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Title: Le château de Coucy
Author: Lefèvre-Pontalis, Eugène
Language: French
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Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le
typographe ont été corrigées. L'orthographe d'origine a été conservée et
n'a pas été harmonisée.

Les mots et phrases imprimés en gras dans le texte d'origine
sont marqués =ainsi=.



    Le Château
    de Coucy



PETITES MONOGRAPHIES

DES GRANDS ÉDIFICES DE LA FRANCE


_PARU_:

   =La Cathédrale de Chartres=, par René MERLET, ancien archiviste
   d'Eure-et-Loir.


_EN PRÉPARATION_:

   =L'Hôtel des Invalides=, par Louis DIMIER.

   =L'Abbaye de Vézelay=, par Charles PORÉE, archiviste de l'Yonne.

   =La Cathédrale de Reims=, par Louis DEMAISON, archiviste de la
   ville de Reims.

   =La Cathédrale du Mans=, par Gabriel FLEURY.

   =Le Château de Rambouillet=, par Henri LONGNON.

   =Saint-Pol-de-Léon=, par Ch. LECUREUX.

   =L'Abbaye de Moissac=, par A. ANGLÈS.

   =La Cathédrale d'Albi=, par Jean LARAN.

   =La Cathédrale de Coutances=, par Eugène LEFÈVRE-PONTALIS.


  [Illustration: PLAN DE L'ENCEINTE DE LA VILLE ET DU CHATEAU DE COUCY
      A. Ventre, del.
    A, porte de Chauny.
    B, tour Mangard.
    C, porte de Laon.
    D, barbacane.
    E, église.
    H, porte de Soissons.
    K, porte restituée.]



    Petites Monographies des Grands Édifices
    * * * de la France * * *

    Publiées sous la direction de M. E. LEFEVRE-PONTALIS


    Le Château
    de Coucy

    PAR

    EUGÈNE LEFÈVRE-PONTALIS

    Directeur de la Société française d'Archéologie.

    INTRODUCTION HISTORIQUE DE PH. LAUER

    Ouvrage illustré de 32 gravures et de plans.
    Relevés de M. A. VENTRE, architecte.

    [Logo]

    PARIS
    HENRI LAURENS, ÉDITEUR
    6, rue de Tournon, 6

    Tous droits de traduction et de reproduction réservés
    pour tous pays.



AVANT-PROPOS


Il est peut-être téméraire de consacrer une nouvelle étude aux ruines
imposantes du château de Coucy après Viollet-le-Duc qui a décrit et
dessiné dans son _Dictionnaire_ toutes ses parties principales, en
expliquant le système de défense primitif. Cependant j'aurai l'occasion
de rectifier beaucoup d'erreurs du célèbre architecte. Il eut tort de
reproduire le plan très inexact d'Androuet du Cerceau, sans vérifier sur
place l'absence de la petite tour du Nord, le diamètre des salles, la
plantation des escaliers et des latrines dans les grosses tours et sans
indiquer par des hachures les remaniements de tous les corps de logis. On
remarquera donc d'importantes différences entre le plan de Viollet-le-Duc
et celui que j'ai dressé avec le précieux concours de M. André Ventre,
architecte en chef des Monuments historiques, qui a bien voulu relever
avec le plus grand soin tous les détails nécessaires à l'illustration.

L'histoire des sires de Coucy et des sièges de la ville avait grand
besoin d'être mise au point à l'aide des documents conservés à la
Bibliothèque Nationale. Mon confrère, M. Philippe Lauer, bibliothécaire
au département des manuscrits, a dépouillé les meilleures sources pour la
résumer en tête de cette notice. Je ne saurais trop le remercier d'avoir
prouvé une fois de plus que l'histoire et l'archéologie doivent se prêter
un mutuel appui.

Les archéologues et les touristes qui voulaient visiter sérieusement la
ville de Coucy, n'avaient à leur disposition que la notice de
Viollet-le-Duc qui ne décrit ni l'enceinte, ni la basse-cour, ni
certaines parties du château, mais qui met bien en relief l'importance du
donjon. Je me suis donc efforcé de rédiger une petite monographie plus
complète en distinguant soigneusement les constructions du XIIIe siècle
de celles du XIVe siècle, afin de faire mieux comprendre l'intérêt
exceptionnel de ce chef-d'œuvre de l'architecture militaire du moyen
âge.


  [Illustration:
    LA FACE OPPOSITE               FACIES INGRESSVI
    DE LENTREE                     OPPOSITA
    Androuet du Cerceau del.
  LE CHATEAU EN 1576
  Vue prise à l'ouest.]



INTRODUCTION HISTORIQUE

LES SIRES DE COUCY


L'origine de Coucy-la-Ville (_Codiciacum villa_) en Laonnais, dans
l'ancienne cité des Rémois, date certainement de l'époque gallo-romaine.
Ce lieu est d'ailleurs situé à proximité de la voie romaine de Soissons à
Saint-Quentin. La plus ancienne mention de Coucy ne remonte cependant
qu'au IXe siècle: on la rencontre dans la _Vie de saint Rémi_, par
Hincmar, qui fait remonter au temps de Clovis la donation de ce domaine à
l'église de Reims[1]. Au début du siècle suivant, l'archevêque de Reims,
Hervé, fit construire un château fort (_municio_), à l'extrémité de la
colline allongée qui domine Coucy-la-Ville: ce fut l'origine de
_Coucy-le-Château_[2].

  [1] _Monumenta Germaniæ historica, Scriptores_, t. III, p. 256,
  307, 322 et 343.

  [2] Flodoardus, _Historia ecclesiæ Remensis_, lib. IV, c. 13 (_M.
  G. hist., Scriptores_, t. XIII, p. 576).

Herbert II, comte de Vermandois, père de l'archevêque Hugues, ne tarda
pas à s'en emparer. Après avoir été concédé comme fief à Anseau de Vitry,
vassal de Boson, frère du roi Raoul (930), Coucy passa successivement à
Bernard de Senlis et Thibaud le Tricheur, vassaux de Hugues le Grand, duc
de France. C'est là que, selon Dudon de Saint-Quentin, le jeune duc de
Normandie, Richard, fut caché par son fidèle Osmond, à la suite de son
évasion de Laon (vers 944).

En 950, la garnison de Coucy qui, l'année précédente, avait passé au
parti de l'archevêque de Reims, Artaud, revint à celui de Thibaud le
Tricheur. Celui-ci s'établit solidement dans le donjon roman, et en
confia la garde à son vassal Harduin. Les hommes d'armes du roi et de
l'archevêque essayèrent en vain de l'en déloger. En 958, cependant, les
partisans d'Artaud pénétrèrent par surprise à l'intérieur de la
forteresse. Le châtelain Harduin se réfugia dans le donjon, déjà presque
inexpugnable. Pour le réduire, il fallut que le roi vînt en personne
l'assiéger, en compagnie d'Artaud et de bon nombre de comtes et
d'évêques. Le siège dura deux semaines environ. Harduin donna ses
neveux comme otages, et l'armée assiégeante se retira. Thibaud parvint
cependant à y rentrer, on ne sait comment, quelque temps après, puisqu'en
964 nous le voyons consentir à rendre de nouveau Coucy à l'archevêque
pour être absous de l'excommunication, mais il exigeait que Coucy fût
inféodé à son fils Eudes Ier. Celui-ci mourut en 995, et on ignore entre
les mains de qui passa l'héritage de Coucy.

  [Illustration:
      Photo Neurdein.
  LE CHATEAU DE COUCY
  Vue prise au sud-ouest.]

En 1059 paraît un certain Aubri de Coucy. On le trouve mentionné dans la
charte d'Élinand, évêque de Laon, en faveur de Nogent (1059); dans les
diplômes de Philippe Ier pour Saint-Médard de Soissons (1065) et l'église
de Laon (1071); dans un acte du cartulaire de Notre-Dame de Paris (1067);
enfin, dans une charte de Robert Courteheuse en faveur du
Mont-Saint-Michel (1088). Le biographe de saint Arnoul, évêque de
Soissons, fait allusion à des circonstances où Aubri de Coucy aurait été
saisi par ses ennemis, traîné, garrotté, puis exilé et privé à jamais de
son habitation ou domaine de Coucy. Un fait est certain, c'est sa
présence en Angleterre, à la cour de Guillaume le Conquérant, où il était
peut-être en exil; car, dans le _Domesday-book_, il est question d'une
«terre d'Aubri de Coucy», située dans le comté d'York[3].

  [3] L. Delisle, _La Commémoration du Domesday-book, à Londres_,
  en 1886, dans l'_Annuaire-Bulletin de la Société de l'histoire de
  France_, 1886, p. 179-180 et 183.

Après Aubri, on trouve, comme sire de Coucy, Enguerrand Ier, fils aîné de
Dreux de Boves, dont la mère était de la famille comtale d'Amiens. Par
son mariage avec Ade de Roucy, il devint seigneur de Marle et de La Fère.
Devenu veuf, il enleva et épousa Sibylle, fille de Roger, comte de
Château-Porcien, et femme du comte Godefroi de Namur. L'évêque de Laon,
parent d'Enguerrand, ne l'excommunia pas; mais une guerre acharnée et
féroce s'ensuivit entre les seigneurs de Coucy et de Namur. Ce dernier
finit par se consoler en épousant Ermanson de Luxembourg.

Enguerrand Ier prit part à la première croisade avec son fils du premier
lit, Thomas de Marle. Dans cette expédition, selon la légende, ne
trouvant pas, au cours d'une surprise, sa bannière, il coupa un morceau
de son manteau écarlate, fourré de pannes de vair, d'où l'origine du
blason des Coucy, ainsi décrit par les anciens auteurs: _Fascé de vair et
de gueules de six pieces_.

Au retour de la Terre sainte, Thomas épousa une parente dont la dot fut
la seigneurie de Montaigu. Ses brigandages le rendirent odieux à son
propre père, qui d'ailleurs sous l'influence de Sibylle, le croyait
maintenant adultérin. Enguerrand assiégea Montaigu. Mais Thomas
s'échappa, et, grâce à la protection royale, parvint à rentrer à
Montaigu. Une horrible guerre d'extermination commença entre le père et
le fils. Thomas soutint les habitants de Laon contre leur évêque, et ceux
d'Amiens contre leur comte Enguerrand. Celui-ci offrit enfin, en 1113, la
paix à son fils, qui l'aida à soumettre Amiens. Cela n'empêcha pas
Sibylle de préparer une embuscade d'où Thomas s'échappa avec une
blessure.

Les évêques réunis au Concile de Beauvais, en 1115, excommunièrent Thomas
de Marle comme scélérat et ennemi du nom chrétien, à cause de sa cruauté.
A quelque temps de là, ses protégés, les Laonnais révoltés étaient
massacrés à Crécy par Louis le Gros.

L'année suivante, Enguerrand étant mort, Thomas lui succéda sans
difficulté. Bientôt Louis le Gros vint assiéger le château de Coucy pour
punir Thomas du rôle qu'il avait joué à Laon. Mais le rusé seigneur
manifesta le plus grand repentir et promit de réparer tous les dommages
par lui causés. Louis se retira, et, peu après, Thomas, malgré ses
promesses, fit assassiner Henri de Chaumont, frère de Raoul, comte de
Vermandois, qui lui disputait le comté d'Amiens, et il osa même arrêter
des marchands munis d'un sauf-conduit royal. Louis le Gros, accompagné du
comte de Vermandois, marcha immédiatement sur Coucy qui était considéré
comme presque imprenable. Thomas commit la faute de leur tendre une
embuscade: il y périt inopinément de la main même de Raoul de Vermandois
(1130)[4].

  [4] A. Luchaire, _Louis VI le Gros, annales de sa vie et de son
  règne_, nos 26, 183, 189, 203, 220, 266, 309, 379, 461 et 491.

Son fils, Enguerrand II, qui lui succéda, avait épousé Agnès de
Beaugency, fille de Mahaut, la propre cousine du roi. Il s'efforça
d'atténuer les conséquences des excès paternels, puis partit en 1146 pour
la deuxième croisade, d'où il semble n'être point revenu; et son fils
Raoul Ier qui eut pour femme Alix de Dreux, nièce de Louis VII, fit une
fin semblable en Terre sainte.

C'est à l'époque de Raoul Ier qu'on rapporte généralement la légende du
joli roman du _Chastelain de Couci et de la dame de Faiel_. Gaston Paris
a montré[5] qu'il n'y avait rien d'historique dans l'aventure de ce sire
de Fayel, qui aurait fait manger à sa femme le cœur de son amant, le
châtelain de Coucy, Renaud. La légende du Cœur Mangé que la littérature
populaire attribue maintenant au sire de Vergy, est bien antérieure au
XIIe siècle. Il n'en reste pas moins vrai qu'il exista, vers 1198-1218,
un gardien du château de Coucy ou «châtelain» appelé Renaud de Magny,
jadis chanoine de Noyon, doué d'un très beau talent poétique, dont
quelques-unes des chansons nous sont parvenues, grâce à Jakemes Sakesep,
l'auteur du roman du _Chastelain de Couci_.

  [5] _Histoire littéraire_, t. XXIII, p. 370; Ch.-V. Langlois,
  _La Société française, au XIIIe siècle_, p. 188.

Enguerrand III, fils et successeur de Raoul Ier, assista à l'éclosion du
mouvement communal déjà commencé sous son père en Soissonnais[6]. Sa
minorité favorisa la création de la commune de Coucy, dont la charte
datée de 1197 fut copiée sur celle de Laon. C'est le moment de l'apogée
de la maison de Coucy, qui, par ses brillantes alliances, était arrivée à
étendre au loin ses domaines. La reconstruction de l'enceinte de la
ville et du château remonte à cette époque, mais elle ne fut pas faite
d'un seul jet.

  [6] G. Bourgin, _La commune de Soissons et le groupe communal
  soissonnais_, p. 20.

Enguerrand III eut quelques démêlés, pour des contestations obscures de
droits de juridiction avec l'archevêque de Reims et surtout le chapitre
de Laon, dont il arrêta le doyen en pleine cathédrale. En 1209, il prit
part à l'expédition contre les Albigeois, et, en 1214, se signala à la
bataille de Bouvines.

Par ses mariages successifs, il agrandit encore ses domaines. Eustache de
Roucy lui apporta le comté de Roucy; Mahaut, fille d'Henri duc de Saxe,
et sœur d'Otton IV, le comté de Perche; Marie de Montmirail, la vicomté
de Meaux et la châtellenie de Cambrai. Ainsi parvenu au plus haut degré
de la puissance, et enivré de ses immenses richesses, il aspira à devenir
le maître du royaume. La minorité de Louis IX semblait justement lui
offrir une occasion des plus favorables. Il complota avec les ennemis de
Blanche de Castille l'enlèvement du jeune roi. On raconte même qu'il
avait fait faire une couronne d'or et des ornements royaux pour s'en
revêtir devant ses favoris[7]. Mais au bout de deux années d'intrigues et
de sourdes menées, il se vit obligé de renoncer à ses projets ambitieux,
et prêta serment de fidélité entre les mains du roi, qui feignit d'avoir
ignoré ses desseins. Il mourut accidentellement d'une chute de cheval au
passage d'un gué, en 1242.

  [7] Élie Berger, _Histoire de Blanche de Castille, reine de
  France_, p. 121.

L'aînée des filles d'Enguerrand III, Marie, épousa d'abord le roi
d'Écosse Alexandre II, puis Jean de Brienne, grand bouteiller de France,
fils puîné de Jean de Brienne, roi de Jérusalem. Son fils aîné, Raoul II,
eut une fin prématurée. Il trouva la mort à la bataille de Mansourah
(1250), en Égypte, où il avait suivi saint Louis. Il venait de sauver la
vie au comte d'Artois, frère du roi.

Enguerrand IV recueillit la succession de son frère Raoul. Il se signala
comme le digne héritier de Thomas de Marle. Sa cruauté à l'égard des gens
de l'abbaye de Saint-Nicolas-au-Bois lui valut d'être jugé par le roi en
personne. Peu s'en fallut qu'il ne fût exécuté. Enfin il s'en tira
moyennant une énorme amende. Il vécut ensuite dans le calme, et, vers la
fin de sa vie, répartit des aumônes entre les léproseries de ses
domaines.

Comme il ne laissait pas d'enfants, ses deux sœurs, Marie de Coucy,
l'aînée, puis la seconde, Alix, femme d'Arnoul III de Guines, lui
succédèrent, l'une après l'autre, Marie de Coucy n'ayant pas eu
d'héritiers.

Enguerrand V, fils d'Alix, est la tige de la seconde maison de Coucy.
Élevé à la cour du roi d'Écosse, il épousa une parente de celui-ci,
Chrétienne de Bailleul. Il porta toute sa vie les armes de Guines.

Son troisième fils, Guillaume, qui lui succéda en 1321, reprit le blason
des Coucy. Il eut pour femme Isabeau, fille de Gui III de Châtillon,
comte de Saint-Pol, grand bouteiller de France. La comtesse d'Eu, Jeanne
de Guines, contestait alors à Enguerrand la possession même de Coucy,
qu'elle revendiquait du chef de son père Baudoin, fils aîné d'Arnoul III,
comte de Guines et d'Alix de Coucy. Ces prétentions amenèrent un procès
qui dura dix-huit ans, et qui se termina en faveur de Guillaume dont la
succession fut ainsi assurée à son fils Enguerrand VI. Ce puissant
seigneur se maria en 1338 avec Catherine d'Autriche, fille de l'empereur
Léopold et de Catherine de Savoie, alliance qui permit plus tard à son
fils de briguer la couronne impériale.

La guerre de Cent Ans était à ses débuts. Dès l'année 1339, Coucy fut
menacé par le roi d'Angleterre, Édouard III. Enguerrand VI se joignit au
roi de France, son suzerain, pour lutter contre l'envahisseur. Il prit
une part active aux expéditions contre Jean de Montfort et les Anglais,
et perdit la vie à la bataille de Crécy (1346), ne laissant qu'un enfant
en bas âge.

Survinrent la captivité du roi Jean, les pillages anglais et leurs
conséquences: la misère des campagnes avec la Jacquerie. Enguerrand VII,
arrivé à l'âge d'homme, prit une sérieuse part à la répression et fit
exécuter sans merci les factieux. Il fut envoyé peu après en otage en
Angleterre, pour garantir le paiement de la rançon du roi Jean. Alors
commença véritablement sa vie extraordinaire d'aventures, qui en font une
des figures les plus attachantes du XIVe siècle. Il se fit si bien
remarquer à la cour de Londres qu'Édouard III lui donna en mariage sa
seconde fille, Isabelle; et Enguerrand ajouta ainsi aux domaines anglais,
qui lui venaient de sa grand'mère Chrétienne de Bailleul, le comté de
Bedford, en même temps qu'il obtenait la restitution du comté de
Soissons, engagé pour sa rançon.

A son retour en France (1368), Enguerrand, trouvant ses domaines
incultes, s'efforça d'y attirer les habitants d'alentour par l'octroi
d'une charte collective d'affranchissement à un grand nombre de ses
bourgs et villages, y compris Coucy.

Lorsque la guerre se ralluma avec l'Angleterre, il garda la plus stricte
neutralité à cause de son mariage, et partit même en croisade contre les
Visconti, tyrans de Milan excommuniés par le pape. En 1373, il tailla en
pièces l'armée de Barnabo Visconti, près de Bologne, puis celle du fils
de Galéas; et entreprit le siège de Plaisance avec le duc de Savoie. Une
grave maladie de ce dernier contraignit Enguerrand à se retirer. Pendant
ce temps, les Anglais de Robert Knoll avaient respecté les domaines de
Coucy.

Sur ces entrefaites, l'empereur Léopold étant mort sans autre héritier
que Catherine d'Autriche, Enguerrand tenta de revendiquer, les armes à la
main, l'héritage de sa mère. A la tête d'une bande de mercenaires,
secondé par un grand nombre de seigneurs français, et aidé des subsides
fournis par le roi de France, il entreprit une expédition des plus
hasardeuses qui échoua malheureusement. Cet insuccès l'amena, dit-on, à
fonder l'Ordre de la Couronne, dont l'emblème était une couronne
renversée,--allusion à ses droits méconnus.

A la mort d'Édouard III, il rompit tout lien avec l'Angleterre, où il
renvoya sa femme Isabelle, ne gardant près de lui que sa fille aînée
Marie. Sa seconde fille, Philippote, n'était jamais venue en France: elle
épousa Robert de Veer, duc d'Irlande et comte d'Oxford, auquel elle
apporta en dot les domaines anglais de son père. Dès lors, Enguerrand
prit une part active à la lutte contre les Anglais, en Guyenne et en
Normandie. Il refusa l'épée de connétable de Duguesclin, que Charles V
lui offrait et l'engagea à la confier plutôt à Olivier de Clisson. Devenu
gouverneur de Picardie, il donna la chasse aux troupes ennemies
débarquées à Calais, en 1380.

Il assista, comme haut baron, au sacre de Charles VI, et fut chargé de
conclure la paix avec le duc de Bretagne. A partir de ce moment, il
s'affirma de plus en plus comme un habile diplomate: c'est lui qui traita
avec les Maillotins et apaisa leur révolte, lui encore qui, après la
bataille de Rosebeck, négocia le retour du roi dans Paris[8].

  [8] L. Mirot, _Les insurrections urbaines au début du règne de
  Charles VI_. Paris, 1906, pp. 130, 137, 138, 145, 152, 154, 155
  et 181.

On le voit ensuite en Écosse, où il avait opéré une descente, avec
l'amiral Jean de Vienne, pour ravager les frontières septentrionales de
l'Angleterre.

Son gendre, Robert de Veer, duc d'Irlande, abandonnant sa femme, réussit
à faire prononcer son divorce par le pape Urbain VI. Battu par les
révoltés de Londres, qu'il avait tenté de soumettre, ce seigneur se
réfugia en Hollande, d'où il ne craignit pas de se rendre à la cour de
France. Enguerrand la quitta aussitôt, chargé d'une mission auprès du duc
de Bretagne, à Vannes. Il y réussit si bien que non seulement il obtint
la restitution à Olivier de Clisson de ses châteaux confisqués, mais
encore l'hommage solennel rendu par le duc en personne au roi, à Paris
même. Robert de Veer reçut l'ordre de quitter la France.

Cependant Coucy se trouvait dépeuplé à la suite des guerres et des
pillages ou incendies qu'elles avaient attirés. En 1388, Enguerrand fit
décider, par le roi, que deux foires annuelles s'y tiendraient à la
Saint-Nicolas d'été, et à celle d'hiver. Un grenier à sel y fut aussi
établi.

Enguerrand paraît ensuite en Espagne où il conduit le fils du duc
d'Anjou, fiancé de la fille de Jean Ier, roi d'Aragon; à Arezzo qu'il
assiège pour Louis d'Anjou; à Gênes auprès du duc de Bourbon, chef de
l'expédition contre les pirates des côtes barbaresques. Il prend part à
la descente des Gênois en Afrique. En 1393, il est à la cour de Savoie,
s'occupant avec ardeur d'aplanir les difficultés élevées au sujet de la
régence de cet État, durant la minorité d'Amédée VIII. Deux ans plus
tard, il est chargé des intérêts du duc d'Orléans auprès de la République
de Gênes, qui cherchait un roi parmi les princes du sang.

L'entreprise capitale et la dernière de sa vie fut la croisade de
Nicopolis. Il y accompagna le comte de Nevers, sur la demande instante de
ses parents, à titre de guide et conseil. On sait comment, après une
heureuse escarmouche d'Enguerrand, les Croisés furent taillés en pièces
par l'armée du sultan Bajazet (28 septembre 1396). Enguerrand, fait
prisonnier, fut reconnu par l'interprète picard Jacques de Heilly qui fut
chargé de négocier en France le rachat des captifs. Aussitôt la nouvelle
connue, le duc d'Orléans envoya Robert d'Esne pour obtenir la délivrance
d'Henri de Bar et d'Enguerrand; mais Robert apprit à Vienne, en même
temps, la maladie et la mort du célèbre baron qui venait d'expirer à
Brousse le 18 février 1397. Jacques Wilay, de Saint-Gobain, ramena son
cœur à l'abbaye de Villeneuve, près Nogent[9].

  [9] Delaville le Roux, _La France en Orient au XIVe siècle_, pp.
  257, 262, 270 et suiv., et p. 313.--Mangin, _Enguerrand VII, sire
  de Coucy_, dans le _Bulletin de la Société académique de Laon_,
  t. XXIV, p. 40.

Avec lui finit l'histoire de cette fameuse maison de Coucy, alliée aux
familles royales de France, d'Angleterre et d'Autriche, qui produisit un
Enguerrand III et un Enguerrand VII. C'est à ces deux seigneurs, dont la
vie marque les périodes brillantes de la dynastie, qu'il faut attribuer
la construction et la restauration de leur magnifique château, dont la
mâle architecture était le symbole de la puissance politique des sires de
Coucy. Il ne nous reste malheureusement aucun compte d'Enguerrand III,
mais les Archives de l'Aisne ont eu la bonne fortune de s'enrichir,
l'année dernière, grâce à M. Broche, d'un registre des recettes et
dépenses de la châtellenie en 1386-1387. A cette époque, Enguerrand VII,
comme on le verra plus loin, avait déjà fait rebâtir la salle des Preux
et la salle des Preuses. A l'occasion de la visite de Charles VI, qui eut
lieu le 23 mars 1387, un jeu de paume fut établi dans la cour.

Les revenus de la seigneurie se composaient alors des droits féodaux, des
produits du domaine, couvert de vignobles, de la pêche des viviers et des
coupes de bois. Les divers chapitres de dépenses mentionnent les deux
chapelains qui desservaient la chapelle des Onze mille Vierges et celle
de la Madeleine, dans l'enceinte du château, l'affrètement d'un bateau
qui transporta de Soissons à Rouen des approvisionnements de tout genre
en vue d'une descente en Angleterre, projetée par Charles VI, le séjour
de Guillaume de Verdun, astronome du châtelain, à Soissons, à l'hôtel du
Mouton, les frais de déplacement d'Enguerrand VII à Dijon et à Soissons,
et le carrosse amené de Lorraine par sa seconde femme, fille du duc Jean
Ier.

Enguerrand mort, sa fille aînée Marie, femme d'Henri de Bar, prit
possession des domaines de son père, avec leurs nombreuses dépendances,
parmi lesquelles le comté de Soissons. Mais une fille cadette, Isabeau,
issue de son second mariage, et femme de Philippe de Nevers, réclama le
partage et intenta un procès. Sur ces entrefaites, le frère du roi
Charles VI, Louis duc d'Orléans, voyant la riche baronnie de Coucy entre
les mains d'une femme, offrit à Marie de l'acheter. On négocia, et, le 15
novembre 1400, fut conclu l'acte de vente moyennant 400.000 francs, et
l'abandon des revenus à titre viager; mais en réalité le duc ne paya
jamais que 104.000 francs, comme M. Lacaille a pu l'établir. Marie de
Coucy s'éteignit cinq ans plus tard. Sa sœur Isabeau, à qui un arrêt du
Parlement avait adjugé la moitié de Coucy, Marle, La Fère et Origny, le
quart de Montcornet et Pinon, avec le cinquième de Ham, décéda à son
tour, en 1411, laissant une fille unique qui la suivit de près dans la
tombe. Le fils de Marie de Coucy, Robert de Bar, demeuré seul héritier,
poursuivit le duc d'Orléans en paiement d'une somme de 120.000 livres,
restée due sur le prix de vente de la seigneurie. Une transaction
intervint: le comte de Bar consentit à tenir quitte de sa dette le duc
d'Orléans moyennant la restitution des châtellenies de La Fère et de
Marle.

La partie de la baronnie qui ne fut pas réunie à la couronne, sous Louis
XII, passa plus tard dans la maison de Luxembourg, puis dans celle de
Bourbon, par les Vendôme et Alençon, et fut enfin réunie à la couronne
par Henri IV.

Coucy était dès ce temps le siège d'une prévôté royale, transformée plus
tard en bailliage, et d'une maîtrise des eaux et forêts ou gruerie. En
matière judiciaire, les causes allaient en appel devant les présidiaux de
Soissons et de Laon. Le duc d'Orléans obtint du roi, en 1405, l'érection
de Coucy en pairie, pour lui et ses descendants.

La possession de ce magnifique domaine excita la convoitise du duc de
Bourgogne et des maisons de Luxembourg et de Lorraine: ceux-ci le
revendiquèrent, en vertu d'anciennes alliances. Ce fut une des causes de
l'hostilité des Bourguignons contre les Armagnacs, partisans du duc
d'Orléans.

Le duc d'Orléans périt assassiné en 1407, et ses enfants prirent les
armes pour le venger. Aussitôt Charles VI, qui s'était montré favorable
aux Bourguignons, prononça la confiscation du domaine de Coucy. Valeran
de Luxembourg, comte de Saint-Pol, fut chargé d'aller l'occuper.

Celui-ci marcha sur Coucy, et y entra sans coup férir (1411); mais il ne
put forcer le château où commandait Robert d'Esne. Malgré toutes les
sommations, ce vaillant capitaine refusait opiniâtrement de se rendre,
confiant dans la solidité des murailles et le courage de compagnons
déterminés à tenir tant qu'il y aurait des vivres. Le comte de Saint-Pol
fut obligé de commencer un siège en règle. Il employa, à cet effet, un
procédé considéré alors comme une innovation, la mine. Des ouvriers
liégeois furent chargés de pratiquer une galerie au-dessous de la tour de
la porte basse du château ou porte Maître-Odon. Les chevaliers et hommes
d'armes assiégeants descendaient à tour de rôle dans le souterrain,
curieux de voir de près la nouveauté du jour. Or, il arriva qu'à
l'endroit où la galerie passait sous les fondations de la muraille
extérieure du château, on négligea de l'étayer suffisamment: tout à coup
la voûte s'effondra sous le poids d'une portion de la base croulante de
la tour, ensevelissant ouvriers et visiteurs. _Et encores y sont-ils_,
ajoute le chroniqueur Juvénal des Ursins, en manière d'oraison funèbre
des victimes[10].

  [10] Le fait est aussi rapporté par Pierre de Fenin, Jean
  Lefebvre de Saint-Remy et Monstrelet.

L'affaissement d'une tour n'avança en rien le siège de la place qui dura
encore trois mois. Enfin Robert d'Esne ne recevant aucun secours du
dehors se trouva contraint de capituler. Ce succès valut au comte de
Saint-Pol l'épée de connétable.

Deux années plus tard, Coucy fut restitué au duc d'Orléans, à la suite du
traité de paix conclu avec le duc de Bourgogne. Mais, de nouveau, en
1419, la place fut livrée aux Bourguignons, cette fois de la façon la
plus extraordinaire. Voici comment: Pierre de Saintrailles était
gouverneur du château pour le dauphin. Ses serviteurs furent gagnés par
les nombreux prisonniers bourguignons enfermés par La Hire dans le
donjon. Sur leurs instances, ils dérobèrent les clefs de la tour et en
ouvrirent les portes nuitamment. Les Bourguignons conduits par le fameux
sire de Maucourt et Lionnel de Bournonville, se saisirent des premières
armes venues et se précipitèrent au logis de Saintrailles, qu'ils
égorgèrent avec ses sentinelles et mirent le poste hors d'état de nuire.
En même temps des émissaires furent dépêchés au duc de Bourgogne pour
appeler à l'aide. La Hire, stupéfait et furieux, à son retour d'une
course dans le voisinage, ne put même pas essayer de rentrer dans le
château, et dut bientôt se retirer devant les renforts bourguignons[11].

  [11] Germain Lefèvre-Pontalis, _La Guerre de partisans dans la
  Haute-Normandie_ dans la _Bibliothèque de l'École des Chartes_,
  t. LVI, 1895, p. 455. L'anecdote est racontée par Fenin et
  Monstrelet.

Le duc de Bourgogne ne profita guère du coup d'audace de l'«écorcheur»
Maucourt, puisqu'il fut assassiné avant même la fin de l'année. La Hire
et Poton de Saintrailles rentrèrent dans Coucy à quelque temps de là. En
1423, le comte de Suffolk vint assiéger la place, s'en rendit maître et
la livra à Jean de Luxembourg, comte de Saint-Pol, un des plus chauds
partisans des Anglais. A la mort de ce dernier (1440), le véritable
propriétaire de Coucy, Charles d'Orléans, qui était retenu prisonnier en
Angleterre, depuis Azincourt, pensa pouvoir acheter sa rançon en offrant
au duc de Bourgogne la baronnie de Coucy avec celle de La
Fère-en-Tardenois et le comté de Soissons, moyennant 45.600 écus d'or.
Charles VII s'entremit, et pour faciliter, avec la conclusion du marché,
le retour du duc d'Orléans, il renonça formellement et définitivement à
ses droits de _quint_ et de _requint_ sur ces seigneuries. Les
propositions durent être agréées de part et d'autre, car Charles
d'Orléans revint en France cette année même.

La terre de Coucy apparaît cependant dans des actes, de peu postérieurs,
comme dépendant à nouveau de la maison d'Orléans, sans qu'on sache au
juste comment. Le duc Charles mourut en 1465, et son fils Louis d'Orléans
disputa la régence à Anne de Beaujeu. Tandis qu'il était vaincu et fait
prisonnier à la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier (1487), Pierre d'Urfé,
grand écuyer de France, se présenta devant Coucy avec les troupes royales
et s'en empara au bout de huit jours. Quelques années s'écoulèrent. Le
duc d'Orléans se réconcilia avec Charles VIII, obtint restitution de la
place, qu'il réunit au domaine de la couronne en devenant roi sous le nom
de Louis XII (1498). Sa fille, Claude de France, reçut la baronnie en
apanage, lors de son union avec François d'Angoulême (1514). Un an après,
nouveau retour au domaine royal, à l'avènement de François Ier.

La forteresse de Coucy fut, de bonne heure, une des places convoitées par
les Calvinistes. Dès 1567, ils s'en emparèrent et y établirent leur point
d'appui. Henri III la fit bientôt reprendre et la donna, avec ses
dépendances, en apanage à Diane de France ou de Valois, duchesse
d'Angoulême sa fille naturelle (1576).

Les troupes royales l'occupaient pendant la Ligue, et s'élançaient à
l'improviste de son château sur les partisans de la sainte union, par
exemple sur les habitants de Mons-en-Laonnais, devenus de véritables
bandits, ou sur ceux de Monampteuil. Puis, subitement, sans raison
apparente, la ville de Coucy se déclara pour la Ligue. Le sieur de
Lameth, commandant ligueur de la place de Coucy, finit, en 1594, par
faire sa soumission au roi et lui remit le château.

Occupé au siège de Laon, Henri IV ne trouva l'hospitalité, pour Gabrielle
d'Estrées, qu'à Coucy, chez le maire où elle mit au monde le duc de
Vendôme le 7 juin 1594.

En 1615, les princes et les grands, mécontents du gouvernement de Marie
de Médicis, s'emparèrent de cette forte position, voisine de Paris. La
cour négocia avec eux et parvint à leur faire déposer les armes. Ils
tirèrent prétexte de l'arrestation du prince de Condé pour reprendre
Coucy, l'année suivante, et s'y maintinrent jusqu'à la mort du maréchal
d'Ancre (1617).

Diane de France, apanagiste de Coucy, mourut en 1619, et son domaine fut
donné à François de Valois, second fils du duc d'Angoulême, qui mourut
lui-même, en 1622, sans postérité. En 1645, Louis XIV engagea Coucy à
Roger de Longueval, moyennant plusieurs milliers de livres.

Durant la Fronde, Hébert, gouverneur de Coucy, devint suspect à Mazarin.
Sommé de remettre la place au maréchal d'Estrées, gouverneur de Laon, il
répondit qu'il la tenait directement du roi. Sur ce refus, d'Estrées eut
ordre de faire avancer des troupes et d'investir la place. Le sieur de
Manicamp, gouverneur de La Fère, s'étant joint à lui avec six pièces de
canon amenées de La Fère et Péronne, le siège commença le 10 mai 1652.
L'artillerie ouvrit une large brèche dans les murs. Les assiégés tinrent
encore quelque temps dans la ville et ne se retirèrent derrière
l'enceinte du château que le 19. Trois jours après, les troupes lorraines
arrivèrent au secours d'Hébert, et leur cavalerie ayant défait un
régiment d'assiégeants, ceux-ci se retirèrent en désordre, abandonnant la
ville aux Frondeurs.

Les habitants de Coucy ne tardèrent pas toutefois à se soumettre au roi.
Le cardinal Mazarin chargea Clément Métezeau, l'ingénieur qui avait
dirigé le siège de La Rochelle et probablement aussi son fils de
démanteler les fortifications du château, en vertu d'un ordre royal daté
du 11 septembre 1652[12]. Ils firent sauter à coups de mine les portes
d'entrée de la basse-cour et du château, la chemise du donjon, les voûtes
d'ogives de ses trois salles, mais l'explosion ne produisit que trois
lézardes dans l'énorme cylindre. Ils rendirent inhabitables les tours
d'angle, tous les corps de logis, et les ruines furent dès lors
exploitées comme une carrière. Le tremblement de terre de 1692 acheva
l'œuvre de la mine.

  [12] Arch. nat. O{1}3, fol. 288 vº. Clément Métezeau mourut le
  28 novembre 1652.

En 1673, Louis XIV donna Coucy, avec Folembray, en apanage à Philippe de
France, duc d'Orléans, pour lui et ses descendants mâles, qui depuis lors
portèrent le titre de sires de Coucy. La chapelle de la Madeleine, qui
avait été épargnée dans le château, fut désaffectée, et ses revenus
attribués à l'Hôtel-Dieu.

Pendant la Révolution, le tribunal du district de Chauny fut établi à
Coucy, dont le dernier seigneur fut Louis-Philippe-Joseph d'Orléans.
Coucy-la-Ville prit le nom de Coucy-la-Vallée, et Coucy-le-Château celui
de Coucy-la-Montagne. Le château, dont la grosse tour servit de prison
aux malfaiteurs arrêtés dans les forêts voisines, devint un bien
national. Attribué à l'Hôtel-Dieu de Coucy, qui continua à laisser les
habitants de la ville et des environs arracher les parements des murs,
moyennant une redevance de 3 francs par charrette de pierres, il fut
racheté en 1829, par le duc d'Orléans, au prix de 6.000 francs. Son
architecte, M. Malpièce, combla le fossé devant la porte, et fit boucher
les trois lézardes du donjon, mais ce travail était tout à fait
insuffisant.

En 1856, quand l'Etat devint propriétaire du château, la commission des
Monuments historiques, sur l'initiative de Viollet-le-Duc, prit en main
le sauvetage des ruines de Coucy. Le donjon, qui menaçait de s'écrouler,
fut chaîné par deux cercles de fer, à la hauteur des corbeaux, et
recouvert d'une toiture; on reprit ses lézardes avec le plus grand soin.
Le déblaiement du fossé dallé, de la poterne qui passe sous la chemise,
de la chapelle, des soubassements des deux grandes salles se poursuivit
méthodiquement, en ramenant au jour les débris de sculpture qui forment
le musée lapidaire.

L'imagination du voyageur moderne, en visitant les ruines d'un antique
château féodal, se plaît au récit des légendes qui animent les vieux murs
croulants. A défaut du roman de son châtelain, qui n'a aucun fondement
sérieux et se rapporte plutôt au château de Fayel, Coucy a du moins
l'histoire vraie, merveilleuse et souvent romanesque de ses seigneurs
d'antan, dont on connaît la devise présomptueuse, mais justifiée:

            Roi ne suis
    Ne prince, ne duc, ne comte aussi,
    Je suis le sire de Coucy.

    PH. LAUER.



  [Illustration:
      Photo Neurdein.
  PORTE DE LAON]


LA VILLE ET LE CHATEAU


I

ENCEINTE DE COUCY


La ville de Coucy, fièrement campée sur un promontoire qui domine la
vallée de la Lette, affluent de l'Oise, occupe une position stratégique
de premier ordre aux confins du Soissonnais et du Laonnais. Son enceinte
du XIIIe siècle encore intacte, flanquée de vingt-huit tours en y
comprenant celles du château et de sa basse-cour, ne présentait qu'un
point faible correspondant au plateau dont l'axe est occupé par la route
de Laon. Cette raison suffit à expliquer la valeur défensive
exceptionnelle de la porte de Laon qui jouait le même rôle que la porte
Saint-Nazaire à Carcassonne. Viollet-le-Duc, qui en a décrit les
ingénieuses dispositions avec le plus grand soin l'attribue avec raison à
une époque un peu antérieure à celle du château[13].

  [13] _Dictionnaire d'architecture_, t. VII, p. 322-335.


=Porte de Laon.=--Au XIIIe siècle, cette porte était précédée d'une
barbacane en demi-lune où les routes de Laon et de Chauny venaient se
réunir en passant chacune entre deux tours pour aboutir à un viaduc
coudé[14] qui traversait une tour ronde isolée devant l'entrée de la
porte. Cette tour fut remplacée en 1551 par un bastion pentagonal qui
coûta la somme de 2.331 livres[15]. De nouvelles galeries de contre-mine
dont le plan est très compliqué vinrent alors se souder à celles du XIIIe
siècle. Un couloir voûté qui passe entre les anciennes piles du viaduc
primitif permet d'y pénétrer, mais au XIIIe siècle ce passage aboutissait
à deux ponts à bascule destinés aux défenseurs qui voulaient passer dans
l'intérieur de la barbacane sans faire ouvrir la grande porte.

  [14] On en voit trois arcades en tiers-point dans le verger du
  commandant Mangard.

  [15] Cf. Mandat de paiement du 2 janvier 1552, publié par De
  L'Epinois, _Histoire de la ville et des sires de Coucy_, p. 374.

  [Illustration:
    Viollet-le-Duc del.
  PORTE DE LAON
  Coupe transversale.]

Le plan de la porte se compose d'un rectangle flanqué de deux tours en
hémicycle du côté extérieur. Un long passage voûté en berceau brisé et
précédé d'un pont-levis donnait accès dans la ville. Deux archères
s'ouvraient sur ce couloir du côté de l'orient et débouchaient dans la
salle ronde inférieure des tours, éclairée par deux autres ouvertures du
même genre. A l'autre extrémité, plus large, un couloir coudé pour
dissimuler le nombre des défenseurs aboutissait de chaque côté à un
corps de garde carré en ruines surmonté d'un plafond de bois[16] comme
toutes les autres salles et chauffé par une cheminée. Au-dessus de ces
deux pièces et du passage, une grande salle longue de 22 mètres et large
de 8 mètres pouvait servir à loger les hommes du poste. Elle était
éclairée à l'ouest par cinq fenêtres à linteau recoupées par un meneau
vertical: on y montait par deux escaliers à vis[17].

  [16] Un pilier central soulageait la portée des poutres.

  [17] M. Champion, propriétaire de l'hôtel de la Pomme d'Or,
  possède deux curieuses faitières en terre cuite vernissée de
  couleur verte qui proviennent de la toiture de la porte de Laon.

Chaque tour ronde était divisée en quatre étages non voûtés au-dessus
d'une cave sans aération. Les archères encore intactes très longues et
très étroites à l'extérieur se chevauchaient pour ne pas affaiblir les
murs épais de 5 mètres à la base. A l'intérieur, elles sont encadrées
sous des arcs en tiers-point. La chambre qui renfermait le treuil des
deux herses se trouvait au-dessus du passage entre les deux tours et le
pont-levis se manœuvrait plus haut dans le même axe. On voit encore une
sablière courbée sur les corbeaux profilés en quart de rond qui dominent
l'entrée. C'est un débris des hourds en bois qui contournaient le sommet
des tours sous leur toit conique, suivant la disposition adoptée
également par le constructeur du château, mais comme les marques de
tâcherons diffèrent, il est évident que la porte et le château ne furent
pas élevés par les mêmes ouvriers.

A droite de la porte de Laon, on remarque une grosse tour ronde qu'on
peut visiter en traversant le jardin du commandant Mangard toujours
aimable pour les archéologues. Elle fut ajoutée au XIIIe siècle de chaque
côté d'un rempart déjà bâti, car la salle du rez-de-chaussée est coupée
en deux par un mur de refend à talus extérieur. Du côté de la ville, une
salle carrée voûtée en berceau avec marques de tâcherons communique par
une porte avec un hémicycle recouvert de six branches d'ogives aux angles
abattus. Plus loin, à l'angle nord-est de l'enceinte, se trouve la tour
éventrée par la mine pendant le siège de 1652.

Deux autres portes donnaient accès dans la ville. Au sud, la porte de
Soissons, s'ouvre dans un angle rentrant sous un arc brisé au pied d'une
grosse tour ronde. Au nord-ouest, une porte moderne a remplacé l'ancienne
porte de Chauny ou de Gommeron aujourd'hui bouchée et flanquée d'une
petite tour. Des marques de tâcherons profondément gravées comme celles
du château sont visibles sur certaines parties de l'enceinte, mais elles
font défaut sur d'autres murs sans qu'on puisse conclure à un
remaniement. L'épaisseur des remparts atteint 10 à 12 mètres à droite et
à gauche de la porte de Laon, mais comme plusieurs salles sont comblées
ou murées, il est difficile de dater ces renforcements successifs qui
sont indiqués par des hachures sur le plan de la ville.

Toute la ville de Coucy est bâtie sur des caves à plusieurs étages qui
sont d'anciennes carrières aménagées par les habitants. Celles qui se
trouvent dans le voisinage de la grande place aboutissaient au puits
principal pour pouvoir puiser de l'eau en temps de guerre. Une galerie
creusée par le maréchal d'Estrées après la brèche du siège de 1652
traverse la ville depuis la porte de Laon jusqu'au château. Elle vient se
relier à celle qui passe sous la partie nord de la basse-cour dont M.
Colin, gardien du château, a reconnu l'existence. Une autre galerie
transversale coupait le plateau en avant de la basse-cour.

Il faut encore signaler une grande maison du XIIIe siècle près de la
porte de Soissons, des maisons qui se distinguent par leurs pignons en
gradins comme celles des villages du Soissonnais, une maison voisine de
l'hôtel de la Pomme d'Or dont les linteaux de fenêtres sont décorés de
motifs du style flamboyant et l'hôtel du gouverneur qui renferme
d'intéressantes collections et des souvenirs de Gabrielle d'Estrées.


=Église.=--L'église du XIIe siècle fut presque entièrement rebâtie au
XIIIe, puis au XVIe siècle. La nef gothique comprenait trois larges
travées dont il reste deux piles à huit colonnes du XIIIe siècle, mais au
XVIe siècle les grandes arcades, les voûtes d'ogives à liernes et
tiercerons et les bas côtés furent reconstruits. On subdivisa les
anciennes travées par des piles ondulées très minces dont deux furent
remplacées par un support rectangulaire à l'époque moderne. Le chœur à
cinq pans du XIIIe siècle fut revoûté d'ogives au XVIe siècle, comme le
carré du transept dont les piles d'angle sont du XIIIe siècle sauf les
chapiteaux. Il faut attribuer à la même époque d'élégants fonts
baptismaux en marbre noir dont la cuve octogone ornée de masques et de
feuillages repose sur huit colonnettes.

La partie centrale de la façade est une œuvre remarquable de la seconde
moitié du XIIe siècle. Six colonnettes soutiennent le portail en plein
cintre: l'une de ses voussures ornée de palmettes et de fruits d'arum
encadre un tympan moderne. Au-dessus de la fenêtre qui s'ouvre dans l'axe
de la nef, six arcatures trilobées et un oculus tréflé entouré de bâtons
rompus décorent le pignon.



II

BASSE-COUR DU CHATEAU


Le château occupe l'extrémité orientale du promontoire escarpé qui forme
la défense naturelle de Coucy. Sa vaste basse-cour ou baille forme un
hexagone irrégulier qui ne devait pas se relier comme aujourd'hui à
l'enceinte de la ville. Au XIIIe siècle, un profond fossé creusé entre
deux murs avec tours d'angle coupait le plateau en avant de la porte de
la basse-cour. Cette porte était sans doute reliée par un viaduc entre
deux ponts-levis à une porte de ville également flanquée de deux tours
dont il ne reste plus trace. Si j'ai cru devoir restituer ce tracé sur le
plan primitif de l'enceinte, c'est que des courtines aux deux bouts du
fossé auraient rendu sa valeur défensive tout à fait illusoire. En outre,
la plantation des tours d'angle nord-est et sud-est de la basse-cour
prouve qu'elles étaient dégagées sur les trois quarts de leur
circonférence, comme on le voit sur le plan d'Androuet du Cerceau. Les
murs qui viennent buter contre leur parement sont relativement modernes.
Il fallait fortifier la contrescarpe pour fermer la ville en face de
l'entrée du château, sinon l'enceinte aurait été ouverte sur le front
occidental.

  [Illustration:
    Photo Lefèvre-Pontalis.
  PORTE DE LA BASSE-COUR]


=Porte d'entrée.=--La porte B de la basse-cour, flanquée de deux tours en
ruines et désignée sous le nom de porte Maître-Odon, devait ressembler à
la porte de Laon avant sa démolition par l'ingénieur Métezeau en 1652.
C'est une œuvre de la première moitié du XIIIe siècle dont le plan
primitif ne comportait peut-être pas des corps de garde aussi vastes. La
longue voûte en berceau brisé du passage s'est effondrée: elle était
soutenue par cinq doubleaux qui retombaient sur des corbeaux moulurés. Au
revers, c'est-à-dire à l'ouest, un arc en tiers-point encore intact
encadre la porte derrière la rainure d'une herse. Ses deux rangs de
claveaux nus sont appareillés sous un cordon de fleurs à sept pétales qui
accuse une période peu avancée du XIIIe siècle, comme le cavet des
tailloirs. De chaque côté du passage, deux arcatures en tiers-point sans
moulures s'appuient sur des pilastres de grès, mais au XIIIe siècle ces
arcades aveugles étaient au nombre de quatre à droite et à gauche.

On voit encore une amorce du parement arrondi de la tour du sud. L'autre
tour, éventrée par la mine, conserve sous une petite voûte en berceau
brisé l'amorce d'une feuillure de porte qui donnait accès dans une salle
ronde voûtée d'ogives en amande. En arrière, on pénètre à l'ouest dans un
corps de garde par une porte dont le linteau repose sur deux consoles
moulurées. Cette pièce qui communiquait avec la salle ronde de la tour
est recouverte de deux voûtes d'ogives sans formerets dont le tore
aminci repose sur des consoles mutilées. Deux doubleaux en tiers-point,
ornés d'un filet entre deux boudins et reliés par une voûte en berceau
brisé, séparent les deux croisées d'ogives pour éviter la retombée d'un
arc dans l'axe des portes. Le corps de garde du sud est démoli, mais
l'amorce de ses ogives et les corbeaux qui les soutiennent sont encore
visibles.


=Tours de la basse-cour.=--Le côté nord de la basse-cour est beaucoup
moins bien défendu que la face méridionale. En partant de la grosse tour
nord-est du château, on rencontre d'abord une large brèche, puis le
rempart garni de marques de tâcherons du XIIIe siècle forme un pan coupé
percé d'une poterne. Au point où Androuet du Cerceau indique une tour
d'angle dont je n'ai pu retrouver aucune trace, des corbeaux devaient
soutenir une bretèche. Le mur à talus suit une ligne droite de 100
mètres: ses assises dépourvues de marques de tâcheron, se décrochent à
l'extrémité occidentale en formant un angle obtus avec le rempart
primitif. Il ne faut pas en conclure que le front nord fut presque
entièrement reconstruit, car les marques de tâcheron font également
défaut sur les tours du sud qui doivent être attribuées au XIIIe siècle.
La tour d'angle nord-est A de la basse-cour était ronde, mais il n'en
reste plus qu'un quart engagé dans un pan coupé moderne. Rebâtie au XIVe
siècle sur son talus primitif, décollée par un coup de mine au XVIIe
siècle, puis remaniée dans sa partie haute, elle n'offre plus
aujourd'hui aucun intérêt.

Au sud-est, une tour ronde C du XIIIe siècle s'élevait à l'angle de la
baille, en face de celle qui est encore engagée dans le mur de la ville,
mais le coup de mine qui en a détruit la moitié a fait incliner l'autre.
La brèche fut murée plus tard et défendue par une échauguette sans
caractère. A la suite, le rempart du XIIIe siècle se distingue par ses
tours rondes antérieures à celles du château et plus rapprochées que
celles de la ville. Elles sont au nombre de cinq jusqu'au retour d'angle
de l'enceinte: leurs étroites archères forment à l'extérieur de longues
fentes dans le parement, mais leur couronnement a disparu.

  [Illustration: Photo Lefèvre-Pontalis.
  TOURS DE LA BASSE-COUR]

A l'angle sud-est de la basse-cour, on a creusé vainement jusqu'aux
fondations, en 1865, pour découvrir les restes des gens de guerre du
comte de Saint-Paul, enfouis dans une galerie de mine en 1411. En partant
de ce point, on pénètre d'abord dans une salle ronde de la seconde tour
D. Sa voûte d'ogives aux arêtes abattues est très grossière: la clef se
compose d'une pierre carrée au lieu d'être taillée en croix. Les nervures
viennent s'engager dans le mur au niveau des retombées. Trois archères
recouvertes de linteaux en saillie les uns sur les autres éclairent la
pièce. On monte au second étage recouvert d'un plancher par un escalier
qui suit la courbe de la tour.

La troisième tour E, qui remonte également au premier quart du XIIIe
siècle, ne diffère de la précédente que par deux grandes arcatures en
plein cintre soutenues par des pilastres au revers du mur intérieur. Les
ogives plates de la voûte aux angles abattus et les archères à linteau
sont du même type, mais les marches de l'escalier courbe portent sur un
chanfrein qui se décroche, comme dans le donjon. La tour suivante F
conserve sa voûte d'ogives et quatre archères, mais dans la quatrième,
désignée sur le plan par la lettre G, les nervures de même profil, à clef
cruciforme, retombent sur des culots moulurés. Les archères plus hautes
et plus larges sont surmontées de cinq linteaux. Un escalier à vis
conduit au second étage. Il est donc certain que les murs de la baille
furent bâtis en allant de l'est à l'ouest. Les trois premières tours
intactes sont les plus anciennes de toute l'enceinte.

La porte de la sixième tour H, qui défend l'angle sud-ouest de la
basse-cour, est amortie par un tympan monolithe sous un arc de décharge
en plein cintre. Les deux étages reliés par un escalier à vis étaient
voûtés d'ogives retombant sur des consoles moulurées. L'épaisseur des
murs atteint 2m,35. Les quatre archères à linteau du second étage où l'on
pouvait accéder directement par une porte et une échelle sont surmontées
d'un arc de décharge, ce qui indique un nouveau progrès. Après cette tour
très saillante, le mur de la baille fait un coude pour rejoindre la
grosse tour sud-est du château. Ce front est défendu par deux tours.

La septième tour I n'a pas le même plan que les précédentes, car la salle
basse voûtée d'ogives a la forme d'un hémicycle fermé par un mur droit.
On y entre par une porte à linteau tréflé dont l'arc de décharge est en
plein cintre. Un escalier à vis dessert le second étage dont la porte sur
la cour et les archères présentent la même disposition que dans la tour
H.

Entre cette tour et la suivante J dont la voûte d'ogives et l'escalier à
vis sont en ruines s'ouvre une poterne en tiers-point précédée d'une
archivolte en plein cintre. A côté, deux arcs de décharge plus ou moins
enterrés sont surmontés de deux rainures qui semblent destinées à
recevoir les bras d'un pont-levis intérieur. La tour K, tombée dans le
fossé, devait ressembler à toutes celles du front sud de la basse-cour.
Plus loin, après une autre poterne, le mur de la baille vient rejoindre
la courtine qui relie la grosse tour sud-est du château à la chemise du
donjon.

=Chapelle romane.=--La basse-cour renferme, au sud de l'allée centrale,
un puits[18], et près de la maison du gardien les fondations d'une
chapelle romane. Sa nef unique et son transept flanqué de deux absidioles
arrondies n'étaient pas voûtés; mais l'abside en hémicycle, dépourvue de
contreforts, était recouverte d'un cul de four précédé d'une voûte en
berceau. On voit la trace de deux arcatures de chaque côté du chœur dans
la partie droite. La base de l'une de leurs colonnes, encore intacte, et
celle des six colonnettes du portail de la façade, permettent d'attribuer
cette chapelle au XIIe siècle et non pas au XIe siècle, comme
Viollet-le-Duc le prétend. Cette date se trouve confirmée par les
fragments d'une corniche garnie de palmettes, semblable à celle de
l'église de Berzy-le-Sec, près de Soissons, et par les débris d'une croix
de pignon formée de cercles découpés à jour, comme à Bruyères-sous-Laon.
Trois chapiteaux à crochets, du XIIIe siècle, retrouvés dans les
fouilles, et posés sur une pile d'angle, sont peut-être des témoins d'un
remaniement exécuté dans cette chapelle, au XIIIe siècle.

  [18] Le compte de 1386-1387 mentionne la construction d'une
  étable dans la basse-cour, avec de vieux matériaux.



III

DESCRIPTION DU CHATEAU


=Date de la construction.=--Viollet-le-Duc a voulu limiter la durée des
travaux du château à cinq ans, de 1225 à 1230, d'après les profils et le
caractère de la sculpture, mais cette hypothèse ne repose sur aucun
fondement. A défaut de textes, la science archéologique permet de
distinguer deux campagnes dans la construction de la basse-cour, et deux
autres pour le château proprement dit. Je crois que le donjon fut élevé
en dernier lieu avec la chapelle, aussitôt après l'achèvement de
l'enceinte, comme le prouve le style avancé des figurines sculptées sur
les consoles de la salle basse. Le profil des ogives des grosses tours,
les clefs de voûte, les chapiteaux à crochets, portent l'empreinte du
style en usage dans la première moitié du XIIIe siècle.

Un détail, qui a son importance, permet de rajeunir quelque peu la
forteresse, c'est le bec des tailloirs qui n'était pas d'usage courant
avant 1225 environ. Sans doute, on en voit des exemples précoces à la
cathédrale de Soissons, dans la chapelle haute du croisillon sud,
terminée au XIIIe siècle et dans le rond-point consacré en 1212, mais à
Longpont, dont l'église abbatiale fut livrée au culte en 1227, le plan
carré des tailloirs persiste. Par contre, à Royaumont où la dédicace de
l'église eut lieu en 1235, les tailloirs du bas côté sud encore en place,
présentent un bec caractéristique, comme dans les tours de Coucy. En
outre, la corniche à crochets du donjon est identique à celle qui fut
refaite au chevet de Notre-Dame de Paris vers 1240.

Il est donc probable que la période de grande activité des chantiers dut
plutôt correspondre au second quart qu'au premier quart du XIIIe siècle.
Ces observations techniques sont d'accord avec la tradition qui attribue
à Enguerrand III l'honneur d'avoir construit le château, car le gros
œuvre devait être terminé quand il mourut en 1242.

Nous sommes beaucoup mieux renseignés sur l'époque du remaniement des
bâtiments d'habitation, grâce à un registre des comptes de la châtellenie
de Coucy, commencé le 1er octobre 1386 et terminé le 30 septembre
1387[19]. Ce précieux document, écrit de la main de Jean Plançon,
receveur d'Enguerrand VII, a été récemment vendu par un libraire de Caen
à M. Lucien Broche, archiviste départemental, qui l'a fait entrer dans
les archives de l'Aisne.

  [19] Ce registre, en assez mauvais état, se composait de 168
  feuillets, mais il en manque 20. Sa cote provisoire est E. 672.

Plusieurs mentions prouvent qu'on achevait à cette époque la salle des
Preux et la salle des Preuses, après avoir exhaussé les courtines avec
des pierres provenant des carrières de Neuville-sur-Margival et de
Courval. La porterie et les bâtiments adossés au mur du nord furent sans
doute également l'œuvre des architectes d'Enguerrand VII secondés par
Jean de Cambrai et Robinet Carême, maîtres-maçons de Coucy. En tout cas,
il faut rapporter à la campagne de 1386-1387 la cheminée du boudoir de la
salle des Preuses, l'établissement d'un cachot, à l'ouest du grand
cellier, pour «gesir Bonnifface et Guedon»[20], la restauration des
arcades aveugles du premier étage, et le remplacement de la voûte de
cette salle par un plancher dans la tour nord-ouest, la captation dans un
réservoir de la source qui jaillit au pied de la chemise du donjon, la
pose de conduits pour évacuer les eaux de la cuisine, les lambris du
plafond de la galerie de la chambre aux Aigles et de l'oratoire voisin
des «chambres neuves», la réparation des charpentes et de toutes les
toitures avec des tuiles de Pinon, et la décoration du parloir contigu à
la salle des Preuses par trois peintres de Paris. La note gaie est
fournie par des dépenses de vitrerie causées par les ébats du singe
d'Isabelle de Lorraine, femme d'Enguerrand VII[21]. Malgré l'opinion de
Viollet-le-Duc, ces importants travaux ne doivent plus être attribués à
Louis d'Orléans, qui se rendit acquéreur de la baronnie en 1400.

  [20] Ce cachot se trouvait sous le trésor.

  [21] Huit charpentiers, deux menuisiers, un couvreur, un
  verrier, un plombier et deux serruriers, cités dans les comptes,
  furent employés à ces travaux. Ils étaient originaires de Coucy,
  de La Fère, de Laon et de Soissons.


=Plan et appareil.=--Le château proprement dit forme un quadrilatère
irrégulier, flanqué de quatre tours d'angle, et dominé par le château,
qui s'élève au milieu de la face orientale. Le front nord mesure 92m,45,
entre les tours; le côté ouest 35 mètres; la face du midi 50m,80; et le
front est 88 mètres. C'est grâce à une vue cavalière dessinée par
Androuet du Cerceau, avant 1576, que nous pouvons nous faire une idée de
l'aspect du château à cette époque. Viollet-le-Duc s'est borné à tirer un
heureux parti de cette perspective; mais il aurait dû prévenir ses
lecteurs que son croquis représente le château non pas au XIIIe siècle,
comme on se l'imagine, mais au XVIe siècle. En effet, vers 1250, je suis
persuadé qu'il n'y avait aucun bâtiment au revers de la porte et du mur
nord, mais seulement des arcades en tiers-point destinées à porter un
large chemin de ronde. La cour, bordée par des logements à l'ouest et au
sud où la chapelle faisait une saillie prononcée sur la grande salle,
occupait donc une superficie plus grande au XIIIe siècle qu'au XVIe
siècle.

La pierre calcaire, à gros grain parsemée de coquillages, qui a servi à
construire le château, provient des carrières de la ville et du plateau.
Certaines assises atteignent 1m,34 et même 1m,90; mais leur longueur
moyenne est de 0m,80. L'épaisseur des lits varie de 0m,33 à 0m,40. Les
dalles qui recouvrent des couloirs mesurent souvent 2 mètres de longueur
et 1 mètre de largeur sur 40 centimètres d'épaisseur. J'ai relevé des
linteaux épais de 0m,60, des claveaux de 0m,00, des murs de 3 à 5 mètres
à la base des tours.

  [Illustration: MARQUES DE TACHERONS DU XIIIe SIÈCLE]

L'appareil est donc plus grand que dans les églises du XIIIe siècle. Les
marques de tâcherons si nombreuses dans le château et si rares dans la
basse-cour, présentent une soixantaine de types différents qui
correspondent au nombre des tailleurs de pierre pour les parements. On
peut distinguer du premier coup d'œil une assise du XIIIe siècle d'une
pierre mise en place à la fin du XIVe siècle dans la salle des Preux ou
dans la salle des Preuses; car les signes les plus anciens sont gravés
très profondément.


=Souterrains.=--Il faudrait entreprendre des fouilles très coûteuses pour
tracer le plan des souterrains qui facilitaient les communications entre
les diverses parties du château et qui devaient permettre de prendre
l'ennemi à revers au dehors de l'enceinte. L'architecte avait pris la
précaution, comme on le fit plus tard à Pierrefonds, de n'en creuser
aucun derrière la porte d'entrée, pour que les mineurs rencontrent un
terre-plein. Au revers du mur nord de la cour, un escalier à vis du XIVe
siècle, établi après coup, descend dans un souterrain du XIIIe siècle
voûté en berceau qui se rétrécit près d'une rainure de herse et qui
conduit à la cave circulaire de la tour nord-est. Cette galerie qui se
continuait jadis à l'ouest était recoupée au bas de l'escalier par un
autre souterrain partant de la courtine, comme l'indique une bouche
d'aérage.

Sous la salle des Preux, à l'est, un bel escalier droit, encadré par des
archivoltes en plein cintre qui forment un ressaut au-dessus de chaque
marche, comme à l'entrée des caves de Pontoise, de Senlis, de Noyon,
d'Elincourt-Sainte-Marguerite (Oise), et du château de Pierrefonds,
conduit dans une cave encore intacte. Ses deux galeries parallèles,
voûtées en berceau brisé, communiquent par des arcades en plein cintre,
et dans la seconde une porte donne accès dans la salle basse de la tour
sud-est. Vers la droite, les lits d'assises du parement ne se raccordent
pas, mais l'identité des marques de tâcherons permet de conclure à une
erreur d'appareil plutôt qu'à deux constructions d'âge différent. A
l'extrémité occidentale, un escalier du XIVe siècle aboutit au
rez-de-chaussée de la salle des Preuses. M. Colin, gardien du château, a
trouvé d'autres amorces de souterrains qui s'enfoncent dans le sol aux
deux extrémités de ces galeries, mais les caves des tours nord-ouest et
sud-ouest n'étaient pas desservies par des couloirs inférieurs, car on
n'y voit aucune trace de porte. Est-il besoin d'ajouter que les prétendus
souterrains, qui auraient relié au château les abbayes de Nogent et de
Prémontré, n'ont jamais existé que dans l'imagination des romanciers?


=Porte d'entrée.=--Un dessin d'Androuet du Cerceau donne une idée des
défenses extérieures de la porte d'entrée. Pour franchir le fossé, large
de vingt mètres, il fallait passer sous deux portes, en traversant un
pont de bois à deux bascules qui reposait sur des massifs de maçonnerie
et sur les piles de deux petits corps de garde isolés. En 1829, leurs
débris furent enfouis sous le remblai actuel. Le parement extérieur de la
porte est arraché, mais on voit encore de chaque côté les rainures des
trois herses qui glissaient entre des arcs en tiers-point. Au XIIIe
siècle, la porte était flanquée au revers de deux grandes arcades en
tiers-point; celle de gauche encadre une archère; celle de droite, à mur
plein, fut convertie en logement à l'époque moderne. Je suis persuadé que
le corps de garde, désigné par la lettre H sur le plan de Viollet-le-Duc,
et dont il reste les substructions, fut une addition de la fin du XIVe
siècle, car il est évident que les piédroits, les écoinçons et les
claveaux des arcades n'étaient pas destinés à être englobés dans un
bâtiment quelconque. A son point de rencontre avec la chemise du donjon,
le mur ne présente aucune trace de collage, mais au niveau du sol on voit
la feuillure d'une porte relancée dans les assises primitives et
l'ouverture d'une fosse d'aisances rectangulaire appliquée après coup
contre le parement du fossé.

  [Illustration:
    LA FACE DE LENTREE      FACIES INGRESSVS
    Androuet du Cerceau del.
  LE CHATEAU EN 1576. Vue prise à l'est.]

A gauche de l'entrée, le sommier d'une branche d'ogives aux arêtes
abattues vient s'incruster dans les claveaux de l'arcade aveugle, déjà
signalée. Comme le profil de la nervure est identique à ceux des voûtes
faites vers 1385, sous les salles des Preux et des Preuses, de l'est à
l'ouest, il faut en conclure que le corps de garde carré, divisé par
quatre piles centrales en neuf travées et recouvert de croisées d'ogives,
avait été ajouté à la même époque. L'architecte du XIIIe siècle avait
calculé que la porte de la basse-cour suffirait à tenir en échec
l'assaillant. D'ailleurs l'ennemi qui aurait voulu forcer l'entrée du
château se serait fait écraser par les projectiles lancés du haut du
donjon et de la grosse tour nord-est. Il était donc inutile d'adopter la
même disposition qu'à la porte de Laon, mais une chambre de manœuvre des
herses devait s'élever au milieu de la courtine, défendue par une
bretèche.



IV

TOURS D'ANGLE


=Tour nord-est.=--A côté de la porte du château s'élève une grosse tour
ronde O dont le diamètre extérieur est de dix-neuf mètres. La salle
circulaire du sous-sol, voûtée par six ogives aux arêtes abattues qui
retombent sur des consoles, est enclavée par deux archères à linteaux
superposés. On y accédait par une porte en plein cintre au bout du
souterrain déjà signalé, qui longe la courtine du nord. Au
rez-de-chaussée, une porte à linteau précède une voûte en berceau brisé
qui vient buter contre deux grandes dalles. Dans ce couloir venait
déboucher l'escalier à vis, dépourvu de marches, qui conduisait
directement à la plate-forme supérieure[22]. La salle hexagone est
recouverte par six nervures en amande qui se réunissent autour d'une clef
à feuillage et qui s'appuient sur de courtes colonnettes. Les crochets de
leurs chapiteaux se recourbent sous des tailloirs à bec moulurés. Les
formerets à claveaux nus encadrent de larges niches en tiers-point. A
l'ouest, une fenêtre de la même forme, avec glacis en escalier, s'ouvre
dans le mur, épais de 4m,80. Un couloir coudé, éclairé par une archère,
conduit à des latrines dont la fosse, très profonde, se compose d'un
puits rond surmonté d'un puits carré.

  [22] Viollet-le-Duc a mal planté les latrines de cette tour.

  [Illustration:
    A Ventre del.
  CHAPITEAU DE LA TOUR NORD-EST]

Au premier étage, la voûte s'est écroulée; mais on voit l'amorce de l'une
des six ogives à tore aminci. Cette salle, à six pans, communiquait par
une porte avec la courtine du nord. Ses grandes niches en tiers-point,
ses cinq archères, sa cheminée et ses latrines sont encore intactes. Le
dernier étage, hexagone, n'était pas voûté: ses niches au nombre de six,
ne correspondaient pas aux précédentes pour donner plus de solidité à la
maçonnerie. La toiture reposait sur un mur circulaire percé de baies à
linteau, et les hourds de bois prenaient leur point d'appui sur de gros
corbeaux de pierre, dont le profil est formé de quatre quarts de rond,
comme au sommet du donjon.

  [Illustration:
      Photo Lefèvre-Pontalis.
    COURTINE ET TOUR NORD-EST]


=Musée lapidaire.=--Le déblaiement des ruines a permis de
recueillir, dans la salle du rez-de-chaussée de cette tour, des
sculptures très intéressantes, comme un chapiteau du XIIe siècle,
à larges feuilles recourbées en volutes, qui devait orner une
salle du château roman, et qui couronnait une colonne isolée. Une
large clef de voûte, du XIIIe siècle, dont le trou central est
entouré d'une guirlande de feuillages, provient de la chapelle
gothique, comme le prouvent les amorces de ces quatre branches
d'ogives, tandis que deux clefs à six nervures faisaient partie
des voûtes dans les grosses tours. Deux grosses gargouilles, à
tête d'animal et des débris des quatre pinacles terminés par un
fleuron sortant d'un cercle de boules, qui se trouvaient jadis au
sommet du donjon, méritent d'attirer l'attention avec un
personnage assis, les jambes croisées, qui décorait un sommier de
la voûte d'ogives du rez-de-chaussée.

  [Illustration:
    Photo Lefèvre-Pontalis.
   MUSÉE LAPIDAIRE.--SCULPTURES DU XIVe SIÈCLE
  A droite, têtes d'un Preux et d'une Preuse provenant des cheminées.]

Trois lions mutilés du XIIIe siècle, dont l'un dévorait un enfant
et l'autre un chien, portaient sur leur dos une table de pierre
qui servait de siège à un autre lion assis. C'était l'ancien
perron dessiné par Androuet du Cerceau, où les vassaux des sires
de Coucy juraient foi et hommage à l'entrée du château. «Devant
ladite figure, dit-il, se paye certain tribut par les voisins du
lieu, scavoir est qu'ils sont tenus envoyer tous les ans un
rustique, ayant en sa main un fouet, pour sonner d'iceluy trois
coups: avec ce une hotte pleine de tartres et gasteaux qu'il
fault qu'il distribue aux seigneurs de là». La redevance de
quarante rissoles par l'abbé de Nogent donnait lieu à une bizarre
cérémonie.

Une petite gargouille, des chapiteaux à crochets, des carreaux
vernissés, des boulets de pierre et de fonte complètent cette
collection ainsi que les têtes d'un Preux et d'une Preuse qui
ornaient au XIVe siècle les cheminées des salles du même nom; des
figurines et des chapitaux de la même époque; la tombe plate d'un
bourgeois de Coucy, mort en 1596. Enfin, il faut signaler une
couleuvrine en cuivre à six pans.

  [Illustration:
     ANTE LEONIS HVIVS          COVVSSI
     STATVAM FIDELITATIS        DEVANT LA FIGVRE DE CE
     IVRA PRÆSTANTVR            LION SE PAIE LHOMMAGE
       Androuet du Cerceau del.
  ANCIEN PERRON DU CHATEAU]


=Tour nord-ouest.=--Les trois autres tours d'angle offrant des
dispositions à peu près identiques avec quelques variantes, il serait bon
de les visiter successivement. Celle du nord-ouest, dite du Roi,
renferme une cave ronde d'un diamètre inférieur à celui des autres
salles[23]. Ses ogives, sans moulures, au nombre de six, viennent
s'assembler autour d'un œil central, large de 0m,80, qui permettait le
passage d'un homme: la voûte a deux mètres d'épaisseur. On ne pouvait
descendre dans cette cave qu'avec un treuil. La salle hexagone du
rez-de-chaussée, dont les murs ont 2m,80 d'épaisseur, était voûtée
d'ogives, car on voit encore les amorces des lunettes. Une profonde
arcade en tiers-point fait corps avec chaque pan coupé, comme dans les
trois autres étages, mais toutes ces niches sont désaxées par rapport à
celles qui les précèdent ou qui les surmontent. Les archères sont au
nombre de cinq, à cause de la cheminée. Il est difficile d'expliquer
pourquoi cette salle est dépourvue de latrines: on y entre de plain-pied
avec le soubassement de la salle des Preuses.

  [23] La coupe de cette tour N, dessinée par Viollet-le-Duc, est
  très inexacte. Cf. _Dictionnaire d'architecture_, t. IX, p. 83.
  Son diamètre est de 17m,50.

L'escalier à vis s'interrompait à chaque étage pour obliger les hommes
d'armes à se faire reconnaître, en traversant les salles. Le premier
étage communiquait avec la courtine par une porte: on voit encore les
corbeaux qui soutenaient les solives du plafond, car la voûte de cette
salle, détruite par un incendie, fut supprimée en 1386 quand on restaura
les niches, comme le prouve le compte déjà cité. Un plancher séparait le
second et le troisième étage, percés d'archères, et chauffés par des
cheminées. Tous les murs étaient recouverts d'un enduit très mince peint
en jaune avec faux joints rouges. Une archère supérieure fut transformée
en fenêtre, à la fin du XVIe siècle. Les corbeaux sont semblables à ceux
que j'ai déjà décrits.

=Tour sud-ouest[24].=--La salle souterraine de cette tour M, voûtée
d'ogives et dépourvue de toute ouverture, est identique à celle de la
tour précédente: elle renferme des latrines. La voûte du rez-de-chaussée
est également intacte, avec ses six nervures en amande qui retombent sur
des colonnettes, engagées entre les cinq profondes niches et la cheminée
de la salle hexagone. On y pénètre en passant sous un linteau surmonté
d'un arc de décharge. Derrière cette porte, à droite, s'ouvre un couloir
voûté en berceau brisé qui débouche sous la salle des Preuses. A gauche,
un long couloir coudé conduit à des latrines, éclairées par une archère,
suivant une disposition qui n'existe pas dans les autres tours. Une autre
différence, c'est que la salle du rez-de-chaussée et celle du premier
étage ne sont pas reliées par un escalier à vis, parce qu'on pouvait
passer de la salle des Preux et de la salle des Preuses dans la tour du
sud-ouest.

  [Illustration:
      A Ventre del.
  COUPE DE LA TOUR SUD-OUEST]

  [24] Sa hauteur est de 44m,50 et son diamètre extérieur de 18
  mètres.

Le second étage, voûté d'ogives, d'après les amorces des compartiments de
remplissage, était éclairé par quatre archères, et chauffé par une grande
cheminée. A côté, on voit dans l'épaisseur du mur le conduit de fumée
de la salle inférieure. A l'angle de la courtine occidentale et de cette
tour, des latrines en encorbellement pouvaient servir au besoin de
mâchicoulis. On montait au troisième étage, recouvert d'un plancher de
bois, par une cage d'escalier. La clef de ses niches correspond à l'axe
des piédroits de celles du second étage, suivant une disposition qui se
répète dans les quatre tours d'angle. Pour arriver sous la toiture
conique, au niveau des hourds, il fallait gravir un escalier de bois.

  [Illustration:
      Photo Lefèvre-Pontalis.
  INTÉRIEUR DE LA TOUR SUD-OUEST]

  [Illustration:
      Photo Lefèvre-Pontalis.
  TOUR SUD-EST]


=Tour sud-est.=--En descendant dans l'une des caves situées sous la
salle des Preux, on pénètre dans la salle souterraine et circulaire de
cette tour L par une porte en tiers-point, suivie d'une herse et d'une
porte en plein cintre. Le couloir intermédiaire, recouvert de linteaux,
communique avec un escalier à vis qui dessert tous les étages. Six
branches d'ogives aux arêtes abattues rayonnent autour de la clef de
voûte, et viennent rejoindre des consoles: deux archères sont percées
dans les murs épais de 5m,20. Au-dessus se trouve une salle hexagone,
sans archères et sans cheminée, qui était voûtée par six nervures à tore
aminci, dont les retombées s'appuient sur des chapiteaux à crochets et
des colonnes engagées. Une fenêtre s'ouvre au levant au fond de l'une des
six niches en tiers-point, et les latrines sont établies sur une fosse
carrée, profonde de 18 mètres, qui s'élève au-dessus d'un puits rond.

Au premier étage, on voit encore des amorces de la voûte d'ogives, les
niches habituelles, cinq archères et une cheminée. La porte à linteau
s'ouvrait à l'extrémité orientale de la salle des Preux, en avant d'un
passage coudé qui communiquait avec l'escalier à vis. En traversant la
cage, on pouvait circuler, à l'intérieur d'un gros mur, dans un couloir
recouvert de grandes dalles qui rejoignait la chemise du donjon. Des
latrines en encorbellement s'élèvent dans l'angle rentrant de la courtine
méridionale, comme dans les tours précédentes. Les étages supérieurs sont
inaccessibles.



V

CORPS DE LOGIS


=Côté nord.=--On voit encore dans la cour les débris des treize arcades
aveugles en tiers-point qui retombaient sur des contreforts intérieurs au
revers de la courtine du nord, afin d'élargir le chemin de ronde. Ce
système, qui devint plus tard si fréquent dans l'architecture militaire
du midi de la France et dans les églises fortifiées de la même région,
apparut dans l'Ile-de-France autour du mur d'enceinte du château de
Farcheville, près d'Étampes, construit par Hugues de Bouville, sénéchal
de Philippe Auguste. L'architecte du château de Coucy eut soin de monter
le parement supérieur du mur de fond après le décintrage des voussures,
afin de remédier aux effets du tassement. Les marques de tâcherons, la
disposition des supports, le champ plat de quelques écoinçons, suffisent
à prouver qu'aucun bâtiment ne venait s'adosser à la courtine du nord, au
XIIIe siècle.

Vers la fin du XIVe siècle, comme l'indiquent quelques profils et la
finesse des marques de tâcherons, on éleva la porterie et un corps de
logis contre la même courtine, à l'intérieur de la cour. On remplit de
maçonnerie la plupart des arcades qui se trouvèrent englobées dans de
petites pièces à solives apparentes. Trois escaliers à vis desservaient
l'unique étage; le premier, en partant de la porte du château, descend
dans un souterrain du XIIIe siècle, à travers la voûte; le troisième
s'élève à l'angle du bâtiment de la salle des Preuses. Ce qui est
extraordinaire, c'est qu'Androuet du Cerceau figure au milieu de la
courtine du nord une petite tour ronde assez saillante, dont il est
impossible de retrouver la trace. Viollet-le-Duc l'indique à tort sur son
plan; mais il suffit d'examiner le parement extérieur du mur pour
constater l'absence de tout collage ou d'une brèche rebouchée: on n'a
jamais relancé aucune pierre dans les assises primitives. Etait-ce une
œuvre du XIVe siècle? Je n'en sais rien, mais j'affirme qu'au XIIIe
siècle il n'y avait pas de petite tour partant de fond entre les deux
grosses tours du nord.


=Côté ouest.=--Le grand corps de logis dont on voit les ruines entre les
tours nord-ouest et sud-ouest fut presque entièrement reconstruit par
Enguerrand VII, un peu avant le voyage de Charles VI à Coucy, le 23 mars
1387, comme le prouve le compte publié par M. Broche; mais le magasin P
du rez-de-chaussée est une œuvre du XIIIe siècle. On y entrait de
plain-pied, comme dans une halle, par cinq larges arcades en tiers-point,
qui s'ouvraient sur la cour et qui retombaient sur des piles
rectangulaires. Aucune trace de fermeture ou de mur de clôture contre les
supports. Au revers du mur extérieur, cinq profondes arcades en
tiers-point, construites avant le parement supérieur du fond, étaient
destinées à réduire la portée des solives du plancher de la salle des
Preuses, comme dans le cellier méridional. Les marques de tâcherons
permettent de distinguer toutes les assises et les claveaux du XIIIe
siècle.

  [Illustration:
      Photo Lefèvre-Pontalis.
  VUE PRISE SOUS LA SALLE DES PREUSES]

Vers 1385, le plafond de bois primitif fut remplacé par cinq croisées
d'ogives aux angles abattus, dont on voit les amorces sur les anciennes
piles. Les doubleaux, en cintre surbaissé, présentaient le même profil.
Les nervures de la première voûte au nord, tangente à une arcade aveugle
du XIIIe siècle, viennent d'être rétablies par les soins de M.
Bœswillwald. La voûte suivante butait contre un gros mur de refend,
monté au XIVe siècle pour soutenir un escalier à vis qui reliait la salle
des Preuses au second étage. La seconde arcade, en partant du nord, se
trouve donc en partie bouchée comme la première, adossée aux bâtiments du
nord et à une voûte d'ogives du XIVe siècle. Pour se rendre à la salle
des Preuses et à celle des Preux, on montait un large escalier tournant,
dont la cage et la porte à colonnettes prismatiques sont encore intactes
dans l'angle sud-ouest de la cour.

  [Illustration:
      Photo Neurdein.
  CÔTÉ OUEST DE LA COUR
  Ruines de la salle des Preuses.]

=Salle des Preuses.=--Le compte de 1386-1387 mentionne la construction de
la cheminée du boudoir attenant à cette salle, qui venait d'être achevée.
L'architecte d'Enguerrand VII fit remplacer le parement du mur
occidental, à l'intérieur, nomme l'indiquent les fines marques de
tâcherons. A droite, il piocha la courbe de la tour nord-ouest pour faire
un angle, encadré par un gros arc de décharge en plein cintre, au-dessus
du second étage. A gauche, derrière un décrochement, un large couloir du
XIIIe siècle voûté en berceau brisé, fait communiquer la tour sud-ouest
avec la salle des Preuses. Au XIVe siècle, trois grandes fenêtres,
amorties par un arc surbaissé, furent percées après coup dans le mur
occidental. La baie centrale s'ouvrait au fond d'un boudoir qui renferme
une petite cheminée. Sa voûte se compose de deux petites croisées
d'ogives, dont la baguette à filet saillant retombe sur des anges.

  [Illustration: MARQUES DE TACHERONS DU XIVe SIÈCLE]

Cette salle était en outre chauffée par une grande cheminée à deux âtres,
dessinée par Androuet du Cerceau et décorée des statues des neuf Preuses,
suivant la description poétique d'Antoine d'Asti, secrétaire du duc
Charles d'Orléans, vers 1440. Au-dessus du plafond de bois, une autre
salle, aussi vaste mais plus basse, était de même éclairée par trois
baies; celle du milieu conserve encore deux voûtes d'ogives de faible
dimension. Près de la tour nord-ouest, une cage d'escalier, coupée en
deux, correspond au mur de refend où passait le conduit de la grande
cheminée. Au revers, deux petites pièces superposées étaient éclairées
par deux fenêtres ouvertes au XIVe siècle.


=Côté sud.=--Le vaste bâtiment qui renfermait la salle des Preux s'élève
au-dessus des deux caves parallèles, voûtées en berceau brisé, que j'ai
déjà décrites. Le grand cellier R du rez-de-chaussée fut remanié vers
1385, comme le magasin qui se trouve sous la salle des Preuses. Au XIIIe
siècle, des poutres de fort équarrissage portaient le plancher du premier
étage. Elles devaient être soulagées par des piliers de pierre, à cause
de leur grande portée, suivant un système appliqué au château de Chillon
et dans l'abbaye du Moncel (Oise). Neuf arcades en tiers-point, assez
profondes, soutenues par des piédroits, et marquées de signes de
tâcherons, faisaient corps avec le mur méridional pour donner aux solives
un point d'appui.

L'architecte d'Enguerrand VII modifia cette disposition pour voûter le
cellier. Il dressa dans l'axe longitudinal une file de colonnes où les
ogives aux arêtes abattues et les doubleaux de même profil qui
décrivaient une courbe en segment de cercle venaient retomber en
pénétration. Le sommier de l'un des fûts, d'où partaient huit arcs, et
des amorces de nervures sont encore visibles contre une pile occidentale
et à l'entrée de la cave de la tour sud-est. Chaque galerie fut donc
recouverte de neuf voûtes soigneusement appareillées: entre les deux
dernières voûtes, à l'ouest, deux larges doubleaux s'appuyaient sur un
massif de maçonnerie flanquée de colonnes engagées, et d'un mur de refend
qui venait buter contre une ancienne niche en tiers-point.

Plus loin, un arc surbaissé du XIIIe siècle, formé de deux rangs
d'énormes claveaux, supportait le mur de fond et la cheminée de la salle
des Preux. Par mesure de prudence, on le fit murer au XIVe siècle; au
revers, une petite voûte en berceau, et une voûte d'ogives à trois
nervures furent montées à la même époque; mais primitivement une poutre
franchissait l'espace triangulaire entre la tour sud-ouest et l'arc
transversal au droit d'un corbeau, encore intact, qui soutenait une
contre-fiche.


=Salle des Preux.=--Cette magnifique salle fut rebâtie, en même temps que
la salle des Preuses, dans le dernier quart du XIVe siècle. L'architecte
fit arracher l'ancien parement intérieur du mur méridional, pour y
substituer de nouvelles assises. Il perça du même côté deux larges
fenêtres à plate-bande appareillée, qui étaient recoupées par un meneau
central et deux arcs tréflés. Au dehors, un boudin coudé encadrait
chacune des baies. Les deux cheminées, très larges, conservent leur foyer
encadré par un arc surbaissé sous un arc de décharge en tiers-point. Les
quatre niches sont flanquées de deux colonnettes, et leurs dais à sept
pans garnis de petits arcs trilobés portent déjà l'empreinte du style
flamboyant.

  [Illustration:
      Photo Lefèvre-Pontalis.
  RUINES DE LA SALLE DES PREUX]

Un bandeau de feuilles frisées marque le niveau de la charpente en carène
renversée de la salle des Preux. Trois lucarnes à meneau central, dont
on voit encore les glacis, correspondaient à une voussure de bois en
pénétration dans le berceau. A l'extérieur, une ligne de corbeaux
moulurés accuse le sommet de la courtine surélevée, comme entre les
autres tours.

On montait à la tribune occidentale, destinée aux musiciens, par un petit
escalier à vis accolé à la tour sud-ouest et coiffé d'une voûte d'ogives
à six branches qui retombent sur des petits anges. A l'autre extrémité,
c'est-à-dire à l'orient, une immense verrière s'ouvrait dans le pignon
pour éclairer la salle. Au niveau de son appui on avait élevé une tribune
en bois décorée de pampres et de fruits, comme les deux autres, qui
étaient réservées aux dames.

La belle cheminée occidentale de cette salle se divisait en deux foyers
séparés par un pilier. Les statues des Preux étaient au nombre de dix,
car Charles d'Orléans y avait ajouté Bertrand du Guesclin. Ce détail se
trouve dans le poème de son secrétaire, Antoine d'Asti.


=Chapelle.=--Orientée vers le nord-est et adossée au bâtiment de la salle
des Preux, cette chapelle du XIIIe siècle, à chevet plat, a presque
entièrement disparu; mais on peut encore relever le plan de ses
soubassements. Le rez-de-chaussée S divisé par de fortes piles et
recouvert de quatre voûtes d'ogives sur chaque galerie, servait de
passage, comme sous la chapelle du château de Senlis, pour entrer soit
dans le grand cellier, situé sous la salle des Preux, par une porte en
tiers-point de six mètres d'épaisseur, soit dans la cuisine, qui
s'élevait à l'orient. Entre les contreforts à bandeau inférieur mouluré,
des arcs de décharge encadraient des murs percés de portes.

  [Illustration:
      A Ventre del.
  CLEF DE VOUTE DE LA CHAPELLE]

Au premier étage, deux grandes voûtes d'ogives retombaient sur des
faisceaux de cinq colonnettes dont il reste des assises au pied de la
courtine du nord. L'une des clefs à trou central, ornée d'une guirlande
de feuillages, est déposée au musée de la tour nord-est: les amorces de
ses grosses nervures en amande accusent une époque peu avancée du XIIIe
siècle. J'ai retrouvé aussi quelques débris des meneaux, épais de 0m,75,
qui divisaient les fenêtres; le fût de leurs colonnettes et leur
feuillure sont bien visibles. Plusieurs morceaux de quatrefeuilles ou de
rosaces à cinq lobes, provenant du remplage, sont épars sur le sol.

Loin de ressembler à la Sainte-Chapelle de Paris, comme un dessin de
Viollet-le-Duc pourrait le faire supposer, la chapelle du château de
Coucy était plutôt une œuvre du même style que le chevet de la
cathédrale de Soissons. La riche décoration de cette chapelle avait
frappé Antoine d'Asti, secrétaire du duc Charles d'Orléans, car il décrit
dans ses _Lettres héroïques_, vers 1440, les figures peintes sur les
voûtes qui étaient rehaussées de dorures, les statues, les vitraux, qui
représentaient des scènes de l'Ancien et du Nouveau Testament. Il affirme
que pendant la guerre de Cent Ans, le prince Jean aurait acheté les
anciennes verrières au prix de douze mille écus d'or.


=Cuisine.=--Une petite cour séparait le côté sud de la chapelle, de la
cuisine T recoupée en deux pièces, dont les murs sont démolis presque à
ras de terre. Les eaux de vaisselle, vidées sur un évier, se déversaient
par un caniveau dans un grand puisard, dissimulé dans l'épaisseur de la
chemise du donjon, et surmonté d'un réduit voûté en berceau brisé.



VI

DONJON


=Chemise.=--Les défenses extérieures du donjon V, qui commandait à la
fois la basse-cour et la cour du château, se composaient d'un fossé large
de 6m,36 et d'une chemise annulaire qui s'interrompait en face de
l'entrée de la tour. Cette chemise, aujourd'hui découronnée et éventrée
par la mine en 1652, mesurait 20 mètres de hauteur, en partant du fond du
fossé. Elle se reliait, au nord, à la courtine de la porte du château, et
au midi à la tour sud-est par un gros mur dont le couloir intérieur
communiquait avec celui de la chemise surmontée d'un chemin de ronde
crénelé. On y montait rapidement, au XIIIe siècle, par une rampe courbe
partant du sol de la cour en face de la porte du donjon: au-dessous, des
arcs de décharge formaient des niches. L'escalier à vis, adossé au
puisard des cuisines, fut appliqué contre la chemise au XIVe siècle.

Plus loin, un escalier droit du XIIIe siècle, recouvert d'énormes
dalles, descend dans un passage, ménagé à travers la chemise, au niveau
des fondations. On pouvait donc passer du fossé intérieur au fossé
extérieur, mais comme l'ennemi aurait pu prendre le même chemin, une
herse manœuvrée dans une petite chambre permettait de barrer ce couloir
vers le sud. Cette poterne correspondait par un pont volant avec celle
que j'ai déjà signalée au pied de la tour sud-est.

Vers 1386, on eut l'idée d'établir au pied de la chemise, dans le fossé
extérieur, une galerie de contre-mine, voûtée en quart de cercle, et
recouverte d'un talus. Cette date se déduit d'une dépense inscrite dans
le registre de comptes de la châtellenie pour la captation de la source
qui s'y trouve, et qui devait nécessairement être protégée en cas de
siège. Viollet-le-Duc et d'autres archéologues ont eu tort de croire que
la galerie pouvait remonter au XIIIe siècle. A l'entrée, ses doubleaux
avec arêtes abattues et ses voussoirs en pierre jaune sont d'un tout
autre grain que la roche à coquillages primitive. C'est donc un simple
collage contre le vieux mur.


=Procédé de construction.=--Le donjon, du XIIIe siècle, est bâti
sur un plan circulaire, comme ceux de Rouen, de Lillebone, ou
comme les tours d'angle des châteaux de Gisors et de Falaise,
œuvres des ingénieurs militaires de Philippe Auguste, qui ont pu
servir de prototype à l'architecte. Sa hauteur, prise du fond du
fossé, atteint 54 mètres; son diamètre mesure exactement
31m,25; et l'épaisseur du mur, au rez-de-chaussée, est de
7m,46: c'est donc la plus grosse tour du monde.

  [Illustration:
      Photo Neurdein.
  DONJON ET TOUR NORD-EST]

Viollet-le-Duc a deviné le premier à l'aide de quel ingénieux procédé sa
construction fut menée à bonne fin. Des trous de boulin disposés en
spirale, de la base au sommet, correspondaient à deux poutrelles reliées
par des contrefiches qui soutenaient un chemin en encorbellement, dont la
pente était assez douce à cause du diamètre énorme du donjon. La largeur
de cette rampe en hélice pouvait atteindre cinq mètres, ce qui permettait
aux ouvriers de monter les pierres à l'aide de petits chariots. Un rayon
de bois, tournant horizontalement autour d'un axe, suffisait à régler la
courbe du parement. Suivant un principe appliqué dès le XIIe siècle, le
mur du donjon était cerclé par des longrines de bois noyées dans la
maçonnerie, à trois hauteurs différentes: une enrayure, dont les trous
sont visibles, venait s'assembler dans ce chaînage au niveau du second
étage.


=Salle basse.=--On entrait au rez-de-chaussée par un pont à bascule qui
franchissait le fossé de la chemise et qui s'abattait sur deux corbeaux,
encore intacts. La porte en tiers-point est flanquée de deux colonnettes:
on a remplacé ses chapiteaux, le linteau et la plus grande partie du
tympan, qui représente la lutte d'un chevalier contre un lion. La croupe,
la queue et une patte de l'animal sont seules anciennes. Dès le XIIe
siècle, on a reproduit la même scène sur un grand nombre de chapiteaux
romans, comme à Laffaux et à Saconin, près de Soissons. Dom Toussaint
Duplessis y voit bien à tort un souvenir de la lutte d'Enguerrand III
contre les Albigeois, mais ce n'est qu'un symbole de la bravoure
chevaleresque[25]. Au XVIe siècle, Androuet du Cerceau et L'Alouète ont
voulu expliquer ce bas-relief par une légende qui se rattache à
Enguerrand Ier et à la fondation de l'abbaye de Prémontré en 1119, grâce
à un jeu de mots ridicule répété par tous les auteurs modernes.

  [Illustration:
      Photo Neurdein.
  TYMPAN DE LA PORTE DU DONJON]

  [25] Notre savant confrère, M. Mâle, est d'avis que ce combat
  n'a aucun rapport avec la lutte de Samson et du lion ou avec
  l'iconographie religieuse. Le sujet a pu en être fourni aux
  sculpteurs romans par des motifs orientaux.

  [Illustration:
      Photo Lefèvre-Pontalis.
  SALLE BASSE DU DONJON
  Statuette sous la retombée des voûtes.]

Huit figurines se détachent sur la voussure, mais comme les attributs des
trois statuettes primitives sont cassés, il est difficile de les
identifier avec telle ou telle vertu. L'archivolte, garnie de crochets,
retombe sur deux consoles ornées d'une chimère et de deux aigles
becquetant des masques.

Le couloir de la porte était défendu par un assommoir rectangulaire et
par une herse que l'on manœuvrait dans une petite chambre qui communique
avec l'escalier. Dans le passage voûté en berceau débouchent des
latrines recouvertes de dalles et éclairées par une archère. On pénètre
dans la salle du rez-de-chaussée en passant sous un linteau qui repose
sur deux corbeaux: à droite, un lion mutilé est flanqué d'un masque; à
gauche, une chouette se dresse à côté de deux oiseaux affrontés.

  [Illustration:
      Viollet-le-Duc del.
  COUPE DU DONJON]

Le donjon ne renferme pas de rotonde souterraine, comme les autres tours;
son soubassement, qui forme talus, est plein afin d'opposer plus de
résistance à la sape. Ses trois salles, dont la largeur est de 16m,33 et
la hauteur moyenne de 13 mètres étaient recouvertes de douze branches
d'ogives qui rayonnaient autour d'une clef centrale; mais l'ingénieur
Métézeau et son fils firent sauter les trois voûtes, en 1652, à l'aide
d'une mine dont on a retrouvé les traces à deux mètres de profondeur et
qui fit trois lézardes dans les murs de la tour. Au rez-de-chaussée, dont
le plan est un dodécagone, les amorces du boudin en amande et des deux
tores des nervures prennent naissance sur des sommiers ornés d'un
personnage mutilé, assis les jambes croisées, qui correspond à une courte
colonnette surmontée d'un chapiteau à crochets et d'un tailloir à bec. De
chaque côté de la figurine, un culot garni de feuillages servait de point
d'appui à une colonnette des douze arcatures supérieures, qui jouaient le
rôle de formerets.

  [Illustration: SALLE BASSE DU DONJON
  Sommier d'une ogive.]

Les niches en tiers-point du premier rang, dépourvues de moulures,
s'ouvrent entre de robustes piédroits. Larges de 3m,10 et profondes de
1m,70, elles servaient pour loger des provisions: leur mur de fond est
plein. Au sud, une large cheminée restaurée chauffait la salle; à
l'ouest, une niche abrite le puits qui fut creusé avant les fondations du
donjon. Son diamètre est de 2m,14 et le rouet se trouve à 64m,50 de
profondeur, comme on l'a constaté en 1819, en vidant les déblais qui le
remplissaient entièrement[26]. Ce travail a fait découvrir des boulets de
pierre et de fer, deux têtes de statues dorées, et le petit canon en
cuivre du musée. A dix mètres au-dessous du sol, on voit l'orifice d'un
souterrain qui devait communiquer avec les caves de la salle des Preux.

  [26] Aujourd'hui le puits ne mesure plus que 30 mètres de
  profondeur.

La salle basse était décorée d'un second rang de niches plus hautes,
souligné par un bandeau de crochets. Leur archivolte en tiers-point, dont
le tore est bien dégagé, retombait sur deux colonnettes et sur des
chapiteaux à crochets. Trois fenêtres de la même forme, surmontées
d'énormes linteaux de fond, s'ouvrent dans les murs: elles sont carrées à
l'extérieur: leurs glacis en escalier, où l'on accédait par une échelle,
permettaient de les utiliser pour la défense. La niche qui correspond à
la cheminée est recoupée par deux arcatures secondaires, pour masquer le
passage du conduit. Sous quelques voussures, on voit des rinceaux rouges
et des faux-joints, de la même couleur, qui se détachaient sur un fond
ocre, car les salles du donjon étaient peintes très sobrement.


=Etages supérieurs.=--On monte aux deux étages et à la plate-forme
supérieure par un bel escalier à vis, dont la cage a 3m,05 de diamètre.
Les marches, au nombre de 215, mesurent 0m,20 de hauteur, et sont posées
sur des chanfreins qui se détachent en saillie sur le parement et sur le
noyau. Les onze fenêtres percées dans la cage jouaient le même rôle que
des archères. L'architecte avait pris la sage précaution de planter
l'escalier du côté de la cour pour éviter le danger d'une brèche faite
par les machines de guerre au point où le mur présentait un point faible.

  [Illustration:
      Photo Lefèvre-Pontalis.
  INTÉRIEUR DU DONJON]

La salle du premier étage était également voûtée par douze ogives à trois
tores qui viennent rejoindre les chapiteaux à crochets de colonnettes en
délit. La clef centrale était percée d'un large trou pour le passage des
projectiles dans un panier monté par un treuil. On remarquera l'absence
de formerets sous les lunettes. Chacun des douze pans coupés conserve une
niche en tiers-point, beaucoup plus haute que celles du rez-de-chaussée;
ses claveaux sont nus comme les pilastres qui les soutiennent. Trois
fenêtres s'ouvrent autour de la salle; près du passage de la cheminée une
petite porte devait aboutir à un pont volant jeté sur le fossé, au niveau
du chemin de ronde de la chemise. A l'est, des latrines correspondaient à
celles du rez-de-chaussée: au nord, il faut signaler, sous l'une des
arcades, un four à pain voûté en berceau brisé qui s'ouvre sous un arc
surbaissé, repris en moellons neufs. A côté, on voit la porte qui donne
dans la cage de l'escalier.

  [Illustration:
      A Ventre del.
  PLAN DU SECOND ÉTAGE DU DONJON]

Si la voûte d'ogives du second étage diffère de celle du premier par le
profil de ses douze nervures aux arêtes abattues, le plan dodécagone de
la salle supérieure offre également une variante. En effet, un couloir
circulaire, à 4m,55 au-dessus du dallage, permettait d'en faire le tour.
La première idée de ce chemin de ronde intérieur se trouve appliquée dans
les donjons de Chambois (Orne) et de Châteaudun; mais à Coucy, le couloir
traverse de grandes arcades en tiers-point qui s'ouvrent sur la salle
haute. Cette tribune a 3m,45 de profondeur: on avait augmenté sa largeur
au moyen d'un plancher de bois qui s'avançait jusqu'au dosseret des
colonnettes, car la trace des trous des barres du parapet est encore
visible. Il était donc facile de loger des approvisionnements dans les
niches comme aux étages inférieurs.

Le mode de voûtement de cette tribune mérite d'attirer l'attention. Au
milieu de chaque voussure, un arc en tiers-point nu, qui pénètre dans les
piles rectangulaires marque le changement de direction de la voûte. Il en
résulte que l'arc brisé qui traverse le passage au droit de chaque
support s'évase du côté extérieur de la tour et repose de l'autre côté
sur un pilastre à trois pans coupés dont le sommier forme console aux
deux angles[27].

  [27] Viollet-le-Duc. _Dictionnaire d'architecture_, t. IV. p.
  269.

  [Illustration:
      A. Ventre del.
    FLEURON D'UN PINACLE
    DU DONJON]

Cette disposition, destinée à donner le maximum de résistance à un mur
circulaire qui renferme une galerie, est unique en son genre. La salle
était éclairée par deux fenêtres en tiers-point divisées par un meneau:
comme elles se trouvaient au niveau de la tribune, l'architecte avait
établi deux bancs de pierre dans chaque baie.

  [Illustration:
      Photo Lefèvre-Pontalis.
  DERNIER ÉTAGE DU DONJON]

Au XIIIe siècle, la plate-forme supérieure, recouverte de dalles de
pierre, n'était pas surmontée d'une toiture conique comme les grosses
tours. Les deux rangs de larges feuilles à crochets de la corniche
intérieure et de la corniche extérieure, bordés d'un tore, étaient
couronnés d'un glacis à double pente où quatre pinacles venaient
s'engager, comme l'indique un dessin d'Androuet du Cerceau. On en a
retrouvé les débris dans le fossé avec deux grosses gargouilles qui
servaient à l'écoulement des eaux. L'escalier à vis se continue jusqu'au
sommet du mur, large de quatre mètres, mais on a muré la cage pour éviter
les accidents.

Le mur circulaire est percé de vingt-quatre baies en tiers-point à
claveaux nus: une archère s'ouvre dans chaque trumeau, de façon à pouvoir
abriter les défenseurs dans le cas où les hourds auraient fait défaut.
Frappé de la difficulté que devait présenter la pose rapide de ces
galeries de bois en encorbellement, qui jouaient un rôle capital dans la
défense du donjon, l'architecte avait disposé quarante-huit corbeaux de
pierre, profilés en quatre quarts de rond, pour supporter les hourds à
deux étages. Des pièces de bois formant un angle obtus s'appliquaient sur
les deux glacis pour former le toit à double pente des hourds intérieurs
et extérieurs, sinon les défenseurs n'auraient pas été à l'abri des
intempéries. Elles venaient s'assembler dans des poteaux inclinés, reliés
par des moises et un plancher intermédiaire. Un charmant dessin de
Viollet-le-Duc aide à saisir comment cette opération s'exécutait.

La vue très étendue dont on jouit au sommet du donjon fait bien
comprendre l'assiette du château. Au nord, l'église de Coucy-la-Ville
avec son clocher central roman et la flèche de son clocher-porche du XVIe
siècle, attire les regards. A l'est, la route de Laon traverse le plateau
en laissant à gauche la tour de Moyenbrie. La vallée de la Lette, où
viennent aboutir les routes de Soissons et de Noyon, forme un fossé
naturel du côté sud. A l'ouest, le château, vu de la route de Chauny, se
présente sous son aspect le plus romantique, au soleil couchant, avec
l'énorme masse circulaire du donjon, qui domine les courtines et les
quatre tours d'angle, encadrées par les arbres. C'est de là que l'œuvre
audacieuse et forte d'Enguerrand III, remaniée par Enguerrand VII, évoque
tout un passé de grandeur et de décadence.

  [Illustration:
      A. Ventre del.
  GARGOUILLE DU DONJON]



BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE


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      Paris, Eggimann, in-8º.


  [Illustration:
      Photo Lefèvre-Pontalis.
  DONJON ET TOUR NORD-EST]



TABLE DES GRAVURES[28]


    Plan de la ville                                     Au titre

    Plan du château                                      Au titre

    Le château en 1576 vu de l'ouest                            9

    Le château vu du sud-ouest                                 11

    Porte de Laon                                              33

    Coupe de la porte de Laon                                  35

    Porte de la basse-cour                                     41

    Tours de la basse-cour                                     45

    Marques de tâcherons du XIIIe siècle                       52

    Le château en 1576 vu de l'est                             55

    Chapiteau de la tour nord-est                              58

    Courtine et tour nord-est                                  59

    Sculptures du XIVe siècle                                  61

    Ancien perron du château                                   62

    Coupe de la tour sud-ouest                                 65

    Intérieur de la tour sud-ouest                             66

    Tour sud-est                                               67

    Vue prise sous la salle des Preuses                        71

    Ruines de la salle des Preuses                             73

    Marques de tâcherons du XIVe siècle                        74

    Ruines de la salle des Preux                               77

    Clef de voûte de la chapelle                               79

    Donjon et tour nord-est                                    83

    Tympan de la porte du donjon                               85

    Statuette sous la retombée des voûtes                      86

    Coupe du donjon                                            87

    Sommier d'une ogive                                        89

    Intérieur du donjon                                        91

    Plan du second étage                                       93

    Fleuron d'un pinacle                                       94

    Dernier étage du donjon                                    95

    Gargouille du donjon                                       97

    Donjon et tour nord-est                                   101

    Porte de Laon                                             104

  [28] Nous remercions vivement M. Eggimann de nous avoir
  autorisé à reproduire aux pages 35 et 87 des figures extraites du
  _Dictionnaire d'architecture_ de Viollet-le-Duc et M. Emile Lévy
  de nous avoir permis d'exécuter nos reproductions des pages 9, 55
  et 62 d'après sa belle réimpression de _Les plus excellents
  bastiments de France_ de Jacques Androuet du Cerceau.



TABLE DES MATIÈRES


    =Avant-propos=                                              7

    =Introduction historique: Les Sires de Coucy=               9

    =I.--Enceinte de Coucy=                                    33
          Porte de Laon                                        34
          Eglise                                               38

    =II.--Basse-cour du château=                               40
          Porte d'entrée                                       42
          Tours de la basse-cour                               43
          Chapelle romane                                      47

    =III.--Description du château=                             48
          Date de la construction                              48
          Plan et appareil                                     51
          Souterrains                                          53
          Porte d'entrée                                       54

    =IV.--Tours d'angle=                                       57
          Tour nord-est                                        57
          Musée lapidaire                                      60
          Tour nord-ouest                                      62
          Tour sud-ouest                                       64
          Tour sud-est                                         66

    =V.--Corps de logis=                                       69
          Côté nord                                            69
          Côté ouest                                           70
          Salle des Preuses                                    72
          Côté sud                                             75
          Salle des Preux                                      76
          Chapelle                                             78
          Cuisine                                              80

    =VI.--Donjon=                                              81
          Chemise                                              81
          Procédé de construction                              82
          Salle basse                                          84
          Etages supérieurs                                    90

    =Bibliographie sommaire=                                   98

    =Table des gravures=                                      101

  [Illustration:
      Photo Neurdein.
  PORTE DE LAON]


ÉVREUX, IMPRIMERIE CH. HÉRISSEY ET FILS





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