honnêtement qu'il est sourd. Les Incas du Perou se faisoient particuliérement remarquer par leurs _oreilles_, dont la largeur étoit si prodigieuse qu'elle est incroyable. Ils accordoient aux Capitaines qui les avoient bien servis, comme un grand privilege la permission de se percer les _oreilles_, à condition que le trou n'en seroit pas la moitié si grand que celui de l'Inca, & on leur donnoit même la mesure du trou, afin qu'il ne fût pas plus grand que le privilege portoit. Ils y portoient des pendans d'_oreille_ attachez à deux filets, longs d'un quart d'aune, & gros d'environ la moitié d'un doigt, ce qui les fit appeller par les Espagnols _orejones_, c'est à dire, hommes à grandes _oreilles_. Cette coûtume de se percer les _oreilles_ étoit aussi en usage chez les Indiens d'Orient, dont il est fait mention ci-aprés au mot PENDANS D'OREILLE. OREILLE en termes de Musique, se dit du jugement que l'_oreille_ fait des sons. Cet homme danse bien, il a l'_oreille_ fine, juste, delicate, il observe la cadence. Cet homme n'a point d'_oreille_, ne distingue pas les tons & les mesures. On dit aussi des Orateurs & des Poëtes qu'ils doivent avoir de l'_oreille_, pour dire qu'ils doivent observer la cadence de leurs Vers, de leurs périodes, éviter les cacophonies. Un Ancien a dit que le jugement de l'_oreille_ étoit fort rigoureux. On dit en ce sens d'un discours, des paroles, qu'elles blessent, qu'elles choquent les _oreilles_, quand elles déplaisent. Les ordures blessent les _oreilles_ chastes. Les barbarismes choquent les _oreilles_ des gens polis. Les belles paroles n'écorchent point l'_oreille_. Les grands ont les _oreilles_ delicates, se choquent de peu de chose. La Musique charme, flatte, chatoüille l'_oreille_. Il y a bien des gens qui se laissent prendre par l'_oreille_, charmer par une belle voix, persuader par un beau discours. On dit aussi qu'une chose sonne mal aux _oreilles_, quand elle est odieuse, quand on en a mauvaise opinion. On dit qu'un homme a l'_oreille_ d'un Prince, d'un Ministre, pour dire qu'il en a de favorables audiences, & tant qu'il veut; qu'il lui souffle, qu'il lui corne aux _oreilles_ quelque chose, pour dire qu'il fait tant qu'il le persuade. Il lui a dit un mot à l'_oreille_, pour dire qu'il lui a donné un avis secret. A Syracuse il y a un lieu qu'on appelle l'_oreille_ de Denis le Tiran, c'est un trou qui perce dans une montagne, & qui fait qu'on entend en haut tout ce qui se dit en bas, quoi qu'à une grande distance. On dit que la gelée, le vent, la grêle ont donné sur l'_oreille_ aux fruits, au bleds, pour dire qu'ils en ont été endommagez, qu'ils baissent l'_oreille_. On dit aussi d'un chapeau, qu'il baisse l'_oreille_, pour dire que les bords ne le soûtiennent pas bien; qu'il fait le clabaud: c'est une métaphore tirée des chiens de chasse qui ont de grandes oreilles pendantes. OREILLE de cochon, est la partie du cochon la plus delicate pour manger en ragoût. OREILLE de Parisien est un petit ouvrage de Patisserie fait de bœuf fort épicé, enveloppé d'une pâte legere en forme d'_oreille_, qu'on appelle autrement _rissolle_. OREILLES du cœur sont deux petites parties ou ouvertures du cœur faites en forme d'_oreilles_, dont la droite aboutit à la veine cave, & la gauche à l'entrée de l'artere veineuse. Elles servent à recevoir le sang, & à en faire la circulation dans le cœur; l'_oreille_ gauche du cœur se dilate, quand le cœur se resserre pour en faire sortir le sang. OREILLE en terme de mer se dit des voiles Latines qui sont triangulaires, qu'on appelle _oreilles_ de liévre ou à tiers point à la difference de celles qui sont à trait quarré. On appelle aussi les _oreilles_ ou les pattes d'un ancre. OREILLE en termes d'Artisans, se dit aussi de deux petites avances qu'on applique au bord d'une écuelle pour la tenir plus facilement. Une écuelle à _oreilles_. On appelle aussi _oreille_ la partie d'un cercle de fer qui est au haut d'un chauderon dans laquelle l'anse est mobile; & dans un minot la partie du cintre où sont attachez les deux bouts de la potence. On appelle aussi _oreille_ les deux grosses dents d'un peigne qui sont aux extrêmitez, qui conservent les autres. On appelle _oreilles_ d'un cadenas, ses ouvertures dans lesquelles son anse est mobile. OREILLE se dit aussi du bord replié d'un livre, quand on veut y faire quelque marque pour retrouver aisément quelque endroit singulier, ou l'endroit où on en est demeuré en le lisant, cela arrive aussi aux livres frippez, qu'on a beaucoup maniez avec peu de soin. OREILLE se dit aussi de cette petite courroye où se termine le quartier du soulier, qui sert à y attacher des rubans, ou des boucles pour le serrer. OREILLE en terme d'Organistes, se dit de deux petites plaques de plomb que l'on soude sur les tuyaux à côté de leur bouche ou lumiére, qu'on abaisse ou qu'on releve pour faire des sons plus graves ou plus aigus: ils les nomment ainsi, parce qu'il semble qu'elles écoutent si les tuyaux sont d'accord. On appelle en termes de Blason _oreilles_ deux petites pointes qui sont au haut des grandes coquilles, comme celles de S. Jaques. On appelle _oreilles_ d'abricots des abricots confits dont on a ôté les noyaux, & dont on a rejoint les deux moitiez, en sorte que l'extrêmité de l'une n'aille qu'au milieu de l'autre, ce qui represente une espece d'_oreille_. _Oreille_ d'ours est une petite fleur printaniére qui pare agréablement un parterre, quand on la sçait bien disposer: car il y en a de plusieurs couleurs. Cette herbe est une espece de saniclet qui a les feüilles grandes comme le plantain, & roulées dans le bourgeon: elles ont certains replis ou bords fort artistement faits, on l'appelle en Latin _Ursi auricula_, ou _dentaria minor_, ou _lunaria sanicula_, ou _artritica_. _Oreille d'âne_, est aussi un nom qu'on donne à la grande consolide qui est une plante fameuse en Medecine. Voyez CONSOLIDE. _Oreille_ de Rat, ou de souris, est le nom d'une plante qu'on appelle en Latin _pilosella_, c'est une espece de mouron, elle rampe toûjours par terre, & a des feüilles disposées en étoile, couvertes de poils blancs, ses tiges aussi rampantes ressemblent à de petites cordes souples rondes & veluës, qui prennent racine & poussent des branches nouvelles. Ses fleurs sont jaunes, qui à leur maturité s'envolent en bourre; ses racines sont déliées, & pourtant difficiles à arracher. Si on coupe la plante, elle rend du lait: son suc est astringeant, constipe le bêtail, & le fait mourir. Mathiole. OREILLE se dit proverbialement en ces phrases: Un chien hargneux a toûjours les oreilles déchirées, pour dire que les gens quérelleux sont sujets à être battus. On dit que les murs ont des _oreilles_, pour dire qu'on a beau parler secretement & à l'_oreille_, il y a toûjours quelque espion qui écoute, &c. On dit qu'un homme se fait tirer l'_oreille_, pour faire quelque chose, quand il la fait à regret, ce qui se dit par allusion à une coûtume qu'avoient les Romains d'amener par l'oreille en justice, ceux qui ne vouloient pas y venir rendre témoignage d'une action qu'ils avoient vûë, lors de laquelle on leur pinçoit, & on leur tiroit l'_oreille_, afin qu'ils se souvinssent du fait, dont on voit plusieurs témoignages dans Plaute, Virgile, & Horace, &c. OREILLÉ. ée. _adj._ terme de Blason qui se dit des dauphins, lorsque leurs _oreilles_ sont d'un émail different de leurs corps; on le dit aussi des grandes coquilles, quand elles ont des _oreilles_ aussi d'émail different. ORGUE. _s. f._ & autrefois _masculin_. C'est le plus grand & le plus harmonieux de tous les instrumens de Musique qui est particuliérement eu usage dans les Eglises, pour célébrer l'Office Divin avec plus de solemnité. On fait pourtant dans les maisons particuliéres quelques _orgues_ portatives, qu'on nomme cabinets d'_orgues_, mais dans les Eglises, on appelle buffet d'_orgues_ cette construction de menuiserie qui enferme toute la machine. Le grand Buffet sert pour le grand jeu, qu'on appelle le grand corps, & le petit buffet pour le petit jeu qu'on nomme le _positif_. Ce mot vient du Latin _organum_. L'_orgue_ est composée de plusieurs tuyaux qui reçoivent le vent de gros soufflets, lequel est distribué par un sommier & par le moyen de plusieurs registres, qui ouvrent & ferment les ouvertures de ces tuyaux; & il y entre selon qu'on appuye les doigts sur les differentes touches du clavier. On appelle accompagnement en l'_orgue_ les divers jeux qu'on touche pour accompagner le Dessus, comme sont le bourdon, la montre, la flûte, le prestant, &c. Ceux de la grande _orgue_ sont differents de ceux du positif. La plûpart des piéces qui composent l'_orgue_ sont expliquées à leur ordre alphabetique: on dira seulement ici que le _chassis_ est une des principales piéces de l'_orgue_, parce qu'on enchasse dedans l'ais du sommier sur lequel on pose les tuyaux; on applique sur la table du sommier des tringles d'épaisseur de membrure, qu'on appelle _Barreaux_, éloignées les unes des autres de deux doigts, pour faire place à 48. _Raynures_ ou _crans_ ou _graveures_, sur lesquelles on met des _chappes_ ou des ais qui les couvrent, & dans l'intervalle vuide de ces _Raynures_, on fait entrer des Régles planettes & mobiles en forme de lattes, qu'on nomme _Registres_, on perce ces trois piéces vis à vis l'une de l'autre, pour donner passage au vent dans les tuyaux, lesquels on applique sur le plus haut de ces trous, & cet assemblage s'appelle le _sommier_ de l'_orgue_. On appelle le _secret_ de l'_orgue_ une layette ou quaisse, où est reçû & réservé le vent de la souflerie, pour le distribuer par les sous-papes au sommier qui est derriére. Vitruve nomme le _sommier canon musical_. On appelle le _tamis_, la piéce de bois percée, à travers laquelle passent les tuyaux de l'_orgue_, & qui les tient en état. L'orgue a deux ou trois & quelquefois quatre ou cinq claviers, dans les grands Buffets: ils sont divisez en plusieurs touches ou marches, comme ceux de l'Epinette & du clavessin. Chaque octave doit avoir 13. marches, & le clavier harmonique parfait en doit avoir 19. Une _orgue_ a pour le moins 2000. tuyaux tant dans le grand Buffet que dans le positif, & elle a jusqu'à 8. octaves d'étenduë depuis le tuyau de 32. pieds jusqu'à celui d'un demi-pied. Ces tuyaux sont de bois, d'étain, ou de plomb. Il y a des tuyaux à anche & des tuyaux ouverts & d'autres bouchez, où on remarque que le tuyau bouché descend deux fois plus bas que celui qui est deux fois plus long, & qui est ouvert, parce que l'air qui y entre, & qui en sort, a deux fois autant de chemin à faire. Les tuyaux à cheminée sont ceux qui ont un petit tuyau soûdé au bout d'en haut d'un plus grand. Les simples jeux de l'_orgue_ sont, la montre, le premier & le second bourdon, le prestant & la doublette, le flageolet, & le nazard, la flutte d'allemand, la tierce, la fourniture, la grosse cimbale, la seconde cimbale, le cornet, le larigot, la trompette, le clairon, le cromorne, la régale ou la voix humaine, la pédale, la trompette & la flûte de pédale, sans compter le tremblant qui n'est qu'une modification des jeux. De ces jeux on en fait plusieurs composez, qu'on varie en une infinité de façons. On appelle le plein jeu de l'_orgue_ celui qui est composé de la montre, du bourdon, du 16. & du 8. pieds, du prestant & de la doublette, de la fourniture & de la tierce. Les facteurs d'_orgue_ y ajoûtent d'autres jeux, ou en retranchent suivant leur different genie, ou la dépense qu'on y veut faire. On appelle le _temperament de l'orgue_ une diminution du ton majeur d'un comma, dont on augmente le ton mineur par une espece d'équation pour les rendre plus justes. L'invention de l'_orgue_ est fort ancienne: Vitruve en décrit une dans son dixiéme livre. L'Empereur Julien a fait une Epigramme à sa loüange. Saint Jerôme fait mention d'une _orgue_ qui avoit 12. souflets, dont la layette étoit faite de deux peaux d'Elephant, & on l'entendoit de mille pas: il dit qu'il y en avoit une en Jerusalem qu'on entendoit du Mont des Olives. On appelle aussi _orgue_ le lieu de l'Eglise où sont les _orgues_. Il est allé aux _orgues_ entendre le Sermon. Ce mot vient du Latin _organum_. Salomon de Caux dit que le premier Auteur qui a écrit de l'_orgue_ est Heron Alexandrin dans ses Pneumatiques. Le Pere Mersenne a fait une ample description de l'_orgue_ aussi bien que Salomon de Caux. Le Begue a fait imprimer plusieurs piéces d'_orgue_, qui font voir comme on en peut mêler les jeux agréablement. ORGUES en termes de guerre est une machine composée de plusieurs gros canons de mousquet, attachez ensemble, dont on se sert pour défendre les brêches & autres lieux qu'on attaque, parce qu'on tire par leur moyen plusieurs coups tout à la fois. ORGUES est aussi une espece de herse, avec laquelle on ferme les portes des Villes attaquées: ce sont plusieurs grosses piéces de bois qu'on laisse tomber d'en haut, & qui ne sont point attachées l'une à l'autre par aucune traverse, comme sont les herses ordinaires, ou Sarrasines. ORGUES en termes de Marine sont des trous & ouvertures qui passent au travers du bordage d'un Vaisseau le long des tillacs ou des sabords qui servent de goutiéres pour l'écoulement des eaux: on les appelle autrement _dalots_. ORIFLAME. _s. f._ les Anciens le faisoient _masculin_. Etendart de l'Abbaye de Saint Denys. Quelques-uns ont dit qu'elle étoit semée de flammes d'or, d'où elle avoit pris son nom. Elle differoit de la Banniére de France qui étoit d'un velours violet ou bleu celeste à deux endroits semez de fleurs de lys d'or plus plein que vuide. Elle étoit aussi differente en la forme, parce que celle de France étoit toute quarrée sans aucunes découpures par le bas, non plus que les autres banniéres, au lieu que l'Oriflame étoit attachée au bout d'une lance en guise de gonfanon, qui d'abord étoit pendu sur le tombeau de Saint Denys, & ne servoit que pour l'Abbaye. Il étoit mis entre les mains de son Avoüé qui étoit le Comte de Vexin, pour défendre les biens de l'Eglise & du Monastére, c'étoit une espece de _labarum_ ou de gonfanon, ou de banniére comme en avoient toutes les autres Eglises, qui étoit fait de rouge & de soye de couleur de feu qu'on nommoit _cendal_ ou _samit vermeil_, qui avoit trois queuës, ou fanons, & étoit entouré de houppes de soye verde, &c. P. PEAGE. _s. m._ Il s'est dit autrefois en général de toutes sortes d'impôts, qui se payoient sur les marchandises, qu'on transportoit d'un lieu à un autre: maintenant il se dit d'un Droit qu'on prend sur les voitures des marchandises pour l'entretien des grands chemins. La plûpart des Seigneurs s'attribuent des droits de _péage_ sur leurs terres, sous prétexte d'entretenir les chemins, les ponts & chaussées. Anciennement ceux qui tenoient ce droit, devoient rendre les chemins seurs, & répondre des vols faits aux passans. Cela s'observe encore en quelques endroits d'Angleterre & d'Italie, où il y a des gardes qu'on appelle _stationnaires_, établis pour la seureté des Marchands, & entre autres à Terracine sur le chemin de Rome à Naples. Anciennement si un homme étoit détroussé en chemin public & entre deux soleils, le Seigneur Haut-Justicier qui levoit le _péage_, étoit obligé de le rembourser. Il y a une Ordonnance de mille cinq cens septante portant abolition de tous _péages_ établis depuis cent ans sur la riviére de Loire. La plûpart des _péages_ sont de pures usurpations. L'Ordonnance de 1552. enjoint aux Seigneurs qui ont droit de _péage_, d'entretenir les ponts & passages. Le _péage_ est appellé de divers noms dans les Coûtumes & les Ordonnances. On le nomme _Barrage_ aux entrées des Bourgs & des Villes, _Pontenage_ aux passages des ponts, _Billete_ ou _Brunchiere_ aux passages de campagne, où on a mis pour signal un petit billot de bois attaché à une branche, on l'appelle quelquefois _coûtume_ ou droit établi sans titre, quelquefois _prevôté_ ou menu droit casuel, & quelquefois _travers_, qui est un droit qui ne se paye que sur la frontiére. Ce mot vient de _paagium_, abregé de _passagium_ selon Vossius cité par Ménage: d'autres disent de _pedagium_ qu'on trouve aussi chez les Auteurs Latins. Borel le dérive de _pagus_ ou _pais_. PEAGER. _s. m._ Fermier du péage, qui exige & fait payer ce droit. Les _Péagers_ doivent mettre des billetes, des tableaux & pancartes en lieu éminent, pour faire connoître les droits qui sont dûs. PEAUTRE _s. m._ le gouvernail d'un vaisseau. On dit proverbialement à des importuns qu'on veut chasser loin de soy: Allez au _peautre_: Je l'ay bien envoyé au _peautre_, je l'ay bien envoyé promener. PEAUTRÉ en termes de Blason se dit de la queuë des poissons, lorsqu'elle est d'autre couleur que le corps, parce qu'elle est en effet le gouvernail des poissons: Il portoit d'argent au dauphin versé de sable, allumé, barbé & _peautré_ d'or. PEIGNE. _s. m._ petit instrument qui sert à décrasser & à nettoyer la tête, à arranger les cheveux, & à les tenir proprement. Il est fait d'un morceau de bois, d'ivoire, de corne, ou d'écaille de tortuë, divisé en plusieurs dents, ou petites ouvertures qui donnent passage aux cheveux. Les _peignes_ font la principale garniture d'une toilette, d'une trousse, un étuy, une brosse à _peignes_: les Dames se coiffent avec les _peignes_: Les Courtisans fanfarons ont toûjours un _peigne_ à la main. Les Tyrans ont eu aussi des _peignes_ de fer, pour tourmenter les Martyrs en leur déchirant la peau: Les grosses dents d'un _peigne_ s'appellent les _oreilles_. Ce mot vient du Latin _pectem_. PEIGNE se dit aussi de l'instrument avec lequel on carde, on démêle la laine, la bourre, la soye. Un _peigne_ de Cardeur est un morceau de bois chargé d'une infinité de petites pointes recourbées de fil de fer. PEIGNE de Tisserand est une espece de chassis, ou treillis qui a un grand nombre de petites divisions ou ouvertures, dans chacune desquelles on passe les fils de la chaîne qui doit former la longueur de la piéce de la toile, ou de l'étoffe: elles servent à les soûtenir, & à laisser passer la navette qui porte les fils qui doivent être en travers. Les _peignes_ de velours ont soixante ou quatre-vingt portées. PEIGNE de jable se dit chez les Tonneliers des morceaux de douve amenuisez par un bout, & qui entrent à force dans les cerceaux pour réparer un jable rompu. PEIGNES en termes de Manége sont des gratelles farineuses qui viennent aux paturons du cheval, & qui font hérisser le poil sur la couronne. PEIGNE se dit figurément en choses morales: Il faut donner encore un coup de _peigne_ à cet ouvrage; pour dire, il le faut revoir pour le polir davantage. On dit aussi qu'un Satirique a donné un coup de _peigne_ à quelqu'un; pour dire qu'il en a fait quelque description maligne, qu'il l'a rendu ridicule. PEIGNE de Venus, est une plante medicinale, que les Medecins appellent _pecten Veneris_, & autrement _scandix_, qui est ainsi nommée, parce qu'elle a plusieurs cornets disposez comme un _peigne_ à peigner le lin. Sa tige est haute d'un demi pied, ses feüilles semblables aux pastenates sauvages, ou à la camomille. Elle jette plusieurs petits bouquets de fleurs blanches & menuës à la cime de ses branches, d'où sortent plusieurs petits becs ou aiguilles séparées les unes des autres, & disposées comme un _peigne_ de Cardeur. On dit proverbialement d'un homme qui est en mauvaise humeur, ou en colere, qu'il tueroit volontiers un Mercier pour un _peigne_. PEIGNER. _v. act._ décrasser sa tête, démêler, ou arranger ses cheveux avec un peigne: Les Courtisans sont toûjours bien peignez & bien frisez; c'est l'épithete ordinaire que donne Homere à tous ses Grecs. PEIGNER signifie figurément rendre bien propre & bien ajusté: Cet ouvrage est bien _peigné_, on y a mis la derniére main, il est fort poli & orné: Voilà un jardin bien _peigné_, dont on a grand soin, il est fort propre & fort net. On dit aussi en contre-sens que deux Harengeres se sont _peignées_, quand elles se sont prises aux cheveux, décoiffées, égratignées. On dit aussi que le chat a _peigné_ le chien, quand il lui a donné quelques coups de griffes. PEIGNÉ. ée. _part. pass. & adj._ On dit de la laine _peignée_, du chamvre _peigné_, lorsqu'ils ont passé par les mains des Cardeurs, ou qu'ils ont eu quelque autre préparation pour les nettoyer. PEIGNIER. _s. m._ Marchand & Artisan qui vend, ou qui fait des peignes. PEIGNOIR. _s. m._ linge qu'on met sur ses épaules tandis qu'on est à sa toilette, qu'on se peigne: Les femmes en deshabiller ont de beaux _peignoirs_ à dentelles. PEIGNURES. _s. f. pl._ cheveux qui tombent quand on se peigne: Les perruques ne se faisoient autrefois que de _peignures_. PELLICAN. _s. m._ oiseau aquatique qui approche de la forme d'un heron, dont le cry ressemble au braire de l'âne, d'où vient que les Grecs l'ont appellé _onocrotalos_. On tient qu'il aime si fort ses petits, qu'il meurt pour eux, & se déchire l'estomach pour les nourrir. On en dit plusieurs fables, & on en fait l'hieroglyphe de l'amour paternelle. PELLICAN est un vaisseau de Chymie fait ordinairement de verre avec des anses creuses & percées, qui sert à faire plusieurs distillations des liqueurs par circulation; & à les réduire dans leurs plus petites parties. PELLICAN est aussi un ferrement dont se servent les Chirurgiens pour arracher des dents. PELLICAN est aussi un nom qu'on donne à une ancienne piéce d'artillerie, qui est un quart de coulevrine portant six livres de boulet. Voyez HANZELET. PENDULE. _s. m._ poids attaché à une corde, ou à une verge de fer, lequel étant agité une fois, fait plusieurs vibrations jusqu'à ce qu'il se soit remis en repos. Les vibrations du _pendule_ contiennent un espace de temps parfaitement égal. Un _pendule_ de trois pieds huit lignes & demie marque les secondes, & en Musique la mesure égale ou binaire. Galilée a le premier écrit & fait des observations sur le mouvement du _pendule_. On a trouvé par le moyen du _pendule_ qu'un corps pesant en tombant, parcourt en une seconde de temps, un espace de quinze pieds & un pouce, mesure de Paris. On se peut servir du _pendule_ comme d'une mesure invariable & universelle pour les lieux les plus éloignez & les siécles les plus reculez, par le moyen d'une vibration qu'on aura trouvée être précisément d'une seconde de temps selon le mouvement du Soleil: car si par exemple on trouve que le pied horaire (c'est ainsi que Monsieur Huggens appelle la troisiéme partie de ce _pendule_ à secondes) étant comparé au pied de Paris, soit, comme il est en effet, en proportion de 864. à 881. il sera aisé de faire la réduction de toutes les autres mesures du monde à ces mêmes pieds par le calcul. Mouton Chanoine de Lion a fait aussi un beau traité _de mensura posteris transmittenda_, sur le même principe. PENDULE. _s. f._ est une horloge de nouvelle invention qu'on fait avec un _pendule_ qui en régle le mouvement égal par le moyen d'une ligne cycloïde, qu'on dit être inventée par M. Huggens, qui a fait un trés-beau Volume _de horologio oscillatorio_ imprimé en 1673. PENES _ou_ PESNES en termes de mer se dit des bouchons d'étouppe attachez à un manche, qui servent aux calfateurs à goudronner un vaisseau, & le suifver & brayer. PENNAGE. _s. m._ Terme de Fauconnerie. Tout ce qui couvre le corps de l'oiseau de proye. _Pennage_ blond, roux, noir, baglé, fleuri, turturin, cendré, &c. Selon les diverses couleurs que les oiseaux portent en leur robbe. L'oiseau a quatre sortes de _pennage_: 1. le _duvet_ qui est comme la chemise de l'oiseau proche sa chair; 2. la _plume menuë_ qui couvre tout son corps; 3. les _vanneaux_ qui sont les grandes plumes de la premiére jointure des aîles; 4. les _pennes_ qui s'étendent jusqu'à la _penne_ du bout de l'aîle qu'on appelle le _cerceau_. PENNES _ou_ PANNES, terme de Fauconnerie. Sont les longues plumes des aîles, celles de la queuë s'appellent _balay_. Les pennes croisées sont une marque de la bonté de l'oiseau. Toutes les _pennes_ des aîles ont leurs noms, une, deux, trois, quatre, cinq, les _rameaux_ & le _cerceau_; les pennes du _balay_ pareillement, le milieu, la deux, la trois, &c. Les oiseaux ont 12. _pennes_ à la queuë. Ce mot vient de _penna_. PENNES se dit aussi des petites plumes qu'on met au bout d'une fléche, ou d'un matras pour les faire aller droit, d'où est venu le mot de trait bien _empenné_, & un matras _desempenné_. Les _pennes_ se faisoient avec des plumes d'oye ou de gruë. PENNE, _ou_ PENNACHE, en termes de Blason se dit des plumes d'oiseau qu'on met sur le Chapeau pour orner la tête, quand on les peint sur des écus: De Marolles porte d'azur à l'épée d'argent; la garde en haut d'or, accôtée de deux _pennes_ ou _pennaches_ adossées du second, c'est à dire, d'or. PENNE en termes de Marine est le point, ou le coin des voiles Latines, ou à tiers point. PENNON. _s. m._ Etendart à longue queuë, qui appartenoit autrefois à un simple Gentilhomme: c'est proprement un guidon à mettre sur une tente. Il est opposé à banniére qui étoit quarrée: car quand on faisoit quelqu'un Banneret, la cérémonie étoit de couper la queuë de son _pennon_, d'où est venu un ancien Proverbe: Faire de _pennon_ banniére; pour dire, passer à une nouvelle dignité. Il y a encore à Lion des Compagnies des quartiers qu'on appelle _Pennonages_, & leurs Chefs s'appellent Capitaines _Pennons_. Ce mot vient du Latin _Pannus_, parce que ces banniéres étoient autrefois faites de drap, ou d'autre riche étoffe, qui étoient comprises sous le même genre. PENNON généalogique, est en termes de Blason un écu rempli de diverses alliances des Maisons desquelles un Gentilhomme est descendu, qui sert à faire ses preuves de noblesse. Il comprend les armes du pere & de la mere, ayeul & ayeule, bisayeul & bisayeule: il est composé de huit, de seize, de trente-deux quartiers, &c. sur quoi on dresse l'Arbre généalogique. PIED. _s. m._ Partie double de l'animal, qui lui sert à se soûtenir & à marcher. L'homme & les oiseaux n'ont que deux _pieds_. La plûpart des animaux terrestres ont quatre _pieds_. La plûpart des insectes ont cent _pieds_, c'est à dire, un grand nombre. Les serpens n'ont point de _pieds_, ils rampent sur la terre. Les Marchands font accroire que les oiseaux de Paradis n'ont point de _pieds_, ce sont eux qui les coupent. Les écrevisses ont douze _pieds_. Les araignées, les mittes, les polypes ont huit _pieds_. Les mouches, les sauterelles, les papillons ont six _pieds_. Les singes, les loups, la marmote marchent sur les _pieds_ de derriére. En Autourserie on dit le _pied_ d'un vautour & d'un éprevier, au lieu qu'en Fauconnerie on dit la main de l'oiseau, du faucon. PIED en tant qu'il appartient à l'homme, se marie avec plusieurs mots en diverses significations. On dit, lâcher le _pied_, pour dire, reculer, se défendre mal; gagner au _pied_, pour dire, prendre la fuite. On dit aussi qu'on ne peut mettre un _pied_ devant l'autre, pour dire, être foible, ne pouvoir marcher. On dit, mettre _pied_ à terre, pour dire, descendre de cheval; avoir le _pied_ à l'étrier, pour dire, être prêt à partir. On dit aussi, trouver _pied_, prendre _pied_: Il y a _pied_ là, lors qu'on trouve le fonds de la riviére, & qu'il n'est pas besoin d'y nager. On dit aussi, examiner un homme depuis les _pieds_ jusqu'à la tête, l'armer de _pied_ en cap. On dit aussi, qu'il sent le _pied_ de Messager, pour dire qu'il pue; & on appelle _pieds_ pourris, ceux qui ont toûjours les _pieds_ dans l'eau, comme ceux qui conduisent les trains de bois flotté. On dit qu'un homme a le _pied_ marin, pour dire qu'il supporte aisément la fatigue de la mer, qu'il ne s'y trouve point mal. On appelle _pied_ plat un rustre, un paysan qui a des souliers tout unis. Prendre au _pied_ levé, c'est à dire, sur le champ, sans delai. Avoir le _pied_ bot, c'est un nom général qu'on donne à un _pied_ estropié ou mal tourné, soit qu'il soit tourné en dedans, ce que les Latins appellent _varus_; soit qu'il soit tourné en dehors, ce que les mêmes appellent _valgus_. Avoir des cors aux _pieds_, c'est à dire, des calus ou des durillons. Porter le _pied_ en avant, tourner bien le _pied_, attendre de _pied_ ferme. Un appartement de plain _pied_; & au figuré un galand de plain _pied_. PIED _fourché_ se dit des animaux qui ont le _pied_ fendu en deux seulement, comme les bœufs, les cochons, les moutons, les chévres, &c. Les Hebreux n'osoient manger la chair que des animaux qui avoient le _pied fourché_, & qui ruminoient. Le _Pied fourché_, est aussi une ferme d'un impôt qu'on léve aux portes de quelques Villes sur les animaux au _pied fourché_ qui s'y consomment. La ferme du _Pied fourché_ est differente de celle du _Pied rond_. On appelle des _pieds_ de cochon assaisonnez des _bas de soye_. On appelle _petits pieds_ la volaille, le menu gibier. Les Ecrivains appellent une écriture menuë & mal faite, des _pieds_ de mouche. PIED de cheval, c'est la partie de la jambe depuis la Couronne jusqu'au bas de la corne. Le _pied_ gauche s'appelle le _pied_ du montoir, & le droit, le _pied_ hors du montoir. On dit qu'un cheval a le _pied_ gras, quand il a la corne foible & mince, lors qu'il est difficile à ferrer; qu'il a le _pied_ usé, qu'il a le _pied_ mauvais, qu'il a le _pied_ dérobé, lors qu'il a peu de corne, ou qu'il l'a usée pour avoir marché _pied nud_, c'est à dire, déferré; qu'il a le _pied_ comble, lors que sa sole est arrondie par dessous, & qu'il a besoin d'un fer vouté. PIED _neuf_ se dit d'un cheval à qui la corne est revenuë, aprés que le sabot lui est tombé, auquel cas il ne vaut rien que pour le labour. Le petit _pied_ est un os spongieux renfermé dans le milieu du sabot, & qui a toute la forme du _pied_. On dit aussi, remettre un cheval sur le bon _pied_, galoper sur le bon _pied_, quand on le fait aller uniment & sur les mêmes _pieds_ qu'il a commencé de partir. On dit aussi, parer le _pied_ d'un cheval, pour dire, enlever la corne du cheval avec un boutoir autant qu'il est nécessaire pour le bien ferrer. PIED se dit aussi des plantes & des arbres: Il a tant de _pieds_ d'œüillets, tant de _pieds_ d'anemones: Il a tant de _pieds_ d'arbres fruitiers dans ce jardin, tant de _pieds_ d'arbres dans cette forest. On appelle _pieds_ corniers les gros arbres qui sont dans les encoignures des ventes qui se font dans les forêts, & qui se marquent par le Garde-marteau. _Pied_ cornier, se dit aussi des longues piéces de bois qui sont aux encoignures des pans de charpente. On le dit aussi des quatre principales piéces qui font l'assemblage du bateau d'un carosse, qui soûtiennent l'imperiale, & où on attache les mains, où on passe les soûpentes. PIED se dit aussi des choses tout à fait inanimées. Le _pied_ des Alpes, d'une montagne, d'un rocher. Le _pied_ d'une escabelle, d'une table, d'un bahut: le _pied_ d'un clavessin, d'un buffet, d'une platine: le _pied_ d'une lunette, d'un graphometre, sur lequel on pose sa genoüillére pour faire des observations. On appelle aussi le _pied_ d'une dentelle une petite dentelle qu'on coud à une plus grande pour la faire mieux paroître. On dit aussi qu'un homme a le nez fait en _pied_ de marmite, quand il l'a retroussé. PIED en termes d'Architecture se dit premiérement des murs. Le _pied_ de la muraille, c'est l'escarpe: On a percé le fossé, on est au _pied_ de la muraille: On a sappé ce bastion par le _pied_; ce qui se dit aussi au figuré d'un raisonnement dont on a détruit le principe. On dit à la Paulme: Chasse au _pied_, on entend du mur. PIED se dit aussi d'un talus, d'un penchant qu'on donne à des ouvrages pour les soûtenir, & particuliérement quand ils sont de terre: Ce rampart n'a pas assez de _pied_, de talus, il s'éboulera. On dit aussi qu'il faut donner du _pied_ à une échelle, l'éloigner de la muraille pour y monter sûrement. On dit en Jurisprudence: Le _pied_ saisit le chef, c'est à dire, l'édifice suit la nature du sol, sur lequel on le peut élever tant qu'on veut. PIED de fief en Jurisprudence feodale, se dit d'un fief dépecé & démembré, dont il est fort parlé en la Coûtume de Touraine. PIED se dit aussi en parlant de ce qui est debout: Il a fallu être sur _pied_ toute la nuit pour veiller ce malade, ou à cause de cette allarme: Soyez sur _pied_ demain dés cinq heures, pour dire, Levez-vous matin: Il se leva en _pieds_ pour haranguer. On dit d'un Courtisan, qu'il est obligé de faire le _pied_ de gruë, pour dire, qu'il faut qu'il se tienne toûjours debout; qu'il fait le _pied_ derriére, quand il fait la reverence, & burlesquement qu'il faut qu'il fasse le _pied_ de veau, quand il est obligé d'aller saluer quelque Puissant. On dit aussi, qu'il n'a pas mis le _pied_ dans une maison, pour dire, qu'il n'y est point entré depuis un tel temps. On dit de celui qui s'opiniâtre à demeurer dans un logis, qu'il n'en veut sortir que les _pieds_ devant, c'est à dire, étant mort. On dit en ce sens & en termes de Guerre, mettre une armée, des troupes sur _pied_, pour dire, les lever & les entretenir. Un Capitaine, un Lieutenant en _pied_, c'est à dire, qui subsiste, qui n'est point réformé. On dit aussi des Compagnies, des Régimens de gens de _pied_, pour dire, de l'Infanterie. On appelle aussi un Valet de _pied_, celui qui sert & qui suit à _pied_ le Roy & les Princes. On dit en termes de Marine, que des marchandises sont en _pied_, pour dire qu'elles sont encore en nature, & qu'un Marchand les peut revendiquer en payant les frais du sauvement. On dit aussi qu'un vieux Château, un bâtiment sont encore sur _pied_, pour dire qu'ils subsistent, qu'ils ne sont point abattus. PIED de Roy est une mesure contenant douze pouces, ou cent quarante quatre lignes. Un _pied_ quarré est la même mesure en longueur & en largeur, qui fait cent quarante quatre pouces de superficie. Un _pied_ cube est la même mesure selon les trois dimensions. Le _pied_ cube a huit cent quarante-quatre pouces cubes. Le _pied_ des anciens Romains avoit quatre palmes, & on l'appelloit _pied_ Romain, ou _pied_ du Capitole. Le _pied_ Rhenan, ou le _pied_ de Leyden, est celui qui sert de mesure à tout le Septentrion: sa proportion avec le _pied_ Romain est comme de 950. à 1000. Voyez Casimir Polonois, qui dans sa Pyrotechnie a fait la réduction au _pied_ Rhenan de tous les autres _pieds_ des plus fameuses Villes de l'Europe. PIED en termes de Poësie Grecque & Latine est la mesure des vers. Un vers hexametre a six _pieds_, un pentametre en a cinq. Les _pieds_ sont composez de deux syllabes, comme le spondée & l'iambe, ou de trois, comme le dactyle & l'anapeste. PIED signifie aussi mesure de proportion. Toutes les moyennes d'or se réglent pour leur poids & leur valeur sur le _pied_ de l'écu sol, à proportion de son titre: On a fait cette contribution sur le _pied_ de vingt mille écus: On l'a payé sur le _pied_ de cent écus de gages: Sur ce _pied_-là il lui faut cent francs: Les Rentes se constituënt sur le _pied_ du denier 20. On dit aussi, réduire une figure au petit _pied_, pour dire, faire la copie d'un grand tableau en petit avec les mêmes proportions; ce qui se fait avec le chassis, le parallelogramme, ou le singe. PIED en termes de Teinturiers se dit des premiéres couleurs qu'on donne aux étoffes teintes en grand & bon teint, pour en recevoir aprés d'autres qui ayent plus d'éclat ou de durée. Ainsi on dit que les Teinturiers du bon teint doivent donner aux étoffes un _pied_ necessaire de pastel, de garence ou de cochenille, devant que de les envoyer aux Teinturiers du petit teint; & ils sont obligez de laisser à la tête de la piéce une rosette de chaque sorte de _pied_ du bon teint qu'ils luy auront donné. PIED se dit figurément en plusieurs choses morales. On dit, mettre ses injures, ses ressentimens au _pied_ du Crucifix, pour dire, les oublier, les pardonner pour l'amour de Dieu. On dit au contraire, mettre quelqu'un sous ses _pieds_, pour dire, le ravaler & le mépriser. On dit, se jetter aux _pieds_ de quelqu'un, pour dire, implorer sa grace, sa misericorde. On dit qu'un homme, est aux _pieds_ de la Cour, pour dire, qu'il est dans le Parquet de l'Audience. On dit, qu'un homme est à la Cour sur le bon _pied_, pour dire, en crédit, en fortune; qu'on le va voir sur le _pied_ de bel esprit, de sçavant. On dit aussi qu'on s'est réduit au petit _pied_, pour dire, qu'on a retranché son train, diminué sa dépense. On dit prendre les choses au _pied_ de la lettre, pour dire, à la rigueur & sans vouloir souffrir d'interpretation. PIED se dit aussi en ces composez, _d'arrache-pied_, à _clochepied_, _marchepied_, _trepied_, _chevrepied_, _pied leger_, drap de _pied_, tapis de _pied_ qui sont expliquez à leur ordre. A PIED, _adverbial_, se dit en ces phrases: être _à pied_, c'est-à-dire, n'avoir ni cheval, ni carrosse: être venu de son _pied_. On dit aussi qu'on a mis quelqu'un _à pied_, quand on luy a fait vendre son équipage. On dit qu'il fait bon d'aller _à pied_ quand on tient son cheval par la bride; qu'un cavalier qui n'a pas soin de son cheval, mérite d'aller _à pied_. On dit aussi, passer _à pied sec_; aller _pied à pied_, avancer peu à peu une affaire, accroître petit à petit sa fortune. Ou dit à la Guerre, gagner le terrain _pied à pied_ lorsqu'on attaque une place dans les formes, qu'on fait des approches par trenchées. PIED se dit proverbialement en plusieurs phrases. On dit qu'un homme a trouvé chaussure à son _pied_, pour dire, qu'il a trouvé une chose qui luy est fort convenable, ou au contraire quelqu'un qui luy résiste en face, qui se défend bien contre luy. On dit qu'il est déferré des quatre _pieds_, quand il a été si bien repoussé & contredit qu'il ne sçait plus que dire, ni que faire. On dit qu'un homme a bon _pied_, bon œïl, pour dire, qu'il se porte bien, & qu'il est fort vigilant, qu'il entend bien ses interêts; qu'il tient _pied_ à boule, qu'il est assidu à son travail; qu'il ne se mouche pas du _pied_, pour dire qu'il est fin & difficile à surprendre; qu'il tirera _pied_, ou aîle d'une affaire, pour dire qu'il en aura l'avantage de quelque façon qu'elle tourne; & qu'il le trouve toûjours sur ses _pieds_, pour dire, qu'il subsiste, quelque changement d'affaires qui arrive. On dit qu'il s'est tiré une grande épine du _pied_, lorsqu'il a surmonté quelque grande difficulté, qu'il s'est tiré d'une grande inquiétude; & on dit de celuy qui est ruïné, qui n'a plus moyen de faire le fanfaron, qu'il ne sçait plus sur quel _pied_ danser, qu'il est obligé d'aller à beau _pied_ sans lance. On dit de celuy qui est joyeux du succés de quelque affaire, qu'il croit tenir Dieu par les _pieds_. On dit qu'un homme a eu un _pied_ de nez, quand il a été trompé dans ses esperances. On dit qu'il a mis le pied dans la vigne du Seigneur, pour dire honnêtement qu'il a trop beu. Un Sergent dit que la vache a bon _pied_, lorsqu'une chose saisie est suffisante pour payer les frais d'un procés, ou que la partie qui poursuit, est riche. On dit lorsqu'on attend une chose promise qui ne vient point, qu'elle n'a point de _pieds_. On dit d'un grand criminel, qu'on l'a amené _pieds_ & poings liez, & qu'on l'a emmené _pied_ chaussé, l'autre nud, pour dire, en diligence, sans luy donner le loisir de s'habiller. Sa partie luy tient le _pied_ sur la gorge, pour dire, luy propose des conditions fort déraisonnables. On dit de ceux qu'on fait partir brusquement: Beuvez un coup, & haut le _pied_. On dit de celuy qui cause beaucoup, qu'il a les _pieds_ chauds. On dit d'une personne gaye, qu'elle a toûjours un _pied_ en l'air; & d'un vieillard, qu'il a déja un _pied_ dans la fosse. On dit qu'un homme qui a quelque grand sujet de tristesse, qu'il séche sur _pied_, qu'il voudroit être cent _pieds_ sous terre. On dit d'un miserable qui n'a point de bien, que c'est un _pied_ d'escaut, qu'il a les _pieds_ poudreux. On dit aussi qu'un homme fait rage de ses _pieds_ tortus: Chercher cinq _pieds_ à un mouton où il n'y en a que quatre: Chercher à _pied_ & à cheval. On dit aussi: Jamais coup de _pied_ de jument ne fit mal au cheval: pour dire, qu'un homme ne se doit point fâcher des injures, ou des maux que luy font les femmes. On dit, aller du _pied_ comme un chat maigre, comme un Basque. On dit, aller où le Roi va à _pied_, pour dire, aller à ses nécessitez. On appelle populairement un pendu, un Evêque des champs qui donne la benediction avec les _pieds_. PIED d'aloüette, fleur qu'on appelle en Latin _consolida regalis_. Il y en a de plusieurs couleurs, de violettes, de gris-de-lin, de rouges, de blanches & de bleuës, il y en a aussi de pennachées. Elle fleurit aux mois de Juillet & d'Août. PIED de biche, est la barre de fer qui sert à fermer les portes cocheres, qui se divise par un bout en deux crampons qui entrent dans les ferrures de la porte, & qui est par l'autre bout scellée dans la muraille. PIED de chat, fleur dont on fait des sirops & des conserves pour les poulmoniques. PIED de cheval, herbe, en Latin _tussilago_. Voyez PAS D'ASNE. PIED de chévre est le composé de deux petits fers mobiles en charniéres, dont l'un se peut mouvoir d'un côté, & non pas de l'autre; c'est une piéce qui sert à faire la détente des horloges. PIED de chévre est aussi une pince dont on se sert à remuër les pierres & les fardeaux, qui a un bec aigu, courbé & refendu. PIEDESTAL. _s. m._ C'est la partie basse de la colomne sur laquelle pose son fust. Il est composé de trois parties, de sa base, de son dé, & de sa corniche, qui ont differentes mesures suivant les divers ordres. On l'appelle aussi _stilobate_, quelquefois _patin_. PIED droit, terme d'Architecture, est le jambage d'une porte ou d'une fenêtre, les parements de pierre de taille qui sont des deux côtez d'une porte, où les gons de la porte sont fichez, où on attache la menuiserie des fenêtres. On le dit aussi des jambages des cheminées: Les _pieds_ droits des fenêtres doivent être embrasez & refeuïllez au moins de deux pouces, afin que la menuiserie puisse joindre contre les murs. PIED de _griffon_ est un instrument de Chirurgie, qui est de fer avec deux crochets, qui sert dans les accouchemens difficiles, à tirer la tête de l'enfant demeurée dans le ventre de la mere. PIED de liévre se dit de ce qui sert aux Ecrivains à frotter & lisser leur papier, c'est en effet, un vray _pied_ de liévre. PIED de liévre est aussi une herbe qui croît parmi les bleds qu'on appelle autrement _benoîte_, _galliot_ ou _ressize_, en Latin _lagopus_ ou _pes leporinus_. _Silvaticus_ la prend pour la _caryophylata_, ainsi nommée, parce qu'elle sent le girofle. C'est aussi le nom d'un oiseau ainsi appellé, parce qu'il a les _pieds_ velus comme un liévre. PIED de lion, ou _patte de lion_ est une plante qui croît parmi les bleds & les champs, qui porte une tige haute d'un bon palme, qui a quelques concavitez, d'où elle jette plusieurs aîles, portant à sa cime deux ou trois grains dans des gousses en forme de cices. Ses fleurs sont rouges, & semblables à celles d'anemones; ses feüilles ressemblent à celles des choux, mais elles sont chiquetées comme celles de pavot; sa racine est noire & faite comme une rave, mais toute bossuë & pleine de durillons, en Latin _leontopetalon_. Il y a une espéce de _pied de lion_ qui a la feüille comme la maulve; mais elle est plus dure & plus retirée, compartie en huit angles fort apparents, & dentelée tout à l'entour, si bien qu'en l'ouvrant & l'étendant elle est faite comme une étoile. Sa fleur est pâle, de pareille figure, & petite: elle naît au haut de ses tiges qui ont demi coudée, ce qui l'a fait appeller en Latin _stellaria_, _alchimilla_, _pes_, ou _pata leonis_. PIED d'oiseau, autre plante appellée en Latin _ornithopodium_. PIEDOUCHE est un petit _piedestal_ qu'on met sous un buste, ou une petite figure, dans un cabinet, dans une gallerie. Il est ordinairement de marbre, on en fait quelques-uns de bois. PIED d'oye est une plante qu'on nomme en Latin _pes anserinus_, _tota bona_. PIED de veau, autre herbe, en Latin _arum_. PIED de geline, herbe. Voyez FUMETERRE. PHOSPHORE, _s. m._ C'est une pierre qu'on appelle autrement _pierre de Boulogne_, qui imbibe la lumiére étant exposée au Soleil, & qui étant bien enveloppée, la conserve pour rendre en un lieu obscur aussi long-temps qu'elle a demeuré à la recevoir. Elle est trés-claire, & pesante, & semblable au plâtre; elle contient beaucoup de sel & de cendres caustiques. Elle soûtient une forte calcination: elle est transparente comme le talc qu'on appelle _le miroir des ânes_; mais elle se réduit plûtôt en brins qu'en lames. On l'appelle _pierre de Boulogne_, à cause qu'on la trouve prés de Boulogne la Grasse dans le mont Paterna qui en est à quatre milles. Il y en a aussi quantité dans l'Embrunois. On pile cette pierre en poussiere trés menuë, on en fait de petits gâteaux en la paîtrissant avec de l'eau commune & du blanc d'œuf; on la laisse secher à l'ombre, & puis on la calcine dans un fourneau de reverbere. Si on en fait des crucifix, aprés qu'ils auront été exposez le jour au soleil, ils rendront la nuit une trés-grande lumiére. On a vû depuis quelque temps d'autres _phosphores_ artificiels faits avec des compositions, &c. R. RAMADAN. Terme de Relations. C'est ainsi qu'on appelle le Carême des Mahometans, pendant lequel ils jeûnent tout le jour avec tant de superstition, qu'ils n'oseroient laver leur bouche, non pas même avaler leur salive. Les hommes peuvent se baigner, pourvû qu'ils ne mettent point la tête dans l'eau, de peur qu'il n'y en entre quelque goutte par la bouche ou par les oreilles; mais les femmes ne le peuvent pas, de peur de prendre l'eau par en bas. En récompense ils font bonne chere la nuit, & dépensent plus en ce mois qu'en six autres. RAMBERGE. _s. f._ Terme de Marine, vaisseau Anglois en forme de patache, qui sert à faire la premiére garde à l'entrée d'un port où elle est entretenuë, & à aller faire la découverte, étant legére, & plus petite que les autres. Il y a pourtant des Auteurs qui parlent des _Ramberges_ d'Angleterre comme des plus gros vaisseaux qu'on mette en mer en ce païs-là. RAT. _s. m._ Petit Animal nuisible, que quelques-uns mettent au rang de la vermine, lequel se fourre dans les trous des maisons, & ronge les grains & les hardes. Esope a fait une fable du _Rat_ de ville & du _Rat_ de village. Il y a des _Rats_ de grenier qui vivent du grain; & des _Rats_ d'eau, qui vivent de poisson, & qui habitent le long des étangs; l'un s'appelle _mus_, l'autre, _mus aquaticus_. On confond dans le langage ordinaire les souris & les _Rats_, quoi que ce soient des espéces differentes. Il y a des souris de campagne qu'on appelle _rattes rousses_. Les _Rats_ d'Egypte ont le poil dur & picquant, comme le herisson. Les Naturalistes distinguent les _Rats_ en plusieurs espéces, qui sont bien differentes selon les païs. Les _Rats_ de Pont sont blancs, & ont le dessus de la queuë fort noir, elle n'a qu'un doigt de long: ils sont gros comme des escurieux: Mathiole croit que c'est la même chose que l'hermine. Les _Rats_ Lassiques sont blancs & cendrez, ils ont le ventre blanc, & sont plus grands que les hermines; c'est ce qu'on appelle en Blason menu vair, & chez les Foureurs petit gris. Les _Rats_ de Nuremberg sont gros comme fouïnes, & ont le poil semblable à celuy du liévre; ils ont la queuë courte, & n'ont point d'oreilles, mais seulement deux trous qui leur en tiennent lieu. Les _Rats_ de Hongrie tirent sur le verd, & ressemblent aux bellettes, mais ils ne sont gueres plus gros que des souris. Les _Rats_ d'Inde ont le poil presque semblable aux marmottes, à la réserve qu'il est mêlé de plusieurs poils blancs, qui le font paroître argenté: ils ont la tête longue, le museau long, & les oreilles fort petites, ils sont gros comme des chats, mais ils ont les pieds plus petits, & le poil plus rude: on les appelle aussi _Rats_ de Pharaon, ou _Ramadous_; & quelques Auteurs tiennent que c'est une espéce d'_Icneumon_. On met aussi les Marmottes au rang des _Rats_: car on les nomme en Latin _mus montanus_. Quelques-uns mettent aussi l'escurieu au rang des _Rats_, parce qu'il ressemble extrêmement au _Rat Pontique_; & pareillement les loirs ou glirons qui sont des espéces de marmottes, qu'on appelle _mus Alpinus_, & pareillement les chauve-souris qu'on appelle _mus pennaticus_. Les mulots passent aussi pour une espéce de _Rats_ cachez en terre, _mus silvaticus_ ou _campestris_. Il y a dans les villes de l'Indostan des _Rats_ si gros & si affamez, qu'ils attaquent même les hommes, lorsqu'ils sont dans leur lit. Ce mot vient de l'Allemand _Rat_ signifiant la même chose. On appelle ironiquement _Rat_ de cave, un Commis des Aides qui va visiter & marquer les tonneaux des Cabaretiers, pour en faire payer le Gros & Huitiéme. On appelle de l'Arsenic, de la mort aux _Rats_, & généralement toute sorte de poison; & on dit d'une femme qui a empoisonné son mary, qu'elle luy a donné de la mort aux _Rats_. On dit des méchans Auteurs, qu'ils ont à craindre les Beurrieures & les _Rats_. En termes de Manége on appelle un cheval, queuë de _Rat_, quand sa queuë est dégarnie de poil; on appelle aussi queuë de _Rat_, des calus qui viennent aux jambes de derriére plus bas que le jarret. En terme de Marine on appelle queuë de _Rat_, le cordage qui est plus gros par le bout d'en haut que par celuy d'en bas; ainsi on dit des escoutes à queuë de _Rat_, des couëts à queuë de _Rat_, quand ils sont attachez avec des cordes. _Rat_, est aussi un nom que donnent les calfateurs à une espéce de ponton composé de bordages ou de planches, qui leur sert à donner le radoub au vaisseau. _Rat_, est aussi un nom qu'on donne aux courants d'eau, ou aux contremarées, qui sont des mouvemens d'eaux contraires & fort dangereux, qu'on trouve sur tout dans les canaux où les mers sont serrées, comme dans le détroit de Magellan. Quelques Ouvriers appellent _Rats_ les trous de filiéres qui servent à dégrossir l'or, l'argent, le leton, & à le réduire en fils déliez. _Rat_, se dit proverbialement en plusieurs phrases. On dit, que la montagne est accouchée d'un _Rat_, pour dire, qu'il est venu un petit effet d'une grande attente. On dit du reste de quelque chose endommagée: Voilà ce que les _Rats_ n'ont pas mangé. On dit d'un homme qui paye mal, ou en petites parties, & en donnant des hardes & de mauvais effets, qu'il paye en chats & en _Rats_. On dit aussi d'un logis étroit, obscur & sale, que c'est un nid à _Rats_. On dit d'un homme pauvre, qu'il est gueux comme un _Rat_ d'Eglise. On dit aussi: A bon chat bon _rat_, en parlant de celuy qui se sçait bien défendre, quand on l'attaque. On dit, que des gens sont heureux comme _rats_ en paille, lorsqu'ils ont abondance de vivres, & qu'ils les mangent en repos. On dit aussi qu'une arme a pris un rat, lorsque le chien s'est abattu, & que l'arme n'a pas pris feu: on le dit aussi de celuy qui a manqué son coup en quelque autre sorte d'affaires. On dit d'une personne de fort petite taille, qu'elle n'est pas plus haute qu'un _rat_. RATE. _s. f._ Terme d'Anatomie, partie du corps des Animaux située en l'hypocondre gauche à l'opposite du foye. Sa partie cave est tournée vers le foye & le ventricule, & la gibbeuse vers les extrêmitez des épines des côtes. Elle est de figure longue & quadrangulaire, & ressemble à une langue de bœuf. Hippocrate la compare à la plante du pied d'un homme. Sa chair est comme du sang caillé, rare & lâche comme une éponge, propre pour recevoir & boire les grosses humeurs du foye. Galien dit, que l'usage de la _rate_ est de nettoyer le sang feculent, & d'attirer l'humeur mélancolique; & pour cela quelques-uns l'ont appellée _faux foye_, & d'autres _l'organe du ris_; d'où vient qu'on dit de ceux qui se réjouïssent, qu'ils s'épanouïssent la _rate_. La _rate_ n'est autre chose qu'un tissu de veines, d'artéres & de fibres nerveuses entrelacées ensemble, & ce tissu qui fait sa substance, est ce qu'on appelle le _parenchyme de la rate_; il est recouvert d'une membrane composée aussi de fibres nerveuses capable de constriction & de dilatation: sa membrane vient du peritoine, & ses veines du rameau splenique; & il y a un petit nerf inseré, qui vient de la sixiéme conjugaison du cerveau. C'est une maxime que la plus grande _rate_ est toûjours pire que la plus petite: car quand elle s'enfle, elle rend toûjours le corps mal composé. On dit qu'on ôte la _rate_ aux Couriers du Grand Seigneur, afin qu'ils courent mieux; mais c'est une fable, car un homme ne sçauroit vivre sans _rate_, quoi qu'on ait vû des chiens vivre quelque temps aprés qu'on la leur avoit ôtée. Les Animaux qui ont peu de sang limoneux, n'ont point de _rate_. L'Empereur Trajan appelloit le Fisc la _rate_ de l'Empire, parce que plus la _rate_ s'enfle, plus le reste du corps diminuë; ainsi plus le Fisc s'enrichit, plus le Peuple s'appauvrit. On dit proverbialement & ironiquement à ceux qui tiennent quelque discours ridicule & peu vray-semblable: Vous avez bon foye, Dieu vous sauve la _rate_. RATELEUX. euse. _adje._ Qui est sujet aux maux de _rate_, aux opilations de _rate_: Les _rateleux_ ont le corps livide & plombé: les _rateleux_ sont ceux qui ont la _rate_ enflée contre nature, ou qui l'ont endurcie de longue main, de sorte qu'on y apperçoit déja une tumeur skirrheuse. On les appelle autrement _spleniques_. RATEPENNADE. _s. f._ Oiseau nocturne, chauve-souri. En Latin _mus pennatus_, _vespertilio_. RESINE. _s. f._ Gomme, suc gras & visqueux qui coule des pins ou sapins, & de quelques autres arbres, qui s'enflamme aisément, & dont on fait de la poix & autres drogues. On mêle la _poix resine_ dans les flambeaux. Le mastic est la _resine_ du lentisque. Le camphre est une espéce de _resine_. La meilleure de toutes les _resines_ est la terebenthine qui doit être blanche & claire, tirant un peu sur le pers; & aprés, celle du lentisque, du pin & du sapin, & enfin celle de la pesse. Le cyprés produit aussi une _resine_ liquide qui a les mêmes proprietez que les autres. Pline distingue seulement deux sortes de _resine_, la liquide & la seiche. La _resine_ seiche se tire des pommes de pin, de sapin & de la pesse, on l'appelle proprement poix _resine_. La meilleure est celle qui est odorante & transparente, qui n'est ni seiche, ni humide, & qui ressemble à la cire. On fait cuire, seicher & brûler les _resines_ pour en tirer de la suye, comme on fait de l'encens, ou pour en faire de la colophone qu'on appelle _resine frite_. RESINEUX. euse. _adje._ Bois qui produit de la _resine_. Dans les montagnes on fait des flambeaux d'une branche de pin & d'autres bois _resineux_. RETINE. _s. f._ Terme d'Optique & d'Anatomie. C'est une des tuniques de l'œïl, qu'on met la cinquiéme en ordre, & qu'on appelle aussi _retiforme_ ou _reticulaire_, parce qu'elle est faite en forme de rets. Elle naît de la substance moëlleuse du nerf optique dilaté, c'est pourquoi elle est molle & blanche, & ressemble à de la cervelle délayée, ou à du papier huilé, & elle a la transparence de la corne des lanternes. C'est en cette partie que se fait la vision, ou l'impression des images, des objets, par le moyen des rayons de lumiére qui partent de chaque point de l'objet, qui se brisent dans le crystallin, & se vont peindre au fond de l'œïl sur la _retine_. On fait des _retines_ de papier huilé, ou d'une glace dépolie dans des yeux artificiels qui montrent clairement & sensiblement, comment se fait l'action de la vûë, & tournent en ridicule l'opinion de plusieurs Anciens qui croyoient qu'elle se faisoit par émission de rayons. RETROGRADATION. _s. f._ Terme d'Astronomie, action par laquelle on marche, ou on se meut en arriére. On ne le dit guere que des planettes: La _retrogradation_ de Mars & de Saturne. RETROGRADE. _adj. m. & f._ Qui marche en arriére, à reculons, ce qu'on compte à rebours: Le mouvement des écrevisses est _retrograde_. Quand au lieu de dire, 1, 2, 3, 4. on dit 4, 3, 2, 1. on appelle cela un ordre retrograde. Il y a des vers _retrogrades_ où on trouve les mêmes mots en les lisant à rebours, comme _Roma tibi subitò motibus ibit amor_: on les appelle aussi _recurrents_, & _reciproques_. Il y en a plusieurs exemples dans Pasquier. RETROGRADE, en termes d'Astronomie, se dit d'un mouvement apparent des planettes, quand elles semblent reculer au lieu d'avancer. On les appelle directes, quand elles vont selon l'ordre, la suite & la succession des signes, comme d'_Aries_ en _Taurus_, de _Taurus_ en _Gemini_, &c. comme lorsqu'elles vont du perigée en l'apogée; & au contraire quand elles vont de l'apogée au perigée, elles sont _retrogrades_, & paroissent aller contre la succession des signes, de _Gemini_ en _Taurus_, de _Taurus_ en _Aries_, &c. la raison de ce phénomene est expliquée dans la Théorie des planettes de Quepler & d'autres Astronomes. RETROGRADER. _v. n._ marcher ou se mouvoir en arriére, faire une chose à rebours, contre l'ordre naturel. Les planettes semblent _retrograder_ aprés qu'elles ont été stationaires: la Lune & le Soleil ne retrogradent jamais: Les faiseurs d'acrostiches tâchent de trouver les mêmes mots, soit qu'on les lise de droit fil, ou en _retrogradant_: Cet écolier va en _retrogradant_, au lieu de monter de Cinquiéme en Quatriéme, il l'a fallu remettre en Sixiéme: Ceux qui font paroître de grands efforts de mémoire disent plusieurs mots ou nombres en _retrogradant_ contre l'ordre naturel. RHINOCEROS. _s. m._ Bête farouche à quatre pieds, ainsi nommée à cause d'une corne qui lui sort du nez. Pline dit que c'est l'ennemi de l'Elephant, qu'il s'aiguise la corne, quand il veut le combattre, tâchant de le frapper au ventre où il a la peau la plus tendre. Du Bartas a fait une belle description de ce combat qu'on tient fabuleux. Le _Rhinoceros_ est de la longueur de l'Elephant, mais il a les jambes plus courtes, & les ongles des pieds fendus. Pausanias asseure qu'il a deux cornes, l'une fort grande sortant du nez, l'autre petite, mais trés-forte qui pousse en haut; & quelques-uns disent que ces cornes ne sont point arrêtées, mais s'agitent de part & d'autre, & que quand il entre en colere, elles deviennent si roides & si dures, qu'elles déracinent un tronc d'arbre, quand elles le heurtent de front. Festus croit que c'étoit un bœuf d'Egypte, quoi qu'il ait la tête & le museau d'un cochon. On le chasse pour avoir sa peau qui est trés-dure & trés-forte, étant toute couverte d'écailles, & épaisse de quatre doigts; on en fait des cottes d'armes, des boucliers & des socs de charruë. On appelle proverbialement, un nez de _rhinoceros_, un homme qui a un nez gros & éminent. Les Latins ont dit d'un homme fin & rusé, qu'il avoir un nez de _rhinoceros_. ROUVRE. _s. m._ C'est la seconde espece de chêne qui est moins haut que les autres, qui a le tronc & le branchage tortu, creux & fort dur, qui a l'écorce rabotteuse, & la feüille un peu moindre que le vray chêne. Il a un gland gros, long & mince, ayant une longue queuë, & fort agréable au bêtail. Il y a trois sortes de chêne. Le chêne ordinaire, le _rouvre_, & le chêne verd. _Rouvre_ vient du Latin _robur_. ROY. _s. m._ souverain, maître absolu. C'est la qualité qu'on donne à Dieu qui est le Roy, le souverain Créateur du Ciel & de la Terre, le _Roy des Rois_. On donne à J. C. sur la terre la qualité de Roy des Juifs. ROY signifie aussi Monarque qui commande seul & souverainement à une région de la terre. Les Grecs appelloient le _Roy_ de Perse le Grand Roy. Les Europeans regardent le Roy de France comme le _Roy_ le plus grand & le plus puissant de l'Europe: on l'appelle le _Roy_ trés-Chrêtien: Le _Roy_ Louïs XIV. est le plus grand _Roy_ qui ait été depuis l'établissement de la Monarchie. Le _Roy_ d'Espagne est appellé le _Roy_ Catholique. Le _Roy_ des Romains, est un Prince désigné Empereur, qui est une espece de Coadjuteur à l'Empire. On a aussi appellé _Roy_ le Seigneur d'Yvetot. ROY, se dit aussi des personnes qui sont de vaines images ou representations du _Roy_: comme celui qu'on fait au jour des _Rois_ qu'on nomme le Roy de la féve, c'est celui qui a trouvé la féve au gâteau dans sa part: On va faire les _Rois_, crier, Le _Roy boit_, en un tel lieu; pour dire, y faire la cérémonie de cette réjouïssance. On la célébre en l'honneur de la fête des _Rois_ ou de l'Epiphanie, & c'est pourtant une imitation des Saturnales des Payens. On appelle _Roy_, celui qui doit payer pour tous les autres un repas qu'on a joüé, & on dit alors qu'on a fait un _Roy_. On appelle aussi le _Roy_ du bal celui qui en fait les frais, & qui danse la premiére courante. Un _Roy_ de théatre, est un _Roy_ en representation, ou un _Roy_ qui laisse toute son autorité entre les mains de ses Ministres. ROY, se dit aussi entre les Animaux de celui qui est le plus excellent en leur espece. Le Lion est appellé le _Roy_ des Animaux à cause de son courage. Le Phenix est le _Roy_ des Oiseaux à cause de sa rareté, qui est encore plus grande qu'on ne pense. Le Basilic est appellé le _Roy_ des Serpens, à cause qu'il tuë de ses regards, à ce que disent les Naturalistes qui ne l'ont jamais vû. Les Abeilles ont aussi leur _Roy_ qu'on dit être femelle & sans aiguillon. ROY, se dit aussi de ce qui est excellent en chaque chose, de ce qu'on veut loüer: Cet homme a milles bonnes qualitez, c'est le _Roy_ des hommes: Voilà un manger de _Roy_, un plaisir de _Roy_, pour dire excellent: Quand ce seroit pour le _Roy_, il ne seroit pas plus chaud, il ne seroit pas meilleur: C'est un homme qui a un cœur de _Roy_, qui est vaillant, liberal, magnifique, qui fait une dépense de _Roy_, qui traite en _Roy_, c'est à dire, fort bien. ROY, se dit aussi au jeu des Cartes, des quatre premiéres peintures, & on appelle ironiquement un jeu de cartes, le livre des _Rois_. Aux Eschecs le _Roy_ est la principale piéce du jeu à qui il faut donner échec & mat pour gagner. On dit aussi qu'aux Echecs les foûs sont les plus prés des _Rois_; pour montrer qu'il n'est pas nouveau que les foûs ayent souvent l'oreille du _Roy_, la faveur du _Roy_. Pied de _Roy_, poulce de _Roy_, c'est la mesure publique des longueurs, sur laquelle on étalonne les autres. Le pied de _Roy_ a douze pouces, le pouce de _Roy_ a 12. lignes, ou grains d'orge. Voyez PIED. ROY, se dit aussi en plusieurs phrases qui regardent la personne ou le service du _Roy_. On appelle Maison du _Roy_, non pas seulement son Palais, mais tous ses Officiers qui servent à sa Cour, & qui sont couchez sur l'Etat. A la guerre on appelle, la Maison du _Roy_, tous les gens de guerre qui servent à sa garde, tant cavalerie qu'infanterie. En général on dit, aller servir le _Roy_, pour dire, s'enroller, prendre parti dans ses troupes. La Justice s'exerce sous le nom & l'autorité du _Roy_, sous les ordres du _Roy_, de par le _Roy_. Tous les Officiers Royaux de Judicature s'appellent Conseillers du _Roy_, même les Notaires & les Secrétaires. On dit que les choses saisies sont mises sous la main du _Roy_ & de Justice. Les Edits & Déclarations du _Roy_, Arrêt du Conseil d'Etat du _Roy_, donné le _Roy_ étant en son Conseil. On appelle dans les Prisons le pain du _Roy_, celui qui est pris sur le fonds des amendes, que le _Roy_ donne pour la subsistance des Prisonniers qui n'ont pas le moyen de se nourrir. On n'entend dans les réjouïssances que des cris de Vive le _Roy_. On appelle dans un siége le quartier du _Roy_, celui où est campé le Général. On appelle dans les grandes maisons, ou dans les hôtelleries, la Chambre du _Roy_, celle où il a couché une fois en allant par païs. ROY, se dit figurément en Morale. Un Stoïque dit que le sage est son _Roy_, pour dire qu'il est maître de ses passions. ROY, s'est dit aussi autrefois de celui qui étoit le superieur, le premier, ou le Juge en quelque Corps & Compagnie. Ainsi on appelloit le _Roy_ des Merciers, celui qui avoit l'œil sur les poids, aûnes & mesures des Marchands: le _Roy_ des Barbiers, celui qui avoit droit de visite sur les autres: le _Roy_ des Arbalêtriers, celui qui étoit le premier des Maîtres. On trouve des Lettres Patentes du Roy Charles VI. de l'an 1411. qui portent, qu'il a reçû la supplication des _Rois_, Connêtable & Maîtres de la Confrairie des 60. Arbalêtriers de Paris. Il y avoit aussi un _Roy_ de la Basoche pour les Clercs. Un _Roy_ des Arpenteurs, &c. Il y a encore maintenant un _Roy_ des Violons, qui est le Chef de la Maîtrise. Aux Jeux floraux on appelloit le _Roy_ des Poëtes celui qui avoit emporté le prix, & qui l'année suivante jugeoit des poësies des autres. Il y a eu aussi un grand Officier à la Cour qu'on nommoit _Roy_ des Ribauds. Il est expliqué à RIBAUD. Le _Roy_ d'armes étoit autrefois un Officier fort considérable dans les armées & dans les grandes cérémonies. Il commandoit aux Herauts, il présidoit à leur chapitre, & avoit Jurisdiction sur les armoiries. Quelques-uns disent que ce fut Clovis qui institua ces sortes d'Officiers, & les baptiza du nom de son cri, S. Denys mont-joye; d'autres disent que ce fut Dagobert. La Colombiere prétend que ce fut le Roy Robert, & que le premier qui eut cette Charge, fut un nommé Robert Dauphin, noble & vaillant Chevalier. Charlemagne les appella compagnons des _Rois_, & les reçût entre ses principaux Conseillers. Leur établissement en cette Charge se faisoit avec de grandes cérémonies, qui parce qu'elles sont curieuses, seront ici rapportées. Celui qui étoit élû par le Chapitre des Herauts, étoit presenté au Roy, qui lui donnoit des habits royaux d'écarlate fourrez de menu vair, qu'il lui faisoit vêtir par ses Valets de chambre: en suite il étoit conduit par le Connêtable & plusieurs Chevaliers, & tous les Herauts & poursuivans d'armes deux à deux, jusqu'au lieu où le Roy devoit entendre la Messe: là on le plaçoit devant l'autel dans une chaise sur un tapis velu, ayant à ses deux lez ou côtez des Chevaliers qui portoient les honneurs, comme la couronne, la cotte d'armes & l'épée. Le Roy arrivé lui faisoit faire serment sur les Evangiles, & lui donnoit le cri de Mont-joye _Saint Denys_, avec plusieurs articles concernans ses fonctions: en suite le Roy le faisoit Chevalier, en lui donnant l'épée qu'il lui faisoit ceindre par le Connêtable, & le Roy lui mettoit sa cotte d'armes, lui accrochoit à la poitrine le blason émaillé des Armes de France, & lui mettoit la couronne sur la tête. Puis le _Roy_ d'armes étoit assis dans la chaise du Roy vis à vis de lui pendant le service; & le Roy le faisoit dîner au bas bout de sa table, & servir par ses mêmes Officiers. Il lui faisoit un grand present dans une couppe d'or, & en suite il étoit reconduit en son hôtel avec la couronne sur la tête & la cotte d'armes sur l'habit royal par deux Maréchaux de France & plusieurs Chevaliers en grande cérémonie. Voyez dans Louvan Geliot plusieurs autres particularitez. Le _Roy_ d'armes _Mont-joye_ a l'avantage de tenir le premier rang sur les autres _Rois_ d'armes des Marches ou Provinces, lesquels avoient sous eux chacun deux Herauts & deux Poursuivans, qui composoient un College, dont le Chapitre se tenoit à Paris en l'Eglise du petit S. Antoine. Il est distingué des autres par sa cotte d'armes de velours violet cramoisi, ornée devant & derriere de trois grandes fleurs de lis en broderie d'or, surmontées & couvertes d'une couronne royale frangée & galonnée d'or: sur la manche droite trois fleurs de lis, & le nom & titre de _Mont-joye_ écrit en broderie d'or; & _Roy d'armes de France_ sur la gauche. Anciennement il portoit sur sa poitrine un camayeu ou émail de crystal rechaussé d'or, garni & bordé de pierreries fines, où étoient peintes les armes du Roy: à present il porte un cordon large, d'où pend une médaille d'or avec l'effigie du Roy. Son bonnet est une toque de velours noir avec un cordon d'or semé de deux rangs de perles, & des touffes ou aigrettes de heron, il porte à la main droite un sceptre couvert de velours violet semé de fleurs de lis d'or en broderie, orné au bout d'une fleur de lis massive, chargée d'une couronne royale de même. Favin dit que la cotte d'armes des _Rois_ d'armes de Province étoit appellé _tunique_; ayant les manches courtes & arrondies par en bas, sur lesquelles étoient marquez les noms de leurs Provinces. Les _Rois d'armes_ ont eu divers noms en divers lieux. Celui du _Roy d'armes_ de France s'appelloit _Mont-Joye S. Denys_. Celui de l'Empereur est appellé _Arche-Roy_, qui est créé par l'Empereur aprés que le Marquis du S. Empire le lui a nommé. Celui du Roy d'Espagne s'appelle _Toison d'or_, à cause de l'Ordre de la Toison dont le Roy d'Espagne est le Chef. Jean de S. Remy fut le premier Roy d'armes sous le nom de Toison d'or, qui a laissé un Traité de l'an 1463. où il rapporte les Ordonnances faites par les anciens Ducs de Bourgogne sur les Armoiries. En Angleterre il y a trois _Rois d'armes_, nommez _Jarretiére_, _Clarence_ & _Norroy_. En Ecosse il est appellé _Leon_. Ils prennent aussi leurs noms des Ordres de Chevalerie, dont ils sont _Rois d'armes_, comme celui du _Roy_ Louïs XI. _Mont S. Michel_; celui des Ducs d'Orleans, _Porc Epic_; celui d'Anjou, _Croissant_; celui de Bretagne, _Hermine_, &c. Maintenant les _Rois d'armes_ sont bien déchûs de leur ancienne élevation & autorité. Le Grand Ecuyer prétend que la qualité de _Roy d'armes_ est comme annexée à sa Charge, il en fait plusieurs fonctions, & en prétend les plus beaux droits. En la Cour des Ducs de Normandie les _Rois d'armes_ s'appelloient _Ducs d'armes_. ROY, se dit proverbialement en ces phrases: Un Dieu, un _Roy_, une Loy. On dit aussi souhait de _Roy_, fils & fille. On dit d'un homme de bonne maison, qu'il est noble comme le _Roy_. Et on dit pour affirmer une chose: Cela est vray, ou le _Roy_ n'est pas noble. On dit de celui qui a obtenu une chose qu'il souhaitoit fort: Maintenant le _Roy_ n'est pas son cousin. On dit en parlant des choses qui sont hors d'usage: Cela étoit bon du temps du _Roy_ Guillemot. On dit d'une assemblée tumultueuse: C'est la Cour du _Roy_ Peto où chacun est maître. Voyez l'origine de ce proverbe à MAISTRE. On dit à table quand on prend du sel avec les doigts: J'ay vû le _Roy_. On appelle, joüer au _Roy_ dépoüillé, quand plusieurs personnes sont aprés quelqu'un pour le piller, le ruïner, pour en tirer chacun sa piéce. On dit aller où le _Roy_ va à pied, pour dire à ses nécessitez. On dit, Qui aura de beaux chevaux, si ce n'est le _Roy_? quand on s'étonne de voir un homme riche bien meublé. On dit, Qui mange la vache du _Roy_, à cent ans de là en paye les os; pour dire que celui qui a manié les deniers du _Roy_, qui a fraudé les droits du _Roy_, en est recherché tôt ou tard. Pour se mocquer de celui qui dit absolument, Je le veux; on répond, Et le _Roy_ dit, Nous voulons. On dit d'un opiniâtre qui s'est placé quelque part, qu'il n'en sortiroit pas pour le _Roy_. On dit, au Royaume des aveugles les borgnes sont _Rois_, pour dire que ceux qui ont moins de défauts, sont les plus estimables. On dit encore: Nous verrons cela avant qu'il soit trois fois les _Rois_; pour dire, dans quelque temps d'ici. RUBIS. _s. m._ pierre rouge qui est au troisiéme rang des pierres précieuses, & qui est la plus estimée après le diamant & le saphir. Il a la dureté du saphir. Son prix excede aujourd'hui celui du diamant, car il est devenu fort rare. Les Grecs ont appellé les _rubis_, _apyroti_, c'est à dire, charbons ardens. Le _rubis_ se nourrit dans la mine, où premiérement il blanchit, & en se meurissant il contracte sa rougeur, d'où vient qu'on en voit de moitié blancs moitié rouges, comme qui diroit moitié saphir, & moitié _rubis_. Il n'y a que de deux sortes de _rubis_, le _rubis_ balais, & le _rubis_ spinelle. Le _rubis_ balais naît d'une matiére pierreuse de couleur de rose, qu'on appelle _mere_ ou _matrice_ du _rubis_. Il est de couleur d'un rouge de rose vermeille. Le _rubis_ spinelle est de couleur de feu & plus rouge que le _rubis_ balais, & n'a pas l'éclat du vray _rubis_, ni tant de dureté, il est appellé la femelle du vray _rubis_. Les _rubis_ viennent du Pegu & de l'Isle du Ceylan. On dit que le plus gros a été vû chez le Roy de cette Isle, qu'il étoit long d'un palme, & épais comme le bras d'un homme, & qu'il éclairoit comme une grosse flamme de feu; mais on tient celui-là fabuleux. L'Empereur Rodolphe en avoit un gros comme un petit œuf de poule, & il l'acheta soixante mille ducats. Usumcassan Roy de Perse en avoit un qui étoit un veritable parangon, gros d'un doigt, du poids de deux onces & demie, comme témoigne Vigenere. On en a vû à Paris de 240. carats. RUBIS, se dit aussi des gros bourgeons rouges qui viennent sur le visage, & particuliérement à celui des yvrognes. Ainsi Regnier a dit du nez d'un Pedant: _Où maints Rubis balais tout rougissants de vin, Montroient un_ hac itur _à la Pomme de pin_. Les Chymistes font plusieurs preparations de corps naturels qu'ils appellent _Rubis_, à cause de leur couleur rouge, comme _Rubis_ d'arsenic & autres. On dit proverbialement faire _Rubis_ sur l'ongle, lors qu'en débauche on vuide si bien un verre, qu'il n'en reste qu'une goutte qu'on verse sur l'ongle, & qui est si petite qu'elle ne s'écoule point, quoi qu'on renverse le pouce. On dit aussi, payer _Rubis_ sur l'ongle, quand on paye exactement jusqu'au dernier denier, par allusion à cette maniére de boire jusqu'à la derniére goutte. RUBORD. _s. m._ Terme de Charpenterie qui se dit du premier rang des planches ou bordages d'un bateau foncet ou autre, qui se joint à la semelle, & qui est la premiére piéce qui s'éleve du fond du bâtiment. Le second rang de ces planches s'appelle le deuxiéme _bord_, le troisiéme rang, le troisiéme _bord_, & le dernier qui joint le dessous du plat bord, s'appelle _sous barque_. RUCHE. _s. f._ Panier destiné à nourrir & serrer des mouches à miel. On fait aussi des _Ruches_ de verre pour avoir le plaisir de voir travailler les abeilles. Ce mot vient de _rupes_, à cause que les abeilles se mettent quelquefois dans des roches. Ménage. D'autres le dérivent de _rytikon apo tou ryestay_, qui signifie _custodire_, parce qu'elle sert à garder le miel. RUCHE, se prend aussi pour les mouches, le miel & la cire qui sont dedans: Il m'a vendu tant de _Ruches_. RUCHE, en termes de Médecine se dit de la cavité qui est auprés du conduit de l'oreille, en laquelle s'amassent les ordures qu'on tire avec le cure-oreille, qu'on appelle _suif_, & quelquefois _cire_. RUCHE en termes de Marine, c'est le corps d'un Vaisseau sans ses agreils, lors qu'il est tout nud & destitué de mâts & de cordages. RUCHE est aussi un engin à pescher fait à peu prés comme une _ruche_ à mouches. Voyez ROUCHE. RUM. _s. m._ Terme de Marine, est une espace qu'on prepare dans le fond de cale d'un Vaisseau pour les marchandises de cargaison. On dit aussi _reun_ & _arruner_ ou _arrumer_, pour dire, ranger les marchandises; & il y a des Officiers exprés sur les ports. RUMB est un grand Cercle vertical tracé sur le Globe, qui divise l'horizon en trente deux parties. Sur les Cartes les _Rumbs_ sont tracez en ligne droite: c'est une division que les pilotes les plus exacts ont faite des vents qui sont marquez sur la Rose de la Boussole ou Compas de mer, & qui sert à marquer la route d'un vaisseau pour aller d'un lieu à un autre. Chaque ligne ou pointe désigne un vent. On les divise & subdivise. Le _Rumb_ entier ou quart de vent est celui qui soufle d'un des 4. points Cardinaux. Le demi _Rumb_ est celui qui soufle entre les points Cardinaux, & fait avec eux un angle de 45. degrez. Le quart de _Rumb_ est celui qui fait un angle de 22. degrez 30. minutes; & le demi quart de _Rumb_ en fait un de 11. degrez 15. minutes. Ce mot au reste dans sa propre signification se prend pour la partie du monde vers laquelle on dresse sa route. De sorte que quand on dit qu'un Navire suit le _Rumb_ du Nord, on ne veut pas dire que le vent du Nord soufle, mais que la prouë du vaisseau est tournée vers le Nord, a le cap au Nord. Les _rumbs_ font la même division sur le Globe, que les Azimuts ou les Cercles verticaux. RUMB, signifie aussi entre les Mariniers _rang_ ou _ordre_. Etre en bon _Rumb_, c'est à dire, être en bon ordre. Tenir son _Rumb_, c'est garder son rang. S. SAFRAN. _s. m._ Plante qui porte une fleur du même nom jaune & odoriferante qu'on réduit en poudre. Le _Safran_ a les feüilles longues & étroites, épaisses & douces à manier, & plusieurs petits Rameaux capillaires, il jette des fleurs semblables à l'Ephemeron, rouges & belles à voir: il sort de la terre devant que ses feüilles viennent & il n'a point de calice, mais la nature l'a pourvû de deux voiles qui le mettent à couvert & lui tiennent lieu de feüilles, du milieu de sa fleur sortent des filamens rouges, ayant un sommet assez gros, accompagnez de petites languettes de couleur d'or semblables à celles de la Barbe-bouc: il fleurit un mois durant, puis des fleurs sortent ses feüilles, lesquelles verdoyent tout l'hiver, le printemps venu elles se sechent & disparoissent en Eté, il a sa racine bulbeuse, & revêtu de plusieurs cartilages jaunissans comme le glayeul: il a cela de particulier qu'il fructifie mieux quand il est bien foulé. En Latin _Crocus_. Le Safran bâtard a ses feüilles longues, rudes, piquantes, chiquetées tout à l'entour: sa tige est d'un pied & demi de haut, ses têtes & chapiteaux sont de la grosseur d'une Olive, qui sont herissonnées & épineuses longuettes & écaillées avec des feüilles au dessous qui s'ouvrent en forme d'étoile: sa graine est blanche & anguleuse, lissée & dure, un peu plus grosse qu'un grain d'orge, qui a au dedans une moëlle blanche; sa racine est longue, grêle & fort cheveluë, sa fleur est semblable à celle du _Safran_ domestique. Les plumassiers se servent du _Safran Bâtard_ pour teindre leurs plumes en incarnadin d'Espagne en mêlant dans son suc du jus de citron. On l'appelle en Latin _Cnicus_, _Cnecus_, ou _Crocus Sarracenicus_, & les Apoticaires suivant les Arabes l'appellent _Cartamus_. Le _Safran_ est employé par les Enlumineurs pour faire du jaune doré. On fait du Ris jaune avec du _Safran_. On fait grand trafic de _Safran_ vers le Septentrion. Le _Safran_ épanoüit le cœur. On dit que les mulets n'en sçauroient porter une charge bien loin, & qu'il les faut relayer pour cela. Quand on veut loüer du Beurre, on dit qu'il est jaune comme _Safran_. Ce mot vient de l'Arabe _Zapheran_ on le dit en cette signification en Turquie & en Italie, & en Allemand d'où le François est dérivé. Ménage. SAFRAN. Terme de Marine, est une piéce de Bois qu'on applique sur le gouvernail pour en faciliter le mouvement. SAFRAN en termes de Charpenterie est la planche qui est à l'extrêmité du gouvernail d'un batteau foncet, sur laquelle sont attachées les Barres qui soûtiennent les planches de Remplage. On dit proverbialement qu'un homme est allé au _Safran_, lorsqu'il est mal dans ses affaires, qu'il est obligé à faire banqueroute, car on suppose que son chagrin lui doit donner la jaunisse: & on dit de ceux qui ont cette maladie, qu'ils sont jaunes comme _Safran_. On dit aussi rire jaune comme _Safran_ par une antiphrase, pour dire qu'on n'a guéres envie de rire. SAFRANIER. _iere_. _s. m. & f._ banqueroutier qui n'a plus de bien. On nous a voulu presenter pour caution un _Safranier_, un homme ruïné. Quelques-uns disent que ce mot vient de _Saffre_ & goulu, qui a mangé son patrimoine; d'autres du mot de _Safran_, parce que le chagrin d'un homme qui a mal fait ses affaires, le rend jaune & sec, & l'on dit qu'il trafique en _Safran_; il peut venir aussi de ce qu'il n'y a pas long-temps qu'on peignoit de jaune ou de couleur de _Safran_ les maisons des Banqueroutiers, ou de ceux dont les biens étoient confisquez avec note d'infamie. SALVATELLE. _s. f._ Terme de Médecine. C'est un nom que les Arabes donnent à un Rameau fameux de la veine cephalique qui s'étend au petit doigt & à son proche voisin. On en saigne fort à propos aux fiévres quartes & aux maladies provenantes de la mélancolie & des obstructions de la ratte. SAMIS ou SAMILIS. Terme de Negoce. C'est une étoffe fort riche qui vient de Venise, qui est lamée ou tremée de lames d'or & d'argent. Ce mot est fort ancien. Dans les Registres de la Chambre des Comptes il est fait mention de plusieurs Armes du Roy couvertes de Samis Vermeil: en Latin _Auri Samitum, Examitum_, qu'on trouve en plusieurs anciens tîtres, l'Oriflame étoit faite d'un Samis Vermeil selon quelques-uns. SANDARAQUE _s. f._ Terme de Pharmacie. C'est un suc mineral durci qui semble quelquefois avoir passé par le feu & être onctueux. On la trouve dans les mines d'Or & d'Argent mêlée souvent avec l'orpigment: elle est rouge & vient de l'Asie mineure, & de plusieurs autres lieux. La naturelle dont parle Vitruve n'est autre chose que l'Arsenic rouge. La factice est le Sandix de Dioscoride & de Gallien qui est faite de ceruse passée au feu, dont l'invention fut trouvée par hasard dans un incendie. On en fait aussi avec de l'Orpigment poussé au feu comme dit Scaliger. La meilleure est la plus rouge, qui sent le souffre. Les Médecins se servent de la naturelle qui est un poison, & un reméde: & les peintres de la factice. Voyez Agricola, Pline, Dioscoride. SANDARAQUE est aussi la Gomme de Geniévre dont on fait le vernis lequel a tiré son nom de ce que cette Gomme vient vers le printemps: Car on l'appelle _vernix_ en Latin, en François & en Allemand. Ce sont les Mores qui appellent la Gomme de Juniperus _Sandarax_ qui font de la confusion entre le Vernix & la _Sandaraque_. De sorte que Mathiole avertit que quand les Arabes parlent dans leurs médicamens de la _Sandaraque_, ils entendent parler de la Gomme de Geniévre. Quand ce sont les Grecs ils entendent parler de la vraye _Sandaraque_ minerale qui est un poison. SAPHENE. _s. f._ Terme de Médecine, c'est une veine considerable née auprés des glandules de l'aine, qui descend le long de la cuisse jusqu'au malleole externe, & se perd parmi la peau du dessus du pied. SAPHIR. _s. m._ Terme de Joüailler. Pierre précieuse Orientale de couleur d'un bleu Celeste & bel azur qui est d'égale dureté avec la Topase, l'un & l'autre tiennent le premier rang aprés le Diamant. La bague Episcopale est un _Saphir_. Les Rabbins disent que la Verge de Moïse & les Tables qu'il reçût au Mont Sinai étoient de _Saphir_. On trouve des _Saphirs_ au Puy en Auvergne dont la couleur tire sur le verd. Il y a aussi un _Saphir_ d'Eau qui est aussi tendre que le Cristal qui se trouve en Boheme & en Silesie. Le _Saphir_ Oriental est quelquefois blanc & même le bleu ou violet se peut blanchir par le feu étant mis entre deux Creusets luttez dans de l'or fondu, & il ne reprend jamais sa couleur. Il y a aussi un _Saphir_ que les Latins appellent _Oculus Felis_, _Œil de Chat_ qui a des diversitez de couleurs admirables & dont la dureté souffre un poliment égal au vrai _Saphir_. Les Indiens croyent qu'il fait leur bonne ou leur mauvaise fortune, ce qui le met en grande estime chez eux. Le nom de _Saphir_ vient de ce qu'en Hebreu les plus belles choses sont appellées _Saphires_, c'est pourquoi il est dit dans l'Ecriture que le Siége de Dieu ressemble au _Saphir_. SCARIFICATEUR _s. m._ Est un instrument de Chirurgie fait en forme de Boëte, au bas de laquelle sont 18. Roües trenchantes comme un Rasoir, qu'on bande avec un ressort, & qui se débande avec un autre; il sert pour faire évacuer le sang épandu sous le cuir, parce qu'il fait 18. incisions à la fois, qui font moins de douleur que si on les faisoit l'une aprés l'autre. SCARIFICATION. _s. f._ Terme de Chirurgie. Operation par laquelle on incise la Peau avec un instrument propre, en la picquant en plusieurs endroits. SCYTALE Laconique _s. f._ Terme de Steganographie. C'est une invention dont se servoient autrefois les Lacedemoniens, pour écrire à leurs correspondans des lettres secretes, afin que ceux qui les auroient interceptées ne les pussent lire. Ils avoient deux rouleaux ou cylindres de bois fort égaux, dont l'un se gardoit à la Ville, l'autre étoit entre les mains du correspondant. Celui qui écrivoit tortilloit au tour d'un de ses rouleaux une laniére de parchemin fort déliée, & y écrivoit ce qu'il avoit à mander, puis il la détachoit & l'envoyoit au correspondant, lequel l'appliquant sur le rouleau de même grosseur, trouvoit les mots & les lignes en la même disposition qu'ils avoient été écrits; & les lisoit facilement; c'étoit une invention qu'ils estimoient beaucoup, quoi qu'elle fut assez grossiére. On s'est bien raffiné depuis ce temps-là en cette maniére d'écrire; c'est la premiére que décrit _Aporta_ dans son Livre de _Ciferis_. SECANTE. _s. f._ Terme de Trigonometrie. C'est la ligne tirée du centre du cercle qui coupe la ligne tangente élevée perpendiculairement sur l'extrêmité du diametre: elle passe aussi par l'extrêmité superieure de l'Arc dont elle est secante. On a fait plusieurs tables des _sinus tangentes_ & _secantes_. SEGRAIER. _s. m._ Terme des Eaux & Forêts; c'est celui qui possede par indivis la proprieté d'un bois avec d'autres Proprietaires & Seigneurs, qui le tient en segrairie. SEGRAIRIE. _s. f._ Bois qui est possedé en commun ou par indivis soit avec le Roy, soit avec des particuliers. Il y a plusieurs articles de Réglemens pour les Bois tenus en _segrairie_ dans l'Ordonnance des Eaux & Forêts. La disposition qui regarde les Bois du Roy, a lieu aussi à l'égard de ceux qui sont tenus en _segrairie_ avec luy. SEL. _s. m._ Substance Acide qui entre en la composition de tous les corps, & qui est un de leurs principes Physiques. Les Chymistes ne connoissent que trois principes, le _Sel_, le Souffre, & le Mercure. Il n'y a proprement que deux _Sels_ en la nature, l'_Acide_ & l'_Alkali_, dont tous les corps sublunaires sont composez. Ce _Sel_ des Chymistes reste ordinairement mêlé parmi la terre aprés la distillation, est de couleur blanche & de consistance seche & friable. Le _Sel_ commun est de trois sortes; Le premier est le _Sel gemme_ ainsi nommé par les Arabes, les Chymistes & les Apoticaires; il est blanc & fossile, & a les mêmes qualitez du marin: il est ainsi nommé à cause de sa transparence, il se lapidifie par le feu sous terrain ou par le Soleil, & est presque dur comme du marbre; il est clair comme du cristal, & on en fait des vases; il rougit & s'ignifie comme le fer, & ne petille point au feu. Il y en a des montagnes dans la Pologne, dans la Hongrie & dans la Catalogne au Duché de Cardone; c'est la source de tous les autres _Sels_. Pline dit, qu'en la Ville de Carhos en Arabie on fait les murailles & on bâtit les maisons de _Sel_, & qu'au lieu de mortier on use d'eau simple. Le 2. _Sel_ est fait par l'évaporation de l'eau des Fontaines salées, comme celles de Salins en Franche-Comté. Le 3. est le _Sel_ marin fait de l'eau de la mer, on la fait entrer par des rigoles dans les marais salans, & la chaleur du Soleil la fait évaporer. Sa figure est cubique, comme l'a fort bien fait voir M. Descartes. C'est le plus parfait de tous les _Sels_, il ne peut être détruit par aucun autre _Sel_. Le _Sel_ marin blanchit la solution du _Sel_ de Saturne. L'Ecume de _Sel_ se fait de l'eau de la mer, qui se congele avec la rosée sur ses bords & sur les rochers. Fleur de _Sel_, est une écume qui nage sur certains lacs & sur le Nil, dont parle Dioscoride, qui dit que la meilleure est la jaune qui a une odeur fâcheuse; & que la naturelle ne se peut dissoudre qu'en huile, & la sophistiquée en eau. Pline dit, que vers les portes Caspies il y a des riviéres qui charrient le _Sel_ comme des glaces, & qu'elles l'ont entraîné des montagnes. Fuchsius dit, que la fleur de _Sel_ est le sperme de Baleine; mais il se trompe lourdement. Voyez _sperma ceti_. On distingue aussi les _Sels_ en volatils & fixes; le volatil est la partie salsugineuse, sulfureuse, mercuriale & fugitive des corps mixtes, qui s'éleve par la distillation, ou qui s'exhale & se fait sentir à l'odorat. Le _Sel_ fixe ou essenciel, est celui qui comme plus materiel résiste au feu & le soûtient: Il demeure dans la partie terrestre aprés la calcination, ou distillation. Celui-ci se fait remarquer par son amertume & sa chaleur si on en met dans la bouche. Le volatil se fait sentir d'abord par sa tenuité à la langue, au nez & au cerveau. Le _Sel_ lexivial, quelques-uns l'appellent lixiviel, est un _Sel_ fixe qu'on tire des minéraux par plusieurs lotions ou lescives d'eau chaude, qu'on fait en suite évaporer, comme le salpêtre & autres. La plus grande propriété du _Sel_, est qu'il ne craint aucune corruption, & même il en préserve les viandes qu'on en assaisonne, & qu'on y laisse tremper. Il résiste au feu & s'y purifie parce que son humidité en sort, & alors on l'appelle _Sel décrépité_; même dans un grand feu il se met en fusion, & il se convertit en eaux fortes. Il donne la fertilité aux terres, la solidité à toutes sortes de substances, & avance la fusion des métaux. Il y a eu pourtant des Princes qui ont fait semer du _Sel_ sur les terres, pour marque d'indignation, & croyant les rendre steriles. Les Egiptiens croyoient que le _Sel_ étoit le crachat ou l'écume du Geant Typhon ennemi de leurs fausses Divinitez; c'est pourquoi ils l'avoient en horreur, au rapport de Plutarque. Le _Sel_ a deux qualitez contraires; car par son acidité aerienne, subtile, rongeante & pénétrante, il brise & dissout les minéraux durs, compactes, & solides; bien que par un effet contraire il coagule des corps liquides comme l'eau & le sang: Il y a de ses esprits qui étant mêlez avec l'eau, y produisent une chaleur excessive, & les mêmes mêlez en petite quantité avec des eaux froides en augmentent la froideur, comme le salpêtre dans la neige. Tous les _Sels_ se dissolvent par l'humidité, mais ils ne se fondent dans l'eau que jusqu'à une certaine quantité; & lors qu'elle est impregnée d'un certain _Sel_ autant qu'elle en peut porter, elle dissout encore une quantité d'un autre _Sel_ dont les parties ou atomes sont d'une autre figure, & propres à s'insinuer dans les pores qui restent vuides dans la même eau. Ainsi aprés que le _Sel_ commun ne s'y pourra plus dissoudre, il s'y fondra encore de l'alun & puis du salpêtre, de l'armoniac & autres; ce sont les diversitez des figures de ces _Sels_ qui font les differentes saveurs. Il y a quantité de noms differents de _Sels_ qu'on tire des minéraux, vegetaux & des animaux: comme alun, vitriol, salpêtre, nitre, natron, armoniac, de Saturne, de Mars, d'urine, de vipere, de tartre, de polycreste, &c. qui sont expliquez à leur ordre Alphabetique. Le _Sel_ pour l'usage ordinaire, se distingue en _Sel_ blanc & noir, en gros _Sel_ & menu _Sel_; & on dit qu'une chose est de bon _Sel_, qu'elle est cuitte dans son _Sel_, qu'elle ne sent ni _sel_, ni sauge, pour dire qu'elle est bien ou mal assaisonnée. Grenier à _Sel_, est un dépôt public où on met le _Sel_, que le Roy vend à son Peuple, & on appelle _Sel Gabellé_, celui qui a passé dans ce Grenier & qui y a demeuré deux ans, qui n'est livré que par les Officiers. Le faux _Sel_, est celui qui est vendu secretement par des particuliers qui ont fraudé les droits du Roy. Impôt du _Sel_ est le droit que le Roy leve sur chaque minot de _Sel_. On dit aussi qu'on donne le _Sel_ par impôt, quand on oblige les Peuples à venir prendre aux Greniers du Roy une quantité de _Sel_ qu'on leur taxe, & qu'ils peuvent consommer, dans les païs voisins des salines, où on peut aisément frauder la Gabelle; c'est en cet impôt que consiste la Ferme du _Sel_ ou des Gabelles, sur lequel sont assignées les rentes du _Sel_. Grenier à _Sel_. Est aussi une jurisdiction établie aux lieux où il y a de pareils greniers pour conserver les droits du Roy, & décider les differens qui surviennent à leur occasion. Elle est composée d'un President & de plusieurs Grenetiers ou Conseillers, d'un Procureur du Roy & d'un Greffier, avec des Archers & Gardes. Les appellations en ressortissent à la Cour des Aides. SEL. Se dit figurément en choses morales. JESUS CHRIST dit à ses Apôtres qu'ils étoient le _Sel_ de la Terre. On dit que dans un ouvrage il n'y a pas un grain de _Sel_, pour dire qu'il est fade, qu'il n'y a rien qui pique, pas une pointe ou subtilité d'esprit; & qu'une Epigramme a bien du _Sel_, quand elle a un grand sens ou quelque équivoque agréable. SEL. Se dit proverbialement en ces phrases. On dit de deux personnes de differente humeur qui s'associent, qu'elles ne mangeront pas un minot de _Sel_ ensemble. On dit au contraire que pour bien connoître un homme, il faut avoir mangé un muid de _sel_ avec luy. On dit aussi de celui qui est bien plus fort qu'un autre, qu'il le mangeroit avec un grain de _sel_. SELENOGRAPHIE. _s. f._ Partie de la Cosmographie, science qui fait la description de la Lune & de toutes ses parties & apparences, comme la Geographie le fait sur la terre. Hevelius grand Astronome de Dantzie, a fait le premier un livre de la _Selenographie_. A l'observatoire du Roy, on fait maintenant des Cartes _Selenographiques_. Les Astronomes ont donné des noms à plusieurs taches ou points de la Lune, comme Aristarque, nommé autrement, _Mons Porphirîtes_, le bord de Platon, ou _Lacus niger_, _Copernique_ ou _Etna_, _Possidonius_, _Hyginus_ & _Mersenne_, _Tycho_, autrement _Sinai_, _Gassendi_, _Dantes_, _autrement Athos_, mare _Adriaticum_ & _Apenninus_. SETON. _s. m._ Terme de Chirurgie. C'est un Reméde qui sert comme un cautére à détourner les fluxions qui sont sur les yeux en faisant une playe à la peau du derriére du col qu'on entretient en suppuration par le moyen d'un fil de coton ou de soye qu'on y passe; on en applique aussi à ceux qui tombent souvent d'Epilepsie. SILLET. _s. m._ Terme de Lutier. C'est un petit morceau d'yvoire appliqué au haut du manche d'un Luth ou d'un Theorbe, ou autre semblable Instrument, sur lequel posent les cordes quand on les monte. SINOPLE. _s. f._ Terme de Blason, c'est ainsi qu'on appelle le _Verd_ ou la couleur _Prasine_ dans les Armoiries. Les Herauts l'appelloient ainsi, quoi que Pline & Isidore entende par _Sinople_ le rouge brun. Cette couleur signifie amour; jeunesse, beauté, jouïssance & sur tout liberté, d'ou vient qu'on scelle en Cire verte & en lacs de soye verte les lettres de grace, d'abolition & de legitimation: les Villes Franches & les Universitez ont la plûpart des sceaux de même couleur. Les Evêques ont pris la bordure verte à leurs chapeaux pour marque de leur exemption, & on fait porter le bonnet verd aux cessionaires, à cause qu'ils sont liberez de toutes leurs dettes, comme ont remarqué les curieux simbolistes. Ménage aprés Hauteserre le dérive de _Sinope_ Ville d'Asie où on en faisoit trafic. Quelques Auteurs de Blason disent encore _Sinope_ au lieu de _Sinople_. Le Pere Menestrier croit que ce mot vient du Grec _Prasina Opla_ qui signifie _Armoiries Vertes_, dont par corruption la premiére syllabe a été retranchée, ce qui est arrivé à plusieurs mots Orientaux, comme par exemple on dit _Salonique_ pour _Thessalonique_. On represente le _Sinople_ en graveure par des hacheures qui prennent de l'angle dextre du chef à l'angle Senestre de la pointe. SINUS. _s. m._ Terme de Trigonometrie. C'est la ligne qu'on tire de la pointe d'un Arc de cercle perpendiculairement sur le diametre qui passe par l'autre bout du même Arc, & celuy-là s'appelle _sinus droit_. Mais la partie du diametre coupé par le _sinus_ droit jusqu'à la circonference s'appelle le _sinus verse_, autrement la _fleche_, & le demi diametre s'appelle le _sinus total_, ou le plus grand de tous les _sinus_, il se divise ordinairement en cent mille parties. On a fait plusieurs tables de _sinus_ & tangentes: Elles sont de grand usage en géometrie; car c'est par leur moyen seul qu'on fait la résolution ou la mesure de tous les triangles, tant plans que Sphæriques. Les _sinus_ de _Clavius_ d'_Adrien Vlac_ de _Morin_, &c. SIPHON. _s. m._ Terme d'Hydrauliques. Tuyau recourbé qui sert à faire plusieurs experiences pour connoître la nature des Eaux & des Liqueurs. Quelques-uns le disent aussi d'un simple Tuyau ou Chalumeau. Heron en montre les propriétez dans son livre des Pneumatiques. On en fait de verre, de plomb & d'autre matiére, ce mot est Grec & signifie simplement Tuyau. SIPHON. En termes de Marine est un Orage qui éleve l'Eau de la Mer en forme d'une Colomne haute de cent brasses, & la fait piroüetter & tournoier spiralement par la largeur de quinze à vingt pieds de diametre, de même maniére que si c'étoit par un _Siphon_ ou une Vis d'Archimede. Il paroît d'abord en l'air comme une petite Nuée qui ne semble pas plus grosse que le poing, venant du côté du sud, & il en arrive souvent au Cap de bonne esperance, aux côtes de Barbarie, & aux plages Orientales de l'Amerique. Du temps de Pline les Mariniers versoient du Vinaigre à l'approche du tourbillon pour l'appaiser; maintenant ils font grand bruit en ferraillant & escrimant sur le tillac. Ils pensent par ce moyen faire passer à côté le fortunal. Aristote l'a nommé _Exhydrias_. Les Mariniers l'appellent _Tourbillon_, _Dragon de vent_, _Grain de vent_, les Portugais _Oeil de Beuf_, les Levantins _Typhon_ & _Syphon_, & les Anciens _Typhon_ ou _Cirrius_. SOMMIER. _s. m._ Terme de Messageries qui se dit d'un Cheval ou autre bête de somme. Ce Messager avoit avec lui tant de _Sommiers_ pour porter ses Balots. Ce mot a été dit par corruption de _Saumier_ qui a été fait de _Salme_ par corruption de _Sagma_ qui signifie le bast d'un Cheval, ou sa charge. Ménage aprés Saumaise. Pasquier dit, que _Somme_, _Sommier_ & _Sommelier_ sont de vieux mots Gaulois, ce qui a plus d'apparence. SOMMIER. Est aussi un Officier chez le Roy qui porte les draps de pied & les carreaux dans la Chapelle du Roy. SOMMIER. Se dit aussi des Officiers qui ont soin de fournir les bêtes de _Somme_ pour transporter les bagages, lors que la Cour fait voyage. Dans l'Etat du Roy il y a un ou plusieurs Sommiers employez pour la Chambre, la Garderobbe, la Cuisine, &c. SOMMIER. Terme de Tapissier. C'est un gros matelas rempli de crin & piqué qui sert de Paillasse, & fait partie de la garniture d'un lit. SOMMIER. En terme d'Architecture, est une grosse pierre, la premiére qui est posée sur des Colonnes ou Pilastres quand on commence à faire une voute, qui sert à arcbouter & faire tenir le reste de la voute ou croisée. SOMMIER. Est aussi une piéce de bois de moyenne grosseur entre la Solive & la Poutre. SOMMIER. Se dit aussi des piéces de bois qui servent dans plusieurs machines à en soûtenir le poids ou l'effort, comme celles qui forment la Bascule des Ponts levis, celle qui soûtient l'effort des Presses d'Imprimerie. On le dit aussi des cerceaux doubles qui se mettent sur le jable des tonneaux; & des piéces de bois sur lesquelles, les Cloches sont penduës & qui aboutissent en tourillons, qui entrent dans le Poallier. SOMMIER d'Orgues, est la plus importante piéce du Buffet d'Orgues qui fait joüer toute la machine. C'est un Vaisseau ou Réservoir dans lequel le vent des souflets est conduit par un porte-vent, d'où il se distribuë en suite dans les Tuyaux qui sont posez sur les trous de sa partie superieure: le vent y entre par des soupapes qui s'ouvrent en pesant sur les touches du clavier aprés qu'on a tiré les Registres qui empêchent que l'air n'entre dans d'autres Tuyaux que ceux où on le veut faire aller. Le _Sommier_ des cabinets d'Orgues est de deux à trois pieds de long. Les Orgues de quatre pieds de Tuyaux bouchez, ont un _Sommier_ de cinq à six pieds. Les Orgues de 16 pieds ont deux _Sommiers_ qui se communiquent le vent l'un à l'autre par un porte-vent de plomb. SOMMIER. En terme de Finances est aussi un gros Registre tenu par les Commis des Bureaux des aydes, sur lequel ils comptent de leur recepte, & où on void les produits des fermes, & où on met à côté leurs décharges. Il y a aussi des _Sommiers_ pour les Gabelles, pour les Tailles & pour les autres droits des fermes du Roi. SOUPAPE. _s. f._ Terme de Méchaniques. C'est une petite platine de Cuivre qu'on dispose de telle sorte dans les pompes & autres machines hidrauliques, qu'elle s'ouvre pour donner passage à l'Eau quand elle y doit entrer, & qu'elle se ferme quand on veut faire monter l'Eau par la compression. Il y a trois sortes de _Soupapes_, l'une à Clapet, la seconde en Cone, & la troisiéme en maniére de porte à deux Battans. La premiére se ferme & s'ouvre comme une Trape, la seconde comme un Bondon d'un Tonneau, ces deux-là n'ont jamais plus de quatre ou cinq pouces; & la troisiéme a quelquefois deux ou trois Toises & sert à fermer les Ecluses. On appelle aussi _Soupapes_ ces petites Languettes qui s'ouvrent ou se ferment avec un Ressort pour donner le passage au vent & le luy fermer dans les Balons & Souflets. En termes d'Organiste on appelle aussi _Soupapes_, ou _Soustapes_ (comme si on disoit les Tampons de dessous) de petits Tampons qui sont dans le Sommier, & qui bouchent les Rainures ou porte-vents jusqu'au pied de chaque Tuyau, & qui sont soûtenus par un petit Ressort de leton: quand on presse sur la touche, elles font baisser la _Soupape_ par le moyen d'un petit bâton qu'on appelle _Le pilotis_. Les Anatomistes modernes prétendent qu'il y ait quelque chose de semblable dans les Veines & les Arteres, qui ouvre & ferme le passage du sang dans la circulation. Voyez Valvule, & il y en a qui étendent la chose jusqu'à la circulation qu'ils prétendent dans le suc des Arbres & des Plantes. STATIQUE. _s. f._ C'est une science qui fait partie des Mathematiques, qui enseigne la connoissance des poids, des centres de gravité, de l'équilibre des corps naturels. L'Hydrostatique, est celle qui enseigne la connoissance des corps pesans étant considerez sur des corps liquides, avec la comparaison des uns avec les autres. Archimede connut la tromperie qu'on avoit faite en la Couronne du Roi Hieron par le moyen de l'Hydrostatique. Le Pere Pardiez Jesuite a écrit de la _Statique_. Elle consiste purement en la Theorie, & la Méchanique en la pratique & construction des Machines suivant les loix de la _Statique_, par le moyen desquelles un petit poids en peut élever un infiniment plus grand. STERLING. _s. m._ Terme de Monnoyes. C'est un mot Anglois dont on fait souvent mention en France à cause du grand commerce qu'on a avec l'Angleterre. C'étoit autrefois une Monnoye ainsi nommée du nom d'un Château d'Ecosse appellé _Sterlin_, où elle fut premiérement battuë. Quelques-uns dérivent ce mot de _Sterling_ qui signifie _Bec d'Etourneau_, c'étoit une Monnoye blanche au titre de 8 den. de fin où le Duc de Guyenne étoit representé avec une Epée au bras droit, & une main de Justice à la gauche: & comme cette figure ressembloit à un Bec d'Etourneau, elle fut nommée par sobriquet _Sterling_. On n'est pas certain de sa valeur, Salmoner dérive ce mot de _Sterlingue_ qui est une Monnoye d'Angleterre pesant 32 grains de Bled. Voy. Ménage. Depuis ce mot a passé pour poids, & faisoit valoir une somme le décuple. De sorte qu'un soû _Sterling_ valoit dix soûs, maintenant la livre _Sterling_ vaut environ 13 livres 4 sous, ou vingt schelins. Les Marchands _Anglois_ tiennent encore leurs livres, par livres, soûs & deniers _Sterling_: La livre vaut dix livres, le sol dix sols, & le denier dix deniers. En ce sens c'est une Monnoye de compte. STRATIFICATION. _s. f._ Terme de Chymie. C'est un arrangement de plusieurs lames de métail, ou d'herbes, de bois, ou autres choses semblables, dont on fait plusieurs lits ou couches alternativent pour purifier les matiéres, ou pour les fondre, ce qu'on nomme en Latin _stratum super stratum_, & qui est marqué dans les Livres de Chymie par S. S. S. On pratique la _Stratification_ quand on purifie l'or par la cementation. STRIBORD. _s. m._ Terme de Marine. Le côté droit du Vaisseau à l'égard du Pilote; ou Commandant qui est à la poupe & qui regarde la prouë. On dit aussi Tienbord, Extribord & Dexstribord, d'où apparemment est venu le mot de _Stribord_ qui est le plus en usage. Le côté gauche s'appelle _Basbord_. STROPHE. _s. f._ Terme de Poësie Greque & Latine. Elle signifie couplet ou certain nombre de vers au bout duquel on finit un sens: & aprés on en recommence un autre qui a même nombre & mesure de vers avec une même disposition de rimes. Les Odes, les Stances, les Ballades, sont composées d'un certain nombre de _Strophes_. Le mot de Couplet se dit des simples Chansons ou Airs, & _Strophe_ se dit des Chants, des Odes & des Poëmes. SUAGE. _s. m._ Terme de Marine. C'est le coust des graisses & des suifs dont il faut de temps en temps enduire le Vaisseau pour le faire couler plus doucement sur les eaux: à Marseille on le nomme aussi sperme, dont on a fait esparmer ou espalmer. Le _Suage_ est compté entre les menuës avaries. SUAGE. En termes d'Orfévres, ou Doucine, est un ornement semblable à la Doucine d'Architecture, ou une espéce de quart de rond, qui se fait en plusieurs piéces d'orfévrerie, & particuliérement sur le pied des aiguieres, des flambeaux & autres ouvrages semblables. SURSOLIDE. _s. m._ Terme d'Algébre. C'est la quatriéme multiplication, ou puissance de quelque nombre que ce soit pris pour racine. Ainsi le nombre de deux pris pour côté ou racine, multiplié par soi-même produit 4, nombre quarré, qui est la premiére puissance, & 4 multiplié par 2, produit 8, nombre cube & solide, qui est la seconde puissance de la racine 2, & 8 multiplié par 2, produit la troisiéme puissance 16 nombre quarré de quarré & 16, multiplié par 2, produit 32, qui est sa quatriéme puissance, ou nombre _Sursolide_. SECONDINES ou Secondes. _s. f._ Terme de Medecine qui se dit des Tayes ou Membranes qui enveloppent le Fetus dans le Ventre de la mere, qu'on appelle ainsi parce qu'elles sortent les derniéres dans l'accouchement, c'est ce que les Matrones appellent l'Arriére faix, Hippocrate dit que les jumeaux sont enveloppez en une même _Secondine_. Mr. Grew dans son Anatomie des Plantes a appellé _Secondine_, la quatriéme & derniére enveloppe des Graines, parce qu'elle est à peu prés dans les Plantes, ce que sont dans les Animaux les membranes qui enveloppent le fetus. SIVADIERE. _s. f._ Terme de Marine. C'est la voile de Beaupré, qui est la plus basse du bâtiment & qui prend le vent à fleur d'eau. T. TEINDRE. _v. act._ Terme de negoce. Préparer une étoffe, ou un autre corps avec des sels, liqueurs, ou drogues colorantes, en telle sorte qu'ils paroissent d'une certaine couleur. On _teint_ les draps, les laines, les soyes & les toiles en noir, en rouge, en violet, &c. On _teint_ en blanc les laines, lors qu'on les tond & qu'on les dégraisse. Il est défendu de _teindre_ aucune étoffe de blanc en noir, pour quelque cause que ce soit, & de _teindre_ les soyes sur le crud ou à demi-bain. Quand on _teint_ une étoffe en jaune & puis en bleu, elle se trouve _teinte_ en verd. On _teint_ en cramoisi quand le premier pied de _teinture_ se fait avec de la graine d'écarlate, ou la cochenille. On _teint_ les cheveux, les bois, les gommes. On _teint_ les pierres & le verre pour en faire de fausses pierreries. On _teint_ aussi des liqueurs en les mêlant avec d'autres. Cet homme est si sobre qu'il ne fait que _teindre_, que rougir son vin. On dit figurément _teindre_ ses mains du sang des innocens, pour dire, faire mourir des innocens. On dit aussi que les Riviéres étoient _teintes_ du sang des ennemis, pour dire, qu'on en avoit fait grand carnage. TEINT. einte. _part. pass._ & _adj._ TEINT. _s. m._ Art de _teindre_. Il se dit aussi des drogues qu'on y employe. Les Réglemens du métier distinguent les choses qui doivent être _teintes_ du grand _teint_, d'avec celles du petit teint: ce qui fait deux corps & deux maîtrises separées. La premiére est celle du grand & bon _teint_, l'autre est du petit _teint_. Les Teinturiers du bon _teint_ sont ceux qui donnent aux étoffes un pied necessaire, de pastel, garance, ou cochenille, puis ils les mettent en la main du Teinturier du petit _teint_ pour les raciner, engaller, noircir, brunir & griser. Les Teinturiers du bon _teint_ doivent laisser des Rosettes, sçavoir au verd, une du jaune & l'autre du bleu; au feüille morte une du jaune & l'autre du fauve; au cramoisi, une Rosette du bleu, & l'autre du rouge de la Cochenille; au tanné ou amarante, une Rosette de guesde, & l'autre de la garance ou demi rouge cramoisi, & il faut laisser une Rosette en blanc dans toutes les couleurs simples, comme le bleu, le rouge & le jaune; le tout pour faire connoître la bonté ou la qualité du grand & du petit _teint_. Les Teinturiers du petit _teint_ peuvent _teindre_ toutes sortes de bisage ou repassage, & se servir pour cela de brunitures de galle, orseille & bois d'Inde, & les étoffes usées en toutes sortes de noir, de racinages, grisages, & bisages. Le bleu, le rouge, & le jaune appartiennent aux Teinturiers du bon _teint_, pour les teindre seuls sans la participation du petit _teint_. Le fauve & le noir appartiennent aux Teinturiers du bon _teint_ & du petit _teint_, le noir devant recevoir le pied de guesde, ou garence du bon _teint_, & être engallé & noirci par le petit _teint_. TEINT, se dit aussi d'une lame d'étain fort mince, appliquée par le moyen du vif argent derriére les glaces d'un miroir. TEINT, se dit aussi de la couleur & de la delicatesse de la peau du visage. Cette femme n'a point de _teint_, elle a eu le _teint_ gâté de la petite verole. Cette fille a le _teint_ blanc, vermeil, a un _teint_ de lis & de roses. Le grand hale rend le _teint_ brun & basané. Ce jeune homme a le _teint_ frais & fleuri, on luy vient de faire la barbe. La pommade nourrit le _teint_; la Ceruse mange le _teint_. TEINTE. _s. f._ Terme de Peinture, maniére d'appliquer les couleurs pour donner du relief aux figures pour bien marquer les jours, les ombres, les éloignemens. Le grand secret de la Peinture c'est de bien donner les _teintes_, les _demi teintes_. Cette draperie est d'une bonne _teinte_, pour dire d'une forte couleur. La _demi teinte_ est un ménagement de lumiére par rapport au clair obscur, ou un ton moyen entre la lumiére & l'ombre: car s'il y a cinq tons ou degrez de clair obscur, le second ou le troisiéme qui suivent la grande lumiére, seront appellez _demi teinte_. TEINTURE. _s. f._ Action par laquelle on teint. La _teinture_ demande beaucoup d'experience. Cet homme est sçavant en l'Art de la _teinture_. La perfection de la _teinture_ consiste à donner le lustre à la soye, à la bien décreuser, dégorger & aluner. La matiére avec laquelle on teint, c'est l'indigo qui sert à la teinture bleuë, la cochenille à la teinture en écarlate: la noix de galle en noir. Les drogues qui croissent en France, pour la teinture sont le pastel de Lauragais, Albigeois & Languedoc, ou la voüede. La cochenille, le pastel d'écarlate, graine d'écarlate; le Vermillon & la garance pour le rouge; la gaude, la Sarrette & la genestolle pour le jaune; la galle à l'épine, & d'alep, la racine écorce de Noyer & coque de Noix pour le _fauve_, autrement appellé couleur de _racine_ ou _noisette_; le Rodoul, le fovic & la couperose pour le noir. L'Agaric, le sumac, l'arsenic, l'alun, la gravelle & le tartre servent pour les boüillons. On employe aussi la cendre cuitte & la potasse, la Cassenolle, la malherbe, le trentanel, la garoüille. Les ingrédiens faux, qui peuvent servir au petit _teint_ sont bois d'Inde, bois de bresil, bois de Campeche, bois jaune, fustel, tournesol, Raucour, Orseille, le Safran bâtard, l'écorce d'aulne. Ces mots sont expliquez à leur ordre. La Teinture de ces Etoffes de cotton qu'on void en Europe, se tire d'une plante qui croît dans l'Inde qu'on appelle _Chai_, où elle est autant estimée que la Cochenille l'est en France. Regnier a dit agréablement en parlant de la nuit, _Il faisoit un noir brun d'aussi bonne_ teinture, _Que jamais on en vid sortir des Gobelins_. On appelle en Chymie la grande _teinture_ Minerale, la Pierre Philosophale, parce qu'on croit qu'il ne s'agit que de donner au Mercure fixé la couleur, ou _teinture_ de l'or. TEINTURE, se dit aussi de l'extraction ou separation qu'on fait de la couleur d'un ou de plusieurs mixtes, & de l'impression qu'elle fait dans quelque liqueur ou menstruë propre, qui emporte une portion de leur plus pure substance; car elle quitte son propre corps en se dissolvant, & s'unit aux menstruës, pour leur communiquer sa couleur & ses vertus, & ainsi on fait dans la Pharmacie des _teintures_ cephaliques, stomachiques, antiscorbutiques, &c. On tire des _teintures_ de Rose, de Corail, &c. Dans les memoires de l'Academie des sciences, il est fait mention de certaines liqueurs mixtes (par exemple, des sels qu'on tire du bled) qu'on dit être trés-propres à tirer des _teintures_, même de quelques pierres précieuses: & qu'elles sont plus capables de produire cet effet à proportion qu'elles rougissent davantage la solution du Vitriol. TEINTURE se dit figurément en choses morales, des bonnes ou mauvaises impressions dont l'ame de l'Homme est susceptible. On prend dans les Seminaires de si fortes _teintures_ de piété, qu'elles ne s'effacent jamais. On ne doit point parler de Physique, lors qu'on n'en a qu'une legere _teinture_, qu'on ne la sçait point à fonds. TEINTURIER, iere. _s. m. & f._ qui fait métier de _teindre_; il y a des Teinturiers de grand _teint_, & d'autres de petit _teint_. Les teinturiers de la Ville de Roüen sont divisez en trois fonctions, en _guesderons_, _garanceurs_, & _noircisseurs_. Il y a de nouveaux Statuts des Teinturiers de l'année 1669. qui portent la qualité des drogues qui doivent être employées à la _teinture_, suivant les diverses couleurs, & selon le mérite & le prix des Etoffes. Les _Teinturiers_ du grand & bon teint, ne peuvent teindre en petit teint, & ne doivent avoir chez eux que les drogues appartenantes au bon teint; & ceux du petit teint ne peuvent teindre en bleu, à cause du pastel qui appartient au bon teint, & ne doivent avoir chez eux que les drogues qui appartiennent au petit _teint_. Ils ne doivent teindre que des frisons, tiretaines, petites serges à doubler, & qui ne valent au plus que 40. sols l'aune en blanc. TEINTURIER, est aussi une espece de raisin, dont le suc est fort rouge, & dont on mêle quelques seps, parmi un plant de raisin blanc, pour colorer & faire du vin clairet, son suc est fort doux & sa feüille est rouge. THÉ. _s. m._ quelque Medecins l'écrivent _Tay_. Est un petit arbrisseau domestique de la hauteur des Groselliers ou Grenadiers & Myrthes, fort estimé chez les Chinois & Japonnois, ils l'appellent _Cha_ ou Theia. Il croît en la Province de Kiagnon prés la Ville de Hoicheu & auprés de Nankin: il y en a aussi au Royaume de Siam: le meilleur de tous est celui du Japon: on dit qu'il en vient aussi en Tartarie: Il a la feüille petite comme celle du Sumac des Corroyeurs, dont il est une espece selon quelques-uns, mais sa Fleur tire davantage sur le jaune, & ses Branches sont vêtuës de Fleurs blanches & jaunes, pointuës & dentelées, sa graine est noirâtre, & l'arbrisseau croît en trois ans malgré les neiges & les rigueurs de l'hyver: il a des Racines Fibreuses & dentelées. On fait un Breuvage de sa premiére feüille qui naît au Printemps, qu'on cueille feüille à feüille avec les mêmes soins qu'on fait les Vendanges en Europe: on la fait chauffer & seicher, & aprés l'avoir gardée en des vaisseaux d'étain bien bouchez, si on la jette en de l'eau boüillante, elle réprend sa premiére verdure, & donne une teinture verdastre à l'eau avec une odeur & un goût agréable. Les Chinois ne boivent que l'eau où la feüille a trempé le plus chaudement qu'ils peuvent. Les Japonnois boivent l'eau & la poudre qu'ils y ont laissé infuser. On en met le poids d'un écu sur un bon verre d'eau, & on y met un peu de sucre pour corriger son amertume. Elle est si differente en bonté, qu'il y en a dont la livre vaut 100 ou 150. francs; d'autre qui ne vaut que deux écus; il y en a même à sept deniers. Les Hollandois la vendent en France 30. livres, & elle ne leur coûte que dix sols; sa bonne marque est d'être verte, amere & seche, en sorte qu'elle se brise avec les doigts. Elle guerit la goute & la gravelle, & on croit qu'elle est la cause de ce qu'on n'entend point parler de ces maux à la Chine & dans l'Inde; & de ce que les peuples parviennent à une extrême vieillesse. Elle guérit les indigestions de l'estomac; elle des-enyvre, & donne de nouvelles forces pour boire & dissiper les vapeurs qui causent le sommeil; elle fortifie la raison que le vin affoiblit, & guérit soudain la migraine, & les douleurs de ventre. Les Chinois en prennent en toutes rencontres, & sur tout à dîner; ils en offrent aux Amis qu'ils veulent régaler. Les plus moderez en prennent trois fois par jour, les autres dix fois & à toute heure. Les personnes de la plus grande qualité font gloire de le préparer eux-mêmes dans leurs appartemens les plus magnifiques, & ont plusieurs Vaisseaux de prix pour cet effet. Ceux qui en ont écrit sont le Pere Maffée, Louïs Almeyda, Mathieu Riccius, Aloisius Frois, Jacob Bontius, Jean Linscot, le Pere Alexandre de Rhodes dans leurs Voyages, & les Auteurs du voyage de l'Ambassade de la Chine, & de celui de Monsieur l'Evêque de Berite, & Nicolas Tulpius Medecin d'Amsterdam; mais Simon Paul Medecin du Roy de Dannemarck, qui a fait un Traité exprés de cette Plante, dit que ces vertus qu'on lui attribuë n'ont point de lieu pour ceux qui habitent en Europe; & que ceux qui ont passé 40. ans n'en doivent pas user, parce qu'elle avance leur mort, étant trop dessicative. Il prétend que le _Thé_ n'a pas plus de vertu que la Betoine, & que ce n'est qu'une espece de myrte qu'on trouve en Europe aussi bien qu'aux Indes; qu'on l'appelle _Chamæleagnus_ ou _Piment Royal_, dont la description, les experiences & les analyses qu'il en a faites sont tout à fait semblables. TIERCER, _v. act._ terme d'agriculture; qui signifie donner aux terres le troisiéme labour; la troisiéme façon, comme on dit biner de la seconde. On le dit pareillement de la troisiéme façon des Vignes. TIERCER, signifie aussi séparer les fruits d'une Abbaye en trois, pour en donner le tiers à l'Abbé; le tiers aux Religieux, & réserver le tiers pour les réparations, en ce sens il vient du Latin _tertiare_. TIERCER, en terme de Finances, signifie faire un tiercement, ou une enchere du tiers du prix sur une Adjudication déja faite: ou dans les fermes du Roy, encherir du triple de l'enchere courante. TIERCEUR, _s. m._ encherisseur qui fait une enchere d'un tiers, ou un tiercement aprés une Adjudication. L'Ordonnance des Eaux & Forêts, veut qu'aprés le tiercement & doublement on ne reçoive les encheres qu'entre le _tierceur_ & _le doubleur_. TIERS, tierce, _adj._ qui est aprés le second, c'est chaque partie d'un tout divisé en trois. L'Eglise, la Noblesse & le tiers Etat. En perspective, on appelle le _tiers_ point: un point qu'on prend à discretion sur la ligne de vûë, où aboutissent toutes les diagonales qu'on tire pour racourcir les figures. En Architecture, on appelle une voute en _tiers_ point, quand elle est élevée au dessus du plein cintre. On appelle aussi un _tiers_ point, ce qui donne un branle à plusieurs machines dans la méchanique. En termes de Marine, on appelle des voiles à _tiers_ point: les voiles triangulaires qu'on nomme autrement voiles latines dont on se sert sur la Mediterranée & sur les Galéres, & à l'artimon. Au feminin, on appelle la fiévre _tierce_, celle qui laisse l'intervalle d'un jour entre deux accés. Voyez fiévre. Et tierce. TIERS, en termes de négoce se prend aussi substantivement: il faut une aulne & un _tiers_ de drap pour faire un habit. Un _tiers_ est un pot ou mesure entre la chopine & le demi septier. Il est aux champs un _tiers_ de l'année. Cette somme se doit partager par _tiers_; j'y ay mon _tiers_ ou les deux _tiers_. Il faut faire boüillir ce Sirop jusques à ce qu'il soit réduit au _tiers_. TIERS, en Jurisprudence se dit des entremetteurs, des Experts, des sur-arbitres. Ces deux parties plaidoient, un _tiers_ les a accommodées. Ils avoient l'épée à la main, un _tiers_ s'est mis entre-deux qui les a séparez. Voilà des rapports qui se contredisent, il faut qu'il y ait un _tiers_ nommé d'Office. Quand deux arbitres sont de contraire avis, on leur donne pouvoir de nommer, de prendre un _tiers_ pour sur-arbitre. On dit aussi en amour qu'il ne faut point de _tiers_, si ce n'est pour appareiller, aussi une femme qui fait ce métier s'appelle en Espagnol _tercera_. Il y a aussi au Palais des _tiers_ referendaires, & en matiére de Taxe de dépens on appelle le _tiers_ celui qui régle les dépens, dont les Procureurs ne sont pas d'accord. TIERS & _danger_, termes d'eaux & forêts, c'est un droit qui appartient au Roy & à quelques Seigneurs, & sur tout en Normandie, sur les bois possedez par les Vassaux. Il consiste au _tiers_ de la vente qui se fait d'un bois, soit en argent ou en espece, & outre cela au Dixiéme: ainsi de trente arpens, c'est treize arpens: de 3000. livres, c'est 1300. livres: quelques-uns ne payent que le _danger_, qui est le dixiéme. La derniére Ordonnance déclare le droit de _tiers & danger_ imprescriptible. On dit proverbialement qu'un homme hante le _tiers_ & le quart, qu'il médit du _tiers_ & du quart, qu'il prend sur le _tiers_ & le quart, pour dire indifferemment, sans choix & discretion de toutes sortes de personnes. TON. _s. m._ Terme de musique, inflexion de voix qui marque diverses passions de l'ame. Un _ton_ doux & agréable, est le _ton_ dont on parle en conversation. Un _ton_ aigre & menaçant, est celui qui marque un homme en colere. Un _ton_ fier & imperieux, est celui qui commande, lors qu'on parle d'un _ton_ de maître. Un _ton_ moqueur & ironique, est le _ton_ d'une personne qui a de la haine ou de l'envie. Un _ton_ plaintif & dolent, est celui qui témoigne de l'affliction, de la douleur. Un _ton_ de Déclamateur, de Comedien, est celui dont on use dans les harangues & sur les théatres. Ce mot de _ton_ exprime sa principale cause, qui est la tension du corps qui le produit, le _ton_ est grave ou aigu, selon que le corps sonnant a une differente tension, comme on voit arriver aux cordes des Instrumens. TON se dit particuliérement en musique de l'élevation de la voix par certains degrez ou intervalles égaux ou mesurez, qui servent à former des accords, & qui sont réglez par les nottes, _ut_, _re_, _mi_, _fa_, _sol_, _la_, _si_; on le dit des Instrumens aussi bien que de la voix. Il faut hausser ou baisser sa voix ou son instrument d'un _ton_, d'un _demi ton_. Un _ton_ faux est celui qui n'est pas juste. Le _ton_ mineur est la difference de la quinte & de la sexte majeure, ou de la quarte & de la tierce mineure: il est composé de deux _demi tons_ l'un majeur & l'autre mineur, & aide à composer la tierce majeure. Le _ton_ majeur est la difference de la quinte & de la quarte; & le _demi ton_ majeur est la difference de la quarte & de la tierce majeure. Le _ton_ majeur surpasse le _ton_ mineur d'un comma. Le _demi ton_ est toûjours placé entre deux _tons_ d'un côté, & trois de l'autre. On appelle aussi le _ton_ majeur, le _ton_ parfait; & _demi ton_ mineur, le _demi ton_ imparfait. L'intervalle en nombres du _ton_ majeur est de 8. à 9. celui du mineur de 9. à 10. TON se dit aussi d'une maniére de chanter ou d'accorder un instrument. Ce luth est accordé sur le _ton_ de B quarre, on n'y peut joüer cette piéce qui est sur B _mol_, sans changer de _ton_. C'est le Maître de Musique qui donne le _ton_ pour accorder les Instrumens, pour commencer à chanter. On dit aussi le _ton_ enrhumé. Dans le plein chant on dit les 8. _tons_ du Magnificat, le _ton_ de la Préface, de l'Evangile, &c. TON se dit aussi en peinture d'un degré de couleur par rapport au clair obscur. TON se dit figurément en Morale. Depuis la perte de son procés, il a bien changé de _ton_, il est bien humilié, il parle bien d'une autre maniére. Cet homme l'a pris sur un _ton_ trop haut, pour dire, Il ne pourra soûtenir ce qu'il a entrepris. On dit aussi ironiquement, il est bon sur ce _ton_-là, pour dire, qu'une chose est ridicule ou mal fondée. TROMPE, _s. f._ vieux mot qui signifioit autrefois la même chose qu'à present _trompette_: il se dit encore en cette phrase, tout ce qu'on veut faire sçavoir au peuple se publie à son de _trompe_. On l'a crié à trois briefs jours à son de _trompe_. La TROMPE de chasse est une espece de cor ou grand tuyau de cuivre recourbé & qui fait un tour au milieu comme un cercle ou un anneau, elle sert pour appeller les chiens. TROMPE, est un petit instrument de leton ou d'acier, dont se servent les laquais pour en tirer quelque harmonie; elle est faite de deux petites branches & d'une languette au milieu qui fait ressort & qu'on remuë sans art avec les doigts tandis qu'on la tient entre les dents; elle rend un son fremissant, modifié par le mouvement de la langue, & l'ouverture de la bouche, ce qui cause un bourdonnement sourd assez agréable. On l'appelle aussi _gronde_ & _rebube_, & quelques-uns _trompe de Bearn_. TROMPE en termes d'Architecture, est une espece de voûte trés-artistement taillée, dont la clef est en l'air & qui semble n'être soûtenuë de rien, sur laquelle pourtant on éleve des murailles de pierre. La _trompe_ du château d'Anet, & celle de la ruë de la Savaterie sont fort estimées par Philbert de Lorme qui bâtit cette derniére en faveur d'un de ses amis. TROMPE se dit aussi d'un membre particulier qu'ont les Elephans, qui leur sert de main, qui est comme un nez allongé qui leur sort du milieu du front, à laquelle est joint un petit Appendice en forme de doigt. Le Cameleon a aussi une _trompe_, qui est sa langue qu'il lance hors de sa gueule comme s'il la crachoit, puis il la racourcit en un moment, lors qu'il la retire: elle lui sert comme la _trompe_ de l'Elephant pour prendre sa nourriture. Le microscope nous a fait aussi découvrir une espece de petite _trompe_ dans les mouches & cousins, par le moyen de laquelle ils succent le sang des animaux ou les liqueurs pour se nourrir. Quelques Medecins appellent aussi la _trompe_ de la matrice _les cornes_ de la matrice des brutes, qu'on appelle autrement _portiéres_. TROMPER, _v. act._ abuser de l'ignorance ou de la facilité de quelqu'un, lui faire passer des choses pour autres qu'elles ne sont. Dieu ne peut _tromper_, ni être _trompé_. Un Marchand _tromperoit_ son pere sur sa Marchandise. Il y a peu de personnes qui ne _trompent_ au jeu, quand ils le peuvent faire. TROMPER, avec le pronom personnel, se dit de soy-même, quand par erreur on prend une chose pour une autre. Les plus grands esprits sont sujets à se _tromper_. Cet homme, si je ne me _trompe_, est un hypocrite. Ces jumeaux se ressemblent si fort qu'il n'y a personne qui ne s'y _trompe_. Ménage croit que ce mot vient de l'Espagnol _traupa_, qui signifie un instrument à prendre des souris que les Italiens appellent _trappola_, & les Latins _decipula_. TROMPER, se dit aussi des choses qui sont cause que nous sommes trompez. Le calme, le beau temps nous a _trompez_, nous a fait mettre en chemin. L'œil nous _trompe_; nous fait voir les choses autres qu'elles ne sont. Sa maladie ne m'a pas _trompé_; je n'en ay jamais eu bonne opinion. Cette perspective _trompe_ agréablement. Cette grêle a _trompé_ l'esperance des Laboureurs. TROMPER, se dit figurément en choses morales. Les passions _trompent_ nôtre jugement. On est bien _trompé_ par l'apparence. Le malin esprit nous _trompe_ par des illusions, par des songes & des visions trompeuses. TROMPETTE. _s. f._ Terme de guerre. Instrument de musique qui est le plus noble des instrumens à vent portatifs, qui sert à la guerre dans la Cavalerie pour l'avertir du service. On la fait d'ordinaire de leton, & on en peut faire de fer, d'étain, de bois ou d'argent. Moïse en fit faire deux d'argent qui servoient aux Prêtres, comme il est porté dans le dixiéme chap. des Nombres; & Salomon en fit faire 200. mille, telles que Moïse avoit ordonnées, comme témoigne Josephe, livre 8. ce qui fait voir que c'est le plus ancien des instrumens. La _trompette_ est composée d'un bocal par où on l'embouche, large de dix lignes, quoy que le fonds ne soit que de trois lignes. Les deux premiers canaux qui portent le vent s'appellent _branches_; les deux endroits par où elle se recourbe & replie s'appellent _potences_, & le canal qui est depuis la seconde courbure jusqu'à son extrêmité s'appelle _pavillon_; les endroits où les branches se peuvent briser & séparer ou souder, s'appellent les _nœuds_, qui sont au nombre de cinq; & qui en couvrent les jointures. On appelle _Banderolle_ le petit étendart armorié qui est attaché à ses branches, & _bandereau_ le cordon qui sert à la pendre au cou de celui qui en sonne. Quand on en ménage bien le son, il est de grande étenduë, & il passe les quatre octaves qui sont l'étenduë des claviers des épinettes & des orgues, & il peut aller jusqu'à 32. intervalles. Le jeu de la trompette dépend de l'adresse de celui qui l'embouche, qui est obligé de mettre le bout des lévres dans le bocal. A la guerre il y a huit principales maniéres de sonner la _trompette_; la premiére s'appelle le _cavalquet_, dont on se sert quand l'armée approche des Villes, ou quand elle passe par dedans durant la marche; la seconde s'appelle le _Boute-selle_; dont on use quand on veut déloger ou marcher, & puis on fait suivre la levée du _Boute-selle_; la troisiéme est quand on sonne _à cheval_, & puis à l'_étendart_; la quatriéme est la _charge_; la cinquiéme est le _guet_; la sixiéme s'appelle double _cavalquet_; la septiéme la _chamade_; & la huitiéme est la _retraite_. On fait aussi des fanfares avec la _trompette_ dans les réjouïssances. On dit figurément qu'un Ange viendra avec la _trompette_ annoncer le jour du Jugement & réveiller les morts pour y comparoître. Les Payens ont mis aussi une _trompette_ à la bouche de la Renommée, dont ils ont fait une divinité fabuleuse. Les Poëtes disent qu'ils sont les _trompettes_ de la gloire des Heros. Cet Ecrivain a été la _trompette_ de la guerre qui a publié des manifestes qui ont été cause de la guerre. Ménage dérive ce mot du Grec _strombos_ qui signifie une _conque_ dont on usoit autrefois au lieu de _trompette_. Il y a aussi dans l'orgue un jeu de _trompettes_ qui a huit pieds de long & qui s'élargit par en haut comme le Pavillon des _trompettes_ militaires: il a environ un demi pied de diametre par en haut, & un pouce & demi par en bas. Il y a aussi une _trompette_ de pedales qui est de huit pieds; ce jeu est accordé à l'octave de la montre. On appelle en général _trompettes_ & clairons les tuyaux qui s'élargissent par en haut. TROMPETTE _marine_ est un instrument de musique composé de trois tables, qui forment son corps triangulaire, elle a un manche fort long & une seule corde de boyau fort grosse montée sur un chevalet qui est ferme d'un côté sur un de ses pieds, & tremblotant de l'autre côté sur un pied qui n'est point attaché à la table; on la touche d'une main avec un archet, & de l'autre on presse la corde sur le manche avec le pouce, c'est ce tremblement du chevalet qui lui fait imiter le son de la _trompette_, ce qu'elle fait si parfaitement qu'il n'y a presque pas moyen de la distinguer de la _trompette_ ordinaire, & c'est ce qui lui a fait donner ce nom, quoy que d'ailleurs ce soit une espece de _monocorde_. TROMPETTE _parlante_, est une trompette longue de sept à huit pieds & quelquefois de quinze, qui est toute droite, faite de fer blanc, & qui a un fort large pavillon, son bocal est assez large pour y introduire dedans les deux lévres; que si on parle dedans, elle porte la voix jusqu'à mille pas & se fait entendre distinctement. On dit que l'invention en est moderne, & est du Chevalier Morlan Anglois, néanmoins le Pere Kircher a donné la figure d'une _trompette_ dont il dit qu'Alexandre se servoit pour parler à son armée, qui est presque la même chose, à la réserve que celle-ci se divise en deux tuyaux, qui par aprés se rejoignent. TROMPETTE, _s. m._ est le Cavalier qui sonne de cet instrument. Ce sont les _trompettes_ qu'on envoye aux assiégez pour les sommer de se rendre, pour leur faire sçavoir quelque chose. TROMPETTE se dit proverbialement en ces phrases. On dit qu'un homme est bon cheval de _trompette_, qu'il ne s'étonne pas pour le bruit, quand il ne se soucie pas des crieries qu'on peut faire contre lui. On dit qu'il faut déloger sans _trompette_, quand on chasse quelqu'un, quand on l'oblige de s'enfuir avec précipitation: On dit aussi à gens de village _trompette_ de bois, pour dire qu'il faut faire aux gens des traitemens proportionnez à leur condition. TROMPETTER. _v. act._ publier à son de trompe & à cri public dans les marchez, dans les carrefours, quelque Réglement, quelque Ordonnance de Police, quelque ajournement à trois briefs jours. Un tel a été _trompetté_ pour la troisiéme fois. TROMPILLON. _s. m._ petite _trompe_ d'Architecture. Les voutes ou _trompillons_ sous les marches droites d'un escalier se toisent pour mur sans reins. TRUAND, ande. _adj._ mendiant valide qui demande l'aumône & qui aime la fainéantise, qui fait un métier de gueuser: Ce mot est fort ancien. L'Abbé Guibert en son Histoire de Jerusalem represente la vie & les gestes des gueux & truands qui suivirent l'armée croisée, qu'il nomme _trudents_. Leur Capitaine fut un Chevalier de Normandie qui se fit nommer le Roy _Thafur_, & il remarque que ces gens firent grand peur aux Sarrasins, qui craignoient fort de tomber entre leurs mains, parce qu'ils étoient antropophages; cette Royauté a toûjours continué depuis; & à present les gueux de France nomment leur Roy _Le grand Cosroê_, & _le Roy de Thunes_, comme on voit dans le jargon de l'Argot. Pasquier & Ménage aprés lui prétendent que le nom de _truand_ vient d'un vieux mot gaulois _treu_ ou _trud_ qui signifioit _tribut_, dont la pesanteur, disent-ils, avoit réduit ces gens à la mendicité, mais ils se trompent, parce que ce nom est bien plus ancien: car les Tailles ne furent imposées que du temps de Saint Louïs: outre que leur libertinage les rendoit exempts de toutes impositions. C'est pourquoy d'autres disent qu'il vient de _molæ trusatiles_, qui signifient les _moulins à bras_, qui étoient tournez par des gueux & des miserables avant l'invention des autres dont on se sert. D'autres croyent que ce nom vient d'un oiseau de marais qui a le pied d'oye & la taille d'un cigne, que les Latins appellent _truo_, & les Grecs _Onocrotale_, parce que cet oiseau a une bourse tenant à la partie inferieure du bec, qui descend en poche ou besace, où il ramasse toutes les bribes qu'il trouve, pour les retirer & manger à loisir, ce qui a fait qu'on a nommé _truands_, les gueux qui font la même chose. On appelle _truands_ en Espagne, les Bouffons, Bâteleurs, joüeurs de gibeciére & faiseurs de tours de passe-passe. Borel dit que ce mot signifioit autrefois gens de pied, & des gens mal-propres & sales; comme qui diroit des Tripiers, qui ont donné le nom à la ruë de la _truanderie_ à Paris où demeuroient les Tripiers. Il y a quelques coûtumes qui font mention d'un cens _truand_, dormant ou mort, c'est à dire, qui ne porte aucun profit, ni droits Seigneuriaux, qui n'est qu'une espéce de Rente Roturiére. Il y a un vieux Proverbe cité dans l'indice de Ragueau, qui dit _qui fit Normand, fit truand_. Ce qui vient de ce que dit Pasquier que les Normands ont été les plus chargez de _trus_, qui en vieux gaulois signifioit _impost_. TRUANDAILLE, _s. f._ Vieux mot qui signifie aussi gueux ou vau-rien. On trouve ce mot employé dans la vieille Bible des Noëls. Vous ne semblez que _truandailles_, vous ne logerez point céans. TRUANDER, _v. n._ Demander l'aumône par libertinage & pure faineantise. Il y a des gens qui sont nez avec l'inclination de _truander_, on dit maintenant _trucher_. TURBIT, _s. m._ Espéce de petite plante que les Latins nomment _tripolium_, c'est aussi l'écorce d'une racine laiteuse. Il doit être obscur au dehors, blanc au dedans & nettoyé de son cœur dur & fibreux, & n'être ni moisi, ni chansi, ni vermoulu; il doit être aussi gommeux, car il contient au dedans de la resine. Dioscoride dit, que le _turbit_ blanc est la racine d'une herbe nommé _alypum_ ou _alypia_, dont les jettons & les feüilles sont menuës, les fleurs tendres & legéres, & qui a sa racine comme la Bette; sa racine est grêle & pleine d'un jus acre & piquant, sa graine semblable à celle d'Epithymum. Il dit aussi que ses fleurs changent trois fois de couleur par jour, car au matin elles sont blanches, sur le midy purpurines, & deviennent rouges sur le soir: il dit encore que ses feüilles sont semblables au pastel & qu'il croît sur le bord de la mer. _Turbit_ est le nom que les Arabes donnent au _tripolium_. Mathiole dit, que le _turbit_ est la racine de pityusa, qui est une espéce de tithymale que les Apoticaires appellent _Esula major_. Le _turbit_ est une drogue dangereuse parce qu'elle purge trop violemment. Les Chymistes appellent aussi _turbit mineral_, &c. V. VARECH. _s. m._ Terme de Marine. C'est une herbe qui croît sur les rochers, que la mer arrache en montant & jette sur ses bords. Les Riverains s'en servent pour engraisser leurs terres: cette herbe est ainsi appellée sur les côtes de Normandie. Sur celles de Bretagne on la nomme _Goüesmon_, & sur les côtes du païs d'Aunis _Sar_. Tout ce que la mer jette sur ses bords, soit de son crû, soit qu'il vienne de bris & naufrage, est de là appellé _Varech_ sur les côtes de Normandie; & dans cette même Province les droits que les Seigneurs des Fiefs voisins de la mer prétendent sur les effets qu'elle pousse sur son rivage, est appellé droit de _Varech_: on l'appelle en d'autres lieux _chose du flot_. Les Réglemens pour le _Varech_ sont contenus au tître 10. du livre 4. de l'Ordonnance de la Marine, il est défendu de couper le _Varech_ la nuit, & hors des temps réglez. On l'appelle autrement _Vraicq_. La Coûtume de Normandie a un tître particulier du _Varech_, qu'elle appelle autrement, _choses gayves_, où elle ne parle point de l'herbe, mais elle comprend seulement les choses que l'eau jette à terre par tourmente & fortune de mer, ou qui arrivent si prés de terre, qu'un homme à cheval y puisse toucher avec sa lance, article 598. Ménage tient que ce mot vient de l'Anglois _Vrac_, qui signifie bris & naufrage. VARENNE. _s. f._ Plaine, étenduë de païs uni, qui ne se fauche, ni ne se laboure, fonds plat entre des côtaux. Les habitans de ce Village menent paître leurs bestiaux dans la _Varenne_ où il y a de bons pâturages. La _Varenne_ du Louvre est une Jurisdiction qui se tient au Louvre, établie pour la conservation de la chasse dans les plaines qui sont à six lieuës à la ronde de Paris. VENT. _s. m._ Agitation de l'air. Air rarefié. L'Ecriture dit que Dieu tire le _vent_ de ses tresors. Descartes démontre la formation du _vent_ par la comparaison des Eolipiles. Le _vent_ est mis au rang des Méteores. On fait du _vent_ avec un éventail en remuant l'air; les anciens croyoient que les Cavales du Portugal concevoient du _vent_, à cause de leur vîtesse. En ce sens on dit qu'il fait _vent_, que le _vent_ s'éleve, que le vent souffle de ce côté-là, qu'une maison est à l'abry du _vent_, du mauvais _vent_, quand elle en est à couvert; que des arbres sont à plein _vent_, quand ils ne sont point attachez à quelque muraille. On appelle _Vent-coulis_ un petit _vent_ qui entre par l'ouverture des portes, ou des fenêtres & cloisons qui joignent mal. _Vents sous-terrains_ sont les _vents_ enfermez dans les entrailles de la terre, & qui sont cause de ses tremblemens. Vent, signifie simplement de l'air. Bailler _vent_ à un tonneau; ce tuyau prend _vent_, ce soufflet prend _vent_; un balon est rempli de _vent_. _Vent_, signifie encore l'haleine, l'air qu'on respire. Il faut faire une pause pour reprendre son _vent_. Ce plongeon retient bien son _vent_. Ce Trompette a bon _vent_. Tirer son _vent_, c'est respirer. Vent signifie aussi l'air enfermé dans le corps des animaux, quand il sort par haut ou par bas. Cet homme est travaillé de _vents_. La bile engendre bien des _vents_. Il a lâché un _vent_ par derriére. En Médecine on connoît une hydropisie de _vents_. Vent, signifie aussi une chose petite & legére: Vivre de _vent_, c'est à dire, presque de rien: se repaître du _vent_, de chiméres, la gloire de ce monde n'est que du _vent_. Il croyoit gagner beaucoup en cette affaire, mais il n'en retirera que du _vent_. Ce mets n'est point solide, ce n'est que du _vent_. On a crû que le Cameleon vivoit de _vent_, quoi qu'il vive de petites mouches qu'il attrape avec sa langue. En ce sens il signifie figurément vanité, orgueil. Cet homme a bien du _vent_ dans la tête. En Musique on appelle instrumens à _vent_, ceux que l'air ou le _vent_ fait joüer, comme les orgues, les flûtes, la musette, la trompette, la saquebutte, le cor, &c. Une arquebuse à _vent_, est celle qu'on charge avec du _vent_ condensé. Moulin à _vent_, celui que le _vent_ fait tourner. Vent, en termes de venerie se prend pour l'odeur & le sentiment qu'une bête laisse en son passage. Le cerf est de plus grand _vent_ & de sentiment que le liévre, il fuit toûjours à vau le _vent_, & ne met jamais la gueule ni le nez dedans le _vent_. Le sanglier prend le _vent_ de toutes parts, pour sentir & flairer s'il n'y a rien qui luy puisse nuire. On dit aussi chasser au _vent_, pour dire chasser contre le _vent_. On dit le _vent_ du trait lors que le cerf a eu le matin le _vent_ du limier; ce qui fait qu'il s'en va souvent de hautes erres, & l'on trouve buisson creux. On dit aussi qu'il ne faut pas se fier aux chiens, qui en veulent au _vent_, c'est à dire, qui ne mettent point le nez à terre. En terme de Fauconnerie on dit qu'un oiseau va à vau le _vent_, quand il a la queuë ou le balay au _vent_; qu'il va contre le _vent_ quand il a le bec au _vent_; & qu'il va aise au _vent_, pour dire qu'il vole à côté du _vent_. On dit qu'il bande au _vent_ quand il se tient sur les chiens, faisant la crecerelle. On dit aussi qu'il tient bec au _vent_, qu'il chevauche le _vent_, lors qu'il résiste au _vent_, sans jamais tourner queuë. On appelle à la chasse _vent_ leger, le _vent_ qui est propre à la chasse, qui n'est point trop fort, mais doux & gracieux; c'est un _vent_ clair lors qu'il souffle pendant que le Ciel est serain. En ce sens il signifie figurément un bruit confus, une connoissance imparfaite qu'on a de quelque chose. Cette entreprise étoit fort secrette, néanmoins on en a eu quelque _vent_, on en a senti le _vent_. On a bien cherché les Auteurs de ce vol, mais on n'en a ni _vent_, ni _voix_, quelques-uns disent, _voyes_. Vent du Bureau, se dit au Palais des Nouvelles qu'on apprend, qu'on découvre, du sentiment qu'ont les Juges d'une affaire qu'on leur rapporte, quand ils s'ouvrent un peu trop. Il faut accommoder cette affaire, le _vent_ du Bureau n'est pas pour nous. Vent en terme de Manége se dit en parlant d'un cheval qui commence à être poussif: ce cheval a du _vent_. On dit aussi qu'il porte le nez au _vent_, ou qu'il porte au _vent_, quand il tient la tête haute, comme font les chevaux Croates, ou Cravates. On le dit aussi des hommes qui levent trop la tête. Vent, en termes de Marine se dit aussi de cette agitation de l'air considerée comme le fondement de toute la Navigation, ainsi on dit avoir _bon vent_, ou _vent arriére_, pour dire _vent_ en pouppe. Vent de quartier, c'est le _vent_ qui souffle à côté, & qui est meilleur que le _vent_ en pouppe, lequel ne donne pas dans toutes les voiles, à cause que l'artimon l'en empêche: Vent à la _Bouline_, c'est à dire, qui se prend de côté. Ce qu'on appelle un lit de _vent_, qui s'étend jusqu'à cinq ou six Rumbs éloignez de la route; on l'appelle aussi _vent largue_. Un rumb de _vent_, c'est la route que fait le vaisseau en suivant un des 32. _vents_ marquez sur la boussole. Mettre la voile au _vent_, c'est à dire, partir. On dit qu'un vaisseau est battu du _vent_, du mauvais _vent_, quand il a souffert un orage. On navige à tous _vents_. _Vent_ de terre est celui qui repousse les vaisseaux en mer, & empêche qu'ils n'abordent. On dit avoir _vent_ devant, faire vent _devant_, prendre _vent_ devant, pour dire prendre le _vent_ par prouë; ce qu'on appelle aussi être _debout au vent_; avoir le _vent_ contraire. On dit aussi tenir au _vent_, pour dire naviger malgré le _vent_ contraire. On dit aussi être au _vent_ d'un vaisseau, passer au _vent_ d'un vaisseau; monter au _vent_, lui gagner le _vent_, avoir l'avantage du _vent_, le dessus du _vent_, lors que le _vent_ porte un vaisseau sur un autre, & au contraire être sous _vent_, c'est avoir le desavantage du _vent_; être à vau le _vent_, c'est se laisser aller selon le cours du _vent_. On dit aussi être porté d'un bon _vent_, pour dire d'un _vent_ foible; serrer le _vent_, pour dire prendre l'avantage du _vent_ de côté: Bouliner le plus qu'il est possible pour se servir du _vent_ qui souffle. Tomber sous le _vent_ c'est perdre l'avantage du _vent_. On dit aussi que le _vent_ tombe lors qu'il cesse, qu'il fait place au calme, & qu'il ne fait point de mer. On appelle aussi partager le _vent_, chicaner le _vent_ quand on le prend en louviant, en faisant plusieurs bordées tantôt d'un côté, tantôt de l'autre. On dit que le _vent_ se fit nord, qu'il se rangea au sud, qu'il vint à l'oüest, pour dire que le _vent_ changea & soufla de ces côtez-là. Mettre le _vent_ sur les voiles, c'est empêcher que les voiles ne prennent du _vent_, les disposer en une situation paralelle au _vent_, en sorte qu'il ne fasse que les raser, ou friser. On appelle le beau temps _vent_ gaillard, une fraîcheur _vent_ à volonté, & favorable. Vents Cardinaux, ce sont les principaux _vents_ qui souflent aux quatre points Cardinaux de l'horison. On appelle un _vent réglé_, ou _alisé_ celuy qui est favorable, & qui se maintient sans sauter d'un Rumb à l'autre. On le dit aussi des _vents_ de saison, qui souflent toûjours en même saison sur certaines côtes, comme la _monson_ dans les Indes, les _vents Etesiens_, &c. Vents d'aval, ce sont des _vents_ mal-faisans qui viennent de la mer & du Midy; ceux qui font des Relations, les appellent _Brises_, ou vents _d'abas_, vers les côtes de Canada & de la Floride, ils sont grandement vehemens. Vent _d'Amont_, c'est un vent qui vient de terre & d'en haut, & d'Orient. Vent _frais_ est celui qui est doux & rafraîchissant sur terre, ou qui est favorable sur la mer. On appelle coup de _vent_ un orage ou une tempête qui dure souvent plusieurs jours, & grain de _vent_ un orage subit & violent, qui d'ordinaire desempare les vaisseaux, & ruïne les manœuvres. On l'appelle aussi dragon de _vent_, tourbillon, les Portugais _œil de bœuf_, les Levantins _typhon_ & _syphon_. Les _vents_ les plus dangereux sur les côtes Occidentales sont l'Est & Suroüest, ou Lebecio, & le Nortoüest, qu'on nomme _galerne_; & sur la Mediterranée aux côtes d'Europe sont le Sud nommé _Austro_, & le Nort-est ou bise nommé _Græco_; & le plus dangereux de tous est le _Circius_, que les Anciens nommoient _Typhon_. Les Anciens ont fort varié sur le nombre des _vents_. Aristote n'en compte que onze, & obmet Libonotus; Vitruve en met vingt-quatre, les modernes trente-deux. En tout l'Ocean les _vents_ ont des noms Allemans & Flamens, sur la Mediterranée des noms Italiens. Voici leurs noms modernes avec les anciens Grecs & Latins pour les faire mieux connoître. Est, ou _vent_ Oriental, solaire & équinoctial; _vent_ d'Amont sur l'Ocean, sur la Mediterranée Levante, en Grec Apeliotes, en Latin Solanus. Est quart sudest, hypeliotes subsolanus. Est sudest, demi rumb, ornithias, ethesias, aviarius. Sudest, nordest, quart dest, Elioteurus, Meseurus. Sudest en l'Ocean: en Mediterranée Siroco, Eurus. Sudest quart de sudest, Vulturnus. Sud sudest, Euronotus, Phænicias. Sud quart de sudest, Altanus. Sud, _vent_ de Midi, ou Meridional, Autan en l'Ocean: en Italien Abrego, mezzodi, austro, marin _vent_ d'aval sur la Mediterranée, en Latin Auster, en Grec Notus. Sud quart sud-oüest, Hyponotus, Sub-auster. Sud sud-oüest, demi vent, Libonotus. Sud-oüest quart de sud, Mesolibs. Sud-oüest en l'Ocean: Afro, Garbino, Lebeschio en Mediterranée, Africus, libs, c'est celui qui fait geler les vignes. Oüest, quart de sud-oüest, Subvesperus. Oüest sud-oüest, demi vent Libozephirus. Oüest quart de Sud-oüest, Mezozephirus, Etesiæ. Oüest, _vent_ Occidental, _vent_ d'aval, _vent_ d'abas, Brises en l'Ocean: Ponente, _vent_ de Ponant, en la Mediterranée: Favonius, Zephirus. Oüest quart de Nort-oüest, Circius. Oüest Nort-oüest, demi _vent_, Argesto Zephirus, Caurozephirus. Nort-oüest quart d'oüest, Leuconotus, Albicaurus. Nort-oüest en l'Ocean: Maestral ou Maestro, Gaillego en la Mediterranée, Argestes, Caurus, Corus. Nort-oüest quart de Nort, Hypargestes, Scyron, Olimpias. Nort Nort-oüest, demi _vent_, Thrascias. Nort quart de Nort-oüest, Supernas. Nort, bize en l'Ocean: Nordebrida, Tramontana en la Mediterranée, Aparctias, Boreas, Septentrio. Nort quart de Nort-est, Gallicus, Hypoboreas. Nort Nort-est demi _vent_, Aquilo, Meses. Nort-est quart de Nort, Hypomeses, subaquilo. Nort-est, galerne, sur l'Ocean: Greco, Gregale en Mediterranée, Cæcias, Hellespontius, Japix. Nort-est quart d'est, Hypocæcias. Est Nort-est, demi _vent_, Cæcieliotes. Est quart de Nort-est, Carbas. Les _vents_ Ethesies & Ornithies sont expliquez à leur ordre. Il faut noter qu'en Italien la troisiéme division des _vents_ se fait par la conjonction de deux _vents_ les plus voisins, comme Græco tramontana, Maëstro tramontana; & pour la quatriéme division on les appelle les quartes, comme la quarte de la tramontane au Grec. La quarte du Lebesche au Ponant. Et à l'égard de ces quartes qui étoient inconnuës aux Anciens; leurs noms sont la plûpart inventez par les modernes & factices. Les _vents_ qui souflent entre les points Cardinaux s'appellent _vents_ collateraux. Vent se dit proverbialement en ces phrases: mettre flamberge au _vent_, pour dire tirer l'épée. On dit qu'il ne fait ni _vent_, ni haleine, pour dire qu'il y a un grand calme. On dit qu'un homme vend du _vent_, de la fumée, quand il promet des choses qu'il ne peut tenir. On dit aussi qu'il pleut à tous _vents_, pour dire qu'il peut venir du bien & du mal de tous côtez. On dit qu'un homme s'en est allé plus vîte que le _vent_, quand il s'en est enfuy avec grande diligence. On dit quand on fait une mauvaise comparaison, que cela ressemble comme à un moulin à _vent_. On dit des promesses vaines & qu'on ne veut pas tenir, autant en emporte le _vent_. Jetter la paille ou la plume au _vent_, quand on est incertain de ce qu'on doit faire, quand on s'en raporte au hasard. Petite pluye abat grand _vent_. Fendre le _vent_, pour dire s'en aller, faire banqueroute. On dit d'un miserable qui ne sçait de quel côté se tourner pour faire fortune, qu'il regarde de quel côté vient le _vent_; & d'un homme en fortune, qu'il est au dessus du _vent_, qu'il a _vent_ en pouppe; & de celui qui fait une entreprise mal à propos, qu'il va contre _vent_ & marée. On dit d'un homme leger & inconstant, que c'est une giroüette qui tourne à tous _vents_: & d'un homme logé dans un lieu mal fermé, qu'il est logé _aux quatre vents_. VENTRE. _s. m._ partie de l'animal, qui dans sa capacité enferme les entrailles, ou les autres choses nécessaires pour faire agir toutes ses facultez. Les Medecins divisent le corps humain en trois _ventres_, régions ou capacitez; le premier est la tête, le second la poitrine jusqu'au diaphragme; & le troisiéme celui où sont les intestins: & c'est celui-ci qu'on appelle plus communément le _ventre_. Ce _ventre_ inferieur se subdivise en trois régions; la premiére & la plus haute s'appelle _Epigastrique_, & s'étend depuis l'os Xiphoïde jusqu'auprés du nombril; la seconde _Umbilicale_, qui est aux environs du nombril; elle a trois ou quatre doigts de large, & contient les lombres & les reins: la troisiéme est l'_Hypogastrique_, qui s'étend jusqu'aux parties honteuses, c'est proprement ce qu'on appelle _le bas ventre_: Hippocrate l'appelle _estron_, ses deux côtez s'appellent les _flancs_, & ses plus basses extrêmitez s'appellent les _aines_, que les Grecs nomment _boubons_. Ventre, signifie aussi la partie exterieure du bas _ventre_. Le nombril est au milieu du _ventre_. Il a de l'eau jusqu'au _ventre_. On lui a donné un coup de pied dans le _ventre_. On lui a dansé à deux pieds sur le _ventre_: & figurément il est à la paille jusqu'au _ventre_, pour dire il est bien à son aise, il est fort riche. On dit qu'on a passé sur le _ventre_ à ses ennemis, pour dire qu'on les a défaits & mis en fuite. En ce dernier sens on dit qu'un homme a un benefice de _ventre_, quand il a un petit cours ou flux de _ventre_ qui lui lâche le _ventre_, qui lui rend le _ventre_ libre, qui l'empêche d'avoir le _ventre_ dur, qui lui fait décharger son _ventre_. On dit aussi se coucher sur le _ventre_; des douleurs de _ventre_ quand on a la colique. Les organes naturels qui servent à la digestion & à la génération sont contenus en la basse région du _ventre_. Ventre, se dit aussi de l'estomac, qui est enfermé dans la même capacité, & qu'on appelle pour cela petit _ventre_. Jonas fut trois jours dans le _ventre_ de la Baleine. On nous a donné une bonne carrelure de _ventre_, pour dire un bon repas. Le _ventre_ lui tire, pour dire il y a long-temps qu'il n'a mangé; qu'il n'a rien dans le _ventre_, c'est à dire dans l'estomac. Cet homme est sujet à son _ventre_, il fait son Dieu de son _ventre_: il est raisonnable de servir Dieu devant son _ventre_. Ventre, signifie aussi la poitrine, & c'est en cette seconde concavité ou région, où est situé le cœur: en ce sens on dit tant que le cœur me battra dans le _ventre_. Il lui a crevé le cœur au _ventre_; & figurément on dit de celui à qui on ôte ce qu'il aime, c'est lui arracher le cœur du _ventre_; & de celui qu'on a encouragé, on lui a remis le cœur au _ventre_. Les organes qui servent à la respiration & au battement du pouls sont compris dans ce _ventre_ moyen. Ventre, se dit aussi de la tête, qui est cette premiére capacité dont il a été ci-devant parlé, & alors il signifie l'esprit, la pensée; en ce sens on dit allez sonder cet homme-là, & voyez un peu ce qu'il a dans le _ventre_, ce qu'il pense, ce qu'il veut faire: ce Poëte n'a pû faire que cent vers sur ce sujet, c'est tout ce qu'il avoit dans le _ventre_. Ventre. A l'égard des femmes se dit de la matrice & de leur grossesse. Nous disons de la Sainte Vierge, beny soit le fruit de ton _ventre_, & le _ventre_ qui t'a porté. On croit que cette femme a deux enfans dans le _ventre_, tant elle a le _ventre_ gros: elle s'est laissé enfler le _ventre_. En Jurisprudence on dit que l'enfant suit le _ventre_, pour dire qu'il est de condition libre ou servile, selon celle de sa mere. On dit aussi créer un curateur au _ventre_, à l'égard des enfans posthumes qui sont encore dans le _ventre_ de leur mere. A l'égard des Princes on a quelquefois couronné le _ventre_. Ventre, se dit aussi des animaux: ce cheval n'a point de _ventre_, on dit autrement, n'a point de boyau quand il est serré des flancs. Ventre, se dit aussi des creux & capacitez qui sont dans la terre: le mont Gibel a fait sortir de son _ventre_ quantité de flammes, de cendres, de pierres ponces. L'avarice des hommes a foüillé dans le _ventre_ de la terre pour tirer l'or de ses entrailles, la mer a englouti ce vaisseau dans son _ventre_. Ventre, se dit encore des creux & capacitez des choses artificielles qui ont quelque enflure, quelque éminence. Le _ventre_ d'un navire, d'un tonneau, d'une bouteille: il faut voir ce que cette bouteille a dans le _ventre_. Le _ventre_ d'un pot d'étain, d'une cruche; le _ventre_ d'un tambour. On dit aussi le _ventre_ d'un luth. En maçonnerie on dit qu'une muraille fait _ventre_, quand elle pousse en dehors, quand elle n'est plus à plomb, quand elle menace de ruïne. En Medecine on appelle le _ventre_ d'un muscle sa partie charneuse la plus enflée. En Chymie on appelle _ventre_ de cheval le fumier, dans lequel enfermant quelques vaisseaux on fait plusieurs operations par le moyen de la chaleur douce qui y est contenuë. Ventre, se dit proverbialement en ces phrases: on dit qu'on a mis le feu sous le _ventre_ à quelqu'un, pour dire qu'on luy a fait prendre courage, qu'on l'a excité à faire quelque action rigoureuse. On dit aussi d'une chose dont on est mal satisfait, qu'on ne veut point recommencer, c'est le _ventre_ de ma mere, je n'y retourne plus. On dit aussi, _ventre_ affamé n'a point d'oreilles, pour dire, qu'un homme assiegé ou affamé n'écoute point les remontrances. On dit aussi, boire à _ventre_ déboutonné, rire à _ventre_ déboutonné, pour dire, de toute sa force. Rabelais ajoûte, car autrefois on se boutonnoit le _ventre_. On dit aussi en goinfrerie tout fait _ventre_, pourveu qu'il puisse entrer. On dit aussi qu'on a battu un homme dos & _ventre_, qu'on luy en a donné sur le _ventre_ & par tout, pour dire qu'on l'a bien battu. On dit qu'on a demandé pardon _ventre_ à terre, pour dire avec la derniére soûmission. On dit aussi _ventre_ de son, robbe de velours, pour dire qu'il y en a qui font mauvaise chere pour avoir de quoi paroître en habits. On dit aussi le dos au feu, le _ventre_ à table, de ceux qui sont fort à leur aise en Hyver. VENTRÉE. _s. f._ Les enfans dont une femme a accouché en une seule grossesse. Voilà deux enfans jumeaux, qui sont d'une même _ventrée_. C'est une fable que ce qu'on dit d'une Comtesse d'Hollande, qu'elle a eu 365 enfans d'une _ventrée_. Ventrée, en termes de Coûtumes se dit du partage des successions des pere & mere entre des enfans nez de differents mariages: ce partage se fait en sorte qu'un seul enfant d'un mariage ou d'un même lit prend autant que plusieurs enfans d'un autre mariage, qu'on appelle _ventrée_; & pour cela on divise la succession en autant de parts qu'il y a de mariages. VELOURS. _s. m._ terme de Marchands, étoffe toute de soye dont les filets de traverse sont conduits autour d'une petite verge de cuivre, sur laquelle aprés on les coupe; ce qui fait paroître un tissu de poils plus courts que ceux de la pane. Ce mot vient de _villosus_, Nicod. Cujas tient qu'il vient du Grec _veros_, qui signifioit robbe de soye; d'autres de _vellus_, qui signifioit autrefois drap. En vieux François on disoit _velueil_, ou _veluyau_. Les plus beaux _velours_ sont à quatre poils, appellez vulgairement à _six lisses_; ils se font sur un peigne de 20 portées, qui font 60 portées de chaîne, & chaque portée a 80 filets. Il y a 8 fils de poil par chaque dent de peigne, les poils & chaînes doivent être d'organsin filé, tordu au moulin & tramé de trames doubles, le tout cuit & de pure & fine soye. Le _velours_ doit avoir onze vingt-quatriémes d'aune de largeur entre les deux lisiéres, lesquelles doivent être marquées par quatre chaînettes de soye d'autre couleur, qui font connoître le _velours_ à quatre poils. Le second _velours_ est appellé à _trois poils_, dont le peigne a vingt portées, & soixante portées de poil & de chaîne: il a aussi quatre-vingt filets à six fils par chaque dent de peigne: ses lisiéres sont marquées de trois chaînettes, & sa soye & sa largeur de même qualité que le précédent. La troisiéme sorte s'appelle _deux poils_, vulgairement appellé _quatre lisses_: il se fait en un peigne de vingt portées, & de quarante portées de chaîne & de poils, chacune de quatre-vingt fils; ses lisiéres sont marquées de deux chaînettes. La quatriéme sorte de _velours_ s'appelle _poil & demy_, il a quatre lisses, il a quarante portées de chaîne, & trente portées de poil, de quatre-vingt fils: sa soye est de même qualité, tordage & moulinage, & sa largeur de même: ses lisiéres sont marquées d'un côté d'une chaînette, & de l'autre de deux, c'est pourquoi on l'appelle _poil & demy_. La derniére sorte est du petit _velours_, qu'on appelle _renforcé à quatre lisses_, dont le peigne est de 19 portées, de 38 portées de chaîne, & de 19 portées de poil, chacune de 80 filets; la lisiére doit avoir une chaînette de chacun côté. Les _velours_ cramoisis doivent avoir un filet d'or ou d'argent fin au milieu de la lisiére, pour les distinguer de ceux où il y aura des couleurs communes tant en chaîne qu'en trame. En général tous les _velours_ tant façonnez que figurez, ras ou couppez ont les chaînes & poils d'organsin filé, tordu au moulin, & sont tramez de soye cuitte & non cruë, & ont la même largeur. On fait des habits, des just'aucorps, des robbes de _velours_, des carreaux, des tapis de pied de _velours_: on met un ou deux lez de _velours_ dans les obseques des grands Seigneurs qu'on charge de blason. Velours _plein_, est celuy qui est tout uni. Velours _figuré_, est un velours mince sur lequel sont representées quelques figures: il sert ordinairement aux habits de femme. Velours à _ramages_, est le velours diversifié par plusieurs figures ou couleurs; on l'appelle _grand dessein_, & on s'en sert pour faire des carrosses, des lits, des meubles, & des ornemens d'Eglise. Velours _ras_, est un velours dont les filets de traverse ne sont point couppez. On fait aussi des _velours_ à fond d'or, à fond d'argent, à fond de satin. Velours, se dit figurément d'un chemin, d'une allée, d'une pelouse, quand elles sont herbuës & fort unies: il nous mena par un chemin de _velours_; & par une double figure on dit, il est venu à cette charge par un chemin de _velours_, pour dire qu'il a trouvé de grandes facilitez. On appelle en Chirurgie des cauteres de _velours_ d'Ambroise Paré, qui ne font point de douleur quand on les applique. Velours, se dit proverbialement en ces phrases; on dit d'un homme qu'il se pare d'une telle femme, d'une telle chose, comme de sa robbe de _velours_, pour dire qu'il se fait honneur de la mener, ou d'être le maître de ce qu'il étale en parade. On dit aussi d'une fille qu'elle doit avoir ventre de son, & robbe de _velours_, pour dire qu'on doit avoir plus de soin de la bien parer, que de la nourrir delicatement. Regnier a aussi appellé des ongles longs & pleins de crasse, des ongles de _velours_, en parlant de son Pedant. _Aux veilles des bons jours Il en souloit rogner ses ongles de_ Velours. VELOUTÉ, ée. _adj._ ce qui est fait à la maniére du velours; du satin _velouté_. On le dit aussi des galons ou passemens, dont le milieu est fait à la maniére de velours. Les habits de couleurs des valets sont couverts de _veloutez_, de passemens de _velours_. Velouté, en termes de Joüallier est une couleur sombre & foncée; telle qu'est d'ordinaire celle des pierres taillées en cabochon, & sur tout du saphir bleu. Velouté, se dit aussi des fleurs dont la peluche est douce & unie comme le velours. Velouté, se dit aussi d'une membrane qui revest ordinairement le dedans des ventricules des animaux qui ruminent. US. _s. m._ Vieux terme de pratique, qui ne se dit qu'avec le mot de coûtume dont il est le sinonime. C'est la maniére ordinaire d'agir qui a passé en force de loy: on se sert dans les Contracts de cette clause générale, pour en joüir & disposer suivant les _Us_ & coûtumes des lieux, afin d'éviter la longueur des clauses qu'il faudroit stipuler en particulier. On dit aussi les _Us & Coûtumes_ des eaux & forêts. Us & Coûtumes de la mer, sont certaines maximes & usages dont on se sert sur la mer dans le commerce & dans la navigation pour en régler les differends & la police; ils consistent en trois sortes de Réglemens: les premiers s'appellent _Jugemens d'Oleron_; ils furent faits du temps de la Reine Eleonor Duchesse de Guyenne, qui en fit faire les premiers projets à son retour de la Terre sainte, sur les memoires qu'elle rapporta des Coûtumes du Levant, où le commerce étoit alors fort en vogue. Elle les nomma Rolles d'Oleron, à cause qu'elle habitoit dans cette Isle, & ils furent augmentez par Richard Roi d'Angleterre son fils, vers 1266. Les seconds furent faits par les Marchands de la ville de _Visbuy_, en l'Isle de Gotland, qui signifie terre de Dieu, qui fut autrefois la Ville la plus celebre pour le commerce, où toutes les Nations de l'Europe avoient leurs quartiers, boutiques, fondiques ou magasins: elle est maintenant détruite, & on trouve encore sous ses ruïnes des marques de ses richesses, & de la magnificence de ses bâtimens. Ces Réglemens y furent dressez en langue Theutonique; ils sont encore observez par tout le Nord; on n'en sçait pas la datte, mais il faut qu'ils soient posterieurs à l'an 1288. auquel cette Ville fut ruinée pour la premiére fois, ayant été rétablie par le Roi de Suede Magnus. Les troisiémes furent faits par les Députez des Villes _Hanseatiques_, vers l'an 1597. à Lubek. Ces trois piéces ont servi de modele pour faire les Ordonnances & Réglemens pour la Marine tant en France qu'en Espagne, sur lesquelles on a réglé depuis les Contracts maritimes, & la Jurisdiction de la marine, & elles ont été compilées & commentées par _Etienne Cleirac_ Avocat de Bordeaux, sous le titre d'Us & Coûtumes de la mer. USANCE. _s. f._ Coûtume, usage reçû. Telle est l'_Usance_ de ce païs-là. Les Juges doivent avoir égard à l'_Usance_ des lieux. Usance, est aussi un terme de mer, de negoce, & de banque. Ce Facteur sçait fort bien l'_Usance_ du negoce, il en connoît bien la pratique. Ce Marchand sçait fort bien les _Usances_ de la mer; ce qu'il faut sçavoir pour trafiquer sur la mer. Usance, est aussi le terme d'un mois à l'égard des interêts des Lettres de Change à _Usance_, c'est à dire à un mois. Cette lettre est payable à deux _Usances_, c'est à dire, on a deux mois pour la payer. _L'Usance_ ordinaire de Portugal est de deux mois; celle à double _Usance_ est de quatre mois. L'_Usance_ d'Angleterre, de Hollande, d'Allemagne, & d'Espagne, est d'un mois seulement. L'_Usance_ de France pour le payement des Lettres de Change est réglée par l'Ordonnance à 30 jours. On appelle interêt à toute _Usance_, ou à double _Usance_, celui qu'on fait payer tous les mois, ou au double. USANT, ante. _adj._ terme de Palais: une fille majeure usante & joüissante de ses droits. USER. _v. act._ détruire, consommer, soit insensiblement, soit tout à coup. On _use_ bien des provisions dans cette Communauté. Il a bien _usé_ des souliers à solliciter ce procés: une forge _use_ bien du charbon, en consomme beaucoup: ce n'est plus la mode d'_user_ ses habits, ses meubles, mais d'en changer. Le temps _use_ toutes choses, les consomme insensiblement; une meule de Coûtelier _use_ le fer qu'elle aiguise, & s'_use_ en même temps. Pour faire des lunettes, pour polir le verre & l'acier, il faut l'_user_ insensiblement avec le grais, l'émeril: il y a des pierres si dures qu'on ne les peut tailler, il les faut _user_ avec la meule. USER, en ce sens se dit en choses morales; c'est un homme qui a _usé_ sa jeunesse au service des Grands, & s'il n'a rien fait. Ce Prédicateur a _usé_ ses poulmons à déclamer contre les vices, ses yeux à force de lire. Cette femme a _usé_ trois maris, a été trois fois veufve: l'amitié s'_use_: le vin, les femmes, la débauche, les fatigues _usent_ un homme, _usent_ l'esprit aussi bien que le corps. USER, signifie aussi avaler, digerer. Ce malade ne peut plus _user_ que des boüillons, il n'est pas en état de communier, il ne pourroit pas _user_ l'Hostie. USER, est aussi neutre, mettre en usage, se servir des choses, les appliquer à son besoin. Les Juges croyent qu'il leur est permis d'_user_ de tous moyens pour conserver leur Jurisdiction. Il faut _user_ de la force, des remedes violents contre les seditieux, aprés avoir usé de la douceur. En ce sens on dit en Medecine _user_ de régime, pour dire se conserver le corps, ne faire point de débauches, ne manger rien de nuisible, _user_ de viandes legeres: il n'_use_ pas de remedes: il faut user sobrement de la saignée. USER, se dit aussi en morale des maniéres de vivre, de se comporter avec les autres: comment en _usez_-vous avec cet ami? luy donnez-vous de l'argent ou des presens pour son travail? c'est un homme qui en _use_ fort bien, qui m'oblige gratuitement. Il en a _usé_ en honnête homme, il m'a payé grassement, c'est un ingrat qui en a fort mal _usé_ avec moi. On n'en _use_ pas de la sorte entre gens d'honneur. Ce fanfaron en _use_ cavaliérement avec les Dames; il en _use_ familiérement avec tout le monde. Parmi les Indiens on n'_use_ point de cérémonie, on se met à une table sans y connoître personne. USER, signifie aussi mettre à profit, ménager, se servir. Quand un Chrêtien _use_ bien des graces que Dieu luy fait, cela luy en attire de nouvelles. Ce Ministre _use_ bien de sa fortune, il la sçait bien ménager, il en fait part aux honnêtes gens. C'est _user_ bien de ses richesses, que de faire une dépense honnête & raisonnable, en faire part aux pauvres. Chacun veut _user_ de son droit: il ne faut pas _user_ de force pour se mettre en possession de ses biens. USER, se dit aussi des paroles. Il ne faut pas _user_ de paroles déshonnêtes devant les Dames; _user_ d'équivoque dans les affaires; _user_ de vieux mots dans l'éloquence; _user_ de raillerie dans les choses saintes. USER. _s. m._ Alteration qui se fait des choses par l'usage. Il y a des draps qui sont plus beaux à l'_user_, qui s'embellissent quand on les a portez quelque temps. Les Marchands disent en vendant leurs marchandises, c'est un si bon _user_, qu'on n'en void point la fin. USER, se dit proverbialement en ces phrases: il en _use_ comme des choux de son jardin, pour dire comme si cela luy appartenoit; chacun en _use_ comme il luy plaît, pour dire en fait à sa fantaisie. _Extrait du Privilege du Roy._ Par grace & Privilege du Roy donné à Chaville le 24. Août 1684. Signé, Par le Roy en son Conseil, JUNQUIERES, il est permis au Sieur ANTOINE FURETIERE, Abbé de Chalivoy, l'un des quarante de l'Academie Françoise, de faire imprimer, vendre & distribuer par tout le Royaume, un Livre intitulé _Dictionaire Universel, contenant généralement tous les mots François, tant vieux que modernes; & les termes de toutes les Sciences & des Arts, sçavoir la Philosophie, la Médecine, la Jurisprudence, les Mathematiques, l'Astronomie, la Geographie, la Musique & les Instrumens, l'Optique, l'Architecture, la Rhetorique, Poësie & Grammaire, la Peinture & Sculpture, la Marine, le Manége, le Blason, la Venerie, Fauconnerie, Pêche, l'Agriculture, les termes de Commerce & des Arts Méchaniques, plusieurs termes de Relations d'Orient & d'Occident, la qualité des Poids, Mesures & Monnoyes, les Etymologies des mots, l'invention des choses, & l'origine de plusieurs Proverbes, & leur relation avec les autres Langues, & les noms des Auteurs qui ont traité des matiéres qui regardent les mots expliquez, avec quelques curiositez, histoires & sentences morales qui seront rapportées pour donner des exemples des phrases & des constructions_, en tels Volumes, marges & caractéres & autant de fois que bon lui semblera, pendant le temps & espace de dix années consecutives, à commencer du jour qu'il sera achevé d'imprimer pour la premiére fois. Avec défenses à tous Libraires, Imprimeurs & autres, d'imprimer, faire imprimer, vendre & débiter ledit Livre, sous quelque prétexte que ce soit, même d'impression étrangere, ou autrement, sans le consentement dudit Sieur Abbé Furetiere, ou de ses ayans cause, à peine de confiscation des Exemplaires contrefaits, de trois mille livres d'amende, & autres peines plus amplement mentionnées dans l'Original dudit Privilege. [Illustration] *** End of this LibraryBlog Digital Book "Essais d'un dictionnaire universel - contenant généralement tous les mots François tant vieux - que modernes, & les termes de toutes les Sciences & des Arts" *** Copyright 2023 LibraryBlog. All rights reserved.