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Title: Chair
Author: Montfort, Eugène
Language: French
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available by Internet Archive (https://archive.org)



      Images of the original pages are available through
      Internet Archive. See
      https://archive.org/details/chairmont00mont


 Au lecteur.

    L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée,
    mais quelques erreurs clairement introduites par le typographe ou
    à l'impression ont été corrigées. La liste de ces corrections se
    trouve à la fin du texte.

    La ponctuation a été tacitement corrigée à plusieurs endroits.

    Le texte =reproduit ainsi= est imprimé en gras dans l'original.

    Le chapitre X est vide dans l'original, sans doute intentionnellement.



CHAIR


      *      *      *      *      *      *

  IL A ÉTÉ TIRÉ DE CET OUVRAGE
  _dix exemplaires
  sur Japon impérial; numérotés de 1 à 10_


DU MÊME AUTEUR

  =A LA MÊME LIBRAIRIE=

  =SYLVIE OU LES ÉMOIS PASSIONNÉS=                    =2 50=


=A LA LIBRAIRIE DE LA LUTTE= (Bruxelles)

  =EXPOSÉ DU NATURISME=, discours prononcé au Palais
    des Académies, Congrès de Bruxelles,
    20 février 1898                                 (Épuisé)


SOUS PRESSE:

  =ESSAI SUR L’AMOUR=


EN PRÉPARATION:

  =L’AMOUR=, roman.
  =L’HOMME JUSTE=, un acte, drame.

      *      *      *      *      *      *


EUGÈNE MONTFORT

CHAIR


[Logo]



PARIS
ÉDITION DV MERCVRE DE FRANCE
XV, RVE DE L’ÉCHAVDÉ St-GERMAIN

M DCCC XCVIII



Chair



I


Passe une robe blanche, toute blanche dressée comme l’aile d’une
barque... Vision pour l’élan de mon cœur exalté... Où vas-tu? D’où
viens-tu? Tu glisses sur l’or du sable comme mon rêve. Tu ondules, tu
te penches, tu te balances, barque sur le flot. Mon cœur se balance.
Ah! qu’un coup de vent vienne, il l’emportera! Je ne veux pas! Je ne
veux pas!... O courir, ô la joindre!... Aile blanche! Aile blanche!...
Mais elle se tourne, et elle revient, mais elle revient, elle va
passer... Oh! Oh! elle me regarde... O mon âme elle m’a regardé!...
Qu’elle est belle!... Nos yeux se sont baisés... Qu’elle est belle!
Qu’elle est belle! Ses cheveux sont lourds... Qu’elle est belle! je
vois la lumière de son cou, je vois ses bras nus... Qu’elle est belle!
Sa chair est transparente comme le ciel...


Elle est passée, elle m’a regardé. Et voilà qu’elle fuit! Où va-t-elle?
Est-ce qu’elle est folle?... Elle sent bien que ce n’est pas fini...
Je suis ébloui, je vais tomber... comment peut-elle marcher?... Où
va-t-elle?... où va-t-elle?... Je ne me suis pas trompé, mon Dieu,
son image vivante est entrée en moi, et elle est toute brillante...
Elle va vite! elle va très vite! elle court!... Peut-être est-elle
surprise,--d’avoir tressailli ainsi, elle a peur, elle ne sait pas,
elle est toute affolée, et elle court...


... Il faut que je l’approche. Je n’ose pas. Elle a si peur. Il
faudrait encore un baiser de nos yeux... Quand je lui aurai parlé,
elle s’abandonnera... Elle reconnaîtra ma voix, ma voix est faite pour
son oreille... Elle reprendra son calme, elle respirera doucement, je
ne troublerai rien dans son atmosphère... Je l’approcherai et elle me
reconnaîtra... maintenant elle ne sait pas encore... Elle a détaché une
musique dans ma pensée... Elle va, elle va toujours. Il y a des rochers
là-bas, qui l’arrêteront. Alors j’irai près d’elle, je la regarderai,
et je lui offrirai ma main pour passer les rochers...

                   *       *       *       *       *

Elle a pris ma main!... Je le savais bien... Ah! mon cœur va
éclater!... Les roches sont glissantes, je la tiens, je sens de sa
chair dans ma main... Elle a pris ma main!... Ma main, fais-toi
délicate, fais-toi douce, deviens comme une fourrure, enveloppe-la
savoureusement,... comme si tu étais une bouche baisante, ma main,
presse-la un peu mollement... Ah mon cœur va éclater!.... O ma voix,
toi qu’elle entend, descends en elle comme un charme, ma voix, ondule
et caresse-la... Mais elle parle! ô c’est un ruisseau, ses mots sont
des gouttes d’eau, qui tombent en courant, babilleuses, dans l’eau.
Quelle musique! source de fraîcheur, ô frisson de joie, je voudrais
que ta voix parle dans mon cœur, et je boirais dans mon cœur ta voix,
l’irisement, le prisme aux sept saveurs des gouttes d’eau de tes
paroles....

                   *       *       *       *       *

Elle marche auprès de moi! Elle me parle!... Tout de suite elle a été
apaisée, maintenant elle me regarde, elle est confiante, elle se tourne
vers moi, elle est comme une fleur ouverte, son âme se sent libre avec
la mienne... Je ne peux pas retirer mes yeux de ses yeux, il y a dans
ses yeux plus d’espace, plus de profondeur pour mes yeux qu’au ciel...
Mon Dieu elle me sourit!... C’est avec un sourire qu’elle me voit!...
Ah! la joie de mon cœur est comme l’aurore...


Marcher ainsi toujours près d’elle! Je voudrais que cette plage ne
finisse jamais! Toute la vie, je voudrais aller ainsi avec ce bonheur.
Jamais je ne serai plus heureux! Je l’aime, et je sens qu’elle va
m’aimer... Elle est attentive, elle me sourit... Je sens toute son âme,
saisie, qui me regarde, et elle tremble de joie....

                   *       *       *       *       *

... Nous nous sommes arrêtés dans une baie de sable, elle s’est appuyée
contre un rocher... Elle me regardait! elle me regardait! Je me suis
penché. Elle parfumait comme une fleur au chaud midi s’exhalant... Ah!
de toute la largeur soulevée de ma poitrine, je l’ai respirée... Elle
souriait... Victoire! Victoire! Tumulte!... mes lèvres ont bondi sur
sa bouche, et l’ont prise!... Puis je me suis évanoui à respirer son
souffle....

                   *       *       *       *       *

... Marthe! Marthe! tu t’appelles Marthe! ô jamais je n’ai entendu
rien de plus délicieux... Marthe!... Je n’entends plus rien... Marthe!
Marthe!...

                                   *

... Je vois ton cou Marthe, il jaillit... ô fleurs! ô sourires, ô
couleur des aurores!... Ton cou jaillit... Courbe, ovale divin,
transparences aux reflets bleus! Toute ma vie, je veux la vivre à
adorer ton cou... Suavité! Suavité!... Mon Dieu, pour des baisers sur
ce cou, il faudrait une autre bouche, d’autres lèvres inimaginables...
Ton cou jaillit! Neige et nectar d’aurore! ô faire fondre et boire le
blanc de ce cou! ô joie d’azur! ô paradis ivre!...

                                   *

O les seins sous l’étoffe respirante! et les hanches mouvantes! la
chair silencieuse et pleine de vie! O mettre ma main sur ta chair,
Marthe, la toucher seulement, là, sous ton corsage... Je sens naître
mille bouches qui aspirent, qui se tendent, qui demandent ton baiser...

                                   *

Des parfums, des oiseaux, du ciel divin, et des baisers, elle me
semblait mourante... Je la baisais toujours, sur elle, blanche partout,
écrasant le sang rouge de ma bouche...



II


Je n’ai pas pu dormir, toute ma tête résonnait des baisers, dans la
nuit, ma bouche se tendait, je n’avais plus de souffle, un grand mal
est entré en moi, je sens mon cœur gonflé dans ma poitrine, j’étouffe...

Est-ce l’amour, mon Dieu, est-ce l’amour? Je suis languissant et je
suis plein de force. Je suis près de m’évanouir, je suis las, je suis
désolé,--et je suis si triomphant que je voudrais une trompe de cuivre
pour lancer jusqu’au bout du monde les cris de mon âme éclatante!...
Marthe! Marthe!... Je voudrais la tenir serrée contre moi, et mes bras
sont vides!... Marthe!... Mon corps brûle comme un charbon, il doit
mordre et creuser les draps, quand je me lèverai, ce sera d’un trou
noir de cendres!...

Marthe!... Elle était avec moi; je la touchais, elle avait des yeux
clairs, j’ai baisé sa bouche, c’est comme un fruit, elle a une peau
parfumée qui doit couvrir une petite chair fondante de fruit, on y
goûte un suc de délice...

Elle n’est plus là! Elle n’est plus là! O j’ai la fièvre! ô j’ai du
mal! Mon Dieu, elle ne m’aimera peut-être plus... Et si nous allions
mourir maintenant?... ô mon Dieu, mon Dieu, faites qu’elle vive
encore!... Hélas! ah! si elle mourait! elle pourrait mourir... c’est si
facile de mourir... Mais alors! mon Dieu, qu’est-ce que je deviendrais,
moi qui suis si heureux, moi qui crois que je vais avoir tant de
bonheur?...


... Quelle joie! Je n’ai jamais eu tant de joie qu’hier! Que je
suis heureux!... Ah comment cela peut-il se faire? Il faut que Dieu
veuille mon bonheur... C’est le plus grand hasard, je l’ai rencontrée
tout-à-coup... Arriver sur la plage à la minute où elle passait! Depuis
que mon père m’a créé, il faut que tout ce que j’ai fait ait été
combiné avec toutes les minutes, pour qu’à cette minute-là justement
j’arrive sur la plage... Je l’ai vue, je lui ai donné la main, et nos
lèvres se sont baisées!... Elle m’aime! Elle m’aime!... Comme c’est
simple de s’aimer. Nous nous sommes aimés tout de suite. On croit qu’on
ne sera jamais aimé, on imagine que c’est une aventure extraordinaire,
on la demande, on l’appelle comme une chose impossible... Et c’est si
simple! on va l’un vers l’autre, on se regarde, et tout de suite c’est
l’amour...

                   *       *       *       *       *

Hier!... Hier, je descendais le chemin, je ne l’avais pas encore
vue! Je ne l’avais pas encore vue! Est-ce possible? Je ne savais rien,
je ne m’attendais à rien. J’allais comme cela, sans savoir... Ah!
depuis cette heure là, on dirait que j’ai fait le tour du monde!... Je
ne l’avais pas encore vue!... Je ne savais pas qu’elle existait, je
ne savais pas qu’elle respirait... Je ne savais pas que j’allais vers
elle, et elle ne savait pas qu’elle venait vers moi... J’allais!... et
c’était pour la rencontrer, et c’était pour lui prendre la main, et
c’était pour la baiser, et pour qu’elle me baisât sur le cœur...

Je descendais le chemin, ô tout était si beau!... Sans doute parce que
nous allions nous rencontrer, et les choses profondes le sentaient,
il n’y avait que nous qui ne le savions pas... Quand elle est passée,
j’ai eu une émotion comme si toute mon âme se renversait. Il n’y a pas
encore un jour! Il n’y a pas encore un jour! Je tremblais, j’avais vu
tout de suite que pour moi elle était belle comme Dieu! et je ne savais
pas si jamais je lui parlerais, ni même si jamais il m’arriverait
encore de pouvoir la regarder... Je tremblais, je ne savais pas... O
comme tout cela est loin!... Je lui ai parlé, elle m’a parlé, je l’ai
touchée avec mes lèvres, et elle m’a touché avec ses lèvres... Il n’y
a pas encore un jour... Mon Dieu, elle a tout saisi en moi. Depuis que
je l’ai vue, on dirait que sont nés en moi un millier de ces miroirs si
blancs qui étourdissent à regarder, et qu’ils ont pris, et qu’ils ont
mis dans mon cœur toute la lumière qui flotte sur le monde...

                   *       *       *       *       *

Marthe! Marthe! Marthe! je ne peux plus attendre, je veux te voir,
je veux te voir!... Tu es entrée dans ma tête et tu l’as prise, tu es
entrée dans ma tête, tout s’est évanoui, je ne sais plus rien, je ne
vois plus rien, tout ce que je pensais s’est fané. Marthe! je ne peux
pas vivre. Chaque instant sans toi, quelque chose gonfle mon cœur, il y
a quelque chose dans mon cœur qui veut s’échapper, qui veut s’envoler
comme un oiseau qu’on tient dans sa main les ailes fermées, il y a
comme une fleur qui veut s’épanouir, pleine de vie, pleine de sève,
et dont le calice est attaché! Marthe! mon cœur, mon cœur te veut, il
veut s’ouvrir, il veut s’épanouir, il veut se répandre en toi... Et tu
n’es pas là!... Il se gonfle, il va éclater... Une nuit encore avant
de te voir!... ô toutes mes veines battent, mon sang bouillonne, je
tremble... Je vais mourir... J’ai la fièvre, ma poitrine étouffe... je
cherche de l’air, je ne puis pas respirer. Mon Dieu, ferme mes yeux,
retire d’elle ma pensée, donne-moi du sommeil, protège-moi, ou je vais
mourir avant la fin de la nuit...



III


A l’aube je me suis levé, j’ai couru sur la route vers le ciel rouge.
J’étais fou. Mon cœur était tordu dans ma poitrine. Pour rafraîchir
tout mon être enflammé, je me suis baigné dans une prairie, j’ai trempé
mon front dans la rosée, et je sentais toutes les petites feuilles et
toutes les petites herbes humides sur mon front, et j’ai enfoncé mes
mains dans des touffes de fleurs et dans des buissons.

O mal de mon âme, qu’est-ce qui pourra te soulager? je souffre,
je suis mordu indiscontinûment par une soif ardente. La voir! la
voir!... Hélas comment perdre ma souffrance? Hélas que faire? Hélas! où
aller?... Mon Dieu, rien ne me distrait plus, ni les oiseaux chantants,
ni le parfum des fleurs, il n’y a qu’elle qui soit un oiseau chantant,
il n’y a qu’elle qui soit une fleur qui parfume... Avant qu’elle ne
vienne, mon Dieu, je vais mourir mille fois...

Je ne peux pas être ainsi, étendu, immobile comme s’il n’y avait rien
en moi que de la fraîcheur et de la paix. Je ne peux pas être ainsi les
yeux au ciel, je ne peux pas me reposer, je ne peux pas être comme une
chose qui coule doucement, naturellement, en chantant, au milieu de
toutes les autres choses, j’ai une fièvre qui me dévore, je voudrais
m’agiter pour oublier mon mal. Hélas! il n’y a qu’un regard d’elle
qui me guérira, quand je serai avec elle et que je sentirai là, tout
près, sa petite âme, son petit souffle, je serai apaisé, et je serai
tranquille. Ce sera comme un champ de violettes qui lèvera dans mon
cœur...

Où es-tu Marthe? où es-tu?... Voici le chemin qui descend à la mer.
Nous nous y sommes baisés tous les deux. Il nous a vu. O comme les
fleurs sont blanches! Je me sens défaillir, j’ai envie de gémir...

... Là, par l’éclaircie des arbres, mais c’est elle sur le sable
assise!... C’est elle! C’est elle!... Mon Dieu toute la lumière du
ciel s’éteint. On dirait qu’elle a pris toute la lumière. Je vais
mourir, mes veines s’ouvrent, et je suis faible comme si mon sang se
répandait... Marthe! Marthe! Ah comment ne sent-elle pas que je suis
derrière elle... Bien-Aimée, tourne-toi, regarde-moi... J’approche, je
suis dans l’air et le ciel qui la trempent... Bonjour Marthe! Bonjour
Marthe! Bonjour! Bonjour! O son regard, ses lèvres, son front, son cou,
toute sa chair penchée vers moi! J’ai dans la tête tant de flammes,
tant de bruit, tant d’amour, que je ne puis que tomber à tes pieds,
épuisé, et te regarder, avec toute la tendresse, avec tout l’amour
infini, avec toutes les caresses de mes yeux. Te regarder! sentir mes
yeux se noyer dans tes yeux qui baisent mes yeux!... Marthe je ne puis
rien dire... j’ai souffert! je t’avais vue, et je ne te voyais plus!...
Et maintenant je te revois! je te sens, là, je te sens toute aimante,
et toute à moi...

Donne moi ta main, Marthe, mets ta main dans le feu de ma main,
j’aime la chair de ta paume et la chair un peu molle de tes doigts,
et la chair de ton poignet pâle... Nos mains se tiennent, nos mains
heureuses... Quand tu serres ma main, Bien-aimée, je sens tout l’amour
qui fleurit dans ton cœur, et mon cœur s’épanouit. De ton cœur à ta
main brûlant le courant va, glisse, il passe dans ma main, il me
pénètre, il coule en nous, ah! c’est comme si nous avions une seule
vie, on dirait que ma chair est ta chair...

Restons là sans bouger, Marthe; nous pourrions attendre l’éternité,
nous n’épuiserions pas la source du délice. Tu m’aimes, et je t’aime,
nul n’aura jamais une joie aussi profonde... Je suis étendu à regarder
la lumière dans tes yeux, et je vois que toute ton âme est ravie,
qu’elle sourit et qu’elle se donne. Quelque chose circule en nous,
coule de toi à moi, à travers nos mains, à travers nos yeux. Et cela
seulement nous remplit de bonheur. Pour nous, c’est plus que toute la
vie de l’univers, nous pourrions rester là toujours, et nous serions
toujours heureux... Rien n’existe plus, finesse, douceur du sable,
lumière pure, couleur charmante du ciel et de la mer, rien n’existe
plus... Marthe, je suis couché à tes pieds, et je ne sais plus que cela
au monde. Je t’aime! je t’aime! tu me donnes tes yeux, je vois que tu
m’aimes, et tu es heureuse, et je suis heureux...

O Marthe! Marthe! mon amour! ma rose! mon délice! ma musique!
j’ai souffert comme un malheureux, parce que tu n’étais pas là, et
maintenant je suis heureux comme un bienheureux parce que tu es là...



IV


Ce soir! Ce soir! Quand tu t’es abandonnée, mourante, à mon bras, quand
le regard de mon âme presqu’évanouie s’est mêlé au tien, quand je t’ai
sentie, toute tremblante, et si éperdue, et si pressante qu’il semblait
que tu voulais entrer dans mon cœur, tes lèvres, je les ai entendu
murmurer, tout bas presque, et dans un souffle: «Ce soir...

Ce soir! Ce soir! Mon Dieu, tu me regardais comme si tu voyais en
moi des paradis, tu frémissais, tu étais douce, tu étais tendre, et
presque désolée, peut-être, comme le crépuscule... Quand nous nous
sommes étendus sur la mousse, et quand je t’ai enlacée, nos bouches, en
s’approchant, étaient comme expirantes, et nos cœurs battaient si fort,
et nos bras étaient si faibles que nous crûmes nous évanouir... Marthe!
nous étions sur la mousse, et ta bouche sur ma bouche, et nos yeux sur
nos yeux, et notre âme était bondissante! Marthe, nous étions serrés,
nous étions suffoquants, j’ai cru que nous allions mourir d’amour...
Comme une fleur qui jaillit, comme un sanglot, ta voix monta: «Ce
soir...


Ce soir! Mon Dieu, j’attends ce soir comme s’il allait apparaître des
choses inouïes... Ce soir!... Sans doute, je vais vivre toute ma vie...
Ce soir! ce soir!... On dirait qu’après, je n’aurai plus qu’à mourir...



V


Le bruit du monde s’est écoulé, toute la lumière est ensevelie. Il fait
nuit. Je ne respire plus. La soif qui m’altère est immense...

Des soupirs qui s’appuient, Marthe, la mer est lourde. Les soupirs
montent au ciel, et soutiennent les astres. Les soupirs remplissent la
terre. Les soupirs sont ce qui deviendra ensuite les plaintes et les
gémissements d’amour. Je souffre, Marthe, un soupir sans fin qui gonfle
ma poitrine, la laisse anxieuse et vide...

Penches toi sur moi, prends ma bouche; penches toi sur moi, prends mes
yeux. Écoute, je suis plein de toi; tu es dans mon sang, prends mon
sang; écoute, tu es toute en moi, prends toi; tu m’as chassé de moi, tu
t’es mise en moi, ce n’est plus en moi que je vis, c’est en toi. Prends
moi. Prends moi dans ton ventre, dans ta tête et dans ton cœur. Je ne
suis plus moi, je suis toi. Je suis toi, ne me laisse pas loin de toi,
je suis quelque chose de toi séparé de toi. Marthe! ah! ne le sens-tu
pas? Marthe, ne souffres-tu pas, parce que je ne suis en toi? Tout ce
que j’ai en moi pourtant, est parti de toi. J’ai de ton souffle et de
ta vie, tu dois être plus faible en souffle et en vie. J’ai tes veines,
et j’ai de ton sang, ah! tu dois avoir moins de sang!

Colle tes lèvres à mes lèvres, Marthe, colle ta chair à ma chair, colle
tes bras, colle tes mains, appelle en moi tout ce qui est à toi. Il y a
en moi des échos pour chaque partie de toi, tes yeux ont un écho, tes
seins ont un écho, ta bouche a un écho, et si tel lieu divin de toi
s’appelle en moi, son écho lui répondra.

Tu parles et tu vis en moi, Marthe. Tu es en moi, toute en moi. Ton
premier regard, dans mon être profond, lança un germe que ta voix fit
croître, et qu’arrosèrent tes gestes, la vue de ta chevelure et de ton
cou, et ton sourire. Il a poussé dans mon cœur, il a jeté ses rameaux
tout autour, il s’est étendu, et maintenant je suis envahi. Et c’est
toi, Marthe, ainsi qui es en moi. Tu es en moi, partout en moi...
Chaque geste, chaque sourire, chaque regard de toi, chaque parole
s’est reflété en moi comme dans un miroir qui respire et qui sent.
Mais ce miroir-là ne tire pas à lui que l’aspect, il prend aussi la
vie que recouvre l’aspect. Et quand un sourire de toi entre en moi, ce
n’est pas le dessin seulement de la couleur de tes lèvres qui se peint
sur l’eau fragile de mon âme, quand un sourire de toi entre en moi,
Marthe, la chair même de tes lèvres, leur lourdeur, leur épaisseur, se
creuse dans ma chair et s’y loge, de sorte que j’ai en moi, réellement
tes lèvres qui sourirent, leur peau, leur matière et leur sang.--Et
maintenant il y a dans mon cœur une Marthe qui te regarde, qui souffre
et qui attend. Ah! viens! Vois-la, reconnais-la, couvre toi de ta
forme, habille toi de ton image. Viens! Nous ne souffrirons plus.
Viens! A toi, rends toi, reprends toi, à moi, rends moi. Viens, nous
allons être heureux comme Dieu.

Serre moi, Marthe, attache moi de tes bras, enfonce toi dans ma
poitrine... Dans mes yeux regarde, vois-tu tes yeux sous les miens;
reprends tes yeux. Si tu voyais sous mes joues, tu verrais tes joues,
si tu voyais sous mon front, tu verrais ton front, si tu voyais sous
mon cou, tu verrais ton cou. Tu es en moi, partout, reprends-toi,
reprends-toi.

Bien-aimée, mes yeux te voient comme ils n’ont jamais vu, mes mains
te touchent comme si elles se touchaient, bien-aimée, j’ai une soif
immense. Bien-aimée, remplis ma bouche de ta saveur, bien-aimée, fais
trembler mes narines de ton parfum... Nos bouches se baisent comme pour
se boire. Nous souffrons de l’amour, bien-aimée, nous souffrons de nous
sentir hors de nous-mêmes. Le baiser baise comme pour pomper la vie.
Mon baiser baise, mon baiser aspire, mon baiser veut reconquérir tout
ce qui de moi est en toi; nous souffrons car il nous manque trop de
nous; nous nous baisons, c’est pour reprendre en nous ce que nous nous
sommes pris. Mon baiser aspire le suc de ta bouche: Je veux tirer du
fond de toi, faire remonter en toi, et reboire à ta bouche, ce que tu
bus de moi...

Nos bouches se baisent à s’épuiser, Marthe. O laisse ta chair enchantée
sur la mienne, des bouches partout se baisent tout le long de nous...
Marthe! Marthe! une joie immense monte en moi... Ah! je sens s’ouvrir
les portes de nous-mêmes. Nous sommes des eaux qui se mêlent... ô
joie! ce qui est en moi coule en toi, ce qui est en toi, coule en
moi... ô délice, tu n’es plus trop en moi, je ne suis plus trop en toi;
tu es en moi comme je suis en toi, je suis en toi comme je suis en
moi... Bonheur! nous coulons l’un dans l’autre... Nous sommes des eaux
mêlées! nous sommes des eaux mêlées!...

Bien-aimée! Bien-aimée! Quelle joie! Quelle lumière! C’est le sang
de Dieu qui glisse en nous. Tout s’éclaire, des lacs éblouissent,
les échos parlent, tout résonne, je suis rempli de vibrations, mon
âme est comme le tremblement d’une cloche, j’entends, j’entends en
moi, immense, le bruissement de feuilles d’airain, sans nombre qui
frémissent au vent...



VI


Tu m’as repris tout de suite. Je croyais être sorti de toi, mais tu
n’as fait qu’un pas, et j’ai senti que j’étais encore en toi, tu n’as
fait qu’un pas, et j’ai senti que mon âme s’en allait encore avec
toi... tu es près de moi: je suis plein de vie, de force et de sang; tu
t’éloignes un peu: mes veines s’ouvrent; tu t’éloignes plus: mon sang
s’écoule; je ne te vois plus: tout mon sang s’est écoulé, il n’y a plus
là qu’une chair répandue, étalée, pâle, informe; elle ne voit plus,
elle n’entend plus, elle respire à peine...

                                   *

... Tu n’es pas là, Marthe; je ne sais pas où je suis. Tu es partie
avec ma vie. Entre toi et moi je sens un fil qui se tend quand tu
t’éloignes; il se tend, et c’est cela qui me fait mal. O Marthe! si
tu t’éloignais jusqu’à le rompre, le sang jaillirait, mon cœur se
briserait en morceaux sanglants...

Je ne sais pas où tu es. Tu es loin, et je ne vis pas...

                                   *

... Où es-tu, Marthe? Qu’est-ce que tu fais? A quoi penses-tu? Mon cœur
est dans ton cœur, et mon cœur souffre si ton cœur ne bat pas pour
lui. Es-tu assise? Es-tu debout? Quel geste fais-tu? Je voudrais te
voir! As-tu la tête baissée? Ton cou est-il à découvert? Est-ce que la
lumière éclaire tes cheveux?... O je voudrais te voir!...

Tu es loin, et je ne vis plus.

                                   *

Je suis assis derrière une fenêtre, à travers les rideaux je regarde
les arbres; je me promène dans mon jardin, je regarde le ciel; je vais
dans les champs, je regarde la terre. Mais je ne vois pas les arbres,
mais je ne vois pas le ciel, mais je ne vois pas la terre. Il y a une
grande ombre silencieuse en moi, et il n’y a qu’elle que je vois. Elle
est comme une nuée dans le fond de moi, et elle s’élève sans cesse dans
ma tête. Je ne regarde qu’elle tout le jour. Tout le jour je n’écoute
qu’elle. Cependant elle ne parle pas, et elle reste immobile...


Je ne peux pas vivre ainsi loin de moi. Je veux que tu viennes. Je
suis parti de moi. Dans un jour, tu viendras, je me reprendrai, et tu
ne me prendras plus en toi... Je suis enfermé dans ta chair, je ferai
fondre ta chair avec ma bouche, pour me délivrer. Je t’enlacerai, je
te prendrai, je boirai ta bouche, je boirai tes seins, je voudrais te
boire toute entière...

                                   *

Bien-aimée! bien-aimée est-ce que je ne pourrai jamais me délivrer de
toi. Tu n’es pas là, et es là. Tu es toujours dans ma tête, je ne vois
rien, je ne vois que ton image. Viens, viens, sois là et ne bouge pas,
je serai heureux...

Mais non, je ne serai pas encore heureux.

                                   *

De chacune de tes saveurs je mouillerai l’eau de ma bouche,
bien-aimée, je m’arrêterai à tous les points de ta chair, bien-aimée,
je prendrai tes yeux, je prendrai tes lèvres, je prendrai tes bras, je
prendrai tes seins, je les prendrai avec ma bouche, et je les ferai
passer en moi... Bien-aimée, bien-aimée, mon désir ne sera pas encore
épuisé...



VII


L’âme, à la fenêtre ouverte sur le ciel, voudrait se rafraîchir
d’azur... Rose attendri de l’aube viens éteindre le feu trop ardent de
mes yeux, air qui glissa sur le miroir des feuilles, air qui baisa le
col des rossignols, rosée évaporée, air des prairies, air des vallées,
ô fraîcheur, comme une cascade jette toi dans ma chambre, coule, viens
tomber sur mon âme qui brûle comme une lave.

Non! non bondis plutôt, mon cœur! brise ma poitrine de tes chocs! mon
âme flambe et dévore moi! car dans ma chambre j’attends ma bien-aimée.
O espoir! enivrement comme de boire toute la lumière des étoiles, ma
bien-aimée va venir dans ma chambre, ma bien-aimée va vivre entre ces
murailles blanches!... Est-ce que c’est vrai? est-ce que c’est vrai?
ô je ne peux pas y croire... Je t’attends bien-aimée!... l’impatience
ronge mon cœur comme une rouille...

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

J’ai entendu un pas dans l’escalier. C’est elle! c’est elle! ma
bien-aimée... Souffle de ma vie, ô ne me quitte pas, ô mon Dieu, ne
me fais pas mourir maintenant!... Je l’ai prise dans mes bras et je
l’ai portée... Marthe! Marthe, je voudrais te couvrir de baisers, je
voudrais m’écrier, je voudrais te dire... regarde, regarde mes yeux, il
n’y a qu’eux qui pourront parler... Je t’aime!... Je suis tombé à ses
pieds, puis je me suis relevé, je l’ai baisée fiévreusement, j’avais le
délire, j’avais une grande force frémissante... Marthe! elle tendait sa
bouche vers mes lèvres, les ailes de son nez battaient, je la sentais
frissonnante, elle mettait son corps devant moi comme quelque chose à
remplir de joie...

Je posai mes lèvres à ses lèvres pour y boire une fraîcheur qui se
coule à mon âme en flammes, mes doigts prirent sa ceinture claire, et
sa robe s’ouvrait d’elle-même pour s’enfuir. Lorsqu’elle tomba--ô fol
émerveillement!--le rose de sa gorge jaillit, et il se répandit des
parfums divins comme si l’aube était venue où le soleil fait s’ouvrir
les fleurs... Avec mes lèvres souples, bien-aimée, j’ai baisé ta petite
chair, j’ai rempli le creux de ton cou, et j’ai connu l’endroit des
anges où le sein commence à naître... Du corps ignoré les linges doux
se sont dépris, et les trésors délicieux, les lieux de charme ont
apparu... Chair adorable! boire, ô mes cent mille baisers! ton cou!
épuiser seulement ton cou!... Et comment calmer mon ardeur pour tes
seins... Tièdes pâleurs, mourantes et fuyantes clartés assises sur son
ventre, ô roses affolantes de ses seins, comment étancher la soif de ma
bouche?... Je voudrais que toute ta chair, Marthe, soit sur ma chair,
et je baiserais seulement ta bouche, en sentant partout nos chairs
se baiser. Marthe! Marthe! nos bras se sont ouverts, et ils se sont
refermés, et nous sommes noués l’un à l’autre... Des petites sources
d’élixir de joie de vie jaillissent et coulent entre nos chairs...
Marthe! Marthe! une pluie intérieure, éblouissante, épanouissante, nous
inonde...



VIII


Ma bien-aimée, ma désirée, mon cœur, ma joie, ma lumière, ô Marthe!
Marthe! Marthe! je te veux encore, toi toujours! Toi toute entière ma
bien aimée. Tes lèvres, tes seins, ton ventre, toutes les courbes de
ton corps, ô Marthe être toujours enlacé à toi! être toujours contre
toi!...


Dans le cerveau, j’ai ton odeur, et j’ai le goût de ta bouche dans
ma bouche, j’ai la musique de ta forme dans mes yeux, et mes doigts
vibrent intérieurement du souvenir de ton toucher... Tout mon corps
baigne comme dans une vapeur sensible, la sensation de toi l’entoure
et le couvre comme un vêtement. O reviens, Marthe! Tu n’es pas là, et
je suis envahi par toi. O Marthe! je suis plein de toi, je suis lourd
de toi, lorsque je bouge, je fais se lever ton odeur. Reviens, au lieu
de me noyer dans le souvenir. Marthe, reviens dans la réalité. Entre:
les fumées vont se dissiper, tout reprendra la précision vivante;
te retrouvant, ton odeur s’élancera, et se mettra sur toi, et je la
respirerai, mes lèvres iront vers les tiennes, et lorsqu’elles seront
collées je te rendrai le goût de ta bouche et tu me rendras celui de la
mienne; et toute ma chair sera bondissante de s’éprouver au touchement
de la tienne...


Quand tu approches de la maison, ô Marthe! je le sais dans mon cœur. Un
grand changement se fait dans l’atmosphère, des lourdeurs se lèvent.

Quand tu approches de la maison, ô Marthe! il y a quelque chose de
tremblant qui dans l’air se propage, il y a des ondulations adorables,
il y a des sons que je perçois dans le silence: d’onde en onde, ô
Marthe, court un mouvement qui vient me toucher, et qui me pénètre, et
dont je défaille...

Quand tu approches de la maison, ô Marthe! chaque pas de toi en avant
l’air l’éprouve, et ainsi vient jusqu’à moi, et je sais. Alors, je
commence à être joyeux.

Quand tu approches de la maison ô Marthe! de l’air qui t’entoure
s’échappe, à d’autre te laissant qui va glisser sur toi, se couler et
te baiser comme une fleur, de l’air qui t’entoure s’échappe et vient
jusqu’ici. Tout doucement il entre dans la chambre, se répand. Il
s’étend partout, pour être celui qui sera là tout à l’heure, quand tu
entreras. Il tourne et on dirait qu’il est rose, et il se pose sur moi,
et je crois que c’est un souffle de toi. L’air est dans la chambre,
l’air est dans la chambre! C’est une joie légère, c’est un rêve, c’est
mon cœur clair de plus en plus. Il me pénètre, il est en moi. Ah je
sens quelque chose de divin m’envahir, je sens quelque chose m’emplir
qui était parti de moi avec toi, je sens la vie qui rentre en moi, je
vois la lumière qui revient, j’ouvre les yeux, j’écoute et je tremble,
je vois, j’entends, je sens, ô délices, c’est elle! elle est près de la
maison, elle approche, elle monte l’escalier, elle va entrer...


Lorsque tu es au seuil, Marthe ô mon illuminante, je défaille à cause
de l’immense joie si prochaine. O tout mon cœur gonflé qui s’épand dans
ma poitrine, et qui monte en flots dans ma gorge et qui m’étouffe, ô
tout mon cœur gonflé s’épanchant par ma bouche dans ton baiser! Ma
délicieuse, de ta bouche la pulpe se fondant donne à l’eau de ma bouche
un goût de rose. Des ruisseaux de délice coulent en moi, ô Marthe mon
cœur est débordant d’amour!

Tu es debout devant moi, et ta robe frissonne; alors je te désire
profondément. A chacun de tes gestes, ma poitrine s’ouvre pour aspirer
l’air que tu as remué. O Marthe je sais que dans ta chair, à chacun
de tes gestes se creusent des lignes, des sentiers, des vallées, des
sourires, j’en suis ivre; sur ta chair unie, ferme et bombée comme une
pelouse, ô saisir plus qu’avec mes lèvres le jeu des dessins fuyants!
Le mouvement silencieux de ton bras qui se lève, si souplement, si
souplement, cette blancheur qui se déplace sans qu’on entende, ta chair
bougeante, ô muette et douce.

Ta robe frissonne. Du sein rond où elle se colle, je la vois tombante
tout autour de toi; ses plis jouent, ah! me baigner dans ses plis. En
elle vit le souffle de ta vie, ô robe! je voudrais qu’elle m’enferme,
qu’elle m’enveloppe de son tissu, qu’elle me cache sous elle, et que
tout ce qui se passe sous elle ne soit que pour moi, je serais attentif
et tremblant sur ta chair, je serais comme en prières, je surprendrais
l’air subtil de ta vie, tes frémissements, tes soupirs, le frisselis de
ta peau le plus menu, prodigieuse expression de toute ta vie divine,
mystérieuse et profonde.



LIVRE SECOND



IX


Que tu sois là ainsi immobile, Marthe, que tu sois là dans la chambre,
cela me donne autre chose qu’une très grande joie... Tu n’es pas
tout près de moi, tu es à la fenêtre, et je suis à la porte... mais
seulement de te sentir là, de sentir là dans cet espace arrêté,
respirante et active, toute ta vie, je suis tremblant, je suis affolé,
je suis porté à un désir inouï... Ah! Marthe! te voir seulement, là,
debout et immobile!... en moi, c’est comme la lumière qui roule des
plaines au soleil, je suis resplendissant, les parois de mon corps
contiennent avec peine un rayonnement de flots qui étincellent,
j’étouffe, je suis ivre...

... Dans l’espace qu’arrêtent ces murs, Marthe, s’élèvent comme des
flammes, se penchent, s’attirent, souples, lisses et flexibles, nos
deux vies... Nos deux vies! Nos deux êtres... Il y a dans cette chambre
comme deux parfums que se lanceraient deux fleurs, et sur les choses
soudain l’on saisit des éclairs, c’est que passantes les touchent nos
deux âmes...


... Approches-toi, Marthe, approches-toi, viens plus près de moi... O
ma chair! ô mon sourire!... Bien-Aimée je sens l’amour plus fluide que
de nos corps... ma vie voudrait aller vers la tienne... O! comme des
souffles s’étaler, s’enrouler, se pénétrer... Et maintenant Marthe...
maintenant, pendant cette seconde, maintenant que tu marches et viens
vers moi... je sens ma vie encore plus attentive et plus tourmentée
de fuite, pendant cette seconde où toute ta vie est ainsi, veillante,
venant vers toute la mienne, je crois qu’il naît en moi des nappes de
clartés... ah! c’est peut-être ma vie, plus ardente, plus forte, et
pure, qui donne à mon cœur cette aube blanche, ou peut-être elle même
se pare-t-elle de toute sa splendeur de lumière, pour te recevoir toute
toi-même qui t’approche...

Tu t’approches... tu t’approches... Approches-toi... mais
approches-toi... approches-toi encore...

... Malheur! malheur à nous Marthe! On ne peut plus approcher?... Quoi?
Quoi donc? O malheur! tu t’es pressée contre moi, et mon corps t’a
arrêtée... Ah! quel rêve ai-je donc fait? Qu’est-ce que j’ai dit?...
Mon âme était toute prête pour s’unir à la tienne, j’attendais, il y
avait en moi une clarté... Et tout à coup tout s’éteint... Marthe!
Marthe! tu ne t’approches plus! Marthe! on ne peut plus s’approcher!...



X



XI


Aujourd’hui je suis sorti. Je me suis promené dans les allées, sous les
feuilles et à l’ombre. Sur une route où les rameaux des arbres les uns
aux autres se joignent, s’enlacent, empêchent de voir le ciel, et font
obscur le sol, j’ai marché doucement et longtemps; un souffle frais
passait sur mon visage, sur mon cou, sur mes mains, avec la douceur et
l’insistance d’une eau courante... Des deux côtés de la route sombre et
reposante, à travers les rameaux des arbres qui pendaient en rideaux,
j’entrevoyais des champs éclatants de lumière et l’ombre lourde des
gens courbés qui travaillaient.

Dans le demi jour de ma route je me suis appuyé sur le tronc d’un
arbre,--ouvert comme une âme désolée d’amour, j’ai senti toute la
douleur humaine m’envahir... mon âme! ô trou noir et sans fond, je
t’ai vue! blessée, douloureuse, et gémissante pour toute la vie, ô
puits sans lumière à jamais! mal de mon âme, eau qui paraît dormante,
et qui veille toujours, et qui souffre, et qui pleure... Des violons
ont tremblé dans mon cœur, sur des frémissements de douleur inconnue
leur chant vibrant long s’est traîné, un écho d’abord lent comme une
forme blanche soulevé, puis un écho comme de cris éclatants, puis des
gémissements et des vagues de plaintes sont descendus de tous les murs
de mon cœur, et l’ont troublé, et l’ont fait frissonner, et l’ont
rempli comme l’air sonore d’une voûte!... Ah! pauvres têtes courbées
sur le sol, pauvres yeux qui regardez la terre, hélas j’ai su combien
vous étiez loin de votre vie! je vous ai vues, petites âmes placides,
séparées de votre désir autant que des étoiles!... O désolation,
désespoir! larmes de fièvre dans une solitude de cellule! regards
tristes, gestes las, je n’ai plus songé qu’à vous pour exprimer mon
âme! Hélas! tout le ciel ne me remplirait pas!

... La lumière tombe sur mon front, l’éclaire, puis s’éteint et
renaît, alternativement et toujours, à cause de l’ombre des feuilles
changeantes, ô mon front blanc, mon pauvre front, et vous mes yeux qui
avez soif de voir ce qu’on ne voit pas!... Une tristesse infinie est
montée en moi comme une marée, et je ne sais quels sanglots se brisent
dans ma gorge comme des vagues qui viennent de trop loin... Hélas!
Hélas! on dirait qu’un espoir suprême, immense, dans lequel se baignait
toute l’existence secrète, inapparente de mon âme, s’est enfui soudain
et m’a laissé vide...

                   *       *       *       *       *

Mon Dieu je suis triste comme un désert! je ne puis pas regarder, toute
mon âme est endolorie. Je ne vois plus de possible que les larmes.
Que je suis loin de toutes choses! je suis seul! je suis seul! C’est
un fleuve qui a crevé en moi. Tout ce qui était en moi s’est écroulé,
maintenant il n’y a plus que des ruines désolées et des plaines mornes.
Mon Dieu! mon Dieu! je suis comme un désert.

Hélas autrefois, il y avait pourtant de belles prairies en moi et
des ruisseaux et du soleil, et j’avais des joies fraîches... Tout
est emporté. Je ne pourrai plus être heureux... Ah pourquoi mon âme
s’est-elle éclairée? Où désormais le monde la satisfera-t-il? Où
trouvera-t-elle à donner un baiser?...


Voilà que le soir tombe. Il fait très doux maintenant, la fièvre
brûlante est partie des choses, elles sont un peu apaisées, elles sont
silencieuses, mais une langueur demeure et fait souffrir, on dirait
qu’un grand sanglot va s’effondrer, dégonflant tout, crevant soudain
dans le silence. J’ai le cœur serré. Les oiseaux qui criaient se sont
tus. Les grands arbres noirs sont tout à fait tranquilles. O la paix
attentive de ce silence!...

Le ciel est pâle, le ciel est blanc, il est clair et diaphane comme un
cristal, il est lumineux très doucement, on devrait voir à travers.
Qu’il est oppressant de regarder le ciel, voilà l’âme en allée, le ciel
est si blanc, le ciel est si clair, ô comment cela se fait-il qu’on ne
voit pas Dieu?...


Le soir tombe et toutes voix sont éteintes. Mais le silence qui descend
sur le monde, n’entre pas dans mon âme. Plus rien ne souffle, plus
une branche lentement ne s’incline, plus une herbe, plus une feuille,
et l’eau que rien ne ride est immobile maintenant et lisse comme un
miroir. Feuilles, petites feuilles au-dessus de ma tête, êtes-vous donc
figées pour l’éternité?--je n’entends pas ma voix... Rien ne bouge...
Nous sommes peut-être au fond d’un lac...

Quel silence! Il fait nuit. Quel silence. Je voudrais entendre le bruit
d’un jet d’eau, des gouttes d’eau, des gouttes d’eau...

Ah quel silence! Une voix qui jaillirait maintenant prendrait au
silence un son d’or vivant, ce serait une harmonie belle et délicieuse
comme de sentir son sang doucement couler des veines ouvertes, et se
sentir peu à peu, peu à peu ne plus vivre... Une voix qui jaillirait
maintenant se frapperait à des murs d’airain de silence, bondirait et
se propagerait, vibrante, éperdûment sonore en des échos profonds... Ce
silence est comme une eau tranquille, le rayon mince qui la perce se
lance, et d’onde en onde frémit, et s’éparpille en couronne aux milles
lames tremblantes, flamboyantes d’acier, le mince rayon, la petite
lueur qui perce l’onde, s’élance,--se propage,--et s’étalant blondit
éblouissamment le sable au fond des eaux...

Silence! Ah quelle voix va jaillir? Quelle parole adorable s’épanouir?
Où es-tu bouche qui va parler? Mon âme veut se nourrir de ton
souffle... Amante!... Mon amante!... Dieu, quelle nuit pour sa venue!
Mon âme est pleine, si le soupir immense dont elle souffre s’exhalait,
je crois qu’il déchirerait le ciel!... O mon Dieu, les roses sont
mourantes, je ne peux plus respirer, mon Dieu, mon Dieu, est-ce qu’il
n’y a pas de lèvres pour me baiser sur le cœur?...


La lune! Voilà la lune! elle tombe sur les feuilles; ah les arbres se
noient! Et voilà les pelouses inondées. Comme elle est blanche. Comme
elle est blanche, comme elle est pure, comme elle est fluide, comme
elle glisse! O mon Dieu la voilà qui me baigne, elle fond mes mains,
elle mouille mon cou!... Amante... Amante... Ah! que je souffre!... Je
sens mon âme qui voudrait s’échapper en toi...

... Il faudrait qu’elle soit là, penchée sous l’éclat de la lune, et
attentive à moi pour recevoir mon âme prête à s’échapper... Amante...
Elle tressaillirait... O me sentir baigné en elle comme dans les rayons
de la lune! Sentir nos âmes s’échanger en courants, lumineuses comme
ces lueurs divines... Amante!... Elle se pencherait sur moi, elle me
recevrait!... Amante!... Amante!



XII


Que faire? Où aller? Que faire dans la vie? Où aller dans la vie?... Je
suis perdu tout seul dans la nuit. Je suis une île au milieu des eaux.
Je suis une étoile au milieu du ciel. Je suis seul! Je suis seul! Je
suis une pauvre âme qui pleure, et je ne sais plus rien: qu’est-ce que
l’amour? qu’est-ce que la vie? qu’est-ce que la joie? qu’est-ce que la
douleur? ô dites moi, dites-moi surtout: qu’est-ce qu’on appelle le
bonheur?...

                   *       *       *       *       *

Soleil!... Il y a du soleil jusqu’au bout du monde... Toute la plaine
est dans la lumière. Petite feuille, petite feuille, balance le
soleil... Suis-je là, ou ne suis-je pas là? Voilà des branches, voilà
de l’herbe, je sens qu’elles ne me voient pas. Je suis dans la plaine!
Je dois, comme ce mouton, porter de la clarté!... Je marche, mon pied
s’appuie, est-ce que je ne pèse pas comme un homme? Je suis dans la
plaine! On ne m’entend pas, qu’est-ce qui entend? Je suis si loin!
J’écoute, et je n’entends pas les oiseaux...


O comme ce beau ciel bleu est triste à mon âme solitaire! Navrantes
splendeurs, beautés pour les larmes, ô fastes désolants. La joie qui
chante dans la musique des arbres, et le frisselis des eaux, les
éblouissements roulants sur les pelouses, les feuilles qui chatoient
et la lumière comme un fleuve, vous m’accablez, vous m’accablez... O
ma pauvre âme solitaire, quels tumultes de joie, quels étincellements
d’allégresse, les fleurs se balancent en parfumant, et les oiseaux
s’élancent vers le ciel... Désespoir! tout s’écrie de bonheur
divinement, et moi je ne puis que gémir! O moi qui voudrais tellement
m’élancer vers le ciel, moi qui voudrais baiser l’azur, hélas! hélas!
ô douleur! Pourquoi ce parc est-il si beau, pourquoi ce ciel, pourquoi
cette eau, pourquoi, pourquoi mon Dieu? N’est-ce donc que pour emplir
mon âme des immenses désirs, que pour la décevoir, et pour qu’elle
pleure ainsi affreusement au spectacle de son impuissance?...

Mon âme est pleine, mon âme déborde!

    Je ne puis pas contenir mon âme...
    ... Mais elle ne peut pas s’épancher!...

Mon âme! mon âme! il faut que mon âme s’exhale...

Qu’elle se perde, éperdue, dans le vent qui s’enfuit...


O mon Dieu répandez mon âme! Je ne puis pas la garder en moi, je
souffre, je souffre, elle ne peut pas demeurer en moi...

    Mon Dieu je suis mourant d’amour
    Mon Dieu je suis mourant de vie



XIII


... Où aller? Où aller? Où rejoindrai-je la joie?... Flots de lumière
envahissez-moi! éblouissez-moi! Montagnes, fleuves, feuilles, roses,
rires et pleurs, tournez, tournez, affolez-moi!... Je veux courir,
bondir, m’écrouler! Que les plaines s’élancent, je veux m’anéantir sous
le vert des herbes, sous le vert des eaux, sous le vert des ciels...

Où aller? où aller? Prends-moi, laisse-moi, laisse-moi, prends-moi,
ruisseau, prends-moi, laisse-moi, balance, balance moi flottant sur
tes rides frémissantes, coule, passe à travers moi, coule, coule,
efface-moi, fais-moi fondre, absorbe-moi, dilues-moi en toi...

Herbes des prairies, ô petites fleurs bleues, petites fleurs roses,
courez, jetez-vous sur moi, poussez sur moi, couvrez-moi, plaines qui
ondulez, ensevelissez-moi, ondulez lentement comme des vagues jusque
dans mon cœur. Herbes des prairies, ô bleus des ciels, que je me noie
en vous, que je me perde, possédez-moi!...

Où aller mon Dieu? O m’enfuir sur les mers! ô voler sur les eaux! A la
plage où le sable est blond comme une chevelure, et s’enlève dans le
vent comme une chevelure qui se répand, détacher le vaisseau qui glisse
silencieusement, ou pleure en attendant...

A la plage détacher le vaisseau et m’élancer! O les vagues! les
vallées, les montagnes! Comme la lumière m’y coller, rouler sur elles!
Vaisseau! Vaisseau! Les mouettes volent et frisent l’eau, l’écume
jaillit et roule! Vaisseau! Vaisseau! Le vaisseau court vers l’horizon,
le vaisseau court, le vaisseau court, la terre s’éloigne, un petit
nuage là bas, un petit nuage à l’horizon, la terre fond, la terre fond,
la terre est fondue! Vaisseau, bondis comme une cavale! Voici l’eau,
voici le ciel, voici le ciel à l’infini. Le vaisseau court. L’air me
gonfle comme la voile. Je me couche sur le pont et je regarde au ciel
le ciel fuir. Je m’accoude aux bastingages, et je regarde la mer la mer
fuir. Le ciel et la mer fuient, et mon beau vaisseau fuit... (O mon
Dieu, dans mon enfance, je suis resté sur des plages couché pendant des
jours entiers, à regarder le bout de la mer, et à pleurer!)

... Mon vaisseau fuit, mon vaisseau fuit. Jusqu’où s’enfuira-t-il
ainsi? Je veux passer ma vie couché sur le bois de ce pont à me sentir
filer entre le ciel et l’eau... Je ne sais plus, je ne sais plus où est
mon âme! elle doit voguer doucement, elle doit planer, mon Dieu elle
s’est échappée! Je veux passer ma vie couché sur le bois de ce pont...
Qu’il fait frais, qu’il fait bon! j’entends les eaux qui sonnent tout
le long du vaisseau. La voile est tendue, et le vent m’enlève... Je
respire, je bois l’air, le ciel est bleu... Mais jusqu’où vais-je
aller? Mais jusqu’où vais-je aller?...

O mon Dieu, j’ai perdu mon âme! je suis balancé par les eaux, les
mouettes volent, les mâts crient, le vaisseau se penche et fuit...

Quel beau jour! O lumière sur les eaux! O comme tout est pâle et comme
tout est bleu! l’eau est claire, l’eau est claire, nous sommes si
légers sur l’eau, ne glissons-nous dans le ciel?...--Mais non! je vois
bien le ciel, il est sur ma tête, et voici l’eau tout autour, les
petites vagues, et les éclats d’or, et voilà là-bas jusqu’à l’horizon
mon sillon mouvant: y coule et court le soleil!...

Que je suis bien, mon Dieu! Je ne souffre plus. Comme tout est joli! Je
sens dans mon cœur la fraîcheur de l’air qui courait sur l’eau... Comme
le vaisseau fuit. Nous allons faire le tour du monde. Nous sommes au
milieu de la mer. Nous sommes partis, partis!...

... Air qui passe, ô d’où viens-tu?... Air qui passe... O qu’il est
doux! Il vient des Indes! Il vient des Indes! Nous allons passer près
des Indes!... Fuyons! Que le vent nous enlève! passons comme une
pensée! Fuyons! Fuyons! N’arrêtons pas... C’est sans doute un pays
adorable... Courons, volons, enfuyons-nous!... Ses rivages sont roses
comme des joues. O ses plages! ô les bois tout en fleurs!... Fuyons!
Fuyons!... Voilà les parfums qui traversent les eaux... C’est sans
doute un pays adorable... Odeur de Dieu! quel mal encore plus grand m’y
saisirait?...

Fuir! Frôlons la mer, élançons-nous! Vole, vole mon vaisseau, jour et
lumière sur les eaux! Baisse-toi, gémis, fais des bonds... Fuir! Fuir!
tournons tout autour de la terre...

Fuir!... ne débarquer jamais!... m’anéantir! me perdre! dans le son
des eaux, dans le vol du vent! Sur l’océan que le vent me roule!...
Fuir! Fuir!... voler! voler sans but! ô devenir enfin le bois de mon
vaisseau, le long duquel sonnent les eaux!...

Que je sois emporté! soulevé! possédé! Ne jamais m’arrêter. Ne jamais
m’arrêter, pour que je ne sente point renaissante en mon cœur cette
bouche toujours qui se tend, toujours qui demande, et cette blessure
toujours qui saigne, béante, hagarde, et qu’on ne peut fermer...


FIN


Janvier-Septembre 1897



TABLE


  I.             3
  II.           10
  III.          16
  IV.           21
  V.            23
  VI.           28
  VII.          33
  VIII.         36

LIVRE SECOND

  IX.           42
  X.            45
  XI.           46
  XII.          54
  XIII.         58



                           ACHEVÉ D’IMPRIMER
        le vingt-cinq mars mil huit cent quatre vingt dix huit

                                  PAR
                       L’IMPRIMERIE LA RIVIERRE
                                POUR LE
                               _MERCURE
                                  DE
                                FRANCE_



                   *       *       *       *       *



Corrections.

  Page 13: virgule supprimée après «profondes» (les choses profondes le
           sentaient).

  Page 33: «pluôt» remplacé par «plutôt» (bondis plutôt, mon cœur).

  Page 33: «âma» remplacé par «âme» (mon âme flambe et dévore moi).

  Page 33: «me» remplacé par «ma» (car dans ma chambre j’attends).

  Page 47: «frémissement» remplacé par «frémissements» (sur des
           frémissements de douleur inconnue).

  Page 47: «éclatans» remplacé par «éclatants» (un écho comme de cris
           éclatants).

  Page 48: inséré le mot «moi» (Une tristesse infinie est montée en moi
           comme une marée).

  Page 48: points de suspension insérés après «loin» (qui viennent de
           trop loin...).





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