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Title: Traité élémentaire de chimie, tome 1 - Présenté dans un ordre nouveau et d'après les découvertes - modernes; avec Figures
Author: Lavoisier, Antoine de
Language: French
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  Au lecteur,

  Ce _Traité élémentaire de chimie_ d'Antoine de Lavoisier se compose
  de deux tomes. Une version complète de cette publication accompagne la
  publication individuelle de chacun de ces deux tomes.

  La version électronique html restitue le mieux la présentation du
  livre papier.

  L'errata de cette édition, placé à la fin du tome 2, a été pris
  en compte.

  Veuillez noter que les planches sont présentées à la fin du tome 2.

  Nous avons utilisé une typographie plus moderne que celle de la version
  papier en remplaçant les ſ par des s.

  La ponctuation n'a pas été modifiée hormis quelques corrections
  mineures.

  L'orthographe a été conservée. Seuls quelques mots ont été modifiés.
  La liste des modifications se trouve à la fin du texte.



  TRAITÉ
  ÉLÉMENTAIRE
  DE CHIMIE.

  _TOME PREMIER._



  TRAITÉ
  ÉLÉMENTAIRE
  DE CHIMIE,

  PRÉSENTÉ DANS UN ORDRE NOUVEAU
  ET D'APRÈS LES DÉCOUVERTES MODERNES;

  Avec Figures:

  _Par M. LAVOISIER, de l'Académie des Sciences, de la Société Royale
    de Médecine, des Sociétés d'Agriculture de Paris & d'Orléans, de la
    Société Royale de Londres, de l'Institut de Bologne, de la Société
    Helvétique de Basle, de celles de Philadelphie, Harlem, Manchester,
    Padoue, &c._


  TOME PREMIER.

  [Illustration]

  _A PARIS_,

  Chez CUCHET, Libraire, rue & hôtel Serpente.

  M. DCC. LXXXIX.

  _Sous le Privilège de l'Académie des Sciences & de la Société Royale
  de Médecine._



DISCOURS
PRÉLIMINAIRE.


JE n'avois pour objet lorsque j'ai entrepris cet ouvrage, que de donner
plus de développement au Mémoire que j'ai lu à la séance publique de
l'Académie des Sciences du mois d'Avril 1787, sur la nécessité de
réformer & de perfectionner la Nomenclature de la Chimie.

C'est en m'occupant de ce travail, que j'ai mieux senti que je ne
l'avois encore fait jusqu'alors, l'évidence des principes qui ont été
posés par l'Abbé de Condillac dans sa logique, & dans quelques autres
de ses ouvrages. Il y établit que _nous ne pensons qu'avec le secours
des mots_; que _les langues sont de véritables méthodes analytiques_;
que _l'algèbre la plus simple, la plus exacte & la mieux adaptée à son
objet de toutes les manières de s'énoncer, est à-la-fois une langue &
une méthode analytique_; enfin que _l'art de raisonner se réduit à une
langue bien faite_. Et en effet tandis que je croyois ne m'occuper que
de Nomenclature, tandis que je n'avois pour objet que de perfectionner
le langage de la Chimie, mon ouvrage s'est transformé insensiblement
entre mes mains, sans qu'il m'ait été possible de m'en défendre, en un
Traité élémentaire de Chimie.

L'impossibilité d'isoler la Nomenclature de la science & la science
de la Nomenclature, tient à ce que toute science physique est
nécessairement formée de trois choses: la série des faits qui
constituent la science; les idées qui les rappellent; les mots qui les
expriment. Le mot doit faire naître l'idée; l'idée doit peindre le
fait: ce sont trois empreintes d'un même cachet; & comme ce sont les
mots qui conservent les idées & qui les transmettent, il en résulte
qu'on ne peut perfectionner le langage sans perfectionner la science,
ni la science sans le langage, & que quelque certains que fussent
les faits, quelque justes que fussent les idées qu'ils auroient fait
naître, ils ne transmettroient encore que des impressions fausses, si
nous n'avions pas des expressions exactes pour les rendre.

La première partie de ce Traité fournira à ceux qui voudront bien le
méditer, des preuves fréquentes de ces vérités; mais comme je me suis
vu forcé d'y suivre un ordre qui differe essentiellement de celui qui
a été adopté jusqu'à présent dans tous les ouvrages de Chimie, je dois
compte des motifs qui m'y ont déterminé.

C'est un principe bien constant, & dont la généralité est bien reconnue
dans les mathématiques, comme dans tous les genres de connoissances,
que nous ne pouvons procéder pour nous instruire, que du connu à
l'inconnu. Dans notre première enfance nos idées viennent de nos
besoins; la sensation de nos besoins fait naître l'idée des objets
propres à les satisfaire, & insensiblement par une suite de sensations,
d'observations & d'analyses, il se forme une génération successive
d'idées toutes liées les unes aux autres, dont un observateur attentif
peut même jusqu'à un certain point, retrouver le fil & l'enchaînement,
& qui constituent l'ensemble de ce que nous savons.

Lorsque nous nous livrons pour la première fois à l'étude d'une
science, nous sommes par rapport à cette science, dans un état
très-analogue à celui dans lequel sont les enfans, & la marche que
nous avons à suivre est précisément celle que suit la nature dans la
formation de leurs idées. De même que dans l'enfant l'idée est un effet
de la sensation, que c'est la sensation qui fait naître l'idée; de
même aussi pour celui qui commence à se livrer à l'étude des sciences
physiques, les idées ne doivent être qu'une conséquence, une suite
immédiate d'une expérience ou d'une observation.

Qu'il me soit permis d'ajouter que celui qui entre dans la carrière
des sciences, est dans une situation moins avantageuse que l'enfant
même qui acquiert ses premières idées; si l'enfant s'est trompé sur
les effets salutaires ou nuisibles des objets qui l'environnent, la
nature lui donne des moyens multipliés de se rectifier. A chaque
instant le jugement qu'il a porté se trouve redressé par l'expérience.
La privation ou la douleur viennent à la suite d'un jugement faux; la
jouissance & le plaisir à la suite d'un jugement juste. On ne tarde pas
avec de tels maîtres à devenir conséquent, & on raisonne bientôt juste
quand on ne peut raisonner autrement sous peine de privation ou de
souffrance.

Il n'en est pas de même dans l'étude & dans la pratique des sciences;
les faux jugemens que nous portons, n'intéressent ni notre existence,
ni notre bien-être; aucun intérêt physique ne nous oblige de nous
rectifier: l'imagination au contraire qui tend à nous porter
continuellement au-delà du vrai; l'amour-propre & la confiance en
nous-mêmes, qu'il sait si bien nous inspirer, nous sollicitent à tirer
des conséquences qui ne dérivent pas immédiatement des faits: en sorte
que nous sommes en quelque façon intéressés à nous séduire nous-mêmes.
Il n'est donc pas étonnant que dans les sciences physiques en général,
on ait souvent supposé au lieu de conclure; que les suppositions
transmises d'âge en âge, soient devenues de plus en plus imposantes par
le poids des autorités qu'elles ont acquises, & qu'elles ayent enfin
été adoptées & regardées comme des vérités fondamentales, même par de
très-bons esprits.

Le seul moyen de prévenir ces écarts, consiste à supprimer ou au moins
à simplifier autant qu'il est possible le raisonnement, qui est de nous
& qui seul peut nous égarer; à le mettre continuellement à l'épreuve de
l'expérience; à ne conserver que les faits qui ne sont que des données
de la nature, & qui ne peuvent nous tromper; à ne chercher la vérité
que dans l'enchaînement naturel des expériences & des observations,
de la même manière que les Mathématiciens parviennent à la solution
d'un problême par le simple arrangement des données, & en réduisant le
raisonnement à des opérations si simples, à des jugemens si courts,
qu'ils ne perdent jamais de vue l'évidence qui leur sert de guide.

Convaincu de ces vérités, je me suis imposé la loi de ne procéder
jamais que du connu à l'inconnu, de ne déduire aucune conséquence
qui ne dérive immédiatement des expériences & des observations,
& d'enchaîner les faits & les vérités chimiques dans l'ordre le
plus propre à en faciliter l'intelligence aux commençans. Il étoit
impossible qu'en m'assujétissant à ce plan, je ne m'écartasse pas des
routes ordinaires. C'est en effet un défaut commun à tous les cours
& à tous les traités de Chimie, de supposer dès les premiers pas des
connoissances que l'Elève ou le Lecteur ne doivent acquérir que dans
les leçons subséquentes. On commence dans presque tous par traiter
des principes des corps; par expliquer la table des affinités, sans
s'appercevoir qu'on est obligé de passer en revue dès le premier jour
les principaux phénomènes de la Chimie, de se servir d'expressions
qui n'ont point été définies, & de supposer la science acquise par
ceux auxquels on se propose de l'enseigner. Aussi est-il reconnu qu'on
n'apprend que peu de chose dans un premier cours de Chimie; qu'une
année suffit à peine pour familiariser l'oreille avec le langage, les
yeux avec les appareils, & qu'il est presqu'impossible de former un
Chimiste en moins de trois ou quatre ans.

Ces inconvéniens tiennent moins à la nature des choses qu'à la forme
de l'enseignement, & c'est ce qui m'a déterminé à donner à la Chimie
une marche qui me paroît plus conforme à celle de la nature. Je ne me
suis pas dissimulé qu'en voulant éviter un genre de difficultés je me
jettois dans un autre, & qu'il me seroit impossible de les surmonter
toutes; mais je crois que celles qui restent n'appartiennent point à
l'ordre que je me suis prescrit; qu'elles sont plutôt une suite de
l'état d'imperfection où est encore la Chimie. Cette science présente
des lacunes nombreuses qui interrompent la série des faits, & qui
exigent des raccordemens embarrassans & difficiles. Elle n'a pas, comme
la Géométrie élémentaire, l'avantage d'être une science complette &
dont toutes les parties sont étroitement liées entr'elles; mais en
même tems sa marche actuelle est si rapide; les faits s'arrangent
d'une manière si heureuse dans la doctrine moderne, que nous pouvons
espérer, même de nos jours, de la voir s'approcher beaucoup du degré de
perfection qu'elle est susceptible d'atteindre.

Cette loi rigoureuse, dont je n'ai pas dû m'écarter, de ne rien
conclure au-delà de ce que les expériences présentent, & de ne jamais
suppléer au silence des faits, ne m'a pas permis de comprendre dans
cet Ouvrage la partie de la Chimie la plus susceptible, peut-être,
de devenir un jour une science exacte: c'est celle qui traite des
affinités chimiques ou attractions électives. M. Geoffroy, M.
Gellert, M. Bergman, M. Schéele, M. de Morveau, M. Kirwan & beaucoup
d'autres ont déjà rassemblé une multitude de faits particuliers,
qui n'attendent plus que la place qui doit leur être assignée; mais
les données principales manquent, ou du moins celles que nous avons
ne sont encore ni assez précises ni assez certaines, pour devenir
la base fondamentale sur laquelle doit reposer une partie aussi
importante de la Chimie. La science des affinités est d'ailleurs à la
Chimie ordinaire ce que la Géométrie transcendante est à la Géométrie
élémentaire, & je n'ai pas cru devoir compliquer par d'aussi grandes
difficultés des Elémens simples & faciles qui seront, à ce que
j'espère, à la portée d'un très-grand nombre de Lecteurs.

Peut-être un sentiment d'amour-propre a-t-il, sans que je m'en rendisse
compte à moi-même, donné du poids à ces réflexions. M. de Morveau est
au moment de publier l'article AFFINITÉ de l'Encyclopédie méthodique, &
j'avois bien des motifs pour redouter de travailler en concurrence avec
lui.

On ne manquera pas d'être surpris de ne point trouver dans un Traité
élémentaire de Chimie, un Chapitre sur les parties constituantes &
élémentaires des corps: mais je ferai remarquer ici que cette tendance
que nous avons à vouloir que tous les corps de la nature ne soient
composés que de trois ou quatre élémens, tient à un préjugé qui nous
vient originairement des philosophes grecs. L'admission de quatre
élémens qui, par la variété de leurs proportions, composent tous les
corps que nous connoissons, est une pure hypothèse imaginée long tems
avant qu'on eût les premières notions de la Physique expérimentale &
de la Chimie. On n'avoit point encore de faits, & l'on formoit des
systêmes; & aujourd'hui que nous avons rassemblé des faits, il semble
que nous nous efforcions de les repousser, quand ils ne quadrent pas
avec nos préjugés; tant il est vrai que le poids de l'autorité de ces
pères de la philosophie humaine se fait encore sentir, & qu'elle pesera
sans doute encore sur les générations à venir.

Une chose très-remarquable, c'est que tout en enseignant la doctrine
des quatre élémens, il n'est aucun Chimiste qui par la force des
faits n'ait été conduit à en admettre un plus grand nombre. Les
premiers Chimistes qui ont écrit depuis le renouvellement des Lettres,
regardoient le soufre & le sel comme des substances élémentaires
qui entroient dans la combinaison d'un grand nombre de corps: ils
reconnoissoient donc l'existence de six élémens, au lieu de quatre.
Beccher admettoit trois terres, & c'étoit de leur combinaison & de la
différence des proportions que résultoit, suivant lui, la différence
qui existe entre les substances métalliques. Stahl a modifié ce
systême: tous les Chimistes qui lui ont succédé se sont permis d'y
faire des changemens, même d'en imaginer d'autres, mais tous se
sont laissé entraîner à l'esprit de leur siècle, qui se contentoit
d'assertions sans preuves, ou du moins qui regardoit souvent comme
telles de très-légères probabilités.

Tout ce qu'on peut dire sur le nombre & sur la nature des élémens
se borne suivant moi à des discussions purement métaphysiques: ce
sont des problêmes indéterminés qu'on se propose de résoudre, qui
sont susceptibles d'une infinité de solutions, mais dont il est
très-probable qu'aucune en particulier n'est d'accord avec la nature.
Je me contenterai donc de dire que si par le nom d'élémens, nous
entendons désigner les molécules simples & indivisibles qui composent
les corps, il est probable que nous ne les connoissons pas: que si
au contraire nous attachons au nom d'élémens ou de principes des
corps l'idée du dernier terme auquel parvient l'analyse, toutes les
substances que nous n'avons encore pu décomposer par aucun moyen, sont
pour nous des élémens; non pas que nous puissions assurer que ces corps
que nous regardons comme simples, ne soient pas eux-mêmes composés de
deux ou même d'un plus grand nombre de principes, mais puisque ces
principes ne se séparent jamais, ou plutôt puisque nous n'avons aucun
moyen de les séparer, ils agissent à notre égard à la manière des
corps simples, & nous ne devons les supposer composés qu'au moment où
l'expérience & l'observation nous en auront fourni la preuve.

Ces réflexions sur la marche des idées, s'appliquent naturellement
au choix des mots qui doivent les exprimer. Guidé par le travail que
nous avons fait en commun en 1787, M. de Morveau, M. Berthollet, M. de
Fourcroy & moi sur la Nomenclature de la Chimie; j'ai désigné autant
que je l'ai pu les substances simples par des mots simples, & ce sont
elles que j'ai été obligé de nommer les premières. On peut se rappeller
que nous nous sommes efforcés de conserver à toutes ces substances
les noms qu'elles portent dans la société: nous ne nous sommes permis
de les changer que dans deux cas; le premier à l'égard des substances
nouvellement découvertes & qui n'avoient point encore été nommées,
ou du moins pour celles qui ne l'avoient été que depuis peu de tems,
& dont les noms encore nouveaux n'avoient point été sanctionnés par
une adoption générale: le second lorsque les noms adoptés soit par
les anciens, soit par les modernes, nous ont paru entraîner des idées
évidemment fausses; lorsqu'ils pouvoient faire confondre la substance
qu'ils désignoient avec d'autres, qui sont douées de propriétés
différentes ou opposées. Nous n'avons fait alors aucune difficulté de
leur en substituer d'autres que nous avons empruntés principalement
du Grec: nous avons fait en sorte qu'ils exprimassent la propriété la
plus générale, la plus caractéristique de la substance; & nous y avons
trouvé l'avantage de soulager la mémoire des commençans qui retiennent
difficilement un mot nouveau lorsqu'il est absolument vuide de sens, &
de les accoutumer de bonne heure à n'admettre aucun mot sans y attacher
une idée.

A l'égard des corps qui sont formés de la réunion de plusieurs
substances simples, nous les avons désignés par des noms composés
comme le sont les substances elles-mêmes; mais comme le nombre des
combinaisons binaires est déjà très-considérable, nous serions tombés
dans le désordre & dans la confusion, si nous ne nous fussions pas
attachés à former des classes. Le nom de classes & de genres est dans
l'ordre naturel des idées, celui qui rappelle la propriété commune à un
grand nombre d'individus: celui d'espèces au contraire, est celui qui
ramène l'idée aux propriétés particulières à quelques individus.

Ces distinctions ne sont pas faites comme on pourroit le penser,
seulement par la métaphysique; elles le sont par la nature. Un enfant,
dit l'Abbé de Condillac, appelle du nom d'_arbre_ le premier arbre que
nous lui montrons. Un second arbre qu'il voit ensuite lui rappelle
la même idée; il lui donne le même nom; de même à un troisième, à un
quatrième, & voilà le mot d'_arbre_ donné d'abord à un individu, qui
devient pour lui un nom de classe ou de genre, une idée abstraite qui
comprend tous les arbres en général. Mais lorsque nous lui aurons fait
remarquer que tous les arbres ne servent pas aux mêmes usages, que tous
ne portent pas les mêmes fruits, il apprendra bientôt à les distinguer
par des noms spécifiques & particuliers. Cette logique est celle de
toutes les sciences; elle s'applique naturellement à la Chimie.

Les acides, par exemple, sont composés de deux substances de l'ordre
de celles que nous regardons comme simples, l'une qui constitue
l'acidité & qui est commune à tous; c'est de cette substance que doit
être emprunté le nom de classe ou de genre: l'autre qui est propre à
chaque acide, qui les différencie les uns des autres, & c'est de cette
substance que doit être emprunté le nom spécifique.

Mais dans la plupart des acides, les deux principes constituans, le
principe acidifiant & le principe acidifié, peuvent exister dans des
proportions différentes, qui constituent toutes des points d'équilibre
ou de saturation; c'est ce qu'on observe dans l'acide sulfurique &
dans l'acide sulfureux; nous avons exprimé ces deux états du même acide
en faisant varier la terminaison du nom spécifique.

Les substances métalliques qui ont été exposées à l'action réunie de
l'air & du feu, perdent leur éclat métallique, augmentent de poids &
prennent une apparence terreuse; elles sont dans cet état composées,
comme les acides, d'un principe qui est commun à toutes, & d'un
principe particulier propre à chacune: nous avons dû également les
classer sous un nom générique dérivé du principe commun, & le nom
que nous avons adopté est celui d'_oxide_; nous les avons ensuite
différenciées les unes des autres par le nom particulier du métal
auquel elles appartiennent.

Les substances combustibles qui, dans les acides & dans les oxides
métalliques, sont un principe spécifique & particulier, sont
susceptibles de devenir à leur tour un principe commun à un grand
nombre de substances. Les combinaisons sulfureuses ont été long-temps
les seules connues en ce genre: on sait aujourd'hui, d'après les
expériences de MM. Vandermonde, Monge & Berthollet, que le charbon se
combine avec le fer, & peut-être avec plusieurs autres métaux; qu'il
en résulte, suivant les proportions, de l'acier, de la plombagine, &c.
On sait également, d'après les expériences de M. Pelletier, que le
phosphore se combine avec un grand nombre de substances métalliques.
Nous avons encore rassemblé ces différentes combinaisons sous des
noms génériques dérivés de celui de la substance commune, avec une
terminaison qui rappelle cette analogie, & nous les avons specifiées
par un autre nom dérivé de leur substance propre.

La nomenclature des êtres composés de trois substances simples,
présentoit un peu plus de difficultés en raison de leur nombre, &
sur-tout parce qu'on ne peut exprimer la nature de leurs principes
constituans, sans employer des noms plus composés. Nous avons eu
à considérer dans les corps qui forment cette classe, tels que les
sels neutres, par exemple, 1º. le principe acidifiant qui est commun
à tous; 2º. le principe acidifiable qui constitue leur acide propre;
3º. la base saline, terreuse, ou métallique qui détermine l'espèce
particulière de sel. Nous avons emprunté le nom de chaque classe de
sels de celui du principe acidifiable, commun à tous les individus de
la classe; nous avons ensuite distingué chaque espèce par le nom de la
base saline, terreuse, ou métallique, qui lui est particulière.

Un sel, quoique composé des trois mêmes principes, peut être
cependant dans des états très-différens, par la seule différence de
leur proportion. La nomenclature que nous avons adoptée auroit été
défectueuse si elle n'eût pas exprimé ces différens états, & nous y
sommes principalement parvenus par des changemens de terminaison que
nous avons rendu uniformes pour un même état des différens sels.

Enfin nous sommes arrivés au point que par le mot seul, on reconnoît
sur le champ quelle est la substance combustible qui entre dans la
combinaison dont il est question; si cette substance combustible est
combinée avec le principe acidifiant, & dans quelle proportion; dans
quel état est cet acide; à quelle base il est uni; s'il y a saturation
exacte; si c'est l'acide, ou bien la base qui est en excès.

On conçoit qu'il n'a pas été possible de remplir ces différentes
vues sans blesser quelquefois des usages reçus, & sans adopter des
dénominations qui ont paru dures & barbares dans le premier moment;
mais nous avons observé que l'oreille s'accoutumoit promptement aux
mots nouveaux, sur-tout lorsqu'ils se trouvoient liés à un systême
général & raisonné. Les noms, au surplus, qui s'employoient avant
nous, tels que ceux de _poudre d'algaroth_, de _sel alembroth_,
de _pompholix_, d'_eau phagédénique_, de _turbith minéral_, de
_colcothar_, & beaucoup d'autres, ne sont ni moins durs, ni moins
extraordinaires; il faut une grande habitude & beaucoup de mémoire
pour se rappeller les substances qu'ils expriment, & sur-tout pour
reconnoître à quel genre de combinaison ils appartiennent. Les noms
d'_huile de tartre par défaillance_, d'_huile de vitriol_, de _beurre
d'arsenic & d'antimoine_, de _fleurs de zinc_, &c. sont plus impropres
encore, parce qu'ils font naître des idées fausses; parce qu'il
n'existe, à proprement parler, dans le règne minéral, & sur-tout dans
le règne métallique, ni beurres, ni huiles, ni fleurs; enfin parce que
les substances qu'on désigne sous ces noms trompeurs, sont de violens
poisons.

On nous a reproché lorsque nous avons publié notre Essai de
Nomenclature chimique, d'avoir changé la langue que nos maîtres ont
parlée, qu'ils ont illustrée & qu'ils nous ont transmise; mais on a
oublié que c'étoient Bergman & Macquer qui avoient eux-mêmes sollicité
cette réforme. Le savant Professeur d'Upsal, M. Bergman, écrivoit à
M. de Morveau, dans les derniers temps de sa vie: _ne faites grace à
aucune dénomination impropre: ceux qui savent déjà entendront toujours;
ceux qui ne savent pas encore, entendront plus tôt_.

Peut-être seroit-on plus fondé à me reprocher de n'avoir donné dans
l'Ouvrage que je présente au Public, aucun historique de l'opinion
de ceux qui m'ont précédé; de n'avoir présenté que la mienne sans
discuter celle des autres. Il en est résulté que je n'ai pas toujours
rendu à mes confrères, encore moins aux Chimistes étrangers, la
justice qu'il étoit dans mon intention de leur rendre: mais je prie
le Lecteur de considérer que si l'on accumuloit les citations dans
un ouvrage élémentaire, si l'on s'y livroit à de longues discussions
sur l'historique de la science & sur les travaux de ceux qui l'ont
professée, on perdroit de vue le véritable objet qu'on s'est proposé,
& l'on formeroit un ouvrage d'une lecture tout-à-fait fastidieuse pour
les commençans. Ce n'est ni l'histoire de la science, ni celle de
l'esprit humain qu'on doit faire dans un traité élémentaire: on ne
doit y chercher que la facilité, la clarté; on en doit soigneusement
écarter tout ce qui pourroit tendre à détourner l'attention. C'est un
chemin qu'il faut continuellement applanir, dans lequel il ne faut
laisser subsister aucun obstacle qui puisse apporter le moindre retard.
Les sciences présentent déjà par elles-mêmes assez de difficultés,
sans en appeller encore qui leur sont étrangères. Les Chimistes
s'appercevront facilement d'ailleurs que je n'ai presque fait usage
dans la première partie que des expériences qui me sont propres.
Si quelquefois il a pu m'échapper d'adopter, sans les citer, les
expériences ou les opinions de M. Berthollet, de M. de Fourcroy, de
M. de la Place, de M. Monge, & de ceux en général qui ont adopté les
mêmes principes que moi, c'est que l'habitude de vivre ensemble, de
nous communiquer nos idées, nos observations, notre manière de voir,
a établi entre nous une sorte de communauté d'opinions dans laquelle
il nous est souvent difficile à nous-mêmes de distinguer ce qui nous
appartient plus particulièrement.

Tout ce que je viens d'exposer sur l'ordre que je me suis efforcé
de suivre dans la marche des preuves & des idées, n'est applicable
qu'à la première partie de cet ouvrage: c'est elle seule qui contient
l'ensemble de la doctrine que j'ai adoptée; c'est à elle seule que j'ai
cherché à donner la forme véritablement élémentaire.

La seconde partie est principalement formée des tableaux de la
nomenclature des sels neutres. J'y ai joint seulement des explications
très-sommaires, dont l'objet est de faire connoître les procédés les
plus simples pour obtenir les différentes espèces d'acides connus:
cette seconde partie ne contient rien qui me soit propre; elle ne
présente qu'un abrégé très-concis de résultats extraits de différens
ouvrages.

Enfin j'ai donné dans la troisième partie une description détaillée
de toutes les opérations relatives à la Chimie moderne. Un ouvrage de
ce genre paroissoit desiré depuis long-temps, & je crois qu'il sera
de quelqu'utilité. En général la pratique des expériences, & sur-tout
des expériences modernes, n'est point assez répandue; & peut-être si,
dans les différens Mémoires que j'ai donnés à l'Académie, je me fusse
étendu davantage sur le détail des manipulations, me serois-je fait
plus facilement entendre, & la science auroit-elle fait des progrès
plus rapides. L'ordre des matières dans cette troisième partie m'a
paru à-peu-près arbitraire, & je me suis seulement attaché à classer
dans chacun des huit chapitres qui la composent, les opérations qui
ont ensemble le plus d'analogie. On s'appercevra aisément que cette
troisième partie n'a pu être extraite d'aucun ouvrage, & que dans les
articles principaux, je n'ai pu être aidé que de ma propre expérience.

Je terminerai ce Discours préliminaire en transcrivant littéralement
quelques passages de M. l'Abbé de Condillac, qui me paroissent peindre
avec beaucoup de vérité l'état où étoit la Chimie dans des temps
très-rapprochés du nôtre[1]. Ces passages qui n'ont point été faits
exprès, n'en acquerront que plus de force, si l'application en paroît
juste.

  «Au lieu d'observer les choses que nous voulions connoître, nous
  avons voulu les imaginer. De supposition fausse en supposition
  fausse, nous nous sommes égarés parmi une multitude d'erreurs; &
  ces erreurs étant devenues des préjugés, nous les avons prises par
  cette raison pour des principes: nous nous sommes donc égarés de plus
  en plus. Alors nous n'avons su raisonner que d'après les mauvaises
  habitudes que nous avions contractées. L'art d'abuser des mots sans
  les bien entendre a été pour nous l'art de raisonner........ Quand
  les choses sont parvenues à ce point, quand les erreurs se sont
  ainsi accumulées, il n'y a qu'un moyen de remettre l'ordre dans la
  faculté de penser; c'est d'oublier tout ce que nous avons appris, de
  reprendre nos idées à leur origine, d'en suivre la génération, & de
  refaire, comme dit Bacon, l'entendement humain.

  »Ce moyen est d'autant plus difficile, qu'on se croit plus instruit.
  Aussi des Ouvrages où les sciences seroient traitées avec une grande
  netteté, une grande précision, un grand ordre, ne seroient-ils
  pas à la portée de tout le monde. Ceux qui n'auroient rien étudié
  les entendroient mieux que ceux qui ont fait de grandes études, &
  sur-tout que ceux qui ont écrit beaucoup sur les sciences».

M. l'Abbé de Condillac ajoute à la fin du chapitre V:

  «Mais enfin les sciences ont fait des progrès, parce que les
  Philosophes ont mieux observé, & qu'ils ont mis dans leur langage
  la précision & l'exactitude qu'ils avoient mises dans leurs
  observations; ils ont corrigé la langue, & l'on a mieux raisonné».

  [1] Partie 2, Chapitre I.



  TABLE
  DES CHAPITRES
  DU TOME PREMIER.


  _DISCOURS PRÉLIMINAIRE,_                                        page v


  PREMIERE PARTIE.

  _De la formation des fluides aériformes & de leur décomposition;
    de la combustion des corps simples & de la formation des acides._

  CHAP. I. _Des combinaisons du calorique & de la
    formation des fluides élastiques aériformes,_                      1

  CHAP. II. _Vues générales sur la formation & la
    constitution de l'atmosphère de la terre,_                        28

  CHAP. III. _Analyse de l'air de l'atmosphère:
    sa résolution en deux fluides élastiques, l'un
    respirable, l'autre non respirable,_                              33

  CHAP. IV. _Nomenclature des différentes parties
    constitutives de l'air de l'atmosphère,_                          51

  CHAP. V. _De la décomposition du gaz oxigène par le
    soufre, le phosphore & le charbon, & de la formation
    des acides en général,_                                           57

  CHAP. VI. _De la nomenclature des Acides en général, &
    particulièrement de ceux tirés du salpêtre & du sel
    marin,_                                                           70

  CHAP. VII. _De la décomposition du Gaz oxygène par les
    métaux, & de la formation des Oxides métalliques,_                82

  CHAP. VIII. _Du principe radical de l'Eau, & de sa
    décomposition par le charbon & par le fer,_                       87

  CHAP. IX. _De la quantité de Calorique qui se dégage
    des différentes espèces de combustion,_                          103

    _Combustion du Phosphore,_                                       107

    _Combustion du Charbon,_                                         108

    _Combustion du Gaz hydrogène,_                                   109

    _Formation de l'Acide nitrique,_                               ibid.

    _Combustion de la Bougie,_                                       112

    _Combustion de l'Huile d'olive,_                                 113

  CHAP. X. _De la combinaison des Substances combustibles
    les unes avec les autres,_                                       116

  CHAP. XI. _Considérations sur les Oxides & les Acides
    à plusieurs bases, & sur la composition des matières
    végétales & animales,_                                           123

  CHAP. XII. _De la décomposition des matières végétales
    & animales par l'action du feu,_                                 132

  CHAP. XIII. _De la décomposition des Oxides végétaux
    par la fermentation vineuse,_                                    139

  CHAP. XIV. _De la fermentation putride,_                           153

  CHAP. XV. _De la fermentation acéteuse,_                           159

  CHAP. XVI. _De la formation des Sels neutres, & des
    différentes bases qui entrent dans leur composition,_            162

    _De la Potasse,_                                                 164

    _De la Soude,_                                                   169

    _De l'Ammoniaque,_                                               170

    _De la Chaux, de la Magnésie, de la Baryte & de
      l'Alumine,_                                                    172

    _Des Substances métalliques,_                                    173

  CHAP. XVII. _Suite des réflexions sur les bases
    salifiables, & sur la formation des Sels neutres,_               176


  SECONDE PARTIE.

  _De la Combinaison des Acides avec les bases salifiables, & de la
    Formation des Sels neutres._

  _AVERTISSEMENT,_                                                   189

  _TABLEAU des Substances simples,_                                  192

    _Observations,_                                                  193

  _Tableau des Radicaux ou bases oxidables &
    acidifiables, composés, qui entrent dans les
    combinaisons à la manière des substances simples,_               196

    _Observations,_                                                  197

    _Observations sur les combinaisons de la lumière
      & du calorique avec différentes substances,_                   200

  _Tableau des combinaisons binaires de l'oxygène avec
    les substances métalliques & non métalliques oxidables
    & acidifiables,_                                                 203

    _Observations,_                                                ibid.

  _Tableau des combinaisons de l'Oxygène avec les
    radicaux composés,_                                              208

    _Observations,_                                                  209

  _Tableau des combinaisons binaires de l'Azote avec les
    substances simples,_                                             212

    _Observations,_                                                  213

  _Tableau des combinaisons binaires de l'Hydrogène avec
    les substances simples,_                                         216

    _Observations,_                                                  217

  _Tableau des combinaisons binaires du Soufre non
    oxygéné avec les substances simples,_                            220

    _Observations,_                                                  221

  _Tableau des combinaisons binaires du Phosphore non
    oxygéné avec les substances simples,_                            222

    _Observations,_                                                  223

  _Tableau des combinaisons binaires du Charbon non
    oxygéné avec les substances simples,_                            226

    _Observations,_                                                  227

    _Observations sur les radicaux muriatique, fluorique &
      boracique, & sur leurs combinaisons,_                          229

    _Observations sur la combinaison des métaux les uns
      avec les autres,_                                              230

  _Tableau des combinaisons de l'Azote ou Radical
    nitrique, porté à l'état d'acide nitreux par la
    combinaison d'une suffisante quantité d'oxygène, avec
    les bases salifiables, dans l'ordre de leur affinité
    avec cet acide,_                                                 231

  _Tableau des combinaisons de l'Azote complettement
    saturé d'oxigène, & porté à l'état d'acide nitrique,
    avec les bases salifiables, dans l'ordre de leur
    affinité avec cet acide,_                                        232

    _Observations,_                                                  233

  _Tableau des combinaisons de l'Acide sulfurique ou
    Soufre oxygéné avec les bases salifiables dans l'ordre
    de leur affinité avec cet acide, par la voie humide,_            238

    _Observations,_                                                  240

  _Tableau des combinaisons de l'Acide sulfureux avec les
    bases salifiables dans l'ordre de leur affinité avec
    cet acide,_                                                      243

    _Observations,_                                                  244

  _Tableau des combinaisons du Phosphore qui a reçu un
    premier degré d'oxygénation, & qui a été porté à
    l'état d'Acide phosphoreux, avec les bases salifiables
    dans l'ordre de leur affinité avec cet acide,_                   246

  _Tableau des combinaisons du Phosphore saturé
    d'oxygène, ou Acide phosphorique avec les substances
    salifiables dans l'ordre de leur affinité avec cet
    acide,_                                                          247

    _Observations,_
                                                                     248
  _Tableau des combinaisons du Radical carbonique
    oxygéné, ou Acide carbonique avec les bases
    salifiables dans l'ordre de leur affinité avec cet
    acide,_                                                          250

    _Observations,_                                                  251

  _Tableau des combinaisons du Radical muriatique
    oxygéné, ou Acide muriatique avec les bases
    salifiables, dans l'ordre de leur affinité avec cet
    acide,_                                                          253

  _Tableau des combinaisons de l'Acide muriatique oxigéné
    avec les différentes bases salifiables avec lesquelles
    il est susceptible de s'unir,_                                   254

    _Observations,_                                                  255

  _Tableau des combinaisons de l'Acide nitro-muriatique
    avec les bases salifiables, rangées par ordre
    alphabétique, attendu que les affinités de cet acide
    ne sont point assez connues,_                                    258

    _Observations,_                                                  259

  _Tableau des combinaisons du Radical fluorique oxigéné,
    ou Acide fluorique avec les bases salifiables, dans
    l'ordre de leur affinité avec cet acide,_                        261

    _Observations,_                                                  262

  _Tableau des combinaisons du Radical boracique oxigéné,
    avec les différentes bases salifiables auxquelles
    il est susceptible de s'unir dans l'ordre de leur
    affinité avec cet acide,_                                        264

    _Observations,_                                                  265

  _Tableau des combinaisons de l'Arsenic oxygéné, ou
    Acide arsenique avec les bases salifiables dans
    l'ordre de leur affinité avec cet acide,_                        268

    _Observations,_                                                  269

  _Tableau des combinaisons du Molybdène oxygéné, ou
    Acide molybdique avec les bases salifiables, par ordre
    alphabétique,_                                                   272

    _Observations,_                                                  273

  _Tableau des combinaisons du Tungstène oxygéné, ou
    Acide tungstique avec les bases salifiables,_                    274

    _Observations,_                                                  275

  _Tableau des combinaisons du Radical tartareux oxygéné,
    ou Acide tartareux avec les bases salifiables, dans
    l'ordre de leur affinité avec cet acide,_                        277

    _Observations,_                                                  278

  _Tableau des combinaisons du Radical malique oxygéné,
    ou Acide malique avec les bases salifiables par ordre
    alphabétique,_                                                   281

    _Observations,_                                                  282

  _Tableau des combinaisons du Radical citrique oxygéné,
    ou Acide citrique avec les bases salifiables, dans
    l'ordre de leur affinité avec cet acide,_                        284

    _Observations,_                                                  285

  _Tableau des combinaisons du Radical pyro-ligneux
    oxygéné, ou Acide pyro-ligneux avec les bases
    salifiables dans l'ordre de leur affinité avec cet
    acide,_                                                          286

    _Observations,_                                                  287

  _Tableau des combinaisons du Radical pyro-tartareux
    oxygéné, ou Acide pyro-tartareux avec les différentes
    bases salifiables dans l'ordre de leur affinité avec
    cet acide,_                                                      288

    _Observations,_                                                  289

  _Tableau des combinaisons du Radical pyro-muqueux
    oxygéné, ou Acide pyro-muqueux avec les bases
    salifiables, dans l'ordre de leur affinité avec cet
    acide,_                                                          290

    _Observations,_                                                  291

  _Tableau des combinaisons du Radical oxalique oxygéné,
    ou Acide oxalique avec les bases salifiables, dans
    l'ordre de leur affinité avec cet acide,_                        292

    _Observations,_                                                  293

  _Tableau des combinaisons du Radical acéteux oxygéné,
    par un premier degré d'oxigénation avec les bases
    salifiables, suivant l'ordre de leur affinité avec cet
    acide,_                                                          295

    _Observations,_                                                  295

  _Tableau des combinaisons du Radical acéteux oxygéné
    par un second degré d'oxygénation, ou Acide acétique,
    avec les bases salifiables, dans l'ordre de leur
    affinité avec cet acide,_                                        298

    _Observations,_                                                  299

  _Tableau des combinaisons du Radical succinique
    oxygéné, ou Acide succinique, avec les bases
    salifiables, dans l'ordre de leur affinité avec cet
    acide,_                                                          300

    _Observations,_                                                  301

  _Tableau des combinaisons du Radical benzoïque oxygéné,
    ou Acide benzoïque, avec les différentes bases
    salifiables, rangées par ordre alphabétique,_                    302

    _Observations,_                                                  303

  _Tableau des combinaisons du Radical camphorique
    oxygéné, ou Acide camphorique, avec les bases
    salifiables, par ordre alphabétique,_                            304

    _Observations,_                                                  305

  Tableau des combinaisons du Radical gallique
  oxygéné, ou Acide gallique, avec
  les bases salifiables rangées par ordre alphabétique,              306

    _Observations,_                                                  307

  _Tableau des combinaisons du Radical lactique oxygéné,
    ou Acide lactique, avec les bases salifiables, par
    ordre alphabétique,_                                             308

    _Observations,_                                                  309

  _Tableau des combinaisons du Radical saccholactique
    oxygéné, ou Acide saccholactique, avec les bases
    salifiables, dans l'ordre de leur affinité avec cet
    acide,_                                                          310

    _Observations,_                                                  311

  _Tableau des combinaisons du Radical formique oxygéné,
    ou Acide formique, avec les bases salifiables, dans
    l'ordre de leur affinité avec cet acide,_                        312

    _Observations,_                                                  313

  _Tableau des combinaisons du Radical bombique oxygéné,
    ou Acide bombique, avec les substances salifiables,
    par ordre alphabétique,_                                         314

    _Observations,_                                                  315

  _Tableau des combinaisons du Radical sébacique oxygéné,
    ou Acide sébacique, avec les bases salifiables, dans
    l'ordre de leur affinité avec cet acide,_                        316

    _Observations,_                                                  317

  _Tableau des combinaisons du Radical lithique oxygéné,
    ou Acide lithique, avec les bases salifiables, rangées
    par ordre alphabétique,_                                         318

    _Observations,_                                                  319

  _Tableau des combinaisons du Radical prussique oxygéné,
    ou Acide prussique, avec les bases salifiables, dans
    l'ordre de leur affinité avec cet acide,_                        320

    _Observations,_                                                  322



[Illustration]


TRAITÉ
ÉLÉMENTAIRE
DE CHIMIE.



PREMIERE PARTIE.

_De la formation des fluides aériformes & de leur décomposition; de
la combustion des corps simples & de la formation des acides._



CHAPITRE PREMIER.

_Des combinaisons du calorique & de la formation des fluides
élastiques aériformes._


C'EST un phénomène constant dans la nature & dont la généralité a
été bien établie par Boerhaave, que lorsqu'on échauffe un corps
quelconque, solide ou fluide, il augmente de dimension dans tous
les sens. Les faits sur lesquels on s'est fondé pour restreindre la
généralité de ce principe, ne présentent que des résultats illusoires,
ou du moins dans lesquels se compliquent des circonstances étrangères
qui en imposent: mais lorsqu'on est parvenu à séparer les effets, &
à les rapporter chacun à la cause à laquelle ils appartiennent, on
s'apperçoit que l'écartement des molécules par la chaleur, est une loi
générale & constante de la Nature.

Si après avoir échauffé jusqu'à un certain point un corps solide, & en
avoir ainsi écarté de plus en plus toutes les molécules, on le laisse
refroidir, ces mêmes molécules se rapprochent les unes des autres dans
la même proportion, suivant laquelle elles avoient été écartées; le
corps repasse par les mêmes degrés d'extension qu'il avoit parcourus;
& si on le ramène à la même température qu'il avoit en commençant
l'expérience, il reprend sensiblement le volume qu'il avoit d'abord.
Mais comme nous sommes bien éloignés de pouvoir obtenir un degré de
froid absolu, comme nous ne connoissons aucun degré de refroidissement
que nous ne puissions supposer susceptible d'être augmenté, il en
résulte que nous n'avons pas encore pu parvenir à rapprocher le plus
qu'il est possible, les molécules d'aucun corps, & que par conséquent
les molécules d'aucun corps ne se touchent dans la Nature; conclusion
très-singulière & à laquelle cependant il est impossible de se refuser.

On conçoit que les molécules des corps étant ainsi continuellement
sollicitées par la chaleur à s'écarter les unes des autres, elles
n'auroient aucune liaison entr'elles, & qu'il n'y auroit aucun corps
solide, si elles n'étoient retenues par une autre force qui tendît à
les réunir, & pour ainsi dire à les enchaîner; & cette force, quelle
qu'en soit la cause, a été nommée attraction.

Ainsi les molécules des corps peuvent être considérées comme obéissant
à deux forces, l'une répulsive, l'autre attractive, entre lesquelles
elles sont en équilibre. Tant que la dernière de ces forces,
l'attraction, est victorieuse, le corps demeure dans l'état solide; si
au contraire l'attraction est la plus foible, si la chaleur a tellement
écarté les unes des autres les molécules du corps, qu'elles soient hors
de la sphère d'activité de leur attraction, elles perdent l'adhérence
qu'elles avoient entr'elles & le corps cesse d'être un solide.

L'eau nous présente continuellement un exemple de ces phénomènes:
au-dessous de zéro du thermomètre françois, elle est dans l'état
solide, & elle porte le nom de glace; au-dessus de ce même terme, ses
molécules cessent d'être retenues par leur attraction réciproque,
& elle devient ce qu'on appelle un liquide: enfin, au-dessus de 80
degrés, ses molécules obéissent à la répulsion occasionnée par la
chaleur; l'eau prend l'état de vapeur ou de gaz, & elle se transforme
en un fluide aériforme.

On en peut dire autant de tous les corps de la Nature; ils sont ou
solides, ou liquides, ou dans l'état élastique & aériforme, suivant le
rapport qui existe entre la force attractive de leurs molécules & la
force répulsive de la chaleur, ou, ce qui revient au même, suivant le
degré de chaleur auquel ils sont exposés.

Il est difficile de concevoir ces phénomènes sans admettre qu'ils sont
l'effet d'une substance réelle & matérielle, d'un fluide très-subtil
qui s'insinue à travers les molécules de tous les corps & qui les
écarte: & en supposant même que l'existence de ce fluide fût une
hypothèse, on verra dans la suite qu'elle explique d'une manière
très-heureuse les phénomènes de la Nature.

Cette substance, quelle qu'elle soit, étant la cause de la chaleur;
ou en d'autres termes la sensation que nous appellons chaleur, étant
l'effet de l'accumulation de cette substance, on ne peut pas, dans un
langage rigoureux, la désigner par le nom de chaleur; parce que la même
dénomination ne peut pas exprimer la cause & l'effet. C'est ce qui
m'avoit déterminé, dans le Mémoire que j'ai publié en 1777, (_Recueil
de l'Académie, page_ 420,) à la désigner sous le nom de fluide igné
& de matière de la chaleur. Depuis, dans le travail que nous avons
fait en commun M. de Morveau, M. Berthollet, M. de Fourcroy & moi,
sur la réforme du langage chimique, nous avons cru devoir bannir ces
périphrases qui allongent le discours, qui le rendent plus traînant,
moins précis, moins clair, & qui souvent même ne comportent pas des
idées suffisamment justes. Nous avons en conséquence désigné la cause
de la chaleur, le fluide éminemment élastique qui la produit, par le
nom de _calorique_. Indépendamment de ce que cette expression remplit
notre objet dans le systême que nous avons adopté, elle a encore un
autre avantage, c'est de pouvoir s'adapter à toutes sortes d'opinions;
puisque rigoureusement parlant, nous ne sommes pas même obligés de
supposer que le calorique soit une matière réelle: il suffit, comme
on le sentira mieux par la lecture de ce qui va suivre, que ce soit
une cause répulsive quelconque qui écarte les molécules de la matière,
& on peut ainsi en envisager les effets d'une manière abstraite &
mathématique.

La lumière est-elle une modification du calorique, ou bien le calorique
est-il une modification de la lumière? C'est sur quoi il est impossible
de prononcer dans l'état actuel de nos connoissances. Ce qu'il y a
de certain, c'est que dans un systême où l'on s'est fait une loi de
n'admettre que des faits, & où l'on évite autant qu'il est possible de
rien supposer au-delà de ce qu'ils présentent, on doit provisoirement
désigner par des noms différens, ce qui produit des effets différens.
Nous distinguerons donc la lumière du calorique; mais nous n'en
conviendrons pas moins que la lumière & le calorique ont des qualités
qui leur sont communes, & que dans quelques circonstances ils se
combinent à peu près de la même manière, & produisent une partie des
mêmes effets.

Ce que je viens de dire suffiroit déjà pour bien déterminer l'idée
qu'on doit attacher au mot de _calorique_. Mais il me reste une tâche
plus difficile à remplir, c'est de donner des idées justes de la
manière dont le calorique agit sur les corps. Puisque cette matière
subtile pénètre à travers les pores de toutes les substances que nous
connoissons, puisqu'il n'existe pas de vases à travers lesquels elle ne
s'échappe, & qu'il n'en est par conséquent aucun qui puisse la contenir
sans perte; on ne peut en connoître les propriétés que par des effets
qui, la plupart, sont fugitifs & difficiles à saisir. C'est sur les
choses qu'on ne peut ni voir, ni palper, qu'il est sur-tout important
de se tenir en garde contre les écarts de l'imagination, qui tend
toujours à s'élancer au-delà du vrai, & qui a bien de la peine à se
renfermer dans le cercle étroit que les faits lui circonscrivent.

Nous venons de voir que le même corps devenoit solide ou liquide,
ou fluide aériforme, suivant la quantité de calorique dont il étoit
pénétré, ou, pour parler d'une manière plus rigoureuse, suivant que
la force répulsive du calorique étoit égale à l'attraction de ses
molécules, ou qu'elle étoit plus forte, ou plus foible qu'elle.

Mais s'il n'existoit que ces deux forces, les corps ne seroient
liquides qu'à un degré indivisible du thermomètre, & ils passeroient
brusquement de l'état de solide à celui de fluide élastique aériforme.
Ainsi l'eau, par exemple, à l'instant même où elle cesse d'être
glace, commenceroit à bouillir; elle se transformeroit en un fluide
aériforme, & ses molécules s'écarteroient indéfiniment dans l'espace:
s'il n'en est pas ainsi, c'est qu'une troisième force, la pression de
l'atmosphère, met obstacle à cet écartement, & c'est par cette raison
que l'eau demeure dans l'état fluide depuis zéro jusqu'à 80 degrés du
thermomètre françois; la quantité de calorique qu'elle reçoit dans cet
intervalle est insuffisante pour vaincre l'effort occasionné par la
pression de l'atmosphère.

On voit donc que, sans la pression de l'atmosphère, nous n'aurions pas
de liquide constant; nous ne verrions les corps dans cet état qu'au
moment précis où ils se fondent: la moindre augmentation de chaleur
qu'ils recevroient ensuite, en écarteroit sur le champ les parties &
les disperseroit. Il y a plus, sans la pression de l'atmosphère, nous
n'aurions pas, à proprement parler, de fluides aériformes. En effet,
au moment où la force de l'attraction seroit vaincue par la force
répulsive du calorique, les molécules s'éloigneroient indéfiniment,
sans que rien limitât leur écartement, si ce n'est leur propre
pesanteur qui les rassembleroit pour former une atmosphère.

De simples réflexions sur les expériences les plus connues, suffisent
pour faire appercevoir la vérité de ce que je viens d'énoncer. Elle se
trouve d'ailleurs confirmée d'une manière évidente par l'expérience
qui suit, dont j'ai déjà donné le détail à l'Académie en 1777. (_Voyez_
Mém. page 426.)

On remplit d'éther sulfurique[2] un petit vase de verre étroit, A,
_planche VII, fig. 17_, monté sur son pied P. Ce vase ne doit pas avoir
plus de douze à quinze lignes de diamètre & environ deux pouces de
hauteur. On couvre ce vase avec une vessie humectée, qu'on assujettit
autour du col du vase par un grand nombre de tours de gros fil bien
serrés: pour plus grande sûreté, on remet une seconde vessie par-dessus
la première, & on l'assujettit de la même manière. Ce vase doit être
tellement rempli d'éther qu'il ne reste aucune portion d'air entre la
liqueur & la vessie; on le place ensuite sous le récipient BCD, d'une
machine pneumatique dont le haut B doit être garni d'une boëte à cuir,
traversée par une tige EF, dont l'extrêmité F se termine en une pointe
ou lame très-aigue: à ce même récipient doit être adapté un baromètre
GH.

  [2] Je donnerai ailleurs la définition de la liqueur qu'on nomme
  _éther_, & j'en déveloperai les propriétés. Je me contenterai de dire
  dans ce moment, qu'on désigne par ce nom une liqueur inflammable
  très-volatile, d'une pesanteur spécifique beaucoup moindre que l'eau,
  & même que l'esprit-de-vin.

Lorsque tout est ainsi disposé, on fait le vuide sous le récipient;
puis en faisant descendre la tige pointue EF, on crève la vessie.
Aussi-tôt l'éther commence à bouillir avec une étonnante rapidité,
il se vaporise & se transforme en un fluide élastique aériforme, qui
occupe tout le récipient. Si la quantité d'éther est assez considérable
pour que, la vaporisation finie, il en reste encore quelques goutes
dans la fiole, le fluide élastique qui s'est produit est susceptible
de soutenir le baromètre adapté à la machine pneumatique à huit ou
dix pouces environ pendant l'hiver, & à vingt & vingt-cinq pendant
les chaleurs de l'été. On peut, pour rendre cette expérience plus
complette, introduire un petit thermomètre dans le vase A qui contient
l'éther, & on s'apperçoit qu'il descend considérablement pendant tout
le tems que dure la vaporisation.

On ne fait autre chose, dans cette expérience, que de supprimer le
poids de l'atmosphère, qui, dans l'état ordinaire, pèse sur la surface
de l'éther, & les effets qui en résultent prouvent évidemment deux
choses: la première, qu'au degré de température dans lequel nous
vivons, l'éther seroit constamment dans l'état d'un fluide aériforme,
si la pression de l'atmosphère n'y mettoit obstacle. La seconde,
que ce passage de l'état liquide à l'état aériforme, est accompagné
d'un refroidissement considérable, par la raison que pendant la
vaporisation, une partie du calorique, qui étoit dans un état de
liberté, ou au moins d'équilibre dans les corps environnans, se combine
avec l'éther pour le porter à l'état de fluide aériforme.

La même expérience réussit avec tous les fluides évaporables, tels
que l'esprit-de-vin ou alkool, l'eau & le mercure même; avec cette
différence cependant que l'atmosphère d'alkool qui se forme sous
le récipient, ne peut soutenir le baromètre adapté à la machine
pneumatique, en hiver, qu'à un pouce au-dessus de son niveau, & à
quatre ou cinq en été; que l'eau ne le soutient qu'à quelques lignes,
& le mercure à quelques fractions de ligne. Il y a donc moins de
fluide vaporisé lorsqu'on opère avec l'alkool, que lorsqu'on opère
avec l'éther; moins encore avec l'eau, & sur-tout avec le mercure: par
conséquent moins de calorique employé & moins de refroidissement; ce
qui cadre parfaitement avec le résultat des expériences.

Un autre genre d'expérience prouve encore d'une manière aussi évidente
que l'état aériforme est une modification des corps & qu'elle dépend
du degré de température & de pression qu'ils éprouvent.

Nous avons fait voir, M. de la Place & moi, dans un Mémoire que nous
avons lu à l'Académie en 1777, mais qui n'a pas été imprimé, que
lorsque l'éther étoit soumis à une pression de 28 pouces de mercure,
c'est-à-dire, à une pression égale à celle de l'atmosphère, il entroit
en ébullition à 32 ou 33 degrés du thermomètre de mercure. M. de Luc,
qui a fait des recherches analogues sur l'esprit-de-vin, a reconnu
qu'il entroit en ébullition à 67 degrés. Enfin, tout le monde sait que
l'eau commence à bouillir à 80 degrés. L'ébullition n'étant autre chose
que la vaporisation d'un fluide, ou le moment de son passage de l'état
liquide à celui d'un fluide élastique aériforme, il étoit évident qu'en
tenant constamment de l'éther à une température supérieure à 33 degrés
& au degré habituel de pression de l'atmosphère, on devoit l'obtenir
dans l'état d'un fluide aériforme; que la même chose devoit arriver
à l'esprit-de-vin au-dessus de 67 degrés, & à l'eau au-dessus de 80,
c'est ce qui s'est trouvé parfaitement confirmé par les expériences
suivantes[3].

  [3] Mém. Académ. 1780, page 335.

J'ai rempli avec de l'eau à 35 ou 36 degrés du thermomètre un grand
vase ABCD, _planche VII, figure 15_; je le suppose transparent pour
mieux faire sentir ce qui se passe dans son intérieur; on peut encore
tenir les mains assez long-temps dans de l'eau à ce degré sans
s'incommoder. J'y ai plongé des bouteilles à gouleau renversé F, G, qui
s'y sont emplies, après quoi je les ai retournées de manière qu'elles
eussent leur gouleau en en-bas, & appliqué contre le fond du vase.

Les choses étant ainsi disposées, j'ai introduit de l'éther sulfurique
dans un très-petit matras, dont le col _abc_ étoit doublement recourbé;
j'ai plongé ce matras dans l'eau du vase ABCD, & j'ai engagé, comme on
le voit représenté dans la _figure 15_, l'extrêmité de son col _abc_,
dans le gouleau d'une des bouteilles F: dès que l'éther a commencé
à ressentir l'impression de la chaleur, il est entré en ébullition;
& le calorique qui s'est combiné avec lui, l'a transformé en un
fluide élastique aériforme, dont j'ai rempli successivement plusieurs
bouteilles F, G.

Ce n'est point ici le lieu d'examiner la nature & les propriétés de ce
fluide aériforme, qui est très-inflammable; mais sans anticiper sur des
connoissances que je ne dois pas supposer au lecteur, j'observerai,
en me fixant sur l'objet qui nous occupe dans ce moment, que l'éther,
d'après cette expérience, est tout près de ne pouvoir exister dans
la planette que nous habitons que dans l'état aériforme; que si la
pesanteur de notre atmosphère n'équivaloit qu'à une colonne de 20 ou 24
pouces de mercure au lieu de 28, nous ne pourrions obtenir l'éther dans
l'état liquide, au moins pendant l'été; que la formation de l'éther
seroit par conséquent impossible sur les montagnes un peu élevées, &
qu'il se convertiroit en gaz à mesure qu'il seroit formé, à moins qu'on
n'employât des ballons très-forts pour le condenser & qu'on ne joignît
le refroidissement à la pression. Enfin, que le degré de la chaleur du
sang étant à peu près celui où l'éther passe de l'état liquide à l'état
aériforme, il doit se vaporiser dans les premières voies, & qu'il est
très-vraisemblable que les propriétés de ce médicament tiennent à cet
effet, pour ainsi dire, mécanique.

Ces expériences réussissent encore mieux avec l'éther nitreux, parce
qu'il se vaporise à un degré de chaleur moindre que l'éther sulfurique.
A l'égard de l'alkool ou esprit-de-vin, l'expérience pour l'obtenir
dans l'état aériforme, présente un peu plus de difficulté, parce que
ce fluide n'étant susceptible de se vaporiser qu'à 67 degrés du
thermomètre de Réaumur, il faut que l'eau du bain soit entretenue
presque bouillante, & qu'à ce degré il n'est plus possible d'y plonger
les mains.

Il étoit évident que la même chose devoit arriver à l'eau; que ce
fluide devoit également se transformer en gaz en l'exposant à un
degré de chaleur supérieur à celui qui le fait bouillir; mais quoique
convaincus de cette vérité, nous avons cru cependant, M. de la Place
& moi, devoir la confirmer par une expérience directe, & en voici le
résultat. Nous avons rempli de mercure une jarre de verre A, _planche
VII, figure 5_, dont l'ouverture étoit retournée en en-bas, & nous
avons passé dessous une soucoupe B, également remplie de mercure.
Nous avons introduit dans cette jarre environ deux gros d'eau, qui
ont gagné le haut CD de la jarre, & qui se sont rangés au-dessus de
la surface du mercure; puis nous avons plongé le tout dans une grande
chaudière de fer EFGH, placée sur un fourneau GHIK: cette chaudière
étoit remplie d'eau salée en ébullition, dont la température excédoit
85 degrés du thermomètre; on sait, en effet, que l'eau chargée de sels
est susceptible de prendre un degré de chaleur supérieur de plusieurs
degrés à celui de l'eau bouillante. Dès que les 2 gros d'eau, placés
dans la partie supérieure CD de la jarre ou tube, ont eu atteint la
température de 80 degrés ou environ, ils sont entrés en ébullition,
& au lieu d'occuper, comme ils le faisoient, le petit espace ACD,
ils se sont convertis en un fluide aériforme, qui l'a remplie toute
entière: le mercure est même descendu un peu au-dessous de son niveau,
& la jarre auroit été renversée si elle n'avoit été très-épaisse, par
conséquent fort pesante, & si elle n'avoit d'ailleurs été assujettie à
la soucoupe par du fil de fer. Si-tôt qu'on retiroit la jarre du bain
d'eau salée, l'eau se condensoit & le mercure remontoit; mais elle
reprenoit l'état aériforme quelques instans après que l'appareil avoit
été replongé.

Voilà donc un certain nombre de substances qui se transforment en
fluides aériformes à des degrés de chaleur très-voisins de ceux dans
lesquels nous vivons. Nous verrons bientôt qu'il en est d'autres,
tels que l'acide marin ou muriatique, l'alkali volatil ou ammoniaque,
l'acide carbonique ou air fixe, l'acide sulfureux, &c. qui demeurent
constamment dans l'état aériforme, au degré habituel de chaleur & de
pression de l'atmosphère.

Tous ces faits particuliers, dont il me seroit facile de multiplier
les exemples, m'autorisent à faire un principe général de ce que j'ai
déjà annoncé plus haut, que presque tous les corps de la Nature sont
susceptibles d'exister dans trois états différens; dans l'état de
solidité, dans l'état de liquidité, & dans l'état aériforme, & que ces
trois états d'un même corps dépendent de la quantité de calorique qui
lui est combinée. Je désignerai dorénavant ces fluides aériformes sous
le nom générique de _gaz_; & je dirai en conséquence que, dans toute
espèce de gaz, on doit distinguer le calorique, qui fait en quelque
façon l'office de dissolvant, & la substance qui est combinée avec lui
& qui forme sa base.

C'est à ces bases des différens gaz qui sont encore peu connues, que
nous avons été obligés de donner des noms. Je les indiquerai dans le
Chapitre IV de cet Ouvrage, après que j'aurai rendu compte de quelques
phénomènes qui accompagnent l'échauffement & le refroidissement des
corps, & que j'aurai donné des idées plus précises sur la constitution
de notre atmosphère.

Nous avons vu que les molécules de tous les corps de la Nature étoient
dans un état d'équilibre entre l'attraction, qui tend à les rapprocher
& à les réunir, & les efforts du calorique qui tend à les écarter.
Ainsi non-seulement le calorique environne de toutes parts les corps,
mais encore il remplit les intervalles que leurs molécules laissent
entr'elles. On se formera une idée de ces dispositions, si l'on se
figure un vase rempli de petites balles de plomb & dans lequel on verse
une substance en poudre très-fine, telle que du sablon: on conçoit
que cette substance se répandra uniformément dans les intervalles
que les balles laissent entr'elles & les remplira. Les balles, dans
cet exemple, sont au sablon ce que les molécules des corps sont au
calorique; avec cette différence que, dans l'exemple cité, les balles
se touchent, au lieu que les molécules des corps ne se touchent pas, &
qu'elles sont toujours maintenues à une petite distance les unes des
autres par l'effort du calorique.

Si à des balles dont la figure est ronde, on substituoit des hexaèdres,
des octaèdres, ou des corps d'une figure régulière quelconque & d'une
égale solidité, la capacité des vuides qu'ils laisseroient entr'eux ne
seroit plus la même & l'on ne pourroit plus y loger une aussi grande
quantité de sablon. La même chose arrive à l'égard de tous les corps
de la Nature; les intervalles que leurs molécules laissent entr'elles
ne sont pas tous d'une égale capacité: cette capacité dépend de la
figure de ces molécules, de leur grosseur, & de la distance les unes
des autres à laquelle elles sont maintenues, suivant le rapport qui
existe entre leur force d'attraction, & la force répulsive qu'exerce le
calorique.

C'est dans ce sens qu'on doit entendre cette expression: _capacité des
corps pour contenir la matière de la chaleur_; expression fort juste,
introduite par les Physiciens Anglois, qui ont eu les premiers des
notions exactes à cet égard. Un exemple de ce qui se passe dans l'eau &
quelques réflexions sur la manière dont ce fluide mouille & pénètre les
corps, rendra ceci plus intelligible: on ne sauroit trop s'aider dans
les choses abstraites de comparaisons sensibles.

Si l'on plonge dans l'eau des morceaux de différens bois, égaux en
volume, d'un pied cube, par exemple; ce fluide s'introduira peu à peu
dans leurs pores; ils se gonfleront & augmenteront de poids: mais
chaque espèce de bois admettra dans ses pores une quantité d'eau
différente; les plus légers & les plus poreux en logeront davantage;
ceux qui seront compactes & serrés, n'en laisseront pénétrer qu'une
très-petite quantité: enfin, la proportion d'eau qu'ils recevront
dépendra encore de la nature des molécules constituantes du bois, de
l'affinité plus ou moins grande qu'elles auront avec l'eau, & les
bois très-résineux, par exemple, quoique très-poreux, en admettront
très-peu. On pourra donc dire que les différentes espèces de bois
ont une capacité différente pour recevoir de l'eau; on pourra même
connoître, par l'augmentation de poids, la quantité qu'ils en auront
absorbée; mais comme on ignorera la quantité d'eau qu'ils contenoient
avant leur immersion, il ne sera pas possible de connoître la quantité
absolue qu'ils en contiendront en en sortant.

Les mêmes circonstances ont lieu à l'égard des corps qui sont
plongés dans le calorique; en observant cependant que l'eau est un
fluide incompressible, tandis que le calorique est doué d'une grande
élasticité, ce qui signifie en d'autres termes que les molécules du
calorique ont une grande tendance à s'écarter les unes des autres,
quand une force quelconque les a obligées de se rapprocher, &
l'on conçoit que cette circonstance doit apporter des changemens
très-notables dans les résultats.

Les choses amenées à ce point de clarté & de simplicité, il me sera
aisé de faire entendre quelles sont les idées qu'on doit attacher à
ces expressions; _calorique libre, & calorique combiné, quantité
spécifique de calorique_ contenue dans les différens corps, _capacité
pour contenir le calorique, chaleur latente, chaleur sensible_,
toutes expressions qui ne sont point synonimes; mais qui, d'après ce
que je viens d'exposer, ont un sens strict & déterminé. C'est ce sens
que je vais chercher encore à fixer par quelques définitions.

_Le calorique libre_ est celui qui n'est engagé dans aucune
combinaison. Comme nous vivons au milieu d'un systême de corps avec
lesquels le calorique a de l'adhérence, il en résulte que nous
n'obtenons jamais ce principe dans l'état de liberté absolue.

_Le calorique combiné_ est celui qui est enchaîné dans les corps par la
force d'affinité ou d'attraction, & qui constitue une partie de leur
substance, même de leur solidité.

On entend par cette expression _calorique spécifique_ des corps, la
quantité de calorique respectivement nécessaire pour élever d'un même
nombre de degrés la température de plusieurs corps égaux en poids.
Cette quantité de calorique dépend de la distance des molécules des
corps, de leur adhérence plus ou moins grande; & c'est cette distance,
ou plutôt l'espace qui en résulte, qu'on a nommé, comme je l'ai déjà
observé, _capacité pour contenir le calorique_.

_La chaleur_, considérée comme sensation, ou en d'autres termes, la
_chaleur sensible_, n'est que l'effet produit sur nos organes par le
passage du calorique qui se dégage des corps environnans. En général
nous n'éprouvons de sensation que par un mouvement quelconque, &
l'on pourroit poser comme un axiome, _point de mouvement, point de
sensation_. Ce principe général s'applique naturellement au sentiment
du froid & du chaud: lorsque nous touchons un corps froid, le calorique
qui tend à se mettre en équilibre dans tous les corps, passe de notre
main dans le corps que nous touchons, & nous éprouvons la sensation du
froid. L'effet contraire arrive lorsque nous touchons un corps chaud;
le calorique passe du corps à notre main, & nous avons la sensation de
la chaleur. Si le corps & la main sont du même degré de température,
ou à peu près, nous n'éprouvons aucune sensation, ni de froid, ni de
chaud, parce qu'alors il n'y a point de mouvement, point de transport
de calorique, & qu'encore une fois il n'y a pas de sensation sans un
mouvement qui l'occasionne.

Lorsque le thermomètre monte, c'est une preuve qu'il y a du calorique
libre qui se répand dans les corps environnans: le thermomètre, qui est
au nombre de ces corps, en reçoit sa part, en raison de sa masse, & de
la capacité qu'il a lui-même pour contenir le calorique. Le changement
qui arrive dans le thermomètre, n'annonce donc qu'un déplacement de
calorique, qu'un changement arrivé à un systême de corps dont il fait
partie; il n'indique tout au plus que la portion de calorique qu'il
a reçue, mais il ne mesure pas la quantité totale qui a été dégagée,
déplacée ou absorbée. Le moyen le plus simple & le plus exact pour
remplir ce dernier objet est celui imaginé par M. de la Place, & qui
est décrit dans les Mémoires de l'Académie, année 1780, page 364. On
en trouve aussi une explication sommaire à la fin de cet Ouvrage.
Il consiste à placer le corps, ou la combinaison d'où se dégage le
calorique, au milieu d'une sphère creuse de glace: la quantité de glace
fondue est une expression exacte de la quantité de calorique qui s'est
dégagée. On peut, à l'aide de l'appareil que nous avons fait construire
d'après cette idée, connoître, non pas comme on l'a prétendu, la
capacité qu'ont les corps pour contenir le calorique, mais le rapport
des augmentations ou diminutions que reçoivent ces capacités, par des
nombres déterminés de degrés du thermomètre. Il est facile, avec le
même appareil, & par diverses combinaisons d'expériences, de connoître
la quantité de calorique nécessaire pour convertir les corps solides
en liquides & ceux-ci en fluides aériformes, & réciproquement, ce que
les fluides élastiques abandonnent de calorique quand ils redeviennent
liquides, & ceux-ci quand ils redeviennent solides. On pourra donc
parvenir un jour, lorsque les expériences auront été assez multipliées,
à déterminer le rapport de calorique qui constitue chaque espèce de
gaz. Je rendrai compte, dans un Chapitre particulier, des principaux
résultats que nous avons obtenus en ce genre.

Il me reste, en finissant cet article, à dire un mot sur la cause de
l'élasticité des gaz & des fluides en vapeurs. Il n'est pas difficile
d'appercevoir que cette élasticité tient à celle du calorique, qui paroît
être le corps éminemment élastique de la nature. Rien de plus simple
que de concevoir qu'un corps devient élastique en se combinant avec un
autre qui est lui-même doué de cette propriété. Mais il faut convenir
que c'est expliquer l'élasticité par l'élasticité; qu'on ne fait
par-là que reculer la difficulté, & qu'il reste toujours à expliquer
ce que c'est que l'élasticité, & pourquoi le calorique est élastique.
En considérant l'élasticité dans un sens abstrait, elle n'est autre
chose que la propriété qu'ont les molécules d'un corps de s'éloigner
les unes des autres, lorsqu'on les a forcées de s'approcher. Cette
tendance qu'ont les molécules du calorique à s'écarter, a lieu même à
de fort grandes distances. On en sera convaincu si l'on considère que
l'air est susceptible d'un grand degré de compression; ce qui suppose
que ses molécules sont déjà très-éloignées les unes des autres: car
la possibilité de se rapprocher, suppose une distance au moins égale
à la quantité du rapprochement. Or ces molécules de l'air qui sont
déjà très-éloignées entr'elles tendent encore à s'éloigner davantage:
en effet, si on fait le vuide de Boyle dans un très-vaste récipient,
les dernières portions d'air qui y restent se répandent uniformément
dans toute la capacité du vase, quelque grand qu'il soit, elles le
remplissent en entier & pressent contre ses parois: or cet effet ne
peut s'expliquer qu'en supposant que les molécules font un effort
en tout sens pour s'écarter, & l'on ne connoît point la distance à
laquelle ce phénomène s'arrête.

Il y a donc une véritable répulsion entre les molécules des fluides
élastiques; ou du moins les choses se passent de la même manière que
si cette répulsion avoit lieu, & on auroit quelque droit d'en conclure
que les molécules du calorique se repoussent les unes les autres. Cette
force de répulsion une fois admise, les explications relatives à la
formation des fluides aériformes ou gaz deviendroient fort simples:
mais il faut convenir en même temps qu'une force répulsive, entre des
molécules très-petites, qui agit à de grandes distances est difficile à
concevoir.

Il paroîtroit peut-être plus naturel de supposer que les molécules
du calorique s'attirent plus entr'elles que ne le font les molécules
des corps, & qu'elles ne les écartent que pour obéir à la force
d'attraction qui les oblige de se réunir. Il se passe quelque chose
d'analogue à ce phénomène, quand on plonge une éponge sèche dans de
l'eau: elle se gonfle; ses molécules s'écartent les unes des autres, &
l'eau remplit tous les intervalles. Il est clair que cette éponge en
se gonflant a acquis plus de capacité pour contenir de l'eau, qu'elle
n'en avoit auparavant. Mais peut-on dire que l'introduction de l'eau
entre ses molécules leur ait communiqué une force répulsive qui tende à
les écarter les unes des autres? Non, sans doute: il n'y a au contraire
que des forces attractives qui agissent dans ce cas, & ces forces sont,
1º. la pesanteur de l'eau & l'action qu'elle exerce en tout sens, comme
tous les fluides; 2º. la force attractive des molécules de l'eau les
unes à l'égard des autres; 3º. la force attractive des molécules de
l'éponge entr'elles; enfin, l'attraction réciproque des molécules de
l'eau & de celles de l'éponge. Il est aisé de concevoir que c'est de
l'intensité & du rapport de toutes ces forces, que dépend l'explication
du phénomène. Il est probable que l'écartement des molécules des corps
par le calorique, tient de même à une combinaison de différentes
forces attractives, & c'est le résultat de ces forces que nous
cherchons à exprimer d'une manière plus concise & plus conforme à
l'état d'imperfection de nos connoissances, lorsque nous disons que le
calorique communique une force répulsive aux molécules des corps.



CHAPITRE II.

_Vues générales sur la formation & la constitution de l'atmosphère de
la terre._


LES considérations que je viens de présenter sur la formation des
fluides élastiques aériformes ou gaz, jettent un grand jour sur
la manière dont se sont formées, dans l'origine des choses, les
atmosphères des planètes, & notamment celle de la terre. On conçoit
que cette dernière doit être le résultat & le mélange 1º. de toutes
les substances susceptibles de se vaporiser ou plutôt de rester dans
l'état aériforme, au degré de température dans lequel nous vivons, & à
une pression égale au poids d'une colonne de mercure de 28 pouces de
hauteur; 2º. de toutes les substances fluides ou concrètes susceptibles
de se dissoudre dans cet assemblage de différens gaz.

Pour mieux fixer nos idées relativement à cette matière sur laquelle
on n'a point encore assez réfléchi, considérons un moment ce qui
arriveroit aux différentes substances qui composent le globe, si la
température en étoit brusquement changée. Supposons, par exemple, que
la terre se trouvât transportée tout à coup dans une région beaucoup
plus chaude du systême solaire; dans la région de mercure, par exemple,
où la chaleur habituelle est probablement fort supérieure à celle de
l'eau bouillante: bientôt l'eau, tous les fluides susceptibles de
se vaporiser à des degrés voisins de l'eau bouillante, & le mercure
lui-même, entreroient en expansion; ils se transformeroient en fluides
aériformes ou gaz, qui deviendroient parties de l'atmosphère. Ces
nouvelles espèces d'air se mêleroient avec celles déjà existantes, &
il en résulteroit des décompositions réciproques, des combinaisons
nouvelles, jusqu'à ce que les différentes affinités se trouvant
satisfaites, les principes qui composeroient ces différens airs ou gaz,
arrivassent à un état de repos. Mais une considération qui ne doit
pas échapper, c'est que cette vaporisation même auroit des bornes: en
effet à mesure que la quantité des fluides élastiques augmenteroit, la
pesanteur de l'atmosphère s'accroîtroit en proportion: or, puisqu'une
pression quelconque est un obstacle à la vaporisation, puisque les
fluides les plus évaporables peuvent résister, sans se vaporiser, à une
chaleur très-forte, quand on y oppose une pression proportionnellement
plus forte encore; enfin, puisque l'eau elle-même & tous les liquides,
peuvent éprouver dans la machine de Papin, une chaleur capable de
les faire rougir, on conçoit que la nouvelle atmosphère arriveroit à
un degré de pesanteur tel, que l'eau qui n'auroit pas été vaporisée
jusqu'alors, cesseroit de bouillir, & resteroit dans l'état de
liquidité; en sorte que même dans cette supposition, comme dans toute
autre de même genre, la pesanteur de l'atmosphère seroit limitée &
ne pourroit pas excéder un certain terme. On pourroit porter ces
réflexions beaucoup plus loin, & examiner ce qui arriveroit aux
pierres, aux sels, & à la plus grande partie des substances fusibles
qui composent le globe: on conçoit qu'elles se ramolliroient, qu'elles
entreroient en fusion & formeroient des fluides; mais ces dernières
considérations sortent de mon objet, & je me hâte d'y rentrer.

Par un effet contraire, si la terre se trouvoit tout à coup placée
dans des régions très-froides, l'eau qui forme aujourd'hui nos fleuves
& nos mers, & probablement le plus grand nombre des fluides que nous
connoissons, se transformeroit en montagnes solides, en rochers
très-durs, d'abord diaphanes, homogènes & blancs comme le cristal
de roche; mais qui, avec le temps, se mêlant avec des substances de
différente nature, deviendroient des pierres opaques diversement
colorées.

L'air, dans cette supposition, ou au moins une partie des substances
aériformes qui le composent, cesseroient sans doute d'exister dans
l'état de vapeurs élastiques, faute d'un degré de chaleur suffisant;
elles reviendroient donc à l'état de liquidité, & il en résulteroit de
nouveaux liquides dont nous n'avons aucune idée.

Ces deux suppositions extrêmes font voir clairement 1º. que
_solidité_, _liquidité_, _élasticité_, sont trois états différens de
la même matière, trois modifications particulières, par lesquelles
presque toutes les substances peuvent successivement passer, & qui
dépendent uniquement du degré de chaleur auquel elles sont exposées,
c'est-à-dire, de la quantité de calorique dont elles sont pénétrées;
2º. qu'il est très-probable que l'air est un fluide naturellement en
vapeurs, ou pour mieux dire, que notre atmosphère est un composé de
tous les fluides susceptibles d'exister dans un état de vapeurs &
d'élasticité constante, au degré habituel de chaleur & de pression
que nous éprouvons; 3º. qu'il ne seroit pas par conséquent impossible
qu'il se rencontrât dans notre atmosphère des substances extrêmement
compactes, des métaux même, & qu'une substance métallique, par exemple,
qui seroit un peu plus volatile que le mercure, seroit dans ce cas.

On sait que parmi les fluides que nous connoissons, les uns, comme
l'eau & l'alkool ou esprit-de-vin, sont susceptibles de se mêler les
uns avec les autres dans toutes proportions: les autres, au contraire,
comme le mercure, l'eau & l'huile, ne peuvent contracter que des
adhérences momentanées, ils se séparent les uns des autres lorsqu'ils
ont été mêlangés, & se rangent en raison de leur gravité spécifique.
La même chose doit, ou au moins peut arriver dans l'atmosphère: il
est possible, il est même probable qu'il s'est formé dans l'origine &
qu'il se forme tous les jours des gaz qui ne sont que difficilement
miscibles à l'air de l'atmosphère & qui s'en séparent; si ces gaz sont
plus légers, ils doivent se rassembler dans les régions élevées, & y
former des couches qui nagent sur l'air atmosphérique. Les phénomènes
qui accompagnent les météores ignés me portent à croire qu'il existe
ainsi dans le haut de l'atmosphère une couche d'un fluide inflammable,
& que c'est au point de contact de ces deux couches d'air que s'opèrent
les phénomènes de l'aurore boréale & des autres météores ignés.
Je me propose de développer mes idées à cet égard dans un Mémoire
particulier.



CHAPITRE III.

_Analyse de l'air de l'atmosphère: sa résolution en deux fluides
élastiques, l'un respirable, l'autre non-respirable._


TELLE est donc _à priori_ la constitution de notre atmosphère; elle
doit être formée de la réunion de toutes les substances susceptibles de
demeurer dans l'état aériforme au degré habituel de température & de
pression que nous éprouvons. Ces fluides forment une masse de nature à
peu près homogène, depuis la surface de la terre jusqu'à la plus grande
hauteur à laquelle on soit encore parvenu, & dont la densité décroît en
raison inverse des poids dont elle est chargée; mais comme je l'ai dit,
il est possible que cette première couche soit recouverte d'une ou de
plusieurs autres de fluides très-différens.

Il nous reste maintenant à déterminer quel est le nombre & quelle est
la nature des fluides élastiques qui composent cette couche inférieure
que nous habitons; & c'est sur quoi l'expérience va nous éclairer. La
Chimie moderne a fait à cet égard un grand pas; & les détails dans
lesquels je vais entrer feront connoître que l'air de l'atmosphère est
peut-être de toutes les substances de cet ordre, celle dont l'analyse
est la plus exactement & la plus rigoureusement faite.

La Chimie présente en général deux moyens pour déterminer la
nature des parties constituantes d'un corps, la composition & la
décomposition. Lors, par exemple, que l'on a combiné ensemble de l'eau
& de l'esprit-de-vin ou alkool, & que par le résultat de ce mêlange
on a formé l'espèce de liqueur qui porte le nom d'eau-de-vie dans le
commerce, on a droit d'en conclure que l'eau-de-vie est un composé
d'alkool & d'eau: mais on peut arriver à la même conclusion par voie
de décomposition, & en général on ne doit être pleinement satisfait en
Chimie qu'autant qu'on a pu réunir ces deux genres de preuves.

On a cet avantage dans l'analyse de l'air de l'atmosphère; on peut
le décomposer & le recomposer; & je me bornerai à rapporter ici les
expériences les plus concluantes qui aient été faites à cet égard. Il
n'en est presque aucunes qui ne me soient devenues propres, soit parce
que je les ai faites le premier, soit parce que je les ai répétées sous
un point de vue nouveau, sous celui d'analyser l'air de l'atmosphère.

J'ai pris, _planche II, figure 14_, un matras A de 36 pouces cubiques
environ de capacité dont le col BCDE étoit très-long, & avoit six à
sept lignes de grosseur intérieurement. Je l'ai courbé, comme on le
voit représenté, _planche IV, figure 2_, de manière qu'il pût être
placé dans un fourneau MMNN, tandis que l'extrêmité E de son col iroit
s'engager sous la cloche FG, placée dans un bain de mercure RRSS. J'ai
introduit dans ce matras quatre onces de mercure très-pur, puis en
suçant avec un siphon que j'ai introduit sous la cloche FG, j'ai élevé
le mercure jusqu'en LL: j'ai marqué soigneusement cette hauteur avec
une bande de papier collé, & j'ai observé exactement le baromètre & le
thermomètre.

Les choses ainsi préparées, j'ai allumé du feu dans le fourneau MMNN,
& je l'ai entretenu presque continuellement pendant douze jours, de
manière que le mercure fut échauffé presqu'au degré nécessaire pour le
faire bouillir.

Il ne s'est rien passé de remarquable pendant tout le premier jour:
le mercure quoique non bouillant, étoit dans un état d'évaporation
continuelle; il tapissoit l'intérieur des vaisseaux de goutelettes,
d'abord très-fines, qui alloient ensuite en augmentant, & qui,
lorsqu'elles avoient acquis un certain volume, retomboient
d'elles-mêmes au fond du vase, & se réunissoient au reste du mercure.
Le second jour, j'ai commencé à voir nager sur la surface du mercure
de petites parcelles rouges, qui, pendant quatre ou cinq jours ont
augmenté en nombre & en volume, après quoi elles ont cessé de grossir
& sont restées absolument dans le même état. Au bout de douze jours
voyant que la calcination du mercure ne faisoit plus aucun progrès,
j'ai éteint le feu & j'ai laissé refroidir les vaisseaux. Le volume
de l'air contenu tant dans le matras que dans son col & sous la
partie vuide de la cloche, réduit à une pression de 28 pouces & à 10
degrés du thermomètre, étoit avant l'opération de 50 pouces cubiques
environ. Lorsque l'opération a été finie, ce même volume à pression &
à température égale, ne s'est plus trouvé que de 42 à 43 pouces: il y
avoit eu par conséquent une diminution de volume d'un sixième environ.
D'un autre côté ayant rassemblé soigneusement les parcelles rouges qui
s'étoient formées, & les ayant séparées autant qu'il étoit possible du
mercure coulant dont elles étoient baignées, leur poids s'est trouvé de
45 grains.

J'ai été obligé de répéter plusieurs fois cette calcination du mercure
en vaisseaux clos, parce qu'il est difficile, dans une seule & même
expérience, de conserver l'air dans lequel on a opéré, & les molécules
rouges ou chaux de mercure qui s'est formé. Il m'arrivera souvent de
confondre ainsi, dans un même récit, le résultat de deux ou trois
expériences de même genre.

L'air qui restoit après cette opération & qui avoit été réduit aux
cinq sixièmes de son volume, par la calcination du mercure, n'étoit
plus propre à la respiration ni à la combustion; car les animaux qu'on
y introduisoit y périssoient en peu d'instans, & les lumières s'y
éteignoient sur le champ, comme si on les eût plongées dans de l'eau.

D'un autre côté, j'ai pris les 45 grains de matière rouge qui s'étoit
formée pendant l'opération; je les ai introduits dans une très-petite
cornue de verre à laquelle étoit adapté un appareil propre à recevoir
les produits liquides & aériformes qui pourroient se séparer: ayant
allumé du feu dans le fourneau, j'ai observé qu'à mesure que la
matière rouge étoit échauffée sa couleur augmentoit d'intensité.
Lorsqu'ensuite la cornue a approché de l'incandescence, la matière
rouge a commencé à perdre peu à peu de son volume, & en quelques
minutes elle a entièrement disparu; en même temps il s'est condensé
dans le petit récipient 41 grains 1/2 de mercure coulant, & il a passé
sous la cloche 7 à 8 pouces cubiques d'un fluide élastique beaucoup
plus propre que l'air de l'atmosphère à entretenir la combustion & la
respiration des animaux.

Ayant fait passer une portion de cet air dans un tube de verre d'un
pouce de diamètre & y ayant plongé une bougie, elle y répandoit un
éclat éblouissant; le charbon au lieu de s'y consommer paisiblement
comme dans l'air ordinaire, y brûloit avec flamme & une sorte de
décrépitation, à la manière du phosphore, & avec une vivacité de
lumière que les yeux avoient peine à supporter. Cet air que nous avons
découvert presque en même temps, M. Priestley, M. Schéele & moi, a été
nommé par le premier, air déphlogistiqué; par le second, air empiréal.
Je lui avois d'abord donné le nom d'_air éminemment respirable_:
depuis, on y a substitué celui d'_air vital_. Nous verrons bientôt ce
qu'on doit penser de ces dénominations.

En réfléchissant sur les circonstances de cette expérience, on voit que
le mercure en se calcinant absorbe la partie salubre & respirable de
l'air, ou, pour parler d'une manière plus rigoureuse, la base de cette
partie respirable; que la portion d'air qui reste est une espèce de
mofète, incapable d'entretenir la combustion & la respiration: l'air
de l'atmosphère est donc composé de deux fluides élastiques de nature
différente & pour ainsi dire opposée.

Une preuve de cette importante vérité, c'est qu'en recombinant les deux
fluides élastiques qu'on a ainsi obtenus séparément, c'est-à-dire, les
42 pouces cubiques de mofète, ou air non respirable, & les 8 pouces
cubiques d'air respirable, on reforme de l'air, en tout semblable à
celui de l'atmosphère, & qui est propre à peu près au même degré, à la
combustion, à la calcination des métaux, & à la respiration des animaux.

Quoique cette expérience fournisse un moyen infiniment simple d'obtenir
séparément les deux principaux fluides élastiques qui entrent dans
la composition de notre atmosphère, elle ne nous donne pas des idées
exactes sur la proportion de ces deux fluides. L'affinité du mercure
pour la partie respirable de l'air, ou plutôt pour sa base, n'est pas
assez grande pour qu'elle puisse vaincre entièrement les obstacles qui
s'opposent à cette combinaison. Ces obstacles sont l'adhérence des deux
fluides constitutifs de l'air de l'atmosphère & la force d'affinité qui
unit la base de l'air vital au calorique: en conséquence la calcination
du mercure finie, ou au moins portée aussi loin qu'elle peut l'être,
dans une quantité d'air déterminée, il reste encore un peu d'air
respirable combiné avec la mofète, & le mercure ne peut en séparer
cette dernière portion. Je ferai voir dans la suite que la proportion
d'air respirable & d'air non respirable qui entre dans la composition
de l'air atmosphérique est dans le rapport de 27 à 73, au moins dans
les climats que nous habitons: je discuterai en même temps les causes
d'incertitude qui existent encore sur l'exactitude de cette proportion.

Puisqu'il y a décomposition de l'air dans la calcination du mercure,
puisqu'il y a fixation & combinaison de la base de la partie respirable
avec le mercure, il résulte des principes que j'ai précédemment
exposés, qu'il doit y avoir dégagement de calorique & de lumière; &
l'on ne sauroit douter que ce dégagement n'ait lieu en effet: mais deux
causes empêchent qu'il ne soit rendu sensible dans l'expérience dont je
viens de rendre compte. La première, parce que la calcination durant
pendant plusieurs jours, le dégagement de chaleur & de lumière, réparti
sur un aussi long intervalle de temps, est infiniment foible pour
chaque instant en particulier: la seconde, parce que l'opération se
faisant dans un fourneau & à l'aide du feu, la chaleur occasionnée par
la calcination se confond avec celle du fourneau. Je pourrois ajouter
que la partie respirable de l'air, ou plutôt sa base, en se combinant
avec le mercure, n'abandonne pas la totalité du calorique qui lui étoit
uni, qu'une partie demeure engagée dans la nouvelle combinaison; mais
cette discussion & les preuves que je serois obligé de rapporter, ne
seroient pas à leur place ici.

Il est au surplus aisé de rendre sensible le dégagement de la chaleur
& de la lumière en opérant d'une manière plus prompte la décomposition
de l'air. Le fer, qui a beaucoup plus d'affinité que le mercure avec
la base de la partie respirable de l'air, en fournit un moyen. Tout le
monde connoît aujourd'hui la belle expérience de M. Ingenhouz sur la
combustion du fer. On prend un bout de fil de fer très-fin BC, _planche
IV, figure 17_, tourné en spirale, on fixe l'une de ses extrêmités
B, dans un bouchon de liége A, destiné à boucher la bouteille DEFG.
On attache à l'autre extrêmité de ce fil de fer, un petit morceau
d'amadoue C. Les choses ainsi disposées, on emplit avec de l'air
dépouillé de sa partie non respirable, la bouteille DEFG. On allume
l'amadoue C, puis on l'introduit promptement, ainsi que le fil de fer
BC dans la bouteille, & on la bouche comme on le voit dans la figure
que je viens de citer.

Aussi-tôt que l'amadoue est plongée dans l'air vital, elle commence
à brûler avec un éclat éblouissant; elle communique l'inflammation
au fer, qui brûle lui même en répandant de brillantes étincelles,
lesquelles tombent au fond de la bouteille, en globules arrondis
qui deviennent noirs en se refroidissant, & qui conservent un reste
de brillant métallique. Le fer ainsi brûlé, est plus cassant & plus
fragile, que ne le seroit le verre lui-même; il se réduit facilement
en poudre & est encore attirable à l'aimant, moins cependant qu'il ne
l'étoit avant sa combustion.

M. Ingenhouz n'a examiné ni ce qui arrivoit au fer, ni ce qui arrivoit
à l'air dans cette opération, en sorte que je me suis trouvé obligé de
la répéter avec des circonstances différentes & dans un appareil plus
propre à répondre à mes vues.

J'ai rempli une cloche A, _planche IV, fig. 3_, de six pintes environ
de capacité d'air pur, autrement dit, de la partie éminemment
respirable de l'air. J'ai transporté, à l'aide d'un vase très-plat,
cette cloche sur un bain de mercure contenu dans le bassin BC; après
quoi j'ai séché soigneusement avec du papier gris la surface du
mercure, tant dans l'intérieur qu'à l'extérieur de la cloche. Je me
suis muni, d'un autre côté, d'une petite capsule de porcelaine D, plate
& évasée, dans laquelle j'ai placé de petits coupeaux de fer tournés
en spirale, & que j'ai arrangés de la manière qui m'a paru la plus
favorable pour que la combustion se communiquât à toutes les parties.
A l'extrêmité d'un de ces coupeaux, j'ai attaché un petit morceau
d'amadoue, & j'y ai ajouté un fragment de phosphore, qui pesoit à peine
un seizième de grain. J'ai introduit la capsule sous la cloche en
soulevant un peu cette dernière. Je n'ignore pas que par cette manière
de procéder, il se mêle une petite portion d'air commun avec l'air de
la cloche; mais ce mêlange, qui est peu considérable lorsqu'on opère
avec adresse, ne nuit point au succès de l'expérience.

Lorsque la capsule D est introduite sous la cloche, on succe une
partie de l'air qu'elle contient, afin d'élever le mercure dans son
intérieur jusqu'en EF; on se sert à cet effet d'un siphon GHI, qu'on
passe par-dessous, & pour qu'il ne se remplisse pas de mercure, on
tortille un petit morceau de papier à son extrêmité. Il y a un art
pour élever ainsi en suçant le mercure sous la cloche: si on se
contentoit d'aspirer l'air avec le poumon, on n'atteindroit qu'à une
très-médiocre élévation, par exemple, d'un pouce ou d'un pouce & demi
tout au plus, tandis que par l'action des muscles de la bouche on
élève, sans se fatiguer, ou au moins sans risquer de s'incommoder, le
mercure jusqu'à 6 à 7 pouces.

Après que tout a été ainsi préparé, on fait rougir au feu un
fer recourbé MN, _planche IV, figure 16_, destiné à ces sortes
d'expériences; on le passe par-dessous la cloche & avant qu'il ait eu
le temps de se refroidir, on l'approche du petit morceau de phosphore
contenu dans la capsule de porcelaine D: aussi-tôt le phosphore
s'allume, il communique son inflammation à l'amadoue, & celle-ci la
communique au fer. Quand les copeaux ont été bien arrangés, tout le
fer brûle jusqu'au dernier atôme, en répandant une lumière blanche,
brillante, & semblable à celle qu'on observe dans les étoiles
d'artifice Chinois. La grande chaleur qui s'opère pendant cette
combustion, liquéfie le fer, & il tombe en globules ronds de grosseur
différente, dont le plus grand nombre reste dans la capsule, & dont
quelques-uns sont lancés au dehors & nagent sur la surface du mercure.

Dans le premier instant de la combustion il y a une légère augmentation
dans le volume de l'air, en raison de la dilatation occasionnée par la
chaleur: mais bientôt une diminution rapide succède à la dilatation;
le mercure remonte dans la cloche, & lorsque la quantité de fer est
suffisante, & que l'air avec lequel on opère est bien pur, on parvient
à l'absorber presqu'en entier.

Je dois avertir ici qu'à moins qu'on ne veuille faire des expériences
de recherches, il vaut mieux ne brûler que des quantités médiocres de
fer. Quand on veut pousser trop loin l'expérience & absorber presque
tout l'air, la capsule D qui nage sur le mercure, se rapproche trop de
la voûte de la cloche, & la grande chaleur jointe au refroidissement
subit, occasionné par le contact du mercure, fait éclater le verre:
le poids de la colonne de mercure qui vient à tomber rapidement, dès
qu'il s'est fait une félure à la cloche, occasionne un flot qui fait
jaillir une grande partie de ce fluide hors du bassin. Pour éviter ces
inconvéniens & être sûr du succès de l'expérience, on ne doit guère
brûler plus d'un gros & demi de fer sous une cloche de huit pintes de
capacité. Cette cloche doit être forte, afin de résister au poids de
mercure qu'elle est destinée à contenir.

Il n'est pas possible de déterminer à la fois dans cette expérience,
le poids que le fer acquiert, & les changemens arrivés à l'air. Si
c'est l'augmentation de poids du fer & son rapport avec l'absorption
de l'air, dont on cherche à connoître la quantité, on doit avoir soin
de marquer très-exactement sur la cloche, avec un trait de diamant, la
hauteur du mercure avant & après l'expérience; on passe ensuite sous
la cloche le siphon GH, _planche IV, figure 3_, garni d'un papier qui
empêche qu'il ne s'emplisse de mercure. On met le pouce sur l'extrêmité
G, & on rend l'air peu à peu en soulevant le pouce. Lorsque le mercure
est descendu à son niveau, on enlève doucement la cloche; on détache
de la capsule les globules de fer qui y sont contenus; on rassemble
soigneusement ceux qui pourroient s'être éclaboussés & qui nagent
sur le mercure, & on pèse le tout. Ce fer est dans l'état de ce que
les anciens Chimistes ont nommé _éthiops martial_; il a une sorte de
brillant métallique; il est très-cassant, très-friable, & se réduit
en poudre sous le marteau & sous le pilon. Lorsque l'opération a bien
réussi, avec 100 grains de fer on obtient 135 à 136 grains d'éthiops.
On peut donc compter sur une augmentation de poids au moins de 35
livres par quintal.

Si l'on a donné à cette expérience toute l'attention qu'elle mérite,
l'air se trouve diminué d'une quantité en poids exactement égale à
celle dont le fer est augmenté. Si donc on a brûlé 100 grains de fer
& que l'augmentation de poids que ce métal a acquise ait été de 35
grains, la diminution du volume de l'air est assez exactement de 70
pouces cubiques à raison d'un demi-grain par pouce cube. On verra dans
la suite de ces Mémoires, que le poids de l'air vital est en effet,
assez exactement, d'un demi-grain par pouce cube.

Je rappellerai ici une dernière fois que dans toutes les expériences
de ce genre, on ne doit point oublier de ramener par le calcul le
volume de l'air au commencement & à la fin de l'expérience à celui
qu'on auroit eu à 10 degrés du thermomètre, & à une pression de 28
pouces: j'entrerai dans quelques détails sur la manière de faire ces
corrections, à la fin de cet Ouvrage.

Si c'est sur la qualité de l'air restant dans la cloche, qu'on se
propose de faire des expériences, on opère d'une manière un peu
différente. On commence alors, après que la combustion est faite &
que les vaisseaux sont refroidis, par retirer le fer & la capsule
qui le contenoit en passant la main sous la cloche à travers le
mercure: ensuite on introduit sous cette même cloche, de la potasse
ou alkali caustique, dissous dans l'eau, du sulfure de potasse, ou
telle autre substance qu'on juge à propos, pour examiner l'action
qu'elles exercent sur l'air. Je reviendrai dans la suite sur ces
moyens d'analyse de l'air, quand j'aurai fait connoître la nature de
ces différentes substances, dont je ne parle qu'accidentellement dans
ce moment. On finit par introduire sous cette même cloche, autant d'eau
qu'il est nécessaire pour déplacer tout le mercure; après quoi on passe
dessous un vaisseau ou espèce de capsule très-platte avec laquelle on
la transporte dans l'appareil pneumato-chimique ordinaire à l'eau, où
l'on opère plus en grand & avec plus de facilité.

Lorsqu'on a employé du fer très-doux & très-pur, & que la portion
respirable de l'air dans lequel s'est faite la combustion, étoit
exempte de tout mêlange d'air non respirable, l'air qui reste après
la combustion, se trouve aussi pur qu'il l'étoit avant la combustion;
mais il est rare que le fer ne contienne pas une petite quantité de
matière charbonneuse: l'acier sur-tout en contient toujours. Il est de
même extrêmement difficile d'obtenir la portion respirable de l'air
parfaitement pure, elle est presque toujours mêlée d'une petite portion
de la partie non respirable, mais cette espèce de mofète ne trouble en
rien le résultat de l'expérience, & elle se retrouve à la fin en même
quantité qu'au commencement.

J'ai annoncé qu'on pouvoit déterminer de deux manières la nature
des parties constituantes de l'air de l'atmosphère; par voie de
décomposition & par voie de composition. La calcination du mercure nous
a fourni l'exemple de l'une & de l'autre, puisqu'après avoir enlevé à
la partie respirable sa base par le mercure, nous la lui avons rendue
pour reformer de l'air en tout semblable à celui de l'atmosphère. Mais
on peut également opérer cette composition de l'air en empruntant
de différens règnes les matériaux qui doivent le former. On verra
dans la suite que lorsqu'on dissout des matières animales dans de
l'acide nitrique, il se dégage une grande quantité d'un air qui éteint
les lumières, qui est nuisible pour les animaux, & qui est en tout
semblable à la partie non respirable de l'air de l'atmosphère. Si à
73 parties de ce fluide élastique on en ajoute 27 d'air éminemment
respirable tiré du mercure, réduit en chaux rouge par la calcination,
on forme un fluide élastique parfaitement semblable à celui de
l'atmosphère & qui en a toutes les propriétés.

Il y a beaucoup d'autres moyens de séparer la partie respirable de
l'air de la partie non respirable; mais je ne pourrois les exposer
ici sans emprunter des notions, qui, dans l'ordre des connoissances,
appartiennent aux Chapitres suivans. Les expériences d'ailleurs que
j'ai rapportées, suffisent pour un Traité Elémentaire; & dans ces
sortes de matières, le choix des preuves est plus important que leur
nombre.

Je terminerai cet article en indiquant une propriété qu'a l'air de
l'atmosphère & qu'ont en général tous les fluides élastiques ou gaz que
nous connoissons; c'est celle de dissoudre l'eau. La quantité d'eau
qu'un pied cube d'air de l'atmosphère peut dissoudre, est suivant
les expériences de M. de Saussure, de 12 grains: d'autres fluides
élastiques, tels que l'acide carbonique, paroissent en dissoudre
davantage; mais on n'a point fait encore d'expériences exactes pour
en déterminer la quantité. Cette eau que contiennent les fluides
élastiques aériformes, donne lieu dans quelques expériences à des
phénomènes particuliers qui méritent beaucoup d'attention, & qui ont
souvent jetté les Chimistes dans de grandes erreurs.



CHAPITRE IV.

_Nomenclature des différentes parties constitutives de l'air de
l'atmosphère._


JUSQU'ICI j'ai été forcé de me servir de périphrases pour désigner
la nature des différentes substances qui composent notre atmosphère,
& j'ai adopté provisoirement ces expressions, _partie respirable,
partie non respirable de l'air_. Les détails dans lesquels je vais
entrer, exigent que je prenne une marche plus rapide, & qu'après avoir
cherché à donner des idées simples des différentes substances qui
entrent dans la composition de l'air de l'atmosphère, je les exprime
également par des mots simples.

La température de la planette que nous habitons se trouvant
très-voisine du degré où l'eau passe de l'état liquide à l'état solide,
& réciproquement, & ce phénomène s'opérant fréquemment sous nos yeux,
il n'est pas étonnant que dans toutes les langues, au moins dans les
climats où l'on éprouve une sorte d'hiver, on ait donné un nom à l'eau
devenue solide par l'absence du calorique.

Mais il n'a pas dû en être de même de l'eau réduite à l'état de vapeur
par une plus grande addition de calorique. Ceux qui n'ont pas fait une
étude particulière de ces objets, ignorent encore, qu'à un degré un peu
supérieur à celui de l'eau bouillante, l'eau se transforme en un fluide
élastique aériforme, susceptible comme tous les gaz, d'être reçu &
contenu dans des vaisseaux, & qui conserve sa forme gazeuse tant qu'il
éprouve une température supérieure à 80 degrés, jointe à une pression
égale à celle d'une colonne de 28 pouces de mercure. Ce phénomène ayant
échappé à la multitude, aucune langue n'a désigné l'eau dans cet état
par un nom particulier; & il en est de même de tous les fluides, & en
général, de toutes les substances qui ne sont point susceptibles de se
vaporiser au degré habituel de température & de pression dans lequel
nous vivons.

Par une suite de la même cause on n'a point donné de nom à la plupart
des fluides aériformes dans l'état liquide ou concret; on ignoroit que
ces fluides fussent le résultat de la combinaison d'une base avec le
calorique; & comme on ne les avoit jamais vus dans l'état de liquide
ni de solide, leur existence sous cette forme étoit inconnue même des
Physiciens.

Nous n'avons pas jugé qu'il nous fût permis de changer des noms reçus
& consacrés dans la société par un antique usage. Nous avons donc
attaché au mot d'_eau_ & de _glace_, leur signification vulgaire; nous
avons de même exprimé par le mot d'_air_ la collection des fluides
élastiques qui composent notre atmosphère; mais nous ne nous sommes
pas cru obligés au même respect pour des dénominations très-modernes
nouvellement proposées par les Physiciens. Nous avons pensé que nous
étions en droit de les rejetter & de leur en substituer d'autres
moins propres à induire en erreur; & lors même que nous nous sommes
déterminés à les adopter, nous n'avons fait aucune difficulté de les
modifier & d'y attacher des idées mieux arrêtées & plus circonscrites.

C'est principalement du Grec que nous avons tiré les mots nouveaux, &
nous avons fait en sorte que leur étymologie rappelât l'idée des choses
que nous nous proposions d'indiquer; nous nous sommes attachés sur-tout
à n'admettre que des mots courts, & autant qu'il étoit possible, qui
fussent susceptibles de former des adjectifs & des verbes.

D'après ces principes, nous avons conservé à l'exemple de M. Macquer,
le nom de _gaz_ employé par Vanhelmont, & nous avons rangé sous cette
dénomination, la classe nombreuse des fluides élastiques aériformes,
en faisant cependant une exception pour l'air de l'atmosphère. Le
mot _gaz_ est donc pour nous un nom générique, qui désigne le dernier
degré de saturation d'une substance quelconque par le calorique;
c'est l'expression d'une manière d'être des corps. Il s'agissoit
ensuite de spécifier chaque espèce de gaz, & nous y sommes parvenus en
empruntant un second nom de celui de sa base. Nous appellerons donc
gaz aqueux, l'eau combinée avec le calorique, & dans l'état de fluide
élastique aériforme: la combinaison de l'éther avec le calorique, sera
le gaz éthéré; celle de l'esprit-de-vin avec le calorique, sera le
gaz alkoolique; nous aurons de même le gaz acide muriatique, le gaz
ammoniaque, & ainsi de tous les autres. Je m'étendrai davantage sur cet
article quand il sera question de nommer les différentes bases.

On a vu que l'air de l'atmosphère étoit principalement composé de deux
fluides aériformes ou gaz, l'un respirable, susceptible d'entretenir
la vie des animaux, dans lequel les métaux se calcinent & les corps
combustibles peuvent brûler; l'autre qui a des propriétés absolument
opposées, que les animaux ne peuvent respirer, qui ne peut entretenir
la combustion, &c. Nous avons donné à la base de la portion respirable
de l'air le nom d'oxygène, en le dérivant de deux mots Grecs οξυς,
_acide_, & γεινομαι, _j'engendre_, parce qu'en effet une des propriétés
les plus générales de cette base est de former des acides, en se
combinant avec la plupart des substances. Nous appellerons donc gaz
oxygène la réunion de cette base avec le calorique: sa pesanteur dans
cet état est assez exactement d'un demi-grain poids de marc, par pouce
cube, ou d'une once & demie par pied cube, le tout à 10 degrés de
température, & à 28 pouces du baromètre.

Les propriétés chimiques de la partie non respirable de l'air de
l'atmosphère n'étant pas encore très-bien connues, nous nous sommes
contentés de déduire le nom de sa base de la propriété qu'a ce gaz
de priver de la vie les animaux qui le respirent: nous l'avons donc
nommé azote, de l'α privatif des Grecs, & de ζοη, _vie_, ainsi la
partie non respirable de l'air sera le gaz azotique. Sa pesanteur est
d'une once, 2 gros, 48 grains le pied cube, ou de 0,4444 grain le pouce
cube.

Nous ne nous sommes pas dissimulé que ce nom présentoit quelque chose
d'extraordinaire; mais c'est le sort de tous les noms nouveaux; ce
n'est que par l'usage qu'on se familiarise avec eux. Nous en avons
d'ailleurs cherché long-temps un meilleur, sans qu'il nous ait été
possible de le rencontrer: nous avions été tentés d'abord de le
nommer gaz alkaligène, parce qu'il est prouvé, par les expériences
de M. Berthollet, comme on le verra dans la suite, que ce gaz entre
dans la composition de l'alkali volatil ou ammoniaque: mais d'un autre
côté, nous n'avons point encore la preuve qu'il soit un des principes
constitutifs des autres alkalis: il est d'ailleurs prouvé qu'il entre
également dans la combinaison de l'acide nitrique; on auroit donc été
tout aussi fondé à le nommer principe nitrigène. Enfin nous avons dû
rejetter un nom qui comportoit une idée systématique, & nous n'avons
pas risqué de nous tromper en adoptant celui d'_azote_ & de gaz
azotique, qui n'exprime qu'un fait ou plutôt qu'une propriété, celle de
priver de la vie les animaux qui respirent ce gaz.

J'anticiperois sur des notions réservées pour des articles subséquens,
si je m'étendois davantage sur la nomenclature des différentes espèces
de gaz. Il me suffit d'avoir donné ici, non la dénomination de tous,
mais la méthode de les nommer tous. Le mérite de la nomenclature que
nous avons adoptée, consiste principalement en ce que la substance
simple étant nommée, le nom de tous ses composés découle nécessairement
de ce premier mot.



CHAPITRE V.

_De la décomposition du gaz oxygène par le soufre, le phosphore & le
charbon, & de la formation des acides en général._


UN des principes qu'on ne doit jamais perdre de vue dans l'art de faire
des expériences, est de les simplifier le plus qu'il est possible &
d'en écarter toutes les circonstances qui peuvent en compliquer les
effets. Nous n'opérerons donc pas, dans les expériences qui vont faire
l'objet de ce Chapitre, sur de l'air de l'atmosphère, qui n'est point
une substance simple. Il est bien vrai que le gaz azotique, qui fait
une partie du mêlange qui le constitue, paroît être purement passif
dans les calcinations & les combustions: mais, comme il les rallentit,
& comme il n'est pas impossible même qu'il en altère les résultats dans
quelques circonstances, il m'a paru nécessaire de bannir cette cause
d'incertitude.

J'exposerai donc, dans les expériences dont je vais rendre compte,
le résultat des combustions tel qu'il a lieu dans l'air vital ou
gaz oxigène pur, & j'avertirai seulement des différences qu'elles
présentent quand le gaz oxygène est mêlé de différentes proportions de
gaz azotique.

J'ai pris une cloche de cristal A, _planche IV, figure 3_, de cinq à
six pintes de capacité; je l'ai emplie de gaz oxygène sur de l'eau,
après quoi je l'ai transportée sur le bain de mercure au moyen d'une
capsule de verre que j'ai passée par dessous; j'ai ensuite seché la
surface du mercure & j'y ai introduit 61 grains 1/4 de phosphore de
Kunkel, que j'ai divisés dans deux capsules de porcelaine, semblables
à celle qu'on voit en D, _figure 3_, sous la cloche A; & pour pouvoir
allumer chacune de ces deux portions séparément, & que l'inflammation
ne se communiquât pas de l'une à l'autre, j'ai recouvert l'une des
deux avec un petit carreau de verre. Lorsque tout a été ainsi préparé,
j'ai élevé le mercure dans la cloche à la hauteur EF, en suçant avec
un siphon de verre GHI, même _figure_, qu'on introduit par-dessous la
cloche: pour qu'il ne se remplisse pas en passant à travers le mercure,
on tortille à son extrêmité I, un petit morceau de papier. Puis avec
un fer recourbé rougi au feu, représenté _figure 16_, j'ai allumé
successivement le phosphore des deux capsules, en commençant par celle
qui n'étoit point recouverte avec un carreau de verre.

La combustion s'est faite avec une grande rapidité, avec une flamme
brillante & un dégagement considérable de chaleur & de lumière. Il y a
eu dans le premier instant une dilatation considérable du gaz oxygène,
occasionnée par la chaleur; mais bientôt le mercure a remonté au-dessus
de son niveau, & il y a eu une absorption considérable: en même temps
tout l'intérieur de la cloche s'est tapissé de flocons blancs, légers,
qui n'étoient autre chose que de l'acide phosphorique concret.

La quantité de gaz oxygène employée, étoit, toutes corrections faites,
au commencement de l'expérience, de 162 pouces cubiques; elle s'est
trouvée à la fin seulement de 23 pouces 1/4: la quantité de gaz oxygène
absorbée avoit donc été de 138 pouces 3/4 ou de 69,375 grains.

La totalité du phosphore n'étoit pas brûlée; il en restoit dans les
capsules quelques portions, qui, lavées, pour en séparer l'acide, &
séchées, se sont trouvées peser environ 16 grains 1/4: ce qui réduit
à peu près à 45 grains la quantité de phosphore brûlée: je dis à peu
près, parce qu'il ne seroit pas impossible qu'il n'y eût eu un ou deux
grains d'erreur sur le poids du phosphore restant après la combustion.

Ainsi dans cette opération, 45 grains de phosphore se sont combinés
avec 69,375 grains d'oxygène; & comme rien de pesant ne passe à travers
le verre, on a droit d'en conclure que le poids de la substance
quelconque qui a résulté de cette combinaison & qui s'étoit rassemblée
en flocons blancs, devoit s'élever à la somme du poids de l'oxygène &
de celui du phosphore, c'est-à-dire, à 114,375 grains. On verra bientôt
que ces flocons blancs ne sont autre chose qu'un acide concret. En
réduisant ces quantités au quintal, on trouve qu'il faut employer 154
liv. d'oxygène pour saturer 100 liv. de phosphore, & qu'il en résulte
254 liv. de flocons blancs ou acide phosphorique concret.

Cette expérience prouve d'une manière évidente, qu'à un certain degré
de température, l'oxygène a plus d'affinité avec le phosphore qu'avec
le calorique; qu'en conséquence le phosphore décompose le gaz oxygène,
qu'il s'empare de sa base, & qu'alors le calorique, qui devient libre,
s'échappe & se dissipe en se répartissant dans les corps environnans.

Mais quelque concluante que fût cette expérience, elle n'étoit pas
encore suffisamment rigoureuse: en effet, dans l'appareil que j'ai
employé & que je viens de décrire, il n'est pas possible de vérifier
le poids des flocons blancs ou de l'acide concret qui s'est formé; on
ne peut le conclure que par voie de calcul & en le supposant égal à la
somme du poids de l'oxygène & du phosphore: or quelqu'évidente que fût
cette conclusion, il n'est jamais permis en Physique & en Chimie, de
supposer ce qu'on peut déterminer par des expériences directes. J'ai
donc cru devoir refaire cette expérience un peu plus en grand, & avec
un appareil différent.

J'ai pris un grand ballon de verre A, _planche IV, figure 4_, dont
l'ouverture EF avoit trois pouces de diamètre. Cette ouverture se
recouvroit avec une plaque de cristal usée à l'émeril, laquelle étoit
percée de deux trous pour le passage des tuyaux _yyy_, _xxx_.

Avant de fermer le ballon avec sa plaque, j'y ai introduit un support
BC surmonté d'une capsule de porcelaine D, qui contenoit 150 grains
de phosphore: tout étant ainsi disposé, j'ai adapté la plaque de
cristal sur l'ouverture du matras, & j'ai lutté avec du lut gras,
que j'ai recouvert avec des bandes de linge imbibées de chaux & de
blanc d'œuf: lorsque ce lut a été bien séché, j'ai suspendu tout cet
appareil au bras d'une balance, & j'en ai déterminé le poids à un grain
ou un grain & demi près. J'ai ensuite adapté le tuyau _xxx_, à une
petite pompe pneumatique, & j'ai fait le vuide; après quoi ouvrant un
robinet adapté au tuyau _yyy_, j'ai introduit du gaz oxygène dans le
ballon. J'observerai que ce genre d'expérience se fait avec assez de
facilité & sur-tout avec beaucoup d'exactitude, au moyen de la machine
hydro-pneumatique dont nous avons donné la description, M. Meusnier
& moi, dans les Mémoires de l'Académie, année 1782, page 466, & dont
on trouvera une explication dans la dernière Partie de cet Ouvrage;
qu'on peut à l'aide de cet instrument, auquel M. Meusnier a fait depuis
des additions & des corrections importantes, connoître d'une manière
rigoureuse, la quantité de gaz oxygène introduite dans le ballon, &
celle qui s'est consommée pendant le cours de l'opération.

Lorsque tout a été ainsi disposé, j'ai mis le feu au phosphore avec
un verre ardent. La combustion a été extrêmement rapide, accompagnée
d'une grande flamme & de beaucoup de chaleur: à mesure qu'elle
s'opéroit, il se formoit une grande quantité de flocons blancs qui
s'attachoient sur les parois intérieures du vase, & qui bientôt l'ont
obscurci entièrement. L'abondance des vapeurs étoit même telle, que
quoiqu'il rentrât continuellement de nouveau gaz oxygène qui auroit dû
entretenir la combustion, le phosphore s'est bientôt éteint. Ayant
laissé refroidir parfaitement tout l'appareil, j'ai commencé par
m'assurer de la quantité de gaz oxygène qui avoit été employée, & par
peser le ballon avant de l'ouvrir. J'ai ensuite lavé, séché & pesé la
petite quantité de phosphore qui étoit restée dans la capsule, & qui
étoit de couleur jaune d'ocre, afin de la déduire de la quantité totale
de phosphore employée dans l'expérience. Il est clair qu'à l'aide de
ces différentes précautions, il m'a été facile de constater, 1º. le
poids du phosphore brûlé; 2º. celui des flocons blancs obtenus par la
combustion; 3º. le poids du gaz oxygène qui s'étoit combiné avec le
phosphore. Cette expérience m'a donné à peu près les mêmes résultats
que la précédente: il en a également résulté que le phosphore en
brûlant, absorboit un peu plus d'une fois & demie son poids d'oxygène,
& j'ai acquis de plus la certitude que le poids de la nouvelle
substance produite étoit égal à la somme du poids du phosphore brûlé &
de l'oxygène qu'il avoit absorbé: ce qu'il étoit au surplus facile de
prévoir _à priori_.

Si le gaz oxygène qu'on a employé dans cette expérience étoit pur,
le résidu qui reste après la combustion est également pur; ce qui
prouve qu'il ne s'échappe rien du phosphore qui puisse altérer la
pureté de l'air, & qu'il n'agit qu'en enlevant au calorique sa base,
c'est-à-dire, l'oxygène qui y étoit uni.

J'ai dit plus haut que si on brûloit un corps combustible quelconque
dans une sphère creuse de glace ou dans tout autre appareil construit
sur le même principe, la quantité de glace fondue pendant la
combustion, étoit une mesure exacte de la quantité de calorique dégagé.
On peut consulter à cet égard le Mémoire que nous avons donné en commun
à l'Académie, M. de la Place & moi, année 1780, page 355. Ayant soumis
la combustion du phosphore à cette épreuve, nous avons reconnu qu'une
livre de phosphore en brûlant, fondoit un peu plus de 100 liv. de glace.

La combustion du phosphore réussit également dans l'air de
l'atmosphère, avec ces deux différences seulement, 1º. que la
combustion est beaucoup moins rapide, attendu qu'elle est rallentie par
la grande proportion de gaz azotique qui se trouve mêlé avec le gaz
oxygène: 2º. que le cinquième de l'air, tout au plus, est seulement
absorbé, parce que cette absorption se faisant toute aux dépens du gaz
oxygène, la proportion du gaz azotique devient telle vers la fin de
l'opération, que la combustion ne peut plus avoir lieu.

Le phosphore par sa combustion, soit dans l'air ordinaire, soit dans
le gaz oxygène, se transforme, comme je l'ai déjà dit, en une matière
blanche floconneuse très-légère, & il acquiert des propriétés toutes
nouvelles: d'insoluble qu'il étoit dans l'eau, non-seulement il devient
soluble, mais il attire l'humidité contenue dans l'air avec une
étonnante rapidité, & il se résout en une liqueur beaucoup plus dense
que l'eau, & d'une pesanteur spécifique beaucoup plus grande. Dans
l'état de phosphore, & avant sa combustion, il n'avoit presqu'aucun
goût; par sa réunion avec l'oxygène il prend un goût extrêmement aigre
& piquant: enfin, de la classe des combustibles, il passe dans celle
des substances incombustibles, & il devient ce qu'on appelle un acide.

Cette conversibilité d'une substance combustible en un acide par
l'addition de l'oxygène, est, comme nous le verrons bientôt, une
propriété commune à un grand nombre de corps: or en bonne logique,
on ne peut se dispenser de désigner sous un nom commun toutes les
opérations qui présentent des résultats analogues; c'est le seul moyen
de simplifier l'étude des Sciences, & il seroit impossible d'en retenir
tous les détails, si on ne s'attachoit à les classer. Nous nommerons
donc _oxygénation_ la conversion du phosphore en un acide, & en
général la combinaison d'un corps combustible quelconque avec l'oxygène.

Nous adopterons également l'expression d'_oxygéner_, & je dirai en
conséquence qu'en _oxygénant_ le phosphore, on le convertit en un acide.

Le soufre est également un corps combustible, c'est-à-dire, qui a la
propriété de décomposer l'air, & d'enlever l'oxygène au calorique.
On peut s'en assurer aisément par des expériences toutes semblables
à celles que je viens de détailler pour le phosphore; mais je dois
avertir qu'il est impossible, en opérant de la même manière sur le
soufre, d'obtenir des résultats aussi exacts que ceux qu'on obtient
avec le phosphore; par la raison que l'acide qui se forme par la
combustion du soufre est difficile à condenser, que le soufre lui-même
brûle avec beaucoup de difficulté, & qu'il est susceptible de se
dissoudre dans les différens gaz. Mais ce que je puis assurer, d'après
mes expériences, c'est que le soufre en brûlant, absorbe de l'air; que
l'acide qui se forme est beaucoup plus pesant que n'étoit le soufre;
que son poids est égal à la somme du poids du soufre, & de l'oxygène
qu'il a absorbé; enfin, que cet acide est pesant, incombustible,
susceptible de se combiner avec l'eau en toutes proportions: il ne
reste d'incertitude que sur la quantité de soufre & d'oxygène qui
constituent cet acide.

Le charbon, que tout jusqu'à présent porte à faire regarder comme une
substance combustible simple, a également la propriété de décomposer
le gaz oxygène & d'enlever sa base au calorique: mais l'acide qui
résulte de cette combustion ne se condense pas au degré de pression
& de température dans lequel nous vivons; il demeure dans l'état
de gaz, & il faut une grande quantité d'eau pour l'absorber. Cet
acide, au surplus, a toutes les propriétés communes aux acides, mais
dans un degré plus foible, & il s'unit comme eux à toutes les bases
susceptibles de former des sels neutres.

On peut opérer la combustion du charbon, comme celle du phosphore, sous
une cloche de verre A, _planche IV, figure 3_, remplie de gaz oxygène,
& renversée dans du mercure: mais comme la chaleur d'un fer chaud &
même rouge, ne suffiroit pas pour l'allumer, on ajoute par-dessus le
charbon, un petit fragment d'amadoue & un petit atome de phosphore. On
allume facilement le phosphore avec un fer rouge; l'inflammation se
communique ensuite à l'amadoue, puis au charbon.

On trouve le détail de cette expérience, Mémoires de l'Académie,
année 1781, page 448. On y verra qu'il faut 72 parties d'oxygène en
poids, pour en saturer 28 de charbon, & que l'acide aériforme qui
est produit, a une pesanteur justement égale à la somme des poids du
charbon & de l'oxygène qui ont servi à le former. Cet acide aériforme
a été nommé air fixe, ou air fixé par les premiers Chimistes qui l'ont
découvert; ils ignoroient alors si c'étoit de l'air semblable à celui
de l'atmosphère ou un autre fluide élastique, vicié & gâté par la
combustion; mais puisqu'il est constant aujourd'hui que cette substance
aériforme est un acide, qu'il se forme comme tous les autres acides,
par l'oxygénation d'une base, il est aisé de voir que le nom d'air fixe
ne lui convient point.

Ayant essayé, M. de la Place & moi, de brûler du charbon dans
l'appareil propre à déterminer la quantité de calorique dégagée, nous
avons trouvé qu'une livre de charbon en brûlant, fondoit 96 liv.
6 onces de glace: 2 liv. 9 onces, 1 gros, 10 grains d'oxygène se
combinent avec le charbon dans cette opération, & il se forme 3 liv. 9
onces, 1 gros, 10 grains de gaz acide: ce gaz pèse 0,695 grain le pouce
cube, ce qui donne 34242 pouces cubiques pour le volume total de gaz
acide qui se forme par la combustion d'une livre de charbon.

Je pourrois multiplier beaucoup plus les exemples de ce genre, & faire
voir par une suite de faits nombreux, que la formation des acides
s'opère par l'oxygénation d'une substance quelconque; mais la marche
que je me suis engagé à suivre & qui consiste à ne procéder que du
connu à l'inconnu, & à ne présenter au Lecteur que des exemples puisés
dans des choses qui lui ont été précédemment expliquées, m'empêche
d'anticiper ici sur les faits. Les trois exemples d'ailleurs que je
viens de citer, suffisent pour donner une idée claire & précise de
la manière dont se forment les acides. On voit que l'oxigène est un
principe commun à tous, & que c'est lui qui constitue leur acidité;
qu'ils sont ensuite différenciés les uns des autres par la nature de la
substance acidifiée. Il faut donc distinguer dans tout acide, la base
acidifiable à laquelle M. de Morveau a donné le nom de radical, & le
principe acidifiant, c'est-à-dire, l'oxigène.



CHAPITRE VI.

_De la nomenclature des Acides en général, & particulièrement de ceux
tirés du salpêtre & du sel marin._


RIEN n'est plus aisé, d'après les principes posés dans le Chapitre
précédent, que d'établir une nomenclature méthodique des acides: le mot
acide sera le nom générique; chaque acide sera ensuite différencié dans
le langage comme il l'est dans la nature, par le nom de sa base ou de
son radical. Nous nommerons donc _acides_ en général, le résultat de la
combustion ou de l'oxygénation du phosphore, du soufre & du charbon.
Nous nommerons le premier de ces résultats acide phosphorique, le
second acide sulfurique, le troisième acide carbonique. De même, dans
toutes les occasions qui pourront se présenter, nous emprunterons du
nom de la base la désignation spécifique de chaque acide.

Mais une circonstance remarquable que présente l'oxygénation des
corps combustibles, & en général, d'une partie des corps qui se
transforment en acides, c'est qu'ils sont susceptibles de différens
degrés de saturation; & les acides qui en résultent, quoique formés
de la combinaison des deux mêmes substances, ont des propriétés fort
différentes, qui dépendent de la différence de proportion. L'acide
phosphorique, & sur-tout l'acide sulfurique, en fournissent des
exemples. Si le soufre est combiné avec peu d'oxygène, il forme à ce
premier degré d'oxigénation un acide volatil, d'une odeur pénétrante, &
qui a des propriétés toutes particulières. Une plus grande proportion
d'oxygène le convertit en un acide fixe, pesant, sans odeur, & qui
donne dans les combinaisons des produits fort différens du premier.
Ici le principe de notre méthode de nomenclature sembloit se trouver
en défaut, & il paroissoit difficile de tirer du nom de la base
acidifiable deux dénominations qui exprimassent, sans circonlocution
& sans périphrase, les deux degrés de saturation. Mais la réflexion,
& plus encore peut-être la nécessité, nous ont ouvert de nouvelles
ressources, & nous avons cru pouvoir nous permettre d'exprimer les
variétés des acides par de simples variations dans les terminaisons.
L'acide volatil du soufre avoit été désigné par Stahl sous le nom
d'acide sulfureux: nous lui avons conservé ce nom, & nous avons
donné celui de sulfurique à l'acide du soufre complettement saturé
d'oxygène. Nous dirons donc, en nous servant de ce nouveau langage,
que le soufre, en se combinant avec l'oxygène, est susceptible de deux
degrés de saturation; le premier constitue l'acide sulfureux, qui est
pénétrant & volatil; le second constitue l'acide sulfurique, qui est
inodore & fixe. Nous adopterons ce même changement de terminaison pour
tous les acides qui présenteront plusieurs degrés de saturation; nous
aurons donc également un acide phosphoreux & un acide phosphorique, un
acide acéteux & un acide acétique, & ainsi des autres.

Toute cette partie de la chimie auroit été extrêmement simple, &
la nomenclature des acides n'auroit rien présenté d'embarrassant,
si, lors de la découverte de chacun d'eux, on eût connu son radical
ou sa base acidifiable. L'acide phosphorique, par exemple, n'a été
découvert que postérieurement à la découverte du phosphore, & le nom
qui lui a été donné a été dérivé en conséquence de celui de la base
acidifiable dont il est formé. Mais lorsqu'au contraire l'acide a été
découvert avant la base, ou plutôt lorsqu'à l'époque où l'acide a été
découvert, on ignoroit quelle étoit la base acidifiable à laquelle
il appartenoit, alors on a donné à l'acide & à la base des noms qui
n'avoient aucun rapport entr'eux, & non-seulement on a surchargé la
mémoire de dénominations inutiles, mais encore on a porté dans l'esprit
des commençans & même des Chimistes consommés, des idées fausses que le
tems seul & la réflexion peuvent effacer.

Nous citerons pour exemple l'acide du soufre. C'est du vitriol de fer
qu'on a retiré cet acide dans le premier âge de la Chimie; & on l'a
nommé acide vitriolique, en empruntant son nom de celui de la substance
dont il étoit tiré. On ignoroit alors que cet acide fût le même que
celui qu'on obtenoit du soufre par la combustion.

Il en est de même de l'acide aériforme auquel on a donné originairement
le nom d'air fixe; on ignoroit que cet acide fût le résultat de
la combinaison du carbone avec l'oxygène. De-là une infinité de
dénominations qui lui ont été données & dont aucune ne transmet des
idées justes. Rien ne nous a été plus facile que de corriger & de
modifier l'ancien langage à l'égard de ces acides: nous avons converti
le nom d'acide vitriolique en celui d'acide sulfurique, & celui d'air
fixe en celui d'acide carbonique; mais il ne nous a pas été possible
de suivre le même plan à l'égard des acides dont la base nous étoit
inconnue. Nous nous sommes trouvés alors forcés de prendre une marche
inverse; & au lieu de conclure le nom de l'acide de celui de la
base, nous avons nommé au contraire la base d'après la dénomination
de l'acide. C'est ce qui nous est arrivé pour l'acide qu'on retire
du sel marin ou sel de cuisine. Il suffit, pour dégager cet acide,
de verser de l'acide sulfurique sur du sel marin; aussitôt il se
fait une vive effervescence, il s'élève des vapeurs blanches d'une
odeur très-pénétrante, & en faisant légèrement chauffer, on dégage
tout l'acide. Comme il est naturellement dans l'état de gaz au degré
de température & de pression dans lequel nous vivons, il faut des
précautions particulières pour le retenir. L'appareil le plus commode
& le plus simple pour les expériences en petit, consiste en une petite
cornue G, _planche V, fig. 5_, dans laquelle on introduit du sel marin
bien sec; on verse dessus de l'acide sulfurique concentré, & aussi-tôt
on engage le bec de la cornue sous de petites jarres ou cloches de
verre A, _même figure_, qu'on a préalablement remplies de mercure. A
mesure que le gaz acide se dégage, il passe dans la jarre & gagne le
haut en déplaçant le mercure. Lorsque le dégagement se rallentit, on
chauffe légèrement & on augmente le feu jusqu'à ce qu'il ne passe plus
rien. Cet acide a une grande affinité avec l'eau, & cette dernière
en absorbe une énorme quantité. On peut s'en assurer en introduisant
une petite couche d'eau dans la jarre de verre qui le contient; en un
instant l'acide se combine avec elle & disparoît en entier. On profite
de cette circonstance dans les laboratoires & dans les arts, pour
obtenir l'acide du sel marin sous la forme de liqueur. On se sert à
cet effet de l'appareil représenté _planche IV, figure première_. Il
consiste 1º. dans une cornue A, où l'on introduit le sel marin, & dans
laquelle on verse de l'acide sulfurique par la tubulure H; 2º. dans
le ballon CB destiné à recevoir la petite quantité de liqueur qui se
dégage; 3º. dans une suite de bouteilles à deux gouleaux LL'L''L''',
qu'on remplit d'eau à moitié. Cette eau est destinée à absorber le gaz
acide qui se dégage pendant la distillation. Cet appareil est plus
amplement décrit dans la dernière partie de cet Ouvrage.

Quoiqu'on ne soit encore parvenu ni à composer, ni à décomposer l'acide
qu'on retire du sel marin, on ne peut douter cependant qu'il ne soit
formé, comme tous les autres, de la réunion d'une base acidifiable avec
l'oxygène. Nous avons nommé cette base inconnue _base muriatique,
radical muriatique_, en empruntant ce nom, à l'exemple de M.
Bergman & de M. de Morveau, du mot latin _muria_, donné anciennement
au sel marin. Ainsi, sans pouvoir déterminer quelle est exactement
la composition de l'acide muriatique, nous désignerons sous cette
dénomination un acide volatil, dont l'état naturel est d'être sous
forme gazeuse au degré de chaleur & de pression que nous éprouvons,
qui se combine avec l'eau en très-grande quantité & avec beaucoup de
facilité; enfin dans lequel le radical acidifiable tient si fortement à
l'oxygène, qu'on ne connoît jusqu'à présent aucun moyen de les séparer.

Si un jour on vient à rapporter le radical muriatique à quelque
substance connue, il faudra bien alors changer sa dénomination & lui
donner un nom analogue à celui de la base dont la nature aura été
découverte.

L'acide muriatique présente au surplus une circonstance
très-remarquable; il est, comme l'acide du soufre & comme plusieurs
autres, susceptible de différens degrés d'oxygénation; mais l'excès
d'oxygène produit en lui un effet tout contraire à celui qu'il produit
dans l'acide du soufre. Un premier degré d'oxygénation transforme le
soufre en un acide gazeux volatil, qui ne se mêle qu'en petite quantité
avec l'eau: c'est celui que nous désignons avec Stahl sous le nom
d'acide sulfureux. Une dose plus forte d'oxygène le convertit en acide
sulfurique, c'est-à-dire en un acide qui présente des qualités acides
plus marquées, qui est beaucoup plus fixe, qui ne peut exister dans
l'état de gaz qu'à une haute température, qui n'a point d'odeur & qui
s'unit à l'eau en très-grande quantité. C'est le contraire dans l'acide
muriatique; l'addition d'oxygène le rend plus volatil, d'une odeur plus
pénétrante, moins miscible à l'eau, & diminue ses qualités acides. Nous
avions d'abord été tentés d'exprimer ces deux degrés de saturation,
comme nous l'avions fait pour l'acide du soufre, en faisant varier les
terminaisons. Nous aurions nommé l'acide le moins saturé d'oxygène
acide _muriateux_, & le plus saturé acide _muriatique_; mais nous avons
cru que cet acide qui présente des résultats particuliers, & dont on ne
connoît aucun autre exemple en Chimie, demandoit une exception, & nous
nous sommes contentés de le nommer acide muriatique oxygéné.

Il est un autre acide que nous nous contenterons de définir, comme
nous l'avons fait pour l'acide muriatique, quoique sa base soit mieux
connue: c'est celui que les Chimistes ont désigné jusqu'ici sous
le nom d'acide nitreux. Cet acide se tire du nitre ou salpêtre par
des procédés analogues à ceux qu'on emploie pour obtenir l'acide
muriatique. C'est également par l'intermède de l'acide sulfurique qu'on
le chasse de la base à laquelle il est uni, & l'on se sert de même
à cet effet de l'appareil représenté _planche IV, fig. 1_. A mesure
que l'acide passe, une partie se condense dans le ballon, l'autre
est absorbée par l'eau des bouteilles LL'L''L''' qui devient d'abord
verte, puis bleue, & enfin jaune, suivant le degré de concentration de
l'acide. Il se dégage pendant cette opération une grande quantité de
gaz oxygène mêlé d'un peu de gaz azotique.

L'acide qu'on tire ainsi du salpêtre, est composé, comme tous les
autres, d'oxygène uni à une base acidifiable, & c'est même le premier
dans lequel l'existence de l'oxygène ait été bien démontrée. Les deux
principes qui le constituent tiennent peu ensemble, & on les sépare
aisément en présentant à l'oxygène une substance avec laquelle il ait
plus d'affinité qu'il n'en a avec la base acidifiable qui constitue
l'acide du nitre. C'est par des expériences de ce genre qu'on est
parvenu à reconnoître que l'azote ou base de la mofète entroit dans
sa composition, qu'elle étoit sa base acidifiable. L'azote est donc
véritablement le radical nitrique, ou l'acide du nitre est un véritable
acide azotique. On voit donc que pour être d'accord avec nous-mêmes
& avec nos principes, nous aurions dû adopter l'une ou l'autre de
ces manières de nous énoncer. Nous en avons été détournés cependant
par différens motifs; d'abord il nous a paru difficile de changer le
nom de nitre ou de salpêtre généralement adopté dans les arts, dans
la société & dans la Chimie. Nous n'avons pas cru, d'un autre côté,
devoir donner à l'azote le nom de radical nitrique, parce que cette
substance est également la base de l'alkali volatil ou ammoniaque,
comme l'a découvert M. Berthollet. Nous continuerons donc de désigner
sous le nom d'azote la base de la partie non respirable de l'air
atmosphérique, qui est en même tems le radical nitrique & le radical
ammoniaque. Nous conserverons également le nom de nitreux & de
nitrique à l'acide tiré du nitre ou salpêtre. Plusieurs Chimistes d'un
grand poids ont désapprouvé notre condescendance pour les anciennes
dénominations; ils auroient préféré que nous eussions dirigé uniquement
nos efforts vers la perfection de la nomenclature, que nous eussions
reconstruit l'édifice du langage chimique de fond en comble, sans nous
embarrasser de le raccorder avec d'anciens usages dont le tems effacera
insensiblement le souvenir: & c'est ainsi que nous nous sommes trouvés
exposés à la fois à la critique & aux plaintes des deux partis opposés.

L'acide du nitre est susceptible de se présenter dans un grand
nombre d'états qui dépendent du degré d'oxygénation qu'il a éprouvé,
c'est-à-dire, de la proportion d'azote & d'oxygène qui entre dans
sa composition. Un premier degré d'oxygénation de l'azote constitue
un gaz particulier que nous continuerons de désigner sous le nom de
gaz nitreux: il est composé d'environ 2 parties en poids d'oxygène &
d'une d'azote, & dans cet état il est immiscible à l'eau. Il s'en faut
beaucoup que l'azote dans ce gaz soit saturé d'oxygène, il lui reste
au contraire une grande affinité pour ce principe, & il l'attire avec
une telle activité, qu'il l'enlève même à l'air de l'atmosphère sitôt
qu'il est en contact avec lui. La combinaison du gaz nitreux avec l'air
de l'atmosphère est même devenue un des moyens qu'on emploie pour
déterminer la quantité d'oxigène contenu dans ce dernier, & pour juger
de son degré de salubrité. Cette addition d'oxygène convertit le gaz
nitreux en un acide puissant qui a une grande affinité avec l'eau, &
qui est susceptible lui-même de différens degrés d'oxygénation. Si la
proportion de l'oxygène & de l'azote est au-dessous de trois parties
contre une, l'acide est rouge & fumant: dans cet état nous le nommons
acide nitreux; on peut en le faisant légèrement chauffer, en dégager
du gaz nitreux. Quatre parties d'oxygène contre une d'azote donnent
un acide blanc & sans couleur, plus fixe au feu que le précédent, qui
a moins d'odeur, & dont les deux principes constitutifs sont plus
solidement combinés: nous lui avons donné, d'après les principes
exposés ci-dessus, le nom d'acide nitrique.

Ainsi l'acide nitrique est l'acide du nitre surchargé d'oxygène;
l'acide nitreux est l'acide du nitre surchargé d'azote, ou, ce qui
est la même chose, de gaz nitreux; enfin le gaz nitreux est l'azote
qui n'est point assez saturée d'oxygène pour avoir les propriétés des
acides. C'est ce que nous nommerons plus bas un oxide.



CHAPITRE VII.

_De la décomposition du Gaz oxygène par les métaux, & de la formation
des Oxides métalliques._


LORSQUE les substances métalliques sont échauffées à un certain degré
de température, l'oxygène a plus d'affinité avec elles qu'avec le
calorique: en conséquence toutes les substances métalliques, si on en
excepte l'or, l'argent & le platine, ont la propriété de décomposer le
gaz oxygène, de s'emparer de sa base & d'en dégager le calorique. On a
déjà vu plus haut comment s'opéroit cette décomposition de l'air par
le mercure & par le fer; on a observé que la première ne pouvoit être
regardée que comme une combustion lente; que la dernière au contraire
étoit très-rapide & accompagnée d'une flamme brillante. S'il est
nécessaire d'employer un certain degré de chaleur dans ces opérations,
c'est pour écarter les unes des autres les molécules du métal, &
diminuer leur affinité d'aggrégation, ou ce qui est la même chose,
l'attraction qu'elles exercent les unes sur les autres.

Les substances métalliques pendant leur calcination augmentent de
poids à proportion de l'oxygène qu'elles absorbent; en même-tems
elles perdent leur éclat métallique & se réduisent en une poudre
terreuse. Les métaux dans cet état ne doivent point être considérés
comme entièrement saturés d'oxygène, par la raison que leur action
sur ce principe est balancée par la force d'attraction qu'exerce sur
lui le calorique. L'oxygène dans la calcination des métaux, obéit
donc réellement à deux forces, à celle exercée par le calorique, à
celle exercée par le métal; il ne tend à s'unir à ce dernier qu'en
raison de la différence de ces deux forces, de l'excès de l'une sur
l'autre, & cet excès en général n'est pas fort considérable. Aussi
les substances métalliques, en s'oxygénant dans l'air & dans le gaz
oxygène, ne se convertissent-elles point en acides, comme le soufre,
le phosphore & le charbon: il se forme des substances intermédiaires
qui commencent à se rapprocher de l'état salin, mais qui n'ont pas
encore acquis toutes les propriétés salines. Les anciens ont donné le
nom de chaux, non-seulement aux métaux amenés à cet état, mais encore
à toute substance qui avoit été exposée long-tems à l'action du feu
sans se fondre. Ils ont fait en conséquence du mot _chaux_ un nom
générique, & ils ont confondu sous ce nom, & la pierre calcaire, qui
d'un sel neutre qu'elle étoit avant la calcination, se convertit au
feu en un alkali terreux, en perdant moitié de son poids, & les métaux
qui s'associent par la même opération une nouvelle substance dont la
quantité excède quelquefois moitié de leur poids, & qui les rapproche
de l'état d'acide. Il auroit été contraire à nos principes de classer
sous un même nom des substances si différentes, & sur-tout de conserver
aux métaux une dénomination si propre à faire naître des idées fausses.
Nous avons en conséquence proscrit l'expression de chaux métalliques, &
nous y avons substitué celui d'_oxides_, du grec οξυς.

On voit d'après cela combien le langage que nous avons adopté est
fécond & expressif; un premier degré d'oxygénation constitue les
oxides; un second degré constitue les acides terminés en _eux_,
comme l'acide nitr_eux_, l'acide sulfur_eux_; un troisième degré
constitue les acides en _ique_, tels que l'acide nitr_ique_, l'acide
sulfur_ique_; enfin nous pouvons exprimer un quatrième degré
d'oxigénation des substances, en ajoutant l'épithète d'_oxygéné_, comme
nous l'avons admis pour l'acide muriatique oxygéné.

Nous ne nous sommes pas contentés de désigner sous le nom d'_oxides_
la combinaison des métaux avec l'oxygène; nous n'avons fait aucune
difficulté de nous en servir pour exprimer le premier degré
d'oxygénation de toutes les substances, celui qui, sans les constituer
acides, les rapproche de l'état salin. Nous appellerons donc _oxide
de soufre_, le soufre devenu mou par un commencement de combustion;
nous appellerons oxide de phosphore la substance jaune que laisse le
phosphore quand il a brûlé.

Nous dirons de même que le gaz nitreux, qui est le premier degré
d'oxygénation de l'azote, est un oxide d'azote. Enfin le règne végétal
& le règne animal auront leurs oxides, & je ferai voir dans la
suite combien ce nouveau langage jettera de lumières sur toutes les
opérations de l'art & de la nature.

Les oxides métalliques ont, comme nous l'avons déjà fait observer,
presque tous des couleurs qui leur sont propres, & ces couleurs varient
non-seulement pour les différens métaux, mais encore suivant le degré
d'oxygénation du même métal. Nous nous sommes donc trouvés obligés
d'ajouter à chaque oxide deux épithètes, l'une qui indiquât le métal
oxidé, l'autre sa couleur; ainsi nous dirons oxide noir de fer, oxide
rouge de fer, oxide jaune de fer; & ces expressions répondront à celles
d'éthiops martial, de colcothar, de rouille de fer ou d'ocre.

Nous dirons de même oxide gris de plomb, oxide jaune de plomb, oxide
rouge de plomb; & ces expressions désigneront la cendre de plomb, le
massicot & le minium.

Ces dénominations seront quelquefois un peu longues, sur-tout quand
on voudra exprimer si le métal a été oxidé à l'air, s'il l'a été par
la détonation avec le nitre ou par l'action des acides; mais au moins
elles seront toujours justes & feront naître l'idée précise de l'objet
qui y correspond.

Les tables jointes à cet Ouvrage, rendront ceci plus sensible.



CHAPITRE VIII.

_Du principe radical de l'Eau, & de sa décomposition par le charbon &
par le fer._


JUSQU'A ces derniers tems on avoit regardé l'eau comme une substance
simple, & les anciens n'avoient fait aucune difficulté de la qualifier
du nom d'élément: c'étoit sans doute une substance élémentaire pour
eux, puisqu'ils n'étoient point parvenus à la décomposer, ou au moins
puisque les décompositions de l'eau qui s'opéroient journellement
sous leurs yeux, avoient échappé à leurs observations: mais on va
voir que l'eau n'est plus un élément pour nous. Je ne donnerai point
ici l'histoire de cette découverte qui est très-moderne, & qui même
est encore contestée. On peut consulter à cet égard les Mémoires de
l'Académie des Sciences, année 1781.

Je me contenterai de rapporter les principales preuves de la
décomposition & de la recomposition de l'eau; j'ose dire que quand on
voudra bien les peser sans partialité, on les trouvera démonstratives.


EXPÉRIENCE PREMIÈRE.

_Préparation._

On prend un tube de verre EF, _planche VII, fig. 11_, de 8 à 12 lignes
de diamètre, qu'on fait passer à travers un fourneau, en lui donnant
une légère inclinaison de E en F. A l'extrêmité supérieure E de ce
tube, on ajuste une cornue de verre A, qui contient une quantité d'eau
distillée bien connue, & à son extrêmité inférieure F, un serpentin SS'
qui s'adapte en S' au gouleau d'un flacon H à deux tubulures; enfin à
l'une des deux tubulures du flacon s'adapte un tube de verre recourbé
KK, destiné à conduire les fluides aériformes ou gaz dans un appareil
propre à en déterminer la qualité & la quantité.

Il est nécessaire, pour assurer le succès de cette expérience, que
le tube EF soit de verre vert bien cuit & d'une fusion difficile; on
l'enduit en outre d'un lut d'argile mêlée avec du ciment fait avec
des poteries de grès réduites en poudre; & dans la crainte qu'il ne
fléchisse par le ramollissement, on le soutient dans son milieu avec
une barre de fer qui traverse le fourneau. Des tuyaux de porcelaine
sont préférables à ceux de verre; mais il est difficile de s'en
procurer qui ne soient pas poreux, & presque toujours on y découvre
quelques trous qui donnent passage à l'air ou aux vapeurs.

Lorsque tout a été ainsi disposé, on allume du feu dans le fourneau
EFCD, & on l'entretient de manière à faire rougir le tube de verre EF,
sans le fondre; en même tems on allume assez de feu dans le fourneau
VVXX, pour entretenir toujours bouillante l'eau de la cornue A.

_Effet._

A mesure que l'eau de la cornue A se vaporise par l'ébullition, elle
remplit l'intérieur du tube EF, & elle en chasse l'air commun qui
s'évacue par le tube KK; le gaz aqueux est ensuite condensé par le
refroidissement dans le serpentin SS', & il tombe de l'eau goutte à
goutte dans le flacon tubulé H.

En continuant cette opération jusqu'à ce que toute l'eau de la cornue A
soit évaporée, & en laissant bien égoutter les vaisseaux, on retrouve
dans le flacon H une quantité d'eau rigoureusement égale à celle qui
étoit dans la cornue A, sans qu'il y ait eu dégagement d'aucun gaz;
en sorte que cette opération se réduit à une simple distillation
ordinaire, dont le résultat est absolument le même que si l'eau
n'eût point été portée à l'état incandescent, en traversant le tube
intermédiaire EF.


EXPÉRIENCE SECONDE.

_Preparation._

On dispose tout comme dans l'expérience précédente, avec cette
différence seulement qu'on introduit dans le tube EF vingt-huit
grains de charbon concassé en morceaux de médiocre grosseur, & qui
préalablement a été long-tems exposé à une chaleur incandescente dans
des vaisseaux fermés. On fait, comme dans l'expérience précédente,
bouillir l'eau de la cornue A jusqu'à évaporation totale.

_Effet._

L'eau de la cornue A se distille dans cette expérience comme dans
la précédente; elle se condense dans le serpentin, & coule goutte à
goutte dans le flacon H; mais en même tems il se dégage une quantité
considérable de gaz, qui s'échappe par le tuyau KK, & qu'on recueille
dans un appareil convenable.

L'opération finie, on ne retrouve plus dans le tube EF que quelques
atômes de cendre; les vingt-huit grains de charbon ont totalement
disparu.

Les gaz qui se sont dégagés examinés avec soin, se trouvent peser
ensemble 113 grains 7/10[4]; ils sont de deux espèces, savoir 144
pouces cubiques de gaz acide carbonique, pesant 100 grains, & 380
pouces cubiques d'un gaz extrêmement léger, pesant 13 grains 7/10, &
qui s'allume par l'approche d'un corps enflammé lorsqu'il a le contact
de l'air. Si on vérifie ensuite le poids de l'eau passée dans le
flacon, on la trouve diminuée de 85 grains 7/10.

  [4] On trouvera dans la dernière partie de cet Ouvrage, le détail des
  procédés qu'on emploie pour séparer les différentes espèces de gaz &
  pour les peser.

Ainsi dans cette expérience, 85 grains 7/10 d'eau, plus 28 grains de
charbon ont formé 100 grains d'acide carbonique, plus 13 grains 7/10
d'un gaz particulier susceptible de s'enflammer.

Mais j'ai fait voir plus haut, que pour former 100 grains de gaz acide
carbonique, il falloit unir 72 grains d'oxygène à 28 grains de charbon;
donc les 28 grains de charbon placés dans le tube de verre ont enlevé
à l'eau 72 grains d'oxygène; donc 85 grains 7/10 d'eau sont composés
de 72 grains d'oxygène & de 13 grains 7/10 d'un gaz susceptible de
s'enflammer. On verra bientôt qu'on ne peut pas supposer que ce gaz ait
été dégagé du charbon, & qu'il est conséquemment un produit de l'eau.

J'ai supprimé dans l'exposé de cette expérience quelques détails qui
n'auroient servi qu'à la compliquer & à jetter de l'obscurité dans
les idées des lecteurs: le gaz inflammable, par exemple, dissout un
peu de charbon, & cette circonstance en augmente le poids & diminue
au contraire celui de l'acide carbonique; l'altération qui en résulte
dans les quantités n'est pas très-considérable; mais j'ai cru devoir
les rétablir par calcul, & présenter l'expérience dans toute sa
simplicité, & comme si cette circonstance n'avoit pas lieu. Au surplus,
s'il restoit quelques nuages sur la vérité des conséquences que je
tire de cette expérience, ils seroient bientôt dissipés par les autres
expériences que je vais rapporter à l'appui.


TROISIÈME EXPÉRIENCE.

_Préparation._

On dispose tout l'appareil comme dans l'expérience précédente, avec
cette différence seulement, qu'au lieu des 28 grains de charbon, on met
dans le tube EF, _planche VII, fig. 11_, 274 grains de petites lames
de fer très-doux roulées en spirales. On fait rougir le tube comme
dans les expériences précédentes; on allume du feu sous la cornue A,
& on entretient l'eau qu'elle contient toujours bouillante, jusqu'à ce
qu'elle soit entièrement évaporée, qu'elle ait passé en totalité dans
le tube EF, & qu'elle se soit condensée dans le flacon H.

_Effet._

Il ne se dégage point de gaz acide carbonique dans cette expérience,
mais seulement un gaz inflammable 13 fois plus léger que l'air de
l'atmosphère: le poids total qu'on en obtient est de 15 grains, & son
volume est d'environ 416 pouces cubiques. Si on compare la quantité
d'eau primitivement employée avec celle restante dans le flacon H, on
trouve un déficit de 100 grains. D'un autre côté, les 274 grains de
fer renfermés dans le tube EF se trouvent peser 85 grains de plus que
lorsqu'on les y a introduits; & leur volume se trouve considérablement
augmenté: ce fer n'est presque plus attirable à l'aimant, il se dissout
sans effervescence dans les acides; en un mot, il est dans l'état
d'oxide noir, précisément comme celui qui a été brûlé dans le gaz
oxygène.

_Réflexions._

Le résultat de cette expérience présente une véritable oxidation du
fer par l'eau; oxidation toute semblable à celle qui s'opère dans
l'air à l'aide de la chaleur. Cent grains d'eau ont été décomposés; 85
d'oxygène se sont unis au fer pour le constituer dans l'état d'oxide
noir, & il s'est dégagé 15 grains d'un gaz inflammable particulier:
donc l'eau est composée d'oxygène & de la base d'un gaz inflammable,
dans la proportion de 85 parties contre 15.

Ainsi l'eau indépendamment de l'oxygène qui est un de ses principes, &
qui lui est commun avec beaucoup d'autres substances, en contient un
autre qui lui est propre, qui est son radical constitutif, & auquel
nous nous sommes trouvés forcés de donner un nom. Aucun ne nous a
paru plus convenable que celui d'hydrogène, c'est-à-dire, principe
générateur de l'eau, de υδορ _eau_, & de γεινομαι _j'engendre_. Nous
appellerons gaz hydrogène la combinaison de ce principe avec le
calorique, & le mot d'hydrogène seul exprimera la base de ce même gaz,
le radical de l'eau[A].

  [A] Ajout dans l'errata du tome 2:

  On a critiqué même avec assez d'amertume cette expression _hydrogène_,
  parce qu'on a prétendu qu'elle signifioit fils de l'eau, & non pas
  qui engendre l'eau. Mais qu'importe, si l'expression est également
  juste dans les deux sens? les expériences rapportées dans ce
  Chapitre, prouvent que l'eau, en se décomposant, donne naissance
  à l'hydrogène, & sur-tout l'hydrogène donne naissance à l'eau en
  se combinant avec l'oxigène. On peut donc dire également que l'eau
  engendre l'hydrogène, & que l'hydrogène engendre l'eau.

Voilà donc un nouveau corps combustible, c'est-à-dire, un corps qui
a assez d'affinité avec l'oxygène pour l'enlever au calorique & pour
décomposer l'air ou le gaz oxygène. Ce corps combustible a lui-même
une telle affinité avec le calorique, qu'à moins qu'il ne soit engagé
dans une combinaison, il est toujours dans l'état aériforme ou de
gaz au degré habituel de pression & de température dans lequel nous
vivons. Dans cet état de gaz, il est environ 13 fois plus léger que
l'air de l'atmosphère, il n'est point absorbable par l'eau, mais il est
susceptible d'en dissoudre une petite quantité; enfin il ne peut servir
à la respiration des animaux.

La propriété de brûler & de s'enflammer n'étant pour ce gaz comme pour
tous les autres combustibles, que la propriété de décomposer l'air
& d'enlever l'oxygène au calorique, on conçoit qu'il ne peut brûler
qu'avec le contact de l'air ou du gaz oxygène. Aussi lorsqu'on emplit
une bouteille de ce gaz & qu'on l'allume, il brûle paisiblement au
gouleau de la bouteille & ensuite dans son intérieur, à mesure que
l'air extérieur y pénètre; mais la combustion est successive & lente,
elle n'a lieu qu'à la surface où le contact des deux airs ou gaz
s'opère. Il n'en est pas de même lorsqu'on mêle ensemble les deux airs
avant de les allumer: si par exemple après avoir introduit dans une
bouteille à gouleau étroit une partie de gaz oxygène, & ensuite deux de
gaz hydrogène, on approche de son orifice un corps enflammé, tel qu'une
bougie ou un morceau de papier allumé, la combustion des deux gaz se
fait d'une manière instantanée & avec une forte explosion. On ne doit
faire cette expérience que dans une bouteille de verre vert très-forte
qui n'excède pas une pinte de capacité & qu'on enveloppe même d'un
linge, autrement on s'exposeroit à des accidens funestes par la rupture
de la bouteille dont les fragmens pourroient être lancés à de grandes
distances.

Si tout ce que je viens d'exposer sur la décomposition de l'eau est
exact & vrai, si réellement cette substance est composée, comme j'ai
cherché à l'établir, d'un principe qui lui est propre, d'hydrogène
combiné avec l'oxygène, il en résulte qu'en réunissant ces deux
principes, on doit refaire de l'eau, & c'est ce qui arrive en effet,
comme on va en juger par l'expérience suivante.


QUATRIÈME EXPÉRIENCE.

_Recomposition de l'eau._

_Préparation._

On prend un ballon A de cristal, _planche IV, fig. 5_, à large
ouverture, & dont la capacité soit de 30 pintes environ; on y mastique
une platine de cuivre BC percée de quatre trous auxquels aboutissent
quatre tuyaux. Le premier H_h_ est destiné à s'adapter par son
extrêmité _h_ à une pompe pneumatique par le moyen de laquelle on
peut faire le vuide dans le ballon. Un second tuyau _gg_ communique
par son extrêmité MM avec un réservoir de gaz oxygène, & est destiné
à l'amener dans le ballon. Un troisième _d_D_d'_ communique par son
extrêmité _d_NN avec un réservoir de gaz hydrogène: l'extrêmité _d'_ de
ce tuyau se termine par une ouverture très-petite & à travers laquelle
une très-fine aiguille peut à peine passer. C'est par cette petite
ouverture que doit sortir le gaz hydrogène contenu dans le réservoir; &
pour qu'il ait une vîtesse suffisante, on doit lui faire éprouver une
pression de un ou deux pouces d'eau. Enfin la platine BC est percée
d'un quatrième trou, lequel est garni d'un tube de verre mastiqué,
à travers lequel passe un fil de métal GL, à l'extrémité L duquel
est adaptée une petite boule, afin de pouvoir tirer une étincelle
électrique de L en _d'_ pour allumer, comme on le verra bientôt, le gaz
hydrogène. Le fil de métal GL est mobile dans le tube de verre afin de
pouvoir éloigner la boule L de l'extrémité _d'_ de l'ajutoir D_d'_. Les
trois tuyaux _d_D_d'_, _gg_, H_h_ sont chacun garnis de leur robinet.

Pour que le gaz hydrogène & le gaz oxygène arrivent bien secs par les
tuyaux respectifs qui doivent les amener au ballon A, & qu'ils soient
dépouillés d'eau autant qu'ils le peuvent être, on les fait passer à
travers des tubes MM, NN d'un pouce environ de diamètre qu'on remplit
d'un sel très-déliquescent, c'est-à-dire, qui attire l'humidité de
l'air avec beaucoup d'avidité, tels que l'acétite de potasse, le
muriate ou le nitrate de chaux. _Voyez_ quelle est la composition de
ces sels dans la seconde partie de cet Ouvrage. Ces sels doivent être
en poudre grossière afin qu'ils ne puissent pas faire masse, & que
le gaz passe facilement à travers les interstices que laissent les
morceaux.

On doit s'être prémuni d'avance d'une provision suffisante de gaz
oxygène bien pur; & pour s'assurer qu'il ne contient point d'acide
carbonique, on doit le laisser long-tems en contact avec de la potasse
dissoute dans de l'eau, & qu'on a dépouillée de son acide carbonique
par de la chaux: on donnera plus bas quelques détails sur les moyens
d'obtenir cet alkali.

On prépare avec le même soin le double de gaz hydrogène. Le procédé le
plus sûr pour l'obtenir exempt de mêlange, consiste à le tirer de la
décomposition de l'eau par du fer bien ductile & bien pur.

Lorsque ces deux gaz sont ainsi préparés, on adapte la pompe
pneumatique au tuyau H_h_, & on fait le vuide dans le grand ballon A:
on y introduit ensuite l'un ou l'autre des deux gaz, mais de préférence
le gaz oxygène par le tuyau _gg_, puis on oblige par un certain degré
de pression le gaz hydrogène à entrer dans le même ballon par le tuyau
_d_D_d'_, dont l'extrémité _d'_ se termine en pointe. Enfin on allume
ce gaz à l'aide d'une étincelle électrique. En fournissant ainsi
de chacun des deux airs, on parvient à continuer très-long-tems la
combustion. J'ai donné ailleurs la description des appareils que j'ai
employés pour cette expérience, & j'ai expliqué comment on parvient à
mesurer les quantités de gaz consommés avec une rigoureuse exactitude.
_Voyez_ la troisième partie de cet Ouvrage.

_Effet._

A mesure que la combustion s'opère, il se dépose de l'eau sur les
parois intérieures du ballon ou matras: la quantité de cette eau
augmente peu à peu; elle se réunit en grosses goutes qui coulent & se
rassemblent dans le fond du vase.

En pesant le matras avant & après l'opération, il est facile de
connoître la quantité d'eau qui s'est ainsi rassemblée. On a donc dans
cette expérience une double vérification; d'une part le poids des
gaz employés, de l'autre celui de l'eau formée, & ces deux quantités
doivent être égales. C'est par une expérience de ce genre que nous
avons reconnu, M. Meusnier & moi, qu'il falloit 85 parties en poids
d'oxygène, & 15 parties également en poids d'hydrogène, pour composer
100 parties d'eau. Cette expérience qui n'a point encore été publiée, a
été faite en présence d'une Commission nombreuse de l'Académie; nous y
avons apporté les attentions les plus scrupuleuses, & nous avons lieu
de la croire exacte à un deux-centième près tout au plus.

Ainsi, soit qu'on opère par voie de décomposition ou de recomposition,
on peut regarder comme constant & aussi bien prouvé qu'on puisse le
faire en Chimie & en Physique, que l'eau n'est point une substance
simple; qu'elle est composée de deux principes, l'oxygène &
l'hydrogène, & que ces deux principes séparés l'un de l'autre, ont
tellement d'affinité avec le calorique, qu'ils ne peuvent exister que
sous forme de gaz, au degré de température & de pression dans lequel
nous vivons.

Ce phénomène de la décomposition & de la recomposition de l'eau s'opère
continuellement sous nos yeux, à la température de l'atmosphère & par
l'effet des affinités composées. C'est à cette décomposition que sont
dus, comme nous le verrons bientôt, au moins jusqu'à un certain point,
les phénomènes de la fermentation spiritueuse, de la putréfaction, &
même de la végétation. Il est bien extraordinaire qu'elle ait échappé
jusqu'ici à l'œil attentif des Physiciens & des Chimistes, & on doit
en conclure que dans les sciences comme dans la morale il est difficile
de vaincre les préjugés dont on a été originairement imbu, & de suivre
une autre route que celle dans laquelle on est accoutumé de marcher.

Je terminerai cet article par une expérience beaucoup moins probante
que celles que j'ai précédemment rapportées, mais qui m'a paru
cependant faire plus d'impression qu'aucune autre sur un grand nombre
de personnes. Si on brûle une livre ou seize onces d'esprit-de-vin ou
alkool dans un appareil propre à recueillir toute l'eau qui se dégage
pendant la combustion, on en obtient 17 à 18 onces[5]. Or une matière
quelconque ne peut rien fournir dans une expérience au-delà de la
totalité de son poids; il faut donc qu'il s'ajoute une autre substance
à l'esprit-de-vin pendant sa combustion: or j'ai fait voir que cette
autre substance étoit la base de l'air, l'oxygène. L'esprit-de-vin
contient donc un des principes de l'eau, l'_hydrogène_; & c'est l'air
de l'atmosphère qui fournit l'autre, l'_oxygène_: nouvelle preuve que
l'eau est une substance composée.

  [5] Voyez la description de cet appareil dans la troisième partie de
  cet Ouvrage.



CHAPITRE IX.

_De la quantité de Calorique qui se dégage des différentes espèces de
combustion._


NOUS avons vu qu'en opérant une combustion quelconque dans une sphère
de glace creuse, & en fournissant pour l'entretenir de l'air à zéro
du thermomètre, la quantité de glace fondue dans l'intérieur de la
sphère, donnoit une mesure, sinon absolue, du moins relative des
quantités de calorique dégagé. Nous avons donné, M. de la Place & moi,
la description de l'appareil que nous avons employé dans ce genre
d'expériences. _Voyez_ Mémoires de l'Acad. des Sciences, année 1780,
page 355. _Voyez_ aussi la 3e partie de cet Ouvrage. Ayant essayé de
déterminer les quantités de glace qui se fondoient par la combustion de
trois des quatre substances combustibles simples, savoir, le phosphore,
le carbone & l'hydrogène, nous avons obtenu les résultats qui suivent.

Pour la combustion d'une livre de phosphore, 100 livres de glace.

Pour la combustion d'une livre de carbone, 96 livres 8 onces.

Pour la combustion d'une livre de gaz hydrogène, 295 livres 9 onces 3
gros & demi.

La substance qui se forme par le résultat de la combustion du
phosphore, étant un acide concret, il est probable qu'il reste très-peu
de calorique dans cet acide, & que par conséquent cette combustion
fournit un moyen de connoître, à très-peu de chose près, la quantité de
calorique contenue dans le gaz oxygène. Mais quand on voudroit supposer
que l'acide phosphorique retient encore une quantité considérable de
calorique, comme le phosphore en contenoit aussi une portion avant la
combustion, l'erreur ne pourroit jamais être que de la différence, &
par conséquent de peu d'importance.

J'ai fait voir, page 60, qu'une livre de phosphore en brûlant absorboit
1 livre 8 onces d'oxygène; & puisqu'il y a en même tems 100 livres de
glace fondue, il en résulte que la quantité de calorique contenue dans
une livre de gaz oxygène, est capable de faire fondre 66 livres 10
onces 5 gros 24 grains de glace.

Une livre de charbon en brûlant ne fait fondre que 96 livres 8 onces de
glace; mais il s'absorbe en même tems 2 livres 9 onces 1 gros 10 grains
de gaz oxygène. Or, en partant des résultats obtenus dans la combustion
du phosphore, 2 liv. 9 onc. 1 gros 10 grains de gaz oxygène, devroient
abandonner assez de calorique pour fondre 171 livres 6 onces 5 gros
de glace. Il disparoît donc dans cette expérience une quantité de
calorique qui auroit été suffisante pour faire fondre 74 liv. 14 onc.
5 gros de glace; mais comme l'acide carbonique n'est point, comme le
phosphorique, dans l'état concret après la combustion, qu'il est au
contraire dans l'état gazeux, il a fallu nécessairement une quantité
de calorique pour le porter à cet état, & c'est cette quantité qui se
trouve manquante dans la combustion ci-dessus. En la divisant par le
nombre de livres d'acide carbonique qui se forment par la combustion
d'une livre de charbon, on trouve que la quantité de calorique
nécessaire pour porter une livre d'acide carbonique de l'état concret à
l'état gazeux, feroit fondre 20 liv. 15 onces 5 gros de glace.

On peut faire un semblable calcul sur la combustion de l'hydrogène &
sur la formation de l'eau; une livre de ce fluide élastique absorbe en
brûlant 5 liv. 10 onc. 5 gros 24 grains d'oxygène, & fait fondre 295
livres 9 onces 3 gros & demi de glace.

                                                   liv.    onc.    gros.

  Or, 5 liv. 10 onces 5 gros 24 grains de
  gaz oxygène, en passant de l'état
  aériforme à l'état solide, perdroient,
  d'après les résultats obtenus dans la
  combustion du phosphore, assez de
  calorique pour faire fondre une quantité
  de glace égale à                                   377    12      3

  Il ne s'en dégage dans la combustion
  du gaz hydrogène, que                              295     2      3
                                                    ------------------
  Il en reste donc dans l'eau qui se forme,
  lors même qu'elle est ramenée à zéro
  du thermomètre,                                     82     9  7 1/2

Or, comme il se forme 6 liv. 10 onc. 5 gros 24 grains d'eau dans la
combustion d'une livre de gaz hydrogène, il en résulte qu'il reste dans
chaque livre d'eau, à zéro du thermomètre, une quantité de calorique
égale à celle nécessaire pour fondre 12 liv. 5 onc. 2 gros 48 grains de
glace, sans parler même de celui contenu dans le gaz hydrogène, dont il
est impossible de tenir compte dans cette expérience, parce que nous
n'en connoissons pas la quantité. D'où l'on voit que l'eau, même dans
l'état de glace, contient encore beaucoup de calorique, & que l'oxygène
en conserve une quantité très-considérable en passant dans cette
combinaison.

De ces diverses tentatives on peut résumer les résultats qui suivent.


_Combustion du Phosphore._

                                                   liv.  onc.  gros  gr.

  Quantité de phosphore brûlé,                      1     »     »     »

  Quantité de gaz oxygène nécessaire pour
  la combustion,                                    1     8     »     »
                                                   ---------------------

  Quantité d'acide phosphorique obtenu,             2     8     »     »
                                                   ---------------------

  Quantité de calorique dégagé par la combustion
  d'une livre de phosphore, exprimé par la quantité
  de livres de glace qu'il peut fondre,                        100,00000

  Quantité de calorique dégagé de chaque livre de
  gaz oxygène dans la combustion du phosphore,                  66,66667

  Quantité de calorique qui se dégage dans la
  formation d'une livre d'acide phosphorique,                   40,00000

  Quantité de calorique resté dans chaque livre
  d'acide phosphorique,                                          0,00000

On suppose ici que l'acide phosphorique ne conserve aucune portion
de calorique, ce qui n'est pas rigoureusement vrai: mais la quantité
(comme on l'a déjà observé plus haut) en est probablement très-petite,
& on ne la suppose nulle que faute de la pouvoir évaluer.


_Combustion du Charbon._

                                                   liv.  onc.  gros  gr.

  Quantité de charbon brûlé,                        1     »     »     »

  Quantité de gaz oxygène
  absorbé pendant la combustion,                    2     9     1    10
                                                  ----------------------

  Quantité d'acide carbonique formé,                3     9     1    10
                                                  ----------------------

  Quantité de calorique dégagé par la combustion
  d'une livre de charbon, exprimé par la
  quantité de livres de glace qu'il peut fondre,                96,50000

  Quantité de calorique dégagé de chaque livre de
  gaz oxygène,                                                  37,52823

  Quantité de calorique qui se dégage dans la
  formation d'une livre de gaz acide carbonique,                27,02024

  Quantité de calorique que conserve une livre d'oxygène
  dans cette combustion,                                        29,13844

  Quantité de calorique nécessaire pour porter une livre
  d'acide carbonique à l'état de gaz,                           20,97960


_Combustion du Gaz hydrogène._

                                                   liv.  onc.  gros  gr.

  Quantité de gaz hydrogène brûlé,                  1     »     »    »

  Quantité de gaz oxygène employé
  pour la combustion,                               5    10     5   24
                                                  ----------------------
  Quantité d'eau formée,                            6    10     5   24
                                                  ----------------------

  Quantité de calorique dégagé par la combustion
  d'une livre de gaz hydrogène,                                295,58950

  Quantité de calorique dégagé par chaque livre de
  gaz oxygène,                                                  52,16280

  Quantité de calorique qui se dégage pendant la
  formation d'une livre d'eau,                                  44,33840

  Quantité de calorique que conserve une livre
  d'oxygène dans sa combustion avec l'hydrogène,                14,50386

  Quantité de calorique que conserve une livre d'eau
  à zéro,                                                       12,32823


_De la Formation de l'Acide nitrique._

Lorsque l'on combine du gaz nitreux avec du gaz oxigène pour former
de l'acide nitrique ou nitreux, il y a une légère chaleur produite;
mais elle est beaucoup moindre que celle qui a lieu dans les autres
combinaisons de l'oxygène; d'où il résulte par une conséquence
nécessaire que le gaz oxygène, en se fixant dans l'acide nitrique,
retient une grande partie du calorique qui lui étoit combiné dans
l'état de gaz. Il n'est point impossible sans doute de déterminer la
quantité de calorique qui se dégage pendant la réunion des deux gaz, &
on en concluroit facilement ensuite celle qui demeure engagée dans la
combinaison. On parviendroit à obtenir la première de ces données, en
opérant la combinaison du gaz nitreux & du gaz oxygène dans un appareil
environné de glace: mais comme il se dégage peu de calorique dans
cette combinaison, on ne pourroit réussir à en déterminer la quantité,
qu'autant qu'on opéreroit très en grand avec des appareils embarrassans
& compliqués; & c'est ce qui nous a empêchés jusqu'ici, M. de la Place
& moi, de la tenter. En attendant, on peut déjà y suppléer par des
calculs qui ne peuvent pas s'écarter beaucoup de la vérité.

Nous avons fait détonner, M. de la Place & moi, dans un appareil à
glace une proportion convenable de salpêtre & de charbon, & nous avons
observé qu'une livre de salpêtre pouvoit, en détonant ainsi, fondre 12
livres de glace.

Mais une livre de salpêtre, comme on le verra dans la suite, contient:

                  onc.      gros           grains.
  Potasse          7         6        51,84   =  4515,84.
  Acide sec        8         1        20,16   =  4700,16.

Et les 8 onces 1 gros 20 grains 16 d'acide, sont eux-mêmes composés de

                  onc.      gros           grains.
  Oxygène          6         3        66,34   =  3738,34.
  Mofète           1         5        25,82   =   961,82.

  On a donc réellement brûlé dans cette opération
  2 gros 1 grain 1/3 de charbon, à l'aide de
  3738,34 grains, ou 6 onces 3 gros 66,34 grains
  d'oxygène; & puisque la quantité de glace fondue
  dans cette combustion a été de 12 livres, il en
  résulte qu'une livre de gaz oxygène brûlé de la
  même manière, fondroit                                        29,58320

  A quoi ajoutant pour la quantité de calorique
  que conserve une livre d'oxygène dans sa combinaison
  avec le charbon, pour constituer l'acide carbonique
  dans l'état de gaz, & qui est, comme on l'a vu
  plus haut, de                                                 29,13844
                                                                --------

  On a pour la quantité totale de calorique que
  contient une livre d'oxygène, lorsqu'il est combiné
  dans l'acide nitrique,                                        58,72164

  On a vu par le résultat de la combustion du
  phosphore, que dans l'état de gaz oxygène il
  en contenoit au moins                                         66,66667
                                                                --------
  Donc, en se combinant avec l'azote pour former de
  l'acide nitrique, il n'en perd que                             7,94502
                                                                --------

Des expériences ultérieures apprendront si ce résultat déduit par le
calcul, s'accorde avec des opérations plus directes.

Cette énorme quantité de calorique que l'oxygène porte avec lui dans
l'acide nitrique, explique pourquoi dans toutes les détonations du
nitre, ou pour mieux dire, dans toutes les occasions où l'acide
nitrique se décompose, il y a un si grand dégagement de calorique.


_Combustion de la Bougie._

Après avoir examiné quelques cas de combustions simples, je vais donner
des exemples de combustions plus composées; je commence par la cire.

Une livre de cette substance, en brûlant paisiblement dans l'appareil
à glace destiné à mesurer les quantités de calorique, fond 133 liv. 2
onces 5 gros 1/3 de glace.

Or une livre de bougie, suivant les expériences que j'ai rapportées,
Mém. de l'Acad. année 1784, page 606, contient:

                 onc.      gros      grains.
  Charbon         13        1          23
  Hydrogène        2        6          49

                                                          liv. de glace.

  Les 13 onces 1 gros 23 grains de charbon,
  d'après les expériences ci-dessus rapportées,
  devoient fondre                                               79,39390

  Les 2 onces 6 gros 49 grains  d'hydrogène,
  devoient fondre                                               52,37605
                                                               ---------
  Total,                                                       131,76995

On voit par ces résultats, que la quantité de calorique qui se dégage
de la bougie qui brûle, est assez exactement égale à celle qu'on
obtiendroit en brûlant séparément un poids de charbon & d'hydrogène
égal à celui qui entre dans sa combinaison. Les expériences sur la
combustion de la bougie ayant été répétées plusieurs fois, j'ai lieu de
présumer qu'elles sont exactes.


_Combustion de l'Huile d'olives._

Nous avons enfermé dans l'appareil ordinaire une lampe qui contenoit
une quantité d'huile d'olives bien connue; & l'expérience finie, nous
avons déterminé exactement le poids de l'huile qui avoit été consommée,
& celui de la glace qui avoir été fondue; le résultat a été qu'une
livre d'huile d'olives en brûlant pouvoit fondre 148 livr. 14 onc. 1
gros de glace.

Mais une livre d'huile d'olives, d'après les expériences que j'ai
rapportées, Mémoires de l'Acad. année 1784, & dont on trouvera un
extrait dans le chapitre suivant, contient:

                 onc.      gros      grains.
  Charbon         12        5           5
  Hydrogène        3        2          67

                                                          liv. de glace.

  La combustion de 12 onces 5 gros 5 grains
  de charbon, ne devoit fondre que                              76,18723

  Et celle de 3 onces 2 gros 67 grains d'hydrogène,             62,15053
                                                               ---------
  Total,                                                       138,33776

  Il s'en est fondu                                            148,88330

  Le dégagement de calorique a donc été plus
  considérable qu'il ne devoit l'être d'une quantité
  équivalente à                                                 10,54554
                                                               ---------

Cette différence qui n'est pas au surplus très-considérable peut tenir
ou à des erreurs inévitables dans les expériences de ce genre, ou à ce
que la composition de l'huile n'est pas encore assez rigoureusement
connue. Mais il en résulte toujours qu'il y a déjà beaucoup d'ensemble
& d'accord dans la marche des expériences relatives à la combinaison &
au dégagement du calorique.

Ce qui reste à faire dans ce moment & dont nous sommes occupés, est de
déterminer ce que l'oxygène conserve de calorique dans sa combinaison
avec les métaux pour les convertir en oxides; ce que l'hydrogène en
contient dans les différens états dans lesquels il peut exister;
enfin de connoître d'une manière plus exacte la quantité de calorique
qui se dégage dans la formation de l'eau. Il nous reste sur cette
détermination une incertitude assez grande qu'il est nécessaire de
lever par de nouvelles expériences. Ces différens points bien connus,
& nous espérons qu'ils le seront bientôt, nous nous trouverons
vraisemblablement obligés de faire des corrections, peut-être même
assez considérables, à la plupart des résultats que je viens d'exposer;
mais je n'ai pas cru que ce fût une raison de différer d'en aider
ceux qui pourront se proposer de travailler sur le même objet. Il est
difficile quand on cherche les élémens d'une science nouvelle, de ne
pas commencer par des à-peu-près; & il est rare qu'il soit possible de
la porter dès le premier jet à son état de perfection.



CHAPITRE X.

_De la combinaison des Substances combustibles les unes avec les
autres._


LES substances combustibles étant en général celles qui ont une
grande appétence pour l'oxygène, il en résulte qu'elles doivent avoir
de l'affinité entr'elles, qu'elles doivent tendre à se combiner les
unes avec les autres: _quæ sunt eadem uni tertio sunt eadem inter
se_; & c'est ce qu'on observe en effet. Presque tous les métaux, par
exemple, sont susceptibles de se combiner les uns avec les autres,
& il en résulte un ordre de composés qu'on nomme alliage dans les
usages de la société. Rien ne s'oppose à ce que nous adoptions cette
expression: ainsi nous dirons que la plupart des métaux s'allient les
uns avec les autres; que les alliages, comme toutes les combinaisons,
sont susceptibles d'un ou de plusieurs degrés de saturation: que les
substances métalliques dans cet état sont en général plus cassantes que
les métaux purs, sur-tout lorsque les métaux alliés diffèrent beaucoup
par leur degré de fusibilité; enfin nous ajouterons que c'est à cette
différence des degrés de fusibilité des métaux que sont dus une partie
des phénomènes particuliers que présentent les alliages, tels, par
exemple, que la propriété qu'ont quelques espèces de fer d'être cassans
à chaud. Ces fers doivent être considérés comme un alliage de fer pur,
métal presqu'infusible, avec une petite quantité d'un autre métal, quel
qu'il soit, qui se liquéfie à une chaleur beaucoup plus douce. Tant
qu'un alliage de cette espèce est froid, & que les deux métaux sont
dans l'état solide, il peut être malléable: mais si on le chauffe à un
degré suffisant pour liquéfier celui des deux métaux qui est le plus
fusible, les parties liquides interposées entre les solides doivent
rompre la solution de continuité, & le fer doit devenir cassant.

A l'égard des alliages du mercure avec les métaux, on a coutume de les
désigner sous le nom d'amalgame, & nous n'avons vu aucun inconvénient à
leur conserver cette dénomination.

Le soufre, le phosphore, le charbon sont également susceptibles de se
combiner avec les métaux; les combinaisons du soufre ont été en général
désignées sous le nom de pirites; les autres n'ont point été nommées,
ou du moins elles ont reçu des dénominations si modernes que rien ne
s'oppose à ce qu'elles soient changées.

Nous avons donné aux premières de ces combinaisons le nom de sulfures,
aux secondes celui de phosphures, enfin aux troisièmes celui de
carbures. Ainsi le soufre, le phosphore, le charbon oxygénés forment
des oxides ou des acides; mais lorsqu'ils entrent dans des combinaisons
sans s'être auparavant oxygénés, ils forment des sulfures, des
phosphures & des carbures. Nous étendrons même ces dénominations aux
combinaisons alkalines; ainsi nous désignerons sous le nom de sulfure
de potasse la combinaison du soufre avec la potasse ou alkali fixe
végétal, & sous le nom de sulfure d'ammoniaque la combinaison du soufre
avec l'alkali volatil ou ammoniaque.

L'hydrogène, cette substance éminemment combustible est aussi
susceptible de se combiner avec un grand nombre de substances
combustibles. Dans l'état de gaz il dissout le carbone, le soufre, le
phosphore & plusieurs métaux. Nous désignerons ces combinaisons sous
le nom de gaz hydrogène carboné, de gaz hydrogène sulfuré, de gaz
hydrogène phosphoré. Le second de ces gaz, le gaz hydrogène sulfuré est
celui que les chimistes ont désigné sous le nom de _gaz hépatique_, &
que M. Schéele a nommé _gaz puant du soufre_; c'est à lui que quelques
eaux minérales doivent leurs vertus; c'est aussi à son émanation que
les déjections animales doivent principalement leur odeur infecte.
A l'égard du gaz hydrogène phosphoré, il est remarquable par la
propriété qu'il a de s'enflammer spontanément lorsqu'il a le contact
de l'air ou mieux encore celui du gaz oxigène, comme l'a découvert M.
Gengembre. Ce gaz a l'odeur du poisson pourri, & il est probable qu'il
s'exhale en effet un véritable gaz hydrogène phosphoré de la chair
des poissons par la putréfaction.

Lorsque l'hydrogène & le carbone s'unissent ensemble sans que
l'hydrogène ait été porté à l'état de gaz par le calorique, il en
résulte une combinaison particulière connue sous le nom d'huile,
& cette huile est ou fixe ou volatile, suivant les proportions de
l'hydrogène & du carbone.

Il ne sera pas inutile d'observer ici qu'un des principaux caractères
qui distingue les huiles fixes retirées des végétaux par expression
d'avec les huiles volatiles ou essentielles, c'est que les premières
contiennent un excès de carbone qui s'en sépare lorsqu'on les échauffe
au-delà du degré de l'eau bouillante: les huiles volatiles au contraire
étant formées d'une plus juste proportion de carbone & d'hydrogène,
ne sont point susceptibles d'être décomposées à un degré de chaleur
supérieur à l'eau bouillante; les deux principes qui les constituent
demeurent unis; ils se combinent avec le calorique pour former un gaz,
& c'est dans cet état que ces huiles passent dans la distillation.

J'ai donné la preuve que les huiles étoient ainsi composées d'hydrogène
& de carbone dans un mémoire sur la combinaison de l'esprit de vin
& des huiles avec l'oxygène, imprimé dans le recueil de l'Académie,
année 1784, page 593. On y verra que les huiles fixes en brûlant
dans le gaz oxygène se convertissent en eau & en acide carbonique,
& qu'en appliquant le calcul à l'expérience, elles sont composées
de 21 parties d'hydrogène & de 79 parties de carbone. Peut-être les
substances huileuses solides, telles que la cire, contiennent-elles en
outre un peu d'oxigène auquel elles doivent leur état solide. Je suis
au surplus occupé dans ce moment d'expériences qui donneront un grand
développement à toute cette théorie.

C'est une question bien digne d'être examinée, de savoir si l'hydrogène
est susceptible de se combiner avec le soufre, le phosphore & même
avec les métaux dans l'état concret. Rien n'indique sans doute _à
priori_ que ces combinaisons soient impossibles; car puisque les corps
combustibles sont en général susceptibles de se combiner les uns avec
les autres, on ne voit pas pourquoi l'hydrogène feroit exception.
Mais en même-tems aucune expérience directe ne prouve encore ni la
possibilité ni l'impossibilité de cette union. Le fer & le zinc sont
de tous les métaux ceux dans lesquels on seroit le plus en droit de
soupçonner une combinaison d'hydrogène: mais en même-tems ces métaux
ont la propriété de décomposer l'eau; & comme dans les expériences
chimiques il est difficile de se débarrasser des derniers vestiges
d'humidité, il n'est pas facile de s'assurer si les petites portions
de gaz hydrogène qu'on obtient dans quelques expériences sur ces
métaux leur étoient combinées, ou bien si elles proviennent de la
décomposition de quelques molécules d'eau. Ce qu'il y a de certain,
c'est que plus on prend soin d'écarter l'eau de ce genre d'expérience,
plus la quantité de gaz hydrogène diminue, & qu'avec de très-grandes
précautions on parvient à n'en avoir que des quantités presque
insensibles.

Quoi qu'il en soit, que les corps combustibles, notamment le soufre,
le phosphore & les métaux, soient susceptibles ou non d'absorber de
l'hydrogène, on peut assurer au moins qu'il ne s'y combine qu'en
très-petite quantité; & que cette combinaison loin d'être essentielle
à leur constitution, ne peut être regardée que comme une addition
étrangère qui en altère la pureté. C'est au surplus à ceux qui ont
embrassé ce systême à prouver par des expériences décisives l'existence
de cet hydrogène, & jusqu'à présent ils n'ont donné que des conjectures
appuyées sur des suppositions.



CHAPITRE XI.

_Considérations sur les Oxides & les Acides à plusieurs bases, & sur
la composition des matières végétales & animales._


NOUS avons examiné dans le chapitre cinquième & dans le chapitre
huitième quel étoit le résultat de la combustion & de l'oxygénation
des quatre substances combustibles simples, le phosphore, le soufre,
le carbone & l'hydrogène: nous avons fait voir dans le chapitre
dixième que les substances combustibles simples étoient susceptibles
de se combiner les unes avec les autres, pour former des corps
combustibles composés, & nous avons observé que les huiles en
général, principalement les huiles fixes des végétaux, appartenoient
à cette classe, & qu'elles étoient toutes composées d'hydrogène & de
carbone. Il me reste à traiter dans ce chapitre de l'oxygénation des
corps combustibles composés, à faire voir qu'il existe des acides &
des oxides à base double & triple, que la nature nous en fournit à
chaque pas des exemples, & que c'est principalement par ce genre de
combinaisons qu'elle est parvenue à former avec un aussi petit nombre
d'élémens ou de corps simples une aussi grande variété de résultats.

On avoit très-anciennement remarqué qu'en mêlant ensemble de l'acide
muriatique & de l'acide nitrique, il en résultoit un acide mixte qui
avoit des propriétés fort différentes de celles des deux acides dont
il étoit composé. Cet acide a été célébre par la propriété qu'il a
de dissoudre l'or, _le Roi des métaux_ dans le langage alchimique, &
c'est de-là que lui a été donnée la qualification brillante _d'eau
régale_. Cet acide mixte, comme l'a très-bien prouvé M. Berthollet,
a des propriétés particulières dépendantes de l'action combinée de
ses deux bases acidifiables, & nous avons cru par cette raison devoir
lui conserver un nom particulier. Celui d'acide nitro-muriatique nous
a paru le plus convenable, parce qu'il exprime la nature des deux
substances qui entrent dans sa composition.

Mais ce phénomène qui n'a été observé que pour l'acide nitro-muriatique
se présente continuellement dans le règne végétal: il est infiniment
rare d'y trouver un acide simple, c'est-à-dire qui ne soit composé que
d'une seule base acidifiable. Tous les acides de ce règne ont pour
base l'hydrogène & le carbone, quelquefois l'hydrogène, le carbone
& le phosphore, le tout combiné avec une proportion plus ou moins
considérable d'oxygène. Le règne végétal a également des oxides qui
sont formés des mêmes bases doubles & triples, mais moins oxygénées.

Les acides & oxides du règne animal sont encore plus composés; il
entre dans la combinaison de la plupart quatre bases acidifiables,
l'hydrogène, le carbone, le phosphore & l'azote.

Je ne m'étendrai pas beaucoup ici sur cette matière sur laquelle il n'y
a pas long-tems que je me suis formé des idées claires & méthodiques:
je la traiterai plus à fond dans des Mémoires que je prépare pour
l'Académie. La plus grande partie de mes expériences sont faites, mais
il est nécessaire que je les répète & que je les multiplie davantage,
afin de pouvoir donner des résultats exacts pour les quantités. Je me
contenterai en conséquence de faire une courte énumération des oxides
& acides végétaux & animaux, & de terminer cet article par quelques
réflexions sur la constitution végétale & animale.

Les oxides végétaux à deux bases sont le sucre, les différentes espèces
de gomme que nous avons réunies sous le nom générique de _muqueux_,
& l'amidon. Ces trois substances ont pour radical l'hydrogène & le
carbone combinés ensemble, de manière à ne former qu'une seule base,
& portés à l'état d'oxide par une portion d'oxygène; ils ne diffèrent
que par la proportion des principes qui composent la base. On peut
de l'état d'oxide les faire passer à celui d'acide en leur combinant
une nouvelle quantité d'oxygène, & on forme ainsi, suivant le degré
d'oxygénation & la proportion de l'hydrogène & du carbone, les
différens acides végétaux.

Il ne s'agiroit plus pour appliquer à la nomenclature des acides &
des oxides végétaux les principes que nous avons précédemment établis
pour les oxides & les acides minéraux, que de leur donner des noms
relatifs à la nature des deux substances qui composent leur base.
Les oxides & les acides végétaux seroient alors des oxides & des
acides hydro-carboneux: bien plus on auroit encore dans cette méthode
l'avantage de pouvoir indiquer sans périphrases quel est le principe
qui est en excès, comme M. Rouelle l'avoit imaginé pour les extraits
végétaux: il appeloit extracto-résineux celui où l'extrait dominoit, &
résino-extractif celui qui participoit davantage de la résine.

En partant des mêmes principes, & en variant les terminaisons pour
donner encore plus d'étendue à ce langage, on auroit pour désigner les
acides & les oxides végétaux, les dénominations suivantes:

  Oxide hydro-carboneux.
  Oxide hydro-carbonique.

  Oxide carbone-hydreux.
  Oxyde carbone-hydrique.

  Acide hydro-carboneux.
  Acide hydro-carbonique.
  Acide hydro-carbonique oxygéné.

  Acide carbone-hydreux.
  Acide carbone-hydrique.
  Acide carbone-hydrique oxygéné.

Il est probable que cette variété de langage sera suffisante pour
indiquer toutes les variétés que nous présente la nature, & qu'à
mesure que les acides végétaux seront bien connus, ils se rangeront
naturellement & pour ainsi dire d'eux-mêmes dans le cadre que nous
venons de présenter. Mais il s'en faut bien que nous soyons encore en
état de pouvoir faire une classification méthodique de ces substances:
nous savons quels sont les principes qui les composent, & il ne me
reste plus aucun doute à cet égard; mais les proportions sont encore
inconnues. Ce sont ces considérations qui nous ont déterminés à
conserver provisoirement les noms anciens; & maintenant encore que
je suis un peu plus avancé dans cette carrière que je ne l'étois à
l'époque où notre essai de nomenclature a paru, je me reprocherois de
tirer des conséquences trop décidées d'expériences qui ne sont pas
encore assez précises: mais en convenant que cette partie de la Chimie
reste en souffrance, je puis y ajouter l'espérance qu'elle sera bientôt
éclaircie.

Je me trouve encore plus impérieusement forcé de prendre le même parti
à l'égard des oxides & des acides à trois & quatre bases, dont le règne
animal présente un grand nombre d'exemples, & qui se rencontrent même
quelquefois dans le règne végétal. L'azote, par exemple, entre dans la
composition de l'acide prussique; il s'y trouve joint à l'hydrogène
& au carbone, pour former une base triple; il entre également, à ce
qu'on peut croire, dans l'acide gallique. Enfin presque tous les acides
animaux ont pour base l'azote, le phosphore, l'hydrogène & le carbone.
Une nomenclature qui entreprendroit d'exprimer à la fois ces quatre
bases, seroit méthodique sans doute; elle auroit l'avantage d'exprimer
des idées claires & déterminées: mais cette cumulation de substantifs &
d'adjectifs grecs & latins, dont les Chimistes même n'ont point encore
admis généralement l'usage, sembleroit présenter un langage barbare,
également difficile à retenir & à prononcer. La perfection d'ailleurs
de la science doit précéder celle du langage, & il s'en faut bien que
cette partie de la Chimie soit encore parvenue au point auquel elle
doit arriver un jour. Il est donc indispensable de conserver, au moins
pour un tems, les noms anciens pour les acides & oxides animaux. Nous
nous sommes seulement permis d'y faire quelques légères modifications;
par exemple, de terminer en _eux_ la dénomination de ceux dans lesquels
nous soupçonnons que le principe acidifiable est en excès, & de
terminer au contraire en _ique_ le nom de ceux dans lesquels nous avons
lieu de croire que l'oxygène est prédominant.

Les acides végétaux qu'on connoît jusqu'à présent, sont au nombre de
treize; savoir:

  L'acide acét_eux_.
  L'acide acét_ique_.
  L'acide oxal_ique_.
  L'acide tartar_eux_.
  L'acide pyro-tartar_eux_.
  L'acide citr_ique_.
  L'acide mal_ique_.
  L'acide pyro-muqu_eux_.
  L'acide pyro-lign_eux_.
  L'acide gall_ique_.
  L'acide benzo_ïque_.
  L'acide camphor_ique_.
  L'acide succin_ique_.

Quoique tous ces acides soient, comme je l'ai dit, principalement
& presqu'uniquement composés d'hydrogène, de carbone & d'oxygène,
ils ne contiennent cependant, à proprement parler, ni eau, ni acide
carbonique, ni huile, mais seulement les principes propres à les
former. La force d'attraction qu'exercent réciproquement l'hydrogène,
le carbone & l'oxygène, est dans ces acides dans un état d'équilibre
qui ne peut exister qu'à la température dans laquelle nous vivons:
pour peu qu'on les échauffe au-delà du degré de l'eau bouillante,
l'équilibre est rompu; l'oxygène & l'hydrogène se réunissent pour
former de l'eau; une portion du carbone s'unit à l'hydrogène pour
produire de l'huile; il se forme aussi de l'acide carbonique par la
combinaison du carbone & de l'oxygène; enfin il se trouve presque
toujours une quantité excédente de charbon qui reste libre. C'est ce
que je me propose de développer un peu davantage dans le Chapitre
suivant.

Les oxides du règne animal sont encore moins connus que ceux du règne
végétal, & leur nombre même est encore indéterminé. La partie rouge
du sang, la lymphe, presque toutes les sécrétions sont de véritables
oxides; & c'est sous ce point de vue qu'il est important de les
étudier.

Quant aux acides animaux, le nombre de ceux qui sont connus se borne
actuellement à six; encore est-il probable que plusieurs de ces acides
rentrent les uns dans les autres, ou au moins ne diffèrent que d'une
manière peu sensible. Ces acides sont:

  L'acide lactique.
  L'acide saccho-lactique.
  L'acide bombique.
  L'acide formique.
  L'acide sébacique.
  L'acide prussique.

Je ne place pas l'acide phosphorique au rang des acides animaux, parce
qu'il appartient également aux trois règnes.

La connexion des principes qui constituent les acides & les oxides
animaux, n'est pas plus solide que celle des acides & des oxides
végétaux; un très-léger changement dans la température suffit pour
la troubler, & c'est ce que j'espère rendre plus sensible par les
observations que je vais rapporter dans le Chapitre suivant.



CHAPITRE XII.

_De la décomposition des Matières végétales & animales par l'action
du feu._


POUR bien concevoir ce qui se passe dans la décomposition des
substances végétales par le feu, il faut non-seulement considérer la
nature des principes qui entrent dans leur composition, mais encore
les différentes forces d'attraction que les molécules de ces principes
exercent les unes sur les autres, & en même-tems celle que le calorique
exerce sur eux.

Les principes vraiment constitutifs des végétaux se réduisent à
trois, comme je viens de l'exposer dans le Chapitre précédent;
l'hydrogène, l'oxygène & le carbone. Je les appelle _constitutifs_,
parce qu'ils sont communs à tous les végétaux, qu'il ne peut exister de
végétaux sans eux; à la différence des autres substances qui ne sont
essentielles qu'à la constitution de tel végétal en particulier, mais
non pas de tous les végétaux en général.

De ces trois principes, deux, l'hydrogène & l'oxygène, ont une grande
tendance à s'unir au calorique & à se convertir en gaz; tandis que le
carbone au contraire est un principe fixe & qui a très-peu d'affinité
avec le calorique.

D'un autre côté, l'oxygène qui tend avec un degré de force à peu près
égale à s'unir, soit avec l'hydrogène, soit avec le carbone, à la
température habituelle dans laquelle nous vivons, a au contraire plus
d'affinité avec le carbone à une chaleur rouge; l'oxygène quitte en
conséquence à ce degré l'hydrogène, & s'unit au carbone pour former de
l'acide carbonique.

Je me servirai quelquefois de cette expression _chaleur rouge_,
quoiqu'elle n'exprime pas un degré de chaleur bien déterminée, mais
beaucoup supérieure cependant à celle de l'eau bouillante.

Quoique nous soyons bien éloignés de connoître la valeur de toutes
ces forces, & de pouvoir en exprimer l'énergie par des nombres, au
moins sommes-nous certains par ce qui se passe journellement sous nos
yeux, que quelque variables qu'elles soient en raison du degré de
température, ou, ce qui est la même chose, en raison de la quantité de
calorique avec lequel elles sont combinées, elles sont toutes à peu
près en équilibre à la température dans laquelle nous vivons; ainsi les
végétaux ne contiennent ni huile, ni eau, ni acide carbonique[B]; mais
ils contiennent les élémens de toutes ces substances. L'hydrogène
n'est point combiné, ni avec l'oxygène, ni avec le carbone, &
réciproquement; mais les molécules de ces trois substances forment une
combinaison triple, d'où résultent le repos & l'équilibre.

  [B] Ajout dans l'errata du tome 2:

  Nota. On conçoit que je suppose ici des végétaux réduits à l'état
  de dessication parfaite, & qu'à l'égard de l'huile, je n'entends pas
  parler des végétaux qui en fournissent, soit par expression à froid,
  soit par une chaleur qui n'excede pas celle de l'eau bouillante.
  Il n'est ici question que de l'huile empyreumatique qu'on obtient
  par la distillation à feu nud, à un degré de feu supérieur à l'eau
  bouillante. C'est cette huile seule que j'annonce être un produit
  de l'opération. On peut voir ce que j'ai publié à cet égard dans le
  volume de l'Académie, année 1786.

Un changement très-léger dans la température suffit pour renverser tout
cet échaffaudage de combinaisons, s'il est permis de se servir de cette
expression. Si la température à laquelle le végétal est exposé n'excède
pas beaucoup celle de l'eau bouillante, l'hydrogène & l'oxygène se
réunissent & forment de l'eau qui passe dans la distillation; une
portion d'hydrogène & de carbone s'unissent ensemble pour former de
l'huile volatile, une autre portion de carbone devient libre, & comme
le principe le plus fixe, il reste dans la cornue. Mais si au lieu
d'une chaleur voisine de l'eau bouillante on applique à une substance
végétale une chaleur rouge, alors ce n'est plus de l'eau qui se
forme, ou plutôt même celle qui pouvoit s'être formée par la première
impression de la chaleur se décompose; l'oxygène s'unit au carbone
avec lequel il a plus d'affinité à ce degré; il se forme de l'acide
carbonique, & l'hydrogène devenu libre s'échappe sous la forme de gaz,
en s'unissant au calorique. Non-seulement à ce degré il ne se forme
point d'huile, mais s'il s'en étoit formé, elle seroit décomposée.

On voit donc que la décomposition des matières végétales se fait à ce
degré, en vertu d'un jeu d'affinités doubles & triples, & que tandis
que le carbone attire l'oxygène pour former de l'acide carbonique, le
calorique attire l'hydrogène pour former du gaz hydrogène.

Il n'est point de substance végétale dont la distillation ne fournisse
la preuve de cette théorie, si toutefois on peut appeler de ce nom un
simple énoncé des faits. Qu'on distille du sucre; tant qu'on ne lui
fera éprouver qu'une chaleur inférieure à celle de l'eau bouillante, il
ne perdra qu'un peu d'eau de cristallisation; il sera toujours du sucre
& il en conservera toutes les propriétés: mais sitôt qu'on l'expose à
une chaleur tant soit peu supérieure à celle de l'eau bouillante, il
noircit; une portion de carbone se sépare de la combinaison, en même
tems il passe de l'eau légèrement acide, & un peu d'huile; le charbon
qui reste dans la cornue, forme près d'un tiers du poids originaire.

Le jeu des affinités est encore plus compliqué dans les plantes qui
contiennent de l'azote, comme les crucifères, & dans celles qui
contiennent du phosphore; mais comme ces substances n'entrent qu'en
petite quantité dans leur combinaison, elles n'apportent pas de
grands changemens, au moins en apparence, dans les phénomènes de la
distillation: il paroît que le phosphore demeure combiné avec le
charbon, qui lui communique de la fixité. Quant à l'azote, il s'unit à
l'hydrogène pour former de l'ammoniaque ou alkali volatil.

Les matières animales étant composées à peu près des mêmes principes
que les plantes crucifères, leur distillation donne le même résultat;
mais comme elles contiennent plus d'hydrogène & plus d'azote, elles
fournissent plus d'huile & plus d'ammoniaque. Pour faire connoître avec
quelle ponctualité cette théorie rend compte de tous les phénomènes
qui ont lieu dans la distillation des matières animales, je ne citerai
qu'un fait; c'est la rectification & la décomposition totale des
huiles volatiles animales, appelées vulgairement _huiles de Dippel_.
Ces huiles, lorsqu'on les obtient par une première distillation à
feu nud, sont brunes, parce qu'elles contiennent un peu de charbon
presque libre; mais elles deviennent blanches par la rectification. Le
carbone tient si peu à ces combinaisons, qu'il s'en sépare par leur
simple exposition à l'air. Si on place une huile volatile animale bien
rectifiée & par conséquent blanche, limpide & transparente, sous une
cloche remplie de gaz oxygène, en peu de tems le volume du gaz diminue
& il est absorbé par l'huile. L'oxygène se combine avec l'hydrogène
de l'huile, pour former de l'eau qui tombe au fond; en même tems la
portion de charbon qui étoit combinée avec l'hydrogène, devient libre
& se manifeste par sa couleur noire. C'est par cette raison que ces
huiles ne se conservent blanches & claires, qu'autant qu'on les enferme
dans des flacons bien bouchés, & qu'elles noircissent dès qu'elles ont
le contact de l'air.

Les rectifications successives de ces mêmes huiles présentent un
autre phénomène confirmatif de cette théorie. A chaque fois qu'on les
distille, il reste un peu de charbon au fond de la cornue, en même tems
il se forme un peu d'eau par la combinaison de l'oxygène de l'air des
vaisseaux avec l'hydrogène de l'huile. Comme ce même phénomène a lieu
à chaque distillation de la même huile, il en résulte qu'au bout d'un
grand nombre de rectifications successives, sur-tout si on opère à un
degré de feu un peu fort & dans des vaisseaux d'une capacité un peu
grande, la totalité de l'huile se trouve décomposée, & l'on parvient
à la convertir entièrement en eau & en charbon. Cette décomposition
totale de l'huile par des rectifications répétées, est beaucoup plus
longue & beaucoup plus difficile, quand on opère avec des vaisseaux
d'une petite capacité, & sur-tout à un degré de feu lent & peu
supérieur à celui de l'eau bouillante. Je rendrai compte à l'Académie,
dans un Mémoire particulier, du détail de mes expériences sur cette
décomposition des huiles; mais ce que j'ai dit me paroît suffire pour
donner des idées précises de la constitution des matières végétales &
animales, & de leur décomposition par le feu.



CHAPITRE XIII.

_De la décomposition des Oxides végétaux par la fermentation vineuse._


TOUT le monde sait comment se fait le vin, le cidre, l'hidromel & en
général toutes les boissons fermentées spiritueuses. On exprime le jus
des raisins & des pommes; on étend d'eau ce dernier; on met la liqueur
dans de grandes cuves, & on la tient dans un lieu dont la température
soit au moins de 10 degrés du thermomètre de Réaumur. Bientôt il s'y
excite un mouvement rapide de fermentation, des bulles d'air nombreuses
viennent crêver à la surface, & quand la fermentation est à son plus
haut période, la quantité de ces bulles est si grande, la quantité de
gaz qui se dégage est si considérable, qu'on croiroit que la liqueur
est sur un brâsier ardent qui y excite une violente ébullition. Le gaz
qui se dégage est de l'acide carbonique, & quand on le recueille avec
soin, il est parfaitement pur & exempt du mêlange de toute autre espèce
d'air ou de gaz.

Le suc des raisins, de doux & de sucré qu'il étoit, se change dans
cette opération en une liqueur vineuse qui, lorsque la fermentation
est complette, ne contient plus de sucre, & dont on peut retirer par
distillation une liqueur inflammable qui est connue dans le commerce &
dans les arts sous le nom d'esprit de vin. On sent que cette liqueur
étant un résultat de la fermentation d'une matière sucrée quelconque
suffisamment étendue d'eau, il auroit été contre les principes de notre
nomenclature de la nommer plutôt esprit de vin qu'esprit de cidre, ou
esprit de sucre fermenté. Nous avons donc été forcés d'adopter un nom
plus général, & celui d'_alkool_ qui nous vient des arabes nous a paru
propre à remplir notre objet.

Cette opération est une des plus frappantes & des plus extraordinaires
de toutes celles que la Chimie nous présente, & nous avons à examiner
d'où vient le gaz acide carbonique qui se dégage, d'où vient l'esprit
inflammable qui se forme, & comment un corps doux, un oxide végétal
peut se transformer ainsi en deux substances si différentes, dont l'une
est combustible, l'autre éminemment incombustible. On voit que pour
arriver à la solution de ces deux questions, il falloit d'abord bien
connoître l'analyse & la nature du corps susceptible de fermenter,
& les produits de la fermentation; car rien ne se crée, ni dans les
opérations de l'art, ni dans celles de la nature, & l'on peut poser
en principes que dans toute opération, il y a une égale quantité
de matière avant & après l'opération; que la qualité & la quantité
des principes est la même, & qu'il n'y a que des changemens, des
modifications.

C'est sur ce principe qu'est fondé tout l'art de faire des expériences
en Chimie: on est obligé de supposer dans toutes une véritable égalité
ou équation entre les principes du corps qu'on examine, & ceux qu'on
en retire par l'analyse. Ainsi puisque du moût de raisin donne du gaz
acide carbonique & de l'alkool, je puis dire que le _moût de raisin_
= _acide carbonique_ + _alkool_. Il résulte de-là qu'on peut parvenir
de deux manières à éclaircir ce qui se passe dans la fermentation
vineuse; la première, en déterminant bien la nature & les principes du
corps fermentescible; la seconde, en observant bien les produits qui en
résultent par la fermentation, & il est évident que les connoissances
que l'on peut acquérir sur l'un conduisent à des conséquences certaines
sur la nature des autres, & réciproquement.

Il étoit important d'après cela que je m'attachasse à bien connoître
les principes constituans du corps fermentescible. On conçoit que pour
y parvenir je n'ai pas été chercher les sucs de fruits très-composés,
& dont une analyse rigoureuse seroit peut-être impossible. J'ai choisi
de tous les corps susceptibles de fermenter le plus simple; le sucre
dont l'analyse est facile, & dont j'ai déjà précédemment fait connoître
la nature. On se rappelle que cette substance est un véritable oxide
végétal, un oxide à deux bases; qu'il est composé d'hydrogène & de
carbone porté à l'état d'oxide par une certaine proportion d'oxygène,
& que ces trois principes sont dans un état d'équilibre qu'une force
très-légère suffit pour rompre: une longue suite d'expériences faites
par différentes voies & que j'ai répétées bien des fois, m'a appris que
les proportions des principes qui entrent dans la composition du sucre
sont à-peu-près les suivantes.

  Hydrogène,       8 parties.
  Oxygène,        64
  Carbone,        28
                 ---
  Total,         100
                 ---

Pour faire fermenter le sucre il faut d'abord l'étendre d'environ
quatre parties d'eau. Mais de l'eau & du sucre mêlés ensemble, dans
quelque proportion que ce soit, ne fermenteroient jamais seuls,
& l'équilibre subsisteroit toujours entre les principes de cette
combinaison, si on ne le rompoit par un moyen quelconque. Un peu
de levure de bierre suffit pour produire cet effet & pour donner
le premier mouvement à la fermentation: elle se continue ensuite
d'elle-même jusqu'à la fin. Je rendrai compte ailleurs des effets de la
levure & de ceux des fermens en général. J'ai communément employé dix
livres de levure en pâte pour un quintal de sucre, & une quantité d'eau
égale à quatre fois le poids du sucre: ainsi la liqueur fermentescible
se trouvoit composée ainsi qu'il suit: je donne ici les résultats
de mes expériences tels que je les ai obtenus, & en conservant même
jusqu'aux fractions que m'a données le calcul de réduction.


_Matériaux de la fermentation pour un quintal de sucre._

                                              liv.    onc.    gr.    gr.
  Eau                                         400      »       »      »
  Sucre                                       100      »       »      »
  Levure de biere en pâte,} Eau                 7      3       6     44
  composée de             } Levure seche        2     12       1     28
                                             ---------------------------
  TOTAL                                        510      »       »      »
                                             ---------------------------


_Détail des principes constituans des matériaux de la fermentation._

                                                liv.  onc.  gr.  grains.

  407 livres 3 onces 6 gros     {Hydrogène      61     1     2    71,40
  44 grains d'eau composées de  {Oxygène       346     2     3    44,60

  100 livres de sucre           {Hydrogène       8     »     »     »
  composées de                  {Oxygène        64     »     »     »
                                {Carbone        28     »     »     »

  2 livres 12 onces 1 gros      {Carbone         »    12     4    59,00
  28 grains de levure           {Azote           »     »     5     2,94
  seche composées de            {Hydrogène       »     4     5     9,30
                                {Oxygène         1    10     2    28,76
                                                ------------------------
  TOTAL                                         510    »     »     »
                                                ------------------------


_Récapitulation des principes constituans des matériaux de la
fermentation._

                              liv. on. gr. grains.   liv.  onc. gr.  gr.

  Oxygène   {de l'eau         340   »   »    »    } 411    12   6   1,36
            {                                     }
            {de l'eau de la     6   2   3   44,60 }
            {levure                               }
            {                                     }
            {du sucre          64   »   »    »    }
            {                                     }
            {de la levure       1  10   2   28,76 }

 Hydrogène  {de l'eau          60   »   »    »    }  69     6   »   8,70
            {                                     }
            {de l'eau de la     1   1   2   71,40 }
            {levure                               }
            {                                     }
            {du sucre           8   »   »    »    }
            {                                     }
            {de la levure       »   4   5    9,30 }

  Carbone   {du sucre          28   »   »    »    }  28    12   4  59,00
            {                                     }
            {de la levure       »  12   4   59,00 }

  Azote     de la levure                              »     »   5   2,94
                                                    --------------------
  TOTAL                                             510     »   »   »
                                                    --------------------

Après avoir bien déterminé quelle est la nature & la quantité des
principes qui constituent les matériaux de la fermentation, il reste
à examiner quels en sont les produits. Pour parvenir à les connoître,
j'ai commencé par renfermer les 510 livres de liqueur ci-dessus dans
un appareil, par le moyen duquel je pouvois, non-seulement déterminer
la qualité & la quantité des gaz à mesure qu'ils se dégageoient, mais
encore peser chacun des produits séparément, à telle époque de la
fermentation que je le jugeois à propos. Il seroit trop long de décrire
ici cet appareil, qui se trouve au surplus décrit dans la troisième
partie de cet Ouvrage. Je me bornerai donc à rendre compte des effets.

Une heure ou deux après que le mêlange est fait, sur-tout si la
température dans laquelle on opère est de 15 à 18 degrés, on commence
à appercevoir les premiers indices de la fermentation: la liqueur se
trouble & devient écumeuse; il s'en dégage des bulles qui viennent
crêver à la surface: bientôt la quantité de ces bulles augmente, &
il se fait un dégagement abondant & rapide de gaz acide carbonique
très-pur accompagné d'écume qui n'est autre chose que de la levure qui
se sépare. Au bout de quelques jours, suivant le degré de chaleur,
le mouvement & le dégagement de gaz diminue, mais il ne cesse pas
entièrement; & ce n'est qu'après un intervalle de tems assez long que
la fermentation est achevée.

Le poids de l'acide carbonique sec qui se dégage dans cette opération
est de 35 livres 5 onces 4 gros 19 grains.

Ce gaz entraîne en outre avec lui une portion assez considérable d'eau
qu'il tient en dissolution, & qui est environ de 13 livres 14 onces 5
gros.

Il reste dans le vase dans lequel on opère une liqueur vineuse
légèrement acide, d'abord trouble, qui s'éclaircit ensuite d'elle-même,
& qui laisse déposer une portion de levure. Cette liqueur pèse en
totalité 460 livres 11 onces 6 gros 53 grains.

Enfin en analysant séparément toutes ces substances, & en les
résolvant dans leurs parties constituantes, on trouve après un travail
très-pénible les résultats qui suivent, qui seront détaillés dans les
mémoires de l'Académie.


_TABLEAU des résultats obtenus par la fermentation._

                                                     liv.  on.  gr.  gr.

  35 livres 5 onces 4 gros     {d'oxygène              25   7    1    34
  19 grains  d'acide           {
  carbonique composées         {de carbone              9  14    2    57

  408 livres 15 onces 5 gros   {d'oxygène             347  10    »    59
  14 grains d'eau composées    {
                               {d'hydrogène            61   5    4    27

  57 livres 11 onces 1 gros    {d'oxygène combiné      31   6    1    64
  58 grains d'alkool           {avec l'hydrogène
  sec, composées               {
                               {d'hydrogène combiné     5   8    5     3
                               {avec l'oxygène
                               {
                               {d'hydrogène combiné     4   »    5     »
                               {avec le carbone.
                               {
                               {de carbone             16  11    5    63

  2 livres 8 onces d'acide     {d'hydrogène                 2    4     »
  acéteux sec composées        {
                               {d'oxygène               1  11    4     »
                               {
                               {de carbone                 10    »     »
                               {
  4 livres 1 once 4 gros       {d'hydrogène                 5    1    67
  3 grains de résidu           {
  sucré composées              {d'oxygène               2   9    7    27
                               {
                               {de carbone              1   2    2    53

  1 livre 6 onces              {d'hydrogène                 2    2    41
  50 grains de levure          {
  seche composées              {d'oxygène                  13    1    14
                               {
                               {de carbone                  6    2    30
                               {
                               {d'azote                          2    37
  -----------------------                             ------------------
  510 livres                                          510   »    »     »
  -----------------------                             ------------------


_RÉCAPITULATION des résultats obtenus par la fermentation._

                                                     liv.  on.  gr.  gr.

  409 livres 10 onces     {de l'eau                   347  10    »    59
  54 grains d'oxygène     {
                          {de l'acide carbonique       25   7    1    34
                          {
                          {de l'alkool                 31   6    1    64
                          {
                          {de l'acide acéteux           1  11    4     »
                          {
                          {du résidu sucré              2   9    7    27
                          {
                          {de la levure                    13    1    14

  28 livres 12 onces      {de l'acide carbonique        9  14    2    57
  5 gros 59 grains de     {
  carbone                 {de l'alkool                 16  11    5    63
                          {
                          {de l'acide acéteux              10    »     »
                          {
                          {du résidu sucré              1   2    2    53
                          {
                          {de la levure                     6    2    30

  71 livres 8 onces       {de l'eau                    61   5    4    27
  6 gros 66 grains        {
  d'hydrogène             {de l'eau de l'alkool         5   8    5     3
                          {
                          {combiné avec le carbone      4   »    5     »
                          {dans l'alkool
                          {
                          {de l'acide acéteux               2    4     »
                          {
                          {du résidu sucré                  5    1    67
                          {
                          {de la levure                     2    2    41

  2 gros 37 grains d'azote                                       2    37
  -----------------------                             ------------------
  510 livres                                          510   »    »     »
  -----------------------                             ------------------

Quoique dans ces résultats j'aye porté jusqu'aux grains la précision du
calcul, il s'en faut bien que ce genre d'expériences puisse comporter
encore une aussi grande exactitude; mais comme je n'ai opéré que sur
quelques livres de sucre, & que pour établir des comparaisons j'ai été
obligé de les réduire au quintal, j'ai cru devoir laisser subsister
les fractions telles que le calcul me les a données.

En réfléchissant sur les résultats que présentent les tableaux
ci-dessus, il est aisé de voir clairement ce qui se passe dans la
fermentation vineuse. On remarque d'abord que sur les cent livres de
sucre qu'on a employées, il y en a eu 4 livres 1 once 4 gros 3 grains
qui sont restées dans l'état de sucre non-décomposé, en sorte qu'on
n'a réellement opéré que sur 95 livres 14 onces 5 gros 69 grains de
sucre; c'est-à-dire, sur 61 livres 6 onces 45 grains d'oxygène, sur 7
livres 10 onces 6 gros 6 grains d'hydrogène, & sur 26 livres 13 onces
5 gros 19 grains de carbone. Or en comparant ces quantités on verra
qu'elles sont suffisantes pour former tout l'esprit de vin ou alkool,
tout l'acide carbonique & tout l'acide acéteux qui a été produit par
l'effet de la fermentation. Il n'est donc point nécessaire de supposer
que l'eau se décompose dans cette opération: à moins qu'on ne prétende
que l'oxygène & l'hydrogène sont dans l'état d'eau dans le sucre; ce
que je ne crois pas, puisque j'ai établi au contraire qu'en général
les trois principes constitutifs des végétaux, l'hydrogène, l'oxygène
& le carbone étoient entr'eux dans un état d'équilibre; que cet état
d'équilibre subsistoit tant qu'il n'étoit point troublé, soit par
un changement de température, soit par une double affinité, & que ce
n'étoit qu'alors que les principes se combinant deux à deux formoient
de l'eau & de l'acide carbonique.

Les effets de la fermentation vineuse se réduisent donc à séparer en
deux portions le sucre qui est un oxide; à oxygéner l'une aux dépens
de l'autre pour en former de l'acide carbonique; à désoxygéner l'autre
en faveur de la première pour en former une substance combustible qui
est l'alkool: en sorte que s'il étoit possible de recombiner ces deux
substances, l'alkool & l'acide carbonique, on reformeroit du sucre.
Il est à remarquer au surplus que l'hydrogène & le carbone ne sont
pas dans l'état d'huile dans l'alkool; ils sont combinés avec une
portion d'oxygène qui les rend miscibles à l'eau: les trois principes,
l'oxygène, l'hydrogène & le carbone, sont donc encore ici dans une
espèce d'état d'équilibre; & en effet, en les faisant passer à travers
un tube de verre ou de porcelaine rougi au feu, on les recombine deux à
deux, & on retrouve de l'eau, de l'hydrogène, de l'acide carbonique &
du carbone.

J'avois avancé d'une manière formelle dans mes premiers Mémoires sur la
formation de l'eau, que cette substance regardée comme un élément, se
décomposoit dans un grand nombre d'opérations chimiques, notamment dans
la fermentation vineuse: je supposois alors qu'il existoit de l'eau
toute formée dans le sucre, tandis que je suis persuadé aujourd'hui
qu'il contient seulement les matériaux propres à la former. On conçoit
qu'il a dû m'en coûter pour abandonner mes premières idées; aussi
n'est-ce qu'après plusieurs années de réflexions, & d'après une longue
suite d'expériences & d'observations sur les végétaux, que je m'y suis
déterminé.

Je terminerai ce que j'ai à dire sur la fermentation vineuse, en
observant qu'elle peut fournir un moyen d'analyse du sucre & en
général des substances végétales susceptibles de fermenter. En
effet, comme je l'ai déjà indiqué au commencement de cet article, je
puis considérer les matières mises à fermenter & le résultat obtenu
après la fermentation, comme une équation algébrique; & en supposant
successivement chacun des élémens de cette équation inconnus, j'en
puis tirer une valeur, & rectifier ainsi l'expérience par le calcul &
le calcul par l'expérience. J'ai souvent profité de cette méthode pour
corriger les premiers résultats de mes expériences, & pour me guider
dans les précautions à prendre pour les recommencer: mais ce n'est
pas ici le moment d'entrer dans ces détails sur lesquels je me suis au
surplus étendu fort au long dans le Mémoire que j'ai donné à l'Académie
sur la Fermentation vineuse, & qui sera incessamment imprimé.



CHAPITRE XIV.

_De la Fermentation putride._


JE viens de faire voir comment le corps sucré se décomposoit, lorsqu'il
étoit étendu d'une certaine quantité d'eau & à l'aide d'une douce
chaleur; comment les trois principes qui le constituent, l'oxygène,
l'hydrogène & le carbone, qui étoient dans un état d'équilibre & qui
ne formoient dans l'état de sucre ni de l'eau, ni de l'huile, ni de
l'acide carbonique, se séparoient pour se combiner dans un autre ordre;
comment une portion de carbone se réunissoit à l'oxygène pour former de
l'acide carbonique; comment une autre portion de carbone se combinoit
avec de l'hydrogène & avec de l'eau pour former de l'alkool.

Les phénomènes de la putréfaction s'opèrent de même en vertu
d'affinités très-compliquées. Les trois principes constitutifs du
corps cessent également, dans cette opération, d'être dans un état
d'équilibre: au lieu d'une combinaison ternaire, il se forme des
combinaisons binaires; mais le résultat de ces combinaisons est
bien différent de celui que donne la fermentation vineuse. Dans
cette dernière, une partie des principes de la substance végétale,
l'hydrogène par exemple, reste uni à une portion d'eau & de carbone
pour former de l'alkool. Dans la fermentation putride au contraire,
la totalité de l'hydrogène se dissipe sous la forme de gaz hydrogène:
en même tems l'oxygène & le carbone se réunissant au calorique,
s'échappent sous la forme de gaz acide carbonique. Enfin quand
l'opération est entièrement achevée, sur-tout si la quantité d'eau
nécessaire pour la putréfaction n'a pas manqué, il ne reste plus que la
terre du végétal mêlée d'un peu de carbone & de fer.

La putréfaction des végétaux n'est donc autre chose qu'une analyse
complette des substances végétales dans laquelle la totalité de leurs
principes constitutifs se dégage sous forme de gaz, à l'exception de la
terre qui reste dans l'état de ce qu'on nomme _terreau_.

Je donnerai dans la troisième partie de cet Ouvrage, une idée des
appareils qu'on peut employer pour ce genre d'expériences.

Tel est le résultat de la putréfaction, quand le corps qu'on y
soumet ne contient que de l'oxygène, de l'hydrogène, du carbone &
un peu de terre: mais ce cas est rare, & il paroît même que ces
substances, lorsqu'elles sont seules, fermentent difficilement;
qu'elles fermentent mal, & qu'il faut un tems considérable pour que la
putréfaction soit complette. Il n'en est pas de même quand la substance
mise à fermenter contient de l'azote; & c'est ce qui a lieu à l'égard
de toutes les matières animales & même d'un assez grand nombre de
matières végétales. Ce nouvel ingrédient favorise merveilleusement
la putréfaction: c'est pour cette raison qu'on mêlange les matières
animales avec les végétales, lorsqu'on veut hâter la putréfaction;
& c'est dans ce mêlange que consiste presque toute la science des
amendemens & des fumiers.

Mais l'introduction de l'azote dans les matériaux de la putréfaction,
ne produit pas seulement l'effet d'en accélérer les phénomènes; elle
forme, en se combinant avec l'hydrogène, une nouvelle substance connue
sous le nom d'alkali volatil ou ammoniaque. Les résultats qu'on obtient
en analysant les matières animales par différens procédés, ne laissent
aucun doute sur la nature des principes qui constituent l'ammoniaque.
Toutes les fois qu'on sépare préalablement l'azote de ces matières,
elles ne donnent plus d'ammoniaque, & elles n'en donnent qu'autant
qu'elles contiennent de l'azote. Cette composition de l'ammoniaque
est d'ailleurs confirmée par des expériences analytiques, que M.
Berthollet a détaillées dans les Mémoires de l'Acad. année 1785, page
316; il a donné différens moyens de décomposer cette substance &
d'obtenir séparément les deux principes, l'azote & l'hydrogène, qui
entrent dans sa combinaison.

J'ai déjà annoncé plus haut (_voyez_ Chapitre dixième) que les corps
combustibles étoient presque tous susceptibles de se combiner les
uns avec les autres. Le gaz hydrogène a éminemment cette propriété;
il dissout le carbone, le soufre & le phosphore, & il résulte de ces
combinaisons ce que j'ai appelé plus haut, _gaz hydrogène carboné_,
_gaz hydrogène sulfuré_, _gaz hydrogène phosphoré_. Les deux
derniers de ces gaz ont une odeur particulière & très-désagréable:
celle du gaz hydrogène sulfuré a beaucoup de rapport avec celle
des œufs gâtés & corrompus; celle du gaz hydrogène phosphoré est
absolument la même que celle du poisson pourri; enfin l'ammoniaque
a une odeur qui n'est ni moins pénétrante, ni moins désagréable que
les précédentes. C'est de la combinaison de ces différentes odeurs
que résulte celle qui s'exhale des matières animales en putréfaction,
& qui est si fétide. Tantôt c'est l'odeur de l'ammoniaque qui est
prédominante, & on la reconnoît aisément à ce qu'elle pique les yeux;
tantôt c'est celle du soufre, comme dans les matières fécales; tantôt
enfin, c'est celle du phosphore, comme dans le hareng pourri.

J'ai supposé jusqu'ici que rien ne dérangeoit le cours de la
fermentation, & n'en troubloit les effets. Mais M. de Fourcroy &
M. Thouret ont observé, relativement à des cadavres enterrés à une
certaine profondeur & garantis jusqu'à un certain point du contact de
l'air, des phénomènes particuliers. Ils ont remarqué que souvent la
partie musculaire se convertissoit en une véritable graisse animale.
Ce phénomène tient à ce que, par quelque circonstance particulière,
l'azote que contenoient ces matières animales aura été dégagé, & à
ce qu'il n'est resté que de l'hydrogène & du carbone, c'est-à-dire,
les matériaux propres à faire de la graisse. Cette observation sur
la possibilité de convertir en graisse les matières animales, peut
conduire un jour à des découvertes importantes sur le parti qu'on en
peut tirer pour les usages de la société. Les déjections animales,
telles que les matières fécales, sont principalement composées de
carbone & d'hydrogène; elles se rapprochent donc beaucoup de l'état
d'huile, & en effet elles en fournissent beaucoup par la distillation
à feu nud. Mais l'odeur insoutenable qui accompagne tous les produits
qu'on en retire, ne permet pas d'espérer de long-tems qu'on puisse les
employer à autre chose qu'à faire des engrais.

Je n'ai donné dans ce Chapitre que des apperçus, parce que la
composition des matières animales n'est pas encore très-exactement
connue. On sait qu'elles sont composées d'hydrogène, de carbone,
d'azote, de phosphore, de soufre; le tout porté à l'état d'oxide par
une quantité plus ou moins grande d'oxygène: mais on ignore absolument
quelle est la proportion de ces principes. Le tems complétera cette
partie de l'analyse chimique, comme il en a complété déjà quelques
autres.



CHAPITRE XV.

_De la Fermentation acéteuse._


LA fermentation acéteuse n'est autre chose que l'acidification du
vin qui se fait à l'air libre par l'absorption de l'oxygène. L'acide
qui en résulte est l'acide acéteux, vulgairement appelé vinaigre: il
est composé d'une proportion qui n'a point encore été déterminée,
d'hydrogène & de carbone combinés ensemble, & portés à l'état d'acide
par l'oxygène.

Le vinaigre étant un acide, l'analogie conduisoit seule à conclure
qu'il contenoit de l'oxygène; mais cette vérité est prouvée de plus par
des expériences directes. Premièrement le vin ne peut se convertir en
vinaigre qu'autant qu'il a le contact de l'air, & qu'autant que cet air
contient du gaz oxygène. Secondement cette opération est accompagnée
d'une diminution du volume de l'air dans lequel elle se fait, & cette
diminution de volume est occasionnée par l'absorption du gaz oxygène.
Troisièmement on peut transformer le vin en vinaigre, en l'oxygénant
par quelqu'autre moyen que ce soit.

Indépendamment de ces faits qui prouvent que l'acide acéteux est
un résultat de l'oxygénation du vin, une expérience de M. Chaptal,
professeur de Chimie à Montpellier, fait voir clairement ce qui se
passe dans cette opération. Il prend du gaz acide carbonique dégagé de
la bière en fermentation; il en imprègne de l'eau jusqu'à saturation,
c'est-à-dire, jusqu'à ce qu'elle en ait absorbé environ une quantité
égale à son volume; il met cette eau à la cave dans des vaisseaux qui
ont communication avec l'air, & au bout de quelque tems le tout se
trouve converti en acide acéteux. Le gaz acide carbonique des cuves de
bière en fermentation, n'est pas entièrement pur; il est mêlé d'un peu
d'alkool qu'il tient en dissolution: il y a donc dans l'eau imprégnée
d'acide carbonique dégagé de la fermentation vineuse, tous les
matériaux nécessaires pour former de l'acide acéteux. L'alkool fournit
l'hydrogène & une portion de carbone; l'acide carbonique fournit du
carbone & de l'oxygène; enfin l'air de l'atmosphère doit fournir ce qui
manque d'oxygène pour porter le mêlange à l'état d'acide acéteux.

On voit par-là qu'il ne faut qu'ajouter de l'hydrogène à l'acide
carbonique pour le constituer acide acéteux, ou pour parler plus
généralement, pour le transformer en un acide végétal quelconque,
suivant le degré d'oxygénation; qu'il ne faut au contraire que
retrancher de l'hydrogène aux acides végétaux pour les convertir en
acide carbonique.

Je ne m'étendrai pas davantage sur la fermentation acéteuse à l'égard
de laquelle nous n'avons pas encore d'expériences exactes; les faits
principaux sont connus, mais l'exactitude numérique manque. On voit
d'ailleurs que la théorie de l'acétification est étroitement liée
à celle de la constitution de tous les acides & oxides végétaux, &
nous ne connoissons point encore la proportion des principes dont ils
sont composés. Il est aisé de s'appercevoir cependant que toute cette
partie de la chimie marche rapidement comme toutes les autres, vers sa
perfection, & qu'elle est beaucoup plus simple qu'on ne l'avoit cru
jusqu'ici.



CHAPITRE XVI.

_De la formation des Sels neutres, & des différentes bases qui
entrent dans leur composition._


NOUS avons vu comment un petit nombre de substances simples, ou au
moins qui n'ont point été décomposées jusqu'ici, telles que l'azote, le
soufre, le phosphore, le carbone, le radical muriatique & l'hydrogène,
formoient en se combinant avec l'oxygène tous les oxides & les acides
du règne végétal & du règne animal: nous avons admiré avec quelle
simplicité de moyens la nature multiplioit les propriétés & les formes,
soit en combinant ensemble jusqu'à trois & quatre bases acidifiables
dans différentes proportions, soit en changeant la dose d'oxygène
destiné à les acidifier. Nous ne la trouverons ni moins variée, ni
moins simple, ni sur-tout moins féconde dans l'ordre de choses que nous
allons parcourir.

Les substances acidifiables en se combinant avec l'oxygène, & en
se convertissant en acides, acquièrent une grande tendance à la
combinaison; elles deviennent susceptibles de s'unir avec des
substances terreuses & métalliques, & c'est de cette réunion que
résultent les sels neutres. Les acides peuvent donc être regardés comme
de véritables principes salifians, & les substances auxquelles ils
s'unissent pour former des sels neutres, comme des bases salifiables:
c'est précisément de la combinaison des principes salifians avec les
bases salifiables que nous allons nous occuper dans cet article.

Cette manière d'envisager les acides ne me permet pas de les regarder
comme des sels, quoiqu'ils aient quelques-unes de leurs propriétés
principales, telles que la solubilité dans l'eau, &c. Les acides,
comme je l'ai déjà fait observer, résultent d'un premier ordre de
combinaisons; ils sont formés de la réunion de deux principes simples,
ou au moins qui se comportent à la manière des principes simples, &
ils sont par conséquent pour me servir de l'expression de Stahl, dans
l'ordre des mixtes. Les sels neutres, au contraire, sont d'un autre
ordre de combinaisons, ils sont formés de la réunion de deux mixtes,
& ils rentrent dans la classe des composés. Je ne rangerai pas non
plus, par la même cause, les alkalis[6] ni les substances terreuses,
telles que la chaux, la magnésie, &c. dans la classe des sels, & je
ne désignerai par ce nom que des composés formés de la réunion d'une
substance simple oxygénée avec une base quelconque.

  [6] On regardera peut-être comme un défaut de la méthode que j'ai
  adoptée, de m'avoir contraint à rejetter les alkalis de la classe des
  sels, & je conviens que c'est un reproche qu'on peut lui faire; mais
  cet inconvénient se trouve compensé par de si grands avantages, que
  je n'ai pas cru qu'il dût m'arrêter.

Je me suis suffisamment étendu dans les chapitres précédens sur la
formation des acides, & je n'ajouterai rien à cet égard; mais je n'ai
rien dit encore des bases qui sont susceptibles de se combiner avec eux
pour former des sels neutres; ces bases que je nomme salifiables, sont:

  La potasse.
  La soude.
  L'ammoniaque.
  La chaux.
  La magnésie.
  La baryte.
  L'alumine.

Et toutes les substances métalliques.

Je vais dire un mot de l'origine & de la nature de chacune de ces bases
en particulier.


_De la Potasse._

Nous avons déjà fait observer que lorsqu'on échauffoit une substance
végétale dans un appareil distillatoire, les principes qui la
composent, l'oxygène, l'hydrogène & le carbone, & qui formoient une
combinaison triple dans un état d'équilibre, se réunissoient deux à
deux en obéissant aux affinités qui doivent avoir lieu suivant le degré
de température. Ainsi à la première impression du feu, & dès que la
chaleur excède celle de l'eau bouillante, l'oxygène & l'hydrogène se
réunissent pour former de l'eau. Bientôt après une portion de carbone
& une d'hydrogène se combinent pour former de l'huile. Lorsqu'ensuite
par le progrès de la distillation on est parvenu à une chaleur rouge,
l'huile & l'eau même qui s'étoient formées se décomposent; l'oxygène
& le carbone forment l'acide carbonique, une grande quantité de gaz
hydrogène devenu libre se dégage & s'échappe; enfin il ne reste plus
que du charbon dans la cornue.

La plus grande partie de ces phénomènes se retrouvent dans la
combustion des végétaux à l'air libre: mais alors la présence de
l'air, introduit dans l'opération trois ingrédiens nouveaux, dont deux
au moins apportent des changemens considérables dans les résultats
de l'opération. Ces ingrédiens sont l'oxygène de l'air, l'azote & le
calorique. A mesure que l'hydrogène du végétal ou celui qui résulte
de la décomposition de l'eau est chassé par le progrès du feu sous la
forme de gaz hydrogène, il s'allume au moment où il a le contact de
l'air, il reforme de l'eau, & le calorique des deux gaz qui devient
libre, au moins pour la plus grande partie, produit la flamme.

Lorsqu'ensuite tout le gaz hydrogène a été chassé, brûlé & réduit
en eau, le charbon qui reste brûle à son tour, mais sans flamme; il
forme de l'acide carbonique qui s'échappe, emportant avec lui une
portion de calorique qui le constitue dans l'état de gaz: le surplus du
calorique devient libre, s'échappe & produit la chaleur & la lumière
qu'on observe dans la combustion du charbon. Tout le végétal se trouve
ainsi réduit en eau & en acide carbonique; il ne reste qu'une petite
portion d'une matière terreuse grise, connue sous le nom de cendre, &
qui contient les seuls principes vraiment fixes qui entrent dans la
constitution des végétaux.

Cette terre ou cendre dont le poids n'excède pas communément le
vingtième de celui du végétal, contient une substance d'un genre
particulier, connue sous le nom d'alkali fixe végétal ou de potasse.

Pour l'obtenir on passe de l'eau sur les cendres; l'eau se charge
de la potasse qui est dissoluble, & elle laisse les cendres qui sont
insolubles: en évaporant ensuite l'eau, on obtient la potasse qui est
fixe, même à un très-grand degré de chaleur, & qui reste sous forme
blanche & concrète. Mon objet n'est point de décrire ici l'art de
préparer la potasse, encore moins les moyens de l'obtenir pure: je
n'entre même ici dans ces détails que pour obéir à la loi que je me
suis faite de n'admettre aucun mot qui n'ait été défini.

La potasse qu'on obtient par ce procédé est toujours plus ou moins
saturée d'acide carbonique, & la raison en est facile à saisir: comme
la potasse ne se forme, ou au moins n'est rendue libre qu'à mesure que
le charbon du végétal est converti en acide carbonique par l'addition
de l'oxygène, soit de l'air, soit de l'eau, il en résulte que chaque
molécule de potasse se trouve au moment de sa formation en contact avec
une molécule d'acide carbonique, & comme il y a beaucoup d'affinité
entre ces deux substances, il doit y avoir combinaison. Quoique
l'acide carbonique soit celui de tous les acides qui tient le moins
à la potasse, il est cependant difficile d'en séparer les dernières
portions. Le moyen le plus habituellement employé consiste à dissoudre
la potasse dans de l'eau, à y ajouter deux ou trois fois son poids
de chaux vive, à filtrer & à évaporer dans des vaisseaux fermés; la
substance saline qu'on obtient est de la potasse presqu'entièrement
dépouillée d'acide carbonique.

Dans cet état, elle est non-seulement dissoluble dans l'eau, au moins
à partie égale; mais elle attire encore celle de l'air avec une
étonnante avidité: elle fournit en conséquence un moyen de sécher l'air
ou les gaz auxquels elle est exposée. Elle est également soluble dans
l'esprit-de-vin ou alkool, à la différence de celle qui est saturée
d'acide carbonique, qui n'est pas soluble dans ce dissolvant. Cette
circonstance a fourni à M. Berthollet un moyen d'avoir de la potasse
parfaitement pure.

Il n'y a point de végétaux qui ne donnent plus ou moins de potasse par
incinération; mais on ne l'obtient pas également pure de tous, elle est
ordinairement mêlée avec différens sels qu'il est aisé d'en séparer.

On ne peut guère douter que les cendres, autrement dit la terre que
laissent les végétaux lorsqu'on les brûle, ne préexistât dans ces
végétaux antérieurement à la combustion; cette terre forme, à ce qu'il
paroît, la partie osseuse, la carcasse du végétal. Mais il n'en est
pas de même de la potasse; on n'est encore parvenu à séparer cette
substance des végétaux, qu'en employant des procédés ou des intermèdes
qui peuvent fournir de l'oxigène & de l'azote, tels que la combustion
ou la combinaison avec l'acide nitrique; en sorte qu'il n'est point
démontré que cette substance ne soit pas un produit de ces opérations.
J'ai commencé une suite d'expériences sur cet objet, dont je serai
bientôt en état de rendre compte.


_De la Soude._

La soude est, comme la potasse, un alkali qui se tire de la lixiviation
des cendres des plantes, mais de celles seulement qui croissent
aux bords de la mer, & principalement du _kali_, d'où est venu le
nom d'_alkali_ qui lui a été donné par les arabes: elle a quelques
propriétés communes avec la potasse, mais elle en a d'autres qui l'en
distinguent. En général ces deux substances portent chacune dans toutes
les combinaisons salines des caractères qui leur sont propres. La
soude, telle qu'on l'obtient de la lixiviation des plantes marines,
est le plus souvent entièrement saturée d'acide carbonique; mais elle
n'attire pas, comme la potasse, l'humidité de l'air; au contraire elle
s'y desseche; ses cristaux s'effleurissent & se convertissent en une
poussière blanche qui a toutes les propriétés de la soude, & qui n'en
differe que parce qu'elle a perdu son eau de cristallisation.

On ne connoît pas mieux jusqu'ici les principes constituans de la soude
que ceux de la potasse, & on n'est pas même certain si cette substance
est toute formée dans les végétaux, antérieurement à la combustion.
L'analogie pourroit porter à croire que l'azote est un des principes
constituans des alkalis en général, & on en a la preuve à l'égard de
l'ammoniaque, comme je vais l'exposer: mais on n'a, relativement à la
potasse & à la soude que de légères présomptions qu'aucune expérience
décisive n'a encore confirmées.


_De l'Ammoniaque._

Comme nous n'avions aucune connoissance précise à présenter sur la
composition de la soude & de la potasse, nous avons été obligés de nous
borner dans les deux paragraphes précédens à indiquer les substances
dont on les retire, & les moyens qu'on emploie pour les obtenir. Il
n'en est pas de même de l'ammoniaque, que les anciens ont nommée alkali
volatil. M. Berthollet, dans un Mémoire imprimé dans le recueil de
l'Académie, année 1784, page 316, est parvenu à prouver par voie de
décomposition que 1000 parties de cette substance en poids étoient
composées d'environ 807 d'azote & de 193 d'hydrogène.

C'est principalement par la distillation des matières animales qu'on
obtient cette substance; l'azote qui est un de leurs principes
constituans, s'unit à la proportion d'hydrogène propre à cette
combinaison, & il se forme de l'ammoniaque: mais on ne l'obtient point
pure dans cette opération; elle est mêlée avec de l'eau, de l'huile, &
en grande partie saturée d'acide carbonique. Pour la séparer de toutes
ces substances, on la combine d'abord avec un acide tel, par exemple,
que l'acide muriatique; on l'en dégage ensuite, soit par une addition
de chaux, soit par une addition de potasse.

Lorsque l'ammoniaque a été ainsi amenée à son plus grand degré
de pureté, elle ne peut plus exister que sous forme gazeuse, à
la température ordinaire dans laquelle nous vivons; elle a une
odeur excessivement pénétrante. L'eau en absorbe une très-grande
quantité, sur-tout si elle est froide & si on ajoute la pression au
refroidissement; ainsi saturée d'ammoniaque, elle a été appelée alkali
volatil fluor: nous l'appellerons simplement ammoniaque ou ammoniaque
en liqueur, & nous désignerons la même substance, quand elle sera dans
l'état aériforme, par le nom de gaz ammoniac.


_De la Chaux, de la Magnésie, de la Baryte & de l'Alumine._

La composition de ces quatre terres est absolument inconnue; & comme
on n'est point encore parvenu à déterminer quelles sont leurs parties
constituantes & élémentaires, nous sommes autorisés, en attendant de
nouvelles découvertes, à les regarder comme des êtres simples: l'art
n'a donc aucune part à la formation de ces terres, la nature nous les
présente toutes formées. Mais comme elles ont la plupart, sur-tout
les trois premières, une grande tendance à la combinaison, on ne les
trouve jamais seules. La chaux est presque toujours saturée d'acide
carbonique, & dans cet état elle forme la craie, les spaths calcaires,
une partie des marbres, &c. Quelquefois elle est saturée d'acide
sulfurique, comme dans le gypse & les pierres à plâtre; d'autres fois
avec l'acide fluorique, & elle forme le spath fluor ou vitreux. Enfin
les eaux de la mer & des fontaines salées en contiennent de combinée
avec l'acide muriatique. C'est de toutes les bases salifiables celle
qui est la plus abondamment répandue dans la nature.

On rencontre la magnésie dans un grand nombre d'eaux minérales; elle y
est le plus communément combinée avec l'acide sulfurique; on la trouve
aussi très-abondamment dans l'eau de la mer, où elle est combinée avec
l'acide muriatique; enfin elle entre dans la composition d'un grand
nombre de pierres.

La baryte est beaucoup moins abondante que les deux terres précédentes;
on la trouve dans le règne minéral combinée avec l'acide sulfurique, &
elle forme alors le spath pesant; quelquefois, mais plus rarement, elle
est combinée avec l'acide carbonique.

L'alumine ou base de l'alun a moins de tendance à la combinaison que
les précédentes; aussi la trouve-t-on souvent dans l'état d'alumine,
sans être combinée avec aucun acide. C'est principalement dans les
argiles qu'on la rencontre; elle en fait, à proprement parler, la base.


_Des Substances métalliques._

Les métaux, à l'exception de l'or & quelquefois de l'argent, se
présentent rarement dans le règne minéral sous leur forme métallique;
ils sont communément ou plus ou moins saturés d'oxygène, ou combinés
avec du soufre, de l'arsenic, de l'acide sulfurique, de l'acide
muriatique, de l'acide carbonique, de l'acide phosphorique. La
docimasie & la métallurgie enseignent à les séparer de toutes ces
substances étrangères, & nous renvoyons aux ouvrages qui traitent de
cette partie de la Chimie.

Il est probable que nous ne connoissons qu'une partie des substances
métalliques qui existent dans la nature; toutes celles, par exemple,
qui ont plus d'affinité avec l'oxygène qu'avec le carbone, ne sont pas
susceptibles d'être réduites ou ramenées à l'état métallique, & elles
ne doivent se présenter à nos yeux que sous la forme d'oxides qui se
confondent pour nous avec les terres. Il est très-probable que la
baryte que nous venons de ranger dans la classe des terres, est dans ce
cas; elle présente dans le détail des expériences des caractères qui la
rapprochent beaucoup des substances métalliques. Il seroit possible à
la rigueur que toutes les substances auxquelles nous donnons le nom de
terres, ne fussent que des oxides métalliques, irréductibles par les
moyens que nous employons.

Quoi qu'il en soit, les substances métalliques que nous connoissons,
celles que nous pouvons obtenir dans l'état métallique, sont au nombre
de dix-sept; savoir:

  L'arsenic.      Le fer.
  Le molybdène.   L'étain.
  Le tungstène.   Le plomb.
  Le manganèse.   Le cuivre.
  Le nickel.      Le mercure.
  Le cobalt.      L'argent.
  Le bismuth.     Le platine.
  L'antimoine.    L'or.
  Le zinc.

Je ne considérerai ici ces métaux que comme des bases salifiables, & je
n'entrerai dans aucun détail sur leurs propriétés relatives aux arts &
aux usages de la société. Chaque métal sous ces points de vue exigeroit
un traité complet, & je sortirois absolument des bornes que je me suis
prescrites.



CHAPITRE XVII.

_Suite des réflexions sur les bases salifiables, & sur la formation
des Sels neutres._


TELLES sont les bases salifiables, c'est-à-dire, susceptibles de se
combiner avec les acides, & de former des sels neutres. Mais il faut
observer que les alkalis & les terres entrent purement & simplement
dans la composition des sels neutres, sans aucun intermède qui serve
à les unir; tandis qu'au contraire les métaux ne peuvent se combiner
avec les acides, qu'autant qu'ils ont été préalablement plus ou moins
oxygénés. On peut donc rigoureusement dire que les métaux ne sont point
dissolubles dans les acides, mais seulement les oxides métalliques.
Ainsi lorsqu'on met une substance métallique dans un acide, la première
condition pour qu'elle puisse s'y dissoudre, est qu'elle puisse s'y
oxider, & elle ne le peut qu'en enlevant de l'oxygène, ou à l'acide,
ou à l'eau, dont cet acide est étendu: c'est-à-dire, en d'autres
termes qu'une substance métallique ne peut se dissoudre dans un acide,
qu'autant que l'oxygène qui entre, soit dans la composition de l'eau,
soit dans celle de l'acide, a plus d'affinité avec le métal, qu'il
n'en a avec l'hydrogène ou la base acidifiable; ou, ce qui revient
encore au même, qu'il n'y a de dissolution métallique, qu'autant qu'il
y a décomposition de l'eau ou de l'acide.

C'est de cette observation simple, qui a échappé, même à l'illustre
_Bergman_, que dépend l'explication des principaux phénomènes des
dissolutions métalliques. Le premier de tous & le plus frappant est
l'effervescence, ou, pour parler d'une manière moins équivoque, le
dégagement de gaz qui a lieu pendant la dissolution. Ce gaz dans
les dissolutions par l'acide nitrique est du gaz nitreux; dans les
dissolutions par l'acide sulfurique, il est ou du gaz acide sulfureux,
ou du gaz hydrogène, suivant que c'est aux dépens de l'acide sulfurique
ou de l'eau que le métal s'est oxidé.

Il est sensible que l'acide nitrique & l'eau étant composés l'un &
l'autre de substances qui séparément ne peuvent exister que dans l'état
de gaz, du moins à la température dans laquelle nous vivons, aussitôt
qu'on leur enlève l'oxygène, le principe qui lui étoit uni doit entrer
sur le champ en expansion, il doit prendre la forme gazeuse, & c'est
ce passage rapide de l'état liquide à l'état gazeux qui constitue
l'effervescence. Il en est de même de l'acide sulfurique; les métaux,
en général, sur-tout par la voie humide, n'enlèvent point à cet acide
la totalité de l'oxygène; ils ne le réduisent point en soufre, mais
en acide sulfureux qui ne peut également exister que dans l'état de
gaz au degré de température & de pression dans lequel nous vivons. Cet
acide doit donc se dégager sous la forme de gaz, & c'est encore à ce
dégagement qu'est due l'effervescence.

Un second phénomène est que toutes les substances métalliques se
dissolvent sans effervescence dans les acides quand elles ont été
oxidées avant la dissolution: il est clair qu'alors le métal n'ayant
plus à s'oxider, il ne tend plus à décomposer ni l'acide ni l'eau;
il ne doit donc plus y avoir d'effervescence, puisque l'effet qui le
produisoit n'a plus lieu.

Un troisième phénomène est que tous les métaux se dissolvent sans
effervescence dans l'acide muriatique oxygéné: ce qui se passe dans
cette opération mérite quelques réflexions particulières. Le métal
dans ce cas enlève à l'acide muriatique oxygéné son excès d'oxygène;
il se forme d'une part un oxide métallique, & de l'autre de l'acide
muriatique ordinaire. S'il n'y a pas d'effervescence dans ces sortes
de dissolutions, ce n'est pas qu'il ne soit de l'essence de l'acide
muriatique d'exister sous la forme de gaz au degré de température
dans lequel nous vivons, mais ce gaz trouve dans l'acide muriatique
oxygéné plus d'eau qu'il n'en faut pour être retenu & pour demeurer
sous forme liquide; il ne se dégage donc pas comme l'acide sulfureux, &
après s'être combiné avec l'eau dans le premier instant, il se combine
paisiblement ensuite avec l'oxide métallique qu'il dissout.

Un quatrième phénomène est que les métaux qui ont peu d'affinité pour
l'oxygène, & qui n'exercent pas sur ce principe une action assez
forte pour décomposer, soit l'acide, soit l'eau, sont absolument
indissolubles: c'est par cette raison que l'argent, le mercure, le
plomb, ne sont pas dissolubles dans l'acide muriatique, lorsqu'on les
présente à cet acide dans leur état métallique; mais si on les oxide
auparavant, de quelque manière que ce soit, ils deviennent aussitôt
très-dissolubles, & la dissolution se fait sans effervescence.

L'oxygène est donc le moyen d'union entre les métaux & les acides; &
cette circonstance qui a lieu pour tous les métaux comme pour tous
les acides, pourroit porter à croire que toutes les substances qui
ont une grande affinité avec les acides contiennent de l'oxygène. Il
est donc assez probable que les quatre terres salifiables que nous
avons désignées ci-dessus contiennent de l'oxygène, & que c'est par ce
_latus_ qu'elles s'unissent aux acides. Cette considération sembleroit
appuyer ce que j'ai précédemment avancé à l'article des terres, que ces
substances pourroient bien n'être autre chose que des métaux oxidés
avec lesquels l'oxygène a plus d'affinité qu'il n'en a avec le charbon,
& qui par cette circonstance sont irréductibles. Au reste ce n'est ici
qu'une conjecture que des expériences ultérieures pourront seules ou
confirmer ou détruire.

Les acides connus jusqu'ici sont les suivans; nous allons en les
désignant, indiquer le nom du radical ou base acidifiable dont ils sont
composés.


      Noms des acides.   |  Nom de la base acidifiable ou radical de
                         |    chaque acide, avec des observations.
  -----------------------------------------------------------------------
   1  Sulfureux.         } Soufre.
   2  Sulfurique.        }

   3  Phosphoreux.       } Phosphore.
   4  Phosphorique.      }

   5  Muriatique.        } Radical muriatique.
   6  Muriatique oxygéné.}

   7  Nitreux.           } Azote.
   8  Nitrique.          }
   9  Nitrique oxigéné.  }

  10  Carbonique.         Carbone.

  11  Acéteux.           } Tous ces acides paroissent être formés de la
  12  Acétique.          } réunion d'une base acidifiable double, le
  13  Oxalique.          } carbone & l'hydrogène, & ne différer entr'eux
  14  Tartareux.         } que par la différence de proportion de ces
  15  Pyro-tartareux.    } deux bases & de l'oxigène qui les acidifie;
  16  Citrique.          } on n'a au surplus encore aucune suite
  17  Malique.           } d'expériences bien faites à cet égard.
  18  Pyro-ligneux.      }
  19  Pyro-muqueux.      }

  20  Gallique.          } On n'a encore que des connoissances
  21  Prussique.         } très-imparfaites sur la nature des radicaux
  22  Benzoïque.         } de ces acides; on sait seulement
  23  Succinique.        } que le carbone & l'hydrogène en sont
  24  Camphorique.       } les principales parties, & que l'acide
  25  Lactique.          } prussique contient de l'azote.
  26  Saccho-lactique.   }

  27  Bombique.          } Ces acides & tous ceux qu'on obtient en
  28  Formique.          } oxigénant les matières animales, paroissent
  29  Sébacique.         } avoir pour base acidifiable le carbone,
                         } l'hydrogène, le phosphore & l'azote.

  30  Boracique.         | Le radical boracique { La nature de ces deux
  31  Fluorique.         | Le radical fluorique { radicaux est
                         |                      { entièrement inconnue.

  32  Antimonique.       | Antimoine.
  33  Argentique.        | Argent.
  34  Arsenique.         | Arsenic.
  35  Bismuthique.       | Bismuth.
  36  Cobaltique.        | Cobalt.
  37  Cuprique.          | Cuivre.
  38  Stamnique.         | Etain.
  39  Ferrique.          | Fer.
  40  Manganique.        | Manganèse.
  41  Hydrargirique.     | Mercure.
  42  Molybdique.        | Molybdène.
  43  Nickelique.        | Nickel.
  44  Aurique.           | Or.
  45  Platinique.        | Platine.
  46  Plombique.         | Plomb.
  47  Tungstique.        | Tungstène.
  48  Zincique.          | Zinc.

On voit que le nombre des acides est de 48 en y comprenant les 17
acides métalliques qui sont encore peu connus, mais sur lesquels M.
Berthollet va donner incessamment un travail important. On ne peut
pas encore se flatter sans doute de les avoir tous découverts; mais
il est probable, d'un autre côté, qu'un examen plus approfondi fera
connoître que plusieurs des acides végétaux regardés comme différens,
rentrent les uns dans les autres. Au reste, on ne peut présenter ici le
tableau de la Chimie que dans l'état où elle est, & tout ce qu'on peut
faire c'est de donner des principes pour nommer, en conformité du même
systême, les corps qui pourront être découverts dans la suite.

Le nombre des bases salifiables, c'est-à-dire, susceptibles d'être
converties en sels neutres par les acides, est de vingt-quatre, savoir:

  Trois alkalis.
  Quatre terres.
  Et dix-sept substances métalliques.

La totalité des sels neutres qu'on peut concevoir dans l'état actuel
de nos connoissances est donc de 1152; mais c'est en supposant que
les acides métalliques soient susceptibles de dissoudre d'autres
métaux; & cette dissolubilité des métaux, oxygénés les uns par les
autres, est une science neuve qui n'a point encore été entamée: c'est
de cette partie de la science que dépendent toutes les combinaisons
vitreuses métalliques. Il est d'ailleurs probable que toutes les
combinaisons salines qu'on peut concevoir, ne sont pas possibles, ce
qui doit réduire considérablement le nombre des sels que la nature &
l'art peuvent former. Mais quand on ne supposeroit que cinq à six cens
espèces de sels possibles, il est évident que si on vouloit donner
à toutes des dénominations arbitraires à la manière des anciens, si
on les désignoit, ou par le nom des premiers auteurs qui les ont
découverts, ou par le nom des substances dont ils ont été tirés, il en
résulteroit une confusion que la mémoire la plus heureuse ne pourroit
pas débrouiller. Cette méthode pouvoit être tolérable dans le premier
âge de la Chimie; elle pouvoit l'être encore il y a vingt ans, parce
qu'alors on ne connoissoit pas au-delà de trente espèces de sels:
mais aujourd'hui que le nombre en augmente tous les jours, que chaque
acide qu'on découvre enrichit souvent la Chimie de 24 sels nouveaux,
quelquefois de 48 en raison des deux degrés d'oxygénation de l'acide;
il faut nécessairement une méthode, & cette méthode est donnée par
l'analogie: c'est celle que nous avons suivie dans la nomenclature
des acides; & comme la marche de la nature est une, elle s'appliquera
naturellement à la nomenclature des sels neutres.

Lorsque nous avons nommé les différentes espèces d'acides, nous avons
distingué dans ces substances la base acidifiable particulière à chacun
d'eux, & le principe acidifiant, l'oxygène qui est commun à tous.
Nous avons exprimé la propriété commune à tous par le nom générique
d'acide, & nous avons ensuite différencié les acides par le nom de la
base acidifiable particulière à chacun. C'est ainsi que nous avons
donné au soufre, au phosphore, au carbone oxygénés le nom d'acide
sulfurique, d'acide phosphorique, d'acide carbonique: enfin nous avons
cru devoir indiquer les différens degrés de saturation d'oxygène par
une terminaison différente du même mot. Ainsi nous avons distingué
l'acide sulfureux de l'acide sulfurique, l'acide phosphoreux de l'acide
phosphorique.

Ces principes appliqués à la nomenclature des sels neutres, nous ont
obligés de donner un nom commun à tous les sels dans la combinaison
desquels entre le même acide, & de les différencier ensuite par le nom
de la base salifiable. Ainsi nous avons désigné tous les sels qui ont
l'acide sulfurique pour acide, par le nom de _sulfates_; tous ceux
qui ont l'acide phosphorique pour acide, par le nom de _phosphates_,
& ainsi des autres. Nous distinguerons donc _sulfate_ de potasse,
_sulfate_ de soude, _sulfate_ d'ammoniaque, _sulfate_ de chaux,
_sulfate_ de fer, &c. & comme nous connoissons vingt-quatre bases,
tant alkalines que terreuses & métalliques, nous aurons vingt-quatre
espèces de _sulfates_, autant de _phosphates_, & de même pour tous les
autres acides. Mais comme le soufre est susceptible de deux degrés
d'oxygénation, qu'une première dose d'oxygène constitue l'acide
sulfureux, & une seconde l'acide sulfurique; comme les sels neutres
que forment ces deux acides avec les différentes bases ne sont pas
les mêmes, & qu'ils ont des propriétés fort différentes, il a fallu
les distinguer encore par une terminaison particulière: nous avons en
conséquence désigné par le nom de _sulfites_, de _phosphites_, &c.
les sels neutres formés par l'acide le moins oxygéné. Ainsi le soufre
oxygéné sera susceptible de former 48 sels neutres, savoir vingt-quatre
_sulfates_ & vingt-quatre _sulfites_, & ainsi des autres substances
susceptibles de deux degrés d'oxygénation.

Il seroit excessivement ennuyeux pour les lecteurs de suivre ces
dénominations dans tous leurs détails; il suffit d'avoir exposé
clairement la méthode de nommer: quand on l'aura saisie, on pourra
l'appliquer sans effort à toutes les combinaisons possibles; & le nom
de la substance combustible & acidifiable connu, on se rappellera
toujours aisément le nom de l'acide qu'elle est susceptible de former,
& celui de tous les sels neutres qui doivent en dériver.

Je m'en tiendrai donc à ces notions élémentaires; mais, pour satisfaire
en même tems ceux qui pourroient avoir besoin de plus grands détails,
j'ajouterai dans une seconde partie des Tableaux qui présenteront une
récapitulation générale, non-seulement de tous les sels neutres, mais
en général de toutes les combinaisons chimiques. J'y joindrai quelques
courtes explications sur la manière la plus simple & la plus sûre de
se procurer les différentes espèces d'acides, & sur les propriétés
générales des sels neutres qui en résultent.

Je ne me dissimule pas qu'il auroit été nécessaire pour compléter cet
Ouvrage, d'y joindre des observations particulières sur chaque espèce
de sel, sur sa dissolubilité dans l'eau & dans l'esprit-de-vin, sur
la proportion d'acide & de base qui entre dans sa composition, sur
sa quantité d'eau de cristallisation, sur les différens degrés de
saturation dont il est susceptible, enfin sur le degré de force avec
laquelle l'acide tient à sa base. Ce travail immense a été commencé
par M. Bergman, M. de Morveau, M. Kirwan & quelques autres célèbres
Chimistes; mais il n'est encore que médiocrement avancé, & les bases
sur lesquelles il repose ne sont pas même encore d'une exactitude
rigoureuse. Des détails aussi nombreux n'auroient pas pu convenir
à un Ouvrage élémentaire, & le tems de rassembler les matériaux &
de compléter les expériences auroit retardé de plusieurs années la
publication de cet Ouvrage. C'est un vaste champ ouvert au zèle &
à l'activité des jeunes Chimistes; mais qu'il me soit permis de
recommander, en terminant ici ma tâche, à ceux qui auront le courage de
l'entreprendre, de s'attacher plutôt à faire bien qu'à faire beaucoup;
à s'assurer d'abord par des expériences précises & multipliées de
la composition des acides, avant de s'occuper de celle des sels
neutres. Tout édifice destiné à braver les outrages du tems, doit être
établi sur des fondemens solides; & dans l'état où est parvenue la
Chimie, c'est en retarder la marche que d'établir ses progrès sur des
expériences qui ne sont ni assez exactes, ni assez rigoureuses.



[Illustration]

SECONDE PARTIE.

_De la Combinaison des Acides avec les bases salifiables, & de la
Formation des Sels neutres._

AVERTISSEMENT.


SI j'avois voulu suivre strictement le plan que je m'étois formé dans
la distribution des différentes parties de cet Ouvrage, je me serois
borné dans les Tableaux qui composeront cette seconde Partie, & dans
les explications qui les accompagnent, à donner de courtes définitions
des différens acides que l'on connoît, une description abrégée des
procédés par lesquels on les obtient, & j'y aurois joint une simple
nomenclature des sels neutres qui résultent de leurs combinaisons avec
différentes bases. Mais j'ai reconnu que, sans ajouter beaucoup au
volume de cet Ouvrage, je pourrois en augmenter beaucoup l'utilité, en
présentant sous la même forme le tableau des substances simples, de
celles qui entrent dans la composition des acides & des oxides, & leurs
combinaisons.

Cette addition n'augmente que de dix le nombre des Tableaux strictement
nécessaires pour la nomenclature de tous les sels neutres. J'y présente
1º. les substances simples, ou du moins celles que l'état actuel de nos
connoissances nous oblige à regarder comme telles.

2º. Les radicaux oxidables & acidifiables doubles & triples, qui se
combinent avec l'oxygène, à la manière des substances simples.

3º. Les combinaisons de l'oxygène avec les substances simples
métalliques & non métalliques.

4º. Les combinaisons de l'oxygène avec les radicaux composés.

5º. Les combinaisons de l'azote avec les substances simples.

6º. Les combinaisons de l'hydrogène avec les substances simples.

7º. Les combinaisons du soufre avec les substances simples.

8º. Les combinaisons du phosphore avec les substances simples.

9º. Les combinaisons du carbone avec les substances simples.

10º. Les combinaisons de quelques autres radicaux avec les substances
simples.

Ces dix Tableaux & les Observations qui les accompagnent, forment une
espèce de récapitulation des quinze premiers Chapitres de cet Ouvrage.
Les Tableaux qui sont à la suite & qui présentent l'ensemble de toutes
les combinaisons salines, ont plus particulièrement rapport aux
Chapitres XIV & XV.

On s'appercevra facilement que j'ai beaucoup profité dans ce travail de
ce que M. de Morveau a publié dans le premier volume de l'Encyclopédie
par ordre de matières; & en effet il m'auroit été difficile de puiser
dans de meilleures sources, sur-tout d'après la difficulté de consulter
les ouvrages étrangers dans leur langue originale. Je ne le citerai
qu'une seule fois, au commencement de cette seconde Partie, pour ne pas
être obligé de le citer à chaque article.

J'ai placé à la suite de chaque Tableau & vis-à-vis autant qu'il a été
possible les explications qui y sont relatives.



_TABLEAU DES SUBSTANCES SIMPLES._


  =====================================================================
  |                    |   Noms nouveaux.   |      Noms anciens       |
  |                    |                    |     correspondans.      |
  |-------------------------------------------------------------------|
  |                    |Lumière.            |Lumière.                 |
  |                    |                    |                         |
  |Substances simples  {Calorique.          {Chaleur.                 |
  |qui appartiennent   {                    {Principe de la chaleur.  |
  |aux trois règnes &  {                    {Fluide igné.             |
  |qu'on peut regarder {                    {Feu.                     |
  |comme les élémens   {                    {Matière du feu & de la   |
  |des corps.          {                    {chaleur.                 |
  |                    {                    |                         |
  |                    {Oxygène.            {Air déphlogistiqué.      |
  |                    {                    {Air empiréal.            |
  |                    {                    {Air vital.               |
  |                    {                    {Base de l'air vital.     |
  |                    {                    |                         |
  |                    {Azote               {Gaz phlogistiqué.        |
  |                    {                    {Mofete.                  |
  |                    {                    {Base de la mofete.       |
  |                    {                    |                         |
  |                    {Hydrogène.          {Gaz inflammable.         |
  |                    {                    {Base du gaz inflammable. |
  |                    |                    |                         |
  |Substances simples  {Soufre.             |Soufre.                  |
  |non métalliques     {Phosphore.          |Phosphore.               |
  |oxidables &         {Carbone.            |Charbon pur.             |
  |acidifiables.       {Radical muriatique. |Inconnu.                 |
  |                    {Radical fluorique.  |Inconnu.                 |
  |                    {Radical boracique.  |Inconnu.                 |
  |                    |                    |                         |
  |Substances          {Antimoine.          |Antimoine.               |
  |simples             {Argent.             |Argent.                  |
  |métalliques         {Arsenic.            |Arsenic.                 |
  |oxidables &         {Bismuth.            |Bismuth.                 |
  |acidifiables.       {Cobalt.             |Cobalt.                  |
  |                    {Cuivre.             |Cuivre.                  |
  |                    {Etain.              |Etain.                   |
  |                    {Fer.                |Fer.                     |
  |                    {Manganèse.          |Manganèse.               |
  |                    {Mercure.            |Mercure.                 |
  |                    {Molybdène.          |Molybdène.               |
  |                    {Nickel.             |Nickel.                  |
  |                    {Or.                 |Or.                      |
  |                    {Platine.            |Platine.                 |
  |                    {Plomb.              |Plomb.                   |
  |                    {Tungstène.          |Tungstène.               |
  |                    {Zinc.               |Zinc.                    |
  |                    |                    |                         |
  |Substances          {Chaux.              |Terre calcaire, chaux.   |
  |simples             {Magnésie.           |Magnésie, base du sel    |
  |salifiables         {                    |d'Epsom.                 |
  |terreuses.          {Baryte.             |Barote, terre pesante.   |
  |                    {Alumine.            |Argile, terre de l'alun, |
  |                    {                    |base de l'alun.          |
  |                    {Silice.             |Terre siliceuse, terre   |
  |                    {                    |vitrifiable.             |
  =====================================================================



OBSERVATIONS

_Sur le Tableau des Substances simples, ou du moins de celles que
l'état actuel de nos connoissances nous oblige à considérer comme
telles._


LA Chimie en soumettant à des expériences les différens corps de
la nature, a pour objet de les décomposer & de se mettre en état
d'_examiner séparément les différentes substances qui entrent dans
leur combinaison_. Cette science a fait de nos jours des progrès
très-rapides. Il sera facile de s'en convaincre si l'on consulte les
différens auteurs qui ont écrit sur l'ensemble de la Chimie: on verra
que dans les premiers tems on regardoit l'huile & le sel comme les
principes des corps; que l'expérience & l'observation ayant amené de
nouvelles connoissances, on s'apperçut ensuite que les sels n'étoient
point des corps simples, qu'ils étoient composés d'un acide & d'une
base, & que c'étoit de cette réunion que résultoit leur état de
neutralité. Les découvertes modernes ont encore reculé de plusieurs
degrés les bornes de l'analyse[7], elles nous ont éclairés sur la
formation des acides, & nous ont fait voir qu'ils étoient formés par
la combinaison d'un principe acidifiant commun à tous, l'oxygène, &
d'un radical particulier pour chacun, qui les différencie & qui les
constitue plutôt tel acide que tel autre. J'ai été encore plus loin
dans cet ouvrage, puisque j'ai fait voir, comme M. Hassenfratz, au
surplus l'avoit déjà annoncé, que les radicaux des acides eux-mêmes
ne sont pas toujours des substances simples, même dans le sens que
nous attachons à ce mot; qu'ils sont ainsi que le principe huileux, un
composé d'hydrogène & de carbone. Enfin M. Berthollet a prouvé que les
bases des sels n'étoient pas plus simples que les acides eux-mêmes, &
que l'ammoniaque étoit un composé d'azote & d'hydrogène.

  [7] Voyez Mémoires de l'Académie, année 1776, page 671, & 1778, page
  535.

La Chimie marche donc vers son but & vers sa perfection, en divisant,
subdivisant, & resubdivisant encore, & nous ignorons quel sera le
terme de ses succès. Nous ne pouvons donc pas assurer que ce que nous
regardons comme simple aujourd'hui le soit en effet: tout ce que nous
pouvons dire, c'est que telle substance est le terme actuel auquel
arrive l'analyse chimique, & qu'elle ne peut plus se subdiviser au-delà
dans l'état actuel de nos connoissances.

Il est à présumer que les terres cesseront bientôt d'être comptées au
nombre des substances simples; elles sont les seules de toute cette
classe qui n'aient point de tendance à s'unir à l'oxygène, & je suis
bien porté à croire que cette indifférence pour l'oxygène, s'il m'est
permis de me servir de cette expression, tient à ce qu'elles en sont
déjà saturées. Les terres, dans cette manière de voir, feroient des
substances simples, peut-être des oxides métalliques oxygénées jusqu'à
un certain point. Ce n'est au surplus qu'une simple conjecture que je
présente ici. J'espère que le lecteur voudra bien ne pas confondre ce
que je donne pour des vérités de fait & d'expérience avec ce qui n'est
encore qu'hypothétique.

Je n'ai point fait entrer dans ce tableau les alkalis fixes, tels
que la potasse & la soude, parce que ces substances sont évidemment
composées, quoiqu'on ignore cependant encore la nature des principes
qui entrent dans leur combinaison.



_TABLEAU des Radicaux ou bases oxidables & acidifiables, composés, qui
entrent dans les combinaisons à la manière des substances simples._


  ======================================================================
  |                   |   Noms des Radicaux.   |     Observations.     |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |Radicaux oxidables {Radical                 }C'est la base de l'eau |
  |ou acidifiables    {nitro-muriatique, ou    }régale des anciens     |
  |composés, du       {radical de l'eau        }Chimistes, célèbre par |
  |règne minéral.     {régale.                 }la propriété qu'elle a |
  |                   {                        }de dissoudre l'or.     |
  |                   |                        |                       |
  |Radicaux           {Radical tartareux.      }Les anciens Chimistes  |
  |hydro-carboneux,   {Radical malique.        }ne connoissoient       |
  |ou                 {Radical citrique.       }point la composition   |
  |carbone-hydreux    {Radical pyro-ligneux.   }des acides, & ne se    |
  |du règne           {Radical pyro-muqueux.   }doutant pas qu'ils     |
  |végétal,           {Radical pyro-tartareux. }fussent formés de la   |
  |susceptibles       {Radical oxalique.       }réunion d'un radical   |
  |d'être oxidés      {Radical acéteux.        }particulier à chacun   |
  |& acidifiés.       {Radical succinique.     }d'eux & d'un principe  |
  |                   {Radical benzoïque.      }acidifiant commun à    |
  |                   {Radical camphorique     }tous, ils n'ont pu     |
  |                   {Radical gallique.       }donner aucun nom à des |
  |                   |                        }substances dont ils    |
  |Radicaux           {Radical lactique.       }n'avoient aucune idée: |
  |hydro-carboneux ou {Radical saccholactique. }nous nous sommes donc  |
  |carbone-hydreux du {Radical formique.       }trouvés dans la        |
  |règne animal dans  {Radical bombique.       }nécessité de créer une |
  |la composition     {Radical sébacique.      }Nomenclature pour cet  |
  |desquels entre     {Radical lithique.       }objet; mais nous avons |
  |presque toujours   {Radical prussique.      }prévenu en même tems   |
  |l'azote & souvent  |                        }que cette Nomenclature |
  |le phosphore, &    |                        }seroit susceptible de  |
  |qui sont           |                        }modification, à        |
  |susceptibles d'être|                        }mesure que la nature   |
  |oxidés& acidifiés. |                        }des radicaux composés  |
  |XI.                |                        }seroit mieux connue.   |
  |                   |                        }Voyez ce que j'ai dit  |
  |                   |                        }à cet égard, chapitre  |
  |                   |                        }XI.                    |
  ======================================================================

Les radicaux du règne végétal donnent par un premier degré
d'oxigénation des oxides végétaux; tels que le sucre, l'amidon, la
gomme ou le muqueux. Les radicaux animaux donnent des oxides animaux,
tels que la limphe, &c. &c.



OBSERVATIONS

_Sur le Tableau des Radicaux ou bases oxydables & acidifiables,
composés de la réunion de plusieurs substances simples._


LES radicaux du règne végétal & du règne animal que présente ce
tableau, & qui tous sont susceptibles d'être oxidés & acidifiés,
n'ayant point encore été analysés avec précision, il est impossible
de les assujétir encore à une nomenclature régulière. Des expériences
dont quelques-unes me sont propres, & dont d'autres ont été faites par
M. Hassenfratz, m'ont seulement appris qu'en général, presque tous les
acides végétaux, tels que l'acide tartareux, l'acide oxalique, l'acide
citrique, l'acide malique, l'acide acéteux, l'acide pyro-tartarique,
l'acide pyro-mucique, ont pour radical l'hydrogène & le carbone, mais
réunis de manière à ne former qu'une seule & même base; que tous ces
acides ne diffèrent entr'eux que par la différence de proportion de
ces deux substances, & par le degré d'oxygénation. Nous savons de
plus, principalement par les expériences de M. Berthollet, que les
radicaux du règne animal, & quelques-uns même du règne végétal sont
plus composés, & qu'indépendamment de l'hydrogène & du carbone, ils
contiennent encore souvent de l'azote, & quelquefois du phosphore; mais
il n'existe point encore de calculs exacts sur les quantités. Nous nous
sommes donc trouvés forcés de donner, à la manière des anciens, à ces
différens radicaux des noms dérivés de celui de la substance dont ils
ont été tirés. Sans doute, un jour & à mesure que nos connoissances
acquerront plus de certitude & d'étendue, tous ces noms disparoîtront,
& ils ne subsisteront plus que comme un témoignage de l'état dans
lequel la science chimique nous a été transmise: ils feront place à
ceux des radicaux hydro-carboneux & hydro-carbonique, carbone-hydreux
& carbone-hydrique, comme je l'ai expliqué dans le chapitre XI, & le
choix de ces noms sera déterminé par la proportion des deux bases dont
ils sont composés.

On apperçoit aisément que les huiles étant composées d'hydrogène &
de carbone, elles sont de véritables radicaux carbone-hydreux ou
hydro-carboneux, & en effet, il suffit d'oxygéner des huiles pour les
convertir d'abord en oxides, & ensuite en acides végétaux, suivant le
degré d'oxygénation. On ne peut pas cependant assurer d'une manière
positive que les huiles entrent toutes entières dans la composition
des oxides & des acides végétaux; il est possible qu'elles perdent
auparavant une portion de leur hydrogène ou de leur carbone, & que ce
qui reste de l'une & de l'autre de ces substances ne soit plus dans la
proportion nécessaire pour constituer des huiles. C'est sur quoi nous
avons encore besoin d'être éclairés par l'expérience.

Nous ne connoissons, à proprement parler, dans le règne minéral d'autre
radical composé que le radical nitro-muriatique. Il est formé par
la réunion de l'azote avec le radical muriatique. Les autres acides
composés ont été beaucoup moins étudiés, & ne présentent pas d'ailleurs
des phénomènes aussi frappans.



OBSERVATIONS

_Sur les combinaisons de la Lumière & du Calorique avec les différentes
substances._


JE n'ai point formé de Tableau pour les combinaisons de la lumière &
du calorique avec les substances simples ou composées; parce que nous
n'avons point encore des idées suffisamment arrêtées sur ces sortes
de combinaisons. Nous savons, en général, que tous les corps de la
nature sont plongés dans le calorique, qu'ils en sont environnés,
pénétrés de toutes parts, & qu'il remplit tous les intervalles que
laissent entr'elles leurs molécules: que dans certains cas le calorique
se fixe dans les corps, de manière même à constituer leurs parties
solides; mais que le plus souvent il en écarte les molécules, il exerce
sur elles une force répulsive, & que c'est de son action ou de son
accumulation plus ou moins grande que dépend le passage des corps de
l'état solide à l'état liquide, de l'état liquide à l'état aériforme.
Enfin nous avons appelé du nom générique de _gaz_ toutes les substances
portées à l'état aériforme par une addition suffisante de calorique;
en sorte que si nous voulons désigner l'acide muriatique, l'acide
carbonique, l'hydrogène, l'eau, l'alkool dans l'état aériforme, nous
leur donnons le nom de _gaz acide muriatique_, _gaz acide carbonique_,
_gaz hydrogène_, _gaz aqueux_, _gaz alkool_.

A l'égard de la lumière, ses combinaisons & sa manière d'agir sur
les corps sont encore moins connues. Il paroît seulement, d'après
les expériences de M. Berthollet, qu'elle a une grande affinité avec
l'oxygène, qu'elle est susceptible de se combiner avec lui, & qu'elle
contribue avec le calorique à le constituer dans l'état de gaz. Les
expériences qui ont été faites sur la végétation, donnent aussi lieu de
croire que la lumière se combine avec quelques parties des plantes, &
que c'est à cette combinaison qu'est due la couleur verte des feuilles
& la diversité de couleurs des fleurs. Il est au moins certain que
les plantes qui croissent dans l'obscurité sont étiolées, qu'elles
sont absolument blanches, qu'elles sont dans un état de langueur & de
souffrance, & qu'elles ont besoin pour reprendre leur vigueur naturelle
& pour se colorer, de l'influence immédiate de la lumière.

On observe quelque chose de semblable sur les animaux eux-mêmes; les
hommes, les femmes, les enfans s'étiolent jusqu'à un certain point dans
les travaux sédentaires des manufactures, dans les logemens resserrés,
dans les rues étroites des villes. Ils se développent au contraire,
ils acquièrent plus de force & plus de vie dans la plupart des
occupations champêtres & dans les travaux qui se font en plein air.

L'organisation, le sentiment, le mouvement spontané, la vie, n'existent
qu'à la surface de la terre & dans les lieux exposés à la lumière. On
diroit que la fable du flambeau de Prométhée étoit l'expression d'une
vérité philosophique qui n'avoit point échappé aux anciens. Sans la
lumière la nature étoit sans vie, elle étoit morte & inanimée: un Dieu
bienfaisant, en apportant la lumière, a répandu sur la surface de la
terre l'organisation, le sentiment & la pensée.

Mais ce n'est point ici le lieu d'entrer dans aucuns détails sur les
corps organisés; c'est à dessein que j'ai évité de m'en occuper dans
cet Ouvrage, & c'est ce qui m'a empêché de parler des phénomènes de
la respiration, de la sanguification & de la chaleur animale. Je
reviendrai un jour sur ces objets.



_TABLEAU des Combinaisons binaires de l'oxygène avec les substances
métalliques & non métalliques oxidables & acidifiables._


  ======================================================================
  |                    Premier degré d'oxigénation.                    |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |                      |   Noms nouveaux.   |     Noms anciens.      |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |       Combinaisons de l'oxygène avec les substances simples        |
  |                    non métalliques, telles que:                    |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |Le calorique.         |Le gaz oxygène.     |Air vital ou            |
  |                      |                    |déphlogistiqué.         |
  |L'hydrogène.          |On ne connoît qu'un degré de combinaison de  |
  |                      |l'oxygène & de l'hydrogène, & cette          |
  |                      |combinaison forme de l'eau.                  |
  |L'azote.              |Oxide nitreux ou    |Gaz nitreux.            |
  |                      |base du gaz nitreux.|                        |
  |Le carbone.           |Oxide de carbone.   |Inconnu.                |
  |Le soufre.            |Oxide de soufre.    |Soufre mou.             |
  |Le phosphore.         |Oxide de phosphore. |Résidu de la combustion |
  |                      |                    |du phosphore.           |
  |Le radical muriatique.|Oxide muriatique.   |Inconnu.                |
  |Le radical fluorique. |Oxide fluorique.    |Inconnu.                |
  |Le radical boracique. |Oxide boracique.    |Inconnu.                |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |       Combinaisons de l'oxygène avec les substances simples        |
  |                      métalliques, telles que:                      |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |L'antimoine.  |Oxide gris d'antimoine. |Chaux grise d'antimoine.    |
  |L'argent.     |Oxide d'argent.         |Chaux d'argent.             |
  |L'arsenic.    |Oxide gris d'arsenic.   |Chaux grise d'arsenic.      |
  |Le bismuth.   |Oxide gris de bismuth.  |Chaux grise de bismuth.     |
  |Le cobalt.    |Oxide gris de cobalt.   |Chaux grise de cobalt.      |
  |Le cuivre.    |Oxide rouge brun de     |Chaux rouge brune de cuivre.|
  |              |cuivre.                 |                            |
  |L'étain.      |Oxide gris d'étain.     |Chaux grise d'étain.        |
  |Le fer.       |Oxide noir de fer.      |Ethiops martial.            |
  |Le manganèse. |Oxide noir de manganèse.|Chaux noire de manganèse.   |
  |Le mercure.   |Oxide noir de mercure.  |Ethiops minéral.            |
  |Le molybdène. |Oxide de molybdène.     |Chaux de molybdène.         |
  |Le nickel.    |Oxide de nickel.        |Chaux de nickel.            |
  |L'or.         |Oxide jaune d'or.       |Chaux jaune d'or.           |
  |Le platine.   |Oxide jaune de platine. |Chaux jaune de platine.     |
  |Le plomb.     |Oxide gris de plomb.    |Chaux grise de plomb.       |
  |Le tungstène. |Oxide de tungstène.     |Chaux de tungstène.         |
  |Le zinc.      |Oxide gris de zinc.     |Chaux grise de zinc.        |
  ======================================================================


  ======================================================================
  |                    Second degré d'oxigénation.                     |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |                      |   Noms nouveaux.   |     Noms anciens.      |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |       Combinaisons de l'oxygène avec les substances simples        |
  |                    non métalliques, telles que:                    |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |Le calorique.         |                    |                        |
  |L'hydrogène.          |                    |                        |
  |L'azote.              |Acide nitreux.      |Acide nitreux fumant.   |
  |Le carbone.           |Acide carboneux.    |Inconnu.                |
  |Le soufre.            |Acide sulfureux.    |Acide sulfureux.        |
  |Le phosphore.         |Acide phosphoreux.  |Acide volatil du        |
  |                      |                    |phosphore.              |
  |Le radical muriatique.|Acide muriateux.    |Inconnu.                |
  |Le radical fluorique. |Acide fluoreux.     |Inconnu.                |
  |Le radical boracique. |Acide boraceux.     |Inconnu.                |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |       Combinaisons de l'oxygène avec les substances simples        |
  |                      métalliques, telles que:                      |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |L'antimoine. |Oxide blanc d'antimoine. |Chaux blanche d'antimoine.  |
  |             |                         |Antimoine diaphorétique.    |
  |L'argent.    |........................ |........................... |
  |L'arsenic.   |Oxide blanc d'arsenic.   |Chaux blanche d'arsenic.    |
  |Le bismuth.  |Oxide blanc de bismuth.  |Chaux blanche de bismuth.   |
  |Le cobalt.   |.......................  |........................... |
  |Le cuivre.   |Oxide vert & bleu de     |Chaux verte & bleue de      |
  |             |cuivre.                  |cuivre.                     |
  |L'étain.     |Oxide blanc d'étain.     |Chaux blanche d'étain ou    |
  |             |                         |potée d'étain.              |
  |Le fer.      |Oxide jaune & rouge      |Ocre & rouille.             |
  |             |de fer.                  |                            |
  |Le manganèse.|Oxide blanc de manganèse.|Chaux blanche de manganèse. |
  |Le mercure.  |Oxide jaune & rouge de   |Turbith minéral, précipité  |
  |             |mercure.                 |rouge, précipité _per se_.  |
  |Le molybdène.|........................ |........................... |
  |Le nickel.   |........................ |........................... |
  |L'or.        |Oxide rouge d'or.        |Chaux rouge d'or.           |
  |             |                         |Précipité pourpre de        |
  |             |                         |Cassius.                    |
  |Le platine.  |........................ |........................... |
  |Le plomb.    |Oxide jaune & rouge de   |Massicot & minium.          |
  |             |plomb.                   |                            |
  |Le tungstène.|........................ |........................... |
  |Le zinc.     |Oxide blanc de zinc.     |Chaux blanche de zinc,      |
  |             |                         |Pompholix.                  |
  ======================================================================


  ======================================================================
  |                   Troisième degré d'oxigénation.                   |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |                      |  Noms nouveaux.   |      Noms anciens.      |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |       Combinaisons de l'oxygène avec les substances simples        |
  |                    non métalliques, telles que:                    |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |Le calorique.         |                   |                         |
  |L'hydrogène.          |                   |                         |
  |L'azote.              |Acide nitrique.    |Acide nitreux non fumant.|
  |Le carbone.           |Acide carbonique.  |Air fixe.                |
  |Le soufre.            |Acide sulfurique.  |Acide vitriolique.       |
  |Le phosphore.         |Acide phosphorique.|Acide phosphorique.      |
  |Le radical muriatique.|Acide muriatique.  |Acide marin.             |
  |Le radical fluorique. |Acide fluorique.   |Inconnu des anciens.     |
  |Le radical boracique. |Acide boracique.   |Sel sédatif de Homberg.  |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |       Combinaisons de l'oxygène avec les substances simples        |
  |                      métalliques, telles que:                      |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |L'antimoine.          |Acide antimonique. |........................ |
  |L'argent.             |Acide argentique.  |........................ |
  |L'arsenic.            |Acide arsenique.   |Acide arsenical.         |
  |Le bismuth.           |Acide bismutique.  |........................ |
  |Le cobalt.            |Acide cobaltique.  |........................ |
  |Le cuivre.            |Acide cuprique.    |........................ |
  |L'étain.              |Acide stamnique.   |........................ |
  |Le fer.               |Acide ferrique.    |........................ |
  |Le manganèse.         |Acide manganique.  |........................ |
  |Le mercure.           |Acide mercurique.  |........................ |
  |Le molybdène.         |Acide molybdique.  |Acide de la molybdène.   |
  |Le nickel.            |Acide nickelique.  |........................ |
  |L'or.                 |Acide aurique.     |........................ |
  |Le platine.           |Acide platinique.  |........................ |
  |Le plomb.             |Oxide plombique.   |........................ |
  |Le tungstène.         |Acide tungstique.  |Acide de la tungstène.   |
  |Le zinc.              |Acide zincique.    |........................ |
  ======================================================================


  ======================================================================
  |                   Quatrième degré d'oxigénation.                   |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |                      |      Noms nouveaux.       |  Noms anciens.  |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |       Combinaisons de l'oxygène avec les substances simples        |
  |                    non métalliques, telles que:                    |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |Le calorique.         |                           |                 |
  |L'hydrogène.          |                           |                 |
  |L'azote.              |Acide nitrique oxigéné.    |Inconnu.         |
  |Le carbone.           |Acide carbonique oxigéné.  |Inconnu.         |
  |Le soufre.            |Acide sulfurique oxigéné.  |Inconnu.         |
  |Le phosphore.         |Acide phosphorique oxigéné.|Inconnu.         |
  |Le radical muriatique.|Acide muriatique oxigéné.  |Acide marin      |
  |                      |                           |déphlogistiqué.  |
  |Le radical fluorique. |.......................... |................ |
  |Le radical boracique. |.......................... |................ |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |       Combinaisons de l'oxygène avec les substances simples        |
  |                      métalliques, telles que:                      |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |L'antimoine.          |.......................... |................ |
  |L'argent.             |.......................... |................ |
  |L'arsenic.            |Acide arsenic oxigéné.     |Inconnu.         |
  |Le bismuth.           |.......................... |................ |
  |Le cobalt.            |.......................... |................ |
  |Le cuivre.            |.......................... |................ |
  |L'étain.              |.......................... |................ |
  |Le fer.               |.......................... |................ |
  |Le manganèse.         |.......................... |................ |
  |Le mercure.           |.......................... |................ |
  |Le molybdène.         |Acide molybdique oxygéné.  |Inconnu.         |
  |Le nickel.            |.......................... |................ |
  |L'or.                 |.......................... |................ |
  |Le platine.           |.......................... |................ |
  |Le plomb.             |.......................... |................ |
  |Le tungstène.         |Acide tungstique oxygéné.  |Inconnu.         |
  |Le zinc.              |.......................... |................ |
  ======================================================================



OBSERVATIONS

_Sur les combinaisons binaires de l'Oxygène avec les substances simples
métalliques & non métalliques._


L'OXYGÈNE est une des substances les plus abondamment répandues dans la
nature, puisqu'elle forme près du tiers en poids de notre atmosphère,
& par conséquent du fluide élastique que nous respirons. C'est dans ce
réservoir immense que vivent & croissent les animaux & les végétaux, &
c'est également de lui que nous tirons principalement tout l'oxygène
que nous employons dans nos expériences. L'attraction réciproque qui
s'exerce entre ce principe & les différentes substances est telle,
qu'il est impossible de l'obtenir seul & dégagé de toute combinaison.
Dans notre atmosphère, il est uni au calorique qui le tient en état de
gaz, & il est mêlé avec environ deux tiers en poids de gaz azote.

Il faut, pour qu'un corps s'oxygène, réunir un certain nombre de
conditions: la première est que les molécules constituantes de ce corps
n'exercent pas sur elles-mêmes une attraction plus forte que celle
qu'elles exercent sur l'oxygène; car il est évident qu'alors il ne peut
plus y avoir de combinaison. L'art dans ce cas peut venir au secours
de la nature, & l'on peut diminuer presqu'à volonté l'attraction des
molécules des corps, en les échauffant, c'est-à-dire, en y introduisant
du calorique.

Echauffer un corps, c'est écarter les unes des autres les molécules qui
le constituent; & comme l'attraction de ces molécules diminue suivant
une certaine loi relative à la distance, il se trouve nécessairement
un instant où les molécules exercent une plus forte attraction sur
l'oxygène, qu'elles n'en exercent sur elles-mêmes; c'est alors que
l'oxygénation a lieu.

On conçoit que le degré de chaleur auquel commence ce phénomène, doit
être différent pour chaque substance. Ainsi, pour oxygéner la plupart
des corps & en général presque toutes les substances simples, il ne
s'agit que de les exposer à l'action de l'air de l'atmosphère, & de les
élever à une température convenable. Cette température pour le plomb,
le mercure, l'étain, n'est pas fort supérieure à celle dans laquelle
nous vivons. Il faut au contraire un degré de chaleur assez grand pour
oxygéner le fer, le cuivre, &c. du moins par la voie sèche & lorsque
l'oxygénation n'est point aidée par l'action de l'humidité. Quelquefois
l'oxygénation se fait avec une extrême rapidité, & alors elle est
accompagnée de chaleur, de lumière & même de flamme; telle est la
combustion du phosphore dans l'air de l'atmosphère, & celle du fer dans
le gaz oxygène. Celle du soufre est moins rapide: enfin celle du plomb,
de l'étain & de la plupart des métaux, se fait beaucoup plus lentement
& sans que le dégagement du calorique, & sur-tout de la lumière, soit
sensible.

Il est des substances qui ont une telle affinité pour l'oxygène, & qui
ont la propriété de s'oxygéner à une température si basse, que nous ne
les voyons que dans l'état d'oxygénation. Tel est l'acide muriatique
que l'art, ni peut-être la nature, n'ont encore pu décomposer, &
qui ne se présente à nous que dans l'état d'acide. Il est probable
qu'il y a beaucoup d'autres substances du règne minéral qui, comme
l'acide muriatique, sont nécessairement oxygénées au degré de chaleur
dans lequel nous vivons; & c'est sans doute parce qu'elles sont déjà
saturées d'oxygène, qu'elles n'exercent plus aucune action sur ce
principe.

L'exposition des substances simples à l'air, élevées à un certain
degré de température, n'est pas le seul moyen de les oxygéner. Au lieu
de leur présenter l'oxygène uni au calorique, on peut leur présenter
cette substance unie à un métal avec lequel elle ait peu d'affinité.
L'oxide rouge de mercure est un des plus propres à remplir cet objet,
sur-tout à l'égard des corps qui ne sont point attaqués par le mercure.
L'oxygène dans cet oxide tient très-peu au métal, & même il n'y tient
plus au degré de chaleur qui commence à faire rougir le verre. En
conséquence on oxygène avec beaucoup de facilité tous les corps qui en
sont susceptibles, en les mêlant avec de l'oxide rouge de mercure, & en
les élevant à un degré de chaleur médiocre.

L'oxide noir de manganèse, l'oxide rouge de plomb, les oxides
d'argent, & en général presque tous les oxides métalliques peuvent
remplir jusqu'à un certain point le même objet, en choisissant de
préférence ceux dans lesquels l'oxygène a le moins d'adhérence. Toutes
les réductions ou revivifications métalliques ne sont même que des
opérations de ce genre: elles ne sont autre chose que des oxygénations
du charbon par un oxide métallique quelconque. Le charbon combiné
avec l'oxygène & avec du calorique, s'échappe sous forme de gaz acide
carbonique, & le métal reste pur & revivifié.

On peut encore oxygéner toutes les substances combustibles en les
combinant, soit avec du nitrate de potasse ou de soude, soit avec du
muriate oxygéné de potasse. A un certain degré de chaleur, l'oxygène
quitte le nitrate & le muriate, pour se combiner avec le corps
combustible: mais ces sortes d'oxygénation ne doivent être tentées
qu'avec des précautions extrêmes & sur de très-petites quantités.
L'oxygène entre dans la combinaison des nitrates & sur-tout des
muriates oxygénés, avec une quantité de calorique presqu'égale à
celle qui est nécessaire pour le constituer gaz oxygène. Cette
immense quantité de calorique devient subitement libre au moment
de sa combinaison avec les corps combustibles; & il en résulte des
détonations terribles auxquelles rien ne résiste.

Enfin on peut oxygéner par la voie humide une partie des corps
combustibles, & transformer en acides la plupart des oxides des trois
règnes. On se sert principalement à cet effet de l'acide nitrique,
auquel l'oxygène tient peu & qui le cède facilement à un grand nombre
de corps, à l'aide d'une douce chaleur. On peut également employer
l'acide muriatique oxygéné pour quelques-unes de ces opérations, mais
non pas pour toutes.

J'appelle _binaires_ les combinaisons des substances simples avec
l'oxygène, parce qu'elles ne sont formées que de la réunion de deux
substances. Je nommerai combinaisons _ternaires_ celles composées
de trois substances simples, & combinaisons _quaternaires_ celles
composées de quatre substances.



_TABLEAU des combinaisons de l'Oxygène avec les radicaux composés._


  ======================================================================
  |        Combinaisons de l'oxigène avec les radicaux composés        |
  |                     du règne minéral, tels que                     |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |                  |        Noms des acides qui en résultent.        |
  |       Noms       |-------------------------------------------------|
  |   des radicaux   |      Nomenclature       |     Nomenclature      |
  |                  |        nouvelle.        |       ancienne.       |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |Le radical        |L'acide nitro-muriatique.|L'eau régale.          |
  |nitro-muriatique. |                         |                       |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |    Combinaisons de l'oxigène avec les radicaux carbone-hydreux     |
  |     & hydro-carboneux du règne végétal, tels que le radical: *     |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |tartarique.       |L'acide tartareux.       |inconnu des anciens.   |
  |malique.          |L'acide malique.         |inconnu des anciens.   |
  |citrique.         |L'acide citrique.        |L'acide du citron.     |
  |pyro-lignique.    |L'acide pyro-ligneux.    |L'acide empyreumatique |
  |                  |                         |du bois.               |
  |pyro-mucique.     |L'acide pyro-muqueux.    |L'acide empyreumatique |
  |                  |                         |du sucre.              |
  |pyro-tartarique.  |L'acide pyro-tartareux.  |L'acide empyreumatique |
  |                  |                         |du tartre.             |
  |oxalique.         |L'acide oxalique.        |Le sel d'oseille.      |
  |acétique.         |L'acide acéteux ou       |Le vinaigre, l'acide   |
  |                  |acétique.                |du vinaigre.           |
  |                  |                         |Le vinaigre radical.   |
  |succinique.       |L'acide succinique.      |Le sel volatil de      |
  |                  |                         |succin.                |
  |benzoïque.        |L'acide benzoïque.       |Les fleurs de benjoin. |
  |camphorique.      |L'acide camphorique.     |inconnu des anciens.   |
  |gallique.         |L'acide gallique.        |Le principe astringent |
  |                  |                         |des végétaux.          |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |   Combinaisons de l'oxigène avec les radicaux carbone-hydreux &    |
  |     hydro-carboneux du règne animal, auxquels se joint presque     |
  |  toujours l'azote & souvent le phosphore, tels que le radical: **  |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |lactique.         |L'acide lactique.        |L'acide du petit lait  |
  |                  |                         |aigri.                 |
  |saccho-lactique.  |L'acide saccho-lactique. |inconnu des anciens.   |
  |formique.         |L'acide formique.        |L'acide des fourmis.   |
  |bombique.         |L'acide bombique.        |inconnu des anciens.   |
  |sébacique.        |L'acide sébacique.       |inconnu des anciens.   |
  |lithique.         |L'acide lithique.        |Le calcul de la vessie.|
  |prussique.        |L'acide prussique.       |La matière colorante   |
  |                  |                         |du bleu de Prusse.     |
  ======================================================================

  * Ces radicaux, par un premier degré d'oxigénation, donnent le
  sucre, l'amidon, le muqueux, & en général tous les oxides végétaux.

  ** Ces radicaux, par un premier degré d'oxigénation, donnent la
  limphe animale, différentes humeurs, & en général tous les oxides
  animaux.



OBSERVATIONS

_Sur les combinaisons de l'Oxigène avec les Radicaux composés._


DEPUIS que j'ai publié dans les Mémoires de l'Académ. année 1776,
pag. 671, & 1778, page 535, une nouvelle théorie sur la nature &
sur la formation des acides; & que j'en ai conclu que le nombre de
ces substances devoit être beaucoup plus grand qu'on ne l'avoit
pensé jusqu'alors, une nouvelle carrière s'est ouverte en Chimie:
au lieu de cinq ou six acides qu'on connoissoit, on en a découvert
successivement jusqu'à trente, & le nombre des sels neutres s'est accru
dans la même proportion. Ce qui nous reste à étudier maintenant, est
la nature des bases acidifiables & le degré d'oxygénation dont elles
sont susceptibles. J'ai déjà fait observer que dans le règne minéral,
presque tous les radicaux oxidables & acidifiables étoient simples;
que dans le règne végétal au contraire, & sur-tout dans le règne
animal, il n'en existoit presque pas qui ne fussent composés au moins
de deux substances, d'hydrogène & de carbone; que souvent l'azote & le
phosphore s'y réunissoient, & qu'il en résultoit des radicaux à quatre
bases.

Les oxides & acides animaux & végétaux peuvent, d'après ces
observations, différer entr'eux, 1º. par le nombre des principes
acidifians qui constituent leur base; 2º. par la différente proportion
de ces principes; 3º. par le différent degré d'oxygénation; ce qui
suffit & au-delà pour expliquer le grand nombre de variétés que nous
présente la nature. Il n'est pas étonnant, d'après cela, qu'on puisse
convertir presque tous les acides végétaux les uns dans les autres; il
ne s'agit, pour y parvenir, que de changer la proportion du carbone &
de l'hydrogène, ou de les oxygéner plus ou moins. C'est ce qu'a fait
M. Crell dans des expériences très-ingénieuses, qui ont été confirmées
& étendues depuis par M. Hassenfratz. Il en résulte que le carbone
& l'hydrogène donnent par un premier degré d'oxygénation de l'acide
tartareux, par un second de l'acide oxalique, par un troisième de
l'acide acéteux ou acétique. Il paroîtroit seulement que le carbone
entre dans une proportion un peu moindre dans la combinaison des acides
acéteux & acétique. L'acide citrique & l'acide malique diffèrent
très-peu des précédens.

Doit-on conclure de ces réflexions, que les huiles soient la base,
qu'elles soient le radical des acides végétaux & animaux? J'ai déjà
exposé mes doutes à cet égard. Premièrement, quoique les huiles
paroissent n'être uniquement composées que d'hydrogène & de carbone,
nous ne savons pas si la proportion qu'elles en contiennent est
précisément celle nécessaire pour constituer les radicaux des acides.
Secondement, puisque les acides végétaux & animaux ne sont pas
seulement composés d'hydrogène, & de carbone, mais que l'oxygène entre
également dans leur combinaison, il n'y a pas de raison de conclure
qu'ils contiennent plutôt de l'huile que de l'acide carbonique &
de l'eau. Ils contiennent bien, il est vrai, les matériaux propres
à chacune de ces combinaisons; mais ces combinaisons ne sont point
réalisées à la température habituelle dont nous jouissons, & les trois
principes sont dans un état d'équilibre, qu'un degré de chaleur un peu
supérieur à celui de l'eau bouillante suffit pour troubler. On peut
consulter ce que j'ai dit à cet égard, page 132 & suivantes de cet
Ouvrage.



_TABLEAU des combinaisons binaires de l'Azote avec les substances
simples._


  ======================================================================
  |                   Combinaisons de l'azote avec:                    |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |  Substances   |             Résultat des combinaisons.             |
  |   simples.    |----------------------------------------------------|
  |               |    Nomenclature nouvelle.    |  Nomenclature anc.  |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |Le calorique.  |Le gaz azote.                 |Air phlogistiqué,    |
  |               |                              |mofète.              |
  |               |                              |                     |
  |L'hydrogène.   |L'ammoniaque.                 |Alkali volatil.      |
  |               |                              |                     |
  |L'oxigène.     {Oxide nitreux.                |Base du gaz nitreux. |
  |               {Acide nitreux.                |Acide nitreux fumant.|
  |               {Acide nitrique.               |Acide nitreux blanc. |
  |               |                              |                     |
  |Le Carbone.    |Azoture de carbone.           |Inconnue.            |
  |               |                              |                     |
  |               |  Combinaison inconnue. On    |                     |
  |               |sait seulement que le carbone |                     |
  |               |est susceptible de se         |                     |
  |               |dissoudre dans l'azote, & il  |                     |
  |               |en résulte un gaz azotique    |                     |
  |               |carboné.                      |                     |
  |               |                              |                     |
  |Le phosphore.  |Azoture de phosphore.         |Inconnue.            |
  |               |                              |                     |
  |               |  Combinaison inconnue.       |                     |
  |               |                              |                     |
  |Le soufre.     |Azoture de soufre.            |Inconnue.            |
  |               |                              |                     |
  |               |  Combinaison inconnue. On    |                     |
  |               |sait seulement que le soufre  |                     |
  |               |est susceptible de se         |                     |
  |               |dissoudre dans le gaz         |                     |
  |               |azotique, & il en résulte un  |                     |
  |               |gaz azotique sulfuré.         |                     |
  |               |                              |                     |
  |Les radicaux   |  L'azote se combine avec le  |Inconnues.           |
  |composés.      |carbone & l'hydrogène, &      |                     |
  |               |quelquefois avec le phosphore,|                     |
  |               |pour former des radicaux      |                     |
  |               |composés, qui sont            |                     |
  |               |susceptibles, comme on l'a    |                     |
  |               |vu plus haut, de s'oxider &   |                     |
  |               |de s'acidifier. Ce principe   |                     |
  |               |entre généralement dans tous  |                     |
  |               |les radicaux du règne animal. |                     |
  |               |                              |                     |
  |Les substances |  Ces combinaisons sont       |Inconnues.           |
  |métalliques.   |absolument inconnues. Si elles|                     |
  |               |sont découvertes un jour,     |                     |
  |               |on les nommera azotures       |                     |
  |               |métalliques.                  |                     |
  |               |                              |                     |
  |La chaux.      |  Toutes ces combinaisons     |                     |
  |La magnésie.   |sont entièrement inconnues.   |                     |
  |La baryte.     |Si un jour elles sont         |                     |
  |L'alumine.     |reconnues  possibles, elles   |                     |
  |La potasse.    |seront nommées azotures de    |                     |
  |La soude.      |chaux, azotures magnésiènes,  |                     |
  |               |&c.                           |                     |
  ======================================================================



OBSERVATIONS

_Sur l'Azote & sur ses combinaisons avec les substances simples._


L'AZOTE est un des principes les plus abondamment répandus dans
la nature. Combiné avec le calorique, il forme le gaz azote ou la
mofète, qui entre environ pour les deux tiers dans le poids de l'air
de l'atmosphère. Il demeure constamment dans l'état de gaz au degré
de pression & de température dans lequel nous vivons; aucun degré de
compression ni de froid n'ont encore pu le réduire à l'état liquide ou
solide.

Ce principe est aussi un des élémens qui constitue essentiellement les
matières animales: il y est combiné avec le carbone & l'hydrogène,
quelquefois avec le phosphore, & le tout est lié par une certaine
portion d'oxygène qui les met ou à l'état d'oxide, ou à celui d'acide,
suivant le degré d'oxygénation. La nature des matières animales peut
donc varier comme celles des matières végétales, de trois manières,
1º. par le nombre des substances qui entrent dans la combinaison du
radical, 2º. par leur proportion, 3º. par le degré d'oxygénation.

L'azote combiné avec l'oxygène forme les oxides & acides nitreux &
nitrique; combiné avec l'hydrogène, il forme l'ammoniaque: ses autres
combinaisons avec les substances simples sont peu connues. Nous leur
donnerons le nom d'azotures, pour conserver l'identité de terminaison
en _ure_ que nous avons affectée à toutes les substances non-oxygénées.
Il est assez probable que toutes les substances alkalines appartiennent
à ce genre de combinaisons.

Il y a plusieurs manières d'obtenir le gaz azote: la première, de le
tirer de l'air commun en absorbant par le sulfure de potasse ou de
chaux dissous dans l'eau, le gaz oxygène qu'il contient. Il faut douze
ou quinze jours pour que l'absorption soit complette; en supposant même
qu'on agite & qu'on renouvelle les surfaces, & qu'on rompe la pellicule
qui s'y forme.

La seconde, de le tirer des matières animales en les dissolvant dans
de l'acide nitrique affoibli & presqu'à froid. L'azote, dans cette
opération, se dégage sous forme de gaz, & on le reçoit sous des cloches
remplies d'eau dans l'appareil pneumato-chimique: mêlé avec un tiers en
poids de gaz oxygène, il reforme de l'air atmosphérique.

Une troisième manière d'obtenir le gaz azote, est de le retirer du
nitre par la détonation, soit avec le charbon, soit avec quelques
autres corps combustibles. Dans le premier cas, le gaz azote se dégage
mêlé avec du gaz acide carbonique, qu'on absorbe ensuite par de
l'alkali caustique ou de l'eau de chaux, & le gaz azote reste pur.

Enfin un quatrième moyen d'obtenir le gaz azote, est de le tirer de la
combinaison de l'ammoniaque avec les oxides métalliques. L'hydrogène
de l'ammoniaque se combine avec l'oxygène de l'oxide; il se forme de
l'eau, comme l'a observé M. de Fourcroy: en même tems l'azote devenu
libre, se dégage sous la forme de gaz.

Il n'y a pas long-tems que les combinaisons de l'azote sont connues
en Chimie. M. Cavendish est le premier qui l'ait observé dans le gaz
& dans l'acide nitreux. M. Berthollet l'a ensuite découvert dans
l'ammoniaque & dans l'acide prussique. Tout jusqu'ici porte à croire
que cette substance est un être simple & élémentaire; rien ne prouve
au moins qu'elle ait encore été décomposée, & ce motif suffit pour
justifier la place que nous lui avons assignée.



_TABLEAU des combinaisons binaires de l'Hydrogène avec les substances
simples._


  ======================================================================
  |   Noms des   |   Résultat des combinaisons de l'hydrogène avec:    |
  |  Substances  |-----------------------------------------------------|
  |   simples.   |   Nomenclature nouvelle.    |     Observations.     |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |Le calorique. |Gaz hydrogène.               {Cette combinaison de   |
  |L'azote.      |Ammoniaque ou alkali         {l'oxygène & du carbone |
  |              |volatil.                     {comprend les huiles    |
  |L'oxigène.    |Eau.                         {fixes & volatiles, &   |
  |              |                             {forme le radical d'une |
  |Le soufre.    }Combinaison inconnue. *      {partie des oxides &    |
  |Le phosphore. }                             {des acides végétaux    |
  |              |                             {& animaux; lorsqu'elle |
  |Le carbone.   |Radical hydro-carboneux      {a lieu dans l'état     |
  |              |ou carbone-hydreux.          {de gaz, il en résulte  |
  |              |                             {du gaz hydrogène       |
  |              |                             {carboné.               |
  |              |                             |                       |
  |L'antimoine.  |Hydrure d'antimoine.         }Aucunes de ces         |
  |L'argent.     |Hydrure d'argent.            }combinaisons ne sont   |
  |L'arsenic.    |Hydrure d'arsenic.           }connues, & il y a toute|
  |Le bismuth.   |Hydrure de bismuth.          }apparence qu'elles ne  |
  |Le cobalt.    |Hydrure de cobalt.           }peuvent exister à la   |
  |Le cuivre.    |Hydrure de cuivre.           }température dans       |
  |L'étain.      |Hydrure d'étain.             }laquelle nous vivons,  |
  |Le fer.       |Hydrure de fer.              }à cause de la grande   |
  |Le manganèse. |Hydrure de manganèse.        }affinité de l'hydrogène|
  |Le mercure.   |Hydrure de mercure.          }pour le calorique.     |
  |Le molybdène. |Hydrure de molybdène.        }                       |
  |Le nickel.    |Hydrure de nickel.           }                       |
  |L'or.         |Hydrure d'or.                }                       |
  |Le platine.   |Hydrure de platine.          }                       |
  |Le plomb.     |Hydrure de plomb.            }                       |
  |Le tungstène. |Hydrure de tungstène.        }                       |
  |Le zinc.      |Hydrure de zinc.             }                       |
  |La potasse.   |Hydrure de potasse.          }                       |
  |La soude.     |Hydrure de soude.            }                       |
  |L'ammoniaque. |Hydrure d'ammoniaque.        }                       |
  |La chaux.     |Hydrure de chaux.            }                       |
  |La magnésie.  |Hydrure de magnésie.         }                       |
  |La baryte.    |Hydrure de baryte.           }                       |
  |L'alumine.    |Hydrure d'alumine.           }                       |
  ======================================================================

  * Ces combinaisons ont lieu dans l'état de gaz & il en résulte du
  gaz hydrogène sulfuré & phosphoré.



OBSERVATIONS

_Sur l'Hydrogène, & sur le tableau de ses combinaisons._


L'HYDROGÈNE, comme l'exprime sa dénomination, est un des principes de
l'eau; il entre pour quinze centièmes dans sa composition: l'oxygène
en forme les quatre-vingt-cinq autres centièmes. Cette substance dont
ses propriétés & même l'existence ne sont connues que depuis très-peu
de tems, est un des principes des plus abondamment répandus dans la
nature: c'est un de ceux qui jouent le principal rôle dans le règne
végétal & dans le règne animal.

L'affinité de l'hydrogène pour le calorique est telle qu'il reste
constamment dans l'état de gaz au degré de chaleur & de pression
dans lequel nous vivons. Il nous est donc impossible de connoître ce
principe dans un état concret & dépouillé de toute combinaison.

Pour obtenir l'hydrogène ou plutôt le gaz hydrogène, il ne faut que
présenter à l'eau une substance pour laquelle l'oxygène ait plus
d'affinité qu'il n'en a avec l'hydrogène. Aussitôt l'hydrogène devient
libre, il se combine avec le calorique & forme le gaz hydrogène. C'est
le fer qu'on a coutume d'employer pour opérer cette séparation, & il
faut pour cela qu'il soit élevé à un degré de chaleur capable de le
faire rougir. Le fer s'oxide dans cette opération, & devient semblable
à la mine de fer de l'île d'Elbe. Dans cet état il est beaucoup moins
attirable à l'aimant, & il se dissout sans effervescence dans les
acides.

Le carbone, lorsqu'il est rouge & embrâsé, a également la propriété de
décomposer l'eau & d'enlever l'oxygène à l'hydrogène: mais alors il
se forme de l'acide carbonique qui se mêle avec le gaz hydrogène; on
l'en sépare facilement, parce que l'acide carbonique est absorbable
par l'eau & par les alkalis, tandis que l'hydrogène ne l'est pas.
On peut encore obtenir du gaz hydrogène en faisant dissoudre du fer
ou du zinc dans de l'acide sulfurique étendu d'eau. Ces deux métaux
qui ne décomposent que très-difficilement & très-lentement l'eau
lorsqu'ils sont seuls, la décomposent au contraire avec beaucoup de
facilité lorsqu'ils sont aidés par la présence de l'acide sulfurique.
L'hydrogène s'unit au calorique dans cette opération, aussitôt qu'il
est dégagé, & on l'obtient dans l'état de gaz hydrogène.

Quelques Chimistes d'un ordre très-distingué se persuadent que
l'hydrogène est le phlogistique de Stalh, & comme ce célèbre Chimiste
admettoit du phlogistique dans les métaux, dans le soufre, dans le
charbon, &c. ils sont obligés de supposer qu'il existe également,
de l'hydrogène fixé & combiné dans toutes ces substances: ils le
supposent, mais ils ne le prouvent pas, & quand ils le prouveroient,
ils ne seroient pas beaucoup plus avancés, puisque ce dégagement du gaz
hydrogène n'explique en aucune manière les phénomènes de la calcination
& de la combustion. Il faudroit toujours en revenir à l'examen de
cette question; le calorique & la lumière qui se dégagent pendant les
différentes espèces de combustion, sont-ils fournis par le corps qui
brûle ou par le gaz oxygène qui se fixe dans toutes les opérations? &
certainement la supposition de l'hydrogène dans les différens corps
combustibles ne jette aucune lumière sur cette question. C'est au
surplus à ceux qui supposent à prouver; & toute doctrine qui expliquera
aussi bien & aussi naturellement que la leur, sans supposition, aura au
moins l'avantage de la simplicité.

On peut voir ce que nous avons publié sur cette grande question, M.
de Morveau, M. Bertholet, M. de Fourcroy & moi, dans la traduction de
l'essai de M. Kirwan sur le phlogistique.



_TABLEAU des combinaisons binaires du Soufre non oxygéné avec les
substances simples._


  ======================================================================
  |   Noms des   |      Résultat des combinaisons du soufre avec:      |
  |  Substances  |-----------------------------------------------------|
  |   simples.   |     Nomenclature     |  Noms anciens correspondans  |
  |              |      nouvelle.       |avec la nouvelle Nomenclature.|
  |--------------------------------------------------------------------|
  |Le calorique. |Gaz du soufre.        |                              |
  |              |                      |                              |
  |L'oxigène.    {Oxide de soufre.      |Soufre mou.                   |
  |              {Acide sulfureux.      |Acide sulfureux.              |
  |              {Acide sulfurique.     |Acide vitriolique.            |
  |              |                      |                              |
  |L'hydrogène.  |Sulfure d'hydrogène.  }Combinaisons inconnues.       |
  |L'azote.      |Sulfure d'azote ou    }                              |
  |              |azote sulfuré.        }                              |
  |Le phosphore. |Sulfure de phosphore. }                              |
  |Le carbone.   |Sulfure de carbone.   }                              |
  |              |                      |                              |
  |L'antimoine.  |Sulfure d'antimoine.  |Antimoine crud.               |
  |L'argent.     |Sulfure d'argent.     |                              |
  |L'arsenic.    |Sulfure d'arsenic.    |Orpiment, réalgar.            |
  |Le bismuth.   |Sulfure de bismuth.   |                              |
  |Le cobalt.    |Sulfure de cobalt.    |                              |
  |Le cuivre.    |Sulfure de cuivre.    |Pyrite de cuivre.             |
  |L'étain.      |Sulfure d'étain.      |                              |
  |Le fer.       |Sulfure de fer.       |Pyrite de fer.                |
  |Le manganèse. |Sulfure de manganèse. |                              |
  |Le mercure.   |Sulfure de mercure.   |Ethiops minéral, cinnabre.    |
  |Le molybdène. |Sulfure de molybdène. |                              |
  |Le nickel.    |Sulfure de nickel.    |                              |
  |L'or.         |Sulfure d'or.         |                              |
  |Le platine.   |Sulfure de platine.   |                              |
  |Le plomb.     |Sulfure de plomb.     |Galène.                       |
  |Le tungstène. |Sulfure de tungstène. |                              |
  |Le zinc.      |Sulfure de zinc.      |Blende.                       |
  |La potasse.   |Sulfure de potasse.   |Foie de soufre à base d'alkali|
  |              |                      |fixe végétal.                 |
  |La soude.     |Sulfure de soude.     |Foie de soufre à base d'alkali|
  |              |                      |fixe minéral.                 |
  |L'ammoniaque. |Sulfure d'ammoniaque. |Foie de soufre volatil,       |
  |              |                      |liqueur fumante de Boyle.     |
  |La chaux.     |Sulfure de chaux.     |Foie de soufre à base         |
  |              |                      |calcaire.                     |
  |La magnésie.  |Sulfure de magnésie.  |Foie de soufre à base de      |
  |              |                      |magnésie.                     |
  |La baryte.    |Sulfure de baryte.    |Foie de soufre à base de terre|
  |              |                      |pesante.                      |
  |L'alumine.    |Sulfure d'alumine.    |Combinaison inconnue.         |
  ======================================================================



OBSERVATIONS

_Sur le Soufre & sur le tableau de ses combinaisons avec les substances
simples._

LE SOUFRE est une des substances combustibles qui a le plus de tendance
à la combinaison. Il est naturellement dans l'état concret à la
température habituelle dans laquelle nous vivons, & ne se liquéfie qu'à
une chaleur supérieure de plusieurs degrés à celle de l'eau bouillante.

La nature nous présente le soufre tout formé, & à-peu-près porté au
dernier degré de pureté dont il est susceptible dans le produit des
volcans; elle nous le présente encore, & beaucoup plus souvent dans
l'état d'acide sulfurique, c'est-à-dire combiné avec l'oxygène, & c'est
dans cet état qu'il se trouve dans les argiles, dans les gypses, &c.
Pour ramener à l'état de soufre l'acide sulfurique de ces substances,
il faut lui enlever l'oxygène, & on y parvient en le combinant à une
chaleur rouge avec du carbone. Il se forme de l'acide carbonique qui se
dégage dans l'état de gaz, & il reste un sulfure qu'on décompose par un
acide: l'acide s'unit à la base & le soufre se précipite.



_TABLEAU des combinaisons binaires du Phosphore non oxygéné avec les
substances simples._


  ======================================================================
  |   Noms des   |    Résultat des combinaisons du phosphore avec:     |
  |  Substances  |-----------------------------------------------------|
  |   simples.   |   Nomenclature nouvelle.   |     Observations.      |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |Le calorique. |Gaz du phosphore.           |                        |
  |              |                            |                        |
  |L'oxigène.    {Oxide de phosphore.         |                        |
  |              {Acide phosphoreux.          |                        |
  |              {Acide phosphorique.         |                        |
  |L'hydrogène.  |Phosphure d'hydrogène.      |                        |
  |L'azote.      |Phosphure d'azote.          |                        |
  |Le soufre.    |Phosphure de soufre.        |                        |
  |Le carbone.   |Phosphure de carbone.       |                        |
  |              |                            |                        |
  |L'antimoine.  |Phosphure d'antimoine.      }De toutes ces           |
  |L'argent.     |Phosphure d'argent.         }combinaisons, on ne     |
  |L'arsenic.    |Phosphure d'arsenic.        }connoît encore que le   |
  |Le bismuth.   |Phosphure de bismuth.       }phosphure de fer,       |
  |Le cobalt.    |Phosphure de cobalt.        }auquel on a donné le    |
  |Le cuivre.    |Phosphure de cuivre.        }nom très-impropre de    |
  |L'étain.      |Phosphure d'étain.          }sidérite; encore est-il |
  |Le fer.       |Phosphure de fer.           }incertain si le         |
  |Le manganèse. |Phosphure de manganèse.     }phosphore est oxigéné   |
  |Le mercure.   |Phosphure de mercure.       }ou non oxigéné dans     |
  |Le molybdène. |Phosphure de molybdène.     }cette combinaison.      |
  |Le nickel.    |Phosphure de nickel.        }                        |
  |L'or.         |Phosphure d'or.             }                        |
  |Le platine.   |Phosphure de platine.       }                        |
  |Le plomb.     |Phosphure de plomb.         }                        |
  |Le tungstène. |Phosphure de tungstène.     }                        |
  |Le zinc.      |Phosphure de zinc.          }                        |
  |              |                            |                        |
  |La potasse.   |Phosphure de potasse.       }Ces combinaisons ne     |
  |La soude.     |Phosphure de soude.         }sont point encore       |
  |L'ammoniaque. |Phosphure d'ammoniaque.     }connues. Il y a         |
  |              |                            }apparence qu'elles sont |
  |La chaux.     |Phosphure de chaux.         }impossibles, d'après    |
  |La baryte.    |Phosphure de baryte.        }les expériences de      |
  |La magnésie.  |Phosphure de magnésie.      }M. Gengembre.           |
  |L'alumine.    |Phosphure d'alumine.        }                        |
  ======================================================================



OBSERVATIONS

_Sur le Phosphore & sur le Tableau de ses combinaisons avec les
substances simples._


LE PHOSPHORE est une substance combustible simple, dont l'existence
avoit échappé aux recherches des anciens Chimistes. C'est en 1667 que
la découverte en fut faite par Brandt, qui fit mystère de son procédé:
bientôt après Kunckel découvrit le secret de Brandt; il le publia,
& le nom de phosphore de Kunckel qui lui a été conservé jusqu'à nos
jours, prouve que la reconnoissance publique se porte sur celui qui
publie, plutôt que sur celui qui découvre, quand il fait mystère de sa
découverte. C'est de l'urine seule qu'on tiroit alors le phosphore:
quoique la méthode de le préparer eût été décrite dans plusieurs
ouvrages, & notamment par M. Homberg, dans les mémoires de l'Académie
des Sciences, année 1692, l'Angleterre a été long-tems en possession
d'en fournir seule aux savans de toute l'Europe. Ce fut en 1737 qu'il
fut fait pour la première fois en France, au Jardin Royal des Plantes,
en présence des commissaires de l'Académie des Sciences. Maintenant
on le tire d'une manière plus commode, & sur-tout plus économique,
des os des animaux, qui sont un véritable phosphate calcaire. Le
procédé le plus simple consiste, d'après MM. Gahn, Schéele, Rouelle,
&c. à calciner des os d'animaux adultes, jusqu'à ce qu'ils soient
presque blancs. On les pile & on les passe au tamis de soie; on verse
ensuite dessus de l'acide sulfurique étendu d'eau, mais en quantité
moindre qu'il n'en faut pour dissoudre la totalité des os. Cet acide
s'unit à la terre des os pour former du sulfate de chaux: en même
tems l'acide phosphorique est dégagé & reste libre dans la liqueur.
On décante alors, on lave le résidu, & on réunit l'eau du lavage à la
liqueur décantée; on fait évaporer, afin de séparer du sulfate de chaux
qui se cristallise en filets soyeux, & on finit par obtenir l'acide
phosphorique sous forme d'un verre blanc & transparent qui, réduit
en poudre & mêlé avec un tiers de son poids de charbon, donne de bon
phosphore. L'acide phosphorique qu'on obtient par ce procédé, n'est
jamais aussi pur que celui retiré du phosphore, soit par la combustion,
soit par l'acide nitrique; il ne doit donc point être employé pour des
expériences de recherches.

Le phosphore se rencontre dans presque toutes les substances animales,
& dans quelques plantes qui ont, d'après l'analyse chimique, un
caractère animal. Il y est ordinairement combiné avec le carbone,
l'azote & l'hydrogène, & il en résulte des radicaux très-composés.
Ces radicaux sont communément portés à l'état d'oxide par une portion
d'oxygène. La découverte que M. Hassenfratz a faite de cette substance
dans le charbon de bois, feroit soupçonner qu'il est plus commun qu'on
ne pense dans le règne végétal: ce qu'il y a de certain, c'est que
des familles entières de plantes en fournissent quand on les traite
convenablement. Je range le phosphore au rang des corps combustibles
simples, parce qu'aucune expérience ne donne lieu de croire qu'on
puisse le décomposer. Il s'allume à 32 degrés du thermomètre.



_TABLEAU des combinaisons binaires du Carbone non oxygéné avec les
substances simples._


  ======================================================================
  |   Noms des   |     Résultat des combinaisons du carbone avec:      |
  |  Substances  |-----------------------------------------------------|
  |   simples.   |   Nomenclature nouvelle.   |     Observations.      |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |L'oxigène.    {Oxide de carbone.           |Inconnu.                |
  |              {Acide carbonique.           {Air fixe des anglois,   |
  |              |                            {acide crayeux de M.     |
  |              |                            {Bucquet & de M.         |
  |              |                            {de Fourcroy.            |
  |              |                            |                        |
  |Le soufre.    |Carbure de soufre.          }Combinaisons inconnues. |
  |Le phosphore. |Carbure de phosphore.       }                        |
  |L'azote.      |Carbure d'azote.            }                        |
  |              |                            |                        |
  |L'hydrogène.  {Radical carbone-hydreux.    |                        |
  |              {Huiles fixes & volatiles.   |                        |
  |              |                            |                        |
  |L'antimoine.  |Carbure d'antimoine.        }De toutes ces           |
  |L'argent.     |Carbure d'argent.           }combinaisons, on        |
  |L'arsenic.    |Carbure d'arsenic.          }ne connoît que          |
  |Le bismuth.   |Carbure de bismuth.         }les carbures de         |
  |Le cobalt.    |Carbure de cobalt.          }fer & de zinc,          |
  |Le cuivre.    |Carbure de cuivre.          }auxquels on a           |
  |L'étain.      |Carbure d'étain.            }donné le nom de         |
  |Le fer.       |Carbure de fer.             }Plombagine; les         |
  |Le manganèse. |Carbure de manganèse.       }autres n'ont encore     |
  |Le mercure.   |Carbure de mercure.         }été ni faites           |
  |Le molybdène. |Carbure de molybdène.       }ni observées.           |
  |Le nickel.    |Carbure de nickel.          }                        |
  |L'or.         |Carbure d'or.               }                        |
  |Le platine.   |Carbure de platine.         }                        |
  |Le plomb.     |Carbure de plomb.           }                        |
  |Le tungstène. |Carbure de tungstène.       }                        |
  |Le zinc.      |Carbure de zinc.            }                        |
  |              |                            |                        |
  |La potasse.   |Carbure de potasse.         }                        |
  |La soude.     |Carbure de soude.           }Combinaisons inconnues. |
  |L'ammoniaque. |Carbure d'ammoniaque.       }                        |
  |              |                            |                        |
  |La chaux.     |Carbure de chaux.           }                        |
  |La magnésie.  |Carbure de magnésie.        }                        |
  |La baryte.    |Carbure de baryte.          }Combinaisons inconnues. |
  |L'alumine.    |Carbure d'alumine.          }                        |
  ======================================================================



OBSERVATIONS

_Sur le Carbone & sur le Tableau de ses combinaisons._


COMME aucune expérience ne nous a indiqué jusqu'ici la possibilité de
décomposer le carbone, nous ne pouvons quant à présent le considérer
que comme une substance simple. Il paroît prouvé par les expériences
modernes, qu'il est tout formé dans les végétaux, & j'ai déjà fait
observer qu'il y étoit combiné avec l'hydrogène, quelquefois avec
l'azote & avec le phosphore, pour former des radicaux composés; enfin
que ces radicaux étoient ensuite portés à l'état d'oxides ou d'acides,
suivant la proportion d'oxygène qui y étoit ajoutée.

Pour obtenir le carbone contenu dans les matières végétales ou
animales, il ne faut que les faire chauffer à un degré de feu d'abord
médiocre & ensuite très-fort, afin de décomposer les dernières portions
d'eau que le charbon retient obstinément. Dans les opérations chimiques
on se sert ordinairement de cornues de grès ou de porcelaine, dans
lesquelles on introduit le bois ou autres matières combustibles, &
on pousse à grand feu dans un bon fourneau de reverbère: la chaleur
volatilise, ou, ce qui est la même chose, convertit en gaz toutes les
substances qui en sont susceptibles, & le carbone, comme le plus fixe,
reste combiné avec un peu de terre & quelques sels fixes.

Dans les arts la carbonisation du bois se fait par un procédé moins
coûteux: on dispose le bois en tas, on le recouvre de terre, de manière
qu'il n'y ait de communication avec l'air que ce qu'il en faut pour
faire brûler le bois & pour en chasser l'huile & l'eau; on étouffe
ensuite le feu, en bouchant les trous qu'on avoit ménagés à la terre du
fourneau.

Il y a deux manières d'analyser le carbone, sa combustion par le moyen
de l'air ou plutôt du gaz oxygène, & son oxygénation par l'acide
nitrique. On le convertit dans les deux cas en acide carbonique, &
il laisse de la chaux, de la potasse & quelques sels neutres. Les
Chimistes se sont peu occupés de ce genre d'analyse, & il n'est pas
même rigoureusement démontré que la potasse existe dans le charbon
avant la combustion.



OBSERVATIONS

_Sur les Radicaux muriatique, fluorique & boracique, & sur leurs
combinaisons._


ON n'a point formé de Tableau pour présenter le résultat des
combinaisons de ces substances, soit entr'elles, soit avec les autres
corps combustibles; parce qu'elles sont toutes absolument inconnues. On
sait seulement que ces radicaux s'oxygènent; qu'ils forment les acides
muriatique, fluorique & boracique, & qu'alors ils sont susceptibles
d'entrer dans un grand nombre de combinaisons: mais la Chimie n'a pas
encore pu parvenir à les désoxygéner, s'il est permis de se servir de
cette expression, & à les obtenir dans leur état de simplicité. Il
faudroit, pour y parvenir, trouver un corps pour lequel l'oxygène eût
plus d'affinité qu'il n'en a avec les radicaux muriatique, fluorique
& boracique, ou bien se servir de doubles affinités. On peut voir
dans les Observations relatives aux acides muriatique, fluorique &
boracique, ce que nous savons de l'origine de leurs radicaux.



OBSERVATIONS

_Sur la combinaison des Métaux les uns avec les autres._


CE seroit ici le lieu, pour terminer ce qui concerne les substances
simples, de présenter des Tableaux de la combinaison de tous les
métaux les uns avec les autres; mais comme ces Tableaux seroient
très-volumineux & ne présenteroient rien que d'incomplet, à moins de
recherches qui n'ont point encore été faites, je les ai supprimés.
Il me suffira de dire que toutes ces combinaisons portent le nom
d'alliages, & qu'on doit nommer le premier le métal qui entre en plus
grande abondance dans la composition métallique. Ainsi, alliage d'or &
d'argent, ou or allié d'argent, annonce une combinaison où l'or est le
métal dominant.

Les alliages métalliques ont, comme toutes les autres combinaisons,
leur degré de saturation: il paroîtroit même, d'après les expériences
de M. de la Briche, qu'ils en ont deux très-distincts.



_TABLEAU des combinaisons de l'Azote ou Radical nitrique porté à l'état
d'acide nitreux par la combinaison d'une suffisante quantité d'oxygène,
avec les bases salifiables, dans l'ordre de leurs affinités avec cet
acide._


  ======================================================================
  |               Combinaisons de l'acide nitreux avec:                |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |                      |           Noms des sels neutres.            |
  |   Noms des bases.    |---------------------------------------------|
  |                      |    Nomenclature     |     Observations.     |
  |                      |      nouvelle.      |                       |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |La baryte.            |Nitrite de baryte.   }Il n'y a qu'un         |
  |La potasse.           |Nitrite de potasse.  }très-petit nombre      |
  |La soude.             |Nitrite de soude.    }d'années que ces sels  |
  |La chaux.             |Nitrite de chaux.    }ont été découverts, &  |
  |La magnésie.          |Nitrite de magnésie. }ils n'avoient point    |
  |L'ammoniaque.         |Nitrite d'ammoniaque.}encore été nommés.     |
  |L'alumine.            |Nitrite d'alumine.   }                       |
  |                      |                     |                       |
  |L'oxide de zinc.      |Nitrite de zinc.     }Comme les métaux se    |
  |L'oxide de fer.       |Nitrite de fer.      }dissolvent dans les    |
  |L'oxide de manganèse. |Nitrite de manganèse.}acides nitreux &       |
  |L'oxide de cobalt.    |Nitrite de cobalt.   }nitrique, à différens  |
  |L'oxide de nickel.    |Nitrite de nickel.   }degrés d'oxigénation,  |
  |L'oxide de plomb.     |Nitrite de plomb.    }il doit en résulter    |
  |L'oxide d'étain.      |Nitrite d'étain.     }des sels, où l'acide   |
  |L'oxide de cuivre.    |Nitrite de cuivre.   }est réellement dans    |
  |L'oxide de bismuth.   |Nitrite de bismuth.  }des états différens;   |
  |L'oxide d'antimoine.  |Nitrite d'antimoine. }ceux où le métal est   |
  |L'oxide d'arsenic.    |Nitrite d'arsenic.   }le moins oxigéné       |
  |L'oxide de mercure.   |Nitrite de mercure.  }seront appelés         |
  |L'oxide d'argent. *   |Nitrite d'argent.    }nitrites; ceux où il   |
  |L'oxide d'or. *       |Nitrite d'or.        }l'est davantage seront |
  |L'oxide de platine. * |Nitrite de platine.  }nommés nitrates: mais  |
  |                      |                     }la limite de cette     |
  |                      |                     }distinction n'est pas  |
  |                      |                     }très aisée à saisir.   |
  |                      |                     }Les anciens ne         |
  |                      |                     }connoissoient aucuns   |
  |                      |                     }de ces sels.           |
  ======================================================================

  * Il y a grande apparence qu'il n'existe pas de nitrite d'argent,
  d'or & de platine, mais seulement des nitrates de ces métaux.



_TABLEAU des combinaisons de l'Azote complettement saturé d'oxygène,
& portée à l'état d'acide nitrique, avec les bases salifiables, dans
l'ordre de leur affinité avec cet acide._


  ======================================================================
  |               Combinaisons de l'acide nitrique avec:               |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |                     |            Noms des sels neutres.            |
  |   Noms des bases.   |----------------------------------------------|
  |                     |    Nomenclature     |      Nomenclature      |
  |                     |      nouvelle.      |       ancienne.        |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |La baryte.           |Nitrate de baryte.   |Nitre à base de terre   |
  |                     |                     |pesante.                |
  |La potasse.          |Nitrate de potasse,  |Nitre, nitre à base     |
  |                     |salpêtre.            |d'alkali végétal,       |
  |                     |                     |salpêtre.               |
  |                     |                     |                        |
  |La soude.            |Nitrate de soude.    {Nitre quadrangulaire.   |
  |                     |                     {Nitre à base d'alkali   |
  |                     |                     {minéral.                |
  |                     |                     |                        |
  |La chaux.            |Nitrate de chaux.    {Nitre calcaire, nitre à |
  |                     |                     {base terreuse.          |
  |                     |                     {Eau mère de nitre ou de |
  |                     |                     {salpêtre.               |
  |                     |                     |                        |
  |La magnésie.         |Nitrate de magnésie. |Nitre à base de         |
  |                     |                     |magnésie.               |
  |L'ammoniaque.        |Nitrate d'ammoniaque.|Nitre ammoniacal.       |
  |L'alumine.           |Nitrate d'alumine.   |Alun nitreux, nitre     |
  |                     |                     |argileux, nitre à base  |
  |                     |                     |de terre d'alun.        |
  |L'oxide de zinc.     |Nitrate de zinc.     |Nitre de zinc.          |
  |L'oxide de fer.      |Nitrate de fer.      |Nitre de fer, nitre     |
  |                     |                     |martial.                |
  |L'oxide de manganèse.|Nitrate de manganèse.|Nitre de manganèse.     |
  |L'oxide de cobalt.   |Nitrate de cobalt.   |Nitre de cobalt.        |
  |L'oxide de nickel.   |Nitrate de nickel.   |Nitre de nickel.        |
  |L'oxide de plomb.    |Nitrate de plomb.    |Nitre de plomb, nitre de|
  |                     |                     |saturne.                |
  |L'oxide d'étain.     |Nitrate d'étain.     |Nitre d'étain.          |
  |L'oxide de cuivre.   |Nitrate de cuivre.   |Nitre de cuivre, nitre  |
  |                     |                     |de Vénus.               |
  |L'oxide de bismuth.  |Nitrate de bismuth.  |Nitre de bismuth.       |
  |L'oxide d'antimoine. |Nitrate d'antimoine. |Nitre d'antimoine.      |
  |                     |                     |                        |
  |L'oxide d'arsenic.   |Nitrate d'arsenic.   {Nitre d'arsenic.        |
  |                     |                     {Nitre arsenical.        |
  |                     |                     |                        |
  |L'oxide de mercure.  |Nitrate de mercure.  {Nitre mercuriel.        |
  |                     |                     {Nitre de mercure.       |
  |                     |                     |                        |
  |L'oxide d'argent.    |Nitrate d'argent.    {Nitre d'argent.         |
  |                     |                     {Nitre de lune, pierre   |
  |                     |                     {infernale.              |
  |                     |                     |                        |
  |L'oxide d'or.        |Nitrate d'or.        |Nitre d'or.             |
  |L'oxide de platine.  |Nitrate de platine.  |Nitre de platine.       |
  ======================================================================



OBSERVATIONS

_Sur les Acides nitreux & nitrique, & sur le Tableau de leurs
combinaisons._


L'ACIDE nitreux & l'acide nitrique se tirent d'un sel connu dans les
arts sous le nom de salpêtre. On extrait ce sel par lixiviation des
décombres des vieux bâtimens & de la terre des caves, des écuries, des
granges, & en général des lieux habités. L'acide nitrique est le plus
souvent uni dans ces terres à la chaux & à la magnésie, quelquefois
à la potasse & plus rarement à l'alumine. Comme tous ces sels, à
l'exception de celui à base de potasse, attirent l'humidité de l'air, &
qu'ils seroient d'une conservation difficile dans les arts, on profite
de la plus grande affinité qu'a la potasse avec l'acide nitrique,
& de la propriété qu'elle a de précipiter la chaux, la magnésie &
l'alumine, pour ramener ainsi dans le travail du salpêtrier & dans
le rafinage qui se fait ensuite dans les magasins du Roi, tous les
sels nitriques à l'état de nitrate de potasse ou de salpêtre. Pour
obtenir l'acide nitreux de ce sel, on met dans une cornue tubulée trois
parties de salpêtre très-pur, & une d'acide sulfurique concentré:
on y adapte un ballon à deux pointes, auquel on joint l'appareil de
Woulfe, c'est-à-dire, des flacons à plusieurs gouleaux à moitié remplis
d'eau & réunis par des tubes de verre. On voit cet appareil représenté
_pl. IV, fig. 1_. On lutte exactement toutes les jointures, & on
donne un feu gradué: il passe de l'acide nitreux en vapeurs rouges,
c'est-à-dire, surchargé de gaz nitreux, ou autrement dit, qui n'est
point oxygéné autant qu'il le peut être. Une partie de cet acide se
condense dans le ballon, dans l'état d'une liqueur d'un jaune rouge
très-foncé; le surplus se combine avec l'eau des bouteilles. Il se
dégage en même-tems une grande quantité de gaz oxygène, par la raison
qu'à une température un peu élevée l'oxygène a plus d'affinité avec le
calorique qu'avec l'oxide nitreux, tandis que le contraire arrive à la
température habituelle dans laquelle nous vivons. C'est parce qu'une
partie d'oxygène a quitté ainsi l'acide nitrique, qu'il se trouve
converti en acide nitreux. On peut ramener cet acide de l'état nitreux
à l'état nitrique, en le faisant chauffer à une chaleur douce; le gaz
nitreux qui étoit en excès s'échappe, & il reste de l'acide nitrique:
mais on n'obtient par cette voie qu'un acide nitrique très-étendu
d'eau, & il y a d'ailleurs une perte considérable.

On se procure de l'acide nitrique beaucoup plus concentré & avec
infiniment moins de perte, en mêlant ensemble du salpêtre & de l'argile
bien seche, & en les poussant au feu dans une cornue de grès. L'argile
se combine avec la potasse pour laquelle elle a beaucoup d'affinité: en
même-tems il passe de l'acide nitrique très-légèrement fumant, & qui ne
contient qu'une très-petite portion de gaz nitreux. On l'en débarrasse
aisément, en faisant chauffer foiblement l'acide dans une cornue: on
obtient une petite portion d'acide nitreux dans le récipient, & il
reste de l'acide nitrique dans la cornue.

On a vu dans le corps de cet Ouvrage, que l'azote étoit le radical
nitrique: si à vingt parties & demie en poids d'azote, on ajoute
quarante-trois parties & demie d'oxygène, cette proportion constituera
l'oxide ou le gaz nitreux; si on ajoute à cette première combinaison 36
autres parties d'oxygène, on aura de l'acide nitrique. L'intermédiaire
entre la première & la dernière de ces proportions, donne différentes
espèces d'acides nitreux, c'est-à-dire, de l'acide nitrique plus
ou moins imprégné de gaz nitreux. J'ai déterminé ces proportions
par voie de décomposition, & je ne puis pas assurer qu'elles soient
rigoureusement exactes; mais elles ne peuvent pas s'écarter beaucoup
de la vérité. M. Cavendish, qui a prouvé le premier & par voie
de composition, que l'azote est le radical nitrique, a donné des
proportions un peu différentes & dans lesquelles l'azote entre pour
une plus forte proportion: mais il est probable en même tems que
c'est de l'acide nitreux qu'il a formé, & non de l'acide nitrique; &
cette circonstance suffit pour expliquer jusqu'à un certain point la
différence des résultats.

Pour obtenir l'acide nitrique très-pur, il faut employer du
nitre dépouillé de tout mêlange de corps étrangers. Si, après la
distillation, on soupçonne qu'il y reste quelques vestiges d'acide
sulfurique, on y verse quelques gouttes de dissolution de nitrate
barytique, l'acide sulfurique s'unit avec la baryte, & forme un
sel neutre insoluble qui se précipite. On en sépare avec autant de
facilité les dernières portions d'acide muriatique qui pouvoient y être
contenues, en y versant quelques gouttes de nitrate d'argent; l'acide
muriatique contenu dans l'acide nitrique, s'unit à l'argent avec lequel
il a plus d'affinité, & se précipite sous forme de muriate d'argent
qui est presqu'insoluble. Ces deux précipitations faites, on distille
jusqu'à ce qu'il ait passé environ les sept huitièmes de l'acide, & on
est sûr alors de l'avoir parfaitement pur.

L'acide nitrique est un de ceux qui a le plus de tendance à la
combinaison, & dont en même tems la décomposition est le plus facile.
Il n'est presque point de substance simple, si on en excepte l'or,
l'argent & le platine, qui ne lui enlève plus ou moins d'oxygène;
quelques-unes même le décomposent en entier. Il a été fort anciennement
connu des Chimistes, & ses combinaisons ont été plus étudiées que
celles d'aucun autre. MM. Macquer & Baumé ont nommé _nitres_ tous les
sels qui ont l'acide nitrique pour acide. Nous avons dérivé leur nom
de la même origine; mais nous en avons changé la terminaison, & nous
les avons appelés _nitrates_ ou _nitrites_, suivant qu'ils ont l'acide
nitrique ou l'acide nitreux pour acide & d'après la loi générale dont
nous avons expliqué les motifs, chapitre XVI. C'est également par une
suite des principes généraux dont nous avons rendu compte, que nous
avons spécifié chaque sel par le nom de sa base.



_TABLEAU des combinaisons de l'Acide sulfurique ou Soufre oxygéné avec
les bases salifiables dans l'ordre de leur affinité avec cet acide, par
la voie humide._


  ======================================================================
  |              Combinaisons de l'acide sulfurique avec:              |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |                       NOMENCLATURE NOUVELLE.                       |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |Numéros.|     Noms des bases.      | Sels neutres qui en résultent. |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |    1   |La baryte.                |Sulfate de baryte.              |
  |    2   |La potasse.               |Sulfate de potasse.             |
  |    3   |La soude.                 |Sulfate de soude.               |
  |    4   |La chaux.                 |Sulfate de chaux.               |
  |    5   |La magnésie.              |Sulfate de magnésie.            |
  |    6   |L'ammoniaque.             |Sulfate d'ammoniaque.           |
  |    7   |L'alumine.                |Sulfate d'alumine ou alun.      |
  |    8   |L'oxide de zinc.          |Sulfate de zinc.                |
  |    9   |L'oxide de fer.           |Sulfate de fer.                 |
  |   10   |L'oxide de manganèse.     |Sulfate de manganèse.           |
  |   11   |L'oxide de cobalt.        |Sulfate de cobalt.              |
  |   12   |L'oxide de nickel.        |Sulfate de nickel.              |
  |   13   |L'oxide de plomb.         |Sulfate de plomb.               |
  |   14   |L'oxide d'étain.          |Sulfate d'étain.                |
  |   15   |L'oxide de cuivre.        |Sulfate de cuivre.              |
  |   16   |L'oxide de bismuth.       |Sulfate de bismuth.             |
  |   17   |L'oxide d'antimoine.      |Sulfate d'antimoine.            |
  |   18   |L'oxide d'arsenic.        |Sulfate d'arsenic.              |
  |   19   |L'oxide de mercure.       |Sulfate de mercure.             |
  |   20   |L'oxide d'argent.         |Sulfate d'argent.               |
  |   21   |L'oxide d'or.             |Sulfate d'or.                   |
  |   22   |L'oxide de platine.       |Sulfate de platine.             |
  ======================================================================


  ======================================================================
  |             Combinaisons de l'acide vitriolique avec:              |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |                       NOMENCLATURE ANCIENNE.                       |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |Numéros.|   Noms des bases.    |   Sels neutres qui en résultent.   |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |    1   |La terre pesante.     |Vitriol de terre pesante, spath     |
  |        |                      |pesant.                             |
  |    2   |L'alkali fixe végétal.|Tartre vitriolé, sel de duobus,     |
  |        |                      |arcanum duplicatum.                 |
  |    3   |L'alkali fixe minéral.|Sel de Glauber.                     |
  |    4   |La terre calcaire.    |Sélénite, gypse, vitriol calcaire.  |
  |    5   |La magnésie.          |Vitriol de magnésie, sel d'Epsom,   |
  |        |                      |sel de Sedlitz.                     |
  |    6   |L'alkali volatil.     |Sel ammoniacal secret de Glauber.   |
  |    7   |La terre de l'alun.   |Alun.                               |
  |    8   |La chaux de zinc.     |Vitriol blanc, vitriol de Goslard.  |
  |        |                      |Couperose blanche, vitriol de       |
  |        |                      |zinc.                               |
  |    9   |La chaux de fer.      |Couperose verte, vitriol martial,   |
  |        |                      |vitriol de fer.                     |
  |   10   |La chaux de manganèse.|Vitriol de manganèse.               |
  |   11   |La chaux de cobalt.   |Vitriol de cobalt.                  |
  |   12   |La chaux de nickel.   |Vitriol de nickel.                  |
  |   13   |La chaux de plomb.    |Vitriol de plomb.                   |
  |   14   |La chaux d'étain.     |Vitriol d'étain.                    |
  |   15   |La chaux de cuivre.   |Vitriol de cuivre, couperose        |
  |        |                      |bleue.                              |
  |   16   |La chaux de bismuth.  |Vitriol de bismuth.                 |
  |   17   |La chaux d'antimoine. |Vitriol d'antimoine.                |
  |   18   |La chaux d'arsenic.   |Vitriol d'arsenic.                  |
  |   19   |La chaux de mercure.  |Vitriol de mercure.                 |
  |   20   |La chaux d'argent.    |Vitriol d'argent.                   |
  |   21   |La chaux d'or.        |Vitriol d'or.                       |
  |   22   |La chaux de platine.  |Vitriol de platine.                 |
  ======================================================================



OBSERVATIONS

_Sur l'Acide sulfurique & sur le Tableau de ses combinaisons._


ON a long-tems retiré l'acide sulfurique par distillation du sulfate
de fer ou vitriol de mars, dans lequel cet acide est uni au fer. Cette
distillation a été décrite par Basile Valentin, qui écrivoit dans le
quinzième siècle. On préfère aujourd'hui de le tirer du soufre par
la combustion, parce qu'il est beaucoup meilleur marché que celui
qu'on peut extraire des différens sels sulfuriques. Pour faciliter la
combustion du soufre & son oxygénation, on y mêle un peu de salpêtre ou
nitrate de potasse en poudre. Ce dernier est décomposé, & fournit au
soufre une portion de son oxygène, qui facilite sa conversion en acide.
Malgré l'addition de salpêtre, on ne peut continuer la combustion du
soufre dans des vaisseaux fermés, quelque grands qu'ils soient, que
pendant un tems déterminé. La combustion cesse par deux raisons; 1º.
parce que le gaz oxygène se trouve épuisé, & que l'air dans lequel se
fait la combustion se trouve presque réduit à l'état de gaz azotique;
2º. parce que l'acide lui-même qui reste long-tems en vapeurs, met
obstacle à la combustion. Dans les travaux en grand des arts, on brûle
le mêlange de soufre & de salpêtre dans de grandes chambres dont les
parois sont recouvertes de feuilles de plomb: on laisse un peu d'eau
au fond pour faciliter la condensation des vapeurs. On se débarrasse
ensuite de cette eau, en introduisant l'acide sulfurique qu'on a obtenu
dans de grandes cornues: on distille à un degré de chaleur modéré; il
passe une eau légèrement acide, & il reste dans la cornue de l'acide
sulfurique concentré. Dans cet état il est diaphane, sans odeur, &
il pèse à peu près le double de l'eau. On prolongeroit la combustion
du soufre, & on accéléreroit la fabrication de l'acide sulfurique,
si on introduisoit dans les grandes chambres doublées de plomb où se
fait cette opération, le vent de plusieurs soufflets qu'on dirigeroit
sur la flamme. On feroit évacuer le gaz azotique par de longs canaux
ou espèces de serpentins dans lesquels il seroit en contact avec de
l'eau, afin de le dépouiller de tout le gaz acide sulfureux ou acide
sulfurique qu'il pourroit contenir.

Suivant une première expérience de M. Berthollet, 69 parties de soufre
en brûlant absorbent 31 parties d'oxygène, pour former 100 parties
d'acide sulfurique. Suivant une seconde expérience faite par une autre
méthode, 72 parties de soufre en absorbent 28 d'oxygène, pour former la
même quantité de 100 parties d'acide sulfurique sec.

Cet acide ne dissout, comme tous les autres, les métaux qu'autant
qu'ils ont été préalablement oxidés; mais la plupart sont susceptibles
de décomposer une portion de l'acide, & de lui enlever assez d'oxygène
pour devenir dissolubles dans le surplus: c'est ce qui arrive à
l'argent, au mercure & même au fer & au zinc, quand on les fait
dissoudre dans de l'acide sulfurique concentré & bouillant. Ces métaux
s'oxident & se dissolvent, mais ils n'enlèvent pas assez d'oxygène à
l'acide pour le réduire en soufre; ils le réduisent seulement à l'état
d'acide sulfureux, & il se dégage alors sous la forme de gaz acide
sulfureux. Lorsqu'on met de l'argent, du mercure ou quelque métal autre
que le fer & le zinc dans de l'acide sulfurique étendu d'eau, comme
ils n'ont pas assez d'affinité avec l'oxygène pour l'enlever, ni au
soufre, ni à l'acide sulfureux, ni à l'hydrogène, ils sont absolument
insolubles dans cet acide. Il n'en est pas de même du zinc & du fer:
ces deux métaux, aidés par la présence de l'acide, décomposent l'eau;
ils s'oxident à ses dépens, & deviennent alors dissolubles dans
l'acide, quoiqu'il ne soit ni concentré ni bouillant.



_TABLEAU des combinaisons de l'Acide sulfureux avec les bases
salifiables dans l'ordre de leur affinité avec cet acide._


  ==============================================================
  |                   NOMENCLATURE NOUVELLE.                   |
  |------------------------------------------------------------|
  |              |   Noms des bases.    |         Noms         |
  |              |                      |   des sel neutres.   |
  |------------------------------------------------------------|
  |Combinaisons  |La baryte.            |Sulfite de baryte.    |
  |de l'acide    |La potasse.           |Sulfite de potasse.   |
  |sulfureux     |La soude.             |Sulfite de soude.     |
  |avec:         |La chaux.             |Sulfite de chaux.     |
  |              |La magnésie.          |Sulfite de magnésie.  |
  |              |L'ammoniaque.         |Sulfite d'ammoniaque. |
  |              |L'alumine.            |Sulfite d'alumine.    |
  |              |L'oxide de zinc.      |Sulfite de zinc.      |
  |              |L'oxide de fer.       |Sulfite de fer.       |
  |              |L'oxide de manganèse. |Sulfite de manganèse. |
  |              |L'oxide de cobalt.    |Sulfite de cobalt.    |
  |              |L'oxide de nickel.    |Sulfite de nickel.    |
  |              |L'oxide de plomb.     |Sulfite de plomb.     |
  |              |L'oxide d'étain.      |Sulfite d'étain.      |
  |              |L'oxide de cuivre.    |Sulfite de cuivre.    |
  |              |L'oxide de bismuth.   |Sulfite de bismuth.   |
  |              |L'oxide d'antimoine.  |Sulfite d'antimoine.  |
  |              |L'oxide d'arsenic.    |Sulfite d'arsenic.    |
  |              |L'oxide de mercure.   |Sulfite de mercure.   |
  |              |L'oxide d'argent.     |Sulfite d'argent.     |
  |              |L'oxide d'or.         |Sulfite d'or.         |
  |              |L'oxide de platine.   |Sulfite de platine.   |
  ==============================================================

  _Nota._ Les anciens n'ont connu à proprement parler de ces sels que
  le sulfite de potasse, qui, jusqu'à ces derniers tems, a conservé le
  nom de sel sulfureux de Stalh. Avant la nouvelle nomenclature que
  nous avons proposée, on désignoit les sels sulfureux comme il suit:
  _Sel sulfureux de Stalh à base d'alkali fixe végétal, sel sulfureux
  de Stalh à base d'alkali fixe minéral, sel sulfureux de Stalh à base
  de terre calcaire._

  On a suivi dans ce tableau l'ordre des affinités indiqué par M.
  Bergman pour l'acide sulfurique, parce qu'en effet à l'égard des
  alkalis & des terres, l'ordre est le même pour l'acide sulfureux;
  mais il n'est pas certain qu'il en soit de même pour les oxides
  métalliques.



OBSERVATIONS

_Sur l'Acide sulfureux, & sur le Tableau de ses combinaisons._


L'ACIDE sulfureux est formé, comme l'acide sulfurique, de la
combinaison du soufre avec l'oxygène, mais avec une moindre proportion
de ce dernier. On peut l'obtenir de différentes manières, 1º. en
faisant brûler du soufre lentement, 2º. en distillant de l'acide
sulfurique sur de l'argent, de l'antimoine, du plomb, du mercure ou
du charbon: une portion d'oxygène s'unit au métal, & l'acide passe
dans l'état d'acide sulfureux. Cet acide existe naturellement dans
l'état de gaz au degré de température & de pression dans lequel nous
vivons; mais il paroît, d'après des expériences de M. Clouet, qu'à un
très-grand degré de refroidissement, il se condense & devient liquide:
l'eau absorbe beaucoup plus de ce gaz acide qu'elle n'absorbe de gaz
acide carbonique; mais elle en absorbe beaucoup moins que de gaz acide
muriatique.

C'est une vérité bien établie, & que je n'ai peut-être que trop
répétée, que les métaux en général ne peuvent se dissoudre dans les
acides, qu'autant qu'ils peuvent s'y oxider: or l'acide sulfureux étant
déjà dépouillé d'une grande partie de l'oxygène nécessaire pour le
constituer acide sulfurique, il est plutôt disposé à en reprendre qu'à
en fournir à la plupart des métaux, & c'est pour cela qu'il ne peut
les dissoudre, à moins qu'ils n'aient été préalablement oxidés. Par
une suite du même principe, les oxides métalliques se dissolvent dans
l'acide sulfureux sans effervescence & même avec beaucoup de facilité.
Cet acide a même, comme l'acide muriatique, la propriété de dissoudre
des oxides métalliques qui sont trop oxygénés, & qui seroient par cela
même indissolubles dans l'acide sulfurique; il forme alors avec eux de
véritables sulfates. On pourroit donc soupçonner qu'il n'existe que des
sulfates métalliques & non des sulfites, si les phénomènes qui ont lieu
dans la dissolution du fer, du mercure, & de quelques autres métaux,
ne nous apprenoient que ces substances métalliques sont susceptibles
de s'oxider plus ou moins en se dissolvant dans les acides. D'après
cette observation le sel dans lequel le métal sera le moins oxidé
devra porter le nom de sulfite, & celui dans lequel le métal sera le
plus oxidé devra porter le nom de sulfate. On ignore encore si cette
distinction, nécessaire pour le fer & pour le mercure, est applicable à
tous les autres sulfates métalliques.



_TABLEAU des combinaisons du Phosphore qui a reçu un premier degré
d'oxygénation, & qui a été porté à l'état d'Acide phosphoreux, avec les
bases salifiables dans l'ordre de leur affinité avec cet acide._


  ===============================================================
  |                   NOMENCLATURE NOUVELLE.                    |
  |-------------------------------------------------------------|
  |              |   Noms des bases.   | Noms des sels neutres. |
  |-------------------------------------------------------------|
  |Combinaisons  |La chaux.            |Phosphite de chaux.     |
  |de l'acide    |La baryte.           |Phosphite de baryte.    |
  |phosphoreux   |La magnésie.         |Phosphite de magnésie.  |
  |avec:         |La potasse.          |Phosphite de potasse.   |
  |              |La soude.            |Phosphite de soude.     |
  |              |L'ammoniaque.        |Phosphite d'ammoniaque. |
  |              |L'alumine.           |Phosphite d'alumine.    |
  |              |L'oxide de zinc.     |Phosphite de zinc. *    |
  |              |L'oxide de fer.      |Phosphite de fer.       |
  |              |L'oxide de manganèse.|Phosphite de manganèse. |
  |              |L'oxide de cobalt.   |Phosphite de cobalt.    |
  |              |L'oxide de nickel.   |Phosphite de nickel.    |
  |              |L'oxide de plomb.    |Phosphite de plomb.     |
  |              |L'oxide d'étain.     |Phosphite d'étain.      |
  |              |L'oxide de cuivre.   |Phosphite de cuivre.    |
  |              |L'oxide de bismuth.  |Phosphite de bismuth.   |
  |              |L'oxide d'antimoine. |Phosphite d'antimoine.  |
  |              |L'oxide d'arsenic.   |Phosphite d'arsenic.    |
  |              |L'oxide de mercure.  |Phosphite de mercure.   |
  |              |L'oxide d'argent.    |Phosphite d'argent.     |
  |              |L'oxide d'or.        |Phosphite d'or.         |
  |              |L'oxide de platine.  |Phosphite de platine.   |
  ===============================================================

  * L'existence des phosphites métalliques n'est pas encore
  absolument certaine, elle suppose que les métaux sont susceptibles
  de se dissoudre dans l'acide phosphorique, à différens degrés
  d'oxygénation, ce qui n'est pas encore prouvé.

  Aucuns de ces sels n'avoient été nommés.



_TABLEAU des combinaisons du Phosphore saturé d'oxygène, ou Acide
phosphorique avec les substances salifiables dans l'ordre de leur
affinité avec cet acide *._


  ===============================================================
  |                   NOMENCLATURE NOUVELLE.                    |
  |-------------------------------------------------------------|
  |              |   Noms des bases.   | Noms des sels neutres. |
  |-------------------------------------------------------------|
  |Combinaisons  |La chaux.            |Phosphate de chaux.     |
  |de l'acide    |La baryte.           |Phosphate de baryte.    |
  |phosphorique  |La magnésie.         |Phosphate de magnésie.  |
  |avec:         |La potasse.          |Phosphate de potasse.   |
  |              |La soude.            |Phosphate de soude.     |
  |              |L'ammoniaque.        |Phosphate d'ammoniaque. |
  |              |L'alumine.           |Phosphate d'alumine.    |
  |              |L'oxide de zinc.     |Phosphate de zinc.      |
  |              |L'oxide de fer.      |Phosphate de fer.       |
  |              |L'oxide de manganèse.|Phosphate de manganèse. |
  |              |L'oxide de cobalt.   |Phosphate de cobalt.    |
  |              |L'oxide de nickel.   |Phosphate de nickel.    |
  |              |L'oxide de plomb.    |Phosphate de plomb.     |
  |              |L'oxide d'étain.     |Phosphate d'étain.      |
  |              |L'oxide de cuivre.   |Phosphate de cuivre.    |
  |              |L'oxide de bismuth.  |Phosphate de bismuth.   |
  |              |L'oxide d'antimoine. |Phosphate d'antimoine.  |
  |              |L'oxide d'arsenic.   |Phosphate d'arsenic.    |
  |              |L'oxide de mercure.  |Phosphate de mercure.   |
  |              |L'oxide d'argent.    |Phosphate d'argent.     |
  |              |L'oxide d'or.        |Phosphate d'or.         |
  |              |L'oxide de platine.  |Phosphate de platine.   |
  ===============================================================

  * La plupart de ces sels ne sont connus que depuis très-peu de tems,
  & n'avoient point encore été nommés.



OBSERVATIONS

_Sur les Acides phosphoreux & phosphorique, & sur les Tableaux de leurs
combinaisons._


ON a vu, à l'article Phosphore, un précis historique de la découverte
de cette singulière substance, & quelques observations sur la manière
dont il existe dans les végétaux & dans les animaux.

Le moyen le plus sûr pour obtenir l'acide phosphorique pur & exempt
de tout mélange, est de prendre du phosphore en nature, & de le faire
brûler sous des cloches de verre, dont on a humecté l'intérieur en
y promenant de l'eau distillée. Il absorbe dans cette opération 2
fois 1/2 son poids d'oxygène. On peut obtenir cet acide concret en
faisant cette même combustion sur du mercure au lieu de la faire sur
de l'eau: il se présente alors dans l'état de floccons blancs qui
attirent l'humidité de l'air avec une prodigieuse activité. Pour avoir
ce même acide dans l'état d'acide phosphoreux, c'est-à-dire, moins
oxygéné, il faut abandonner le phosphore à une combustion extrêmement
lente, & le laisser tomber en quelque façon en _déliquium_ à l'air
dans un entonnoir placé sur un flacon de cristal. Au bout de quelques
jours on trouve le phosphore oxygéné; l'acide phosphoreux, à mesure
qu'il s'est formé, s'est emparé d'une portion d'humidité de l'air, &
a coulé dans le flacon. L'acide phosphoreux se convertit au surplus
aisément en acide phosphorique par une simple exposition à l'air
long-tems continuée. Comme le phosphore a une assez grande affinité
avec l'oxygène pour l'enlever à l'acide nitrique & à l'acide muriatique
oxygéné, il en résulte encore un moyen simple & peu dispendieux
d'obtenir l'acide phosphorique. Lorsqu'on veut opérer par l'acide
nitrique, on prend une cornue tubulée bouchée avec un bouchon de
cristal; on l'emplit à moitié d'acide nitrique concentré, on fait
chauffer légèrement, puis on introduit par la tubulure de petits
morceaux de phosphore. Ils se dissolvent avec effervescence; en même
tems le gaz nitreux s'échappe sous la forme de vapeurs rutilantes. On
continue ainsi d'ajouter du phosphore jusqu'à ce qu'il refuse de se
dissoudre. On pousse alors le feu un peu plus fort pour chasser les
dernières portions d'acide nitrique, & on trouve l'acide phosphorique
dans la cornue, en partie sous forme concrète, & en partie sous forme
liquide.



_TABLEAU des combinaisons du Radical carbonique oxygéné, ou Acide
carbonique avec les bases salifiables, dans l'ordre de leur affinité
avec cet acide *._


  ======================================================================
  |              Combinaisons de l'acide carbonique avec:              |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |                     |            NOMS DES SELS NEUTRES.            |
  |   Noms des bases.   |----------------------------------------------|
  |                     | Nomenclature |    Nomenclature ancienne.     |
  |                     |  nouvelle.   |                               |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |                     |  Carbonate   |                               |
  |                     |              |                               |
  |La baryte.           |de baryte.    |Terre pesante aérée ou         |
  |                     |              |effervescente.                 |
  |La chaux.            |de chaux.     |Terre calcaire, spath calcaire,|
  |                     |              |craie.                         |
  |La potasse.          |de potasse.   |Alkali fixe végétal            |
  |                     |              |effervescent, méphite de       |
  |                     |              |potasse.                       |
  |La soude.            |de soude.     |Alkali fixe minéral            |
  |                     |              |effervescent, méphite de soude.|
  |La magnésie.         |de magnésie.  |Magnésie effervescente, base   |
  |                     |              |du sel d'Epsom effervescente,  |
  |                     |              |méphite de magnésie.           |
  |L'ammoniaque.        |d'ammoniaque. |Alkali volatil effervescent,   |
  |                     |              |méphite d'ammoniaque.          |
  |L'alumine.           |d'alumine.    |Méphite argileux, terre d'alun |
  |                     |              |aérée.                         |
  |L'oxide de zinc.     |de zinc.      |Zinc spathique, méphite de     |
  |                     |              |zinc.                          |
  |L'oxide de fer.      |de fer        |Fer spathique, méphite de fer. |
  |L'oxide de manganèse.|de manganèse. |Méphite de manganèse.          |
  |L'oxide de cobalt.   |de cobalt.    |Méphite de cobalt.             |
  |L'oxide de nickel.   |de nickel.    |Méphite de nickel.             |
  |L'oxide de plomb.    |de plomb.     |Plomb spathique ou méphite de  |
  |                     |              |plomb.                         |
  |L'oxide d'étain.     |d'étain.      |Méphite d'étain.               |
  |L'oxide de cuivre.   |de cuivre.    |Méphite de cuivre.             |
  |L'oxide de bismuth.  |de bismuth.   |Méphite de bismuth.            |
  |L'oxide d'antimoine. |d'antimoine.  |Méphite d'antimoine.           |
  |L'oxide d'arsenic.   |d'arsenic.    |Méphite d'arsenic.             |
  |L'oxide de mercure.  |de mercure.   |Méphite de mercure.            |
  |L'oxide d'argent.    |d'argent.     |Méphite d'argent.              |
  |L'oxide d'or.        |d'or.         |Méphite d'or.                  |
  |L'oxide de platine.  |de platine.   |Méphite de platine.            |
  ======================================================================

  * Ces sels n'étant connus & définis que depuis quelques années, il
  n'existe pas, à proprement parler, pour eux de nomenclature ancienne.
  On a cru cependant devoir les désigner ici sous les noms que M. de
  Morveau leur a donnés dans son premier volume de l'Encyclopédie. M.
  Bergman désignoit les bases saturées de cet acide par l'épithète
  _aérée_; ainsi, la terre calcaire aérée exprimoit la terre calcaire
  saturée d'acide carbonique. M. de Fourcroy avoit donné le nom d'acide
  crayeux à l'acide carbonique, & le nom de craie à tous les sels qui
  résultent de la combinaison de cet acide avec les bases salifiables.



OBSERVATIONS

_Sur l'Acide carbonique & sur le Tableau de ses combinaisons._


DE tous les acides que nous connoissons, l'acide carbonique est
peut-être celui qui est le plus abondamment répandu dans la nature.
Il est tout formé dans les craies, dans les marbres, dans toutes
les pierres calcaires, & il y est neutralisé principalement par une
terre particulière connue sous le nom de chaux. Pour le dégager de
ces substances, il ne faut que verser dessus de l'acide sulfurique,
ou tout autre acide qui ait plus d'affinité avec la chaux que n'en a
l'acide carbonique: il se fait une vive effervescence, laquelle n'est
produite que par le dégagement de cet acide, qui prend la forme de gaz
dès qu'il est libre. Ce gaz n'est susceptible de se condenser par aucun
des degrés de refroidissement & de pression auxquels il a été exposé
jusqu'ici: il ne s'unit avec l'eau qu'à peu près à volume égal, & il en
résulte un acide extrêmement foible.

On peut encore obtenir l'acide carbonique assez pur, en le dégageant
de la matière sucrée en fermentation; mais alors il tient une petite
portion d'alkool en dissolution.

Le carbone est le radical de l'acide carbonique. On peut en conséquence
former artificiellement cet acide, en brûlant du charbon dans du gaz
oxygène, ou bien en combinant de la poudre de charbon avec un oxide
métallique dans de justes proportions. L'oxygène de l'oxide se combine
avec le charbon, forme du gaz acide carbonique, & le métal devenu libre
reparoît sous sa forme métallique.

C'est à M. Black que nous devons les premières connoissances qu'on ait
eues sur cet acide. La propriété qu'il a de n'exister que sous forme
de gaz au degré de température & de pression dans lequel nous vivons,
l'avoit soustrait aux recherches des anciens Chimistes.

Si on pouvoit parvenir à décomposer cet acide par des moyens peu
dispendieux, on auroit fait une découverte bien précieuse pour
l'humanité, puisqu'on pourroit obtenir libres les masses immenses de
carbone que contiennent les terres calcaires, les marbres, &c. On ne
le peut pas par des affinités simples, puisque le corps qu'il faudroit
employer pour décomposer l'acide carbonique, devroit être au moins
aussi combustible que le charbon même, & qu'alors on ne feroit que
changer un combustible contre un autre: mais il n'est pas impossible
d'y parvenir par des affinités doubles; & ce qui porte à le croire,
c'est que la nature résout complètement ce problême, & avec des
matériaux qui ne lui coûtent rien dans l'acte de la végétation.



_TABLEAU des combinaisons du Radical muriatique oxygéné, ou Acide
muriatique avec les bases salifiables, dans l'ordre de leur affinité
avec cet acide._


  ======================================================================
  |              Combinaisons de l'acide muriatique avec:              |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |                     |            NOMS DES SELS NEUTRES.            |
  |   Noms des bases.   |----------------------------------------------|
  |                     |  Nomenclature  |   Nomenclature ancienne.    |
  |                     |   nouvelle.    |                             |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |                     |    Muriate     |                             |
  |                     |                |                             |
  |La baryte.           |de baryte.      |Sel marin à base de terre    |
  |                     |                |pesante.                     |
  |                     |                |                             |
  |La potasse.          |de potasse.     {Sel fébrifuge de Sylvius.    |
  |                     |                {Sel marin à base d'alkali    |
  |                     |                {fixe végétal.                |
  |                     |                |                             |
  |La soude.            |de soude.       |Sel marin.                   |
  |                     |                |                             |
  |La chaux.            |de chaux.       {Sel marin à base terreuse.   |
  |                     |                {Huile de chaux.              |
  |                     |                |                             |
  |La magnésie.         |de magnésie.    |Sel d'Epsom marin, sel marin |
  |                     |                |à base de sel d'Epsom ou de  |
  |                     |                |magnésie.                    |
  |L'ammoniaque.        |d'ammoniaque.   |Sel ammoniac.                |
  |L'alumine.           |d'alumine.      |Alun marin, sel marin à base |
  |                     |                |de terre d'alun.             |
  |L'oxide de zinc.     |de zinc.        |Sel marin de zinc.           |
  |L'oxide de fer.      |de fer.         |Sel de fer, sel marin        |
  |                     |                |martial.                     |
  |L'oxide de manganèse.|de manganèse.   |Sel marin de manganèse.      |
  |L'oxide de cobalt.   |de cobalt.      |Sel marin de cobalt.         |
  |L'oxide de nickel.   |de nickel.      |Sel marin de nickel.         |
  |L'oxide de plomb.    |de plomb.       |Plomb corné.                 |
  |                     |                |                             |
  |L'oxide d'étain.     {d'étain fumant. |Liqueur fumante de Libavius. |
  |                     {d'étain solide. |Beurre d'étain solide.       |
  |                     |                |                             |
  |L'oxide de cuivre.   |de cuivre.      |Sel marin de cuivre.         |
  |L'oxide de bismuth.  |de bismuth.     |Sel marin de bismuth.        |
  |L'oxide d'antimoine. |d'antimoine.    |Sel marin d'antimoine.       |
  |L'oxide d'arsenic.   |d'arsenic.      |Sel marin d'arsenic.         |
  |                     |                |                             |
  |L'oxide de mercure.  {de mercure doux.{Mercure sublimé doux,        |
  |                     {                {_aquila alba_.               |
  |                     {de mercure      {Mercure sublimé corrosif.    |
  |                     {corrosif.       {                             |
  |                     |                |                             |
  |L'oxide d'argent.    |d'argent.       |Argent corné.                |
  |L'oxide d'or.        |d'or.           |Sel marin d'or.              |
  |L'oxide de platine.  |de platine.     |Sel marin de platine.        |
  ======================================================================



_TABLEAU des combinaisons de l'Acide muriatique oxigéné avec les
différentes bases salifiables avec lesquelles il est susceptible de
s'unir._


  ======================================================================
  |          Combinaisons de l'acide muriatique oxigéné avec:          |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |                     |            NOMS DES SELS NEUTRES.            |
  |   Noms des bases.   |----------------------------------------------|
  |                     |   Nomenclature nouvelle.    |  Nomenclature  |
  |                     |                             |   ancienne.    |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |La baryte.           |Muriate oxygéné de baryte.   }Cet ordre de    |
  |La potasse.          |Muriate oxygéné de potasse.  }sels qui étoit  |
  |La soude.            |Muriate oxygéné de soude.    }absolument      |
  |La chaux.            |Muriate oxygéné de chaux.    }inconnu aux     |
  |La magnésie.         |Muriate oxygéné de magnésie. }anciens, a été  |
  |L'alumine.           |Muriate oxygéné d'alumine.   }découvert en    |
  |L'oxide de zinc.     |Muriate oxygéné de zinc.     }1786 par        |
  |L'oxide de fer.      |Muriate oxygéné de fer.      }M. Berthollet.  |
  |L'oxide de manganèse.|Muriate oxygéné de manganèse.}                |
  |L'oxide de cobalt.   |Muriate oxygéné de cobalt.   }                |
  |L'oxide de nickel.   |Muriate oxygéné de nickel.   }                |
  |L'oxide de plomb.    |Muriate oxygéné de plomb.    }                |
  |L'oxide d'étain.     |Muriate oxygéné d'étain.     }                |
  |L'oxide de cuivre.   |Muriate oxygéné de cuivre.   }                |
  |L'oxide de bismuth.  |Muriate oxygéné de bismuth.  }                |
  |L'oxide d'antimoine. |Muriate oxygéné d'antimoine. }                |
  |L'oxide d'arsenic.   |Muriate oxygéné d'arsenic.   }                |
  |L'oxide de mercure.  |Muriate oxygéné de mercure.  }                |
  |L'oxide d'argent.    |Muriate oxygéné d'argent.    }                |
  |L'oxide d'or.        |Muriate oxygéné d'or.        }                |
  |L'oxide de platine.  |Muriate oxygéné de platine.  }                |
  ======================================================================



OBSERVATIONS

_Sur l'Acide muriatique & sur le Tableau de ses combinaisons._


L'ACIDE muriatique est répandu très-abondamment dans le règne minéral:
il y est uni avec différentes bases, principalement avec la soude, la
chaux & la magnésie. C'est avec ces trois bases qu'on le rencontre dans
l'eau de la mer & dans celle de plusieurs lacs: il est plus communément
uni avec la soude dans les mines de sel gemme. Cet acide ne paroît pas
avoir été décomposé jusqu'à ce jour dans aucune expérience chimique;
en sorte que nous n'avons nulle idée de la nature de son radical:
ce n'est même que par analogie que nous concluons qu'il contient le
principe acidifiant ou oxygène. M. Berthollet avoit soupçonné que ce
radical pouvoit être de nature métallique; mais comme il paroît que
l'acide muriatique se forme journellement dans les lieux habités, par
la combinaison de miasmes & de fluides aériformes, il faudroit supposer
qu'il existe un gaz métallique dans l'atmosphère; ce qui n'est pas sans
doute impossible, mais ce qu'on ne peut admettre, au moins que d'après
des preuves.

L'acide muriatique ne tient que médiocrement aux bases avec lesquelles
il est uni: l'acide sulfurique l'en chasse, & c'est principalement
par l'intermède de cet acide que les Chimistes ont coutume de se le
procurer. On pourroit employer d'autres acides pour remplir ce même
objet, par exemple, l'acide nitrique, mais cet acide étant volatil,
il auroit l'inconvénient de se mêler avec l'acide muriatique dans la
distillation. Il faut dans cette opération employer environ une partie
d'acide sulfurique concentré, & deux de sel marin. On se sert d'une
cornue tubulée dans laquelle on introduit d'abord le sel; on y adapte
un récipient également tubulé, à la suite duquel on ajoute deux ou
trois bouteilles remplies d'eau, & qui sont jointes par des tubes,
à la manière de M. Woulfe. La _figure 1, planche IV_, représente
cet appareil. On lutte bien toutes les jointures, après quoi on
introduit l'acide sulfurique dans la cornue par la tubulure, & on la
referme aussitôt avec son bouchon de cristal. C'est une propriété de
l'acide muriatique, de ne pouvoir exister que dans l'état de gaz, à la
température & au degré de pression dans lequel nous vivons: il seroit
donc impossible de le coercer, si on ne lui présentoit de l'eau avec
laquelle il a une grande affinité. Il s'unit dans une très-grande
proportion à celle contenue dans les bouteilles adaptées au ballon;
& lorsqu'elles en sont saturées, il en résulte ce que les anciens
appeloient esprit de sel fumant, & ce que nous appelons aujourd'hui
acide muriatique.

Celui qu'on obtient par ce procédé, n'est pas saturé d'oxygène autant
qu'il le peut être, il est susceptible d'en prendre une nouvelle
dose, si on le distille sur des oxides métalliques, tels que l'oxide
de manganèse, l'oxide de plomb ou celui de mercure: l'acide qui se
forme alors, & que nous nommons acide muriatique oxygéné, ne peut
exister comme le précédent, lorsqu'il est libre, que dans l'état
gazeux; il n'est plus susceptible d'être absorbé par l'eau en aussi
grande quantité. Si on en imprègne ce fluide au-delà d'une certaine
proportion, l'acide se précipite au fond du vase sous forme concrète.
L'acide muriatique oxygéné est susceptible comme l'a démontré M.
Berthollet, de se combiner avec un grand nombre de bases salifiables;
les sels qu'il forme sont susceptibles de détoner avec le carbone &
avec plusieurs substances métalliques: ces détonations sont d'autant
plus dangereuses, que l'oxygène entre dans la composition du muriate
oxygéné avec une très-grande quantité de calorique qui donne lieu par
son expansion à des explosions très-dangereuses.



_TABLEAU des combinaisons de l'Acide nitro-muriatique avec les bases
salifiables, rangées par ordre alphabétique, attendu que les affinités
de cet acide ne sont point assez connues._


  ==============================================================
  |                   NOMENCLATURE NOUVELLE.                   |
  |------------------------------------------------------------|
  |                 |     Noms     |  Noms des sels neutres.   |
  |                 |  des bases.  |                           |
  |------------------------------------------------------------|
  |Combinaisons     {L'alumine.    |Nitro-muriate d'alumine.   |
  |de l'acide       {L'ammoniaque. |Nitro-muriate d'ammoniaque.|
  |nitro-muriatique {L'antimoine.  |Nitro-muriate d'antimoine. |
  |avec:            {L'argent.     |Phosphate de potasse.      |
  |                 {L'arsenic.    |Nitro-muriate d'arsenic.   |
  |                 {La baryte.    |Nitro-muriate de baryte.   |
  |                 {Le bismuth.   |Nitro-muriate de bismuth.  |
  |                 {La chaux.     |Nitro-muriate de chaux.    |
  |                 {Le cobalt.    |Nitro-muriate de cobalt.   |
  |                 {Le cuivre.    |Nitro-muriate de cuivre.   |
  |                 {L'étain.      |Nitro-muriate d'étain.     |
  |                 {Le fer.       |Nitro-muriate de fer.      |
  |                 {La magnésie.  |Nitro-muriate de magnésie. |
  |                 {Le manganèse. |Nitro-muriate de manganèse.|
  |                 {Le mercure.   |Nitro-muriate de mercure.  |
  |                 {Le molybdène. |Nitro-muriate de molybdène.|
  |                 {Le nickel.    |Nitro-muriate de nickel.   |
  |                 {L'or.         |Nitro-muriate d'or.        |
  |                 {Le platine.   |Nitro-muriate de platine.  |
  |                 {Le plomb.     |Nitro-muriate de plomb.    |
  |                 {La potasse.   |Nitro-muriate de potasse.  |
  |                 {La soude.     |Nitro-muriate de soude.    |
  |                 {Le tungstène. |Nitro-muriate de tungstène.|
  |                 {Le zinc.      |Nitro-muriate de zinc.     |
  ==============================================================

  _Nota._ La plupart de ces combinaisons, sur-tout celles de l'acide
  nitro-muriatique avec les terres & les alkalis ont été peu examinées,
  on ignore s'il se forme un sel mixte, ou si les deux acides se
  séparent pour former deux sels distincts.



OBSERVATIONS

_Sur l'Acide nitro-muriatique & sur le Tableau de ses combinaisons._

L'ACIDE nitro-muriatique, anciennement appelé _eau régale_, est formé
par un mêlange d'acide nitrique & d'acide muriatique. Les radicaux
de ces deux acides s'unissent ensemble dans cette combinaison, & il
en résulte un acide à deux bases, qui a des propriétés particulières
qui n'appartiennent à aucun des deux séparément, notamment celle de
dissoudre l'or & le platine.

Dans les dissolutions nitro-muriatiques, comme dans toutes les
autres, les métaux commencent par s'oxider avant de se dissoudre; ils
s'emparent d'une portion de l'oxygène de l'acide, il se dégage en
même-tems un gaz nitro-muriatique d'une espèce particulière, qui n'a
encore été bien décrit par personne. Son odeur est très-désagréable,
& il est aussi funeste qu'aucun autre aux animaux qui le respirent;
il attaque les instrumens de fer & les rouille; l'eau en absorbe une
assez grande quantité, & prend quelques caractères d'acidité. J'ai eu
occasion de faire ces observations, lorsque j'ai traité le platine &
que je l'ai fait dissoudre très-en grand dans l'acide nitro-muriatique.

J'avois d'abord soupçonné que dans le mélange de l'acide nitrique & de
l'acide muriatique, ce dernier s'emparoit d'une partie de l'oxygène
de l'acide nitrique, & qu'alors porté à l'état d'acide muriatique
oxygéné, il devenoit susceptible de dissoudre l'or; mais plusieurs
faits se refusent à cette explication. S'il en étoit ainsi, en faisant
chauffer de l'acide nitro-muriatique, il s'en dégageroit du gaz
nitreux; & cependant on n'en obtient pas sensiblement. Je reviens donc
à considérer l'acide nitro-muriatique comme un acide à deux bases, &
j'adopte entièrement à cet égard les idées de M. Berthollet.



_TABLEAU des combinaisons du Radical fluorique oxigéné, ou Acide
fluorique avec les bases salifiables, dans l'ordre de leur affinité
avec cet acide._


  ======================================================================
  |              Combinaisons de l'acide fluorique avec:               |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |                       |           NOMS DES SELS NEUTRES.           |
  |    Noms des bases.    |--------------------------------------------|
  |                       |    Nomenclature     | Nomenclat. ancienne. |
  |                       |      nouvelle.      |                      |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |La chaux.              |Fluate de chaux.     }Toutes ces            |
  |La baryte.             |Fluate de baryte.    }combinaisons ont été  |
  |La magnésie.           |Fluate de magnésie.  }inconnues aux anciens |
  |La potasse.            |Fluate de potasse.   }Chimistes.            |
  |La soude.              |Fluate de soude.     }                      |
  |L'ammoniaque.          |Fluate d'ammoniaque. }                      |
  |                       |                     }                      |
  |L'oxide de zinc.       |Fluate de zinc.      }                      |
  |L'oxide de manganèse.  |Fluate de manganèse. }                      |
  |L'oxide de fer.        |Fluate de fer.       }                      |
  |L'oxide de plomb.      |Fluate de plomb.     }                      |
  |L'oxide d'étain.       |Fluate d'étain.      }                      |
  |L'oxide de cobalt.     |Fluate de cobalt.    }                      |
  |L'oxide de cuivre.     |Fluate de cuivre.    }                      |
  |L'oxide de nickel.     |Fluate de nickel.    }                      |
  |L'oxide d'arsenic.     |Fluate d'arsenic.    }                      |
  |L'oxide de bismuth.    |Fluate de bismuth.   }                      |
  |L'oxide de mercure.    |Fluate de mercure.   }                      |
  |L'oxide d'argent.      |Fluate d'argent.     }                      |
  |L'oxide d'or.          |Fluate d'or.         }                      |
  |L'oxide de platine.    |Fluate de platine.   }                      |
  |_Et par la voie sèche._|                     }                      |
  |L'alumine.             |Fluate d'alumine.    }                      |
  ======================================================================



OBSERVATIONS

_Sur l'Acide fluorique, & sur le Tableau de ses combinaisons._

LA nature nous offre l'acide fluorique tout formé dans le spath fluor,
spath phosphorique ou fluate de chaux: il y est combiné avec la terre
calcaire, & forme un sel insoluble.

Pour obtenir l'acide fluorique seul & dégagé de toute combinaison,
on met du spath fluor ou fluate de chaux dans une cornue de plomb;
on verse dessus de l'acide sulfurique, & on adapte à la cornue un
récipient également de plomb, à moitié rempli d'eau. On donne une
chaleur douce, & l'acide fluorique est absorbé par l'eau du récipient,
à mesure qu'il se dégage. Comme cet acide est naturellement sous forme
de gaz au degré de chaleur & de pression dans lequel nous vivons, on
peut le recueillir dans cet état dans l'appareil pneumato-chimique au
mercure, comme on y reçoit le gaz acide marin, le gaz acide sulfureux,
le gaz acide carbonique.

On est obligé de se servir pour cette opération de vaisseaux
métalliques, parce que l'acide fluorique dissout le verre & la terre
siliceuse; il communique même de la volatilité à ces deux substances, &
il les enlève avec lui dans l'état de gaz.

C'est à M. Margraff que nous devons la première connoissance de cet
acide; mais il ne l'a jamais obtenu que combiné avec une quantité
considérable de silice: il ignoroit d'ailleurs que ce fût un acide
particulier & _sui generis_.

M. le duc de Liancourt, dans un Mémoire imprimé sous le nom de M.
Boulanger, a étendu beaucoup plus loin nos connoissances sur les
propriétés de l'acide fluorique; enfin M. Schéele semble avoir mis la
dernière main à ce travail.

Il ne reste plus aujourd'hui qu'à déterminer quelle est la nature
du radical fluorique; mais comme il ne paroît pas qu'on soit encore
parvenu à décomposer l'acide, on ne peut avoir aucun apperçu de la
nature du radical. S'il y avoit quelques expériences à tenter à cet
égard, ce ne pourroit être que par la voie des doubles affinités qu'on
pourroit espérer quelque succès.



_TABLEAU des combinaisons du Radical boracique oxigéné, avec les
différentes bases salifiables auxquelles il est susceptible de s'unir
dans l'ordre de leur affinité avec cet acide._


  ==============================================================
  |                   NOMENCLATURE NOUVELLE.                   |
  |------------------------------------------------------------|
  |             |  Noms des bases.  |  Noms des sels neutres.  |
  |------------------------------------------------------------|
  |Combinaisons {La chaux.          |Borate de chaux.          |
  |de l'acide   {La baryte.         |Borate de baryte.         |
  |boracique    {La magnésie.       |Borate de magnésie.       |
  |avec:        {La potasse.        |Borate de potasse.        |
  |             {La soude.          |Borate de soude, ou borax.|
  |             {L'ammoniaque.      |Borate d'ammoniaque.      |
  |             {L'oxide de zinc.   |Borate de zinc.           |
  |             {L'oxide de fer.    |Borate de fer.            |
  |             {L'oxide de plomb.  |Borate de plomb.          |
  |             {L'oxide d'étain.   |Borate d'étain.           |
  |             {L'oxide de cobalt. |Borate de cobalt.         |
  |             {L'oxide de cuivre. |Borate de cuivre.         |
  |             {L'oxide de nickel. |Borate de nickel.         |
  |             {L'oxide de mercure.|Borate de mercure.        |
  |             {L'alumine.         |Borate d'alumine.         |
  ==============================================================

  _Nota._ La plupart de ces combinaisons n'ont été ni nommées, ni
  connues par les anciens; ils donnoient à l'acide boracique le nom de
  sel sédatif, & ils donnoient le nom de borax à base d'alkali fixe
  végétal, borax à base d'alkali fixe minéral, borax à base de terre
  calcaire, aux combinaisons du sel sédatif avec la potasse, la soude &
  la chaux.



OBSERVATIONS

_Sur l'Acide boracique, & sur le Tableau de ses combinaisons._

ON donne le nom de boracique à un acide concret qu'on retire du borax,
sel qui nous vient de l'Inde par le commerce. Quoique le borax ait
été employé très-anciennement dans les arts, on n'a que des notions
très-incertaines sur son origine, sur la manière de l'extraire & de le
purifier. On a lieu de soupçonner que c'est un sel natif, qui se trouve
naturellement dans les terres de quelques contrées de l'Inde & dans
l'eau des lacs: tout le commerce de ce sel se fait par les Hollandois;
ils ont été long-tems seuls en possession de le purifier; mais MM.
l'Eguillier, dans une fabrique qu'ils ont élevée à Paris, sont parvenus
à rivaliser avec eux: le procédé de cette purification, au surplus,
est encore un mystère. L'analyse chimique nous a appris que le borax
étoit un sel neutre avec excès de base; que cette base étoit la soude,
& qu'elle étoit en partie neutralisée par un acide particulier, qui a
été long-tems appelé sel sédatif de Homberg, & que nous avons désigné
sous le nom d'acide boracique. On le rencontre quelquefois libre dans
l'eau des lacs; celle du lac Cherchiaio en Italie en contient 94 grains
& demi par pinte.

Pour séparer l'acide boracique & l'obtenir libre, on commence par
dissoudre le borax dans l'eau bouillante; on filtre la liqueur
très-chaude & on y verse de l'acide sulfurique, ou un autre acide
quelconque qui ait plus d'affinité avec la soude que n'en a l'acide
boracique. Ce dernier se sépare aussitôt, & on l'obtient sous forme
cristalline par refroidissement.

On a cru long-tems que l'acide boracique étoit un produit de
l'opération par laquelle on l'obtenoit: on se persuadoit en conséquence
qu'il étoit différent, suivant l'acide qu'on avoit employé pour le
séparer d'avec la soude. Aujourd'hui il est bien reconnu que l'acide
boracique est toujours identiquement le même, de quelque manière qu'il
ait été dégagé, pourvu toutefois qu'il ait été bien dépouillé de tout
acide étranger par le lavage, & qu'on l'ait purifié par une ou deux
cristallisations successives.

L'acide boracique est soluble dans l'eau & dans l'alkool. Il a la
propriété de communiquer à la flamme de ce dernier dans lequel on
l'a dissous, une couleur verte, & cette circonstance avoit fait
croire qu'il contenoit du cuivre: mais aucune expérience décisive
n'a confirmé ce résultat; il y a apparence que si le borax contient
quelquefois du cuivre, il lui est accidentel.

Cet acide se combine avec les substances salifiables, par la voie
humide & par la voie sèche. Il ne dissout pas directement les métaux
par la voie humide, mais on peut parvenir à opérer la combinaison par
double affinité.

Le Tableau ci-dessus présente les différentes substances avec
lesquelles l'acide boracique peut s'unir dans l'ordre des affinités
qui s'observent par la voie humide; il exige un changement notable,
lorsqu'on opère par la voie sèche: alors l'alumine qui est placée la
dernière, doit être placée immédiatement après la soude.

Le radical boracique est entièrement inconnu; l'oxygène y tient
tellement, qu'il n'a pas encore été possible de l'en séparer par aucun
moyen. Ce n'est même que par analogie qu'on peut conclure que l'oxygène
fait partie de sa combinaison, comme de celle de tous les acides.



_TABLEAU des combinaisons de l'Arsenic oxygéné, ou Acide arsenique avec
les bases salifiables dans l'ordre de leur affinité avec cet acide._


  ======================================================================
  |              Combinaisons de l'acide arsenique avec:               |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |   Noms des bases    | Noms des sels neutres. |    Observation.     |
  |    salifiables.     |                        |                     |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |La chaux.            |Arseniate de chaux.     }Ce genre de          |
  |La baryte.           |Arseniate de baryte.    }sels étoit absolument|
  |La magnésie.         |Arseniate de magnésie.  }inconnu aux anciens. |
  |La potasse.          |Arseniate de potasse.   }M. Macquer, qui a    |
  |La soude.            |Arseniate de soude.     }découvert en 1746 la |
  |L'ammoniaque.        |Arseniate d'ammoniaque. }combinaison de       |
  |L'oxide de zinc.     |Arseniate de zinc.      }l'acide arsenique    |
  |L'oxide de manganèse.|Arseniate de manganèse. }avec la potasse & la |
  |L'oxide de fer.      |Arseniate de fer.       }soude, les avoit     |
  |L'oxide de plomb.    |Arseniate de plomb.     }nommés  sels neutres |
  |L'oxide d'étain.     |Arseniate d'étain.      }arsenicaux.          |
  |L'oxide de cobalt.   |Arseniate de cobalt.    }                     |
  |L'oxide de cuivre.   |Arseniate de cuivre.    }                     |
  |L'oxide de nickel.   |Arseniate de nickel.    }                     |
  |L'oxyde de bismuth.  |Arseniate de bismuth.   }                     |
  |L'oxide de mercure.  |Arseniate de mercure.   }                     |
  |L'oxide d'antimoine. |Arseniate d'antimoine.  }                     |
  |L'oxide d'argent.    |Arseniate d'argent.     }                     |
  |L'oxide d'or.        |Arseniate d'or.         }                     |
  |L'oxide de platine.  |Arseniate de platine.   }                     |
  |L'alumine.           |Arseniate d'alumine.    }                     |
  ======================================================================



OBSERVATIONS

_Sur l'Acide arsenique, & sur le Tableau de ses combinaisons._

DANS un Mémoire imprimé dans le recueil de l'Académie, année 1746, M.
Macquer a fait voir qu'en poussant au feu un mêlange d'oxide blanc
d'arsenic & de nitre, on obtenoit un sel neutre, qu'il a nommé sel
neutre arsenical. On ignoroit entièrement, à l'époque où M. Macquer a
publié ce Mémoire, la cause de ce singulier phénomène, & comment une
substance métallique pouvoit jouer le rôle d'un acide. Des expériences
plus modernes nous ont appris que l'arsenic s'oxygénoit dans cette
opération; qu'il enlevoit l'oxygène à l'acide nitrique, & qu'à l'aide
de ce principe il se convertissoit en un véritable acide, qui se
combinoit ensuite avec la potasse. On connoît aujourd'hui d'autres
moyens, non-seulement d'oxygéner l'arsenic, mais encore d'obtenir
l'acide arsenique libre & dégagé de toute combinaison. Le plus simple
est de dissoudre l'oxide blanc d'arsenic dans trois fois son poids
d'acide muriatique: on ajoute dans cette dissolution, pendant qu'elle
est encore bouillante, une quantité d'acide nitrique double du poids
de l'arsenic, & on évapore jusqu'à siccité. L'acide nitrique se
décompose dans cette opération; son oxygène s'unit à l'oxide d'arsenic
pour l'acidifier; le radical nitrique se dissipe sous forme de gaz
nitreux. A l'égard de l'acide muriatique, il se convertit en gaz
muriatique, & on peut le retenir par voie de distillation. On s'assure
qu'il ne reste plus d'acide étranger, en calcinant l'acide concret
jusqu'à ce qu'il commence à rougir: ce qui reste ainsi dans le creuset
est de l'acide arsenique pur.

Il y a plusieurs autres manières d'oxygéner l'arsenic & de le convertir
en un acide. Le procédé que Schéele a employé & que M. de Morveau a
répété avec un grand succès dans le laboratoire de Dijon, consiste à
distiller de l'acide muriatique oxygéné sur de la manganèse. Cet acide
s'oxygène, comme je l'ai dit ailleurs, & passe sous la forme d'acide
muriatique sur-oxygéné. On le reçoit dans un récipient dans lequel on
a mis de l'oxide blanc d'arsenic recouvert d'un peu d'eau distillée.
L'arsenic blanc décompose l'acide muriatique oxygéné, il lui enlève
l'oxygène surabondant; d'une part, il se convertit en acide arsenique,
& de l'autre l'acide muriatique oxygéné redevient acide muriatique
ordinaire. On sépare ces deux acides en distillant à une chaleur
douce, qu'on augmente cependant sur la fin: l'acide muriatique passe &
l'acide arsenique reste sous forme blanche & concrète. Dans cet état il
est beaucoup moins volatil que l'oxide blanc d'arsenic.

Très-souvent l'acide arsenique tient en dissolution une portion d'oxide
blanc d'arsenic qui n'a pas été suffisamment oxygéné. On n'est point
exposé à cet inconvénient, quand on a opéré par l'acide nitrique, &
qu'on en ajoute de nouveau, jusqu'à ce qu'il ne passât plus de gaz
nitreux.

D'après ces différentes observations, je définirai l'acide arsenique,
un acide métallique blanc, concret fixe au degré de feu qui le fait
rougir, formé par la combinaison de l'arsenic avec l'oxygène, qui se
dissout dans l'eau, & qui est susceptible de se combiner avec un grand
nombre de bases salifiables.



_TABLEAU des combinaisons du Molybdène oxygéné, ou Acide molybdique
avec les bases salifiables, par ordre alphabétique *._


  ==============================================================
  |                   NOMENCLATURE NOUVELLE.                   |
  |------------------------------------------------------------|
  |             |   Noms des bases.   | Noms des sels neutres. |
  |             |    salifiables.     |                        |
  |------------------------------------------------------------|
  |Combinaisons {L'alumine.           |Molybdate d'alumine.    |
  |de l'acide   {L'ammoniaque.        |Molybdate d'ammoniaque. |
  |molybdique   {L'oxide d'antimoine. |Molybdate d'antimoine.  |
  |avec:        {L'oxide d'argent.    |Molybdate d'argent.     |
  |             {L'oxide d'arsenic.   |Molybdate d'arsenic.    |
  |             {La baryte.           |Molybdate de baryte.    |
  |             {L'oxide de bismuth.  |Molybdate de bismuth.   |
  |             {La chaux.            |Molybdate de chaux.     |
  |             {L'oxide de cobalt.   |Molybdate de cobalt.    |
  |             {L'oxide de cuivre.   |Molybdate de cuivre.    |
  |             {L'oxide d'étain.     |Molybdate d'étain.      |
  |             {L'oxide de fer.      |Molybdate de fer.       |
  |             {La magnésie.         |Molybdate de magnésie.  |
  |             {L'oxide de manganèse.|Molybdate de manganèse. |
  |             {L'oxide de mercure.  |Molybdate de mercure.   |
  |             {L'oxide de nickel.   |Molybdate de nickel.    |
  |             {L'oxide d'or.        |Molybdate d'or.         |
  |             {L'oxide de platine.  |Molybdate de platine.   |
  |             {L'oxide de plomb.    |Molybdate de plomb.     |
  |             {La potasse.          |Molybdate de potasse.   |
  |             {La soude.            |Molybdate de soude.     |
  |             {Le zinc.             |Molybdate de zinc.      |
  ==============================================================


  * On a suivi dans le tableau l'ordre alphabétique, parce que l'on
  ne connoît pas bien les affinités de cet acide avec les différentes
  bases. C'est à M. Schéele qu'on doit la découverte de cet acide,
  comme de beaucoup d'autres.

  _Nota._ Toute cette classe de sels a été nouvellement découverte, &
  n'avoit point encore été nommée.



OBSERVATIONS

_Sur l'Acide molybdique, & sur le Tableau de ses combinaisons._

LE MOLYBDÈNE est une substance métallique particulière, qui est
susceptible de s'oxygéner au point de se transformer en un véritable
acide concret. Pour y parvenir, on introduit dans une cornue une partie
de mine de molybdène, telle que la nature nous la présente, & qui est
un véritable sulfure de molybdène; on y ajoute cinq ou six parties
d'un acide nitrique affoibli d'un quart d'eau environ, & on distille.
L'oxygène de l'acide nitrique se porte sur le molybdène & sur le
soufre; il transforme l'un en un oxide métallique, & l'autre en acide
sulfurique. On repasse de nouvel acide nitrique dans la même proportion
& jusqu'à quatre ou cinq fois; & quand il n'y a plus de vapeurs
rouges, le molybdène est oxygéné autant qu'il le peut être, du moins
par ce moyen, & on le trouve au fond de la cornue sous forme blanche,
pulvérulente, comme de la craie. Cet acide est peu soluble, & on peut,
sans risquer d'en perdre beaucoup, le laver avec de l'eau chaude. Cette
précaution est nécessaire pour le débarrasser des dernières portions
d'acide sulfurique, qui pourroient y adhérer.



_TABLEAU des combinaisons du Tungstène oxygéné, ou Acide tungstique
avec les bases salifiables._


  ==============================================================
  |                   NOMENCLATURE NOUVELLE.                   |
  |------------------------------------------------------------|
  |             |   Noms des bases.   | Noms des sels neutres. |
  |             |    salifiables.     |                        |
  |------------------------------------------------------------|
  |Combinaisons {La chaux.            |Tungstate de chaux.     |
  |de l'acide   {La baryte.           |Tungstate de baryte.    |
  |tungstique   {La magnésie.         |Tungstate de magnésie.  |
  |avec:        {La potasse.          |Tungstate de potasse.   |
  |             {La soude.            |Tungstate de soude.     |
  |             {L'ammoniaque.        |Tungstate d'ammoniaque. |
  |             {L'alumine.           |Tungstate d'alumine.    |
  |             {L'oxide d'antimoine. |Tungstate d'antimoine.  |
  |             {L'oxide d'argent.    |Tungstate d'argent.     |
  |             {L'oxide d'arsenic.   |Tungstate d'arsenic.    |
  |             {L'oxide de bismuth.  |Tungstate de bismuth.   |
  |             {L'oxide de cobalt.   |Tungstate de cobalt.    |
  |             {L'oxide de cuivre.   |Tungstate de cuivre.    |
  |             {L'oxide d'étain.     |Tungstate d'étain.      |
  |             {L'oxide de fer.      |Tungstate de fer.       |
  |             {L'oxide de manganèse.|Tungstate de manganèse. |
  |             {L'oxide de mercure.  |Tungstate de mercure.   |
  |             {L'oxide de molybdène.|Tungstate de molybdène. |
  |             {L'oxide de nickel.   |Tungstate de nickel.    |
  |             {L'oxide d'or.        |Tungstate d'or.         |
  |             {L'oxide de platine.  |Tungstate de platine.   |
  |             {L'oxide de plomb.    |Tungstate de plomb.     |
  |             {L'oxide de zinc.     |Tungstate de zinc.      |
  ==============================================================



OBSERVATIONS

_Sur l'Acide tungstique, & sur le Tableau de ses combinaisons._

ON donne le nom de tungstène à un métal particulier dont la mine a été
souvent confondue avec celles d'étain; dont la cristallisation a du
rapport avec celle des grenats; dont la pesanteur spécifique excède
6000, celle de l'eau étant supposée 1000; enfin qui varie du blanc
perlé au rougeâtre & au jaune. On le trouve en plusieurs endroits de la
Saxe & en Bohême.

Le volfram est aussi une véritable mine de tungstène, qui se rencontre
fréquemment dans les mines de Cornouailles.

Le métal qui porte le nom de tungstène, est dans l'état d'oxide dans
ces deux espèces de mines. Il paroîtroit même qu'il est porté, dans la
mine de tungstène, au-delà de l'état d'oxide; qu'il y fait fonction
d'acide: il y est uni à la chaux.

Pour obtenir cet acide libre, on mêle une partie de mine de tungstène
avec quatre parties de carbonate de potasse, & on fait fondre le
mêlange dans un creuset. Lorsque la matière est refroidie, on la
met en poudre & on verse dessus douze parties d'eau bouillante; puis
on ajoute de l'acide nitrique qui s'unit à la potasse avec laquelle
il a plus d'affinité, & en dégage l'acide tungstique: cet acide se
précipite aussitôt sous forme concrète. On peut y repasser de l'acide
nitrique qu'on évapore à siccité, & continuer ainsi jusqu'à ce qu'il
ne se dégage plus de vapeurs rouges; on est assuré pour lors qu'il est
complètement oxygéné. Si on veut obtenir l'acide tungstique pur, il
faut opérer la fusion de la mine avec le carbonate de potasse dans un
creuset de platine; autrement la terre du creuset se mêleroit avec les
produits, & altéreroit la pureté de l'acide.

Les affinités de l'acide tungstique avec les oxides métalliques ne sont
point déterminées, & c'est pour cette raison qu'on les a rangées par
ordre alphabétique; à l'égard des autres substances salifiables, on les
a rangées dans l'ordre de leur affinité avec l'acide tungstique. Toute
cette classe de sels n'avoit été ni connue ni nommée par les anciens.



_TABLEAU des combinaisons du Radical tartareux oxygéné, ou Acide
tartareux avec les bases salifiables, dans l'ordre de leur affinité
avec cet acide._


  ==============================================================
  |             |   Noms des bases.   | NOMS DES SEL NEUTRES.  |
  |             |    salifiables.     |------------------------|
  |             |                     | Nomenclature nouvelle. |
  |------------------------------------------------------------|
  |Combinaisons {La chaux.            |Tartrite de chaux.      |
  |de l'acide   {La baryte.           |Tartrite de baryte.     |
  |tartareux    {La magnésie.         |Tartrite de magnésie.   |
  |avec:        {La potasse.          |Tartrite de potasse.    |
  |             {La soude.            |Tartrite de soude.      |
  |             {L'ammoniaque.        |Tartrite d'ammoniaque.  |
  |             {L'alumine.           |Tartrite d'alumine.     |
  |             {L'oxide de zinc.     |Tartrite de zinc.       |
  |             {L'oxide de fer.      |Tartrite de fer.        |
  |             {L'oxide de manganèse.|Tartrite de manganèse.  |
  |             {L'oxide de cobalt.   |Tartrite de cobalt.     |
  |             {L'oxide de nickel.   |Tartrite de nickel.     |
  |             {L'oxide de plomb.    |Tartrite de plomb.      |
  |             {L'oxide d'étain.     |Tartrite d'étain.       |
  |             {L'oxide de cuivre.   |Tartrite de cuivre.     |
  |             {L'oxide de bismuth.  |Tartrite de bismuth.    |
  |             {L'oxide d'antimoine. |Tartrite d'antimoine.   |
  |             {L'oxide d'arsenic.   |Tartrite d'arsenic.     |
  |             {L'oxide d'argent.    |Tartrite d'argent.      |
  |             {L'oxide de mercure.  |Tartrite de mercure.    |
  |             {L'oxide d'or.        |Tartrite d'or.          |
  |             {L'oxide de platine.  |Tartrite de platine.    |
  ==============================================================



OBSERVATIONS

_Sur l'Acide tartareux, & sur le Tableau de ses combinaisons._

TOUT le monde connoît le tartre qui s'attache autour des tonneaux dans
lesquels la fermentation du vin s'est achevée. Ce sel est composé d'un
acide particulier _sui generis_, combiné avec la potasse, mais de
manière que l'acide est dans un excès considérable.

C'est encore M. Schéele qui a enseigné aux Chimistes le moyen d'obtenir
l'acide tartareux pur. Il a observé d'abord que cet acide avoit plus
d'affinité avec la chaux qu'avec la potasse; il prescrit en conséquence
de commencer par dissoudre du tartre purifié dans de l'eau bouillante,
& d'y ajouter de la chaux jusqu'à ce que tout l'acide soit saturé. Le
tartrite de chaux qui se forme, est un sel presqu'insoluble qui tombe
au fond de la liqueur, sur-tout quand elle est refroidie; on l'en
sépare par décantation, on le lave avec de l'eau froide & on le sèche;
après quoi on verse dessus de l'acide sulfurique étendu de 8 à 9 fois
son poids d'eau, on fait digérer pendant douze heures, à une chaleur
douce, en observant de remuer de tems en tems: l'acide sulfurique
s'empare de la chaux, forme du sulfate de chaux, & l'acide tartareux se
trouve libre. Il se dégage pendant cette digestion une petite quantité
de gaz qui n'a pas été examiné. Au bout de douze heures on décante la
liqueur, on lave le sulfate de chaux avec de l'eau froide pour emporter
les portions d'acide tartareux dont il est imprégné; on réunit tous
les lavages à la première liqueur, on filtre, on évapore & on obtient
l'acide tartareux concret. Deux livres de tartre purifié, donnent
environ onze onces d'acide. La quantité d'acide sulfurique nécessaire
pour cette quantité de tartre, est de 8 à 10 onces d'acide concentré
qu'on étend, comme je viens de le dire, de 8 à 9 parties d'eau.

Comme le radical combustible est en excès dans cet acide, nous lui
avons conservé la terminaison en _eux_, & nous avons nommé _tartrites_
le résultat de sa combinaison avec les substances salifiables.

La base de l'acide tartareux est le radical carbone-hydreux ou
hydro-carboneux, & il paroît qu'il y est moins oxygéné que dans l'acide
oxalique. Les expériences de M. Hassenfratz paroissent prouver que
l'azote entre aussi dans la combinaison de ce radical, même en assez
grande quantité. En oxygénant l'acide tartareux, on le convertit en
acide oxalique, en acide malique & en acide acéteux: mais il est
probable que la proportion de l'hydrogène & du carbone change dans ces
conversions, & que la différence du degré d'oxygénation n'est pas la
seule cause qui constitue la différence de ces acides.

L'acide tartareux, en se combinant avec les alkalis fixes, est
susceptible de deux degrés de saturation: le premier constitue un sel
avec excès d'acide, nommé très-improprement crême de tartre, & que nous
avons nommé _tartrite acidule de potasse_. La même combinaison donne
par un second degré de saturation un sel parfaitement neutre, que nous
nommons simplement _tartrite de potasse_, & qui est connu en pharmacie
sous le nom de sel végétal. Le même acide combiné avec la soude jusqu'à
saturation, donne un _tartrite de soude_ connu sous le nom de sel de
seignette, ou de sel polycreste de la Rochelle.



_TABLEAU des combinaisons du Radical malique oxygéné, ou Acide malique
avec les bases salifiables par ordre alphabétique._


  ==============================================================
  |             |   Noms des bases.   | Noms des sels neutres. |
  |             |    salifiables.     |------------------------|
  |             |                     | Nomenclature nouvelle. |
  |------------------------------------------------------------|
  |Combinaisons {L'alumine.           |Malate d'alumine.       |
  |de l'acide   {L'ammoniaque.        |Malate d'ammoniaque.    |
  |malique      {L'oxide d'antimoine. |Malate d'antimoine.     |
  |avec:        {L'oxide d'argent.    |Malate d'argent.        |
  |             {L'oxide d'arsenic.   |Malate d'arsenic.       |
  |             {La baryte.           |Malate de baryte.       |
  |             {L'oxide de bismuth.  |Malate de bismuth.      |
  |             {La chaux.            |Malate de chaux.        |
  |             {L'oxide de cobalt.   |Malate de cobalt.       |
  |             {L'oxide de cuivre.   |Malate de cuivre.       |
  |             {L'oxide d'étain.     |Malate d'étain.         |
  |             {L'oxide de fer.      |Malate de fer.          |
  |             {La magnésie.         |Malate de magnésie.     |
  |             {L'oxide de manganèse.|Malate de manganèse.    |
  |             {L'oxide de mercure.  |Malate de mercure.      |
  |             {L'oxide de nickel.   |Malate de nickel.       |
  |             {L'oxide d'or.        |Malate d'or.            |
  |             {L'oxide de platine.  |Malate de platine.      |
  |             {L'oxide de plomb.    |Malate de plomb.        |
  |             {La potasse.          |Malate de potasse.      |
  |             {La soude.            |Malate de soude.        |
  |             {L'oxide de zinc.     |Malate de zinc.         |
  ==============================================================

  _Nota._ Toutes ces combinaisons étoient inconnues aux anciens.



OBSERVATIONS

_Sur l'Acide malique, & sur le Tableau de ses combinaisons._

L'ACIDE malique se trouve tout formé dans le jus des pommes acides,
mûres ou non mûres, & d'un grand nombre d'autres fruits. Pour
l'obtenir, on commence par saturer le jus de pommes avec de la potasse
ou de la soude. On verse ensuite sur la liqueur saturée, de l'acétite
de plomb dissoute dans l'eau. Il se fait un échange de bases; l'acide
malique se combine avec le plomb, & se précipite. On lave bien ce
précipité, ou plutôt ce sel qui est à-peu-près insoluble; après quoi
on y verse de l'acide sulfurique affoibli qui chasse l'acide malique,
s'empare du plomb, forme avec lui un sulfate qui est de même très-peu
soluble & qu'on sépare par filtration; il reste l'acide malique libre
& en liqueur. Cet acide se trouve mêlé avec l'acide citrique & avec
l'acide tartareux dans un grand nombre de fruits: il tient à-peu-près
le milieu entre l'acide oxalique & l'acide acéteux; & c'est ce qui a
porté M. Hermbstadt à lui donner le nom de vinaigre imparfait. Il est
plus oxygéné que l'acide oxalique, mais il l'est moins que l'acide
acéteux. Il differe aussi de ce dernier par la nature de son radical,
qui contient un peu plus de carbone & un peu moins d'hydrogène. On
peut le former artificiellement, en traitant du sucre avec de l'acide
nitrique. Si on s'est servi d'un acide étendu d'eau, il ne se forme
point de cristaux d'acide oxalique; mais la liqueur contient réellement
deux acides, savoir l'acide oxalique, l'acide malique, & probablement
même un peu d'acide tartareux. Pour s'en assurer, il ne s'agit que de
verser de l'eau de chaux sur la liqueur; il se forme du tartrite &
de l'oxalate de chaux, qui se déposent au fond comme insolubles; il
se forme en même tems du malate de chaux qui reste en dissolution.
Pour avoir l'acide pur & libre, on décompose le malate de chaux par
l'acétite de plomb, & on enlève le plomb à l'acide malique par l'acide
sulfurique, de la même manière que quand on opère directement sur le
jus des pommes.



_TABLEAU des combinaisons du Radical citrique oxygéné, ou Acide
citrique avec les bases salifiables, dans l'ordre de leur affinité avec
cet acide *._


  ======================================================================
  |               Combinaisons de l'acide citrique avec:               |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |   Noms des bases    |     Noms des sels     |     Observation.     |
  |    salifiables.     |       neutres.        |                      |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |La baryte.           |Citrate de baryte.     }Toutes ces            |
  |La chaux.            |Citrate de chaux.      }combinaisons étoient  |
  |La magnésie.         |Citrate de magnésie.   }inconnues aux         |
  |La potasse.          |Citrate de potasse.    }anciens chimistes.    |
  |La soude.            |Citrate de soude.      }                      |
  |L'ammoniaque.        |Citrate d'ammoniaque.  }                      |
  |L'oxide de zinc.     |Citrate de zinc.       }                      |
  |L'oxide de manganèse.|Citrate de manganèse.  }                      |
  |L'oxide de fer.      |Citrate de fer.        }                      |
  |L'oxide de plomb.    |Citrate de plomb.      }                      |
  |L'oxide de cobalt.   |Citrate de cobalt.     }                      |
  |L'oxide de cuivre.   |Citrate de cuivre.     }                      |
  |L'oxide d'arsenic.   |Citrate d'arsenic.     }                      |
  |L'oxide de mercure   |Citrate de mercure.    }                      |
  |L'oxide d'antimoine. |Citrate d'antimoine.   }                      |
  |L'oxide d'argent.    |Citrate d'argent.      }                      |
  |L'oxide d'or.        |Citrate d'or.          }                      |
  |L'oxide de platine.  |Citrate de platine.    }                      |
  |L'alumine.           |Citrate d'alumine.     }                      |
  ======================================================================

  * Les affinités de cet acide ont été déterminées par M. Bergman & par
  M. de Breney, de l'Académie de Dijon.



OBSERVATIONS

_Sur l'Acide citrique, & sur le Tableau de ses combinaisons._


ON donne le nom de citrique à l'acide en liqueur qu'on retire par
expression du citron; on le rencontre dans plusieurs autres fruits mêlé
avec l'acide malique. Pour l'obtenir pur & concentré, on lui laisse
déposer sa partie muqueuse par un long repos dans un lieu frais, tel
que la cave, ensuite on le concentre par un froid de 4 ou 5 degrés
au-dessous de zéro du thermomètre de Réaumur: l'eau se gèle & l'acide
reste en liqueur. On peut ainsi le réduire à un huitième de son volume.
Un trop grand degré de froid nuiroit au succès de l'opération, parce
que l'acide se trouveroit engagé dans la glace, & qu'on auroit de la
peine à l'en séparer. Cette préparation de l'acide citrique est de
M. Georgius. On peut l'obtenir d'une manière plus simple encore, en
saturant du jus de citron avec de la chaux. Il se forme un citrate
calcaire qui est indissoluble dans l'eau; on lave ce sel, & on verse
dessus de l'acide sulfurique, qui s'empare de la chaux & qui forme du
sulfate de chaux, sel presque insoluble. L'acide citrique reste libre
dans la liqueur.



_TABLEAU des combinaisons du Radical pyro-ligneux oxygéné, ou Acide
pyro-ligneux avec des bases salifiables dans l'ordre de leur affinité
avec cet acide._


  ==================================================================
  |             |   Noms des bases.    |  Noms des sels neutres.   |
  |             |     salifiables.     |                           |
  |----------------------------------------------------------------|
  |Combinaisons {La chaux.             |Pyro-lignite de chaux.     |
  |de l'acide   {La baryte.            |Pyro-lignite de baryte.    |
  |pyro-ligneux {La potasse.           |Pyro-lignite de potasse.   |
  |avec:        {La soude.             |Pyro-lignite de soude.     |
  |             {La magnésie.          |Pyro-lignite de magnésie.  |
  |             {L'ammoniaque.         |Pyro-lignite d'ammoniaque. |
  |             {L'oxide de zinc.      |Pyro-lignite de zinc.      |
  |             {L'oxide de manganèse. |Pyro-lignite de manganèse. |
  |             {L'oxide de fer.       |Pyro-lignite de fer.       |
  |             {L'oxide de plomb.     |Pyro-lignite de plomb.     |
  |             {L'oxide d'étain.      |Pyro-lignite d'étain.      |
  |             {L'oxide de cobalt.    |Pyro-lignite de cobalt.    |
  |             {L'oxide de cuivre.    |Pyro-lignite de cuivre.    |
  |             {L'oxide de nickel.    |Pyro-lignite de nickel.    |
  |             {L'oxide d'arsenic.    |Pyro-lignite d'arsenic.    |
  |             {L'oxide de bismuth.   |Pyro-lignite de bismuth.   |
  |             {L'oxide de mercure.   |Pyro-lignite de mercure.   |
  |             {L'oxide d'antimoine.  |Pyro-lignite d'antimoine.  |
  |             {L'oxide d'argent.     |Pyro-lignite d'argent.     |
  |             {L'oxide d'or.         |Pyro-lignite d'or.         |
  |             {L'oxide de platine.   |Pyro-lignite de platine.   |
  |             {L'alumine.            |Pyro-lignite d'alumine.    |
  ==================================================================

  _Nota._ Toutes ces combinaisons étoient inconnues aux anciens
  Chimistes.



OBSERVATIONS

_Sur l'Acide pyro-ligneux, & sur le Tableau de ses combinaisons._


LES anciens Chimistes avoient observé que la plupart des bois,
& sur-tout ceux qui sont lourds & compactes, donnoient par la
distillation à feu nud un esprit acide d'une nature particulière;
mais personne, avant M. Goettling, ne s'étoit occupé d'en rechercher
la nature. Le travail qu'il a donné sur ce sujet, se trouve dans le
Journal de Crell, année 1779. L'acide pyro-ligneux qu'on obtient
par la distillation du bois à feu nud, est de couleur brune; il est
très-chargé d'huile & de charbon; pour l'obtenir plus pur, on le
rectifie par une seconde distillation. Il paroît qu'il est à peu près
le même, de quelque bois qu'il ait été tiré. M. de Morveau & M. Eloi
Boursier de Clervaux se sont attachés à déterminer les affinités de
cet acide avec les différentes bases salifiables; & c'est dans l'ordre
qu'ils leur ont assigné, qu'on les présente ici. Le radical de cet
acide est principalement formé d'hydrogène & de carbone.



_TABLEAU des combinaisons du Radical pyro-tartareux oxygéné, ou Acide
pyro-tartareux avec les différentes bases salifiables dans l'ordre de
leur affinité avec cet acide *._


  =====================================================================
  |               |   Noms des bases.    |   Noms des sels neutres.   |
  |-------------------------------------------------------------------|
  |Combinaisons   {La potasse.           |Pyro-tartrite de potasse.   |
  |de l'acide     {La soude.             |Pyro-tartrite de soude.     |
  |pyro-tartareux {La baryte.            |Pyro-tartrite de baryte.    |
  |avec:          {La chaux.             |Pyro-tartrite de chaux.     |
  |               {La magnésie.          |Pyro-tartrite de magnésie.  |
  |               {L'ammoniaque.         |Pyro-tartrite d'ammoniaque. |
  |               {L'alumine.            |Pyro-tartrite d'alumine.    |
  |               {L'oxide de zinc.      |Pyro-tartrite de zinc.      |
  |               {L'oxide de manganèse. |Pyro-tartrite de manganèse. |
  |               {L'oxide de fer.       |Pyro-tartrite de fer.       |
  |               {L'oxide de plomb.     |Pyro-tartrite de plomb.     |
  |               {L'oxide d'étain.      |Pyro-tartrite d'étain.      |
  |               {L'oxide de cobalt.    |Pyro-tartrite de cobalt.    |
  |               {L'oxide de cuivre.    |Pyro-tartrite de cuivre.    |
  |               {L'oxide de nickel.    |Pyro-tartrite de nickel.    |
  |               {L'oxide d'arsenic.    |Pyro-tartrite d'arsenic.    |
  |               {L'oxide de bismuth.   |Pyro-tartrite de bismuth.   |
  |               {L'oxide de mercure.   |Pyro-tartrite de mercure.   |
  |               {L'oxide d'antimoine.  |Pyro-tartrite d'antimoine.  |
  |               {L'oxide d'argent.     |Pyro-tartrite d'argent.     |
  =====================================================================

  _Nota._ Toutes ces combinaisons étoient inconnues aux anciens
  Chimistes.

  * On ne connoît pas encore les affinités de cet acide: mais comme il a
  beaucoup de rapport avec l'acide pyro-muqueux, on les a supposées les
  mêmes.



OBSERVATIONS

_Sur l'Acide pyro-tartareux, & sur le Tableau de ses combinaisons._


ON donne le nom de pyro-tartareux à un acide empyreumatique peu
concentré qu'on retire du tartre purifié par voie de distillation.
Pour l'obtenir, on remplit à moitié de tartrite acidule de potasse ou
tartre en poudre, une cornue de verre; on y adapte un récipient tubulé
auquel on ajoute un tube qui s'engage sous une cloche dans l'appareil
pneumato-chimique. En graduant le feu, on obtient une liqueur acide
empyreumatique mêlée avec de l'huile: on sépare ces deux produits au
moyen d'un entonnoir, & c'est la liqueur acide qu'on a nommée acide
pyro-tartareux. Il se dégage dans cette distillation une prodigieuse
quantité de gaz acide carbonique. L'acide pyro-tartareux qu'on obtient,
n'est pas parfaitement pur; il contient toujours de l'huile qu'il
seroit à souhaiter qu'on en pût séparer. Quelques auteurs ont conseillé
de le rectifier; mais les Académiciens de Dijon ont constaté que cette
opération étoit dangereuse, & qu'il y avoit explosion.



_TABLEAU des combinaisons du Radical pyro-muqueux oxygéné, ou Acide
pyro-muqueux avec les bases salifiables, dans l'ordre de leur affinité
avec cet acide._


  =================================================================
  |             |   Noms des bases.    |  Noms des sels neutres.  |
  |             |     salifiables.     |                          |
  |---------------------------------------------------------------|
  |Combinaisons {La potasse.           |Pyro-mucite de potasse.   |
  |de l'acide   {La soude.             |Pyro-mucite de soude.     |
  |pyro-muqueux {La baryte.            |Pyro-mucite de baryte.    |
  |avec:        {La chaux.             |Pyro-mucite de chaux.     |
  |             {La magnésie.          |Pyro-mucite de magnésie.  |
  |             {L'ammoniaque.         |Pyro-mucite d'ammoniaque. |
  |             {L'alumine.            |Pyro-mucite d'alumine.    |
  |             {L'oxide de zinc.      |Pyro-mucite de zinc.      |
  |             {L'oxide de manganèse. |Pyro-mucite de manganèse. |
  |             {L'oxide de fer.       |Pyro-mucite de fer.       |
  |             {L'oxide de plomb.     |Pyro-mucite de plomb.     |
  |             {L'oxide d'étain.      |Pyro-mucite d'étain.      |
  |             {L'oxide de cobalt.    |Pyro-mucite de cobalt.    |
  |             {L'oxide de cuivre.    |Pyro-mucite de cuivre.    |
  |             {L'oxide de nickel.    |Pyro-mucite de nickel.    |
  |             {L'oxide d'arsenic.    |Pyro-mucite d'arsenic.    |
  |             {L'oxide de bismuth.   |Pyro-mucite de bismuth.   |
  |             {L'oxide d'antimoine.  |Pyro-mucite d'antimoine.  |
  =================================================================

  _Nota._ Toutes ces combinaisons étoient inconnues aux anciens
  Chimistes.



OBSERVATIONS

_Sur l'Acide pyro-muqueux, & sur le Tableau de ses combinaisons._

ON retire l'acide pyro-muqueux du sucre & de tous les corps sucrés
par la distillation à feu nud. Comme ces substances se boursouflent
considérablement au feu, on doit laisser vuides les sept huitièmes de
la cornue. Cet acide est d'un jaune qui tire sur le rouge: on l'obtient
moins coloré en le rectifiant par une seconde distillation. Il est
principalement composé d'eau & d'une petite portion d'huile légèrement
oxygénée. Quand il en tombe sur les mains, il les tache en jaune, & ces
taches ne s'en vont qu'avec l'épiderme. La manière la plus simple de le
concentrer, est de l'exposer à la gelée ou bien à un froid artificiel:
si on l'oxygène par l'acide nitrique, on le convertit en partie en
acide oxalique & en acide malique.

C'est mal à-propos qu'on a prétendu qu'il se dégage beaucoup de gaz
pendant la distillation de cet acide; il n'en passe presque point quand
la distillation est conduite lentement & par un degré de feu modéré.



_TABLEAU des combinaisons du Radical oxalique oxygéné, ou Acide
oxalique avec les bases salifiables, dans l'ordre de leur affinité avec
cet acide._


  =============================================================
  |             |   Noms des bases.    |Noms des sels neutres.|
  |             |     salifiables.     |                      |
  |-----------------------------------------------------------|
  |Combinaisons {La chaux.             |Oxalate de chaux.     |
  |de l'acide   {La baryte.            |Oxalate de baryte.    |
  |oxalique     {La magnésie.          |Oxalate de magnésie.  |
  |avec:        {La potasse.           |Oxalate de potasse.   |
  |             {La soude.             |Oxalate de soude.     |
  |             {L'ammoniaque.         |Oxalate d'ammoniaque. |
  |             {L'alumine.            |Oxalate d'alumine.    |
  |             {L'oxide de zinc.      |Oxalate de zinc.      |
  |             {L'oxide de fer.       |Oxalate de fer.       |
  |             {L'oxide de manganèse. |Oxalate de manganèse. |
  |             {L'oxide de cobalt.    |Oxalate de cobalt.    |
  |             {L'oxide de nickel.    |Oxalate de nickel.    |
  |             {L'oxide de plomb.     |Oxalate de plomb.     |
  |             {L'oxide de cuivre.    |Oxalate de cuivre.    |
  |             {L'oxide de bismuth.   |Oxalate de bismuth.   |
  |             {L'oxide d'antimoine.  |Oxalate d'antimoine.  |
  |             {L'oxide d'arsenic.    |Oxalate d'arsenic.    |
  |             {L'oxide de mercure.   |Oxalate de mercure.   |
  |             {L'oxide d'argent.     |Oxalate d'argent.     |
  |             {L'oxide d'or.         |Oxalate d'or.         |
  |             {L'oxide de platine.   |Oxalate de platine.   |
  =============================================================

  _Nota._ Toutes ces combinaisons étoient inconnues aux anciens
  Chimistes.



OBSERVATIONS

_Sur l'Acide oxalique, & sur le Tableau de les combinaisons._

L'ACIDE oxalique se prépare principalement en Suisse & en Allemagne;
il se tire du suc de l'oseille qu'on exprime, & dans lequel ses
cristaux se forment par un long repos. Dans cet état il est en partie
saturé par de l'alkali fixe végétal ou potasse; en sorte que c'est, à
proprement parler, un sel neutre avec un grand excès d'acide. Quand on
veut obtenir l'acide pur, il faut le former artificiellement, & on y
parvient en oxygénant le sucre, qui paroît être le véritable radical
oxalique. On verse en conséquence sur une partie de sucre six à huit
parties d'acide nitrique, & on fait chauffer à une chaleur douce; il se
produit une vive effervescence, & il se dégage une grande abondance de
gaz nitreux; après quoi en laissant reposer la liqueur, il s'y forme
des cristaux qui sont de l'acide oxalique très-pur. On les sèche sur
un papier gris pour en séparer les dernières portions d'acide nitrique
dont il pourroit être imbibé; & pour être encore plus sûr de la
pureté de l'acide, on le dissout dans de l'eau distillée & on le fait
cristalliser une seconde fois.

L'acide oxalique n'est pas le seul qu'on puisse obtenir du sucre en
l'oxygénant. La même liqueur qui a donné des cristaux d'acide oxalique,
par refroidissement contient en outre l'acide malique, qui est un peu
plus oxigéné. Enfin, en oxygénant encore davantage le sucre, on le
convertit en acide acéteux ou vinaigre.

L'acide oxalique uni à une petite quantité de soude ou de potasse, a,
comme l'acide tartareux, la propriété d'entrer tout entier dans un
grand nombre de combinaisons, sans se décomposer: il en résulte des
sels à deux bases, qu'il a bien fallu nommer. Nous avons appelé le sel
d'oseille oxalate acidule de potasse.

Il y a plus d'un siècle que l'acide oxalique est connu des Chimistes.
M. Duclos en a fait mention dans les Mémoires de l'Académie des
Sciences, année 1688. Il a été décrit avec assez de soin par Boerhaave:
mais M. Schéele est le premier qui ait reconnu qu'il contenoit de la
potasse toute formée, & qui ait démontré son identité avec l'acide
qu'on forme par l'oxygénation du sucre.



_TABLEAU des combinaisons du Radical acéteux oxygéné, par un premier
degré d'oxigénation avec les bases salifiables, suivant l'ordre de leur
affinité avec cet acide._


  ==============================================================
  |                   NOMENCLATURE NOUVELLE.                   |
  |------------------------------------------------------------|
  |                |   Noms des bases    |    Noms des sels    |
  |                |    salifiables.     |      neutres.       |
  |------------------------------------------------------------|
  |Combinaisons de {La baryte.           |Acétite de baryte.   |
  |l'acide acéteux {La potasse.          |Acétite de potasse.  |
  |avec:           {La soude.            |Acétite de soude.    |
  |                {La chaux.            |Acétite de chaux.    |
  |                {La magnésie.         |Acétite de magnésie. |
  |                {L'ammoniaque.        |Acétite d'ammoniaque.|
  |                {L'oxide de zinc.     |Acétite de zinc.     |
  |                {L'oxide de manganèse.|Acétite de manganèse.|
  |                {L'oxide de fer.      |Acétite de fer.      |
  |                {L'oxide de plomb.    |Acétite de plomb.    |
  |                {L'oxide d'étain.     |Acétite d'étain.     |
  |                {L'oxide de cobalt.   |Acétite de cobalt.   |
  |                {L'oxide de cuivre.   |Acétite de cuivre.   |
  |                {L'oxide de nickel.   |Acétite de nickel.   |
  |                {L'oxide d'arsenic.   |Acétite d'arsenic.   |
  |                {L'oxide de bismuth.  |Acétite de bismuth.  |
  |                {L'oxide de mercure.  |Acétite de mercure.  |
  |                {L'oxide d'antimoine. |Acétite d'antimoine. |
  |                {L'oxide d'argent.    |Acétite d'argent.    |
  |                {L'oxide d'or.        |Acétite d'or.        |
  |                {L'oxide de platine.  |Acétite de platine.  |
  |                {L'alumine.           |Acétite d'alumine.   |
  ==============================================================


  ======================================================================
  |                       NOMENCLATURE ANCIENNE.                       |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |             |    Noms des bases.    |    Noms des sels neutres.    |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |Combinaisons {La terre pesante.      |Inconnue des anciens. La      |
  |de l'acide   {                       |découverte en est due à M. de |
  |du vinaigre  {                       |Morveau qui l'a nommée _acète |
  |avec:        {                       |barotique_.                   |
  |             |                       |                              |
  |             {L'alkali fixe végétal. |Terre foliée de tartre        |
  |             {                       |très-secrète de Muller, arcane|
  |             {                       |de tartre de Basile Valentin, |
  |             {                       |& de Paracelse, Magistère     |
  |             {                       |purgatif de tartre de         |
  |             {                       |Schroëder, sel essentiel de   |
  |             {                       |vin de Zwelfer, tartre        |
  |             {                       |régénéré de Tachénius, sel    |
  |             {                       |diurétique de Sylvius, de     |
  |             {                       |Wilson.                       |
  |             |                       |                              |
  |             {L'alkali fixe minéral. |Terre foliée à base d'alkali  |
  |             {                       |minéral, terre foliée         |
  |             {                       |minérale, terre foliée        |
  |             {                       |cristallisable, sel acéteux   |
  |             {                       |minéral.                      |
  |             |                       |                              |
  |             {La terre calcaire.     |Sel de craie, sel de corail,  |
  |             {                       |sel d'yeux d'écrevisses;      |
  |             {                       |Hartman en a fait mention.    |
  |             |                       |                              |
  |             {La base du sel d'epsom.|Inconnue des anciens;         |
  |             {                       |M. Wenzel est le premier qui  |
  |             {                       |en ait parlé.                 |
  |             |                       |                              |
  |             {L'alkali volatil.      |Esprit de Mendérérus ou de    |
  |             {                       |Menderet, sel acéteux         |
  |             {                       |ammoniacal.                   |
  |             |                       |                              |
  |             {La chaux de zinc.      |Cette combinaison a été connue|
  |             {                       |de Glauber, Schwedemberg,     |
  |             {                       |Respour, Pott, de M. de       |
  |             {                       |Lassone, & de M. Wenzel, mais |
  |             {                       |ils ne l'ont pas désignée par |
  |             {                       |un nom particulier.           |
  |             |                       |                              |
  |             {La chaux de manganèse. |Inconnue des anciens.         |
  |             |                       |                              |
  |             {La chaux de fer.       |Vinaigre martial. Cette       |
  |             {                       |combinaison a été décrite     |
  |             {                       |par Scheffer, par MM. Monnet, |
  |             {                       |Wenzel & le Duc d'Ayen.       |
  |             |                       |                              |
  |             {La chaux de plomb.     |Sucre de Saturne, vinaigre de |
  |             {                       |Saturne, sel de Saturne.      |
  |             |                       |                              |
  |             {La chaux d'étain.      |Cette combinaison a été connue|
  |             {                       |de MM. Lémery, Margraff,      |
  |             {                       |Monnet, Weslendorf & Wenzel,  |
  |             {                       |mais ils ne lui ont pas donné |
  |             {                       |de nom.                       |
  |             |                       |                              |
  |             {La chaux de cobalt.    |Encre de simpathie de         |
  |             {                       |M. Cadet.                     |
  |             |                       |                              |
  |             {La chaux de cuivre.    |Verd de gris, cristaux de     |
  |             {                       |verdet, cristaux de Vénus,    |
  |             {                       |verdet, verdet distillé.      |
  |             |                       |                              |
  |             {La chaux de nickel.    |Inconnue des anciens.         |
  |             |                       |                              |
  |             {La chaux d'arsenic.    |Liqueur fumante,              |
  |             {                       |arsenico-acéteuse, ou         |
  |             {                       |phosphore liquide de M. Cadet.|
  |             |                       |                              |
  |             {La chaux de bismuth.   |Sucre de bismuth de           |
  |             {                       |M. Geoffroi. Cette combinaison|
  |             {                       |a été connue de MM. Gellert,  |
  |             {                       |Pott, Weslendorf, Bergman & de|
  |             {                       |Morveau.                      |
  |             |                       |                              |
  |             {La chaux de mercure.   |Terre foliée mercurielle.     |
  |             {                       |M. Gebaver a fait mention en  |
  |             {                       |1748, de cette combinaison;   |
  |             {                       |elle a été décrite par        |
  |             {                       |MM. Hellot, Margraff, Baumé,  |
  |             {                       |Navier, Monnet, Wenzel: c'est |
  |             {                       |le fameux reméde anti-vénérien|
  |             {                       |de Keyser.                    |
  |             |                       |                              |
  |             {La chaux d'antimoine.  |                              |
  |             |                       |                              |
  |             {La chaux d'argent.     |Inconnue des anciens, décrite |
  |             {                       |par MM. Margraff, Monnet &    |
  |             {                       |Wenzel.                       |
  |             |                       |                              |
  |             {La chaux d'or.         |Cette combinaison est peu     |
  |             {                       |connue, Schroëder & Juncker en|
  |             {                       |ont fait mention.             |
  |             |                       |                              |
  |             {La chaux de platine.   |Cette combinaison est         |
  |             {                       |inconnue.                     |
  |             |                       |                              |
  |             {L'alumine.             |Le vinaigre ne dissout, comme |
  |             {                       |s'en est assuré M. Wenzel, que|
  |             {                       |très-peu d'alumine.           |
  ======================================================================

  * Les anciens Chimistes n'ont guère connu de ces sels que l'acétite
  de potasse, celui de soude, celui d'ammoniaque, celui de cuivre &
  celui de plomb; la découverte de l'acétite d'arsenic est due à M.
  Cadet, (voyez tome III des Savans Etrangers.) On doit principalement
  à M. Wenzel, aux Académiciens de Dijon, à M. de Lassonne & à
  M. Proust, la connoissance que nous avons des propriétés des
  autres acétites. Il seroit possible que le radical acéteux, outre
  l'hydrogène & le carbone, contînt encore un peu d'azote. Il y a lieu
  de le soupçonner d'après la propriété qu'a l'acétite de potasse de
  donner de l'ammoniaque par la distillation, à moins cependant que
  l'azote qui concoure à la formation de cette ammoniaque, ne soit dû à
  la décomposition de la potasse elle-même.



OBSERVATIONS

_Sur le Radical acéteux oxygéné par un premier degré d'oxygénation, ou
Acide acéteux, & sur ses combinaisons avec les bases salifiables._


LE radical acéteux est composé de la réunion du carbone & de
l'hydrogène portés à l'état d'acide par l'addition de l'oxygène. Cet
acide est par conséquent composé des mêmes principes que l'acide
tartareux, que l'acide oxalique, que l'acide citrique, que l'acide
malique, &c. mais la proportion des principes est différente pour
chacun de ces acides, & il paroît que l'acide acéteux est le plus
oxygéné de tous. J'ai quelques raisons de croire qu'il contient aussi
un peu d'azote, & que ce principe qui n'existe pas dans les autres
acides végétaux que je viens de nommer, si ce n'est peut-être dans
l'acide tartareux, est une des causes qui le différencie. Pour produire
l'acide acéteux ou vinaigre, on expose le vin à une température douce,
en y ajoutant un ferment, qui consiste principalement dans la lie qui
s'est précédemment séparée d'autre vinaigre pendant sa fabrication, ou
dans d'autres matières de même nature. La partie spiritueuse du vin
(le carbone & l'hydrogène) s'oxygènent dans cette opération, c'est par
cette raison qu'elle ne peut se faire qu'à l'air libre, & qu'elle est
toujours accompagnée d'une diminution du volume de l'air. Il faut en
conséquence, pour faire de bon vinaigre, que le tonneau dans lequel
on opère ne soit qu'à moitié plein. L'acide qui se forme ainsi est
très-volatil; il est étendu d'une très-grande quantité d'eau & mêlé de
beaucoup de substances étrangères. Pour l'avoir pur on le distille à
une chaleur douce, dans des vaisseaux de grès ou de verre: mais ce qui
paroît avoir échappé aux Chimistes, c'est que l'acide acéteux change de
nature dans cette opération; l'acide qui passe dans la distillation,
n'est pas exactement de même nature que celui qui reste dans l'alambic;
ce dernier paroîtroit être plus oxygéné.

La distillation ne suffit pas pour débarrasser l'acide acéteux
du phlegme étranger qui s'y trouve mêlé; le meilleur moyen de le
concentrer sans en altérer la nature, consiste à l'exposer à un froid
de quatre ou six degrés au-dessous de la congellation: la partie
aqueuse gèle, & l'acide reste liquide. Il paroît que l'acide acéteux
libre de toute combinaison, est naturellement dans l'état de gaz, au
degré de température & de pression dans lequel nous vivons, & que nous
ne pouvons le retenir qu'en le combinant avec une grande quantité d'eau.

Il est d'autres procédés plus chimiques pour obtenir l'acide acéteux:
ils consistent à oxygéner l'acide du tartre, l'acide oxalique ou
l'acide malique par l'acide nitrique; mais il y a lieu de croire que
la proportion des bases qui composent le radical, change dans cette
opération. Au surplus M. Hassenfratz est occupé dans ce moment à
répéter les expériences d'après lesquelles on a prétendu établir la
possibilité de ces conversions.

La combinaison de l'acide acéteux avec les différentes bases
salifiables, se fait avec assez de facilité; mais la plupart des sels
qui en résultent ne sont pas cristallisables; à la différence des
sels formés par l'acide tartareux & l'acide oxalique, qui sont en
général peu solubles. Le tartrite & l'oxalate de chaux ne le sont pas
même sensiblement. Les malates tiennent un espèce de milieu entre les
oxalates & les acétates pour la solubilité, comme l'acide qui les forme
en tient un pour le degré d'oxigénation.

Il faut, comme pour tous les autres acides, que les métaux soient
oxygénés, pour pouvoir être dissous dans l'acide acéteux.



_TABLEAU des combinaisons du Radical acéteux oxygéné par un second
degré d'oxygénation, ou Acide acétique, avec les bases salifiables,
dans l'ordre de leur affinité avec cet acide._


  ======================================================================
  |               Combinaisons de l'acide acétique avec:               |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |   Noms des bases    |    Noms des sels    |      Observation.      |
  |    salifiables.     |      neutres.       |                        |
  |--------------------------------------------------------------------|
  |La baryte.           |Acétate de baryte.   }Tous ces sels étoient   |
  |La potasse.          |Acétate de potasse.  }inconnus des anciens, & |
  |La soude.            |Acétate de soude.    }même aujourd'hui, les   |
  |La chaux.            |Acétate de chaux.    }Chimistes qui sont les  |
  |La magnésie.         |Acétate de magnésie. }plus au courant des     |
  |L'ammoniaque.        |Acétate d'ammoniaque.}découvertes modernes,   |
  |L'oxide de zinc.     |Acétate de zinc.     }ne peuvent pas prononcer|
  |L'oxide de manganèse.|Acétate de manganèse.}avec certitude, si la   |
  |L'oxide de fer.      |Acétate de fer.      }plupart des sels acéteux|
  |L'oxide de plomb.    |Acétate de plomb.    }doivent être rangés dans|
  |L'oxide d'étain.     |Acétate d'étain.     }la classe des acétites  |
  |L'oxide de cobalt.   |Acétate de cobalt.   }ou des acétates.        |
  |L'oxide de cuivre.   |Acétate de cuivre.   }                        |
  |L'oxide de nickel.   |Acétate de nickel.   }                        |
  |L'oxide d'arsenic.   |Acétate d'arsenic.   }                        |
  |L'oxide de bismuth.  |Acétate de bismuth.  }                        |
  |L'oxide de mercure.  |Acétate de mercure.  }                        |
  |L'oxide d'antimoine. |Acétate d'antimoine. }                        |
  |L'oxide d'argent.    |Acétate d'argent.    }                        |
  |L'oxide d'or.        |Acétate d'or.        }                        |
  |L'oxide de platine.  |Acétate de platine.  }                        |
  |L'alumine.           |Acétate d'alumine.   }                        |
  ======================================================================



OBSERVATIONS

_Sur l'Acide acétique, & sur le Tableau de ses combinaisons._


NOUS avons donné au vinaigre radical le nom d'acide acétique, parce que
nous avons supposé qu'il étoit plus chargé d'oxygène que le vinaigre
ou acide acéteux. Dans cette supposition, le vinaigre radical ou acide
acétique seroit le dernier degré d'oxygénation que puisse prendre
le radical hydro-carboneux; mais quelque probable que soit cette
conséquence, elle demande à être confirmée par des expériences plus
décisives. Quoi qu'il en soit, pour préparer le vinaigre radical, on
prend de l'acétite de potasse, qui est une combinaison d'acide acéteux
& de potasse, ou de l'acétite de cuivre, qui est une combinaison du
même acide avec du cuivre; on verse dessus un tiers de son poids
d'acide sulfurique concentré, & par la distillation on obtient un
vinaigre très-concentré, qu'on nomme vinaigre radical ou acide
acétique. Mais, comme je viens de l'indiquer, il n'est point encore
rigoureusement démontré que cet acide soit plus oxygéné que l'acide
acéteux ordinaire, ni même qu'il n'en differe pas par la différence de
proportion des principes du radical.



_TABLEAU des combinaisons du Radical succinique oxygéné, ou Acide
succinique, avec les bases salifiables, dans l'ordre de leur affinité
avec cet acide._


  ===============================================================
  |             |    Noms des bases    | Noms des sels neutres. |
  |             |     salifiables.     |                        |
  |-------------------------------------------------------------|
  |Combinaisons {La baryte.            |Succinate de baryte.    |
  |de l'acide   {La chaux.             |Succinate de chaux.     |
  |succinique   {La potasse.           |Succinate de potasse.   |
  |avec:        {La soude.             |Succinate de soude.     |
  |             {L'ammoniaque          |Succinate d'ammoniaque. |
  |             {La magnésie.          |Succinate de magnésie.  |
  |             {L'alumine.            |Succinate d'alumine.    |
  |             {L'oxide de zinc.      |Succinate de zinc.      |
  |             {L'oxide de fer.       |Succinate de fer.       |
  |             {L'oxide de manganèse. |Succinate de manganèse. |
  |             {L'oxide de cobalt.    |Succinate de cobalt.    |
  |             {L'oxide de nickel.    |Succinate de nickel.    |
  |             {L'oxide de plomb.     |Succinate de plomb.     |
  |             {L'oxide d'étain.      |Succinate d'étain.      |
  |             {L'oxide de cuivre.    |Succinate de cuivre.    |
  |             {L'oxide de bismuth.   |Succinate de bismuth.   |
  |             {L'oxide d'antimoine.  |Succinate d'antimoine.  |
  |             {L'oxide d'arsenic.    |Succinate d'arsenic.    |
  |             {L'oxide de mercure.   |Succinate de mercure.   |
  |             {L'oxide d'argent.     |Succinate d'argent.     |
  |             {L'oxide d'or.         |Succinate d'or.         |
  |             {L'oxide de platine.   |Succinate de platine.   |
  ===============================================================

  _Nota._ Toutes ces combinaisons étoient inconnues aux anciens
  Chimistes.



OBSERVATIONS

_Sur l'Acide succinique, & sur le Tableau de ses combinaisons._

L'ACIDE succinique se retire du succin, karabé ou ambre jaune, par
distillation. Il suffit de mettre cette substance dans une cornue, &
de donner une chaleur douce; l'acide succinique se sublime sous forme
concrète dans le col de la cornue. Il faut éviter de pousser trop loin
la distillation, pour ne pas faire passer l'huile. L'opération finie,
on met le sel égoutter sur du papier gris; après quoi on le purifie par
des dissolutions & cristallisations répétées.

Cet acide exige 24 parties d'eau froide pour être tenu en dissolution,
mais il est beaucoup plus dissoluble dans l'eau chaude; il n'altère que
foiblement les teintures bleues végétales, & il n'a pas dans un degré
très-éminent les qualités d'acide. M. de Morveau est le premier des
Chimistes qui ait essayé de déterminer ses différentes affinités, &
c'est d'après lui qu'elles sont indiquées dans le Tableau joint à ces
observations.



_TABLEAU des combinaisons du Radical benzoïque oxygéné, ou Acide
benzoïque, avec les différentes bases salifiables, rangées par ordre
alphabétique._


  ===============================================================
  |             |   Noms des bases.    | Noms des sels neutres. |
  |-------------------------------------------------------------|
  |Combinaisons {L'alumine.            |Benzoate d'alumine.     |
  |de l'acide   {L'ammoniaque.         |Benzoate d'ammoniaque.  |
  |benzoïque    {La baryte.            |Benzoate de baryte.     |
  |avec:        {La chaux.             |Benzoate de chaux.      |
  |             {La magnésie.          |Benzoate de magnésie.   |
  |             {La potasse.           |Benzoate de potasse.    |
  |             {La soude.             |Benzoate de soude.      |
  |             {L'oxide d'antimoine.  |Benzoate d'antimoine.   |
  |             {L'oxide d'argent.     |Benzoate d'argent.      |
  |             {L'oxide d'arsenic.    |Benzoate d'arsenic.     |
  |             {L'oxide de bismuth.   |Benzoate de bismuth.    |
  |             {L'oxide de cobalt.    |Benzoate de cobalt.     |
  |             {L'oxide de cuivre.    |Benzoate de cuivre.     |
  |             {L'oxide d'étain.      |Benzoate d'étain.       |
  |             {L'oxide de fer.       |Benzoate de fer.        |
  |             {L'oxide de manganèse. |Benzoate de manganèse.  |
  |             {L'oxide de mercure.   |Benzoate de mercure.    |
  |             {L'oxide de molybdène. |Benzoate de molybdène.  |
  |             {L'oxide de nickel.    |Benzoate de nickel.     |
  |             {L'oxide de plomb.     |Benzoate de plomb.      |
  |             {L'oxide de tungstène. |Benzoate de tungstène.  |
  |             {L'oxide de zinc.      |Benzoate de zinc.       |
  ===============================================================

  _Nota._ Toutes ces combinaisons étoient inconnues aux anciens
  Chimistes, & même encore aujourd'hui, on n'a rien de satisfaisant
  encore sur les propriétés de l'acide benzoïque & sur ses affinités.



OBSERVATIONS

_Sur l'Acide benzoïque, & sur le Tableau de ses combinaisons avec les
bases salifiables._


CET acide a été connu des anciens Chimistes, sous le nom de fleurs de
benjoin; on l'obtenoit par voie de sublimation. Depuis, M. Geoffroy
a découvert qu'on pouvoit, également l'extraire par la voie humide:
enfin M. Schéele, d'après un grand nombre d'expériences qu'il a faites
sur le benjoin, s'est arrêté au procédé qui suit. On prend de bonne
eau de chaux, dans laquelle même il est avantageux de laisser de la
chaux en excès; on la fait digérer portion par portion sur du benjoin
réduit en poudre fine, en remuant continuellement le mêlange. Après
une demi-heure de digestion, on décante & on remet de nouvelle eau de
chaux, & ainsi plusieurs fois, jusqu'à ce qu'on s'apperçoive que l'eau
de chaux ne se neutralise plus. On rassemble toutes les liqueurs, on
les rapproche par évaporation; & quand elles sont réduites autant
qu'elles le peuvent être sans cristalliser, on laisse refroidir: on
verse de l'acide muriatique goutte à goutte, jusqu'à ce qu'il ne se
fasse plus de précipité. La substance qu'on obtient par ce procédé, est
l'acide benzoïque concret.



_TABLEAU des combinaisons du Radical camphorique oxygéné, ou Acide
camphorique, avec les bases salifiables, par ordre alphabétique._


  ================================================================
  |             |    Noms des bases    | Noms des sels neutres.  |
  |             |     salifiables.     |                         |
  |--------------------------------------------------------------|
  |Combinaisons {L'alumine.            |Camphorate d'alumine.    |
  |de l'acide   {L'ammoniaque.         |Camphorate d'ammoniaque. |
  |camphorique  {L'oxide d'antimoine.  |Camphorate d'antimoine.  |
  |avec:        {L'oxide d'argent.     |Camphorate d'argent.     |
  |             {L'oxide d'arsenic.    |Camphorate d'arsenic.    |
  |             {La baryte.            |Camphorate de baryte.    |
  |             {L'oxide de bismuth.   |Camphorate de bismuth.   |
  |             {La chaux.             |Camphorate de chaux.     |
  |             {L'oxide de cobalt.    |Camphorate de cobalt.    |
  |             {L'oxide de cuivre.    |Camphorate de cuivre.    |
  |             {L'oxide d'étain.      |Camphorate d'étain.      |
  |             {L'oxide de fer.       |Camphorate de fer.       |
  |             {La magnésie.          |Camphorate de magnésie.  |
  |             {L'oxide de manganèse. |Camphorate de manganèse. |
  |             {L'oxide de mercure.   |Camphorate de mercure.   |
  |             {L'oxide de nickel.    |Camphorate de nickel.    |
  |             {L'oxide d'or.         |Camphorate d'or.         |
  |             {L'oxide de platine.   |Camphorate de platine.   |
  |             {L'oxide de plomb.     |Camphorate de plomb.     |
  |             {La potasse.           |Camphorate de potasse.   |
  |             {La soude.             |Camphorate de soude.     |
  |             {L'oxide de zinc.      |Camphorate de zinc.      |
  ================================================================

  _Nota._ Toutes ces combinaisons étoient inconnues aux anciens
  Chimistes.



OBSERVATIONS

_Sur l'Acide camphorique, & sur le Tableau de ses combinaisons._


LE camphre est une espèce d'huile essentielle concrète, qu'on retire
par sublimation d'un laurier qui croît à la Chine & au Japon. M.
Kosegarten a distillé jusqu'à huit fois de l'acide nitrique sur du
camphre, & il est parvenu ainsi à l'oxygéner & à le convertir en un
acide très-analogue à l'acide oxalique. Il en differe cependant à
quelques égards, & c'est ce qui nous a déterminé à lui conserver,
jusqu'à nouvel ordre, un nom particulier.

Le camphre étant un radical carbone-hydreux ou hydro-carboneux, il
n'est pas étonnant qu'en l'oxygénant il forme de l'acide oxalique, de
l'acide malique & plusieurs autres acides végétaux. Les expériences
rapportées par M. Kosegarten, ne démentent pas cette conjecture, & la
plus grande partie des phénomènes qu'il a observés dans la combinaison
de cet acide avec les bases salifiables s'observent de même dans les
combinaisons de l'acide oxalique ou de l'acide malique; je serois donc
assez porté à regarder l'acide camphorique comme un mêlange d'acide
oxalique & d'acide malique.



_TABLEAU des combinaisons du Radical gallique oxygéné, ou Acide
gallique, avec les bases salifiables rangées par ordre alphabétique._


  =================================================
  |                      | Noms des sels neutres. |
  |   Noms des bases.    |------------------------|
  |                      | Nomenclature nouvelle. |
  |-----------------------------------------------|
  |L'alumine.            |Gallate d'alumine.      |
  |L'ammoniaque.         |Gallate d'ammoniaque.   |
  |L'oxide d'antimoine.  |Gallate d'antimoine.    |
  |L'oxide d'argent.     |Gallate d'argent.       |
  |L'oxide d'arsenic.    |Gallate d'arsenic.      |
  |La baryte.            |Gallate de baryte.      |
  |L'oxide de bismuth.   |Gallate de bismuth.     |
  |La chaux.             |Gallate de chaux.       |
  |L'oxide de cobalt.    |Gallate de cobalt.      |
  |L'oxide de cuivre.    |Gallate de cuivre.      |
  |L'oxide d'étain.      |Gallate d'étain.        |
  |L'oxide de fer.       |Gallate de fer.         |
  |La magnésie.          |Gallate de magnésie.    |
  |L'oxide de manganèse. |Gallate de manganèse.   |
  |L'oxide de mercure.   |Gallate de mercure.     |
  |L'oxide de nickel.    |Gallate de nickel.      |
  |L'oxide d'or.         |Gallate d'or.           |
  |L'oxide de platine.   |Gallate de platine.     |
  |L'oxide de plomb.     |Gallate de plomb.       |
  |La potasse.           |Gallate de potasse.     |
  |La soude.             |Gallate de soude.       |
  |L'oxide de zinc.      |Gallate de zinc.        |
  =================================================

  _Nota._ Toutes ces combinaisons ont été inconnues aux anciens
  Chimistes.



OBSERVATIONS

_Sur l'Acide gallique, & sur le Tableau de ses combinaisons._


L'ACIDE gallique ou principe astringent se tire de la noix de galle,
soit par la simple infusion ou décoction dans l'eau, soit par une
distillation à un feu très-doux. Ce n'est que depuis un très petit
nombre d'années qu'on a donné une attention plus particulière à cette
substance. MM. les Commissaires de l'Académie de Dijon en ont suivi
toutes les combinaisons & ont donné le travail le plus complet qu'on
eût fait jusqu'alors. Quoique les propriétés acides de ce principe
ne soient pas très-marquées, il rougit la teinture de tournesol, il
décompose les sulfures, il s'unit à tous les métaux, quand ils ont
été préalablement dissous par un autre acide, & il les précipite sous
différentes couleurs. Le fer, par cette combinaison, donne un précipité
d'un bleu ou d'un violet foncé. Cet acide, si toutefois il mérite ce
nom, se trouve dans un grand nombre de végétaux, tels que le chêne,
le saule, l'iris des marais, le fraisier, le nimphea, le quinquina,
l'écorce & la fleur de grenade, & dans beaucoup de bois & d'écorces. On
ignore absolument quel est son radical.



_TABLEAU des combinaisons du Radical lactique oxygéné, ou Acide
lactique, avec les bases salifiables, par ordre alphabétique._


  =================================================================
  |              |                       | Noms des sels neutres. |
  |              |    Noms des bases     |------------------------|
  |              |     salifiables.      |      Nomenclature      |
  |              |                       |       nouvelle.        |
  |---------------------------------------------------------------|
  |Combinaisons  {L'alumine.             |Lactate d'alumine.      |
  |de l'acide    {L'ammoniaque.          |Lactate d'ammoniaque.   |
  |lactique      {L'oxide d'antimoine.   |Lactate d'antimoine.    |
  |avec:         {L'oxide d'argent.      |Lactate d'argent.       |
  |              {L'oxide d'arsenic.     |Lactate d'arsenic.      |
  |              {La baryte.             |Lactate de baryte.      |
  |              {L'oxide de bismuth.    |Lactate de bismuth.     |
  |              {La chaux.              |Lactate de chaux.       |
  |              {L'oxide de cobalt.     |Lactate de cobalt.      |
  |              {L'oxide de cuivre.     |Lactate de cuivre.      |
  |              {L'oxide d'étain.       |Lactate d'étain.        |
  |              {L'oxide de fer.        |Lactate de fer.         |
  |              {L'oxide de manganèse.  |Lactate de manganèse.   |
  |              {L'oxide de mercure.    |Lactate de mercure.     |
  |              {L'oxide de nickel.     |Lactate de nickel.      |
  |              {L'oxide d'or.          |Lactate d'or.           |
  |              {L'oxide de platine.    |Lactate de platine.     |
  |              {L'oxide de plomb.      |Lactate de plomb.       |
  |              {La potasse.            |Lactate de potasse.     |
  |              {La soude.              |Lactate de soude.       |
  |              {L'oxide de zinc.       |Lactate de zinc.        |
  =================================================================

  _Nota._ Toutes ces combinaisons ont été inconnues aux anciens
  Chimistes.



OBSERVATIONS

_Sur l'Acide lactique, & sur le Tableau de ses combinaisons._


M. SCHÉELE est celui auquel nous devons les seules connoissances
exactes que nous ayons sur l'acide lactique. Cet acide se rencontre
dans le petit lait, & il y est uni à un peu de terre. Pour l'obtenir on
fait réduire par évaporation du petit lait au huitième de son volume;
on filtre pour bien séparer toute la partie caseuse; on ajoute de la
chaux, qui s'empare de l'acide dont il est question & qu'on en dégage
ensuite par l'addition de l'acide oxalique: on sait en effet que ce
dernier acide forme avec la chaux un sel insoluble. Après que l'oxalate
de chaux a été séparé par décantation, on évapore la liqueur jusqu'à
consistance de miel; on ajoute de l'esprit-de-vin qui dissout l'acide,
& on filtre pour en séparer le sucre de lait & les autres substances
étrangères. Il ne reste plus ensuite, pour avoir l'acide lactique seul,
que de chasser l'esprit-de-vin par évaporation ou par distillation.

Cet acide s'unit avec presque toutes les bases salifiables, & forme
avec elles des sels incristallisables. Il paroît se rapprocher, à
beaucoup d'égards, de l'acide acéteux.



_TABLEAU des combinaisons du Radical saccholactique oxygéné, ou Acide
saccholactique, avec les bases salifiables, dans l'ordre de leur
affinité avec cet acide._


  ================================================================
  |               |   Noms des bases    | Noms des sels neutres. |
  |               |    salifiables.     |------------------------|
  |               |                     | Nomenclature nouvelle. |
  |--------------------------------------------------------------|
  |Combinaisons   {La chaux.            |Saccholate de chaux.    |
  |de l'acide     {La baryte.           |Saccholate de baryte.   |
  |saccholactique {La magnésie.         |Saccholate de magnésie. |
  |avec:          {La potasse.          |Saccholate de potasse.  |
  |               {La soude.            |Saccholate de soude.    |
  |               {L'ammoniaque.        |Saccholate d'ammoniaque.|
  |               {L'alumine.           |Saccholate d'alumine.   |
  |               {L'oxide de zinc.     |Saccholate de zinc.     |
  |               {L'oxide de manganèse.|Saccholate de manganèse.|
  |               {L'oxide de fer.      |Saccholate de fer.      |
  |               {L'oxide de plomb.    |Saccholate de plomb.    |
  |               {L'oxide d'étain.     |Saccholate d'étain.     |
  |               {L'oxide de cobalt.   |Saccholate de cobalt.   |
  |               {L'oxide de cuivre.   |Saccholate de cuivre.   |
  |               {L'oxide de nickel.   |Saccholate de nickel.   |
  |               {L'oxide d'arsenic.   |Saccholate d'arsenic.   |
  |               {L'oxide de bismuth.  |Saccholate de bismuth.  |
  |               {L'oxide de mercure.  |Saccholate de mercure.  |
  |               {L'oxide d'antimoine. |Saccholate d'antimoine. |
  |               {L'oxide d'argent.    |Saccholate d'argent.    |
  ================================================================

  _Nota._ Toutes ces combinaisons ont été inconnues des anciens
  Chimistes.



OBSERVATIONS

_Sur l'Acide saccholactique, & sur le Tableau de ses combinaisons._


ON peut extraire du petit lait par évaporation, une espèce de sucre
qui a beaucoup de rapports avec celui des cannes à sucre, & qui est
très-anciennement connu dans la pharmacie.

Ce sucre est susceptible, comme le sucre ordinaire, de s'oxygéner par
différens moyens, & principalement par sa combinaison avec l'acide
nitrique: on repasse à cet effet plusieurs fois de nouvel acide; on
concentre ensuite la liqueur par évaporation; on met à cristalliser &
on obtient de l'acide oxalique: en même tems il se sépare une poudre
blanche très-fine, qui est susceptible de se combiner avec les alkalis,
avec l'ammoniaque, avec les terres, même avec quelques métaux. C'est à
cet acide concret découvert par Schéele, qu'on a donné le nom d'acide
saccho-lactique. Son action sur les métaux est peu connue; on sait
seulement qu'il forme avec eux des sels très-peu solubles. L'ordre
des affinités qu'on a suivi dans le Tableau, est celui indiqué par M.
Bergman.



_TABLEAU des combinaisons du Radical formique oxigéné, ou Acide
formique, avec les bases salifiables, dans l'ordre de leur affinité
avec cet acide._


  ===============================================================
  |             |                      | Noms des sels neutres. |
  |             |    Noms des bases    |------------------------|
  |             |     salifiables.     |      Nomenclature      |
  |             |                      |       nouvelle.        |
  |-------------------------------------------------------------|
  |Combinaisons {La baryte.            |Formiate de baryte.     |
  |de l'acide   {La potasse.           |Formiate de potasse.    |
  |formique     {La soude.             |Formiate de soude.      |
  |avec:        {La chaux.             |Formiate de chaux.      |
  |             {La magnésie.          |Formiate de magnésie.   |
  |             {L'ammoniaque.         |Formiate d'ammoniaque.  |
  |             {L'oxide de zinc.      |Formiate de zinc.       |
  |             {L'oxide de manganèse. |Formiate de manganèse.  |
  |             {L'oxide de fer.       |Formiate de fer.        |
  |             {L'oxide de plomb.     |Formiate de plomb.      |
  |             {L'oxide d'étain.      |Formiate d'étain.       |
  |             {L'oxide de cobalt.    |Formiate de cobalt.     |
  |             {L'oxide de cuivre.    |Formiate de cuivre.     |
  |             {L'oxide de nickel.    |Formiate de nickel.     |
  |             {L'oxide de bismuth.   |Formiate de bismuth.    |
  |             {L'oxide d'argent.     |Formiate d'argent.      |
  |             {L'alumine.            |Formiate d'alumine.     |
  ===============================================================

  _Nota._ Toutes ces combinaisons ont été inconnues des anciens
  Chimistes.



OBSERVATIONS

_Sur l'Acide formique, & sur le Tableau de ses combinaisons._


L'ACIDE formique a été connu dès le siècle dernier. Samuel Ficher est
le premier qui l'ait obtenu en distillant des fourmis. M. Margraff
a suivi ce même objet dans un Mémoire qu'il a publié en 1749, & MM.
Ardwisson & OEhrn, dans une dissertation qu'ils ont publiée à Léipsic
en 1777.

L'acide formique se tire d'une grosse espèce de fourmi rousse, _formica
rufa_, qui habite les bois & qui y forme de grandes fourmillières. Si
c'est par distillation qu'on veut opérer, on introduit les fourmis dans
une cornue de verre ou dans une cucurbite garnie de son chapiteau; on
distille à une chaleur douce, & on trouve l'acide formique dans le
récipient: on en tire environ moitié du poids des fourmis.

Lorsqu'on veut procéder par voie de lixiviation, on lave les fourmis
à l'eau froide, on les étend sur un linge, & on y passe de l'eau
bouillante, qui se charge de la partie acide; on peut même exprimer
légèrement ces insectes dans le linge, & l'acide en est plus fort. Pour
l'obtenir pur & concentré, on le rectifie & on en sépare le phlegme par
la gelée.



_TABLEAU des combinaisons du Radical bombique oxygéné, ou Acide
bombique, avec les substances salifiables, par ordre alphabétique._


  ===============================================================
  |             |                      | Noms des sels neutres. |
  |             |    Noms des bases    |------------------------|
  |             |     salifiables.     |      Nomenclature      |
  |             |                      |       nouvelle.        |
  |-------------------------------------------------------------|
  |Combinaisons {L'alumine.            |Bombiate d'alumine.     |
  |de l'acide   {L'ammoniaque.         |Bombiate d'ammoniaque.  |
  |bombique     {L'oxide d'antimoine.  |Bombiate d'antimoine.   |
  |avec:        {L'oxide d'argent.     |Bombiate d'argent.      |
  |             {L'oxide d'arsenic.    |Bombiate d'arsenic.     |
  |             {La baryte.            |Bombiate de baryte.     |
  |             {L'oxide de bismuth.   |Bombiate de bismuth.    |
  |             {La chaux.             |Bombiate de chaux.      |
  |             {L'oxide de cobalt.    |Bombiate de cobalt.     |
  |             {L'oxide de cuivre.    |Bombiate de cuivre.     |
  |             {L'oxide d'étain.      |Bombiate d'étain.       |
  |             {L'oxide de fer.       |Bombiate de fer.        |
  |             {L'oxide de manganèse. |Bombiate de manganèse.  |
  |             {La magnésie.          |Bombiate de magnésie.   |
  |             {L'oxide de mercure.   |Bombiate de mercure.    |
  |             {L'oxide de nickel     |Bombiate de nickel.     |
  |             {L'oxide d'or.         |Bombiate d'or.          |
  |             {L'oxide de platine.   |Bombiate de platine.    |
  |             {L'oxide de plomb.     |Bombiate de plomb.      |
  |             {La potasse.           |Bombiate de potasse.    |
  |             {La soude.             |Bombiate de soude.      |
  |             {L'oxide de zinc.      |Bombiate de zinc.       |
  ===============================================================

  _Nota._ Toutes ces combinaisons ont été inconnues aux anciens
  Chimistes.



OBSERVATIONS

_Sur l'Acide bombique, & sur le Tableau de ses combinaisons._


LORSQUE le ver à soie se change en crisalide, ses humeurs paroissent
prendre un caractère d'acidité. Il laisse même échapper au moment où il
se transforme en papillon, une liqueur rousse très-acide, qui rougit
le papier bleu, & qui a fixé l'attention de M. Chaussier, membre de
l'Académie de Dijon. Après plusieurs tentatives pour obtenir cet acide
pur, voici le procédé auquel il a cru devoir s'arrêter. On fait infuser
des crisalides de vers à soie dans de l'alcohol: ce dissolvant se
charge de l'acide, sans attaquer les parties muqueuses ou gommeuses;
& en faisant évaporer l'esprit-de-vin, on a l'acide bombique assez
pur. On n'a pas encore déterminé avec précision les propriétés & les
affinités de cet acide. Il y a apparence que la famille des insectes
en fourniroit beaucoup d'analogues. Son radical, ainsi que celui de
tous les acides du règne animal, paroît être composé de carbone,
d'hydrogène, d'azote & peut-être de phosphore.



_TABLEAU des combinaisons du Radical sébacique oxygéné, ou Acide
sébacique, avec les bases salifiables, dans l'ordre de leur affinité
avec cet acide._


  ===============================================================
  |             |                      | Noms des sels neutres. |
  |             |    Noms des bases    |------------------------|
  |             |     salifiables.     |      Nomenclature      |
  |             |                      |       nouvelle.        |
  |-------------------------------------------------------------|
  |Combinaisons {La baryte.            |Sébate de baryte.       |
  |de l'acide   {La potasse.           |Sébate de potasse.      |
  |sébacique    {La soude.             |Sébate de soude.        |
  |avec:        {La chaux.             |Sébate de chaux.        |
  |             {La magnésie.          |Sébate de magnésie.     |
  |             {L'ammoniaque.         |Sébate d'ammoniaque.    |
  |             {L'alumine.            |Sébate d'alumine.       |
  |             {L'oxide de zinc.      |Sébate de zinc.         |
  |             {L'oxide de manganèse. |Sébate de manganèse.    |
  |             {L'oxide de fer.       |Sébate de fer.          |
  |             {L'oxide de plomb.     |Sébate de plomb.        |
  |             {L'oxide d'étain.      |Sébate d'étain.         |
  |             {L'oxide de cobalt.    |Sébate de cobalt.       |
  |             {L'oxide de cuivre.    |Sébate de cuivre.       |
  |             {L'oxide de nickel.    |Sébate de nickel.       |
  |             {L'oxide d'arsenic.    |Sébate d'arsenic.       |
  |             {L'oxide de bismuth.   |Sébate de bismuth.      |
  |             {L'oxide de mercure.   |Sébate de mercure.      |
  |             {L'oxide d'antimoine.  |Sébate d'antimoine.     |
  |             {L'oxide d'argent.     |Sébate d'argent.        |
  ===============================================================

  _Nota._ Toutes ces combinaisons ont été inconnues aux anciens
  Chimistes.



OBSERVATIONS

_Sur l'Acide sébacique, & sur le Tableau de ses combinaisons._

POUR obtenir l'acide sébacique, on prend du suif qu'on fait fondre dans
un poëlon de fer; on y jette de la chaux vive pulvérisée, & on remue
continuellement. La vapeur qui s'élève du mêlange est très-piquante, &
on doit tenir les vaisseaux élevés afin d'éviter de la respirer. Sur la
fin on hausse le feu. L'acide sébacique dans cette opération se porte
sur la chaux & forme du sébate calcaire, espèce de sel peu soluble:
pour le séparer des parties grasses dont il est empâté, on fait
bouillir à grande eau la masse; le sébate calcaire se dissout, le suif
se fond & surnage. On sépare ensuite le sel en faisant évaporer l'eau,
on le calcine à une chaleur modérée; on redissout, on fait cristalliser
de nouveau & on parvient à l'avoir pur.

Pour obtenir l'acide libre, on verse de l'acide sulfurique sur le
sébate de chaux ainsi purifié, & on distille; l'acide sébacique passe
clair dans le récipient.



_TABLEAU des combinaisons du Radical lithique oxygéné, ou Acide
lithique, avec les bases salifiables, rangées par ordre alphabétique._


  ===============================================================
  |             |    Noms des bases    | Noms des sels neutres. |
  |             |     salifiables.     |                        |
  |-------------------------------------------------------------|
  |Combinaisons {L'alumine.            |Lithiate d'alumine.     |
  |de l'acide   {L'ammoniaque.         |Lithiate d'ammoniaque.  |
  |lithique     {L'oxide d'antimoine.  |Lithiate d'antimoine.   |
  |avec:        {L'oxide d'argent.     |Lithiate d'argent.      |
  |             {L'oxide d'arsenic.    |Lithiate d'arsenic.     |
  |             {La baryte.            |Lithiate de baryte.     |
  |             {L'oxide de bismuth.   |Lithiate de bismuth.    |
  |             {La chaux.             |Lithiate de chaux.      |
  |             {L'oxide de cobalt.    |Lithiate de cobalt.     |
  |             {L'oxide de cuivre.    |Lithiate de cuivre.     |
  |             {L'oxide d'étain.      |Lithiate d'étain.       |
  |             {L'oxide de fer.       |Lithiate de fer.        |
  |             {La magnésie.          |Lithiate de magnésie.   |
  |             {L'oxide de manganèse. |Lithiate de manganèse.  |
  |             {L'oxide de mercure.   |Lithiate de mercure.    |
  |             {L'oxide de nickel.    |Lithiate de nickel.     |
  |             {L'oxide d'or.         |Lithiate d'or.          |
  |             {L'oxide de platine.   |Lithiate de platine.    |
  |             {L'oxide de plomb.     |Lithiate de plomb.      |
  |             {La potasse.           |Lithiate de potasse.    |
  |             {La soude.             |Lithiate de soude.      |
  |             {L'oxide de zinc.      |Lithiate de zinc.       |
  ===============================================================

  _Nota._ Toutes ces combinaisons ont été inconnues aux anciens.



OBSERVATIONS

_Sur l'Acide lithique, & sur le Tableau de ses combinaisons._


LE calcul de la vessie, d'après les dernières expériences de Bergman
& de Schéele, paroîtroit être une espèce de sel concret à base
terreuse, légèrement acide, qui demande une grande quantité d'eau
pour être dissous. Mille grains d'eau bouillante en dissolvent
à peine trois grains, & la majeure partie recristallise par le
refroidissement. C'est cet acide concret auquel M. de Morveau a donné
le nom d'acide lithiasique, & que nous nommons acide lithique. La
nature & les propriétés de cet acide sont encore peu connues. Il y a
quelqu'apparence que c'est un sel acidule déjà combiné à une base, &
plusieurs raisons me portent à croire que c'est un phosphate acidule
de chaux. Si cette présomption se confirme, il faudra le rayer de la
classe des acides particuliers.



_TABLEAU des combinaisons du Radical prussique oxygéné, ou Acide
prussique, avec les bases salifiables, dans l'ordre de leur affinité
avec cet acide._


  ===============================================================
  |             |    Noms des bases    | Noms des sels neutres. |
  |             |     salifiables.     |                        |
  |-------------------------------------------------------------|
  |Combinaisons {La potasse.           |Prussiate de potasse.   |
  |de l'acide   {La soude.             |Prussiate de soude.     |
  |prussique    {L'ammoniaque.         |Prussiate d'ammoniaque. |
  |avec:        {La chaux.             |Prussiate de chaux.     |
  |             {La baryte.            |Prussiate de baryte.    |
  |             {La magnésie.          |Prussiate de magnésie.  |
  |             {L'oxide de zinc.      |Prussiate de zinc.      |
  |             {L'oxide de fer.       |Prussiate de fer.       |
  |             {L'oxide de manganèse. |Prussiate de manganèse. |
  |             {L'oxide de cobalt.    |Prussiate de cobalt.    |
  |             {L'oxide de nickel.    |Prussiate de nickel.    |
  |             {L'oxide de plomb.     |Prussiate de plomb.     |
  |             {L'oxide d'étain.      |Prussiate d'étain.      |
  |             {L'oxide de cuivre.    |Prussiate de cuivre.    |
  |             {L'oxide de bismuth.   |Prussiate de bismuth.   |
  |             {L'oxide d'antimoine.  |Prussiate d'antimoine.  |
  |             {L'oxide d'arsenic.    |Prussiate d'arsenic.    |
  |             {L'oxide d'argent.     |Prussiate d'argent.     |
  |             {L'oxide de mercure.   |Prussiate de mercure.   |
  |             {L'oxide d'or.         |Prussiate d'or.         |
  |             {L'oxide de platine.   |Prussiate de platine.   |
  ===============================================================

  _Nota._ Toutes ces combinaisons ont été inconnues aux anciens.



OBSERVATIONS

_Sur l'Acide prussique, & sur le Tableau de ses combinaisons._

JE ne m'étendrai point ici sur les propriétés de l'acide prussique,
ni sur les procédés qu'on emploie pour l'obtenir pur & dégagé de
toute combinaison. Les expériences qui ont été faites à cet égard, me
paroissent laisser encore quelques nuages sur la vraie nature de cet
acide. Il me suffira de dire qu'il se combine avec le fer, & qu'il lui
donne la couleur bleue; qu'il est également susceptible de s'unir avec
presque tous les métaux, mais que les alkalis, l'ammoniaque & la chaux
le leur enlèvent en vertu de leur plus grande force d'affinité. On ne
connoît point le radical de l'acide prussique; mais les expériences de
M. Schéele & sur-tout celles de M. Berthollet, donnent lieu de croire
qu'il est composé de carbone & d'azote; c'est donc un acide à base
double: quant à l'acide phosphorique qui s'y rencontre, il paroît,
d'après les expériences de M. Hassenfratz, qu'il y est accidentel.

Quoique l'acide prussique s'unisse avec les métaux, avec les alkalis
& avec les terres, à la manière des acides, il n'a cependant qu'une
partie des propriétés qu'on a coutume d'attribuer aux acides. Il
seroit donc possible que ce fût improprement qu'on l'eût rangé dans
cette classe. Mais, comme je l'ai déjà fait observer, il me paroît
difficile de prendre une opinion déterminée sur la nature de cette
substance, jusqu'à ce que la matière ait été éclaircie par de nouvelles
expériences.


_Fin du Tome premier._


       *       *       *       *       *


  Liste des modifications:

  Page  14: «prêt» remplacé par «près» (que l'éther, ... est tout près)
  Page  23: «act» par «exact» (Le moyen le plus simple & le plus exact)
  Page  24: «lorqu'on» par «lorsqu'on» (lorsqu'on les a forcées)
  Page  58: «semblable» par «semblables» (j'ai divisés dans deux capsules
              de porcelaine, semblables ...)
  Page 125: «oxygénés» par «oxygénées» (Le règne végétal... des mêmes
              bases doubles & triples, mais moins oxygénées.)
  Page 181: ajouté «de» (La nature de ces deux radicaux)
  Page 192: «Cobolt» par «Cobalt»
  Page 197: «quel-unes» par «quelques-unes» (Des expériences dont
              quelques-unes)
  Page 201: «le» par «les» (dans les rues étroites des villes)
  Page 213: «animales» par «végétales» (comme celles des matières
              végétales)
  Page 224: «outes» par «toutes» (dans presque toutes)
  Page 239: «Vitrol» par «Vitriol» (Vitriol de magnésie)
  Page 250: «aide» par «acide» (les bases saturées de cet acide)
  Page 313: «Ochrn» par «OEhrn» (MM. Ardwisson & OEhrn)





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