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Title: Les cinquante et ung arretz d'amours
Author: Martial, d'Auvergne
Language: French
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*** Start of this LibraryBlog Digital Book "Les cinquante et ung arretz d'amours" ***

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D'AMOURS ***



S'ensuyvent: les cinquante & ung arestz Donnez au grant conseil
d'amours/ a l'encontre de plusieurs parties. Nouvellement imprimez a
paris.

[Illustration]

On les vent a paris en la rue neufve nostre dame a l'enseigne de l'escu
de France.



¶ Cy commence les cinquante et ung arrestz d'amours.


    Environ la fin de septembre
    Que saillent violetes & flours
    Je me trouvay en la grant chambre
    Du noble parlement d'amours
    Et advint si bien qu'on vouloit
    Les derreniers arrestz prononcer
    Et que a ceste heure on appelloit
    Le greffier pour les commencer
    Si estoyent illec bien vingt six
    A les rapporter et a veoir
    Ou meillieu desquelz je me assis
    Pour en faire comme eulx devoir
    Le president tout de drap d'or
    Avoit robbe fourree d'ermines
    Et sur le col ung camail d'or
    Tout couvert d'esmerauldes fines
    Les seigneurs lays pour vestement
    Avoyent robbes de vermeil
    Frangees par hault de dyamans
    Reluysans comme le souleil
    Les aultres conseilliers d'eglise
    Estoyent vestus de velours pers
    A grant fueillage de venise
    Bordez a l'endroit et l'envers
    Dessus si avoyent leurs manteaulx
    Tout de grosses perles barrez
    Fermans a moult riches fermaulx
    Et puis leurs chapperons fourrez
    Aprés y avoit les deesses
    En moult grant triumphe & honneur
    Toutes legistes et clergesses
    Qui sçavoyent le decret par cueur
    Toutes estoyent vestues de vert
    Fourrez de penne de letisses
    Et avoyent leur col tout couvert
    De colliers d'or gens et propice
    Puis portoyent atours a ces fins
    Moult excellens et precieulx
    Qui estoyent si deliez et fins
    Que on veoit leurs beaux cheveux
    Leurs habitz sentoyent le cyprés
    Et le mutz si habondamment
    Que l'en n'eust sceu estre au plus pres
    Sans esternuer largement
    Oultre plus en lieu d'herbe verd
    Qu'on a acoustumé d'espendre
    Tout le parquet estoit couvert
    De rommarins et de lavende
    Plusieurs amans et amoureux
    Illec vindrent de divers lieux
    Dont il en eust moins de piteux
    Et d'amans courroucez joyeulx
    Par derriere les bancz j'en vis
    Qui lesditz arrestz escoutoyent
    Dont leurs cueurs estoyent tant ravis
    Qu'ilz ne sçavoyent ou ilz estoyent
    Les ungz de paour serroient leurs dentz
    Et estoyent aussi froitz que marbre
    Les aultres esmeuz et ardans
    Tremblans comme la fueille en l'arbre
    Nul n'est si saige ne parfait
    Que quant il oit son jugement
    Qu'il ne soit a moytié deffait
    Et troublé a l'entendement
    Je laisseray ceste matiere
    Car de cela pou me challoit
    Et racompteray la maniere
    Comment le president parloit
    Et tout ainsi et au plus pres
    Que les arrestz luy ouy dire
    Je les ay escriptz cy aprés
    En la forme que l'orrés lire
    Sans y adjouster quelque chose
    Aussi retenir ne oster
    Et les prononça tout en prose
    Comme vous orrés reciter



Premier arrest.


Par devant le prevost de deuil se assist despyeça ung procés entre une
tresgracieuse dame et le procureur d'amours en cas d'excés d'une part/ &
ung jeune amant escuyer deffendeur d'aultre part. et disoient lesditz
demandeurs que ceste dame en tout son temps a esté de grant renommee
fort esbatant joyeuse & de plaisant maintien & qu'elle s'est tousjours
bien & honnestement entretenue en service d'amours/ sans jamais avoir
esté reprise d'aulcun villain cas blasme ou reproche. Or estoit que ja
pieça cest amoureux s'acointa de elle/ et aprés plusieurs allees/ et
venues il la pria d'aymer en luy presentant plusieurs dons et bagues
qu'elle ne voulut prendre ne recepvoir pour doubte de commettre symonie
en amours qui est deffendue/ mais l'en remercia en luy soubzryant et
respondant moult gracieusement toutes & quantes fois qu'il parloit a
elle. Et peult bien estre que pour la loyaulté qu'elle cuidoit trouver
en luy disant que elle l'aymoit bien et qu'il estoit taillé d'avoir
beaucoup de biens au temps advenir sans y penser nul mal dont le galant
mal considerant que dames sont tousjours plus promptes a resjouyr Cueurs
d'amoureux que a faire douloir s'esmeut & eschauffa tellement qu'il luy
sembla que la besoingne estoit ja faicte et qu'il en viendroit bien au
dessus de ces attainctes & de faict une journee luy vint dire qu'il
estoit mort & qu'il ne viveroit pas trois jours si elle ne luy octroyoit
ce qu'il luy demandoit De laquelle chose ceste dame estoit moult esbahie
Et a brief luy respondit que d'autant qu'elle l'aymoit elle le herroit
desormais s'il luy parloit plus de cella dont il ne tint guieres de
compte ains se efforça de proceder oultre & de prendre par force ung
baiser parquoy elle le voulloit frapper et neantmoins ne s'en voult
departir ains revient vers elle faignant de plorer de doulleur et
d'angoisse qu'il enduroit. Et ou qu'il s'estoit faict frotter le
visaige/ et les yeulx de eaue de soulcye affin que il semblast plus
pyteux. Et tellement que ceste dame esmeue de pitié en cuydant
veritablement que les larmes qu'il avoit aux yeulx lui venissent du
parfond du cueur le baisa & acola deux ou trois fois pour obvier a
plusgrant meschief ou que il ne cheust en desespoir. Et avecques ce luy
feist plusieurs aultres gratuitez et menus plaisirs dont il ne fut
encores pas content/ ains perseverant de mal en pis voullut mettre la
main au testin/ et a ceste cause elle s'en courrouça/ et aprés pour le
eslongner et pour lui monstrer qu'il n'estoit pas la ou il cuidoit elle
luy donna congé affin qu'il n'y retournast plus/ mais ce nonobstant
encores fut il plus eschauffé de y venir que devant. Et aprés advint que
ung jour sus le jour arriva en la maison d'elle court habillé/ et
desguisé a tout une gente daguette pendante a sa ceinture/ et aprés
qu'il l'eut saluee et bien longuement quacqueté il commença a dire ces
motz. Madame mauldicte soit l'heure que je feus oncques né/ neantmoins
je ne eusse point tant souffert de paine que faitz pour vous et puis que
ainsi est qui ne vous en chault et que n'y voullez remedier j'ayme
mieulx me tuer icy par devant vous que de plus languir Et je vous
asseure ma foy que jamais je ne me partyray de ceans qui ne m'emportera
les piedz devant/ Car il me souffist que je meure & pour vous & en auray
merite. Et sur ce point ledit amoureux print sa dague et commence a soy
deslasser faingnant de s'en frapper a la poictrine. A quoy la dessus
dicte dame pour doubte d'esclendre mist la main au devant du pourpoint
et du pommeau et le tence tresbien luy demonstrant que il seroit perdu &
homicide de soymesmes Et aussi elle le reconforte le myeulx que elle
peust pour le destourner du mal fait qu'il voulloit faire/ mais au
dernier riens ne valut/ car il commence a jurer et maulgreer que il se
tueroit illec en la place sans plus attendre pas une heure/ et faict
ainsy qu'il faignoit de soy frapper et mettre la dague dedans le corps
ceste povre femme toute seulle esmeue et troublee & non pas sans cause
pour obvier a l'effusion du sang qui s'en feust ensuy et ad ce qu'on
eust peu dire que s'eust elle mesme esté et qu'elle l'eust tué qui eust
esté grant esclandre pour elle et les siens a tousjours fut contrainte
de luy souffrir acomplir sa mauvaise voulenté. Depuis laquelle fiction
ainsi faicte qui n'estoit que une vraye trahison pour decepvoir ceste
povre femme comme il a bien monstré & c'est ledit amoureux venté et deu
dire en plusieurs lieux qu'il en avoit jouy par subtilz moiens
nonobstant que aultres y avoient bien failly en cessivant & esjouyssant
& deshonnorant sans cause en maintes manieres.

¶ Parquoy elle concluoit a l'encontre de luy qu'il fust condempné a luy
faire amende honnourable et prouffitable. Honnourable c'est assavoir nue
teste en chemise tenant une torche ardant a sa main du poix de quattre
livres de cire disant que faulcement et maulvaisement il l'a deceue
trahie et circonvenue si s'en repent et luy en requiert mercy et pardon.
Et pour amende prouffitable qu'il feust condamné envers elle en la somme
de .iiii.M. livres parisis ou aultre telle somme que de raison deveroit/
et en ces despens dommages/ et interestz. Et aussi requeroit qu'il lui
fust deffendu de parler a elle en aulcune maniere. Et au regard du
procureur d'amours il concluoit et requeroit a l'encontre dudit amant
que pour la raison dudict cas ou il y avoit faulceté & trahison il fut
pugny de telle pugnition corporelle et publique que le cas le requeroit
et se il ne l'estoit au moins qu'il fust perpetuellement a tousjours
banni d'amours et le declaira inhabille de estre en la compaignie de
bien et de dames et damoyselles comme traystre et de mauvais affaire que
tous ses biens feussent declairez/ confisquez/ et appartenir a amours.
Et oultre qu'il feust trainé sus une claye et batu par les carrefourgs
de syons de vert osier & de branches de groseliers affin que desoresmais
tous autres y prinssent exemple avecques aultres conclusions plus a
plain declairees ou procés. De la partie de cest amoureux deffendeur fut
deffendu au contraire. Et disoit que voirement il estoit vray qu'il
avoit esté bien fort feru de l'amour de ycelle demanderesse/ et qu'il
l'avoit servie moult longuement et fait envers elle tous les debvoirs
qu'il est possible de faire a loyal serviteur mais elle lui avoit user
de bien rudes & estranges termes. Car combien qu'elle luy eust promis de
chierement l'aymer et entretenir en sa bonne grace. Touteffoys bien
souvent faisoyt semblant de non le congnoistre/ puis a une fois elle lui
soubzrioit & l'autre fois luy rechignoyt ou n'en tenoit compte. Et brief
le povre gallant le plus du temps ne sçavoit ou il estoit & en eust bien
voulu saillir/ mais il ne pouoit/ car quant il s'en voulloit oster
c'estoit lors que il commençoit plusfort a aimer que jamais ne dormoit
point ne nuyct ne jour/ ainçoys tousjours pensoit a elle/ & en ce
faisant bien souvent frissonnoit/ et luy sembloit qu'il avoit plus de
cent esguilles autour du col qui le picquoyent S'il eust voulu manger il
n'eust sceu car il n'y avoit si bonne ne si doulce viande qui amere ne
luy semblast. Or disoit il que pour obvier a ceste maladie et aux accés
de telles fievres blanches plusieurs foys supplye et requist ceste dame
cy qu'elle eust de luy pitié et le voulsist secourir dont elle n'avoit
voulu riens faire ains le pourmenoit de jour en aultre de dymenche au
jeudy tellement que au dernier quant il veit que il n'en pouoit plus il
voulut trouver maniere de luy dire au vray l'angoisse & la douleur qu'il
souffroit pour elle. Et fut vray voirement que pource qu'elle n'y
vouloit pas pourveoir il print alors sa dague pour s'en frapper et
disoit veritablement que veu le tresgrant mal que il avoit il se feust
tué et ainsi l'avoit il deliberé de le faire se elle ne luy eust aydé et
secouru de sa bonne grace/ dont il se sentoit bien tenu a elle/ et quant
est de ce que on luy mettoit a sus qu'il avoit publyé le cas pour la
diffamer il respondit qu'il ne l'avoit jamais dit ne declairé sinon a
aulcuns de ces particulliers et secretz amys que il tenoit bien si seurs
jusques la que jamais riens ne revelleroyent/ et que on avoit cela songé
pour charger son honneur a tort et sans cause. Et au regard du cas
principal disoit qu'il n'y avoit veu de son costé aucun excés/ crisme ne
malleffice/ Mais luy avoit aydé et secouru ladicte demanderesse de son
bon gré et consentement et qu'il valloit mieulx avoir le personnage par
amour que venir par force: ou faire esclandre/ & par ainsi disoit qu'il
ne luy en pouoit rien demander/ ains estoit en voye d'absouldre ses
faitz concluoit et demandoit despens encontre ladicte demanderesse. Les
dictes partyes ouyes en tout ce quelles voulurent dire & alleguer/ ledit
prevost de dueil veues toutes les informations faictes en ceste matiere
et la confession dudit amant deffendeur par laquelle les demandeurs
prindrent & requirent droit estre fait condampna par sa sentence ledit
amoureux deffendeur a faire amende honnourable a sadicte dame/ et luy
crier mercy treshumblement a genoulx sans saincture ne chapperon a tout
une torche ardante en sa main en disant ces motz. Madame je congnois et
confesse ycy devant dieu et devant le monde que comme mal conseillé et
mal advisé/ je vous ay trahie faulcement et maulvaisement/ dont je vous
crie mercy et a la justice d'amours. Et avecques ce le declaira privé de
tous biens et plaisirs d'amours/ et ses biens confisquez en le
bannissant perpetuellement du royaulme d'amours & de toutes bonnes
compagnies comme indigne d'y estre et habiter. Et semblablement le
condampna envers ladicte demanderesse pour amende prouffitable en la
somme de mille livres parisis/ et a tenir prison jusques a plaine
satisfation et en ses despens dommaiges et interestz/ de laquelle
sentence ainsi donnee par ledit prevost de dueil icelluy deffendeur se
est sentu aggravé et en a appellé en la court de ceans/ et semblablement
en a appellé ladicte demanderesse et ledict procureur d'amours pour ce
que ilz disoyent que il ne leur avoit pas assez adjugé/ et que ledict
deffendeur en avoit trop bon marché. et depuis ont lesdictes parties
conclud audict procés par escript. et a esté veu et receu ceans pour
juger a bene vel male. Si a ladicte court finablement veu le procés et
tout ce qui a esté produyct en ycelluy a grant et meure deliberation et
tout veu et consideré ce que faict a considerer. Adoncques ladicte court
d'amours dict que entant que ledict amoureux est appellant il a esté
bien jugé par ledit prevost de dueil/ et mal appellé par luy/ et le
amendera. Et entant que touche lesditz demandeurs qu'ilz ont bien
appellé et ledit prevost mal jugé/ et en amendant le jugement/ la court
oultre les condampnations dessusdictes condampne ledict amoureux
appellant a aller en voyaige nudz piedz a monseigneur sainct valentin et
y porter ung veu de cire du poix de quarante livres/ et a raporter
certiffication comme il y aura esté dedans ung moys Et en oultre
desclaire ladicte demanderesse estre exemptee a tousjours de luy & des
siens jusques a la tierce generation/ et si ordonne que en signe de la
dessusdicte trahyson et faulceté/ touteffoys et quantes que on le
servira desormais a table on mettra le pain devant luy a l'envers et le
dessus dessoubz. Et avecques cela le condampne la court en moult grans
despens de la cause d'appel envers ladicte dame demanderesse. la
tauxation reservee par devers elle.



Le .ii. arrest.


Par devant le baillif de joye c'est assis ung aultre procés entre ung
jeune compagnon amoureux demandeur d'une part. Et sa dame deffenderesse
d'autre part. Et disoit ledict amoureux demandeur que ainsi qu'il avoit
prins congé de sadicte dame pour s'en aller en sa maison elle le
rappella et hucha pour parler a luy/ et aprés quant il fut tout auprés
d'elle elle faisant semblant de s'acouter et de vouloir parler de secret
le baisa si tresasprement que elle le cuyda faire seigner du nez Et puis
quant vint au desserrer le frappa moult durement de la patte de son
chapperon ou il y avoit une esguille et une espingle de laquelle il eut
la joue toute esgratisgnee qui depuis est debvenue enflee et ne sera
d'icy a troys moys qu'il n'y paire. A l'occasion duquel cas il ne s'est
osé monstrer devant les gens par certain temps et est encores tres fort
malade. et pource que il sçavoit bien que sadite dame ne l'avoit pas
fait par haine et maltallent qu'elle eust a luy il ne vouloit point
tendre a reparation/ mais concluoit & requetoit seulement qu'elle fust
condampnee a le garir & faire penser durant sa maladie. De la partie de
ladicte dame fut deffendu au contraire/ & disoit que l'amant avoit esté
invaseur & assaillant pour avoir ledit baiser/ et au regard de la
picqueure elle estoit advenue par fortune/ & advanture dont elle ne
pouoit mais/ et aussi n'y avoit chose dont l'en deust parler/ car ledict
amant n'en laissoit a boire ne a menger et se plaingnoyt de sa teste
Surquoy les parties ouyes ledict bailly de joye par sa sentence & au
regard a certains rappors de medecins d'amours qui avoient rapporté le
peril/ et dit que la playe estoit en lieu dangereux condampna ladicte
dame a mouiller de sa salive tous les moys la playe de son amy pour
faire en aller le venin jusques a ce qu'il fust guery. Et aussy a luy
fournir de drappeaulx surquoy seroit fait bon emplastre. De laquelle
sentence ceste defenderesse c'est sentue grevee/ et en a appellé en la
court de ceans ou le procés a esté receu pour juger Et finablement tout
veu & consideré ce que estoit a considerer. La court d'amours a regardé
et dit qu'il a esté bien jugé par ledit bailly/ et mal appellé par
ladicte dame appellante et l'amendera. Et en oultre pource qu'il est
apparu en ladicte court & venu a congnoissance que icelle appellante a
deu dire et soy vanter que depuis ladicte sentence que s'il convenoyt
moullier ladicte playe de sa sallive/ elle le mordroit en ce faisant si
asprement qu'il luy en souviendroit a tousjours mais. La court l'a
condampnee en trente livres d'amende envers les prisonniers d'amours
pour employer en bancquetz et en herbe verte et es despens de la cause
d'appel la tauxation reservee par devers luy et si ordonne qu'elle sera
contraincte a obeyr a l'arrest par prinse de son corps



¶ Le troisiesme arrest


Par devant le vergier d'amours en la province de beaulté c'est assis ung
aultre procés entre ung amoureux demandeur en matiere de recision de
contract de une part. Et sa noble dame et amye deffenderesse d'aultre
part. Et disoit ledit demandeur que du temps qu'ilz acointerent l'ung
l'autre ilz firent ensemble plusieurs promesses et alliances d'amours/ &
entre les aultres il y en eut ung compassé entre eulx deux/ par lequel
ledit amoureux luy promist que toutes et quanteffoys qu'il se vouldroit
coucher et mettre son coeuvrechief de nuit/ il seroit tenu de nouer le
bout dudit coeuvrechief a deux bons & fors neuz et de dire pour l'amour
d'elle en le tyrant/ dieu doint bonne nuyt a madame. Et aussi elle
diroit pareillement quant il se lieveroit au matin en mettant sa
chemise/ Dieu doint bon jour a mon tresdoulx amy. Et avecques ce estoit
dit que le gallant debvoyt toutes les sepmaynes passer sur le tard une
foys ou deux devant son huys. Et attendre une bonne certaine heure qui
estoit dite pour avoir ung boucquet ou une viollette qu'elle luy debvoit
pour recompense getter avant qu'il s'en allast/ ou dire a dieu/ dieu
doint bonne nuit or disoit cest amoureux que en faisant ledict contract
il avoit esté enormement deceu. Car premierement au regard de tyrer son
couvrechief toutes les nuytz il en estoit en telle necessité qu'il luy
failoit avoir ung neuf de trois jours en trois jours tant en rompoit et
deschiroit. Et si pour tirer ne pour nouer il ne luy en estoit de rien
mieulx et ne s'en sentoit point en nulle maniere plus allegié quant il
estoit couché. Mais souventeffois encore pour ce que ledit couvrechief
estoit trop serré ou noué il luy failloit tout oster & le remettre qui
luy estoit grant peine avec le mal qu'il avoit Et touchant l'autre point
il y avoit aussi et de l'autre moitié de juste pris/ Car seullement pour
avoir ung povre boucquet ou une viollette/ ce galant estoit contrainct
de aller et passer une fois ou d'eux la sepmaine par devant l'huys de sa
dame ou il souffroyt maux infinis/ car premierement il advenoit
tressouvent qu'il ne la trouvoit point a l'uys ne ame a qui parler/ et
ainsi convenoit attendre illec et longuement jambaier le povre amant
sans avoir feu ne clarté. Secondement car quant il s'en vouloit partir
il veoit aulcuneffois la lueur de la chandelle par les verrieres dont il
estoit transy et ravy qu'il ne sçavoit qu'il devenoit Et pource qu'il
cuidoit lors qu'elle ne fust pas couchee et que tantost deust venir/ il
attendoit tout seul illecques emmi la rue deux ou trois heures/ et
aucuneffois toute la nuit & se pourmenant pour doubte de morfondre
regardant en hault les gouttieres/ s'elle viendroyt point aux fenestres
ou il y avoit aussi grant martire/ et mesmement ou temps de yver pour
les neiges et la froidure qu'il luy convenoit endurer dont il estoit
souvent en tel point qu'il ne sentoit membre qu'il eust si que l'en eust
ouy cliqueter ses dens l'une contre l'autre comme une cigoingne
Tiercement que pour la pluye et mauvais temps qu'il couroit il estoit
parfoys contraint de s'en partir et retourner tout mouillié a l'ostel
sans rien faire fors seulement baiser la cliquette de l'uis a son amye
pour luy dire a dieu Et ses habillemens estoient sy tres trempez que la
chemise qu'il avoit vestue il luy failloit changier/ tout aussy tost
qu'il estoyt a l'hostel et prendre tous nouveaulx habillemens qui luy
estoit pareillement moult grant et tresgrief martyre sans encores n'y
compter ne comprendre la paine qu'il avoit d'estre congneu du dangier du
guet/ et aussy de se bouter dedans les boues/ et de cheoir aux russeaulx
ou dedans la fange/ et de se heurter a grosses pierres/ ou rencontrer
une charrette et moult d'autres malles adventures qui pouoyent venir de
nuyct/ et aussi que il avoyt esté souventeffois/ et estoyt encores
enormement deceu Et pource requeroit que ledict contract feust mis au
neant et qu'il feust remis en sa franche liberté. Et disoyt oultre que a
greigneur seureté il en avoit a ceste fin obtenues lettres de
relievement d'amours/ et dispensation sur ce dont en tant que mestier
estoit requeroit l'enterinement/ offroit a prouver et demandoit despens.
De la partie de ceste deffenderesse si fut deffendu tout au contraire et
disoit que de se plaingdre du contract/ le demandeur avoyt grant tort.
Car par icelluy elle estoyt subjecte a plus grande paine que il
n'estoit. neantmoins elle estoit tenue touteffoys/ et quanteffoys qu'il
plaira a amours de s'en departir et y renoncer/ Mais d'y venyr par
recision ce n'estoyt point la maniere et ne voulloyt point qu'il luy
feust reprouché que elle eust jamais receu homme/ car c'estoyt trop
grant blasme et ce n'estoit pas le renom. Et pour venir a ses deffenses
disoyt que ledict contract fut fait et passé a la grande priere et
requeste dudict amant. Car elle n'y pensoit point quant il luy vint
supplyer et requerir sur tous les plaisirs qu'elle luy pouoit faire
qu'elle voulsist consentir lesdictes choses qui y sont contenues/ et
oultre qu'elle n'en fist point de difficulté/ icelluy amant luy jura que
la cause pourquoy on requeroit. n'estoit sinon affin qu'elle l'eust en
memoyre/ et qu'il feust seur que une fois le jour et en mettant sa
coiffe elle penseroyt a luy/ Parquoy de s'en plaindre maintenant et dyre
qu'il a esté deceu & si n'y avoit nulle apparence/ et si rompoyt
beaucoup de coeuvrechiefz le moys/ aussi faisoit elle de coiffes et luy
failloit bien souvent des rubens tous neufz. Et au regard de l'autre
point de venir et passer devant son huys une foys la sepmaine il avoyt
pareillement grant tort de se plaindre/ car toutes et quanteffoys
qu'elle doubtoyt qu'il viendroit icelle deffenderesse trois heures
devant elle estoit toute ravye et ne sçavoyt qu'elle faisoyt. Et posé
qu'elle beust & mengeast si avoit elle tousjours le cueur a luy et luy
faysoit bien mal quant il luy convenoyt tant attendre a l'huys/ mais
n'en estoit maistresse pour la craincte de dangier qu'il failloit cheoir
et amasser qui luy estoit plus grande peine la moytié que tout le
martyre que ledict amant pourroyt souffrir/ car il fault aulcuneffoys
fayre semblant de dormir quant on veult veiller/ et de plorer ou l'on a
bien grant fain de rire/ et de parler de froydure c'estoyt trop grant
honte a luy/ Car jamais amans ne doibvent avoir froit soyt que il gelle
a pierres fendant/ et s'il enduroit de malles nuitz aussi faisoyt elle
de son costé de trouver quelque façon de eschapper pour venir a la
fenestre ou parfoys estoit toute nue par l'espasse de deux grosses
heures a veoyr de quel costé le vent venoyt et avoit ledit demandeur a
plus belle occupation de passer le temps qu'elle/ car en attendant il se
pouoit pourmener et dire ses heures et oraysons ne n'y avoyt personne
qui alors l'eust empesché. Et quant est de la pluye et de la neyge les
estaulx ne luy pouoyent faillyr et si n'y a eaue qui face mal a telz
gens et au regard des pierres et aultres mauvaises rencontrees qui
survient la nuyct/ respondit ladicte dame que telz maulx ne adviennent
voulentiers synon a gens qui n'ont point parfaicte fiance en amours et
qui font aucuneffoys des faulcetez et trahysons. Et disoit oultre plus
ceste dicte jeune dame deffenderesse que toutes les plainctes et paynes
dont cest amoureux se plaignoit n'estoit a comparer a nulles des siennes
car plus avoit de peine en ung jour seullement a tirer les violettes que
ledict amant n'en avoyt en toute l'annee/ et ne failloit point a venir a
la comparaison des biens et plaisirs l'ung de l'autre. Car plus coustoyt
le fyl dont elle lyoit les boucquetz & violetes qu'elle luy donnoit que
tous les plaisirs qu'il luy eut sceu faire. Et pour ce disoit ceste
deffenderesse qu'il n'y avoit point eu deception audit contract et qu'il
ne debvoyt estre receindré sinon du consentement d'elle et que ledict
amant l'en vint prier et requerre a ces fins concluoit et demandoit
despens. Aprés parties ouyes & aprés ce qu'elles furent appointees en
droit le viguier appointa que lesdictes lettres et reliefvement ne
seroient point interrinés et qu'il n'y avoit point matiere de receindre
ledict contract et condampna ledict amant demandeur a l'entretenir
jusques au bon playsir de sadicte dame et es despens de laquelle
sentence c'est sentu agravé et appelle en la court de ceans ou ledict
procés a esté receu pour jugier/ si a la court veu ycelluy procés et
tout ce qu'il failloit veoir en ceste matiere. Et tout consyderé la
court dit qu'il a esté bien dit et appoincté par ledit viguier & mal
appellé par ledict amant et l'amendera. si le condempne la court es
despens de la cause d'apel la tauxation reservee par devers elle.



¶ Le .iiii. arrest


Devant le mayre de Boys verd c'est assis aultre procés entre ung
amoureux et sa dame/ et estoit pour raison d'une cotte verte dont
ladicte dame se plaignoit disant qu'il la lui avoit baillee si rudement
qu'il l'avoit cuidé affoler et que en cheant sa gorgerette estoit
despecee & en avoit on peu veoir le bout de sa chemyse/ requerant en
effect qu'il fust deffendu audit amant de ne se jouer ne toucher plus a
elle sans son congé et que pour la faulte qu'il avoyt faicte feust
condampné a faire amende honnorable. Et qu'on luy deffendist seullement
que il ne se jouast plus a elle en quelque maniere que ce fust ne
aprochast du lieu ou elle seroit sans la licence ou que elle ne
l'appellast. De laquelle sentence il s'est tenu agravé & en a appellé en
la court de ceans ou le procés a esté receu pour juger. Si a veu la
court ycelluy procés et tout veu dit a esté qu'il a esté bien jugé et
mal appellé et bien appointé par ledit maire/ et mal appellé par
l'appellant et l'amendera & si le condampne es despens de la cause
d'appel la tauxation reservee par devers elle.



¶ Le .v. arrest.


Par devant le conservateur des haulx previlleges d'amours s'est assis
ung aultre procés entre d'eux gentilz compaignons tous deux amoureux en
ung lieu/ & d'une mesme dame/ l'ung demandeur & complaignant en cas de
saisine et de nouvelleté de une part/ et l'autre deffendeur & opposant
d'aultre part. Et disoit ledit demandeur que ung premier jour du moys de
may ainsi qu'il estoit sur les rues pour aller la nuyct resveiller les
potz de marjoleine et planter le may devant l'huys de une moult
gracieuse dame dont est question affin de la resjouyr/ ainsi qu'on a
acoustumé. Icelle dame ce voyant le print en grace/ et le retint pour
son amy/ en luy promettant des biens a grant planté et plus qu'il ne
valloit. et a celle intencion l'a depuis servie moult longuement Et a ce
tiltre disoit qu'il avoit droit et estoit en bonne possession et saisine
de soy dire et porter serviteur d'ycelle dame & de jouyr et user par le
moyen de la grace d'elle des biens d'amours qui en despendent ensemble
des joyes chieres liesses honneurs doulx regardz/ beaulx accueilz &
prerogatives qui y appartiennent. En possession et saisine que ledict
deffendeur ne doibt aller a la messe ou elle va pour luy bailler a
l'entree de l'eaue benoiste. en possession & saisine que il ne luy doit
point soubz ryre en passant/ ne faire quelque signe ou semblant de la
regarder. En possession et saisine qu'il ne peult ou doit parler a elle
de secret ne aultrement en quelque maniere que ce soit se n'estoit en la
saluant que il dist dieu gard dieu begnie. En saisine et possession
qu'il ne se doyt point agenouillier a l'opposite du costé ou elle se
assiet durant la messe. En possession et saisine que en se promenant en
l'eglise ou elle est il ne doit claquer son patin/ ne redrecier le poil
de son chapeau. En possession et saisine que se ledit deffendeur a et
porte nouveaux gans es mains qui ne les doit point enfoncer ne faire
semblant de alonger les dois en tirant. En saisine et possession qu'il
ne doit point lire les oraisons ne les escripteaux des tumbes qui sont
au pres de ladite dame durant ce qu'elle est en l'eglise En possession
et saisine que se ledit defendeur est agenouillé & il y a quelque chien
derriere qui aboye ou ung coffre qui crie qu'il ne se doit point
retourner ne ne doit regarder ladicte dame ne luy getter en passant ung
doulx yeulx. En possession et saisyne pareillement qu'il ne doyt point
alumer la torche devant elle dont l'en lieve dieu au moins ne doyt
frapper du baston a terre deux ou trois fois ne laisser choir le
couvercle pour dire regardez moy. En possession et saisyne que ledit
defendeur ne peut ne doit porter la paix & ne la doibt point baiser
aprés elle/ mais doibt attendre que tous les aultres l'ayent eue et
baisee devant luy et nonobstant ledit deffendeur l'avoit troublé en ses
dictes possessions et saisines parquoy avoit obtenue ladicte
complaincte. Si concinoit pour pertinent en matiere de nouvelleté et en
cas de delay demandoit la reverence. Et de la partie dudit deffendeur au
contraire estoit dict/ que long temps il fut nommé par l'université
d'amours aux premiers benefices qui vacqueroyent au dyocesse dont ceste
dame cy estoit et que encore d'abondant il avoit obtenu grace
expectative pour accepter la premiere qui seroit sans amy & si avoit
dispence d'en avoir d'eux nonobstant l'incompatibilité. Et disoit
avecques ce qu'il avoit fait ses diligences par devers la dame dont il
estoit question pour estre pourveu de sa grace/ et dedens les nuitz et
les jours qui y sont ordonnez. Disoit oultre que aprés ce qu'il trouva
ladicte dame vaquant d'amy et qu'elle luy eust faict une gracieuse chere
& tresgracieusement acueilly/ il accepta l'amour d'elle et fist
pourveoir par l'executeur de sadicte grace expectative et n'y eut reffus
ne contredit de dangier/ ne de malle bouche. Et deslors en fut mis en
possession et saisine/ et a ce tiltre avoit droit et estoit en bonne
possession et saisine/ et de se porter et dire serviteur et amy d'elle/
et avoyt la moitié des joies que amoureux cuyde avoir quant il rencontre
bonne dame. En possessyon et saisine que ledit demandeur sa partie
adverse ne la peu ne doit appeller sa dame ou maistresse ne s'en dire
serviteur. En possession et saisine qu'il ne doit s'acouter ne parler a
elle ne pareillement l'acompaigner en voyage ne autre part au moins ne
la doibt tenir par soubs les bras. En possession et saisine que s'elle
veult aller en pellerinaige il ne la doibt point mener derriere luy ne
luy aider a secourre sa robe. en possession & saisine qu'il ne luy doit
point alumer sa chandelle au monstier ne faire le petit genoul devant
elle. En possession et saisine que sur le chemin son fouet ou aussi sa
verge s'elle cheoit a terre il ne luy doibt point relever ne bailler. En
possession et saisine qu'il ne doibt porter la botte fauve pour l'amour
d'elle ne la soulcie sur son chappeau En possession et saisine qu'il ne
peult pareillement fermer sadicte botte fauve d'eguillette verte ne son
chapeau cordonné houppe de cheveulx En possession et saisine qu'il ne se
doibt point desguiser ne faire fringuer son cheval devant son huis en la
rue En possession et saisine qu'il ne doyt point au harnoys de ses
chevaulx porter la livree d'elle/ Ne avoir plus d'une robbe neufve la
sepmaine. En possession et saysine que ses cheveulx ne doivent venir
jusques sur les yeulx ne qu'il ne doit avoir a son bonnet rubens de soye
verte. En saisine et possession qu'il ne doit point dancer aux nopces ne
autre part avec sadicte dame ne icelle prendre en chapellet. En
possession et saisine qu'il ne doit point servir a la table ou elle se
siet ne de luy bailler quarreaulx ou tronchet ou pacet a mettre soubz
ses piedz et proposoit possessoire tout pertinent en requerant en ce cas
de delay la recreance Et pour respondre au fait de ladicte partie
adverse disoit qu'il ne pouoit avoir aucun droit en ceste matiere car
son don ou tiltre estoit obtenu long temps aprés celuy du deffendeur/ et
si n'avoit nommé grandeur et calefic en amours ains avoit seullement
seduitte celle dame par persuasions et belles parolles tellement qu'elle
c'estoit condescendue a l'aimer & l'avoit en garde qui estoit mal fait a
luy veu qu'il sçavoit qu'il l'avoit par avant acceptee a dame et en
estoit pourveu Disoit oultre plus que son don ne pouoit riens valoir/ le
bien n'estoit point vacquant au temps qu'il l'acointa et n'estoit point
une entreprinse faicte/ pour luy cuyder faire bailler le bont de sa
dame/ et par maulvais rapportz ou l'en ne devoit point adjouster foy. A
quoy ledit amoureux demandeur pour ses replicques disoit que en matiere
d'amours n'y a point de priorité ne de posteriorité/ la raison est
bonne/ car l'amour et le bien vient de dames et est leur faculté de le
donner et tollir toutes et quanteffois qu'il leur plaist & a qui bon
leur semble. Et ainsy doncques qu'il failloyt qu'elles fussent
contraintes a aymer tousjours ung qu'elles avoyent aymé au commencement
sans le changer ou prendre d'autres elles qui sont dames et usant de
franche liberté seroient subgettes de soubzmettre leurs cueurs aux
voulentez des hommes sans le pouoir oster/ parquoy deviendroient serves
et privees de franchise et de domination qui est le plus beau previlege
qu'elles ayent et aussy tout le plaisir seroit dehors ne n'auroient plus
amour de luy/ car par ce moyen il leur fauldroit admettre qu'elles
devroient haïr & n'y auroit jamais nul jeune amant pourveu ne advancé
pour service qu'il peust faire par ce que les premiers vouldroient
tousjours gouverner. Sur quoy ledit deffendeur disoit que au contraire
que l'en ne doibt point ainsi despointer ung loyal amant qui a bien
servy sans cause ne matiere et sans ce que sa dame l'eust trouvé en
faulte ou present meffait/ ains fault qu'il soit ouy premierement/ et
qu'il soit declaration sur la privation ou aultrement jamais il ne
auroit bien ne service remuneré/ car il adviendroit tous les jours que
jeunes amoureux pour estre avancez/ et entrez en la grace des dames qui
croyent moult de legier tout ce qu'on leur rapporte/ et leur louenge
soulleroyent et suppediteroyent les aultres par blandissemens et belles
bourdes ou par mauvaises parolles qu'ilz apporteroyent de leurs
personnes pour devenir maistres & leur oster leurs lieux. Et ainsi tous
amoureux qui auroyent doncques fait leurs debvoirs le temps precedent
pour bien servir auroyent des maulx et les jeunes pour mal faire et mal
raporter seroyent honnourés et bien venus ou n'a apparence au monde Et
sur ce furent les parties appointees et despuis ledit conservateur par
sa sentence dist et declaira que entant que touchoit le principal les
parties estoyent contraires/ et feroyent leur enqueste et icelle faicte
et raportee par devers luy il leur feroit droit et au regard de la
recreance des possessions et choses contencieuses il adjugea audit
demandeur le requerant pour en jouyr regir et gouverner soubz la main
d'amours pendant le procés et jusques a ce que aultrement en feust
ordonné. De laquelle sentence ledit deffendeur en a appellé en la court
ou ledit procés a grant et meure deliberation et que faisoyt a veoir en
ceste matiere: Et tout veu ladicte court dit que en tant que ledit
conservateur adjugea la recreance audict demandeur il jugea mal au
surplus en amendant le jugement/ la court adjuge ladicte recreance et
jouyssance des possessions/ et choses contencieuses audict deffendeur.
Et se retient la court la canonyssance de la cause principalle ou les
parties viendront proceder ceans au premier jour ainsi qu'il
appartiendra par raison.



Le .vi. arrest.


De certaine tauxation de despens que deux conseilliers de la court de
ceans avoient faicte a une jeune dame a l'encontre d'ung sien amy
montant la somme de .xix. livres .iii. solz six deniers parisis pour
raison de certain voyage et pellerinaige ou elle par grant ardeur avoit
voué sondit amy et auquel elle avoit esté nudz piedz pour luy affin
qu'il fust guary d'une griefve malladie de fievres blanches qu'il avoit
lors & aussi pour acheter des bouquetz de romarin & genievre dont on
l'avoit chauffé/ et d'autres menues drogueries que on luy avoit baillez
durant sa maladie. Cest amant cy s'est sentu agravé et en a appellé en
la court de ceans. Le procés a esté receu pour juger et a la court veu
ladicte tauxation de despens & diminution baillee au contraire. Et tout
veu la court dict qu'il a esté bien tauxé par lesditz conseilliers et
mal appellé par l'appellant et l'amendera & si le condampne es despens
de la cause d'appel la tauxation reservee par devers elle.



Le .vii. arrest


Par devant les conseilliers ordonné sur le fait de la justice du tresor
d'amours c'est assis .i. aultre procés entre le cueur d'amours dudict
tresor demandeur d'une part/ Et ung jeune amant deffendeur d'aultre
part/ et disoit ledit demandeur que nulle amour ne peut tenir par
acquisition aucuns biens d'amours ne faire fondation de rente ou revenue
s'elle n'est deuement amortie. Et que toutes et quanteffoys que aulcun
faict contre amours est en possession de prendre les fruictz et la
revenue de la rente non amortie/ c'est assavoir de troys annees l'une.
Or disoit ledit demandeur que ledit deffendeur sans licence d'amours ne
avoir sur ce amortissement avoit faict ung contract par maniere de
fondation avec une religieuse par lequel elle estoit tenue de pryer pour
luy et de dire aussi certaines oraisons. Et aussi en ce faisant ledit
amoureux la debvoit fournir de soyes/ et de plusieurs aultres menues
bacguettes/ moyennant lesquelles ycelle religieuse luy debvoit envoyer
pour souvenance tous les moys de l'an certaines bourses faictes a sa
devise/ Et pour ce requeroit le procureur de amours demandeur que ledit
amant deffendeur fust condampné a rendre & luy bailler de troys bourses
l'une/ selon les ordonnances et qu'il feust enjoinct audit deffendeur de
prendre amortissement desdictes amours de ladicte rente/ ou de en vuyder
ses mains. de la partie duquel amoureux deffendeur feust deffendu au
contraire et disoit que luy considerant que en amours y a tresgrande
peine car ceulx qui s'i mettent/ ne sont pas aulcunes foys maistres de
eulx en oster quant bon leur semble/ Et mesmement affin que amours luy
aydast en tous ses affaires et besongnes il estoit bien vray vrayement
que pour les grans biens qu'il avoit aperceuz en une religieuse de son
accointance il luy avoit prié & requis que toutes et quantes foys que
elle se trouveroit a matines et l'en commenceroit a chanter te deum
laudamus qu'elle dist lors ung de profundis pour l'ame de luy ce que
elle luy avoit accordé Et aussi pour la recompensation de la peine
icelluy amant luy avoit promis d'envoyer de la soye et de l'or de
chippre pour soy esbatre a faire de belles bourses & des soursainctes et
des cordelieres & seroit tenue a en bailler de troys l'une. Or disoit
ledict deffendeur que proprement ce ne estoit point acquisition
perpetuelle/ mais estoit seullement une pension viagere faicte de la
voulenté et union des deux cueurs par quoy n'y failloit nul
amortyssement/ car il n'y avoit point d'obligation ne constitution de
rendre sinon tant tenu tant payé. Et que chascune desdictes parties
estoit en son entier pour n'en retenir riens se bon ne luy sembloit. Et
disoit oultre que veu que la dessusdicte fondation estoit faicte pour le
salut de l'ame & pour convertir en piteux usages le dessusdit procureur
d'amours n'en doibt riens avoir ne demander. et par ses moyens
conclurent affin de absolution Surquoy finablement parties ouyes elles
furent appoinctees en droit et depuis lesdictz conseilliers du tresor
par leur sentence condampnerent ledict amoureux deffendeur a faire
amortir a ses despens ladicte rente. Et avecques ce ordonnerent et
appoincterent qu'il seroit tenu et obligé de bailler de trois bourses
l'une & pareillement la tierce partie des cordelieres soursainctes/ et
boucquetz/ et aultres choses/ que ycelle religieuse luy envoyeroit
jusques ad ce que ladicte fondation fust deuement amortie. de laquelle
sentence ledit demandeur s'est tenu pour grevé et en appelle en la court
de ceans ou ledict procés a esté receu pour juger. Si a la court veu
icelluy procés et tout ce qu'il failloit veoir en ceste matiere a grant
& meure deliberation et tout veu dit qu'il a esté mal jugié par lesdictz
conseilliers/ et bien appellé par l'appellant/ et en amendant le
jugement la court absoult des impetrations et demandes a luy faictes par
ledit procureur d'amours et ordonne que les bourses soursainctes
cordelieres et biens qu'il avoit esté contraint de conseigner en main de
justice lui seront rendus et mys a plaine delivrance.



¶ Le .viii. arrest.


Par vertu de certaines lettres de chancellerye d'amours ung amant ja
pieça feist mettre ung beau cordon tout plain de fleurs en main
sequestre/ et disoit pour soubstenir sa main mise que sa dame lui avoit
donné ledict cordon pour le mettre a son chappeau affin qu'il eust
souvenance d'elle et ung jour a une feste en ostant son chapeau de sa
teste ledict cordon eschappa et le perdit dont il fut dolent. Et pour ce
que depuis il l'a trouvé es mains de ung aultre amoureux deffendeur de
sa partie adverse il la faict arrester et concluoit tout pertinent a
matiere d'arrest en requerant que ledit cordon luy fust restitué et mys
en plaine delivrance de la partye dudict deffendeur si fut deffendu au
contraire & disoit qu'il estoit bien d'accord avecques ledit demandeur
que la dame dont estoit question le avoit fait de sa main et que elle
luy avoit donné par grant excellence de joye/ mais iceluy demandeur
comme ingract ne en avoit tenu compte/ ainçoys pour certaines menues
parolles que elle luy avoit dictes en se jouant & rigolant de ce qu'il
mettoit la houpe dudit cordon trop sur le costé cestuy amoureux
demandeur remply de impacience avoit rendu et gecté par despit ledit
cordon a celle dame & a celle dame a aussi clerement se par domination
ou autrement s'il y avoit eu droit si s'en estoit il depparty/ et n'en
pouoyt plus riens demander/ mais debvoit encores selon les droictz
d'amours estre griefvement pugny veu que en ce faisant il estoit encouru
en voye d'ingratitude disoit oultre ledit deffendeur que ladicte dame
avoit aussi fait serment qu'en disoit de ycelluy demandeur ne rauroit
jamais ledit cordon & puis l'avoit liberalement donné de bon cueur audit
deffendeur a la charge touteffois de le porter pour l'amour d'elle comme
il avoit fait/ parquoy ledit arrest ne se pouoit soubstenir/ ne requerir
mainte levee ne provision d'avoir ledit cordon a sa caution. A quoy de
ladicte partie de ce demandeur fut repliqué au contraire disant que
toutes et quanteffoys que il trouve ce qu'il luy appartient et par don
il le peult prendre de fait et faire proceder par voye de arrest comme
sadicte chose Or disoit il que le cordon luy appartenoit de don a luy
faict par sa dame ledit deffendeur confessoyt mesmement. Et ainsi
l'arrest estoit bien recepvable. Et au regard de ce qu'il avoit regeté
par despit n'estoit pas vray/ mais disoit que pour ce que ladicte dame
luy reprochoit bien ledict cordon & que luy sembloit qu'il en devoit
estre plus subgect vers elle/ iceluy demandeur luy avoit rebaillé en
ceste intencion/ et touteffoys pour le luy garder. et nompas pour le
donner a ung aultre amant. Disoit oultre plus que ce n'estoit pas trop
grant honneur audict deffendeur de se vouloir ainsi fringuer/ ou de
vouloir porter des biens dont les autres avoyent par avant fait leurs
monstres et grans jours et quant a la provison n'en escheoit point/ mais
se la matiere estoyt disposee a embellir/ elle luy debvoit estre faicte
avant que audit deffendeur veu que il estoit despointé et mesmes que
pour enrichir et embellir le dessusdit cordon il luy avoit faict mettre
quatre ou cinq perles & de menues pensees tout a l'entour. Surquoy ledit
deffendeur dit au contraire que des incontinent que ung amant contemne
les biens donnez par sa dame de quelque estat que il soit il se rend
indigne de les tenir & posseder & peult bien icelle dame les luy oster &
faire arracher devant tout le monde/ et puis le donner ou il luy plaist.
et ne portoit pas ycelluy deffendeur ledict cordon pour faire quelque
desplaisir audit demandeur/ mais tant seulement pour complaire a ladicte
dame & luy obeir comme il estoit tenu de faire. Les parties ouyes a
plain furent appointees par le juge ordonné en droit & depuis par sa
sentence les appointa contraires et en enqueste. et au regard de la
provision requise par chascune des partyes il ordonne que en baillant
caution par ledit deffendeur de rendre et restituer ledict cordon toutes
& quanteffois que il seroit ordonné il luy seroit rendu et delivré pour
en jouyr pendant le procés soubz la main d'amours & jusques a ce que
aultrement en fust appointé & sans prejudice des droictz de parties. De
laquelle sentence ledict demandeur c'est tenu agravé et a appellé en la
court de ceans ou ledict procés a esté receu pour juger. et si a la
court veu ycelluy procés et tout ce qui faisoit a veoir en ceste
matiere/ et tout veu dict que tant que le juge ordonna que ledit cordon
seroit entierement rendu et delivré audict deffendeur sans declairer que
les perles et menues pensees que ledit appellant y avoit faict mettre du
sien a sa plaisance en seroyent ostees que il juge mal. Et au surplus
bien en amendant le jugement la court dit que lesdictes menues pensees
faictes a perles seroyent premierement ostees dudit cordon et baillees
au demandeur pour en faire ce que bon luy semblera & au surplus renvoyez
les parties a huytaine par devant ledict juge pour proceder sur le
principal ainsi qu'il appartiendroyt par raison.



¶ Le .ix. arrest.


Par devant le marquis des fleurs et violettes d'amours c'est assis ung
aultre procés d'ung amoureux demandeur d'une part & une jeune amye
deffenderesse d'aultre part sur ledit amoureulx disoyt que tous les plus
grans biens qui sont en amours/ c'est entretenir les cueurs l'ung de
l'autre en perfaicte aliance et union d'amytié et que toutes et
quanteffois que ung amant ou une dame est vaquant ou que elle
s'entremect de complaire a plusieurs c'est signe que son cueur n'estoyt
point entier en loyaulté et que l'on ne se doibt pas trop fier/ or se
pressuppose disoit que ceste dame cy avoyt faict plusieurs promesses. Et
entre les aultres que jamais elle n'auroit aultre que luy tant qu'il
seroit vivant/ et luy pareillement a elle si en avoyent faict serment
l'ung a l'autre sy grant et solempnel que faire peust en tel cas/ et
ainsi se avoyent promys qu'ilz ne feroient chose a leur pouoir par quoy
nul d'entre eulx y peust prendre ne avoit desplaisir/ mais ce nonobstant
ladicte dame puis nagueres de temps en ça s'entremettoit d'entretenir
plusieurs aultres gallans par parolles et tresbelles cheres deffendues
en tel cas. Et oultre plus pendoit tous les jours en sa sainture et en
sa quenouille boucquetz nouveaulx et fleurs estranges sans ce que ledit
amant les luy ayt donnees dont il a ung peu de mal en sa teste/ car
aulcunesfoys quant il est dedans son lict et s'esveille sur ce point il
mect bien trois heures a soy endormir Et pource concluoit que sa dicte
dame fust contraincte et condampnee a ne plus porter boucquetz ne fleurs
en quelque maniere que c'est synon qu'il les luy donne ou qu'il en soit
d'accord/ et aussy qu'elle ne face chiere a aultruy sinon a luy seul et
ainsi qu'elle avoit promis et offert de sa part s'elle prenoit plaisir
en fleurs/ et boucquetz de luy en faire bailler et avoir tous les jours
tant qu'elle vouldra affin qu'elle n'eust occasion de prendre aillieurs
De la part de ceste dame deffenderesse fut deffendu au contraire et
dysoit que quelque promesse que feissent dames doibvent entendre
civilement c'est assavoir la ou sera leur plaisir & ne donne encore
jamais si grant auctorité qu'ilz n'en retiennent tousjours aulcune chose
devers elles & qu'elles ne soient sur leurs piedz pour user de leurs
voulentés et plaisirs car elles sont dames Disoit de rechief avecques ce
que ledict amant a tort de se plaindre de ce qu'elle porte boucquetz et
viollettes & qu'elle tient langaige a trop de gens Car supposé qu'elle
luy ait promis de l'aimer bien & loiaument elle n'est pas pourtant liee
ne obligee qu'elle puisse parler a aultre que a luy et prendre desdictes
viollettes et boucquetz s'il ne luy en donne ung. Aussi le contract qui
seroyt fait autrement ne se pourroyt soubtenyr car l'en scet que dames
ne peuent renoncer aux biens qui leur peuent venyr et ont don et
previleges de nature de rire & faire bonne chiere a tous affin que nulz
ne puissent dire qu'elles soient mal gracieuses. Et appert bien que
ledict amant est bien jeune simple et mal conseillé de intenter procés
et fayre debat pour cecy. Car de tant qu'il auroyt vers elle plusieurs/
requerans et serviteurs et qu'elle l'avanceroit et aymeroit encore
mieulx par dessus les aultres de tant auroit il plus de bien et en
seroyt plus honnouré. Mais il entend mal son cas car il seroit content
qu'on l'alast acoller devant tout le monde et qu'elle ne parlast a
aultres que a luy affin qu'on die qu'il eust le bruyt qui n'est pas la
maniere. Au regard des boucquetz et fleurs il a tort de s'en plaindre/
car elle a en sa maison des violettes et marjolaynes ou elle les prent.
Et pose qu'on les luy donnast si n'y peust il avoir interest/ car
l'imposition ne luy en est deue/ et si n'est chose ou l'en se doit
gueres arrester veu que la fleur et odeur s'en passe de legier. Et quant
a l'offre qu'il luy fait de l'en fournir respondit qu'elle n'en avoit
cure/ et ne voulloyt point nullement du monde qu'il ait occasion de les
luy reprocher si concluoit par ces moyens affin d'absolution et de
despens. Sur quoy ledit demandeur disoyt au contraire que telz boucquetz
perles et menues choses sont cause aulcuneffoys de esmouvoir les cueurs
et faire bailler les bontés a aultres qui point ne s'en doubtent.
Finablement partyes ouyes furent appointees en droit & par sentence s'y
absolut ceste deffenderesse de impetrations et demandes de ce demandeur
en luy permetant s'elle vouloit en tant que mestier estoit de parler
rire salluer et porter boucquetz toutes et quanteffoys qu'il luy
plairoyt et bon luy sembleroit. Et condampner ledit amant en ses despens
dont il sentit grevé et appella en la court de ceans ou le procés a esté
receu pour juger. Sy a la court veu ledit procés a grant & meure
deliberation et que faisoyt a veoir en ceste matiere. Et tout veu/ dit
qu'il a esté bien jugié et mal appellé et l'amendera l'apellant en le
condampnant es despens de la cause d'appel la tauxation reservee par
devers elle.



¶ Le .x. arrest.


Devant le juge de la garde des seaux establés aux contractz d'amours il
c'est assis ung autre procés entre ung amoureux demandeur en matiere de
recision de contrat usuratif d'une part/ & une sienne dame et amye
deffenderesse d'aultre part. Et disoyt ledict demandeur que de raison &
selon les ordonnances toutes usures sont en amour prohibees et
deffendues et que l'en n'en doibt point user. Or ce presuposé disoit que
du temps que il accointa ladicte dame luy estant en la grant chaleur et
voulant bien complaire a elle se ingera pour entrer en la grace de luy
offrir corps et biens en luy faisant plusieurs dons et gratuites/ & fut
bien vray que en ce temps ledit gallant qui estoit fort feru et surprins
de l'amour de elle et ne luy chaloit qu'il feist luy promist & obligea
de luy mener toutes les festes de l'annee entre minuyt/ Et le point du
jour le tabourin et les bas menestriers pour la resveiller en son lict
et oultre luy promist de luy donner a toutes les estraines ung beau
chapperon de demy graine et aussi une robbe neufve a chascun premier
jour du mois de may de telle couleur qu'elle la vouldroit et aussi
estoyt obligié de changer et porter pour l'amour d'elle tous les moys
une robbe neufve a la devise d'elle lesquelles choses il avoit
continuees ja par long temps Mais il en estoit fort lassé veu que la
charge estoyt bien grande et disoyt que ledict contract ne se pouoit pas
soubstenir/ car pour les biens/ et plaisirs dessusdictz qu'il estoyt
tenu de faire a ladicte deffenderesse s'il ne amendoit d'elle il n'en
avoyt pour toute recompence que ung seul baiser quant il la pouoyt
trouver a part qui n'estoit pas juste ne egalle recompensation. Et aussy
la deception y estoit toute clere. Et disoyt en oultre/ que lesdictz
menestriers et robbes et chapperons sans les autres bagues ne la paine
de luy pour la poursuitte coustoyt tous les ans une grant somme d'argent
qui luy convenoit bailler et trouver/ et payer de sa bource pour
complaire a elle & luy faire plaisir/ et touteffoys de son costé ne luy
donnoit que ung seul baisier ne n'y mettoit du sien que la bouche/ ou la
joue enquoy elle gaignoyt plus de la moytié et sans main mettre parquoy
l'usure y estoit toute clere et pource elle concluoit et requeroit
ledict amant que ledict contract feust recindé et adnullé et demandoit
despens. De la partie de ladicte deffenderesse fut deffendu au contraire
et disoit que de l'appeller usuriere ledict amant avoyt grant tort car
avecques luy elle n'avoit gueres gaigné. Mais il advient souvent que
pour faire plaisir l'en a dommage. Et pour passer oultre disoyt que se
elle ne l'eust jamais trouvé luy eust esté grant prouffit/ pour luy
avoit souffert de malles nuytz dont elle estoyt petitement recompensee
et ne failloyt point qu'il se plaingnist dudict contract/ car ne luy
avoit pas faict faire/ mais luy mesmes l'avoit poursuivy et chassé.
Disoit aussy qu'elle ne le contraignoyt point de envoyer aulx festes les
menestriers devant son huys ainçoys y venoient jouer telles fois qu'elle
eust bien voullu qu'ilz en eussent esté bien loing Car de les ouyr quant
l'en a pas le cueur en joye est regrettement de dueil et planté de
pleurs et de lermes Et quant est des robbes si luy en a donné plusieurs
et elle les a voulu prendre de tant luy a fait plusgrant plaisir/ et en
est bien tenu a elle veu qu'elle luy avoit faict plus d'honneur qu'il ne
luy apartenoit de les avoir vestues & portees pour l'amour de luy. Et
entant que toutes les robbes neufves dont il s'abiloit tous les mois
ladicte deffenderesse disoit qu'elle n'y avoit gaigné ne prouffit et que
s'il en voulloyt avoir tous les jours elle ne l'en pourroit pas garder:
Disoyt oultre pour respondre au faict de partie que toutes les robbes/
et tout l'argent qu'il sçauroit en tout le monde finer pour faire dons
et gratuytés ne sont a comparager seullement a la moytié d'ung baiser/
Car s'il failloit faire estimation ou prisation de l'ung a l'autre et
que ce fust chose que l'en peust priser ou estimer l'en trouveroit sans
comparaison que la moytié d'ung seul baiser d'une dame octroyé de bon
cueur vault mieulx que tous les biens ne l'argent que on sçauroyt
donner. Or avoyt ledict amoureux ung baisyer d'elle tout entier et par
sa confession mesmes prinse en son prejudice Parquoy de dire le contract
feust usuré n'y avoit apparence nulle. Disoyt aussy que ung baisier est
reputé en amours pour chose singulliere et espirituelle & qu'on ne le
sçauroit trop vendre ne acheter mesmement quant il est procedant de joye
et qu'il y a embrassement Si le doit par ses moyens ladicte dame affin
d'absolution et de despens. A quoy ledict demandeur par ses replicques
disoit que touchant ledit baisier il en avoit autant de payne comme elle
& de la joye qu'il en yssoit elle en amendoit aussi bien comme luy
parquoy il ne pouoit cheoir en compensation. Et sur ce dupliquoit la
deffenderesse que le bien qu'il procede d'ung baiser vient de la grace
de la dame qui le donne et nompas de celuy qui le requiert/ car le
plaisir vient d'elle et multiplie la joye de celluy a qui il est donné
pource dyent les maistres que telz biens ne sont a donner ne a
garçonner/ ains il fault que ung homme soyt bien experimenté et qu'il
ait bien servy avant que il soit digne de avoir ung baisier. oyez
lesquelles parties elles furent par ledit juge de la garde des seaulx
appoinctees a produire et en droict. Et depuis par sa sentence il dist
et declaira que ledit contract ne estoit point usurier/ et absolut
ladicte dame de ses petitions et demandes & le condampna es despens dont
il appella en la court de ceans ou ledit procés a esté receu et conclut
pour jugier/ et a ladicte court veu ledit procés et tout ce que il
faisoit a veoir en ceste matiere/ Et tout veu dict que il a esté bien
jugé et mal appellé par ledit amoureux et l'amendera et payera tous les
despens de la cause d'appel la tauxation reservee a ycelle.



¶ Le .xi. arrest.


Devant le maistre des forestz et des eaues sus le faict du gibier
d'amours c'est assis ung aultre procés entre une jeune dame demanderesse
d'une part/ & ung sien serviteur jadis amy deffendeur de l'aultre part.
Et disoit ladicte demanderesse que a ung soir bien tard que il faisoit
chault & que le soleil estoit pres de coucher elle & ledit amant et
plusieurs de ses amys/ voisins s'en allerent baignier sus ung gravier
d'une ysle et chasser aux poissons/ et furent les ungz mis en ordonnance
pour tenir les rethz et filetz et les aultres pour courir devant le
poisson/ et le faire courir devant les rethz. or advint que en courant
ledit amoureux qui avoit tousjours l'oeil sus elle et plus que a prendre
le poisson se vint aborder a l'encontre de elle/ et combien qu'il eust
assez place pour tirer son chemin ailleurs toutes voyes tout en
soursault/ et en ung moment il luy feist le jambet tellement que ceste
povre femme cheut a terre & que sa cotte simple fut mouillee & gastee
dedans la riviere Et ne fut pas encores content mais en faisant semblant
de la relever il luy meist la main sur le tetin et la pressa tresfort
dont elle fut toute esmeue au lict malade par bien long temps parquoy
elle requeroit a l'encontre dudit amant qu'il en fust tresgriefvement
pugny de pugnition publicque ainsi que le cas le requeroit et tellement
que les aultres y puissent prendre bonne exemple. de la partie dudit
amant fut dit tout au contraire que vrayement il est vray/ que ladicte
dame et plusieurs aultres prindrent complot de leur baigner et chasser
aux poissons et puis fut ledit amant mis a l'avantgarde pour chasser
ledit poisson devant & elle estoit d'ung autre costé & tenoit les rethz
& le filet. Si advint que comme il choisit le poisson il mesmarcha pour
ung gros chaillou que il trouva qui le feist tumber sur elle et
tellement que tous deux cheurent dedans l'eaue/ mais dieu mercy ne
c'estoit point fait de mal car l'eaue n'estoit point grande et si estoit
en plain sablon. et disoit oultre sus sa foy que en chayant il ne
l'avoit tastee ne pincee ne ne eut pas le loysir de ce faire pour l'eaue
dont il estoit tout esblouy/ et ne luy cuydoit avoir faict aucun mal. or
disoit il que de la cheuste il n'en pouoit mais/ car le cas estoit
advenu qu'il ne l'a pas fait cheoir en son escient si l'en ne luy en
pouoit riens demander. et au regard de la cotte simple/ et aultres
habillemens d'elle qu'elle disoit estre gastez aussi avoyent esté
pareillement les siens/ et si avoit esté autant moullé comme elle/ & par
ces moyens tendoit affin d'absolution et de despens. ledict procureur
d'amours dessus le fait des eaues et des forestz disoit que par les
ordonnances il est deffendu de ne point chasser a engins par lesquelz
l'on puisse prendre teteins en l'eaue/ et requeroit que cest amant fust
condampné en une bonne et tresgrosse amande. Mais ledit amoureux disoit
au contraire que ce n'estoit raison car il n'avoit faict chose digne de
reprehension/ ne touché au tetins dont il ait souvenance/ et se
d'advanture sa main y avoit frayé qu'il ne confesse encore pas si auroyt
ce esté en tumbant & cheant et estoit force qu'il se soubstint a quelque
chose/ mais quoy qu'il en soit ladicte dame ne en avoit point esté
blecee/ et pource concluoit comme dessus affin d'absolution. Surquoy
ladicte demanderesse disoyt que la cheuste estoit trop lourde/ et qu'il
ne s'en pouoit excuser/ car il l'avoit fait d'aguet a pense & propos
deliberé pour parvenir a ses attaintes et en verité s'il ne lui eust
fait oultraige elle n'en eust daingné parler Finablement parties ouyes
elles furent appointees contraires et en enqueste & depuis ladicte
enqueste faicte et le procés appointé en droict le maistre des eaues et
forestz condampna par sa sentence ledict amoureux deffendeur a faire
faire a ladicte dame une cotte simple verte en lieu de la sienne qui
avoit esté gastee et a la porter en sa main et seroit tenu de se
encliner devant elle en ostant son chapperon seulement et dire ces motz
a genoulx. Madame par l'ordonnance de justice je suis contrainct de me
venir rendre a vostre grace & mercy si vous prie que vous prenez en gré
ceste robbe verte que je vous donne de bon cueur & au regard du
demourant ne vous en souviengne plus car sur ma foy je ne le fis oncques
en intencion de vous courroucer ains aymeroye mieulx estre mort et au
surplus furent les despens recompensez d'ung costé & d'autre De laquelle
sentence ledit deffendeur en appella en la court de ceans ou le procés a
esté receu pour juger si a la court veu ledit procés l'enqueste aussi &
tout qu'il failloit veoir en ceste matiere & tout veu dit qu'il a esté
bien jugé par ledit maistre des eaues & forestz et mal appellé par
l'appellant & l'amendera & condampne es despens



¶ Le .xii. arrest.


Par devant les dames de conseil d'amours en ladicte chambre de plaisance
c'est assis ung autre procés entre ung aultre tresbeau et jeune filz
bien amoureux demandeur & complaignant en cas de saisine et de
nouvelleté d'une part & une gracieuse dame deffenderesse d'autre part.
Et disoit ledit demandeur que ja pieça par alliance d'amours luy et elle
se donnerent l'ung a l'autre et promirent de vivre et mourir ensemble
comme deux vrais amans sans jamais departir par quelque malheurté qui
peust advenir et en ce point en conferment l'aliance en eut plusieurs
baisers donnez de si tresbon cueur que les larmes en venoyent de joye
aux yeulx d'ung chascun. Disoyt avec ce ledit amant que aprés l'alliance
et confirmation ainsi faicte sollempnellement eulx deux promisrent
encore qu'ilz seroyent communs en biens & que l'ung ne feroit jamais
chose qui despleust a l'autre mais ce que l'ung vouldroit l'autre
consentiroit/ affin que l'amour durast tousjours. or disoit ledit
demandeur que a ce tiltre & par les moyens dessudictz avoit droit &
estoit en bonne possession et saisine que ladicte dame ne pouoit ne
debvoit acointer ne s'ayder d'autre que luy ne luy faire autre chere. en
possession & saisine qu'elle ne leur debvoit ryre ne faire le petit
genoul. en possession et saisine qu'elle ne debvoit saluer ne parler a
eulx en quelque maniere que ce feust s'il n'y estoit present. en
possession et saisine qu'il devoit & est sur tous le mieulx aymé &
recueilly grandement quant il parle a elle sans luy rechisgner ne
tourner la teste de costé ne d'aultre. en possession/ et saysine que
quant il se veult esbatre avec elle & luy doit dire les sornettes
qu'elle luy doit respondre gracieusement comme elle faisoit au
commencement & en riant sans le mespriser ne contempner. En possession &
saisine que quant elle veult aller jouer et esbastre aux champs qu'elle
luy doibt faire assavoir pour y aller ou sans y mener d'autres. en
possession & saisine qu'elle ne doit souffrir prendre les liens de sa
chausse/ aulcuns qui en font les sursaintes & qui les portent entour
eulx en lieu de sainctures. En possession & saisine que se d'advanture
il la boutte en passant par la rue par le costé ou qu'il gecte une
violette que elle ne luy en doit point gecter les groins ne faire aulcun
semblant qu'elle en soit courroucee. en possession et saisine que s'il
arrive en son hostel ou en aultre lieu ou elle soit assise elle doit
reculer sa robbe pour luy faire place. Mais ce nonobstant ceste
deffenderesse depuis ung peu de temps en ça luy a tenu et tient les plus
estranges termes du monde/ car quant il la salue et rencontre elle n'en
tient compte/ ains faict semblant qu'elle ne le vit jamais. Et avec ce
tient parolles a plusieurs autres galans en leur faisant plus grant
chiere que a luy & luy sembla maintenant qu'elle preigne a desplaisir
tout tant qu'il luy dit & faict. Et bien souvent quant elle le voit
d'ung costé elle va de l'autre en le mocquant & desprisant & mettant a
non challoir le temps passe et l'alliance qu'elle a faicte. Et oultre
plus quant il se veult jouer a elle ainsi que il avoit accoustumé elle
l'injurie & menasse de frapper & ce fait n'a pas granment qu'il tiroit
sa quenoille par derriere elle se courrouça moult aigrement et jura que
s'il y venoit plus elle luy en bailleroit sur la teste en troublant &
empeschant ledit complaignant en ses possessions & saisines a tort &
sans cause indeuement & de nouvel puis an et jour en ça. Et pource
concluoit en matiere possessoire tout pertinent/ & en cas de delay
demandoit la recreance Et pour deffence ladicte deffenderesse disoyt que
de raison naturelle feminine nulle dame n'est tenue d'aymer se la
personne qui la requiert ne luy plaist ou agree et que aultrement le
faire seroit trop a contempner tous les biens d'amours qui viennent de
plaisir et joye. or ce pressuposé disoit que cest amant se fyoit trop en
ses pensees et folles ymaginations Il cuidoit que tout ce qu'il
pourpensoit devoyt advenir/ dont il estoit bien loing ne n'estoit
coustume a advenir a telz biens par force et pour parler a cheval veu
que tous ceulx qui se humilioyent jusques en terre et qui ne servent que
d'obeyr et complaire a grant paine y peuent parvenir. Disoit avec ce
qu'elle l'avoit aymé comme femme doit aymer ung chascun/ mais qu'il y
eust aliance ou promesse particuliere entre eulx deux et telle qu'il
l'avoit baptisee il ne la trouveroit point/ car tousjours avoit esté
entiere et maistresse de soy comme encore avoit intencion d'estre/ et ne
failloit point qu'il se plaignist d'elle atendu que a luy ne a aultre
n'a mal fait. Et quant est des possessions qu'il prenoit a l'encontre
d'elle disoit qu'elles n'estoyent recevable car selon raison gardee en
matiere d'amours on ne peult empescher que femme ne caquette/ parle/
salue/ rye/ ou bon luy semble. Et d'aultre part ung serviteur ne doit
estre receu a prendre complaincte contre sa dame tout ainsi que ne fait
le vassal contre son seigneur. Et la raison est bonne/ car ce seroyt
attribué domination & seigneurie a ceux qui n'en ont point et qui n'en
peuent avoir sinon par le moyen et courtoisie des dames/ et par ainsi
doncques ce ceste dame avoit de grace aymé le gallant Cela pourtant ne
l'obligeoit pas a l'aymer tousjours ne n'y avoit point d'aparence de
dire qu'elle fust contrainte faire ce qu'il vouldroit bien souvent
pensee de femme se change Et au faict de la quenoulle respondit que
voirement pour ce qu'elle n'estoit lors en ses bonnes qu'il vint a elle
tout estourdy se elle l'eust peu attaindre elle l'eust frappé. disoit
oultre que par les moyens dessusditz estoit en possession et saisine de
resister et esloingnier ledict amant et de ne luy faire chiere ou feste
comme au plus estrange d'alemaigne en possession et saisine de luy dire
plainement allez vous en vous m'ennuyés et de contredire a toutes ses
voulentés en posession et saisine de ne le daigner regarder ne dire a
dieu s'il ne luy plaist se bon luy semble en possession et saisine qu'il
ne se peult nommer ne dire son serviteur ne tenir riens d'elle en
possession et saisine de tout ce qu'elle fait ou dit qu'il ne luy
appartient point de parler ne de mot sonner. en possession et saisine
que s'il veult avoir dame qu'il la doit aller querir ailleurs. En
possession et saisyne s'il estoit efforcé ou efforçoit de faire le
contraire des possessions et saisines dessusdictes de le contredire &
empescher et le tout luy fayre reparer et mettre par justice au neant et
au premier estat et deu en proposant du costé d'elle possessoire
pertinent et en cas de delay demandoit la recreance mais sur ce ledit
amoureux qui replicquoit et disoit que au regard de nyer l'aliance &
promesse faicte entre eulx ladicte dame avoit grant tort car elle avoit
passees et accordees par serment mais d'en faire apparoir par lettres
que ledict complaignant ne pourroit pource que alors n'y avoit que eulx
deux & au regard la jouissance et possession qu'il avoit eu depuis au
moyen de ce il la prouveroyt aussy clere que le jour Parquoy devoit
souffire a son intencion/ disoit aussy que ses possessions estoient bien
recepvables car elles ne tendent que a acomplir et executer ce que
sadicte dame mesme la voulu. C'est assavoir de ne faire chose a son
pouoir qui luy puisse tourner a dommaige & ennuy Or disoit il qu'il
n'est aujourd'huy plusgrant desplaisir que de veoir ung estrangier
festoier & avoir le bien qu'on a desservy/ parquoy il estoit bien fondé
et ne vouloit point ledict complaignant empescher qu'elle ne parlast rie
ou fist bonne chere a qui bon luy sembleroit/ mais qu'il feust
toutsjours bien venu et aussi qu'il feust asseuré que quelque chose
qu'elle fist aux aultres si seroyt mieulx aymé dont elle faisoit le
contraire/ car elle le rigolloit plus que se jamais ne l'eust veu &
supposé que l'on dit que subgect ou serviteur ne peut intenter
complaincte contre sa dame/ toutesfois il disoit que ceste raison
n'avoit point icy lieu/ car pour le moyen de la solution & aliance
qu'elle mesmes avoit fait il estoit devenu seigneur & avoit autant de
puissance qu'elle ne plus ne mains ne n'eust pas deffendu que ung
subgect et serviteur ne se puisse complaindre de sa dame ains est permis
de droit quant elle le griefve ou luy fait extorcion comme au cas qui
souffre. Aultrement aussi n'y auroyt jamais reparation et seroient
povres amoureux et trop tenus de court mal traictez & concluoit comme
dessus Mais ceste deffenderesse disoit au contraire que tous les biens
d'amours gisent en grace des dames et qu'on ne se peult complaindre. car
elles mesmes ne sont pas maistresses pour ce qu'il fault que les biens
voisent aux sainctz a qui ilz sont vouez et ou amours les veult departir
et ainsi doncques de se plaindre d'amours qu'il fait departir la grace
ou il luy plaist la complaincte n'est recevable et n'y faisoit riens
l'aliance car telz biens ne se peuent par aliance obliger ne engaiger
ainçoys toutes promesses qui seroient & sont faictes au contraire et
prejudice des dames sont nulles ipso jure ne n'en fault point de
relievement et la raison est bonne car dames sont exemptes de force &
servitude et fault venir a elles par supplication & par ainsi donc d'y
venir par complainte & prendre telles possessions pour les mettre en
subjection et servitude n'y auroit point d'apparence/ surquoy parties
ouyes finablement lesdictes dames du conseil d'amours en la chambre de
plaisance les appointerent de faire de chascun costé examen de .xii.
tesmoins pour valoir a fin principal que de recreance et depuis ledit
examen fait & que les parties eurent produit icelles dames du conseil
par leur sentence dirent et declarerent que cest amoureux demandeur ne
faisoit a recevoir comme complaignant et que a tort il c'estoit dolu et
complainct que a bonne et juste cause ladicte deffenderesse c'estoit
opposee et la maintindrent & garderent es possessions & saisines par
elles pretendues en levant et ostant la main d'amours et tout
empeschement a son prouffit et si le condampneront a ses despens. De
laquelle sentence ledit amoureulx c'est sentu agravé et en a appellé en
la court de ceans ou le procés a esté receu pour juger sauf a faire
droit prealablement sur l'enterrinement de certaines requestes civilles
lesquelles avoyent esté obtenues par ledict appellant pour estre receu a
produyre ung pied de voultour d'argent doré que sa dame luy avoit donné
pour curer ses dens avec ung petit d'or fait a lermes qu'il avoit
tousjours porté et portoit encores pour l'amour de elle entre la chemyse
et la chair affin de monstrer par ce de sa pocession: et aussi de
l'acointance qu'il avoit eue avecques elle laquelle avoit nié lesquelles
choses avoit obmis de produire en son procés principal pour oubliance Si
a la court finablement veu ledit procés examens requestes civiles & tout
ce que faisoit a veoir en ceste dicte matiere et tout veu la court dit
qu'elle ne obtempere point a la requeste civile/ neantmoins qu'il fust
mal jugié par lesdictes dames du conseil et bien appellé par l'appellant
et en amendant le jugement la court dit que ledict complaignant est bien
a recepvoir & que a juste cause il s'est doulu et complainct et que a
mauvaise cause ladicte deffenderesse s'est opposee/ maintient et garde
la court icelluy amant complaignant en toutes ces pocessions & saisines
en levant et ostant la main d'amours et tout empeschement a son
prouffit/ et si condampne la court ladicte intimer es despens de la
cause d'appel et principal la tauxation reservee par devers elle.



¶ Le .xiii. arrest


Devant le prevost d'aubepine c'est assis ung procés entre les hoirs &
heritiers d'ung gratieux jeune amoureux demandeur d'une part et une dame
jadis son amye deffenderesse d'aultre. Disoit ledict demandeur/ que le
deffunct en son vivant estoit bien alyé avecques la dame qui l'a bien
servi jusques a la mort/ disoit que en faisant l'inventoire des biens
l'on a trouvé en son coffre une lettre de sa main signee d'elle par
laquelle il avoit droit de prendre et avoir d'elle tous les jours ung
doint bon jour et luy debvoit faire la dame le petit genoul quant le
rencontreroit. Or disoyent qu'il estoit allé de vie a trespas delaissé
lesditz demandeurs ses plus prochains heritiers habilles a luy suceder
ausquelz maintenant appartenoit la debte et revenue qu'il avoit et
pource requeroient iceux demandeurs que ladicte deffenderesse feust
condamnee a leur paier les choses dessusdictes/ et a leur continuer et
entretenir comme heritiers dudyct deffunct. Ledit genoul leur dieu vous
gard/ quant elle les rencontreroit et a leur bailler ung boucquet comme
elle estoit tenue de faire a leur frere. A ces fins ilz concluoyent
despens. De la partie de la dame si fut deffendu au contraire/ et disoyt
que se on fait du plaisir et des biens aux ungz l'en n'est pas tenu de
les faire aux autres/ et au regard du deffunct elle l'avoit voirement
bien aymee jusques a son trespas. disoit aussi qu'il estoit bien vray
que pour la grant loyaulté qu'elle sentoit aucuneffois a luy elle luy
faisoyt de bon gré aucuns biens qu'elle ne vouloit pas faire a ses
heritiers/ car elle ne les congnoist ne ne scet qu'ilz sont si non par
ouyr dire/ et quant est de la lettre ou scedulle dont il se veulent
ayder elle n'estoit point congneue/ parquoy n'emportoit ypotecque
d'obligation. Disoit oultre que posé qu'elle feust obligee envers ledit
deffunct si n'en pouoient ilz faire poursuytte car par la coustume
notoire et gardee en matiere d'amours toutes et quanteffois que deux
personnes sont allyez en amours et l'ung va de vie a trespas/ Adoncques
les biens qui estoient communs ensemble se departent et sont estaings ne
n'y peuent les heritiers succeder car telz biens sont personnelz et
n'ont point de suyte/ ains des incontinent que la mort vient il meurt
ensemble ne n'ont point vigueur et disoient lesditz heritiers ne
faisoient a recepvoir/ et que s'ilz estoient recepvables que si estoient
elle en voye d'absolution/ et demandoit despens. Les demandeurs pour
leurs replicques disoient que se ledict deffunct eust esté tenu en
aulcune chose vers elle que elle en eust bien voullu estre paiee d'eux
parquoy c'estoit raison pareillement qu'ilz en eussent ce qu'elle luy
devoit veu qu'ilz estoyent ses heritiers. La deffenderesse disoit qu'il
y a autant de difference de debte deue a cause des biens temporelz & des
biens d'amours comme de blanc a noir et que l'une n'ensuit point la
nature de l'autre Disoyt aussi que si leur faisoyt avoir le petit genoul
et ung dieu vous gard il conviendroyt diviser les biens d'amours et la
renderoit la mort subgecte de fayre d'eux plaisirs pour ung qui estoyt
contre raison. Parties ouyes le prevost les appointa a produire en
droict puis par sentence declara que les heritiers ne faisoient a
recevoir en absoulant la deffenderesse des impetitions et demandes et
les condempna es despens Ilz ont appellé en la court de ceans la ou le
procés a esté receu pour juger et veu le procés et tout ce qu'il
failloit voir en ceste matiere ladicte court dit qu'il a esté bien jugé
mal appellé par lesdictz appellans et l'amenderont d'une amende
seullement et si les condampna es despens de la cause d'apel la
tauxation reservee vers elle.



¶ Le .xiiii. arrest


Par devant le seneschal des ayglantiers c'est assis ung autre procés
entre ung demandeur en matiere de retrait lignaigier d'une part. Et
disoit ledit demandeur que ung sien frere et compaignon d'armes acquesta
ja pieça d'une tres belle dame ung baiser toutes les sepmaines dont il a
longuement jouy et estoit vray que puis ung an en ça ycelluy du
consentement d'elle et pour son bon plaisir avoit vendu et transporté
ledict baiser et le droit qu'il avoit en icelluy audit amant deffendeur
en sa partie adverse pour certain pris convenu entre eulx/ or disoit
ledit demandeur qu'il estoit le prochain lignaigier d'ycelluy vendeur
parquoy a venir au retraict avoit droit et pource requeroit que ledit
deffendeur feust condampné a luy delaisser ledit baiser & offroit
bourses et deniers en ce cas de delay/ demandoit despens/ dommages et
interestz de la partie dudit deffendeur fut deffendu au contraire/ et
disoit que en amours ne y a point de retraict. Car les biens qui en
procedent ne descendent point de ligne directe ne colacteralle ne ne
peult estre heritage perpetuel/ si non a ceulx qui les acquierent et si
ne les peut encores transporter ne alliener a autre ce n'est par le gré
& consentement d'elle dont ilz procedent & fault encores qu'il y ait
interposition de decret d'elle qui y consente ou autrement tout seroit
nul. Disoit oultre que ledit demandeur ne pouoit venir a retraict/ car
point n'y avoit vendicion mais estoit une pure donnation que ladicte
dame luy avoit faicte ainsi que loisible luy estoit en faveur de celluy
dont il a le droit qu'il avoit moult pryé de luy donner ledict baiser en
son abscence. Et par ses moyens tendoit a fin d'absolution de despens Le
demandeur disoit au contraire pour ses repliques que puis qu'il y avoit
transporté & qu'il estoit lignaiger du vendeur il devoit estre receu
audit retraict. Car c'est la plus convenable chose que les biens voisent
aux prochains que aux estranges. Et au regard de la dame il disoit que
elle debvoit estre contraincte d'y consentir & le deffendeur a s'en
departir. Mais ledit deffendeur disoit que le transport dudit baiser
n'estoit point fait pour cause de vendition/ mais par maniere
d'eschange/ car il estoit en ce lieu tenu de recompenser celui qui luy
avoit faict transport de luy bailler la moitié plus de telz biens d'une
autre dame dont il avoit requis. Surquoy finablement partyes ouyes elles
furent appointees en droit/ et depuis ledit seneschal par sa sentence
deist et declaira que ledit demandeur ne seroit point receu audit
retraict et que ledict deffendeur jouyroit dudit baisier selon le
transport et donation a luy faicte/ Et si le condampna aux despens dont
celluy demandeur appella en ladicte court de ceans ou le procés a esté
receu pour juger. si a la court veu ledit procés avec ce qu'il failloit
veoir en ceste matiere & tout veu dit qu'il a esté bien jugé par ledit
seneschal & mal appellé par l'appellant & l'amendera & si condampne la
court es despens la tauxation reservee par devers elle.



¶ Le .xv. arrest


Par devant le reformateur general sus le faict des abus d'amours c'est
assis ung procés entre ung amoureux demandeur d'une part et une sienne
dame et amie deffenderesse d'aultre part et disoit ledit demandeur que
pour avoir accointance & privee familiarité de ladicte deffenderesse il
se estoit plusieurs foys tyré par devers elle & luy avoit compté tout
son cas qu'elle le voullist aymer. Disoit oultre qu'il estoit vray que
pour le entretenir en amour & affin qu'il luy souvint de luy il lui
avoit baillé plusieurs bagues & joyaulx & mesmement quant il parla a
elle/ derrenierement lui bailla six aulnes de damas pour faire une cotte
simple deux petites verges d'or/ quatre aulnes d'escarlatte/ une
turquoise/ & ung agnus dei doré bien gent avecques plusieurs aultres
menues choses/ or disoit il que depuis qu'elle a eu lesditz dons elle a
tenu de luy moins compte que devant en commetant vice d'ingratitude et
si luy tient les plus estranges termes de jamais car quant elle le voit
ne s'en faict que mocquer qui est mal consideré le plaisir & peine qu'il
a eue pour servir et acquerir sa grace et pource que il scet bien qu'il
ne la sçauroit contraindre a l'aymer s'elle ne le vouloit requeroit que
commandement luy fust fait pour declairer c'elle l'aymeroit ou cas
qu'elle en seroit reffusant qu'elle feust condampnee a luy rendre/ et
restituer lesdictz dons qu'il luy avoit baillé & ne demandoit point les
despens pour ce qu'il disoit que il l'aymoit trop De la partye de la
deffenderesse fut deffendu au contraire disant qu'en matiere d'amours
n'y a point de reception et que yceulx qui demandent ce qu'ilz ont donné
doivent estre reputez infames et privez de tous biens d'amours/ Or soit
que cest amant estoit jeune & estourdy qui n'entendoit point son cas/
car il luy sembloit pour ses beaulx yeulx qu'on luy devoit ottroyer ce
que il demandoit des la premiere fois sans ce qu'on l'eust essayé ne
sans sçavoir qu'il a au ventre. disoit oultre qu'elle luy a dit
souventeffois que quant elle le rencontroit en la rue qu'elle ne luy
faisoit point de chere affin que les gens ne s'en aperceussent mais il
s'en courrouce et voulsist bien qu'elle luy rist a plaine gorge ou qu'on
s'arrestast de pied quoy pour parler a luy et tenir langage qui n'est
pas la maniere. Disoit oultre ledit amant qu'elle declairast s'elle
l'aymeroit ou non. Il ne estoit pas recepvable/ car en telles choses on
n'a pas accoustume de marchander avant la main ains faul congnoistre
avant que aymer/ et sçavoir se il est digne d'aymer et quelz biens il a
en luy & qu'il se doit experimenter/ et quant elle le trouvera seur elle
le pourra prendre en grace/ ou luy donner congé/ et ne peult on trop
acheter amour de dame. Touchant des bagues disoit que elle ne luy
demanda oncques riens & n'en vouloit riens prendre si n'eust juré et
contraint les prendre a force & depuis avoit employé le drap en robe que
elle avoit vestue pour l'amour de luy. disoit qu'elle s'en repentoit de
bon couraige/ et qu'elle ne vouloit riens de l'autruy ne avoir rien de
luy affin qu'il ne luy peust rien reprocher estoit contente et luy
offroit de bailler tout ce qu'il lui avoit donné pourveu que ledict
amant ne l'eust point entre ses mains & que les draps robbes bagues &
aultres choses par elle receuz excepté l'agnus dei fussent en sa
presence & devant ses yeulx ars & bruslez sans ce qu'il en fust jamais
nouvelles/ et affin qu'il ne se peust vanter/ ne dire qu'il eust bien
besongné comme plusieurs font au jourd'huy quant ilz peuent retenir
leurs bagues & disoit que ainsi le debvoit faire pour la seurté d'elle
et obvier aux autres inconveniens qui s'en pourroyent ensuyvir comme de
s'en mocquer et dire telle chose qui fut a telle que j'ay eue/ et
recouvert par dyvers moyens a ses fins concluoit d'absollution requerant
despens. Le demandeur disoit pour ses repliques quant une chose est
donnee esperance & condition non advenu ou qui n'est point acomply
qu'elle doit estre rebaillee a celluy qui l'a donnee aultrement seroit
frustree de son intencion/ au moins quoy qu'il en soit il n'en doit
point avoir de dommaige Or disoit il devant lesditz dons par luy fais
luy faisoyent avoir assez bel accueil de sadicte dame/ mais despuis que
elle les avoit eues elle ne le daignoit a peu regarder ains sembloit
qu'il luy fist mal & qu'elle prent desplaisir a le veoir & ne vouloit
point avoir les bagues Mais il luy faisoyt trop grant mal qu'elle eust
le sien et que elle se mocquast encores de luy. Disoit oultre que il
estoit content et offroit en jugement s'elle le vouloit aymer de lui en
donner plus la moytié qu'elle n'avoit eu/ et de plus grant chose cent
foys. Sur ce point le procureur d'amours disoyt que telz choses ne
pouoyent vendre ne marchander par argent bagues joyaulx & qu'il est
deffendu d'en user/ et pource que cest amoureux en auroyt argent/ et en
voulloit avoir par telz moyens illicites disant qu'il estoit amendable
et requeroit a ceste fin qu'il feust condampné envers amours en une
tresgrosse amende Et au regard des biens dont estoit question s'en
raportoit a justice et audit amant qui estoit feru d'amours ne lui
chault qu'il face mais que il ait allegement et deust il vendre jusques
a se achepter lesdictz biens/ car bien sçavoit qu'ilz ne se vendent
point/ mais seulement qu'elle congneust la bonne voulenté qu'il avoit
envers elle mais ceste deffenderesse disoit que elle n'avoit cure de luy
ne de ses biens et que jamais par contraincte de personne ne esperance
de dons ne de biens elle n'auroit personne veu qu'il n'en print mal a
celles a qui le font. Et au regard d'elle disoit qu'elle aymoit mieulx
en aymer ung ou fust son plaisir que avoir tous les biens temporelz/ et
joyaulx du monde que on luy pourroit donner ledit amant requeroit
doncques que les aultres biens qu'elle avoit euz luy feussent rendus/ et
disoit qu'il se pourvoiroit aillieurs & s'aideroit a oster de l'amour
d'elle au mieulx qu'il pourroit en mauldissant l'heure que il l'avoit
jamais veue & ouye. lesquelles parties furent appointees en droit &
depuis ledit reformateur general par sentence dist & declaira en tant
que touchoit le drap de damas & l'escarlate qui estoit employé en robbes
que ycelle dame deffenderesse ne seroit tenue d'en rien restituer mais
au regard des verges de l'agnus dei et aultres bagues qui estoient
encore en nature il la condampne a les rendre et restituer audit amant
demandeur pour en faire a son bon plaisir & au surplus pource que ledit
amant en demonstrant son affection desordonnees avoit ainsi offert en
jugement argent pour estre aymé et pour avoir des biens d'amours
autrement que a point ledit reformateur le condampne en amende envers
amours & au double de ses biens par lui offers Et recompensa les despens
d'ung costé et d'autre & pour cause de laquelle sentence ledict amant
entant qu'elle faisoyt contre luy en appella/ & pareillement en appella
ladicte dame en la court de ceans ou le procés a esté receu pour juger
joinct ung grief que ledict amant disoit estre hors ledit procés entant
que ledit reformateur luy avoit donné sa sentence/ ou jour de feste/
c'est assavoir le premier jour de may et l'aulbespine nouvelle. Sy a la
court veu ledit procés a grant et meure deliberation avecques tout ce
que il failloit veoir en ceste maniere/ & tout bien veu & consideré la
court dist entant que ledit amant est appellant il a esté bien jugé par
ledict reformateur general et mal appellé. et entant que ladicte
deffenderesse a appellé a esté mal jugé & en amendant le jugement
ladicte court dict que ledict amant ne fait a recepvoir a demander
lesditz dons & bagues qu'il avoit donné a ladicte dame et que trestout
luy demourroit comme siens pour en faire ce qu'elle vouldra sans ce
qu'elle en soyt tenue de luy en rendre et restituer aulcune chose et si
le condampne es despens de la cause principalle & de la cause d'appel ou
il estoit appellant seulement la tauxation reservee par devers elle.



¶ Le .xvi. arrest.


Devant l'ung des audicteurs desdites causes d'amours c'est assis ung
autre procés entre ung povre amant demandeur et requerant l'enterinement
de certaynes lettres de respit d'une part. et une sienne dame
deffenderesse d'autre part. Et disoit ledict demandeur qu'il a esté fort
malheureux en amours parce qu'il a eu a faire aux femmes qui tirent
huylle de noix a quoy ne pouoit contenter de dons disoit avecques ce que
pour luy complaire et affin que son service luy feust agreable il luy
convint faire plusieurs gratuités & mises excessives. Et si a esté
contrainct de soy tenir joly & de changer souvent habitz enquoy il a
beaucoup frayé et despendu du sien. et aussi faisoit le plus des jours
de la sepmaine dancer faire karoles et plusieurs aultres jeux &
esbatemens tant que toutes les dames l'honnoroyent et y a tellement
frayé qu'il en est fort en debté Et puis la dame en qui il se fioit si
l'abandonna et bailla le bont dont luy sont survenues plusieurs aultres
fortunes au moyen desquelles il ne sçauroit a present payer ses
creanciers sans faire vile possession de ses biens Et pource avoient & a
obtenues lesdictes lettres de respit: dont il requeroit l'enterinement
aussy que l'execution de certaines obligations par laquelle il estoit
obligé envers ladicte demanderesse fust tenu en surceance et delay
jusques a ung an es despens contre ceulx qui le vouldroyent empescher.
De la partie de ceste deffenderesse fut deffendu au contraire & disoit
que dames n'ont point argent quant elles veulent ains ont grant paine a
en assembler & si leur en convient tousjours avoir pour employer en
robbes & plusieurs aultres jolivetés survenans chascun jour et disoit
avecques ce que cest amant ung jour vint a elle tout desconforté la
requerir de luy ayder/ et prester jusques a deux escus pour avoir le
drap d'ung pourpoint de velours qu'il avoit achepté dont elle fut au
premier ung peu reffusante. Touteffois au dernier elle meue de pitié en
voyant la grant necessité du povre gallant qui ploroit presque luy
presta de bon cueur ladicte somme moyennant & parmy ce qu'il luy promist
rendre et payer dedans certain temps pieça passé dont il n'avoit riens
fait mais se vouloit aider dudict respit. Or disoit elle qu'il ne luy
devoit estre enteriné par plusieurs moyens

¶ Premierement car la debte estoit previlegee & procedant de dame qui ne
doibt plaider dessaisie encontre luy qui est obligé Secondement car les
pertes/ & les fortunes par luy aleguees ne estoyent point recepvables
atendu qu'il ne monstroit point que elles feussent advenues par trop
aymer ou maladies d'amour ainçois par son propos prins en son prejudice
n'en debvoit point jouir car il confessoit qu'il avoit servy plusieurs
dames en plusieurs lieux. Et ainsi ne luy pouoit pas bien venir de ses
besongnes/ car ung homme qui a plusieurs dames n'est gueres souvent
trouvé loyal/ & est bien employé quant il luy meschiet consideré que il
n'est pas possible en ce cas d'y garder foy & loyaulté. Si disoit par
ses moyens que ledit respit ne luy doit estre enteriné & que nonobstant
a celuy elle debvoit incontinent estre payee et demandoit despens. A
quoy ledit amant disoit pour ses repliques qu'il estoit impossible de
contraindre une personne a payer plus qu'il ne sçauroit finer. et au
regard de luy il confessa bien devoir ladicte somme loyaulment mais les
eaues estoient si basses qu'on n'y sçauroit prendre poisson et brief a
present ne avoit dequoy payer. Disoit oultre que ladicte deffenderesse
n'avoit pas grant interest a l'enterinement dudit respit veu qu'il ne
duroit que ung an & qu'elle n'estoit pas indigente. mais ycelle
deffenderesse en perseverant en son fait disoit oultre que ce n'estoit
pas raison que le gallant portast pourpoint de vellours a ses despens/
Aussi elle avoyt a faire du sien/ au regard de sa povreté disoit qu'il
n'en laisseroit ja a faire grant chiere/ requerant au surplus qu'il fust
contraint par prinse de corps a lui payer la somme veu la matiere qui
estoit previlegiee. Surquoy finablement parties ouyes l'auditeur par sa
sentence dist et declaira que le respit ne seroit audit demandeur
aulcunement enteriné & que nonobstant ycelles il seroit contraint par
prinse de biens & de sa personne payer ycelle somme a ladicte
deffenderesse incontinent et sans delay en le condampnant es despens de
l'instance/ de laquelle sentence ycelluy demandeur si appella en la
court de ceans ou le procés a esté receu pour juger & a ladicte court
veu le procés et tout ce qu'il failloit veoir en ceste matiere & tout
veu dict la court qu'il a esté bien jugé par ledit auditeur & mal
appellé par ledict appellant et le amendera et si le condampne es
despens de la cause d'appel la tauxation reservee par devers elle.



¶ Le .xvii. arrest.


En la court de ceans c'est assis ung aultre procés entre ung moult
gracieux amoureux appellant de hongnart sergent dangereux d'une part &
danger & chagrin parties intimees d'autre part Disoit ledit appellant
que pour servir une syenne dame et maistresse plaine de biens et de
beaulté et aussi pour monstrer qu'il estoit tout prest de luy obeyr il
s'estoit plusieurs foys transporté en la rue ou elle demoure en la
saluant de tresbon cueur touteffoys et quantes qu'il la pouoit veoir a
l'huys en luy faisant le petit genouil/ mais puis aulcun temps en ça/
ledit danger et chagrin qui s'en sont bien doubtez l'ont menassé de luy
porter grant dommage en corps et en biens. et qui pis est des
incontinent qu'ilz voyent maintenant ledict galant passer ou que la
dessusdicte dame luy soubzrit du coing de l'oeil en luy disant adieu ou
quelque aultre mot ilz n'en font que rechisner toute la journee et en
estoyent si trescourroucez de ce qu'elle parloit a luy qui n'en
sçavoyent que dire et ne sçavoyent que faire de s'en courroucer
tellement en estoyent marris Et combien qu'il leur ait fait doulcement
remonstrer qu'il ne pense aucun mal neantmoins ledit sergent luy a fait
commandement qu'il ne voise plus ou sa dame sera & a la dame qu'elle ne
soit si osee de le regarder ne rire ains que des incontinent que elle le
verra venir qu'elle s'en parte et entre en sa maison affin qu'il ne la
puisse veoir & qu'il ne perde ses pas a l'encontre desquelz exploitz
l'amoureux c'est oposé mais ledit sergent ne luy a voulu recepvoir dont
il s'est sentu trop grevé tellement qu'il en a appellé en la court de
ceans ou il a depuis bien & deuement relevé/ et concluoit tout pertinent
en cas d'appel qu'il a esté mal commandé mal denié/ mal deffendu et
exploicté par ledit haignart/ et bien appelle par luy a ses fins offroit
a prouver et demandoit despens De la partye desdictz chagrin et danger
parties intimees si a deffendu au contraire & disoit qui ne pourroyt aux
premiers mouvemens des cueurs des jeunes a tresgrant peine on en peult
aprés estre maistre & qu'on ne les doit point laisser converser
souffrir/ ne festoyer l'ung l'autre par regars ris ou autrement/ car il
en advient aucuneffoys plusieurs inconveniens dont n'est ja besoing de
parler pour le present/ car qui parleroit plus avant il en pourroit
besongner a son entente. Or se pressuposé disoyent qu'ilz estoyent
commis au regard de ladicte dame & tenus d'en respondre s'elle versoit
mal/ par quoy avoyent cause de empescher que personne ne s'en
approchast/ aussi le galant n'estoit aulcunement de la parenté ou finité
d'elle Et neantmoins il se ingeroit tous les jours de l'accointer et
parler a elle/ et ainsi justement luy avoyent peu deffendre d'aller et
venir et ne estoit son appellation recevable. et au regard qu'il disoit
que il n'y pensoit aulcun mal a elle/ et qu'il eust myeulx souffert la
mort qu'il luy eust esté reproche qu'il luy eust dit aucune parolle
deshonneste ne villaine qui luy feust tournee a son prejudice/
respondoient que ce ne estoit pas pourtant a dire qu'il y deust penser
bien et que le plus seur estoit de ne se y trouver point Si concluoit
par ses moyens affin de non recepvoir aprés mal appellé & demandoit
despens/ a quoy l'appellant requeroit au contraire et disoit que se l'en
ne voulloit qu'il eust aulcun bien au moins que sadicte dame qui n'en
pouoit mais n'en debvoit avoir aulcun mal ou dommage entendu qu'il y
metoit peine autant qu'il estoit possible. Disoit aussi que c'estoit
bien grant rigueur a eulx de empescher qu'elle ne venist a lui ainsi que
elle avoit acoustumé et la tenir si estroictement qui n'estoit point
chose a requerir de la vouloir tenir si court/ et quant est de la rue
disoit ledit appellant qu'elle n'appartenoit pas ausditz intimez ne n'y
avoyent fait faire les carreaux qui y estoient parquoy l'avoit deffendu
qu'il n'y marchast et passast nullement la deffence estoit torcionnaire
& son appellation bien recepvable. Sur quoy lesditz intimez disoyent
qu'ilz ne voulloyent pas empescher/ que l'appellant n'y passast mais
seulement garder qu'en passant il ne veist la dame et si en cecy il y
avoit grief ce seroit a elle a plaindre et nompas a luy. Finablement
partyes ouyes elles ont esté appointees en droit et a mettre par devers
la court/ et au conseil ce que bon leur sembleroyt. La court a veu
ledict procés au long avec ce qui esté produict et ce qu'il failloit
veoir en ceste matiere & tout veu la court dict qu'il a esté mal
exploicté par ledit hongnart/ Et bien appellé par ledit appellant/ et
permet la court audit appellant de passer et rapasser a toutes heures
soit de nuit ou de jour par la rue/ et devant l'huys de sa dame pourveu
qu'il ne pourra parler a elle sans la presence dudict dangier/ ou de ses
commis qui sont tenus de luy rendre compte de toutes les parolles &
besongnes que ilz se feront ensemble et desquelles parolles et besongnes
iceulx commis prendront ladicte declaration par escript pour leur
descharge et leur valoit enqueste la ou il appartiendra & si condampne
la court lesditz intimez es despens de la cause d'appel la tauxation
reservee par devers elle.



¶ Le .xviii. arrest.


En la court de ceans c'est assis ung autre procés entre une dame
appellant d'une part/ et ung sien amy intime d'autre part. Et disoit
ladicte appellante pour la cause d'appel que jaçoit que en amours force
& voye de fait sont deffendues neantmoins ledit intime ung journee tout
eschauffé s'en vint vers elle et s'efforça de l'embrasser et qui plus
est tout en ung moment sans dire dieu gard ne autre chose il la baisa
maulgré elle/ et a force dont elle appella et concluoit qu'il avoyt mal
procedé Le deffendeur disoit que pour elle avoit beaucoup souffert de
mal et qu'il l'avoit fort aymee et si le savoit bien mais elle n'en
tenoit gueres de compte et ne luy vouloit donner aucun alegement disoit
qu'il l'avoyt tant pourchassé envers elle qu'elle luy avoyt promis ung
baisier mais elle s'excusoit de luy donner et brief une foys luy dist
qu'elle estoit empeschee a l'autre qu'il n'estoyt pas heure & qu'il
revenist a ung aultre jour et tellement qu'elle l'avoit pourveu par
telles frivolles excusations par bien long temps & affermoit ledit
galant par sa foy qu'il avoit esté troys moys a la poursuytte dudict
baisier qui estoit bien grant pitié: & par ce luy voyant qu'il n'en
pouoit plus a une journee que dangier estoit hors de la maison luy pria
qu'elle entretenist sa promesse dont ne voult riens faire ainçoys le
vouloit delayer comme devant/ Et pource luy estant au destroit d'une
grant challeur qui luy print au cueur/ et voyant qu'elle ne voulloit
faire rayson d'elle mesmes pour priere ne requeste qu'il luy fist print
ledit baiser de soymesmes enquoy ne peult ladicte dame dire estre grevee
car il ne luy a faict aultre blessure dont elle se doyt plaindre/ et
quant a la voye de faict dit qu'il avoyt assés attendu & que veu les
reffus precedans & les longs delaiz que avoit prins/ il pouoit et devoyt
ainsi proceder et concluoit que ledict appel n'estoyt recepvable et quoy
que soyt que ladicte dame avoit tresmal appellé/ et demandoit despens en
requerant que oultre le baiser qui avoit esté ainsy prins par emblee et
sans acollee il en eust ung aultre tout entier et de bon cueur. A quoy
la dame pour ses replicques disoit qu'elle ne avoit point promis de
baiser & que posé qu'il y eust promesse si estoit elle condicionnelle
c'est assavoir/ ou il luy plairoyt et avoit elle reservé le temps de le
donner: et par ainsi le grief y estoit tout evident disoyt que avant la
promesse eut esté pure et symple/ sy failloit il qu'elle fust congneue &
qu'il y eust deliberation sur ce faicte avant qu'on la peust excuser et
y venir par voye de doulleur et non par faincte et voye de fait
deffendue. parquoy avoit esté grevee. Mais ledict intime en dupliquant
disoyt qu'il vouldroyt en telles matieres tenir long procés ordinaire et
faire preuves a chascune fois il ne seroit jamais jour Et auroient les
dames trop d'avantaige contre les povres amans car tous les tesmoings en
ce cas sont pour elles et a leur poste et disoit au surplus que quant il
n'y auroit eu ne don ne promesse sy ne pouoit il a tout le moins pour
ses peines et salaires d'avoir servi si long temps que avoir ung baisier
et que en tel cas qui sont previlegiez l'en peut proceder par voye
d'execution et prendre les biens ou on les treuve concluant comme dessus
oyes les parties au long elles ont estés apointees en droict et a mettre
par devers la court et au conseil ce que bon leur semblera. Si a l'en
veu le procés et ce qui faisoit a veoir en ceste matiere. et tout veu la
court dit qu'il a esté bien procedé par l'amant et mal appelle par
l'appelante et l'amendera en la condampnant es despens de la cause
d'appel la tauxation reservee & ordonne la court que le baiser ainsi
baillé par contraincte ne sera point compté mais ladite dame sera tenue
de luy en bailler ung autre en ce lieu de bon cueur toutes et
quanteffois qui l'en requerra pourveu que danger n'y soit point ne n'en
sçaura rien affin qu'il n'en puisse grongner.



¶ Le .xix. arrest


En la court de ceans c'est assis ung aultre procés entre une tresbelle
dame et le procureur general d'amours avec elle adjoinct demandeurs en
cas de excés et de delict d'une part/ et une vieille chamberiere
deffenderesse d'aultre part. et disoit la dame que toutes servantes
devoyent foy & loyaulté a leurs maistresses avoir courte langue et
longues oreilles & grandes qu'elles ne sont pas dignes de demourer en
quelque maison que ja pieça elle loua une chamberiere pour la servyr
deux ans pour certain pris convenu entre eulx. Et oultre luy avoit
promis par dessus son sallaire mais qu'elle fist bien la besongne une
paire de chausses au bout de l'annee et ung de ses vielz chapperons. Et
combien qu'elle en eust trouvé assez d'autres qui eussent bien voulu
demourer avec elle sans prendre denier ne maille touteffois a l'ocasion
de ce que la chamberiere sembloit estre secrette & avoit beaucop veu/
icelle dame fut meue de la retenir devant toutes autres et la fist venir
des lors en son hostel ou du commencement elle a fait merveille de
servir mais en effect voyant que sa maistresse se fioit fort en elle luy
monstroit grans signes d'amours elle a voulu entreprendre sur elle et se
mesler de toutes besongnes Et de fait est advenu quant ung sien amy de
congnoissance que ladicte dame aymoit en tout bien & en tout honneur
venoit a l'hostel soy esbatre ou compter des nouvelles de la ville et
passer temps Ceste chamberiere escoutoit tout Le lendemain ou le soir
mesmes rapportoit tout ce que ladicte dame et son amy avoient dit
ensemble a dangier le mary qui estoyt mal faict a elle/ et tellement que
bien souvent la nuit au lict ledit dangier luy tenoit plusieurs rigueurs
et luy en gectoit puis ça puis la ung mot a la vollee et par ambages
dont elle estoit bien esbahie mais icelle dame considerant qu'il
n'estoyt pas possible qu'il en sceust rien a la verité s'il ne le
devinoit ne jamais n'eust cuidé que la vieille en eust parlé ung mot veu
qu'elle la tenoit seure de son costé comme elle devoit estre Or estoit
vray que a une journee ainsi que ledict gallant s'en vint esbatre
l'apresdinee comme il avoit acoustumé la dame tenant sa quenoulle
d'aventure laissa cheoir son fizeau. Lequel gallant en demonstrant son
humillité le leva et en luy baillant la baisa. Dont ycelle dame le
remercia en soubzriant et sans penser nul mal/ mais la vieille en despit
de sa maistresse qui l'avoit tancee le matin pour occasion de ce qu'elle
ne luy avoit pas ployé ses gorgias dist et proposa en soymesmes qu'elle
s'en vengeroit/ et de faict aussy tost que dangier fut venu de la ville
elle luy commença a compter tout le cas & plus la moytié qu'il n'y
avoit/ dont il n'en sonna mot et le garda en son cueur trois ou quatre
jours en rechygnant puis aprés se desgorga en maulgreant que se le
gallant y retournoit plus qu'il luy coupperoit les jambes. Si fut la
dame bien esbahye et ne se feust jamais doubtee de ladicte vieille. Mais
touteffois a la fin il a tout sceu et a la vieille gasté son cas/ car
par le moyen de telz rappors elle cuidoit devenir maistresse & tailler
les morceaulx a ladicte demanderesse & pource a esté boutee hors de
l'hostel et depuis constituee prisonniere pour raison du cas qui est de
grant consequence et concluoit ladicte dame a l'encontre d'icelle
vieille chamberiere qu'elle feust condampnee a luy crier mercy et faire
amende honnorable nudz piedz & sans coyffe coeuvrechief ny chaperon en
sa teste et aussy en tenant une torche en sa main et disant que a tort
et maulvaisement elle avoit raporté les parolles de sa dame et
maistresse & de ce qu'elle l'avoit fait tancer qu'elle s'en desdisoit
devant tout le monde/ et en oultre qu'elle feust contraincte et
condempnee a venir dire et declairer devant dangier que tout ce qu'elle
luy avoit dit et raporté de sadicte maistresse avoit esté controuvé par
elle contre verité et par mallice. affin que icelluy danger n'y eust
plus de suspition. Et au regard dudict procureur general d'amours qui
estoit adjoinct avec ladicte dame il disoit que ce cas icy estoit digne
de grant punition. et que il ne se devoit point passer soubz
dissimulacion/ Car la consequence estoit trop perilleuse pour
l'esclandre qui en pouoit tous les jours advenir Disoit aussi que
chamberieres sur toutes choses doibvent estre secrettes et aussy celer
tout ce qu'elles voient faire en amours comme font confesseurs et y est
la paine si grande selon les droictz que celles qui revelent ainsi
secretz sont digne de mort. Or disoit il que ceste vieille avoit revellé
les secretz de sa maistresse audit dangier pour a tousjours le cuyder
mettre en noise et rapporter la moytié plus qu'il n'y avoit de mal. Et
pour ce concluoit a l'encontre d'elle qu'elle fust condampnee a estre
arce & bruslee ou a tout le moins qu'on lui perçast la langue d'ung fer
chault devant tout le monde affin que les autres servantes et
chamberieres y prinsent exemple et que son sallayre qu'elle devoit avoir
fust declairé forfait & fust confisqué. Ou que telles autres conclusions
fussent adjugees ainsi que le cas le requeroit et que la court
adviseroit en requerant au surplus que pour pourveoir a telz
inconveniens y eust visitacion sur lesdictes chamberieres/ car les plus
grans dangiers du monde en viennent. et disoit oultre que jamais l'en ne
devoit laisser a telles vieilles chamberieres porter la clef du vin car
quant d'aventure elles ont beu ou faict bonne chere elles parlent aussi
bien contre elles que pour elles/ et la ou elles cuydent sauver
l'honneur de leurs maistresses c'est adonc l'heure qu'elles gastent
tout. Et puis aprés ne leur en souvient lendemain et jurent et afferment
hardyement que en leur vie n'en parlerent mot dont ce a esté cause de
plusieurs maulx qui en viennent parquoy le procureur requist que la
court mist sur ce provision De la partie de ladicte vieille fut deffendu
au contraire et disoit que quant elle vint demourer en l'hostel de
ladicte maistresse elle luy promist fayre beaucoup de biens/ mais elle
s'en estoit bien petitement apperceue et si avoit tant eu de peine que
merveilles. Or estoit vray que ledit dangier son mary des l'entree et au
commencement qu'elle entra leans il parla a elle a part en l'oreille &
luy promist de luy donner tous les ans une robe et ung bon chapperon
oultre son sallaire affin qu'elle se print garde de la dame qui estoit
encore bien jeune et luy rapporter toutes nouvelles de ce que son
maistre luy avoyt faict promettre ycelle chose luy disoyt tout ce
qu'elle veoit faire a sa maistresse en gardant tousjours l'honneur des
dames comme tenue y estoit/ et aussy affermoit que jamais elle ne luy
fist faire chose qui ne feust bonne et honneste/ et combien que ladicte
vieille la servist le myeulx qu'elle pouoit/ touteffois ycelle
maistresse ne s'en pouoit contenter/ et la tença tresbien dont ladicte
chamberiere se courrouça et advint que pource qu'elle veist le gallant
ledict jour a l'hostel qu'elle le dist a son maistre & comment il
l'avoit baisee Or disoit elle que de ce l'en ne la pouoit reprendre &
qu'elle n'avoit point fait de mal/ car elle estoit beaucoup plus tenue
d'obeyr a son maistre qu'a elle et aussi avoit il marchandé a elle et
louee par telle condition qu'elle luy devoit tout rapporter. Parquoy
elle n'avoit faict que son debvoir et ne luy en eust point parlé/ si non
que son maistre luy promist qu'il n'en diroit riens a elle & ainsi l'on
la debvoit excuser tendant & concluant par ses moyens affin d'absolution
A quoy fut repliqué par ladicte demanderesse disant que toute l'eaue de
la riviere ne la pouoit laver du cas/ car elle sçavoit bien qu'elle se
fyoit en elle et qu'elle s'en fust bien gardee se elle eust voulu et
sans ce qu'il en eust riens sceu. Et supposé que l'on dye que toutes
servantes et chamberieres doybvent servir premierement leurs maistres
que leurs maistresses cela s'entent touchant le service comme de boire &
de manger/ mais au regard d'autres choses riens/ ains fault que elles
obeyssent a leurs maistresses. Aussi ont elles previllege que se leurs
chamberieres ne sont a leur poste elles ne doybvent pas demourer trois
jours en la maison/ & aprés disoit le procureur que veu que ladicte
vieille confessoit que elle prenoit argent de son maistre oultre son
loyer pour reveller les secretz d'amours l'en ne le pourroit trop
pugnir/ & quant est de l'excusation qu'elle prenoit sur ce que son
maistre lui avoit promis de n'en rien dire ne luy en faire semblant elle
ne valloit riens/ car jamais en tel cas l'on ne faict telles promesses
si non pour sçavoir et enquerir plus avant et concluoit a reparation du
cas comme dessus est dit. Surquoy ladicte vieille disoit au contraire
que son faict estoit pitoyable & que jamais n'en eust parlé se elle eust
sceu qu'il en fust venu mal/ ou qu'il y eust eu danger pour sa
maistresse. Finablement parties ouyes ont esté apoinctees en droict et a
produire par devers la court et au conseil ce que bon leur semble. Si a
ladicte court veu le procés avecques la confession faicte par la vieille
& tout ce qu'il failloit veoir en ceste matiere a grant et meure
deliberation/ et tout veu la court a condampné ladicte faulce vieille
pour raison du cas a elle commis a crier mercy a ladicte demanderesse et
estre pilloriee par trois foys au jour de marché et oultre la prive &
bannisse du service des dames a tousjoursmais de quelque estat qu'elles
soyent en luy deffendant sur peine de la hart que jamais en bonne
compaignie ne se trouvast. Au regard des aultres provisions requises par
le procureur general touchant la visitacion/ la court a ordonné certains
commissaires qui se informeront sur les abus pour aprés y pourvoir ainsi
qu'il appartiendra



¶ Le .xx. arrest


En la court de ceans c'est assis ung aultre procés entre ung amant
demandeur d'une part a sa dame/ d'autre part disoit ledict demandeur que
le plus grant desir que cueur d'amant ait c'est de veoir souvent sa
dame/ mais pour doubte de faulx semblant et malle bouche qui sont
tousjours espiant il estoit contraint de aller de nuyt passer devant
l'hostel de la dame et s'il ne la trouvoit il baisoyt l'huis et s'en
alloit pensif/ mais il se esjouyssoit pensant que amours luy avoit fait
si grant grace devenir a si hault bien Et puis quant il estoit couché &
il ymaginoit en soy mesme que sa dame ne sçavoyt riens s'il estoit venu
ou non & qu'elle ne luy en sçavoit aulcun gré pource qu'elle ne l'avoit
veu: il se retournoyt dedens le lict plus de cent mille fois et ne
pouoit dormir: et aprés ce/ venoit sur le point du jour qu'on ne voit
encores guaire luy failloit ribon ribaine se lever du lict et s'en aller
de rechief devant l'hostel de sadicte dame escoutant lever les avaynes
et regarder par les crevasses de l'huys s'il la verroit point en son
corset ou a sa cotte simple/ car il en eust esté en paradis. Or disoit
il que incontinent qu'il estoit arrivé et qu'il boutoit l'oeil entre la
serrure et la fante par ou en oeuvre l'huys d'ung loquet il en y avoit
au plus pres de la maison de sa dame une paillarde caille qui commençoit
a crier/ et chanter courcaillet comme se seust esté chose juree &
qu'elle le voulsist accuser/ or disoit cest amant icy que au cry de
ladite caille son sens mesloit et perturboit/ ne n'y a homme si rassis
qui n'en fust esbahy et tellement que aulcuneffoys de sanglante paour et
frayeur qu'il avoit se hurtoit le nez en se retrayant ne sçavoit qu'il
devenoit et encores pis ne cessoit de crier comme une enragee plus fort
que devant jusques a ce qu'il s'en fust party qui luy estoit ung
tresgrant ennuy et desplaysir et disoit que s'il pouoit veoir ou tenir
ladicte caille il la tueroit/ quoy qu'il luy deust couster mais il ne la
pouoit veoir ne prendre pour ce qu'elle estoit dedans la maison et
pource requeroit que ladite dame fust condampnee a faire abbatre la cage
et tuer ladicte caille ou faire vuyder dehors affin qu'elle ne luy
escriast plus dessus son jeu ne fist desplaisir et disoit que c'estoyt
raison. Et la partie de ladicte dame fut deffendu au contraire et disoyt
que ladicte caille ne estoit sienne en sa puissance et subjection/ Car
elle estoit en la maison d'ung de ses voisins qui y prenoyt plaisir a la
nourrir et tenir parquoy n'y avoit que congnoistre aussi n'estoit ce que
ung povre oyseau qui gaingnoyt sa vie a chanter/ pource de la tuer se
seroit tres mal faict/ disoit oultre que ladicte caille n'y pensoit a
nul mal et n'estoit que sa coustume de chanter et quant est d'attendre
longuement a l'huys de la maison c'estoyt simplesse a luy/ car il pouoit
bien penser que a l'heure de si hault matin il n'y avoit personne levé
et luy eust mieulx valu estre couché & dormir encores Si concluoit
ladicte dame par ces moyens a fin de non recevoir et d'absolution A quoy
ledict amant pour ses replicques disoyt que de dormir n'eust il peu/ car
en tel cas quant l'en veult dormir c'est a l'heure que on s'esveille et
que une heure en dure cent. Et au regard de ladicte caille disoit que
ladite dame la debvoit faire abatre/ car elle avoit bien la
congnoissance au lieu ou c'estoit/ et ne failloyt que faire rompre ung
ou deux bastons de ladicte cage pour l'en faire en aller Et protestoit
au surplus que se ladicte dame ne luy voulloyt faire que luimesme la
feroit tuer a quelque meschief qui en peust advenir/ car aulcuneffois
quant elle crioit elle l'effroyoit tellement et luy faisoit plus de mal
que qui lui eust baillé d'une dague par l'estomac/ surquoy finablement
parties ouyes ont esté appoinctees a mettre devant la court & au conseil
Si a ladite court veu le plaidoyé des parties et tout ce qui a esté
produict Et tout veu et consideré ce qu'il faisoit a veoir & considerer
la court dict que ledict amant ne faict a recepvoir a faire ladicte
demande contre ladicte deffenderesse/ Et si desclaire que ladicte caille
demourra la ou elle est pour vivre et chanter tout ainsi qu'elle pourra.
Et oultre deffend la court audict demandeur de luy faire mal ne getter
pierres contre la caige pour l'abbatre a terre sur peine de confiscation
de corps et de biens/ & d'estre privé de l'amour de sadicte dame.



¶ Le .xxi. arrest.


En la court de ceans c'est assis ung aultre procés entre ung aultre
amant demandeur d'une part et une sienne jeune dame et amye
deffenderesse d'autre part et disoyt ledict demandeur que ja pieça
sadicte dame se feist saigner du pied en l'eaue et de la vaine du foye
et pource que son medecin luy avoit enchargé comment que ce fust qu'elle
ne s'endormist point aprés la seignee. Icelle dame manda a son tresdoulx
amy demandeur que il se trouvast devers le soir devant son huys a tout
la Harpe et les Orgues/ pour la resjouir et faire passer le temps affin
que elle ne dormyst point. Et a ceste cause le gallant incontinent qu'il
sceut les nouvelles laissa toutes besongnes et feist dilligence de se
trouver a l'heure assignee: garny des bas instrumens de mellodye qu'on
pouoyt finer et n'avoyt garde d'y faillir. Sy estoit vray que ainsy que
lesdis menestriers commencerent a jouer/ ladycte dame s'en vint jouer/
incontinent de plain bont et a l'estourdy ouvrit une des fenestres de
ladicte chambre ou elle estoit pour les ouyr de plus a plain/ mais il
advint que en retirant a elle ungs des potz de marjolaine ou de
violettes pour prendre place et se appuyer sur le bort des fenestres
qu'elle fist par hativeté/ elle fist choir une palette plaine de son
sang qu'on avoit mis sur ladicte fenestre pour essorer ainsi qu'on a
acoustumé/ et tumba sur luy si que toute sa chemise en fut gastee et
ensanglantee et pareillement le colet de son pourpoint Touteffois il
cuydoit lors pource qu'il estoit nuyt et aussi qu'on ne veoit goutte que
ce ne feust que eaue qui eust degoutté des violers en les arrousant et
n'en tint pas grant compte ainçoys s'en tenoit tout joly esperant que
sadicte dame l'eust fait tout de voulenté pour l'amour de luy Or quant
les menestriers eurent assés longuement illec joué/ et qu'il fut temps
de s'en aller ledict amoureux demandeur s'en partit moult reconforté et
ne luy duroit point le chemin. Mais se mal advint que en une des rues
par ou il luy failloit passer a s'en retourner/ il y avoit eu moult
grant noise de gens qui s'estoyent entrebastuz et les queroit le guect
tout partout et pource par suspeçon vint le guet demander audict
compaignon demandeur qu'il estoit et dont il venoit. A quoy il leur
respondit qu'il venoit de reveiller les potz de marjolayne/ mais l'en ne
l'en vouloit pas croire: ainçoys firent les gens du guect approucher
leur lanterne pour le veoyr a son visaige/ en quoy ce faisant fut
apperceu son colet du pourpoint tout plain de sang qui estoit respandu
de la fenestre de sa dame sur luy. Et commença chascun a dire qu'il
estoyt de ceulx qui s'estoient combatus en ladicte rue/ et qu'il en
portoyt les enseignes/ combien que a la verité ne sçavoyt que c'estoyt
de ladicte noyse: et a tant fut prins et mené prisonnier non obstant ses
bonnes raisons/ dont il fut bien esbahy et coucha la nuyt en prison ou
il ne dormoyt guieres car cela luy valloit une seignee ou il ne failloyt
point dormir aprés et le lendemain il fut delivré Or disoit que dudit
emprisonnement et de la paine dommage et interest qu'il avoyt soustenus
ladicte dame en estoit tenue tout du long/ car ce avoit esté par elle
que le cas estoit advenu. et pour ce concluoit a l'encontre d'elle
qu'elle feust condampnee a le recompenser de ses despens/ dommages et
interestz ou aumoins a lui donner pour recompensation dudit cas six ou
huyt baisiers tous entiers a grans acollees et embrassees. A ses fins
offroit a prouver et demandoit despens du cas que elle vouldroit
resister a l'encontre de ses conclusions. De la partie de ladicte
deffenderesse fut deffendu au contraire Et disoit que par sa foy quant
elle vint a la fenestre ouir lesditz menestriers elle ne pensoit
nullement du monde que lesdictes pallettes lesquelles estoyent plaines
de son sang y feussent encores/ ains elle cuydoit fermement que sa
chamberiere & servante les eust oster hors de la Et ne advint le cas que
par deffortune et inconvenient dont par ce moyen n'estoit tenue a luy Et
aussi ne luy recordoit aulcunement qu'elle eust ouy rien cheoir a terre
sinon ung bouquet de viollettes qu'elle luy gecta. Disoit avec ce que
s'il avoit esté mis & detenu aucunement prisonnier elle n'en pouoit
mais. et aussi n'estoit ce pas a sa requeste ainçois en avoit esté moult
dolente & courroucee quant elle le sceut/ et s'il s'en fust allé le
droit chemin sans aller par ces rues foraines/ il n'eust point a
l'advanture rencontré le guet. Et pource de prendre conclusions a
l'encontre de elle/ certainement n'estoit ledit amant aucunement
recepvable. Et n'estoit ladicte dame tenue de l'amender/ mais au regard
desdictz baisiers qu'il luy demandoit elle s'en rapporta a la court.
Concluant au surplus affin d'absolution. Disoit ledit amant par ses
replicques que posé qu'elle n'eust commys le cas a son escient et aussi
de guet a pensé touteffois veu qu'il estoit advenu par faulte & coulpe
d'elle elle estoit tenue de l'en desdommager et de recompenser. disoit
oultre que oncques puis sadicte chemise ne son pourpoint ne luy
servirent combien que de cela ne luy chaloit pas tant comme de la prinse
de sa personne. Mais ladicte dame respondit que luymesmes en estoit
cause/ et que jamais l'en ne doit aller sans sçavoir le nom de la nuyt
car s'il l'eust sceu il ne fut pas tumbé en danger. Et quant est de la
partie de sa chemise elle offroyt de la blanchir ou luy en donner une
autre plus belle que la sienne n'estoit combien qu'il la debvoit plus
aymer que une autre pource que le sang d'elle avoit espandu dessus
Finablement lesdictes parties ouyes elles ont esté appointees a
produire/ et mettre par devers la court & au conseil plaidoyé & tout ce
que bon leur semblera. Si a la court tout au long veu ledict procés et
tout ce qu'il failloit veoir en ceste matiere et tout veu la court dist
que ceste dame sera tenue toute recompensation de donner a sondit amy
demandeur demy douzaine de baisiers bien assis & dont chascun d'iceulx
pourra durer autant qu'on mettroit a dire ung De profundis et Fidelium.
Et si pareillement sera tenue l'avoir pour recommandé en sa grace pour
les biens du temps advenir.



¶ Le .xxii. arrest.


En la court de ceans c'est assis ung aultre procés entre les heritiers
ou ayans cause d'ung amant jadis de grant façon & bien renommé
demandeurs en cas d'excés & le procureur general d'amours adjoingt
avecques eulx d'une part. Et la dame de icelluy deffunct deffenderesse
d'autre part Et disoyent lesdictz heritiers demandeurs que ledict
deffunct avoyt en son vivant son amour mis si ardamment qu'il ne s'en
sçavoit ravoir. Et estoit bien aulcuneffois deux ou trois jours sans
boire ne manger quant il pensoit a elle. Et brief il en estoit tant feru
que au dernier il luy en estoit mal prins. Et pour venir au cas
particulier disoyent sesditz heritiers demandeurs que ladicte dame avoit
moult long temps pourmené ledit deffunct sans luy faire aulcun bien &
estoit qu'elle luy prya qu'il l'estrenast le jour des estraines. A quoy
se voulut tresbien employer/ et en effect luy donna ung tresbeau don
dont il n'est ja besoing de parler Et dequoy elle fut tant contente &
tant joyeuse qu'elle luy dist lors qu'elle le estraigneroit tresbien. Et
de fait elle ordonna qu'il coucheroit en l'hostel d'une sienne voisine
qui avoit sa chambre et demourance assez pres de la sienne Et par
laquelle en cas de necessité l'en pouoit aller de l'ung a l'autre. Si
fut le povre gallant bien joyeulx de telles estraines en soy repentant
que il ne l'avoit encores mieulx estrainee. Mais ainçoys les dictes
estraines luy cousterent bon prys. Si advint que pour inciter & mouvoir
tousjours les ditz de sa dame a devotion il loua les bas menestriers
pour venir jouer devant l'hostel entre mynuyct et le point du jour
qu'ilz ne faillirent pas a venir/ et comme ledit gallant fust couché en
atendant ses estraines lesditz menestriers alors commencerent a jouer la
basse dance de Je languis et de l'ardant desir/ & sur ce point dangier
le mary s'esveille lequel ne pensoit pas a danser et commença
incontinent a dire qu'il avoit ouy des larrons en la maison. Et aussi
pareillement que il avoit ouy ou songé la nuyt que on les devoit
desrobber/ parquoy se voulut lever. Et alors ladicte dame faignant de
aller allumer de la chandelle s'en vint courant dedans la chambre ou le
galant estoit couché & luy dist qu'il estoit perdu/ et que dangier se
doubtoit bien qu'il estoit leans. or qui fut bien esbahy a l'heure ce
fut le compaignon et nompas sans cause/ car il ne sçavoit de quelle part
tourner. Et alors tout a coup et soubdainement il gecta la couverture du
lict ou il estoit couché a terre et se leva tout nud comme s'il venist
du ventre de sa mere/ ce qui estoit besoing qu'il fist sans songer/ car
l'en le poursuyvoit de bien pres & avoit esté la chose bastie de longue
main pour l'attrapper et luy faire finer piteusement ses jours. Si
advint si bien qu'en descendant les degrez il rencontra une vieille
chamberiere qui sçavoit tous les destrois de l'hostel de leans/ laquelle
ayans pitié et compassion de son cas luy dist que il n'y avoit remede en
son fait sinon qu'il se boutast dedans ung vieil gelinnier de la maison
lequel estoit tout plain de poulles/ et de chappons ou jamais on ne
l'eust esté querir ne cercher. si creut son conseil et advertissement &
aprés que ledit gallant fut entré dedans ledit gelinnier ladicte vieille
ferma tresbien le guichet en mettant des barres au devant/ affin que
l'en n'y peust entrer. Et ce fait s'en partit ladicte chamberiere bien
legerement sans soy arrester pour mucer et oster ses robbes et
habillemens affin que l'en n'apperceust riens/ en quoy feist diligence
extreme et brief elle les entourtilla tous en ung monceau et les getta
tous sur le ciel de son lict. mais encores ne peult oncques si bien
cacher ne mucer que ledict danger ne trouvast ung des patins dudit
galant qui estoit par cas de fortune demouré en la ruelle du lict et
dieu scet la tempeste qu'il en fut Et combien que ladicte vieille
chamberiere en faisant son debvoir jurast & affermast par grans sermens
et sur son baptesme que c'estoyt ung des patins des menestriers
dessusditz qu'ilz luy avoyent rué a la teste/ pour ce que elle leur
avoyt gecté de l'eaue affin que ledit dangier n'y eust point de regret
ne aucune suspection. Touteffois pourtant icelluy danger ne s'en voulut
oncques taire/ ainçoys dist et jura que il n'y auroit lict ne banc qui
ne fust renversé & mis sen dessus dessoubz/ et cherchoit depuis la
jusques au guernier pour trouver ledit galant lequel estoit caché et
mucé leans & en congnoistre et sçavoir la pure verité Si furent allumez
falotz et lanternes de tous costez/ et n'y eut guichet/ ne cornet
despuis le hault jusques bas ou l'en ne cherchast/ & si ne failloit
point replicquer ne dire. Il n'y est pas/ car la fureur de dangier
couroit alors pour tout confondre. Or sur ce point fault noter qu'il
geloit a pierres fendans et goutte sur aultre/ parquoy le povre amant
qui ainsi estoit tout nud dedans ledit gelinier ne l'avoit point
d'advantage/ car il demoura la en cest estat et trembloit pareillement
comme la fueille fait en l'arbre par l'espace de bien environ deux
grosses heures Et qui plus est avec le mal qu'il souffroit encore
souffroit il innumerable douleur des coqz & chappons qui le venoyent
mordre & bequeter comme se feust esté poussins et tellement qu'il luy
failloit tousjours avoir les mains au devant de ses yeulx affin qu'ilz
ne les luy crevassent. et disoit on pour vray que quant il sortit dudit
gelinnier il avoit plus de six cens troux & morsures dont il seignoit de
tous costez/ qui estoit une angoisse importable & ne se osoit plaindre/
crier/ ne tirer son alaine affin qu'on ne le veist ou apperceust. Et
advint si bien que quant ledit dangier demanda qu'avoyent lesditz
poussins qui ainsi voloyent et faisoyent si grant glay et caquet que
merveilles. Mais ladicte vieille chamberiere & servante print la parolle
sans soy effrayer en disant audit danger que c'estoit pour l'amour de la
lueur/ et lumiere des falotz & chandelles dont lesditz chappons &
poulletz avoyent paour/ & adonc fut ledit danger content sans plus rien
en enquerir & s'en alla coucher. si fut le povre homme tiré dehors de
leans aussi roide comme une barre de vieulx fer & ne congnoissoit desja
plus personne/ et quant l'en le voullut faire approcher d'ung feu que
l'en fist en la cuisine pour l'eschauffer il commença a soy esvanouyr/
et brief qu'il ne l'eust bien tost secouru il estoit mort tout plat/ or
s'en failloit il partir a cop Car la demeure estoit trop perilleuse/
mais ledict povre amant ne eust peu avoir sesdictes robbes/ et vestemens
qui ainsi avoyent esté gectez sur le ciel du lict sans faire grant noise
qui estoit encores pour tout gaster parquoy fut ledict compaignon
contrainct de vestir l'une des robbes de ladicte vieille chamberiere qui
estoit bien estroicte sur les espaulles dudit amant & de chaulser les
souliers de ladicte vieille chamberiere. et en ce point s'en vint a sa
maison tresbien malade & en moult piteux termes/ si se fist alors bien
penser et le lendemain visiter par les medecins. Mais estoit si
tresesmeu et avoit si forte fiebvre du grant travail qu'il avoit
souffert que l'en n'eust sceu bouter remede sinon que il traina bien
.xv. jours sans sçavoir boire ne manger. Et devint aussi sec que boys si
que finablement il alla de vie a trespas qui estoit bien grant dommage
veu qu'il estoit sur le point de son bien Or disoient lesditz heritiers
que attendu sa personne et le lieu dont il estoit le cas estoit bien
detestable/ parquoy la pugnition & la peine debvoit bien estre grande
contre ladicte dame qui avoyt esté cause de le faire ainsi mourir avant
ses jours. Et pour ce concluoyent et requeroyent a l'encontre d'elle que
pour occasion dudit cas dont mort s'en estoyt ensuyvie qui n'estoit pas
possible de reparer ycelle feust condampnee a leur faire amende
honnourable nudz piedz et sans saincture tenant une torche ardant en sa
main du poix de quattre livres en disant que faulcement et maulvaisement
elle avoit esté cause de la mort dudict deffunct leur frere dont elle se
repentoit et leur en cryoit mercy et a amours Que avecques ce elle feust
condampnee a faire faire une croix ou epytaphe ou tombe ou cymitiere ou
il estoit enterré en laquelle fust pourtraicte la figure et
representacion dudict deffunct et escript au bas de la tombe pour en
avoir memoire a tousjours.

  ¶ Cy devant gist le corps d'ung vaillant amoureux jadis bien renommé
  qui fut piteusement estrainé de sa dame/ et qui receut d'elle si
  bonnes estraines qu'il en est piteusement mort quinze jours aprés:
  dieu en ait l'ame.

Que en oultre ladicte dame soit condempnee a asseoir rentes a tousjours
et perpetuelles pour fonder deux chappelles garnies de messel calices/
chappes/ aubes/ vestemens et ornemens aux armes d'iceluy deffunct. et
esquelles chappelles seront chantees et celebrees .ii. messes & quatre
obitz l'annee pour le remede et salut de l'ame dudit deffunct amant et
de tous ses amys trespasses. Qu'elle soit aussi condempnee a bailler
l'argent qu'il fauldra pour admortir lesdictes rentes Que la
presentacion desdites chappelles appartiengne aux hoirs et heritiers
d'icelluy deffunct & la conlation a l'ordinayre. Et oultre plus que
ycelle deffenderesse soyt de rechef condampnee envers iceulx heritiers
par devant toutes oeuvres par ledict procureur general pour ladicte
grant offence qu'elle a faicte a faire ung service moult solempnel
auquel service tous les parens et amys/ grans/ et petis dudict deffunct
seront appellés Et ou il y ait semonce deux torches et luminaire selon
l'estat de la personne dudict deffunct. Auquel service les gens
partyront de l'hostel ou le deffunct est trespassé comme se son corps y
estoit et la sera ladicte dame de icelluy deffunct nudz piedz faisant le
premier dueil et laquelle tiendra en sa main en allant au monstier et
durant le service ung crucefix de bois bien piteux qu'elle pourra bayser
s'elle veult en signe et signification qu'elle est signe de mort comme
celle qu'on mayne a la justice que aussi elle soit condempnee quant l'on
yra a l'offrande par la robbe l'ancien frere dudict deffunct/ & de le
mener devant par ung des costez de son manteau jusques au pres du
prestre pour le faire baiser. Et cela fait s'agenouillera et inclinera
devant le prestre sans baisier a l'offrande et puis s'en reviendra aprés
luy. Que aussy quant ce viendra a lever dieu elle soit tenue de soy
lever de la place ou elle sera assise pour aler alumer la torche a
celluy qui la tiendra et ce fait baiser le poile estant sur le coffre
dudit deffunct ou de sa representation en soy inclinant tout bas Et en
oultre aprés ce que la grant messe sera dicte et quant l'on yra en
procession chanter sur la fosse dudit trespassé. Libera me domine de
morte. &. ce. que icelle dame deffenderesse soit condampnee et
contrainte a soy descheveler & agenouller sur ladicte fosse les mains
jointes au ciel/ durant toutes les oraisons que l'en dira illec sur le
corps et a prendre le guypillon ou benoystier pour getter l'eaue
benoiste dessus ladicte fosse deux ou trois foys en baisant la terre &
disant devant tout le monde c'est par moy que es maintenant cy lasse
dolente/ maudicte soit l'heure que je fus oncques nee/ et puis cela
faict elle sera tenue de metre au bout du chevet de ladicte fosse une
croix ou ledict crucefix qu'elle tiendra en ses mains. Et aussi qu'elle
soyt condampnee a donner et bailler le jour du service par ses mains a
chascun povre qui se trouvera audict cymetiere ung grant pain blanc tout
chault/ et deux tournoys pour l'ame dudict deffunct. Et pour amende
prouffitable qu'elle feust condampnee en la somme de quatres mille
livres: et aussy a tenir prison ou il appartiendra A ces fins offroient
lesdictz heritiers a prouver/ et demandoient despens dommaiges et
interestz. Et au regard dudict procureur general & des gens d'amours ilz
disoient que par les dessusdyctes informations qui avoyent esté faictes
en ceste matiere il apparoissoit bien de tout ce que dit est dessus et
comme ledict deffunct quant il fut tiré du gelinier/ il estoyt presque
demy mort mais se cas la advint par la faulte de ladite dame ou pour le
cuider decepvoir/ il n'y avoyt nulz des tesmoings examynés es dites
informacions qui en parlast. Et pource protestoyent lesdictes gens
d'amours de prendre leurs conclusyons plus a plain mais qu'ilz eussent
ouyes les dictes partyes tout du long. Sy fut aprés ladicte
deffenderesse ouye/ qui premierement nya la demande d'eulx demandeurs
estre vraye. Et puis aprés pour ses deffences disoyt qu'elle eut
singuliere amour et accointance avecques le deffunct et que ce fut moult
grant dommaige de sa mort/ car il estoit taillé se il eust vescu d'estre
ung grant homme et d'avoir des biens largement. Aussi estoit il
debonnaire aymé de chascun: parquoy valloit bien d'estre cher tenu/ et
n'y avoyt ame qui en la mort de luy eust tant perdu qu'elle avoit faict/
car une foys par le moyen de luy s'il eust pleu a Dieu de le laisser
vyvre sur la terre elle avoyt intencion d'estre fort avancee et
honnouree et ne feut oncques icelle deffenderesse autant doulente de
mort d'homme comme elle feut de la sienne aussy ne le pouoit encores
oublier. Or estoit il vray voirement que le jour des estraines il se
approcha d'elle & la voulut estrainer Et combien qu'elle ne voulsist
prendre les dons qu'il luy vouloit donner toutesvoyes il la contraignit
par force a les recevoir/ et jura que jamais ne les remporteroit Si
advint que lors pource qu'il estoit tard & qu'il n'eust veu goutte pour
s'en retourner il la pria que pour dieu elle le logeast pour la nuyt
seullement/ et jusques a ce que les menestriers venissent devant l'huis
pour le recueillir et s'en aller avecques eulx. A laquelle priere
obtempera icelle dame ayant pitié de luy et pour recompensation des
estraynes qu'il luy avoyt donnees feut contente de le hebergier/ et
ordonna qu'il feust couchié blanc et mol/ comme a luy bien il
appartenoit/ et en beaulx draps tous neufz qui sentoyent a plaine gorge
les roses des provins qu'elle luy tyra de son coffre a celle fin qu'il
dormast mieulx Et aprés ce qu'elle luy eust dit dieu vous doint bonne
nuyt elle luy bailla ung coeuvrechief & s'en alla coucher ou elle devoyt
et elle ne cuidoit point jamais que danger s'en fust advisé ou apperceu.
Et aussi a la verité il ne l'eust pas jamais fayt se n'eussent esté
d'aulcuns malheureux envieulx dudit deffunct courroucés de son bien qui
luy baillerent cest aventure sans cause & sans raison/ car chacun n'y
pensoit que bien. Or fut vray que tout a ung mouvement ledict dangier
quant il ouit les menestriers jouer devant son huys se leva comme tout
esmeu et eschauffé/ commença a dire. S'il est ceans je le trouveray
bien. Et de ceste heure ceste povre femme qui ne dormoit pas vint au
devant de luy en demandant ou il voulloit aller ne qu'il voulloyt faire.
Surquoy en respondant mal gratieusement dist laissés moy aller et luy
bailla ledict dangier deux souffletz dont elle cheut a terre toute plate
comme toute estourdye. Si commença a crier et survint au cry la vieille
chamberiere a qui ledict dangier commanda de aller allumer la chandelle
mais ce pendant la bonne maistresse la bouta du pied et entendit et
congneut bien le jeu/ tellement qu'elle s'enfouyt tout incontinent sans
delay vers le deffunct luy dire et annoncer les nouvelles dont il fut si
effrayé qu'il se leva treshativement sans se seigner ne prendre sa
chemise. Or qu'il devint depuis ne qu'il en fist ceste dame
deffenderesse n'en sçavoit riens mais oncquespuis ne le veit ne n'ouit
parler Et avoyt lors assés a faire de choyer dangier/ Et de luy dire
qu'il auroyt frait/ et seroit malade s'il ne s'en tournoit coucher affin
de luy rompre son entreprinse/ mais d'autant qu'elle le vouloyt appaiser
il eschauffoit encores plus de cherchier ledict gallant ne ne la
voulloit oncques en façon ne maniere qu'il est au monde possible cesser
ne delaisser aucunement pour parolles ne pour prieres et supplications/
ains convint qu'il cherchast par tout ou bon luy sembla et n'atendoit la
povre femme que la mort et ne sçavoit lors qu'elle faisoit ne ou elle
estoit/ Car des douleurs avoit assez et eust bien voulu estre hors du
monde/ nompas pour doubte d'elle ne pour son honneur/ car elle n'en
craignoyt ame du monde/ mais pour le dangier ou ledict deffunct estoit/
et le desplaisir qui l'en pouoit avoir Or disoyt elle oultre qu'elle
feut bien deux grosses heures entieres nudz piedz et en sa cotte simple
parmy la maison allant tousjours aprés ledict dangier et jusques a ce
que le tonnoirre fust cessé et dieu scet en quel paine brief chascun
eust pitié de la veoir en cest estat/ car elle n'avoit couleur au
visaige et estoyt aussi deffaicte que ung drappeau et si trembloit comme
la fueille en l'arbre Et encores par maleureté advint que le feu de la
chandelle que elle tenoit se print a ses cheveulx mais elle si
terriblement troublee qu'elle ne le sentit oncques ne n'est possible a
femme de endurer tel torment ne tel douleur pour une foys qu'elle fist
alors Disoyt avecques/ ce que quant la noyse fut appaisee & que dangier
ne trouva pas ce qu'il cuydoit elle envoya incontinent ses clefz en bas
pour avoir des couvrechiefz pour chauffer sondit feu amy/ et luy faire
revenir le cueur & la parolle/ et si n'est point a croyre qu'il ne luy
fist tresgrant mal de ce qu'elle ne pouoit aller vers luy pour le
reconforter/ mais elle avoit trop grant empeschement et si n'estoyt pas
temps Touteffois au dernier faignant qu'elle eust mal au ventre elle
trouva maniere de venir en bas et vint a une course luy dire a dieu & le
baiser moult doulcement et alors les larmes yssirent deux yeux tant
d'ung costé que d'autre & ne pouoient parler tant avoient chascun le
cueur serré/ cela faict elle s'en retourna coucher bien dolente/ mais
n'eust sceu dormir tant larmoyoit et avoit de mal si que le lendemain
l'en eust trouvé les draps du lict tous plains de larmes et gemissemens.
et depuis qu'elle le sceut que ledit deffunct fut malade elle ne eut
joye au cueur ne n'estoit une seule journee que elle ne luy envoyast des
prunes de damas seches/ des fleurs de toutes sortes/ boucquetz odorans/
et toutes autres choses plaisantes pour le esjouyr/ mais ce que chascun
dit il fut mal pensé ou petitement secouru et luy bailla son medecin par
trop de medecines laxatives/ Et puis il estoit foible et de tendre
complexion/ et en effect il trespassa bien trois sepmaines le cas advenu
Or disoit ceste dicte deffenderesse que de la voulloir chargier de la
mort dudit deffunct c'estoit tresmal fait/ veu qu'elle n'en avoit tache
ne coulpe/ ainçois vouldroit qu'il luy eust cousté six pallettes de son
sang/ & qu'elle ne deust boire ne manger que du pain & boire de l'eaue
d'icy a trois ans & il fust encores en vie. Disoit aussi par autre moyen
que l'en ne la devoit charger de sa mort. Car elle n'en pouoit mais/ et
fut a la requeste dudit deffunct qu'elle consentit que il demourast a
l'hostel & pour lui faire plaisir qui ne luy doit tourner a dommaige et
s'il eust beaucoup a souffrir encores en eut elle plus la moytié. Aussi
ne fut ce pas par elle que la fortune advint ainçois par ceulx qui
avoyent rapporté faulses parolles a dangier dont par ce moyen l'en s'en
devoit adresser a eulx et nompas a elle. Et quant au regard de la
charger qu'elle sçavoyt bien que tout ce qui a esté fait adviendroit.
Respondit par sa foy qu'il estoit impossible que le cas fust advenu se
premierement danger n'eust esté embouché des envieux dudit deffunct & ne
l'eust point songé Aussi de dire qu'elle feust consentant/ veu que son
honneur y pendoit/ cela estoit trop notoirement faulx et ne l'en voulut
oncques charger ledit deffunct qui en sçavoit bien la pure verité. Si
disoit ladicte deffenderesse qui par les moyens dessus couchez que
lesditz heritiers ne faisoyent a recepvoir en quoy que ce soit en voye
d'absolution. A ses fins concluoit et demandoit despens Et entant qu'il
touchoit les gens d'amours qui disoyent que il sembloit de prime face
que il y eust grande presumption contre ladicte dame entant que elle
envoya audit gallant qui estoit dedans ledit gelinnier une vieille robbe
ou couverture pour le couvrir veu qu'il geloit a pierre fendant/ et
qu'elle pouoit bien penser qu'il morfondoit illec/ & pource requeroyt
que le droict d'amours y fust gardé. Respondit ycelle dame qu'il n'eust
pas esté en toute sa puissance de le secourir/ pour ce que dangier
estoit tousjours auprés d'elle et qu'il faisoit autant de pas comme elle
faisoyt/ et se elle eust fait aulcun semblant d'aller devers luy/ tout
eust esté descouvert. Aussi ne sçavoit elle alors ou il se estoit bouté
ne qu'elle faisoit tant estoit effrayee de l'advanture. Surquoy les
heritiers dudit deffunct en repliquant disoyent que elle ne se pouoit
excuser de la mort d'icelluy/ car devoit estre asseuree de son cas &
avoir deux cordes en son arc avant que le laisser demourer leans. c'est
a dire que elle debvoit pourveoir a l'inconvenient et luy faire deux
chemins affin au moins quant danger fust venu par l'ung qu'il s'en
allast par l'autre mais elle avoit ouvré au contraire/ car elle avoit
mys le povre homme coucher en la gueule des loups qui l'eussent
voulentiers devoré se par amours ne eust esté secouru/ & quant du
secours qu'elle disoit avoir fait audit deffunct ne sert de riens. et
aussi pour monstrer l'experience du contraire oncques n'avoit esté au
service dudit deffunct ne porter le dueil. comme se jamais ne l'eust
congneu Si fut dupliqué par ladicte deffenderesse/ en disant que c'est
plus grant paine la moyctié de porter le dueil dedans le cueur que
dehors & mettre une robe noire car l'ung griefve et touche de pres/ et
l'autre n'est que pour faire maniere/ et en y a beaucoup qui font le
dueil par dehors mais ne leur en chault. Si estoit ladicte deffenderesse
de ceulx mesmes qui le portoyent au cueur car jamais n'oublyoit le
deffunct/ et n'estoit jour ne nuyct que elle n'en plourast et priast
pour luy quant il luy souvenoit de sa grant douleur et debonnaireté. Au
regard des deux chemins il n'est personne si saige ne si advisé qui ne
perdist le sens mesmement quant l'en n'a pas le loisir d'y penser et que
ung tel inconvenient vient si soubdainement et en parlent plusieurs bien
a leur aise par ce qu'ilz ne sçayvent que c'est. si disoit par ses
moyens que a elle l'en ne pouoit riens demander dudit cas comme dessus.
Lesquelles parties ouyes en tout ce qu'elles ont voulu dire & aleguer
elles ont esté appointees contraires et en enqueste/ laquelle a esté
faicte/ et rapportee par devers la court et ont depuis les parties
baillé reprouches produit ce que bon leur a semblé. Si a la court veu
finablement ledit procés enquesté et tout ce qui il failloit veoir en
grant et meure deliberation/ & tout veu et consideré ce qu'il failloit a
considerer la court dit que elle absolut la dame des impetitions &
demandes des heritiers dudit deffunct comme non coulpable du cas &
recompense les despens d'ung costé & d'autre & pour cause



¶ Le .xxiii. arrest.


En la court de ceans c'est assis ung aultre procés entre une dame
apellant d'une part & ung sien intime d'autre/ & disoit ladicte
appellant que jaçoit ce qu'elle ne luy eust meffait ne mesdit en riens/
mais ay tousjours taché a luy complaire/ neantmoins ledit intime
c'estoit vanté de luy porter dommaige & de fait l'a menacee de la faire
prisonniere/ et voulant faire information pour la prendre elle s'est
sentue grevee et en a appellé. Si concluoit tout pertinent en matiere
d'appel qu'elle a esté mal menacee & bien appellé par elle A ces fins
offroit a prouver et demandoit despens de la partie dudit amant fut
deffendu au contraire & disoit que ung soir bien tard ainsi que il
passoit par devant l'huys de sadicte dame il commença a toucer affin
qu'elle l'ouyst pour dire dieu vous doint bonne nuyt/ mais aussi tost
qu'elle entendit que c'estoit il elle print ung seau d'eaue & le gecta a
sa fenestre sur sa teste et dedans le dos tellement que le povre homme
fut tout esfarouché & cuidoit bien estre noyé. Aprés laquelle eaue
gettee la dame & sa chamberiere commencerent a rire si hault & se
mocquer qu'il les peust bien ouyr/ dont il fut plus dollent que par
devant et pour ceste cause s'en estoit plaint a la justice d'amours qui
avoit ordonné faire information du cas pour aprés y pourveoir. Or disoit
que le cas estoit maulvais/ car il avoit esté fait d'aguet a pensee et
avec propos deliberé en hayne et desrision d'amours/ et contre le dit
amant qui estoit en sa sauvegarde/ parquoy il cheoit grant reparation
mais encores l'en ne faisoit que l'information pour la verité/ & par
ainsi d'en avoir appellé l'appellation n'estoit recepvable/ aussi ne
faisoit a ladicte dame aucun grief/ car quant l'en l'eust voulu prendre
il estoit lors temps d'en appeller & nompas de l'information. Disoit
avec ce ledit amant que jamais n'en eust parlé si n'eut esté la
mocquerie & risee qu'elle & sadicte chamberiere en firent quant il fut
ainsi moullé/ et concluoit affin de non recepvoir allias mal appellé/ en
requerant provision. A quoy fut replicqué par l'appellant disant que sus
sa foy quant l'eaue fut gectee/ elle ne cuydoyt point que ce fust il Et
aussi ce ne fut elle pas qui la lui gecta mais sa chamberiere qui estoit
jeune & sote dont elle fut moult courroucee aprés/ combien qu'elle n'y
eust peu mettre remede car la chose estoit ja faicte/ mais quoy que ce
soit ne se farcerent oncques de luy/ et ainsi de se plaindre a ledit
amoureux grant tort. Aussi n'y avoit il danger de son costé/ car l'eaue
estoit nette si lui estoit moult proffitable pour le rafreschir. Et au
regard qui fust en la saulvegarde d'amours elle n'en sçavoit rien aussi
ne luy en avoit on riens signifié. Ledit amant pour ses dupliques disoit
qu'il n'estoit que de bonne chaleur & que ladicte dame ne se pouoit
excuser pour dire qu'elle ne cuidoit point que ce feust il/ Car il avoit
toussy une foys/ ou deux tant que elle l'avoit bien entendu/ Et fut la
chose faicte a la main pour se farcer de luy et despriser. et quant a la
saulvegarde ne la pouoit ygnorer/ car il estoit tout notoire que tous
amoureux qui vont de nuyt sont en la sauvegarde d'amours tout ne plus/
ne moins comme sont les oubliers qui vont par la ville et de ne leur
toucher sur peine de perdre le poing. surquoy les parties ouyes elles
ont esté appoinctees a mettre par devers la court & au conseil ce que
bon leur sembleroit/ si a la court veu ledit procés & tout ce qu'il
failloit veoir en ceste matiere et a tout veu la court dit qu'il a esté
mal appellé par ladicte appellante et l'amendera en la condampnant es
despens de la cause d'appel/ la tauxation reservee. et ordonne la court
que ladicte dame et sa chamberiere comparoistroyent ceans en personne
pour estre interrogué sur ledit cas. Et ce faict la court pourvoyera sur
tout & fera droit aux parties ainsi qu'il appartiendra par raison.



¶ Le .xxiiii. arrest


En la court de ceans c'est assis ung aultre procés entre une jeune dame
appellante d'une part/ et ung jeune amant intime d'aultre part. et
disoit ladicte appellante que comme entiere et loyalle ou elle debvoit
estre elle avoit esconduit ou debouté ledit intime Touteffois affin
qu'il n'en feust mal content ou qu'il ne cuydast qu'il eust haine a
l'encontre de lui faisoit tousjours ung commun acueil comme aux aultres.
Or disoit elle que une journee ainsi comme elle et d'aultres de ses
voysines jouent au propos il se vint seoir auprés d'elle. Et advint a
son tour que ainsi qu'il parloit a elle a l'oreille pour luy dire son
mot et proposer dessus que icelluy gallant en haulsant la pate du
chapperon la baisa tout a coup/ duquel baiser ainsi prins d'emblee et
par trahyson ceste dame si a appellé et relevé/ et pource concluoit tout
pertinent qu'il avoit esté mal procedé & tres mal exploicté par ledit
amant et bien appellé par elle offrant prouver et demandoit despens. et
au surplus elle requeroit que il luy fust deffendu de plus ne luy
toucher en quelque façon que ce fust De la partie dudict amoureux intime
fut deffendu au contraire et disoit que voirement se trouva assis
avecques elle/ et plusieurs aultres qui jouoyent audit propos & fut vray
qu'en s'approchant vers elle pour luy dire le mot qu'il avoit pensé son
pied luy grila devers elle & ainsi lui cuidant dire en l'oreille sa
bouche froya ung peu contre sa joue/ mais cella ne doit estre reputé
pour ung baiser car ce n'estoit que ung glyssement. Aussi n'avoit il
touché que contre la joe et l'orelle. Et n'y avoit eu saveur ne odeur
quelconque ains encore luy rechigna elle comme s'elle l'eust voullu
menger pourquoy de se plaindre avoit ladicte dame grant tort. et
n'estoyt l'appellacion recepvable ne valable veu mesmement qu'il ne luy
avoit faict aucun grief et pour ce concluoit a ses fins et qu'il fut dit
qu'elle avoit mal apellé offrant a prouver et demandoyt despens. Cest
appellant pour ses replicques disoit que par telz moyens prendre baiser
c'est larcin publique & que l'en ne pourroyt pugnir telz malfaicteurs/
car c'est a eulx trop entreprins et en peult venyr trop d'inconvenient
Et peult estre que ceulx qui les voyent ainsi prendre ne l'oublyoient
pas aussy de legier et pensent a l'adventure ce qui n'est pas et aussi
quant les autres a qui la chose touche le sçavent ilz en prennent des
merencolies & aussi des desplaisances beaucoup et cuident souvent que
leurs dames par ce moyen ayment autres que eulx parquoy avoit appellé
dudit baisier l'appellation estoyt bien recepvable. Et ne valloyt rien
de dire au contraire que cela ne luy portoit point de prejudice car ce
n'estoyt pas son plaisir qu'il la baisast ne touchast en aucune maniere
et concluoit comme dessus Mais ledit intime pour ses dupliques disoit
que autant en emportoit le vent et que nul qu'elle ne pouoyt sçavoir
qu'il l'eust baisee: car la pacte du chapperon estoit au devant
Finablement les parties ouyes elles ont esté appointees en droit et au
conseil. Si a la court veu ledict procés ce qu'il failloit veoir en
ceste matiere: Et tout veu la court mect ceste appellation au neant et
sans amende ne despens et ordonne la court que doresnavant l'en ne
jouera plus audit jeu de propos sinon que dangier ou chagrin soient
entre deux & pour cause



¶ Le .xxv. arrest.


Ceans c'est plaint ung amoureux d'une sienne dame/ disant que combien
qu'il l'ait longuement servie et qu'elle ait peu apparcevoir sa bonne
voulenté/ neantmoins elle ne l'a voullu aymer ne prendre en grace/ ains
luy a ja respondu par plusieurs fois qu'elle ne le veult aymer plus luy
que ung aultre & qu'elle ne sera subgecte en amours tant qu'elle vive
affin qu'il se pourvoye ailleurs/ Et ainsi se povre gallant a des maulx
beaucoup a souffrir/ car il a mis tout son cueur en elle qu'il en
vouldroyt bien oster et retirer/ Mais il ne peut et pource requeroit
qu'elle fust condempnee a le recepvoir en sa grace comme son serviteur
et amy: ou aumoins qu'elle fist tant qu'il ne luy souvenist plus d'elle
et ne luy en chaulsist point. Et sur ce a ladicte dame deffenderesse
deffendu au contraire disant que au regard d'elle pour obvier aux grans
maulx qu'elle veoyt tous les jours advenyr a ceulx et celles qui sont au
plaisir & service d'amours elle ne veult personne aymer ne mettre son
cueur plus a l'ung que a l'autre/ car selles qui le font s'en tiennent
deceveurs: et advient voullentiers qu'elles en seuffrent beaucoup
d'oprobres et en perdant leur bonne renommee/ dont aulx gallans ne
chault guieres/ car ilz ne pensent que a leur singulliere voullenté/ et
leur semble que ce qu'ilz songent leur doibt advenir dont ilz sont bien
loing Et aussi pour faire tout uny n'avoyt ladicte dame entencion
d'aymer aulcun/ ains voulloyt demourer et la franche liberté. Et ledict
complaignant avoyt mys si fort son cueur en elle qu'il ne l'en pouoyt
oster dont c'estoyt follye a luy/ car il aymoit sans partie Et quant est
de requerir qu'il ne luy souviengne plus d'elle: respondict ladite dame
qu'elle ne le sçauroit garder de songier et de penser a elle/ se luy
mesmes ne s'en voulloyt garder/ Car elle n'avoit pas la clef de son
cueur. Aussy telz pensemens ne viennent que de folles voullentés qui
suffocquent les cueurs des gens par trop legier croire & fole esperance
en quoy l'en ne se doibt fier: mais en tant qu'il luy touche ne luy
souvient de luy que bien a point. Et disoyt oultre qu'elle ne peche en
riens qu'il ne l'oste de l'amour qu'il dit avoir en elle veu qu'il s'i
abuseroit trop longuement. Si concluoit par ses moyens affin
d'absolucion et demandoit despens/ et aprés le procureur d'amours qui
touchant ceste matiere c'estoit adjoint avec ledit povre amant
demandeur. Si disoit que une femme de quelque estat qu'elle soit s'elle
n'est une fois en sa vie amoureuse et au service d'amours elle ne sera
jamais bien venue du monde/ ains doibt estre reputee tout son temps
comme une beste brute qui n'a point d'entendement/ car tous biens
viennent d'aymer et qu'il soit vray l'en le peult veoir par experience
de celles qui ayment car d'amours vient joye plaisance et desplaisance/
aise et desaise de tous les biens du monde ne n'aura jamays femme ne
homme qui soit amoureulx disette de biens/ car l'en a tousjours assés et
vault myeulx ung soubzrys/ ou ung petit genoul ou quelque petit signe
que l'en s'entregette l'ung a l'autre que avoir cent muys de blé au
grenier car au moins telz biens d'amours ne se peuent diminuer et si ne
les fault point vanner pour les chardons. Et aussi l'en voit communement
que une femme qui est amoureuse est tousjours joyeuse ne n'y a celluy
qui ne tasche a luy faire plaisir. et si s'entrebat l'en encores pour
estre des premiers a la servir elle sera tousjours coincte jollye et
bien cueillie et n'y a ordure qui s'osast prendre a sa robe/ mais au
contraire celles qui renoncent au servyce d'amours sont maleureuses et
chetives et ne veult l'en avoir a faire a elles sinon en passant pour
dire dieu gard et a dieu dame. Et tous les plus grans biens qu'ilz
peuent avoir c'est quant elles se treuvent es festes ou on dance ou en
aultre lieu qu'on fait bonne chere qu'elles sont assises en banc pour
parler du temps passé regardés le personnages et vieulx habitz qui sont
pourtraictz en ses tapisseries de nopces de deviser illecques a ung
coingnet du temps jadis n'avoyent garde d'eux habiler de telz habitz qui
courent maintenant/ et l'une belle commença a dire tout est changé/ et
qu'elle ne congnoist plus rien au monde/ et l'autre dira que ce n'est
que folie d'y mettre son cueur veu qu'il fault mourir/ et en ce prennent
leur deduyt et ne leur dure gueres/ car quelque chose qu'elles en disent
elles vouldroient en leurs cueurs estre aussi jolyes que les aultres et
avec ce elles n'ont point de bien car lors n'en tient l'en pas grant
compte/ parquoy n'ont point de joye ne liesse ains languissent sur le
pied & pource disoit ledit procureur d'amours qu'il avoit choys de l'ung
a l'autre et qu'il ne pouoyt croire que ceste dame de si vaillant cueur
reffusast son service/ et affin que il en sceust la verité requeroit
qu'elle jurast c'elle vouloyt a tousjours renoncer aux biens & service
d'amours surquoy elle interroguee dist et afferma que ouy & qu'elle
n'avoit cure d'aymer quelque gallant que ce fust pour aucunes causes que
a ce la mouvoient. Ouyes les responces et affirmations ledict procureur
d'amours print ses conclusions a l'encontre d'elle tant qu'elle fut
banie & privee a tousjours du royaulme d'amours/ et des biens qui y sont
et qui n'y eust personne qui se esbahyst ne parlast a elle en quelque
maniere que ce fust sur peine de confiscation de corps et de biens et
qui tous ceulx qui luy verroyent desormais tenyr boucquetz les luy
allassent arracher des mains devant tout le monde comme indigne de les
porter Et avec ce que nonobstant la renonciacion par elle faicte et sans
prejudice d'icelle fust condampnee a le saluer et rire de l'oeil et de
bouche tant seulement et pour ce gallant aimer tant qu'il fust revenu a
santé de la maladie qu'il avoyt a cause d'elle. Et oultre requeroit que
a greigneur seureté il fut baillé a elle en garde pour le penser durant
sa maladie en telle maniere que s'il rechet jamais en l'estat l'on s'en
pourra prendre a elle. Et aussi qu'elle fust tenue de respondre ou que
telles aultres conclusions fussent adjugees audict procureur d'amours
qui la court aviseroit Surquoy ladite dame dessusdite disoit que veue la
revocation par elle faicte de ne aimer ne d'avoir aucuns biens d'amours/
l'en ne luy pouoyt plus rien demander: car elle estoit exempte de la
court/ et non tenue de proceder/ mais devoyt estre mise hors de procés
Et quant est des conclusyons prinses contre elle par les gens d'amours
disoit qu'elles n'estoyent recepvables: car amour vient de voulenté et
de plaisir. Et ainsi doncques puis que une foys elle avoyt declairé que
son plaisir n'estoit point d'aymer l'en ne la devoyt de raison
contraindre par force aymer ne ne s'en devoit plus la court mesler. Et
au regard d'avoir en garde le malade: elle respondoyt qu'elle n'en
prendroit jamais la charge: pour ce qu'elle avoit assés a faire de se
garder elle mesme. Et quant est de porter fleurs ou boucquetz bien s'en
passeroit Mais le povre amant par ses repliques disoit qu'il estoyt
content qu'elle demourast en sa liberté et qu'elle feist tout ce qu'elle
voudroit pourveu qu'il ne luy souvint plus d'elle combien qu'il ne luy
estoyt possible que jamais la sceut oublier/ et s'en estoit bien esforcé
tant par voiages et pelerinaiges qu'il en avoit fait que aultrement car
tout rien n'y a voulu/ car de tant plus qu'il en estoit loing c'estoit
alors qu'il avoit plus grant desir de s'en approucher. parquoy son cas
estoit pitoyable et moult favorable entendu mesmement qu'il n'estoit
possible de recevoir garison synon de la grace de sadicte dame pour
occasion de laquelle sa maladie luy estoit venue: et a ce qu'il fust
guery et estoit content de mourir entre ses mains/ en offrant de la
quiter de sa mort et aussi de deffendre a ses heritiers de ne luy en
jamais rien demander Mais ladicte dame perseveroyt tousjours en ses
reffus disant que celles qui y sont bien se y doivent tenir/ et que de
soy obliger en une chose ou elle n'est point tenue jamais ne le feroyt
pour rien. Oultre elle disoit qu'il ne luy souvient de luy/ parquoy ne
luy doibt point souvenir d'elle: et est bien grant simplesse d'y mectre
son cueur si avant que on ne l'en puisse oster A quoy le povre homme
respondit que l'on n'en est pas maistre qui veult/ et que s'il s'en
pouoit une fois deffaire jamais elle ne aultre n'aymeroit si
parfaictement au moins qu'il ne sceust bien comment. Ouyes lesquelles
parties en tout ce qu'elles ont voulu dire et alleguer elles ont esté
appointees a mettre par devers la court et au conseil. Sy a la court
finablement veu ledit procés avec ce qu'il failloit veoir et visiter en
ceste matiere. Et tout veu et consideré la court dit que veu et visiter
la renonciation faicte par ladicte dame deffenderesse de ne servir
jamais a amours elle ne tiendra court ne congnoissance de ceste matiere
mais elle ordonne qu'il sera deffendu a tous galans subjetz & serviteurs
d'amours qu'ilz ne soyent si osez/ ne si hardys de la mener danser en
quelque feste qu'elle soit ou voise ainçois qu'on la laisse toute comme
une femme habandonnee et bannie de toute joye. Et pareillement sera
deffendu a tous cousturiers qu'ilz ne luy facent aucunes robbes ou
vestemens a la nouvelle façon/ mais que ilz mettent tousjours en celles
qu'ilz luy feront ung gros ply entre deux menus que devant ou derriere
elles soyent mal arondies que legier passe d'ung costé affin que chascun
congnoysse que avant ses jours elle deviendra chartreuse/ et que par ce
moyen elle soit esloingnee et privee de toute joyeuse compagnie. Et au
regard de la provision requise par ledit povre amant malade/ la court
dict que elle n'y peult toucher mais de grace combien qu'il ne soit
acoustumé de faire/ luy conseille de se pourveoir ailleurs de dame/ ou
de se vestir de dueil/ affin que le cueur d'elle puisse ung peu amollir.



¶ Le .xxvi. arrest.


Aux cryees d'une tresbelle fille se sont trouvés sept opposans Et disoit
le premier qu'il avoit bien desservy l'amour d'elle et qu'il la voulloit
bien par quoy la requeroit a avoir devant tous les autres. le second
opposant disoit qu'il avoit tout son cueur en elle & disoit qu'il
l'avoit de pieça choisie pour estre son serviteur si c'estoit son
plaisir Le tiers disoit qu'il l'avoit premierement requise & fait ses
diligences en temps & en lieu et ainsi devoit estre preferé. Le quart
disoit que s'elle prenoit autre que luy se devoit estre a la charge de
lui faire ung petit genoul/ & ung soubris qu'elle luy avoit promis que
toutes et quantes foys qu'il passeroit par devant elle. Le .v. disoit
aussi qu'ilz avoyent promis de eulx entre aymer ensemble/ et de faire
des biens l'ung a l'autre Et pource requeroit qu'il ne fust pas oublié
ne mys des derniers. Le .vi. disoit que combien que il eust bon droit de
s'opposer toutesfois attendu qu'il y avoit tant de opposans il ne
requeroit seullement que la grace d'elle et que on l'eust pour
recommandé a jour de payer comme ung autre. Le .vii. et dernier disoit
qu'il l'avoit songee deux ou trois fois la nuit/ & aussi on luy avoit
rapporté qu'elle le aymoit bien/ parquoy requeroit estre preferé devant
tous autres A quoy dangier et malle bouche qui estoyent adjoinctz a
veoir juger ce decret desdictes criees & disoyent que lesditz opposans
s'abusoyent bien de y venir par opposition car il n'y sçavoit nul qui
eust droict en la proprieté des choses criees ne qui deust empescher
d'en disposer a leur plaisir & devoient lesditz opposans venir par
requeste et supplication & nompas par main armee. Et quant est des
parolles & gracieux semblant qu'on leur avoit donné disoyent lesditz
dangier et malle bouche que filles ne ont point de vouloir ne de faculté
de choisir ou eslire et oultre quelque double parolle ou bel acueil que
facent aux gallans cela ne peult prejudicier sinon a ceulx qui se y
fient trop de leger & pource de s'i attendre estoit grant simplesse avec
plusieurs autres raisons servans leur cas Surquoy parties ouyes elles
ont esté apointees en droit et au conseil. Et a la court finablement veu
ledit procés lesdictes criees avec les causes d'opposition & tiltres de
chascun. Et tout veu et consideré la court dit que nonobstant les
oppositions desditz opposans dont elle les deboute ledict decret sera
adjugé a la voulenté desditz dangier et male bouche mais ladicte fille
choisira celluy des opposans qui mieulx luy plaira pour estre son amy et
serviteur et condampne les opposans es despens.



¶ Le .xxvii. arrest


En la court de ceans c'est assis ung procés entre ung povre amant
appellant de certain reffus a luy fait par sa dame intimee d'aultre
part/ et disoit ledit appellant que la chose qu'il desiroit plus
c'estoit d'estre en la grace d'elle et qu'elle eust souvenance de luy.
Or disoit que a ceste occasion & affin qu'elle l'eust en memoire il se
advisa aux estraines dernieres passees de luy faire ung des plus beaulx/
et riches mouchoirs qu'il estoit possible de faire ou son nom estoit
escript a lettres entrelassees le plus gentement du monde/ et luy avoyt
bien cousté quatre escus/ car il estoit attaché a ung beau cueur d'or et
franges de menues pensees. Si fut vray que le povre gallant mesme luy
presenta ledit don audictes estraines mais elle n'en eut cure ainçois
l'a reffusé en disant qu'elle n'en prendroit point & qui plus est
maintenant luy fait pire chiere que elle n'avoit acoustumé par avant en
luy rechisgnant a chascun coup/ parquoy se gallant voyant qu'il n'y
pouoit trouver aultre maniere a appellé dudit reffus et rechignement en
la court de ceans. et pour ce concluoyt tout pertinent en matiere
d'appel qu'il avoit esté mal reffusé mal rechigné et bien appellé par
luy. A ses fins il offroit a prouver & demandoit provision d'estre remis
en l'estat qu'il estoit par avant son appel et despens. De la partie de
ladicte intimee fut deffendu au contraire et disoit que c'elle luy
rechisnoit ou faisoit maulvaise chiere/ l'on ne s'en debvoit pas
esbahir/ car il se vouloit trop moquer d'elle de luy presenter ung tel
don qui n'estoit pas recepvable veu que c'elle l'eust prins elle eust
confessé en effect d'estre morveuse. car aussi il ne sert que de
moucher/ pource a bonne et juste cause l'avoit reffusé et n'estoit par
consequent l'opposition dudict reffus vaillable. Et concluoit a ses
fins/ et quant est de la provision n'en doibt point avoir/ car pour
meffaire/ ou mesprendre si lourdement envers sa dame qui debvoit garder
de courroucer elle n'estoit tenue de rendre plaisir. A quoy ce povre
amant disoyt que en telles matieres l'on ne debvoit pas tant regarder au
don que a la voulenté du donnant. et affermoyt par sa foy que jamais
n'eust pensé la ou sadicte dame pense/ mais seullement luy avoit fait
faire ledict mouchouer qui estoit moult beau & riche pour l'amour d'elle
et affin que quant elle metteroyt la main a ses clefz elle le veist ou
quant elle se mouscheroit luy souvint alors de luy/ et brief aymeroit
myeulx mourir/ que faire chose en son escient qui luy despleust/ en
offrant de luy donner en ce lieu ung aultre tel don que elle vouldroit
en requerant pour dieu mercy entant qu'il la pourroit avoir offensee.
Surquoy ladicte dame pour ses duplicques/ disoit au contraire que par le
propos mesmes dudict amant prins a son prejudice il avoit delinqué & que
pour donner exemple aux autres ou affin que une aultreffois fussent
mieulx advisez estoit besoing de y pourveoir. Finablement parties ouyes
ont esté apointez en droit & a mettre devers la court et au conseil. si
a la court d'amours veu ledit procés a grant et meure deliberation &
tout ce qu'il failloit veoir en ceste matiere/ & tout veu dit que il a
esté bien reffusé & procedé par ladicte dame & mal appellé par le dict
appellant et l'amendera en le condampnant es despens de la cause
d'appel/ la tauxation reservee avec ce declere la court ledit don non
recevable ne vallable en deffendant a tous amoureux de jamais n'en
arrestez leurs dames sur peine d'amende arbitraire & de encourir
l'indignation d'amours



¶ Le .xxviii. arrest.


Ceans c'est complaint une femme de une sienne voisine/ disant que elle
luy tient les plus rudes termes du monde car incontinent qu'elle voit
ung homme qui vient parler a elle toute la journee elle ne cessera de
quaqueter mal es voisines en gectant des petites pierres par une
fenestre qu'elle a respondant sus la rue dessus les gens qui estoyent a
son huys pour les en faire aller. Et puis quant on n'en tient compte ou
que l'en ne s'en bouge/ elle s'en vient plainement a ladicte fenestre
tousjours/ et dire dieu vous gard comme pour dire/ je vous voy bien et
proferant plusieurs aultres parolles mal sonnant/ & encores plus elle
non contente de toutes ses choses ycy tressouvent elle murmure & se elle
a quelque robbe ou chapperon nouveau ceste femme deffenderesse va
publier incontinent que elle sçait bien qui luy a donné & que tel l'a
payé qu'on ne cuyderoit pas en luy faisant plusieurs autres oultrages et
desplaisirs. Et pour ce requeroit icelle demanderesse qu'il fust
deffendu a sa voysine de ne parler contre elle sur paine de luy parcer
la langue et que sa fenestre par ou elle vient escouter les gens fust
abatue & demandoit despens De la partie de ceste deffenderesse fut
deffendu au contraire et disoit qu'elle avoit tousjours vescu
paisiblement/ et n'eut jamais noise en la rue si non depuis que ladicte
demanderesse y estoit venue demourer qui n'estoit contente des biens
qu'elle a/ mais veult entreprendre sus les aultres et si luy semble pour
deux/ ou troys robbes qu'elle a qu'on la doibt appeller ma dame et
qu'elle doit supediter tout le monde. Or ne le vouldroit point ycelle
deffenderesse la despryser/ mais aussi ne la souffriroit jamais a son
pouoir entreprendre sus elle. Combien qu'elle y a bien tasché par
plusieurs foys. Et est vray que par faulx rapors elle luy a soutrait ung
des meilleurs chalans qu'elle eust pourquoy s'elle en est courroucee
contre elle/ l'en ne s'en doit esmerveiller et s'elle a parlé contre
elle aussi a la damoyselle/ et dit d'elle des maulx infinis dont elle
laissera la vengeance a dieu qui sçait tout. Et quant est de sa fenestre
elle est sienne & en sa maison. Parquoy elle y peult estre a toute heure
ne ne la pourroyt on empescher qu'elle n'y viengne quant bon luy
semblera. Au regard des chapperons/ et des robbes nouvelles disoit
qu'elle n'a pas dit encores tout ce qui en est/ & que quant il fauldroyt
nommer ceulx qui les ont donnees/ voirement elle les nommera bien
parquoy de se plaindre d'elle & avoit la demanderesse moult grant tort
Et au surplus concluoit affin de absolution et de despens. A quoy
ladicte demanderesse respondit disant qu'il vauldroit beaucoup myeulx
estre logé aux champs que emprés une femme envieuse/ car elle ne se
peult taire tant est courroucee du bien d'aultruy & si en est le service
d'amours empesché par ce que plusieurs entreprinses se pourroient faire
qui en son rompus et advient moult voulentiers que par telles malles
bouches l'honneur est sans cause tolu. et donne l'en charge a ceulx qui
n'en peuent mais/ et semble que veu que on ne luy dit mot et aussi qu'on
n'entreprent rien sur elle qu'elle deust bien estre contente Mais elle
aymeroit mieulx mouryr qu'elle ne parlast ou dist mal d'ung chascun & ne
vit d'autre chose oultre ladicte demanderesse que sadicte voisine a bien
grant tort et luy venoyt de ung faulx couraige de venir escouter les
parens et amys/ et de gecter des pierres pour les faire departir Disoit
aussi pareillement que en sa vie ne fist ung rapport maulvais de ladicte
deffenderesse ainçoys luy vouldroit a son pouoir garder son honneur
comme le sien. Et s'elle avoit aussy bonne voullenté et desir comme elle
certainement il ne fauldroit point plaidoier. Surquoy ycelle
deffenderesse disoit au contraire que sa partie adverse n'est q'une
flatteresse et baveresse/ et que avant qu'elle y venist chascun estoit
bien d'accort et sans murmure/ mays maintenant l'on n'oyt que debat et
noyse pour et a l'occasion d'elle. Finablement parties ouies elles ont
esté appointees en droict et a mectre devers la court et au conseil. Si
a la court veu et visité ledict procés/ et tout ce qu'il failloyt veoir
en ceste matiere et tout veu et consideré: dict que la fenestre par ou
ladicte deffenderesse vient escouter les gens et getter les pierres sera
seellee et muree comme une chose condampnee. Et au surplus deffent la
court a chascune des parties qu'elles ne parlent l'une a l'encontre de
l'autre en quelque façon ne maniere que ce soyt sinon en tout bien et en
tout honneur sur peine de la hart et de confisquation de corps et de
biens.



¶ Le .xxix. arrest.


Ceans c'est complaint une dame d'ung sien amy disant qu'elle a despieça
donné son cueur a luy du tout & qu'il n'est possible a femme de aymer
tant homme qu'elle a faict luy/ mais pource que il le scet bien il n'en
faict guaires de compte/ & la faict languir en maintes manieres et pour
quelque priere que elle luy face il ne la veult entretenir ne luy bien
faire/ et quant elle l'envoye querir pour venyr vers elle il se faict
celer. Et encores luy promect par serment qu'il y viendra il se faict
aller querir trois ou quatre fois et n'en peult l'en venir a chief que a
bien grant peine combien qu'il n'y a homme au monde mieulx festoyé ne
mieux venu quant on le peult avoyr. Disoit avec ce que puis n'a gueres
ceste dame a sceu et est advertie que ledict galant en ayme une aultre/
et est la cause par laquelle il fait tant de reffus qui est tres mal
faict a luy/ car il luy a promys foy et loyaulté/ et a veu le temps
qu'il eust esté bien eureux quant seullement elle luy eust voullu
soubzrire d'ung oeil/ mais l'en dict bien vray quant ilz ont faict des
gens il ne leur en souvient plus et sont folles celles qui si fient &
disoit ceste dame complaignant que a l'occasion de ce cas et de ce
qu'elle voit maintenant que ledict galant l'a layssee pour en prendre
une autre elle a eu et a si grande desplaisance au cueur qu'elle n'en
sçauroyt boyre ne mengier chose qui bien luy face/ Elle ne peult durer
ne dormyr de nuyct/ car tousjours sans cesser pense a luy son cueur luy
fremist et luy viennent plusieurs vomyssemens qui tressouvent la font
esvanouyr/ elle crache sang a gros morceaux meslés de grant ordure qui
est grant pitié. Et brief elle se doubte que ledict gallant ne luy ait
baillé quelque maulvais boucon dont elle a celle maladie/ elle ne veit
ne n'est soustenue que de souspirs & ne boit que de l'eaue de larmes/
les jambes luy commencent a peler les ongles luy cheoient: parquoy a
grant presumption contre luy. Et aussi y a eue information faicte a sa
requeste Si requeroit ladicte dame que ledict amant feust estroictement
detenu prisonnier et que l'en le contraingnist a en dire la verité par
sa bouche. De la partie de cest amant fut deffendu au contraire et
disoit que au regard de luy il a esté comme encores est de bonne vie et
renommee ne ne fist oncques desplaisyr a ladicte dame ne a aultre qu'il
saiche: et aussi ne vouldroyt il faire/ et est bien vray qu'il a fort
aymé ladicte dame et servie par long temps sans estre en amende que bien
a point quant il l'a bien congneue et veu ses estranges manyeres bien
peult estre qu'il s'en est voullu deffaire et delaysser la peyne qu'il y
avoit/ Car trop est forte chose de tousjours servyr sans loyer aussi
elle a d'autres serviteurs ou elle peult bien renoncer/ et dont elle
doibt estre contente. Disoit outre ledit amant qu'il n'est aujourd'huy
si perilleuse chose que de se adresser a une dame qui a le cueur
vollaige pour le departir en plusieurs lieulx: Car les biens qui en
pourroyent venir ne sont jamais entiers ou parfaitz et n'en vient que
noyse & discentions entre les contendans et requerans et quelque chose
qu'elle di jamays ne le mandast qu'il n'alast devers elle en luy
obeyssant plus qu'il n'estoit tenu et tellement qu'il est las du service
et n'y veut plus retourner pour le pris aussi est pourveu ailleurs
pourquoy de adresser a luy ceste dame si ne faict a recepvoir & quant
est de sa maladie qu'elle luy vient d'ailleurs/ mays il failloyt prendre
son excusation sur quelque chose et au surplus requeroit ledit amant
qu'elle desclairast s'elle voulloyt charger du cas qu'elle luy imposoit/
car il protestoit a l'encontre d'elle d'en avoyr reparation et conclure
en amende deshonnorable et proffitable Et sur ce que les gens d'amours
disoient que puis nagueres ceste dame estoyt devenue fort maigre et
merencolieuse et sechoit sur le pied. Dysoit au contraire ledict amant
que par l'informacion qu'il a fait faire touchant justifications et
deffences appart qu'il est bien renommé et de leal couraige/ et y a
aulcuns tesmoings qui disoient et desposoyent qu'il a eu beaucoup a
faire au service de ceste dame/ car au commencement luy a esté fort rude
avant qu'elle luy voulsist faire aucun bien Et s'elle est punie de
pareille peine elle l'avoyt bien desservy en requerant les gens d'amours
qu'ilz se voulsissent adjoindre avec luy tellement que le droit d'amours
y fust par tout gardé. Et disoit qu'elle offroit prouver ce qu'elle
avoit dit et plus encor parquoy ledit amant devoit estre prisonnier. Et
quant est a l'information qu'il avoyt faict faire sur ses justifications
l'en n'y devoit adjouster foy/ car tous les tesmoings estoient a sa
poste Et au regard de sa malladie affermoit qu'elle ne luy venoyt
d'ailleurs que de luy: Et qu'il avoit tort de se plaindre d'elle: car
jamais ne trouvera femme qui l'aimast autant qu'elle a faict ne qui luy
face autant de plaisirs. Et requeroit provision au moins que pendant le
procés luy fust deffendu de non aller devers la dame par luy
nouvellement choisie & ledict amant disoit que ce n'estoit pas raison/
car pour elle ne devoit estre retardé son bien. et si luy avoit fait
promesse ce n'estoit pas a tousjours/ parquoy n'y cheoit aulcune
provision Finablement parties ouyes ont esté appointees en droict et au
conseil. Si a la court veu ledict procés et tout ce qu'il failloit veoir
en ceste dite matiere Et tout veu dit que lesdites parties ne se peuent
aulcunement delivrer sans enquerir la verité de leurs faitz/ et qu'elles
sont contraires Si feront leur enqueste et icelle faicte et raportee par
devers la court elle leur fera droit. Et au regard de provision requise
par ladicte dame la court dit que aulcunne ne luy en sera faicte pour le
present mais permet audict amoureux de se pourveoir ailleurs & de servir
telle dame que bon luy semblera pendant le procés et jusques a ce que
aultrement en soit ordonné. &. c.



¶ Le .xxx. arrest


Ceans c'est plaint ung amoureux d'une sienne dame qu'il a longuement
servie disoyt que du temps qu'il eut premierement congnoissance a elle y
estoit bien aise et avoit du sien largement. Et quant elle luy demandoit
aulcune chose a prester ou donner jamais ne luy eust reffusé Or estoit
vray que pour tousjours fournir aux fraictz et aux grans chieretés sa
chevance y avoit esté employee. Et tellement que les eaues estoyent
devenues bien basses/ mais il cuydoit que elle luy deust subvenir comme
il a fait a elle l'a prier de luy aider et de l'entretenir dont n'a
riens voullu faire/ ains luy a plainement respondu qu'il perdoit son
temps. Et que puis qu'il n'avoit plus de quoy elle n'en tenoit compte/
et non contente de ce luy a faict dire qu'il se retire chiez ses amys/
car plus n'avoit intencion de l'aymer ne aucun bien luy faire. Et
encores qui pis est se mocque de luy devant les aultres en le monstrant
au doy qui luy est plus dur martire que qui luy frapperoit d'ung
cousteau parmy le cueur Si requeroit finablement ledict amant que
sadicte dame feust condampnee non obstant son adversité de l'entretenir
seullement en amour & luy faire bonne chere comme elle soulloit/ et
qu'il feust preferé devant tous les aultres attendu mesmement qu'il
estoit des premiers venus & des anciens serviteurs De la partie de ceste
deffenderesse fust deffendu au contraire/ et disoit pour son prouffit
que quiconcques veult d'amours jouir baille l'argent devant la main et
que c'est grant follie que de s'attendre a escuelle d'autruy s'il ne la
fournist et remplist Disoit avecques ce/ que le gallant au temps de sa
fortune/ et que les biens luy venoient en dormant il s'est mescongneu et
en a festoyé d'ungs et d'autres dont il se feust bien peu passer Et se
maintenant se il en a disette/ il ne est pas trop mal employé: et quant
est de l'aymer elle disoit qu'elle n'y estoit point tenue/ car les biens
et vertus qui soulloyent estre en luy n'y sont plus et ne failloit ja
ramentevoir les bonnes cheres du temps passé/ car ledit amant luy a
faict tant de plaisirs & services aussi luy a elle faict plusieurs
services qu'il n'est ja besoing de declairer & puis que ainsi est que
povreté maintenant le guerroye adonc elle n'en veult plus ne en avoir
plus la garde/ Car aussy au lieu ou elle habite n'y a que toute
malheureté et jamais ne se y treuve joye. Et quant est au surplus pour
les biens qu'elle luy peut faire luy offroit ung povre baston en sa main
pour s'en aller avecques la prebende de vat'en pour recompensation de
ses services en concluant que a tort se complaignoyt d'elle et en
demandoit despens. Aprés lesquelles deffences proposees les gens
d'amours qui s'estoyent adjoinctz avecques ledit amant disoyent que
ceste femme n'estoit pas digne qu'on parlast d'elle devant les gens de
bien car par son propos jamais n'ayme que pour argent et ainsi
confessoyt avoir vendu les biens d'amours & qu'elle en a meschamment usé
en son temps et aussi pareillement estoit voix commune renommee qu'elle
ayme tousjours troys ou quatre et qu'elle les succe jusques aux os. et
puis encore s'en mocque qui est pis/ car quelque femme que se soit
jamais ne doit despriser le serviteur qui l'a servie combien qu'il luy
souvienne de beaucoup de fortunes/ et requeroyent lesdictes gens
d'amours a l'encontre d'elle qu'elle fust condempnee a faire amende
honnorable et a luy rendre & restituer tout ce que elle a eu de luy et
dont il debvoit estre creu par son serment veu la maniere de proceder/
et avec ce qu'elle soit bannye a tousjours dudit royaulme d'amours comme
indigne d'y converser. Ce povre amant pour ses repliques disoit que
entant qu'il luy touche qu'il estoit encores content que tous les biens
qu'il luy avoit donnez demourassent pour elle/ comme siens et ne vouloit
qu'on luy en ostast rien mais requeroit seullement qu'elle l'aymast
comme devant et encores promettoit de luy en faire. A quoy elle
respondit que quant elle le verroit en feroit son debvoir mais jusques
alors luy conseilloit de changer air pour recouvrer santé obvier que il
ne fust plus malade. Et disoit oultre que a la contraindre a aymer l'en
ne sçauroit/ et aussi telle amour qui seroit donné par force ne dureroit
point/ mais plus de mal faict a celluy qui l'obtient que s'il n'en avoit
point. Si ont esté les parties ouyes appoinctees en droit & au conseil/
finablement veu le procés considerer tout ce que il failloit considerer
en ceste matiere la court dit qu'elle condamne ceste rebelle femme a
rendre et restituer audit amoureux tout ce que il affermera en sa
conscience luy avoir baillé et donné/ nonobstant l'offre par lui faicte
de ne luy en vouloir aulcune chose demander. A laquelle offre la court
ne obtempere point veu que ladicte deffenderesse ne l'a attemptee &
qu'elle s'est rendue ingrate. et ordonne que a ce faire sera contrainte
par la prinse de ses biens & emprisonnement de son corps. Et a tousjours
la bannist des biens et service d'amours en disant avoir forfait de
corps et biens en maniere qu'elle sera abandonnee a ung chascun pour
desormais servir le commun & devenir a tous publique.



¶ Le .xxxi. arrest.


En la court de ceans c'est assis ung procés entre une jeune dame separee
de son mary qui ne veult qu'elle porte ses robbes a la nouvelle façon
comme les autres disant que naguieres elle en avoit fait faire une bien
gente a la façon qui court/ mais il luy avoit fait oster et despouiller
en disant qu'elle ne la porteroit point en cest estat par ce qu'elle est
trop ouverte par devant/ et que la languette du collet va trop bas et
que le giect de la penne est ung petit trop grant & autant en ont ilz
fait de son chapperon pource qu'ilz veulent dire que la patte est trop
vollant/ et de faict l'en luy muce. De laquelle chose elle a appellé en
la court de ceans. Sy concluoit tout pertinent en cas d'appel qui avoit
esté mal exploicté & par elle bien appellé Et au surplus requeroit
provision que pendant le procés elle peust vestir ladicte robbe/ et
sondict chapperon. De la partye desdictz parens et amys intimez fut
deffendu au contraire disant que selon la jambe le coup car le monde
parle au jourd'huy trop de legier & ce fait bon garder des premiers
courroux Or disoit il que sadicte robbe ou houpelande que ceste
appellante avoit faict faire n'estoit pas selon son estat/ car il y
avoit superfluité d'oultraige que l'en luy devoit tollir pour les
inconveniens qui s'en pourroyent ensuyvir & n'estoit tel que tenir en
habit et moyen pour obvier aux langaiges des gens qui y pourroyent
penser ce que n'est pas/ et en parler a la volee/ et ainsi affin
d'eviter tous langages luy avoient voirement ostez & devestuz les
habillemens nouveaulx enquoy ne pouoit ladicte dame estre grevee/ veu
que lesditz habitz en la maniere qu'ilz sont faitz estoient excessifz &
superflux. Et par ainsi concluoit affin de non recepvoir allias mal
appellé. L'appellant pour ses repliques disoit que ses aultres cousines
et parentes les portent bien tieulx voire plus grans. pourquoy doncques
par plus forte raison elle qui mieulx le pouoit faire que elles le peult
avoir ne n'y a point d'excés ne d'oultrage ausditz habitz/ quelque chose
qu'on vueille dire. Et qui plus est n'y avoit sy meschante morveuse qui
ne les facent faire plus excessifz et oultrageux la moytié. Parquoy n'y
avoit apparence de empeschement qu'elle ne les deust avoir. a quoy
lesditz intimez pour leurs dupliques disoyent que se les unes veulent
faire les folles elle ne le debveroit pas pourtant faire. et aussi eulx
qui en ont a garder ne le souffriroyent point. Et si doibt l'en en tel
cas gouverner par l'oppinion des anciens qui ont esté au temps passé
lesquelz sçaivent bien que c'est de telles choses. Finablement partyes
ouyes elles ont esté appointez en droit & a mettre par devers la court
et au conseil ce que bon leur sembleroit. Si a la court veu ledit procés
avecques ce qu'il failloit veoir en ceste matiere & tout veu la court
met ladicte appellation & tout ce qui a esté appellé au neant et sans
amende et despens et pour cause. Et ordonne que les robbes et
chapperons/ et habitz d'ycelle dame seront visitez que deux cousturiers/
et deux pelletiers non suspectz ne favorisables a l'une ny a l'autre des
parties & avec ce que par leur raport et visitation il y aura aucune
chose a redire ou qu'ilz ne seront assez passables selon le temps. la
court ordonne que lesdictz cousturiers et pelletiers les referont et
metteront a point par le conseil. Touteffois des prochaines parentes.
C'est assavoir des deux femmes du costé du mary & deux du costé de la
femme non trop mondaines ne bigottes que s'il advenoit qu'elles ne se
peussent accorder ensemble/ elles pourroyent se bon leur semble appeller
avecques elles de leurs famillieres voisines en tel nombre qu'il leur
plaira pour eulx aider & conseiller mais touteffois la court entent que
de dix parolles et oppinions qui seront par elles dictes en la besongne/
elles ne vauldront ne seront comptees que pour une/ veu que l'on n'en
auroit jamais trouvé la fin



¶ Le .xxxii. arrest.


Ceans c'est complaint une jeune femme d'ung galant qui luy veult
soustraire sa nourrisse. Dysant que sans cesse il se joue a elle dont il
ne lui plaist gueres/ car au dernier craint qu'il ne luy vueille
brouiller son laict et pour ce il luy en fauldroit avoir une aultre/
laquelle chose luy seroit ung grant desplaisir pource que l'enfant a
desja acoustumé sa mamelle. Et disoit oultre que sadicte nourrice a
cause de l'accointance qu'elle a nouvellement prinse avec ce galant ne
fait pas si bien son devoir de penser sondit enfant comme a elle
soulloit mais devient toute seiche et en chartre/ Parquoy requeroit
celle dame que ledit gallant feust condampné a soy absenter de auprés de
sadicte nourrice et qu'il ne parlast a elle en quelque maniere que ce
feust. de la partie dudit galant fut deffendu au contraire & disoit que
a ladicte nourrice il n'avoit ne voulu avoir habitude que bien apoint/
et qu'il n'estoit point recors que il eust parlé a elle sinon en passant
qu'elle luy disoit dieu vous gart et il luy dist aulcuneffois a dieu Et
ne peult on a tout le moins que respondre/ ou dire aulcune chose quant
on salue les gens. Disoit oultre que veu que ladicte nourrice ne se
plaignoit de luy & qu'elle ne veult pas dire qui l'ait voulue seduire &
barguignier sa maistresse n'est pas recepvable a ce adresser a
l'encontre de luy. Aussi pour ladicte maistresse ne pour la nourrice et
ne s'en vouldroit travailler ung pas ains est content qu'il ne la voye
jamais/ et qu'on la garde de luy tant qu'on vouldra. Si repliquoit
ladicte dame et disoit que du parler ce estoit du moins. Mais elle
doubtoit bien d'aultre chose/ c'est que il luy troublast son laict et
que quant eulx deux seroyent ensemble pour faire leurs besongnes ou
parler de conseil que sadicte nourrice laissast son enfant crier tout
par luy a son ayse et que lors il cheust en quelque lieu et s'affolast
par ce que quant on est en ce cas il n'en chault guieres ne n'en
souvient nomplus que des vieilles matines & quant est de la poursuite
que elle en faisoit de present n'estoit que pour l'interest de son
enfant & nompas de ladicte nourrice. A quoy ledit galant pour ses
duplices disoit que de sadicte nourrice n'avoit cure & quant il
vouldroit il trouveroit bien ailleurs a jouer en concluant comme dessus
Finablement les parties ont esté apointees en droit et au conseil et a
la court veu ledit procés et consideré la court dit que ladicte dame ne
fait a recepvoir a soy complaindre dudit galant & l'a condampnee es
despens



¶ Le .xxxiii. arrest


En la court de ceans c'est complaint ung vieillart d'une jeune dame par
ce qu'elle ne le vouloit aymer/ disant que il luy a ja donné plusieurs
ceintures & chaperons affin de estre en sa grace/ mais elle n'en tient
compte/ trop bien quant elle veult avoir de luy aucune chose elle le
scet le mieulx entretenir du monde en le baisant et acolant mais quant
vient au fort luy respondit nescio vos en luy faisant la renchiere/ &
brief il ne scet ou il en est car quant il cuide avoir fait c'est lors
que il est a recommencer. et pource requeroit que veu que il a si grant
amour en elle et qu'il l'a servie et encores a intencion de faire
qu'elle fust condampnee a l'aymer et a luy faire des biens comme dame
doit faire a son serviteur/ & de la partie de ceste dame fut deffendu au
contraire & disoit que c'est contre nature a une jeune femme d'aimer
vieillart car ce sont choses contraires comme blanc et noir &
incompatibles comme chault & froit aussi par ordonnance d'amours que
quant ung homme est vieil il est excusé de servir. disoit qu'elle ne luy
sçavoit bien faire il cuide que on doive tout laisser pour entendre a
luy & qu'on le doyve chauffer & froter la teste pour le endormir qui est
chose mal sortyssant a jeune femme & quant est des dons que ledit
vieillart se vantoit luy avoir donné. Respondit qu'il n'estoit pas vray
& que en sa vie ne luy avoit donné q'une armerie a .xvi. pampes que elle
garda & mist en sa quenoulle pour la paour de luy/ & estoit donc
l'accointance bonne. Disoit oultre que elle aymeroit myeulx estre
bruslee que de riens avoir prins de lui/ car il ne le valoit pas. Et
quant est de se aymer il y seroit avant autant que charlemaigne en
espaigne/ & aussi l'avoit elle ja par plusieurs fois reffusé. Et
concluoit affin de non recepvoir allias soubstenoit son reffus &
demandoit les despens A quoy il replicquoit et si disoit que se elle ne
le voulloit aymer pour l'amour de luy/ au moins pour son argent qu'il
fust aymé/ car il lui avoit du tout bouté son cueur en elle/ mais la
dame respondit que pour luy ne feroit rien et pour son argent encores
moins en disant que ledict vieillart avoit plus grant mestier d'une
bouteille et d'une bassinouere pour son lict eschauffer que de tous les
biens d'amours Finablement partyes ont esté appointees en droict et au
conseil. Si a la court veu ledict procés et tout ce qu'il failloit veoir
en ceste matiere: et tout veu dict que a tort et maulvaise cause ledict
vieillart c'est doulu et complaint de ladite dame et que a bonne et
juste cause elle l'a reffusé et le condempne es despens de la tauxation
reservee.



¶ Le .xxxiiii. arrest


En la court de ceans c'est assis ung aultre procés entre d'eux beaux
jeunes enfans portans le noir en leurs devises heritiers et ayant cause
d'ung amant trespassé de dueil de sa feue dame demandeurs en cas d'excés
d'une part et la mort deffenderesse audit cas d'aultre part Et disoyent
lesditz demandeurs que ja pieça dame nature de beaulté pour monstrer
l'excellence de leur ouvraige ilz allerent produirent et formerent ung
corps de femme le plus bel qu'on pourroit guieres choisir dont le
deffunct fut serviteur et estoit ceste femme avecques la beauté qu'elle
avoit d'elle & remplie de toutes les vertus especiales que jamais femme
peult avoir c'est assavoir de doulceur d'honneur de humilité de
gratieuseté de beau maintien et doulx regard tant que nulle ne la
passoit Et advint que pour les grans biens qui estoyent en elle que tout
chascun luy souhaitoit des biens largement ce luy portoit grant honneur
mais ladicte mort qui en eut desplaisance et pour l'oster de ce monde
luy getta son dart et l'occist piteusement de laquelle chose ledict
deffunct son amy et serviteur/ print telle desplaisance en luy qu'il en
cheut mallade au lict: et aprés ce qu'il eut faict son testament ne
demoura gueres qu'il n'allast aprés elle Or disoyent leurs heritiers que
veu que cesditz deux personnaiges estoient en saufconduit d'amours et en
la sauvegarde/ que ladite mort n'y avoit que congnoistre et/ que par
ainsi de les avoir tués elle en estoit tout du long tenue et estoit le
cas digne de reparation/ attendu qu'il y avoyt eu meurdre et occision
qui estoit inreparable et pource concluoient lesditz heritiers et
heritieres a l'encontre d'icelle mort qu'elle fust condampnee restituer
et remettre la vie es corps dudit feu amant et de sadicte dame qu'elle
avoit ainsi tués s'il estoit possible & faire se pouoit/ et a tout le
moins a restablir le corps par figure & a les faire paindre au vif ainsi
et en la maniere qu'ilz estoyent au temps de leur bonne santé/ affin que
leur pourtraicture demourast sur terre & qu'il fust encore memoire d'eux
Et avec ce que iceulx heritiers desditz deffunctz fussent declairés
exemps de ladite mort au moins jusques a ce qu'ilz fussent aagés que
avoit esté abregee la vie desditz deffunctz leur fut donnee et prolongee
de temps de vivre en ce lieu. Et pour reparacion des excés qui estoyent
grans concluoyt en amendes honnorables et prouffitables a la discretion
des gens d'amours. De la partie de ladicte mort fut tendu affin de non
proceder disant que toutes choses crees sur terre sont en sa subjection
et qu'il n'y a personne tant soit fort qui se puisse exempter d'elle/
car elle a seigneurie et domination sur toutes creatures humaines soient
hommes ou femmes bestes ou oyseaulx arbres et raciers voire et telle
maniere qu'elle leur peut abreger leur vie et les prendre sans ce qu'il
en soit plus parlé: & de ce qu'elle en faict soit bien ou mal n'est
tenue de respondre que devant le grant juge et n'y a justice d'amours ne
d'aultre ou elle soit subgette et par ainsi perseveroyt en sa
declinatoire & concluoit affin de non proceder Lesditz heritiers
demandeurs disoient au contraire que en ceste matiere estoit question de
sauvegarde et entreprinses faictes/ sur les droitz d'amours/ parquoy la
congnoissance en appartient a la court de ceans et non a aultre: aussi
estoit ce court souveraine & y avoit esté la cause commise de par amours
et les lettres expresse au cas/ sy que n'estoit par ce moyen ledict
declinatoire recepvable ains debvoyt ladicte deffenderesse aultre ou les
conclusions requesté par iceulx demandeurs leur debvoyt estre adjugez.
En requerant l'adjonction des gens d'amours qui de leur costé disoient
que c'estoit mal fait aux advocatz de proposer telles declinatoires
contre l'honneur et prerogatives de la court de ceans ou ilz avoyent
esté nourris car il estoit tout notoire que des abbus et entreprinses
faictes au prejudice d'amours et de ses subjectz la court en devoit
congnoistre disoyent oultres lesdictes gens d'amours que par beaulx
previleges et anciens droitz du demaine/ la mort n'a que congnoistre sur
amant qui sont en la sauvegarde d'amours/ et qu'elle ne les pouoit
prendre ou faire mourir sinon qu'ilz feussent/ ou soyent hors d'aage/ ou
que ilz ayent renoncé a l'amoureuse aliance d'amours: et sur ce
alleguoient plusieurs loix: disoyent aussy que ces amoureuses n'estoyent
exemptees de la mort au moyen desdis previleges jamais ne se mettroyent
au service veu que ilz seroyent tous les jours en danger de leurs
personnes/ & qu'il soit vray que la mort n'avoit point de congnoyssance
sus eulx il en apparoissoit assez/ & que par experience des amoureux qui
montent et devallent de nuyct du hault de deux ou troys estaiges par une
touaille ou longiere pour entrer en une maison sans eulx blesser ou mal
faire quelconque. pareillement de ceulx qui couchent entre deux
goutieres toute la nuict voire quant il gelle a pierre fendant & si
n'ont point de la couverture ne de froit & aussi de ceulx qui se font
avaller par souspiraulx/ qui endurent aulcunesfoys aux baingz l'eaue si
chaulde qu'ilz sont tous bruslez & si ne sentent point le feu ne la
chaleur/ ainçoys par cela guarissent toutes maladies et de tous maulx/
et toutesfois raison est que la ou il seroit ainsi que la mort eust
puissance sur telz parens il n'en eschapperoit pas ung veu les peines et
tormens qu'ilz seuffrent et les dangers ou ilz se mettent dont
touteffoys l'en ne peult veoir du contraire et que ladicte mort n'a
pouoir ne auctorité sus ceulx qui sont ainsi au service et en la
sauvegarde d'amours/ aultres soyent exemptz d'elle parquoy ne se pouoit
ladicte mort excuser qu'elle ne deust estre contraincte a proceder en la
court de ceans au regard mesmement que les excés par elle commis avoyent
esté faitz en enfraingnant la saulvegarde d'amours ou lesditz deffunctz
amoureux estoyent quant il les laissit mourir/ mais ladicte mort en
perseverant tousjours en sa declinatoire disoit que la court de ceans ne
pouoit estre son juge car elle n'y estoit subjecte ne obeissante &
oultre plus disoit que de avoir prins et tué lesditz deffunctz n'avoit
aulcun exemptz ne sauvegarde enfraindre parquoy n'en pouoit congnoistre.
Et supposé qu'il y eust excés si n'en pouoyt la matiere estre ceans
traitee car elle avoit a somer ses garans comme fortune & aultres qui
n'y respondroyent pas & au regart ces previleges & exemptions dont les
gens d'amours avoyent parlé respondit ladicte mort qu'elle a previlege
sur amours et par tout et que avant qu'il fust oncques nouvelles
d'amours ne d'amytié elle estoit nee & usant en terre de sa puissance &
s'elle differoit a faire mourir tels jeunes amans qui ainsi se
advanturent & mettent en danger de leurs personnes par leurs folies
mondaines/ c'estoit de grace et de permission seulement qu'on ne luy
pouoit retorquer au prejudice/ & voit on tous les jours les plus huppez
passer par la quant il luy plaist. Et si la mort ne les prent pas quant
ilz sont malades Ains laisse faire nature son debvoir/ et attend bien
souvent que telz amans soyent tous secz/ & qu'il leur ennuye d'estre au
monde en la soubhaictant pour les biens d'amours qui leur deffaillent en
concluant comme dessus Surquoy les heritiers d'iceulx deffunctz
demandeurs disoyent que si leur failloit faire ailleurs leur poursuite
ilz seroient destruitz a tousjours et n'auroyent dequoy fournir Et
oultre disoyent que veu l'enormité du cas la court en debvoit retenir la
congnoissance & quant aux gens d'amours ilz dupplicquoyent et disoient
que la mort ne pouoit avoir previlleges contre ceulx d'amours/ car avant
que oncques la mort feust/ estoit nee amyctié/ et ne fut la mort
ordonnee fors que pour appaiser les debatz de cedit monde/ et oster
ceulx qui s'entrehayent qui font les noyses & que nature ne peult plus
soubstenir: Or estoit il ainsi que ces deux trespassez dont estoit
question estoient en la plus grande amyctié et aliance d'amours qu'il se
pouoit faire en sa sauvegarde. parquoy d'avoir ainsi exploité la mort
avoit trop mesprins et excedé/ Et failloit qu'elle en respondist ceans &
non ailleurs. Ouyes lesquelles parties en tout ce qu'elles ont voulu
dire et alleguer/ elles ont esté apointees en droit & a mettre par
devers la court et au conseil. Si a la court finablement veu ledit
procés & tout ce qu'il failloit veoir en ceste matiere a grant et meure
deliberation. et tout veu la court dit que ladicte mort deffenderesse
procedera en la court de ceans nonobstant chose par elle proposee au
contraire dont elle deboute et deffend a tous les advocatz de ladicte
court que ilz ne proposent ou alleguent telles declinatoires sur peine
de l'amende.



¶ Le .xxxv. arrest


A la requeste du procureur general d'amours une vieille femme a esté
prinse & constituee prisonniere pour raison & a cause de certaines
parolles mal sonnantes qui ont esté dictes et proferees de sa bouche. Si
a depuis esté interroguee sus les charges/ et informations faictes a
l'encontre d'elle sus quoy en effect elle a deposé et confessé que
veritablement en haine et despit de ce qu'elle ne estoit appellee de
aller aux grans chieres comme sont bancquetz & nopces ainsi que les
aultres elle mal meue & de de felon couraige avoit et a dit que ce
n'estoit pas tout acquest d'y estre & que s'elle estoit homme aussi bien
qu'elle estoit femme elle n'y laisseroit pas de leger aller sa femme ne
ses filles avec plusieurs autres choses au prejudice d'amours/ et de ses
droitz declairees a plain en sa confession qui a esté monstree aux gens
d'amours lesquelz ont par ycelle prins droict et baillé leurs
conclusions tendant affin que ladicte vieille qui avoit parlé contre la
souveraineté d'amours fust pugnie de pugnition corporelle et oblicque
pour monstrer exemple aux autres/ et en ce faisant qu'elle eust la
langue couppee ou que on luy plantast ung fer chault et ardant au
visage. Et aussi qu'elle feust bannye a tousjours hors du royaulme
d'amours et ses biens declarez confisquez. A l'encontre desquelles
conclusions ladicte vieille deffenderesse pour la diminution de la
paine/ disoit que l'en ne doit pas de si pres prendre garde aux parolles
des femmes Car souvent parlent de legier et contre elles mesmes/ mais
entant qu'il luy touchoit elle sçavoit bien voirement que elle avoit
failly/ et mal parlé. Mais la court devoit avoir regard a ce que se
avoit esté par chaulde colle & sans y penser et aussi par la
desplaisance de ce que n'en ne tenoit compte d'elle et qu'on ne daignoit
la mander ausdictes festes & bancquetz. Si a la court veues les charges
et informations/ la confession de ladicte deffenderesse/ les conclusions
des gens d'amours/ et les deffences baillees au contraire & tout ce que
il failloit veoir en ceste matiere a grande & meure deliberation. Et
tout veu et consideré ce qu'il failloit a considerer. Ladicte court
condampne ycelle vieille deffenderesse pour les excés et delictz par
elle commys alentour l'escripteau qui s'ensuyt.

    En ma vie je ne fuz meurdriere
    Ne larronnesse: ne coustumiere
    De amans blecer & ravaler
    Mais affin que mon cas declaire.
    J'ay eu la bouche trop legiere.
    Gardez voz langues de parler.



¶ Le .xxxvi. arrest.


En la court de ceans c'est assis ung aultre procés entre les heritiers
de une dame naguere trespassee demandeurs d'une part et les official
vicaire et prometeur d'amours deffendeur d'aultre. Et disoyent lesditz
demandeurs que la deffuncte estoit en son temps bien gente & gaillarde/
sage et sçavante et soubz laquelle s'elle eust vescu plusieurs vaillans
cueurs amoureux eussent peu apprendre du bien Or estoit vray qu'elle qui
estoit de noble couraige voulloit bien adviser tousjours en son faict.
et fust en nopces ou en aultre festes et gardoit bien qu'on ne se
moquast de chose qu'elle fist mais il advint que ung jeune gallant mal
habillé & ressemblant a ung varlet dimencheret qu'elle encores ne
congnoissoit la vint prier de dancer et pource qu'il n'estoit pas lors
en point et aussi que son costé estoit lasse et n'en faisoit que venir
elle l'esconduit bien gracieusement disant qu'elle ne voulloyt plus
dancer dont il se deporta & s'en alla sans dire a dieu Mais encore il ne
fut pas content de cela ainçoys quant vint de rechef a dancer au
chapelet ledit gallant se mist a dancer et aprés ce qu'il eut le
chapellet a son tour il le vint presenter a elle laquelle le receut mais
quant vint ledit galant tendoit la bouche pour la baiser/ elle se torna
la teste de l'autre costé en le reffusant tout court dont il conceut
hayne et malveillance mortelle contre ladicte deffuncte Pour laquelle
mettre a execution il la fist citer devant ledit official d'amours par
devant lequel elle voyant qu'il n'estoit point son juge ne capable de
congnoistre de la matiere ne comparut point Si fut mise en coustumace.
au moyen de laquelle elle fut ainsi que l'en veult dire excommuniee &
depuis est advenu qu'elle est encheute en aucune maladie de fievres qui
l'en ont emportee/ et a finé ses jours bien honnorablement et faict son
testament et toutes aultres choses que bonne et tres loyalle dame doit
faire. Mais avant est venu a l'encontre ledict official vicaire et
prometeur soubz umbre de ce que il vouloit dire qu'elle estoit
excommuniee pour raison de ce que dit est: ilz n'ont voulu donner congé
ne licence de l'enterrer ou elle avoyt ordonné: mais l'ont faict porter
aux champs et enterrer en une grande piece de terre toute pleine
d'orties et de chardons: laquelle chose redonde au vitupere et honneur
de tous les parens et amys de ladicte deffuncte qui sont gens de bien et
des plus notables: par quoy l'excés en estoit plus grant Et par ses
moyens concluoient lesditz heritiers demandeurs a l'encontre desditz
official vicaire et prometeur d'amours. Et pareillement aussi contre le
galant qui avoit faict citer icelle deffuncte qu'ilz et chascun d'eulx
fussent condempnez et contrains a revocquer casser et adnuller lesditz
citacion sentence et excommuniement donné contre ladicte deffuncte par
prinses de leurs personnes et du temporel desditz official et promoteur
de l'eglise et a publier devant ung chascun que a tort et sans cause
icelle deffuncte avoit esté citee et excommuniee Et avec ce ilz fussent
condampnez a la faire deterrer et apporter son corps et ses os en ung
des cimetieres d'amours et contrains a estre tous au convoy du corps
affin de reparer et restituer le deshonneur qu'ilz luy avoient fait. Et
semblablement que ung chascun d'eulx fust condampné a une bonne amende
proffitable. A ces fins offroyent a prouver et demandoient despens
dommaiges & interestz a l'adjonction des gens d'amours De la partie
desdictz official vicaire prometeur et gallant fut deffendu au
contraire: et disoient qu'il estoyt permis de citer et excommunier tous
ceulx & celles qui detiennent des biens d'amours ou qui injurent et se
mocquent de ceux qui sont en la poursuite: et dont la congnoissance et
pugnition en appartenoit audit official Or estoit vray que ladicte
deffuncte avoit reffusé detenu et occuppé le bien qui estoyt deu a ce
gallant icy/ et encores l'avoit farcé et mocqué/ parquoy il c'estoit
rendu plaintif d'elle & l'avoit fait citer a certain jour auquel elle se
reputant coulpable du cas et mesprisant la court n'avoit daigné venir ne
comparer. Mais c'estoit laissee mettre en coustumace et excommuniement
qui fut publié. Or est advenu voirement qu'elle est trespassee sans soy
faire absouldre: parquoy l'en l'avoit faicte enterrer ou elle devoit Et
a ceste cause apparoissoit clerement que l'en n'y pouoit avoir aulcun
mal ne excés et au regard de la deffuncte/ posé qu'elle eust bonne cause
d'avoir reffusé le galant touteffoys elle devoit venir declairer ou en
faire proposer au jour qu'elle fut citee sa declinatoire sans soy
laisser mettre en coustumace et sentence d'excommuniement qui donnee
estoit justement Et quant est de l'enterrement par consequent il avoit
esté fait ainsi que faire ce devoit Et aussi se les sentences ne
sortissoient en effect/ l'en ne tiendroit plus compte de justice ne de
faire mal. Et a ce que les heritiers disoient que la deffuncte n'estoit
subgette a la court dudit official: respondoyent que ouy/ car aussy le
jeune galant estoyt clerc non marié/ lequel entant qu'il touchoit sa
personne disoit que la deffuncte ne devoit point estre desheritee et
mise en aultre lieu qu'elle estoyt car pour le reffus qu'elle luy fist
il avoit esté en danger de mort de la paine et de la honte qu'il en eut
devant tant de gens. Et s'elle eust voulu dancer ung tour avec luy il
n'en eust jamais parlé. Et quant est de ce que les demandeurs ont fait
dire qu'elle ne le congnoissoyt et qu'il estoit habillé en varlet
dimencheret c'estoit mal dit a eulx car il la valoit bien ou myeulx et
le congnoissoit assez bien. Mais elle estoit tant fiere & orgueilleuse
qu'elle fist semblant de ne l'avoir jamais veu. Et le reffus qu'elle luy
fist ne vint que par presumption et oultrecuydance qui la conduisoit Et
concluoient en effect lesditz deffendeurs affin d'absolution & despens.
Et au regard des gens d'amours ilz disoient que entant qu'il touchoit le
droict des deux parties. C'est assavoir se la deffuncte avoit eu juste
cause de le refuser ou non/ ilz n'en pouoient rien dire pour le present/
Car ilz n'avoyent veu les informacions. Aussi n'en estoit de present
question entant que touchoit la citacion/ procés et excommuniement
faictz par ledit official d'amours tout devoyt estre dict et desclairé
nul et de nul effect. Lesdictz deffendeurs grandement abbusans car du
faict du chappellet ne de quelconque aultre dance n'en appartenoit la
congnoissance que a la justice seculiere d'amours trop bien des
promesses secretes qui se font en dançant peuent bien congnoistre de ce
cas icy non Et pource c'estoit une vraye entreprinse contre la justice
laye qui se devoit reparer par une tresgrande et merveilleuse punition/
car combien que lesdiz official vicaire et prometeur sceussent bien
qu'ilz ne pouoient sçavoir ne avoir la congnoissance de ceste matiere et
que la citacion et sentence d'excommuniement ne se peult bonement
soubstenir/ neantmoins comme obstinez en leur maulvaise voulenté l'ont
voulu faire sortir en effect en contraingnant ceste povre femme que Dieu
absolve a estre au moyen de ce enterree et en terre prophanee qui a esté
certainement tresmal faict a eulx. Et pource concluoient lesdites gens
d'amours/ que tout ce qui par eulx avoyt esté faict fust declairé nul et
de nulle valeur comme faict en abusant et entreprenant sur la justice et
juridition laye. Et avecques ce que ledit official prometeur et
officiers et aussi que lesditz amoureux fussent condempnés a reparer
lesdictz excés & en ce faisant qu'ilz fussent contrainctz de desterrer
eulx mesmes ladicte deffuncte et la porter en ung cercueil devant tout
le monde jusques au cymettiere d'amours et qu'elle ordonne a estre
enterree/ Et pareillement de assister et estre presens tous tout du long
du servyce qu'on fera a celle deffuncte. Et en oultre que ilz fussent
condampnés a publier ou faire publyer/ par le crieur qui yra devant le
corps a toute sa sonnecte que la deffuncte avoyt esté injustement
excommuniee. A quoy lesdictz deffendeurs disoient que de prendre les
conclusions contre eulx lesdictes gens d'amours n'estoient pas
recepvables/ car ce que ilz avoyent faict avoyt esté en excersant la
jusridicion espirituelle d'amours. Et quelque chose qu'il leur pleust a
dire/ la congnoyssance du faict du chappellet leur appartenoyt et ainsi
en avoient congneu & usé Et quant a la deffuncte elle fut cause dudict
excommuniement entant qu'elle ne vouloit comparer Au regard de
l'absolucion ilz ne l'eussent peu bailler sans le vouloir de partie qui
n'y consentit oncques/ et ainsi estoyent lesditz deffendeurs en voye
d'absolucion/ mais les gens d'amours disoyent au contraire qu'ilz ne
pouoient toucher au fait dudit chappellet non plus que au feu. Et s'ilz
en ont congneu au temps passé ce a esté par entreprise et en abusant. Et
aussi disoyent les heritiers d'icelle deffuncte que veu que ledit
official n'estoit point juge d'elle/ elle n'y debvoyt comparoir ne
envoyer. et au regard des charges que ledict galant bailloit a ladicte
feu dame ne pouoit estre plus humble et gracieuse qu'elle estoit comme
l'en pourroit sçavoir par tous ceulx qui l'avoyent hantee. Et aussi n'y
avoit point d'apparence de aller baiser ung homme a la vollee sans le
congnoistre/ et qui estoit habillé comme ung vielleux en concluant comme
dessus. Ouyes lesquelles parties en tout ce qu'elles ont voullu dire et
alleguer elles ont esté appointees en droict. Si a la court veu et
visité ledict procés et tout veu/ et consideré ce que il failloyt
considerer/ ladicte court condampne ledict official vicaire et prometeur
d'amours et aussi ledict amoureux et chascun de eulx entant qu'il luy
touche a revocquer/ casser/ et adnuller lesdictes citations
excommuniemens procés et procedures faictes par devant ledict official
et a mettre au neant a leurs propres coustz/ et despens. Et avecques ce
je condampne tous ensemble a deterrer et oster/ ou faire deterrer et
oster ladicte deffuncte du lieu la ou elle est pour porter & enterrer au
cymetiere d'amours dedans ung beau carreau de girofflee/ & au lieu ou
elle a esleu sa sepulture par son testament. Et si les condampne en
oultre a aller tous au pres du corps jusques en l'esglise/ et y estre
tout du long du service de ladicte deffuncte. et deffend ladicte court
audit official que desormais de telle matiere qui touche ledict
chappellet ne les despendences il n'entrepreigne congnoissance sur peine
d'amende arbitraire.



¶ Le .xxxvii. arrest.


En la court de ceans c'est assis ung aultre procés entre une gracieuse
dame demanderesse d'une part et les religieux cordeliers de l'observance
d'amours deffendeurs d'autre part. et disoit ladicte dame que ja pyeça
elle eust grande acointance de familiarité singuliere avec ung jeune
religieux nouvellement rendu de l'ordre & tellement qu'ilz se donnerent
l'ung a l'autre & promisrent ne separer l'alliance d'entre eulx d'eux
pour quelque temps ou fortune qui leur peust advenir. et sur ces choses
y eut encores veuz fais en amours confermatoires d'ycelle aliance tant
et si avant que faire se pourroit en tel cas mais ce nonobstant ledit
amoureux cordelier et pour une petite fumee ou quelque desplaisance
qu'il a eue/ puis n'a guieres de temps en ça s'en est de son auctorité
et sans le consentement ne prendre congié de sadicte dame aller bouter
et rendre en ladicte religion ce qu'il ne pouoit ne debvoit faire/
ainçoys venoit directement encontre son premier veu et serment. Et
pource que ceste dame se sentoit tenue quant a l'ame de le declairer une
foys/ et qu'elle avoit tresgrant interest d'avoir quitance &
renonciation de sa promesse pour se pourveoir ailleurs en lieu de luy
d'ung aultre amant et serviteurs elle concluoit et requeroit que lesditz
religieux cordeliers fussent condampnez a faire exhibition audit
amoureux rendu cordelier & de le amener en justice pour le contraindre
et entretenir a ses premiers veuz et promesses ou y renoncer/ et la
quitter au regard d'elle ne voulloit pas empescher le sauvement de son
ame et qu'il ne demourast religieux de l'ordre s'il en avoit la
voulenté. De la partie desdictz religieux de l'observance si fut
deffendu au contraire et disoyent que la demande que faisoyt la dame
n'estoit pas recepvable car l'amant religieux rendu cordelier dont
estoit question estoit ja cordelier vestu/ et avoit fait les veuz de
l'observance d'amours par les trois Esquelz veuz d'ycelle observance il
est deffendu expressement de ne parler jamais a femme/ parquoy donc de
le voulloir contraindre maintenant a le veoir & parler a elle dessoubz
umbre de renonciation n'y avoit apparence et estoit trop tard de venir
aprés ladicte reduction ramentevoir Et mettre en lieu de present
lesdictes aliances promesses et follyes du temps passé. Disoient oultre
lesditz religieux que quant ledit amant fut rendu & vestu de l'habit de
l'ordre/ ladicte dame deffenderesse y estoit presente & luy veit faire
les veuz pourquoy lors debvoit declairez lesdictes promesses et se
opposer pour le droyct que elle veult deduire Et sembloyt soubz
correction que c'est grant abbus a elle de venir maintenant par telz
moyens pour troubler ledict religieux rendu et le mettre es choses
mondaines qu'il a ja oubliees Si disoyent par ces moyens lesditz
religieux qu'ilz n'estoyent tenus de exiber ledict cordelier/ et pour
chose que on peust faire jamais ne partiroit de ladicte religion. A quoy
ladicte dame pour ses replicques disoit/ que elle ne voulloit pas le
retraire hors de religion ne de le mouvoir de son entreprinse/ mais
requeroit seulement pour sa descharge que il renonçast a sa promesse
qu'il luy avoit faicte/ et tout ce qui avoit esté faict/ et dict entre
eulx deux feust declairé nul et comme non advenu Et disoit oultre ladite
dame que cela se debvoit faire avant toute oeuvre/ car elle voulloyt
obvier au dangier d'amours qui s'en pouoit ensuivir/ elle vouloit avoir
enseignement de la renonciation desdictz promesses et pour monstrer
qu'elle aymoit entretenir sa foy mieulx que luy affin qu'on ne luy en
peust reproucher riens. Et au regard de ce que lesdis cordeliers
disoient que icelle dame estoit presente quant ledit nouveau cordelier
fut rendu & qu'elle luy vit faire les veux respondit qu'il estoit bien
vray qu'elle y fut avecques ses autres cousines & parentes/ Mais a la
verité quant elle veit qu'on le deshabilloit tout nud pour le vestir en
cordelier les lermes luy vindrent aux yeulx a si grant affluence qu'elle
ne sceut qu'elle devint & luy commença a soubzlever le cueur par telle
façon que elle s'esvanouyt en plain chappitre et ne luy souvenoit alors
d'aliance ne de promesse/ car il n'est au monde si grant douleur a femme
que de veoir son amy rendu en religion. parquoy fault la excuser Et
quant elle n'eust point esté troublee si n'eust elle pour rien
entreprins d'aller desclairer devant tout le monde qui ne se pouoit
rendre pour blasme et deshonneur qu'il en eust peu avoir. Et a ce que
lesditz deffendeurs disoient en oultre que pour rien ne le laisseroient
partir de religion respondit ladicte demanderesse que par force ilz
devoyent estre contrains/ et que au regard d'elle elle avoyt contenné de
ne parler point a luy sinon en la presence de deux ou trois religieux
telz qu'on vouldroit amener/ mais il estoit force que a la quitance &
renonciation desditz promesse ce fist en jugement/ car il y avoit
lettres signees de leur main de l'ung et de l'autre qu'il convenoit
rompre et casser devant la justice d'amours en concluant au surplus
comme dessus Mais lesditz cordeliers deffendeurs perseverant tousjours
en ce qu'ilz avoient proposé disoient que ce n'estoit pas raison que
ledict amant rendu cordelier vint en jugement ne qu'il vist plus ladicte
dame. Primo car se seroit contre son veu qu'il a faict de ne partir
jamais de la religion sans licence du general Secundo: car par la reigle
de l'observance d'amours telle comme chascun scet ceulx qui y sont
rendus jamais n'en peuent saillir sinon que le feu les contraingne a ce
faire & sont reputez mors au monde/ ne n'y a nul qui en puisse partir
dehors excepté ceulx qui sont deputez a leur tour pour aller querir la
pitance & la pourveance du couvent Et pource de requerir maintenant par
ladite dame que ce jeune cordelier qui a renoncé aux joyes et a la pompe
du monde et qu'il voyt ce quel a cuidé faire perdre a tousjours il n'y
avoit nulle apparence et posé que icelle demanderesse fust troublee
quant elle le veit ainsi vestir et entrer en la religion touteffoys cela
ne la pouoyt pas excuser du tout/ car entre le temps qui vint
premierement d'amours en la religion & celluy de la redicion elle avoit
eu bon loysir de soy venir opposer et remonstrer lesdites aliances et
promesses. Ouyes les parties en tout ce qu'ilz ont voullu dire et
alleguer elles ont esté appointees a mettre par devers la court et au
conseil. Si a la court veu ledict procés et a grant et meure
deliberation avec tout ce qu'il failloit veoir en ceste matiere. Et tout
veu la court dit que non obstant chose proposee par lesditz religieux
cordeliers de l'observance ledict amoureux nouvellement rendu cordelier
viendra en la court de ceans renoncer aux promesses et alliances
d'amours par luy faictes avec ladicte dame pour sa descharge & en aura
lectre ou acte se bon luy semble. Et si ordonne la court que lesdis
cordeliers seront contrains par la presence de leur personnes et
ouvertures de leurs portes a faire exhibicion dudict cordelier & le
amener en jugement pourveu toutesvoyes que bon leur semble ilz luy
pourroyent mettre ung bandeau devant les yeulx affin qu'en parlant ou
renonçant audictes promesses et alliances il ne puisse veoir la
demanderesse jadis sa dame Et au surplus sont compensés les despens
d'ung costé et d'aultre et pour la cause.



¶ Le .xxxviii. arrest.


Ja pieça ung povre amoureux plain de dueil prya moult une jeune dame de
dancer avec luy dont elle feut reffusante et ce excusant sur ce qu'elle
disoit qu'elle ne faisoit que venir Et depuis encore une aultre journee
la pria tresinstamment que seulement affin qu'il ne fust mocqué elle
fist ung tour avecques luy mais comme devant elle n'en voulut riens
faire. Disoit aussi que depuis il l'a saluee par plusieurs fois & osté
son bonnet quant il la rencontroit/ mais pource qu'elle peult bien
appercevoir qu'il l'ayme & en est ung petit feru elle ne daigne parler a
luy et se d'aventure elle luy a dit a dieu: c'est en hochant la teste
Desquelz reffus et desdaing dessusdict ledit povre amant a appellé a la
court de ceans et relevé contre ladicte dame qui n'y est voulu venir ne
comparer ains se est laissee mettre en deux deffaulx et tout ce que bon
luy a semblé devers la court. Si a la court veu lesditz deux deffaulx en
ce qui a esté produit et tout veu ladicte court par vertu des deux
deffaux a jugé audit amoureux demandeur tel prouffit qu'il s'ensuit.
c'est assavoir qu'il a esté bien appellé par luy & mal refusé par
ladicte dame Laquelle court l'a condempnee a dancer avec luy maulgré
qu'elle en ayt. Aumoins faire deux ou trois tours: & permet ladicte
court audit amant quant on dancera une dance a trois de se y bouter sans
dire mot pour faire ung tiers & en oultre pource qu'il est en apparence
que ladicte demanderesse en contempnant aucunement la court dist quant
elle a esté ajournee qu'elle n'y daigneroit comparer & que ledit galant
s'abusoit de la poursuivre: icelle court permet audit amant de passer &
rapasser par devant elle sans la saluer ne sans lui dire a dieu le
desclairant exempté de luy faire le petit genoul en une basse dance & le
pas de brebant ainsi que tous les autres le font en oultre la condampne
es despens des deux dictz deffaulx la tauxation reservee.



¶ Le .xxxix. arrest


Il estoit une bourgeoise qui requeroit que certain appointement qui
avoyt esté donné par les gens tenant l'eschiquier d'amours au proffit
d'une damoiselle sa partie adverse touchant le debat qu'ilz avoyent
ensemble pour parvenir au dessus fust recindé & adnullé par la court/ et
veu le playdoyé des parties et tout ce qu'elles ont produit et tout veu
la court dict qu'elle ne tiendra court ne congnoissance de ladicte cause
et matiere/ mais renvoye de rechef par devant lesdictes gens tenant
l'eschiquier qui en est commencé a congnoistre en jugier au sourplus/ et
y pourveoir ainsi qu'il appartiendra tous despens preservez en
diffinitive.



¶ Le .xl. arrest.


En la court de ceans c'est assis ung procés entre une jeune dame d'ung
sien amy disant qu'elle l'a veu le plus joyeulx & esbatant qu'il pouoit
estre bien nouvellement habillé/ gent plaisant gracieux & advenant a
tout chascun et tellement qu'on prenoit plaisir a le veoir & ouyr/ et
brief qui ne luy pouoit donner luy ruoit/ maintenant il est devenu tout
changé pensif songeart & merencolieux & semble que sa vie luy ennuye au
monde/ car il ne tient plus compte de feste ne de joye/ se l'en parle a
luy il songe une grant piece avant qu'il responde en faisant semblant de
penser ailleurs. Quant on luy donne des bouquetz ou des fleurs il les
dessire toutes par pieces avant que elles partent de ses mains Et
incontinent qu'il oyt les menestriers ou le tabourin les larmes lui
viennent aux yeulx/ et ne faict que souspirer/ se on touche a table a
leur demaine d'amours & tourne le propos a parler de la mort/ ou de
quelque vieille histoire qu'il va querir bien loing pour la mener a
propos il a froict quant il faict chault/ et quant il faict froict il a
chault/ & en effect maintenant on ne se congnoist plus en luy dont
chascun s'esbahist & pource que ceste dame a interest qu'il vive
longuement qu'elle est courroucee de tout son cueur se par merencolye ou
desplaisance icelluy amant avoit autre chose que a point elle requeroit
qu'il fust condampné a laisser toutes compaignies merencolieuses et que
au seurplus la court mist telle provision en son fait que il revint et
retournast en son premier point et premier estat. de la partie du povre
amant tout malade fut deffendu au contraire & disoit que au service
d'amours il failloit avoir beaucoup de peine & de travail avant qu'on y
soit advancé et n'y a on jamais une joye qui ne couste cent douleurs/ &
pource de si trop amuser ne estoit pas trop bon/ et aussi de present il
n'en chault guieres aux dames/ ains ne s'en fait l'en que mocquer & sont
les loyaulx tousjours les plus douloureux/ parquoy n'y avoit pas grant
regret/ oultre disoit que de gens on ne tient compte s'ilz n'ont de
l'argent Et a ceste cause/ il avoit deliberé en soy mesmes de delaisser
et habandonner du tout amours et de recouvrer & gangner le temps qu'il
avoit perdu/ combien qu'il ne seroit jamais que il ne le louast et
exaulsast/ car certes tous biens en viennent. et ne vauldra jamais riens
ung homme quel qu'il soit s'il n'a aulcunement esté amoureux en son
temps. Mais il en y a les ungs plus malheureux que les aultres. Et quant
est des maulvaises taches et merencolies que on luy mettoit a sus &
aussi de ce qu'on disoit que il estoit songeart et merencolieux.
Respondit qu'il failloit que la maladie print son cours. Et que
maintenant il ne sçavoit prendre plaisir sinon a estre tout seul pour
contempler le temps passé et celuy qui viendra et ne vouloit plus ouir
parler de amours/ car c'est chose contraire a ceulx qui s'en veulent
oster/ mais au surplus il remercyoit sadicte dame treshaultement de la
bonne voulenté qu'elle avoit devers lui en requerant a la court congé et
licence de le laisser departir d'amours mais sadicte dame disoit en
repliquant que il n'en debvoit point avoir & que la court qui est
souveraine y debvoit pourveoir veu qu'il estoit digne d'exaulcer une
foys la foy d'amours pour les grans biens qui estoient en luy Et ne
failloit point qu'il se soulciast d'argent ne de biens du monde/ car
s'il vivoit et dieu luy donnoit santé il n'en auroit que trop. Aussi il
ne estoit pas encores en aage de se chagriner & en y avoit bien
d'aultres qui se soulcient pour luy. Disoit oultre sadicte dame que le
fondement de la pensee de luy n'estoit que une fantasie & qu'il y avoit
dangier veu sa complexion que il ne luy en fust du pis. Mais ledit
amoureux disoit pour ses dupliques qu'il ne luy en challoit plus de
rien/ & aymoit autant mourir que vivre veu que tant plus on va en avant
en ce monde tant plus y a l'en de peine. et disoit oultre qu'il
vouldroit bien estre joyeulx/ mais personne qui vient a soing ne le
peult estre en brief/ et vouldroit ja estre en paradis car quant il luy
souvient des joyes & des grans follies du temps passé il n'a point de
joye ne de bien et ne se peult tenir de plorer. ouyes lesquelles parties
en tout ce qu'elles ont voulu dire & proposer elles ont esté appointees
en droit & au conseil. Si a la court veu finablement ledict procés bien
au long avec tout ce qu'il failloit veoir en ceste matiere. Et tout veu
et consideré la court ordonne que ledit amoureux sera mys aux herbes et
tenu de demourer aux jardins comme povre prisonnier par l'espace d'ung
moys affin qu'il ne voye que toutes belles fleurs et verdure pour le
resjouyr. et luy deffend ladicte court toutes compaignies merencolieuses
de se pourmener seul et de fantasies a tout par luy mais ordonne et
apointe que ladicte dame par maniere de provision l'acompaignera & sera
avec luy pour passer le temps du long dudit moys et jusques a ce qu'il
soit guery & remis en son premier estat. et laquelle dame sera tenue de
le penser si que on ne luy parle que de toute joyeuseté & luy feront
oster tous livres et toutes choses mellencollyeuses faisant mention
d'argent et de richesses/ affin qu'il n'y ait plus le cueur.



¶ Le .xli. arrest.


En la court de ceans c'est assis ung procés entre ung povre amant
reffusé en cas d'excés et le procureur general d'amours adjoint avec la
dame d'une part & ung sien compaignon amoureux comme luy d'aultre part
deffendeur & disoit ledit demandeur qu'il avoit tout temps eu grant
familiarité & societé avec ledit deffendeur et luy avoit faict plusieurs
plaisirs & si estoit vray que pour la grant fiance qu'il avoit en luy il
c'estoit descouvert a luy d'une partie de ses secretz & des biens et
maulx qu'il avoit gaignez en amours/ & bien souvent luy racomptoit
priveement de ses fortunes & lui touchoit de loing de sa dame qui tant
estoit sage & prudente & comment il estoit bien tenu a dieu de l'avoir
ainsi pourveu lesquelles choses ledit deffendeur escoutoit & en louoit
ledit demandeur & luy faisoit le beau beau en le resconfortant quant il
le veoit plaisant. et mesmes luy offroit et cueur et corps sa chevance
et ses biens/ mais il ne le faisoyt sinon pour sçavoir qui estoit
sadicte dame & haïr en aprés comme il a bien monstré/ car depuis qu'il a
sceu qui elle estoit il ne cessa jusques a tant qu'il ait eue
l'acointance d'elle & que il ait fait bailler le bont/ ce qu'il n'eust
jamais cuydé tant le sentoit son singulier amy pour laquelle chose
parvenir a celluy amant deffendeur qui sçavoit tous les secretz et
moyens dudit amant complaignant a trouver façon & maniere de parler a
ung moyne par qui les bonnes besongnes sont faictes & a tant fait par
dons & par promesses illicites qui en amours sont deffendus que ledit
moyne & luy ont compilees unes faulces lettres closes ou nom dudit povre
galant complaignant lequel n'en sçavoit rien. Et par lesquelles estoit
contenu que ledit amant demandeur mandoit a sadicte dame qu'elle ne
estoit pas telle comme il cuidoit et qu'il s'appercevoit bien maintenant
qu'elle avoit failly en la menassant et disant plusieurs injures &
parolles que jamais ce povre amant n'avoit pensees/ ainçois eust mieulx
aymé estre mis en pieces que de l'avoir songé & dit aulcun mal de elle.
Aussi eust il esté bien traystre/ veu que tous les biens qu'il avoit
venoyent d'elle. or que fait ce moyne cy il s'en vient par devers
ladicte dame/ et n'est pas content de porter & bailler lesditz lettres
faulses mais soubz umbre de ce que l'on dit qu'elles contenoient
creance/ il dist les plus terribles choses a ceste femme que l'en
sçauroit ymaginer. et tellement que quant elle les oit elle adjoustant
foy a ce que ledit moyne disoit commença a soy pasmer & tumber a terre
comme toute esvanouye dont depuis elle a esté fort malade/ mais les
dessusdictz non contens de ce ont tant fait par soubtilz et estranges
moyens que ledict deffendeur est entré en grace et qu'il a baillé le
bont au povre homme qui tant avoit eu de peine a soy advancer &
desservir la grace de ladicte dame en commettant bien grant trahyson eu
regard aux plaisirs qu'il luy avoit fait & qu'il estoit son compaignon.
Et en effect quant ce povre homme qui a tousjours son cueur envers
ladicte dame et ne l'en peult pas oster vient vers elle ainsi qu'il
avoit acoustumé elle lui tourne le doz en rechignant le maudit & par
autreffois le menasse de luy porter dommage en corps & en biens en lui
disant plainement qu'elle aymeroit mieulx qu'il fust ars et bruslé
qu'elle luy fist ung seul plaisir et ainsi veezla la maniere comme ce
povre amant a esté traictié. Et s'il a bien du mal a cause de ladicte
trahyson/ encores il a plus de martire la moytié de ce que ledit
deffendeur est advancé pour faire mal & que luy & ladicte dame qui sont
ainsi aliez ensemble se mocquent de luy quant il passe par devant eulx
en luy gectant de gros lardons & tirant la langue en derriere/ &
pourtant il s'est traict par devers ladicte court de ceans & obtenu
lettres par vertu desquelles informations ont esté faictes touchant
ledit cas lesquelles avec lesdictes lettres closes ont esté appointees
devers ladicte court et despuis a esté baillé commission de prendre au
corps ledit amant deffendeur qu'on ne peult trouver/ ains c'est mys en
franchise si a esté adjourné a comparoir en personne a ladicte court
dedans troys briefz jours en laquelle il n'est daingné venir ne
comparoir/ ains c'est laissé cheoir et mettre en quattre deffaulx au
moyen desquelz ledit demandeur & ledit procureur general ont baillé
leurs demandes et conclusions que au moyen d'iceulx ilz requierent leur
estre faictes et adjugees qui sont bien grandes & tendans a grant
reparation honnorable et proffitable ainsi que en icelles est plus a
plain contenu et declairé Si a la court finablement veu lesditz charges
& informations avec lesditz deffaux bien continués & entretenus ensemble
lesdictz demandes et conclusions sur ce faictes. Et tout veu et
consideré la court au moyen desditz quatre deffaulx adjuge ausdictz
demandeurs tel prouffit qui s'ensuit/ c'est assavoir qu'elle tient et
repute ledict amoureux deffendeur attaint & convaincu des cas a luy
imposés et desclaire tous ses biens meubles et immeubles confisqués a
amours. Et avecques ce ordonne que lesdictes lettres closes ainsi
envoyees au nom dudict povre amant demandeur seront dessirés et
canceleez en jugement comme faulses et qu'il sera nonobstant icelles et
les maulvais raportz qui ont esté fais de sa personne a sadicte dame
remis reintegré et restitué en la grace d'elle comme devant. Et en
oultre condampne ledict deffendeur a faire amende honnorable en la court
de ceans a tout et devant l'huis de la dame une torche ardante en sa
main nue teste et sans ceinture en disant que faulsement et
maulvaisement & aultrement que a point il a trahy et deceu le demandeur
son compaignon & fait bailler le bont qu'il s'en repent et en crie mercy
a luy. Et pour amende prouffitable dommaiges & interest le condampne en
la somme de mille livres qui sera prinse sur ses biens avant toute
confisquation & a tenir prison jusques a plain paiement et es despens
desditz deffaulx. Au regard du moyne qui estoit participant de ladicte
trahison qui a porté lesditz faulces lettres/ la court ordonne vue
l'enormité du cas qu'il sera prins en lieu sainct et dehors ou l'on
pourra trouver pour estre amené en la court de ceans et au surplus
deffend la court une fois pour toutes dames/ damoiselles/ bourgoises et
aultres de quelque estat qu'elle soyent que de choses qui peuent toucher
amours ou les despendences ilz ne facent leurs ambassades ou messages
pour moynes ne ne s'i fient en quelque maniere que ce soyt s'elles ne
veullent estre deceues. Et oultre plus leur enjoinct expressement que se
d'avanture a l'issue du lever du lit elles de prime face en
rencontroient en la rue a jour perilleux comme le premier jour de may et
aultres que de celle heure elles s'en retournent coucher car c'est malle
rencontre.



¶ Le .xlii. arrest.


Il y a six ou huyt varletz cordonniers qui se sont plains en la court de
ceans de ce qu'il fault maintenant mettre aux pointes des soulliers
qu'on faict trop de bourre disant qu'ilz sont trop grevés et qu'ilz n'y
pourroient fournir les compaignons ne continuer ceste charge s'ilz n'en
avoient plus grans gaiges qu'ilz avoient acoustumé attendu que le cuir
est cher et que lesdis poulaines sont plus fortes a faire qui ne
souloyent Si a la court fait faire informacion & rapport du prouffist et
dommaige qu'ilz en ont/ et pourroient avoir & tout veu et consideré ce
qu'il failloit considerer la court dit que lesdis cordonniers feront
lesdis polaines grosses et menues a l'appetit des compaignons suivans
ledit service d'amours sur peine d'amende arbitraire



¶ Le .xliii. arrest


En la court de ceans c'est assis ung procés entre troys compaignons
amoureux demandeurs et complaignans en cas de saisine et nouvelleté
d'une part/ et trois belles dames deffenderesses & opposans: d'autre
part Et disoient lesdis demandeurs que quant amour ordonna faire aliance
d'homme et femme ensemble il bailla a chascun en droit soy de sa
dominacion et voulut que les hommes alassent au dessus des femmes comme
raison estoit/ et si leur ottroya aultres grans prerogatives que les
dames n'ont point dont n'est de present question. Et fut vray qu'il
permist aux amoureux faire cent mille menues choses qui n'apartiennent a
faire aux dames comme eulx vestyr court aller desceintz parmy la ville/
porter fauve au pié destre ou senestre tenir ung petit baston en la main
sans ce qu'il soit baillé ne ottroyé aux dames d'entreprendre sur leurs
droitz. Mais ce nonobstant icelles trois dames deffenderesses de leur
auctorité indeue avoient porté et portoyent botte fauve a leur devise/
et avecques ce faisoient fermer leurs soulliers d'aguillettes vertes et
par dedans entrelacez de rubiz & diamans/ vouloient aussi porter leurs
gans au costé le petit baston en la main et la robe courte a chevaucher
et plusieurs autres nouveletés au prejudice desdis demandeurs en les
troublant et empeschant a tort et sans cause indeuement et de nouvel en
leur possession et saisine parquoy avoient obtenu ladicte conplaincte Et
concluoient tout partinent en ceste matiere de nouvelleté/ Et en cas de
delay demandoient la recreance. De la partie desdictes dames fut
deffendu au contraire et disoyent que amours en faisant la division des
joyes mondaines pour avantager les dames voulut qu'elles eussent
seigneurie et domination sur les hommes et en signe de ce ordonna qu'ilz
seroient requerans et demandeurs/ et les dames deffenderesses en leur
ottroyant pouoir & auctorité de refuser ottroyer denier ou escondire
ainsi que bon leur sembleroit. Et ainsi doncques tout le bien que les
hommes ont si vient d'elles et ne peuent avoir plus grans droitz
preminences prerogatives en amours que elles. Et sont les dames en
possession et saisine de porter botte fauve pour l'honneur & amour de
amy au pié destre ou a senestre en possession et saisine de mettre et
trousser leurs gans de costé et les porter a la ceinture/ en possesion
et saisine de mettre aucuneffois entre la conroye de leurs soulliers a
la boucle/ quant il leur en prent appetit anneaulx et verges d'or/ en
signifiant amours defoulez aux piedz dont l'en ne tient plus compte/ en
possession et saisine de porter devises & faire cent aultres menues
plaisances entre eulx dont elles se peuent adviser/ en possession et
saisyne que lesditz amoureux demandeurs ne aultres quelzconques ne
peuent ne ne doibvent entreprendre sur leur droit/ et que s'ilz
s'estoient efforcés de faire le contraire des possessions et saisine par
elles pretendues de les contredire et empescher en proposant possessoire
pertinent et concluant en matiere de nouvelleté et en cas de delay
demandoient lesdictes dames la recreance Et fut replicqué par lesditz
demandeurs et disoient que par leur complaincte ne voulloient en riens
diminuer les drois des dames. Or estoit il ainsi que jamais ycelles
dames n'avoyent joye desdictes possessions/ mais estoit vray et tout
notoire que lesdictes choses appartenoyent aux hommes et par ainsi leur
complainte estoit bien recepvable Et au regard des possessions
contencieuses lesdites dames ne les pouoient soustenir/ car elles
sçavoient bien que ce n'estoyt pas chose licite ne honneste a femme de
porter botte fauve et anneaulx aux piez ains apartenoit mieux aux hommes
que a elles et ne le veit on jamais faire sinon depuis naguieres que
ceste entreprinse a esté faicte de nouveau et pour laquelle derrisyon
ilz ont obtenu ladicte complaincte/ Car il leur faisoit mal que aulcuns
en prinssent desplaisir contre elles ou qu'elles en fussent blasmees/
mais lesdictes dames en duppliquant disoient que s'il y en avoit aulcuns
qui fussent dolens de les veoir porter/ il y en avoit d'autres pour
l'amour de qui elles les portoyent qui y prenoient plaisir & pour homme
qui en parle ne cesseroyent ja s'il n'estoyt ordonné/ car elles
l'avoyent ainsi voué et promis a amours. Et quant est des possessions
jamais n'y avoient esté empeschez jusques a present et ne failloit point
dire que c'estoit chose mal seant a femme de porter botte ferree. car
elle leur siet aussi bien qu'a homme/ si est chose plus joyeuse et
nouvelle/ parquoy concluoit comme dessus. Ouyes lesquelles parties en
tout ce qu'elles ont voulu dire et proposer elles ont esté appointees en
droict et mettre par devers la court et au conseil que bon leur semblera
veoir en ceste matiere et tout veu la court dict que lesdictz demandeurs
a tort et sans cause se sont dolus & complains et que a bonne et juste
cause lesdictes dames deffenderesses se sont opposees Et les maintient
et garde la court en possession & saisine de porter la botte fauve au
pied dextre ou senestre/ fermer leurs soulliers d'esguilettes vertes ou
noires de mettre verges et anneaux d'or et de porter les gans de costé
en la seincture leurs robes courtes a chevaucher et en toutes
possessions par elles pretendues en levant la main d'amours et tout
empeschement qui leur avoit esté donné par lesditz demandeurs a leur
proffit en condampnant iceux demandeurs aux despens.



¶ Le .xliiii. arrest.


Sur une requeste baillee ceans par ung povre gallant serviteur affin
d'estre payé de ses peines et salaires d'avoir servi ung jeune galant
amoureux Disoit ledit demandeur qu'il a bien demouré avecques luy
l'espace de deux ans ou environ/ pendant lesquelz il le suyvoit en tous
lieux ou il alloit luy nettoyoit ses robbes/ redressoit ses poulaynes et
portoit aulcuneffois les verges pour le nettoyer et luy obeissoit en
tous ses commandemens ou il a eu de grans peines Et quant est venu a la
fin son maistre luy donne congé sans le payer ne contenter: et pour ce
requeroit qu'il fust condampné a le payer de ses services et demandoit
despens Surquoy ledict aymant deffendeur disoit au contraire qu'il n'y
estoit point tenu/ Car quant il le print il n'avoit rien et l'abilla de
neuf et que au regard de son service il ne le serviroit pas bien car
quant il faisoit ung jour bien son devoir il en failloit trois aprés:
parquoy luy avoyt donné congié et au salayre qu'il demandoit disoit
qu'il l'avoit tousjours entretenu bien habillé et vestu et par ainsi luy
devoit souffire. Finablement la court veu ladicte requeste condampne
ledit amant deffendeur a bailler a son varlet pour ses peines et
sallaires & oultre ce qu'il a eu deux de ses vieilles robes courtes avec
ung pourpoint de satin usé et deux escus pour s'en retourner en son
pays.



¶ Le .xlv. arrest.


En la court de ceans c'est complainct et dolu ung gentil compaignon
amoureulx de une jeune dame et maistresse/ disant que ja pieça pour
l'amour d'elle il entreprint de jouster et mettre son corps a
l'adventure affin qu'elle congneust qu'il l'aymoit merveilleusement par
dessus toutes autres. Et a ceste cause feist faire harnois et
habillemens qu'il devisa a sa plaisance/ et ou il feist mettre la livree
de sadicte dame et avec ce eut chevaulx lance et housse de mesmes et luy
estoit bien advis qu'il portoit la devise de sadicte dame que son cheval
ne luy pouoit perir ne estre en danger ainçois que a l'ayde d'elle de la
bonne querelle qu'il pretendoit il viendroit au dessus de son entreprise
& en ceste intencion se disposa de jouster et se trouver sur les rencz
bien en point comme il est acoustumé de faire en tel cas/ mais quant
vint au departir qu'il cuydoit trouver sadicte dame pour avoir sa
benediction elle faignit d'estre malade en se faisant excuser & dire
qu'elle ne pouoit parler a luy ne luy bailler cueur ne courage de
gaigner tellement que ceste journee il ne feist pas ce qu'il voulut & ne
peult avoir honneur comme il eust eu sans difficulté ce ne eust esté les
reffus de sa dame/ & dont par ce moyen elle estoit tenue le recompenser/
et pource requeroit a l'encontre d'elle qu'elle fust condampnee a le
desdommager de la perte qu'il avoit faicte & de ses interestz qui
estoyent bien grans/ au moins qu'il declairé qu'elle avoit esté cause de
son mal par le moyen dudit reffus en la condampnant a le recompenser
ainsi que la court l'adviseroit. de la partie de ladicte deffenderesse
si fut deffendu au contraire & disoit qu'en sa vie ne luy conseilla de
jouster ne n'en fut consentant ne par elle ne pouoit estre plus advancé
ne diminué car son conseil ou aide ne lui pouoit de rien proffiter/
disoit avec ce que sa benediction ou sa parolle ne luy pouoit guieres
aider en tel cas/ mais il suffisoit au demandeur de prendre son
excusation sur cela qui n'estoit pas suffisant attendu qu'il pouoit bien
ymaginer qu'elle eust esté aussi joyeuse de son bien comme lui mesmes.
et quant est du reffus de luy ayder et bailler couraige jamais ne luy
reffusa mais alors que il vouloit parler a elle estoit mal disposee
tellement qu'elle ne peult venir parler a luy. et disoit que quant elle
sceut qu'il devoit jouster elle pria alors pour lui affin qu'il eust
l'honneur parquoy il devoit souffire Et par ses moyens concluoit affin
d'absolution surquoy ledit amant demandeur pour ses replicques disoit
que se elle eust seulement dit a dieu/ ou quelque autre mot son cheval
fust allé plus joyeusement & n'eust trouvé homme qui luy eust peu
resister. Et ainsi en estoit tenu tout du long. Finablement parties
ouyes elles ont esté apointees en droit veu et consideré la court
condampné ladicte deffenderesse a habiller vestir et armer ledit
amoureux demandeur la premiere foys que il vouldra jouster & a conduire
son cheval par la bryde tout du long des lices ung tour seullement et
aprés cela fait sera tenue bailler sa lance en disant a dieu mon amy
ayez bon cueur & ne vous soulciez de rien car on priera pour vous



¶ Le .xlvi. arrest.


En la Court de ceans c'est assis ung aultre procés entre une jeune fille
de villaige demanderesse d'une part et ung jeune gallant de mesme
deffendeur d'aultre part. Et disoit ladicte demanderesse que ja pieça ce
galant cy en revenant de pellerinaige il estoit tant alteré que il ne
pouoit boire ne manger. Il se vint pour mener en ung jardin ou elle
cueilloit des viollettes et illec luy requist qu'elle luy donnast ung
bouquet ce qu'elle fist de bon cueur/ et lors il la remercia en luy
promettant de luy donner une belle bourse et ung tabouret dont elle fut
assez joyeuse et pource que ledit compaignon se sembloit estoit tresfort
malade luy demanda se il vouloit rien et qu'il avoit. Surquoy luy
respondit beaucoup de mal et qu'il eust voulu luy avoir cousté grant
chose et que il eust d'elle seulement ung povre baiser pour le
resconforter. Et alors ceste povre jeune fille luy alla dire/ que sans
denier ne sans maille elle lui en donneroit deux voire trois qui ne luy
cousteroyent riens. Et de fait les luy octroya/ et advint que de ceste
heure aprés lesdictz baysiers donnez qu'il fut du tout gary. Et feist
grans merveilles de grans chieres/ neantmoins il n'avoit point fait son
debvoir de lui envoyer ladicte bourse et tabouret/ ne aussi pareillement
de porter ung boucquet de Rommarin vert pour l'amour d'elle ainsi comme
il luy avoit promis. Et pource requeroit ladicte demanderesse que ledit
deffendeur y fust contrainct et condampné en ses despens. De la partie
dudict amoureux fut deffendu au contraire & disoyt voirement que ladicte
demanderesse l'avoit secouru en sa grande necessité et griefve maladie
tellement que il en estoit tenu a elle Et aussi cuidoit avoir fait son
debvoir comme bon et loyal serviteur. Et quant est de ce qu'il luy a
promis comme de la bourse et dudict tabouret ilz luy a ja pieça envoyees
par personne seure qui luy avoit affermer les lui avoir baillees. Et au
regard dudit rommarin vert il disoit qu'il n'estoit journee qu'il ne lui
ensouvint et que jamais encores ne se trouvoit en feste n'en joyeuse
chere qu'il n'en portast tousjours dessus luy car c'estoit la fleur que
il aymoit le mieulx & qui plus luy avoit aydé en ce monde. Et supposé
que l'on dye que il face aulcunement mal a la teste de le sentir
touteffoys il luy faisoit moult grant bien au cueur et ne sera jamais
qui ne l'ayme. et concluoit par ses moyens affin d'absolution. Surquoy
ladicte demanderesse disoit qu'il le devoit aussi bien cherement aymer/
car il en avoit esté gary & alegé en bien peu d'heure. et quant a
ladicte reception desdictes choses promises n'en avoit par sa foy rien
sceu Finablement parties ouyes ont esté apointees en droit/ et au
conseil si a la court veu et consideré ledit procés. Et condampne la
court ledit amoureux deffendeur a bailler & rendre a ladicte
demanderesse lesdictes bourse & tabouret par lui promis sans prejudice
d'avoir son recours sus celluy a qui il les avoit baillees pour les
porter. Et aussi je le condampne a porter dessus lui pour l'amour de
sadicte dame demanderesse ung boucquet de rommarin vert a tout le moins
ung brin ou deux entrelassez avec une soulcie et menues pensees ou
d'autres fleurs que bon luy semblera



¶ Le .xlvii. arrest.


A la plainte et requeste de plusieurs grans amoureux ont esté baillees
par ladicte court de ceans certaines lettres de commission par vertu
desquelles inhibitions et deffences ont esté faictes a je ne sçay quelz
goffriers et patissiers que doresnavant ilz ne fassent plus leurs
goffres & leurs gasteaulx devant les lieux et esglises ou l'on va en
pellerinaige a celle fin que la fumee de leur feu ne leur puisse faire
mal aux yeulx & que par cedit moyen ilz puissent bien a leur aise saluer
et regarder leursdictes dames en allant & en retournant. Ausquelles
inhibitions et deffences les dessusditz patissiers se sont oposez &
disoyent pour leurs causes d'opposition qu'ilz gangnent leurs vies a
faire les dessusdites goffres et que leur mestier requeroit que ilz
besongnassent a jour de feste et au pres des lieux et esglises ou le
peuple va/ car se ilz faisoyent ailleurs leursdictes gofres personne
n'en yroit achapter Et aussi on ne les pourroit manger chauldes/
pourquoy ilz soubstenoient tousjours leur opposition en concluant que a
tresgrant tort et mauvaise cause lesditz galans amoureulx en perseverant
en leurs demandes disoyent que pour riens du monde l'en ne debvoit
souffrir lesdictz gauffriers besongner au pres des lieux et eglises par
plusieurs moyens premierement/ car ilz empeschent le chemin et la voye
publique/ et ne s'i peult l'on contourner sans bouter l'ung l'autre
Secondement car quant les rues sont estroictes ilz contraingnent
lesdictz gallans a passer par l'autre & ne peuent aulcuneffoys a cause
de leursditz tabernacles approcher de leursdictes dames pour leur dire a
dieu ou ung mot en passant qui leur est ung moult grant desplaisir.
Tiercement car par le moyen du feu a quoy ilz cuisent leursdictes
gauffres il vient une fumee sy grande et si maulvaise que lesditz
gallans sont contrainctz de cleigner les yeulx/ et perdre la veue de
leurs dames sans sçavoir que elles deviennent ne s'elles les ont
apperceuz qui d'aultre costé leur est moult grant martire Et pource veuz
les dessusdictz inconveniens que lesdictz gauffriers/ et patissiers
devoyent estre condampnez a vuyder et faire leursdictes gauffres aultre
part/ et que lesdictes deffences leurs avoyent esté justement faictes. A
ses fins concluoyent et demandoyent despens Surquoy lesdictz gauffriers
disoyent que ilz avoyent jouyssances escriptes de faire illecques
lesdictes goffres parquoy les inhibitions n'estoient recepvables/ disoit
oultre que lesditz amans ne pouoyent avoir dommage mais estoit leur
grant proffit que ilz le fissent es lieux ou ilz avoyent acoustumé car
aumoins avoyent ilz par le moyen desditz gauffriers occasion de parler a
leurs dames et de leur en presenter en concluant comme dessus.
lesquelles parties ouyes en tout ce qu'elles ont voullu dire et proposer
elles ont esté appointees en droit a mettre par devers ladicte court et
au conseil. si a la court finablement veu le dessusdict procés/ et tout
veu et consideré ladicte court dit que a bonne & juste cause lesditz
inhibitions & deffences ont esté faictes ausdictz patissiers et
gauffriers et que a tort et maulvaise cause ilz se y sont opposés &
veult et ordonne la court/ que lesdictz gauffriers et patissiers seront
contrains a aller cuire et faire leurs gauffres aux carrefours et
aillieurs aultre part ou bon leur semblera sans eulx approcher desdictes
eglises et lieulx ou l'en yra en pellerinaige de deux ou aussy de troys
rues loing sur peine d'estre griefvement pugnis et les condempne la
court es despens de ceste instance ladicte tauxation reservee.



¶ Le .xlviii. arrest


Ung soir bien tard sus le soupper ainsi qu'on ostoit les plas de la
table de unes nopces ou ung jeune gallant amoureulx estoit que les
menestriers questoient l'aumosne pour monseigneur saint Julien/ il y eut
une tresbelle jeune dame assise a table qui en parlant d'amours ainsi
qu'on en devisoit a table dist audict gallant en passant ces motz. Telle
gerbe n'est pas sans lien & que il n'estoit pas homme pour demourer
derriere. Au moyen desquelles parolles il commença a tressuer de la
grant joye qu'il en eut en ce moment et la mena dancer la premiere et
depuis au retour quant il fut rassis au pres du lieu ou il l'avoit
ramenee ung aultre jeune gallant la vint prendre pour mener dancer a qui
elle fist assés grant accueil dont il en eut ung petit de mal en sa
teste & n'en fut pas trop content/ Mais il luy vient si bien que pendant
ce que ladicte dame danssoit il se vint arraisonner a sa chamberiere qui
estoit illec assise/ laquelle luy dist entre les aultres choses et sans
ce que ledict gallant luy en parlast qu'elle avoyt ouy dire a sadicte
maistresse/ tant de bien et d'honneur que merveilles et luy asseura
qu'elle l'aymoit au tant que il estoyt possible en pensant de ce que il
ne la venoyt veoir et quaqueter avecques elle. Si a ceste heure ledict
gallant fut moult fort surprins d'amours pas ne s'en fault esmerveiller/
Car sur le corps il n'avoit voine qui ne tremblast de joye et de liesse/
qui luy surmonta jusques au cueur/ et tellement que il entreprint de
l'aller veoir le lendemain et il n'y faillit pas: et depuis y a esté par
plusieurs journees: mais en effect tant plus y alloit et moins
appercevoit qu'on tint compte de luy et pource requeroit ledict galant
demandeur que icelle dame desclairast s'elle le vouloyt prendre a
serviteur ou non affin que il n'y pensast plus Et que au surplus ladicte
chamberiere qui ainsi luy avoit baillee l'aliance et fait trembler les
fievres blanches tout du long d'une nuyct feust condampnee a l'amender
envers luy/ et de telle amende honnorable et proffitable que ladicte
court adviseroit De la partie de ladicte dame fut dit que au regard
d'elle elle ne le hayoit point/ mais elle s'estoit pourveue d'ung aultre
serviteur par quoy disoit qu'on la debvoit tenir pour excusee Et entant
que touchoit ladicte chamberiere disoit voirement qu'elle avoit ouy dire
a sadicte maistresse autant de bien dudict compaignon que on pourroit
penser/ parquoy n'avoit failly en riens/ Et quant est de l'avoir
conseillé de venir par devers elle elle disoit qu'elle l'avoit faict
pour l'advancer pource que il est homme qui bien le valloit. Disoit
oultre que telles paroles qui entrent par une oreille s'en doivent aller
par l'autre & est moult grant follye aux gens de s'i fyer/ car il est
aucuneffoys force de dire des choses qui ne sont pas veritables pour
complaire aux gens et leur donner ung peu d'esperance pour venir es
biens qu'ilz desirent/ et par ces moyens et autres disoit la chamberiere
que elle estoit de voye de absolution/ mais les gens d'amours disoient
qu'il n'y a aujourd'huy plus dangereuse chose en amours que de telz
faulx rappors/ car c'est pour ravir ung homme jusques au troiziesme
ciel/ et en advient plusieurs inconveniens comme d'aulcuns povres
amoureux qui en perdent le boyre et le manger et les aultres en
deviennent comme bestes sans sçavoir qu'ilz ont. Et pource requeroient
lesdictes gens d'amours que ladicte court y mist provision mais ladite
chamberiere disoit que au regard d'elle elle n'avoit meffaict car veues
les pressupositions et parolles de sa maistresse qu'il estoit
vraysemblable qu'elle l'eust aymé s'il se fust sceu conduire. A quoy
ledit povre galant respondit qu'il n'y vouloit plus essayer et luy
souffisoit de ce qu'il en avoit faict sans plus y retourner pour le pris
comme dessus. lesquelles parties ouyes en tout ce qu'elles ont voulu
dire ont esté appointees en droit et au conseil et a la court veu ledict
procés & ce qu'il failloit veoir en ceste partie. Et tout veu la court
dit que ladicte chamberiere a failly & grandement abusé/ & a ceste cause
la condamne ladicte court a vuyder l'hostel de sa maistresse/ & si
ordonne que jamais ne portera chapperon de couleur ceinture verte & la
condamne en oultre en tous les despens dommaiges & interestz du povre
amant la tauxation reservee.



¶ Le .xlix. arrest.


En la court de ceans c'est assis ung aultre procés entre une tres
gracieuse Dame demanderesse en cas d'excés de une part/ & ung moult
gracieux compaignon jadis son amoureux deffendeur audict cas/ et
requerant l'enterinement de certaines lettres de pardon d'aultre part.
et disoit ladicte dame demanderesse que de long temps a pour les grans
biens qu'elle oyt dire de la personne dudict amoureux deffendeur elle
mist tout son cueur en luy & depuys luy a faict plusieurs plaisirs ainsi
qu'elle a peu/ mais nonobstant dangier et malle bouche qui s'en
doubtoyent aulcunement elle ne lui pouoit faire tousjours si bonne chere
qu'elle eust bien voulu ains estoit force aulcuneffois de dissimuler &
faire semblant ne le point congnoistre quant il la regardoit. Si estoit
vray que une journee il la salua ainsi que elle venoit de l'eglise mais
quant elle le apperceut/ pour ce que dangier rechignoyt desja de le
veoir de loing elle tout de gré retourna la teste de l'autre costé sans
luy dire mot dont ledit galant se despita et combien que en amours l'en
porte en pacience tous les maulx ainsi qu'ilz adviengnent et que il soit
deffendu de longuement garder son courroux/ ne user de aulcune
vengeance/ neantmoins ledit amoureux deffendeur de ce que elle ne le
voullut saluer comme elle le devoit faire a conspiré haine contre
ladicte dame/ pour laquelle mettre a execution/ ce jour propre le soir
bien tard il se transporta devant son huys/ et illecques comme mal meu
et eschauffé vint ruer d'eux ou trois grosses pelottes de neige contre
les fenestres de sadicte dame. Et aprés ce qu'il veit que on n'en tenoit
compte et que l'on ne sailloyt point dehors pour parler a lui il print
une grosse pierre et la gecta contre les verrieres tellement que il en
abbatit deux ou troys losenges qui vindrent comme si se eust esté chose
juree tout droict cheoir dessus la teste de ladicte dame demanderesse/
et dont en y eut une qui la vint frapper sur le nez si qu'il y eut
effusion de sang/ et encore non content de ce mais pour luy faire plus
grant despit il a fait despecer ung beau cordon qu'elle luy avoit donné/
et dont par despit il en a lacé une botte fauve en metant a son pied ce
qu'il debvoit mettre en sa teste. Et oultre plus a injurié ceste dame en
disant d'elle plusieurs maulx/ et qu'elle estoit maulvaise/ avecques
plusieurs autres parolles et minution de son honneur qui estoit mal fait
a luy & lesquelles choses dessusdictes comme digne de pugnition cheoyent
en reparation. Et pour ce prenoit ladicte dame ses conclusions a
l'encontre dudict amant affin que il feust par la court condampné a
reparer lesdictz excés envers elle d'amende honnourable nue teste/ et en
chemise tenant une torche ardante en sa main/ en dysant que faulsement
et maulvaisement il l'avoit grevee et blasmee/ et qu'il s'en repentoit
et cryoit mercy en se desdisant publycquement desdictes parolles par luy
dictes & ainsi condampné a faire ung voyage a sa devotion et partout ou
elle le vouldra encharger/ et pour amende prouffitable a la somme de
deux mille livres & a tenir prison ou il appartiendra/ et tout a ses
despens/ dommaiges et interestz de la partie dudict amant fut deffendu
au contraire & disoit par ses deffences qu'il failloit pressuposer que
ladicte dame estoit conduyte par danger en telle maniere que elle n'eust
sceu faire ung seul pas qu'elle ne l'eust eu tousjours aprés sa queue
ung faulx semblant pour la garder. Et n'y eut oncques amoureux de
memoire d'homme qui eust tant a faire/ et a souffrir que il a eu de la
servir car il ne s'en pouoit tirer pres fust de jour ou de nuit a
quelque heure que ce feust pour les gardes & batailles qui estoyent en
l'avant garde et en l'arriere garde et brief en la saison de l'yver
n'eust jamais peu aller ne parler a elle sinon que quant il geloit si
fort que les gens de fine froydure ne se osoyent tenir a l'huys qui
estoit tresgrande peine/ car il fault considerer que a toutes les foys
qu'il y alloit ne pouoit il pas encores parler a elle/ mais bien souvent
luy failloit retourner ainsi comment il estoit venu. Et se il avoit
grant peine en yver/ encores en avoit il beaucoup plus en esté/ car
jamais ne se fust avancé & aussi il n'eust osé aller devers elle en
quelque façon que se eust esté sinon quant il faisoit orage de temps/ ou
qu'il tonnoit/ esclairoit/ et espartyssoit de tous costez tellement que
il sembloit que les pierres fendissent et que le ciel deust cheoir embas
mesmement quant il couroit parmy les rues n'atendoit que le coup comme
ung homme desja condampné qui lui estoit ung grant danger sans les
autres inconveniens du vent et des gouttieres qui degoutoyent sur luy
dedans son dos comme qui les gectast par despit. Et fault noter que
quant il estoit arrivé en ceste estat jusques au logis de sa dame il
n'avoit habillement qui ne fust plein d'eaue voire tout le corps comme
s'il fust venu d'ung baing si que c'estoit pitié de le veoir et si au
mieulx ne gagnoit que ung baiser ou deux qui n'estoit pas
rescompensation legitime de la peine que il en prenoit. Au regard
encores que incontinent il s'en failloit retourner/ et passer par boys/
et par ruisseaux et aussi grant dangier que par devant sinon qu'il
attendoit dessoubz quelque auven que le maulvais temps feust passé et la
pluye cessee/ pressuposé cela disoit a une journee dont n'estoit recors
que il faisoit maulvais temps et ung froict extresme. Il se transporta
par devers l'uys de sadicte dame ou il fut bien l'espace de trois
grosses heures atendant la venue tellement que ses soulliers estoient
gellez et ne les pouoit ravoir de la terre. Et quant il vit qu'il n'en
oyoit point de nouvelles il commença a toussir deux ou .iii. fois et
puis hurtoit de la pointe de son patin a la porte & si ne lui respondoit
l'en riens dont voirement il se courrouça et despita et pour se
eschauffer feist une grosse pelotte de neige qu'il gecta contre pour se
ramentevoir/ et affin que l'en vint a luy. et peult bien estre que
ladicte pelote qui estoit ung peu pesante cassa ung petit de voirriere
dont les pieces & esclatz cheurent dessus la dame. Mais il ne le cuydoit
pas faire/ et jamais il n'eust pensé que elle eust esté dessoubz/ par
quoy le fault excuser/ ne quelque chose que sadicte dame ait voulu dire
il n'avoit haine a l'encontre d'elle/ car par maltallent il ne l'avoit
fait/ mais seulement pour ce qui luy ennuyoit d'avoir la tant longuement
atendu sans venir a luy. Et quant est du reffus de le saluer surquoy
elle vouloit fonder sa haine de malveillance disoit ledit amant qu'elle
fist sagement et ne luy en sceust oncques maulvais gré. Et qui plus est
n'eust sceu riens faire qu'il luy eust despleu ne mal contenté car tout
ce qu'elle voulloyt il desiroit & au regard du cordon qu'il avoit porté
aux piedz par despit d'elle disoit ledict amant deffendeur qu'il ne
l'avoit faict que par plaisance joyeuse/ et pour monstrer qu'il avoit
une moult belle dame il le faisoit pour l'amour de elle/ parquoy n'avoit
mesprins. Et au surplus touchant les injures disoyt que quant il
retourna ainsi angelé de l'huys de sadicte dame sans rien faire et a
l'occasion que en s'en retournant il rencontra ung vieil tronchet de
patissier qui luy cuyda fendre la greve de la jambe/ il mauldict ladicte
dame/ et peult bien estre qu'il dist qu'elle estoit traistesse/ car il
semble que se elle ne l'eust injurié ou que elle fust venue a l'huys il
ne feust point cheut en ce dangier/ ains eust esté garanty/ et encore
d'abondant entant qu'il auroit failly de son costé il avoit obtenues
lettres de pardon dont il requeroit l'enterinement et au moyen d'icelle
delivrance de ses biens et de sa personne attendu que par ce que dit est
ledit pardon estoit bien civil et raisonnable et demandoit despens au
cas que sadicte dame vouldroit plus persister au procés a l'encontre de
luy Aprés lesquelles deffences les gens d'amours reciterent les
informacions et disoient que ilz trouvoient grandement chargé ledit
amoureux deffendeur et ne se pouoyt excuser qu'il ne eust failly car sa
dame estoit notoirement en la sauvegarde d'amours et sont toutes voyes
de faict deffendues. Or avoit il par voye de fayct rompues les
voirrieres et ycelle dame blecee qu'il deust avoir revenchee voire
jusques a effusion de sang. Et ainsi se il eust donné ces choses a
entendre et le cas tel qu'il estoyt/ jamais ne eust obtenu pardon.
parquoy disoient qu'il en devoit estre pugny et requeroient que iceluy
povre amant fust banny a tousjours du royaulme d'amours a tant que ses
biens feussent desclairés confisquez et pour amende prouffitable au
double Ledict amant deffendeur soustenant ledit pardon disoit qu'il
n'auroit cause de le condampner et que quant il n'avoit pardon & qu'il
eust commis aulcune faulte/ si pourtant veu les paines qu'il avoit eues
& la charge du service enquoy il estoit obligé et ou pendoit la mort ou
la vie de chascune fois qu'il alloit vers ladicte dame il en devoit
demourer quitte et ne luy en debvoit on rien demander Et au regard du
cas l'en n'y pouoit noter mal. Premierement quant au gré de la partie il
avoyt cause de le faire veu le long temps qu'il avoit songé a l'huis/ et
affin qu'on ne luy peust pas faire entendant qui luy eust esté Si disoit
par son serment que alors qu'il getta ladicte pierre il avoit tant de
froit qu'il ne sentoit sa main & ne scet s'il getta fort ou foible mais
elle fut mout grevee et blecee et fut par grant fortune que les
voirryeres cheurent sur elle et entant que touchoit les injures et de ce
qu'il pouoit avoir legierement dit qu'elle estoit faulce et traistesse
Respondit que ce avoit esté par chaude colle & alors qu'il estoit blecé/
parquoy l'en ne s'i devoit arrester/ car quant ung homme a mal excessif
& que c'est la cause d'amours l'en ne s'en sçauroyt tenir aucuneffois de
maudire sa dame & tous ceux qui en sont cause ou par qui le cas est
advenu et par ainsi disoit que lesdictes lettres de pardon estoient bien
civilles/ et qu'on y devoit obtemperer mais sadicte dame disoit au
contraire et qu'il failloit premierement qu'il se desdist des injures/
et qu'elles devoient passer soubz dissimulacion/ Car quant ung serviteur
desprise sa maistresse ou dit mal de ceulx dont il doit avoir avancement
il doibt estre reputé infame et debouté de tous lesditz biens et si
fault qu'il l'amende ou aultrement chascun en voudroit autant faire. Et
quant est de la charge du service dont il est plaint et dire que jamais
homme n'entreprent si dangereuse poursuytte. Disoit ladicte dame qu'elle
ne luy faisoit pas faire et en avoit sa part de la paine comme luy
entant qu'il luy failloit trouver excusation legitime pour aveugler
dangier et faulx semblant que l'en ne peult pas de legier appaiser quant
ilz ont telle chose au cueur et ilz s'en doubtent Mais aussi de tant que
en la poursuitte d'amours l'en a griefve paine et douleur & l'on ne peut
avoir ung seul bien comme d'ung baisier en passant et entre deux huys
posé ores qu'il esclaire et face tonnerre jusques a tout rompre. Si
vault myeulx cela que tous les biens qu'on sçauroit souhaitier et avoir
sans peine pour suytte ung baisier ainsi prins en emblee que s'il avoit
engaigé deux cens muys de blé Et par ainsi de retorquer ledict service
ou compensation de peine il n'y avoit aucune apparence et concluoit
comme dessus Ouyes lesquelles parties en tout ce qu'elles ont voulu dire
et proposer elles ont esté apointees en droit et au produyre. Si a la
court veu ledict procés & dit que les lettres de pardon obtenues par
ledict povre amoureulx seront enterinees. Et en ce faisant la court
ordonne et mect sa propre personne et tous ses biens a playne delivrance
en rescompensant tous les despens et pour cause.



¶ Le .l. arrest


A la requeste du procureur general d'amours et par commission de la
court de ceans ont esté prins et constitués prisonnier deux malfaicteurs
et delinquans qui par leurs maulvaises langues avoient emblé la renommee
et desrobé l'honneur de plusieurs dames a tort et sans causes/ si ont
esté sur ce interroguees & ont confessé le cas. Et avecques ce que tout
le temps de leurs vie ont esté adonnés a grassement et goliardement
parler des biens d'amours en disant plusieurs ordes parolles en
malsonnans qu'il n'est besoing de reciter pour la turpitude d'icelles.
Et finablement ladicte confession veue/ et le procés faict sur icelle la
court les condampne tous deux a estre batus par trois samedis de verges
par les carrefours. Et si les bannist du royaulme d'amours a tousjours
en desclairant tous leurs biens confisquez. Et ordonne la court que tous
ceulx qui parleront ainsi deshonnestement contre l'honneur des dames ne
jouyront aulcunement des previleges d'amours/ et si seront pugnys si
tres griefvement que les aultres y prendront exemple.



¶ Le .li. arrest


En la court de ceans c'est assis ung aultre procés entre une belle jeune
dame & le procureur general d'amours adjoinct avec elle demandeurs en
cas d'excés d'une part/ & ung assez gentil compaignon jadis amoureulx de
ladicte dame prisonnier deffendeur audict cas/ et requerant
l'enterinement de certaine remission d'autre part. Et disoit ladicte
dame que combien que en amours l'en doibt endurer tout ce qu'il se faict
par esbat ou amytié et qu'il soit deffendu aux hommes qui desirent leur
avancement de ne proceder par voye de fait contre leurs dames jouant au
tiers en ung beau grant preau vert/ et par joyeuseté en courant par
derriere elle mist audict gallant ung tantinet d'herbe entre la chemise
et le dos/ ce gallant se despita si terriblement que il luy vint
incontinent bailler deux grans soufletz Et ne fut pas encores content de
cela ainçoys la tumba a terre et la descoiffa en la trainant par les
cheveulx devant tout le monde qui estoit illec/ comme s'elle eust esté
sa chamberiere en ce faisant voye de faict est deffendue force et
violence publicque en refraignant et derompant la sauvegarde d'amours ou
ladicte dame estoyt enclose/ et aultrement grandement moult excedant et
delinquant Et pource concluoit et requeroit ladicte dame a l'encontre
dudict deffendeur qu'il fut condampné et contrainct a reparer lesdictz
excés et oultraige et luy faire amende honnorable c'est assavoir en la
court de ceans et au preau ou le cas a esté commis nue teste et en
chemise tenant une torche ardant en sa main disant que a tort et
maulvaisement a bastue et descoiffee ceste dame/ il s'en repent et crye
mercy a elle/ et a toutes les dames qui estoient presentes Et avec ce
pource que le cas est enorme/ et qu'il touchoit l'honneur de icelle dame
demanderesse elle requeroit aussi que ledict deffendeur feust condampné
a souffrir pugnicion corporelle audict preau ou il avoit faict
l'oultraige en la maniere qui s'ensuyt. C'est assavoir qu'il feust lié
tout nud a ung pillier que l'on y atacheroit/ et que illec toutes les
dames qui virent ledict cas advenir le vinsent bastre a leurs aises
jusques a ce que il fust bien frotté pour donner exemple aux aultres qui
en vouldroient autant faire et en amende prouffitable en la somme de
deux mille livres ou que telles aultres conclusions luy feussent
adjugees que la court verroyt estre a faire en demandant despens
dommaiges et interestz. De la partie dudict amoureulx fut deffendu au
contraire et disoit que les hommes ne estoyent point tenus d'endurer des
dames se il ne leur plaist/ car elles sont subjectes/ & ne leur
appartient de venir mettre en leurs dos aulcunes herbes soit par esbat
ou aultrement/ car ce qui leur plaist en une maniere il desplaist aux
autres. Or estoit vray que ceste dame de son auctorité et sans dire qui
avoit perdu ou gaigné luy estoit venue getter dedens le dos en jouant au
tyers une poignee d'orties et d'ordure ou il y avoit parmy des fourmys
qui le picquoyent et faysoyent si grant mal que il ne pouoit durer. Et a
ceste cause comme tout esmeu par chaulde colle la vint frapper et
descoifer ainsi que a esté dit Et fault en ce noter qu'il n'y prenoit
pas garde/ mais pour la grant douleur qu'il sentoit au dos il ne s'en
peut tenir. Et duquel cas ainsi advenu icelluy amant depuis qu'il a esté
rassis a esté desplaisant de l'avoir faict. Et oultre plus c'estoit tiré
a la chancellerie d'amours/ et en avoit tout entierement obtenues
lettres de remission qui estoyent bien civilles et raisonnables veu ce
que dit est dont il requeroit l'enterinement alias concluoit affin
d'absolution et de despens Aprés lesquelles deffences les gens d'amours
disoyent que ilz avoyent veu les informations faictes en ceste matieres/
par lesquelles le cas estoyt veriffié. Et aussi ne le pouoit ledict
amant deffendeur nyer/ car luy mesmes l'avoit confessé. Et disoyent
lesdictz gens d'amours que l'excés estoit moult grant/ et l'oultrage
fait a ladicte dame excessif/ et que selon les droictz d'amours qui
parlent de ceste matiere la pugnition y est si tresgrande/ qu'on ne
sçauroit dire et nompas seulement sont telz gens qui battent et frappent
leurs dames dignes de mort acoustumee mais doibt l'en deppartir et
detrancher tous leurs membres par pieces/ aussi en effect c'est venu
encontre la souveraineté d'amours/ et encourir crime de leze magesté. Et
pource requeroyent et concluoyent lesdictes gens d'amours que ledict
amant deffendeur feust pugny de pugnition corporelle & publicque/ et en
ce faisant condampné a souffrir mort/ et estre executé par justice. et
quant a la remission disoyent que l'en n'y debvoit obtemperer/ car le
cas de soy estoit inremissible/ et failloit tout ainsi que ledit amant
avoit faict ledict cas publicquement que le cas feust pugny devant la
veue du monde aussi de le faire aultrement ladicte dame demoureroyt
deshonnoree a tousjours mais qui ne se pouoit soubstenir en raison Par
quoy comme dessus l'en n'y debvoit en riens obtemperer consideré
mesmement l'enormité dudit cas et le consequent qui en peut advenir. Et
finablement disoyent que se ledict delict demouroit impuny il n'y auroit
jamais dame seure/ et seroyent tous les biens d'amours desprisez & mis
dessoubz le pied par telz & meschans gens qui vouldroyent bien frapper
aulcuneffois concluant comme dessus. Aprés les conclusions ainsi prises
par lesdictes gens d'amours icelle dame emploioit ce que ilz avoyent dit
a son proffit et oultre pour deffendre ladicte remission entant qu'il
luy touchoit elle disoit qu'elle ne debvoit estre enterinee audict
amant/ car elle estoit subretice/ obretice/ et desraisonnable subrectice
entant qu'il avoit sceu que ladicte dame estoit en sa sauvegarde
d'amours quant il perpetra lesdictz excés en la presence d'elle et aussi
que elle a sceu que l'herbe qu'elle luy gecta dedans le doz n'estoit que
par esbatement et en signe d'amour comment l'en peult ymaginer et s'eust
esté ung aultre homme a qui elle eust voulu mal jamais ne se y fust
jouee Et a la verité de tant qu'elle se seroit jouee a luy se l'amoureux
estoit tel qu'il devoit estre il l'en debvoit plus priser Et monstroit
bien que il ne sçavoit gueres d'honneur. Obretice car il avoit donné a
entendre en ladicte remission que ladicte dame luy avoit getté des
orties et des formis entre la chair & la chemise mais le contraire est
vray c'est assavoir qu'il n'y avoit que belle herbe verte sans qu'il y
eust point d'orties ne de formis ne que cela luy eut oncques fait mal ne
desplaisir Et si au regard d'elle pour s'aquitter et monstrer l'amour
qu'elle avoit en luy elle pouoit bien cela faire et luy estoit permis
selon l'anticque et commung proverbe qui dict que gens qui s'entrayment
pierres s'entreruent. Incivil/ car pardonner tel cas c'est en effect
consentir que une dame demeure blasmee & infame sans avoir reparation de
son honneur qui ne se peult faire en terme de raison. Et aussi que
ledict amant avoit trainee par les cheveux/ et devant tout chascun
estoit de soy inremissible Disoit oultre ladicte dame que ladite
remission estoit desraisonnable/ car se telles choses avoient lieu & que
amoureux fussent quictes de telz maulx pour prendre une pareille
remission Il vauldroit aussy chier qu'il n'y eust plus de justice en
amours et gaigneroit l'en autant a faire mal que bien. Mais ledict amant
deffendeur soustenant sa remission disoit que le cas n'estoit si grant
ne si mauvais comme l'en le faisoit de beaucoup Premierement car ladicte
dame l'avoit menassé et sans ce qu'il luy demandast rien estoit venue
toucher lesdictes herbes et orties parquoy s'il s'estoit revenché il
avoyt de raison Secondement posé qu'il eust frappé si n'avoit elle point
esté affolee et si ne l'avoit faict ledict amant que par jeu. Tiercement
le cas estoit advenu par hastiveté de chaulde colle voire en estant
cause promovent. Et par ainsi ladite remission estoit bien fondee et
raisonnable et ne failloit point parler d'incivilité ne dire que amours
ne puissent pardonner tel cas/ car de plus grans la moytié/ le
chancellier d'amours baille tous les jours remission voire a ceux qui
ont tué leurs dames et estoit trop contente la puissance et souveraineté
d'amours Disant oultre ledict amant que en sesdites lettres de remission
il avoit donné a entendre toute la pure verité du cas Parquoy l'en y
devoit obtemperer et concluoit comme dessus Mais les gens d'amours en
luy respondant disoient que ce cas ne se devoit jamais pardonner ne
remettre avecques les autres/ car d'avoir ainsi frappé ladicte dame et
traisnee par les cheveulx se estoit offence inremissible et donner
occasion a chascun qui la estoient presens de penser qu'il sçavoit
quelque mal a la dame et d'en publier contre son honneur ce qui n'est
point. parquoy il failloit que sa faulte feust reparee publiquement Et
ne la devoit l'en point passer soubz dissimulation. Ouyes lesquelles
parties en tout ce qu'elles ont voulu dire et alleguer elles ont esté
appointees en droit a mettre par devers la court et au conseil. Si a
ladicte court veu le procés avec lesdictes lettres de remission & tout
ce qu'il failloit veoir en ceste matiere. Et tout veu et consideré ce
que il failloit a considerer/ la court dit que lesdictes lettres de
remission sont incivilles et qu'elle n'y obtemperera point/ et deffendit
au chancelier d'amours de n'en bailler plus de pareilles a quelque
amoureulx que ce soit. Et condampne la court ledict amant deffendeur
pour reparacion dudict cas a estre despoullé tout nud et ordonne qu'il
luy sera en cest estat baillé et delivré par le bourreau quatre vieilles
chamberieres d'estuves pour le tresbien vanner dedens une vieille coste
poincte de prisonniers/ ou d'autre vieille couverture pleine de poux et
de vermine Et cela faict le condampne a estre jecté tout nud en ung
champ plain d'orties et de chardons. Et au surplus le bannist a
tousjours mais du royaulme d'amours et du service des dames en
desclairant tous et chascuns ses biens confisquez.



L'arrest finy ledit president qui estoit las & n'en pouoit plus dist au
peuple illec attendant. Le greffier dira le surplus/ ainsi le greffier
s'avança de plusieurs autres arrestz dire mais de tous ceulx qu'il
prononça ne peuz rien rapporter ne escripre/ il avoit ung peu la voix
basse tant qu'on ne le pouoyt entendre.

    Si eut arrest et jugement
    Prononcez lors tant que merveilles
    Dont je vis mains povres amans
    Plourer & grater leurs oreilles

    Et ceulx qui cuydoient pour eulx
    Furent contre eulx je vous affie
    Se les jugemens sont douteux
    Nul n'est pas saige qui s'i fie

    Si fais veu aux dames
    Que plus ne serviray amours.
    Se g'y ay mesprins je m'en repens/
    Ailleurs me fault prendre mon cours.

    Et quant est d'espoir et recours
    Ilz m'ont esté par trop rigoureux
    Et pource soubstiendray tousjours
    Que les loyaux sont les plus douloureux.



¶ Cy finissent les cinquante et ung arrest d'amours. Nouvellement
imprimé a paris par la veufve feu Jehan trepperel et Jehan jehannot
Imprimeur et Libraire juré en l'université de paris Demourant en la rue
neufve nostre dame a l'enseigne de l'escu de France.



Notes du transcripteur


L'orthographe et la ponctuation sont conformes à l'original. Pour
faciliter la lecture, on a ajouté apostrophes, accents et cédilles,
distingué i/j et u/v, et résolu les abréviations conventionnelles (par
exemple cõe > comme).

Certaines erreurs manifestes ont été corrigées (confusion entre
qui/qu'il/qu'ilz, doublons, interversions ou substitutions de lettres,
etc.)





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