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Title: Loi du 29 juillet 1881 sur la Liberté de la Presse
Author: Ferry, Jules, Grévy, Jules
Language: French
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LIBERTÉ DE LA PRESSE ***



  Au lecteur

  Cette version numérisée reproduit dans son intégralité la version
  originale.



  BULLETIN DES LOIS

  DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.

  Nº 637.



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.

Nº 10,850.--_LOI sur la liberté de la Presse._

Du 29 Juillet 1881.

(Promulguée au _Journal officiel_ du 30 juillet 1881.)


LE SÉNAT ET LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS ONT ADOPTÉ,

LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE PROMULGUE LA LOI dont la teneur suit:



CHAPITRE Ier.

DE L'IMPRIMERIE ET DE LA LIBRAIRIE.


ART. 1er. L'imprimerie et la librairie sont libres.

2. Tout imprimé rendu public, à l'exception des ouvrages dits _de
ville_ ou _bilboquets_, portera l'indication du nom et du domicile de
l'imprimeur, à peine, contre celui-ci, d'une amende de cinq francs à
quinze francs.

La peine de l'emprisonnement pourra être prononcée si, dans les douze
mois précédents, l'imprimeur a été condamné pour contravention de même
nature.

3. Au moment de la publication de tout imprimé, il en sera fait,
par l'imprimeur, sous peine d'une amende de seize francs à trois
cents francs, un dépôt de deux exemplaires, destinés aux collections
nationales.

Ce dépôt sera fait au ministère de l'intérieur, pour Paris; à la
préfecture, pour les chefs-lieux de département; à la sous-préfecture,
pour les chefs-lieux d'arrondissement, et, pour les autres villes, à la
mairie.

L'acte de dépôt mentionnera le titre de l'imprimé et le chiffre du
tirage.

Sont exceptés de cette disposition les bulletins de vote, les
circulaires commerciales ou industrielles et les ouvrages dits _de
ville_ ou _bilboquets_.

4. Les dispositions qui précèdent sont applicables à tous les genres
d'imprimés ou de reproductions destinés à être publiés.

Toutefois le dépôt prescrit par l'article précédent sera de trois
exemplaires pour les estampes, la musique et en général les
reproductions autres que les imprimés.



CHAPITRE II.

DE LA PRESSE PÉRIODIQUE.


§ 1er.--DU DROIT DE PUBLICATION, DE LA GÉRANCE, DE LA DÉCLARATION ET DU
DÉPÔT AU PARQUET.

5. Tout journal ou écrit périodique peut être publié, sans autorisation
préalable et sans dépôt de cautionnement, après la déclaration
prescrite par l'article 7.

6. Tout journal ou écrit périodique aura un gérant.

Le gérant devra être Français, majeur, avoir la jouissance de ses
droits civils, et n'être privé de ses droits civiques par aucune
condamnation judiciaire.

7. Avant la publication de tout journal ou écrit périodique, il sera
fait, au parquet du procureur de la République, une déclaration
contenant:

1º Le titre du journal ou écrit périodique et son mode de publication;

2º Le nom et la demeure du gérant;

3º L'indication de l'imprimerie où il doit être imprimé.

Toute mutation dans les conditions ci-dessus énumérées sera déclarée
dans les cinq jours qui suivront.

8. Les déclarations seront faites par écrit, sur papier timbré, et
signées des gérants. Il sera donné récépissé.

9. En cas de contravention aux dispositions prescrites par les articles
6, 7, 8, le propriétaire, le gérant, ou, à défaut, l'imprimeur, seront
punis d'une amende de cinquante francs à cinq cents francs.

Le journal ou écrit périodique ne pourra continuer sa publication
qu'après avoir rempli les formalités ci-dessus prescrites, à peine,
si la publication irrégulière continue, d'une amende de cent francs,
prononcée solidairement contre les mêmes personnes, pour chaque
numéro publié à partir du jour de la prononciation du jugement de
condamnation, si ce jugement est contradictoire, et du troisième
jour qui suivra sa notification, s'il a été rendu par défaut; et ce,
nonobstant opposition ou appel, si l'exécution provisoire est ordonnée.

Le condamné, même par défaut, peut interjeter appel. Il sera statué par
la cour dans le délai de trois jours.

10. Au moment de la publication de chaque feuille ou livraison du
journal ou écrit périodique, il sera remis au parquet du procureur
de la République, ou à la mairie, dans les villes où il n'y a pas de
tribunal de première instance, deux exemplaires signés du gérant.

Pareil dépôt sera fait au ministère de l'intérieur, pour Paris et
le département de la Seine, et, pour les autres départements, à la
préfecture, à la sous-préfecture, ou à la mairie, dans les villes qui
ne sont ni chefs-lieux de département, ni chefs-lieux d'arrondissement.

Chacun de ces dépôts sera effectué sous peine de cinquante francs
d'amende contre le gérant.

11. Le nom du gérant sera imprimé au bas de tous les exemplaires, à
peine, contre l'imprimeur, de seize francs à cent francs d'amende par
chaque numéro publié en contravention de la présente disposition.


§ 2.--DES RECTIFICATIONS.

12. Le gérant est tenu d'insérer gratuitement, en tête du plus prochain
numéro du journal ou écrit périodique, toutes les rectifications qui
lui seront adressées par un dépositaire de l'autorité publique, au
sujet des actes de sa fonction qui auront été inexactement rapportés
par ledit journal ou écrit périodique.

Toutefois, ces rectifications ne dépasseront pas le double de l'article
auquel elles répondront.

En cas de contravention, le gérant sera puni d'une amende de cent
francs à mille francs.

13. Le gérant sera tenu d'insérer dans les trois jours de leur
réception ou dans le plus prochain numéro, s'il n'en était publié avant
l'expiration des trois jours, les réponses de toute personne nommée ou
désignée dans le journal ou écrit périodique, sous peine d'une amende
de cinquante francs à cinq cents francs, sans préjudice des autres
peines et dommages-intérêts auxquels l'article pourrait donner lieu.

Cette insertion devra être faite à la même place et en mêmes caractères
que l'article qui l'aura provoquée.

Elle sera gratuite, lorsque les réponses ne dépasseront pas le
double de la longueur dudit article. Si elles le dépassent, le prix
d'insertion sera dû pour le surplus seulement. Il sera calculé au prix
des annonces judiciaires.


§ 3.--DES JOURNAUX OU ÉCRITS PÉRIODIQUES ÉTRANGERS.

14. La circulation en France des journaux ou écrits périodiques publiés
à l'étranger ne pourra être interdite que par une décision spéciale
délibérée en Conseil des ministres.

La circulation d'un numéro peut être interdite par une décision du
ministre de l'intérieur.

La mise en vente ou la distribution, faite sciemment au mépris de
l'interdiction, sera punie d'une amende de cinquante francs à cinq
cents francs.



CHAPITRE III.

DE L'AFFICHAGE, DU COLPORTAGE ET DE LA VENTE SUR LA VOIE PUBLIQUE.


§ 1er.--DE L'AFFICHAGE.

15. Dans chaque commune, le maire désignera, par arrêté, les lieux
exclusivement destinés à recevoir les affiches des lois et autres actes
de l'autorité publique.

Il est interdit d'y placarder des affiches particulières.

Les affiches des actes émanés de l'autorité seront seules imprimées sur
papier blanc.

Toute contravention aux dispositions du présent article sera punie des
peines portées en l'article 2.

16. Les professions de foi, circulaires et affiches électorales
pourront être placardées, à l'exception des emplacements réservés par
l'article précédent, sur tous les édifices publics autres que les
édifices consacrés aux cultes, et particulièrement aux abords des
salles de scrutin.

17. Ceux qui auront enlevé, déchiré, recouvert ou altéré, par un
procédé quelconque, de manière à les travestir ou à les rendre
illisibles, des affiches apposées par ordre de l'administration dans
les emplacements à ce réservés, seront punis d'une amende de cinq
francs à quinze francs.

Si le fait a été commis par un fonctionnaire ou un agent de l'autorité
publique, la peine sera d'une amende de seize à cent francs et d'un
emprisonnement de six jours à un mois, ou de l'une de ces deux peines
seulement.

Seront punis d'une amende de cinq francs à quinze francs ceux qui
auront enlevé, déchiré, recouvert ou altéré par un procédé quelconque,
de manière à les travestir ou à les rendre illisibles, des affiches
électorales émanant de simples particuliers, apposées ailleurs que sur
les propriétés de ceux qui auront commis cette lacération ou altération.

La peine sera d'une amende de seize francs à cent francs et d'un
emprisonnement de six jours à un mois, ou de l'une de ces deux peines
seulement, si le fait a été commis par un fonctionnaire ou agent de
l'autorité publique, à moins que les affiches n'aient été apposées dans
les emplacements réservés par l'article 15.


§ 2.--DU COLPORTAGE ET DE LA VENTE SUR LA VOIE PUBLIQUE.

18. Quiconque voudra exercer la profession de colporteur ou de
distributeur sur la voie publique, ou en tout autre lieu public ou
privé, de livres, écrits, brochures, journaux, dessins, gravures,
lithographies et photographies, sera tenu d'en faire la déclaration à
la préfecture du département où il a son domicile.

Toutefois, en ce qui concerne les journaux et autres feuilles
périodiques, la déclaration pourra être faite soit à la mairie de
la commune dans laquelle doit se faire la distribution, soit à la
sous-préfecture. Dans ce dernier cas, la déclaration produira son effet
pour toutes les communes de l'arrondissement.

19. La déclaration contiendra les nom, prénoms, profession, domicile,
âge et lieu de naissance du déclarant.

Il sera délivré immédiatement et sans frais au déclarant un récépissé
de sa déclaration.

20. La distribution et le colportage accidentels ne sont assujettis à
aucune déclaration.

21. L'exercice de la profession de colporteur ou de distributeur
sans déclaration préalable, la fausseté de la déclaration, le défaut
de présentation, à toute réquisition, du récépissé, constituent des
contraventions.

Les contrevenants seront punis d'une amende de cinq francs à quinze
francs et pourront l'être, en outre, d'un emprisonnement d'un à cinq
jours.

En cas de récidive ou de déclaration mensongère, l'emprisonnement sera
nécessairement prononcé.

22. Les colporteurs et distributeurs pourront être poursuivis
conformément au droit commun, s'ils ont sciemment colporté ou
distribué des livres, écrits, brochures, journaux, dessins, gravures,
lithographies et photographies présentant un caractère délictueux, sans
préjudice des cas prévus à l'article 42.



CHAPITRE IV.

DES CRIMES ET DÉLITS COMMIS PAR LA VOIE DE LA PRESSE OU PAR TOUT AUTRE
MOYEN DE PUBLICATION.


§ 1er.--PROVOCATION AUX CRIMES ET DÉLITS.

23. Seront punis comme complices d'une action qualifiée crime ou délit
ceux qui, soit par des discours, cris ou menaces proférés dans des
lieux ou réunions publics, soit par des écrits, des imprimés vendus ou
distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics,
soit par des placards ou affiches exposés aux regards du public, auront
directement provoqué l'auteur ou les auteurs à commettre ladite action,
si la provocation a été suivie d'effet.

Cette disposition sera également applicable lorsque la provocation
n'aura été suivie que d'une tentative de crime prévue par l'article 2
du Code pénal.

24. Ceux qui, par les moyens énoncés en l'article précédent, auront
directement provoqué à commettre les crimes de meurtre, de pillage et
d'incendie, ou l'un des crimes contre la sûreté de l'État prévus par
les articles 75 et suivants, jusques et y compris l'article 101 du Code
pénal, seront punis, dans le cas où cette provocation n'aurait pas été
suivie d'effet, de trois mois à deux ans d'emprisonnement et de cent
francs à trois mille francs d'amende.

Tous cris ou chants séditieux proférés dans des lieux ou réunions
publics seront punis d'un emprisonnement de six jours à un mois et
d'une amende de seize francs à cinq cents francs, ou de l'une de ces
deux peines seulement.

25. Toute provocation par l'un des moyens énoncés en l'article 23,
adressée à des militaires des armées de terre ou de mer, dans le
but de les détourner de leurs devoirs militaires et de l'obéissance
qu'ils doivent à leurs chefs dans tout ce qu'ils leur commandent
pour l'exécution des lois et règlements militaires, sera punie d'un
emprisonnement d'un à six mois et d'une amende de seize francs à cent
francs.


§ 2.--DÉLITS CONTRE LA CHOSE PUBLIQUE.

26. L'offense au Président de la République par l'un des moyens énoncés
dans l'article 23 et dans l'article 28 est punie d'un emprisonnement de
trois mois à un an et d'une amende de cent francs à trois mille francs,
ou de l'une de ces deux peines seulement.

27. La publication ou reproduction de nouvelles fausses, de pièces
fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers,
sera punie d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende
de cinquante francs à mille francs, ou de l'une de ces deux peines
seulement, lorsque la publication ou reproduction aura troublé la paix
publique et qu'elle aura été faite de mauvaise foi.

28. L'outrage aux bonnes mœurs commis par l'un des moyens énoncés en
l'article 23 sera puni d'un emprisonnement d'un mois à deux ans et
d'une amende de seize francs à deux mille francs.

Les mêmes peines seront applicables à la mise en vente, à la
distribution ou à l'exposition de dessins, gravures, peintures,
emblèmes ou images obscènes. Les exemplaires de ces dessins, gravures,
peintures, emblèmes ou images obscènes exposés aux regards du public,
mis en vente, colportés ou distribués, seront saisis.


§ 3.--DÉLITS CONTRE LES PERSONNES.

29. Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à
l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le
fait est imputé est une diffamation.

Toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne
renferme l'imputation d'aucun fait est une injure.

30. La diffamation commise par l'un des moyens énoncés en l'article
23 et en l'article 28, envers les cours, les tribunaux, les armées de
terre ou de mer, les corps constitués et les administrations publiques,
sera punie d'un emprisonnement de huit jours à un an et d'une amende
de cent francs à trois mille francs, ou de l'une de ces deux peines
seulement.

31. Sera punie de la même peine la diffamation commise par les mêmes
moyens, à raison de leurs fonctions ou de leur qualité, envers un
ou plusieurs membres du ministère, un ou plusieurs membres de l'une
ou de l'autre Chambre, un fonctionnaire public, un dépositaire
ou agent de l'autorité publique, un ministre de l'un des cultes
salariés par l'État, un citoyen chargé d'un service ou d'un mandat
public, temporaire ou permanent, un juré ou un témoin, à raison de sa
déposition.

32. La diffamation commise envers les particuliers par l'un des
moyens énoncés en l'article 23 et en l'article 28 sera punie d'un
emprisonnement de cinq jours à six mois et d'une amende de vingt-cinq
francs à deux-mille francs, ou de l'une de ces deux peines seulement.

33. L'injure commise par les mêmes moyens envers les corps ou les
personnes désignés par les articles 30 et 31 de la présente loi sera
punie d'un emprisonnement de six jours à trois mois et d'une amende de
dix-huit francs à cinq cents francs, ou de l'une de ces deux peines
seulement.

L'injure commise de la même manière envers les particuliers,
lorsqu'elle n'aura pas été précédée de provocation, sera punie d'un
emprisonnement de cinq jours à deux mois et d'une amende de seize
francs à trois cents francs, ou de l'une de ces deux peines seulement.

Si l'injure n'est pas publique, elle ne sera punie que de la peine
prévue par l'article 471 du Code pénal.

34. Les articles 29, 30 et 31 ne seront applicables aux diffamations
ou injures dirigées contre la mémoire des morts, que dans les cas où
les auteurs de ces diffamations ou injures auraient eu l'intention de
porter atteinte à l'honneur ou à la considération des héritiers vivants.

Ceux-ci pourront toujours user du droit de réponse prévu par l'article
13.

35. La vérité du fait diffamatoire, mais seulement quand il est relatif
aux fonctions, pourra être établie par les voies ordinaires, dans le
cas d'imputations contre les corps constitués, les armées de terre ou
de mer, les administrations publiques et contre toutes les personnes
énumérées dans l'article 31.

La vérité des imputations diffamatoires et injurieuses pourra être
également établie contre les directeurs ou administrateurs de
toute entreprise industrielle, commerciale ou financière, faisant
publiquement appel à l'épargne ou au crédit.

Dans les cas prévus aux deux paragraphes précédents, la preuve
contraire est réservée. Si la preuve du fait diffamatoire est
rapportée, le prévenu sera renvoyé des fins de la plainte.

Dans toute autre circonstance et envers toute autre personne non
qualifiée, lorsque le fait imputé est l'objet de poursuites commencées
à la requête du ministère public ou d'une plainte de la part du
prévenu, il sera, durant l'instruction qui devra avoir lieu, sursis à
la poursuite et au jugement du délit de diffamation.


§ 4.--DÉLITS CONTRE LES CHEFS D'ÉTAT ET AGENTS DIPLOMATIQUES ÉTRANGERS.

36. L'offense commise publiquement envers les chefs d'État étrangers
sera punie d'un emprisonnement de trois mois à un an et d'une amende
de cent francs à trois mille francs, ou de l'une de ces deux peines
seulement.

37. L'outrage commis publiquement envers les ambassadeurs et ministres
plénipotentiaires, envoyés, chargés d'affaires ou autres agents
diplomatiques accrédités près du Gouvernement de la République, sera
puni d'un emprisonnement de huit jours à un an et d'une amende de
cinquante francs à deux mille francs, ou de l'une de ces deux peines
seulement.


§ 5.--PUBLICATIONS INTERDITES, IMMUNITÉS DE LA DÉFENSE.

38. Il est interdit de publier les actes d'accusation et tous autres
actes de procédure criminelle ou correctionnelle avant qu'ils aient été
lus en audience publique, et ce, sous peine d'une amende de cinquante
francs à mille francs.

39. Il est interdit de rendre compte des procès en diffamation où la
preuve des faits diffamatoires n'est pas autorisée. La plainte seule
pourra être publiée par le plaignant. Dans toute affaire civile, les
cours et tribunaux pourront interdire le compte rendu du procès.
Ces interdictions ne s'appliqueront pas aux jugements, qui pourront
toujours être publiés.

Il est également interdit de rendre compte des délibérations
intérieures soit des jurys, soit des cours et tribunaux.

Toute infraction à ces dispositions sera punie d'une amende de cent
francs à deux mille francs.

40. Il est interdit d'ouvrir ou d'annoncer publiquement des
souscriptions ayant pour objet d'indemniser des amendes, frais et
dommages-intérêts prononcés par des condamnations judiciaires en
matière criminelle et correctionnelle, sous peine d'un emprisonnement
de huit jours à six mois et d'une amende de cent francs à mille francs,
ou de l'une de ces deux peines seulement.

41. Ne donneront ouverture à aucune action les discours tenus dans
le sein de l'une des deux Chambres, ainsi que les rapports ou toutes
autres pièces imprimées par ordre de l'une des deux Chambres.

Ne donnera lieu à aucune action le compte rendu des séances publiques
des deux Chambres fait de bonne foi dans les journaux.

Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni
le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les
discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux.

Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant
sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux,
outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des
dommages-intérêts. Les juges pourront aussi, dans le même cas, faire
des injonctions aux avocats et officiers ministériels, et même les
suspendre de leurs fonctions. La durée de cette suspension ne pourra
excéder deux mois, et six mois en cas de récidive dans l'année.

Pourront toutefois les faits diffamatoires étrangers à la cause donner
ouverture soit à l'action publique, soit à l'action civile des parties,
lorsque ces actions leur auront été réservées par les tribunaux, et,
dans tous les cas, à l'action civile des tiers.



CHAPITRE V.

DES POURSUITES ET DE LA RÉPRESSION.


§ 1er.--DES PERSONNES RESPONSABLES DE CRIMES ET DÉLITS COMMIS PAR LA
VOIE DE LA PRESSE.

42. Seront passibles, comme auteurs principaux, des peines qui
constituent la répression des crimes et délits commis par la voie de
la presse, dans l'ordre ci-après, savoir: 1º les gérants ou éditeurs,
quelles que soient leurs professions ou leurs dénominations; 2º à leur
défaut, les auteurs; 3º à défaut des auteurs, les imprimeurs; 4º à
défaut des imprimeurs, les vendeurs, distributeurs ou afficheurs.

43. Lorsque les gérants ou les éditeurs seront en cause, les auteurs
seront poursuivis comme complices.

Pourront l'être, au même titre et dans tous les cas, toutes personnes
auxquelles l'article 60 du Code pénal pourrait s'appliquer. Ledit
article ne pourra s'appliquer aux imprimeurs pour faits d'impression,
sauf dans le cas et les conditions prévus par l'article 6 de la loi du
7 juin 1848 sur les attroupements.

44. Les propriétaires des journaux ou écrits périodiques sont
responsables des condamnations pécuniaires prononcées au profit des
tiers contre les personnes désignées dans les deux articles précédents,
conformément aux dispositions des articles 1382, 1383 et 1384 du Code
civil.

45. Les crimes et délits prévus par la présente loi seront déférés à la
cour d'assises.

Sont exceptés et déférés aux tribunaux de police correctionnelle les
délits et infractions prévus par les articles 3, 4, 9, 10, 11, 12, 13,
14, 17, paragraphes 2 et 4; 28, paragraphe 2; 32, 33, paragraphe 2; 38,
39 et 40 de la présente loi.

Sont encore exceptées et renvoyées devant les tribunaux de simple
police les contraventions prévues par les articles 2, 15, 17,
paragraphes 1 et 3; 21 et 33, paragraphe 3, de la présente loi.

46. L'action civile résultant des délits de diffamation prévus et punis
par les articles 30 et 31 ne pourra, sauf dans le cas de décès de
l'auteur du fait incriminé ou d'amnistie, être poursuivie séparément de
l'action publique.


§ 2.--DE LA PROCÉDURE.


A.--Cour d'assises.

47. La poursuite des crimes et délits commis par la voie de la presse
ou par tout autre moyen de publication aura lieu d'office et à la
requête du ministère public, sous les modifications suivantes:

1º Dans le cas d'injure ou de diffamation envers les cours, tribunaux
et autres corps indiqués en l'article 30, la poursuite n'aura lieu que
sur une délibération prise par eux en assemblée générale, et requérant
les poursuites, ou, si le corps n'a pas d'assemblée générale, sur la
plainte du chef du corps ou du ministre duquel ce corps relève;

2º Dans le cas d'injure ou de diffamation envers un ou plusieurs
membres de l'une ou de l'autre Chambre, la poursuite n'aura lieu que
sur la plainte de la personne ou des personnes intéressées;

3º Dans le cas d'injure ou de diffamation envers les fonctionnaires
publics, les dépositaires ou agents de l'autorité publique autres que
les ministres, envers les ministres des cultes salariés par l'État et
les citoyens chargés d'un service ou d'un mandat public, la poursuite
aura lieu, soit sur leur plainte, soit d'office, sur la plainte du
ministre dont ils relèvent;

4º Dans le cas de diffamation envers un juré ou un témoin, délit prévu
par l'article 31, la poursuite n'aura lieu que sur la plainte du juré
ou du témoin qui se prétendra diffamé;

5º Dans le cas d'offense envers les chefs d'État ou d'outrage envers
les agents diplomatiques étrangers, la poursuite aura lieu soit à
leur requête, soit d'office sur leur demande adressée au ministre des
affaires étrangères et par celui-ci au ministre de la justice;

6º Dans les cas prévus par les paragraphes 3 et 4 du présent article,
le droit de citation directe devant la cour d'assises appartiendra à la
partie lésée.

Sur sa requête, le président de la cour d'assises fixera les jours et
heures auxquels l'affaire sera appelée.

48. Si le ministère public requiert une information, il sera tenu,
dans son réquisitoire, d'articuler et de qualifier les provocations,
outrages, diffamations et injures à raison desquels la poursuite est
intentée, avec indication des textes dont l'application est demandée, à
peine de nullité du réquisitoire de ladite poursuite.

49. Immédiatement après le réquisitoire, le juge d'instruction pourra,
mais seulement en cas d'omission du dépôt prescrit par les articles 3
et 10 ci-dessus, ordonner la saisie de quatre exemplaires de l'écrit,
du journal ou du dessin incriminé. Cette disposition ne déroge en rien
à ce qui est prescrit par l'article 28 de la présente loi.

Si le prévenu est domicilié en France, il ne pourra être arrêté
préventivement, sauf en cas de crime.

En cas de condamnation, l'arrêt pourra ordonner la saisie et la
suppression ou la destruction de tous les exemplaires qui seraient mis
en vente, distribués ou exposés aux regards du public.

Toutefois, la suppression ou la destruction pourra ne s'appliquer qu'à
certaines parties des exemplaires saisis.

50. La citation contiendra l'indication précise des écrits, des
imprimés, placards, dessins, gravures, peintures, médailles, emblèmes,
des discours ou propos publiquement proférés qui seront l'objet de la
poursuite, ainsi que de la qualification des faits. Elle indiquera les
textes de la loi invoqués à l'appui de la demande.

Si la citation est à la requête du plaignant, elle portera, en outre,
copie de l'ordonnance du président; elle contiendra élection de
domicile dans la ville où siège la cour d'assises et sera notifiée tant
au prévenu qu'au ministère public.

Toutes ces formalités seront observées à peine de nullité de la
poursuite.

51. Le délai entre la citation et la comparution en cour d'assises sera
de cinq jours francs, outre un jour par cinq myriamètres de distance.

52. En matière de diffamation, ce délai sera de douze jours, outre un
jour par cinq myriamètres.

Quand le prévenu voudra être admis à prouver la vérité des faits
diffamatoires, conformément aux dispositions de l'article 34 de
la présente loi, il devra, dans les cinq jours qui suivront la
notification de la citation, faire signifier au ministère public près
la cour d'assises ou au plaignant, au domicile par lui élu, suivant
qu'il est assigné à la requête de l'un ou de l'autre:

1º Les faits articulés et qualifiés dans la citation, desquels il
entend prouver la vérité;

2º La copie des pièces;

3º Les noms, professions et demeures des témoins par lesquels il entend
faire sa preuve. Cette signification contiendra élection de domicile
près la cour d'assises, le tout à peine d'être déchu du droit de faire
la preuve.

53. Dans les cinq jours suivants, le plaignant ou le ministère public,
suivant les cas, sera tenu de faire signifier au prévenu, au domicile
par lui élu, la copie des pièces et les noms, professions et demeures
des témoins par lesquels il entend faire la preuve contraire, sous
peine d'être déchu de son droit.

54. Toute demande en renvoi pour quelque cause que ce soit, tout
incident sur la procédure suivie devront être présentés avant l'appel
des jurés, à peine de forclusion.

55. Si le prévenu a été présent à l'appel des jurés, il ne pourra plus
faire défaut, quand bien même il se fût retiré pendant le tirage au
sort.

En conséquence, tout arrêt qui interviendra, soit sur la forme, soit
sur le fond, sera définitif, quand bien même le prévenu se retirerait
de l'audience ou refuserait de se défendre. Dans ce cas, il sera
procédé avec le concours du jury et comme si le prévenu était présent.

56. Si le prévenu ne comparaît pas au jour fixé par la citation,
il sera jugé par défaut par la cour d'assises, sans assistance ni
intervention des jurés.

La condamnation par défaut sera comme non avenue si, dans les cinq
jours de la signification qui en aura été faite au prévenu ou à son
domicile, outre un jour par cinq myriamètres, celui-ci forme opposition
à l'exécution de l'arrêt et notifie son opposition tant au ministère
public qu'au plaignant. Toutefois, si la signification n'a été faite
à personne ou s'il ne résulte pas de l'acte d'exécution de l'arrêt
que le prévenu en a eu connaissance, l'opposition sera recevable
jusqu'à l'expiration des délais de la prescription de la peine.
L'opposition vaudra citation à la première audience utile. Les frais de
l'expédition, de la signification de l'arrêt, de l'opposition et de la
réassignation pourront être laissés à la charge du prévenu.

57. Faute par le prévenu de former son opposition dans le délai fixé
en l'article 56 et de la signifier aux personnes indiquées dans cet
article, ou de comparaître par lui-même au jour fixé en l'article
précédent, l'opposition sera réputée non avenue et l'arrêt par défaut
sera définitif.

58. En cas d'acquittement par le jury, s'il y a partie civile en cause,
la cour ne pourra statuer que sur les dommages intérêts réclamés par
le prévenu. Ce dernier devra être renvoyé de la plainte sans dépens ni
dommages-intérêts au profit du plaignant.

59. Si, au moment où le ministère public ou le plaignant exerce son
action, la session de la cour d'assises est terminée, et s'il ne doit
pas s'en ouvrir d'autre à une époque rapprochée, il pourra être formé
une cour d'assises extraordinaire, par ordonnance motivée du premier
président. Cette ordonnance prescrira le tirage au sort des jurés
conformément à la loi.

L'article 81 du décret du 6 juillet 1810 sera applicable aux cours
d'assises extraordinaires formées en exécution du paragraphe précédent.


B.--Police correctionnelle et simple police.

60. La poursuite devant les tribunaux correctionnels et de simple
police aura lieu conformément aux dispositions du chapitre II du
titre Ier du livre II du Code d'instruction criminelle, sauf les
modifications suivantes:

1º Dans le cas de diffamation envers les particuliers prévu par
l'article 32 et dans le cas d'injure prévu par l'article 33, paragraphe
2, la poursuite n'aura lieu que sur la plainte de la personne diffamée
ou injuriée.

2º En cas de diffamation ou d'injure pendant la période électorale
contre un candidat à une fonction élective, le délai de la citation
sera réduit à vingt-quatre heures, outre le délai de distance.

3º La citation précisera et qualifiera le fait incriminé; elle
indiquera le texte de loi applicable à la poursuite, le tout à peine de
nullité de ladite poursuite.

Sont applicables au cas de poursuite et de condamnation les
dispositions de l'article 48 de la présente loi.

Le désistement du plaignant arrêtera la poursuite commencée.


C.--Pourvois en cassation.

61. Le droit de se pourvoir en cassation appartiendra au prévenu et
à la partie civile, quant aux dispositions relatives à ses intérêts
civils. L'un et l'autre seront dispensés de consigner l'amende, et le
prévenu de se mettre en état.

62. Le pourvoi devra être formé, dans les trois jours, au greffe de la
cour ou du tribunal qui aura rendu la décision. Dans les vingt-quatre
heures qui suivront, les pièces seront envoyées à la cour de cassation,
qui jugera d'urgence dans les dix jours à partir de leur réception.


§ 3.--RÉCIDIVES, CIRCONSTANCES ATTÉNUANTES, PRESCRIPTION.

63. L'aggravation des peines résultant de la récidive ne sera pas
applicable aux infractions prévues par la présente loi.

En cas de conviction de plusieurs crimes ou délits prévus par la
présente loi, les peines ne se cumuleront pas, et la plus forte sera
seule prononcée.

64. L'article 463 du Code pénal est applicable dans tous les cas prévus
par la présente loi. Lorsqu'il y aura lieu de faire cette application,
la peine prononcée ne pourra excéder la moitié de la peine édictée par
la loi.

65. L'action publique et l'action civile résultant des crimes, délits
et contraventions prévus par la présente loi se prescriront après trois
mois révolus, à compter du jour où ils auront été commis ou du jour du
dernier acte de poursuite, s'il en a été fait.

Les prescriptions commencées à l'époque de la publication de la
présente loi et pour lesquelles il faudrait encore, suivant les lois
existantes, plus de trois mois à compter de la même époque, seront, par
ce laps de trois mois, définitivement accomplies.


DISPOSITIONS TRANSITOIRES.

66. Les gérants et propriétaires de journaux existant, au jour de la
promulgation de la présente loi seront tenus de se conformer, dans un
délai de quinzaine, aux prescriptions édictées par les articles 7 et 8,
sous peine de tomber sous l'application de l'article 9.

67. Le montant des cautionnements versés par les journaux ou écrits
périodiques actuellement soumis à cette obligation sera remboursé
à chacun d'eux par le trésor public dans un délai de trois mois à
partir du jour de la promulgation de la présente loi, sans préjudice
des retenues qui pourront être effectuées, au profit de l'État et des
particuliers, pour les condamnations à l'amende et les réparations
civiles auxquelles il n'aura pas été autrement satisfait à l'époque du
remboursement.

68. Sont abrogés les édits, lois, décrets, ordonnances, arrêtés,
règlements, déclarations généralement quelconques, relatifs à
l'imprimerie, à la librairie, à la presse périodique ou non périodique,
au colportage, à l'affichage, à la vente sur la voie publique et aux
crimes et délits prévus par les lois sur la presse et les autres moyens
de publication, sans que puissent revivre les dispositions abrogées par
les lois antérieures.

Est également abrogé le second paragraphe de l'article 31 de la loi du
10 août 1871 sur les conseils généraux, relatif à l'appréciation de
leurs discussions par les journaux.

69. La présente loi est applicable à l'Algérie et aux colonies.

70. Amnistie est accordée pour tous les crimes et délits commis
antérieurement au 16 février 1881 par la voie de la presse ou autres
moyens de publication, sauf l'outrage aux bonnes mœurs puni par
l'article 28 de la présente loi, et sans préjudice du droit des tiers.

Les amendes non perçues ne seront pas exigées. Les amendes déjà perçues
ne seront pas restituées, à l'exception de celles qui ont été payées
depuis le 16 février 1881.


La présente loi, délibérée et adoptée par le Sénat et par la Chambre
des députés, sera exécutée comme loi de l'État.

Fait à Paris, le 29 Juillet 1881.

                                         Signé JULES GRÉVY.


        _Le Président du Conseil_,             _Le Ministre de l'intérieur
   _Ministre de l'instruction publique               et des cultes_,
           et des beaux-arts_,                       Signé CONSTANS.
            Signé JULES FERRY.



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