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Title: Les fleurs animées tome 2/2
Author: Grandville, J. J.
Language: French
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*** Start of this LibraryBlog Digital Book "Les fleurs animées tome 2/2" ***


  Au lecteur

  Cette version numérisée reproduit dans son intégralité la version
  originale. La ponctuation n'a pas été modifiée hormis quelques
  corrections mineures.

  L'orthographe a été conservée. Seuls quelques mots ont été modifiés.
  La liste de ces modifications se trouve à la fin du texte.



  LES

  FLEURS ANIMÉES

  II



  PARIS

  IMPRIMÉ PAR ÉDOUARD BLOT
  66, RUE TURENNE, 66



  [Illustration: LES FLEURS ANIMÉES]



  LES

  FLEURS ANIMÉES

  PAR

  J. J. GRANDVILLE


  TEXTE

  PAR

  ALPH. KARR, TAXILE DELORD & LE COMTE FŒLIX


  NOUVELLE ÉDITION

  AVEC PLANCHES TRÈS-SOIGNEUSEMENT RETOUCHÉES

  POUR LA GRAVURE ET LE COLORIS

  PAR

  M. MAUBERT

  PEINTRE D’HISTOIRE NATURELLE, ATTACHÉ AU JARDIN DES PLANTES


  TOME SECOND


  PARIS

  GARNIER FRÈRES, LIBRAIRES-ÉDITEURS
  6, RUE DES SAINTS-PÈRES, ET PALAIS-ROYAL, 216

  1867



LES

FLEURS ANIMÉES



LE DÉCAMÉRON


Au carrefour d’une forêt, à l’endroit d’où partent quatre routes
différentes, plusieurs Fleurs se rencontrèrent, parmi lesquelles on
remarquait le Pois de Senteur, le Cactus, la Fleur de Pêcher, le
Dahlia, la Sensitive, la Fuchsie, la Pervenche.

--Où allez-vous? se demandèrent-elles les unes aux autres.

--Nous retournons chez la Fée aux Fleurs, répondirent-elles; mais nous
avons perdu notre chemin et nous ne savons à qui le demander.

Il fut résolu qu’on enverrait le Pois de Senteur à la découverte. Au
bout d’un quart d’heure, le Pois de Senteur revint; il avait grimpé à
la cime des arbres les plus élevés, sans apercevoir autre chose que
l’horizon qui verdoyait. Sans doute la forêt n’était pas habitée; on
n’y voyait pas même une cabane de bûcheron cachée dans la feuillée.

--Le Rouge-Gorge est mon ami, dit la Fuchsie; il me fournira peut-être
quelques renseignements.

--Hé! seigneur Rouge-Gorge, sommes-nous bien éloignées du pays de la
Fée aux Fleurs?

Le Rouge-Gorge, au lieu de répondre, s’enfuit tout effrayé et disparut
dans le buisson voisin.

--Je propose, s’écria alors le Dahlia, que nous nous mettions à la
poursuite d’un papillon, et qu’après l’avoir fait prisonnier, nous le
forcions, en échange de sa liberté, à nous mettre dans la bonne voie.

--Attendons plutôt la nuit, reprit le Pois de Senteur: quand les
sylphes viendront voltiger ici au clair de la lune, nous les
appellerons, et c’est bien le diable si l’un d’eux ne consent pas à
devenir notre guide, en reconnaissance du plaisir que plus d’une
d’entre nous lui a procuré autrefois en le berçant dans sa corolle.

--Hélas! murmura la Sensitive d’une voix dolente, ne voyez-vous pas
que nous sommes des femmes et non des fleurs? Les oiseaux s’enfuient
à notre approche; les papillons n’entendront pas notre langage; les
sylphes ne nous reconnaîtront plus. Il ne nous reste plus qu’à mourir
dans cette forêt. Quant à moi, je ne saurais faire un pas de plus: les
ronces ont déchiré mes pieds, mes mains frémissent au rude contact des
buissons, je me soutiens à peine, et je me résigne à mon triste sort...

La Sensitive se laissa tomber ou plutôt s’affaissa sur le gazon.

--Eh quoi! s’écria la pétulante Fuchsie, nous nous laissons abattre
comme de véritables femmelettes! Morbleu! faisons contre fortune bon
cœur. Il est impossible que la Fée aux Fleurs nous laisse mourir
ainsi dans un bois. La nuit est loin, le loup aussi; l’herbe est
tendre, l’ombre fraîche, asseyons-nous, mes sœurs, et racontons-nous
mutuellement ce que nous avons fait sur la terre. Ce récit nous
amusera, et quand nous nous serons bien reposées, nous tenterons de
nouveau la fortune.

Les autres fleurs acceptèrent avec enthousiasme cette proposition.

--Qui de nous commencera? demandèrent-elles.

--Moi, répondit le Pois de Senteur; et il prit la parole dans les
termes suivants:


HISTOIRE DU POIS DE SENTEUR

Ne vous attendez pas à trouver dans ma vie des circonstances
extraordinaires, des événements imprévus. Une fois sur la terre,
voulant rester paysanne, je m’étais mise au service d’un jardinier. Une
autre servante et moi nous composions toute sa maison.

Margot, c’était le nom de ma compagne, était une grosse campagnarde
joufflue, haute en couleurs, carrée d’épaules, l’objet de l’admiration
de tous les villageois. «Elle fait presque autant d’ouvrage qu’un
bœuf,» disait souvent notre maître, pour donner une idée de ses
précieuses qualités. Aussi était-elle l’objet de toutes ses préférences.

Quant à moi, je ne savais rien faire; je n’étais bonne qu’à danser
le dimanche, à rire et à sauter tout le reste de la semaine. Elle
est assez gentille, disait le fermier en parlant de moi; mais c’est
une tête folle, elle est toujours à mettre le nez à la fenêtre, à se
balancer, à chanter: on n’en fera jamais rien.

Le résultat de cette comparaison entre Margot et moi était qu’à elle
revenaient toutes les préférences de notre maître. A elle les bons
repas, les succulents morceaux de galette de maïs, les cuisses d’oies
grasses et dodues, les verres pleins de cidre écumeux. A moi les vieux
morceaux de pain dur, les os et l’eau du puits; encore avait-on l’air
de me la reprocher, et quelquefois j’étais obligée d’aller m’abreuver à
l’aide de l’arrosoir et à l’insu du fermier.

Il me semblait pourtant que j’étais plus jolie que Margot, et je ne
comprenais pas pourquoi on me la préférait.

Un jour, j’accompagnais notre maître au jardin. Nous étions au
commencement du printemps: nous passions près d’une haie où les tiges
de la fleur qui porte mon nom s’étaient enlacées; les boutons des pois
de senteur exhalaient déjà une faible odeur; l’un d’eux, plus précoce
que les autres, venait de s’épanouir sous mon souffle fraternel.

Mon maître ne le regardait seulement pas; il avait hâte d’arriver à
un semis de pois de table qu’il s’agissait d’arroser et de purger des
mauvaises herbes. Pendant toute la journée, nous nous occupâmes de ce
double soin; le fermier ne sentait même pas la fatigue.

Vers le soir, nous repassâmes devant la haie. Les pois de senteur
semblaient me regarder d’une façon languissante.

--Maître, lui dis-je en lui montrant le buisson, est-ce que vous ne les
arroserez pas aussi?

Le paysan haussa les épaules.

--Que je m’échigne pour ces bons gros petits pois qui travaillent toute
la journée à me fabriquer sous leur cosse dure et serrée ces petites
boules que je vends si bien, à la bonne heure; mais pour ces fainéants
de pois de senteur, allons donc!

--Ils sont jolis...

--Mais ils ne produisent rien. Mauvaise herbe croît toujours. Rentrons
vite à la maison.

Je compris alors pourquoi on me préférait Margot: sur la terre, l’utile
vaut mieux que l’agréable.


[Illustration: POIS DE SENTEUR]


Blessée dans mon amour-propre, j’ai quitté le fermier, et je suis
venue à la ville. Hélas! je n’y ai pas été plus heureuse ni plus
considérée. J’ai vu les grisettes me laisser mourir de soif et de
chaleur sur le rebord de leur fenêtre, et me jetant à la fin sur le
pavé pour me remplacer par le rosier, qu’un romancier venait de mettre
à la mode. Les portiers seuls avaient pour moi quelque sympathie.
Au lieu d’en être fière, cette sympathie m’a humiliée. Quittons,
quittons cette terre, me suis-je dit; retournons chez la Fée: là, du
moins, l’égalité règne entre toutes les Fleurs; elles ne sont pas
soumises aux caprices de la mode; elles ignorent les douleurs et les
petitesses de l’amour-propre. Et je me suis mise en route, je vous ai
rencontrées, mes sœurs, et me voilà prête à écouter celle de vous qui
va nous raconter son histoire à son tour.


[Illustration: CACTUS]


HISTOIRE DU CACTUS

Ce fut le Cactus qui parla.

Toute mon histoire sur la terre se résume dans ces seuls mots: J’ai eu
froid.

Il m’est impossible de vivre dans ces régions où il tombe de la neige,
où il gèle, où l’on est sans cesse assailli par la pluie, le vent et
les giboulées.

Si j’étais resté sous les tropiques, je n’aurais pas trop le droit
de me plaindre; mais j’ai fait la sottise de suivre un botaniste en
Europe, et je suis perclus de rhumatismes. On a beau vivre dans une
serre, on est toujours victime de quelque traître vent coulis.

Et puis cette chaleur factice me donnait la migraine ou des pesanteurs
de tête insupportables. Mon sang, d’un rouge si vif, ne circulait plus;
mon front alourdi retombait sur ma poitrine; et il me semblait, dans
l’espèce d’hallucination où j’étais, qu’une main invisible m’avait
transformé en portière, et que je serrais amoureusement un poêle dans
mes bras, ainsi que maintes fois je l’avais vu faire l’hiver dans la
loge de notre hôtel.

Comme je regrettais la douce et tiède température des pays où nous
sommes nées, nous autres Fleurs! Comme je m’ennuyais sur les cheminées,
sur les consoles de marbre où je servais d’ornement! A la fin, j’ai
pris une résolution courageuse: secouant ma torpeur, et profitant des
chaleurs de l’été qui permettaient de me tenir en plein air, je me suis
échappé. A présent, je ne crains plus qu’une chose: c’est d’être obligé
de passer la nuit sans abri; la fraîcheur du soir pourrait me saisir.
J’espère cependant que nous n’en serons pas réduites à cette extrémité,
et que la Fée viendra à notre aide. Maintenant, à qui à parler?

Ce fut au tour de la Pervenche.


HISTOIRE DE LA PERVENCHE

Moi, dit-elle, je me suis éveillée sur la terre par une belle matinée
d’avril. Un ruisseau faisait entendre son doux murmure à mes pieds; des
oiseaux chantaient sur ma tête; la brise parfumée se jouait dans mes
cheveux.

La terre m’a paru si belle dans sa nouvelle parure, le ciel si bleu,
le soleil si radieux, que j’ai senti mes yeux s’humecter de larmes.
Sans attendre le lendemain, je suis partie. La terre, en ce moment,
m’aurait fait oublier le peuple des Fleurs. Mais aussi, peut-être, quel
désenchantement le lendemain!...

J’ai voulu conserver mes illusions. Quand je serai de retour, je
demanderai à la Fée de me laisser, chaque année, passer une heure sur
la terre, pour me mirer au bord de l’eau, voir le ciel et respirer la
brise, une heure rapide et fugitive, l’heure du printemps.


HISTOIRE DE LA FUCHSIE

La Fuchsie remplaça la Pervenche.

Quant à moi, s’écria-t-elle d’une voix claire et argentine, je ne me
soucie plus de la terre, et me forcer d’y revenir serait la plus grande
punition qu’on pût m’infliger.

Ma vie a été courte, mais bonne, et je ne demande pas à la recommencer.
Il ne faut point gâter ses impressions: en cela, je suis de l’avis de
la Pervenche.

J’avais choisi Paris comme lieu de résidence, et, dans Paris,
j’habitais le quartier Bréda. Je courais les bals, les spectacles, les
concerts. J’avais un appartement magnifique, un coupé, deux chevaux
et un groom. Je dansais la polka à ravir; je fumais des cigarettes;
je montais à cheval; je jouais au lansquenet et je buvais du vin de
Champagne. On pouvait dire de moi comme de Fanchon:

    Elle aime à rire, elle aime à boire;
    Elle aime à chanter comme nous.

Il fallait me voir, dans ce temps-là, comme j’étais jolie, l’hiver
surtout, lorsque je paraissais dans un bal avec mon éclatant habit
de Folie! Tout le monde me disait que je représentais au naturel
l’ancienne déesse qui présidait aux folles distractions; j’avais sa
grâce, son esprit, sa figure piquante, sa légèreté. Hélas! tout cela
n’a duré qu’un moment! J’aimais trop le vin de Champagne; c’est lui qui
m’a donné cette vilaine maladie que les médecins appellent gastrite. La
terre m’est devenue insupportable depuis que je souffre de l’estomac;
je retourne vivre au milieu des Fleurs, pour me mettre au lait de
rosée, au sirop de brise. Le médecin des Fleurs, qui a nom Zéphire, me
rendra sans doute la santé.


[Illustration: DAHLIA]


HISTOIRE DU DAHLIA

Après avoir encouragé et rassuré la pauvre malade, les Fleurs firent de
nouveau silence pour écouter le récit du Dahlia.

Vous voyez en moi, commença le Dahlia, une ex-bouquetière. Lier des
fleurs entre elles, les vendre à des gens qui marchandaient toujours,
les faire porter à leur adresse, voilà quelles étaient mes occupations.

Je sais que les hommes ont fait beaucoup de poésies à propos des
bouquetières. J’ai lu des nouvelles, des romans où elles jouent un
rôle charmant. Elles favorisent les amours sincères, elles font
échouer les fats, elles sont au courant de toutes les intrigues.
Hélas! que ces fictions sont loin de la réalité! Je ne connais pas
d’industrie plus triste, plus remplie de désillusions, pour me servir
d’un mot maintenant fort à la mode sur la terre. Lasse de voir les
femmes recevoir des bouquets de toutes les mains, et les hommes les
plus amoureux descendre des hauteurs de la passion pour rogner ma
note de quelques centimes; fatiguée d’être poursuivie par de vieux
célibataires, qui m’appelaient prêtresse de Flore en essayant de me
prendre la taille, j’ai pris le parti de fuir les hommes et de revenir
à mon ancienne condition de simple fleur.

Le Dahlia raconta rapidement son histoire: il ne restait plus à
entendre que la Sensitive et la Fleur de Pêcher.


[Illustration: SENSITIVE]


HISTOIRE DE LA SENSITIVE

La pauvre Sensitive n’était pas faite pour le monde; je m’en suis trop
tôt aperçue.

A peine eus-je revêtu le costume de femme, que ma sensibilité me causa
des tourments affreux. Je ne parle pas de l’amour, ma pudeur devait me
défendre.

Je souffrais par bien d’autres motifs! Au théâtre, la musique me
faisait tomber en pamoison; les émotions du drame me jetaient en
des évanouissements prolongés; le moindre changement de température
agissait sur mes nerfs.

Le cigare surtout rendait ma vie amère. Que de fois n’ai-je pas dû
subir les insolentes bouffées d’un fat!

Au lieu de me plaindre, on se moquait de moi; j’étais passée à l’état
de _femme nerveuse_: personne ne croyait à mes souffrances; mes amis
les plus intimes prétendaient que je me maniérais.

Un magnétiseur célèbre me proposa d’utiliser mon fluide et de courir
la province pour donner des représentations, lire les yeux fermés,
et deviner les maladies à la seule inspection des cheveux du malade.
Humiliée par cette offre, lasse de voir le ridicule s’attacher à
moi, j’ai pris la résolution de redevenir fleur. L’haleine douce de
la brise, les caresses des papillons, voilà les seules choses que je
puisse supporter.


[Illustration: FLEUR DE PÊCHER]


Quand la Sensitive eut achevé son histoire d’une voix lente et
plaintive, la Fleur de Pêcher fit part de ses aventures de la manière
suivante:


HISTOIRE DE LA FLEUR DE PÊCHER

Je suis née dans un verger, de parents honnêtes; mais... Ici, un
violent accès de toux lui coupa la parole.

--Ne faites pas attention, reprit-elle en coupant chacun de ses mots;
malgré le mauvais temps, j’ai voulu me montrer avec une robe blanche
un dimanche d’avril dernier, et j’ai pris un catarrhe. Elle voulut
continuer, mais à chaque instant une toux de plus en plus opiniâtre
l’arrêtait.

--Reposez-vous, lui dit le Cactus: vous êtes frileuse de votre nature,
et malheureusement pour vous, aussi coquette que frileuse. Nous
devinons votre histoire sans qu’il soit besoin que vous la racontiez.
Ne faites pas d’efforts inutiles qui aggraveraient encore votre mal.
Vous étiez jeune, l’hiver vous avait claquemurée dans votre cellule;
vous étiez impatiente de vous faire voir avec votre beau déshabillé
neuf, qui vous rendait si jolie; mais une robe blanche ne fait pas le
printemps. Heureusement il y a, dans l’endroit où nous retournons, des
espaliers bien chauds, qui vous permettront d’endosser au printemps vos
gazes les plus légères sans craindre les giboulées. Il s’agit seulement
de trouver notre chemin.

--C’est cela! répétèrent en chœur toutes les Fleurs: retrouvons notre
chemin.


L’OISEAU BLEU

Cela était plus facile à dire qu’à exécuter. Trois voies s’ouvraient
devant les pauvres Fleurs égarées: laquelle choisir? La solitude
régnait autour d’elles; pour comble de malheur, le soleil s’abaissait
derrière les arbres, et la nuit vient vite dans une forêt. Nos
voyageuses se lamentaient de plus belle, lorsque tout à coup elles
virent un bel oiseau qui vint se poser sur un arbre voisin du lieu où
elles s’étaient assises.

Son bec était d’or, ses yeux d’émeraude, ses ailes de turquoise. Il les
agita trois fois en regardant les fleurs.

--C’est lui! s’écrièrent-elles à la fois, c’est l’Oiseau bleu, notre
ami! Bel Oiseau bleu, nous reconnais-tu?

L’Oiseau inclina doucement et gracieusement la tête comme pour dire:
Oui.

--Sommes-nous encore bien loin du jardin de la Fée, de notre doux pays?

L’Oiseau vola sur une autre branche plus éloignée, en faisant un petit
mouvement de tête du côté des Fleurs.

--Il nous fait signe de le suivre, dit la frileuse; hâtons-nous, mes
sœurs, hâtons-nous.

En effet, elles marchèrent dans la direction de l’Oiseau. Dès qu’elles
furent parvenues près de l’arbre sur lequel il était, il reprit son
vol, et se posa à deux cents pas plus loin. La nuit, les yeux de
l’Oiseau bleu brillèrent comme deux étoiles dans la ramée, et, pour
donner du courage aux Fleurs fatiguées, il se mit à chanter. Nous ne
dirons pas le nombre de lieues que les Fleurs firent pendant la nuit.
On peut, sans exagération, le porter à plus de six mille.

A l’aurore, l’Oiseau bleu cessa de se faire entendre, les Fleurs ne le
virent plus: elles étaient arrivées.

[Illustration]



SOSPIRI


LE LISERON DES CHAMPS

Je suis une pauvre fleur qu’on laisse se flétrir sur sa tige. Aucune
jeune fille ne vient me cueillir pour se parer le dimanche.

Mon cousin le Coquelicot me méprise; mon frère le Bleuet, tout fier de
servir de guirlande aux bergères, ne m’adresse jamais la moindre parole
de consolation. Il n’est pas jusqu’à mon voisin le Pied-d’Alouette
qui ne me regarde d’un air dédaigneux en se dandinant sur ses longues
jambes.

Et pourtant l’autre jour je me suis glissé hors du sillon natal; j’ai
traversé le pré en silence, je suis arrivé jusqu’au bord de l’eau, et
là, passant ma tête entre les roseaux, je me suis miré tout à mon aise.

Je ne suis pas plus laid que mon cousin le Coquelicot, que mon frère le
Bleuet et mon voisin le Pied-d’Alouette.

Personne ne prend garde à moi cependant, on me délaisse; le Grillon
lui-même s’enfuit quand je l’appelle. Il me fixe un moment avec ses
yeux effarés, secoue ses longues antennes, et ne fait qu’un saut
jusqu’à son trou.

Je suis la plus malheureuse de toutes les fleurs, personne ne m’aime!

Ainsi parlait le Liseron des champs en poussant de longs soupirs.

Une Coccinelle, un de ces jolis insectes tachetés que les enfants
appellent Petites Bêtes du bon Dieu, passait près de là; elle entendit
les lamentations du Liseron.

--Pourquoi murmures-tu contre ton sort? lui dit-elle. Depuis quand les
hommes comprennent-ils la grâce qui se cache dans la solitude et dans
la pauvreté? Ils passent auprès d’elle sans l’apercevoir, mais Dieu la
voit et en jouit: c’est pour lui seul qu’il a fait les cœurs humbles et
les petits Liserons des champs.

[Illustration]



L’AUBÉPINE

ET

LE SÉCATEUR

--CONTE--


Voyant un jour ses enfants et ses petits-enfants s’étendre autour
d’elle en jets aventureux, une Aubépine leur tint ce langage:

--Croyez-moi, mes chers enfants, ne dépassez pas les limites de la haie
natale, ne vous avancez pas, ainsi que vous le faites, sur le bord
du chemin, ne vous hasardez pas au milieu des arbres voisins; prenez
garde! autrement le Sécateur vous croquera.

--Qu’est-ce que le Sécateur? s’écrièrent à la fois les jeunes Aubépines.

--Demandez à votre mère, ma fille aînée, répondit l’aïeule. Un jour
qu’elle était bien petite, qu’elle fleurissait à peine, je lui avais
permis de se balancer sur les bords du ravin; il venait de pleuvoir,
et je me séchais au soleil, lorsque j’entendis des bruissements de
frayeur: je tournai la tête et je vis le Sécateur qui menaçait votre
mère. J’eus à peine le temps de m’élancer, de la prendre dans mes bras
et de l’arracher aux dents du monstre, qui déjà ouvrait une gueule
menaçante. Il passa si près de nous que je sentis presque le froid
de sa morsure; j’entendis le cri strident qu’il poussa en fermant sa
mâchoire. Heureusement nous étions à l’abri!

Les petites Aubépines frissonnèrent de terreur et se serrèrent les unes
contre les autres.


[Illustration: AUBÉPINE]


--Mère, dirent-elles, apprends-nous comment est fait le Sécateur, afin
que nous puissions l’éviter quand nous serons grandes.

--C’est surtout alors, mes enfants, reprit l’aïeule, qu’il deviendra
dangereux pour vous! Le Sécateur, quoiqu’il soit un peu ogre de
sa nature, n’aime pas la chair jeune. Il choisit les branches qui
dépassent les autres en vigueur et en santé, et il en fait sa pâture.
Le Sécateur, mes enfants, n’a que deux jambes et une gueule; ses
lèvres minces sont effilées et tranchantes comme le fer. Il n’obéit
qu’à un maître encore plus cruel que lui: ce maître s’appelle
l’Horticulteur.

L’Horticulteur, mes enfants, est l’ennemi juré des pauvres plantes et
des malheureux arbustes; les arbres même n’échappent pas à sa férocité!
Il rêve sans cesse quelles nouvelles tortures il pourra leur infliger.
J’ai vu des abricotiers qu’il clouait les bras en croix contre un mur
exposé tout le jour au soleil. D’autres fois, c’est un cerisier et un
prunier qu’il ampute; puis, par une amère dérision, il ente le bras
de l’un sur l’épaule de l’autre. L’if et le buis sont ses victimes
ordinaires; il les force à marcher sur la tête, à _ramper en cerceau_,
à prendre les pauses les plus bizarres, les plus difficiles, les plus
contre nature. S’ils ont l’air de rechigner et de vouloir revenir à
leur posture naturelle, vite, il appelle le Sécateur pour les mettre à
la raison.

Méfiez-vous de l’Horticulteur, mes enfants: son air est doux, sa
physionomie tranquille. Il porte ordinairement une casquette grise,
une redingote marron et des lunettes; il se promène dans les champs
les mains dans ses poches et la bouche souriante. Son abord inspire la
confiance. Il s’approche de vous doucement; il vous regarde d’un air
paternel; il semble prendre plaisir à voir vos branches luxuriantes se
mêler, se joindre, s’embrasser les unes les autres. Malheur à celles
qu’il caresse de la main! Le Sécateur est là derrière lui; c’est le
signal qui lui indique qu’il peut s’élancer sur sa proie.

N’imitez pas ces plantes et ces arbustes qui ont voulu mener la vie
luxueuse des jardins. La tyrannie impitoyable de l’Horticulteur leur
fait expier leur folle ambition. Restez aux champs, mes enfants, restez
solitaires et cachées si vous voulez éviter le Sécateur.

Ces conseils de la vieille mère, ses enfants les ont suivis; l’Aubépine
est, grâces au ciel, un des rares arbustes sur lesquels ne se soit
point appesantie la main de l’Horticulteur.

Dieu protége l’Aubépine!

[Illustration]



[Illustration: VIGNE]


CHANSON


LA VIGNE


Les vendangeuses sont parties pour la vendange; elles vont cueillir le
raisin mûr.

Écoutez leurs cris et leurs chansons, maintenant qu’elles reviennent;
voyez leurs yeux comme ils brillent; la chaleur des grappes vermeilles
s’est répandue sur leur visage.

Elles se tiennent par la main, et elles chantent en chœur la chanson de
la vigne, la jolie chanson du vigneron.

«Je suis le mari de la vigne. Alerte, bon vigneron!

«J’étais bien jeune quand je l’ai épousée, et elle aussi, la pauvre
petite vigne; elle n’était pas plus haute que ma main.

«Je lui suis resté bien fidèle, pourtant.

«C’était ma maîtresse, mon trésor le plus précieux. Le dimanche, je
le passais auprès d’elle; j’écartais les cailloux de son chemin,
j’arrachais les mauvaises herbes de ses pas, je passais de longues
heures devant elle à la regarder.

«Hiver, été, par le chaud, par le froid, par le vent, par la pluie,
c’est pour elle que je travaillais. Il ne faut pas rester les bras
croisés quand on est le mari de la vigne!

«Toujours nous avons fait bon ménage.

«Voyez les jolis enfants qu’elle m’a donnés! Leur troupe couvre le
coteau, et puis là-bas, dans la plaine, voilà mes petits-enfants.

«Elle, la mère, n’a pas quitté le seuil du logis; regardez-la toute
charnue et vigoureuse; elle a de longs cheveux flottants, elle se tient
droite encore; elle m’entoure de ses deux bras, lorsque j’entre dans ma
chaumière; elle me regarde d’un air doux, quand, au soleil couchant, je
vide à son ombre la coupe du soir.

«Chantons la vigne, la femme du vigneron.

«Elle est bonne nourricière; un lait rouge coule de son sein; il
fortifie le faible et fait naître les bonnes pensées au cœur du fort.
Malheur à celui qui, après avoir goûté le lait de la vigne, n’aime pas
mille fois davantage sa maîtresse, ses amis, sa patrie!

«Le vin n’a jamais fait de lâches ni de traîtres; le vin attire le cœur
sur les lèvres. C’est la vigne qui nous donne le vin!

«Aussi, quand au printemps elle livre à la brise le parfum pénétrant de
sa petite fleur verte, tout le monde est heureux, tout le monde se sent
renaître, et l’on attend l’automne pour célébrer le mari et la femme,
la vigne et le vigneron.»

[Illustration]



LE

CHAPITRE DES BOUQUETS


On écrirait des volumes sur le rôle que jouent les bouquets dans la
société, et nous n’avons qu’un chapitre à leur consacrer.

Le bouquet prend toutes les formes, tous les caractères, toutes les
physionomies; il est mince, il est fluet, il est gros, il est massif;
il est moral, il est dangereux, il est filial, il est galant, il est
conjugal, il est adultère; il a l’air sincère, menteur, naïf, évaporé.
On peut dire d’une femme qui arbore certaines fleurs, qui les porte
d’une certaine façon, qu’elle a jeté son bouquet par-dessus les moulins.

Nous ne dirons que quelques mots du bouquet patronal.

Le bouquet-Marie, le bouquet-Louise, ont leur grâce; mais le
bouquet-Scholastique, le bouquet-Marceline, qu’en pensez-vous? Et
le bouquet-Chrysostome, le bouquet-Pancrace, le bouquet-Jean. Quels
atroces bouquets!

Il y a d’ignobles, de ténébreux bouquets qui s’introduisent chez vous
pour capter votre héritage, ou votre protection; des bouquets qui
s’adressent à votre bourse. Méfiez-vous de ces bouquets!

Il y a aussi le bouquet pique-assiette, le bouquet qui veut avoir son
couvert mis à votre table, le pauvre diable de bouquet qui vous dit:
Invitez-moi.

N’oublions pas le bouquet collectif, le bouquet des dames de la halle:
il s’adresse à la fortune, à la gloire, à la naissance, à tout ce qui
brille; c’est le bouquet de la louange banale. On ne le reçoit pas avec
moins de plaisir pour cela.

Le bouquet domestique, celui du portier, de la bonne, du fermier,
du garçon de bureau, espèce de pauvre honteux qu’il ne faut jamais
repousser.

Le bouquet politique. On doit le recevoir avec recueillement, et lui
adresser une harangue; c’est le plus ennuyeux de tous.

Il faut bien mentionner aussi le bouquet qu’on dépose sur les genoux de
l’aïeule octogénaire;

Le bouquet que, tout enfant, on donne à sa mère en lui sautant au cou;

Le bouquet qu’au sortir de la maladie d’une sœur chérie vous allez
porter à l’église en famille pour en orner l’autel de la Vierge;

Le bouquet qu’on ramasse dans un bal et qu’on garde précieusement: il
y a encore des gens qui ramassent les bouquets, quoique le nombre en
diminue tous les jours.

Le bouquet que l’on jette à une danseuse, le bouquet que l’on donne à
sa fiancée;

Et enfin le bouquet qui pare un cercueil virginal.

Le bouquet est plus souvent un mensonge qu’une vérité, une peine qu’un
plaisir. On peut le classer au nombre des petites misères de la vie
humaine.

Ne vous est-il jamais arrivé, par un soir d’été ou d’hiver, de vous
présenter chez des gens que vous avez tout intérêt à ménager, auprès
desquels vous tenez à vous montrer poli, empressé, prévenant? Vous avez
fait votre plus belle toilette, vous rêvez un aimable accueil; vous
sonnez, vous demandez si madame est chez elle. Le oui fortuné est
prononcé; vous entrez radieux. Pour comble de bonheur, la maîtresse de
maison est seule: quelle occasion favorable pour lui glisser quelques
mots de la place en question. Il va sans dire que le mari est député.
La cheminée du salon est encombrée de bouquets de toutes les couleurs,
de toutes les dimensions. Un frisson parcourt tout votre corps, vous
pâlissez. Votre protectrice, la fée sur laquelle vous comptez, qui a
vu votre embarras, se hâte de vous demander si les parfums vous font
mal: C’est le jour de ma fête, ajoute-t-elle, mes amis m’ont vraiment
comblée.

Vous l’aviez oublié!

Celui qui trouverait un mot spirituel pour sortir d’un embarras
pareil serait plus fort que Talleyrand. Cet homme ne s’est pas encore
rencontré.

Au contraire, le lendemain on aggrave sa situation en envoyant une
énorme jardinière pleine de fleurs. Il y a là pour cinquante francs de
sottise de plus.

Et si vous vous mariez, si vous faites officiellement la cour à une
héritière, vous voilà condamné à six mois de bouquet forcé.

Quelle imagination ne faut-il pas chaque jour pour varier son envoi!
Aujourd’hui les roses, demain les violettes de Parme, après demain les
camélias; mais les jours, les semaines, les mois suivants?

--Charles, vous vous répétez, vous dit votre douce fiancée, vos
bouquets baissent. Terrible avertissement, car du succès d’un bouquet
dépend tout le bonheur de la soirée. Aussi, quelle perpétuelle tension
d’esprit! quelle préoccupation perpétuelle! On passe ses journées chez
la fleuriste, on vit avec un bouquet de Damoclès suspendu sur sa tête.

Les fiancées sont plus difficiles à contenter que les femmes. Ajoutez à
cela qu’il faut savoir offrir un bouquet; très-peu d’hommes parviennent
à se tirer convenablement de cette corvée galante. La plupart sont
guindés, chevaliers français, apprêtés, troubadours en diable. Le
naturel dans ces cas-là est une chose rare.

On est bien fort dans le monde quand on sait présenter un bouquet.

Il y a des gens qui le laissent tomber, ceux qui s’assoient dessus par
distraction, ceux qui ne peuvent parvenir à le tirer du fond de leur
chapeau, ceux qui le flairent avant de l’offrir. Nous n’en finirions
pas si nous voulions énumérer toutes les preuves de maladresse et de
mauvais goût que peut donner un simple bouquet.

Voyez ce jeune homme qui longe les trottoirs, portant à la main un
paquet de forme oblongue soigneusement enveloppé dans un papier
éclatant de blancheur. Il évite les passants, il se glisse le long
des murailles, il court, il vole. Il en est au premier bouquet.
L’acceptera-t-on? Voilà la question. On l’acceptera, malheureux,
garde-toi d’en douter! c’est le bouquet de Pandore que tu tiens à la
main: de là vont sortir les loges, les dîners, les parties de campagne,
les robes de soie, les bijoux et tous les maux qu’un premier bouquet
traîne à sa suite. Crois-moi, jeune homme, il en est temps encore,
déchire-le, anéantis-le, ce bouquet; ne franchis pas le seuil de
l’esclavage. Mais il ne m’entend pas; il est entré, le bouquet l’a
entraîné dans l’abîme!

Il y a des gens qui vous diront: Le bouquet est à la Française ce
que l’éventail est à l’Espagnole, et de là cinq ou six pages de
dissertation. Nous respectons trop le lecteur pour lui imposer ces
lieux communs: laissons cela à ceux qui, en fait d’observations,
restent toujours en rhétorique. De toutes les femmes, la Française
est celle à qui le bouquet va le moins bien. Il embellit la
démarche sentimentale, la physionomie mélancolique de l’Allemande
et de l’Anglaise. Avec l’Italienne, le bouquet intervient dans la
conversation; il parle, il gesticule, il baisse la tête ou la relève;
il est tour à tour plein de tendresse et de colère; il a une âme, des
sens; il anime la scène, il vit. Qu’est-ce qu’un bouquet entre les
mains d’une Française? Un personnage muet, une espèce d’automate dont
les mouvements sont réglés par ce mécanisme qui s’appelle l’étiquette.

Aussi en France tous les bouquets ont l’air ennuyé. Voyez-les au
concert, au spectacle, au bal, jeunes ou vieux, célibataires ou
mariés, aucun sentiment autre que celui de la fatigue ne se trahit
sur leur physionomie uniforme et monotone. Je ne suis pas Hoffmann,
mais j’affirme avoir vu sur le rebord de certaines loges à l’Opéra des
bouquets qui bâillaient; d’autres dormaient. L’énorme bouquet de Mme
V.... ronflait positivement.

Le bouquet a depuis longtemps perdu toute valeur sentimentale. Je
ne connais pas sa situation philosophique et morale dans les autres
pays; mais, en France, il n’y a plus que les amoureux du Gymnase qui
séduisent les femmes en glissant des lettres dans leurs bouquets.

Le bouquet n’est plus banni du ménage, le mari l’a amnistié. Il faut
en prendre notre parti, le bouquet n’est plus qu’un mythe, un symbole,
une illusion. En fait d’idées et de sentiments anciens, ne faisons pas
trop cependant les esprits forts. Quand les croyances s’en vont, les
superstitions restent. Qui sait, nous qui rions du bouquet, s’il ne
nous arrivera pas de pleurer en retrouvant un de ces quatre matins, au
fond de quelque tiroir oublié, une touffe de feuilles desséchées!

[Illustration]



ROMANCE

LE MYOSOTIS


    Cette fleur d’azur, cette douce fleur
    Qu’avant de partir, hier, je t’ai donnée,
    Écoute sa voix, écho de mon cœur,
    Écoute sa voix tendre et parfumée
          Qui te dit tout bas,
          Qui te dit tout bas:
          Ne m’oubliez pas,
          Ne m’oubliez pas!

    Oh! garde-la bien jusqu’à mon retour,
    Et près de ton sein cache-la, ma belle!
    Si, pendant l’absence, un autre d’amour
    Voulait te parler, cette fleur fidèle
          Te dirait tout bas,
          Te dirait tout bas:
          Ne m’oubliez pas,
          Ne m’oubliez pas!

    C’est le Myosotis qui te parlera
    De moi, si je meurs loin de cette terre;
    Même près d’un autre il répétera
    De ton seul ami l’unique prière,
          En disant tout bas,
          En disant tout bas:
          Ne m’oubliez pas,
          Ah! ne m’oubliez pas!

[Illustration]


[Illustration: MYOSOTIS]


Romance

LE MYOSOTIS

MUSIQUE DE M. AUGUSTE MOREL


[Musique:

    Cette fleur d’azur, cette douce fleur
    Qu’avant de partir hier je t’ai donnée,
    Écoute sa voix, écho de mon cœur,
    Écoute sa voix tendre et parfumée,
          Qui te dit tout bas,
          Qui te dit tout bas:
          Ne m’oubliez pas,
          Ne m’oubliez pas,

    Oh garde-la bien jusqu’à mon retour,
    Et près de ton sein cache-la, ma belle!
    Si, pendant l’absence un autre d’amour
    Voulait te parler, cette fleur fidèle,
          Te dirait tout bas,
          Te dirait tout bas:
          Ne m’oubliez pas,
          Ne m’oubliez pas.

    C’est le myosotis qui te parlera
    De moi si je meurs loin de cette terre;
    Même près d’un autre il répétera
    De ton seul ami l’unique prière,
          En disant tout bas,
          En disant tout bas:
          Ne m’oubliez pas,
          Ah! ne m’oubliez pas.]

[Illustration]



LES PARFUMS


Les parfums sont bien déchus de leur ancienne importance depuis la mort
des trente-deux mille divinités ou sous-divinités du monde païen.

Les parfums ont perdu leur caractère religieux. Les temples, les autels
ne fument plus; c’est à peine si on brûle quelques grains d’encens dans
les églises.

La chambre nuptiale et la salle des festins ne sont plus parfumées; les
fontaines d’eau odorante ne coulent plus dans les fêtes publiques.

L’extrême civilisation et la barbarie, le paganisme et le moyen âge se
touchaient par un point: l’amour des parfums.

Le fashionable grec ou romain se serait cru déshonoré s’il se fût
montré dans le monde sans que ses cheveux, sa barbe, ses vêtements
fussent parfumés; le baron féodal aurait trahi les lois de
l’hospitalité si l’hôte, en se mettant à table ou en entrant dans son
lit, n’eût respiré l’odeur fortifiante de quelque parfum.

Il est vrai qu’à cette époque, où la chimie avait fait peu de progrès,
une jonchée de roses, ou l’odorante ramée du bois voisin, suffisait aux
besoins de l’odorat, et formait tout l’art de la parfumerie.

Notre siècle n’a point hérité de ce goût. Le parfum n’existe qu’à
l’état de tolérance; on s’en sert, mais on ne l’avoue pas.

Par quel enchaînement bizarre de faits et d’idées est-on venu à cette
hypocrisie du parfum?

Cette étude nous entraînerait trop loin; d’ailleurs, elle n’est pas de
notre sujet. Bornons-nous à constater un fait accompli.

Aujourd’hui, un homme n’ose pas avouer qu’il met de la pommade à ses
cheveux. _Voilà un monsieur qui met de la pommade_; cette phrase est
caractéristique. Si on la prononce sur votre compte, vous êtes classé,
étiqueté, jugé.

Il suffit d’humecter son mouchoir de quelques gouttes d’eau de senteur,
pour se donner le vernis de petit-maître et d’homme efféminé. On
tolère, par exemple, l’usage du savon parfumé pour se laver les mains
et se faire la barbe.

Voilà pour les hommes.

Autrefois une femme portait sur elle des parfums sans croire commettre
une faute. On sentait la rose, le jasmin ou la vanille, selon la mode;
tout le dix-huitième siècle s’est poudré sans vergogne à l’iris. Dire
à une femme qu’elle porte des odeurs, avoir l’air de s’en apercevoir,
c’est se perdre sans retour auprès d’elle.

Mais cependant, me direz-vous, les flacons, les cassolettes parlent
d’elles-mêmes.--Laissez-les parler, mais faites semblant de ne pas les
entendre. Ma jeunesse, ma beauté, ma fraîcheur, voilà mes parfums,
pensent les femmes; qu’avez-vous besoin, malotru que vous êtes, de vous
apercevoir que je sens la violette ou la bergamote?

La femme, malgré tout cela, ne peut se passer de parfums; il lui en
faut, elle les aime. Aussi jamais l’art du parfumeur n’a été plus
florissant; mais toute son habileté consiste à dissimuler, à voiler, à
déguiser le parfum. Aujourd’hui le parfumeur ne distille plus que des
paradoxes.

Vous connaissez l’histoire de la culotte du ci-devant jeune homme? On
peut l’appliquer à la parfumerie. Faites-moi des parfums, mais s’ils
sentent quelque chose, je n’en veux pas.

La tradition des parfums s’est maintenue pourtant chez quelques
honnêtes familles de la province et du Marais. On a des recettes pour
fabriquer la marmelade aux abricots et l’essence de rose, les cerises à
l’eau-de-vie et la pommade au jasmin. C’est de la parfumerie de ménage.

Les mères croient encore à la pommade. Elles n’ont point renoncé au
charme de pommader la chevelure de leurs enfants. C’est un soin qu’à
l’exemple du Jasmin devenu femme, elles prennent toujours avec plaisir.

Le sachet persiste aussi, malgré la défaveur générale qui s’attache aux
parfums. Il est éternel comme les pantoufles, les bretelles brodées et
le bonnet grec. Méfiez-vous du sachet!

La parfumerie moderne a poussé si loin le paradoxe, qu’elle est
parvenue à proscrire le parfum des fleurs. Le règne minéral, le règne
animal, sont mis à contribution pour satisfaire les caprices des femmes
à la mode; mais on dédaigne le règne végétal. Il faut arriver en droite
ligne des colonies ou de Carpentras, pour ne pas tomber en des spasmes
terribles rien qu’en respirant l’odeur de l’œillet ou de la tubéreuse.

Aussi, le moment est venu de nous écrier: Les parfums s’en vont!

Ce départ a coïncidé avec l’invention des nerfs. En créant la
névralgie, la médecine a porté le dernier coup au parfum. On ne
l’accepte plus que comme moyen de suicide: au lieu d’allumer un réchaud
de charbon, on se contentera de déposer un bouquet de roses sur sa
cheminée. Il y a des romanciers qui ont fait mourir leur héroïne
en l’enfermant dans une serre. Je connais un bas-bleu qui garde
précieusement chez elle un petit flacon d’essence de rose; quand la
coupe du désenchantement sera pleine, elle respirera le flacon et tout
sera dit.

Les parfums sont morts, vivent les sels!

Mais non, nous ne pousserons pas ce cri antinational. Le sel est un
produit de l’invasion étrangère, le sel est anglais. Jamais en France
le sel ne régnera!

Le sel est frère du gingembre, du poivre rouge et du vin de Porto.--Il
convient à des narines dépravées, à des nez spleenétiques; il est fils
des climats sombres et brumeux. Le sel fait éternuer: c’est un tabac
minéralogique.

Les Françaises reviendront aux parfums des fleurs. L’abus des nerfs
commence à se faire sentir; on éprouve assez généralement le besoin
d’en venir aux vapeurs. Sous l’ancien régime, les parfums les
dissipaient.

Et remarquez bien que ces nerfs si délicats, ces nerfs si susceptibles,
consentent à ce qu’on brûle devant eux des petits bâtons jaunes d’une
composition douteuse, d’un arome suspect, qui donneraient la migraine
à un charbonnier. Il est vrai que ces petits bâtons arrivent de Chine
et sont fabriqués à Pantin.

Bientôt, il faut l’espérer, nous reverrons ces temps heureux où les
poètes parlaient de la démarche embaumée des femmes, et de leur
présence qui se trahissait par des parfums. Que de choses nous aurions
à ajouter à ce que disaient les poètes! Le choix du parfum n’était-il
pas une occasion de plus de montrer son esprit? Il y avait le parfum du
matin, le parfum du jour, le parfum du soir, le parfum de l’intimité et
le parfum du monde; le parfum du boudoir et celui de la rue; le parfum
heureux, le parfum mélancolique, le parfum du rendez-vous, couleur
de muraille; enfin, le parfum de tous les sentiments, de toutes les
situations, même le parfum de la constance, toujours le même parfum.

Les femmes ont perdu plus qu’elles ne le pensent à la suppression des
parfums. Sans eux point de toilette vraiment complète. Ils sont la
partie vivante et animée de l’élégance, ils créent à la femme comme
une atmosphère de déesse qui semble la séparer de la terre. Les sens
ont leurs souvenirs comme le cœur; pourquoi le nez, qu’on me pardonne
d’écrire ce mot, presque toujours ridicule, n’aurait-il pas sa poésie?
Vous qui vous rappelez l’étoffe de sa robe, le son de sa voix, la
couleur de ses gants, la nuance de ses yeux, la forme de son chapeau,
avez-vous oublié son parfum, si elle en portait, et n’avez-vous pas
regretté qu’elle n’en portât pas? Ce serait un moyen de plus de se
souvenir d’elle.

Il n’y a de parfum véritable que le parfum des fleurs; tous les autres
rentrent plus ou moins dans la pharmacie. Que les Françaises laissent
les sels aux pâles sectatrices du soda-water; elles ont banni les
fleurs, mais les fleurs ne leur tiendront pas rancune: roses, lis,
jasmins, violettes, tubéreuses, toutes les fleurs sont encore prêtes à
verser le plus précieux de leur sang pour la beauté repentante.

[Illustration]



[Illustration: SCABIEUSE ET SOUCI]


FABLE

LA SCABIEUSE ET LE SOUCI


Assis à l’ombre d’un saule pleureur, le Souci jetait un regard d’envie
sur la prairie.--Toutes les fleurs sont heureuses, se disait-il; moi
seul je souffre, on me délaisse, on m’abandonne, personne ne veut me
prendre en pitié.

Comme il gémissait ainsi sur son sort, il vit passer dans le ravin une
jeune Scabieuse tenant deux petits enfants à la main.

--C’est la Scabieuse qui habite au pied du coteau; elle a perdu son
mari hier; la voilà veuve avec deux enfants sur les bras; elle doit
être triste comme moi. Eh bien! je suis sûr qu’elle va faire un détour
pour éviter de me rencontrer.

En prononçant ces paroles, le Souci poussa un énorme soupir. La
Scabieuse, qui causait en se promenant avec ses deux pauvres orphelins,
entendit ce soupir et leva la tête.

--C’est vous qui soupirez ainsi? demanda-t-elle au Souci d’une voix
douce.

--Et qui donc serait-ce? répondit le Souci d’un ton bourru; n’ai-je pas
raison de soupirer?

--Pourquoi plus qu’un autre? reprit la Scabieuse; tout le monde
n’a-t-il pas sa part de tristesse dans cette vallée de larmes? Pour
diminuer ses chagrins, il faut se créer des devoirs. Je serais bien
malheureuse si mon mari, en mourant, ne m’avait laissé ces deux faibles
créatures à soutenir; elles m’ont pour ainsi dire rattachée à la terre,
c’est pour elles que je vis.

--Elles vous mépriseront quand elles n’auront plus besoin de vous. Les
enfants sont des ingrats.

--Avez-vous été marié?

--Jamais!

--Quels sont vos amis?

--Je n’en veux point, ils sont tous intéressés.

--Aimez-vous vos semblables?

--Non, car ils me détestent.

--Je vous plains de penser ainsi, continua la Scabieuse; mais cela
ne m’étonne pas, vous voulez vivre dans la solitude. Cessez d’être
misanthrope, croyez-moi; épanchez votre cœur dans le cœur d’un ami, si
vous voulez être heureux.

L’isolement aigrit le souci.

[Illustration]



[Illustration: TRAITE DES FLEURS]


LA TRAITE DES FLEURS


Je ne puis traverser un marché aux fleurs sans me sentir saisi d’une
amère tristesse. Il me semble que je suis dans un bazar d’esclaves, à
Constantinople ou au Caire. Les esclaves sont les fleurs.

Voilà les riches qui viennent les marchander; ils les regardent,
ils les touchent, ils examinent si elles sont dans des conditions
suffisantes de jeunesse, de santé et de beauté. Le marché est conclu.
Suis ton maître, pauvre fleur, sers à ses plaisirs, orne son sérail,
tu auras une belle robe de porcelaine, un joli manteau de mousse, tu
habiteras un appartement somptueux; mais, adieu le soleil, la brise et
la liberté: tu es esclave!

Pauvres fleurs! on les entasse les unes sur les autres, on les laisse
exposées au vent, à la poussière, à toutes les intempéries des saisons.
Le passant s’arrête. Redressez-vous, pauvres fleurs, faites les
coquettes; c’est pour cela que le marchand vous a conduites au bazar,
c’est sur vous qu’il compte pour s’enrichir.

La plupart restent inclinées sur leur tige; elles sont languissantes,
faibles, étiolées; les fatigues d’un long voyage, les ennuis de la
captivité se lisent sur leurs feuilles pâles. Que leur importe d’être
belles! Avant le soir elles auront passé sous les lois d’un maître
inconnu.

Heureuses alors celles que la jeune et laborieuse ouvrière emporte
pour orner sa mansarde. L’eau ne leur manquera pas, du moins, ni l’air
non plus. Il y a sur le bord du toit une petite place que le soleil
regarde en se levant, où l’on entend le chant lointain des oiseaux qui
traversent les airs à l’aube naissante; quand les oiseaux se taisent,
c’est la grisette qui se met à chanter. La fleur peut être heureuse,
elle est sa sœur.

Heureuse aussi la fleur devant laquelle s’est arrêtée, ce matin, cette
blonde et rêveuse jeune fille suspendue au bras de sa mère! On la
transportera dans un jardin, au pied de la fenêtre de sa maîtresse. La
nuit, elle mêlera ses doux parfums à ses rêves de vierge; le jour elle
l’entendra soupirer et se pencher, en murmurant un nom confus sur son
calice. Je ne te plains pas, belle fleur, tu es chez ton amie.

Mais vous, infortunées, qu’un marchand a achetées pour orner son
comptoir, qui racontera vos ennuis dans cette atmosphère lourde des
boutiques; qui retracera vos souffrances, pauvres fleurs d’estaminet
perdues dans l’opaque brouillard du cigare, vous si sensibles, si
délicates, si nerveuses!

Et vous, hôtesses passagères des palais, fleurs choisies pour un soir
de fête; on ne vous achète pas, on vous loue: au lieu d’être esclaves
vous êtes domestiques. Vous faites la haie sur le passage des belles
invitées, on vous relègue à l’antichambre avec les valets; vous êtes
là exposées à tous les vents coulis, vous grelottez sous votre robe de
gaze légère; au bout de huit jours de cette existence, vous mourrez
d’une phthisie pulmonaire!

Eh bien! votre sort me semble préférable au sort de cette fleur qu’une
grande dame a achetée dans un moment de caprice. On lui accorde à peine
un regard, puis on l’abandonne aux soins de la valetaille insensible et
négligente. Souvent on a vu des fleurs expirer faute d’un verre d’eau
ou d’un rayon de soleil. Hélas! les fleurs n’ont pas de voix pour se
plaindre; elles ne savent que courber la tête et mourir.

Arracher une fleur à son pays natal, la séparer de sa famille, de
ses amis, l’exposer sur un marché, n’est-ce pas là un crime de
lèse-sensibilité? La traite des hommes est supprimée, demandons aux
Chambres une loi contre la traite des fleurs. Nous l’obtiendrions si
nous vivions encore à l’époque des _Amis de la nature_; mais, hélas!
ils sont morts avec Jean-Jacques Rousseau et Bernardin de Saint-Pierre!

Quels mots viens-je de prononcer? Les _Amis de la nature_ ont un grand
reproche à se faire à l’égard des fleurs: ce sont eux qui ont propagé
l’herborisation et donné naissance à la mode des herbiers.

Avant l’album, l’herbier florissait; depuis l’enfant de douze
ans jusqu’à la femme de quarante ans, tous les âges avaient leur
herbier comme ils ont aujourd’hui leur album. On faisait des parties
d’herborisation, comme on fait des parties de campagne. On ne pouvait
faire un pas dans les champs sans rencontrer des gens brandissant
un scalpel ou des ciseaux. Des femmes qui se seraient évanouies en
voyant écraser un ciron, des hommes qui, le matin même, avaient écrit
des chapitres ou prononcé des discours contre les tortures infligées
aux malheureux nègres, scalpaient, cisaillaient, écorchaient vivants
de candides marguerites ou d’innocents muguets; on arrachait leurs
feuilles une à une, on plongeait le poignard dans leur corolle, on
coupait leur corps en trois ou quatre morceaux, on leur infligeait
toutes les tortures, tous les martyres, afin, disait-on, de pénétrer
les _secrets de la nature_. Toujours la nature! Maintenant il n’est
question que de la science. Les femmes ne s’en mêlent plus, il est
vrai, mais on commet les mêmes crimes par _amour de la science_. Si
vous essayez d’élever la voix en faveur des plantes, on s’écrie que
vous êtes un barbare, un ennemi du progrès, que vous voulez entraver
les conquêtes de la _science_, que vous voulez faire rétrograder
l’esprit humain jusqu’à cette époque de ténèbres où l’on punissait
la dissection comme un sacrilége. La dissection! Mais faut-il, pour
assurer les besoins de l’anatomie, permettre qu’on s’empare des gens
pleins de vie, qu’on les tue pour les emporter à l’amphithéâtre?
Est-ce que les plantes et les fleurs ne vivent pas comme les hommes?
Ne sentez-vous pas, cruels _Amis de la science_, que vous n’êtes que
d’abominables étouffeurs? Si la pâquerette pouvait crier, vous seriez
obligés de jeter sur sa tête un masque de poix!

Ramassez au matin les morts de la prairie: hélas! l’orage, les
insectes, l’ardeur du soleil, le sabot du pâtre font assez de victimes;
l’autopsie du cadavre vous est permise, mais respectez les vivants!

Nous ne voulions parler que de l’esclavage des fleurs, l’indignation
nous a fait jeter ce cri. Au surplus, nous ne nous écartons pas trop de
notre sujet, puisque nous traitons du sort que les lois humaines font
aux fleurs.

Il est certain que la traite des fleurs est aujourd’hui un fait patent.
Le gouvernement la tolère et l’encourage. Chaque année il expédie,
même sous le nom de _Voyageurs du Jardin des Plantes_, des espèces de
corsaires qui vont çà et là sur tous les rivages, font des descentes,
des expéditions dans l’intérieur des terres, et ramènent captives les
fleurs dont ils ont pu s’emparer. On les transporte en France, on
leur donne une case au Jardin du Roi, on les établit en familles; ces
fleurs s’acclimatent, font des enfants, et, quand ils sont arrivés à un
certain âge, le gouvernement les arrache au sein de leur mère, et les
vend ou les donne à des particuliers.

Cela est affreux! Quand donc les fleurs trouveront-elles leur
Wilberforce?

Fleurs infortunées! L’autre jour je passais sur la place de la
Madeleine; il y avait là un beau lis qu’un vieillard marchandait.

La fleur paraissait souffrir dans sa pudeur de se voir ainsi regardée;
parfois on voyait comme un frisson courir sur sa tige, et sa blanche
tête se rejeter en arrière: c’était lorsque le vieillard la touchait.

Je regardai le lis; je crus voir une larme trembler au fond de son
calice; il me sembla que la fleur me parlait.

--Achète-moi, disait-elle, ne me laisse pas tomber entre les mains
de cet homme. Hélas! que va-t-il faire de moi? J’ai peur quand il me
regarde, je tremble quand il me touche. S’il me faut le suivre, je
mourrai.

--Je te sauverai, m’écriai-je, je te sauverai!

Le vieil acheteur se retourna vers moi d’un air étonné. Il fit signe à
un domestique, qui s’empara de la fleur. Je m’adressai au marchand trop
tard: il avait reçu le prix de l’esclave!

Je la suivis jusqu’à la porte de sa nouvelle demeure. De loin elle me
remerciait d’un sourire doux et résigné.

Je la vis disparaître.

Le lendemain, j’étais devant l’hôtel, je voulais avoir des nouvelles de
mon pauvre lis: un domestique jetait dans la rue une fleur flétrie.

Combien d’autres fleurs sont mortes ainsi!

[Illustration]



[Illustration: FLÈCHE-D’EAU]


BARCAROLLE

LA FLÈCHE D’EAU


Vogue, ma barque, fends le courant rapide: elle m’appelle à l’autre
bord; j’entends sa voix qui me protége!

Ainsi chantait le pêcheur, et, s’appuyant sur sa rame, il divisait le
flot en laissant après lui un sillon argenté. Sa barque volait comme
l’hirondelle; déjà les saules du rivage laissaient voir leur chevelure
verte. Le pêcheur redoubla d’efforts. Tout à coup il lui sembla que
sa barque, rebelle à la rame, était entraînée doucement vers un point
opposé. Au même instant la lune se voila; il vit, au milieu des joncs,
se dresser lentement une belle femme, et il entendit une voix qui
chantait:

«Où vas-tu, jeune pêcheur? Écoute, je suis la blanche reine de l’onde.
La rive est pleine de désillusions; suis le courant qui t’entraîne vers
moi; je te montrerai le chemin qui conduit dans mes bleuâtres royaumes,
vers mon palais de cristal. Ne me connais-tu pas? Le soir, c’est moi
qui t’endors au bruit de mes soupirs expirant sur la grève; c’est ma
fraîche haleine que tu respires le matin sur le seuil de ta chaumière.
Vois, ta barque d’elle-même marche vers moi. Laisse-toi aller, pêcheur,
suis le courant qui te guide.»

Le pêcheur, pâle d’effroi, gardait le silence. Le malheureux s’était
approché de cet endroit mystérieux où s’élève la flèche d’eau au milieu
de mille plantes aquatiques. Les rameurs qui ont obéi à son appel
n’ont plus reparu au village; on les a trouvés bien loin sur le rivage
frappés de nombreuses blessures. La menteuse divinité les avait percés
de ses dards.

Ces histoires se présentèrent à l’esprit du pêcheur, mais l’ondine
chantait toujours, une fascination involontaire le privait de ses
forces, il allait abandonner l’aviron.

Tout à coup, son nom répété trois fois retentit sur la rive.

--Vogue, ma barque, s’écria le pêcheur ranimé, fends le courant
rapide: elle m’appelle à l’autre bord; j’entends sa voix qui me protége!

Il s’éloigne, et l’ondine disparaît, ne laissant après elle qu’un
cercle d’argent sur l’eau.

[Illustration]



LES FLEURS PERDUES


Les anciens, plus heureux que nous, connaissaient une foule de fleurs
dont on ne trouve plus de traces sur la terre: elles ont disparu.
La nature, en les supprimant, a voulu nous punir, sans doute, de la
tiédeur de notre culte pour elles. Leurs charmes, leurs propriétés
particulières, constituent une perte bien grande pour les commodités
ou les plaisirs de l’humanité. Quel malheur, par exemple, pour
les glaciers et les limonadiers, que nous ne possédions plus la
_coracesia_, cette fleur qui, au dire de Pythagore, faisait geler
l’eau! et l’_aproxis_, qui, s’enflammant au moindre contact, remplaçait
si avantageusement les allumettes chimiques allemandes ou françaises!
et le _baaras_, ce cierge embaumé des montagnes du Liban! L’historien
Josèphe raconte que la longue tige du _baaras_ s’allumait d’elle-même,
le soir, et brûlait jusqu’au matin sans se consumer. Quel bonheur si,
au lieu de nos tristes réverbères, de nos becs de gaz puants, nous
étions éclairés, en passant dans chaque rue, par une double rangée
de beaux arbres enflammés! Pourquoi ne trouve-t-on plus de graine de
_baaras_?

Épouses qui soupirez après un enfant, au lieu de vous confier à la
vertu d’une eau sulfureuse et nauséabonde; et vous, vieillards, qui
essayez en vain de combattre les ravages des années, que n’avez-vous
un brin de ce fameux _dudaïm_, qui ne fleurit malheureusement plus que
dans les livres hébreux, et qui rendait les femmes fécondes et les
hommes éternellement jeunes!

L’existence de l’_achemys_ résoudrait bien mieux que les chemins de fer
le problème de la paix universelle. L’_achemys_ avait la propriété de
mettre en fuite ceux qui le touchaient. Comment songer à la guerre avec
une arme qui disperserait les armées opposées et les empêcherait de se
rejoindre?

Beaucoup de gens regretteront le _népenthès_, cette fleur, souvent
consolante, qui faisait perdre la mémoire, surtout en songeant au
_moly_, qui vous rendait à l’instant même le souvenir. Circé administra
du _népenthès_ à forte dose aux compagnons d’Ulysse; celui-ci les
guérit en leur faisant avaler à temps une contre-dose de _moly_.

N’oublions pas de citer le _sylphion_. Au mois de la floraison, cette
plante laissait couler de sa tige une résine précieuse qui, séchée
et réduite en poudre, guérissait tous les maux, même la colique et
le mal de dents; c’est Pline qui l’assure. Cyrène était la ville où
l’on cultivait le remède universel. César, en s’emparant de Cyrène,
abandonna le trésor public à ses lieutenants, et se réserva la
provision de _sylphion_ conservée dans le susdit trésor à l’égal des
matières les plus précieuses.

Rappelons aux gastronomes le _borahmez_, cette fleur entièrement
semblable à un agneau. Recouverte d’une blanche toison, elle reposait
sur quatre tiges; ses feuilles laineuses figuraient les oreilles et
la queue. A la moindre incision, une liqueur rouge comme du sang
s’échappait de la plante; on voyait sa pulpe rose et sanguinolente
comme la chair. Si on la mettait au feu, elle répandait tout de suite
dans les airs un délicieux parfum de gigot rôti. Au moins, dans le pays
où croissait le _borahmez_, les voyageurs n’avaient pas besoin de faire
des provisions de route. L’histoire ne nous dit pas le nom de cette
bienheureuse contrée où l’on pouvait ainsi cultiver des côtelettes sur
la plante; ce doit être le pays de Cocagne, déjà connu de l’antiquité.

Les anciens possédaient aussi la fleur qui rend les amours éternelles.

La fleur qui donne la gaieté: les modernes s’imaginent l’avoir
remplacée par le _hachisch_.

La fleur qui chante existait encore pendant le moyen âge. Albert le
Grand affirme l’avoir entendue. Pendant les nuits sereines de l’été,
au milieu du silence de la nature, on entendait tout à coup vibrer une
voix pure et harmonieuse dont les notes montaient vers le ciel. C’était
la mandragore qui chantait sa nocturne mélodie. Ceux qui l’écoutaient
se sentaient saisis d’une émotion inexprimable; leur cœur battait avec
une douce violence, des larmes de tendresse mouillaient leurs yeux.
Quelquefois le rossignol essayait de lutter avec la mandragore; mais
bientôt le charme agissait sur lui, ses roulades devenaient peu à peu
plus lentes, sa voix plus faible, puis il se taisait pour écouter
sa rivale victorieuse. La voix de la mandragore portait bonheur à
ceux dont elle frappait une fois les oreilles; toute leur vie ils
l’entendaient retentir au fond de leur cœur: c’était la Poésie qui leur
avait parlé.

Hélas! les nuits d’été sont toujours sereines, les rossignols lancent
encore dans les airs leurs mélodieuses fusées; mais la mandragore ne
chante plus!

[Illustration]



GUZLA

LE CYPRÈS


Enfant, je venais m’asseoir sous ton ombre, et mon âme, suivant le vol
des colombes qui se dirigeaient vers le Bosphore, se perdait avec elles
dans l’azur du ciel.

Maintenant, je m’avance d’un pas lent et fatigué, j’étends avec peine
mes membres vers la terre, mon âme ne vole plus avec les colombes:
l’enfant est devenu un vieillard.

Tu me prêtes encore ton ombre, beau Cyprès; ton tronc droit, élancé, me
sert d’appui; je vois d’ici le tombeau de mon père, la place où sera le
mien.

Le Cyprès monte droit vers le ciel, comme la prière du vrai croyant;
il semble que la voix de ceux que nous avons aimés nous parle dans le
murmure de ses branches.

Il y a bien longtemps que nous nous connaissons, vieux Cyprès; chaque
jour je viens près de toi aspirer l’odorante fumée de mon narghiléh,
et puis rêver en égrenant mon long chapelet. Tu connais toutes mes
pensées; tu peux dire si jamais j’ai eu peur de la mort.

Je t’aime, au contraire, parce que tu m’y fais penser. Quelle idée plus
douce que celle de la mort à l’homme qui a longtemps vécu!

Oh! quand mon âme pourra-t-elle s’envoler loin, bien plus loin que les
colombes qui se dirigent vers le Bosphore, plus haut que les minarets
de Sainte-Sophie, au delà des nuages, au-dessus du bleu firmament!

C’est là que nous attend le bonheur éternel! Viens, ange de la mort,
viens frapper à ma porte, le vieillard est prêt à partir.

Brises qui chantez dans ce Cyprès, apprenez-moi l’instant de ma
délivrance: chaque jour je viens vous le demander, et vous ne me
répondez pas.

[Illustration]



LETTRE CRITIQUE ET PHILOSOPHIQUE

DU

DOCTEUR JACOBUS

A L’AUTEUR


MONSIEUR,

Oubliant le respect que vous devez à un homme de mon importance, vous
vous êtes permis, non-seulement de me faire figurer dans votre livre,
mais encore de me prêter un rôle que ma haute position ne me permet
point d’accepter. Vous prétendez que la Pensée errante, ayant reçu
l’hospitalité chez moi, me révéla par reconnaissance le langage des
Fleurs. S’il faut vous en croire, je me suis montré émerveillé de cette
découverte. Pour qui me prenez-vous, Monsieur?

Il faut que vous sachiez que les esprits vraiment philosophiques de
ce temps-ci ne considèrent plus depuis longtemps le prétendu langage
des Fleurs que comme une puérilité, une faribole, une véritable
mystification. Les grandes intelligences, dont je fais partie, se sont
élevées à la seule conception qui puisse rendre un compte exact de la
signification morale des Fleurs: cette conception, c’est l’analogie
universelle.

La nature, Monsieur, a créé dans certains animaux et végétaux des
images de nos passions. La vipère représente la calomnie, le chien,
la fidélité; le gui est l’emblème du parasite. Ce sont ces rapports
symboliques qui établissent l’état d’analogie entre l’homme et la
création. Pour ne parler que des plantes, chacune d’elles est un miroir
fidèle de nos sentiments et de nos passions. Un parterre est un musée
où revivent en tableaux fleuris et animés nos vices et nos vertus.

La science qui doit expliquer ces ressemblances, c’est l’analogie
ou physiologie comparée. Les anciens avaient entrevu cette méthode.
Chaque chose inanimée, les fleurs surtout, renfermait une allusion aux
choses animées. Mais les anciens méconnurent la réalité pour s’égarer
dans le monde des fictions; ils furent poètes, mais non analogistes ou
psychologues.

Vous avez suivi pas à pas les traces des anciens; aussi vous êtes
non-seulement resté en arrière des notions nouvelles, mais encore vous
avez commis des erreurs énormes, faute de recourir aux principes de
l’analogie universelle.

Permettez-moi, Monsieur, de recourir à quelques exemples:

Je lis dans votre prétendu langage des Fleurs que la fleur d’oranger
représente le mariage. Cela s’écrit et se débite depuis des siècles:
une jeune fille ne se croirait pas bien et dûment mariée si, le jour de
ses noces, elle ne portait pas une couronne d’oranger sur la tête. Je
n’ignore point cela, mais quels rapports existe-t-il entre cette fleur
et le mariage? On pourra faire à ce sujet, ainsi que vous l’avez tenté,
beaucoup de poésie, mais voilà tout. La poésie ne donnera pas la clef
de ce mystère. Recourez à l’analogie, vous trouverez tout de suite la
plante qui symbolise le mariage.

Vous avez sans doute été frappé plus d’une fois de l’aspect lugubre
que présente le grand iris tacheté de noir. Il montre orgueilleusement
ses couleurs sombres, alliant à la fois la richesse à l’uniformité.
N’est-ce pas là l’emblème de ces unions princières qui se concluent au
milieu de la pompe, et qui se consument plus tard dans la monotonie de
l’ennui? L’iris bleu, l’iris jaune, l’iris papillon, représentent au
contraire les mariages heureux.

Deux corolles paraissent alternativement sur l’iris. La seconde ne
paraît que lorsque la première est flétrie. C’est l’image du lien qui
unit quelquefois un vieillard à une jeune fille: l’âge du bonheur
commence pour l’une, et finit pour l’autre.

Le réceptacle d’étamines a la forme de chenille, en souvenir des
calculs sordides qui président trop souvent au mariage. La feuille de
l’iris commun est écrasée, en signe de la misère qui frappe les petits
ménages; elle se termine par une pointe desséchée, comme pour montrer
le résultat stérile des efforts de la pauvreté.

Vous voyez, Monsieur, par quelles puissantes raisons d’analogie la
fleur du mariage doit être l’iris, et non pas l’oranger. Mais je
continue l’examen détaillé de vos sophismes:

La rose, selon vous, représente la beauté. Erreur profonde, qui dénote
en vous un jugement des plus superficiels et des plus routiniers. La
rose, c’est la pudeur de la jeunesse.

Elle a toutes les couleurs du jeune âge, elle affectionne les lieux
frais, en symbole de la fraîcheur de jeunesse dont elle est douée. Son
parfum est un arome qui enivre doucement comme l’affection qu’inspire
une jeune fille. La rose ne plaît véritablement que lorsqu’elle est
demi-éclose; entièrement épanouie, elle paraît moins belle. Ainsi,
l’innocence est préférable à la beauté.

Au mot _dédain_ correspond dans votre langage des Fleurs l’œillet.
Qu’ont-ils ensemble de commun? L’œillet tombe et traîne à terre sa
tige élégante; il faut qu’une main amie le soutienne, et lui donne
pour appui une branche d’osier nommée tuteur. Les pétales de l’œillet
brisent leur enveloppe et s’échappent en désordre. La main de l’homme
doit aider à rompre les barrières du calice, et un ingénieux encartage
favoriser le développement des pétales,--alors la fleur devient belle.
N’est-ce point là le symbole le plus gracieux de la maternité?

Et le lis, Monsieur, qu’en avez-vous fait du lis? En vérité, c’est
à n’y rien croire; il est pour vous synonyme de majesté. Observons
les caractères distinctifs du lis. Sa tige est droite et ferme, elle
est entourée de gracieuses folioles. Ainsi, l’homme véridique marche
fièrement et posément, entouré de l’estime que font naître ses actions.
La corolle du lis est un triangle sans calice; la vérité ne se cache
pas, l’homme juste fuit le mystère. La racine bulbeuse du lis est
ouverte de toutes parts, et laisse voir l’intérieur de l’oignon.
L’homme véridique attire tout d’abord par le parfum de franchise qu’il
exhale, mais on s’éloigne souvent pour toujours après s’être frotté à
lui une seule fois. Le lis barbouille d’une poudre jaunâtre ceux qui
s’approchent de lui, attirés par son odeur. La vérité ne peut vivre que
dans la solitude: les femmes surtout la redoutent, ainsi que les riches
et les gens du monde. On n’offre pas des bouquets de lis, on ne place
pas cette fleur dans un salon. On la relègue dans quelque coin retiré
de son parterre. Le lis ne paraît que dans les fêtes publiques; on en
orne les statues des saints, on en met aux mains des enfants. Il n’y a
qu’au ciel et sur les lèvres des enfants que se trouve la vérité.

Voilà donc, de compte fait, quatre articles importants: mariage,
beauté, vérité, maternité, auxquels vous n’avez rien compris. Voyons si
votre langage des Fleurs expliquera mieux l’article pauvreté:

Le buis habite les lieux arides et les terrains ingrats, comme
l’indigent qui est réduit au plus chétif domicile. On voit les insectes
s’attacher au buis comme au pauvre qui n’a pas le moyen de s’en
garantir. Tel que le misérable qui endure patiemment les privations et
se fixe au moindre gîte, le buis brave les intempéries, et s’attache
fortement au mauvais sol où il est relégué. Pour l’indigent, point
de joie: la nature a peint cet effet en privant la fleur de pétales,
qui sont l’emblème du plaisir. Son fruit est une marmite renversée,
image de la cuisine du pauvre. Sa feuille est creusée en cuiller pour
recevoir une goutte d’eau, comme la main du pauvre qui cherche à
recueillir une obole de la compassion des passants. Son bois est serré
et très-noueux, par allusion à la vie rude et à la gêne du misérable
chez qui règne l’insalubrité, figurée par l’huile fétide qu’on retire
du buis. Cette plante, vous l’avez nommée _stoïcisme_; ne valait-il pas
mieux l’appeler tout simplement _pauvreté_?

Au mot gui, par exemple, vous avez conservé sa signification
véritable. Le gui, c’est bien le parasite; mais si je vous avais
demandé pourquoi, auriez-vous su me répondre? C’est parce que le gui
vit des sucs d’autrui, qu’il se développe indifféremment en sens direct
ou inverse, comme l’intrigant qui prend tous les masques, accepte
toutes les positions. Le gui figure par sa feuille la duplicité, et
donne dans sa glu le piége où viennent se prendre les oiseaux, comme
les sots aux flatteries du parasite.

Pour me faire cette réponse, il aurait fallu être initié aux lois de
l’analogie universelle. Je prends en pitié votre ignorance, Monsieur,
et je vais poser les bases de cette science sublime. Pussiez-vous
marcher bientôt dans la voie que j’ouvre devant vous!

La forme, la couleur, les habitudes, les propriétés de la fleur, des
graines, des racines, voilà l’étude par laquelle il faut commencer.

La racine est l’emblème des principes généraux qui composent le
caractère.

La tige, emblème de la marche qu’il suit.

La feuille, emblème du genre de travail auquel se livre le caractère de
la classe à laquelle il appartient.

Le calice, emblème de la forme et des influences qui agissent sur le
caractère.

Les pétales, emblèmes de l’espèce de plaisir attaché à l’exercice du
caractère.

Les pistils et étamines, emblèmes du produit que doit donner ce plaisir.

La graine, emblème du trésor amassé; le parfum, emblème du charme
particulier qui découle du caractère.

Ainsi, pour nous résumer, nous disons:
Racine-caractère;--tige-direction;--feuille-travail;--pétale-plaisir;--calices-influences
extérieures;--pistils-produit;--graine-trésor;--parfum-charme.

Que d’erreurs vous auriez pu éviter si vous étiez venu me consulter
avant de commencer cet ouvrage! mais vous avez préféré me tourner
en ridicule. Armé du flambeau de l’analogie, toutes les ténèbres se
seraient dissipées; plus de secrets pour vous, plus d’obscurités
dans le grand livre de la nature. N’êtes-vous pas honteux de vous
être trompé si grossièrement dans la signification des fleurs les
plus vulgaires, la rose, l’œillet, le lis? Je me vois forcé entre
mille autres de choisir la balsamine pour l’ajouter à cette liste.
Ses feuilles finement dentées et symétriquement découpées sont un
emblème de travail. Une touffe de feuilles surmonte les fleurs, comme
le travail doit excéder la dépense. C’est ainsi qu’on brille sans
s’appauvrir, de même que la balsamine, qui donne des fleurs nombreuses,
brillantes, et qui se renouvellent en abondance. Les gens doués de
cette prudence sont ambitieux et égoïstes. La balsamine par analogie
refuse tout à l’homme. On ne peut saisir ses feuilles isolément par
défaut de queue, collectivement par embarras de feuillage. On ne peut
l’employer comme ornement. C’est une plante qui ne vit que pour elle,
ainsi que le riche égoïste. Ce dernier sait se rendre nécessaire
comme la balsamine, sans se faire aimer. Il s’installe dans toutes
les avenues de la grandeur; la balsamine prend place dans les lieux
les plus fréquentés du parterre, et, privée de parfum, elle y joue le
premier rôle sans charme pour personne. Elle vient tard en automne, par
allusion à ces thésauriseurs qui quittent tard les affaires, et dont
la fortune passe à des héritiers dissipateurs; de même la graine de la
balsamine s’échappe des mains lorsqu’on la cueille sans précaution. Et
cette fleur, qui est le portrait frappant de l’égoïsme, vous l’avez
donnée comme l’emblème de l’impatience. O insouciance!

A propos d’insouciance, n’est-ce pas l’hortensia qui en est l’image
dans votre langage des Fleurs? Mais vous n’avez donc jamais regardé un
hortensia? Vous auriez vu que cette plante étale plus de fleurs que
de feuilles, qu’elle sacrifie tout à la parure. Ses lourds massifs de
fleurs fatiguent l’œil, comme l’excès du luxe dans le costume. Le peu
de feuilles qu’il possède, l’hortensia les cache sous un amas de fleurs
inodores à demi nuancées: ainsi les coquettes font disparaître leurs
bonnes qualités sous une foule de sentiments faux. L’hortensia comme la
balsamine, ne peut se cueillir. La coquetterie n’est-elle pas aussi un
égoïsme particulier?... Coupé, l’hortensia se flétrit, il est trop gros
pour former des bouquets; il n’est à sa place qu’au milieu d’un salon,
dans un riche vase, comme la coquette qui ne se plaît que dans le
monde. Il est sans parfum, parce que la coquette éblouit les yeux sans
charmer le cœur. C’est le luxe qui ruine la coquette, c’est l’astre
d’or, le soleil, qui tue l’hortensia. Appauvrie par de folles dépenses,
la coquette, au déclin de l’âge, perd son prestige; l’hortensia, après
avoir brillé, perd sa couleur. Enfin, en avançant en âge, la coquette
devient prude; dans l’arrière-saison, l’hortensia revêt la couleur
brune et se parchemine, se ride, se sèche sur la plante; il prend un
aspect rogue et désagréable. Où trouver une analogie plus frappante,
plus soutenue de la coquetterie? Faites-moi le plaisir de m’apprendre
ce qu’elle a de commun avec une _belle-de-jour_. En fait d’hortensia,
vous en êtes resté à l’Empire, qui en avait fait un emblème ridicule;
et je suis sûr que vous êtes de force, rien que sur son nom, à trouver
un symbole napoléonien quelconque dans la couronne impériale, qui offre
tout simplement l’analogie du savant méconnu.


[Illustration: HORTENSIA COURONNE IMPÉRIALE]


Je me suis conformé jusqu’ici, en vous parlant, aux lois de la routine,
mais je proteste contre les nomenclatures adoptées par les naturalistes
connus jusqu’à ce jour. Ces messieurs ont presque toujours désigné les
genres à contre-sens. Ainsi, je soutiens qu’on doit dire une œillet,
une hortensia, une lis, puisque ces fleurs symbolisent des objets
féminins: la maternité, la coquetterie, la vérité; et un balsamine,
attendu que le balsamine n’est autre chose que l’égoïsme.

A votre place, Monsieur, j’aurais tenté cette réforme; mais pour cela,
il aurait fallu heurter les préjugés, les habitudes du vulgaire, et
vous avez mieux aimé flatter ses goûts que les corriger. Vous vous
êtes endormi sur l’oreiller commode du succès. Aussi n’avez-vous
produit qu’un livre superficiel, incomplet, dépourvu de toute tendance
philosophique. Vous avez commis un sacrilége en portant une main
coupable sur l’unité sacrée de la création, en divisant ce qui est uni
pour jamais, en séparant ce qui est inséparable. Vous avez fait un
livre sur les Fleurs sans parler des fruits et des légumes.

La fleur suppose le fruit; le fruit conduit directement au légume.
Les fruits et les légumes offrent des analogies, avec nos sentiments,
non moins fécondes que les fleurs. Je commence par les légumes, ces
parias de l’organisation actuelle, et parmi les légumes, je choisis
les plus méconnus de tous: les raves. Ils vont répandre des torrents
de lumière sur la question, et se montrer dignes du haut rang que leur
assigne la morale. C’est une pépinière de belles analogies, dit un
grand philosophe, que je cite textuellement, que la bourgeoise famille
des raves, betteraves, carottes, panais, salsifis et céleris. Leur
collection représente les coopérateurs du travail agricole. Chacun de
ces légumes s’allie avec la classe dont il est le portrait. La grosse
rave reste à la table des gros paysans. Le navet moins rustique se
fait l’hôte du fermier huppé, traitant avec les grands; aussi le navet
peut-il, moyennant certains apprêts, figurer sur une table distinguée.

La carotte représente l’agronome expérimenté, dont l’utilité est
partout démontrée. Aussi la carotte est-elle un légume précieux employé
par le confiseur, le cuisinier, le médecin: utile de toutes façons,
fournissant par sa feuille un fourrage salutaire, par la torréfaction
un parfum de potage, etc. Le céleri, dans son acerbe saveur, donne
l’idée de ces amours champêtres, tendres liaisons où paysans et
paysannes se courtisent à coups de poing.

La feuille crispée de la betterave dépeint le travail violent des
ouvriers. La feuille grotesque de la rave étale un massif supérieur
dominant plusieurs follicules inférieures. C’est l’image du chef de la
famille villageoise dont l’importance comique et naïve exige tous les
hommages et absorbe tous les bénéfices de la communauté.

Et les fruits, quels abondants sujets d’étude et de réflexions ne
nous offrent-ils pas? La cerise est le miroir de l’enfance libre et
heureuse; elle excite chez les enfants les effets qu’elle représente.
L’apparition d’un panier de cerises met en joie tout le peuple
enfantin, à qui le fruit est très-salutaire; la cerise est un joujou
que la nature donne à l’enfant; il s’en forme des guirlandes et des
pendants d’oreilles: il s’en couronne comme Silène se couronne de
pampres. L’arbre est analogue au génie et aux travaux de l’enfance: il
est peu fourni de feuilles; ses branches vaguement distribuées donnent
peu d’ombrage, ne garantissent ni de la pluie, ni du soleil, témoignage
de la faiblesse de l’enfance, qui ne peut fournir de protection ni
d’abri à personne.

Faudra-t-il vous montrer dans la groseille le fruit des _enfants
terribles_? Il y a de la grâce, parce que la vérité, quelque indiscrète
qu’elle soit, est toujours gracieuse et amusante dans la bouche d’un
enfant. Ce rôle d’_enfant terrible_ n’est pas sans utilité; il châtie
en riant, _castigat ridendo_; aussi le fruit du groseillier rouge est-il
légèrement purgatif. Mais cette groseille n’acquiert sa valeur que
mélangée au sucre: ainsi les enfants trop libres doivent-ils perdre
leur rudesse au contact de l’éducation.

Le raisin n’est-il pas le plus amical des végétaux? Le vin n’est-il
pas le véritable ami de l’homme? Voyez la vigne embrasser nos arbres,
nos maisons, former des liens avec tout ce qui l’entoure. Elle ne
peut vivre sans s’attacher. Où trouver une analogie plus frappante de
l’amitié?

Il est temps que je m’arrête; je crois vous en avoir dit assez,
Monsieur, pour vous faire voir les imperfections, les fautes capitales
qui déparent votre livre. Non-seulement vous n’avez qu’imparfaitement
compris le langage des fleurs, mais encore vous n’avez pas même
soupçonné celui des fruits et des légumes. Votre ouvrage est en arrière
de deux cents ans. Rougissez, Monsieur, d’avoir vécu jusqu’à ce jour
sans connaître l’existence de la psychologie comparée ou analogie, et
tâchez de vous élever jusqu’à cette science.

Je vous prie, en attendant, de ne pas me croire votre très-humble
serviteur, et de ne pas me compter au nombre de vos souscripteurs.

[Illustration: Jacobus]



RÉPONSE DE L’AUTEUR

AU DOCTEUR JACOBUS


MONSIEUR LE DOCTEUR,

Notre prétention n’a jamais été de faire un livre philosophique. Le
public professe, en général, une répugnance très-prononcée pour la
philosophie. Nous nous sommes borné à parler des fleurs, pensant que
la tâche est suffisante. Les fruits et les légumes pourront avoir leur
tour; qui sait si la fantaisie ne prendra pas à Grandville de les
animer?

Nous ne nous sommes point lancé dans l’analogie, parce que dépouiller
les fleurs de leurs vieux symboles, renverser ces allégories depuis
longtemps acceptées de tous, nous a paru une chose grave. Nous
n’avons pas voulu nous insurger contre la tradition, et révolutionner
l’empire paisible des mythes floraux. Peut-être essayerons-nous plus
tard d’accomplir pacifiquement les transformations et les réformes
qu’exigent les fleurs. Rien ne nous empêche, après la dixième édition
de notre ouvrage, d’en faire une nouvelle basée sur les règles de la
psychologie comparée et de l’analogie.

Autant que vous, Monsieur, nous rendons justice à cette science
nouvelle dont vous ne citez pas seulement l’inventeur, quoique vos
analogies soient copiées dans ses livres. Nous ne vous blâmons pas,
Monsieur, de cette fidélité; le nombre et l’éclat des images, la
pompe du style n’ajouteraient rien à ces ingénieuses et charmantes
descriptions que Fourier a retracées ensuite sur le papier avec un
abandon et un laisser-aller qui augmentent leur grâce et leur vérité.
Nous avons donné, d’après vous et d’après Fourier, les règles de
l’analogie; maintenant, c’est aux femmes à s’adonner à cette étude;
Fourier la leur recommande expressément; c’est sous leur protection
qu’il met l’analogie. Avec un tel appui, l’analogie ne peut manquer de
triompher.

Nous espérons, en attendant, malgré vos critiques, que le public,
plus indulgent que vous, nous tiendra compte de nos efforts, et nous
dédommagera par son empressement du chagrin bien naturel que nous
éprouvons de ne pas vous compter au nombre de nos souscripteurs.

[Illustration]



ÉLÉGIE

LA FLEUR BLESSÉE


Les pleurs de l’aurore m’ont fait éclore; je me suis ouverte avec les
premiers rayons du soleil.

J’ai vu passer ce matin une jeune fille; elle s’est arrêtée pour me
regarder; moi, je la trouvais belle, et je lui souriais!

Elle passait sur mes feuilles sa main caressante; mes feuilles
frissonnaient de bonheur. Tout à coup une douleur aiguë m’a fait
tressaillir jusqu’au fond de ma corolle, je me suis inclinée sur ma
tige à demi brisée.

Pourquoi ne m’as-tu pas cueillie tout de suite, jeune fille? Déjà je
ne souffrirais plus, je reposerais doucement ensevelie dans ton sein
virginal.

Mon sang coule lentement de ma blessure, un froid mortel fait
pâlir mes feuilles, ma corolle se resserre; j’entends à peine le
doux bourdonnement de la brise dans le feuillage. Les oiseaux ne
chantent-ils plus? Le soleil s’est-il caché? Mes sœurs, mes sœurs,
est-ce déjà la nuit?

Non, c’est la mort qui me couvre de son ombre. Je ne verrai pas les
étoiles brillantes, je n’ouvrirai pas ma corolle, écrin parfumé, pour
enfermer les diamants de la rosée. Ma dépouille jonchera bientôt la
terre, et mon âme montera vers le ciel en laissant une trace parfumée.

Mon spectre t’apparaîtra, jeune fille; il te reprochera ton insouciance
et ta cruauté. Le remords me vengera... Mais non, je te pardonne;
puisses-tu ne pas apprendre à ton tour ce que souffre une fleur blessée!

[Illustration]



LES COURONNES

ET

LES GUIRLANDES


Nous avons parlé des bouquets, il faut bien dire quelques mots des
couronnes. Pourquoi ne profiterions-nous pas de l’occasion pour traiter
succinctement la question des guirlandes?

Le sujet sera bientôt épuisé. Qui est-ce qui porte des couronnes
aujourd’hui? A quoi servent les guirlandes?

Il va sans dire que nous ne nous occupons que des couronnes et des
guirlandes de fleurs. Les couronnes et les guirlandes de feuilles sont
encore fort en usage pour orner le front des lauréats, et les murs des
salons de cent couverts. Pas de véritable distribution de prix sans
couronnes de laurier, pas de bonnes noces sans guirlandes de feuillage.

Les Grecs et les Romains, les Grecs surtout, adoraient les couronnes
de fleurs. Celui qui se serait présenté au cirque, à l’académie, au
théâtre, sur la place publique, sans sa couronne, aurait passé pour un
fou. Il n’était pas plus permis alors de se montrer sans couronne, que
de sortir sans chapeau aujourd’hui.

Pour les gens chauves, la couronne remplaçait la perruque. Aussi tous
les philosophes s’en paraient; Socrate lui-même ne manquait jamais
de ceindre son front de fleurs. César, chauve à trente ans, dut à la
couronne l’avantage de cacher longtemps cet inconvénient aux beautés de
Rome. On sait qu’à l’âge de quatre-vingts ans, Anacréon se parait d’une
couronne de roses.

Avec la couronne, il n’y avait plus de vieillards; on était toujours
jeune avec des fleurs sur le front et une longue robe flottante; aussi
les anciens ne connaissaient-ils pas cet être tremblotant, souffreteux,
catarrheux, ridé, ratatiné, que nous nommons un vieillard.

Je ne parle pas d’Alcibiade: il changeait de couronne trois fois par
jour. C’était le premier coiffeur d’Athènes qui venait la lui placer
sur la tête.

Il y avait des fashionables qui portaient leur couronne à droite ou à
gauche, en avant ou en arrière; les uns la posaient d’un air crâne sur
un seul côté, les autres l’enfonçaient bien avant sur les oreilles pour
se garantir des rhumes de cerveau. Ceux-là étaient les propriétaires,
les rentiers du Marais, les bonnets de coton de l’antiquité.

Quand tous les convives avaient des couronnes de fleurs sur la tête, un
dîner triste était impossible. Les fleurs portent à la gaieté; aussi,
ni à Rome ni à Athènes on ne connaissait l’usage des dîners officiels.
Ils ne sont permis que depuis la suppression des couronnes.

Il faut convenir aussi que l’intervention des lunettes a rendu bien
difficile l’usage général des couronnes. Les myopes, les presbytes
feraient un effet assez ridicule avec leurs besicles sur le nez et
leurs fleurs autour de la tête. Ce serait atroce avec des lunettes
bleues et vertes surtout. Mais tout le monde n’est pas myope ni
presbyte.

Le blason s’empara de la couronne primitive; il copia les fleurs, qui
devinrent des fleurons: le moyen âge vit naître la couronne royale,
la couronne princière, la couronne ducale, celle de marquis, de comte
et de baron; mais ces couronnes étaient en or, leurs fleurs étaient
des perles ou des diamants. Louis XIV fit disparaître complétement
ces couronnes: aucune d’elles n’était assez large pour tenir sur une
perruque. Cependant il maintint la couronne de laurier. Voyez les
portraits et les bustes du temps: Villars, Condé, Turenne. La tenue
officielle du temps est pour les militaires une cuirasse, une perruque
et une couronne de laurier. Pas de statue équestre du grand roi qui
n’ait sa couronne de feuilles vertes sur la tête. On laissait aussi aux
déesses le privilége de la couronne. A Versailles, toutes les Muses
sont couronnées de fleurs.

La poudre fut un inconvénient qui fit abandonner la couronne par
les beautés du dix-huitième siècle; en revanche, la guirlande jouit
d’une immense faveur à cette époque: les bergers de Watteau ornaient
de guirlandes la chaumière de leurs bergères; les dames de la cour
portaient des guirlandes sur leurs paniers.

La guirlande, à tout prendre, ne manquait pas de charme; elle prenait
toutes les formes, se prêtait à toutes les métamorphoses. Souple,
flexible, serpent embaumé, elle caressait les contours d’une jolie
taille, elle retombait sur de blanches épaules, elle suivait les
sinuosités d’une robe de gaze. Et puis elle a donné un joli mot à la
langue française, un mot amical, harmonieux, câlin: _enguirlander!_

On put croire un moment que la couronne allait reprendre son antique
suprématie, lorsque vint la restauration du costume grec sous le
Directoire. Espérance vaine! les femmes hardies, qui ne craignirent
pas de ressusciter la tunique et le cothurne, reculèrent devant la
couronne. Au lieu de fleurs, quelque temps après, le beau sexe se
couvrit d’une perruque blonde. Les brunes les plus prononcées étaient
obligées elles-mêmes d’adopter la couleur à la mode. Par quel bizarre
caprice, par quelle étrange suite d’idées les femmes en étaient-elles
venues à renoncer à un de leurs plus précieux ornements, la chevelure?
Était-ce une manière indirecte de se prononcer en faveur de l’ancien
régime, en rappelant la perruque, un moyen détourné de provoquer une
réaction?

C’en était fait des couronnes; depuis, elles ne se sont plus relevées.
On en porte bien encore quelques-unes dans les bals, mais elles sont
rares, le plus souvent en fleurs artificielles, et ressemblant bien
plutôt à des diadèmes qu’à des couronnes. Une guirlande complète
n’est pas admise non plus sur une robe de bon goût; on jette çà et
là quelques bouquets sur la gaze, au hasard, et comme sans s’en
apercevoir, mais on n’a pas le courage de la guirlande.

Il y a certains pays cependant où le genre trumeau existe encore. Au
1er mai, les jeunes gens dressent des mâts enguirlandés devant la
fenêtre des jeunes filles, ils parent de guirlandes la porte de leur
maison; mais c’est là un usage de paysans qui ne tire nullement à
conséquence.

On se donne bien encore de temps en temps le divertissement de
couronner une rosière dans les environs de Paris; on lui donne en fait
de couronne une médaille d’argent ou bien une dot de 500 fr.

Les rois eux-mêmes ne portent plus de couronne; le diadème est un
mythe, une fiction. Qui a vu un sceptre ou un trône? A quoi serviraient
les couronnes royales?--On ne sacre plus les rois.

Depuis l’abolition des couronnes, les hommes et les femmes n’ont plus
aucun moyen de témoigner leur douleur en public: les uns sont réduits
à mettre leur mouchoir sur leur visage, les autres s’évanouissent.
Sophocle faisait répéter une de ses tragédies, lorsqu’il apprit la mort
déplorable d’Euripide exilé. Aussitôt le poète quitta sa couronne, et
tous les acteurs l’imitèrent en signe de deuil.

Cléagène, la rivale d’Aspasie, rendait le dernier soupir pendant
que celle-ci donnait une fête magnifique à l’élite de la jeunesse.
On l’instruit de la situation désespérée dans laquelle se trouve sa
rivale. Par un mouvement spontané, Aspasie arrache sa couronne de roses
et la foule aux pieds. Les convives suivent son exemple, et la fête est
abandonnée.

Aujourd’hui, chacun lèverait les bras en l’air, crierait: O ciel!
est-il possible! Cette pauvre Cléagène, il n’y a pas trois jours que
je l’ai rencontrée aux Champs-Élysées! Voyez comme tous ces grands
bras, ces grands cris, sont éloignés de l’éloquente simplicité du geste
d’Aspasie et de ses amis. Ils enlèvent leur couronne. Cela dit tout.

Combien les femmes ne gagneraient-elles pas à remplacer le moderne
et disgracieux chapeau par de fraîches couronnes! Tôt ou tard elles
reviendront à cet ornement si simple et si complet. Jeunes filles,
épouses, matrones, nobles, femmes du peuple, on portera des couronnes
selon son âge et sa condition; on verra disparaître le bonnet de
percale, de gaze ou de tulle, mille fois plus absurde que le chapeau.

En attendant cette révolution, que nous appelons de tous nos vœux,
la couronne proscrite ne trouve plus d’asile que sur le cercueil des
enfants, des jeunes filles, et sur la croix noire des tombeaux.

[Illustration]



[Illustration: JASMIN (fleur-12)]


AUTRE GUZLA

LE JASMIN


Le Jasmin est la fleur que j’aime; elle est embaumée comme l’haleine
des houris.

Quand j’étais riche, j’avais dans mes vastes jardins des bosquets
de Jasmin qui s’arrondissaient en berceau; leurs feuilles blanches
tombaient sur les épaules noires des almées qui dansaient devant leur
maître étendu sur des coussins de soie.

Maintenant je suis pauvre, et le Jasmin, mon ami, entoure ma fenêtre et
la protége contre les ardeurs du soleil.

La démarche d’Hendiè était légère comme si elle descendait une pente.

Sa taille était flexible comme la tige d’un palmier, et sa joue polie
comme une surface d’argent.

Son sourire me paraissait plus brillant que la frange dorée qui entoure
un nuage éclairé par la lune.

Vierge aux lèvres fraîches, que de fois je me suis glissé pour te voir
derrière les Jasmins qui cachaient la terrasse de la maison de ton père!

Le Jasmin est blanc comme le lis, il est rouge comme la grenade, il est
couleur d’or comme le soleil. Le Jasmin prend toutes les couleurs pour
se faire aimer.

Qui n’aimerait pas le Jasmin?

C’est la tente des amants, la joie des abeilles, le charme des yeux, le
parfum des nuits sereines.

Il chasse les Djinns des toits qu’il abrite; Bulbul aime à lui dire ses
plus douces chansons.

O Jasmin, tu as protégé mes jeunes amours, tu verses ta fraîcheur sur
ma vieillesse; ton odeur me rajeunit, tes fleurs réjouissent ma vue!
J’ai coupé ce matin une de tes branches, et la fumée du tomback qui la
traverse, en sortant de mon narghiléh, me semble plus parfumée.

Que les Péris te protégent et viennent elles-mêmes, chaque matin et
chaque soir, ranimer tes fleurs de leur souffle!

[Illustration]



LES FLEURS

CHANGÉES

EN BÊTES


Le jeune Kao-ni se promenait un jour dans la campagne avec son maître,
le savant Kin. Tout à coup, le jeune homme, qui cueillait des fleurs,
s’arrêta en poussant un cri. Le maître accourut avec toute la rapidité
que permettait son grand âge.

--Qu’avez-vous, mon fils? lui demanda-t-il, que vous est-il arrivé?

--J’ai cru cueillir une fleur, répondit Kao-ni, et en me baissant,
j’ai vu que j’allais mettre la main sur un scorpion. Il faut que
j’écrase cette vilaine bête.

Le vieillard le retint.

--Arrêtez! reprit-il ensuite, ce que vous avez pris pour un animal est
bien véritablement une fleur: on l’appelle _Katong-ging_. Neuf pétales
forment sa couronne: deux forment les antennes, six les pattes, et la
neuvième, très-allongée, représente la queue. Voyez, ne dirait-on pas
un scorpion?

Kin se baissa et prit la fleur; il voulut ensuite la passer à son
élève, mais celui-ci la repoussa avec dégoût.

--Que la nature est bizarre! s’écria-t-il, donner une forme si hideuse
à une fleur!

Alors Kin, pour le reprendre et lui montrer la légèreté de ses paroles,
lui raconta l’histoire suivante:

Il n’y a point de bizarrerie dans la nature, mon fils; tout ce que
nous voyons a une cause, même les fleurs qui ressemblent à des
scorpions. Le Katong-ging a des sœurs qui partagent son triste sort:
on s’éloigne avec terreur de l’ophryse, qu’on dirait prête à vous
piquer de son dard, comme une guêpe. Une autre ophryse offre une si
frappante analogie avec l’araignée, que les mouches l’évitent avec
soin, et qu’elle inspire du dégoût à l’homme. Il existe dans la famille
des orchidées des plantes qui offrent l’image d’un serpent ou d’un
scarabée. Voici ce que rapportent les livres de la science au sujet de
ces étranges métamorphoses.

Les Fleurs sont placées sous les lois d’une Fée qui préside de tout
temps à leur destinée. Les Fleurs ont une âme comme les hommes, et
elles sont récompensées par la Fée, selon leurs bonnes ou leurs
mauvaises actions. A celles qui sont soumises et réservées, elle
accorde ses caresses plus vivifiantes que le soleil et la rosée, plus
fraîches que la brise. Aux Fleurs qui bravent ses lois, elle envoie des
insectes qui les dévorent vivantes, des lèpres qui les dessèchent sur
leur tige, car la Fée se montre sévère quelquefois. On n’a jamais pu
savoir le crime commis par les ophryses et les orchidées; ce qu’il y a
de sûr, c’est que la Fée leur fit prendre, il y a plusieurs siècles, la
forme qu’elles ont aujourd’hui, qu’elles doivent conserver jusqu’à ce
qu’un Papillon devienne amoureux d’elles.

Kao-ni écouta cette histoire avec attention.

--Pauvre Katong-ging! dit-il en regardant la fleur d’un air triste,
quand finira ton supplice? Jamais, sans doute. Un scorpion peut-il se
faire aimer?

--Ne désespère pas de l’amour, mon fils, reprit le vieillard, et médite
bien l’enseignement qui se cache dans ce que je viens de t’apprendre.
Dard, venin, laideur, vices, défauts, méchanceté, pour dépouiller son
ancienne enveloppe, il suffit souvent de se sentir aimé.

Le Katong-ging était une petite fleur azur qui se balançait sur une
tige svelte et élégante au bord des rivières. Elle était jolie; elle
paraissait bonne, douce, honnête. Elle inspira de la confiance à une
Libellule bleue qui habitait les mêmes parages que le Katong-ging.
Si le jour la pauvre Demoiselle avait beaucoup de peine à échapper
aux attaques des hirondelles qui écumaient les bords de la rivière,
la nuit c’était bien pis encore: les lézards, les araignées, les
chauves-souris, tous les rôdeurs nocturnes lui faisaient une rude
guerre. Elle était obligée de se tenir sans cesse sur le qui-vive, et
de ne dormir que d’un œil, ce qui devient fatigant à la longue.

La Libellule raconta ses chagrins au Katong-ging.

--Ma chère Demoiselle, lui répondit la Fleur, que ne parliez-vous
plus tôt, je me serais fait un plaisir de vous offrir un abri où vous
pourrez dormir tout à votre aise. Quand la nuit sera venue, posez-vous
sur moi, vos ailes et mes feuilles sont de la même couleur. Je défie
tous les lézards, toutes les araignées et toutes les chauves-souris
de la terre de vous reconnaître quand nous serons ainsi confondues;
d’ailleurs, au moindre danger je vous réveillerai: nous autres Fleurs
nous avons le sommeil si léger!

La Demoiselle de se confondre en remercîments et de bénir le ciel qui
lui avait envoyé une voisine si charitable. Mais le Katong-ging avait
ses projets.

Un jeune Ver luisant habitait une touffe d’herbe à ses pieds, et chaque
soir il essayait de grimper sur la tige de la fleur, afin de sortir de
l’obscurité, et de se récréer à la vue de son reflet jouant dans l’eau
tranquille.

Le malicieux Katong-ging secouait sa tige dès qu’il voyait le Ver
luisant parvenir presque au terme de sa course, et l’infortuné
retombait dans l’herbe. Trois ou quatre fois il recommençait son
ascension, toujours même manége de la part de la Fleur.

Ce jour-là le Katong-ging appela le Ver luisant, et lui dit de grimper
et de se cacher sous ses feuilles; en même temps il s’inclina pour
faciliter l’ascension.

--Que cette fleur est bonne fille! pensa le Ver luisant en s’enroulant
commodément autour de sa corolle; maintenant, la nuit peut venir, je me
verrai dans l’eau.

La nuit vint, et la Demoiselle aussi; elle se posa sur le Katong-ging,
et, fatiguée de ses insomnies précédentes, elle s’endormit. Le Ver
luisant attendait avec impatience que la lune fût couchée, et ne voyait
qu’un glacis d’argent sur l’eau.

L’obscurité remplaça le clair de lune. Aussitôt le Ver luisant
de briller, et les chauves-souris d’accourir. Le malheureux fut
noyé, ainsi que la Demoiselle dont il avait signalé la présence. Le
Katong-ging, l’hypocrite Katong-ging, heureux du mauvais tour qu’il
venait de jouer, poussa un petit éclat de rire. La Fée aux Fleurs, qui
savait tout ce qui s’était passé, se sentit tellement indignée qu’elle
changea la Fleur en scorpion.

[Illustration]



LES FLEURS POLITIQUES

ET

LES FLEURS NATIONALES


Il ne faut pas confondre les Fleurs politiques et les Fleurs
nationales. Ce sont deux choses bien différentes.

La Rose rouge et la Rose blanche furent des fleurs politiques en
Angleterre. Elles n’ont jamais été nationales.

En France, nous avons eu la Violette. Qui le croirait? la simple et
modeste Violette fut un moment séditieuse; elle mit le nez dans la
politique, se fit condamner à l’amende, à la prison, que sais-je
encore? Le naturel a repris le dessus: aujourd’hui la Violette est une
sage et honnête fille qui redoute de faire parler d’elle.

C’est par suite d’un malentendu que le Lis est passé à l’état de fleur
nationale. On a pris pour des fleurs de lis les fers de lance que nos
anciens rois portaient sur leurs drapeaux. Cette erreur, comme tant
d’autres, est devenue une vérité. La poésie verra toujours des lis là
où l’érudition s’obstine à signaler des fers de lance.

Il y a des gens qui voudraient ranger le Myrte et le Laurier parmi les
fleurs nationales. Ce sont de vieux académiciens.

Nous n’en finirions pas, si nous voulions faire l’histoire des Fleurs
politiques. Presque toutes l’ont été plus ou moins. Il y a encore
des provinces où une faction politique arbore un Œillet blanc à sa
boutonnière, l’autre un Œillet rouge. L’ancien drapeau de France était
blanc. L’uniforme du premier consul était rouge.

En France, nous possédons une fleur nationale dont personne ne peut
contester les droits; son origine se perd dans la nuit des temps. Cette
fleur, c’est la Verveine.

Elle me rappelle Velléda, la pâle et touchante prêtresse, les
mystérieuses profondeurs des forêts où vivaient nos pères.


[Illustration: VERVEINE]


Je vois la druidesse danser autour de la plante magique, puis se
baisser et la couper avec une faucille d’or qui brille aux rayons de
la lune; j’entends les chants des Eubages se mêlant au bruit du vent
dans les bois. Qui dirait, à voir cette petite plante si simple, si
gracieuse, si timide aujourd’hui, qu’elle a joué autrefois un rôle si
terrible, si important?

Nous parcourons vainement le blason et les annales des autres peuples;
il n’y a que la France qui possède des fleurs nationales. C’est ce qui
prouve que nous sommes avant tout une nation de sentiment et de poésie,
quoique bien des gens s’obstinent à ne nous accorder que de l’esprit.

[Illustration]



LES NOMS DES FLEURS

ET

LES NOMS DES FEMMES


Il n’y a pas de fleur qui n’ait un joli nom. Je ne parle pas de ceux
que leur donnent les savants. Ceux-là, personne autre que les savants
ne veut les apprendre. Le caractère de chaque fleur se lit pour ainsi
dire dans son nom. Est-il quelque chose de plus frais, de plus vermeil,
de plus souriant que ce mot: _Rose?_

_Guimauve_, ces trois syllabes ne rappellent-elles pas à l’esprit
quelque chose de doux, de salutaire, de bienveillant, j’allais même
dire d’émollient? _Lis_, il me semble que la grâce et la majesté de
la fleur elle-même respirent dans ce mot _lis_, si court, et qui
se prononce cependant d’une manière si mélodieuse. _Liseron_, ne
voyez-vous pas tout de suite quelque chose de vif, de coquet et de bon
enfant en même temps? L’harmonie du mot _Tubéreuse_ a quelque chose de
lent, de monotone, d’endormant, et me fait l’effet d’un narcotique.
_Lilas_, cela a quelque chose de jeune, de frais, d’amoureux qui
réjouit le cœur. _Tilleul_, on dirait entendre le joyeux cliquetis de
ses feuilles agitées par le vent. _Pivoine_, cela est éclatant, sonore,
mais sans majesté.

Voulez-vous un nom qu’il soit impossible de prononcer sans être
attendri? _Primevère_ ou _Pervenche_.--_Marguerite._ Est-ce la fleur
qui a donné son nom à la femme, ou la femme à la fleur? _Lianes_,
charmant dérivé du mot lien. _Géranium_ est fort joli quoique latin; il
y a un peu de tristesse dans ce nom.

Grâce, bizarrerie, bonté, orgueil, légèreté, bonhomie, tout cela
est dans le _Coquelicot_. _Ananas_, fraise fondant dans la bouche.
_Noisette_, craque sous la dent. Mais n’allons pas nous perdre dans le
fruit. Si j’avais à trouver un nom dans un roman pour un être frivole,
paresseux, incapable de rien de sérieux, gobe-mouche, flâneur, je
l’appellerais maître _Baguenaudier_. En supprimant les trois premières
lettres de _mélancolie_, on fait _ancolie_.

_Clématite_, _Acacia_, _Achante_, _Adonide_, _Aloës_, _Amarillys_,
_Amarante_, _Anémone_, _Balsamine_, pardonnez-moi, Fleurs, dont
j’oublie les noms délicieux: mais _Aubépine_! que je n’ai pas citée,
et _Bleuet_, et _Fougère_, et _Églantine_, et _Héliotrope_, et
_Jasmin_, et _Muguet_, _Réséda_, et toi, bonne et grosse _Coquelourde_!

Je ne conçois pas que les femmes s’obstinent à aller chercher des
noms dans l’almanach, quand elles en trouveraient de si jolis dans
la nature. Pourquoi ne pas demander des noms aux Fleurs? on pourrait
ainsi suivre l’analogie du nom avec le caractère ou avec le corps de la
personne. Pourquoi n’aurions-nous pas Mlle Fraise, Mlle Clématite, Mlle
Bleuet, Mlle Pervenche, comme nous avons Mlle Rose et Mlle Marguerite?

Si j’avais une fille, je voudrais qu’elle s’appelât Aubépine.

Ce progrès est bien simple, bien aisé à accomplir, et pourtant qui
sait quand il se réalisera? Les femmes s’appelleront bien longtemps
Pétronille, avant qu’une seule se décide à se nommer Réséda.

[Illustration]



LA GIROFLÉE


I

Au sommet du vieux donjon croissait une Giroflée. Un prisonnier la
voyait de sa fenêtre. C’était sa joie, sa consolation, son unique
espérance. Il l’aimait comme on aime une femme.

Le printemps, le soleil, l’air, la liberté, la Giroflée était tout cela
pour lui. Elle lui souriait du haut de son créneau; elle balançait
gracieusement ses petites tiges devant lui; elle se penchait sur la
noire muraille, comme pour lui donner la main.

La nuit, s’il entendait gronder l’orage, mugir le vent, tomber la
pluie, il tremblait pour sa Giroflée. Son premier soin, le matin, après
avoir fait sa prière, était de regarder du côté de sa chère fleur.

La Giroflée avait déjà oublié l’orage. Elle secouait ses feuilles
mouillées, comme un oiseau ses ailes. En un clin d’œil, sa toilette
était achevée, et elle prenait des petits airs coquets en regardant le
soleil.


II

Quelquefois, la Giroflée amenait des amis au pauvre prisonnier: tantôt
c’était un papillon qui venait voltiger autour de ses barreaux, après
avoir rendu visite à la fleur; une abeille qui faisait entendre à son
oreille son doux bourdonnement; un petit oiseau des champs qui, fatigué
de son vol, s’arrêtait pour se reposer sur les branches de la Giroflée.

Quand l’hiver arrivait, le prisonnier n’avait plus d’amie. Quelquefois
il voyait passer les hirondelles devant sa prison: «Hélas! disait-il
alors, les hirondelles sont de retour, et la Giroflée ne revient pas!
Elle m’a oublié, comme tous les autres!» Mais, aux premiers rayons du
soleil de mai, un beau matin, en se réveillant, la Giroflée le saluait
du haut de la meurtrière; et bientôt revenaient avec elle les amis
du prisonnier: le papillon, l’abeille et le petit oiseau des champs.

[Illustration]

Il y avait dans la vallée un homme qui passait toute la journée dans
les champs, une grande boîte de fer-blanc passée en bandoulière; il la
rapportait le soir au logis pleine d’herbes, de fleurs, de plantes de
toutes sortes.

Il croyait aimer les fleurs, parce qu’il était botaniste;

Parce qu’il les étiquetait, les rangeait, les classait par taille, par
sexe, par famille, par catégorie; parce qu’il leur donnait des noms
latins, l’infâme!

Un jour qu’il était fatigué de ses courses, notre homme s’arrêta au
pied du vieux donjon où se trouvait le prisonnier. Comme il portait son
mouchoir à son front pour essuyer la sueur qui en découlait, il leva la
tête et avisa la Giroflée.

--Oh! oh! s’écria-t-il, voilà une giroflée qui fera bien mon affaire;
mon voisin et antagoniste Nicolas n’en a pas d’aussi belle dans sa
collection; tâchons de nous emparer de celle-ci. Mais comment faire?

Le donjon était fort élevé, impossible de l’escalader. Notre homme jeta
les yeux autour de lui. Il vit que la tourelle touchait à une espèce
de rempart à demi ruiné; que du haut de ce rempart, on était à peine
séparé de quelques pieds de la plate-forme. Il commença son ascension.
Quoiqu’on fût au plus fort de la chaleur du jour, l’idée de jouer un
bon tour à son voisin Nicolas lui donna du courage.


III

Le prisonnier contemplait sa Giroflée dans une de ces extases muettes
qu’on n’éprouve qu’auprès de la femme qu’on aime. Tout à coup, il
vit une ombre se dessiner sur le mur, et un homme apparaître sur la
plate-forme. Il marchait résolûment vers la giroflée. A la boîte dont
il était armé, le prisonnier reconnut un botaniste.

Quand il fut près de la plante, il se mit en devoir de l’arracher.

--Arrête! malheureux, lui cria le prisonnier; si tu as un cœur
sensible, si les malheurs de tes semblables peuvent te toucher,
respecte cette fleur; c’est elle qui me soutient, qui me console, qui
m’empêche de mourir.

--Voilà un pauvre fou qu’on a bien fait d’enfermer, murmura le
botaniste, et il reprit son œuvre.

--Infâme! continua le prisonnier, Dieu te punira!

Le botaniste s’était mis debout sur la plate-forme, les racines de la
giroflée étaient fixées en dehors du mur. Elles tenaient ferme. A un
violent effort de notre homme, la plante céda cependant, mais elle ne
vint pas seule: elle entraîna le botaniste dans sa chute.

Ce que c’est que d’oublier les lois de l’équilibre, quand on herborise
sur les vieux donjons!

La Providence avait vengé le prisonnier...

Bien plus cruellement encore qu’on pourrait se l’imaginer, car le
botaniste n’était pas tué sur le coup.


IV

Il poussa des cris affreux. Des paysans accoururent, le mirent sur
un brancard et le transportèrent chez lui. Le médecin déclara qu’il
fallait lui couper les deux jambes. Après mûre délibération, cependant,
il se contenta d’une seule jambe.

Le botaniste guérit, mais il ne put plus se livrer à l’herborisation.
Il eut le crève-cœur de voir tous les matins passer son voisin et
antagoniste Nicolas, la boîte de fer-blanc sur le dos.

Nicolas herborisa tellement qu’il fut nommé membre de l’Académie. Son
voisin en eut la jaunisse.


V

Quant au prisonnier, il tomba dans un morne accablement. Il lui sembla
qu’en perdant sa Giroflée, il avait perdu une seconde fois sa liberté.
L’hiver vint, triste saison pendant laquelle, du moins, il ne songeait
pas à sa plante chérie; mais au printemps, un matin que les rayons du
soleil pénétraient dans son cachot, il ne put s’empêcher de lever ses
yeux baignés de larmes sur le donjon.

Une autre Giroflée se balançait sur sa tige, et disait bonjour au
pauvre prisonnier.

[Illustration]



[Illustration: THÉ ET CAFÉ]


LE THÉ & LE CAFÉ


La Fleur de Café voulut un jour faire le voyage de Chine pour aller
rendre visite à sa sœur la Fleur de Thé. Celle-ci la reçut avec une
bienveillance dans laquelle perçait un léger sentiment de supériorité.

Pour la Fleur de Thé, en effet, le Café n’était qu’une Fleur barbare
avec laquelle elle consentait à entrer en relations, malgré la distance
qui sépare une Chinoise civilisée d’une étrangère encore plongée dans
les ténèbres de l’ignorance.

Mais la Fleur de Café avait trop de finesse et de pénétration pour ne
pas s’apercevoir de cet accueil, et en même temps trop de fierté pour
le supporter.

--Ma chère, dit-elle à la Fleur de Thé, quand elles se trouvèrent
seules, vous prenez avec moi des airs qui ne me conviennent nullement;
sachez que je n’ai pas besoin d’être protégée et que je vous vaux bien
de toutes les façons.

La Fleur de Thé haussa dédaigneusement les épaules.

--Ma noblesse, répondit-elle, est de six mille ans plus vieille que la
vôtre; elle date de la fondation même du royaume de Chine, qui est le
plus ancien des royaumes connus.

--Qu’est-ce que cela prouve?

--Que vous me devez du respect.

Il faut vous dire que cette conversation avait lieu autour d’une
petite table en laque sur laquelle étaient déposées une cafetière et
une théière. Les deux Fleurs avaient fréquemment recours à l’excitant
déposé dans ce récipient pour animer leur verve.--Vous êtes si fade,
s’écria le Café, que les Chinois eux-mêmes ont été obligés de vous
abandonner pour l’opium. Vous n’êtes plus pour eux un excitant, père de
doux rêves, mais une simple boisson de table, comme chez nous le cidre
ou la petite bière.

--J’ai conquis, répliqua le Thé avec vivacité, un peuple qui a vaincu
les Chinois. Je règne en Angleterre.

--Et moi en France.

--J’ai inspiré Walter Scott et lord Byron.

--J’ai animé la verve de Molière et de Voltaire.

--Vous êtes un poison lent.

--Et vous un vulgaire digestif.

La Fleur de Thé reprit:--Dans l’harmonieux murmure de la bouilloire, on
croit entendre chanter les esprits du coin du feu, ma couleur ressemble
aux cheveux d’une blonde: je suis la poésie du Nord, mélancolique et
tendre.

--J’ai le teint noir des filles du Tropique, répondit la Fleur de Café;
je suis ardente comme elles, je me glisse dans les veines comme une
flamme subtile: je suis l’amour du Midi.

--Tu brûles, moi je console.

--Je fortifie, tu fais languir.

--A moi le cœur.

--A moi la tête.

Les deux Fleurs, exaspérées, allaient se prendre aux feuilles,
lorsqu’elles convinrent de s’en rapporter à un tribunal mi-parti de
buveurs de Thé et de Café. Ce tribunal siége depuis des siècles, il n’a
pu encore formuler un jugement.

[Illustration]



LA MUSIQUE DES FLEURS


Ceux qui aiment les fleurs aiment aussi la musique. Quels sont les
rapports qui lient entre eux ces deux instincts?

L’harmonie des tons ne répond-elle pas à l’harmonie des couleurs? Qu’on
nous laisse croire que le résultat, l’air de cette double harmonie,
c’est le parfum.

Ne vous est-il pas arrivé bien souvent, en écoutant une mélodie,
de voir naître en vous le souvenir de certaines fleurs? Weber nous
transporte au fond des bois, parmi les pudiques marguerites et les
chastes violettes. Rossini au milieu d’un parterre où s’étalent les
cent variétés de la rose. L’harmonieux Beethoven semble sortir d’une
de ces haies où l’aubépine, le seringa, le sureau, le genévrier mêlent
leurs fleurs variées et leurs odeurs.

Lorsqu’on chante devant nous un opéra de Donizetti, ne croyez-vous pas
voir s’élever une de ces pivoines éclatantes qui brillent un moment et
dont les fleurs sont si vite flétries?

La musique d’Halévy rappelle le camélia. Celle d’Auber rappelle ces
convolvulus si flexibles, si gracieux, qui se plient à toutes les
exigences, qui flottent au gré de tous les vents. En entendant une
mélodie de Schubert, il semble qu’on se promène le soir au clair de
lune sur un coteau tapissé de bruyères. De même, en respirant une
fleur, vous sentez s’élever dans votre cœur de vagues réminiscences
musicales. Il est impossible de se promener longtemps seul au milieu
des fleurs, sans avoir envie de chanter. Une femme trouve qu’elle
chante mieux quand elle a un bouquet à la main.

Qui de nous, dans le recueillement d’une belle nuit, au milieu des
bruits étouffés, des murmures mystérieux qui s’élèvent du sein des
eaux, de la terre et des bois, n’a pas démêlé distinctement le chant
varié des Fleurs, la cavatine brillante de la Rose racontant ses
amours, le saint cantique du Lis, la chaste romance de la Violette? Aux
chansons isolées succédait un concert, toutes les Fleurs unissaient
leurs voix dans un chœur aérien qui se perdait peu à peu dans les
profondeurs du feuillage, sous les herbes frissonnantes, dans l’espace
où la brise venait les recueillir. Le son est invisible, insaisissable,
comme le parfum. Le parfum flotte, pénètre, s’échappe comme le son:
l’un est la musique de l’homme, l’autre est la musique de la nature,
la voix des Fleurs. Il y a des gens qui ont rêvé une gamme de parfums.
Tous les rêves sont dans la nature et dans le cœur de l’homme.

Pour celui qui a entendu une seule fois le concert dont nous venons
de parler, les concerts ordinaires n’ont pas grand charme. Le chant
humain ne lui paraît qu’un faible et terne reflet des mélodies de la
nature. La musique ordinaire ne sert plus qu’à lui faire souhaiter plus
ardemment les beautés idéales et mystérieuses de la musique des Fleurs.

[Illustration]



[Illustration: LILAS]


LE JOUR DU LILAS


Le Lilas s’est levé de bonne heure ce matin; il a mis sa robe de fête,
il s’est entouré de guirlandes: voyez les jolies fleurs qui brillent
dans ses cheveux! Il n’y a pas de fleur plus aimable que le Lilas; un
léger incarnat colore ses joues blanches, il a la taille souple et
flexible: sa physionomie candide a cependant un petit air espiègle
qui fait plaisir.--Bonjour, charmante fleur. Où vas-tu, joli petit
Lilas?--Le printemps est venu ce matin me dire: Réveille-toi; tu dors
encore, paresseux! N’entends-tu pas le chant de l’alouette? Viens
m’aider dans mes travaux. Que de choses nous avons à faire ensemble!
Le ruisseau emprisonné par la glace va redevenir libre; ne faut-il
pas qu’il retrouve ses bords couverts de mousse? A sa vue, la mousse
a reverdi; la rose, piquée d’émulation, s’est entr’ouverte; le saule
s’est paré de feuilles verdoyantes; le rossignol est venu se poser
sur une de ses branches, et de ses chants joyeux il a salué le Lilas.
Le Lilas attire les jeunes gens et les jeunes filles: c’est la fleur
confidente de la jeunesse. Que de secrets on laisse envoler sous son
ombre! Mais le Lilas est discret; il ne trahit jamais les secrets qu’on
lui confie. Qui s’est jamais repenti d’avoir ouvert son cœur au Lilas?
Sa présence vient d’être signalée dans les champs. Aussitôt la porte
des chaumières s’ouvre, mille figures joyeuses paraissent aux fenêtres.
On court au-devant de la fleur; c’est à qui la saluera des premiers.
Les vieillards lui sourient de loin; filles et garçons s’empressent
autour d’elle. C’est une grande fête dans la campagne, c’est le jour
du Lilas. Les cœurs se sentent plus à l’aise depuis que la Fleur est
de retour. C’est le moment de tenir la promesse donnée. Le Lilas leur
a rapporté à tous leurs engagements; il a rempli l’air d’un parfum
de paix, de bienveillance et d’amour. Il a séché toutes les larmes;
personne ne pleure en présence du Lilas. La Fleur cependant continue sa
course. Partout elle réveille les Lilas ses sœurs, les autres Fleurs
ses compagnes. Des grappes d’un rose bleuâtre pendent le long des murs,
se balancent au milieu des haies, frémissent au fond des bosquets.
Le lilas veut consoler tout le monde. Un Lilas blanc se penchait le
matin sur le front d’Arnold, lorsqu’il est venu prier sur la tombe de
la pauvre Maria. Il n’y a qu’un jour du lilas dans l’année. On danse
jusqu’au soir, on chante la fleur qui donne la gaieté, la consolatrice
printanière, la fleur qui inspire les douces pensées et fait naître
l’amour. L’ombre s’étend sur le village, les danses et les chants ont
cessé. Où vas-tu, petite Lotchen? Pourquoi quittes-tu furtivement ta
chaumière? Tu cherches, dis-tu, le Lilas? Qu’as-tu donc de si pressé à
lui dire? Le Lilas a beaucoup travaillé aujourd’hui; il est fatigué,
il s’est endormi heureux: Fais comme le Lilas, Lotchen: demain, à son
réveil, tu lui diras ton secret; mais je crois, pauvre petite, que la
Fleur le connaît déjà.

[Illustration]



[Illustration: TUBÉREUSE, JONQUILLE]


LA TUBÉREUSE

ET

LA JONQUILLE


La Jonquille et la Tubéreuse causaient ensemble de bonne amitié. La
Jonquille s’était appuyée au rebord d’une fenêtre, la Tubéreuse assise
sur un banc de gazon. Une vigne tapissait le mur et s’arrondissait sur
la tête des deux Fleurs. Un Ramier chéri, élevé par la Tubéreuse, se
trouvait partager cet entretien.

--L’autre jour, disait la Jonquille, mon maître, en me montrant à un de
ses amis, s’est écrié: Voyez cette jolie fleur! c’est le Désir.--Moi,
répondit la Tubéreuse, je suis la Volupté.--J’aime bien mieux être le
Désir.--Cela vous plaît à dire, mais tout le monde n’est pas de votre
avis.--Vous ne venez qu’après moi.--Mais je vous fais oublier.--Sans
moi vous n’existeriez pas: je vous fais naître.--Moi, je vous
ressuscite.

La conversation, comme on le voit, avait pris une tournure assez
métaphysique. Le champ était vaste, et les deux Fleurs pouvaient
disputer longtemps avec des avantages égaux. Entre le Désir et la
Volupté, entre la Jonquille et la Tubéreuse, ce n’est pas nous qui
oserons décider. Heureusement, le Ramier n’éprouvait pas les mêmes
scrupules.

--Tout beau, mesdames, ne vous échauffez pas, dit-il, je vais
juger le différend.--Vous! s’écrièrent dédaigneusement les deux
interlocutrices.--Moi-même, répondit le Ramier; je ne manque pas
d’expérience, malgré mon air simple, et j’ai longtemps réfléchi sur
l’essence des choses. Vous allez voir.--Voyons.

La Tubéreuse et la Jonquille ne purent parvenir à réprimer entièrement
un sourire ironique.

--Pour vous juger, reprit le Ramier, je n’ai qu’à voir la manière
dont les hommes vous traitent; la nature a pris soin de multiplier la
Jonquille: elle abonde dans les prés, elle s’épanouit à côté des fleurs
les plus simples. Son parfum est doux sans être enivrant. Sa tête
penchée qui semble cachée sous un voile blanc, sa robe vert d’espérance
charment le regard. L’homme aime à s’entourer de jonquilles. Sur
la fenêtre du pauvre, sur la cheminée du riche, partout elle est
bien accueillie. C’est que le désir plaît.--Quant à vous, madame la
Tubéreuse, c’est autre chose. Vous êtes originaire de l’Inde, vous êtes
fille de la terre d’où nous viennent tous les poisons. Vos grandes
fleurs blanches lavées de rose séduisent, il est vrai, par leur beauté;
mais leur parfum ne peut se sentir longtemps. En vous voyant pour
la première fois, un charme puissant s’empare des sens, on voudrait
se livrer tout entier au plaisir de vous respirer; mais bientôt une
fatigue étrange remplace cet enivrement passager. On vous éloigne, on
vous évite, on craint de vous approcher. C’est que la volupté tue.

Il y a longtemps qu’on a donné la préférence à la Jonquille sur la
Tubéreuse. Nous souscrivons de grand cœur à ce jugement, mais nous
craignons bien qu’on n’en conteste la validité. Les sages seuls sont de
l’avis du Ramier. Le reste des hommes hésite encore entre le Désir et
la Volupté.

[Illustration]



[Illustration: BAL]


LE BAL DES FLEURS


De joie de se trouver réunies après tant de vicissitudes, les premières
Fleurs de retour se décident à donner un bal avant de reprendre leur
forme primitive. La Fée aux Fleurs avait fait construire une salle de
bal magnifique; mais nous nous dispenserons d’en donner la description,
attendu que les Fleurs n’y entrèrent pas. Elles préférèrent danser en
plein air.

Il est vrai que le plein air au pays des Fées ne ressemble nullement
à celui de nos climats. Le ciel est si rapproché de la terre qu’il
ressemble à un plafond parsemé d’étoiles; le vent est caressant
et léger: on dirait une gaze invisible. Les Fleurs d’ailleurs
craignaient, en se retrouvant dans un salon, d’être obligées de se
rappeler la terre.

Des milliers de Lucioles, girandoles vivantes, traînaient partout comme
une mouvante illumination. Rien n’était joli comme de voir ces insectes
gracieux décrire sur la tête des danseuses leurs courbes lumineuses.

Enfin, l’orchestre commença; il était entièrement composé de
Rossignols, membres du Conservatoire de la Fée de la musique. L’Oiseau
bleu le dirigeait en marquant la mesure avec un bâton d’or incrusté de
diamants.

Les musiciens jouèrent d’abord une contredanse, puis une polka, puis
une valse, ainsi que cela se pratique maintenant dans les salons du
grand monde.

Au bout de deux contredanses, les Fleurs se sentirent fatiguées.
Comment avons-nous pu voir un plaisir dans la danse? se disaient-elles
avec étonnement. La Belle-de-Nuit elle-même ne comprenait pas la
passion qu’elle avait eue pour les bals masqués.

--Tous ces pas, disait le Lis, ne valent pas le doux balancement que
m’imprime le Zéphire.

--Elle a raison, répétèrent toutes ses compagnes, plus de danse; allons
supplier la Fée de mettre fin à notre métamorphose, et de nous rendre
au doux balancement du Zéphire.

La Reine-Marguerite présidait en ce moment un immense galop; il fallut
le rompre et se joindre aux autres Fleurs qui s’avançaient vers la Fée.

En reconnaissant leur ancien asile, le premier sentiment qu’elles
éprouvèrent fut un sentiment de joie auquel succéda bientôt la crainte.
Quel accueil allait leur faire la Fée?

Elles étaient parties malgré elle, sans vouloir écouter ses sages
avertissements. Maintenant, les trouverait-elle assez punies?
consentirait-elle à les recevoir?

Aucune d’elles n’osait s’avancer pour sonner et se faire ouvrir la
grille du jardin.

Tout à coup la porte s’ouvrit comme d’elle-même à deux battants, et
l’on vit paraître la Fée. Les Fleurs tombèrent à ses genoux en versant
des larmes, mais elle les releva avec bonté.

--Entrez, leur dit-elle, pauvres enfants; venez reprendre auprès de moi
la place que vous n’auriez jamais dû quitter.

L’Oiseau bleu était perché sur l’épaule de la Fée.

--Va, reprit-elle, gentil messager, retourne sur la terre, et guide
vers moi les pauvres égarées qui ne savent plus retrouver le chemin de
la patrie.

L’Oiseau bleu agita ses ailes de turquoise et prit son essor.

Pendant toute la journée, la grille du jardin s’ouvrit et se referma
plus de vingt fois. Les Fleurs rentraient par bandes nombreuses. Le
soir, deux ou trois retardataires seulement manquaient à l’appel.

Le Bleuet et le Coquelicot se présentèrent ensemble, suivis du
Liseron, qui avait beaucoup de peine à marcher. L’Aubépine guidait
la marche de la Belle-de-Nuit, dont les yeux faibles ne pouvaient
supporter la clarté du jour. Le Lis, la Rose, la Capucine, le Jasmin,
le Chèvrefeuille, l’Œillet, l’Oranger, la Pervenche, l’Aubépine, le
Grenadier, la Violette, la Pensée, la Tulipe, la Guimauve, l’Églantine,
le Myrte, le Laurier, le Narcisse, l’Anémone, toutes les fleurs dont
nous avons raconté l’histoire avaient éprouvé le besoin de cesser
d’être femmes; elles étaient venues en même temps solliciter le pardon
de leur souveraine.

Pas une qui ne revît avec délices les lieux où elle était née; pas une
qui ne se rappelât, avec une terreur mêlée de honte, les heures qu’elle
avait passées sur la terre.

Bleuette et Coquelicot, les deux bergères, songeaient à la trahison
dont elles avaient été victimes de la part des deux bergers si
langoureux, mais si infidèles.

La Pensée maudissait les hommes qui, à l’envi les uns des autres,
semblaient se faire un plaisir de la repousser. L’Aubépine frissonnait
en pensant au Sécateur. La Tulipe se demandait comment elle avait pu
s’habituer aux ennuis du sérail.

L’Églantine tremblait intérieurement qu’en punition de son escapade,
la Fée ne la forçât à lire les livres qu’elle avait composés du temps
qu’elle figurait parmi les bas-bleus.

La Capucine, libre en plein air, plaignait du fond de l’âme les pauvres
jeunes filles qu’on condamne à vivre dans un couvent. Ainsi de suite
des autres Fleurs.

La Fée, cependant, ne songeait pas à se venger, ainsi que l’Églantine
et quelques autres Fleurs paraissaient le craindre, surtout en voyant
qu’elle ne se hâtait pas trop de leur faire quitter leur costume
terrestre. La Fée avait son projet. Nous le révélerons tout à l’heure.

Lorsque la fraîcheur commença à descendre du ciel avec l’ombre, la Fée
réunit toutes les Fleurs dans son palais.

--Mes filles, leur dit-elle, je pourrais vous faire de la morale, mais
je m’en dispense. Je lis au fond de votre cœur et je vois qu’il vous
adresse lui-même une semonce que toutes les miennes ne vaudraient
peut-être pas. Vous vous contenterez désormais d’être Fleurs, j’en suis
certaine; si cependant quelqu’une d’entre vous voulait devenir femme
tout à fait, elle n’a qu’à le dire. Je donne ma parole de Fée que son
souhait sera exaucé à l’instant.

Un silence universel accueillit cette proposition.

--Maintenant, reprit la Fée, allez vous reposer. Demain commenceront
les fêtes par lesquelles je veux célébrer votre retour. C’est pour cela
que je vous ai laissé conserver vos vêtements humains. Tous les Sylphes
du voisinage y seront invités.

Les Fleurs crièrent: Vive la Fée! et défilèrent devant elle. Il y eut
un baisemain général.

[Illustration]



[Illustration: RETOUR DES FLEURS]


ERRATUM


Voici un chapitre que nous n’entamons qu’en tremblant. Méfions-nous des
errata. On sait quand on les commence, et on ne sait pas quand on les
finit.

Cependant les droits de la vérité sont imprescriptibles. Il faut que
nous nous accusions de nos erreurs. Encore si nous pouvions les rejeter
sur un prote distrait; mais les fautes que nous avons commises ne sont
pas des fautes d’impression.

Elles touchent au fond même des choses; elles faussent leur
signification morale, elles blessent la vérité historique,
philosophique, mystique, que sais-je encore?

Aussi n’avons-nous pas hésité un seul instant à nous exécuter de bonne
grâce. Nous ne voulons pas, dans un ouvrage de cette importance,
rester en arrière des idées progressives, et nous faire traiter
d’écrevisse littéraire par la critique.

La critique est sévère quand elle s’y met!

Une foule de lettres anonymes nous ont été adressées dans le cours
de cette publication. Les unes nous portaient aux nues, les autres
nous accablaient de malédictions. La dernière de ces lettres était
foudroyante; le lecteur pourra en juger:

«Téméraire, craignez le courroux de Flore!»

Nous nous sommes empressé d’apaiser la déesse par des sacrifices
convenables. Serons-nous aussi heureux auprès de la critique?

Nous savons qu’on nous a reproché, dans une des dernières séances
de l’Académie des sciences morales et politiques, d’avoir usé d’un
symbolisme rétrograde pour caractériser le Myrte et le Laurier.
Nous nous empressons de reconnaître la vérité de ces observations.
Le lecteur est prié de considérer comme non avenus les deux dessins
représentant le Myrte et le Laurier. Grâce aux lumières qui lui ont
été fournies par l’analogie, et après deux mois de conférence avec
un professeur de myrtes indien, Grandville a fini par trouver que le
Myrte ne pouvait pas mieux se représenter que par un vieux roué, et le
Laurier par un vieux mousquetaire.


[Illustration: ERRATUM]


Dans le congrès scientifique de France qui a eu lieu cette année,
plusieurs séances ont été consacrées à l’examen des _Fleurs animées_.La
section de botanique, tout en constatant les services que ce livre
est susceptible de rendre à la science, n’a point hésité à signaler
une erreur de détail commise par nous. Le portrait que Grandville a
donné de la Belle-de-Nuit dans la 20e livraison, est celui d’une
Fleur qui appartient évidemment à la famille des Liserons. Dans le
dessin ci-joint, on trouvera la véritable Belle-de-Nuit telle qu’elle
est décrite par Linné, Tournefort, de Jussieu et de Candolle. Trop
heureux si nous nous montrons digne, par cette rectification, de la
bienveillance et des éloges du congrès scientifique!

Un impardonnable oubli nous avait fait négliger, à côté du Myrte et
du Laurier, de placer l’Olivier. Il était digne cependant de figurer
dans notre galerie allégorique. L’Olivier est l’arbre de Minerve; il
représente la sagesse et la paix. Le lecteur le reconnaîtra sans peine
sous son bonnet de coton.

Dans cette jeune fille à l’allure vive et dégagée qui fume avec tant
d’intrépidité le havane de la régie, nous avons personnifié le Tabac,
dont nous n’avions donné dans les livraisons précédentes que les
attributs. Pour aller au-devant de toutes les objections, nous avons
appliqué à l’Immortelle le même procédé qu’au Myrte, au Laurier et
au Tabac. De l’emblème mort nous avons fait une créature vivante.
Le dessin de l’Immortelle, qui figure dans le groupe joint à cette
livraison, a été copié par Grandville dans les cartons de Phidias,
récemment découverts à Athènes par un voyageur français. L’artiste grec
comptait sans doute en faire une statue de l’Éternité.

Maintenant que nous avons réparé les fautes et comblé les lacunes
signalées par la critique, il ne nous resterait plus qu’à nous
féliciter d’avoir mené à bonne fin un ouvrage de cette importance
morale, philosophique et littéraire. Le crayon peut se reposer en
paix, lui du moins n’a pas de remords. L’esprit, la verve, la grâce,
la finesse ne lui ont pas fait défaut un seul instant; mais, hélas!
la plume ne peut en dire autant; pardonnez-lui, pauvres Fleurs!
qu’avait-elle besoin de vous faire parler, vous, si éloquentes dans
votre silence! La plume, c’est la bavarde du livre; le poète, c’est le
crayon.

    TAXILE DELORD.

[Illustration]



BOTANIQUE DES DAMES



BOTANIQUE

DES DAMES


INTRODUCTION

PAR

ALPHONSE KARR


Arrêtez-vous ici,--charmantes lectrices,--n’allez pas plus loin,--posez
le livre,--on vous trompe.--M. Grandville, avec ses ingénieux et
gracieux caprices; M. Delord, avec ses pages spirituelles, sont tout
simplement deux traîtres: à travers des sentiers fleuris et parfumés,
ils vous conduisent dans un piége; ils veulent vous livrer aux
savants,--et à quels savants! aux botanistes,--à ces hommes qui sont
vos ennemis, comme ils sont ceux des fleurs.

Pauvres fleurs!--voyez le sort qu’ils leur font subir: ils arrachent
la pervenche aux bords des haies,--les wergiss-mein-nicht aux
rives des fleuves,--le réséda au pied des vieux murs;--puis, comme
nous l’avons dit dans notre monologue, ils les assassinent, les
aplatissent, les écrasent, les dessèchent, leur ôtent leur parfum et
leur couleur;--puis, sur ces tombes qu’ils appellent des herbiers,
ils gravent de ridicules et prétentieuses épitaphes;--ils les rendent
laides d’abord, et enfin ennuyeuses.

Prenez garde!--ils veulent vous rendre savantes.--Défiez-vous d’eux
comme des hommes qui veulent vous faire fumer des cigarettes.--Au
nom du ciel,--au nom de votre beauté, au nom de notre amour, restez
femmes,--n’espérez pas devenir rien de mieux.

Vous devez savoir quelque gré à l’éditeur des _Fleurs animées_ de ce
qu’il a fait dans votre intérêt.

Il n’a pas osé ne pas mettre un petit traité de botanique dans son
ouvrage; mais il a voulu écrire devant: Ici est un piége; ici est
l’ennui.

A qui a-t-il demandé une introduction?--Certes, il n’avait pas besoin
de moi.--M. Delord lui a fait un livre spirituel, et dix autres mieux
que moi lui auraient écrit son introduction; dix autres qui demeurent à
Paris comme lui,--qui sont ses voisins,--qu’il rencontre tous les jours.

Eh bien! il est allé me chercher aux bords de la mer, loin de
Paris,--au lieu de dire à M. Delord: Monsieur Delord, finissez le
livre, tout le monde y trouvera son compte.

Au lieu de dire à un botaniste: Monsieur le botaniste, faites-moi ici
un éloge de votre science.

Il s’est adressé à moi,--parce qu’il sait que moi, qui suis
jardinier,--que moi, qui aime toutes les fleurs, et que les fleurs
aiment un peu, j’ai écrit bien des pages contre des gens qui ont dit
que la rose à cent feuilles est un monstre.

Il n’osait pas ne pas joindre à son ouvrage un traité de botanique,
mais il a placé à la porte une sentinelle vigilante pour vous crier: Au
large! si vous tentez de franchir le seuil de ce petit temple élevé à
l’ennui.


[Illustration: PERVENCHE DESSÉCHÉE]


En France, on aime le plaisir, mais on respecte, on vénère l’ennui;--on
lui élève des temples et on lui fait des sacrifices,--comme les anciens
sans doute en faisaient aux Euménides, à la fièvre, à la peste et à la
guerre; les places, les honneurs, les dignités, sont pour les auteurs
des gros livres ennuyeux.--On enferme les livres d’abord dans de
magnifiques reliures,--puis dans une bibliothèque.

On gorge les auteurs de tout ce qu’ils peuvent désirer,--on tâche de
les apaiser; puis alors on lit les charmants poètes,--et les historiens
de cœur.

Peut-être aussi vous trompe-t-on--et me trompe-t-on en même temps.

Peut-être suis-je aussi,--mais sans le savoir,--un des complices des
embûches qui vous sont tendues ici.

Peut-être, après avoir cherché les moyens de vous faire lire la
botanique,--après vous y avoir fait amener tout doucement par les
deux traîtres que je vous ai dénoncés; après avoir confié la machine
infernale à un ouvrier adroit et spirituel, qui en a habilement déguisé
la forme, a-t-on encore eu peur que vous ne lisiez pas le traité de
botanique,--et a-t-on pensé que le seul attrait sérieux qu’on pût lui
donner était d’en faire quelque chose de défendu.

Et c’est alors qu’on est venu me chercher.

Pour moi, si je suis complice de cette trahison, c’est, je le répète, à
mon insu,--et je vous dis encore: Arrêtez-vous.--N’allez pas plus loin
par le livre, on vous trompe!

    ALPHONSE KARR.

[Illustration]



PREMIÈRE PARTIE


PHYSIOLOGIE

Les savants sont des tyrans impitoyables. Voyez ce qu’ils ont fait de
la botanique, cette charmante et gracieuse science! Ils avaient à dire
l’histoire des arbres, des plantes, des fleurs! Leur mission principale
paraissait être de faire répéter cette histoire par de jolies et
fraîches lèvres, sur lesquelles il semble qu’on ne doive mettre que
des perles et des feuilles de rose. Eh bien! sans pitié ni merci, ils
se sont brutalement emparés de ces frêles et suaves filles du ciel et
de la rosée; ils les ont froissées, mutilées; ils les ont jetées dans
le creuset de l’étymologie, et après toutes ces effroyables tortures,
et comme pour s’assurer l’impunité, ils ont caché leurs victimes
sous un monceau de noms barbares. Ainsi, grâce à eux, l’aubépine,
ce symbole d’espérance et de virginité, gémit sous l’affreux nom
de _mespilus oxyacantha_; le chèvrefeuille, ce doux lien d’amour,
s’appelle _lanicera caprifolium_; la giroflée des murailles, charmante
consolatrice du pauvre, est à jamais marquée de ce double stygmate
_cheirantus chieri_; puis, ce sont des _chrysanthemum leucanthemum_
(grande marguerite), des _lyriodendron tulipifera_, _vaccinium
oxycocus_, etc. Nous en passons des plus terribles.

Tout cela est affreux, n’est-ce pas?... Malheureusement tout cela est
nécessaire. Admirer n’est pas connaître, et pour connaître, l’ordre et
la méthode sont indispensables. Comment, en effet, étudier les vingt
mille espèces de plantes connues sans les diviser en groupes, familles,
classes, etc.? Comment, au milieu de cette multitude, se passer des
secours de l’étymologie? Pardonnons donc aux savants, qui n’ont fait
qu’obéir à la nécessité, et entrons dans ce beau domaine dont ils ont
dissipé les ténèbres.

Le règne végétal ne tient pas, comme on le croit communément, le milieu
entre les règnes minéral et animal; il se rapproche beaucoup plus de
ce dernier que de l’autre; les végétaux, comme les animaux, naissent,
vivent, s’accroissent, se reproduisent et meurent; quelques plantes
même semblent douées de sentiment. On a donné à l’étude de ce règne le
nom de botanique.


SEMENCE OU GRAINE.--Le but que s’est proposé la nature dans la création
des êtres animés, est la reproduction de l’espèce. C’est pour elle
qu’elle a varié à l’infini ces enveloppes protectrices destinées à
garantir les fleurs des injures de l’air; c’est pour elle qu’elle mûrit
les fruits dont les sucs alimentaires contribuent au développement et à
l’accroissement de la semence, qui est à la fois la terminaison et le
point de départ du grand œuvre de la végétation.

La graine a des analogies très-marquées avec l’œuf des animaux: c’est
d’elle que doit sortir une plante parfaitement semblable à celle qui
l’a portée. Le prolongement filiforme qui attache la graine à son
enveloppe est destiné à lui transmettre des sucs nourriciers. L’embryon
contenu dans la graine est la plante entière en miniature. C’est lui
qui, se développant, deviendra un végétal semblable à celui dont il
tire son origine.

L’embryon est essentiellement formé de quatre parties: le _mésofite_ ou
la _tigelle_, la _radicule_, la _plumule_ et les _cotylédons_.

Le mésofite est la partie de l’embryon qui unit la radicule à la
plumule; la radicule s’échappe la première des enveloppes de la
semence; c’est le rudiment de la plante; la plumule est la partie de
l’embryon qui représente la tige; les cotylédons forment la partie la
plus considérable de l’embryon, ce sont des lobes ou corps charnus;
leur nombre varie selon les plantes; quelquefois ils manquent tout à
fait. C’est sur leur présence, leur absence et leur nombre que l’on a
établi les trois grandes tribus du règne végétal:

Les plantes _acotylédones_, qui n’ont point de cotylédons;

Les _monocotylédones_, qui n’ont qu’un seul cotylédon;

Les _dicotylédones_, qui ont plusieurs cotylédons.


GERMINATION.--Ainsi, dans toute graine réside le principe de la vie,
du développement, de la grâce ou de la majesté. Mais ce principe
dort, et son sommeil peut être éternel, si une main amie ne lui vient
en aide. Il est vrai que la plupart des embryons enfermés dans ces
œufs végétaux peuvent attendre sans péril la circonstance favorable
qui leur permettra d’en briser la coquille. Quelques graines, en
effet, conservent pendant fort longtemps la faculté germinative: pour
plusieurs, cette faculté existe encore plus d’un siècle après la
maturité, et l’on assure que des graines trouvées à Herculanum et à
Pompéi, deux mille ans après que ces cités eurent été ensevelies sous
le sol, ont germé facilement.

Et puis, à défaut de la main de l’homme, la nature, cette tendre mère,
use de toutes sortes d’ingénieux moyens pour assurer la propagation
des espèces; c’est ainsi qu’elle a doué certains fruits, tels que ceux
de la balsamine, du sablier, d’un mouvement élastique qui lance au
loin les semences: l’air, les vents, les eaux de la mer, des fleuves,
servent aussi à transporter les semences à des distances prodigieuses.
Il n’est pas rare que la mer jette sur les côtes de la Norvége divers
fruits de l’Amérique qui ont conservé leur propriété germinative,
malgré l’espace de temps considérable qu’a nécessité cette longue
traversée. Certaines graines sont aussi transportées d’un lieu dans
un autre par des oiseaux, et déposées sur un terrain favorable à la
germination. Enfin, une foule de circonstances fortuites aident
encore à la propagation. C’est ainsi que les habitants de l’île de
Guernesey se trouvèrent dotés d’une des plus belles fleurs du Japon:
un vaisseau venant de ce dernier pays en France, apportait plusieurs
caisses d’oignons d’une très-belle espèce de liliacée, connue depuis
sous le nom d’amaryllis de Guernesey. Ce vaisseau fit naufrage sur
les côtes de l’île; les caisses se brisèrent contre des rochers, et
les oignons furent disséminés sur le sable; ils s’y enracinèrent, s’y
naturalisèrent, et devinrent, pour les habitants, un objet de commerce
très-lucratif.

Beaucoup de graines périssent cependant; mais c’est là une nécessité, à
raison de leur abondance, qui est réellement prodigieuse; ainsi, on en
a compté jusqu’à trente-deux mille sur un seul pied de pavot, et l’on
a calculé que si toutes ces semences réussissaient, elles couvriraient
notre globe tout entier à la cinquième génération.

Trois choses sont essentiellement nécessaires à la germination: la
chaleur, l’air et l’humidité. Confiée à la terre dans ces conditions,
la graine ne tarde pas à se gonfler; la vie commence: l’embryon déchire
son enveloppe, et livre passage à la plumule à travers ses cotylédons
écartés. La radicule se tourne vers la terre et produit en tous sens
des fibrilles. La radicule devient et reste le pivot de la racine; les
fibrilles en forment le chevelu. La plumule s’élève, nourrie par les
cotylédons dont la substance se liquéfie, devient laiteuse, et qui
remplissent l’office de véritables mamelles.

L’enfant est né, il grandit chaque jour; ses traits se dessinent,
ses formes se dégagent; on voit encore un peu ce qu’il fut, et l’on
commence à deviner ce qu’il sera.


ORGANES DE LA VÉGÉTATION

RACINES.--Presque tous les végétaux sont formés de deux parties
distinctes, la tige et la racine; la première, brillante de parure et
de beauté, s’élève dans l’atmosphère; l’autre, dépourvue d’éclat,
s’enfonce dans la terre pour y accomplir obscurément ses fonctions,
véritable image des destinées diverses des grands et du peuple: ayant
une même origine, l’un travaille et souffre au profit de l’autre qui
s’étend et domine.

C’est par les racines que les végétaux vivent: qu’elles cessent de
fonctionner, ils s’étiolent et meurent. Il y a des racines dont
l’existence ne dure qu’un an, d’autres vivent deux ans, d’autres encore
de trois à douze ans; la durée d’un certain nombre est illimitée. C’est
ce qui a fait diviser les plantes en _annuelles_, _bisannuelles_,
_vivaces_ et _ligneuses_.

On divise les racines en trois classes: les _fibreuses_ (fig. 1re),
qui sont composées d’une multitude de jets longs et filamenteux;
les _tubéreuses_ (fig. 2), qui présentent des masses tuberculeuses
irrégulières, charnues, contenant souvent une fécule abondante, et les
_pivotantes_ (fig. 3), qui s’enfoncent perpendiculairement dans la
terre.

Ces formes variées ne sont point un effet du hasard; elles sont, pour
l’observateur, une preuve de la prévoyance de notre bonne mère commune,
prévoyance qui se manifeste partout et toujours, et qui a donné
naissance à ce proverbe:

    A brebis tondue, Dieu mesure le vent.

Ainsi, sur les montagnes, sans cesse assaillies par les vents, on ne
trouve que des racines fibreuses, dont les ramifications pénètrent dans
les anfractuosités, s’y cramponnent et permettent aux tiges de braver
les orages; les racines pivotantes se logent dans les terres fortes,
profondes, et les racines tubéreuses s’étendent dans les terrains
maigres et sablonneux.

Comme on vient de le voir, la durée de la vie des végétaux est
subordonnée à celle des racines; mais celles-ci, à leur tour, sont
soumises à l’influence de la température. Le ricin, par exemple, qui
dans les pays chauds forme des arbres ligneux, n’est dans notre climat
qu’une plante annuelle; et nos plantes potagères, transportées dans
les contrées méridionales, y deviennent vivaces et ne peuvent plus y
être mangées.

L’analogie est si grande entre les parties du végétal qui s’étendent
sous le sol et celles qui s’élèvent au-dessus, que ces dernières
peuvent devenir racines; par exemple, les filets pendants des branches
du figuier des pagodes tombent jusqu’à terre, s’y enracinent en
très-peu de temps: ce sont des enfants qui reviennent au sein maternel.


TIGES.--Les tiges présentent une grande diversité de formes: il en est
qui rampent sur le sol sans y jeter de racines; d’autres, au contraire,
poussent des drageons qui s’enracinent et produisent de nouvelles
tiges; d’autres encore, trop faibles pour atteindre seules l’élévation
qu’elles ambitionnent, entourent de leurs circonvolutions les troncs
des grands arbres, les unes s’enroulant constamment de gauche à droite,
les autres toujours de droite à gauche. Ainsi, si l’on plante au pied
d’un arbre une tige de haricot et une de houblon, elles s’enrouleront
en sens inverse et se croiseront; que l’on essaye de changer leur
direction, elles la reprendront, et si l’obstacle qu’on leur aura
opposé est insurmontable, elles mourront.

Les tiges sont ou cylindriques, ou cannelées, ou triangulaires. Dans
un grand nombre de végétaux, la tige est unie, sans poil ni duvet;
dans beaucoup d’autres, elle est couverte de petites écailles garnies
de poil, et elle porte des bulbilles à l’aisselle des feuilles. Les
tiges sont _herbacées_ lorsqu’elles sont tendres, molles, et elles
meurent après une année d’existence; elles sont vivaces s’il croît une
nouvelle tige l’année suivante; elles sont _sous-ligneuses_ quand la
base résiste à l’hiver; enfin, elles sont _ligneuses_ quand elles se
convertissent en bois.

Maintenant, supposons que de la graine soumise à la germination sorte
une plante herbacée, à tige; elle s’élèvera plus ou moins rapidement,
sa tige aura des feuilles, mais aux aisselles de ces feuilles il
n’y aura point de boutons, et la plante ne vivra que de un à trois
ans. De la graine qui doit produire un arbuste, la tige prendra une
consistance ligneuse, mais les aisselles des feuilles seront également
dépourvues de boutons. Elle résistera aux hivers, et produira des
fruits et des fleurs chaque année. La tige de l’arbrisseau sera plus
vigoureuse et portera des boutons; mais elle se divisera, à sa base, en
un certain nombre de rameaux ligneux. Enfin, la tige qui doit devenir
un arbre s’élèvera d’un seul jet à une certaine hauteur. Cette tige,
de la racine à ses premiers rameaux, s’appelle _tronc_ (fig. 4). Les
rameaux sont divisés en quatre ordres, selon leur force.

Examinons maintenant la structure de la tige, et prenons pour cela
celle d’un végétal ligneux qui est le plus complet. En la tranchant
transversalement, nous trouverons d’abord l’_écorce_, recouverte d’un
mince épiderme; sous l’écorce est le _liber_, partie essentiellement
vivante et organique du végétal, et qui doit son nom à la facilité avec
laquelle on peut le séparer en feuillets semblables à ceux d’un livre;
vient ensuite l’_aubier_, puis le _bois_ proprement dit, et ensuite la
_moelle_.

La partie concentrique du bois qui entoure la moelle est composée
de vaisseaux poreux, suivant une direction parallèle dans toute la
longueur des tiges, et dans lesquels circule la séve, principe vital
de tous les végétaux. Une partie de ces vaisseaux se prolongent
latéralement, entraînant une portion de la moelle. Ces vaisseaux,
qu’on nomme prolongements médullaires, ont dans l’écorce leur partie
essentiellement vivante, d’où il résulte que l’on voit souvent des
arbres dont la végétation est encore très-vigoureuse, bien que leur
partie ligneuse soit anéantie, et qu’ils en soient réduits à leur
écorce, ainsi que cela se présente fréquemment dans les saules.

Voici maintenant la marche de l’accroissement: chaque année, les
feuilles déliées du _liber_ se solidifient et s’unissent aux dernières
couches de l’_aubier_, qui n’est encore qu’un bois imparfait, mais
qui passe à l’état de _bois_ au fur et à mesure que le _liber_ passe
à l’état d’_aubier_. Il en résulte que les couches concentriques
se superposant annuellement, elles indiquent parfaitement l’âge du
végétal. Ce n’est pas là toutefois une règle sans exception; cette
règle, qui s’applique aux tiges dicotylédones, la plus nombreuse des
tribus végétales, n’est pas applicable aux monocotylédones, dont la
structure présente un sens inverse. Par exemple, que l’on examine la
coupe transversale d’un palmier, on ne trouve plus d’écorce, d’aubier,
de couches concentriques, de prolongements médullaires; le tissu le
plus solide et le plus ancien dans cette tige est à l’extérieur, par
la raison que l’accroissement vient de l’intérieur. Ainsi, un palmier,
à sa naissance, forme une touffe de feuilles sans tige; un an après,
il naît de nouvelles feuilles du centre des premières, et celles-ci,
repoussées vers la circonférence, tombent en vieillissant; mais leurs
bases se soutiennent et forment un anneau qui est l’origine de la
tige; l’année suivante, un second anneau se forme de la même manière
au-dessus du premier, de telle sorte que l’âge du palmier peut se
calculer par ses anneaux.


BRANCHES ET RAMEAUX.--Les branches et les rameaux ont une organisation
parfaitement semblable aux tiges; ils forment, avec la tige, un angle
qui s’ouvre davantage à mesure que l’arbre vieillit, et les branches
finissent souvent par devenir pendantes.

Les tiges de quelques végétaux croissent avec une grande rapidité et
atteignent une prodigieuse longueur: les chênes, dans nos forêts,
atteignent souvent une hauteur de quarante mètres, et les palmiers des
Cordillères dépassent quelquefois soixante mètres.

La grosseur des tiges de certains végétaux n’est pas moins remarquable;
on montre, au village d’Allouville, près d’Yvetot, un chêne qui n’a
pas moins de neuf mètres de circonférence, et dans l’intérieur duquel
on a construit une chapelle et une salle assez vaste. Le châtaignier
de l’Etna, qu’on appelle dans le pays l’_albero a centicavalli_, a
près de quatorze mètres de tour, et cent cavaliers peuvent se mettre
à l’abri sous ses rameaux, ce qui n’est rien cependant en comparaison
de quelques baobabs du Sénégal, qui ont jusqu’à trente mètres de
circonférence à la naissance du tronc.

Il est bien dur d’être forcé d’en convenir, mais il faut de la
franchise avant tout: les végétaux, qui n’ont peut-être de moins
que nous que la faculté de la locomotion, nous sont bien supérieurs
sous d’autres rapports: ainsi, ce n’est pas seulement par les graines
que les végétaux se reproduisent, mais encore par la greffe, par les
boutures, le marcottage, les éclats de racines, etc.


BOUTONS.--Ces moyens de reproduction ont démontré que, dans chacun
des _boutons_ espacés sur un rameau, se trouve renfermée une plante
entière, pourvue de tous ses organes. Ces boutons sont de petits corps
entourés d’écailles qui se développent dans l’aisselle des feuilles
et à l’extrémité des rameaux. Ils commencent assez généralement à
se montrer en été, et on leur donne alors le nom d’_yeux_. Pendant
l’automne, ils grossissent: ce sont les _boutons_ proprement dits. Au
retour du printemps, les écailles tombent, les boutons se développent,
et ils prennent le nom de _bourgeons_ (fig. 5).

Il y a trois espèces de boutons: ceux qui produisent des branches,
et qu’on appelle _boutons à bois_; ceux qui produisent des feuilles,
nommés _boutons à feuilles_, et ceux qui produisent des fleurs, qu’on
nomme _boutons à fleurs_ ou _boutons à fruits_. Les racines des plantes
vivaces portent des boutons qui, en se développant, produisent des
tiges annuelles. Ces boutons, qu’on appelle _turions_, se distinguent
des boutons proprement dits en ce que leur origine est constamment
souterraine.


FEUILLES.--La pousse des feuilles, ou la _foliation_, commence
immédiatement après l’apparition du bourgeon. Leur naissance est le
signe d’une vie nouvelle pour tous les êtres de la création: dans les
bois si longtemps silencieux retentissent les chants des oiseaux; les
champs se couvrent de fleurs; les hommes se sentent meilleurs; le cœur
s’épanouit, et de même que la séve, le sang circule plus vite. Les
feuilles contribuent de deux manières à la production de ce sentiment
universel de bien-être: d’abord, en charmant la vue, elles font naître
les plus douces émotions; puis elles versent dans l’espace des flots
d’air vital, en même temps qu’elles absorbent les émanations putrides,
les germes de destruction et de mort.

La plupart des feuilles sont soutenues par une queue mince et légère
nommée _pétiole_, et elles se terminent par une expansion membraniforme
appelée _disque_. Les feuilles qui n’ont point de pétiole s’étendent
en lames dès leur séparation de la tige. On appelle les premières
_feuilles pétiolées_, et les secondes _feuilles sessiles_. Elles
restent attachées à la tige et aux branches jusqu’aux premiers
froids de l’hiver; alors elles tombent, à moins qu’elles ne soient
_vivaces_, et elles rendent avec usure à la terre les sucs qu’elles
en avaient reçus pour se produire et s’étendre; cette chute se nomme
effeuillaison. Dans les arbres qu’on nomme _toujours verts_, les
feuilles périssent en tout temps.

C’est sur le disque que l’on peut observer l’arrangement des nervures
et toutes les subtiles ramifications, _veines_, _veinules_, dont une
substance pulpeuse, appelée _parenchyme_, remplit les intervalles
(fig. 6). Le bord de la feuille opposé au pétiole se nomme _sommet_,
on appelle _côtés_ les deux extrémités latérales; les deux faces de la
feuille sont recouvertes d’un épiderme très-mince: la face supérieure
est ordinairement lisse et brillante, la face inférieure est mate et
moins colorée.

Il y a trois sortes de feuilles: les _simples_ (fig. 7), les
_composées_ (fig. 8), et les _composées articulées_. La feuille simple
est formée d’une seule expansion; le pétiole n’a point de division
sensible. La feuille composée est un assemblage de petites feuilles
ou folioles fixées au sommet ou sur les parties latérales d’un même
pétiole par un pétiole particulier; lorsque ces folioles sont douées de
certains mouvements, comme dans la sensitive, on dit que la feuille est
articulée.

Le vert est la couleur ordinaire des feuilles; mais la nuance en est
infiniment variée depuis le vert tendre jusqu’au vert brun et presque
noir; quelques plantes portent pourtant des feuilles rouges, jaunes
ou panachées; mais alors on peut les considérer comme n’étant point
dans leur état normal. La lumière est le principe de la coloration
des feuilles, ainsi que l’on peut s’en convaincre en faisant germer
des graines dans une cave: si l’on éclaire quelques-unes des jeunes
plantes qui se produiront au moyen de lampes et de miroirs à réflexion,
les feuilles qui recevront les rayons lumineux se coloreront en vert;
celles qui seront demeurées dans l’obscurité seront blanchâtres.

L’irritabilité des feuilles, leur sommeil, leur réveil, sont des
phénomènes qui ne peuvent manquer d’attirer vivement l’attention; ils
sont extrêmement remarquables dans la sensitive, qui se contracte
rapidement, et en même temps toutes ses feuilles, pour se soustraire
au contact des corps étrangers. L’attrape-mouche, plante de l’Amérique
septentrionale, exécute un mouvement non moins remarquable: chacune
de ses feuilles est divisée à son sommet en deux lobes réunis par
une charnière le long de la nervure médiane; qu’un insecte, attiré
par la liqueur dont elles sont enduites, vienne se placer sur un
de ces lobes, ils se rapprochent aussitôt, et retiennent l’insecte
prisonnier. Les feuilles du _sainfoin oscillant_, plante du Bengale,
sont douées de mouvements plus extraordinaires encore. Ces feuilles
se composent de trois folioles attachées sur un pétiole commun. La
foliole terminale est très-grande, les deux autres sont très-petites.
Ces dernières exécutent un mouvement continuel de torsion, et décrivent
continuellement un arc de cercle. Ce mouvement continue même alors que
l’on a détaché la feuille de la tige, ce qui prouve qu’il appartient
à la feuille, et est tout à fait indépendant de la plante mère. Que
la grande foliole soit agitée par une cause quelconque, aussitôt le
mouvement des deux petites cesse.

On doit l’observation de ce phénomène à Linné, qui lui donna le nom de
sommeil des plantes. Quelques naturalistes en ont cherché la cause dans
l’absence de la lumière, et ils sont parvenus à changer les heures de
sommeil de la sensitive en l’éclairant artificiellement; mais, pour
que cette expérience fût concluante, il faudrait qu’elle eût le même
résultat sur beaucoup d’autres végétaux, et il a été impossible de
l’obtenir sur le plus grand nombre.

Ainsi, les plantes sentent: elles dorment, elles se meuvent; chez
quelques-unes se manifeste un sentiment de crainte: qui oserait
dire que tout cela ne soit que purement mécanique? Le mouvement de
locomotion qui leur manque n’empêche pas qu’elles tiennent dans la
création une place bien supérieure à celle occupée par un grand nombre
d’individus du règne animal.

Le sommeil des plantes se manifeste de quatre manières dans celles
dont les feuilles sont simples: 1º les feuilles s’appliquent face à
face, comme dans l’arroche des jardins; 2º elles enveloppent la tige,
comme dans l’onagre molle, pour protéger les boutons et les fleurs; 3º
étendues horizontalement pendant le jour, elles se roulent en cornet,
et renferment les jeunes pousses, comme la mauve du Pérou; 4º elles
se penchent vers la terre et forment une espèce de voûte au-dessus des
fleurs inférieures, comme la balsamine.

Les feuilles composées affectent six positions différentes dans les
heures de sommeil: 1º elles viennent se placer l’une contre l’autre,
comme les feuilles d’un livre: telles sont celles du pois de senteur,
du baguenaudier; 2º en s’écartant à leur partie moyenne, elles forment
un petit pavillon au-dessus des fleurs, comme le lotier pied-d’oiseau,
le trèfle; 3º elles sont réunies à la base et séparées à leur sommet,
comme dans le mélilot commun; 4º les folioles se courbent pour couvrir
les bourgeons, comme dans le lupin blanc; 5º elles s’abaissent en
tournant sur elles-mêmes, tandis que le pétiole commun s’élève, et
elles s’appliquent ensuite l’une sur l’autre par leur face supérieure,
bien qu’elles pendent vers la terre, comme dans les casses, et ce
retournement est d’autant plus remarquable que si l’on voulait l’opérer
artificiellement pendant le jour, on ne pourrait y parvenir sans briser
les vaisseaux des pétioles particuliers; 6º enfin, elles recouvrent
entièrement le pétiole commun à la manière des tuiles d’un toit, comme
la sensitive.

Que d’admirables choses! et à quoi bon chercher au loin des émotions
quand à chaque pas tant de merveilles s’offrent aux regards de qui veut
les voir!


STIPULES, VRILLES, GRIFFES, SUÇOIRS, ÉPINES, AIGUILLONS, POILS,
GLANDES.--Indépendamment des organes principaux, un grand nombre de
végétaux sont pourvus d’organes accessoires que Linné désignait sous
le nom générique de _fulcra_. Les uns, tels que les _aiguillons_ (fig.
9), les _épines_ (fig. 10), ne sont en quelque sorte, pour certaines
plantes, que des armes défensives; d’autres, comme les _poils_ (fig.
11) et les _glandes_, sont chargés de fonctions sécrétoires, et
quelques-uns, comme les _vrilles_ (fig. 12), servent d’auxiliaires aux
végétaux qui en sont armés, pour les aider à quitter le sol sur lequel
la faiblesse de leurs tiges semblait les avoir condamnés à ramper.

Le pétiole est parfois accompagné de deux petites feuilles qui
diffèrent tout à fait de la forme des autres: ce sont les _stipules_;
si on les rencontre à la base d’une fleur, elles prennent le nom de
_bractées_. Leurs fonctions consistent à protéger les feuilles; elles
les enveloppent dans la jeune pousse, elles les accompagnent dans leur
développement, et périssent dès qu’elles sont devenues inutiles.

Les _griffes_ sont des espèces de racines par lesquelles certaines
plantes s’accrochent à d’autres végétaux ou aux corps environnants.
Lorsque ces griffes, indépendamment du soutien qu’elles prêtent aux
plantes, leur procurent les aliments nécessaires à leur nourriture, on
les nomme _suçoirs_.


FLEURS.--Les fleurs sont les organes destinés à accomplir le grand
œuvre de la reproduction: couleurs séduisantes, parfums suaves,
élégance dans les contours, délicatesse dans le tissu, grâces dans le
développement et le port, tous ces attributs, prodigués aux fleurs même
les plus communes, font du temps de la floraison un moment de parure,
de triomphe, et l’époque la plus brillante, la plus éclatante de leur
vie. L’enfance est passée, nous touchons au temps de la jeunesse et de
la beauté.

La fleur se compose de quatre parties principales: le _calice_ (fig.
13), la _corolle_ (fig. 14), les _étamines_ (fig. 15), et les _pistils_
(fig. 16); on appelle fleur _complète_ celle qui possède ces quatre
parties, et fleur _incomplète_ celle à laquelle il en manque une ou
plusieurs. Les fleurs peuvent se composer simplement d’étamines et
de pistils réunis sur le même support, ou placés sur la même plante,
dans des fleurs distinctes, ou situés sur des individus séparés, ce
qui forme les fleurs _hermaphrodites_, _monoïques_ et _dioïques_. Ces
deux derniers genres sont également compris sous la dénomination de
_déclives_ ou d’_unisexuelles_.

Le diamètre des fleurs est très-variable: quelques-unes sont si petites
qu’elles échappent à la vue; d’autres, comme l’aristoloche d’Amérique,
par exemple, ont quelquefois au delà d’un mètre de circonférence. Leur
durée, variable aussi, est également très-courte: nées pour accomplir
les fonctions de la reproduction, bientôt elles perdent leur éclat,
leurs formes s’altèrent, les grâces s’envolent, la jeunesse s’éteint et
la maturité commence.

Les fleurs sont sessiles ou pédonculées: elles sont sessiles
lorsqu’elles sont posées sur la tige sans intermédiaire; elles sont
pédonculées lorsqu’elles sont soutenues par un support plus ou moins
étendu qu’on nomme pédoncule; c’est le plus grand nombre. C’est au
sommet du pédoncule, qui va s’élargissant, que paraissent les parties
de la fructification. Les formes de cet organe sont très-variées: il
est droit ou incliné, parfois il se roule en spirale; il peut être
simple ou composé de plusieurs parties que l’on nomme pédicelles.
Lorsqu’il part immédiatement de la racine, on le nomme _hampe_. La
partie qui soutient les fleurs sessiles ou pédiculées s’appelle _axe_.


INFLORESCENCE

L’arrangement, la disposition générale des fleurs sur la tige ou les
autres organes qui les supportent se nomment inflorescence. Les fleurs
sont toujours placées à l’aisselle d’une feuille, mais elles affectent
diverses dispositions: les unes sont solitaires, les autres sont
réunies plusieurs ensemble. C’est ce qui constitue l’_inflorescence
simple_ et l’_inflorescence composée_, lesquelles se subdivisent
en inflorescences qui ont reçu des noms particuliers, tels que ceux
de _panicule_, _thyrse_, _grappe_, _épi_, _spadice_, _verticille_,
_ombelle_, _corymbe_, _cyme_, _capitule_. L’inflorescence est panicule
lorsque l’axe commun se ramifie, et que ses divisions secondaires
sont allongées et laissent entre elles une certaine distance, comme
dans les graminées (fig. 17). Le thyrse est une sorte de grappe dont
l’axe est très-allongé et dont les rameaux forment de petites cimes.
Lorsque le pédoncule commun se ramifie plusieurs fois et régulièrement,
l’inflorescence prend le nom de grappe, comme dans le marronnier
d’Inde (fig. 18). Lorsque les fleurs sont disposées sur un axe commun,
simple, non ramifié, elles forment l’épi, comme le blé, l’orge, le
plantin (fig. 19). Dans l’inflorescence spadice, le pédoncule commun
est couvert de fleurs sans calice. L’inflorescence est verticille
lorsque les fleurs naissent à l’aisselle des feuilles, et forment une
espèce d’anneau autour de la tige. Les fleurs sont en ombelle lorsque
tous les pédoncules étant égaux, l’ensemble des fleurs présente
une surface bombée, telle est la carotte (fig. 20). Dans le mode
d’inflorescence appelé corymbe, l’axe central forme une inflorescence
terminée et les rameaux latéraux des inflorescences indéfinies,
comme dans la millefeuille (fig. 21). Lorsque la fleur terminale est
environnée de trois bractées ou plus, et que chaque rameau peut offrir
un développement égal au précédent, on nomme cette inflorescence
cyme; cette inflorescence est celle de la centaurée (fig. 22). Enfin,
on donne le nom de capitule à l’inflorescence qui est particulière
aux plantes de la famille des cynanthérées: tels sont le chardon,
l’artichaut (fig. 23).

L’inflorescence, en général, peut encore être modifiée par des
influences diverses, telles que certains modes de culture: de là
résultent les fleurs _doubles_, _pleines_ et _polifères_. La culture
est aux fleurs ce que l’éducation est aux jeunes filles; elle augmente
leur beauté en les douant de grâces particulières, en les préservant de
mille dangers, en leur conservant le plus longtemps possible tout leur
éclat.

Dans les fleurs doubles, le nombre des pétales est plus considérable
que celui que leur avait primitivement donné la nature. Les fleurs
pleines sont entièrement formées de pétales. Les fleurs polifères sont
celles du centre desquelles naît une seconde fleur semblable à la
première. Tout cela est dû à l’art de l’horticulture, et, pour quelques
amateurs sévères, ces fleurs devenues si belles ne sont que des êtres
monstrueux. C’est là une ridicule exagération, condamnée par la sagesse
des nations qui a formulé ce proverbe:

    Et toujours la parure embellit la beauté.

Cela n’est pas très-grammatical, mais cela est vrai.


CALICE.--Nous avons vu plus haut que la fleur se compose de quatre
parties principales; examinons maintenant chacune de ces parties.

Le calice peut être considéré comme le protecteur de la fleur; il se
compose d’une espèce d’épanouissement de l’écorce à l’extrémité du
pédoncule. Sa couleur est toujours verte, à peu d’exceptions près.
Ainsi elle devient jaune dans la capucine, et rouge dans la grenade,
mais toujours elle est verte d’abord. Quelquefois il est d’une seule
pièce, et quelquefois il est composé de plusieurs qui affectent la
forme de petites écailles, comme dans l’œillet. Le plus ordinairement
il est de forme cylindrique. Lorsqu’il ne renferme qu’une seule fleur,
on le nomme calice _propre_, et calice _commun_ lorsqu’il en renferme
plusieurs; il est _simple_ quand il ne forme qu’une seule enveloppe;
_double_ quand il se compose de plusieurs.

Nous éviterons ici, comme précédemment, les termes scientifiques qui
n’ajoutent rien à la connaissance des choses, et qui n’auraient d’autre
résultat que de faire grimacer de jolies bouches. Qu’importe, en
effet, que l’on sache que les savants nomment _monophylle_ le calice
qui se compose d’une seule pièce, et _polyphylle_ celui qui en a
plusieurs? Qu’importent les _supères_, les _infères_, les _embriqués_,
les _caliculés_, etc., qui n’indiquent que des modifications
insignifiantes?

Le calice a beaucoup d’analogie avec la feuille, non-seulement par sa
forme, mais encore par sa contexture et les fonctions qu’il remplit.
On y remarque des nervures, des trachées, etc., absolument comme dans
la feuille, et dans quelques fleurs même, le calice se transforme en
véritables feuilles; enfin, comme les feuilles, il absorbe et exhale
certains fluides.


COROLLE.--C’est la corolle qui continue la beauté de la fleur: grâce,
coloris, parfum, tout lui est réservé. Comme le calice, elle peut être
formée d’une seule ou de plusieurs pièces; c’est ce qui a fait croire
à plusieurs botanistes qu’elle n’était qu’une modification du calice;
plusieurs ont même confondu le calice et la corolle, grossière erreur,
relevée à bon droit par les savants naturalistes dignes de ce nom.

Chacune des pièces qui composent la corolle se nomme pétale; on dit
qu’elle est _monopétale_ quand elle est formée d’un seul pétale, et
_polypétale_ quand elle se compose de plusieurs. On appelle _onglet_
la partie par laquelle le pétale tient à la fleur, et _lame_ sa partie
supérieure. De la base au sommet, elle forme le tube, divisé en deux
parties: l’_orifice_, qui est la partie supérieure, et le _limbe_, qui
comprend toute la partie dilatée.

Hélas! il est bien douloureux de l’avouer, mais l’analyse de cette
charmante chose, la _corolle_, que la nature a si richement ornée,
est affreusement aride! Nous lisons dans un ouvrage moderne: «Il est
bien fâcheux que l’étude des végétaux nécessite la connaissance d’une
multitude de termes dont l’emploi doit souvent précéder la définition.»
Oh! oui, cela est fâcheux, cela est déplorable! mais Dieu a voulu
qu’il n’y ait pas, sur cette terre périssable, de joie, de plaisir
sans mélange... Encore quelques pas dans ce sentier épineux! S’il faut
souffrir un peu pour être belles, comme on le dit communément, c’est
aussi la condition expresse pour être... non pas savantes, mesdames,
mais instruites, ce qui est bien différent! Donc, nous reprenons
courage, n’est-ce pas? et nous n’aurons pas une trop grande peur des
vilains mots, c’est convenu. Ainsi, j’oserai vous dire qu’il y a six
espèces de corolles régulières, savoir:

La _campanulée_, qui se dilate vers sa base et s’évase en forme de
cloches. Exemple: le liseron des champs (fig. 24);

L’_infundibuliforme_, qui ressemble quelque peu à un entonnoir;

L’_hypocratériforme_, qui a le tube court, la fleur plane, comme le
phlox (fig. 25);

La _corolle en roue_, dont le tube se voit à peine et qui est dentelée;

La _tubulée_, dont le tube est allongé et peu ouvert à son orifice;

L’_urcéolée_, dont le tube est plus resserré à son orifice que dans ses
autres parties.

Les corolles monopétales irrégulières les plus remarquables sont les
_labiées_ et les _personnées_; les premières offrent deux divisions
inégales et ouvertes qu’on nomme _lèvres_, et qui sont placées l’une
au-dessous de l’autre. Dans les _personnées_, les deux lèvres sont
rapprochées, forment une proéminence.

Cette diversité de formes dans les corolles monopétales se reproduit
dans les polypétales, dont les régulières comprennent: les _rosacées_,
les _caryophyllées_ et les _cruciformes_. Les irrégulières sont nommées
_papillonacées_, à cause de leur ressemblance avec le papillon.

Viennent ensuite la corolle _ligulée_ et la corolle _tubuleuse_, qui
appartiennent aux fleurs composées, et qui, en se combinant, forment
les _floculeuses_, les _semi-floculeuses_ et les _radiées_.

Certains produits minces et colorés se trouvent quelquefois entre la
corolle et les étamines, auxquels Linné a donné le nom de _nectaires_,
à cause du liquide visqueux et sucré qu’ils sécrètent.

Non-seulement la corolle, ainsi que nous l’avons dit, est presque
toujours parée des plus riches couleurs, mais il arrive souvent
qu’elle en change: il y a même des corolles coquettes qui changent
jusqu’à trois fois de parure en un jour; telle est celle du _gladiolus
venicolor_: le matin, sa couleur est brune, c’est un négligé qu’elle
quitte bientôt; à midi, elle revêt une fraîche robe verte, et, vers la
fin du jour, elle étale avec complaisance sa parure d’un admirable
bleu clair...

En vérité, je vous le dis, au risque de paraître trivial à force d’être
vrai, jamais il n’y eut, il n’y aura jamais plus d’analogie entre deux
choses diverses qu’il n’en existe entre les femmes et les fleurs.
Il est vrai que ces dernières sont muettes; mais nous ne disons pas
_heureusement_.

Indépendamment des riches couleurs qui la parent, la corolle a encore
l’avantage d’être un foyer d’émanations délicieuses. Cela est vrai
comme règle, mais nous devons avouer qu’elle souffre d’assez nombreuses
exceptions: d’abord, il est une assez grande quantité de fleurs qui ne
sentent absolument rien, et de ce nombre sont quelques-unes des plus
riches en parure, comme les dahlias, les camélias; il en est, en outre,
dont l’odeur est insupportable, comme certaine espèce de géranium,
l’arum dracunculus, etc.


ÉTAMINES, PISTILS.--Les étamines et les pistils sont les organes de la
fructification; c’est par eux que s’accomplit le grand, l’inexplicable
mystère de la reproduction des plantes: privée de ces organes
essentiels, la fleur est stérile. D’une partie de l’étamine, nommée
_anthère_, s’échappe, dans un temps propice, une poussière fécondante
nommée _pollen_; ce sont de petits corps jaunes, blancs, rouges ou
violets, qui se répandent sur le ou les pistils, et dès lors la plante
est fécondée.

Ce grand secret de la fécondation des plantes a été découvert par
Linné. Nous avons déjà montré que les plantes sentent; Linné dit
qu’elles aiment, et il le prouve, l’audacieux! Nous le répétons, les
savants sont capables de tout!


FRUCTIFICATION

C’est alors que commence cette maturité dont nous avons parlé plus
haut: les pistils et étamines se flétrissent, les pétales tombent, le
fruit se montre soutenu par le calice, ce père nourricier dont la tâche
n’est pas encore entièrement remplie.


FRUIT.--Le fruit se compose toujours de deux parties principales: le
péricarpe et la graine.

Le péricarpe est une enveloppe parfois sèche ou membraneuse, le plus
souvent épaisse et charnue, laquelle contient dans son intérieur une ou
plusieurs graines.

Le péricarpe est quelquefois si ténu et semble si bien identifié
avec la graine, qu’on ne l’en distingue que difficilement; aussi
quelques auteurs ont-ils émis l’opinion que, dans certains fruits,
le péricarpe n’existait pas; mais c’est une erreur aujourd’hui bien
reconnue: le péricarpe existe constamment, et il est toujours composé
de trois parties, savoir: une membrane extérieure ou épiderme, nommée
_épicarpe_; une substance charnue (_sarcocarpe_), et une membrane
intérieure (_endocarpe_)... N’avions-nous donc pas trois fois raison
en disant, au commencement de ce traité, que les savants sont des
suppôts de tyrannie! Nous leur accordons l’_épicarpe_, le _sarcocarpe_,
l’_endocarpe_; nous convenons avec eux que, arrivés à l’époque de leur
maturité, les péricarpes ont la complaisance de s’ouvrir pour livrer
passage aux graines; nous voulons même bien que ces complaisants
péricarpes se nomment _déhiscents_, et toujours animés du même esprit
de paix, nous convenons volontiers qu’ils sont bien plus estimables que
les péricarpes _indéhiscents_, qui ne laissent échapper les graines que
lorsqu’ils tombent en pourriture. Alors nous croyons en avoir fini sur
ce point... Hélas! les savants commencent et ne finissent jamais: pour
eux, il y a toujours quelque chose de nouveau sous le soleil... Et les
_valves_, s’il vous plaît?... et les _cloisons_, et les _loges_, et
la _suture_? Nous nous bornerons à dire que ces quatre derniers noms
représentent des choses destinées à retenir les graines prisonnières
jusqu’à ce que l’heure de la liberté ait sonné pour elles.

Les fruits se présentent sous douze formes principales que l’on divise
en deux grandes classes: les fruits à péricarpes secs, qui sont au
nombre de neuf, et les fruits à péricarpes charnus, divisés en quatre
espèces.

Dans les péricarpes secs, le plus commun est la _capsule_, dont la
boîte est d’une forme et d’une capacité très-variables; elle est
elliptique, ou orbiculaire, ou en croissant, ou bien elle offre la
forme d’une silique, comme la grande chélidoine (fig. 26).

Le péricarpe appelé _follicule_ se compose ordinairement de deux
follicules dressées ou divergentes, fusiformes ou cylindriques;
les semences sont contenues dans la follicule, et le plus souvent
enveloppées d’une substance cotonneuse (fig. 27).

Le péricarpe appelé la _samare_ est une espèce de capsule membraneuse,
plus ou moins comprimée, divisée en une ou deux loges.

Le _légume_ ou _gousse_ est un fruit membraneux à deux valves qu’on
nomme cosses, réunies par deux sutures opposées; les graines sont
attachées le long de la suture inférieure, et placées alternativement
sur l’une et l’autre _valve_ ou _cosse_, ainsi que cela se voit dans le
pois, la vesce (fig. 28).

La _silique_ ne diffère de la _gousse_ que par une cloison
longitudinale qui divise les deux valves.

Le _cône_ est composé d’écailles ligneuses, comme la pomme de pin (fig.
29).

La _nucule_ ou _noisette_ est un péricarpe osseux qui ne contient
qu’une graine et ne s’ouvre pas.

La _cariopse_ est un fruit sec à une seule graine, dont le péricarpe
est tellement adhérent à la graine proprement dite, qu’il ne peut s’en
séparer que par l’opération du blutage, comme pour le blé, le seigle,
etc.

Le péricarpe nommé _achaine_ est un peu moins adhérent à la graine que
le précédent. Il est simple ou composé.

Voyons maintenant les péricarpes des fruits charnus; ils sont, comme
nous l’avons dit, au nombre de quatre: la _baie_, le _drupe_, la
_pomme_ et le _pépon_.

La _baie_ ne s’ouvre point naturellement à la maturité; elle renferme
une ou plusieurs semences, et ses graines et ses loges sont disposées
dans un ordre apparent, comme dans la groseille, le raisin (fig. 30).

Le _drupe_ est un péricarpe charnu, composé de deux substances de
différente nature: l’une extérieure, charnue, pulpeuse; l’autre
intérieure, ligneuse, comme dans les pêches, cerises, noix, marrons
(fig. 31).

La _pomme_ est un péricarpe charnu, couronné par le limbe du calice,
partagé en plusieurs loges dont la paroi interne est cartilagineuse.
Exemple: la pomme d’api (fig. 32 et 33).

Le _pépon_ est un fruit charnu, régulier, qui fait corps avec le calice
et renferme plusieurs graines. Ce fruit est particulier à la famille
des cucurbitacées (fig. 34 et 35).

Le volume des fruits est souvent bien disproportionné avec celui
des végétaux qui les produisent: ainsi la courge, plante rampante
et herbacée, porte des fruits énormes, et le chêne n’en a que de
très-petits. Les physiologistes cherchent vainement la raison de
cette anomalie; nous leur conseillons de consulter La Fontaine, fable
IV, livre IX.

Et pourtant, nous osons affirmer que La Fontaine avait très-peu étudié
les péricarpes; il était certainement moins savant, sur ce point, que
M. de Jussieu; mais, d’un autre côté, les fables de M. de Jussieu sont
beaucoup moins amusantes que celles de La Fontaine. Évidemment, il n’y
a pas compensation.


HABITATION DES VÉGÉTAUX

Les climats divers ne conviennent point indistinctement aux végétaux.
Il faut presque à chaque plante un terrain particulier, une atmosphère
différente. Les unes ne se plaisent que dans les champs incultes,
tandis que d’autres ne peuvent germer que dans des terres cultivées.
Plusieurs naissent dans les sables; un certain nombre se plaisent sur
les rochers. Il en est qui ne peuvent vivre qu’au fond des marais,
d’où elles s’étendent à la surface des eaux. Enfin, la mer a aussi sa
végétation, végétation luxuriante, qui ne le cède en puissance à aucun
des terrains les plus favorisés.

Il n’est presque aucune portion de la terre où la végétation ne puisse
s’établir; mais elle présente des différences immenses entre les
contrées équatoriales, les régions tempérées et les régions polaires.
C’est entre les tropiques qu’elle se montre dans toute sa puissance
et sa majesté; c’est là qu’on trouve le baobab, ce colosse du règne
végétal, dont le tronc, ainsi que nous l’avons dit, atteint quelquefois
jusqu’à trente mètres de circonférence; c’est là que vit et se
multiplie cette admirable famille de palmiers avec lesquels nos plus
beaux arbres ne sauraient soutenir la comparaison. Dans ces contrées,
les graminées deviennent arborescentes; les fougères s’élèvent jusqu’à
huit ou neuf mètres: c’est la patrie des fruits les plus exquis, des
parfums les plus suaves. C’est surtout dans les régions équatoriales,
comme aux bords du Gange, où la température, constamment humide et
chaude, est entretenue par les feux du soleil et le débordement des
grands fleuves, que la végétation montre une vigueur prodigieuse.

Mais cette exubérance de vie, qui augmente la puissance des forts,
tuerait les faibles. Que l’on transporte sous ce ciel de feu une frêle
et légère Parisienne, elle s’étiolera promptement, et rien ne pourra
la sauver d’une prompte destruction... C’est toujours cette éternelle
comparaison entre les deux règnes, comparaison née de ce que d’une
seule, unique et admirable chose sortie de la main de Dieu, notre
orgueil a voulu faire trois choses distinctes. Qui donc, en effet,
pourrait dire avec précision où finit l’un des trois règnes et où
commence l’autre?

L’histoire naturelle est une immense chaîne à laquelle il ne manque pas
un anneau, et c’est en vain que les princes de la science y ont cherché
une solution de continuité. Il y a sur les confins du règne minéral
des individus qui végètent, et sur les confins du règne végétal des
individus qui vivent...

L’extrême chaleur sans humidité n’est pas favorable à la végétation.
Aussi, quelle différence entre les contrées dont nous venons de
parler et les déserts sableux de l’Afrique, desséchés par les ardeurs
brûlantes du soleil, où l’homme, en y entrant, semble se dévouer à la
mort! Là, de quelque côté qu’on jette les yeux, on n’aperçoit que des
images de destruction et de néant.

L’excessive chaleur n’est pourtant pas un obstacle à toute végétation;
il est des plantes qui résistent à quatre-vingts et même cent degrés de
chaleur (température de l’eau bouillante). Aux eaux thermales de Dax,
on a vu croître et se développer une tremella dans une fontaine dont
l’eau est constamment chaude de soixante-dix à soixante-douze degrés.

Si la végétation des pays tempérés n’a pas cette beauté, cette
magnificence des plantes des tropiques, elle ne leur cède en rien pour
la grâce des formes et l’abondance des produits. Le Nord lui-même n’est
pas déshérité sous ce rapport; c’est là que les robustes pins et sapins
élèvent vers les nues leurs troncs vigoureux. Mais, au-dessus de deux
mille mètres d’élévation, on ne les trouve plus; ils sont remplacés par
les aliziers, les bouleaux, qui bravent un froid de quarante degrés,
froid capable de faire éclater les sapins les plus vigoureux.

Ce dernier phénomène a souvent été remarqué par nos soldats pendant la
désastreuse campagne de Russie; alors que ces malheureux s’asseyaient
sur la neige pour y prendre quelque repos, il arrivait que de violentes
explosions se faisaient entendre autour d’eux: «Encore l’ennemi! se
disaient-ils; toujours, toujours sur nos pas! Un ciel de fer sur
nos têtes, et devant nous des déserts de glace sans horizon!» Ils
reprenaient leurs armes avec désespoir et marchaient vers le lieu d’où
l’explosion s’était fait entendre, et ils ne trouvaient rien, rien que
des arbres que l’intensité du froid avait fait éclater avec un bruit
semblable à celui du canon.

Plus on s’approche des pôles, plus le nombre des végétaux diminue;
au Spitzberg, au Groënland, au Kamtschatka, le nombre des espèces ne
dépasse pas trente.

De même qu’elle se montre sur les plus hautes montagnes, la végétation
pénètre aux plus grandes profondeurs, dans les entrailles de la terre,
dans les cavernes, dans les mines les plus profondes; mais à ces deux
extrémités, il n’y a que des champignons et des lichens.

On trouve sur une haute montagne, en la parcourant de sa base à son
sommet, à peu près tous les changements de végétation que l’on pourrait
observer en voyageant de l’équateur au pôle nord. Au pied de la
montagne végètent les plantes des plaines et des contrées méridionales
de l’Europe. Les chênes occupent le premier plan; cinq ou six cents
pieds au-dessus sont les hêtres; plus haut, les ifs, pins et sapins;
puis viennent les aliziers, les bouleaux, les rhododendrons; plus haut
encore, on trouve les daphnés, les globulaires, les cistes ligneux.
Dans la région des glaces se montrent les saxifrages, les primevères;
puis enfin les lichens.

La végétation qui n’existe que faiblement dans un lieu peut y devenir
abondante et vigoureuse; tout se modifie, tout change: les marais
se dessèchent, les rochers que nous voyons nus et arides porteront
peut-être quelque jour des arbres majestueux. Dans les marais, la
surface des eaux se couvre d’abord d’une écume verdâtre; ce sont des
conferves, frêles plantes auxquelles succèdent des carex, des roseaux,
des typhas; puis viennent les sphaignes, qui se multiplient d’une
manière prodigieuse. A mesure que ces plantes végètent, leur détritus
exhausse le fond du marais, qui finit par se dessécher entièrement.
Il en est de même des rochers: des lichens crustacés viennent d’abord
marbrer leur surface; de leur décomposition naissent des lichens
d’un autre ordre sur le détritus desquels paraissent plus tard des
graminées; puis, enfin, la terre végétale augmentant sans cesse, les
végétaux ligneux se montrent.

Ainsi que nous venons de le voir, il est, dans les végétaux, des
familles particulières à certaines contrées; une seule famille, les
céréales, peut s’habituer à tous les climats; œuvre admirable de la
Providence, qui, en donnant la terre à l’homme, a voulu qu’il pût
trouver à chaque pas une preuve de sa paternelle sollicitude!


MALADIES, MORT ET DÉCOMPOSITION DES VÉGÉTAUX

Les maladies des végétaux peuvent être divisées en deux classes:
celles qui n’affectent qu’une partie du végétal, comme les ulcères,
les excroissances qui résultent presque toujours de blessures, et les
maladies générales qui envahissent toute la plante.

Les plaies faites par un instrument tranchant se guérissent plus
facilement que celles produites par un instrument contondant.
Lorsqu’une portion d’écorce a été enlevée à un arbre, la cicatrisation
s’opère par l’extension des bords de l’écorce qui se rapprochent en
bourrelets.

Les plaies contuses doivent être enlevées par le fer, afin que les
lèvres en soient nettes; sans quoi elles donneraient lieu à des
exostoses, des tumeurs, qui deviendraient incurables.

Lorsque les blessures ont pénétré jusqu’au cœur du tronc, il s’ensuit
un écoulement sanieux qui détermine promptement l’ulcère, la carie, la
mort. Ces plaies ne sont pourtant pas absolument incurables, et l’on
parvient quelquefois à les faire disparaître par le fer ou par le feu.

De toutes les maladies générales, la mieux caractérisée est
l’_étiolement_, qui a pour cause ordinaire la privation de la lumière.
Les plantes atteintes de cette maladie sont faibles, grêles, blafardes.
Pour la guérir, il suffit, lorsque le mal n’est pas trop avancé, de
rendre la lumière à la plante qui en est atteinte; mais cela ne doit se
faire que graduellement: le passage trop brusque d’un état à un autre
serait plus nuisible qu’efficace.

La _panachure_, la _jaunisse_, qui atteignent un grand nombre de
végétaux, sont presque toujours causées par l’abondance de la séve et
l’extravasation des sucs.

Le froid exerce une grande influence sur les plantes. Dilatés par
la congélation des liquides, les vaisseaux, les tissus cellulaires
se déchirent, et le végétal meurt. Lorsque le déchirement se fait
du centre à la circonférence, il se nomme _cadron_; s’il s’opère
en séparant l’une de l’autre les couches ligneuses, il s’appelle
_roulure_; si le froid détruit seulement la couche du liber, on nomme
la maladie qui en résulte _gelivure_.

Les pêchers et les abricotiers ont quelquefois leurs feuilles couvertes
d’une substance blanchâtre, mielleuse; c’est le résultat d’une maladie
nommée _meurier_ ou _blanc mielleux_. On opère la guérison de l’arbre
qui en est attaqué en enlevant les feuilles qui ne sont point dans leur
état normal, et changeant la terre au pied de l’arbre.

Les plantes parasites et certains insectes sont très-souvent une cause
de maladie pour les plantes.

Les céréales sont sujettes à plusieurs maladies qui leur sont
particulières: le froment peut être atteint de la _carie_, du
_charbon_, de la _rouille_. La _carie_ attaque l’intérieur du grain;
l’écorce en est sèche, et en la rompant, on trouve à l’intérieur une
poussière fine, noire et fétide.

Une espèce de champignon microscopique, nommé _uredo segetum_,
réduit les semences en une poussière d’un brun verdâtre; c’est la
maladie nommée _charbon_. Un autre champignon microscopique, l’_uredo
linearis_, donne naissance à la _rouille_. Le seul préservatif contre
les diverses maladies des céréales consiste à secouer les plantes
au moyen d’une corde tendue, que deux hommes, séparés par le champ,
promènent sur toute sa superficie. Cette opération suffit pour
détruire, au moins en grande partie, les germes de ces maladies.

La _cloque_ ou _roulure_ des feuilles provient de la piqûre d’insectes;
les _bédéguars_, pelotes filamenteuses qui se trouvent sur les rosiers,
les _galles arrondies_ des chênes, la _laque_, la _cochenille_, n’ont
pas d’autre cause.

Après avoir langui pendant un temps, la vie s’éteint entièrement dans
le végétal; il devient la proie de tous les agents extérieurs, qui le
décomposent entièrement.

Les arbres meurent ordinairement par portions; le plus souvent la mort
commence par le sommet; on dit alors que l’arbre est couronné. La
racine subit la même altération, dans le même temps, à son extrémité.
L’arbre qui est dans cet état peut vivre encore longtemps, mais il ne
croît plus.

La décomposition des plantes est un des phénomènes les plus
intéressants de la nature; elle présente des différences selon qu’elle
s’opère dans le feu, à l’air libre ou dans l’eau.

L’analyse d’un végétal par le feu y démontre la présence de la lumière
et du calorique, qui se dégagent entraînant avec eux des matières
salines, huileuses; dans cet état, ils constituent la fumée; mais si
on les condense dans un tuyau étroit, ils déposent le long des parois
une partie des matières qu’ils enlevaient; celles-ci forment la suie,
qui contient une huile empyreumatique, du carbone, du fer. Il reste une
masse assez considérable qu’on appelle _cendres_, et qui est une des
bases de la terre végétale.

Les plantes exposées à l’air libre se décomposent rapidement: l’eau
et l’air qu’elles contiennent déterminent la fermentation, et, par
suite, le dégagement des fluides gazeux. Les parties non volatiles,
principalement composées de matières salines, forment le _terreau_,
substance très-variable.

Lorsque la décomposition des plantes s’opère dans l’eau, les résultats
ne sont plus les mêmes; on obtient alors des produits auxquels on
donne le nom de _tourbes_: les tourbes des marais, presque entièrement
formées de jeunes plantes herbacées, mêlées à une certaine quantité
de limon, et les tourbes ligneuses, qui constituent la _houille_ ou
_charbon de terre_. Ces dernières sont formées par des masses d’arbres
dont plusieurs sont quelquefois assez bien conservés pour qu’on puisse
en déterminer l’espèce. Dans la production des tourbes, l’eau est le
principal et peut-être le seul agent de la décomposition des plantes,
qui sont garanties par ce fluide du contact immédiat de l’air et du
soleil.

Ici se termine l’histoire physiologique des plantes; nous avons vu
comment elles naissent, s’accroissent, vivent, se reproduisent, meurent
et se décomposent; nous les avons vues se mouvoir, veiller, dormir,
sentir, aimer, souffrir. Il nous reste à peindre les mœurs de chaque
tribu, de chaque famille, leurs goûts, leurs usages, leurs lois; ce
sera l’objet de notre seconde partie.

[Illustration]



SECONDE PARTIE


MÉTHODES-FAMILLES

Dieu seul sait quel est le nombre des espèces de plantes qui couvrent
notre globe; quant à nous, chétifs, nous n’en connaissons qu’un peu
plus de vingt mille. Il est vrai que ce nombre augmente tous les jours,
et que, les savants aidant, il continuera à augmenter jusqu’à la fin
des siècles; car, je l’ai déjà dit, les savants commencent et ne
finissent jamais.

En attendant, vingt mille nous paraît un assez joli chiffre, et s’il
nous fallait faire l’histoire de chaque individu, ce ne serait pas
trop de l’assistance de trois ou quatre de ces savants, laborieux et
patients, bénédictins qui ont enfanté tant d’in-folio dont l’aspect
seul suffit pour jeter la terreur dans l’âme du lecteur le plus
intrépide. Heureusement nous avons les méthodes, qui simplifient
singulièrement cette tâche immense.

D’abord la botanique fut le patrimoine de quelques hommes laborieux
qui, recueillant le peu de connaissances acquises sur ce sujet,
en firent un tout s’élevant à peine à sept cents espèces, et ils
considérèrent ce commencement de science comme une branche de la
médecine. Dès les premiers pas, ils sentirent le besoin de classer ces
espèces, et ils eurent recours à l’ordre alphabétique. Vint Conrad
Gesner, qui conçut l’idée de ranger les plantes par classes, selon
les caractères fournis par la fleur et le fruit. A ce dernier succéda
Césalpin, médecin du pape Clément VIII, qui tira la botanique du chaos
en établissant sa méthode sur l’absence, la présence et le nombre des
cotylédons. Plusieurs lui succédèrent jusqu’à Linné, qui fit faire à
la science un pas de géant, et divisa les grandes tribus acotylédone,
monocotylédone et dicotylédone en vingt-quatre classes. Puis, avant et
après beaucoup d’autres, vint de Jussieu, auteur de la méthode dite
_naturelle_, que nous avons adoptée.

M. de Jussieu divise les trois tribus en quinze classes, savoir: les
plantes cotylédones, une classe, huit familles;

Les plantes monocotylédones, trois classes, dix-neuf familles;

Les plantes dicotylédones, onze classes, soixante-dix-sept familles.

En tout, quinze classes et cent quatre familles rangées dans cet ordre:


PLANTES ACOTYLÉDONES


  PREMIÈRE CLASSE

  ACOTYLÉDONIE

    1. Algues.
    2. Champignons.
    3. Lichénées.
    4. Hépatiques.
    5. Mousses.
    6. Fougères.
    7. Cycadées.
    8. Rhizospermes.


PLANTES MONOCOTYLÉDONES


  DEUXIÈME CLASSE

  MONOHYPOGYNIE

    9. Naïadées.
    10. Aroïdées.
    11. Typhacées.


  TROISIÈME CLASSE

  MONOPÉRIGYNIE

    12. Cypéracées.
    13. Graminées.
    14. Palmiers.
    15. Asparagées.
    16. Joncées.
    17. Commélinées.
    18. Alismacées.
    19. Colchicacées.
    20. Liliacées.
    21. Broméliées.
    22. Narcissées.
    23. Iridées.


  QUATRIÈME CLASSE

  ÉPISTAMINIE

    24. Musacées.
    25. Amomées.
    26. Orchidées.
    27. Hydrocharidées.


PLANTES DICOTYLÉDONES


  CINQUIÈME CLASSE

  PÉRISTAMINIE

    28. Aristolochiées.


  SIXIÈME CLASSE

  MONOÉPIGYNIE

    29. Éléagnées.
    30. Daphnoïdes.
    31. Protéacées.
    32. Lauroïdées.
    33. Polygonées.
    34. Atriplicées.


  SEPTIÈME CLASSE

  HYPOSTAMINIE

    35. Amarantées.
    36. Plantaginées.
    37. Nyctaginées.
    38. Plombaginées.


  HUITIÈME CLASSE

  HYPOCOROLLIE

    39. Primulacées.
    40. Achantées.
    41. Jasminées.
    42. Verbénacées.
    43. Labiées.
    44. Personnées.
    45. Solanées.
    46. Borraginées.
    47. Convolvulacées.
    48. Polémoniacées.
    49. Bignoniées.
    50. Gentianées.
    51. Apocynées.
    52. Sapotées.


  NEUVIÈME CLASSE

  PÉRICOROLLIE

    53. Diospyrées.
    54. Rhodoracées.
    55. Ericoïdes.
    56. Campanulacées.


  DIXIÈME CLASSE

  SYNANTHÉRIE

    57. Chicoracées.
    58. Cyranocéphales.
    59. Corymbifères.


  ONZIÈME CLASSE

  CORISANTHÉRIE

    60. Dispacées.
    61. Rubiacées.
    62. Caprifoliées.


  DOUZIÈME CLASSE

  ÉPIPÉTALIE

    63. Araliées.
    64. Ombellifères.


  TREIZIÈME CLASSE

  HYPOPÉTALIE

    65. Renonculacées.
    66. Papavéracées.
    67. Crucifères.
    68. Capparidées.
    69. Sapindées.
    70. Acéridées.
    71. Malpighiacées.
    72. Hypéricées.
    73. Guttifères.
    74. Hespéridées.
    75. Méliacées.
    76. Sarmentacées.
    77. Géraniées.
    78. Malvacées.
    79. Magnoliers.
    80. Anonées.
    81. Ménispermées.
    82. Berbéridées.
    83. Hermanniées.
    84. Liliacées.
    85. Cistées.
    86. Qutacées.
    87. Caryophyllées.


  QUATORZIÈME CLASSE

  PÉRIPÉTALIE

    88. Portulacées.
    89. Saxifragées.
    90. Crassulées.
    91. Cactoïdes.
    92. Onagrées.
    93. Mirtées.
    94. Mélastomées.
    95. Lythrées.
    96. Rosacées.
    97. Légumineuses.
    98. Térébinthacées.
    99. Rhamnides.


  QUINZIÈME CLASSE

  DICLINIE

    100. Euphorbiées.
    101. Cucurbitacées.
    102. Urticées.
    103. Amentacées.
    104. Conifères.


Le nombre des familles a été porté par d’autres auteurs à cent douze,
à cent quarante, à cent quatre-vingt-quatre. Ce n’est pas qu’ils aient
trouvé de nouvelles familles, mais ils en ont fractionné quelques-unes,
et ils ont élevé arbitrairement certains genres à la dignité de
familles. Nous ne voyons pas que cela serve beaucoup à la science. Ne
pouvant faire mieux, les derniers venus ont tenté de faire autrement.
Il faut bien trouver quelque aliment à cet insatiable amour-propre qui
tourmente les faiseurs de livres.

La méthode de M. de Jussieu est évidemment la plus rationnelle de
toutes; il n’a fait des plantes acotylédones qu’une seule classe,
par la raison qu’elles ne présentent ni fleurs ni fruits. Les
monocotylédones sont classées selon que les étamines sont disposées.
Les étamines sont nommées épigynes lorsqu’elles sont attachées sur le
pistil; hypogynes, si elles sont placées à la base de l’ovaire, et
périgynes, quand elles sont placées sur le calice; ce qui explique
les noms donnés aux trois classes des plantes monocotylédones:
_monohypogynie_, _monopérigynie_ et _monoépigynie_.

Les onze classes de dicotylédones sont établies sur l’absence, la
présence de la corolle, et sur le nombre de ses pièces: d’où sont
résultées les _dicotylédones apétales_, formant trois classes, d’après
le mode d’insertion des étamines; les _dicotylédones monopétales_,
formant quatre classes, suivant que la corolle staminifère est
hypogyne, périgyne, épigyne à anthères soudées, épigyne à anthères
libres; les _dicotylédones polypétales_, divisées en trois classes
également, d’après leur mode d’insertion. Enfin, la quinzième
classe, _diclinie_, est composée de plantes _diclines_, c’est-à-dire
irrégulières.

Mon Dieu! nous savons que cela est peu plaisant, mais nous espérons
l’avoir rendu clair, et c’est en vérité tout ce qu’il est humainement
possible de faire en pareille matière. Qu’on n’oublie pas, de grâce,
qu’il n’est point de plaisir, même parmi les plus petits, qui ne
coûte une peine, et que les mots les plus rudes s’adoucissent sur de
jolies lèvres. Et puis, nous voici tout à l’heure hors de ces ronces;
nous allons visiter ces nombreuses familles, et là nous attendent
les anecdotes de toute nature, les révélations, les épisodes gais ou
terribles, etc.


PREMIÈRE CLASSE

ACOTYLÉDONIE

La famille des _algues_, la première de cette classe, est placée sur la
dernière limite du règne végétal. Ce sont d’abord les _conferves_, ces
filaments verdâtres que l’on voit sur les mares, les eaux stagnantes
en général. Ces filaments, qui semblent au premier aspect une sorte de
limon flottant, sont pourtant doués de certains mouvements spontanés;
ils s’entrelacent et se rapprochent intimement à certaines époques.
Puis viennent les _fucus_ ou varechs, qui peuplent les eaux de la mer,
et parmi lesquels on remarque d’abord le _fucus sacré_, qui se couvre
d’efflorescences blanches et sucrées, que les Irlandais mangent avec
un grand plaisir après les avoir soumises au feu. Mais le genre le
plus remarquable de cette famille est le _fucus géant_ et _nageant_,
immense lanière dont la longueur est souvent de plusieurs centaines
de pieds, et qui, sur les mers équatoriales, arrête quelquefois les
vaisseaux. C’est ce qui arriva à Christophe Colomb, marchant à la
découverte d’un nouveau monde. Déjà ses compagnons épouvantés faisaient
entendre des menaces et voulaient obliger leur chef à revenir en
Europe, Colomb insiste pour aller en avant; il demande quelques jours,
promettant qu’on ne peut tarder à voir la terre qu’il cherche, parce
que son génie l’a devinée. Tout à coup, les caravelles s’arrêtent
au milieu de l’Océan; la sédition va éclater. De toutes parts, on
n’aperçoit qu’une vaste forêt flottante. Mais enfin, le vent qui était
tombé s’élève; les caravelles glissent à travers ces algues immenses;
le nouveau monde est découvert!

Après les algues viennent les _champignons_, qui n’ont guère de
ressemblance avec les familles dont ils sont environnés, mais dont la
place est marquée par les caractères négatifs communs à toute cette
classe. Cette famille, qui n’a ni feuilles, ni fleurs, ni aucun organe
qui y ressemble, présente à la fois des mets délicats et des poisons
terribles: à côté de la truffe parfumée, de la morille, de l’excellent
champignon comestible, croissent les espèces les plus vénéneuses!

Dans la famille des champignons sont comprises ces moisissures, ces
sortes de duvets poudreux, cotonneux, que l’humidité fait naître
sur le vieux bois et les végétaux à demi pourris dont ils hâtent la
destruction. Cette famille nombreuse présente quelques genres d’un
aspect agréable, comme l’oronge, dont le globe, d’un rouge éclatant,
tranche sur les tapis de verdure. Mais quand on pense au venin mortel
que renferment quelques espèces, la beauté des autres disparaît:
qu’importe l’enveloppe, quand le cœur ne recèle que fiel et corruption!

Nous remarquerons encore dans cette classe les _lichens_, qui naissent
partout où l’on pourrait croire la végétation impossible, sur la tête
nue des rochers, sur le sommet des monuments, la surface polie des
pierres. D’abord, les lichens apparaissent chétifs, souffreteux; mais
ce sont de pauvres enfants qui vivent de si peu qu’ils grandissent
partout. A force de persévérance, ils creusent la pierre, s’y font
une demeure; les générations se succèdent, et la végétation devient
vigoureuse là où elle semblait ne pouvoir s’établir. Le lichen est
l’aliment du renne, qui lui-même est la seule ressource du Lapon. Le
lichen d’Islande se transforme, par la cuisson, en une gelée abondante
qui est la nourriture principale de plusieurs peuplades de l’Amérique
du Nord; d’une autre espèce, commune en Suède, on tire une sorte de
cire dont on fait des bougies, et plusieurs autres contiennent des
principes colorants d’un assez grand prix: tant il est vrai qu’il
ne faut pas dédaigner le faible, et que dans l’ordre des choses la
place qu’occupent les infiniment petits est presque toujours la plus
légitimement conquise!

La famille des _mousses_ est la plus élégante, la plus jolie de cette
classe. Les mousses sont de charmants petits arbres en miniature qu’on
ne peut se lasser d’admirer; les tapis qu’elles forment à l’ombre des
forêts rivalisent d’éclat avec les plus beaux velours; et non-seulement
elles sont vivaces pour la plupart, mais elles possèdent la singulière
propriété de reverdir et de revivre lorsqu’on les humecte, même après
qu’elles ont été desséchées depuis plusieurs années. Cette famille
contient un grand nombre de genres. Les plus remarquables sont les
_polytrichs_, dont le Lapon, à l’exemple de l’ours, se fait un lit fort
doux; les _bries_, les _hypnes_, les _phasques_, dont on se sert pour
le calfat des bateaux.

Nous ne dirons rien des _hépatiques_, petites plantes herbacées qui
naissent dans les lieux humides, non plus que des _cycadées_, petite
famille qui tient le milieu entre les palmiers et les fougères, et
qu’on ne trouve que dans l’Inde et au Japon; nous passerons également
sur les _rizospermes_, petite plante aquatique à laquelle on ne connaît
aucune propriété.

Quant aux _fougères_, dont les espèces sont assez nombreuses, c’est
dans leurs cendres que l’on a su trouver un produit intéressant:
elles contiennent abondamment de la potasse qu’on en extrait pour la
fabrication du verre, et c’est en faisant allusion à l’origine de
cette potasse, que les poètes ont célébré le _vin qui rit dans la
fougère_.


DEUXIÈME CLASSE

MONOHYPOGYNIE

Cette classe ne renferme que trois familles: celle des _naïadées_
est assez nombreuse; elle se compose, ainsi que l’indique son nom
mythologique, de plantes qui croissent dans l’eau; l’espèce la plus
remarquable est la vallisnère-spirale. Elle est assez commune dans le
Rhône; elle porte ses fleurs sur une longue tige roulée en spirale, qui
reste constamment sous les eaux pendant six mois, après quoi la spirale
se déroule, et la plante s’élève au-dessus de la surface. C’est cette
singularité qui a inspiré ces vers à un poète botaniste:

    Le Rhône impétueux, sous son onde écumante,
    Durant six mois entiers nous dérobe une plante
    Dont la tige s’allonge en la saison d’amour,
    Monte au-dessus des flots et brille aux yeux du jour.
    Les mâles, dans le fond jusqu’alors immobiles,
    De leurs liens trop courts brisent les nœuds débiles,
    Volent vers leur amante, et, libres dans leurs feux,
    Lui forment sur le fleuve un cortége nombreux:
    On dirait une fête où le dieu d’hyménée
    Promène sur les flots sa pompe fortunée;
    Mais les temps de Vénus une fois accomplis,
    La tige se retire en rapprochant ses plis.

Les _aroïdées_, qui forment la deuxième famille de cette classe, ne
sont pas moins remarquables. D’une racine ordinairement charnue et
tuberculeuse s’élèvent de magnifiques feuilles palmées ou en fer de
flèche, d’un vert plus ou moins foncé, quelquefois même diaprées du
plus beau pourpre, et rivalisant alors d’éclat avec les fleurs elles
mêmes. Au milieu de ces feuilles, et sur une hampe élancée, se déroule
une spathe colorée en forme de cornet, enveloppant une colonne
florifère à laquelle succède une belle grappe de baies colorées du plus
brillant vermillon. Du cornet d’une _aroïdée_, la _calle_ d’Ethiopie,
s’échappe une odeur des plus suaves, tandis que des émanations fétides
et cadavéreuses s’exhalent d’une autre espèce, l’_arum serpentaire_. Il
est si rare de trouver réunies la beauté et la bonté!

La famille des _typhacées_ ne se compose que de deux genres: le _typha_
ou _massette_, et le _rubanier_ ou _ruban d’eau_, dont on emploie les
tiges et les feuilles pour tresser des paillassons, et dont le fruit
contient une poudre inflammable.


TROISIÈME CLASSE

MONOPÉRIGYNIE

C’est dans la première famille de cette classe, les _cypéracées_,
plantes herbacées, naissant dans des lieux marécageux, que se trouve
le _souchet papyrier_, qui croît en abondance sur les bords du Nil,
et avec lequel les anciens fabriquaient leur papier appelé _papyrus_.
C’était en découpant, étalant et collant ensuite côte à côte les lames
desséchées de son tissu, sur lesquelles on collait une autre couche
de lames en croisant les fibres à angles droits, et passant la pierre
ponce sur le tout, qu’on faisait ce grossier papier dont de nombreux
restes ont cependant, malgré leur fragilité, traversé les siècles, et
offrent aujourd’hui à notre curiosité les écritures autographes des
Égyptiens, des Grecs et des Romains.

A cette classe aussi appartient l’immense et abondante famille des
_graminées_. Les formes sveltes et élancées des graminées, qui
permettent à un grand nombre d’occuper très-peu de place, s’harmonient
si bien avec les formes variées des autres végétaux, que ce contraste
et cette opposition ne lassent jamais. Mais des qualités plus
précieuses rendent cette famille bien autrement intéressante: ces
frêles végétaux portent la nourriture du monde; dans toutes les
contrées, sous tous les climats, des semences de graminées forment
l’aliment principal des hommes. C’est ainsi qu’en Europe, les céréales,
le blé (fig. 36), le seigle, l’orge, ces antiques compagnons du genre
humain, ces plantes si anciennement domestiques, qu’on ne les retrouve
presque plus dans l’état sauvage, et qu’elles ne peuvent plus vivre
loin de la tutelle de l’homme, sont la base de sa nourriture. Dans
l’Inde, et dans tous les pays facilement submergés, le riz les remplace
et suffit presque seul à la substantation de nations entières. Enfin,
c’est encore dans la famille des graminées que se trouve la canne à
sucre, originaire de la Chine, et qui, transportée à Saint-Domingue
en 1506, fut ensuite répandue dans une grande partie de la région
équatoriale de l’Amérique. Il est remarquable qu’elle a perdu la
faculté de donner des graines; c’est par les rejetons qu’on la perpétue
maintenant. La matière sucrée est contenue dans la tige. Pour l’en
retirer on écrase les tiges, on met sur le feu la liqueur qu’on en
obtient, et on l’épure par une série de procédés, jusqu’à en faire du
beau sucre blanc et cristallisé, source de si nombreuses jouissances
gastronomiques.

Après la famille des graminées, il n’en est pas de plus importante
que celle des _palmiers_. Presque tous les palmiers sont de grands et
admirables arbres dont la tige, qu’on appelle stipe, égale dans toute
sa longueur, et ne se ramifiant point, forme une colonne élancée,
terminée par une couronne toujours verdoyante de feuilles ailées ou
en éventail. Les fleurs, qui se changent en grappes appelées régimes,
sortent, entre les feuilles, d’une enveloppe particulière qu’on nomme
_spathe_. Les palmiers sont tous habitants des contrées chaudes du
globe et étrangers à l’Europe, à l’exception d’une seule espèce. C’est
parmi eux que se trouvent les plus élevés des végétaux, comme le
palmier cirier des Cordillères, qui produit une cire abondante propre
à l’éclairage, et dont la hauteur dépasse souvent deux cents pieds:
mais cette grandeur n’est rien en comparaison de leur utilité, des
bienfaits qu’ils répandent autour d’eux, et qui en font un objet de
respect et d’admiration. C’est parmi eux qu’un seul arbre, comme le
cocotier, le sagoutier, suffit à tous les besoins de l’homme qui vit
à ses pieds. Il n’est aucune des parties du palmier, à quelque espèce
qu’il appartienne, qui ne serve à la nourriture ou à la conservation
de la santé de l’homme. La tige de plusieurs, particulièrement celle
du sagoutier, offre dans sa moelle, convertie par la vieillesse en une
espèce de farine, un aliment éminemment nutritif, appelé _sagou_. Dans
plusieurs autres, les feuilles non encore développées, rassemblées
en bourgeon terminal, se mangent sous le nom de chou-palmiste. Leur
séve, que l’on recueille au moyen d’incisions faites aux spathes, et
qui fermente aisément à cause de la grande quantité de sucre qu’elle
contient, fournit une liqueur excellente qu’on appelle vin de palmier,
et dont on tire, par la distillation, une espèce d’eau-de-vie appelée
rack. Mais c’est surtout à cause de leurs fruits que les palmiers sont
éminemment précieux pour l’homme, et ces fruits délicieux, ils les
portent en abondance. Le dattier offre aux habitants de la Syrie et
de plusieurs autres contrées ses longs régimes de dattes savoureuses,
nourriture tellement indispensable pour un grand nombre de tribus
arabes, que ces peuples ne peuvent croire qu’il y ait au monde des
pays habités où l’on ne trouve point de dattier. Le cocotier fournit
aux Indiens une nourriture aussi agréable qu’abondante, et le lontar
des Sechelles abandonne tous les ans aux flots ses fruits d’une forme
bizarre, les plus gros qui soient portés par un arbre. Cette espèce de
flotte vient aborder régulièrement aux îles Maldives. La singulière
apparition de ces fruits, dont on ignorait autrefois l’origine, avait
fait penser qu’ils étaient produits par des plantes sous-marines.
Enfin, des tiges souples du palmier on fait des cordages, des nattes,
des siéges, des cannes, etc.; et telle est la beauté de ce végétal, les
bienfaits qu’il répand ont éveillé dans le cœur de l’homme un si vif
sentiment de reconnaissance, que l’on a fait des feuilles du palmier
l’emblème des plus hautes récompenses et le symbole de la victoire.

La quatrième famille de cette classe est celle des _asparagées_,
famille composée de genres qui paraissent bien divers. Ainsi, elle
comprend les asperges, le muguet, le fragon épineux, les ignames, etc.

Après cette dernière se placent les _joncées_, qui ont beaucoup de
rapports avec les _cypéracées_ (voir plus haut); puis les _commélinées_
et les _alismacées_, qui sont peu importantes, bien qu’elles offrent
quelque ressemblance avec les liliacées; les _colchicacées_, parmi
lesquelles se trouvent quelques plantes magnifiques, telles que
les méthoniques, vulgairement appelées _superbes du Malabar_; les
_érithrones_, les _hélanias_, la _mérendère_ des Pyrénées. En automne,
nos prairies se couvrent d’une grande quantité de fleurs roses
charmantes: c’est le colchique, qui donne son nom à la famille.

Nous voici arrivés à la famille des _liliacées_, une des plus
nombreuses et des plus brillantes du règne végétal, famille
_glorieuse_, ainsi que l’appelait le célèbre botaniste Ventenat, qui
la considérait comme la _plus grande gloire de l’empire de Flore_,
appréciation mythologique qui, pour être bien vieille, n’en est pas
moins juste. Nulle autre famille, en effet, n’égale celle des liliacées
en richesse de couleurs, en élégance de formes, en suavité de parfums.
Nommer quelques-unes des plantes qui la composent, suffit pour faire
naître les pensées les plus riantes et les plus poétiques que le
spectacle de la nature puisse inspirer. A la tête de cette splendide
famille, il est juste de placer le lis blanc; puis, aux premiers rangs,
le lis turban, dont les fleurs du plus beau rouge écarlate ou d’un
jaune admirable ont la forme d’un turban; le lis martagon; le lis de
Chalcédoine, aux couleurs purpurines éclatantes; le lis superbe (fig.
37), dont la magnifique girandole est portée sur une tige de près de
cinq pieds de hauteur.

Plus humble dans son port, mais non moins riche de coloris, la tulipe
suit immédiatement; elle est, sans contredit, un des plus beaux
ornements de nos jardins par l’inépuisable variété de ses couleurs; du
blanc le plus pur au brun le plus sombre, du rose tendre au violet, du
jaune d’or au rouge le plus éclatant, il n’est aucune nuance qu’elle
ne puisse offrir, et lorsque, pour la première fois, on jette un
coup d’œil sur une plate-bande de tulipes bien choisies, on est tenté
de pardonner les folies qu’on a faites, il y a un siècle, pour s’en
procurer: à cette époque, certains oignons de tulipes furent payés
jusqu’à vingt mille francs; on appela les amateurs exagérés qui
faisaient de tels sacrifices des _fous-tulipiers_. Les _fous-tulipiers_
ne sont pas encore rares de nos jours, et nous devons à M. Alphonse
Karr, auteur de l’introduction de nos _Fleurs animées_, cette charmante
anecdote qu’il a publiée ailleurs sous ce titre:


HISTOIRE VÉRITABLE D’UNE TULIPE

Un amateur de tulipes faisait l’exhibition de ses fleurs:--il s’était
livré à tous les exercices usités en pareil cas,--entre autres,
l’exercice de la baguette, qui consiste à appuyer la baguette de
démonstration sur la tige de la tulipe, en feignant d’employer toutes
ses forces, sans pouvoir réussir à la courber,--et à dire: «Je vous
recommande la _tenue_ de celle-ci: c’est une _tringle_, messieurs,
c’est une _barre de fer_.»

En effet, il est convenu entre ces messieurs qu’une tulipe qui ne pèse
pas le quart d’une once doit être portée par une barre de fer,--de même
que, vers 1812, je crois,--il a été défendu aux tulipes d’être jaunes.

Il avait montré _Gluck_, cette _plante si méritante_,--à fond blanc
strié de violet;--et _Joseph Deschiens_,--_un vrai diamant_, également
blanc et violet;--et _Vandaël, cette perle du genre_, toujours blanche
et violette;--et _Czartoriski, fleur de 5e ligne_, blanche et rose,
remarquable par l’extrême _blancheur des onglets_;--et _Napoléon Ier_,
et le _Pourpre incomparable_, et seize cents autres,--lorsqu’il arriva
à une tulipe devant laquelle il s’arrêta avec un sourire ineffable, la
désignant du geste,--mais sans parler;--un des visiteurs demanda si
cette tulipe n’avait pas un nom comme les autres.

Le maître des tulipes mit un doigt sur sa bouche,--comme eût fait
Harpocrate, le dieu du silence,--puis il dit: Voyez quelle magnificence
de coloris,--quelle forme,--quels onglets, quelle tenue, quelle
pureté de dessin,--quelle netteté dans les stries,--comme c’est
découpé,--comme c’est proportionné!--C’est une tulipe sans défaut.

--Et vous l’appelez?

--Chut! c’est une tulipe qui, à elle seule, vaut tout le reste de ma
collection; il n’y en a que deux au monde, Messieurs.

--Mais son nom?

-Chut!... son nom... je ne puis le prononcer sans forfaire à
l’honneur...--Je serais bien fier et bien malheureux de dire son nom,
de le dire à haute voix,--de l’écrire en lettres d’or au-dessus de sa
magnifique corolle; c’est un nom connu et respecté.

--Pardon, Monsieur, je n’insiste pas,--cela paraît tenir à la
politique; peut-être est-ce le nom de quelque fameux proscrit;--je
ne veux pas me compromettre... D’ailleurs, nous ne partageons pas
peut-être les mêmes opinions...

--Nullement, Monsieur, ce nom n’a rien de politique; mais j’ai juré sur
l’honneur de ne pas la faire voir sous son _vrai nom_;--elle est ici
_incognito_, sous l’incognito le plus sévère;--peut-être même en ai-je
trop dit... Mais avec tout le monde, avec les gens pour qui je n’ai pas
l’estime que vous m’inspirez,--je ne vais pas aussi loin;--je n’avoue
même pas que c’est une tulipe, la reine des tulipes; je passe devant
avec une indifférence,--une indifférence jouée,--comprenez bien.--Je la
désigne sous le nom de _Rebecca_, mais ce n’est pas son nom...

Les amateurs partirent et moi avec eux; mais je retournai le lendemain,
et je lui dis:

--Mais, enfin, c’est donc un mystère bien terrible?

--Vous allez en juger. Cette tulipe... que nous continuerons à appeler
Rebecca... était en la possession d’un homme qui l’avait payée fort
cher,--surtout parce que, sachant qu’il y en avait une autre en
Hollande, il était allé l’acheter, et l’avait écrasée sous les pieds
pour rendre la sienne unique.--Tous les ans elle excitait l’envie des
nombreux amateurs qui vont voir sa collection; tous les ans, il avait
soin de détruire les caïeux qui se formaient autour de l’oignon et qui
auraient pu la reproduire.--Pour moi, Monsieur, je n’ose pas vous dire
ce que je lui avais offert pour l’un de ces caïeux qu’il pile tous les
ans dans un mortier; j’aurais engagé mon bien, compromis l’avenir de
mes enfants!

Je ne regardais plus ma collection; mes plus belles tulipes ne
pouvaient me consoler de ne pas avoir celle... que je ne dois pas
nommer. En vain mon ami...--dois-je appeler ainsi un homme qui me
laissait dépérir sans pitié?--en vain mon ami me disait: Venez la voir
tant que vous voudrez. J’y allais,--je m’asseyais devant des heures
entières; on ne me laissait jamais seul avec elle,--on eût craint
sans doute ma passion.--En effet... je l’aurais peut-être volée,--je
l’aurais peut-être arrosée d’une substance délétère pour la faire
périr; au moins, elle n’aurait pas existé, et je n’aurais pas eu de
remords!

Quand Gygès tua Candaule pour avoir sa femme, tout le monde donna tort
au roi Candaule, qui avait voulu la faire voir à Gygès, toute nue,
sortant du bain.--On n’a qu’à ne pas montrer la tulipe.--J’arrivai
à un tel état de désespoir,--qu’une année je ne plantai pas mes
tulipes,--mes chères tulipes.--Mon jardinier eut pitié d’elles et
peut-être de moi,--et le rustre... je le lui pardonne,--car il les a
sauvées,--les planta au hasard,--dans une terre vulgaire.

--Mais enfin, comment avez-vous eu cette tulipe?

--Voilà la chose... Je n’ai pas tout à fait imité Gygès, quoique mon
ami ne se soit pas montré plus délicat que Candaule, mais cependant
j’ai fait un crime: j’ai fait voler un caïeu.--Candaule a un neveu...
Ce neveu, qui attend tout de son oncle, lequel est fort riche, l’aide
à planter et à déplanter ses tulipes, et affecte pour ces plantes une
admiration qu’il n’a pas, le malheureux! mais sans laquelle son oncle
ne supporterait même pas sa présence.--L’oncle est riche, mais il
n’est pas d’avis que les jeunes gens aient beaucoup d’argent... Le
neveu avait contracté une dette qui le tourmentait beaucoup... Son
créancier menaçait de faire sa déclaration à son oncle.--Il s’adressa à
moi et me supplia de le tirer d’embarras.--Je fus cruel, Monsieur, je
refusai net.--Je me plus à lui exagérer la colère où serait son oncle
quand il aurait appris l’incartade. Je le désespérai bien,--puis je lui
dis: Cependant, si tu veux, je te donnerai l’argent dont tu as besoin.

--Oh! s’écria-t-il, vous me sauvez la vie.

--Oui, mais à une condition.

--A mille, si vous voulez.

--Non, une seule:--tu me donneras un caïeu de la... tulipe en question.

Il recula d’horreur à cette proposition.

--Mon oncle me chassera, s’écria-t-il,--me chassera et me déshéritera!

--Oui, mais il ne le saura pas,--tandis qu’il saura certainement que tu
as fait des dettes.

--Mais s’il le savait jamais!

--A moins que tu ne le lui dises...

--Mais vous...

Enfin, je le pressai, j’effrayai le malheureux jeune homme; il promit
de me donner un caïeu quand on déplanterait les tulipes,--mais il
exigea mon serment sur l’honneur de ne jamais nommer... celle que
j’appelle Rebecca, à personne--et de lui donner un autre nom--jusqu’à
la mort de son oncle.

En échange de cette promesse, je lui donnai l’argent dont il avait
besoin. Depuis, nous avons tenu tous deux nos serments: j’ai eu la
tulipe, et je ne l’ai nommée à personne.--La première fois qu’elle
a fleuri ici,--chez moi,--étant à moi,--l’oncle est venu voir mes
tulipes.--C’est une politesse qu’on échange entre amateurs.--Il l’a
regardée et a pâli.--Comment appelez-vous ceci? m’a-t-il dit d’une voix
altérée.

Ah! Monsieur, je pouvais lui rendre tout ce qu’il m’avait fait
souffrir!--Je pouvais lui dire le nom... que vous ne savez pas... Je me
suis rappelé ma promesse, ma promesse sur l’honneur, et le neveu était
là, il me regardait avec angoisse,--et j’ai dit: Rebecca.

Cependant, il trouvait bien quelque ressemblance;--aussi il est resté
préoccupé;--il a beaucoup loué le reste de ma collection, et n’a rien
dit de celle qui est la perle, le diamant de ma collection.--Il est
revenu le lendemain,--puis le surlendemain,--puis tous les jours tant
qu’elle a été en fleur;--puis il a réussi à se tromper lui-même: il a
cru voir entre Rebecca et... l’autre... des différences imaginaires.
Alors il a dit: Elle ressemble un peu à... vous savez?

Eh bien, Monsieur, j’ai aujourd’hui la tulipe que j’ai tant désirée--et
je ne suis pas heureux.--A quoi cela me sert-il, puisque je ne puis le
dire à personne?

--Quelques amateurs,--forts,--la reconnaissent à peu près:--mais
je suis forcé de nier,--et je n’en rencontre pas un assez sûr de
lui pour me dire:--Vous êtes un menteur!--Je souffre tous les jours
d’affreux tourments:--j’entends ici faire l’éloge de la tulipe que
j’ai comme lui.--Quand je suis seul, je m’en régale, je l’appelle de
son vrai nom, auquel je joins les épithètes les plus tendres et les
plus magnifiques.--L’autre jour, j’ai eu un peu de plaisir:--je l’ai
prononcé, ce nom mystérieux,--tout haut, à un homme.--Mais je n’ai pas
manqué à mon serment:--cet homme est sourd à ne pas entendre le canon.

Eh bien! cela m’a un peu soulagé;--mais c’est incomplet.--On ne sait
pas que je l’ai,--elle...--Tenez... ayez pitié de moi,--mon serment me
pèse... Jurez-moi sur l’honneur, à votre tour, de ne pas répéter ce
que je vais vous dire... Je vous dirai alors son vrai nom,--le vrai
nom de Rebecca,--de cette reine déguisée en grisette.--Votre serment à
vous ne sera pas difficile à tenir,--vous n’aurez pas à lutter comme
moi, Monsieur. C’est affreux,--mais je désire que cet homme, que ce
Candaule soit mort,--pour dire tout haut que j’ai... Tenez, faites-moi
le serment que je vous demande.

J’eus pitié de lui, et je lui promis solennellement de ne pas répéter
le nom de la fameuse tulipe.

Alors, avec une expression d’orgueil intraduisible,--il toucha la
plante de sa baguette, et me dit:--Voici...

Mais, à mon tour, je suis engagé par un serment:--je ne puis dire le
nom qu’il fut si heureux de prononcer.

--Croyez-vous qu’on invente ces choses-là?


On remarque encore dans cette famille la majestueuse _fritillaire_,
ou couronne impériale, l’un des ornements les plus pittoresques des
jardins; les _hémérocalles_, dont les fleurs sont presque aussi belles
que celles du lis; les _yucca_, charmants arbrisseaux qui ressemblent
un peu au palmier; et une foule d’autres genres qui seuls suffiraient
pour justifier le titre de glorieuse donné à cette si belle et si
nombreuse réunion.

Auprès de cette superbe famille, dont nous n’avons pu dire toutes
les beautés, vient s’en grouper une autre toute petite, celle des
_broméliées_, formée seulement de trois genres, l’_ananas_ ou
_bromelia_, le _pitcairnia_ et la _tillandrie_. L’ananas est le genre
le plus remarquable des trois, et il est assez connu par la délicieuse
saveur de son fruit.

Après cette petite famille en vient une immense et belle, celle des
_narcissées_, qui disputent aux liliacées le prix de la beauté des
fleurs, de l’élégance du port et de la suavité des parfums. En tête de
cette famille se placent les amaryllis, genre si nombreux et si varié,
que nous n’en saurions ici énumérer les espèces. Parlons de la plus
remarquable, de l’amaryllis gigantesque, qui est peut-être la plus
belle des fleurs connues: son oignon, d’une grosseur énorme, pousse,
au milieu d’une touffe de feuilles de la plus grande dimension, une
tige de trois pouces de diamètre et de plus de deux pieds de hauteur,
du sommet de laquelle, et en tous sens, s’étalent au moins soixante
pédicules fort longs, terminés chacun par une fleur d’un rose vif,
rayée d’un rose plus foncé, et de trois pouces de longueur. Qu’on se
figure l’éclat de cette magnifique couronne de plus de six pieds
de circonférence, et dont on chercherait en vain dans tout le règne
végétal un second exemple! Cette plante si belle a fleuri en France
pour la première fois dans le cours de l’année 1820.

C’est à la famille des narcissées qu’appartiennent en outre la
jonquille (fig. 38), le narcisse de Constantinople, celui de Chypre,
le lis des Incas, les hémantes, les galantines, les perce-neige et
l’agavé, dont la floraison est un objet d’admiration: après une
croissance d’un grand nombre d’années, l’agavé, ayant acquis toutes ses
forces, accomplit ce phénomène: du milieu de ses feuilles s’élève, ou
plutôt s’élance, tant son développement est rapide, une tige nue, haute
de quinze à vingt pieds, terminée par une immense quantité de fleurs
jaune verdâtre, disposées en une magnifique pyramide. Cet accroissement
subit s’exécute en quinze jours environ; puis bientôt les fleurs
passent, la tige se flétrit, et la plante meurt en laissant un nombre
infini de graines et quelques rejetons qui offrent un moyen plus prompt
de la propager.

La dernière famille de la classe MONOPÉRIGYNIE se compose des
_iridées_, dont les _iris_ sont le genre principal et le plus nombreux;
les deux autres genres les plus importants sont les _ixia_, dont les
fleurs offrent toutes les couleurs et toutes les nuances imaginables,
et les _glaïeuls_, dont les fleurs, aussi fugaces que belles, ne vivent
que quelques heures.


QUATRIÈME CLASSE

MONOÉPIGYNIE

Quatre familles seulement composent la quatrième classe: la première
est celle des _musacées_, peu nombreuses en genres, mais qui comptent
parmi eux les bananiers, ce qui suffit à son illustration. On croirait
aisément, en voyant ce beau et vigoureux végétal, dont la tige a
communément trois pieds de circonférence et quinze pieds de hauteur,
que c’est un arbre d’une grande solidité et d’une existence durable. Ce
n’est pourtant qu’une plante herbacée dont la vie, dans les contrées
voisines de l’équateur, ne dure jamais une année entière. Dans les
climats tempérés, où, pour la faire croître et fructifier, il faut que
l’art vienne au secours de la nature, sa vie se prolonge pendant une
assez longue suite d’années; elle peut même être d’un siècle; mais il
ne peut éviter sa destinée, qui est de périr dès qu’il a donné ses
fruits.

Tout récemment, alors que la fièvre de la commandite était dans toute
sa violence, des spéculateurs s’en étaient pris au bananier; ils
prétendaient pouvoir faire du papier avec la tige de cette plante.
Vite, la prétendue découverte est mise en actions au capital de
plusieurs millions: les actionnaires vinrent... Où n’en viendrait-il
pas? On fit réellement du papier de bananier; mais il était fort
mauvais, et il revenait à un prix quadruple de celui fabriqué par
les procédés et avec les matières ordinaires. Il est vrai que les
actionnaires avaient le droit d’aller contempler deux bananiers
rabougris, souffreteux, qui s’étiolaient dans les salons du gérant, rue
Montmartre, nº 171, et que ce plaisir ne leur a coûté que quelques
centaines de mille francs!... En vérité, quand on pense au _genre_
actionnaire et à quelques autres, on est forcé de convenir que notre
orgueil seul a pu nous faire placer le règne auquel nous appartenons
au-dessus de celui où se trouvent tant de si belles et si bonnes choses
qui ne mentent pas, qui ne volent pas, et dont le muet et doux langage
ne passe par les yeux que pour réjouir le cœur... Décidément les
fous-tulipiers ne sont pas si fous qu’ils le paraissent!

Les _amomées_, deuxième famille de cette classe, comprennent le
_basilier_, plante d’ornement, haute de quatre pieds, dont les feuilles
sont tournées en cornet avec tant de perfection, que les eaux de la
pluie y séjournent comme dans des vases. Dans cette famille sont rangés
l’amome gingembre, le curcuma, la zédoaire, et quelques autres genres
moins importants.

La bizarrerie est le caractère principal de la famille des _orchidées_.
L’orchis militaire, par exemple, et l’orchis singe présentent, dans
chacune de leurs fleurs, l’apparence d’une figure humaine suspendue.
Il est vrai que l’imagination aide quelque peu à ces ressemblances;
mais elle n’ajoute rien à l’illusion que produisent les fleurs des
autres genres de cette famille, qui figurent, les unes des mouches, les
autres des taons et plusieurs autres insectes. A cette singularité, la
famille des _orchidées_ joint l’avantage de compter parmi ses membres
la vanille, qui fournit le plus suave des parfums du règne végétal.

Nous ne mentionnerons que pour mémoire la dernière famille de cette
classe, les _hydrocharidées_, herbes aquatiques que quelques auteurs
ont rangées à tort parmi les naïadées.


CINQUIÈME CLASSE

ÉPISTAMINIE

Cette classe ne contient qu’une seule famille, les _aristolochiées_,
plantes qui habitent ordinairement les pays chauds. C’est dans cette
famille que se trouvent les plus grandes fleurs connues: le célèbre
voyageur de Humboldt a vu, dans l’Amérique méridionale, des fleurs
d’aristoloche qui avaient quatre pieds de circonférence.


SIXIÈME CLASSE

PÉRISTAMINIE

La plupart des genres de la première famille de cette classe, les
_éléagnées_, viennent de l’Inde et de l’Amérique septentrionale. On
remarque parmi ces plantes le grignon de Cayenne, l’argousier, les
badamiers, et, plus particulièrement, le badamier au vernis, d’où
découle la matière résineuse qui forme le célèbre vernis avec lequel
les Chinois recouvrent les meubles connus en Europe sous le nom
d’objets en _laque de Chine_.

Les _daphnoïdes_ ne sont pas une famille bien importante; cependant
c’est au nombre des genres dont elle se compose que se trouve le
_bois-dentelle_. C’est un arbuste de la Jamaïque dont l’écorce
intérieure est formée de fils entrelacés qu’on peut étendre avec un
peu de précaution, et qui offre alors une ressemblance frappante avec
la dentelle la plus belle, à supposer pourtant que la dentelle soit
une jolie chose. On rapportait à une dame de beaucoup d’esprit que cet
arbrisseau pouvait parfaitement s’acclimater en Europe, ce qui serait
un grand bonheur pour les dames, qui pourraient désormais avoir de
très-belle dentelle à bon marché.

--Eh! Monsieur, répondit la dame au nouvelliste mal avisé, ne
comprenez-vous pas que les femmes ne font cas de cette laide chose
qu’on appelle dentelle, que parce qu’elle coûte un prix fou? Viennent
vos arbustes, et personne n’en voudra.

La famille des _protéacées_ se compose de très-beaux arbres qui
croissent naturellement en Afrique; le genre le plus remarquable est
l’arbre d’argent, dont les feuilles en fer de lance, et d’un éclat
presque métallique, reflètent les rayons du soleil d’une manière
éblouissante.

Les espèces du genre laurier, qui a donné son nom à la quatrième
famille de cette classe, les _lauroïdes_, sont fort nombreuses et
trop connues pour que nous en parlions longuement. Le plus important
du genre est le cannellier, espèce de laurier cultivé à Ceylan, et
dont l’écorce, enlevée et exposée au soleil, se roule et forme ce que
nous appelons la _cannelle_. Une autre espèce du même genre est le
muscadier, dont la graine est connue sous le nom de muscade.

Les polygones, les patiences et les rhubarbes sont les principaux
genres de la famille des _polygonées_. Le blé noir ou sarrasin est le
plus important; les patiences et les rhubarbes sont d’une utilité
douteuse.

Les _atriplicées_, sixième et dernière famille de cette classe,
sont des plantes potagères, la bette blanche, la betterave, etc. La
betterave a acquis depuis trente ans une haute importance. En 1812,
on ne connaissait que le sucre de canne, qui valait _quatorze francs_
le kilogramme en France, par suite de la guerre avec l’Angleterre.
Des essais furent faits pour obtenir du sucre de quelques plantes
indigènes. Les Parisiens se moquèrent beaucoup de ces tentatives; on
chansonna le sucre indigène et ses fabricants, et nous nous rappelons
avoir vu aux vitres de Martinet, ce musée en plein vent de la rue du
Coq, une caricature représentant le roi d’Angleterre et Napoléon,
tous deux couronne en tête; l’Anglais lançait à l’Empereur une énorme
betterave, en s’écriant: _Va te faire sucre!_ Et voilà qu’aujourd’hui
le sucre de betterave, aussi beau, aussi bon, aussi et même plus
abondant que le sucre de canne, met en péril les plantations de nos
colonies! Les Anglais, qui ont beaucoup ri du mot, trouveraient sans
doute, en cas de guerre, la chose fort peu plaisante.


SEPTIÈME CLASSE

HYPOSTAMINIE

Les propriétés des _amarantées_, première famille de cette classe, sont
nulles ou inconnues. Les genres les plus remarquables sont l’amarante
tricolore et la queue-de-renard, qu’on cultive dans les jardins.

Les _plantaginées_ sont une petite famille composée des genres plantain
(fig. 39) et littorelle; ce sont des plantes herbacées qui croissent
sous presque toutes les latitudes.

Les _nyctaginées_ sont ainsi nommées parce que, dans la plupart des
espèces de cette famille, les fleurs ne s’épanouissent que pendant
la nuit. L’espèce la plus commune est la belle-de-nuit, qu’on appelle
aussi merveille du Pérou, parce qu’elle est originaire de ce pays.

La quatrième et dernière famille de cette classe se compose des
_plombaginées_. Ce sont de petites plantes comme le gazon d’Olympe, et
d’autres petits gazons employés en bordure dans les jardins.


HUITIÈME CLASSE

HYPOCOROLLIE

La primevère et l’oreille-d’ours sont les principaux genres de la
famille des _primulacées_, la première de la huitième classe. Ces
fleurs sont fort connues et peu remarquables.

Les _acanthées_, qui forment la deuxième famille, sont surtout
remarquables à cause de l’élégance de leurs feuilles, qui ont été
adoptées pour ornement par les sculpteurs de l’antiquité. Callimaque
fut le premier qui s’en servit pour décorer le chapiteau de l’ordre
corinthien dont il est regardé comme l’inventeur.

Parure élégante des jardins, les espèces composant la famille des
_jasminées_ forment autour d’elles une atmosphère de parfums s’exhalant
du lilas et de toutes les espèces de jasmin. Mais le genre le plus
important de cette famille est l’olivier, source de prospérité pour la
Provence et les contrées méridionales de l’Europe.

On attribuait autrefois aux espèces de la famille des _verbénacées_
des propriétés prodigieuses: ainsi, le genre gattilier passait pour
être le remède le plus efficace contre les tourments de l’amour; et la
verveine, autre genre de la même famille, jouait un grand rôle dans les
enchantements et la sorcellerie. Aujourd’hui il n’y a plus guère que
les médecins qui reconnaissent quelque vertu à cette plante, mais ils
n’en sont pas plus sorciers pour cela.

Les jolies plantes composant la famille des _labiées_, plantes dont
les caractères sont aussi naturels que les propriétés, habitent plus
particulièrement les collines et les lieux exposés au soleil; tels
sont le thym, la sarriette, la sauge, qui forment un si agréable
assaisonnement. Un phénomène curieux s’observe dans une espèce de cette
famille, le dracocephalum variegatum: les fleurs, au nombre de quatre,
sont presque droites et sessiles; elles sont susceptibles d’être mues
horizontalement dans l’espace d’un demi-cercle, et restent immobiles
dans la position qu’on leur a fait prendre.

On a donné le nom de _personnées_ aux plantes composant la sixième
famille de cette classe, parce que la configuration de leurs fleurs
représente assez bien un masque. Elles sont d’un grand usage en
médecine; quelques-unes contiennent un poison très-actif.

Les plantes de la famille des _solanées_ ont en général une teinte
sombre et livide, une odeur fétide, qui semblent indiquer leurs
propriétés dangereuses; telles sont la belladone, la mandragore, la
jusquiame, la pomme épineuse, etc. Mais, par compensation, cette
famille compte au nombre de ses membres la pomme de terre, qui est du
pain tout fait, et grâce à laquelle il ne peut plus y avoir de famine
en Europe. Cette plante fut apportée en 1590 du Pérou en Europe, où
elle s’est multipliée à l’infini, non sans peine pourtant! Pendant
près de deux siècles, le peuple n’en voulait faire d’autre usage que
de la donner pour nourriture aux pourceaux, et il fallut des efforts
inouïs pour déraciner le préjugé qui l’empêchait d’être admise sur
la table du pauvre. Le célèbre Parmentier fut le plus infatigable
propagateur de la pomme de terre. Désespéré pourtant du peu de succès
qu’il obtenait, il s’avisa de s’adresser au roi Louis XVI.--«Sire, lui
dit-il, c’est dans trois jours la fête de Votre Majesté (Saint-Louis,
25 août): si vous consentiez à porter ce jour-là une fleur de pomme de
terre à la boutonnière de votre habit, je suis persuadé que cela ferait
plus que tous les écrits possibles pour faire adopter cette plante.»
Le roi y consentit, et il ordonna en même temps qu’à partir de ce
moment on servît chaque jour sur sa table un plat de pommes de terre.
L’expédient eut un résultat prodigieux: bien en cour, les pommes de
terre firent fureur à la ville, et le peuple accepta enfin un bienfait
qu’il avait si longtemps repoussé.

C’est encore dans la famille des solanées que se trouve le tabac. Jean
Nicot, ambassadeur de France en Portugal l’apporta en 1559 à la reine
Catherine de Médicis. L’usage du tabac est une lèpre qui va s’étendant
sans cesse; aussi n’a-t-il pas fallu de grands efforts pour le propager.

Dans la famille des _borraginées_, les changements de couleurs
sont presque universels. C’est ainsi, par exemple, que les fleurs
du tournefort, d’un blanc verdâtre d’abord, passent, avant de se
flétrir, à une couleur noire très-foncée: d’autres plantes de la
même famille, telles que la pulmonaire, la consoude, ont les fleurs
rouges à leur épanouissement, et bleues dans leur vieillesse. A cette
famille appartiennent les héliotropes, dont quelques espèces sont
très-recherchées, et l’orcanette, dont la racine contient un principe
colorant d’un rouge plus ou moins foncé, et dont les dames athéniennes
se servaient comme de fard, pensant sans doute qu’il devait leur être
permis d’emprunter quelque chose aux fleurs auxquelles on les comparait.

La famille des _convolvulacées_ se compose de plusieurs genres de
liserons d’une forme élégante. A cette famille appartient la patate,
qui offre un aliment presque aussi substantiel que la pomme de terre.

Presque toutes les plantes de la famille des _polémoniacées_, qui vient
ensuite, sont originaires de l’Amérique septentrionale. L’un des genres
les plus remarquables de cette famille est le phlox, qui présente une
grande variété de couleurs. Le genre des cobæa est aussi fort joli.
A Paris, dans les quartiers populeux, les cobæa tapissent une grande
partie des fenêtres, et la beauté de leurs fleurs fait un contraste
frappant avec la malpropreté des rues. C’est la fleur du pauvre; comme
lui, elle vit de peu, sa jeunesse passe vite et ses joies sont courtes.

Entièrement exotique, la famille des _bignoniées_ porte de très-belles
fleurs. La principale espèce est le catalpa, bel arbre originaire
d’Amérique, qui forme dans quelques-uns de nos jardins de magnifiques
allées. La bignone toujours verte, qu’on nomme aussi jasmin odorant
de la Caroline, et la bignone droite, ou jasmin de la Virginie, sont
aussi de fort belles plantes. A la même famille appartient le sésame
d’Orient; c’était le sésame des anciens: ses graines contiennent un
principe oléagineux dont on tire une huile excellente.

Après la famille des _gentianées_, entièrement composée de plantes
herbacées donnant de très-belles fleurs, vient celle des _apocynées_,
plus nombreuse et plus brillante, qui comprend les lauriers-roses,
les frangipaniers et les pervenches, ces douces et modestes fleurs
que Rousseau affectionnait et qu’il préférait même à la rose. C’est
aussi aux apocynées qu’appartient le genre des asclépias, qui est
très-nombreux, et la plante appelée gobe-mouche, dont nous avons parlé
dans notre première partie.

Les _sapotées_, qui forment la dernière famille de cette classe, sont
toutes plantes exotiques dont plusieurs sont cultivées dans les pays
chauds, tant à cause du parfum de leurs fleurs que pour leurs fruits,
qui ont une saveur très-agréable. Celui du sapotillier est un mets
délicieux pour les habitants des Antilles.


NEUVIÈME CLASSE

PÉRICOROLLIE

Les _diospyrées_, première famille de la neuvième classe, sont
des arbres résineux; le styrax est une de ses espèces les plus
remarquables: la résine qu’on en retire par incision dans quelques
contrées de l’Asie, se nomme storax; le benjoin, résine précieuse, est
produit par un autre arbre de la même famille.

On doit au genre rhododendron, le plus remarquable de la famille
des _rhodoracées_, plusieurs belles espèces qui font l’ornement des
jardins; l’azalée est aussi une fort jolie plante de la même famille.
On assure que le miel des abeilles qui ont butiné sur les fleurs de
cette plante est dangereux.

La famille des _éricoïdes_ diffère peu de la précédente: le genre
bruyère est le principal de cette famille; il renferme un grand nombre
d’espèces originaires du cap de Bonne-Espérance; telles sont la bruyère
en arbre, la bruyère cendrée, la bruyère élégante et celle de la
Méditerranée.

La plupart des plantes de la famille des _campanulacées_ sont cultivées
à cause de leur brillante corolle en forme de clochette; le nombre des
campanules est considérable, et leurs fleurs rivalisent de beauté. Un
autre genre de cette famille, les lobélies, porte un suc vénéneux, et
la lobelia tupa, qu’on trouve au Chili, est un des poisons les plus
actifs que l’on connaisse.


DIXIÈME CLASSE

ÉPICOROLLIE--SYNANTHÉRIE

Cette classe ne se compose que de trois familles; la première est celle
des _chicoracées_, dont les fleurs ne s’épanouissent que par un beau
temps. A cette famille appartient la laitue, la romaine, la chicorée
sauvage, que l’on a si ridiculement essayé de substituer au café, la
scorsonère et le salsifis.

A la famille des _cyranocéphales_ appartiennent les artichauts, les
cardons, le chardon, et au milieu de beaucoup d’autres plantes, la
plus précieuse pour les dames, celle à l’aide de laquelle elles font
disparaître la pâleur produite par l’insomnie, les plaisirs et les
fatigues du bal, le carthame, enfin, qui est la base du rouge végétal,
grâce auquel tant de belles ajoutent l’éclat et la fraîcheur de la
rose à la blancheur du lis (vieux style).

La plus grande partie des plantes appartenant à la famille des
_corymbifères_ produisent de jolies fleurs; tel est le genre aster,
qui comprend l’œil-de-Christ, l’aster en feuilles de cœur, la
reine-marguerite. Viennent ensuite les chrysanthèmes (fig. 40), les
soleils et les immortelles, qui doivent ce nom à leur longue durée.


ONZIÈME CLASSE

ÉPICOROLLIE--CORISANTHÉRIE

Après les _dispacées_, première famille de cette classe, dont les
valérianes sont le genre principal, viennent les _rubiacées_, nombreuse
famille qui doit surtout son importance à l’efficacité des remèdes
produits par quelques-unes de ses espèces; tels sont le quinquina et
l’ipécacuanha. C’est aussi aux rubiacées qu’appartient le végétal qui
fournit le café. Cet arbrisseau, originaire de l’Arabie, fut transporté
par les Hollandais à Batavia, et de là à Amsterdam. Un pied fut
envoyé à Paris, où il prospéra dans les serres du Jardin des Plantes.
Plusieurs pieds furent, de là, envoyés à la Martinique; mais un seul
y arriva vivant. Telle est l’origine de toutes les plantations qui
existent aujourd’hui aux Antilles.

Le principal genre des _caprifoliées_, troisième et dernière famille de
la onzième classe, est le chèvrefeuille, dont les fleurs exhalent un
parfum si délicieux; viennent ensuite le sureau, le gui, le manglier et
quelques autres peu importants.


DOUZIÈME CLASSE

ÉPIPÉTALIE

Deux familles seulement composent cette classe, les _araliées_, petite
famille à laquelle est dû le genseng, dont l’origine a été longtemps
douteuse, et qu’on a confondu avec l’angélique, et la famille des
_ombellifères_, à laquelle appartiennent la carotte, le panais, le
céleri, le persil, l’anis, la coriandre, l’angélique, etc.


TREIZIÈME CLASSE

HYPOPÉTALIE

Cette classe est la plus nombreuse du règne végétal; vingt-trois
familles la composent. La première est celle des _renonculacées_,
famille aussi dangereuse que belle, dont presque tous les individus ont
des propriétés vénéneuses; telles sont la renoncule âcre, la rampante,
appelée bouton-d’or, la renoncule aquatique, la scélérate, la clématite
brûlante, appelée vulgairement _herbe aux gueux_, parce que les
mendiants s’en servent souvent pour se donner des ulcères factices.

Cela n’empêche pas qu’un grand nombre de _renonculacées_ soient
cultivées dans les jardins à cause de la beauté de leurs fleurs. Les
plus remarquables sont le gant de Notre-Dame, le pied-d’alouette,
toutes les variétés d’anémones, les pivoines, etc. C’est aussi à cette
famille qu’appartiennent les aconits, dont une espèce, l’aconit napel,
servait à empoisonner les flèches dans l’antiquité. Bien que le suc
de cette dernière plante soit encore une substance très-dangereuse de
nos jours, il est permis de penser qu’elle a perdu quelque chose de
sa violence, de même que la ciguë, qui, au témoignage de l’histoire,
était, dans l’antiquité, un poison des plus violents et des plus
infaillibles, et qui est maintenant, dans nos contrées, une plante
presque anodine. Le meilleur est pourtant de ne pas s’y fier.

La famille des _papavéracées_ n’est pas moins remarquable que la
précédente: les sucs de ces plantes offrent des colorations diverses,
à l’aide desquelles les sauvages de l’Amérique se teignent le corps.
Presque tous les genres de papavéracées jouissent de propriétés
narcotiques; mais c’est surtout dans le pavot d’Orient (_papaver
somniferum_), très-cultivé dans nos jardins, que cette propriété se
trouve à un haut degré. La meilleure espèce est celle de Perse; c’est
d’elle qu’on tire l’_opium_, qui est d’un usage si général parmi
les Orientaux, chez lesquels il remplace les liqueurs spiritueuses,
proscrites par la loi de Mahomet. L’opium, dans ces contrées, se
prend en infusion ou il se fume mêlé avec du tabac. Pris à petite
dose de l’une ou de l’autre manière, l’opium excite la gaieté et
plonge dans une douce ivresse; à une dose plus forte, il détermine
l’assoupissement, le délire, la mort. L’abus que font les Orientaux
de cette substance est la seule cause de l’espèce d’engourdissement
moral dans lequel ces peuples sont constamment plongés. Il faut qu’il
soit bien difficile de renoncer à l’usage de l’opium quand on en a
l’habitude, puisque la peine de mort prononcée par la loi, en Chine,
contre tout fumeur, mangeur, vendeur ou acheteur de cette substance,
n’a pu y faire renoncer la population. L’empereur, voulant absolument
détruire ce déplorable usage, a tenté d’interdire l’accès de ses États
aux navires anglais chargés d’opium. Mais les Anglais, marchands avant
tout, lui ont fait la guerre, et le grand souverain du Céleste Empire
a dû se résigner à laisser empoisonner ses sujets. Il y a des gens qui
voient là un progrès de la civilisation!

La famille des _crucifères_ comprend les ravenelles, les giroflées, les
juliennes, charmantes fleurs qui ornent et embaument nos parterres;
le genre raifort, rave, radis, cresson, appartient aussi à la famille
des crucifères, de même que le genre chou, dont les variétés sont
innombrables, le colza, le turneps, le navet, le pastel, dont on
retire l’indigo, la moutarde, etc.

Les _capparidées_ forment une famille beaucoup moins nombreuse et
moins importante; on y remarque pourtant le câprier, dont les fruits
se mangent confits dans du vinaigre, et le réséda, modeste fleur dont
l’odeur est si agréable.

Les _sapindées_ forment la cinquième famille de cette classe. Toutes
les plantes de cette famille sont exotiques; la principale est le
savonnier: ses fruits sont revêtus d’une écorce savonneuse dont on se
sert en Amérique et aux Indes pour blanchir le linge.

La famille des _acéridées_ est aussi fort restreinte, puisqu’elle ne
se compose que des érables, des marronniers et des frênes. L’érable
produit le sucre en assez grande abondance; il suffit, pour obtenir
cette substance, de faire une incision à l’arbre; il en découle un
sirop que l’on cristallise facilement. C’est du frêne à fleurs qu’on
obtient la _manne_. A voir ces énormes marronniers d’Inde qui font
l’ornement de nos plus belles promenades, on pourrait croire que
quelques-uns sont âgés de plusieurs siècles; il n’en est rien pourtant,
car le premier individu de ce genre ne fut apporté en France qu’en
1615; on le planta à l’hôtel Soubise, et ce fut encore bien longtemps
après que la beauté de ses fleurs le fit adopter comme arbre d’ornement.

Les _malpighiacées_ ont beaucoup d’analogie avec les _acéridées_. On
doit la découverte de cette famille au célèbre botaniste Malpighi, qui
lui donna son nom. Quelques genres de malpighiacées donnent des fruits
assez estimés dans les îles de l’Amérique et du Pérou.

Les _hypéricées_, dont les genres sont vulgairement appelés
millepertuis, doivent ce nom à la grande quantité de points glanduleux,
transparents, dont leurs feuilles sont souvent parsemées. Plusieurs
genres de cette famille donnent un suc résineux connu sous le nom de
gomme-gutte d’Amérique.

Il en est de même de la plupart des genres de la famille des
_guttifères_.

Les _hespéridées_ sont aussi des végétaux exotiques, dont beaucoup
sont cependant cultivés avec succès en Europe. Ornements majestueux
de nos jardins, les hespéridées séduisent nos yeux par la beauté de
leurs fleurs et de leurs fruits, comme elles charment notre odorat par
les délicieux parfums qu’elles exhalent. C’est à cette belle famille
qu’appartiennent l’oranger, le citronnier, le camélia, le thé, etc.

La famille des _méliacées_ donne aux arts plusieurs bois précieux,
entre autres l’acajou.

Celle des _sarmentacées_, qui vient ensuite, n’a qu’un seul genre
important, la vigne; mais ses innombrables variétés sont une source
immense de richesse. La vigne habite un grand nombre de contrées;
mais c’est dans les pays méridionaux et surtout dans les terroirs
volcaniques qu’elle déploie toute la vigueur et la beauté de sa
végétation.

«Je me rappelle encore, dit un voyageur, l’impression que produisit
sur moi l’aspect enchanteur de l’immense jardin du Vésuve; de toutes
parts s’élevaient de longs sarments de vigne qui, s’entrelaçant de
mille manières différentes, offraient leurs grappes magnifiques au
voyageur brûlé par les ardeurs du soleil. Point d’épiderme ni de
graines coriaces comme dans la plupart des raisins de nos contrées:
peau, pulpes, semences, tout se résolvait en un suc délicieux. Après
avoir franchi ce nouvel Éden et dépassé la demeure de l’ermite, la
végétation, jusqu’alors si brillante, ne s’annonça plus que par
quelques arbres; bientôt elle cessa entièrement, et ma vue n’eut plus à
se reposer que sur de vastes champs de lave. Le chemin devenait roide
et escarpé; mais une fois arrivé au sommet, je fus bien dédommagé de
mes fatigues par l’imposant spectacle qui s’offrit à mes regards. A
gauche, je contemplais le cap Sorrento, les îles de Caprée, de Procita,
Portici, Torre del Greco et la mer. A droite se dessinait le beau
bassin du golfe de Naples, l’immense amphithéâtre formé sur ses bords
par la ville, la côte du Pausilippe, Pouzzoles et le promontoire de
Misène. Derrière moi j’avais les montagnes de la Calabre et la ville
de Pompeïa; enfin les Camaldules terminaient ce magnifique paysage.
L’admiration que me causait ce tableau était souvent interrompue par
les bruits qu’on entendait dans l’intérieur de la montagne, et qui
précédaient les longues colonnes de feu qu’on voyait s’élever dans les
airs, retomber en gerbes immenses, ou se répandre comme un torrent sur
les flancs du Vésuve, qui ressemblait à une mer de feu. Je quittai
ce lieu de merveilles, l’âme pleine de ces grandes émotions qu’un
tel spectacle peut seul faire naître. En descendant la montagne, le
guide me montra plusieurs endroits où la vigne est d’une fertilité
prodigieuse. Lorsque la lave d’une éruption l’a détruite, il suffit du
plus petit rejet pour qu’elle repousse avec la plus grande rapidité, et
dans l’espace d’un an, elle se couvre d’une récolte supérieure à celle
de l’année précédente. Cette extrême fertilité explique l’insouciance
de l’habitant du Vésuve pour les dangers sans cesse renaissants dont il
est entouré.»

La famille des _géraniées_ est une de celles qui renferment le plus de
plantes d’agrément; à elle appartiennent les géraniums, dont il existe
plus de deux cents variétés, depuis le géranium écarlate, dont l’odeur
est fétide, jusqu’au géranium triste, qui exhale pendant la nuit un
si délicieux parfum. A cette famille appartiennent également la vive
capucine, la tendre balsamine et la timide violette, ce doux symbole de
discrétion et de modestie.

A la famille des _malvacées_ appartiennent les mauves, ces belles
roses trémières aux mille couleurs dont il se fait maintenant de si
charmantes et si nombreuses collections; le cacaoyer, avec le fruit
duquel se fait le chocolat, et le baobab ou calebassier, ce colosse
du règne végétal, dont le tronc a souvent plus de cent pieds de
circonférence. Le célèbre Adanson a observé en Afrique quelques-uns de
ces arbres dont l’existence, d’après ses calculs, remontait à plus de
quatre mille ans.

Les _magnoliées_ sont une famille dont le genre badiane est le plus
important; c’est à lui que l’on doit ces semences connues sous le nom
d’anis étoilé de la Chine.

Les _anonées_ croissent, pour la plupart, dans l’Amérique
septentrionale; plusieurs fournissent des fruits délicieux, comme la
pomme de cannelle, la cherimoya, qu’on cultive maintenant avec succès
en Espagne.

Les _ménispermées_, qui viennent ensuite, croissent dans l’Inde et sont
peu remarquables.

Les _berbéridées_, auxquelles appartient l’épine-vinette, ne le sont
pas davantage, non plus que les _hermanniées_, dont tous les genres
sont exotiques.

Les _liliacées_ ne forment pas non plus une famille bien nombreuse;
mais elle comprend des arbres remarquables, les tilleuls, dont les
fleurs, les baies, le bois, l’écorce, sont d’une si grande utilité.

Les _cistées_, les _rustacées_ sont deux familles peu importantes de
cette même classe; mais il n’en est pas de même de la vingt-troisième
et dernière famille de l’hypopétalie, celle des _cariophyllées_,
comprenant ces belles et nombreuses variétés d’œillets qui charment les
yeux et embaument les airs: la bourbonnaise, la croix-de-Jérusalem ou
de Malte, les agrostèmes, les béhens, la nielle des blés, et enfin le
lin, si utile à la santé des hommes.


QUATORZIÈME CLASSE

PÉRIPÉTALIE

Les _portulacées_, première famille de cette classe, doivent leur nom
au genre _pourpier_, le principal de cette famille, qui n’offre rien de
remarquable.

Les _saxifragées_ forment une famille nombreuse dont quelques espèces
contribuent à l’embellissement des jardins, comme la mignonnette, le
gazon de Sibérie, deux charmantes petites plantes dont on fait de
jolies bordures, et le rossolis à feuilles rondes, autre petite fleur
dont les feuilles sont si irritables, qu’elles se crispent à l’instant
au contact du corps le plus léger. Malheur à l’insecte qui vient s’y
poser! il périt, retenu par le suc glutineux qui les recouvre.

Les _crassulées_, que Linné appelait _plantes succulentes_, et
auxquelles on a aussi donné le nom de _plantes grasses_, comprennent
les crassules proprement dites et les joubarbes. Le premier genre
n’offre de remarquable et digne des soins de l’horticulteur que la
crassule écarlate, originaire d’Afrique, jolie fleur très-recherchée
des amateurs, et le rhodiola rosea, d’un aspect peu séduisant, mais
dont les racines exhalent une délicieuse odeur de rose. Les joubarbes
forment un genre très-nombreux. On cultive peu cette plante, qui
n’offre rien d’agréable à la vue. Cependant, dans certaines contrées,
on mange les feuilles de plusieurs espèces de joubarbes, et deux
autres espèces, l’orpin et le poivre des murailles, ont été pendant
fort longtemps et sont encore quelque peu de nos jours employées en
médecine; mais quelle est la plante qui n’a pas eu cet avantage ou ce
malheur? Le règne végétal tout entier n’a-t-il pas été la proie de ces
prétendus guérisseurs? Est-il une pauvre petite plante qui ait échappé
à leur barbarie; une contre laquelle ils n’aient employé le fer et le
feu; une seule qu’ils n’aient hachée, disséquée, broyée? Heureusement
cette férocité s’est amoindrie depuis quelques années; les médecins
mutilent moins de plantes et leurs malades meurent un peu moins vite:
que le ciel les fasse persévérer dans cette voie!

La famille des _cactoïdes_ est aussi presque entièrement composée de
plantes grasses. Rien n’est plus bizarre que les différents genres de
cette famille. C’est à elle qu’appartiennent les cierges ou cactiers,
plantes admirables par la diversité de leurs formes, l’éclat, la
beauté de leurs fleurs, l’abondance de leurs sucs rafraîchissants, qui
leur a fait donner, par Bernardin de Saint-Pierre, le nom de _sources
végétales du désert_. Le nopal est l’espèce la plus intéressante
de cette famille: c’est sur lui qu’habite et qu’on recueille la
cochenille, insecte précieux à cause de la belle couleur écarlate
qu’on en tire. La tige du cierge du Pérou qu’on cultive au Jardin des
Plantes, à Paris, est ronde, droite, et s’élève à quarante pieds
de haut; dans le cierge à grandes fleurs, la tige est rampante,
disposition qui lui a fait donner par les amateurs le nom de grand
cierge serpentaire. Enfin, c’est dans cette famille que se trouve
la plante appelée glaciale, ou licoïde cristallin, nom qu’elle doit
à la transparence des vésicules dont elle est couverte, qui la font
ressembler à de la glace.

Un des principaux genres des _onagrées_, cinquième famille de la
quatorzième classe, sont les épilobes, remarquables par le mouvement
de leurs étamines à l’époque de la fécondation. C’est à ce genre
qu’appartiennent le laurier de saint Antoine et l’épilobe à feuilles
étroites, dont les racines sont un mets fort recherché dans certaines
contrées. Un autre genre de cette famille, l’onagre bisannuelle,
concourt à l’ornement des jardins par deux belles fleurs, l’onagre à
fleur rose, originaire du Pérou, et l’onagre à grandes fleurs, qui
vient de l’Amérique septentrionale. Enfin, à cette famille importante
appartiennent encore le santal, dont le bois aromatique est employé
dans les parfums, et la macre, connue en France sous le nom de
châtaigne d’eau, fruit d’un goût très-agréable.

Les _myrtées_, sixième famille de cette classe, comprennent quelques
arbres et arbrisseaux dont les fruits sont délicieux; le grenadier, le
goyavier-poivre, le jambosier, sont de ce nombre. Le grenadier, qui
croît naturellement en Afrique, a été cultivé avec succès dans le midi
de l’Europe, où il s’est parfaitement naturalisé, particulièrement
dans les contrées méridionales de la France. Il faut mettre aussi au
nombre de ces précieux végétaux l’angolan du Malabar, qui atteint
souvent plus de trente mètres de hauteur, et dont les fruits sont
des plus savoureux; et puis encore le giroflier, dont les fleurs non
écloses, connues sous le nom de _clous de girofle_, tiennent un rang
si honorable dans les laboratoires du distillateur, du confiseur et de
l’artiste culinaire. Enfin, à cette famille appartiennent le syringa,
dont on cultive deux espèces, l’odorante et l’inodore, et le myrte,
pauvre petit arbrisseau bien inoffensif, bien modeste, dont on a fait
le symbole de l’amour heureux, pour exprimer apparemment que l’amour
satisfait est une chose assez triste, maussade, à laquelle conviennent
l’ombre et le sommeil.

La famille des _mélastomées_, celle des _lythrées_ sont peu
remarquables; mais après elles viennent les _rosacées_. Un volume ne
suffirait pas pour faire l’histoire de la rose, et nous serions bien
pâle auprès de l’artiste et du biographe qui ont si heureusement réuni
leurs efforts pour donner une âme à cette belle reine. Mais, pour être
moins brillante, notre tâche n’en est pas moins douce: s’ils ont fait
un délicieux portrait du plus bel enfant de la famille, ils n’ont
rien dit des autres: ils ont usé de leur esprit, de leur admirable
talent; ils ont fait de l’art et dédaigné la science; ils ont laissé au
savant les miettes de leur table; mais ce sont des miettes abondantes
et savoureuses, car les rosacées comprennent les fraisiers, les
framboisiers, les pêchers, pruniers, abricotiers, amandiers, cerisiers,
pommiers, poiriers. Ainsi, les rosacées ne sont pas seulement l’honneur
de nos jardins, elles sont aussi l’honneur de nos tables; c’est la
beauté et l’abondance: nulle part le parfum et la saveur ne sont plus
délicieusement et plus intimement unis. N’est-il pas vrai que les
couleurs veloutées de la pêche le disputent à la rose pour l’éclat?
Que de charmes, de volupté dans ces formes arrondies!... Et la pêche
n’a point d’épines; et la framboise fait pardonner les siennes,
non-seulement par son parfum, mais aussi par sa délicieuse saveur...
Ah! roses, que ne devez-vous pas au savant qui vous a mises en si bonne
compagnie! Vous voyez bien, mes belles, que la science est bonne à
quelque chose: grâce à elle, nul n’a le droit de vous exclure de cette
brillante et somptueuse réunion; vous êtes, comme la pêche, comme la
cerise, comme la fraise, etc., de jolies dicotylédones polypétales
périgynes. Vos titres de noblesse sont palpables, authentiques, nul
ne peut les contester. Allez, soyez flattées, vantées, chantées, et
surtout ne faites pas fi de vos sœurs dont les traits sont moins
brillants que les vôtres, mais dont le cœur est plus doux!

Après les rosacées se placent immédiatement les _légumineuses_,
nombreuse et bienfaisante famille qui comprend les pois, les fèves, les
haricots, les lentilles, le caroubier, les bois de teinture dits du
Brésil, l’acacia, les genêts, les tamariniers, la pistache de terre,
dont les gousses, après la fécondation, s’enfoncent dans le sol pour y
mûrir.

L’indigotier, membre de la même famille, mérite une mention
particulière; c’est de lui qu’on obtient cette belle couleur bleue
qui donne aux vêtements des dames une grâce, une élégance que ne
comporte aucune autre couleur. L’indigotier est un charmant petit
arbuste, originaire des Indes orientales, et qu’on cultive avec succès
aux Antilles et dans l’Amérique méridionale. Lorsque les fleurs de
l’indigotier commencent à paraître, ce qui arrive trois mois après
qu’on l’a semé, on en coupe les feuilles; quarante ou cinquante jours
après on en fait une seconde récolte, puis une troisième, qui est
ordinairement la dernière, et alors on coupe tiges et feuilles. De ces
feuilles et tiges on obtient, par le lavage, une fécule qu’on laisse
fermenter, puis on la fait sécher, et elle forme ce beau bleu auquel la
plante a donné son nom.

Napoléon, ce génie universel, voulant, par tous les moyens, ruiner le
commerce anglais, tenta de faire remplacer l’indigo par le pastel,
comme il avait remplacé la canne à sucre par la betterave. Le pastel
donne en effet une belle couleur bleue, mais elle ne saurait être
comparée à l’indigo: il n’est pas donné, même aux plus grands génies,
de faire tous les jours des miracles.

D’autres plantes de cette famille fournissent d’excellents fourrages;
tels sont les sainfoins, les trèfles, les luzernes, etc., qui ont en
outre la propriété de végéter sans altérer la terre qui les nourrit.

C’est aussi à la famille des légumineuses qu’appartient le genre
mimosa, plantes qui présentent au plus haut degré les phénomènes
du sommeil et de l’irritabilité des végétaux. C’est dans le genre
mimosa que sont placées les sensitives proprement dites, l’acacia de
Constantinople, celui de Farnèse, la sensitive grimpante, dont les
gousses atteignent quelquefois la hauteur d’un homme, et l’acacia du
Nil, qui produit la gomme arabique, unique nourriture des Maures et
des Arabes dans leurs longs voyages à travers les déserts. Un morceau
de cette gomme, gros comme une noix, et quelques gouttes d’eau, cela
suffit pour vingt-quatre heures à la nourriture d’un enfant du désert.
Et puis on s’étonne que ces peuplades, malgré leur ignorance, soient
indomptables! Les Espagnols sont le seul peuple de la terre dont la
sobriété approche de celle des Arabes. C’était un objet de risée pour
nos soldats, en Espagne, pendant la guerre de l’indépendance (1808
à 1814), de voir, à l’arçon de la selle des chevaux montés par les
officiers espagnols, une chocolatière en guise de pistolets; pourtant
cette chocolatière nous était plus funeste que ne l’eussent été les
meilleures armes offensives. Grâce à sa chocolatière et aux tablettes
de chocolat contenues dans son portemanteau, l’Espagnol n’avait pas
à s’occuper de sa subsistance; il n’avait besoin ni de rations de
pain, ni de rations de viande, riz, sel, etc. Pendant une halte de dix
minutes, il battait le briquet, mettait le feu à quelques broussailles,
et faisait son chocolat, qu’il avalait aussitôt; cela terminé, il
pouvait se battre pendant vingt-quatre heures sans que son estomac
l’obligeât à s’occuper d’autre chose. Il est donc bien vrai que
l’estomac et le cœur sont antipathiques; le dernier peut entraîner à
bien des folies, le premier ne fait faire que des sottises.

Le cachou est encore un produit de la même famille, qui compte aussi
parmi ses membres l’arbre de Judée et le baguenaudier commun, deux des
principaux ornements des jardins d’une certaine étendue.

Enfin, la famille des légumineuses compte parmi ses membres le lotier
pied-d’oiseau et le sainfoin oscillant. Ce fut le premier de ces
végétaux qui fit soupçonner à Linné les changements qu’éprouvaient les
plantes pendant la nuit. Cet homme de génie ayant remarqué un soir,
en se promenant dans son jardin, à Upsal, que les fleurs du lotier
avaient disparu, pensa d’abord qu’elles avaient été arrachées, et il
passa outre; mais quelle fut sa surprise lorsque le lendemain, dans le
cours de la journée, il les retrouva sur la plante, aussi belles et
aussi fraîches qu’avant leur disparition! Il comprit qu’il s’opérait
dans ces plantes un phénomène inconnu jusqu’alors, et pendant trois
nuits entières il se tint en observation près des lotiers. Ce fut ainsi
qu’il déroba à la nature son secret, et qu’il découvrit l’intéressant
et étonnant phénomène du sommeil des plantes, que quelques-uns de ses
devanciers avaient seulement soupçonné.

Le sainfoin oscillant n’est pas moins remarquable sous ce rapport
que le lotier. Cette plante, originaire des Indes, a des mouvements
singuliers: les deux folioles latérales, continuellement agitées,
décrivent un arc de cercle dans l’espace de deux minutes. Le plus
ordinairement, l’une se porte vers le haut, tandis que l’autre
s’abaisse. Ce mouvement se continue dans les feuilles détachées de la
plante, et il peut même exister pendant plusieurs jours, si l’on a
soin de mettre le pétiole dans l’eau. Chose plus remarquable encore,
le mouvement cesse dès que l’époque de la fécondation de la plante
est passée. Les Indiens attribuent à ces folioles des propriétés
extraordinaires, et ils en composent des philtres... Ne nous en moquons
pas trop: ces philtres-là pourraient être des cousins germains de nos
tisanes.

Les _térébinthacées_ forment aussi une famille d’une grande utilité
à cause des beaux vernis qu’elles produisent; c’est à cette famille
qu’appartient le pistachier, dont les amandes vertes sont si fort en
honneur chez les confiseurs et les glaciers.

On cultive, dans les contrées méridionales de l’Europe, deux espèces du
genre pistachier, le lentisque et le pistachier térébinthe. C’est du
premier de ces arbres que provient le mastic du commerce; l’autre donne
la térébenthine la plus recherchée, celle dite de Chio: les Orientaux
la mâchent habituellement pour se parfumer la bouche.

Une espèce importante des térébinthacées, les balsamiers, fournit des
baumes précieux, dont l’action stimulante sur l’économie animale est
très-active. Les plus importants sont le baume de la Mecque, ou baume
blanc, et la résine élémi.

Deux autres résines non moins connues appartiennent à cette famille:
la première est l’encens qu’on retire du _boswellia serata_; la seconde
est le baume de tolu.

Ce sont encore les térébinthacées qui produisent la résine connue sous
le nom de myrrhe, substance si précieuse dans l’antiquité, qu’aux dieux
seuls s’offraient l’_encens_ et la _myrrhe_.

Enfin, on cultive dans les jardins, comme objets d’agrément, le sumac
amarante, le traçant et le glabre, tous trois de la même famille.
L’écorce du glabre passa pendant quelque temps pour avoir des qualités
fébrifuges presque aussi actives que le quinquina. Cette plante
a-t-elle perdu ses qualités, ou bien ne les a-t-elle jamais possédées?
C’est ce que nous ne saurions dire; mais toujours est-il qu’on ne
l’emploie plus comme médicament. Nous l’avons dit: c’est, hélas! le
sort des plus beaux végétaux comme des plus humbles; tous y ont passé,
y passent ou y passeront, mais tous en sortiront. Ne voilà-t-il pas
que l’on renonce à l’emploi du quinquina lui-même!... Oui, mesdames,
le quinquina, sur lequel on a écrit de si belles choses; le quinquina,
qu’on a chanté sur tous les tons, sur tous les rythmes, le quinquina
est détrôné... détrôné par l’arsenic!...

--Mais, disait-on au savant auteur de cette substitution, l’arsenic
n’est donc plus un poison?

--C’est toujours un des poisons les plus actifs, répondit le docteur,
et c’est justement pour cela qu’il guérit...

--De la fièvre?

--Et de beaucoup d’autres choses!

Les _rhamnides_, dernière famille de cette classe, diffèrent peu des
térébinthacées; c’est à elles qu’appartiennent les jujubiers et les
houx.

Dans le genre nerprun, de cette famille, se trouve le nerprun, dont les
baies servent à faire le vert de vessie, employé par les peintres; les
fruits d’une autre espèce appartenant à ce genre donnent la graine dite
d’Avignon, avec laquelle on fabrique une belle couleur jaune. Le bois
du nerprun bourgène est préféré à tout autre pour la fabrication de la
poudre à canon.

Le genre jujubier est exotique à l’Europe; l’espèce cultivée est depuis
longtemps acclimatée dans la Provence et le Languedoc: c’est cette
espèce qui produit les jujubes, fruit assez peu estimé parmi nous,
mais dont on fait une assez grande consommation en Égypte. Ce doit
être aussi dans ce dernier pays un fruit très-substantiel, puisque
l’histoire rapporte que l’armée d’Orphellus, traversant l’Afrique pour
se rendre à Carthage, ne vécut que de jujube pendant ce long trajet.


QUINZIÈME CLASSE

DICLINIE

La première famille de cette classe se compose des _euphorbiées_,
plantes généralement suspectes. Elles varient beaucoup dans leur port,
et contiennent la plupart un suc laiteux, âcre, caustique, qui peut
donner la mort. Toutefois, ce principe se volatilise aisément, et
les plantes qu’on a desséchées peuvent ensuite être employées sans
inconvénient. C’est ainsi que la racine du manioc devient très-salubre
lorsqu’on a séparé sa fécule abondante du suc vénéneux dont elle
est imprégnée; on fait de cette fécule d’assez bon pain dans toute
l’Amérique et dans une partie de l’Asie et de l’Afrique.

Le ricin, dont l’huile est employée à divers usages, appartient à la
même famille. Le ricin commun, que l’on appelle _palma-christi_, est
un bel arbre de dix mètres de hauteur, dont les feuilles palmées sont
d’un très-bel effet sur les côtes de Barbarie, d’où il est originaire;
mais, ainsi que nous l’avons dit ailleurs, cultivé en Europe, le ricin
n’offre plus qu’une plante herbacée annuelle. Cependant, si on l’abrite
convenablement dans une orangerie quand viennent les grands froids,
la tige, au lieu de mourir, durcit, persiste et devient ligneuse, ce
qui prouve que la température seule a pu la réduire à la condition de
plante herbacée. Mais ce n’est pas la seule singularité que présente
le ricin: ses semences sont composées d’une substance blanche, ferme,
laiteuse, analogue à celle des amandes; ces semences recèlent une huile
abondante, et cette huile peut être un comestible très-agréable ou un
poison très-actif, selon le procédé qu’on emploie pour l’obtenir. Voici
l’explication de cette espèce de phénomène: la partie supérieure des
grains, le tégument, contient une substance émulsive, oléagineuse et
douce; mais la partie intérieure, où se trouve le germe de la plante,
contient un suc essentiellement vénéneux qui peut causer les accidents
les plus graves.

Si donc on presse cette graine modérément, on obtient une huile
délicieuse; mais si la pression atteint le germe de manière à en
exprimer le suc, l’huile qu’on en tire n’est plus qu’un médicament dont
on ne peut faire usage qu’avec toutes les précautions usitées pour
les substances vénéneuses... Et remarquez, Mesdames, que nous disons
_médicament_ pour ne pas avoir l’air, nous profanes, de nous jeter un
peu trop à corps perdu dans l’opposition à l’endroit de messieurs de
la Faculté, gens fort peu plaisants de leur nature; toutefois, nous ne
sommes pas de ceux qui pensent que la parole a été donnée à l’homme
pour déguiser sa pensée, et nous pensons qu’il est toujours sage de se
défier de ces gens dont les lèvres sont enduites de miel et qui n’ont
que le fiel dans le cœur.

Les _cucurbitacées_ forment la deuxième famille, qui comprend les
pastèques, potirons, concombres et melons... famille bien innocente,
n’est-ce pas? les melons surtout; chair fade trop souvent, il est vrai,
aqueuse, débilitante, d’une odeur nauséabonde, mais, au demeurant,
d’une parfaite innocuité.

Telle est l’opinion que nous formulions, il y a quelque temps, dans une
réunion de naturalistes où l’on avait admis quelques profanes.

--Monsieur, nous dit un de ces derniers, je respecte votre opinion,
mais je suis heureux de pouvoir le déclarer solennellement, j’exècre
les melons.

Comme cela se passait vingt minutes avant l’heure fixée pour le
banquet, ces paroles produisirent une certaine émotion, car c’était au
mois de juillet, et l’odeur d’excellents melons, formant une partie
des hors-d’œuvre, pénétrant jusque dans la salle de nos conférences,
affectait agréablement les nerfs olfactifs de la majeure partie des
savants réunis.

--Je vois bien que cela vous surprend, messieurs, reprit
l’anti-meloniste, eh bien, écoutez: J’avais un frère, c’était une
nature d’élite, il était fort comme Hercule, penseur comme Montaigne
et beaucoup plus savant qu’Aristote. C’était en 1824; il venait d’être
reçu avocat et de se marier presque simultanément, et il avait établi
son domicile à Paris, dans le quartier latin, rue Percée, nº 12. Le 23
août de cette fatale année, il allait se mettre à table avec sa jeune
femme, lorsque celle-ci témoigna le désir de manger du melon.

--Mais je veux que tu l’achètes toi-même, dit-elle à son mari; je n’en
ai jamais mangé de bons que ceux que tu m’as apportés.

Mon malheureux frère était superstitieux, comme tous les gens d’un
esprit supérieur: l’année précédente, à pareil jour, une voiture lui
avait passé sur le corps, rue Dauphine, et, heureusement guéri, il
s’était promis de ne pas sortir de chez lui le jour anniversaire de
cet événement; mais sa jeune femme insista et fit si bien qu’il sortit
tête nue pour aller au bout de la rue... A peine avait-il franchi le
seuil de la porte cochère, qu’une masse énorme, lancée d’un cinquième
étage, l’atteignit à la tête et le renversa. Quand on le releva, il
était mort!... Et voici la cause de cet affreux malheur: un ouvrier,
rentrant chez lui, avait acheté pour quelques sous un melon d’une
énorme dimension; mais arrivé à sa mansarde, et ayant mis le couteau
dans le monstrueux cucurbitacé, il s’en était exhalé une odeur infecte;
furieux de sa mésaventure, le malheureux avait lancé le melon par la
fenêtre... Si le melon trop mûr n’était pas une horrible chose, je
n’aurais pas à déplorer ce malheur, dont tout Paris s’est entretenu
pendant vingt-quatre heures, pour n’y plus songer ensuite. Donc, les
cucurbitacées sont en général de laides, monstrueuses et dégoûtantes
choses; et qu’attendre d’ailleurs de ces tiges si lâchement rampantes,
qu’il faut les arrêter violemment pour les obliger à produire quelque
chose?...

Viennent au troisième rang les _urticées_, qui comprennent le houblon,
cette plante dont on fait une si détestable liqueur connue sous le nom
de _bière_; le poivrier, plante ardente et généreuse.

Et pourtant c’est un pauvre arbrisseau, délié comme la vigne, comme
elle ayant besoin d’appui pour se développer, s’attachant aux arbres,
serpentant le long de leurs branches, et laissant pendre ses fruits
en petites grappes pressées. Cet arbrisseau, au feuillage sombre, à
l’apparence pauvre, est devenu, sous la main de l’homme, une production
de haute importance et l’objet d’un immense commerce; c’est un aromate
précieux pour l’art culinaire; il figure sur toutes les tables. C’est
un stimulant énergique, bien supérieur au café sous ce rapport; mais il
ne fait pas rêver comme le café, et il est de si doux rêves!

Le poivre n’est pas une découverte nouvelle, car Horace parle de cet
aromate; mais on ne le trouvait autrefois qu’aux Indes orientales;
depuis un siècle seulement il a été importé dans les colonies
d’Amérique, en même temps que le muscadier et le giroflier, et, chose
étrange! l’auteur de cette importation s’appelait Poyvre, ce qui a fait
croire à tort qu’il avait donné son nom à cette substance.

En vérité, c’est quelque chose de honteux que notre ingratitude
envers les hommes utiles qui ont rendu le plus de services à notre
pays. Ainsi, nous savons les faits et gestes d’Alexandre et de Néron;
Cartouche et Mandrin ont trouvé des historiens, et c’est à peine si
nos biographies ont daigné admettre le nom de M. Poyvre dans les
longues colonnes de leurs fastidieuses nomenclatures. On peut affirmer
pourtant qu’il n’est pas de citoyen dont la vie ait été mieux remplie,
et qui ait montré à la fois plus de dévouement à sa patrie et un
désintéressement plus grand. C’est tout un drame que la vie de cet
homme, et les péripéties terribles n’y manquent pas.

Né à Lyon en 1719, Poyvre, à vingt ans, ayant terminé de longues
et fructueuses études, se rendit en Chine et de là en Cochinchine.
Son premier soin, dans ces pays, fut d’en apprendre la langue. Il
y parvint en peu de temps, grâce à sa haute intelligence et au zèle
qu’il apporta à cette étude. Il s’appliqua ensuite à recueillir une
foule d’observations qui devaient être précieuses pour son pays; puis,
impatient de doter la France de ses découvertes, il s’embarqua pour y
revenir. Le navire qui le ramenait était encore dans la mer des Indes,
près du détroit de Banca, lorsqu’il fut attaqué par un bâtiment anglais
de force supérieure. Le canon gronde, le capitaine français donne des
armes à tous les passagers; Poyvre refuse celles qu’on lui offre.

--Vous êtes donc un lâche? s’écria le capitaine indigné.

--J’espère vous prouver le contraire, répondit le jeune homme sans
s’émouvoir.

Aussitôt, il jette son habit, son chapeau, et, muni d’une petite
pharmacie portative qui faisait partie de son bagage, il s’élance sur
le pont: les balles et les boulets frappent et renversent tout ce
qui l’environne, son calme ne se dément pas; il va, sous le feu le
plus terrible, ramasser les blessés; il les panse sous une grêle de
mitraille. Bientôt il est couvert de blessures, le sang coule de toutes
les parties de son corps.

Le capitaine court à lui:

--Pardon! s’écria-t-il en lui serrant la main; vous êtes le plus brave
de tous... mais nous allons tenter l’abordage; descendez, je vous en
conjure!...

Pour toute réponse, Poyvre s’élance vers un canonnier qui vient de
tomber, au même instant, un boulet lui emporte un bras. Une heure
après, il était prisonnier des Anglais.

Conduit à Batavia, puis renvoyé à Pondichéry, Poyvre put enfin
s’embarquer de nouveau, et il était heureusement arrivé en vue des
côtes de France lorsqu’il tomba une seconde fois au pouvoir des
Anglais; il ne recouvra sa liberté qu’en 1745.

Au milieu de toutes ces vicissitudes sur mer comme sur terre,
manquant de tout et en butte à tous les périls, Poyvre, animé par le
patriotisme le plus pur, n’avait jamais négligé une occasion d’ajouter
au trésor de ses connaissances, et d’étudier particulièrement tout ce
qui se rattachait à l’histoire naturelle et au commerce des colonies.
De retour dans sa patrie, il s’empressa de communiquer au gouvernement
deux projets de la plus haute importance qu’il avait conçus: le premier
était d’ouvrir un commerce direct entre la France et la Cochinchine; le
second était d’enrichir les îles de France et de Bourbon des épiceries
dont la culture avait été concentrée jusqu’alors dans les Moluques. On
adopta ces projets, et Poyvre fut chargé de les accomplir.

Le premier projet réussit parfaitement; le second était en voie
d’exécution, et déjà le muscadier, le giroflier et le poivrier
prospéraient à l’île de France, lorsque l’homme infatigable auquel on
devait ces résultats fut fait prisonnier une troisième fois par les
Anglais, qui le retinrent jusqu’à la paix conclue en 1761.

De retour à Paris, Poyvre fut nommé intendant des colonies, et le roi
lui donna le cordon de Saint-Michel avec des lettres de noblesse. De
1767 à 1773, il administra les îles de France et de Bourbon, et il en
répara tous les désastres. Parmi les hommes qui ont rempli un rôle
éminent dans l’administration, il en est peu qui aient laissé une
mémoire plus digne de vénération. En lui les vertus privées étaient
la source des vertus publiques: au plus parfait désintéressement
il joignait une équité scrupuleuse, une fermeté calme et une
persévérance à toute épreuve: les travaux publics, les établissements
de charité, d’agriculture; les finances, les expéditions maritimes,
l’administration de la justice, tout fut organisé par ses soins,
conduit et perfectionné par son zèle. La science devrait lui être
reconnaissante de ses efforts pour avancer ses progrès, et l’humanité,
de ceux qu’il fit pour adoucir le sort des esclaves.

L’introduction des précieuses cultures de l’Inde dans les îles de
France et de Bourbon n’est pas le moindre des bienfaits dont ces îles
lui soient redevables. La France en recueille encore les fruits à l’île
Bourbon et à la Guiane, où les plantes aromatiques sont autant de
conquêtes pacifiques et fécondes qui doivent faire bénir la mémoire de
Poyvre.

Revenu en France en 1773, ce grand homme se retira dans une maisonnette
qu’il possédait sur les bords de la Saône, et y mourut en 1786, presque
entièrement oublié de la génération sur laquelle il avait répandu tant
de bienfaits.

Combien de prétendus savants se sont fait des noms retentissants et des
fortunes colossales avec dix fois moins de connaissances acquises et
de génie que n’en possédait Poyvre!... Le véritable homme de mérite se
contente de sa propre estime; il a la conscience de ce qu’il est, et
cela lui suffit.

Mais nous voici bien loin de la famille des _urticées_, qui comprend
encore les mûriers, qu’on pourrait appeler _arbres à soie_, et les
figuiers, dont le fruit est un des plus répandus sur la surface du
globe: on le trouve dans tous les climats chauds, et là il se présente
sous la forme d’un arbre élevé. Dans nos climats tempérés, ce n’est
qu’un arbrisseau touffu; dans les pays froids, c’est un arbuste de
serre chaude.

La culture du figuier est très-ancienne; on en cultivait en Italie
avant la fondation de Rome, et de temps immémorial on a récolté des
figues dans le midi de la France. Parmi les nombreuses variétés de
figuiers, on remarque le _figuier des Indes_; c’est un arbre immense,
des branches duquel pendent de longs jets qui s’enfoncent dans la
terre, y prennent racine, deviennent des arbres semblables au premier,
lancent à leur tour d’autres jets qui ont le même résultat et qui,
envahissant le terrain, étouffent tous les végétaux qu’ils rencontrent.

D’une autre espèce appelée _figuier du Bengale_ on obtient, par
incision, une gomme élastique très-recherchée.

Mais le plus généralement cultivé est le _figuier commun_; c’est celui
auquel on accorde la préférence dans tous les pays méridionaux de
l’Europe. Il donne deux récoltes par an, et comme tout le fruit d’une
récolte ne mûrit pas simultanément, un seul figuier, s’il est fort,
peut donner du fruit pendant toute la saison.

La figue est un fruit fort sain quand il a atteint toute sa maturité.
On consomme une grande quantité de figues fraîches, mais la quantité
qu’on en fait sécher est bien plus considérable; il est vrai que c’est
le fruit qui, à l’état de conservation, présente le plus de qualités
nutritives. La quantité de figues que l’on fait sécher en Provence est
immense, et pourtant elle ne suffit pas à la consommation de la France,
qui en tire encore de l’Espagne et du royaume de Naples.

Les anciens, qui faisaient d’autant plus de cas de la figue qu’ils
ne connaissaient pas tous les excellents fruits que nous possédons
aujourd’hui, ont fait des guerres terribles pour conquérir des pays
par la seule raison qu’on y trouvait l’olivier, la vigne et le
figuier. Il paraît pourtant qu’alors, comme aujourd’hui, l’opinion
générale souffrait d’assez nombreuses exceptions, et que les Grecs
n’en faisaient point grand cas, ainsi que le prouve cette anecdote
historique: Un riche Athénien se rendit un jour sur la place publique;
il y fit rassembler le peuple, puis, du haut de la tribune où il
s’était placé, il s’écria: «O Athéniens! j’ai à ma campagne, tout près
des murs de la ville, un énorme figuier où plusieurs citoyens de cette
ville se sont pendus. Si donc quelques-uns d’entre vous voulaient
suivre cet exemple, je leur donne avis qu’ils aient à se hâter, car
dans trois jours le figuier sera coupé et jeté au feu.»

De nos jours, Brillat-Savarin disait qu’il donnerait un melon pour
une figue, et une figue pour un melon. Que les gastronomes tirent la
conclusion.

La quatrième famille de cette classe est celle des _amentacées_, à
laquelle appartiennent les plus beaux arbres de nos forêts: chênes,
châtaigniers, charmes, aunes, peupliers, bouleaux.

Tous les arts sont tributaires des amentacées; ils sont la richesse et
la prospérité des États, et l’existence de ceux-ci y est même attachée.
Cette observation n’avait pas échappé au ministre Colbert, qui disait
souvent que la destruction des bois amènerait la perte de la France.

Le chêne est certainement une des productions les plus belles et les
plus utiles de notre globe. S’il y a des arbres plus élevés et plus
gros, il n’en est pas un seul qui offre un bois à la fois plus solide
et plus facile à tailler; aussi de tout temps a-t-il été l’emblème de
la force. On reconnaît ses feuilles dentelées sur les plus anciennes
médailles. Il croît lentement, à peine au bout d’un siècle son tronc
a-t-il un mètre de circonférence, et cependant on en voit souvent
dont la circonférence est de onze à douze mètres, ce qui suppose onze
à douze cents ans d’existence. De vieilles traditions révèlent que,
dans les temps de barbarie, les hommes vivaient du fruit du chêne,
qu’on nomme _gland_. Cela ne serait pas impossible, puisque parmi les
variétés du chêne il en est dont le fruit est doux; mais il ne faut
pas, sur ce point, prendre à la lettre le rapport des historiens, car
les anciens donnaient le nom de gland à tous les fruits des arbres de
haute taille. La faîne s’appelait le gland du hêtre, la noix, le gland
de Jupiter, etc.

Une variété remarquable du chêne est celle dont l’écorce épaisse et
spongieuse est connue sous le nom de _liége_. Tous les neuf ou dix ans,
cette écorce se fend, se détache d’elle-même, et elle est remplacée par
une autre qui se forme en dessous. Un arbre peut donner ainsi jusqu’à
quinze récoltes avant d’être épuisé. Le chêne-liége croît spontanément
dans les parties méridionales de l’Europe: on en trouve beaucoup dans
le midi de la France.

Le châtaignier mérite aussi d’être placé au premier rang des arbres les
plus beaux et les plus utiles. Non-seulement son bois est excellent
pour la charpente, mais ses fruits forment la principale nourriture
des habitants de beaucoup de pays. Dans plusieurs parties de la
France, telles que le Limousin, le Périgord, les Cévennes, la Corse,
les habitants des campagnes ne mangent pas d’autre pain que celui de
châtaignes. Il en est de même dans les montagnes des Asturies, en
Espagne; dans les Apennins, en Italie, et dans plusieurs cantons de la
Sicile. La récolte des châtaignes est presque toujours très-abondante,
et elle ne manque jamais entièrement.

Sous le rapport de la beauté, le châtaignier ne le cède à aucun autre:
son port est majestueux, et il arrive à une grosseur prodigieuse. Tel
est celui que les voyageurs vont visiter sur le mont Etna, dont nous
avons parlé plus haut, et qui n’a pas moins de quatre mille ans. On en
voit un en France, près de Sancerre, dont le tronc a plus de dix mètres
de circonférence, et qui est âgé de plus de mille ans; il y a plus de
six cents ans qu’on l’appelait déjà _le gros châtaignier_.

Les aunes sont aussi d’une utilité générale. Les saules forment une
division considérable. L’espèce la plus remarquable est le saule
pleureur, dont les branches, en retombant, font de si belles arcades de
verdure.

Parmi les peupliers, qui sont aussi fort nombreux, on distingue le
peuplier d’Italie, celui du Canada, celui d’Athènes, et le peuplier
baumier, dont on tire une substance odorante connue sous le nom de
tacamahaca.

Les bouleaux se trouvent jusque vers le pôle arctique, où ils sont les
derniers vestiges de la végétation ligneuse. Leur séve est, pour les
Kamtschakales, une boisson délicieuse. Dans l’Amérique septentrionale,
les habitants emploient l’écorce du bouleau pour faire des barques et
des pirogues. En France, on en fait des sabots et des balais.

Enfin, c’est aussi aux amentacées qu’appartient le cirier, arbrisseau
originaire de l’Amérique, dont le fruit contient une assez grande
quantité de cire. Il s’est parfaitement naturalisé dans le midi de la
France; mais jusqu’à présent il n’a été considéré que comme plante
d’agrément, et l’on n’a pas tenté d’en tirer un parti avantageux.

La dernière famille est celle des _conifères_, ou arbres toujours
verts, à la tête de laquelle il faut placer le cèdre majestueux qui
élève sa tête dans les nues; le second rang appartient aux sapins, ces
fiers enfants du Nord; le pin se place ensuite, puis les mélèzes, les
cyprès, les ifs et l’éphédra, derniers et humbles enfants de cette
famille de géants.

Ici finit la tâche du botaniste, que nous quittons pour entreprendre
celle de l’horticulteur. Après avoir tenté de faire connaître les
plantes, nous essayerons de dire comment naissent les plus jolies,
l’éducation qui leur convient, les dangers dont il faut les garantir,
les défauts dont il importe de les corriger. Nous ferons de l’hygiène,
de la pathologie, de la thérapeutique de parterre, et là, au moins,
nous ne serons pas forcé d’avoir recours à un langage barbare pour
raconter et faire comprendre de douces et gracieuses choses.

[Illustration]



[Illustration: PLANCHE 1ère]


[Illustration: PLANCHE 2ème]



HORTICULTURE DES DAMES



HORTICULTURE

DES DAMES


INTRODUCTION

PAR

ALPHONSE KARR


N’aurez-vous donc jamais, Mesdames, aucune pitié de ces pauvres
fleurs, le tribut le plus ordinaire que l’on apporte à vos pieds?--Ne
songez-vous jamais qu’on les sépare de leur tige, et qu’on se hâte
de vous les livrer pour que vous les voyiez mourir,--pour que vous
respiriez leur dernier soupir parfumé?

Celles que je plains le plus ne sont pas celles qu’on vous donne en
bouquet: celles-là reçoivent du sécateur une mort assez rapide;--mais
que dirai-je de ces pauvres malheureuses qu’on vous offre en pots ou
en caisses, avec un peu de terre au pied, et dont l’agonie est si
longue et si douloureuse!--Avez-vous donc quelque cruel plaisir à les
voir souffrir ainsi?--Les poètes dont les vers s’enroulent autour des
mirlitons ou se plient en quatre dans les diablotins, à force de vous
dire qu’elles sont vos rivales, vous ont-ils inspiré contre elles de
mauvais sentiments?

Elles, vos rivales! elles ne font qu’ajouter à votre beauté,--elles
qui, en foule, viennent mourir chaque jour dans vos cheveux et sur
votre sein, ou, mort plus cruelle! oubliées sur le marbre d’une
console,--ou sur le velours d’une banquette--au bal ou au théâtre!

Non, il est impossible que vous n’aimiez pas les fleurs, impossible que
vous n’ayez pas quelquefois le désir de soulager celles qui jaunissent,
se fanent et meurent dans vos jardinières;--mais pour cela, il faut
apprendre un peu,--car l’eau qui sauvera l’une en humectant son pied
sera mortelle pour l’autre et la noiera;--celle-ci aime l’air et
celle-là la chaleur.--Le tussilage, l’héliotrope d’hiver, meurt de ce
qui fait fleurir le camélia,--de la chaleur de vos appartements.

Ne s’attacherait-il pas quelque chose qui tiendrait de l’amitié à la
plante qui fleurirait chez vous pour la seconde fois?--à celle qui vous
devrait ses éclatantes couleurs et ses suaves parfums?--On aime ceux à
qui on fait du bien. Les moralistes ont dit cent sottises en exigeant
du dévouement de l’obligé,--c’est le bienfaiteur qui a tout le bonheur
du bienfait, c’est lui qui doit et qui a la reconnaissance.--S’il
l’attend, c’est un fou; s’il l’exige, c’est un usurier.

Cette fleur que j’ai soignée, cette plante qui se penchait faible et
languissante, à laquelle j’ai rendu la vie et la santé,--ce n’est plus
une plante ni une fleur, c’est ma fleur et ma plante à moi.

L’ombre est plus douce sous ces arbres que j’ai plantés
moi-même;--cette belle glycine aux grappes bleues si odorantes qui
tapisse ma maison, je songe que c’est moi qui l’ai rendue si vigoureuse
et si bien portante;--c’est moi qui lui ai mis au pied cette bonne
terre de bruyère qu’elle aime; c’est moi qui l’ai palissadée au
midi;--ses parfums m’appartiennent mieux et j’en jouis davantage; elle
a l’air si heureux, sa végétation est si luxuriante!

Voilà une douce science,--une science permise,--une science que le cœur
cherche.

Ce n’est pas comme la botanique,--qui vous apprend à dessécher les
fleurs et à les injurier en grec.

L’horticulture vous enseigne à les rendre plus belles et plus heureuses.

Reprenez aux hommes ce qu’on appelle encore en province _le sceptre de
Flore_.--Ce n’est pas une femme qui aurait jeté ces pauvres fleurs dans
les agitations politiques et dans les fureurs des partis!

Le lis et la violette ont été tour à tour triomphants et
proscrits;--l’impériale a été guillotinée en 1815.--Ce n’est pas une
femme qui ferait jouer ce rôle ridicule aux œillets rouges,--au moyen
desquels certains hommes réussissent à faire croire, à dix pas, qu’ils
sont décorés, et à faire voir, à trois pas, qu’ils sont des sots.

Créer des fleurs,--c’est le seul ouvrage pour lequel Dieu accepte
des collaborateurs.--L’art a créé des fleurs;--quel doux orgueil
s’il naissait une plante nouvelle semée par vous,--une plante qui
n’existerait que dans votre jardin,--dont personne ne verrait les
couleurs et ne respirerait les parfums que ceux à qui vous les
donneriez, comme Dieu a donné les autres plantes à tout le monde.

Que d’autres savants découvrent une nouvelle planète qui ne nous donne
rien, ni chaleur ni lumière,--mais qu’une femme découvre et crée une
rose inconnue qui nous donnera un parfum nouveau.

J’ai connu deux amants qui, désunis par une triste destinée,--sont
morts tous deux sans se revoir, après une longue séparation. Ils ne
pouvaient s’écrire,--mais je ne sais lequel des deux eut une idée
ingénieuse: sans exciter de soupçons, ils échangeaient de loin les
graines des fleurs qu’ils cultivaient;--ils savaient qu’à deux cents
lieues de distance,--ils prenaient les mêmes soins,--voyaient les mêmes
fleurs s’épanouir dans la même saison et le même jour;--ils respiraient
les mêmes odeurs.--Ç’a été un bonheur, et le seul bonheur de toute leur
vie.

    ALPHONSE KARR.

[Illustration]



PREMIÈRE PARTIE

PRINCIPES ÉLÉMENTAIRES


Cultiver les fleurs, dans un jardin, sur une terrasse, aux balcons
des fenêtres et même dans l’intérieur des appartements; voir naître,
se développer, s’épanouir ces beaux enfants du soleil; guider leurs
premiers mouvements, les soutenir, pourvoir à leurs besoins, à leur
sûreté; être témoin de leurs chastes amours, recueillir et protéger
leur nombreuse postérité, est un des plus doux et des plus innocents
passe-temps qui se puissent imaginer. Il y a là de délicieuses émotions
pour chaque mois de l’année, pour chaque jour du mois, pour chaque
heure du jour. Ce doit être et c’est en effet le délassement des belles
âmes, des cœurs purs et des nobles intelligences.

A ces charmants travaux nous nous proposons d’initier les profanes qui
jusqu’ici se sont contentés d’admirer les fleurs, de se laisser éblouir
et embaumer par elles. De blanches mains, de jolis doigts aux ongles
rosés y perdent bien momentanément quelque peu de leur éclat, mais cet
inconvénient passager doit avoir de si nombreuses et de si ravissantes
compensations, que les plus belles mains du monde s’y risqueront.


TERRES

Trois sortes de terres sont employées dans la culture des fleurs,
savoir: la _terre franche_, la _terre légère_ et la _terre de bruyère_.
La terre franche a pour base l’argile. Elle se trouve partout; elle est
parfois jaunâtre, quelquefois grise; mais elle ne s’emploie presque
jamais pour les fleurs sans être mélangée de terreau, car sans mélange
elle serait trop forte, c’est-à-dire trop compacte, et par conséquent
trop froide pour la plupart des fleurs.

La terre légère ou sablonneuse n’est autre chose que la terre franche
ou végétale, mêlée de sable et de détritus de végétaux; le sable
qu’elle contient la rend meuble et poreuse; modifiée par le terreau,
elle est, pour beaucoup de fleurs, d’une grande fécondité.

La terre de bruyère est la plus convenable et la plus généralement
employée pour la culture des fleurs; elle est le résultat du détritus
des masses de bruyères qui végètent sur le sable, s’y mêlent et le
rendent très-fertile. Cette terre convient particulièrement aux fleurs
à racines bulbeuses.

En général, les terres qu’on se propose d’employer à la culture des
fleurs doivent être préalablement ameublies et passées à la claie, afin
qu’il ne s’y trouve ni pierres ni autres corps étrangers.

Le terreau est à peu près le seul engrais nécessaire à la culture
des fleurs; il y en a de deux sortes: celui qui provient de la
décomposition des matières animales, et celui qui résulte de
la décomposition des matières végétales. Le premier convient
particulièrement aux arbustes et aux plantes à racines fibreuses; le
second est excellent pour les plantes à oignons et convient à toutes
les plantes bulbeuses.

Dans un jardin, il ne s’agit toujours que de modifier la terre qui s’y
trouve; mais quand on veut garnir de fleurs une terrasse, un balcon,
une simple fenêtre, tout est à faire. Le meilleur, le plus sûr,
dans ces circonstances, est d’acheter la terre nécessaire chez les
jardiniers fleuristes de profession, où toutes les sortes de terres
et d’engrais se trouvent à profusion. A Paris, les quatre marchés aux
fleurs en sont toujours abondamment approvisionnés, et les marchands
grainiers en réputation, non-seulement en vendent, mais en enseignent
très-volontiers la manipulation.


EXPOSITIONS

L’exposition du midi convient aux plantes et racines bulbeuses ou
à oignons, toutes les plantes de pleine terre à racines fibreuses
se plaisent au levant, quelques-unes de ces dernières réussissent
également au couchant; on ne peut guère cultiver, à l’exposition
du nord, que les arbustes toujours verts, et certaines fleurs qui
craignent le soleil, comme les primevères, les pervenches, les
oreilles-d’ours, etc. Dans tous les cas, l’exposition du midi est la
préférable, parce qu’on peut aisément ajouter aux avantages qu’elle
possède ceux des autres expositions, au moyen des tentes, des abris et
des arrosements.

On ne doit pas oublier que l’air et l’eau sont aussi indispensables
à la végétation que le soleil; ainsi, une plante qui s’étiolera à la
fenêtre d’un premier étage, recouvrera toute sa force, sa vigueur, sa
beauté, deux étages plus haut: c’est ce qui fait que les fenêtres du
pauvre, dans les grandes villes, sont toujours plus brillantes, sous ce
rapport, que celles du riche, de même que les enfants du village sont
plus robustes, plus vigoureux que ceux des villes.

A Paris, il n’est pas rare de voir des maisons de cinq, six, huit, dix
étages (celles traversées par le passage Radziville, par exemple), au
sommet desquelles se trouvent des terrasses plombées, offrant l’aspect
et étant en effet de charmants jardins, ornés des plus belles fleurs et
même d’arbres fruitiers d’une grande fécondité. Et puis, il en est des
plantes comme de certaines jolies personnes: elles ne sont pas exemptes
de caprices, de bizarreries; celle qui, cultivée avec soin, sera
chétive et souffrante, poussera des jets vigoureux dans la fente d’un
mur où le vent aura jeté un peu de poussière et le ciel un peu d’eau.

Hâtons-nous de dire toutefois que c’est là l’exception, et que les
soins donnés aux fleurs et aux femmes sont rarement perdus.


POTS, CAISSES, INSTRUMENTS

Bien que certaines fleurs se plaisent mieux en pleine terre que partout
ailleurs, il n’en est pas cependant qu’on ne puisse cultiver avec
succès en caisses et en pots, pourvu que ces vaisseaux soient bien
construits et d’une capacité suffisante. Le vase peut être plus grand
qu’il ne faut sans danger; mais s’il est trop petit, si la racine est
gênée, la plante souffre et meurt; pour les petites plantes, le vase
doit avoir de quinze à dix-huit centimètres de diamètre. A partir de
là, il faut que la largeur et la profondeur soient graduées selon la
force de la plante. Le pot, comme la caisse, doit être percé au fond
pour faciliter l’écoulement de l’eau, et il est bon, avant d’y mettre
la terre, de placer sur le trou une écaille d’huître ou quelque morceau
de poterie un peu convexe, pour que l’eau s’échappe plus facilement.
Dans les pots ou caisses destinés aux plantes qui craignent l’humidité,
on placera, au fond, une couche de plâtre de sept à huit centimètres
d’épaisseur. C’est une méthode excellente, généralement suivie par les
jardiniers fleuristes de Paris, qui sont les plus habiles du monde,
et c’est la présence de ce plâtre bienfaisant qui a fait croire aux
amateurs peu éclairés de la capitale que ces jardiniers mettaient de
la chaux au pied des plantes qu’ils exposaient en vente, afin qu’elles
périssent promptement, et qu’on fût obligé de revenir plus souvent à la
charge. La chaux morte, au fond d’un pot, serait peu dangereuse, elle
pourrait même avoir quelquefois de bons résultats. Il en est de cette
substance comme du sel: on l’a trop longtemps calomniée. Autrefois,
quand un noble était condamné pour crime de haute trahison, on brûlait
ses armes, on rasait ses châteaux, on coupait par le milieu du tronc
les arbres de ses forêts, et l’on semait du sel sur ses terres afin
de les rendre à jamais stériles. Heureusement _nous avons changé tout
cela_, et le sel est aujourd’hui un des plus puissants engrais qui se
puissent employer.

Il y a des caisses de plusieurs sortes, des caisses mobiles et
des caisses à demeure. Les caisses mobiles sont employées de la
même manière que les pots; c’est-à-dire que la caisse, construite
solidement, revêtue d’une ou de deux couches de peinture à l’huile,
afin d’avoir moins à redouter les effets de l’humidité, doit avoir
une capacité proportionnée à la plante qu’on veut y placer. S’il
s’agit d’une plante vivace de grande dimension, d’un arbuste ou d’un
arbrisseau, la caisse devra être faite à panneaux mobiles, afin qu’il
soit facile d’en changer la terre, lorsque cela est nécessaire, sans
blesser les racines.

Les caisses à demeure, que l’on appelle aussi _caisses-parterres_,
contiennent ordinairement un certain nombre de plantes ou arbustes;
on les construit le plus ordinairement sur les balcons. Ces caisses,
dont la dimension dépend du lieu où on les construit ou de la fantaisie
du constructeur, ne doivent pas avoir moins de cinquante centimètres
de profondeur. Elles offrent, quand elles sont assez vastes, tous les
avantages de la pleine terre.

La caisse construite, ce qui est la chose la plus simple du monde,
on la garnira de la terre la plus convenable aux plantes que l’on
se proposera d’y placer; mais si l’on voulait y mettre des plantes
diverses dont la culture demande des terres différentes, on la
remplirait de terre ainsi mélangée: terre franche, cinq dixièmes; terre
légère, trois dixièmes; terre de bruyère, deux dixièmes; le tout bien
mêlé, et modifié de temps en temps par un peu de terreau.

Si la caisse-parterre est placée à l’exposition du midi, il faudra
agencer à un mètre et demi au-dessus une petite tente qui puisse se
déployer facilement, afin de garantir les fleurs des ardeurs du soleil
vers le milieu du jour. Cette tente, faite en toile imperméable, peut
aussi servir à garantir les plantations des pluies trop fréquentes ou
trop abondantes, et des brouillards froids de l’automne.

Aux approches des grandes gelées, on garnira les côtés de la caisse, en
dehors, avec du fumier de cheval, et l’on couvrira la surface de paille
sèche et brisée, en ayant soin d’enlever cette couverture de temps en
temps à l’heure où le froid sera le moins vif, afin que les plantes ne
soient pas entièrement privées d’air.

Les instruments nécessaires à la culture des fleurs dans ces
proportions sont peu nombreux: deux arrosoirs, quelques cloches de
verre, une serpette, un greffoir, un sécateur, instrument à deux lames,
dont on se sert d’une seule main, et qui peut remplacer la serpette; un
transplantoir et une houlette pour faire l’office de bêche: voilà tout,
et cela est trop connu, d’un maniement trop facile, pour qu’il soit
nécessaire d’en donner ici la description.


SERRES

Les plantes en pots ou en caisses mobiles ne pourraient supporter la
gelée comme elles le supporteraient en pleine terre; car, dans ce
dernier cas, la gelée n’a de prise que sur la surface, tandis que les
pots et les caisses en sont frappés de tous les côtés. Il est donc
nécessaire de les placer, pendant la mauvaise saison, dans une serre
froide ou orangerie où la température ne soit jamais moindre de trois
degrés au-dessus de zéro. A défaut de serre, on pourra facilement
disposer une chambre de manière à ce qu’elle en tienne lieu. Il suffira
que cette chambre soit bien éclairée, point humide et assez grande
pour que les plantes y soient à l’aise. La cheminée, s’il y en a une,
sera bouchée, et l’on placera au milieu de cette pièce un poêle, à
l’aide duquel on entretiendra une température à peu près égale, sans
jamais dépasser cinq degrés centigrades au-dessus de zéro. L’eau avec
laquelle on arrosera les plantes de temps en temps devra être au même
degré que l’atmosphère de la chambre. La chambre-serre ne doit pas
être habitée, les personnes et les plantes se trouveraient également
mal d’une cohabitation. L’air de la serre doit être souvent renouvelé,
et l’on choisit pour cela le moment de la journée où le froid est le
moins vif. On ouvre alors les fenêtres, en ayant soin de consulter le
thermomètre. L’expérience apprendra aisément quelles sont les plantes
auxquelles le grand jour est le plus nécessaire, et celles-ci seront
placées près des fenêtres.

On pourrait encore faire construire ce que l’on est convenu d’appeler
des serres-fenêtres; mais cela est dispendieux, dangereux et incommode.
Cependant il est facile de convertir, sans inconvénient, en serres les
fenêtres à doubles croisées entre lesquelles la distance serait assez
grande.

Au reste, il ne saurait y avoir sur ce point des règles particulières;
c’est le cas de prendre conseil des circonstances, des localités, des
dispositions, etc.


MULTIPLICATION DES PLANTES

On a vu dans la botanique que toute graine renferme le germe d’un
végétal aussi complet que celui qui l’a produite, et qu’il suffit de
confier cette graine à la terre pour que la reproduction s’accomplisse;
mais les plantes ne se reproduisent pas seulement par ce moyen: la
vie est si puissante en elles, elles sont si heureusement douées,
que presque chacune de leurs parties est un tout qui ne demande
pour se développer qu’un peu de terre, d’air et de soleil; ainsi,
indépendamment de la reproduction par semis, les plantes se multiplient
par caïeux, par bulbes, œilletons, rejetons, boutures, éclats de
racines, marcottes, greffes, etc.


MULTIPLICATION PAR GRAINES

Ce moyen de reproduction est le plus naturel, mais il est aussi le plus
lent. C’est par semis qu’on obtient des variétés de la même espèce;
les sujets obtenus de cette manière s’acclimatent mieux au lieu qu’on
leur assigne; ils sont plus vigoureux que ceux résultant des autres
procédés; ils vivent de leur vie propre, tandis que la vie des plantes
obtenues de toute autre manière est en quelque sorte entée sur celle
d’autres sujets. Mais il est fort difficile de se procurer de bonnes
graines, même chez les marchands les plus renommés. Le plus sûr est de
les récolter soi-même et de les étiqueter soigneusement, afin de ne pas
éprouver de ces déceptions d’autant plus fâcheuses que le mal est sans
remède. En voici un exemple entre mille.

Mme la baronne de X..., charmante personne, accoutumée à voir tous les
obstacles disparaître devant sa volonté, s’était tout à coup senti une
vive passion pour l’horticulture. C’était au commencement du printemps,
et devant les appartements de la baronne s’étendait une belle terrasse.
Des caisses-parterres sont construites sous les yeux de la noble et
belle jardinière; elle-même les garnit de terre parfaitement choisie;
puis elle fait acheter des graines, et la voilà manœuvrant la houlette
et le plantoir, et semant serré, sauf à élaguer ensuite. Les graines
lèvent à merveille; la baronne est enchantée; c’est avec la tendresse
d’une mère qu’elle veille sur ces pauvres petites plantes dont elle
attend de si belles fleurs. «Toutes mes bordures, disait-elle, sont
en pieds-d’alouette doubles et variés: au centre l’hortensia, la
digitale, les pivoines, etc... Ce sera charmant... et tout cela me
devra la vie!»

Elle trouvait que les jours passaient trop lentement; mais elle se
disait que tout arrive à point à qui sait attendre, et elle s’efforçait
de faire taire son impatience. Les plantes grandissaient; les caisses
semblaient couvertes d’un tapis de verdure; mais les premiers jours de
juin arrivèrent et les fleurs ne paraissaient pas. Mme de X... reçut à
cette époque la visite d’un savant horticulteur; elle voulut avoir son
avis sur ses plantations, savoir la cause du retard de la floraison, et
elle le conduisit sur sa terrasse. Au premier aspect l’horticulteur ne
peut retenir un éclat de rire.

--Pardon, belle dame, dit-il ensuite; mais, pour Dieu, qu’avez-vous
semé là?

--Du pied-d’alouette qui doit être superbe, des pivoines, de...

--En ce cas, il faut que quelque sorcier ait passé par là, car vos
bordures sont de très-belles carottes; je vois au centre des radis
noirs d’une végétation très-satisfaisante, des oignons de cuisine de la
plus belle espèce, et...

--Mauvais plaisant!

Pour toute réplique, le savant se baissa et arracha de petites carottes
très-bonnes à mettre en ragoût; de petits oignons propres au même
usage, et quelques radis d’une assez belle venue. Le désappointement
de la baronne fut tel, qu’elle renonça à l’horticulture et fit
sur-le-champ enlever les caisses.

Le temps le plus convenable pour semer est le printemps: les graines
nouvelles donnent en général des sujets plus robustes, plus sains,
d’une végétation plus vigoureuse que les vieilles; mais les fleurs de
ces derniers ont plus d’éclat, et l’on en obtient plus facilement des
variétés, pourvu toutefois qu’elles aient été conservées avec soin à
l’abri de l’humidité.

Les graines fines se mêlent avec du sable fin, ce qui aide à les
semer également; on frotte dans ce sable les graines qui sont garnies
de poils et d’aigrettes. La terre étant bien préparée, nettoyée et
ameublie, on sème les graines fines à la surface, puis on appuie
dessus avec la main, le pied ou une planche; ensuite on arrose
légèrement et on recouvre d’une petite couche de terreau. Les graines
grosses, comme les pois, les haricots d’Espagne, etc., se plantent par
une, deux ou trois, dans des trous faits avec le plantoir à quatre ou
cinq centimètres de profondeur; on arrose, puis on remplit le trou
de terre mêlée de terreau. Les semis en terrines et en pots ont cet
avantage qu’on peut les arroser en dessous en plongeant dans l’eau le
vase jusqu’au tiers de sa hauteur; le fond du vase étant percé, l’eau
monte doucement dans la terre et active singulièrement la végétation.
Soit que l’on sème pour rester en place ou pour relever le plant et le
repiquer, les soins à donner sont les mêmes.

Les grosses graines germant plus lentement que les petites, on peut
en hâter la germination en les faisant tremper dans l’eau pendant
vingt-quatre heures avant de les mettre en terre. S’il s’agit d’un
semis de noyaux, il faut les faire stratifier pendant plusieurs mois
avant de les employer. Pour cela, on met dans un baquet un lit de
noyaux sur une couche de sable fin; on les recouvre d’une autre couche
de sable, et ainsi de suite. Cela se fait en automne. Lorsque le froid
commence à se faire sentir, on place le baquet à la cave. On arrose
fréquemment. Au printemps, les noyaux sont germés et on peut les
planter.

Les graines d’un certain nombre de plantes ayant besoin pour germer
d’une chaleur plus grande que celle de la température ordinaire du
printemps, les jardiniers qui cultivent en grand les sèment sur
couches. Dans les petits jardins, sur les terrasses et les balcons,
on pourra remplacer les couches par un procédé très-simple: au milieu
d’une caisse-parterre, on pratiquera un trou de deux mètres de
circonférence; on l’emplira aux deux tiers de fumier de cheval bien
tassé, puis on achèvera de le remplir avec de la terre franche mêlée de
terreau, et on sèmera dessus. C’est ce qu’on appelle _semer sur capot_.
Il faudra arroser peu et souvent. Si la plante est délicate, on la
couvrira d’une cloche qu’on lèvera très-peu d’abord, vers le milieu du
jour, puis successivement un peu plus, jusqu’à ce qu’elle ait acquis
assez de force pour supporter l’air libre. C’est alors seulement qu’on
pourra la transplanter sans danger.

La transplantation ne se supporte pas également bien par toutes les
plantes. Il sera donc nécessaire de semer les plus délicates dans de
petits pots que l’on enterrera ensuite dans le _capot_ jusqu’au niveau
de leur bord supérieur; on les gouvernera comme il est dit ci-dessus
jusqu’à ce qu’elles soient assez fortes pour supporter l’air libre;
alors on déterre le pot, on le casse avec précaution et l’on met la
plante en place avec toute la terre qui l’environne.

Il n’y a pas de règles fixes pour la profondeur à laquelle on doit
mettre les graines dans la terre: ainsi que nous l’avons dit, les
graines fines doivent être simplement jetées sur la terre, que l’on bat
légèrement ensuite et que l’on arrose après l’avoir légèrement couverte
d’un peu de terreau ou de paille hachée; quant aux graines que l’on
enterre, il vaut mieux qu’elles ne le soient pas tout à fait assez
que de l’être trop; car, dans le premier cas, on peut les rechausser,
tandis que, dans le second, elles pourrissent. Pour les graines de la
grosseur du haricot, une profondeur d’un peu moins de deux centimètres
est suffisante.


MULTIPLICATION PAR CAIEUX

_Tout est dans tout_, a dit un philosophe moderne. Le paradoxe est
peut-être un peu bien osé; mais il y a aujourd’hui tant de belles et
grandes vérités qui ont été longtemps à l’état de paradoxe, qu’on peut
bien donner droit de cité à celui-là. _Que sais-je?_ disait Montaigne;
et que savons-nous de plus aujourd’hui? Nous sommes entourés d’assez de
merveilles pour ne pas croire à l’impossible. Voyez cette tulipe parée
des plus riches couleurs; dans quelques jours, sa brillante corolle
tombera, le soleil mûrira la graine qui aura succédé à la fleur;
chacune de ces graines donnera une tulipe semblable à celle qui a
vécu. Mais ce n’est pas tout: arrachez la racine, détachez de l’oignon
principal les petits oignons qui y sont adhérents et qu’on nomme
_caïeux_, et chaque caïeu donnera encore une tulipe, et la fleur qu’il
produira n’en sera pas moins belle.

Toutes les plantes à oignons produisent des caïeux qu’il suffit de
planter à la saison suivante pour en obtenir des sujets qui ne cèdent
en rien à la plante mère; mais il est important de ne séparer les
caïeux de l’oignon qu’au moment de les replanter, car non-seulement ils
se conservent mieux, mais ils s’améliorent tant que dure leur union.

On appelle aussi caïeux les petites pattes ou griffes qui croissent sur
les grosses, comme chez les dahlias, les renoncules, etc.

Les oignons, lorsqu’on les retire de la terre, doivent être
soigneusement étiquetés, afin que, si l’on fait des plates-bandes, il
soit facile d’alterner les nuances de la manière la plus agréable à
l’œil.


MULTIPLICATION PAR BULBES

Les bulbes, bulbilles ou saboles, sont de petits corps ronds et charnus
qui, chez les plantes bulbeuses, naissent aux aisselles des feuilles,
au bas de la tige, et quelquefois à la racine. Ces bulbes se détachent,
se conservent, et, traitées comme les caïeux, elles donnent le même
résultat.


MULTIPLICATION PAR ŒILLETONS & REJETONS

Les rejetons et les œilletons sont une seule et même chose; ce sont des
pousses qui naissent de la racine de la plante mère: si ces pousses
se produisent tout près de la plante à laquelle elles appartiennent,
on les nomme _œilletons_, et _rejetons_ si elles naissent à quelque
distance de la tige principale. Rejetons ou œilletons s’enlèvent en
automne, à moins qu’on ne craigne que l’hiver ne les détruise. Dans ce
dernier cas, on les sépare au printemps, et on les transplante aussitôt
dans une terre meuble et bien préparée.

Pour que les racines donnent des œilletons ou rejetons, il faut
qu’elles soient près de la surface de la terre; si elles étaient
enfoncées, il faudrait en mettre à nu quelques parties sur lesquelles
les rejetons ne tarderaient pas à paraître.


MULTIPLICATION PAR ÉCLATS

Ce moyen de multiplication s’emploie pour les plantes vivaces dont les
racines ont beaucoup de chevelu. En automne, on enlève la plante, on
en sépare les racines en plusieurs parties, et l’on replante chaque
partie séparément. Pour le plus grand nombre des plantes à racines
fibreuses, cette séparation peut se faire avec une bêche, une houlette,
des ciseaux, etc.; mais il en est quelques-unes que le contact du
fer suffit pour faire mourir, il est donc plus sûr d’opérer cette
séparation, qui est très-facile d’ailleurs, avec les mains et sans le
secours d’aucun instrument.


MULTIPLICATION PAR MARCOTTES

La multiplication par marcottes est à la fois une des plus faciles
et des plus importantes, en ce que beaucoup de plantes délicates ne
peuvent, dans nos climats, se reproduire d’une manière satisfaisante
que par ce moyen. On marcotte de plusieurs manières; les principales
sont les marcottages par _torsion_, par _incision_, par _circoncision_,
par _strangulation_, par _amputation_ et par _buttes_.


MARCOTTAGE PAR TORSION.--Ce moyen est le plus sage et le plus
généralement employé pour la reproduction des arbustes. On choisit
une des branches les plus voisines du sol, on en ôte les feuilles, et
on la tord à la partie qui doit être enterrée jusqu’à ce que l’écorce
se déchire. Alors on abaisse cette partie de la branche, on la couche
dans la terre, on la couvre, et après l’avoir consolidée dans cette
position au moyen d’un crochet en bois enfoncé dans la terre, on
fait prendre à la portion supérieure de la branche la position la
plus verticale possible. Ce procédé demande une main délicate et une
certaine dextérité; par exemple, il peut arriver qu’en tordant la
branche on la rompe en partie, et alors l’opération est manquée; il
en est de même lorsque la branche, abaissée jusque sur le sol, se
détache en partie de la tige; cela se comprend, car jusqu’à ce que
la portion tordue et enterrée de la branche jette des racines, elle
peut vivre sans le secours de la plante mère; c’est une enfant à la
mamelle qu’il faut sevrer graduellement. Ainsi, lorsque la marcotte
est bien enracinée, alors qu’elle peut prendre facilement dans le sol
toute la nourriture qui lui est nécessaire, il serait encore dangereux
de la séparer brusquement de la plante mère; il faut la couper peu
à peu: aujourd’hui on fait une incision qui enlève l’écorce, dans
deux ou trois jours l’entaille attaquera la partie ligneuse, et
successivement cette entaille deviendra plus profonde jusqu’à ce qu’on
arrive à une amputation complète. La marcotte est alors dans toute sa
vigueur; mais ce sont là de doux enfants qui ne crient point, qui ne
sont ni maussades, ni hargneux; la tendresse qu’on ressent pour eux
peut être poussée sans danger jusqu’à la plus extrême faiblesse; ils
peuvent faire goûter toutes les joies maternelles sans en faire jamais
ressentir les douleurs.


MARCOTTAGE PAR INCISION.--Ce procédé est à peu près semblable au
précédent; il n’en diffère que par la fente que l’on fait à la partie
de la branche qui doit être enterrée; on maintient cette fente ouverte
en y insérant une petite pierre, et l’on opère du reste comme il est
dit ci-dessus.


MARCOTTAGE PAR CIRCONCISION.--La différence entre ce procédé et ceux
qui le précèdent consiste à enlever un anneau de l’écorce à l’endroit
de la branche qui doit s’enraciner. Quelques horticulteurs prétendent
que cette opération accélère la pousse des racines; mais cela ne paraît
pas bien certain. _Tordre_, _inciser_, sont des opérations bien assez
terribles pour de douces mains; laissons la loi de Moïse aux enfants
d’Israël.


MARCOTTAGE PAR STRANGULATION.--Voilà encore un bien vilain mot pour
une chose si simple, et non-seulement le mot est désagréable, mais il
ne donne pas une idée juste de la chose. La marcotte, en effet, n’est
pas étranglée par ce procédé, car si elle l’était, elle ne pourrait
recevoir aucune nourriture de la plante mère, en attendant qu’elle
ait des racines, et elle mourrait sur-le-champ. Ce qu’on est convenu
d’appeler strangulation consiste à serrer fortement au-dessous d’un œil
la marcotte à l’endroit qui doit être mis en terre, au moyen d’un fil
ciré ou un fil de fer; la marcotte n’est pas étranglée, mais seulement
comprimée de manière à ne recevoir de la plante mère qu’une partie des
substances nécessaires à sa vie, ce qui l’oblige à tirer l’autre partie
du sol. C’est toujours le système du sevrage gradué.


MARCOTTAGE PAR AMPUTATION.--En vérité, les horticulteurs passeraient
pour des gens bien féroces s’il fallait les juger d’après les noms
effrayants qu’ils ont donnés aux opérations les plus simples et les
plus innocentes. Amputation, ici, veut dire une entaille de deux à
trois centimètres de long qui doit enlever l’écorce et entamer un peu
le bois. Au bout de quelque temps, il se forme sur les bords de cette
entaille un bourrelet; c’est ce bourrelet que l’on met et maintient
dans la terre, où il ne tarde pas à s’enraciner.


MARCOTTAGE PAR BUTTES.--Ce marcottage n’est employé que pour multiplier
les plantes en touffes. On forme autour des plus jeunes sujets une
butte de terre grasse, assez élevée pour que ces sujets y soient
emprisonnés jusqu’aux deux tiers de leur hauteur. On coupe ensuite
ces jeunes plantes au-dessus de la butte, et l’on entretient celle-ci
dans un état constant d’humidité. Au bout d’un an, on coupe ces jeunes
sujets sous la butte, au rez du sol. On a ainsi autant de jeunes
plantes nouvelles qu’il y a de jeunes tiges dans la butte; ce qui
n’empêche pas la plante mère de repousser avec vigueur.


RÈGLES GÉNÉRALES.--Dès que l’on a couché la marcotte en terre, il
faut arroser cette terre de manière qu’elle soit toujours humide. En
relevant la marcotte après l’avoir séparée de la plante mère, il faut
enlever avec elle la motte de terre dans laquelle elle a jeté ses
racines, et la transplanter avec cette terre.

Lorsque la branche que l’on veut marcotter est trop éloignée du sol
pour qu’il soit possible de l’y coucher sans risquer de la casser, on
peut faire passer cette branche dans un pot percé, rempli de terre, et
soutenu par une perche. La partie tordue ou incisée doit se trouver au
milieu du pot; on arrose fréquemment, et lorsqu’on sépare le sujet de
la plante mère, il se trouve tout naturellement transplanté.

Beaucoup de fleurs, et particulièrement les œillets, ne se reproduisent
d’ordinaire que par marcottes. Les plantes ainsi reproduites ne
dégénèrent pas, mais restent les mêmes, et ce n’est que par semis qu’on
peut obtenir des variétés.


MULTIPLICATION PAR BOUTURES

Il est certaines plantes, comme le peuplier, l’osier, etc., dont il
suffit de couper une branche et de la ficher en terre pour qu’elle
reprenne aussitôt; c’est ce qu’on appelle bouture. N’est-il pas
prodigieux qu’un membre ainsi violemment enlevé se métamorphose en un
individu absolument semblable à celui dont il n’était qu’une faible
partie? Mais pourquoi ce qui est si facile pour beaucoup de plantes
est-il excessivement difficile pour un grand nombre et absolument
impossible pour quelques-unes? C’est ce que nul ne sait, et ce que nul
ne saura probablement jamais. Il faut bien en convenir, les savants
les plus justement honorés ne sont que de grands ignorants incapables
de faire suivre de _parce que_ la millième partie des _pourquoi_ qui
peuvent se formuler à chaque instant autour d’eux. Il faut donc se
contenter de voir et d’admirer, et c’est souvent un passe-temps si
doux, qu’il est facile de s’en contenter.

En général, les plantes dont le bois est tendre, la moelle abondante,
se reproduisent aisément par bouture; celles dont le bois est sec et
dur se multiplient très-difficilement par ce procédé.

L’opération, comme on vient de le voir, est très-simple; mais quand
on veut en assurer le succès, il est bon d’y mettre plus de soin.
Ainsi, on coupera la branche dont on veut faire une bouture au-dessous
d’un nœud ou bouton; cette branche doit être coupée horizontalement,
de manière que l’endroit de la section ait la forme d’un sifflet; on
détache ensuite les feuilles de la branche depuis le bas jusqu’aux
deux tiers de sa longueur. Ces diverses opérations doivent être faites
avec un instrument bien tranchant, afin que les coupures soient
nettes et que l’écorce ne soit pas déchirée. Cela terminé, on mettra
immédiatement les boutures dans la terre qu’on aura préparée d’avance
selon la nature des sujets que l’on veut reproduire: aux boutures des
plantes grasses, la terre franche suffit; les boutures d’arbres et
d’arbustes de pleine terre et même d’orangerie s’accommodent mieux
d’une terre moitié franche et moitié légère; les boutures des végétaux
à tige tendre et succulente reprennent facilement dans le sable; enfin
les boutures des plantes les plus délicates doivent être mises en terre
de bruyère pure ou légèrement mélangée de terreau.

Les boutures des arbres et arbustes de pleine terre doivent se faire
vers la fin de février; celles des plantes d’orangerie se font au
printemps.

Bien que la méthode que nous venons d’enseigner pour faire des boutures
soit la plus généralement employée, il en est pourtant d’autres: ainsi,
un an avant de couper la branche, on l’entoure quelquefois d’un fil de
fer serré en anneau à l’endroit où elle doit être mise en terre. Cet
anneau, interceptant une partie de la séve, il se forme à cet endroit
une espèce de bourrelet qui facilite la reprise; c’est ce qu’on nomme
_bouture à bourrelet_.

Il arrive aussi qu’on détache la branche d’une autre branche, en
amputant une partie de cette dernière, qui doit former une sorte de
crochet; c’est la _bouture en crochet_.

Les boutures des plantes dont le bois est dur, sec, se mettent en
pot, rempli de terre de bruyère. Ce pot doit être ensuite enfoncé
jusqu’au niveau de son bord dans une couche ou dans le capot d’une
caisse-parterre (voir plus haut _multiplication par graines_), et l’on
couvre ce pot d’une cloche que l’on soulève de temps en temps, jusqu’à
ce que la bouture soit assez bien reprise pour supporter l’air libre;
c’est ce que les jardiniers appellent _bouture étouffée_.


MULTIPLICATION PAR GREFFE

La greffe est le triomphe de l’art sur la nature, c’est l’opération
d’horticulture la plus utile et la plus merveilleuse. Jusqu’ici nous
avons vu les plantes se reproduire, se multiplier par d’ingénieux
procédés; maintenant nous allons les voir se métamorphoser de
mille manières. C’est là certainement un des plus grands, des plus
inexplicables mystères de la végétation. Par exemple, les personnes
étrangères à l’horticulture croient communément qu’en plantant un noyau
de cerise, on pourra obtenir, avec le temps, un cerisier donnant des
fruits de la même qualité que celui auquel appartient le noyau; cela
est logique, c’est tout ce qu’il y a de plus rationnel. Eh bien, cela
n’est pas vrai: plantez le noyau d’une de ces belles cerises dites
de Montmorency, apportez tous les soins imaginables à l’entretien
de l’arbre qui en résultera, et lorsqu’il donnera des fruits, vous
récolterez de petites merises aigres, n’ayant en quelque sorte qu’un
noyau recouvert d’une pellicule dure et sèche. Il en est de même pour
tous les fruits. Qui dira encore la cause de cela? Cela est, donc
cela doit être; il ne nous est pas permis d’aller plus loin. Mais de
ce qu’on ne connaît pas la cause du mal, ce n’est pas à dire qu’on
ne puisse y remédier, et le remède ici est la greffe, au moyen de
laquelle on reproduit les variétés les plus précieuses. La greffe, en
effet, consiste à faire rapporter à une plante des fleurs et des fruits
absolument différents de ceux qu’elle eût donnés naturellement. Coupez
les branches de ce merisier, dont les fruits sont si aigres; fendez-en
le tronc; insérez dans les fentes quelques petites branches enlevées
au cerisier de Montmorency, et au lieu de merises, il vous donnera des
cerises semblables à celles dont le noyau vous aura produit un si grand
désappointement; et non-seulement vous lui ferez produire des cerises,
mais des prunes, des abricots, des pêches, les uns et les autres, et
même tous ensemble si vous opérez savamment.

La greffe embellit les fleurs, améliore les fruits; mais les végétaux
sur lesquels on la pratique perdent beaucoup de leur vigueur et de
leur force, et ils vivent moins longtemps que ceux qui n’ont pas subi
cette opération. Si l’on attend qu’un sujet ait acquis une grande force
pour le greffer, il sera lent à produire des fruits; si, au contraire,
on le greffe alors qu’il est encore faible, il donnera des fruits
promptement; mais il durera moins. La greffe, enfin, est une opération
qui augmente l’activité de la vie des plantes en en diminuant la durée.
On ne peut pas tout avoir: la beauté et la durée sont nécessairement
antipathiques. C’est là, Mesdames, encore une de ces douloureuses
vérités qu’il est permis aux parties intéressées d’appeler des
paradoxes.

La greffe se pratique de plusieurs manières; les principales sont la
_greffe en fente_, la _greffe en écusson_, la _greffe en couronne_, la
_greffe en approche_, la _greffe anglaise_ et la _greffe herbacée_.


GREFFE EN FENTE.--C’est la plus facile, et, par conséquent, la plus
usitée. Il faut d’abord choisir un sujet sain et vigoureux. On entend
par _sujet_ l’arbre que l’on veut greffer; la _greffe_ est une branche
que l’on prend sur l’arbre dont on veut donner les propriétés au sujet.
Supposons qu’il s’agisse de métamorphoser un églantier ou rosier
sauvage en rosier à cent feuilles. Après avoir coupé les branches de
l’églantier, vous pratiquez à la partie supérieure de sa tige une
fente longitudinale dans laquelle vous insérez une branche de l’année
précédente, prise sur le rosier à cent feuilles, et taillée en biseau à
son extrémité inférieure. La greffe doit être plus petite que le sujet;
à la rigueur, elle pourrait être de la même grosseur; mais si elle
était plus grosse, elle ne réussirait pas. Cette branche ou greffe doit
être coupée à son extrémité supérieure de manière qu’elle ne porte que
deux ou trois yeux. Il n’est pas nécessaire que son insertion soit bien
profonde; mais il faut absolument que les parties de l’écorce du sujet
soient en contact parfait avec les parties de l’écorce de la greffe,
c’est par l’écorce que se fait et que se consolide la reprise.

On peut placer plusieurs greffes sur le même sujet lorsqu’il est assez
fort. On peut aussi ne greffer qu’une partie du sujet: ainsi on peut
greffer des roses blanches sur un rosier rose de manière qu’il nous
donne simultanément ces deux variétés, et ces modifications peuvent
s’étendre à l’infini sous une main bien exercée.

Lorsque la greffe est placée dans la fente du sujet, on pratique une
ligature avec de la laine, à la hauteur de la fente, et on entoure le
tout d’un mastic ainsi composé:

    Poix de Bourgogne      5/10èmes
    Poix noire             2/10
    Cire jaune             1/10
    Résine                 1/10
    Suif de mouton         1/10

Le tout fondu à petit feu, bien mélangé et employé pas précisément
chaud, mais avant d’être entièrement refroidi.


GREFFE EN COURONNE.--Elle ne se pratique que sur des sujets très-forts,
sur un tronc coupé aux deux tiers de sa hauteur, par exemple. On
pratique sur ce sujet, à l’aide d’un petit coin de bois, une ouverture
entre le bois et l’écorce sur toute la circonférence; on place ensuite
dans cette ouverture, et en forme de couronne, les greffes préparées
comme pour greffer en fente, en ayant soin que l’écorce du sujet et
celle des greffes se touchent, et on achève l’opération comme pour la
greffe en fente.


GREFFE EN ÉCUSSON.--On ne pratique cette greffe que sur les arbres et
arbrisseaux dont l’écorce se détache facilement. On pourra greffer
de cette manière au printemps pendant la séve et en automne. Faite
en automne, on la nomme _greffe à œil dormant_, parce qu’elle ne
reprend qu’au printemps suivant; faite au printemps, pendant la séve,
on l’appelle _greffe à œil poussant_, parce qu’elle pousse presque
aussitôt: mais en général, celle pratiquée en automne réussit mieux.

Si l’on opère en novembre, on choisira pour prendre la greffe une
branche de cette même année. Avec le tranchant du greffoir on incise
l’écorce de cette branche en forme d’écusson, tout autour d’un œil bien
nourri; puis, glissant le greffoir sous cet écusson, entre l’écorce et
l’aubier, on le détache, on fait aussitôt sur le sujet deux incisions,
l’une horizontale, un peu plus large que l’écusson; l’autre verticale,
de manière que les deux incisions forment cette figure T, si l’on opère
en automne, et celle-ci ⟘, si c’est au printemps. On glisse ensuite le
greffoir sous l’écorce ainsi incisée jusqu’à l’aubier, et on la détache
assez pour pouvoir glisser dessous l’écorce qui est la greffe, puis on
coupe horizontalement la partie supérieure de cet écusson, de manière
que l’écorce de la greffe et celle du sujet soient réunies. On fait
ensuite, avec de la laine ou du chanvre, une ligature qui maintienne
les choses en cet état, et que l’on aura soin de desserrer à mesure que
le sujet grossira.


GREFFE EN APPROCHE.--Ce genre de greffe réussit sur tous les arbres
et arbrisseaux, pourvu que greffe et sujet soient assez voisins pour
pouvoir se toucher. Supposons, par exemple, qu’un lilas et un syringa
soient assez voisins pour que l’on puisse mettre en contact une branche
de l’un avec une branche de l’autre, il sera facile alors d’obtenir du
lilas sur le syringa, et du syringa sur le lilas. Les branches étant
autant que possible de grosseur égale, on incisera jusqu’à la moelle
la branche de lilas et celle de syringa; on les appliquera et on les
maintiendra l’une contre l’autre dans la partie incisée, à l’aide d’une
ligature et du mastic composé comme il est dit plus haut. Si c’est le
lilas qui doit produire du syringa, on coupera à quelques centimètres
au-dessus de la ligature la branche du lilas qui est le sujet, afin de
forcer la séve à monter dans la greffe; on fera la même chose dans le
sens opposé, si l’on veut faire produire du lilas au syringa. Lorsque
la soudure sera complète, on pourra couper la greffe au-dessous de la
reprise, mais non tout d’un coup: on fera d’abord une entaille qu’on
rendra successivement plus profonde jusqu’à ce que la section soit
entière.

La greffe en approche peut se faire de mars en septembre; mais elle
réussit mieux lorsque la séve monte que lorsqu’elle descend.


GREFFE ANGLAISE.--Pour que cette greffe réussisse, il faut que le sujet
soit jeune, et que sujet et greffe soient de la même grosseur: l’un et
l’autre sont coupés en biseau de même longueur et en sens inverse, afin
de s’ajuster parfaitement; mais comme, malgré la ligature, la greffe
pourrait glisser, on pratique à la partie correspondante du biseau de
la tige une entaille ascendante, de manière que la greffe se trouve
accrochée au sujet, et l’on termine comme pour la greffe en fente.
Cette greffe ne réussit bien qu’au printemps.


GREFFE HERBACÉE.--C’est tout simplement la greffe en fente appliquée
aux plantes herbacées ou aux plantes ligneuses alors qu’elles sont
encore jeunes et molles. On l’emploie avec succès lorsque le sujet
est dans toute sa force de végétation, c’est-à-dire un peu avant la
floraison. Le sujet et la greffe étant très-tendres, il faut opérer
avec beaucoup de dextérité; elle est d’ailleurs peu en usage pour les
fleurs.


ÉDUCATION DES PLANTES

De graine, de rejeton, marcotte ou autrement, la plante est née. C’est
maintenant surtout que la tendresse et les soins maternels lui sont
nécessaires: un coup de vent peut suffire pour renverser, anéantir ces
pauvres petits individus sortis de la terre pour sourire au soleil.
Le mouvement de locomotion dont ils ne sont pas doués est pourtant
indispensable à un grand nombre d’entre eux. C’est le moment, Mesdames,
de leur tendre une main secourable pour leur faire quitter ce berceau
où ils sont mal à l’aise, maintenant qu’ils commencent à grandir. Mais,
prenez garde! quelque tendre que soit votre cœur, quelque douce que
soit votre blanche main, il suffirait de la plus légère distraction
pour que vous ayez à vous reprocher la mort de ces frêles enfants.

Dès que la plante obtenue par un des moyens indiqués plus haut, à
l’exception de la greffe, a atteint une certaine force, il s’agit de la
placer, soit en pleine terre, soit en caisse-parterre, ce qui est à peu
près la même chose, soit en caisse ou en pot; c’est ce qu’on appelle
_repiquage_, une des plus importantes opérations d’horticulture.


REPIQUAGE.--Soit que l’on ait semé en pleine terre, sur couches ou sur
_capot_, ce qui est la même chose; soit, ainsi que nous venons de le
dire, que le sujet vienne de marcotte, bouture, etc., il arrive un
moment où il faut l’enlever pour le mettre plus à l’aise, à la place
qu’il doit orner. Si les sujets à repiquer sont en pot, on casse ce
dernier avec précaution, on divise la terre qu’il contient en autant
de parties qu’il y a de sujets; on enlève chacun de ceux-ci avec la
partie de terre qui lui est adhérente, on le met dans le trou préparé à
le recevoir, et on arrose sur-le-champ. Lorsque le sujet qu’il s’agit
de repiquer est en pleine terre, on l’enlève avec le transplantoir;
mais si les plants n’étaient pas assez espacés, on les enlèverait
collectivement en passant la houlette dessous, sauf à les séparer
ensuite comme ceux semés en pot.

Les plantes robustes se transplantent à nu, c’est-à-dire qu’on
les arrache tout simplement du lieu où elles sont pour les placer
symétriquement dans un autre. Dans ces plantes, on retranche
quelquefois le pivot de la racine, lorsqu’il est trop long, ce qui nuit
à la reprise, et l’on ôte une partie du chevelu, quand il est trop
abondant. Mais la règle est difficile à poser sur ce point, et le plus
sage est de laisser les racines entières et de ne pas les blesser.

Il est bien entendu que chaque plante doit être repiquée dans la terre
qui lui convient, laquelle aura été ameublie, et que les arrosements
seront fréquents jusqu’à ce que la reprise soit complète.


TRANSPLANTATION.--On procède pour la transplantation à peu près de la
même manière que pour le repiquage. Cette opération ne se fait avec
succès que vers la fin de novembre. S’il s’agit de transplanter un
arbuste ou un arbrisseau, on en coupe les branches; mais il ne faut pas
toucher aux racines, et si, par accident, on en avait blessé quelques
parties, il faudrait amputer sur-le-champ les parties lésées avec un
instrument bien tranchant. Le mal, de cette manière, serait moins
grand, mais il ne serait pas entièrement réparé. Les arbres toujours
verts se transplantent en enlevant avec les racines la motte de terre
qui les environne; on ne coupe pas les branches.


ARROSEMENTS.--Nous devons répéter ici que l’eau n’est pas moins
nécessaire aux plantes que l’air et la lumière; mais toutes n’ont pas
un égal besoin d’humidité, et il y a un grand nombre de gradations
entre la plante qui naît, vit et est fécondée au fond des fleuves et
celle qui végète sur les plus arides rochers. Nous ne pouvons indiquer
qu’une règle générale qui consiste à n’arroser que fort peu les plantes
grasses, charnues, spongieuses, et à arroser davantage, mais sans excès
pourtant, les plantes fibreuses et ligneuses.

Dans l’hiver, on arrosera après le lever du soleil, afin que l’eau ne
puisse être saisie par la gelée; dans l’été, au contraire, il faut
arroser le soir, après le soleil couché, pour que l’eau ne s’évapore
pas avant d’avoir pénétré dans la terre.

L’eau dont on se sert pour arroser doit avoir le même degré de chaleur
que la température; si donc on se servait de l’eau d’un puits profond,
il faudrait, avant de l’employer, l’exposer à l’air pendant plusieurs
heures. L’eau de pluie est la plus favorable à la végétation. Ce n’est
pas seulement le pied des plantes qu’il faut arroser, mais encore les
tiges, les rameaux, les feuilles; les fleurs seules ne doivent pas
recevoir d’eau.


RENCAISSAGE.--Rencaisser ou rempoter, c’est enlever une plante du vase
où elle se trouve pour la placer dans un autre, afin d’en renouveler
la terre. Une plante peut demeurer sans danger pendant deux ans dans
le même vaisseau, et au maximum trois ans; mais alors il faut la
rencaisser, ce qui se fait avec le plus de succès au commencement du
printemps. Après avoir laissé un peu sécher la terre, on enlève la
plante, on en secoue doucement les racines, on les ébarbe légèrement
avec un instrument bien tranchant, puis on les enterre dans un autre
vase préparé à cet effet; on arrose, et l’opération est terminée. Une
autre opération, appelée _demi_-rempotage, consiste à enlever chaque
année, au printemps, avec une houlette, le tiers ou la moitié de la
terre contenue dans le pot, et à la remplacer par de la terre nouvelle
de même espèce.

Lorsqu’une plante dépérit sans cause apparente, il faut la dépoter
sur-le-champ, en examiner les racines, les laver soigneusement, et
si l’on y découvre quelque plaie, retrancher la partie malade en la
coupant le plus nettement possible. On rempote ensuite la plante, et
si elle est délicate, on la met sur capot et sous cloche jusqu’à ce
qu’elle ait repris assez de vigueur pour supporter l’air libre.


INSECTES

MOYENS DE LES DÉTRUIRE

Quatre sortes d’insectes sont particulièrement redoutables aux fleurs:
ce sont les _pucerons_, les _fourmis_, les _kermès_ et les _tiquets_...
Les pucerons sont surtout abondants dans les années humides; ils
s’établissent à l’extrémité des rameaux, détruisent les feuilles et
souvent les fleurs. S’ils n’apparaissent pas en trop grand nombre, on
peut les détruire en les faisant tomber à l’aide d’une petite brosse,
et même avec la barbe d’une plume; s’ils sont abondants, il faut
arroser les rameaux dont ils se sont emparés avec une eau de savon
légère.


Les fourmis sont plus difficiles à détruire, à cause de leur activité,
qui fait qu’elles sont ici, là et ailleurs presque en même temps; mais
il est facile de les empêcher d’envahir les plantes à tige: ce moyen
consiste à entourer la tige, vers le milieu de sa hauteur, d’un assez
large anneau de coton cardé qu’elles ne peuvent franchir. Lorsque
le contact de l’air, de l’eau, de la poussière commence à durcir le
coton, on le change. Cela n’est nécessaire que pour les plantes en
pleine terre; quant à celles en pots et en caisses, il suffit de les
placer dans un lieu que l’on environne d’eau.


Les kermès sont une sorte de punaises qui attaquent particulièrement
les orangers; le meilleur et le plus sûr moyen pour s’en débarrasser
est de laver la tige et les branches avec de l’eau claire et une brosse
rude, et d’arroser les feuilles avec de l’eau de savon.


Les tiquets sont des insectes qui se logent le plus communément sur
les lis; on les détruit en arrosant les plantes avec une décoction de
tabac. Cette décoction seule suffirait pour détruire tous les insectes
qui nuisent aux fleurs; mais il est un grand nombre de plantes qui
ne pourraient supporter cet arrosement, qu’on ne doit employer que
modérément et avec précaution.


TAILLE DES ARBUSTES

ARBRISSEAUX ET ARBRES

L’opération de la taille n’est importante que pour les arbres
fruitiers; quant aux arbrisseaux et arbustes d’agrément, on ne les
taille qu’en vue de leur donner la forme la plus agréable, et dans
certains cas aussi pour accélérer la végétation. Il suffira donc ici
d’en exposer les principes généraux que voici:

Les petites branches se taillent avec une serpette bien tranchante; la
coupure doit être nette, sans mâchure ni égratignure sur les bords.
L’endroit où s’est faite la solution de continuité doit être plane et
être, autant que possible, à l’exposition du nord. Pour les grosses
branches on peut employer la scie à main; mais on doit ensuite unir la
surface avec la serpette ou tout autre instrument tranchant.

Quand on coupe une branche, il faut qu’il y ait au moins un œil
au-dessous de l’endroit où se pratique l’amputation.

Il est important surtout de s’attacher à retrancher ce qu’on appelle
les _branches gourmandes_, qui ne produisent rien, n’ont pas d’yeux et
se développent avec rapidité aux dépens des branches productives.

L’époque la plus convenable pour la taille est la fin de février ou les
premiers jours de mars.

Plus les branches d’un arbre ou arbrisseau croissent rapidement, moins
elles donnent de fleurs et de fruits; la séve, montant trop vite,
n’agit plus sur les boutons; on dit alors que l’arbre _s’emporte en
bois_. Dans ce cas, il ne faut pas avoir recours à la taille, il est
trop tard; cette opération ne pouvant jamais être faite avec succès
que lorsque la séve est en repos. Mais il est un moyen bien simple
d’empêcher que les rameaux prennent un trop grand développement: il
suffit pour cela de pincer avec les ongles l’extrémité des rameaux qui
ont une tendance à s’emporter. Cela ne diminue pas l’énergie de la
séve, mais l’oblige à refluer sur les boutons.

Il arrive quelquefois que l’on est dans la nécessité de couper toutes
les branches d’un arbrisseau, soit parce qu’on en veut changer la
direction, soit qu’à la suite d’une maladie l’arbre n’ait plus assez
de vigueur pour les supporter. Cette opération doit être faite
avec beaucoup de soin, et de manière à ne pas arrêter tout à fait
la végétation. Il faut, dans ce cas, laisser au sommet de la tige
quelques-unes de ces petites branches appelées brindilles, garnies de
boutons, sauf à supprimer ces brindilles plus tard, lorsque l’arbre
aura repris une vigueur suffisante. Il est aussi nécessaire, après
avoir coupé les plus grosses branches, de couvrir avec de la cire à
greffer la place où l’amputation a été pratiquée.

L’opération appelée _tonte_ demande moins de soin; elle consiste à
donner à un arbre ou arbuste une forme quelconque, à l’aide de grands
ciseaux avec lesquels on coupe symétriquement les extrémités des
branches. C’est par la tonte que les orangers du jardin des Tuileries,
à Paris, et des principaux jardins publics, ont pris et conservent tous
la même forme et ressemblent à des boules de feuillage. On peut par le
même procédé avoir des arbustes en forme de pyramide, de gobelet, etc.
Mais nous sommes loin d’approuver cette régularité, cette symétrie qui
change l’aspect naturel des plantes, et leur enlève tout ce qu’elles
ont d’agreste et de capricieux. C’est de la tyrannie, et aussi de la
barbarie et de la cruauté, puisqu’en agissant ainsi on substitue sa
volonté à celle de la nature, et qu’on fait souffrir l’opprimé en
même temps qu’on lui enlève une partie de ses charmes. Taillez donc,
mesdames, et ne tondez point; car tailler c’est guérir, et tondre c’est
blesser.

Tels sont, belles lectrices, les éléments de cette science ou de cet
art si facile à acquérir, et source intarissable de tant de pures
jouissances dont tous les artifices de style seraient impuissants à
donner une juste idée. Véritables Fleurs animées, c’est à vous qu’il
appartient de faire vivre, de diriger et d’embellir ces sœurs, ces
frêles et délicieuses compagnes que vous a données le ciel, après vous
avoir douées de cette intime délicatesse qui vous en fait sentir tout
le prix. L’amour des fleurs est inné dans le cœur de la femme, et nous
ne doutons pas que beaucoup d’entre vous, mesdames, ne possèdent par
intuition l’art de les cultiver. Nous ne laisserons pas néanmoins de
vous donner quelques conseils sur la culture particulière de chacune
des plus belles. Un bon avis est un œil dans la main, dit la sagesse
des nations, et il n’est pas impossible qu’à la plus savante un peu
d’aide fasse grand bien.

[Illustration]



SECONDE PARTIE


CULTURE SPÉCIALE

DES PRINCIPALES FLEURS

INDIQUÉE PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE


Nous faisons ici l’abstraction de la botanique; nous ne rangeons donc
pas les fleurs par tribus, par familles, par genres, mais simplement
par ordre alphabétique. Il ne s’agit plus de compter les pistils,
les étamines, les pétales; mais bien de savoir ce qu’il faut faire
pour obtenir les plus belles variétés d’un individu, à quelque
tribu, famille et genre qu’il appartienne. C’est ici de la science
facile, dans laquelle on peut pénétrer avec le même succès, soit que
l’on commence par la fin, le milieu ou le commencement; c’est un
dictionnaire, ou plutôt un conseiller toujours disposé à rendre un bon
office sans s’inquiéter de formes ou de méthodes.

Il ne serait pas impossible pourtant que la lecture s’en fît tout d’une
haleine: nous vous avons raconté de plus grands miracles que celui-là,
et encore ici trouverez-vous peut-être quelquefois le conteur sous
l’écorce du jardinier. Espérons donc et commençons.


A


ACONIT.--On cultive trois variétés de cette plante, qui fleurit
en juin; l’_aconit napel_, qui, sur une tige haute communément de
plus d’un mètre, porte des fleurs en épi d’un beau bleu; l’_aconit
à grandes feuilles_, dont les fleurs sont d’un bleu plus vif, et
l’_aconit tue-loup_, qui donne des fleurs jaunes. Plantes à racines
fibreuses.--Terre de bruyère.--Se multiplient par éclats.


ADONIDE D’ÉTÉ.--Plante annuelle qui se multiplie par graines semées
en place, et donne, en juillet, de petites fleurs blanches, jaunes ou
rouges, selon la variété. L’_adonide printanière_ est une autre espèce
qui est vivace, fleurit en juillet et donne de très-belles fleurs
jaunes. Cette dernière peut se multiplier par éclats; la terre de
bruyère convient à toutes deux.


AIRELLE.--Arbuste dont on cultive plusieurs variétés. La plus
remarquable est l’_airelle myrtille_, arbuste de soixante à
soixante-dix centimètres de hauteur, donnant en mai des fleurs en
grelot d’un rose pâle, et en août des baies semblables au raisin d’un
goût très-agréable.--Terre de bruyère. On peut le reproduire par
graines, rejetons et marcottes; mais ce dernier procédé est celui qui
réussit le mieux. Des autres variétés remarquables de cette plante sont
l’_airelle corymbifère_, qui atteint communément une hauteur d’un mètre
et demi; l’_airelle veinée_, arbuste plus petit que le premier. La
culture est la même pour toutes les variétés.


AMARANTE.--Charmante fleur annuelle dont on cultive deux variétés,
l’_amarante en queue_, qui donne en juin des fleurs en épi
très-allongé, et _amarante tricolore_, dont les fleurs sont réunies
en paquet. Ces deux variétés se reproduisent par graines semées à la
fin de mars sur couches ou sur capot.--Terre de bruyère mêlée de terre
franche et de terreau.


AMARYLLIS.--Plante à oignons, fleurissant en septembre.--Terre de
bruyère, multiplication par caïeux que l’on sépare des oignons tous les
deux ans. Nombreuses variétés, dont les principales sont l’_amaryllis
jaune_, la seule variété qui puisse s’accommoder d’une autre terre que
celle de bruyère; l’_amaryllis dorée_, l’_amaryllis à fleurs en croix_,
et l’_amaryllis de Guernesey_, admirable plante du Japon, jetée sur les
côtes de l’île de Guernesey par une tempête, ainsi que nous l’avons dit
plus haut, dans la _Botanique des Dames_.


AMÉTHYSTE.--Plante annuelle, qui donne en juin des fleurs bleues
très-jolies. Multiplication par graines, semées aux premiers jours
d’avril, en terre de bruyère mêlée de terreau.


AMOMON.--Joli arbrisseau dont la hauteur varie d’un mètre à un mètre
et demi. Il donne en août des fleurs blanches, et en septembre des
fruits rouges qui ont la forme de cerises, mais qui ne sont pas
mangeables.--Terre légère.--Multiplication par marcottes et par semis
faits fin de mars.--Beaucoup d’air; terre ameublie; arrosements modérés.


ANCOLIE.--On cultive l’_ancolie commune_ et l’_ancolie du Canada_.
Toutes deux fleurissent en mai; la première donne des fleurs
très-jolies, bleues ou roses; les fleurs de la seconde sont d’un beau
jaune.--Terre de bruyère mêlée de terre franche. Multiplication par
éclats, et par graines, qui doivent être semées aussitôt qu’elles sont
mûres.


ANÉMONE.--Cette belle plante compte un grand nombre de variétés; les
plus jolies sont celles dont les nuances sont pures et bien tranchées,
depuis le bleu du ciel jusqu’au nacarat. On ne peut obtenir ces belles
variétés que par le semis fait au commencement de mars sur terre
franche recouverte de terreau. On arrose fréquemment. La plante, cette
année, ne donne pas de fleurs. En juin ou au commencement de juillet,
les feuilles se fanent; alors on déterre les pattes, et après les
avoir fait sécher à l’ombre, on les replante en octobre, en observant
de laisser entre chacune une distance de trois à quatre centimètres.
Au mois d’avril suivant on obtient des fleurs; on forme alors une
collection, qu’on plante chaque année en octobre. Il est mieux encore
de faire deux collections et d’alterner la plantation, de sorte que
la même collection ne donne des fleurs que tous les deux ans. Loin de
nuire à la plante, ce repos d’une année la fortifie, et elle donne
ensuite des fleurs admirables.--Terre franche.--Déterrer la plante en
juillet et en séparer des tubercules nouveaux.

Les anémones cultivées en pots, dans les appartements, peuvent donner
des fleurs au milieu de l’hiver; mais celles que l’on force ainsi ne se
reproduisent plus; il faut donc se bien assurer des richesses que l’on
possède avant de tuer ainsi la poule aux œufs d’or.


APOCYN.--Plante à racines fibreuses, qui donne en juillet de petites
fleurs roses et blanches en forme de cloche. On nomme aussi cette
plante _gobe-mouche_, parce que la fleur, exhalant une odeur de
miel, attire les mouches qui se trouvent prises dans la matière
visqueuse dont est enduit l’intérieur de la corolle.--Terre légère;
multiplication par éclats en octobre, et par semis en mars.


ARMOISE OU CITRONELLE.--Joli arbuste de soixante à soixante-quinze
centimètres de haut, donnant en août de charmantes petites fleurs
en grappes, et dont les feuilles exhalent une odeur de citron des
plus agréables. Se cultive en pots qu’il faut rentrer aux premiers
froids.--Arrosements modérés. Terre franche mêlée de terre de
bruyère.--Multiplication par semis; mais plus facilement par éclats au
mois de mars.


ASCLÉPIADE.--Plante à racines fibreuses. En juillet, petites fleurs
rouges exhalant un parfum de vanille assez prononcé.--Terre de bruyère;
arrosements fréquents.--Multiplication par graines, et plus facilement
par éclats, fin octobre.--Plusieurs variétés; même culture.


AUBÉPINE.--Il n’est personne qui ne connaisse ce charmant arbrisseau
dont, vers la fin d’avril, le parfum embaume nos champs. Il n’y
a presque rien à dire sur la culture de l’aubépine, qui croît
spontanément dans toutes sortes de terre, au milieu des haies vives,
sur la lisière des forêts, sur les coteaux les plus escarpés. Toutes
les terres lui conviennent sous un climat tempéré; mais la terre
franche est celle dans laquelle elle se plaît le mieux.

L’aubépine, cependant, ne peut être convenablement placée que dans un
jardin d’une certaine étendue: les soins qu’on lui donne n’ajoutent
rien à la délicieuse odeur qu’elle exhale; mais ses fleurs sont plus
nombreuses; ses rameaux prennent un plus grand développement. C’est
encore un emblème de l’innocence; mais c’est l’innocence agitée par
l’espérance et la crainte; c’est l’innocence sous les armes.--Peu
d’eau, beaucoup d’air.--Multiplication par boutures, marcottes, et plus
facilement par graines semées aussitôt qu’elles sont mûres.


AZALÉE.--Très-bel arbrisseau dont la hauteur dépasse quelquefois un
mètre et demi, fleurissant en mai. Ses fleurs, d’un doux parfum,
ressemblant un peu à celles du chèvrefeuille, sont de différentes
couleurs, selon la variété.--Terre de bruyère; arrosements
fréquents.--Multiplication par semis, par marcottes et rejetons, en
mars.


B


BAGUENAUDIER.--Grand arbrisseau de pleine terre, de trois à quatre
mètres de haut, qui ne se cultive que dans les jardins d’une certaine
étendue. Nous en avons pourtant vu quelquefois de fort jolis dans de
grandes caisses-parterres.--Fleurs jaunes en grappes en juin.--Terre
franche.--Multiplication par rejetons œilletons, marcottes; arrosements
modérés.--Plusieurs variétés; même culture.


BALSAMINE.--Plante à racines tubéreuses, annuelle, dont les jolies
fleurs, de toutes couleurs, selon la variété, s’épanouissent en
juillet.--Terre franche; arrosements modérés.--Multiplication par
graines semées fin mars et repiquées en mai.


BASILIC.--Plante annuelle, remarquable seulement par son odeur
agréable. Fleurit en mai et se multiplie par graines semées en avril
sur terreau.--Plusieurs espèces; même culture pour toutes.


BELLE-DE-JOUR.--Charmante plante annuelle qui fleurit en juillet.
Fleurs nombreuses, jaunes à la gorge, blanches au milieu et bleues
sur les bords.--Multiplication par graines semées en place en
avril.--Arrosements modérés. Cette fleur s’ouvre dès que le jour
paraît, et se ferme un peu après le coucher du soleil, phénomène auquel
elle doit son nom, et qu’on a vainement tenté d’expliquer.


BELLE-DE-NUIT.--Fleurit en juillet, fleurs nombreuses et de diverses
couleurs, odorantes ou inodores, selon la variété. C’est une des plus
jolies plantes annuelles. On la sème à la fin de mars en place.--Terre
légère; arrosements modérés. Ses fleurs, qui présentent la forme d’un
entonnoir, s’ouvrent à la fin du jour et se ferment au soleil levant.


BIGNONE.--Ce joli arbuste atteint assez communément une hauteur d’un
mètre et demi; les fleurs, qui s’épanouissent en juin, sont brunes en
dehors et d’un beau jaune en dedans. Il n’est pas impossible de le
multiplier par graines, mais cela est très-difficile, et le semis ne
lève que la deuxième année; encore faut-il le tenir sur capot et en
avoir les plus grands soins. Le plus sûr et le plus simple est de le
multiplier par éclats, par boutures ou par marcottes.--Terre légère;
arrosements fréquents.--Deux variétés; même culture.


BOULE DE NEIGE.--Très-bel arbrisseau, fort commun dans les
jardins d’agrément; il donne, en mai, de jolies fleurs en boule
et d’un blanc de neige.--Terre franche; de l’ombre et un peu
d’arrosement.--Multiplication facile par rejetons et boutures.


BOUTON D’OR.--Charmante petite fleur de la famille des renonculacées,
qui s’épanouit en juin, et présente la forme d’un bouton du plus
beau jaune. Elle se multiplie le plus communément par l’éclat des
racines.--Terre franche, arrosements fréquents.


BRUYÈRES.--Jolis arbustes, d’un effet très-agréable dans les
appartements. Culture en pot ou en caisse mobile; en orangerie
ou en serre pendant l’hiver.--Multiplication par éclats ou par
marcottes.--Nombreuses variétés, même culture.


BUGLOSE.--Plante à racines fibreuses, donnant en avril de petites
fleurs bleues d’un aspect très-agréable.--Multiplication par graines,
ou mieux par éclats.--Terre de bruyère; arrosements modérés.


C


CAMÉLIAS.--Les camélias, qu’on appelait d’abord _roses du Japon_, sont
aujourd’hui la fleur la plus en vogue dans l’aristocratie.

Le camélier ou camélia est un très-bel arbrisseau toujours vert,
donnant, en février, des fleurs superbes, rouges, blanches ou roses,
selon la variété; mais parfaitement inodores.--En serre, d’octobre en
mai.--Terre de bruyère mélangée d’un tiers de terre franche et d’un
peu de terreau. Il faut le tenir près des fenêtres, car le défaut de
lumière le ferait infailliblement périr. Beaucoup d’eau en été et peu
en hiver.--Multiplication par graines sur capot et sous cloche; par
boutures, qui reprennent très-facilement, et par marcottes qu’on ne
peut serrer qu’au bout de deux ans.

Bien que cette fleur soit réellement très-belle, mérite-t-elle la
vogue dont elle jouit? Nous pensons, en conscience, qu’elle ne doit
cette faveur qu’à la difficulté de la culture. Quoi qu’il en soit,
les camélias sont devenus une partie indispensable des toilettes de
bal, et certains amateurs ont renouvelé de nos jours, à propos de
cette plante, les folies des amateurs de tulipes du siècle précédent.
Tout récemment, un procès s’est engagé devant le tribunal de
commerce de Paris à propos de deux camélias vendus ONZE MILLE FRANCS.
L’acquéreur n’avait acheté ces arbustes, alors à la Nouvelle-Orléans,
que sur les dessins qui lui en avaient été donnés: le marché conclu,
les camélias arrivèrent à grands frais de l’Amérique. Ils étaient
en fleurs, l’acquéreur refusa de les recevoir, prétendant que les
fleurs différaient de celles qui lui avaient été montrées sur le
papier; mais il fut condamné à prendre livraison et à payer. Cœurs
sensibles, ne vous hâtez pas trop de le plaindre: le procès avait
eu du retentissement; tous les journaux en avaient rapporté les
détails; tout le monde voulut voir ces deux arbustes déposés au
Jardin-d’Hiver des Champs-Élysées; les recettes, pour droit d’entrée
dans cet établissement doublèrent, et les fleurs que portaient ces
deux camélias, vendues au détail, produisirent quatre mille francs!
Dans dix ans, les mêmes arbrisseaux se donneront pour trente sous sur
les marchés aux fleurs de Paris; dans le pays des roses, le règne du
camélia ne peut être que passager.


CAMPANULE.--Plante vivace, à racines fibreuses, se multipliant par
graines ou par éclats, et donnant en juin de très-jolies fleurs en
forme de cloche, de toutes couleurs, selon les variétés.--Terre
franche, mêlée de terre de bruyère. Arrosements fréquents en été.


CAPUCINE.--Jolie plante grimpante qui, à cause du peu de soin qu’elle
demande, est l’ornement ordinaire de la fenêtre du pauvre.--Belle
verdure, charmantes fleurs. Multiplication par graines, semées en
place, au mois d’avril. Il suffit de l’arroser fréquemment pour qu’elle
réussisse, à quelque exposition qu’elle soit.

Bien plus jolie que beaucoup d’autres, cette modeste fleur est
dédaignée des heureux du jour; il est vrai que la pauvreté a de grands
torts: ses faveurs sont à qui les veut, et elles ne coûtent rien!


CENTAURÉE ODORANTE.--En août, fleurs grosses, ayant la forme du bleuet;
de couleurs diverses, selon la variété.--Terre franche, multiplication
par graines, en février.--Quelques variétés sont vivaces, comme la
_centaurée de montagne_, la _centaurée_ blanche, et quelques autres.
Ces dernières se multiplient par éclats séparés au mois d’octobre.


CHÈVREFEUILLE.--Charmant arbuste grimpant, hôte des forêts, où il
prodigue son délicieux parfum en récompense de l’appui des arbres
à hautes tiges autour desquels il s’enroule, et dont la mort seule
peut le séparer. Il fait aussi l’ornement des plus beaux jardins;
mais si la culture ne lui ôte rien, elle n’augmente pas non plus ses
qualités.--Terre légère, peu d’eau. Multiplication par boutures et
marcottes, en automne.--Plusieurs variétés; même culture pour toutes.


CHRYSANTHÈME.--Arbuste qui commence à fleurir en avril, et qui ne
cesse de donner, pendant la plus grande partie de l’année, des fleurs
à rayons blancs.--Terre de bruyère mêlée de terre franche et d’un peu
de terreau. Arrosements fréquents.--Reproduction difficile par graines,
mais très-facile par boutures, de mai en septembre.


CIERGE DU PÉROU.--Fleurs superbes en août, blanches ou rouges, selon la
variété, n’ayant pas moins de cinquante centimètres de circonférence,
et exhalant une odeur des plus agréables.--Terre franche; arrosements
dans les plus grandes chaleurs de l’été seulement. Multiplication par
boutures, qu’il faut couper huit ou dix jours avant de les planter.


CLÉMATITE.--Joli arbuste grimpant, donnant, de juillet en septembre,
des fleurs innombrables, d’un doux parfum, et ne demandant point
de soins particuliers. Au centre de la France, la clématite est le
principal ornement extérieur de la chaumière du pauvre; on la sème
sans façon dans le premier coin venu, et dès la première année elle
s’attache aux murailles de la demeure à l’abri de laquelle on l’a
placée; puis elle s’élève doucement, semblant caresser les modestes
murailles qui la protègent, et elle finit par couvrir le toit rustique,
d’où ses délicieuses émanations s’étendent au loin. La clématite est
une de ces fleurs qu’il est impossible de ne pas aimer. Qui croirait
qu’une si douce et si innocente fleur ait pu être la cause première
d’un grand crime!

C’était en 1808. Mme la baronne de Cauville, entièrement ruinée par
la Révolution, vivait avec son jeune fils, âgé de douze ans, dans une
modeste chaumière, au village de Bazincourt (Eure). Le curé du village,
noble et digne vieillard, fort instruit, avait pris en amitié le jeune
de Cauville, et s’était chargé de faire son éducation; il venait en
outre de son mieux à l’aide de la mère, qui ne possédait plus qu’un
revenu de quelques centaines de francs, insuffisant pour subvenir à
ses besoins. Mais le bon curé était pauvre lui-même, et la baronne
souffrait; elle était d’ailleurs frappée au cœur par de cuisants
chagrins: l’échafaud avait dévoré son père, son mari, la plus grande
partie de sa famille, dont les derniers membres étaient morts sur la
terre d’exil.

Le mal faisait des progrès rapides; Mme de Cauville fut bientôt dans
un tel état de faiblesse qu’elle dut garder le lit. C’était au mois de
juin; Arthur de Cauville ne quittait le chevet du lit de sa mère que
pour préparer les remèdes prescrits par le médecin, et aller chercher
pour la malade les fleurs qu’elle aimait.

--Mon Dieu! dit un jour cette dernière, que ce monsieur Guiron est
heureux d’avoir cette belle clématite que je vois d’ici grimper sur le
toit de sa maison, et dont le doux parfum arrive jusqu’à mon lit! Que
j’aurais de plaisir à voir et sentir de plus près une branche de cette
jolie plante!

Un quart d’heure après, Arthur sollicitait de son voisin Guiron la
permission de cueillir quelques branches de sa clématite. Mais Guiron
était un de ces hommes sans cœur, ne comprenant que les plaisirs
matériels en rapport avec ses appétits grossiers.

--Autrefois, monsieur le baron, répondit-il avec ironie, un personnage
comme vous ne m’eût rien demandé; il eût pris mon bien sans se donner
la peine de dire gare!... Aujourd’hui que les choses sont changées,
chacun doit garder ce qu’il a: la clématite m’appartient, et je défends
à tous les barons du monde d’y toucher.

--Monsieur, je vous en prie, dit le jeune homme dont deux larmes qu’il
n’avait pu retenir sillonnaient les joues, c’est un désir de malade, de
mourante peut-être!...

--Eh bien! est-ce que c’est un brimborion comme ça qui l’empêchera de
mourir?... Laissez-moi donc tranquille avec vos singeries.

Arthur se retira la rougeur sur le front et le désespoir dans le cœur.
Il ne dit rien à sa mère de l’humiliation qu’il venait de subir, et
comme la baronne continuait à manifester le désir d’avoir une branche
de clématite, il lui dit qu’il irait voir M. Guiron, leur voisin, vers
la fin du jour, et que probablement il obtiendrait la permission de
couper quelques tiges de ce joli arbuste.

Le soir venu, le jeune homme sort de sa demeure; il monte sur un petit
mur, du faîte duquel il peut atteindre la clématite tant enviée: il
en coupe promptement plusieurs branches, et, heureux de cet innocent
larcin, il se dispose à se retirer par le même chemin, lorsque Guiron,
qui a entendu quelque bruit, sort armé d’un fusil, et fait feu sur le
jeune homme. Pas un cri, pas un gémissement ne se fait entendre; Arthur
regagne la chambre de sa mère; il remet entre les mains de la malade
les branches de clématite qu’il vient de dérober, et presque aussitôt
il tombe sans avoir pu prononcer un mot. Exaltée par l’amour maternel,
Mme de Cauville recouvre assez de force pour s’élancer hors du lit:
elle essaie de relever son fils; elle l’interroge en lui prodiguant les
noms les plus tendres; mais Arthur ne peut l’entendre: atteint d’une
balle en pleine poitrine, c’était par un effort surhumain qu’il avait
pu arriver jusqu’à sa mère; en tombant il avait rendu le dernier soupir.

En reconnaissant toute l’étendue de son malheur, l’infortunée ne fit
point retentir sa chaumière de cris et de sanglots; elle s’assit près
du corps inanimé de son fils, le prit dans ses bras, le serra contre
son cœur, et expira. Ce fut en cet état que, le lendemain, les deux
cadavres furent trouvés par le digne curé, seul ami qui restât à ces
infortunés.

Le meurtrier, livré à la justice, fut absous comme s’étant trouvé en
cas de légitime défense!


COBÆA.--Plante grimpante dont le beau feuillage vert couvre
admirablement les berceaux des jardins, ou forme des tonnelles de
l’aspect le plus pittoresque. De juin en septembre, fleurs jaunes
et violettes, très-belles, mais qui sont presque aussitôt fanées
qu’épanouies. C’est encore une des consolatrices du pauvre; c’est
aux fenêtres des mansardes et des greniers qu’elle se montre le plus
communément. Elle ne demande pas plus de soins que la capucine, sa
compagne ordinaire.--Terre franche. Multiplication par graines semées
en place; arrosements fréquents.


COLOQUINTE.--Cette plante annuelle, de la famille des cucurbitacées,
n’est remarquable qu’à cause de la bizarrerie de son fruit, qui est
fort gros, et affecte la forme d’une bouteille, d’une massue, d’une
poire, d’une boule, etc., fruit qui, étant vidé, desséché, peut
servir à plusieurs ouvrages domestiques.--Multiplication par graines
semées vers le milieu de mars, sur capot et sous cloche; arrosements
fréquents. Lorsque la tige a acquis une certaine étendue, on la pince à
l’extrémité, afin que le fruit grossisse. Ce fruit doit être recueilli
en septembre.


CORBEILLE DORÉE.--Plante à racines fibreuses, donnant, en mai, de
petites fleurs réunies en bouquets d’un beau jaune doré.--Terre
franche. Multiplication par graines, et mieux par éclats faits en
automne.


COURONNE IMPÉRIALE.--Plante à oignons, dont les larges et belles
fleurs, ordinairement d’un beau rouge, paraissent en avril, et forment
une couronne à un ou deux rangs au sommet de la tige.--Terre franche;
beaucoup d’eau. Multiplication par graines, et mieux par caïeux,
séparés de l’oignon tous les trois ans, en mai ou juin, et replantés
aussitôt.


CROCUS OU SAFRAN PRINTANIER.--Plante à oignons, donnant, en février,
des fleurs de diverses couleurs, selon la variété.--Terre franche;
arrosements fréquents. Multiplication par caïeux détachés, en mai ou
juin, tous les trois ou quatre ans, et replantés sur-le-champ.


CROIX DE JÉRUSALEM.--En juin, jolies fleurs à cinq pétales, ressemblant
à une croix de Malte, de diverses couleurs, selon la variété. Plante
fibreuse, se multipliant par graines, boutures et marcottes, et mieux
par éclats faits au mois de novembre.--Terre franche; arrosements
abondants.


CUPIDONE.--En juillet, fleurs d’un beau bleu.--Terre de bruyère; peu
d’eau. Multiplication par éclats.


CYTISE.--Arbuste dont les fleurs, qui paraissent en juin, sont d’un
très-beau jaune.--Terre légère; très-peu d’eau. Multiplication par
graines et par éclats.


D


DAHLIA.--Cette fleur, qui malheureusement n’a aucun parfum, est l’une
des plus belles que l’on connaisse. Elle est produite par une plante
à racines tubéreuses, d’une culture très-facile, puisqu’il suffit de
relever les tubercules avant les grands froids pour les replanter en
terre franche au mois d’avril. Les fleurs qui s’épanouissent depuis
la fin de juillet jusqu’aux derniers jours d’octobre, ont quelquefois
jusqu’à vingt-cinq centimètres de circonférence, et présentent les
couleurs les plus belles et les plus variées. Le nombre des variétés
de cette belle fleur est de plus de trois cents. On en cultive, au
jardin du Luxembourg, à Paris, une des plus belles collections qui se
puissent voir. Les tiges ont assez communément d’un mètre à un mètre et
demi de haut, et c’est quelque chose d’admirable que l’aspect de cette
mer de fleurs de toutes nuances ondulant sous la brise. Il n’y a point
aujourd’hui de parterre possible sans dahlias.

On nous apprend que des essais faits récemment à Chambéry, il résulte
que les tubercules du dahlia, cuits d’une certaine manière, sont
un mets délicieux. Mais nous avons trop de raisons de douter de la
capacité culinaire de ces mangeurs de châtaignes pour prendre cela au
sérieux.


DALÉA.--Plante à racines fibreuses, donnant en juillet des fleurs en
épi, petites, d’un rouge violet.--Terre légère, arrosements modérés.
Multiplication par graines semées en avril.


DAPHNÉ.--Arbuste de serre, d’un mètre de haut, donnant en janvier
de petites fleurs vertes d’une couleur agréable.--Terre de bruyère
mêlée de terre franche; arrosements fréquents, mais peu abondants.
Multiplication par graines semées sur capot et sous cloche aussitôt
leur maturité, et repiquées en pot.


DATURA.--Très-bel arbrisseau, dont les fleurs d’un blanc de neige
s’épanouissent en août et exhalent une odeur des plus agréables.--Terre
de bruyère, point d’eau l’hiver, très-peu l’été. Multiplication par
marcottes.--Le moindre froid pouvant être fatal à cette jolie plante,
il faut la rentrer de bonne heure, ne la sortir qu’en mai, et la placer
de manière à ce que la lumière ne lui manque pas.


DIGITALE.--En août, jolies fleurs en épi, de diverses couleurs, selon
la variété.--Terre franche mêlée de terreau; arrosements modérés.
Multiplication par œilletons, en automne, ou par graines semées
aussitôt leur maturité.


E


ÉPI DE LA VIERGE.--Fleurs à oignons, donnant en juin des fleurs
blanches en étoiles ou en épi.--Terre franche mêlée de terre de
bruyère; arrosements fréquents. Multiplication par caïeux séparés
tous les trois ans et replantés en automne.--Plusieurs variétés, même
culture.


F


FARAGELLE.--Plante à racines fibreuses. En septembre, fleurs
rougeâtres.--Terre de bruyère; peu d’eau.--Multiplication par éclats au
printemps.


FLEUR DE LA PASSION OU GRENADILLE BLEUE.--Arbuste dont la tige a
communément sept à huit mètres de longueur; il donne, en août, des
fleurs bleues d’une forme bizarre, dans lesquelles, l’imagination
aidant pour beaucoup, comme il arrive toujours en pareil cas, on a
cru voir tous les instruments de la Passion: couronne, lance, clous,
marteau, échelle, etc. On peut former avec cet arbuste de très-jolis
berceaux.--Terre légère; beaucoup d’eau. Multiplication par marcottes,
boutures et rejetons.


FRAGON.--En décembre, petites fleurs blanches surgissant à la
surface supérieure des feuilles, qui sont piquantes.--Terre franche,
arrosements fréquents. Multiplication par graines et par éclats.


FRAXINELLE.--Plante singulière, exhalant, dans les temps chauds et
secs, une sorte de gaz qui s’enflamme lorsqu’on en approche une
lumière.--En juillet, de belles et grandes fleurs purpurines en
grappes.--Multiplication très-facile par graines semées en août, ou par
éclats faits en novembre.


G


GENTIANE.--En mai, grandes fleurs d’un bleu clair. Terre de bruyère;
arrosements fréquents et abondants.--Multiplication par graines
aussitôt leur maturité, ou par éclats en novembre.


GÉRANIER OU GÉRANIUM.--Joli arbuste dont on cultive un grand nombre de
variétés, les unes inodores, d’autres exhalant le parfum le plus suave,
et d’autres encore répandant une odeur fétide, mais rachetant ce défaut
par des fleurs du plus vif éclat.--Terre franche; beaucoup d’air et
de lumière; peu d’eau.--Multiplication par boutures qui demandent de
grands soins: elles se font en avril, dans des pots placés sur capot et
sous cloche que l’on soulève graduellement, jusqu’à ce que la plante
ait acquis assez de force pour supporter l’air libre et être ensuite
transplantée.


Il y a des espèces à racines tuberculeuses dont la multiplication est
plus facile. On coupe les tubercules de manière à ce que chaque morceau
soit pourvu d’un œil; on les plante en pot, et l’on arrose un peu.


GIROFLÉE.--Jolie plante à racines fibreuses, donnant, en juin, de
belles fleurs en grappes, jaunes, blanches, rouges ou violettes, selon
la variété, et exhalant une odeur très-agréable. Les principales
variétés se multiplient par graines semées en terre franche mêlée de
terreau; on enlève les sujets quand ils sont assez forts et on les
met en place. Arrosements fréquents. Quelques variétés peuvent se
reproduire par boutures, particulièrement celle appelée _variable_,
dont les fleurs, d’abord blanches, deviennent jaunes ensuite, puis
rouges. Cette dernière variété est vivace.

Nous ne parlerons pas ici de la giroflée des murailles, qui ne demande
aucun soin, n’exige aucune culture: un peu de poussière, une goutte
d’eau dans la fente d’un vieux mur lézardé, de l’air, du soleil et la
rosée du ciel, c’est tout ce qu’il lui faut pour devenir belle et jeter
autour d’elle son suave parfum. C’est encore une amie du pauvre qui se
trouverait mal à son aise dans un riche parterre.


GLACIALE.--Les grosses tiges de cette plante annuelle sont garnies de
globules transparents remplis d’une eau très-limpide, de telle sorte
que, pendant les grandes chaleurs, elles semblent couvertes de glace.
C’est là, du reste, tout son mérite, les petites fleurs blanches
qu’elle donne en août étant insignifiantes.--Multiplication par graine
semée en avril sur un terrain bien fumé, pour être repiquées en juin.


GLAIEUL.--Plante à oignons, fleurissant en mai; fleurs roses, blanches
ou rouges, selon la variété. On lève les oignons fin de juin; on les
garde dans un endroit sec jusqu’aux derniers jours de septembre. On en
détache alors les caïeux qu’on replante aussitôt.--Terre franche, mêlée
de terre de bruyère; arrosements modérés.


GLOBULAIRE.--En juin, fleurs bleues, petites, mais se réunissant en
globe, et d’un assez joli effet. Plantes à racines fibreuses.--Terre
légère.--Multiplication par éclats.


GRENADIER.--Belles fleurs rouges en août. Il se cultive en caisse comme
les orangers.--Terre franche, arrosements fréquents; en serre d’octobre
en avril.--Multiplication par marcottes et boutures.--Plusieurs
variétés; même culture.


GUEULE DE LOUP OU MUFLIER.--Plante à racines fibreuses, dont les
fleurs, paraissant en mai, sont rouges ou blanches, selon la
variété, et sont en forme de mufle.--Terre franche, arrosements
modérés.--Multiplication facile par graines semées en mars, ou par
éclats en automne.


H


HARICOT D’ESPAGNE.--Deux espèces: l’une donnant en juin de belles
fleurs rouges non odorantes; l’autre, en juin également, des fleurs
plus grandes et d’une odeur agréable. Toutes deux se sèment au
commencement du printemps en terre légère. L’espèce à grandes fleurs se
multiplie aussi par marcottes et boutures. Cette espèce étant vivace,
doit être semée en pots, afin d’être mise en serre aux premiers froids.


HÉLIOTROPE.--Arbuste donnant, de la fin de juillet en septembre,
de petites fleurs violettes en bouquets d’un parfum doux et
agréable.--Terre de bruyère, arrosements fréquents en été, peu ou
point en hiver.--Multiplication par graines, et mieux par boutures
placées sur capot et sous cloche jusqu’à parfaite reprise.


HELLÉBORE.--En février, fleurs jaunes peu odorantes. Cette plante,
à racines fibreuses, ne craint pas le froid, et elle demande peu de
soins; en outre, elle fleurit au milieu de l’hiver, ce qui suffit pour
la faire rechercher.--Deux variétés.--Multiplication par éclats, au
commencement de l’hiver.


HÉMÉROCALE.--Charmante fleur qui ressemble au lis et dont l’odeur n’est
pas moins suave que celle de ce roi du parterre. Plusieurs variétés,
qui, toutes, fleurissent en juin.--Terre de bruyère; arrosements
modérés.--Multiplication par caïeux séparés et replantés en automne. En
serre jusqu’au printemps.


HORTENSIA.--Charmant arbuste, un des plus beaux ornements d’un
parterre, dont les fleurs, roses, rouges ou bleues, selon la variété,
s’épanouissent et forment de grosses boules, en août.--Terre légère;
beaucoup d’eau.--Multiplication par boutures, au mois d’avril. Cet
arbuste ne craint pas le froid, et nous en avons en ce moment sous les
yeux un massif superbe en pleine terre, à l’exposition du nord qui,
depuis dix ans, n’a fait que croître et embellir. Cependant il est plus
sûr de le rentrer pendant les grands froids.


I


IMMORTELLE.--Plante annuelle donnant, en août, des fleurs blanches,
violettes, grises ou jaunes, selon la variété. Cette fleur doit son
nom à la singulière propriété qu’elle a de conserver sa couleur et son
état longtemps après qu’elle a été desséchée; et lorsque, après un
certain nombre d’années, elle paraît les avoir perdus, il suffit, pour
les lui faire recouvrer, de l’exposer à la vapeur du vinaigre.--Terre
légère.--Multiplication par graines semées au printemps.


IRIS.--Il y a deux espèces d’iris bien distinctes, qui comptent chacune
un grand nombre de variétés: ce sont l’_iris à racines fibreuses_ et
l’_iris à racines bulbeuses_. La première donne, en mai, de jolies
fleurs bleues, roses, blanches, panachées, etc., selon la variété,
et qui toutes ont une odeur des plus agréables. Elles se multiplient
par éclats de racines faits en octobre.--Terre légère, arrosements
fréquents.

Les variétés de l’espèce à racines bulbeuses fleurissent également en
mai, et ne sont ni moins belles ni moins odorantes. Ces dernières se
multiplient par caïeux détachés de l’oignon, la deuxième année, en
automne, et replantés aussitôt.--Terre de bruyère; arrosements modérés.

Quelques amateurs font, des variétés de ces deux espèces, de
très-belles collections.


IXIA.--Charmantes fleurs à racines bulbeuses, qui s’épanouissent
en mai, et sont de couleurs diverses, selon la variété, depuis
le rouge de pourpre jusqu’au blanc de neige.--Terre de bruyère;
peu d’eau.--Multiplication par caïeux détachés et replantés en
septembre.--En serre de novembre en avril.


J


JACINTHE.--Cette plante à oignons est l’une des plus belles et des
premières qui fleurissent au printemps. Fleur d’une odeur suave et
de toutes les couleurs, selon les variétés, qui ne sont pas moins
nombreuses que celles des tulipes.--Multiplication par caïeux, qu’on
détache dès que la plante est fanée, et qu’on laisse sécher à l’ombre
pendant deux mois. En septembre, on plante les caïeux dans une bonne
terre de bruyère mêlée de terreau et d’un peu de terre franche, et
arrosée précédemment avec de l’eau salée; on couvre la terre de paille
pendant l’hiver.--Arrosements modérés.

La jacinthe est une des fleurs qui ont la propriété de végéter dans
l’eau, et l’on peut, par ce moyen, en avoir en fleurs pendant tout
l’hiver dans les appartements. Le procédé est simple: on remplit d’eau
légèrement salée des carafes dont le goulot est étroit et l’orifice
évasé; on place un oignon de jacinthe sur chaque carafe, de manière
que l’oignon se trouve à moitié plongé dans l’eau, et l’on remplit
les carafes à mesure que l’eau qu’elles contiennent s’évapore ou
est absorbée par la plante. Une chaleur de dix à douze degrés dans
l’appartement est suffisante, et en peu de temps, chaque oignon produit
une fleur qui n’est ni moins belle ni moins odorante que celle des
oignons mis en terre; mais ces oignons ainsi forcés, perdent leur vertu
germinative, et dès que la fleur est fanée, il faut les jeter.


JASMIN.--Très-joli arbuste, à fleurs blanches ou jaunes, d’un
parfum délicieux, de juillet en septembre.--Terre franche mêlée
d’un peu de terre de bruyère. De l’air, du soleil et beaucoup d’eau
en été.--Multiplication par boutures, et mieux par marcottes, au
printemps.


JOUBARBE.--Plante grasse donnant, en juillet, d’assez jolies
fleurs rouges ou jaunes, selon la variété.--Terre légère, très-peu
d’eau.--Multiplication par boutures plantées deux ou trois jours après
avoir été coupées.


JULIENNE.--Espèce de giroflée donnant, en mai, des fleurs blanches
en grappes d’une odeur très-forte et très-agréable. Plante
bisannuelle.--Terre franche; arrosements modérés.--Multiplication par
éclats, en juin.

Une autre espèce, appelée _Julienne de Mahon_, compte plusieurs
variétés qui sont rouges, violettes, blanches, etc., et qui ont le
même parfum que la julienne proprement dite. Cette dernière espèce est
annuelle et se multiplie par graines semées en octobre.--Terre légère,
peu d’eau.


K


KETMIE.--Il existe deux plantes de ce nom qui sont bien distinctes:
l’une, le _ketmie des marais_, est une plante annuelle donnant, en
août, de grandes fleurs blanches à onglet rouge.--Terre légère; peu
d’eau.--Multiplication par graines semées au printemps.

L’autre ketmie, appelée _ketmie des jardins_, est un arbrisseau qui
a assez ordinairement deux mètres de haut, et qui donne, en octobre,
d’assez jolies fleurs de toutes couleurs, depuis le blanc jusqu’au
rouge foncé, selon la variété.--Terre légère; arrosements fréquents
mais peu abondants.--Multiplication par marcottes.


L


LAURIER COMMUN.--Joli arbrisseau dont les feuilles et le bois exhalent
une odeur aromatique très-forte, et qui donne, en mai, des fleurs peu
apparentes.--Terre franche; peu d’eau.--Multiplication par graines, et
mieux par marcottes, au printemps.--En serre pendant l’hiver.


LAURIER-ROSE.--Très-joli arbuste, dont on cultive plusieurs variétés,
donnant en juin et en juillet de belles fleurs roses, blanches ou
jaunes, selon la variété; mais toutes sans parfum, à l’exception de
deux variétés, l’une nommée _laurier odorant_, dont les fleurs, d’un
rose très-pâle, exhalent une odeur à peu près semblable à celle de la
violette, et l’autre, à fleurs blanches semi-doubles, qui ont le même
parfum que l’aubépine. Toutes se cultivent de la même manière--Terre
légère, peu d’eau, du soleil.--Multiplication par marcottes et rejetons
au printemps.


LAURIER-TIN.--Arbrisseau toujours vert, donnant, en février, de
nombreuses fleurs, blanches en dedans et rouges en dehors.--Terre
franche mêlée de terre de bruyère; peu d’eau et point de
soleil.--Multiplication par boutures en automne.


LILAS.--La plus belle, la plus gaie, la plus gracieuse fleur du
printemps. Ce charmant arbrisseau, dont les fleurs embellissent et
embaument les derniers jours d’avril et les premiers de mai, et dont le
feuillage d’un beau vert ne tombe qu’en octobre, est indispensable dans
un jardin, sur une terrasse bien garnie et même sur un balcon, quand ce
dernier est d’une certaine étendue. Il se plaît partout, se multiplie
de toutes manières, et ne demande presque aucun soin.

On en cultive plusieurs variétés: le _lilas commun_, grand arbrisseau
qui a quelquefois de huit à neuf mètres de hauteur; le _lilas varin_,
de deux à trois mètres de hauteur, dont les fleurs sont plus petites,
mais non moins odorantes que celles du lilas commun, et le _lilas de
Perse_, qui diffère peu du lilas varin.

La terre franche est celle qui convient le mieux au lilas.--Arrosements
modérés. Lorsque les fleurs sont fanées, il est bon de les couper,
à moins qu’on ne veuille recueillir de la graine, et dans ce cas il
suffit d’en conserver quelques-unes.

Quelques jardiniers-fleuristes de Paris ont réussi à faire fleurir
les lilas deux fois dans la même année, en avril et en août. Pour
obtenir ce résultat, il suffit de couper les fleurs en mai, dès
qu’elles commencent à se faner, et, vers la fin du même mois, de
dépouiller l’arbrisseau de toutes ses feuilles; mais il ne résiste pas
longtemps à un pareil régime; il dépérit dès la seconde année, et meurt
ordinairement dans le cours de la quatrième.


LILAS DES INDES.--Arbuste toujours vert, donnant en juillet de belles
fleurs d’un bleu tendre et d’un parfum doux.--Terre de bruyère mêlée
de terreau; en serre pendant l’hiver; le plus d’air et de lumière
possible; arrosements modérés.--Multiplication par marcottes et par
graines.


LIS.-C’est le roi du parterre, et il suffit de le voir pour comprendre
que les souverains de la France aient voulu qu’il figurât dans leurs
armes. Beauté, grandeur, majesté, parfum enivrant, sont le partage de
cette fleur superbe. On en cultive un grand nombre de variétés, parmi
lesquelles nous citerons le lis de Constantinople, le lis à fleurs
doubles, l’orangé, le turban, le tigre, le martagon, dont les bulbes,
cuites au four, sont un mets très-agréable. Mais de tous, le lis blanc
est le plus beau.

La culture de cette belle fleur ne demande que peu de soins. On
met l’oignon en terre, en automne ou en mars, à quinze centimètres
de profondeur environ.--Terre franche, mêlée d’un peu de terreau;
arrosements modérés. Tous les deux ou trois ans, on relève les oignons,
et l’on détache les caïeux, qui doivent être replantés sur-le-champ.

En plein air, le parfum du lis est délicieux; dans un appartement il
est dangereux; il peut avoir de fâcheuses influences sur l’économie
animale, et même causer une asphyxie complète. C’est une ressemblance
de plus avec les grands de la terre, dont le contact est si souvent
fatal aux petits.


LISERON SATINÉ.--Arbuste dont les fleurs, d’un rose très-tendre,
s’épanouissent en août.--Terre de bruyère; peu d’eau. En serre dès les
premiers froids.--Multiplication par marcottes, par boutures et par
graines. Les marcottes prennent difficilement; les boutures doivent se
faire vers la fin d’avril.


LOBÉLIE.--Jolie plante à racines fibreuses donnant, en août, de grandes
et belles fleurs en grappes d’un beau rouge.--Terre franche; beaucoup
d’eau. En serre pendant l’hiver.--Multiplication par éclats de racines
à la fin de septembre, et par boutures en avril.


LUNAIRE.--Plante annuelle. En avril, fleurs en grappes blanches, rouges
ou panachées, selon la variété.--Terre franche.--Multiplication par
graines semées fin mars.


LUPIN.--On en cultive de deux espèces, le _lupin vivace_ et le _lupin
annuel_. Toutes deux fleurissent en juin. Les fleurs des vivaces, roses
d’abord, deviennent bleues quand elles sont entièrement épanouies;
celles du lupin annuel sont d’un beau jaune et odorantes. Les deux
espèces se multiplient par graines semées fin mars.--Terre franche;
arrosements modérés.


M


MARJOLAINE.--Arbuste fleurissant en juin. Fleurs blanches ou roses,
selon la variété, et très-odorantes.--Terre de bruyère, peu d’eau.
En serre pendant l’hiver.--Multiplication par semences, et mieux par
éclats, au printemps.


MATRICAIRE.--Plante vivace, à racines fibreuses, donnant en juin de
grosses fleurs blanches.--Terre franche; peu d’eau.--Multiplication par
éclats, en automne ou en mars.


MÉLILOT.--En août, fleurs blanches en grappes et odorantes.--Terre
franche, arrosements modérés.--Multiplication par graines semées en
avril.


MÉLISSE.--En juillet, petites fleurs blanches peu remarquables.--La
plante exhale une odeur de citron très-prononcée.--Terre légère; peu
d’eau.--Multiplication par graines ou par éclats faits en octobre.


MILLEPERTUIS.--Plante vivace, originaire de la Chine, dont les
grandes et belles fleurs jaunes s’épanouissent en octobre.--Terre
de bruyère mélangée de terre franche et de terreau; arrosements
modérés.--Multiplication par marcottes, boutures, éclats de
racines.--En serre l’hiver.


MOURON EN ARBRE.--Petit arbuste donnant, en mai, d’assez jolies
fleurs rouges. Terre légère mélangée de terreau, beaucoup
d’eau.--Multiplication par marcottes et par boutures.--En serre l’hiver.


MUGUET.--Charmante fleur qui vient parfaitement sans culture dans les
bois, qu’elle embaume au mois de mai. Elle ne demande donc que fort
peu de soins. Terre franche et fraîche.--Multiplication par éclats
de racines. Le _muguet du Japon_, autre espèce, dont les fleurs sont
bleues et s’épanouissent à la même époque, se cultive de la même
manière.


MYOSOTIS OU SOUVENEZ-VOUS DE MOI.--En avril, charmantes petites fleurs
d’un beau bleu.--Terre franche; arrosements fréquents.--Multiplication
par éclats.


MYRTE.--Joli arbuste, symbole de l’amour heureux, aromatique dans
toutes ses parties, et donnant en août de petites fleurs blanches.
Il y en a de plusieurs variétés, qui se cultivent toutes de la même
manière.--Terre franche mêlée de terre de bruyère; exposition du midi;
arrosements fréquents.--En serre pendant l’hiver, de manière à recevoir
le plus de lumière possible.--Multiplication par rejetons, marcottes et
graines.


N


NARCISSE.--Jolie plante à oignons, dont les fleurs, qui répandent un
doux parfum, s’épanouissent en mai. Il y en a un assez grand nombre
d’espèces, qui toutes ont plusieurs variétés. La culture est la même
pour toutes. On relève les oignons vers la fin de juin; on en détache
les caïeux que l’on nettoie et laisse sécher à l’ombre, dans une serre,
pendant deux ou trois mois. On les replante ensuite à quatre ou cinq
centimètres de profondeur.--Terre franche mélangée de terre de bruyère
et de terreau; beaucoup d’eau. Les narcisses peuvent végéter dans de
l’eau comme les jacinthes. (_Voyez_ JACINTHE.)


NIGELLE.--Plante annuelle dont les fleurs, d’un beau bleu, paraissent
en juillet.--Terre franche; arrosements modérés.--Multiplication par
graines semées en avril.


O


ŒILLET.--Cette fleur si connue est une des plus belles qui puissent
orner un parterre. On en compte un grand nombre d’espèces, et chacune
a de nombreuses variétés. Quelques amateurs en font d’admirables
collections.--Terre franche, mélangée de terre de bruyère et de
terreau; arrosements fréquents. Toutes les espèces d’œillets se
multiplient par marcottes, qui reprennent très-facilement. Mais pour
obtenir des variétés, il faut avoir recours à la graine qu’on sème au
printemps. On relève les plants dès qu’ils sont assez forts, et on les
met en place.

De même que le lis et la violette, l’œillet a joué un rôle important
dans nos discordes civiles. En 1815, par exemple, peu de jours après
l’accomplissement de la seconde Restauration, l’œillet rouge devint le
signe de reconnaissance des partisans de Napoléon. Par opposition, les
royalistes, et particulièrement les gardes-du-corps, les pages, avaient
adopté l’œillet blanc. Il y eut souvent des rencontres terribles entre
les deux partis. Ils se livrèrent à Paris, sur les boulevards, des
combats sérieux, et il en résulta plus d’une déplorable catastrophe. En
voici une qui produisit une bien vive sensation.

Un jeune page de Louis XVIII, Jules de Saint-P..., avait pour tante la
comtesse de C..., une des dames d’honneur de la duchesse d’Angoulême.

Un jour du mois d’août, le jeune page était venu voir sa tante, dans
les appartements de la duchesse.

--Eh quoi! chevalier, s’écria Mme de C..., vous n’avez point d’œillet à
votre boutonnière?... Les bonapartistes vous font-ils donc peur?

Comme elle achevait de prononcer ces paroles, la duchesse parut; elle
avait entendu le reproche que Mme de C... venait d’adresser à son
neveu, et voyant le jeune homme la rougeur sur le front, elle prit en
souriant un œillet blanc dans un des beaux vases de Sèvres qui ornaient
la cheminée, et le présenta à Jules.

--Votre tante vient de se montrer injuste, chevalier, lui dit-elle;
nous savons bien qu’il n’y a dans votre famille que de bons Français,
et que les Saint-P... sont sans peur comme sans reproche.

Le page s’inclina respectueusement, et prit la fleur:

--Merci, madame, répondit-il d’une voix fortement émue, et que votre
Altesse Royale soit assurée que je m’efforcerai toujours de mériter la
bonne opinion qu’elle veut bien avoir de moi.

Une heure après, le jeune page, en habit de ville, était sur le
boulevard des Italiens, appelé alors boulevard de Gand, avec plusieurs
de ses amis, portant tous l’œillet blanc et ayant à la main une canne à
épée. Ils ne tardèrent pas à se trouver en face d’un groupe d’officiers
à la demi-solde, décorés de l’œillet rouge.

--Prenez garde, messieurs, dit un de ces derniers, vous portez là une
couleur qui se salit aisément.

--Et c’est pour cela que les gens de votre sorte font bien de ne pas la
porter, répondit vivement le chevalier.

Des sarcasmes aux menaces la transition fut prompte; on n’avait pas
échangé quatre phrases, que les épées étaient tirées. Jules s’attaqua à
celui des officiers qui, le premier, l’avait apostrophé, et par malheur
c’était le plus rude joûteur de tous: sang-froid, coup d’œil d’aigle,
poignet de fer, rien ne lui manquait. Mais le jeune page était trop
animé pour s’apercevoir de son infériorité, et s’en fût-il aperçu,
qu’il n’eût pas rompu d’une semelle. Comme cela se passait en plein
jour, une foule nombreuse entourait les combattants. Tout à coup une
voix s’écria: «Voici les gendarmes!»

L’autorité, en effet, avait pris des mesures pour réprimer ces
troubles, et une patrouille accourait pour séparer les combattants.

--Nous ne pouvons pourtant nous quitter ainsi, dit l’adversaire du
chevalier; tenez, monsieur le chevalier, à l’œillet!

Le coup fut porté avec la rapidité de l’éclair. Jules, atteint en
pleine poitrine, tomba sur les genoux. En ce moment les gendarmes
n’étaient plus qu’à deux pas des combattants. Les officiers se
retirèrent promptement, et le jeune chevalier, relevé par ses amis,
plus heureux que lui, fut mis dans une voiture et conduit à l’hôtel
des pages. Comme il venait de mettre pied à terre, une calèche passait;
une dame seule l’occupait: c’était la comtesse de C... qui, sans faire
attention à la pâleur de Jules, soutenu par ses amis, s’écria avec
l’accent de l’indignation:

--Un œillet rouge!... Le malheureux nous déshonore!...

Jules, qui n’avait pas perdu connaissance, abaissa son regard sur la
fleur placée à sa boutonnière, et répondit d’une voix mourante:

--Oui, madame, rouge, mais toujours pur, car c’est mon sang qui l’a
teint!

La calèche s’était arrêtée; la comtesse s’élança vers son malheureux
neveu.

--Mon Dieu! mon Dieu! disait-elle éperdue, c’est moi qui l’ai tué!

Et elle disait vrai, car la blessure était mortelle, et le jeune page
expirait le soir même, après avoir demandé qu’on mît avec lui dans sa
tombe l’œillet, présent si funeste qu’une main royale lui avait fait.


ORANGER.--Dans les pays chauds, et même en France, dans la Provence,
l’oranger est un arbre de pleine terre, donnant en abondance des fruits
parfumés, d’une saveur délicieuse; mais partout ailleurs on ne cultive
l’oranger que comme arbre d’ornement, et pour sa fleur, si belle et
d’une si suave odeur.

La culture de l’oranger présente beaucoup moins de difficultés qu’on ne
le croit communément. Il se plaît dans une terre franche, mélangée de
terre de bruyère et de terreau; il craint plus l’eau que le froid, et
bien qu’il soit prudent de le mettre en serre d’octobre en avril, on
pourrait sans danger le laisser à l’air libre tant que la température
ne serait pas plus basse que quatre degrés centigrades au-dessous de
zéro. Aussi, dans la serre où on le place, ne faut-il faire du feu que
lorsque le froid arrive à ce point.

Vers la fin d’avril, on remet les orangers à l’air libre; il est bon
alors d’en laver les grosses branches et le tronc avec de l’eau claire
et une brosse, et d’en arroser abondamment le feuillage.

Tous les trois ou quatre ans au plus, il faut renouveler, au moins
en grande partie, la terre dans laquelle végète l’oranger. Lorsqu’on
s’aperçoit que les feuilles, ordinairement d’un beau vert, pâlissent,
cela annonce que l’arbre est trop à l’étroit; que ses racines sont
gênées. On a alors le choix entre deux expédients: l’un consiste
à tailler les branches de manière à ce que l’arbre exige moins de
subsistance; l’autre est de mettre l’oranger dans une caisse plus
grande que celle où il est gêné.

L’oranger se multiplie assez facilement par marcottes et par boutures;
il est aussi très-facile de le multiplier par graines: dans une terre
composée comme nous l’avons dit plus haut, on plante, à une profondeur
de deux centimètres et à une distance de sept à huit centimètres les
uns des autres, les pépins d’une orange très-mûre et même pourrie; puis
on enfonce le contenant de cette plantation dans un pot plus grand ou
une caisse remplie de fumier de cheval. On le couvre d’une cloche de
verre qu’on lève de temps en temps pour donner de l’air et arroser avec
de l’eau tiède. Cela se fait en mars; au mois de mai on peut supprimer
la cloche, et, en septembre, les plantes étant assez fortes, on les
sépare pour mettre chacune dans le pot ou dans la caisse qui lui est
destinée, et dont la terre doit être mélangée comme il est dit plus
haut. Il est très-important, en levant ces jeunes plantes, de ne point
dégarnir leurs racines de la terre qui leur est adhérente.

Les fleurs de l’oranger nouvellement cueillies sont d’un grand prix;
les distillateurs, à Paris, les payent jusqu’à douze francs le
kilogramme; mais les jardiniers fleuristes les font payer bien plus
cher encore, quand il s’agit d’en faire une couronne de mariée; car
la fleur d’oranger est l’emblème par excellence de la virginité. Et
voyez comme l’épigramme se glisse partout! il n’est pas un produit de
nos jardins que les fabricants de fleurs artificielles soient parvenus
à imiter d’une manière plus parfaite. C’est à ce point qu’aujourd’hui
presque toutes les couronnes de jeunes mariées sortent des ateliers
de la rue Saint-Denis, à Paris... Mon Dieu! nous savons bien qu’elles
n’en sont pas moins pures pour cela (les jeunes mariées); mais, il
faut le dire, si la fraude n’est pas là d’un fâcheux augure, elle est
certainement de bien mauvais goût.


OREILLES D’OURS.--C’est le nom fort laid d’une très-jolie plante dont
les amateurs cultivent jusqu’à six cents variétés et dont ils font
d’admirables collections. Toutes ces variétés fleurissent en avril, et
leurs couleurs vives et veloutées présentent l’aspect le plus agréable.
L’oreille-d’ours n’aime pas le soleil, et pourtant plus qu’une autre
plante elle redoute l’humidité; aussi est-il nécessaire, pour en
obtenir de beaux produits, de la cultiver en pots, afin de pouvoir,
lorsque les pluies du printemps sont trop abondantes, les garantir de
ce danger. Pour cela, il n’est pas nécessaire de rentrer les pots; on
les couche seulement de manière que la pluie n’atteigne que les parois
extérieures du vase sans pouvoir pénétrer à la racine de la plante.
L’oreille-d’ours se plaît à l’exposition du nord et de l’ouest, dans
une terre composée moitié de terre franche, moitié de terre de bruyère,
le tout mélangé d’un peu de terreau. On n’arrose cette plante que dans
les temps très-secs; encore ces arrosements doivent-ils être fort peu
abondants. La multiplication s’obtient par éclats de racine; mais pour
former une collection, il faut semer les graines, dès qu’elles sont
mûres, en terre de bruyère et à l’ombre. Le plant étant assez fort,
on le relève et on le repique, en observant une distance de dix ou
douze centimètres entre chacun. On obtient ainsi toutes les variétés
possibles, et lors de l’inflorescence on peut faire un choix des plus
jolis.


ORNITHOGALE.--Plante bulbeuse, donnant en juin des fleurs
blanches en étoile. On en cultive plusieurs variétés, de couleurs
diverses, dont quelques-unes sont odorantes. Toutes se cultivent de
la même manière.--Terre franche mêlée de terre de bruyère; arrosements
fréquents.--Multiplication par caïeux séparés des oignons, que l’on
relève tous les deux ans, en juillet. On nettoie ces caïeux, on les
met sur une planche, dans un lieu sec et à l’ombre, et on les plante
en octobre. C’est encore une des fleurs dont on fait collection: il
y a des ornithogales indigènes et d’autres exotiques; la culture des
diverses espèces est la même.


OROBE.--C’est une des plus précoces et des plus jolies fleurs
printanières, jaunes ou rouges, selon la variété, qui s’épanouissent
en mars.--Plante vivace, à racines fibreuses, demandant peu de
soins.--Terre franche.--Multiplication par semis, ou mieux par éclats.


ORVALE ou LAMIER.--Belle plante à racines fibreuses, donnant, en
avril, de grandes fleurs blanches tachetées d’un beau vert.--Terre
franche.--Multiplication par éclats en octobre ou par semis en février.


OXALIDE.--Plante de serre chaude, qui fleurit en février. On en
cultive plusieurs espèces, dont une seule, l’_oxalide pied-de-chèvre_,
est odorante. Les fleurs de cette dernière sont d’un beau jaune;
celles des autres espèces sont d’un rose tendre, ou blanches rayées
de rouge.--Terre de bruyère; arrosements peu abondants, mais
fréquents.--Multiplication par caïeux, détachés en juin et replantés en
septembre.


P


PACHYSANDRE.--Plante vivace dont les fleurs, petites et d’un
rose tendre, s’épanouissent en mai.--Terre de bruyère, peu
d’eau.--Multiplication par rejetons ou par éclats de racines.


PAIN-DE-POURCEAU ou CYCLAME.--Les fleurs de cette plante s’épanouissent
en mai, et présentent cette singularité que la partie supérieure
de leur corolle regarde la terre; aussi en a-t-on fait le symbole
du regret. On en cultive plusieurs espèces, dont quelques-unes ont
une odeur fort agréable; mais l’aspect de ces fleurs est triste; on
dirait, selon l’expression de M. de Chateaubriand, qu’elles aspirent
à la tombe. Cette disposition ne justifie pourtant pas le hideux nom
vulgaire qu’on leur a donné.--Terre de bruyère, peu d’eau; en serre aux
premiers froids.--Multiplication par racines ou par graines semées en
juin, en pots, et dont les plants doivent être relevés et repiqués au
mois de mars suivant.


PANCRATIER.--On en cultive deux espèces: le pancratier maritime et le
pancratier d’Illyrie. Ce sont des plantes bulbeuses fort jolies, dont
les grandes fleurs blanches, qui s’épanouissent en juillet, exhalent
une odeur fort agréable.--Terre de bruyère; peu d’eau.--Multiplication
par caïeux détachés en septembre et replantés un mois après, de même
que les oignons.


PANICAUT.--Fleurs bleues en août.--Terre fraîche; arrosements
modérés.--Multiplication par rejetons, ou par graines semées au
printemps.


PAQUERETTE.--Charmante petite plante vivace dont les fleurs, dès le
mois d’avril, émaillent le gazon des pelouses, et qui n’ont besoin,
pour s’épanouir, que d’un rayon de soleil et d’une goutte de rosée.
De cette gentille petite villageoise l’éducation a fait presque une
grande dame; sa parure si simple s’est nuancée de riches couleurs, et
ses formes ont gagné en grâce ce qu’elles ont perdu en modestie. Par
la culture, en effet, on obtient des pâquerettes doubles, blanches,
rouges, roses, panachées, etc.; mais, malgré ces métamorphoses, la
pâquerette se contente de peu.--Terre franche et fraîche, c’est tout
ce qu’il lui faut, et il suffit, pour la multiplier à l’infini, d’en
diviser les touffes au mois de mars.


PARNASSIE.--En août, fleurs blanches et jaunes, d’un aspect singulier,
à cause des espèces d’écailles et de cils dont elle est garnie. Plante
vivace à racines fibreuses.--Terre de bruyère; arrosements fréquents
et abondants en tout temps.--Multiplication par éclats de racines, au
printemps.


PAVOT.--Charmante fleur qui s’épanouit en juin, et dont la graine a
des propriétés narcotiques très-puissantes et même dangereuses. On en
cultive plusieurs espèces: la plus brillante est le _pavot oriental_,
dont les fleurs, d’un rouge éclatant, atteignent une grandeur
extraordinaire. C’est de cette espèce, ainsi que nous l’avons dit dans
la BOTANIQUE, que l’on tire l’opium, poison d’un grand prix, et dont
les effets sont si singuliers ou si terribles, selon les doses qu’on en
absorbe. Pris à dose modérée, l’opium exalte au plus haut degré toutes
les facultés intellectuelles: sous l’influence de cette substance, on
vit en quelque sorte dans un monde nouveau et tout rempli de prodiges
dont, à l’état normal, il serait impossible de se faire l’idée; l’homme
d’une élocution difficile devient éloquent; le plus illettré est poète;
quelques-uns parlent des langues qu’ils n’ont jamais apprises, qu’ils
possèdent comme par intuition tant que l’influence de l’opium est dans
sa force, et qu’ils oublient entièrement lorsque vient la réaction.
Cette réaction est terrible: le regard s’éteint; une pâleur livide
succède à l’animation du visage; les sens s’affaiblissent d’autant plus
que la surexcitation qu’ils viennent d’éprouver a été plus violente,
et le malheureux mangeur ou fumeur d’opium arrive à un état presque
complet d’idiotisme, qui dure jusqu’à ce qu’une nouvelle dose de ce
poison l’en fasse sortir. L’homme le mieux constitué ne résiste pas
longtemps à ces alternatives d’exaltation et d’anéantissement: il
vieillit vite; ses cheveux blanchissent et ses mains tremblent avant
l’âge, et il touche à la caducité alors que les facultés dont la nature
l’a doué devraient être dans toute leur force...

En vérité, je vous le dis, tout cela est dans une fleur, et j’en
sais d’autres encore dont les propriétés sont plus redoutables...;
mais c’est du pavot qu’il s’agit: cette plante annuelle se sème en
mars.--Terre franche; arrosements modérés.


PENSÉE.--Cette fleur, qui fleurit en mars, n’est qu’une variété de la
violette, et c’est la seule qui se plaise au soleil, où elle étale
avec complaisance sa parure violette et jaune. Il faut bien lui
pardonner cette ostentation, car elle n’a pas, comme sa modeste sœur,
un doux parfum qui puisse faire deviner sa retraite.--Terre franche,
arrosements modérés.--Multiplication par graines.


PERCE-NEIGE.--Jolie petite fleur blanche, la première qui se montre à
travers le manteau glacé qui couvre assez ordinairement la terre au
mois de février. Au banquet de la vie, la pauvrette ne doit apparaître
qu’un instant; penchée mélancoliquement vers la terre, elle semble
regretter l’obscurité d’où elle n’est sortie que pour annoncer le
réveil de la nature. Ce gentil précurseur du printemps se plaît en
terre franche et fraîche.--Multiplication par caïeux que l’on détache
des oignons tous les deux ou trois ans, au mois de juillet.


PERVENCHE.--Si cette plante nous est chère, ce n’est pas la faute à
Voltaire, comme disait Béranger, il y a quelque trente ans; mais nous
devons convenir que c’est un peu la faute de Rousseau. La pervenche
était, en effet, la fleur de prédilection du philosophe de Genève,
auquel elle rappelait quelques jours heureux de sa jeunesse. On en
a fait depuis le symbole du premier amour. C’est, en réalité, une
petite fleur modeste, d’une inocuité parfaite. On en cultive deux
espèces: la grande, dont la fleur, qui s’épanouit en mai, est d’un
bleu d’azur, et la petite, qui est d’un rouge vif.--Terre franche, peu
d’eau.--Multiplication par rejetons et par graines.


PHALANGÈRE.--Belle plante, dont les fleurs en épi, blanches ou roses,
selon la variété, s’épanouissent en juillet. On en cultive de plusieurs
espèces, et les fleurs de quelques-unes ressemblent, en petit, aux
fleurs du lis, ce qui a fait donner à l’une d’elles le nom de _lis de
saint Bruno_.--Terre franche, mêlée de terre de bruyère et de terreau;
arrosements fréquents.--Multiplication par graines.


PHLOX.--Admirable plante vivace qui a souvent plus d’un mètre et demi
de hauteur, et dont les charmantes fleurs, roses, bleues, lilas,
blanches, selon la variété, doivent être mises au nombre des plus
beaux ornements des jardins, de juillet en septembre.--Terre franche;
arrosements abondants.--Multiplication par éclats de racines.


PHLOMIS.--Plante vivace qui fleurit en août. Ses fleurs, d’un rouge
violacé, sont peu remarquables; mais cela fait nombre et jette de la
variété dans un parterre. Les racines de cette plante sont bulbeuses,
et on la multiplie par la séparation de ses bulbes, qu’on opère au mois
d’avril, et qui doivent être replantées aussitôt.


PIED-D’ALOUETTE.--Plante annuelle, dont les fleurs en épi offrent
toutes les variétés de couleurs imaginables. Rien de plus joli au mois
de juin et de juillet qu’une bordure de pied-d’alouette; il n’est pas
de fleur qui ajoute autant à la beauté d’un parterre, surtout lorsque
les graines ayant été recueillies avec soin, on a pu mélanger les
couleurs.--Terre franche mélangée de terreau; arrosements fréquents et
peu abondants.--Multiplication par graines semées fin mars.

On cultive une autre espèce de pied-d’alouette, dont la tige est plus
élevée que celle dont nous venons de parler, et dont les fleurs sont
plus grandes. Cette dernière est vivace et peut se multiplier par
éclats de racines, séparés en octobre.


PIGAMON.--La fleur de cette plante, qui s’épanouit en mai, est surtout
remarquable à cause d’une aigrette de soixante étamines que portent ses
pétales. On en cultive deux variétés, l’une jaune, l’autre lilas. C’est
une plante vivace, à racines fibreuses, qui se plaît en terre franche
et qu’on multiplie par éclats en octobre.


PIMENT.--Ce n’est pas pour ses fleurs qu’on cultive cette plante
annuelle, mais pour ses fruits, qui sont au mois d’août gros comme des
œufs de poule, et d’un beau rouge éclatant, et qui font un très-bel
effet au milieu des fleurs qui s’épanouissent dans le cours de ce mois.
Ce fruit a d’ailleurs l’avantage de pouvoir être employé en cuisine. Il
est plus ardent que le poivre, dont il a, en partie, la saveur et les
propriétés. Sa culture, d’ailleurs, demande peu de soins. On le sème,
au printemps, en terre franche mêlée de terreau, exposition du midi;
peu ou point d’eau.


PIVOINE.--On cultive deux espèces de pivoine, qui fleurissent en mai;
la pivoine _commune_ et la _pivoine en arbre_. La première est une
plante vivace, dont les grandes et belles fleurs sont rouges, blanches
ou roses, selon la variété. Elle se plaît en terre franche, demande peu
de soins, et se multiplie par éclats de racines, faits en octobre.

La pivoine en arbre est un bel arbuste qui a quelquefois deux mètres
de haut. Ses fleurs, grandes et roses, conservent pendant un mois
entier et plus leur fraîcheur, qui est des plus suaves. La culture
de cet arbuste demande quelques soins. D’abord, il doit être en pot
ou en caisse, afin de pouvoir être rentré dès les premiers froids,
et tant que dure l’hiver, il faut qu’il reçoive le plus de lumière
possible.--Terre de bruyère, cinq dixièmes; terre franche, trois
dixièmes; terreau, deux dixièmes.--Multiplication par graines, et
mieux par marcottes, qui prennent très-facilement, mais qu’il ne faut
sevrer que la deuxième année, afin que la plante soit vivace; levée la
première année, la marcotte donnerait des fleurs; mais ce ne serait
qu’une plante annuelle.


PODALYRIA.--Plante vivace, à racines fibreuses, dont les fleurs, d’un
beau bleu, paraissent en juin; elles sont inodores et peu remarquables,
malgré leur couleur; mais elles font nombre dans un parterre, où
il faut avant tout de la variété.--Terre franche; arrosements
modérés.--Multiplication par graines semées fin mars, ou par éclats de
racines, au mois d’octobre.


PODOPHILLE.--Les fleurs de cette plante, à racines fibreuses,
s’épanouissent en mai; elles sont blanches et présentent la forme d’un
bouclier.--Terre franche; arrosements modérés.--Multiplication par
rejetons ou par graines semées en mars.


POIS DE SENTEUR.--C’est encore là une de ces belles, suaves et
modestes fleurs qui prodiguent leurs faveurs à quiconque leur accorde
quelques brins de terre, un peu d’eau, et leur permet de recevoir un
rayon de soleil. Rien de plus joli que ces fleurs veloutées, rouges,
roses, bleues, blanches, qui ressemblent aux ailes des plus beaux
papillons et qui répandent au loin leur enivrant parfum. Et pourtant
cette délicieuse fleur est assez généralement dédaignée; c’est que,
par malheur... par bonheur plutôt, elle ne coûte rien, ce qui la
fait adopter par le pauvre. Elle fait, avec la capucine, le cobæa,
l’ornement des fenêtres-mansardes, et il est peu de chaumières dont les
chétives murailles ne lui accordent protection.

Belle et bonne, c’est aux belles et aux bonnes que nous la
recommandons.--Terre franche.--Multiplication par graines semées fin
mars.


POLÉMOINE.--Plante peu remarquable, donnant en mai des fleurs en
bouquets, d’un rouge nuancé de bleu.--Terre franche.--Multiplication
par graines ou par éclats de racines, en mars.


PRIMEVÈRE.--C’est encore une de ces plantes dont certains amateurs
font des collections, à cause du nombre de variétés qu’on peut en
obtenir. Les primevères offrent près de quatre cents variétés qui
présentent toutes les couleurs et toutes les nuances connues et qui
toutes fleurissent en avril. Cette plante se multiplie parfaitement
par éclats; mais, pour obtenir des variétés, il faut avoir recours au
semis, qui se fait dans les premiers jours de mars.--Terre légère et
franche.


PULMONAIRE.--On cultive deux espèces de cette plante, qui ne diffèrent
entre elles qu’en ce que l’une est vivace: c’est la _pulmonaire de
Virginie_, et l’autre est annuelle: c’est la _pulmonaire de Sibérie_.
Toutes deux donnent, en mars, de petites fleurs. Celles de la première
espèce sont rouges, bleues ou blanches, selon la variété. La seconde
n’a que des fleurs bleues, petites, comme celles de l’autre, mais d’un
éclat plus vif.

La pulmonaire vivace se multiplie par éclats de racines, au mois
d’octobre; on multiplie celle de Sibérie par graines semées aussitôt
après les grands froids.--Terre légère et fraîche pour toutes deux.


PYROLE.--En juin, petites fleurs d’un rose tendre, placées par deux sur
chaque pédoncule. On en cultive deux espèces: l’une odorante et l’autre
inodore. Même culture pour toutes deux.--Terre de bruyère; arrosements
fréquents.--Multiplication par éclats de racines, au printemps.--En
serre pendant l’hiver.


R


REINE-MARGUERITE.--Les fleurs de cette plante, que l’on nomme aussi
_Aster_ de la Chine, rivalisent de beauté avec celles du dahlia,
et ses variétés ne sont pas moins nombreuses. Elles s’épanouissent
en juillet, et l’on en fait de brillantes collections qui offrent
un aspect charmant. La culture en est excessivement facile.--Terre
franche.--Multiplication par graines semées en avril. La meilleure
graine est celle que la tige-mère porte à son extrémité; si on la
garde un an avant de la semer, la fleur n’en est que plus belle.

Il y a un grand nombre d’espèces d’asters; les plus remarquables après
la reine-marguerite sont: l’_œillet-de-christ_, le _soyeux_, le _géant_
et le _denté_. Ces quatre espèces peuvent se multiplier par éclats de
racines séparées en octobre.


RENONCULE.--C’est encore une des plus belles fleurs qui se puissent
voir. Les faiseurs de collections en comptent près de six cents
variétés qui réunissent toutes les couleurs et toutes les nuances
connues, toutes... excepté le bleu. Certes, nous sommes loin du
temps où les oignons de tulipes se cotaient à la banque d’Amsterdam
et atteignaient des prix fabuleux. Cependant il est certain qu’un
horticulteur qui serait assez heureux pour obtenir une renoncule bleue
pourrait faire une rapide et brillante fortune. Quoi d’extraordinaire?
N’avons-nous pas vu, il y a quelques années, la graine d’une certaine
espèce de chou se vendre, rue de Richelieu, à Paris, cinq francs
l’une... oui, cinq francs une seule graine, ce qui portait le produit
d’un seul chou à cinquante ou soixante mille francs! L’industriel qui
possédait ces graines en vendit pour un demi-million en six mois. Ce
prodigieux résultat bouleversa l’esprit de ce malheureux; il devint fou
et se fit sauter la cervelle.

Donc il n’existe pas de renoncules bleues, mais il en peut naître une,
et c’est là le plus cher espoir de tous les amateurs qui cultivent
exclusivement cette jolie fleur. Au reste, cette culture est des plus
faciles. La graine, que l’on récolte en octobre, doit être gardée dans
un lieu sec pendant un an et même deux ans. On la sème en automne sur
une terre franche, puis on la recouvre d’une légère couche de terreau
et l’on arrose fréquemment. Mais on ne multiplie les renoncules par
graines que pour obtenir de nombreuses et nouvelles variétés. Lorsqu’on
veut s’en tenir à la collection qu’on possède, il est plus simple de
les multiplier par la séparation des griffes, qu’on replante aussitôt,
ou l’année suivante. Dans ce cas, les couleurs de la fleur sont plus
vives. Les renoncules fleurissent en juin; la séparation des griffes se
fait vers la fin de juillet.


RÉSÉDA.--Petite plante vivace, connue de tout le monde. Ses formes
n’ont rien de remarquable, mais son parfum le dispute à celui de la
rose. Le réséda est vivace; on le multiplie par éclats de racines ou
par semis. Toutes les terres lui sont bonnes, pourvu qu’elles ne soient
pas trop sèches.

Le réséda dit en _arbre_ n’est pas une espèce différente de celle dont
nous venons de parler; on fait du réséda un arbuste en retranchant les
branches inférieures, et en soutenant, à l’aide d’un tuteur, la tige
qui s’élève ainsi et devient ligneuse.


RHEXIE.--Plante originaire de la Virginie, dont les grandes fleurs,
d’un rouge vif s’épanouissent en juin.--Terre de bruyère; beaucoup
d’eau.--Multiplication par graines semées au commencement du
printemps.--En terre pendant l’hiver.


RHODODENDRON.--Bel arbrisseau d’Amérique, de deux mètres de hauteur,
dont les grandes fleurs blanches, roses ou rouges, selon la variété,
ont la forme d’un cornet fort évasé.--Terre de bruyère, exposition du
nord; beaucoup d’eau.--Multiplication par marcottes et par graines,
quand elles arrivent à parfaite maturité, ce qui est rare. On en
cultive de plusieurs espèces; le _rhododendron en arbre_ est une des
plus belles, mais elle ne supporte pas le froid; elle doit être rentrée
de bonne heure.


ROMARIN.--Joli arbrisseau dont la hauteur ne dépasse guère un mètre
et demi, et qui forme ordinairement un buisson touffu. Ses fleurs,
d’un bleu pâle, s’épanouissent au mois de février, dans la saison des
bals, alors que la terre est couverte de neige et de glace. Autrefois,
à cette époque de l’année, la moindre fleur était une merveille;
aujourd’hui que Paris possède des jardins d’hiver où les fleurs sont
aussi abondantes au mois de janvier qu’elles peuvent l’être en juin
dans le plus riche parterre, le romarin est presque dédaigné... Ainsi
passe la gloire de ce monde!

Le romarin, dont toutes les parties sont aromatiques, se plaît dans
une terre légère, peu humide, et il se multiplie par marcottes et par
boutures.


RONCE.--Voilà une pauvre plante bien calomniée par les moralistes,
qui ne cessent de comparer la vie de l’homme à _un sentier parsemé de
ronces et d’épines_! Eh! messieurs, qui savez tout et une infinité
d’autres choses encore, faut-il donc vous apprendre qu’il est des
ronces charmantes qui n’ont point d’épines... Et, quand elles en
auraient! La rose en a bien... Nous le répétons, des ronces charmantes,
sans épines, à feuilles panachées, à fleurs doubles roses et à fruits
blancs. C’est un de nos travers de nous laisser prendre aux mots
qui, la plupart du temps, ne servent qu’à enraciner l’erreur. Par
exemple, il est arrivé qu’un naturaliste obtus a dit, a écrit que
l’écrevisse marchait à reculons; eh bien! quarante siècles ne suffiront
pas à détruire cette erreur. La vérité est que l’écrevisse marche
comme tous les autres animaux doués des organes de la locomotion,
en avant; seulement elle peut nager en arrière... Hélas! il en sera
des ronces comme il en est des écrevisses, et c’est en vain que
nous tentons de les réhabiliter. Mais c’est ici le cas de mettre en
pratique cette belle devise: _Fais ce que dois, advienne que pourra_.
Nous proclamons donc qu’il est des espèces de ronces fort jolies;
telles sont celles à feuilles découpées, le framboisier du Canada,
et quelques autres.--Terre franche et ferme; exposition du nord ou
de l’ouest.--Multiplication par graines, marcottes et rejetons, au
printemps: les fleurs paraissent en juillet.


ROSE D’INDE.--En septembre, grandes fleurs jaunes et blanches, selon la
variété.--Terre franche.--Multiplication par semis, en mars; relever
les plants et les repiquer en mai ou en juin. Beaucoup d’eau.


ROSE DE NOËL.--Plante à racines fibreuses, donnant, en février, de
grandes fleurs d’un rose tendre.--Terre franche, mêlée de terre de
bruyère. En serre.--Multiplication par éclats de racines, en octobre.


ROSE TRÉMIÈRE.--Grande et superbe plante de deux à trois mètres de
haut, dont les larges et admirables fleurs, qui s’épanouissent en
juillet, offrent toutes les couleurs et toutes les nuances. Les
variétés de cette plante sont innombrables, et les collections
qu’on en fait grossissent chaque année.--Terre fraîche; peu
d’eau--Multiplication par graines semées dans les derniers jours
d’avril.


ROSIER.--Hélas! _tarde venientibus_... Pardon, Mesdames, cela veut dire
que les absents ont tort, ou bien que les derniers venus doivent se
contenter de ce qu’ils trouvent. Or, nous venons le dernier vous parler
de la rose... Oh! oui, nous le savons bien, on vous a tout dit sur la
rose: on vous a fait son histoire; on vous a raconté ses qualités, ses
défauts, ses mœurs, ses amours; on vous a initiées à tous ses secrets,
à toutes ses métamorphoses, et vous avez vu la rose, fleur, femme,
reine! Mais il n’est pas de récolte si complétement faite que le pauvre
ne trouve à glaner dans le champ qui l’a produite: essayons de glaner.

On compte aujourd’hui un peu plus de deux mille espèces de roses, et
nous avons entendu un savant horticulteur affirmer que quatre gros
volumes in-folio en petit texte ne suffiraient pas pour rapporter
ce qu’il y a seulement de plus curieux dans la culture de cette
fleur. Nous l’avouerons, toutefois, nous nous défions énormément
de ces prétendues curiosités visibles seulement pour ces amateurs
enthousiastes bien résolus à voir des merveilles partout. Mais les deux
mille et tant d’espèces existent, et c’est un fait que nous constatons,
heureux que nous sommes d’avoir à constater ici quelque chose!

Puisque nous voici entré dans cette voie, nous pourrions bien,
Mesdames, vous donner la nomenclature de ces espèces; mais vous en
seriez quittes pour tourner rapidement le feuillet, et nous en serions
pour nos frais d’érudition horticole; ce serait trop de moitié.

Nous nous contenterons donc de vous dire que les botanistes et les
horticulteurs,--car ces gens-là s’entendent quelquefois,--ont divisé
les rosiers en onze classes, savoir:

    Les _rosiers à feuilles simples_,
    Les _rosiers_ FÉROCES... Oh!
    Les _rosiers_ BRACTÉOLÉS,
    Les _rosiers cannelles_,
    Les _rosiers pimprenelles_,
    Les _rosiers à cent feuilles_,
    Les _rosiers velus_,
    Les _rosiers rouillés_,
    Les _rosiers_ CYNORRHODONS... Ouf!
    Les _rosiers à styles soudés_,
    Les _rosiers_ BANKSIENS... Ah!

Et cela est tout rose; qui oserait le contester?... Mais cela n’empêche
pas que la rose soit le chef-d’œuvre de la végétation, d’où il résulte
que les rosiers sont indispensables dans un parterre, quelque peu
étendu qu’il soit. Et rien n’est si facile de les y mettre et de les y
faire vivre, la culture de ces arbustes étant des plus simples. Presque
tous les rosiers se plaisent dans une terre franche, légère; ceux du
Bengale seuls s’accommodent mieux de la terre de bruyère. Tous se
multiplient par graines, rejetons, boutures, marcottes, et il n’est pas
d’arbustes plus dociles à la greffe et qui se prêtent plus volontiers
aux caprices de l’horticulteur.

Les plus belles roses fleurissent en juin; mais il en est pour toutes
les saisons, et il n’est pas rare de voir, dans nos jardins, des roses
du Bengale s’épanouir sous des flocons de neige.


RUDBECKIA.--En juillet, grandes fleurs rouges. Cette plante, à
racines fibreuses, demande peu de soins.--Terre franche, arrosements
modérés.--Multiplication par graines semées en avril.


S


SABLINE.--Charmantes petites fleurs blanches qui surgissent en
mai du milieu d’un gazon touffu, et dont on fait de très-jolies
bordures.--Terre franche; arrosements fréquents.--Multiplication par
éclats de racines, en octobre, ou par graines semées fin mars.


SABOT DE VÉNUS.--Fleurs brunes, d’une forme singulière, paraissant en
mai et exhalant absolument le même parfum que les fleurs d’oranger. Les
pétales de cette fleur, au nombre de quatre, ressemblent parfaitement
aux ailes d’un moulin à vent.--Terre de bruyère; exposition de l’ouest;
arrosements fréquents.--Multiplication par graines semées en mars.


SAFRAN.--Plante bulbeuse dont les fleurs jaunes, blanches, grises ou
bleues, selon la variété, s’épanouissent en février.--Terre franche,
mêlée de terre de bruyère; peu d’eau.--Multiplication par caïeux, qu’il
ne faut détacher que tous les trois ou quatre ans en juin et qu’on
replante en juillet, en laissant entre eux une distance de cinq à six
centimètres.


SAINFOIN A BOUQUET.--Plante peu remarquable, donnant en juillet des
fleurs rouges en épis.--Terre légère.--Multiplication par graines
semées en avril.


SANGUINAIRE.--Cette plante, originaire du Canada, ne porte qu’une seule
feuille en forme de cœur, dont les nervures sont rouges. Ses fleurs,
blanches et de moyenne grandeur, paraissent en avril.--Terre franche;
arrosements modérés.--Multiplication par éclats de racines, en automne.


SANSÉVIÈRE.--Jolie plante donnant en mai et en août de nombreuses
fleurs roses en épis, très-odorantes.--Deux espèces; même culture:
terre de bruyère, peu d’eau.--Multiplication par graines semées fin
mars ou par œilletons.


SARETTE.--Plante à racines fibreuses, dont les fleurs en épis, rouges
ou lilas, selon la variété, paraissent en septembre et octobre.--Terre
franche.--Multiplication par graines semées fin octobre, on peut aussi
multiplier cette plante par éclats de racines, mais seulement quand
elle a atteint une certaine force, c’est-à-dire la troisième ou la
quatrième année.


SAUGE.--On en cultive plusieurs espèces qui toutes fleurissent
en juillet, août, septembre et octobre. Fleurs roses, bleues ou
d’un beau rouge, selon l’espèce.--même culture pour toutes: terre
franche mêlée de terre de bruyère et de terreau; peu d’eau; en serre
l’hiver.--Multiplication par graines semées en octobre et tenues
chaudement, ou par boutures, au printemps.


SAXIFRAGE.--Très-belle plante dont on cultive plusieurs espèces,
donnant toutes, en mai, de jolies fleurs rouges, blanches ou
roses, selon l’espèce.--Toutes se cultivent de la même manière:
terre de bruyère, en pots, afin de les mettre en serre pendant
l’hiver.--Multiplication par éclats, en avril.


SCABIEUSE OU FLEUR DE VEUVE.--Jolies fleurs d’un rouge foncé, veloutées
et d’un parfum très-agréable.--Terre légère.--Multiplication par
graines, semées en avril. On en cultive plusieurs espèces, dont
quelques-unes sont vivaces, comme la _scabieuse des Alpes_ et la
_scabieuse de Crète_; ces dernières peuvent se multiplier par éclats et
par boutures. Toutes fleurissent en juillet.


SCEAU DE SALOMON.--Plantes à racines fibreuses, donnant, en avril, de
belles fleurs blanches pendantes. Plusieurs espèces.--Même culture
pour toutes: terre franche; arrosements fréquents.--Multiplication par
éclats de racines en automne, ou par graines semées au commencement de
mars.


SCILLE.--On en cultive de plusieurs espèces, qui toutes fleurissent en
avril, mais dont les fleurs ne se ressemblent pas et qui demandent des
soins différents. Plusieurs, comme la _scille du Pérou_, la _scille
maritime_, la _scille à deux feuilles_ doivent être mises en terre
de bruyère et en pots pour être rentrées l’hiver. D’autres, comme la
_scille d’Italie_, la _scille agréable_, qu’on appelle aussi _jacinthe
étoilée_, se plaisent mieux en pleine terre. Les fleurs de presque
toutes les espèces sont bleues; mais elles diffèrent par la forme: les
unes sont en épis, d’autres en grappes, d’autres encore en ombelles,
etc. Plusieurs sont inodores, quelques-unes ont un parfum à peu près
semblable à celui de l’aubépine. Toutes se multiplient par caïeux,
séparés des oignons tous les deux ans.


SEDUM.--Jolies fleurs rouges ou roses, en juin, d’une odeur de
rose très-prononcée, cette odeur s’exhalant soit de la fleur, soit
de la racine, selon la variété. Il y a pourtant quelques variétés
inodores.--Terre de bruyère pour toutes; peu ou point d’eau; exposition
du midi.--Multiplication par boutures, par éclats ou par graines.


SÉNEÇON.--On en cultive deux espèces qui se subdivisent en plusieurs
variétés. Le _séneçon d’Afrique_ donne de très-belles fleurs rouges,
simples ou doubles, selon la variété. La variété simple se multiplie
par graines semées dans les premiers jours du printemps; la variété
double se multiplie par boutures. L’espèce dite à _feuilles d’Adonis_,
dont les fleurs sont d’un beau jaune, se multiplie par éclats de
racines, en octobre.


SENSITIVE.--Cette plante, connue de tout le monde, n’est remarquable
que par les divers mouvements qu’elle exécute. Pendant la nuit, les
feuilles de la sensitive sont accolées les unes aux autres, près des
pétioles; au jour elles reprennent leur état ordinaire, comme si elles
sortaient d’un profond sommeil. (V. _Sommeil des Plantes_, BOTANIQUE
DES DAMES, _première partie_.)

La sensitive éprouve d’une manière toute particulière ce besoin que les
plantes ont, plus que tous les êtres organisés, des rayons du soleil.
Son feuillage en suit généralement la direction, et, en observant avec
soin, on aperçoit un changement continuel de position dans toutes ses
feuilles. La sensitive exécute, en outre, un mouvement de plication
plus singulier: quand une feuille se ferme, soit par le contact d’un
corps étranger, soit par la privation de la lumière, son pétiole se
rapproche du rameau et fait avec lui un angle plus aigu qu’auparavant.
Lorsque l’attouchement est très-fort, on voit successivement toutes
les parties de la plante se resserrer. Néanmoins, les mouvements des
folioles, des feuilles et des rameaux sont indépendants les uns des
autres, et il est possible de toucher le rameau si délicatement que
lui seul reçoive une impression de mouvement. Mais il faut, pour cela,
qu’en se pliant, le rameau n’aille pas porter ses feuilles contre
quelque autre partie de la plante, car elle s’en ressentirait au même
instant. Les parties de la plante qui se sont fermées se rouvrent
ensuite et reprennent le premier état; le temps nécessaire pour cela
est inégal, selon la vigueur de la plante, la saison et l’heure du jour.

Jusqu’à présent on n’a pas donné une explication satisfaisante de ce
phénomène, non plus que de tant d’autres mystères dont Voltaire a dit:

    Réaumur, dont la main si savante et si sûre
    A percé tant de fois la nuit de la nature,
    M’apprendra-t-il jamais par quels subtils ressorts
    L’éternel artisan fait végéter les corps?
    Pourquoi l’aspic affreux, le tigre, la panthère,
    N’ont jamais adouci leur cruel caractère?
    Et que, reconnaissant la main qui le nourrit,
    Le chien meurt en léchant le maître qu’il chérit?
    D’où vient qu’avec cent pieds qui semblent inutiles,
    Cet insecte tremblant traîne ses pas débiles?
    Pourquoi ce ver changeant se bâtit un tombeau,
    S’enterre, ressuscite avec un corps nouveau,
    Et le front couronné, tout brillant d’étincelles,
    S’élance dans les airs en déployant ses ailes?
    Le sage Du Faï, parmi ses plants divers,
    Végétaux rassemblés des bouts de l’univers,
    Me dira-t-il pourquoi la tendre sensitive
    Se flétrit sous nos mains, honteuse et fugitive?

Personne ne l’a dit, mais peut-être le dira-t-on quelque jour.
En attendant nous dirons, nous, que la sensitive est un arbuste
indispensable dans un parterre.--Terre de bruyère, peu d’eau; en serre
dès les premiers froids.--Multiplication par boutures, marcottes et
rejetons.


SEPTAS.--Plante à racines tubéreuses, originaire d’Amérique, mais
naturalisée depuis longtemps dans notre climat.--En août, fleurs
rouges en ombelles, blanches à l’intérieur.--Terre de bruyère, peu
d’eau.--Multiplication par bulbes levées en octobre et mises en vente
vers le milieu de mars.


SILÈNE.--C’est au genre de cette fleur qu’appartient l’_attrape-mouche_
dont nous avons dit les propriétés dans la BOTANIQUE. A l’exception de
cette sensibilité que les diverses espèces possèdent à un degré plus ou
moins élevé, les silènes sont des fleurs qui n’ont rien de remarquable.
Rouges ou blanches, selon la variété, ces plantes fleurissent en juin,
sont annuelles et se multiplient par graines semées au printemps, en
terre franche. Elles sont inodores, une seule exceptée, dont les fleurs
sont d’un rouge vif, et qu’il faut mettre en pot afin de pouvoir la
rentrer en hiver, cette espèce étant vivace.


SILPHIUM.--Plante vivace dont la fleur, qui s’épanouit en
septembre, ressemble à celle des soleils. La tige de quelques
silphiums atteint une hauteur de six mètres; mais cette fleur
n’est remarquable que par son étendue.--Terre franche; arrosements
modérés.--Multiplication par éclats de racines et plus sûrement par
graines semées au mois d’avril.


SOLDANELLE.--C’est une petite plante des Alpes qui réunit deux
avantages: elle est vivace et fleurit en mars, c’est-à-dire à l’époque
où la terre est encore presque nue. Ses fleurs, rouges ou blanches,
selon la variété, sont d’un effet très-agréable bien qu’elles soient
petites. N’est-il pas naturel de se sentir quelque préférence pour ces
pauvres petites fleurettes que font éclore les premiers rayons du doux
soleil de printemps, et qui viennent les premières égayer nos regards
et nous annoncer une vie nouvelle, au risque d’être anéanties avant le
temps par le terrible vent du nord, qui se fait encore si fréquemment
sentir à cette époque?... De grâce, Mesdames, ayez un peu de pitié pour
ces petites audacieuses; donnez-leur une terre légère mêlée d’un peu de
terreau; placez-les à l’exposition du midi, afin que le soleil qu’elles
aiment les vivifie, et recueillez leur graine en avril ou mai pour la
semer en octobre, en pots, afin de pouvoir les rentrer pendant les plus
grands froids. Les soldanelles peuvent aussi se multiplier par éclats
de racines.


SOLEIL.--Grande et belle plante annuelle, dont les fleurs jaunes,
radiées, commencent à se montrer dans les premiers jours d’août, et
n’ont pas moins, quelquefois, d’un mètre de circonférence, tandis que
la tige s’élève à une hauteur de trois à quatre mètres. Cette fleur,
comme presque toutes les autres, semble suivre le cours du soleil et se
tourne de manière à en recevoir constamment les rayons.

Il est peu de plantes plus majestueuses que celle-là, et pourtant on
la dédaigne, elle est souvent exclue des parterres où sont admises une
foule d’autres qui sont bien loin d’avoir son éclat et sa majesté.
D’où vient cela? Serait-ce que le soleil est une fleur inodore? Mais
la tulipe, le dahlia ne sont pas plus favorisés sous ce rapport,
et le dahlia, la tulipe, exigent des soins dont le soleil se passe
parfaitement.--C’est, dit-on, une plante vulgaire...--Vulgaire,
pourquoi? Comment! vous osez faire un crime à cette immense corolle
si justement appelée _soleil_, de sa facilité à naître, à grandir? Il
est vrai que pour une _belle_ elle se contente de peu; un coin de cour
dépavé lui suffit; que l’on jette une graine, en avril, à la place du
pavé absent, c’est assez. Eh bien! c’est là, il nous semble, être belle
et bonne à la fois, qualités qui se trouvent, hélas! trop rarement
réunies... A ces causes, Mesdames, nous vous demandons grâce pour cette
belle fleur; vous lui consacrerez quelque superbe territoire, trois ou
quatre fois grand comme la main; vous l’arroserez peu ou point, et vous
en recueillerez, vers la fin de septembre, la graine, grosse, abondante
et délicieuse, dont vous pourrez faire d’excellent orgeat pour vos
soirées.


SOUCI.--Fleurs jaunes paraissant à la fin d’avril. C’est une plante peu
remarquable; mais sa culture est facile, et elle jette de la variété
dans un parterre. On la multiplie par graines semées en mars sur une
terre franche, et recouvertes d’un peu de terreau.--Deux espèces, l’une
jaune safranée; l’autre blanche, qui a la singulière propriété de se
fermer lorsque l’atmosphère est humide.--Même culture pour toutes deux.


SOWERBÉE.--Jolie plante dont la tige ressemble à un jonc, et dont
les fleurs, en bouquets, d’un beau rouge pourpre, s’épanouissent en
mai.--Terre de bruyère, arrosements modérés. En pots, afin de pouvoir
être rentrée l’hiver.--Multiplication par graines.


SPAROXIS.--Fleurs violettes ou jaunes, selon l’espèce, grandes
et belles, s’épanouissant en avril.--Terre de bruyère; peu
d’eau.--Multiplication par caïeux détachés en juillet et plantés en
octobre.--En serre pendant l’hiver.


SPIGÈLE.--En juin, fleurs en épis d’un beau rouge à l’extérieur et
jaunes en dedans. Cette plante demande beaucoup de soins; il lui faut
de la terre de bruyère pure, des arrosements peu abondants, mais
fréquents.--Multiplication par graines.


SPIRÉE.--En juillet, fleurs en bouquets, simples ou doubles, blanches
ou roses, odorantes ou inodores, selon l’espèce.--Terre franche,
arrosements modérés.--Multiplication par graines, par tubercules, ou
par éclats de racines.


STACHYS.--Jolie plante donnant, en juillet, des fleurs en épis
d’un beau rouge.--Terre de bruyère mélangée de terreau; peu
d’eau.--Multiplication par éclats de racines, en automne. Cette plante
doit être rentrée dès les premiers froids et placée de manière à ne pas
manquer de lumière.


STATICÉ.--Petites fleurs qui paraissent en juillet, rouges et néanmoins
peu apparentes. On en cultive de plusieurs espèces, toutes assez
délicates, et c’est à peu près leur seul mérite.--Terre légère, peu
d’eau; en serre pendant l’hiver.--Multiplication par éclats de racines,
en octobre, ou par graines, au printemps.


STÉVIE.--On cultive sept ou huit espèces de cette jolie plante, qui
toutes sont vivaces, à l’exception d’une seule, et donnent, en juillet,
de très-belles fleurs blanches, roses ou violettes.--Terre de bruyère,
arrosements peu fréquents.--Multiplication par graines, semées sur
capot, au printemps, pour être repiquées en juin.--En serre l’hiver.


STRAMOINE.--On en cultive de deux espèces qui diffèrent beaucoup
l’une de l’autre: le _stramoine cornu_ et le _stramoine en arbre_.
Le premier est une fort jolie plante annuelle, dont les grandes et
belles fleurs blanches, qui s’épanouissent en août, exhalent une
odeur très-agréable.--Terre légère, beaucoup d’eau.--Multiplication
par graines, semées au printemps.--Le stramoine en arbre est un joli
arbrisseau, dont les fleurs blanches, qui paraissent également en août,
ont quelquefois jusqu’à trente-cinq centimètres de longueur, et dont
l’odeur est aussi des plus agréables. Cet arbrisseau exige beaucoup
de soins: il lui faut une terre légère, peu d’eau, jamais de froid,
beaucoup de lumière et un air fréquemment renouvelé.


SWERTIA.--Plante vivace, dont les fleurs bleues, en étoiles,
paraissent en juin. Elle demande peu de soins; toute terre lui
convient.--Multiplication par éclats de racines et par graines, semées
en août ou septembre.


SYMPHORICARPOS.--Fleurs roses en grappes, qui s’épanouissent vers la
fin de mars, et auxquelles succèdent des fruits blancs et gros comme
des perles. Cette plante est d’un joli effet dans un parterre.--Terre
légère, arrosements modérés.--Multiplication par éclats.


SYRINGA.--Très-bel arbrisseau, dont les jolies fleurs blanches, qui
paraissent en juin, exhalent une odeur des plus agréables, mais dont
l’intensité dans un appartement de peu d’étendue cause des maux de
tête, et peut même asphyxier. On en cultive aussi une espèce qui est
entièrement inodore.--Même culture pour toutes deux: terre franche,
exposition du nord ou de l’ouest.--Multiplication par marcottes,
boutures, rejetons, éclats de racines. Quoique fort joli, cet
arbrisseau n’est convenablement placé que dans un jardin d’une assez
grande étendue.


T


TABAC.--Nous ne sommes pas assez injuste pour ne pas le reconnaître,
le tabac est une plante fort innocente en apparence, qui se multiplie
par graines semées au printemps, et dont les fleurs, qui s’épanouissent
en septembre, exhalent une odeur assez semblable à celle du jasmin
(celles du tabac ondulé). Mais qu’est-ce que ce chétif mérite du tabac,
en comparaison des maux affreux qu’il répand sur toute la surface du
globe!... Nous l’avons déjà dit, le tabac est une horrible lèpre qui
s’étend sans cesse, et qui est mille fois plus funeste qu’une invasion
de Barbares. C’est un affreux poison qui empeste l’air que nous
respirons, qui engourdit les sens, qui étouffe l’imagination. Il n’est
pas de crimes, de méfaits horribles, monstrueux, que le tabac n’ait
commis ou qu’il n’ait fait commettre: c’est par lui que tous les liens
sociaux sont relâchés; c’est lui qui abrutit le peuple, qui déprave
le goût. C’est le tabac qui rendit souvent le grand Frédéric cruel;
c’est lui qui a aidé les geôliers anglais à tuer Napoléon. Grâce à
lui, les plus belles dents se carient, l’haleine la plus douce devient
fétide, les narines s’élargissent, se tuméfient, le regard se ternit,
la voix se voile, l’appétit s’éteint; les désirs s’émoussent, la pensée
s’alourdit... Et pourtant il s’est trouvé des poètes pour chanter cette
nauséabonde substance!...

De grâce donc, Mesdames, point de tabac, même en fleur; on ne saurait
prendre trop de soin pour se garantir des mauvaises influences.


TAGÉTÈS ou GRAND ŒILLET-D’INDE.--Grandes et belles fleurs jaunes ou
blanches, simples ou doubles, selon la variété, qui s’épanouissent
en septembre. C’est une fleur commune, mais d’un assez joli
effet quand elle est accompagnée.--Terre légère, arrosements
abondants.--Multiplication de graines, semées en avril, pour repiquer
les plants en mai ou juin.


THLASPI.--Plante de serre; jolies fleurs blanches, en janvier.--Terre
de bruyère, très-peu d’eau.--Multiplication par boutures et par
rejetons, levés en juillet. Cette plante doit être rentrée avant les
premiers froids.


THUYA.--Arbrisseau toujours vert, mais qui n’a que ce mérite. Il sert
à orner les terrasses et les cours, et il ne craint ni le froid ni
l’humidité.--Multiplication par boutures et par marcottes.


THYM.--Plante commune, à petites fleurs rouges, qui paraissent en juin,
et qui exhalent, de même que toutes les autres parties de la plante,
une odeur aromatique des plus agréables. On en cultive plusieurs
variétés dont on fait surtout les bordures, à cause du peu de soin que
demande cette bonne et jolie petite plante, qui se contente de la place
qu’on lui accorde, du terrain dans lequel on la pose, et qui, malgré
le vent et l’orage, les glaces de l’hiver et les ardeurs du soleil de
l’été, ne cesse de montrer ses petites branches vertes, et de prodiguer
son parfum. Par malheur, les artistes culinaires se sont emparés depuis
des siècles de ce précieux aromate, et cela l’a fait dédaigner par
les amateurs de fleurs. C’est une injustice criante, contre laquelle
nous protestons de toutes nos forces. Depuis quand cesse-t-on d’être
aimable par cela seul qu’on est utile? Nous demandons pour le thym une
réhabilitation complète.--Multiplication par éclats de racines, en tout
temps; mais de préférence en automne.


THYMÉLÉE DES ALPES.--Fleurs roses, qui s’épanouissent en janvier, ce
qui est leur principal mérite. L’arbrisseau qui les porte ne dépasse
presque jamais un mètre de hauteur.--Terre de bruyère, arrosements
fréquents et peu abondants.--Multiplication par graines. On peut aussi
multiplier les arbrisseaux par boutures et par marcottes; mais elles ne
réussissent que difficilement.


TIGRIDIE.--Très-jolie plante à racines bulbeuses, fleurissant en août,
et dont les fleurs violettes, jaunes et rouges, offrent l’aspect le
plus agréable.--Terre de bruyère.--Multiplication par caïeux détachés
tous les deux ou trois ans.--En serre aux premiers froids.


TRACHÉLIE.--En août, jolies petites fleurs, d’un beau bleu, qui sont
d’un effet très-agréable dans un parterre. Plante vivace, qui redoute
le froid.--Terre de bruyère pure, très-peu d’eau.--Multiplication
par graines, semées fin septembre, sur capot et sous cloche, ou par
boutures, traitées de la même manière.


TRIFOLIUM.--Bel arbuste, dont les fleurs jaunes, qui paraissent en mai,
sont nombreuses et fort jolies.--Terre de bruyère, mêlée de terre
franche.--Multiplication par graines, semées aussitôt leur maturité,
par boutures et par marcottes.


TRILLIE.--Plante à racines fibreuses, qui fleurit en avril. Ses fleurs,
d’un rouge foncé, sont peu remarquables.--Terre légère.--Multiplication
par éclats de racines, en automne, ou par graines, en juin.


TRITOMA.--Grandes et belles fleurs en épis, d’un rouge éclatant,
couronnant au mois d’août une tige d’un mètre de haut.--Terre de
bruyère, arrosements modérés.--Multiplication par graines.


TROLLE.--En avril, les fleurs jaunes.--Terre légère, peu
d’eau.--Multiplication par éclats de racines, en automne, ou par
graines, semées en mars.


TUBÉREUSE.--Plante à racines bulbeuses, donnant en juillet de
belles fleurs blanches en épis, d’un parfum délicieux.--Terre
de bruyère, mélangée de terreau; arrosements fréquents et
abondants.--Multiplication par graines.


TULIPE.--Il y a encore des amateurs qui poussent jusqu’au fanatisme
l’amour de cette belle fleur, ainsi que nous l’avons dit ailleurs.

Au mois de septembre, on plante les oignons ou les caïeux, dans une
terre franche, mélangée d’un peu de terreau, et bien ameublie, à la
profondeur de sept à huit centimètres, et à quinze centimètres de
distance les uns des autres. On arrose modérément. La fleur paraît en
avril, et il faut alors, autant que possible, la garantir du soleil.
Lorsque la fleur est passée, et que la tige commence à se fléchir,
on arrache les oignons, que l’on nettoie avec soin; on en sépare les
caïeux, et on les garde dans un endroit sec pour les replanter au mois
de septembre suivant.


V


VALAIRE.--En mai, fleur d’un rouge foncé, inodores et peu
remarquables.--Terre de bruyère.--En serre l’hiver.--Multiplication par
graines et par éclats de racines.


VALÉRIANE.--Plante des Pyrénées, à racines fibreuses, donnant en juin
des fleurs rouges, blanches ou violettes, selon la variété, et toutes
d’un très-bel effet.--Terre de bruyère.--Multiplication par éclats de
racines, au mois d’octobre.


VARAIRE.--C’est une assez jolie plante, qui fleurit en juin. On en
cultive quatre espèces différentes: la noire, la blanche, la verte et
la jaune.--Même culture pour toutes.--Terre franche, exposition de
l’ouest, arrosements fréquents.--Multiplication par graines semées en
avril.


VÉLAR.--En mai, fleurs jaunes peu remarquables.--Terre de
bruyère.--Multiplication par graines et par éclats.


VELTHEMIA.--Belle plante de serre, qui fleurit en mars, et dont les
fleurs en grappes rouges et jaunes sont d’un bel effet.--Terre de
bruyère, mêlée de terreau, peu d’eau.--Multiplication par caïeux,
détachés tous les deux ans, ou par graines.


VERGE D’OR.--Plante à racines fibreuses, donnant, en août, des fleurs
jaunes, petites, mais nombreuses, et d’un aspect agréable.--Terre de
bruyère.--Multiplication par éclats, en octobre.


VÉRONIQUE.--En août, fleurs bleues, blanches ou d’un rose pâle, selon
la variété.--Terre légère, arrosements fréquents.--Multiplication par
éclats de racines, en octobre, ou par graines, semées en avril.


VERVEINE DE MIQUELON.--Plante bisannuelle, dont les petites
fleurs en épis, d’un beau rouge, paraissent en avril.--Terre
légère.--Multiplication par graines.


VIEUSSEUXIE.--Plante à racines bulbeuses, dont les fleurs blanches,
tachetées de bleu et bordées de noir, s’épanouissent en mai.--Terre de
bruyère, mélangée de terreau, peu d’eau.--Multiplication par caïeux.


VIGNE-VIERGE.--Arbrisseau grimpant, dont le feuillage, d’un beau vert,
forme de fort jolis berceaux.--Terre franche.--Multiplication par
boutures et marcottes.


VILLARSIE.--Jolie fleur, d’un beau jaune, qui s’épanouit en
juin.--Terre de bruyère et terreau, beaucoup d’eau.--Multiplication par
éclats de racines.


VIOLETTE.--Charmante fleur, emblème du mérite modeste, qui pousse
partout, sur la lisière d’un bois, le revers d’un fossé, au pied d’une
haie, sans culture et sans soins, et qui n’annonce sa présence que par
le parfum qu’elle exhale. Toute espèce de terre lui convient, et elle
se multiplie par graines et par racines.


Y


YUCCA.--Arbrisseau d’un mètre de haut, garni de feuilles épaisses, du
sein desquelles part une hampe qui, au mois d’août, se couvre d’une
grande quantité de grandes et belles fleurs blanches, en forme de
calice.--Terre de bruyère, arrosements rares.--Multiplication par
boutures et par rejetons.


Z


ZINNIA.--Belles fleurs jaunes et rouges, qui s’épanouissent en octobre.
Cette plante, qui est annuelle, se multiplie par graines, semées au
printemps, sur terre légère, recouverte d’un peu de terreau.


Voilà, Mesdames, pour la théorie; mais la théorie n’est pas ici le
beau côté de la chose. C’est dans la pratique que vous attendent
les surprises agréables, les découvertes spontanées, les résultats
imprévus. Il suffit de voir les fleurs pour les aimer; mais cette
tendresse est bien autrement vive quand on les cultive. Cela devient
souvent une véritable passion; passion chaste et pure toutefois, qui ne
prépare ni regrets, ni remords, et qu’on peut avouer toujours, habituée
qu’elle est à ne se loger que dans une belle âme.

    Comte FŒLIX.

[Illustration]



  TABLE DES MATIÈRES

  CONTENUES DANS LE SECOND VOLUME

                                                    PAGES

    Le Décaméron                                        1

    Le Liseron des Champs                              17

    L’Aubépine et le Sécateur                          21

    La Vigne                                           25

    Le Chapitre des Bouquets                           29

    Le Myosotis                                        37

    Les Parfums                                        43

    La Scabieuse et le Souci                           51

    La Traite des Fleurs                               55

    La Flèche d’eau                                    63

    Les Fleurs perdues                                 67

    Le Cyprès                                          71

    Lettre du docteur Jacobus à l’auteur               75

    Réponse de l’auteur au docteur Jacobus             89

    La Fleur blessée                                   91

    Les Couronnes et les Guirlandes                    93

    Le Jasmin                                         101

    Les Fleurs changées en bêtes                      105

    Les Fleurs politiques et les Fleurs nationales    111

    Les Noms des Fleurs et les noms des Femmes        115

    La Giroflée                                       119

    Le Thé et le Café                                 125

    La Musique des Fleurs                             129

    Le Jour du Lilas                                  133

    La Tubéreuse et la Jonquille                      137

    Le Bal des Fleurs                                 141

    Erratum                                           147


  BOTANIQUE DES DAMES

    Introduction par ALPH. KARR                       153

  PREMIÈRE PARTIE

    Physiologie                                       157

    Organes de la végétation                          160

    Inflorescence                                     170

    Fructification                                    175

    Habitation des végétaux                           178

    Maladie, mort et décomposition des végétaux       182

  SECONDE PARTIE

    Méthodes-Familles                                 187

    _Plantes acotylédones._

    Première classe: Acotylédonie                     192

    _Plantes monocotylédones._

    Deuxième classe: Monohypogynie                    195

    Troisième classe: Monopérigynie                   196

    Quatrième classe: Monoépigynie                    206

    _Plantes dicotylédones._

    Cinquième classe: Épistaminie                     208

    Sixième classe: Péristaminie                      208

    Septième classe: Hypostaminie                     210

    Huitième classe: Hypocorollie                     211

    Neuvième classe: Péricorollie                     214

    Dixième classe: Épicorollie-Synanthérie           215

    Onzième classe: Épicorollie-Corisanthérie         216

    Douzième classe: Épipétalie                       217

    Treizième classe: Hypopétalie                     217

    Quatorzième classe: Péripétalie                   222

    Quinzième classe: Diclinie                        230


  HORTICULTURE DES DAMES

    Introduction par ALPH. KARR                        243

  PREMIÈRE PARTIE

    Principes élémentaires                             247

    Terres                                             248

    Expositions                                        249

    Pots, caisses, instruments                         250

    Serres                                             252

    Multiplication des plantes                         253

    Multiplication par graines                         254

    Multiplication par caïeux                          257

    Multiplication par bulbes                          258

    Multiplication par œilletons et rejetons           258

    Multiplication par éclats                          259

    Multiplication par marcottes.                      259

    Multiplication par boutures                        262

    Multiplication par greffe                          264

    Éducation des plantes                              269

    Insectes.--Moyens de les détruire                  272

    Taille des arbustes.--Arbrisseaux
      et arbres                                        273

  SECONDE PARTIE

    Culture spéciale des principales
      fleurs, indiquée par ordre alphabétique          277

[Illustration]



  TABLE DES GRAVURES

  DU SECOND VOLUME

                                                     PAGES

    Pois de senteur                                      6

    Cactus                                               7

    Dahlia                                              10

    Sensitive                                           12

    Fleur de Pêcher                                     13

    Aubépine                                            22

    Vigne                                               25

    Myosotis                                            39

    Scabieuse et Souci                                  51

    La Traite des Fleurs                                55

    Flèche d’eau                                        63

    Hortensia, Couronne impériale                       84

    Jasmin                                             101

    Verveine                                           112

    Giroflée                                           121

    Thé et Café                                        125

    Lilas                                              133

    Tubéreuse et Jonquille                             137

    Le Bal des Fleurs                                  141

    Retour des Fleurs                                  146

    Erratum                                            149

    La Pervenche desséchée                             154

    Les planches 1-2 de Botanique élémentaire          240

[Illustration]


PARIS.--IMPRIMERIE ÉDOUARD BLOT, RUE TURENNE, 66


                   *       *       *       *       *


  Liste des modifications:

  Page  82: «pistiles» remplacé par «pistils» (Les pistils et étamines).
  Page  87: «groseiller» remplacé par «groseillier» (aussi le fruit du
              groseillier rouge est-il légèrement purgatif).
  Page  95: «e» remplacé par «et» (Voyez les portraits et les bustes).
  Page 120: «pavillon» remplacé par «papillon» (c’était un papillon qui
              venait voltiger).
  Page 130: «ui» remplacé par «qui» (ces pivoines éclatantes qui
              brillent un moment).
  Page 130: inséré «En» (En entendant une mélodie de Schubert).
  Page 157: «leur victime» remplacé par «leurs victimes» (ils ont caché
              leurs victimes sous un monceau).
  Page 157: «de» remplacé par «ce» (l’aubépine, ce symbole d’espérance).
  Page 165: «marcotage» remplacé par «marcottage» (les boutures, le
              marcottage, les éclats de racines).
  Page 171: «fig. 17» remplacé par «fig.19»: l’orge, le plantin (fig. 19).
  Page 178: «g.» remplacé par «fig. 31» (noix, marrons (fig. 31)).
  Page 198: «singulère» remplacé par «singulière» (La singulière
              apparition de ces fruits).
  Page 199: «margaton» remplacé par «martagon» (le lis martagon; le lis
              de Chalcédoine).
  Page 203: «ava» remplacé par «il avait» (l’argent dont il avait
              besoin).
  Page 214: «sapotilier» remplacé par «sapotillier» (Celui du
              sapotillier est un mets délicieux).
  Page 215: «nombres» remplacé par «nombre» (le nombre des campanules
              est considérable).
  Page 228: «amendes» remplacé par «amandes» (dont les amandes vertes
              sont si fort en honneur).
  Page 228: «raisines» remplacé par «résines» (Deux autres résines non
              moins connues).
  Page 229: «rhythmes» remplacé par «rythmes» (sur tous les rythmes, le
              quinquina est détrôné).
  Page 236: «et» remplacé par «en» (et y mourut en 1786).
  Page 250: «à» remplacé par «là» (A partir de là, il faut que).
  Page 256: «plan» remplacé par «plant» (pour relever le plant et le
              repiquer).
  Page 266: «qu» remplacé par «que» (de manière qu’elle ne porte que
              deux ou trois yeux).
  Page 278: «florissant» remplacé par «fleurissant» (AMARYLLIS.--Plante
              à oignons, fleurissant en septembre).
  Page 282: «Multplication» remplacé par «Multiplication»
              (--Multiplication facile par rejetons).
  Page 282: «dificulté» remplacé par «difficulté» (la difficulté de la
              culture).
  Page 283: «dan» remplacé par «dans» (dans le pays des roses).
  Page 284: «carresser» remplacé par «caresser» (semblant caresser les
              modestes murailles).
  Page 291: «HELÉBORE» remplacé par «HELLÉBORE» (HELLÉBORE.--).
  Page 299: «que que» remplacé par «que» (tant que la température).
  Page 300: «plan» remplacé par «plant» (Le plant étant assez fort).
  Page 300: «ORNITOGHALE» remplacé par «ORNITHOGALE» (ORNITHOGALE.--).
  Page 305: «aceordent» remplacé par «accordent» (ne lui accordent
              protection).
  Page 314: «SYLPHIUM» remplacé par «SILPHIUM» (SILPHIUM.--).
  Page 317: «plans» remplacé par «plants» (pour repiquer les plants en
              mai).
  Page 324 (Table des matières, Botanique des dames, Quatrième classe):
              «Monœpigynie» remplacé par «Monoépigynie».

  «Bluet» remplacé par «Bleuet» pages 17, 18, 144 et 283.





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