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Title: Comme quoi Napoléon n'a jamais existé - ou Grand erratum source d'un nombre infini d'errata à noter - dans l'histoire du XIXe siècle
Author: Jean-Baptiste, Pérès
Language: French
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*** Start of this LibraryBlog Digital Book "Comme quoi Napoléon n'a jamais existé - ou Grand erratum source d'un nombre infini d'errata à noter - dans l'histoire du XIXe siècle" ***


by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at
http://gallica.bnf.fr)



Note sur la transcription:
Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées.
L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée.
Les numéros des pages blanches n'ont pas été repris.



    COMME QUOI
    NAPOLÉON
    N'A JAMAIS EXISTÉ

    COMME QUOI
    NAPOLÉON
    N'A JAMAIS EXISTÉ
    OU
    GRAND ERRATUM
    SOURCE D'UN NOMBRE INFINI D'ERRATA,
    à noter dans l'histoire du XIXe siècle
    PAR
    FEU M. J.-B. PÉRÈS, A. O. A. M.
    Bibliothécaire de la ville d'Agen.

Notes bio-bibliographiques par Gustave DAVOIS

[Illustration]

    PARIS
    L'ÉDITION BIBLIOGRAPHIQUE
    11, Rue Gît-le-Cœur
    1909


    COMME QUOI
    NAPOLÉON
    N'A JAMAIS EXISTÉ.

Napoléon Bonaparte, dont on a dit et écrit tant de choses, n'a pas même
existé. Ce n'est qu'un personnage allégorique. C'est le soleil
personnifié; et notre assertion sera prouvée si nous faisons voir que
tout ce qu'on publie de Napoléon-le-Grand est emprunté du grand astre.

Voyons donc sommairement ce qu'on nous dit de cet homme merveilleux.

On nous dit:

Qu'il s'appelait Napoléon Bonaparte;

Qu'il était né dans une île de la Méditerranée;

Que sa mère se nommait _Letitia_;

Qu'il avait trois sœurs et quatre frères, dont trois furent rois;

Qu'il eut deux femmes, dont une lui donna un fils;

Qu'il mit fin à une grande révolution;

Qu'il avait sous lui seize maréchaux de son empire, dont douze étaient
en activité de service;

Qu'il triompha dans le Midi, et qu'il succomba dans le Nord;

Qu'enfin, après un règne de douze ans, qu'il avait commencé en venant de
l'Orient, il s'en alla disparaître dans les mers occidentales.

Reste donc à savoir si ces différentes particularités sont empruntées du
soleil, et nous espérons que quiconque lira cet écrit en sera convaincu.

Et d'abord, tout le monde sait que le soleil est nommé Apollon par les
poètes; or la différence entre Apollon et Napoléon n'est pas grande, et
elle paraîtra encore bien moindre si on remonte à la signification de
ces noms ou à leur origine.

Il est constant que le mot _Apollon_ signifie exterminateur; et il
paraît que ce nom fut donné au soleil par les Grecs, à cause du mal
qu'il leur fit devant Troie, où une partie de leur armée périt par les
chaleurs excessives et par la contagion qui en résulta, lors de
l'outrage fait par Agamemnon à Chrysès, prêtre du Soleil, comme on le
voit au commencement de l'_Iliade_ d'Homère; et la brillante imagination
des poètes grecs transforma les rayons de l'astre en flèches enflammées
que le dieu irrité lançait de toutes parts, et qui auraient tout
exterminé si, pour apaiser sa colère, on n'eût rendu la liberté à
Chryséis, fille du sacrificateur Chrysès.

C'est vraisemblablement alors et pour cette raison que le soleil fut
nommé Apollon. Mais, quelle que soit la circonstance ou la cause qui a
fait donner à cet astre un tel nom, il est certain qu'il veut dire
exterminateur.

Or _Apollon_ est le même mot qu'_Apoléon_. Ils dérivent du grec:
_Apollyô_ ou _Apoleô_ deux verbes grecs qui n'en font qu'un, et qui
signifient perdre, tuer, exterminer. De sorte que, si le prétendu héros
de notre siècle s'appelait _Apoléon_, il aurait le même nom que le
soleil, et il remplirait d'ailleurs toute la signification de ce nom;
car on nous le dépeint comme le plus grand exterminateur d'hommes qui
ait jamais existé. Mais ce personnage est nommé Napoléon, et
conséquemment il y a dans son nom une lettre initiale qui n'est pas dans
le nom du soleil. Oui, il y a une lettre de plus, et même une syllabe;
car, suivant les inscriptions qu'on a gravées de toutes parts dans la
capitale, le vrai nom de ce prétendu héros était _Néapoléon_ ou
_Néapolion_. C'est ce que l'on voit notamment sur la colonne de la place
Vendôme.

Or, cette syllabe de plus n'y met aucune différence. Cette syllabe est
grecque, sans doute, comme le reste du nom, et, en grec, _nè_ _nê_, ou
_nai_ est une des plus grandes affirmations, que nous pouvons rendre par
le mot _véritablement_. D'où il suit que Napoléon signifie: véritable
exterminateur, véritable Apollon. C'est donc véritablement le soleil.

Mais que dire de son autre nom? Quel rapport le mot _Bonaparte_ peut-il
avoir avec l'astre du jour? Ou ne le voit point d'abord; mais on
comprend au moins que, comme _bona parte_ signifie bonne partie, il
s'agit sans doute là de quelque chose qui a deux parties, l'une bonne et
l'autre mauvaise; de quelque chose qui, en outre, se rapporte au soleil
Napoléon. Or rien ne se rapporte plus directement au soleil que les
effets de sa révolution diurne, et ces effets sont le jour et la nuit,
la lumière et les ténèbres; la lumière que sa présence produit, et les
ténèbres qui prévalent dans son absence; c'est une allégorie empruntée
des Perses. C'est l'empire d'Oromaze et celui d'Arimane, l'empire de la
lumière et des ténèbres, l'empire des bons et des mauvais génies. Et
c'est à ces derniers, c'est aux génies du mal et des ténèbres que l'on
dévouait autrefois par cette expression imprécatoire: _Abi in malam
partem_. Et si par _mala parte_ on entendait les ténèbres, nul doute que
par _bona parte_ on ne doive entendre la lumière; c'est le jour, par
opposition à la nuit. Ainsi on ne saurait douter que ce nom n'ait des
rapports avec le soleil, surtout quand on le voit assorti avec Napoléon,
qui est le soleil lui-même, comme nous venons de le prouver.

2º Apollon, suivant la mythologie grecque, était né dans une île de la
Méditerranée (dans l'île de Délos); aussi a-t-on fait naître Napoléon
dans une île de la Méditerranée, et de préférence on a choisi la Corse,
parce que la situation de la Corse, relativement à la France, où on a
voulu le faire régner, est la plus conforme à la situation de Délos
relativement à la Grèce, où Apollon avait ses temples principaux et ses
oracles.

_Pausanias_, il est vrai, donne à Apollon le titre de divinité
égyptienne; mais, pour être divinité égyptienne, il n'était pas
nécessaire qu'il fût né en Egypte; il suffisait qu'il y fût regardé
comme un dieu, et c'est ce que Pausanias a voulu nous dire; il a voulu
nous dire que les Egyptiens l'adoraient, et cela encore établit un
rapport de plus entre Napoléon et le soleil; car on dit qu'en Egypte
Napoléon fut regardé comme revêtu d'un caractère surnaturel, comme l'ami
de Mahomet, et qu'il y reçut des hommages qui tenaient de l'adoration.

3º On prétend que sa mère se nommait Letitia. Mais sous le nom de
_Letitia_, qui veut dire _la joie_, on a voulu désigner l'aurore, dont
la lumière naissante répand la joie dans toute la nature; l'aurore qui
enfante au monde le soleil, comme disent les poètes, en lui ouvrant,
avec ses doigts de rose, les portes de l'Orient.

Encore est-il bien remarquable que, suivant la mythologie grecque, la
mère d'Apollon s'appelait _Leto_, ou Lêtô. Mais si de _Leto_ les Romains
firent _Latone_, mère d'Apollon, on a mieux aimé, dans notre siècle, en
faire _Letitia_, parce que _lætitia_ est le substantif du verbe _lætor_
ou de l'inusité _læto_ qui voulait dire inspirer la joie.

Il est donc certain que cette _Letitia_ est prise, comme son fils, dans
la mythologie grecque.

4º D'après ce qu'on en raconte, ce fils de Letitia avait trois sœurs,
et il est indubitable que ces trois sœurs sont les trois Grâces, qui,
avec les Muses, leurs compagnes, faisaient l'ornement et les charmes de
la cour d'Apollon, leur frère.

5º On dit que ce moderne Apollon avait quatre frères. Or, ces quatre
frères sont les quatre saisons de l'année, comme nous allons le prouver.
Mais d'abord qu'on ne s'effarouche, point en voyant les saisons
représentées par des hommes plutôt que par des femmes. Cela ne doit pas
même paraître nouveau, car, en français, des quatre saisons de l'année,
une seule est féminine, c'est l'automne, et encore nos grammairiens sont
peu d'accord à cet égard. Mais en latin _autumnus_ n'est pas plus
féminin que les trois autres saisons; ainsi, point de difficulté
là-dessus. Les quatre frères de Napoléon peuvent représenter les quatre
saisons de l'année; et ce qui suit va prouver qu'ils les représentent
réellement.

Des quatre frères de Napoléon, trois, dit-on, furent rois, et ces trois
rois sont le Printemps, qui règne sur les fleurs; l'Été, qui règne sur
les moissons; et l'Automne, qui règne sur les fruits. Et comme ces trois
saisons tiennent tout de la puissante influence du soleil, on nous dit
que les trois frères de Napoléon tenaient de lui leur royauté et ne
régnaient que par lui. Et quand on ajoute que, des quatre frères de
Napoléon, il y en eut un qui ne fut point roi, c'est que des quatre
saisons de l'année, il en est une qui ne règne sur rien: c'est l'Hiver.

Mais si, pour infirmer notre parallèle, on prétendait que l'hiver n'est
pas sans empire, et qu'on voulût lui attribuer la triste _principauté_
des neiges et des frimas, qui, dans cette fâcheuse saison, blanchissent
nos campagnes, notre réponse serait toute prête; c'est, dirions-nous, ce
qu'on a voulu nous indiquer par la vaine et ridicule principauté dont on
prétend que ce frère de Napoléon a été revêtu après la décadence de
toute sa famille, principauté qu'on a attachée au village de _Canino_,
de préférence à tout autre, parce que _canino_ vient de _cani_, qui veut
dire les cheveux blancs de la froide vieillesse, ce qui rappelle
l'hiver. Car, aux yeux des poètes, les forêts qui couronnent nos coteaux
en sont la chevelure, et quand l'hiver les couvre de ses frimas, ce sont
les cheveux blancs de la nature défaillante, dans la vieillesse de
l'année:

    Cum gelidus crescit _canis_ in montibus humor.

Ainsi, le prétendu prince de _Canino_ n'est que l'hiver personnifié;
l'hiver qui commence quand il ne reste plus rien des trois belles
saisons, et que le soleil est dans le plus grand éloignement de nos
contrées envahies par les fougueux _enfants du Nord_, nom que les poètes
donnent aux vents qui, venant de ces contrées, décolorent nos campagnes
et les couvrent d'une odieuse blancheur; ce qui a fourni le sujet de la
fabuleuse invasion des peuples du Nord dans la France, où ils auraient
fait disparaître un drapeau de diverses couleurs, dont elle était
embellie, pour y substituer un drapeau blanc qui l'aurait couverte tout
entière, après l'éloignement du fabuleux Napoléon. Mais il serait
inutile de répéter que ce n'est qu'un emblème des frimas que les vents
du Nord nous apportent durant l'hiver, à la place des _aimables_
couleurs que le soleil maintenait dans nos contrées, avant que par son
déclin il se fût éloigné de nous; toutes choses dont il est facile de
voir l'analogie avec les fables ingénieuses que l'on a imaginées dans
notre siècle.

6º Selon les mêmes fables, Napoléon eut deux femmes; aussi en avait-on
attribué deux au soleil. Ces deux femmes du soleil étaient la Lune et la
Terre: la Lune, selon les Grecs (c'est Plutarque qui l'atteste), et la
Terre, selon les Egyptiens; avec cette différence bien remarquable que,
de l'une (c'est-à-dire de la Lune), le Soleil n'eut point de postérité,
et que de l'autre il eut un fils, _un fils unique_; c'est le petit
_Horus_, fils d'Osiris et d'Isis, c'est-à-dire du Soleil et de la Terre,
comme on le voit dans l'_Histoire du ciel_, T. 1, page 61 et suivantes.
C'est une allégorie égyptienne, dans laquelle le petit _Horus_, né de la
terre fécondée par le soleil, représente les fruits de l'agriculture; et
précisément on a placé la naissance du prétendu fils de Napoléon au 20
mars, à l'équinoxe du printemps, parce que c'est au printemps que les
productions de l'agriculture prennent leur grand développement.

7º On dit que Napoléon mit fin à un fléau dévastateur qui _terrorisait_
toute la France, et qu'on nomma l'hydre de la Révolution. Or, une hydre
est un serpent, et peu importe l'espèce, surtout quand il s'agit d'une
fable. C'est le serpent Python, reptile énorme qui était pour la Grèce
l'objet d'une extrême terreur, qu'Apollon dissipa en tuant ce monstre,
ce qui fut son premier exploit; et c'est pour cela qu'on nous dit que
Napoléon commença son règne en étouffant la révolution française, aussi
chimérique que tout le reste; car on voit bien que _révolution_ est
emprunté du mot latin _revolutus_, qui signale un serpent enroulé sur
lui-même. C'est Python, et rien de plus.

8º Le célèbre guerrier du XIXe siècle avait, dit-on, douze maréchaux de
son empire à la tête de ses armées, et quatre en non activité. Or, les
douze premiers (comme bien entendu) sont les douze signes du zodiaque,
marchant sous les ordres du soleil Napoléon, et commandant chacun une
division de l'innombrable armée des étoiles, qui est appelée _milice
céleste_ dans la Bible, et se trouve partagée en douze parties,
correspondant aux douze signes du zodiaque. Tels sont les douze
maréchaux qui, suivant nos fabuleuses chroniques, étaient en activité de
service sous l'empereur Napoléon; et les quatre autres,
vraisemblablement, sont les quatre points cardinaux, qui, immobiles au
milieu du mouvement général, sont fort bien représentés par la
non-activité dont il s'agit.

Ainsi, tous ces maréchaux, tant actifs qu'inactifs, sont des êtres
purement symboliques, qui n'ont pas eu plus de réalité que leur chef.

9º On nous dit que ce chef de tant de brillantes armées avait parcouru
glorieusement les contrées du Midi; mais qu'ayant trop pénétré dans le
Nord, il ne put s'y maintenir. Or, tout cela caractérise parfaitement la
marche du soleil.

Le soleil, on le sait bien, domine en souverain dans le Midi comme on le
dit de l'empereur Napoléon. Mais ce qu'il y a de bien remarquable, c'est
qu'après l'équinoxe du printemps le soleil cherche à gagner les régions
septentrionales, en s'éloignant de l'équateur. Mais au bout de _trois
mois_ de marche vers ces contrées, il rencontre le tropique boréal qui
le force à reculer et à revenir sur ses pas vers le Midi, en suivant le
signe du Cancer, c'est-à-dire de l'_Ecrevisse_, signe auquel on a donné
ce nom (dit Macrobe) pour exprimer la marche rétrograde du soleil dans
cet endroit de la sphère. Et c'est là-dessus qu'on a calqué l'imaginaire
expédition de Napoléon vers le Nord, vers Moscow, et la retraite
humiliante dont on dit qu'elle fut suivie.

Ainsi, tout ce qu'on nous raconte des succès ou des revers de cet
étrange guerrier, ne sont que des allusions diverses relatives au cours
du soleil.

10º Enfin, et ceci n'a besoin d'aucune explication, le soleil se lève à
l'Orient et se couche à l'Occident, comme tout le monde le sait. Mais
pour des spectateurs situés aux extrémités des terres, le soleil paraît
sortir, le matin, des mers orientales, et se plonger, le soir, dans les
mers occidentales. C'est ainsi, d'ailleurs, que tous les poètes nous
dépeignent son lever et son coucher. Et c'est là tout ce que nous devons
entendre quand on nous dit que Napoléon vint par mer de l'Orient (de
l'Egypte), pour régner sur la France, et qu'il a été disparaître dans
les mers occidentales, après un règne de douze ans, qui ne sont autre
chose que les douze heures du jour pendant lesquelles le soleil brille
sur l'horizon.

_Il n'a régné qu'un jour_, dit l'auteur des _Nouvelles Messéniennes_ en
parlant de Napoléon; et la manière dont il décrit son élévation, son
déclin et sa chute, prouve que ce charmant poète n'a vu, comme nous,
dans Napoléon, qu'une image du soleil; et il n'est pas autre chose;
c'est prouvé par son nom, par le nom de sa mère, par ses trois sœurs,
ses quatre frères, ses deux femmes, son fils, ses maréchaux et ses
exploits; c'est prouvé par le lieu de sa naissance, par la région d'où
on nous dit qu'il vint, en entrant dans la carrière de sa domination,
par le temps qu'il employa à la parcourir, par les contrées où il
domina, par celles où il échoua, et par la région où il disparut, pâle
et _découronné_, après sa brillante course, comme le dit le poète
_Casimir Delavigne_.

Il est donc prouvé que le prétendu héros de notre siècle n'est qu'un
personnage allégorique dont tous les attributs sont empruntés du soleil.
Et par conséquent Napoléon Bonaparte, dont on a dit et écrit tant de
choses, n'a pas même existé, et l'erreur où tant de gens ont donné tête
baissée vient d'un _quiproquo_, c'est qu'ils ont pris la mythologie du
XIXe siècle pour une histoire.

_P. S._--Nous aurions encore pu invoquer, à l'appui de notre thèse, un
grand nombre d'ordonnances royales dont les dates certaines sont
évidemment contradictoires au règne du prétendu Napoléon; mais nous
avons eu nos motifs pour n'en pas faire usage.


FIN.



    NOTES
    Bio-Bibliographiques
    par Gustave DAVOIS



    NOTES
    Bio-bibliographiques
    par Gustave DAVOIS

Le «_Journal du département de Lot-et-Garonne_» du 2 février 1836, donne
dans ce sens l'=Horoscope des destinées futures de l'erratum=: «Ce petit
livre ne sera pas un écrit éphémère; il subsistera, parce qu'il sera
utile, tant que l'ouvrage de M. Dupuis sera nuisible, c'est-à-dire
jusqu'à ce que sa méthode soit entièrement discréditée, ce à quoi le
petit livre ne cessera de contribuer; et il pourra fort bien arriver
qu'enfin le pygmée en volume renversera le géant.»

Si cet horoscope a été tiré par M. Dupuis ou un de ses disciples, il y a
tout lieu de croire que cette fois les astres lui furent favorables.

Et alors que va-t-il se passer?

Feu M. Pérès s'étant servi des mêmes principes, nos deux adversaires
vont se trouver d'accord; et voilà notre grand homme, notre NAPOLÉON,
qui disparaît comme par enchantement; voilà tout un monde bouleversé, un
chambardement général dans les idées des peuples, l'histoire démolie et
archi-fausse.

N'envoyons plus nos enfants à l'école, on les trompe!...

Que s'est-il donc passé à la place de nos grandes victoires militaires
dont nous sommes si fiers?

Qui étiez-vous: Austerlitz, Iéna, Wagram; et vous Waterloo?...

Waterloo!!! nom lugubre.

Des morts, encore des morts; puis des mourants, des fous, au regard
froid et hagard, quelques vieux de la vieille bravant la «Camarde», puis
enfin le dernier soubresaut de l'agonie de l'«Aigle».

Des morts, encore des morts; puis des braves et c'est tout.

Levez-vous les héros, et malgré de longues années dans la tombe,
répondez de vos voix mâles....

Présent!

Ne semble-t-il pas que l'on entend encore siffler les balles?

Et vous les Berthier, Murat, Masséna, Brune, Lannes, Ney, Davout, Grouchy
et autres, que l'on voit encore sur nos places publiques, descendez de
votre piédestal, vous n'avez jamais existé, vous avez tout simplement
volé la place des autres.

Ces Français qui se vantent d'avoir conquis le monde!

Ah! ah! quelle blague.

Sacrés farceurs, est-ce possible!

Mais non, voyons!

Et au fait! sommes-nous Français?

Il aurait sans doute été nécessaire de consulter à ce sujet M. Dupuis!

Peut-être nous aurait-il appris que l'invasion jaune que l'on nous
promet (j'ignore si les astres furent consultés) s'est justement passée
à cette fameuse période Napoléonienne, et que nous sommes tout
simplement des descendants des «fils du ciel».

Ne vaut-il pas mieux croire que toutes ces histoires sont dans les
nuages?

Si le «pygmée en volume a renversé le géant» c'est simplement que toute
idée fausse, si elle peut entraîner quelques admirateurs, ne dure pas
longtemps.

Il se trouve toujours des hommes assez énergiques pour terrasser le mal
et répandre la clarté parmi de pauvres égarés, qui s'enfoncent d'autant
plus dans les ténèbres, qu'ils ne veulent pas démordre de leurs bêtises.
Si nos anciens croyaient aux astres, c'est qu'ils en avaient peur;
ignorant ce qui se passait là-haut, le ciel était pour eux un dieu
surnaturel.

Mais heureusement nous avons appris, et nous n'avons plus peur.

Celui qui a si justement prédit que «ce petit livre ne sera pas un écrit
éphémère» ne croyait sûrement pas à ces erreurs; et ma foi je crois
qu'il vaut encore mieux ne pas y croire et avoir notre «Napoléon».

      *       *       *       *       *

Pour pouvoir expliquer la raison qui fit faire le travail qui précède à
M. Pérès J.-B., oratorien, professeur de mathématiques et de physique à
Lyon, qui devint ensuite substitut du procureur général près la cour
royale d'Agen, bibliothécaire de cette ville, et qui mourut à Agen en
1840; il faut auparavant faire la connaissance de son adversaire
Monsieur Dupuis.

Monsieur Dupuis Charles François, érudit et philosophe, naquit à
Trie-Château, près Chaumont, dans l'Oise, le 16 octobre 1742 et mourut à
Is-sur-Tille (Côte-d'Or) le 29 septembre 1809.

Issu d'une famille plutôt pauvre, qui plus tard alla s'établir à la
Roche-Guyon, il rentra sous la protection du duc de Larochefoucault au
collège d'Harcourt. A vingt-quatre ans, le jeune Dupuis était professeur
de rhétorique au collège de Lisieux.

Il parvint à force de travail continu à se faire recevoir avocat, et,
dans ses moments perdus, se livra avec acharnement à l'étude des
mathématiques et surtout de l'antiquité.

En 1775, ce fut à M. Dupuis que l'on confia le soin de composer le
discours latin qui devait être prononcé à la distribution des prix de
l'Université. Ce discours fut fort applaudi, et quelques années plus
tard, M. Dupuis obtint un nouveau succès lorsqu'il prononça, au nom de
l'Université, l'oraison funèbre de Marie-Thérèse.

A l'étude des mathématiques, il joignit celle de l'astronomie, et eut
pour maître Lalande, qui devint son ami.

Il fut beaucoup parlé de lui lorsqu'il publia son «_Mémoire sur
l'origine des constellations et sur l'explication de la fable par le
moyen de l'astronomie_», à cause de la hardiesse de ce mémoire, qui lui
attira quelques admirateurs.

Après avoir été professeur d'éloquence latine au collège de France
(1787), il rentra à l'académie des inscriptions (1788).

Ensuite, il fut élu par le département de Seine-et-Oise, député à la
Convention Nationale. Là, tout à fait indifférent aux luttes des partis,
qu'il avait constamment sous les yeux, il travailla dans le comité
d'instruction publique, dont il était un des membres, puis il fit partie
du conseil des Cinq-Cents et s'occupa énergiquement de l'organisation
des écoles centrales. Il termina sa vie politique au Tribunat, où il eut
un siège du 18 brumaire jusqu'en 1802, puis se retira complètement.

M. Dupuis a laissé comme écrits:

L'Origine de tous les cultes ou religion universelle, 3 volumes in-4º
avec atlas et en 12 volumes in-8º, 1794.

Plusieurs fragments de cet ouvrage furent publiés dans le «_Journal des
Savants_» et dédiés à l'académie des inscriptions.

Plus tard ces fragments furent réunis dans l'«_Astronomie de_ _Lalande_»
et donnés séparément en un volume in-4º sous le titre:--Mémoire sur
l'origine des constellations et sur l'explication de la fable par
l'astronomie.

On raconte que dans la crainte de blesser les âmes religieuses et de
s'attirer la haine des dévots, M. Dupuis fut sur le point de détruire le
manuscrit de ce grand travail. C'est sa femme qui aurait caché le fruit
de tant de veilles, pour le soustraire aux flammes, et ne l'aurait rendu
que sous la promesse formelle de sa publication prochaine.

En effet, son apparition excita une vive curiosité; les louanges et les
critiques affluèrent à son auteur avec un entrain formidable. Il y eut
même de vives controverses, car s'il y eut des admirateurs pour son
talent littéraire, ceux-ci ne partageaient pas du tout ses idées.

Il est incontestable que cette œuvre, remplie de données les plus
hardies, a coûté à M. Dupuis un travail énorme qu'il sut présenter avec
une intelligence supérieure.

«Ce n'est plus par des raisonnements que nous chercherons à prouver que
l'univers et ses parties, considérées comme autant de portions de la
grande cause ou du grand être, ont dû attirer les regards et les
hommages des mortels. C'est par des faits et par un précis de l'histoire
religieuse de tous les peuples, que nous pouvons démontrer que ce qui a
dû être a été effectivement, et que tous les hommes de tous les pays,
dès la plus haute antiquité, n'ont eu d'autres dieux que les dieux
naturels, c'est-à-dire le monde et ses parties les plus actives et les
plus brillantes, le ciel, la terre, le soleil, la lune, les planètes,
les astres fixes, les éléments, et en général tout ce qui porte le
caractère de cause et de perpétuité dans la nature. Peindre et chanter
le monde et ses opérations, c'était autrefois peindre et chanter la
divinité.»

Voilà ce que l'auteur de l'_Origine des Cultes_ s'est efforcé de nous
démontrer dans son travail colossal.

En 1798, il fit de l'_Origine de tous les Cultes_ un «abrégé» qui devint
sous la Restauration un des principaux ouvrages de la propagande
anti-religieuse, et qui lui attira une quantité de partisans. Cet
«abrégé» eut plusieurs éditions et réimpressions sous le titre:

--Origine de tous les cultes ou religion universelle. Edition nouvelle
soigneusement revue et corrigée d'après l'édition publiée sous les yeux
de l'auteur, augmentée de ses observations sur le zodiaque de Denderah,
etc., par M. Augis. 13 vol. in-8º, avec atlas in-4º, 1835-1837. _Paris,
Rozier._

--De l'origine de tous les cultes. Nouvelle édition, 1 vol. in-12, 1869.
_Décembre-Alonnier._, 3 fr. 50

--Abrégé de l'origine de tous les cultes. 3 vol. in-32, 1879. _Librairie
de la Bibliothèque Nationale._ Forme les tomes 240 et 242 de la
Bibliothèque Nationale. 0 fr. 75

--Abrégé de l'origine de tous les cultes, suivi du christianisme par
Benjamin Constant, avec une notice et des notes critiques par B.
Saint-Marc. In-12, 1881. _Garnier._3. fr.

--L'origine de tous les cultes. Edition populaire complète, in-12,
1883._Librairie anticléricale._ 1 fr. 50

On a également de M. Dupuis:

--Dissertation sur le zodiaque de Denderah, 1806.

Et deux

--Mémoires sur les Pélasges, dans le «Recueil de l'Institut», 1798.

--Mémoire sur le Phénix, inscrit dans la collection des Mémoires de
l'Académie.

--Lettres sur l'origine astronomique de l'idolâtrie et de la fable,
in-4º.

--Lettre sur le Dieu Soleil, in-4º.

--Lettre sur Janus, in-4º.

En 1805, Dupuis publia dans l'_Almanach des Muses_, un _Fragment_ en
vers du _Poëme astronomique de Nonnus_. Il laissa comme manuscrit, un
travail fort étendu sur les _Hiéroglyphes égyptiens_, des _Lettres sur
la Mythologie_, et une traduction des _Discours choisis de Cicéron_.

       *       *       *       *       *

Maintenant voyons pour quel motif Monsieur Pérès fit: «Comme quoi
Napoléon n'a jamais existé».

Se trouvant en villégiature à la campagne chez un de ses amis, M. Pérès
fit au bout de quelques jours la connaissance d'un jeune étudiant,
admirateur des ouvrages de M. Dupuis, qui s'en était fait un partisan
des plus convaincus.

Un jour la conversation roula justement sur l'_Origine des cultes_,
notre jeune homme, tout feu tout flamme pour cet ouvrage, ne voulut rien
admettre qui fût contraire à ses idées. Après une forte discussion, M.
Pérès voulut convaincre le jeune fervent, lui prouver la fausseté, et
par conséquent l'inutilité des systèmes de M. Dupuis. Rien n'ébranla la
conviction de son partenaire. C'est alors que l'idée lui vint, qu'en
utilisant les mêmes principes admis par M. Dupuis, c'est-à-dire en ne se
servant que de rapprochements astronomiques et mythologiques qui sont
ses moyens de prédilection, il pourrait prouver que «Napoléon n'a jamais
existé».

C'était hardi au plus haut point et plutôt risible.

Autant chercher à démontrer que le soleil n'a jamais existé.

Néanmoins, le jeune homme accepta, et c'est de la sorte que M. Pérès,
qui avait jeté ce défi si vivement, se mit à l'œuvre pour composer cet
écrit, qu'il eut le plaisir de lire lui-même à son jeune adversaire
quelques jours après.

Cet opuscule eut les éditions suivantes:

--Comme quoi Napoléon n'a jamais existé, grand erratum, source d'un
nombre infini d'errata à noter dans l'histoire du XIXe siècle. _Paris_,
1827.

   La 1re édition est anonyme.

--Comme quoi Napoléon n'a jamais existé, ou grand erratum, source d'un
nombre infini d'errata à noter dans l'histoire du XIXe siècle, par feu
M. J.-B. Pérès, A. O. A. M. Bibliothécaire de la ville d'Agen. 5e
édition, in-16 de 32 pages. _L. R. Delay_, 1842.

   Contient une observation de l'éditeur.

--Comme quoi Napoléon n'a jamais existé ou grand erratum, source d'un
nombre infini d'errata à noter dans l'histoire du XIXe siècle, par feu
M. J.-B. Pérès, 10e édition, publiée par Frédéric Monod, in-32,
_Meyrueis et Cie_, 1864.                                      0 fr. 30

Se trouve également dans:

--Histoires drôlatiques de l'empereur Napoléon Ier, racontées par H. de
Balzac, A. Tonsez et F. Soulié; suivies de: Comme quoi Napoléon n'a
jamais existé, etc. Recueillies par Arthur Delanoue. In-32, 1854,
_Passard_.                                                    1 fr. 50

   Arthur Delanoue, (ainsi que Louis Delanoue) est le pseudonyme de
   Passard. (François Lubin), libraire-éditeur et écrivain, né à
   Champrond-en-Gâtine (Eure-et-Loir) en 1817.

--Un million de curiosités napoléoniennes, histoire drôlatique de
Napoléon Ier. Comme quoi Napoléon Ier n'a jamais existé, etc., par
Balzac, A. Tonsez, F. Soulié, J.-B. Pérès, etc. In-32, 1863, _Passard_.
                                                             1  fr. 50
   Anonyme.

   MM. Quérard et Bourquelot dans «la Littérature française
   contemporaine» signalent à tort l'ouvrage de M. Pérès comme étant de
   Borel Pétrus, écrivain, né à Lyon le 28 juin 1809.

   Erreur qu'ils reconnaissent eux-mêmes.



_EN VENTE_:

    GUSTAVE DAVOIS
    Les
    Bonaparte Littérateurs
    ESSAI BIBLIOGRAPHIQUE

_In-8º imprimé sur deux colonnes, contenant une allocution, une
déclaration et des lettres du_ Prince Victor Napoléon. =3= fr.

   Envoi franco contre timbres ou mandat-poste.



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    GUSTAVE DAVOIS
    Bibliographie Napoléonienne Française

    Jusqu'en 1908

_Un prospectus spécial annoncera les conditions de publication et de
vente._

_Tout ouvrage concernant_ l'ère napoléonienne _ayant été publié jusqu'en
1908, qui sera adressé à_ L'ÉDITION BIBLIOGRAPHIQUE, 11, Rue
Gît-le-Cœur, Paris, _sera analysé et annoncé gratuitement_.

_MM. les Directeurs de Journaux, Revues, Publications périodiques, etc.,
ont également tout intérêt à nous envoyer leurs_ Tables des Matières
_parues jusqu'en 1908 compris, afin que nous puissions en extraire les
renseignements nous concernant_.


_Grande Imprimerie du Centre, HERBIN.--Mont_





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