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Title: Recueil de chansons en patois de la Bresse
Author: Gelière, P. C. de la
Language: French
As this book started as an ASCII text book there are no pictures available.


*** Start of this LibraryBlog Digital Book "Recueil de chansons en patois de la Bresse" ***


    Au lecteur.

    Ce livre électronique reproduit intégralement le texte original,
    et l'orthographe d'origine a été en général conservée. Cependant
    dans le texte français, les erreurs clairement introduites par le
    typographe ont été tacitement corrigées. Dans le texte bressan,
    quelques erreurs typographiques probables ont été corrigées.
    La liste de ces modifications se trouve à la fin du texte.
    Également, la ponctuation a été alignée à différents endroits.



  RECUEIL
  DE
  CHANSONS
  EN
  PATOIS DE LA BRESSE

  PAR
  P. C. de la Gelière

  _Viriat 1898_

  PREMIÈRE PARTIE


  IMPRIMERIE LOUIS CHADUC
  CHATILLON-SUR-CHALARONNE & BELLEY
  1899



ERRATA


Le tirage de la première partie de ce recueil ayant eu lieu, en ce qui
concerne le chant, par suite de malentendus, sans que les épreuves
aient été préalablement corrigées par l'auteur, je me trouve dans la
regrettable nécessité d'ajouter cette feuille d'errata.

Je fais appel à l'extrême indulgence et bonne volonté des personnes
qui désireront apprendre les chansons en les priant de vouloir bien,
auparavant, faire à la main les corrections principales indiquées ci
après:

  PAGES PORTÉES MESURES NOTES   A LA PLACE DE   METTRE

   6      1     4       5       noire            croche
   6      2     2 et 3          _à diviser par une barre de mesure_
   6      3     2       1       noire            noire pointée
   6      3     5       3       noire            croche
   6      4     2       1       croche           noire
   6      4     2       4       ré               si
   8      1     5       1       noire            noire pointée
   8      2     1 et 2          _à diviser par une barre de mesure_
   8      2     4       1       noire            noire pointée
   8      2     5       1       noire            noire pointée
   8      3     3       1 et 2  noire et croche  noire pointée et noire
  14      2     4       1       croche           noire
  14      2     5       1       noire pointée    noire point. et croche
                                                 liées
  14      3     2       1       noire pointée    noire point. et croche
                                                 liées
  14      3     3       1       double croche    noire
  14      3     4       2       croche           noire
  14      3     5       1       croche           noire
  17      1     2       1       noire            noire pointée
  17      1     4       2       noire            croche
  17      2     3       2       noire            croche
  17      3     3       1       noire pointée    noire
  21      1     2       1       noire            noire pointée
  22      2     3               soupir           demi-soupir
  22      4     2       3       croche           double croche
  22      4     3       4       double croche    croche
  22      4     4       1       si               sol
  22      4     4       3       double croche    croche
  22      6     3       5       croche           double croche
  23      1     2       2       do               si
  24      1     3       1       noire            noire et demi-soupir
  24      3     3       2 et 3  do ré            la si
  24      3     3       4       croche           noire pointée
  25      1     2 et 3  3       croche           noire
  25      2     3 et 4  3       croche           noire
  25      4     2       4       fa               ré
  26      1     1       1 et 5  noires           croches
  27      2     3       1       croche           noire pointée
  28      1     2       1       double croche    croche
  28      1     2 et 3          _à diviser par une barre de mesure_
  29      1     1       1       noire pointée    noire
  29      2     4       4 et 5  noires           croches
  29      2     6       2       la               do
  43      1     3       1 et 3  noire            noire pointée et croche
  50      1     6       1       noire            croche

  M. DE LA GIRODIÈRE



AVANT-PROPOS


Cet ouvrage qui s'adresse particulièrement aux enfants de la Bresse,
mes compatriotes, a pour but de faire revivre les vieilles coutumes
locales et de perpétuer le souvenir de nos pères.

C'est un recueil de chansons patoises sur les sujets, les mœurs et les
usages les plus caractéristiques de la Bresse. Quelques-unes m'ont été
inspirées par mes relations fréquentes avec les rares familles qui ont
su conserver à peu près intactes les vieilles traditions de nos aïeux,
tandis que d'autres font déjà partie du répertoire populaire. Seulement
ces dernières ont subi de telles altérations, en passant par les âges,
que, écrites comme elles se chantent actuellement, leurs auteurs ne les
reconnaîtraient peut-être plus. C'est pourquoi j'ai voulu essayer de
les reconstituer pour les rendre plus compréhensibles.

Elles sont écrites en patois avec la traduction française en regard:
traduction littérale qui demande bien souvent l'emploi de mots vicieux
et d'expressions triviales. De plus j'ai dû négliger complétement
l'orthographe pour m'attacher spécialement à rendre la prononciation
plus facile, aussi, malgré la différence de consonnance qui existe
entre les divers parlés de la Bresse, de commune à commune, voire même
d'un hameau à l'autre, j'espère être lu et compris par la majeure
partie des Bressans.

Il y a deux sons cependant qui rendent l'écriture du patois fort
difficile parce qu'ils n'existent pas dans la langue française—Pour
faciliter la lecture j'ai toujours représenté par «sh» celui que l'ont
produit en appuyant la langue contre les dents supérieures et en
sifflant comme pour prononcer s., et par «zh» celui que l'on produit en
appuyant la langue de la même façon et en sifflant comme pour prononcer
z.

La partie de chant est l'œuvre d'un ami, pur Bressan aussi, M. de la
Girodière, qui a bien voulu, sur ma demande se charger de noter ces
chansons telles qu'elles se chantent dans nos campagnes, sans-souci des
règles musicales.

  P. C. DE LA GELIÈRE.



LA BRACHE

LA BRESSE

_Air de «Béranger à l'Académie»_


  1

  Qué l'étrèzhi que travache la Fronche
  Treuve on pays fenamè cultivau;
  Qué y va de recoulte é n'abondanche
  Dé tui leu shamp, dé le tarre, dé leu prau;
  Qué y va de béte de toutes raches
  Allé, veniè de la buzhe u pauqui,
  I da che dezhe: Sé vramè tië la Brache
  Oh qué pays! Oh qué fameux pays.      _bis_

              1

              Quand l'étranger qui traverse la France
              Trouve un pays, finement cultivé;
              Quand il voit des récoltes en abondance
              Dans tous les champs, dans les terres, dans les prés
              Quand il voit des bêtes de toutes races
              Aller, venir, de l'étable au pâturage
              Il doit se dire: si c'est vraiment là la Bresse
              Oh quel pays! Oh quel fameux pays.           _bis_

  2

  Pèdè que leu cavës n'ont que jo cauve,
  Pe tout étreteni dè la majon
  Leu Brachon ont, sè parlau de le rauve,
  A ramachau touta la grè sajon,
  U renouvé, é leur sho, le navete.
  Qué vin juillet y machounon leu blau,
  Vé la Teussè y font d'autre récolte:
  Leu Brachon machounon touta l'ènau.   _bis_

              2

              Pendant que les cavets n'ont que leurs caves
              Pour tout entretenir dans la maison
              Les Bressans ont, sans parler des raves
              A ramasser toute la grande saison
              Au renouveau, c'est le chou, la navette
              Quand vient juillet, ils ramassent les blés
              Vers la Toussaint, ils font d'autres récoltes
              Les Bressans moissonnent toute l'année.      _bis_

  3

  Bon travaillon, intriguè, économe,
  Lou Brachon cha treye parti de tout,
  Quemè pre lui jamais l'euvra ne chaume,
  L'arzhè vé lui abonde azhi touzhou;
  Quasi pretou l'entretien du moin-nazhou
  Che treuve su la vêta dé shapon,
  Le béte font pe la sècha leu gazhou,
  Pi lou greni pe couliau lou bouchon.  _bis_

              3

              Bon travailleur, intrigant, économe
              Le Bressan sait tirer parti de tout
              Comme pour lui jamais le travail ne chôme
              L'argent chez lui abonde aussi toujours
              Presque partout l'entretien du ménage
              Se trouve sur la vente des chapons
              Les bêtes font pour la ferme, les gages
              Puis le grenier pour gonfler le bourson.     _bis_

  4

  Pe leu Brachon que, chon loin de le vele
  N'a-t-eu pau toute seurte d'agrémè?
  L'ont pe s'y raidre de bene vatezhe,
  Pi de shevaux que vont quemè lou vè,
  Tui leu grè zhou neutre brauve Brachonde
  Peurton jo shapè brachon garni d'eu,
  Rè què vayè che le figuzhe fronshe
  Cè vous revellie l'ama dè lou cœu.   _bis_

              4

              Pour les Bressans qui sont loin des villes
              N'y a-t-il pas toutes sortes d'agréments?
              Ils ont pour s'y rendre de bonnes voitures
              Puis des chevaux qui vont comme le vent
              Tous les grands jours nos jolies Bressannes
              Portent leurs chapeaux bressans garnis d'or
              Rien qu'en voyant ces figures franches
              Cela vous réveille l'âme dans le cœur.      _bis_

  5

  Pe complétau cho tablau de la Brache
  De davou dezhe que tout vra Brachon,
  Dé vio Gaulois, l'homeu de neutra rache,
  Cha coucharvau le meliou tradition;
  Tout u deva, jamais y ne parjuzhe,
  La foi, l'honeu se leïon su chon fron,
  Pichque vé nou jamais nion ne recule
  Amis shétin don: Vive leu Brachon.    _bis_

              5

              Pour compléter ce tableau de la Bresse
              Je dois vous dire que tout vrai Bressan
              Des vieux Gaulois, l'honneur de notre race
              Sait conserver les meilleures traditions
              Tout au devoir jamais il ne parjure
              La foi, l'honneur se lisent sur son front
              Puisque chez nous jamais personne ne recule
              Amis chantons donc: «Vivent les Bressans.»   _bis_



LA LIAUDIN-NA ANCIENNE

LA CLAUDINE


  1

  Què d'ezha amau de ma Liaudinna,
  Rè ne mèquove a meu dési,
  Che pinne fajon bin me pinne,
  Seu plasi ézhon meu plasi,
  Nou nou dijin dechou lou chozhou
  Que nou nou j'amezhin touzhou.
  Vouzhe le me lache pe notrou,
  Alle eubleïe neutreu j'amou.

              1

              Quand j'étais aimé de ma Claudine,
              Rien ne manquait à mes désirs,
              Ses peines faisaient bien mes peines,
              Ses plaisirs étaient mes plaisirs,
              Nous nous disions dessous le saule,
              Que nous nous aimerions toujours.
              Maintenant elle me laisse pour un autre.
              Elle oublie nos amours.

  2

  Tui leu matin dè la preleia
  Nou menovin neutreu moton,
  Me chetova prè de ma meïa,
  Nou quemèchovin na shèchon,
  Pi aprè cètië nou dèchovon
  E nou teniè tui deu la mon,
  De plasi leu moton chotauvon
  Mè le ne vin pau mé è shon.

              2

              Tous les matins dans la prairie
              Nous menions nos moutons
              Je m'asseyais près de ma mie
              Nous commencions une chanson,
              Puis après cela nous dansions
              En nous tenant tous deux la main
              De plaisir les moutons sautaient
              Mais elle ne vient plus au champ.

  3

  La lou pië megnon, la mon blanshe,
  Lou pa touzhou biè trenatau,
  Le drate, prema su le j'ansche,
  Pi ma fa brovamè meudau
  La leu zu nea tout quemè d'ècrou,
  Le dè blanshe quemè on papi,
  Le rouzhaye quemè on combrou
  Mè pe notrou l'brauva auzhourdi.

              3

              Elle a le pied mignon, la main blanche
              Les cheveux toujours bien tressés
              Elle est droite, fine sur la hanche
              Et ma foi, joliment modée
              Elle a les yeux noirs comme de l'encre
              Les dents blanches comme un papier
              Elle est rouge comme un cambre
              Mais pour un autre elle est belle aujourd'hui.

  4

  La mê d'esprit que lou ra mémou
  Tout le mondou ène-t-ébahi,
  Le vou parle avoua tè d'émou,
  Lè fa vreïe la téta à tui,
  Le rèvelia quemè na rata,
  Le shète quemè on reucenieu,
  Mè le me méprije la shata
  De notrou le fa lou beneu.

              4

              Elle a plus d'esprit que le roi même
              Tout le monde en est ébahi
              Elle vous parle avec tant d'âme
              Qu'elle en fait tourner la tête à tous
              Elle est réveillée comme une rate
              Elle chante comme un rossignol
              Mais elle me méprise la chatte
              D'un autre elle fait le bonheur.

  5

  Tui leu cha chou lou mémou chozhou
  U nou j'in tè dècha tui deu,
  Te vindrè choule peuvrou Liaudou
  Te vindrè bélau ton malheu;
  Tou lou mondou chazha ta pin-na
  Te shétezhé cè tin qu'u zhou
  Pau mé ne m'ame ma Liaudinna
  Mé ma de l'amezhe touzhou.

              5

              Tous les soirs sous le même saule
              Où nous avons tant dansé tous deux
              Tu viendras seul pauvre Claude
              Tu viendras bêler ton malheur
              Tout le monde saura ta peine
              Tu chanteras cela jusqu'au jour
              Plus elle ne m'aime ma Claudine
              Mais moi je l'aimerai toujours.



LA LIAUDIN-NA NOUVELLE

LA CLAUDINE

(_Sur le même air_)


  1

  D'amou ma petita Liaudin-na
  Che dègredia, che rèvelia,
  Qu'è n'a pau dè touta la plin-na
  Na fellie ple brauva que lia;
  L'a lou pa na, la bena mena,
  De trai que seureïon touzhou,
  Avoué cè l'a la taille fena
  Pi de zu brajaye d'amou.

              1

              J'aime une petite Claudine
              Si dégourdie, si réveillée
              Qu'il n'y a pas dans toute la plaine
              Une fille plus jolie qu'elle
              Elle a les cheveux noirs elle a bonne mine
              Des traits qui sourient toujours
              Avec ça elle a la taille fine
              Et les yeux «braisayant» d'amour.

  2

  Le bin che viva che frequéta
  Le ch'abelië avoua tè de goû,
  Que le mè fa vreië la téta
  Ne pèchou qu'à lia tou lou zhou;
  Pi quemè la nai dè meu chonzhou
  Me crayou touzhou pré de lia,
  De dremou contè quemè n'onzhou
  Què bin si choule dè mon lia.

              2

              Elle est bien si vive si friquette
              Elle s'habille avec tant de goût
              Qu'elle m'en fait tourner la tête
              Je ne pense qu'à elle tout le jour
              Puis comme la nuit dans mes songes
              Je me crois toujours près d'elle
              Je dors content comme un ange
              Quand même je suis seul dans mon lit.

  3

  Mé lou matin què me réveliou
  S'è von meu révou de beneu,
  Pichqu'ézhou me livou, m'hadeliou
  Mé l'ènui me crive lou cœu.
  Quemè n'ai rè pe me distraizhe
  Que rè ne peut me conchoulau.
  Pi que n'éfè qu'a perdu cha mèzhe
  De bélou touta la zhournau.

              3

              Mais le matin quand je me réveille
              S'en vont mes rêves de bonheur
              Puisqu'il fait jour je me lève, je m'habille
              Mais l'ennui me crève le cœur
              Comme je n'ai rien pour me distraire
              Que rien ne peut me consoler
              Pire qu'un enfant qui a perdu sa mère
              Je pleure toute la journée.

  4

  Dé mon tourmé pe va ma blonde
  L'a sheurshezha sè m'arrétau.
  Pe lamè mamau cha man blanshe
  De baillezha bin mon grè prau,
  De l'amou tè que rè su tarra
  Ne vaut pre ma che n'amitia,
  Pe la va d'azardezha me n'ama
  Pe l'a va de vèdra ma via.

              4

              Dans mon tourment pour voir ma blonde
              Je la chercherais sans m'arrêter
              Pour seulement baiser sa main blanche
              Je donnerais bien mon grand pré
              Je l'aime tant que rien sur terre
              Ne vaut pour moi son amitié
              Pour la voir j'hasarderais mon âme
              Pour l'avoir je vendrais ma vie.

  5

  Mé, oh qué beneu! ma Liaudin-na
  A vu meu tourmè, ma douleu,
  Ch n'ama a compris la min-na
  Chon bon cœu a compris mon cœu,
  Pichque pe zh' adoci me pin-ne
  Le vu bin partazhie mon seu,
  Que che voulétau cheyon le min-ne
  Chon beneu fazha mon beneu.

              5

              Mais oh! quel bonheur! ma Claudine
              A vu mes tourments, ma douleur
              Son âme a compris la mienne
              Son bon cœur a compris mon cœur
              Puisque pour adoucir mes peines
              Elle veut bien partager mon sort
              Que ses volontés soient les miennes
              Son bonheur fera mon bonheur.



L'ÉBAUDA

L'ÉBAUDE


  1

  Uvre me don ta peurta
  Uvre me don Meïon,
  E pleu quemé na queurda.
  On ne sin paumé nion,
  Etéte chouliau l'euzha.
  De greloutou de fra,
  Aqueurde me don n'ozha
  A pachau avoué ta.

              1

              Ouvre-moi donc ta porte
              Ouvre-moi donc Mion,
              Il pleut comme une corde.
              On ne sent plus personne,
              Entends-tu souffler le vent.
              Je grelotte de froid,
              Accorde-moi donc une heure
              A passer avec toi.

  2

  E chetivoui ta féta
  Pourre te bin dremi,
  Què dechou ta fenétra
  Choupizhe te n'ami,
  Fa te don va la téta
  Pe me parlau Meïon,
  Te va bin que chou l'étra
  Avouai ma é n'a nion.

              2

              C'est aujourd'hui ta fête
              Pourrais-tu bien dormir,
              Quand sous ta fenêtre
              Soupire ton ami,
              Fais-toi donc voir la tête
              Pour me parler Mion,
              Tu vois bien que sous l'hangar
              Avec moi il n'y a personne.

  3

  Boncha mon peuvrou Liaudou
  Ne fin pau trou de via,
  Mon pèzhe è de pau n'autrou
  Revozhe dè chon lia;
  Eye bin va que t'amou
  Mé te n'eu dezhé pau,
  Che nou parlin mariazhou
  Té sui d'ètre èconviau.

              3

              Bonsoir mon pauvre Claude
              Ne faisons pas trop de vie,
              Mon père, ce n'est pas un autre
              Bouge dans son lit;
              C'est bien vrai que je t'aime
              Mais tu ne le diras pas,
              Si nous parlons de mariage
              Tu es sûr d'être renvoyé.
  4

  Sé ne tin qu'à ton paizhe
  De t'époujau Meïa,
  De m'énizhe te braizhe
  Lou réchtou de ma via,
  L'é vedre on ple reshou
  Preté lou bin ne l'eu
  Meïa te gazhètashou
  Ne fon pau lou beneu.

              4

              S'il ne tient qu'à ton père
              De t'épouser Mie,
              Je m'en irai te braire
              Le restant de ma vie,
              Il en voudrait un plus riche
              Pourtant le bien ni l'or
              Mie, je te le garantis
              Ne font pas le bonheur.
  5

  Lou deri mou de Liaudou
  N'ézhe pau abadau,
  Qu'arrevi tou de quatrou
  Lou paizhe pe leu z'égrau,
  Meïon teu qu'éya pretië
  Que t'épashe de dremi?
  —Eye l'euzha que seulië
  Que fa pretou creci.

              5

              Le dernier mot de Claude
              N'était pas sorti,
              Qu'arriva tout de quatre
              Le père par l'escalier,
              Mion, qu'y a-t-il par là
              Qui t'empêche de dormir?
              —C'est le vent qui souffle
              Qui fait partout craquer.

  6

  —Te me di qu'éye l'euzha
  Meïon cè ne pau va,
  D'étédou à la peurta
  Caujelië avouai ta;
  Y peu che prède garda
  Cho que m'a fai levau,
  Che d'attrapou n'éparra
  De mé vai l'écegau.

              6

              —Tu me dis que c'est le vent
              Mion cela n'est pas vrai,
              J'entends à ta porte
              Causer avec toi;
              Il peut prendre garde
              Celui qui m'a fait lever,
              Si j'attrape une trique
              Je m'en vais «le faire partir».

  7

  Què l'ètedi lou paize
  Lou galon déquèpi
  Pi che meti à braizhe
  N'euzhé peu reveni.
  Pédè que cha maîtréche
  Grelauve dè chon lia,
  De la po de chon paizhe
  Que l'ave révelia.

              7

              Quand il entendit le père
              Le galant décampa
              Puis se mit à braire
              N'osant pas revenir.
              Pendant que sa maîtresse
              Grelottait dans son lit,
              De la peur de son père
              Qu'elle avait réveillé.

  8

  Equetau zheune fellië
  Pi vou zheunou gachon,
  De cho que vou conchellië
  Reteni la leçon:
  Che jamais dè on carou
  Vou z'éte on rendez-vou,
  Assuriau-vou davêchou
  Sé n'a nion deri vou.

              8

              Écoutez jeunes filles
              Et vous jeunes garçons,
              De celui qui vous conseille
              Retenez la leçon:
              Si jamais dans un coin
              Vous avez un rendez-vous,
              Assurez-vous d'avance
              Qu'il n'y ait personne derrière vous.



ÉBAUDA NOUVALLA

ÉBAUDE NOUVELLE

(_Sur le même air_)


  1

  O don boncha ma meïa
  Vramé té cru cushia,
  Pichque devé la leîa
  On ne va point de foua:
  Mais à étèdre brizhe
  Meïon dè ta maijon
  De pèchou que te file
  U foua d'on bon tijon.

                  1

                  O donc bonsoir ma mie
                  Vraiment je t'ai cru couchée,
                  Puisque, vers la barrière
                  On ne voit point de feu:
                  Mais à entendre bruire
                  Mion dans ta maison
                  Je pense que tu files
                  Au feu d'un bon tison.

  2

  Allon depi ta shombra
  Equeta dè la cou
  Cho que dè la nai chombra
  Vin te fauzhe l'amou
  Etète ma peteta
  Lou dreulou menétri
  Pin-neau dè cha mezeta
  Pe te pra-ye d'uvri.

                  2

                  Allons, depuis ta chambre
                  Écoute dans la cour
                  Celui qui dans la nuit sombre
                  Vient te faire l'amour
                  Entends-tu ma petite
                  Le drôle ménétrier
                  Souffler dans sa musette
                  Pour te prier d'ouvrir.

  3

  Pichqu'é demon ta féta
  T'apeurtou on bouque
  Fait de fleu de zhenéta
  Pi de brauvou mougue,
  Che te vu ma coulomba
  M'àccourdau la faveu
  De pachau dè ta shombra
  Lou mettre su ton cœu.

                  3

                  Puisque c'est demain ta fête
                  Je t'apporte un bouquet
                  Fait de fleurs de genêts
                  Puis de jolis muguets,
                  Si tu veux ma colombe
                  M'accorder la faveur
                  De passer dans ta chambre
                  Je le mettrai sur ton cœur.

  4

  Voua uvra ta fenétra
  De ma pré don pedia
  De zhelou shou te n'étra
  Touta la grè velia:
  Te chau bin que ne vivou
  Meïon rè que pre ta
  Che te n'uvre pau vitou
  De moure chou ton ta.

                  4

                  Oui ouvre ta fenêtre
                  De moi prends donc pitié
                  Je gèle sous le hangar
                  Toute la grande veillée:
                  Tu sais bien que je ne vis
                  Mion rien que pour toi
                  Si tu n'ouvres pas vite
                  Je mourrai sous ton toit.



LA VOUGUA DE CRAU

LA VOGUE DE CRAS


  1

  Eye t'a la vougua de Crau,
  Qué ne faut pau allau mianau,
  Y chon na troupa,
  Cashia chou leu zégrau
  Qu'on bu la goutta,
  Pe pouva miau grippau.

              1

              C'est à la vogue de Cras,
              Qu'il ne faut pas aller miauler,
              Ils sont une troupe,
              Cachés sous les escaliers
              Qui ont bu la goutte,
              Pour pouvoir mieux griffer.

  2

  Eya n'ènau qu'y chou étau
  Leu gachon de Monlafretau,
  A la Bavizhe
  Préchau pe cé de Crau,
  Dè la Revizhe
  Et fossi tui chautau.

              2

              Il y a une année qu'y sont allés
              Les garçons de Malafretaz,
              A la Bévière
              Pressés par ceux de Cras,
              Dans la rivière
              Ils durent tous sauter.

  3

  Mé cé d'Etrez pessizhon mio
  Pe ne pau recheva de co,
  Que l'ètèdizhon
  Peteau de tui leu lion,
  Y che cashizhon
  Chou lou pont de Barton.

              3

              Mais ceux d'Etrez pensèrent mieux
              Pour ne pas recevoir des coups,
              Quand ils entendirent
              Taper de tous côtés,
              Ils se cachèrent
              Sous le pont de Barton.

  4

  Pe què té vaillè de Marbeu
  Qu'avons tui è possè leu beu
  Pri de reïeuté
  Pe pazhau cé de Crau
  L'on, su le queute,
  Reçu de co de pau.

              4

              Pour quand aux vaillants de Marboz
              Qui avaient tous en passant les bois
              Pris des grosses verges
              Pour parer ceux de Cras
              Ils, sur les côtes,
              Reçurent des coups de pieux.

  5

  Eyia azhi cé de Tenia
  Que n'ont pau mau étau quenia,
  De la Pienizhe,
  A galou pe leu prau.
  A le Bodizhe
  Y fuzhon couratau.

              5

              Il y a aussi ceux d'Attignat
              Qui n'ont pas mal été cognés,
              De la Peignière,
              Au galop par les prés.
              Aux Baudières
              Ils furent couratés.
  6

  Pe què ta cé de Sê Martin
  Qu'on voulu fauzhe dé malin,
  Tuinqu'a la varna
  Depi lou bou de Crau,
  A co d'épara,
  Che chon t-y fait couliau.

              6

              Pour quand à ceux de St Martin
              Qui voulurent faire les malins.
              Jusqu'à la Verne
              Depuis le bourg de Cras,
              A coup d'éparre,
              Se sont-ils fait gonfler.

  7

  Tout pédè che la sharpelia,
  Su lou marronni biè cashia,
  De compeujauva,
  Sé fauzhe poin de via,
  De chela vouga
  La shèchon que vetia.

              7

              Tout pendant ce chamaillis,
              Sur le marronnier bien caché,
              Je composais,
              Sans faire point de vie,
              De cette vogue
              La chanson que voici.



LE FELLIË DE VERIA

LES FILLES DE VIRIAT

_Air de «La vougua de Crau»_


  1

  Eye le fellië de Veria,
  Surtou le z'ene qu'é y a,
  Le chon frequette
  L'amon greu leu gachon
  Mé biè de mézhe
  Ne treuvon pau cè bon.

              1

              Ce sont les filles de Viriat,
              Surtout les unes qu'il y a,
              Elles sont friquettes
              Elles aiment gros les garçons
              Mais toutes les mères
              Ne trouvent pas ça bon.

  2

  Què leu magna velion le va
  Y che rezhouënion deu-z-u tra,
  Von à la peurta
  Creïon: live te don
  Nou j'in na liota
  Pe faushe on rigoudon.

              2

              Quand les magnats veulent les voir
              Ils se rejoignent deux ou trois,
              Vont à la porte
              Crient: lève toi donc
              Nous avons une flûte
              Pour faire un rigodon.

  3

  Cheteu la fellie révellia
  L'a bin viton déferouilla
  Su cha shemije
  Efile on coutelion,
  Pi sè lemizhe
  Seu parlau è gachon.

              3

              Sitôt la fille réveillée
              Elle a bien vite déverrouillé
              Sur sa chemise
              Enfile un cotillon,
              Puis sans lumière
              Sort parler aux garçons.

  4

  On co qu'y l'on tui ébracha
  La fellie di: zheunou magna
  Dè la grè buzhe
  Alin nou j'amouje
  Lé nion n'y cushe
  Nou z'y pourin dèche.

              4

              Une fois qu'ils l'ont tous embrassée
              La fille dit: jeunes magnats
              Dans la grande étable
              Allons nous amuser
              Là personne n'y couche
              Nous y pourrons danser.

  5

  Pretè cè fameu rendez-vous
  Ne reuchashon po teu touzhou
  De sai na mézhe
  Que s'étè rèvelia,
  Deci u pézhe:
  Cou don va che qu'éya.

              5

              Pourtant ces fameux rendez-vous
              Ne réussissent pas tôt toujours
              Je sais une mère
              Qui s'étant réveillée,
              Dit au père:
              Cours donc voir ce qu'il y a.
  6

  Lou pèzhe è n'ètèdè cho bri
  Prè on pau, cou â l'équezhi.
  Preni vou garda
  Chaprè grè poulichon
  Zhé tie n'éparra
  Que n'éparmazha nion.

              6

              Le père en entendant ce bruit
              Prend un pieu, court à l'écurie.
              Prenez-vous garde
              Sapré grands polissons
              J'ai là une éparre
              Qui n'épargnera personne.
  7

  L'azhon bin voulu s'échcujau
  Dezhe, nou ne fin poin de mau
  Mé cho vio pèzhe
  Ezhe bin che montau
  Bin sè coulèzhe
  Qui leu j'a tui conliau.

              7

              Ils auraient bien voulu s'excuser
              Dire: nous ne faisons pas de mal
              Mais ce vieux père
              Était bien si monté
              Bien si en colère
              Qu'il les a tous gonflés.
  8

  Pe què t'a vou zheunou magna
  Pe ne pau étre éparaïa,
  Què veutra Liauda
  Che treuvezha cushia
  Rèviau l'ébauda
  A nautra sèpelia.

              8

              Pour quand à vous jeunes magnats
              Pour ne pas être éparrayés
              Quand votre Claudine
              Se trouvera couchée
              Renvoyez l'ébaude
              A une autre occasion.



LA VOUGUA DE VERIA

LA VOGUE DE VIRIAT

_Air de «Blonde ou Brune»_


  On parle de le vougue,
  De Crau pi de Tenia,
  Mè avè toute,
  Et oncouzhe à Veria
  De tui leu j'allètou,
  Mémou pleteu qu'à Bou
  Qu'on vin de prefezhonche,
  A neutron rendez-vous
  Fauzhe bombonche.    (_bis_)

              1

              On parle des vogues,
              De Cras et d'Attignat,
              Mais avant toutes,
              C'est encore à Viriat
              De tous les alentours,
              Même plutôt qu'à Bourg
              Qu'on vient de préférence,
              A notre rendez-vous
              Faire bombance.        (_bis_)

  2

  Dè toute le famellie
  Pe fétau cé zhou tie
  E faut qu'é brellie
  Du ron u seurdellie.
  On saigne de poulë,
  De vé mémou de bouë;
  On rèpla la futaille
  Pi de Bu é Grefouë
  Tout fa ripaille.    (_bis_)

              2

              Dans toutes les familles
              Pour fêter ce jour-là
              Il faut que ça brille
              Du balai au ciel de lit.
              On saigne des poulets,
              Des veaux même des bœufs;
              On remplit la futaille
              Puis de But aux Greffets
              Tout fait ripaille.    (_bis_)

  3

  Sé fa bon pe la vougua,
  Què on a biè gueutau,
  On va è troupa
  U bou che premenau,
  Lè des tenio de jeu,
  Que pipon neutreu seu,
  Et faut va lou ramazhou,
  Vé leu shevau de beu,
  Tout fa tapazhou.    (_bis_)

              3

              S'il fait bon pour la vogue,
              Quand on a bien dîné,
              On va en troupe
              Au bourg se promener,
              Là, des teneurs de jeux,
              Qui pipent nos sous,
              Il faut voir le ramage,
              Vers les chevaux de bois,
              Tout fait tapage.      (_bis_)

  4

  Pédè que leu vio shéton
  L'atou des shépenon
  Leu zheunou dèchon
  Pi che font de bon chon.
  Lou cha què é fa bon
  Deu-ja-deu y s'è von
  Choule pe le sharrizhe,
  Què l'ombra des boïchons
  Cha de lemizhe.      (_bis_)

              4

              Pendant que les vieux chantent
              Autour des chopinons
              Les jeunes dansent
              Et se font du bon sang.
              Le soir quand il fait beau
              Deux à deux ils s'en vont
              Seuls par les charrières,
              Quand l'ombre des buissons
              Sert de lumière.       (_bis_)

  5

  E pre cè que le vougue
  Font a n'è pau doutau
  Fauzhe de nouches
  Qu'on ne comptauve pau;
  Mais malhezheujemè
  De fellie, biè chouvè
  Pe zh ava voulu rizhe
  On fauta devè n'è
  De na brelizhe.      (_bis_)

              5

              C'est pour cela que les vogues
              Font à n'en pas douter
              Faire des noces
              Qu'on ne comptait pas;
              Mais malheureusement
              Des filles, bien souvent
              Pour avoir voulu rire
              Ont faute avant un an
              D'une berceuse.        (_bis_)



LA PRAŸZHE DU PAŸJON

LA PRIÈRE DU PAYSAN

_Air: «Le Credo du Paysan»_


  1

  Dieu tou puissè, Dieu de mizèzhicœurde,
  Vou que depi d'amon lou pazhadi,
  Gouvarnau tou che que la tarra peurte,
  Lou firmamè, tout l'univers èti;
  Què lou matin, l'atou de neutra frema,
  L'arba du zhou quemèche à yalenau,
  Réveliau me, meu servetio, ma fena
  Tui biè pourtè pe zh allau u travau.

              1

              Dieu tout puissant, Dieu de miséricorde,
              Vous que du haut du Paradis,
              Gouvernez tout ce que la terre porte,
              Le firmament, tout l'univers entier;
              Quand le matin, autour de notre ferme,
              L'aube du jour commence à éclairer,
              Réveillez-nous, mes serviteurs, ma femme
              Tous bien portants pour aller au travail.

  _Refrain_

  Dieu tout puissè, don réque la péssizhe
  A suffi pe creïau touta l'humanitau,
  Pédè la via a ma famellië ètizhe              } _bis_
  Prétau benea saitau, la paix, la libretau.    }

              _Refrain_

              Dieu tout puissant, dont rien que la pensée
              A suffi pour créer toute l'humanité,
              Pendant la vie, à ma famille entière,         } _bis_
              Prêtez bonne santé, la paix, la liberté.      }

  2

  Baillau azhi pe toute le recoulte
  Lou tin qu'é fau pe le fauzhe levau,
  De tè z'è tin na reujau quauque goutte,
  On bon chelo, pe le fauzhe mozhau;
  Faite azhi mé que vé nou la vremena,
  Leu pinzhon, leu lapin, leu ca-yons grau,
  Leu shevau, leu vé, la greucha bouvenea,
  Tout fache arzhé, tou fache ben ènau.

              2

              Donnez aussi pour toutes les récoltes
              Le temps qu'il faut pour les faire lever,
              De temps en temps une rosée, quelques gouttes,
              Un bon soleil pour les faire mûrir;
              Faites aussi que chez nous la vermine,
              Les pigeons, les lapins, les cochons gras,
              Les chevaux, les veaux, la grosse bovine,
              Tout fasse argent, tout fasse bonne année.

  3

  Prejarvau nou pre cé, dé gre plouvaizhou,
  De le choitië, des mauvai j'ouragan,
  De le grè fra dé grè co de tounaizhou
  Qu'amoin-non la grela su le machon;
  Prejarvau nou du malheu de la garra
  Que chouvè lou ple tériblou de tui,
  Pichqu'y nou prè leu produit de la tarra
  Neutreu z'éfè pi rouin-ne lou pays.

              3

              Préservez-nous, pour çà des grandes pluies,
              Des sécheresses, des mauvais ouragans,
              Des grands froids des grands coups de tonnerre
              Qui amènent la grêle sur les moissons;
              Préservez-nous du malheur de la guerre
              Qui est souvent le plus terrible de tous,
              Puisqu'il nous prend les produits de la terre
              Nos enfants, puis ruine le pays.

  4

  Prejarvau-nou de le mauvaije béte
  Que ne sheurshon qu'à nou fauzhe de mau,
  Depi lou leo tin qu'à le greuche guépe
  Surtout de le charpès évezhounau.
  Faite que de la rache faramena
  Nion de vé nou ne chaye dévouzhau
  Epargnau-nou la pechta, la famena,
  Pi tè de mau que pourron arrevau.

              4

              Préservez-nous des mauvaises bêtes
              Qui ne cherchent qu'à nous faire du mal,
              Depuis le loup jusqu'aux grosses guêpes
              Surtout des serpents venimeux.
              Faites que de la race faramine
              Personne de chez nous ne soit dévoré
              Épargnez-nous la peste, la famine,
              Puis tant de maux qui pourraient nous arriver.

  5

  Faite azhi mé gré Dieu que ma famelië
  Ne chaye pau tracacha des esprits,
  Des diabloutins que trouméton le fellië,
  De le féteume, des folë, des chouci;
  Faite que jamais dè le seneguougue,
  Que cè reveniès font pe nous têtau,
  Qué bin ces damnau vindront de grè troupe
  Que nion vé nous ne s'y laiche ètrin-nau.

              5

              Faites aussi, grand Dieu, que ma famille
              Ne soit pas tracassée par les esprits,
              Des diablotins qui tourmentent les filles,
              Des fantômes, des follets, des sorciers;
              Faites que jamais, dans les synagogues,
              Que ces revenants font pour nous tenter,
              Quand même ces damnés viendraient de grandes troupes
              Que personne de chez nous ne se laisse entraîner.

  6

  Mais che pretè pèdè me n'existanche
  E vou plaije mon Dieu pe m'éprouvau,
  De m'accablau de pinne, de chouffranches,
  De grè shagrin, de terriblou fléau,
  Loin de grondau contre cho que gouvarne,
  A deux zheno devè vou de dezha:
  De gràce épargnau me don tè d'alarmes
  Dieu de bontau, preni pedia de ma.

              6

              Mais si pourtant pendant mon existence
              Il vous plaisait mon Dieu pour m'éprouver,
              De m'accabler de peines, de souffrances,
              De grands chagrins, de terribles fléaux,
              Loin de gronder contre celui qui gouverne,
              A deux genoux devant vous je dirai:
              De grâce épargnez-moi tant d'alarmes
              Dieu de bonté, prenez pitié de moi.

  _Refrain_

  Dieu tou puissè, don rèque la pessizhe
  A suffi pe creïau tonta l'humanitau,
  Apré ma meu, u dela de la bizhe               } _bis_
  Baillau me u pazhadi, via pe l'éternitau.     }

              _Refrain_

              Dieu tout puissant, dont rien que la pensée
              A suffi pour créer l'humanité,
              Après ma mort, au delà de la bière            } _bis_
              Donne-moi, au paradis, vie pour l'éternité.   }



LA GRÈ VELIA

LA GRANDE VEILLÉE


  1

  Vé zé Peré à la grèvelia,
  Què yè na qu'on don avu fra.
  Ey a vede brove fellië
  Maularèzhia,
  Que leu gachon d'vonagneula
  Ont bin guétia.

              1

              Chez Joseph Perret à la grand'veillée,
              Qu'il y en a qui ont donc eu froid.
              Il y avait de belles filles,
              Mal arrangées,
              Que les garçons de vacagnole
              Ont bien regardées.

  2

  Leu magna pe che dévreti,
  Fuzhon quezhi on menétri;
  Toute le felië de la zelize
  Ont greu dèchà.
  Pèdè que d'autre Caillassizhe
  Le jon guétià.

              2

              Les magnats, pour se divertir,
              Furent quérir un ménétrier;
              Toutes les filles de la Gelière
              Ont gros dansé.
              Pendant que d'autres Caillassières
              Les ont regardées.

  3

  E y ave latië de Pelo
  Qu'azhe voulu baill'on bon co,
  Mé le s'ène, quemè biè d'autres,
  Vra bin pachau;
  Quèbin l'ave che brauve shauche,
  L'na pau trouvau.

              3

              Il y avait celle du Pêloux
              Qui aurait voulu donner un bon coup,
              Mais elle s'en est, comme bien d'autres,
              Vrai bien passé;
              Quand même elle avait ses jolis bas,
              Elle n'a pas trouvé.

  4

  Mè la ple fouala des gachon,
  Ye bin Meïon du Shavaton;
  Què lè sin yon dè neutron carou,
  L'y vin tou drà,
  Qué cheye Zhon, Liaudou u Piarou,
  Le vu lou và.

              4

              Mais la plus folle des garçons,
              C'est bien Mion du Chavaton;
              Quand elle en sent un dans notre quartier,
              Elle y vient tout droit,
              Que ce soit Jean, Claude ou Pierre,
              Elle veut le voir.

  5

  E la Marlà, lou freguelion,
  Que sè va pe zhè gaugnië yon.
  Et fau la va me pe le sharizhe,
  Che dèvenië,
  Eya de qua vous fozhe rizhe
  De la guétië.

              5

              C'est la Merle, le freguillon,
              Qui s'en voit pour en gagner un.
              Il faut la voir par les charrières,
              Se démener,
              Il'y a de quoi vous faire rire
              De la regarder.

  6

  Qu'a compoujau che la séchoun?
  Eye Perè lou farnézhou.
  On zhou pèdè que l'ègrenauve
  On chà de pon,
  Pi que la Meïon abouquauve
  Seu greu shapon.

              6

              Qui a composé cette chanson?
              C'est Perret le «farnairon»[1].
              Un jour pendant qu'il engrenait
              Un sac de pain,
              Puis que la Mion embecquait
              Ses gros chapons.

[1] Meunier.



LEU GACHON DE VERIA

LES GARÇONS DE VIRIAT

_Air de «La Grè Velia»_


  1

  On shète le fellië de Veria,
  Mè vè vous shètau leu magna
  Dè vio gachon, quemè dè zheunou,
  De parlezhe,
  Sè ébleië quèque bon j'oumou
  Dé meu couple.

              1

              On chante les filles de Viriat,
              Je m'en vais vous chanter les magnats
              Des vieux garçons, comme des jeunes,
              Je parlerai,
              Sans oublier quelques bons hommes
              Dans mes couplets.

  2

  Pe ne point fauzhe de zhelo,
  Queméchin va pe leu ple vio:
  On dit que cho de la Zhelizhe
  Va quauque co
  E queuté vè de Caillassizhe
  Que n'on pau po.

              2

              Pour ne pas faire de jaloux,
              Commençons voir par les plus vieux:
              On dit que celui de la Gelière
              Va quelque fois
              Voisiner chez des Caillassières
              Qui n'ont pas peur.

  3

  Nou j'in n'autrou fameu pailla,
  A l'étrau dé shon de Veria,
  Qu'ave bin na brauva métrèche
  Vè shemesi;
  Mè deri leu beu de le Baiche,
  Lou leo l'a pri.

              3

              Nous avons un autre fameux paillard,
              A l'entrée des champs de Viriat,
              Qui avait bien une jolie maîtresse
              Vers les Merciers;
              Mais derrière les bois des Baisses,
              Le loup l'a pris.

  4

  Velivou on bon breïaudi?
  Nou z'ènin yon à Shemessi,
  Pe tourtellië le zheune fellië,
  Le dè premi;
  Pe zhouïe na paucha de guellië,
  Contau su lui.

              4

              Voulez-vous un bon dégourdi?
              Nous en avons un aux Merciers,
              Pour tortiller les jeunes filles,
              C'est un des premiers;
              Pour jouer une partie aux quilles,
              Comptez sur lui.

  5

  A yé crazhe la Rénoumau
  Shaution fazhe on peu de mau;
  She bin qu'è Grefouë, on zheun'oumou,
  A che qu'on cra,
  Ballië de fameu co de chabrou,
  Dè chon contra.

              5

              A en croire la renommée
              Chacun ferait un peu de mal;
              Si bien qu'aux Greffets, un jeune homme,
              A ce que l'on croit,
              Donne des fameux coups de sabre,
              Dans son contrat.

  6

  E che t'azhi de, pe Liazha,
  D'on greu tartazhé qu'é y a,
  Que pe desènouye cha fena,
  Y va tou dra,
  S'égauniaïe vè cha vézena
  Quê vint lou cha.

              6

              Il s'est aussi dit, par Fleyriat,
              D'un gros «tartaré»[2] qu'il y a,
              Que pour désennuyer sa femme,
              Il va tout droit,
              S'étendre chez sa voisine
              Quand vient le soir.

  7

  Nou z'in nautrou zheunou mariau
  Qu'ame greu leu brovou shevau;
  L'ame de mémon de fremizhe,
  Dit-on vé nou,
  A Têvou, à la Bretenizhe,
  L'é n'a pretou.

              7

              Nous avons un autre jeune marié
              Qui aime gros les beaux chevaux;
              Il aime de même des fermières,
              Dit-on chez nous,
              A Tanvol, à la Bretonnière,
              Il en a partout.

  8

  Mé lou ple fricouti de tui,
  E zhouzè lou cabazhati,
  E n'a cozi pau zheuna fena
  Dè lou paï,
  Que n'a vio lou bé de cha plema
  Dè seu papi.

              8

              Mais le plus fricotteur de tous,
              C'est Joseph, le cabaretier,
              Il n'y a presque pas de jeune femme
              Dans le pays,
              Qui n'ait vu le bec de sa plume
              Dans ses papiers.

  9

  Nou j'in azhi on tabati
  Qu'à chouvè chon ciga èpri;
  On menizi qu'à cha varloupa
  Touzhou montau;
  On marshau qu'a na piëche shauda
  Touta l'ênau.

              9

              Nous avons aussi un marchand de tabac
              Qui a souvent son cigare allumé;
              Un menuisier qui a sa varlope
              Toujours montée;
              Un maréchal qui a une pièce chaude
              Toute l'année.

  10

  E y èna pretè yon u bou
  Que vin on peu moin avoué nou,
  Mè che l'ebleye neutra bèda,
  L'a che rèyon:
  E que l'a na brauva serveta,
  Dè cha méjon.

              10

              Il y en a pourtant un au bourg
              Qui vient un peu moins avec nous,
              Mais s'il oublie notre bande,
              Il a ses raisons:
              C'est qu'il a une jolie servante,
              Dans sa maison.

  11

  Pe què à cè de Thèvenon,
  Si che retizhon tout de bon:
  L'azhon compris qu'è mariazhou,
  Sè biè seurti,
  On peu vra bin dè chon moin-nazhou,
  Che dèvreti.

              11

              Pour quant à ceux de Thevenon,
              S'ils se retirent pour tout de bon:
              Ils auront compris qu'en mariage,
              Sans beaucoup sortir,
              On peut très bien dans son ménage,
              Se divertir.

  12

  Pe présidau che l'assêblau,
  Nou j'in neutre n'ami Putau,
  Cho qu'à dix leïes à la reïonda
  Ye renoumau
  Pe le z'ébaude, pe la vougua,
  Pi pe troutau.

              12

              Pour présider cette assemblée,
              Nous avons notre ami Puthod,
              Celui qu'à dix lieux à la ronde
              Est renommé
              Pour les ébaudes, pour la vogue,
              Puis pour trotter.

  13

  Pe trouvau cè que zh'ai shètau,
  Sheurshau dè leu bon décidau:
  Eye na troupa de bon bizou
  Sè leu vaitau.
  Que rèdon greu mè de servichou
  Qu'on ne di pau.

              13

              Pour trouver ceux que j'ai chanté,
              Cherchez parmi les bons décidés:
              C'est une troupe de «forts lurons»
              Qui rendent gros plus de services
              Qu'on ne dit pas.

[2] Tartaré—homme solide.



LA VIA DES PAŸJONS

LA VIE DES PAYSANS

_Sur l'air de «Béranger»_


  1

  De vu shètau lou mondou de quèpagne,
  De vu shetau la via des payjons;
  Ne courriashè pau cè de la montagne,
  De parlezhe lamè des bons Brachons;
  De shètezhe che le zheunes Brachondes
  Què brede rouzhes, brovou chabou blanc,
  Chavon têtau, le brene pi le blonde,
  Seu grès monsus quemè leu payjons.     (_bis_)

              1

              Je veux chanter le monde de la campagne,
              Je veux chanter la vie des paysans;
              Ne connaissait pas ceux de la montagne,
              Je parlerai seulement des bons Bressans;
              Je chanterai ces jeunes Bressannes
              Qui ont brides rouges, jolis sabots blancs,
              Savent tenter les brunes et les blondes,
              Les grands messieurs comme les paysans.    (_bis_)

  2

  Che leu Brachon ont chouvè gros de pinne,
  Lont bin azhi jo moumès de plasi:
  U zhou de l'è, lou tin de le z'étrinne,
  Tui leu magnas vont shourshië de geni.
  Vinr Carmètrê. Vè l'atië qui courtije,
  Shauque galan va brulau son foulieu:
  L'a fa dèche latou de ia bodizhe
  E l'y parlè de che mariau jo deu.      (_bis_)

              2

              Si les Bressans ont souvent gros de peine,
              Ils ont bien aussi leurs moments de plaisir:
              Au jour de l'an, le temps des étrennes,
              Tous les magnats vont chercher du «gèni».
              Vient Carnaval. Chez celle qu'il courtise,
              Chaque galant va brûler son faulieu:
              La fait danser autour du brasier
              En lui parlant de se marier eux deux.      (_bis_)

  3

  On peu ple tar, qu'è revenion le vougue,
  Leu vra Brachon chavon che dèvreti;
  Aprè machon; y font pretou de couque
  Què chon bredau le meïe, leu pali.
  Vint Sè Meshië, leu vashi, le vashizhe
  U prau nous font mèzhië leu matafon;
  Pi Sé Martin, è ramenè la bize,
  Dè servetio vint garni lou bouchon.    (_bis_)

              3

              Un peu plus tard, quand reviennent les vogues,
              Les vrais Bressans savent se divertir;
              Après moissons, ils font partout des coques
              Quand sont bridés les meules, les paillers.
              Vient St Michel, les vachers, les vachères
              Au pré nous font manger des matefins;
              Puis St Martin en ramenant la bise,
              Des serviteurs vient garnir le gousset.    (_bis_)

  4

  N'assuizhe pau sè parlau de le nouche
  Quemè chavon le fauzhe leu Brachons;
  Y font, cé zhons, è guija de breïoushe,
  De grè fournè de tautres de pounions;
  E t'adon qué fauva, prè de le felliës,
  Leu dégredis, pourtios de dezhon-nons,
  Chotau, dèche, déconliau le boutelliës,
  E shète tui: Vive leu Payjons.         (_bis_)

              4

              Je ne finirai pas sans parler des noces
              Comme savent les faire les Bressans;
              Ils font, ces jours, en guise de brioches,
              Des grandes fournées de tartes de pognons;
              C'est alors qu'il faut voir près des filles,
              Les dégourdis porteurs de déjeuners,
              Sauter, danser, dégonfler les bouteilles,
              En chantant tous: Vive les Paysans.        (_bis_)

  5

  Vetia quemè, loin du bri de la vela,
  Pache cha via, l'honête payjon.
  Che du monsu, y n'a pau la pè fena,
  Y n'a pau teu moins de queu, moins de chang;
  Si ne seutin ne ra, ne république,
  E fau lou va défèdre cha Patrie;
  E tin de pai, touta cha politique
  Ye de répli che cauve, seu greni.      (_bis_)

              5

              Voilà comment, loin des bruits de la ville,
              Passe sa vie, l'honnête paysan.
              Si du monsieur, il n'a pas la peau fine,
              Il n'a pas moins de cœur, moins de sang;
              S'il ne soutient ni roi, ni république,
              Il faut le voir défendre sa Patrie;
              En temps de paix, toute sa politique
              Est de remplir ses caves, ses greniers.    (_bis_)

  6

  Bons payjons, pe gardau l'Espezhanche,
  Gardins la foi dè cha simplicitau;
  Pe mezetau de tui la confianche,
  Gardin nous biè de mèti, de trompau;
  Pe zh'ètre amau, ne sheurshin pau la gara;
  A cè qu'on fon, baillin on peu de pon;
  Efin pe zh'étre èdèpèdè su tara,
  Meu bon j'amis, demeuzhin payjon.      (_bis_)

              6

              Bons Paysans, pour garder l'Espérance,
              Gardons la foi dans sa simplicité;
              Pour mériter de tous la confiance,
              Gardez-nous de mentir, de tromper;
              Pour être aimé, ne cherchons pas la guerre;
              A ceux qui ont faim, donnons un peu de pain;
              Enfin pour être indépendant sur terre,
              Mes bons amis, restons paysan.             (_bis_)



LOU BATÉMOU D'ON GACHON

LE BAPTÊME D'UN GARÇON


  De plazi de pardou la téta
  On me bateye on greu gachon,
  E fau qu'on fache tui biè la fèta,
  Api qu'on bave ou plein pouchon.

              De plaisir je perds la tête
              On me baptise un gros garçon,
              Il faut qu'on fasse tous bien la fête,
              Et puis qu'on boive un plein tonneau.

  REFRAIN

  Leu bon brachon font la ripaille
  Pe lou batémou d'on gachon,
  Pe tui biè fauzhe bredifaille,
  Que la vieula ch'aqueurde     } (_bis_)
  Avoua neutra shèchon.         }

              REFRAIN

              Les bons bressans font la ripaille
              Pour le baptême d'un garçon,
              Pour tous bien faire bredifaille,
              Que la vieille s'accorde     } (_bis_)
              Avec notre chanson.          }

  2

  Quezenizhe qu'on che dèpashe
  D'allau quezhi vé lou beushi,
  Reuti de vé, frecacha de vashe,
  Pi de poulaille u poulali.

              2

              Cuisinières que l'on se dépêche
              D'aller chercher vers le boucher,
              Rôti de veau, fricassée de vache,
              Puis des poules au poulailler.

  3

  Pe cheti voui, point de quatrouille,
  Point de pa, point de j'hazbicau,
  Point d'échcargou, point de renouille
  Et faut qu'on reboute u fricau.

              3

              Pour aujourd'hui point de pommes de terre,
              Point de pois, point d'haricots,
              Point d'escargots, point de grenouille
              Il faut qu'on «reboute»[3] au fricot.

  4

  De j'ole chon rèzhia è fache
  Du foua, d'on grou fagou bredau,
  Etèdivou frejoulau la cache,
  La frecacha vou monte u nau.

              4

              Des marmites sont rangées en face
              Du feu, d'un gros fagot bridé,
              Entendez-vous rissoler la poèle,
              La fricassée vous monte au nez.
  5

  Zheunou magna, zeune female,
  Shètau, dêchau, faite des fos,
  Pèdè qu'allietau su jo chale,
  Tin qu'à demon bezhon leu vios.

              5

              Jeunes magnats, jeune femelles,
              Sautez, dansez, faites les fous,
              Pendant que collés sur leur chaise,
              Jusqu'à demain boiront les vieux.

  6

  Coumèzhe, aku don de froumaille
  Su la marmaille, à plin-ne mon;
  Pi l'è que vin à neutre z'époujaille,
  Y dèchezhon lou rigoudon.

              6

              Commère, jette donc des dragées
              Sur la marmaille, à pleines mains;
              Puis l'an qui vient à nos épousailles,
              Ils danseront le rigodon.

[3] «Rebouter»—renoncer pour ne plus pouvoir manger.



LEU PAŸON VAILLON BIN LEU MONSU

LES PAYSANS VALENT BIEN LES MESSIEURS


  1

  On di qu'è ya de monsu pe zh'a prède
  D'è mou é fo de ruja è crétins.
  E païjon pe pouva è revèdre,
  E fau ma fa che révelie matin.                            (_bis_)
  Honnête et franc, méprijè la carrouta,
  Pre lui l'honneu pache avè leu z'écu.
  Pi sé chazi de baille na calouta,
  Leu payjons vaillon bin leu monsu.

              1

              On dit qu'il y a des messieurs pour apprendre
              De l'esprit aux fous de la ruse aux crétins.
              Aux paysans pour pouvoir en revendre,
              Il faut ma foi se réveiller matin.  (_bis_)
              Honnête et franc, méprisant la carrotte,
              Pour lui l'honneur passe avant les écus.
              Puis s'il s'agit de donner une calotte,
              Les paysans valent bien les messieurs.

  2

  Qué, à douje è d'allauva à l'écœula,
  D'apreniva, lou valin dé shemin,
  A goulattau à biè fauzhe la reuva;
  Què on monsu me traiti de gamin.              (_bis_)
  Y m'appeli: Païjon la beshache.
  L'y répondi: te m'au l'air d'on canu.
  On s'épegni tui deu pe la tegnache,
  Leu païjon vaillon bin leu monsu.

              2

              Quand, à 12 ans, j'allais à l'école,
              J'apprenais, le long des chemins,
              A colleter à bien faire la roue;
              Quand un monsieur me traita de gamin.         (_bis_)
              Il m'appela: Paysan la besace.
              Je lui répondis: Tu m'as l'air d'un canut.
              On s'empoigna tous deux par la tignasse,
              Les paysans valent bien les messieurs.

  3

  Vé meu quinjê, d'ava zhia lou vezazhou
  Garni de pa, nazhayè chou lou nau;
  E n'ave pau, dè tou lou vezenazhou,
  On ga ple dra, on cadé mio plètau.            (_bis_)
  De pourtauva mon shapé su l'ourellie,
  Mio qu'on préfet ne peurte chon cournu;
  Sè le parlau, d'amauva zhia fellie.
  Leu païjon vaillon bin leu monsu.

              3

              Vers mes quinze ans, j'avais déjà le visage
              Garni de poils, noircissant sous le nez;
              Il n'y avait pas dans tout le voisinage,
              Un gars plus droit, un cadet mieux planté.    (_bis_)
              Je portais mon chapeau sur l'oreille,
              Mieux qu'un préfet ne porte son cornu;
              Sans leur parler, j'aimais déjà les filles.
              Les paysans valent bien les messieurs.

  4

  Mé à vingt è, é fu bin autre seuje;
  N'ava biè sui pau mon métie à Pazhi.
  De fu noumau pe ma taille, ma feuche,
  Lou peurte-drapeau des conchcri du paï        (_bis_)
  De tui leu lion, toute le zheune fellie
  E me va-yé m'avalauvon dè z'u,
  Ne sezhe t'eu que pe zhouhie à le guellie,
  Leu païjon vaillon bin leu monsu.

              4

              Mais à vingt ans, ce fut bien autre chose;
              Je n'avais bien sûr pas mon maître à Paris.
              Je fus pommé pour ma taille, ma force,
              Le porte-drapeau des conscrits du pays        (_bis_)
              De tout côté, toutes les jeunes filles
              En me voyant m'avalaient des yeux,
              Ne serait-ce que pour jouer aux quilles,
              Les paysans valent bien les messieurs.

  5

  On peu ple ta, què vin sizhon le garre,
  Qu'on éclatau, pe la révolution;
  E combattè, dè toute le bagarre,
  D'ézha touzhou placha u premi ron             (_bis_)
  Pédè cho tin, è deri le vatezhe
  Sharrayovon leu monsu trou vètru,
  Dè leu comba lèchau me vou zeu dezhe,
  Leu païjon vaillon bin leu monsu.

              5

              Un peu plus tard, quand arrivèrent les guerres,
              Qui ont éclaté, pour la Révolution;
              En combattant dans toutes les bagarres,
              J'étais toujours placé au premier rang        (_bis_)
              Pendant ce temps, en arrière, les voitures
              Traînaient les messieurs trop ventrus,
              Dans les combats, laissez-moi vous le dire,
              Les paysans valent bien les messieurs.

  6

  Mé, meu z'éfè, la feuche, lou couzhazhou,
  Qu'avon de ma fè on preu, on vaillè
  Ou déclinau, de sintou que de plaïou
  Chou mon pa blanc, chou meu quatrou-vin-z è   (_bis_)
  Mé che pretè quèbrin zh'ai de bequellie,
  Quéque monsu me dije: T'é foutu;
  D'amezha greu li fretau le j'ouzhellie.
  Leu païjon vaillon bin leu monsu.

              6

              Mais, mes enfants, la force, le courage,
              Qui avaient de moi fait un preu, un vaillant
              Ont décliné, je sens que je plie
              Sous mes cheveux blancs, sous mes 80 ans      (_bis_)
              Mais si pourtant, quoique j'aie des béquilles,
              Quelque monsieur me disait: Tu es fichu;
              J'aimerais bien lui frotter les oreilles.
              Les paysans valent bien les messieurs.



LA CHOUP' È VIN

LA SOUPE AU VIN


  1

  L'èzhon bin nava tra coumèzhe
  Vè la Maria, vè la Maria,
  Que che dejon yena à l'autra,
  Eya pedia, éya pedia
  Eya pri mau à la Liaudinna,
  Cheti matin, cheti matin,
  Fin li don vivamè na choup'è,
  Na choup'è vin, na choup'è vin.

              1

              Elles étaient une fois trois commères
              Chez la Maria, chez la Maria,
              Qui se disaient l'une à l'autre,
              Il y a pitié, il y a pitié
              Il a pris mal à la Claudine,
              Ce matin-ci, ce matin-ci,
              Faisons lui vivement une soupe,
              Une soupe au vin, une soupe au vin.

  2

  Commèze, de si bin malada,
  Eya grè tein, éya grè tein,
  E me fa greu mau dè l'estouma,
  Pi dè le rein, pi dè le rein;
  Pretè ne vu ne médecena,
  Ne médecin, ne médecin;
  D'amezha mio n'écouala plin-na
  De choup'è vin, de choup'è vin.

              2

              Commère, je suis bien malade,
              Il y a longtemps, il y a longtemps,
              Il me fait grand mal dans l'estomac,
              Puis dans les reins, puis dans les reins;
              Pourtant je ne veux ni médecine,
              Ni médecin, ni médecin;
              J'aimerais mieux une écuelle pleine
              De soupe au vin, de soupe au vin.

  3

  L'è buzhon shotiëna d'écouala,
  Dra lou matin, dra lou matin;
  A midi l'è buzon encouzhe
  Ne sai combin, ne sai combin.
  Lou chà, metizhon su la traubla
  Lou grè tepin, lou grè tepin,
  Pi lou buzhon bien plein shotiëna
  De choup'è vin, de choup'è vin.

              3

              Elles en burent chacune une écuelle,
              Dès le matin, dès le matin;
              A midi elles en burent encore
              Je n' sais combien, je n' sais combien.
              Le soir, elles mirent sur la table
              Le grand pot, le grand pot,
              Puis le burent plein chacune
              De soupe au vin, de soupe au vin.

  4

  A ta sétau, neutra vézenà,
  Ba on bon co, ba on bon co,
  Pi que le rein, pi que l'estoumà
  Che peurte mio, che peurte mio.
  Vramè, què dèvale la goutta,
  Le fa de bin, le fa de bin;
  Pe la sétau, vive l'écouala
  De choup'è vin, de choup'è vin.

              4

              A ta santé, notre voisine,
              Bois un bon coup, bois un bon coup,
              Puis que les reins, puis que l'estomac
              Se portent mieux, se portent mieux.
              Vraiment, quand descend une goutte,
              Elle fait du bien, elle fait du bien;
              Pour la santé, vive l'écuelle
              De soupe au vin, de soupe au vin.

  5

  Le che dijon, pe le sharizhe,
  E s'én 'alè, è s'èn' alè:
  Cheu co nou chin vramè trou grije,
  Tenien nou biè, tenien nou biè,
  De nou, tou lou mondou ch'amouije
  Què nou brèlin pe leu shemin.
  Nou z-é che bin vedià l'écouala
  De choup'è vin, de choup'è vin.

              5

              Elles se disaient, par les charrières,
              En s'en allant, en s'en allant:
              Cette fois nous sommes vraiment trop grises,
              Tenons-nous bien, tenons-nous bien,
              De nous, tout le monde s'amuse
              Quand nous branlons par les chemins.
              Nous avons si bien vidé l'écuelle
              De soupe au vin, de soupe au vin.

  6

  Pretè, che quauthion nou demède
  D'u nou venien, d'u nou venien,
  Nou chazhin pro que leu repondre,
  Nou leu dezhin, nou leu dezhin:
  Eya pri mau à la Liaudin-na,
  Cheti matin, cheti matin;
  L'ezhe fouthia sè che n'écouala
  De choup'è vin, de choup'è vin.

              6

              Pourtant, si quelqu'un nous demande
              D'où nous venons, d'où nous venons,
              Nous saurons assez que leur répondre,
              Nous leur dirons, nous leur dirons:
              Il y a pris mal à la Claudine,
              Ce matin, ce matin;
              Elle était fichue sans son écuelle
              De soupe au vin, de soupe au vin.



LA BOUILLAUDA DE SÈ NEZI

LA BOUILLAUDE DE St NIZIER


  1

  A Sè Nezi on dit qu'èya
  Na bouillauda malada
  Alle malada dè chon lia,
  Sè chava la rajon prequa.

              1

              A Saint-Nizier on dit qu'il y a
              Une bouillaude malade
              Elle est malade dans son lit,
              Sans savoir la raison pourquoi.

  2

  Et faut allau à Shalamon
  Pe quezhi monsu Marlou,
  Cho mèdecin cougnatra bin
  Tie que la maladie che tin.

              2

              Il faut aller à Chalamont
              Pour quérir Monsieur Merle,
              Ce médecin connaîtra bien
              Où la maladie se tient.

  3

  Què monsu Marlou l'u toteau
  Y di à la bouillauda,
  Che n'ami vou ja margoutau
  E lui qu'azha fait tout lou mau.

              3

              Quand Monsieur Merle l'eut tâtée
              Il dit à la bouillaude,
              Si un ami vous a margottée
              C'est lui qui aura fait tout le mal.

  4

  Ne crayou pau que me n'ami
  M'aïe rèdia malada,
  Depi si ma que le moudau
  Ne l'y ai jamai reparlau.

              4

              Je ne crois pas que mon ami
              M'ait rendue malade,
              Depuis six mois qu'il est parti
              Je ne lui ai jamais reparlé.

  5

  Ne sezhe teu pau de cho tein
  Que la maladi poche?
  Contau me cè, ne cashau rien,
  De vu chava de qui le vin.

              5

              Ne serai-ce pas de ce temps
              Que la maladie pousse?
              Contez-moi ça, ne cachez rien,
              Je veux savoir d'où elle vient.

  6

  E lou cha de la sè nezi
  Que deri neutra buzhe
  Pe pouva mio nou margouton
  Nou j'allizhin nou premenau.

              6

              C'est le soir de la St Nizier
              Que derrière notre écurie
              Pour pouvoir mieux nous margoter
              Nous allâmes nous promener.

  7

  Qué y m'u margoutau chon seu
  Y me cali pe tarra,
  Pi s'y cali tou quemè ma
  Sè dezhe la rajon prequa.

              7

              Quand il m'eut margottée son saoul
              Il me jeta par terre,
              Puis s'y jeta tout comme moi
              Sans dire la raison pourquoi.

  8

  Eye sè que d'ava pèchau
  Marmouti monsu Marlou,
  Pe mezhi sè n'a pau de mau
  Eyè n'a greu pe vou mariau.

              8

              C'est ce que j'avais pensé
              Marmotta Monsieur Merle,
              Pour mourir, il n'y a pas de mal
              Il y en a gros pour vous marier.

  9

  De cho que vou j'a cazhècha
  Faut dèveni la fena
  N'autrou sezhe pézhe è tra ma
  Sè chava la rajon prequa.

              9

              De celui qui vous a caressée
              Faut devenir la femme
              Un autre serait père en trois mois
              Sans savoir la raison pourquoi.

  10

  Què vou z'izha vou premenau,
  Vou j'autre, zheune felie,
  Ne vou lachau pau margoutau
  E n'a rè que fa té de mau.

              10

              Quand vous irez vous promener,
              Vous autres, jeunes filles,
              Ne vous laissez pas margotter
              Il n'y a rien qui fasse tant de mal.



TRAVAS DU MARIAZHOU

TRAVERS DU MARIAGE


  1

  Dè lou tin que d'ezha servaita,
  D'ava toute seurte d'amis;
  Lou cha venivon à ma peurta,
  Leu z'ébaudis, leu menétris.
  Mè depi que de si mariau
  Pleni me peuvra Liauda,
  La nai, lou zhou dai la téta cachau,
  Eya don bin shezhia d'ébauda.

              1

              Dans le temps que j'étais servante,
              J'avais toutes sortes d'amis;
              Le soir venaient à ma porte,
              Les ébaudis, les ménétriers.
              Mais depuis que je suis mariée
              Plaignez-moi pauvre Claudine,
              La nuit, le jour j'ai la tête cassée,
              Cela a bien changé d'ébaude.

  2

  Tui leu matin què de me livou,
  Què bin n'ai ré dremi la nai,
  E faut que me dépasha vitou
  A levau tui meu cachcazhè.
  Eya de mardea leu plein lia,
  Dè leu crë, su la traubla;
  Eya on zhou que d'ava fournaya,
  L'on sheyà dè ma pauta.

              2

              Tous les matins, quand je me lève,
              Quand même je n'ai rien dormi de la nuit,
              Il faut que je me dépêche vite
              A lever tous mes marmots.
              Il y a de la m... les pleins lits,
              Dans les berceaux, sur la table;
              Il y a un jour que je faisais au four,
              Ils ont ch... dans ma pâte.

  3

  Cheteu levau, che la marmaille
  Brame la cha, brame la fon;
  On che quere va na bataille
  A leur va chautau su lou pon,
  Leu jon demêdon de paria,
  D'autrou vedron de tautra;
  L'avalezhon de mardea frecacha
  Chon deje qué de dauba.

              3

              Sitôt levée, cette marmaille
              Pleure la faim;
              On croirait voir une bataille
              En les voyant sauter sur le pain,
              Les uns demandent de la confiture,
              D'autres voudraient de la tarte;
              Ils avaleraient de la ... fricassée
              Si on disait que c'est de la daube.

  4

  Pe comblou de malheu, zh'ai n'houmou
  Que ne déjartzhe jamais.
  Touta la zhournau, l'a lou coudou
  Su le trauble dè cabazhé;
  N'ai pau cheteu deu seu gaugna,
  Qu'y pachon pe cha gueula.
  Hola! grè Dieu, de ma prenni pedia,
  De si trou malezheuja.

              4

              Pour comble de malheur, j'ai un homme
              Qui ne désaltère jamais.
              Toute la journée, il a le coude
              Sur les tables des cabarets;
              Je n'ai pas sitôt deux sous gagnés,
              Qu'ils passent par sa gueule.
              Hélas! grand Dieu de moi prenez pitié,
              Je suis trop malheureuse.

  5

  Equetau bié, zheune female
  Che troumètau de vous mariau,
  Ne chayau don pau mé che fouale,
  Evio cè galons premenau,
  Pèdè qu'y vou parlon d'amou,
  E n'a rè de ple chazhou;
  On co mariau, che fouton bien de vou,
  Pi de veutron moin-nazhou.

              5

              Écoutez bien, jeunes femmes
              Si tourmentées de vous marier,
              Ne soyez donc pas si folles,
              Envoyez ces galants promener,
              Pendant qu'ils vous parlent d'amour,
              Il n'y a rien de plus sage;
              Une fois marié, ils se fichent de vous,
              Et puis de votre ménage.



LOU BOUË DE NOUYE

LE BŒUF DE NOËL

_Air: «La grè velia»_


  1

  Nou zin on grè beuschi vè nou,
  Quemè è né n'a po pretou,
  Ne tuvè jamé que de vache,
  Lou bon gachon
  Achoume chele peuvre carnes
  A co de ron.

              1

              Nous avons un grand boucher chez nous
              Comme il n'y en a pas partout,
              Ne tuant jamais que des vaches,
              Le bon garçon
              Assomme ces pauvres carnes
              A coup de balais.

  2

  Che t'eyè, pe fozhe Nouyé,
  L'a tiau; u mouatè de la nai,
  On boue, qu'a ètèdre seu dezhe,
  Ezhe she greu
  Qui pourre ferni tra quemenes
  Quemè Marbeu.

              2

              Cette année, pour faire Noël,
              Il a tué, au milieu de la nuit,
              Un bœuf, qu'a entendre son dire,
              Etait si gros
              Qu'il pourrait fournir trois communes
              Comme Marboz.

  3

  On co cho fameu bouë saigna,
  Conlio pèdu, pi depouilla,
  Y l'uvrit vitou la vètraille.
  Peuvrou nouyé!
  N'ave t'y po dê le z'étrailles
  On pete vè.

              3

              Une fois ce fameux bœuf saigné,
              Gonflé, pendu et dépouillé,
              Il lui ouvrit vite la ventraille.
              Pauvre noël!
              N'avait-il pas dans les entrailles
              Un petit veau.

  4

  Non pau d'écroutau cho meurnè,
  I fu découpo ê moucè,
  Pi debraye dê na chodizhe
  Avouai leu bouè
  Pe z'ètre betau è chaussiches,
  E n'autezhé.

              4

              Au lieu d'enfouir ce mort-né,
              Il fut découpé en morceaux,
              Puis broyé dans une chaudière
              Avec les boyaux
              Pour être mis en saucisses,
              En fricandeaux.

  5

  On co que tout fu fabreco;
  Y couzhi fozhe tebourno,
  Que cè qu'on fauta de zhezheule
  Alon vé lui;
  Y leu z'è vêdra de fameuje,
  L'ê-na pre tui.

              5

              Une fois que le tout fut fabriqué;
              Il courut faire tambourner,
              Que ceux qui ont besoin de saucisses
              Aillent chez lui;
              Il leur en vendra des fameuses,
              Il en a pour tous.

  6

  Lou lèdemon, tout cho fricau,
  Pe lou paï fut débito.
  L'è vèdi à toute le fene
  Dé z'èvezhon;
  Pe zh'étre mezhia dè le freme,
  U rèvelion.

              6

              Le lendemain, tout ce fricot,
              Par le pays fut débité.
              Il en vendit à toutes les femmes
              Des environs;
              Pour être mangé dans les fermes,
              Au réveillon.

  7

  Avouai l'équema du belion,
  Ecrim-mo su che l'avourton,
  Neutron beuschi, houmou pratique
  E-n'a fondu
  De grè cizhou qua la fabrique,
  L'a tui vèdu.

              7

              Avec l'écume du bouillon,
              Ecrémée sur cet avorton,
              Notre boucher, homme pratique
              En a fondu
              De grands cierges qu'à la fabrique,
              Il a tous vendus.

  8

  La servèta qu'ave tout vu
  N'è pouvè po crazhe seu zu,
  Pe lou bou raconti la seujha,
  Sè mau pècho,
  Sè comprede que sha pazheula
  Sezhe péjo.

              8

              La servante qui avait tout vu
              N'en pouvant pas croire ses yeux,
              Par le bourg raconta la chose,
              Sans mal penser,
              Sans comprendre que sa parole
              Serait pesée.

  9

  Dhotion bin libaou de seu gout,
  Mè d'espézhon greu que vè nous,
  On frecachezha de catrouille
  A l'aveni,
  Pleteu qu'alo a la fripouille
  Vé lou beuchi.

              9

              Chacun est bien libre de ses goûts,
              Mais j'espère fort que chez nous,
              On fricassera des pommes de terre
              A l'avenir,
              Plutôt que d'aller à la fripouille
              Chez le boucher.

  10

  Quy teu qu'a fait chela sèchon?
  E yon que n'a po leu blévon,
  Po lamê leu fils à la lingua
  Què é shazi
  De fozhe paschau la verguinnea
  D'on greu beuschi.

              10

              Qui est-ce qui a fait cette chanson?
              C'est un qui n'a pas les blevons[4],
              Ni même les fils à la langue
              Quand il s'agit
              De faire passer la rancune
              D'un gros boucher.

[4] Mal de gorge et de la langue.



PETITE SCÈNE DE LA VIE

Vé lou Barbi


Allon meu j'ami, quemè è vous voyé bauliau vous éte l'air de vou
j'amouije su veutre chale quemè ch'amouijezhon na frelia de gouafon
qu'on fazhe banië dè on leni d'étale, é fau que vous raconta quauque
seuja pe zh'assuizhe de vou j'èdremi.

Me n'affauzhe che pache vè on barbi—de Veria.

Pe pouva, à tui, vou fauzhe avalau mon boucon sè trou vou freni de
chocha, è fau que de vou deya que neutron barbi, on grè dépèdia de
zhèzheule ch'apale Grégueula (on niom que convin vra bien a chela
seurta de profession tië, pichqu'éye convenu, dè tou pay, qu'on rajo de
pauva parlau leu zhou èti sè lamè prède lou tein de che moushië d'on
bin d'allau chequeurre cha quelauta).

D'ézha don vè lui dimeshe matin pe m'y fauzhe émoutau pe lou premi co,
leu deu z'u tra pa fo que me catelion la pé chou lou nau, què Liaudou
Troupréchau, Bena Binlaizi, Piarou Crainlabise, Tienou Goubaleuzha, pi
na troupa d'autrou que ne cougnashon pau l'amè y étrizhon azhi pe che
fauzhe décayonnau devè la grèmecha.

Allon, vetia don mon Grègueula que, pe ne pau lèche èdremi tui cè
j'houmou su chon bon, quemèche, quemè font touzhou cè que velion parlau
pe ne rè dezhe, à parlau de la plouzhe pi du bon tin, deyè quemè cè, è
che veriè du lion de la peurta pe zh'i consultau lou tin qu'éyave l'air
de fauzhe: Eh bin! que dit-on de cho tin, é dè lou ca de fauzhe bon
cheti voui sé ne pleut pau.

—Oh! éyeu faudre bin que repond lon pézhe Crainlafra, éye greu ple
dreulou de chequeurre la pocha de cha quelauta que de rauliau la
gueullie de che caboute.

—Oh! bon pe la pocha, que reprè Baptista Quamerizhe, mè à part cè,
ma vou deyon que na peteta reujau shauda fa touzhou de bin tie que le
déroushe: de pourra mèmou vou z'en prouvau pichque la derizhe qu'à
deravatau vè nou a fait repochau tin qu'à le poume rin-nette de neutra
métrecha—quemê vou zete vu sê douta.

_1er Refrain_

    Dè tou pays què la dimèshe
    On tin d'aprède lou nouvé
    Vé lou barbi è faut che rèdre    } _bis_
    E vé lui qu'è s'è di lou mé.     }


SCÈNE II

Allon pèzhe Binlaisi de crayou qu'éye t'a veutron tou; veni va que
de vou rauselia on peu che la vieillie pé de beya pédé que Piarou
Crainlabise va nou dezhe s'èye vra va qui che décide cheu co à mariau
cha fellie.

—Oh! oh! qu'y repond, è seureyè dè cha barba que frije quemè le dé
d'on pienou à dèquati le z'étoupe. Sè ne chazive que de mariau, è sezhe
bin éja vé nou, è ne pau leu galon que mèquon, éyè n'a petétre bin mé
de quinje que bûlon latou de Claudine quemè na troupa de bourdon nea
latou de na greucha boja fréshe. Mé é ne pau tou de bourdou-nau latou
é chazi de betau la mon dessu; pi vou peute contau qu'éyè faudra on
dégredi pe pouva y arrevau...

—Voua, é pazha bin que ne pau vra la premizhe venia que repond
Grégueula que raboutauve lou pèzhe Binlaisi è lou teniè pe lou nau de
la mon gaushe quemin neutra fena tin seu poule pe la créta que le leu
j'abouque.

—La premizhe venia que reprè vitou Crainlabise, oh non va vou z'eu
peute crazhe, touta zheuna que le, le ne che zhin-ne pau greu pe
repondre marda à cha mézhe. Avouai cè pe na fellie peupra comptau
qu'eyène yena. Cè ne che moushe touzhou rèqu'avoua leu da pe ne pau
chauli chon moushio de cafa. Pi pe l'économie on n'è parle pau, é ne
la zhin-ne pau de pachau leu ma èti sè che lavau lou nau rèque pe
zh'éparmau lou chavon. Mais è ne pau tou... che vou deja que le fa
épeli leu juë réqu'è leu pourtè dè che cafe, què dezhau-vou hein? Eye
pretè taulou que de vou z'eu deyou. Betin che vou veli qu'é ne pau
brauvou à ma de vou z'eu dezhe mais qu'épeurte, è n'èpashe pau que pe
na femala tein de mariau contau qu'eyène yena.

_2e Refrain.—(air de la Liaudin-na)_

    La lou chon ple shau que la brauja
    Leu z'u ple brelliè que lou foua
    Le cha menau lou dar, la paula
    L'écoucho, la shoucha, lou goua
    Le raupelië mio que na fouin-na
    Le ple rujau qu'on vio rena
    Le chaute leu boichon sè pin-na
    Le cou mio que neutron shin-na.


SCÈNE III

Mais à prepeu de mariazhou, vou, pézhe Goubaleuzha qu'éte azhi on
gachon que ne pau nomple lou vra premi venu, n'è pourrau-vous pau
fauzbe n'appla avoua Claudine Crainlabise? E me sèble qu'y fazhon on
brauvou zho lui deux.—Qu'è dete-vous?

—D'è deyou que què la fauta de mariau l'y troutezha pe lou vètrou,
mon gachon azha bin l'émou d'eu cougnatre sè que l'y deya le bin
pro malin pre cètie,—Lamé, sè ava l'air de voula cayounau Claudine
Crainlabize, de peuvou vou dezhe que che dégredia que le pouiche étre,
de ne la crayou pau teu de taille à pouva figuzhau avoua neutron Bena,
quemé vous pourra vou z'è rèdre comptou pe l'affauzhe que de vai vous
racontau.

—Eya pretië on cha de la chemon-na pachau que cha mézhe, ènouya de
touzhou vèlau le po chouleta, l'y deci quemè cè è choupè—Bena quemè
rèque è te vayè rouzhayë lou blan des u, pi garlayë lou fon de ta
quelauta què te moude, de cougnashou qu'é te vetia dravouzhe tin de
mariau, de te premashou t'ashetau on boune bardou lou premi co que
lou meci repassezha vé nou che te vu me premi d'allau courtijè Benate
Coutouzhou qua a chequ'on de le lavezhi de beya deu pea de pinzhon na
pourtau de lapin, pi na brauva camiseula de lon-na verda, sè parlau
de le j'autr berneguije que le pourra ava è mariazhou—Qu'è dite? Che
té che dégredi qué sèble, fa z'eu va—Oh! qu'y l'y repondi apré ava
chonzhia on moumè è che grattè l'ourellie, pe zhon boune bardou ne me
dérèzhezhe pau, mais che vou veli me premi na cachquette à bequa, de
veu courtije dra vouzhe—Eh bin qu'è chaye—Allon bon lou vetia parti
vé chon croufou, éfile seu guétron neuvou, cha berjellie blanshe pi che
meton-ne, pi lou vetia ébarquau avoua on bon vizha-shin à la mon pi
na pipa de boui à la gueurzhe—Eyazhe fallu lou va moudau, on azhe
de lou marquis de Caraba s'èbarquè à la garra—Quemè é ne pau vra loin
pe zh'allau vé leu Coutouzhou è paucè pe la travacha, l'y arrevi justou
quemè y quemèchauvon à blayë après choupau.

—Boncha Bena que l'y deci lou pézhe Coutouzhou è lou vayè ètrau,
t'arreve justou pe nou j'adië à blayë, prè don na chala—Mais à prepeu,
te ne sezhe pretè pau venu pe courtije neutra Benate que té che biè
arrezhia cheti cha—Chefai que l'y repon Bena' de n'air décidau quemè
cho du greu shin de la Zhelizhe que meuh tui cé que pâchon—de si venu
pe courtije veutra Benate, che vou veli me la ballie, balliau me la, pi
che vou ne veli pau la mariau, gardau la, de ne si pau ple fo de lia
que na marda—Pi lou vetia reparti è fassè bodaye cha pipa sè lamè ava
ballia à Coutouzhou lou tin de repondre.

—Eh bin qu'è dete vou de che la courtija? pèchau-vou qui chon oncouzhe
biè épais leu gachon dégredi quemè chotië? E n'èpashe pau que depi cho
cha lé lou tin duzhe bin tellemè de Bena à chela peuvra Benate que l'è
réle tou lou grè zhou quemè on vé qu'on détreyë.

—Mè l'azha biau bramau pi bio rélau, le ne lou tin poncouzhe la peuvra
fellie va! è faudra bin na gaillarda oncouzhe ple réshodau que l'atie
pe dézhelau chomagna, contau z'i.....

_3eme refrain, sur l'air de la Liaudinna._

    Depi qui venu de la gara
    De l'ila de Mezhagaspa
    Mon Bena ple feu que na barra
    Y caujé quemè n'avouca
    Toute le fellië du vellazhou
    Ne couzhon qu'aprè cho gailla
    Le che vèdron bin tout'u grè diablou
    Si pouve le z'y fauzhe ava.


SCÈNE IV.

Ardi pézhe Sinlourinchou, que dit tout pe zhon co la mèze Grègueula que
chavounove lou nau de zè Crinlafra, raconto nous va azhi lou nouvè de
veutron carrou.

Ma, vous racontau de nouvé, mé vous plaizètau mèzhe Grégeula; vous sète
bin que n'è sai point.

De chava de nouvè é bon a vous que teni na che brova peteta betequa
su lou devè pe zh'atreye leu j'houmou qu'on fauta de rajo pi qu'on
che bin laizi de vous leu raconto ê n'atèdè jo tou de pouva plètau
lou maiton dê veutron plat à barba. Mé ma que n'ai, quemê vous saite,
pe louzhemè qu'on chaulou pete goule prelai su lou deri, que veliuous
que d'aprenia de nouvè pischque jamè nion ne vint betau lou nau dê
cho goule beurniou sè ne pau leu shin predu pi quoque travesi que
sheurshons louzhemè à bon marshia.

Pretê, quemè n'ai rè à vous refujo mezhe Grègueula, pisque lou pezhe
Groubaleuzha vint tié de vou betau la gueurzhe è bon gout ê vous parlè
de la mardea, è fau bin que me déboutouna tê se peu, quemè on dit vè
nous, pe taye de vous servi azhi on moucè arezhia à la mèma chocha.—Pi
aprè tout n'azhe pau pre cè fauta de biê me fourche leu bouè de la téta
pisque d'ai n'ébauda touta neuva à vous raconto quemè vous jalo va sè
vous beushie le j'ouzhelie.....

Què nous j'alizin devê-t-ye a cha à la buzhe pe zétreni apré velia,
nous trouvizhin neutra vashe barda troumèto du vé apeuprè quemé sezhe
neutron gré vaule pe zh'allau a le z'ébaude—vetia que biê—nous l'y
fuzhin tout de suite na bena paille, pi, quemè neutra servèta ame greu
s'équipau de chela seurta de mécanique tié, è fut don convenu qué sezhe
lia que velliezhe chela vashe.

Le s'ézhe don bravamè instalo é-n'arret deri chelà bête e-n'atèdè—«On
azhe de on rena ê-n'arret deri na darbounize è-n'attèdè que lou darbon
venie» que tout pe zhon co le vi veni quoque seuja ne ressèblê ê rê
leu liapon d'on vé quemè é deve ètre.—Allons, sè lamé prède lou tein
de biè che rèdre contou de che que chauve po, vetia ma grè bardala de
serveta que vinsi u grê galou creyau a la peurta de la maijon: Maître,
maître, livau vous don pe veni va, de crayou qu'é ton bouquin que la
barda vu fauzhe, on l'y va zhia la barba!...

D'azha bin voulu coure va chela bête, mais lou coualion de ma shemije
se trouvi bin che biê êtrefeshia dê cho moumê avouai cho de neu tra cha
maître que ne poussi pô me relevau tout de suite.

Pédê cho tein la servèta ézhe recouria à chon peustou pe zhatêdre
l'évenemê. Mé cho diablou de và ne venive touzhou pau à shavon!—Que
fauzhe?—Enouya de touzhou attêdre, ma benea gaillarda de servèta prit
tout simplamê l'idè de treye chela petetea bête ê l'ou preniê pe che
que le prenive pe de barba pi que n'ezhe autre sheuje que lou shavon de
la couva du vé.

Ah, mé le ne perdi pau chon tein..... Tout pe zhon co che l'ênimea
de vé que venive u mondou lou petreyau lou premi che meti a trompetau
ê possê cho foutu èshali que l'étrenive tê lou vètrou, pedè qu'è memou
tein, pe che déconliau sè douta, l'èviy na bardelia de n'espèche de pau
belete è plin vezazhou de ma zhauna de servéta que lou tezhauve pe la
couva è reyè touta chouleta à grê gueurzhe déplaya....

Che de vou dija que l'è na mèzhia de che le po de qua ly servi de
dezhon lou lédemon matin, de mêtron petétre omp eu, mé pe lou sui l'è
na pauchablamè avalau pisqu'é l'y é seurtive oncouzhe pe le j'ouzhellie
pi pe lou nau devè que le che décayouniche cheti matin pe veni a la grê
mecha—vous demèdou ompeu che nous zé n'in ri vé nous!....

_4eme refrain, sur l'air du refrain de ma babé._

    Ami qu'amau le po belete
    Vous n'a don qu'a betau lou nau
    U cu d'on vé què y trompete    } _bis_
    Vou sezha servu quemé fau.     }



DEUXIÈME PARTIE


LA GUARRA

LA GUERRE

_Air: de l'«Abdication de Napoléon 1er»_


  1

  Qué l'Allemand, seurtè de la Baviézhe,
  E l'énau mil vouë cè choicèté-di,
  Passi lou Rhin, traveci la frontiézhe,
  Pe veni ravazhië neutron pays,
  De tui leu lion la trompeta d'alarme,
  De la Fronche, neutra mézhe patri,
  Rappeli tui seu z'éfè sous le j'arme
  Pe delivrau lou pays évahi.          (_bis_)

              1

              Quand l'Allemand, sortant de la Bavière,
              En l'année mil huit cent soixante dix,
              Passa le Rhin, traversa la frontière,
              Pour venir ravager notre pays,
              De tous les côtés la trompette d'alarme,
              De la France, notre mère patrie,
              Rappela tous ses enfants sous les armes
              Pour délivrer le pays envahi.       (_bis_)

  2

  Mais cé gari, ènivrau de couzhazhou,
  Ont biau che battre quemé de leyon,
  Que pouvon t-y luttè yon contre quatrou,
  Mèquè de pon, mèquiè de munition;
  Mau quemèdau, écrajau pe lou nombrou,
  Biè che fou thiau pleteu que requelau,
  Pleteu qu'ava leu déjoneu, u l'hontou
  D'abédounau on carrou du drapeau.    (_bis_)

              2

              Mais ces guerriers, enivrés de courage,
              Ont beau se battre comme des lions,
              Que pouvaient-ils un contre quatre,
              Manquant de pain, manquant de munitions,
              Mal commandés écrasés par le nombre,
              Beaucoup se font tuer plutôt que de reculer,
              Plutôt que d'avoir le déshonneur, la honte
              D'abandonner un coin du drapeau.    (_bis_)

  3

  De cé héros, victime de la garra,
  De cé vaillè meu devè l'ennemi;
  Leu nion écri su de plaque de marbra
  Sezhon, dé tui leu quèton du pays;
  Pe rappelau à la nouvala Fronche
  Cé frézhe meu défèdè la Patri,
  E n'attèdè l'hozha de la vèzhonche
  De cé j'ami gardin lou souveni.      (_bis_)

              3

              De ces héros, victimes de la guerre,
              De ces vaillants morts devant l'ennemi;
              Les noms écrits sur des plaques de marbre
              Seront, dans tous les cantons du pays;
              Pour rappeler à la nouvelle France
              Ces frères morts défendant la Patrie,
              En attendant l'heure de la vengeance
              De ces amis gardons le souvenir.    (_bis_)



LA SÊ MARTIN

LA SAINT MARTIN

_(Revue et complétée) air connu._


  1

  Vetia la sê Martin qu'apruushe
  Neutron vole dà s'ênalo,
  Che nous pardin neutron vole
  Nous pardin tout,
  Nous fazhin mauvais moineazhou
  Ma pis vous.
  Tralalalala, lalalalala
  Tralalalala lalalalala.

              1

              Voilà la St Martin qui approche
              Notre valet doit s'en aller,
              Si nous perdons notre valet
              Nous perdons tout,
              Nous ferons mauvais ménage
              Moi et vous.

  2

  Vu-t-on chava che que nous mèzhin
  Quê nous sint tui vé la maijon,
  Lou vole pi neutra maitrecha
  Ont de pon blan;
  Lou minnou nea quemê de trefa
  Peuvrou Zhon!

              2

              Veut-on savoir ce que nous mangeons
              Quand nous sommes tous à la maison,
              Le valet et notre maîtresse
              Ont du pain blanc;
              Le mien est noir comme du tourteau
              Pauvre Jean!

  3

  Vu-t-on chav ache que nous bavin
  Quê nous chin tui vé la maijon,
  Lou vole pi neutra maitrecha
  Vont u ponchon;
  Ma de bavou à la chelieta
  Peuvrou Zhon!

              3

              Veut-on savoir ce que nous buvons
              Quand nous sommes tous à la maison,
              Le valet et notre maîtresse
              Vont au tonneau;
              Moi je bois à la seillette
              Pauvre Jean!

  4

  Querau vous bin quemê nous cushin,
  Quê nous sint tui vè la maijon,
  Lou vole pi neutra maitrecha
  Ont de lia blanc;
  Pi ma de cushou su la mata
  Peuvrou Zhon!

              4

              Croiriez-vous bien comment nous couchons,
              Quand nous sommes tous à la maison,
              Le valet et notre maîtresse
              Ont des lits blancs;
              Et moi je couche sur la mate
              Pauvre Jean!

  5

  Apre cè saite-vous la sheuja
  Que me crive lou mé lou cœu,
  Et quê lou vole pi la maitrecha,
  Font ê chœur,
  Femau lou fregon, la panoucha
  L'amadeu.

              5

              Après cela savez-vous la chose
              Qui me crève le plus le cœur,
              C'est quand le valet et la maîtresse,
              Font en chœur,
              Fumer le fourgon, la panosse
              Et l'amadou.

  6

  Vouzhêdra vous tui que m'équetau
  Reteni biê chela leçon:
  Cozi toujhou là laide fena
  Tin chon rang,
  Tie que de che n'oumou, la brova
  Fa on Zhon!

              6

              Maintenant tous qui m'écoutez
              Retenez bien cette leçon:
              Presque toujours la laide femme
              Tient son rang,
              Là où de son mari, la belle
              Fait un Jean!



NA BATAILLIE DE FELLIË

UNE BATAILLE DE FILLES

ou

LES FILLES DE BOISSEY ET DE CHEVROUX


  1

  Ne sai pau vra biè shètau,
  Mè vous contezhe na seu-ja,
  Que vin l'amè d'arrevau,
  Pi que ne pau biè mau dreula,
  Vou j'allau va que le fellië,
  De Boicha pi de Shievro,
  N'èparmon pau jo guenellië,
  Pau lamè leu co d'etrellië,
  Qué lon bio jo pete co.

              1

              J'ne sais pas vrai bien chanter,
              Mais j'vous conterai une chose,
              Qui vient seulement d'arriver,
              Puis qui n'est pas bien mal drôle,
              Vous allez voir que les filles,
              De Boissey et de Chevroux,
              N'épargnent pas leur guenille,
              Pas seulement les coups d'étrille,
              Quand elles ont bu leur petit coup.

  2

  Què vin lou Vendredi-Chin,
  E faudre va che le zête,
  Pe zhallau à Donmartin
  E viazhou pe toute béte:
  Le che pienon, le che frijon,
  Le che lavon bien lou nau,
  Le che bredon, le che mirion,
  Le che nipon, le ch'ajuston,
  Le che monton quemé faut.

              2

              Quand vient le Vendredi Saint,
              Il faudrait voir ces Josephtes,
              Pour aller à Dommartin
              En voyage pour toutes bêtes:
              Elles se peignent, elles se frisent,
              Elles se lavent bien le nez,
              Elles se brident, elles se mirent,
              Elles se nippent, elles s'ajustent,
              Elles se montent comme il faut.

  3

  Chete yè su leu Pelo,
  Le fameuje Boichatizhe
  Prizhon on brondai de bio,
  Y pèdizhon de Brouyzhe.
  —Biè pêchau, deci Claudine,
  E sèblezha on drapeau,
  Vedre-te bin Madeline
  Me prétau ta capeline
  Pe zh'on peu mio lou marquau.

              3

              Cette année sur le Peloux,
              Les fameuses Boissatières
              Prirent une branche de bouleau,
              Y pendirent des bruyères.
              Bien pensé, dit Claudine,
              Ça semblera un drapeau,
              Voudrais-tu bien Madeline
              Me prêter ta capeline
              Pour un peu mieux le marquer.

  4

  Mais é beu de Dommartin,
  Arrevizhon le premizhe,
  Ushè quemè de lutin,
  Le terrible shievroutizhe.
  You hi hi, tra la la lire
  Vive le fellie de shievro!
  Veni don grè Boichatizhe
  Qu'on piene veutre brouyzhe,
  Qu'on vous trenate on bon co.

              4

              Mais au bois de Donmartin,
              Arrivèrent les premières,
              Huchant comme des lutins,
              Les terribles Chevroutières.
              You hi hi, tra la la lire
              Vivent les filles de Chevroux!
              Venez donc grandes Boissatières
              Qu'on peigne vos bruyères,
              Qu'on vous tresse un bon coup.

  5

  Shievroutizhe, couajau vou,
  Repondon le Boichatizhe,
  Nou chavin bin que cho zhou
  Vou fazhau quauque bétije;
  Dè touta neutra paroushe
  On ne parle que de vou,
  On dit que, greuche guenioushe,
  Vous faites chounau le lioushe
  Mè que le fene de vè nou.

              5

              Chevroutières, taisez-vous,
              Répondent les Boissatières,
              Nous savions bien que ce jour
              Vous feriez quelques bêtises;
              Dans toute notre paroisse
              On ne parle que de vous,
              On dit que, grosses godiches,
              Vous faites sonner les cloches
              Plus que les femmes de chez nous.

  6

  Que peut-on dezhe de vou?
  Reprenion le shievroutizhe
  On cha bin qu'aqueuta nou
  Vou n'ète que de vashizhes.
  Pédè qu'à trava lou mondou
  Nou chin renoumau pretou,
  E n'a pau lamè velazhou
  E defeu de veutron carou
  Qu'on ne che mouque de vou.

              6

              Que peut-on dire de vous?
              Reprennent les Chevroutières
              On sait bien, qu'à côté de nous
              Vous n'êtes que des vachères.
              Pendant qu'à travers le monde
              Nous sommes renommées partout,
              Il n'y a pas seulement un village
              En dehors de votre quartier
              Où l'on ne se moque de vous.

  7

  Voua vous été renoumau.
  Pi de na dreula manièzhe,
  Pichqu'èye pe petioulau
  Ple chouvè que veutre mézhe.
  Che vou j'avo ompeu d'hontou
  N'izhau vou pau vou cashie
  Què é che di pe lou mondou
  Que dèche de mézhe caïe
  Ne chon brauve qu'à la chou.

              7

              Oui, vous êtes renommées.
              Mais d'une drôle manière,
              Puisque c'est pour faire des petits
              Plus souvent que vos mères.
              Si vous aviez un peu de honte
              N'iriez-vous pas vous cacher
              Quand il se dit par le monde
              Qu'ainsi des mères truies
              Ne sont belles qu'à la porcherie.

  8

  S'éya de caïe vé nou,
  Ne t'eu pàu què vous y éte,
  Què leu magna vont vé vou
  On cha bin quemè vous faite:
  Que l'achon lou tâ, la raushe
  Tui leu j'houmou vou chon bon
  Pessè dè privau le j'autre
  Vous éte toute pro chaule
  Pe n'è pau refujau yon.

              8

              S'il y a des truies chez nous,
              N'est-ce pas quand vous y êtes,
              Quand les magnats vont chez vous
              On sait bien ce que vous faites:
              Qu'ils aient le «tâ»[5] la «ràche»[6]
              Tous les hommes vous sont bons
              Pensant d'en priver les autres
              Vous êtes toutes assez sales
              Pour n'en pas refuser un.

  9

  Aprè s'étre tout creïau,
  Le quemèchon la bataille;
  Le gauge, leu co de pau
  Veulon quemè la mitraille;
  Le s'èpenion, che débourlon,
  Le ch'attrapon pe lou nau.
  Chela bèda de female
  Quin-non quemè de cavales
  Qu'on vint lamè d'abadau.

              9

              Après s'être tout crié,
              Elles commencent la bataille;
              Les gazons, les coups de pieux
              Volent comme la mitraille;
              Elles s'empoignent, se dépeignent,
              Elles s'attrapent par le nez.
              Cette bande de femelles
              Cuinent comme des juments
              Qu'on vient seulement de mettre en liberté.

  10

  Le fajon bin tè de train,
  Que dè tou lou vézenazhou
  Tin qu'u bou de Dommartin
  On cru qu'é yézhe lou diablou,
  Lou maizhe pri che n'écharpa,
  Tui leu pompier jo fezi
  Et creïè pretou à l'ârma!
  Preni garda, è la gara,
  Nou z'étèdin l'ennemi.

              10

              Elles faisaient bien tant de train,
              Que dans tout le voisinage
              Jusqu'au bourg de Donmartin
              On crut que c'était le diable,
              Le maire prit son écharpe,
              Tous les pompiers leur fusil
              En criant partout: Aux armes!
              Prenez garde, c'est la guerre,
              Nous entendons l'ennemi.

  11

  Aprè cè, chon ne vu pau
  Fauzhe frapau de médaille,
  Que l'on pretè mezhetau,
  Dè che l'étrèzha bataille,
  E faudre à che le fellie
  Qu'avon bu on che greu co
  Fauzhe èviau quauque boutellié,
  De bon vin vio que petellie,
  Pe refauzho notrou co.

              11

              Après cela, si on ne veut pas
              Faire frapper de médailles,
              Qu'elles ont pourtant méritées,
              Dans cette étrange bataille,
              Il faudrait à ces filles
              Qui avaient bu un si gros coup
              Faire envoyer quelques bouteilles,
              De bon vin vieux qui pétille,
              Pour refaire une autre fois.

[5] Tâ—sang vicié.

[6] Rache—sorte de gale.



LA VIA DU MONDOU

LA VIE DU MONDE


  1

  L'èfè dessus la tarra
  Ne pau cheteu venu
  Qu'y bèle creie à l'arma,
  Devè d'uvri leu zu,
  On dezhe qui sin zhia
  Lou troumè de la via.

              1

              L'enfant dessus la terre
              N'est pas sitôt venu
              Qu'il pleure, crie aux larmes,
              Avant d'ouvrir les yeux,
              On dirait qu'il sent déjà
              Les tourments de la vie.

  2

  Què l'on di-z'è le fellië
  Parlon de le poupé,
  Leu gachon de le guellië
  Dé shevau, dé Joizé,
  A cho tein leu z'éfè
  Révon l'amujemè.

              2

              Quand elles ont dix ans, les filles
              Parlent de leur poupée,
              Les garçons de leurs quilles
              Des chevaux, des oiseaux;
              A ce temps les enfants
              Rêvent l'amusement.

  3

  A vingt è la jeunesse
  Ne chonzhe qu'é plaizi:
  Parlau galon, métréche,
  Vetia tou chon seuci;
  Mé lou tein dé j'amou
  Ne duzhe pau touzhou!

              3

              A vingt ans la jeunesse
              Ne songe qu'au plaisir:
              Parler galants, maîtresses,
              Voilà tout leur souci;
              Mais le temps des amours
              Ne dure pas toujours!

  4

  A trête è fleu de l'azhou
  Eye tein d'éparmau
  Seu revenu, seu gazhou,
  Chon pèche à che mariau,
  Què on vu che montau
  Eya greu à comptau.

              4

              A trente ans, fleur de l'âge
              Il est temps d'économiser
              Ses revenus, ses gages,
              Si l'on pense se marier,
              Quand on veut se monter
              Il y a gros à compter.

  5

  E vé la quazhètin-na
  Que cé que chon mariau
  Ont chouvè mé de pin-na,
  E fau touzhou gretau,
  Mé dè lou céliba
  On a moins de traca.

              5

              C'est vers la quarantaine
              Que ceux qui sont mariés
              Ont souvent le plus de peines,
              Il faut toujours bercer,
              Mais dans le célibat
              On a moins de tracas.

  6

  Què vint la chinquètin-na,
  Enouya du beneu,
  On ne craint pau la pin-na
  On sheurshe leu j'honeu,
  Sheution vedre vé lui
  Etre mézhe u marli.

              6

              Quand vient la cinquantaine,
              Ennuyé du bonheur,
              On ne craint pas la peine
              On cherche les honneurs,
              Chacun voudrait chez lui
              Etre maire ou marguillier.

  7

  Mé què la tra vingt n'houmou
  Dit: zhé pro travailla,
  Pe zh'étre pre trèquilou
  Lou réchtou de cha via,
  Cède tout è z'éfè
  Pe vivre sè tourmè.

              7

              Mais quand il a trois vingt l'homme
              Dit: J'ai assez travaillé,
              Pour être plus tranquille
              Le reste de sa vie,
              Cède tout aux enfants
              Pour vivre sans tourment.

  8

  Què vint la septètin-na
  On a biau che dreci,
  Rentier, cho qu'a de pin-na
  Quemèchon a croubi
  Pretè leu jon qu'èya
  Font touzhou leu gailla.

              8

              Quand vient la septantaine
              On a beau se redresser,
              Rentier, celui qui a de la peine
              Commencent à se courber
              Pourtant les uns qu'il y a
              Font toujours les gaillards.

  9

  A quatrou-vingt lou tarmou
  De la via ne pau loin,
  Leu feu quemè leu fablou
  Appreushon de la fin:
  E fau bon grè mau grè
  Prepazhau chon paquet.

              9

              A quatre-vingt le terme
              De la vie n'est pas loin,
              Les forts comme les faibles
              Approchent de la fin:
              Il faut bon gré mal gré
              Préparer son paquet.

  10

  Pischque su che la tarra
  Tui leu pau qu'on y fa
  Nou moin-non vè la tomba
  Que da nou recheva:
  Vivin don quemè fau
  Ne fint jamè lou mau.

              10

              Puisque sur cette terre
              Tous les pas qu'on y fait
              Nous mènent vers la tombe
              Qui doit nous recevoir:
              Vivons donc comme il faut
              Ne faisons jamais le mal.



LEU DOUJE MA DE L'ÈNAU

LES DOUZE MOIS DE L'ANNÉE

_Sur l'air du roi Dagobert_


  1

  E janvier, mà de fra
  On ne seu pau trou de vè cha,
  De nezhe de verlia
  Touta la quèpagne crevia;
  Pèdè la zhournau
  On fa la méliau,
  Pe che réshodau
  On va u fourniau,
  Mé lou cha, la vellia,
  Qu'on ne tui rezhoin près du foua,
  On brache leu jatou
  Chouvè tin qu'à l'arba du zhou.

              1

              En janvier, mois de froid
              On ne sort pas trop de chez soi,
              De la neige, du verglas
              Toute la campagne est couverte;
              Pendant la journée
              On fait la mêlée,
              Pour se réchauffer
              On va au fourneau,
              Mais le soir la veillée,
              Quand on est tous rejoint près du feu,
              On brasse les atouts
              Souvent jusqu'à l'aube du jour.

  2

  E fevri lou chelo
  Che fa va lou nau quauque co,
  Pe veni ranimau
  Carmètrè si ne pau zhelau;
  Et faut va cho zhou
  Fait pe leu j'amou,
  Tui leu rendez-vou
  Qui cashe pretou,
  Leu zheunou deu-j-à deu
  Vont fozhe brulau jo faulieu,
  Pèdé qu'à la méjon
  On prepazhe leu matafon.

              2

              En février le soleil
              Se fait voir quelque fois,
              Pour venir ranimer
              Carnaval s'il n'est pas gelé;
              Il faut voir ce jour
              Fait pour les amours,
              Tous les rendez-vous
              Qu'il cache partout,
              Les jeunes deux à deux
              Vont faire brûler leur folieux[7]
              Pendant qu'à la maison
              On prépare les matefins.

  3

  E mars la shoucha
  Qu'on ave étouya tout l'eva,
  Sé ne fa pau mé fra
  Quemèche à trache quauque rat;
  Mé le zhèboulé
  Dè lou renouvé,
  Epashon chouvè
  Dè fauzhe biè grè,
  On ne t'ècazhin-nau
  De zhon-nau lou vètrou fa mau,
  Mé à Pauque chounau
  Shaution pourra che rattrapau.

              3

              En mars, la charrue
              Qu'on avait rentrée tout l'hiver,
              S'il ne fait pas trop froid
              Commence à tracer quelques raies;
              Mais les giboulées
              Dans le renouveau,
              Empêchent souvent
              D'en faire bien long,
              On est «encarêmé»
              Déjeuner le ventre fait mal,
              Mais à Pâques sonné
              Chacun pourra se rattraper.

  4

  Avri on co venu
  Qu'on a ètèdu lou coucu,
  Tout quete la majon
  Sè va travaille dè leu shon;
  Eye dè cho mà
  Qu'on ba leu tremà
  Tui leu payjon
  Chenon à plin mon
  Dè leu beu, leu boichon
  Tui leu j'oizé, tinqu'u bushon,
  N'aréton de shètau
  Pédé qu'y senion jo couvau.

              4

              Avril une fois venu
              Qu'on a entendu le coucou,
              Tout quitte la maison
              S'en va travailler dans les champs;
              C'est dans ce mois
              Qu'on fait les semis
              Tous les paysans
              Sèment à pleine main
              Dans les bois les buissons
              Tous les oiseaux jusqu'au «buchon»,
              N'arrêtent de chanter
              Pendant qu'ils soignent leur couvée.

  5

  Mé de tui, éye mai
  Lou ma lou ple biau, lou ple gai,
  Dè cho tin de fleu
  Tout vit de plasi, de beneu.
  Dè tui leu verzhi
  Leu j'abrou à fri,
  Che sharzhon de lio
  De toutes coulo,
  Depi lou biau vashi
  Tinqu'u grè vaule, u bouvi,
  Shotion ressin l'ardeu,
  L'amou, reveni dè chon cœu.

              5

              Mais de tous, c'est mai
              Le mois le plus beau, le plus gai,
              Dans ce temps des fleurs
              Tout vit de plaisir, de bonheur.
              Dans tous les vergers
              Les arbres à fruits,
              Se chargent de fleurs
              De toutes couleurs,
              Depuis le beau vacher
              Jusqu'au grand valet, au bouvier,
              Chacun ressent l'ardeur,
              L'amour revenu dans son cœur.

  6

  Qué vint lou ma de juin
  Arreve lou moumè dé fein,
  U prau du grè matin
  On ne t'ashevau su l'èdin;
  Efau va cho fein
  Què é fa bon tein
  Chon lou fa chautau
  Touta la zhournau,
  Pretè chartin j'ouvri
  Ebleyon quauque co l'oti,
  Sé ya de fenezhi
  Dé leu prau pe le dèvreti.

              6

              Quand vient le mois de juin
              Arrive le moment des foins,
              Au pré du grand matin
              On est à cheval sur l'andain;
              Il faut voir ce foin
              Quand il fait beau temps
              Si on le fait sauter
              Toute la journée,
              Pourtant certains ouvriers
              Oublient quelquefois l'outil,
              S'il y a des faneuses
              Dans les prés pour les divertir.

  7

  E juillet la machon
  Qu'a mozhau depi la Sè zhon,
  Amin-ne dè leu shon
  Tout lou mondou de la méjon,
  Avoua qué plasi
  Leu bon machouni,
  Meurdon u chelion
  De quauque sezon,
  Cho qu'attrappe la crui
  L'habelie dé ple biau z'épi
  Què on prè lou rena
  On ushe à gueurzhe déplaya.

              7

              En juillet la moisson
              Qui a mûri depuis la St Jean,
              Amène dans les champs
              Tout le monde de la maison,
              Avec quel plaisir
              Les bons moissonneurs,
              Mordent au sillon
              De quelque Suzon,
              Celui qui attrape la croix
              L'habille des plus beaux épis
              Quand on prend le renard
              On huche à gorge déployée.

  8

  Mé de touta l'ènau
  Eye lou ma d'eu lou ple shau,
  Qu'on che fa don trauchau
  Chon n'équeu touta la zhournau,
  On co chon pali
  Pienau, biè bredau,
  Pi su chon greni
  Chon blau tou queblau,
  Tout contè lou fremi
  Rassèble tui seu machouni,
  On fa leu matafon
  On shète, on chequeu lou ponchon.

              8

              Mais de toute l'année
              C'est le mois d'août le plus chaud,
              Qu'on se fait donc suer
              Si on bat toute la journée,
              Une fois le pailler
              Peigné, bien bridé,
              Puis sur le grenier
              Le blé tout criblé,
              Tout content le fermier
              Rassemble tout ses moissonneurs,
              On fait les matefins
              On chante, on secoue le tonneau.

  9

  Septembre leu raijin
  Que nous baillon de che bon vin,
  Pe nous fauzhe shètau
  Chon mo, è fau leu ramachau.
  Dè cho mèmou tein
  On fa leu revein,
  Pi cé qu'on lési
  Prenion on fesi
  Mè chouvè lou premi
  Ne cha qu'à shourshië na gebi,
  Qu'on ne tuve pau teu
  Què bin le trouvau dè leu beu.

              9

              Septembre, les raisins
              Qui nous donnent du si bon vin,
              Pour nous faire chanter
              Sont mûrs, il faut les ramasser.
              Dans ce même temps
              On fait les regains,
              Puis ceux qui ont le loisir
              Prennent un fusil
              Mais souvent le permis
              Ne sert que pour chercher un gibier,
              Qu'on se garde bien de tuer
              Quand même on le trouve dans le bois.

  10

  E n'octobre leu zhou
  On zhia greu dèfourzhia vé nou,
  Preté leu payjon
  On greu d'euvra de tui leu lion,
  Et fau ramachau
  Pe pouva femau,
  Vitou labouzhau
  Pe coure chenau,
  E fau ètre pretou,
  A la mèjon, é shon u fou
  Chouvè è fau vellië
  Tinqu'à minai pe dépellië.

              10

              En octobre les jours
              Ont déjà gros diminué chez nous,
              Pourtant les paysans
              Ont beaucoup d'ouvrage de tous côtés,
              Il faut ramasser
              Pour pouvoir fumer,
              Vite labourer
              Puis courir semer,
              Il faut être partout,
              A la maison, aux champs, au four
              Souvent il faut veiller
              Jusqu'à minuit pour défeuiller.

  11

  E novembre leu zhou
  Devenion mauvais quemè tout,
  On ne va que brouilla
  Que chon chouvè brovamè fra.
  Què bin dè leu shon
  E n'y fa pau bon,
  E fau s'y teni
  Crevi leu ravi,
  E n'a pau mé de shau
  Le nai quemèchon à zhelau,
  La nezhe, leu zhevrin
  Suivont de prè la Sê Martin.

              11

              En novembre, les jours
              Deviennent mauvais comme tout,
              On ne voit que brouillard
              Qui sont souvent joliment froids.
              Lors même que dans les champs
              Il n'y fait pas bon,
              Il faut s'y tenir
              Couvrir ses raviers,
              Il n'y a plus de chaleur
              Les nuits commencent à geler,
              La neige, les givres
              Suivent de près la St Martin.

  12

  E décembre assui tout
  La shau, leu travau, leu biau zhou,
  Cho ma na que Nouyè
  Pe nou rèdre on peu de gaîté,
  Què vin la minai
  Dè che la grê nai,
  Shaution de tou cœu
  Fète lou sauveu,
  Pachau cho zhou l'ènau
  Sè va dèclinè à grê pau,
  Sêblé nou dezhe à tui
  Quemè tout pache, tout assui!

              12

              En Décembre finit tout
              Le chaud, les travaux, les beaux jours,
              Ce mois n'a que Noël
              Pour nous rendre un peu de gaîté,
              Quand vient la minuit
              Dans cette grande nuit,
              Chacun de tout cœur
              Fête le Sauveur,
              Passé ce jour, l'année
              S'en va déclinant à grands pas,
              Semblant nous dire à tous
              Comme tout passe! comme tout finit!

[7] Folieux ou brandon.



LA BELLE MARION

Air connu


  1

  J'aimerais mieux la belle Marion
  Que toutes vos demoiselles
  L'ène brauva, pi le ri
  L'ène faite à meu dési
  Grè Dieu que l'ène brauva
  De l'amou mio que n'autra.

              1

              J'aimerais mieux la belle Marion
              Que toutes vos demoiselles
              Elle est belle et elle rit
              Elle est faite à mes désirs
              Grand Dieu qu'elle est belle
              Je l'aime mieux qu'une autre.

  2

  Embrasse moi la belle Marion
  Embrasse moi ma mie
  Embrasse moi autant de fois
  Qu'il y a de feuilles dans ces bois
  De fleurs dans la prairie
  Embrasse moi ma mie.

              2

              Embrasse moi ma belle Marion
              Embrasse moi ma mie
              Embrasse moi autant de fois
              Qu'il y a de feuilles dans ces bois
              De fleurs dans la prairie
              Embrasse moi ma mie.

  3

  Mais què nou l'y fazhin l'amou
  N'y allin pau trou vitou
  Prequa ple vitou nou z'izhin
  Mais d'arzhè nous mezhezhin
  De m'amau che la brune
  La barba nou z'è fûme.

              3

              Mais quand nous lui ferons l'amour
              N'y allons pas trop vite
              Parce que plus vite nous irons
              Plus d'argent nous mangerons
              D'embrasser cette brune
              La barbe nous en fume.

  4

  Maitre vou ne s'ète don pau
  Che que leu meshiè deïon
  Y s'è von pretou deïè
  Que n'a pau chin seu vaillè
  Pe zh'ashetau na blauda
  Pe zh'allau va ma Liauda.

              4

              Maître vous ne savez donc pas
              Ce que les méchants disent
              Ils s'en vont partout disant
              Que je n'ai pas cinq sous vaillant
              Pour acheter un paletot
              Pour aller voir ma Claude.

  5

  Mon maitre m'y a repondu
  Ne sizh'ou pau bon maitre
  Va vendre ses six moutons
  Cela t'y fera de l'argent
  Pour acheter une veste
  Pour aller voir ta maîtresse.

              5

              Mon maître m'y a répondu
              Ne suis-je pas bon maître
              Va vendre ces six moutons
              Cela t'y fera de l'argent
              Pour acheter une veste
              Pour aller voir ta maîtresse.



N'AMETIA DÉPONDIA

UNE AMITIÉ ROMPUE


  1

  Holà meïa
  Te sevinte de ma,
  Du tinque deri ta peurta
  Te m'invitauve lou cha
  O ma meïa ressevinte de ma.

              1

              Hola mie
              Te souviens-tu de moi,
              Du temps que derrière ta porte
              Tu m'invitais le soir
              O ma mie ressouviens-toi de moi.

  2

  Oh lou magna, presqua vin-te vè ma
  Què ma mezhe pi ma tanta
  Aprè ta che chon faushia,
  Pî qu'à nautrou ma fa me si premia.

              2

              Oh le magnat, pourquoi viens-tu chez moi
              Quand ma mère et puis ma tante
              Après toi se sont fâchées,
              Et qu'à un autre, je me suis promise.

  3

  Meïa què bin à nautrou tè premia
  Va, nè si guézhou è pin-na,
  Me fou de te n'amitia,
  Dè treuvezhe na chie brauva que ta.

              3

              Mais quand même à un autre tu es promise
              Va, je n'en suis guère en peine,
              Je me fiche de ton amitié,
              j'en trouverai une plus belle que toi.

  4

  Tè mio, magna, mais rè me mon foula,
  Mon foula de brauva chaïa
  Que t'ava ballia on cha,
  On cha, que n'amauva que ta.

              4

              Tant mieux, magnat, mais rends-moi mon foulard,
              Mon foulard de jolie soie
              Que je t'avais donné un soir,
              Un soir, que je n'aimais que toi.

  5

  Oh non, Meïa, t'nazhé pau ton foula,
  Le vé nou dedè ma shombra,
  Dè on croufou bien froumau;
  Depi lontè dè n'ai perdu la liau.

              5

              Oh non, Mie, tu n'auras pas ton foulard,
              Il est chez nous dedans ma chambre,
              Dans un coffre bien fermé;
              Depuis longtemps j'en ai perdu la clef.

  6

  Gazha magna, ch'te ne rè pau tou,
  Ya de gachon u velazhou
  A qui n'azhe qu'à parlau
  Pe te fauzhe ballië dessus lou nau.

              6

              Gare magnat, si tu ne rends pas tout,
              Il y a des garçons au village
              A qui je n'aurai qu'à parler
              Pour te faire donner sur le nez.

  7

  Meïa, teu galon ne leu cregnou pau,
  Ma qu'ai fait mon tou de Fronche
  Depi Veria tin qu'à Crau,
  Jamais nion ne m'a ballia su lou nau.

              7

              Mie, tes galants je ne les crains pas,
              Moi qui ai fait mon tour de France
              Depuis Viriat Jusqu'à Cras,
              Jamais personne ne m'a donné sur le nez.

  8

  Fellie, gachon, vou date vou jamau,
  Mais che l'exèplon trou laidou,
  Pe shourshië à l'imitau
  Ne vou j'amau que tè què peut dezhau.

              8

              Filles, garçons, vous devez vous aimer,
              Mais si l'exemple est trop vilain,
              Pour chercher à l'imiter
              Ne vous aimez que tant que cela peut durer.



MA TANTA PERNETA

MA TANTE PERNETTE


  1

  Ma Tanta Perneta,
  A bin mau u da,
  L'a na vasche à trézhe, qui que la quinquelliezheta
  Qui que la tizhe la bouyeta,
  Qui que la traizha.

              1

              Ma Tante Pernette,
              A bien mal au doigt,
              Elle a une vache à traire, qui que la quinquillerette
              Qui que la tire la bouyette,
              Qui qui la traira.

  2

  Oh! dit ma vèzena, que bin dègredia,
  Baillau la greleta, ma d'y vai, quinquelliezheta,
  Ma d'y vai, tizhe la bouyeta,
  Ma d'y vai tout dra.

              2

              Oh! dit une voisine, qui est bien dégourdie,
              Donnez la grelette, moi j'y vais, quinquillerette,
              Moi j'y vais, tirer la bouyette,
              Moi j'y vais tout droit.

  3

  Allons ma bouyeta, ton lait baillava,
  Mais la vashe viva a bailla quinquelliezheta,
  A bailla, tizhe la bouyeta,
  A bailla du pia.

              3

              Allons ma bouyette, ton lait donne voir,
              Mais la vache vive a donné, qinquillerette,
              A donné, tire la bouyette,
              A donné du pied.

  4

  Foutia grè bardala t'au tou trabeshia,
  T'au goulia ma rouba, pi verchau, quinquelliezheta,
  Pi verchau, tizhe la bouyeta,
  Verchau ma creshia.

              4

              Fichue grande bardelle, tu as tout trébuché,
              T'as boué ma robe, puis versé, quinquillerette,
              Puis versé, tire la bouyette,
              Versé ma cruchée.

  5

  Què n'autrou co, tanta, lou mau vou prèda,
  Che vou j'a n'a vashe, que baille, quinquelliezheta,
  Que baille tizhe la bouyeta,
  Que baille du pia.

              5

              Quand un autre coup, tante, vous prendra,
              Si vous avez une vache, qui donne, quinquillerette,
              Qui donne, tire la bouyette,
              Qui donne du pied.

  6

  Vou la fazha traizhe à qui vedra,
  Pre ma me contètou de na sè... quinquelliezheta,
  De na sè... tizhe la bouyeta,
  De na sèpelia.

              6

              Vous la ferez traire à qui vous voudrez,
              Pour moi, je me contente d'une sem... quinquillerette,
              D'une sem... tire la bouyette,
              D'une sempillerée.

  7

  Oh qu'èya de fellie dè neutron Veria,
  Sè qu'on sè mèfeye, rebaillon, quinquelliezheta,
  Mè de na, tizhe la bouyeta,
  Mè d'na tourtelia.

              7

              Oh! qu'il y a des filles, dans notre Viriat,
              Sans qu'on s'en méfie, redonne, quinquillerette,
              Plus d'une, tire la bouyette,
              Plus d'une tortillée.



JOUZÉ BOUVA

JOSEPH BOUVARD


  1

  Veli vous chava na schèchon,
  De na fellië pi don gachon;
  La fellië chapale Marion,
  Le reste u velazhou d'amon,
  Le reste vé Shauné à Bala,
  Jouzé Bouva la va chouvè va.

              1

              Voulez-vous savoir une chanson,
              D'une fille et d'un garçon;
              La fille s'appelle Marion,
              Elle reste au village d'amont,
              Elle reste chez Chanel à Bel-Air,
              Joseph Bouvard la va souvent voir.

  2

  Tui leu cha, què y va la va,
  Y pauche pe d'ava la ma,
  Pi y travache lou verzhi,
  Creïe Marion, vin don m'uvri,
  De si venu va, cheti cha,
  Che te velive te mariau avoua ma.

              2

              Tous les soirs, quand il va la voir,
              Il passe en aval de la mare,
              Puis il traverse le verger,
              Crie: Marion, viens donc m'ouvrir,
              Je suis venu voir, ce soir,
              Si tu voulais te marier avec moi.

  3

  Marion Raufou l'y a repondu,
  De n'air brauvamè rejoulu:
  Sè yèzhe ton frézhe Frècha,
  De l'amezha bin mio que ta,
  Si m'ave parlau quemè ta
  L'y azha zhia bin de: qu'oua.

              3

              Marion Raffour lui a répondu,
              D'un air si joliment résolu:
              Si c'était ton frère François,
              Je l'aimerais bien mieux que toi,
              S'il m'avait parlé comme toi
              Je lui aurais déjà bien dit: oui.

  4

  Marion Raufou, te ne chau don pau
  Que mon frézhe, Frècha ne t'ame pau;
  Ma que de t'a touzhou tè amau
  Prequa ne vu te pau m'amau,
  Ma que d'ta fè la cou pèdè nè
  Teu bin de crazhe que te ne m'amerè.

              4

              Marion Raffour, tu ne sais donc pas
              Que mon frère, François, ne t'aime pas;
              Moi qui t'ai toujours tant aimé
              Pourquoi ne veux-tu pas m'aimer,
              Moi qui t'ai fait la cour pendant un an
              Est-ce bien de croire que tu m'aimes rien.

  5

  E travecè lou bou de Crau,
  Jouzè Bouva che betau a shètau;
  Eya l'atie à Marlou dè juë
  De l'azhe bin què dè vedre;
  Tui leu co que de l'y è n'a parlau
  Jamais chon pézhe ne me l'a refujau.

              5

              En traversant le bourg de Cras,
              Joseph Bouvard se mit à chanter;
              Il y a celle à Merle des œufs
              Je l'aurai bien quand je voudrais;
              Toutes les fois que je lui en ai parlé
              Jamais son père ne me l'a refusée.

  6

  Teu qu'a compeujau che la shèchôn?
  Eyë leu gachon du d'amont
  E bevè vé Mimi Raton
  A shau sheupene, sheupenon,
  Lon bin dépèchau vingt-chin fron
  Pe compeu Jau che la shèchon.

              6

              Qui est-ce qui a composé cette chanson?
              C'est les garçons d'amont
              En buvant chez Mimi Raton
              Par chopine, et chopinon,
              Ils ont bien dépensé vingt cinq francs
              Pour composer cette chanson.

  VARIETTA U DERI COUPLE

  Teu qua compeujau che la shèchon?
  Eyë bin tra bravou gachon:
  Lou premi n'a point de mèton,
  Lou chegon a leu pië reïon,
  L'autrou boussu quemè on benon,
  Ne t'eu pau tra brauvou gachon.

              VARIANTE AU DERNIER COUPLET

              Qui est-ce qui a composé cette chanson?
              C'est bien trois jolis garçons:
              Le premier n'a point de menton,
              Le second a les pieds ronds,
              L'autre est bossu comme un benon,
              N'est-ce pas trois jolis garçons?



LEU J'AMOUAZHO

LES AMOUREUX

_Air de «Jouzé Bouva»_


  1

  Saite-vou, qu'è Brache, leu gachon
  Ne che font pau mau de bon chon.
  De vou noumezha de magna
  Que sè pauchau pe de pailla,
  Treuvon moyen de chamouije,
  E n'ayè pau l'air d'y toushië.

              1

              Savez-vous, qu'en Bresse, les garçons
              Ne se font pas mal du bon sang.
              Je vous nommerais des magnats
              Qui, sans passer pour des paillards,
              Trouvent moyen de s'amuser,
              En n'ayant pas l'air d'y toucher.

  2

  Quemè vou parlau dé gachon?
  Vou ne parlau pau d'le sezon!
  Nè vedra point dezhe de mau;
  Pretè, è fau bin racontau
  Que le chavon treïè jo plan
  Pe leu rendez-vous è galan.

              2

              Comment: vous parlez des garçons?
              Vous ne parlez pas des Sezon!
              Je n'en voudrais pas dire du mal;
              Pourtant il faut bien vous raconter
              Qu'elles savent tirer leur plan
              Pour les rendez-vous aux galants.

  3

  Lou ple chouvè, eyë ta Bou,
  Que le leu baillon rendez-vou.
  Pre cè, lou mècredi matin,
  Què lon fait mèzhië leu pezhin,
  Le deïon: Mèzh'teu què vou fa,
  Laichau m'don allau u marshia.

              3

              Le plus souvent, c'est à Bourg,
              Qu'elles leur donnent rendez-vous.
              Pour ça, le mercredi matin,
              Quand elles ont fait manger les poussins,
              Elles disent: mère qu'est-ce que ça vous fait,
              Laissez-moi donc aller au marché.

  4

  Ma fa, la mezhe, sè mau pèchau
  Repon: vas-y, vai-me gardau;
  Faut-eu prepazhau lou pani?
  Pe teyë d'on peu t'avèci;
  On n'jamais trou teu arrevau
  P'vèdr'chon marshia quemè fau.

              4

              Ma foi, la mère, sans mal penser
              Répond: vas-y, j'vais me garder;
              Faut-il préparer le panier?
              Pour essayer d'un peu t'avancer;
              On n'est jamais trop tôt arrivé
              Pour vendre comme il faut son marché.

  5

  E mèmou tin, è n'affouré,
  Lou galan dit: s'é n'vou fa rè
  Pèzhe, d'izhe à Bou cheti voui,
  Zhai d'affauzhe à y allau quezhi.
  Pi lou pèzhe repon: vas-y,
  Zh'vai me gardau pichqu'è t'adi.

              5

              En même temps, en affourant,
              Le galant dit: Si ça ne vous fait rien
              Père, j'irai à Bourg aujourd'hui,
              J'ai des affaires à y aller chercher.
              Puis le père répond: vas-y,
              J'vais me garder puisque ça te va.

  6

  Vetia don neutreu j'amouazho,
  Contè de caroutau jo vio.
  Oh! què beneu! oh! què biau zhou!
  Y von che rencontrau à Bou,
  E fa bon che va, che parlau,
  Què leu vios ne s'è méfion pau.

              6

              Voilà donc nos amoureux,
              Contents de carotter leur vieux.
              Oh! quel bonheur! oh! quel beau jour!
              Ils vont se rencontrer à Bourg,
              Il fait si bon se voir, se parler,
              Quand les vieux ne s'en méfient pas.

  7

  Mais cè, ne pau de blau nouvè.
  Neutreu pézhe èn'on atè fai,
  Pichque de tout éternitau
  Lou mondou fu fait pe ch'amau;
  Dè j'amouazho, peuvin parlau
  Mais gardin-nous de leu blamau.

              7

              Mais cela, n'est pas du blé nouveau.
              Nos pères en ont autant fait,
              Puisque de toute éternité
              Le monde fut fait pour s'aimer;
              Des amoureux, nous pouvons parler
              Mais gardons-nous de les blâmer.



LEU Z'AUTRICHIENS A VERIA

LES AUTRICHIENS A VIRIAT


  1

  Coumèzhe vin donc cheti cha,
  Te racontezhe ne chaqua,
  Neutron Zhouzé nous j'a écrit
  Qu'y che batton è n'Italie,
  Avoué ces diablous d'Autrichiens
  Qu'on sé sevin chon che malins.

              1

              Commère viens donc ce soir,
              Je te raconterai quelque chose,
              Notre Joseph nous a écrit
              Qu'il se battait en Italie,
              Avec ces diables d'Autrichiens
              Que l'on s'en souvient sont si malins.

  2

  Y conte que cé grê groumè,
  Dévozhon tou, ne lèchon rè;
  I di, que rèque n'Autrichien,
  Peu bin mèzhië tui leu matin,
  Na doujin-na de greu poulé,
  Pi na grê panaria de juë.

              2

              Il conte que ces grands gourmands,
              Dévorent tout, ne laissent rien;
              Il dit, que rien qu'un Autrichien,
              Peut bien manger tous les matins,
              Une douzaine de gros poulets,
              Puis un grand panier d'œufs.

  3

  Y conte azhi que cé vaurè,
  Dévachton tou, n'épargnon rè;
  Y di, qui beton l'Itali
  Sè dessu dechou, sè devè deri,
  La po de leu reva vé nou,
  Me bete sè dessu dechou.

              3

              Il conte aussi que ces vauriens,
              Dévastent tout, n'épargnent rien;
              Il dit, qu'ils mettent l'Italie
              Sans dessus dessous, sans devant derrière,
              La peur de les revoir chez nous,
              Me met sans dessus dessous.

  4

  Coumézhe, cè teu bin vra va?
  E mé fa tou dreci lou pa,
  Si revenion pe leu Grefouë
  Gazha leu pinzhon, leu poule,
  Gazha ma cazhia de shapon,
  Pi neutra pourtau de caïon.

              4

              Commère, cela est-il bien vrai?
              Cela m'en fait dresser les cheveux,
              S'ils reviennent par les Greffets
              Garent les pigeons, les poulets,
              Garent ma cagée de chapons,
              Puis notre portée de cochons.

  5

  L'autrou co, pe neutron Veria,
  L'on tou mèzhia l'on tou pellia,
  L'on saigna tui neutreu nerin,
  Le quatrou shievre, lou bouquin,
  Leu bouë, le vashe, leu shevau,
  Leu poulain, tout y a pachau.

              5

              L'autre fois, par notre Viriat,
              Ils ont tout mangé, tout pillé,
              Ils ont saigné tous nos porcs,
              Les quatre chèvres, le bouquin,
              Les bœufs, les vaches, les chevaux,
              Les poulains, tout y a passé.

  6

  Pi què y vinsizhon vé nou
  E fuzhon-t-y moin que vé vou?
  L'on prè meu chabou, meu choula,
  Mon devèti, mon shemeza;
  Che qu'à lou mé faushia Zhouzé,
  E què l'on prè chon pelliezhé.

              6

              Puis, quand ils vinrent chez nous
              En firent-ils moins que chez vous?
              Ils ont pris mes sabots, mes souliers,
              Mon tablier, mon corsage;
              Ce qui a le plus fâché Joseph,
              C'est quand ils ont pris son tablier de peau.

  7

  Coumézhe, te ne dezhé pau
  Che que de vai te racontau:
  D'ézha on cha, dè mon shèbron,
  Apré remèdau meu shochon,
  Què é yè vinsi yon vé ma
  Dévena la raijon prequa?

              7

              Commère, tu ne diras pas
              Ce que je vais te raconter:
              J'étais un soir, dans ma petite chambre,
              En train de raccommoder mes chaussons,
              Quand il en vint un vers moi
              Devine la raison pourquoi?

  8

  Coumézhe, ne t'alarma pau,
  E m'èna bin mé arevau.
  On cha, apré na dèpellia,
  N'Autrichien m'a tè tourtellia,
  Qu'a la fin du biau ma de mai
  L'ènau apré, d'ava mon zé.

              8

              Commère ne t'alarme pas,
              Il m'en est bien plus arrivé.
              Un soir, après une «défeuillée»,
              Un Autrichien m'a tant tortillé,
              Qu'à la fin du beau mois de mai
              L'année après, j'avais mon Joseph.

  9

  Pichqu'èye fai, cashin z'eu biè,
  Che neutre fellie chavon cè,
  Le vedron toute, è n'Itali,
  Allau combattre l'ennemi,
  Quemè nou jin fai dè lou tein
  Avoué cé mémou z'Autrichien.

              9

              Puisque c'est fait, cachons y bien.
              Si nos filles savaient cela,
              Elles voudraient toutes, en Italie,
              Aller combattre l'ennemi,
              Comme nous avons fait dans le temps
              Avec ces mêmes Autrichiens.



NOUCHES BRACHONDES

NOCES BRESSANES

_Air de «Jouzé Bouvar»_


  1

  Meu j'ami, pich'què faut shètau,
  Du mariazhou, vai vou parlau;
  De vou racontezhe quemè
  Che font le nouche biè chouvè,
  A Veria, pi è z'èvezhon
  Què che marion reshou brachon.

              1

              Mes amis, puisqu'il faut chanter,
              Du mariage, je vais vous parler;
              Je vais vous raconter, comment
              Se font les noces bien souvent,
              A Viriat, et puis aux environs
              Quand se marient riches bressans.

  2

  Quemè è sè treuve, leu-j-on,
  Che mariant sè eu dezhe a nion,
  De chela seurta de cayon,
  Ne dezhe rè dè ma shéchon.
  Pe ne parlau que dé vivè,
  N'ébleyè nion è che mariè.

              2

              Comme il s'en trouve, les uns,
              Se mariant sans le dire à personne,
              De cette sorte de cochons,
              N'en parlons pas dans notre chanson.
              Je ne parlerai que des viveurs,
              Qui n'oublient personne quand ils se marient.

  3

  Lou zhou d'acourdaille fixau,
  On quemèche pe bien gueutau;
  Pi, quemè on ne vedre pau
  Che quetau sè tou arrétau,
  Eye chouvè tea dè la né,
  Què on s'é va, leu j'aqueu fé.

              3

              Le jour des accordailles fixé,
              On commence par bien dîner;
              Puis, comme l'on ne voudrait pas
              Se quitter sans tout arrêter,
              C'est souvent bien tard dans la nuit,
              Lorsqu'on s'en va, les accords finis.

  4

  Dè la majon de la premia
  Che pachezha sui lou contra;
  A le froumaille assistezhon
  Lau ple pré pazhè dè deu lion;
  Leu repau touzhou bien servu
  Montrezha qu'on a de-z-écu.

              4

              Dans la maison de la fiancée
              Se fera sans doute le contrat;
              Aux fiançailles assisteront
              Les plus proches parents des deux côtés;
              Le repas toujours bien servi
              Montrera que l'on a des écus.

  5

  Pèdè lou tein qui chon fiècha,
  Leu premi pachon brava via,
  L'ufron de froumaille pretou,
  Ne parlon que plazi, d'amou;
  On leu regale de matafon
  Dè toute le majon qui von.

              5

              Pendant le temps des fiançailles,
              Les promis passent une belle vie,
              Ils offrent des dragées partout,
              Ne parlent que plaisirs, d'amour;
              On les règale avec des matefins
              Dans toutes les maisons où ils vont.

  6

  La dimèshe avè lou gré zhou,
  Le pazhète dé j'alètou,
  Apeurton de grè panarië
  De beurou frais pite de juë;
  Le quemèchon cho zhou lou trin,
  Pe zh'anonche lou gré festin.

              6

              Le Dimanche avant le grand jour,
              Les parentes des alentours,
              Apportent de grands paniers
              De beurre frais et puis des œufs;
              Elles commencent ce jour le train,
              Pour annoncer le grand festin.

  7

  Lou lèdemon, fau va lou fou
  Chon lou fa femau tou lou zhou;
  Lou cha venion coulatiounau,
  Leu fameu pourtio de choupau
  Qu'èdiablon zhia touta la né
  Pèdè qu'on garna jo shapé.

              7

              Le lendemain, il faut voir le four
              Si on le fait fumer tout le jour;
              Le soir, viennent collationner,
              Les fameux porteurs de souper
              Qui endiablent toute la nuit
              Pendant qu'on garnit leurs chapeaux.

  8

  Dozha, lou matin, leu gachon
  Vè la felië, l'arrevezhon;
  Toushezhon du lion du matin
  E che dèche fè de teu tein.
  L'onœu de baille on premi co
  Rejarvau u gachon d'èpo.

              8

              De bonne heure, le matin, les garçons
              Chez la fille, ils arriveront;
              Frapperont du côté du matin
              Il s'est toujours fait ainsi.
              L'honneur de donner le premier coup
              Est réservé au garçon d'honneur.

  9

  Vè la felië è leu j'attèdè,
  De la nè, on ne dreme rè
  Pe repondre à ces ébaudi;
  Qu'on ferouille è vayè veni,
  Dè la majon yazha biè sui
  Le feurte lingue du pays.

              9

              Chez la fiancée, en les attendant,
              De la nuit, ils ne dorment pas
              Pour répondre à ces ébaudis;
              On ferme la porte quand on les voit venir,
              Dans la maison, il y a sûrement
              Les meilleures langues du pays.

  10

  Què des deu lion ya che qu'é fau,
  E fau leu z'ètèdre blagau,
  Què bin defeu l'on bon bagou
  Chavon trouvau mille détou,
  E fau bin pe che fauzhe uvri
  Reclamau che qu'on vin quezhi.

              10

              Quand des deux côtés, il y a ceux qu'il faut,
              Il faut les entendre blaguer,
              Quand bien dehors, ils ont bonne langue
              Savent trouver mille détours,
              Il faut bien pour se faire ouvrir
              Réclamer ce qu'ils viennent chercher.

  11

  Leu vetia don dè la majon,
  Mè on di: Meu peuvrou gachon,
  Sè neutre felië què vou fau
  Sheurshau le, nou n'èpashin pau,
  Mè vou n'azha à dézhon-nau
  Que què vou le j'azha trouvau.

              11

              Les voilà dans la maison,
              Mais on leur dit: Mes pauvres garçons,
              Si ce sont nos filles que vous voulez
              Cherchez-les, nous n'empêchons pas,
              Mais vous n'aurez à déjeuner
              Que lorsque vous les aurez trouvées.

  12

  Vetia don neutreu bon cadet,
  Sheurshè quemin de shin d'arret
  Y vont betè lou nau pretou:
  Dè leu poulali, dè le chou;
  L'onœu de le menau din-nau
  T'a cho que pourra le trouvau.

              12

              Voilà donc nos bons cadets,
              Cherchant comme des chiens d'arrêt
              Ils vont mettant le nez partout:
              Dans les poulaillers, dans les tects à porcs;
              L'honneur de les mener déjeuner
              Est à celui qui pourra les trouver.

  13

  A din-nau, pourtio de choupau,
  Avaion ch'que l'on appourtau.
  Eya dè chela prouvision,
  De vin, de tautra, de pounion
  Pe zh'attrapau leu ple préchau,
  Ya de seuje qu'on ne dit pau.

              13

              Au déjeuner, les porteurs de souper,
              Montrent ce qu'ils ont apporté.
              Il y a dans ces provisions,
              Du vin, de la tarte, du pognon
              Pour attraper les plus pressés,
              Il y a des choses qu'on ne dit pas.

  14

  Lou fameu dézhon-non assui,
  Vite on fa signe u ménetri
  D'allau baille na segneulau
  Pe l'atië, que da che mariau;
  La sharzhe de betau l'ètrain,
  U gachon d'èlion le revin.

              14

              Le fameux déjeuner fini,
              Vite on fait signe au ménétrier
              D'aller donner une signolée
              Pour celle qui doit se marier;
              La charge de mettre l'entrain,
              Au garçon d'honneur revient.

  15

  Pi, què vin l'hozha de moudau,
  On va prepazhau leu shevau;
  D'autrou co, bra dessus, dechou,
  E deu-j-a deu, qu'on va u bou;
  Chau qu'afatië va lou premi,
  Pi, après lui leu menétri.

              15

              Puis, quand vient l'heure de partir,
              On va préparer les chevaux;
              D'autre fois, c'est bras dessus dessous,
              Et deux à deux, que l'on va jusqu'au bourg;
              Celui qui balaye va le premier,
              Puis, vient ensuite les menétriers.

  16

  A l'èlige on sui leu z'èpo,
  A la chacristi quèque co;
  Aprés cè, on s'en izha tui
  A l'auberge che dévreti,
  On fa bodaye lou vin shau
  Pède qu'che prepazhe lou gueutau.

              16

              A l'église, on suit les époux,
              A la sacristie, quelque fois;
              Après cela, on s'en va tous
              A l'auberge se divertir,
              On fait fumer le vin chaud
              Pendant que se prépare le dîner.

  17

  On arréte, quosi touzhou,
  La noucha que s'è va du bou,
  On courdè, barre lou shemin,
  Pèdè qu'on leu z'ufre de vin.
  Pichequé n'onœu d'ètre arrétau
  Fau don chava s'exécutau.

              17

              On arrête, presque toujours,
              La noce qui s'en va du bourg,
              Un cordeau, barre le chemin,
              Pendant qu'on leur offre du vin.
              Puisque c'est un honneur d'être arrêté
              Il faut savoir s'exécuter.

  18

  E n'arevè à la majon,
  On leu j'acu leu grenaton;
  A la mariau, on ufre de vin,
  U mariau, d'èdië, à plin tepin;
  On prè pe lou panau lou nau
  Na panoucha biè maushezhau.

              18

              En arrivant à la maison,
              On leur jette des petites graines;
              A la mariée, on offre du vin,
              Au marié de l'eau un plein pot;
              On prend pour lui essuyer le nez
              Un torchon bien machuré.

  19

  Pi, è n'ètrè dè la majon,
  Pe tarra, éyazha on ron,
  Che la mariau feule dessus
  E mauvais signe à tui leu zu,
  Che la choin de lou relevau
  On flattezha tui lou mariau.

              19

              Puis, en entrant dans la maison,
              Par terre il y a un balai.
              Si la mariée marche dessus
              C'est un mauvais signe à tous les yeux,
              Si elle a le soin de le relever
              On flattera tous le marié.

  20

  Ne parlin guézhou du gueutau,
  On cha qu'èya greu de fricau,
  Après leu zheunou dèchezhon,
  Leu vios, bezhon u shètezhon,
  D'autrou pet'étre courtijezhon,
  Shotion peu rizhe à cha fachon.

              20

              Ne parlons guère du dîner,
              On sait qu'il y a beaucoup à manger,
              Après les jeunes danseront,
              Les vieux, boiront ou chanteront,
              D'autres peut-être courtiseront,
              Chacun peut rire à sa façon.

  21

  P'le nouche du deri mariau,
  Lou cha, on fazha sè mèquau,
  A che n'honœu on foa de joa,
  Qu'éye la mariau qu'èprèda,
  On va tui latou, sè fa bon,
  Dèche, chautau on rigoudon.

              21

              Pour les noces du dernier marié,
              Le soir, on fera sans manquer,
              A son honneur un feu de joie,
              Ce sera la mariée qui l'allumera,
              On va tous autour, s'il fait beau temps,
              Danser, chanter un rigodon.

  22

  Lou cha, che le peu, la mariau,
  S'en izha pe che repeujau.
  On va, lou lèdemon matin,
  La quezhi su on cha de fin,
  Bien garni de planshe pretou,
  Nion ne peu s'èguin-neo dechou.

              22

              Le soir, si elle peut, la mariée,
              S'en ira pour se reposer.
              On va, le lendemain matin,
              La chercher sur un char de foin,
              Bien garni de planches partout,
              Personne ne peut se faufiler dessous.

  23

  On co que l'époujau dessus,
  Qu'y on montau sè qu'on voulu,
  Avoua na choa, de bataillon,
  S'y appleyon, leu bon luzhon;
  Pi ardi, è trava boachon,
  On chaute tinqu'è bazhagnon.

              23

              Une fois que l'épousée est dessus,
              Qu'y sont montés ceux qui ont voulu,
              Avec une corde, des bataillons,
              S'y attèlent les bons lurons;
              Puis hardi à travers buissons,
              On saute jusqu'aux baragnons.

  24

  Pi, què la sharau dè la cou,
  Vite on n'èprè lou foa dechou,
  Cè, pe prèveni l'èpoujau,
  Que dè la via, è fau contau
  D'ava petétre de z'énui
  Lou lèdemon dé grè plézi.

              24

              Puis, quand le char est dans la cour,
              Vite on éclaire le feu dessous,
              Ça pour prévenir l'épousée,
              Que dans la vie, il faut compter
              D'avoir peut-être des ennuis
              Le lendemain des grands plaisirs.

  25

  Cho zhou, leu grè j'amouijemè,
  Quemè la vellie n'arréton rè;
  Mè lou cha, la zheuna mariau,
  Sè retournezha prepazhau
  Chon paquet, pe lou sèmedi,
  Que chon j'houmou izha quezhi.

              25

              Ce jour, les grands amusements,
              Comme la veille n'arrêtent pas;
              Mais le soir, la jeune mariée,
              Se rentournera préparer
              Son paquet, pour le samedi,
              Que son mari ira chercher.

  26

  L'èpoujau, pe lou premi co,
  Cho sèmedi, caushe vè l'èpo;
  Lou lèdemon du grè matin,
  On leu peurte la choup'è vin
  Pe leu z'èpashië, d'vè lou quezhau,
  A la mecha de fringalau.

              26

              La mariée, pour la première fois,
              Ce samedi, couche avec son époux;
              Le lendemain du grand matin,
              On leur porte la soupe en vin
              Pour leur empêcher, devant le curé,
              A la messe de fringaler.

  27

  La dimèshe, é lou renouchon,
  Qu'on fa pe cé dè z'èvezhon,
  Qu'à le nouche étè invitau
  N'avon pau tui pu y allau;
  Sè s'y treuve quauque vio gachon,
  Le sui d'èpourtau lou greton.

              27

              Le dimanche, du retour de la noce,
              Que l'on fait pour ceux des environs,
              Qu'aux noces ils étaient invités
              Et n'avaient pu tous y aller;
              S'il se trouve quelque vieux garçon,
              Il est sûr d'emporter le croûton.

  28

  Vouë zhou apré, è l'arcanau,
  Dè la famelië de la mariau,
  Cheuco è sezha la vra fin
  Dè j'amouijemè, du festin;
  On quete leu zheunou mariau,
  Leu choatè grè postézhitau.

              28

              Huit jours après, a lieu l'acarno[8],
              Dans la famille de la mariée,
              Cette fois, c'est la vraie fin
              Des amusements, du festin;
              On quitte les jeunes mariés,
              Leur souhaitant grande postérité.

  29

  Ami, què de me marië-zhe,
  A me nouche vou z'invitezhe;
  Mè d'accourdaille è n'arcanau,
  Sè da dezhau sè débredau
  Pèdè quosi deu ma èti,
  Attedi, mè vé rèflèchi!

              29

              Amis, quand je me marierai,
              A mes noces, je vous inviterai;
              Mais des accordailles à l'acarno,
              Si ça doit durer sans discontinuer
              Pendant presque deux mois entiers,
              Attendez, je vais réfléchir!

[8] Dernier jour du festin.



LOU BANQUET DES VIOS GACHONS A VERIA

LE BANQUET DES VIEUX GARÇONS A VIRIAT


  1

  Dé la quemena de Veria,
  Vouë zhou apré la sé t'Eggueta,
  Leu vios gachons che chon paya
  On gré geutau vé la zhaqueta,
  Mé leu j'houmou mariau
  Pe ne pau dérèzhie jo moinnazhou,
  Mé leu j'houmou mariau
  N'y devon pau betau le nau.

              1

              Dans la commune de Viriat,
              Huit jours après la Ste Agathe,
              Les vieux garçons se sont payés
              Un grand dîner chez la Jacquette,
              Mais les hommes mariés
              Pour ne pas déranger leur ménage,
              Mais les hommes mariés
              N'y devaient pas mettre le nez.

  2

  Què vinsi la fin du gueutau,
  Shaution beve à cha maniézhe:
  Leu j'on, velivon de vin shau,
  D'autrou, toushauvon su la biézhe,
  Y che chon tè conliau
  Qu'y fajon rizhe
  Le quezenizhe,
  Y che chon tè conliau
  Qu'y n'è poujon pau mé bauliau.

              2

              Quand vint la fin du dîner,
              Chacun buvait à sa manière:
              Les uns, voulaient du vin chaud,
              D'autres, touchaient sur la bière,
              Ils se sont tant gonflés
              Qu'ils en faisaient rire
              Les cuisinières,
              Ils se sont tant gonflés
              Qu'ils n'en pouvaient plus bailler.

  3

  Pretè devè de che quetau
  Apré ava pro fait ripaille,
  Neutreu gailla ont décidau,
  Pe zh'èvitau toutes batailles;
  Que t'è qu'y treuvezhon
  Fellie u fene
  Le chon toute bene,
  Que dèchon sè fachon
  Jamais fena y ne prèdon.

              3

              Pourtant avant de se quitter
              Après avoir fait ripaille,
              Nos gaillards ont décidé,
              Pour éviter toutes batailles;
              Que tant qu'ils trouveront
              Filles ou femmes
              Elles sont toutes bonnes,
              Qui dansent sans façon
              Jamais femme ils ne prendront.

  4

  Fellie ne vou déjoulau pau
  Qué bin sè vios galon vou grondon,
  L'idèe, la fauta de mariau,
  Leu prèda pre teu qu'y ne conton,
  Lou cœu d'on vio gachon
  Quemè de brauja
  Que touzhou shauda
  E faut lou revozhië
  Pe lou fauzhe reboda-ye.

              4

              Filles ne vous désolez pas
              Quand même ces vieux garçons vous grondent,
              L'idée, la faute de marier,
              Les prendra plutôt qu'ils ne comptent,
              Le cœur d'un vieux garçon
              Comme de la braise
              Qui est toujours chaude
              Il faut le remuer
              Pour le faire reflamber.



PETE TRAVAS DE LA VIA

PETIT TRAVERS DE LA VIE

_Sur l'air de Monsieur et Madame Denis_


  1

  Meïon, te ne quere pau,
  Quemè d'si troumètau;
  Depi lou matin u cha,
  De si dè lou foua      (_bis_)
  Depi lou matin u cha
  Mon cœu brûle pre ta.

              1

              Marion, tu ne croirais pas,
              Comment je suis tourmenté;
              Depuis le matin au soir,
              Je suis dans le feu          (_bis_)
              Depuis le matin au soir
              Mon cœur brûle pour toi.

  2

  Bena què on a trou shau
  Eye t'éja che refiau,
  Eya d'èguië lou plein bi
  Va don t'y fouti       (_bis_)
  Te veré que dèche on bin
  Te fazha greu de bin.

              2

              Benoît, quand on a trop chaud
              C'est facile de se refroidir,
              Il y a de l'eau le plein bief
              Va donc t'y jeter            (_bis_)
              Tu verras que comme ça un bain
              Te fera grand bien.

  3

  Contre lou foua que me tin,
  En'a n'éguië, ne bin,
  Pe lou calmau, l'amourtau;
  De crayou qué fau,     (_bis_)
  Pe lou calmau, l'amourtau,
  E faudra nou mariau.

              3

              Contre le feu qui me tient,
              Il n'y a ni eau, ni vin,
              Pour le calmer l'éteindre;
              Je crois qu'il faut,         (_bis_)
              Pour le calmer, l'éteindre,
              Il faudrait nous marier.

  4

  Che ta shau, qu'à cè ne tin
  Mary-in nou, de vu bin;
  Petétre que ton grè foua
  On co avoua ma         (_bis_)
  Petétre que ton grè foua,
  Bena che calmezha.

              4

              Si ta chaleur, qu'à cela ne tient
              Marions-nous, je veux bien;
              Peut-être que ton grand feu
              Une fois avec moi            (_bis_)
              Peut-être que ton grand feu,
              Benoît se calmera.

  5

  Que nou chin don de benheu
  D'étre tombau d'accœu,
  Nou vin don d'asteu pouva
  Chou lou mémou ta,     (_bis_)
  Nou vin don d'asteu pouva
  Ne défauzhe qu'on lia.

              5

              Que nous sommes donc heureux
              D'être tombés d'accord,
              Nous allons donc bientôt pouvoir
              Sous le même toit,           (_bis_)
              Nous allons donc bientôt pouvoir
              Ne défaire qu'un lit.

  6

  Ne t'eu pau dreulou la via
  A de moumè qu'èya?
  N'amauva étè gachon
  Rèque ma meïon,        (_bis_)
  Du zhou que de l'ai mariau
  De m'è si dègoutau.

              6

              N'est-elle pas drôle la vie
              A certains moments qu'il y a?
              Je n'aimais étant garçon
              Rien que ma Marion,          (_bis_)
              Du jour que je me suis marié
              Je m'en suis dégoûté.

  7

  Bena, te n'au point de cœu,
  Te quefond te n'hauneu,
  Mais che te n'arréte pau
  De tè couratau         (_bis_)
  Dé vai fauzhe attè que ta,
  Advindra que pourra.

              7

              Benoît tu n'as point de cœur,
              Tu perds ton honneur,
              Mais si tu ne t'arrêtes pas
              De tant courir               (_bis_)
              Je vais faire autant que toi,
              Adviendra que pourra.

  8

  Va te vou cho vio shochon
  Que me fa la leçon,
  Le peut montau chon shevau
  Ne m'è fou pau mau,    (_bis_)
  Pourvu que d'aiya touzhou
  De qua fauzhe l'amou.

              8

              Voyez-vous ce vieux chausson
              Qui me fait la leçon,
              Elle peut monter son cheval
              Je ne m'en fiche pas mal,    (_bis_)
              Pourvu que j'aie toujours
              De quoi faire l'amour.

  9

  Pèdè que Bena moudau,
  De vu me rattrapau,
  Veni, zheunou libertin,
  Nou j'in de bon vin    (_bis_)
  Veni, zheunou libertin,
  Nou nou j'amouijezhin.

              9

              Pendant que Benoît partira,
              Je veux me rattraper,
              Venez, jeunes libertins,
              Nous avons du bon vin        (_bis_)
              Venez, jeunes libertins,
              Nous nous amuserons.

  10

  On dit qu'avouai on fazhon,
  Epri des deux shavon,
  L'ailou ne fa pau lon foua;
  De crayou qu'é va      (_bis_)
  La preuva neutron betin
  Fume quemè lou train.

              10

              On dit qu'avec une mèche,
              Éclairée des deux côtés,
              L'huile ne fait pas long feu;
              Je crois que c'est vrai      (_bis_)
              La preuve notre bien
              Disparaît comme le train.

  11

  Che neutron betin, monsu
  S'é va, t'eu yau voulu,
  Che te n'avè pau zhouya
  Jamais de n'azha,      (_bis_)
  Che te n'ave pau zhouya
  Jamais de n'azha dècha.

              11

              Si notre bien, Monsieur
              S'en va, tu l'as voulu,
              Si tu n'avais pas joué
              Jamais je n'aurais,          (_bis_)
              Si tu n'avais pas joué
              Jamais je n'aurais dansé.

  12

  Meïon, de neutreu malheu
  E t'a ma tui leu teu,
  Mé de meu z'égazhemè
  De si repètè;          (_bis_)
  Mè de meu z'ègazhemè
  De fazhe l'ètremè.

              12

              Marion de notre malheur
              C'est à moi tous les torts,
              Mais de mes égarements
              Je suis repentant;           (_bis_)
              Mais de mes égarements
              J'en ferai l'enterrement.

  13

  Che t'é repètè, Bena,
  D'y si atè que ta,
  Pichque nou nou chin trompau
  N'è reparlin pau       (_bis_)
  Pichque nou nou chin trompau
  E faut nous pardounau.

              13

              Si tu es repentant, Benoît,
              Je le suis autant que toi,
              Puisque nous nous sommes trompés
              Nous n'en parlerons pas      (_bis_)
              Puisque nous nous sommes trompés
              Il faut nous pardonner.

  14

  Pe repazhau leu méfait,
  Lou mau que nou j'in fait,
  Quemè nou z'è chin fauzhia
  Shèzhin don de nia     (_bis_)
  Pre cè nou vin quemèche
  A bien nou z'èbrache.

              14

              Pour réparer les méfaits,
              Le mal que nous avons fait,
              Comme nous étions fâchés
              Changeons donc de vie        (_bis_)
              Pour ça nous allons commencer
              Par bien nous embrasser.



LA ZHAUNA U MELIN

LA JEANNE AU MOULIN


  1

  Què la zhauna va u melin,
  Le ne piate, pau chon schemin.
  Le chetau su che n'ausnou,
  Làdon, làdon, la brauva Sezon làdon
  Le chetau su che n'aunou,
  Su chon pet'aunazhon.

              1

              Quand la Jeanne va au moulin,
              Elle ne piétine pas son chemin.
              Elle est assise sur son âne,
              Ladon, ladon la belle Suzon ladon
              Elle est assise sur son âne,
              Sur son petit ânon.

  2

  Què lou mon-ni la va veni,
  De rizhe y ne peut che teni,
  Te vetia don la zhauna,
  Ladon, ladon, la brauva Sezon ladon,
  Te vetia don la zhauna,
  Su ton pete aunazhon.

              2

              Quand le meunier la voit venir,
              De rire il ne peut se tenir,
              Te voilà donc la Jeanne,
              Ladon, ladon, la belle Suzon ladon,
              Te voilà donc la Jeanne,
              Sur ton petit ânon.

  3

  Zhauna, tè que maudra ton blau,
  Que nou vin allau ègrenau,
  T'attashezhé te n'aunou,
  Ladon, ladon, la brauva Sezon ladon,
  T'attashezhé te n'aunou
  A l'ombra du boichon.

              3

              Jeanne, pendant que moudra ton blé,
              Que nous allons aller engrener,
              Tu attacheras ton âne,
              Ladon, ladon, la brave Suzon ladon,
              Tu attacheras ton âne
              A l'ombre du buisson.

  4

  Pèdè que lou blau a moulu,
  Lou leo a mèzhia lou bourru;
  Que dezha t'y mon pezhe,
  Ladon, ladon, la brauva Sezon ladon,
  Que dezha t'y mon pézhe
  De chon pete aunazhon.

              4

              Pendant que le blé a moulu,
              Le loup a mangé le bourru;
              Que dira-t-il, mon père,
              Ladon, ladon la belle Suzon ladon,
              Que dira-t-il mon père
              De son petit ânon.

  5

  Da dix ecu dè mon bouchon;
  T'è vetia neu, dè gardou yon,
  Avoua cè t-azhè naunou
  Ladon, ladon, la brauva Sezon ladon,
  Avoua cè t'azhè n'aunou
  Nautrou pete aunazhon.

              5

              J'ai dix écus dans mon bourson;
              T'en voilà neuf, j'en garde un,
              Avec ça tu auras un âne
              Ladon, ladon, la belle Suzon ladon,
              Avec ça tu auras un âne
              Un autre petit ânon.

  6

  Mais què chon pézhe la vi veni,
  De braizhe y ne pu che teni,
  Cê ne pau neutre n'aunou
  Ladon, ladon, la brauva Sezon ladon
  Cè ne pau neutre n'aunou
  Neutron pete aunazhon.

              6

              Mais quand son père la vit venir,
              De braire il ne put se retenir,
              Cela n'est pas notre âne
              Ladon, ladon, la belle Suzon ladon,
              Cela n'est pas notre âne
              Notre petit ânon.

  7

  Pèzhe, è vetia lou mâ de ma,
  Toute le béte shèzhon de pa,
  L'aunau a fait de mémou
  Ladon, ladon, lou pete aunazhon ladon
  L'annou a fait de mémou
  A l'ombra du boichon.

              7

              Père, voilà le mois de mai,
              Toutes les bêtes changent de poil,
              L'âne a fait de même
              Ladon, ladon, le petit ânon, ladon
              L'âne a fait de même
              A l'ombre du buisson.

  8

  Fellie, què vou véte u melin
  Segnau don mio veutron betin,
  Gardau biè veutre n'aunou,
  Ladon, ladon, petete guenon ladon,
  Gardau biè veutre n'aunou,
  Veutron pete aunazhon.

              8

              Filles, quand vous allez au moulin
              Soignez donc, mieux votre butin,
              Gardez bien votre âne,
              Ladon, ladon, petite guenon ladon,
              Gardez bien votre âne,
              Votre petit ânon.



LEU CONCHCRITS

LES CONSCRITS

_Air de «Bon voyage M. Dumolet»_


  1

  Drapeau u vê tèbou musique ê téta,
  Ardi conchcrits è faut nous dévreti;
  E t'a vingt-ê qu'on fa lou mio la féta,
  Amuijin-nous è lou tein des plaisis.

              1

              Drapeau au vent tambour musique en tête
              Hardis conscrits il faut nous divertir;
              C'est à vingt ans qu'on fait le mieux la fête,
              Amusons-nous c'est le temps des plaisirs.

  _Refrain_

  En'avé vive leu conchcrits,
  Nous vint moudo pe servi la patrie,
  En'avè, vive leu conchcrits,
  Conto su nous pe pazho l'ennemi.

              _Refrain_

              En avant, vive les conscrits.
              Nous allons partir pour servir la patrie,
              En avant, vive les conscrits,
              Comptez sur nous pour parer à l'ennemi.

  2

  Apré ces zhou de plaisi, de bombance,
  U réjimê, è faudra s'ébarquo;
  Pishqué chazi d'allo servi la France,
  Nous moudezhin conto-zy sê trêblo.

              2

              Après ces jours de plaisirs, de bombances
              Au régiment, il faudra s'embarquer;
              Puisqu'il s'agit d'aller servir la France,
              Nous partirons contez-y sans trembler.

  3

  R'assurio-vous, bons pèzhes, bone mèzhe,
  De la garra, nous chazhin rapourto
  L'oneu d'ava défèdu la frontièzhe,
  L'oneu d'ava défèdu lou drapeau.

              3

              Rassurez vous, bons pères, bonnes mères
              De la guerre nous saurons rapporter
              L'honneur d'avoir défendu la frontière,
              L'honneur d'avoir défendu le drapeau.

  4

  Pe quê-t-a vou neutre jeunes suzelles,
  Quê lou destin nous j'azha sépazheau
  Pêcho à nous demeuzeo-nous fidèles,
  Pe qu'u retou nou puichin nous mario.

              4

              Pour quant à vous jeune Suzelles,
              Quand le destin nous aura séparés
              Pensez à nous, demeurez-nous fidèles
              Pour qu'au retour nous puissions nous marier.



LA MARION SU LOU POUMI

LA MARION SUR LE POMMIER


  1

  La Marion su lou Poumi,
  Quelive de poumes,
  Quelive de poumes decha,
  Quelive de poumes dela
  Quelive de poumes.

              1

              La Marion sur le Pommier,
              Cueillait des pommes,
              Cueillait des pommes deci,
              Cueillait des pommes delà
              Cueillait des pommes.

  2

  On boato vin-t-à pachau
  Que la reluquauve,
  Que la reluquauve decha,
  Que la reluquauve delà,
  Que la reluquauve.

              2

              Un boiteux vient à passer
              Qui la reluquait,
              Qui la reluquait deci,
              Qui la reluquait delà,
              Qui la reluquait.

  3

  Boato, te me guétië biè,
  Me treuve te brauva.
  Me treuve te brauva decha,
  Me treuve te brauva delà,
  Me treuve te brauva.

              3

              Boiteux tu me regardes bien,
              Me trouves-tu belle.
              Me trouves-tu belle deci,
              Me trouves-tu belle delà,
              Me trouves-tu belle.

  4

  Voa, de vedra te mariau,
  Vu-t-ètre ma fena?
  Vu-t-ètre ma fena decha,
  Vu-t-ètre ma fena delà,
  Vu-t-ètre ma fena?

              4

              Oui, je voudrais te marier,
              Veux-tu être ma femme?
              Veux-tu être ma femme deci,
              Veux-tu être ma femme delà,
              Veux-tu être ma femme?

  5

  Voa, me n'ami, de vu bin
  Deveni ta fena,
  Deveni ta fena decha,
  Deveni ta fena delà,
  Deveni ta fena.

              5

              Oui, mon ami, je veux bien
              Devenir ta femme,
              Devenir ta femme deci,
              Devenir ta femme delà,
              Devenir ta femme.

  6

  Le poume de la Meïon
  Depi cho zhou fourzhon,
  Depi cho zhou fourzhon decha,
  Depi cho zhou fourzhon delà,
  Depi cho zhou fourzhon.

              6

              Les pommes de la Marion
              Depuis ce jour grandissent,
              Depuis ce jour grandissent deci,
              Depuis ce jour grandissent delà,
              Depuis ce jour grandissent.



LA SÊ MARTIN

LA SAINT MARTIN


  1

  Vaules servaites, caras, berzizhes
  La Sê Martin ye t'arrevau
  Menin gré bri pe le sharrizhe
  Neutron gazhou ye t'affanau.
  Moudin quezhi on menétri
  On menio de mezeta.
  Magna faudra nous dévreti,      } _bis_
  Shaution neutra Jouseta.        }
  La la la la la la la etc.

              1

              Valets servantes, caras, bergères
              La Saint Martin, est arrivée
              Menons grand bruit par les charrières
              Nos gages sont gagnés.
              Partons quérir un ménétrier
              Un joueur de musette.
              Magnats faudra nous divertir,           } _bis_
              Chacun notre Josephte.                  }

  2

  Mè pe biè quemèche la féta,
  Allin nou z'è va bien gueutau,
  Què lou vin sharfezha la téta,
  Le schombe pourron mio chautau;
  Pite nou j'autrou payjon,
  Què lou vin nou j'attije,
  Eye-t-adon qu'on ne galon,      } _bis_
  E-t-adon que l'on courtije.     }

              2

              Mais pour bien commencer la fête,
              Allons-nous en bien dîner,
              Quand le vin chauffera la tête,
              Les jambes pourront mieux sauter;
              Puis, nous autres payans,
              Quand le vin nous excite,
              C'est à ce moment qu'on est galant,     } _bis_
              C'est à ce moment que l'on courtise.    }

  3

  E vetia lou bouchon qu'èplatië,
  Eye tein de nou z'èn'allau,
  Aprè na fazhe quemè latië,
  On peut remoudau ch'affroumau,
  A métre nou reteurnezhin
  Affanau nautrou gazhou;
  Boncha magna, à l'è que vin,    } _bis_
  Chon ne pau è moin-nazhou.      }

              3

              Voilà la bourse qui diminue,
              C'est temps de nous en aller,
              Après une foire comme celle-ci,
              On peut retourner s'affermer,
              En condition nous retournerons
              Gagner un autre gage;
              Bonsoir magnat, à l'année prochaine     } _bis_
              Si nous ne sommes point en ménage.      }



BLONDES OU BRUNES


  1

  Écoutez chansonnette
  Chanson bien approuvée
  D'une fillette
  Et de son bien-aimé
  D'un garçon boulanger
  Qui s'est bien préparé
  Pour aller voir sa brune
  C'la m'y revient toujours
  Qu'il m'en faut une.    (_bis_)

  2

  Et puisqu'il m'en faut une
  Cela n'en coûte rien,
  Blonde-z-ou brune
  La couleur n'y fait rien,
  Quand elles ont des appâts
  Cela ne vaut-il pas
  La meilleure des fortunes?
  Cela m'y revient toujours
  Qu'il m'en faut une.    (_bis_)

  3

  C'est donc à toi ma belle,
  Que j'ai prêté serment
  D'être fidèle,
  Jusqu'au dernier moment.
  Tu oublias pourtant
  Ton plus fidèle amant:
  Sois donc plus gentille,
  Tu ne s'ras pas toujours
  jeune et jolie.         (_bis_)

  4

  Le temps de la jeunesse
  Est un temps d'agrément,
  Mais la vieillesse
  A bien du changement.
  Le printemps a ses fleurs,
  L'été a ses chaleurs,
  L'hiver a sa froidure,
  Celà m'y revient toujours
  Qu'il m'en faut une.    (_bis_)

[Illustration: FIN]



TABLE DES MATIÈRES


  PREMIÈRE PARTIE
                                       Pages
  Avant-propos                             3
  La Brache                                5
  La Liaudin-na ancienne                   6
  La Liaudin-na nouvelle                   7
  L'Ébauda                                 8
  Ébauda nouvalla                         10
  La Vougua de Crau                       11
  Le fellië de Veria                      12
  La vougua de Veria                      14
  La Prayzhe du payjon                    15
  La grê velia                            17
  Leu gachon de Veria                     18
  La via des payjons                      20
  Lou batémou d'on gachon                 21
  Leu payjons vaillon bin leu monsu       23
  La choup è vin                          25
  La bouillauda de Sè Nezi                27
  Travas du mariazhou                     28
  Lou bouë de nouyé                       30
  Petite scène de la vie:
    Vé lou Barbi                          32

  DEUXIÈME PARTIE

  La guarra                               39
  La Sê Martin                            40
  Na bataillie de fellie                  41
  La via du mondou                        43
  Leu douje ma de l'ènau                  45
  La belle Marion                         49
  N'ametia dépondia                       50
  Ma tanta Perneta                        51
  Jouzé Bouva                             52
  Leu j'amouazho                          54
  Lau z'Autrichiens à Veria               55
  Nouches brachondes                      57
  Lou banquet des vios gachons à Veria    61
  Pete travas de la via                   63
  La zhauna u melin                       65
  Lou conshcrits                          67
  La Marion su lou poumi                  68
  La Sê Martin                            68


       *       *       *       *       *

Modifications dans le texte bressan.

  Page 14: «reudez-vous» remplacé par «rendez-vous» (A neutron
             rendez-vous).
  Page 14: «Ou» remplacé par «On» (On saigne de poulë).
  Page 16: «lo» remplacé par «leo» (Depi lou leo tin qu'à le greuche
             guépe)
  Page 18: «Ou» remplacé par «On» (On dit que cho de la Zhelizhe).
  Page 29: «hien» remplacé par «bien» (On co mariau, che fouton bien
             de vou).
  Page 32: «qnemè» remplacé par «quemè» (quemè font touzhou cè que
             velion).
  Page 32: «qnelauta» remplacé par «quelauta» (la pocha de cha
             quelauta).
  Page 43: «cavalcs» remplacé par «cavales» (Quin-non quemè de
             cavales).
  Page 43: «qu{t}é» remplacé par «qu'é» (On cru qu'é yézhe lou
             diablou).
  Page 52: «quiuquelliezheta» remplacé par «quinquelliezheta» dans la
             strophe 6.
  Page 52: «felië» remplacé par «fellië» (De na fellië pi don gachon).
  Page 55: «J» remplacé par «I» (I di, que rèque n'Autrichien).
  Page 55: «Pcu» remplacé par «Peu» (Peu bin mèzhië tui leu matin).
  Page 56: «Ou'a» remplacé par «Qu'a» (Qu'a la fin du biau ma de mai).
  Page 68: «Sè» remplacé par «Sê» (La Sê Martin).





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